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Commission permanente de l'éducation,
des affaires culturelles et des communications
Etude du projet de loi no 22
Loi sur la langue officielle
Séance du mardi 2 juillet 1974
(Dix heures trente sept minutes)
M. GRATTON (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs !
La commission de l'éducation, des affaires culturelles et des
communications continue l'audition des organismes sur le projet de loi 22 et
j'aimerais, dès le départ, aviser la commission des membres qui
la composent ce matin: M. Lachance (Mille-Iles), M. Charron (Saint-Jacques), M.
Déom (Laporte), M. Cloutier (L'Acadie), M. Hardy (Terrebonne), M.
Desjardins (Louis-Hébert), M. L'Allier (Deux-Montagnes), M. Morin
(Sauvé), M. Bonnier (Taschereau), M. Beauregard (Gouin), M.
Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Veilleux
(Saint-Jean).
M. CLOUTIER: M. le Président, je constate qu'il n'y a pas de
député de l'Opposition. La commission devait commencer à
10 h 30, il y a 10 minutes que nous attendons. Alors, je ne sais pas si nous
devons entreprendre nos travaux immédiatement. Je ne sais pas si c'est
l'opinion de la commission.
DES VOIX: Oui.
M. CLOUTIER: Nous avons le quorum, n'est-ce pas?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Du côté du quorum, il n'y a pas
de problème. Est-ce que c'est le désir de la commission de
commencer l'audition tout de suite ou si la commission
préférerait...
UNE VOIX: Oui, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, les groupes qui seront entendus ce
matin et aujourd'hui sont dans l'ordre: Le Syndicat des professeurs du CEGEP de
Sainte-Foy, le Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec, le
Comité d'école de l'école Saint-Ernest de la ville de
Laval, the Committee of Roslyn Elementary School (Westmount) and Home and
School Association, le Conseil central de Joliette, la Corporation
d'information populaire de Lanaudière.
J'invite donc le premier groupe...
M. CLOUTIER: M. le Président. LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.
M. CLOUTIER: Allez-y, après...
LE PRESIDENT (M. Gratton): ... premier groupe et son porte-parole, M.
Jean Primeau, du Syndicat des professeurs du CEGEP de Sainte-Foy, à se
présenter à la table, s'il vous plaît.
M. CLOUTIER: M. le Président, je demande la parole parce que le
secrétaire des commissions m'informe que le Syndicat des professeurs du
CEGEP de Sainte-Foy ne pourra pas se présenter ce matin. Nous verrons
s'il y a lieu de le reconvoquer. Je vous prierais de noter également que
le Comité d'école de l'école Saint-Ernest également
a informé le secrétariat des commissions qu'il ne serait pas
présent aujourd'hui.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, J'invite donc M. Jacques Doré,
président du Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec
à prendre place à la table, de bien vouloir nous présenter
celui qui l'accompagne et de noter qu'il dispose de 20 minutes pour faire la
présentation, suivie d'une période de questions de 40
minutes.
Syndicat de professionnels du gouvernement du
Québec
M. DORE: M. le Président, je voudrais d'abord vous
présenter Robert Jasmin, agent syndical au syndicat, qui m'accompagne,
ce matin. Il pourra répondre aux questions de la commission.
D'abord, je voudrais vous lire une espèce de résumé
qui a sans doute été distribué concernant notre
mémoire. Le Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec
est affilié à la Confédération des syndicats
nationaux; il regroupe 4,200 membres répartis dans les différents
ministères et organismes de la fonction publique du Québec. C'est
le travail quotidien de ces employés de l'Etat et des autres qui fait
que celui-ci fonctionne. A partir de cette constatation, nos membres ont cru
être plus en mesure que quiconque d'apporter des éléments
positifs à la commission parlementaire. Bien que vous puissiez
être là après trois semaines intensives, nous vous
demandons une attention particulière parce que notre approche est
différente et que nous considérons nos propositions comme
positives. C'est pourquoi nous commencerons par décrire en quoi le bill
est négatif avant de passer aux aspects pratiques.
Lorsqu'on ne le lit qu'une seule fois, ce projet de loi paraît
fort encourageant. Comparativement à la situation d'anglais dominant qui
prévaut actuellement dans plusieurs régions du Québec et
d'unilinguisme anglais dans la région de Montréal, on a
l'impression que cette loi va apporter de grands changements. C'est cette
première impression, très superficielle qui abuse l'homme de la
rue, celui-là même qui répond aux sondages, sans même
avoir lu, la plupart du
temps, l'objet de ses commentaires. Dès qu'on relit plusieurs
fois, on se rend compte que ce qui est donné d'une main au début
d'un article est immédiatement repris de l'autre au second
alinéa. On constate également que le caractère
d'obligation fait défaut dans la majorité des cas et lorsqu'il
est clairement défini, il n'est assorti d'aucune pénalité
pour les contrevenants. Enfin, d'une façon générale et
sans connotation politique, syndicale, nationaliste ou autre, ce bill est
extrêmement mal conçu. Du strict point de vue de l'écriture
légale, il a été jugé sévèrement par
des spécialistes de la terminologie juridique qui l'ont
étudié sous cet angle.
Le dispositif de la loi a un caractère grandement approximatif et
les perspectives d'application paraissent extrêmement délicates.
Ne perdons pas de vue que du fait qu'elle touche de nombreux aspects de la vie
économique et sociale, de l'instruction et du travail, cette loi
créera de grands problèmes d'application aux professionnels des
ministères de l'Education, de l'Industrie et Commerce, des Institutions
financières, de la Justice, de l'Agriculture, de l'Immigration, mais
aussi d'autres organismes gouvernementaux qui en subiront les effets. C'est
donc avant tout dans cette perspective de protection et de défense de
nos membres que ce mémoire a été conçu. Il est
avant tout syndical. Pour résumer notre pensée de façon
générale quant au projet de loi pris globalement, nous dirons
qu'il ne satisfait pas aux exigences de la situation qui est extrêmement
grave et qui aurait nécessité un très vigoureux coup de
barre vers l'unilinguisme dans un sens collectif et non individuel ou tout au
moins vers un français très nettement prioritaire, qu'en
conséquence il ne répond pas aux longues attentes de la
majorité francophone du Québec, que les lignes directrices de ce
projet de loi sont camouflées, qu'il est truffé de pièges,
de portes de sortie secrètes ainsi, les verbes pouvoir et devoir
y sont-ils utilisés n'importe comment qu'il consacre une tendance
néfaste qui se fait jour depuis un certain temps et qui enlève
les pouvoirs législatifs au profit de l'exécutif.
Ainsi une réglementation future doit-elle venir
concrétiser une loi dont on discerne mal les principes directeurs
puisque 129 articles de ce bill ne concordent pas avec l'intention
définie à l'article 1 et qui, pourtant, paraît claire
à toute la population.
Cet article seul aurait même suffi d'ailleurs, puisque toute la
vie du Québec aurait ensuite changé en conséquence. Il
remet la majeure partie des pouvoirs entre les mains d'un ministre
déjà lourdement chargé et de personnes encore inconnues de
la population, formule qui risque de nous précipiter dans l'arbitraire
et l'incohérence selon le jeu des pressions et des influences.
Enfin et surtout plus encore que le bill 63 qui lui, ne traitait que de
l'éducation, ce projet consacre la "bilinguisation" collective des
québécois, non seulement à l'école, comme c'est le
cas depuis 1969, mais désormais dans tous les domaines de la vie
courante.
Considérant ce projet de-loi comme intrinsèquement
mauvais, nous devrions logiquement demander son retrait et c'est effectivement
ce que nous souhaitons. Le SPGQ demande que le gouvernement compose un nouveau
bill, qu'il présentera à l'automne, qui tienne compte une fois
pour toutes du désir profond ancré au coeur de chaque
Québécois, de vivre totalement dans sa langue, s'inspire des
mémoires soumis à cette commission et requière la
participation de socio-linguistes au lieu d'être élaboré en
vase clos dans le secret. Enfin qu'il fasse honneur à un gouvernement
qui, à deux reprises, en 1970 et 1973, a promis aux citoyens de faire du
français la langue du travail au Québec.
Le SPGQ a cependant voulu jouer le jeu démocratique
honnêtement en se présentant malgré tout devant la
commission parlementaire et en adoptant même une politique de
modération dans ses demandes de façon à respecter la
diversité d'opinion de ses syndiqués. C'est pourquoi nous
espérons être entendus en tant que spécialistes au sein de
différents ministères de tous les domaines touchés par le
projet de loi, nos membres de la base, oeuvrant sur le terrain, connaissent
à fond chaque aspect de la situation en regard d'une francisation
possible.
Ce sont nos syndiqués qui ont désigné les membres
d'un comité ad hoc qui a préparé une version
corrigée de ce projet de loi, c'était choisir la tâche la
plus difficile, la plus ingrate, mais à notre avis, la plus utile au
législateur.
Notre mémoire est divisé en deux parties totalement
distinctes. La première partie qui comporte 37 pages traite
exclusivement de la Régie de la langue française, seule ou par
rapport à l'actuel OLF, ainsi que du statut individuel et collectif des
professionnels de plusieurs ministères qui auront à appliquer
cette loi, plus particulièrement les terminologues et linguistes,
membres de notre syndicat qui sont au coeur des problèmes
engendrés par ce bill.
Afin de mieux faire comprendre notre point de vue purement syndical,
nous vous prions donc de garder en mémoire les déclarations
préliminaires qui figurent aux sixième et septième
pages.
Dans le chapitre 1, nous nous demandons ce que le législateur a
voulu dire au juste an parlant d'une Régie de la langue
française. En effet, lorsqu'un fonctionnaire dit: Je travaille à
la RAMQ, cela veut dire qu'il fait partie d'un organisme défini et non
qu'il est membre de la direction de cet organisme. Ainsi, lorsqu'à
l'article 85 on dit que les commissaires-enquêteurs sont nommés
à la régie, on comprend bien que ces fonctionnaires feront partie
d'un organisme ainsi nommé.
C'est tout à fait le contraire, à l'article 68, où
le mot "régie" ne s'applique qu'aux membres de la direction.
Aucune autre partie du projet de loi n'est contradictoire que celle
où l'on décrit le nouvel
organisme. On commence par créer la régie à
l'article 61 et ensuite tout s'embrouille tellement que nous avons
été obligés de poser différentes hypothèses,
à savoir: premièrement, que l'Office de la langue
française n'existait plus; deuxièmement, qu'il devenait tout
simplement la base de la future régie et donc que tous ses
employés étaient globalement mutés à celle-ci ou,
tout au contraire, que ses employés restaient au ministère de
l'Education, vu qu'elle relève présentement de l'OLF et que
seuls, certains sélectionnés passaient à la régie;
aussi, parce qu'il considère que le principal instrument d'application
de là loi est mal ou insuffisamment défini, le SPGQ propose des
corrections aux articles 68, 69, 73, 75, 76, 77, 82, 83 et conclut ce chapitre
en disant que tous les articles où, par le mot "régie", on
sous-entend seulement la direction, sont entachés
d'impropriétés et doivent être réécrits sous
peine d'engendrer la plus grande confusion dans la politique administrative des
professionnels concernés.
Outre ces corrections qui sont des technicités, les points
importants qui ressortent de ce premier chapitre sont que la nouvelle
Régie de la langue française relève directement du premier
ministre, ou relève d'un ministre d'Etat chargé uniquement de cet
organisme linguistique ou devienne un ministère de la langue, ainsi que
le propose la CSN.
Outre les membres nommés, la direction de la régie
comprend neuf hauts fonctionnaires, donc relevant de la fonction publique.
Dans le chapitre II, le mémoire du SPGQ traite du personnel de la
régie, séparément ou par rapport à l'actuel
personnel de l'OLF. A cet égard, le SPGQ juge totalement inacceptable
l'article 121 dans la rédaction actuelle et se demande si son
ambiguïté a été voulue tant elle est dangereuse pour
nos syndiqués.
Après avoir expliqué notre position, aux pages 18 et 19,
nous exigeons donc que les mots "à moins que" dans cet article 121,
soient replacés par "jusqu'à ce que". Nous nous rendons
parfaitement compte que ce changement n'apportera aucune amélioration,
car, avec ces trois nouveaux mots, on peut faire attendre indéfiniment
les intéressés, mais ce serait autrement moins grave que ce qui
est écrit présentement.
Nous demandons également une consultation des
intéressés lorsqu'ils sauront clairement ce qui les attend.
Le SPGQ exige formellement que l'article 103 soit retiré de ce
projet de loi, ainsi que l'ont fait précédemment leurs
confrères du SFPQ et nous nous en expliquons à l'article 6.
Enfin, nous demandons que le gouvernement conserve aux professionnels de
l'OLF, lorsqu'ils passeront à la régie, leur statut de
syndiqués.
Le chapitre III de notre mémoire est le plus technique de tous et
il porte sur le titre IV, chapitre I, du bill. Il nous semble que, si l'on
avait consulté des spécialistes en matière de recherche
linguistique et de terminologie, on n'aurait pas commis, dans ces quelques
articles qui peuvent paraître insignifiants aux profanes, les erreurs
fondamentales qu'on y trouve.
Pour que la Banque de terminologie du Québec, dont il n'est
même pas fait mention dans ce chapitre, les services de linguistique, de
terminologie, de recherche, de correction, de consultation, de diffusion et
d'application fonctionnent bien à la régie, il est indispensable
que le législateur apporte aux articles 56, 57 et 59 les modifications
que le SPGQ lui propose.
En résumé, il faut que ce soit la régie qui soit
responsable du développement de la recherche, que la régie
institue des commissions de terminologie dans tous et chacun des
ministères, que les travaux de ces commissions soient coordonnés
par un terminologue de la régie, que ce soit la régie qui assure
la normalisation des termes, enfin que les terminologues de la régie
déterminent les besoins et soient responsables des travaux en dernier
ressort.
Le chapitre IV du mémoire est consacré à la
description de l'actuelle OLF depuis ses débuts, à ses
installations de fortune à Québec, aux mauvaises conditions de
travail de ses employés, à sa piètre organisation ainsi
voulue par l'administration, à son manque de budget et de personnel
permanent.
Est-ce sur du vent ou sur du sable mouvant, puisque l'on compte 70
employés permanents contre 110 occasionnels et que ces derniers
continuent d'entrer, que l'on veut bâtir sérieusement la
régie? D'ailleurs, celle-ci est-elle bien nécessaire? Plusieurs
journalistes ont posé cette question, et ici-même des organismes
ont demandé que l'office ne soit pas démantelé.
Pour commencer, ainsi qu'on le soulignait dans la Presse du 11 juin, une
régie, c'est le mode de gestion d'une entreprise qui traite de
matières palpables. Ainsi, la Régie des alcools était-elle
bien nommée. L'utilisation du mot "régie" pour la langue serait
une erreur linguistique.
Déjà dans le chapitre 1 de notre mémoire, le SPGQ
avait demandé au gouvernement pourquoi la direction de la régie
doit être composée de neuf membres non fonctionnaires et non
seulement de trois, et pourquoi a-t-on éprouvé le besoin
d'incorporer dans le circuit linguistique des gens étrangers à la
fonction publique au lieu de cadres jouissant d'une expérience
irremplaçable?
A partir des données que nous fournissons dans notre chapitre IV,
il est facile de conclure que l'OLF n'a jamais eu le statut d'office qu'il
était censé avoir lorsque fut créé le
ministère des Affaires culturelles. Qu'il suffise de comparer l'OLF avec
l'Office franco-québécois pour la jeunesse pour comprendre
où nous voulons en venir. Que l'on fasse donc de l'OLF un
véritable office autonome avec tout ce que cela comporte et il sera
parfaitement inutile de créer une régie. Que l'on double enfin
l'OLF, organe administratif, d'un bataillon d'inspecteurs lin-
guistiques dotés des pouvoirs de faire respecter la loi et l'OLF
deviendra l'instrument efficace de toute l'application d'une politique
linguistique cohérente sous la direction éclairée qu'on
lui connaît.
Nous passons à la seconde partie du mémoire du SPGQ. Le
temps de lecture étant strictement limité, nous ne suivrons pas
l'ordre du mémoire, mais nous traiterons d'abord du chapitre V sur la
langue d'enseignement, sur lequel le SPGQ ne s'est pas attardé dans son
mémoire, quoiqu'il en ait bien long à dire là-dessus, pour
rendre justice à ses nombreux syndiqués du ministère de
l'Education que les deux pages et demie qui y sont consacrées. Mais nous
avons estimé que des groupes oeuvrant encore plus sur les terrains,
comme la CEQ, la CECM, d'autres enseignants, des commissaires ou des parents
d'élèves s'en chargeraient éloquemment, ce qui fut le cas.
Nous avons donc surtout soulevé les faits suivants.
Ce chapitre le plus faible de tous fait beaucoup trop de
place au verbe "pouvoir" et nie les principes exprimés dans le
préambule. Le projet de loi doit absolument inclure dans l'article 48
les institutions privées subventionnées par l'Etat.
Le projet de loi doit absolument faire état des CEGEP et des
universités, l'enseignement public ne s'arrêtant pas après
le cours secondaire et certaines universités étant
étatisées, sans compter les universités anglophones non
proportionnelles à la minorité et qui reçoivent des
subventions.
Les premiers habitants du Québec les seuls donc qui aient
de véritables droits acquis soit les minorités
autochtones, doivent recevoir l'enseignement gratuit dans leur langue
maternelle avec le français comme langue seconde d'usage.
La langue des manuels scolaires, à tous les niveaux, doit
être la langue officielle et un français de qualité.
Les articles 49, 50 et 51 sont à rejeter totalement. Ils ouvrent
la porte au marchandage des inscriptions, à la discrimination, à
l'incohérence d'une commission scolaire à l'autre, aux
migrations, au favoritisme, au bourrage de crâne
accéléré pour pouvoir être admis à
l'école anglaise publique. Ils sont susceptibles de susciter de
l'animosité et des conflits entre les parents et les instances
décentralisées que le gouvernement utilisera comme boucliers. Le
mécanisme prévu est lourd, toujours contestable et difficilement
administrable.
Le SPGQ exige du gouvernement que les articles 48 à 52 soient
abolis et remplacés par ceux proposés par la Ligue des droits de
l'homme et entérinés par certains organismes nationaux qui visent
à la création d'un seul système scolaire unifié aux
niveaux élémentaire et secondaire.
Nous nous demandons, sans oser y répondre, comment un homme
intelligent, cultivé et ayant voyagé de par le monde comme le
ministre Cloutier peut faire semblant d'ignorer que le choix de la langue
d'enseignement à l'école publique n'existe dans aucun pays du
monde, même pas dans les provinces du Canada et que les
Québécois, mal informés, faute d'analyse et qu'ils
confondent avec la liberté de culte, prennent naïvement pour de la
tolérance ce qui n'est rien d'autre qu'un lent suicide collectif.
C'est pourquoi le courage et l'honnêteté du ministre
Jérôme Choquette ont été récemment
appréciés des citoyens.
Tous les ministres ici savent parfaitement bien que l'Acte de
Québec a fait de notre territoire une nation française depuis 200
ans, d'une part, et que, d'autre part, l'AANB n'a jamais fait mention des
droits scolaires des Britanniques au Québec. Ces prétendus
droits, les descendants des occupants de langue maternelle anglaise se les sont
arrogés graduellement au nom de la conquête, puis, dans la
période industrielle actuelle, par leur nombre sans cesse grandissant,
auquel se sont ajoutés les Américains, aux postes de commande de
l'économie et des finances, tolérés benoîtement par
des gouvernements inertes.
Mais les Québécois se sont réveillés. Les
auditions à cette commission l'ont prouvé et nous proclamons,
nous aussi, que l'école publique doit être française,
l'unilinguisme fondamental étant la constante de tous les
systèmes d'éducation du monde. Nous exigeons le rapatriement
immédiat à leurs écoles françaises de tous les
transfuges francophones qui fréquentent les écoles anglaises
depuis 1968.
Comment n'êtes-vous pas étouffés par les fruits
empoisonnés de la loi 63 que vous prétendez abolir et que vous
reproduisez presque intégralement dans le bill 22, à l'exception
des critères de connaissance suffisante, si facilement
contournables?
Un gouvernement qui ne désire pas l'anglici-sation ne commence
pas par la favoriser dans l'enseignement.
Un certain nombre de syndiqués du SPGQ furent un jour des
immigrants de différentes origines et sont devenus des
Québécois francophones. Notre syndicat s'oppose donc à
cette ségrégation en matière scolaire entre les immigrants
de langue anglaise et les autres. Les immigrants en provenance de l'Inde, des
Etats-Unis ou de la Jamaïque qui veulent s'établir au Québec
doivent aller à l'école publique française comme les
autres.
C'est ce que nous disons dans un chapitre subséquent sur
l'immigration dans lequel nous demandons formellement que l'on abolisse
l'article 117 du projet de loi 22, de façon que le ministre de
l'Immigration rétablisse les modalités de francisation des
nouveaux immigrants, francisation que l'on aurait supprimée par erreur,
selon les dires de M. Bienvenue.
Au chapitre III sur la langue du travail, nous sommes au regret de
constater qu'alors qu'il avait fait de ce sujet son cheval de bataille lors des
deux dernières élections, pour attirer l'élec-
torat, le gouvernement renonce dans ce projet de loi à mettre ses
promesses à exécution, mais s'en tient plutôt aux
recommandations du rapport Fantus. Nous sommes des Québécois qui
avons la chance rare de pouvoir travailler en français et nous voudrions
que tous nos camarades travailleurs du Québec puissent avoir cette
légitime satisfaction. Le SPGQ demande au gouvernement que le calendrier
d'application des articles 24 à 35 inclus soit clairement
déterminé dans le présent projet de loi et que le
délai ne dépasse pas cinq ans.
Le SPGQ demande au gouvernement d'avoir, comme tant d'autres nations,
même plus petites et moins bien équipées, le courage de
déterminer les règles du jeu devant les entreprises
étrangères qui les suivront alors comme elles le font
ailleurs.
Le SPGQ fait siennes les recommandations de la Ligue des droits de
l'homme: modifier le chapitre III sur la langue du travail en
décrétant des mesures de francisation uniformes pour toutes les
entreprises selon un calendrier précis d'application progressive. Le
SPGQ demande que les articles 32, 33 et 34 soient supprimés et
remplacés par un article unique, ainsi surtout, que l'article 31 qui est
le plus grave de tout le chapitre, ou que, tout au moins, il soit
corrigé ainsi que nous le proposons.
Aux articles 24 et 26, le SPGQ demande que les proportions soient
précisées et que l'article 29 soit modifié de façon
à donner priorité au français. En résumé, le
chapitre est inacceptable. Le SPGQ demande que le gouvernement impose le
français comme langue de travail dans les entreprises, oblige celles-ci
à se franciser dans une période donnée, enfin assortisse
la loi de fortes pénalités pour ceux qui ne s'y seraient pas
conformés dans le délai prescrit.
De l'avis du SPGQ, le chapitre IV sur la langue des affaires doit
être modifié de façon à respecter le droit de la
majorité à un environnement dans sa langue. De plus, les
dispositions de ce chapitre doivent être appliquées en premier
lieu, elles peuvent l'être dès la proclamation de la loi, le
mécanisme étant en place. Si ce chapitre a le mérite
d'employer systématiquement le verbe "devoir" au lieu du verbe
"pouvoir", il pèche quand même par des absences fort
remarquées. Par ailleurs, il n'est pas assez évident que la
langue officielle doit nettement primer sur toute autre. Pourtant, dans un des
domaines traités ici, celui de l'étiquetage, le gouvernement par
l'entremise de plusieurs de ses ministères, a déjà une
expérience de plusieurs années dont il aurait pu s'inspirer
à meilleur escient dans l'article 36, qui demande à être
substantiellement corrigé et surtout dans l'article 38 qui est
très mal exprimé et semble mendier du français, ainsi que
dans l'article 39 qui met les deux langues sur un pied d'égalité.
La SPGQ en profite pour expliquer comment de la façon la plus simple et
sans brimer qui que ce soit, il aurait pu y avoir du français depuis
trois ans déjà sur les emballa- ges de biens de consommation
courante, notamment les produits ménagers. Dans la même veine,
l'expérience a démontré comment on pouvait attirer les
mouches avec du miel pour les calmer, en promettant des règlements,
comme c'est le cas dans le présent projet de loi, qui ne viennent jamais
par la suite.
LE SPGQ compte dans ses rangs une majorité de pères de
famille; aussi a-t-il porté une attention particulière au domaine
du jouet où la situation a fort peu progressé au cours des six
dernières années. Le SPGQ souhaite une réduction des
délais d'application par l'addition de deux articles de façon
à différencier la longueur des délais selon la
catégorie des produits et pour traiter plus à fond la langue de
l'hôtellerie avec la participation du ministère du tourisme. De
même dans la partie relative à l'affichage y a-t-il lieu
d'établir une distinction quant aux délais d'application entre
les panneaux portant du papier collé, les enseignes, les panneaux peints
et les enseignes lumineuses coûteuses. Nous traitons également des
annonces d'offres d'emploi.
Enfin, nous concluons par des preuves sur la nécessité de
pénalités par rapport aux expériences en matière
d'étiquetage alimentaire et agricole. La plupart des groupes qui sont
passés ici ont évidemment noté que l'unique article de
tout le projet de loi qui ressemble à une sanction envers les
contrevenants et l'article 46. Si, par les articles du chapitre IV du bill,
l'affichage doit être en français au Québec, les noms des
lieux et des voix de communication, formes d'affichage public, doivent
également être en français. Cela nous paraît aller de
soi et il ne nous semble pas que le législateur y ait songé,
même si, sur les cartes routières distribuées par les
compagnies pétrolières, les noms sont en anglais. C'est dans cet
esprit que nous avons traité de toponymie à la fin de notre
mémoire. Il va sans dire que les noms des organismes gouvernementaux ne
doivent pas être traduits en anglais eux non plus. Est-il assez ridicule
de parler de "French Language Bureau" pour désigner l'OLF.
Du chapitre I du bill, la langue de l'administration publique, nous
disons que les articles 2, 6, 9, 10, 11, 13, 14, 15, 16 et 17 doivent
être corrigés. Autrement dit, dix sur douze des articles de ce
chapitre, plus un sur quatre du précédent. Les corrections
demandées portent sur l'impression des lois, l'utilisation
erronée du verbe "pouvoir" au lieu de "devoir", les réponses en
français données actuellement à un citoyen
québécois qui écrit en anglais à l'administration
publique de l'Etat, le pourcentage des administrés de langue maternelle
anglaise et non pas des nouveaux anglophones de toute origine, la langue des
tribunaux, etc. Mais ce qu'il importe surtout de noter dans ce chapitre, c'est
que le SPGQ s'oppose formellement à ce qu'il y ait des exceptions
à la règle qui veut que la langue de travail dans
l'administration publique soit le français, d'où d'importantes
modifica-
tions aux articles 9, 13. 14, 15 et 17. L'article 9 est
particulièrement inacceptable et c'est une vraie honte que le
législateur ait même songé à le rédiger.
Depuis que notre mémoire a été écrit, nous avons
d'ailleurs pu constater que plusieurs organismes ont protesté avec
véhémence contre cet article qui, de façon
concrète, ferait que la majorité des administrations urbaines de
quelque importance au Québec rédigeraient leurs documents en deux
langues.
Nous résumerons nos interventions au chapitre II sur la langue
des entreprises d'utilité publique et des professions de la façon
suivante. Que ce soit à l'article 14 du précédent chapitre
I où ici, à l'article 18, nous notons l'absence incroyable d'une
mention sur l'obligation pour toute personne faisant affaires avec le public au
Québec de s'exprimer correctement en français. Des additions
importantes doivent être faites à l'article 20. L'article 23 doit
être modifié et les articles 21 et 22 légèrement
corrigés. La langue de traduction ne doit plus être le
français, mais l'anglais. Aucun emploi impliquant des contacts avec le
public ne peut être obtenu par une personne ne parlant pas
français.
Egalement, lorsque nous traitons, pour terminer, des points qui ont
été oubliés dans la conception de ce projet de loi, nous
incluons les communications dans la langue de la culture. Outre cette loi-cadre
sur le cinéma que l'on promet depuis des années aux
Québécois, nous demandons particulièrement au ministre des
Affaires culturelles de reprendre en main les instruments de la culture
québécoise française qui sont de juridiction provinciale
et que manipule de plus en plus le centralisateur gouvernement d'Ottawa. Nous
demandons au ministre Jean-Paul L'Allier de continuer sa lutte pour une
autonomie québécoise en matière de communication et de
câblodistribution quitte à modifier la constitution de
façon que le Québec puisse contrôler le nombre de stations
émettant en langue étrangère sur son territoire et qui
devraient au minimum être proportionnel au nombre d'habitants de langue
maternelle anglaise.
Enfin, comment en arriver autrement qu'à la conclusion que, pour
avoir les mains totalement libres dans l'application d'une politique de
francisation dans tous les secteurs: fonctionnaires fédéraux
québécois travaillant sur notre territoire et qui ont
demandé que le français soit leur langue de travail,
sociétés à charte fédérale, transport,
communication, armée fédérale postée en territoire
québécois, Assemblée nationale, tribunaux, etc., le
gouvernement doit exiger l'abrogation de l'article 133 de la constitution du
Canada, pays qui est on semble de plus en plus l'oublier une
confédération et non un Etat à caractère unitaire
et centralisé. Alors, avec beaucoup plus de bonne volonté de la
part du législateur québécois, le français pourrait
vraiment devenir la langue officielle chez nous.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Merci, mes- sieurs. J'invite
immédiatement le ministre de l'Education à poser la
première question.
M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie le Syndicat de
professionnels du gouvernement du Québec pour la présentation de
ce mémoire. Je note avec plaisir que c'est un mémoire très
étoffé, un mémoire approfondi, un mémoire
sérieux et qui veut être positif. Bien sûr, le gouvernement
n'est pas d'accord sur un certain nombre des prises de position; il ne faut pas
s'en étonner puisque le projet de loi 22 a une approche qui est
clairement indiquée. Cependant, j'ai pris connaissance, avec
intérêt, surtout de la première partie qui porte sur la
régie, sur ses pouvoirs, sur ses structures et nous allons très
certainement donner notre meilleure attention à certaines des
recommandations et des suggestions qui ont été faites.
Déjà, j'ai indiqué que nous songions à dissocier
les deux fonctions de cette régie, à savoir les fonctions
d'exécution et les fonctions de contrôle; peut-être
même pourrions-nous envisager la nomination d'une espèce de
protecteur de la langue qui assumerait les fonctions de contrôle. Ceci
permettrait, surtout sur le plan syndical, de régler un certain nombre
des difficultés réelles que vous avez soulevées. Je
m'arrête là pour l'instant, M. le Président, et je n'ai pas
de questions particulières.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition officielle.
M. MORIN: M. le Président, puis-je demander à nos
invités, comme première question, de nous donner quelques
précisions au sujet d'un passage qui se trouve à la page 14 du
texte de présentation. Vous y dites, messieurs: "Actuellement, les
réponses sont données en français à un citoyen
québécois qui écrit en anglais à l'administration
publique de l'Etat". Dois-je comprendre par cela que, à l'heure
actuelle, lorsqu'un administrateur, un fonctionnaire québécois
reçoit, d'une personne de langue anglaise, une lettre
rédigée en anglais, il est autorisé à y
répondre en français?
M. DORE: La pratique actuelle varie selon les différents
ministères. Mais il reste néanmoins que, dans la plupart des
ministères qui font affaires de façon habituelle avec des
anglophones, la pratique est de répondre en français. On tient
pour acquis que les personnes qui recevront les lettres en question seront en
mesure soit de se les faire traduire, soit de les faire corriger.
M. MORIN: Donc, la pratique varie d'un ministère à
l'autre. Est-ce qu'il existe des directives sur la question émanant du
gouvernement?
M. DORE: Oui, évidemment. Dans notre mémoire, si je ne me
trompe pas, on fait état précisément d'une directive qui
date de...
M. CLOUTIER: 1970/71...
M. DORE: ...1970/71 qui est assez précise à cet
égard et qui définit en gros à qui on doit expédier
des lettres en français et à qui on peut se permettre
d'écrire en anglais. Mais encore là, les fonctionnaires
provinciaux, comme les professionnels, ne sont pas tenus de connaître la
langue anglaise et ne sont considérés comme étant des bons
fonctionnaires que s'ils connaissent une autre langue que le français
et, à ce moment-là, si on leur demande de l'utiliser, il est
possible que certains l'utilisent. Disons que, de manière
générale, ce qu'on demande, c'est le français.
M. MORIN: Les variations que vous notez d'un ministère à
l'autre sont-elles autorisées par les directives ou s'agit-il
d'initiatives qui dépendent d'individus?
M. DORE: C'est-à-dire que la directive dit: On répond en
français d'une façon générale. Par contre, dans
certains ministères, à cause de circonstances
particulières et à cause aussi de la présence locale de
personnes qui sont capables de répondre dans d'autres langues, on admet,
ou on permet des réponses en d'autres langues.
M. MORIN: Très bien. Est-ce que je pourrais vous poser quelques
questions au sujet de deux ou trois exemples de francisation d'entreprises qui
ont été évoqués devant cette commission et qui sont
souvent donnés comme des parangons, des exemples parfaits de
francisation? Je songe en particulier à la société Aigle
d'Or. La comparution du Syndicat des fonctionnaires nous a déjà
permis d'évoquer ce cas. Et il semble bien que les résultats
aient été très moyens à la suite de tentatives de
francisation de cette entreprise. Est-ce que votre propre syndicat est à
même de nous éclairer sur ce cas précis?
M. DORE: Disons que je peux peut-être vous donner des
détails d'ordre général sur le prix que cette
opération a coûté. Le coût n'a pas été
tellement astronomique par rapport au budget gouvernemental. Cela a
coûté $166,430. Ce qu'il importe surtout de considérer,
dans le contexte de l'époque, ce sont les moyens énormes que le
petit office a été obligé de mettre à la
disposition de la compagnie.
De façon générale, la majeure partie de l'OLFQ
avait alors été littéralement mobilisée au service
de la société Aigle d'Or. 19 personnes sont entrées plus 2
experts internationaux du BEICIFP, le Bureau des études industrielles et
de coopération de l'Institut français du pétrole. Sur ces
19 personnes, on comptait en moyenne cinq traducteurs professionnels
contractuels, deux réviseurs techniques, trois dactylos à forfait
et deux coopérants français. Il y avait en permanence une moyenne
de 18 personnes qui travaillaient à ce projet, sans compter le person-
nel de secrétariat et deux personnes de la direction. Le travail qui a
commencé à peu près en août 1970 s'est
officiellement terminé le 31 mars 1971.
Le cahier pilote qui avait été conçu à ce
moment-là aurait pu être appliqué à n'importe quelle
raffinerie. Il comportait plus de 1,100 pages de texte. Il y a $82,630 qui ont
été pris à même le budget de l'OLF. Les affaires
intergouvernementales ont fourni $6,800, la coopération avec
l'extérieur $5,000.
Aigle d'Or a défrayé le coût de trois dessinateurs
et a mis ses moyens à la disposition de l'OLF, donc a quand même
assumé une partie du coût de l'opération. La Régie
des eaux du Québec a également fait faire à ses
professionnels quelques travaux de correction, la direction de l'énergie
et les laboratoires de mines aux Richesses naturelles, plus SOQUIP, ont
légèrement participé.
Il y a 5,750 pages qui ont été traduites. Aigle d'Or
maintenant travaille en français, semble-t-il. Ce fut la première
des deux sur quatorze. Placée où elle est, cette raffinerie
devrait, de toute façon, travailler en grande partie en français.
L'OLF lui en a donné les moyens.
Mais ce qui est grave dans cela, c'est que ce cas d'Aigle d'Or demeure
un cas unique dans le secteur du pétrole. En aidant Aigle d'Or, le
gouvernement pensait avoir des retombées dans la région de
Montréal, mais malheureusement les autres raffineries n'ont pas suivi
dans le sens qui avait été développé par la
raffinerie Aigle d'Or. A Montréal, on continue à travailler en
anglais, comme si le projet de loi n'avait jamais existé.
M. MORIN: Est-ce que vous êtes à même de juger du
comportement d'Aigle d'Or à la suite de tous ces travaux et de l'aide
fournie par l'office? Est-ce que certains de vos membres travaillent encore
à la francisation de cette société, aujourd'hui?
M. DORE: Non, pas à notre connaissance. C'est un fait qu'à
la raffinerie Aigle d'Or on travaille désormais en français.
M. MORIN: Bon.
M. DORE: II faut dire cependant que c'est à Saint-Romuald. Tout
le monde sait que les anglophones...
M. MORIN: Evidemment, cela avait l'avantage d'être une nouvelle
entreprise. Ce n'était pas une entreprise qui avait des habitudes
acquises en anglais de longue date.
Si nous parlions maintenant d'une entreprise qui, elle, a des habitudes
anglophones depuis longtemps qui est Noranda Mines. Depuis quinze ans, cette
société a tenté, grâce à des programmes
maisons, de transformer la situation. Est-ce que vous êtes en mesure
d'évaluer le résultat de cette opération?
M. DORE: Oui. Ces programmes maisons ont donné des
résultats assez étonnants. Les ingénieurs francophones de
la Noranda Mines sont présentement les plus réfractaires à
la francisation; c'est du moins ce que les professionnels de l'OLF ont
constaté. D'autre part, au niveau de la francisation, qui était
demandée et qui était organisée en collaboration avec
Noranda Mines, cette dernière a toujours refusé de participer
avec l'OLF à la francisation de ses opérations et de ses
entreprises.
M. MORIN: Est-ce qu'elle a donné des motifs pour ce
comportement?
M. DORE: Non, pas à ma connaissance.
M. CHARRON: Elle nous a dit, ici, que ses programmes maisons lui
apparaissaient plus efficaces que le programme suggéré par l'OLF.
Elle est venue, elle-même à la table où vous êtes
actuellement.
M. JASMIN: C'est peut-être pour cela que les professionnels de
l'OLF se sont sentis, d'après ce qu'ils nous ont dit, comme étant
des intrus à la Noranda Mines. Je ne sais pas si c'est la raison
officielle, mais c'est ce qu'on nous a rapporté.
M. MORIN: Notre impression, je ne sais pas si vous pouvez la confirmer
ou l'infirmer, c'est que c'était une francisation de façade, pour
ne pas nuire à la réputation de la compagnie au Québec.
Est-ce que vous êtes à même d'en juger vous-mêmes?
M. DORE: C'est l'opinion qui est émise, en tout cas, par les
professionnels de l'office.
M. MORIN: A votre avis, quelles raisons peuvent expliquer le
comportement des professionnels, notamment des ingénieurs francophones
de cette société? Vous nous avez dit qu'ils résistaient,
qu'ils étaient parmi ceux qui résistaient le plus, qui se
montraient le plus réfractaires à la francisation. Est-ce qu'il y
a une explication à un pareil comportement?
M. DORE: Bien, c'est-à-dire qu'il semble ici que la seule chose
qui puisse ressembler à une explication, c'est que finalement ces gens
sont habitués, depuis un nombre X d'années, à travailler
en anglais. Alors, il est très clair que changer une habitude de ce
type, d'autant plus que toutes les opérations sont... En tout cas, on
préfère utiliser les mots anglais. Face à cela, il est
très clair que les gens sont déjà habitués à
travailler en anglais. Cela peut être une explication. Maintenant, les
motifs d'ordre psychologique ou autres...
M. MORIN: Parce qu'il a été démontré
qu'à Hydro-Québec, depuis une douzaine d'années
maintenant, lorsque la société, la compagnie a résolu de
passer au français, les employés, fussent-ils professionnels ou
autres, s'y mettaient volontiers. Il fallait que l'impulsion vienne d'en haut
et qu'il y ait une politique bien définie de francisation. En
l'occurrence, est-ce que vous avez pu demander aux professionnels, est-ce que
vous avez pu savoir si leur résistance vient du fait qu'il n'y a pas de
politique définie de la société Noranda, ou bien si c'est
une résistance qui vient d'eux-mêmes?
M. JASMIN: Ecoutez, de toute façon, ce matin, on ne peut pas
parler en détail au nom des gens de 1'OLFQ de ce genre de questions qui
faisaient partie de leur travail. Tout ce qu'on peut peut-être avancer en
faisant une espèce de parallèle avec l'ascension, dans une
carrière, d'un professionnel à Hydro-Québec ou au
gouvernement du Québec, c'est que chez nous la langue n'est pas un
obstacle pour gravir les échelons et pour avancer. Comme vous le disiez,
si l'impulsion ne vient pas d'en haut, il semble peut-être imprudent
à un cadre ou à un ingénieur d'une compagnie anglophone de
tenir à vouloir travailler en français, et en même temps,
avoir la permission de gravir les échelons venant de la direction. A
Hydro-Québec, on ne se pose pas la question. Les ingénieurs
d'Hydro-Québec savent qu'en travaillant en français il peuvent
arriver à la tête. Cela peut être un blocage psychologique,
psycho-social, si vous voulez.
M. MORIN: Très bien. Pouvons-nous revenir brièvement sur
la question du transfert des employés de l'office à la
régie? J'ai eu l'impression, en vous écoutant tout à
l'heure, que c'est une question qui touche de près vos
intérêts professionnels. Pourriez-vous nous expliquer exactement
le fonctionnement actuel des transferts, tel qu'il est prévu dans la
loi, et nous dire comment vous aimeriez que ce transfert ait lieu?
M. DORE: Actuellement, lorsqu'on effectue une mutation, il y a une
procédure en bonne et due forme qui est faite et cette procédure
procède d'un certain nombre de critères, par exemple, pour
l'organisme récepteur, de quoi il a besoin; pour l'organisme pourvoyeur,
ce qu'il a envie d'expédier à l'organisme récepteur.
Est-ce que c'est strictement le professionnel à titre de personne ou si
c'est aussi le poste, etc.? Cette procédure, disons qu'il n'en est pas
question dans la loi. Je comprends. C'est une procédure qui est
fixée par règlement.
Par contre, ce dont il est question dans la loi, c'est du statut des
professionnels actuels de l'OLFQ. Alors, ces gens effectuent
présentement un travail qui leur tient à coeur; je veux dire qui
fait que ces personnes travaillent dans des conditions assez difficiles, dans
des locaux à proprement parler insalubres. Ces gens ont donc
intérêt à continuer à faire leur travail dans des
conditions qui sont meilleures.
Evidemment, dans un des chapitres de notre mémoire, on
précise différentes questions concernant leurs conditions de
travail comme telles.
Mais ce que nous voudrions dans la loi, c'est que les gens de l'OLF
aient une garantie de transfert à la Régie de la langue
française pour continuer d'oeuvrer dans le secteur où ils
oeuvrent présentement. Cela me semble essentiel puisqu'il y a
déjà des gens qui ont acquis, à cet endroit, une
expérience irremplaçable et que, d'autre part, au niveau de
l'OLF, il existe présentement une proportion phénoménale
d'occasionnels ou, enfin, de contractuels qui ne sont engagés, en fait,
que pour des périodes données, mais souvent ces périodes
données vont jusqu'à deux, trois ou cinq ans.
Cette situation est évidemment intenable pour les personnes qui y
travaillent. Pour les administrateurs de l'Office de la langue
française, c'est une situation qui est très difficile, compte
tenu du fait qu'ils sont toujours à la merci d'une modification de
politique.
M. MORIN: Pourriez-vous nous expliquer un peu comment il se fait qu'il y
ait tant d'occasionnels? Lors de l'étude des crédits du
ministère de l'Education, nous avons posé la question au
ministre, mais nous n'avons jamais pu vraiment aller au fond des choses. M. le
ministre pourra, sans doute, ajouter ses commentaires par la suite, je serais
intéressé à les connaître. J'aimerais demander
à votre syndicat quelle est votre perception de cette situation.
D'ailleurs, le chiffre que vous donnez 110 me parait un peu
supérieur à celui qu'on avait évoqué à
l'époque des crédits. Je crois qu'il était de 90 à
ce moment. Est-ce qu'il aurait augmenté depuis?
M. DORE: Cest fort possible.
M. MORIN: II est actuellement de 110?
M. DORE: Oui. De manière générale, on engage des
occasionnels pour des travaux qui ne sont pas permanents. Excusez cette
tautologie. Ce sont des gens engagés pour des travaux qui, à un
certain moment, vont finir ou, enfin, ne sont pas considérés
comme étant dans la marche normale de l'organisme. C'est la façon
habituelle d'engager des occasionnels. Par contre, il semblerait qu'à
l'Office de la langue française, à cause de problèmes que
j'ignore, on préfère procéder de cette façon
à différents engagements de personnel. Cette situation existe
dans plusieurs ministères et nous la considérons
intolérable pour les personnes concernées, mais aussi pour les
ministères en question puisque ces ministères risquent à
tout moment de se voir refuser l'octroi d'autres crédits pour
l'engagement d'occasionnels.
M. MORIN: Ce qui me frappe, c'est qu'il y ait plus d'occasionnels que de
permanents.
M. DORE: Nous aussi.
M. MORIN: Cest quand même une situation un peu rare dans la
fonction publique de trouver des organismes qui sont bâtis de cette
façon. Mais est-ce que vous avez une explication à cela?
M. DORE: La seule explication que nous avons trouvée est que nous
avons pensé que l'Office de la langue française était
occasionnel.
M. MORIN: Est-ce qu'il est normal qu'il y ait quelques occasionnels dans
un organisme comme celui-là ou si votre syndicat pencherait plutôt
pour que tous les membres soient permanents?
M. DORE: Tout dépendrait du caractère de l'organisme en
question. Il est bien sûr qu'il y a certains organismes dont les
opérations sont très précises, sont très
habituelles et ces organismes ont besoin de beaucoup moins d'occasionnels que
d'autres organismes.
Par contre, au niveau de l'Office de la langue française, je ne
pourrais pas vous donner de raisons précises pour lesquelles le
ministère a engagé tant d'occasionnels. Je sais, cependant, qu'au
niveau d'autres ministères il n'y a pas de raison d'engager des
occasionnels parce que, effectivement, ces occasionnels remplissent des
tâches qui, de toute façon, sont permanentes. Au niveau de
l'Office de la langue française, je ne saurais pas vous préciser
les raisons exactes pour lesquelles il y a tellement d'occasionnels.
M. MORIN: Une dernière question, M. le Président, s'il me
reste... Une minute ou deux minutes?
LE PRESIDENT (M. Gratton): II ne vous en reste pas, mais allez-y.
M. MORIN: Une dernière question au sujet de la Régie de la
langue française. Vous vous demandez pourquoi celle-ci doit être
composée de neuf membres non fonctionnaires et non seulement de
trois.
Pourquoi a-t-on éprouvé le besoin d'incorporer dans le
circuit linguistique des gens étrangers à la fonction publique,
au lieu de cadres jouissant d'une expérience irremplaçable?
Quelle est exactement votre position à ce sujet? Vous avez
soulevé la question, et j'aimerais bien que vous nous disiez, à
votre avis, combien des membres de cette régie devraient être des
fonctionnaires.
M. DORE: Un. Non, l'idée qui est élaborée dans le
mémoire, c'est la suivante. On ne voit pas l'utilité d'un conseil
de neuf membres dont les neuf, ou à peu près, seraient des
non-fonctionnaires, primo. Deuxièmement, ce qu'on voudrait aussi, c'est
qu'au sein du comité en question il y ait au moins un cadre, celui qui
dirige effectivement l'office ou la régie, qui soit présent lors
des délibérations de la direction de
la régie. Maintenant, les six autres personnes,
c'est-à-dire celles en plus du président et des deux
vice-présidents, on les verrait beaucoup plus comme des
personnes-conseils, comme cela existe présentement à l'OLFQ,
c'est-à-dire des personnes ayant acquis ou représentant un
certain nombre d'organismes ou d'options concernant la langue française
ou qui ont acquis une certaine expérience dans ce domaine, qui
pourraient devenir des membres-conseils de la régie et qui pourraient,
disons, siéger avec le président, les deux vice-présidents
et le directeur général.
M. MORIN: Mais les trois qui resteraient, qui seraient les
régisseurs à proprement parler, seraient-ils membres de la
fonction publique ou pas? Ils ne le seraient pas, je pense, dans votre
optique?
M. DORE: Non, je veux dire pas nécessairement.
M. MORIN: Bon.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Laporte.
M. DEOM: M. le Président, je veux juste souligner que je pense
que j'ai cru comprendre que le chef de l'Opposition avait dit que, dans la
mesure où l'entreprise avait une politique définie, on pouvait
assurer qu'il y aurait une francisation d'entreprise. Là-dessus, j'ai un
certain nombre de questions concernant Aigle d'Or. Vous nous avez dit qu'il
semblait qu'on travaillait en français à Aigle d'Or. Est-ce que
vous avez vérifié ou dans quelle mesure pouvez-vous l'affirmer?
Vous dites: "II semble", vous n'avez pas l'air sûr qu'on travaille en
français.
M. DORE: En fait, ce qu'on sait, c'est qu'ils travaillent en
français.
M. DEOM: Bon. Est-ce qu'à ce moment, quand une entreprise comme
Aigle d'Or où les travailleurs ont été
entraînés en français et qu'ils sont à un point
où ils ne peuvent même pas reconnaître les termes anglais
pour les différentes pièces mécaniques, vous qualifieriez
cela de résultats moyens ou est-ce que c'est réellement un
succès total?
M. DORE: Remarquez bien que la notion de succès total est
extrêmement difficile. Par contre, il existe un fait, c'est qu'on
travaille en français.
M. DEOM: Vous avez dit que l'expérience d'Aigle d'Or aurait pu
être appliquée à n'importe quelle raffinerie. Vous avez
parlé des retombées à Montréal. Est-ce que vous
êtes au courant du programme de francisation qui est appliqué
à British Petroleum?
M. JASMIN: Tout ce qu'on peut dire là- dessus, c'est que les
énergies, au niveau des professionnels à l'OLFQ, ont
été complètement mobilisées ou presque
complètement pour le cas d'Aigle d'Or. C'est la manière dont cela
s'est francisé. On a pris une entreprise dans un secteur francophone,
donc qui devait presque obligatoirement se franciser pour qu'il y ait du
travail qui s'effectue. Cette politique ne semble pas avoir eu de
répercussions là où normalement cela aurait dû en
avoir, c'est-à-dire de couvrir complètement le secteur
pétrolier dans une région aussi menacée que celle de
Montréal.
M. DEOM: C'est cela ma question. Est-ce que vous êtes au courant
du programme de francisation qui a été appliqué à
la suite de l'expérience d'Aigle d'Or à British Petroleum
à Montréal?
M. DORE: A British Petroleum en particulier, on n'est pas au courant.
Par contre...
M. DEOM: Alors, est-ce que vous êtes au courant des programmes de
formation qui ont été utilisés par Imperial Oil?
M. DORE: Ce que nous savons, c'est que le travail qui s'est
effectué à Golden Eagle, le travail de traduction, le travail
d'implantation de français à Golden Eagle dans le secteur du
pétrole n'a pas été utilisé ailleurs par d'autres
raffineries.
M. DEOM: Alors, ma question là-dessus est: Est-ce que vous
êtes au courant du processus qui est utilisé à
Saint-Romuald par rapport au processus qui est utilisé dans les
raffineries de Montréal-Est?
M. DORE: Vous parlez des processus de pétrole?
M. DEOM: Le processus technique.
M. DORE: Non, je m'excuse, je ne suis pas ingénieur.
M. DEOM: Alors, pour votre information, ce n'est pas le même
processus et les manuels d'opérations qui ont été
développés à Saint-Romuald ne peuvent pas être
appliqués ailleurs, parce que ce n'est pas le même processus.
M. MORIN: Est-ce que le député me permettrait une
question? Quand il dit: Parce que ce n'est pas le même processus, est-ce
qu'il veut dire que le processus de raffinage de l'essence est
différent?
M. DEOM: Complètement différent de celui de
Montréal-Est.
M. MORIN: Est-ce que cela empêche totalement l'utilisation des
résultats obtenus à Golden Eagle?
M. DEOM: Certainement. Quand vous faites
un manuel d'opérations pour un processus qui est
complètement différent, ce n'est pas la même chose. Vous ne
pouvez pas le transporter d'une entreprise à l'autre.
M. MORIN: Est-ce que le député me permettrait une autre
question?
M. DEOM: Oui.
M. MORIN: A Montréal-Est, quelle est l'étendue des efforts
de francisation qui ont été faits jusqu'ici, compte tenu du fait
que le processus est différent?
M. DEOM: J'en ai mentionné deux. Je pense bien que c'est
suffisant pour le moment.
M. MORIN: C'est parce que vous n'avez pas été très
détaillé et cela m'intéresse.
M. DEOM: J'ai parlé de British Petroleum, nos gens n'avaient pas
l'air au courant et j'ai ensuite parlé des programmes de formation
d'Esso, Imperial Oil.
M. MORIN: Est-ce que vous pourriez donner quelques détails pour
qu'on profite de vos lumières ce matin?
M. DEOM: Je vous en donnerai en particulier, M. le chef de
l'Opposition.
M. MORIN: Ah! Bien oui.
M. DEOM: Vous réduisez ma période de questions.
A la page 2, vous avez dit: La loi créera de grands
problèmes d'application aux professionnels des ministères.
Pourriez-vous m'énumérer deux ou trois de ces grands
problèmes, pas petits, mais grands?
M. DORE: Ces grands problèmes sont expliqués dans le
mémoire complet que vous avez sûrement reçu, mais disons
que, de manière générale, au ministère de
l'Immigration, c'est la question qui est soulevée dans le texte,
concernant la francisation des immigrants, au ministère de la Justice,
concernant les jugements...
M. DEOM: Quels grands problèmes voyez-vous au ministère de
la Justice?
M. DORE: C'est la question de savoir quel texte est
considéré comme valide au plan de la loi. D'accord?
M. DEOM: Alors, vous pensez que cela relève du ministère
de la Justice? Ce ne sont pas les tribunaux qui décident de cela?
M. DORE: Je veux dire...
M. JASMIN: Pour faire fonctionner la loi avant que cela aille en
jugement, avant que cela aille devant les tribunaux.
M. DEOM: Tout ce que le bill 22 dit, c'est que le ministre de la Justice
s'assurera que les jugements sont traduits. Alors, vous voyez des
problèmes importants là-dedans?
M. DORE: En tout cas, c'est qu'on voit toujours cela d'une façon
différente de la vôtre, étant donné qu'on applique
ce que vous décidez.
Au niveau de l'industrie et du commerce, c'est concernant la langue des
affaires. Concernant l'éducation, évidemment, on connaît
les problèmes dans l'enseignement. Concernant les institutions
financières, c'est concernant la francisation des raisons sociales.
M. DEOM: Quel problème voyez-vous là?
M. DORE: Voyez-vous, le problème qui s'est posé, c'est que
le mémoire a été rédigé par ceux qui
étaient intéressés. Il n'y a personne de l'exécutif
qui a touché au mémoire.
M. DEOM: Ah bon! Cela, c'est intéressant.
M. DORE: L'exécutif l'a endossé, le conseil
d'administration aussi, à l'unanimité. Normalement, ce qui aurait
dû se produire, c'est que l'exécutif aurait pu faire le tour des
ministères d'où viennent les différentes parties du
mémoire et on aurait pu, si on avait eu le temps... Quand on demande de
reporter ça à l'automne, ça aussi, ça faisait
partie de la démarche. C'est que pour une consultation
véritablement démocratique et complète, on aurait pu non
seulement avoir le temps de consulter tous nos membres, qui sont
répartis dans tout le Québec, mais en même temps, on aurait
pu avoir toutes ces questions de détail auxquelles, normalement,
auraient pu répondre ici les différents représentants de
chacun des ministères. Mais là, il aurait fallu avoir des
délégations spéciales,
M. DEOM: Si je comprends bien, vous n'avez pas consulté tous vos
membres?
M. DORE: Si vous nous en aviez donné la chance, peut-être
qu'on aurait pu le faire. C'est ce qu'on aurait souhaité. Quand on
demande de le reporter à l'automne, c'est exactement pour ça.
M. DEOM: Concernant ces grands problèmes, ce serait
peut-être intéressant pour le ministre que vous fassiez un
mémoire séparé parce que j'ai l'impression qu'il faudrait
peut-être étayer ça un peu plus parce que, dans ce que vous
me dites, je n'ai pas encore trouvé un grand problème
d'application.
M. DORE: Cela dépend de la façon dont on envisage les
problèmes.
M. DEOM: Si on prend juste le cas de la traduction, par exemple, il y a
des expériences qui se font à l'heure actuelle aux Etats-Unis, au
National Science Foundation, pour faire de la traduction automatique des textes
juridiques et des textes médicaux par ordinateur. Vous pensez que si
ça devait se concrétiser d'ici un an, à peu près,
ça pourrait être un gros problème de faire faire la
traduction par les ordinateurs?
M. DORE: Ce n'est pas au niveau des choses concernant la traduction,
surtout, d'accord? J'ai parlé du ministère de la Justice
où ça posait un problème. Effectivement, peut-être
qu'au niveau du ministère de la Justice le problème est
insignifiant; au niveau d'autres ministères il est important. Au niveau
du ministère de l'Industrie et du Commerce, où on parle de la
langue des affaires, ça peut être important au niveau de
l'implantation et de l'application des principes qui sont définis dans
la loi. Au niveau des Institutions financières, des raisons sociales,
etc. Au niveau de l'Agriculture, de l'Immigration, etc....
M. DEOM: L'agriculture?
M. DORE: ... ce ne sont pas nécessairement des problèmes
de traduction.
M. DEOM: A la page 3, vous dites: "Cet article seul aurait même
suffi d'ailleurs, puisque toute la vie au Québec pourrait ensuite
changer en conséquence. Vous nous dites qu'il aurait suffi de l'article
1 et tout le problème aurait été réglé. Je
voudrais que vous m'expliquiez comment on passe une loi avec l'article 1
uniquement et tous les problèmes sont réglés.
M. DORE: Cela semble un peu étrange comme affirmation. Ce sur
quoi on s'est fondé pour faire cette affirmation, c'est le fait que,
dans d'autres provinces, quand il s'est agi d'angliciser l'enseignement ou
d'angliciser les différents avis de la province, cela a
été extrêmement rapide et simple, cela a été
fait avec très peu d'articles. C'est ce qu'on veut dire par
là.
M. DEOM: Vous voulez dire dans une autre province, pas dans les autres
provinces?
M. DORE: On en a pris une, mais...
M. DEOM: C'est juste à partir de l'expérience de
l'Alberta, du Manitoba?
M. DORE: Du Manitoba.
M. DEOM: C'est juste à partir de l'expérience du Manitoba?
Vous dites que, si on avait fait la même chose qu'eux, on aurait
réglé le problème?
M. DORE: C'est-à-dire que l'expérience du
Manitoba est tout de même assez concluante, non?
M. DEOM: II y avait 20 p.c. de francophones au moment où ils ont
passé leur loi?
M. DORE: Quelque chose comme ça.
M. DEOM: A la page 9, vous dites: "La langue des manuels scolaires
à tous les niveaux doit être la langue officielle et en
français de qualité". Si je comprends bien, vous dites que les
manuels scolaires, même au niveau universitaire, devraient-être en
français? Puis en France, vous pensez que tous les manuels scolaires, au
niveau universitaire, sont en français?
M. DORE: On ne s'est pas posé la question à savoir ce qui
se passait en France.
On a tout simplement dit qu'étant donné qu'on demandait
que le système scolaire soit uniquement français, de la
maternelle à l'université, on prétendait que, compte tenu
de cela, il fallait que les manuels soient en français, parce qu'on sait
très bien qu'au niveau de l'université il y a une proportion
effarante des manuels qui sont en anglais présentement.
M. DEOM: Vous n'avez pas l'impression qu'en faisant cela vous
dégradez la formation universitaire? On va former les gens uniquement
à partir de livre français, on ne leur donnera pas le droit de
prendre des livres anglais, des livres allemands.
M. JASMIN: Ce n'est pas une question de ne pas avoir le droit, je
pense...
M. DEOM: ... compte tenu de la diffusion internationale de la
technologie. Vous n'avez pas l'impression qu'on va, à ce
moment-là, pour les techniciens et les ingénieurs,
dégrader la formation universitaire? Je prends juste un cas, la
sidérurgie, où les Américains ont perdu le leadership
technologique, qui est entre les mains des Japonais et des Russes. Les
ingénieurs qu'on forme aux universités en métallurgie, on
va leur enseigner la technologie française?
M. DORE: On parle ici, des manuels scolaires et non des instruments de
référence. Il est certain que pour être un bon...
M. DEOM: Oui, mais...
M. DORE: ... linguiste russe, il est très clair qu'on n'apprendra
pas cela en français. Pour travailler dans un domaine qui est allemand
à la pointe, par exemple, il est très clair qu'à la
faculté des sciences, si je ne me trompe, il y a eu un certain temps
où l'on enseignait aussi l'allemand; enfin, on suggérait aux gens
de suivre des cours d'allemand. On n'a rien contre cette façon de
procéder. Là où on en a, c'est au niveau des manuels.
M. DEOM: Mais vous ne pensez pas que du fait qu'on ait la chance
d'être voisin d'un Etat anglophone qui a les moyens de faire la
traduction de ces textes-là du russe à l'anglais, on devrait
peut-être profiter de ce cas-là?
M. DORE: C'est un peu comme les Mexicains qui ont la chance d'être
à côté, mais qui continuent à parler espagnol.
M. DEOM: Pardon. Il y a des manuels scolaires anglais dans les
universités mexicaines.
M. JASMIN: La question n'est pas de placer le problème sur le
plan individuel, de savoir si l'individu peut, s'il est en philosophie,
apprendre l'allemand ou non. Il y a grand avantage à apprendre
l'allemand s'il suit un cours de philosophie. Mais la question est de savoir si
un homme ou une femme au Québec peut normalement suivre un cours normal
dans sa langue. Il n'est pas question, je le pense bien en tout cas, de
traduire les bibliothèques. Cela ne va pas jusque-là. On veut
être un pays normal. Mais dans aucun pays, si on veut apprendre une
technique, il ne faut l'apprendre dans le pays d'origine de la technique bien
souvent. A ce moment-là, c'est une question individuelle, ce n'est pas
une question collective.
M. DEOM: Ma dernière question, M. le Président, c'est
comment vous décrétez des mesures de francisation uniformes pour
toutes les entreprises. Expliquez-moi cela.
M. DORE: Ce serait assez difficile, compte tenu du temps, de vous
expliquer tout le système. Par contre, il y a des gens à l'Office
de la langue française qui ont déjà défini des
procédures uniformes dans les principes et dans l'application
générale et qui seraient en mesure de le faire assez
rapidement.
M. DEOM: Ils ont défini une procédure uniforme?
M. DORE: C'est ce qu'on nous a dit. Evidemment, je ne travaille pas
là.
M. DEOM: Ah bon! Comment appliquez-vous une procédure uniforme?
Je vous donne deux cas. La Banque Royale, qui est une entreprise internationale
avec des succursales dans cinquante pays du monde, qui a son siège
social à Montréal, par rapport à la Banque Provinciale,
qui a un marché exclusivement provincial. Est-ce que vous pouvez
appliquer des mesures uniformes?
M. DORE: Vous dites...
M. DEOM: Le directeur général de la Banque Provinciale
traite uniquement avec des succursales situées sur le territoire
québécois. Le directeur général de la Banque
Royale, lui, est 2 p.c. de son temps en territoire québécois. Le
reste du temps, il est avec le monde. Est-ce qu'on sera capable d'appliquer les
mesures de francisation uniformes?
M. DORE: II est bien clair qu'il y a des situations particulières
à chacune des entreprises. Par contre, les mesures de francisation,
elles, peuvent être uniformes.
M. DEOM: A ce moment-là, vous n'avez pas l'impression que vous
atteignez un niveau tellement minimum qu'on n'atteint pas les objectifs
fixés dans la loi?
M. DORE: Je ne suis pas sûr de cela, parce que, de toute
manière, ce sont deux langues dont il...
M. DEOM: Pensez-y. Merci.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre de l'Education aimerait apporter
quelques précisions.
M. CLOUTIER: Je ne sais pas si le chef de l'Opposition souhaite que
j'éclaire sa lanterne au sujet des occasionnels, des contractuels de
l'office. Ce n'est pas le lieu, mais je le ferai volontiers s'il le
souhaite.
M. MORIN: Oui, puisque le ministre nous l'offre, pourquoi ne
profiterions-nous pas de l'occasion?
M. CLOUTIER: Brièvement, en saine administration publique, il n'y
a pas toujours intérêt à faire appel à des
permanents, lorsqu'il s'agit de tâches qui sont, soit temporaires, soit
sectorielles. Autrement, ce serait prendre pour une période très
limitée des employés qui entreront dans le cheminement habituel,
obtiendront la permanence d'emploi et, bien sûr, taxeront les ressources
de l'Etat. Il est bien évident que les syndicats qui ont des
intérêts légitimes de leurs employés à
défendre ont tout à fait raison de surveiller que le nombre
d'occasionnels ou de contractuels ne dépasse pas une certaine
proportion.
Il se trouve qu'à l'office c'est une opération très
particulière. La plus grande partie de l'opération de l'office,
actuellement, est de nature sectorielle et temporaire. Je ne vous donne que
deux exemples, parce que, encore une fois, il n'y a pas lieu de prolonger la
discussion. Le premier exemple concerne les travaux de terminologie. Lorsqu'on
fait faire des travaux de terminologie dans un secteur déterminé
comme le pétrole, ces travaux se terminent après un certain
temps. Il n'y a donc pas intérêt à engager 25, 30 ou 40
spécialistes pour le reste de leur vie. Dans un domaine aussi technique
que celui-là, les spécialistes ne sont pas polyvalents, quoi
qu'on dise. Il s'agit d'ingénieurs, souvent, qui ont une formation dans
un domaine très précis et souvent limité.
Il y a la question de la banque de terminologie. L'augmentation du
nombre d'occasionnels est liée à la banque de terminologie qui
est une création assez extraordinaire, puisque c'est la seule au monde
qui soit informatisée. De manière à pouvoir alimenter
cette banque, nous sommes obligés de faire appel à des dizaines
et des dizaines d'occasionnels pour rédiger les fiches. Voilà une
explication très générale.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, la commission vous remercie pour
votre présentation.
M. MORIN: Est-ce que je pourrais poser une question au ministre, avec sa
permission, à la suite de la déclaration qu'il vient de
faire?
M. CLOUTIER: C'est toujours avec plaisir que je réponds aux
questions du chef de l'Opposition.
M. MORIN: M. le ministre, dans la perspective du projet de loi 22,
combien prévoyez-vous, au cours des années qui viennent,
d'employés permanents et combien prévoyez-vous d'occasionnels?
J'entends à la régie.
M. CLOUTIER: Je ne peux pas répondre à cette question, M.
le Président. Il y a bien un plan d'effectifs et d'organisation qui a
été préparé, mais il ne serait pas dans
l'intérêt public que je le révèle actuellement
à cette commission. Les plans d'organisation et d'effectifs comportent
des conséquences assez importantes et toutes les étapes n'ont pas
été franchies de ce point de vue.
M. MORIN: Puis-je demander simplement au ministre si, dans la
perspective du bill 22, le nombre d'occasionnels ou la proportion
d'occasionnels est appelée à diminuer à tout le moins?
M. CLOUTIER: Cela dépendra des opérations. Chaque fois
qu'il sera nécessaire de faire des travaux terminologiques dans un
secteur particulier ou chaque fois qu'il faudra penser à une
opération du type banque de terminologie, il y aura intérêt
à faire appel à des occasionnels et des contractuels.
Pour ma part, je considère que l'administration publique doit
évoluer de plus en plus vers l'engagement de contractuels pour des
périodes limitées en fonction de tâches limitées.
C'est même dans l'intérêt de la fonction publique, parce que
ceci permet un renouvellement que l'on n'aurait pas autrement. C'est là
une orientation administrative.
M. MORIN: Oui. Cette orientation a du sens dans la mesure où l'on
va chercher des spécialistes qui occupent déjà des
tâches, soit dans l'entreprise, soit dans les universités.
Dans la perspective où l'on fait appel à des personnes qui
arrivent sur le marché du travail, vous avouerez, M. le ministre, que
c'est leur offrir bien peu d'occasions de faire carrière.
M. CLOUTIER: Ecoutez, on pourrait peut-être en reparler. C'est une
discussion passionnante, la commission de la fonction publique, par
exemple.
M. MORIN: Oui, mais je suis sûr que pour ces messieurs du
syndicat, cette question a une très grande importance.
M. CLOUTIER: Et je l'ai admis. Ce qui a plus d'importance pour eux, ce
n'est pas cela; c'est un point que vous n'avez pas soulevé, soit, le
transfert des employés. Cela a beaucoup plus d'importance pour eux. Vous
voyez que je vous connais, et, vous avez raison. Il s'agit d'une
modalité. Nous allons en étudier les possibilités. Il n'y
a rien, a priori, qui s'opposerait à ce qu'on envisage le transfert de
tous les employés. Nous allons voir. Quant aux modalités, nous
restons souples.
M. MORIN: Une dernière petite intervention, M. le
Président, avec votre permission. C'est qu'à l'office
actuellement il n'y a pas que des spécialistes qui soient occasionnels,
des experts qui soient occasionnels. Il y a également des
secrétaires et des sténodactylos.
M. CLOUTIER: Bien sûr.
M. MORIN: C'est peut-être la raison pour laquelle ces messieurs
voyaient là-dedans un reflet du caractère occasionnel de
l'organisme proprement dit.
M. CLOUTIER: Ecoutez, ce n'est pas sérieux. C'est ce que vous
essayez de prouver. C'est pour cela que j'ai apporté cette
précision. Les sténos qui sont actuellement occasionnelles sont
surtout à la banque de terminologie, alors que pour une période
très limitée il y a des centaines et des milliers de fiches
à faire entrer dans l'ordinateur. C'est aussi simple que cela.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, messieurs, merci.
J'invite maintenant "The Committee of Roslyn Elementary School and Home
and School Association" et son porte-parole, madame Patricia Roman.
M. CLOUTIER: M. le Président, le secrétariat des
commissions a attiré mon attention sur une demande qu'il a reçue
du Parents' Committee of the Protestant School Board. Il semble que ce
comité est composé d'à peu près des mêmes
membres que ceux du comité of Roslyn Elementary School and Home and
School Association, et que ces deux organismes souhaiteraient faire une seule
présentation dans les limites du temps. J'ai tout simplement dit
que je soumettrais la question à la commission. Je crois
comprendre que les points de vue sont les mêmes et que ces deux
organismes aimeraient se grouper pour éviter les
répétitions.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Très bien. Est-ce que la commission
est d'accord avec cette suggestion?
M. CHARRON: D'accord, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, j'invite... Est-ce que c'est bien
madame Roman qui est porte-parole?
MME ARREY: C'est madame Arrey.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Madame Arrey?
MME ARREY: Oui.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, je vous inviterais à nous
présenter ceux qui vous accompagnent et à noter que vous disposez
de 20 minutes pour faire votre présentation.
Roslyn Elementary School
MME ARREY: Merci beaucoup, messieurs. Vous êtes très
gentils de nous avoir accordé le temps maintenant.
Le Comité central des parents d'élèves du Bureau
métropolitain des écoles protestantes de Montréal est
élu par les comités d'école qui représentent les
parents d'environ 52,000 élèves de 75 écoles
élémentaires et de 22 écoles secondaires de l'île de
Montréal.
Nous protestons vigoureusement contre l'application du projet de loi 22
dans sa forme actuelle.
Nous comprenons bien le voeu des Canadiens français de
préserver et d'encourager leur langue, mais nous souhaitons qu'en
retour, ils comprennent aussi nos propres aspirations.
La responsabilité première des parents est de s'assurer
que leurs enfants reçoivent la meilleure éducation possible pour
leur avenir. Les parents d'élèves du Bureau métropolitain
des écoles protestantes de Montréal reconnaissent, depuis un
certain temps déjà, la nécessité pour leurs enfants
d'apprendre le français, et les programmes offerts à leurs
enfants se sont améliorés à la suite des pressions qu'ils
ont exercées sur le PSBGM.
Le temps consacré chaque jour aux programmes obligatoires de
français est accru et la qualité du français s'est
améliorée. Les innovations, comme l'immersion, introduites aux
différents niveaux produisent de très bons résultats.
Vous trouverez, à l'annexe no 1, les renseignements sur nos
programmes de français obligatoires et facultatifs.
Les chiffres de l'annexe no 2 montrent la croissance des programmes
d'immersion.
Selon la loi actuelle, les parents ont le droit de faire instruire leurs
enfants dans la langue de leur choix. C'est là un droit fondamental de
notre démocratie et les parents ne doivent, en aucun cas, en être
privés.
A notre avis, le projet de loi 22, au lieu d'accorder de vagues
privilèges, devrait définir clairement les droits existants des
minorités. La loi, telle qu'elle est proposée, laisse, dans trop
de domaines importants, la voie ouverte aux abus qui pourraient résulter
de règlements ministériels.
L'Office de la langue française, sans le bénéfice
de règlements, a encouragé et amélioré l'emploi du
français dans les affaires avec grand succès. La nouvelle
Régie de la langue française devrait poursuivre et étendre
cette politique, sans pour autant disposer des pouvoirs discrétionnaires
qui lui seront accordés selon le projet de loi 22.
Again, we insist that parent's basic right to choose the language of
instruction for their children must be maintained. We are part of the country.
There are two official languages, French and English. We live on the North
American continent and every parent must have the opportunity to have his child
learned as much as he can, if he so desires, to allow him to the best function
and maintain mobility in the world in which he lives.
We believe that the recommendations and amendments following are for the
benefit of all the people of the Province of Quebec and hope that these will
receive a very serious consideration before the final text of bill 22 is
proposed.
Now, I would like to ask Mr Polack, one of the members of the Central
Parent's Committee to just go over these amendments with you.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Mr Polack, would you also, please, for the
record, indicate the people accompanying you this morning.
MME ARREY: Perhaps, I should tell you. Mr Robb is vice-chairman of the
Central Parent's Committee; Mr Polack is also a member of the Central Parent's
Committee of PSBGM; Mrs Louise Vibien is a member from the Roslyn School
Committee and Mrs Joan Domville is also from the Roslyn School Committee.
M. MORIN: Est-ce que nous pourrions demander à nos invités
de faire lecture également des modifications qu'ils proposent?
MME ARREY: C'est cela que j'avais demandé. Mr Polack va continuer
pour moi.
M. MORIN: Très bien.
M. POLACK: M. le Président, on a pensé de soumettre des
amendements d'une manière positive quant au texte.
D'abord, quand on commence avec le préambule, nous avons
suggéré d'ajouter les mots: "Attendu que l'anglais est une des
deux langues officielles du Canada et que l'intention de la présente loi
n'est nullement de porter atteinte au droit à l'usage de la langue
anglaise..." Ensuite, je vais prendre seulement la section la plus importante
quant à nous. A l'article 8, du bill 22, nous suggérons
l'amendement suivant: "Une version anglaise de textes et documents officiels
sera fournie sur demande. En pareil cas, et sauf les exceptions prévues
par la présente loi, seule la version française est
authentique".
On a gardé tout cela. On a simplement dit: II n'y a pas
d'obligation de soumettre en même temps les textes français et
anglais, mais le texte anglais sera disponible pour ceux qui le
demanderont.
Quant à l'article 9 du bill 22, nous suggérons qu'il se
lise comme suit: "Si les anglophones constituent 10 p.c. ou plus des
administrés des organismes municipaux et scolaires, les textes et les
documents officiels de ceux-ci seront rédigés, à la fois
en français et en anglais".
En d'autres termes, pour ce qui se fait en français et en anglais
présentement, nous suggérons que là où il y a 10
p.c. d'anglophones il y aura obligation de le faire en français et en
anglais.
A l'article 10, nous faisons la suggestion suivante: "L'administration
publique doit, dans la mesure du possible..." Parce qu'on a pensé,
évidemment ici... Il s'agit de l'article qui dit: "L'administration
publique doit utiliser la langue officielle..." c'est donc le
français "... pour communiquer avec les autres gouvernements du
Canada et, au Québec, avec les personnes morales". Donc, on a
suggéré de dire: "... dans la mesure du possible". Evidemment, il
peut y avoir deux institutions de langue anglaise et nous n'avons rien contre
le fait que ces deux institutions continuent de communiquer en anglais.
A l'article 13, on a fait la suggestion suivante pour dire que le
français et l'anglais sont les langues de communication interne des
organismes municipaux et scolaires où les anglophones constituent 10
p.c. des administrés. Encore ici, on dit que, du moment où l'on
atteint le minimum de 10 p.c, il faut utiliser les deux langues.
En ce qui concerne les articles 48 à 51, la langue
d'enseignement, évidemment, c'est notre position, on a simplement dit: A
supprimer. Notre position est que la loi telle qu'elle existe maintenant, le
libre choix pour tout le monde doit être maintenu. Evidemment, ceci est
sujet à discussion, je le comprends bien.
Maintenant, nous n'avons pas voulu prendre toutes les sections. Nous
avons limité nos efforts surtout dans le domaine de la langue de
l'éducation. Si nous n'avons rien dit au sujet de la section des
affaires, cela ne veut pas dire que nous n'avons pas de remarques à
faire à ce sujet.
Nous avons voulu nous limiter strictement aux points les plus importants
selon nous.
Donc, nous sautons à l'article 52 et nous nous
référons à l'annexe de notre mémoire, parce que,
dans nos écoles et je crois que c'est important de le savoir
dans les écoles protestantes de Montréal, il y a un effort
énorme qui est fait maintenant dans le programme de français pour
les enfants. Nous avons un programme d'immersion de deux manières: il y
a l'immersion qui commence à la maternelle et il y a également un
programme d'immersion totale qui commence à la septième
année pour ensuite continuer dans les écoles secondaires. Nous
avons attaché à notre mémoire des statistiques pour
montrer que ce n'est pas seulement une question de mots. Vraiment, par le
pourcentage, on peut voir qu'il y a un intérêt énorme et
qu'il y a vraiment, de la part de la communauté anglophone, le
désir d'apprendre le français; ils font tout leur possible.
Evidemment, ils soumettent respectueusement qu'il ne faut pas le faire par la
coercition mais plutôt par la persuasion et, apparemment, ils sont
absolument de bonne foi. C'est pour cela que nous prétendons que les
annexes attachées sont d'une grande importance.
Maintenant, quand on tombe dans la section de la Régie de la
langue française, nous vous référons à l'article 62
et à quelques paragraphes, c), d), g) et d'autres, qui, à notre
avis, sont d'abord arbitraires ou pourraient être arbitraires, et les
pouvoirs de la régie sont peut-être trop étendus quant
à nous. Nous suggérons que cet organisme ait un rôle
plutôt consultatif. A l'article 67 du projet, nous suggérons ici
un amendement qui se lirait comme suit: Que ces listes servent d'unique
critère pour l'application des articles 9, 13 et 53. Donc on
enlève les mots "ces listes qui sont incontestables", parce que, quant
à nous, il faut qu'il y ait toujours le moyen de ce pouvoir d'appel
d'une décision. Quant à la régie même, nous osons
soumettre respectueusement, M. le Président, que la régie soit
composée de neuf membres dont deux représentent la
communauté anglophone. Ces membres comprennent le président et
deux vice-présidents, dont l'un représente la communauté
anglophone. L'idée, c'est que, quand on prend le pouvoir assez
étendu de la régie, on soumet qu'il devrait y avoir une
représentation de l'élément anglophone dans cette
régie pour qu'au moins, quand il s'agit de juger quelques
problèmes, elle puisse aussi soumettre son point de vue. Il peut y
avoir, par exemple, des enquêtes dans le texte de la loi tel quel.
Très souvent, il se peut qu'un membre de la régie, qui est de
langue anglaise ou anglophone, présente des idées, comme dans le
cabinet, par exemple, on a des ministres de langue anglaise, des anglophones.
Je suis certain qu'ils représentent aussi bien les intérêts
des Québécois que les ministres de langue française.
Il n'est pas indiqué dans le texte que tous les membres des
francophones. Nous soumettons
respectueusement qu'il faut qu'il y ait deux membres de la
communauté anglophone. Maintenant, à l'article 75, le quorum de
la régie, nous soumettons encore ici que le quorum est constitué
de cinq membres, dont le président et un vice-président, et au
moins un des membres présents représente la communauté
anglophone, parce que, dans le texte actuel, on a neuf membres. Si on a un
quorum de trois membres, cela veut dire qu'ils peuvent venir ensemble et
prendre des décisions sans que les six autres soient même au
courant de ce qui se passe. En augmentant le quorum à cinq membres, dont
le président et un vice-président, au moins, il n'y aurait pas ce
problème.
Maintenant, pour être conséquent, on a
suggéré, à l'article 76, un amendement selon lequel la
régie peut siéger simultanément en plusieurs divisions
composées chacune d'au moins trois membres, lesquels sont
désignés par le président. Nous suggérons
l'amendement suivant :
Les recommandations de chaque division doivent être
ratifiées par la régie. Donc, la section peut faire des
recommandations qui doivent être ratifiées par la régie
telles quelles.
Article 88. C'est l'article qui parle des enquêtes. L'article dans
le texte présent dit: Toute personne ou tout groupe de personnes peut
demander une enquête. Nous suggérons le texte suivant: Toute
personne ou groupe de personnes peut demander une enquête, qui ne se
poursuivra qu'après que les deux parties en cause auront
été entendues lors de l'audience préliminaire. En d'autres
termes, si quelqu'un, peut-être pour des motifs vexatoires, veut demander
une enquête, au lieu de commencer tout de suite avec cette enquête,
qu'il y ait une sorte d'audience préliminaire où l'autre partie
sera entendue pour s'expliquer et peut-être, dans beaucoup de cas, on
pourra décider qu'il n'y aura pas d'enquête du tout.
Nous suggérons également que le titre 5 de la loi sera
désormais un titre séparé pour prévoir le droit
d'appel. En d'autres termes, qu'il n'y ait pas de décision du ministre
de l'Education et du cabinet, mais de tous ces organismes administratifs, qu'il
y ait un appel général possible aux tribunaux. Dans notre
suggestion le titre 5 doit redevenir le titre 6 et ensuite on suggère de
supprimer les articles 115, 116, 118 et 124 qui sont la conséquence de
l'abrogation de la loi 63.
M. le Président, en quelques mots, nous sommes venus ici pour
montrer que nous ne sommes pas là pour attaquer cette loi ou le principe
de la loi, mais que nous croyons fortement qu'en travaillant ensemble,
francophones et anglophones, on pourra trouver une loi qui soit acceptable pour
tout le monde. Encore une fois, nous insistons là-dessus, nous avons
attaché les deux addenda pour donner des renseignements au point de vue
pratique d'année en année pour montrer le pourcentage d'enfants
qui suivent maintenant ces cours d'immersion et pour vraiment devenir bilingues
et être capables de jouer un rôle dans le Canada.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires de la
part des organismes?
M. ROBB: Je pense que Mme Vibien est...
MME VIBIEN: Je vais lire notre introduction pour nous identifier.
Mémoire des parents de Roslyn School sur le projet de loi 22. Ce
mémoire est présenté respectueusement à la
commission parlementaire par le comité d'école et le Home and
School Association de Roslyn School.
Roslyn est une école élémentaire protestante de 850
élèves. Elle tient aussi le second rang parmi les écoles
élémentaires du Bureau métropolitain des écoles
protestantes de Montréal et son Home and School Association compte un
nombre d'adhérents parmi les plus élevés de toutes les
associations appartenant à la Quebec Federation of Home and School
Association.
Roslyn a fait oeuvre de pionnier dans le domaine d'immersion
précoce au programme du français, grâce en grande partie
aux efforts résolus des parents. Ceux-ci, bien que désireux de
pourvoir leurs enfants d'une solide éducation anglaise étaient
aussi résolus à ce qu'ils acquièrent l'aisance en
français et ainsi les mettre à même de participer
pleinement à la vie de cette province. Actuellement, il y a 553 enfants
au programme d'immersion en français où ils s'instruisent
uniquement en français jusqu'en troisième année lorsque 31
p.c. d'enseignement anglais est amorcé suivi par 50 p.c. d'anglais en
quatrième jusqu'à la sixième. Ceux qui ne participent pas
à ce programme reçoivent cependant une instruction enrichie de
français et ils continuent souvent par un programme d'immersion à
la septième année.
Nous croyons devoir attirer votre attention sur ces points afin
d'établir positivement notre intérêt pour le
français et démontrer notre soutien aux objectifs du projet de
loi 22 de présenter la langue française et de promouvoir son
épanouissement et sa qualité. Dans notre rôle de parents,
nous vous présentons donc les observations et recommandations suivantes
quant aux paragraphes du projet de loi 22 qui traitent de l'enseignement...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Merci. J'invite le ministre de l'Education
à poser la première question.
M. CLOUTIER: Je remercie le comité de parents du PSBGM ainsi que
le comité d'école de l'école Roslyn pour la
présentation de leur mémoire. Je constate qu'il s'agit là,
en quelque sorte, d'une position commune. Je crois que ces deux groupes doivent
être conscients que les amendements qu'ils suggèrent changeraient
du tout au tout l'économie et la portée de la loi. Il est certain
que le projet de loi 22 fait du français la langue officielle et se
trouve à restreindre l'usage de l'anglais. C'est d'ailleurs son objectif
et les modifications proposées iraient à l'encontre même de
cet objectif.
Cependant, je pense que le gouvernement tiendra compte en particulier de
la section qui porte sur la régie. Il me semble y avoir des
recommandations intéressantes de ce point de vue. J'en profite pour
apporter une précision en ce qui concerne les classes d'immersion dans
le secteur anglophone. Ce n'est pas du tout l'esprit de la loi de vouloir
supprimer ces classes d'immersion; bien au contraire. Elles ont joué un
rôle extrêmement important et continuent de jouer un rôle
extrêmement important. Je sais pertinemment que c'est une occasion pour
les anglophones dans ce secteur d'acquérir une bonne connaissance de la
langue française. Si, par hasard, le texte de la loi, tel que
rédigé, n'est pas assez clair de ce point de vue, il sera facile,
en commission élue, d'apporter les précisions nécessaires.
J'aurai une seule question, sans vouloir engager de débats juridiques,
mais je crois qu'il est tout de même nécessaire de mettre les
choses au point. Cette question est en rapport avec la page 2 du mémoire
du comité d'école de l'école Roslyn, alors qu'il est dit:
"II importe que la législation qui mène à cette fin
n'enfreigne les droits et privilèges établis selon la Loi de
l'Amérique du Nord britannique, particulièrement aux paragraphes
93 et 133 et la Loi sur les langues officielles." Je ne sais pas si c'est une
simple remarque générale ou bien si c'est un jugement selon
lequel le projet de loi 22 enfreindrait ces droits. J'aimerais simplement un
éclaircissement que vous m'avez déjà donné,
semble-t-il, par votre mimique.
MME VIBIEN: Premièrement, je crois que la traduction n'est pas
très bonne. Nous avons écrit: "Insofar as", qui, je crois, est
traduit par "dans la mesure que". C'est un effort de notre part de
définir comment nous voyons la langue officielle. Alors, la façon
dont nous le voyons, c'est le français partout et, dans certains
endroits, il y aurait de l'anglais, aux endroits qui sont cités dans
l'article 133, aux articles qui sont cités dans la Loi des langues
officielles, et à l'article 93, le privilège qui existe selon
lequel nos commissions scolaires peuvent donner l'instruction en anglais.
M. CLOUTIER: Ecoutez, il faudrait peut-être s'entendre. Je serai
très bref. Pour ce qui est de l'article 133, il n'y a pas de
problème puisque l'article 133 n'est pas modifié. C'est là
un choix délibéré de la part du gouvernement parce qu'il
couvre, en quelque sorte, les droits individuels. Le gouvernement, même
en assurant la primauté du français, n'a pas voulu toucher aux
droits individuels sur le plan des communications. En ce qui concerne l'article
93, il s'agit là d'une protection qui touche uniquement la
confessionnalité. Les juristes, y compris probablement celui que vous
avez à votre droite, seraient sans doute de cet avis. D'ailleurs,
même si ce n'était pas le cas, ça n'entamerait pas en soi
le projet de loi. En ce qui concerne la Loi sur les langues officielles, c'est
une loi fédérale qui porte sur les activités du
gouvernement fédéral, sur les domaines de sa compétence.
Il s'agit, par conséquent, d'un bilinguisme dans les institutions
fédérales. Il n'y a pas, de notre point de vue,
incomptabilité à ce que le Québec proclame le
français langue officielle. Je m'arrête là et je vous
remercie.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, merci également, au nom de
l'Opposition, aux membres du Comité central des parents
d'élèves du Protestant School Board of Greater Montreal et de
l'école Roslyn. Je vous remercie de ce mémoire qui constitue une
marque de plus indiquant que le ministre de l'Education n'a reçu
jusqu'ici nous en sommes dans notre quatrième semaine
aucun appui à son projet de loi qui provienne du monde de
l'éducation, que ce soient des commissaires, des enseignants, des
comités de parents, des cadres scolaires. Tout le monde, dans ce
domaine, sans aucune exception, a dénoncé le projet de loi du
ministre.
Votre contribution n'est donc pas inutile pour la suite des travaux
qu'il nous restera à faire. J'ai deux questions à vous poser. La
première porte je l'ai tirée du même passage que
soulignait le ministre de l'Education tout à l'heure sur le point
où vous affirmez: "We are part of a country that has two official
languages, French and English".
Vous me permettrez de précéder ma question d'un
très court commentaire. Vous n'êtes pas non plus le premier groupe
à utiliser cette référence à la Loi des langues
officielles le premier groupe anglophone, devrais-je dire comme
étant une contradiction avec le geste modéré que pose le
gouvernement actuellement.
Nous avons, du côté de l'Opposition, toujours
cherché à trouver terrain où pareille comparaison peut se
maintenir et on n'a jamais réussi à le faire avec aucun groupe.
Mais cela me fait réfléchir à nouveau sur cette
utilisation de la Loi des langues officielles et ce qu'elle était
effectivement.
Lorsque le premier ministre du Canada l'a présentée, il y
a quelques années, il y a beaucoup de gens qui ont dit: C'est un
attrape-nigaud pour les francophones. En fait, cela ne changera rien dans la
réalité sociologique des provinces immensément anglophones
et cela servira de prétexte aux anglophones du Québec pour
maintenir leurs privilèges en disant: Vous voyez, dans les autres
provinces, le français est maintenant officiel. Il y avait des gens qui
dénonçaient ce projet de loi comme étant un vaste truc
politique de séduction que faisait le premier ministre du Canada pour
couper court à un mouvement d'indépendance.
Il me semble aujourd'hui que c'est malheureusement un de ses
alliés les plus soumis, les
plus fidèles, le gouvernement provincial, qui nous donne
l'occasion de faire la preuve de ceux qui soutenaient cette thèse au
moment de la présentation de la Loi sur les langues officielles. Les
seuls qui ont fait référence, contre le projet de loi à
cette Loi sur les langues officielles sont effectivement les anglophones du
Québec qui sont venus nous dire: Ailleurs, le français est langue
officielle. Ce n'est pas vrai, le français n'est pas langue officielle
ailleurs. Il l'est dans les institutions fédérales. En
théorie, vous pouvez toujours, demain matin, vous présenter au
bureau de poste de Prince Albert, Saskatchewan, et exiger de vous faire servir
en français. Bonne chance! En théorie, vous avez ce droit. Mais
le Manitoba n'a qu'une langue officielle depuis 1890 et c'est l'anglais. Il n'a
pas hésité, et d'ailleurs il a pris deux articles pour le faire:
le premier annonçait l'anglais comme langue officielle et le
deuxième donnait la date d'entrée en vigueur. Il n'y a pas eu
d'exception, pas de "néanmoins", ni de "toutefois", ni de "quoique". On
y est allé sans...
Le Nouveau-Brunswick, même avec une minorité imposante de
francophone, n'a qu'une langue officielle, n'a qu'un système
d'enseignement et il est anglophone. Le reste, ce sont des clauses bien
spéciales. Et encore, ne sont-elles pas toutes entrées en
vigueur.
Cette référence à la Loi sur les langues
officielles, est-ce qu'elle n'entre pas en contradiction avec la
réalité des neuf autres provinces canadiennes? N'avons-nous pas
le droit je ne prétends pas que la loi 22 le fait
même chapeautés par cette Loi sur les langues officielles qui
concerne les institutions fédérales, de faire ici ce que chacune
des neuf autres provinces a fait à l'égard de sa majorité,
c'est-à-dire décréter la langue de la majorité
comme étant la langue officielle de cette province, établir la
langue d'enseignement de cette province selon la langue de la majorité
et prendre toutes les mesures possibles pour que la langue de la
majorité devienne et soit effectivement vous ne le contesterez
pas dans les neuf autres provinces la langue de travail, la langue
d'affichage, la langue de vie quotidienne, la langue sociale?
Tout en demeurant dans l'hypothèse canadienne que, j'imagine,
vous soutenez, puisque vous avez fait référence à cette
appartenance que nous avons au Canada, même tout en soutenant cette
théorie canadienne que, pour ma part, je ne soutiens plus, mais pour
entrer dans la logique de votre mémoire, où est cette obligation
pour le Québec ou cette interdiction au Québec de procéder
chez lui de la même façon que les neuf autres provinces ont pu
procéder, même sous la Loi sur les langues officielles?
M. POLACK: II y a ici un des membres qui va répondre, M. le
député.
MME ARREY: Allez, M. Robb.
M. ROBB: Je ferai simplement une petite suggestion. Je pense que nous
sommes ici, à Québec, pour régler notre problème
concernant le bill 22. Nous sommes des Québécois parlant
anglais.
M. CHARRON: Ce n'est pas moi qui ai fait la référence,
c'est vous.
M. ROBB: Faite simplement des suggestions. Il sera nécessaire de
régler les problèmes de notre propre situation, ici à
Québec. Si le raisonnement du bill 22 est de prendre une revanche ou de
susciter une réaction de la part des autres provinces, je pense que le
bill 22 ne vaut rien. Pour ma part, je pense simplement que nous sommes venus
ici pour régler des problèmes. Je ne peux pas expliquer. Il y a
de la discrimination ici, à Québec, il y a de la discrimination
dans d'autres provinces.
J'espère que le bill 22 contribuera à éviter cette
discrimination. C'est pourquoi, je pense, notre comité soumet ce
mémoire.
M. CHARRON: J'admets votre réponse, mais vous admettez avec moi
qu'elle est curieuse, après avoir été vous-mêmes les
initiateurs de cette référence au Canada. J'ai l'impression que
plusieurs groupes anglophones ont fonctionné de la même
façon que vous fonctionnez ce matin, à la table de la commission.
Ils abondent en références au succès du français
dans les autres provinces depuis la Loi sur les langues officielles, à
l'ouverture d'esprit que l'on manifeste dans les autres provinces.
Mais les membres de la commission viennent parfois un peu refroidir les
esprits en donnant des statistiques d'assimilation ou en disant: Est-ce que
vous enviez la situation des minorités francophones dans les autres
provinces? Là, on nous prie de ne plus soutenir la comparaison avec le
Canada. Cela fait jusqu'à ce qu'on retourne la comparaison et qu'on
montre ce qui, ici, je pense, des deux côtés de la table,
apparaît comme une réalité, c'est-à-dire que le
Canada est une réalité sociologique anglo-saxonne où sont
disséminées, à quelques endroits, des minorités qui
vivotent. Personne va nous faire croire que, depuis la Loi sur les langues
officielles, le français a fait un bond prodigieux en Saskatchewan.
Même si, demain matin, vous me disiez qu'il y a un CEGEP français
à Calgary-Sud, cela ne changera en rien, quant à moi à mon
intérêt à défendre le français là
où il est majoritaire. Tant mieux si les francophones de la
Colombie-Britannique réussissent à "grenouiller" une école
à cinq places, dans le fond d'un rang. Tant mieux, je le souhaite pour
eux. Mais si cela leur est donné et que cela leur arrive à
n'importe quel coin, ce n'est pas une raison pour m'arrêter.
Quand vous faites référence à cette appartenance
canadienne, est-ce que vous, comme minorité, vous accepteriez le
régime de membre d'une minorité au sein du Québec? Puis-je
faire cette référence?
M. ROBB: Je n'aime pas les définitions de "minorités" ou
de "majorités".
M. CHARRON: Je le sais. C'est la définition même d'une
minorité de ne pas aimer ce genre de comparaison.
M. ROBB: Pour aller à la base de la question, le Canada est un
fait. Quand, dans notre mémoire, nous avons fait référence
à l'Amérique du Nord, c'était un fait et c'est notre
responsabilité. Comparons. Pour préparer nos enfants à
soutenir la concurrence en Amérique du nord, je fais
référence au Canada. Franchement, je ne suis en aucune
façon nationaliste. Je demande les droits d'une personne comme le
Dr Cloutier s'y est référé plutôt les droits
individuels, le droit d'éviter de la discrimination, mais si on veut
parler des droits de groupes minoritaires, je pense que cela change un peu la
discussion et lui fait prendre une direction qui donne une vraie solution.
M. CHARRON: Cela me fait très drôle d'entendre de la part
d'un Anglo-Saxon... Je crois que vous êtes Anglo-Saxon.
M. ROBB: Ecossais.
M. CHARRON: Cela me fait très drôle d'entendre...
M. ROBB: Québécois depuis 150 années.
M. CHARRON: ... un Québécois d'origine écossaise
nous demande de faire abstraction de cette référence à la
majorité ou à la minorité, s'il y a un peuple et une
civilisation qui ont contribué à édifier tout leur
régime politique, économique, social en fonction de cette
règle de la majorité et de la minorité, si nous
fonctionnions ici dans des institutions britanniques où la règle
fondamentale est celle où la majorité impose sa volonté
à la minorité, je trouve cela très curieux. Je dirais
même que c'est un déchirement de racines que vous êtes en
train de nous faire. Vous nous avez appris à dire: Quand la
majorité décide, la minorité se plie. Nous l'avons
toujours fait dans le Canada, notez bien, parce que nous avons toujours
été une minorité. Nous nous sommes toujours pliés,
enfin, jusqu'à ce qu'on décide d'être une majorité
là où nous le sommes.
Mais actuellement, que vous nous priiez, au moment où on discute
d'une question très importante, où majoritaires chez nous, nous
sommes minoritaires et fortement sur un continent, nous pensons à
protéger notre langue, vous nous dites: Oubliez ces distinctions
artificielles de majorité et de minorité et parlons de
Québécois. Encore une fois, je trouve que vous soutenez souvent
des arguments que, au moment où ils ne commencent plus à vous
servir exactement comme vous voudriez, vous travaillez vous-même à
la discréditer, même s'ils vous ont servi pendant un bout de temps
à vous rendre là où vous êtes et à nous
parler sur le ton dont vous nous parlez qui, notez bien, est beaucoup plus
modéré et poli que ne l'ont fait les commissaires du Protestant
School Board of Greater Montreal que nous avons entendus la semaine
dernière.
M. ROBB: Ceci est tout simplement un commentaire. Je pense que nous nous
sommes éloignés de la discussion. Mais je pense que
c'était une explication des institutions britanniques de dire qu'elles
adoptaient des positions de règle majoritaire. Vraiment, il y a plus que
cela dans la constitution britannique. Il y a des défauts, bien
sûr. Mais il y a autre chose, et une des choses dans la constitution
britannique, c'est la capacité des individus et des minorités de
s'exprimer, parce qu'on le fait depuis des années, c'est un endroit
où on s'attache aux minorités.
M. CHARRON: Puis-je vous donner un tout petit exemple avant ma
dernière question de ce que je veux dire quand je dis que vous
abandonnez facilement la théorie de la majorité et de la
minorité? Vous suggérez comme amendement c'est le chef de
l'Opposition qui me le signalait tout à l'heure à
l'article 75, que le quorum de la régie selon vos amendements
est constitué de cinq membres dont le président et un des
vice-présidents. Au moins un des membres présents
représente la communauté anglophone. Cela veut dire que, si un
des membres présents ne représentait pas la minorité
anglophone, mais qu'il y aurait majorité des membres de langue
française de la régie, vous paralyseriez les travaux de la
régie ou les décisions de la régie, parce que la
minorité ne serait pas représentée. Vous voyez! Vous allez
même jusqu'à vous garder un droit de veto. Enfin, je ne veux pas
entrer en discussion sur votre amendement à la régie, de toute
façon pour l'importance que la régie elle-même aura
à appliquer une loi aussi insatisfaisante, mais c'est simplement pour
vous montrer l'état d'esprit qui arrive souvent. C'est que vous nous
demandez de faire abstraction de majorité et de minorité, et vous
réservez, à ce moment, à une minorité un pouvoir
qui peut complètement bloquer le processus...
M. POLACK: Est-ce que je peux répondre à cela, M. le
député?
M. CHARRON: Oui.
M. POLACK: Vous avez mal compris ce texte. Ce n'est pas du tout ce qu'on
a dit, à savoir qu'on aura un représentant et on bloquera le
travail. Vous avez fait un discours politique. Nous sommes venus ici, ce matin,
pour échanger des idées de manière positive.
C'était notre attitude dès le commencement. Quand on a dit, M. le
député: Au moins un des
membres représente la communauté anglophone, on a voulu,
simplement avoir une représentation parmi ces cinq. Vous êtes
encore avec quatre contre un. C'est tout, si vous commencez à compter.
Donc, je prends exception au fait que vous, vous prenez un article de cette
représentation sur lequel nous avons fortement travaillé...
M. CHARRON: Ecoutez...
M. POLACK: ... d'une manière positive, et vous, vous prenez cela
et vous accusez notre groupe ici d'avoir encore des éléments de
colonialisme, etc. Nous n'avons pas fait de discours politique. Vous en avez
fait un. Je pensais qu'on était venu ici pour répondre
intelligemment à vos questions. Nous sommes prêts à
répondre à ces questions, M. le député.
M. CHARRON: Ecoutez...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! Si le
député de Saint-Jacques me le permet, je note que la discussion
prend l'allure d'un débat. Je note également qu'il reste environ
quatre minutes à l'Opposition. J'inviterais le député
à poser ses questions.
M. CHARRON: Bon! Je vais en avoir une dernière. Mais vous ne me
ferez quand même pas dire que votre article 75... Ce n'était
peut-être pas votre intention, mais tel qu'il est écrit
actuellement...
M. POLACK: Nous sommes de très bonne foi!
M. CHARRON: ... Bon! Tel qu'il est écrit, alors vous l'avez mal
écrit...
M. POLACK: On va le refaire.
M. CHARRON: C'est comme la loi 22. Elle a été mal
écrite. Bon!
M. POLACK: Tous ensemble.
M. CHARRON: Bon! Ce sera à refaire.
Je veux vous poser une dernière question au sujet du chapitre de
la langue d'enseignement que vous suggérez. Vous suggérez ni plus
ni moins de retirer le chapitre en entier, et vous déclarez comme droit
fondamental ce qui n'a été reconnu nulle part le
libre choix de l'école d'enseignement.
Le ministre vous a donné la garantie que, dans votre
système scolaire, le secteur anglophone pourra toujours maintenir des
initiatives pédagogiques comme les classes d'immersion. Le bill 22,
devrait-il être appliqué demain matin, ne vous l'interdit pas.
Donc, une peur de moins.
Deuxièmement, est-ce qu'il y a quelqu'un qui vous a parlé
de vous retirer votre libre choix, comme vous appelez cela, à vous,
anglophones? Est-ce que vous avez entendu un des deux partis politiques,
membres de cette Assemblée nationale et même celui qui est
absent ce matin est-ce que vous avez entendu des gens dire que les
anglophones n'auraient pas le droit d'aller à l'école
française? Nous fonctionnons avec la théorie de la
majorité et de la minorité et nous pouvons estimer qu'une
majorité peut fermement inciter une minorité à partager sa
vie culturelle dans tout le respect de sa propre vie individuelle, mais il
n'est aucunement question de retirer le libre choix aux anglophones. Vous
êtes encore une fois partis, il me semble, sur une mauvaise
interprétation de la loi. Personne, encore moins la loi, et encore moins
les propositions inverses de l'Opposition ne visent à vous retirer ce
libre choix. Ce dont nous parlons, c'est du libre choix des francophones et ce
sont les francophones eux-mêmes qui ont défilé à
cette table et tous ceux qui ont abordé cette question, à
quelques exceptions près, nous ont demandé de retirer ce libre
choix parce qu'ils considèrent que cela met leur vie en danger.
Vos écoles ne sont pas en danger. Tout le monde s'engage autour
de cette table à maintenir le secteur anglophone à sa taille
actuelle, tel qu'il est, avec sa croissance normale, selon la minorité
anglo-saxonne de 13 p.c. que comporte le Québec. Personne ne veut vous
interdire d'envoyer vos enfants à l'école française si,
par hasard, vous jugez la méthode d'immersion que vous vantez
inefficace. Qu'est-ce que vous exigez de plus?
M. CLOUTIER: Un point de règlement, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le ministre de l'Education sur un point de
règlement.
M. CLOUTIER: Je me permettrai seulement de suggérer au
député de Saint-Jacques de parler pour son parti politique et de
cesser de toujours utiliser tous les membres de la commission à l'appui
de ses thèses.
M. CHARRON: Ce que vous ne pouvez pas faire, je pense.
M. MORIN: M. le ministre, est-ce que vous voulez dire que vous
êtes en désaccord sur ce que vient de dire le député
de Saint-Jacques?
M. CLOUTIER: Pas du tout. Mais je pense que c'est une habitude qu'il a
prise et, lorsqu'il y aura un débat, nous ferons le débat. Je
crois que la personne qui a réagi tout à l'heure avait
parfaitement raison, selon le sens de nos règlements, de bien indiquer
qu'on n'était pas ici pour faire des discours, mais pour se laisser
éclairer lors de la présentation d'un mémoire. A cinq ou
six reprises depuis un certain temps, le député de Saint-Jacques,
à l'appui de ses thèses
qu'il pourra défendre en temps et lieu, essaie d'agrandir son
espèce de consensus.
Je ne veux pas prononcer de jugement de valeur pour ou contre, mais je
lui suggère tout simplement de parler pour sa paroisse et de nous
laisser nous occuper de la nôtre.
M. CHARRON: Je crois que je commence à avoir autant d'appuis dans
le cabinet que le ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: Est-ce que le journal des Débats va enregistrer le
rire qu'on vient d'entendre parce qu'il est significatif?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Gouin.
M. BEAUREGARD: J'aurais une ou deux questions courtes à poser,
particulièrement sur le mémoire des comités de parents de
l'école Roslyn. A la page 1, je note que vous dites: "Roslyn is a
Protestant elementary school serving 850 children." Un peu plus loin, vous
dites: "At present, 553 children are in the French immersion program." Est-ce
que ce sont bien les chiffres exacts? Vous voulez dire qu'il y a 553 enfants
sur 850 enfants qui font partie du programme d'immersion?
MME VIBIEN: 553 enfants sont dans les classes d'immersion.
M. BEAUREGARD: Vous avez, en somme, au-delà de 60 p.c. de vos
étudiants qui suivent des cours d'immersion...
MME VIBIEN: Oui.
M. BEAUREGARD: ... c'est-à-dire le français exclusivement
jusqu'à la troisième année, etc.
MME VIBIEN: C'est cela.
M. BEAUREGARD: Bon. Ma question serait la suivante. Il est
évident que ces enfants seront certainement capables d'utiliser la
langue française d'une façon fonctionnelle à la fin de
leurs études élémentaires. D'autre part, nous avons vu ici
des associations, particulièrement francophones je crois que
c'étaient uniquement des associations francophones qui sont
venues nous exposer les dangers d'enseigner une langue seconde à un
âge trop tendre.
Ces associations, il y en a eu plusieurs, ont même cité des
auteurs, des experts, selon lesquels c'était très dangereux, que
cela mélangeait les structures de la langue maternelle dans l'esprit des
enfants et que c'était vraiment très menaçant pour la
langue maternelle.
H est évident que des spécialistes défendent la
thèse inverse. Par exemple, le Dr Penfield, à ma connaissance,
dit au contraire que l'enseignement de la langue seconde doit se faire à
un âge très tendre, même à l'âge, de trois ou
quatre ans. Vous ne semblez pas, et c'est la même chose pour le
comité des parents du Protestant School Board of Greater Montreal,
craindre ce danger, puisque vous enseignez le français, même
à l'école maternelle. Il y a des avantages évidents
à le faire, je veux dire que les enfants deviennent bilingues
rapidement. J'en arrive à ma question, il y a déjà cinq ou
six ans que vous le faites, quels sont les résultats jusqu'à
maintenant? Est-ce que vous avez noté des inconvénients
sérieux à cela?
M. ROBB: Je crois que je peux répondre à cette question.
Je suis père de trois enfants qui ont participé à des
programmes d'immersion depuis six ou sept ans. J'ai eu l'occasion, comme membre
de Bureau protestant, de regarder les résultats. Jusqu'à
maintenant, on peut dire qu'il n'y a aucun résultat sérieux, et
peut-être un avantage. Les enfants qui ont suivi ce cours étaient
un peu plus créateurs. Vraiment, on doit regarder ce cours d'immersion
comme une expérience qui va devenir de moins en moins une
expérience comme ce fut le cas, les années passées.
Pendant l'expérience d'implantation de ces cours d'immersion, j'ai
trouvé que les éducateurs avaient beaucoup de théorie,
mais aucune pratique, aucune expérience. Nous regardons ces cours comme
une expérience qui peut aider toute la province. Il y a des questions
qui peuvent aider les enfants dont la langue maternelle est le français,
je ne sais pas. Mais c'est à quelqu'un d'autre de faire ces
expériences dans cette cause. J'ai entendu toutes les théories
qui sont présentées, et je ne peux voir aucune expérience
aussi complète que l'expérience qui a été faite par
le Bureau protestant dans ce domaine, et aussi par les autres commissions
scolaires. La première classe d'immersion était à
Saint-Lambert sur la rive sud.
M. BEAUREGARD: Vous dites que vous n'avez noté aucun
inconvénient sérieux. Est-ce que vous avez noté certains
inconvénients, même s'ils ne sont pas très
sérieux?
MME DOMVILLE: Les problèmes des normes, c'est très
difficile à administrer, parce qu'il faut diviser les classes; alors, il
y a des problèmes au point de vue des administrateurs qui sont
énormes. Nous, comme parents, nous sommes très satisfaits des
résultats que nous avons obtenus jusqu'à maintenant.
M. BEAUREGARD: Maintenant, je parle d'inconvénients au niveau des
enfants. Sous l'administration, il est possible qu'il y ait des
inconvénients. Est-ce que vous en avez noté...
MME DOMVILLE: Au point de vue des parents, non.
M. BEAUREGARD: ... au niveau de l'apprentissage, par exemple, de la
langue anglaise, ou au niveau des enfants eux-mêmes?
M. ROBB: Dans le cas des enfants inadaptés, il y a un
problème sérieux parce qu'il n'y a aucun cadre professionnel
français qui peut nous aider. Nous avons essayé d'en trouver
pendant les deux ou trois premières années. Pour une
expérimentation correcte, il faut qu'on applique des mesures à
tous les enfants, mais ces enfants ont des problèmes et nous n'avons
pas, dans le cadre du Bureau protestant, l'assistance nécessaire.
M. BEAUREGARD: Je note ici une dernière question
rapidement dans votre mémoi-re, que vous avez augmenté
proportionnellement, aussi bien à la maternelle qu'à
l'école élémentaire, la proportion des étudiants
qui suivent des cours d'immersion en français. C'est passé de 2
p.c. à la maternelle en 1968-1969 à 18 p.c. en 1973-1974. Au
niveau de la septième année, il y en avait 5 p.c. en 1969-1970 et
34.5 p.c. en 1973-1974, soit 1,567 étudiants. Cela est pour l'ensemble
du Protestant School Board, si je comprends bien, au-delà du tiers, en
somme. Si cette proportion grandissante se maintient au cours des cinq
prochaines années, j'imagine que tous les étudiants ou presque
tous suivront ces cours d'immersion et seront tous, déjà en
septième année, tout à fait bilingues, à toutes
fins pratiques, ou pourront certainement utiliser la langue française
d'une façon fonctionnelle et compétente. Est-ce que je peux vous
demander si vous avez l'intention de continuer à donner ces cours
d'immersion et de continuer à les offrir à un nombre de plus en
plus grand d'élèves?
M. POLACK: Si je peux répondre à cette question, M. le
Président, c'est qu'il n'y aucun doute que le pourcentage augmente
rapidement. Vous constatez, par exemple, que nous sommes déjà
à 34.5 p.c. pour l'année 1973 et, pour 1974, ce sera encore plus.
J'ai moi-même trois enfants qui sont tous les trois dans ce
système. J'ai un garçon qui a seize ans, qui est donc dans le
premier groupe et qui a commencé l'immersion en septième
année. Il a continué cette immersion à l'école
secondaire où on donne 60 p.c. en anglais et 40 p.c. de tout le
programme en français. Et cela, sans la nécessité d'un
bill de la part du gouvernement, c'était simplement l'intention des
parents. C'est nous qui avons mis la pression sur la régie scolaire
protestante de Montréal pour commencer ce programme il y a cinq ou six
ans.
M. BEAUREGARD: Est-ce que vous avez l'impression que les parents vont
continuer à demander ce programme et en nombre grandissant?
M. POLACK: Oui, ils vont continuer. Evidemment, je soumets que tous ces
enfants, quand ils auront fini ce programme, seront plus ou moins
bilingues.
M. BEAUREGARD: Oui, mademoiselle?
MME ARREY: Vous devriez entendre les jeunes qui sortent du secondaire et
qui ont passé par l'immersion. C'est un plaisir.
M. CLOUTIER: Je le sais pour être allé visiter ces classes
et c'est remarquable comme résultat. Il est bien évident que,
plus il y aura d'anglophones qui parleront français, plus le fait
français s'en trouvera renforcé au Québec.
M. BEAUREGARD: C'est certain. Je vous remercie, M. le Président.
C'était ma dernière question.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jean.
M. VEILLEUX: J'ai une question à poser aux représentants
qui sont devant nous ce matin. D'abord, je tiens à vous dire globalement
que vous arrivez probablement aux mêmes conclusions que le PSBGM et que
votre présentation est très bonne. Je tiens à vous en
féliciter.
J'aurais quelques questions à vous poser concernant le test
pédagogique qu'on a inclus dans le projet de loi 22. Est-ce que,
fondamentalement parlant, vous voyez un inconvénient à de tels
tests pédagogiques pour un étudiant qui décide de passer
d'un secteur à un autre? Parce qu'assez souvent on reproche au projet de
loi 22 de restreindre la liberté des anglophones ou des francophones,
compte tenu qu'on y inclut un test pédagogique lorsqu'ils veulent passer
d'un secteur d'enseignement à l'autre. Est-ce que vous voyez
réellement une contrainte dans ce choix de liberté ou si c'est
uniquement un critère d'évaluation pour pouvoir classer, comme on
se doit, l'étudiant qui passe d'un secteur à l'autre?
M. POLACK: Si je peux répondre à cette question, d'abord,
quand vous nous félicitez pour la présentation de notre
mémoire, je vous remercie, vous le comparez avec la régie
elle-même. Nous n'étions pas d'accord sur celui
présenté par la régie en principe, parce qu'à notre
avis, c'était beaucoup plus négatif que la nôtre. Nous
pensons vraiment que notre présentation est positive, nous ne sommes pas
ici pour attaquer cette loi, la détruire, nous essayons de
défaire vos arguments, mais d'une manière positive. C'est pour
ça que j'ai pris en exception les remarques du député de
l'Opposition. Vraiment, tous ceux qui ont travaillé sur ce
mémoire sont de bonne foi et prêts à coopérer.
Maintenant, au point de vue du test, évidemment, dans notre
idée, il faut avoir le libre choix, pour les parents, de décider
à quelle école ils veulent envoyer leurs enfants. J'ai bien
l'impression qu'on ne nous donnera plus le bill 63 tel quel. Disons que s'il y
a, dans le texte de loi telle qu'il existe maintenant... On passe au
système de tests, on a peur, encore une fois, qu'il y ait des
décisions arbitraires qui peuvent varier d'une régie à
l'autre ou, au moins, il faut
comme aux anglophones, ne l'enlève qu'aux immigrants qui ne
s'expriment, comme monsieur le mentionnait, ni en français ni en
anglais, s'ils viennent des Pays-Bas, par exemple, ou...
M. POLACK: Evidemment, pour les immigrants, il n'y a pas de choix du
tout. Donc, si j'étais venu des Pays-Bas, j'aurais été
obligé de suivre le cours primaire, admettons que j'arrive comme jeune
enfant, dans une école française. Tandis que peut-être mes
parents auraient voulu m'inscrire dans une école anglaise dans un cours
d'immersion où j'apprends les deux langues parfaitement. Pourquoi pas?
Aux Pays-Bas, on a appris quatre langues.
M. VEILLEUX: Si vous aviez été un immigrant dont le
père ou la mère auraient été de langue anglaise,
est-ce que la loi 22 vous aurait enlevé cette liberté de
choix?
M. POLACK: Avant que le projet de loi n'ait été
déposé, on avait le fameux bill 63. Je considère le libre
choix pour tout le monde ou sur une base individuelle de fréquenter
l'école qu'on veut fréquenter. C'était le principe.
Maintenant on commence donc à restreindre ce principe. Quant à
nous...
M. VEILLEUX: A qui on le restreint ce principe?
M. POLACK: D'abord, aux immigrants qui ne parlent ni le français
ni l'anglais et qui viennent au Canada, et ensuite pour les deux autres
groupes, les anglophones et les francophones. Il n'y a pas moyen de choisir
librement l'autre secteur à moins d'avoir préalablement
passé le test. C'est le système.
M. VEILLEUX: Tout à l'heure, vous avez dit que vous n'aviez rien
contre le principe du test.
M. POLACK: On n'a rien contre le principe, je n'ai pas dit cela. J'ai
dit qu'on a suggéré dans notre mémoire, de simplement
rayer ce texte, de réaffirmer le libre choix sur une base individuelle.
Mais s'il y a la division telle que suggérée dans l'article 48 et
suivants et si de tels articles restent dans la loi, et s'il faut vivre avec ce
test-là, nous prendrons les mesures pour au moins rendre le test
uniforme pour protéger les droits de l'individu, qu'il n'y ait pas
d'arbitraire là-dedans, etc.
M. VEILLEUX: D'accord.
M. POLACK: C'est définitivement un deuxième choix.
M. VEILLEUX: D'accord. Merci.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition officielle. nous
informer d'avance quels en seront les standards pour qu'on puisse se
préparer ou savoir d'avance que ce sera, j'imagine, uniforme dans la
province de Québec.
M. VEILLEUX: Si je vous comprends bien, vous n'avez rien contre le
principe d'un test et sur les modalités d'application, où on peut
retrouver des dangers, c'est ça?
M. POLACK: En principe, on n'a rien contre ça.
M. VEILLEUX: J'aurais une toute dernière question à vous
poser, en tant que parents anglophones. Si un étudiant est de
père ou de mère de langue anglaise ou de père et de
mère de langue anglaise, est-ce que la loi 22 restreint, pour lui, la
liberté de choix?
M. POLACK: Quant à nous, la manière dont on a
interprété la loi, il n'y a pas de libre choix. Par exemple,
moi-même, je suis immigrant, venu des Pays-Bas au Canada en 1952. J'ai
décidé de faire mon cours en droit à l'Université
de Montréal parce que je trouvais ça bien normal que, dans une
province en majorité de langue française, je doive faire mon
cours en français. Donc, il n'y avait pas de question de test, j'ai fait
mon possible pour réussir.
M. VEILLEUX: En tant qu'anglophone, de langue maternelle anglaise,
est-ce que vous croyez que le projet de loi 22 restreint la liberté aux
anglophones?
M. ROBB: Tel que rédigé en ce moment, oui.
M. POLACK: Tel que rédigé, maintenant, oui. Parce qu'on
n'a même pas le choix de dire: Je vais envoyer mes enfants dans une
école française, à moins de passer le test.
M. VEILLEUX: Si je lis bien le projet de loi, il dit: Pour les citoyens
du Québec, de langue française ou de langue anglaise, il y a une
liberté de choix assortie de tests pédagogiques pour les
immigrants de langue anglaise qui s'expriment en anglais. Cette liberté
de choix existe. Là où elle n'existe pas c'est pour les
immigrants qui ne parlent ni français ni anglais. C'est comme cela que
j'interprète la loi 22.
M. ROBB: Pour le moment, l'article 49 précise: "Les
élèves doivent connaître suffisamment la langue
d'enseignement pour recevoir l'enseignement dans cette langue". Cela cause un
vrai problème pour les cours d'immersion et, d'après nous, cela
nous cause un problème de liberté de choix.
M. VEILLEUX: Vous ne croyez pas que cet article que vous venez de lire
laisse quand même la liberté de choix complète aux
francophones
M. MORIN: Mesdames, messieurs, il faut que vous sachiez tout d'abord
qu'en ce qui concerne la législation déléguée, qui
se trouve implicitement et même explicitement dans le projet de loi,
l'Opposition est entièrement d'accord avec vous. Nous craignons tout
autant que vous la discrétion laissée au ministre ou aux
fonctionnaires. Là-dessus, vous pouvez compter sur notre appui.
J'ai quelques doutes, toutefois, lorsque vous trouvez des pouvoirs
arbitraires dans les articles qui constituent la Régie de la langue
française. Vous avez fait allusion, en particulier, je crois, à
l'article 62. Cet article ne confère à la régie que le
droit de donner des avis, de faire des enquêtes et ne lui confère
pas, à nos yeux, en tout cas, de pouvoirs véritables, encore
moins de pouvoirs qui puissent être opposables au ministre. Autrement
dit, nous sommes d'accord avec vous pour constater que le projet de loi
confère trop de pouvoirs discrétionnaires au ministre, mais dans
le cas de la régie, nous pensons que peut-être vous y avez vu des
pouvoirs discrétionnaires qui ne s'y trouvent guère.
Je n'insiste pas. C'est un point de détail. Si vous voulez
commenter cette affirmation tout à l'heure, j'en serai bien aise.
Je préférerais aborder une question concrète avec
les parents de l'école Roslyn. Il s'agit d'une école
élémentaire qui, si je le comprends bien, se trouve à
Westmount. Ma première question serait celle-ci: Y a-t-il des
élèves francophones dans votre école, ou de langue
maternelle française, et dans quelle proportion?
MME DOMVILLE: Quelques-uns, très peu, peut-être une
quinzaine dans toute l'école.
M. MORIN: Une quinzaine sur des milliers, en somme?
MME DOMVILLE: Sur 500 ou 550.
M. MORIN: Oui. Ces élèves se recrutent surtout dans le
milieu de Westmount, si j'ai bien compris?
MME DOMVILLE: Oui.
M. MORIN: Donc, des milieux relativement aisés sur le plan
financier?
MME DOMVILLE: Oui, je crois que oui.
M. MORIN: J'ai l'impression que cela peut expliquer beaucoup de
choses.
Ma seconde question irait maintenant aux parents du comité
central. Est-ce que le genre d'expérience dont on nous a parlé
à Westmount a été tenté avec le même
succès dans d'autres écoles? Je dis bien avec le même
succès, dans d'autres écoles montréalaises. Cela n'est pas
notre impression, jusqu'ici, que l'immersion ait eu le même succès
dans des milieux moins favorisés que dans les milieux westmountais.
M. ROBB: C'est un problème intéressant. Nous avons eu des
problèmes avec le Bureau protestant pour implanter ce programme.
Jusqu'à ce jour, il n'était pas donné dans les
régions moins favorisées. Il commence. Il y a une demande des
parents dans ces régions. Il y a la peur que les enfants doivent
apprendre leur propre langue avant, parce que, dans les régions
défavorisées, il y a la question de savoir s'ils peuvent
apprendre leur langue complètement au commencement. Il y a aussi l'autre
thèse, à savoir que ce serait une bonne chose de commencer le
français dans les régions où l'on parle le "jouai", parce
que ce sont les régions où ils peuvent utiliser la langue
française dans les rues.
M. MORIN: Oui, comme...
M. ROBB: Jusqu'à ce jour, il n'y a aucune expérience...
Nous avons commencé l'expérience dans les régions plus
favorisées parce que les parents peuvent y remédier si besoin il
y a. Jusqu'à ce jour, ils n'ont pas eu besoin de le faire.
J'espère qu'à une certaine date les expériences
commenceront pour voir si on peut apprendre le français. H y a un autre
problème: l'immersion dans la septième année peut
être appliquée dans ces régions défavorisées,
mais parce qu'il n'y a aucune classe d'immersion dans ces régions, dans
ces milieux, jusqu'à ce jour, il n'y a pas une grande participation.
Dans ces classes d'immersion, la participation est entièrement
volontaire. C'est une autre raison, peut-être, du succès.
M. MORIN: Je pense que vous conviendrez avec moi qu'il est beaucoup plus
facile d'obtenir des résultats dans des milieux aisés.
D'ailleurs, les psychologues l'ont constaté à bien des reprises.
Les enfants de diplomates, par exemple, qui baignent dans un milieu, en
général, intellectuellement assez ouvert et
développé, apprennent toujours assez facilement une langue
seconde, voire même une troisième et peut-être même
davantage. Mais ce sont des enfants qui appartiennent à des classes
financièrement et intellectuellement favorisées. Le contexte dans
lequel on se trouverait, par exemple, dans l'est de Montréal, est bien
différent. Mais puisque vous faites allusion au phénomène
du "jouai", je vous signalerais que la difficulté n'existe pas seulement
dans les écoles françaises. Il y a beaucoup de parents
francophones qui hésitent à mettre leurs enfants dans certaines
écoles anglophones de Montréal par crainte d'un
phénomène de dégradation de la langue anglaise qui est
également très sensible à Montréal. Il existe
on ne le mentionne jamais mais il existe ce que l'on pourrait
appeler le phénomène "horse" aussi, n'est-ce pas? Et en ce qui me
concerne, je pense bien qu'à Westmount, il n'y aura pas de
problème de cet ordre, encore qu'il faudrait voir... Je crois que les
parents sont d'accord avec moi pour constater que même là...
M. ROBB: A Westmount, c'est devenu américain.
M. MORIN: Je ne veux pas revenir trop longuement sur cette question, ni
ouvrir un débat.
MME DOMVILLE: Je m'excuse. Il y a un rapport qui a été
fait par deux ou trois psychologues à McGill sur ce problème de
l'enseignement du français dans les écoles
défavorisées et ils trouvent que c'est bien possible d'enseigner
le français dans ces régions, sauf que notre commission scolaire
a trop peur en ce moment. Alors, les psychologues trouvent que c'est bon, mais
notre commission scolaire ne veut pas encore se plonger dans les
problèmes d'immersion dans une école
défavorisée.
M. MORIN: Bien.
MME DOMVILLE: Alors, c'est possible, mais cela n'a pas encore
été essayé.
M. CLOUTIER: Il se peut que la loi 71 qui a créé les
conseils scolaires change complètement les règles du jeu à
Montréal et il est exact, en particulier, que The Point Committee, que
ce groupe connaît très très bien, n'a pu obtenir ce qu'il
souhaitait, mais que maintenant il y a pour les zones
défavorisées un problème dans tout le territoire.
M. MORIN: Je suis au courant de cela et la loi 71 modifie
peut-être certaines règles, mais elle ne peut pas modifier,
jusqu'à preuve du contraire, le contexte sociologique dans lequel les
enfants baignent.
M. CLOUTIER: On ne peut pas en blâmer le législateur.
M. MORIN: Puis-je retourner vers nos deux distingués juristes
pour leur poser une petite question technique?
LE PRESIDENT (M. Gratton): La dernière.
M. MORIN: Oui. Cela sera la dernière. Je reviens au point
évoqué par le député de Saint-Jacques au sujet de
l'article 75. Je ne doute pas une seconde que vous ayez présenté
cette modification en étant entièrement de bonne foi et je vous
pose une question technique. Si la suggestion que vous faites était
acceptée, et si le régisseur anglophone dont la présence
est essentielle refusait de siéger ou encore se retirait d'une
délibération, qu'arriverait-il alors? Je ne vous pose pas une
question politique. Je vous pose une question technique.
M. POLACK: Quand on a suggéré cet amendement, on n'a pas
tellement pensé aux détails, à ce qui arrive si cet homme
se retire ou ne se retire pas, ou s'il bloque les
délibérations.
C'était simplement pour demander, quitte à changer le
texte de manière à exprimer à nouveau cette idée,
d'avoir une représentation. Rien de plus. Quand on a
suggéré qu'à la Régie de la langue française
il devrait y avoir deux membres de la minorité anglophone ou de la
communauté anglophone, c'était simplement une suggestion pour
être représenté. C'est tout.
M. MORIN: D'accord.
M. POLACK: De la même manière, vous voulez donc dire que,
s'il y a un quorum de cinq, que parmi ces cinq, encore un de ces deux devrait
être présent ou devrait être au moins aux
délibérations, pour être présent.
M. MORIN: Je pense que vous étiez entièrement de bonne
foi, encore une fois, en proposant cet amendement, de même que le
député de Saint-Jacques était de bonne foi en vous posant
la question. Je vous la repose: Supposons, hypothèse invraisemblable,
mais admettons un instant que le régisseur anglophone se retire ou
refuse de siéger, qu'arrive-t-il alors?
M. POLACK: On peut changer l'idée du quorum de l'avoir sur cinq.
On peut peut-être...
M. CHARRON: C'est juste cela que je voulais vous signaler tout à
l'heure.
M. POLACK: C'est cela.
M. CHARRON: C'est juste cela que je voulais vous signaler.
M. POLACK: Oui, mais vous avez fait un discours politique avant.
M. CHARRON: Oui.
M. POLACK: Votre confrère, à côté, ne l'a pas
fait du tout. Il était réaliste aujourd'hui.
M. MORIN: C'est le privilège du député, comme le
vôtre...
M. POLACK: Oui, je comprends.
M. MORIN: ... de faire des préambules.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, messieurs, il est 13 heures. Mesdames
et messieurs, la commission vous remercie.
MME ARREY: On vous remercie beaucoup de nous avoir entendus.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Merci. Cet après-midi,
c'est-à-dire après la période des questions, les
organismes qui seront entendus seront le Conseil central de Joliette et la
Corporation d'information populaire du Lanau-dière. La commission
suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi, après la
période des questions.
(Suspension de la séance à 13 h)
Reprise de la séance à 15 h 48
M. GRATTON (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs!
Avant d'inviter le Conseil central de Joliette, peut-être
devrais-je inviter les membres à se présenter à la table,
s'il vous plaît. M. Claude Mailhot. Est-ce que les représentants
du Conseil central de Joliette sont dans la salle? Je constate que le Conseil
central de Joliette ne semble pas répondre à l'appel,
peut-être...
M. MORIN: M. le Président, est-ce que nous pourrions demander au
secrétariat des commissions s'il a entendu parler de cet organisme
depuis ce matin?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le secrétaire me fait signe qu'il n'a
eu aucune nouvelle.
M. CLOUTIER: Vous savez, nous sommes rendus à un stade où
on a beau convoquer, on ne peut pas toujours compter sur la présence des
organismes.
M. BOURASSA: Le chef de l'Opposition a dit à l'Assemblée
nationale la semaine dernière qu'il était...
M. CHARRON: Non. Que le premier ministre n'essaie pas encore de tirer
les marrons du feu!
M. BOURASSA: Non. Le chef de l'Opposition a dit textuellement qu'il
était étonné qu'on n'ait pas présenté notre
motion de fin des auditions avant...
M. CHARRON: Faisons comme si le premier ministre n'était pas ici
et continuons sérieusement à travailler.
M. BOURASSA: Je cite le chef de l'Opposition et il ne m'a pas
démenti, à part cela.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre messieurs !
M. MORIN: M. le Président, je ne veux pas soulever une question
de privilège, ni un débat avec le premier ministre, mais j'ai
l'impression que par moment il nous pose des questions à voix basse en
Chambre et, si l'Opposition ne répond pas, il tient pour acquis que la
réponse est oui.
M. BOURASSA: C'est au journal des Débats, M. le Président.
Le chef de l'Opposition a bel et bien dit qu'il s'attendait à ce qu'on
présente la motion d'ajournement plus tôt. Je ne dis pas qu'il
ne...
M. MORIN: Je pense que c'est l'inverse.
Nous avons dit à qui voulait l'entendre que nous ne nous
attendions pas à ce que ce soit avant les élections
fédérales, de peur que le premier ministre du Québec ne
nuise à son grand frère fédéral.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. BOURASSA: Vous avez assez de problèmes avec le NPD avec votre
régime d'annulation.
M. CLOUTIER: Le problème ne se pose même pas. Nous
écoutons ceux qui veulent bien venir. Nous avons convoqué
normalement, mais il est bien évident, comme nous avons entendu
jusqu'ici à peu près 60 groupes, que la commission progresse, et
il devient plus difficile d'obtenir la présence des groupes qui ont
envoyé des mémoires.
Alors, est-ce qu'on pourrait, M. le Président, appeler le groupe
suivant, quitte à attendre le précédent s'il se
présente?
M. MORIN: M. le Président, j'aimerais faire remarquer cependant,
si vous me permettez, que s'il devient plus difficile de convoquer les
organismes, cela est entièrement parce que le gouvernement a choisi de
présenter sa législation si tard.
M. BOURASSA: M. le Président...
M. MORIN: Et comme le ministre Goldbloom a eu l'occasion de le dire
devant un groupe, cela a été rapporté dans les journaux,
c'est à dessein qu'il en a été ainsi, à savoir que
le gouvernement a choisi de présenter sa législation en plein
été pour que le moins de groupes possible puissent contester son
bill. Malgré tout, on a vu depuis le début de cette commission
que très peu de groupes viennent appuyer le gouvernement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît !
M. MORIN: ... que très peu de groupes viennent appuyer le
gouvernement.
M. BOURASSA: Ce n'est pas parce qu'on est au mois de juillet qu'on doit
ne rien faire. Les centrales syndicales font leur congrès au mois de
juillet, la CEQ fait son congrès au mois de juillet, ça
révèle qu'il y a des organismes qui sont intéressés
à discuter au mois de juillet.
M. CHARRON: II est terminé, le congrès de la CSN.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Si vous voulez bien m'excuser, est-ce que les
membres de la commission seraient intéressés à savoir qui
sont les membres de la commission? Alors, je vous l'annonce
immédiatement. Il s'agit...
M. CHARRON: M. le Président, je suis intéressé
à savoir autre chose après, aussi.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Pour ce qui est des membres de la commission,
il s'agit de MM. Desjardins (Louis-Hébert), Charron (Saint-Jacques),
Déom (Laporte), Cloutier (L'Acadie), Boudreault (Bourget), Lapointe
(Laurentides-Labelle), Choquette (Outremont), Morin (Sauvé), Springate
(Sainte-Anne), Beauregard (Gouin), Saint-Germain (Jacques-Cartier), Samson
(Rouyn-Noranda) et Veilleux (Saint-Jean).
J'invite immédiatement la Corporation d'information populaire du
Lanaudière et son porte-parole, M. Normand Dugré, à se
présenter à la table, s'il vous plaît.
M. CHARRON: M. le Président, avant que nous ne reprenions
l'étude de ce mémoire, j'ai une question à soulever,
j'aimerais demander au ministre s'il peut nous faire connaître
immédiatement les organismes convoqués pour demain et jeudi.
M. CLOUTIER: Bien sûr, M. le Président, comme toujours. Je
vais immédiatement demander au secrétariat des commissions de
nous en donner la liste. Quand avons-nous refusé notre
coopération à l'Opposition?
M. CHARRON: Vous êtes inutilement paranoïaque. Je ne vous ai
pas attaqué du tout.
M. CLOUTIER: On ne vous en donnera pas plus que vous en demandez. Mais
on va vous donner ce que vous demandez, comme toujours.
M. CHARRON: Ne vous sentez pas attaqué, c'est une question
d'information.
M. CLOUTIER: On ne se sent pas attaqué du tout.
M. CHARRON: Je comprends que depuis que vous étudiez le projet de
loi...
M. CLOUTIER: On dirait que vous vous attendez toujours à ce qu'on
mette fin à cette commission depuis le début.
M. CHARRON: Non, non, non.
M. CLOUTIER: Nous avons vraiment fait plus qu'un effort sérieux
pour entendre tous les groupes. Nous nous sommes arrangés d'ailleurs,
parce que le seul but que nous poursuivons est de permettre à cette
commission d'être éclairée.
M. CHARRON: Je suis convaincu, M. le Président, je peux
rétablir ce que le chef de l'Opposition a déjà dit, que le
gouvernement ne mettra pas fin aux travaux de la commission avant les
élections fédérales, foi d'animal.
M. BOURASSA: On va vous donner un peu le temps de clarifier votre
contreprojet de loi, qui est extrêmement ambigu.
M. MORIN: Pendant qu'on y est, est-ce que nous pourrions avoir la liste
aussi pour vendredi matin?
M. CLOUTIER: Normalement, on fait ça à la fin des
séances, mais si, par dérogation...
M. BOURASSA: On est prêt à collaborer.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que vous voulez que je procède
à la lecture des organismes convoqués?
M. MORIN: Oui.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Demain, mercredi, Comité
d'école Notre-Dame-de-Lourdes, les Comités d'école
Présentation de Marie, Saint-Gilles, Don Bosco, Saint-Christophe,
Notre-Dame-de-Lourdes, les Produits White Star Limitée, le Regroupement
régional de la capitale québécoise, le Comité des
citoyens de Saint-Laurent et le Conseil du travail de Joliette. Jeudi, les
organismes convoqués sont: le Syndicat des professeurs du CEGEP de
Sainte-Foy, le Comité anglophone de Verdun, le Groupe de citoyens de
Limoilou, M. Louis-Paul Chénier, à titre personnel, la
Société nationale des Québécois du
Saguenay-Lac-Saint-Jean et le Comité hellénique pour
l'étude de la législation sur la langue au Québec.
Et vendredi, la Société nationale des
Québécois de l'Outaouais; le Comité d'action politique,
local 790, ouvriers unis du caoutchouc, syndicat des employés Firestone,
et la Société Saint-Jean-Baptiste de la Mauricie,
c'est-à-dire trois organismes pour vendredi.
M. CHARRON: Merci.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, c'est bien M. Normand
Dugré?
M. DUGRE: C'est cela.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Si vous voulez bien noter que vous disposez
de 20 minutes pour faire votre présentation suivie d'une période
de questions de 40 minutes.
Corporation d'information populaire du
Lanaudière
M. DUGRE: D'accord! Comme premier préambule, j'aimerais
peut-être raconter une brève anecdote. Dans la hâte de
l'impression des mémoires avant le 10 juin, il s'est trouvé que
j'ai négligé de revoir la copie finale qui devait vous être
remise. Ce n'est qu'en fin de semaine dernière que j'ai relu mon
document pour y
découvrir, à ma grande stupéfaction, que
l'orthographe, dans ce cas présent, ce n'est pas solide. S'il fallait
encore une preuve pour démontrer que notre langue est en danger, nous
l'aurions sous les yeux. Nous nous en tiendrons cependant davantage au fond
qu'à la forme du document.
Autre chose, afin de prévenir la question inévitable quant
à la représentativité, à la manière dont fut
rédigé le mémoire, je dirai tout de suite que j'ai
été mandaté par le comité de rédaction de la
Criée, ce comité étant responsable du contenu du journal
pour rédiger le mémoire en son nom. Le comité de
rédaction est formé d'une quinzaine de personnes provenant de
l'ensemble des groupes populaires du milieu du Lanaudière. J'ai donc
rédigé le texte en conformité avec la pensée des
membres du comité de rédaction.
La Corporation d'information populaire du Lanaudière est un
organisme du milieu du Lanaudière qui publie le journal la Criée.
Ce journal, distribué à 24,000 copies dans les comtés de
Joliette, Montcalm, Berthier et l'Assomption, s'est engagé à
défendre, entre autres objectifs, les droits linguistiques des
francophones qui représentent, dans notre région, 99 p.c. de la
population totale.
La Corporation d'information populaire tient pour très importante
la présentation du projet de loi 22 dans la mesure où il s'agit
d'un geste qui engagera notre identité nationale pour les prochaines
années.
Critiques à la commission. De par notre position au journal, il
nous a été possible de recevoir de nombreux commentaires,
à la fois par rapport au projet de loi lui-même et en regard de la
procédure que devait employer la commission. Il ressort de cela que la
procédure bloquait en bon nombre de cas les interventions de personnes
ou de groupes qui désiraient être entendus par votre
commission.
Mentionnons d'abord le fait que les délais fixés au 10
juin ont été relativement courts, ou du moins estimés
comme tels par la majorité des personnes qui nous en ont parlé.
Ce délai limitait donc l'expression populaire, compte tenu d'un manque
de préparation.
De plus, la technicité imposant à tous ceux qui
désiraient être entendus par votre commission de déposer le
ou avant le 10 juin leur mémoire en cent exemplaires devait avoir pour
effet de restreindre encore plus la possibilité de se présenter
à votre commission.
Cela pouvait embêter davantage les gens ordinaires qui ne
disposent pas de tous les moyens d'imprimer à leur guise des documents
ni même de payer pour ce faire.
De plus, j'aimerais ajouter ici puisque l'hypothèse d'une
commission itinérante dans tout le Québec était à
l'état de projet lors de la rédaction de ce document, projet qui
fut abandonné depuis lors que cela gêne, c'est le moins
qu'on puisse dire, bon nombre de citoyens ou de groupes concernés par le
projet de loi 22 qui auraient désirés être entendus.
Or, il semble que ce projet de loi concerne l'ensemble des citoyens du
Québec et que, dans une saine démocratie, il est normal de
favoriser au maximum l'expression populaire. Toutefois, il nous a plutôt
semblé qu'on mettait en oeuvre des procédures rigides qui
empêchaient le fonctionnement adéquat d'une saine
démocratie.
Langue de travail. C'est à travers les événements
qu'un medium d'information comme le nôtre peut se donner une opinion sur
les législatures des différents gouvernements. Ainsi
désirons-nous parler d'un événement qui s'est produit dans
notre région cette année, à savoir une grève
à la Firestone de Joliette, où l'un des points était
justement la langue de travail. Les ouvriers en grève exigeaient que le
français soit reconnu comme langue de travail. Or, il a fallu une lutte
épique de dix mois de grève pour y arriver.
Il nous semble, à partir de cet exemple, qu'il est bien trop
onéreux pour le Québec de payer le prix de longs mois de conflits
ouvriers dans chacune des usines pour obtenir un droit
élémentaire, celui de la reconnaissance de notre langue comme
peuple.
Il nous apparaît essentiel que cette loi, que veut être le
projet de loi 22, décide de la langue de travail de façon
définitive.
Le texte actuel du projet de loi semble restreindre la langue de travail
à la langue des négociations et des griefs. Or, les ouvriers sont
plus souvent (heureusement) en usine et au travail qu'à faire des griefs
ou à négocier.
De plus, il est évident que les articles relatifs à la
francisation sont de loin trop discrétionnaires. Lorsque que le
lieutenant gouverneur en conseil peut exiger des entreprises qu'elles
possèdent le certificat visé à l'article 32 pour recevoir
de l'administration publique permis, primes, subventions, concessions ou
avantages, en quoi sommes-nous assurés qu'il usera de ce pouvoir et
envers qui le fra-t-il?
L'article 33 nous est ainsi apparu inacceptable, de même en
va-t-il de l'article 34 qui permet que soient préférées
les entreprises titulaires du certificat quant au contrat d'achat du service de
location ou de travaux publics.
Enfin, le ministre pourrait accorder des subventions aux entreprises qui
adopteront un programme de francisation. Cela nous parait un risque
énorme. Premièrement, parce que c'est anormal pour une
majorité autochtone d'un pays que de payer les entreprises
étrangères afin qu'elles s'adaptent à ses lois.
Deuxièmement, il pourra, au bout du compte, se produire que les
entreprises qui menacent notre fondement national par le refus de se franciser
se voient gratifier de subventions pour ce faire. Or, cela nous paraît
tout à fait inacceptable. Par l'absurde, les entreprises qui servent de
sauvegarde au fait français au Québec et qui, donc, travaillent
actuellement en français, ne recevront rien, alors que celles qui nous
menacent en exigeant de travailler dans la langue seconde seront
subventionnées pour changer. L'article 31 de la loi devrait alors
plutôt établir les critères de
francisation et subventionner les entreprises dont le travail se fait
entièrement en français. Les autres verront bien à se
mettre au pas.
Langue d'enseignement. Nous voulons encore là nous baser sur un
fait concret dans notre région. Ainsi, une enquête de la
Société nationale des Québécois
révélait dernièrement que le transfert du secteur
francophone au secteur anglophone se chiffrait ainsi, de 1970 à
1974:
Commission scolaire Cascade-L'Achigan, 119 transferts; commission
scolaire de l'Industrie, 163 transferts; commission régionale de
Lanau-dière, 152 transferts, pour un total de 434 transferts
linguistiques dans notre région.
De plus, cette enquête révèle l'existence d'une
école élémentaire anglophone dans le secteur
Cascade-L'Achigan. Cette école est composée de 44
élèves anglophones et de pas moins de 67 élèves
francophones. N'oublions pas que nous parlons d'une région à 99
p.c. francophone.
Aussi, nous élevons-nous contre le fait que le projet de loi 22
maintienne les deux systèmes scolaires où, à toutes fins
pratiques, la langue d'enseignement sera déterminée par la
connaissance des postulants à l'une ou l'autre des langues, devrais-je
dire officielles.
Nous croyons que le tout ne va que forcer à une anglicisation
plus rapide ceux qui comptaient entrer au secteur anglophone plutôt qu'au
secteur francophone.
Il fa sans dire que nous contestons l'article 51 qui donne à ce
niveau un pouvoir ultradiscrétionnaire au ministre. Nous ne mentionnons
que la dernière phrase de cet article: "La décision du ministre
est sans appel".
Langue d'affichage. Encore là, c'est la scène de notre
région que nous prendrons en référence. Nous nous
retrouvons dans un milieu presque entièrement francophone où,
à toutes fins pratiques, l'affichage est bilingue quand ce n'est pas
unilingue anglais, jusqu'à la "cabane à sucre à
Pépère" qui est "for sale".
L'article 45 du projet de loi 22 consacre, pour les six prochaines
années, cet état de fait et donne même une bonne
année à ceux qui n'auraient pas encore unilinguisé leur
annonce, en anglais, bien sûr, pour le faire.
Quant au reste des articles, ils ne francisent rien, ils "bilinguisent".
L'article 38 est, dans sa formulation, une supplique et non un
règlement. On n'impose pas. On demande "à tout le moins figurer
dans les textes et documents d'une manière aussi avantageuse que les
versions françaises". Voilà le sort d'une langue faussement
officielle.
Zone d'anglicisation. Nous référant au document de Charles
Castonguay, du département de mathématiques de
l'Université d'Ottawa: "La domination de l'anglais au Québec",
nous constatons que la position géographique de notre région est
tout juste à la limite de la zone d'anglicisation. Ce qui revient
à dire que nous ne nous francisons plus, tout au plus ne nous
anglicisons-nous pas encore.
Si nous examinons nos voies de communication, principalement avec les
zones voisines, on remarque qu'elles peuvent à la limite s'annuler quant
à la francisation ou à l'anglicisation.
Ainsi, nous sommes orientés dans un axe de communication avec
Montréal où l'anglicisation est très forte; d'autre part,
nous sommes liés à bien des égards à la
région des Laurentides qui bénéficie d'une situation
sensiblement pareille à la nôtre.
Toutefois, il est à prévoir, avec l'implantation de
l'aéroport international de Mirabel, que là où se trouve
une zone francophone, il y aura sous peu, sinon une zone anglophone, tout au
moins une zone bilingue et anglicisante.
Ainsi est-il de plus en plus urgent pour notre région que la
Législature vienne contrer cette anglicisation constante, sinon nous
sommes irrémédiablement voués à perdre notre
identité propre de Québécois. Et un
Québécois, pour nous, c'est encore un francophone.
Recommandations. Nous désirons ici que la commission prenne note
de ce qui nous semble élémentaire comme recommandations: 1. que
le projet de loi 22 soit entièrement reformulé en tenant compte
du seul article qui nous apparaît avoir un sens pour nous,
Québécois, soit l'article 1 actuel. 2.que le français soit
clairement défini comme la langue de travail à tous les niveaux;
3.que n'existe qu'un seul système d'enseignement francophone au
Québec et que soit prévue l'intégration du secteur
anglophone au secteur francophone; 4.que l'affichage soit
réglementé de manière qu'il représente bien le
caractère francophone du Québec et des Québécois;
5. que des efforts plus importants soient mis à l'application de cette
nouvelle loi pour nous, (pas le projet de loi 22 actuel) dans la zone
d'anglicisation. Nous nous référons ici à La domination de
l'anglais au Québec par Charles Castonguay, département de
mathématiques, Université d'Ottawa, mai 1974; 6.enfin, que ceux
qui ne se conformeraient pas à ces règlements soient lourdement
pénalisés, considérant que ce sont des infractions
à notre identité nationale et que cela représente
l'assassinat d'un peuple petit à petit, ce qui est au moins aussi
important que l'assassinat d'un ministre ou le vol d'une banque.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Merci, M. Dugré. J'invite maintenant
le ministre de l'Education à poser la première question.
M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie le rédacteur en
chef de la Criée de la présentation de son mémoire au nom
de la Corporation d'information populaire du Lanaudière Inc. Je n'ai pas
de question pour le moment. Je me réserverai d'y revenir d'ici la
fin.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, je veux remercier également
M. Dugré et la corporation d'avoir présenté un
mémoire et de l'avoir défendu cet après-midi.
M. Dugré, je n'ai que quelques remarques au sujet de votre
mémoire. Vous signalez le dégoût que vous a inspiré
l'article 31 de la loi, celui qui parle des subventions. Là-dessus,
j'aurais pu vous faire remarquer que le ministre de l'Education a
habituellement signalé à tous ceux qui sont venus à cette
table et qui ont tous décrié ce programme de subventions
données par le gouvernement pour que les entreprises se francisent
y compris, imaginez-vous, même la Chambre de commerce a
trouvé répugnant et dégradant qu'un gouvernement en vienne
à de telles mesures pour favoriser la langue de la majorité et en
faire la langue de travail que c'était l'intention du
gouvernement de retirer cet article du projet de loi. Je pense que c'est la
première victoire, mais en fin de compte, elle est tellement normale
qu'on n'aura pas d'occasion de s'en réjouir, mais c'est la
première victoire que les groupes de pression qui ont
défilé à cette table pourront dire avoir obtenue.
Ce n'est pas à l'honneur du gouvernement. Au contraire, je pense,
parce que le simple fait qu'un cabinet québécois en 1974 ait
été jusqu'à inscrire dans un texte de projet de loi une
mesure de ce genre nous indique parfois l'éloi-gnement que ce
gouvernement et ce parti peuvent avoir de la réalité
québécoise. Je vous le signale pour vous dire que l'opinion que
vous exprimez quant à cet article semble avoir déjà
triomphé.
Enfin, si jamais le ministre revenait sur sa décision et ne
retirait pas l'article 31 parce qu'il n'en serait pas à sa
première contradiction nous nous engagerons de notre
côté à proposer et à défendre très
fermement un amendement qui viserait tout simplement à abolir cet
article. La question que j'ai à vous poser traite spécifiquement
de la région d'où vous venez et à laquelle d'ailleurs,
à bon droit, vous faites souvent référence dans votre
mémoire. Le transfert d'élèves du secteur francophone au
secteur anglophone dans une région à 99 p.c. francophone, comme
vous le décrivez, comment l'expliquez-vous? Votre mémoire nous
livre une statistique qui nous prouve que le problème est à
l'ensemble du Québec et n'est donc pas propre à Montréal,
comme souvent on aime réduire le problème linguistique à
la seule taille de Montréal. Dans cette région du Québec
à 99 p.c. francophone, comment expliquer cet engouement à votre
avis?
M. DUGRE: D'une part, sur votre première intervention, je me dis
fort aise que le gouvernement veuille retirer les fameuses subventions aux
entreprises. Il me semblait d'ailleurs que cela pouvait être, à la
rigueur, une pénalité pour les entreprises qui travaillaient
actuellement en français; à la rigueur, elles se voient
éliminées des sources de financement de l'Etat. Quant au
transfert linguistique, il va de soi que l'on ne peut que poser, pour l'instant
en tout cas, dans notre région, compte tenu des études que nous
avons faites n'ont été que statistiques... Nous n'avons pas pu
aller aussi loin que nous aurions pu le désirer, en termes de
motivations. Les hypothèses avancées, que je vous donne sous
toutes réserves et que je pense être véridiques sont, d'une
part, évidemment, la proximité de Montréal où il y
a une source d'emplois considérable et où il est évident
que la promotion, tout au moins, est souvent relative à la possession de
la langue seconde. Il y a aussi que, dans notre région, même si
une partie importante des activités est du domaine agricole et
touristique, l'industrie chez nous est en large partie multinationale. On peut
penser à Great Lake, Firestone, Gypsum pour ne nommer que celles qui ont
eu de graves conflits cette année, forts connus, je pense, de tous les
membres de la commission. De plus, on peut penser à Scott, on peut
penser à Abex, etc.
Chez nous, dans la région de Lanaudière, plus
particulièrement concentrée à Joliette, il y a de
nombreuses entreprises multinationales où encore là se retrouve
le critère de la possession des deux langues quant à la promotion
éventuelle dans l'entreprise.
M. CHARRON: Croyez-vous que la région, actuellement vous y
vivez, vous la connaissez, vous y travaillez est-ce qu'elle se
dépeuple vers Montréal, en particulier chez les plus jeunes, et
qu'on pourrait expliquer ce besoin vivement ressenti par certains parents de
doter leurs enfants d'une connaissance de la langue anglaise le plus rapidement
possible parce qu'ils sentent inévitable le fait que, rendu à un
certain âge, c'est Montréal qui va siphonner la région ou
si la population est stable? Je voudrais simplement m'informer.
M. DUGRE: Je pense qu'on ne peut pas parler encore de
dépeuplement. Il y a évidemment un va-et-vient normal mais,
compte tenu précisément d'un nombre assez important d'entreprises
dans la région qui engagent énormément d'employés,
je pense que, sans avoir exactement les chiffres en main, on ne peut pas parler
de dépeuplement. On pourrait accentuer le côté de
l'entreprise multinationale sur le territoire. D'ailleurs, je me
référais à l'une des grèves de notre région,
c'est-à-dire la grève de Firestone, où il a quand
même fallu une dizaine de mois à 200 employés, une lutte
épique, pour arriver à imposer dans leur propre usine, où
le caractère francophone ne fait quand même pas de doute encore,
tout au moins, à Joliette, qu'on parle français dans ce pays.
C'est plus ce facteur qui influe que le facteur de dépeuplement pour
l'instant.
M. CHARRON: Les compagnies multinationales qui font affaires dans la
région de Lanaudière ont-elles fait place à une
francisa-
tion de leurs cadres et de leurs officiers supérieurs ou si les
francophones constituent la main-d'oeuvre traditionnelle mais que les postes de
commande sont encore aux mains de gens étrangers à la
région?
M. DUGRE: II faut faire la relation, je pense. Les postes de commande
sont, à la rigueur, francophones chez nous. Maintenant, c'est relatif la
notion "de commande". Parce qu'en fait, c'est à Chicago qu'on se
réfère dès qu'il y a des décisions
véritables à prendre. Mais là, il n'y a pas
énormément de francophones qui prennent les décisions. Et
ça, on a pu dans notre région plus particulièrement, le
vivre pendant l'année qui vient de se terminer avec les trois grandes
grèves où, finalement, même s'il y avait des francophones
sur les lieux, les décisions ne se sont pas prises sur les lieux, et
dans le cas de Firestone et dans le cas de The Great Lakes et il ne semble pas
que ce soit le dénommé Lalonde, qui dirige l'usine de Great
Lakes, qui va régler le problème à Gypsum.
M. CHARRON: Moi, c'est tout pour le moment, peut-être que le chef
de l'Opposition reviendra.
LE PRESIDENT (M. Gratton): II faudrait que ce soit après le
député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: Dans votre mémoire, à la fin de la
deuxième page, vous parlez de la langue de travail et vous citez
l'exemple de la grève de Firestone à Joliette, où, selon
vous, l'un des points était la langue de travail. Les ouvriers en
grève exigeaient que le français soit reconnu comme langue de
travail. Il a fallu une lutte épique de dix mois de grève pour y
arriver. Est-ce que je dois comprendre que vous voulez dire que le principal
point de litige ou le point le plus important du litige était cette
question de langue de travail?
M. DUGRE: L'un des principaux points. Il y avait, je pense, cinq ou six
points importants en litige et la langue de travail en est un. Il va de soi que
les conditions de salaire et les conditions de travail faisaient aussi partie
du litige, mais la langue de travail a été un des points. Ce que
je peux signifier, c'est davantage le fait qu'il m'apparaît anormal, dans
un pays où l'on parle une langue, que les gens de ce pays doivent faire
des grèves pour obtenir ce qui m'apparaït être le minimum,
c'est-à-dire le respect de sa culture et de sa langue dans son travail.
C'est davantage dans ce sens. Maintenant, ce n'était pas le seul point,
mais c'était clairement un des points majeurs.
M. SAMSON: Est-ce que les ouvriers auraient fait la même
grève s'il n'y avait eu que ce seul point en litige, d'après
vous?
M. DUGRE: Question bien hypothétique. Je souhaite que leur
fierté aurait été jusque-là, mais je ne peux pas
vous répondre de façon affirmative.
M. SAMSON: Vous allez comprendre que la question n'est pas tellement
hypothétique à ce moment-ci, parce que vous affirmez quand
même qu'il y a eu une grève de dix mois pour arriver au
français langue de travail.
M. DUGRE: Hum!
M. SAMSON: Si je vous pose la question à savoir si la langue de
travail avait été le seul point en litige, est-ce que la
grève aurait duré aussi longtemps? Parce que vous vous
référez à ce cas et je pense que c'est important, pour la
bonne compréhension des travaux de la commission parlementaire, que nous
ayons une réponse aussi complète que possible.
M. DUGRE: D'accord. Je pense que je peux l'envisager sous deux angles.
Le premier, celui auquel je vous ai répondu tout à l'heure, c'est
aux travailleurs eux-mêmes qu'il restait à décider s'ils
auraient fait une grève de dix mois pour ce seul point.
Si on le prend dans l'autre sens, par les informations que j'ai eues des
personnes qui avaient quand même la charge de la grève
là-bas on sait qu'il y avait un comité assez important
d'une quarantaine de personnes ce point-là n'a pas
été réglé le premier. Si vous me posez la question
dans le sens: Est-ce que c'est le point qui s'est réglé en un
mois, par exemple? Je vous réponds: Non. Il a été
traîné jusqu'à la fin.
L'autre partie où je peux difficilement vous répondre:
Est-ce que les gars se seraient battus dix mois pour ce seul point? C'est
à eux, je pense, de répondre plus qu'à moi. J'ai cru
entendre tout à l'heure que le syndicat de Firestone présente un
mémoire cette semaine, si je ne me trompe, vendredi. Peut-être
pourriez-vous leur faire préciser davantage ceci.
M. SAMSON: Est-ce que, puisque vous vous référez à
Firestone, vous ne croyez pas que la question de la paie nette, celle que
l'ouvrier peut apporter à la maison, n'était-ce pas là
plutôt le principal point de litige?
M. DUGRE: Ce n'était pas c'est évident un
point secondaire. Maintenant, à la suite de mes contacts avec les gens
de Firestone, il était clair et net que, pour eux, la bataille de
l'obtention du français comme langue de travail était un point
important, très important. Maintenant, aller dire que, pour les
travailleurs, leur salaire ne comptait absolument pas, je pense que se serait
tomber dans une absurdité au sujet de laquelle je ne serais pas
d'accord.
Mais il est certain et cela après de nombreuses
conversations avec énormément de gens pendant quand même
dix mois et, moi, comme
journaliste, j'ai eu quand même à couvrir
énormément cette affaire il était clair que ce
point-là, pour eux, était important.
M. VEILLEUX: Est-ce que le député de Rouyn-Noranda me
permettrait? Je crois que le syndicat de Firestone était affilié
à la FTQ?
M. DUGRE: J'ai mal entendu.
M. VEILLEUX: Les syndiqués de Firestone étaient-ils
affiliés à la FTQ ou à la CSN? FTQ, hein?
M. DUGRE: FTQ.
M. VEILLEUX: Parce que le mémoire du groupe de permanents de la
CSN dans la région de Joliette, qui est dans votre région,
mentionne et je ne dis pas que je leur porte le blâme que,
compte tenu des conditions de travail, ils n'avaient pas eu le temps ou les
moyens de lutter pour faire reconnaître le français dans les
industries, ou du moins dans la région de Joliette, si je m'en tiens aux
cinq permanents qui ont produit un mémoire.
M. DUGRE: Je m'excuse, voulez-vous me préciser? Vous vous
référez au document de la CSN?
M. VEILLEUX: Le groupe de permanents de la CSN qui était
censé vous précéder tout à l'heure et qui ne s'est
pas présenté.
M. DUGRE: Bon.
M. VEILLEUX: Ils font part, dans leur mémoire, qu'ils n'ont pas
eu les moyens jusqu'ici de lutter pour faire reconnaître le
français dans des industries ou des compagnies multinationales. C'est
pour cela que je me demandais si c'était à la FTQ ou à la
CSN de changer cela.
M. DUGRE: Je peux vous confirmer d'abord qu'évidemment la
grève de Firestone, c'était un syndicat FTQ. Quant au Conseil
central, effectivement, les luttes actuellement ne sont pas là-dessus.
Le Conseil central s'est quand même payé bon nombre de
grèves importantes dans la région, ce qui peut expliquer le fait
qu'il n'est pas privilégié à ce point.
M. SAMSON: Dans vos recommandations, à l'article 3, vous proposez
qu'il n'existe qu'un seul système d'enseignement francophone au
Québec et que soit prévue l'intégration du secteur
anglophone au secteur francophone. Evidemment, vous êtes contre le libre
choix qui a été préconisé par certains groupements
qui se sont présentés devant nous.
Est-ce que vous avez envisagé, par exemple, comme d'autres
mouvements l'ont envisagé, qu'un certain libre choix soit laissé
dans des secteurs donnés? Est-ce que vous n'avez pas
étudié une possibilité de nuancer, dans le sens que, dans
une région, c'est plus important que dans une autre région,
compte tenu de l'économique, ou des multinationales, ou encore de
l'importance des sièges sociaux internationaux?
M. DUGRE: En effet, on a envisagé cette position. Nous avons
d'ailleurs dû discuter un bout de temps sur cette troisième
recommandation à savoir pourquoi il nous semble plus normal... En tout
cas, notre position est celle d'un seul système unilingue francophone,
c'est qu'il nous apparaît que c'est la solution la plus claire et, au
bout du compte, à notre avis, la plus juste.
Si l'on estime que, pour certaines personnes, il est avantageux d'avoir
des écoles dans une autre langue, à ce moment-là, je pense
qu'on l'estime pour tout le monde. Si on croit qu'il est possible, dans ce
pays, de travailler en français, d'être promu en français,
on croit aussi que c'est possible pour tout le monde. Il est évident
qu'un seul système francophone n'interdit pas l'enseignement de toute
langue seconde, qu'il s'agisse du japonais, du russe, de l'anglais ou de
l'allemand.
M. SAMSON: Est-ce que, dans l'enseignement des langues secondes, vous
avez prévu des suggestions à faire à la commission en ce
qui concerne l'enseignement de l'anglais?
M. DUGRE: Pour nous, l'enseignement de l'anglais, tout comme
l'enseignement de toute langue seconde, devrait se faire exactement de la
même façon. Il va de soi qu'il est prévisible que plus de
gens soient intéressés à apprendre, je présume,
l'anglais que le slave, par exemple, compte tenu que l'utilisation du slave au
Québec ne serait pas particulièrement pertinente pour nombre de
gens. Mais nous ne croyons pas nécessaire de faire une distinction.
C'est pour nous une langue seconde au Québec. Si, effectivement, la
langue française est la langue officielle, à ce moment-là,
les mêmes efforts devraient être mis pour l'ensemble des langues, y
compris, bien sûr, l'anglais. Son enseignement devrait être autant
de qualité que celui de toute autre langue.
M. SAMSON: Puisque vous traitez, suivant votre témoignage, toutes
les langues sur le même pied, est-ce que cela veut dire c'est une
question que je vous pose que si, pour gagner votre vie,
personnellement, on en arrivait à vous demander de parler l'allemand,
vous seriez prêt à l'apprendre?
M. DUGRE: Je pense que ce n'est pas tout à fait dans cette
optique. Si j'estime, pour une raison ou pour une autre, que j'ai l'intention,
par exemple, de poursuivre des études en philosophie et que pour moi
l'allemand devient important, il reste bien au chef du personnel à
décider si je vais ou non l'apprendre, ou me
pénaliser dans telle ou telle science de ne pas l'avoir appris.
Mais je ne crois pas que, dans un pays normal, on ait à exiger de
façon quotidienne, de parler une autre langue que la langue maternelle,
la langue officielle, d'autant plus que la langue que nous parlons a
été, de longue date, une langue qui permet l'ensemble des
communications. Si nous parlions d'une langue absolument perdue, j'ai
l'impression qu'il faudrait modifier davantage notre position.
M. SAMSON: Si je comprends bien, vous travaillez dans une entreprise qui
est à 100 p.c. francophone.
M. DUGRE: Oui.
M. SAMSON: Si demain matin, pour une raison ou pour une autre, pour des
raisons d'ordre économique, vous en veniez à être
obligé de changer d'entreprise, et si, dans une nouvelle entreprise, on
en arrive à vous offrir un poste dans une compagnie multinationale, et
que ce poste soit un siège social qui fait affaires
régulièrement avec les Etats-Unis, avec l'Ontario, avec les
autres provinces du Canada, et si on exige de vous que vous parliez l'anglais,
est-ce que, à ce moment, vous accepteriez je ne sais pas si vous
parlez anglais, si vous le parlez, évidemment vous n'avez pas besoin de
l'apprendre mais si vous ne le parlez pas, est-ce que vous accepteriez
de l'apprendre pour des raisons d'ordre économique qui vous motiveraient
de le faire?
M. DUGRE: Oui. A ma conception, dans un état normal, des gens ne
vont pas m'obliger à connaître l'anglais. Des gens vont soumettre
un poste X et moi, à titre personnel, je vais désirer ou ne pas
désirer y accéder. Si je désire y accéder, il est
tout à fait évident que je devrai me conformer aux
critères, tout comme je devrai posséder éventuellement
l'anglais si c'est nécessaire pour occuper tel poste. Il se peut que je
doive posséder aussi des connaissances en administration. Pour moi,
c'est la même chose. Si je n'en possède pas, je ne postulerai pas
un poste en administration.
M. SAMSON: Oui, d'accord!
M. DUGRE: Alors, l'inverse actuellement au Québec...
M. SAMSON: C'est justement pourquoi je vous pose la question. Si vous ne
possédez pas de connaissances en administration, avant d'obtenir un
poste d'administration, vous allez apprendre. C'est clair.
M. DUGRE: C'est exact.
M. SAMSON: Tout comme si vous ne possédez pas l'anglais,
même si vous êtes bien contre cela, quand vous allez avoir bien
faim, vous allez vous intéresser à l'apprendre. Je pense que
c'est assez normal qu'on comprenne comme cela. Mais tout ceci n'est pas pour
vous mettre en difficulté, si je vous pose ce genre de question. C'est
pour tenter d'en arriver à mieux comprendre votre pensée et
j'essaie de la mieux comprendre. Est-ce que cela ne veut pas dire que,
finalement, il faut donner beaucoup plus d'importance à la possession,
pour le Québec, de son économie, pour que la langue devienne une
nécessité plutôt que nous contraignions les gens à
aller vers une seule langue avec un seul système d'enseignement, sachant
qu'on n'a pas les outils qui vont, dans le fond, justifier ces gestes.
M. DUGRE: Dans cette optique, je vous répondrais que, quant
à moi, l'instrument de l'éducation est toujours, dans tout pays
et dans toute culture du monde on a qu'à se référer
à l'histoire à ce niveau je pense, le premier instrument
qu'on utilise. Mais ce n'est pas le seul. Il m'apparaît évident
que cela ne devrait être qu'un premier pas. Bien sûr que
l'enseignement en une langue officielle, francophone au Québec, c'est un
premier pas. Si cela voulait dire, dans mon esprit, ou si je traduisais en vous
laissant sous l'impression que je veux dire de laisser tomber tout le reste, ce
serait faux. Je pense que c'est un premier pas qu'il faut faire, qui est
nécessaire. Maintenant, bien sûr que dans un pays, contrôler
son économie est aussi important, au moins autant, que posséder
sa langue. Et dans le cas présent, cela va souvent de pair au
Québec.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de
Louis-Hébert.
M. DESJARDINS: M. Dugré, d'abord, moi aussi je veux vous
remercier pour avoir présenté un mémoire.
J'aimerais vraiment savoir, sans arrière-pensée... Vous
allez comprendre avec moi qu'il est important que la commission sache combien
de personnes vous représentez vraiment. Je ne voudrais pas que vous
voyiez d'allusions, d'arrière-pensées de plus ou moins bonne foi
dans mes questions.
Je crois bien que la Corporation d'information populaire du
Lanaudière Inc. est propriétaire du journal La Criée. Vous
avez été mandaté par le bureau de direction...
M. DUGRE: Le comité de rédaction. Peut-être puis-je
vous faire un portrait rapide de la situation? Bon!
La Société nationale des Québécois du
Lanaudière, de pair avec un certain nombre d'organismes, a cru utile de
mettre sur pied un organe d'information de caractère régional et
qui serait un journal de combat, un journal de participation, etc. Ce journal a
été effectivement mis sur pied et financé, en très
grande partie, par la Société nationale des
Québécois.
Ceci fait, la Société nationale des
Québécois a créé une entité
particulière qui s'appelle le comité de rédaction. Le
comité de rédaction est formé de gens de la région
provenant de l'ensemble des organismes représentatifs. J'ai parlé
au tout début, en préambule, d'une quinzaine de personnes
provenant de l'ACEF, des syndicats, des jeunes ruraux, j'en passe..
Ce comité de rédaction est un peu pour ceux qui pourraient
connaître la formule, soit le précédent, en Europe, du
Figaro où la possession matérielle du journal appartient à
une corporation et la possession rédactionnelle appartient à
l'entité des rédacteurs et ils sont possédants de la
matière rédactionnelle, de la pensée du journal, alors que
l'autre entité est possédante des machines à
écrire, des bureaux, de l'édifice, etc. C'est le cas chez nous.
La société est possédante de l'aspect matériel. Le
comité de rédaction décide entièrement du contenu
rédactionnel du journal. Or, c'est le comité de rédaction
qui m'a mandaté à rédiger le mémoire, suite
à une discussion, bien sûr...
M. DESJARDINS: Ce comité de rédaction vous a
mandaté. Alors, vous avez préparé ce mémoire,
seul.
M. DUGRE: La rédaction finale, bien sûr, mais nous avons
fait la conceptualisation ensemble. Nous nous sommes rencontrés, nous
nous sommes...
M. DESJARDINS: Vous avez établi... M. DUGRE: ... les points
d'importance.
M. DESJARDINS: ... ensemble les principes de base...
M. DUGRE: Oui. C'est cela.
M. DESJARDINS: ... les principaux principes de base, une quinzaine de
personnes ensemble; mais c'est vous qui l'avez rédigé de
façon finale.
M. DUGRE: J'ai tenté de traduire cela en mots qui conviendraient
à la pensée réelle du comité de
rédaction.
M. DESJARDINS: Avez-vous eu le temps de le soumettre, tel que
rédigé, à ces quinze membres du comité de
rédaction, avant de le soumettre à la commission?
M. DUGRE: Le document est parti avant que je puisse rencontrer les
membres du comité mais depuis lors, j'ai rencontré les membres
qui ont...
M. DESJARDINS: Merci pour ces réponses.
Maintenant, j'en arrive à la page 3 de votre mémoire,
où vous parlez du français en demandant qu'il soit reconnu comme
langue de travail et vous vous référez à la grève
de Firestone. Le député de Rouyn-Noranda s'est saisi de mes
questions sur cette grève. Tant mieux! Mais, ce que je veux savoir,
c'est ceci. Est-ce que, dans les problèmes du français, langue de
travail à la Firestone... Il y avait probablement la question des avis
écrits au personnel. Je crois que les avis étaient unilingues,
à ce moment, la plupart du temps du moins.
M. DUGRE: Exactement.
M. DESJARDINS: Les directives écrites au personnel étaient
souvent ou généralement unilingues.
M. DUGRE: Oui.
M. DESJARDINS: Et je crois aussi vous me corrigerez si je fais
erreur que la convention collective... Y avait-il une version
française?
M. DUGRE: Vous me posez une question à laquelle je ne peux vous
répondre.
M. DESJARDINS: Oui.
M. DUGRE: Je ne suis pas certain.
M. DESJARDINS: Et les griefs...
M. DUGRE: Je sais que la langue habituelle des négociations,
selon l'avis du syndicat, bien sûr, était trop souvent
l'anglais.
M. DESJARDINS: Ah bon! Est-ce que les griefs n'étaient pas
souvent entendus en anglais également...
M. DUGRE: Oui.
M. DESJARDINS: ... et les sentences arbitrales rendues en anglais aussi
généralement?
M. DUGRE: Devant le Tribunal du travail, pas toujours quand même,
mais...
M. DESJARDINS: Non. Mais en ce qui concernait la gestion interne de
l'entreprise, c'était évidemment en anglais.
M. DUGRE: Oui.
M. DESJARDINS: Est-ce que le bill 22, à votre avis, ne corrige
pas au moins ce que je viens d'énumérer? Afin de ne pas vous
tendre de piège et de vous aider, je vous réfère à
l'article 24 du bill 22, où on dit bien que les employeurs doivent
c'est impératif rédiger en français les avis
de communication et directives qu'ils adressent à leur personnel. Vous
voyez ici, dès le premier alinéa de l'article 24, que plusieurs
motifs de griefs viennent d'être réglés, griefs qui
existaient à la Firestone et qui
existent peut-être dans d'autres entreprises. Et un peu plus loin,
à l'article 28, les griefs peuvent être formulés par les
salariés en français ou en anglais. C'est un problème qui
existait au niveau de la formulation. Bien souvent, les formules pouvaient
être unilingues seulement. Maintenant, ils peuvent. Donc un francophone
peut exiger la formule française pour rédiger son grief et les
sentences arbitrales doivent être rédigées en
français selon l'article suivant, je crois, ou l'un des articles
ici.
L'article 35 d) dit bien: "les dispositions que doivent prendre les
entreprises pour que les membres de leur personnel puissent, dans leur travail,
communiquer en français entre eux et avec leurs supérieurs." Vous
avez, d'une part, les écrits et, d'autre part, les communications
verbales. Je comprends que l'article 35 se réfère au programme de
francisation et à l'obtention du certificat, bien sûr, mais quand
même, est-ce que vous n'avez pas, dans les remarques que je viens de vous
faire, suffisamment d'éléments pour que le français soit
vraiment langue de travail?
M. DUGRE: Un certain nombre d'éléments à cette
question? D'une part, quant à l'article 35, il nous apparaît
évident qu'il s'agit là du cadre du programme de
francisation...
M. DESJARDINS: C'est cela.
M. DUGRE: ...qui, lui... Bon, le prendront ceux qui voudront bien le
prendre, pour l'instant. Nous avons d'ailleurs mentionné qu'à
notre avis il était trop discrétionnaire j'ai le goût
d'employer un mot anglais, parce que le mot français ne me vient pas
les "incentives" n'étaient, pourront ou seront peut-être,
etc., c'est-à-dire qu'on leur donnera peut-être des contrats, on
les favorisera peut-être, mais ce n'est pas certain. Alors, pour nous,
c'est insuffisant. Ceci, pour la langue parlée. Quant à l'article
24, effectivement, il précise quelque chose, c'est-à-dire que les
communications écrites rédigées, jusqu'à
preuve du contraire, pour moi, c'est de l'écrit, ce n'est pas du parler
c'est clairement dit que cela doit être en français ou en
français et en anglais. A mon avis, je n'ai pas trouvé de
pénalité. Alors, pour ceux qui ne le feront pas, il va se passer
quoi? On va leur dire: Ce n'est pas gentil. Je ne le sais pas. Pour moi, c'est
insuffisant, d'une part, et, d'autre part, c'est le seul élément
très clair, quoiqu'il lui manque, à mon avis, les
pénalités. Oui?
M. DESJARDINS: Vous voudriez qu'on attache une pénalité
à chacun des gestes posés à l'encontre de l'article 24, ce
qui voudrait dire qu'à chaque fois qu'un avis épinglé au
babillard de l'usine contrevient à la loi, il devra y avoir punition? A
ce moment, les contraventions seraient vérifiées comment? Est-ce
qu'il ne faudrait pas un enquêteur sur place à longueur de
journée? Vous n'avez pas peur d'un Etat policier?
M. DUGRE: A chaque fois que je brûle un feu rouge, en
général, on me donne une contravention.
M. DESJARDINS: Vous êtes sûr?
M. DUGRE: En général, on tente, du moins. Sont bien
prévus des mécanismes pour le faire et cela ne me donne pas
encore l'impression d'un Etat policier. J'ai comme la vague impression que, les
journées où je me sens pressé, s'il n'y avait pas de
pénalité, j'ai l'impression qu'il y aurait un certain nombre de
feux rouges que je passerais. Or, pour moi, l'article 24, c'est un feu
rouge.
M. DESJARDINS: Vous croyez...
M. DUGRE: Si je le passe, c'est bien malheureux et pas gentil du tout.
D'autant plus qu'il n'y a même pas de raison de l'éviter,
puisqu'au moins, le feu rouge, si je le passe, c'est à mes risques.
L'autre peut toujours me frapper. Là, il n'y a personne qui va les
frapper. A la rigueur, pourquoi le passer ou ne pas le passer?
M. DESJARDINS: De toute façon, je comprends que vous favorisez,
de façon générale, du moins à cet article-ci...
M. DUGRE: Oui.
M. DESJARDINS: ... d'y attacher une pénalité.
M. DUGRE: Je vais plus loin d'ailleurs dans les recommandations en
suggérant que des pénalités soient attachées
à cette loi, dans le sens que, finalement, une loi qui dit: Vous devrez
faire cela, mais si vous ne le faites pas, nous ne ferons rien, pour moi, ce
n'est pas une loi. C'est un voeu pieux, c'est très gentil de le faire,
c'est sûrement un bon souhait. Je ne peux pas être contre le
souhait, ni être contre la vertu, mais sauf que cela ne me donne pas
d'effet pratique.
M. DESJARDINS: Alors, si le texte est impératif et que vous y
attachez une pénalité, il va de soi que celui qui y contrevient
est pénalisé automatiquement s'il est pris.
M. DUGRE: Oui.
M. DESJARDINS: Cela veut donc dire que celui qui a utilisé des
mots anglais depuis 20 ans, depuis 25 ans ne pourra pas se franciser à
100 p.c. du jour au lendemain. C'est bien évident, au point de vue
pratique. Malheureusement, l'ouvrier, puisqu'on vise l'ouvrier ici, risque
d'être pénalisé dans le choix de ses termes comme langue de
travail. Je vous avoue
que cela m'inquiète. Il y a d'ailleurs beaucoup de termes
techniques, enfin, peut-être certains termes techniques qui ne sont
même pas francisés encore...
M. DUGRE: Bien sûr.
M. DESJARDINS: ... ou mal connus.
M. DUGRE: Oui, maintenant...
M. DESJARDINS: Alors, le pauvre ouvrier... Vous, tout à l'heure,
vous avez employé le mot "incentive", vous seriez obligé de payer
l'amende.
M. DUGRE: Effectivement, j'aurais dû avoir $0.50 de
contravention.
M. DESJARDINS: Oui, mais écoutez. Cela m'inquiète
franchement. Votre opinion...
M. DUGRE: Mais je pense, pour avoir vu mon père qui, depuis 35
ans, travaille au Canadien Pacifique... Il n'emploie, bien sûr,
quotidiennement avec une foule de francophones sur le trajet
Montréal-Québec où tous les gens sont francophones
que des termes anglais, mais je ne pense pas que mon père, à la
sortie de l'école, ait décidé des termes anglais qu'il
devait employer.
C'est le patron qui l'a décidé. Or, si demain le Canadien
Pacifique dit à mon père: A partir de maintenant, au lieu de dire
"freight" tu diras le train de transport de je ne sais pas quoi. Tu diras cela.
Il va le dire, c'est bien évident.
M. DESJARDINS: Mais s'il s'oublie, M.
Dugré, qu'il emploie le mot "freight" par habitude, selon votre
opinion, il devra être pénalisé, s'il est pris.
M. DUGRE: Vous exagérez largement mon opinion.
M. DESJARDINS: Non, c'est vous peut-être qui avez
exagéré.
M. DUGRE: J'ai fait une blague en disant: La pénalité de
$0.25, mais je ne pense pas qu'on va pénaliser un individu qui, à
un moment donné, échappe un mot. Là, vous parlez d'un Etat
policier. Mais je pense que des politiques comme celles du Canadien Pacifique
qui font de toute une série de gens, travaillant dans une série
de stations sur une ligne entre Montréal et Québec, où
tout ce monde est francophone, pour moi, en tout cas, pour y avoir vécu
mon père travaille dans une station, notre voisin travaille dans
l'autre station, ils se racontent des choses en français le soir dans le
parterre et, le lendemain matin, ils s'en vont se parler au
téléphone en anglais je pense que cela doit cesser et si
cela ne cesse pas, cela doit être pénalisé.
M. DESJARDINS: C'est pour cela qu'il y a une loi. Je vais juste vous
faire réfléchir là-dessus parce que vous avez quand
même exprimé l'opinion que vous vouliez des sanctions à
l'article 24 et, de façon générale, à la loi. Si
vous voulez des sanctions à chaque fois qu'on contrevient à un
acte impératif, c'est "sanctionnable", c'est "pénalisable"
à ce moment-là. Alors, je veux juste vous faire
réfléchir là-dessus pour vous démontrer qu'au point
de vue pratique, cela peut être difficile et on peut pénaliser des
gens sans que cela soit nécessaire. Alors, peut-être que la
position du gouvernement à l'effet de ne pas pénaliser pour
l'instant est peut-être préférable à la vôtre.
Moi, je vous demande juste de réfléchir là-dessus pour
l'instant.
Si vous me permettez, vous pourrez ajouter à la fin, si vous
voulez. J'ai vu que vous étiez favorable à un réseau
d'éducation unilingue, mais est-ce que vous ne seriez pas au moins
favorable à un réseau scolaire anglophone et francophone
proportionnel à la population, au moins cela? S'il y a 13 p.c.
d'anglophones ou 18 p.c, selon les prétentions de chacun, il pourra au
moins y avoir un certain nombre d'écoles anglophones pour cette
proportion. Est-ce que vous ne seriez pas d'accord sur cela?
M. DUGRE: D'accord. II y a deux points. Dans le premier point où
vous avez émis votre opinion, vous m'avez suggéré d'y
réfléchir, ce que je ferai, bien sûr. Je vous invite aussi
à réfléchir sur l'exemple que vous m'avez donné.
Vous m'avez suggéré qu'il n'y avait pas de distinction entre
l'oubli d'un mortel à dire un mot et l'oubli d'une corporation ou d'une
compagnie à imposer à une majorité une langue. Quant
à moi, je fais une distinction. Je pense qu'au minimum il y a
suffisamment de ministres ici pour rédiger un texte de loi qui
clarifierait une position comme celle-là, d'une part.
M. MORIN: ... du député de Louis-Hébert avait
compris cela depuis très longtemps, mais c'est un piège qu'il
vous tendait, je crois.
M. DESJARDINS: Maintenant que notre petit universitaire a fait son
"show", est-ce qu'on peut continuer ensemble?
M. DUGRE: De toute façon, il faut prendre de
l'expérience.
M. DESJARDINS: C'est pour le taquiner, évidemment. J'ajoute cela
pour le journal des Débats. Mais cela n'était pas un piège
que j'essayais de vous tendre. C'est le député de Sauvé
qui voit des pièges partout. Des pièges à ours.
M. DUGRE: II faut parfois se sauver des pièges.
M. DESJARDINS: Continuons notre discussion sérieuse.
M. DUGRE: Dans l'optique d'un secteur anglophone, indépendant du
secteur unilingue francophone, où j'ai bien précisé
je pense, à M. Samson tout à l'heure qu'il y avait quand
même des langues secondes, je pose la question de critères en
termes d'importance et de valeur.
Si donc on est fermement décidé à faire du
Québec un pays unilingue francophone, oui, au fond, laisser à 7
p.c, il faudrait être juste, on a l'habitude d'arrondir un peu trop les
chiffres, je pense qu'officiellement d'après Statistique Canada, c'est
14 p.c. Cela monte souvent à 20 p.c, 17 p.c. à 19 p.c, moi, je
pense que les statistiques, à ce jour, c'est 14 p.c. De toute
façon, que 14 p.c soient instruits de A à Z dans une langue qui
ne devrait pas leur servir, ça ne devrait pas être plus gentil,
que pour nous, de l'avoir fait en français et de devoir travailler en
anglais.
M. CLOUTIER: Est-ce que le député de
Louis-Hébert...
M. DESJARDINS: Vous maintenez votre position d'un réseau
unilingue francophone à ce moment-là?
M. CLOUTIER: Est-ce que le député de Louis-Hébert
me permettrait...
M. DESJARDINS: Oui.
M. CLOUTIER: ... de demander une précision? Notre invité
vient de parler d'un pays unilingue francophone et a dit qu'il se
plaçait dans cette perspective. C'est une perspective que je respecte,
mais est-ce que je dois comprendre que c'est une perspective
indépendantiste? Parce qu'il est bien évident que nous nous
plaçons, nous, dans une autre perspective. Le Québec est une
province canadienne, nous tenons à ce pays qui s'appelle le Canada et
nous cherchons des solutions à l'intérieur d'un cadre
précis. Il faut quand même s'entendre sur les optiques qui sont
à la base de nos réflexions.
M. DUGRE: Je ne pense pas qu'à proprement parler ce soit une
perspective indépendantiste, ce qui ne signifie pas que ça ne
pourrait pas être une perspective indépendantiste, mais je pense
que tout comme...
M. CLOUTIER: C'est une réponse de Normand...
M. DUGRE: Là, évidemment...
M. CLOUTIER: II y a du sang normand dans la région de
Joliette.
M. DUGRE: ... et ils portent bien leur nom. M. DESJARDINS: M.
Dugré...
M. DUGRE: Si vous permettez, j'aimerais répondre au ministre. Je
pense que l'Alberta n'a pas posé un geste indépendantiste en
créant l'unilinguisme anglophone chez elle. Je pense donc que le
Québec ne pose pas nécessairement un geste indépendantiste
en faisant du Québec une province unilingue francophone. Ce pourrait
être aussi une province et un pays unilingue francophone, d'ailleurs.
M. DESJARDINS: Dans ce cas... j'achève, parce que j'ai
été interrompu à deux reprises.
M. CLOUTIER: Je m'excuse. M. DESJARDINS: Deux points.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Si vous voulez compléter assez
rapidement, le temps est écoulé.
M. DESJARDINS: Votre position sur le réseau scolaire unilingue me
surprend, parce que de nombreuses associations ici sont venues témoigner
et ont maintenu au moins un réseau anglophone, et le Parti
québécois, dans son contre-projet, maintient un réseau
anglophone. C'est pour ça que j'étais un peu surpris.
Je termine avec une question pratique encore. Lorsque vous vous
élevez contre l'article 45 du projet de loi sur l'affichage, qui dit que
la loi entrera en vigueur dans cinq ans, à compter de juillet 1975, je
voulais juste vous signaler, si vous n'y avez pas pensé, que ça
me semble être un aspect pratique, parce que la plupart des néons
et panneaux-réclame sont loués, aujourd'hui, ils sont
généralement loués, pour une période de cinq
années. Alors, pourquoi aller punir des gens qui, déjà,
ont un contrat en vigueur, les obliger à payer à nouveau un
changement dans leurs panneaux, etc.? Je laisse ça à votre
réflexion simplement.
M. DUGRE: Pour votre première impression, à savoir la
position, quant au système unilingue francophone, ça pourrait au
moins ne pas classer la Criée strictement dans le Parti
québécois. Dans le deuxième point...
M. DESJARDINS: Cela ne m'a jamais traversé l'esprit.
M. DUGRE: ... je veux au moins dire une chose. Il m'apparaît
peut-être acceptable qu'on accepte un délai de cinq ans, compte
tenu des locations, compte tenu d'un certain nombre de critères. Il
m'apparaît inacceptable que ce délai ne débute pas
dès la déposition et dès l'acceptation de cette loi,
c'est-à-dire que, pendant un an, on laisse aller les choses telles
qu'elles vont pouvoir aller et on décidera dans un an. Cela
m'apparaît inacceptable.
M. CLOUTIER: Ce sont des choses qui pourraient être
corrigées. Ce sont des modalités. Il y a un tas de petits points
comme cela.
M. DUGRE: Au moins celui-là, je le suggère. M. CLOUTIER:
Oui, très certainement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable chef de l'Opposition. Il reste
environ trois ou quatre minutes pour...
M. MORIN: M. le Président, puis-je d'abord dire à M.
Dugré à quel point nous sommes d'accord sur ses remarques de la
première page de son mémoire, au sujet des délais
extrêmement restreints qui ont été accordés aux
comparants pour préparer leur mémoire.
Il est évident que cela a causé des embêtements
graves. J'ai eu connaissance d'ailleurs de quelques exemples de cela, à
certains organismes qui auraient voulu venir déposer leur mémoire
et que ces délais ont empêchés de le faire.
De même, je voudrais vous dire que nous ne sommes pas insensibles
au fait qu'une région comme la nôtre, qui a soumis de nombreux
mémoires, je crois que c'est votre région qui en a soumis le
plus...
M. DUGRE: II y en a eu 17.
M. MORIN: ... oui, qu'une région comme celle-là,
finalement, sera très peu représentée si on continue au
rythme actuel devant cette commission, puisque, malheureusement, celle-ci a
refusé, au départ, de se déplacer à travers les
régions du Québec, a refusé ce que nous lui proposions,
c'est-à-dire de devenir itinérante pour aller voir la situation
qui prévaut dans chaque région, parce que celle-ci varie
considérablement d'une région à l'autre. Justement, votre
comparution nous permet au moins de juger à quel point la région
de Joliette est aux prises maintenant avec ce problème linguistique,
alors que, jusqu'à ces toutes dernières années, on aurait
pu penser qu'elle était un peu à l'écart de ces
problèmes.
Pour ce qui est de la langue de travail, j'aurais un détail
à vous demander, au sujet du règlement de la grève chez
Firestone. Est-ce que vous pourriez nous dire exactement ce que les
travailleurs ont obtenu au sujet de la langue, dans le règlement de ce
conflit de travail?
M. DUGRE: Oui. Ils ont d'abord, bien sûr, obtenu ce qui est
déjà un fait et ce que me signalait le député de
Louis-Hébert, que les avis, etc., cela soit en français, c'est
évident. Ils ont obtenu encore plus. Ce qui est peut-être le
contact le plus quotidien il ne faut quand même pas s'illusionner,
Jos. Bleau, qui plante des clous dans l'usine, ne reçoit pas très
fréquemment d'avis écrits c'est plutôt le contact
direct avec celui qu'on appelle le "foreman". Là aussi, dans l'usine,
c'est en français que les opérations, les contacts entre les
dirigeants et les ouvriers doivent se faire. Pour les griefs, etc., c'est aussi
en français.
M. MORIN: Etant à la Criée, qui est un journal
régional, vous avez pu sans doute au cours des dix mois qu'a duré
cette grève, mesurer un peu le degré de réceptivité
de la population à ce genre de revendication. Est-ce que, à votre
connaissance, comme journaliste, la population épaulait les
grévistes sur ce point? Ou est-ce qu'elle est demeurée
indifférente?
M. DUGRE: Dans un premier temps, il est clair que la population n'est
pas restée indifférente. On ne reste pas indifférente
à un conflit. En fait, on en avait trois de front qui paralysaient
à toutes fins pratiques la vie économique de notre région,
le petit commerçant s'en rendait compte lui-même. On n'est pas
resté indifférent.
Cependant et peut-être que cela me permet d'apporter un
élément de plus il m'appa-rait beaucoup plus qu'illogique
que l'indifférence de la population ait été
utilisée par la compagnie. C'est qu'à un moment donné on a
associé, à des revendications, telle celle de la langue, qui
étaient quand même des revendications bien légitimes des
travailleurs, le fait que c'était très simple. Vous avez le
goût de vous amuser avec nous, nous on va s'en aller, on va fermer
l'usine.
On avait un projet d'agrandissement de l'usine de $8 millions, $10
millions ou de $12 millions, de semaine en semaine, le projet grandissait
d'ailleurs. Ce projet ne se fera jamais. Il y avait 600 emplois, il n'y en aura
plus. Or, à un moment donné, je pense que cela aussi, c'est un
des éléments normaux. Un peuple, qui a une langue maternelle,
devrait pouvoir l'utiliser sans pour cela subir le chantage, parce que
c'était du chantage. Des entreprises étrangères qui
viennent lui dire: Si tu ne prends pas notre langue, nous, on va s'en aller,
nous, on va fermer l'usine et nous, on va t'enlever des emplois. Bien
sûr, c'est ce qui a pu se produire dans l'opinion publique. Les gens,
à un moment donné, se sont sentis opposés aux
grévistes, et je vous le dis franchement
considérant que leurs demandes étaient exagérées,
ce qui est tout à fait anormal dans le Québec.
M. MORIN: Je m'excuse, M. le Président, j'ai encore une question.
Quand j'ai été dans la région, j'ai tout de même eu
le sentiment que la population je ne sais pas si c'est au même
moment que celui dont vous parlez appuyait très franchement les
grévistes dans le cas de la Firestone. Nous ne parlons peut-être
pas du même moment.
M. DUGRE: Je me souviens bien de votre visite dans la région.
Vous êtes venu, environ trois mois après le règlement,
à la Firestone. Evidemment, depuis lors, les opinions ont
été changées dans la mesure où finalement la
grève se terminait et des grévistes avaient gagné
précisément leur point. Finalement, la population s'est dit: Ce
n'était peut-être pas si bête que cela. Mais moi, je me
référais, en vous
donnant une réponse à une période qui est plus
près d'ailleurs de la période électorale d'octobre.
M. MORIN: Donc, la population est finalement satisfaite que les
grévistes aient obtenu gain de cause sur ce point particulier?
M. DUG RE: Oui.
M. MORIN: Bien. Une dernière question, M. le Président. A
la Great Lakes Carbon et à la Canadian Gypsum, est-ce que la langue pose
des difficultés? Est-ce que cela faisait l'objet... Est-ce que
c'était l'un des griefs qui avaient déclenché la
grève?
M. DUGRE: J'ai rencontré un bon nombre des travailleurs de Great
Lakes et encore davantage des travailleurs de la Canadian Gypsum. Les
travailleurs considéraient cela comme un problème. Cependant,
dans les deux cas dont nous parlons, cela n'a pas fait l'objet d'une bataille
en règle, si vous voulez. Alors, à la Great Lakes, on est
rentré, tout en ayant parlé, bien sûr, de ce point sans
l'avoir véritablement réglé; à la Canadian Gypsum,
il ne s'annonce pas que ce sera le principal cheval de bataille. Les gens en
sont conscients, mais ils n'ont pas choisi, dans ces cas. On me disait que le
mémoire du Conseil central signifiait qu'ils n'avaient pas eu le temps.
C'est peut-être aussi un des éléments de cette
situation.
M. MORIN: Est-ce que le règlement intervenu à Firestone
peut éventuellement amener ces travailleurs à être un peu
plus exigeants sur le chapitre de la langue, d'après ce que vous savez
de la situation?
M. DUGRE: Je pense que cela, ils l'ont déjà fait. J'ai
l'impression, en tout cas, plus chez les travailleurs de Gypsum, qui
étaient davantage près des travailleurs de Firestone, de par le
fait que c'était la même ville, d'une part, qu'effectivement la
sensibilisation a été beaucoup plus grande. Mais il faut
peut-être se dire que le règlement de Firestone est arrivé
au moment où pour tous les autres, cela faisait très longtemps
aussi que leur conflit traînait. Gypsum a fêté le premier
anniversaire il y a deux mois déjà. Alors, cela n'a pas
été inclus dans les négociations du départ.
Actuellement, j'ai l'impression que les travailleurs de la Gypsum sont beaucoup
plus sensibilisés à ce problème qu'ils ne l'étaient
il y a un an, par exemple.
M. MORIN: Je vous remercie.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, M. Dugré, la commission vous
remercie pour votre témoignage.
Pourrais-je demander si M. Claude Mailhot, président du Conseil
central de Joliette, est présent?
Sinon, la commission ajourne ses travaux à demain, 10 heures,
alors que les organismes que nous avons nommés tantôt seront
appelés à témoigner.
(Fin de la séance à 16 h 58)