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Commission permanente de l'éducation,
des affaires culturelles et des communications
Etude du projet de loi no 22
Loi sur la langue officielle
Séance du mardi 9 juillet 1974
(Seize heures dix-sept minutes)
M. GRATTON (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs!
Dès le départ, j'aimerais aviser la commission des membres
pour la séance d'aujourd'hui. Ce sont M. Bérard (Saint-Maurice);
M. Charron (Saint-Jacques); M. Déom (Laporte); M. Cloutier (L'Acadie);
M. Hardy (Terrebonne); M. Lapointe (Laurentides-Labelle); M. Tardif (Anjou); M.
Morin (Sauvé); M. Parent (Prévost); M. Beauregard (Gouin); M.
Saint-Germain (Jacques-Cartier); M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Veilleux
(Saint-Jean).
Les organismes que nous entendrons aujourd'hui sont, dans l'ordre: le
Congrès juif canadien, région est, le Conseil des
fédérations ethniques de la province de Québec,
l'Association coopérative d'économie familiale de Thet-ford Mines
et le Comité d'école de Boischatel.
Si je comprends bien, dans le cas du Congrès juif canadien,
région est, le porte-parole officiel est M. Levy.
M. PINSKY: Mon nom est Joël Pinsky. Je vais faire l'introduction
bientôt.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Parfait. Je vous inviterais...
M. CHARRON: M. le Président, avant que nous entreprenions
d'entendre les témoins et notre journée de témoignages,
pouvez-vous vous informer auprès du ministre de l'Education quant au
calendrier de travail de la commission au cours de la semaine? Le ministre
peut-il nous dire combien d'organismes ont été convoqués,
quand les entendrons-nous et quel est l'horaire qu'il entend nous proposer?
M. CLOUTIER: M. le Président, je crois comprendre qu'il y a en ce
moment une conférence des leaders des partis politiques, suivant notre
règlement, pour discuter de la possibilité de mettre fin aux
travaux de la commission. Ce n'est pas le moment de présumer de la
décision qui sera prise, mais un certain nombre des membres de cette
commission m'ont fait part que la commission siégeait depuis
déjà quatre semaines, qu'un nombre considérable
d'organismes avaient été entendus, que depuis quelques jours les
répétitions se multipliaient, qu'un bon nombre d'organismes, se
réclamant d'autres organismes, avaient été
convoqués et, à la suite de ces témoignages, j'ai cru bon
de prévenir le leader du gouvernement qui a prié le
président de l'Assemblée de convoquer cette réunion. Je
pense qu'il faut en attendre les résultats.
M. CHARRON: M. le Président, ma question était
effectivement à la recherche d'une réponse dont je me doutais
depuis la convocation des leaders parlementaires. Le ministre vient de me
confirmer que le gouvernement a l'intention d'utiliser ce qu'on appelle, en
termes parlementaires, la guillotine pour mettre fin aux travaux de la
commission.
M. CLOUTIER: M. le Président, c'est présumer de la
décision qui sera prise par les leaders.
Il n'est pas du tout exclu que les leaders se mettent d'accord pour
mettre fin aux travaux de la commission, parce que même les membres du
Parti québécois peuvent peut-être en venir à la
conclusion qu'ils sont suffisamment informés. D'ailleurs, le simple fait
qu'ils aient présenté leur contre-projet de loi semble bien
montrer qu'ils étaient déjà suffisamment
informés.
M. CHARRON: M. le Président, le ministre m'a interrompu sans en
avoir le droit. Je vais faire lecture aux membres de la commission de cet
article dont se prévaut actuellement le gouvernement pour "caucusser"
entre les leaders parlementaires quant à la fin des travaux de la
commission.
Il s'agit de cet article 156, M. le Président, qui dit:
"Lorsqu'une commission a étudié un projet de loi pendant une
période de temps correspondant à l'importance ou à la
longueur du projet, le leader parlementaire du gouvernement peut, sans avis,
proposer une motion énonçant les modalités d'un accord
conclu entre les leaders parlementaires des partis reconnus ce qu'on
tente de faire actuellement, dans le bureau du Président de
l'Assemblée, au moment où je vous parle au cours d'une
conférence convoquée par le Président, à la demande
du leader parlementaire du gouvernement. Cette motion est décidée
immédiatement, sans débat ni amendement.
Si, à la suite de la convocation de la conférence des
leaders parlementaires, une entente n'a pu être conclue, le leader
parlementaire du gouvernement le déclare à l'Assemblée et,
après avis, il propose que le rapport de la commission soit
présenté à l'Assemblée dans le délai qu'il
indique. Cette motion ne peut subir d'amendement".
M. le Président, je ne vous surprendrai pas si je vous dis que
c'est probablement ce deuxième paragraphe de l'article 156 qui
s'appliquera, car je m'étonnerais beaucoup que le leader parlementaire
de l'Opposition officielle, qui participe actuellement à cette
conférence de leaders, accepte qu'on mette fin aussi rapidement aux
travaux de la commission. Pour 77 p.c. de témoins anglophones que nous
avons entendus,
nous nous sommes contentés d'entendre à peine 38 p.c. des
francophones qui ont demandé de se faire entendre.
M. CLOUTIER: Question de règlement. Je ne crois pas que ce soit
le moment, M. le Président...
M. CHARRON: M. le Président, je...
M. CLOUTIER: ... ni le lieu d'un débat. Je conteste d'abord les
chiffres du député de Saint-Jacques. Tout ce que j'ai dit en
réponse à une de ses questions, c'est qu'il y avait actuellement
une rencontre entre les leaders. Attendons le résultat de cette
rencontre et, à ce moment-là, nous verrons de quelle façon
le règlement pourra s'appliquer. Ce n'est pas le moment ni le lieu d'un
débat. Nous sommes ici pour entendre un organisme qui a bien voulu se
présenter devant nous.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Si les membres...
M. CHARRON: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): ... me le permettent, j'aimerais souligner le
fait que, bien qu'il y ait, comme l'a dit le ministre de l'Education, la
conférence des leaders parlementaires dans le moment, il y a
également l'article 6 des règles de pratique des commissions
parlementaires, deuxième paragraphe, qui dit: Lorsqu'elle croit
être suffisamment renseignée sur le projet de loi, la commission
peut décider de cesser les auditions.
Je pense qu'il n'y a pas de motion à cet effet encore. J'aimerais
suggérer aux membres de la commission que nous pourrions commencer
l'audition du groupe qui est devant nous présentement, quitte ensuite,
à reprendre le débat, si débat il doit y avoir,
après la réunion des leaders parlementaires.
M. CHARRON: Non, M. le Président, parce que nous sommes
directement visés par l'article du règlement que vous venez de
mentionner. C'est justement à cet égard que je faisais cette
intervention. Si vous me permettez de la poursuivre pendant deux ou trois
minutes, vous allez comprendre parfaitement que c'est justement l'application
du règlement que je veux connaî tre de la part du
gouvernement.
Il y a donc deux façons, quand un gouvernement décide
d'adopter une loi à la vapeur, de mettre fin aux travaux de la
commission. Vous venez de signaler cette disposition qui permettrait à
la commission de décider elle-même qu'elle est pour
reprendre le vocabulaire du texte même du règlement
suffisamment informée. C'est évidemment une motion qui serait
débattable, ce qui permettrait à tous les membres de la
commission, et non pas simplement à ceux que le ministre a bien voulu
consulter, c'est-à-dire à ceux de son parti, parce que je ne
crois pas que nous ayons débattu cette question à savoir si nous
étions suffisamment informés de façon formelle, à
part le caucus spécial du Parti libéral actuellement, mais jamais
cette commission n'a eu à débattre cette question.
Il y a donc deux façons. A l'article 6, la commission en
déciderait elle-même, libres seraient les députés de
donner leur avis s'ils se sentent suffisamment informés ou s'ils croient
bon que nous rétablissions un peu plus d'équité dans les
mémoires entendus jusqu'ici entre les deux groupes ethniques, entre la
majorité et la minorité anglophone du Québec.
Il y a l'autre façon qui, elle, je dirais, est devenue le choix
du gouvernement par le fait même que la commission a eu lieu: c'est la
guillotine, qui plutôt que de se passer ici, se passe à la Chambre
et que nous recevions tout simplement, sans que nous ayons aucunement
l'occasion de nous prononcer à savoir si nous sommes suffisamment
informés, si nous croyons qu'il y a des groupes de plus que nous
devrions entendre, sans même que l'avis des parlementaires qui, depuis
quatre semaines, suivent l'activité de cette commission, qui sont les
mieux placés pour se prononcer sur cette décision à une
occasion ou à une autre beaucoup mieux que n'importe quel autre
parlementaire pris dans d'autres commissions ou qui n'a pas participé
à nos travaux mais c'est cette façon qu'a
décidé de prendre le gouvernement. Il faut croire que, même
si on n'en arrivera pas à une entente, telle que stipulée dans le
premier paragraphe de l'article 156, le gouvernement se prévaudra de
l'article 156, deuxième paragraphe, c'est-à-dire que le leader du
gouvernement, lui, proposera un ordre à la Chambre et lorsque celui-ci
sera adopté par l'écrasante majorité du gouvernement, tout
ce que nous aurons à faire, nous, sera de prendre avis que la Chambre
vient de nous retirer la permission de siéger et de nous en retourner,
sans que même nous ayons eu l'occasion de mettre en lumière chacun
des acquis de la commission parlementaire depuis quatre semaines de
session.
Je veux donc demander, M. le Président, dans ce choix de
règlement, je veux demander au...
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre des Affaires culturelles.
M. HARDY: Comme vous l'avez très bien rappelé tantôt
et je pense que nous avons manifesté beaucoup de patience, M. le
Président nous sommes actuellement totalement hors du sujet. Il
se passe quelque chose à un endroit, mais nous sommes
présentement en commission parlementaire. En commission parlementaire,
la seule chose qui est devant nous
présentement, ce sont les personnes qui se sont
présentées pour être entendues. Me permettez-vous, M. le
Président, de souligner, une fois de plus, l'incohérence et
l'illogisme de ceux qui siègent à votre gauche. D'une part, ils
nous reprochent de vouloir peut-être mettre fin aux travaux et, en
même temps, ils empêchent de parler les gens qui sont venus ici
pour se faire entendre. C'est la situation des gens qui siègent à
votre gauche.
Mais, indépendamment de cet illogisme et de cette
incohérence, je vous rappelle, M. le Président, que nous sommes
ici régis par un règlement, et le débat qui est
actuellement engagé est absolument antiréglementaire. S'il y
avait une motion à l'effet de mettre fin à nos travaux, les
propos du député de Saint-Jacques seraient fondés. Le
député de Saint-Jacques serait fondé à dire
pourquoi il n'est pas favorable à la motion, mais telle motion n'est
pas, présentement, devant nous. Ce que nous avons devant nous, c'est une
série de groupes qui ont été dûment convoqués
aujourd'hui et que nous devons entendre.
Alors, je vous demande bien respectueusement, M. le Président, de
faire appliquer le règlement, de mettre fin à ce débat
illégal et d'inviter les personnes qui se sont présentées
ici à bien vouloir nous donner lecture de leur mémoire.
Motion de M. Charron
M. CHARRON: M. le Président, j'ai une motion à proposer
à la commission. Je regrette également, comme vient de le dire le
ministre des Affaires culturelles, que ce soit le premier groupe qui ait
à attendre, mais vous comprenez dans quelles circonstances vous venez
témoigner. Vous n'êtes ici aujourd'hui, à peu près,
que pour la forme. Le gouvernement a déjà décidé et
il a déjà arrêté sa position.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! M. CHARRON: Nous avons donc...
LE PRESIDENT (M. Gratton): J'inviterais le député de
Saint-Jacques à présenter sa motion.
M. HARDY: Vous êtes des dictateurs, mais cela ne veut pas dire que
tout le monde est comme vous.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. CHARRON: M. le Président, je vous ai expliqué tout
à l'heure qu'entre les deux façons d'amener la guillotine, le
gouvernement a choisi celle qui figure à l'article 156 de notre
règlement.
Je vous relis le deuxième paragraphe parce qu'il expliquera le
sens de ma motion, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Si le député de Saint-Jacques
voulait bien me formuler sa motion... Parce que je pense qu'il conviendra avec
moi que la réunion des leaders parlementaires qui a lieu
présentement pourrait très bien déboucher non pas sur
l'article 156 qu'il nous cite, mais pourrait tout aussi bien déboucher
sur le deuxième paragraphe de l'article 6 des règles de
pratique.
M. CHARRON: Non...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je pense qu'il n'est pas du domaine de la
commission de juger, de préjuger quelle sera la décision rendue
par la conférence des parlementaires qui a lieu présentement.
C'est pourquoi j'invite le député de Saint-Jacques
à faire sa motion, quitte ensuite à nous livrer les raisons qui
la motivent.
M. CHARRON : Ma motion visera à ce que le ministre de l'Education
fasse connaître aux membres de la commission parlementaire de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications les
recommandations qu'il a faites à son leader quant à la poursuite
des travaux de la commission et que le leader doit être en train de
présenter actuellement aux autres leaders des partis de
l'Opposition.
Ma motion serait donc la suivante...
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement. Je
voudrais bien savoir en vertu de quel règlement, de quel article, le
député de Saint-Jacques peut faire la motion dont il vient de
nous communiquer la substance. Le député de Saint-Jacques veut
faire une motion pour que le ministre de l'Education dise ce qu'il a pu dire
aux leaders parlementaires. Tout cela n'a aucune base juridique, aucune base
légale. Encore une fois, je répète que ce qui peut se
passer présentement dans le bureau du président de
l'Assemblée nationale n'a rien à voir, juridiquement, avec les
travaux de la présente commission.
Or, M. le Président...
M. CHARRON: Je m'excuse. C'est à partir de la réponse
même du ministre de l'Education que j'en suis venu là.
M. HARDY: M. le Président...
M. CHARRON: Le ministre de l'Education a admis lui-même...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. CHARRON: ... que la réunion qui a eu lieu actuellement...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. CHARRON: ... traite du sujet que nous sommes appelés à
discuter depuis maintenant plusieurs semaines.
LE PRESIDENT (M. Gratton): S'il vous plaît, à l'ordre,
messieurs! J'invite le député de Saint-Jacques à formuler
sa motion et nous jugerons, par la suite, si elle est recevable ou non.
M. CHARRON: Ma motion est la suivante: "Attendu qu'à l'article
156, le leader parlementaire du gouvernement doit maintenant faire des
propositions aux autres leaders du gouvernement quant aux travaux de cette
commission; "Attendu que le deuxième paragraphe de l'article 156 stipule
que si, à la suite de la convocation de la conférence des
leaders, une entente n'a pu être conclue..." ce qui est
vraisemblable "... "Le leader parlementaire du gouvernement devra le
déclarer à l'Assemblée et, après avis, proposer que
le rapport de la commission soit présenté à
l'Assemblée dans le délai qu'il indique".
Je veux donc savoir, de la part du ministre de l'Education, parrain du
projet de loi 22, quelles sont les recommandations quant aux témoins que
nous devons entendre et aux heures de séance que nous devons avoir cette
semaine qu'il a soumises au leader du gouvernement qui, en vertu de l'article
156, deuxième paragraphe, est en train de la présenter
actuellement au député de Maisonneuve et au député
de Beauce-Sud.
Je veux savoir si cette commission, puisqu'elle est souveraine, M. le
Président, comme vous l'avez vous-même rappelé en lisant
les règles de pratique... Cette commission a le droit de savoir quel est
donc le programme qui lui sera proposé et qui, tôt ou tard, lui
sera dicté par l'Assemblée nationale.
Le ministre de l'Education a choisi la voie de l'article 156
plutôt que l'article par lequel il aurait pu se proclamer suffisamment
informé à la commission même. Je veux savoir quelles sont
les recommandations qu'a faites le ministre de l'Education.
Est-ce que le ministre de l'Education a recommandé au leader du
gouvernement de proposer la guillotine ce soir, sans que nous n'ayons d'autre
témoin à convoquer?
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement. Est-ce
que la motion du député de Saint-Jacques est terminée?
Est-ce qu'il est en train d'argumenter sur sa motion? Votre motion est-elle
terminée?
M. CHARRON: J'ai vingt minutes pour argumenter sur ma motion.
M. HARDY: J'invoque le règlement parce que je prétends que
votre motion est irrecevable, pour les mêmes raisons que j'invoquais
tantôt. Bien sûr, vous avez donné, il y a quelques instants,
la substance de votre motion, vous l'avez maintenant formulée d'une
façon officielle. Je continue à prétendre, M. le
Président, que cette motion est totalement irrecevable.
M. MORIN: Pour quelle raison...
M. HARDY: La commission est indépendante, elle est souveraine
dans sa sphère de juridiction. La commission, en ce moment, n'a pas
à se préoccuper de ce qui peut se passer entre le
président de l'Assemblée nationale et les leaders de la Chambre.
La commission n'a pas à se demander ce que le ministre de l'Education
qui est ici un membre de la commission comme tous les autres membres
ou quelque autre membre de la commission ont pu dire ou ne pas dire aux
leaders. Ce sont deux choses distinctes, séparées.
M. le Président, je répète encore que nous ne
sommes pas ici pour participer à un débat qui se fait dans un
autre lieu, ni directement, ni indirectement, nous sommes ici pour entendre des
groupes qui ont été convoqués, qui sont présents et
qui désirent se faire entendre. Je vous demande tout simplement de
déclarer irrecevable la motion du député de Saint-Jacques
qui, tout me le laisse croire, formulée de façon à faire
perdre du temps à la commission et à empêcher des gens qui
sont ici de se faire entendre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition, sur la
recevabilité de la motion du député de Saint-Jacques.
M. MORIN: M. le Président, les arguments invoqués par le
ministre des Affaires culturelles ne m'ont pas convaincu que cette motion est
irrecevable. Il n'a donné aucune raison valable. Il a même
donné des raisons qui vont à l'encontre de ses conclusions.
Lorsqu'il nous dit que la commission est souveraine, ce dont je conviendrai
volontiers, il faudrait qu'il soit logique avec lui-même et qu'il conclue
que la commission a le droit de savoir ce que l'un de ses membres a
recommandé sans la consulter, je dis bien sans consulter qui que ce
soit, en tout cas l'Opposition ne l'a pas été, je voudrais vous
le souligner. Cette motion est tout à fait recevable.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Si je comprends bien le sens et le fond de la
motion, c'est de savoir du ministre de l'Education les recommandations qu'il a
pu faire aux leaders parlementaires ou au gouvernement quant aux auditions qui
pourront ou ne pourront pas avoir lieu cette semaine. Je pense qu'à ce
moment il s'agit d'une question. Je pourrais peut-être inviter le
ministre de l'Education à y donner réponse immédiatement,
ce qui éviterait peut-être d'en faire l'objet d'une motion.
M. CLOUTIER: M. le Président, si on en fait une question, je n'ai
aucune objection à y répondre. Je n'ai jamais eu objection
à répondre à toutes les questions qui demandaient des
éclaircissements.
M. MORIN: Si le ministre répond pleinement, la motion perd son
objet, bien sûr.
M. CLOUTIER: C'est-à-dire que je vais répondre au meilleur
de ma connaissance, mais je suis convaincu que ma réponse n'ira pas
satisfaire le PQ qui poursuit des objectifs différents.
M. CHARRON: Quelles sont donc les recommandations que nous fait le
ministre de l'Education?
M. CLOUTIER: Je n'ai strictement aucune recommandation. J'ai tout
simplement fait valoir au leader parlementaire que la commission avait
siégé depuis quatre semaines, qu'elle avait entendu un nombre
considérable de groupes je n'ai pas l'intention d'en faire le
bilan maintenant qu'elle se considérait suffisamment
informée, et que, si j'en jugeais par des commentaires entendus ici
même lors des auditions de la commission, je souhaitais qu'il ait une
rencontre avec ses homologues des autres partis pour voir s'il était
possible d'en arriver à une entente de manière à mettre
fin aux travaux de la commission suivant le règlement, ou d'en envisager
la possibilité dans le cadre des règlements. Il n'y a eu aucune
recommandation précise. Je ne me serais jamais permis de procéder
de cette façon.
M. CHARRON: M. le Président, je posais cette question parce que
s'il n'y a pas eu de recommandation précise, alors devant quel terrain
d'entente se retrouvent les leaders actuellement au sujet de nos travaux?
M. CLOUTIER: M. le Président, j'ai répondu à la
question. Je ne veux pas en faire un débat.
M. CHARRON: Laissez-moi formuler ma question.
M. CLOUTIER: Ecoutez, ce n'est pas un contre-interrogatoire.
M. CHARRON: Vous n'y répondrez pas si vous voulez, mais j'ai le
droit de la formuler.
M. CLOUTIER: Un point de règlement, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: En conscience, je n'ai pas le droit de laisser le
député de Saint-Jacques faire ce genre d'exhibitionnisme.
M. CHARRON: Alors, M. le Président, je m'adresse à
vous...
M. CLOUTIER: J'ai répondu à une question. J'ai encore la
parole si vous le permettez.
M. CHARRON: Je vous demande pardon, vous êtes intervenu pendant
que je posais une question.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! J'ai reconnu au
ministre de l'Education une question de règlement.
M. CLOUTIER: M. le Président, j'ai répondu avec plaisir
à une question de manière à essayer d'écourter un
peu le débat et ne pas en arriver à une discussion stérile
sur la recevabilité ou le non-recevabilité d'une motion. Je n'ai
pas l'intention de me prêter à un contre-interrogatoire. C'est
aussi clair que cela. Je crois avoir clairement indiqué dans quel esprit
cette rencontre des leaders avait eu lieu. Attendons les résultats et
nous verrons à ce moment.
M. CHARRON: M. le Président, si les leaders parvenaient à
une entente qui "dirait" que la commission mettra fin à ses travaux
samedi.
M. CLOUTIER: "Disait", concordance.
M. CHARRON: Si les leaders en arrivaient à une entente laquelle
dirait que nous mettons nos travaux...
M. CLOUTIER: Très joliment tourné.
M. CHARRON: C'est ce que j'ai dit, d'ailleurs... que la commission
mettrait fin à ses travaux samedi, supposons...
M. HARDY: On verra.
M. CHARRON: Quels sont les organismes convoqués pour demain?
M. CLOUTIER: Nous sommes en pleine hypothèse, M. le
Président.
M. CHARRON: Non, ce n'est pas une hypothèse. M. le
Président, j'invoque le règlement, encore une fois.
M. CLOUTIER: Je ne me prête pas à un contre-interrogatoire.
Je réponds poliment, mais fermement.
M. CHARRON: On est encore devant un acte de tartuferie.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. CHARRON: Le ministre de l'Education dit: Je n'ai pas fait de
recommandation. Pourtant, il n'y a aucun organisme de convoqué pour
demain. Qu'est-ce que cela veut dire, si ce n'est pas une recommandation, en
soi?
M. HARDY: Cela veut dire qu'on peut siéger jeudi.
M. CHARRON: Si les leaders en viennent à une entente voulant que
nous siégions demain, qu'est-ce qui arrive maintenant?
M. CLOUTIER: On siégera jeudi, c'est aussi simple que
ça.
M. CHARRON: Quelle est la proposition que vous avez faite...
M. CLOUTIER: M. le Président, je ne tomberai pas dans un
piège, je refuse de me prêter à un contre-interrogatoire,
d'autant plus qu'il est posé sur un ton extrêmement grossier.
M. CHARRON: Est-ce que vous avez peur de dire...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. CHARRON: ... que vous voulez que ça se termine ce soir, que
ces quatre organismes sont les derniers à comparaître? Est-ce que
c'est ça que vous avez peur de dire?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. CHARRON: En exigeant que ce soit la Chambre qui passe l'ordre
plutôt que la commission qui l'émette?
M. CLOUTIER: Décidément, les retombées d'une
élection fédérale sont graves.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. CHARRON: On n'a jamais consulté la commission, M. le
Président. Actuellement, on est en train de proposer un plan qui a
été soumis par le ministre de l'Education, jamais débattu
par la commission parlementaire, c'est hypocrite, à part ça,
parce que le ministre de l'Education a peur de dire...
M. CLOUTIER: Point de règlement! On vient de me traiter
d'hypocrite, ça me semble excessif.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. CHARRON: C'est propre à ce que vous avez fait, M. le
Président.
M. HARDY: M. le Président, c'est la projection habituelle du
député de Saint-Jacques.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !
M. CHARRON: Nous avons droit de savoir ce qui va arriver à cette
commission.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Si vous voulez bien me permettre, la question
a été posée au ministre. Il y a répondu. Que le
député de Saint-Jacques soit satisfait de la réponse ou
non, ça importe peu. Je pense que le règlement est clair
là-dessus. Je pense que le but de la motion du député de
Saint-Jacques était justement d'obtenir la réponse que le
ministre de l'Education a fournie. Je demande donc immédiatement au
Conseil juif canadien et à son porte-parole de nous présenter les
gens qui l'accompagnent et de retenir qu'il dispose de vingt minutes pour faire
sa présentation.
Congrès juif canadien
M. PINSKY: Merci, M. le Président, mon nom est Joël Pinsky.
Je suis président du comité conjoint des relations communautaires
du Congrès juif canadien et de la B'nai B'rith. A ma droite, M. Charles
Bronfman, président de l'Association des oeuvres de charité de la
communauté juive du grand Montréal, et M. Alan Rose, directeur
exécutif du Congrès juif canadien. A ma gauche, le Dr Jean-Claude
Lasry, membre de l'exécutif du Congrès juif canadien et
président de l'Association sefaraddi francophone et un de mes
confrères, Me Julien Kotler, membre de l'exécutif du
Congrès juif canadien, et M. Boris Moroz, président de la B'nai
B'rith, district 22.
Le Congrès juif canadien, section de Québec, est le
porte-parole reconnu, grâce à l'action des
délégués, de la Communauté juive de la province de
Québec, qui comprend environ 125,000 âmes.
Les questions traitées par le projet de loi 22 sont d'une
importance primordiale pour notre communauté, qui partage, avec les
Canadiens français, la conviction que les changements proposés
auront une répercussion profonde sur la vie individuelle et collective
de tous les résidents de cette province.
Vu l'importance capitale de cette loi, un comité spécial a
été constitué, par le comité conjoint des relations
communautaires du Congrès juif canadien et de la B'nai B'rith, non
seulement pour étudier le projet de loi 22, mais également pour
obtenir l'opinion des diverses organisations juives, qui ont été
invitées par des annonces publiques et par des contacts directs à
exprimer leurs sentiments en ce qui concerne le projet de loi 22.
Nous avons publié des avis dans les journaux de Montréal
et avons adressé des lettres aux 70 organisations juives membres du
Congrès juif canadien, en leur demandant de bien vouloir nous faire
parvenir leurs points de vue sur le projet de loi 22.
Dans nos annonces, nous avons demandé également à
des particuliers qui ne sont pas affiliés à des organisations de
nous faire parvenir un résumé de ce qu'ils pensaient de ce
projet.
Mon comité forma un sous-comité qui rédigea un
projet de mémoire qui, par la suite, fut soumis à
l'assemblée plénière du congrès pour approbation.
Je voudrais souligner que nous avons reçu une quarantaine de lettres de
personnes non affiliées ainsi que 25 mémoires d'organisations
juives et que c'est après lecture de tous ces documents que nous sommes
parvenus à la phase finale du mémoire que vous avez sous les
yeux.
Ce que nous avançons donc ici aujourd'hui est la
réalisation de travail qui a pris en considération l'opinion
prépondérante, mais non nécessairement unanime, de la
communauté juive de la province de Québec.
The position of the Jewish community of the province of Quebec on the
language issue has been formulated in presentation which the Canadian Jewish
Congress, Eastern Region, has made to the Commission of Inquiry on the Position
of the French Language and on Language Rights in Quebec, namely Gendron
Commission.
In this brief, the Quebec region of the Canadian Jewish Congress inter
alia:
A- Expressed understanding for the aspirations of the French-speaking
people of the province of Quebec to maintain a linguistic and cultural
integrity and submitted that measures used to achieve this objective be based
on constructive incentives, self-motivation and guidance.
B- Submitted that nothing should derogate from or diminish in any way,
any right or privilege acquired or enjoyed, with respect to any language
and in particular French and English by any inhabitant of the province
of Quebec.
C- Urged that any division of residents of Quebec into a majority and
minority group be eliminated and all Quebecers be deemed as equal in
status.
D- Submitted that there be no distinction between residents born in
Quebec, those who settled in Quebec or arrived before or after a certain
date.
E- Submitted that all schools should establish an educational process
that equips their students with a working knowledge of the French and English
languages as means of communication.
F- Urged the adoption of a Bill of Rights, entrenched in the
Constitution, which would include guarantees for the freedom of choise of the
French and English language for all Quebecers.
The report of the Gendron Commission, published some time ago, was
widely accepted by the population of Quebec as a fair and clear statement as to
the linguistic problems that exist in Quebec. The Jewish community applauded
its conclusion that any legislation which contained coercive rather than
persuasive provisions would be against the best interests of all citizens of
Quebec regardless of their religion or their ethnic background.
The plurarity of votes that elected this government, reflected better
than any official pronouncement the will of the majority of the citizens of
this province as regards the social and economic direction that they wish this
province to follow. With the tabling of bill 22, it would appear that this
government has chosen to deviate from the mandate given to it and the Jewish
community deeply regrets this. We also regret that a bill of this magnitude and
of this importance was introduced with such a short time being allowed for the
preparation and dissemination of ideas.
M. LASRY: J'ai besoin du micro. Merci.
Nous voulons cependant réitérer que la communauté
juive est unanime dans sa conviction que la langue prééminente du
travail et des communications dans la province de Québec doit être
le français. Nous avons toujours éprouvé une profonde
sympathie envers les aspirations linguistiques et culturelles des
Québécois de langue française, sympathie que nous avons
concrètement exprimée à diverses reprises.
Ces dernières années, la communauté juive du
Québec a, en commun avec d'autres groupes dont la langue de base est
l'anglais, vécu une transformation considérable dans l'usage et
la priorité du français en adoptant de plus en plus le
français comme langue d'expression et de travail. Il est à noter
que les toutes dernières statistiques publiées indiquent que le
groupe le plus bilingue non francophone dans la province de Québec est
la communauté juive.
La communauté juive ne partage pas le point de vue du
gouvernement, à savoir qu'une loi édictant des mesures
coercitives qui apparaissent, dans certains articles du projet de loi soit
appropriée ni certainement requise à l'heure actuelle.
Grâce au phénomène normal de l'évolution d'une
société seulement par la persuasion, des progrès
considérables ont déjà été accomplis,
à savoir une plus large dissémination et diffusion du
français dans chaque sphère de notre province y compris les
affaires, le travail, l'administration publique, le système judiciaire
et spécialement le système scolaire anglophone, témoin les
classes d'immersion française.
La communauté juive est, sans aucune équivoque,
dédiée au concept du bilinguisme. Nous affirmons cependant la
nécessité de posséder une déclaration
définitive, affirmant que le français est la langue
prééminente au Québec. Nous trouvons cependant
inacceptable que cette prééminence restreigne ou abroge les
droits existants à l'usage de l'anglais.
La position de la communauté juive a toujours été
que de grands risques résident dans la division d'une
société selon des termes comme majorité, minorité,
francophone, anglophone et autres. En fait, dans notre mémoire
adressé à la commission Gendron, nous avons
considéré, avec une certaine préoccupation, l'objectif
déclaré de la commission d'enquête, à savoir "de
déterminer les moyens les mieux
appropriés en vue d'exercer les droits linguistiques de la
majorité, avec un respect complet pour les droits de la
minorité".
Cette déclaration du but de la commission présumait a
priori une division de notre population en deux groupes, soit une
majorité et une minorité. Nous continuons de ressentir qu'une
division de cette nature ne doit pas exister dans une société
démocratique. Ces divisions créent des situations de
discrimination implicite, lorsque la minorité est
généralement placée dans une situation de seconde classe.
La communauté juive est sensible à toute
généralisation de cette nature et à toutes divisions, qui
peuvent suggérer qu'une classe de citoyens est supérieure, sous
certains rapports, à une autre classe de citoyens. Une
législation, qui introduit de pareilles divisions, donne naissance
à une appréhension évidente et naturelle dans l'esprit de
toute minorité ethnique, et même dans celui de la
communauté juive.
M. PINSKY: Nous exprimons donc notre conviction que ce projet de loi ne
reflète pas les sentiments de la majorité prédominante de
la population du Québec et semble constituer un changement de la
politique antérieure du gouvernement. Ainsi qu'il est plus explicitement
développé dans le mémoire qui vous est soumis, nous
recommandons respectueusement en conséquence :
A) Que le projet de loi 22 soit modifié en déclarant que
le français et l'anglais devraient être les langues officielles du
Québec, mais que cependant le français devrait être la
langue prééminente de travail et de communication.
B) Que tous les parents devraient avoir la liberté de choix de la
langue d'enseignement de leurs enfants, et que la loi 63 devrait être
maintenue.
C) Que les dispositions du projet de loi introduisant un programme de
francisation en tant que base des soumissions d'affaires, en vue de contrats
avec le gouvernement, devraient être éliminées de la loi,
étant donné qu'elles pourraient conduire au favoritisme, à
la discrimination et aux abus d'autorité.
D) Qu'un certain nombre d'articles doivent être modifiés,
afin de protéger les droits de tous les résidants du
Québec.
M. le Président, nous pouvons maintenant passer à la
période de questions.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Merci, messieurs. J'invite
immédiatement le ministre de l'Education à poser la
première question.
M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie le Congrès juif
canadien pour la présentation de son mémoire. Je sais combien la
communauté juive a su s'adapter à la vie
québécoise, et quelle contribution elle a toujours faite à
la vie culturelle et économique de notre province.
Avant de poser une seule question, au fond, j'aimerais préciser
un point qui m'a été suggéré, en quelque sorte, par
le chef de l'Opposition, la semaine dernière, alors que ce dernier
faisait publiquement état de certaines dissensions qui se seraient
faites au sein de votre organisme et qui auraient fait en sorte que ce rapport
ne traduirait peut-être pas une unanimité de votre part.
Etant donné que cette affirmation a été faite
devant cette commission, je crois parfaitement naturel et je sais que le
chef de l'Opposition ne pourra pas m'en vouloir de jeter un peu la
lumière là-dessus et je vous serais reconnaissant de m'expliquer
comment votre mémoire a été élaboré et si,
à votre avis, il s'agit là d'une vue majoritaire.
M. PINSKY: I dare say that any organization, as you mentioned, has
within itself, certain dissensions and certain contrary view points. This is
what makes democracy and we welcome it, even within our own community. But I
think it safe in saying that the presentation which we are presenting before
the committee today represents, not the majority, but the predominant view
point of the Jews residing in Quebec.
We recognize that there are certain minority positions, but there are
restrictrive in the sense that they came up during the course of the
sub-committee hearings to which I referred to in my earlier presentation.
So, we are confident in advising the committee that we are speaking for
with small exceptions the approximately 125,000 Jews that reside
in this province.
M. CLOUTIER: Je vous remercie. Je crois que cet éclaircissement
était utile. Le chef de l'Opposition y reviendra peut-être, s'il
le souhaite. C'est son droit. Ma seule question, pour l'instant du moins, porte
sur une affirmation faite en page 4, alors que vous laissez entendre que le
projet de loi 22 abroge les droits existants à l'usage de l'anglais. Or,
ce qu'a souhaité faire le gouvernement, tout en faisant du
français la langue maternelle, est de ne pas supprimer les droits
individuels à l'usage de l'anglais.
Le gouvernement est convaincu, contrairement d'ailleurs à
certains groupes qui se sont présentés ici, qu'il est
parfaitement possible d'affirmer la prééminence du
français sans brimer les droits individuels et c'est ce qu'il a
visé, dans ce projet de loi.
Par conséquent, je vous serais reconnaissant si vous pouviez me
dire où, de votre point de vue, les droits de l'anglais sont
brimés. Qu'il y ait changement en ce sens que l'importance est d'abord
donnée au français, c'est évident, puisque c'est le but
recherché.
M. PINSKY: In order to give you a full answer to your question, I would
have to review, again, with you, the article by article proposals which are
contained in the last few
pages of our submission where we have in an effort, in a constructive
and positive sense, attempted to suggest certain amendments or qualifications
to the articles where we and I believe feel that the use of the
English language has or will be restricted or somewhat abrogated in the sense
of the law as it appears.
M. CLOUTIER: Mais si je prends connaissance de ces articles ce
que j'ai fait, je parle des articles tels qu'amendés je constate
qu'au fond vous souhaiteriez institutionaliser une forme de bilinguisme. C'est
bien exact?
M. PINSKY: That is right.
M. CLOUTIER: C'est justement ce que la loi ne fait pas et ne veut pas
faire. Je ne suis donc pas étonné qu'il y ait une
différence d'opinions et je vous remercie d'avoir été
aussi clairs.
M. PINSKY: This, of course, is a submission but I want to make clear, if
I may. We defer, perhaps, from the government in the feeling and the belief
that the use and dissemination and diffusion of both English and French can be
achieved to the satisfaction of all groups within the province, all the time
and all awhile maintaining the pre-eminence and priority of the use of
French.
I refer to the experience within our own community, if I may, for the
moment. Within our community you have heard from Dr Jean-Claude Lasry
we have approximately 15,000 or 20,000 francophones Jews. We are not an
Anglophone community, per se. We are a community that has lived in Quebec and
that feels that the use of both languages is a pre-requisite to be good
citizens of Canada and good citizens of Quebec itself.
We feel that any restriction or obligation, in whatever form, once
counter that basic feeling.
In order to encourage the use and the dissemination of French and in
order to make clear that this is not a symbolic gesture that the Jews of Quebec
are prepared to do, I need only to remind to Mr Cloutier, as he well knows of
such institutions as l'école mennonite, of the great efforts being made
within the Jewish schools system to encourage and use and teach French to a
large extent and almost bordering on the use of English with any educational
system.
May I also remind respectedly that in the immersion courses that the
Protestant School Board of Greater Montreal has sought to introduce, I would
suggest that by far the predominence of the students attending these immersion
courses in the French language would be Jewish studens.
When I suggest to you, Mr Cloutier, that we are hopeful of the use and
preeminence of French on a working basis in the spheres to which we have
referred to in this submission, we do not think it is symbolic or gesture
words.
On the other hand, we are always cognizant of and very desirable of
maintaining the freedom of choice in both languages throughout.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition officielle.
M. MORIN: Messieurs du Congrès juif canadien, je voudrais vous
dire d'abord que, sur deux points importants, nous sommes entièrement
d'accord avec vous. Tout d'abord, lorsqu'à la page 3 de votre
mémoire, vous nous dites que ce projet de loi n'a pas reçu, n'a
pas bénéficié du délai qui est nécessaire
pour que les idées en soient pleinement débattues. Nous sommes
d'accord. En une si courte période de temps, il est évident que
beaucoup de citoyens ne pourront pas venir nous donner leur opinion sur ce
projet de loi. C'est ce qui explique d'ailleurs le minidébat dont vous
avez été témoins au début de cette séance.
Nous sommes d'accord également pour constater avec vous le danger de
discrétion bureaucratique que contient ce bill. Là-dessus, nous
n'avons pas de difficulté. Je voudrais cependant vous poser une ou deux
questions tout d'abord sur la minorité au sein de votre organisme. Je ne
sais pas si vous savez que plusieurs organismes sont venus témoigner ici
accompagnés de leur minorité. L'exemple le plus frappant est
celui de la Commission des écoles catholiques de Montréal qui a
amené avec elle, à titre de participants à la discussion
deux voire trois des personnes qui n'étaient pas d'accord avec la
majorité des commissaires. Est-ce que ces messieurs qui n'étaient
pas d'accord sur le rapport majoritaire vous accompagnent cet
après-midi?
M. PINSKY: Yes, but first, before I ask Dr Jean-Claude Lasry to perhaps
refer to that, M. Morin, I just want to suggest to you, you are certainly
right, unfortunately sufficient time was not given to us to prepare our
submission. In fact, and I say this in a jocular manner with respect, your
excellent article published in 1963 came to our attention after the preparation
of our submission and I dare say that it gave us in rereading it subsequently,
a good deal of thought. It was an excellent article and we would have
ordinarily used it. I think, in most cases in our submission.
M. MORIN: Là-dessus, je dois vous dire que je n'ai pas
changé d'avis sur les textes publiés en 1963 et qui
réclamaient une charte des droits de l'homme pour le Québec. Les
deux articles auxquels Frank Scott fait allusion, je les maintiens. Seulement,
ils n'ont rien à voir avec la liberté de choix de langue
d'enseignement. C'est la seule petite difficulté qu'on puisse trouver
à l'argument du professeur Scott. Pourriez-vous, si vous le voulez bien,
blague à part, nous dire maintenant quel était le contenu du
rapport minoritaire? Ou avant d'aborder le contenu, pourriez-vous nous dire
s'il y a eu un rapport minoritaire?
M. PINSKY: Thak you, for asking the last question, merci bien. I am
sorry we got side-tracked on this question of a minority report. It seems
almost like a judgment of a court where there is a minority report to a certain
extent. There was no such minority written report mentioned. A committee sits,
a committee votes. The majority generally governs. This is the case of our
sub-committee. Now, the committee itself was structured as I underlined before
from every major Jewish organization within the province of Quebec. There were
certain individuals on some small items we shall clear that up in a
moment I suggest, gentlemen, it is not really worth the debate. The
minority opinions, such as were expressed, I cannot stop, Mr Morin and
gentlemen, an individual of the Jewish community from standing up and perhaps
if there are some reporters around taking the position that it might be
interesting reading it at a given point, he might then be sincere in his
beliefs as I have no doubt they are, however they do not reflect... They are
strictly and totally individuals. The members of my committee, Mr Morin, it
might be interesting, not only sat in committee themselves, not only studied
some 40 or 50 briefs, not only heard from more than I mentioned, literally
hundreds of individuals, we actually spoke and met with every major Jewish
organization.
I can assure this committee that the submission being made before you
today is, as I have said before, not a majority view, but a prédominent
view. However, by way of example, allow me to introduce, as I have before, le
Dr Jean-Claude Lasry qui va expliquer quelque chose sur la question de la
minorité d'opinion.
M. MORIN: Très bien, nous vous écoutons.
M. LASRY: Merci. Vous avez demandé s'il y avait un rapport
minoritaire qui a été écrit, la réponse est non. Il
n'y a pas de rapport minoritaire pour une bonne raison. Il y a un principe
fondamental sur lequel nous sommes d'accord et un second principe sur lequel
nous différons.
Le premier principe sur lequel nous sommes d'accord, c'est celui de la
nécessité des deux je me réfère au bill, je
ne veux pas faire de... à savoir que les deux langues
officielles, dans la province de Québec, devraient être le
français et l'anglais avec la prééminence du
français; c'est un point sur lequel nous sommes entièrement
d'accord. Je pense que, en tant que Juifs francophones, nous avons
été à l'intérieur de la communauté juive un
cataliseur pour l'utilisation du français, mais je crois que non
seulement nous avons été un cataliseur, mais, comme on l'a
mentionné tout à l'heure, nous avons aidé à la
création d'une école juive de langue française. Mais le
second point sur lequel, par exemple, nous différons, c'est celui des
droits des immigrants. Nous-mêmes, en tant que immigrants, estimons que
les immigrants devraient être canalisés...
M. MORIN: Je vous arrête. Je ne voudrais pas vous laisser...
M. LASRY: Elaborer...
M. MORIN: ... élaborer trop longuement un point qui ne semble pas
être pertinent à la question que je vous pose.
M. LASRY: Ah bon!
M. MORIN: Je voudrais connaître, en gros, dans ses grandes lignes
nous n'avons pas le temps d'entrer dans les détails
malheureusement la position minoritaire au sein de l'organisme. Il n'y a
pas de rapport écrit, me dites-vous...
M. LASRY: Oui.
M. MORIN: ... mais je sais qu'il y a eu des vues minoritaires qui ont
été présentées avec beaucoup de talent, parce que
je connais certaines des personnes et que j'ai beaucoup d'estime pour leurs
capacités intellectuelles. J'aimerais savoir quelles étaient
leurs idées, en gros, sur le problème dont nous traitons. Je vous
pose cette question parce que d'autres organismes se sont fait accompagner de
leur minorité.
M. LASRY: Je parle ici en tant qu'élément minoritaire du
comité. C'est à ce titre que je dis que nous n'avons pas fait de
rapport. Je suppose que vous parlez d'une autre personne qui, elle aussi,
était d'un groupe minoritaire, mais nous avons pensé qu'un seul
représentant minoritaire était suffisant au sein de la
délégation qui n'est pas nombreuse. Je dis que la dissension
essentielle est au niveau de l'enseignement des immigrants. Nous
désirons que les immigrants reçoivent un enseignement en langue
française.
M. MORIN: C'est tout de même considérable comme opinion
divergente. Je crois que vous vous rendez compte que cela porte à
conséquence. Est-ce que, dans votre esprit, cette règle est
applicable à tous les immigrants ou seulement aux immigrants dont la
langue n'est pas l'anglais?
M. LASRY: Je pense que le projet de loi, tel que vous l'avez soumis,
répond à la question. En tant qu'élément
minoritaire nous sommes d'accord sur les articles 48, 49, 50 et 51 du projet de
loi.
M. MORIN: Autrement dit, vous acceptez que les immigrants anglophones
puissent aller à l'école anglaise et, quant aux autres, vous les
enverriez à l'école française.
M. LASRY: Puisque le projet de loi le prévoyait en tant que tel,
nous sommes d'accord sur cette position.
M. MORIN: Est-ce que c'était le seul point sur lequel vous
étiez en désaccord? Sur la langue officielle, par exemple, vous
nous avez dit que vous étiez finalement d'accord sur le bilinguisme.
M. LASRY: Sur le bilinguisme, pour autant c'est certainement
l'apport de ce groupement minoritaire qui a fait que, quand nous parlons de
deux langues officielles, nous avons un "mais" cependant que le
français soit la langue prééminente du travail et de la
communication. Je pense qu'à ce niveau la minorité rejoint la
majorité.
M. MORIN: Pourriez-vous vous expliquer un peu là-dessus? Je vous
avoue que ça peut paraître un peu contradictoire au lecteur, quand
nous lisons, par exemple, je crois que c'est à la page 3 de votre
texte... Vous nous dites: "Bilinguisme, mais avec prééminence du
français." Qui dit bilinguisme, au départ, ne dit pas
prédominance de l'une ou l'autre langue et, s'il dit
prééminence, il doit indiquer très clairement ce qu'il
entend par là. Quel est ce statut de prééminence,
j'entends juridiquement parlant?
M. PINSKY: We do not agree necessarily with that. I tried to suggest
that to Mr Cloutier earlier. To us, there could be no problem if sufficient
attention is given to the drafty of any legislation that would give recognition
to the use of the English language, that would give obviously recognition to
the French language and that would stress that priority or preeminent language
de facto is French. In point of fact, Mr Morin, today, in Quebec, we certainly,
over the passed three, four, five years, have reached the position where,
thankfully, the use of French is far more right spread, far more in acceptance
within our own community than ever before. I have indicated the readiness of
our Jewish community of Quebec to continue this and I say again that it is not
a symbolic. Now, there is nothing...
M. MORIN: ...d'ailleurs que votre communauté s'est enrichie
depuis quelques années d'un certain nombre de Juifs sefaraddis
francophones. Vous nous avez dit qu'ils étaient 20,000 tout à
l'heure?
M. PINSKY: Environ 15,000 ou 20,000, je vais laisser la réponse
à M. le...
M. MORIN: Je comprends que vous auriez dû vous adapter à
cette réalité nouvelle. Cela fait donc 15,000 ou 20,000 sur
125,000, c'est cela? A peu près.
M. PINSKY: C'est cela.
M.MORIN: Et la question suivante mais vous pourrez continuer
l'exposé que vous étiez en train de faire si vous voulez
quel est le sentiment profond de ces Juifs d'origine sefaraddie sur cette
question linguistique?
M. PINSKY: Vous êtes le président, M. le Président,
répondez à ça.
M. LASRY: Je m'excuse, le sens de la question encore?
M. MORIN: Quel est le sentiment de ces Juifs francophones qui sont venus
s'établir au Québec et qui possèdent parfaitement
j'en connais un très grand nombre la langue française? Je
crois aussi en connaître quelques-uns qui sont partisans du
français langue officielle et non pas d'une solution de bilinguisme. Je
vous dirais même que j'en connais plusieurs.
M. LASRY: II faut distinguer, comme à l'intérieur de la
population canadienne-française, différents
éléments pensants dans une communauté. Je pense que les
gens que vous connaissez sont certainement des gens que je pourrais qualifier
d'intellectuels, si vous me permettez l'expression, pour lesquels le
français devrait être la langue officielle et non seulement la
langue officielle, mais la seule. Peut-être certains d'entre eux sont-ils
professeurs dans une université française. Mais il faut voir la
majorité d'une communauté avec laquelle beaucoup d'entre nous
sommes en contact quotidiennement et qui, évidemment, comme le
Congrès juif canadien, veut la prééminence du
français. Je pense que notre premier point, notre première
recommandation est claire là-dessus. Nous voulons la
prééminence du français, mais nous voulons aussi
sauvegarder peut-être le terme est-il trop fort nous
voulons aussi que l'anglais ait une place reconnue parce que, que je sache, le
Québec est encore à l'intérieur des limites
géographiques de l'Amérique du Nord. Quand, en France ou en
Espagne, ou en Allemagne, on apprend l'anglais comme une seconde langue, il me
semble que c'est un élément important à conserver à
l'intérieur de la communauté sefaraddie.
M. MORIN: Oui. Vous faites une distinction, cependant, entre langue
officielle et langue apprise à titre de seconde langue. Vous
n'êtes pas en train de confondre ces deux niveaux, j'espère.
M. LASRY: Non, parce que nous sommes toujours au Canada.
M. MORIN: Dites-moi, puisque nous parlons de pays étrangers, il y
a un pays pour lequel j'ai un immense respect, (j'ai eu l'occasion de le
visiter à plusieurs reprises dans le passé) et auquel,
certainement, vous vous intéressez énormément, c'est
l'Etat d'Israël. J'aimerais vous
poser quelques questions là-dessus puisque j'ai cru constater, au
cours de mes voyages, que le système d'enseignement et le système
de langues officielles là-bas avaient beaucoup de choses à nous
apprendre.
D'ailleurs, pour ne rien vous cacher, je suis un admirateur de Ben
Yehuda. Vous savez que, dès 1880, Ben Yehuda entreprit une action
extrêmement efficace en faveur de la transformation de la langue
hébraïque en langue de vie, en langue de tous les jours, en langue
vivante, alors qu'elle était jusque-là une langue qui,
malheureusement, avait été peu à peu réduite au
niveau de langue littéraire et liturgique. Sous l'action de Ben Yehuda
et de quelques autres, on a vu renaître littéralement
l'hébreu. C'est un phénomène qui fait l'admiration des
linguistes du monde entier et c'est un phénomène qui fait
l'admiration de tous ceux qui ont quelque amour pour leur langue
maternelle.
J'aimerais vous demander quelle est la langue officielle en Israël,
qui est un pays d'immigration par excellence, qui est un pays où se
retrouvent des Juifs de toutes les origines et de toutes les langues possibles
et imaginables. Après la langue officielle, nous passerons à la
langue d'enseignement.
M. PINSKY: Well. There are two official languages in Israël, Mr
Morin: Arabic and Hebrew. And beyond stating that, we come before you as Quebec
Jews living in Canada and perhaps there might be other experts on Israel. I can
give you an emotional feeling, I can give you my feeling of identification that
we all feel with Israel. But we choose to explain our position to you, as
Quebec Jews.
Now there are two official languages in Israël, that is the
question. If you wish to talk of the Diaspora Jew, if you wish to ask why we
retained our culture, our use of Hebrew, our identity in the face of many
things, that is an interesting debate that we might get into, some other time.
It might prove very interesting for members of the Opposition.
M. MORIN: Oui, je crois que ce serait intéressant pour nous tous
de voir un peuple qui se respecte et qui se fait respecter à travers les
âges, après avoir beaucoup souffert. Mais dites-moi, quand vous
dites langue officielle en Israël, pour quelles fins la langue arabique
est-elle officielle? Pour toutes les fins de l'Etat ou certaines fins
seulement?
M. PINSKY: Mr Bronfman.
M. BRONFMAN: Ever since the establishment of the State of Israël,
there have been two official languages. And I must say, in all fairness, sir,
that I do not think that there is any relevance to what happened in
Israël, particularly after the last World War and in the
establishment of the State of Israël that there is in Quebec and,
as Mr Pinsky so adequately put it, we are here as Canadian citizens, residents
of the province of Quebec...
M. MORIN: Oui, oui.
M. BRONFMAN: ... to speak on subjects of which we have much greater
knowledge. I would like to take this opportunity, Sir, to inform you, in my
capacity as president of our Jewish community services and the commission or
the committee, that there has been great concern in the Jewish community about
bill 22, about what is written, about what has not been written; the specifics,
Sir, are of course, contained in the brief as presented by the Canadian Jewish
Congress.
What Mr Pinsky has said earlier is certainly very true, that voluntarily
and in a spirit of enthusiasm, the Jewish community, in the past five or six
years or more I would not limit it to that number of years particularly
has made a genuine and, I think, a successful attempt to become a
bilingual community.
M. MORIN: M. Bronfman, je m'excuse...
M. BRONFMAN: If I may just finish this answer...
M. MORIN: C'est qu'il me reste très peu de temps pour poser des
questions et recevoir des réponses à mes questions. Vous
êtes à dire des choses fort intéressantes, mais qui ne
répondent pas à mes questions.
M. BRONFMAN: If I could just finish this one sentence. That is all I
have to say.
M. MORIN: D'accord.
M. BRONFMAN: The great concern that we have, as citizens, is that what
has been gained voluntarily by all of us as citizens of this country and this
province, could well be lost through bills like bill 22 which invoke coercion,
which invoke what we think very dangerous thoughts and very
dangerous attitudes by the government.
M. MORIN: Oui. Mr Bronfman, je veux vous dire que l'Opposition se bat
avec toutes les armes démocratiques contre ce bill. Là-dessus,
nous avons donc un combat commun. Mais si vous vouliez répondre à
ma question, je vous en serais reconnaissant. Je vous ai demandé pour
quelles fins la langue arabique est officielle en Israël, puisque vous
nous avez dit qu'il y a deux langues officielles.
M. BRONFMAN: Since 1948.
M. MORIN: Non, vous pensez que je dis depuis quand, mais je vous demande
pour quelles fins.
M. BRONFMAN: Because there are not any Arabs living in the State of
Israël as citizens.
M. MORIN: Non, pas pourquoi.
M. PINSKY: M. Morin, la réponse, je pense... I am told by an
associate of mine sitting behind me and I regret that I did not have this
information at my finger tips, but I suggested earlier that I did not come here
today to speak on the internal laws in Israël any more that I did not come
to speak on the internal laws of France or whatever other country.
However, I am advised that there are school systems for the Arab
children. There are obviously school systems for the Hebrews. So one would
imagine, in reply to your question, Mr Morin, that literally you have the two
languages existing side by side. I am pleased to note that you visited
Israël and, surely, you would have seen that the signs, the public signs
are in Arabic and in Hebrew.
M. MORIN: Non, pas partout, attention, dans les endroits où il y
a des Arabes.
M. PINSKY: Ici aussi.
M. MORIN: Je vais vous poser une dernière question. Je crois que,
sur la question de la langue officielle, vous auriez intérêt
à approfondir la question, parce que la langue arabique n'est pas
officielle pour toutes les fins, mais pour des fins très restreintes,
notamment à la Knesset. D'accord.
La question que je vous pose maintenant est celle-ci: Compte tenu du
fait qu'il existe, en Israël, un système d'éducation en
hébreu qui s'applique à tous les citoyens, tous les immigrants,
et un système d'éducation en arabe qui, lui, est fait pour la
minorité arabe, pourriez-vous nous dire maintenant si les immigrants qui
arrivent en Israël ont le choix entre l'école hébraïque
et l'école arabique?
M. BRONFMAN: Mr Morin, I cannot answer that question. I frankly think
that we are not the right people to answer that and I think that any answer we
could give you would be surely conjectured. If you would desire to ask the line
of questions that you are asking, I would respectfully suggest you that you
make your inquiries at the Israël Council General or the Israël
Embassador. We frankly are not competent to answer that kind of questions. We
are Canadian citizens, not Israelite citizens.
M. MORIN: Non, je comprends, mais vous êtes au moins aussi
intéressé à l'Etat d'Israël que je puis
l'être.
M. BRONFMAN: Yes, I am very interested in the school system in England,
in France, in Spain and I am interested in the school system in Israël. I
do not really know very much about it.
M. MORIN: Bon. Alors je vous pose une dernière fois cette
question. Peut-être que l'un de vous voudra y répondre. Je demande
simplement si l'immigrant qui arrive en Israël a le droit de choisir la
langue d'enseignement.
M. LASRY: Si vous me permettez une réponse qui ne va pas en
être une, je crois qu'il ne s'agit pas de mauvaise volonté de
notre part quand il s'agit de répondre à votre question, M.
Morin. Je pense que vous-même avez la solution. Nous, honnêtement,
nous ne la connaissons pas. Je pense que ce n'est pas plus compliqué que
cela. Nous ne connaissons pas la réponse à la question que vous
nous posez et je soupçonne peut-être que vous-même la
connaissez. Peut-être qu'après vous nous ferez part de votre
sagesse à ce propos. Merci.
M. MORIN: Ce qui nous intéresse, c'est la sagesse d'Israël
et la sagesse des nations.
M. LASRY: Merci.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Laporte.
M. DEOM: M. le Président, j'ai deux courtes questions. A la page
2, vous mentionnez: "La communauté juive applaudit à ces
conclusions..." vous vous référez, à ce moment, au
rapport de la commission Gendron ..."selon lesquelles toutes
législations comportant des dispositions coercitives plutôt que
persuasives seraient à l'encontre..." Ma question est la suivante:
Est-ce que c'est moi qui ai mal lu le rapport de la commission Gendron ou si
c'est vous autres? Parce que la commission Gendron, dans sa première
recommandation, proposait que le Québec fasse du français la
langue officielle et explicitait très longuement le concept de langue
officielle en insistant sur la puissance économique et la puissance
politique de l'Etat qu'on pourrait faire peser en faveur du français. Je
me demande, quand la commission Gendron dit "on va faire peser la puissance
économique de l'Etat", si ce ne sont pas des mesures coercitives.
M. PINSKY: May I reply in indicating that I do not think... I think that
we both read it and we both would come to the same conclusions, although, in
reading bill 22, I sometimes wonder just what I read and what the next person
reads, if one is to read from newspaper account, this is the impression I have
got. However, my understanding of the Gendron Commission and I refer to
the report of language rights that, I think, was authored by professor Edward
McWhinney it is suggested that French be the official language, but it
also indicated that there should be two national languages, English and
French.
The report goes on, at great length, and indeed throughout the report
itself, to caution against coercive measures and to caution against
a quick and rapid adoption of any change. It also goes forward and
suggests that if any change is to be made, and it makes certain changes, these
changes be made in the language of work, and the language of business and
communications, basic policies for which, I respectfully submit, our submission
is for.
The Gendron Commission cautions very closely against, at this point in
time, any restriction or abrogation of the freedom of choice of parents. So, I
respectfully suggest that when we state in our submission that we applaud the
conclusions of the Gendron Commission, we do not agree with it on all force,
but we obviously are for its basic thrust. I think we have attempted to reflect
its basic thrust within our submission, and we certainly accept the fact that
there should not be any coercive measures in any legislation emanating from
this Legislature.
M. DEOM: Mais vous admettez quand même que la définition
que la commission Gendron donne de la langue officielle implique l'utilisation
de mesures coercitives, parce que le concept de langue officielle et
l'utilisation des termes je me rappelle très bien
puissance économique, puissance politique de l'Etat n'auraient plus de
sens.
M. PINSKY: There is also a very interesting portion within McWhinney's
report. I am sorry I do not have the obvious reference...
M. DEOM: Ne faites pas référence au rapport de M.
McWhinney, mais au rapport de la commission Gendron.
M. PINSKY: Non, non. In the commission itself, it says, if I might
paraphrase: "Would we have the ability to so draft a law that would satisfy the
anxieties and apprehensions and the feelings of all citizens of Quebec". And I
stresses that it attempts to make French the priority language, and at all
times, as I understand it, Sir, recognizes the privileges and interests of the
use of English as they now exist, as I understand the Gendron Commission.
M. DEOM: Bon! A la page 8, vous dites: Un système tel
qu'envisagé dans ces articles vous faites référence
aux articles 31 à 35 renverserait la direction d'opinion et de
libre concurrence et favoriserait assurément les grandes corporations
aussi bien qu'un segment de notre population.
Je me demande comment le système qui est proposé dans les
articles 31 à 35 va favoriser les grandes corporations. Est-ce que vous
pourriez m'expliquer comment vous en êtes venu à cette
conclusion?
M. PINSKY: Un instant, je vais chercher la loi...
M. DEOM: Pour vous aider un peu, vous dites que les mesures coercitives
des articles 31 à 35...
M. PINSKY: Perhaps our justification for that is that we feel that in
the corporate sense, the larger corporations that do business within Quebec
have at their disposal the material means to see to it that the proper
dissemination and diffusion of French is made, but on the countrary, the
smaller businesses, the businesses that employ five, ten, twenty-five, let us
say up to one hundred, it is an arbitrary figure, I accept any type of
legislation of this nature would, it would seem logically, render a hardship to
these businesses which are Anglophone in character at the moment. That would be
my reply to you, Sir.
M. DEOM: Un dernier commentaire pour vous dire que, quand vous
suggérez qu'on permette la déduction des taxes, des
dépenses encourues pour l'enseignement de la langue française,
c'est déjà fait. Ce sont des dépenses d'exploitation
déductibles de l'impôt sur le revenu des corporations.
M. PINSKY: Oui, oui.
M. DEOM: Alors, merci.
M. PINSKY: It is already done...
M. DEOM: Pardon?
M. PINSKY: I think that what we would like to see is that that
continues. We would like to see it be encouraged.
M. DEOM: Je n'ai pas l'impression que le gouvernement a indiqué
que ceci serait amendé d'une façon ou de l'autre, au
contraire.
M. PINSKY: This might put some of the language businesses out of scoop,
perhaps. But I mean that it might be an appropriate idea to encourage through
financial incentives to the Anglophone sections of Quebec and vice versa, to
learn each other's language.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Sainte-Anne.
M. SPRINGATE: Mr Speaker, I just like to thank the Canadian Jewish
Congress for the quality of their presentation, I think they have been very
serene. No one can qualify them as an extremist group in any exaggeration of
the word. I have just a few questions. In your suggestion for an amendment to
article 11, you state that: "Every person has the right to address the public
administration in French or in English, as he may choose." Does your group
think that possibly you should add to your amendment the language of the answer
that a citizen of this province should receive from the public
administration?
M. PINSKY: You will recall that our suggested amendment to title I,
chapter 1, is for the two official languages...
M. SPRINGATE: Right.
M. PINSKY: ... and obviously, one would imagine that this will fall
directly from your question.
M. SPRINGATE: Just because I have to translate approximately ten letters
a week, arriving in my county.
M. PINSKY: I would imagine if we would have two official languages
within the province and an English-speaking citizen of Quebec would receive a
letter in French, I would suggest that it might be in order from him to request
that it be directed to him in English.
M. SPRINGATE: I would agree with you, but I just wanted to know your
particular opinion.
M. PINSKY: Yes.
M. SPRINGATE: Also, your amendment to article 24. How did you pick upon
the number 100 and have you any other suggestions to possible amendments to
article 24? For example, a firm that is solely English radio station
CJAD, the Montreal Star where there is more than a hundred employees
and, the way the present bill now reads, the general manager and the editor in
addressing a reporter will have to send him out his daily files in French which
is a little absurd.
M. PINSKY: I must admit that it was a figure arrived quite arbitrerily
and not really based on any study which, unfortunately, we did not have the
time to undertake.
M. SPRINGATE: Does the Congress have any ideas or any suggestions as to
how English-speaking people, resident of the province of Quebec, who have
terminated or completed their schooling five or ten years ago and,
unfortunately, do not have a command of the French language, due to the
inadequacy of the instruction taught at the particular time that they went to
school, as to how these people can become bilingual, and, therefore, function
in the province which is more and more becoming French?
M. PINSKY: We have to have the educational background to give you the
answer to that. However, my only answer for the moment that I think our
committee would care to give will be in reply to the last question when I said
that if this government could make available incentives to the citizens of
Quebec, in both languages, to learn each other language and, certainly, yours
is a problem that is well recognized and well-known throughout the Anglophone
sector of Quebec and, indeed I might suggest, is one which could be duplicate
within the Francophone section.
I dare say there are many Francophones who are desirous indue course of
learning English language and I think that, through incentives and through
encouragement, this government could participate in this cultural and
linguistic interchange between our people.
M. SPRINGATE: Like you, I have not yet met one parent, either English of
French, who does not want his or her child to become bilingual. I have not met
one.
M. PINSKY: This has been our sincere and honest opinion and this has
been our experience as well at the many meetings that we held, and not only
amongst the Jewish community, I might add.
M. SPRINGATE: Once again, many many thanks for an outstanding brief and
I thank you very much.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, au nom des membres de la
commission, nous vous remercions de votre présentation.
M. PINSKY: Nous vous remercions infiniment de votre attention.
LE PRESIDENT (M. Gratton): J'invite immédiatement le Conseil des
fédérations ethniques de la province de Québec à
prendre place à la table, s'il vous plaît.
Le porte-parole est bien M. Muszka.
Conseil des fédérations ethniques de la
province de Québec
M. MUSZKA: M. le Président, je suis Akos de S. Muszka. A ma
droite, Dr Bohdan Wolanskyj, le président du Comité des
Ukrainiens canadiens, et à ma gauche, le Dr Jean Taranu, le
président de Fédération roumaine du Canada.
M. le Président, nous commençons d'abord avec notre
déclaration de principe. Dans le préambule du projet de loi 22,
on lit que la langue française constitue un patrimoine national que
l'Etat a le devoir de préserver et qu'il incombe au gouvernement du
Québec de tout mettre en oeuvre pour en assurer la
prééminence et pour en favoriser l'épanouissement et la
qualité. La Communauté ethnique de la province de Québec
soumet respectueusement que cette déclaration de principe est
incomplète et limitative. La Communauté ethnique de la province
de Québec déclare solennellement que la langue et la culture
françaises constituent un patrimoine de toute la population de la
provin-
ce de Québec, y compris la population ethnique, et que c'est un
devoir pour nous, de quelque origine que nous soyons, de tout mettre en oeuvre
pour assurer et favoriser leur plein épanouissement. Le Conseil des
fédérations ethniques de la province de Québec, dans le
passé, a déjà souligné à plusieurs reprises
qu'il y a une intimité profonde entre la langue et la culture, et que
l'épanouissement de la langue française ne pourra être
atteint en la dissociant de la culture française
québécoise. La langue en elle-même n'est qu'un moyen de
communication entre les individus, et si on n'a pas ses racines dans la culture
qui représente la quintessence de la pensée créatrice
d'une société donnée, elle dépérit.
Le trait d'union de toutes les ethnies composant la communauté
québécoise devrait être la communion d'idées et
d'idéaux de tous ces groupes. Pour éviter toute équivoque,
nous devons tout de suite dire que nous ne songeons pas à une
juxtaposition des différentes cultures. La culture française de
la province de Québec en elle-même est distincte de la culture
française des autres pays francophones, car le germe apporté de
France il y a quelques siècles a pris ses racines dans le sol
québécois et canadien. Cela s'applique à la culture
anglaise, italienne et à toutes les autres cultures. Sans être des
provincialistes, tout de même, nous devons nous rendre compte que le
milieu québécois est différent du milieu du
Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Ecosse, de l'Ile-du-Prince-Edouard, de
Terre-Neuve, de l'Ontario et des provinces de l'Ouest. Malgré une
ressemblance d'homogénéité, ce même état de
fait existe dans tous les Etats des Etats-Unis d'Amérique du Nord. On ne
peut donc prétendre que le Québec français n'est qu'un
petit îlot dans le grand océan anglophone. En conséquence,
nous répudions la thèse défaitiste que le Québec
français est voué à la disparition dans le grand contexte
anglophone nord-américain à moins d'une intervention vigoureuse
du gouvernement du Québec. La langue française pourra
disparaître seulement si les individus composant la société
québécoise ne chérissent pas la langue française.
Une telle disparition pourrait être provoquée seulement par leur
acte d'omission ou commission. Nous préserverons et développerons
la langue française dans la province de Québec d'abord
grâce à la volonté individuelle des Québécois
et ensuite par l'effort soutenu de toute la collectivité
québécoise. Si la langue française ne s'est pas
épanouie davantage, nous devons avouer que cela est attribuable à
chacun de nous individuellement. Les parents n'ont pas su transmettre à
leurs enfants l'amour de la langue. L'enseignant, de son côté, n'a
rien fait de mieux, et l'enfant, faute d'un bon départ, n'a pas dû
réaliser à temps son appartenance culturelle et, devenu adulte,
il fut pris dans l'engrenage de son entourage.
Les syndicats, y compris celui des enseignants, les mouvements
patriotiques et même les ministres responsables ont, en quelque sorte,
négligé de voir au rayonnement de la culture et de la langue
françaises dans la province de Québec. Sans faire une critique
trop sévère du texte du projet de loi 22, ces rédacteurs
devraient admettre que le texte assez souvent est boiteux, plein
d'impuretés et on y trouve même des anglicismes inacceptables.
L'impression générale que la majorité des immigrants s'est
anglicisée est tout à fait inexacte.
Le système d'éducation confessionnel de la province de
Québec a forcé beaucoup de francophones à envoyer leurs
enfants dans les écoles protestantes anglaises. En outre, même des
catholiques non francophones se voyaient refuser leurs enfants par les
écoles françaises, même si leurs enfants parlaient
déjà couramment le français. A maintes reprises,
c'était un privilège pour un enfant d'immigrant d'être
accepté dans une école française. Avant l'institution des
COFI, l'enseignement du français aux adultes était
dérisoire et, malgré leurs efforts, les immigrants, après
avoir fini leurs soi-disant cours de français, avaient acquis à
peine ses rudiments. Toute la communauté ethnique approuve le principe
de COFI, mais elle souhaite que l'enseignement de la langue française
dispensé dans ces écoles soit amélioré. Le Conseil
des fédérations ethniques de la province de Québec soumet
respectueusement que la solution du problème réside surtout dans
un changement de mentalité de tout le peuple québécois
à l'égard de la langue française et surtout dans des
réformes en profondeur du système de l'enseignement du
français dans les écoles publiques.
Dans les écoles françaises, on devrait rendre
l'enseignement du français plus vivant et inciter les
élèves à enrichir leurs esprits avec les trésors
inépuisables de la littérature française en
maîtrisant davantage la culture française, elle deviendrait une
partie intégrante de leur vie. Toutefois, comme la langue universelle
des affaires est l'anglais, l'enseignement de cette langue dans les
écoles françaises est une nécessité absolue. On
devrait donc l'enseigner de telle sorte que les élèves la
possèdent entièrement.
Si on n'a pas actuellement des professeurs compétents disponibles
en nombre suffisant, nous devrons recycler les enseignants anglais pour qu'ils
deviennent des spécialistes dans cette discipline. C'est une
vérité de La Palisse que l'enseignement du français dans
les écoles anglaises laisse encore beaucoup à désirer.
Nous devrons donc doter ces écoles de professeurs de langue
française pour que l'élève complétant ses
études soit entièrement versé dans la langue et la
littérature française. Si on n'a pas assez de professeurs de
français, nous n'avons qu'à puiser dans les effectifs des
enseignants surnuméraires. Ainsi, au lieu de devenir des chômeurs,
ils suivraient des cours de recyclage pour devenir des spécialistes dans
l'enseignement de la langue française. Etre bilingue dans le monde
moderne est un avantage pour tout le peuple
québécois et si pour des raisons
éphémères nous le rendions unilingue, nous commettrions
une grave erreur.
Pour la suite, M. le Président, nous proposons des amendements
concrets à plusieurs articles de la loi. Dans le préambule, on a
juste changé, que c'est l'affaire de tout le peuple, et non seulement du
gouvernement, de s'occuper de l'épanouissement de la langue
française. Disons que les articles les plus importants, au fond
peut-être qu'en 1974 on pense que le Contrat social qui a
été prôné par Jean-Jacques Rousseau n'existe plus
mais nous disons que tout citoyen de la province de Québec a le
droit de comprendre ce qui se passe autour de lui. C'est pour cela d'ailleurs
que nous proposons que la langue anglaise et que les textes officiels,
documents officiels, soient en français et en anglais lorsqu'on
s'adresse aux gens.
En effet, si on ne connaît pas ce qu'il y a dans une lettre, on ne
peut pas répondre et le citoyen n'est pas servi proprement par
l'Etat.
Par la suite, nous avons également proposé que les
contrats conclus au Québec par l'administration publique ainsi que les
contrats des sous-entreprises, qui s'y rattachent, doivent être
rédigés dans la langue officielle. Si l'entrepreneur ou le
sous-traitant est anglophone et a 100 employés ou moins, les contrats
peuvent être rédigés à la fois en français,
en anglais ou lorsque l'administration publique contracte avec
l'étranger, à la fois en français et dans la langue du
pays intéressé. Comme les entreprises d'utilité publique
s'adressent à tout le monde et que les corps professionnels existent
déjà depuis plusieurs décennies dans les
communautés entièrement francophones, lorsqu'ils s'adressent
individuellement à des francophones, ils doivent offrir leurs services
au public dans la langue officielle. Toutefois, dans les communautés
mixtes de francophones et anglophones et lorsqu'ils s'adressent
individuellement à des anglophones, ils doivent le faire en
français et en anglais.
Concernant les corps professionnels, on devrait dire qu'à
l'avenir, ils ne pourront délivrer des permis en vertu du code des
professions, à moins que les intéresssés n'aient de la
langue officielle une connaissance appropriée à l'exercice de la
profession envisagée. En effet, on a de grands spécialistes qui,
malheureusement, à cause du milieu où ils sont arrivés,
sont allés à McGill, dans des hôpitaux anglais et bien
entendu leur langue seconde, si je peux appeler ainsi leur langue maternelle,
est l'anglais. Si on laisse l'article 21, tel qu'il est, éventuellement,
des bureaucrates pourraient l'interpréter et l'appliquer
rétroactivement. Nous disons que des entreprises, ayant moins de 100
employés, devront être allégées par les
règlements adoptés à cet égard par le
lieutenant-gouverneur en conseil. Nous avons pris 100 employés, parce
qu'une petite entreprise... Comme le représentant du Congrès juif
canadien l'a dit, c'est un peu arbitraire, on devra toujours prendre en
considération l'ampleur de l'entreprise et nous ne devrons pas mettre
hors du marché une petite entreprise en obligeant le petit vendeur de
pizzas d'engager des gens qui parlent le français ou de le parler
lui-même. Nous savons bien qu'on n'ira pas aussi loin, mais tout de
même, dans une société qui commence à devenir
impersonnelle, on doit prendre les mesures nécessaires dès le
début.
Finalement, nous disons que tous les résidants de la province de
Québec, avant l'entrée en vigueur de cette loi, ont le libre
choix du système d'enseignement de leurs enfants. Les immigrants qui
s'établiront par la suite pourront également exercer leur libre
choix du système d'enseignement de leur enfant, à la condition
que leur enfant, au préalable, ait suivi durant une année un
cours d'immersion dans le système français.
Ici, je dois dire tout de suite qu'il y a trois courants de
pensée. Les Italiens prônaient trois ans, d'autres prônaient
deux ans. Moi-même, j'ai fait l'expérience, je suis entré
dans une école roumaine, je ne parlais pas du tout le roumain en
commençant la première classe. A la fin de l'année,
j'étais le premier parmi 42 Roumains. Cela ne veut pas dire que tout le
monde peut arriver premier, mais, tout de même, chacun peut
acquérir assez de connaissance d'une langue pour que, par la suite, il
soit à l'aise dans cette langue.
Finalement, nous pensons que le plus important c'est l'article 106, qui
devra être remplacé par le texte suivant: Le projet de
règlements ayant trait à la présente loi, ou les projets
des amendements des règlements devront être déposés
chez le greffier de l'Assemblée nationale qui devra en faire remettre
une copie à tous les membres de l'Assemblée nationale.
Sur la motion de discuter le projet de règlement appuyé
par au moins un tiers des membres, le président de l'Assemblée
nationale doit l'inscrire à l'ordre du jour. Après discussion, le
président de l'Assemblée nationale soumet le projet de
règlement au vote et, si adopté par la majorité des
membres, le règlement entre en vigueur après sa publication dans
la Gazette officielle du Québec. Autrement, s'il n'y a pas une telle
motion, les mêmes modalités qui existent actuellement dans le
projet de loi... Par la suite, de petits amendements, comme dans le code civil,
étant donné que tout le monde doit comprendre ce qu'il y a sur
les billets d'avions, sur les connaissements, etc... Nous prônons que ce
soit bilingue, parce qu'on ne peut pas choisir la clientèle, on ne peut
pas savoir à l'avance qui sera le client et c'est un principe de base
dans la société moderne que celui qui contracte devrait tout de
même avoir une certaine connaissance des obligations qu'il assume ou s'il
y a des restrictions de responsabilité de la part de l'autre partie
contractante, qu'il sache de quoi il s'agit.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, merci. L'honorable ministre de
l'Education.
M. CLOUTIER: M. le Président, je voudrais
remercier le Conseil des fédérations ethniques de la
province de Québec pour la présentation de son mémoire.
C'est un groupe qui est très actif et que je connais. Je crois que le
mémoire comporte, d'une part, des affirmations générales
et, d'autre part, un certain nombre de recommandations que le gouvernement va
étudier. Pour le moment, je n'ai pas d'autre question.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, est-ce que je peux vous demander de
considérer qu'il est six heures et que nous reprenions après
l'ajournement.
M. CLOUTIER: Pourquoi? Il est six heures moins dix.
M. CHARRON: Parce que j'en ai pour vingt minutes.
M. CLOUTIER: Je ne vois pas pourquoi nous n'irions pas jusqu'à
six heures. Je cherche à être agréable au
député de Saint-Jacques, bien qu'il ne le soit pas toujours
à mon égard et j'ai toujours la plus grande disponibilité,
mais j'aimerais qu'on me donne une bonne raison pour interrompre.
M. CHARRON: Très bien.
M. CLOUTIER: Parce que nous avons des membres qui peuvent poser des
questions également.
M. CHARRON: Très bien. Très bien. Je vais procéder
immédiatement.
M. CLOUTIER: Bon. A moins que vous ayez une raison sérieuse, je
préférerais que nous continuions jusqu'à six heures.
M. CHARRON: M. le Président, je veux remercier également
le Conseil des fédérations ethniques du Québec pour la
qualité et la façon dont on a défendu le mémoire
qui a été présenté.
Il y a deux thèmes de discussions que j'aimerais avoir avec vous
et qui ont été soulevés dans votre mémoire.
A la page 2, lorsque vous dites: "En conséquence, nous
répudions la thèse défaitiste que le Québec
français est voué à la disparition dans le grand contexte
anglophone nord-américain, à moins d'une intervention vigoureuse
du gouvernement du Québec". Cette thèse que vous appelez
défaitiste, vous n'êtes sans doute pas sans savoir qu'elle est
partagée par beaucoup de monde, même si elle est
défaitiste. En fait, cette commission en est à sa
cinquième semaine de séances et la plupart des groupes
anglophones, même les quelques rares béquilles que le
gouvernement a reçues quant à son projet de loi,
même ceux qui acceptaient le projet de loi 22 s'entendaient sur la
nécessité d'une intervention, parce que, disaient-ils, la
situation du français est en péril, en difficulté.
Si votre thèse est que le Québec français est
voué à la disparition dans le grand contexte anglophone
nord-américain, vous avez raison. Si c'est cela que vous affirmez, moi
aussi je partage cette opinion. Je ne crois pas que le caractère
français du Québec puisse diaparaître au cours des vingt
prochaines années. J'ai parfaitement la conviction, moi aussi, que, dans
une vingtaine d'années, à Nicolet, à Dolbeau ou à
Matane, on parlera encore français, bien sûr. Je n'ai pas
l'impression que les quelque quatre millions que nous sommes,
Québécois de langue maternelle française vont
disparaître comme cela. Là, n'est pas la question.
Si vous avez résumé toute la thèse des gens qui
s'inquiètent du sort du français au fait que vous dites que ces
gens prétendent que, d'ici une vingtaine d'années tout cela sera
disparu, vous les avez mal compris. Ce que les gens sont en train de se
demander c'est si cela vaudra encore la peine de parler le français.
Est-ce qu'on pourra encore vivre avec le français? Est-ce que ce sera
encore une langue vivante qui véhiculera toutes les qualités
qu'elle possède ou si elle sera de plus en plus truffée
d'anglicismes? Est-ce que nos villes auront encore un caractère
français? Est-ce que l'affichage, l'environnement culturel du
Québec sera encore français? C'est la qualité de ce
français.
Je vous poserais même une question immédiatement à
la suite d'une autre affirmation que vous faites dans ce texte. C'est aussi la
vitalité de ce français qui est en question. Personne ne
prétend que le Québec disparaîtra comme groupe francophone
en Amérique du Nord. Cela aurait dû arriver si cela devait
arriver. En 1760, toutes les conditions étaient là pour que nous
disparaissions ipso facto de la carte. On s'est mis à la tâche,
c'est le cas de le dire, et on est devenu un peuple vigoureux, dynamique et qui
propose même maintenant son autodétermination, mais là
n'est pas la question.
Quand vous affirmez que la langue française pourra
disparaître seulement si les individus composant la société
québécoise ne chérissent pas la langue française,
ce n'est pas une question de chérir une langue ou de ne pas la
chérir. Je pense que ces grandes envolées sur la beauté de
la langue française que l'on faisait sur toutes les tribunes à
une occasion ou à une autre, cette évocation de notre
appartenance à une civilisation mondiale, cela a encore son fondement,
mais ce n'est plus le cas.
La langue française pourra disparaître seulement si les
individus composant la société québécoise
j'apporte une correction à votre texte ne considèrent pas
leur langue comme une langue rentable. Voilà la question! Ce n'est pas
s'ils ne la chérissent plus. On peut toujours chérir la langue
française, mais quand on
s'aperçoit qu'on ne peut pas gagner sa vie avec elle, qu'on ne
peut pas obtenir les postes de direction avec elle, qu'on est
nécessairement obligé de se traduire, c'est à ce moment
qu'on l'abandonne. C'est à ce moment qu'on met ses enfants à
l'école anglaise. C'est à ce moment qu'on n'a plus aucune
objection à ce que tous les textes que vous communiquent vos
municipalités ou l'Etat même soient dans les deux langues. Vous
finissez par ne plus avoir d'objection, à ne plus vous apercevoir que
vous êtes envahis par un environnement culturel unilin-gue anglais
à certaines occasions, ou tragiquement bilingue comme le propose encore
le projet de loi. C'est à ce moment que vous commencez à ne plus
la chérir. C'est quand elle n'est plus rentable. Là-dessus, je
pense que je n'ai pas une position défaitiste. J'ai la position de la
commission Gendron. La commission Gendron a lié le sort du
français au Québec à l'action du gouvernement, pour le
rendre rentable.
Le jour où tous les Québécois auront la conviction
qu'il est possible d'atteindre les postes de commande de la
société québécoise dans toutes les sphères
d'une société moderne et dynamique, dans sa langue et sans aucune
obligation de se traduire à l'exception des tâches
vouées par le contexte que tout le monde reconnaît le jour
où les Québécois auront cette conviction qu'ils peuvent
vivre, travailler, s'épanouir complètement dans leur langue,
obtenir les postes que tout le monde convoite pour une société
normale et qu'ils ne concèdent pas à ces minorités,
à ce moment, ce ne sera plus une question de chérir où de
ne pas chérir la langue, on ne se posera plus la question si on doit
mettre ses enfants à l'école anglaise. La preuve sera faite que
c'est le français qui est devenu rentable. Faire du français une
langue rentable. C'est le point de divergence que j'ai avec vous sur cette
question. Ce n'est pas une question de chérir ou de ne pas chérir
une langue. C'est une question qu'une langue nous fasse vivre ou ne nous fasse
pas vivre.
M. MUSZKA: M. le Président, le représentant de
l'Opposition a posé plusieurs questions. Tout d'abord, permettez-moi de
vous dire que plusieurs d'entre nous avons fait partie aussi des
minorités. Je suis de Transylvanie, j'ai vécu en Roumanie pendant
18 ans.
A ma gauche, le Dr Taranu et sa famille avant 1918, ont vécu
également sous le régime Autriche-Hongrie. Les Roumains de
Transylvanie ont conservé leur langue et leur culture roumaines et les
Hongrois qui ont vécu en Transylvanie pendant l'occupation roumaine ont
conservé leur langue hongroise.
Je peux même dire que pendant que nous étions sous le
régime roumain, notre vie littéraire, et notre vie culturelle
étaient beaucoup plus épanouies, parce que justement il y avait
une plus grande solidarité, entre nous, les Hongrois, pour combattre, en
quelque sorte, la majorité.
Lorsque nous avons voulu devenir des chefs d'entreprise, d'une part,
nous avons pris la peine de nous "caler", autant sinon plus que les Roumains
pour que nous puissions nous-mêmes avoir des postes de commande.
Deuxièmement, nous avons formé nos coopératives et nos
industries, nos commerces où nous sommes devenus des gens
indépendants; pour les professionnels, c'était la même
chose.
Mais la base de tout ça a été que le système
d'éducation a inculqué chez les enfants des Hongrois et des
Roumains leur attachement à leur culture. Si on ne possède pas
à fond une langue, on ne peut pas porter la langue parce que langue vit
jusqu'à ce que... Un peuple vit sa langue tous les jours et non pas
seulement au travail, et, par la suite, en revenant de son travail, il l'oublie
complètement. Il peut lire, il peut se cultiver. Pour ne pas vivre ce
que, malheureusement, j'ai vécu à l'Université de
Montréal, lorsqu'un professeur voulait nous dire que nous devrions nous
occuper de tel ou tel domaine du droit, au lieu de nous dire que c'était
parce que cela nous donnerait une très grande satisfaction et qu'on
pourrait bien servir la communauté, il nous a dit: Messieurs, faites
cela parce qu'avec ça vous ferez beaucoup d'argent.
M. le Président, lorsque l'idéal est ainsi donné
aux étudiants qui sont encore pleins d'idéalisme, je ne
pensé pas que la langue française puisse se conserver avec si peu
d'idéalisme.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Sur ce, la commission va suspendre ses
travaux jusqu'à 20 h 15. J'inviterais, si possible, les membres du
Conseil des fédérations ethniques de la province de Québec
à revenir à 20 h 15 pour qu'on puisse terminer la période
des questions. Est-ce que cela convient?
M. MUSZKA: J'ai un avion qui décolle à 6 h 35. Est-ce
qu'il y a des membres qui veulent...
M. CLOUTIER: M. le Président, nous n'avons pas encore suspendu la
séance. Je ne sais pas si l'Opposition qui est déjà partie
consent à revenir. Le groupe nous demande si on pourrait
délibérer. Du côté ministériel, je crois bien
qu'il n'y aurait pas d'objection, parce que je sais que ce groupe a
déjà fait des efforts pour venir ici, alors nous n'aurions pas de
question. C'est vraiment à l'Opposition de prendre sa
décision.
M. CHARRON: Alors si la commission nous le permet, nous pourrions
continuer jusqu'à 6 h 15 et reprendre à 8 h 30.
M. CLOUTIER: Je trouve que c'est une très bonne suggestion.
Est-ce que ceci donnerait le temps au groupe...
M. TARANU: C'est cela.
M. MUSZKA: Oui.
M. CLOUTIER: Cela vous irait?
M. TARANU: Merci bien, M. le Président.
M. CHARRON: Je n'ai, en fait,...
M. TARANU: M. le Président, si vous me permettez, je pense que le
thème défaitiste, nous nous y opposons, parce que depuis que nous
sommes arrivés au pays, ceci est pour M. le député, la
qualité du français s'est améliorée. Nous l'avons
constaté chez nos enfants qui ont poursuivi des études à
l'école française. Nous l'avons constaté chez leurs amis
qui les accompagnent dans nos demeures. Le mot "chéri" est un mot un peu
bourgeois, je comprends que...
M. CHARRON: Français.
M. TARANU: ... qu'il est tout de même français et vient du
fait qu'avant d'arriver au Québec, nous avons, d'ailleurs comme tous les
pays du centre de l'Europe, été sous l'influence du rayonnement
de l'esprit de la culture française. Vous le savez très bien.
C'est peut-être à cause de cette influence que nous employons des
mots comme chérir. En effet, tous ceux qui ont connu ce rayonnement en
Europe depuis l'égalité et fraternité ne peuvent
qu'employer le mot "chérir" en parlant du rayonnement de l'esprit
français.
M. CHARRON: Ecoutez, je ne vous en voulais pas d'avoir utilisé ce
charmant mot qu'a mis le vocabulaire français à notre
disposition, mais je vous signalais tout simplement qu'à mon avis
l'attachement à une langue a des racines socio-économiques. C'est
dans le caractère et l'utilité d'une langue sur le plan
socio-économique qu'on s'y attache ou qu'on ne s'y attache pas. Je peux
dire que je m'attache à une langue, parce que je la trouve belle comme
consonance, ou des raisons comme celle-là, mais cela ne veut pas dire
que je me battrais pour cette langue. Je pense que c'est de cela qu'on parlait.
J'ai une tout autre petite question à vous poser, et que je vous
inviterais à commenter. Vous affirmez à la page 3 de votre
mémoire que l'impression générale que la majorité
des immigrants s'est anglicisée est tout à fait inexacte.
Je ne crois pas que ce soit tout à fait inexact. Je pense
là-dessus que vous n'avez pas beaucoup d'appui non plus pour
prétendre ce que vous prétendez là. Parce que bien des
groupes sont venus nous faire état de chiffres actuels quant à
l'orientation de l'immigration et on ne peut pas dire que cela va dans le sens
du français. Prenons par exemple, les classes d'accueil de la Commission
des écoles catholiques de Montréal, puisque nous parlons un
instant de la métropole. On dit que les classes d'accueil dans le
secteur français n'ont réussi cette année, malgré
tous les efforts et le tape-à-1'oeil que le gouver- nement a pu mettre
derrière ces mesures incitatives, à n'attirer qu'un tiers des
enfants d'immigrants, les autres deux tiers demeurant
irrémédiablement dans le secteur anglophone. Et encore,
après avoir attiré ce tiers, la commission n'a même pas
réussi à le conserver dans le secteur francophone, puisqu'on nous
apprend que 30 p.c. à peu près de ceux qui ont fait un court
séjour dans les écoles françaises retournent et suivent
l'orientation traditionnelle des immigrants vers l'école anglaise.
Autres chiffres dont je dispose et que je vous inviterais à
commenter, le recensement 1971 ce n'est quand même pas si loin
indique que 73 p.c. des Québécois qui disent que leur
langue maternelle est autre que le français ou l'anglais avaient comme
langue d'usage l'anglais, c'est-à-dire la langue pour reprendre
la terminologie des recensements la plus couramment parlée
à la maison. Des groupes ukrainiens, hongrois ou italiens
s'étaient à ce point anglicisés, soit dans le
système scolaire, soit dans le milieu du travail, qu'ils en venaient
même entre eux, dans leur propre maison, à abandonner la langue
européenne, asiatique ou sud-américaine qui était leur
langue maternelle, pour parler entre eux la langue anglaise. C'était le
cas de 73 p.c. des Québécois de langue maternelle...
Le meilleur plaidoyer que je pourrais donner, s'il avait eu le courage
de venir à cette commission, cela aurait été le ministre
de l'Immigration lui-même, qui est en désaccord sur le projet de
loi. Il n'est pas venu le manifester à cette commission encore, comme le
ministre de la Justice l'a fait, mais cela aurait été
intéressant d'entendre le ministre de l'Immigration déposer
lui-même les chiffres qu'il a livrés à la Chambre dans son
discours sur le message inaugural du début de cette session. Il y
indiquait très clairement qu'encore aujourd'hui il disposait de
chiffres de 1972 l'anglicisa-tion des immigrants est une chose courante.
Ce n'est pas pour rien que tant de groupes réclament que tous les
immigrants aillent à l'école française. Ce n'est pas pour
rien. Je trouve que, quand vous dites que l'impression générale
est que la majorité des immigrants s'est anglicisée est inexacte,
c'est vous qui dites des inexactitudes. Je pense que cette impression est
vraiment basée sur des faits.
M. MUSZKA: M. le Président, tout d'abord, j'apprécie
beaucoup les recensements, mais, malheureusement, les recensements ne sont pas
faits par des experts.
On le voit tout de suite. De Muszka, quelle sorte de
métèque est-il, etc.? On ne pose même pas de question, mais
tout de suite on dit que c'est un Anglais. De fait, M. le Président,
assez souvent, même des gens qui me connaissent très bien
je ne vais pas nommer des gens qui ne sont pas ici en Chambre ou ne sont pas
des membres du cabinet ou de l'Opposition qui savent très bien
que la langue parlée dans ma famille est la langue française et,
tout de même,
je reçois des lettres en anglais. Dès qu'on voit de
Muszka, Taranu ou un autre nom qui n'est pas tout à fait
français, on lui envoie les lettres en anglais.
M. CHARRON: Du fait qu'on s'adresse à vous en anglais, par
exemple, c'est parce que, neuf fois sur dix, une personne portant un nom
à consonance étrangère comme vous est effectivement
anglicisée. Le phénomène que vous me donnez part d'une
impression qui est vraie. Je vous dirais que peut-être moi-même, si
je recevais une lettre de vous si vous m'écriviez en
français, je vous répondrais probablement en français
mais,...
M. MUSZKA: Je l'espère.
M. CHARRON: ...recevoir une lettre ou prendre connaissance, sur une
liste électorale, de l'existence d'une personne, vous pouvez vous
adresser, huit fois sur dix ou neuf fois sur dix, en anglais à cette
personne et vous ne tomberez pas sur l'exception. Vous êtes l'heureuse
exception. C'est malheureux, mais si on s'adresse aussi souvent à vous
en anglais, dites-vous bien que, neuf fois sur dix, on tombe pile en parlant
anglais.
M. MUSZKA: Mais vous savez que mon fils, qui parlait parfaitement le
français lorsqu'il est allé à l'école une
école privée par-dessus le marché pendant deux ans,
a dû lutter pour être accepté par la communauté, par
ses confrères. J'ai l'impression que c'est très subjectif ce que
vous dites, M. le membre de l'Opposition, parce que vous-mêmes voulez
créer une atmosphère anglicisée des ethniques.
M. CHARRON: Comment ça?
M. MUSZKA: Vous-mêmes, les Canadiens français,
malheureusement je ne sais pas pour quelle raison avez presque
donné l'impression que nous devons nous angliciser pour vivre au
Québec.
M. CHARRON: Mais c'est vrai!
M. MUSZKA: Ce n'est pas vrai du tout, parce que vous avez ici quelqu'un,
en chair et en os, qui a lutté à l'Université de
Montréal pour être accepté. Il a été
refusé par la Banque Canadienne Nationale, en 1952, comme un petit
scribe; il avait une très belle culture mais, malheureusement, ne
parlait pas assez bien l'anglais.
Je vous demande donc, M. le Président, combien de lettres
s'écrivent en anglais à la Banque canadienne nationale. Je ne
pense pas qu'il y en ait trop. Cette atmosphère anti-ethnique devrait
disparaître de la communauté française et vous devriez nous
accepter dès le début, dès que nous arrivons, ici,
à Montréal, dans votre communauté française. De
cette façon, je vous assure qu'à peu près 70 p.c. ou
même 80 p.c. des immigrants opteraient tout de suite pour la langue
française. A part cela, ce que vous dites, concernant la langue, nous
l'avons dit à plusieurs reprises. La langue est seulement quelque chose
pour communiquer. Cela ne veut pas dire qu'on s'anglicise parce qu'on parle
anglais. Moi aussi, je parle anglais, mais je ne suis pas anglicisé.
J'ai dû l'apprendre, bien entendu, parce que tout avocat doit parler
anglais, mais j'ai aussi appris quatre autres langues. C'est pour cela que j'ai
pu me forger, disons, une situation enviable, même pour mes
confrères autochtones. Ce qui veut dire, en un mot, que s'enrichir ne
veut pas dire qu'on abdique.
M. CHARRON: Je suis parfaitement d'accord.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de
Laurentides-Labelle.
M. LAPOINTE: M. le Président, une seule question. Si j'ai bien
compris, lorsque vous avez mentionné les amendements que vous proposez
dans le domaine de l'enseignement, vous préconisez le libre choix. Vous
avez parlé de cours d'immersion. Est-ce que ces cours d'immersion
seraient obligatoires? A quel moment les immigrants suivraient-ils ces cours
d'immersion? Est-ce un peu la formule actuelle qui est appliquée par les
classes d'accueil?
M. MUSZKA: Non.
M. LAPOINTE: Est-ce que vous pourriez nous donner des explications?
M. MUSZKA: M. le Président, pour pousser plus loin, ce devrait
être beaucoup plus organisé. Je ne veux pas être trop
désagréable, mais depuis à peu près cinq ans qu'on
commence à s'occuper un peu des immigrants, avant c'étaient
seulement les dames de charité qui nous accueillaient avec un
café, par la suite, on disparaît à Montréal... On
devrait mettre sur pied des maternelles et des écoles où ces
enfants pourraient immédiatement entrer et suivre les cours selon leurs
aptitudes, soit un, deux, trois ou quatre ans. De toute façon, qu'ils
parlent bien le français et l'anglais et, par la suite, on pourra donner
le libre choix.
M. LAPOINTE: Vous connaissez probablement le programme mis sur pied par
le ministère de l'Education, soit des classes d'accueil. Que pensez-vous
de cette formule actuellement? Est-ce que, d'après vous, ça
favorise...
M. MUSZKA: Oui, c'est une bonne formule. Mais elle devait être
améliorée, en mettant beaucoup plus de classes à la
disposition des immigrants et aussi que le corps enseignant devrait être
un peu plus compétent. En même
temps, je ne pense pas, M. le Président, que cette méthode
audio-visuelle et les autres soient tellement nécessaires. Il serait
beaucoup plus utile cela s'applique aussi aux Canadiens français
que les enfants aient surtout des manuels traitant de Montréal,
de la province de Québec et non pas des manuels qui viennent de France
et qui enseignent à nos jeunes édutiants la valeur de Rome ou de
Paris, qu'il y a la rive sud et la rive nord.
Je pense que la langue est enseignée un peu comme une langue
morte, même si c'est une langue vivante. Elle n'est pas assez vivante
pour les étudiants et c'est pour cela qu'eux apprennent le
français presque de la même façon que le latin.
Alors j'ai l'impression que de ces sphères philosophiques, on
devrait revenir un peu plus terre à terre et, en même temps qu'on
leur enseigne la langue, qu'on les mette tout de suite dans le milieu
québécois où ils arrivent.
M. LAPOINTE: Je n'ai pas d'autres questions M. le Président,
merci.
LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Muszka, messieurs, merci au nom de la
commission et bonne chance avec votre envolée.
La commission suspend ses travaux jusqu'à, ce soir, 20 h 30.
(Suspension de la séance à 18 h 15)
Reprise de la séance à 20 h 39
M. GRATTON (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs!
Avant d'inviter le premier groupe à faire sa présentation,
j'aimerais aviser la commission des membres qui la composent pour la
séance de ce soir, soit: M. Malepart (Sainte-Marie); M. Charron
(Saint-Jacques); M. Déom (Laporte); M. Cloutier ( (L'Acadie); M. Hardy
(Terrebonne); M. Lapointe (Laurentides-Labelle); M. Tardif (Anjou); M. Morin
(Sauvé); M. Lecours (Frontenac); M. Beauregard (Gouin); M. Saint-Germain
(Jacques-Cartier); M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Dufour (Vanier).
Les groupes que nous devons entendre ce soir sont: l'Association
coopérative d'économie familiale de Thetford Mines et le
Comité d'école de Boischatel.
Je présume que Mme Aima Nadeau est le porte-parole. Je vous
invite donc, madame, à nous présenter celui qui vous accompagne
et à noter que vous disposez de 20 minutes pour la période de
présentation de votre mémoire.
Association coopérative d'économie
familiale de Thetford Mines
MME NADEAU: M. le Président, je suis Mme Alma Nadeau,
secrétaire à l'ACEF de Thetford. Mon compagnon, M. Labbé,
est directeur général de l'ACEF de Thetford.
Nous désirons soumettre à la commission parlementaire
convoquée pour entendre la population sur la loi 22 quelques
commentaires sur ce projet de loi.
Etant donné que les ACEF travaillent dans le domaine de la
consommation, nous nous attarderons plus spécialement sur cet aspect du
projet de loi.
En effet, il est dit, en préambule du texte de loi, ce qui suit :
Attendu que la langue française doit être omniprésente dans
le monde des affaires, particulièrement en ce qui concerne la direction
des entreprises, les raisons sociales, l'affichage public, les contrats
d'adhésion et les contrats conclus par les consommateurs; Nous
considérons que le chapitre IV traitant de la langue des affaires laisse
trop de place à l'usage de la langue anglaise au niveau de l'affichage,
des contrats, de l'étiquetage, des garanties et des notices qui
accompagnent les produits.
Loi 22 et Loi de la protection du consommateur. Nous constatons à
l'usage que les mentions obligatoires devant être inscrites dans un
contrat, tel que stipulé par la Loi de la protection du consommateur,
font que, même s'il s'agit de contrats rédigés dans une
seule langue, les contrats contiennent beaucoup trop de texte et que le
consommateur est pratiquement découragé à l'avance de lire
toutes ces mentions obligatoires qui s'ajoutent à celles que
le commerçant peut vouloir ajouter. Il en résulte qu'un
consommateur qui doit signer un contrat dans de telles conditions se retrouve
devant un véritable roman feuilleton.
Nous croyons que le paragraphe 2 de l'article 41 devrait être
enlevé car il va dans le sens du bilinguisme.
Nous constatons que la loi 22 est un pas en arrière, même
en ce qui regarde la législation déjà adoptée par
le gouvernement Bourassa.
L'article 4 de la Loi de la protection du consommateur dit que: "Le
contrat doit être lisiblement rédigé en français,
mais le consommateur peut exiger qu'il soit rédigé en anglais".
Par contre, l'article 119 du projet de loi 22, qui remplace cet article 4,
enlève cette obligation d'un contrat rédigé en
français. C'est pour cette raison que nous avons dit que le projet de
loi 22 est un pas en arrière.
L'article 65 de la Loi de la protection du consommateur dit: "La
garantie doit être rédigée dans la langue du contrat". Nous
croyons que l'article 40 du projet de loi 22 n'offre aucune garantie que
finalement les consommateurs québécois cesseront de recevoir des
certificats de garantie en langue anglaise. Nous croyons qu'il est très
dangereux qu'on légifère là-dessus en disant que ce doit
être fait en français "sauf dans la mesure prévue par les
règlements".
Au niveau des règlements qui viennent s'ajouter à un texte
de loi, l'expérience vécue avec la Loi de la protection du
consommateur nous montre comment on peut exempter facilement de son application
divers aspects de la consommation. De plus, des règlements viennent trop
souvent restreindre et compliquer l'application d'une loi. Au niveau de
tentatives qui sont faites de vulgariser une loi, les règlements rendent
cette tâche très difficile quand ils sont multipliés
à outrance.
En dépit de ce que dit l'article 65 et l'article 102 m): "Le
lieutenant-gouverneur en conseil peut adopter des règlements pour
établir des normes concernant les instructions écrites et les
manuels concernant l'usage et l'entretien d'un bien ainsi que la langue dans
laquelle ils doivent être rédigés", nous voyons affluer
dans nos bureaux des consommateurs à qui on a remis des textes de
garantie et des manuels en langue anglaise. Nous croyons que cette situation se
perpétuera avec l'adoption du projet de loi 22 tel que
présenté.
Nous constatons, malheureusement, que le chapitre IV portant sur la
langue des affaires consacre le bilinguisme en ce domaine.
Nous constatons, malheureusement, aussi, que l'ensemble du projet de loi
22 étend à des secteurs vitaux de l'activité
québécoise ce que la loi 63 réservait au secteur de
l'enseignement.
Le projet de loi 22 consacre le bilinguisme au Québec. L'article
1 dit pourtant que le français est la langue officielle au
Québec.
Nous demandons au législateur d'abandonner son projet de loi tel
que présenté et de revenir à la charge
immédiatement avec un texte où on pourra retrouver
intégralement l'article 1, suivi d'un texte de loi assurant les
Québécois que le français est la langue officielle au
Québec.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie l'Association
coopérative d'économie familiale de Thetford pour la
présentation de son mémoire. Avant de poser mon unique question,
j'aimerais savoir combien de membres compte votre association?
MME NADEAU: Une trentaine de membres. M. CLOUTIER: Une trentaine de
membres.
MME NADEAU: Une trentaine de... Ce sont des organismes.
M. CLOUTIER: Ce sont des organismes? MME NADEAU: Ce sont des
organismes.
M. CLOUTIER: Qui représentent combien de membres à peu
près.
MME NADEAU: C'est assez difficile de déterminer le nombre, parce
que, voyez-vous, nous avons les caisses populaires, les caisses
d'économie, les syndicats, les... C'est assez difficile de...
M. CLOUTIER: Non, mais c'est déjà une bonne
réponse. Vous avez l'impression que votre prise de position
représente l'opinion de tous ces groupes que vous venez de citer?
MME NADEAU: C'est-à-dire qu'en principe, nous avons
décidé, si oui ou non, on devait présenter un
mémoire sur le projet de loi 22, étant donné qu'on avait
l'occasion de le faire. Alors, cela a été accepté au
conseil d'administration. On a demandé de rédiger un
mémoire, les membres ont été consultés sur le
contenu du mémoire. Ensuite le mémoire en entier a
été accepté au conseil d'administration.
M. CLOUTIER: Très bien. Vous dites dans ce mémoire que le
projet de loi 22 consacre le bilinguisme au Québec. Vous en êtes
sûre? Parce que vous savez, ce n'est pas du tout ce que le projet de loi
22, dans l'idée du gouvernement, veut obtenir. Le projet de loi 22 donne
la priorité au français qui devient la langue officielle, mais il
reconnaît, bien sûr, comme il se doit, un certain nombre de droits
à l'anglais, qui sont nettement déterminés. Est-ce
qu'à votre avis cela signifie vraiment le bilinguisme, cela?
MME NADEAU: C'est peut-être une porte ouverte.
M. CLOUTIER: Mais, vous n'êtes pas sûre?
MME NADEAU: Cela dépend un peu des circonstances et dans
l'application peut-être des règlements, et de l'application dans
chaque cas, en particulier.
M. CLOUTIER: Mais je pense que même, indépendamment des
règlements, si vous prenez la peine de lire la loi comme vous l'avez
très certainement fait, je crois que vous allez constater que la
priorité est donnée au français, et que ceci
n'empêche absolument pas de protéger un certain nombre de droits
individuels en ce qui concerne l'anglais. En fait, si vous comparez cette loi
avec une loi qui, elle, consacre le bilinguisme, comme la Loi sur les langues
officielles, je pense que vous serez obligée d'admettre qu'il y a une
différence énorme, une différence considérable. Je
me demande s'il n'y aurait pas intérêt à ce que vous
revoyiez peut-être cet aspect. C'est pour cela que je vous ai posé
la question.
MME NADEAU: Oui.
M. CLOUTIER: Très bien, j'ai terminé.
MME NADEAU: Est-ce que je pourrais faire compléter par mon
compagnon?
M. CLOUTIER: Bien sûr. MME NADEAU: Sur...
M. LABBE: C'est-à-dire que notre façon de voir le bill 22,
principalement dans la section concernant la langue des affaires, c'est que,
finalement, le français a une place assurée. Mais l'anglais, par
des mentions qui disent que l'anglais peut être inclus, par exemple, dans
les contrats rédigés entre un commerçant et un
consommateur... A notre point de vue, il y a peut-être trop de latitude
de ce côté.
M. CLOUTIER: Bon. Alors, c'est cela que vous pensez.
M. LABBE: Oui.
M. CLOUTIER: Très bien. J'ai terminé, M. le
Président. Je vous remercie beaucoup.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président. Je veux remercier également
l'Association coopérative d'économie familiale. Je pense que la
commission et le ministre des Institutions financières me permettront,
tout en saluant le dépôt de votre mémoire et la
qualité des arguments que vous apportez, de saluer également,
dans l'ensemble, la qualité du travail que l'Association des
coopératives d'économie familiale font dans tout le
Québec. Vous êtes le premier groupe des ACEF à venir
témoigner à cette commission, je dois donc vous en
féliciter tout particulièrement. Nous aurions bien aimé
entendre d'autres ACEF du Québec.
Vous êtes le premier groupe qui vient discuter avec nous de cet
aspect bien particulier du projet de loi vu sous l'angle du consommateur et des
dispositions bien précises du projet de loi qui concernent le
consommateur. Je pense que c'est une preuve de plus, M. le Président,
que cette commission est loin d'être suffisamment informée, que
nous n'avons pas encore vu tous les aspects que la loi couvre et je pense que
ce chapitre du consommateur mérite grandement notre attention. Pour le
moment, vous êtes le premier groupe qui nous invite à le faire de
façon aussi précise.
Alors, je veux donc entrer immédiatement dans les dispositions de
la loi qui vous concernent, avec lesquelles vous êtes habitués de
travailler. Je veux vous demander immédiatement ceci. Quand vous
affirmez, au bas de la page 1 de votre mémoire, que vous croyez que le
deuxième paragraphe de l'article 41 va dans le sens du bilinguisme,
c'est donc dire que vous le jugez superflu dans une loi qui veut faire du
français la langue officielle, si on prend son titre. Et est-ce que je
vous comprends bien quand je dis que vous vous contenteriez de ce qui est
prévu à l'article 41?
Pour renseigner les membres de la commission qui n'auraient pas le texte
de loi entre les mains, l'article 41 se lit comme suit: "Les contrats auxquels
adhèrent les consommateurs doivent être lisiblement
rédigés en français; toutefois comme il fallait s'y
attendre tout consommateur adhérant à un contrat peut
exiger que celui-ci soit rédigé également en anglais". Le
deuxième paragraphe dit: "Les contrats rédigés dans les
deux langues répondent aux exigences du présent article". Si on
regarde bien l'article, comment il est fait, la première partie du
premier paragraphe affirme la primauté du français, le
deuxième consacre l'exception et le troisième permet le
bilinguisme. En fait, c'est toute la loi qui est construite comme ça; on
affirme une primauté, on inclut immédiatement l'exception et on
finit par dire que les contrats rédigés dans les deux langues
répondent aux exigences du présent article. Ce que vous nous
demandez, c'est de supprimer le deuxième paragraphe, mais dans le sens
de la protection du consommateur, vous n'avez pas objection, si je vous ai bien
compris, à ce qu'un adhérent puisse exiger qu'un contrat soit
fait en anglais. Est-ce que je vous comprends bien? Alors, expliquez.
M. LABBE: II n'y a aucune objection à ce qu'un consommateur
puisse demander que le contrat qu'il va signer soit rédigé dans
sa langue, ça peut être anglais comme français, il n'y a
aucune objection à ça. Maintenant, ce qui est dit dans le dernier
paragraphe, en bas de la page 1,
c'est ceci, en fait: "Actuellement, les consommateurs qui signent des
contrats conformes à la loi 45, ont à signer un contrat dont le
format est imposant, c'est-à-dire que c'est une très grande
feuille, écrite des deux côtés et ça doit être
comme ça parce que la Loi de la protection du consommateur dit qu'il y a
des mentions obligatoires qui doivent être incluses dans un contrat.
Notre expérience nous montre que les consommateurs, en règle
générale, ne prennent pas la peine de lire ce qui constitue non
pas un roman mais un feuilleton, quasiment. C'est très long à
lire et ça décourage le consommateur de lire ce qui est
écrit sur la formule du contrat qui est uniforme dans ces cas. C'est
ça que notre paragraphe dit et si, en réalité, on disait
que les contrats peuvent être rédigés dans les deux
langues, ça veut dire que ça va être le double. La
présentation pourrait davantage décourager le consommateur de
lire le contrat.
M. CHARRON: Ce que vous proposez, c'est que tout contrat de vente soit
uniquement en français. Si le citoyen qui devient contractant est de
langue maternelle anglaise, il peut exiger qu'au texte français, on
ajoute un texte anglais, pour sa protection, mais que le texte habituel soit en
français.
M. LABBE: C'est-à-dire qu'on peut conserver la première
partie de l'article 41, mais qu'on enlève le deuxième paragraphe.
Parce que dans les deux langues, le contrat devient deux fois plus imposant et
la présentation peut faire que, d'avance, cela décourage
davantage le consommateur à le lire.
M. CHARRON: Votre expérience dans le monde de la consommation
vous fait-elle dire qu'un article aussi mal écrit que l'article 41 fera
que, dans la pratique des affaires et dans le monde de la consommation en
général encore une fois je répète les
divisions: l'affirmation de la primauté du français; l'exception
en faveur de l'anglais, et, troisièmement, on reconnaît que les
textes bilingues sont aussi valides c'est le deuxième paragraphe
qui deviendra la pratique courante et qu'il y aura très peu de textes
qui s'en tiendront uniquement au français?
M. LABBE: Je n'irais pas jusque-là. Je ne porterais pas de
jugement de valeur sur la façon de rédiger l'article, sauf, comme
il est dit dans notre mémoire, sur le deuxième paragraphe qu'on
juge à notre point de vue superflu.
M. CHARRON: Croyez-vous...
M. LABBE: Pour les raisons que je vous ai données.
M. CHARRON: Croyez-vous que beaucoup d'entreprises vont se
prévaloir du deuxième paragraphe pour offrir complètement
des contrats bilingues à toute occasion et en tout temps?
M. LABBE: C'est une chose possible à mon point de vue,
facilement.
M. CHARRON: Vous dites, au haut de la page 2 de votre mémoire,
que vous constatez que la loi 22 est sur un point bien particulier et
encore une fois sur le sujet que vous avez choisi de discuter avec nous ce
soir, celui de la protection du consommateur un pas en arrière
par rapport à la Loi de la protection du consommateur que ce Parlement a
votée il y a trois ans. Vous dites, et c'est vrai, que l'article 119 de
la loi 22 retire l'article 4. Vous dites qu'en retirant l'article 4, on se
trouve à enlever l'obligation d'un contrat rédigé en
français. J'aimerais que vous m'expliquiez ce passage, s'il vous
plaît.
M. LABBE: La formulation du premier paragraphe à la page 2 n'est
peut-être pas idéale, parce que l'idée qui est à
l'intérieur est celle-ci: Pourquoi enlever d'un texte de loi que les
consommateurs peuvent consulter il s'agit effectivement de la Loi de la
protection du consommateur une mention qui dit que le contrat doit
être rédigé lisiblement en français?
Effectivement, l'article 41 de la loi 22 le dit. Maintenant, notre point
de vue est de dire ceci: Etant donné qu'on travaille dans le domaine de
l'éducation et de l'information au consommateur, pourquoi le
consommateur qui veut consulter la Loi de la protection du consommateur ne
constaterait-il pas dans la loi, à l'article 4, qu'il est dit comme cela
l'est actuellement: Le contrat doit être lisiblement rédigé
en français mais le commerçant peut exiger qu'il soit
rédigé en anglais? C'est ce que dit actuellement l'article 4 de
la Loi de la protection du consommateur. L'article 119 modifie l'article 4 de
la Loi de la protection du consommateur pour la remplacer par seulement un
paragraphe qui effectivement veut dire que le premier paragraphe de l'article 4
saute et qu'on ne conserve que le deuxième paragraphe de l'article 4 qui
est modifié à l'article 119 de la loi 22.
Nous disons que pour faciliter l'information et l'éducation du
consommateur et la consultation par les citoyens des textes de loi qui les
intéressent, pourquoi enlever une mention qui est utile dans la Loi de
la protection du consommateur?
M. CHARRON: Le ministre des Institutions financières est avec
nous. Il aura peut-être l'occasion de vous expliquer pourquoi il a choisi
d'inclure dans le projet de loi 22 les articles qui modifient la Loi de la
protection du consommateur, exactement dans la même optique, celle de
l'éducation et de la protection des citoyens. Je l'inviterais à
me succéder lorsque j'aurai utilisé tout mon droit de parole, M.
le Président. Je veux également vous demander si vous affirmez,
devant le ministre des Institutions financières, encore une fois, qu'au
niveau des règlements qui viennent s'ajouter à un texte de loi...
On sait que, si le projet de loi 22 était
adopté tel qu'il est, nous aurions droit à plusieurs pages
de règlements, parce qu'on laisse beaucoup de latitude au ministre et
à sa discrétion quant à la réglementation qui devra
suivre. Vous venez un peu comme chat échaudé craint l'eau froide.
Vous venez nous dire: Nous, dans le domaine du consommateur, nous avons
déjà cette expérience de laisser beaucoup de
règlements aux mains des ministres, on en sait quelque chose. Vous nous
dites: Au niveau des règlements qui viennent s'ajouter à un texte
de loi, l'expérience vécue avec la Loi de la protection du
consommateur nous montre comment on peut exempter facilement de son application
divers aspects de la consommation.
Or, puisque nous serons appelés, visiblement dans quelques jours,
à discuter de ce projet de loi et de tous ces articles où on
laisse porte ouverte à une réglementation, il serait
peut-être intéressant de vous entendre commenter votre
expérience. C'est vrai que, lorsqu'on a adopté la loi 45, il y
avait beaucoup d'articles qui laissaient place à une
réglementation émanant du ministre des Institutions
financières. Vous nous dites que cette expérience vous a
prouvé comment on peut exempter facilement de son application divers
aspects de la consommation. Pouvez-vous développer cette pensée
pour que tous les membres de la commission soient saisis de cette
expérience?
M. LABBE: C'est sûr que, dans la Loi de la protection du
consommateur, cela exclut, par exemple, les contrats hypothécaires et
certains autres types de relations entre un commerçant et un
consommateur. Seulement un exemple, pour montrer comment cela peut être
difficile, de saisir ou de comprendre rapidement le contenu d'un
règlement.
Il y a une section des règlements qui traite des biens vendus par
colportage ou vendus par un vendeur itinérant, comme on l'appelle.
Alors, il y a une section des règlements qui parle de cela et, dans
cette section, on dit: Sont exempts de l'application de la loi concernant les
vendeurs itinérants, les individus qui vendent telle et telle chose.
Il y a quatre ou cinq paragraphes et, soit dans le paragraphe b) ou le
paragraphe c), on dit : Exempter tel ou tel vendeur, et on dit, dans le
même paragraphe: Sauf... là, il y a trois ou quatre
exemptions, si on veut et on continue avec les paragraphes c) et d).
L'expérience nous montre que des personnes, qui sont très
habituées à consulter des textes de loi dans le domaine de la
consommation, ont eu de la difficulté à saisir, à un
certain moment, que ces trois sous-paragraphes voulaient indiquer des
exemptions. Ces gens ont eu beaucoup de difficultés à le saisir.
C'est-à-dire que la formulation était faite de telle façon
qu'il fallait s'y arrêter très attentivement et constater
qu'effectivement, c'étaient des exemptions et ce n'était pas
inclus dans l'ensemble du règlement. Il ne s'agissait que d'exemptions
seulement.
M. CHARRON: La réglementation qui a suivi la Loi de la protection
du consommateur ne péchait pas par excès de clarté, si
j'ai bien compris ce que vous venez de dire.
M. LABBE: D'abord, la partie qui s'appelle les règlements de la
Loi de la protection du consommateur est très volumineuse, au moins tout
autant que le texte de loi comme tel.
UNE VOIX: C'est vrai.
M. LABBE: Le consommateur ordinaire, qui veut s'informer de ses droits
dans ce domaine, doit autant consulter la loi que les règlements, parce
que l'un et l'autre vont ensemble. Il ne peut pas strictement consulter la loi,
parce qu'il y a des exemptions, il y a des secteurs qui ne sont pas couverts,
parce que le lieutenant-gouverneur en conseil a le droit de... Par exemple,
dans le domaine de la publicité destinée aux enfants, c'est un
arrêté en conseil qui a fait que cela a été
ajouté aux règlements de la Loi de la protection du consommateur.
C'est ce que l'expérience nous démontre.
M. CHARRON: Vous affirmez, au bas de la page 2 de votre mémoire,
également, qu'en dépit de ce que disent l'article 65 et l'article
102 (m) de la Loi de la protection du consommateur, et vous le citez, vous
voyez quand même affluer dans vos bureaux j'imagine que c'est
aussi répandu aux autres bureaux de l'ACEF qu'à celui de Thetford
des consommateurs à qui on a remis des textes de garantie et des
manuels en langue anglaise, ce qui est donc contraire à la loi
votée unanimement, je crois, par cette Assemblée, il y a quelques
années.
Qu'est-ce que vous faites à ce moment, comme consommateurs et
comme militants à la protection des consommateurs, lorsque vous voyez
que, visiblement, des citoyens de Thetford ou d'ailleurs ont été
victimes d'unilinguisme anglais à un endroit où c'était
absolument interdit par la loi, c'est-à-dire la protection du
consommateur? Je vous demande simplement de me familiariser avec la Loi de la
protection du consommateur. Est-ce que vous avez recours à l'Office de
la protection du consommateur ou aux tribunaux, puisque c'est illégal?
Qu'est ce que vous choisissez comme action à ce moment?
M. LABBE: D'abord, il faudrait préciser une chose concernant la
Loi de la protection du consommateur. Cette loi concerne essentiellement les
contrats à crédit, soit les ventes à tempérament ou
prêts d'argent, etc.
Cela ne couvre pas les ventes au comptant et dans l'article 65 qui parle
des textes de garantie, et dans l'article 102, paragraphe m), il est dit que
les textes de garantie doivent être rédigés dans la
même langue que le contrat. Il arrive, effectivement, que des gens nous
appellent pour
des renseignements concernant un bien qu'ils ont acheté et,
très souvent, on nous dit: Ecoutez, la garantie qu'American Motors ou
que Sony m'a donnée est écrite en anglais. Je ne comprends rien
là-dedans. J'ai un problème; je ne comprends pas le texte de
garantie. Qu'est-ce que je peux faire avec cela? Ce qui arrive dans ces
occasions, c'est qu'on peut toujours leur dire: Apportez votre texte de
garantie. On va regarder ce qu'il y a là-dedans parce que malgré
notre mémoire, il arrive qu'à l'ACEF on puisse comprendre
l'anglais et être capable d'aider, dans ces cas, les consommateurs.
C'est ce qui arrive. Les gens ont des textes de garantie. J'ai
acheté un téléviseur Sony il y a un mois et on m'a
donné le manuel d'instructions et le texte de garantie en anglais. Cela
ne me dérange pas, mais il y en a d'autres, par contre, qui ne
comprennent pas ce qu'il y a dans cela.
M. CHARRON: Ces phénomènes d'unilinguisme anglais dans les
textes de garantie, les manuels d'instruction d'appareils, par exemple,
achetés par des consommateurs québécois, est-ce que cela
arrive uniquement pour des produits d'importation ou si votre expérience
pourrait nous dire qu'effectivement les produits fabriqués au Canada, et
qui ont libre marché entre les provinces, sont aussi des objets qui sont
parfois...
M. LABBE: Oui, il y a des objets de fabrication canadienne qui sont
accompagnés de texte de garantie en anglais.
M. CHARRON: Uniquement en anglais?
M. LABBE: Uniquement en anglais. Cela arrive.
M. CHARRON: J'ai une dernière question à vous poser.
Peut-être que le chef de l'Opposition en aura-t-il après moi.
Savez-vous qu'au chapitre de l'étiquetage, qui vous concerne très
certainement, puisque vous êtes intéressé à la
protection du consommateur... Vous savez que nous vivons, depuis 1967, sous
l'empire d'un règlement qui permet à un individu, qui
découvre sur les étagères de marchés d'alimentation
qu'un produit alimentaire lui est offert uniquement en anglais ou dans une
langue étrangère au français, d'avoir des recours devant
les tribunaux. Il arrive très souvent que le tribunal condamne le
marché en question qui a mis sur les étagères un produit
dont l'étiquetage était unilingue anglais ou ne laissait pas
place à la primauté du français, comme le veut la
réglementation, et qu'ainsi certains marchés ont
été condamnés à des amendes. Je veux vous demander
ceci: Savez-vous qu'au moment même où nous nous parlons, dans
cette salle, de l'autre côté, dans la salle verte, comme on
l'appelle habituellement, on est à discuter de la loi 20, qui est la Loi
de la mise en marché des produits agricoles, loi qui refait toute la loi
du marché agricole et qui, dans son article 46 je vous le dis
sous toute réserve supprime ce droit à l'individu de
recourir devant les tribunaux pour protéger l'étiquetage en
français et qu'au moment même où nous nous parlons
je vous le dis parce que vous êtes intéressés à la
protection du consommateur un des droits qu'avait l'individu lorsqu'il
se trouvait devant un produit unilingue anglais ou qui ne s'adressait pas dans
sa langue pour lui révéler la nature de son contenu ou les modes
d'emploi de son utilisation.
Cette disposition dont à peu près 160
Québécois s'étaient prévalus depuis 1967 devant les
tribunaux, est présentement retirée par le gouvernement dans son
projet de loi sur les marchés agricoles. A l'heure où je vous
parle, il y a le député de Saguenay, membre de l'Opposition, qui
est probablement en train de présenter un amendement qui vise à
maintenir ce droit du consommateur québécois, à avoir un
étiquetage de produit alimentaire qui respecte sa langue et qui lui
indique dans sa langue de quelle nature et de quels ingrédients est
constitué le produit alimentaire qu'il s'apprête à acheter
et de quelle façon il doit aussi utiliser ce produit. Je vous donne
simplement cette information pour vous dire qu'alors qu'on prétend, en
de hauts milieux qui entourent le ministre de l'Education, à une
politique linguistique globale, on est en train d'amener des contradictions
juste de l'autre côté, à peu près à 50 pieds
d'ici.
M. LABBE: J'ajouterais là-dessus, M. le député,
que, dans un projet de code de protection du consommateur qui a
été déposé, je crois, entre les mains du ministre
des Institutions financières, Compagnies et Coopératives, les
ACEF souhaitent justement que des associations de consommateurs ou même
que des individus puissent engager eux-mêmes des poursuites
vis-à-vis des contrevenants aux lois qui existent actuellement, comme la
Loi de la protection du consommateur, alors que, jusqu'à maintenant,
c'est le procureur général ou le ministre de la Justice qui le
fait lui-même ou peut autoriser des personnes à le faire. De son
propre chef, si on veut, une association ou un individu ne peut pas le faire.
En passant, il y a l'exemple de Holiday Magic qui montre justement que cela
prend vraiment du temps, et que cela ne veut pas dire nécessairement que
les entreprises cessent leurs activités, parce que cela se continue
quand même à certains endroits aussi.
M. CHARRON: Je vous remercie beaucoup.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Jeanne-Mance.
M. BRISSON: M. le Président, évidemment, vous
représentez l'Association coopérative d'économie familiale
de Thetford, ce qui veut dire de la ville de Thetford.
M. LABBE: C'est-à-dire de la région de l'amiante.
M. BRISSON: De la région de l'amiante, qui couvre quoi en
réalité?
M. LABBE: Qui couvre les localités du comté de Frontenac
ou le territoire de la commission scolaire régionale de l'Amiante, ce
qui est un peu plus que strictement le comté.
M. BRISSON: Cela comprend combien environ de population?
M. LABBE: 50,000.
M. BRISSON: 50,000.
M. LABBE: 50,000 ou 60,000 personnes.
M. BRISSON: Votre association représente combien de membres?
M. CHARRON: Pour l'information du député de Jeanne-Mance,
le ministre de l'Education a déjà fait passer ces tests aux
témoins actuels.
M. BRISSON: Ce n'est pas un test, c'est simplement pour mon information
personnelle.
M. CHARRON: C'est déjà fait.
M. BRISSON: D'ailleurs, M. le Président, je n'ai jamais
interrompu le député de Saint-Jacques...
M. CHARRON: C'est pour que vous puissiez aller à vos questions
immédiatement, parce que ces questions, on les a déjà
posées.
M. BRISSON: Je veux le faire confirmer à nouveau. Dans ma
pensée, c'est...
M. HARDY: Perte de temps. Avec toute sa générosité,
le député de Saint-Jacques peut vous aider.
M. BRISSON: On ne peut pas s'attendre à plus ou à moins,
d'ailleurs.
M. LABBE: M. le député, je pense que ce serait difficile
à évaluer, parce qu'étant donné qu'on regroupe des
coopératives d'épargne, de crédit, de consommation et
autres, même agricoles, des syndicats des trois centrales syndicales et
aussi certains groupes sociaux, il est sûr qu'il y a des recoupements,
c'est-à-dire qu'un syndiqué fait partie d'une caisse populaire,
du Cooprix ou d'une autre association. C'est très difficile
d'évaluer exactement en chiffre le nombre de personnes qui sont
touchées, par le fait que leur syndicat ou leur coopérative est
membre de l'ACEF. Cette évaluation est une chose que nous n'avons jamais
faite.
M. BRISSON: Mais est-ce que vos membres s'enregistrent, ou paient une
cotisation ou quelque chose comme cela? Alors, vous avez des entreprises ou des
compagnies qui sont membres de votre association...
M. LABBE: C'est-à-dire que...
M. BRISSON: En tout et partout combien cela peut-il représenter
d'unités?
M. LABBE: Chez nous il y a 30 organismes membres. Il n'y a pas de
compagnie dans l'Association coopérative d'économie
familiale.
M. BRISSON: Aucune.
M. LABBE: II n'y a strictement que des groupements ou associations qui
poursuivent des buts compatibles avec les nôtres, c'est-à-dire la
protection et la défense des consommateurs. Alors, ce serait
peut-être difficile que des compagnies s'y retrouvent
éventuellement. En tout cas ce n'est pas dans les règlements de
l'association.
M. BRISSON: Je suppose que dans votre bureau de direction chaque
unité, soit 30 organismes, est représentée. Vous avez 30
membres au bureau de direction.
M. LABBE: C'est-à-dire que le bureau de direction regroupe neuf
personnes. Elles forment le conseil d'administration. Elles sont élues
en assemblée générale des membres chaque année.
M. BRISSON: A la page 2, vous dites: L'article 65 de la Loi de la
protection du consommateur dit : La garantie doit être
rédigée dans la langue du contrat. Nous croyons que l'article 40
de la loi 22 n'offre aucune garantie que finalement les consommateurs
québécois cesseront de recevoir des certificats de garantie en
langue anglaise.
Est-ce que vous auriez objection qu'un anglophone reçoive sa
garantie en langue anglaise?
M. LABBE: Non. Absolument pas. M. BRISSON: Aucune.
M. LABBE: Mais, c'est le consommateur de langue française par
exemple qui, en dépit de ce que la Loi de la protection du consommateur
dit à l'heure actuelle, une loi en vigueur, continue à recevoir
des textes de garantie en anglais; malgré ce que dit la loi. Cela se
fait encore et il n'y a pas de garantie, à notre point de vue, que dans
la loi 22 la chose va cesser. Il n'y a rien qui nous le certifie. Il y a
déjà une loi en vigueur qui n'a rien changé à la
situation finalement et on ne pense pas que c'est une loi
de plus qui va nécessairement assurer que cette situation va
changer. C'est l'idée contenue dans le paragraphe.
M. BRISSON: Pour les Québécois de langue française,
les francophones.
M. LABBE: C'est cela.
M. BRISSON: Merci. Maintenant, à la page 3, vous dites: Nous
constatons malheureusement que le chapitre 4 portant sur la langue des affaires
consacre le bilinguisme en ce domaine. Est-ce que vous pensez que les affaires,
dans la province de Québec, ou dans le Canada, peuvent se faire
simplement en français?
M. LABBE: Cela dépend si on entend par affaires ce qui se fait au
niveau des commerçants ou ce qui se fait au niveau des
commerçants et des consommateurs. Parce que le chapitre traitant de la
langue des affaires parle autant des commerçants que des consommateurs;
c'est-à-dire que ce n'est pas strictement horizontal, une relation de
commerçant à commerçant, là si je fais affaires en
Ontario avec un commerçant et que je suis un commerçant, il n'y a
pas d'objection à le faire en anglais, parce que c'est peut-être
la façon la plus simple de se comprendre. Quand on a des relations avec
des gens de l'extérieur, il n'y a pas de problème, à mon
point de vue. Dans une relation verticale, c'est-à-dire d'un
commerçant à un consommateur, qui est ici majoritairement
francophone, il me semble qu'il y a quelque chose qui ne va pas suffisamment
dans le sens du français.
M. BRISSON: Mais, est-ce que vous avez objection à ce qu'on y
consacre le bilinguisme afin que les deux langues se comprennent, que les deux
groupes ethniques puissent comprendre ce qu'on fait en affaires lorsqu'on en
parle?
M. LABBE: C'est-à-dire que cela ne devrait pas être...
M. BRISSON: Explicitement, qu'entendez-vous par votre peur ou le malheur
que vous présagez en disant? "Nous constatons malheureusement que le
chapitre IV portant sur la langue des affaires consacre le bilinguisme".
Où est votre peur du bilinguisme à ce moment-là?
M. LABBE: Strictement un exemple, l'article 41, au deuxième
paragraphe, dit que les contrats peuvent être rédigés dans
les deux langues, c'est-à-dire qu'il y a effectivement une porte ouverte
à un bilinguisme institutionnalisé, c'est-à-dire que la
possibilité est là. C'est là le danger, à notre
point de vue. Un argument qui appuierait davantage cette chose, à notre
point de vue, c'est le fait que les contrats actuels, couverts par la Loi de la
protection du consommateur, sont très volumineux, très imposants.
Ce n'est pas strictement un contrat avec quel- ques mentions dessus, il y en a
beaucoup. Si ça devait être rédigé,
éventuellement, dans les deux langues, ce qui simplifierait
peut-être le travail des commerçants qui ont à faire signer
ces contrats, dans leur organisation d'affaires, il nous semble que c'est une
mention, le paragraphe 2 de l'article 41, qui est superflue.
M. BRISSON: C'est une question technique et non de principe en
somme.
M. LABBE: II y a une question très pratique de la vie de tous les
jours là-dedans, à notre point de vue.
M. BRISSON: Mais comme principe, vous n'avez aucune objection au
bilinguisme?
M. LABBE: Si on se place au niveau des principes, je crois que les
francophones devraient avoir le droit de vivre dignement dans leur langue et
les anglophones de le faire aussi, et que les deux communautés
s'entendent.
M. BRISSON: C'est ce qui m'amène à vous demander:
D'après vous, quel statut devrait avoir l'anglais au Québec?
M. LABBE: A mon point de vue, on devrait reconnaître l'usage de
l'anglais à ceux dont c'est la langue maternelle. Pour les personnes qui
auraient des postes de responsabilité impliquant des relations avec
l'extérieur, ce serait très normal qu'ils puissent savoir
l'anglais. Les citoyens aussi qui, par goût ou par culture, veulent
apprendre une deuxième langue, une troisième ou une
quatrième, c'est à eux de le décider.
M. BRISSON: Mais vous n'avez aucune objection à ce que, dans
certains compagnies ou dans toutes les compagnies, ceux qui ont des postes de
commande soient bilingues?
M. LABBE: Au contraire, je considère que ça devrait
être la situation normale. Strictement dans notre région, on
constate que, trop souvent, dans certains cas, il y a des cadres de compagnie
qui sont installés dans la région depuis un certain nombre
d'années et il est pratiquement impossible de leur tirer un mot de
français.
M. BRISSON: Si les cadres des compagnies étaient strictement
unilingues français, est-ce que vous pensez que ce serait bon pour le
Québec ou pour votre région?
M. LABBE: A mon point de vue, il n'est pas prouvé que ce serait
mauvais. Il y a des cadres dans des entreprises allemandes ou espagnoles ou
françaises qui ne peuvent parler qu'une langue et ce n'est pas
nécessairement un handicap.
M. BRISSON: Au point de vue des affaires...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je m'excuse auprès du
député de Jeanne-Mance. J'aimerais l'aviser que le ministre des
Institutions financières a demandé la parole et que le temps mis
à la disposition du parti ministériel s'écoule
rapidement.
M. BRISSON: Une dernière question, excusez-moi, je
m'éternisais. Quelles seraient les normes à respecter pour une
véritable francisation?
M. LABBE: Une véritable francisation de...? M. BRISSON: ... du
Québec. M. LABBE: Du Québec. M. BRISSON: De la langue
évidemment.
M. LABBE: Vous parlez de l'ensemble des possibilités ou de...
M. BRISSON: De l'ensemble. Pour le Québec, quelle serait, selon
vous, une véritable politique de francisation?
M. LABBE: C'est-à-dire qu'au niveau de l'ensemble des
activités vitales de la société québécoise,
on devrait être très exigeant au niveau de l'usage du
français, autant dans les activités publiques que dans les
activités privées, commerciales, professionnelles, etc.
C'est-à-dire que l'Etat, à notre point de vue, a un rôle
important à jouer et il devrait se donner un rôle beaucoup plus
directif en ce sens et non pas nécessairement incitatif. Il devrait
être beaucoup plus directif étant donné que le
Québec véritablement français n'existe pas et que... c'est
difficile à prévoir dans la situation actuelle, qu'il puisse le
devenir.
M. BRISSON: Dernière question, M. le Président. Est-ce
que, selon vous, les anglophones ont des droits acquis au Québec? Je
veux dire dans la province.
M. LABBE: Parlez-vous des anglophones d'origine ou des
anglophones...
M. BRISSON: Des parlant anglais.
M. LABBE: Des parlant anglais. Il me semble équitable de
considérer qu'ils ont des droits acquis.
M. BRISSON: Je vous remercie.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable ministre des Institutions
financières.
M. TETLEY: Merci M. le Président. Si je comprends bien votre
intervention, vous préférez l'article 4 du bill 45 à
l'article 41 du bill 22.
M. LABBE: C'est-à-dire que le sens de notre intervention dit
ceci: On ne voit pas l'utilité de retirer le premier paragraphe de
l'article 4 de la Loi de la protection du consommateur. C'est-à-dire que
le citoyen consommateur, qui veut consulter la loi ce qui est son droit
effectivement et il y a un principe qui dit qu'on ne peut pas ignorer la loi,
on ne peut pas plaider l'ignorance pourquoi ne lui serait-il pas
possible de constater que la Loi de la protection du consommateur dit à
l'article 41, premier paragraphe... Pourquoi enlever cette mention dans la loi
45? Quelle est l'utilité d'enlever ce paragraphe, pour ne conserver que
le deuxième?
M. TETLEY: Je partage votre opinion au moins en partie. Le bill 22 est
beaucoup plus large, comme vous l'avez noté vous-même. Le bill 22
s'applique aux contrats d'adhésion, pas simplement aux quelques contrats
déjà touchés dans le bill 45. Moi aussi je
préfère la formulation dans le bill 45.
M. CHARRON: Un autre ministre en désaccord.
M. CLOUTIER: Non, mais...
M. BOSSE: En accord avec lui-même.
M. TETLEY: Oui, je suis d'accord avec moi-même.
M. CHARRON: C'est plus facile que de l'être avec le ministre de
l'Education.
M. BOSSE: Non, mais...
M. TETLEY: Je suis d'accord avec le ministre de l'Education.
M. BOSSE: II aime autant les "beans" que les fèves au lard.
M. TETLEY: II y a un dilemme que je vois dans votre mémoire. Vous
voulez protéger la langue française, ce qui est méritoire,
et vous voulez protéger aussi le consommateur, ce qui est un des buts de
votre mouvement. Mais le dilemme, c'est que certains consommateurs sont de
langue anglaise. Si je comprends bien votre solution, vous ne voulez pas de
contrats bilingues, mais de deux sortes de contrats: un contrat anglais pour
les anglophones et un contrat français pour les francophones. Est-ce la
solution à votre dilemme?
M. LABBE: C'est-à-dire que l'article 41, premier paragraphe dit:
II y a deux possibilités. Un contrat en français ou un contrat en
anglais. C'est au choix du consommateur qui signe le contrat. Il peut exiger
l'un ou l'autre.
M. CLOUTIER: Qu'est-ce que vous préférez?
M. LABBE: Ce qu'on trouve superflu, c'est le deuxième paragraphe
qui dit: Cela peut être en anglais et en français.
M. TETLEY: Le bijou du bill 45, à mon avis, à l'article 4,
c'est le premier article qui a prôné la priorité de la
langue, mais aussi nous avons stipulé que si le contrat est bilingue,
c'est le consommateur qui peut choisir l'interprétation qui le
favorise.
L'interprétation qui prônait cela, il y a trois ans, tout
le monde l'a trouvée brillante, presque brillante. Je peux citer des
éloges...
M. LABBE: Je trouve que cette motion cadre très bien dans
l'esprit de la loi qui s'appelle Loi de la protection du consommateur. Il est
très normal que l'interprétation d'un contrat soit favorable au
consommateur. C'est celle qui est la plus favorable au consommateur qui
prévaut. Cela cadre très bien dans l'esprit de la loi, parce que
le titre, le nom est: ... de la protection du consommateur. Quand même le
nom de la loi veut dire quelque chose.
M. TETLEY: Vous venez de toucher le gros problème de toute loi
générale. La loi de la langue affecte les consommateurs et la Loi
de la protection du consommateur protège le consommateur. Le bill 22
affecte l'éducation et la Loi de l'éducation n'est pas
nécessairement pour protéger la langue, mais pour éduquer
les enfants. C'est la même chose pour la Loi des compagnies il se
trouve ici, le bill 22 qui parle des compagnies, pour aider les
compagnies québécoises, ou l'assurance, etc. C'est toujours le
dilemme que nous aurons dans le bill 22 qui a pour but de protéger la
langue, mais aussi de ne pas arrêter le progrès du
Québec.
Le ministre de l'Education a trouvé un mi-chemin remarquable et
brillant, à mon avis. En tout cas, je vois que j'ai épuisé
mon temps.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Ceci met fin à la période des
questions.
M. CHARRON: M. le Président, je crois qu'il nous reste du temps.
Me permettez-vous une remarque de trente secondes à la suite des propos
du député de Notre-Dame-de-Grâce?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui, à la condition que ce soit trente
secondes.
M. CHARRON: Oui, effectivement trente secondes. Je dis ceci à
l'intention particulière du ministre des Institutions
financières. Ce que les comparants actuels nous ont fait remarquer,
c'est que votre loi je l'appelle votre loi, celle que vous avez
parrainée, la loi 45 disait, à l'article 4: "Le contrat
doit être lisiblement rédigé en français; il peut
l'être également en anglais". Ce que dit de plus le projet de loi
22, en répétant ces deux choses, c'est que les formules bilingues
peuvent aussi exister, ce que vous ne disiez même pas dans votre article
4. Vous disiez: II est en français ou il est en anglais. Le projet de
loi 22 dit: II est en français, il est en anglais ou, si les deux
langues sont ensemble, c'est aussi valide. Dans ce sens, quand les comparants
disaient que c'est un pas en arrière sur votre loi à vous, ce que
votre collègue de l'éducation vient de faire, c'est vrai. Dans la
Loi de la protection du consommateur, il n'y avait aucun endroit où vous
autorisiez les doubles versions. Cela va maintenant l'être. Est-ce que
vous admettez avec moi que peut-être la position du ministre de
l'Education n'est pas aussi empreinte de clarté et de modération
que vous venez de le dire, mais qu'elle constitue...
M. TETLEY: Oh!
M. CHARRON: Non, mais est-ce que vous admettez qu'une chose, que vous
n'aviez pas inscrite dans votre Loi de la protection du consommateur, soit le
bilinguisme des contrats et des garanties, maintenant par le projet de loi 22,
va être permise?
M. TETLEY: Non, je ne l'admets pas, parce que dans ma loi, j'en fais
mention, avec une nuance. C'était peut-être assez difficile
à voir, mais c'était là. Le bilinguisme était
là, parce que j'avais dit: Lorsque le contrat est bilingue,
l'interprétation favorable au consommateur est l'interprétation
qui prévaut. C'est une admission claire et nette qu'il y avait le
bilinguisme.
M. CHARRON: Mais vous ne l'avez...
M. CLOUTIER: Je m'excuse, puisque le député de
Saint-Jacques a bénéficié de trente secondes. Est-ce que
je dois conclure que vous préféreriez l'unilinguisme
français à l'unilinguisme anglais côte à côte
pour les contrats? Il s'agit là d'une modalité.
M. CHARRON: Non, la modalité...
M. CLOUTIER: Parce qu'il semble que vous ayez une
préférence pour la rédaction de l'article 4 de la Loi de
la protection du consommateur.
M. CHARRON: La modalité si je dois l'imaginer
immédiatement, nous aurons l'occasion de l'énoncer dans
laquelle, nous retrouverions ce que les comparants ont voulu nous signaler,
c'est que ce doit être pour un consommateur comme vous et moi, par
exemple, l'unilinguisme français du texte du contrat de vente et de la
garantie et, dans le cas d'un consommateur comme le député de
Notre-Dame-de-Grâce, les deux langues, c'est-à-dire que...
M. CLOUTIER: Ah bon!
M. CHARRON: ...le texte français demeu-
rait, puisque c'est la langue officielle du Québec...
M. CLOUTIER: Ah! Ah!
M. CHARRON: ... mais comme consommateur de langue anglaise il aurait
également droit...
M. CLOUTIER: A la version bilingue.
M. CHARRON: Vous, moi et le ministre des Affaires culturelles...
M. CLOUTIER: Mais c'est intéressant. Cela fait partie des
modalités.
M. CHARRON: Vous et moi et le ministre des Affaires culturelles
n'aurions jamais à entrer en contact avec un contrat de vente ou avec
des textes de garanties dans les deux langues. Comme francophones, nous serions
préservés de ce bilinguisme. Alors que, selon votre loi actuelle,
dans l'article 41 c'est la question que j'ai posée à M. le
comparant actuel les entreprises d'affaires pourront toujours se
prévaloir du deuxième paragraphe de l'article 41 et imposer le
bilinguisme même aux francophones. Tout sera imprimé d'avance dans
les deux langues, et comme dans les bonnes formules habituelles, on le revirera
du côté de la langue de l'acheteur ou du contractant.
M. CLOUTIER: C'est cela le but que nous poursuivrons...
M. CHARRON: Non...
M. CLOUTIER: S'il y a des précisions, cela fait partie de la
discussion objective que je souhaite avoir en commission élue. Je suis
toujours très heureux quand des organismes nous arrivent...
M. CHARRON: Vous voyez...
M. CLOUTIER: ... avec des discussions comme celles-là...
M. CHARRON: Vous voyez que nous ne sommes...
M. CLOUTIER: ... avec des recommandations comme celles-là.
M. CHARRON: ... pas suffisamment informés.
M. CLOUTIER: II est vrai que nous ne l'étions peut-être pas
avant d'entendre cet organisme.
M. CHARRON: II y en a d'autres aussi. J'aurai l'occasion de vous le
signaler.
M. CLOUTIER: Nous en reparlerons. Allons à l'autre organisme.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Merci infiniment à l'ACEF de Thetford
Mines. J'invite maintenant le Comité d'école de Boischatel
à prendre place à la table, s'il vous plaît.
C'est bien M. Eric Gourdeau qui est le porte-parole du
comité?
M. GOURDEAU (Eric): C'est cela.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, M. Gourdeau, si vous voulez bien nous
présenter ceux qui vous accompagnent et noter que vous disposez de 20
minutes pour la présentation de votre mémoire?
Comité d'école de Boischatel
M. GOURDEAU: Mme Hugues Racine, la présidente du comité;
Mme Louise Vézina; Mme Raymonde Couture; Mme Andréa Loof, qui
représente les professeurs au comité. C'est tout. Les autres sont
en vacances.
Juste avant la page 1, nous avons un résumé de notre
mémoire qui dit qu'en 25 propositions le Comité d'école de
Boischatel propose un système scolaire québécois unilingue
français à l'élémentaire et au premier cycle du
secondaire, sauf à la maternelle et possiblement en première
année où l'apprentissage scolaire de l'enfant devrait se faire
dans sa langue maternelle, quelle qu'elle soit, française, anglaise ou
autre.
Au deuxième cycle du secondaire, il y aurait choix entre la
langue française et la langue anglaise. Le système proposé
s'appuie à la fois sur l'intention proclamée dans le projet de
loi 22 de faire du français la langue officielle au Québec et sur
l'inéluctable exigence pédagogique qui en découle d'en
faire l'apprentissage entre les âges de cinq ans et douze ans pour en
acquérir éventuellement la maîtrise.
Enfin, le système proposé vise à un enseignement de
qualité de la langue anglaise dans les classes dorénavant
françaises de l'élémentaire et du secondaire, premier
cycle.
La critique qui suit, du projet de loi no 22, même si elle peut au
passage faire allusion à certains éléments culturels et
politiques, cherchera à éviter toute connotation de cette nature.
Nous n'avons dans ces domaines ni l'autorité d'autres intervenants
éventuels, ni le mandat que certains auront reçu des groupes dont
ils feront partie pour défendre les intérêts politiques,
sociaux et culturels de la communauté québécoise.
Nous voudrions nous en tenir à une critique technique du bill
présenté, en assumant au départ que le gouvernement
désire vraiment rendre possible l'objectif général qu'il
proclame, de faire du français la langue officielle au
Québec.
Ce qui nous frappe d'abord, c'est que, alors que dans les cinq attendus
figurant au préambule du projet de loi, les quatre premiers indiquent un
objectif précis, c'est-à-dire la prééminence de la
langue française dans la communication courante de l'administration
publique, le travail et les affaires, on ne retrouve pas cet objectif pour ce
qui concerne le domaine de l'enseignement. Il est simplement dit qu'il importe
de déterminer le statut de la langue française dans
l'enseignement. Pour être conséquent avec les quatre autres
objectifs, cet attendu aurait dû mentionner, nous semble-t-il, que l'on
veut faire de la langue française la langue officielle et d'usage dans
l'enseignement, quitte à préciser par la suite dans les
différents articles de loi, comme on l'a fait pour ce qui concerne les
autres secteurs, quelles pourront être les exceptions et les
écarts permis.
Inuit et Indiens du Nouveau-Québec: Le gouvernement mérite
des félicitations chaleureuses pour avoir garanti, au troisième
alinéa de l'article 48, que l'enseignement dispensé par la
commission scolaire du Nouveau-Québec puisse continuer de se faire en
langue crise ou en langue esquimaude, consacrant ainsi la politique
d'enseignement que le Québec a instituée en 1964 auprès
des Inuit lorsqu'il a inauguré son système d'enseignement.
La Direction générale du Nouveau-Québec y avait
alors décrété la langue esquimaude comme seule langue
d'enseignement au premier cycle de l'élémentaire: maternelle,
première et deuxième années.
On peut toutefois se demander si cet alinéa est rigoureusement
constitutionnel. En regard des lois du Québec, en effet, il
légifère d'une façon particulière pour un groupe
particulier de la population au Québec.
Or, dans le cas des Indiens et, depuis le jugement de la cour
Suprême de 1939 dans le cas également des Esquimaux, seul le
gouvernement fédéral a l'autorité législative pour
adopter des lois s'appliquant en exclusivité à ces populations
autochtones.
Si le deuxième alinéa de l'article 48 mentionnait que
d'autres langues que la langue française pourront être
utilisées comme langues d'enseignement, la législation ainsi
formulée pourrait s'appliquer à tous les Québécois,
y compris les Esquimaux et Indiens du Nouveau-Québec, et le
troisième alinéa de l'article 48 deviendrait compatible avec la
législation générale sur l'éducation qui,
évidemment, est du ressort de la province.
Difficultés de la langue française. Si l'on veut
décréter le français, langue officielle du Québec,
il convient évidemment d'en faciliter l'apprentissage et la
maîtrise à tous les Québécois. D'une façon
générale, il faut tenir pour acquis que l'apprentissage d'une
langue se fait avec le plus de facilité et de sûreté sur
les bancs de l'école, même s'il peut y avoir de nombreuses
exceptions à cette règle. Dans le cas du français,
cependant, de telles exceptions sont rares.
La langue française, qui est reconnue comme une langue
particulièrement valable à cause des subtilités qu'elle
confère à l'expression, n'en est pas moins
caractérisée par des difficultés structurelles dont la
langue anglaise est relativement dépourvue. Ce qui implique, à
notre avis, qu'on ne peut pas, à certains égards, assimiler
l'apprentissage de la langue anglaise à l'apprentissage de la langue
française.
Dans le premier cas, à cause précisément de la
faction de la langue anglaise, on peut l'apprendre bien à l'aide de
sa."raison". C'est-à-dire qu'on peut se servir principalement de sa
logique pour apprendre la langue anglaise qui, dans la plupart de ses formes
importantes, est une langue plus directement logique, moins compliquée
quant à ses structures que la langue française.
Par exemple, alors qu'en français il faut connaître les
genres des mots eux-mêmes pour parler correctement et s'exprimer
librement, cette difficulté est complètement supprimée
dans la langue anglaise pour ce qui concerne les objets et les choses. Seules
les personnes sont affectées d'un genre, et les objets qui sont
associés à ces personnes prennent le genre de ces personnes
elles-mêmes. En anglais, pupitre est qualifié au féminin
s'il fait relation à une femme, et au masculin s'il fait
référence à un homme. En français, pupitre est
masculin, table est féminin, tout comme banc est masculin alors que
chaise est féminin, grange est féminin alors que garage est
masculin, livre est masculin alors que brochure est féminin, etc.
Compliquant encore les choses, le français donne parfois au même
mot des genres différents selon sa signification: Ainsi mémoire
est-il féminin lorsqu'il s'agit de la faculté et masculin
lorsqu'il s'agit d'un exposé des faits.
Les genres occupent une place primordiale en français, qu'il
s'agisse du langage parlé ou du langage écrit. Il n'existe pas
d'étude faite sur le sujet, mais quelques observations de textes de
toute nature révéleront qu'au moins un mot sur huit est
affecté d'un genre. Dans le langage parlé, le rapport pourrait
être encore plus grand.
Une autre difficulté très importante que l'on rencontre
dans la langue française, et dont la langue anglaise s'est
débarrassée depuis longtemps, se rapporte aux verbes. Pour chacun
des verbes que nous utilisons en français, il y a à chaque temps
employé quatre ou cinq consonances et écritures
différentes. En anglais, la chose est beaucoup plus simple, puisque,
à l'intérieur d'un même temps, la prononciation et
l'écriture ne varient jamais dans les temps simples, sauf la
troisième personne du singulier du présent de l'indicatif qui se
termine sur un petit "s", et varient fort peut dans le cas des verbes
auxiliaires.
Apprentissage... Pardon?
M. TETLEY: Vous voulez abolir...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. GOURDEAU: Apprentissage du français par les anglophones.
il y a certains députés ici qui devraient comprendre
particulièrement bien ce à quoi je fais allusion.
M. TETLEY: J'appuie entièrement votre mémoire
jusqu'à...
M. GOURDEAU: Apprentissage du français par les anglophones. Ces
difficultés indiquent, selon nous, une chose extrêmement
importante, et c'est que le Québécois unilingue dont la langue
maternelle est l'anglais sauf quelques exceptions et grâce
à des méthodes d'apprentissage particulières qui ne sont
pas accessibles au grand nombre ne pourra pas ordinairement apprendre le
français en s'appuyant principalement sur la logique et la raison.
Il devra le faire au moment où sa mémoire est
particulièrement active et peut constituer son outil principal
d'apprentissage linguistique. Selon certains neurologues, et selon les
observations courantes que chacun peut faire, il s'avère que c'est entre
l'âge de cinq ans et l'âge de douze ans que la mémoire est
relativement plus active. Cela ne veut pas dire que la mémoire soit par
la suite inactive, ni à l'inverse que le stade opératoire ou de
raisonnement ne soit pas décisivement engagé avant l'âge de
douze ans. Cela veut dire simplement qu'à partir de l'âge de douze
ans le côté sagesse ou rationnel du cerveau se développe
à un rythme tel que l'acquisition de connaissances s'appuie davantage
sur la raison que sur la mémoire. Ce qui s'applique évidemment
à l'apprentissage d'une langue qu'on entreprendrait
systématiquement après cet âge.
Etant donné les irrationalités en plusieurs points de la
structure de la langue française, c'est donc entre l'âge de cinq
et douze ans, si le raisonnement précédent est juste, que se
situe la meilleure période pour un anglophone qui veut apprendre la
langue française. Ceux qui ne le font pas à cet âge ont
toutes les chances, sauf de rares exceptions, de ne pouvoir jamais s'exprimer
avec satisfaction dans la langue française. Les anglophones
québécois, qui sont incapables de parler français,
considèrent, sauf de rares exceptions, qu'il s'agit non seulement d'un
handicap, mais également d'une anomalie. Parmi eux, il y en a plusieurs
qui ont tenté vainement d'apprendre le français par diverses
méthodes, et se sont heurtés à des difficultés
tellement grandes qu'ils se sont découragés ou bien n'ont pas
acquis une maîtrise suffisante à leurs yeux, pour pouvoir, dans le
cours normal des choses, s'exprimer sans gêne et couramment dans la
langue française. Alors que, bien souvent, ils sont capables de lire le
français ou même de le comprendre, ils se trouvent curieusement
dans l'impossibilité de le parler. Pareilles difficultés sont
dues en majeure partie au fait qu'ils ont appris la langue française
à un âge trop avancé, c'est-à-dire après
l'âge de douze ans.
Les anglophones québécois, peinés de ne pouvoir
maîtriser la langue française, désirent que leurs enfants
ne connaissent pas les mêmes obstacles auxquels eux-mêmes se sont
heurtés. Ils se leurrent s'ils croient que cet apprentissage peut se
faire d'une façon efficace après l'âge de douze ans. Ils
n'ont qu'à se regarder et à regarder autour d'eux pour voir
très clairement que cela est proprement impossible dans la presque
totalité des cas. Comment peuvent-ils intelligemment espérer que
ce qui leur a été impossible deviendra soudainement possible
à leurs enfants? Comment peuvent-ils se battre pour que leurs enfants
soient, à tout le moins, privés de la voie de la plus facile et
la plus sûre? Ce qu'ils devraient comprendre et accepter, c'est que la
meilleure façon et, en pratique, la seule façon normale et simple
pour les enfants d'apprendre le français, c'est de le faire entre
l'âge de cinq ans et douze ans. Si ce premier apprentissage n'a pas lieu,
tout ce que l'on doit maîtriser du français qui n'est pas logique
ou rationnel, et que l'on ne peut donc apprendre que par
répétition en se servant premièrement de sa
mémoire, leurs enfants ne pourront pas l'apprendre aisément par
la suite et d'une façon vraiment satisfaisante.
D'autre part, le développement du cerveau chez l'enfant est plus
important que l'apprentissage d'une langue autre que la langue maternelle. Le
développement normal du cerveau exige probablement que l'enfant atteigne
d'abord un certain point de maturité d'expression dans sa propre langue
avant de passer à une autre. Les expériences limitées dont
nous avons pu, ça et là, prendre connaissance indiquent que le
point de maturité minimal d'expression se situe, chez l'enfant
québécois, entre l'âge de cinq ans et six ans et trois
quarts. Une fois atteint ce point de maturité d'expression, le passage
à l'usage systématique d'une autre langue à l'école
ne bloquera pas l'expression de sa curiosité, outil principal de son
développement intellectuel à cet âge.
En conséquence, les écoliers anglophones devraient
apprendre le français, au plus tard, à partir de l'âge de
sept ans, ou peut-être plus tôt, à la condition que l'on
soit bien sûr qu'ils aient atteint le point de maturité
d'expression auquel nous nous référions plus haut. Le bill 22 ne
tient pas compte de ces facteurs, parce qu'il n'envisage pas l'objectif de
rendre régulier et possible aux anglophones l'appentissage du
français au moment où ils auraient une chance de le faire
efficacement. Selon nous, si les anglophones veulent vraiment que leurs enfants
apprennent le français, ils devraient logiquement demander que
l'enseignement, depuis la deuxième année jusqu'à la fin de
l'élémentaire au minimum, se fasse partout au Québec en
langue française. Ce qui n'exclut pas que, pour sécuriser
l'enfant, l'on consacre une heure par jour à l'enseignement en langue
anglaise ou à l'ensei-
gnement de la langue anglaise. Mais nous craignons que, si on allait
augmenter cette période à plus d'une heure par jour, on
risquerait de manquer l'objectif visé.
S'inquiéter de ce que les petits Canadiens anglais ne puissent,
dans un tel système, être en mesure de maîtriser
éventuellement leur langue maternelle relèverait de toute
évidence dans notre milieu québécois d'une crainte
très exagérée, car ces enfants, de retour au foyer, ont
encore l'occasion de parler leur langue et de l'améliorer au contact de
leurs parents, de la télévision, de la radio, de leurs lectures,
etc. On ne peut vraiment pas penser que les enfants de langue maternelle
anglaise vont perdre au Québec, même si l'école ne leur
enseigne qu'en français, la maîtrise d'une langue qui est
tellement parlée dans les media et à leur propre domicile et qui,
comme mentionné plus haut, ne comporte pas de difficultés
majeures uniquement solubles en bas âge.
Apprentissage du français par les immigrants. Le cas des enfants
d'immigrants n'est pas le même que celui des enfants anglophones quant
à la dissimilitude de leur langue avec la langue française, du
moins pas toujours. Par exemple, la langue russe comprend également des
genres, ainsi que la langue italienne et la langue grecque, et la conjugaison
de leurs verbes présente en gros les mêmes caractéristiques
que la langue française. On peut en déduire qu'il est
probablement plus facile pour des enfants d'immigrants, de certains immigrants,
de remettre à plus tard l'apprentissage de la langue française.
On observe fréquemment, en tout cas, que, parmi un groupe d'anglophones,
de Russes et d'Italiens qui ont été ensemble à
l'école anglaise depuis leur école élémentaire
jusqu'à l'université inclusivement, les Russes et les Italiens
s'expriment avec plus de facilité en français que leurs
confrères anglophones, même s'ils y ont tous été
soumis au même régime d'enseignement du français pendant
leurs études.
Pour les immigrants, l'apprentissage qu'ils jugent si important de la
langue anglaise se présente probablement dans une large mesure comme il
se présente aux Québécois de langue française. Tous
les deux veulent apprendre la langue anglaise parce qu'elle représente
à notre époque un actif important, surtout au plan
économique, mais certainement aussi aux plans technologique,
scientifique et culturel). Lorsqu'il s'agit de l'enseignement par
l'école, il faut donc se demander à quel moment l'enfant doit
faire l'apprentissage systématique de la langue anglaise. Existe-t-il
une période cruciale qui, si elle était dépassée,
rendrait les efforts beaucoup plus difficiles et beaucoup moins rentables? Pour
les raisons invoquées plus haut, nous disons que non, même s'il
apparaît certain qu'il y aurait avantage, et pour les Canadiens
français et pour les enfants d'immigrants, à faire un
apprentissage aussi intensif que possible de la langue anglaise en bas
âge. Mais, par ailleurs, si cela pouvait présenter certains
avantages quant à leur apprentissage de la langue anglaise
elle-même, cela impliquerait en même temps une perte
irrécupérable du temps que l'on doit consacrer au difficile
apprentissage de la langue française alors que la mémoire
fonctionne à plein.
Nous croyons que et les Québécois de langue maternelle
française et les immigrants d'autres langues ont tout
intérêt à faire le cours élémentaire en
langue française pour pouvoir maîtriser cette langue. En d'autres
mots, les difficultés inhérentes à la langue
française sont telles que, si l'on veut vraiment l'apprendre, il faut
très généralement l'apprendre en bas âge. Il n'y a
pas d'autre solution, sauf exception et à quel prix.
En réalité, c'est donc une question de justice à
l'endroit des enfants québécois, qu'ils soient de langue
française, de langue anglaise ou d'une autre langue, que de leur
permettre et leur favoriser, à l'âge approprié,
l'apprentissage de la langue française, capricieuse et difficile. Dans
le contexte évidemment où la langue française doit devenir
la langue officielle du Québec. Il ne s'agit pas ici en effet de porter
un jugement sur l'à-propos de décréter la langue
française comme langue officielle. Il nous serait trop facile, avec
notre culture et nos antécédents, d'affirmer que voilà une
bonne initiative; d'autres s'en occuperont certainement et pourront le faire
avec autorité. Il s'agit simplement de reconnaître les exigences
pédagogiques qui découlent du projet de loi 22.
Motivations au français. Comme tout autre, l'apprentissage de la
langue française se fait dans de meilleures conditions et avec de
meilleures chances de succès s'il répond à des motivations
concrètes. Ainsi, l'écolier anglophone dont la famille est
établie dans la ville de Québec, où le caractère
français de la vie culturelle, sportive, commerciale et professionnelle
reflète' le fait que 95 p.c. de ses habitants sont francophones, se
verra-t-il naturellement motivé à apprendre le français.
Par ailleurs, dans un lieu comme Montréal et ses satellites, desservis
majoritairement par la télévision et la radio de langue anglaise,
où le commerce se fait à tout le moins aussi facilement en
anglais qu'en français, et où la vie culturelle et sportive est
tout autant accessible au parlant anglais qu'au parlant français, une
motivation réelle est loin d'être aussi facile.
L'enfant pourra difficilement y saisir la portée du
français, parce que ce n'est que beaucoup plus tard, comme il advient
maintenant à ses parents, qu'il pourra en saisir l'utilité en
général, l'importance et la relative nécessité dans
un Québec officiellement de langue française. En
conséquence, la seule motivation claire qu'un écolier
québécois anglophone pourra avoir dans un cas semblable
qui est celui de la majorité des anglophones québécois
sera de se conformer à une situation imposée par la loi
à tous les enfants québécois de son âge sans
aucune discrimination. Etat donné la facilité qu'a
l'enfant de cet âge de s'adapter à la réalité
sociale et juridique, il suffira que son milieu, principalement son milieu
familial, reconnaisse la normalité et les bons côtés de la
situation pour qu'il réponde positivement à un enseignement
vivant et pédagogiquement bien articulé.
Liberté de choix. S'il convient de laisser un choix aux parents
entre l'anglais et le français, nous croyons que la loi ne devrait
l'autoriser qu'au seuil du secondaire, préférablement même
au deuxième cycle du secondaire. On ne peut vraiment espérer
qu'avec l'appui d'une législation qui n'indique aucun objectif quant
à la transformation de l'enseignement élémentaire
québécois en système français, les structures
orientées vers l'enseignement de la langue anglaise, à ce niveau,
vont d'elle-même disparaître et céder la place. C'est le
propre des organismes et des structures installées que de se
perpétuer et même si de savantes études pédagogiques
devaient prouver, avec les années, qu'il vaudrait mieux pour tous les
Québécois d'apprendre la langue française d'une
façon intense à l'école élémentaire, il y a
gros à parier que les transferts seraient alors beaucoup plus difficiles
à faire qu'aujourd'hui.
Conclusions. Si on veut vraiment que la langue française devienne
la langue officielle, tel que le gouvernement l'indique dans les quatre
premiers attendus du bill 22, il faut fournir à tous les
Québécois la possibilité réelle d'en faire
l'apprentissage et d'en acquérir la maîtrise. Il y a un moment
pour le faire et, si on ignore ce moment, on ne peut vraiment pas
espérer que la langue officielle, peu importent les statuts, sera dans
les faits la langue française. S'il est vrai que l'administration
publique prendra, avec les années, de plus en plus d'importance et que
la législation, telle que proposée, vise à y assurer la
prépondérance du français. Elle ne dit cependant rien au
sujet des corporations autres que les corporations d'utilité publique et
on a toutes raisons de s'attendre que les dirigeants de ces autres
corporations, leurs cadres supérieurs, leurs officiers principaux et une
bonne partie de leur personnel, continueront d'être, en bonne partie, des
anglophones de qui l'on voudra vainement exiger, trop tard en termes
pédagogiques, qu'ils fonctionnent en français.
Voici maintenant quelques recommandations: A) le cours
élémentaire devrait être dispensé partout au
Québec, et pour tous les Québécois, dans la langue
française, sauf la maternelle et possiblement la première
année, qui devrait se donner dans la langue maternelle de l'enfant,
quelle qu'elle soit. B) le premier cycle du cours secondaire devrait se
dérouler en langue française, les anglophones dont la langue
maternelle est l'anglais pourraient cependant recevoir l'enseignement en
anglais sur requête écrite ou signée, faite à une
commission scolaire à cet effet, à la condition que la
clientèle scolaire du niveau visé, dont la langue maternelle est
l'anglais, représente 25 p.c. de la clientè- le totale à
ce niveau. C) le deuxième cycle du cours secondaire se
déroulerait en français ou en anglais, le choix étant fait
par chacun des élèves à la fin de la deuxième
année du premier cycle du secondaire pour permettre aux commissions
scolaires d'organiser, un an à l'avance, leurs programmes.
L'enseignement de la langue anglaise comme langue seconde tant
à l'élémentaire et au premier cycle du secondaire, pour
tous, qu'au second cycle du secondaire pour les classes françaises
devrait se faire selon les meilleures méthodes et surtout par un
personnel compétent. En d'autres mots, il nous paraît hautement
souhaitable que les écoliers québécois soient
initiés à la langue anglaise par des pédagogues parlant
couramment la langue anglaise et de préférence sans doute par des
enseignants dont la langue de communication usuelle est l'anglais.
Le système que nous suggérons permettrait, grâce
à sa mise en place graduelle, de libérer les enseignants de
langue anglaise, oeuvrant présentement dans des classes anglophones,
pour les affecter à l'enseignement de l'anglais dans les classes de
l'élémentaire et du secondaire (premier cycle) devenues
francophones. Nous recommandons en effet qu'un tel système débute
en septembre de l'année 1975, à la maternelle et en
première année, et que les transformations se continuent avec les
années. Le nouveau système mettrait donc dix années
à s'établir complètement.
Pendant cette période de dix années, cependant, les
commissions scolaires et syndics d'écoles pourraient être
autorisés par le ministre de l'Education à mettre en route des
réformes partielles orientées vers l'objectif ultime, s'ils en
reçoivent le mandat des parents et peuvent faire la preuve de leur
capacité d'y procéder.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Merci. L'honorable ministre de
l'Education.
M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie le comité
d'école de Boischatel pour la présentation de son savant
mémoire. Je note en premier lieu une remarque qui me paraît
intéressante concernant l'usage de la langue maternelle en ce qui
concerne les Indiens et les Inuit. Comme je sais que le présentateur est
un spécialiste de ces questions, je vais certainement faire les
vérifications nécessaires en ce qui concerne la
constitutionnalité de cet alinéa. En fait, vous avez très
bien compris que ce que nous voulions faire, c'était de
régulariser une situation qui avait été établie,
qui l'avait été fort justement, mais qui n'avait pas encore
reçu de cadre législatif.
J'aurai une seule question. Si je comprends bien la théorie que
vous mettez de l'avant, vous semblez croire qu'étant donné la
structure de l'anglais et la structure du français, il est plus facile
pour un anglophone d'apprendre le français à un âge
relativement tendre, c'est-à-dire
entre cinq et douze ans, et que pour un francophone d'apprendre
l'anglais au même âge...
M. GOURDEAU: Je pense que vous n'avez pas compris.
M. CLOUTIER: Justement, je voudrais avoir des précisions. C'est
pour cela que je vous pose la question sous cette forme-là.
M. GOURDEAU: Oui, oui.
M. CLOUTIER : Parce que cela me paraît assez important que vous
apportiez la précision.
M. GOURDEAU: Nous n'avons peut-être pas été clairs.
Notre mémoire se base essentiellement sur ce qu'on pourrait appeler la
langue de départ et la langue d'arrivée. S'il s'agit pour un
Canadien français, pour un Russe ou pour un Italien de partir de sa
langue maternelle pour apprendre la langue anglaise, ce sera pour lui une chose
qu'il pourra faire avec sa logique et sa raison, à cause de la langue
d'arrivée. C'est-à-dire que la langue d'arrivée la
langue anglaise a supprimé à peu près toutes les
difficultés qui sont illogiques et qui sont capricieuses, le concept des
genres, par exemple. On ne peut absolument pas expliquer, de façon
logique, pourquoi un pupitre est masculin et une table est féminin.
M. CLOUTIER: Oui, mais...
M. GOURDEAU: On apprend cela quand on est jeune, à force de
répétition...
M. CLOUTIER: Oui.
M. GOURDEAU: ... en s'aidant de sa mémoire.
M. CLOUTIER: II y a plusieurs façons d'apprendre une langue
seconde. Mais je ne voudrais pas que nous tombions dans un domaine trop
théorique et je ne voudrais pas engager de débat. Je voudrais
simplement savoir si vous faites une d'équivalence entre la
capacité du jeune anglophone d'apprendre le français et la
capacité du jeune francophone d'apprendre l'anglais à peu
près au même âge, c'est-à-dire entre cinq et douze
ans? C'est cela qui m'intéresse.
M. GOURDEAU: On dit qu'il n'y a pas d'équivalence.
M. CLOUTIER: Vous n'en faites pas...
M. GOURDEAU: A cause de la langue anglaise elle-même.
M. CLOUTIER: C'est cela. Alors, en somme, ce que j'ai dit n'était
peut-être pas tellement faux, à ce que j'ai cru comprendre,
à savoir que le jeune francophone, à cause de la structure de la
langue anglaise, ne peut pas l'apprendre trop tôt.
M. GOURDEAU: Très bien. Il peut l'apprendre tôt s'il le
veut, c'est encore mieux.
M. CLOUTIER: Ah bon! M. GOURDEAU: Bien sûr.
M. CLOUTIER: Alors, vous n'avez donc pas d'objection à ce que les
jeunes enfants apprennent une langue seconde à un âge relativement
peu élevé?
M. GOURDEAU: Non, on le dit très clairement dans cela.
M. CLOUTIER: C'est qu'il y a eu des gens qui sont venus devant cette
commission et qui ont crié au scandale parce qu'on osait apprendre une
langue seconde à un jeune enfant.
M. GOURDEAU: M. Cloutier, il y a un autre élément qui
entrerait en considération. Nous ne parlons que de l'apprentissage de la
langue. Que des psychologues puissent prouver, par exemple, que le fait
d'apprendre à un âge trop tendre deux langues à la fois,
avant d'avoir maîtrisé la sienne qui est d'autant plus difficile
à maîtriser qu'elle est plus difficile dans ses structures... Je
respecterais cette opinion. C'est peut-être possible que cela crée
certaines confusions. Mais pour ce qui est de l'apprentissage lui-même de
la langue, des facilités labiales de la facilité de
conceptualiser une langue, non, pour nous, il n'y a pas de différence
à ce point de vue. Sûrement pas.
M. CLOUTIER: Parfait. Est-ce que vous êtes, de formation, un
psychologue vous-même ou si vous avez une compétence
particulière, à part celle que j'ai citée avec plaisir
tout à l'heure?
M. BOSSE: Neurologue!
M. GOURDEAU: Ah! Ah! neurologue! Non, j'ai simplement cinquante ans
d'âge, j'ai eu cinq enfants et je travaille avec le comité
d'école qui est ici. J'ai eu évidemment des
responsabilités du côté de l'éducation dans le
Grand-Nord et au Nouveau-Québec pendant un certain temps et, ensuite, en
Alaska, dans les Territoires du Nord-Ouest, dans les pays circumpolaires.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. Gourdeau, mesdames, je vous remercie de la
présentation du Comité d'école de Boischatel. Aussi, M.
Gourdeau, ma
première question traitera de ce qui vous a fait connaître
et qui vous a rendu célèbre jusqu'à la table de cette
commission, votre travail à la direction générale du
Nouveau-Québec au ministère des Richesses naturelles.
J'admets que nous devrons également scruter la remarque
très pertinente que vous nous faite quant aux dispositions de l'article
48 qui concernent directement les Indiens et les Inuit. Vous êtes encore
une preuve que nous n'étions pas suffisamment informés sur ce
problème. Je peux vous dire que d'autres comparants nous ont
également signalé ce qu'ils appelaient une incohérence
dans le projet de loi à ce chapitre particulier des Indiens et des
Inuit.
Si vous prenez je le sais par coeur, mais pour ne pas me tromper,
je vais y retourner l'article 48, la langue d'enseignement, où on
dit: "La Commission scolaire du Nouveau-Québec peut aussi donner
l'enseignement, dans leurs langues, aux Indiens et aux Inuit."
D'autres groupes nous ont fait remarquer qu'il n'y a pas que la
Commission scolaire du Nouveau-Québec qui, actuellement, diffuse
l'enseignement à des Indiens et à des Inuit. Je ne me rappelle
plus peut-être le ministre s'en souvient-il je crois que
c'est le Comité protestant du Conseil supérieur de
l'éducation qui avait été le premier à nous faire
remarquer cela. Est-ce que vous êtes également de cet avis que
nous devrions étendre cette obligation de l'enseignement dans leur
langue aux Indiens et aux Inuit à toutes les autres commissions
scolaires qui ont une clientèle d'origine indienne?
M. GOURDEAU: Vous pouvez avoir des raisons politiques, culturelles ou
sociales de le faire, tandis qu'au Nouveau-Québec, pour moi, c'est clair
que ce sont des raisons strictement pédagogiques, c'est-à-dire
que c'est la langue parlée par les gens. Cela ne mène à
rien de partir l'enfant de l'inconnu pour l'emmener à l'inconnu. On a vu
la faillite de cela. Il faut partir du connu. Or, il faut partir de ce que lui
connaît: sa langue. Il faut s'appuyer sur la famille qui peut
s'entretenir uniquement dans la langue vernaculaire avec lui.
Dans d'autres endroits où, par exemple, les Indiens ont perdu
leur langue les Montagnais parlent maintenant le français
cela peut très bien se justifier pour d'autres raisons, peut-être
pas pour la raison pédagogique, la même que dans le
Nouveau-Québec. Cela peut très bien se justifier, par exemple,
pour une question nationale pour les Indiens.
M. CHARRON: Je vous pose cette question en admettant très
clairement la distinction qui fait que...
M. GOURDEAU: Je pense que cela peut se poser, mais je ne connais pas le
cas de...
M. CHARRON: ... disons, pour ce qui est du Nouveau-Québec, c'est
la langue parlée, la langue vivante.
M. GOURDEAU: C'est cela.
M. CHARRON: Dans d'autres cas, croyez-vous que nous devrions donner aux
Indiens et aux Inuit, même à ceux qui n'ont plus cette langue dans
leur vie quotidienne, comme ceux du Nouveau-Québec, une partie au moins
de leur enseignement dans leur langue maternelle?
M. GOURDEAU: Je pense qu'une chose extrêmement importante serait
de leur permettre de se composer une littérature. Pour ce faire, il
faudrait envisager, à mon avis, des cours qui en remplacent d'autres
dès le deuxième cycle de l'élémentaire et ensuite
au secondaire et offrir des options au secondaire à ceux qui veulent se
spécialiser dans leur langue. On pourrait peut-être, avec les
années, assez rapidement même, trouver des professeurs qui
puissent enseigner certaines matières dans la langue de ces gens. Je
pense que ce serait une chose absolument normale qui aiderait à
régler bien des conflits.
M. CHARRON: Mesdames et M. Gourdeau, vous représentez le
Comité d'école de Boischatel. Pouvez-vous nous décrire
d'abord l'école?
M. GOURDEAU: II s'agit de petites écoles. On a deux
écoles. Autrefois, à venir jusqu'aux grandes réformes du
ministère de l'Education et des autobus scolaires, on avait
l'enseignement jusqu'à la onzième année dans nos
écoles. Maintenant, il n'y a l'enseignement que jusqu'à la
sixième année. A cause de cela, nos locaux sont assez spacieux et
permettent un enseignement personnalisé assez remarquable. Nous avons un
groupe d'institutrices extrêmement intéressant. C'est un petit
village de 1,400 personnes qui est juste en bordure de la ville de
Québec.
M. CHARRON: II s'agit donc d'un comité d'école
élémentaire?
M. GOURDEAU: C'est cela.
M. CHARRON: Du premier cycle.
Suite aux théories et aux énoncés théoriques
très intéressants que vous nous avez livrés, est-ce qu'aux
écoles élémentaires de Boischatel, dont vous êtes
les représentants, on diffuse actuellement un enseignement de la langue
seconde?
M. GOURDEAU: On commence en cinquième année.
M. CHARRON: On commence en cinquième année.
M. GOURDEAU: On a déjà fait des essais, cependant, en
commençant en première année. Ensuite, on n'avait pas
continué cela. C'est très difficile à évaluer. Ce
qu'on peut avoir connu, à ce moment, c'est que cela n'avait pas
causé de
difficulté aux jeunes étudiants, mais c'était un
cours libre pour les petits de première année, parce que,
à ce moment, la personne qui était en charge de l'école,
qui n'avait qu'à administrer l'école, était,
elle-même, une Canadienne de langue anglaise du Nouveau-Brunswick. On en
avait profité pour faire certains essais pour voir ce que cela pouvait
avoir comme impact sur les enfants, d'une façon générale,
dans leur comportement scolaire ou dans leur évolution. On n'a pas pu
continuer cela. On ne peut pas en parler. Ce qu'on a eu à
Boischatel...
M. CHARRON: Je peux vous demander pourquoi vous n'avez pas pu
continuer?
M. GOURDEAU: Parce qu'elle a quitté l'école.
M. CHARRON: Ah!
M. GOURDEAU: Voyez-vous, il y a des choses dans cela évidemment
qui s'appuient, comme vous l'avez deviné ce n'est un secret pour
aucune de mes collègues sur des recherches que j'ai faites
moi-même, sur des situations avec lesquelles je suis venu en contact. Il
faut dire qu'à Boischatel, même actuellement, on a, par exemple,
une famille anglaise de l'Ontario qui est venue s'installer chez nous, parce
que la briqueterie Citadelle, qui est une grosse affaire, a embauché un
surintendant de langue anglaise de l'Ontario. Ces gens sont arrivés
déjà depuis deux ans. Les petits enfants viennent à
l'école élémentaire française. Ils font des
progrès, au dire des enseignants, extrêmement remarquables. Les
parents, eux, de leur côté, veulent rester dans la
communauté, ils aiment mieux, apparemment, rester en bordure de
Québec, même sur la côté de Beaupré qui est
une place magnifique, que de retourner en Ontario. Ils voudraient
s'intégrer véritablement. Ils ont essayé de suivre des
cours d'immersion; ils ont essayé toutes sortes de choses. Lui est
ingénieur chimiste. Elle, elle a une formation très
avancée. Ils ne sont pas capables d'apprendre le français. C'est
aussi simple que cela.
M. CHARRON: Leurs enfants à l'école française font
plus de progrès qu'eux.
M. GOURDEAU: Ah bien oui! Pour les enfants, il n'y a pas de
problème à ce moment, parce qu'ils acquièrent ce que
j'appelle, par eux-mêmes, les concepts qui sont irrationnels. A force de
répéter... Ils ne pourront pas s'expliquer pourquoi le mot table
est féminin, mais seulement, au bout de trois ans, ils savent bien que
table est féminin, et que pupitre est masculin.
M. CHARRON: II n'y a pas d'école anglaise à
Boischatel?
M. GOURDEAU: Non.
M. CHARRON: Y a-t-il des francophones qui se véhiculent
jusqu'à une école anglaise à proximité, ou la plus
proche?
M. GOURDEAU: Actuellement, je ne crois pas qu'il y ait
d'élèves qui fréquentent les écoles anglaises, mais
cela a existé lorsqu'il y a eu des familles anglaises. On les
véhiculait par le moyen ordinaire de transport urbain. C'est le
transport de Québec qui vient jusque chez nous.
M. CHARRON: Je vous disais cela, M. Gour-deau, parce que selon le
rapport Duchesne, qu'on a abondamment cité à la table de cette
commission depuis...
M. GOURDEAU: Le rapport?
M. CHARRON: Duchesne, du ministère de l'Education sur les classes
et les inscriptions scolaires... on disait que pour la région
administrative de Québec, en 1972/73, on retrouvait, dans les classes
anglaises, les écoles anglaises de la région administrative de
Québec, 33 p.c. de la clientèle qui était francophone.
M. GOURDEAU: Oui.
M. CHARRON: II y avait 61 p.c. des gens qui étaient effectivement
de langue maternelle anglaise et 6 p.c. viendraient d'autres groupes. Quand on
regardait les écoles françaises de la région
administrative de Québec comme probablement la vôtre
elles étaient composées à 99.8 p.c. de francophones et
n'assimilaient que .2 p.c. d'anglophones, probablement, entre autres, le cas
dont vous nous avez fait mention.
J'ai une autre question qui a intéressé tout le monde, et
qui va certainement nous intéresser encore longtemps, c'est la
qualité de l'enseignement de la langue seconde.
Vous nous dites que chez vous, sur le territoire de Boischatel, on
commence en cinquième année. Est-ce qu'on est satisfait,
actuellement, de l'enseignement de la langue seconde? Je sais bien qu'on admet
qu'elle se complète au niveau secondaire, mais même après
la cinquième, la sixième année de
l'élémentaire. Est-ce qu'on est satisfait actuellement.
M. GOURDEAU: Je pense que c'est une question très difficile, M.
Charron, parce qu'on n'a pas le milieu qui soit en mesure d'exprimer une
satisfaction à ce sujet. C'est un milieu qui est complètement de
langue française, et c'est bien difficile pour nous, les parents, de
juger de la qualité. On ne peut pas comparer, d'abord, avec d'autres. On
n'a qu'une école. Ce qu'on remarque, par exemple, on a trouvé
prudent de le souligner, c'est que l'anglais devrait être enseigné
par des gens dont la langue usuelle de communication est la langue anglaise.
Cela nous semble évident, quand même cela ne serait-il qu'une
question de prononciation. Evidem-
ment, cela est trompeur, parce que la prononciation, ce n'est pas tout.
Mais quand même, il nous paraît que nos enfants pourraient faire
des progrès beaucoup plus rapidement que de la façon dont
l'anglais est enseigné à l'heure actuelle.
M. CHARRON: Je remarque, dans la solution que vous préconisez,
que vous livrez dans les dernières pages de votre mémoire, qui
sont, encore une fois, un désaveu de la loi 22, vous êtes à
nouveau un groupe de l'éducation qui, unanimement, se ligue contre le
chapitre de la langue d'enseignement, qu'essaie de promouvoir le ministre de
l'Education, vous faites mention de la possibilité d'amener les jeunes
anglophones québécois à l'école française
dès le bas âge. En fait, c'est la solution, même si vous
admettez que cela peut s'étirer sur un calendrier, c'est la suggestion
que vous faites au législateur.
Je veux revenir à la question posée par le ministre de
l'Education. Est-ce que j'ai bien compris moi aussi tout l'exposé
théorique que comporte votre mémoire selon lequel l'apprentissage
du français, comme langue maternelle, est plus difficile, à cause
des complexités de la langue et nécessite donc un plus long temps
d'apprentissage avant de se mettre à la conquête d'une
deuxième langue utile que l'apprentissage de sa langue maternelle
lorsqu'on est anglophone?
M. GOURDEAU: Oui, je pense que vous avez très bien compris. Si
votre question implique la sous-question: Pour n'importe quelle autre langue
seconde, est-ce que cela serait vrai? Je ne voudrais pas me prononcer
là-dessus parce qu'il se peut très bien aussi que, pour un
francophone, l'apprentissage de la langue hongroise ou de la langue chinoise,
par exemple, que je ne connais pas du tout, soit absolument nécessaire
en bas âge si on veut l'acquérir, mais l'anglais, non.
M. CHARRON: Mais c'est la langue anglaise dans le contexte actuel.
M. GOURDEAU: Pour l'anglais, non. Et on a tellement d'expériences
dans ce domaine. Que cela soit dans le domaine de l'éducation ou dans le
domaine de travail, ou n'importe quoi puisque vous en avez parlé,
je peux bien y faire allusion encore une fois parce que j'étais en
charge du Grand-Nord on envoyait des ouvriers dans le Grand-Nord qui ne
savaient pas un traître mot d'anglais et qui, au bout d'un an et demi,
parlaient anglais pour se débrouiller à leur satisfaction,
vraiment. Apprendre le français et apprendre l'anglais, ce n'est pas la
même chose. D'ailleurs, j'ai lu dans le journal qu'à un certain
moment ici je pense que c'était le Comité Canada
quelqu'un vous a dit en réponse à vous ou à un autre: Si
vous saviez comme c'est difficile pour nous le français! Cela rend
tellement bien la question.
M. CHARRON: Merci beaucoup, M. Gourdeau.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce qu'il y a d'autres questions à
l'intention de nos invités? Sinon, au nom des membres de la commission,
je vous remercie M. Gourdeau et je remercie le Comité d'école de
Boischatel.
M. CLOUTIER: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: ... j'aimerais prendre la parole parce que j'aurais une
motion à proposer avant que nous n'ajournions nos travaux.
M. MORIN: ... M. le ministre? Ce n'est peut-être pas
nécessaire à ce moment-là de faire une motion. Nous
serions tout à fait disposés à les recevoir...
Motion de M. Cloutier
M. CLOUTIER: Si vous me permettez de faire ma motion, vous serez
peut-être davantage éclairé parce que le but de la motion
est précisément de dire ce que le gouvernement souhaite
faire.
Il y a eu cet après-midi une rencontre des leaders pour discuter
de la possibilité de mettre fin aux auditions de cette commission.
J'avais déjà laissé entendre, au cours de mon
intervention, dans le courant de la journée, que la commission pouvait
se croire suffisamment informée, me réservant d'apporter tous les
arguments à cet effet en temps et lieu.
Je proposerais donc la motion suivante, quitte à ce que nous en
débattions. Elle est très simple et elle se lit de la
façon suivante: "Je propose que la commission fasse rapport à
l'Assemblée".
M. CHARRON: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques sur
la motion du ministre de l'Education.
M. CHARRON: Je pense que la motion du ministre de l'Education est
irrégulière et, pour le moment, irrecevable. Et j'aimerais vous
inviter à parcourir avec moi notre règlement une fois de plus,
pour remarquer avec moi à quels endroits parce qu'il y en a
plusieurs le ministre vient de pécher par une
méconnaissance de notre règlement.
Si nous prenons les règles de pratique de la commission
parlementaire, je vous invite, M. le Président, à lire avec moi
l'article 7, qui dit : "Les étapes de l'étude d'un projet de loi
en commission sont: Premièrement, l'exposé du ministre et les
commentaires d'un représentant de chaque parti reconnu...", ce que nous
avons dignement fait le 11 juin dernier.
Deuxièmement, l'audition des personnes intéressées,
ce que nous n'avons pas fini de faire, ce que nous n'avons pas terminé
de faire. Troisièmement, les délibérations de la
commission. Et seulement après. Quatrièmement, le rapport. Je
vous signale également, M. le Président, que l'article 10,
plutôt, devrions-nous lire 11, je crois, après une correction
apportée à nos règlements, invite la commission à
se prononcer sur le rapport qui est présenté à
l'Assemblée. Vous imaginez bien pourquoi je soutiens, comme mes
collègues, que cette motion est irrégulière.
Premièrement, parce que nous n'avons pas franchi toutes les
étapes de l'article 7. Il aurait d'abord fallu que nous terminions
l'audition des personnes intéressés, ce qui était le
deuxième paragraphe, et que la commission considère comme ayant
terminé le deuxième paragraphe, qui est l'audition des personnes
intéressés; jamais la commission ne s'est prononcée encore
sur le fait que nous considérions l'audition des personnes
intéressées comme terminée. Au contraire, M. le
Président, nous avons dans la salle le maire et des échevins de
la ville de Hull qui se sont déplacés d'eux-mêmes, ce
matin, sans convocation, pour venir se faire entendre, parce qu'ils jugent
qu'ils ont à se faire entendre, que le projet de loi 22 les touche. Si
on écoutait leur mémoire, on le verrait très directement.
Il s'agit donc, je parle sur la recevabilité de la motion, d'une preuve
physique que nous avons ce soir, en la présence de M. le maire et de
certains échevins de la ville de Hull, que l'audition des personnes
intéressées est loin d'être terminée.
Troisièmement, et finalement, nous n'avons pas fait ce que
l'article 7 nous oblige à faire au troisième paragraphe, avant de
parler de faire un rapport, nous n'avons pas délibéré.
Cette étape doit être franchie, ce sont les règles de
pratique de notre règlement. Quand nous aurons fini d'entendre les
témoins, par exemple, M. le maire de Hull ou les autres groupes qui ont
manifesté et qui ont tout intérêt à venir, nous
devrons délibérer, nous devrons composer ensemble le rapport. Je
ne me souviens plus, M. le Président, lequel de ces éminents
membres du Parti ministériel se trouve à être le rapporteur
de cette commission, mais on ne peut pas lancer cet individu à
l'Assemblée nationale sans qu'il sache exactement de quoi nous voulons
qu'il fasse rapport. Nous n'avons pas eu ce débat. Nous devons d'abord
le faire, l'écrire, le penser, le concevoir, ce rapport, avant de
dire... qui est-il encore une fois ce rapporteur, enfin ce député
qui est à notre commission actuellement...
M. BURNS: J'invoque le règlement, M. le Président. Est-ce
que le ministre demande conseil au président pendant qu'on est en train
de discuter une question de règlement? Est-ce que c'est cela? Non,
alors...
M. CLOUTIER: Quand j'aurai à demander un conseil, je te
demanderai au député de Maisonneuve, qui a toujours
été...
M. BURNS: Non. D'ailleurs, ne vous attendez pas à de bons
conseils de ma part.
M. CLOUTIER: Mais je ne m'attendais pas à de bons conseils non
plus. J'ai dit demander conseil, mais je n'ai pas porté de jugement
d'autre part.
M. BURNS: Mais, d'autre part, je ne voudrais pas que le
député de Gatineau, qui préside avec impartialité,
malgré ses déclarations dans les journaux, etc., relativement au
projet de loi 22, qui préside avec impartialité, se sente
attiré vers son côté droit plutôt que vers son
côté gauche. Le député qui est à sa gauche
actuellement, c'est-à-dire le député de Saint-Jacques, est
en train de débattre une question de règlement, et je ne vois
pas, c'est une question d'éthique que je soulève tout
simplement...
M. CLOUTIER: On me prête des intentions.
M. BURNS: Je ne vous prête pas d'intentions, je vous empêche
d'en avoir des mauvaises. C'est cela.
M. CLOUTIER: Alors, je considère que le député de
Maisonneuve nous servira de conscience.
M. BURNS: Oui, c'est cela.
M. CLOUTIER: J'invite le député de Saint-Jacques à
continuer.
M. BURNS: Je m'excuse auprès du député de
Saint-Jacques, mais...
M. HARDY: On n'est pas prêt à accepter cela.
M. CLOUTIER: Ah bon! Il y a des protestations du côté de la
députation.
M. BURNS: Si le ministre de l'Education veut se servir du
député de Terrebonne, qui est à droite, comme conseiller,
je n'ai aucune espèce d'objection, parce qu'il n'a pas ce
caractère de neutralité que doit avoir le président de la
commission.
M. HARDY: Mais je me dis ceci du ministre de l'Education: Quand il veut
se servir de vous comme de sa conscience, moi, je ne veux pas.
M. MARCHAND: Moi non plus je ne veux pas.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. CLOUTIER: C'est le seul désaccord que nous ayons.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! En réponse
à une question.
M. CLOUTIER: J'espère bien. UNE VOIX: II fait bien. M. ROY: ...
à l'Assemblée nationale. M. CLOUTIER: II a été
élu.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! En réponse
à une question du député de Saint-Jacques...
UNE VOIX: II fait bien mal ça!
LE PRESIDENT (M. Gratton): J'aimerais l'informer que le rapporteur de la
commission est le député de Gouin.
M. CHARRON: Ah! C'est le président du caucus spécial que
nous avons l'honneur d'avoir comme rapporteur.
LE PRESIDENT (M. Gratton): La parole est au député de
Saint-Jacques sur la recevabilité.
M. CHARRON: D'autant plus que, si c'est le député de Gouin
qui a été nommé pour rafistoler le parti
ministériel au moment où on tirait chacun de son bord sur le
projet de loi 22, d'autant plus, M. le Président, devons-nous lui
indiquer très clairement quel est le rapport que nous voulons qu'il
fasse à l'Assemblée nationale quant aux auditions non encore
terminées des témoins et des gens qui, depuis plusieurs semaines,
ont mis du temps à écrire un mémoire...
M. CLOUTIER: Est-ce qu'il s'agit de la recevabilité, M. le
Président, à un point de règlement?
M. CHARRON: Oui, M. le Président.
M. CLOUTIER: Je voulais simplement m'en assurer pour ne pas tomber dans
les mêmes écarts.
M. CHARRON: Elle est irrecevable, votre motion, parce qu'elle fait
preuve d'une méconnaissance du règlement et des règles de
pratique de la commission, elle est inacceptable surtout sur un projet de loi
de cette envergure. Je soutiens, M. le Président, que nous n'avons pas
terminé le mandat que nous a confié l'Assemblée nationale
lorsqu'elle nous a chargés, après la première lecture, et
à la demande de l'Opposition, d'étudier immédiatement,
avec les personnes intéressées du Québec, le projet de loi
contesté qu'est le projet de loi 22. Cette loi 22, tout aussi importante
et tout aussi contestée qu'elle soit, doit quand même suivre
toutes les règles habituelles de toutes les lois
déférées à une commission parlementaire. Elle est
irreceva- ble, la motion, M. le Président, parce que nous n'avons pas
terminé les étapes auxquelles toutes les lois sont soumises.
Quand nous aurons fait l'exposé du ministre, ce qui est fait,
quand nous aurons fini l'audition des personnes intéressées,
quand cette commission aura délibéré, quand elle se sera
entendue sur un rapport que le député de Gouin devra, dans toute
sa responsabilité, soumettre à l'Assemblée nationale en
lisant un texte qu'on lui aura préparé d'avance, quand, M. le
Président, toutes ces étapes auront été franchies,
alors le ministre de l'Education pourra faire tomber la guillotine, alors le
ministre de l'Education pourra présenter sa motion qui est celle de
faire rapport. Mais tant que nous n'avons pas terminé l'audition des
personnes intéressées, et il en reste... La présence
même du maire de Hull assis avec nous ce soir dans cette salle en est un
exemple. Il y a d'autres organismes qui ont demandé à être
entendus. Il y en a qui sont venus sans être convoqués, tout en
ayant présenté un mémoire, et qui ont attendu dans la
salle que leur tour vienne. Ils sont retournés dans leur région.
Je nomme sans aucun scrupule la Société nationale des
Québécois des Bois-Francs qui a assisté à nos
travaux la semaine dernière, qui, en vain, a demandé à se
faire entendre et qu'on a remis à la fin du calendrier.
L'audition des personnes intéressées n'est pas
terminée. D'autre part, M. le Président, vous en êtes
témoin, nous n'avons jamais eu encore de délibération en
commission quant au rapport que nous devons faire, quant à l'analyse que
nous devons faire ensemble des mémoires qui nous ont été
présentés, c'est-à-dire peser ensemble le pour et le
contre avant de nous décider si nous recommandons à
l'Assemblée nationale, qui nous a chargés d'en faire
l'étude à sa place, d'adopter oui ou non, le principe de cette
loi. Nous n'avons pas eu cette discussion. Au contraire, nous venons à
peine de terminer un autre mémoire, extrêmement
intéressant, présenté par un comité de parents qui,
lui aussi, dénonçait le projet de loi 22, lorsque soudain, sans
que l'audition des personnes intéressées soit terminée,
sans que les délibérations de la commission aient eu lieu, sans
que nous nous soyons entendus sur un rapport, sans que ce rapport soit
écrit et que nous ayons confié au député de Gouin
d'aller le soumettre à l'Assemblée nationale à une
prochaine séance, sans que toutes ces étapes aient
été franchies, de façon irrégulière et,
à vos yeux, M. le Président, irrecevable, le ministre intervient
avec une motion qui n'est pas prévue dans notre règlement et qui
n'a droit d'exister dans notre règlement que lorsque toutes ces
études seront terminées. Encore une fois, M. le Président,
je soutiens l'article 11 à nouveau, en plus de l'article 7, qui
déclare, à sa face même, l'irrégularité et
l'irrecevabilité de la motion du député de L'Acadie
c'est l'article 11 ou 10, selon l'entente, parce qu'il y a eu erreur, vous le
savez, M. le Président, vous êtes au courant,
selon les versions du bouquin qu'on a entre les mains que la
commission se prononce sur le rapport qui est présenté à
l'Assemblée. Le député de L'Acadie ne peut pas
présenter à ce moment-ci que le député de Gouin,
que nous avons chargé au tout début de nos travaux d'être
le rapporteur de cette commission, aille faire rapport, il n'y en a pas de
rapport.
M. HARDY: II est prêt. M. CLOUTIER: Attendez...
M. CHARRON: Vous ne pouvez pas demander à un député
d'aller faire rapport avant d'avoir demandé à la commission
elle-même d'en rédiger un.
M.HARDY: II n'a jamais compris l'efficacité.
M. CHARRON: La première motion que vous devriez faire devait
d'abord être d'attendre que les auditions soient terminées, que
nous ayons eu nos délibérations, selon l'article 7, que nous nous
soyons entendus sur un rapport.
Lorsque ce rapport sera écrit, lorsque nous aurons fait consensus
et que nous saurons si nous devons recommander à l'Assemblée
nationale d'adopter ou de refuser en deuxième lecture, cette loi qu'elle
nous a chargés d'étudier, alors, le député de Gouin
pourra recevoir le mandat de son ministre favori et de se présenter
à l'Assemblée nationale par la suite et d'avoir l'occasion... Je
dis son ministre favori, il est probablement le seul qui ait le ministre de
l'Education comme ministre favori, or je le signale immédiatement
à son intention, il y a aussi le député de Laurier dont le
ministre favori est le ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: Mon voisin, mon voisin.
M. CHARRON: Cela ne hausse pas la valeur du député de
L'Acadie, M. le Président.
M. CLOUTIER: Je n'ai pas honte de mes amis, bien au contraire. J'en suis
fier.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. CHARRON: Je vous prie donc de déclarer immédiatement
irrecevable la motion présentée par le député de
L'Acadie et d'entendre plutôt une motion que j'ai l'intention de vous
présenter immédiatement et qui viserait à inviter
puisque nous en sommes toujours à la deuxième étape de
l'article 7 des règles de pratique, et que les auditions ne sont pas
terminées à inviter le maire de Hull à venir nous
faire entendre...
M. CLOUTIER: Est-ce que je peux parler sur la recevabilité avant
qu'il n'y ait une deuxième motion?
M. CHARRON: J'ai terminé, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre de l'Education sur la
recevabilité de cette motion.
M. CLOUTIER: M. le Président, j'ai beaucoup admiré le
député de Saint-Jacques, sa fougue, son enthousiasme à
discuter de procédure. Il a dû se préparer. Mais,
malheureusement, sa science est jeune et il n'a pas lu tout le
règlement. L'article 7, effectivement, fait état d'un certain
nombre d'étapes qu'il faut franchir. Or, je soutiens que ces
étapes ont été franchies pour la plupart et que celles qui
n'ont pas été franchies doivent justement l'être à
l'occasion de ma motion. La première étape, il s'agit de
l'exposé, c'est fait. La deuxième étape, il s'agit de
l'audition des personnes intéressées. Il est exact que toutes les
personnes qui se sont inscrites n'ont pas été entendues, mais il
faut...
M. MORIN: M. le ministre, moins que la moitié.
M. CLOUTIER: ... lire ce paragraphe de l'article 7 à la
lumière du dernier paragraphe de l'article 6 qui se lit de la
façon suivante: "Lorsqu'elle croit il s'agit de la commission
être suffisamment renseignée sur le projet de loi, la
commission peut décider de cesser les auditions." Le règlement
nous le permet donc et, comme je ne parle pas sur le fond, je n'utiliserai pas
mon argumentation actuellement, je m'attends à prouver de façon
très claire que la commission a été amplement
renseignée depuis le début et je ferai la ventilation des
organismes qui ont été convoqués ainsi que de leur poids
respectif et les opinions dont ils ont fait état. Par conséquent,
M. le Président, les étapes ont été franchies dans
le cadre du règlement, les délibérations et le rapport
peuvent justement faire l'objet d'une discussion grâce à cette
motion qui la permet justement. Je n'ai pas l'intention de continuer beaucoup
plus longtemps parce qu'il est bien évident que nous nous engageons vers
un débat de procédure. Pour ma part, je vais tenter de
réduire mes interventions au strict minimum pour ne pas faire perdre
davantage le temps de cette commission qui travaille depuis à peu
près un mois assidûment et d'ailleurs, je dois dire, dans un
climat de disponibilité et d'ouverture.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Maisonneuve sur la
recevabilité.
M. BURNS: M. le Président, sur la question de
recevabilité, je suis, d'une part, étonné mais en
même temps content de voir le ministre de l'Education nous parler du
véritable texte de l'article 6 de nos règles de pratique. Quand
je parle de nos véritables textes, c'est-à-dire du texte qui
n'apparaît pas à la compilation administrative que nous utilisons
et que probablement, la plupart des députés ont en main
actuellement. L'article 6 actuel ne montre pas un deuxième
alinéa et nous dit tout simplement qu'à l'ouverture de la
séance, le président donne lecture de l'ordre du jour, il appelle
à tour de rôle les personnes convoquées. Si, lors de
l'appel, celles-ci ne se sont pas présentées, ou ne sont pas
prêtes à procéder, elles perdent leur droit de se faire
entendre, à moins que la commission n'en décide autrement. Le
texte, dans la compilation administrative que nous avons et que tous les
députés utilisent, se termine là. Je suis tout à
fait prêt à admettre, avec le ministre de l'Education, que le
texte qui a été adopté en date du 26 avril 1972, qui nous
sert de règle de pratique, comporte un autre alinéa et le
président de l'Assemblée nationale m'avait avisé, au tout
début des séances de cette commission, de la possibilité
qu'on se réfère au deuxième alinéa qui, dans la
compilation administrative, je le répète, n'existe pas.
Après vérification, je me suis rendu compte
qu'effectivement l'Assemblée nationale, en date du 26 avril 1972, avait
adopté des règles de pratique qui comportaient, à
l'article 6, un deuxième alinéa, lequel se lit comme suit, et
pour la bonne compréhension du débat, je pense qu'il est bon le
rappeler, le ministre vient de le citer, mais je le répète, le
deuxième alinéa se lit comme suit: "Lorsqu'elle croit être
suffisamment renseignée sur le projet de loi, la commission peut
décider de cesser les auditions".
M. le Président, qu'est-ce qu'on a devant nous actuellement? Nous
avons une motion pour que la commission fasse rapport. Est-ce bien cela, M. le
Président? C'est une motion qui est faite en vertu, sauf erreur
je vais retrouver l'article, mais je pense que c'est l'article 153 de notre
règlement c'est plutôt, M. le Président,
l'article...
M. BRISSON: C'est 157.
M. BURNS: Le député de Jeanne-Mance, je crois, a bien
raison, c'est plutôt l'article 157. Cet article permet à une
commission élue, au premier paragraphe...
M. MARCHAND: Un...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. LEGER: II y a tout un rapport avec la procédure.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. BURNS: Est-ce que le député de Terrebonne a toujours le
goût de faire les références à la pertinence du
débat?
M. HARDY: Pardon?
M. BURNS: Vous n'avez pas entendu la dernière remarque d'un des
députés ministériels?
M. HARDY: Je trouve que la remarque faite par le député de
Laurier...
M. MARCHAND: Nommez-le.
M. HARDY: ... est pertinente à la remarque du
député de Maisonneuve qui faisait allusion au
député de Jeanne-Mance.
M. BURNS: Sauf qu'il m'a indiqué que c'était 157
plutôt que 153 et il avait parfaitement raison et je lui en sais
gré.
M. MARCHAND: Est-ce qu'il a indiqué que vous êtes un de ses
anciens organisateurs?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! La parole est au
député de Maisonneuve.
M. BURNS: Merci, M. le Président. L'article 157 nous dit qu'en
commission plénière un député peut proposer de
rapporter à l'Assemblée que la commission n'a pas fini de
délibérer et qu'elle demande la permission de siéger
à nouveau. Ce n'est évidemment pas le cas qui nous concerne
actuellement, nous sommes en commission élue.
Le même paragraphe du même article, cependant, continue de
la façon suivante: "En commission élue, un député
peut proposer que la commission ajourne ses travaux". Jusqu'à
maintenant, je n'ai pas entendu le ministre de l'Education demander
l'ajournement des travaux. Jusqu'à maintenant, je n'ai pas entendu le
ministre faire une proposition en vertu de l'article 6, deuxième
alinéa, c'est-à-dire que la commission était suffisamment
informée et qu'à ce moment-là, elle avait
décidé de cesser les auditions.
Je n'ai pas entendu une motion en vertu de l'une ou l'autre de ces deux
façons de faire. La question qui se pose à mon esprit, M. le
Président, à ce moment-là, c'est pourquoi alors, le
ministre de l'Education décide-t-il, tout à coup, de façon
inattendue, de faire rapport à l'Assemblée nationale. Cette
motion, M. le Président, habituellement, elle est faite dans une
espèce de coutume parlementaire, dans des cas où la commission
parlementaire elle-même rencontre des difficultés. Je ne me suis
pas rendu compte, même si je n'ai pas suivi depuis le tout début
les travaux de la commission, qu'il y avait des difficultés dans les
délibérations de la commission. Je ne me suis pas rendu compte,
non plus, ayant suivi les délibérations de ce soir, qu'il y avait
plus particulièrement des difficultés.
Or, quelle peut être la raison derrière la motion du
ministre de l'Education? Nous ne le savons pas actuellement. J'aurais
parfaitement compris, M. le Président et je parle toujours sur la
recevabilité que le ministre de l'Education, en vertu du
deuxième alinéa de l'article 6
des règles de pratique, nous dise, et je cite au hasard une
formule que le ministre aurait pu utiliser: Je propose que la commission
décide de cesser ses auditions parce qu'elle se croit être
suffisamment renseignée sur le projet de loi. J'aurais parfaitement
compris la recevabilité d'une telle motion.
Or, ce n'est pas cela, M. le Président, qu'on nous amène.
Il y a également un autre phénomène qu'il faut introduire
dans le débat ce n'est pas sans pertinence avec la motion
et qui n'a pas non plus pour objet de vouloir prêter des intentions au
ministre de l'Education. Je le lui dis d'avance.
En tant que leader de l'Opposition, j'ai été
appelé, en vertu de l'article 156 de notre règlement, à
rencontrer le leader du gouvernement. Le député de Beauce-Sud
était convoqué, en tant que leader parlementaire de son groupe,
à rencontrer également le leader du gouvernement et le
président de l'Assemblée nationale, et ce, M. le
Président, pas plus tard que cet après-midi.
Or, que nous dit l'article 156? C'est pour cela que je dis, sans vouloir
prêter d'intentions au ministre, que je suis obligé de tenir
compte des faits qui sont à notre immédiate... ou, si vous
voulez, qui sont à proximité, parce que ces faits se sont
passés sous nos yeux, dans la journée même.
Or, cet après-midi, en vertu de l'article 156 qui, il ne faut pas
se le cacher, est une motion de clôture, nous avons été
convoqués, le député de Beauce-Sud et moi-même,
à une rencontre avec le président de l'Assemblée nationale
et le leader du gouvernement. A cette réunion, le leader du gouvernement
nous a demandé si nous croyions que les travaux de la commission
devaient être terminés, si on devait y mettre fin en vertu des
dispositions de l'article 156.
Je ne me lance pas dans une discussion sur l'article 156 que je ne crois
pas applicable, à ce niveau-ci, et je vous fais grâce de toute
argumentation à ce sujet, parce que je pense que c'est plutôt en
Chambre qu'on devrait discuter cela. Ma réponse je pense que le
député de Beauce-Sud pourra vous le confirmer et de la
façon que j'ai compris la réponse du député de
Beauce-Sud, c'était la même que la mienne. Nous avons
considéré tous les deux qu'il n'était pas question que les
travaux de la commission se terminent de façon abrupte, comme le
suggérait le leader du gouvernement.
La motion du ministre de l'Education qui, jusqu'à maintenant a
été le porte-parole du gouvernement à cette commission-ci,
s'inscrit dans ce cadre. C'est pour cela qu'il n'est pas inutile de rappeler
les faits que nous avons vécus cet après-midi.
M. HARDY: Je m'excuse. Je ne voudrais pas être
désagréable pour le député de Maisonneuve, mais je
me demande si vous n'êtes pas sur le fond de la motion actuellement
plutôt que sur la recevabilité. Je pense que ce sont des arguments
qu'on peut faire valoir à l'encontre du mérite de la motion, mais
quant à la recevabilité, quant à savoir si la motion du
ministre de l'Education est régulière à ce stade-ci de nos
travaux, je m'interroge. Je pense que le député de Saint-Jacques,
lui, s'en est tenu à la question de recevabilité...
M. BURNS: C'est que le ministre...
M. HARDY: ... avec beaucoup de brio. Mais, actuellement, je pense que le
député de Maisonneuve s'engage sur le fond de la motion.
Là, il va peut-être un peu vite.
M. BURNS: Je pense que le ministre n'a pas compris les réserves
que j'ai faites au début, ces réserves se situant au niveau de la
qualification du type de motion que le ministre de l'Education nous a
soumise.
Je n'ai pas l'intention d'argumenter sur la valeur de la motion. On est
toujours je pense, M. le Président, que j'ai fait les
réserves nécessaires sur la question de
recevabilité de la motion. J'ai dit, et je le rappelle, je m'excuse de
me répéter, pour le ministre, peut-être que c'était
pendant la période où il s'est absenté brièvement,
et je dis tout simplement qu'il y a possiblement, à première vue,
deux types de motions qui peuvent être faites à ce stade-ci. J'en
découvre une troisième qui est celle de l'article 156. C'est pour
cela que j'amène la rencontre et j'argumente sur la recevabilité.
Je dis qu'aucune de ces trois motions actuelles n'est recevable, aucune.
J'espère que cela replace le débat.
Je n'ai pas du tout l'intention d'argumenter concernant le fond de la
motion. On pourra y venir tantôt. Je pense qu'il y a des personnes plus
compétentes que moi pour le faire. Comme on en est au niveau de la
recevabilité, je pense que mon devoir de leader de l'Opposition est de
soumettre le point de vue de l'Opposition relativement à la
recevabilité. Est-ce que cela précise le point de vue que le
ministre semblait...
M. HARDY: Mais vous vous "écartilliez" un peu tantôt. Il
faudrait peut-être que maintenant vous reveniez.
M. BURNS: Non. Il y a belle lurette, M. le ministre, que je n'ai pas
fait le "split", alors je ne m'écarterai pas plus qu'il ne faut. Je vais
tout simplement vous dire pourquoi je pense que, quel que soit le type de
motion qu'on présente, dans la forme où le ministre de
l'Education la présente, elle n'est pas recevable.
Je dis tout simplement, M. le Président, de façon à
tenter de me résumer, que si on avait voulu faire une motion en vertu de
l'article 6, deuxième alinéa, des règles de pratique des
commissions, on aurait fait une motion disant que la commission était
suffisamment renseignée concernant le projet de loi et qu'elle
décidait de cesser ses auditions. Ce n'est pas ce que le ministre a
fait.
La deuxième possibilité c'est pour cela que j'ai
relaté les faits de cet après-midi, cette rencontre avec le
leader du gouvernement, le député de Beauce-Sud, le
président de l'Assemblée nationale et moi-même la
deuxième motion possible serait celle en vertu de l'article 156, et
celle-là, M. le Président, je vous réfère au
deuxième paragraphe de l'article 156, qui se lit comme suit: "Si,
à la suite de la convocation de la conférence des leaders
parlementaires, une entente n'a pu être conclue je vous confirme
qu'une entente n'a pu être conclue, cela n'a pas été
possible, il n'y a pas eu d'entente le leader parlementaire du
gouvernement le déclare à l'Assemblée et non pas à
la commission et, après avis ce qui veut dire inscription de
l'avis à l'Assemblée nationale, dans le feuilleton il
propose que le rapport de la commission soit présenté à
l'Assemblée nationale, dans le délai qu'il indique. Cette motion
ne peut subir d'amendement, etc.". Le reste, je pense, n'est pas pertinent au
débat immédiat.
Or, M. le Président, actuellement, si on veut se servir
à cause de la proximité des faits de cet après-midi que
j'ai relatés tantôt si on se propose d'utiliser l'article
156, je pense qu'on utilise la mauvaise instance.
Je viens à la troisième formule de motion, et c'est celle
qui est tout simplement de faire rapport. Une commission peut toujours faire
rapport. Je l'admets, M. le Président, il n'y a aucun problème
là-dessus. Je pense que, d'ailleurs, à la commission de
l'Assemblée nationale la semaine dernière, on a discuté de
ce problème sur le plan de la recevabilité de la motion. Il y a
d'autres problèmes comme le député d'Anjou, qui
assiste à cette commission, le sait fort bien mais ce ne sont pas
des problèmes relativement au fait de la possibilité de faire
cette motion. Une commission peut toujours demander de faire rapport. Sauf que,
M. le Président, si on utilise cette dernière formule et
c'est là que je me rallie entièrement à l'argumentation
qui vous a été donnée par le député de
Saint-Jacques on doit respecter les étapes qui sont
prévues à l'article 7 des règlements ou, si vous voulez,
de nos règles de pratique.
C'est cela. J'écarte les deux premières
possibilités, c'est-à-dire une motion en vertu de l'article 156
ou une motion en vertu de l'article 6, puisque ce n'est pas cela que le
ministre a fait, l'article 156 de nos règlements et l'article 6 des
règles de pratique. Donc, je suis obligé, M. le Président,
de me référer à la motion la plus ouverte, la plus facile
à faire en commission, c'est-à-dire celle de faire purement et
simplement rapport. M. le Président, je suis obligé de vous
référer, comme l'a fait le député de Saint-Jacques,
à l'article 7 de notre règlement, de nos règles de
pratique.
Je pense qu'avant de faire une telle motion, étant donné
qu'on est au moment de l'étude d'un projet de loi avant la
deuxième lecture, étant donné qu'avant la deuxième
lecture il y a certaines règles et certaines normes qui existent, et
que, dans sa sagesse, M. le Président, l'Assemblée nationale a
même mis de côté certaines de ces règles, entre
autres, je pourrais simplement vous citer l'article 4, où, normalement,
les représentants des organismes qui ont déposé des
mémoires sont convoqués au moins sept jours avant la
réunion. L'Assemblée nationale a mis de côté cette
règle. Les avis, qu'on voit à l'article 2 de nos règles de
pratique, qui doivent apparaître dans la Gazette officielle durant une
période de 30 jours, on a mis cela de côté
également. On n'a pas mis de côté l'article 7, M. le
Président. Cet article 7 nous dit c'est là que je rejoins
l'argumentation du député de Saint-Jacques je pense que
l'article est des plus clairs.
On nous dit que les étapes de l'étude d'un projet de loi
en commission sont: Premièrement, l'exposé du ministre et les
commentaires d'un représentant de chaque parti reconnu. Je pense que
cela a été fait. Le ministre l'a admis. Nous l'admettons, nous
aussi de l'Opposition. En second lieu, l'audition des personnes
intéressées. Certaines personnes intéressées ont
été entendues. Nous admettons cela aussi. Mais pas toutes les
personnes intéressées. Je ne sais pas si je me trompe, mais je
pense qu'on peut parler, en termes d'à peu près 50 p.c. ou
près de 50 p.c, pas tout à fait 50 p.c. des personnes qui ont
déposé des mémoires et qui ont indiqué leur
intention de le faire ont été entendues. Je vois le
ministre...
M. CLOUTIER: Ecoutez. Nous en discuterons lorsque nous parlerons du
fond. Il s'agit là de recevabilité.
M. BURNS: Oui, d'accord, mais je passe les étapes. En admettant
que cette partie ou cette étape la deuxième
c'est-à-dire l'audition des personnes intéressées, en soi,
n'a pas été complétée, c'est-à-dire que
l'audition des personnes intéressées n'a pas été
faite, si on parle de l'audition de toutes les personnes
intéressées, elle n'a pas été faite.
M. CLOUTIER: Elle va l'être...
M. BURNS: Elle n'a pas à l'être.
M. CLOUTIER: ... à cause de l'article 6.
M. BURNS: Elle a à l'être, au contraire, en vertu de
l'article 7 de nos règles de pratique.
M. CLOUTIER: Mais pas en vertu de l'article 6 qui modifie l'article
7.
M. BURNS: Non. C'est cela, et votre motion et je vous l'ai dit
tout à l'heure si vous aviez voulu faire votre motion... c'est
là qu'on parle de recevabilité, si vous aviez voulu faire votre
motion en vertu de l'article 6, deuxième alinéa, nous n'aurions
pas eu un mot à dire
concernant la recevabilité. Mais dès que l'une des
étapes prévues à l'article 7 n'a pas été
suivie, dès que l'une de ces étapes est mise de côté
par la motion, je vous dis, bien respectueusement, M. le Président, que
vous vous devez de déclarer la motion qui est devant vous tout à
fait irrecevable.
J'ajoute qu'il y aurait eu d'autres étapes à respecter et
qu'on pourrait je l'admets mettre de côté par une
motion. Aucun problème là-dessus. Je ne vous dis pas que cela
n'est pas impossible, par l'entremise d'une motion, de mettre de
côté cette étape. Au contraire. Je dis que c'est le
deuxième alinéa qui est possible en ce qui concerne la mise de
côté de ces étapes. La troisième étape, les
délibérations de la commission... Il est fort possible que la
commission décide de ne pas délibérer.
Quatrièmement, le rapport... Il est fort possible que la commission
décide de ne pas considérer le rapport tel que le veut l'article
10 de nos règles de pratique, qui dit que la commission se prononce sur
le rapport qui est présenté à l'Assemblée. C'est
fort possible. Mais je vous dis, encore une fois, purement et strictement sur
la question de recevabilité, qu'il est absolument impossible de faire fi
des dispositions du paragraphe 6, 2e alinéa, de nos règles de
pratique, celui qui nous dit que la commission se considère suffisamment
renseignée et qu'en conséquence, selon les termes mêmes de
l'article, la commission décide de cesser ses auditions. C'est ce que le
ministre veut faire et le danger d'accepter, à ce stade-ci, qu'on fasse,
avec une désinvolture assez incroyable, sans vouloir entrer dans le
fond...
M. HARDY: Pas de drame.
M. BURNS: Non. Je ne fais pas de drame. Vous voyez que ma voix est
très posée...
M. CLOUTIER: C'est un contraste avec ce matin et je l'apprécie
beaucoup.
LE PRESIDENT (M. Gratton): II vous reste une minute.
M. BURNS: II me reste une minute. Je remercie le président de sa
patience. Je veux tout simplement dire en terminant que si cette motion avait
été explicitée par le ministre, au point de vue de
l'intention du gouvernement, on aurait peut-être pu lui dire,
puisque...
M. CLOUTIER: Dans mes explications...
M. BURNS: Non. Si on avait pu savoir ce que vous voulez faire avec votre
motion...
M. HARDY: Laissez-le discuter. Vous allez le savoir.
M. BURNS: Bien non!
M. CLOUTIER: Je l'ai dit en la présentant.
M. BURNS: Non. Vous n'avez rien dit.
M. CLOUTIER: Si. Oh, pardon! Lisez le journal des Débats. J'ai
bel et bien dit que nous nous considérions suffisamment
informés.
M. BURNS: M. le Président, ce n'est pas moi qui interromps le
ministre.
M. CLOUTIER: C'est exact.
M. BURNS: Pour une fois que j'ai raison.
M. HARDY: ... comme cela.
M. BURNS: Je dis tout simplement ceci: Cette motion devrait être
faite comme je la comprends en vertu du deuxième paragraphe de l'article
6 de nos règles de pratique. J'ajoute ceci : Par des renseignements
obtenus auprès du secrétariat des commissions, nous savons
qu'aucune partie intéressée n'est convoquée ni pour
demain, ni pour jeudi, ni pour vendredi. Alors, il est fort possible que
l'intention de la motion soit celle prévue au deuxième
alinéa de l'article 6 de nos règles de pratique. Si c'est le cas,
je dis qu'on la fasse comme telle. Je vous le dis pour une raison bien simple:
l'Opposition a des droits. Ces droits ne sont pas les mêmes en vertu de
la motion qui est faite par le ministre de l'Education actuel, et une motion
qui pourrait être faite en vertu du deuxième alinéa de
l'article 6. C'est pour cela, M. le Président, que nous nous opposons
à la recevabilité de la motion telle que faite.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce qu'il y a d'autres... Le
député de Beauce-Sud.
M. ROY: Je m'oppose également à la recevabilité de
cette motion pour deux raisons bien simples, et je dirais même, en plus
des raisons légales, des raisons de gros bon sens. La première
des choses, c'est que lorsqu'une motion, comme celle que vient de nous
présenter le ministre, est présentée devant une
commission, il est entendu qu'une motion de ce genre est
présentée lorsque tous les mémoires ont été
étudiés. Je donne des exemples: Lorsque nous avons fini
d'étudier le mémoire sur le bill 45, celui de la protection du
consommateur, les séances de commissions parlementaires se sont
prolongées pendant des semaines, voire même des mois; j'admets
qu'il n'y avait pas de séances consécutives ce sont des
exemples que je donne on avait présenté une motion de ce
genre mais à la suite du consentement unanime des membres de la
commission.
Ce fut la même chose lorsqu'il s'est agi du code des professions.
Je vais citer deux exemples: les séances de la commission parlementaire
ont tramé en longueur, mais tous les mémoires ont
été étudiés. Nous sommes en face d'une situation,
en face d'un fait: c'est que tous les mémoires n'ont pas
été étudiés. On propose à la
commission tout simplement de faire rapport, sans permettre aux membres
de la commission de se prononcer et de faire connaître leurs opinions,
à savoir si oui ou non la commission a été suffisamment
informée. C'est un point sur lequel on brime les droits des membres de
la commission de pouvoir s'exprimer sur une question aussi importante, parce
que nous n'avons pas entendu tous les mémoires. Après avoir dit
à tous les organismes intéressés, de venir se prononcer
sur le projet de loi 22, de faire parvenir une demande au secrétariat
des commissions, de faire parvenir une copie de leur mémoire et de faire
connaître qu'ils sont intéressés à venir devant la
commission, il s'agit d'une motion qui arrive pour mettre fin
prématurément, je dis bien prématurément...
Or, étant donné que tous les mémoires n'ont pas
été étudiés, étant donné qu'il y a
des gens qui sont encore intéressés à venir devant la
commission parlementaire, nous devrions étudier en premier lieu une
motion, comme l'ont dit mes prédécesseurs tout à l'heure,
portant sur le fait que la commission se considère suffisamment
informée. A partir de ce moment, nous aurions pu discuter sur cette
question fondamentale, à savoir si oui ou non, nous considérons
que la commission a été suffisamment informée, ou si nous
estimons que la commission parlementaire n'a pas été suffisamment
informée, et que d'autres organismes, qui n'ont pas été
entendus, pourraient se faire entendre devant la commission parlementaire.
Cet après-midi, vers la fin de l'après-midi, il est vrai
que nous avons été convoqués au bureau du président
de l'Assemblée nationale, mon collègue de Maisonneuve
était là, le leader du gouvernement, et moi-même. Nous
avons discuté de différents articles et des différentes
modalités, qui pourraient être présentées devant
l'Assemblée nationale ou encore devant la commission parlementaire, pour
savoir si nous pourrions trouver un terrain d'entente pour mettre fin aux
travaux de la commission parlementaire. Il est évident qu'il n'y a pas
eu entente. Je le dis, mon collègue de Maisonneuve l'a signalé
tout à l'heure. Alors, il y a un deuxième point également,
considérant que nous n'avons pas eu l'occasion de nous prononcer sur le
fait que la commission ait été suffisamment informée.
C'est que notre règlement le prévoit. Il a
été étudié quand même pendant une couple
d'années, il a été remodifié l'année
dernière, de façon à pouvoir respecter les droits de la
Chambre et les droits des membres de la Chambre et des membres des
différentes commissions. Si on se réfère à
l'article 7, qu'est-ce qu'on y dit? Les étapes de l'étude d'un
projet de loi en commission sont: premièrement, l'exposé du
ministre et les commentaires d'un représentant de chaque parti reconnu;
deuxièmement, l'audition des personnes intéressées. Nous
en étions encore à cette partie, le deuxième paragraphe de
l'article 7. Le troisième paragraphe de l'article 7, les
délibérations de la commission, on en n'a pas tenu compte. La
commission a quand même le droit de délibérer si des
membres de la commission en manifestant le désir, avant qu'on
étudie le rapport. Or, le rapport n'est même pas soumis, n'est
même pas étudié et on présente tout simplement une
motion à l'effet de faire rapport en ayant oublié
complètement les deux parties préalables qui devraient faire
avant, l'objet d'une motion.
Considérant ces faits, M. le Président, vous devrez, en
toute équité, en respectant le règlement et en
conformité avec le règlement que nous avons accepté
à l'unanimité à l'Assemblée nationale, vous
conformer aux directives et aux articles tel que le règlement le
prévoit.
Alors, M. le Président, c'est votre responsabilité de
faire appliquer le règlement à la lettre et de tenir compte des
dispositions de chacun des articles de notre règlement. Si vous vous
référez à l'article 7, il est évident que la motion
actuellement en délibération n'est pas receva-ble. Il faudrait
également rappeler à votre attention qu'il serait opportun que
nous discutions sur le fait que la commission parlementaire soit suffisamment
informée ou non. Qu'on se rappelle, M. le Président je ne
veux pas aller au fond du débat, discuter du fond de la motion
tout simplement ceci et je pense que c'est important pour souligner
jusqu'à quel point la motion actuelle n'est pas recevable. Lorsque le
projet de loi a été présenté à
l'Assemblée nationale en première lecture, et avant qu'il soit
présenté en deuxième lecture, il y a eu un consentement
unanime de tous les partis en Chambre, de tous les députés, pour
que nous acceptions que le règlement soit mis de côté en ce
qui a trait aux délais pour convoquer les organismes
intéressés à comparaf-tre devant la commission
parlementaire. A ce moment, il a été bien dit, bien
souligné que tous les organismes intéressés pourraient se
faire entendre devant la commission à la condition de faire parvenir un
avis à cet effet et de faire parvenir une copie de leur mémoire
dans le délai prévu. Or, il y a des gens qui ont fait parvenir
des avis, ont présenté leur mémoire, ont manifesté
leur intention de se faire entendre devant la commission parlementaire. Ces
gens n'ont pas été entendus jusqu'à maintenant, ils
veulent se faire entendre devant la commission. Or, le gouvernement nous arrive
avec une motion qui nous demande d'accepter que la commission parlementaire
fasse rapport.
Or, M. le Président, il y a d'autres points à
étudier, il y a d'autres points à discuter, en plus des deux
points, que je viens de mentionner et qui avaient été
mentionnés également par ceux qui m'ont
précédé, voulant qu'on discute et qu'on vide la question.
A savoir si, oui ou non, la commission parlementaire a été
suffisamment informée. Nous avons une opinion là-dessus. Nous
avons quelque chose à dire également. Je comprends que nous
n'avons pas été en mesure d'assister à toutes les
séances de la commission,
mais nous avons suivi de très près l'évolution des
travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi 22, parce que c'est
un projet de loi important. Même si nous n'étions pas ici, il
reste...
M. HARDY: Plusieurs semaines...
M. ROY: ... que nous avons suivi de loin les travaux. Nous avons quand
même la transcription du journal des Débats et nous avions
quelqu'un que nous avions chargé de suivre les travaux de la commission
et de nous faire rapport chaque jour. C'était notre droit. Nous l'avons
fait. Or, M. le Président, il y a des choses que nous avons à
dire, parce que nous estimons que la commission n'a pas été
justement informée. Nous devrions pouvoir être en mesure d'en
discuter à ce moment-ci.
Il y a également la question des délibérations qui
doivent avoir lieu lorsque nous avons fini les auditions, alors il y aurait une
motion qui devrait être apportée à ce moment-là, que
nous discutions, qu'on accorde un délai pour permettre aux membres de la
commission de se pencher et d'étudier le rapport qui sera
présenté à l'Assemblée nationale. Nous ne nous
sommes pas souvent prévalus de cette disposition de notre
règlement parce que nous avions jugé c'était la
liberté, le privilège des membres de la commission de donner leur
consentement qu'un rapport pourrait être présenté
devant l'Assemblée nationale et que nous nous entendions pour mettre fin
aux travaux de la commission. Mais dans ce cas-ci, nous n'avons
été consultés d'aucune façon. La seule consultation
que nous ayons eue, n'a pas eu lieu au niveau de la présentation du
rapport, mais bien au niveau d'une certaine formule à adopter pour voir
si nous étions consentants à ce que le gouvernement mette un
terme prématuré et de quel article nous pouvions nous
prévaloir pour tâcher de mettre un terme aux
délibérations de la commission. Nous avons manifesté notre
point de vue cet après-midi, devant le leader du gouvernement et le
président de la Chambre, disant que nous n'étions pas d'accord et
nous avons refusé de donner notre consentement. Etant donné ce
fait, les membres de la commission et le président de la commission
parlementaire ont le devoir d'en tenir compte.
M. le Président, pour toutes les considérations que je
viens de mentionner, pour d'autres considérations qui ont
été mentionnées tout à l'heure, nous soutenons que
cette motion n'est tout simplement pas recevable.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition officielle.
M. MORIN: M. le Président, le ministre vient
prématurément, à mon avis, de proposer que la commission
fasse rapport à la Chambre. Nous n'avons même pas terminé
la deuxième étape prévue à l'article 7 du
règlement des commis- sions. Votre rôle, M. le Président,
est de faire respecter ces étapes. A moins que la commission ne se
prévale du second alinéa de l'article 6 qui, vous le savez, dit
ceci: "Lorsque la commission croit être suffisamment renseignée
sur le projet de loi, la commission peut décider de cesser les
auditions". La motion nécessaire pour suspendre les auditions n'a pas
été faite. Le ministre a préféré invoquer
l'article 7 et proposer que nous fassions rapport. Mais nous n'avons pas
franchi les étapes requises. Nous en sommes encore à la
deuxième étape et nous sommes loin de l'avoir
épuisée. C'est sur ce point que je vais faire porter mes quelques
brèves remarques.
Tout d'abord, cette commission a reçu 156 mémoires, dont
120 sont rédigés en langue française et 31 en langue
anglaise.
M. CLOUTIER: Est-ce qu'on parle de la recevabilité ou du fond?
Parce que, moi aussi, j'ai des statistiques et j'aimerais bien proposer des
interprétations. Je ne l'ai pas fait, je le ferai lorsqu'on parlera du
fond.
M. MORIN: M. le Président, je parle de la recevabilité de
la motion.
M. CLOUTIER: Cela me paraît...
M. MORIN: Parce que la deuxième étape n'est pas franchie
et j'entends expliquer comment il se fait qu'elle n'a pas été
franchie. Donc...
M. HARDY: M. le Président sur la question du
règlement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre des Affaires culturelles.
M. HARDY: Je vois très bien que le député de
Sauvé s'engage dans la même voie que le député de
Maisonneuve. Mais je vous dis immédiatement que je n'insisterai pas
davantage pour faire respecter le règlement parce qu'il apparaît
très clairement que ce que le député de Sauvé fait
présentement, c'est tout simplement un "filibustering". Il ne fait que
répéter ce que d'autres membres ont dit, donc, on tient pour
acquis qu'on veut tout simplement gagner du temps; donc, je n'interviendrai
plus maintenant, même si le député de Sauvé viole le
règlement en discutant du fond de la question plutôt que de la
recevabilité de la motion.
M. ROY: M. le Président, question de règlement, j'aimerais
que le député de Terrebonne, grand expert en procédure
parlementaire, nous renseigne et nous dise en vertu de quel article il peut
prêter des intentions à un collègue.
M. HARDY: Je n'ai pas le droit de prêter des intentions
malveillantes. Je lui ai dit qu'il faisait un "filibustering", ce qui est tout
à fait reconnu.
M. ROY: Non, non, non. Ni malveillantes, ni autrement.
M. HARDY: En vertu de quel article?
M. HARDY: Vous n'avez pas le droit de prêter des intentions et
vous le savez.
A vous, je n'ai pas le droit de prêter d'intentions parce que vous
ne payez jamais d'intérêt quand on vous prête quelque
chose.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. ROY: Vous mériteriez un prix. M. MORIN: M. le
Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! J'ai reconnu l'honorable chef de
l'Opposition.
M. MORIN: Merci, M. le Président. Je laisse le ministre des
Affaires culturelles à ses spéculations et à ses
élucubrations.
M. ROY: A ses stupidités aussi. M. MORIN: Je reviens au
point...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !
M. MORIN: ... important que j'essayais de développer. Cette
commission a reçu 156 mémoires dont 120 étaient
rédigés en français, soit 77 p.c; 31 étaient
rédigés en anglais, soit 20 p.c. Il y en avait cinq autres
rédigés peut-être dans les deux langues et qu'il est
difficile de ranger dans l'une ou l'autre des deux catégories que je
viens de mentionner. Ces cinq autres représentent 3 p.c. de l'ensemble
des mémoires.
Ces chiffres tiennent compte des organismes que nous avons entendus
aujourd'hui, y compris les organismes entendus ce soir. Jusqu'ici, nous n'avons
donc entendu devant cette commission que 47 p.c. des mémoires qui nous
ont été soumis. Nous n'avons entendu que 74 mémoires. On
ose maintenant venir nous demander de faire rapport, comme si l'audition des
personnes intéressées était terminée. 47 p.c,
même pas la moitié, et j'attire l'attention du ministre pour le
cas où il ne se...
M. CLOUTIER: Je veux bien commencer tout de suite le débat sur le
fond. Nous n'avons d'ailleurs jamais prétendu que l'audition
n'était pas terminée, comme vient de le dire le chef de
l'Opposition. Nous avons prétendu que nous étions suffisamment
informés, ce n'est pas du tout la même chose.
M. MORIN: Ah non! je regrette.
M. CLOUTIER: Pardon, c'est ce que j'ai dit en présentant ma
motion.
M. BURNS: Si le chef de l'Opposition me permet d'intervenir.
M. CLOUTIER: Ce n'est pas le texte de la motion, mais c'est ce que j'ai
dit en présentant la motion.
M. BURNS: C'est très nouveau.
M. HARDY: Vous n'étiez pas là.
M. CLOUTIER: Voulez-vous demander...
M. BURNS: J'étais là depuis le début. Voyons donc,
j'étais en...
M. CLOUTIER: Je m'excuse. Voulez-vous demander au journal des
Débats...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. CLOUTIER: Je vais demander au journal des Débats de sortir
cette partie.
M. MORIN: Ce n'est pas ce que dit votre motion.
M. CLOUTIER: Bien non, bien sûr, je n'ai jamais dit le contraire
non plus.
M. MORIN: Nous nous en tenons à la motion.
M. CLOUTIER: De toute façon, M. le Président, si on
commence à jouer le jeu...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Sur la recevabilité, s'il vous
plaît.
M. CLOUTIER: ... le jeu des statistiques. Restons-en à la
recevabilité.
LE PRESIDENT (M. Gratton): J'inviterais le chef de l'Opposition, s'il le
veut bien, à limiter ses remarques sur le strict aspect de la
recevabilité, de façon que nous puissions ensuite, s'il y a lieu,
faire le débat de fond.
M. MORIN: M. le Président, j'entends démontrer que la
seconde étape et c'est votre tâche de la faire respecter
n'a pas été franchie. Nous n'avons pas
procédé à l'audition de toutes les personnes
intéressées et j'entends le démontrer. Cela porte donc,
non pas sur le fond de la question, mais sur la recevabilité de la
motion du ministre. J'aimerais bien voir par quel règlement, par quel
raisonnement logique, on pourrait me convaincre du contraire.
J'allais donc dire que, sur ces mémoires, sur ces personnes qui
ont demandé à être entendues et qui sont
intéressées, comme le dit le règle-
ment, 46 des personnes entendues étaient francophones et 24
anglophones. C'est-à-dire, si nous faisons la proportion, nous n'avons
entendu que 38 p.c. des mémoires francophones tandis que nous avons
procédé à l'audition de 77 p.c... Ce soir, nous en sommes
à 77 p.c. des mémoires anglophones et nous avons entendu
également, dans la dernière catégorie de mémoires
qui sont bilingues, quatre des cinq qui nous ont été soumis, soit
80 p.c.
Il y a donc, au départ, M. le Président, une disporportion
flagrante entre l'attention que nous avons consacrée aux francophones et
les égards que nous avons eus pour les anglophones. Alors même que
nous n'avons pas encore entendu la moitié des mémoires, nous
avons trouvé moyen d'entendre plus des trois quarts des mémoires
anglophones et moins de la moitié des mémoires francophones. Ce
n'est pas ce que j'appellerais de la justice distributive. Et ce n'est pas non
plus, de la part de la commission, avoir procédé à
l'audition de toutes les personnes intéressées.
Prenons le cas des organismes nationaux qui ont demandé à
être entendus par cette commission. Je puis en mentionner quelques-uns
qui auraient été, j'en suis sûr, extrêmement
intéressés à venir comparaître devant nous.
Le ministre des Affaires culturelles m'a promis, tout à l'heure,
qu'il n'interviendrait plus. J'aimerais bien qu'il se tienne coi dans son
coin.
M. HARDY: Oui, mais ce n'est pas facile.
M. MORIN: Parce que c'est vous qui êtes en train de faire du
"bilibustering", M. le ministre.
M. HARDY: Je le reconnais, mais je vous avoue que ce n'est pas facile de
se retenir devant vos violations épouvantables du règlement.
M. LEGER: Vous avez promis de ne pas intervenir.
M. HARDY: Je vais tenter de continuer à me contenir.
M. MORIN: Très bien. Encore faudrait-il que vous ayez quelque
chose à contenir. Mais c'est une autre affaire.
M. HARDY: C'est facile.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. MORIN: Bien. M. le Président... M. HARDY: C'est facile...
M. MORIN: ... nous n'avons pas encore entendu, parmi les organismes
nationaux qui ont demandé à être entendus, l'Association
canadienne des compagnies d'assurance-vie. On ne viendra pas nous dire qu'un
organisme comme celui-là n'a aucune importance. On ne viendra pas nous
dire que nous avons terminé l'audition des mémoires alors que
cette association attend encore à la porte que nous voulions bien
l'entendre.
L'Eglise anglicane du Québec n'a pas encore été
entendue, M. le Président.
M. HARDY: Des Anglais, cela?
M. MORIN: Eh oui! les Anglais ont quelques droits également. Les
anglophones ont le droit d'être entendus ici.
M. HARDY: Vous dites qu'on en a trop entendu.
M. MORIN: Oui, bien sûr, mais nous devons terminer l'audition de
tous les mémoires et, à ce moment, à moins que je ne
m'abuse, nous aurons entendu 100 p.c. des mémoires francophones et 100
p.c. des mémoires anglophones. Nous n'avons évidemment aucune
objection, bien au contraire, à ce qu'on entende l'Eglise anglicane du
Québec. Nous avons entendu d'autres églises, peut-être que
celle-là aurait également une contribution à nous
apporter.
Nous ne l'avons pas entendue, vraiment, quelle perte! Nous n'avons pas
entendu la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec. Vous
rendez-vous compte, M. le Président? C'est une honte. Ce n'est pas moins
une honte que nous puissions nous dispenser des services...
M. LEGER: Vous nous aviez dissimulé cela?
M. MORIN: ... supérieurement intelligents, de la Commission
jeunesse du Parti libéral du Québec.
M.HARDY: ...l'intelligence!
M. MORIN: Comment pouvons-nous, M. le Président, nous priver de
cela...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. MORIN: ... alors que tous les membres plus âgés du Parti
libéral nous ont maintenant livré le fruit de leurs
élucubrations autour de cette table? Voici la jeunesse libérale
qui demande à être entendue, M. le Président. Alors que
nous avons entendu la caisse électorale, nous n'avons pas encore entendu
la jeunesse électorale libérale du Québec. M. le
Président, je crois qu'à cause de cela, ne serait-ce qu'à
cause de cet argument, la motion est irrecevable, mais ce n'est pas le
seul.
M. HARDY: Très juridique. Dites cela sans rire.
M. MORIN: J'avoue, sans détour, qu'en ce qui concerne la
Commission jeunesse du Parti libéral du Québec, cela m'a permis
de me défouler la rate quelque peu. Mais il y a des organismes
sérieux qui demandent...
M. BEAUREGARD: Vous en aurez besoin.
M. MORIN: ... à être entendus, et pas seulement
ceux-là. Il y a encore Nesbitt Thomson et Cie Ltée, cela ne dit
rien au ministre de la culture? Voilà une société qui nous
apporterait le fruit de son expérience et, sûrement, comme dans le
cas des autres organismes commerciaux ou industriels qui ont
défilé devant cette commission, nous pourrions en retirer
beaucoup de sagesse.
Nous n'avons pas encore entendu là, je crois qu'il faut
être très sérieux le Comité hellénique
pour l'étude de la législation sur la langue au Québec.
Voilà un groupe minoritaire, M. le Président, M. le ministre, qui
a fait un excellent travail...
M. CLOUTIER: Je vous répondrai, parce que j'ai des explications
pour tout cela, lorsque le moment sera venu, mais, en ce moment, nous discutons
de recevabilité.
M. MORIN: Oui, eh bien! j'estime...
M. CLOUTIER: Vous faites votre débat de fond. Je ne sais pas ce
que vous aurez à dire demain ou plus tard.
M. MORIN: Mais il restera énormément de choses à
dire sur le fond, M. le Président. Quand nous aborderons le fond du
problème, ce sera une tout autre affaire. Pour l'instant, nous sommes
sur la procédure et sur la recevabilité de cette motion.
Ce Comité hellénique pour l'étude de la
législation sur la langue au Québec, ceux qui auront parcouru son
mémoire savent qu'il a des arguments extrêmement importants
à faire entendre. Nous avons entendu le Congrès juif; nous avons
entendu des représentants des fédérations ethniques de la
province de Québec. Nous n'avons pas encore entendu ce Comité
hellénique.
J'aurais pour ma part, de nombreuses questions à leur poser sur
le régime des langues en Grèce et, en particulier, le
régime de la langue d'enseignement en Grèce. Vous n'ignorez pas
qu'il existe un certain nombre de minorités de ce côté.
M. DUFOUR: C'est en dehors du Québec.
M. MORIN: II aurait été très intéressant de
comparer le cas du Québec avec le cas de la Grèce. Mais ce n'est
pas tout. Si nous nous tournons maintenant, M. le Président
toujours dans le dessein de démontrer que l'audition des personnes
intéressées n'est pas termi- née vers les
régions, nous pourrons constater qu'un certain nombre d'organismes
très importants et très représentatifs n'ont pas pu venir
déposer devant nous.
Je pense, par exemple, à la région du
Bas-Saint-Laurent-Gaspésie. Il y avait un mémoire francophone
un seul donc, il fallait que nous accordions toute l'attention
requise à ce témoignage. Eh bien, ils n'ont pu comparaî
tre. Nous n'avons entendu personne de la région du
Bas-Saint-Laurent-Gaspésie à l'heure actuelle.
Pour la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, il y avait cinq
mémoires francophones à entendre. Cinq! Nous n'en avons entendu
qu'un seul, soit 20 p.c. en termes de statistiques. Nous n'avons pas encore
entendu l'Association des enseignants du Saguenay, le Mouvement Québec
français, section du Saguenay-Lac-Saint-Jean, l'Association
québécoise des professeurs de français du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, ni le Regroupement étudiant Québec
français.
On ne viendra pas me dire, M. le Président, qu'après avoir
entendu un seul organisme sur cinq pour la région
Saguenay-Lac-Saint-Jean, nous sommes suffisamment informés de ce qui se
passe dans cette région sur le plan scolaire, sur le plan de la langue
de travail, sur le plan de la langue du commerce ou de l'industrie.
Dans la région de Québec une région qui nous
a favorisés de nombreux mémoires, exactement 18 nous n'en
avons entendu que huit, bien que je sois assuré que ces comparants
n'auraient pas demandé mieux que de venir devant cette commission,
étant donné qu'ils sont sur place. Même dans le cas de ces
organismes qui sont ici, à Québec même, nous n'avons pas
pris la peine de les inviter à comparaître devant la commission.
Nous n'en avons entendu que 44 p.c. Permettez-moi d'énumérer
quelques-uns des organismes qui attendent encore à la porte: la
Société nationale des Québécois de la capitale; un
comité d'enseignants de la polyvalente de Neufchatel; l'Association des
professeurs de l'Amiante; la Société nationale des
Québécois de la région de l'Amiante; la direction du
Syndicat des professeurs du Québec métropolitain; le
comité socio-politique du Syndicat des professeurs du Québec
métropolitain; un groupe d'enseignants du Syndicat des travailleurs de
l'enseignement Chauveau-Charlesbourg; un mémoire soumis à titre
personnel par M. Georges Larouche-Gau-thier; le CEGEP de Thetford; enfin, un
autre mémoire personnel soumis par le Dr Pierre Dupuis.
M. le Président, nous n'avons encore entendu aucun de ces
mémoires, et donc nous n'avons pas procédé tel que requis
à l'audition des personnes intéressées dans la
région de Québec. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que la
motion du ministre est prématurée.
Dans la région de Trois-Rivières veut-on encore
quelques chiffres il y avait six mémoires, et nous n'en avons
entendu que deux.
M. SAINT-GERMAIN: J'invoque un point de règlement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Jacques-Cartier
sur un point de règlement.
M. SAINT-GERMAIN: Je sais pertinemment que le chef de l'Opposition ne se
croit pas suffisamment renseigné, mais nous ne sommes pas à ce
stade de nos règlements. Il s'agit de savoir
indépendamment du fait que le chef de l'Opposition est convenablement
renseigné ou non si la motion est recevable ou non recevable. Si
on discute en dehors des règlements, M. le Président, c'est au
détriment de l'avancement de nos travaux et cela enlèvera
à plusieurs membres de cette commission le loisir qu'ils pourraient
avoir à exprimer leur opinion.
Je ne crois pas qu'il soit positif de laisser discuter de la motion
avant qu'elle ne soit déclarée recevable ou non recevable. Le
chef de l'Opposition sait pertinemment qu'il aura l'occasion, au cours des
débats, de dire tout ce qu'il aura à dire concernant les
renseignements que nous avons reçus et ceux que nous n'avons pas
reçus.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition. Il vous reste
environ deux minutes pour conclure.
UNE VOIX: Encore deux minutes.
M. CLOUTIER: Attendez le député de Lafontaine. C'est
pire.
M. MORIN: M. le Président, j'aurais pu faire le même
raisonnement ou à peu près sur chacune des régions du
Québec et il est important... Vous vous souviendrez que lorsque le
député de Saint-Jacques, au début des auditions, a fait
motion pour que nous allions dans les régions entendre ceux qui
demandaient à soumettre des mémoires, la commission a
refusé de se déplacer dans tout le Québec. C'est pourquoi
il était extrêmement important que nous entendions ici, à
Québec, tous ceux qui demandent à être entendus.
Il y a quatre étapes à franchir si l'on s'en tient
à l'article 7, et nous n'avons pas encore pleinement franchi,
terminé la seconde. Après l'audition des personnes j'en ai
mentionné quelques-unes qui n'ont pas encore été
entendues, il nous restera à délibérer et après les
délibérations, il faudra que nous rédigions le rapport. Il
ne faudrait pas tenir pour acquis que cela va se faire en un tourne main. Il
est évident qu'après avoir entendu 46 mémoires
francophones et 24 mémoires anglophones, nous allons devoir
considérer ces mémoires pour essayer d'en extraire la
"substantifique moelle" et cela, naturellement, peut prendre quelque temps.
M. HARDY: Le chef de l'Opposition ne se prend pas au sérieux.
M. MORIN: Je sais qu'il y a du côté du gouvernement des
gens pour qui tout cet exercice n'était qu'un simple décor.
M. HARDY: Ce que vous faites, oui.
M. MORIN: Je dois dire que, pour nous...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. MORIN: ... c'était une étape essentielle... M. HARDY:
Cela ne paraît pas ce soir.
M. MORIN: ... dans le cheminement du bill 22.
M. HARDY: Cela ne paraît pas ce soir dans votre attitude.
M. MORIN: M. le Président, est-ce que j'ai la parole?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui. Pour environ 30 secondes.
M. DUFOUR: Finissez au plus vite.
M. MORIN: Je voudrais dire à mes collègues de la table de
la commission qu'ils auront beau bousculer, nous ne nous laisserons pas
bousculer.
M. DUFOUR: Non, mais dites quelque chose de sensé...
M. MORIN: Nous prendrons tout le temps qu'il faut dans la limite des
règlements et je pense que le député de je ne sais trop
où...
M. DUFOUR: ... de Vanier...
M. MORIN: ... est vraiment mal venu d'essayer de nous bousculer parce
que nous ne l'avons pas bousculé quand il a fait ses interventions.
Alors, qu'il nous laisse terminer notre travail convenablement.
M. DUFOUR: Je n'ai fait aucune intervention.
M. MORIN: Les droits de l'Opposition ne sont pas les mêmes selon
qu'on procède...
M. DUFOUR: II est mêlé.
M. MORIN: ... sous l'article 6 ou sous l'article 7 et, en ce qui nous
concerne, puisqu'on a choisi de procéder sous l'empire de l'article 7,
nous voulons rappeler que les étapes n'ont pas encore été
franchies. Merci.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Si vous me permettez, je me sens suffisamment
éclairé...
M. LEGER: M. le Président, j'ai demandé la parole.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président...
M. HARDY: Là, on va être éclairé.
M. LEGER: Vous allez être éclairé. Je vois le
ministre des Affaires culturelles tout ouié, tout oreilles.
M. HARDY: Tout ouie, oui!
M. LEGER: ... et qui veut nécessairement être
éclairé davantage puisqu'à mesure que les
délibérations continuaient, je le voyais de plus en plus
convaincu du bien-fondé de notre intervention.
Concernant cette motion et sa recevabilité, je dois dire que je
me trouve devant un dilemme. Je pense même que la commission
elle-même se trouve devant un dilemme parce que, d'une part, le ministre
présente une motion qui nous dit que la commission devrait faire rapport
et par la suite, il n'inclut pas dans sa motion la motivation qui est, comme il
l'a dit tantôt, que la commission doit faire rapport parce qu'elle est
suffisamment renseignée, mais cela ne fait pas partie de la motion.
M. HARDY: Est-ce que je peux vous poser une question?
M. LEGER: Allez-y.
M. HARDY: Est-ce que vous acceptez...
M. LEGER: Vous aviez promis de ne pas intervenir...
M. HARDY: Je vous demande la permission. Si vous ne voulez pas, je ne la
poserai pas.
M. MORIN: Est-ce que cela va être pris sur le temps du
député?
M. HARDY: On va lui accorder cela. Est-ce que vous avez lu l'article
162?
M. LEGER: Non, mais je peux le regarder, M. le Président.
M. HARDY: Est-ce que vous savez qu'en vertu de l'article 162, il est
interdit de mettre des motifs dans une motion?
M. BURNS: II n'est pas question de mettre des motifs.
M. HARDY: Bien oui...
M. BURNS: Ce que le député de Lafontaine est en train
de... Sur la question de règlement, M. le Président.
M. HARDY: C'est une question. J'ai posé une question. Ce n'est
pas à vous que je l'ai posée, à part cela.
M. BURNS: Je vous dis tout simplement que ce n'est pas une
question...
M. HARDY: II n'est pas assez grand pour répondre tout seul!
M. BURNS: ... de mettre des motifs, c'est une question de savoir de
quelle genre de motion il s'agit.
M. HARDY: Votre collègue n'est pas assez grand pour
répondre lui-même, il faut que vous répondiez à sa
place.
M. BURNS: Non, je pense qu'il est bien assez grand pour le faire
lui-même.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. BURNS: Je n'aime pas ce genre de questions qui détournent
complètement le sujet.
M. HARDY: Maintenant que je sais qu'il n'est pas capable de
répondre tout seul, qu'il n'est pas assez grand pour répondre
lui-même, je ne lui poserai plus de question.
M. BURNS: Je vais le laisser répondre, il est tout à fait
capable.
M. LEGER: M. le Président, il n'est pas question de grandeur,
parce qu'à la hauteur d'où le ministre discute, il peut se faire
mal en tombant. J'étais en train de parler de la motion qui, pour nous,
est irrecevable. Entre autres, je dois dire au ministre qu'il veut passer de
l'article 7, paragraphe 2 au paragraphe 4, et que, selon nous, cela ne peut pas
être accepté à ce stade. Devant cela, je me demande si nous
ne devrions pas regarder ce qui s'est passé, comme solution au dilemme
dans lequel la commission se trouve maintenant prise. Le dilemme est de savoir
si les arguments des députés de l'Opposition devant
l'irrecevabilité de la motion du ministre et devant le fait aussi que
certains députés du Parti ministériel voudraient eux aussi
peut-être s'opposer à cette motion en la trouvant irrecevable,
mais qui sont heureux je vois le visage épanoui du
député de Jacques-Cartier de voir que nous disons tout
haut ce que certains députés ministériels pensent tout
bas, mais il ne peuvent pas le faire.
M. BEAUREGARD: Interprétation.
M. LEGER: M. le Président, devant ce dilemme, je me demande si je
pourrais faire une suggestion.
M. SAINT-GERMAIN: Discourir à l'intérieur des
règlements.
M. LEGER: Je me demande si nous ne pourrions pas utiliser des solutions
que nous avons trouvées à l'occasion d'autres commissions
semblables où les membres des deux partis de cette commission,
c'est-à-dire les deux côtés de la table, avaient
trouvé comme solution du fait qu'on était arrêté, et
même devant un dilemme, c'est arrivé au moins deux fois. Je vais
vous donner les exemples. Depuis le début de cette Législature du
29 octobre 1973, quand le problème est sérieux, quand le
problème est important à l'intérieur d'une commission, et
que les membres sont divisés sur la recevabilité ou non d'une
motion, il est arrivé à plusieurs occasions que le
président a suspendu les travaux pour quelques instants, pour quelques
minutes, dans le but de demander au président de l'Assemblée
nationale des directives concernant cette situation sans issue qui se
présente à cette commission, qui est celle de
l'irrecevabilité d'une motion. D'un côté de la Chambre,
nous la calculons irrecevable et de l'autre côté, certains
l'acceptent comme recevable, et, comme je le disais tantôt, certains
autres députés du côté ministériel jugent
peut-être qu'elle est irrecevable, mais ils n'osent pas le dire,
puis-qu'eux-mêmes étant opposés...
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. ROY: Quel article?
M. HARDY: Un instant, on va vous dire cela.
M. ROY: J'ai demandé l'article tout à l'heure.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre des Affaires culturelles, sur une
question de règlement.
M. BURNS: D'abord, les articles, c'est quoi? UNE VOIX: Vous avez l'air
de les savoir.
M. HARDY: Voulez-vous que je vous le dise? Ecoutez-moi.
M. BURNS: C'est quoi? M. ROY: Quel article?
M. LEGER: Vous avez encore récidivé. Allez-y.
M. HARDY: Je ne me suis quand même pas engagé à vous
laisser, d'une façon aussi explicite, violer le règlement.
M. LEGER: J'attends la preuve.
M. HARDY: J'invoque le règlement, M. le Président, parce
que le député de Lafontaine...
M. BURNS: En vertu de quel article?
M. HARDY: Je vais vous le dire. Ce que vous faites actuellement n'est
pas légal.
M. BURNS: Je vous demande en vertu de quel article.
M. HARDY: Vous m'interrompez.
M. BURNS: Non, je vous demande en vertu de quel article. C'est ce que
vous faites régulièrement, M. le député de
Terrebonne.
M. HARDY: Vous n'êtes pas obligé de faire ce que je fais de
mal. Faites ce que je fais de bien.
M. BURNS: On en cherche des choses que vous faites bien.
M. ROY: Est-ce un aveu ou une confession, ou les deux?
M. HARDY: M. le Président, je n'ai jamais honte de confesser mes
fautes.
M. MORIN: M. le Ministre, je ne voudrais pas vous prêter
d'intention, mais je commence à penser que vous faites du
"filibustering".
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. HARDY: M. le Président, si vous me prêtez cette
intention, c'est légal parce que le jeu du "filibustering" est
parfaitement reconnu par notre règlement, est reconnu par la coutume
parlementaire. Ce n'est pas une intention que l'on n'a pas le droit de
prêter. Mais ce que votre collègue, le député de
Lafontaine, fait présentement, lorsqu'il sous-entend que des
députés de cette commission ne disent pas le fond de leur
pensée, ne disent pas tout ce qu'ils ont dit, là il prête
une intention.
M. ROY: C'est vrai. M. LEGER: C'est vrai.
M. HARDY: C'est cela, là vous prêtez des motifs
indignes.
M. LEGER: Ce n'est pas le cas pour vous.
M. HARDY: Vous prêtez des motifs indignes à des membres de
la commission et, vous n'en
avez pas le droit. Contrairement à ce que disait tantôt le
député de Beauce-Sud, on peut prêter des intentions
à des collègues. Evidemment, cela dépend, j'ai
signalé que, dans son cas, je ne lui prêterais pas grand-chose,
mais on peut.
M. ROY: Pour prêter quelque chose, il faut avoir quelque chose
à prêter.
M. HARDY: On peut prêter. Mais ce que le règlement interdit
cela, le député de Maisonneuve le sait très bien
c'est de prêter des motifs indignes. Or, prétendre que des
membres du Parlement, que des membres d'une commission ne disent pas, n'osent
pas dire ce qu'ils pensent, n'osent pas affirmer leurs convictions, c'est
prêter des motifs indignes et le député de Lafontaine n'a
pas le droit de le faire.
M. BURNS: Sur la question de règlement, M. le
Président.
M. HARDY: Et si, M. le Président, j'étais comme le
député de Lafontaine, si je me laissais aller comme lui...
M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement. Le
député de...
M. HARDY: ... à violer le règlement je dirais que... Non,
il n'est pas question de règlement.
M. LEGER: Oui. Le député de Terrebonne est en train de
dire que je me laisse aller. M. le Président, je n'oserais jamais me
laisser aller comme le député de Terrebonne fait
actuellement.
M. HARDY: Je dis que si je me laissais aller à violer le
règlement comme le député de Lafontaine, je dirais que
lorsqu'il fait ce qu'il fait, il fait de la projection. Mais je ne le fais pas
parce que ce serait prêter des motifs indignes au député de
Lafontaine.
M. BURNS: M. le Président, sur la question de
règlement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Maisonneuve, sur
la question de règlement.
M. BURNS: Je dois dire, au départ, que je suis bien content que
le député de Terrebonne soit maintenant ministre des Affaires
culturelles et non pas vice-président de l'Assemblée nationale,
comme on l'a subi pendant quelques années.
M. HARDY: Je suis d'accord, c'est meilleur pour le Parlement.
M. BURNS: Oui, c'est pas mal mieux. A cause de son interprétation
qu'il nous a donnée lui-même dans le passé et que
maintenant il semble oublier. Quand le député dit que le
député de Lafontaine impute des motifs prête, comme
il dit, mais le texte dit imputer pour l'information du député de
Terrebonne quand le député...
M. HARDY: Prêter, c'est français.
M. BURNS: Oui, mais s'il veut citer le texte, c'est imputer des
motifs.
M. ROY: Article 99, paragraphe 9.
M. BURNS: C'est cela. Alors le député de Terrebonne
devrait savoir ceci. C'est même une de ses décisions dans le
passé, lorsqu'il était...
M. HARDY: Est-ce que c'était une bonne?
M. BURNS: ... à notre grand malheur, vice-président de
l'Assemblée nationale, mais peut-être une parmi ses bonnes
décisions était celle qui disait que d'imputer des motifs
indignes, il fallait que ce soit à un député, comme dit le
texte, et non pas de façon vague et collective comme vient de le faire
le député de Lafontaine. Je rappelle le député de
Terrebonne à une de ses décisions. A ce moment-là, cela
faisait son affaire de nous dire cela, mais je lui rappelle que le
député de Lafontaine a tout simplement dit: II y a
peut-être des députés qui n'osent pas dire le fond de leur
pensée et cela ne s'adresse à aucun des députés
individuellement. Je pense que si le député de Lafontaine avait
dit: Le député de Gouin n'ose pas dire le fond de sa
pensée, peut-être qu'à ce moment-là cela aurait
été visé par l'article 99, paragraphe 9, ou s'il avait
dit: Le député d'Anjou, le député de Dorion ou le
député de l'Acadie ou...
M. BEAUREGARD: M. le Président, il a dit les
députés ministériels.
M. BURNS: A ce moment-là, cela aurait pu peut-être
s'appliquer. Je ne dis pas que cela se serait appliqué automatiquement,
mais cela aurait pu, dans le contexte. Mais le député de
Lafontaine a tout simplement dit qu'il est possible qu'il y ait des
députés du côté ministériel qui aimeraient
dire le fond de leur pensée, mais qui ne le font pas, de sorte qu'on
n'impute pas de motifs indignes à un député. D'abord, je
conteste le fait que ce soit indigne, parce que ce n'est pas indigne. A un
moment donné, il a peut-être des raisons d'Etat...
M. HARDY: De ne pas avoir le courage de dire ce qu'on pense.
M. BURNS: ... il y a peut-être des raisons d'Etat quelconques, qui
font...
M. HARDY: Dans votre esprit, ce n'est pas un manque de...
M. BURNS: ... chez vous... Non. Dans le
cadre du caucus libéral, un député qui commence
à avoir de l'imagination risque de se faire taper sur les doigts par le
whip en chef, par exemple...
M. HARDY: Etre contre l'annulation et annuler quand même.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. BURNS: Non. Ce n'est pas ce que je dis. Je dis tout simplement qu'il
est possible que, dans le cadre du caucus libéral, il soit difficile
à un député de s'opposer à la politique
gouvernementale...
M. HARDY: Dans d'autres partis, cela semble...
M. BURNS: Chez nous, pas du tout, vous avez vu que je suis encore membre
du Parti québécois et que j'ai dit...
M. CLOUTIER: On n'a jamais entendu le député de
Maisonneuve parler d'indépendance, par exemple.
M. BURNS: Pardon?
M. CLOUTIER: Je n'ai jamais entendu le député de
Maisonneuve prononcer le mot indépendance depuis cinq ans.
M. BURNS: Est-ce que ça peut vous aider si je prononce le mot
indépendance?
M. CLOUTIER: J'aimerais une profession de foi, ça me
rassurerait.
M. BURNS: Je suis entièrement d'accord, je vais aller plus loin
que ça, si vous voulez, M. le ministre, je vais vous dire que le
programme socio-économique du Parti québécois, auquel je
tiens énormément et auquel je suis attaché, n'est pas
applicable sur l'indépendance du Québec, qu'est-ce que vous
pensez de ça?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!
M. CLOUTIER: Merci, M. le député.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BURNS: Cela vous éclaire? Sauf que vous n'avez pas suivi mes
discours parce que j'ai dit souvent ça. Très souvent.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Pourrais-je demander...
M. BURNS: C'est le ministre qui m'a provoqué dans cette voie. Je
voulais tout simplement...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Spécifiquement ou
généralement?
M. HARDY: Vous êtes sensible à la provocation.
LE PRESIDENT (M. Gratton): J'aimerais demander au député
de Maisonneuve de relire son règlement.
M. BURNS: Vous allez dire que je ne demande pas mieux, M. le ministre,
mais, en tout cas, tout simplement, en terminant là-dessus, je veux dire
que, lorsqu'on adresse collectivement un reproche à des
députés, je ne pense pas qu'on puisse se servir de l'article 99,
paragraphe 9), c'est mon opinion et je la soulève.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Suite à ce rappel à la
décision du député de Terrebonne alors qu'il était
vice-président, pourrais-je suggérer au député de
Lafontaine...
M. LEGER: Est-ce que vous débattez la question de
règlement du député de Terrebonne ou si vous vous
abstenez?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Si vous voulez me laisser finir, j'aimerais
suggérer au député de Lafontaine d'imputer des intentions
à un député spécifiquement, de façon que je
puisse vous rappeler à l'ordre en vertu de l'article 99.
M. LEGER: Parfait, parfait. M. le Président, je vais essayer de
ne pas succomber à cette tentation.
M. HARDY: M. le Président, me permettez-vous seulement un
mot?
M. LEGER: M. le Président, est-ce que j'ai la parole?
M. HARDY: Seulement un mot.
M. LEGER: Mais vous récidivez encore?
M. HARDY: Non, je voudrais seulement dire au président...
M. CLOUTIER: C'est un pléonasme, mais ça ne fait rien.
M. HARDY: ... que je me range à l'argumentation du
député de Maisonneuve et je vous engage à respecter cette
excellente jurisprudence qu'il vous a soulignée.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je l'avais compris.
M. MORIN: Le ministre nous a quand même fait perdre dix grosses
minutes avec son point d'ordre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de
Lafontaine, sur la recevabilité de la motion.
M. LEGER: M. le Président, j'espère que vous ne
m'enlèverez pas les dix minutes que nous avons perdues, sur mon droit de
parole.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Non, non.
M. LEGER: J'étais en train de dire qu'il est arrivé, dans
la présente Législature, celle dans laquelle nous travaillons
actuellement la trentième en deux occasions en
particulier, que devant le dilemme dans lequel se trouvait la commission
parlementaire, le président, pour utiliser toutes ses
possibilités démocratiques de satisfaire une commission, a
suspendu les travaux et a rencontré le président de
l'Assemblée nationale pour obtenir de lui ses lumières, ses
directives. C'est arrivé, par exemple, dans le cas de la loi sur les
juges, le bill 8, où la commission, comme c'est le cas actuellement, est
arrivée dans un dilemme, les deux côtés de la table ne
pouvaient pas s'entendre sur la recevabilité d'une motion qui justement,
si ma mémoire est bonne, concernait la possibilité d'ajournement.
A ce moment, si je ne m'abuse, c'était le député de
Roberval qui était président de la commission, qui avait pris une
sage décision. Par la suite, il en a pris une qui était moins
bonne mais, au début, elle était sage, parce qu'il est
allé consulter le président et la suspension n'a
été que de quelques minutes. Il est revenu éclairé
et il a trouvé une solution qui a satisfait les membres de la
commission. Temporairement, parce que, par la suite, il est arrivé avec
une mauvaise décision. Peut-être que s'il avait été,
une seconde fois, rencontrer le président, il n'aurait pas eu cette
réputation qu'on lui a donnée par une motion en Chambre que nous
regrettions pour la personne et non pas sur le sujet.
M. TARDIF: Qui a été battue.
M. LEGER: C'est arrivé aussi à une autre occasion, tout
dernièrement, à l'occasion des crédits du ministère
de l'Immigration où il y avait une discussion âpre qui avait
placé la commission devant un dilemme. Le président doit se le
rappeler, je me demande si ce n'est pas lui qui présidait à ce
moment-là, c'était à l'occasion de la discussion des
crédits du ministère de l'Immigration, lorsqu'il fut question du
bill 22. Ce n'était pas le président actuel, en tout cas,
c'était un autre président qui se demandait si c'était
possible de discuter du bill 22 à l'intérieur des crédits
de l'Immigration. A ce moment-là, le président de cette
commission, dans sa grande sagesse et dans un souci de jouer
démocratiquement son rôle de président, a suspendu la
séance et est allé rencontrer le président de
l'Assemblée nationale pour obtenir des directives.
M. le Président, c'est une suggestion que je fais à la
commission et au président en particulier devant le fait que nous sommes
pris avec une motion qui, selon nous, est irrecevable; le député
de Saint-Jacques avant moi, le député de Maisonneuve par la
suite, le député de Beauce-Sud ainsi que le chef de l'Opposition
ont tour à tour démontré que le ministre ne pouvait pas
passer outre, dans l'article 7, à l'étape deux qui était
la fin de l'audition des personnes intéressées et ajourner le
débat ou proposer qu'on fasse rapport, sans qu'il y ait les
délibérations de la commission.
M. le Président, vous avez, à votre gauche, toute une
équipe qui est convaincue que nous devons passer à l'étape
trois, qui est les délibérations de la commission, avant
d'arriver à présenter un rapport. Le député de
Gouin, je l'ai remarqué tantôt... Justement, le premier ministre
est avec nous et est certainement d'accord sur cette motion, lui, le grand
démocrate je n'ose pas dire social-démocrate le
grand démocrate qui a essayé par tous les moyens de montrer
à la population...
M. BURNS: C'est à cause de sa grandeur... M. LEGER: A cause de sa
grandeur...
M. BURNS: ... à cause de sa taille, pas à cause de
l'importance.
M. BOURASSA: II y en a deux sociaux-démocrates.
M. LEGER: C'est cela. Vous m'enlevez la parole de la bouche. Justement,
M. le Président, le premier ministre lui-même veut certainement
laisser à l'opinion publique l'impression que le président de la
commission qui délibère sur le bill 22 donne l'exemple d'une
démocratie et que, devant des situations qui exigent l'application
stricte du règlement, le président ne passe pas à
côté. Et le député...
M. BOURASSA: Est-ce que je peux me permettre une question?
M. LEGER: Certainement, M. le Président.
M. BOURASSA: C'est parce que le chef de l'Opposition...
M. LEGER: Non, non, une question à moi. M. BOURASSA: Non,
d'accord, mais...
M. LEGER: Je vous permets une question à moi, mais pas à
n'importe qui.
M. BOURASSA: La semaine dernière, le chef de l'Opposition...
M. LEGER: Est-ce que c'est à moi que vous posez la question?
M. BOURASSA: Oui, oui.
M. LEGER: Allez-y, je vous écoute.
M. BOURASSA: Je ne sais pas si le député était
présent quand le chef de l'Opposition a dit la semaine dernière
qu'il s'attendait je pense qu'il s'en souvient qu'on
présente cette motion bien avant aujourd'hui.
M. MORIN: J'avais dit: Sûrement pas avant les élections
fédérales.
M. BOURASSA: Non, il avait dit: On s'attendait que la motion... C'est
inscrit au journal des Débats, je pourrais donner...
M. MORIN: Ce qui est inscrit au journal des Débats, je ne
voudrais pas entrer dans un débat avec le premier ministre...
M. HARDY: Encore une fois, c'est l'autre qui répond à sa
place !
M. MORIN: ... parce que nous ferions perdre le temps du
député de Lafontaine.
M. BOURASSA: C'est inscrit au journal des Débats.
M. MORIN: Si vous relisez la transcription des débats, vous y
verrez que plusieurs députés...
M. BOURASSA: C'est le député de Saint-Jacques qui avait
dit cela.
M. MORIN: ... y compris votre serviteur... UNE VOIX: Non, mais...
M. MORIN: ... ont déclaré que nous nous attendions que
vous tentiez de mettre fin aux débats de cette commission aussitôt
après l'élection fédérale.
M. BOURASSA: Non...
M. MORIN: Et pour des raisons qui crèvent les yeux de tout le
monde. Il fallait...
M. CLOUTIER: Pourquoi avez-vous l'air tellement étonné?
Pourquoi protestez-vous?
M. BURNS: De toute façon, il ne faut pas s'en faire, le premier
ministre a une tendance à la simplification qui est assez
extraordinaire. Il simplifie tout, tout est réglé, il oublie des
bouts de paragraphe, des bouts de phrase...
M. HARDY: C'est pour cela que les citoyens le comprennent !
M. MORIN: II oublie des mémoires...
M. BURNS: II oublie des mémoires. Il en oublié à
peu près 50 p.c.
M. BOURASSA: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. LEGER: La mémoire est une faculté qui oublie
d'ailleurs!
M. BOURASSA: Si je peux me permettre juste de répondre à
la question du chef de l'Opposition pour ce qui a trait aux mémoires.
Cet après-midi, je crois qu'il a menti à la Chambre à son
tour. Il a dit qu'il y avait une copie qui m'avait été
envoyée. Il m'a accusé de faire cela. Il faudrait qu'il
vérifie si, sur la copie, il y a bel et bien une copie qui m'a
été envoyée là-dessus.
M. BURNS: Voulez-vous dire que le député Arthur
Séguin n'informe pas le premier ministre de problèmes de cette
nature?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! Je pense qu'on
s'éloigne un peu de la recevabilité de la motion.
M. BOURASSA: Le chef de l'Opposition et le député ont
mentionné que c'était inscrit sur la lettre.
UNE VOIX: Voulez-vous que nous...
M. BURNS: On peut en parler, si vous voulez, non, mais on peut en
parler, ce n'est pas nous, M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): On pourrait peut-être remettre cela
à demain à l'Assemblée nationale.
M. HARDY: J'invoque le règlement, M. le Président, en
vertu du principe de la souveraineté.
M. BURNS: Demandez donc d'évoquer le règlement
auprès du premier ministre.
M. HARDY: Je l'invoque pour tout le monde.
M. BURNS: Surtout pour le premier ministre.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre des Affaires culturelles.
M. BURNS: II serait temps que quelqu'un le rappelle à
l'ordre.
M. HARDY: J'invoque le règlement en vertu du principe
sacré de la souveraineté absolue de
la commission parlementaire. Nous n'avons pas à traiter de choses
qui se sont passées dans un autre lieu.
M. BOURASSA: C'est vrai.
M. BURNS : On s'en reparlera dans une autre commission parlementaire, le
député de Terrebonne. J'aimerais bien cela. Il y a plusieurs
choses que vous avez dites ce soir qui vont être bien
intéressantes dans une autre commission parlementaire...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! J'invite le député
de Lafontaine...
M. BURNS: ... celle de l'Assemblée nationale, entre autres.
LE PRESIDENT (M. Gratton): ... à terminer...
M. TARDIF: Si le député avait été plus
fort...
LE PRESIDENT (M. Gratton): ... son intervention sur la
recevabilité de la motion du ministre de l'Education.
M. LEGER: Oui, M. le Président, et je dois dire que je suis
très heureux du point de règlement du député de
Terrebonne et non pas sur mon temps, M. le Président. On m'a
enlevé dix minutes tantôt.
M. HARDY: D'autant plus, M. le Président, que ce que le
député de Lafontaine nous dit est tellement
intéressant.
M. LEGER: Vous passez votre temps à récidiver...
M. HARDY: J'ai déjà dû rayer deux des
arguments...
M. LEGER: ... donc, je vous intéresse au point de vous
provoquer.
M. HARDY: ... que je voulais invoquer à la suite des propos qu'il
a tenus.
M. LEGER: Voulez-vous me poser une question?
M. HARDY: Non, non. Je tiens à ce que vous continuiez.
M. LEGER: Vous êtes un récidiviste.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
Le député de Lafontaine.
M. LEGER: J'avais assez hâte, M. le Président, que vous me
redonniez la parole que m'enlève régulièrement le
député de Terrebonne. Je m'attendais à d'autres questions
du premier ministre, mais il s'est servi de son intervention pour me poser une
question, à moi, une question qui concernait le chef de l'Opposition.
Malheureusement, M. le Président...
M. BOURASSA: Je ne veux pas provoquer le député de
Maisonneuve, pour l'échec, le "flop" monumental dans son comté,
hier.
M. LEGER: M. le Président, est-ce que le premier ministre voulait
me poser une question sur un "flop" quelconque?
M. BOURASSA: Le "flop" du député de Maisonneuve, pour le
NPD dans son comté. Il est arrivé quatrième.
M. LEGER: Quel rapport y a-t-il avec le bill 22?
M. TARDIF: Quatrième dans son comté.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. BOURASSA: C'est lui qui me pose des questions.
M. MORIN: Le premier ministre nous fait perdre notre temps, comme il le
fait toujours, dans toutes les commissions où il se montre.
M. HARDY: Mon Dieu! Mon Dieu! Mon Dieu!
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Pourrais-je inviter les
députés des deux côtés, s'il vous plaît,
à laisser le député de Lafontaine terminer son
intervention. Il lui reste quelques minutes.
M. LEGER: J'ai beaucoup de difficulté, parce que...
LE PRESIDENT (M. Gratton): S'il veut terminer l'excellente suggestion
qu'il était en train de me faire.
M. LEGER: M. le Président, je pense que le règlement ne me
permet pas de dire au premier ministre, et je n'oserais pas le lui dire, que
les élections ont prouvé que 58 p.c. des citoyens étaient
allés voter. C'est un recul pour le fédéralisme.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, à l'ordre!
M. LEGER: Est-ce que le premier ministre est conscient de cela? Il y a
58 p.c. des citoyens qui sont allés voter au Québec. Cela veut
dire 42 p.c. des citoyens qui refusent le
fédéralisme. Est-ce que le premier ministre a vu cela dans
ces élections-là?
M. BOURASSA: Le chef de l'Opposition a dit que c'est $15,000. que vous
avez dépensés. Le député de Sauvé accepte
cela, quand cela vient de ses députés.
M. LEGER: II y a près de 1,500,000 citoyens qui ne sont pas
allés voter.
M. MORIN: Je suis découragé de voir le genre de
débat que vous apportez toujours avec vous.
M. BOURASSA: Le député de Sauvé accepte que ses
propres députés fassent des diversions.
M. MORIN: C'est vous qui avez provoqué ce genre de
débat.
M. BOURASSA: Comme si la consigne d'annulation était une consigne
de...
M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement. Avant
que le député de Mercier arrive ici, je pense que nous discutions
du sujet...
M. LEGER: Cela allait bien.
M. MORIN: Rationnellement.
M. BOURASSA: Une perte de temps!
M. BURNS: Et, selon son habitude, le député de Mercier, je
ne l'appelle pas le premier ministre, parce qu'il agit comme un pur et simple
député et non pas comme un premier ministre.
M. HARDY: C'est un beau titre de gloire à discuter, vous devriez
le savoir.
M. BURNS: Oui. C'est un beau titre de gloire, mais le premier ministre
doit être pas mal au-dessus de certains problèmes...
M. BOURASSA: Vous êtes donc frustré!
M. BURNS: Je ne suis pas frustré du tout, pas du tout! Vous
agissez comme un petit politicien de bas étage...
M. BOURASSA: Dites n'importe quoi.
M. BURNS: ... chaque fois que vous venez à une commission
parlementaire...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!
M. BURNS: ... vous faites exactement la même chose. On vous
reconnaît. Vous êtes exactement à la hauteur...
M. BOURASSA: Vos propres députés...
M. BURNS: ... de ce que vous faites régulièrement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. BURNS: Le député de Mercier, M. le Président,
j'aimerais que vous le rappeliez à l'ordre.
M. BOURASSA: Ce n'est pas ma faute si vous êtes toujours battus
aux élections.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je rappelle tous les députés
à l'ordre.
M. LEGER: M. le Président, est-ce que je pourrais avoir la parole
au plus tôt?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Vous l'avez.
M. CLOUTIER: On veut vous entendre terminer.
M. LEGER: M. le Président, j'en étais évidemment
à la recevabilité...
M. CLOUTIER: Une minute!
M. LEGER: ... il me reste à peine dix minutes, M. le
Président.
M. CLOUTIER: Ah, non, non, non, non, non! Une minute.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Une minute. M. CLOUTIER: Le supplice se
termine.
M. LEGER: On m'a interrompu au moins une vingtaine de minutes à
l'intérieur de mes 20 minutes d'intervention!
LE PRESIDENT (M. Gratton): J'ai tout chronométré cela. Il
reste une minute.
M. LEGER: Alors, M. le Président, la suggestion que je voulais
vous faire d'une façon très justifiée, je pense, devant le
dilemme où nous nous trouvons, c'est que le député de
Gouin aura à faire un rapport, et nous ne pouvons pas accepter la motion
présentée par le ministre actuellement, parce que c'est
inacceptable en termes de procédure parlementaire.
M. TARDIF: C'est un autre pléonasme.
M. LEGER: C'est la raison pour laquelle c'est un problème
sérieux que celui du bill 22 actuellement qui nous occupe, avec la
démonstration qu'a faite le chef de l'Opposition, selon laquelle tous
les mémoires qui ne sont pas encore entendus. C'est un problème
sérieux
d'arriver avec une motion de faire rapport, alors qu'il y a tellement de
mémoires à entendre. C'est une situation grave, et en toute
démocratie, vous devriez utiliser l'exemple des deux commissions
parlementaires auxquelles je vous ai fait référence tantôt.
Il y a celle qui a discuté sur le bill des juges et celle qui a
étudié les crédits de l'Immigration. Dans chaque occasion,
devant un dilemme je vous vois vous gratter la tête, M. le
Président vous êtes dans un dilemme...
M. CLOUTIER: C'est de désespoir.
M. LEGER: II faut que vous alliez chercher en dehors de cette commission
la lumière qui satisferait peut-être cette commission en demandant
au Président de l'Assemblée nationale...
M. TARDIF: ... du député de Saint-Jacques.
M. LEGER: Là, vous ne vous grattez pas la tête, vous hochez
la tête, M. le Président. Je pense qu'il serait de bon augure de
suspendre les travaux pour quelques minutes à peine, M. le
Président, pour savoir ce que le Président de l'Assemblée
nationale pourrait vous donner comme directive devant le dilemme devant lequel
la commission se trouve sur un sujet aussi important, et dont nous avons fait
une tradition dans cette trentième Législature.
A mon grand plaisir, M. le Président, j'ai terminé, et
j'espère que d'autres députés qui ont quelque chose
à dire sur la recevabilité de cette motion pourront s'exprimer.
Je vois le député de Verdun...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre!
M. LEGER: M. le Président, je vois que le député de
Verdun a peut-être quelque chose à dire là-dessus.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!
M. LEGER: Et le député de Mercier, peut-être...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vais remercier le député de
Lafontaine pour sa suggestion, tout en lui rappelant qu'avant même qu'il
ne le fasse, je me suis déclaré prêt à rendre ma
décision. J'ai, par contre, reconnu le ministre des Affaires
culturelles, et je l'invite à s'adresser à la commission sur la
recevabilité de la motion du ministre de l'Education.
M. HARDY: Oui, M. le Président, contrairement au mauvais exemple
que m'a donné l'honorable chef de l'Opposition et compte tenu en
particulier du rôle éminent qu'il joue au sein de notre Parlement,
je tenterai de m'en tenir strictement à la recevabilité de la
motion et non pas à faire le débat sur le fond de la motion.
M. le Président, tout d'abord le député de
Saint-Jacques suivi du député de Maisonneuve et, d'une certaine
façon, du député de Beauce-Sud ont prétendu que la
motion du ministre de l'Education était irrecevable. Je vous avoue, M.
le Président, qu'au cours de ma brève vie parlementaire, jamais
je n'ai vu une motion reposer sur des assises juridiques aussi solides que la
motion qu'a faite ce soir le ministre de l'Education.
M. BURNS: Le ministre de l'Education en est même
étonné.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. HARDY: Fort probablement que le ministre de l'Education a un fort
esprit juridique, sans peut-être même le savoir.
M. ROY: Le premier ministre est gêné à l'heure
actuelle.
M.BOURASSA: ...gêné? Je suis gêné de vous
entendre, oui.
M. LEGER: II en rougit.
M. HARDY: Le député de Maisonneuve, à l'instar du
député de Saint-Jacques, a soutenu que la motion aurait dû
être basée sur le deuxième alinéa de l'article 6. Je
connais trop le talent et la science juridique du député de
Maisonneuve pour croire qu'il croyait vraiment ce qu'il disait, lorsqu'il
faisait ses remarques. Parce que le député de Maisonneuve sait
très bien, et encore plus le député de Sauvé,
lui...
M. MORIN: Etes-vous en train de mettre la bonne foi du
député de Maisonneuve en cause?
M. HARDY: Non. Le député de Sauvé doit très
bien savoir que, lorsqu'un avocat a une cause désespérée,
il a parfois recours à des arguments juridiques plus ou moins
solides.
M. LEGER: Comme à l'Assemblée nationale, le ministre
Bienvenue.
M. HARDY: Je comprends. Le député de Sauvé n'a
jamais plaidé. Il s'est toujours maintenu dans les hautes sphères
éthérées de l'université.
M. MORIN: J'ai sans doute plaidé plus longuement que vous,
mais...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: ... je n'aurais pas utilisé les tactiques que vous
mentionnez.
M. LEGER: ... en dehors de la cause.
M. MORIN: Je vois que je n'ai pas réussi à inculquer.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. MORIN: ... tout ce que j'aurais voulu à certains
étudiants, en tout cas.
M. HARDY: Le député de Maisonneuve... M. LEGER:
Enjoué. Feu!
M. TARDIF: Vous voyez pourquoi j'ai eu de la difficulté dans une
certaine matière. C'est parce que j'ai eu comme professeur le
député de Sauvé.
M. LEGER: En joue, d'Anjou!
M. HARDY: Le député d'Anjou pourrait-il me laisser
continuer mon intervention?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre des Affaires culturelles.
M. BURNS: II y a des choses sur lesquelles on ne peut rien greffer.
M. SAINT-GERMAIN: Si on laisse le débat dans les mains des
avocats, on n'en finira jamais. Je vous le dis. Puisque nous sommes prisonniers
de nos règlements, pourquoi ne considérerions-nous pas qu'il est
minuit?
M. HARDY: Je m'oppose catégoriquement et vigoureusement aux
prétentions de mon collègue, parce que j'ai certaines choses
à dire.
M. SAINT-GERMAIN: Ah bon!
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre des Affaires culturelles.
M. HARDY: M. le Président, le député de Maisonneuve
sait très bien qu'une motion, que ce soit devant les cours ou en vertu
de notre règlement, débouche toujours sur une action. C'est un
principe fondamental. Quand on fait une motion en Chambre, c'est pour donner
suite à quelque chose. C'est pour agir. Essentiellement, une motion est
un "acte d'action" en termes juridiques. Or, le député de
Maisonneuve nous dit qu'on aurait dû faire une motion pour constater
qu'on était suffisamment informé. On est obligé de se
faire une motion pour dire qu'on est suffisamment informé. C'est cela la
prétention du député de Maisonneuve. C'est
interpréter d'une façon totalement fausse notre règlement.
Vous dites que cela ne vaut pas de la quoi?
M. CHARRON: De la merde...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. HARDY: M. le Président...
UNE VOIX: Le député est fatigué.
M. BEAUREGARD: II revient à son naturel.
M. HARDY: ... le dernier alinéa de l'article 6 constitue la
justification, la base de la motion du ministre de l'Education. Le ministre de
l'Education a fait une motion en vertu de laquelle il propose que l'on fasse
rapport. La raison pour laquelle il propose que l'on fasse rapport, c'est que
précisément on est suffisamment informé, mais pourquoi
faudrait-il faire une motion pour dire qu'on est assez informé?
M. CHARRON: Parce qu'il y a quatre étapes prévues à
l'article...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. HARDY: Je vais y venir. Soyez patient, le député de
Saint-Jacques. On va y venir. Je reconnais que vous avez été pas
mal brillant pour un politicologue en interprétant le règlement.
C'est pas mal.
M. BURNS: Est-ce que le ministre me permet une question?
M. HARDY: Probablement que c'est l'influence du député de
Maisonneuve.
M. CHARRON: La suffisance du ministre de l'Education déteint sur
le ministre des Affaires culturelles.
M. BURNS: Est-ce que le ministre me permet une question?
M. HARDY: Oui, certainement.
M. BURNS: Je comprends que votre interprétation de la motion et
sans doute celle du ministre de l'Education lui-même sont que cette
motion est faite en vertu de l'article 6 de nos règles de pratique.
M. HARDY: Non. La motion du ministre de l'Education est faite en vertu
du quatrième paragraphe de l'article 7.
M. LEGER: Irrecevable. M. MORIN: Irrecevable. M. HARDY: Un instant, on
va voir cela.
M. LEGER: Article 6, recevable; article 7, irrecevable.
M. HARDY: Vous nous avez énuméré une longue...
M. MORIN: M. le Président, donnez-lui donc un règlement,
s'il vous plaît!
M. HARDY: Non, je veux avoir le texte de la motion.
M. MORIN: Mais je crois que le texte du règlement vous serait
utile.
M. HARDY: Je l'ai sous les yeux.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. LEGER: Vous n'avez pas vos lunettes à doubles foyers, vous ne
regardez pas à la bonne place.
M. HARDY: M. le Président, le ministre de l'Education a
proposé que la commission fasse rapport à l'Assemblée.
C'est en vertu du quatrième paragraphe de l'article 7.
M. LEGER: Donc, irrecevable. Mais pas si vite, on n'est pas encore
passé au troisième encore.
UNE VOIX: Attendez un peu.
M. HARDY: M. le Président, je répète donc qu'en
faisant cette motion, le ministre de l'Education s'appuyait sur le
deuxième alinéa du paragraphe 6. Là, quand les honorables
membres de l'Opposition prétendent que nous violons un autre article de
nos règles de pratique en vertu duquel on doit entendre toutes les
personnes qui sont intéressées, les membres du Parti
québécois déplacent totalement l'objectif d'une commission
parlementaire. L'objectif et le règlement le reconnaît d'une
façon très explicite le pourquoi d'une commission
parlementaire, ce n'est pas de permettre à tout le monde, qui veut se
faire entendre de se faire entendre, ce n'est pas le premier objectif en tout
cas. L'objectif d'une commission parlementaire, au stade où nous en
sommes, c'est de permettre aux députés de s'informer davantage
afin de pouvoir, lorsqu'ils retournent en Chambre, adopter la loi en
deuxième lecture, et, en commission plénière,
posséder plus d'information. C'est cela l'objectif. Ce n'est pas de
faire défiler tout le monde. C'est de s'informer. C'est la raison pour
laquelle, dans cette optique, le législateur a écrit le
deuxième alinéa de l'article 6 des règles de pratique, qui
précise que lorsque la commission se considère suffisamment
informée, elle peut mettre fin et décider de cesser les
auditions. Qu'est-ce qu'elle fait quand elle décide en vertu du
deuxième alinéa de l'article 6 de mettre fin à ses
auditions? Elle propose de faire rapport. C'est la démarche logique, la
démarche cohérente, la démarche normale.
M. BOURASSA: Cela se tient.
M. HARDY: Quand le député de Saint-Jacques nous dit: Mais
vous avez sauté la troisième étape, d'ailleurs le
député de Beauce-Sud a très bien souligné, avec
beaucoup d'éloquence...
M. BOURASSA: C'est vrai.
M. HARDY: ... que d'une façon générale on sautait
la troisième étape. Mais cela aussi c'est tout à
fait...
M. ROY: Mais j'ai bien ajouté que lorsqu'il y a consentement
unanime.
M. HARDY: Non. Pas du tout.
M. LEGER: Vous faites de l'abstraction.
M. HARDY: Parce que c'est un autre principe que vous ne
contredirez pas une commission est totalement maîtresse de ses
travaux. Or, quand la commission adopte une...
M. BURNS: Elle est maîtresse de ses travaux à
l'intérieur des règlements.
M. HARDY: Bien sûr.
M. BURNS: C'est cela. Il y a un des articles que le ministre oublie,
c'est l'article 4. Il faudrait peut-être qu'il le relise. Il nous dit que
les représentants des organismes qui ont déposé des
mémoires sont convoqués; on ne dit pas peuvent être
convoqués, sont convoqués.
M. HARDY: M. le Président...
M. BURNS: Après cela, M. le Président, c'est là
qu'on se base sur le deuxième alinéa de l'article 6. On dit: Si
vous vous considérez suffisamment informés, faites-en une motion.
Là le ministre vient de me dire que ce n'est pas là-dessus que la
motion du ministre était...
M. HARDY: M. le Président, ce n'est dit à aucun endroit et
j'ai trop de respect... Même le député de Maisonneuve, dans
un autre décor que celui dans lequel il est placé, n'aurait
jamais accepté d'écrire au deuxième alinéa du
paragraphe 6, qu'on devrait faire une motion. Je le répète, c'est
absolument absurde qu'une motion...
M. BURNS: Comment une commission peut-elle décider sinon par voie
de motion? Il n'y a pas d'autre façon.
M.HARDY: Un instant! Bien oui. Comment, M. le Président, une
commission doit-elle poser un geste, comme une motion, pour décider
qu'elle est suffisamment informée? Quand elle est suffisamment
informée, ça l'engage à poser un autre geste. Par exemple,
quand
vous êtes suffisamment informé, vous étudiez une loi
article par article, vous étudiez l'article 15 d'une loi. A un moment
donné, comme membre de l'Opposition, vous considérez que les
réponses que vous a données le ministre sont suffisantes. Vous ne
faites pas une motion pour dire: On est suffisamment informé sur
l'article 15. Vous faites une motion pour adopter l'article 15...
M. CHARRON: Ah! Ah! Ah! Le sophisme! Il s'agit d'auditions de
témoins à une table, c'est ça que disent le paragraphe 2
et l'article 6 auquel vous vous référez.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !
M. CHARRON: Ce n'est pas l'étude article par article d'un projet
de loi. On n'est pas dans une commission élue. Ce sont des arguments
imbéciles.
M. HARDY: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!
UNE VOIX: Minuit.
M. HARDY: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! Je constate avec
plaisir qu'il est minuit. La commission ajourne ses travaux jusqu'à
nouvel ordre de la Chambre.
(Fin de la séance à 0 h 2)