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Commission permanente de l'éducation,
des affaires culturelles et des communications
Etude du projet de loi no 22 Loi sur la langue
officielle
Séance du jeudi 18 juillet 1974
(Onze heures huit minutes)
M. GRATTON (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs !
Avant d'entreprendre les travaux, j'aimerais aviser la commission des
députés qui seront membres pour la séance d'aujourd'hui:
M. Séguin (Pointe-Claire); M. Charron (Saint-Jacques); M. Déom
(Laporte); M. Cloutier (L'Acadie); M. Hardy (Terrebonne); M. Bou-dreault
(Bourget); M. Beauregard (Gouin); M. Morin (Sauvé); M. Lachance
(Mille-Iles); M. Tardif (Anjou); M. Saint-Germain (Jacques-Cartier); M. Samson
(Rouyn-Noranda); M. Veilleux (Saint-Jean).
Au moment de l'ajournement hier, nous étions engagés dans
la discussion d'une motion du député de Saint-Jacques voulant que
la commission consente qu'il y ait auditions publiques durant l'étude du
projet de loi 22 après la deuxième lecture. La parole
était à l'honorable ministre de l'Education.
Motion demandant des auditions
publiques
M. CLOUTIER: M. le Président, je reprends donc mon intervention
après les pénibles interruptions que nous avons connues, et j'en
étais à dire que le projet de loi 22, loin d'être une
improvisation, était le résultat d'un travail long et
minutieux.
En effet, ce projet s'appuie, sur à peu près tous les
points, sur les recommandations de la commission Gendron qui, pendant quatre
années, a étudié la question linguistique au
Québec.
Il y a deux aspects seulement où le projet de loi 22 va plus
loin. Il s'agit de l'aspect qui touche la langue officielle et également
la langue d'enseignement.
Au cours de la discussion article par article si finalement on y
arrive il me sera facile de rattacher les différentes
recommandations aux différents articles.
Pourquoi j'évoque, à ce stade-ci, la commission Gendron?
C'est pour une raison extrêmement simple. C'est que, dans le rapport, il
y a également toute une série d'études juridiques qu'a
d'ailleurs supervisées le professeur McWhinney que l'on met en cause
dans la motion du député de Saint-Jacques. Ces études
établissent clairement les pouvoirs du gouvernement du Québec,
comme d'ailleurs les pouvoirs de n'importe quelle province canadienne, en ce
qui concerne la possibilité de légiférer en matière
de langue.
J'ai repris cette doctrine juridique dans mon discours de
deuxième lecture, et j'ai l'intention de citer les quelques passages de
ce discours. En effet, M. le Président, ils me paraissent tout à
fait pertinents, parce que je pourrai ensuite rattacher cette prise de position
à la motion du député de Saint-Jacques.
Je disais, à ce moment: "Le pouvoir de légiférer en
matière linguistique est accessoire aux compétences
constitutionnelles du gouvernement fédéral et des gouvernements
provinciaux. Ce principe ressort de la jurisprudence et de la doctrine
juridique, comme l'a établi la commission d'enquête sur la
situation de la langue française au Québec.
Le gouvernement possède donc l'autorité nécessaire
pour établir les règles linguistiques qu'il souhaite dans les
domaines de sa compétence. La seule contrainte découle de
l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Cet article
stipule que chacun peut utiliser, soit la langue française, soit la
langue anglaise dans les débats devant les Parlements ainsi que devant
les tribunaux.
Il contient également des stipulations concernant la langue de
publication des procédures qui en découlent. Comme il s'agit
là de droits fondamentaux, le gouvernement n'a pas voulu modifier cet
article, même si d'après certains auteurs, il aurait
été possible de le faire.
Quant à l'article 93 de la constitution, lequel se
réfère à la langue d'enseignement, la très grande
majorité des experts soutiennent que le législateur s'est
soucié uniquement de droits religieux. Le gouvernement est donc tout
à fait libre de statuer dans ce secteur dans le cadre d'une loi sur la
langue.
D'ailleurs, même si on réussissait à
démontrer que la portée de l'article 93 pouvait s'étendre
aux droits linguistiques, cette interprétation garantirait tout au plus
l'existence d'écoles anglaises pour les anglophones, mais ne
justifierait pas en soi la liberté de la langue d'enseignement.
D'ailleurs, pour beaucoup une telle liberté ne procède pas d'une
droit absolu, mais constitue un arrangement d'ordre pratique.
En ce qui concerne la langue des affaires et la langue du travail, la
constitution n'en traite pas. Les auteurs consultés par la commission
d'enquête ont conclu que la juridiction sur les incidences linguistiques
dans ces secteurs dépend du pouvoir de légiférer sur les
activités elles-mêmes. On peut donc dire que toutes les
entreprises qui ne tombent pas, spécifiquement, sous la coupe des
compétences fédérales ressor-tissent à la
juridiction provinciale, peu importe le lieu de leur incorporation.
Dans tous les domaines qui relèvent de sa compétence,
c'est-à-dire dans la très grande
majorité des secteurs de l'activité privée, le
gouvernement du Québec peut donc légiférer sur la langue
de communication avec le public ou sur la langue utilisée dans les
entreprises.
Certains ont évoqué devant la commission parlementaire la
loi fédérale sur les langues officielles en tentant de
démontrer qu'elle rentrait en contradiction avec le projet de loi
22.
Or, cette loi ne porte que sur les activités du gouvernement
central et institutionnalise le bilinguisme dans ce cadre très
précis. Par conséquent, il n'y a aucune incompatibilité
à ce qu'une province déclare que la langue officielle sur son
territoire est la langue de sa majorité. C'est d'ailleurs ce que le
Manitoba a fait. Le vrai problème ne se situe pas à ce niveau,
mais plutôt dans la façon dont chaque gouvernement provincial
traite ses minorités.
Il reste la question des droits acquis, La commission d'enquête en
traite longuement pour conclure qu'il s'agit là d'un concept discutable.
La plupart des commentateurs s'accordent à dire que les droits reconnus
en pratique aux minorités ne font l'objet d'aucune garantie et peuvent
être restreints ou même abrogés par l'autorité
compétente.
En fait, il est évident que chaque fois que le législateur
intervient, il modifie en un certain sens les droits existants. Là
encore, le véritable problème n'est pas juridique, mais en est un
de justice. Il découle de tout ce qui précède que le
Québec, comme d'ailleurs n'importe quelle autre province canadienne,
jouit de pouvoirs étendus en matière linguistique. Je dirais que
les limites d'une action législative sont donc davantage fixées
par les impératifs sociaux, culturels et économiques que par les
exigences constitutionnelles ou législatives". C'est la fin de cette
citation.
Je m'excuse, M. le Président, d'avoir pris le temps de la
commission pour revenir sur cette partie de mon discours de deuxième
lecture. La raison en est simple, c'est que, moi, je ne suis pas ici pour
exciter la haine, je suis ici pour présenter des faits et j'ai
l'intention de maintenir le débat à ce niveau. Voici exactement
les faits tels qu'ils découlent de la commission Gendron et voici la
position du gouvernement. Le gouvernement se sent en terrain très solide
en ce qui concerne la constitutionnalité et la légalité du
projet de loi 22. Je ne trouve pas anormal pour ma part que le premier ministre
du gouvernement central fasse étudier la constitutionnalité du
projet de loi 22. Je serais très heureux si une autre province
présentait un projet qui a des incidences sur les droits individuels, je
serais très heureux que le gouvernement central fasse exactement la
même chose. Il me semble qu'il y a là une garantie pour tous les
citoyens du Canada.
Ceci étant établi, le gouvernement du Québec est
prêt à prouver la constitutionnalité comme la
légalité de son projet et lorsque nous arriverons aux articles
pertinents, je serais disposé à répondre à toutes
les questions en ce sens. Je suis très heureux que l'on ait
pensé, M. le Président, à faire appel au professeur
McWhinney. Même s'il y a eu certaines réserves lors du rapport de
la commission Gendron, rapport extrêmement important, même s'il y a
eu, dis-je, certaines réserves touchant précisément
revienne aujourd'hui, il reste que c'est une très grande autorité
en matière de droit constitutionnel. D'ailleurs, et ceci
intéressera certainement l'Opposition, en plus des études
rassemblées par le professeur McWhinney dans le rapport de la commission
Gendron, en plus du texte que le professeur McWhinney a publié il y a
deux ou trois semaines dans le journal Le Devoir alors qu'il rassemblait la
plupart de ses arguments établissant la constitutionnalité et la
légalité de la loi, j'ai demandé, tout récemment,
une consultation privée au professeur McWhinney.
Cette consultation, je l'ai reçue il y a exactement deux jours.
Cette consultation établit sans conteste la légalité, dans
l'opinion de ce juriste, d'un certain nombre des articles du projet de loi.
C'est ainsi que j'ai posé, dans le mandat que je lui ai donné,
des questions précises en ce qui concerne l'article 2, l'article 6,
l'article 7, l'article 8 et également des amendements, qui seront
déposés aussitôt que l'Opposition nous permettra de le
faire, touchant l'article 16.
Je n'ai pas l'intention je le dis tout de suite de
déposer immédiatement une consultation supplémentaire?
Précisément parce que les points de vue du professeur McWhinney
dans le rapport de la commission Gendron ou dans la publication qu'il a faite
dans le Devoir étaient des points de vue clairs et ne portaient pas
spécifiquement sur certains articles du projet de loi. C'est donc dire
qu'en principe, je ne m'opposerais très certainement pas à ce
qu'on entende le professeur McWhinney devant la commission. En fait, je ne
m'opposerai pas à ce qu'on entende n'importe qui devant la commission,
s'il s'agissait simplement d'éclairer la commission.
Cependant, nous allons voter contre la motion du député de
Saint-Jacques parce que nous ne voulons pas transformer cette commission en
auditions publiques et nous considérons qu'il appartient au parti
gouvernemental, comme à l'Opposition, d'établir leur point de vue
en se basant sur les documents qu'ils désirent utiliser. C'est ce que je
ferai lorsqu'il s'agira de dire la constitutionnalité et la
légalité de certains articles du projet de loi.
Voici, je pense, une prise de position qui est aussi claire que
précise. Nous sommes ici avec un mandat extrêmement exigeant;
c'est celui de discuter, article par article, ce projet de loi et je n'ai pas
l'intention de permettre que des mesures dilatoires nous empêchent
d'entrer dans le vif du sujet. Autant je crois important que la commission soit
bien informée, autant je crois nécessaire que nous nous en
tenions à notre mandat, même si notre règlement nous
permet-
trait, à l'occasion, d'entendre des témoins. Mais, dans le
contexte qui est celui dont l'opinion publique a pu prendre connaissance, dans
le contexte actuel, il ne me parait pas souhaitable de procéder
autrement. Il est clair, depuis que nous avons commencé ces travaux, que
l'Opposition n'a pas voulu entrer dans le vif du sujet.
Malgré l'offre inédite, à certains points de vue
que j'ai faite de déposer immédiatement, au début des
travaux, l'ensemble de nos amendements, et étant donné le fait
que j'ai également indiqué au tout début de la
première séance que j'étais d'accord pour faire
état des principes directeurs de la réglementation et même
de déposer des textes touchant ces principes directeurs, l'Opposition a
voulu, par toute une série de motions, discuter et discuter, de
manière à retarder les travaux.
M. le Président, je maintiens ce point de vue, je vais
déposer aussitôt que nous commencerons l'article 1, tous les
amendements jusqu'ici et également, je vais déposer, comme je m'y
suis engagé au cours des auditions de la commission parlementaire, les
principes directeurs des principaux points du projet de loi 22 et je le ferai
à ce moment-là.
En ce qui concerne la constitutionnalité et la
légalité, nous allons voter contre la motion du
député de Saint-Jacques et nous allons établir tant la
constitutionnalité que la légalité, par tous les arguments
qui sont à ma disposition, y compris cette très importante
consultation du professeur McWhinney, lorsque le moment opportun arrivera.
Je vous remercie, M. le Président.
M. MORIN: M. le Président, sur un point de règlement. Si
je ne m'abuse, lorsqu'on évoque le contenu d'un document devant la
Chambre ou devant une commission, ce document doit être
déposé. Je demanderais au ministre s'il désire vraiment
que ce débat soit éclairé et objectif, de déposer
immédiatement l'opinion du professeur McWhinney devant la commission. Je
ne l'ai entendu invoquer aucun argument sérieux pour dissimuler cette
étude jusqu'à ce que nous en arrivions à l'article
premier. C'est un entêtement ridicule.
M. CLOUTIER: M. le Président, je suis d'accord pour
déposer immédiatement la consultation du professeur McWhinney,
à la condition que l'on cesse ce débat stérile et que l'on
commence le débat de fond.
M. MORIN: M. le Président...
M. CLOUTIER: C'est là que nous jugerons de la
sincérité du PQ.
M. MORIN: M. le Président...
M. CLOUTIER: Je suis d'accord pour déposer immédiatement
tous nos projets d'amendements et également les principes directeurs,
mais à la condition que tous les députés du PQ ne
commencent pas à parler sur le même sujet, parce qu'il devient un
peu trop évident que nous sommes en présence de méthodes
d'obstruction. Commençons le débat et tout sera à
faire.
M. MORIN: M. le Président, je remercie le ministre du
dépôt de cette étude, qui sera des plus utiles...
M. CLOUTIER: A la condition...
M. LEGER: C'est toujours à la condition.
M.MORIN: La subjectivité du ministre prend le dessus.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: Non, non, je tiens à dire, M. le
Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !
M.MORIN: ... qu'une condition comme celle-là...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. MORIN: ... est par trop
subjective.
M. CLOUTIER: Vous voulez tous parler encore pendant quatre ou cinq
heures. C'est cela que vous voulez faire?
M. MORIN: Nous voulons défendre nos propositions et je prie le
ministre de croire que tant qu'on ne nous aura pas donné raison
et à moins que nous soyons battus par la majorité gouvernementale
nous allons continuer d'argumenter. Est-ce bien clair? Et je ne...
M. CLOUTIER: Et même si je dépose le document, vous
argumentez sur vos motions?
M. MORIN: Monsieur...
M. CLOUTIER: Alors qu'il n'y a aucune raison à ce
moment-là de discuter.
M. MORIN: M. le Président... M. CLOUTIER: C'est cela.
M. LEGER: C'est une question hypothétique.
M. CLOUTIER: Que je veux une opinion publique...
M. LEGER: ... à une question hypothétique.
M. CLOUTIER: Si je dépose le document, est-ce qu'il y a lieu que
vous commenciez à argumenter pour qu'on le dépose?
M. LEGER: Déposez-le, vous verrez par la suite.
M. CLOUTIER: Non, déposez-le et vous verrez.
M. MORIN: Puis-je dire au ministre que, s'il dépose cette
étude, nous n'allons certainement pas faire une motion pour qu'il la
dépose? S'il ne la dépose pas, il se pourrait bien, en effet, que
nous soyons amenés à faire une motion de dépôt.
M. CLOUTIER: Si je la dépose...
M. MORIN: S'il ne veut pas que la commission perde son temps, qu'il la
dépose.
M. CLOUTIER: Si je la dépose, personne ne parle sur cette
motion.
M. LEGER: II n'y a aucune condition. Depuis quand voulez-vous poser des
conditions pour remplir votre rôle?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!
M. LEGER: Si vous avez un rôle à jouer, jouez-le donc!
LE PRESIDENT (M. Gratton) A l'ordre!
M. MORIN: M. le Président, le ministre, de bonne foi, j'en suis
sûr, nous dit que le dépôt de ce document devrait mettre fin
au débat en cours. Or, je lui rappelle que ce dont nous discutons, ce
n'est pas du tout la même chose. Il s'agit d'entendre le professeur
McWhinney. Quand j'aurai...
M. CLOUTIER: Dans ce cas, il n'y a aucune objection à ce que je
le dépose à un autre moment. Argumenter, c'est tout ce que vous
voulez faire.
M. MORIN: Mais, M. le ministre, quand j'aurai pris connaissance du
document que vous avez devant vous, il se peut que nous changions d'avis. Cela
se peut puisque, si cela contient toutes les réponses à nos
questions, il n'y a peut-être pas avantage à faire venir le
professeur McWhinney.
M. CLOUTIER: M. le Président, un point de règlement.
Soyons sérieux. Bien que je ne sois pas un juriste... Je m'en
félicite tous les jours à entendre certains juristes, j'ai dit
à entendre certains juristes et, à ce moment, je n'avais pas
à l'esprit le ministre des Affaires culturelles.
Je suis quand même obligé de me rendre compte que l'on
multiplie actuellement les motions. Est-ce que je n'ai pas fait une offre qui
est aussi claire que précise? Ce n'est pas du tout de l'entendement. Je
me demande si nous ne discutons pas à vide. Nous ne pouvons rattacher le
dépôt de ce document à aucun article, sauf à
l'article 1.
M. MORIN: Sauf que vous l'avez invoqué.
M. CLOUTIER: Je l'ai invoqué, je ne l'ai pas cité.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, je pense que le débat doit
se limiter à la motion du député de Saint-Jean quant aux
auditions publiques. La question du dépôt du document n'entre pas
en ligne de compte pour le moment.
M. VEILLEUX: Vous avez mentionné le député de
Saint-Jean. Je tiens à souligner que c'est le député de
Saint-Jacques.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je m'excuse, c'est la motion du
député de Saint-Jacques.
M. TARDIF: C'est toute la différence du monde.
M. VEILLEUX: Je n'ai pas participé à du
"filibustering".
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que le ministre avait fini son
intervention sur la motion...
M. CLOUTIER: Oui, M. le Président, et je rappelle mon offre. Il
n'est pas du tout question de manifester de l'entêtement, mais il est
question de travailler dans la légalité et, lorsque nous aurons
commencé l'article 1... Et là, je dois quand même
m'étonner, est-ce que le Parti québécois cherche à
éviter le débat de fond? Est-ce que le Parti
québécois cherche tout simplement un prétexte pour se
mettre au ban du processus démocratique et quitter la table? Je suis
obligé de me poser des questions sérieuses, M. le
Président.
Commençons l'article 1, qu'est-ce qui nous en empêche? A ce
moment, étant donné qu'il y a des problèmes de
constitution qui se posent en ce qui concerne l'article 1, je ferai état
de cette consultation et j'en profiterai pour déposer les projets
d'amendements que tous attendent, ainsi que les principes directeurs de la
réglementation. Je ne vois pas comment je peux faire cela dans le vide,
à moins que nous puissions le raccrocher à un article qui
constitue le début dans notre discussion.
M. MORIN: M. le Président, sur un point de règlement. Je
voudrais que le ministre nous dise clairement si oui ou non il va
déposer cette étude. Il prétend que nous faisons de
l'obstruction.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. CLOUTIER: Question de règlement, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le règlement est très clair
là-dessus. Le ministre n'a pas à déposer...
M. MORIN: Je soulève un point de privilège, parce que le
ministre a insinué que nous tentons de faire perdre le temps de cette
commission.
M. TARDIF: C'est vrai.
M. MORIN: On nous prête des intentions.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Cela se fait couramment des deux
côtés depuis le début de notre débat.
M. MORIN: M. le Président, cela se fait peut-être
couramment, mais il est peut-être temps que cela cesse.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !
M. CLOUTIER: Sur un point de règlement... M. TARDIF: A l'ordre,
s'il vous plaît!
M. MORIN: M. le Président, je tiens à dire que je
regrette, sur mon point de privilège...
LE PRESIDENT (M. Gratton): II n'y a pas de question de privilège
permise en commission, de toute façon.
M. MORIN: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors si vous avez une question de
privilège, vous pouvez la soulever à l'Assemblée
nationale.
M. MORIN: Je tiens à dire qu'en ne déposant pas cette
étude, le ministre lui-même fait de l'obstruction.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. CLOUTIER: M. le Président, un point de règlement qui me
paraît important, article 177. "Quand un ministre cite, ne serait-ce
qu'en partie, un document, il peut être requis sans autre
formalité de le déposer immédiatement, à moins
qu'il ne déclare qu'il est contraire à l'intérêt
public de le faire". Je n'ai pas cité le document, j'y ai fait allusion.
Encore une fois, je me demande... Citer un document je dis cela pour le
député de Lafontaine qui ricane dans son fauteuil cela
signifie reprendre le texte même du document. J'ai parlé de
l'existence de ce document et je n'ai qu'un désir, c'est qu'enfin nous
passions à la discussion de fond pour que nous puissions répondre
à tous les arguments.
M. MORIN: M. le ministre, pour être psychiatre...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: ... et pourtant vous faites des avocasseries de premier
ordre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Lafontaine sur la
motion du député de...
M. CLOUTIER: J'ai presque envie de vous retourner cela, et à ce
moment, cela devient assez inquiétant pour vous.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. TARDIF: Cest contraire au
règlement.
M. LEGER: M. le Président, quand je vois le ministre de
l'Education faire des pirouettes pour ne pas remplir les promesses qu'il nous a
faites...
M. CLOUTIER: Ne parlez pas et vous l'avez immédiatement.
M. LEGER: II l'avait promis avant-hier...
UNE VOIX: Tout de suite.
M. LEGER: ... qu'il déposerait hier.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !
M. LEGER: Je parle sur la motion.
LE PRESIDENT (M. Gratton): La motion parle des auditions publiques et
non pas de faire des dépôts de documents.
M. LEGER: Oui, mais le ministre, tout le long de son intervention, a
parlé de dépôt de documents. Je ne vois pas comment le
président pourrait m'empêcher de répondre à une
argumentation du ministre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je m'excuse, c'est en réponse à
une question soulevée par le chef de l'Opposition officielle...
M. LEGER: Non, M. le Président, je parle...
LE PRESIDENT (M.Gratton): ... que le ministre a parlé de
dépôt de documents.
M. LEGER: Je parle de ...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Nous argumentons, ce matin, sur les auditions
publiques.
M. LEGER: M. le Président, le ministre a parlé d'un
document que lui a donné M. McWhinney. Alors, nous lui demandons de le
déposer.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!
M. LEGER: Je suis certainement dans l'ordre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Cela n'a rien à voir avec la motion du
député de Saint-Jacques, et le député de Lafontaine
le sait sûrement très bien.
M. LEGER: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je l'invite à revenir à la
discussion sur la motion qui a pour but que la commission consente à ce
qu'il y ait des auditions publiques durant les travaux. Je pense que c'est
clair.
M. LEGER: M. le Président, je suis d'accord de ne peut-être
pas parler du dépôt de documents, mais vous allez être
d'accord avec moi pour admettre que le ministre a parlé d'un document de
M. McWhinney.
M. TARDIF: II a rendu sa décision.
M. LEGER: Je n'ai pas à parler de ce dépôt, c'est ce
que vous me dites. Mais j'ai quand même le droit de parler sur la motion
du député de Saint-Jacques, sur laquelle le ministre a
parlé d'un document de M. McWhinney, de m'en servir pour argumenter sur
l'intention que nous avons d'avoir des témoins à être
présentés.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Vous pouvez sûrement faire allusion au
document comme tel...
M. LEGER: Bon, voilà!
LE PRESIDENT (M. Gratton): ... mais vous ne pouvez reprendre
l'argumentation, à savoir si le ministre doit le déposer ou non
et pourquoi.
M. LEGER: Bon!
LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est à cela que j'ai...
M. LEGER: Non, mais écoutez. Je ne parle pas de l'argumentation
du député de Sauvé. Je parle de ce document. Je parle, M.
le Président, parce que le ministre nous a justement dit, durant son
argumentation, qu'il attendait à l'article 1, et non pas à ce
moment-ci, pour déposer les principes directeurs de sa
réglementation, alors qu'il a promis de les déposer avant-hier,
ou de les déposer hier.
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. LEGER: II n'y avait pas de
condition...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!
M. LEGER: Pour quelle raison, ce matin, arrive-t-il avec des
conditions?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Le ministre des Affaires
culturelles, sur un point de règlement.
M. HARDY: M. le Président, je veux bien, et je vous avoue que, ce
matin, je suis venu à la commission avec la ferme intention de respecter
le règlement, d'être poli, d'être le plus gentil possible,
afin que les travaux se déroulent avec le plus d'efficacité
possible.
M. CHARRON: Conseil des ministres?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
UNE VOIX: Retourne au CEGEP.
M.HARDY: M. le Président, est-ce que le député de
Saint-Jacques pourrait, pour un moment, cesser de faire de la projection et de
s'imaginer que tout le monde est traité comme des petits gamins comme
lui dans les groupes auxquels il appartient.
M. LEGER: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEGER: ... est-ce que vous allez rappeler le député de
Terrebonne à l'ordre, qui répond à un argument du
député de Saint-Jacques...
LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est ce que je viens de dire, à
l'ordre!
M. LEGER: Parfait.
M. HARDY: M. le Président, peut-être pourrions-nous, pour
la qualité du parlementarisme que nous pratiquons, et pour
l'efficacité...
M. LEGER: Que vous pratiquez...
M. HARDY: Que nous tentons de pratiquer...
M. LEGER: C'est exact.
M. HARDY: ... et pour l'efficacité de l'étude de la loi
qui nous a été confiée, peut-être pourrions-nous
faire, de part et d'autre, des efforts pour respecter le règlement. Nous
avons actuellement, devant la commission, une motion qui a pour but de tenir
des auditions publiques. Cela n'a rien à voir avec les amendements.
Voulez-vous, M. le Président, demander au député de
Lafontaine de s'en tenir à la pertinence du débat, de s'en tenir
à la motion qui est actuellement devant nous? Déjà notre
règlement permet cela. Je le respecte. J'ai trop de respect pour le
parlementarisme pour ne pas le respecter. Le règlement nous permet,
permet à l'Opposition entre autres, de faire un très
grand nombre de motions qui ont pour but évident de retarder les
travaux. C'est permis et je m'y soumets. Mais encore faut-il au moins respecter
ce règlement, tout libéral qu'il soit. Mais il y a quand
même des cadres. Entre autres, il y a cette grande règle de la
pertinence du débat. Parlez donc du pourquoi de convoquer des auditions
publiques.
LE PRESIDENT (M Gratton): Alors, le député...
M. LEGER: M. le Président, sur un point de règlement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.
M. LEGER: Je voulais simplement dire que, contrairement à ce que
le député de Terrebonne vient de dire, à
l'Assemblée nationale, continuellement, le président de
l'Assemblée nationale accepte, quand un député, dans une
argumentation, utilise des arguments qu'un député de l'autre
parti ne peut accepter, qu'il puisse à l'intérieur de son
argumentation réfuter ces arguments. C'est courant, c'est traditionnel,
c'est coutumier, c'est usuel, c'est habituel. Je ne vois pas pour quelle raison
je ne pourrais pas répondre à une argumentation du ministre de
l'Education. Ce que je trouve, et je suis toujours sur la question de
règlement, c'est que, depuis le début des travaux de cette
commission, le ministre de l'Education nous présente et retire, pousse
et tire des propositions avec la possibilité de le déposer, mais
sous condition...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEGER: M. le Président, c'est inacceptable.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Cela n'a rien à voir avec la
motion.
M. HARDY: Cela n'a rien à voir dans le débat actuel. Vous
pourrez peut-être invoquer cela à un autre moment, ce dont vous
parlez.
M. LEGER: Quand cela fera votre affaire.
M. HARDY: Cela n'a rien à voir avec la motion présentement
à l'étude. Etes-vous capable de vous maîtriser quelque
peu?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. LEGER: C'est très
difficile... LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. LEGER: ... parce que le
règlement me permet de répondre aux argumentations du
ministre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Vous l'avez fait.
M. LEGER: Je n'ai pas fini.
LE PRESIDENT (M. Gratton): J'aimerais que vous reveniez à la
motion.
M. MORIN: Je soulève un point de règlement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Sur lequel?
M. MORIN: Le ministre refuse de déposer un document dont il a
fait état devant cette commission. Cela me rappelle...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: ... que le ministre, en une autre occasion...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: ... à l'Assemblée...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: ... a refusé de déposer un document important,
malgré le règlement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! A l'article 177, c'est
très clair. Le ministre refuse, et il en a le privilège et le
droit selon notre règlement. Je suis ici pour faire respecter ce
règlement. Alors, j'invite le député de Lafontaine
à continuer son intervention sur la motion.
M. CLOUTIER: M. le Président, je m'excuse...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Je m'excuse, mais on n'en finira
plus.
M. CLOUTIER: Très bien. Je m'incline.
LE PRESIDENT (M. Gratton): J'ai décidé que le
député de Lafontaine doit intervenir sur la motion.
M. LEGER: Sur le règlement que vous venez de mentionner,
l'article 177, il est bien dit que lorsqu'un ministre cite, ne serait-ce qu'en
partie, un document...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEGER: ... il peut être requis...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEGER: ... sans autre formalité de le déposer
immédiatement...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEGER: ... à moins qu'il ne déclare qu'il est contraire
à l'intérêt public...
LE PRESIDENT (M. Gratton): II n'a pas cité le règlement.
C'est simple. C'est clair. N'importe qui comprend cela.
M. LEGER: Citer un document, c'est quoi? Ce n'est pas le lire.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEGER: C'est citer que le document existe. Voyons! Si vous ne
comprenez pas cela...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. TARDIF: Allez donc chercher le Larousse! On va voir ce que veut dire
"citer".
M. LEGER: On a assez du "petit Robert" ici.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Sur la motion.
M. HARDY: Vous auriez besoin de plus que la loi 22 pour parler
français.
M. MORIN: M. le Président, je regrette...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Le député de
Lafontaine sur la motion du député de Saint-Jacques.
M. MORIN: ... sur un point de règlement. Je regrette...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Il n'y a plus de point de
règlement. La décision est rendue en vertu de l'article 43. Vous
devez vous y plier, même si vous n'êtes pas d'accord.
M. MORIN: Non. Je pense que nous pouvons argumenter...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. MORIN: ... sur le sens d'une
décision.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Je refuse de continuer le
débat là-dessus. Ma décision est rendue. Le
député de Lafontaine sur la motion du député de
Saint-Jacques.
M. MORIN: Voulez-vous dire qu'il est contraire...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: ... à l'intérêt public de déposer
ce document?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Je n'ai pas à juger de
l'intérêt public dans la question. Je fais appliquer le
règlement et vous me rendez la tâche très difficile, je
vous l'avoue.
M. MORIN: M. le Président, je regrette, vous ne l'avez pas
appliqué.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Lafontaine sur la
motion.
M. LEGER: Je commence, et il est malheureux que je n'ai que 20 minutes
pour expliquer au ministre actuel... Parce que je m'aperçois qu'il a
énormément besoin d'arguments pour être capable de donner
suite à notre demande.
Tout d'abord, la proposition que nous avions faite initialement
était d'inviter une personne en particulier et maintenant la motion a
été changée pour une audition publique. Comment
voulons-nous être capable de voter d'une façon intelligente sur
une motion corrigée, qui était la seule jugée recevable
par...
UNE VOIX...
M. LEGER: Non, vous, vous êtes un réceptacle.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. TARDIF: Non, mais toi, tu es un gars qui ne sait pas parler le
français, Marcel.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! La collaboration des
ministériels m'est aussi nécessaire que celle des
députés de l'Opposition. A l'ordre!
Le député de Lafontaine.
M. LEGER: Comment voulez-vous, M. le Président, que nous
puissions juger de la possibilité de voter pour une motion de cette
ouverture, celle de l'audition des personnes, d'ailleurs, à laquelle le
ministre a dit qu'il était pour s'opposer? Il se pourrait, contrairement
à ce que le ministre vient de dire, que les députés
ministériels votent en faveur. Nous pourrions par la suite inviter les
personnes que nous avions dans l'esprit, en proposant de limiter cette audition
à des personnes en particulier. Notre motion visait spécialement
une personne spécialisée dans le domaine constitutionnel et on a
ouvert cela à une audition publique où on pourrait inviter
n'importe qui. Le ministre nous disait tantôt qu'il ne s'oppose pas
à inviter certains spécialistes, mais pas n'importe qui.
Autrement dit, l'essence même de la proposition originale est
diluée en ouvrant cela d'une façon tellement grande qu'on
pourrait voter en faveur à ce stade-ci et, par la suite, ayant fait
perdre le temps de la Chambre sur cette grande ouverture de notre motion, alors
que nous voulions exactement avoir un spécialiste, on nous refusera cela
par la suite.
M. le Président, actuellement, comme vous le savez, la loi 22 est
mise en doute concernant sa constitutionnalité. Le ministre nous parle,
par une affirmation où il ne cite pas, mais fait allusion, selon sa
subtilité habituelle pour s'esquiver, d'un document qui
représente l'opinion d'un spécialiste, où il dit qu'il est
en terrain solide. M. le Président, l'affirmer ce n'est pas l'adopter.
Nous ne sommes pas dans une formule commerciale où, simplement, par le
fait que le ministre affirme quelque chose, on doit adopter son opinion.
L'affirmer, ce n'est pas l'adopter. C'est la raison pour laquelle nous sommes
des plus surpris de voir l'attitude cavalière de celui que plusieurs de
ses députés ont appelé François 1er, mais moi, M.
le Président, je ne l'appellerais pas François 1er, je dirais
François II...
M. CLOUTIER: M. le Président, est-ce que je peux poser une
question?
M. LEGER: ... parce que s'il veut jouer le rôle de François
1er, il est en deuxième, parce que le premier qui l'a joué
était un réel comédien, c'est Fernandel et lui au moins
faisait rire la population, tandis que François II est en train
d'attrister les citoyens par la façon cavalière avec laquelle il
veut imposer ce projet de loi, avec la façon cavalière avec
laquelle il nous donne les outils pour travailler. A deux occasions il a
donné...
M. CLOUTIER: Je renonce à ma question, M. le
Président.
M. LEGER: J'en suis bien heureux. Pour donner les outils essentiels
qu'il avait mentionnés, il met des conditions au préalable. M. le
Président, quand on a des documents, on n'attend pas que l'Opposition se
mette à genoux pour dire: C'est très bien, on ne fera pas cela,
on va faire tout ce que vous vouliez. Non, M. le Président. Si un
document est d'intérêt public, il doit être
déposé et à aucune autre condition de la part de ceux qui
ont à le lire. Or, nous sommes devant une situation très
difficile.
Le premier ministre Trudeau, qui maintenant a mis dans sa poche le
gouvernement de la province de Québec peut permettre maintenant, pour
essayer de gagner à sa cause l'élément anglophone
duCanada, de provoquer les Québécois en disant que leur
gouvernement parce que tout le monde sait bien que le gouvernement
Trudeau, c'est le gouvernement des autres le gouvernement des
Québécois que nous avons ici et que nous tentons d'aider le mieux
possible, que nous tentons d'éclairer, se voit tout à coup devant
une possibilité de voir une de ses lois, dans son Parlement, dans ce
Parlement où les citoyens se sentent ou voudraient être
représentés, dans ce Parlement où les citoyens
désirent venir assister à ses travaux, à deux occasions,
on les a empêchés d'entrer... Je ne sais pas si on a
réglé le problème ce matin. Il y en a qui sont
entrés, mais il y en a d'autres qui ont été
empêchés d'entrer.
M. le Président, devant ce Parlement, on va discuter d'une loi
qui pourrait être retranchée, être abolie, être
refusée par le gouvernement du grand frère libéral, le
gouvernement de M. Trudeau. Et M. Trudeau a dit qu'il y aurait trois
possibilités. Il est en train d'étudier ça, M. le
Président. Il en a parlé dans son comté à
majorité anglophone de Mont-Royal et, par la suite, il en a parlé
après que l'élection eut été gagnée. Il a
dit qu'il préférait la persuasion, mais qu'il y avait aussi
d'autres moyens. Je me demande si la persuasion veut dire avec le gouvernement
de son petit frère pour le persuader de ne pas présenter ce bill
22 ou le corriger d'une façon telle qu'il soit dilué et qu'il ne
fasse pas de changement avec le statu quo actuel. Est-ce que M. Trudeau,
jusqu'à maintenant, a déjà commencé à
persuader le premier ministre et le ministre de l'Education? On le saura
peut-être si le ministre intervient tantôt, mais c'était la
première hypothèse de travail de M. Trudeau, la persuasion.
La deuxième possibilité était le désaveu. Il
regrettait de s'en servir, et, selon leur couleur, certains journaux disaient
que c'était le désaveu possible, le désaveu probable et
d'autres qu'on ne recourrait pas au désaveu. C'était drôle
de voir ce qui était dans la Presse canadienne et ce que les journaux en
ont fait par la suite, selon leurs options. Mais il est quand même dans
le domaine des possibilités qu'il y ait désaveu. Le
désaveu est grave, M. le Président, ça voudrait dire que
nous travaillons pour rien, que nous n'avons pas jugé, avant de
présenter cette loi, si réellement c'était plausible, si
c'était constitutionnel. C'est donc dire que le gouverneur
général du Canada pourrait dire à son état-major,
les "lieutenants-gouvernaux"...
M. HARDY: Les "lieutenants-gouvernaux"!
M. LEGER: ... les lieutenants-gouverneurs des différents
gouvernements provinciaux... D'ailleurs, c'est son état-major, c'est une
drôle de constitution que nous avons.
M. TARDIF: Exprime-toi comme du monde. LE PRESIDENT (M. Gratton): A
l'ordre!
M. LEGER: II pourrait dire: Ecoutez, le Parlement provincial a
outrepassé ses droits, il a essayé de changer des choses dans la
constitution canadienne et il est impossible d'accepter cette loi. Quelle
humiliation aurions-nous, les Québécois, et nous qui sommes quasi
le paratonnerre au Québec, qui sommes la caution temporaire d'un
gouvernement québécois que tous les Québécois
voudraient bien respecter parce que c'est leur gouvernement! C'est leur
gouvernement à eux, c'est celui qu'ils élisent directement, c'est
celui dans lequel ils peuvent
se donner une majorité tandis que, dans le gouvernement des
autres, ils ne peuvent être que continuellement minoritaires. Et ce
gouvernement pourrait établir des lois, présenter des lois qui
pourraient être désavouées à un échelon
fédéral. M. le Président, est-ce que ce n'est pas logique
de dire qu'actuellement...
M. HARDY: On est en 1974.
M. LEGER: ... on doit savoir, avant de...
M. HARDY: Cela fait 40 ans qu'il n'y a pas eu de désaveu.
M. LEGER: C'est à peu près l'âge du
député actuel, il a dû commencer pendant qu'il avait la
suce. M. le Président, avant même d'arriver à l'article 1,
on doit savoir si tout ce que nous allons discuter est dans la
légalité constitutionnelle, ou s'il ne faudrait pas, et
même à l'article 1, qu'il y ait des changements constitutionnels.
C'est illogique de la part de François II de ne pas nous permettre
justement de connaf-tre la constitutionnalité avant d'arriver à
l'article 1, et non pas arriver à l'article 1 soit avec des amendements,
soit des dépôts de documents, où nous serions
obligés de dire: Maintenant, M. le Président, on va ajourner pour
étudier les documents qu'on a déposés, pour voir leur
pertinence, pour voir la répercussion à l'intérieur de ce
projet de loi. C'est ce que le ministre veut, mais nous, nous voulons
décider avant de commencer à discuter l'article 1.
Nous voulons savoir si tout cet emballage aura réellement la
possibilité de voir le jour ou si nous perdons notre temps ici, alors
que la majorité des Québécois est dans une apathie
estivale que le premier ministre a très bien calculée, que le
ministre de l'Education a très bien vérifiée.
M. HARDY: On a vu cela hier. On a vu...
M. LEGER: Que la majorité des groupes de citoyens sont dans un
ralentissement de fonctionnement, alors que, normalement...
M. DEOM: Ce n'est pas gentil de...
M. LEGER: ... devant un projet de loi aussi explosif, ils seraient
présents, comme ils l'ont été au bill 63.
M. DEOM: ... parler des québécois comme cela.
M. LEGER: ... en une qualité innombrable devant le parlement pour
dire à François II: "François II, faites grâce au
peuple, pensez à ce pauvre peuple que vous voulez amener dans une
soumission sans borne," alors que nous pourrions faire le contraire et attendre
que ces gens soient ici.
Revenant à la constitutionnalité, M. le Prési-
dent, il restait quand même une troisième solution, une
troisième hypothèse de travail, et c'est le premier ministre
Trudeau qui l'a prononcée. Ce qui amène encore des doutes
concernant la constitutionnalité du projet de loi, c'est qu'un simple
citoyen pourrait réclamer de passer à la cour Suprême afin
d'obtenir un jugement contre un projet de loi.
M. le Président, c'est le premier ministre du Canada qui a
parlé. Un simple citoyen pourrait le faire. Je me rappelle, M. le
Président, au cours des quatre années où j'ai
siégé à l'Assemblée nationale, que le
président de l'Assemblée nationale a même dit un jour que
s'il fallait que la Chambre se voie devant une motion ou une question
soulevée par un député de l'Assemblée nationale, je
ne parle même pas d'un citoyen, qui soulèverait la
constitutionnalité d'une loi, il faudrait que la Chambre soit
amenée à se prononcer sur l'aspect constitutionnel et à ce
moment-là, nous aurions l'air fin.
Vous avez deux députés qui s'opposent à ce projet
de loi actuellement. Il se pourrait que le député de Mont-Royal
et le député de Sainte-Anne nous arrivent avec l'objection
constitutionnelle à un projet de loi contre lequel ils ont voté.
A ce moment-là, nous serions bien pris à l'Assemblée
nationale, de dire: Nous avons voté un projet de loi et maintenant, il y
a des députés qui veulent soulever la question constitutionnelle.
Le président de l'Assemblée nationale a trouvé que nous
serions dans une drôle de situation.
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. LEGER: A quel sujet, M. le Président?
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! L'honorable ministre des Affaires
culturelles sur une question de règlement.
M. HARDY: Ce que dit le député de Lafontaine est tout
à fait inexact. D'aucune façon, jamais, le président de la
Chambre ne peut soulever la constitutionnalité d'une loi. Le
président de la Chambre ne peut qu'appliquer le règlement et le
règlement n'a rien à voir avec la constitutionnalité d'une
loi.
M. LEGER: M. le Président, je vois que le député de
Terrebonne, comme toujours, était parti, n'a rien compris de ce que je
voulais dire. Son esprit divaguait. Je n'ai pas dit que c'était le
président qui soulèverait la question. J'ai dit que le
président avait affirmé que, si un député de
l'Assemblée nationale soulevait la constitutionnalité, la Chambre
devrait se prononcer à nouveau sur la constitutionnalité. C'est
ce qu'il a dit, M. le Président. Si le député l'exige, je
lui apporterai les documents le prouvant.
De toute façon, M. le Président, ce n'est pas au
président de l'Assemblée nationale de soulever la
constitutionnalité. Ce n'est pas ce que j'ai dit et c'est ce que le
député de Terrebonne a essayé de me prêter comme
argumentation.
M. le Président, je pense qu'il serait ridicule de parler,
à ce stade-ci, et de voter sur le projet de loi, article par article,
tant que nous n'aurons pas entendu, en auditions publiques, certains
experts.
On parlait de M. McWhinney, dans notre première proposition, et
je pense qu'il y en a d'autres qui pourraient être des experts aussi. Si
je me réfère à l'article de M. Ryan, de ce matin,
d'ailleurs, avant de conclure, à un moment donné, il
présente que l'objection du professeur Scott disait que, sous
prétexte que l'article 133 de l'AANB oblige le gouvernement du
Québec à reconnaître le français, l'anglais dans sa
Législature et dans les procédures judiciaires... Tout le monde
savait cela.
M. Scott doute que l'Assemblée nationale puisse déclarer
le français, langue officielle du Québec. C'est l'opinion de M.
Scott. M. le Président, c'est sûr que, tant que l'article 1 dit
que le français est la langue officielle, cela ne veut pas dire que
l'anglais n'est plus officiel. C'est sûr que l'article 133 n'a
peut-être pas, nécessairement, à être abrogé.
C'est ce que les experts pourraient nous dire, mais si, comme le dit le premier
ministre en essayant de tromper la population, l'article 1 veut dire la seule
langue officielle, à ce moment, ce qui va sans dire va mieux en le
disant. Il faudrait peut-être le dire à cet article. S'il le dit
réellement, dans le texte de loi, peut-être qu'il va falloir
abroger l'article 133, parce que, à ce moment, on ne donne qu'au
français le statut de langue officielle. C'est là tout le
problème et toute l'angoisse des constitutionnalistes, entre autres, M.
Scott et M. McWhinney et tous les autres qu'on connaît, devant la
constitutionnalité de cette loi.
Ou bien, il faut que le français soit la seule langue officielle
et abroger l'article 133 ou bien, se servir de l'artifice du premier ministre
qui trompe la population en disant: A l'article 1, on dit que le
français est la langue officielle, mais cela veut aussi dire la seule
langue. Cela ne veut pas dire cela, M. le Président, parce que le
français est déjà la langue officielle. Le
répéter à l'article 1, en faisant sous-entendre
politiquement que c'est la seule langue officielle, c'est une fausseté.
Il trompe la population.
M. BOURASSA: Cela fait mal.
M. LEGER: S'il veut le dire qu'il mette dans l'article 1 que c'est la
seule langue officielle et, par la suite, il devra abroger 133, ce qu'il n'ose
pas parce qu'il a peur de perdre les 20 p.c. d'anglophones qui ont voté
pour lui et qui, de plus en plus, se demandent s'ils ont fait un beau jeu.
M. BOURASSA: Pourquoi? Parce qu'on est des francophones?
M. LEGER: M. le Président, c'est la raison pour laquelle nous
craignons que tout ce projet de loi...
M. BOURASSA: Parce qu'on est des francophones?
M. LEGER: ... ne soit pas constitutionnel et que nous devons avoir les
auditions publiques. M. Ryan concluait, justement: La prudence étant de
mise dans cette... M. Ryan est celui qui a proposé un gouvernement
libéral...
M. HARDY: Malgré la recommandation du jury, votre succursale a
refusé de donner le prix.
M. LEGER: ... à la dernière élection
provinciale.
M. le Président, vous devez quand même tenir compte des
arguments de cet éminent éditorialiste pour qui j'ai beaucoup
d'admiration quand même.
M. HARDY: François-Albert Angers.
M. LEGER: II a droit à ses opinions que je ne partage pas, mais
j'ai beaucoup d'admiration, parce qu'il a...
M. HARDY: Seriez-vous d'accord pour enlever le prix?
M. LEGER: ... habituellement, une certaine objectivité si c'est
possible, mais...
M. HARDY: Etiez-vous d'accord pour enlever le prix?
M. LEGER: Pardon?
M. HARDY: Etiez-vous d'accord pour enlever le prix?
M. LEGER: Pour enlever le prix?
M. HARDY: Oui, votre succursale qui a refusé de donner un prix,
malgré la recommandation du jury.
M. MORIN: De quoi parlez-vous?
M. LEGER: De quoi parlez-vous? M. le Président, est-ce qu'il y a
pertinence du débat ou si c'est l'impertinence du député
de Terrebonne?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, monsieur! A l'ordre!
M. HARDY: ... vous invoquez la qualité de M. Ryan. Je vous
demande si vous étiez d'accord pour lui refuser le prix?
M. LEGER: Je parle de la qualité de M. Ryan qui a justement dit
qu'à son opinion le gouvernement libéral actuel devrait
être élu à l'élection provinciale.
M. HARDY: Quand il est d'accord avec vous, il est bon, quand il ne l'est
pas, il n'est pas bon.
M. LEGER: Ce qu'il a dit. Pour vous faire élire, vous l'avez
accepté. Ecoutez ce que dit M. Ryan: La prudence étant de mise
dans ces matières, les députés devront exiger du
gouvernement qu'il étale, à l'encontre de chaque objection, des
arguments juridiques solides, non pas des affirmations solides à coups
de poing comme François II le fait, M. le Président. Qu'il les
dépose.
M. CLOUTIER: Voulez-vous relire la phrase?
M. LEGER: Vous voulez que je la relise? M. CLOUTIER: Oui, s'il vous
plaît.
M. LEGER: Je n'ai pas cité le texte, M. le Président.
M. CLOUTIER: Je ne vous demanderai pas de le déposer, j'ai lu le
journal, moi aussi. Allez-y.
M. LEGER: Ici, on dit: La prudence étant de mise dans ces
matières, les députés devront exiger du gouvernement qu'il
étale, à l'encontre de chaque objection, des arguments juridiques
solides.
M. CLOUTIER: Exactement. Nous attendons.,.
M. LEGER: Etalez-les, M. le Président.
M. CLOUTIER: Aussitôt que nous aurons commencé...
M. LEGER: Et non pas vous étaler dans votre fauteuil à
nous regarder.
M. CLOUTIER: ... à chaque article nous répondrons à
toutes les objections.
M. LEGER: Ce n'est pas à chaque article.
M. CLOUTIER: Mais comment voulez-vous qu'on réponde aux
objections si on ne discute pas les faits, si on ne discute pas les
articles?
M. BOURASSA: Vous avez peur de discuter des articles.
M. LEGER: M. le Président, M. Ryan continue: On ne pardonnera pas
au législateur d'encourir, dans un an ou deux, le désaveu de la
cour Suprême pour avoir mal fait son travail je vois que le
ministre est étalé dans son fauteuil sous l'empire d'une
précipitation que rien ne justifie.
M. le Président, votre conseiller numéro 1 vient de dire
que dans votre précipitation, rien ne vous justifie. Pourquoi adopter
aujourd'hui vous commencez à discuter aujourd'hui un projet
de loi qui pourrait devenir caduc pour différentes raisons? C'est la
raison pour laquelle...
M. HARDY: Vous êtes bien caduc et on vous endure.
M. LEGER: ... nous voulons... On ne parle pas du caporal. Je sais qu'il
y a, actuellement, pour le petit caporal, une possibilité de
travail.
J'ai vu cela à l'Assemblée nationale du Québec, qui
annonce un concours interne pour un caporal suppléant, concours no
30337, service de protection. Alors, comme il l'a joué pendant trois
années, il pourrait peut-être poser sa candidature et continuer
à montrer comment il juge ces situations difficiles. Pardon?
M. HARDY: Est-ce que vous me permettez une question?
M. LEGER: Oui, certainement.
M. HARDY: Vous me conseillez de poser ma candidature à ce poste
afin de maintenir l'ordre quand vos adeptes viendront troubler l'ordre dans nos
séances?
M. LEGER: Quand le peuple québécois se prononce, vous
seriez peut-être capable de lui expliquer cela, parce que vous avez un
langage tellement au-dessus de lui qu'il ne pourrait pas vous atteindre.
M. HARDY: Cela n'a ni queue ni tête. UNE VOIX: C'est un bon
remplaçant.
M. LEGER: Alors, M. le Président, il y a danger qu'ici à
l'Assemblée nationale, soit par un député... Pardon? Deux
minutes, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Deux minutes de trop.
M. LEGER: C'est plus qu'il m'en faut pour convaincre la
députation, du moins de mon côté, du peu de sérieux
des arguments du ministre de l'Education. Cela m'en prendrait davantage pour le
convaincre puisque, comme psychiatre, il a de la difficulté à se
contenir, parce qu'il voudrait qu'on commence...
M. CLOUTIER: Je suggère que l'Opposition ne fasse pas trop
allusion à mon ancien métier, parce qu'à ce moment je
risquerais de poser des
diagnostics, ce que je souhaiterais éviter dans le cas de
l'Opposition.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. BOURASSA: A l'ordre, le
"filibuster"!
M. LEGER: M. le Président, je termine en disant qu'il faut
nécessairement, avant d'étudier le projet de loi et l'article 1
en particulier, qui est le plus contreversé par l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, que nous entendions des experts. L'un
pourrait être M. McWhinney. S'il n'est pas disponible, on pourrait au
moins lire ce rapport, et le ministre est bien mal venu, nous ayant
annoncé que M. McWhinney est actuellement en Angleterre ou en Australie,
je ne sais pas, un des deux endroits. Je pense qu'il vient d'Australie, mais il
est en Angleterre, c'est cela, il serait bien mal venu de ne pas nous
déposer ce document, puisque cela nous épargnera le soin de le
demander.
M. CLOUTIER: Le député vient de le rattacher à
l'article 1?
M. LEGER: Pardon?
M. CLOUTIER: Vous venez de le rattacher à l'article 1.
M. LEGER: Non, mais avant, pas pendant.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Le temps est...
M. CLOUTIER: Commençons l'article 1 et je le dépose.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Ecoutez, il reste 30 secondes. Alors le
député de Lafontaine va conclure.
M. LEGER: M. le Président, je pense qu'il est important que nous
ayons la possibilité pour enlever tout doute concernant la
constitution-nalité de ce projet de loi que nous entendions des experts.
La motion dit: Une audition ouverte. Nous aurions préféré
des experts précis. Maintenant, le ministre a dit lui-même qu'il
n'a pas d'objection à entendre des spécialistes, il ne veut pas
entendre n'importe qui. Comme l'esprit de notre motion que vous avez
corrigée, M. le Président, était d'entendre un
spécialiste en particulier, et peut-être d'autres par la suite,
mais des spécialistes sur l'aspect constitutionnel remarquez bien, il
n'y en a pas tellement. Je pense que le ministre...
M. TARDIF: C'est terminé.
M. LEGER: ... devrait réviser son jugement et nous accorder cette
possibilité pour enlever tout doute sur le projet de loi que nous avons
à discuter. Nous serons heureux par la suite d'embarquer dans l'article
1, pieds joints, parce que nous aurons avec nous tous les arguments qu'il nous
faut pour réaliser que nous ne faisons pas un travail inutile, qui sera
déclaré caduc et que les Québécois seront
humiliés de voir que leurs lois sont refusées par d'autres
gouvernements.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le premier ministre sur la motion du
député de Saint-Jacques.
M. BOURASSA: Juste une phrase, M. le Président, c'est qu'on voit
depuis trois jours que l'Opposition prend tous les moyens pour refuser de
discuter sérieusement.
M. LEGER: J'invoque le règlement.
M.. BOURASSA: Est-ce que je peux terminer ma phrase?
M. LEGER: Est-ce que le premier ministre veut parler sur la motion?
Depuis tantôt, j'ai essayé moi-même de répondre
à des argumentations du ministre et à d'autres. On m'a
refusé la parole, on m'a dit qu'il fallait que je me retienne à
l'intérieur du corridor de la motion. Est-ce que le premier ministre
peut rester dans le corridor de la motion? Sinon, je demanderai au
président de nous permettre de répondre aux argumentations
continuelles du député de Terrebonne, du premier ministre et du
ministre de l'Education.
M. BOURASSA: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): II n'y a pas de doute que les mêmes
règlements s'appliquent au premier ministre.
M. BOURASSA: M. le Président, il y a quelques minutes, le
ministre de l'Education a parlé d'un document qu'il était
prêt à déposer aussitôt que l'article 1 serait
appelé. Or, on voit que l'Opposition, par tous les moyens, hier le
leader parlementaire...
M. LEGER: J'invoque le règlement. Exactement tantôt, je
vous ai demandé de discuter du dépôt de document et vous
m'avez enlevé la parole.
Même si c'est le premier ministre, M. le Président, il n'a
pas plus le droit que moi d'embarquer sur un sujet sur lequel vous m'avez
défendu de disserter.
M. BOURASSA: M. le Président, tantôt le
député a parlé des films de Fernandel, de toutes sortes de
choses, et il prétend que je ne peux même pas dire que le ministre
de l'Education...
M. LEGER: C'était une illustration de l'attitude du ministre.
M. BOURASSA: Je ne peux même pas parler du fait que le ministre de
l'Education a offert de déposer les documents en question.
M. LEGER: Pour votre information, tantôt, M. le premier ministre,
on m'a défendu...
M. BOURASSA: Est-ce que je peux parler?
M. LEGER: ... de le faire. Pourquoi auriez-vous le droit de le
faire?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs ! A l'ordre!
M. MORIN: C'est un fait que le document n'a pas été
déposé...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BOURASSA: M. le Président, je dis qu'à la suite de ces
motions qui se suivent les unes les autres, à la suite du fait que le
leader parlementaire hier a refusé de changer de salle, pour retarder la
discussion...
M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement. Le
premier ministre ne peut pas affirmer cela, puisque cela n'a jamais
été débattu en commission parlementaire, ce que le premier
ministre déclare.
M. BOURASSA: Je l'affirme.
M. LEGER: En commission parlementaire je vais vous sortir le journal des
Débats, le député de Maisonneuve...
M. BOURASSA: Je l'affirme.
M. LEGER: ... n'a jamais dit, en commission parlementaire, qu'il
refusait de changer de salle.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEGER: II a attendu une motion venant du président...
M. HARDY: II n'a pas eu le courage de le dire.
M. LEGER: ... et le président n'a pas apporté de motion en
ce sens.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEGER: Le président a simplement ajourné les travaux
à huit heures...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEGER: ... et à huit heures, il a ajourné les travaux
sine die.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEGER: M. le Président, jamais le député de
Maisonneuve, et, en son absence, je voudrais prendre sa place...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!
M. LEGER: C'est un point de règlement, M. le
Président.
M. TARDIF: Vous avez rétabli les faits.
M. BOURASSA: Vous allez vous fatiguer avec tout cela.
M. LEGER: J'ai autant d'énergie que vous avez peu...
M. BOURASSA: Je l'affirme, M. le Président. Cela me permet de
démasquer l'attitude du Parti québécois vis-à-vis
de ce débat. On veut discuter sérieusement. On est prêt
à soumettre les amendements, les principes directeurs, les
études...
M. LEGER : Immédiatement?
M. BOURASSA: ... et l'Opposition refuse...
M. LEGER: Immédiatement, sans condition?
M. BOURASSA: ... d'aborder l'article 1... M. LEGER: Sans condition?
M. BOURASSA: ... qui nous permettrait de déposer ces documents.
C'est la preuve...
M. LEGER: Sans condition?
M. BOURASSA: ... que vous ne voulez pas discuter
sérieusement.
M. LEGER: Répondez, M. le Président. LE PRESIDENT (M.
Gratton): A l'ordre! M. BOURASSA: Le gouvernement... M. LEGER: Sans
condition?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Est-ce qu'on pourrait laisser le
premier ministre terminer?
M. LEGER: Je lui demande une question. Sans condition?
M. TARDIF: II veut se faire sortir.
LE PRESIDENT (M. Gratton): S'il ne vous répond pas, c'est son
droit.
M. BOURASSA: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
UNE VOIX: Vous n'avez même pas la permission.
M. LEGER: Quand est-ce que le premier ministre demande la
permission?
M. BOURASSA: Nous avons la preuve depuis trois jours, par toutes sortes
de tactiques, que l'Opposition ne veut pas discuter sérieusement. Le
gouvernement va en tirer les conclusions.
M. VEILLEUX: M. le Président... M. LEGER: La population
jugera.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jean, sur la
motion.
M. VEILLEUX: M. le Président, sur la motion qu'on a
présentement devant nous. Je pense que j'ai été patient,
depuis un certain temps, M. le Président, je n'ai pas dit un mot.
Permettez-moi de dire quelques mots sur l'intervention que vient de faire le
député de Lafontaine, que je pourrais peut-être qualifier
de Darry Cowl de la politique.
Lorsque le député de Lafontaine reproche au gouvernement
de ne pas suivre les suggestions que peut faire M. Claude Ryan du Devoir, parce
que, dit-il, il a appuyé aux dernières élections le Parti
libéral du Québec, parce que M. Ryan s'interroge sur la
constitutionnalité du projet de loi 22, on pourrait retourner exactement
le même compliment au député de Lafontaine. Que je sache,
François-Albert Angers a appuyé, à la dernière
élection, le Parti québécois, et M. Angers est venu ici en
commission parlementaire et il a exigé l'unilinguisme français au
Québec, ce que le projet du Parti québécois ne fait pas.
Alors, on pourrait retourner exactement...
M. LEGER: Question de règlement, M. le Président.
M. VEILLEUX: ... le même compliment au député de
Lafontaine.
M. LEGER: Question de règlement, M. le Président. Le
député de Saint-Jean dit que le Parti québécois n'a
pas, dans son programme, l'unilinguisme québécois.
M. TARDIF: Ce n'est pas une question de règlement.
M. LEGER: Oui, M. le Président. C'est une affirmation fausse.
M. TARDIF: Bon, alors prends l'article 96. M. LEGER: Nous parlons d'un
Etat français avec la possibilité que les citoyens soient
bilingues. Il y a toute la nuance qui dépasse les possibilités
d'entendement du député de Saint-Jean. Je le comprends.
M. TARDIF: C'est l'article 96.
M. VEILLEUX: M. le Président, je dis tout simplement au
député de Lafontaine de relire son projet de loi du Parti
québécois, parce qu'il ne l'a pas compris.
Je suis surpris, M. le Président, de voir le Parti
québécois s'interroger sur la légalité pour
reprendre l'expression du député de Lafontaine la
légalité constitutionnelle du projet de loi. Il dit: Pour moi, M.
le Président, on doit me prouver, hors de tout doute, la
légalité constitutionnelle du projet de loi. Le même
député de Lafontaine, il y a un an et demi ou deux ans, lorsque
le gouvernement Bourassa, par la voix du ministre des Communications, a
déposé des projets de loi à l'Assemblée nationale
sur les communications au Québec, à ce moment, le Parti
québécois a soulevé la possibilité que ces projets
de loi ne soient pas constitutionnels. A ce moment, le Parti
québécois n'a jamais exigé du gouvernement de faire venir,
en commission parlementaire, des spécialistes en constitution pour nous
prouver, hors de tout doute, la légalité constitutionnelle de ces
projets de loi.
Au contraire, le Parti québécois, à ce moment, se
réjouissait de voir que le gouvernement du Québec posait un geste
vers la souveraineté culturelle des Québécois, dans le
domaine des communications.
Aujourd'hui, le gouvernement du Québec, avec le projet de loi 22,
veut prendre ses responsabilités dans la politique linguistique. Lorsque
nous avions discuté de ces projets de loi sur les communications, il y a
des gens qui s'interrogeaient sur quelques articles du projet de loi et,
aujourd'hui, ce même Parti québécois, avec pratiquement les
mêmes représentants, à tout le moins le
député de Lafontaine, exige du gouvernement qu'on prouve hors de
tout doute la légalité constitutionnelle du projet de loi.
Je dis que cette motion du Parti québécois est une motion
strictement dilatoire. Et hier, le député de Chicoutimi, qui
était assis où est assis présentement le
député de Dorion, m'a avoué, carrément, que le
Parti québécois faisait du "filibustering" sur le projet de loi
22.
M. MORIN: J'aimerais bien que le député de Chicoutimi soit
là...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: ... pendant que vous faites de telles affirmations.
M. BOURASSA: C'est évident pour tout le monde.
M. VEILLEUX: II me l'a avoué...
M. MORIN: Le premier ministre a choisi un député absent;
c'est plus facile à attaquer.
M. VEILLEUX: ... et je le répète...
M. LEGER: Cest de la lâcheté de parler de mon...
M. BOURASSA: C'est évident pour tout le monde. Voyons! Ce n'est
pas un aveu.
M. VEILLEUX: Le député de Lafontaine vient de dire au
député de Saint-Jean que c'est de la lâcheté. Je
retourne le compliment et je dis que c'est de la lâcheté du Parti
québécois de ne pas l'avouer carrément à la face du
grand public.
M. LEGER: Cela dépend ce que vous entendez par
"filibustering".
M. VEILLEUX: Je lui retourne exactement le même compliment.
M. LEGER: Jusqu'à maintenant, nos questions sont
sérieuses.
M. MORIN: Si nous avions voulu faire de l'obstruction, le rapporteur ne
serait pas encore nommé.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. HARDY: Cela aurait été trop manifeste, vous faites de
l'obstruction simulée.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Le député de
Saint-Jean.
M. VEILLEUX: Lors de l'étude de ces projets de loi sur les
communications, on félicitait le gouvernement Bourassa de prendre ses
responsabilités et de faire de l'action en discutant de ces projets de
loi, à l'époque, malgré les difficultés
constitutionnelles qui pouvaient en surgir.
Aujourd'hui, le gouvernement Bourassa, le gouvernement libéral
prend exactement la même responsabilité en politique linguistique.
Je dois dire que j'appuie, sans conteste, cette décision prise par le
gouvernement et en autant que je suis concerné, comme
député de Saint-Jean, j'avertis le Parti québécois,
quelles que soient les propositions qu'il fera avant qu'on attaque de front
l'article 1 du projet de loi, pour moi, ce seront des propositions dilatoires
et je dis à l'avance au Parti québécois que je voterai
contre, sur chacune de leurs propositions, qu'elles soient en amendement, en
sous-amendement ou n'importe quoi.
M. MORIN: Quel que soit le contenu...
M. VEILLEUX: Je demande au député de Sauvé de se
taire une fois pour toutes.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: A part ça, il veut me réduire au silence une
fois pour toutes.
M. VEILLEUX: Cela fait cinq jours que le député de
Saint-Jean l'entend.
M. LEGER: C'est ainsi que vous aimeriez gouverner. Le bâillon, une
fois pour toutes.
M. VEILLEUX: Que le député de Sauvé ait au moins la
politesse, comme disait le ministre des Affaires culturelles, d'écouter
le député de Saint-Jean. Moi, je l'aie eue.
M. MORIN: Vous vous comportez comme un mauvais maître
d'école.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. VEILLEUX: Je dis...
M. HARDY: Le grand...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. VEILLEUX: ... que le député de Saint-Jean se comportait
comme un véritable martre d'école, surtout maître
d'école de la maternelle, cela ferait longtemps que le
député de Sauvé aurait eu des petites tapes quelque
part.
M. HARVEY (Jonquière): Lui, comme un savant polisson.
M. VEILLEUX: En ce qui me concerne et en ce qui concerne mes
collègues, si je regarde les figures de mes collègues du Parti
libéral, il est temps d'attaquer, une fois pour toutes, l'article 1,
mais je sais que le Parti québécois refuse d'attaquer l'article 1
parce qu'à la minute où la commission parlementaire se sera
prononcée en faveur de l'article 1, il en est fait de leur politique
linguistique. Merci.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition officielle.
M. MORIN: Merci, M. le Président. La question de la
constitutionnalité du bill 22 est maintenant évoquée dans
presque tous les journaux; ce qui reste, l'opinion publique à cette
époque-ci de l'année en est saisie. Qu'on le veuille ou qu'on ne
le veuille point, cette question va devoir être vidée parce
qu'autrement on s'exposerait, comme on l'a fait remarquer dans un certain
éditorial de ce matin, à aboutir devant la cour Suprême du
Canada et à voir cette loi, dans l'année ou dans les deux ans qui
suivront son adoption, être déclarée inconstitutionnelle,
quant à certaines de ses dispositions fondamentales. Or, le premier
ministre n'ignore certainement pas, comme juriste, que
cela met en danger l'ensemble du texte de loi, étant donné
la doctrine appliquée très fréquemment par les tribunaux
canadiens et britanniques selon laquelle...
M. BOURASSA: On va vous rassurer.
M. MORIN: ... on ne peut diviser les diverses parties d'une loi. Je suis
d'autant plus inquiet que si cette loi devait aboutir devant la cour
Suprême, le Québec aurait probablement très peu de chances
de s'en tirer.
M. CLOUTIER: Est-ce que je pourrais poser une question au chef de
l'Opposition? Sans insister, bien sûr, et pas sur son temps.
M. MORIN: M. le Président, pourvu que cela ne compte pas sur le
temps qui m'est alloué. Bien.
M. CLOUTIER: Au cours de...
M. BOURASSA: Cela n'entrera pas dans votre "filibustering".
M. CLOUTIER: ... l'audition après la première lecture,
j'ai eu l'impression que le chef de l'Opposition, lorsqu'il posait des
questions à certains groupes, en paticulier à des groupes
anglophones qui mettaient en doute la constitu-tionnalité, passait son
temps à dire que le projet était constitutionnel.
M. VEILLEUX: C'est cela, c'est vrai.
M. CLOUTIER: Alors, je me demande s'il n'y a pas là une certaine
contradiction. Je vais faire ressortir le journal des Débats à
tout hasard.
M. MORIN: M. le Président, je voudrais dire là-dessus,
pour que ce soit bien clair...
M. VEILLEUX: C'est vrai.
M. MORIN: ... qu'à mon sens, si le Québec abroge l'article
133 et s'il peut l'abroger, alors il est possible, constitutionnellement, de
faire du français "la seule", je dis bien "la seule", langue officielle
au Québec. Si le Québec, d'autre part, si le gouvernement
québécois estime qu'il est lié par l'article 133, qu'il ne
peut le modifier, alors se pose la question de la constitutionnalité.
Or, pour bien clarifier toute cette situation, je dirai au ministre de
l'Education que je suis d'avis que le Québec peut modifier l'article
133; il faut donc proclamer le français comme "seule" langue officielle
du Québec. Cependant, le gouvernement lui-même estime qu'il ne
peut pas abroger cet article, malgré l'avis du professeur McWhinney,
malgré l'avis d'un certain nombre d'autres experts dans le domaine
constitutionnel. C'est alors que surgit la question de la
constitutionnalité qui se trouve maintenant devant l'opinion
publique.
Si cela peut rassurer le premier ministre, je ne craindrais pas
personnellement l'utilisation par le gouvernement fédéral de son
pouvoir de désaveu.
J'entends le ministre qui dit que c'est évident, je n'ai...
M. CLOUTIER: Cela n'a pas été utilisé depuis 1930.
Il est bien évident que le pouvoir de désaveu ne sera pas
utilisé.
M. MORIN: Oui. Et c'est un fait notoire...
M. CLOUTIER: Le premier ministre Trudeau n'a jamais parlé de cela
d'ailleurs.
M. HARDY: Le député de Sauvé est encore à
l'époque de Bennett.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: M. le Président, est-ce que j'ai la parole?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.
M. MORIN: Bien. Je vous remercie. C'est un fait, comme j'allais le dire,
que le droit de désaveu est tombé en désuétude
depuis plusieurs années déjà et qu'il n'a pas
été utilisé depuis les années trente. D'ailleurs,
il y a là-dessus, je le signale au premier ministre, une excellente
étude, certainement la plus importante, celle du professeur Gerald
LaPorest, qui est anglophone, un Acadien anglophone. C'est une excellente
étude sur le pouvoir de désaveu. L'auteur constate qu'il serait
bien surprenant, effectivement, que le gouvernement fédéral
n'utilise jamais, non seulement le désaveu, mais également le
droit de réserve.
Cependant, il subsiste en doute. En ce qui me concerne, étant
donné la force du précédent dans le droit britannique, je
pense que nous n'avons pas à craindre le droit de désaveu.
Cependant il ne faut pas négliger les pressions anglo-canadiennes et
anglo-montréalaises qui vont s'exercer sur le gouvernement
fédéral et qui pourraient peut-être amener M. Trudeau
à aller à l'encontre de la désuétude qui semble
s'être saisie de cet article du British North America Act et à
poser un nouveau précédent.
M. BOURASSA: Vous allez aider ces pressions.
M. MORIN: Pas du tout. Je ne le souhaite pas.
M. BOURASSA: Oui.
M. MORIN: J'ai donné mon opinion. A mon avis, ce serait abuser de
la part...
M. BOURASSA: Vous nous frappez dans le dos quand on aide les
anglophones.
M. MORIN: ... du pouvoir fédéral que d'utiliser le droit
de désaveu.
M. HARDY: Tartuffe ne ferait pas mieux.
M. MORIN: En fait de tartufferies, je pense que le ministre des Affaires
culturelles n'a de leçon à donner à personne. Je reviens
à mon propos. Le seul véritable danger sur le plan
constitutionnel, c'est que cette affaire soit amenée devant les
tribunaux et donc, éventuellement, devant la cour Suprême du
Canada, soit par des particuliers, comme cela a été le cas dans
l'affaire sur les langues officielles, alors que c'était le maire
Jones et un certain nombre d'autres citoyens qui ont soulevé la question
devant les tribunaux, soit sous la forme d'un avis consultatif que
demanderait le gouvernement fédéral au plus haut tribunal du
pays. Or, cela ne me rassurerait pas du tout. Il est vrai que la cour
Suprême comporte un certain nombre de juges québécois et,
en ce qui me concerne, je tiens à dire, dès l'abord, que j'ai la
plus totale confiance dans un homme comme le juge Beetz, mon ancien
collègue. C'est un homme de grand jugement et qui, dans le domaine
constitutionnel, n'a de leçon à recevoir de personne. Mais ce
n'est pas dire pour autant, que ce tribunal puisse trancher en faveur du
Québec. Je suis d'avis que, dans toutes les causes importantes, ce
tribunal, de par sa constitution même, ne peut trancher en faveur du
Québec, à cause des pressions politiques, sociales qui s'exercent
sur lui. N'oublions pas...
M. BOURASSA: Qu'est-ce que vous dites sur la cour Suprême, si j'ai
bien entendu?
M. MORIN: N'oublions pas que le gouvernement du Québec
lui-même...
M. BOURASSA: Vous dites que la cour Suprême, au lieu de
décider sur le mérite, obéirait à des
pressions...
M. MORIN: Laissez-moi terminer, Vous aurez la réponse à
votre question.
M. BOURASSA: C'est sérieux ce que vous dites là.
M. MORIN: Je vous rappelle, M. le Premier ministre...
M. BOURASSA: Pour un juriste, c'est très sérieux.
M. MORIN: Je vous rappelle que votre prédécesseur, le
premier ministre Lesage, a refusé, et la position a été
reprise par M. Johnson, de reconnaître la juridiction de la cour
Suprême du Canada. Je ne me fais donc que l'écho de vos
prédécesseurs.
M. BOURASSA: Non, ce n'est pas ce que vous avez dit.
M. MORIN: Si, dans le domaine... Laissez-moi terminer et vous allez voir
que cela va être très clair.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BOURASSA: Ce n'est pas ce que vous avez dit.
M. MORIN: M. le Président, dans l'affaire des droits miniers
sous-marins, l'inquiétude du pouvoir québécois
était telle que nous avons refusé de porter le litige devant la
cour Suprême.
M. HARDY: Ce n'est pas ça du tout.
M. MORIN: Plus que cela, M. le Président, plus que cela. Dans
l'affaire des communications, le ministre des Communications...
M. BOURASSA: J'invoque le règlement...
M. MORIN: ... du gouvernement Bourassa a refusé à
plusieurs reprises d'aller devant la cour Suprême...
M. BOURASSA: M. le Président, ce n'est pas...
M. MORIN: ... craignant les...
M. BOURASSA: ... ce qu'a dit le chef de l'Opposition. Il a dit que la
cour Suprême obéirait à des pressions
anglo-montréalaises ou anglo-canadiennes plutôt qu'à des
critères objectifs. C'est ce qu'il a dit.
M. MORIN: Comme aucun tribunal ne travaille dans le vide social ou dans
le vide économique...
M. BOURASSA: Je voudrais qu'il se rende compte de ce qu'il dit.
M. MORIN: II y a de nombreuses études qui démontrent que
la cour Suprême des Etats-Unis elle-même est l'objet de mille et
une pressions souvent inconscientes du milieu social dans lequel elle
baigne.
M. HARDY: Patinage à reculons!
M. MORIN: Laissez-moi, s'il vous plaît, terminer l'argumentation
fort importante, je crois, que je suis amené à faire. La cour
Suprême est la créature du pouvoir fédéral. C'est ce
qui a amené votre gouvernement, dans le cas des communications, à
refuser d'aller devant le tribunal fédéral. Ne dites pas le
contraire. Si vous aviez confiance dans ce tribunal, vous lui auriez sans doute
confié de trancher le cas des communications. Voilà, c'est vous
qui êtes pris au piège dans vos propres interventions.
M. BOURASSA: Ce n'est pas une question... Non, non, n'essayez pas de
vous en sortir.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Pourriez-vous vous...
M. LEGER: J'invoque le règlement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEGER: C'est le député de Sauvé qui a la parole
et ça fait trois ou quatre fois que le premier ministre, sans lui
demander la permission...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, à l'ordre!
M. LEGER: ... l'interrompt.
LE PRESIDENT (M. Gratton): J'aimerais rappeler à tous les membres
de la commission qu'ils devraient s'adresser au président. Ceci
éviterait peut-être quelques affrontements.
M. BOURASSA: M. le Président, je m'excuse, je voulais tout
simplement, en m'adressant à vous, signaler...
M. MORIN: Non, mais vous n'avez pas la parole.
M. LEGER: Avez-vous demandé la parole au député de
Sauvé?
M. BOURASSA: ... la gravité.
M. MORIN: Vous n'avez pas la parole.
M. LEGER: Avez-vous demandé la parole au député de
Sauvé? Suivez donc le règlement. On est obligé de le
suivre, suivez-le donc, M. le Premier ministre!
M. BOURASSA: Je voulais rappeler...
M. LEGER: Avez-vous demandé au député de
Sauvé s'il est d'accord? Demandez-lui.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BOURASSA: M. le Président, je voulais rappeler la
gravité des propos du chef de l'Opposition.
M. LEGER: J'invoque le règlement, M. le Président. Est-ce
que c'est le même règlement pour le premier ministre et pour les
députés?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! J'ai déjà
répondu oui. L'honorable chef de l'Opposition officielle.
M. MORIN: M. le Président, ce sont effectivement des
décisions très graves qui ont été prises à
plusieurs reprises par le gouvernement du Québec, de ne pas aller devant
ce tribunal parce que nous savons fort bien, qu'il s'agisse de droit d'ordre
économique, comme les droits miniers sous-marins, qu'il s'agisse des
droits d'ordre culturel, le Québec n'a aucune chance de s'en tirer. Il
s'agit d'un tribunal créé par le pouvoir fédéral.
Il ne s'agit point d'un tribunal constitutionnel authentique qui serait
au-dessus des parties.
Ce n'est pas moi qui l'ai fait remarquer le premier. C'est ce grand
juriste britannique K.C. Wheare, un auteur que le premier ministre
connaît, qui l'a fait observer à plusieurs reprises. K.C. Wheare a
dit ceci.
M. BOURASSA: Un de mes tuteurs.
M. MORIN: II fut l'un de vos tuteurs? C'est parfait.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: Le premier ministre va pouvoir nous en parler. Si vous avez lu
attentivement ses écrits, vous aurez constaté que dans "Federal
Government", je ne sais plus à quelle page, mais je pourrai le
retrouver si le premier ministre ne s'y retrouve pas il dit: "Qu'un
véritable tribunal constitutionnel et il parle du Canada et non
des autres pays fédératifs ne saurait être la
créature soit du pouvoir fédéral, soit des provinces, car
un tribunal qui serait créé, nommé par le seul pouvoir
fédéral, un tel tribunal serait nécessairement enclin
à favoriser les prises de position du pouvoir fédéral.
Tandis que, et je me range du même avis un tribunal qui
serait nommé uniquement par les provinces aurait tendance
nécessairement à favoriser les positions constitutionnelles des
provinces.
M. le Président, la cour Suprême du Canada n'a jamais
été créée par la constitution, je le ferai
remarquer. Elle a été créée par une loi
fédérale. C'est une créature fédérale. Les
juges en sont nommés par le pouvoir fédéral et
payés par le pouvoir fédéral. De plus, on y nomme souvent
d'anciens ministres fédéraux, et c'est ce qui nous a valu
à l'occasion, les décisions extrêmement favorables au
pouvoir fédéral que nous connaissons. Et c'est ce qui a fait que,
pendant des années, nous étions tellement heureux, nous du
Québec, de pouvoir en appeler au Comité judiciaire du Conseil
privé, parce que celui-ci rétablissait les droits du
Québec, souvent à l'encontre des décisions de la cour
Suprême du Canada. Le premier ministre, qui est juriste, ne peut dire le
contraire.
M. BOURASSA: M. le Président, si le chef de l'Opposition me
permet une question, c'est parce que j'ai un appel d'Europe et je dois
m'absenter pour quelques minutes. Je veux simplement lui dire...
M. MORIN: Est-ce un appel du professeur McWhinney?
M. BOURASSA: Non, M. le Président. Je veux simplement lui dire
que je fais la distinction dans les propos du chef de l'Opposition. Je vais
relire les propos qu'il a tenus. Mais indépendamment des critères
juridiques ou politiques, de ce que j'ai entendu, j'ai trouvé que les
propos du chef de l'Opposition étaient d'une extrême
gravité, en présumant que la cour Suprême obéirait
à des pressions plutôt que de juger sur le mérite de la
question.
M. MORIN: Je ne sais pas ce que vous essayez d'insinuer...
M. BOURASSA: Si le député veut clarifier son point de
vue.
M. MORIN: Je vous disais simplement... ce que j'ai dit, c'est que la
cour Suprême est créée, nommée et payée par
le pouvoir central. Est-ce une proposition sur laquelle vous êtes
d'accord?
M. BOURASSA: On verra ce que le chef de l'Opposition a dit.
M. MORIN: Allez faire votre appel européen et vous reviendrez
ensuite afin qu'on en parle.
M. BOURASSA: On verra.
M. MORIN: J'ai bien hâte que nous en parlions.
M. BOURASSA: D'accord. UNE VOIX: Page 22, article 1.
M. MORIN: M. le Président, revenons à nos moutons. La
situation est d'autant plus grave que nous apprenons par un journal de ce matin
je m'étonne de ne pas le trouver dans tous les journaux
que la dernière école entièrement française dans
l'Ouest canadien vient d'être fermée. Ces questions sont donc,
d'actualité. L'école Taché, la seule école
élémentaire entièrement de langue française dans
l'Ouest, sera fermée à la suite d'une décision intervenue
hier à la commission scolaire du "grand" Winnipeg. Cette école
Taché, tout le monde en connaît l'histoire, elle a
déjà fait l'objet de mille et une controverses.
Ce n'est pas comme si les querelles constitutionnelles du passé
étaient terminées M. le Président. Nous les vivons encore
chaque jour. Les minorités de l'Ouest, chaque jour, voient leurs
positions reculées, voient leurs positions assaillies.
Dans ce cas-là, je cite la Gazette de ce matin 18 juillet, et
j'espère qu'on trouvera dans les journaux de demain des commentaires sur
cette pénible situation: "But despite their campaign to keep the 220
students' school open and cause from the province's Education Minister to
intervene, the board declared its position irrevocable". C'est un vocabulaire
qu'il me semble reconnaître. Il me semble que le ministre de l'Education
nous a dit que ses positions étaient irrévocables. C'est le
même esprit d'intransigeance qu'on trouve dans l'Ouest et ici. On n'en
voudra pas à l'Opposition, dans les circonstances, de soulever cette
question de la constitutionnalité et de vouloir aller au fond des
choses.
Dans cette perspective, les avocasseries du ministre de l'Education, qui
a un document émanant du professeur McWhinney, mais qui refuse de le
déposer, avec des caprices de prima donna, cette façon de
dissimuler les documents qui seraient essentiels à une bonne
compréhension du débat, un débat ouvert devant toute la
population, ces façons de procéder sont dignes d'un autre
âge. Elles sont lamentables, je n'hésite pas à le dire.
Pourquoi ces cachotteries? Est-ce que, par hasard, le nouveau document
du professeur McWhinney émettrait des réserves, la moindre
réserve sur la constitutionnalité de certains articles du bill
22? C'est la question que je me pose. En tout cas, je n'ai entendu le ministre
invoquer aucun argument sérieux pour ne pas déposer
immédiatement, devant nous, ce document. C'est de l'enfantillage que de
nous dire: Attendons qu'on arrive à tel article et on vous le donnera.
C'est du comportement de maître d'école hautain, comme il s'en
faisait il y a bien des années. Comme, Dieu merci, on n'en trouve plus,
sauf peut-être...
M. HARDY: II y a encore vous.
M. MORIN: ... à l'occasion, lorsque le député de
Saint-Jean fait...
M. TARDIF: II en reste un. M. MORIN: ... ses saillies.
M. HARDY: Vous êtes le dernier vestige de cette race.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: Allons. Le ministre des Affaires culturelles devrait essayer
d'être à la hauteur du poste qu'il occupe et ne pas déchoir
constamment, comme il le fait.
M. le Président, nous sommes...
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.
Comment, à cette commission, peut-on se maintenir à une certaine
hauteur quand, constamment, le député de Sauvé et ses
collègues nous entraînent dans la fange et la boue?
M. LEGER: M. le Président, ce n'était pas une question de
règlement, si vous avez bien remarqué.
M. MORIN: Ah! quelle horreur! Quelle horreur, M. le ministre.
M. HARDY: Oui, c'est une horreur pour vous.
M. MORIN: Quelle indignité!
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
UNE VOIX: C'est vrai, je suis d'accord.
M. MORIN: Quel manque de dignité!
M. TARDIF: C'est vous qui provoquez cela.
M. MORIN: M. le Président, je constate que le gouvernement, par
tous les moyens, tente d'éviter ce débat constitutionnel, mais il
ne pourra l'éviter. Il est maintenant sur la place publique. Plusieurs
juristes notoires, ont soulevé ces problèmes. Je
répète qu'en ce qui me concerne, je suis d'avis que le
Québec peut abroger l'article 133. Je suis d'avis que le Québec
peut avoir une politique qui consiste à faire du français la
seule langue officielle, mais ce n'est pas cela que dit le projet de loi. Je
tiens à le souligner en passant. Le projet de loi nous dit que la langue
française est la langue officielle dans l'article 1, mais, dans
l'article 2, il nous ramène immédiatement à la langue
anglaise comme langue officielle. Nous le verrons bien quand nous en
discuterons tout à l'heure. Deux problèmes distincts sont
soulevés dans l'ordre constitutionnel par le projet de loi qui nous est
soumis. Premièrement, la question de la consti-tutionnalité par
rapport à l'article 133 du British North America Act et, en second lieu,
la question des droits linguistiques par rapport aux garanties confessionnelles
accordées par l'article 93 de la même loi impériale.
Combien de temps me reste-t-il, M. le Président?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Deux minutes.
M. MORIN: Deux minutes.
LE PRESIDENT (M. Gratton): II vous reste deux minutes.
M. MORIN: J'imagine que nous aurons l'occasion de revenir sur ces
problèmes constitutionnels par la suite. On n'a pas fini d'en parler. Je
voudrais simplement évoquer brièvement la question de la
constitutionnalité du bill par rapport à l'article 133.
Le professeur Scott nous a fait remarquer avec beaucoup de finesse,
comme je l'ai indiqué dans mon discours de seconde lecture, que
l'article 133 impose l'usage de l'anglais et du français dans la
publication des lois du Québec. Toute la jurisprudence des tribunaux,
que j'aurai l'occasion de citer en long et en large, tend à dire que les
deux langues sont sur un pied d'égalité en ce qui concerne la
législation en vertu de l'article 133.
Le professeur Scott dit ceci: "So, when the bill says French is THE
le mot "THE" est écrit en majuscule official language, it
suggests that it is the only official language and this is quite false.
Furthermore, there are great doubts as to whether that is constitutional for
the simple reason that section 133 of the BNA Act has not been amended, and
that is the section which provides that the laws of Quebec must be in the two
languages".
Si le gouvernement se refuse à abroger cet article 133, je crains
bien que le professeur Scott n'ait raison. S'il est vrai que l'article 133 ne
peut être modifié que par le Parlement impérial, que par le
Parlement de Westminster, et non pas par le Parlement Québécois
agissant seul, alors nous sommes effectivement devant une impasse
constitutionnelle. C'est pourquoi j'aimerais faire motion pour restreindre la
portée de la motion que vous nous avez suggérée
vous-même hier et que le député de Saint-Jacques a reprise
à son compte. J'aimerais faire motion pour modifier votre propre
proposition ou celle du député de Saint-Jacques, comme je le
disais à l'instant. En ajoutant à la fin de la motion la phrase
suivante: "Pour entendre M. le professeur Edward McWhinney, ancien membre de la
commission d'enquête sur la situation du français au
Québec, sur tous les aspects constitutionnels du projet de loi 22". Je
tiens à dire que le but de cette motion de modification est de
restreindre la portée, qui nous paraît trop large, la
résolution que vous avez vous-même proposée lors de notre
séance d'hier. Je devrai revenir sur ces problèmes
constitutionnels sans doute à plusieurs reprises. Je n'ai fait ce matin
que les effleurer.
M. HARDY: M. le Président, j'invoque la non-recevabilité
de cette motion. Nous revenons à peu près à la
première motion déposée par le Parti
québécois et que vous avez jugée vous-même
irrecevable. C'est d'ailleurs la raison pour, laquelle vous avez
suggéré que l'on formule de nouveau cette motion. De toute
façon, je ne voudrais pas m'étendre trop longuement sur la
recevabilité, mais puis-je vous faire remarquer qu'indépendamment
de l'aspect strictement légal de cette motion d'amendement, il
apparaît encore évident que cette motion n'a aucun objet valable,
parce qu'à moins que le Parti québécois ait
décidé que les principes les plus élémentaires de
bon sens n'existent plus, c'est-à-dire que la partie est comprise dans
le tout, je ne vois pas, lorsque nous décidons si nous décidions
de convoquer les auditions publiques, ce qui nous empêcherait d'entendre
le professeur en question et toute autre personne. En d'autres termes, d'une
part, le Parti québécois nous dit qu'il est essentiel, qu'il est
important que l'on vérifie d'une façon absolue la
constitutionnalité de cette loi et, par le même mouvement, on veut
restreindre et je me place dans la logique du Parti
québécois l'audition à un seul expert.
M. MORIN: C'est un sous-amendement.
M. HARDY: On veut restreindre l'audition à un seul expert. On met
en cause la constitution-nalité, et c'est comme si on nous disait que le
professeur que l'on veut convoquer, malgré que je suis bien prêt
à admettre toute sa compétence et toute sa science, mais Dieu
sait qu'en matière juridique, les plus grands experts peuvent arriver
à des conclusions diamétralement opposées, ce n'est pas
propre à la science juridique, c'est également propre à
beaucoup d'autres disciplines scientifiques...
M. le Président, d'une part la motion d'amendement n'ajoute rien.
Non seulement, elle n'ajoute rien, mais elle restreint la portée.
Parce que si on l'adoptait telle qu'elle, cela voudrait dire par la
suite que l'on serait restreint à entendre une seule personne sur la
constitutionnalité, et si par hasard, le témoignage de cette
personne faisait surgir d'autres questions, il faudrait refaire une autre
motion. Tandis que la première motion je me place toujours dans
la logique du Parti québécois ne restreint aucunement les
personnes à être entendues. Or, il m'apparaft
évident...
M. LESSARD: Trois minutes.
M. HARDY: ... M. le Président, qu'en plus d'être
irrecevable, parce qu'elle ne colle pas exactement au texte, il est
évident que cette motion d'amendement n'a pour seul but, et seul
objectif, de permettre à chacun des députés
péquistes de parler encore durant 20 minutes sur la motion et d'ajourner
inutilement nos travaux. Mais, encore une fois, si on se place dans l'optique
du Parti québécois, si ses membres sont sincères dans leur
démarche, c'est qu'on puisse, le plus tôt possible, entendre le
témoignage. En allongeant inutilement le débat, en permettant
à chaque député péquiste de parler 20 minutes sur
la motion d'amendement qui, encore une fois, aura non seulement aucun
résultat positif, mais viendrait restreindre la portée de la
motion telle qu'elle était devant nous avant cette motion d'amendement,
on retarde inutilement les travaux.
M. le Président, ne sommes-nous pas en droit de nous demander si
le Parti québécois veut faire du "filibustering" intelligent,
parce qu'il y a possibilité, encore une fois, je le
répète, de faire du "filibustering" intelligent...
M. CHARRON: J'invoque le règlement. Ce discours très
intéressant et cette participation inqualifiable de notre ministre des
Affaires culturelles au débat sur les motions, qui nous est d'une
très grande utilité d'ailleurs, comme on a dû lui dire au
conseil des ministres hier soir... Je prierais le ministre des Affaires
culturelles qui aime utiliser entièrement ses 20 minutes de droit de
parole sur le fond d'une motion, de le garder pour le moment où le
président nous invitera à parler sur le fond de la motion. Nous
serons alors tout à fait heureux d'entendre ce que le Sherlock Holmes du
Parti libéral a découvert dans les stratégies de
l'adversaire, M. le Président.
Mais il a lui-même soulevé la question de la
recevabilité. Je vous prierais de le tenir à argumenter, pendant
20 minutes. Je n'ai aucune espèce d'objection à ce que le
volubile député de Terrebonne...
M. HARDY: Je ne jouerai pas votre jeu.
M. CHARRON: ... utilise ses 20 minutes sur la recevabilité.
M. HARDY: Je ne jouerai pas votre jeu.
M. CHARRON: Mais parlez de la recevabilité, vous aurez aussi
droit à 20 minutes sur l'amendement du chef de l'Opposition...
M. HARDY: Je ne me ferai pas complice des adversaires de la langue
officielle.
M. CHARRON: ... Vous aurez droit à 20 minutes sur la motion, de
toutes les interventions, M. le Président, ce n'est certainement pas
nous qui voudrions le priver de les faire.
M. HARDY: M. le Président...
M. CHARRON: Mais qu'il les fasse au bon moment. Là, c'est la
recevabilité qui est en discussion.
M. HARDY: ... j'étais sur la recevabilité de la motion, et
je vous disais qu'elle est irrecevable, parce que non conforme aux
règlements, et inutile, parce qu'elle vient restreindre la portée
de la motion principale.
M. LESSARD: M. le Président, sur la recevabilité.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saguenay, sur la
recevabilité.
M. LESSARD: M. le Président, le ministre responsable des Affaires
culturelles nous dit que cette motion est irrecevable parce qu'elle n'est pas
conforme aux règlements.
M. le Président, j'inviterais le ministre responsable des
Affaires culturelles à lire quand même l'article 70 du
règlement qui concerne justement les motions d'amendement.
L'article 70, M. le Président, est très clair: "Un
amendement doit se rapporter directement au sujet de la motion
proposée..." Or l'amendement proposé par le chef parlementaire de
l'Opposition se rapporte directement au sujet de la motion proposée par
le député de Saint-Jacques hier, je pense. Si je continue, M. le
Président,... "et ne peut avoir que les objets suivants: retrancher,
ajouter des mots ou les remplacer par d'autres".
Quant à retrancher, la motion du chef parlementaire de
l'Opposition ne retranche pas de mots, mais elle ajoute des mots à la
motion présentée hier par le député de
Saint-Jacques, mots qui sont conformes, justement, à cette motion.
L'amendement serait irrecevable et j'aurais aimé voir
plaider le ministre responsable des Affaires culturelles sur ce point si
son effet était d'écarter la question principale sur laquelle il
a été proposé et il en est de même d'un
sous-amendement par rapport à un amendement.
M. le Président, il ne s'agit aucunement d'écarter ici la
motion du député de Saint-Jacques. Au contraire, il s'agit de
préciser la motion du député de Saint-Jacques. Il s'agit
je parlerai sur la restriction tout à l'heure d'assigner
particulièrement un témoin, M. McWhinney, qu'on considère
comme étant un expert constitutionnel.
Le ministre nous a dit que c'était un amendement qui restreignait
la motion principale du député de Saint-Jacques. Je dis qu'il est
vrai que cette motion est une motion de restriction en ce qui nous concerne,
mais en quoi cela empêche-t-il le ministre des Affaires culturelles de
présenter un sous-amendement, tel que prévu à l'article 72
des règlements? "Un amendement peut être amendé, mais un
sous-amendement ne peut être amendé."
En ce qui nous concerne, nous n'avons aucune objection à ce que
le ministre responsable des Affaires culturelles présente ce
sous-amendement. Probablement que le ministre des Affaires culturelles voudrait
aussi convoquer des experts qu'il connaît, qui seraient ses propres
experts qui viendraient peut-être, dans leurs affirmations, en
contradiction avec les affirmations du professeur McWhinney.
Mais, en ce qui nous concerne, nous n'avons aucune objection à
cela et, si le ministre veut le faire, qu'il fasse un sous-amendement. Quant
à nous, nous avons déjà eu la position du professeur
Scott. Nous voulons avoir la position d'un des éminents membres de la
commission Gen-dron, à savoir celle du professeur McWhinney.
Quand je me base sur les règlements, je ne vois aucunement en
quoi la motion du chef de l'Opposition serait irrecevable. Ce n'est pas tout
pour le ministre des Affaires culturelles d'affirmer ainsi qu'une motion est
irrecevable, comme il le fait depuis le début de la commission de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications. Il faut
quand même que ce ministre responsable, qui a déjà
été vice-président de l'Assemblée nationale, nous
dise, en se basant sur les principes du règlement, en quoi une telle
motion était irrecevable.
Hier, le président suppléant de l'Assemblée
nationale, à cette commission, a décidé de préciser
ou d'élargir la motion du député de Saint-Jacques. Le
député de Saint-Jacques a accepté cette motion telle que
présentée par le président suppléant à la
commission de l'Assem- blée nationale, mais rien ne nous empêche
de bien préciser quel témoin nous voulons assigner à cette
commission parlementaire et c'est l'objectif de la motion
présentée par le chef de l'Opposition.
M. LEGER: M. le Président, sur un point de règlement,
avant que vous ne soyez complètement éclairé.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Lafontaine. Sur la
recevabilité.
M. LEGER: Sur la recevabilité.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Pendant trois minutes.
M. LEGER: A l'article 70, à la quatrième ligne, il y a les
mots "ajouter des mots" à une motion. C'est conforme au règlement
d'ajouter des mots à une motion pour éclaircir cette motion, pour
la rendre plus précise et pour permettre d'atteindre les objectifs que
nous voulions atteindre par la motion principale, et je m'explique.
Si la motion principale actuelle qui permet l'audition publique
était refusée, il ne nous serait pas permis de présenter
un amendement pour atteindre telle ou telle personne. En ajoutant les mots pour
préciser, au cas où la motion serait refusée, cela nous
permet de dire que ce que nous voulons atteindre comme objectif, c'est
précisément, par cette audition publique, d'entendre la personne
particulièrement concernée et suffisamment compétente pour
éclairer l'Assemblée nationale.
Si les membres de cette commission refusaient de voter pour la motion
principale, nous n'aurions pas la possibilité d'inviter des personnes
particulières. Cela entre dans l'esprit même de ce que disait le
ministre tantôt, parce que lui n'avait pas objection à inviter des
spécialistes, mais de ne pas inviter n'importe qui.
Alors, si la motion principale n'est pas suffisamment claire parce
qu'elle dit "l'audition publique" et que les députés
ministériels voteraient contre, nous ne pourrions pas inviter, entre
autres, M. McWhinney, qui est un spécialiste, à venir expliciter
sa position et compléter, peut-être, le rapport que le ministre a
entre les mains et dont nous n'avons pas pris connaissance; ceci permettrait
peut-être à M. McWhinney d'avoir la possibilité d'aller
plus loin que son rapport et d'éclairer davantage la commission. C'est
la raison pour laquelle, M. le Président, selon l'article 70,
l'amendement que nous avons proposé nous permet d'ajouter des mots
clarifiant, précisant l'essentiel de l'esprit que nous voulions
énoncer et les objectifs que nous voulions atteindre par la motion
principale. C'est la raison pour laquelle, M. le Président, elle est
complètement recevable selon les articles 70 et 72.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Quant à la recevabilité de
l'amendement, je suis tout à fait d'accord avec les opinants de
l'Opposition officielle sur la partie de l'article 70 qui dit qu'il est permis
d'amender une motion principale en ajoutant des mots, mais encore faut-il que
ces mots ne changent pas le sens, n'écartent pas la question principale.
Lorsque le député de Saint-Jacques a formulé une motion
que j'ai déclarée irrecevable hier, il s'agissait bel et bien
d'exactement la même motion que nous serions appelés à
débattre aujourd'hui si nous acceptions l'amendement proposé. Je
suis convaincu que l'amendement, tel qu'il est formulé, n'est pas
recevable.
M. LEGER: Pardon? Qu'est-ce que c'est cela?
LE PRESIDENT (M. Gratton): II n'est absolument pas recevable parce qu'il
écarte justement... Un instant.
M. LESSARD: Oui.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Quand j'ai expliqué...
M. LEGER: A quoi sert ce règlement-là?
LE PRESIDENT (M. Gratton): ...les raisons qui motivaient mon refus
d'accepter la motion originale du député de Saint-Jacques hier,
j'ai dit qu'il fallait et j'ai suggéré d'ailleurs un texte qui
reliait le tout à l'article 154. Alors, l'article 154 parle d'auditions
publiques et, en fait, avec l'amendement proposé ce matin, on ne fait
pas que restreindre la portée de la motion principale, mais, à
mon avis, on l'écarté. J'inviterais simplement le chef de
l'Opposition à formuler de nouveau son amendement.
M. LESSARD: Une directive, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.
M. LESSARD: Je voudrais que vous précisiez en quoi la motion du
chef de l'Opposition écarte la motion principale qui était
audition publique. M. le Président, la motion principale...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vais vous répondre tout de
suite.
M. LESSARD: Une minute. C'était audition publique. Est-ce que,
lorsque le professeur McWhinney va venir ici devant la commission de
l'Assemblée nationale, cela ne serait pas une audition publique? Cela va
être une audition publique.
En quoi, maintenant, M. le Président, cela peut-il écarter
la motion principale alors qu'il est possible, justement en vertu de l'article
72, de faire un sous-amendement et de prévoir d'autres personnes qui
peuvent venir témoigner? Ce qu'on veut, ce n'est pas n'importe quelle
personne qui va se présenter devant la commission parlementaire en
audition publique, mais bien des experts reconnus, des consti-tutionnalistes
reconnus. Je me pose la question, lorsque vous dites que la motion du
député de Sauvé écarte la motion principale du
député de Saint-Jacques, au contraire, cette motion ne vient que
préciser la motion du député de Saint-Jacques...
M. BOURASSA: Avez-vous une autre motion à faire?
M. LESSARD: ... et n'écarte aucunement la possibilité
d'auditions publiques parce que, de toute façon, ça va se faire
en audition publique.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui, mais la directive que vous me demandez,
c'est qu'avec les mots "pour entendre le professeur Edward McWhinney",
ça fait de la motion principale, que lui seul pourrait être
entendu. Si je lis le français, la formulation présente, c'est:
"que la commission consente à ce qu'il y ait audition publique durant
l'étude du projet de loi 22, après la deuxième lecture,
pour entendre le professeur Edward McWhinney". Donc, cela exclut tous les
autres que la commission pourrait vouloir entendre. C'est dans ce sens que je
dis que l'effet de l'amendement est d'écarter la question principale.
Puisque la question principale, relativement à l'article 154, comme je
l'ai expliqué hier, c'est d'avoir des auditions publiques.
M. MORIN: M. le Président, j'ai cru comprendre que vous aviez une
suggestion à me faire. Je la recevrai volontiers.
LE PRESIDENT (M. Gratton): En fait, je préférerais ne pas
faire de suggestion. Je suis convaincu que le chef de l'Opposition officielle
pourrait sûrement consulter son leader parlementaire pour formuler...
M. MORIN: Non, je vous demande une directive.
M. BOURASSA: Vous avez une autre motion à faire, de toute
façon?
M. CLOUTIER: Passons donc à l'autre motion, on reviendra à
celle-là.
M. BOURASSA: Vous avez tout un "stock" de motions, vous faites comme
l'Union Nationale sur la carte électorale. Vous essayez de sauver votre
peau.
M. CHARRON: Vous faites comme l'Union Nationale avec le bill 63.
M. BOURASSA: C'est un mythe, ça. Si l'Union Nationale avait
été plus fédéraliste, elle serait à votre
place aujourd'hui.
M. CHARRON: Si l'Union Nationale avait été plus
respectueuse des Québécois, elle ne serait pas morte, non
plus.
M. MORIN: Tout ça, c'est de la spéculation. Revenons-en
à nos moutons, M. le Président, il s'agit de savoir si vous
pouvez me donner une directive. Comment puis-je, par une motion, restreindre la
portée de la motion que vous nous avez suggérée
vous-même hier et qui a été reprise à son compte par
le député de Saint-Jacques, pour qu'il y ait des auditions
publiques. Nous voulons, nous, que les auditions publiques ne portent que sur
la constitutionnalité. Nous ne voulons pas rouvrir entièrement
parce que, de toute façon, nous nous rendons compte que le gouvernement
ne votera jamais pour une motion de réouverture complète. Nous
voulons être réalistes. Nous nous rendons compte que le
gouvernement, peut-être, nous appuierait sur une motion ouvrant le
débat aux spécialistes en matière constitutionnelle. Je
vous demande la directive: Comme puis-je, de la sorte, restreindre la
portée de la motion...
M. HARDY: La première motion...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, à l'ordre!
M. MORIN: ... que vous nous avez faite hier?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je peux penser à au moins deux ou
trois formulations...
M. LESSARD: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): ... laissez-moi donc finir! Pour une
fois...
M. LESSARD: Oui, allez-y. Mais en quoi le règlement...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre...
M. LESSARD: ... vous empêcherait-il de restreindre notre
motion?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Je viens de vous l'expliquer.
M. LESSARD: Pourquoi le règlement m'empêcherait-il de le
faire?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A tout événement, dans mon
grand désir de collaboration avec l'Opposition officielle...
M. MORIN: Oui.
LE PRESIDENT (M. Gratton): ... je n'ai pas l'intention de vous formuler
deux ou trois suggestions qui me viennent à l'esprit et qui rendraient
votre motion d'amendement acceptable.
M. CHARRON: Vous pouvez en suggérer une.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vais vous suggérer qu'on suspende
les travaux. Il est une heure moins sept minutes, on va suspendre les travaux
de la commission normalement jusqu'à 15 heures et l'Opposition
officielle pourra sûrement se formuler un amendement qui sera
jugé...
M. CLOUTIER: Oui, vous pouvez trouver d'autres trucs. Vous avez trois
heures.
LE PRESIDENT (M. Gratton): La commission suspend ses travaux
jusqu'à cet après-midi, 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 52)
Reprise de la séance à 15 h 15
M. GRATTON (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs!
M. MORIN: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Au moment de la suspension, la suggestion
avait été faite de reformuler l'amendement.
M. MORIN: Oui.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable chef de l'Opposition
officielle.
Amendement à la motion
M. MORIN: A votre suggestion, je me suis permis de rédiger un
nouvel amendement qui vous serait acceptable et la motion se lirait donc comme
suit: "Que soient ajoutés à la fin de la motion principale les
termes suivants: Pour entendre l'avis d'experts sur le projet de loi à
l'étude, notamment en faisant appel à l'une ou l'autre ou
à plusieurs des personnes suivantes: MM. les professeurs Edward
McWhinney et Frank R. Scott ainsi que MM. Jean-Charles Bonenfant, Louis M.
Bloomfield, Pierre Pate-naude, François Chevrette, Gérald
Beaudoin, A. Abel, Henri Brun, Jean Samson et Steven Allan Scott."
Voici le texte écrit, M. le Président. J'ai, à
votre suggestion, supprimé l'allusion aux aspects constitutionnels dans
cet amendement, mais il est bien clair que, dans l'esprit de l'Opposition,
compte tenu du fait que toutes les personnes énumérées
sont des spécialistes du droit constitutionnel, nous n'entendons pas
ouvrir la commission à toutes sortes de débats, mais à des
discussions portant sur la constitu-tionnalité du bill 22. Je vous
remercie.
M. CHARRON: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de
Saint-Jacques sur la motion d'amendement.
M. CHARRON: L'amendement que vient de présenter le chef de
l'Opposition constitue, à mon avis, une précision de la motion
que j'avais moi-même prononcée et que le chef d'Opposition vient
d'amender, en ce sens qu'elle précise et limite la portée de ce
que je vous avais dit avoir à l'esprit, lorsque j'ai
présenté la motion que nous sommes encore à
débattre, et m'apparait parfaitement acceptable dans l'esprit de ma
motion.
Effectivement, M. le Président, je vous avais signalé,
lorsque j'ai demandé que cette commission se rouvre aux conditions
publiques, qu'il ne s'agissait pas là d'une occasion d'un laisser-aller
ou toutes les tendances et toutes les opinions pourraient venir s'exprimer.
Je crois que cette étape a été
décidée comme terminée par un ordre de l'Assemblée
nationale à la suggestion du ministre de l'Education et qu'il m'est
interdit en vertu d'un vote pris par l'Assemblée qui a
déjà tranché la question, même si j'en avais
l'intention de demander que cette étape s'ouvre à
nouveau.
Non, M. le Président, je pense vous avoir très clairement
indiqué, hier après-midi, en présentant ma motion, qu'il
s'agissait effectivement de préparer l'argument de défense
constitutionnelle qu'aura vraisemblablement à soutenir, à un
moment ou à un autre, le gouvernement face aux intentions
annoncées, du côté du gouvernement de la majorité
anglaise du pays, d'étudier la possibilité de désavouer
cette loi.
Je n'ai pas les titres et encore moins la qualité du chef de
l'Opposition pour traiter de droit constitutionnel et des aspects
constitutionnels de ce projet de loi. Je l'ai fait hier en profane, reprenant
en cela ce que n'importe qui pouvait signaler, soit la possibilité que
l'affirmation de l'article 1 du projet de loi 22 apparaisse en contradiction
et, en ce sens, inacceptable dans la cohabitation juridique avec l'article 133
de la constitution canadienne ou, si vous voulez, du British North America Act
qui nous sert de constitution, que ce gouvernement se refuse à
rappeler.
Le chef de l'Opposition a expliqué encore plus clairement que je
ne pourrais jamais le faire. Un jour ou l'autre il nous faudra trancher cette
anomalie sur le plan constitutionnel, mais j'aimerais, en appuyant la motion
d'amendement du chef de l'Opposition, vous expliquer pourquoi tous ces
personnages qui sont nommés dans l'amendement du chef de l'Opposition
seraient d'une parfaite utilité pour la commission, car je ne crois pas
que la question constitutionnelle ou, si vous aimez mieux, le litige
constitutionnel qui peut exister autour du projet de loi 22 ne concerne que la
disposition de l'article 1 par rapport à l'article 133 de la
constitution.
Si le chef de l'Opposition a élargi le nombre d'experts que nous
voulons présenter à la commission comme une réserve
à l'intérieur de laquelle elle pourrait puiser pour se documenter
et affermir ses positions constitutionnelles, c'est qu'il y a plus que la
coexistence de l'article 1 et de l'article 133 de la constitution. Il en va de
l'applicabilité de ce projet de loi lui-même. Je crois que c'est
la responsabilité du législateur que de s'assurer, avant
même d'entamer les débats d'une loi article par article, que, dans
l'éventualité d'une entente sur une modification ou sur le texte
premier d'une loi, on soit au moins assuré qu'elle est applicable.
Or, M. le Président, laissez-moi vous signaler des cas de la loi
ou des terrains d'application où cette loi risque d'éprouver des
difficultés. D'abord, nous n'avons pas tranché, et ce n'est
pas
clair encore aujourd'hui, même après les auditions
publiques pendant quelques semaines: Qu'advient-il de l'applicabilité de
cette loi aux employés de la couronne fédérale
elle-même? Toutes les mesures, qui sont contenues dans cette loi pour
inciter à la francisation du monde du travail, s'appliquent-elles aux
employés de la couronne elle-même, en particulier, je dirais, pour
reprendre une expression un peu plus moderne, aux fonctionnaires
québécois travaillant au Québec, mais à l'emploi du
gouvernement fédéral? Cela n'a pas été
tranché. Nous ne savons pas si le gouvernement du Québec a le
pouvoir et est en droit d'intervenir pour changer les relations de travail et
le mode de travail des fonctionnaires fédéraux.
Est-ce que tous ces fonctionnaires fédéraux, par le fait
que leur employeur est un gouvernement étranger aux
Québécois, se trouveraient exclus de la portée de cette
loi? Ce n'est pas une mince question, ce n'est pas une question à
prendre à la légère non plus. Car, qui est mieux
placé que le député de Gatineau pour le savoir? Vous avez
entendu, à la table de cette commission, des témoins provenant de
la région de l'Outaouais et qui nous ont affirmé que, dans cette
région, l'anglicisation est parfaitement due à la présence
du gouvernement fédéral et à l'entrée massive du
gouvernement fédéral dans cette région du Québec.
Plus que cela, le ministre des Communications, dans son intervention poivre et
sel, au moment de la deuxième lecture, s'est permis de nous dire que le
facteur premier d'anglicisation sur le territoire du Québec était
le gouvernement fédéral lui-même. Nous devons donc nous
assurer que cette loi s'applique et s'appliquera, dans
l'éventualité de son adoption en troisième lecture,
également aux fonctionnaires fédéraux et que ce n'est pas
parce qu'ils sont à l'emploi d'un gouvernement qui appartient à
une autre majorité que, lorsqu'ils sont sur le territoire du
Québec, ils sont exclus des lois québécoises et peuvent
s'en absoudre. Ce n'est pas une question facile à trancher.
C'est exactement pourquoi le chef de l'Opposition a parfaitement raison
de soumettre à la commission une réserve d'experts en droit
constitutionnel qui pourraient venir nous aider à rédiger la loi
pour nous assurer de sa portée même chez les fonctionnaires
à l'emploi d'un gouvernement étranger, ou si vous voulez,
à l'emploi de la couronne, comme on aime à appeler cette
expression.
J'interviens à nouveau avec un autre exemple, M. le
Président. Est-ce que les employés du Canadien National, est-ce
que les employés d'Air Canada les employés, travaillant
pour ce qu'on appelle habituellement encore une fois, pour reprendre notre
vocabulaire traditionnel, des sociétés de la couronne sont
touchés, ou plus, M. le Président, si vous me permettez, peuvent
être touchés par une loi québécoise? Voilà
donc le litige constitutionnel sur la table, M. le Président. Ce n'est
pas sans intérêt, car s'il est des compagnies où on a dit
que très souvent, le français était bafoué,
où on avait de la difficulté à se faire servir dans sa
langue, même sur un train de banlieue entre Montréal et la
banlieue métropolitaine, ou encore de recevoir des services dans sa
langue lorsque, comme citoyen, on emploie les services d'Air Canada. Vous savez
tous les procès qu'on a faits à ces compagnies et tout le
blâme public qu'elles ont eu l'occasion de porter et qu'elles n'ont que
très légèrement corrigé au fil des années,
M. le Président.
Nous devons donc nous assurer et savoir si le gouvernement
québécois a droit d'intervenir pour imposer ses règles de
francisation, qu'il a l'intention d'imposer dans les autres secteurs du monde
du travail, à ces sociétés de la couronne qui
échappent, dans leur entité, à la juridiction
québécoise. Mais parce qu'elles ne sont pas des créations
de l'Assemblée nationale, parce qu'elles n'émanent pas de ce
gouvernement mais plutôt d'un autre, peuveut-elles être soumises
à une loi québécoise qui modifie les relations de travail,
et qui vise, qui incite à ce que la langue de la majorité
devienne la langue de travail dans ces entreprises?
Ce n'est pas une mince question, et peut-être que dans la liste
non exhaustive, mais quand même suffisamment large que nous a
donnée le chef de l'Opposition, des experts en droit constitutionnel que
la commission pourrait inviter, pourraient-ils nous aider à nous faire
une idée claire et nette, précise quant à la portée
de cette loi pour les compagnies de la couronne?
Prenons un autre exemple, M. le Président, où le litige
constitutionnel peut encore exister. Les compagnies à charte
fédérale, opérant au Québec, sont-elles, oui ou
non, soumises à la loi 22 le jour où elle serait
appliquée?
Que pouvons-nous faire dans notre juridiction, dans les limites de la
juridiction de ce gouvernement paroissial pour qu'un jour, même ces
employés de compagnies à charte fédérale soient
soumis aux lois?
Voulez-vous que je vous donne un exemple? La compagnie Bell Canada
ltée fonctionne au Québec à partir d'une charte
fédérale. Demandez au ministre des Communications. Il est le
premier à s'en rendre compte.
M. MORIN: C'est-à-dire qu'elle a été
déclarée d'intérêt national.
M. CHARRON: Voilà.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Laporte.
M. DEOM: Ce que le député de Saint-Jacques dit est
absolument faux parce que la compagnie de téléphone Bell
Canada...
M. CHARRON: Elle a été déclarée
d'intérêt national.
M. DEOM: Pardon? Laissez-moi finir. La compagnie de
téléphone Bell Canada ne fonctionne pas en vertu d'une charte
fédérale mais en vertu d'une loi du Parlement canadien.
M. CHARRON: Elle a été déclarée
d'intérêt national. C'est ce que je vous précise. Cette
compagnie en vertu d'une loi, a été déclarée
d'intérêt national. Peut-elle et c'est toute la question de
nos pouvoirs constitutionnels en cette matière être soumise
ou, à l'inverse, peut-elle en vertu de cette loi qui la déclare
d'intérêt national, échapper sur plusieurs champs à
la juridiction québécoise? Cela autorise-t-il Bell Canada
à ne pas se soumettre à des programmes qui,
éventuellement, à la suite d'un amendement à la loi,
deviendraient obligatoires pour les entreprises opérant au
Québec, et qui ne se contenteraient pas d'être ainsi
incitatifs?
Le député de Laporte, qui vient de m'inter-rompre
je dois le dire a été un des plus fidèles
spectateurs de notre commission, tout au cours des auditions publiques. Le
député de Laporte était ici lorsque les
représentants de la compagnie Bell Canada sont venus nous
démontrer, annuaire en main et petit manuel en main, les efforts de
francisation de l'entreprise, un peu pour justifier et se justifier de ne faire
reposer les efforts de francisation de leur entreprise qu'à partir de
leur propre initiative. Ils sont venus un peu nous dire: Pas besoin de loi pour
franciser le monde du travail. Regardez ce que nous avons fait de
nous-mêmes. Nous avons tous nos petits manuels. Nous avons tous nos
petits annuaires en français et tout va pour le mieux dans le meilleur
des mondes à la compagnie Bell Canada.
Mais n'était-ce pas pour nous rappeler, en même temps, que
même si la loi québécoise décidait de la soumettre,
comme toutes les autres entreprises qui fonctionnent à partir d'une
charte québécoise ou qui n'ont pas comme Bell Canada
bénéficié d'une loi qui les déclarait
d'intérêt national, n'était-ce pas pour nous rappeler que,
tôt ou tard, même si nous apportions des modifications à la
loi 22, elles peuvent échapper à une juridiction
québécoise en cette matière? Ce n'est pas clair.
Le député de Laporte me fait signe que non. Les messieurs
de Bell Canada soutenaient le contraire. Pouvons-nous, par ce seul exemple,
voir que la question n'est pas tranchée et que l'amendement que
présente le chef de l'Opposition est parfaitement justifié. Nous
avons besoin de savoir la réelle portée constitutionnelle de
cette loi et savoir si nous pouvons fonctionner de cette façon. Autre
exemple, M. le Président, que vous me permettrez de donner et qui prouve
encore une fois le bien-fondé de l'amendement du chef de l'Opposition,
que les aspects constitutionnels de cette loi sont loin d'être
clairs.
Vous connaissez, M. le Président, les dispositions des articles
de la loi qui...
M. DEOM: C'est l'article 34, M. le député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: Non. Ce n'est pas l'article 34 dont je veux parler.
M. DEOM: Non, mais cela couvrait ce que vous disiez tantôt.
M. CHARRON: Je veux parler des articles de la loi qui traitent de
l'étiquetage.
M. CLOUTIER: M. le Président, est-ce qu'on discute article par
article?
M. CHARRON: Non.
M. CLOUTIER: J'ai eu un moment de distraction. Ah non! Nous n'avons pas
encore commencé l'article 1.
M. MORIN: Cela viendra.
M. CLOUTIER: Est-ce qu'il vous paraît je l'espère,
c'est ce que nous souhaitons depuis trois jours est-ce qu'il est permis,
M. le Président je parle sur un point de règlement
d'invoquer les articles d'une loi alors que nous n'avons pas commencé
à discuter la loi?
M. CHARRON: Je ne les ai pas invoqués, M. le Président,
j'ai dit que dans la loi il y a des dispositions qui traitent de
l'étiquetage. Est-ce que quelqu'un peut nier cela? Même le
ministre de l'Education a-t-il à ce point oublié son bill pour
dire qu'il ne traite pas de l'étiquetage?
M. CLOUTIER: J'ai demandé une directive, M. le Président,
sur ce point de règlement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je pense que le député de
Saint-Jacques, en faisant allusion aux diverses dispositions
générales et particulières du bill, peut argumenter en
faveur de la motion d'amendement.
M. CHARRON: Merci, M. le Président.
M. CLOUTIER: Et ceci ne constitue pas le début de l'étude
article par article.
M. CHARRON: Non. Aucunement.
M. CLOUTIER: Je ne voudrais pas que le PQ commence sans s'en rendre
compte.
M. CHARRON: Non. Ne vous inquiétez pas.
M. CLOUTIER: Parce que j'ai nettement l'impression que sa
stratégie, c'est justement d'éviter le débat de fond.
M. CHARRON: Quand on commencera arti-
cle par article, le premier à s'en rendre compte, s'il est encore
avec nous, ce sera le ministre de l'éducation, mais...
M. CLOUTIER: Alors, est-ce à dire que vous comptez
procéder pendant plusieurs mois?
M. CHARRON: Cela dépendra de vos réponses à nos
amendements.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! à l'ordre!
M. CHARRON: M. le Président, je reviens à ce que
j'étais en train de dire. Il y a des dispositions dans la loi, le
règlement m'interdit d'y faire référence de façon
précise, je me soumets au règlement, mais vous savez comme moi
qu'il y a des dispositions qui touchent à l'étiquetage. Des
comparants à la table de cette commission sont venus suggérer des
amendements que nous aurons tôt ou tard l'occasion de vérifier et
au besoin d'inclure dans la loi.
Mais, M. le Président, vous savez qu'à chaque fois que le
gouvernement québécois intervient sur ce chapitre litigieux de
l'étiquetage, il se soumet lui-même à une impasse
constitutionnelle. Deux exemples que je vous donne. La loi 45 que nous avons
votée il y a à peu près deux ou trois ans, et qui
s'appelait la Loi pour la protection du consommateur, contient des dispositions
qui permettraient au ministre responsable de la protection du consommateur
d'intervenir au chapitre de l'étiquetage des produits.
Or, c'est un secret de polichinelle que le ministre n'a jamais
appliqué ces articles. Il a le pouvoir, en vertu de la loi, de le faire;
il ne l'a jamais fait, pour une seule et simple raison, c'est qu'il craint les
représailles constitutionnelles à ce chapitre et il ne sait pas
si, dans la mesure où il appliquerait ces dispositions de la loi 45, il
ne serait pas soumis automatiquement à une contestation de la
constitutionnalité de cette intervention législative
québécoise par le gouvernement central du pays.
Autre exemple, M. le Président. La Loi des marchés
agricoles stipule que tout particulier qui découvre qu'un produit
alimentaire toutes ces dispositions sont bien connues, mais je ne fais
que les rappeler au ministre qui ne respecte pas le caractère
prioritaire du français peut être dénoncé par
n'importe quel citoyen du Québec. Or, vous savez qu'une compagnie,
Dominion, pour ne pas la nommer, a contesté la constitutionnalité
de cette loi devant un tribunal de Chicoutimi mon collègue aura
certainement l'occasion de parler tout à l'heure est dans une
impasse actuellement. Le gouvernement du Québec est en appel à la
cour Supérieure. Devant le jugement de cette cour, on a contesté
la constitutionnalité de ce chapitre de la loi sur l'étiquettage
sous prétexte qu'il interférait au libre commerce
interprovincial, ce qui est contenu dans la constitution, le British North
America Act du Canada.
M. le Président, je ne veux pas vous donner un cours de
constitutionnalité, ce n'est pas le domaine où je me sens le plus
à l'aise, mais je suis un citoyen québécois et un
député québécois qui a eu l'occasion, au cours des
trois ou quatre dernières années, de vérifier que
plusieurs interventions linguistiques ont souvent donné l'occasion de
contestations constitutionnelles de la part du gouvernement central, outre ce
qu'a signalé le député de Sauvé et le chef de
l'Opposition ce matin, la coexistence injustifiable de l'article 133 de la
constitution, non modifié, et de l'article 1, de la présente loi
22.
Tout ça, ces exemples que je vous ai donnés, ces besoins
de lumière dont nous avons besoin... Est-ce que les employés de
la couronne, je vise les employés fédéraux, sont
touchés par la loi, ces 76,000 fonctionnaires québécois
à l'emploi du gouvernement fédéral? Est-ce que les
compagnies de la couronne comme le Canadien National, Air Canada peuvent
être touchées, par une loi québécoise? Est-ce que
les compagnies à charte fédérale ou les compagnies qui
font affaires sur le territoire québécois, à partir d'une
loi qui les a déclarées d'intérêt national, peuvent
être touchées par une législation
québécoise?
Finalement, pouvons-nous revenir sur le chapitre de l'étiquetage
et étendre ce que le Parlement québécois a
déjà voté pour les produits alimentaires à
l'ensemble des produits, sans automatiquement encourir les foudres
fédérales et la contestation de cette disposition
constitutionnelle québécoise?
Tout cela, M. le Président, m'apparaît comme étant
un élément de justification à l'appui de l'amendement
proposé par le chef de l'Opposition, pour que nous entendions ces
experts québécois et, à l'occasion, étrangers qui,
si vous regardez la liste que nous vous avons soumise, pourraient certainement
nous éclairer. Je crois que l'intention du législateur doit
être que tout ce qui se passe au Québec doit être
touché par une loi québécoise et ce sont les gens
indiqués pour nous aider à le faire.
Merci, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de
Lafontaine sur la motion d'amendement.
M. CLOUTIER: Ils parlent tous?
M. LEGER: M. le Président...
M. CLOUTIER: Ils vont tous parler?
M, LEGER: Je ne sais pas, M. le Président, on verra. C'est une
question hypothétique comme souvent les réponses que donnent les
ministres du gouvernement quand on leur pose des questions.
M. CLOUTIER: Comme votre armada procédurière n'est pas au
complet, il manque le
député de Maisonneuve, je me demandais si vous alliez tous
parler.
M. LEGER: Vous allez vous en apercevoir, M. le Pésident, à
mesure. Vous verrez qu'il manque pour chacun des députés
suffisamment d'arguments pour vous convaincre... Comme de raison, si le
ministre nous dépose tout à coup, sur la table, tous ses
règlements, principes directeurs, sans condition...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Cela a été
décidé. Si vous vouliez, cela irait tellement bien.
M. LEGER: Juste une demi-minute sur mon temps. Si vous déposez
tout ce que vous avez promis, sans condition, cela se pourrait fort bien
c'est encore une question hypothétique...
M. CLOUTIER: Très hypothétique.
M. LEGER: ... que nous n'ayons pas d'autre amendement.
M. CLOUTIER: Très hypothétique parce que je vous ai
déjà fait l'offre de le déposer à la commission
à la condition que vous mettiez fin au débat et que vous
commenciez le débat de fond.
M. LEGER: Je vous mets au défi de déposer sur la table
tout ce que vous aviez promis de déposer.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! L'honorable
député de Lafontaine sur l'amendement.
M. LEGER: M. le Président, je débute en disant au ministre
que je pourrais m'arrêter soudainement dans ce que je présente,
s'il fallait que le ministre dépose sur la table tout ce qu'il nous a
promis sans condition. S'il le fait, j'arrête soudainement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): S'il le faisait, je vous avertis tout de
suite.
M. LEGER: Oui, M. le Président, avertissez-moi tout de suite pour
que cela ne se passe pas à mon insu.
M. le Président, je ne peux pas faire autrement que d'être
très heureux et agréablement fier de remarquer la qualité
des personnes qui sont incluses dans l'amendement présenté par le
chef de l'Opposition. Celui-ci propose d'entendre l'avis d'experts. Quand je
regarde la liste, je m'aperçois que ce sont des experts de la
constitution, sur le projet de loi à l'étude, notamment en
faisant appel à l'un ou l'autre.
C'est donc dire, M. le Président, qu'il ne faut pas que les
députés membres de cette commission se sentent obligés
d'inviter tous ces experts. Il se peut que quelques-uns parmi ce groupe soient
suffisamment renseignés ou donnent une réponse suffisamment
claire pour permettre à la commission de connaître d'avance les
conséquences néfastes ou agréables de ce projet de loi 22
devant des attaques constitutionnelles qu'on pourrait lui apporter.
M. le Président, si on regarde l'éventail de ces
personnalités, on s'aperçoit qu'elles sont diversifiées au
niveau de la provenance. Nous avons des gens de l'université McGill, de
l'université Laval, de l'Université d'Ottawa, nous avons des
personnes de Toronto, de l'Université de Montréal.
Je pense qu'il y a déjà un certain éventail au
point de vue de la réalité. Il y a aussi un certain
éventail au point de vue des qualifications particulières. La
proposition... Vous voulez que je renseigne le président. Je vais parler
à travers le président, mais le ministre n'est pas là pour
recevoir ce que je vais vous envoyer.
M. le Président, la première personnalité...
UNE VOIX: II va être désappointé d'être
parti.
M. LEGER: ... que nous voulions convoquer, c'était M. McWhinney.
Je ne m'étendrai pas, au grand désagrément du
député de Terrebonne, sur ce sujet, puisque je l'ai fait
suffisamment ce matin sur la motion principale, alors que j'ai
démontré qu'une audition publique nous aurait permis de faire
venir ce spécialiste qui, d'ailleurs, a écrit le Tome II du
rapport de la commission Gendron sur les "language rights".
M. le Président, M. McWhinney, tout le monde le sait, c'est un
éminent professeur à McGill et est capable de démontrer
ici sa compétence...
M. BEAUREGARD: II a quitté McGill depuis longtemps.
M. LEGER: ... et de s'expliquer, selon les questions qui lui seront
posées peut-être uniquement par les députés de
l'Opposition mais peut-être aussi par les députés
gouvernementaux.
M. DEOM: Le député de Lafontaine...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. LEGER: Oui, le député de Laporte.
M. DEOM: ... sait-il que le professeur McWhinney a laissé McGill
pour une université de la Colombie-Britannique?
M. LEGER: Dernièrement?
M. DEOM: Est-ce que vous êtes au courant?
M. LEGER: Si vous me l'apprenez, je suis heureux d'entendre votre Te
Deum.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEGER: C'est une bonne nouvelle. De toute façon, de quelque
endroit qu'il vienne, je pense qu'il n'a pas perdu sa compétence parce
qu'il est allé en Colombie-Britannique.
M. BEAUREGARD: C'est une bonne nouvelle, parce qu'il nous a
quittés.
M. LEGER: M. le Président, je ne m'étendrai pas davantage
sur M. McWhinney, puisqu'il est maintenant en voyage. Il est maintenant non
seulement passé par la Colombie-Britannique selon ce que disait le
député de Laporte, mais il est en voyage en Angleterre. On se
demandait, d'ailleurs, justement ce matin, si l'appel
téléphonique que le premier ministre a reçu n'était
pas une acceptation anticipée à cette demande que l'Opposition se
préparait à présenter, puisque c'était un appel
téléphonique d'Europe.
M. TARDIF: II est en Australie, plutôt.
M. LEGER: II n'avait pas eu de réponse du premier ministre. Il
est peut-être encore au bout du fil.
M. TARDIF: II est en Australie.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs, s'il vous
plaît!
M. DEOM: Le câble transatlantique étant exploité par
une société fédérale.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. DEOM: On ne pourrait pas imposer le français.
M. LEGER: Justement, M. le Président, il est peut-être
possible, avec la présence de M. McWhinney, qui aura voyagé, par
les soins de cette société fédérale de
réaliser que, dépassé les frontières du Canada, sur
le Canadien National, si, par malheur, M. McWhinney a utilisé les
avions de Air Canada le bilinguisme n'est pas parfait à bord des
avions et que le projet de loi sur la langue au Québec obligerait
peut-être la Société Air Canada à n'avoir le
français obligatoire que sur le territoire du Québec. Est-ce que
cette société de la couronne a aussi l'obligation d'être
française, même dépassé le territoire du
Québec? Comme de raison, pour nous, il devrait y avoir uniquement du
français avec la possibilité, si nous le désirons, d'avoir
de l'anglais. Mais pour nous, principalement, c'est un problème, une
société de la couronne qui aura à accepter ou à
s'opposer peut-être à des dispositions que nous présente le
projet de loi 22.
M. le Président, je passe au deuxième personnage qui est
inclus dans l'amendement du chef de l'Opposition...
M. DEOM: Vous êtes bien sadique.
M. LEGER: ... M. Frank Scott, qui, je pense, est encore à McGill.
Je ne sais pas si le député de Terrebonne peut me dire s'il est
déménagé.
M. DEOM: Non, mais je voulais seulement dire que votre terme
"personnage"...
M. LEGER: Est-ce qu'il y a un député de Laporte?
M. DEOM: Laporte. Votre terme "personnage" était très bien
choisi, parce que "personnage", cela veut dire quelqu'un qui se prend au
sérieux.
M. LEGER: Qui se prend au sérieux? On verra cela s'il est
convoqué, M. le Président...
M. TARDIF: Un peu comme vous.
M. LEGER: ... si ses propos vont être sérieux.
M. le Président, je pense que M. Scott est à McGill; c'est
un professeur qui a déjà écrit deux articles dans les
journaux sur les droits des anglophones. Vous remarquez que nous voulons
être certains que les droits des anglophones ne soient pas brimés,
mais qu'ils n'en aient pas plus que ce à quoi ils ont droit.
M. TARDIF: Dites cela sans rire.
M. LEGER: Je suis très sérieux envers le
député d'Anjou qui, habituellement, se tient toujours près
des micros pour être capable d'intervenir au congrès du Parti
libéral.
M. TARDIF: Je ne suis pas loin.
M. LEGER: Pour être certain qu'on n'oublie pas sa présence
et que le ministre le remarque.
M. TARDIF: Vous, hélas, on ne peut pas oublier votre
présence ici.
M. LEGER: Pour qu'on puisse rapidement lui donner le poste à la
hauteur de ses ambitions.
UNE VOIX: ... aux congrès du parti?
M. MORIN: ... Les députés gouvernementaux nous font perdre
un temps précieux.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. TARDIF: Vous demanderez cela
à Léger.
M. LEGER: Alors M. le Président, nous disions donc, avant que je
sois interrompu par une impertinence du député d'Anjou, alors que
j'étais pertinemment dans le débat, que nous avions la
possibilité d'entendre ce grand spécia-
liste qu'est M. Frank R. Scott. Cela vous fait plaisir? C'est bon.
Est-ce que vous êtes rapporteur de cette commission?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Parlez donc au président.
De cette façon...
M. LEGER: M. le Président, est-ce que le député de
Gouin est un rapporteur?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Non, il n'est pas rapporteur.
M. LEGER: Je ne voudrais pas qu'il rapporte mes paroles à M.
Scott, parce que M. Scott pourrait venir ici et se demander pour quelle raison
la commission voterait contre une motion de cette qualité où on
peut utiliser les services de personnalités qui ont la compétence
voulue dans le domaine qui nous fatigue actuellement, avant de commencer
à étudier le contenu de ce projet de loi. On veut être
certain qu'on ne fait pas cela pour rien et qu'il n'y a aucun empêchement
constitutionnel et que, quand nous commencerons à toucher à
l'article 1, nous ne serons pas en dehors des possibilités du poste du
Parlement québécois. Il y a aussi, comme troisième
invité possible, M. L. M. Bloomfield, qui est un avocat et qui est aussi
président de l'International Law Association. Je me permets de faire la
traduction pour le député de Gouin, c'est le président de
l'Association des avocats internationaux.
M. BEAUREGARD: Thank you.
M. LEGER: Cela vous convient? Alors, M. Bloomfield pourra certainement
nous apporter un éclairage sur un autre aspect de la
constitu-tionnalité du projet de loi 22. Tout le monde connaît M.
Jean-Charles Bonenfant, qui est venu témoigner lors de la commission sur
la répartition des comtés, la division territoriale des
comtés, alors que nous avons étudié les projets de loi
pour modifier la carte électorale. Il y avait des problèmes de
droit importants...
M. TARDIF: C'est sur le mode de scrutin qu'il est venu
témoigner.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEGER: Je vois justement que le député de Terrebonne a
soufflé entre les deux oreilles vides du député d'Anjou
pour que celui me retourne par sa bouche les explications du
député de Terrebonne.
M. TARDIF : Mais il y a quelque chose entre entre mes deux oreilles. On
ne peut pas en dire autant de vous.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. LEGER: M. le Président,
en plus de M.
Bonenfant, il y a quand même M. François Chevrette, de
Montréal, qui est aussi un autre professeur en droit constitutionnel.
Nous allons maintenant voyager à Toronto, où nous avons
l'éminent spécialiste; M. Albert Abel. C'est un des premiers, je
crois, son nom l'indique bien, de l'Université de Toronto, il a aussi
été un professeur en droit constitutionnel à
l'Université de Toronto. Nous pourrions voir à ce moment les
réactions de la province voisine devant un projet de loi qui pourrait
devenir un précédent dans tout le Canada parmi toutes les
provinces canadiennes. Il y a aussi, et je demeure dans la province voisine, M.
Gérald Beaudoin, qui est professeur aussi dans le même domaine, en
droit constitutionnel, à Ottawa. Je vois que le député de
Terrebonne est heureux que nous n'ayons présenté qu'une dizaine
de spécialistes pour cette commission je ne les ai pas
comptés, un, deux, trois...
M. VEILLEUX: Douze, donc 50 p.c. anglophones, et 50 p.c.
M. LEGER: II y en a dix, M. le Président. Je ne sais si vous avez
bien compté, mais j'en ai dix.
M. VEILLEUX: 50 p.c. francophones, 50 p.c. anglophones. Vous ne gardez
pas le pourcentage 80 p.c.-20 p.c.
M. LEGER: Moi, j'en ai dix, je ne sais pas où vous avez pris
douze. C'est vrai que le député de Saint-Jean a réussi
à se trouver un autre fauteuil avec coussin, du côté
ministériel.
M. TARDIF: ... trois, quatre qui enveloppent comme cela.
M. LEGER: M. le Président, il y a aussi un monsieur qui s'appelle
Henri Brun, de l'Université Laval, qui aurait certainement quelque chose
à dire et qui serait peut-être prêt un des premiers à
venir témoigner.
M. VEILLEUX: Est-ce que vous me permettez?
M. LEGER: Je n'oserais jamais donner la permission au
député de Saint-Jean, qui m'interrompt sans demander la
permission.
M. VEILLEUX: Onze.
M. LEGER: Vous l'avez suffisamment fait auparavant. Vous voulez dire
qu'il y en a onze. Vous me direz lequel j'ai oublié pour que je ne
répète pas durant le temps qui m'est consacré dans ce
débat important. Il y a aussi M. Jean K. Samson, de l'université
Laval, qui, d'après moi, est le neuvième, je ne sais pas si j'en
oublie un, et M. Stephen Allan Scott.
Je comprends l'astuce, la subtilité du député de
Gouin. Cela me surprenait parce qu'habituel-
lement, ses interventions n'étaient pas aussi subtiles. Cette
fois-ci, c'était subtil, puisqu'il y a évidemment deux Scott.
M. BEAUREGARD: J'imagine que vous allez dire la même chose du
deuxième que du premier.
M. LEGER: Non, c'est parce qu'il y a certains députés
libéraux qui se mélangent entre deux scotches.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BEAUREGARD: Est-ce que vous parlez du scotch Saint-Léger?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEGER: Nous sommes rendus, M. le Président, à Stephen
Allan Scott.
M. VEILLEUX: J'avais entendu "pot", moi.
M. LEGER: M. le Président, ce M. Scott est de McGill, comme de
raison; c'est pour cela qu'il peut y avoir, parfois, une erreur entre deux
éminents spécialistes de la question constitutionnelle qui ont le
même nom deux homonymes et qui sont à la même
faculté. Je comprends les appréhensions. Il faudrait
nécessairement qu'on fasse diligence pour que, quand les convocations
seront faites, on ne fasse pas l'erreur d'envoyer deux invitations à la
même personne. Or, M. le Président, tout cela pour conclure...
M. VEILLEUX: Est-ce que vous me permettez, M....
M. LEGER: Le douzième? Vous allez nommer le douzième?
M. VEILLEUX: Non, non. Le onzième. M. LEGER: Le onzième.
Oui.
M. VEILLEUX: Est-ce que vous pourriez me donner le curriculum vitae de
M. F. Chevrette?
M. LEGER: Le quoi?
M. VEILLEUX: F. Chevrette?
M. MORIN: Oui, c'est mon collègue à l'Université de
Montréal.
M. VEILLEUX: J'ai posé la question au député de
Lafontaine.
M. MORIN: Je ne pense pas que le député de Lafontaine le
connaisse.
M. LEGER: Oui, mais il enseigne... à l'Université de
Montréal.
M. MORIN: Je pense qu'il le connaît de réputation
générale, mais si vous voulez des détails, je peux vous
les donner. Je pense même que le député d'Anjou l'a
peut-être eu comme professeur.
M. LEGER: D'ailleurs, si vous avez remarqué...
M. TARDIF: C'est après moi. Moi, je vous ai eu. Hélas!
M. LEGER: ...de la façon que je l'ai expliqué, j'ai
passé rapidement sur M. Chevrette, parce que justement c'était un
professeur de droit constitutionnel. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise
de plus? Je ne le connais pas.
M. MORIN: Méfiez-vous! Je sortirai vos notes d'examen un
jour.
M. LEGER: Je le connaîtrai davantage lorsqu'il se sera
exprimé ici, et quand le brillant député de
Saint-Jean...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! .
M. LEGER: ... aura posé les questions profondes qui le retiennent
ce temps-ci de ne pas s'exprimer sur le fond de nos questions et de nos
motions.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEGER: M. le Président, tout cela pour dire que si...
M. HARDY: Les journalistes vont rapporter cela, par exemple.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEGER: Est-ce que le député de Terrebonne a une
question à poser?
M. HARDY: ...toutes sortes de choses que les journalistes ne rapportent
pas quand c'est le député de Sauvé...
UNE VOIX: ...du chantage.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEGER: M. le Président, si nous devons, après
l'adoption de la loi 22...
M. SEGUIN: M. le Président...
M. LEGER: ...aller devant les tribunaux...
M. SEGUIN: M. le Président, est-ce que le
député...
M. LEGER: Question de règlement ou question personnelle?
M. SEGUIN: Est-ce que le député de Lafontaine me
permettrait une question?
M. LEGER: Je le connais. Habituellement, il est assez habile. Il a
beaucoup d'humour. Je vais essayer. Je vais prendre une chance.
M. SEGUIN: Sans humour et avec tout le sérieux du milieu,
êtes-vous membre de la Société des artistes?
M. LEGER: Ecoutez. J'ai posé la question au ministre tantôt
quand je lui ai dit qu'il était un bon acteur. Il jouait le rôle
de François, mais pas celui de François 1er, François II.
Je lui disais tantôt que Fernandel avait joué le rôle de
François 1er, mais qu'il avait plus d'humour, comme François 1er,
que le ministre qui est en train d'attrister tous les Québécois.
Vous avez manqué cette partie du débat.
M. SEGUIN: Vous avez répondu à ma question, M. le
député.
M. LEGER: Bon! Parfait! M. le Président, j'étais en train
de dire que nous allons, à un certain moment, je présume, arriver
à l'article 1, qui traite de la base même de la
constitutionnalité du bill 22 en son entier.
A cet article, le gouvernement aura à faire un choix, à
savoir si le français sera la seule langue officielle. Le premier
ministre, comme il l'a fait en fin de semaine, a beau dire: Cela veut dire
cela; le français, langue officielle. Comme je le disais tantôt,
ce qui va mieux en le disant. Il faut le dire, mais à l'article 1, et
c'est exactement la pertinence, M. le Président... Vous allez voir que
ce que je veux avancer va faire la preuve de la motion, et que si, en ce cas,
le premier ministre a le courage, à l'article 1, d'indiquer que le
français est la seule langue officielle, nous serons alors devant un
problème constitutionnel. Et l'éclairage des invités que
je viens de mentionner sera peut-être très utile à la
commission pour savoir comment s'en sortir quand nous arriverons à
l'article 1. Ce n'est pas à l'article 1 que nous allons dire: Nous
suspendons les travaux pour avoir un éclairage des spécialistes
en droit constitutionnel. C'est avant, M. le Président.
Gouverner, c'est prévoir. Alors, il faut prévoir. Pour
prévoir le dilemme auquel nous aurons à faire face à
l'article 1, eh bien, il faut convoquer des personnes qui sont des
spécialistes en droit constitutionnel. Peut-être qu'ils ne seront
pas d'accord entre eux et que cela soulèvera d'autres questions pour
d'autres articles de ce projet de loi.
Mais si le premier ministre accepte de mettre dans l'article 1 que le
français est la seule langue officielle, à ce moment, il faudra
immédiatement, par la suite, abroger l'article 133 avec toutes ses
conséquences. Les spécialistes en droit constitutionnel que nous
voulons convoquer pourront nous dire immédiatement si c'est possible,
d'abord, pour le Québec de le faire, quelles sont les
conséquences juridiques à travers tout le projet de loi, et
spécialement à l'article 1, des conséquences de
l'abrogation de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique.
C'est donc dire l'importance à ce stade-ci... Pardon? Seulement
deux minutes? Ah bon! M. le Président, je vais faire mon possible pour
comprimer ce qu'il me restait à dire pour convaincre le ministre qui est
absent. Les 76,000 employés du gouvernement fédéral qui
sont des Québécois et qui, lors de la déclaration de
l'indépendance du Québec, pourront être inclus dans le
gouvernement provincial qui deviendra un gouvernement national, se posent des
questions: Est-ce qu'ils devront travailler uniquement en français avec
cette loi? Autant l'article 133, s'il est abrogé, va nous amener
à des questions de cette nature, autant il vaut mieux être
éclairé avant d'errer à l'article 1.
Nous, du Parti québécois, n'avons pas l'habitude d'errer.
Nous avons l'habitude de préparer profondément nos interventions,
et je pense que le député de Saint-Jean, qui est toujours
béat d'admiration devant nos interventions, pourrait confirmer ce que
j'affirme parce que, depuis tantôt, il me dit oui, depuis au moins dix
minutes.
M. VEILLEUX: Est-ce que le député de Lafontaine me
permettrait de lui dire quelque chose?
M. LEGER: Quelque chose? Une question seulement...
M. VEILLEUX: Oui, une question.
M. LEGER: ... pas une affirmation. Une question, oui.
M. VEILLEUX: II m'a tellement convaincu que je suis prêt à
voter.
M. LEGER: Vous êtes prêt à voter en faveur de ma
motion?
M. VEILLEUX: Pas d'ultimatum. Je suis prêt...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEGER: Non, mais vous dites... si je vous ai convaincu...
LE PRESIDENT (M. Gratton): 30 secondes.
M. LEGER: 30 secondes pour convaincre le député de
Saint-Jean? M. le Président, c'est pas mal demander. Toutes les
implications au Québec du français, seule langue officielle, avec
abrogation de l'article 133, amènent des conséquences dont on ne
peut même pas se douter à ce stade-ci. C'est donc la raison pour
laquelle il
est absolument essentiel que la motion du député de
Sauvé, chef de l'aile parlementaire, qui demande d'entendre, non pas
toutes les personnes, mais l'une ou l'autre de ces personnalités ou
plusieurs de ces personnes responsables qui ont autant du côté
anglophone que francophone une expérience de la constitution, qui
l'enseignent tous les jours à des élèves, devraient
être convoquées...
Les partis de l'Opposition sont prêts à laisser à la
commission le soin de les choisir. On sait qu'une fois que la commission aura
accepté cette motion, elle devra, à ce moment, choisir... Je
doute fort qu'elle pourra convoquer toutes les personnes qui sont sur la liste
devant nous. Je laisse à la commission le soin, si elle accepte cette
motion, de convoquer les personnes qu'elle croit les plus aptes à
renseigner cette commission, de façon qu'en arrivant aux articles
controversés nous puissions avoir des arguments publics,
enregistrés au journal des Débats pour faire face au
"filibustering" que nous prépare, peut-être, le premier ministre
Trudeau dans ses menaces à peine voilées, de faire ce que nous
disions, ce matin, se servir du désaveu, aller à la cour
Suprême, chose qu'aucun gouvernement provincial n'oserait faire...
LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est terminé.
M. LEGER: ... mais il pourrait y être traîné...
LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est terminé.
M. LEGER: ... ou même faire ce qu'il fait actuellement,
c'est-à-dire la persuasion auprès du gouvernement. Le
député de Saint-Jean est convaincu, M. le Président? Je
vous remercie. J'ai terminé.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Chicoutimi sur la
motion d'amendement.
M. BEDARD (Chicoutimi): Je trouve très sérieux
l'amendement qui a été "présenté par le chef de
l'Opposition. J'entends rire certains députés de l'autre
côté de la table. Peut-être qu'ils n'ont pas vraiment
compris le sérieux de cet amendement.
M. TARDIF: Vous pourriez prendre vingt minutes pour nous expliquer
ça!
M. BEDARD (Chicoutimi): Je crois que cela devrait être rassurant
pour les députés de l'autre côté de la table.
Avec cette précision qui a été apportée par
l'amendement, cela montre très clairement l'idée du Parti
québécois de ne pas essayer de prolonger indéfiniment le
débat sur la proposition principale à l'effet de demander que des
auditions publiques aient lieu au cours de cette commission, dans le sens que
l'amendement se réfère à quelques personnes, une dizaine,
qui ont comme point commun d'être toutes des expertes en
constitutionnalité.
M. le Président, à moins de ne pas être
sérieux en tant que législateur, surtout sur une loi d'importance
comme celle que nous allons avoir à étudier, je ne vois pas
comment on peut mettre de côté le sérieux d'étudier
la constitutionnalité d'une loi que nous aurons à voter en tant
que législateur, si nous sommes sérieux dans ce rôle de
législateur, surtout si cette constitutionnalité, on peut le
voir, semble déjà mise en doute, à ce moment. Si nous
n'avions pas la précaution de nous renseigner, de renseigner la
commission, par des experts, non pas par les membres de la commission, mais par
des experts en matière constitutionnelle, nous risquerions de travailler
peut-être durant un mois, deux mois sur ce projet de loi pour rien.
Que nous votions ce que nous voulons, si c'est anticonstitutionnel,
à quoi aura servi un ou deux mois de discussions si cela doit
être, à la fin de compte, déclaré illégal? Il
me semble que c'est mieux de marquer un temps d'arrêt, de perdre
peut-être quelques minutes, même une ou deux journées
à entendre des experts constitutionnels de manière à
pouvoir légiférer en toute connaissance de cause.
Je comprends que les officiers de l'autre côté de la table
ont l'opportunité d'être informés au moins le
ministre, je l'espère par des légistes du gouvernement,
par des fonctionnaires qui sont affectés à cette fonction, mais
de la part de l'Opposition, il faut bien penser qu'il n'y a pas seulement le
gouvernement qui légifère, également l'Opposition a un
rôle très positif à apporter au niveau de la
législation et elle ne peut jouer ce rôle sans être
informée d'une façon totale, la plus entière possible. La
manière d'informer l'Opposition pour pouvoir jouer son rôle d'une
façon efficace, c'est tout simplement d'accéder à la
demande que nous faisons à l'effet de permettre à des experts
constitutionnels de venir faire entendre leur point de vue pour éclairer
les deux parties enfin de légiférer d'une façon
correcte.
Le fond de la question, quand on parle de la constitutionnalité,
cela équivaut à quoi? Cela équivaut à se demander
d'une façon très précise: Est-ce que nous
légiférons ici comme une majorité
québécoise, qui a les pleins pouvoirs politiques pour voter une
loi et la faire appliquer, ou sommes-nous en train de légiférer
comme une minorité canadienne, qui sera constamment sujette au chantage
qui pourrait être exercé par des autorités
législatives qui seraient supérieures, à savoir le
gouvernement fédéral? Cet élément est d'autant plus
important qu'il faut... Si vous me permettez un exemple qui pourrait essayer
d'expliquer le mieux possible quel est le genre de chantage, quels sont les
inconvénients qu'il pourrait y avoir si nous devions
légiférer avec une menace continuelle de désaveu sur la
tête du gouvernement. Je me
dis que s'il y avait une possibilité de désaveu et qu'une
fois pour toutes on ne règle pas la question, cela équivaut
à garder continuellement, concernant une loi du Québec, un
élément de chantage, un élément de pression de la
part d'une autorité qui se dit supérieure, à savoir le
gouvernent fédéral, et qui pourrait menacer continuellement le
gouvernement du Québec alors que nous en serions plus ou moins
conscients concernant l'application de sa loi. Vous avez une loi,
d'autre part, les lois valent pour autant qu'elles sont appliquées.
Si ce danger de désaveu existait, ce danger
d'anticonstitutionnalité, d'inconstitutionnalité existait
réellement et qu'il n'avait pas été vidé
complètement, à ce moment-là, on pourrait être
l'objet de pressions de la part de forces de l'extérieur qui nous
menaceraient, toutes les fois que le gouvernement voudrait faire appliquer
d'une façon rigoureuse, rigidej'espère que c'est son
intention puisqu'il fait la loi toutes les fois qu'il voudrait faire
appliquer la loi d'une façon rigide, rigoureuse et que ceci aurait pour
effet de susciter certains mécontentements de la part d'une partie de la
population, on serait toujours face à cette pression, à ce
chantage de remettre en cause la constitu-tionnalité de la loi. C'est
dans ce sens que l'amendement est apporté et l'ensemble de la motion qui
a été apportée et du sujet sur lequel nous discutons est
important. Dans le sens qu'on ne peut pas se permettre de
légiférer en étant continuellement à la merci des
réactions extérieures au Québec, c'est-à-dire
toujours nous menacer de mettre en cause la constitu-tionnalité de la
loi que nous avons votée. Il faut aller au bout de notre raisonnement.
Si, à la suite de la comparution de certains experts, il devenait
évident que la loi que nous votons est anticonstitutionnelle, ceci
devrait nécessairement nous amener à deux conclusions possibles:
soit arrêter notre législation et prendre les mesures, en toute
logique, d'abolir légalement l'article 133 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, ou encore faire le raisonnement
très simple et très logique de se dire qu'il n'y a qu'une
manière de régler une fois pour toutes le problème de la
langue au Québec, qu'il n'y a qu'une manière d'élaborer
une politique linguistique avec les pleins pouvoirs politiques, c'est celle de
faire l'indépendance du Québec où on aura un gouvernement
pleinement québécois, un vrai gouvernement
québécois qui pourra élaborer une vraie politique
linguistique sans être sujet à quelque chantage que ce soit.
De toute façon, comment pourrait-on être assez inconscient
lorsqu'on sait jusqu'à quel point peuvent être longues et
interminables les discussions juridiques, quelle qu'elles soient? Comment
pourrait-on être assez inconscient pour accoucher d'une
législation et savoir ou risquer de s'embarquer tout de suite
après dans des procès au niveau de la légalité de
cette loi, dans des procès interminables, mettant en doute les
capacités juridictionnelles du Qué- bec? Je me permets simplement
d'apporter un exemple à la commission, un exemple vécu. Quand on
parle de la longueur des conflits, dans nos procès, je pense que je n'ai
pas une grosse preuve à faire pour montrer jusqu'à quel point la
justice peut être lente au Québec, malgré tous les efforts
que chacun peut essayer d'y mettre pour la rendre plus expéditive. Je me
permettrai d'apporter seulement un exemple. A titre d'avocat, ayant à
représenter un client, j'ai eu justement à intenter des actions
contre environ 32 compagnies alimentaires genre Dominion, ces grosses
compagnies, en vertu de la Loi des marchés agricoles, concernant
l'étiquetage, où des individus, tel que c'étaient leurs
droits, s'étaient rendu compte qu'en faisant leur marché, bien
des produits n'avaient pas...
M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement, je
m'excuse auprès de mon confrère. Je remarque que nous n'avons pas
quorum autour de la table sur un sujet aussi important. Je vois le
député de Terrebonne qui revient, mais il n'y a que les membres
en règle de la commission qui doivent former le quorum, je pense, et
nous n'avons pas quorum actuellement.
M. TARDIF: On a quorum, on est sept. M. LACHANCE: ... parle pour
rien.
M. LEGER: II n'y a pas sept députés, quand j'ai
mentionné le fait, qui sont membres de la commission. Il y a le
député de Laporte qui est membre, le député de
Mille-Iles, ça fait deux; le député d'Anjou, ça
fait trois; le député de Terrebonne vient d'entrer et le
député...
M. HARDY: Je me suis absenté pour trois minutes.
M. LEGER: Je n'en suis pas après vous. On n'a pas quorum,
actuellement. Est-ce que vous pourriez vérifier, M. le Président?
Il ne faudrait pas compter ça sur son temps. Les députés
qui sont membres de la commission doivent être présents ici.
M. HARDY: Avez-vous besoin à ce point d'auditoire?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEGER: M. le Président, est-ce que le règlement... Vous
qui étiez tellement sérieux sur le règlement et qui,
souvent, nous empêchiez de passer des motions parce que vous utilisiez le
règlement à votre façon, le règlement dit qu'il
faut avoir au moins quorum pour siéger.
M. TARDIF: On l'a.
M. LEGER: Sur un débat de cette envergure.
LE PRESIDENT (M. Lapointe): A l'ordre!
M. LEGER: Ce sont les députés qui sont membres de la
commission qui forment le quorum et non pas ceux qui ont droit de parole
uniquement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'intention des personnes dans
les galeries et je me sens un peu comme un vieux Victrola parce que je
me répète assez souvent, mais je le fais très
sérieusement il n'est pas permis pour le public d'applaudir, de
manifester de quelque façon que ce soit. Compte tenu de la situation
actuelle, nous devrons être très sévères et, si cela
devait se présenter à nouveau, je devrai demander qu'on
évacue les galeries du public.
M. LEGER: M. le Président, est-ce que vous voulez actuellement
vérifier le quorum, des députés qui ont droit de vote et
non les députés qui ont droit de parole?
LE PRESIDENT (M. Gratton): On a quorum.
M. LEGER: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Voulez-vous qu'on fasse le compte ensemble?
Je vous dis qu'on a quorum. Je n'ai pas l'habitude de mentir.
M. LEGER: Non. Je prends votre parole.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de
Chicoutimi.
M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, revenant à
l'importance du sujet dont nous avions à discuter, j'en étais sur
le fait, d'une façon générale, que tout législateur
sérieux ne peut se permettre d'essayer de voter à la vapeur une
loi, pour ensuite tomber dans des procès interminables.
J'amenais à cet effet un exemple vécu, à savoir un
mandat que j'ai eu il y a deux ans de la part d'individus en particulier,
à l'effet de contester, en vertu de la Loi des marchés agricoles,
l'étiquetage de certains produits alimentaires. Autrement dit, ces
individus québécois francophones avaient remarqué que sur
de nombreux emballages de produits alimentaires qu'ils consommaient, les
compagnies n'avaient pas la décence de placer, au moins en
caractères aussi lisibles et importants qu'en anglais, les
recommandations qu'il est normal d'inscrire sur ces produits, et ce, en
français.
Des individus, se prévalant d'un droit très normal, celui
d'être informé dans leur langue, soit en français, sur ce
qu'ils consomment, au même titre que les minorités le font ici au
Québec sur les produits qu'ils consomment, avaient à ce
moment-là, contesté en cour. Nous avions intenté des
actions contre ces 32 compa- gnies d'alimentation, avec le résultat
suivant: Cela fait deux ans que l'action a été prise, mais
à un moment donné, alors qu'une décision était
attendue, les compagnies en question ont décidé de contester la
constitutionnalité de la loi, autrement dit de contester la
capacité du gouvernement du Québec, d'exiger qu'au moins dans le
domaine alimentaire les consommateurs soient aussi bien renseignés en
français qu'ils le sont en anglais.
A ce moment-là, le procureur général et ces
compagnies contestant la validité de la constitutionnalité de la
loi... Cela a donné comme résultat que ces causes sont
présentement en appel devant la cour Suprême du Canada, depuis
maintenant deux ans, aux fins d'obtenir une décision fondamentale
à savoir: Est-ce que le Québec a le droit de
légiférer en matière linguistique ou d'imposer des
restrictions à ces grosses compagnies à l'effet d'informer le
consommateur aussi bien en langue française qu'en langue anglaise?
Un gouvernement, dans une loi aussi importante que celle-là,
comme dans n'importe quelle autre loi, ne peut se permettre de ne pas prendre
au sérieux la demande que nous faisons par l'amendement
présenté par le chef de l'Opposition.
On sait une chose, c'est que par rapport à cette loi, du point de
vue constitutionnel, le gouvernement peut faire trois choses.
D'abord, il a le pouvoir, il semble qu'il pourrait avoir le pouvoir de
désavouer une loi de la Législature provinciale. Je sais qu'il y
en a qui vont dire non, mais il y a quand même des exemples, comme preuve
le Manitoba. Certaines lois ont été adoptées au Manitoba,
puis ont été désavouées, dans les années
trente.
Je crois qu'on a le droit, non seulement on a le droit, mais il n'y a
pas un législateur sérieux qui ne doit pas se poser la question
concernant l'opportunité de voir s'il y a vraiment un pouvoir de
désaveu concernant la loi que nous avons à adopter.
Le gouvernement peut adopter une autre attitude, qui est celle de
contester la constitutionnalité de la loi en cour Suprême. On sait
quelle est la composition de la cour Suprême à l'heure actuelle,
où un tiers des francophones y assurent la représentation, sans
mettre en doute leur intégrité intellectuelle, il reste quand
même qu'il y a certains Québécois qui pourraient avoir des
réserves sérieuses à ce que ce conflit soit tranché
par une décision de la cour Suprême.
Le gouvernement fédéral peut également je
pense que c'est peut-être la solution qui semble la moins dangereuse,
mais qui est la moins acceptable en ce qui me regarde demander à
la Législature provinciale de modifier son projet. C'est une sorte de
menace voilée constante. C'est une sorte de chantage, à mon sens,
qui traduit bien ce que voulait dire M. Trudeau, le premier ministre
francophone du Canada qui ne reconnaît même pas la thèse des
deux nations, ici au Canada. Ceci fait suite, à
mon sens, à une déclaration qu'il faisait lors des
élections fédérales concernant la politique linguistique
alors qu'il déclarait, devant le projet de loi 22, à un auditoire
anglophone, qu'il allait parler à ses petits frères
québécois.
Je ne pense pas qu'on doive adopter une loi en ayant toujours
présent, même si c'est un doute dans notre esprit, un doute qui a
des influences extérieures qui peuvent influer d'une façon
très directe sur la politique linguistique que veut mettre de l'avant le
gouvernement du Québec.
On a assez, à mon sens, du chantage des grosses compagnies qui,
dans le rapport Fantus, ont très bien dit ce qu'elles exigeaient du
Québec, à savoir de régler le problème des
syndicats et de faire une politique linguistique qui ne soit pas trop ferme
dans le domaine du travail. On s'aperçoit, sans entrer dans le fond,
qu'on commence à avoir des doutes que le gouvernement puisse
obéir à la lettre aux recommandations faites justement à
l'occasion du rapport Fantus. On en a assez de ce chantage, en tout cas, de ces
forces de pression qui jouent contre nous, sans y ajouter pardessus le doute
qu'on pourrait avoir à l'esprit qu'un autre gouvernement,
prétendant constitu-tionnellement pouvoir désavouer une de nos
lois, ce serve de cet élément comme d'une force de pression, soit
pour désavouer la loi elle-même ou soit même pour modifier
le projet de loi, une fois pour toutes. C'est cela la base de ce que nous
demandons à l'heure actuelle, c'est d'éclaircir.
Je ne crois pas que les gens de l'autre côté de la table
j'en suis convaincu partagent notre idée à savoir
qu'on ne peut quand même pas commencer à légiférer
ou à travailler sur le projet de loi 22 durant un mois, deux mois, ayant
toujours présent à l'esprit que ce qu'on fait durant ce temps
peut, d'une claque, légalement parlant, être mis de
côté par une instance supérieure qui est le gouvernement
fédéral.
Malheureusement, je commence à présumer que, même si
les arguments ne convaincront pas les gens de l'autre côté de la
table d'accéder à la demande du chef de l'Opposition,
peut-être serait-il mieux d'apporter des arguments qui viennent de gens
qui ne sont pas proprement en amour avec le Parti québécois et
qui, effectivement, pensent dans le même sens, ont les mêmes
préoccupations que celles dont nous faisons part à l'heure
actuelle au gouvernement au niveau de cette commission, à savoir
l'éditorialiste du Devoir, qui... Pardon?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le temps est écoulé, si vous
voulez conclure assez brièvement.
M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, je vais conclure
très brièvement, dans le sens suivant, que l'amendement qui est
fait par le chef de l'Opposition est très rassurant pour les gens de
l'autre côté de la table, pour les députés du
gouvernement, parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement que de se rendre
compte que nous voulons circonvenir, circonscrire, le nombre d'abord de ceux
qu'on veut entendre à la commission et circonscrire aussi le sujet sur
lequel on veut les entendre. Le sujet sur lequel on veut les entendre ne peut
pas être qualifié de non sérieux. C'est sur la
constitutionnalité, c'est sur la base même qui nous amène
à nous demander, encore une fois, si nous devons légiférer
et je termine là-dessus, M. le Président comme une
majorité québécoise ayant les pleins pouvoirs politiques
ou comme une minorité canadienne sans cesse obligée de demander
des conseils ou sans cesse sous la menace d'autorités qui sont
supérieures aux autorités québécoises.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saguenay sur la
motion d'amendement.
M. LESSARD: M. le Président, je vous avouerai que j'ai beaucoup
de difficultés à comprendre l'entêtement du gouvernement
à toujours vouloir refuser les propositions du Parti
québécois.
M. VEILLEUX: Je tiens à dire au député de Saguenay
qu'on ne s'est pas prononcé encore sur la proposition d'amendement. Ne
nous prêtez pas d'intentions.
M. LESSARD: Le passé est garant de l'avenir.
M. VEILLEUX: Parce que plus cela va, moi, je m'ennuie.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BEDARD (Chicoutimi): Si vous êtes d'accord, pourquoi n'y
aurait-il pas un ou deux du gouvernement qui interviendraient dans ce sens?
Cela pourrait nous donner une indication.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît! Le
député de Saguenay a la parole.
M. LESSARD: M. le Président, le passé est garant de
l'avenir. Puis-je vous rappeler, encore une fois, combien d'heures de
discussions nous avons dû faire pour obtenir enfin l'assurance du
ministre de l'Education que la réglementation sera déposée
dès l'étude du premier article?
M. VEILLEUX: Le principe.
M. HARDY: Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose.
M. LESSARD: Si cela n'avait été de l'acharnement...
M. HARDY: Mentez, mentez.
M. LESSARD: ... du ministre de l'Education à refuser la motion
que nous avions faite en ce sens, combien d'heures de discussions aurions-nous
pu sauver? C'est à se demander si le gouvernement veut que nous nous
attaquions à l'étude de ce projet de loi. C'est à se
demander si le gouvernement ne fait pas de l'obstruction systématique
à toutes nos demandes, afin que l'hypocrisie de ce projet de loi ne
puisse être démasquée quand nous en entreprendrons
l'étude des différents articles. Le gouvernement veut-il nous
imposer cette discussion sur des demandes qui nous apparaissent pourtant
essentielles, normales, en vue de justifier l'application pour une
deuxième fois consécutive du règlement de clôture?
Si le gouvernement avait daigné accepter la motion qu'a proposée
le député de Saint-Jacques hier, et qui est modifiée par
le chef parlementaire de l'Opposition, peut-être aurions-nous
terminé ce soir l'audition de ces experts constitutionnels et
peut-être aurions-nous pu commencer enfin l'étude de l'article 1?
Nous sommes en droit, je pense, de nous interroger sur la stratégie de
ce gouvernement.
Nous sommes en droit de nous demander si ce gouvernement n'aurait pas
peur de discuter de son projet de loi, article par article, et si ce
gouvernement ne nous engagerait pas dans une discussion sur des motions du
Parti québécois, qui sont essentielles. D'ailleurs, M. le
Président, d'après ce que le député de Saint-Jean
vient de dire, nous commençons à nous demander si, après
de nombreuses heures de discussion, le gouvernement n'acceptera pas la motion
du chef parlementaire de l'Opposition.
M. MORIN: Cela ne m'étonnerait pas.
M. VEILLEUX: Non, ce que je voulais dire...
M. LESSARD: Pourquoi, M. le Président, à ce moment...
M. VEILLEUX: M. le Président, est-ce que le député
de Saguenay me permet? Je veux tout simplement lui dire que le
député de Lafontaine m'avait permis de me faire une idée.
Le député de Chicoutimi, le contraire, alors moi, j'annule, M. le
Président. Je suis obligé.
M. BURNS: Voulez-vous des timbres?
M. MORIN: Annulez-vous le bill 22?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. TARDIF: Vous voulez y dépenser $25,000?
M. LESSARD: II faut dire, M. le Président...
M. HARDY: Le député de Maisonneuve veut lui passer le sien
qu'il n'a pas utilisé.
M. LESSARD: ... que de l'autre côté, soit à
l'Assemblée nationale, nous venons d'adopter le bill 44. On ne l'a pas
divisé en deux.
M. VEILLEUX: Vous avez multiplié le bill 22 par 2. C'est cela que
vous avez fait.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saguenay a-t-il
complété?
M. LESSARD: Non, M. le Président.
M. VEILLEUX: Vous avez adopté deux fois le bill 22 de l'autre
côté.
M. LESSARD: C'était le bill concernant SIDBEC.
M. VEILLEUX: D'accord! UNE VOIX: On le sait.
M. LESSARD: Si nous faisons cette motion, c'est d'abord parce que nous
avons à étudier, comme nous l'avons souligné à
plusieurs reprises, malgré le fait que le gouvernement soit sourd
à nos revendications, le projet de loi qui sera probablement le plus
important ou qui aura probablement le plus de conséquences sur
l'ensemble de la collectivité québécoise. Ce projet de loi
soulève non seulement ici, à l'Assemblée nationale, mais
soulève aussi, à l'extérieur de l'Assemblée
nationale, certaines interrogations qui nous apparaissent essentielles. En plus
des interrogations, qui ont été soulevées au moment de la
commission parlementaire et au moment de la deuxième lecture, nous avons
pris connaissance, depuis quelques jours, de deux faits nouveaux qui nous
amènent à présenter la motion qu'a présentée
le chef parlementaire de l'Opposition.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que je pourrais rappeler au
député de Saguenay qu'il parle sur l'amendement et non pas sur la
motion?
M. LESSARD: L'amendement, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je sais qu'il va les relier
éventuellement...
M. LESSARD: D'accord!
LE PRESIDENT (M. Gratton): ... mais je voudrais bien qu'il le fasse en
dedans des 20 minutes qui lui sont accordées.
M. LESSARD: D'accord, M. le Président. Je parlerai sur la
motion... Cela ne fait rien, M. le Président. Je peux parler mes deux 20
minutes, à la fois sur la motion et à la fois sur...
M. HARDY: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): ... pas confiance là-dessus.
M. HARDY: ... sur la question de règlement. Pour ma part, je
serais d'accord quand on sait les fins poursuivies par le Parti
québécois...
M. LACHANCE: II est défait...
M. HARDY: ... je serais d'accord pour que vous laissiez aller le
député de Saguenay avec la motion...
M. LESSARD: Alors, M. le Président...
M. HARDY: ... sinon, vous allez l'obliger à en écrire une
autre.
M. LESSARD: .. je m'excuse. C'est un lapsus linguae. Je voulais parler,
M. le Président, de l'amendement du chef parlementaire de l'Opposition,
à la motion du député de Saint-Jacques.
M. TARDIF: II change de discours.
M. LESSARD: Je disais que deux faits nouveaux nous sont maintenant
connus depuis quelques jours. D'abord, il y a le fait je n'insiste pas
sur cela que nous nous interrogions, pendant un certain temps, sur la
réglementation et sur cette préparation de cette
réglementation, on se posait la question à savoir si elle
était prête oui ou non. Ce n'est pas surtout, M. le
Président, ce fait qui a certainement amené le chef parlementaire
de l'Opposition à circonscrire la motion du député de
Saint-Jacques.
C'est d'abord la déclaration du chef de M. Bourassa, à
savoir M. Trudeau, qui a soulevé l'éventualité d'utiliser,
après 30 ans de désuétude, la possibilité du droit
de désaveu. Vous conviendrez qu'il ne nous est pas facile...
M. TARDIF: Où avez-vous vu cela?
M. LACHANCE: II a rêvé cela.
M. TARDIF: II a entendu cela en forêt!
M. BEDARD (Chicoutimi): Je m'excuse auprès du
député de Saguenay. Il avait un geste comme celui du ministre de
l'Education.
M. LESSARD: Ou du ministre des Affaires culturelles. Vous comprenez
qu'il ne nous est pas facile, à nous de l'Opposition, d'étudier
un projet de loi aussi important avec une épée de Damoclès
qui nous "pind" sur la tête...
M. TARDIF: Qui nous "pind"...
M. LESSARD: Ce n'est pas...
M. TARDIF: ... qui parlez un bon français.
M. LESSARD: En effet, le chef de M. Bourassa a souligné le fait
qu'une étude secrète se faisait actuellement par le gouvernement
fédéral sur le projet de loi 22.
Avant d'entreprendre l'étude de ce projet de loi, ne serait-il
pas normal de savoir, d'abord, si ce projet de loi est constitutionnel ou ne
l'est pas? Avant de prendre des heures et des heures pour discuter des
différents articles de ce projet de loi, ne serait-il pas normal que des
spécialistes en droit constitutionnel viennent au moins tenter, sinon de
nous assurer que ce projet de loi est constitutionnel, mais viennent au moins
nous dire en quoi il faudrait modifier ce projet de loi pour qu'il respecte,
à la fois, l'article 133 de la constitution et d'autres articles de la
constitution. Nous avons déjà la connaissance de l'opinion d'un
spécialiste en la matière, à savoir M. Scott qui...
M. LACHANCE: "Fran"...
M. LESSARD: Frank...
UNE VOIX: "Frankie"...
M. TARDIF: Ah! Frank.
M. BURNS: C'est un philanthrope.
M. LACHANCE: D'accord! .
M. LEGER: C'est un intime. Ils l'appellent Frankie.
M. DEOM: C'est un manque de respect.
M. LESSARD: ... et non Stephen Scott. En effet, M. Scott
écrivait, dans le Star du 5 juin 1974...
M. TARDIF: Dans le "store"...
M. LESSARD: Dans le Star... Vous voyez que je n'ai pas encore
été anglicisé par le bill 22.
M. TARDIF: C'est pour cela que vous dites "pind".
M. LESSARD: Je n'ai pas encore été anglicisé par le
bill 22.
M. TARDIF: "Pind"...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. VEILLEUX: Si la loi était coercitive, le député
de Saguenay pourrait subir les foudres de la loi.
M. LESSARD: Pardon?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: Est-ce que nous pourrions laisser le député de
Saguenay continuer?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.
M. MORIN: Je vais commencer à croire que c'est vous qui faites de
l'obstruction.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je me pose des questions moi aussi.
M. CLOUTIER: C'est un aveu. On a fait appel à mon ancien
métier ce matin. Voilà l'inconscient qui s'exprime.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saguenay.
M. LESSARD: Est-ce que j'ai encore la parole?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.
M. TARDIF: En français.
M. LESSARD: En français?
M. TARDIF: Oui. En bon français, Lucien.
M. LESSARD: On sait que l'article 133 de la constitution canadienne
impose aux différentes Législatures des provinces l'utilisation
à la fois du français et de l'anglais. Est-ce que cet article 133
impose deux langues officielles pour toutes les provinces du Canada? Est-ce
qu'il est possible, tel que reconnu ou tel qu'on tente de le reconnaître
par l'article 1 du projet de loi 22, de déclarer qu'au Québec, le
français sera la seule langue officielle?
Cest là, M. le Président, un point d'interrogation qui
nous parait fort important. Est-ce que, comme Québécois, on peut
prendre une décision concernant notre sécurité culturelle?
Est-ce que, comme Québécois, on peut être assuré
qu'en prenant cette décision, un autre gouvernement ne viendra pas
désavouer la loi que nous aurons légitimement, en
Assemblée nationale, adoptée?
M. le Président, les experts en droit constitutionnel que nous
demandons de convoquer pourraient probablement, si non nous assurer, du moins
nous dire en quoi l'article 1 du projet de loi 22 est anticonstitutionnel et en
quoi il serait possible de la modifier afin de faire en sorte que ce droit de
désaveu ne puisse être utilisé par le gouvernement
fédéral. L'article 2 de la loi 22 précise aussi qu'en cas
de divergence d'interprétation, le texte français devrait
prévaloir sur le texte anglais. Or, M. le Président, si l'article
133 de la constitution canadienne nous impose deux langues officielles, est-il
possible à ce gouvernement de décider en vertu de l'article 2 de
la loi 22 qu'en cas de divergence d'interprétation, c'est le texte
français qui sera considéré comme officiel?
Ces questions, M. le Président, elles sont soulevées par
le professeur Scott et comme nous savons qu'il s'agit d'un eminent
"constitu-tionnaliste", je pense qu'il est normal que nous puissions entendre
son interprétation et l'interroger sur ce point. Je suis assuré
que le député de Sainte-Anne serait extrêmement heureux de
pouvoir interroger le professeur Scott, parce que je suis assuré que le
député de Sainte-Anne se pose lui aussi les mêmes
questions. Je suis assuré que le député de Sainte-Anne
aurait certainement, si le professeur Scott pouvait venir témoigner
à cette commission parlementaire, des questions intéressantes
à poser au professeur. Il y a aussi l'interprétation concernant
les entreprises d'utilité publique dont il est question à
l'article 18 de la loi 22. Est-ce que les entreprises publiques du gouvernement
fédéral, que ce soient les sociétés
aériennes, les sociétés de chemins de fer ou de
navigation, seront-elles soumises à la loi 22? Ce problème a
été soulevé par des journalistes lors d'une
conférence de presse donnée par le ministre de l'Education.
Si on veut faire une loi qui s'applique à l'intérieur du
territoire du Québec, il faut au moins savoir si ces entreprises
publiques canadiennes seront soumises aux différents articles de la loi
22. Il y a aussi, M. le Président, tout le problème des
entreprises privées qui ont leur charte du gouvernement
fédéral. Est-ce que ces compagnies ne pourront pas intenter des
procédures pour faire désavouer le projet de loi 22? Nous ne
sommes pas les seuls à soulever ces problèmes.
C'est le député de Mont-Royal qui, lors de son discours en
deuxième lecture, a soulevé ces mêmes points
d'interrogation, ces mêmes questions. Je suis assuré qu'au
même titre que le député de Sainte-Anne, le
député de Mont-Royal aurait plusieurs questions à poser si
le gouvernement daignait accepter la motion du chef parlementaire du Parti
québécois. Il y a aussi l'interprétation de l'article 10
concernant les communications que les institutions scolaires ou les
universités anglophones devront avoir avec des organismes
gouvernementaux.
Il y a aussi le fait de savoir si la loi fédérale des
langues officielles va être au-dessus de la loi 22. Je pense que c'est
là aussi une question qui nous paraît importante. Il y a tout le
problème de la possibilité d'imposer aux écoles
confessionnelles ou non confessionnelles le choix de la langue française
ou de la langue anglaise, problème qui est touché par l'article
93 de la constitution canadienne, article que je pourrais lire, mais je n'en ai
pas le temps. Il y a aussi tout le problème qu'a touché le
député de Chicoutimi concernant la Loi de l'étiquetage,
l'article 40. Je pense que le député de Chicoutimi,
éminent juriste, a eu à plaider plusieurs causes, et c'est
probablement suite aux causes qu'il a plaidées que la compagnie Dominion
conteste la décision...
M. HARDY: En êtes-vous rendu à l'adoration mutuelle?
M. LESSARD: ... conteste la constitutionnalité, M. le
Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Le député de
Saguenay.
M. LESSARD: Oui, je termine, M. le Président. Conteste la
constitutionnalité...
M. HARDY: Vous avez vraiment remplacé l'Union Nationale, vous en
êtes rendu à l'adoration mutuelle.
M. LESSARD: M. le Président, si le ministre conteste la
constitutionnalité...
M. BURNS: On a juste à vous regarder taper sur les bureaux et on
le sait, pour qui vous l'avez.
M. BEDARD (Chicoutimi): ... envers les autres.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LESSARD: ... de la loi d'étiquetage, concernant les produits
d'alimentation alors que l'article 40 veut élargir justement cette loi
et faire en sorte qu'elle s'applique à l'ensemble des produits.
Voilà ce qui justifie l'Opposition de présenter la motion qui fut
présentée par le chef parlementaire de l'Opposition.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Maisonneuve sur la
motion d'amendement.
M. BURNS: M. le Président, je veux dire, en commençant,
à cause des dernières remarques suscitées par le
député de Terrebonne au sujet du député de Saguenay
qui vantait les mérites de notre collègue de Chicoutimi, selon
lesquelles on avait une société d'adoration mutuelle, que
ça me surprend venant de la part d'un ministre. Quand on voit, au
moindre éternue-ment d'un ministre, comment on se met à taper sur
les bureaux en Chambre, je me demande qui est le plus victime de cette
adoration mutuelle, les libéraux ou nous. En tout cas, ce n'est pas le
but de mon propos. Je voulais rectifier ce fait.
Je n'avais pas l'intention d'intervenir dans ce débat-ci, ayant
été, toute la journée, retenu à une autre
commission, c'est-à-dire celle qui étudie les projets de loi
privés, relevant du ministère de la Justice, que mon
collègue de Chicoutimi a présidé de façon
très brillante, je dois le souligner, c'était la première
fois qu'il présidait une commission mais on aurait dit qu'il faisait
ça depuis plusieurs années. Je disais que je n'avais pas
l'intention d'intervenir.
Mais quand j'ai eu, d'une part la possibilité de terminer mes
travaux à la commission parlementaire de la justice et surtout quand
j'ai eu vent de la motion qui était actuellement en discussion, je me
suis dit qu'il me serait absolument impossible de ne pas intervenir en faveur
de cette motion à cause, d'une part, de son sérieux et à
cause aussi de son aspect très pratique, à mon avis.
Le problème de la constitutionnalité, M. le
Président, du projet de loi 22 est dans l'air depuis un certain nombre
de semaines, je dirais même avant le dépôt du projet de loi,
mais surtout depuis le dépôt du projet de loi 22. On a eu
l'article auquel se référait mon collègue de Saguenay, on
a eu des premières réactions de la part du professeur Frank
Scott, qui paraissaient dans le journal The Star, qui déjà,
mettaient la puce à l'oreille à tout le monde.
Peut-être que l'intervention la plus spectaculaire relativement
à la possibilité d'inconstitu-tionnalité du projet de loi
22, nous est venu par les déclarations d'il y a quelques jours de la
part du premier ministre du Canada, M. Trudeau, de sorte que c'était non
seulement utile que le chef de l'Opposition et le député de
Saint-Jacques soulèvent les motions qu'ils ont soulevées, mais je
pense que c'était même essentiel qu'on le fasse. On se serait
même attendu que, sans aucun débat, le gouvernement lui-même
nous dise qu'il a l'intention de faire ce qu'on vous demande de voter par notre
motion et notre amendement.
M. le Président, je suis certain que si le gouvernement nous
avait annoncé son intention d'agir ainsi, on aurait sûrement
évité de longs débats qui, à mon avis, dans ces
circonstances, seraient devenus un peu moins utiles.
Cependant, et c'est dans ce sens que j'interviens, il semble qu'on ait
besoin de convaincre le gouvernement de prendre toutes les précautions
pour ne pas commettre de faux pas. C'est le but qui est derrière la
motion du député de Saint-Jacques, d'une part, et celle du chef
de l'Opposition, d'autre part.
J'insisterai beaucoup, M. le Président, sur le caractère
sérieux de la motion. Il y a des gens qui sont probablement des gens du
cabinet du ministre de l'Education, qui sont derrière ce dernier, qui me
font des signes de tête, M. le Président, qui me montrent qu'ils
sont incrédules lorsque je dis qu'il y a un caractère
sérieux à cette motion.
Je ne parlerai pas, dans la liste des experts que nous suggérons,
de M. Edward McWhinney, je pense qu'on en a parlé longuement hier et je
n'ai pas l'impression que je vous convaincrais davantage du sérieux de
cette personne. Cependant, M. Frank Scott je n'ai pas eu l'occasion
personnellement, je pense que mes collègues en ont parlé
il est important de souligner à quel point, peu importe ses idées
j'insiste sur cet aspect, cela montre notre ouverture d'esprit
peu importe ses idées fédéralistes, peu importent ses
tendances profédérales, je pense que comme expert en droit
constitutionnel, il n'y a personne qui va le contester.
Et même si nous, M. le Président, quand on fait cette
affirmation, on ne peut pas convaincre les membres de la commission, du
côté ministériel, il me semble qu'ils devraient être
au moins convaincus par au moins l'un de leurs plus fidèles chantres, M.
Claude Ryan, qui, dans son éditorial de ce matin, en termes
très
élogieux, parlait justement de ce M. Frank Scott.
Je cite le deuxième paragraphe de l'éditorial de ce matin
de M. Ryan: "Un homme en parlant du professeur Scott que l'on
peut considérer comme assez proche de la pensée
fédérale en ces matières, le professeur Frank Scott,
ancien membre de la commission BB, a toutefois formulé, dès le 15
juin dernier, dans le Star, les principales objections que l'on peut soulever
à rencontre de la constitutionnalité du bill.
Ne serait-ce qu'en raison de la grande autorité juridique de M.
Scott, le gouvernement Bourassa aura profit à tenir compte de plusieurs
de ces considérations avant d'arrêter la forme définitive
du texte de loi."
Il me semble, M. le Président, venant d'une personne qui, pour le
moins, ne peut pas être reliée au Parti québécois,
c'est-à-dire M. Ryan, que cela devrait achever de convaincre les membres
ministériels de cette commission-ci du sérieux des motions et du
chef de l'Opposition et du député de Saint-Jacques.
Quant à moi, j'ai toujours considéré le professeur
Frank Scott comme un brillant constitutionnaliste. Il a eu de nombreuses
occasions de le prouver en intervenant, par exemple, dans des causes aussi
fameuses que la cause qui concernait M. Duplessis, aux alentours des
années 1957, qui était poursuivi par un cabare-tier de
Montréal, en assistant, dans plusieurs causes, le premier ministre du
Canada avant qu'il soit en politique. Je pense que sa réputation n'est
pas à faire.
Mais, ce n'est pas le seul expert. Ce qui me frappe dans la liste qui
vous a été soumise par le chef de l'Opposition, c'est le nombre
de consti-tutionnalistes reconnus qui, déjà, ont émis une
opinion au sein de la commission Gendron. J'en compte, si mes informations sont
exactes, cinq dans la liste qui vous a été soumise par le chef de
l'Opposition. Entre autres, vous avez Me Bloomfield qui est un avocat,
président d'International Law Association, et qui est, je pense, un
éminent juriste puisqu'on a pris la peine de l'inviter à
soumettre des études. La réputation, je pense, de M. Jean-Charles
Bonenfant, tant au point de vue de sa connaissance des milieux parlementaires
que de sa connaissance des problèmes constitutionnels, vus dans la
lunette parlementaire, je pense qu'elle non plus, cette réputation n'est
pas à faire.
M. Bonenfant est constamment et régulièrement
appelé comme consultant et là-dessus nous
félicitons le gouvernement par le gouvernement actuel. Je me
souviens personnellement d'avoir eu à travailler avec M. Bonenfant lors
de la refonte de nos règlements à l'Assemblée nationale.
Je me rappelle de quelle utilité sa contribution a pu être. Cette
connaissance double, si je peux dire, à double facette, des milieux
parlementaires, du système parlementaire, lui-même, d'une part, et
des aspects constitutionnels que peuvent présenter, dans certains cas,
l'adoption de certaines lois, je pense, pourrait nous être d'une grande
utilité. Vous allez me dire: On connaît ses vues dans le rapport
Gendron. On n'a qu'à se référer aux documents de travail
de la commission Gendron. Je dis: Oui, c'est possible, on pourrait faire cela,
mais ce qui serait encore plus utile, ce serait de parler de vive voix avec ces
gens, non pas simplement tenter d'interpréter leur texte, simplement
lire ce qu'ils ont amené à la commission Gendron après
leurs recherches, mais aussi dialoguer avec eux, à certaines occasions,
parce que je dois l'avouer bien humblement: Je n'en suis pas un. Je pense qu'il
y a beaucoup de gens, ici, à la commission, qui peuvent avouer la
même chose. Nous ne sommes pas tous des experts en droit constitutionnel.
Je vois que le président me semble d'accord sur cette affirmation de ma
part. On est au moins deux, en commission...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Tout à fait.
M. BURNS: ... qui nous disons ne pas être des experts en droit
constitutionnel.
Mes autres collègues peut-être, à part du chef de
l'Opposition, ne sont pas non plus des experts en droit constitutionnel. M.
Charron, oui?
M. CHARRON: Je ne suis pas pire.
M. BURNS: Cependant, on n'a qu'à regarder les autres membres de
cette liste qui ont contribué aux travaux de la commission Gendron, je
pense, entre autres, à M. Fréchette, à M. Gérald
Beaudoin, de l'Université d'Ottawa, également à M. Stephen
Allan Scott, qui est également de l'université Mc Gill. Je pense
qu'on aurait intérêt, même s'ils ont déjà des
travaux à la commission Gendron, comme je le disais tout à
l'heure, de dialoguer avec eux pour éclairer notre lanterne. Enfin, vous
avez les autres personnes, je pense qu'on ne contestera pas le sérieux
et la valeur des opinions d'une personne comme M. Henri Brun, de
l'université Laval, ou de M. Jean Samson également de
l'université Laval. C'est uniquement pour tenter de vous faire
comprendre quand je dis vous, je parle surtout aux ministériels,
pas seulement à vous, M. le Président...
M. BOURASSA: Oui,...
M. BURNS: M. le Président, cela allait bien avant que le premier
ministre ne m'interrompe. J'espère que le premier ministre n'a pas
décidé de tenter de me faire grimper dans les rideaux, parce que
si c'est cela, je lui dis tout de suite de sauver sa salive, de garder sa
salive à d'autre chose.
M. BOURASSA: Votre hypocrisie est...
M. BURNS: Une bonne fois, M. le Président... Est-ce que vous vous
adressez à moi?
M. BOURASSA: A vous. Si le chapeau vous fait, oui.
M. BURNS: Je demande au premier ministre de retirer ses paroles. Il
vient de me traiter d'hypocrite.
M. BOURASSA: II grimpe dans les rideaux vite. Au groupe, M. le
Président.
M. BURNS: Question de privilège, M. le Président.
M. CLOUTIER: Il n'y en a pas.
M. BURNS: S'il n'y a pas de question de privilège, je vais me
sentir en toute liberté la possibilité de traiter le premier
ministre du plus grand hypocrite que le Québec a jamais montré, a
jamais élu à la tête d'un gouvernement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BURNS: II n'y a pas de question de privilège.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Ecoutez, d'abord...
M. BURNS: Qui a commencé, M. le Président? Qu'est-ce qui a
parti le bal?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Un instant, quand je dis écoutez, je
parle à tout le monde en même temps. Je veux m'adresser
d'abord...
M. MORIN: Au premier ministre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je veux m'adresser d'abord aux gens dans les
galeries. Je vais encore tolérer celle-là, mais ce sera
sûrement la dernière et je suis bien sérieux. A
l'égard des membres de la commission, je pense qu'on peut
considérer qu'on est "kif kif", comme on dit dans l'Outaouais.
J'inviterais le député de Maisonneuve à terminer son
intervention sur la motion d'amendement.
M. BURNS: Est-ce que vous voulez inviter également le premier
ministre à garder le débat pour...
LE PRESIDENT (M. Gratton): J'invite les membres de la commission
à bien vouloir...
M. BURNS: Je pense, M. le Président, que c'est votre devoir de
constater qui est fautif dans cette affaire. Je le dis bien
sincèrement.
M. BOURASSA: Qui retarde le débat sérieux? Cela fait trois
jours qu'on veut discuter sérieusement de l'article 1.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M, BURNS: On va discuter.
M. LEGER: Sur un point de règlement, M. le Président, il
faut quand même comprendre que le manque de décorum arrive parfois
quand il manque de démocratie.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Maisonneuve.
M. BOURASSA: Ah!
M. BURNS: M. le Président...
M. HARDY: Une pièce d'anthologie qu'il vient de sortir.
M. LEGER: C'est la seule façon dont ils peuvent s'exprimer.
M. BURNS: M. le Président, je suis pleinement d'accord à
garder l'octave que j'avais utilisée pour le début de mes propos
et de le garder jusqu'à la fin de mes propos. Je vous demande de
surveiller d'où viennent les interruptions. Je disais donc que, par la
simple nomenclature, ou, si vous voulez, par la simple
énumération des personnes, je dirais même des
personnalités juridiques que la motion contient, on ne peut pas et
véritablement pas douter du sérieux de la motion faite par le
chef de l'Opposition et le député de Saint-Jacques. On peut
interpréter nos questions sur l'aspect de la constitutionnalité
comme étant une affirmation de notre part que le projet de loi 22 serait
inconstitutionnel. Je pense qu'on se tromperait sérieusement si on
tirait cette conclusion. Je pense que, comme Québécois, je veux
être fier de voir mon gouvernement, même si ce n'est pas moi qui
l'ai élu, adopter des lois qui ne pourront pas et qui ne souffriront pas
d'être tramées à la cour Suprême ou de subir d'autres
choses qui serait encore peut-être plus affreux.
Tout en étant convaincu qu'il est possible, au Québec, de
légiférer en matière de langue, c'est surtout je
pense que c'est cet aspect qui nous motive davantage de demander l'assistance
d'experts, ce n'est pas tellement sur la capacité du Québec de
légiférer en cette matière sur
l'applicabilité de la loi, une fois qu'elle aura été mise
en application ou adoptée.
Encore là, M. le Président, je me réfère
à l'éditorial... Pardon?
M. CLOUTIER: Je m'excuse. Est-ce que je peux poser une question au
député de Maisonneuve?
M. BURNS: Oui, sûrement.
M. CLOUTIER: Parce que je suis toujours ses raisonnements avec beaucoup
plus d'intérêt que les raisonnements de certains de ses
collègues. Si je comprends bien...
M. BURNS: Vous avez des préférences?
M. CLOUTIER: J'ai des préférences et, à
part cela, il y a une certaine rigueur, même si les
prémisses sont fausses... Il y a une certaine rigueur dans la
pensée du député de Maisonneuve. Il ne s'agit donc pas
tellement de la capacité de légiférer, parce que je pense
bien que vous n'en doutez pas. Il s'agit de l'aspect...
M. BURNS: Avec...
M. CLOUTIER: ... application...
M. BURNS: ... la légère interrogation que je me pose
relativement à l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique.
M. CLOUTIER: D'accord! Maintenant, puisqu'il s'agit de l'application, je
crois que vous serez d'accord avec moi que cela se rapporte aux articles.
Comment voulez-vous qu'on discute utilement de ces aspects, avant que nous
ayons commencé la discussion article par article?
M. BURNS: Je vais vous l'expliquer avec plaisir, M. le ministre.
Justement, j'allais citer M. Claude Ryan. Il nous donne la réponse
lui-même. Il nous donne la réponse. Vous savez qu'il y a une
vieille technique de plaidoirie qui est toujours de citer des gens qui sont
plutôt, quand on les sent, favorables à la partie qu'on tente de
convaincre. Vous savez? Je pense que vous ne me nierez pas ce droit. Ce n'est
pas une mauvaise...
M. CLOUTIER: Ce n'est pas...
M. BURNS: ... technique. C'est une technique très
intelligente...
M. CLOUTIER: Ce n'est pas ce que vous faites quand vous citez Frank
Scott.
M. BURNS: Frank Scott? Ecoutez, je ne parle pas de Frank Scott. Je n'ai
pas cité Frank Scott personnellement.
M. CLOUTIER: Je pense que vos collègues l'ont cité.
M. BURNS: Je cite Ryan...
M. CLOUTIER: Je me demande si la technique est...
M. BURNS: Oui, on peut l'utiliser. Je n'ai peut-être pas
mentionné ce fait. Au point de vue constitutionnel, parce qu'on est dans
un domaine de droit où la mobilité est une des
caractéristiques principales, il est important d'avoir un
éventail d'opinions pour pouvoir en tirer une espèce de substance
unique. Si les autorités, lorsqu'on présente un éventail
d'autorités, sont unanimes, cela ne peut que nous convaincre davantage.
C'est uniquement dans ce sens qu'on tente de vous présenter
l'éventail si vous me passez l'expression des quelque dix
personnes que nous vous avons suggérées.
Justement pour répondre à la question du ministre de
l'Education quand il demande: N'est-il pas mieux de parler
d'applicabilité, n'est-il pas mieux d'étudier article par article
le texte du projet de loi avant de recourir à des experts en droit
constitutionnel? Je pense que la réponse se trouve, entre autres... Je
cite au hasard un des paragraphes de M. Ryan, qui dit: Dans la mesure où
l'article 18 doit s'appliquer à des entreprises relevant de la
compétence fédérale, telles les sociétés
aériennes, les chemins de fer, les entreprises de navigation, il
empiète, aux yeux de M. Scott, sur la juridiction du parlement
fédéral.
Bon! On a un expert qui dit: A l'article 18, semble-t-il, il y a un
empiètement; il y a des problèmes d'applicabilité. Je ne
veux pas, M. le Président, être pris, au moment d'étudier
l'article 18, à vous demander de faire venir M. Frank Scott.
M. CLOUTIER: Mais vous savez bien que la commission...
M. BURNS: S'il n'était pas disponible, M. Frank Scott, ce
jour-là? Vous allez me dire: M. Frank Scott est parti en vacances.
J'aime mieux, c'est pour cela qu'on prévoit, qu'on se réserve un
certain nombre d'experts, qu'on adopte le principe de recourir à des
experts au fur et à mesure de nos travaux. Je cite l'article 18,
j'aurais pu en citer également d'autres... Même que vous avez
simplement l'aspect de l'article 133 qui va se poser peut-être même
dès l'article 1.
M. CLOUTIER: Alors, est-ce qu'on peut commencer tout de suite l'article
1?
M. BURNS: Non. On vous demande d'adopter en principe...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. CLOUTIER: Qu'est-ce qui vous empêche de commencer l'article
1?
M. BURNS: On passera la rivière quand on y sera arrivé.
Voulez-vous? Je pense que c'est cela notre thèse.
M. BOURASSA: Cela fait cinq motions.
M. BURNS: Ne vous inquiétez pas. Ne soyez pas si irascible, M. le
premier ministre. Cela vous dépeigne quand vous vous choquez. Restez
calme.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BURNS: Restez avec nous autres. On va faire cela calmement.
M. BOURASSA: On va avoir notre heure, nous aussi. Vous verrez.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. BOURASSA: Vous verrez les pouvoirs du gouvernement.
M. BURNS: Je dis tout simplement, M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vous ferai remarquer que le temps est
écoulé, si vous voulez conclure très rapidement.
M. BURNS: Vous comprenez aussi que j'ai subi deux interruptions, celle
du premier ministre...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Ce sont des questions auxquelles vous avez
accepté... Je ne vous tiens pas rigueur. Je vous demande de
compléter...
M. BURNS: D'accord. Vous êtes bien gentil, M. le Président.
Je vais me plier à votre directive et terminer le plus rapidement
possible dans quelque 30 secondes.
Donc, pas tellement sur la capacité avec peut-être le point
d'interrogation de l'article 133 quant à certaines juridictions
très précises, mais sur l'applicabilité, c'est là
que nous nous posons des questions. Par l'entremise du texte de M. Ryan, j'ai
cité le cas des compagnies aériennes et des compagnies de
navigation. On pourrait même penser aux compagnies de charte
fédérale, c'est-à-dire des compagnies qui opèrent
au Québec, malgré que cela n'est pas mon opinion...
M. CLOUTIER: La commission Gendron a répondu à tout
cela.
M. BURNS: Oui, elle a répondu à tout cela, mais pour une
fois et une fois pour toutes, et je pense que la commission Gendron est d'avis
que le Québec peut légiférer, il n'y a pas de doute
là-dessus. Encore une fois, ce n'est pas tellement sur la
capacité comme sur l'applicabilité. Qu'est-ce qui arrive...
M. BOURASSA: On va recommencer à neuf.
M. BURNS: ... si certaines compagnies à charte
fédérale décident de vous laisser croire...
M. TARDIF: 30 secondes.
M. BURNS: ... qu'étant de charte fédérale, une
telle charte de la langue française, comme dirait le premier ministre,
ne s'applique pas à elles? Comment allons-nous pouvoir agir à
leur endroit, elles dont, en grande partie, la juridiction nous échappe?
Il y a l'aspect civil, évidemment, qui ne nous échappe pas,
mais...
M. TARDIF: 30 secondes.
M. BURNS: En deux mots, c'est pour ces raisons que nous croyons et
l'amendement du chef de l'Opposition et la motion du député de
Saint-Jacques parfaitement acceptables et comme ne devant pas poser de
problème à la commission. Si j'avais le droit de vote mais
comme je ne suis pas membre de la commission, je ne pourrai pas voter pour
je voterais à deux mains en faveur de cette motion telle
qu'amendée.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que les membres de la commission sont
prêts à se prononcer sur l'amendement...
M. MORIN: Oui, d'accord.
M. CLOUTIER: On va voter? Nous votons?
M. BOURASSA: II a une autre motion principale après.
M. CLOUTIER: Tout le monde a parlé? Je vais simplement dire deux
mots avant le vote parce que j'ai quand même le droit d'intervenir aussi.
Je ne reprendrai pas mon argumentation de ce matin parce que cet amendement
n'ajoute strictement rien à la motion principale, sinon qu'elle
additionne quelques noms de plus. Elle participe exactement du même
esprit, à savoir qu'on cherche à éviter d'entrer dans le
fond du débat alors que nous aurions pu dès la première
séance...
M. MORIN: Remarquez qu'on nous prête des intentions.
M. BOURASSA: C'est évident pour tout le monde.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: C'est évident pour vous, parce que cela ne fait pas
votre affaire.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. CLOUTIER: Votons
maintenant.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Vous avez terminé?
M. CLOUTIER: Oui. Je n'ai pas l'intention de me prêter au
"filibustering" de l'Opposition et si je parle dix minutes, un quart d'heure ou
vingt minutes, à ce moment, je prolonge les débats. Or,
l'argumentation a été faite. Nous avons l'intention de discuter
sur des faits. Nous avons l'intention de discuter sur des
réalités et de façon sérieuse.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, sur l'amendement du chef de
l'Opposition qui se lit comme suit: "D'ajouter à la fin de la
motion,
les mots suivants: "pour entendre l'avis d'experts sur le projet de loi
à l'étude, notamment en faisant appel à l'une ou l'autre
ou à plusieurs des personnes suivantes, MM. les professeurs McWhinney,
F.R. Scott ainsi que MM. Jean-Charles Bonenfant, L.M. Bloomfield, P. Patenaude,
F. Chevrette, G. Beaudoin, A. Abel, H. Brun, J.K. Samson et S.A. Scott, Le
vote...
M. MORIN: Pas "J.K. Samson" prononcé à l'anglaise. C'est
Jean Samson.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je m'excuse.
M. MORIN: De l'université Laval.
M. BOURASSA: En avez-vous un autre?
M. MORIN: Puisque nous sommes dans le bill 22...
M. CLOUTIER: On va attendre l'autre motion.
M. MORIN: ...cela peut devenir "Samson" en deux langues.
Vote sur l'amendement
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. Séguin. M. Charron?
M. CHARRON: En faveur, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Déom?
M. DEOM: Contre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Cloutier?
M. CLOUTIER: Contre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Hardy?
M. HARDY: Contre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Bou-dreault?
M. BOUDREAULT: Contre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Beaure-gard?
M. BEAUREGARD: Contre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Morin?
M. MORIN: En faveur.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Lachan-ce?
M. LACHANCE: Contre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Tardif? M. TARDIF: Contre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Saint-Germain? M. Samson? M. Veilleux?
M. VEILLEUX: J'annule en votant contre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Pour: 2 Contre: 8. L'amendement est
rejeté. Sur la motion du député de Saint-Jacques, que la
commission consente à ce qu'il y ait auditions publiques durant
l'étude du projet de loi 22 après la deuxième lecture. La
commission est-elle prête à se prononcer? Le député
de Chicoutimi.
M. CLOUTIER: II n'avait pas parlé là-dessus?
M. BEDARD (Chicoutimi): Non.
M. CLOUTIER: Mais est-ce qu'il a droit?
M. LEGER: Vous oubliez les débats, M. le Président.
M. CHARRON: ...le député de Maisonneuve et le
député de Saguenay, si cela vous intéresse.
M. CLOUTIER: Cela m'intéresse beaucoup, oui. Mais je voudrais
avoir un éclaircissement, M. le Président. Est-ce qu'il a le
droit de parler sur la motion principale une fois qu'on a disposé de
l'amendement?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je pense que oui.
M. MORIN: Bien, voyons.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Chicoutimi.
M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, puisque l'amendement a
été battu, cela confirme tout simplement l'appréhension
que nous avions et que j'avais exprimée et que d'ailleurs tous mes
collègues avaient exprimée tout à l'heure que nous
trouvions déplorable d'avoir à argumenter sur des sujets aussi
importants ou sur des exigences aussi importantes que de convoquer devant cette
commission des experts en matière constitutionnelle de manière
à pouvoir être bien convaincu, bien éclairé à
avoir la conviction que le travail que nous faisons d'abord n'est pas inutile
encore une fois dans le sens qu'il nous oblige à travailler un mois ou
deux pour ensuite se faire dire par des instances supérieures que tout
ce que nous avons fait est tout simplement illégal, inopérant, ne
changera absolument rien dans un domaine aussi fondamental que celui du
français au Québec. D'ailleurs cela est si fondamental que tant
le gouvernement libéral que le programme du
Parti québécois n'ont pas hésité à
accorder une attention de tout premier ordre à ce domaine qui est de
toute première importance pour l'ensemble de la collectivité
québécoise et, à ce moment-là, j'inclus non
seulement la majorité francophone québécoise mais
également la minorité anglophone.
En parlant sur la motion principale, nous avons quand même
et j'espère que les membres de la commission cette fois-ci au moins
accorderont cette possibilité à l'Opposition ou à
l'ensemble des membres de la commission, parce qu'ils peuvent très
facilement se rendre compte que nous ne voulons pas en abuser d'une
façon folichonne, d'une façon irresponsable clairement
établi que, si nous faisons la motion de rouvrir les auditions publiques
au niveau de cette commission, nous le faisons, en circonscrivant,
déjà d'une façon très claire, quelles sont les
personnes que nous voulons entendre, quelles seraient les personnes que nous
voudrions entendre et sur quel sujet nous voudrions les entendre, à
savoir la constitutionnalité.
J'écoutais tout à l'heure le ministre de l'Education qui
disait, avec raison, qu'il nous fallait, de la façon la plus urgente
possible, discuter des faits, discuter des réalités, discuter des
choses sérieuses. Je tiens à lui dire ceci étant
d'accord sur cette affirmation de sa part que je ne comprends pas
jusqu'à quel point il fait preuve de lucidité ou de logique quand
il n'accepte pas, en refusant l'amendement que nous avons fait tout à
l'heure et en se préparant à refuser la motion principale, de
considérer la constitutionnalité par son vote
négatif, il ne l'accepte pas comme étant un
élément très important. Pas seulement au niveau de la loi
que nous avons à voter ici, à savoir le projet 22, mais
également concernant le prolongement de toutes les législations
que le gouvernement du Québec peut être appelé à
voter, de toutes les actions législatives que le gouvernement du
Québec peut être amené à prendre et qui ont un
prolongement sur la situation du français au Québec. Si nous
avions ces experts, nous serions peut-être en tout cas, moi,
personnellement très intéressés à leur poser
des questions concernant le domaine des communications.
Nous avons eu un ministre des Communications qui s'est consolé
avec le projet de loi 22 en se disant que si ce n'étaient que des
améliorations minimes, même s'il était en désaccord
sur des points fondamentaux, que de toute façon, cette loi pourrait
avoir des prolongements importants dans l'élaboration future d'une
politique du gouvernement en matière de communication, dans des
revendications qu'il s'apprête à formuler auprès du
gouvernement fédéral, et ce, au nom du gouvernement du
Québec.
Quand on sait jusqu'à quel point je pense qu'il n'est pas
besoin de faire une longue preuve là-dessus le domaine des
communications est relié d'une façon tout à fait
particulière à la santé future du domaine culturel,
à la santé future de la langue française au Québec,
eh bien, il aurait été intéressant, parce qu'on sent que
ce n'est pas tellement enthousiasmant d'essayer de plaider notre demande, y
apporter les arguments les plus raisonnables possible, parce que d'avance, nous
savons et nous pouvons présumer, nous acheminer vers un refus de la part
du gouvernement.
Nous savons que nous ne plaidons pas devant un tribunal impartial ici.
Nous plaidons devant la majorité qui décide, non pas en raison de
critères objectifs, quelle doit être l'attitude à prendre,
mais décide en fonction de son nombre, en termes de quantité
uniquement.
Je disais justement que si des experts avaient été
entendus, dans le domaine des communications, il aurait été
intéressant d'avoir à leur poser des questions concernant la
constitutionnalité.
Je me permets encore une fois, et cette fois d'une façon
très précise, pour ne pas violer ou pour ne pas mal
interpréter la pensée du ministre des communications, de le citer
textuellement parce que, encore une fois, ce dernier s'est dit en
désaccord sur des points fondamentaux du projet de loi; d'un autre
côté, il a semblé vouloir se consoler ou vouloir informer
la Chambre qu'il y aurait peut-être avantage à accepter quand
même ce projet, si imparfait soit-il, les améliorations si minimes
soient-elles, parce qu'il pourrait y avoir un prolongement d'une politique plus
ferme et plus efficace dans le domaine des communications.
Je cite textuellement, M. le Président, le ministre des
Communications qui disait ceci lors du discours en deuxième lecture:
"Peu importe que je sois responsable du domaine des communications, je
considère qu'en termes de développement et de protection de la
culture de la collectivité québécoise, le
développement des communications au Québec, conformément
aux objectifs de la société québécoise, est tout
aussi important j'appuie sur ce point qu'une politique linguistique
comme telle, car les moyens modernes de communication sont devenus le
véhicule privilégié de la langue. C'est moins symbolique
selon son expression mais plus réel. "En effet, quelque
deux millions de Québécois passent en moyenne 25 heures par
semaine dans les institutions d'enseignement. Plus de deux millions sont au
travail pendant 35 à 40 heures par semaine, alors que l'ensemble des
Québécois, c'est-à-dire 6.5 millions, passent en moyenne
25 heures par semaine à regarder la télévision et je
n'inclus pas ici les nombreuses heures passées à écouter
la radio chez soi, dans la voiture ou ailleurs. "Or, sur l'île de
Montréal, par exemple"... c'est toujours le ministre des Communications
qui parle. Vous ne me direz pas qu'on fait des références
à des gens en lesquels vous n'avez pas
confiance, parce que j'imagine que le gouvernement du Québec a
tout de même une certaine confiance en son ministre des Communications
et, de ce fait, j'imagine qu'il accordera, tout au moins pour quelques minutes,
le temps que je le cite, une attention assez soutenue aux paroles et à
l'énoncé que faisait, non pas un membre du Parti
québécois, mais un ministre du gouvernement actuel qui, par
solidarité, comme il l'a dit, se ralliera au projet de loi 22. "Or, sur
l'île de Montréal, par exemple, la situation en
radiotélédiffusion dénote une nette disproportion entre le
nombre de postes de langue française et le pourcentage des francophones.
Ainsi, il existe cinq postes AM de langue anglaise et six postes de radio de
langue anglaise, dont un sur ondes courtes. Trois postes FM de langue
française, contre quatre de langue anglaise et un nombre égal de
postes de télévision, soit deux de chaque langue". Ceci, M. le
Président, dans un territoire où une large majorité de
francophones y résident et y vivent. Le ministre des Communications
poursuivait: "Ceux qui possèdent le câble, assistent à une
disproportion encore plus grande, alors qu'ils ont accès à sept
stations de télévision de langue anglaise et quatre de langue
française.
Ce sont des faits", disait-il. "J'ai dû, au cours de mes propos,
faire souvent référence au gouvernement fédéral,
disait-il. Rien d'étonnant à cela car il nous manque beaucoup
d'outils actuellement pour réaliser notre souveraineté
culturelle". Ce n'est pas le Parti québécois qui le dit, M. le
Président. "Et, continuait-il, plusieurs de ces outils sont actuellement
à Ottawa. "Le gouvernement fédéral constitue, par ses
institutions, par ses moyens d'action, par sa forme de pensée, une force
assimilatrice de premier ordre au Québec et ailleurs dans les autres
provinces". Encore une fois, c'est le ministre libéral du gouvernement
provincial qui parle.
Il terminait : "Parce que les assises politiques se déplacent
extrêmement rapidement, à cause d'une constitution qui aurait
dû être mise à jour". Là-dessus, j'insiste, parce que
j'y reviendrai. "En raison, dit-il, d'une constitution qui aurait dû
être mise à jour il y a déjà plusieurs
années, le gouvernement fédéral intervient dans la plupart
des activités d'un gouvernement moderne". C'est dans ce sens je
m'excuse de la longueur de la citation qu'il aurait été
important en tout cas, c'est mon humble opinion si nous avions eu
la possibilité de voir des experts comparaître à cette
table, de demander à ces experts jusqu'à quel point la
constitution, dans leur idée, permettra au Québec d'avoir une
politique des communications qui soit, selon la nécessité et
selon l'urgence dans laquelle nous sommes placés, qui soit ferme, qui
soit vigoureuse par rapport aux droits que possède, à l'heure
actuelle, le gouvernement fédéral.
Autrement dit, dans le domaine des commu- nications, comme dans le
domaine de la législation, en fonction du projet de loi 22 de la langue
française, on aurait pu et on en aurait profité pour leur
demander jusqu'à quel point, encore une fois, un gouvernement
fédéral aurait pu faire planer la possibilité de
désavouer ou encore de contrecarrer une politique des communications
énergique, nécessaire ici au Québec, parce que, à
l'heure actuelle, elle sert plutôt l'assimilation que
l'épanouissement de l'ensemble de la collectivité et de la
majorité québécoises. On aurait pu demander à ces
experts si nous ne nous contons pas d'histoires en nous consolant sur une
solidarité par rapport au projet de loi 22, en nous disant qu'il y aura
un prolongement très positif par une politique en matière de
communication qui, elle, sera très énergique par rapport
il faut l'interpréter comme cela au projet de loi 22 sur la
langue française qui, lui, n'a pas le caractère énergique
auquel, je crois, l'ensemble des Québécois francophones avaient
le droit de s'attendre face au danger, qu'on le veuille ou non et c'est
du réalisme d'assimilation dont le spectre, à l'heure
actuelle, se profile tranquillement devant la majorité
québécoise.
Ces experts auraient pu, je pense, soit confirmer ou soit infirmer les
doutes que l'Opposition entretient ou est en mesure de se poser comme
législateur sérieux qui, avant de se pencher sur une loi, avant
d'en étudier les implications, avant d'en étudier le contenu et
l'application pratique au niveau de l'ensemble de la population, doit mettre
tous les éléments de son côté, s'informer
auprès des experts constitutionnalistes si, effectivement, on ne
légifère pas pour rien, si, encore une fois, avec des airs de
gouvernement qui a les pleins pouvoirs politiques, on n'est pas en train,
à l'heure actuelle, de légiférer comme une minorité
canadienne et non pas comme une majorité québécoise.
Si notre demande était acceptée par le gouvernement, je
crois qu'il y aurait eu lieu de demander des opinions juridiques à ces
mêmes experts concernant les lois. C'est le cas de presque tout
l'ensemble des lois que vote le gouvernement sur les dispositions concernant la
langue qui sont contenues à l'intérieur de chacune de ces lois,
pour savoir jusqu'à quel point le gouvernement peut, sans courir le
risque d'être désavoué par une autorité
supérieure, aller de l'avant et imposer ses mesures
législatives.
Encore une fois, M. le Président, vous le savez, c'est l'essence
des demandes qu'a faites l'Opposition. Nous ne pouvons pas accepter de
légiférer sérieusement en entretenant le doute que tout ce
que nous faisons peut être contrecarré, peut être
réduit à rien dans le temps de le dire par une autorité
fédérale qui prétendrait avoir la juridiction d'intervenir
en ce qui a trait à une loi provinciale. Nous voulons, autrement dit,
que ce danger d'intervention de la part du fédéral
vis-à-vis d'une loi provinciale soit écarté
une fois pour toutes dans notre esprit. Le garder dans notre esprit, ce
serait à mon sens entretenir un doute et cela, plusieurs de mes
collègues de l'Opposition l'ont mentionné. Je croyais qu'à
la longue cela viendrait peut-être à ébranler d'une
certaine façon les députés de l'autre côté de
la table. L'Opposition et le peuple québécois ne peuvent pas
accepter d'avoir une loi qui parait peut-être bien comme image, mais dont
la réalité d'application, dont la force d'application pratique
est toujours à la merci, soit d'un désaveu, soit de pressions de
la part du gouvernement fédéral auprès des
autorités provinciales pour que ce dernier ajuste sa loi,
légifère autrement dit en fonction des vues qu'il peut avoir sur
ce que devrait être une loi provinciale sur la langue.
C'est d'autant plus inquiétant qu'on a un premier ministre du
Canada qui est francophone qui, encore une fois je pense qu'il faut le
répéter ne reconnaît même pas la thèse
des deux nations. S'il est logique, s'il ne conçoit pas une politique
linguistique de la même manière que les Québécois
peuvent la concevoir, il la conçoit, autrement dit, dans une optique
canadienne et non pas dans une optique québécoise.
Remarquez que je ne lui fais pas grief de... Etant premier ministre du
Canada, il est normal au moins qu'il pense en fonction du Canada, comme il
serait normal, par exemple, qu'un gouvernement québécois pense en
fonction des intérêts pas seulement de la majorité
québécoise, mais de l'ensemble du Québec. Il ne se place
pas dans une situation législative diffuse, incertaine, qui pourrait
laisser dans l'esprit de la population des doutes concernant les
possibilités de pression qu'une autorité fédérale
pourrait avoir continuellement, même si on votait la loi demain. On ne
peut pas se payer le luxe que le gouvernement fédéral puisse
exercer des pressions auprès du gouvernement provincial concernant
l'application pratique d'une loi provinciale. Ceci pourrait amener, comme
conséquence, que dès que le gouvernement provincial aurait
adopté sa loi, dès qu'il voudrait en faire une application
pratique dans un cas précis, qui pourrait amener des manifestations, qui
pourrait amener des sursauts, une non-acceptation de la part d'un groupe
important, à ce moment, on aurait toujours le doute qu'une action soit
prise suite aux intérêts de l'ensemble de la collectivité
québécoise, mais suite aux pressions qui seraient faites par en
dessous par un gouvernement fédéral qui a en main et qui aurait
en main une arme, à savoir celle de dire: Vous allez agir de telle
façon, d'une façon pratique, sinon on va employer les
procédures de désaveu.
M. DEOM: M. le Président, le député de
Chicoutimi...
M. BEDARD (Chicoutimi): Mon temps est terminé?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Non... parce que le temps est
écoulé depuis quelques...
M. DEOM: Merci, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je ne le permets pas. Est-ce que le
député de Maisonneuve... motion.
M. DEOM: Je voulais dire au député de...
M. BURNS: A moins qu'un député ministériel veuille
parler. Je ne voudrais pas brimer...
M. CLOUTIER: On a dit tout ce qu'on avait à dire.
UNE VOIX: ... une question.
M. BOURASSA: Je ne suis pas un "filibuster".
M. CLOUTIER: Nous préférons vous laisser avec votre
responsabilité.
M. BEDARD (Chicoutimi): Soyez sans crainte. On n'essaie pas...
M. BURNS: M. le Président... M. CLOUTIER: Allez-y.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Maisonneuve, sur
la motion.
M. BURNS: Une question de règlement, d'abord, d'après ce
que vient de me signaler le député de Saint-Jacques. Encore une
fois, on nous indique que des gens sont empêchés d'entrer à
l'Assemblée nationale.
M. LEGER: C'est cela la considération du premier ministre pour la
population?
M. BOURASSA: Cela relève du président de
l'Assemblée nationale.
M. BURNS: M. le Président...
M. BOURASSA: Adressez-vous au président de l'Assemblée
nationale.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vais tâcher de régler le
problème. Commencez votre intervention et je vais faire le
nécessaire auprès du président.
M. BURNS: Oui, d'accord! Je veux seulement vous le signaler, M. le
Président. On me rapporte qu'on dit aux gens à la porte qu'il n'y
a pas de place, ici à l'assemblée. Regardez, vous avez des
sièges vides derrière.
M. BOURASSA: Vous préparez un autre spectacle pour
aujourd'hui?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!
Je demande tout de suite à un des officiers de se rendre chez le
président de l'Assemblée nationale, puisque, comme vous le savez,
c'est de lui que dépend l'accès à l'Assemblée
nationale. Je fais vérifier tout de suite et on vous fera rapport
aussitôt que possible.
M. BURNS: Merci, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que vous allez maintenant intervenir
sur la motion?
M. BURNS: Oui.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Maisonneuve, sur
la motion du député de Saint-Jacques.
M. BURNS: Je vais intervenir, M. le Président, calmement aussi,
malgré les provocations du premier ministre. Ce n'est pas moi qui l'ai
provoqué. Cest lui qui m'a provoqué tout à l'heure.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BURNS: Dans cet ultime effort de tenter de convaincre la commission
d'adopter la motion que nous avons l'intention de soumettre à votre
attention, c'est-à-dire au moins celle concernant la possibilité
que cette commission-ci ait des auditions publiques, j'interviens quand
même, malgré que la commission se soit prononcée contre
l'amendement du chef de l'Opposition qui voulait préciser la motion
principale, parce que je pense, malgré que la commission ait
rejeté l'amendement du chef de l'Opposition, la motion principale
continue à garder pleinement son sens, à partir du moment
où on demande que des auditions publiques puissent avoir lieu au cours
de nos travaux. Nous pensons, et sans vouloir insister plus longtemps, sur cet
argument... Mais je m'en veux de ne pas le répéter parce qu'on
dirait qu'il y a quelqu'un qui ne l'a pas compris, quelques-uns qui ne l'ont
pas compris de l'autre côté ...
C'est sûr que c'est peut-être à certains articles en
particulier qu'on devrait faire appel à des experts malgré
qu'après avoir discuté avec le chef de l'Opposition, je suis
convaincu que même, dès l'article 1, on aurait peut-être
besoin d'experts. Malgré cela, disons que, même à l'article
1, la discussion est assez fondamentale et sera probablement assez longue et
que, normalement, on pourrait avoir un certain délai pour faire venir
des gens si on se retrouve dans un certain imbroglio, ou même on pourrait
alors simplement suspendre l'article pour attendre la disponibilité des
experts.
Mais ce qui nous motive, principalement, à faire cette motion-ci
au début, c'est qu'on sait et on est même certain qu'il y aura des
divergences d'opinions à l'un ou l'autre des articles du projet de loi
entre le gouvernement et nous relativement à la possibilité, non
seulement du texte actuel, mais quant à la possibilité de
légiférer relativement à certains amendements que nous
vous proposerons.
On doit tenir compte de cela aussi. Simplement l'aspect constitutionnel
sur le texte actuel... Peut-être le ministre de l'Education nous
dira-t-il: On l'a fait vérifier par nos experts avant et on pense que le
projet de loi qu'on vous soumet, dans sa forme actuelle, ne comporte pas de
problème. Peut-être que je précède l'argument du
ministre de l'Education en disant cela, mais, par sa réaction...
M. CLOUTIER: Vous le suivez. Je l'ai dit à maintes reprises.
M. BURNS: ... et par ses signes de tête et par sa dernière
remarque, je pense que j'ai raison de penser ainsi.
Or, je dis que ce n'est pas la seule raison, même si vous, M. le
ministre ou le premier ministre, avez fait vérifier la
constitutionnalité du texte actuel, vous ne pouvez pas je vous le
dis et c'est bien sûr, il n'y a rien de plus évident avoir
fait d'avance vérifier la constitutionnalité de certains des
amendements qu'on a l'intention de vous proposer et peut-être, dans un
grand esprit de collaboration de la part du ministre de l'Education,
peut-être qu'il va arriver à un point où il voudra,
à deux mains, adopter les amendements que nous allons proposer. C'est
fort possible.
M. BOURASSA: Procédons. M. CLOUTIER: Allons-y!
M. BURNS: C'est ce qu'on vous dit, mais votons d'abord ce principe.
Votons le principe de la possibilité des auditions publiques, adoptons
ce principe et ne nous privons pas d'un instrument. Ce que je trouve vraiment
extraordinaire, c'est quand quelqu'un veut faire quelque chose de
sérieux et soit disant je présume que si le ministre de
l'Education... Qu'est-ce qu'il y a? Cela ne va pas bien du côté
d'Anjou? Qu'est-ce qui se passe?
M. TARDIF: Cela va toujours bien.
M. BURNS: Est-ce que je vous ai achalé?
M. TARDIF: Non. Cela va toujours bien.
M. BURNS: Si je vous achale par ma seule présence, je sais que
vous voudriez être 110...
M. TARDIF: Parlez-moi.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. TARDIF: ... de règlement. Parlez donc au président
!
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! S'il vous plaît, si vous
voulez tous me parler.
M. BURNS: M. le Président, c'est bien plus agréable de
vous parler, d'ailleurs, je sais cela.
M. BOURASSA: Continuez comme cela et on va être 110 la prochaine
fois.
M. LEGER: Une chose à prouver.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. BOURASSA: Continuez.
M. CHOQUETTE: On vous l'a dit la dernière fois.
M. BOURASSA: Je vous l'avais dit.
M. BURNS: Vous souvenez-vous du premier ministre Bertrand qui disait la
même chose à ceux qui voulaient s'y opposer?
M. BOURASSA: II y en a eu 102.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. BURNS: Alors, M. le Président, je disais tout simplement que
je trouve incroyable, inconcevable que quelqu'un qui veut faire quelque chose
de sérieux et je disais, avant que le premier ministre
m'interrompe, que j'allais dire quelque chose de gentil pour vous du
côté ministériel. Imaginez-vous!
M. BOURASSA: On ne peut pas dire qu'il est hypocrite.
M. BURNS: Non, vous ne pouvez pas dire que je suis hypocrite parce que
le premier ministre va me rendre au moins cet hommage que, quand je pense que
le gouvernement a raison, je le lui dis et je ne me gêne pas pour le
dire.
M. BOURASSA: ... encore.
M. BURNS: Je l'ai dit à plusieurs reprises au ministre de la
Justice quand il a adopté la Loi de l'aide juridique, je l'ai dit quand
il a apporté ses amendements à la Régie des loyers. Mais
là vous avez un ministre évidemment quand il n'est pas
"stressé", dans les périodes de "stress" mon jugement n'est pas
pareil à son égard qui apporte des lois positives et qui
veut faire avancer l'administration de la justice et cela je l'ai toujours dit.
Je ne m'en cacherai pas aujourd'hui. J'allais dire donc, M. le
Président, quelque chose de gentil à l'endroit même du
premier ministre, à l'endroit du ministre de l'Education et j'inclus le
premier ministre dedans.
LE PRESIDENT (M. Gratton): ... directement.
M. BURNS: II n'y a pas de danger qu'il m'engueule à moins qu'il
n'y ait un pot avec la fleur, j'imagine, et il n'y en aura pas. J'allais dire
que je présume je suis obligé de présumer,
connaissant le cabinet, connaissant surtout le ministre de l'Education et le
premier ministre qu'ils veulent faire quelque chose de sérieux
avec leur projet de loi. On a beau ne pas être d'accord sur tout dans le
projet de loi 22, on sait que vous voulez faire quelque chose de
sérieux. Or...
M. BOURASSA: Procédons sérieusement. M. BURNS: C'est cela.
Et vous êtes bloqué...
M. CLOUTIER: Comment conciliez-vous cela?
M. BURNS: Vous pensez qu'il est tellement bon, votre projet de loi,
qu'il faille tout de suite se rendre à l'article 130 dès ce
soir.
M. CLOUTIER : Comment conciliez-vous cela? Est-ce que je peux poser une
question au député de Maisonneuve? Comment conciliez-vous cela
avec la demande que vous avez faite de le retirer? Vous venez de dire qu'on a
fait quelque chose de sérieux, vous nous rendez un hommage que je crois
mérité...
M. BURNS: Ne m'interprétez pas mal, M. le ministre, je dis que je
vous accorde que je suis certain que vous voulez faire quelque chose de
sérieux. Je ne vous dis pas que cela l'est. Bon.
M. CLOUTIER: J'avais une certaine inquiétude, je me demandais si
vous étiez prêt à traverser. Vous me rassurez.
M. BURNS: Non. Il n'y a pas de danger. Je me sens très bien
où je suis pour le moment, d'ici les prochaines élections.
M. TARDIF: Pour le moment. M. BOURASSA: Pour le moment. M. CLOUTIER:
D'ici le congrès.
M. BURNS: Non, d'ici les prochaines élections.
M. BOURASSA: Vous avez contredit votre chef assez souvent.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEGER: Une chose peut être sérieuse sans être
nécessairement bonne.
M. BURNS: C'est cela un parti vraiment démocratique.
M. BOURASSA: Le député de Lafontaine...
M. BURNS: Ce sont des gens qui ont droit à la dissidence.
M. BOURASSA: ... il a refusé de... M. BURNS: On va voir si vous
l'avez...
M. LEGER: Vous ne me connaissez pas encore, attendez à
demain.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BURNS: On va voir si vous l'avez le droit à la dissidence
selon ce que vous allez faire du député de Mont-Royal et du
député de Sainte-Anne.
M. BOURASSA: Un beau succès, votre incitation à
l'annulation...
M. TARDIF: $25,000 chez le diable. LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEGER: L'annulation et l'abstention... LE PRESIDENT (M. Gratton): A
l'ordre!
M. LEGER: II se répète toujours à sa façon,
le premier ministre, annulation et abstention.
M. BOURASSA: Consigne d'annulation et d'abstention.
M. TARDIF: $25,000 chez le diable.
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.
Pourriez-vous demander à tous les députés autres que le
député de Maisonneuve, de respecter le droit de parole du
député de Maisonneuve. Le député de Maisonneuve
faisait un exposé sur lequel je ne suis pas d'accord mais qui a une
apparence de sérieux.
M. CHARRON: Vous allez vous faire taper sur les doigts par le premier
ministre.
M. BURNS: Merci.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je prends pour miens les propos du ministre
des Affaires culturelles.
M. HARDY: M. le Président, j'invoque une question...
M. CHARRON: Vous avez mangé votre nanan hier.
M. HARDY: M. le Président, j'invoque une question de
privilège. Le député de Saint-Jacques...
M. BURNS: II a dit tout à l'heure qu'il n'y en avait pas.
M. HARDY: ... prétend que je me suis fait taper sur les
doigts...
M. LEGER: Montrez vos mains.
M. HARDY: ... au conseil des ministres. Encore une fois, je rappelle au
député de Saint-Jacques qu'il ne devrait pas croire que le
conseil des ministres ressemble au caucus du Parti québécois et
qu'il se trouve au conseil des ministres des gens comme le député
de Sauvé qui, constamment aux caucus du Parti québécois,
reproche à son collègue de Saint-Jacques son style brouillon,
débraillé, qui nuit à la réputation de grand
aristocrate du député de Sauvé.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, à l'ordre!
M. BURNS: M. le Président, j'espère que ces
dernières paroles ne seront pas chargées véritablement,
dans tous les sens du mot, à mon temps.
M. CLOUTIER: Non, non, laissons-lui son temps; quant à les
entendre, je préfère entendre le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Merci.
M. BEDARD (Chicoutimi): C'est mieux que le ministre des Affaires
culturelles.
M. HARDY: Ils sont six...
M. CLOUTIER: C'est mieux que les députés de Lafontaine ou
du Saguenay.
M. BURNS: Je remercie, soit dit en passant, le député de
Terrebonne, pour sa protection de mon droit de parole. J'ai reconnu mon ancien
confrère de classe et non pas l'actuel ministre des Affaires
culturelles.
M. HARDY: Ce n'est pas la première fois que je protège
votre droit de parole, rappelez-vous l'étude des règlements.
M. BURNS: C'est vrai. Il y a des fois où vous ne l'avez pas
protégé quand vous me fermiez la boîte comme
vice-président de l'Assemblée nationale.
M. BOURASSA: On était obligé.
M. BURNS: En tout cas, maintenant que cette digression est faite;
j'étais à dire, M. le Président, que je considère
que le premier ministre et le ministre de l'Education, et probablement tous les
membres du cabinet veulent
faire quelque chose de sérieux avec le projet de loi 22.
Même si on n'est pas d'accord sur le projet de loi, je dis: Quand
quelqu'un veut faire quelque chose de sérieux, ne doit-on pas s'attendre
à ce qu'il prenne tous les outils, qu'il utilise tous les instruments
pour arriver à sa fin, qui est de faire quelque chose de sérieux?
Un de ces outils, prétendons-nous, c'est d'admettre au départ et
avant le projet de loi qu'on se réserve le droit à cette
commission-ci de faire des auditions publiques. Quand on a déposé
la motion j'insiste beaucoup là-dessus, c'est pour ça que
le chef de l'Opposition a tenté de préciser la motion du
député de Saint-Jacques pour qu'il n'y ait pas
d'ambiguïté on a dit: Ne vous inquiétez pas, on ne
vous demandera pas de faire revenir ici les quelque 75 organismes ou individus
qui n'ont pas pu se faire entendre. Je le réaffirme pour que ce soit
bien clair. Selon nous, on aurait voulu les faire entendre mais on l'a fait au
moment où le gouvernement s'est servi de sa majorité pour mettre
fin aux travaux de la commission, après la première lecture. Je
pense qu'on l'a dit amplement à ce moment-là.
Maintenant que la décision a été prise par
l'Assemblée nationale, ce n'est pas à moi de revenir ici pour
tenter de faire révoquer cette décision. Ce n'est pas du tout
notre intention.
Je me demande pourquoi véritablement le gouvernement aurait peur
d'adopter cette motion du député de Saint-Jacques, telle qu'elle
est formulée, alors qu'on en connaît le sens, alors qu'on sait
véritablement quel sens on veut lui donner. Je pense donc que cette
dernière chance que nous avons de nous donner au moins cet instrument,
nous devrions la saisir. Tout à l'heure, je n'ai malheureusement pas eu
le temps de discourir là-dessus, mais je veux simplement signaler un
certain nombre de choses où l'applicabilité, comme je le disais,
de la future loi 22, ou projet de loi, une fois mise en application, lorsqu'on
aura des difficultés à l'appliquer, on se dira à ce
moment: Nous aurions dû consulter des experts.
On n'a peut-être pas pensé, M. le Président, entre
autres, aux problèmes que peut causer éventuellement
peut-être, cette motion, cette loi, avec les modifications qu'on pourrait
y apporter, entre autres à la couronne fédérale.
Je n'ai pas besoin de l'exposé de M. Ryan, je m'en suis servi
tout à l'heure; cela va.
M. VEILLEUX: C'était juste pour l'aider.
M. BURNS: Je remercie le député de Saint-Jean qui me
donnait à nouveau la source que je citais tout à l'heure,
c'est-à-dire l'éditorial de M. Ryan, mais je n'ai pas l'intention
d'y revenir. Non, je n'ai pas du tout l'intention d'y revenir. Mais avez-vous
pensé, M. le premier ministre... il est vrai que je ne peux pas
m'adresser à vous personnellement. M. le Président, est-ce que le
premier ministre a pensé aux problèmes... vous allez me dire
maintenant que vous ne pouvez pas répondre pour le premier ministre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je ne dis rien.
M. BURNS: Est-ce que vous avez pensé, M. le Président,
à ce qu'il adviendra de l'applicabilité de cette loi, eu
égard aux quelque 76,000 fonctionnaires fédéraux? Comment
va-t-elle s'appliquer relativement à des entreprises à
caractère purement fédéral, comme l'armée, par
exemple?
M. BOURASSA: Est-ce que je peux poser une question au
député de Maisonneuve?
M. BURNS: Oui, sûrement.
M. BOURASSA: Pourquoi vous obstinez-vous tellement à retarder
l'adoption du français comme langue officielle au Québec?
M. BURNS: On ne s'obstine pas à cela. On a dit: On va passer la
rivière quand on va y arriver. On considère qu'on n'y est pas
encore tout à fait arrivé.
C'est un projet de loi qui est suffisamment important à mon avis,
pour le Québec, nous sommes entièrement d'accord avec vous, c'est
peut-être le seul point où on est d'accord avec le premier
ministre.
M. MORIN: La politique, c'est que le français soit la seule
langue officielle du Québec, la seule.
M. BURNS: Oui, c'est important, c'est sûr. LE PRESIDENT (M.
Gratton): A l'ordre!
M. CLOUTIER: Vous ne voulez pas qu'on le retire maintenant?
M. BURNS: C'est une question...
M. CLOUTIER: Vous ne voulez pas qu'on le retire maintenant?
M. BURNS: Ecoutez, M. le Président, on va discuter de cela quand
viendra l'étape de discuter de l'article 1...
M. CLOUTIER: Ah bon!
M. BURNS: Pour le moment, on est en train de discuter des étapes
préliminaires à l'étude du projet de loi. On a l'intention
de se donner tous les outils...
M. CLOUTIER: Vous n'avez pas répondu à ma question.
M. BURNS: Je dis, M. le Président...
M. CLOUTIER: Vous vouliez qu'on le retire. Voulez-vous encore qu'on le
retire?
M. BURNS: On aimerait bien mieux que
vous le retiriez et que vous le reportiez à l'automne.
M. CLOUTIER: Non, qu'on le retire définitivement.
M. BURNS: Ah bien oui! Pour en faire un meilleur.
M. CLOUTIER: C'est ce que vous aimeriez. M. BURNS: Pour en faire un
meilleur.
M. CLOUTIER: Non, vous savez très bien ce que cela signifie.
M. BURNS: Pour en faire un meilleur. On n'a jamais dit qu'il ne fallait
pas légiférer en matière linguistique. Cela fait trois ans
que nous crions après vous...
M. CLOUTIER: Que disait Pierre Bourgault?
M. BURNS: ... pour sortir une charte linguistique.
M. CLOUTIER: Pierre Bourgault a été le premier...
M. BURNS: II y avait trois ans qu'on se faisait dire: On attend la
commission Gendron. La commission Gendron n'a pas terminé ses
études.
M. BOURASSA: Pierre Bourgault dit lui-même qu'on ne doit pas en
retarder l'adoption.
M. CHARRON: Vous avez bavé sur Bourgault pendant dix ans...
M. CLOUTIER: Messieurs, on ne se débarrasse pas de ses pionniers
aussi facilement que cela.
M. BURNS: Bon.
M. HARDY: Ingratitude. Si Pierre Bourgault n'avait pas invité le
député de Saint-Jacques, il serait encore au jardin de
l'enfance.
M. BURNS: C'est quelque chose, M. le Président...
M. BEDARD (Chicoutimi): Si le jardin de l'enfance n'existait pas, vous
ne seriez pas bien loin vous non plus.
M. BURNS: Je ne peux pas, à ce moment-ci parler d'hypocrisie, je
pense. Parce que, quand je vois le premier ministre et le ministre de
l'Education tenter de réhabiliter M. Bourgault, je ne peux pas parler
d'hypocrisie, M. le Président?
M. CLOUTIER: J'ai toujours...
M. BURNS: Je n'en parlerai pas.
M. CLOUTIER: ... j'ai toujours dit que c'en est un qui a compris, au
fond ce que c'était le concept de l'indépendance.
M. BURNS: Je n'en parlerai pas.
M. CLOUTIER: Voulez-vous que je vous cite son article?
M. BURNS: Que le ministre de l'Education ne s'inquiète pas, M. le
Président, je n'en parlerai pas! Je dis tout simplement qu'on a
peut-être pensé et qu'on n'a peut-être pas pensé non
plus...
M. BOURASSA: C'est gênant pour le député de
Maisonneuve de voir des plus radicaux que lui qui sont d'accord avec le bill
22.
M. HARDY: Ah! Ah! Ah!
M. BURNS: Ce n'est pas du tout gênant. J'admets l'éventail
des opinions dans la société, je l'ai toujours admis. Qu'est-ce
que vous voulez? Sans cela...
M. MORIN: Sur le bill 22, vous charriez.
M. BOURASSA: ...il a blâmé le Parti québécois
pour faire de l'obstruction au bill 22.
M. MORIN: Vous charriez.
M. BURNS: Vous nous sortirez la citation.
M. BOURASSA: Oui, c'est clair. Il l'a écrit à part
cela.
M. CHARRON: Vous avez l'air cave, M. le... LE PRESIDENT (M. Gratton): A
l'ordre!
M. CLOUTIER: Voulez-vous que je vous le Use?
UNE VOIX: Cela vous fait mal.
M. CHARRON: Enormément.
M. CLOUTIER: Cela ne vous intéresse pas.
M. BURNS: Si vous voulez le lire, lisez-le! Lisez tout l'article, si
vous le voulez, vous allez participer au "filibustering" que vous voyez
partout.
M. CLOUTIER: Autant il fallait se battre, il y a quelques
années...
M. MORIN: Nous allons faire une motion pour dépôt de
document, M. le Président.
M. CLOUTIER: Aucune objection. C'est vrai
que, si je le cite, je suis obligé de le déposer. Je le
dépose.
M. BURNS: Oui.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Allez!
M. BURNS: M. le Président, j'étais à dire: A-t-on
pensé à l'applicabilité de cela, par exemple, à
l'endroit de domaines aussi exclusivement de juridiction fédérale
que l'armée, en vertu de l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique, que les banques, en vertu également de l'article 91 de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique? Qu'est-ce qui arrive si, du
jour au lendemain, les banques vous disent: "Up somewhere with your bill 22? We
are of federal jurisdiction and our employees are going to speak French...
English should I say". Je suis tellement imbu de les faire parler le
français que je me trompe même !
M. BOURASSA: On le sait que votre accent est bon.
M. BURNS: M. le Président, je termine donc ici mes propos.
M. CLOUTIER: Le député de Saguenay vient d'arriver. Cela
tombe juste.
M. LEGER: Mais, en arrivant, j'entendais parler anglais. Je pensais que
le bill 22 était adopté.
M. BURNS: Est-ce que le député de Saguenay a encore le
droit de parole, M. le Président?
M. BOURASSA: Je ne peux pas l'accuser d'être hypocrite. Je sais
fort bien que le député de Saguenay est...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.
M. BURNS: M. le Président, d'ailleurs le député de
Saguenay, aujourd'hui, a tout fait, au contraire. Je ne voudrais pas que vous
commenciez à l'invectiver. Il a tout fait pour collaborer avec le
gouvernement. Il a même accepté, alors que le chef de l'Opposition
et j'en suis témoin, puisque j'ai participé à
l'entente avec le leader du gouvernement était occupé
à cette commission-ci, le député de Saguenay a même
accepté de discuter du projet de loi concernant SIDBEC en Chambre et
à la commission parlementaire en bas. Si ce n'est pas...
M. BOURASSA: Un autre geste positif.
M. BURNS: ... un sens de la collaboration, je ne sais pas ce que c'est.
Je n'ai même pas tenté de négocier avec le leader du
gouvernement un transfert de projet de loi parce que, apparemment, on avait
besoin du projet de loi aujour- d'hui. J'ai même accepté, M. le
premier ministre je vous le rappelle de siéger en bas
à la commission des projets de loi privés...
M. BOURASSA: Hier, vous n'avez pas accepté de siéger
ailleurs pour le bill 22, par exemple.
M. BURNS: Non, M. le Président, parce que c'est ici...
M. BOURASSA: Cela mettait en relief votre complicité avec...
M. BURNS: ... qu'on siège et que c'est ici qu'on examine le
problème. On n'est pas pour commencer à se promener d'une salle
à l'autre du parlement simplement parce qu'il y a des problèmes
dans l'esprit de certaines gens.
M. LEGER: II ne faut pas oublier non plus que le député de
Chicoutimi a agi comme président, alors que c'est la première
fois qu'on lui demande et, par hasard, en même temps que le bill 22.
M. le Président, il faut quand même noter notre
collaboration.
M. BOURASSA: Ah oui!
M. BURNS: Je suppose que c'était tout à fait par hasard
que...
M. BOURASSA: C'est touchant votre collaboration.
M. BURNS: Oui, c'est touchant. Est-ce que vous voulez dire que vous ne
voulez plus de ma collaboration? Est-ce que c'est cela que vous voulez
dire?
M. BOURASSA: Est-ce que vous...
M. BURNS: Je prends les dernières paroles du premier
ministre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BURNS: Demain, je vais lui montrer un exemple de non-collaboration,
d'accord?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A L'ordre! Messieurs...
M. BOURASSA: Ce que je demande au député de Maisonneuve,
c'est de commencer à l'article 1 pour qu'on puisse discuter
sérieusement la question de la langue officielle, comme le chef de
l'Opposition me l'a promis.
M. BEDARD (Chicoutimi): ...pour discuter sérieusement.
M. BOURASSA: Le chef de l'Opposition nous l'a promis il y a trois jours,
il n'a pas tenu sa promesse.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre ! A l'ordre, messieurs
!
M. MORIN: Vous n'auriez qu'à vous rendre à nos demandes et
nous serions déjà à l'article 1 depuis longtemps.
M. BURNS: Est-ce que je peux signaler au premier ministre que
véritablement aucune des motions qui ont été faites par
les députés de Saint-Jacques et de Sauvé depuis le
début, aucune, examinez-les l'une après l'autre, n'est futile,
aucune n'est pas faite dans le but de faire avancer les travaux de la
commission.
M. BOURASSA: Avez-vous des suggestions?
M. BURNS: Si vous aviez accepté, cela ferait longtemps qu'on
aurait commencé l'étude du projet de loi.
M. BOURASSA: Est-ce que je peux poser une question au leader
parlementaire? Est-ce que le leader parlementaire n'a pas dit publiquement
qu'il ferait un "filibuster", même si le chef de l'Opposition
n'était pas d'accord?
M. BURNS: Je n'ai jamais dit cela.
M. BOURASSA: Qu'il ferait un "filibuster" contre le bill 22?
M. BURNS: Je n'ai jamais dit cela.
M. BOURASSA: Vous n'avez jamais dit cela.
M. BURNS: Je n'ai jamais dit cela. Les gens qui m'ont posé la
question...
M. LEGER: Est-ce que je n'ai pas dit au ministre tantôt que s'il
déposait les documents, j'arrêterais net de parler dans mon
discours? Est-ce que je n'ai pas dit cela au ministre tantôt?
M. BOURASSA: Vous aviez une autre motion?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. CLOUTIER: Vous avez refusé de vous engager à ne pas
continuer le débat stérile.
M. LEGER: J'ai dit que j'arrêterais net de parler si vous
déposiez sans condition les documents qu'on vous a demandés.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Un instant, j'aimerais juste
donner une réponse à la question que le député de
Maisonneuve a posée au début, quant à l'accès
à l'Assemblée nationale. Je donne les informations et
après cela, on a une période, un "free for all" jusqu'à 6
heures. Je n'interviendrai pas, je vais même m'en aller. Je voudrais
dire, à la demande du député de Maisonneuve, que les
informations que j'ai reçues des officiers veulent que c'est vrai qu'il
y a des gens qui se sont présentés à la porte centrale,
qui voulaient assister aux délibérations de cette commission, et
qu'à certains moments, durant l'après-midi, la salle était
remplie, on a invité ces gens à s'en aller à
l'Assemblée nationale, de l'autre côté, en attendant qu'il
y ait de la place qui se fasse ici. Que je sache, il n'y a personne à
qui on on a refusé l'entrée à l'Assemblée
nationale.
M. BURNS: M. le Président, je ne sais pas s'il y a des raisons ou
pas, mais il y a des galeries en haut qui peuvent être utilisées.
Est-ce qu'il y a des sièges?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Ecoutez, je vous donne les informations qu'on
me donne. Ce n'est pas à moi de juger...
M. BURNS: Parce que je sais que, dans le passé, les galeries ont
déjà été ouvertes dans le cas des taxis, par
exemple.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui, c'est toujours par exception. Vous
pourrez sûrement vous adresser au président de l'Assemblée
nationale.
M. LEGER: Le projet de loi 22 est exceptionnel, M. le
Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, je pense que...
M. BURNS: Le projet de loi 22 est au moins aussi exceptionnel que le
problème du taxi. Entre vous et moi,...
M. BOURASSA: Les conditions de travail des chauffeurs de taxi, quand
même...
M. BURNS: C'est sûr que c'est important, mais la langue d'une
nation, imaginez-vous, c'est quand même au moins aussi important que les
conditions de travail des chauffeurs de taxi. Vous ne trouvez pas?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Alors, la commission suspend ses
travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 56)
Reprise de la séance à 20 h 6
M. GRATTON (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs !
Nous en sommes toujours à la motion du député de
Saint-Jacques, motion pour que la commission consente à ce qu'il y ait
auditions publiques durant l'étude du projet de loi 22 après la
deuxième lecture.
Est-ce que la commission est prête à se prononcer?
M. CLOUTIER: Oui, vote.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saguenay.
M. CLOUTIER: Ah bon!
M. LESSARD: M. le Président, même si, au début de
cette intervention, je ne me fais aucune illusion sur la décision...
M. CLOUTIER: Ce n'est peut-être pas la peine de continuer.
M. LESSARD: ... de ce gouvernement, puis-je au moins, encore une fois,
faire un dernier effort, une dernière tentative, M. le
Président...
M. CLOUTIER: Vous pouvez vous en dispenser.
M. LESSARD: ... pour essayer de convaincre ce gouvernement de la
justesse de notre motion. Au cours de cet après-midi, j'ai eu l'occasion
de donner un certain nombre de raisons afin que le gouvernement accepte
l'amendement du chef parlementaire de l'Opposition.
Malheureusement, le gouvernement a fait son nid et a refusé cet
amendement. Mais, encore une fois, il nous est extrêmement difficile de
comprendre l'acharnement du gouvernement à s'opposer à des
motions.
Cet après-midi, le premier ministre et le ministre de l'Education
étaient absents pendant le temps où j'ai eu l'occasion
d'intervenir sur la motion du chef parlementaire de l'Opposition, et je
voudrais reprendre quand même, très brièvement,
l'argumentation première que je faisais valoir.
Si ce gouvernement avait accepté un certain nombre de motions que
nous avons proposées, combien d'heures de discussion aurions-nous pu
épargner? Combien d'heures de discussion il nous a fallu faire pour
prouver à ce gouvernement qu'il était nécessaire de
déposer l'ensemble de la réglementation avant d'étudier le
projet de loi 22.
Cette réglementation est devenue, par la suite, les principes
directeurs et après de nombreuses heures de discussions, le ministre a
accepté de déposer, lors de l'étude de l'article 1 du
projet de loi 22...
M. CLOUTIER: Mais j'ai toujours accepté dès le
départ.
M. LESSARD: ... cette réglementation. Si cela n'avait
été de l'acharnement continuel du ministre de l'Education, il ne
nous aurait pas été nécessaire de faire toutes ces
discussions.
M. BOURASSA: C'est pour le sens des paroles du député.
M. LESSARD: Je disais cet après-midi...
M. MORIN: M. le Président, j'invoque le règlement. Cela
fait six fois que le député est interrompu depuis qu'il a
commencé à parler.
M. BOURASSA: Je m'excuse, mais il a dit: Si cela n'avait
été de l'acharnement du ministre de l'Education, il voulait dire
de l'Opposition.
M. MORIN: C'est à croire qu'avec tous vos refus successifs et vos
interventions, vous faites de l'obstruction.
M. CLOUTIER: Vous entendez ce rire.
M. TARDIF: Même vos partisans rient.
M. LESSARD: En voyant l'attitude à la fois du ministre de
l'Education et du premier ministre ainsi que du ministre des Affaires
culturelles, c'est à se demander si ce gouvernement refuserait de
s'attaquer véritablement au projet de loi, si ce gouvernement ne veut
pas tout simplement retarder...
M. TARDIF: Ferme tes yeux, Lulu.
M. LESSARD: ... l'étude des différents articles de ce
projet de loi. C'est à se demander si ce gouvernement ne fait pas tout
simplement de l'obstruction systématique à toutes nos demandes
afin justement que l'hypocrisie de son projet de loi ne puisse être
démasquée par l'Opposition lorsque nous atteindrons
l'étude des différents articles.
Le gouvernement voudrait-il nous imposer cette discussion sur des
demandes qui nous apparaissent essentielles avant d'entreprendre l'étude
du projet de loi, sur des demandes mêmes qui ont été
acceptées par le ministre de l'Education?
Le gouvernement voudrait-il nous imposer cette discussion en vue de
justifier l'application, comme je le disais cet après-midi, pour une
deuxième fois, sur ce projet de loi, du règlement de
clôture?
Si la motion que nous discutons ce soir, avait été
acceptée dès hier soir, probablement que nous aurions pu
interroger plusieurs experts et qu'à la suite de cette audition
publique, aurions-nous pu passer dès demain, à l'étude de
l'article 1 du projet de loi.
Mais, M. le Président, ce gouvernement s'acharne, ce gouvernement
ne veut rien savoir, ce gouvernement voudrait-il cacher les implications que
pourrait avoir le projet de loi 22? Quel objectif poursuivons-nous quand nous
présentons la motion qu'a présentée le
député de Saint-Jacques? Quel objectif poursuit-on quand nous
demandons l'audition publique d'experts? Nous voulons tout simplement sauver la
face de ce gouvernement. Nous voulons lui éviter une magistrale tape
dans la face que pourrait lui donner son patron à Ottawa, le
gouvernement Trudeau. Ce ne serait d'ailleurs pas la première fois et,
comme Québécois, nous ne pouvons qu'être humiliés
lorsque cette situation se présente. Ne devons-nous pas nous
préparer en conséquence? Ne devons-nous pas analyser de
façon complète, de façon exhaustive, toutes les
conséquences constitutionnelles de ce projet de loi afin de nous
prémunir, comme l'expliquait le député de Saint-Jacques,
contre une attaque du gouvernement fédéral, qui n'est pas le
nôtre?
Le premier ministre nous dit que le pouvoir de désaveu est
tombé en désuétude depuis une trentaine d'années,
mais rien n'empêche, M. le Président, le gouvernement Trudeau de
l'utiliser, car il existe toujours, ce pouvoir, en vertu de l'article 56, je
pense, de l'acte constitutionnel. Peut-être que le premier ministre croit
que son chef à Ottawa ne l'utilisera pas contre le bill 22, puisque ce
pouvoir n'a jamais été utilisé contre les autres provinces
du Canada qui ont fait disparaître l'enseignement de la langue
française à l'intérieur des écoles. C'est
peut-être oublier que le gouvernement du Canada est d'abord le
gouvernement des anglophones; c'est oublier que les anglophones comptent pour
14 millions au Canada; c'est oublier probablement que nous ne sommes qu'une
minorité dans ce pays et qu'un gouvernement est élu par la
majorité...
M. BOURASSA: Pourquoi ne pas passer la loi?
M. LESSARD: ... et gouverne en faveur de cette majorité.
M. BOURASSA: Aidez-nous à passer la loi au lieu de nous frapper
dans le dos.
M. LESSARD: M. le Président, nous voulons d'abord prendre toutes
les précautions nécessaires afin d'être assurés que
ce projet de loi ne sera pas contesté par les tribunaux.
M. CLOUTIER: Donc, il sera d'accord.
M. LESSARD: Figurez-vous, M. le Président, les pressions qui vont
se faire d'ici quelques jours, d'ici quelques semaines, auprès du
premier ministre des anglophones...
M. CLOUTIER: Vous devriez être ravis, si vous le contestez,
puisque vous n'en voulez pas.
M. LESSARD: ... afin de faire annuler ce projet de loi.
M. TARDIF: II est tout mélangé.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: M. le Président...
M. LESSARD: Je comprends que le député d'Anjou ne puisse
être mêlé, actuellement...
M. TARDIF: On est tout mêlé, à vous
écouter.
M. LESSARD: ... il l'est continuellement.
M. TARDIF: A vous écouter, vous êtes tout mêlé
vous-même. Vous-même, je parle comme le député de
Saguenay.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LESSARD: Le député de Saguenay, M. le Président,
parle le langage des gens du Saguenay, il n'a pas honte, et s'il fallait
reprendre...
M. TARDIF: Vous demanderez cela aux autorités de... Corrigez vos
fautes!
M. LESSARD: ... les mots tels qu'ils sont dits par les gens de
Montréal...
M. TARDIF: Corrigez vos fautes pour commencer.
M. LESSARD: Je n'ai pas honte de ma langue, M. le Président, et
je dois au député d'Anjou...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Si le député de
Saguenay veut me permettre.
M. LESSARD: ... que dans la région de...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !
M. LESSARD: Rappelez à l'ordre votre collègue.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Vous finirez plus tard.
UNE VOIX: Parlez donc anglais, peut-être que le
député d'Anjou va comprendre ce langage!
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, madame, à l'ordre !
M. TARDIF: Voulez-vous vous faire sortir, vous?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Je répète pour une
troisième fois aujourd'hui à
l'intention de ceux qui n'étaient peut-être pas ici cet
après-midi, qu'il est strictement défendu pour le public de
manifester de quelque façon que ce soit. A la prochaine...
M. MORIN: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Un instant, je suis en train de
donner des instructions. J'invite le public à respecter cette consigne
car je devrai faire évacuer la salle.
M. MORIN: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saguenay...
M. MORIN: Sur un point de règlement. Comment pouvez-vous vous
attendre à ce que la salle ne...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: ... fasse aucune manifestation quand...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!
M. MORIN: ... M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre ! Je rappelle...
M. MORIN: ... ce sont les ministériels qui donnent le mauvais
exemple !
LE PRESIDENT (M. Gratton): ... le chef de l'Opposition officielle
à l'ordre! Un instant.
M. MORIN: Sur un point de règlement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): La décision est claire. A l'ordre
!
M. LESSARD: M. le Président... question de
règlement...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. TARDIF: Voulez-vous vous faire
sortir?
M. LESSARD: Le chef parlementaire soulève une question de
règlement.
M. TARDIF: Espèce d'hypocrite.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Si vous voulez me laisser finir.
M. LESSARD: Depuis quand, les articles 39 et suivants, on ne peut
pas...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. LESSARD: ... les utiliser?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A la demande du chef de
l'Opposition officielle et à la demande de tous les membres, j'invite
les membres eux aussi à se comporter de façon qu'il n'y ait de
réaction dans le public.
M. MORIN: Bon. C'est ce que je voulais dire.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! La parole est au
député de Saguenay et j'invite tous les membres...
M. MORIN: Le mauvais exemple vient de là.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Je n'ai pas besoin de conseil.
L'honorable député de Saguenay sur la motion.
M. LESSARD: M. le Président, je dois au préalable dire au
député d'Anjou...
M. TARDIF: II vous a mis à l'ordre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LESSARD: Que si ce n'était, M. le Président...
M. TARDIF: Parle donc sur la motion.
M. LESSARD: Que si ce n'était de la région du Saguenay
comme de la région de la Côte-Nord, de la Basse Côte-Nord et
du Lac-Saint-Jean, le langage québécois, peut-être, se
serait encore beaucoup plus déprécié.
M. TARDIF: Ce n'est pas la région du Saguenay qui parle
mal...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LESSARD: M. le Président, je dois dire aux gens...
M. TARDIF: A l'ordre!
M. LESSARD: ... au député d'Anjou...
M. TARDIF: Dis-lui à l'ordre.
M. LESSARD: ... que les gens du Saguenay comme les gens du
Lac-Saint-Jean n'ont pas honte de parler le langage qu'ils parlent.
M. TARDIF: C'est toi qui parles mal.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que le député pourrait
revenir à la motion, s'il vous plaît?
M. LESSARD: Oui, M. le Président et je vous invite...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je l'ai fait.
M. LESSARD: ... à appliquer le règlement pour le
député d'Anjou.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je l'ai fait. Je ne peux quand même pas
taper sur les doigts des membres de la commission.
M. MORIN: Ce serait une bonne idée.
M. LESSARD: M. le Président, je l'ai d'ailleurs dit au ministre
de l'Education, en deuxième lecture. Il faudrait quand même que ce
gouvernement prenne conscience que, comme seul gouvernement francophone de ce
pays, il nous faut prendre toutes les précautions nécessaires
pour assurer cette sécurité culturelle qui nous est
nécessaire. Mais il nous faut en même temps être
assurés que cette loi fort importante, comme nous le dit le premier
ministre et le ministre de l'Education, soit conforme à la constitution
de ce pays, qui nous limite dans nos décisions malheureusement,
décisions tant politiques que sociales ou économiques. Sinon, M.
le Président, il faut au moins nous assurer de la correction de la
rédaction de cette loi afin qu'elle ne prête à aucune
contestation devant les tribunaux.
Figurez-vous quelle pourrait être la réaction d'un peuple
dont la survivance est mise en danger, à l'intérieur même
des limites géographiques où il est majoritaire, qui comprendrait
tout à coup qu'il ne peut même pas légiférer pour
assurer cette sécurité culturelle. En acceptant la motion du
député de Saint-Jacques, le gouvernement pourrait sauver la face.
Nous comprenons très bien que le gouvernement se soit trompé.
Nous comprenons qu'il se soit engagé sur un terrain glissant. Nous
comprenons encore qu'il puisse être allé au-delà de ce que
son grand frère Trudeau, représentant de la majorité
anglophone du pays, pouvait lui permettre.
Nous comprenons que M. Trudeau soit mécontent de l'administrateur
de sa succursale québécoise et qu'il ait voulu semoncer le
premier ministre du Québec ou le mettre en garde par un premier
avertissement. Mais, M. le Président, malgré toutes les critiques
que nous pouvons faire contre ce gouvernement, il reste que, pour nous du Parti
québécois, lorsqu'on s'attaque au pouvoir même de ce
gouvernement, c'est au pouvoir de notre pays qu'on s'attaque. C'est dans ce
sens que nous voudrions encore donner une chance au premier ministre.
On veut tout simplement permettre au premier ministre de pouvoir sauver
la face. On veut tout simplement permettre au premier ministre de se
prémunir contre l'intervention du gouvernement fédéral. Il
faut dire aussi que ce n'est pas seulement contre les attaques du gouvernement
fédéral que nous devons nous prémunir, mais il faut dire
aussi que la constitutionnalité de ce projet de loi peut aussi
être mise en doute par n'importe quel citoyen québécois. Ce
n'est pas un député du Parti québécois qui faisait
valoir cette possibilité, c'est le député de Mont-Royal,
lors de la discussion en deuxième lecture qui faisait valoir cette
possibilité en nous remémorant, justement, ce que certains
anglophones avaient décidé de faire si le bill 28, concernant la
restructuration scolaire de l'île de Montréal, avait
été accepté.
C'est l'ultime effort, c'est le dernier effort que nous faisons pour
tenter de convaincre ce gouvernement d'accepter la motion du
député de Saint-Jacques. Nous croyons que, depuis le début
des séances de la commission élue concernant le bill 22, les
motions que nous avons présentées ont toujours été
des motions légitimes, ont toujours été des motions
valables. Il faut avoir les outils, avoir les instruments nécessaires
avant d'entreprendre l'étude de ce projet de loi.
S'il fallait adopter ce projet de loi à la vapeur, s'il fallait
accepter ce projet de loi sans tenir compte de l'opinion de certains experts
concernant la constitutionnalité de ce projet de loi, s'il fallait
qu'une fois adopté, le projet de loi 22 soit tout simplement mis en
doute devant les tribunaux, tout ce travail que nous aurions fait en commission
parlementaire, toutes ces nombreuses heures de séance de la commission
parlementaire auraient été peine perdue, mais du moins nous
permettraient de dénoncer l'hypocrisie de ce gouvernement.
M. le Président, nous croyons, en tout cas, quant à nous,
qu'il serait facile, qu'il serait possible pour le gouvernement Bourassa
d'accepter que ces experts viennent se présenter ici en commission
parlementaire. Il n'y a quand même pas une urgence extrême. Cela
fait, quand même, 300 ans que nous subissons l'agression de l'anglais au
Québec. Nous pouvons attendre encore trois ou quatre mois. Nous pouvons
attendre l'automne avant d'accepter de façon définitive ce projet
de loi. Pourquoi être tout à coup si pressé? Sinon,
simplement accepter de trahir la population québécoise dans le
silence de la période estivale.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que la commission est prête
à se prononcer sur la motion?
M. HARDY: Oui.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, la motion du député de
Saint-Jacques se lit comme suit: Que la commission consente à ce qu'il y
ait auditions publiques durant l'étude du projet de loi 22 après
la deuxième lecture. M. Séguin.
UNE VOIX: Absent.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Charron? M. CHARRON: En faveur, M. le
Président. LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Déom? M. DEOM:
Contre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Cloutier? M. CLOUTIER: Contre. LE
PRESIDENT (M. Gratton): M. Hardy? M. HARDY: Contre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Boudreault?
M. BOUDREAULT: Contre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Beauregard?
M. BEAUREGARD: Contre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Morin?
M. MORIN: En faveur.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Lachance?
M. LACHANCE: Contre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Tardif?
M. TARDIF: Contre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Saint-Germain?
M. SAINT-GERMAIN: Contre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Veilleux.
M. VEILLEUX: Contre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Pour, deux; contre, neuf. La motion est
rejetée.
M. MORIN: M. le Président, j'ai un...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je pense qu'il y aurait lieu pour moi
d'appeler l'article 1 du projet 22.
M. MORIN: J'ai une motion...
M. CLOUTIER: Article 1?
M. MORIN: J'ai une motion à présenter.
M. CLOUTIER: Ah!
M. MORIN: L'Opposition est profondément déçue de ce
refus du gouvernement...
M. CLOUTIER: Le gouvernement est profondément déçu,
lui,...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Pourrais-je demander le texte de
la motion, avant qu'on...
M. MORIN: Oui. En raison de ce refus, nous voulons faire une
dernière tentative, et je propose que soient déposées
devant la commission les études faites à la demande du
gouvernement sur la constitutionnalité du projet de loi 22.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vous avoue tout de suite que je doute fort
que cette motion soit recevante.
M. BURNS: En vertu de quel article, M. le Président?
M. MORIN: En vertu de quel article?
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'article 176.
M. BURNS: L'article 176.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Attendez un peu. On va regarder cela.
M. BURNS: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vous avoue que je me suis
trompé.
M. BURNS: D'accord! C'est humain, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je me suis trompé.
UNE VOIX: Errare humanum est.
M. BURNS: Je voulais tout simplement vous dire que cela n'empêche
pas le député de Sauvé, le chef de l'Opposition, de faire
sa motion. Cela n'empêche pas, d'autre part, le gouvernement de dire
qu'il n'est pas d'intérêt public de donner suite à la
motion du député.
M. CLOUTIER: Pas du tout! M. BURNS: Mais... M. CLOUTIER: L'article
176... M. BURNS: Pardon?
M. CLOUTIER: J'ai l'impression que l'article 176...
M. BURNS: L'article 176 dit que le gouvernement n'est pas obligé
de produire des documents s'il le juge contraire à
l'intérêt public. Mais, cela ne rend pas, sur le plan de la forme
je vous le soumets respectueusement la motion irrecevable. Si la
motion était adoptée, à un certain moment, et que la
commission disait au gouvernement: Nous voulons cette documentation, et que le
ministre ou le premier ministre disait: Ce n'est pas d'intérêt
public à le faire, je conçois et je concède d'avance, que
la
motion deviendrait caduque. Je ne pense pas qu'elle soit
irrecevable.
M. le Président, à moins que vous ayez d'autres
problèmes de règlement, je pense que cette motion est
parfaitement recevable. C'est une motion pour dépôt de documents
qui se fait régulièrement d'ailleurs, à l'Assemblée
nationale. Si vous regardez le feuilleton, il y en a des dizaines. Il y a
même très souvent, M. le Président, des questions qui sont
transformées, à la demande du gouvernement, en motions pour
dépôt de documents. C'est la motion la plus
régulière. La seule motion que je pense... le seul endroit
où le gouvernement pourrait possiblement être forcé de
déposer des documents, c'est en vertu de l'article 177,
c'est-à-dire le suivant de celui que vous venez de citer, soit: Quand un
ministre cite en partie... Même là, il y a aussi le
problème d'intérêt public qui peut être
allégué de la part du ministre. Il ne s'agit pas, actuellement,
de forcer qui que ce soit. Il s'agit de demander le dépôt de ces
documents. Donc en soi, et à sa face même, la motion est
parfaitement acceptable, M. le Président.
M. HARDY: M. le Président, sur la question de
règlement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre des Affaires culturelles.
M. HARDY: Sans me prononcer sur la recevabilité de la motion
telle quelle, j'avoue tout de suite que je serais peut-être enclin
à considérer que la motion est recevable, sauf que je la
considère prématurée, c'est-à-dire que le stade
où nous sommes ne permet pas de faire cette motion.
En vertu de l'article 154, 1: En commission plénière ou
élue, après la deuxième lecture, on ne peut discuter que
les détails d'un projet de loi... Là, M. le Président, je
vous réfère aux inquiétudes que j'avais lors de la
première journée de nos séances.
Les motions, qui ont été proposées aujourd'hui et
même hier, je pense, semblaient recevables, celle de la première
journée, sauf celle pour l'ajournement du débat, ne
l'était pas parce qu'il est bien clair qu'à ce stade de nos
procédures, nous sommes ici pour étudier le projet de loi dans
les détails, ce que l'ancien règlement disait, article par
article.
Or, en ce moment, nous sommes devant rien. Aussi longtemps que le
président n'a pas appelé l'article 1, aussi longtemps que nous ne
sommes pas à étudier l'article 1, nous sommes devant le
néant. Les motions que nous pouvons faire, avant que l'article 1 ne soit
adopté, concernent la nomination du rapporteur et cette motion a
été faite. Les motions que vous avez proposées
antérieurement si vous me permettez de faire des
références motion pour production des règlements,
par la suite, motion pour dépôt des principes directeurs, ces
motions, à mon sens, ne pouvaient venir qu'au moment où on
étu- diait un article. Entre autres, un député et un
membre de la commission pouvaient proposer une motion pour la production des
règlements ou pour la production des principes directeurs au moment
où l'on étudiait un article qui réfère à des
règlements.
Parfois, on est accusé de faire de la procédure en
invoquant certains articles. Il ne faudrait pas non plus penser que le
règlement est totalement dépourvu de logique. Il y a une certaine
logique à cette procédure parce qu'on peut très bien,
avant d'avoir appelé les articles, demander la production d'une foule de
choses, entre autres, des règlements et des principes directeurs, et on
pourra arriver au premier article qui réfère au règlement
et un amendement pourrait être apporté par le ministre ou par un
autre, amendement reçu, qui ferait disparaître toute
référence à des règlements. Or, on aurait eu des
discussions, des discussions pour faire disparaître complètement
l'objet, tandis que si c'est au moment de l'article, on sait si la commission
décide de laisser la référence à un
règlement ou non.
M. le Président, je ne me prononce pas d'une façon
catégorique sur la motion, mais je pense... De cela, je suis
sûr...
M. BURNS: Vous avez des inquiétudes.
M. HARDY: Oui, mais ce dont je suis sûr, par exemple, c'est que la
motion que vous venez de faire, vous ne pouvez pas la faire, vous ne pouvez pas
la faire tant et aussi longtemps que l'article 1 n'a pas été
appelé. Une fois que l'article 1 a été appelé, vous
pouvez prétendre que pour étudier l'article 1, pour être
capable de vous prononcer valablement sur l'article 1, vous avez besoin de
certains documents et à ce moment, dans le cadre de l'étude de
l'article 1, vous pourriez faire une motion, demandant la production de
documents.
M. le Président, je termine ainsi. Je dis que
présentement, nous sommes dans le néant à la commission.
Il faut absolument...
M. MORIN: Vous êtes dans le néant vous-même.
M. HARDY: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. HARDY: Cela ne vaut même pas la peine de relever
l'insignifiance et la bêtise du député de Sauvé. Je
vous le dis tout de suite.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Est-ce que je pourrais
demander...
M. HARDY: Nous sommes devant le néant...
M. MORIN: Vous dites des bêtises.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre,
messieurs! A l'ordre! Est-ce que vous avez fini sur la question de
règlement?
M. HARDY: M. le Président, ce n'est pas le député
de Sauvé qui va décider quand je dois terminer. Oui, je
terminais, mais je vais terminer ma phrase.
Je conclus en disant que nous sommes actuellement... H n'y a rien devant
la commission. Nous sommes ici pour étudier la loi dans ses
détails.
Vous devez appeler l'article 1, et c'est après que l'article 1
aura été appelé, après que nous aurons
commencé l'étude de cet article, que des motions pourront
maintenant être proposées.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que je pourrais demander au leader
parlementaire du Parti québécois d'éclairer ma lanterne
sur la recevabilité de la motion? Probablement que je suspendrai les
travaux de la commission ensuite pour y penser à tête
reposée, mais pas longtemps.
M. BURNS: Je suis d'accord. Je ne vous dis pas de suspendre cela
jusqu'à la semaine prochaine, parce que nous voulons nous aussi que les
travaux de la commission progressent.
Quant à la fin, je vous dis d'avance que je serai d'emblée
d'accord sur votre suggestion. J'aimerais cependant, pour faciliter
l'étendue de mon argumentation, que vous me .disiez si, sur le premier
point que vous avez soulevé vous-même, non pas celui
soulevé par le député de Terrebonne, mais le premier
point, quant à la recevabilité, en admettant que le
député de Terrebonne ait tort disons que le
député de Terrebonne a tort sur son point votre
problème, ou vos cauchemars, relativement à l'article 176, sont
réglés? Je pourrais vous parler des deux.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Ce n'est pas nécessairement en vertu
de l'article 176. J'aimerais que vous me convainquiez ou que vous essayez de le
faire que la motion telle que présentée est acceptable en vertu
de nos règlements, et peut-être l'article 175
également.
M. BURNS: Oui.
LE PRESIDENT (M. Gratton): J'aimerais que vous me fassiez une relation
avec la demande de dépôt de documents, puisque c'est ce que fait
la motion...
M. BURNS: D'accord.
LE PRESIDENT (M. Gratton): ... et la réaction que pourrait avoir
le gouvernement en refusant. Je ne veux pas présumer de la...
M. BURNS: M. le Président, et je serais tenté de dire
Votre Seigneurie, tellement votre dernier point a une certaine valeur, en vertu
de l'article 175 vous avez, je pense, des raisons de vous poser des questions
et cela me fait plaisir de tenter de vous éclairer, de le tenter bien
respectueusement. M. le Président, je vais être très bref
sur l'article 176, parce qu'il me semble que c'est peut-être l'argument
le plus facile à détruire.
LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est réglé, je pense, pour
moi.
M. BURNS: C'est réglé dans votre esprit? Bon. Je passe
donc tout de suite à l'article 175 où on nous dit, sans le lire
au complet, que le gouvernement, de sa propre initiative, peut déposer
un document, mais un député peut requérir le gouvernement
de déposer un document, et c'est probablement l'aspect qui vous fatigue
le plus, M. le Président; ce sont les mots "il peut être
c'est-à-dire "il", se référant au gouvernement
prié de le faire par un député sur une motion
annoncée." Ce sont probablement les mots "motion annoncée" qui
vous dérangent. A ce moment-là, je vous réfère
à l'article 155 qui dit qu'en commission aucune motion n'est
annoncée. J'espère que cela vous enlève vos
inquiétudes de ce côté-là.
Je vais continuer à lire l'article au cas où il y aurait
peut-être une autre inquiétude qui pourrait vous être
suscitée: "Cette motion n'est pas susceptible de débat ni
d'amendement." C'est peut-être une de vos inquiétudes aussi?
M. le Président, à ce moment-là, je vous
réfère à l'article 163 qui nous dit: "A moins de
dispositions contraires, les règles relatives à
l'Assemblée s'appliquent aux commissions." A moins je reviens
à ces premiers mots de dispositions contraires, je
prétends, M. le Président, que l'article 160 est une disposition
contraire.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'article 160?
M. BURNS: Oui.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Là, vous m'avez.
M. BURNS: C'est-à-dire celle qui nous dit: "Lorsqu'une commission
étudie un projet de loi après la deuxième lecture ou des
crédits, un député peut prendre la parole sur le
même point aussi souvent qu'il lui plaît, à la condition de
ne parler plus de vingt minutes en tout sur un même article, un
même paragraphe, une même motion ou une même question d'ordre
ou dérèglement."
LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est là qu'on rejoint
l'argumentation, le deuxième point fait par...
M. BURNS: Non, le deuxième point c'est un autre problème,
si je comprends bien. Le
troisième point, si vous voulez, si on peut dire. Vous avez
éliminé le premier vous-même.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Celui du ministre des Affaires culturelles,
je pense, parce que l'article 160, et je pense que ce n'est peut-être pas
la place pour faire...
M. BURNS: Non, le député de Terrebonne, comme je comprends
son argumentation, nous dit: On ne peut pas présenter cette motion parce
qu'on n'est saisi de rien. J'ai l'intention d'argumenter sur ce point qui en
est un...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Ce n'est pas nécessaire qu'on le fasse
tout de suite. On parle ici de la recevabilité de la motion du chef de
l'Opposition.
Si j'acceptais la motion telle quelle, en vertu de l'article 175, est-ce
que je me tromperais, selon vous, si j'appliquais également la
dernière phrase qui dit que cette motion n'est pas susceptible de
débat ni d'amendement et que nous pourrions ainsi procéder tout
de suite au vote?
M. BURNS: Non, M. le Président, c'est là que je vous
réfère à l'article 163 et je vous dis qu'à moins de
dispositions contraires... C'est évident que l'article 175 et tout ce
chapitre qui concerne les questions et dépôt de documents, si on
tient compte de l'ensemble de ce chapitre 15, de l'article 164 à en ce
qui nous concerne l'article 175, on est carrément dans ce qu'on appelle
les articles dirigés à l'Assemblée nationale. Les
questions, par exemple, articles 164, 165, 166, 167, 168, 169
également...
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'article 175 également.
M. BURNS: ... 170, tout cela, M. le Président, ce sont
carrément des choses qui visent la période de questions en
Chambre et qui visent également le dépôt de documents quand
on l'inscrit au feuilleton par voie de motion annoncée.
Là-dessus, en Chambre, je ne me rendrais même pas au premier but
si je tentais d'argumenter le contraire. J'en suis convaincu. Ce que j'essaie
d'argumenter actuellement, c'est qu'on n'est pas en Chambre et tout le reste
aussi, article 171: "Un ministre ou un député auquel une question
est posée peut refuser..." Encore les questions. Donc, c'est en Chambre.
A l'article 172, on parle des affaires courantes. Il n'y a pas d'affaires
courantes en commission...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Non, je pense que...
M. BURNS: ... il est permis de poser de nouvelles questions. A l'article
173, c'est encore la même chose; à l'article 174, c'est le
minidébat qui a lieu après la période normale des travaux
de la Chambre, donc le soir.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que le député de
Maisonneuve...
M. BURNS: Laissez-moi terminer, M. le Président, parce que je
trouve cela assez important.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui, d'accord, mais c'est parce que...
M. BURNS: Et je vous signale que vous-même, M. le
Président, vous avez posé un précédent et
là, pour une fois, je vais vous citer, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Attendez, parce que je vais me citer moi
aussi. Je me suis peut-être trompé plus d'une fois, mais je sais
au moins une fois où je me suis trompé.
M. BURNS: Oui. Alors, M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): On comparera nos notes plus tard, pour le
moment on va rester sur la recevabilité de...
M. BURNS: M. le Président, si vous voulez savoir les places
où vous vous êtes trompé, je peux vous en donner une
liste.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, je pense que, à moins que le
député de Maisonneuve...
M. BURNS: Ceci dit sans méchanceté, M. le
Président. Je le dis vraiment pour vous taquiner, parce que j'aurais de
la difficulté à vous donner une liste. Peut-être un ou deux
cas, mais pas plus.
Je pense sérieusement et je ne veux pas blaguer
là-dessus qu'il est important que l'on conçoive exactement
les mêmes choses relativement à l'article 175. Je vous dis que
l'article 175 est carrément et clairement dans un groupe d'articles qui
visent directement les travaux de la Chambre en Assemblée, et non pas
les travaux de la Chambre en commission. Si l'article 163 doit avoir une
certaine valeur, il faut accorder une importance aux premiers mots de l'article
qui disent: "A moins de dispositions contraires, les règles
prévues à l'Assemblée s'appliquent aux commissions".
C'est-à-dire qu'on admet qu'en commission il y ait des choses qui se
passent différemment, pour autant qu'on spécifie que, concernant
les commissions, il y a quelque chose de spécial.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Mais dites-moi quelle disposition
spéciale des commissions?
M. BURNS: Je vous dis la disposition spéciale, la première
de toutes. L'article auquel vous vous référez mentionne qu'une
motion doit être annoncée quand c'est une question de
dépôt de
documents. Or, nous disons: En commission, jamais de motion
annoncée! Vous avez accepté cet argument.
Deuxième disposition différente, c'est sur le droit de
parole. Le droit de parole est passablement clair à l'article 160, M. le
Président. On dit tout simplement qu'un député peut
prendre la parole sur le même point aussi souvent qu'il lui plaît,
pour autant qu'il ne dépasse pas 20 minutes sur une même motion,
un même article, un même paragraphe ou une même question
d'ordre ou de règlement. Je vous dis cela, M. le Président,
actuellement il ne serait que normal de penser... Et vous avez, au cours de ce
même débat, accepté une motion pour dépôt de
documents sur laquelle nous avons discuté. Vous n'avez même pas
soulevé de question relativement à la recevabilité de
cette motion.
LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est justement l'exemple dont je vous
parlais tantôt, l'erreur que j'ai faite.
M. BURNS: Vous avez fait une erreur, M. le Président, mais ce
n'est pas là-dessus que vous avez fait une erreur. C'est sur autre
chose.
LE PRESIDENT (M. Gratton): En acceptant la motion, je suis convaincu de
m'être trompé.
M. BURNS: C'est sur autre chose que vous avez fait une erreur.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A tout événement, je pense que
vous avez complété votre argumentation.
M. BURNS: Non, M. le Président.
Je pense que le point de vue soulevé par le député
de Terrebonne est assez intéressant, au point de vue des
règlements et mériterait d'être réglé...
M. HARDY: On pourrait peut-être régler celui-là, il
reste seulement deux mots pour comprendre mais avant de passer à ce
point...
M. BURNS: Non, je veux compléter mon argumentation. Ecoutez, je
ne suis quand même pas pour prendre ça, bribes par bribes et vous
dire: Je vais revenir un peu plus tard, à moins que...
M. HARDY: Je pensais que ce serait plus simple.
M. BURNS: ...vous n'ayez pas terminé.
M. HARDY: Ce sont deux petites remarques que j'avais à faire.
M. BURNS: Ah, si vous n'avez pas terminé, allez-y !
M. HARDY: C'est-à-dire que c'est votre argumentation qui
m'a...
M. BURNS: J'aimerais mieux que vous répondiez au total.
M. HARDY: D'accord.
M. BURNS: Je n'ai pas d'objection à ce que vous me
répondiez au total. Sur ce point, M. le Président, je dis: A
moins de dispositions contraires en commission, ce sont les mêmes
règles qu'à l'Assemblée nationale, mais il y a des
dispositions contraires. C'est ça que je vous dis.
Deuxièmement... pardon? J'ai dit, l'article 160, des dispositions
contraires, je peux le dire.
LE PRESIDENT (M. Gratton): D'accord.
M. BURNS: Deuxième chose, M. le Président,
troisième aspect, si vous voulez, du problème de
règlement. Le député de Terrebonne, ministre des Affaires
culturelles, nous dit: II n'y a rien devant la commission actuellement. Or, je
prétends, au contraire, qu'il y a quelque chose. Il y a un mandat
donné par la commission ou par l'Assemblée nationale. Ce mandat
est bien simple, savoir, étudier le projet de loi. Là-dessus,
jusque-là, je suis le ministre et il n'y a pas de problème. On ne
discutera pas là-dessus, sauf que le ministre oublie une chose, je
pense. C'est qu'il y a plusieurs sortes de motions. Il y a des motions
principales, qui sont faites au moment où l'Assemblée, en
l'occurrence si on transfert ça pour les fins de la commission, et je
vais transférer également le reste du texte, vous allez me
permettre le changement... il y a des motions qui sont faites au moment
où la commission n'est saisie d'aucune motion. En principe, c'est une
motion principale. Il y a aussi des motions secondaires qui sont faites en vue
de mieux disposer d'une motion principale dont l'Assemblée ou la
commission est actuellement saisie. Il n'y a pas de motion actuellement dont la
commission est saisie. Donc, ce n'est pas une motion secondaire. Cela pourrait,
jusqu'à maintenant, être une motion principale. Si vous regardez
la définition, c'est à l'article 56, premier paragraphe.
Là, vous avez, en troisième lieu, les motions incidentes qui se
rapportent à des questions se produisant incidemment à la
question de toute motion dont l'Assemblée est actuellement saisie.
Vous avez des motions privilégiées, des motions dilatoires
dont l'objet est d'écarter ou de différer la considération
d'une affaire en cours et vous avez les motions de fond qui sont les motions
principales se rapportant à une affaire dont l'Assemblée n'a pas
encore été saisie. D'accord? Finalement, la septième, la
motion de forme qui est une motion principale consécutive à une
résolution ou à un ordre adopté pendant la session ou
ayant pour objet de mener à une fin une affaire dont l'Assemblée
est déjà saisie.
M. le Président, je vous demande de bien voir qu'il y a toutes
sortes de possibilités. Il est possible, actuellement, que vous me
disiez que la motion que nous faisons est une motion secondaire,
c'est-à-dire le deuxième paragraphe, qui sont faites en vue de
mieux disposer d'une motion principale dont l'Assemblée est actuellement
saisie. Techniquement, il n'y a pas de motion sur la table, il n'y en aura pas
non plus, tant que quelqu'un ne proposera pas l'adoption de l'article 1.
D'accord, entièrement d'accord. Mais on est saisi de quelque chose. Je
m'excuse, mais on est obligé d'admettre ça. Ce petit quelque
chose dont nous sommes saisis, c'est l'ordre de la Chambre qui nous a dit:
Messieurs, madame (je ne sais pas si le député de Bourassa en est
membre, mais en tout cas) allez étudier en commission le projet de loi
no 22. C'est ça que la Chambre nous a dit.
Alors, je serais porté à croire, M. le Président,
je vous laisse ça pour réflexion... Je vous avoue que je ne me
sens pas la compétence pour choisir entre le fait que ce soit une motion
secondaire, une motion incidente ou une motion de forme. J'aurais tendance
à croire que nous sommes visés par le septième paragraphe
de l'article 56, c'est-à-dire une motion de forme qui est une motion
principale et si vous vous référez à la définition
de motion principale: C'est une motion qui est faite à un moment
où la commission n'est saisie d'aucune motion; c'est typiquement le cas.
Des motions principales consécutives à une résolution ou
à un ordre adopté pendant la session il y a eu un ordre,
l'ordre a été: Allez, messieurs et madame étudier le
projet de loi 22.
C'est cela l'ordre adopté pendant la session on est encore
dans la même session ou ayant pour objet de mener à fin une
affaire dont l'assemblée ou la commission est déjà saisie.
Nous sommes actuellement saisis de l'étude du projet, qu'on le veuille
ou non, M. le Président, et vous avez été, je vous le
soumets respectueusement, tout à fait logique avec le 7e paragraphe de
l'article 56, en permettant la motion de l'un de mes deux collègues,
soit de Sauvé ou de Saint-Jacques je ne me souviens pas, je crois
que c'est le député de Saint-Jacques demandant que la
réglementation ou tout au moins les principes directeurs de la
réglementation soient déposés à cette
commission.
Je pense qu'il y avait un autre élément qui avait
été demandé, à part cela. Non, c'est la même
motion qui a été amendée. S'il y a une motion pour
dépôt de documents que je puisse connaître, M. le
Président, c'est bien une motion pour dépôt de projet de
réglementation ou tout au moins, de principes directeurs qui doivent
présider à l'adoption de cette réglementation.
Je pense qu'on est carrément en présence d'une motion
visée par le 7e paragraphe de l'article 56, c'est-à-dire une
motion de forme. Ce n'est pas une motion de fond, mais c'est une motion
principale qui a pour but de faire avancer les travaux de la commission,
c'est-à-dire de mener à fin une affaire dont l'assemblée
est déjà saisie.
M. le Président, que vous demande la motion du
député de Sauvé? Elle vous demande simplement,
strictement, en somme, elle demande au gouvernement de déposer devant la
commission, pour nous aider à mener à bonne fin, selon
l'expression du 7e paragraphe, l'affaire dont nous sommes saisis,
c'est-à-dire l'étude du projet de loi. C'est tout.
Et l'argument, ce serait mon dernier, M. le Président, que
j'aimerais réfuter je pense que le député de
Terrebonne est beaucoup plus imbu des règlements ou, connaît
beaucoup mieux les règlements pour m'amener un argument comme celui de
l'article 154 il est évident que l'article 154 s'inscrit dans le
cadre de tout ce chapitre 133 des commissions et également dans toute
l'économie du règlement, qui est, à toutes fins pratiques,
une espèce de charnière, une espèce de trait d'union dans
l'étude du projet de loi, de quelque projet de loi que ce soit.
Il est évident que l'article 154 a été mis
là. Il aurait tout aussi bien pu être mis dans le chapitre des
dispositions concernant les mesures législatives qui se situent aux
articles 112 et suivants. C'est clair et net qu'on a voulu insérer
je fais une toute petite parenthèse là-dessus, je suis de
ceux qui pensent, et c'est une suggestion que je fais à l'intention,
même si cela n'a pas trait à la question de règlement comme
tel, mais cela peut être utile à long terme, du ministre des
Affaires culturelles qui s'y connaît en matière de
règlement, en tout cas, qui s'y connaît plus que la
majorité des députés ministériels...
M. HARDY: ... député de Maisonneuve, je le reconnais.
M. BURNS: Ce n'est pas moi qui l'ai dit, remarquez. Mais...
M. HARDY: Mais, c'est cela justement la...
M. BURNS: Non, nous ne partirons pas sur une mauvaise "track" comme
dirait le bill 22. M. le Président, je veux tout simplement dire...
M. CLOUTIER: Vous citez déjà le projet de loi.
LE PRESIDENT (M. Gratton): S'il vous plaît.
M. BURNS: Vous parlez du projet de loi.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Si vous voulez conclure.
M. BURNS: Je veux juste faire...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui, allez-y!
M. BURNS: Je pense que c'est la première occasion que j'ai de le
faire et je ne perdrai pas de temps avec cela, ne vous inquiétez pas. Je
suis de ceux qui pensent que, dans l'intérêt des travaux des
commissions, il faudrait réviser notre règlement pour
carrément et clairement éviter ce type d'ambiguïté,
mettre dans un chapitre ou dans un titre du règlement tout ce qui
concerne les commissions et laisser, dans un autre titre, tout ce qui concerne
l'Assemblée nationale pour éviter de ces imbroglios.
M. HARDY: Pour faire disparaître l'article 163.
M. BURNS: Pour faire disparaître l'article 163 et le rendre
concret.
M. HARDY: Je suis parfaitement d'accord avec le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: C'est pour cela que je ne manquais pas cette occasion de le
faire à la minute même.
M. CLOUTIER: On ne fera pas cela ce soir.
UNE VOIX: Soulignons-le.
M. BURNS: A moins qu'on fasse cela ce soir.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que le député de
Maisonneuve a terminé?
M. BURNS: Non, je n'ai pas terminé.
M. HARDY: M. le Président, si vous me permettez, je
suggère en plus qu'on retourne à la Sapinière pour refaire
ce chapitre de notre règlement.
M. BURNS: Oui, je suis bien d'accord avec le ministre. On pourrait faire
cela ce soir ou demain ou quelque chose comme cela.
M. CHARRON: On pourrait retourner en Chambre.
M. BURNS: M. le Président, en étant sérieux, je
veux tout simplement terminer cet argument que j'avais commencé qui
m'avait forcé à cette digression. Il est évident que le
ministre des Affaires culturelles se sert de l'article 154 en le lisant hors
contexte. Il nous dit qu'en commission plénière ou élue,
après la deuxième lecture, on ne peut discuter que les
détails d'un projet de loi. Je pense qu'il est important de se rendre
compte que cela s'insère et je dis, comme je le mentionnais tout
à l'heure, que cet article aurait très bien pu se trouver dans le
chapitre XII, soit celui des procédures législatives. A l'article
120, par exemple, on retrouve cette même formulation d'une autre
étape, mais qui parle justement de la je cherche le mot, je ne
sais pas si c'est la fatigue qui me gagne pertinence du débat
à tel et tel stade.
Je pense que l'article 154 est un article qui nous donne la pertinence
du débat sur le projet de loi lui-même. L'article 120 en est un
typique. "Le débat sur toute motion de deuxième lecture doit
être restreint à la portée, à l'à-propos, aux
principes fondamentaux et à la valeur intrinsèque du projet de
loi ou à toute autre méthode d'atteindre ces fins". Dans le fon,
on nous fixe le corridor de la discussion lorsqu'on est à telle
étape sur le projet de loi.
Je pense que, simplement en regardant l'article 54, on voit que c'est un
article de ce même type, c'est un article qui nous dit: Si vous discutez
du projet de loi, après la deuxième lecture en commission, votre
limite quant à la pertinence, c'est de ne discuter que des articles,
article par article, et non pas de revenir à là-propos, à
la portée, aux principes fondamentaux et à la valeur
intrinsèque du projet de loi, parce que cela relève de la
deuxième lecture.
L'article de troisième lecture va se retrouver avec exactement la
même formulation à l'article 126. Est-ce que le président
m'écoute? Je pense que c'est essentiel à... Je m'excuse
auprès du ministre.
M. CLOUTIER: Je vous en prie.
M. BURNS: Je suis prêt à attendre. Pardon?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vous écoutais.
M. BURNS: Je vous ai référé à... M.
CLOUTIER: D'une oreille.
M. BURNS: Oui, mais j'aimerais mieux qu'il m'écoute...
M. CLOUTIER: Cela suffisait.
M. BURNS: ... des deux oreilles, parce que c'est bien important que cela
reste collé entre ses deux oreilles, ce que je suis en train de
dire.
L'article 126, M. le Président, est le même type d'article
que les articles 154 et 120 concernant l'autre étape du projet de loi,
c'est-à-dire celle de la troisième lecture. Le débat sur
la motion de troisième lecture d'un projet de loi est restreint à
son contenu, c'est-à-dire que, encore là, je ne peux plus parler
d'article par article comme, en deuxième lecture, je ne peux pas parler
d'article par article. Je ne peux même pas vous dire que l'article 1 n'a
aucune valeur. Si je me mets à dire cela, M. le Président, et que
je le cite et que vous présidez à la place du président de
l'Assemblée nationale, je suis convaincu que vous allez me dire: Le
député... Si vous ne me le dites pas, je me fie au
député de Terrebonne pour me rappeler à la
pertinence du débat, à ce moment. Je suis convaincu que
c'est cela qui va arriver.
Or, l'article 126 me donne également, encore une fois, le
corridor. Vous avez ces trois étapes différentes. Je ne parlerai
pas de la première lecture pour une raison bien simple, c'est qu'il n'y
a pas de débat en première lecture. Donc, on n'a pas de ce type
d'article pour la première lecture. Mais remarquez la similitude entre
ces trois articles, c'est-à-dire l'article 120 concernant la
deuxième lecture, l'article 126 concernant la troisième et
l'article 154 concernant l'étape que je dirais sandwich entre les deux,
l'étape de l'étude en commission.
Ce n'est pas pour nous donner la limite du débat. Pendant tout ce
temps, pendant qu'on nous dit qu'il faut étudier article par article au
niveau de l'étude en commission, après la deuxième
lecture, je dis et j'affirme sans aucune difficulté que les dispositions
qui concernent la définition des différents types de motion,
c'est-à-dire l'article 56, paragraphe 7, j'ose le prétendre, sont
peut-être d'un autre type.
Je vous laisserai la discrétion d'en juger, mais c'est
sûrement et c'est possiblement, à mon avis, une motion de forme,
c'est-à-dire une qui est faite pour aider à notre mandat
prévu en vertu de l'article 154. C'est typiquement de ce genre de motion
qu'il s'agit. Si vous regardez je ne vous les citerai pas les
autres articles qui pourraient rendre irrecevable notre motion, je vous
réfère simplement à l'article 62, qu'on doit
interpréter mutatis mutandis, c'est-à-dire qu'elle se
réfère à une motion écrite. Donc, comme il n'y a
pas, en commission, de motions écrites, il faut lire l'article sans le
mot "écrite". On nous dit qu'une motion écrite doit contenir
uniquement la proposition. C'est cela qui est fait. Elle ne doit pas être
précédée d'un exposé de motif. Il n'y en a pas.
Elle ne doit pas contrevenir aux dispositions d'une loi, ni renfermer des
expressions dont il est interdit de se servir au cours des débats. Je ne
vous citerai pas tous les autres cas, mais je vous indique durant votre
suspension que vous devrez peut-être consulter les articles 62, 63 et 64
qui nous disent ce qu'on ne peut pas faire en faisant une motion. Alors, je
vous dis qu'aucun des cas cités aux articles 62, 63 ou 64
n'apparaît à la face même de la motion du chef de
l'Opposition. Je pense que ce seront des choses que vous devrez... Par exemple,
si c'était une question identique à une autre question, qui avait
été discutée, je pense bien que vous auriez parfaitement
raison. Non seulement de façon positive, je pense que notre motion est
recevable, mais de façon négative aussi, on n'y retrouve rien
dans les articles qui fixent la forme et le contenu des motions qui puissent
vous inciter à trouver cette motion irrecevable.
M. HARDY: M. le Président, très brièvement, je vais
reprendre le dernier point du député de Maisonneuve qui, en fait,
si on décidait de celui-là, l'autre tomberait par le fait
même. Je vais reprendre également le septième paragraphe de
l'article 56. Je suis d'accord avec le député de Maisonneuve. Je
pense bien qu'il s'agit d'une motion de forme. Mais le paragraphe 7 de
l'article 56 dit bien: Que la motion de forme consécutive à une
résolution ou à un ordre adopté pendant la session. Or, je
dis que c'est vrai qu'il y a eu un ordre de la Chambre nous donnant le mandat
de siéger, mais le mandat de la Chambre ne peut pas être
considéré comme quelque chose qui est devant nous actuellement.
Encore une fois, nous sommes à deux étapes totalement
séparées. Nous sommes à l'époque de
l'accomplissement du mandat, de même que lorsque le rapport de la
commission sera déposé et que nous serons à la
troisième lecture, ce qui s'est passé ici, ne pourra pas avoir
d'influence, sauf le rapport. Les gestes, qui ont été
posés ici, ne continueront pas à avoir des
conséquences.
M. BURNS: Si vous me permettez, M. le ministre, juste d'interjeter ceci.
Un projet de loi, cela se tient. Toutes les étapes du projet de loi.
M. HARDY: Oui, la loi elle-même, c'est-à-dire le
produit.
M. BURNS: Vous ne pouvez pas progresser d'une étape à une
autre...
M. HARDY: Oui.
M. BURNS: ... sans faire le lien. C'est tellement vrai, M. le ministre,
vous le savez fort bien, que si à la fin d'une session, il reste quelque
chose au feuilleton qui n'a pas été adoptée, ce n'est que
de façon exceptionnelle qu'on peut continuer où on en
était.
M. HARDY: Cela tombe...
M. BURNS: C'est parce qu'autrement cela tombe, à moins que dans
les quinze jours de la session, le leader du gouvernement...
M. HARDY: Vous confirmez ce que je prétends?
M. BURNS: Non, cela tombe pour une raison bien simple. C'est qu'on a
brisé le cordon ombilical à l'intérieur du projet de loi
en faisant une autre...
M. HARDY: Oui.
M. BURNS: ... laissez-moi terminer.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. BURNS: Non, c'est essentiel, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est que vous êtes censé
m'éclairer et cela allait bien jusqu'à il y a une ou deux
minutes. Là, cela commence à se mélanger un peu.
M. BURNS: D'accord, M. le Président.
M. CLOUTIER: Ce sont des avocats, M. le Président.
M. BURNS: D'accord, M. le Président, vous avez parfaitemant
raison et c'est à vous que je devrais m'adresser. On s'est laissé
entraîner, de toute façon je ne pense pas qu'il y ait de
l'animosité dans la discussion qu'il y a entre le ministre et moi
actuellement. Donc, vous n'avez pas de crainte à avoir. Je dis tout
simplement et je l'adresse à votre intention, M. le Président,
vous, qui comme je le disais hier, n'êtes pas membre de cette noble
profession, mais d'une autre noble profession, qui a également ses
grandes qualités, mais qui n'a peut-être pas celles que nous
avons, nous.
M. HARDY: Pour être juste, qui n'a pas également les
défauts.
M. BURNS: II n'a sûrement pas nos défauts, c'est vrai.
M. CLOUTIER: Les arguties.
M. HARDY: M. le Président, je soulève de nouveau une
question de privilège. Je pense bien que le député de
Maisonneuve va être d'accord avec moi. Je n'admets pas que le ministre
des Affaires culturelles prétende que la dialectique juridique que nous
avons actuellement, constitue des arguties.
M. CLOUTIER: Vous voulez dire le ministre de l'Education.
M. HARDY: Je demanderais au ministre de l'Education de...
M. CLOUTIER: Alors, je retire... Les avocats ont toujours raison.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. BURNS: M. le Président, je veux tout simplement terminer avec
ceci. Seulement sur ce point. Je m'excuse d'ailleurs d'être intervenu
durant le problème soulevé par le ministre. Je pense qu'un projet
de loi se tient. Chaque étape est reliée à une autre, et
on ne peut pas tenir compte du fait qu'on est en commission, sans tenir compte
du fait qu'il y a eu un ordre en Assemblée.
La meilleure preuve de cela, c'est que l'Assemblée aurait pu
décider que nous ne sommes pas ici. L'Assemblée aurait pu
décider que nous n'existons pas ici. C'est aussi simple que cela.
Elle aurait pu dire, par ordre, que nous siégeons en commission
plénière. On ne serait même pas ici, M. le
Président, en train de discuter. On serait en Chambre en train de
discuter en commission plénière. J'ai vu le sourire du ministre
de l'Education, mais je ne voulais pas dire que tout aurait été
réglé en commission plénière non plus.
Je veux tout simplement dire ceci. L'ordre consécutif auquel se
réfèrent, à mon avis, les dispositions de l'article 56,
septième paragraphe, l'ordre consécutif ou consécutif
à un ordre, je pense que c'est l'ordre qui nous a envoyés ici.
C'est l'ordre de la Chambre. On ne peut pas oublier qu'il est là. C'est
uniquement cela qui est notre mandat. C'est cela qui nous fait vivre
législativement actuellement. Autrement, on disparaît
législativement si cet ordre n'existait pas. C'est cela, l'ordre qui
nous permet actuellement de vous dire que c'est une motion de forme en vertu de
l'article 56, septième paragraphe, et...
LE PRESIDENT (M. Gratton): D'accord!
M. BURNS: ... autrement, on n'a pas de raison d'être.
M. HARDY: Vous n'avez pas terminé?
M. BURNS: Et l'ordre résume dans un mandat...
M. HARDY: Je vous avoue que cela ne sera sûrement pas aussi
brillant que le député de Maisonneuve, mais cela va être
plus bref. Je continue à prétendre que l'ordre qui a
été donné en Chambre... On ne peut pas greffer... C'est
bien sûr qu'il y a une conséquence. De même que dans
l'éducation d'un homme, son éducation à sept ans est
reliée à ce qu'il sera à 20 ans. Evidemment. Même la
première lecture, s'il n'y avait pas eu de première lecture
à cette loi, on ne serait pas ici. Mais je dis qu'on ne peut pas greffer
de motion à l'ordre qui a été donné à une
autre étape. Le député de Maisonneuve n'est pas d'accord
avec moi, mais c'est ma prétention.
Deuxièmement, je dis également qu'on ne peut pas... "ou
ayant pour objet de mener à fin une affaire dont l'Assemblée est
déjà saisie." C'est précisément... C'est la base de
mon argumentation. Je dis qu'on peut faire une motion, mais à condition
d'être saisi. Nous ne sommes pas... Cela découle de la
première. Je dis que l'ordre donné en Chambre, on ne peut pas y
greffer de motion. Actuellement, il n'y a rien ici. Il faut être saisi de
quelque chose. Dès qu'on sera saisi d'un article, là, vous
pourrez ouvrir le robinet de vos motions. Pour le moment, cela ne va pas.
Et si jamais cette argumentation n'était pas valable, si je
reviens au deuxième point du député de Maisonneuve, me
basant sur les mêmes articles sur lesquels il s'est basé, les
articles 175 et 163, je prétends que c'est l'article 175 qui
s'applique intégralement, parce que... J'admets aussi une certaine
ambiguïté, et je serais d'accord pour qualifier cela... Le
règlement dit que, lorsqu'il n'y a pas d'article spécifique qui
s'applique en commission, c'est le règlement de la Chambre qui
s'applique, l'article 163.
M. le Président, je soutiens qu'il n'y a aucun article dans notre
règlement qui prévoit le dépôt de documents en
commission. Aucun article en parle. Donc, c'est l'article 163 qui s'applique,
et celui-ci dit: "A moins de dispositions contraires". Il n'y a pas de
dispositions contraires concernant le dépôt de documents. Donc,
l'article 175 s'applique intégralement en commission en ce qui concerne
le dépôt de documents. Donc, il s'agit d'une motion qu'on doit
mettre immédiatement aux voix. Vous me permettrez cette petite incartade
en terminant. Je comprends que l'application de ce règlement nuit un peu
au "filibustering" du député de Maisonneuve.
M. BURNS: Je le prends gentiment.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BURNS: Permettez-moi...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Bien...
M. BURNS: Une dernière... M. le Président, s'il vous
plaît. C'est un point assez important.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Trente secondes.
M. BURNS: Je n'étais pas présent aujourd'hui, mais j'ai
entendu, par l'entremise de la transmission à mon bureau, le ministre,
aujourd'hui ou hier, en tout cas, je pense que c'est plutôt
aujourd'hui...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Ce n'est pas sur la question de
règlement.
M. BURNS: Oui, oui. Non, c'est sur un point qu'il vient de soulever. Je
l'ai entendu... Je lui fais une bonne blague, d'ailleurs, ce n'est pas
méchant. Je l'ai entendu dire lui-même qu'il n'était pas,
dans le temps qu'il présidait, un bon président, mais il avait
rendu de très bonnes décisions. Là-dessus, M. le
Président, je suis entièrement d'accord sur l'affirmation. Une
des bonnes décisions c'est pour cela que je rattache cela
que le député de Terrebonne a déjà rendue, ce n'est
pas la seule d'ailleurs, c'est pour cela que je dis que j'étais d'accord
avec lui sur son affirmation... c'était que dans le cas
d'ambiguïté ou dans le cas de doute, c'est en faveur de
l'Opposition qu'il faut interpréter le règlement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, la commission va suspendre pour
environ 20 minutes. J'espère que ce ne sera pas plus long. Mais j'invite
les membres à ne pas partir si je suis un peu en retard.
(Suspension de la séance à 21 h 10)
Reprise de la séance à 21 h 47
M. GRATTON (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs!
Décision du président
LE PRESIDENT (M. Gratton) : Au moment de la suspension des travaux, nous
étions saisis d'une motion du chef de l'Opposition officielle.
J'aimerais informer les membres de la commission des études et des
réflexions que j'ai pu faire non seulement depuis les 20 minutes ou la
demi-heure pendant laquelle la séance a été suspendue
tantôt, mais j'y ai fait allusion hier et j'y ai fait allusion à
nouveau tantôt lorsque j'ai dit que j'avais des doutes et même une
certitude quant à la recevabilité de certaines motions qui ont
été présentées depuis le début des travaux
de cette commission parlementaire, après la deuxième lecture pour
l'étude du projet de loi 22.
J'ai voulu, durant cette dernière suspension, vérifier
parce que j'avais préparé un texte livrant, ni plus ni moins, une
décision basée sur l'étude que j'avais pu faire,
d'ailleurs, étude qui a été faite avec le concours et en
consultation constante avec le président de l'Assemblée nationale
et certains officiers de l'Assemblée nationale également.
J'ai entretenu, depuis au moins deux jours, des doutes sérieux
quant à l'admissibilité de certaines catégories de motions
et je crois qu'il serait opportun de faire part, dès maintenant,
à la commission des conclusions auxquelles je suis arrivé
après ces discussions et après mûre réflexion.
L'expérience qu'on connaît en régime parlementaire
et qu'on a toujours vécue est qu'après la deuxième lecture
d'un projet de loi le mandat de la commission est de passer
immédiatement à l'étude du projet de loi, article par
article. J'élaborerai davantage sur ce point dans un instant.
Cependant, notre nouveau règlement a voulu prévoir la
possibilité de proposer quelques motions préliminaires auxquelles
le député de Maisonneuve a fait allusion tantôt qui ont
trait â l'organisation ou à la marche des travaux de la
commission. Ainsi, l'article 161 prévoit la désignation d'un
rapporteur. De même, l'article 148 prévoit qu'on peut accorder le
droit de parole aux députés qui ne sont pas membres de la
commission.
Il y a aussi l'article 154 qui offre la possibilité de tenir une
audition publique. Il s'agit, dans ces trois cas, de dispositions
spéciales dont on a parlé tantôt, dispositions contraires
en rapport avec l'article qui dit : Sauf dispositions contraires, le
règlement de l'Assemblée s'applique.
Voilà donc trois cas où on donne ouverture à des
motions préliminaires et, depuis le début de nos travaux, on
s'est prévalu de ces dispositions et j'ai jugé que les motions
préliminaires présentées étaient admissibles.
Une fois ces motions épuisées, je pense qu'il faut suivre
la coutume parlementaire et se conformer au règlement et surtout
à l'ordre de l'Assemblée qui nous a demandé
d'étudier le projet de loi 22, article par article.
Notre règlement me semble assez spécifique dans la
façon d'interpréter l'ordre reçu de l'Assemblée
nationale.
En effet, l'article 154, premier paragraphe, édicte ceci: "En
commission plénière ou élue, après la
deuxième lecture, on ne peut discuter que les détails d'un projet
de loi". Or, les détails d'un projet de loi, de toute évidence,
on ne les retrouve que dans les articles du projet de loi. C'est clair, on ne
peut discuter d'autres choses.
Cet article du règlement devient encore plus explicite lorsque
l'on retourne à l'ancien règlement. C'est d'ailleurs notre droit
d'y faire appel lorsqu'on juge que le règlement actuel est ambigu ou est
silencieux sur un point.
En examinant les articles correspondant à l'ancien
règlement, on constate sans l'ombre d'un doute qu'en commission,
après la deuxième lecture, les députés ont un
mandat précis à exécuter: étudier le projet de loi,
article par article.
J'ai étudié avec grande attention tous les articles qui
établissent les règles auxquelles étaient assujettis les
travaux de la commission plénière selon l'ancien
règlement. Notre commission, comme on le sait, a un mandat identique
à ceux qui étaient jadis déférés aux
commissions plénières de l'Assemblée
législative.
Dans ce retour aux principes de l'ancien règlement, que j'ai
étudié, je l'admets, au cours des derniers jours, et non pas
depuis une demi-heure, j'ai étudié en particulier les articles
315 à 371 de même que les articles 560 à 570 qui traitent
de l'examen des projets de loi en commission plénière. Vous me
permettrez de citer seulement quelques-uns de ces articles, et je pourrais les
citer tous, pour démontrer comment leur seule lecture ne peut nous
amener qu'à une seule conclusion, soit qu'à ce stade-ci de nos
travaux, la commission se doit de passer à l'étude du projet de
loi, article par article.
Je cite quelques-uns de ces articles. D'abord la note 1 de l'article 315
qui dit: "La fonction ordinaire d'un comité plénier est non pas
de faire enquête, mais de délibérer, d'étudier les
détails d'une affaire". La note 2 de l'article 318 est aussi
spécifique: "Le président, dès qu'il a pris le fauteuil du
comité, procède à soumettre au comité l'affaire qui
lui a été envoyée". L'affaire, dans les circonstances,
c'est le projet de loi 22. C'est dans le même sens que Beau-chesne, 4e
édition, pages 250 et 251, écrit: "Un comité ne peut
étudier que les questions qui lui ont été
déférées par la Chambre. Un comité
doit s'en tenir à l'ordre de renvoi et ne saurait y
déroger". L'article 321 de l'ancien règlement dit: "Un
comité plénier ne peut prendre en considération que les
sujets qui lui ont été renvoyés par la Chambre ou que la
Chambre, par instructions spéciales, l'a, par la suite, autorisé
à examiner". La note 1 de cet article 321 précise: "S'il est
désirable que d'autres sujets soient examinés en même
temps, le comité y doit être autorisé par des instructions
spéciales proposées et adoptées avant que le comité
se forme pour la première fois".
Que dit l'article 334? "En comité plénier, il n'est permis
ni de proposer une résolution générale à l'occasion
d'un article ou d'un paragraphe, ni de proposer la substitution d'un
contre-projet à un projet de résolution recommandé par le
lieutenant-gouverneur". Comme on le voit, le débat est très
restreint, même lorsqu'il s'agit d'étudier le projet de loi,
article par article.
Lisons aussi l'article 565 qui est on ne peut plus catégorique:
"Pendant l'étude d'un bill public, un comité plénier ne
peut en discuter que les détails". Ces détails, je le
répète, on les retrouve dans chacun des articles et non ailleurs.
La note à cet article ajoute: "Le comité n'a pas le pouvoir de
décider du fond du bill qui lui a été renvoyé".
D'ailleurs, à la lecture de ces deux chapitres de l'ancien
règlement, qui concerne les comités qui étudient les
projets de loi publics, on voit manifestement qu'il n'est question à ce
stade-ci que de l'étude d'un projet de loi article par article et de
rien d'autre. C'est là toute l'économie de l'ancien
règlement, de la tradition et des auteurs. Je pourrais lire tous les
articles parce que partout on réfère à l'étude
article par article.
Article 334: En comité plénier, il n'est permis ni de
proposer une résolution générale à l'occasion d'un
article ou d'un paragraphe...
Article 335: En comité plénier, il n'est pas permis de
proposer un amendement ou un article nouveau...
Article 336: En comité plénier, le président met en
délibération chaque article ou paragraphe en ces termes. Cet
article sera-t-il adopté...
Article 337 : En comité plénier, les amendements sont mis
en délibération avant les articles ou les paragraphes auxquels
ils se réfèrent...
Article 338: En comité plénier, quand un amendement a
été adopté, le président met immédiatement
en délibération l'article amendé. Cet article
amendé sera-t-il adopté...
Et 342 la note, 343, 344, 345, partout on revient au mot article ou
paragraphe. Je pense qu'il est inutile d'insister davantage. Ma conclusion est
la suivante. Sauf le cas des motions préliminaires prévues par
notre nouveau règlement, les dispositions contraires et les trois
dont j'ai parlé tantôt sont de cette catégorie
toutes les autres motions devraient, à mon avis, être
jugées irrecevables par le président. Il doit dès
maintenant faire respecter l'ordre de la Chambre et inviter les membres de
cette com- mission à procéder à l'étude article par
article du projet de loi 22.
Je vous avoue que, si j'avais été mieux
éclairé dans le temps et avais eu le loisir d'approfondir sur le
champ cette question, j'aurais déclaré irrecevable et je l'ai dit
tantôt, la motion qui a été présentée il y a
deux jours qui avait trait au dépôt des règlements
prévus par le projet de loi 22. La même règle s'applique
d'ailleurs au dépôt des amendements globalement. Le ministre peut
consentir à faire le dépôt des amendements globalement,
mais rien dans le règlement ne l'oblige de le faire sauf au moment
où l'article à amender est en question. Inutile de dire que la
motion présentée par l'honorable chef de l'Opposition officielle
avant la suspension est, elle aussi, de cette même catégorie de
motion irrecevable.
Je répète donc que selon l'économie et la tradition
de notre règlement, la tradition parlementaire, il semble très
clair que le seul mandat de la commission, d'une commission élue
après la deuxième lecture, c'est l'étude du projet de loi
article par article. J'aimerais ajouter un mot sur la coutume où le
président de commission élue ou plénière,
après la deuxième lecture, en prenant son fauteuil, appelle
toujours immédiatement l'article 1.
Donc, suite à cette décision et pour les raisons que j'ai
invoquées, j'appelle maintenant l'article 1 du projet de loi 22.
M. BURNS: M. le Président, je m'excuse. Ne vous inquiétez
pas, je ne critiquerai pas votre décision. Ne vous en faites pas. Je
veux seulement, étant donné que je respecte votre
décision... Je vous le dis tout de suite, je n'ai pas du tout
l'intention d'en appeler, je n'ai pas le droit d'ailleurs.
Je n'ai pas du tout l'intention de la critiquer. Je m'arrête
seulement à une phrase de votre décision et ce n'est pas pour
aujourd'hui, c'est peut-être pour l'avenir que je vous
réfère à un autre article, parce que vous avez
pratiquement, rétroactivement déclaré votre
décision d'il y a deux jours, je crois, comme étant
erronée. Au contraire, je crois que votre décision était
très bonne, elle l'était, non pas en vertu des articles dont vous
avez discuté mais en vertu de l'article 151 où on dit je
dis seulement ça et je ne commenterai pas en plus: "Les commissions
élues prennent en considération les matières qui sont de
leur compétence. Elles étudient spécialement: a) Les
crédits; donc ce n'est pas le cas b) Les projets de loi et
les règlements qu'ils prévoient." Alors la motion du chef de
l'Opposition ou du député de Saint-Jacques, je ne me souviens
plus très bien, c'était le député de Saint-Jacques,
avait trait aux règlements. On était ici pour étudier le
projet de loi et, si ç'a avait été l'opinion de la
commission, les règlements. C'est tout ce que je dis. Je pense que vous
n'avez peut-être pas tenu compte... vous avez été trop
sévère à votre égard en disant que...
M. HARDY: Rien qu'un instant, seulement un mot...
LE PRESIDENT (M. Gratton): On ne commencera pas de débat.
M. HARDY: Ce serait vrai selon le mandat qui nous a été
donné, si la Chambre nous donne le mandat de siéger en commission
pour étudier tel règlement, c'est vrai. C'est l'article 251 b)
qui s'applique. Mais actuellement, la Chambre nous a donné l'ordre
d'étudier la loi, non pas les règlements.
M. BURNS: Je ne veux pas entamer un long débat là-dessus,
remarquez bien qu'on ne dit pas: Les règlements en vertu des lois. On
dit: "Les projets de loi et les règlements qu'ils prévoient."
Donc, le projet de loi n'est pas adopté encore. Si on avait dit autre
chose comme: Les projets de loi et les règlements que les lois
prévoient. Je dirais que le député...
M. HARDY: M. le Président, un autre point de notre
règlement à préciser.
M. BURNS: Oui. Mais je pense qu'au contraire il n'est pas à
préciser; il est bien clair. On dit: "Les projets de loi et les
règlements qu'ils prévoient." C'est-à-dire que les projets
de loi prévoient. C'est peut-être une petite souplesse.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Moi non plus je ne veux pas argumenter, mais
j'ai l'impression que...
M. BURNS: Non, je vous le dis, M. le Président, parce que, c'est
passé, ce qui est passé est passé; mais vu que vous y avez
fait mention dans votre décision, vous avez fait référence
à cette décision d'hier, je veux tout simplement vous dire que je
considère, au contraire, que votre décision d'il y a deux jours
était parfaitement régulière et elle est supportée
par le texte de l'article 151, paragraphe a).
LE PRESIDENT (M. Gratton): II est assez paradoxal, pour une fois que
vous me donniez raison, que ce soit moi qui ne vous donne pas raison de me
donner raison.
M. MORIN: M. le Président, nous nous rangeons à votre
avis.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je m'excuse, j'ai appelé l'article 1
et il est normal que le ministre de l'Education...
M. CHARRON: Sur un point de règlement, le député de
Pointe-Claire, M. le Président.
M. SEGUIN: Point d'ordre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Pointe-Claire sur
un point d'ordre.
M. SEGUIN: Vous avez rendu une décision. Je crois que la
commission doit respecter ce que vous avez annoncé à la
commission comme votre décision. Donc, je reconnais mal tout commentaire
ou toute observation qui peut se faire à la suite. Article 1, c'est ce
que vous avez appelé. Procédons.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Article 1.
M. BURNS: Sur la question de règlement, je veux seulement dire au
député...
M. SEGUIN: Non, je veux être gentil avec le député
de Maisonneuve.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BURNS: Vous avez soulevé une question de règlement.
M. SEGUIN: Je ne faisais pas d'accusation, mais j'ai dit qu'il ne doit
pas y avoir de débat. Je crois que le président...
M. BURNS: Vous avez soulevé une question de règlement,
j'ai le droit de parler sur votre question de règlement, s'il vous
plaît.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Maisonneuve sur la
question de règlement.
M. SEGUIN: Non.
M. BURNS: Bon. Comment, non? Vous êtes président de
commission vous aussi, ça m'énerve un peu ça.
M. SEGUIN: La décision du président a été
donnée.
M. BURNS: Bien oui, mais vous avez soulevé une question de
règlement, je parle sur votre question de règlement.
M. SEGUIN: S'il vous plaît.
LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est sur une question de règlement
que le député de Maisonneuve voudrait parler et non pas sur la
décision.
M. BURNS: M. le Président, je veux seulement vous dire ceci, sur
la question de règlement, je pense que j'ai été bien
clair, je respecte votre décision, je n'ai pas critiqué votre
décision, je n'aurais même pas fait de commentaire si une partie
de votre décision ne s'était pas référée
à autre chose. C'est-à-dire une décision que vous avez
prise il y a quelques jours. Je l'ai fait simplement dans
l'intérêt, non pas des travaux de cette commission-ci, mais dans
l'intérêt des travaux en général de
l'Assemblée nationale c'est tout, pas plus.
M. SEGUIN: M. le Président, je dois intervenir de nouveau. Je
vous demande...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. SEGUIN: ...s'il vous plaît, sans interrompre...
LE PRESIDENT (M. Gratton): S'il vous plaît, c'est fini, c'est
fini.
M. SEGUIN: ...et tout le respect que je dois au député de
Maisonneuve...
LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est fini.
M. SEGUIN: ...vous appelez article 1, alors c'est votre
décision.
M. MORIN: Sur un point de règlement, M. le Président,
puisque nous abordons maintenant l'étude du projet de loi proprement
dit, je vous soumets que le premier texte qui se présente à nos
yeux est celui du préambule.
M. SEGUIN: Oui, oui.
M. MORIN: ...donc nous devons donc commencer par l'étude du
préambule.
LE PRESIDENT (M. Gratton): J'avais prévu la question et
j'aimerais référer les membres de la commission...
M. MORIN: A l'ancien règlement?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui, à l'ancien règlement,
parce que le nouveau règlement ne prévoit pas de disposition.
L'article 564 est très spécifique: "En comité
plénier, les différentes parties d'un bill public sont
examinées dans l'ordre suivant: Premièrement, les articles
imprimés; deuxièmement, les articles imprimés qui ont
été différés; troisièmement, les articles
nouveaux; quatrièmement, les annexes imprimées, mais seulement
s'il y a lieu de les amender; cinquièmement, les annexes nouvelles;
sixièmement, le préambule; septièmement, le titre, mais
seulement s'il y a lieu de l'amender". C'est seulement en sixième lieu
que nous étudierons le préambule. Pour le moment je demande...
Oui?
M. BURNS: M. le Président, question de règlement. En
l'absence de texte dans notre règlement, je comprends que, par votre
dernière remarque, vous suggérez qu'on utilise l'article 564 de
l'ancien règlement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Non, ce n'est pas ce que je fais. Je me
réfère à cela pour indiquer quel est l'esprit. D'ailleurs,
vous le savez mieux que moi.
M. BURNS: D'accord, mais voulez-vous que je vous dise mon humble opinion
sur la question de règlement? Il y a des cas où nous avons, et
vous vous servez sans aucun doute de l'article 4, si je ne me trompe pas: "Dans
un cas non prévu par les règles de procédure ou dans un
cas de divergence d'opinions sur l'interprétation d'une règle de
procédure, le président décide en tenant compte des usages
de l'Assemblée depuis son origine".
Vous donnez au mot "usages" une extension plus grande et vous dites:
L'ancien règlement nous disait que. C'est votre point de vue. Je vous
dis ceci : Si dans le cas où on a pris l'ancien règlement et on a
fait carrément non pas qu'on n'a pas créé une
ambiguïté disparaître une disposition de l'ancien
règlement. Je vais vous citer des cas, mais peut-être celui qui me
vient...
M. SEGUIN: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. BURNS: Je suis, M. le Président, sur un point de
règlement.
M. SEGUIN: Voulez-vous appeler l'article 1?
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'article 1 est appelé.
M. SEGUIN: Alors, qu'on discute l'article 1.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je pense qu'il faut définir entre nous
ce qu'est l'article 1.
M. SEGUIN: Un point de règlement sur l'article 1, oui.
LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est ce qu'on fait. C'est qu'on veut
savoir...
M. SEGUIN: Ce n'est pas ce qu'on comprend à ce bout-ci.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Ah bon! C'est ce que j'avais compris. Je
pense que c'est dans ce sens-là que...
M. BURNS: M. le Président, je suis sur une question de
règlement parce que, justement, vous avez appelé l'article 1.
C'est cela. C'est tout aussi simple que cela. D'accord?
LE PRESIDENT (M. Gratton): D'accord.
M. BURNS: Est-ce que le député de Pointe-Claire me laisse
continuer sans soulever d'autres questions de règlement à
l'intérieur de mon problème de règlement? Cela va?
M. SEGUIN: On verra. On verra. Je m'adresse au président.
M. BURNS: Je vous jure que je vais m'in-quiéter dangereusement
quand je vous verrai présider une commission à l'avenir, le
député de Pointe-Claire.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! L'honorable député
de Maisonneuve.
M. SAINT-HILAIRE: C'est hors du sujet.
M. BURNS: Je suis peut-être hors du sujet, mais c'est vrai en
"moses" ce que je pense.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! A l'ordre!
M. SAINT-HILAIRE: C'est hors du sujet quand même.
M. SEGUIN: Nommez des conditions, nommez des situations où vous
avez été...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! S'il vous plaît!
L'honorable député de Maisonneuve sur une question de
règlement.
M. BURNS: M. le Président, je disais tout simplement ceci: Je
présume que vous vous basez sur l'article 4 pour dire que, comme on n'a
pas de disposition là-dessus, on suit ce qu'on avait dans l'ancien
règlement. Je vous dis autre chose. Je vous dis que ce même
article 154 que vous avez interprété tout à l'heure
quant aux motions que vous avez jugées irrecevables sert â
nous dire que nous aimerions et pensons que nous devrions d'abord examiner le
préambule.
C'est sûr que l'ancien article 564 mettait un ordre d'étude
des articles, et vous l'avez cité, d'abord les articles imprimés,
les papillons par la suite, etc., et en sixième lieu arrive le
préambule et, finalement, le titre.
Je vous dis qu'il y a une règle de droit qui est courante
elle est tellement courante qu'elle est non écrite c'est qu'un
législateur est censé poser un geste de façon
intelligente, c'est-à-dire en sachant ce qu'il fait.
Il arrive très souvent qu'on interprète la disparition
d'un article, la disparition totale d'un article comme étant la
volonté d'un législateur de ne plus voir l'application de cet
article. Cela est, je pense, un principe de droit, comme je vous dis, qui est
tellement courant que vous ne le retrouvez pas, sinon dans la jurisprudence,
dans l'utilisation, dans l'interprétation qu'on fait dans des
textes.
Il y a le principe en droits civils qui, lui, est écrit et qui
dit qu'un législateur est censé poser un geste pour qu'il ait un
effet plutôt, dans le cas d'ambiguïté, que de le faire dans
un but où son texte n'aura pas d'effet.
Or, quand on a refait le règlement, non seulement on n'a pas
modifié vaguement la disposition de l'article 564, on l'a fait
disparaî tre totalement. Qu'est-ce qu'il nous reste maintenant, M. le
Président? C'est cela qui est important. C'est d'examiner le texte qui
nous reste. Le texte qui nous reste, c'est en commission plénière
ou élue, après la deuxième lecture c'est l'article
154 on ne peut discuter je me range totalement dans la logique de
votre décision que vous venez de nous rendre que les
détails du projet de loi. Vous remarquez bien que l'article 154 ne dit
pas que les articles des projets de loi. Or, que sont les détails du
projet de loi?
Moi, je suis obligé de regarder le projet de loi 22 et,
après avoir lu le titre, je l'ouvre à la première page et
je vois: "Projet de loi no 22". Je retrouve le titre: "Loi sur la langue
officielle" et, tout à coup, je me mets à lire: "ATTENDU que la
langue française constitue un patrimoine national que l'état,
etc." Ce sont les détails du projet de loi. A mon avis, tout ce qui
apparaft après le titre, ce sont les détails du projet de
loi.
Il y a une autre ambiguïté. Je vous la pose, non pas pour
que vous la résolviez ce soir, mais il y a une autre
ambiguïté qui est aussi réglée d'une façon
assez spéciale par la disparition de l'article 564.
M. SAINT-HILAIRE: II y a l'article 1.
M. BURNS: Par la disparition de l'article 564, M. le Président,
on s'aperçoit...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BURNS: ... qu'en vertu de l'ancien règlement, le même
que vous utilisez actuellement pour nous dire que le préambule devrait
être étudié après les articles, qu'au
septième paragraphe, c'est le titre qui peut être discuté
en dernier lieu, mais seulement s'il y a lieu de l'amender. Je me dis: Est-ce
que le titre fait partie des détails du projet de loi? Je me demande
même ce ne sont pas des blagues si avec l'amendement de
l'article 154, n'importe quel député ici aurait le droit de
discuter du titre de la loi, parce que, pour moi, le titre, ce ne sont pas les
détails du projet de loi? Je ne vous demande pas de résoudre
cette difficulté tout de suite, mais c'est à ce point que je
crois que l'article 154 a changé l'approche. Je termine en disant
ceci:...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que vous avez terminé?
M. BURNS: Non, parce que vous ne m'écoutiez pas, j'attends.
Prenez votre temps.
LE PRESIDENT (M. Gratton): En fait, continuez.
M. BURNS: Non, c'est parce que, M. le Président, je n'argumente
pas dans l'air...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Non.
M. BURNS: ... et je sais que vous êtes un humain normal. Je pense
que vous ne pouvez pas écouter deux conversations en même
temps.
LE PRESIDENT (M. Gratton): D'accord.
M. BURNS: Je dis, M. le Président, de deux choses, l'une...
M. SEGUIN: C'est quasiment être insultant. LE PRESIDENT (M.
Gratton): A l'ordre!
M. BURNS: ... ou bien vous décidez que quand on se
réfère à l'article 154 et qu'on dit les détails,
cela veut dire les détails dans l'ordre où ils se
présentent dans le projet de loi ou bien vous décidez autre
chose, M. le Président. Sur cela, je vous laisse l'alternative possible.
Ou bien vous décidez, comme il est possible de le faire et on le
fait à l'examen de tous les projets de loi qu'on peut intervertir
l'ordre de la discussion. Si vous appelez l'article 1, je vous soumets
respectueusement qu'il est parfaitement dans l'ordre, de la part d'un membre de
l'Opposition qui pourrait le désirer, de proposer une motion disant que
le préambule du projet de loi soit discuté avant l'article 1.
C'est la soumission que je vous fais. Je vous laisse une alternative. Je
pense que, de deux choses l'une: vous êtes obligé de me dire que
l'une ou l'autre de ces solutions est possible. Voici la première, celle
que je prétends être exacte. Je me résume. Quand on a fait
disparaf-tre l'article 564, c'est qu'on ne voulait plus de l'article 564. On
n'a même pas amené de lointaines équivalences à
l'article 564 dans le règlement. On n'a même pas approché
l'idée de l'ordre. On a remplacé cela en pratique par l'article
154, qui nous dit qu'on ne peut discuter que les détails. Je vous dis
que cette disposition les détails du projet de loi
existait également dans l'ancien règlement. Dans l'ancien
règlement, on prenait la peine de préciser l'ordre dans lequel
les détails du projet de loi devaient être discutés.
Je vous dis qu'en l'absence de l'article 564, c'est l'article 154
maintenant qui prime. C'est sûr que les usages de l'Assemblée
nationale doivent exister, doivent être maintenus. Je reconnais
l'existence de l'article 4 de notre règlement. Avant les usages, ce sont
les articles clairs et je pense que l'article 154 est clair, du moins sous cet
angle, quand il nous parle des détails du projet de loi, à moins
que vous me convainquiez que les détails d'un projet de loi ne visent
pas le préambule. Je pense que vous allez avoir de la difficulté
à me convaincre de cela.
Ou bien, c'est une alternative que je vous soumets, il est possible
à un membre de la commission de proposer l'inversion, si votre
interprétation est qu'on doit d'abord étudier article par article
le projet de loi et uniquement à la fin, le préambule. Je pense
qu'à ce moment n'importe quel député peut vous proposer de
discuter du préambule avant l'article 1. Voici la logique en vertu de
laquelle je vous ai parlé de l'aspect réglementaire; je
n'argumenterai pas là-dessus, parce que vous allez me trouver hors du
sujet, si j'entre dans le fond. Simplement, pour appuyer cette logique
réglementaire, je veux juste vous indiquer la logique de fond, si vous
voulez, la logique qui sous-tendrait une argumentation à cet effet. Je
n'entrerai pas dans les détails. La logique c'est que, normalement, dans
un préambule, vous retrouvez les grands principes qu'on entend retrouver
dans le projet de loi. C'est cela qu'est la logique.
Je vous le soumets, dans l'ancien règlement, ce n'est que par une
fiction légale qu'on a décidé de mettre le
préambule à la fin, pas dans l'ancien projet de loi, dans
l'ancien règlement. Par exemple, qu'est-ce qui me dirait, à un
moment donné, dans un projet de loi particulier, en vertu toujours de
l'ancien règlement, que les annexes imprimées ne comporteraient
pas, lors de l'étude de tel ou tel projet de loi, une importance telle
que les députés se sentent obligés de dire à tel ou
tel article qui se réfère à des annexes: Je vous demande,
par voie de motion, d'amener ou d'inverser l'étude. Disons qu'on arrive
à l'article 1 d'un projet de loi et qu'à l'article 1 on y voie:
Les personnes ou les professions, tel qu'on le voyait par exemple dans le code
des professions, les professions mentionnées à l'annexe A, sont
régies par telle et telle disposition, etc.
Il peut arriver qu'un député qui est membre de la
commission sente, croie, soit convaincu qu'il est tellement important et lourd
de conséquences de discuter d'abord de cette annexe avant d'aller
à l'étude de fond de cet article 1, qu'il vous propose d'inverser
l'ordre, toujours placé dans l'ancien règlement.
Je pourrais vous citer de nombreux précédents où on
a inversé l'ordre des articles. Je pense qu'on peut faire cela. Si vous
considérez, en résumé, le préambule comme un
détail du projet de loi, je pense qu'il en est un, à ce moment,
on est obligé de considérer que, tout au moins, il serait
possible au chef de l'Opposition ou au député de Saint-Jacques de
faire la proposition que je vous signalais tout à l'heure, proposition
qui aurait pour objet de demander que la commission étudie d'abord le
projet de loi avant l'article 1.
Dernier argument, M. le Président, que je vais vous donner
là-dessus... Dans le préambule, je m'excuse, la fatigue me gagne.
Je mêle les mots. Je pense que vous comprenez ce que je veux dire, M. le
Président.
Dernier argument que je vous donne là-dessus, tout simplement,
c'est que les détails du projet de loi concernant également le
préambule. C'est qu'il faut lire cet article 564. Même notre
ancien règlement considérait cela comme des détails d'un
projet de loi. L'article 564 disait: "En comité plénier, les
différentes parties..." D'accord, M. le Président? Merci!
L'ancien article 564 disait: "En comité plénier, les
différentes parties d'un bill public" c'est comme cela qu'on
l'appelait à ce moment "sont examinés dans l'ordre
suivant: le, 2e, 3e, 4e, 5e et 6e, le préambule". Donc, notre ancien
règlement, s'il a tellement de
valeur à vos yeux que vous l'utilisez comme élément
d'usage passé, cet ancien règlement lui-même
considérait le préambule d'un projet de loi comme je cite
les mots utilisés dans l'article 564 les différentes
parties d'un bill public.
Continuons, M. le Président, un peu plus loin... Ou plutôt
un peu plus avant... Il y a tellement longtemps que j'ai fouillé dans ce
règlement... Attendez un peu. Je vous demande un peu de patience. Je
vais le trouver et retrouver l'article...
M. SEGUIN: ... M. le Président, à intervenir et demander
si votre décision du début ne tient pas encore. Je
comprends...
M. BURNS: M. le Président, j'ai encore le droit de parole.
M. SEGUIN: Pendant que le député cherche dans...
M. BURNS : Je l'ai trouvé. Ne vous inquiétez pas.
M. SEGUIN: ... on me permettra de faire un commentaire...
M. BURNS: Voyons donc!
LE PRESIDENT (M. Gratton): Nous sommes sûrement à l'article
1.
M. SEGUIN: Sur un point de règlement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Nous sommes à l'article 1.
M. SEGUIN: Nous sommes à l'article 1, mais d'un autre
règlement.
M. BURNS: Bon!
M. SEGUIN: Article 1 du bill 22.
M. BURNS: M. le Président, voulez-vous demander à ce
député qui préside des commissions de respecter mon droit
de parole? J'ai encore la parole, M. le Président. Je peux, en vertu de
l'article 160, intervenir pendant au moins 20 minutes sur une question de
règlement.
M. SEGUIN: Je demande au député de Maisonneuve de
respecter les ordres du président.
M. BURNS: Je vous demande, M. le Président... J'invoque le
règlement, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! UNE VOIX: Cela fait dix-huit
minutes. M. SEGUIN: Encore pour deux?
M. BURNS: Le président me le dira quand j'aurai fini.
M. SEGUIN: Une tolérance.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !
M. BURNS: Je vous dis que...
M. LEGER: Est-ce que le député de Maisonneuve veut que je
m'occupe de jaser avec le député de Pointe-Claire pour le tenir
occupé pendant que...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre!
M. SEGUIN: N'appuyez pas le député de Pointe-Claire, il
n'a pas besoin d'appui.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que le député de
Maisonneuve est prêt?
M. SEGUIN: D a encore deux minutes.
M. BURNS: M. le Président, j'ai retrouvé l'article que je
voulais vous citer, et c'est l'article 565.
M. SEGUIN: Pourquoi ne l'avez-vous pas demandé? On vous l'aurait
dit.
M. BURNS: L'article 565, qui nous dit... LE PRESIDENT (M. Gratton): A
l'ordre!
M. LESSARD: Je pense que le député de Pointe-Claire est un
député qui est président de commission parlementaire. Le
député de Pointe-Claire devrait justement suivre les
règlements...
M. SAINT-HILAIRE: Vous coupez la parole...
M. LESSARD: J'ai posé une question de règlement. Je
comprends que le député de Saint -Hilaire... que le
député de Rimouski...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre !
M. LESSARD: ... ne connaît pas ce que c'est qu'une question de
règlement. M. le Président, je vous invite à demander au
président de commissions, le député de Pointe-Claire, de
suivre les règlements, tel qu'il nous le demande, lui, quand il
préside les commissions parlementaires.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous
plaît! On a assez de difficulté sans que le public s'en
mêle.
M. BURNS: Surtout que cela ne les concerne pas, ce qu'on discute ici, M.
le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): S'il vous plaît!
M. BURNS: Il semble que cela ne les concerne pas. On n'a pas entendu
tous les gens qui voulaient nous dire ce qu'ils pensaient de ce projet de
loi.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre ! Le
député de Maisonneuve.
M. BURNS: Vous le savez, j'ai une patience extraordinaire.
M. HARDY: Vous avez provoqué...
M. BURNS: Je n'ai provoqué personne et je pense que le
député de Terrebonne est en mesure de dire que la discussion
à caractère juridique que nous avons eue tout à l'heure
n'avait aucun élément de provocation...
M. HARDY: Dans la parenthèse...
M. BURNS: Dans la parenthèse, je pense que la provocation vient
du bout de la table là-bas et ce que je trouve absolument incroyable,
c'est que cela vienne d'un des sept députés qui agissent comme
présidents de commission. Je trouve cela incroyable. Il se conduit comme
un député qui vient d'entrer à l'Assemblée
nationale et qui ne sait pas ce qui se passe...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. BURNS: ... et qui est frustré à part cela. Cela
m'inquiète beaucoup. S'il est président de commission,
j'espère que ce n'est pas pour longtemps.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. SEGUIN: Qui a commencé?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. SEGUIN: Je suis plus inquiet des commentaires du député
de Maisonneuve.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Vous m'invitez à suspendre
les travaux et je pense bien que ce n'est pas cela que personne veut. Un peu de
collaboration, s'il vous plaît. Le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Je veux seulement vous dire ceci. Ma tâche est assez
difficile d'argumenter sur les règlements et je pense que vous allez
l'admettre parce que vous-même, vous trouvez cela difficile de rendre des
décisions.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Très.
M. BURNS: C'est aussi difficile à mon bout du bâton.
LE PRESIDENT (M. Gratton): D'accord!
M. BURNS: Alors, quand je me fais interrompre, cela devient un peu
choquant parce que je me demande, si à ce moment, c'est de propos
délibéré qu'on tente de me faire perdre le fil de mes
idées. C'est tout. J'explique un peu ma saute d'humeur, si vous
voulez.
J'avais retrouvé l'article 565 et d'ailleurs quand je fais cette
mention, c'est dans votre intérêt. Il est normal que ce que je
vous dis se tienne ensemble, soit logique. C'est pour cela que je ne veux pas
être interrompu.
L'article 565 nous dit que, pendant l'étude d'un bill public, un
comité plénier ne peut en discuter que les détails.
Expression que je vous mentionne qu'on retrouve à l'article 154 actuel.
On a repris le mot "détails". Les détails, drôle de
façon de légiférer quand même, mais en tout cas. On
trouve ce que sont les détails à l'article 564 et cet article
nous dit qu'entre autres détails, il y a le préambule.
Je vous place devant l'alternative suivante. Je vous ai donné mon
opinion. Je ne veux pas vous l'imposer. Je prétends que, normalement, on
devrait étudier les détails dans l'ordre où ils se
présentent dans le projet de loi, mais, si ce n'est pas votre opinion,
je prétends qu'une motion demandant l'inversion de l'étude des
détails du projet de loi est parfaitement recevable et à ce
moment, j'aimerais que vous nous l'indiquiez et j'imagine que le
député de Saint-Jacques ou le député de
Sauvé le chef de l'Opposition seront en mesure, puisqu'ils
sont membres de la commission, de faire une telle motion.
M. HARDY: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre des Affaires culturelles.
M. HARDY: Je pense qu'on est en face d'un cas où l'ancien
règlement s'applique d'une façon claire. L'actuel
règlement est totalement silencieux quant à l'ordre de
l'étude d'un projet de loi. Il se contente de dire: On étudie les
détails du projet de loi.
C'est évident que le préambule est un détail du
projet de loi, mais l'actuel règlement ne dit pas dans quel ordre, sauf
que selon la logique, évidemment, on commence plutôt par l'article
1 que par le dernier article.
Ce nouveau règlement nous dit qu'on doit se référer
aux usages. S'il y a un usage, qui a vraiment de la consistance et qui a
vraiment le caractère d'un usage parce qu'il a été
utilisé pendant des années et des années, c'est le
règlement. Il y a des usages non écrits, qui sont un peu flous,
mais l'ancien règlement est un usage codifié, c'est un usage que
l'on peut connaître, que l'on peut bien identifier.
L'actuel règlement est silencieux quant à l'ordre
d'étude d'un projet de loi. On retourne à l'usage. Le principal
usage est l'ancien règlement. D'ailleurs, M. le Président, je
vous rappelle et à travers vous, le député de
Maisonneuve,
qu'il y a une filiation entre l'ancien règlement et le nouveau.
Je rappelle, au député de Maisonneuve, la méthode que les
codificateurs de l'actuel règlement ont utilisée pour le
composer. Les codificateurs ne se sont pas réunis un bon matin
pour...
M. BURNS: Au début.
M. HARDY: Le début est resté... Cela a été
le premier jet. On a pris l'ancien règlement et on a
émondé, on a épluché... Quel était le but du
législateur? Ce n'était pas d'apporter de nouveaux principes
juridiques dans la conduite des travaux de l'Assemblée nationale. Le but
essentiel, lorsque nous avons adopté ce règlement, était
de simplifier, de synthétiser.
Bien sûr, dans cette simplification, cela nous amène
à certains problèmes, comme des silences, mais je dis qu'il y a
une filiation très nette entre l'ancien règlement et le nouveau.
En d'autres termes, l'actuel règlement est un peu le fils de l'ancien.
On ne peut donc pas prétendre qu'il y a une coupure complète.
M. le Président, je finis par cela. Malgré ses
complications, malgré parfois ses contradictions, il y avait quand
même dans l'ancien règlement une très grande logique et, en
particulier, à cet article qui détermine l'ordre d'étude
d'un projet de loi. Cet ordre est très logique et je rappelle au
député de Maisonneuve une certaine jurisprudence. Lorsque les
juges sont appelés à interpréter une loi qui comporte un
préambule, c'est assez rare que des lois publiques comportent un
préambule, il est très clair, je pense et le
député de Maisonneuve ne me contredira pas là-dessus
que les juges ne donnent pas des conséquences légales au
préambule, mais le préambule sert à ce moment-là
à interpréter le corps de la loi. Le préambule est une
espèce d'éclairage pour savoir ce que veulent dire exactement les
articles 5, 6, 7... Or, si le préambule est un moyen d'éclairer
le corps de la loi, voyez-vous dans quelle situation on se trouverait? On
adopterait d'abord le préambule et, après cela, il pourrait
arriver que les amendements que l'on apporte à la loi fassent que le
préambule n'éclaire plus du tout la loi parce qu'il y aurait
certaines contradictions. La logique est d'abord d'adopter le corps de la loi
et si, à un moment donné, on s'aperçoit que le
préambule, qui est déjà là, ne sert plus à
expliciter le corps de la loi à cause des amendements, là on
change le préambule. Si on adopte d'abord le préambule et,
après cela, qu'on adopte le corps de la loi et qu'on apporte certains
amendements, le préambule ne servira plus à éclairer la
loi, ce qui est sa raison d'être.
Pour cette raison, M. le Président, je soumets que l'ancien
règlement était très logique, très valable et,
parce que le nouveau règlement est silencieux, on devrait, dans ce cas,
appliquer l'ancien règlement, étudier la loi article par article.
Quand on est rendu, à l'article 133 adopté, on étudie le
préambule pour savoir s'il correspond toujours à la loi que nous
avons adoptée et, par la suite, enfin, on étudie le titre pour
savoir si ce titre correspond vraiment à la loi que l'on vient
d'adopter.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable ministre de l'Education, sur la
question de règlement.
M. CLOUTIER: M. le Président, je ne suis pas juriste et, à
entendre certaines discussions, je m'en réjouis. Comme je l'ai
déjà dit à l'Assemblée, je sais lire. Je vais
apporter un argument, je ne sais pas si je réussirai à convaincre
l'Opposition parce qu'il me semble, moi aussi, qu'il y a une logique certaine
à étudier le préambule à la fin.
Le préambule n'a pas de valeur juridique, il sert à
interpréter la loi, comme le ministre des Affaires culturelles vient de
le rappeler, il ne peut prévaloir sur une disposition du projet de loi
et il ne sert, à toutes fins utiles, qu'à définir des
objectifs. Que se passe-t-il si, lors de la discussion de la loi, on est
amené... J'aimerais que le député de Maisonneuve me
prête un peu d'attention, parce que je pose une question très
claire.
M. BURNS: Justement je viens de vous écouter et je viens de
déceler une faille que je viens de dire au chef de l'Opposition qui a
l'intention de vous répondre.
M. CLOUTIER: Attendez peut-être à la fin, vous verrez si la
faille n'est pas colmatée en cours de route.
M. CHARRON: C'est rare.
M. CLOUTIER: Que se passe-t-il si, au cours de la discussion du projet
de loi, article par article, il y a des amendements et que ces amendements
viennent changer, non pas le principe, mais certaines modalités
importantes du projet de loi? Est-ce que le préambule n'en est pas
affecté, à ce moment-là? Et si le préambule en est
affecté, c'est la logique même de l'étudier
après.
J'apporte peut-être une modeste contribution, je ne sais pas si
elle constitue une interprétation légale, mais en tout cas il me
semble, à mon point de vue, que c'est la logique même. Est il
besoin de la répéter?
Nous allons étudier un projet de loi, article par article. Nous
serons peut-être amenés à envisager des amendements et il
peut y avoir des amendements majeurs. Ceci risque de changer le
préambule et peut-être même de changer le titre, en tout
cas, de changer le préambule. Je ne parle pas de cette loi en
particulier, je parle de toutes les lois en général. A ce
moment-là, n'est-il pas logique d'étudier le préambule
après l'étude de la loi en entier pour voir s'il correspond
toujours à l'esprit de la loi?
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable chef de l'Opposition officielle
sur la question de règlement.
M. MORIN: M. le Président, le préambule vient au
début de la loi et l'étymologie du mot d'ailleurs nous indique sa
portée. Préambule veut dire "praeambulare", c'est-à-dire
avant d'entrer dans le sujet, avant d'entrer dans le vif du sujet, avant
d'entrer dans la loi.
C'est dans le préambule, comme le ministre l'a fait observer avec
beaucoup d'astuce, que se trouvent définis les grands objectifs d'un
projet de loi, c'est le préambule qui fournit, j'allais dire, les
prémisses de la loi. Or, depuis quand pose-t-on les prémisses
après avoir exposé les parties principales du syllogisme? Le
préambule, en l'occurrence, est très important parce que c'est
dans cette partie de la loi bien qu'elle n'ait pas force de loi, comme
on l'a fait observer avec beaucoup de justesse que se trouve
établi le cadre général de la loi. Tout découle de
la volonté exprimée par le législateur dans le
préambule. C'est à ce point, M. le Président, qu'on peut
dire que le préambule définit l'économie
générale du projet de loi. Il se peut que, par la suite, en
étudiant les articles, l'un après l'autre, nous fassions
effectivement un certain nombre de changements, mais le ministre lui-même
nous a prévenus que ces changements ne seraient pas
considérables. Il a dit à plusieurs reprises qu'il serait
intraitable sur le plan des principes et donc...
M. CLOUTIER: Vous ne pouvez pas préjuger.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. CLOUTIER: Vous vous sous-estimez, peut-être allez-vous nous
convaincre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: Je ne vous ai pas interrompu, M. le ministre, et j'aimerais
que vous en fassiez autant. Donc, il se peut qu'il y ait effectivement des
changements dans la loi par la suite, soit à la suite de propositions du
gouvernement, soit à la suite de propositions de l'Opposition, mais
alors nous pourrions très facilement, comme cela s'est fait dans le
passé, revenir au préambule et y revenir autant de fois qu'il le
faudra. Il nous paraît M. le Président, je ne serai pas
très long parce que je pense que la cause a été
plaidée avec beaucoup de persuasion par le leader de l'Opposition
logique que nous commencions par examiner les intentions
générales du législateur.
On a fait observer dans l'un des mémoires qui a été
soumis à cette commission, il y a quelques semaines, que le projet de
loi, que les articles eux-mêmes, ne semblent pas découler
logiquement du préambule, en ce sens que dans le préambule on
énonce des objectifs quelque peu ronflants: faire de la langue
française une langue omniprésente dans le monde des affaires.
Quand on lit le projet de loi par la suite, on s'aperçoit que cela ne
signifie pas grand-chose. De même, on nous parle de la
prééminence de la langue française dans le tout premier
paragraphe du préambule. Mais lorsqu'on entre dans l'étude
article par article, on s'aperçoit que cela ne signifie à peu
près rien et que même les articles, au fur et à mesure
qu'on les analyse, non seulement n'assurent pas la prééminence de
la langue française, mais instituent en fait un bilinguisme quasi
généralisé et accorde à la langue anglaise des
droits qui lui sont peut-être reconnus dans les faits jusqu'ici, mais qui
ne lui sont pas reconnus par le droit.
M. le Président, si tant est qu'il y ait d'ores et
déjà un manque de logique, une solution de continuité
entre le préambule et le projet de loi, l'Opposition estime qu'il est
essentiel de commencer par mettre les cartes sur table et dire, dans ce
préambule, exactement ce que nous voulons pour l'avenir du
Québec. Soit, cela n'a pas force de loi, mais cela éclaire
l'ensemble du projet de loi. C'est à la lumière du
préambule que nous connaîtrons les véritables intentions du
gouvernement. C'est à la lumière du préambule que nous
pourrons par la suite modifier les divers articles du projet de loi pour qu'ils
correspondent à ce qui aura été énoncé parmi
les objectifs fondamentaux du préambule.
Appel de l'article 1
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, messieurs... A l'ordre, s'il vous
plaît!
Je suis suffisamment éclairé pour rendre une
décision. Tout en ayant écouté très attentivement
l'argumentation des deux côtés de cette table, je me fie surtout
au fait que l'ancien règlement était le fruit et demeure encore
le fruit d'environ 700 ans de pratique parlementaire et on peut sûrement
dire que c'est un document rodé.
Je pense que notre règlement, le nouveau règlement nous
dit bien qu'une fois un article ou un paragraphe adopté, on ne peut y
revenir. Si nous allions adopter le préambule avant d'étudier,
article par article, et d'adopter, article par article, le projet de loi, nous
pourrions être dans une situation où, ayant amendé ou ayant
retranché certains articles du projet de loi, une partie du
préambule ne s'appliquerait pas et il ne nous serait pas possible, selon
notre présent règlement, de revenir pour le retrancher. C'est sur
la logique même et sur la pratique historique du parlementarisme que je
maintiens ma décision du début, que l'étude du projet de
loi 22 doit débuter, premièrement, par l'article 1, et j'appelle
l'article 1 et je cède la parole à l'honorable ministre de
l'Education comme...
M. MORIN: M. le Président, j'ai une motion à
présenter.
M. CLOUTIER: M. le Président...
M. MORIN: Je regrette, j'ai une motion à faire.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Une motion peut être faite seulement
lorsque vous avez la parole. La tradition et le règlement veulent que le
parrain du bill soit le premier à intervenir. Le ministre de l'Education
sur l'article 1 du projet de loi 22.
M. CLOUTIER: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, à l'ordre!
M. CLOUTIER: ...mardi matin, à 11 heures, je me préparais,
aussitôt l'article 1 appelé, à faire un certain nombre de
remarques préliminaires. Ce sont les mêmes remarques que je vais
faire aujourd'hui, après deux jours et demi de discussion que je
considère stérile et non justifiée. En effet, comme je
l'ai dit clairement à plusieurs reprises, je voulais commencer mon
intervention en proposant de déposer les projets d'amendement et
également, quatre documents portant sur un certain nombre de principes
directeurs de la réglementation. C'est ce que je vais faire
immédiatement et je vais demander que l'on distribue d'abord les projets
d'amendement. A ce propos, je dois dire qu'il s'agit de projets d'amendements
qui ne deviendront amendements qu'une fois qu'ils seront votés. Je
désire également préciser que ceci ne constitue pas
nécessairement tous les amendements que le gouvernement souhaitera
apporter en cours de route.
Il s'agit très certainement des amendements les plus importants
et ce sont les amendements dont j'ai fait état dans mon discours de
deuxième lecture. En ce qui concerne les principes directeurs de la
réglementation, au cours de la commission parlementaire, après la
première lecture, j'ai, à maintes reprises et l'Opposition
m'a cité exactement dit que la discussion, article par article,
nous permettrait d'apporter toutes les précisions voulues, qu'il ne
pouvait pas être question de déposer des règlements dans
leur forme définitive mais qu'en revanche, je tenterais d'apporter au
moins ce que j'ai appelé les principes directeurs. J'ai repris cette
invitation à au moins dix reprises pour éviter que les
débats se prolongent depuis le début des séances.
Malheureusement, cette invitation, pour des raisons qui ont paru
évidentes à tout ceux qui ont assisté aux
délibérations, n'ont jamais été acceptées.
Ceci ne m'empêche pas, même si rien ne m'oblige à le faire
de par nos règlements, de procéder de cette manière.
Pourquoi? Parce que le gouvernement a une seule intention: c'est de
fournir tous les instru- ments de travail nécessaires à la
commission pour que la commission puisse évaluer le projet de loi
à son mérite. J'en profite d'ailleurs pour faire état de
cette disponibilité dans tous les domaines. Je suis disposé
à apporter toutes les informations que souhaitera l'Opposition ou que
souhaiteront les députés, membres du parti ministériel, et
ceci à n'importe quel moment. Je n'ai jamais changé d'avis
à ce point de vue et je ne voudrais pas que certains tentent de faire
accréditer l'opinion que c'est par entêtement que le gouvernement
n'a pas voulu déposer ces documents dès le début.
M. BURNS: M. le Président, question de règlement. Il
m'avait semblé que vous aviez appelé l'article 1. Nous ne sommes
plus à l'article 1, nous sommes rendus sur des amendements ailleurs dans
le projet de loi. C'est ce que je veux savoir exactement, si c'est votre
entendement qu'en appelant l'article 1, on peut baratiner sur tout le reste du
projet de loi.
M. BOURASSA: Vous ne voulez pas les amendements?
M. CLOUTIER: Vous ne les voulez plus maintenant les amendements?
M. BURNS: Oui, on les veut. Déposez-les.
M. CLOUTIER: C'est ce qu'on est en train de faire. On est en train de
les distribuer.
M. CHARRON: Parlez de l'article 1, cela fait trois jours que vous nous
"achalez" et que vous voulez parler de l'article 1. Parlez-en. Déposez
les amendements...
M. CLOUTIER: Je m'excuse, M. le Président. Il est de tradition,
chaque fois que l'étude d'un projet de loi commence, que le parrain de
ce projet de loi fasse un certain nombre de remarques
générales.
M. BURNS: Avant l'article 1.
M. CHARRON: Cela vaudra pour nous, à l'article 1.
M. CLOUTIER: Ces remarques générales portent
uniquement...
M. CHARRON: Cela vaudra pour nous également.
LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre!
M. CLOUTIER: Ce n'est pas à moi d'en juger.
LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre, messieurs !
M. CHARRON: On parlera de tout ce qu'on voudra par la suite.
LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre!
M. CLOUTIER: Ces remarques générales ont porté
uniquement sur la disponibilité du gouvernement de fournir de
l'information.
M. CHARRON: Très bien.
M. CLOUTIER: J'ai été interrompu par le
député de Saint-Jacques justement au moment où je disais
que nous étions prêts à apporter toute l'information
nécessaire à l'Opposition comme aux députés
ministériels.
Maintenant, avant que je puisse faire ce dépôt, tant des
projets d'amendement que des principes directeurs, je demanderais, M. le
Président, d'avoir l'opinion de la commission, le consentement unanime
de la commission.
M. HARDY: D'accord!
LE PRESIDENT (M. Pilote): Est-ce que la commission est d'accord pour le
dépôt?
M. MORIN: Le dépôt? Je le pense bien, depuis le temps que
nous le réclamons.
M. CLOUTIER: Je pense que le rire que l'on vient d'entendre manifeste
bien la valeur qu'il faut donner à la remarque du chef de
l'Opposition.
M. CHARRON: Je pense que vous vous trompez à propos de qui on
riait.
M. MORIN: Oui, je pense.
LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre! A l'ordre ! A l'ordre ! A l 'ordre,
messieurs !
M. BOURASSA: On peut remplir les galeries demain, si vous voulez, nous
aussi avec des troupes de partisans.
M. CHARRON: Vous avez peur, vous empêchez les gens d'entrer en
bas.
M. BOURASSA: C'est parce qu'on veut procéder à...
LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre!
M. CHARRON: Vous avez peur. C'est pour cela que vous la faites adopter
en plein mois de juillet, cette loi-là.
M. BOURASSA: Voulez-vous qu'on fasse évacuer la salle?
M. CHARRON: C'est parce que vous avez peur.
LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre!
M. BOURASSA: Si on avait peur, on ferait évacuer la salle.
M. CHARRON: Vous tremblez devant les Québécois. Vous
tremblez.
UNE VOIX: Faites évacuer.
M. CHARRON: Vous avez peur des Québécois.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je demande qu'on évacue la salle.
M. CHARRON: La peur, encore.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Suspendu en attendant que la salle soit
évacuée.
(Suspension de la séance à 22 h 48)
Reprise de la séance à 22 h 53
LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre, messieurs!
A la demande de chacun des partis, tant du côté
ministériel que de l'Opposition, je demanderais aux gens qui sont dans
la salle de s'asseoir d'abord et d'éviter toute manifestation. Le
président qui m'a précédé a averti, à
quelques reprises, que les manifestations étaient défendues
à la commission parlementaire.
Je crois que notre règlement de l'Assemblée nationale est
assez large. On permet aux gens d'assister aux discussions de la commission
parlementaire et je vous inviterais, une dernière fois, à ne plus
manifester ici à la commission parlementaire, sans cela on va être
obligé de procéder à l'évacuation
définitive, et ce serait priver les gens qui aimeraient, comme vous,
venir entendre les discussions à l'Assemblée nationale.
La parole est au ministre de l'Education.
Dépôt de documents
M. CLOUTIER: M. le Président, je vous remercie. Je continue donc
mes explications qui me paraissent extrêmement importantes, étant
donné qu'il n'est pas habituel de déposer des documents de cette
nature au tout début des travaux.
On a déjà distribué les amendements et j'ai
rappelé que ceci ne constituait peut-être pas la totalité
des amendements que le gouvernement serait susceptible d'apporter. Nous allons
maintenant distribuer quatre documents qui correspondent aux principes
directeurs de la réglementation, qui touchent les programmes de
francisation, c'est-à-dire les articles 32, 33 et 34; la langue
d'enseignement, c'est-à-dire le chapitre V, les articles 48 à 51;
l'étiquetage, l'article 40, et l'affichage, l'article 43.
Il y a d'autres mentions de règlements dans le corps de la loi.
Je verrai en cours de route s'il est nécessaire d'en distribuer les
principes directeurs. Il y en a qui ne sont pas pertinents pour la discussion
des articles. Il y en a peut-être un ou deux autres qui pourraient
l'être. C'est avec la même ouverture d'esprit que nous tenterons
d'apporter toute l'information à l'Opposition comme aux
députés ministériels.
Voici, par conséquent, M. le Président, les documents que
je me proposais de déposer. Est-ce que l'on peut maintenant distribuer
les blocs qui concernent les principes directeurs.
Il y a eu également, M. le Président, une demande qui est
arrivée tout à la fin et qui concernait les études qui
auraient pu être commandées par le gouvernement sur la
consti-tutionnalité du projet de loi. Je dois dire qu'il n'y a pas eu
d'étude faite par le gouvernement, sauf la consultation privée
dont j'ai parlé, la consultation du professeur McWhinney.
Toutes les études et il y en a un bon nombre ont
été commandées par la commission Gendron.
Comme référence, il faut se rapporter à la
situation de la langue française au Québec, le volume II. Les
droits linguistiques, où l'on trouve des analyses extrêmement
complètes de tous les aspects; également aux études et
synthèses préparées pour la commission Gendron et que le
gouvernement a fait publier. En particulier, je crois utile de les signaler aux
études E-14, E-15, E-19. Si la commission le souhaitait, il me ferait
plaisir, même si ces documents sont des documents publics, de les
ramasser pour pouvoir en faire une distribution. Il y a également un
autre document qui est plus ancien et qui avait été
préparé lors de la discussion de la loi 28 qui doit rappeler des
souvenirs au Parti québécois. Il s'agit d'une brochure
publiée par le ministère de l'Education. Les problèmes
constitutionnels posés par la restructuration scolaire de l'île de
Montréal. Cette brochure présente beaucoup d'intérêt
sur le plan de la constitutionnalité, parce qu'il est justement question
de l'article 93 et des limites de l'article 93. Si c'était le souhait de
la commission, c'est également un document que je pourrais faire
distribuer demain ou après-demain.
M. MORIN: Nous en serions tout à fait reconnaissants au ministre.
Puis-je lui demander, dans la même veine, s'il serait disposé
à faire distribuer aux membres de la commission le rapport plus
récent du professeur McWhinney?
M. CLOUTIER: Très volontiers, M. le Président. Demain, si
vous voulez, je verrai à faire faire les photocopies
nécessaires.
M. MORIN: Bien.
M. CLOUTIER: II me fera un grand plaisir, comme je l'ai signalé
au tout début de la commission, dès mardi, d'apporter toute cette
information.
M. MORIN: Avec votre permission, M. le Président, je voudrais
poser une autre question au ministre. Est-ce que je dois interpréter la
réponse que le premier ministre m'a faite en Chambre hier comme se
référant seulement aux études entreprises à
l'époque de la Commission d'étude sur la situation du
français? Le premier ministre m'a déclaré ceci en Chambre:
"Nous avons des études qui nous disent clairement que le bill 22 ne pose
pas de problème sous ce rapport". Il entendait par là, sous le
rapport constitutionnel. A ce moment, je ne sache pas qu'il ait eu entre les
mains l'étude de professeur McWhinney, puisque vous nous avez dit
qu'elle venait de vous parvenir. Est-ce que le premier ministre se
référait alors seulement aux études du rapport Gendron ou
à d'autres reçues depuis?
M. BOURASSA: Je me référerais aux deux études, aux
études de la commission Gendron et à l'étude de M.
McWhinney dont m'avait parlé le ministre de l'Education.
M. MORIN: Bien. Nous aurons l'occasion de montrer que les études
réalisées pour la commission Gendron n'en soulèvent pas
moins, à l'occasion, des problèmes liés à la
constitution-nalité du projet.
M. CLOUTIER: Libre à vous. L'étude de M. McWhinney est
datée, je pense, du 14 ou du 15 juillet. Aussitôt qu'elle sera
prête, vous pourrez l'avoir également. Je rappelle mon invitation.
Quant à moi, cette discussion est extrêmement sérieuse. Je
vais faire tout mon possible, comme je l'ai fait depuis deux mois, pour y
conserver le caractère le plus serein possible. Egalement, je suis
disposé à apporter toute l'information ou tous les documents qui
sont en ma possession.
M. MORIN: Puis-je demander au ministre si nous pourrions avoir...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je m'excuse, est-ce que ceci complète
les remarques préliminaires du ministre?
M. CLOUTIER: Non, je crois qu'il faudrait peut-être que je fasse
un court commentaire sur l'article 1 lui-même avant d'engager la
discussion.
M. MORIN: Auparavant, une dernière question. Pourrions-nous avoir
le rapport McWhinney, le plus récent, demain, avant de commencer la
séance? Parce que nous allons discuter justement les articles premier et
second, et ce sont précisément ces deux articles qui, dès
l'abord, soulèvent le problème constitutionnel. Il serait donc
bon que nous puissions prendre connaissance de l'étude du professeur
McWhinney avant de commencer.
M. CLOUTIER: Oui, je vois comment nous pouvons arranger cela. En fait,
l'étude du professeur McWhinney complète toutes les études
qu'il avait faites pour la commission Gendron, et elle ne porte que sur
certains articles du projet de loi, comme l'article 2, l'article 5, l'article
6.
M. MORIN: Justement.
M. CLOUTIER: Je vais essayer de voir quel type de dispositions nous
pouvons prendre. Peut-être même avant minuit, si possible, ou
demain matin pour la faire parvenir...
M. MORIN: Avant minuit, ce serait parfait.
M. CLOUTIER: ... mais j'en doute. Je ne crois pas pouvoir obtenir les
photocopies à cause de tous les retards accumulés. Mais demain,
peut-être autour de neuf heures et demie, nous pourrions peut-être
vous faire parvenir...
M. MORIN: Bon!
M. CLOUTIER: Je vous préviendrai à minuit de ce que nous
pouvons faire.
M. MORIN: Ces arrangements sont satisfaisants, M. le
Président.
M. CLOUTIER: M. le Président, il est déplorable qu'il
n'ait pas été possible d'ouvrir l'article 1 dès mardi, et
de me laisser parler de cette façon.
M. le Président, mes commentaires seront très brefs. J'ai
l'intention, au cours de toute cette discussion, de rattacher les articles de
ce projet de loi à certaines recommandations de la commission Gendron,
que la recommandation ait été suivie ou qu'elle n'ait pas
été suivie. Pourquoi? Parce qu'un gouvernement qui
légifère dans une matière aussi importante que
celle-là ne légifère pas à partir de
théories ou à partir d'idées préconçues. Il
légifère à partir d'études préalables, et
l'étude dont il s'est inspiré, c'est l'étude de la
commission Gendron, qui a duré quatre ans, et de qui a
émané toute une quantité d'études sectorielles dont
la plupart ont été publiées.
L'article 1, qui se lit de la façon suivante: "Le français
est la langue officielle du Québec" s'éloigne de la
recommandation de la commission Gendron. La commission Gendron, en effet, avait
recommandé que le gouvernement québécois proclame le
français langue officielle et le français et l'anglais langues
nationales du Québec. On se souviendra que cette recommandation avait
suscité beaucoup d'inquiétude chez certains groupes, et le
gouvernement ne l'avait d'ailleurs jamais retenue, de par son
ambiguïté même. J'ai eu l'occasion, en deuxième
lecture, de m'expliquer là-dessus.
Il y avait également une autre recommandation de la commission
Gendron qui est reliée à l'article 1. C'est la suivante, et je la
lis: "Nous recommandons au gouvernement du Québec, tout en conservant
l'article 133, de l'AANB, de proclamer dans une loi-cadre le français
langue officielle du Québec, ainsi que le français et l'anglais
langues nationales du Québec, et de maintenir l'anglais comme langue
d'enseignement dans les écoles anglo-catholiques et anglo-protestantes
et comme une des deux langues de communication des individus avec l'Etat".
Dans cette recommandation, nous avons éliminé le
français et l'anglais langues nationales et le français langue
officielle, pour ne retenir que le français langue officielle, mais, en
revanche, nous avons délibérément conservé
l'article 133 et j'aurai l'occasion, dans quelques instants, d'expliquer
pourquoi je crois que c'est pertinent à la discussion actuelle
de même que nous avons conservé la possibilité
d'utiliser
l'anglais et le français comme langues de communication des
individus avec l'Etat.
En ce qui concerne l'article 133, certains juristes prétendent,
et la commission Gendron en fait état, qu'il aurait été
possible d'abroger l'article 133. Le gouvernement n'a pas jugé bon de le
faire, pour une raison extrêmement simple. D'abord, parce que l'article
133 confère des droits non seulement aux anglophones, mais
également aux francophones. Et ces droits sont limités. Cela
revient au droit de s'exprimer, soit en anglais, soit en français,
à l'Assemblée nationale. Il en découle la publication des
lois et la publication de certains documents. La même situation se
retrouve au niveau des cours de justice.
Comme il s'agit là, à toutes fins utiles, de droits
individuels, il aurait fallu, si nous avions abrogé l'article 133,
rétablir ces droits pour les francophones dans le corps de la loi,
puisque, manifestement, ce sont des droits que les francophones auraient voulu
conserver, et il aurait fallu également les rétablir pour les
anglophones puisque nous avons, dans cette loi, tout en maintenant la
primauté du français, désiré conserver les droits
individuels de la minorité.
Ce faisant, nous aurions ouvert la porte à des contestations
judiciaires parce que des doutes sérieux planent sur cette
possibilité d'intervention du Québec. C'est donc
délibérément que le Québec a jugé bon de
maintenir l'article 133 et le gouvernement pense que ceci ne change en rien la
portée de sa loi.
Je m'arrête là pour l'instant. Je n'ai pas du tout
l'intention de faire un discours. J'ai tenté de me limiter aux aspects
les plus importants de l'article 1 du projet de loi et j'apporterai mes autres
précisions en cours de route suivant la direction que prendra la
discussion.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition officielle.
Motion pour étudier le préambule
M. MORIN: Merci, M. le Président. Au moment d'aborder
l'étude de l'article 1, nous nous rendons compte que le sens
véritable de ces deux articles ne peut être apprécié
que si l'on a complété l'étude du préambule. Aussi,
je voudrais faire motion à l'effet que l'étude de l'article 1
soit différée jusqu'à ce que l'étude du
préambule du projet de loi ait été
complétée.
M. BOURASSA: Le président a rendu sa décision.
M. MORIN: Non.
M. BURNS: Pas là-dessus.
M. MORIN: Pas là-dessus. Ce n'est pas la même chose.
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement sur la
question de la recevabilité de la motion.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre des Affaires culturelles.
M. HARDY: La motion aurait pour effet, si elle était
adoptée, de modifier le règlement actuel
interprété, comme le président l'a fait tantôt
à la lumière de l'ancien règlement. Or, je soutiens
je serai très bref qu'en commission parlementaire, nous n'avons
pas le pouvoir d'amender des règlements. Seule l'Assemblée
nationale a le pouvoir d'amender des règlements.
Bien sûr, le député de Maisonneuve invoquera que
très fréquemment, lors de l'étude d'un projet de loi en
commission plénière ou en commission, de même que lors de
l'étude des crédits, il y a suspension. On dit: On suspend
l'article 2, l'article 3 pour aller à tel article ou on suspend tel
élément de programme à l'étude des crédits
pour aller à tel autre.
Je maintiens que lorsque la chose se fait, c'est en vertu du
consentement unanime. C'est parce qu'il y a consentement unanime de la
commission pour suspendre, pour un fait bien précis, l'application du
règlement. Mais s'il n'y a pas consentement unanime, nous ne pouvons pas
changer l'ordre établi par le règlement pour l'étude d'une
loi.
M. CLOUTIER: Je m'aperçois qu'il aurait peut-être fallu,
dans mes remarques générales, que je fasse une motion
également...
M. BURNS: II est trop tard. Il y a une motion sur la table.
M. CLOUTIER: Etes-vous sûr?
M. BURNS: II ne peut y avoir deux motions en même temps.
M. CLOUTIER: II faut disposer d'abord de celle-ci.
M. BURNS: II faut disposer d'abord de celle-ci.
M. CLOUTIER: D'accord.
M. BURNS: D'accord?
M. CLOUTIER: Oui, bien sûr.
M. BURNS: Je ne suis pas de l'avis du ministre des Affaires culturelles.
C'est terrible. On s'en va dans des chemins véritablement
différents parce que, toute la journée, j'ai commencé mes
remarques par: Je ne suis pas d'accord avec le ministre des Affaires
culturelles. Mais, M. le Président, vous avez utilisé comme usage
l'existence même de l'article 564
de l'ancien règlement. Je pense que c'est la substance de votre
décision de tout à l'heure, et l'article 564 lui-même nous
dit, dans son texte, que l'étude de certains articles peut être
différée. Je le vois de façon très explicite au
deuxième paragraphe de l'alinéa 1 de l'article 564 où on
nous dit: "Les articles imprimés qui ont été
différés..." Donc, il y a une possibilité de
différer des articles. De différer... le français est
assez piètre; ce n'est pas l'article qui est différé comme
l'étude de cet article.
On ne veut pas que l'article soit différé, selon
l'expression de l'article 564, jusqu'à la fin de l'étude du
projet de loi parce que nous sommes d'accord sur le fait que c'est un article
majeur.
C'est tellement un article important qu'on lui a consacré un
titre de la loi. Vous avez, titre I, Langue officielle du Québec, vous
avez en une phrase, article 1...
LE PRESIDENT (M. Gratton): La motion de l'honorable chef de l'Opposition
officielle se lit comme suit: Que l'étude de l'article 1 soit
différée jusqu'à ce que l'étude du préambule
du projet de loi no 22 ait été complétée.
Contrairement donc à la prétention du côté
ministériel, selon laquelle il s'agit là d'une motion de
suspension du règlement, il est bien évident que la
décision que j'ai rendue tantôt n'était pas basée
sur le règlement actuel, mais bien sur la tradition et les usages et
j'ai utilisé l'ancien règlement comme exemple de ces usages. Je
pense et je suis convaincu que cette motion est tout à fait recevable.
L'honorable chef de l'Opposition officielle sur la motion.
M. MORIN: Merci, M. le Président. Je voudrais commencer par dire
à quel point ce préambule est important. J'ai dit, tout à
l'heure, que le préambule bien qu'il n'ait pas force de loi, bien
qu'on ne puisse pas l'invoquer pour forcer qui que ce soit à accomplir
quoi que ce soit peut néanmoins être invoqué devant
les tribunaux. Il arrive souvent que, lorsque certains articles d'une loi sont
obscurs ou prêtent à diverses interprétations, les avocats
et les juges naturellement se tournent vers le préambule pour tenter de
comprendre la volonté du législateur, et derrière le
législateur nous osons l'espérer la volonté
du peuple représentée par ce législateur.
Le préambule donc est une sorte d'exposé
synthétique de ce que la loi prétend accomplir. En l'occurrence,
il s'agit d'une loi d'une importance extrême pour l'avenir des
Québécois et c'est dans le préambule qu'on devrait
retrouver toutes ces grandes orientations. C'est dans le préambule qu'on
devrait trouver, sous une forme condensée, la volonté des
Québécois de faire du Québec un pays français, de
donner à la langue française la première place dans tous
les domaines de l'activité et de la vie, qu'il s'agisse des affaires,
qu'il s'agisse du commerce, qu'il s'agisse de l'école ou de l'Etat et
des divers organismes qui en relèvent. La langue française doit
être la seule langue officielle.
Ce n'est pas dire qu'on ne puisse reconnaître les droits
individuels de certaines minorités. Ce n'est pas dire que nous voulons
forcer les gens à parler le français dans leur cuisine ou sur
l'oreiller. La langue privée, la langue que chacun parle chez soi, c'est
son affaire.
Oui, j'entends le député de Louis-Hébert qui me
parle de la chambre à coucher. Eh bien, c'est exactement de cela que je
parle.
M. DESJARDINS: Je proteste.
M. MORIN: La langue de la chambre à coucher est une affaire
privée.
M. DESJARDINS: Justement, c'est ce que j'allais dire, M. le
Président, et je veux rappeler le chef de l'Opposition à l'ordre,
il n'a pas d'affaire à discuter des chambres privées ici.
M. BOURASSA: Vous êtes à court d'arguments.
M. MORIN: Oh! Que cela est brillant, M. le député de
Louis-Hébert!
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: Que voilà une brillante intervention dans le
débat! J'espère que vous allez en faire de nombreuses comme
ça.
M. DESJARDINS: Attendez et vous verrez.
M. MORIN: Bien!
Le préambule donc, dans toutes les lois, jette un
éclairage et c'est pourquoi je propose que nous l'étudions avant
d'aborder l'article premier. Le préambule jette un éclairage sur
toute la loi et l'Opposition veut connaître cet éclairage, elle
veut en débattre. Je suis sûr que les Québécois
aussi aimeraient bien que nous commencions par examiner les intentions
générales de ce projet de loi.
Le préambule a une autre fonction que j'appellerais
éducative.
Le préambule, bien qu'il n'ait pas force de loi, est souvent
cité. Dans tous les pays il existe des préambules aux diverses
lois et l'on s'y réfère pour expliquer le type de
société, le type de pays qu'on a voulu construire. En
l'occurrence, une loi de cette importance se doit de dire clairement quels sont
les objectifs de la société québécoise. C'est
maintenant ou jamais qu'il faut aborder le problème. Ce n'est
peut-être pas maintenant hélas ! si on ne tient pas compte de nos
amendements par la suite, qu'on va le régler de façon
définitive, mais c'est maintenant qu'il faut commencer. Tout doit
commencer par le préambule parce que tout en découle. On doit
tenir pour acquis que la loi met en oeuvre le préambule.
L'autre jour, on nous a fait remarquer que ce n'est pas le cas, que le
préambule dit une chose et que la loi en dit une autre. C'est bien pour
cela que nous voulons commencer par l'étude du préambule, pour
savoir vraiment ce que le gouvernement a dans le ventre, ce qu'il nous propose.
On nous dit dans ce préambule que la langue française doit
être "prééminente". On nous dit qu'elle doit jouir d'une
"omniprésence" dans le domaine des affaires. Je le veux bien, encore que
ce soient là des termes quelque peu ambigus qu'il y aurait
peut-être intérêt à préciser. Qu'est-ce que
c'est que la "prééminence"? Est-ce que cela signifie une seule
langue officielle, M. le Président? Je n'en suis pas sûr. Est-ce
que cela signifie le bilinguisme avec une certaine préférence
pour le français? Cela se pourrait. Est-ce que cela signifie le
bilinguisme tout court? Cela se pourrait encore.
Je trouve donc, dans le préambule, tous les problèmes
constitutionnels auxquels nous faisons allusion depuis deux jours et qui font
maintenant l'objet de débats publics. Tous les problèmes
constitutionnels se trouvent déjà dans le manque de clarté
du préambule et dans l'espèce d'hiatus qui existe entre le
préambule d'une part et le texte de la loi d'autre part. L'un des
organismes qui a comparu devant nous, il y a deux semaines maintenant, nous a
montré avec une clarté étonnante à quel point le
gouvernement a fait miroiter des intentions très
généreuses à l'égard du français dans le
préambule, pour ensuite passer dans le corps de la loi,
c'est-à-dire dans les articles qui, eux, s'appliquent et auront force de
loi, passer en fait au bilinguisme, surtout dans la partie qui est
consacrée à la langue de l'Etat, à la langue officielle
proprement dite, que je distingue de la langue du commerce et de la langue de
l'école. Il est donc essentiel que nous étudiions, avant
d'attaquer l'article 1, le préambule et que nous clarifiions le sens des
mots qu'il utilise.
Le ministre nous a invités plus tôt aujourd'hui, et
d'ailleurs à plusieurs reprises au cours de ce débat
déjà, à partir des faits, à partir des
réalités. La réalité, à l'heure actuelle,
c'est qu'il existe une possibilité très réelle que ce
projet de loi, une fois adopté, soulève des difficultés
d'ordre constitutionnel. Nous sommes heureux que le premier ministre ait pris
certaines précautions et ait fait faire certaines études, dont
celle du professeur McWhinney que nous n'avons pas encore entre les mains, dont
j'ai personnellement bien hâte de prendre connaissance. Cependant, il
faut le dire, il subsiste des doutes et ces doutes se retrouvent dans le
préambule lui-même. Des doutes quant à savoir si les
articles 1 et 2, notamment, et le préambule sont conformes à
l'article 133 du British North America Act.
On me pardonnera, pour la nième fois, de l'appeler par son nom
qui est anglais puisque c'est une loi qui n'a pas reçu de version
française officielle.
M. le Président, plusieurs experts ont été
consultés sur la question. Certains nous ont dit: L'article 133 peut
être abrogé par le Parlement du Québec, par
l'Assemblée nationale agissant seule. C'est aussi mon avis, je le dis,
dès le départ. Je partage l'avis du professeur McWhinney qui a
écrit le livre II du rapport Gendron dans lequel il dit, en toutes
lettres, et peut-être aurai-je l'occasion de le citer au cours de ce
débat, qu'à son avis, il estime probable que le Québec
puisse, de son propre chef, amender l'article 133 de la loi impériale.
De même, d'autres collègues, les professeurs Beaudoin d'Ottawa,
Bonenfant de Laval, Patenaude de Sherbrooke, ont abondé dans le
même sens et ont dit au gouvernement qu'il pouvait procéder seul
et dès maintenant à amender l'article 133 et, de la sorte,
être en mesure de faire du français la seule langue officielle au
Québec.
Mais d'autres experts ont dit le contraire, notamment des hommes aussi
éminents que le professeur Frank Scott et que celui qui lui a
succédé à l'université McGill, M. Stephen Scott.
Ceux-ci ont soutenu qu'il n'était pas possible pour le Québec de
faire du français la seule langue officielle. Ils ont même soutenu
qu'il était impossible de lui donner la "prééminence" par
rapport à l'anglais.
M. BOURASSA: Ils contredisent le professeur McWhinney?
M. MORIN: Ils contredisent effectivement pour ne rien vous
cacher, je vois que vous en doutiez ils contredisent le professeur
McWhinney.
M. BOURASSA: Vous, vous penchez du côté du professeur
McWhinney.
M. MORIN: Je penche en effet de ce côté. Le premier
ministre le sait bien, j'ai eu assez d'occasions de lui dire que je partageais
l'avis du professeur McWhinney.
M. BOURASSA: D'accord.
M. MORIN: Mais il semble que le premier ministre partage plutôt
l'avis du professeur Scott.
M. BOURASSA: Pourquoi vos motions alors?
M. MORIN: Ou alors, peut-être qu'une façon plus subtile de
le dire serait celle-ci. Le premier ministre fédéral penche du
côté du professeur Scott et, forcément, ça
déteint quelque peu sur le premier ministre du Québec. C'est
l'interprétation qui est probablement la plus réaliste.
M. BOURASSA: Des clichés usés à la corde.
M. MORIN: Non, c'est une tentative d'analyse de la triste
réalité.
M. BOURASSA: II suffit d'avoir des arguments...
M. MORIN: M. le premier ministre, vous aurez l'occasion de me
dire...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Adressez-vous au président,
s'il vous plaît.
M. MORIN: M. le Président, le premier ministre aura l'occasion de
me dire s'il est, oui ou non, d'accord avec moi, ou devrais-je dire avec
déférence, avec le professeur McWhinney plutôt qu'avec le
professeur Scott.
M. BOURASSA: Mais pourquoi vos motions depuis trois jours? Il y a de
l'incohérence dans votre attitude.
M. MORIN : Pour que nous ayons devant nous tous les outils de travail,
tout simplement. Et par un entêtement inexplicable...
M. BOURASSA: Vous vous moquez de l'opinion publique.
M. MORIN: ... on nous a refusé ces documents jusqu'à
maintenant. C'eût été si simple si le ministre avait dit:
Les voilà, les documents. Mais non, ce n'est pas ce que vous aviez dit,
vous avez mis des conditions. Et encore, des conditions ridicules.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! La motion, s'il vous
plaît.
M. MORIN: Oui. Combien de temps me reste-t-il, s'il vous plaît, M.
le Président?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Six ou sept minutes.
M. BOURASSA: Ah, c'est encore le "filibustering", quoi! C'est encore une
question de temps.
M. MORIN: Non, c'est une question importante, la question de la
constitutionnalité avec ses effets sur le préambule. Est-ce que
le premier ministre en disconvient?
UNE VOIX: La forme avant le fond!
M. BOURASSA: Tous les députés vont parler
là-dessus, comme pour les autres motions?
M. BURNS: Vous aussi, c'est un cliché de parler de
"filibustering". Vous êtes-vous rendu compte du nombre de fois...
M. MORIN: Cela fait trois jours que vous faites du
"filibustering"...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: ... en nous refusant des documents...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: M. le Président, sur un point de privilège. On
vient de nous distribuer...
M. BOURASSA: Personne ne vous prend au sérieux.
M. MORIN: ... des documents...
LE PRESIDENT (M. Gratton): II n'y a pas de privilège.
M.MORIN: Je voudrais simplement faire constater très
brièvement qu'on vient de nous distribuer des documents que nous
réclamons depuis trois jours. Si on nous les avait donnés quand
nous les réclamions, nous n'aurions pas perdu tout ce temps.
M. CLOUTIER: C'est faux. Je les ai offerts dix fois.
M. LEGER: Conditionnellement...
M. MORIN: Conditionnellement toujours.
M. CLOUTIER: C'est-à-dire que l'on commence.
M. BOURASSA: En suivant la procédure habituelle.
M. HARDY: Selon la cohérence.
M. BOURASSA: Vous venez de vous contredire encore une fois.
M. MORIN: M. le Président, certains experts prétendent
donc que l'article 133 peut être abrogé; d'autres disent qu'il ne
le peut pas, du moins par le Québec agissant seul, et, enfin, certains
autres disent qu'il y a là-dessus matière à controverse.
Parmi ceux-ci, on compte Me Louis Bloomfield, qui a été
consulté par la commission Gendron, et peut-être aussi le
professeur Chevrette qui ne se prononce pas sur la question.
A mon avis l'article 133 peut être abrogé et le
préambule pourrait fort bien affirmer non seulement la
prééminence du français, mais le caractère du
français en tant que seule langue officielle du Québec.
Il pourrait, également, par ailleurs, évoquer les droits
minoritaires, ce qu'il ne fait pas. Vous voyez bien qu'on trouve
déjà, à propos du préambule, tous les
problèmes de fond de ce projet de loi.
En ce qui concerne les articles 1 et 2 en particulier, les questions
qu'on peut se poser sont les suivantes: Sont-ils conformes à
l'article
133? Le Québec a-t-il la compétence nécessaire pour
modifier l'article 133, de façon à être en mesure, par la
suite, de décréter que le français est la seule langue
officielle?
Quand j'ai posé la question au premier ministre en Chambre,
l'autre jour, au sujet des contacts avec le premier ministre
fédéral au sujet de la constitutionnalité du projet de loi
22, le premier ministre m'a répondu: "La position du gouvernement a
été que, s'il y a lieu de faire des modifications à
l'article 133, cela pourra se faire lorsque nous aborderons la modification de
la constitution".
Or, nous retrouvons là toutes les perplexités nées
à l'occasion de la charte de Victoria, de la formule Fulton-Favreau et,
sans doute aussi, nous retrouvons là tous les projets d'avenir de M.
Trudeau en vue de donner à ce pays une constitution dans laquelle le
Québec serait proprement prisonnier, dont il ne pourrait sortir, comme
c'était le cas sous l'empire de la formule Fulton-Favreau et comme
c'eût été le cas sous l'empire...
M. BOURASSA: II y avait un droit de veto.
M. MORIN: ... de la charte de Victoria que vous aviez acceptée,
M. le premier ministre.
M. BOURASSA: II y avait un droit de veto.
M. MORIN: Je vous souligne que Québec ne pouvait dans les faits,
obtenir aucun changement constitutionnel...
M. BOURASSA: II y avait un droit de veto qui avait été
donné au Québec. Qu'est-ce que vous en savez?
M. MORIN: Puisque vous m'interrompez...
M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. BOURASSA: Nous aussi, on fait des affirmations.
M. BURNS: Vous êtes bien pressé, prenez donc votre temps.
Vous êtes en train de décider de l'avenir des
Québécois.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BOURASSA: Allez donc vous reposer, c'est la meilleure chose que vous
avez à faire.
M. BURNS: Allez donc vous reposer vous aussi! Ce n'est pas moi qui perds
la carte ici, c'est vous.
M. BOURASSA: C'est la chaleur, comme d'habitude.
M. BURNS: A chaque fois que vous venez, vous perdez la boule, ce n'est
pas ma faute.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. BOURASSA: M. le
Président...
M. BURNS: Allez donc vous reposer! Allez prendre votre petit verre de
lait chaud et allez vous coucher.
M. BOURASSA: Vous venez de démontrer par vos paroles que c'est
vous qui la perdez.
M. BURNS: Arrêtez donc cela! Vous interrompez le chef de
l'Opposition alors qu'il a totalement le droit et j'invoque le règlement
là-dessus, M. le Président...
M. BOURASSA: II s'adresse à moi.
M. BURNS: II a totalement le droit de parole et il a surtout le droit de
ne pas être interrompu en vertu des articles 25 et 26.
M. BOURASSA: II me pose des questions.
M. BURNS: Apprenez donc votre règlement avant d'intervenir
à tort et à travers!
M. BOURASSA: Une bonne nuit de sommeil vous ferait du bien.
M. BURNS: Surtout à vous, bien plus à vous qu'à
nous.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. MORIN: M. le
Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): J'invite tout le monde à s'adresser au
président.
M. MORIN: M. le Président, le premier ministre nous a donc
laissé entendre que cette question cruciale pour la validité du
projet de loi et pour toute tentative de faire du français la "seule"
langue officielle du Québec expression qu'il a employée
à plusieurs reprises récemment serait remise...
M. BOURASSA: C'est vrai. Cela vous fait mal, mais c'est vrai.
M. MORIN: Nous verrons cela quand nous passerons à l'article 1er,
d'accord? M. le Président, le premier ministre a clairement
laissé entendre que cette question fondamentale de l'article 133 serait
réglée plus tard, quand on abordera les modifications à la
constitution.
Si je m'en tiens au succès qu'il a remporté à
Victoria avec son collègue le premier ministre fédéral, si
je m'en tiens aux avatars de la formule Fulton-Favreau, en 1964-65, je dois
dire que le moment où la constitution sera modifiée, risque
d'être la semaine des trois 14 juillet. Ce n'est pas de
sitôt...
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement. Il y a
quand même une limite.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Quel article?
M. MORIN: Pourquoi?
M. BURNS: 96?
M. HARDY: II y a quand même une limite.
M. BURNS: 96? Est-ce que c'est en vertu de l'article 96?
M. HARDY: Non ce n'est pas en vertu de l'article 96. Pourquoi?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: M. le Président, j'ai fait allusion à...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Le ministre des Affaires
culturelles.
M. MORIN: ... à la fête nationale des Français, je
ne vois pas ce que cela peut avoir d'offensant...
M.HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. BURNS: En vertu de quel article?
M. HARDY: Laissez-moi le temps de le dire.
M. BURNS: Dites-le!
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !
M. HARDY: M. le Président, il est indécent de fausser la
vérité comme le chef de l'Opposition le fait.
M. LEGER: Quel règlement que c'est ça?
M. HARDY: La formule Fulton-Favreau... parce que c'est du
Québec...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. BURNS: C'est en vertu de
l'article 96... LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BURNS: ... et cela se fait après l'intervention.
LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est exact. L'honorable chef de
l'Opposition, mais ne répondez pas par exemple...
M. MORIN: Non.
LE PRESIDENT (M. Gratton): ... parce qu'à ce moment-là,
cela va recommencer.
M. MORIN: Je veux donner raison au ministre, M. le Président; il
a parfaitement raison.
M Lesage, après avoir accepté la formule, a
été forcé...
M. HARDY: II ne l'a pas acceptée. Il ne l'a jamais
acceptée.
M. MORIN: C'est la vérité historique. J'ai
été suffisamment mêlé à ces
événements...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. MORIN: ... pour savoir ce qu'il
en est.
M. BOURASSA: René Lévesque était pour, votre chef.
René Lévesque avait approuvé la formule.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: M. le Président, le gouvernement de M. Lesage avait
accepté cette formule.
M. HARDY: Vous étiez à la télévision dans ce
temps, mais non pas...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: Par la suite, il a dû dire non à cause...
M. BURNS: Comme ils sont nerveux!
M. MORIN: ... de l'opinion publique québécoise.
Puisque le ministre me donne l'occasion de le faire, je voudrais tracer
un parallèle entre Fulton-Favreau et la charte de Victoria, d'une part,
et la loi que nous débattons en ce moment, y compris le préambule
et les premiers articles. C'est à la suite d'une intervention de
l'opinion publique dans le débat, c'est à la suite d'une campagne
de presse très poussée que le premier ministre Lesage a
été obligé de changer d'attitude et de dire non à
Ottawa au sujet de la formule Fulton-Favreau.
M. HARDY: Epouvantable!
M. BOURASSA: Y compris votre chef.
M. MORIN: C'est à la suite d'une campagne considérable
dans l'opinion publique qu'en 1971, le premier ministre actuel du
Québec...
M. BOURASSA: ...
M. MORIN: ... a été obligé de dire non à la
charte de Victoria...
M. BOURASSA: Question de règlement.
M. MORIN: ... après avoir dit oui au gouvernement
fédéral.
M. BURNS: Prenez votre temps, laissez-vous...
M. BOURASSA: Je peux rétablir les faits. Il y a des
faussetés qui sont dites.
M. BURNS: Non, après. Voulez-vous lire les articles 95 et 96?
M. MORIN: II n'y a pas de fausseté là-dedans.
M. HARDY: Vous voulez que le mensonge se répercute plus longtemps
!
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!
M. MORIN: Ce sont des faits historiques. LE PRESIDENT (M. Gratton): A
l'ordre!
M. LEGER: Question de règlement, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Lafontaine sur une
question de règlement.
M. LEGER: Article 96. Est-ce que le premier ministre ne pourrait pas,
s'il se sent lésé, s'il se sent mal interprété ou
s'il pense que la vérité n'est pas dite, prendre des notes?
M. BOURASSA: ... tellement...
M. LEGER: Prendre un crayon et un papier et prendre des notes et,
à son tour, il essaiera de rectifier les faits après. Article 96.
M. le Président. On est heureux d'entendre le...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !
M. LEGER: ... député de Sauvé. On lui a encore
enlevé deux ou trois minutes de son temps de parole alors qu'il touche
des choses sérieuses.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!
M. HARDY: Question de règlement. Ce n'est pas l'article 96 qui
s'applique. L'article 96 s'applique...
UNE VOIX: C'est l'article 40.
M. LEGER: Non, ce qui touche le premier ministre.
M. HARDY: ... lorsqu'on a déjà parlé et que
l'orateur qui nous suit interprète mal nos paroles.
M. LESSARD: Article 40.
M. HARDY: Ce n'est pas en vertu de l'article 96 que je suis intervenu ou
que le premier ministre est intervenu, c'est en vertu de la simple
vérité.
M. LEGER: Cela n'est pas dans le règlement, M. le
Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. HARDY: Le chef de l'Opposition actuellement...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. HARDY: ... ment.
M. BEDARD (Chicoutimi): C'est un nouveau règlement, quel
numéro?
M. HARDY: II proclame des mensonges sur l'histoire.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. MORIN: Ah oui!
M. HARDY: Ce n'est pas parce que vous aviez fait un petit débat
à la télévision, ce n'est pas cela qui avait fait changer
l'opinion du gouvernement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!
M. MORIN: C'est vous qui mentez. Ou alors vous êtes un ignorant,
ce qui est plus probable.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre! Il reste une
minute au chef de l'Opposition.
M. LEGER: II est tout le temps interrompu.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui, mais j'ai compté toutes les
interventions.
M. BURNS: Vous avez compté, M. le Président?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui, il y en a eu une de 16 secondes, une de
18, une de 22, une de 24, cela fait 80 secondes. Il a commencé à
11 h 13 et il est rendu 11 h 34. Alors, il reste une minute. A l'ordre!
M. BURNS: Chapeau!
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition.
M. MORIN: M. le ministre, M. le Président, je ne voudrais pas me
laisser entraîner dans une bataille de rue avec le ministre des
Affaires
culturelles. Je ne dirai pas qu'il ment. D'abord, ce n'est pas
parlementaire et puis, il faudrait qu'il soit informé pour pouvoir
mentir. Je pense qu'il faut être beaucoup plus généreux ou
indulgent à son endroit et dire qu'il est ignorant. Il ne sait pas ce
que contient ce débat. Je me demande même s'il sait ce que c'est
que la formule Fulton-Favreau. Nous en reparlerons. En tout cas, il n'a pas
été mêlé au débat à
l'époque.
Tout ce que je veux dire en conclusion, c'est ceci et je le dis
à l'intention de tous les Québécois...
M. HARDY: Je vous ai vu à la télévision et j'en
avais eu assez.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!
M. MORIN: Tout ce que j'ai à dire en terminant, c'est ceci, M. le
Président. Je le dis à l'intention de tous les
Québécois. S'ils veulent faire changer le gouvernement d'opinion,
comme ils l'ont réussi dans le passé à deux reprises,
événements à vrai dire historiques, dans le cas de la
formule d'amendement Fulton-Favreau et de la charte de Victoria, s'ils veulent
réussir à nouveau, à l'endroit du bill 22, ce revirement
dans l'attitude du gouvernement, cette opinion doit se réveiller et
faire sentir leur présence. Il est malheureux que nous soyons
forcés de débattre ce préambule et ce projet de loi en
plein milieu de l'été, mais, à mon avis, il faut que les
Québécois sachent que c'est une question cruciale pour leur
avenir et que, malgré les vacances ils soient sensibilisés
à cette question. Je termine en félicitant ceux qui viennent ici
pour suivre nos débats.
UNE VOIX: On applaudit assez.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Pourrais-je inviter, non seulement
le public, je le comprends, mais j'aimerais inviter le chef de l'Opposition
officielle en particulier à ne pas susciter ce genre de
manifestation.
M. MORIN: Bien.
M. HARDY: II a un besoin inné, il est assoiffé
d'applaudissements.
M. BEDARD (Chicoutimi): Arrêtez de vous décrire !
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BOURASSA: Ce serait facile pour nous de faire la même chose, de
la remplir.
UNE VOIX: Qu'attendez-vous?
M. CHARRON: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. BOURASSA: On est ici pour discuter sérieusement.
M. CHARRON: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. LESSARD: C'est le droit de la langue française.
M. BOURASSA: On peut en susciter des mouvements de foule, nous aussi,
vous savez, facilement.
M. MORIN: Vous serez obligés de les payer comme vous le faites en
d'autres occasions.
M. BOURASSA: S'il vous plaît, M. le Président.
M. CHARRON: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. BOURASSA: Avec le succès de votre consigne d'annulation, vous
devriez être plus modestes.
M. CHARRON: M. le Président, j'invoque le règlement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques sur
une question de règlement.
M. BOURASSA: Oui, je vais vous informer sur les chiffres.
M. LEGER: D'accord.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Le député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, avant que le premier ministre ne
perde complètement les pédales, est-ce que je peux vous proposer,
en vertu de l'article 157 de notre règlement, que nous ajournions nos
travaux?
M. BOURASSA: Je veux répondre, M. le Président, au chef de
l'Opposition.
M. CHARRON: Oui. En vertu du même article, si vous avez le temps
de le lire, j'ai dix minutes pour vous expliquer pourquoi je vous propose
d'aller dormir. Vous avez dix minutes, par la suite, pour m'expliquer pourquoi
vous n'en avez pas besoin.
M. BOURASSA: Vous semblez en avoir un peu besoin vous aussi.
M. CHARRON: M. le Président, vous voulez savoir si je suis
fatigué, oui. Vous nous faites siéger depuis trois semaines de
dix heures à minuit, six jours par semaine.
M. BOURASSA: "Filibuster".
M. CHARRON: Nous fonctionnons à six. Nous avons fait au cours du
mois de mai, l'étude des crédits. Chacun des
députés du Parti québécois a étudié
les crédits de cinq ministères. Si c'est cela que vous voulez
savoir si nous sommes fatigués, vous le savez très bien. C'est
exactement pour abuser de notre fatigue que vous nous faites siéger dans
des conditions pareilles.
M. BOURASSA: On pourrait vous faire siéger 24 heures par
jour.
M. CHARRON: C'est comme cela que vous pensez avoir raison de
l'Opposition des Québécois. C'est parce que vous savez...
M. LEGER: C'est bien. Le peuple va vous juger.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. CHARRON: Je n'ai aucune honte à être fatigué,
aucune honte, mais ce n'est pas la fatique qui m'empêchera de
présenter des motions quand je les juge utiles, et ce n'est pas la
fatique qui empêchera les députés du Parti
québécois de se battre jusqu'à épuisement sur ce
projet de loi. Est-ce que c'est clair à l'intention du premier
ministre?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! La seule question qui me reste
à poser, c'est que je sache l'article 157. Je suis peut-être mieux
de le relire.
M. BOURASSA: La langue officielle, vous n'aimez pas cela.
M. BEDARD (Chicoutimi): Véritablement officielle, pas une
officialité massacrée.
M. BOURASSA: C'est une attitude partisane que vous avez.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je me pose la question sérieusement,
à savoir si un député peut invoquer une question de
règlement dans le but de faire une motion d'ajournement des travaux, en
vertu de l'article 157.
M. CHARRON: M. le Président, c'est le député de
Maisonneuve qui va vous le dire.
LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est quasiment à lui que je pose la
question.
M. BURNS: Je pense que, dès que vous avez accordé la
parole à quelqu'un, et c'est en vertu de cela que le
député de Saint-Jacques a invoqué le règlement. Il
aurait pu vous soulever une longue question de règlement et terminer par
une motion d'ajournement. Il a soulevé une question de règlement.
Vous lui avez accordé la parole. Sur la question de règlement, il
avait une possibilité de parler pendant 20 minutes, sauf qu'il a
immédiatement soulevé la motion d'ajournement. Je pense
qu'à ce moment, vous avez la possibilité d'accepter sa motion
d'ajournement.
M. BOURASSA: M. le Président, sur la motion d'ajournement.
M. CHARRON: Je n'ai pas terminé.
M. BOURASSA: D'accord. Je vous écoute.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de
Louis-Hébert. Est-ce que ce serait sur la recevabilité de la
motion d'ajournement?
M. DESJARDINS: Oui, je vous demande une directive, en fait. Est-ce qu'il
n'y avait pas déjà une motion en discussion? Est-ce que la motion
du député de Saint-Jacques prend priorité sur la motion en
discussion?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Vous me demandez la directive?
M. DESJARDINS: Je vous demande si elle a priorité, parce qu'il y
avait déjà une motion en discussion. Dès qu'il y a une
motion en discussion, il faut vider cette motion avant d'en présenter
une autre, qu'elle ait priorité.
M. CHARRON: Voyons donc!
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. CHARRON: Pourquoi pensez-vous que l'article 157 est dans le
règlement?
M. BOURASSA: Le chef de l'Opposition m'a mis en cause tantôt.
Est-ce que le député de Saint-Jacques me permettrait de
répondre?
M. CHARRON: Vous aurez l'occasion. Si le président tranche le
débat litigieux que nous avons, vous serez reconnu à un moment
donné, si vous...
M. BOURASSA: C'est parce que cela vous donnerait trois ou quatre minutes
pour vous reposer et je pourrais répondre au chef de l'Opposition.
Non?
M. CHARRON: Non, non. Ça va.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Disons qu'à l'heure où il est,
je vais accepter la motion d'ajournement du député de
Saint-Jacques, mais je ne veux pas là créer un
précédent.
Si, en l'acceptant, je devais me tromper, on me le pardonnera
sûrement et on ne la refera plus jamais, cette erreur.
M. BURNS: M. le Président, la seule chose
pour laquelle je ne pouvais pas, parce que je ne suis pas dans l'esprit
du député de Saint-Jacques, mais il avait la possibilité
de soulever une question de règlement. Maintenant, je ne sais pas quelle
était cette question de règlement. C'est peut-être lui qui
peut nous éclairer. Mais dès qu'il soulève une question de
règlement, M. le Président, il a la parole, et tout en soulevant
sa question de règlement, il peut terminer, parce qu'il a la parole, par
une motion d'ajournement.
M. CLOUTIER: Sur le même point de règlement, j'ai voulu
présenter une motion tout à l'heure. On m'a empêché
de le faire justement parce qu'il y avait une motion qui était sur la
table.
M. BURNS: La motion d'ajournement... M. CLOUTIER: Je me suis
rangé...
M. BURNS: ... en soi est une motion incidente. C'est une motion qui
elle, en soi, peut se greffer...
M. CLOUTIER: ... n'importe quel moment...
M. HARDY: Sur la question de règlement, cela ne tient pas debout.
Je m'excuse...
M. BURNS: Je ne sais pas ce qu'il voulait soulever par sa question de
règlement. Demandez-lui. Il va vous le dire.
M. HARDY: Bien oui! M. le Président, en commission parlementaire
au parlement, on n'a pas à sonder les reins et les coeurs. On se base
sur ce qu'il a dit.
M. CHARRON: C'est parce que le président m'a interrompu que je me
suis tu...
M. HARDY: M. le...
M. CHARRON: ... mais j'étais à expliquer. C'est mon point
de règlement, M. le Président, lequel va se terminer par une
motion d'ajournement. Mais j'ai soulevé le point de règlement en
vertu de l'article 26 de notre règlement.
M. BURNS: A la suite des nombreuses interruptions du...
M. CHARRON: Le chef de l'Opposition était à parler, M. le
Président, le ministre des Affaires culturelles se gargarisait à
qui plus fort pendant le discours du chef de l'Opposition.
M. HARDY: ... qui ment effrontément.
M. CHARRON: Le premier ministre essayait d'insérer n'importe quoi
dans la conversation, et devant cette situation, M. le Président, je me
suis cru obligé de vous rappeler les dispositions de l'article 26 de
notre règlement qui vous aurait invité à faire taire
immédiatement celui qui s'est fait rabrouer au conseil des ministres,
mais qui a déjà perdu sa leçon...
LE PRESIDENT (M, Gratton): A l'ordre!
M. BOURASSA: Cela tient à quoi, toutes ces...
M. CHARRON: ... et de terminer mon point de règlement, M. le
Président, puisque j'ai...
M. HARDY: II a besoin de sa dose de projection quotidienne...
M. CHARRON: ... fait part d'une motion d'ajournement des travaux de
cette commission.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Disons que je l'accepte, mais sous
les réserves que j'ai exprimées tantôt, à savoir
que, quand je serai réveillé demain matin, si je me rends compte
que je me suis trompé, je ne me tromperai plus à l'avenir.
M. LESSARD: Vous aviez raison.
M. BOURASSA: ... plus que par quinze minutes. De toute façon, la
motion est proposée quinze minutes avant l'ajournement. Mais c'est un
autre exemple de procédurite de la part du Parti
québécois, alors que j'aurais pu répondre au chef de
l'Opposition qui m'a mis en cause...
M. LEGER: ... donner la parole au premier ministre?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEGER: M. le Président, est-ce que vous avez donné la
parole au premier ministre? J'invoque le règlement, M. le
Président.
M. BOURASSA: C'est tout ce que vous faites.
M. LEGER: Est-ce qu'actuellement vous avez donné la parole au
premier ministre? On lui a conseillé tantôt de prendre des notes
et de parler à son tour. C'est le député de Saint-Jacques
qui a la parole. Il pourra venir tantôt expliquer pourquoi il n'est pas
d'accord, rétablir les faits qu'il juge ne pas être conformes
à la réalité sa réalité à lui
et il aura l'occasion de le faire.
Je pense que c'est le député de Saint-Jacques qui a la
parole et on devrait l'écouter pour savoir les raisons qui motivent la
présentation de cette motion d'ajournement.
M. HARDY: Vous avez le droit de parole... et vous, vous l'avez.
M. LESSARD: Question de règlement.
M. BOURASSA: Avez-vous consulté le député de
Maisonneuve avant cela?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. HARDY: En d'autres termes, vous avez le droit de tout faire, pourvu
qu'on respecte les règlements.
M. BURNS: Pas tout le temps.
M. LEGER: On a la même moustache.
M. HARDY: L'article 40 est justement pour cela...
M. BOURASSA: Cela parait que vous ne l'êtes pas tout le temps.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques sur
la motion d'ajournement?
M. CHARRON: Oui. Je propose la motion d'ajournement parce que Je pense
que le député de Sauvé et chef de l'Opposition nous a
apporté, certainement, quelques références importantes
quant à l'étude du préambule que nous devrions commencer
demain et, éventuellement, de l'article 1 et de l'article 2. Je pense,
visiblement, par les interruptions nombreuses dont il a été
victime que la partie d'en face n'est pas en mesure d'apprécier
exactement à cette heure-ci la portée politique réelle que
le député de Sauvé a voulu mettre dans le
débat.
M. HARDY: Vous êtes trop fatigué pour avoir raison comme
cela.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. CHARRON: Autre raison, c'est que j'aimerais permettre encore une fois
au député d'Outremont, ministre de la Justice, de profiter de
cette nuit pour rédiger, mettre une dernière main aux amendements
qui ont été déposés...
M. BOURASSA: Ils sont devant vous.
M. CHARRON: Oui, mais à chaque version annoncée, ils sont
modifiés. Alors, que peut-être demain, aurons-nous une nouvelle
version...
M. BOURASSA: Regardez ceux-là et vous proposerez des
sous-amendements.
M. CHARRON: Peut-être permettre au ministre de l'Education de
prendre connaissance de l'amendement que lui a imposé son
collègue de la Justice au conseil des ministres, de sorte que demain,
puisque nous y sommes rendus, nous entreprendrons, article par article, le
projet de loi, le ministre de l'Education sera capable de défendre
chacun des amendements comme s'ils étaient les siens, de sorte que nous
ne serons pas obligés de suspendre inutilement la séance pour
aller chercher le ministre de la Justice pour nous dire exactement ce qu'on
vous a imposé au conseil des ministres...
M. BOURASSA: Ce sont des affirmations gratuites.
M. CHARRON: ... tout ce ralentissement des travaux qu'il devra
occasionner. Peut-être que si nous ajournions, le ministre de la Justice
pourrait profiter de l'occasion pour je ne sais pas où 0 est
à l'heure actuelle, mais le ministre de l'Education pourrait
certainement le retrouver lui permettre d'avoir une bonne vision parce
que soyez certain que ces amendements qu'on vous a imposés et que vous
avez subis, nous exigerons que vous nous les expliquiez avec beaucoup de
clarté...
M. HARDY: ... qu'ils sont comédiens.
M. CHARRON: ... et beaucoup de clairvoyance.
M. HARDY: II n'y a pas de bourse pour la section des
comédiens.
M. CHARRON: M. le Président, j'apprends qu'un des membres de la
commission a l'intention de voter en faveur de ma motion. Dans ce sens, je
crois que le débat gagnerait en qualité si nous mettions fin
immédiatement à cet ajournement pour peut-être songer
à la motion qui est présentement en discussion avant même
que nous entamions l'article 1.
Maintenant, je peux permettre au...
M. BOURASSA: M. le Président...
M. CLOUTIER: L'article 1 est entamé.
M. BOURASSA: On a entamé la discussion.
LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est ce que j'ai suggéré, je
n'ai pas...
M. CHARRON: Voyez-vous, M. le Président, un argument de plus. Je
pense que le ministre de l'Education commence à en manquer des bouts.
Nous ne sommes pas sur l'article 1, mais, bien au contraire, vous avez
jugé recevable une motion du chef de l'Opposition.
M. CLOUTIER: Pardon!
M. CHARRON: Nous sommes à discuter de la motion de...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je m'excuse. Tant et aussi longtemps que la
motion de l'honorable chef de l'Opposition ne sera pas adoptée, nous
sommes à l'article 1. Si elle était adoptée, nous ne
serions plus à l'article 1.
M. CHARRON: D'accord.
M. HARDY: Le député de Saint-Jacques est vraiment
perdu.
M. CLOUTIER: Je pense que c'est lui qui est perdu.
M. CHARRON: Nous ne discutons pas, vous conviendrez avec moi, M. le
Président, devant le ministre des Affaires culturelles...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Présentement, on ne discute pas.
M. CHARRON: De quoi discutons-nous? De l'article 1 ou de la motion du
chef de l'Opposition?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Dans le moment, on discute de la motion
d'ajournement.
M. CHARRON: Oui. Ma motion... La Palice n'aurait pas dit mieux, M. le
Président. Le seul qui pourrait vous contredire là-dedans, c'est
le ministre de l'Education.
M. BURNS: De quoi parle-t-on?
M. CHARRON: Ma motion d'ajournement, M. le Président, que je vous
ai présentée en vertu de l'article 157, est-ce qu'elle intervient
au moment où nous discutions de l'article 1 ou nous discutions de la
motion du chef de l'Opposition?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Nous discutions de la motion du chef de
l'Opposition.
M. CHARRON: Bon, c'est cela. M. HARDY: Greffée à l'article
1.
M. CHARRON: C'est ce que je voulais dire au "foreman" des Affaires
culturelles.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. CHARRON: Est-ce qu'il a
compris?
LE PRESIDENT (M.Gratton): En terminant votre intervention, est-ce que
vous avez dit que vous retireriez votre motion d'ajournement?
M. CHARRON: Non, M. le Président, je vous ai signalé que
le député de Bourget avait manifesté qu'il appuyait ma
motion.
M. HARDY: M. le Président, le député de
Saint-Jacques ne pourrait même pas être chef de cabinet aux
Affaires culturelles.
M. CHARRON: M. le Président, je vous ai signalé que le
député de Bourget avait manifesté son appui à ma
motion. Il sera probablement expulsé du caucus lundi prochain.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable premier ministre sur la motion
d'ajournement.
M. BOURASSA: M. le Président, on est quand même à
sept ou huit minutes de la fin de la séance. Alors, je veux dire aux
membres de l'Opposition et rappeler surtout au chef de l'Opposition la promesse
qu'il nous a faite il y a trois jours, quand il a dit qu'il était
d'abord je ne sais pas s'il est minoritaire dans son caucus mais
il a dit qu'il était d'abord intéressé à bonifier
la loi, à apporter des amendements et à essayer de
l'améliorer.
M. MORIN: Nous avons des semaines devant nous pour faire cela.
M. BOURASSA: Je dois dire au chef de l'Opposition, et je pense qu'il y a
beaucoup de gens qui vont être d'accord avec moi, que ce n'est pas
l'impression que le Parti québécois a donnée depuis trois
jours, de vouloir bonifier la loi et de vouloir discuter
sérieusement.
M. MORIN: Parlez-vous sur la motion, en ce moment?
M. BOURASSA: Oui, je parle sur la motion d'ajournement puisque je
prépare la journée de demain. Je dis donc au chef de
l'Opposition...
M. LEGER: Si vous interprétez le règlement comme cela,
comment interprétez-vous le bill 22?
M. BOURASSA: Je dis au chef de l'Opposition que j'espère qu'il
pourra faire valoir son point de vue à ses collègues. Je lui fais
encore confiance. Je crois que lui-même, personnellement, est
intéressé à avoir la meilleure loi possible, mais je ne
pense pas qu'on...
M. MORIN: Je peux vous rassurer, nous allons le discuter très
sérieusement, article par article.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BOURASSA: Non. Je n'ai pas d'objection, M. le Président,
à ce que le chef de l'Opposition apporte des clarifications, mais je
dois lui rappeler, c'est ce qu'il a dit il y a trois jours...
M. MORIN: Je n'ai pas changé d'avis.
M. BOURASSA: Oui, mais tout le monde, M. le Président...
J'invoque les déclarations des journalistes notamment, tous les
journalistes sans exception ont dit qu'il s'agissait d'un "filibustering" de la
part du Parti québécois.
M. MORIN: Non, non, jamais de la vie.
M. BOURASSA: M. le Président, je pourrais les citer tous, si le
chef de l'Opposition pouvait
avoir un moment de libre; même le journal Le Jour, je crois, a dit
qu'il s'agissait d'un "filibuster" de la part du Parti
québécois.
M. MORIN: M. le premier ministre, c'est vous qui avez dit cela. Ce n'est
pas la même chose. Je voudrais vous dire ceci. Si nous avions
décidé de faire un "filibuster", le rapporteur de la commission
ne serait pas encore nommé.
M. BOURASSA: M. le Président, je rapporte ce qui a
été écrit, ce qui a été dit partout, et le
chef de l'Opposition ne peut pas me contredire là-dessus, il le sait
fort bien. Il reste qu'on a gaspillé trois jours. On aurait pu
étudier plusieurs articles du projet de loi et on aurait peut-être
pu accepter des amendements de la part du Parti québécois. J'ai
dit que j'étais prêt â en accepter, s'ils étaient
justifiés.
M. MORIN: On verra cela demain.
M. BOURASSA: D'accord. J'ai bien hâte de connaître certains
amendements. Je l'ai dit au chef de l'Opposition dans mon discours de
deuxième lecture sur l'affichage, comment il définit l'affichage
public. Parce que, dans le contre-projet linguistique, cela paraît
drôlement restrictif. C'est pourquoi j'espère que, demain, nous
pourrons commencer une discussion sérieuse sur le projet de loi, l'un
des projets de loi les plus importants et celui...
M. MORIN: Est-ce que vous insinuez que la discussion n'a pas
été sérieuse jusqu'ici?
M. BOURASSA: M. le Président, je crois...
M. MORIN: Vous avez fini par vous rendre à toutes nos demandes.
Vous n'êtes pas sérieux là.
M. BOURASSA: M. le Président, pourquoi... M. MORIN: Vraiment,
vous me sidérez.
M. BOURASSA: ... le chef de l'Opposition s'efforce-t-il à jouer
la comédie comme cela, quand cela paraît tellement...
M. MORIN: En fait de théâtre, vous faites un bon
professeur. J'aurais de qui tenir.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BOURASSA: M. le Président, cela a été
évident que si, dès mardi, on avait accepté, non pas
adopté, je ne dis pas qu'on aurait demandé l'adoption de
l'article 1, si on avait accepté dès mardi de discuter l'article
1, on serait peut-être beaucoup plus avancé pour le bien
même des Québécois actuellement dans une loi aussi
importante pour leur avenir.
M. MORIN: II ne faut pas trop se presser.
M. BOURASSA: C'est cela que je veux rappeler.
M. MORIN: Vous êtes trop pressés, trop pressés pour
l'importance du projet.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BOURASSA: Vous voyez, M. le Président, que je n'ai pas
d'objection à être interrompu par le chef de l'Opposition, mais je
veux rappeler au Parti québécois sa responsabilité dans
cette question. Je veux lui demander de faire un effort pour être... Je
comprends que c'est dur pour lui d'accepter qu'un autre parti que lui
établisse le français comme langue officielle, c'est très
dur sur le plan partisan.
M. MORIN: Pseudo-officiels. En fait vous établissez le
bilinguisme et vous jouez sur les mots. Ce n'est pas la même chose.
M. BOURASSA: C'est dur pour vous d'accepter une proposition comme
celle-là. C'est dur d'accepter qu'on peut faire un Québec
français sans briser le fédéralisme...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. MORIN: A peu près comme
le bill 63...
M. BOURASSA: ... avec des avantages économiques.
M. MORIN: ... "favorisait" la langue française.
M. BOURASSA: Non, c'est ce que vous allez dire, parce que vous n'avez
pas autre chose à dire. Mais le projet de loi parle par lui-même
et on n'a qu'à voir ceux qui s'opposent au projet de loi, M. le
Président, ceux qui s'opposent le plus férocement au projet de
loi pour voir jusqu'à quel point il aide les francophones.
M. BURNS: L'ajournement, la motion d'ajournement, M. le
Président.
M. BEDARD (Chicoutimi): ... vous l'avez dit en commission
parlementaire.
M. BURNS: La motion d'ajournement, M. le Président.
M. MORIN: Tous les Québécois s'opposent au bill 22.
M. BURNS: Je soulève la question, est-ce que le premier ministre
a fini de parler?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que le premier ministre a
terminé?
M. BOURASSA: D'accord, j'accepte la motion.
M. BURNS: Vous acceptez l'ajournement?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, la commission...
M. LEGER: M. le Président, je ne voudrais pas que ce soit un
précédent parce que le premier ministre a réussi à
parler durant ses dix minutes en dehors de la question d'ajournement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! La commission ajourne ses travaux
jusqu'à nouvel ordre de l'Assemblée nationale.
(Fin de la séance à 23 h 53)