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Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le mercredi 17 juillet 1974 - Vol. 15

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 22 — Loi sur la langue officielle


Journal des débats

 

Commission permanente de l'éducation,

des affaires culturelles et des communications

Etude du projet de loi no 22

Loi sur la langue officielle

Séance du mercredi 17 juillet 1974

(Onze heures vingt et une minutes)

M. GRATTON (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs !

Avant de passer à l'article 1, j'aimerais aviser la commission des députés qui la composent ce matin: M. Séguin (Pointe-Claire), M. Charron (Saint-Jacques), M. Déom (Laporte), M. Cloutier (L'Acadie), M. Hardy (Terrebonne), M. Lapointe (Laurentides-Labelle), M. Brown (Brome-Missisquoi), M. Morin (Sauvé), M. Parent (Prévost), M. Phaneuf (Vaudreuil-Soulanges), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Veilleux (Saint-Jean).

Article 1.

M. MORIN: M. le Président, avant que nous passions à l'article 1, j'aurais une proposition à faire. L'expérience de la première journée de nos débats en commission, hier, me porte à douter de l'utilité de l'exercice que nous avons entrepris. Je vous avoue qu'étant donné les conditions climatiques et psychologiques qui ont caractérisé cette première journée, je suis de plus en plus perplexe. Aussi voudrais-je tenter un dernier effort pour persuader le gouvernement que les conditions de ce débat ne sauraient être plus mauvaises.

M. BOURASSA: II fait beau.

Motion de report des travaux

M. MORIN: Nous nous attendions à beaucoup plus de coopération de la part du gouvernement et, plus je réfléchis à cela —j'y ai longuement réfléchi à la fin de nos travaux hier soir — plus je me persuade que nous devrions prendre le temps de réfléchir, prendre le temps de nous assurer aussi de la constitutionnalité du projet de loi. Je vous avoue que l'intervention du premier ministre du Canada m'a étonné et m'a, du même coup, persuadé qu'il convenait de prendre le temps de réfléchir et de s'assurer de la constitutionnalité du projet que le gouvernement nous a présenté. Aussi, suis-je porté, sans le plaider plus longuement qu'il ne faut, sans insister à titre de dernier effort, à faire la motion suivante: "Que la commission fasse un rapport spécial et intérimaire à l'Assemblée pour demander l'autorisation de ne poursuivre ses travaux qu'après la fin de l'ajournement d'été". Voilà ma motion, M. le Président.

M. BOURASSA: Parce qu'on a dit au niveau fédéral qu'il se faisait des études, tout de suite, vous croyez tout de suite que le gouvernement du Québec ou que le Parlement du Québec — parce qu'on dit, en réponse à une question, qu'on fait des études — doit se paralyser.

M. MORIN: Non, ce n'est pas cela.

M. BOURASSA: C'est cela la conception de...

M. MORIN: Tout d'abord, mon premier argument —le premier ministre ne m'écoutait peut-être pas à ce moment-là — mon premier motif, ce sont les conditions...

M. BOURASSA: Climatiques.

M. MORIN: ... psychologiques et climatiques aussi, lesquelles ne sauraient être plus désavantageuses pour les fins d'un débat sérieux.

M. BOURASSA: Oui, mais ce n'est pas le...

M. MORIN: En second lieu, le fait que les règlements ne sont pas encore rédigés, que nous n'allons être saisis que des grandes lignes de la législation déléguée. Troisième motif, le fait qu'il y ait des doutes sérieux sur la constitutionalité de l'article 2 en particulier...

M. BOURASSA: On y verra.

M. MORIN: ... et nous pensons qu'il y aurait lieu d'étudier la question à fond avant de s'aventurer.

M. BOURASSA: M. le Président, avant de répondre sur tous ces points, je veux rappeler au chef de l'Opposition que le gouvernement a siégé à plusieurs reprises au mois de juillet durant les années soixante. Ce n'est pas simplement depuis que je suis chef du gouvernement que j'ai cette propension à faire siéger au mois de. juillet. En 1967, je crois on a siégé jusqu'au 10 août...

M. HARDY: En 1965.

M. BOURASSA: En 1964 également, on avait siégé au mois de juillet et cela se fait également dans beaucoup d'autres Parlements. Je crois qu'en Angleterre et en France on siège également au mois de juillet.

M. MORIN: Je vous parle d'un projet de loi très important et aussi controversé comme celui-ci.

M. CLOUTIER: M. le Président, les comités siègent aux Etats-Unis en ce moment, on siège en France en ce moment. Il ne faut quand même pas penser que les Québécois doivent prendre des vacances aussitôt que le soleil paraît.

M. MORIN: II n'est pas question de prendre des vacances, M. le Président, ce n'est pas ce que j'ai dit. Parce qu'il y a d'autres projets de loi qui peuvent nous tenir fort bien occupés pour deux ou trois semaines encore, à la Chambre.

M. BOURASSA: Non, non.

M. MORIN: II y a d'autres problèmes devant la Chambre. Je parle de ce projet de loi, je ne parle pas des autres. Je dis qu'il est controversé, qu'il n'est visiblement pas mûr, qu'il fait l'objet maintenant d'une contestation possible sur le plan constitutionnel, du côté fédéral...

M. BOURASSA: A l'article 2.

M. MORIN: Je vous propose tout simplement, comme je l'ai fait dans ma motion, de poursuivre les travaux à la fin de l'ajournement d'été.

M. BOURASSA: Je n'ai pas beaucoup de conviction.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable ministre des...

M. HARDY: M. le Président, avant que nous discutions du fond, ce que nous avons déjà entamé, je voudrais soulever une question de règlement, une question de forme.

Je pense, M. le Président, que la motion telle que formulée par le député de Sauvé est irrégulière. Elle est faite, à première vue, en vertu de l'article 157. En vertu de l'article 157, tout ce que la commission peut faire, c'est de demander l'ajournement de ses travaux. Elle n'a pas à demander l'autorisation de ne poursuivre ses travaux qu'après la fin de l'ajournement d'été. Elle ne fait que demander l'ajournement de ses travaux et c'est, à ce moment, à la Chambre de décider quand elle devra siéger.

Quand on fait une motion en vertu de l'article 157, on fait rapport et, à ce moment...

M. MORIN: Vous l'avez la motion. M. HARDY: Je l'ai devant moi.

M. MORIN: Nous demandons l'autorisation à la Chambre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. HARDY: A ce moment, c'est la Chambre qui décide.

M. MORIN: C'est cela.

M. HARDY: De toute façon, M. le Président, l'ajournement d'été, cela n'existe pas.

M. BURNS: Lisez donc la motion traditionnelle de la fin des travaux.

M. HARDY: M. le Président, à l'heure présente, ce n'est pas la motion qui suspend certains articles du règlement qui va décider si l'on va ajourner ou non. En ce moment, on ne sait pas quand on va ajourner. Théoriquement, c'est possible qu'il n'y ait pas d'ajournement.

M. BURNS: C'est possible.

M. HARDY: C'est-à-dire que l'actuelle session pourrait se poursuivre jusqu'en décembre. Pour toutes ces raisons, M. le Président, sur le fond, on pourra en discuter plus tard mais quant à la forme, je considère que la motion ne répond pas aux prescriptions de l'article 157.

M. BURNS: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Sur la forme?

M. BURNS: Sur la question de règlement. Je vous réfère — je n'argumenterai pas longtemps là-dessus, il me semble que c'est tellement évident que le ministre des Affaires culturelles n'a pas raison — à une décision récente d'un président de commission et non le moindre, c'est-à-dire le président de l'Assemblée nationale, à titre de président de la commission de l'Assemblée nationale. Je vous réfère à la décision qu'il a rendue, M. le Président.

M. CLOUTIER: Je l'ai demandé, mais je ne l'ai pas eu. Vous me le prêtez?

M. BURNS: Je ne vous dérange pas, M. le ministre?

M. CLOUTIER: Non, pas du tout. Mais ne parlez pas trop fort.

M. BURNS: D'accord.

J'ai couru après, M. le ministre. Je l'apprends.

Je disais donc, M. le Président, avant d'être si gentiment interrompu par le ministre, que, récemment, le président de l'Assemblée nationale — qui siégeait comme président de la commission de l'Assemblée nationale, en particulier dans l'affaire que j'ai soulevée relativement au député de Johnson — a eu à rendre une décision. Ce qui ressort de sa décision, je n'ai pas le journal des Débats devant moi, mais je peux vous citer de mémoire, à peu près, la décision du président.

Il a, d'une part, déclaré qu'il était parfaitement régulier, pour une commission qui avait reçu un mandat de l'Assemblée nationale — et c'est le cas ici — de se poser des questions sur son mandat. La façon de se poser des questions sur son mandat était de faire un rapport spécial à la Chambre. Cela commençait par la commission elle-même qui se posait la question, qui n'a pas autorité — et je ne pense pas que le chef de l'Opposition prétende par sa motion changer son mandat — de changer le mandat que l'As-

semblée nationale lui a donné, mais qui a quand même l'autorité pour se poser des questions sur son mandat, et revenir à la Chambre et dire: Est-ce que vous ne voudriez pas préciser notre mandat?

C'est la décision que le président de l'Assemblée nationale a rendue. La date, malheureusement, ne me vient pas à l'esprit, mais je pense que c'est vers le 4 juillet, sauf erreur, sinon le 4 juillet, c'est quelques jours plus tard, lorsque le ministre de l'Immigration faisait une motion qui voulait modifier la motion qui avait été adoptée en Chambre. Le président a dit: Je ne peux pas l'accepter dans la forme où vous la faites, mais je vous suggère la forme suivante: Faites donc, si c'est votre intention, un rapport spécial à la Chambre, selon lequel vous voulez faire préciser votre mandat.

Ce que le chef de l'Opposition fait actuellement par sa motion, — il nous dit que la commission aimerait savoir si l'Assemblée nationale ne l'autoriserait pas à ne poursuivre ses travaux qu'après la fin de l'ajournement d'été — je pense que c'est tellement évident, et si vous vous posez des questions, je vous suggère de suspendre très brièvement deux ou trois minutes. Non, je ne veux pas retarder la commission pour cela; je vous dis de suspendre la commission deux ou trois minutes et vérifier la décision du président que j'irai vous chercher immédiatement et sans aucun délai. Il me semble que c'est tellement fondamental. Il ne faudrait quand même pas que, à cette commission, on renverse une décision qui était rendue par le président de l'Assemblée nationale il y a tellement peu de temps, c'est-à-dire moins de deux semaines.

Deuxièmement, M. le Président, l'argument que le ministre donne concernant l'ajournement de fin d'été, je trouve qu'il est fallacieux pour le moins, parce...

M. HARDY: Frivole à sa face même.

M. BURNS: Frivole à sa face même, sûrement. Je pense que la raison est bien simple. C'est que cette formule d'ajournement de fin des travaux d'été est régulièrement utilisée par la motion...

M. HARDY: Elle n'est pas reconnue...

M. BURNS: ... même du leader du gouvernement lorsqu'il fait siéger la Chambre selon la méthode traditionnelle. Habituellement cette motion... Je sais que celle que nous avons actuellement et qui régit nos travaux, se lit à peu près comme suit: Que d'ici à la fin des travaux ou à l'ajournement d'été, les règles suivantes dirigent nos travaux. Alors, je dis, M. le Président, que c'est parfaitement recevable, cette motion. Je ne vois vraiment pas en quoi vous pourriez, sur le plan de la forme, ne pas l'accepter.

M. HARDY: M. le Président, deux mots sur les propos du député de Maisonneuve. M. le Président, la décision que vous citez du Président, ne s'applique d'aucune façon ici. C'est évident que la commission a le droit de retourner à l'Assemblée nationale pour faire préciser son mandat. Il n'y a pas de doute là-dessus, et la décision, qui a été rendue l'autre jour en commission de l'Assemblée nationale, était à cet effet.

Mais, M. le Président, en plus du fait, encore une' fois, que l'ajournement d'été n'a aucune existence légale et même réelle, de plus, M. le Président, je soutiens qu'adopter la motion telle que formulée, ce serait changer le mandat que nous avons reçu de la commission de l'Assemblée nationale. Parce que le mandat que nous avons reçu de la commission de l'Assemblée nationale...

M. MORIN: Vous plaidez au fond.

M. HARDY: M. le Président, voulez-vous demander à celui qui est rayé du Barreau depuis quinze ans, d'attendre un peu mon argumentation pour savoir si je plaide sur le fond ou sur la forme.

M. MORIN: Je voudrais... M. le Président, une seconde !

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: L'inculte ministre des Affaires culturelles...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: ... vien d'avoir, à mon endroit, des paroles plus que désobligeantes. Je désire qu'il les retire, parce qu'il sait qu'elles sont fausses.

M. HARDY: M. le Président, je voudrais ajouter que le député de Sauvé est rayé du Barreau volontairement, de sa propre volonté.

M. MORIN: M. le Président, ceci est fort ambigu et frise la méchanceté.

M. HARDY: Le député de Sauvé... M. MORIN: Cela frise l'hypocrisie!

M. HARDY: Le député de Sauvé, M. le Président, s'est rayé volontairement du Barreau...

M. BOURASSA: Personne ne pense... M. BURNS: M. le Président, je demande...

M.HARDY: ... en décidant de ne plus s'inscrire. C'est clair.

M. BURNS: ... que vous exigiez du ministre qu'il retire ses paroles.

M. BOURASSA: Personne ne pense un seul instant...

M. BURNS: Ce sont deux choses bien différentes, M. le Président, que de ne pas rester membre du Barreau, parce qu'on ne le désire pas, ou d'être rayé.

M. BOURASSA: Oui.

M. BURNS: L'aspect du mot "rayé"... Je fais appel au ministre de la Justice pour vous expliquer la différence entre les deux.

M. MORIN: Tout le monde connaît le sens du mot "rayé".

M. BOURASSA: M. le Président, personne ne pense un seul instant que le député de Sauvé ait pu être rayé du Barreau. Personne !

M. LESSARD: Est-ce que le ministre...

M. BOURASSA: Si vous voulez encore trouver un moyen de prolonger la discussion...

M. BURNS: Non...

M. MORIN: Qu'il retire ses paroles!

M. BOURASSA: II les a retirées.

M. HARDY: Je regrette. Je n'ai rien à retirer, parce que ce que j'ai dit est tout à fait conforme à la réalité.

M. CHARRON: Il a l'air fin, le premier ministre!

M. HARDY: J'ai dit, M. le Président, que le député de Sauvé était rayé du Barreau et j'ai ajouté par la suite: "rayé volontairement, en décidant de ne plus s'inscrire". Bon! C'est clair? Il n'y a que le député de Maisonneuve qui ne comprend pas cela.

M. BURNS: Non, non. Vous n'avez même pas dit "en décidant de ne pas s'inscrire".

M. HARDY: Je viens de le dire. Vous écoutez seulement ce que vous voulez.

M. BURNS: Tout à l'heure, quand vous avez dit: Surtout qu'il est rayé du Barreau depuis quinze ans, il y a une différence.

M. BOURASSA: II a été volontairement...

M. MORIN: Je voudrais dire que, si le ministre...

M. HARDY: Cela fait partie des amabilités que le député de Sauvé a l'habitude d'avoir à mon endroit.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. MORIN: Si le ministre veut porter le débat à ce niveau, cela sera une journée fort désagréable. En ce qui nous concerne, nous aimerions mieux que le climat soit serein...

M. HARDY: Nous aussi.

M. MORIN: ... avec de temps en temps des prises de bec inévitables...

M. HARDY: Nous aussi.

M. MORIN: ... mais les injures, ce genre d'insinuations n'ont pas leur place dans cette commission.

M. HARDY: Nous aussi nous voulons que le débat soit serein.

M. MORIN: Alors, je demande très poliment et aimablement au ministre...

M. HARDY: Oui.

M. MORIN: ... de rectifier ses propos.

M. BOURASSA: II l'a fait trois fois.

M. MORIN: Non. Parce que le ministre sait très bien que le mot "rayer" a un sens précis et que, lorsqu'on se désaffilie du Barreau, on n'est pas rayé. On se désaffilie volontairement. Il joue avec le vocabulaire et ce sont, pour parler le langage de ma jeunesse, des "incinérations malveilleuses".

M. HARDY: Je suis parfaitement d'accord sur le fait que les débats à cette commission comme à toutes les commissions devraient se tenir à un niveau le plus élevé possible, mais la responsabilité de maintenir le débat à un certain niveau appartient à tous les membres de la commission. Ce n'est pas à sens unique...

M. MORIN: Oui.

M. HARDY: ... et s'il y a un député ici qui ne fait pas toujours tout ce qu'on doit faire pour maintenir le débat d'une façon sereine, s'il y a un député qui interrompt de n'importe quelle façon...

M. MORIN: Allons donc!

M. CHARRON: C'est le député de Terrebonne.

M. HARDY: ... et à tout propos d'autres députés... c'est le député de Terrebonne et c'est le député de Sauvé. Là-dessus, on est sur un pied d'égalité.

M. MORIN: Bon. Alors, retirez vos paroles. M. HARDY: Je n'ai rien à retirer.

M. MORIN: Et l'incident sera clos. Je vous préviens, je n'accepterai pas vos paroles et je demande au président de vous demander de les retirer.

M. HARDY: Je n'ai rien à retirer.

M. BOURASSA: Le député a dit "volontairement". A moins que le chef de l'Opposition ne veuille ce matin... Il est très susceptible. Le ministre des Affaires culturelles a dit que c'était "volontairement", c'est-à-dire que le chef de l'Opposition avait décidé de renoncer à la pratique.

M. HARDY: De ne plus s'inscrire.

M. BOURASSA: Donc, il s'était rayé volontairement. A moins de vouloir absolument...

M. MORIN: Vous aussi, vous jouez sur les mots. Vous êtes juriste, vous-même. Je ne sais pas si vous avez été avocat, mais vous êtes juriste.

M. BOURASSA: Oui. J'ai été avocat, mais pas longtemps.

M. MORIN: Vous savez ce que signifie le mot "rayer"; vous savez ce qu'il signifie. Je vous demande vous aussi de le retirer. Faites bien attention.

M. BOURASSA: J'ai été nommé c.r. Je crois que je peux interpréter les textes au moins avec autant d'autorité que le chef de l'Opposition. J'ai été nommé conseiller de la reine il y a quelques semaines.

M. LESSARD: Sans jamais l'avoir conseillée!

M. BOURASSA: Je l'ai même offert au chef de l'Opposition. Il l'a refusé.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. MORIN: Voyez-vous cela, le chef de l'Opposition, conseiller de la reine! Cela serait du propre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que le ministre des Affaires culturelles a fini d'argumenter sur la motion?

M. HARDY: Non. Je n'avais pas encore commencé. On m'a interrompu comme d'habitude.

M. CHARRON: II y a une impasse.

M. MORIN: II y a une impasse effectivement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Ce n'est pas moi qui trancherai l'impasse. Je m'en rapporte à une décision...

M. BURNS: M. le Président, je veux seulement vous mentionner, à vous qui n'êtes pas de cette noble profession mais qui êtes d'une autre noble profession...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui, Dieu soit loué! Je remercie mon directeur de conscience de m'avoir...

M. LESSARD: Puis-je vous dire que je vous approuve, M. le Président?

M. BURNS: M. le Président, je veux simplement, et de façon sérieuse, vous mentionner que, pour un membre du Barreau, le terme "rayé" du Barreau, le terme "radiation", l'implication même est péjorative. Je pense que n'importe quand, quand on parle de radiation du Barreau, habituellement...

M. BOURASSA: Avez-vous plusieurs autres motions à présenter?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: Laissez faire cela. On va régler le problème...

M. BOURASSA: Est-ce qu'on peut s'absenter, le ministre de l'Education et moi-même...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que je pourrais rendre ma décision?

M. BURNS: Vous pouvez vous absenter toute la journée, si vous voulez.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je pense que le ministre des Affaires culturelles a quand même qualifié son exclamation en disant qu'il l'a faite volontairement. La décision que je rends est la même que j'ai rendue dans le cas du député d'Anjou qui, au cours de la semaine dernière, s'est senti visé lui aussi. Je suggérerais... au chef de l'Opposition, s'il se sent visé dans ses privilèges...

M. HARDY: Vous avez la peau bien tendre quand il s'agit de vous.

LE PRESIDENT (M. Gratton): ...de soulever la question de privilège à l'Assemblée nationale.

M. CHARRON: Sur un point de règlement.

M. HARDY: C'est pas mal plus sérieux pour vous que pour les autres.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable

député de Saint-Jacques sur un point de règlement.

M. CHARRON: Sur un point de règlement, est-ce que je pourrais inviter le ministre de la Justice à accompagner le premier ministre et le ministre de l'Education, parce qu'ils vont probablement modifier votre amendement...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Le ministre des Affaires culturelles sur le point de règlement.

M. HARDY: M. le Président, avant l'interruption...

M. CHOQUETTE: Quelle méchanceté!

M. HARDY: ...absolument infantile de ceux qui siègent à votre gauche, j'étais à dire que la motion du député de Sauvé...

M. VEILLEUX: Un instant! Ils nous embarquent dans le même bateau qu'eux. J'aimerais bien que le ministre...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. VEILLEUX: Lorsqu'il parle de ses honorables collègues de la droite et...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. VEILLEUX: ...des gens à la gauche du président, il devrait faire une distinction.

M. HARDY: Je dirai tout simplement, M. le Président, au député de Saint-Jean...

M. LEGER: Ils osent même nous voler nos fauteuils, M. le Président...

M. HARDY: M. le Président, je dirai...

M. SAINT-HILAIRE: Ils sont rendus qu'ils ont des fauteuils marqués à leur nom.

M. HARDY: ...au député de" Saint-Jean que je n'employais pas les mots "à gauche" dans le sens physique, mais dans le sens parlementaire. M. le Président...

M. MORIN: Un instant, sur un point de privilège. Est-ce que le ministre a retiré ses paroles oui ou non?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Non, il ne les a pas retirées.

M. HARDY: Je n'ai rien retiré.

M. MORIN: Je lui demande de les retirer, parce que s'il part sur ce pied-là, moi aussi je peux commencer à lui dire qu'il a été rayé aussi et des choses comme cela.

M. HARDY: Vous pouvez le dire si vous voulez.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. HARDY: Ce serait contraire aux faits comme la plupart des choses que vous affirmez.

M. MORIN: Ce serait fort désagréable.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: M. le Président, je vous ai demandé de bien vouloir...

M. HARDY: Vous pouvez dire toutes les faussetés que vous voulez.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vous ai donné ma décision. Vous n'écoutiez sûrement pas.

M. MORIN: Non. Vous n'avez pas rendu votre décision.

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'ai dit que je ne décidais pas, que je ne demandais pas au ministre des Affaires culturelles de retirer ses paroles, que si vous vous sentiez lésé dans vos privilèges, de soulever la question de privilège à l'Assemblée nationale. Je me suis basé sur le précédent que j'ai moi-même créé la semaine dernière vis-à-vis du député d'Anjou.

M. LEGER: Question de règlement, M. le Président, je vous demande une directive. Est-ce que ça veut dire que maintenant, devant ce nouveau fait, il sera possible de s'invectiver ici, puisqu'on va régler ça à l'Assemblée nationale? Est-ce que ce n'est pas mieux de régler la question en commission pour éviter les abus...

M. HARDY: M. le Président, pour clarifier encore une fois... pour, à la fois respecter...

M. LEGER: J'ai la parole actuellement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. LEGER: Je vous demande une directive...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je suis prêt à vous donner la directive.

M. LEGER: ... est-ce qu'il n'est pas préférable... donnez-moi la chance de vous l'exprimer jusqu'au bout.

M. BURNS: II ne l'a pas demandé encore.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Ecoutez, vous m'incitez à suspendre les travaux.

M. LEGER: Est-ce que ce ne serait pas préférable, M. le Président, que vous régliez ici

des questions de privilège de ce style, de retirer des paroles plutôt que de renvoyer la question à l'Assemblée nationale?

M. HARDY: Je suis prêt...

M. LEGER: Avant qu'on retourne là, il se pourrait fort bien qu'on ait beaucoup d'autres qualificatifs à dire devant les attitudes des députés, en face de nous.

M. HARDY: M. le Président, je suis prêt à faire une offre pour, à la fois, respecter les susceptibilités du député de Sauvé...

M. LEGER: Non, non, l'honnêteté.

M. HARDY: ... et respecter également...

M. LEGER: Arrêtez de débiter...

M. HARDY: ... quand même une certaine logique. Je ne suis pas pour retirer des choses qui sont exactes. Peut-être que les mots que j'ai utilisés ne sont pas tout à fait conformes à ce que le député de Sauvé... Je vais répéter ce que j'ai dit parce qu'il n'est pas question que je le retranche. Mais je vais y ajouter une explication encore plus claire pour qu'il n'y ait aucune confusion dans l'esprit des gens. J'ai dit tantôt que le député de Sauvé s'était rayé volontairement, de sa propre initiative, du Barreau. Ceci voulait dire, pour que tout le monde comprenne bien, qu'à un moment donné, le député de Sauvé a décidé de ne plus s'inscrire au Barreau.

M. MORIN: Vous êtes un hypocrite, M. le ministre.

M. HARDY: Merci de votre gentillesse.

M. MORIN: Vous jouez avec des mots dont vous pesez très bien le sens.

M. HARDY: M. le Président, voyez-vous comme le député de Sauvé...

UNE VOIX: M. le député de Sauvé...

M. HARDY: ... ce n'est pas la première fois, à part ça. Si je faisais la liste des injures qu'il a eues à mon endroit, j'aurais quasiment une liste aussi longue que celle que le député de Maisonneuve traîne quotidiennement avec lui. Mais vous savez, le député de Sauvé a encore ses réflexes de professeur qui prétend qu'il peut dire n'importe quoi à ses élèves mais il ne faut pas qu'un élève lève les yeux tout de suite. Il lui dit: Elève, sous votre pupitre et pas un mot!

M. LEGER: A l'ordre, à l'ordre, M. le Président !

M. HARDY: Enfin, M. le Président...

M. MORIN: On voit bien qu'il y a longtemps que vous êtes passé aux études.

M. LEGER: ... les nouveaux réflexes que tout ministre des Affaires culturelles a eus, c'est de se penser au-dessus des autres.

M. HARDY: C'est-à-dire que je reconnais que les professeurs d'aujourd'hui n'agissent plus comme ça, mais je parle des professeurs de la génération du député de Sauvé.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Est-ce qu'on pourrait revenir à la motion?

M. HARDY: M. le Président, je reviens... M. MORIN: Etes-vous jamais allé à l'école? LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. HARDY: C'est toujours la même gentillesse du député...

M. MORIN: A vous écouter, on en douterait.

M. HARDY: ... de l'aristocrate député de Sauvé. M. le Président, revenant à la recevabilité de la motion du député de Sauvé, je dis que contrairement à ce que prétendait tantôt le député de Maisonneuve, adopter cette motion serait modifier le mandat qui nous a été donné par l'Assemblée nationale.

Le mandat qui nous a été donné par l'Assemblée nationale s'inscrit dans un processus législatif. L'adoption d'une loi. Première lecture, deuxième lecture, étude en commission plénière ou commission élue et troisième lecture. C'est un mandat qui s'inscrit dans un cadre très bien défini.

M. le Président, adopter cette motion serait, à toutes fins pratiques, refuser le mandat qui nous a été donné d'étudier la loi article par article. Ce serait tellement changer le mandat qui nous a été donné que ce serait, en adoptant cette motion, faire indirectement ce qui a été refusé directement par l'Assemblée nationale.

A un moment donné au cours du débat de deuxième lecture, une motion du Parti québécois voulait reporter à trois mois l'étude de ce projet de loi. Cette motion a été majoritairement refusée par l'Assemblée nationale. L'Assemblée nationale a décidé de ne pas reporter à trois mois l'étude du projet de loi, mais de l'étudier immédiatement.

Si nous adoptions la motion du député de Sauvé, ce serait à toutes fins pratiques remettre à trois mois et peut-être davantage, l'étude du projet de loi. Ce serait modifier catégoriquement le mandat qui nous a été donné et, en plus des raisons que j'ai invoquées tantôt, je considère, M. le Président, que c'est une autre raison qui fait que cette motion est totalement irrecevable. La seule chose que nous pouvons faire

actuellement, c'est de demander de faire rapport à l'Assemblée nationale, et pas plus.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je suis maintenant prêt à rendre ma décision.

M. LESSARD: M. le Président, j'aimerais répondre quand même à trois points...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je suis prêt à rendre ma décision sur la recevabilité...

M. LESSARD: Le député de Terrebonne a apporté un nouveau point dans la discussion, à savoir la référence à la motion que nous avions faite en deuxième lecture, c'est-à-dire de remettre à trois mois la lecture. M. le Président, je vous dis ceci.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Faites rapidement, parce que je suis prêt à rendre ma décision.

M. LESSARD: Oui, rapidement, M. le Président. Il ne s'agit pas d'abord de modifier le mandat que nous avons eu, soit, en commission élue, d'étudier le projet de loi, article par article. Nous n'avons pas eu mandat de l'Assemblée nationale d'un temps déterminé pour étudier ce projet de loi article par article.

M. le Président, la motion qui est présentée par le député de Sauvé n'a pas pour but de modifier le premier mandat que nous avons eu. La motion du député de Sauvé a simplement pour but de retarder ce mandat, mais la commission élue va continuer de fonctionner à la suite de l'ajournement d'été.

Deuxièmement, M. le Président, ce que nous demandons dans notre motion, c'est simplement l'autorisation. Il ne s'agit pas de modifier le mandat. Nous demandons l'autorisation à l'Assemblée nationale de pouvoir retarder ce mandat. Nous respectons le mandat, M. le Président, mais nous voulons que ce mandat, nous puissions le réaliser après l'ajournement d'été. C'est simplement cela qui est la motion du député de Sauvé.

Je vous invite à ne pas tenir compte de la troisième argumentation que le ministre des Affaires culturelles a soulevée...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je n'en tiendrai pas compte.

M. LESSARD: ... à savoir le renvoi à trois mois. Parce que je vous dis que le ministre des Affaires culturelles se basait sur l'article 63 qui dit qu'une motion ne doit pas soulever une question identique au fond à une question dont l'assemblée a décidé, pendant la session en cours, à moins qu'elle n'indique des faits nouveaux.

Or, le député de Sauvé, M. le Président, vous a indiqué tout à l'heure un certain nombre de faits nouveaux aussi, à savoir la déclaration de

M. Trudeau concernant la constitutionnalité de cette loi. Il s'agit d'un fait nouveau dont nous devons nous préoccuper maintenant...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Cela va là.

M. LESSARD: ... à savoir aussi la connaissance des règlements qui ne sont pas rédigés. C'est un fait nouveau qu'on a appris hier, que cette réglementation n'était pas rédigée. M. le Président je vous invite en conséquence à accepter la motion de M....

M. BURNS: Je sais que vous êtes prêt, M. le Président. Je ne veux pas abuser de mes droits, ni de votre patience. Je veux simplement dire que j'ai mis la main sur la décision. Je ne la citerai même pas, mais la décision du président de l'Assemblée nationale à laquelle je me référais tout à l'heure, les collègues qui voudront la vérifier pourront voir le rouleau 75, parce que le journal des Débats de cette séance de l'Assemblée nationale n'est pas encore imprimé, mais la transcription est faite. Revoyons les pages 1 et suivantes, et en particulier le rouleau 70, page 1, et le rouleau 74, page 1. Je pense, en tout cas, que cette décision du président est tellement claire que je me demande même pourquoi le ministre des Affaires culturelles avait soulevé cette question.

Evidemment, il n'a peut-être pas suivi les travaux de cette commission. Cela, je le lui pardonne, il était peut-être ailleurs, mais la décision existe, M. le Président, et si vous voulez qu'on la cite in extenso, je n'ai pas d'objection à le faire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Il est évident que la commission a eu un mandat de l'Assemblée nationale qui a été assez clair, soit de procéder à l'étude du projet de loi 22 article par article. Je vous avoue, entre parenthèses, que, depuis la journée d'hier de même que ce matin, je me pose de sérieuses questions sur la recevabilité et la légalité de certaines des motions qui ont été faites et débattues devant cette commission.

J'ai entrepris une étude sérieuse du règlement que je compléterai, j'espère, prochainement et qui m'amènera peut-être à rendre une décision dans ce sens. Quant à la motion du chef de l'Opposition qui est devant nous, je pense que je peux la considérer comme recevable, mais, dans le fond, il s'agit d'une motion d'ajournement des travaux, tel que prévu à l'article 157, puisqu'il n'est pas question, dans le rapport de la commission, de demander une précision sur le mandat. La motion, on n'en parle pas. Je pense que tout le monde est d'accord que le mandat est clair. En vertu de l'article 157, j'accepte la motion du chef de l'Opposition aux conditions de l'article 157 quant au droit de parole.

M. BURNS: Bine non, M. le Président. C'est une motion régulière de la commission.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je dis que la motion...

M. BURNS: Ce n'est pas une motion.

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... faite par le chef de l'Opposition en est une d'ajournement purement et simplement.

M. BURNS: M. le Président, permettez-moi, à ce moment...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Vous savez qu'en vertu de l'article 43...

M. HARDY: La décision est rendue.

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... une décision du président n'est pas... au contraire.

M. HARDY: Etes-vous capable de respecter l'autorité un peu?

M. BURNS: Je pensais que vous étiez au courant, M. le Président, de la décision...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: ... et même de la suggestion de la forme faite par le président de l'Assemblée nationale.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!

M. HARDY: La décision est rendue. M. BURNS: M. le Président, un instant!

M. LEGER: Un instant! Hier, on a protesté et vous n'avez pas décidé...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: ... que c'était correct, parce que cela avait été trop vite.

M. BURNS: Je l'accepte en vertu de l'article 157.

M. LEGER: Le président est...

M. BURNS: Cela veut dire que je n'ai pas le droit d'en parler?

M. HARDY: La décision est rendue sur la motion.

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est évident que vous avez le droit d'en parler.

M. BURNS: Sur la motion?

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est évident.

M. BURNS: C'est d'accord, cela va. C'est une motion...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors vous êtes d'accord sur ma décision?

M. BURNS: Non, c'est cela, je n'ai pas le droit de parler, parce que c'est un discours de dix minutes. Je dis que c'est une motion régulière de la commission.

M. HARDY: Non, l'article 157.

LE PRESIDENT (M. Gratton): On va faire un compromis et on va vous donner ce que l'article 157 prévoit.

M. BURNS: Je demande simplement mes droits, je ne demande pas plus, je demande mes droits. C'est tout.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vous les donne tels que je les interprète.

M. BURNS: Je vous cite la suggestion, cela va être très bref.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Il n'y a pas de commentaire.

M. BURNS: Vous devez me donner ce droit.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Vous savez qu'il n'y a pas de débat.

M. BURNS: Je trouve que c'est absolument injuste ce que vous êtes en train de faire. Je ne peux pas le laisser faire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je m'en excuse, c'est sur...

M. HARDY: Vous ne pouvez jamais accepter l'autorité, c'est cela le problème.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. HARDY: C'est l'anarchie que vous voulez.

M. BURNS: M. le Président, c'est au contraire parce...

M. LEGER: Vous vous cachez derrière l'autorité pour faire fonctionner...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: C'est l'autorité qui vous permet de fonctionner. Elle a été abusive.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. BURNS: J'accepte tellement l'autorité du

président que je veux l'empêcher d'errer dans sa décision.

M. HARDY: Vous vous considérez au-dessus du président.

M. BURNS: Je respecte en particulier la décision du président de l'Assemblée nationale, dans une affaire semblable.

M. HARDY: Ce n'est pas la même chose.

M. BURNS: C'est exactement la même chose. Voulez-vous que je vous lise la motion qu'il a suggérée qu'on fasse? Voulez-vous que je vous le dise?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Pourrais-je demander la collaboration du député de Maisonneuve?

M. BURNS: M. le Président, c'est parce que je ne peux pas me laisser brimer dans mes droits comme cela.

LE PRESIDENT (M. Gratton): II y a d'autres endroits qu'en commission, et vous le savez, pour soulever ce genre de question.

M. BURNS: II va être trop tard, le préjudice est causé, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je considère recevable la motion. Là où on n'est pas d'accord, vous et moi, c'est strictement sur la limite de temps alloué pour en débattre.

M. BURNS: Oui, parce que je dis que c'est une motion qui est circonstanciée, qui n'est pas nécessairement de la nature de celle qui entraîne un débat restreint à l'article 157. C'est cela que je veux dire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): On n'est pas d'accord. C'est malheureux...

M. BURNS: Non, on n'est pas d'accord, M. le Président. Le président de l'Assemblée nationale n'est pas d'accord avec vous, à part cela.

M. HARDY: II faudrait que ce soit le député de Maisonneuve qui ait raison, pas le président.

M. BURNS: Non, je prétends que le président de l'Assemblée nationale a raison. C'est cela que je vous dis.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. HARDY: Quand cela fait votre affaire.

M. BURNS: J'ai toujours respecté la décision du président. Souvent, je n'étais pas d'accord, mais je l'ai respectée.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Vous savez qu'en vertu de l'article 43 il n'y a pas de débat, il n'y a pas de commentaire à faire.

M. BURNS: M. le Président, est-ce que je peux vous lire la motion que le président de l'Assemblée nationale lui-même a suggérée?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Si vous voulez me la donner, je la lirai avec grand intérêt pendant...

M. BURNS: Oui, parce que je suis sûr que vous allez changer d'opinion.

LE PRESIDENT (M. Gratton): ...qu'on débat la motion d'ajournement des travaux.

M. LEGER: Accepteriez-vous de changer de décision après l'avoir lue, pendant qu'on continue?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Si j'ai fait erreur, je l'admettrai sûrement publiquement.

M. HARDY: Ce n'est pas un péquiste.

M. BURNS: II y a une motion de la même nature...

M. HARDY: II admet quand il se trompe, il n'est pas péquiste.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: On s'est basé sur cette décision pour faire la motion, M. le Président, voyons donc!

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LESSARD: On va se baser sur quoi maintenant pour faire nos motions si ce n'est pas sur les décisions du président? Mais sur quoi va-t-on se baser?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que le député de Saguenay exerce le droit de parole du parti de l'Opposition officielle?

M. LESSARD: Non, M. le Président, je vous pose des questions, une directive.

LE PRESIDENT (M. Gratton): II n'y a pas de directive, la décision est rendue...

M. LESSARD: M. le Président, j'ai toujours le droit en vertu des règlements de vous questionner...

M. HARDY: II a le droit de ne pas répondre.

M. LESSARD: ... et de vous demander une directive. Vous avez pris une décision. Or, la motion que nous avons rédigée ce matin se base exactement sur une décision contraire, à savoir la décision qu'a prise M. Jean-Noël Lavoie, le

président de l'Assemblée nationale, à une même commission parlementaire, c'est-à-dire une commission élue.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Cette argumentation a été faite.

M. LESSARD: Voici la directive. M. le Président, nous de l'Opposition, sur quel précédent va-t-on maintenant se baser? Sur quel règlement maintenant va-t-on se baser pour préparer nos motions si, lorsque nous préparons nos motions en nous basant sur des décisions du président même de l'Assemblée nationale, les présidents suppléants en commission parlementaire nous disent que ces motions ne sont pas recevables? C'est la directive que je vous demande.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je ne sais pas, je ne peux pas vous donner de réponse très claire, mais peut-être devrez-vous vous baser sur le précédent que je viens de créer en rendant ma décision...

M. LESSARD: Qu'est-ce que ce sera le règlement?

M. LEGER: Un précédent comme ça, M. le Président, ce n'est pas acceptable. Voyons donc!

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: II va savoir maintenant, M. le Président... La directive qui vous est demandée est très sérieuse. Il va falloir s'informer d'avance quel est le président qui préside telle commission, parce que lui, il décide dans un sens, et l'autre président, il décide dans un autre sens. On va dire: C'est le député de Gatineau. Il ne faut pas faire notre motion comme cela, parce que lui, il a créé un autre genre de précédent. Ah! C'est le Président de l'Assemblée nationale lui-même qui préside la commission. Lui, cela va. On peut le faire de même, notre motion. Ecoutez, M. le Président, c'est cela qu'on vous demande. Sur quoi voulez-vous qu'on se base strictement? On veut bien le respecter, notre règlement, mais on veut respecter aussi une certaine continuité dans les décisions.

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'ai dit...

M. BURNS: On vous demande simplement d'être continu dans les décisions prises par le président de l'Assemblée nationale.

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'ai dit et je le répète que j'ai rendu ma décision, et je n'ai pas l'intention de la changer avant d'avoir eu le temps de consulter et le président de l'Assemblée nationale et la décision qu'il a rendue...

M. LESSARD: Si vous attendez...

M. BURNS: Suspendez donc pour trois minutes.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Ma décision n'empêche pas l'Opposition officielle ni les ministériels d'intervenir sur la motion d'ajournement, puisque je considère que...

M. LEGER: Cela limite le temps.

M. LESSARD: Vous nous enlevez nos droits.

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est ce que c'est. Deuxièmement, j'ai dit, et je le répète que, si je me suis trompé en rendant ma décision, je le dirai, je l'avouerai et je m'en excuserai auprès de l'Opposition officielle et de tous ceux que cela aura pu brimer.

M. LESSARD: Dans ce temps, nous n'aurons...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je demanderai la collaboration de tous les membres de la commission, et de procéder au débat prévu à l'article 157 sur la motion d'ajournement.

M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement et je vous demande une directive.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!

M. LEGER: M. le Président, est-ce que, selon vous...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: Je vous demande une directive... J'ai le droit de vous la demander.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je ne vous en donnerai pas, de directive...

M. LEGER: M. le Président, je vais toujours bien la demander, la directive. J'ai le droit de le faire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Demandez-la. Je ne la donnerai pas.

M. LEGER: Bon! ...l'ouverture d'esprit du président. De toute façon, ma directive est la suivante.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Ecoutez...

M. LEGER: Est-ce que vous ne pensez pas que cela serait beaucoup plus court si vous permettiez, en dedans d'une demi-minute, au député de Maisonneuve de vous lire la décision du président de l'Assemblée nationale? Cela prendrait une demi-minute pour vous la lire, et vous seriez éclairé ensuite, non pas uniquement vous, puisque si on vous la donne en cachette,

les autres députés ministériels ne le sauraient pas, mais permettre au député de Maisonneuve de lire en dedans d'une demi-minute, les sept ou huit lignes, qui sont dans la décision du président, quitte ensuite à ce que vous changiez ou pas votre décision. Ne pensez-vous pas que cela serait plus court que ce qu'on a fait tantôt?

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'accepte votre suggestion, sauf que je la qualifie... Que quelqu'un de l'Opposition officielle commence l'argumentation en vertu de l'article 157, je pense bien que j'aurai le temps de lire la décision pendant les premières dix minutes. Si je me suis trompé, je le dirai à ce moment, et vous pourrez continuer.

M. LEGER: ... est une partie de ma question, mais l'autre, c'était que les députés ministériels soient conscients...

M. HARDY: M. le Président, une très bonne suggestion.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. LEGER: Je n'ai pas fini. Je n'ai pas fini.

LE PRESIDENT (M. Gratton): II y en a d'autres qui ont le droit de parole.

M. HARDY: Non, non, on n'a pas le droit de parole ici!

M. LEGER: C'était pour que les autres députés ministériels puissent connaître la décision du président.

M. HARDY: La majorité n'a pas droit de parole.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je n'ai pas besoin de l'avis des députés ministériels...

M. LEGER: ... Oui, mais ils vont l'argumenter ensuite, M. le Président, parce qu'ils ne...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Ah non! je ne le permettrai pas. Probablement qu'ils accepteront ma décision.

M. HARDY: M. le Président, sur la suggestion que vous venez de faire...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.

M. HARDY: ...je la trouve très valable, très logique, et je serais prêt à m'y soumettre. Sauf que je comprends très bien ceux qui siègent à votre gauche de s'y opposer, parce que ceci entraverait leurs plans. Faire du "filibuster", M. le Président...

M. LEGER: C'est cela...

M. HARDY: ...c'est parlementaire, c'est normal, et le député de Maisonneuve pourra me rendre le témoignage que quand on a fait ce règlement, j'ai été un de ceux qui se sont constamment battus pour que les députés, tous les députés, même les indépendants et de l'Opposition aient tout le temps possible pour se débattre.

M. BURNS: C'est vrai.

M. HARDY: Mais, M. le Président, faire du "filibustering", prendre tous les moyens légaux, c'est normal. Mais on peut le faire d'une façon honnête. J'invite ceux qui siègent à votre gauche d'agir honnêtement. Jamais je ne leur reprocherai d'allonger les débats et de faire du "filibuster". Mais je leur demande de faire preuve d'un minimum d'honnêteté intellectuelle.

M. BURNS: Je suis tellement sûr, M. le Président, que vous allez vous ajuster à la décision que j'accepte votre suggestion dans le but de faire avancer les travaux de la commission et le chef de l'Opposition peut peut-être commencer à argumenter sur sa motion et cela me permettra de vous soumettre la décision du président que vous pourrez lire à loisir.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition sur la motion.

M. MORIN: Ce dont nous sommes témoins ce matin confirme ma perplexité devant ce débat et c'est sans grand espoir que je soumets cette motion, bien qu'elle constitue le simple bon sens.

On ne peut choisir de plus mauvais moment sur le plan psychologique pour nous présenter ce projet de loi. Je vous ferai remarquer, comme j'ai eu l'occasion déjà de le souligner devant la Chambre, que le projet nous a été proposé à la fin du mois de mai, que la motion de fin de session est survenue à peine deux ou trois semaines plus tard, que nous sommes au milieu de l'été, les tempéraments sont à vif, comme l'a montré le comportement du ministre des Affaires culturelles tout à l'heure, et les invectives, hélas, peuvent se multiplier. Les insinuations méchantes dénuées de fondement peuvent devenir monnaie courante si nous continuons au rythme actuel.

C'est pourquoi j'ai dit en présentant ma motion que les conditions psychologiques ne pouvaient pas être plus mauvaises. En fait, l'argument déterminant est le suivant: A l'heure actuelle, l'opinion publique est en vacances et cette commission, en réalité, travaille à huis clos par rapport à l'opinion publique. Ceci me paraît tout à fait déterminant.

Je ne sais si le gouvernement a recherché cela. Je ne serais pas étonné que cela soit précisément la raison pour laquelle il nous a présenté ce projet de loi si tard. Cela ne

m'étonnerait pas que ce soit la raison pour laquelle cette commission siège en plein mois de juillet, dans la seconde moitié de juillet.

L'opinion publique est en vacances. Nous ne pouvons profiter et l'opinion publique ne profite pas, à l'heure actuelle, de l'expérience des corps intermédiaires. Ceux-ci, à toutes fins pratiques, en plein mois de juillet, sont également en vacances. Les corps intermédiaires, dans une société comme la nôtre, sont extrêmement importants. Ils ont un rôle de médiation à jouer, entre le pouvoir et la population.

A l'heure actuelle, nous ne pouvons pas compter sur leur présence. Au mois de juin, c'était encore possible, mais on ne leur a pas vraiment donné le temps de faire valoir leurs arguments. Après quatre semaines, après dix-neuf séances, on leur a coupé le sifflet, de sorte que nous sommes à l'heure actuelle devant une sorte de léthargie de l'opinion publique, une sorte d'état second, une paralysie de l'opinion québécoise.

Encore une fois, je ne serais pas surpris que ce moment ait été choisi pour un débat pourtant aussi sérieux, aussi capital pour l'avenir que celui-ci, précisément parce que l'opinion publique est en état de léthargie. On est venu nous dire au mois de juin — à plusieurs reprises, j'ai mentionné le nombre de mémoires qui avaient soulevé des difficultés fondamentales au sujet des règlements, au sujet du soi-disant libre choix hier — on est venu nous dire, tant de la part de la minorité anglophone que de la part de la majorité que ce projet ne répond pas aux besoins de la population, que ce projet inquiète, et on se demande par moments s'il inquiète davantage la majorité ou la minorité. Il inquiète la majorité, parce qu'il fait une place plus grande qu'il ne se doit à la langue anglaise. Il inquiète la minorité parce qu'il n'est pas clair. En fait, le gouvernement, voulant concilier la chèvre et le chou, la majorité et la minorité, les droits collectifs et les droits individuels, s'est dit: Je vais faire un projet de loi souple. Mais, en réalité, la souplesse ne pouvait trouver d'expression que dans l'ambiguïté. Ce projet de loi est foncièrement ambigu et c'est la raison pour laquelle il a fait peur à tout le monde.

Profiter de l'été, malgré l'inquiétude fondamentale qui s'est emparée des gens, pour forcer l'opinion à ingurgiter ce bill, c'est un peu faire, sur un malade endormi profondément une opération qui n'aurait pas été autorisée par le patient, comme cela se pratique quelquefois. Si nous attendions à l'automne, si nous attendions après l'ajournement d'été, il est bien possible que l'opinion publique pourrait faire valoir d'autres modifications que celles que le ministre propose ou que les ministres proposent. Il est fort possible que l'opinion ait encore des choses à nous faire savoir. Une conférence de presse, tenue l'autre jour, par ceux qui n'ont pu se faire entendre devant la commission au cours des auditions, nous a appris que ces gens n'étaient pas indifférents à la clôture qu'on leur a imposée. Ces gens ont protesté vivement, nous ont demandé de continuer à les entendre. Ils ne sont pas satisfaits que l'on se contente d'imprimer leur mémoire au journal des Débats. S'ils se sont donné la peine — quelquefois avec peu de temps pour le faire — de rédiger des mémoires, de mettre leur pensée par écrit, c'est qu'ils espéraient être entendus, c'est qu'ils espéraient justement contribuer au grand débat de l'opinion publique sur ce bill. On a donc "gelé" les corps intermédiaires, on les a réduits au silence et maintenant, profitant de la léthargie générale, on veut nous enfoncer ce bill de force dans la gorge. Il ne faut pas se surprendre que l'Opposition soit réticente, que l'Opposition tente par tous les moyens de faire remettre ce débat vital, ce débat fondamental pour notre société. Les gens vont rentrer en septembre et vont nous dire:

Qu'est-il arrivé pendant que nous étions à nos loisirs, à nos vacances? Quand ils vont voir ce qui s'est passé, je crains que nous, les parlementaires, n'ayons des réponses bien difficiles à leur donner. Je crains que nous ne soyons fortement embarrassés d'avoir à nous expliquer devant l'opinion publique. Je suis convaincu, à la lecture du projet — je suis bien sûr que les amendements et les modifications que le ministre va nous communiquer aujourd'hui ou demain ne changeront guère cette impression puisqu'il nous a dit que, sur les points fondamentaux, il ne changerait jamais d'idée — je suis convaincu que les Québécois vont avoir une désillusion profonde en rentrant à l'automne.

Nous procédons à l'heure actuelle, à toutes fins pratiques, à huis clos par rapport à l'opinion publique. Il y a, bien sûr, dans la salle, ici, des citoyens peut-être plus conscients que les autres qui sacrifient une belle journée de soleil pour venir voir ce qui se passe en commission, mais ce sont des citoyens exceptionnels. La plupart sont à leurs vacances et c'est normal. Ce ne sont pas les citoyens qu'on doit blâmer de ne pas être là en plus grand nombre et de ne pas suivre le débat, c'est le gouvernement qu'on doit blâmer d'avoir procédé de la sorte et sans doute volontairement, pour que l'opinion publique ne soit pas saisie.

M. le Président, je pense que la motion que j'ai eu l'honneur de soumettre éviterait que les Québécois ne subissent cette désillusion à la rentrée. Elle éviterait peut-être des réactions qui seront peu favorables au gouvernement. Puisque vous m'indiquez que mon temps est écoulé, j'aurais aimé approfondir davantage, mais je conclurai en disant que se vérifie une fois de plus cette tendance du gouvernement — car ce n'est pas le premier exemple, mais c'est le plus grave dont nous ayons été témoin — cette tendance regrettable du gouvernement à reléguer des projets importants, des projets capitaux, à la fin des sessions, pendant les vacances, et au moment où l'Opposition se trouve sous le coup d'une motion de fin de session.

M. le Président, ce sont les raisons pour lesquelles j'ai demandé que nous fassions un rapport spécial et intérimaire à l'Assemblée pour demander l'autorisation de ne poursuivre nos travaux qu'après la fin de l'ajournement d'été. Merci.

M. LEGER: M. le Président, un point de règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs...

M. LEGER: Point de règlement. Etant donné que vous avez semblé donner au député, au chef de l'Opposition la limite à dix minutes, est-ce que vous êtes prêt, avant que le député continue...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.

M. LEGER: ... à reconsidérer ou à donner votre décision finale à la suite de l'entente...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.

M. LEGER: ... où vous deviez, avec le leader parlementaire, étudier la décision... Vous êtes prêt...

UNE VOIX: II est prêt, il est prêt.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui, je suis prêt. J'ai étudié la décision que le président de l'Assemblée nationale a rendue à la commission de l'assemblée nationale. Je ne vois réellement et très sincèrement pas de contradiction entre la décision rendue par le président de l'Assemblée nationale et celle que j'ai rendue ce matin quant à la motion du chef de l'Opposition officielle. Dans la décision du président de l'Assemblée nationale, il s'agissait, suite à l'argumentation qui avait été faite à la commission, où des doutes avaient été exprimés quant à la portée ou quant à la substance du mandat qui avait été donné par l'assemblée à la commission de l'Assemblée nationale.

Cela ne s'applique absolument pas au mandat que l'Assemblée a donné à cette commission, cette semaine, d'étudier le bill 22, article par article. La formulation suggérée par le président de l'Assemblée nationale, dans sa décision, était — et je peux peut-être la citer pour démontrer comment, en substance, elle diffère de celle proposée ce matin — et je cite: "Que la commission de l'Assemblée nationale désire porter à la connaissance de l'Assemblée qu'à la suite de questions de droit soulevées sur l'interprétation, notamment, des articles 75 et 79 de la Loi de la Législature, elle a des doutes — ou encore elle met en doute, cela, vous le déciderez — sur la portée et même la légalité du mandat qui lui a été confié et qu'en conséquence elle désire que ce mandat soit reconsidéré par l'Assemblée nationale et qu'un rapport spécial soit fait immédiatement à l'Assemblée."

La motion du chef de l'Opposition, ce matin, ne demande pas à l'Assemblée de modifier le mandat qui, dans son fond et dans sa substance, est d'étudier le bill 22, article par article. Elle demande simplement de remettre à plus tard, soit après l'ajournement d'été, cette exécution de l'ordre de l'Assemblée. D'autant plus que j'ai noté que, dans ses remarques, le président de l'Assemblée nationale dit: "Le grand principe, c'est qu'une commission ne peut toucher au principe même exprimé dans un ordre de l'Assemblée."

Je ne prétends pas que de demander à la commission de siéger maintenant pour faire l'étude, article par article, touche au principe même, mais la motion, telle que présentée, à mon avis, en est strictement une d'ajournement. J'irai même plus loin et je dirai qu'elle contrevient à un autre ordre de l'Assemblée qui, en deuxième lecture, a voté contre un amendement pour différer le projet de loi après l'ajournement d'été.

Je maintiens donc ma décision, fort convaincu qu'elle n'entre aucunement en contradiction avec la décision du président de l'Assemblée nationale, ce qui a été soulevé par l'honorable député de Maisonneuve.

M. LEGER: Je ne me permets pas de discuter de votre décision, mais je voudrais qu'on ne conclue pas que cette décision devient un précédent.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A ce moment-là, ce ne serait pas à moi d'en juger. Alors...

M. LESSARD: M. le Président, d'abord, je voudrais...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Un instant, on agit maintenant en vertu de l'article 157...

M. LESSARD: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Motion d'ajournement. L'honorable ministre des Affaires culturelles, sur la motion d'ajournement.

M. HARDY: M. le Président, je n'ai évidemment pas l'intention de reprendre toutes les assertions du député de Sauvé, chef de l'Opposition. D'ailleurs, la plupart des arguments qu'il a invoqués l'ont déjà été à maintes reprises, soit ici, soit à l'Assemblée nationale.

Je voudrais simplement rappeler, M. le Président, que ce que le député de Sauvé demande dans sa motion, encore une fois, c'est de remettre en question une chose qui a déjà été décidée et d'une façon très claire, très démocratique.

Bien sûr, je ne m'étonne pas de cette façon d'agir du député de Sauvé, soit de constamment vouloir remettre en question des décisions prises démocratiquement. C'est une procédure

tellement normale au sein du parti auquel il appartient. Je me rappelle, M. le Président, ce congrès du Parti québécois tenu à Laval où, majoritairement, les délégués s'étaient prononcés, d'une certaine façon, au sujet d'une question de référendum sur l'indépendance; majoritairement, les délégués du Parti québécois s'étaient prononcés le samedi. Cette décision ne faisant pas l'affaire du chef du Parti, M. René Lévesque, le matin, contrairement à son habitude, il était sur place une demi-heure avant l'ouverture de l'assemblée et faisait un discours à l'emporte-pièce pour faire changer la décision adoptée majoritairement la veille.

C'est une coutume régulière chez ces gens qui parlent de démocratie, de constamment tenter par la force morale ou autrement de faire changer les décisions démocratiquement prises. M. le Président, le député de Sauvé, en agissant comme il l'a fait ce matin, agit dans la ligne autocratique qui est celle du Parti québécois. C'est évident que pour nous, du Parti libéral, ce n'est pas une façon de procéder. Nous ne remettons pas... ce n'est pas un nombre restreint de députés qui va remettre en cause une décision que la majorité et que l'assemblée générale a prise antérieurement.

Bien sûr, certains diront que les propos que je tiens actuellement sont partisans, que le ministre des Affaires culturelles a encore été partisan. Si c'est cela de la partisanerie, si démasquer les lacunes, les faiblesses et les torts d'un parti adverse, c'est de la partisanerie, je regrette, mais je le dis — et on peut le répéter publiquement — tant et aussi longtemps que je serai dans la vie publique, j'en ferai de cette sorte de partisanerie. Si, pour satisfaire certains beaux esprits, il s'agit pour le gouvernement au pouvoir de toujours laisser l'Opposition dire tout ce qu'elle veut, n'importe quand, n'importe comment et de ne rien dire, d'encaisser sans mot dire, si c'est cela qu'il faut faire pour ne pas être accusé de partisanerie, je refuse. Ce n'est pas cela la vie politique et ce n'est pas cela la vie démocratique.

En démocratie, ou, du moins, en démocratie telle que nous la vivons ici, en Amérique du Nord, chaque parti politique, chaque homme politique doit avoir non seulement le droit, mais le devoir de dire ce qu'il considère non acceptable chez les partis adverses. C'est cela que j'ai toujours fait et c'est cela que j'ai l'intention de continuer à faire, n'en déplaise, encore une fois, à quelques beaux esprits qui appellent cela de la partisanerie.

M. le Président, le député de Sauvé a aussi parlé d'invective. Imaginez-vous donc! Il voudrait qu'on reporte à l'automne le débat sur le projet de loi 22, parce que, dit-il, il y a eu des invectives. Comme si c'était la première fois qu'au Parlement, ou dans un Parlement on dit: II faut cesser de décrier les Québécois, il faut cesser de décrier l'Assemblée nationale, il faut cesser de décrier les représentants du peuple québécois qui siègent à l'Assemblée nationale!

La qualité des débats au Parlement du Québec, contrairement à ce que certains intellectuels et certaines gens du Parti québécois voudraient laisser entendre, n'est pas inférieure à la qualité des débats dans la plupart des Parlements du monde. Il s'agit d'aller à l'Assemblée nationale française, il s'agit d'aller au Parlement d'Italie, dans tous les grands Parlements du monde, à certains moments, c'est normal, il y a certains écarts de langage, il y a certaines faiblesses. Ce n'est pas particulier au Parlement du Québec. Que l'on cesse de décrier directement ou indirectement les représentants élus de la collectivité québécoise !

S'il fallait attendre qu'il n'y ait aucune sorte d'invective, qu'il n'y ait aucune sorte de faiblesse, qu'il n'y ait aucun écart de langage pour étudier des lois importantes, on fermerait le Parlement au moins neuf mois par année.

M. MORIN: Que feriez-vous à ce moment pour vous signaler?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. HARDY: M. le Président, avant d'être... M. MORIN: ...que feriez-vous? LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. HARDY: M. le Président, je ne m'engagerai pas plus avant sur ce débat. S'il y a un député, s'il y a un parti qui devrait être prudent dans ce domaine, c'est bien le Parti Québécois, parce que le député de Sauvé — cela m'a largement surpris — qui, avant d'être en ce Parlement, avait la réputation d'être un grand monsieur, un aristocrate...

M. LEGER: Qu'est-ce qui se passe, M. le Président?

M.HARDY: M. le Président, s'il y a un député en cette Chambre qui ne manque pas l'occasion de lancer des injures — oh! bien sûr, dans un style délicat, dans un style — mais l'essence de l'injure n'en reste pas moins là. S'il y a un député qui injurie avec beaucoup de pédantisme...

M. LEGER: Avec beaucoup de politesse.

M. HARDY: ...c'est bien le député de Sauvé. S'il y a un député brouillon, s'il y a un député grossier, s'il y a un député qui utilise des épithètes absolument inqualifiables à l'endroit de ses collègues, c'est celui qui siège à la gauche du député de Sauvé, le député de Saint-Jacques. Encore là, on voudrait que les députés ministériels appartiennent à une essence tellement supérieure qu'ils pourraient régulièrement, quotidiennement, à longueur de jour, de mois et d'année, se faire invectiver, se faire dire les pires bêtises et eux, rester impassibles. Au fond, le

député de Sauvé, qui nous reproche toujours d'être trop amis avec les Anglais, voudrait que nous soyons, nous, francophones, avec les défauts et les qualités des francophones, voudrait que nous ayons le flegme britannique. Pour ma part, je n'ai pas le flegme britannique, même si... Le député de Sauvé ne sait pas les efforts que je fais...

M. MORIN: Vous faites des efforts pour vous contrôler?

M. HARDY: De très grands efforts, M. le Président. Mais, devant l'attitude...

M. MORIN: La nature finit toujours par prendre le dessus.

M. HARDY: Oui, M. le Président, ce qui prouve que je suis parfaitement normal.

M. CHARRON: ...elle revient au galop.

M. HARDY: M. le Président, devant l'attitude des députés séparatistes...

M. CHARRON: Like a back-bencher.

M. HARDY: M. le Président, je n'ai jamais cessé de vous appeler séparatistes et, tant que vous serez séparatistes, je vous appellerai séparatistes.

M. CHARRON: Vous n'avez jamais cessé d'être un "back-bencher."

M. HARDY: M. le Président, selon le député Charron, selon qu'on est "back-bencher" ou ministre, on doit changer les noms pour appeler les choses. Je regrette, mais j'ai toujours appelé un chat un chat, et je continuerai à appeler les choses par leur nom.

M. CHARRON: II se qualifie!

M. LEGER: II y a des comportements qui se font par des "back-bencher" et des ministres qui agissent comme des "back-benchers".

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. HARDY: Fermant cette parenthèse, je reviens...

M. LEGER: Le petit caporal ferme la parenthèse. C'était votre nom pendant que vous étiez à l'Assemblée nationale. Vous avez gagné ces galons, vous avez monté d'un échelon quand vous avez essayé de remplacer le président de l'Assemblée nationale.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. LEGER: Alors vous avez gardé ce quali- ficatif de petit caporal et votre décision, qui n'était pas conforme aux règlements, mais qui montrait la force avec laquelle vous étiez capable de vous affirmer et de prouver, sans l'ombre d'un doute, que vous pouviez maintenant vous imposer à vos confrères.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Est-ce que le ministre des Affaires culturelles a terminé?

M. HARDY: Non, je n'ai pas terminé.

LE PRESIDENT (M. Gratton): II reste une minute.

M. HARDY: M. le Président, je ne perdrai pas ma minute à répondre au député de Lafontaine. Je dirai que le dernier argument invoqué par le député de Sauvé, ce sont les vacances. Nous ne pourrions pas étudier le projet de loi 22 parce que le Québec est en vacances.

Mais, M. le Président, quelle confiance le député de Sauvé fait à ses compatriotes québécois! Il a même dit qu'ils étaient dans la léthargie.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. HARDY: M. le Président, j'ai plus confiance que le député de Sauvé aux Québécois. Même si nous sommes dans une période de vacances... D'abord, c'est une erreur de penser que la majorité des gens sont en vacances. Bien sûr qu'il y en a une quantité...

M. LEGER: Les statistiques prouvent que du 15 juillet au 15 août, c'est la période où les Québécois prennent leurs vacances.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. HARDY: M. le Président, je considère que les Québécois ont assez de patriotisme, sont assez conscients, sont assez responsables, que même ceux qui sont en vacances, s'ils ont quelque chose à exprimer ou à dire sur le bill 22, ils peuvent le faire.

M. LEGER: Quand et où?

M. HARDY: La vraie raison, M. le Président, c'est que les vacances, c'est un faux-fuyant pour le Parti québécois. La majorité des Québécois étant d'accord sur le bill 22, la majorité des Québécois endossant cette loi, le Parti québécois et ses acolytes sont incapables de les mobiliser, ils essaient de soulever le prétexte des vacances.

M. LEGER: Faites la preuve.

M. HARDY: M. le Président, dire que l'opinion publique à l'heure actuelle ne s'expri-

me pas sur le bill 22 à cause des vacances, c'est exprimer un profond mépris pour les Québécois.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. MORIN: Vous avez peur de l'automne. LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. HARDY: M. le Président, ce mépris que le Parti québécois exprime à l'endroit des Québécois se manifestera un jour ou l'autre. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Maisonneuve, sur une question de règlement.

M. BURNS: M. le Président, je voudrais rappeler au ministre, petit caporal...

M. LEGER: Le petit caporal...

M. BURNS: J'aimerais lui rappeler qu'il n'a pas, en vertu de l'article 99, la possibilité de se servir à cette commission, d'un langage aussi violent, blessant à l'adresse de qui que ce soit, ou irrespectueux pour l'assemblée.

M. HARDY: Vous avez été blessé.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!

M. HARDY: Dites-moi cela. Dites-moi où.

M. BURNS: Par ce que vous dites. Vous affirmez que ce que le chef de l'Opposition fait par sa motion, c'est de démontrer du mépris pour les Québécois...

M. HARDY: Oui...

M. BURNS: ... alors que c'est exactement le contraire...

M. HARDY: Non, non.

M. BURNS: ... je pense, que ce que le député...

M. HARDY: C'est votre opinion.

M. BURNS: ... de Sauvé est en train de faire est de montrer, justement, que nous, nous ne méprisons pas les Québécois. Que nous, nous savons fort bien...

M. HARDY: ... indirectement...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: Non, c'est pour cela que je veux simplement signaler que, dans ce sens, à mon avis, M. le Président, c'est se servir d'un langage blessant et irrespectueux pour l'assemblée, entre autres, pour un de ses membres. Ce qui est défendu par l'article 99.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je l'invite à ne plus jamais le faire à cette commission.

M. BURNS: Merci, M. le Président.

M. LEGER: Voulez-vous répéter? Il n'était pas en train d'écouter, M. le Président. Il était en train de se verser un verre, un verre d'eau.

M. LESSARD: M. le Président, je vous dis que j'ai l'intention de parler au nom de mon parti...

M. HARDY: Vous n'avez pas le droit.

M. LESSARD: ... sur la proposition du député de Sauvé.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Sauvé a déjà......la motion...

M. LESSARD: Voici, M. le Président. Puis-je vous rappeler que l'article 157 des règlements dit ceci, en particulier, au deuxième paragraphe: Ces motions sont mises aux voix sans amendement? D'accord, et elles ne peuvent être faites qu'une fois au cours d'une séance, sauf par un ministre. Vous avez jugé vous-même, M. le Président, que c'était en vertu de l'article 157 que le député de Sauvé proposait sa motion. "Elles ne peuvent être débattues sauf qu'un représentant de chaque parti reconnu peut prononcer un discours de dix minutes, chacun à leur sujet." Puis-je vous rappeler aussi, M. le Président, que cette motion, en vertu de l'article 157, ressemble à la motion d'ajournement du débat qui est prévu à l'article 77 de nos règlements, où on dit, M. le Président, que cette motion, motion d'ajournement des débats, est mise aux voix sans amendement, cela ressemble énormément... Une minute! ... sans amendement à la suite d'un débat restreint. Une minute, M. le Président! ... "au cours duquel un représentant de chaque parti reconnu peut prononcer un discours de dix minutes. Le proposeur pourra exercer un droit de réplique de même durée."

Or, je suis conscient qu'en vertu de l'article 157, le proposeur de la motion ne peut pas exercer un droit de réplique parce que cela n'est pas très bien précisé à l'article 157.

Cependant, puis-je vous rappeler aussi une décision du président de l'Assemblée nationale, du samedi 12 juillet 1974, où ce dernier a très bien affirmé qu'en vertu de l'article 77, il était possible qu'un représentant du parti ministériel puisse proposer la motion d'ajournement du débat et que le leader parlementaire du gouvernement ou toute autre personne qui est déléguée par le parti ne soit pas d'accord sur cette motion, le droit de parole doit alors être reconnu à un représentant du parti?

Je ne vous dis pas que je suis d'accord, comme représentant du parti, sur la motion du député de Sauvé, mais j'estime qu'en relation avec cette décision du président de l'Assemblée nationale, j'ai le droit de parler au nom de mon parti puisque l'article 157 des règlements est à peu près le même que celui de...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Allez-y. M. LESSARD: Merci.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saguenay sur la motion d'ajournement.

M. LESSARD: Donc, vous me donnez raison sur l'interprétation de ce règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je ne suis pas trop sûr, mais allez-y quand même.

M. LESSARD: M. le Président... M. HARDY: Pour vous faire plaisir. M. DEOM: Pour tuer le temps.

M. HARDY: De toute façon, on perd son temps avec vous.

UNE VOIX: Je vous l'ai dit ce matin. Je vous trouve très convaincant.

M. LESSARD: Est-ce que le député de Laporte aurait l'intention de...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LESSARD: ... s'exprimer? Le député de Laporte a manqué son coup...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LESSARD: ... pour s'exprimer en deuxième lecture. Nous espérons au moins...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LESSARD: ... que le député de Laporte aura le courage, le minimum de courage de s'exprimer...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Votre temps commence à s'écouler.

M. LESSARD: ... en commission parlementaire.

M. DEOM: Vous ne perdez rien pour attendre.

M. LESSARD: Nous espérons que le député de Laporte...

M. DEOM: Vous ne perdez rien pour attendre.

M. LESSARD: ... fera valoir...

LE PRESIDENT (M. Gratton) : Une minute d'écoulée.

M. LESSARD: ... ses revendications vis-à-vis du bill 22 et qu'il aura au moins le courage, en commission parlementaire, de s'exprimer, ce qu'il n'a pas eu lors du discours de deuxième lecture.

M. DEOM: Donnez-nous la chance. Commençons l'étude article par article et là...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. DEOM: ... je vais m'exprimer, vous verrez.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. DEOM: Vous nous bâillonnez.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! Le député de Saguenay.

M. LESSARD: Cest encore le ministre des Affaires culturelles qui a affirmé que nous voulions faire, par cette motion, indirectement, ce que nous n'avions pu faire à l'Assemblée nationale directement, soit lorsque nous avons présenté une motion de renvoi à trois mois.

Je sais que le ministre des Affaires culturelles se basait à ce moment sur un principe du règlement qui dit qu'il n'est pas possible de présenter une motion qui a déjà été décidée, de présenter une autre motion à l'Assemblée nationale ou en commission parlementaire.

Il est dit aussi, dans cet article du règlement, que, s'il arrivait des faits nouveaux, à ce moment, il est fort possible que nous puissions présenter cette motion. Or, le député de Sauvé a soumis très respectueusement que, depuis que nous avons discuté de ce projet de loi en deuxième lecture, des faits nouveaux nous ont été connus. D'abord, nous lisons dans le journal Le Jour, ce matin, qu'Ottawa pourrait désavouer la loi 22.

M. HARDY: A la remorque d'Ottawa.

M. LESSARD: Non. Vous êtes à la remorque du gouvernement Trudeau.

M. HARDY: Ottawa éternue et le Parti québécois dresse l'oreille.

M. LESSARD: D'ailleurs, M. le Président, la voix de M. Trudeau s'était fait entendre...

M. HARDY: Vous n'êtes pas capables d'avoir votre propre pensée.

M. LEGER: M. Trudeau chuchotte, M. Bourassa tombe sur le dos.

M. LESSARD: ... à l'Assemblée nationale au cours de la deuxième lecture puisque le député de Mont-Royal avait affirmé qu'il était possible que le gouvernement fédéral utilise son droit de désaveu pour rendre cette loi inconstitutionnelle. Déjà, il s'agit d'un fait nouveau fort important qui prouve que tant et aussi longtemps...

M. HARDY: On va ajourner parce que M. Trudeau veut qu'on ajourne.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LESSARD: ... que nous ne pourrons modifier soit l'article 133 de la constitution...

M. HARDY: C'est cela.

M. LESSARD: ... soit encore ce pouvoir de désaveu qui est encore entre les mains du lieutenant-gouverneur en conseil, il nous est fort difficile...

M. HARDY: Qui est tombé en désuétude.

M. LESSARD: Qui est tombé en désuétude, mais qui peut toujours être utilisé pour désavouer une loi puisque même votre chef, votre réel chef à Ottawa a fait mention qu'il était possible qu'il puisse utiliser ce pouvoir de désaveu. C'est donc, M. le Président, un fait fort important qui nous prouve que le projet de loi 22 ne peut être réellement mis en force tant et aussi longtemps qu'on ne sera pas un pays normal, c'est-à-dire un pays indépendant. Cependant, nous croyons qu'il est encore possible à ce gouvernement de faire une vraie loi de la langue, de la seule langue officielle du Québec, c'est-à-dire la langue française. C'est donc, M. le Président, un fait nouveau.

Un deuxième fait nouveau que nous avons pu constater depuis hier, c'est que le ministre de l'Education n'est pas prêt à déposer sa réglementation. Nous savons que cette réglementation, comme nous l'avons affirmé, est fort importante pour voir si cette loi pourra être efficace ou pas. Nous l'avons dit à maintes reprises et d'ailleurs d'autres députés libéraux l'ont affirmé à l'Assemblée nationale au cours de cette deuxième lecture.

C'est pourquoi, à cause de ces deux faits nouveaux, nous tentons encore une fois un dernier effort pour demander au gouvernement de retarder l'étude de ce projet de loi. Nous le faisons d'autant plus, M. le Président, qu'il s'agit, je pense, d'un projet de loi qui peut être fort important pour l'avenir de toute la collectivité québécoise. Je dis que, dans les circonstances actuelles, ce projet de loi ne correspond pas aux besoins réels de la population québécoise.

Or, M. le Président, quoique nous puissions affirmer qu'il y a une question d'urgence, quoique nous puissions dire que ce gouverne- ment doit, dans le plus bref délai possible, légiférer sur la question linguistique, nous disons aussi que de légiférer sur une telle question exige au moins que nous prenions tout le temps nécessaire pour pouvoir analyser l'ensemble des implications de ce projet de loi, pour pouvoir constater si ce projet de loi représente véritablement les besoins de la population. Or, nous avons déjà étudié d'autres projets de loi de moindre importance et, lorsque nous avons étudié ces projets de loi, nous avons au moins entendu l'ensemble des mémoires qui ont été présentés à cette commission parlementaire.

Or, ce n'est pas le cas alors qu'il s'agit d'un projet de loi encore bien plus important, ce n'est pas le cas, dans la situation actuelle. En effet, nous avons pu constater que 48 p.c. des mémoires ont été entendus en commission parlementaire. Si l'Assemblée nationale a demandé à ces personnes, à ces organismes de venir se faire entendre en commission parlementaire, nous croyons au moins que nous devrions, nous, de l'Opposition, comme les ministériels, avoir une certaine dignité et faire en sorte que ces gens puissent se faire entendre en commission parlementaire. Nous croyons que nous devons avoir au moins un minimum de respect pour ces personnes. Nous avons demandé un effort à ces gens, l'effort de rédiger des mémoires; nous croyons au moins que nous devons, de notre côté, comme représentants à l'Assemblée nationale, comme députés à l'Assemblée nationale, leur donner au moins un minimum de respect. Pour la première fois, les Québécois, quels qu'ils soient, de quelque classe de la société qu'ils soient, de quelque groupe qu'ils soient, de quelque région qu'ils soient, ont demandé à se faire entendre à cette commission parlementaire. Nous croyons qu'il serait normal, sur un projet de loi d'une telle importance...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Une minute!

M. LESSARD: ... sur un projet de loi qui, je l'affirme, touche les tripes de tous les Québécois, qu'au moins ces gens puissent continuer de présenter leurs mémoires, discuter de leurs mémoires avec les représentants de la population. Nous croyons que c'est là un minimum que nous, députés à l'Assemblée nationale, devons au moins respecter. Encore une fois, je pense justement que le député de Rimouski devrait, lui...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LESSARD: ... parler en faveur de cette motion puisqu'il y a un seul mémoire qui a été présenté par toute la région de l'Est du Québec...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LESSARD: ... et ce mémoire n'a pas été entendu en commission parlementaire.

M. HARDY: Ils sont d'accord les gens de ce coin, comme la grande majorité des Québécois.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition officielle peut maintenant avoir son droit de réplique.

M. HARDY: Vous avez peur qu'on vous batte à cause de ça.

M. LESSARD: Le député de Terrebonne peut venir dans mon comté...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. LESSARD: ... il n'y a pas de problème, il y a eu quatre ministres qui sont venus dans mon comté à la dernière élection et je les ai balayés et j'ai augmenté ma majorité de 43 p.c. à 52 p.c.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: M. le Président, j'ai dit tout à l'heure qu'il s'agissait de notre part d'un dernier effort. Bien sûr, l'Assemblée nationale s'est déjà prononcée sur cette question comme l'a souligné le ministre des Affaires culturelles. Mais j'ai bien indiqué que c'est à la suite de la pénible journée d'hier que je voulais faire ce dernier effort pour que ce débat si important pour l'avenir du Québec soit renvoyé à l'automne afin que tous les Québécois puissent être vraiment saisis du problème et puissent se faire entendre. Je sais bien que la majorité libérale est toujours en mesure de nous refuser ce qui nous paraît être le simple bon sens; je sais bien qu'avec un mastodonte pareil, une fois que sa course est commencée, il est très difficile de l'arrêter. Ainsi voit-on, en Afrique, des troupeaux d'éléphants affolés qui, une fois lancés dans leur course...

M. HARDY: C'est la gentillesse du député de Sauvé.

M. MORIN: Je n'ai pas dit du ministre qu'il était un éléphant.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: Si le ministre tient à s'aventurer dans ce domaine, c'est une autre affaire.

M. HARDY: M. le Président, je suis membre de l'équipe.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. HARDY: Quand vous parlez de l'équipe — parce que je pense que la partie est dans le tout.

M. MORIN: Le ministre est libre de coiffer le chapeau et les oreilles si elles lui conviennent. Et les défenses également. Mais je tenais simplement à dire par cette métaphore qu'une fois qu'un troupeau d'éléphants est emballé, il est très difficile de l'arrêter. C'est presque en désespoir de cause que je vous ai soumis cette motion. Je n'ai pas beaucoup d'illusions. Je voulais simplement faire appel une dernière fois à ce qui reste de bon sens chez les députés d'en face.

M. HARDY: II y en a très peu, vous le savez.

M. MORIN: J'ai dit que les conditions psychologiques ne peuvent pas être plus défavorables à un débat de fond sur la question de la langue. J'ai souligné les doutes constitutionnels que j'avais d'ailleurs évoqués dans mon discours de seconde lecture, doutes constitutionnels qui viennent du fait que le gouvernement refuse d'abroger l'article 133, que le gouvernement se considère lié par l'article 133, doutes constitutionnels repris par le pouvoir fédéral au cours de la journée d'hier.

M. HARDY: L'écho du fédéral.

M. MORIN: Que le ministre des Affaires culturelles se rassure.

M. HARDY: II était mieux d'aller voter.

M. MORIN: Les doutes exprimés par le gouvernement fédéral, nous les avons évoqués avant lui.

M. HARDY: Vous êtes sur la même longueur d'onde.

M. MORIN: Devant la vérité constitutionnelle, devant les problèmes constitutionnels, nous ne voyons pas pourquoi nous prendrions systématiquement le contrepied de M. Trudeau, du premier ministre fédéral, s'il nous paraît soulever des problèmes réels.

Bien sûr, nous pouvons être en désaccord sur bien des choses avec le pouvoir fédéral. Mais quand il constate que l'article 133 se trouve toujours dans les livres de droit, qu'il n'a pas été abrogé, que le pouvoir québécois n'a pas jugé bon de l'abroger —il considère même qu'il est lié par cet article — et qu'il en tire la conclusion que le bill 22 est inconstitutionnel dans plusieurs de ses éléments et notamment dans l'article 1 et dans l'article 2, comme l'a souligné le professeur Frank Scott. Quand il constate qu'il y a une possibilité que nous soyons devant des articles inconstitutionnels, l'Opposition ne peut que tendre l'oreille, parce que cela correspond à l'opinion qu'elle a déjà exprimée à plusieurs reprises, en seconde lecture.

On verra bien, au cours des heures qui viennent, si le gouvernement est prêt à affronter cette question de la constitutionnalité. Elle nous paraît très grave. Elle nous paraît fonda-

mentale. C'est une raison de plus pour que nous nous donnions le temps de la réflexion. Ce bill a été improvisé. Nous avons mis quatre à cinq années d'auditions, de recherches, pour qu'enfin la commission Gendron nous dise: Le problème du français au Québec se présente de telle façon.

Et maintenant que nous avons les tomes de la commission Gendron, qu'il faudrait prendre le temps de les étudier à fond, qu'il faudrait prendre le temps d'élaborer des solutions longuement, nous faisons cela à la vapeur. Au lieu de consacrer des mois d'études sérieuses à prendre connaissance du rapport Gendron, on agit comme si le rapport Gendron n'existait pas.

D'ailleurs je ferai remarquer, à l'occasion, quand on étudiera ce projet article par article, que sur plus d'un point on n'a tenu aucun compte de la commission Gendron. On s'est même éloigné radicalement de certaines de ses recommandations. Sur certains points, d'ailleurs, l'Opposition n'est pas en désaccord avec le gouvernement quand il néglige certaines recommandations de cette commission, comme on le verra; mais sur d'autres points, nous pensons que le gouvernement s'en est éloigné indûment sans avoir motivé suffisamment son attitude.

C'est pourquoi nous disons: II faut prendre le temps de la réflexion. Nos collègues anglophones sont inquiets et je voudrais dire, au nom de l'Opposition, que nous comprenons leur inquiétude, même si nous n'en partageons pas tous les motifs, nous la comprenons et nous sympathisons. Il nous paraît que cette loi est ambiguë et que c'est avec raison que les anglophones s'en inquiètent. Pourquoi le gouvernement n'aurait-il pas — et pour cela il aurait fallu y mettre le temps, bien sûr— procédé à une véritable consultation des intéressés? Pourquoi n'aurait-il pas longuement interrogé tous les milieux? On nous dit: La commission Gendron a fait cela pendant cinq ans. Dans le souffle suivant, on ne tient aucun compte de ce qui se trouve dans le rapport de cette commission.

Je vois là un illogisme fondamental dans la façon de procéder du gouvernement. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé de sortir du huis clos moral dans lequel nous sommes à cette époque-ci de l'année, ce huis clos par rapport à l'opinion publique... Encore une fois, qu'on ne me fasse pas dire que ce sont les Québécois qui sont responsables de cet état de choses, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que c'est le gouvernement qui en est responsable. Il savait, bien sûr, qu'un grand nombre de Québécois allaient partir en vacances. Il le savait. C'est par calcul que ce bill arrive maintenant devant cette commission pour son étude article par article, alors qu'on va aller au fond des choses. Nous allons tenter, en tout cas, d'y aller. C'est par calcul qu'on profite de l'absence des Québécois, et je le répète, d'une certaine léthargie de l'opinion publique, qui n'est pas due aux Québécois, qui est due au fait que le gouvernement, par machiavélisme, saisissant cet état de choses, en profite pour que le débat se perde dans les méandres, dans les sentiers où l'opinion publique, à l'heure actuelle, se trouve éparpillée.

M. le Président, encore une fois et sans grande illusion sur le sort de ma motion, je veux vous dire que je ne l'ai faite que pour donner une dernière chance au gouvernement.

La journée d'hier a été pénible pour tout le monde et elle a démontré à quel point il va être difficile de procéder à une étude sérieuse et approfondie du projet de loi à cette époque-ci de l'année. Je ne conteste pas que d'autres Législatures siègent à l'heure actuelle. Mais étudient-elles des projets aussi fondamentaux que ceux-ci. Voilà la question.

M. HARDY: Et le président des Etats-Unis. LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. HARDY: Ce n'est pas grave.

M. MORIN: II y a des années, il y a des mois que cela est à l'étude et cela n'aboutira pas de sitôt, le ministre le sait. C'est une affaire qui n'aboutira pas avant l'automne. On peut en être convaincu.

M. HARDY: Pour qui nous prenez-vous?

M. MORIN: Pour ce que vous êtes.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. MORIN: M. le Président, je termine en disant que nous n'avons pas d'objection à ce qu'on étudie au cours ce cet été d'autres projets de loi. Il y en a plusieurs inscrits au feuilleton, plus d'une dizaine. Mais un projet comme celui-ci, un projet qui aura des conséquences graves pour l'avenir des Québécois, l'avenir de la collectivité, un projet qui va développer ses conséquences dès l'automne alors qu'il sera trop tard pour que l'opinion publique puisse faire sentir son juste poids dans cette affaire, un projet de cette importance ne devrait pas être enterré de la sorte par le gouvernement. Je vous remercie.

UNE VOIX: Vote.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Nous procéderons maintenant au vote sur la motion d'ajournement des travaux. M. Séguin?

M. SEGUIN: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Charron? M. CHARRON: En faveur, M. le Président. LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Déom?

M. DEOM: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Hardy?

M. HARDY: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Lapoin-te?

M. LAPOINTE: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Brown?

M. BROWN: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Morin?

M. MORIN: En faveur.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Parent?

M. PARENT: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Phaneuf?

M. PHANEUF: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Saint-Germain?

M. SAINT-GERMAIN: Contre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Samson, M. Veilleux?

M. VEILLEUX: Contre.

M. MORIN: Est-ce que M. Brown a dit contre?

M. LESSARD: Si j'avais voté, M. le Président, j'aurais voté pour. Un suspense.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Pour, deux, contre neuf. La motion est rejetée.

M. HARDY: Un lapsus révélateur.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Article 1.

Motion pour entendre M. McWhinney

M. CHARRON: M. le Président, j'invoque le règlement. Me prévalant de l'article 154 de notre règlement qui se lit comme suit: En commission plénière ou élue, après la deuxième lecture, on ne peut discuter que les détails d'un projet de loi, et il ne peut y avoir audition publique que devant une commission élue pourvu que celle-ci y consente.

M. le Président, j'ai l'intention de demander le consentement de la commission pour que nous procédions à une audition publique et je le fais par une motion que je dépose immédiatement.

La motion, M. le Président, je vous en fais lecture pour que, par la suite, vous me permettiez de l'argumenter. Cette motion se lirait comme suit: "Qu'avant d'entreprendre l'étude du projet de loi 22, article par article, la commission entende M. Edward McWhinney, ancien commissaire sur la Commission d'enquête sur la situation du français au Québec, sur la constitutionnalité du projet de loi 22".

M. le Président, je n'avais pas l'intention...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Avez-vous le texte?

M. CHARRON: ... jusqu'à ce matin, de vous présenter cette motion. Mais la lecture des journaux de ce matin...

M. HARDY: Non, mais c'est pour soumettre aux autorités fédérales?

M. CHARRON: Est-ce que le "foreman" des Affaires culturelles a fini ses interventions?

M. HARDY: Je vous écoute.

M. CHARRON: Merci. La lecture des journaux de ce matin nous a appris qu'un autre gouvernement, étranger à la majorité des Québécois, procédait actuellement, en cabinet privé, à la demande de la majorité anglophone de ce pays, à l'étude de la constitutionnalité du projet de loi.

M. HARDY: Quelle notion de l'indépendance!

M. CHARRON: M. le Président, puisque nous vivons encore dans ce régime de soumission et qu'il est effectivement possible que le pouvoir central, que reconnaît le gouvernement actuel et auquel il se soumet lorsqu'il s'agit du développement économique du Québec, intervienne à nouveau dans le champ de la sécurité culturelle des Québécois — comme il le fait d'ailleurs avec un budget dix fois supérieur à celui du ministère des Affaires culturelles — pour rendre absolument inopérante une loi que nous sommes appelés à discuter actuellement, il se peut, M. le Président, que nous procédions à une étude longue, ardue, fastidieuse même, article par article, d'un projet de loi qui au bout de la ligne, du seul revers de la main d'un gouvernement central qui, lui, aurait fait une tout autre étude que nous, déclare: Messieurs, les deux, trois ou quatre semaines que vous aurez mises, les mois que vous aurez pris à procéder article par article à étudier ce projet de loi, sont absolument annihilés. Quelle que soit l'entente à laquelle le gouvernement et le Parlement élu des Québécois en sont venus, nous déclarons cette loi anticonstitutionnelle...

M. DEOM: Est-ce que le député de Saint-Jacques...

M. CHARRON: ... et, par le pouvoir de désaveu du gouvernement central, nous procédons à un renvoi de cette loi. Or, M. le Président...

M. DEOM: Est-ce que le député de Saint-Jacques me permet une question?

M. CHARRON: Non, non. Or, M. le Président, ce gouvernement a déjà des avis, et plus que cela, M. le Président...

M. DEOM: Sur un point de règlement.

M. CHARRON: ... ce gouvernement a la possibilité, au grand jour, devant les citoyens québécois et devant les media d'information, de transmettre aux citoyens québécois les débats que nous avons, de régler cette question. Il est un spécialiste, entre autres, de toutes ces questions. Il pourrait, dès aujourd'hui, avant même que nous n'entamions l'étude, article par article du projet de loi, à notre demande, venir nous dire son avis de sorte que, si M. McWhin-ney, spécialiste reconnu de tous, venait nous émettre un doute très valable quant à la constitutionnalité du projet de loi et nous indiquer par quelles modifications nous pourrions faire de ce projet de loi une loi constitutionnelle qui serait à l'abri de toute l'argumentation fédérale qu'il faut attendre. Parce que l'argumentation fédérale sera celle de la majorité anglophone comme dans chaque cas et on essaiera, par tous les moyens, de rendre inconstitutionnelle une loi que les Québécois auront votée eux-mêmes dans leur Parlement: En ce sens, les indications précises de M. McWhinney, avant que nous ne procédions, article par article, pourraient nous inciter, là où il nous indiquerait faille et anticonstitutionnalité du projet de loi, pourraient inciter aussi bien le gouvernement québécois que l'Opposition, à présenter les amendements de circonstance qui feraient, hors de tout doute, cette loi constitutionnelle et qui donc écarteraient, à l'avance, les arguments qu'entend amener la partie fédérale dans ce débat parce que, semble-t-il, il y a faille, il y a trou.

Où y a-t-il trou? Où y a-t-il faille dans ce projet de loi sur le chapitre de la constitutionnalité? Je ne suis pas le spécialiste que le chef de l'Opposition est dans cette matière, mais nous avons eu, au cours de ce débat, tellement d'argumentations constitutionnelles que je ne peux avoir assisté à toutes ces séances sans avoir saisi quelques-unes de ces argumentations.

La première est celle qui saute aux yeux. Le gouvernement a refusé de modifier l'article 133 et, du même souffle, il veut faire, à l'article 1, du français la langue officielle du Québec. Devant cette simple coexistence d'un article 133 réaffirmé et ce que soutient le ministre de l'Education, le gouvernement a délibérément choisi de ne pas le modifier ici. D'autre part, l'affirmation à l'article 1 que nous étudierons au cours des prochains jours et qui affirme le français, langue officielle, déjà, il y a impasse, déjà il y a matière à doute. C'est sûrement à partir de ce point précis que le cabinet Trudeau, actuellement, est à étudier sa possibilité d'intervenir pour désavouer cette loi lorsqu'elle sera étudiée.

Donc, M. le Président, le chef de l'Opposition, bien sûr, apportera encore plus de lumière sur cette motion que je présente. Mais si nous avions l'occasion d'entendre M. McWhinney nous dire ou ne pas nous dire qu'effectivement la coexistence et le maintien de l'article 133 de la constitution canadienne, de l'Acte de l'Amérique du nord britannique et en même temps une affirmation solennelle à l'article 1 du projet de loi 22 constituent un litige constitutionnel et peuvent conduire au désaveu de cette loi, je pense que cette information et cet éclairage de ce grand spécialiste qu'est M. McWhinney pourraient apporter beaucoup de lumière dans nos débats et raccourcir nos débats également, M. le Président. Nous aurions donc l'occasion d'avoir des indications précises sur les amendements que nous devons apporter si nous ne voulons pas que la majorité anglo-saxonne du Canada déclara anticonstitutionnelle et donc illégale une loi que le Parlement québécois aura fait voter.

LE PRESIDENT (M. Gratton): II est 13 heures, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

Reprise de la séance à 15 h 13

M. GRATTON (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

Avant de remettre la parole au député de Saint-Jacques qui avait, à la fin de la séance de ce matin, formulé une motion que je lis: "Qu'avant d'entreprendre l'étude du projet de loi 22, article par article, la commission entende M. Edward McWhinney, ancien membre de la commission d'enquête sur la situation du français au Québec, sur les aspects constitutionnels du projet de loi 22." J'aimerais faire une suggestion au député de modifier cette motion dans sa forme de façon à la rendre conforme à l'esprit, à la lettre, de l'article 154. Je pense qu'il me serait impossible d'accepter la motion telle que formulée par le député de Saint-Jacques. J'aimerais lui suggérer que, dans le but de la rendre conforme à la lettre de l'article 154, cette motion soit reformulée dans le sens suivant, que la commission consente à ce qu'il y ait audition publique durant l'étude du projet de loi 22, après la deuxième lecture.

M. CHARRON: Pour entendre. M. MORIN: Pour entendre.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Vous pourriez ajouter: Pour entendre...

M. HARDY: C'est pour entendre quelqu'un.

M. CHARRON: Oui, mais quelqu'un en particulier.

M. MORIN: ... qui en particulier?

M. CHARRON: Je ne voudrais pas que la motion soit ouverte...

M. HARDY: C'est ça qui n'est pas régulier.

M. MORIN: Autrement, cela fait deux motions. L'une pour ouvrir et l'autre pour convoquer le professeur McWhinney en particulier.

M. CLOUTIER: Allez-y, faites-en deux. LE PRESIDENT (M. Gratton): En fait...

M. MORIN: Vous voulez nous faire perdre du temps, M. le ministre?

M. CLOUTIER: Je ne veux pas préjuger de l'opinion du président.

LE PRESIDENT (M. Gratton) : Je pense que s'il va de soi...

M. HARDY: C'est de l'humour noir.

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... que si la motion a été faite dans le sens que je suggère et qu'elle était adoptée, automatiquement M. McWhinney et les autres, qui pourraient être convoqués, pourraient être entendus. C'est dans le seul but de rendre la motion recevable puisque, dans sa formule actuelle, je la juge irrecevable.

M. BURNS: J'ai peut-être mal compris, je vous demanderais de répéter, je parlais à mon collègue de Chicoutimi, mais si j'ai compris ce que j'ai compris, je veux m'en assurer. Est-ce que vous pouvez répéter, brièvement ce que vous venez de dire concernant l'amendement de la motion?

M. CHARRON: La modification. M. BURNS: Ou la modification.

LE PRESIDENT (M. Gratton): La modification, oui. Je dis que dans sa formule actuelle, je la juge irrecevable parce qu'elle ne rejoint pas exactement l'esprit et la lettre de l'article 154 qui est le seul article de notre règlement qui fait allusion aux auditions publiques.

Dans le but de rendre la motion du député de Saint-Jacques conforme à la lettre de l'article 154, je lui suggère de la modifier dans le sens qu'elle pourrait se lire ainsi: "Que la commission consente qu'il y ait auditions publiques durant l'étude du projet de loi 22, après la deuxième lecture". C'est justement pour rejoindre l'article qui dit qu'il ne peut y avoir auditions publiques que devant une commission élue, pourvu que celle-ci y consente. On veut que la commission se prononce et dise qu'elle consent qu'il y ait auditions publiques.

M. BURNS: M. le Président, question de règlement. Il me semble que moi, si je parle la même langue que vous, si je parle du général, ce que vous suggérez, c'est-à-dire auditions publiques, c'est le général et que je m'impose dans ce cadre-là, d'aller au particulier, c'est-à-dire d'entendre M. Untel. C'est une audition publique, sauf que je précise ce que je veux dire par auditions publiques.

Dans le cas présent, on parle de M. Edward McWhinney qui est une notoriété, semble-t-il, en droit constitutionnel et qui s'est déjà penché sur ce problème à l'intérieur des autres études qu'il a faites, que tout le monde connaît d'ailleurs.

Si je me dis que l'article 154 permet au député de Saint-Jacques de dire ce que vous dites actuellement — je ne dis pas que le député de Saint-Jacques n'aurait pas pu faire cette motion — il aurait pu faire une motion pour qu'il y ait auditions publiques, mais on l'a déjà fait, M. le Président, et on sait qu'on ne l'obtiendra pas. C'est sûr. Je parle toujours sur la question de règlement. Je vous mets tout simplement la logique derrière — sans argumenter en faveur — la logique derrière la motion du député de Saint-Jacques, est la suivante :

c'est qu'on a proposé, à l'occasion des séances publiques, suivant la première lecture, que les auditions publiques continuent pour entendre les quelque 75 mémoires qui n'avaient pas été entendus.

On se trouverait — et peut-être que le ministre des Affaires culturelles aurait raison à ce moment-là de dire qu'on répète des choses et qu'on recommence des choses qu'on a déjà perdues — dans une situation de tenter de faire refaire à la commission un cheminement qu'elle a déjà fait, où la commission a déjà décidé qu'elle n'aurait pas d'autres auditions publiques, en ce qui concerne les gens qui présentent des mémoires, chose qui ne serait pas exclue par votre suggestion suivant laquelle la motion du député de Saint-Jacques soit modifiée de cette façon.

Nous avons dit, tout simplement, pour être réalistes... On sait fort bien, et la commission s'est prononcée pas plus tard qu'il y a une semaine sur le fait qu'elle ne veut plus avoir des auditions publiques au sens large du mot, concernant les mémoires, et si on donne...

M. HARDY: Non.

M. BURNS: Laissez-moi donc terminer, bout de corde...

M. HARDY: Non, je vous dis non.

M. BURNS: Voyons donc!

M. LEGER: C'est un terme parlementaire.

M. BURNS: Si c'est parlementaire, bout de corde! il y a bien d'autres choses que je vous lancerais.

M.HARDY: M. le Président, d'après le député de Maisonneuve...

M. BURNS: Vous êtes rendu au bout de votre corde, vous là !

M. HARDY: ... on n'a même pas le droit de faire de signes. Vous êtes si peu convaincu que si on fait signe que non, vous êtes déjà tout...

M. BURNS: Voyons donc. Je vous dis tout simplement que j'argumente, je pense, à un niveau qui se situe...

M. HARDY: Continuez.

M. BURNS: ... pas mal plus élevé que le niveau que vous avez utilisé, ce matin, pour engueuler le chef de l'Opposition.

M. HARDY: Je reconnais tout cela, que vous êtes supérieur.

M. BURNS: Si vous voulez rester dans cette bassesse...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BURNS: ... si vous voulez rester en bas, si vous voulez rester un petit député de bas étage comme vous êtes, un petit politicien de bas étage, comme vous êtes...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. BURNS: ... continuez comme cela.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre! *

M. HARDY: Ils ont réveillé la léthargie et ils les ont amenés.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plait!

J'aimerais faire un avertissement. Il n'est pas permis, selon le règlement de l'Assemblée nationale, de faire quelque démonstrations que ce soit, de réagir de quelque façon que ce soit dans les galeries publiques. Je serai très sévère là-dessus. Si cela devait se répéter, je devrai demander au service de la sécurité de faire évacuer les galeries publiques.

C'est tout de suite que je peux le faire. Je vous invite, s'il vous plaît... A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre! C'est le dernier avertissement.

La commission suspend ses travaux pour dix minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 22) * Note de l'éditeur: Le président réclame le silence d'un certain nombre de manifestants parmi l'assistance.

Reprise de la séance à 16 h 25

M. GRATTON (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

Avant de reprendre les travaux, j'aimerais faire un appel tout à fait spécial non seulement aux personnes dans les galeries, mais également à tous les membres de la commission, de bien vouloir accorder leur pleine collaboration pour que le débat et les discussions sur ce projet de loi se fassent dans un climat tout à fait serein et tout à fait propice à la discussion qui s'impose.

Je devrai être très ferme à l'endroit des personnes dans les galeries. Au premier signe de désordre, je donnerai l'ordre formel d'évacuation. Alors, nous en étions à la suggestion, sinon à la décision que j'avais faite à l'endroit de la motion du député de Saint-Jacques. La parole était au député de Maisonneuve.

Amendement à la motion

M. BURNS: M. le Président, j'étais en train de dire à la suite de votre suggestion, suggestion faite auprès du député de Saint-Jacques, de modifier sa motion à l'effet d'enlever, si je comprends bien le nom de M. Edward McWhin-ney et de le remplacer par "auditions publiques". Globalement, c'est le résultat de votre suggestion.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui, sauf que...

M. BURNS: Au lieu de nommer une personne, vous prétendez qu'on doive se prononcer sur le principe d'avoir des auditions publiques, si j'ai bien compris votre suggestion. C'est bien cela?

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est cela.

M. BURNS: C'est là que j'en étais à vous dire que c'est assez étonnant que l'on doive interpréter de façon restrictive un texte qui, en soi, est aussi permissif que l'article 154. Je disais que, en ce qui nous concernait, nous croyions qu'il était absolument inutile de la part de l'Opposition de reparler de l'ensemble des auditions publiques pour une bonne et simple raison, que déjà la commission s'est prononcée, du moins quant à une partie des auditions publiques, celle des mémoires. Je dois dire qu'on s'est battu contre cette motion quand elle est venue, d'abord de façon expérimentale à la commission, et par la suite, en Chambre, nous avons exprimé sans aucune restriction, notre réprobation de cette attitude de mettre fin aux auditions publiques.

Je dois dire aussi que ces auditions publiques se faisaient dans le cadre des invitations qui avaient été faites après la première lecture, alors que quelque 150 mémoires avaient été déposés et que nous avions entendu environ 74 ou 75 intervenants. De sorte que, M. le Président, si nous suivions votre suggestion et si la motion, telle que modifiée à votre suggestion, était adoptée, on se retrouverait possiblement devant la même situation que celle qui a déjà été réglée par la Chambre. C'est-à-dire que les mémoires ne doivent pas être entendus.

C'est pour cela, M. le Président, que, de propos délibéré, nous avons nous-mêmes restreint notre motion à une personne nommée dans la motion, c'est-à-dire M. Edward McWhin-ney, et pour des fins bien précises, c'est-à-dire l'aspect de la constitutionnalité du projet de loi 22 qui, semble-t-il, est contesté, ou, sinon contesté directement, du moins en puissance d'être contesté par les services du premier ministre du Canada qui se penchent sur ce problème.

Il me semble, M. le Président, que, lorsque je dis qu'une commission... Si je voyais dans un texte, par exemple, qu'une commission a la possibilité d'inviter des personnes à témoigner devant elle, je ne peux pas moi, comme député, me faire dire que ma motion est irrecevable si je nomme une de ces personnes. C'est cela qui est tout le fond de mon argumentation à lencontre de votre suggestion. Je le dis bien respectueusement pour votre suggestion et pour vous-même.

Je pense que le fait, pour nous, de décider qu'on aimerait entendre M. Edward McWhinney, c'est, dans le fond, dire autrement qu'on veut au moins une audition publique. C'est cela qui est le fond de l'affaire. On aurait très bien pu faire ce que vous dites et soumettre amendement sur amendement, sur amendement, sur amendement, en précisant ce qu'on veut dire par audition publique. Je trouve, à ce moment, qu'on aurait peut-être pu se faire accuser de vouloir reprendre des débats qui ont déjà eu lieu. On vous dit tout de suite qu'on n'a pas du tout l'intention de reprendre le débat qui a eu lieu et qui a été décidé par l'Assemblée nationale, soit, en particulier, celui qui dit que les mémoires qui n'ont pas été entendus ne le seront pas.

Il est sûr que c'est encore notre désir de les entendre, mais je vous donne l'intention qu'il y a derrière cette motion, c'est d'entendre une personne nommée, de sorte que c'est une audition publique. C'est carrément et clairement une audition publique. Je ne pense pas que le député de Saint-Jacques doive dire dans sa motion qu'il demande une audition publique pour entendre M. Untel. On dit tout simplement que la commission décide d'elle-même, consent d'elle-même à convoquer une personne en particulier, soit M. Edward McWhinney.

M. CHARRON: Comme proposeur de la motion, puisque vous me proposez, selon votre droit, d'en modifier la forme, puis-je faire une remarque avant de me soumettre à votre déci-

sion? J'interviens souvent sur des questions de règlement dans le même sens, celui...

M. BURNS: Je m'excuse auprès... M. CHARRON: Oui.

M. BURNS: ... du député de Saint-Jacques. Seulement une parenthèse. On m'informe qu'on ne permet pas aux personnes qui ont été exclues tout à l'heure de revenir dans la salle. Est-ce que c'est votre décision? Je ne veux pas la mettre en cause, ni quoi que ce soit, mais il semble que le calme est revenu. J'en suis bien heureux d'ailleurs et il y a des gens qui sont venus ici, paisiblement, entendre les débats sur le projet de loi 22 et qui attendent dans l'antichambre actuellement. Je vous le signale sans vous faire de suggestion.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je serais tout à fait d'accord, si les membres de la commission le sont aussi, de permettre à ceux qui sont à l'extérieur de la salle de revenir dans les galeries à la condition que je puisse leur faire le même avertissement qu'à ceux qui y sont déjà.

M. BURNS: Non seulement je suis d'accord que vous le fassiez, j'allais vous faire la suggestion étant donné qu'ils n'étaient pas ici quand vous l'avez faite, que vous refassiez la suggestion.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que les membres de la commission seraient d'accord pour que ceux qui sont à l'extérieur...

M. BOSSE: A présent que leur "show" est donné, je pense qu'ils pourraient revenir.

LE PRESIDENT (M. Gratton): On pourrait peut-être demander aux gardiens de laisser entrer les gens qui sont à l'extérieur.

M. BURNS: Cela va bien. M. BOSSE: Qui l'a calmé?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques pourrait reprendre son argumentation.

M. BURNS: Cela va prendre une minute.

M. CHARRON: Si vous avez une communication à faire au public.

LE PRESIDENT (M. Gratton): La commission suspend ses travaux jusqu'à nouvel ordre.

(Suspension de la séance à 16 h 34)

Reprise de la séance à 16 h 37

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre messieurs! Alors, pour ceux qui viennent d'entrer dans la salle, j'aimerais répéter l'avertissement que j'ai donné plus tôt, soit que la commission ne tolérera aucun désordre. Au premier signe de désordre, nous donnerons l'ordre formel d'évacuer complètement les galeries. J'aimerais également, à l'intention des photographes, rappeler que nos règlements, dans leur cas, prévoient que les photographies peuvent se prendre au début, mais que lors des auditions... Et je pense qu'au cours des travaux de cette séance, pour eux aussi nous devrons appliquer le règlement à la lettre et je leur demanderais de s'abstenir de prendre des photos. Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, j'intervenais sur le point de règlement, à la suite de mon collègue de Maisonneuve, uniquement pour vous faire remarquer une chose avant de me soumettre à votre décision. J'ai proposé cette motion dans un esprit bien précis. J'ai toujours visé, j'ai toujours demandé et c'est à partir de ces positions que je suis intervenu dans un seul sens sur les questions de règlement, pour que tous les députés membres d'une commission parlementaire se prononcent sur une motion claire qui dit ce qu'elle veut dire et qui ne veut pas dire plus qu'elle ne veut dire et qui ne veut pas dire moins qu'elle ne veut dire. Je crains, M. le Président, que si j'acceptais à la lettre la proposition que vous nous faites de modifier ma motion, elle pourrait changer le vote de chacun des membres de la commission. Si nous avions à nous prononcer sur l'ouverture ou la réouverture d'audiences publiques, en général, comme vous nous le proposez, en vertu de l'article 154, il se peut que des membres de la commission, craignant une hémorragie d'auditions publiques et un appel sans limite à toutes sortes d'intervenants, votent contre cette motion.

Or, c'est précisément pour que les députés sachent ce sur quoi exactement je veux qu'ils se prononcent et ce à quoi ils s'engagent en votant pour la motion, quyje veux la limiter, dans son sens restreint, à M. McWhinney...

M. CLOUTIER: Est-ce que je pourrais poser une question au député de Saint-Jacques?

M. CHARRON: Oui.

M. CLOUTIER: Dois-je comprendre que vous avez l'intention de présenter une seule motion, au cours de ces travaux, afin de faire entendre une personne de l'extérieur?

M. CHARRON: Je ne connais pas les circonstances du débat quand elles permettront de soumettre des motions différentes, mais pour le moment, oui.

J'ai signalé et j'aurai l'occasion d'y revenir lorsque le président me remettra la parole, sur le fond de la motion, je vais préciser pourquoi j'ai demandé M. McWhinney à ce moment bien précis. Mais, encore une fois, M. le Président, si vous nous demandez de nous prononcer pour ou contre la réouverture des auditions publiques, ça peut être un vote tout à fait différent que de se prononcer pour ou contre le fait d'entendre M. McWhinney. Parce que M. McWhinney, je l'ai dit dans ma motion également, je veux l'entendre sur un aspect bien particulier, en sa qualité d'expert en droit constitutionnel, pour qu'il nous donne sa version, son entendement de la constitutionnalité de la loi 22.

Autrement dit, vous élargissez ma motion à un point qu'elle puisse perdre son sens. Pour faciliter les débats, je dois dire que, si on devait accepter la motion telle que vous nous la proposez, nous nous verrions dans l'obligation d'y présenter un amendement par la suite. Ce n'est pas que la réouverture des auditions publiques que nous demandons, mais bien d'entendre spécifiquement M.Edward McWhinney.

Si vous rendez cette décision et que vous la présentiez comme une modification à ma motion, je prétends que je serai obligé, en ma qualité de parrain de la motion, de faire à nouveau une motion pour bien la spécifier, parce que je voudrais que les membres de la commission se prononcent sur une chose bien précise: devrions-nous, croyez-vous, entendre M. McWhinney à ce moment-ci ou si nous devons nous prononcer sur l'ouverture des auditions publiques?

M. CLOUTIER: M. le Président, je ne sais pas si mon intervention est régulière; vous me corrigerez si j'interviens mal à propos. C'est un renseignement que je possède qui peut peut-être orienter cette commission. Je sais pertinemment que M. McWhinney n'est pas au Canada en ce moment, il est en Angleterre. Je peux expliquer comment cette information m'est parvenue. Je ne sais pas si ça change le sens de la motion.

M. BURNS: Je pense que cette information pourrait être pertinente sur la motion elle-même, non pas sur la recevabilité. Je vous le soumets bien amicalement.

M. CLOUTIER: C'est pour ça que j'étais un peu... Cela enlève un peu d'effet à la motion. Mais je parlerai sur le fond bien sûr, ce n'est pas mon intention de parler sur la recevabilité.

M. MORIN: M. le Président, je voudrais simplement faire observer très brièvement qu'il n'est pas nécessaire que nous entendions le professeur McWhinney immédiatement.

M. CLOUTIER: On peut l'entendre dans quelques mois.

M. MORIN: Non, non, il n'est pas en Angleterre pour quelques mois...

M. CLOUTIER: Ah bon!

M. MORIN: Au maximum, pour quelques semaines.

M. CLOUTIER: C'est ça, pour quelques semaines, vous êtes bien renseigné aussi. Cela n'a strictement aucun rapport avec la motion cependant.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je suis maintenant prêt à...

M. LEGER: M. le Président...

M. CLOUTIER: Vous n'étiez pas au courant.

M. MORIN: Je ne vois pas ce que cela vient faire ici.

M. CLOUTIER: Ecoutez! Non, mais j'ai pensé rendre service à la commission.

M. BURNS: C'est au niveau du fond, on parle de la forme de la motion.

M. CLOUTIER: Je suis entièrement d'accord.

M. LEGER: Sur la recevabilité.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je suis prêt à rendre ma décision.

M. LEGER: M. le Président, sur l'article 160 du règlement...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je dis que je suis prêt à rendre ma décision.

M. LEGER: Mais quand même vous seriez prêt, M. le Président, l'article 160 permet à un membre de la commission de donner son point de vue, je vais vous lire l'article, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je m'excuse, mais l'article 43 dit également très clairement...

M. LEGER: Mais vous ne pouvez pas vous en servir à toutes les minutes.

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... que le président peut demander, lorsque le président rend sa décision... Le président se prononce sur les question de règlement au moment où il le juge à propos. Alors, je juge à propos de rendre ma décision...

M. LEGER: M. le Président, je trouve ça drôle qu'après deux intervenants vous arriviez toujours avec l'article 43. Cela ne se pourrait pas que, cette fois-ci, sur la recevabilité, vous

pourriez nous permettre d'ajouter d'autres choses, d'autres éléments?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je pourrais bien laisser tous les membres de la commission intervenir et je ne serai pas plus éclairé que je le suis, là.

M. LEGER: Cela dépend.

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'aimerais...

M. LEGER: Si je vous dis, M. le Président, que...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: ... qu'un article de...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. LEGER: ... une allusion ou un détail de plus...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. LEGER: ... à apporter...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît ! J'ai demandé la collaboration des membres de la commission...

M. LEGER: Vous voulez vous prononcer trop rapidement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Cela inclut le député de Lafontaine.

M. LEGER: Vous voulez vous prononcer trop rapidement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est un jugement que vous pouvez faire et c'est à moi quand même de voir à l'application des règlements, et c'est ce que je tente de faire dans des conditions passablement difficiles, vous en conviendrez.

M. LEGER: J'en conviens, M. le Président, mais c'est aussi difficile pour les députés de s'exprimer...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, j'ai dit que j'étais... A l'ordre!

M. LEGER: ... de voir constamment le président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. LEGER: ... qui se sert de l'article 43...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. LEGER: ... pour arrêter un député de s'exprimer sur la motion.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je rappelle le député de Lafontaine à l'ordre !

M. LEGER: J'ai droit à deux autres fois, mais je vais attendre pour connaître la raison pour laquelle le ministre...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. LEGER: ... veut le faire.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, ma décision. D'abord, je dois vous le dire, elle a été prise après consultation avec le président de l'Assemblée nationale, avant qu'on me suggère de le faire. Elle s'inscrit sur la même base que celle que nous avons acceptée pour certaines motions hier. Le règlement qui régit les travaux des commissions est très clair quant aux façons de procéder aux travaux. Je l'ai dit à plusieurs occasions et je le répète: Le mandat de la commission, après la deuxième lecture, est d'étudier le projet de loi 22, article par article. C'est le principe de base, c'est tout ce que doit faire la commission à ce moment-ci, sauf que certaines dispositions du règlement prévoient, par exemple, qu'à l'article 161 on nomme un rapporteur. C'est évident qu'une motion en ce sens, avant d'en arriver à l'article 1, est acceptable, de la même façon que nous avons accepté, en vertu de l'article 148, de donner le droit de parole à tous les députés.

Je veux qu'on soit constant dans nos décisions et c'est pourquoi je me réfère à l'article 154 qui dit très clairement: "Qu'il ne peut y avoir d'auditions publiques que devant une commission élue, pourvu que celle-ci y consente".

Je voudrais que la motion soit pour demander à la commission de se prononcer pour qu'il y ait des auditions publiques... J'aimerais relever l'argument du député de Maisonneuve qui dit: On a déjà décidé, ici, en commission, de mettre fin aux auditions. On l'a fait de la même façon que la motion du député de Saint-Jacques sur le droit de parole. J'ai déclaré qu'elle ne s'appliquait pas, à ce moment-ci de nos travaux, après la deuxième lecture, de la même façon que...

M. MORIN: M. le Président, nous acceptons votre point de vue. Il n'est pas nécessaire de discourir plus longuement. Nous nous rangeons à votre point de vue. Cette motion que vous proposez va, en effet, être utile. Disposons-en rapidement et passons à autre chose.

M. BURNS: Si le président veut continuer à circonstancier sa décision, je pense bien qu'on n'a pas d'objection.

M. HARDY: II semble que l'élément...

M. BURNS: A la suite de ce que le chef de l'Opposition a dit, simplement, après s'être consulté rapidement, on a dit: Ecoutez, il semble que la décision du président s'en va dans cette direction, alors soit. On n'est pas...

M. HARDY: Laissez-le s'expliquer...

M. BURNS: ... d'accord avec le président. On ne peut pas en appeler de sa décision et on la respecte.

M. HARDY: Laissez-le terminer, c'est de la jurisprudence.

M. BURNS: Je vais le laisser terminer, je suis d'accord, si le chef de l'Opposition est d'accord...

M. MORIN: Je n'ai pas d'objection.

M. BURNS: ... mais c'était pour aider le président que je voulais...

LE PRESIDENT (M. Gratton): J'ai terminé.

M. MORIN: Bien. M. le Président, je tiens pour acquis qu'il y a unanimité sur cette motion, ou bien est-ce qu'on doit passer à un vote formel?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. CLOUTIER: Ce n'est pas au chef de l'Opposition de tenir pour acquis. Je crois que le président devrait demander...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. MORIN: Nous acceptons...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre ! A l'ordre !

M. CLOUTIER: ... à la commission. Je crois que ce serait plus juste que vous parliez pour votre parti.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! Premièrement, qu'on formule la motion et qu'on se comprenne bien tous et chacun. Ma décision est que la motion se lise comme suit, si le député de Saint-Jacques est d'accord: "Que la commission consente à ce qu'il y ait auditions publiques durant l'étude du projet de loi 22, après la deuxième lecture".

M. LEGER: Pouvez-vous lire plus lentement, M. le Président, pour qu'on puisse écrire?

LE PRESIDENT (M. Gratton): "Que la commission consente à ce qu'il y ait auditions publiques durant l'étude..."

M. LEGER: On n'a pas de copie, M. le Président. A ce qu'il y ait?

LE PRESIDENT (M. Gratton): "... auditions publiques..." A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! Je vous demande votre collaboration sans quoi... A l'ordre! Dernier avertissement très formel. "Que la commission consente à ce qu'il y ait auditions publiques durant l'étude du projet de loi 22, après la deuxième lecture". C'est le texte qui respecte intégralement l'article 154.

M. LEGER: Merci, M. le Président.

M. CHARRON: M. le Président, puis-je vous demander une directive? Est-ce que cette motion, telle que libellée et — je me soumets à votre décision qui est conforme à l'article 154 — pourra être amendée à des fins particulières?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je prévois que vous voulez me demander si vous pourriez greffer un non, ajouter un non au texte de la motion. Je pense que, tout de suite, je peux vous répondre que non. La commission consentira ou ne consentira pas à des auditions publiques.

Une fois qu'on aura réglé cela, supposons que la commission accepte cette motion, à ce moment, il y aura seulement à avoir une autre motion chaque fois que vous voudrez faire entendre quelqu'un.

M. BEDARD (Chicoutimi): Question d'information.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Laissez-moi finir. Si, par hasard, la commission rejetait cette motion, il n'y en aurait sûrement pas.

M. BEDARD (Chicoutimi): Question d'information, M. le Président. Je voudrais savoir la portée de la motion sur laquelle on aura à voter. Si on vote négativement à la motion présentée par le député de Saint-Jacques, est-ce qu'à ce moment cela enlève toute possibilité, d'une façon définitive, à la commission d'entendre qui que ce soit durant qu'elle va siéger? Je pose cette question dans le sens suivant : Très normalement, et pour des motifs très sérieux, à ce moment-ci, les membres de la commission peuvent voter négativement à la motion faite par le député de Saint-Jacques parce qu'ils ne voient pas la nécessité à ce moment, de faire entendre qui que ce soit en audition publique à la commission.

Maintenant, il me semble que si c'est cela l'interprétation, je trouve qu'on se lie beaucoup en fonction de l'avenir ou de ce qui s'en vient. Il se peut que maintenant ce ne soit pas nécessaire, dans l'esprit de la commission, d'entendre qui que ce soit en audition publique. Il se peut aussi — et je ne pense pas qu'on doive fermer la porte, si on est sérieux — que demain, après une semaine de discussion, étant donné la manière dont s'orienteront les discussions ou les sujets sur lesquels ces discussions porteront, la

commission puisse juger opportun d'entendre quelqu'un en particulier sur un sujet précis. Est-ce qu'à ce moment — parce qu'on a voté trop rapidement ou encore, si on a voté contre cette motion — d'avance, la commission fermerait la porte à toutes possibilités d'entendre ultérieurement quelqu'un qui pourrait apporter un éclairage important au niveau de la commission et des discussions qui sont en cours et qu'il qu'il pourrait être, à ce moment, dans l'esprit même des membres de la commission, nécessaire d'être entendue?

Si on devait interpréter et je ne crois pas qu'on doive interpréteter, — en tout cas, c'est mon humble opinion, je ne me prétends pas un spécialiste en termes de règlement — disons que, démocratiquement parlant, et même au nom du sérieux que doit avoir la commission, je concevrais difficilement qu'on puisse fermer la porte dès maintenant à la possibilité ou à la nécessité d'entendre ultérieurement quelqu'un au niveau de cette commission. Je pense que, très sérieusement, cette commission peut décider qu'à ce temps de la procédure, il n'est pas nécessaire d'entendre qui que ce soit, mais elle peut tout aussi sérieusement décider, dans trois ou quatre jours, qu'il soit nécessaire d'entendre quelqu'un.

M. HARDY: M. le Président, sur la question de recevabilité...

M. BEDARD (Chicoutimi): Non, vous avez mal compris. C'est une question d'information. Je veux savoir, avant de voter sur la motion, quelle en est la portée.

M. HARDY: Vous demandez une directive.

M. BEDARD (Chicoutimi): Une directive. Est-ce que cela ferme les portes, d'une façon définitive, à toutes auditions ultérieures, si on vote négativement à ce temps-ci, ou encore si cela garde — je pense que ce serait sérieux, ce serait normal — une porte ouverte à la possibilité de faire une motion dans le même sens, aux membres de la commission?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Au moment où nous parlons, il n'y a aucune audition publique permise par le règlement, justement en vertu de l'article 154 qui dit qu'il ne peut pas y en avoir après la deuxième lecture, sauf si la commission y consent. Alors, dans le moment, il n'est pas question d'auditions publiques. A cause de l'article 154, il est possible, à mon avis, de faire une motion qui soit recevable pour permettre ces auditions publiques. Comme réponse directe à votre question, il est évident que, si la commission décide de rejeter la motion, c'en sera réglé pour la durée des travaux de la commission, à moins qu'un ministre se serve de l'article 89 pour une motion de révocation. Il y a cette possibilité. Pour être bien honnête avec vous, seul le ministre peut faire cette motion.

Mais si, par contre, elle est acceptée... Ce n'est pas à moi de deviner si elle sera acceptée oui ou non. Moi, mon rôle est de faire respecter le règlement, et c'est ce que je tente de faire. C'est la seule formulation de la motion qui m'apparaît recevable, et ceci, je le répète après consultation avec les officiers.

M. BEDARD (Chicoutimi): Votre interprétation est qu'on ne peut pas, ultérieurement, au niveau des travaux de cette commission...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A moins de se prévaloir de l'article...

M. LESSARD: L'article 154.

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... dont j'ai parlé sur la motion de révocation d'un ordre, et peut-être d'autres articles qui ne me viennent pas à...

M. LESSARD: Un ordre de l'Assemblée nationale.

M. BURNS: C'est justement un ordre qui n'aura pas été adopté. Alors, il n'y a pas d'ordre.

M. BEDARD (Chicoutimi): Si vous me permettez, c'est cela que je voudrais voir très bien éclairci. Quelle est votre interprétation? Est-ce que cela règle la question?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Mon interprétation, je vous l'ai donnée. Si la commission refuse la motion...

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous l'avez...

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... il n'en est plus question. Si elle l'accepte, bien...

M. BEDARD (Chicoutimi): A moins que, vous avez dit...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je me suis peut-être trop avancé en citant cela.

M. LESSARD: II n'est pas dit, M. le Président, à l'article 154, contrairement à l'article 157, que cette motion ne peut être présentée qu'une seule fois.

M. BURNS: II n'est pas dit qu'elle ne peut pas être amendée non plus.

M. LESSARD: II n'est pas dit qu'elle ne peut pas être amendée, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Non, mais il est dit... Je pense que c'est le principe général. Il faut qu'une motion soit conforme aux règlements.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je partage... M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Non, non. Ecoutez. J'ai rendu ma décision. Je pense bien...

M. BEDARD (Chicoutimi): Non, mais c'est une question de directive.

LE PRESIDENT (M. Gratton): ... que j'essaie d'être aussi large que possible.

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est une directive. C'est parce que j'ai de la difficulté, très sérieusement, à concevoir votre interprétation. Parce qu'au niveau d'une commission...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je conviens que cela peut être difficile à interpréter, à concevoir.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je vais essayer de vous expliquer. C'est que, quand une motion comme celle-là est acceptée au niveau d'une commission, comme on l'a vu en première lecture...

M. BOSSE: M. le Président, la décision du président, est-ce que c'est discutable, en vertu du règlement...

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, je n'en suis pas au niveau de votre décision.

M. BOSSE: C'est sur le fond.

M. BEDARD (Chicoutimi): J'en suis au niveau de l'interprétation de votre décision. Je pense que, si on veut...

M. BOSSE: II discute la décision, M. le Président.

M. BEDARD (Chicoutimi): Bien non! Je ne discute pas la décision.

M. BOSSE: Bien oui.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!

M. BEDARD (Chicoutimi): II ne comprend rien.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Je pense que vous avez très bien compris mon interprétation.

M. BEDARD (Chicoutimi): Seulement un exemple. Permettez-moi deux phrases, je veux savoir une chose. C'est pour cela que je comprends mal votre interprétation. C'est qu'au début d'une commission, comme c'est arrivé en commission parlementaire, après la première lecture, il est arrivé ceci: On a voté une motion afin d'entendre les différents groupes, d'entendre tous les groupes qui seraient intéressés à venir devant la commission. A un moment, cette même commission a décidé de cesser, d'elle-même, d'entendre ces groupes. Je me demande si la contrepartie ne peut pas être vraie, si on peut, à un certain moment, décider, au début d'une commission, que personne ne sera entendu, si la même commission peut, par la suite, décider, d'une façon très sérieuse, étant donné les circonstances et pour une meilleure compréhension du débat, que ce soit nécessaire de changer cette décision initiale afin d'entendre quelqu'un au niveau des discussions.

LE PRESIDENT (M. Gratton): La différence entre les deux situations auxquelles vous faites allusion, c'est qu'après la première lecture, le règlement prévoit très spécifiquement la possibilité et prévoit même des règles de pratique spéciales pour l'audition des organismes alors qu'après la deuxième lecture c'est tout à fait le contraire qui se produit. Le règlement dit bel et bien qu'il ne peut pas y avoir d'audition publique à moins que la commission y consente.

La seule question qu'on doit trancher vis-à-vis de la motion du député de Saint-Jacques est à savoir si la commission veut, consent à tenir des auditions publiques ou non, et je pense qu'au point de vue de l'interprétation, vous comprenez.

M. LESSARD: Je comprends...

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est ma décision et j'espère que vous allez vous y plier.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je comprends très bien votre interprétation. Je...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! C'est ma décision. On n'est pas pour passer l'après-midi là-dessus.

M. BEDARD (Chicoutimi): Pour être bien clair...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BEDARD (Chicoutimi): ... j'aurais à en discuter...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BEDARD (Chicoutimi): Je respecte votre décision...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Merci.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... mais je veux vous dire que je ne partage pas votre interprétation.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Parfait. A l'ordre!

Le député de Saint-Jacques sur la motion.

M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement pour poser seulement une question de directive. Est-ce que selon la décision que vous venez de rendre —je veux que vous écoutiez — vous jugez recevable la correction de la motion du député de Saint-Jacques et qu'on doive en discuter — elle est sur la table — ou trouvez-vous irrecevable la correction que vous avez apportée?

LE PRESIDENT (M. Gratton): La correction que j'ai apportée...

M. LEGER: Vous la jugez recevable? LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.

M. LEGER: Donc on discuterait là-dessus après votre jugement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): C'est cela. M. LEGER: C'est cela que je voulais savoir.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques sur la motion telle que formulée...

M. CHARRON: Sur la motion du président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui, si vous voulez.

M. CHARRON: ... parce que vous avez passablement épluché ma motion depuis...

M. HARDY: II l'a améliorée.

M. CHARRON: ... que je l'ai présentée. Enfin. Je soutiens encore que cette commission doit ouvrir les auditions publiques et j'appuie donc votre motion parce que je crois que nous n'avons pas fini de recevoir l'éclairage dont cette commission a besoin avant de se prononcer, article par article, sur le projet de loi.

Je ne soutiens pas, puisque le règlement me l'interdit, et que la Chambre me l'a imposé, que la réouverture de ces auditions publiques soit faite en vue d'entendre les 76 mémoires que nous avons laissés en plan. Cela a été une décision imposée par la majorité ministérielle et je n'ai pas le droit, même si j'en avais fortement envie, de la remettre en question.

Donc, je me suis prévalu de l'article 154, parce que je crois qu'après avoir entendu la population du Québec, telle qu'elle avait répondu à notre invitation — enfin ceux que nous avons bien daigné entendre à cette table — il serait peut-être bon à ce moment-ci d'entendre également ce que nous appelons habituellement la voix des spécialistes qui, eux, ne sont pas venus au moment où nous avions ouvert les portes de cette commission aux témoignages du grand public de toutes les régions du Québec, de toutes les classes sociales, de toutes les organisations qui ont bien voulu répondre à notre invitation.

Effectivement, sur le plan des spécialistes, je crois que le seul groupe que nous ayons entendu au cours des auditions publiques, à la suite de la première lecture, vient probablement du témoignage que l'Association des démographes du Québec nous a apporté.

Ils ont apporté leur démoignage sous l'angle professionnel, conscients de la baisse de population du Québec, du taux d'érosion de la langue française et de la force d'anglicisation qui se manifeste dans toutes les régions du Québec. M. le Président, je vous propose maintenant, à vous et à la commission, d'ouvrir à nouveau les portes de cette commission pour entendre un témoignage en particulier. Bien sûr, il ne sera aucunement interdit à d'autres membres de la commission de signaler d'autres témoins que nous devrions entendre.

M. le Président, je soutiens que cette commission devrait entendre un expert en droit constitutionnel. Celui que j'ai voulu proposer à la commission, ce matin, M. le Président, ne manque certainement pas de galons, de mérite et ne manque certainement pas de crédibilité dans ce domaine.

L'Opposition officielle a recommandé que nous entendions M. Edward McWhinney, qui a été un des commissaires de la Commission Gendron qui nous a soumis un rapport extrêmement détaillé et dont l'appréciation en haut lieu n'a fait aucun doute, M. le Président, quant à sa qualité et sa portée réelle.

Nous aurions besoin d'entendre M. McWhinney parce que, comme l'a soutenu le député de Mont-Royal. Avant de voter contre le projet de loi, certains membres de cette assemblée ont encore des doutes quant à la portée constitutionnelle et la légitimité constitutionnelle de cette loi et, aussi bien pour le député de Mont-Royal que pour le député de Sainte-Anne, qui ont voté contre cette motion de deuxième lecture, peut-être les éclaircissements d'un expert constitutionnel seraient de bon aloi avant que nous en entreprenions l'étude article par article. M. le Président, vous devinez bien qu'il y a une deuxième raison à cette motion que je présente pour que nous entendions un expert en droit constitutionnel. Lorsque, ce matin, vous m'avez permis de déposer ma motion avant de la déclarer irrecevable et de la modifier, j'ai soutenu que je n'avais pas encore, jusqu'à hier soir, l'intention de faire cette proposition à la commission, mais la manchette des quotidiens de ce matin nous invite certainement à poser ce geste.

En effet, M. le Président, la majorité anglaise du Canada a fait savoir, par son gouvernement et par son premier ministre hier, qu'elle étudiait la possibilité très réelle de désavouer une loi qu'un parlement québécois aurait votée pour assurer sa sécurité culturelle. Cette nouvelle ingérence du gouvernement central et de la

majorité anglaise dans nons propres affaires, M. le Président, non seulement constitue-t-elle à nouveau une provocation et un rappel que dans ce régime constitutionnel, nous sommes un peuple inférieur et qui, même dans le domaine de sa sécurité culturelle, doit se soumettre à l'aveu ou au désaveu de la majorité anglaise du pays...

M.HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. CHARRON: ... mais plus que cela, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! L'honorable député de Terrebonne.

M. HARDY: M. le Président, est-ce que le fond de la motion, l'objet de la motion ou l'intention derrière la motion du député de Saint-Jacques est de vérifier, à l'aide d'un expert en droit constitutionnel, si la loi 22 est constitutionnelle ou non? Je ne pense pas, M. le Président, que ce soit l'occasion de faire le procès du fédéralisme. Si vous avez d'excellentes raisons...

M. CHARRON: Vous êtes chatouilleux là-dessus.

M. BBDARD (Chicoutimi): II faut tenir compte des interventions.

M. HARDY: Au contraire, M. le Président, je considère, en tant que Québécois, en tant que membre de ce Parlement et même en tant que membre de ce gouvernement, que le fédéralisme peut être remis en question.

Mais je dis que — pour le bon ordre de nos travaux et pour répondre à la demande du président qui nous demandait notre collaboration — vous pourriez vous en tenir à la pertinence de votre motion, à savoir l'à-propos de convoquer un expert en droit constitutionnel. Je ne pense pas, M. le Président, même si nous faisions venir cet expert en droit constitutionnel, que nous aurions à lui poser des questions sur l'ensemble du fédéralisme. Nos questions seraient à savoir si la loi 22 est constitutionnelle ou non. Donc, les propos sur votre motion...

M. MORIN: Mais c'est lié au régime fédéral.

M. HARDY: De nouveau le député de Sauvé, dans sa grande politesse...

M. MORIN: Vous avez interrompu le député de Saint-Jacques, pourquoi ne puis-je vous faire une objection?

M. HARDY: M. le Président, j'ai interrompu le député de Saint-Jacques, avec votre permission, sur une question de règlement.

M. MORIN: Eh bien, je vous interromps avec la permission du président...

M. HARDY: Non. Nous sommes sur une question de règlement. Voulez-vous rappeler cela au député de Sauvé?

M.MORIN: Moi aussi, j'étais sur une question de règlement.

M. HARDY: Sur une question de règlement, on n'interrompt pas.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. HARDY: Le député de Saint-Jacques parlait du fond de la motion et j'ai demandé...

M. CHARRON: Allez-vous me l'interdire?

M. HARDY: Non. Je vous demande tout simplement de vous en tenir à la règle de la pertinence du débat.

M. CHARRON: Depuis quand est-ce que je n'ai pas le droit de soutenir les motifs de la motion? Le motif principal de cette motion et ce qui a fait la première page, ce matin, la majorité anglaise du pays, par son gouvernement...

M. HARDY: M. le Président, j'invoque de nouveau le règlement.

M. CHARRON: ... a laissé entendre qu'on étudiait la possibilité de désavouer une loi du Parlement québécois.

M. HARDY: M. le Président, j'invoque de nouveau le règlement.

M. CHARRON: Est-ce que ce n'est pas un motif suffisant? Est-ce que je ne suis pas en pleine régularité de soutenir, à l'appui de ma motion, cet événement de ce matin?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Il y a un nouveau...

M. HARDY: M. le Président, j'invoque la question de règlement. En plus de la pertinence du débat, M. le Président, c'est bien sûr que le député de Saint-Jacques a le droit de "s'à-plat-ventrir" devant le pouvoir fédéral et de changer son attitude.

M. MORIN: Oh non!

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BEDARD (Chicoutimi): Est-ce que le ministre des Affaires culturelles permettrait une question que je voudrais lui poser? Comment peut-on, dans le contexte actuel, parler de constitutionnalité sans parler nécessairement de fédéralisme?

M. HARDY: Vous n'avez rien compris.

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est vous qui n'avez rien compris quand vous vous opposez à ce que le député de Saint-Jacques parle là-dessus, c'est le fond de la question.

M. LESSARD: IL y a seulement le ministre des Affaires culturelles qui comprend quelque chose.

LE PRESIDENT(M. Gratton): Le député de Saint-Jacques.

M. LESSARD: A la Jean-Noël Tremblay. LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. HARDY: Elle est vieille.

M. CHARRON: M. le Président, l'intervention du "foreman" des Affaires culturelles m'invite à préciser encore un peu plus la motion que j'avais l'intention de vous proposer.

M. HARDY: Celle-là aussi est vieille. Vous êtes rendus à la dixième édition.

M. CHARRON: Mais vous êtes de plus en plus ce que j'ai déjà décrit.

M. HARDY: Même pas corrigée.

M. BEDARD (Chicoutimi): Quand c'est bon, c'est bon longtemps.

M. CHARRON: M. le Président, qui contestera autour de cette table.à la suite de l'annonce faite par le premier ministre de la majorité anglaise du pays, hier, que nous vivons dans un régime où n'importe quelle loi de cette province peut être désavouée et annulée par une décision d'un gouvernement étranger? Qui peut nier que la majorité anglaise, hier soir, par la voix de son premier ministre et de son gouvernement, a laissé entendre que, de son côté, elle étudiait tous les moyens et tous les aspects constitutionnels de cette loi et qu'il se peut que tout le gonflage qu'on a fait autour de cette loi du côté gouvernemental soit annulé par la décision d'un autre gouvernement? Voilà le motif principal qui m'amène à proposer la réouverture des auditions publiques et à entendre M. McWhin-ney pour que cet expert constitutionnel — qui a d'ailleurs déjà de son propre chef, recommandé et souligné au gouvernement la possibilité de modifier l'article 133 de la constitution, recommandation et aveu que le gouvernement, de son propre chef aussi, a décidé de ne pas suivre — vienne à la table de cette commission et nous indique où et à quel endroit de la loi effectivement, la majorité anglaise du pays pourrait prétendre trouver argument pour dire que cette loi est anticonstitutionnelle, qu'elle ne respecte pas le British North America Act, voté par le

Parlement de Londres en 1867 et qui est le régime dans lequel nous vivons et que soutient ce gouvernement. Il pourrait nous indiquer et nous aider à faire une loi que, même si demain matin la majorité anglaise du pays, par son gouvernement, par sa force économique et par sa force numérique, décidait de mettre en pièces, même si elle a été votée par une Assemblée nationale des Québécois, nous aurions la certitude que cette loi est parfaitement constitutionnelle et nous pourrions soumettre nos lois qui concernent la sécurité culturelle des Québécois sans aucune crainte à la chasse et au crible que veut en faire la majorité anglaise.

Nous ne sommes pas souverains, M. le Président, nous ne pouvons même pas légiférer en matière culturelle sans que, automatiquement, la première page des journaux évoque la possibilité, pour la majorité anglaise, de trouver une faille dans notre loi et de l'annuler, de la mettre sans valeur, même après toutes les semaines et les heures que nous aurons mises, article par article, à édifier cette loi selon l'entendement que nous en avons.

Nous vivons dans ce régime et qui plus est, M. le Président, c'est ce gouvernement qui l'a vendu aux Québéois ce régime. Je dis maintenant: Payez-en le prix! Vous savez que la majorité anglaise, demain matin, peut dénoncer notre loi. Faisons donc venir M. McWhinney, cet expert anglophone que tout le monde reconnaîtra, qui a participé aux travaux de la commission Gendron, et demandons-lui de nous aider à faire que notre loi soit, à tout le moins étanche et ne donne pas trop prise à la majorité anglaise du pays pour qu'elle vienne, dans le domaine culturel, comme elle intervient quotidiennement dans notre vie économique ou dans notre vie sociale, imposer ses règles, ses conceptions, comme si nous n'étions pas un peuple normal, capable de décider par lui-même et d'assurer par lui-même sa sécurité culturelle.

Ce n'est pas une phrase en l'air, M. le Président. Le premier ministre du Canada a dit hier qu'il avait chargé son cabinet et des membres de son cabinet de scruter cette loi et d'en vérifier les possibilités de contestation sur le plan de la constitutionnalité. Le moins que nous puissions demander au gouvernement québécois, s'il est le moindrement le gouvernement des Québécois, c'est que lui aussi se prépare à défendre la constitutionnalité de cette loi. S'il est un homme qui peut nous aider à préparer la défense de la constitutionnalité, à fermer les brèches et les trous qu'il y a dans la loi sur le plan constitutionnel, c'est M. McWhinney qui, lors de l'ouverture de l'audition publique, pourrait venir nous signaler les points faibles de la loi, à partir desquels certains experts, comme M. Frank Scott, ont déjà déclaré que la loi; effectivement sur le plan constitutionnel, était faible, laissait prise à la majorité anglaise et que ce gouvernement pouvait se retrouver non seulement faible comme il est, mais dans une situation ridicule où, après avoir imposé une loi

à l'ensemble des Québécois quand ceux-ci n'en voulaient pas, il se retrouverait au bout de la ligne avec un désaveu de son patron fédéral. C'est pour éviter le ridicule et, encore une fois, l'humiliation des Québécois que je propose simplement à ce Parlement et à cette Assemblée nationale de nous préparer à nous défendre. Parce que la majorité anglaise, par son premier ministre et par son gouvernement, hier, nous a avisés qu'elle se préparait à nous attaquer.

Préparons donc notre défense et édifions donc une loi constitutionnelle! S'il est un homme qui peut nous aider à édifier une loi, qui, — malgré toutes les astuces et toutes les finesses du premier ministre du Canada, malgré toutes les forces et les arguments qu'invoquera la majorité anglaise du pays — demeurera au-thentiquement une loi québécoise et que devra assumer, face aux Québécois, le gouvernement qui l'a imposée pendant les vacances des Québécois.

Mais cette ouverture des auditions publiques, s'il est un sens à y donner, c'est de préparer la défense, parce que vous avez dans la première page de tous les journaux, ce matin, l'avis très net et le rappel très net du régime fédéral dans lequel nous vivons: Vous êtes une minorité et vous ne pouvez décider rien, même pas votre sécurité culturelle sans que la majorité anglaise se permette le droit d'envahir ce terrain et d'annuler vos propres décisions.

Cette humiliation que nous avons reçue encore une fois, hier, de la part du gouvernement de la majorité anglaise du pays, est-ce que ces Québécois autour de cette table, ont suffisamment de dignité pour au moins esquisser un système de défense qui, sur le plan de la constitutionnalité ferait que cette loi serait inattaquable.

Pour le reste, quant à son fond politique, quant à sa portée réelle, ce sont les Québécois qui seront les juges, qui jugeront ce gouvernement. Mais, de grâce! ne poussez pas l'humiliation jusqu'à permettre qu'une loi qui aurait été aussi débattue, dans des conditions aussi difficiles et qui sera le choix d'un gouvernement majoritaire, contre le voeu de la population du Québec, soit ridiculement annulée demain, parce que vous n'aurez pas pris les précautions suffisantes sur le plan constitutionnel. Qu'une fois de plus, on se fasse rappeler, comme on se le fait rappeler quotidiennement dans les usines, comme on se le fait rappeler quotidiennement dans toute la vie québécoise, que nous sommes une minorité qui ne peut même pas imposer sa langue, là où elle est majoritaire sans que la majorité anglaise du pays le consente ou le concède.

Est-ce qu'il existe encore assez de volonté québécoise dans ce gouvernement pour aller dans le sens de la motion que j'ai présentée et demander avis à un expert que tout le monde a reconnu et qui a déjà signalé dans des auditions publiques qu'il accordait des failles dans la loi 22.

Il y a d'autres experts d'ailleurs, si le gouvernement n'a aucune objection à le faire. Que ces experts viennent nous dire qu'effectivement tel article, à la façon hypocrite dont il est rédigé, laisse prise à une contestation constitutionnelle et nous expose à nous retrouver au bout de la ligne, demain matin, avec une décision de là cour Suprême du Canada — où les Québécois ont toujours été et ne seront jamais plus que le tiers des représentants — qui déclarerait du haut de sa hauteur que ce que la tribu francophone du Québec a décidé est absolument non valide parce qu'elle ne respecte pas la loi que Londres a votée en 1867.

Est-ce qu'il reste encore suffisamment de force à l'intérieur de ce gouvernement pour au moins éviter que nous n'ayons pas cet air ridicule au bout de la ligne? C'est l'unique sens de ma motion, M. le Président. Vous avez voulu l'élargir en faisant qu'elle soit une audition publique où d'autres témoins, où d'autres experts pourront venir prémunir la loi, et lui assurer, si elle n'a pas d'allure quant à la portée réelle du français et à la sécurité du français, qu'au moins, sur le plan constitutionnel, elle ne soit pas empreinte de trous et de failles comme a déjà commencé à le sentir la majorité anglaise du pays.

Il fallait probablement deviner, M. le Président, hier soir, la satisfaction que devait éprouver le premier ministre de la majorité anglaise du pays, lorsqu'il disait: "Vous savez, ne vous inquiétez pas, on les laisse aller, on laisse aller le petit gouvernement provincial. Quand nous jugerons bon de rétablir les faits, si on sent qu'il va trop loin, si on sent qu'il prend trop de liberté avec la loi que les députés de Londres ont votée en 1867, nous lui rappellerons qu'il n'est qu'une minorité, qu'il n'est pas chez lui, qu'il ne sera jamais chez lui tant qu'il n'aura pas décidé de prendre les pouvoirs politiques qu'on lui concède. Nous l'humilierons une fois de plus".

Est-ce que vous voulez encore une fois, comme vous l'avez fait aussi servilement sur le plan économique, faire le jeu de Trudeau et de la majorité anglaise? Est-ce que c'est ce chemin-là? Est-ce que vous voulez encore lui permettre de se faire des lauriers en piétinant les droits des Québécois pour obtenir la gloire au sein de la majorité anglaise du pays?

Si c'est à ce point de servilité qu'est rendu le gouvernement, M. le Président, alors, qu'il batte ma motion. Comme le ministre de l'Education, qu'il se cale dans son fauteuil et qu'il admire sa loi. Mais, par la suite, lorsque le gouvernement fédéral interviendra et annulera, comme si nous étions un troupeau d'indigènes incapable de décider par lui-même ce qu'il est en train de devenir, une loi qui vise essentiellement la sécurité culturelle des Québécois, vous prendrez votre bonheur, vous prendrez votre petit bonheur de chemin et vous retournerez chez vous avec votre loi dans votre poche. Et vous continuerez, à la prochaine campagne électora-

le, à vous promener sur les "hustings" en disant: Vive le fédéralisme qui nous humilie quotidiennement et qui nous rappelle quotidiennement que même dans la sécurité culturelle, on n'est pas capable de décider par nous-mêmes sans le consentement de la majorité anglaise.

C'est le sens de ma motion, M. le Président, que nous entendions à cette table les experts qui, sur ce plan-là au moins, nous garantissent que nous ne subirons pas l'humiliation et le piétinement de nos droits par une majorité qui nous est étrangère et qui nous restera étrangère. Par la suite, ce sera un problème entre Québécois de donner à cette loi, par des amendements que nous allons y proposer, une portée beaucoup plus réelle dans la protection du français que cette vaste mascarade du bilinguisme qu'on trouve à chacun de ces articles.

C'est le sens de ma motion, M. le Président, et c'est également, je crois, le sens d'un désir profond d'assurer que, dans ce domaine au moins, un gouvernement qui se tape les bretelles de souveraineté culturelle puisse au moins prendre les mesures nécessaires pour ne pas subir l'humiliation.

Comme adversaire de ce gouvernement, je pourrais très bien me réjouir de l'humiliation éventuelle de ce gouvernement lorsqu'on contestera la constitutionnalité de cette loi, mais comme Québécois, même si je suis adversaire de ce gouvernement, c'est quand même le gouvernement du Québec et par là, le gouvernement de tous les Québécois qui se trouvera humilié, si pareille chose se présente.

Tout ce que je demande, c'est qu'au moment où les fédéraux et la majorité anglaise du pays se préparent à contester cette loi, nous nous assurions qu'elle est incontestable sur le plan constitutionnel et M. McWhinney peut certainement être quelqu'un qui nous aide à la préparer. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!

M. BERTHIAUME: On vient d'entendre le faible écho de Maurice Duplessis.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre de l'Education

M. CLOUTIER: M. le Président... M. BERTHIAUME: Le faible écho.

M. CLOUTIER: Et l'on viendra prétendre que la liberté de parole n'existe pas au Québec, après ce que nous venons d'entendre. J'ai dit, hier, sur un ton serein et calme, ce que je pensais des manoeuvres d'obstruction du Parti québécois. Autant j'ai de respect pour un parti qui a une opinion et qui a fait une option, autant je n'en ai pas pour un parti qui choisit de porter le débat au niveau des procédures et non au niveau du fond. Aurions-nous, hier, accepté de commencer la discussion de l'article 1? Le Parti québécois aurait pu — et cela aurait été de bonne guerre — faire exactement le même "filibustering", mais, à ce moment, à partir d'arguments qui auraient servi la collectivité québécoise. Le Parti québécois a choisi de procéder autrement. Je crois que c'est là une démarche à courte vue et que l'avenir nous donnera raison.

Je n'ai pas l'intention de tomber dans l'écueil de faire un discours politique et je m'en tiendrai à la pertinence du débat. Même s'il peut paraître beaucoup plus agréable de se faire applaudir, ce n'est pas le but que je recherche. J'ai, en deuxième lecture...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. CLOUTIER: ... fait un exposé complet du cheminement que le gouvernement québécois avait suivi de manière à proposer une politique linguistique. Qu'on ne s'y trompe pas, c'est une politique linguistique majeure qui représente le résultat, non pas d'une improvisation, mais le résultat d'un très long travail. Cette politique linguistique est basée sur...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! * M. CLOUTIER: ... les recommandations...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre! J'en ai jusque là. Je demande... A l'ordre! Je demanderais...

M. CLOUTIER: Cette politique, dis-je...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je m'excuse, mais je demanderais aux gardes du service de la sécurité de prendre les mesures nécessaires pour faire évacuer ceux qui causent le désordre. A l'ordre! Messieurs les photographes, je vous invite à vous rappeler la consigne.

UNE VOIX: M. le Président, sur ce point-là... UNE VOIX: Le pseudo-président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): La commission suspend ses travaux jusqu'à vingt heures.

(Fin de la séance à 17 h 23) * Note de l'éditeur: Rappel à l'ordre du président à la suite de manifestations dans l'assistance.

Reprise de la séance à 20 h 10

M. GRATTON (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs !

Au moment de la suspension des travaux de cet après-midi, j'avais demandé qu'on évacue les galeries du public. Je constate à regret qu'elles n'ont pas été évacuées et je me vois donc dans l'obligation, de façon que cette commission ne tourne pas en cirque ou en foire, d'ajourner les travaux de la commission jusqu'à nouvel ordre de l'Assemblée.

(Fin de la séance à 20 h 11)

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