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Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le mercredi 19 juin 1974 - Vol. 15 N° 102

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 22 — Loi sur la langue officielle


Journal des débats

 

Commission permanente de l'éducation,

des affaires culturelles et des communications

Etude du projet de loi no 22

Loi sur la langue officielle

Séance du mercredi 19 juin 1974

(Dix heures et neuf minutes)

M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

Je voudrais d'abord informer les membres de la commission des changements dont on m'a avisé. M. Saindon (Argenteuil) remplace M. Bérard (Saint-Maurice); il y a M. Charron (Saint-Jacques); M. Déom (Laporte); M. Cloutier (L'Acadie); M. Hardy (Terrebonne); M. Lachance (Mille-Iles) remplace M. Lapointe (Laurentides-Labelle); M. Tardif (Anjou) remplace M. L'Allier (Deux-Montagnes); M. Morin (Sauvé) remplace M. Léger (Lafontaine); M. Séguin (Pointe-Claire) remplace M. Parent (Prévost); M. Beauregard (Gouin) remplace M. Phaneuf (Vaudreuil-Soulanges); M. Brown (Brome-Missisquoi) remplace M. Saint-Germain (Jacques-Cartier); M. Roy (Beauce-Sud) remplace M. Samson (Rouyn-Noranda); il y a aussi M. Veilleux (Saint-Jean).

Procédure

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Avant de passer à la motion du député de Saint-Jacques, je voudrais rappeler certaines normes concernant la tenue de nos commissions parlementaires. Comme vous le savez, sans doute, il n'est pas facile pour un président de diriger une telle commission, compte tenu de nos règles de pratique et des nombreuses auditions que nous devons avoir d'ici la fin de la présente étude de la commission parlementaire. Cependant, il faudrait peut-être rappeler à nos invités que la période pour la présentation de leur mémoire est d'une durée limite de 20 minutes. Autrement dit, si le mémoire est trop long, j'inviterais nos invités à présenter un court exposé, un résumé de leur mémoire, de manière à respecter l'esprit de la commission parlementaire, qui est un dialogue entre les membres de la commission et les invités représentant nos organismes. Aujourd'hui, nous entendrons plusieurs organismes dont le premier qui a été mentionné par le président hier soir, lors de l'ajournement de la commission, et qui est représenté par M. Campbell, président de la St-Andrew's Society of Montreal. J'inviterais M. Campbell à venir en avant. Excusez-moi, j'ai oublié...

M. CHARRON: Je n'ai pas considéré cela comme une offense, M. le Président. Nos invités peuvent prendre place.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Tout de même dans l'esprit que je viens de mentionner tout à l'heure — assoyez-vous — je voudrais obtenir, comme nous l'avons toujours eue d'ailleurs, la collaboration étroite des membres de la commission. Le président qui me précédait, M. Gratton, a mentionné à plusieurs reprises au cours de la journée d'hier l'obligation et le devoir d'un président de s'en tenir à des règles, non pas nécessairement rigoureuses, mais qui permettent des délibérations peut-être plus en conformité avec nos règles de pratique. C'est du côté surtout des mémoires.

On ne peut pas demander à chacun des invités qui nous rendent visite, de connaître tous nos règlements; mais tout de même, lorsque le président demande à notre invité de s'en tenir à nos règles de pratique, je pense que ce serait normal qu'il obtienne, dans ces circonstances, la collaboration des membres de la commission. Je voudrais rappeler l'esprit de la commission. C'est un dialogue entre les membres de la commission et les invités.

Hier, la motion du député de Saint-Jacques était rendue... C'était le député de Beauce-Sud sur la motion du député de Saint-Jacques. Je vais la relire pour le bénéfice des membres de la commission: Que... Hum!

M. CHARRON: Puis-je vous la lire, M. le Président? La motion que j'ai présentée hier soir sur laquelle intervenait le député de Beauce-Sud lorsque nous avons ajourné nos travaux se lit comme suit: Qu'à l'avenir le secrétaire des commissions convoque pour la séance du lundi de la commission permanente de l'éducation, des communications et des affaires culturelles un maximum de cinq témoins. Pour les séances du mardi, mercredi et jeudi, un maximum de six témoins et pour la séance du vendredi, un maximum de trois témoins.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Egalement, pour finir mon prône matinal, je rappellerai que la commission parlementaire n'est pas un lieu de spectacle. Hier, nous avons eu beaucoup trop de manifestations dans la salle. Je comprends que nos invités soient accompagnés des membres qui, naturellement, sont d'accord sur leur exposé, mais je voudrais, pour le bénéfice de tous ceux qui viennent ici également, de ceux qui suivent nos délibérations par le truchement de nos media d'information, qu'on n'entende pas dire: Au Québec, c'est une foire générale. En conséquence, à partir d'aujourd'hui, il peut peut-être y avoir une expression spontanée, mais nous ne permettrons pas ces manifestations constantes. Malheureusement, lorsqu'un organisme se sentira appuyé des mains et d'autres choses par ceux qui l'accompagnent, le président devra, tout en avertissant, aller jusqu'à proposer la suspension d'une telle audience s'il y a trop de manifestations ou, comme nos règlements le prévoient, ce qui serait absolument malheureux, faire évacuer

la salle pour trop de manifestations. C'est un lieu de dialogue et non pas un spectacle. L'honorable député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, au moment de l'ajournement hier soir, nous étions justement en train de discuter d'une motion présentée par le député de Saint-Jacques qui avait pour objet de réduire le nombre de convocations à chaque jour, c'est-à-dire de réduire le nombre de convocations de six à cinq pour les journées de lundi, de sept à six pour les journées de mardi, mercredi, jeudi et aussi de quatre à trois pour la journée de vendredi. Cette motion était présentée suite à la situation qui prévaut lorsque nous devons demander ou encore donner notre consentement pour nous permettre de pouvoir interroger les associations un peu plus longtemps.

Alors, cette motion est conforme également aux dispositons de l'article 8 parce que, si on procède de la façon dont on a procédé jusqu'ici, en convoquant pour sept heures de délibérations, sept organismes, il est évident qu'on lie la commission de façon que nous ne puissions pas nous prévaloir de la dernière partie de l'article 8, qui dit ceci: Ces périodes peuvent être prolongées si la commission le juge à propos. J'estime qu'il est absolument important, essentiel que, dans certains cas, il nous soit nécessaire et utile pour les membres de la commission et dans l'intérêt général d'interroger un peu plus longuement ou de permettre à une association de nous livrer son mémoire de la façon la plus complète possible. Si nous maintenons la coutume établie depuis les deux semaines que la commission siège, il est évident que cette dernière disposition de notre règlement ne peut pas être utilisée, on ne peut pas l'appliquer. Je trouve qu'il est extrêmement malheureux que se produisent des choses comme celles d'hier soir. D y a un mouvement qu'on appelle le Mouvement Québec français qui a été convoqué, il devait paraître en dernier lieu et ces gens ont dû retourner chez eux, quand on sait toutes les dépenses que cela implique, les pertes de temps, dépenses de voyage ou autre pour permettre à ces gens de venir à la commission parlementaire.

Je pense qu'il y aurait lieu de procéder avec plus de diligence, d'avoir un peu plus de sens pratique, de façon à ne pas abuser de nos invités, du fait que ces gens se sont quand même donné la peine de préparer un mémoire et de venir se présenter devant la commission. M. le Président, si nous demandons — c'est la raison pour laquelle j'appuie la motion du député de Saint-Jacques — que nous réduisions le nombre de groupements convoqués à chaque jour, c'est parce que ce n'est pas nouveau et ce n'est pas un précédent que nous créons. C'est qu'au contraire on est en train de créer un précédent en limitant à une heure chaque association qui vient devant la commission parlementaire. Devant une loi d'aussi grande importance que celle qui est à l'étude présentement, devant une législation qui peut être décisive pour la société québécoise, pour son avenir, j'estime qu'il nous faut prendre le temps nécessaire, le temps voulu pour bien examiner la question, la situation sous tous ses angles.

Qu'on permette à tous ceux et celles qui ont des mémoires à présenter, qui viennent devant la commission parlementaire, qu'on leur donne le temps de s'expliquer et de s'exprimer et qu'on donne également le temps aux membres de la commission de pouvoir les interroger dans toute la mesure du possible, de façon que nous puissions connaître leurs points de vue, leurs recommandations, de façon que nous soyons le mieux informés possible de leur position.

M. le Président, un autre point. Je me demande quel est le caractère d'urgence que nous avons à l'heure actuelle pour faire en sorte que cela presse tant de passer tout le monde le plus vite possible. Qu'on se rappelle que, lors de l'étude du code des professions, les commissions parlementaires ont siégé pendant presque un an et demi. Qu'on se rappelle que, pendant près d'un an, la commission parlementaire sur la protection du consommateur a siégé; la loi a même été réimprimée et nous avons dû revenir une seconde fois.

Nous avons une législation qui concerne le domaine linguistique, l'avenir culturel et linguistique du Québec et nous sommes pris dans un cadre qui nous oblige, avec un calendrier extrêmement sévère, à passer tout le monde à la course, à passer tout le monde à la vapeur, parce qu'il faut se conformer à une date.

M. le Président, si on ne peut pas passer tous les mémoires avant l'ajournement de la session d'été, qu'on se reprenne à l'automne, qu'on continue au cours de l'hiver prochain et on reviendra le printemps prochain, mais prenons le temps d'examiner cette quetion dans toute sa dimension. Je pense qu'il est extrêmement important et je n'accepte pas que le gouvernement fasse en sorte de comprimer tout le monde et de dire: Cela presse.

Il n'y a pas de caractère d'urgence tel à l'heure actuelle qui puisse justifier le gouvernement à vouloir passer tous ces mémoires dans un minimum de temps et à faire en sorte que la commission parlementaire soit cadrée ou comprimée dans un état où il est à peu près impossible d'agir.

M. le Président, ce n'est pas pour faire de l'obstruction que je fais ces observations ce matin. C'est que nous avons été prêts à collaborer avec le ministre. Nous avons été prêts à collaborer avec le gouvernement. La preuve, c'est que, lorsque nous avons eu notre réunion la semaine dernière, nous avons même accepté, contrairement à nos habitudes, contrairement à nos obligations — parce que nous avons quand même d'autres obligations dans d'autres secteurs d'activité économique — nous avons consenti à accorder le lundi pour permettre à la commission parlementaire de siéger; nous avons

même consenti à tenir la séance de la commission parlementaire le mercredi soir, tous les mercredis soir en guise de collaboration. Nous avons même accepté de prolonger la journée du vendredi de une heure jusqu'à quatre heures, pour encore offrir notre collaboration.

Mais je veux dire au gouvernement et au ministre que nous sommes quand même des êtres humains à cette commission parlementaire.

M. le Président, j'estime que nous devrions quand même pouvoir faire en sorte qu'on permette aux gens de faire le travail que nous avons à faire comme députés et de porter tout l'intérêt et toute l'attention que nous devons apporter à ces mémoires sur cette question linguistique importante.

Pour toutes ces considérations, je pense qu'il n'est que normal, qu'il n'est que logique, en fonction de la loi du gros bon sens, de réduire le nombre de convocations chaque jour. Ainsi, nous serons moins comprimés, moins contrôlés par les obligations, si vous le voulez, ou par le fait que les gens sont ici et qu'ils ont fait des dépenses pour venir devant la commission parlementaire, de façon que nous puissions, lorsque c'est nécessaire, intervenir et demander, à un moment donné, un délai additionnel pour pouvoir interroger nos invités, ceux qui se présentent devant nous.

Or, je pense que le gouvernement devrait, en toute justice, en toute honnêteté et en toute sincérité accepter la motion présentée par l'Opposition, une motion qui est basée sur le gros bon sens, sur la grosse logique.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre des Affaires culturelles.

M. HARDY: M. le Président, nous sommes en face d'une motion dilatoire qui s'inscrit dans une stratégie très claire, dévoilée par le chef du Parti québécois, appuyée par le chef parlementaire du Parti québécois qui a dit que tous les moyens seraient utilisés pour empêcher l'adoption du projet de loi 22. Le chef parlementaire du Parti québécois a demandé à ceux qui voulaient protester ou organiser des manifestations de les retarder à l'automne. Il est bien clair que tout cela se tient. S'il y a une chose de logique et de cohérente, c'est la stratégie de ceux qui siègent à votre gauche immédiate. Il s'agit d'une motion dilatoire...

M. VEILLEUX: Je ne suis pas avec eux.

M. HARDY: ... et totalement irrégulière. Je vous le fait remarquer avec beaucoup de respect, M. le Président, parce que cette motion va directement à rencontre de nos règles de pratique. Nos règles de pratique disent bien clairement... Et ces règles de pratique ont été acceptées. Contrairement à ce que soutient le député de Beauce-Sud, ce n'est pas un précédent. Ces règles de pratique sont écrites. Elles sont là. Ces règles de pratique disent que chaque groupe doit se faire entendre pendant une heure et que chaque groupe dispose de vingt minutes pour la présentation de son mémoire. C'est écrit. Pour un homme dont une des assises de la philosophie politique est le respect de l'ordre et de la loi, je trouve que le député de Beauce-Sud est largement erratique ce matin.

M. ROY: M. le Président, j'invoque le règlement sur ce point.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: Je n'ai pas voulu faire de personnalité, et je n'ai attaqué personne en particulier dans ce règlement. Je trouve encore, ce matin, que le député de Terrebonne va un peu loin. M. le Président, si vous êtes aux prises tantôt avec des problèmes par le fait qu'il y a des députés de provoqués, vous aurez certainement pu noter que c'est encore le député de Terrebonne ce matin qui commence encore comme à l'habitude. Si le député de Terrebonne veut être logique et nous parler des règles de pratique, je lui demanderais de lire tout l'article 8.

M. HARDY: D'accord! M. le Président, le lundi, nous disposons de sept heures et la motion demande que nous n'entendions que cinq groupes. Les mardis, mercredis et jeudis, nous disposons de sept heures et quart et on ne veut convoquer que six groupes. Le vendredi, nous disposons de quatre et on ne veut convoquer que trois groupes.

Il est évident, M. le Président, que cette motion, encore une fois, va à rencontre du règlement et des règles de pratique.

Deuxièmement, il est clair que, si nous avons dû dépasser l'heure prévue pour chaque groupe, c'est que des groupes ont lu totalement le texte de leur mémoire. Or, M. le Président, je pense que les membres de la commission parlementaire savent lire, sont capables de lire le texte d'un mémoire, et ce qui devrait être fait — je n'ai pas à donner de règles de conduite — mais je pense que, si tout le monde voulait collaborer honnêtement, si on ne voulait pas retarder indûment nos travaux, ceux qui se présentent à la commission pourraient nous donner un résumé de leur mémoire, ce qui pourrait très bien se faire dans une période de 20 minutes, ce qui permettrait, par la suite, aux membres de la commission de poser des questions qu'ils jugent à propos.

Troisièmement — cela s'adresse aux membres de la commission — si on voulait respecter l'esprit des travaux d'une commission parlementaire comme celle que nous avons, si plutôt que de faire de grands discours et de grandes déclarations de principe, ce qui n'est ni le temps ni le lieu — et là-dessus, je pense qu'on devrait s'inspirer de l'exemple du ministre de l'Educa-

tion — si on se limitait à poser des questions et non pas faire de grandes déclarations, nous pourrions très bien permettre à tous les groupes de faire connaître entièrement leurs pensées dans le cadre de l'heure qui est mise à leur disposition et à la disposition de la commission.

Donc, M. le Président, je termine là-dessus parce que je trouve que c'est très injuste de la part du député de Beauce-Sud, c'est que si un groupe n'a pu se faire entendre hier soir, c'est dû totalement et entièrement à la mauvaise foi des membres de l'Opposition qui ont pris tous les moyens possibles pour retarder indûment l'audition d'un groupe. C'est la raison pour laquelle ce groupe n'a pas été entendu, et s'ils sont pénalisés, s'ils doivent un jour revenir, vous en avez la totale responsabilité.

Donc, cette motion est irrecevable parce qu'elle fait partie d'une stratégie qui a pour but d'empêcher l'étude normale du projet de loi 22, et je considère que vous devriez immédiatement la déclarer irrecevable. Sinon, qu'on passe au vote afin de permettre à ceux qui sont ici devant nous, ce matin, de se faire entendre et qu'on ne se retrouve pas ce soir dans la même situation qu'hier soir et qu'il y ait des groupes qui n'aient pas pu se faire entendre. Nous en aurions encore la responsabilité.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: M. le Président, depuis que cette commission a refusé de prendre le chemin des régions pour aller entendre sur place les citoyens intéressés par ses travaux, depuis que nous avons refusé de devenir itinérants, comme nous l'avions proposé au premier jour des séances de cette commission, comme l'a proposé encore tout récemment, pour ce qui est de tous les projets de loi importants, la Chambre de commerce du Québec, depuis que nous avons opposé une fin de non-recevoir à l'attente légitime des régions, je pense que nous nous exposions au genre de débat que nous avons ce matin.

Nous avions de bonnes raisons de vous demander cette commission itinérante. Les problèmes varient considérablement d'une région à l'autre.

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre des Affaires culturelles sur une question de règlement.

M. HARDY: La commission parlementaire s'est déjà prononcée sur cette question et je pense que nous n'avons pas à y revenir, d'une part. D'autre part, il n'y a aucun lien direct entre la motion présentement sur la table et la question de savoir si nous devrions être itinérants ou non. Je vous pose la question, M. le Président, et même si vous n'acceptiez pas ce deuxième point de vue, il y a le premier qui est clair et évident: Quand une commission s'est prononcée sur une question, on n'a pas à y revenir en vertu de l'article 163, les règles qui régissent nos travaux à l'Assemblée nationale s'appliquent à nos commissions mutatis mutandis.

M. CHARRON: M. le Président, sur la même question de règlement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON : Le chef de l'Opposition est parfaitement légitimé de rappeler une décision de la commission parlementaire à l'appui de son intervention dans une autre motion. Je ne sais pas quelle mouche a piqué le député de Terrebonne pour qu'il se sente à ce point maître d'oeuvre...

M. HARDY: M. le Président, le député de Saint-Jacques ne devrait pas parler de piqûre.

M. CHARRON: Vous n'avez pas le droit de parler actuellement pendant que je parle. Si vous êtes aussi soucieux que cela du règlement et aussi étroit d'esprit que vous venez de le démontrer, maintenez-vous dans ce fauteuil où vous vous cabrez depuis le début des séances de la commission parlementaire et laissez intervenir le chef de l'Opposition.

M. le Président, le règlement, bien sûr, nous interdit de revenir sur une motion dont une commission a déjà disposé dans le sens de la faire revenir sur sa décision. Personne ne peut nous interdire de rappeler à la commission une décision qu'elle a déjà prise. A quel endroit dans le règlement le savant député de Terrebonne a-t-il trouvé cette interdiction de rappeler une loi qui a été votée par l'Assemblée, de rappeler une motion dont l'Assemblée a disposé, de rappeler ce souvenir à l'appui et de dire: Puisque la motion a été battue, puisque la commission a pris telle décision, nous pouvons faire par la suite tel ou tel point. Si le ministre considère comme dilatoire l'intervention que je dois faire, il doit noter qu'elle m'a été soumise, ouverte, toutes portes ouvertes, toutes portes déployées, par l'intervention irrégulière...

M. HARDY: Par le député de Sauvé.

M. CHARRON: ... du député de Sauvé. Du député de Terrebonne.

M. HARDY: Oui, le député de Terrebonne, excellent lapsus.

M. CHARRON: Puis-je rappeler, M. le Président...

M. HARDY: Très bien.

UNE VOIX: Une autre piqûre.

M.- CHARRON: D'accord. Puis-je rappeler, M. le Président, sur cette question de règlement qu'hier, le député de Terrebonne, qui a malheureusement les Affaires culturelles entre les mains, est intervenu...

M. HARDY: Vous auriez dû dire cela à l'étude des crédits. Cela aurait été plus pertinent.

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CHARRON: M. le Président, puis-je vous rappeler que le député de Terrebonne intervient irrégulièrement encore. Vous m'avez reconnu sur un point de règlement. Je suis respectueux sur ce point. Merci, M. le Président. Je vous signale, puisqu'un autre que vous occupait le fauteuil hier matin, qu'hier après-midi nous avons eu un précédent dans les points de règlement. Effectivement, le député de Sauvé, chef de l'Opposition, était à poser des questions à un témoin, lorsque tout à coup, bondissant de sa chaise et voulant faire une manchette un peu à la manière dont le député d'Outremont en avait fait une la veille, le député de Terrebonne est intervenu, a invoqué le règlement pour dire que la question du chef de l'Opposition était "pertinente". C'était, pour ma part, M. le Président, la première fois que je voyais l'utilisation du règlement et couper un député qui intervient pour dire: M. le Président, j'invoque le règlement...

M. HARDY: C'est pertinent, cela.

M. CHARRON: ... parce que le député est pertinent dans ce qu'il est en train de dire. Or, comme ce précédent d'hier vient d'être encore une fois augmenté par une intervention comme celle que vient de faire le député de Terrebonne, il voulait encore une fois briser l'intervention du député de Sauvé, se signaler à la commission, parce que c'est sa seule façon de le faire, en invoquant à tort et à travers le règlement, et de signaler encore une fois que le député de Sauvé serait à l'encontre du règlement parce qu'il faisait état d'une décision que cette commission a déjà prise. Mais, voyons donc, M. le Président, je vous prie de statuer le plus rapidement possible sur cette question, à l'égard du député de Terrebonne, à l'inviter à ne pas être le fanfaron du règlement comme il prétend l'être, à reprendre calmement son poste, à s'occuper de ses oignons et à laisser le député de Sauvé terminer son intervention, où il a parfaitement le droit de faire mention d'une décision que la commission a déjà prise.

M. CLOUTIER: Ce n'était pas le ministre de l'Agriculture.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: On a dit que si le député des Iles-de-la-Madeleine, whip du Parti libéral, n'existait pas, il faudrait l'inventer. Je suis sans inquiétude, le jour où le député des Iles-de-la-Madeleine quittera l'Assemblée, la relève est toute prête en la personne du député de Terrebonne.

UNE VOIX: Est-ce qu'on ne pourrait pas remplacer le député de Saint-Jacques...

M. HARDY: Et, M. le Président, cela a été professeur d'université ça, imaginez-vous!

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. HARDY: Quel brillant cerveau!

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vais faire une question de règlement personnellement.

M. ROY: Oui. Je vous inviterais, M. le Président, à être très sévère.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Mais quand j'en fais une, ce sera à votre intention. Il est évident que, lorsque je dois intervenir, c'est parce que quelqu'un a déjà pris la parole sans m'inviter à la lui donner. Je pense qu'encore une fois —j'espère que ce sera la seule fois aujourd'hui — j'inviterais tous les membres de la commission, sans exception, lorsqu'ils veulent parler — je pense qu'on a assez de temps pour parler au cours d'une journée — de s'adresser à moi et c'est avec un grand plaisir que je leur donnerai la parole. Maintenant, lorsque quelqu'un a la parole, je pense que c'est une marque de délicatesse de le laisser terminer, à moins d'une question de règlement. Ce n'est déjà pas assez facile de présider. Je pense que ceux qui se demandent comment cela doit marcher pourraient venir nous remplacer un jour ou l'autre pour savoir comment cela se passe, une commission parlementaire. Egalement, je voudrais rappeler que le but d'une commission parlementaire étant un dialogue entre nos invités et les membres de la commission parlementaire, j'espère personnellement qu'il nous sera possible d'écouter le plus rapidement possible nos invités.

L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: Merci, M. le Président. J'étais donc à dire, au moment où j'ai été interrompu, que nous avions pensé résoudre le problème par le moyen d'une commission itinérante. Lorsqu'elle nous a été refusée, malgré les arguments que nous avions fait valoir, nous espérions du moins que ceux qui se donneraient la peine de se déplacer et de venir à Québec, à grands frais pour certains, seraient pleinement entendus et que, non seulement ils seraient pleinement entendus, mais ils s'en retourneraient avec le sentiment d'avoir été entendus et d'avoir eu

l'oreille attentive de la commission. En effet, nous ne pouvons pas nous fier seulement à quelques organismes pour nous éclairer sur tous les aspects de la législation qu'on nous propose. La langue au Québec ne pose pas les mêmes problèmes, les mêmes points d'interrogation selon qu'on est dans la Mauricie ou dans la région de Montréal, selon que l'on est à Sherbrooke ou dans le Saguenay. Il y a des aspects régionaux aux problèmes linguistiques. Il y a également, M. le Président, des aspects sociaux, des aspects historiques, des aspects coutumiers qui font que nous étions fondés à exiger que cette commission entende tous ceux qui ont quelque chose à dire.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Malgré toute la bonne volonté que je peux y mettre, le chef de l'Opposition n'a pas encore dit un mot de la motion. Je vais relire la motion.

M. MORIN: Je l'ai devant moi, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Ecoutez, je ne suis pas ici pour le plaisir de tout le monde, je suis ici pour diriger des débats. Il y a une motion devant les membres de la commission. Je pense qu'au bout de sept ou huit minutes, il est normal que vous disiez au moins un mot de la motion.

M. MORIN: M. le Président. J'ai parlé déjà à quelques reprises...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je relis la motion...

M. MORIN: Je la connais.

LE PRESIDENT (M. Lamontange): ... parce que je pense qu'il y en a qui ne la connaissent pas: Qu'à l'avenir, le secrétaire des commissions convoque pour la séance de lundi de cette commission un maximum de cinq témoins, pour les séances de mardi, mercredi et jeudi, un maximum de six témoins, et pour la séance de vendredi, un maximum de trois témoins.

J'invite expressément le chef de l'Opposition officielle à parler sur la motion ou bien à dire qu'il a terminé.

M. MORIN: Figurez-vous, M. le Président, que quand je dis que tous les citoyens et les organismes ont le droit d'être pleinement entendus, je pense précisément à la motion. M. le Président avait peut-être compris cela, du moins, de mon intervention.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): C'est-à-dire que vous me permettrez... Je ne peux pas savoir ce que vous pensez. Moi, ce qui m'intéresse, c'est ce que vous dites.

M. MORIN: Vous pouvez, M. le Président, entendre ce que je dis, cependant.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, mais je vous invite, pour la dernière fois, à revenir sur la motion, sinon je demande le vote.

M. MORIN: M. le Président, tous les organismes sont égaux dans notre esprit. Mais les mémoires sont d'inégale valeur. Certains des mémoires qui nous ont été soumis ont une page de longueur. D'autres ont 25 ou 30 pages de longueur. C'est pourquoi nous pensons que tenter d'imposer l'audition de six ou sept mémoires le lundi, de sept pour le mardi, le mercredi, le jeudi, et enfin jusqu'à quatre ou cinq pour le vendredi, n'est pas réaliste. Ce n'est pas juste non plus pour les organismes qui ont demandé à se faire entendre. On nous dit que nous sommes pressés d'aboutir. Le député de Terrebonne dénonçait tout à l'heure notre motion comme étant dilatoire et se rattachant à une stratégie, etc. Eh bien, stratégie pour stratégie, je ferai remarquer aux membres de cette commission que le gouvernement lui aussi a sa stratégie et cette stratégie "d'efficacité", comme le dit si euphémistiquement le député de Terrebonne, a pour but de nous enfoncer de force cette législation dans la gorge et de la faire passer à la vapeur, à la faveur des chaleurs du mois de juillet.

Je ne cacherai pas que nous avons une stratégie, mais nous avons dit clairement que nous n'utiliserions pas de manoeuvre dilatoire dans cette commission. Nous avions même conclu une entente entre les leaders du gouvernement et de l'Opposition, des deux partis d'Opposition, selon laquelle on mettrait dans l'application du règlement de la souplesse et que lorsque des mémoires importants nous seraient soumis, nous y consacrerions tout le temps voulu ou en tout cas un temps raisonnable.

M. CLOUTIER: Quitte à compenser par rapport aux autres mémoires.

M.MORIN: Oui et le ministre ne peut pas nier...

M. CLOUTIER: Je ne vous demande que ça.

M. MORIN: ... qu'hier encore, nous n'avons pas épuisé l'heure dans le cas de deux groupes qui se sont présentés devant cette commission. M. le Président, si nous avions voulu utiliser des manoeuvres dilatoires, c'est à ce moment-là qu'on l'aurait vu. Nous n'avons pas insisté; à plusieurs reprises, j'ai même écourté la période des questions, le ministre ne peut pas en disconvenir. A plusieurs reprises. Je pense que le député de Terrebonne n'a pas été souvent présent dans cette commission pour soutenir que nous avons utilisé des manoeuvres dilatoi-

res. Par la suite, quand cette commission aura terminé ses travaux, c'est une autre affaire. Chacun aura sa stratégie en fonction des intérêts qu'il dépend... défend. Pour l'instant...

M. HARDY: Dont il dépend, autre beau lapsus.

M. MORIN: Oui, vous en dépendez aussi. M. CHARRON: Vous dépendez...

M. DEOM: ... de déformation professionnelle.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît. L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M MORIN: M. le Président, l'esprit de l'entente intervenue, c'est la souplesse. Le député de Beauce-Sud l'a fait remarquer avec raison. Nous avons déjà consenti à siéger le lundi. Nous n'avons même pas fait de difficulté là-dessus, le ministre doit bien l'admettre aussi. Nous avons consenti à ce que le mercredi soir soit consacré également à l'audition des comparants.

Il faut tout de même admettre que plusieurs des mémoires qui nous ont été soumis sont du plus haut intérêt. Nous avons eu celui de la CEQ avant-hier soir, nous avons eu celui du MQF; nous avons eu également des mémoires intéressants venant des anglophones, c'est un fait.

M. CLOUTIER: Ah bon!

M. MORIN: J'entends ces messieurs de l'autre côté qui tentent d'interpréter mes paroles et de toujours en tirer des éléments défavorables pour les comparants. Ce n'est pas le cas. Nous avons entendu de nombreux mémoires qui étaient excellents, mais surtout, je tiens à le signaler — d'ailleurs, le ministre lui-même n'en disconvenait pas au moment où nous les entendions — le mémoire de la CEQ et hier soir, l'excellent mémoire qui nous a été soumis par le Mouvement Québec français. Sur le plan historique, c'est certainement ce que nous avons eu de plus solide jusqu'ici.

Si l'on veut rendre justice, M. le Président, aux comparants, à nos invités, si l'on veut vraiment avoir un dialogue intelligent avec eux et nous laisser influencer par ce que nous entendons, parce que je tiens pour acquis que de notre côté comme de l'autre, on est encore un peu perméable, on est prêt à se laisser influencer par les raisonnements qui nous sont soumis... En ce qui me concerne, je tiens à dire que j'ai été impressionné par certains arguments, tant de la part des anglophones que de la part des francophones. Mais pour se laisser impressionner de la sorte, il faut y mettre le temps requis.

M. le Président, on nous faisait remarquer il y a un instant que nous avons sept heures le lundi. Quand on tient compte des préliminaires, quand on tient compte qu'à certaines reprises, il nous est arrivé de manquer de quorum, quand on tient compte aussi que, la semaine dernière, nous avons manqué de quorum pour commencer nos travaux, quand on tient compte de tous les multiples petits retards qui peuvent être occasionnés par les manoeuvres du gouvernement comme par celles de l'Opposition sur tel ou tel point de détail, c'est impossible d'arriver à entendre convenablement plus de cinq mémoires le lundi. Si nous faisions cela convenablement, ce serait déjà du travail magnifique.

De même pour les autres jours. Nous avons sept heures et quinze minutes. C'est effectivement la durée de nos séances, pour ne pas dire sept heures parce qu'en fait, on perd toujours quinze minutes en "sparages" réglementaires, en "sparages" de procédure. Quand il nous reste sept heures et qu'on tente d'entendre sept mémoires, c'est impossible. Nous ne pouvons pas le faire. Nous avons attendu quelques jours pour le constater. Je ferai remarquer à M. le président que nous avons tenté d'en venir à un accord de bonne foi avec le gouvernement, mais que nous n'avons jamais consenti à ce qu'on amène devant la commission sept mémoires par jour. Et c'est à l'usage que nous avons constaté que cette pratique ne nous permet pas d'entendre convenablement les comparants.

Tout à l'heure, on nous lisait l'article 8 du règlement, mais le député de Terrebonne s'est bien gardé de lire la phrase suivante et s'il l'avait lue, il aurait été obligé d'admettre qu'avec six mémoires en sept heures quinze, c'est un maximum. Je pense qu'il l'admettra s'il y réfléchit un instant.

Quant au vendredi, nous avons quatre heures et là encore nous perdons toujours un peu de temps au début et à la fin, puisque chacun doit prendre ses dispositions pour les séances suivantes, pour parler de la liste de ceux qui doivent comparaître, de ceux qui n'ont pas comparu ou pour telle ou telle autre raison. Quand nous avons fait trois mémoires en quatre heures, j'estime que c'est un maximum, parce que cela veut dire qu'en fait nous consacrons à chaque mémoire un peu plus qu'une heure, à peine.

M. HARDY: Le mémoire des organismes qui se désistent.

M. MORIN: Or, M. le Président, je conclus mon appui à la motion du député de Saint-Jacques en disant que la simple justice à l'endroit de nos invités — non pas seulement la justice tout court, mais l'impression, avec laquelle nous aimerions qu'ils repartent de cette commission d'avoir été pleinement entendus — cette justice exige que nous n'entendions pas plus de cinq groupes le lundi, six les mardi, mercredi et jeudi et trois le vendredi. C'est le simple bon sens.

J'aurais espéré qu'à la lumière de ce qui s'est passé depuis une semaine en particulier, le ministre accepte notre suggestion. Nous n'aurions même pas eu ce débat ce matin. Malheureusement, nous mangeons le temps que nous pourrions consacrer à nos invités. Tout de suite, nous nous serions mis d'accord et le ministre n'aurait plus affronté aucune difficulté. Je pense que nous nous sommes rendus compte maintenant, en ce qui nous concerne, que nous sommes capables de faire face à cinq mémoires le lundi et six les autres jours, sauf le vendredi, alors que nous pensons que trois sont largement suffisants. Nous n'aurions plus fait de difficulté et nous aurions eu le sentiment d'être juste à l'endroit des comparants et à l'égard de l'Opposition. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député d'Argenteuil.

M. SAINDON: M. le Président, j'aurais une question à poser au chef de l'Opposition. Je suis d'accord sur ce que vous venez de dire quant au nombre de mémoires qui peuvent être entendus dans une journée, parce que, ce qui arrive c'est que c'est un débat continuel de part et d'autre entre différents membres de la commission. Si les membres de la commission acceptaient de poser des questions à ceux qui présentent des mémoires, de les écouter et de ne pas faire de débat, la commission pourrait respecter son échéance. Seriez-vous d'accord là-dessus?

M. CLOUTIER: Moi, je n'ai pas le droit de parler.

M. MORIN: M. le Président, je suis heureux que le député d'Argenteuil...

M. SAINDON: Nous sommes ici pour écouter et non pas pour discuter.

M. MORIN: ... ait été sensibilisé au problème par mon intervention, mais je tiens à dire que ce qu'il appelle des "débats", cela fait partie de l'interrogatoire habituel. Je ne pense pas qu'il y ait eu abus des débats ni d'un côté, ni de l'autre. Après tout, quand...

M. SAINDON: Pas de notre côté, mais du vôtre, oui.

M. MORIN: ... le député de Laporte argumente un peu avec les comparants, nous n'allons pas lui chercher chicane. C'est évident que par moments il aime discuter un peu; il aime pousser les comparants jusque dans leurs derniers retranchements.

M. SAINDON: Ce n'est pas de l'argumentation. Le député de Saint-Jacques parfois parle pendant 20 ou 25 minutes, sans interruption, ce n'est pas de l'argumentation.

M. CLOUTIER: Simplement pour donner un exemple.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: Ce sera ma dernière intervention. Hier, le député de Saint-Jacques, alors qu'il était entendu qu'il ne devait pas reprendre la parole, a demandé d'ajouter quelques mots.

Par amabilité, le parti ministériel a accepté. Qu'a fait le député de Saint-Jacques? Il a fait un plaidoyer pour enjoindre le Mouvement Québec français de continuer son combat. Cela est textuel. On n'a qu'à se rapporter au journal des Débats. Ce n'est pas l'esprit de la commission. Le gouvernement n'a certainement pas l'intention de brimer des groupes. Il l'a montré depuis le début. Mais encore faut-il que les membres de la commission comprennent bien la raison qui nous réunit ici. Et cette raison, c'est de permettre aux groupes de s'exprimer dans un certain cadre, et de recevoir un certain éclairage à propos des mémoires qui sont présentés. Il n'y en a pas d'autres. Pour ma part, j'ai toujours tenté d'éviter tous les débats, de faire de la politique partisane, et de permettre aux groupes de s'exprimer.

Je veux bien croire qu'il faut apporter le maximum de souplesse, et c'est ce que le gouvernement a fait lors de cette entente à laquelle on s'est référé entre les leaders de l'Opposition et le leader du gouvernement. Ce qui avait été convenu, c'est que, lorsqu'on consacrait plus de temps à un groupe, on en consacrait moins à un autre groupe. Ceci se faisait à l'intérieur d'un cadre qui est le cadre essentiel pour qu'un secrétariat puisse fonctionner efficacement.

Je suis encore disposé à apporter la plus grande souplesse possible et, de manière à bien l'indiquer, je souhaiterais qu'on passe immédiatement au vote et qu'on entende immédiatement le premier groupe.

M. MORIN: M. le Président, à la suite de l'intervention du ministre, puis-je ajouter deux mots? Jusqu'ici, je ne pense pas qu'il puisse nous accuser d'avoir manqué au "gentlemen's agreement" dont nous avions convenu la semaine dernière. Nous avons procédé, en général — et je pense des deux côtés — avec ordre et avec une certaine célérité. Mais, s'il insiste pour continuer à nous soumettre à un régime impossible de comparution, je dois dire que ce serait de nature à nous porter à...

M. HARDY: Des menaces!

M. MORIN: ... réétudier le "gentlemen's agreement". Je tiens à le lui dire, en toute sincérité; nous pensons qu'il est impossible de fonctionner comme nous le faisons actuellement.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Laporte.

M. DEOM: M. le Président, je veux en appeler à la bonne volonté du chef de l'Opposition, parce que, depuis de début, il nous a fait perdre un temps considérable, par suite de sa déformation professionnelle et de son goût à questionner les gens sur les aspects constitutionnels, alors qu'il est lui-même...

M. MORIN: Soyez assuré, je vais continuer à le faire !

M. DEOM: Mais je ne pense pas, M. le chef de l'Opposition, que ce soit la place pour faire cela.

M. MORIN: Ah non?

UNE VOIX: On va être obligé de lui faire passer des examens!

M. MORIN: Les aspects constitutionnels ne se discutent pas.

M. DEOM: Vous les discuterez en deuxième lecture...

M. MORIN: II n'y a que les aspects qui intéressent les hommes d'affaires!

M. DEOM: Non, oh non! Vous êtes un constitutionnaliste de première force. Il n'y a pas lieu de questionner, de faire perdre le temps de la commission pour vous renseigner, vous...

M. HARDY: Pour étaler votre talent...

M. DEOM: ... sur les aspects constitutionnels. Vous invoquerez en deuxième lecture tous les arguments que vous voudrez.

M. ROY: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: ... seulement sur un point, pour que ce soit bien clair. Je n'accepte pas de travailler dans un cadre dans lequel on reproche — je ne veux pas prendre la défense particulière du chef de l'Opposition comme tel, il est très bien capable de le faire lui-même — mais, M. le Président, je trouve tout simplement inacceptable qu'on passe son temps, ici, à la commission parlementaire — cela semble être le rôle et la vocation que se sont donnés les membres du gouvernement — à accuser l'Opposition de faire perdre le temps de la commission. Pourquoi existe-t-elle, la commission, si ce n'est pas pour...

M. HARDY: C'est vrai!

M. ROY: ... consulter ou encore permettre de poser des questions aux gens?

M. HARDY: C'est ça.

M. CLOUTIER: Posez des questions.

M. ROY: M. le Président, j'en suis un qui n'a pas...

M. HARDY: Nous voulons voter aussi...

M. ROY:.... abusé de son temps de parole et, à chaque fois que j'ai voulu interroger quelqu'un, on a commencé par me placer dans un cadre et on a commencé à me limiter. Je n'accepte pas que la commission fonctionne de cette façon. Prenons le temps qu'il faut pour en discuter...

M. TARDIF: Respectez le règlement pour commencer.

M. ROY: ... de façon sérieuse. Si le gouvernement s'est engagé à faire en sorte que son projet de loi soit accepté dans quatre semaines, c'est son problème à lui. Ce n'est pas le nôtre.

M. HARDY: Vote! Vote!

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: II n'y a personne d'autre qui veut parler avant moi?

M. VEILLEUX: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: ... je veux simplement dire ceci aux membres de la commission: Hier, lorsqu'on a commencé à discuter de procédure, après que le Mouvement du Québec français a lu le mémoire en 55 minutes, nous nous étions entendus pour aller jusqu'à 11 h 15 pour poser des questions, soit une demi-heure. Il s'est soulevé une question de procédure qui a duré jusqu'à 10 heures. On a questionné, effectivement, pendant 30 minutes le Mouvement Québec français et, après cela, le député de Saint-Jacques est arrivé avec la proposition qui est présentement devant la table. Si je fais le calcul, ce sont 40 minutes de procédures hier soir pendant lesquelles nous avons discuté.

Ce matin, 45 minutes de procédure. On aurait pu fort bien, hier, si on avait arrêté de discuter de procédure, entendre le dernier groupe qui s'était présenté et à cause des arrangements préalablement pris entre les différents partis, on s'est entendu pour aller parfois, jusqu'à 11h5 ou llhl0 et on aurait pu finir d'entendre hier soir les sept organismes. Tout le

monde aurait été satisfait. Aujourd'hui, si on n'avait pas perdu 45 minutes à discuter de procédure, nous aurions probablement un groupe d'entendu. Nous aurions été au travail.

S'il y a des membres de la commission qui veulent faire de la procédurite, c'est regrettable, mais ceux qui seront pénalisés seront ceux qui ont déposé des mémoires et qui ont demandé à venir se faire entendre à cette commission. Alors, qu'on arrête la procédure et qu'on commence à interroger immédiatement les membres qui se sont présentés ici.

M. HARDY: Très bien.

M. MORIN: Je suis d'accord avec le député de Saint-Jean. Il est rare que cela m'arrive.

M. VEILLEUX: Expliquez-vous, votez...

M. MORIN: Nous sommes d'accord avec le député de Saint-Jean...

M. VEILLEUX: ... et arrêtez de changer de procédure.

M. MORIN: ... et si notre motion est agréée, je pense qu'il n'y aura plus de procédure.

M. TARDIF: Vote!

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saint-Jacques.

M. HARDY: C'est du chantage.

M. MORIN: C'est la réalité.

M. HARDY: La réalité, c'est du chantage.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saint-Jacques.

M. HARDY: C'est devenu une deuxième nature.

M. MORIN: J'aimerais bien que l'inculte ministre des Affaires culturelles nous dispense de ses remarques.

M. CLOUTIER: C'est gentil, cela.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saint-Jacques. J'inviterais...

M. HARDY: La bouche parle de l'abondance du coeur.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... le ministre des Affaires culturelles, s'il peut parler à la commission, à me demander d'abord le droit de parole. Comme ancien vice-président, de l'Assemblée nationale...

M. HARDY: M. le Président, vous avez raison.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... il doit se souvenir de son règlement.

M. HARDY: S'il y a un défaut que j'ai, c'est de ne pas respecter le règlement. Je l'avoue.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: J'aimerais conclure sur la motion que j'ai présentée hier soir et sur laquelle la commission aura à se prononcer dans quelques instants. Je veux exclusivement reprendre un argument qui a été soutenu à l'appui de cette motion par les députés de l'Opposition qui sont intervenus.

Il s'agit tout simplement de respecter une tradition de travail de la commission parlementaire que notre règlement a reconnue dès ses premiers articles comme tout aussi importante que le droit écrit auquel nous devons nous soumettre quand il s'agit de faire les règlements.

Jamais, jamais, dans l'histoire de ce Parlement, depuis au moins que ce gouvernement occupe la direction des affaires québécoises, les règles de pratique de la commission parlementaire ont été à ce point appliquées avec une rigueur. Jamais non plus, et c'est la première fois, un gouvernement a-t-il présenté, au moment où on étudie un projet de loi, une liste de témoins qu'il projetait faire entendre et qu'il obligeait la commission à entendre en une seule journée? Ce n'est pas arrivé sur un projet de loi aussi important que la refonte des services sociaux et des services de santé, la loi 65. Ce n'est pas arrivé sur le code des professions qui a pris beaucoup de temps à la commission parlementaire. Ce n'est même pas arrivé sur un projet de loi aussi controversé que ne l'était le projet de loi 28.

La seule explication que je puisse trouver est dans la stratégie du gouvernement. J'entendais le député de Terrebonne, qui se veut, à l'occasion, l'Arsène Lupin de cette commission, déceler une stratégie dans les propos de la commission parlementaire. Comme disait l'autre: L'hypocrite voit toujours la paille dans l'oeil de l'autre, mais ne voit pas la poutre dans le sien.

Nous sommes, depuis le début, à travailler dans une stratégie gouvernementale, laquelle a été, depuis le début, de faire de cette commission un pis-aller, une épreuve à travers laquelle le gouvernement devait passer le plus rapidement possible. Cela s'est senti depuis le début et je le comprends très bien puisque les deux seules béquilles qu'a reçues le gouvernement depuis le début de l'étude de ce projet de loi viennent d'une part de son Comité Canada et, d'autre part, de la bonne vieille Chambre de Commerce.

Ce sont les deux seuls organismes qui viennent appuyer le gouvernement.

M. CLOUTIER: ... qui explique. C'est très pertinent à la motion.

M. CHARRON: C'est très pertinent, M. le Président, parce que cela explique probablement la stratégie du gouvernement depuis le début. Il n'y a pas un groupe, à part les deux que j'ai mentionnés, qui est venu appuyer le gouvernement.

M. CLOUTIER: M. le Président, un point de règlement.

M. CHARRON: ... d'où le...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre de l'Education, sur une question de règlement.

M. CLOUTIER: Pourriez-vous prier le député de Saint-Jacques de s'en tenir à la discussion de la motion? Remarquez que si on ne faisait toujours que cela, il y a longtemps qu'on aurait commencé à entendre notre premier groupe.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, j'interviens en conclusion sur ma motion et j'ai entendu les arguments du ministre de l'Education qui a annoncé que son parti et ses "back-benchers" fidèles allaient voter contre ma motion. J'essaie donc d'interpréter cette décision déjà annoncée par le ministre de l'Education et je la replace dans son contexte. Cette décision annoncée et le refus que cette motion connaîtra dans quelques minutes, lorsqu'elle sera soumise au vote, fait également partie de la stratégie du gouvernement. Le gouvernement veut passer la commission parlementaire le plus vite possible. C'est pourquoi il applique, pour la première fois depuis qu'il est le gouvernement du Québec, de manière aussi rigoureuse, les règles de pratique de la commission parlementaire et, d'une façon aussi rigoureuse aussi, on nous arrive le matin avec une liste de gens que nous devons avaler et qui doivent, eux, être avalés, quel que soit le temps qu'ils aient mis à la préparation de leur mémoire à la commission parlementaire. Le député d'Argenteuil est un vétéran du Parlement. Peut-il me dire s'il y a eu un projet de loi où on a ainsi agi, simplement sur les plans pratiques des travaux de la commission? Vous souvenez-vous d'une occasion où un ministre responsable d'un projet de loi arrivait le matin et vous disait: II y en a sept aujourd'hui qu'on doit entendre, et c'est à l'Opposition de s'arranger avec cela? Si vous dépassez de quinze minutes le temps que vous devez faire, alors c'est l'autre que vous devrez faire en seulement trois quarts d'heure. Ce n'est jamais arrivé.

M. SAINDON: Je peux dire au député de Saint-Jacques que tout ce que je me rappelle sur les bills qui ont été présentés en Chambre, c'est qu'à chaque fois le Parti québécois a pratiquement fait le "filibuster".

M. CHARRON: Ah! Voilà donc...

M. SAINDON: Alors, qui entrave les travaux de la Chambre? Dites-le moi!

M. CHARRON: Voilà donc l'indication que me donne le député d'Argenteuil. Voilà donc l'indication. C'est que le gouvernement aussi a sa stratégie.

M. SAINDON: Vous faites systématiquement... des travaux de la Chambre.

M. CHARRON: Le déroulement, actuellement, fonctionne avec une stratégie bien particulière, par exemple, regrouper...

M. HARDY: La stratégie, c'est de faire entendre les gens. C'est cela, la stratégie.

M. CHARRON: M. le Président, vous avez rappelé à l'ordre tout à l'heure le tonitruant député de Terrebonne. Voulez-vous à nouveau lui rappeler le règlement et la décence élémentaire à une commission parlementaire?

M. SAINDON: M. le Président, est-ce que je pourrais vous poser une question?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A moi? M. SAINDON: Oui.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Cela me fait plaisir. Vous êtes le premier.

M. SAINDON: Est-ce que le député de Saint-Jacques est ici pour représenter les gens qui présentent un mémoire? On dirait cela, parce que c'est lui qui parle et non pas les gens qui présentent le mémoire.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saint-Jacques va terminer...

M. CHARRON: M. le Président, je dis que le refus de cette motion déjà annoncé par le gouvernement et, sans aucune surprise, qui sera adopté par les "back-benchers", va signifier, M. le Président...

M. TARDIF: Vous en êtes un vous-même!

M. CHARRON: ... que c'est une étape de plus dans la stratégie gouvernementale sur ce projet de loi. Vous aurez remarqué que, depuis le début, on essaie de passer les groupes dits les plus représentatifs ou dont les membres sont les plus nombreux, de sorte qu'à un moment donné, le gouvernement, malgré son affirmation qui dit que tous les organismes sont importants et qu'ils doivent donc avoir la même importance dans le temps d'écoute, ne se gênera pas pour se dire suffisamment informé et mettre fin aux travaux de la commission. Vous n'oublierez pas

non plus, M. le Président, que, malgré son affirmation que tous les organismes sont également importants, je vous ferai remarquer ceci: Dans la liste qui nous a été donnée hier, il y a 115 mémoires provenant de groupes francophones, 30 annoncés provenant de groupes anglophones, et 5 provenant de groupes néo-québécois ou néo-canadiens, à l'occasion.

Dans les mémoires entendus jusqu'ici, nous avons entendu douze mémoires provenant de groupes francophones, sept provenant de groupes anglophones et un seul provenant de groupes autres, soit le groupe italien que nous avons eu le plaisir d'accueillir il y a quelques jours. Si je tiens compte de l'horaire qui nous a été annoncé et "bulldozé" par le ministre de l'Education jusqu'à vendredi prochain inclusivement, nous aurons, lors de la fin de nos travaux, vendredi après-midi à 4 heures, entendu vingt et un groupes francophones, dix groupes anglophones et deux groupes néo-québécois ou néocanadiens. Je vous rappelle que la proportion de un pour deux que nous aurons vendredi ne respecte aucunement le... un anglophone pour deux francophones ne respecte aucunement la proportion totale des mémoires soumis de 30 anglophones pour 115 francophones. Nous aurions donc dû entendre beaucoup plus de francophones que nous l'avons fait, si nous devions respecter la proportion qui nous a été présentée.

Mais le gouvernement a voulu faire venir le plus grand nombre d'anglophones dans les premiers jours pour justement... Je vais vous l'expliquer si vous n'avez pas compris la stratégie.

M. SAINDON: Vous pouvez prendre cent anglophones de suite...

M. CHARRON: Je sais que le caucus libéral se plaint de la façon cavalière dont le ministre de l'Education conduit le dossier sans informer ses dossiers.

M. SAINDON: Cela, c'est votre opinion. M. CHARRON: Alors, je vais vous...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. CHARRON: M. le Président... Cette volonté du gouvernement de faire venir le plus grand nombre de groupes anglophones dans les premiers jours, dans l'hypothèse, à un moment donné, qu'il se dira suffisamment informé...

M. SAINDON: Alors, cela va être les Français qu'on va retenir.

M. CHARRON: Voulez-vous que je vous explique pourquoi? C'est parce que les groupes anglophones qui viennent dénoncent le projet de loi actuel.

UNE VOIX: On a compris.

M. CHARRON: Le gouvernement se sert de cette dénonciation anglophone pour dire aux francophones: Vous voyez, mon bill est bon, les anglais sont contre.

M. SAINDON: Comme d'habitude vous êtes encore dans les nuages.

M. CHARRON: Et ainsi d'essayer d'expliquer cela. Il n'y a aucune motivation à nous expliquer la proportion d'anglophones. Encore annoncé aujourd'hui, il y a le premier groupe que nous allons entendre tout à l'heure et qui...

M. CLOUTIER: Ce n'est pas pertinent. M. CHARRON: Oui, c'est pertinent.

M. CLOUTIER: Ce n'est pas à vous que je parle.

M. CHARRON: Non, mais vous n'avez pas de directive à donner au président de la commission.

M. CLOUTIER: Est-ce une directive de poser une question? Je ne me permettrais jamais...

M. CHARRON: Ce n'est pas pertinent, M. le Président d'intervenir dans la discussion en cours comme le fait le ministre de l'Education. Cette stratégie gouvernementale, l'Opposition n'est certainement pas obligée de s'y plier et elle peut prendre ses propres mesures, mais ce qui est plus grave, M. le Président, c'est que les groupes qui attendent pour faire entendre leur mémoire, qui ont préparé des mémoires, qui se sont déplacés à Québec, eux non plus ne sont pas obligés de se plier à la décision du gouvernement de faire passer la commission à la vapeur, bousculer la deuxième lecture et de faire travailler la Chambre en commission plénière pendant l'été pour faire adopter ce projet de loi à la vapeur. Eux non plus ne sont pas obligés de s'entasser à compter de 10 heures le matin et de se limiter à une heure pour faire valoir un mémoire qu'ils ont mis plusieurs heures à préparer. Eux non plus ne sont pas obligés de suivre cette stratégie.

C'est exactement pour cela, M. le Président, que j'ai présenté une motion qui est conforme à l'entente que nous avons faite précédemment qui est celle d'allonger nos heures de travail parce que nous considérons aussi que nous avons beaucoup de gens à entendre, mais est-ce que c'est la faute des gens qui ont demandé d'être entendus si le projet de loi est à ce point controversé que, pour la première fois dans l'histoire du Parlement, probablement, il y a 150 groupes qui ont demandé d'être entendus? Est-ce que ces gens-là doivent payer parce que le projet de loi est flou, vague et imprécis et

qu'il y a tellement de gens qui ont des revendications à faire? Est-ce que ces gens doivent être bousculés, eux qui ont mis tout ce temps à venir ici parce que nous, voyez-vous, nous avons décidé, pour la première fois dans le Parlement, d'appliquer une heure à chaque groupe et cela vient de s'éteindre quoi qu'il ait à faire, que l'Opposition...

M. SAINDON: J'ai vu les mêmes représentants hier ici pour deux mémoires.

M. CHARRON: Est-ce que c'est à ces citoyens du Québec, M. le Président, que nous devons faire payer l'entêtement du gouvernement de faire passer une loi que jusqu'ici deux seuls groupes ont appuyée en commission parlementaire, le vieux Comité Canada et la vieille chambre de commerce. Est-ce que c'est à eux...

M. CLOUTIER: M. le Président, j'ai une directive à demander. Je voudrais savoir si nous faisons, en ce moment, le débat de deuxième lecture?

M. CHARRON: Non, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! J'inviterais à terminer sans... Je n'ai pas de chronomètre, mais je pense qu'on va s'apporter des chronomètres bientôt.

M. MORIN: Cela fait huit minutes que le député parle.

UNE VOIX: II a commencé à onze heures moins...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je pense qu'il y a llesprit. Si on m'indique qu'il y a de l'obstruction systématique, à partir de quatre heures cet après-midi, nous allons avoir des chronomètres, mais je pense qu'il n'y a pas d'erreur, cela fait 1 h 10 que l'on parle là-dessus. Il y a certainement quelqu'un qui a parlé pendant quinze ou vingt minutes.

M. CLOUTIER: II y a un autre élément, M. le Président, c'est la pertinence. Le député de Saint-Jacques pourra donner libre cours à son éloquence lors du débat en deuxième lecture, mais je ne vois pas pourquoi actuellement il ne se contente pas de conclure, maintenant qu'il a établi ses arguments et que nous passions au vote.

M. CHARRON: Est-ce que cela vous dérange, ce que je suis en train de dire?

M. CLOUTIER: Le problème n'est pas là. Cela ne me gène en rien. Au contraire, j'ai très hâte à la deuxième lecture pour vous confondre, mais j'ai le respect, d'une part du parlementarisme que nous pratiquons et, d'autre part, des groupes que nous avons invités...

M. CHARRON: Vous l'avez, le respect du parlementarisme.

M. CLOUTIER: ... et parce que j'ai ce respect, que l'on vienne m'accuser... Comment me suis-je comporté à cette commission depuis le début? Est-ce que je n'ai pas toujours été dans la ligne et l'esprit de notre règlement? Est-ce que je n'ai pas toujours tenté de traiter, contrairement à d'autres, tous les groupes qui se sont présentées, quelles que soient leurs opinions, avec "politesse?

M. MORIN: Je dois rendre témoignage au ministre de s'être fort bien comporté, sauf sur un point.

Il a convoqué trop d'organismes devant la commission chaque jour.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. CHARRON: C'est exactement pourquoi, M. le Président, par respect pour les gens qui ont préparé des mémoires, qui ont demandé d'être entendus et qui attendent maintenant que nous les convoquions à la table, par respect surtout pour le groupes francophones qui, numériquement, se sont inscrit en beaucoup plus grand nombre que les anglophones et qui, jusqu'ici, n'ont pas reçu tout le temps de la commission proportionnellement à ce qu'on devait lui accorder, je crois que nous devons prendre sur nous la responsabilité, surtout en tenant compte de l'importance du sujet, de dire qu'à l'avenir, le lundi, lorsque nous aurons entendu cinq groupes, la commission aura fait un travail que la population ne nous reprochera pas. Chaque groupe partira d'ici avec la satisfaction que son mémoire, non seulement a été préparé, cela a été leur responsabilité première, mais défendu et soutenu devant la commission avec tout l'intérêt qu'il y avait manifesté. Quand, le mardi, le mercredi, le jeudi, nous aurons entendu six groupes et que ces six groupes nous auront apporté leur témoignage particulier, je crois bien que le projet de loi, vu son importance, aura reçu l'attention qu'il mérite. Et quand, le vendredi, à cause de nos heures irrégulières de travail, nous aurons entendu trois mémoires, je pense que nous pourrons nous satisfaire de cette semaine de travail.

Je ne peux approuver la stratégie gouvernementale de faire adopter ce projet de loi à la vapeur, je ne veux surtout pas que ce soient les gens qui ont eu la délicatesse et l'intérêt de présenter des mémoires qui soient les premiers à en écoper. L'Opposition en écopera à son tour, bien sûr, à un moment ou à un autre, mais ce n'est certainement pas à ces gens qu'on doit faire porter le poids en premier et c'est pourquoi je soumets respectueusement à votre égard, M. le Président, ma motion aux voix.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le vote

sur la motion du député de Saint-Jacques. M. Saindon, pour ou contre?

M. SAINDON: Contre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Charron?

M. CHARRON: En faveur.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Déom?

M. DEOM: Contre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Cloutier?

M. CLOUTIER: Contre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Hardy?

M. HARDY: Contre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Lachance?

M. LACHANCE: Contre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Tardif?

M. TARDIF: Contre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Morin?

M. MORIN: En faveur.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Séguin?

M. SEGUIN: Contre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Beauregard? M. Brown?

M. BROWN: Contre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Roy?

M. ROY: En faveur.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Veilleux?

M. VEILLEUX: Contre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Pour: 3. Contre 9. La motion est rejetée. J'inviterais maintenant M. Campbell à s'identifier et à identifier les organismes qu'il représente ainsi que la personne qui l'accompagne.

Société Saint-Patrice de Montréal et autres

M. WAYLAND: M. le Président, l'honorable ministre, messieurs. Je ne suis pas M. Campbell, il est en voyage. Je m'appelle Charles Wayland, je suis de Montréal. Je suis membre de la Société Saint-Patrice de Montréal et je suis le porte-parole de M. Campbell et aussi le porte-parole des autres sociétés qui ont signé ce mémoire.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Si vous voulez vous asseoir.

M. WAYLAND: Merci. Après votre discussion, je suis bien...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous pourriez nommer les organismes que vous représentez?

M. WAYLAND: Je vais les nommer. Je suis bien content que notre mémoire soit limité à une page et demie. Avec votre permission, je vais le lire. Ce mémoire est présenté par les sociétés suivantes: Saint-Patrick's Society of Montreal, fondée en 1834; Saint-Andrew's Society of Montreal, fondée en 1835; Caledonian Society of Montreal, fondée en 1855; The Irish Protestant Benevolent Society of Montreal, fondée en 1856; Saint-David's Society of Montréal, fondée en 1904. Il y a seulement sept articles.

Nos sociétés ont été fondées afin d'aider l'immigrant lors de son arrivée en terre canadienne, l'aider à conserver et à élargir sa culture natale ou ethnique et aider à l'établissement et au rayonnement de plusieurs services publics de caractère éducatif et de bienfaisance.

Article 2. Un de nos principes fondamentaux est notre profond respect de la culture des différents groupes ethniques. A cause de nos rapports amicaux de longue date avec nos concitoyens québécois de langue française, nous attachons énormément d'importance à la culture canadienne-française et à la langue française, richesses de l'éventail canadien. Cependant, nous ne pouvons pas accepter la théorie semblant inhérente au projet de loi 22 que, pour assurer la survivance et l'épanouissement de la langue française et de la culture canadienne-française, le gouvernement du Québec doit entraver la culture des autres groupes du Québec et doit restreindre par une loi l'usage de la langue anglaise, employée par les Québécois de langue anglaise dans l'expression de leur vie culturelle et professionnelle.

Article 3. Nos sociétés sont d'avis que le français et l'anglais devraient être les langues officielles du Québec sur un pied égal.

Article 4. Nos sociétés croient que les parents ont le droit fondamental de décider si leurs enfants devraient fréquenter l'école française ou anglaise dans la mesure du possible.

Article 5. Nos sociétés croient que, pour le bienfait et l'avantage de la population en général et de l'individu en particulier, toutes les professions devraient être encouragées à stimuler le bilinguisme parmi leurs membres. Cependant, le public ne devra pas être privé des services d'un professionnel, homme ou femme, et un professionnel ne devra pas être empêché d'exercer sa profession, seulement à cause du fait qu'il ne possède pas la connaissance de l'autre langue.

Article 6. Nos sociétés sont d'avis que le projet de loi 22 renferme un grand danger au principe démocratique du contrôle parlementaire, parce que les dispositions du projet délèguent au lieutenant-gouverneur en conseil des pouvoirs trop étendus et trop arbitraires.

Article 7. Nos sociétés croient que le projet de loi 22 est susceptible de détruire la bonne volonté et la coopération traditionnelle entre les différents groupes ethniques et les gens des deux langues du Québec.

Signé à Montréal, le 7 juin de cette année par St. David's Society of Montreal par son président, Arthur Philips; The Irish Protestant Benevolent Society of Montreal, par Edwin A. Bromley, son président; the Caledonian Society of Montreal, par Derek S. Anderson, son président; St. Andrew's Society of Montreal, par George Campbell, son président, et St. Patricks's Society of Montreal, par Frederic D. McCaffrey, son président.

C'est le mémoire qui est respectueusement présenté.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Merci beaucoup.

Le ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président, je désire remercier le porte-parole des cinq sociétés qui nous ont présenté ce mémoire. Le mémoire est extrêmement clair. Je n'aurai donc qu'une confirmation à demander sous forme de question dans l'esprit de nos règlements. Je crois comprendre que ces différentes sociétés n'acceptent pas que le projet de loi no 22 restreigne l'usage de la langue anglaise et n'acceptent pas que, ce faisant, nous donnions une prééminence à la langue française. Ceci découle du paragraphe no 2. Est-ce exact?

M. WAYLAND: Oui, cela est notre avis. M. CLOUTIER: Merci, monsieur.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. Wayland, je vous remercie également d'avoir présenté ce mémoire. Je veux juste vous faire remarquer, parmi les sociétés signataires de ce mémoire, une coincidence de dates. C'est que la St. Patrick's Society of Montreal, qui a été fondée en 1834, a été fondée la même année que les Québécois francophones, ou, si vous le voulez, à l'époque on les appelait les Canadiens français, ont fondé leur Société Saint-Jean-Baptiste. C'est peut-être une coincidence qui va nous permettre de nous retrouver sur certains points.

M. Wayland, j'aimerais prendre point par point, si vous le voulez, puisque vous les avez voulu concis et clairs, chacun des articles de votre mémoire. A l'article 2 sur lequel le ministre vient très brièvement de vous interroger, mais qui, je pense, mérite plus d'attention qu'il ne lui en a consacré, j'aimerais vous faire détailler, peut-être beaucoup plus clairement que ne le fait l'article 2, les deux affirmations contenues dans les dernières lignes de ce paragraphe. En quoi, selon vous, le projet de loi 22, tel que rédigé actuellement, entrave-t-il la culture des autres groupes que le groupe fortement majoritaire du Québec qui est de langue française?

M. WAYLAND: Mr President, I will be very pleased to reply to that question, because certainly it is the fundamental issue in our brief. It is unthinkable to anybody who lives in the province of Quebec, and, I am sure, to every person present in this room, that there could be no culture for any French Canadian if there were no French language. That is the truism which no one can deny.

While that is true of French Canadians, it is equally true of English-speaking Canadians. For more than 200 years, here, in the province, French and English have been the official languages of Quebec. And now, for the first time in our history, bill 22 states, as its most fundamental principle, that French is the official language of the province. That can have one meaning only. It means that English will no longer be an official language of the province of Quebec.

As bill 22 would restrict the English language, it would thereby restrict so-called English culture. In replying to that question, may I refer my questioner and all of you, gentlemen, to clause 21 of bill 22: "Les corps professionnels ne peuvent délivrer de permis en vertu du code des professions, à moins que les intéressés n'aient de la langue officielle une connaissance appropriée à l'exercice de la profession envisagée. Cette connaissance doit être prouvée suivant les normes fixées par les règlements adoptés à cet égard par le lieutenant-gouverneur en conseil".

This refers us, of course, to the Professional Code already part of law of this province. The Professional Code, in schedul I, lists professions, 37 professions", advocates, notaries, physicians, dentists, etc., etc., etc., nurses, nurses'aids. There are 37 listed in the schedule. By relating the Professional Code to clause 21 in "Projet 22", we are forced to the conclusion that in time, there will be a very weakened professional class of English-speaking people in this province.

Cultural life and language, to a great extent, is based upon the professional classes, the flourishing of the professional classes. They must play their role in Québec, but if there is no professional class, then that particular group cannot play its legitimate role in Quebec affairs and its culture is interfered with.

There are, at the present time — if we go according to the Canadian census of 1971 — 1,160,515 persons living in Quebec who are not French by their maternal tongue. In our view, it is essential that these 1,160,515 persons, who are not French, and who live in the province of Quebec, should have the right, if they so wish, to enter the professions based upon their technique, their ability and not based upon language.

M. CHARRON: Vous avez répondu à ma question en deux temps. Je me plierai donc à votre réponse et la reprendrai dans les deux temps.

Vous avez affirmé ce que vous avez appelé une évidence dans le fait que la culture française ne vivrait pas ou même ne survivrait pas si la langue française ne vivait pas elle-même. Et vous avez dit: Ce qui est bon pour cette culture, est également vrai pour toutes les autres. Je suis parfaitement d'accord avec vous là-dessus. Lorsque vous dites que l'anglais ne sera pas la langue officielle du Québec, que cela met en danger la culture anglaise, là, c'est moins logique, il me semble, que la première partie de votre raisonnement.

Le fait que la langue anglaise n'obtienne pas le statut officiel à l'article 1, mais qu'elle obtienne autant d'exceptions et de place dans tous les articles qui suivent, est-ce que cela vous apparaît comme une restriction à l'usage de l'anglais? Ce n'est pas parce qu'une langue n'est pas officielle, dans les titres — et surtout quand on voit toutes les exceptions qu'on lui donne dans les articles qui suivent — qu'elle n'est plus employée.

Je crois qu'il n'y a personne qui va dire — excepté peut-être le ministre des Affaires municipales, selon le Star d'hier soir — qu'une langue, parce qu'elle n'est pas officielle, ne devient plus employée et, tant que l'anglais aura cet usage, personne ne vous interdit d'utiliser l'anglais.

Au contraire, la loi vous permet, à plusieurs occasions, d'obtenir un statut juridique que l'anglais n'a jamais eu auparavant. Personne ne vous retire vos écoles pour vivre et apprendre votre langue. Personne ne vous retire vos postes de radio et de télévision, vos journaux, votre vie culturelle, votre vie sociale de minorité à Montréal ou ailleurs, par exemple. Et dans ce sens, l'usage de l'anglais se maintiendra toujours.

Je veux seulement vous faire revenir sur cette affirmation. Est-ce que vous croyez que le fait que l'anglais n'est pas la langue officielle du Québec, à partir de l'article 1, veut dire que l'anglais n'est plus en usage dans le Québec et qu'en ce sens votre deuxième raisonnement est fondé, donc que la culture anglaise se trouve en danger?

Mais qui vous parle de la restriction de l'usage de l'anglais dans votre vie privée ou dans la communication avec vos concitoyens? Vous me donnez comme exemple — je pense que c'est dans ce sens que vous l'avez apporté — la situation des professionnels. Vous pouvez me dire: Ce sont des gens à qui on retire l'usage de l'anglais. Pas du tout. On leur demande d'ajouter l'usage du français. C'est toute une distinction. Il n'y a personne qui dit que les professionnels n'auront pas le droit de parler en anglais et ainsi d'assurer la vie de leur culture. Mais vous devez comprendre, M. Wayland, qu'une majorité, qui va, pour des soins médicaux ou autres, aux mains des professionnels, peut au moins espérer être servie dans sa langue, surtout lorsqu'à l'occasion, on va remettre notre santé ou notre vie entre les mains de professionnels de cette nature.

Je pense qu'à la façon modérée et pondérée dont vous avez présenté votre mémoire et que vous me semblez avoir en tête, vous ne contesterez pas le droit de la majorité de demander que ses professionnels, ceux comme vous dites, qui occupent une place tellement importante dans notre société, puissent à l'occasion lui parler dans sa langue, surtout lorsqu'on se remet entre leurs mains. C'est ce que nous avons voté lorsque nous avons adopté le code des professions. C'est un amendement que le Parti québécois a suggéré et qui avait été retenu par le ministre des Affaires sociales à l'occasion et nous en sommes encore très contents.

Mais il me semble que c'est le minimum que même vous ou même les Ecossais et les Irlandais que vous représentez, ne contesteront pas, que la majorité a le droit de s'assurer qu'un médecin parle la langue de la majorité pour être bien servi ou qu'une infirmière...

On ne restreint pas l'usage de l'anglais, même chez les professionnels, M. Wayland. Ce n'est pas ce que nous avons voulu faire lorsque nous avons présenté cet amendement qui a été adopté l'année dernière dans le code des professions. Nous avons simplement voulu nous assurer qu'à cet usage régulier, normal et sur lequel personne ne veut intervenir, de la langue anglaise, par ces professionnels de langue anglaise, on ajoute un usage décent de la langue française à l'égard de la majorité.

Je vous demande simplement si, à votre avis, le fait que la langue anglaise ne soit pas la langue officielle du Québec, met en danger la culture anglaise de cette minorité. Il y a un rapport que moi et bien des francophones, qui vous ont précédé à cette table, ne voient pas.

M. WAYLAND: La langue française sera la seule langue officielle selon ce projet de loi. But also, the official language will be the language

of public utilities and professional bodies. That is the heading of chapter II. The official language, French, will be the language of the labor field. Chapter III. The official language, French, will be the language of business. Chapter IV.

M. CHARRON: Pour ce qui est de l'administration publique, l'article 11 dit et je vais le lire dans votre langue, si vous permettez: "Every person may address the public administration in French or in English, as he may choose".

Dans les autres chapitres, il n'y a aucune restriction à l'utilisation de l'anglais, actuellement. Ce n'est pas, par exemple, parce que le gouvernement déciderait de promouvoir — il ne le fait pas dans le projet de loi, il le fait par des mesures incitatives qui n'ont pas de portée —la promotion des francophones dans le monde du travail, obliger les entreprises à faire place aux francophones dans le monde du travail, que ça exclut les anglophones.

Ce n'est pas parce qu'une fois on pense à nous que ça veut dire qu'on pense contre vous.

M. WAYLAND: I know that this bill does not try to banish or outlaw the English language, that is quite evident. But the tenor of this bill is to restrict the use of English, and that, in my opinion, is the weakness of the bill. Even in the matter of internal communications, French, according to this bill, is to be the and the only language. It is the tenor of the whole bill without the bill saying it, that English is to be relegated to a second, third rate position.

And I think the key to that is found in the very preamble to the bill...

M. CHARRON: En anglais ou en français, parce que ce n'est pas le même préambule.

M. WAYLAND: In the préambule to the bill, it is clearly stated that: "II incombe au gouvernement du Québec de tout mettre en oeuvre pour assurer la prééminence de la langue française." If we go to the dictionary Flammarion, for the definition of the word "prééminence", we will find that it gives as the definition of that word: "Supériorité sur les autres". And it is because of this character of the bill, the very intent of the bill in its preamble, that French language — for which I have the greatest respect — is to be superior to all other languages in the country. And I think that, over the past 225 years, and with the relatively good harmony — and I am not afraid of the words "bonne entente" — with a "bonne entente", the mutual respect and understanding that we have had in this province, the fact that there are approximately a million people in this province whose mother tongue is not French, it would be proper to keep both languages official and to encourage by every legitimate means our children in the learning of both languages.

What I would have liked to have seen in this bill, Mr President, and honourable minister of

Education, would have been a very constructive program, first of all, for enhancing the French language, enhancing French culture in every, every legitimate way, in every way.

And at the same time, a very constructive program paid for by the government of Quebec for the teaching of French in the English schools, so that our children would come out of school bilingual. There would have to be financial means made available for that purpose. There should be student exchanges within the province between French groups and English groups. If I can be personal just for a moment, Mr President, like my father, my grandfather and my great-grandfather, we were all born in Quebec. I went to St. Patrick's school in Montréal. I never learned any French. My father wanted me to learn French. I had the motivation for learning French. I wanted to learn French. No student, to my knowledge, and I was there for about 15 years, no English student ever came out of St. Patrick's school being able to talk French. My own children went to English schools. They have suffered the same fate. They do not know any French. The only French that I learned was taught to me by a Christian brother who came down from the city of Toronto and he was preparing me and a few others for our McGill matriculation exams and after he had been with us only a few weeks, he said: No more study in chemistry, physics, history, English literature, your great weakness is in your French. And he said: You are going to start coming in to class at 8 o'clock in the morning and Brother Bernard, a Christian brother from Toronto, was the one who taught me the little French that I know. This should not happen in Quebec. This is what I would like to see in your bill. I would like to see a determination that there is to be a program for the teaching of French, that there is to be the financial means made available so that we, the English-speaking people of this province, will have our children bilingual. And if this were to be done, then, we all due respect, your bill — perhaps Churchill would have said, when armaments came to him too little and too late — I would say that this bill has come too fast and there is too much. It will take one generation to cure this problem if the Quebec government with all parties united, were to say: We are going to embark upon a constructive program so that the anglophones will learn French. Then, this problem will have disappeared by the time the next generation takes over in this province.

M. CHARRON: M. le Président, j'ai terminé.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, il y a un point que vous avez soulevé dans votre mémoire et sur lequel nous sommes entièrement d'accord, c'est

lorsque vous dites: II y a trop de pouvoirs au lieutenant-gouverneur en conseil, trop de pouvoirs qui lui sont accordés au niveau de la réglementation. J'aimerais savoir si, dans votre opinion, vous êtes d'accord que ces pouvoirs qui sont accordés au lieutenant-gouverneur en conseil peuvent également aller à l'encontre des intérêts de la majorité francophone au Québec, et qu'il y a un danger énorme qu'il y ait à ce niveau beaucoup de pressions qui se fassent et qu'on ne respecte pas les droits, il faut bien dire les droits, de la majorité francophone. Est-ce que vous partagez également ce point de vue?

M. WAYLAND: I enunciated the principle and just the principle in the brief that we feared that there were too many powers being given to the Lieutenant-Governor in Council which powers are too wide and too arbitrary.

Naturally, we do not take a stand on whether those powers would affect the Anglophones or the Francophones, one group more than the other, it would apply, in my opinion, equally because all that we have set forth is a principle and the principle applies equally to all groups.

M. ROY: En somme, cela peut affecter les deux groupes. En somme, vous êtes contre ce principe ou cette disposition de la loi parce qu'elle peut affecter les deux groupes, selon vous.

M. WAYLAND: We consider that the discretionary powers are too wide, yes. Too arbitrary and too wide, too discretionary.

M. ROY: En somme le projet de loi ne vous donne aucunement satisfaction à cause de ses ambiguïtés, de ses imprécisions et des pouvoirs discrétionnaires que nous ne connaissons pas. Est-ce que ça veut dire que vous êtes contre le projet de loi actuel et que vous êtes pour que le projet de loi soit retiré?

M. WAYLAND: Well, let me say that our societies are certainly not against a constructive language bill; on the contrary, we have discussed this matter in committee at lenght. We consider the change, we do not stand for the status quo. We believe the change is occurring every day of our lives. Otherwise, we would all be dead. What we do attack in the bill, or I think, well set forth in our mémoire, when you ask me about the powers given to the Lieutenant-Governor in Council, yes, we consider that those powers are too wide, they are too arbitrary. We do not like regulation, we do not like law by regulation, we would rather see definite principles laid out in this bill so we would not be taken by surprise at some later date.

M. SAMSON: M. le Président, si le bill devait être adopté tel qu'il est présenté présentement — c'est là notre question — est-ce que vous ne préféreriez pas, à ce moment-là, le voir retirer et que le gouvernement prenne le temps qu'il faut pour en préparer un autre conforme à ce que vous appelez un bill objectif?

M. WAYLAND: As I have already said, we do not stand for the status quo because we believe the change is inevitable from day to day. We do think that there are basic changes which should be made in this bill. We are not asking that the bill be retired. We are asking that changes be made in the bill. We suggest to the government and particularly to the minister of Education, that timing of the bill may be wrong. This should be a gradual process, experimented with a change here and there. Try out your new programs for teaching the other language in the other schools, and then, depending upon results, amend the law based upon experience.

M. SAMSON: Si je comprends bien, si le bill n'est pas amendé tel que vous le demandez, vous l'accepteriez tel qu'il est, plutôt que de demander son retrait?

M. WAYLAND: We hope that the amendments would be made. We do not stand in anyway against a language bill. We ask the changes be made.

We do not ask that the bill be... We do not recommend that the bill be killed or withdrawn.

M. SAMSON: Cela ne répond pas tellement...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais rappeler à tous les membres de la commission qu'il y a un partage qui a été fait antérieurement sur 20 minutes, 20 minutes; et actuellement les membres de l'Opposition ont commencé à 11 h 23, ce qui fait plus d'une demi-heure, soit 31 minutes.

M. ROY: M. le Président, sur le point de règlement soulevé...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je ne veux pas faire un drame avec cela...

M. ROY: Moi non plus...

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je porte cela à votre attention.

M. ROY: Mais, je reviens encore un peu à ce que je disais hier, c'est avec regret que je me dois de le faire. C'est toujours au moment où nous arrivons à poser des questions, notre groupe, que nous arrivons avec la même restriction. C'est pourquoi je dis encore ce matin et je le répète: Le' cadre dans lequel on semble vouloir nous embarquer...

M. HARDY: II y a une décision de prise.

M. ROY: Pour la discussion du projet de loi... Il y a une décision de prise, vous nous l'avez imposée.

M. HARDY: Cessez donc de faire du "mémérage".

M. ROY: C'est toujours la même chose.

M. SAMSON: M. le Président, voulez-vous rappeler à l'ordre l'honorable député de Terrebonne?

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais signaler...

M. SAMSON: Je n'en ai que pour une petite minute.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui. L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: Ne faisons donc pas un drame pour rien avec cela.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, je voudrais demander à notre invité, pour obtenir la réponse la plus claire possible... Vous demandez des amendements, vous soutenez que vous demandez des amendements, vous soutenez que vous n'êtes pas contre un projet de loi sur la langue, mais advenant, et c'est là la question, que ce projet de loi ne soit pas amendé, qu'il reste tel qu'il est, quelle serait votre position à ce moment? Est-ce que vous ne préféreriez pas demander le retrait du bill en disant au gouvernement de réétudier son bill et de ramener un nouveau bill plus objectif plutôt que de le laisser adopter tel qu'il est?

M. WAYLAND: I am afraid that the best I can do in reply to that question is almost to repeat myself that our societies are not against a language bill. Our societies would like to see the bill amended in a most constructive way, based upon the traditions of this province, based upon the rights of the individual and based upon the parental right to choose the school for his child.

M. SAMSON: Cela ne répond pas à ma question, mais de toute façon, je n'en ai pas d'autre.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député d'Argenteuil.

M. SAINDON: Merci, M. le Président. M. Wayland, à l'article 2 de votre mémoire, vous dites que le gouvernement ne doit pas entraver la culture des autres groupes, j'entends ici les groupes ethniques du Québec. Can you tell us what makes you believe that such is the intention of the government in presenting bill no 22?

M. WAYLAND: Mr President, that is certainly our belief and that is why it takes a prominent part in the mémoire which we have submitted to you. I believe that I must repeat myself to answer that question and that to have a rich cultural life. For the million non-Francophones who live in this province, there must be a feeling on their part that they are —and I hate to use the expression, because it has been abused to often — they must have the feeling that they are not second class citizens in this province. They must be given the opportunity to play a full role in the province, and in all the affairs of the province. And culture does not exist without language. If you interfere with the language, if you say: French is superfor to all other languages, as the preamble to this bill does say.

Then you have created an atmosphere among the non French-speaking people in this province that they are inferior, that their language is inferior, that their competence in the professions is inferior. What we have had for 225 years is mutual respect based upon the two great languages of this country.

To take away one of them, in any part in this country, would be a denial of the aspirations, and I will not call them rights, I will not call them privileges, but I will call them aspirations, the legitimate aspirations held by the minorities. A government, in our view, is judged by its treatment, its fair treatment of minorities. Québec has always been a great example for its treatment of minorities. We hope that it continues. We hope that our own culture, our own particular culture based upon our own English language, will continue to be encouraged. As I said before, there is nothing in the bill which says: You cannot use English, you cannot talk English, but the whole basis of the bill is: French and French only.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Mr Saindon...

M. TARDIF: M. le Président, sur une question de règlement. J'aimerais rappeler que nous avons commencé, sauf erreur, la période des questions à 11 h 23 et que le délai de quarante minutes se terminera à 12 h 3. Il est midi, à ce moment-là, il serait peut-être bon de rappeler à tout le monde que la période de quarante minutes se terminera à cette heure.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vais apporter certaines précisions avant la suspension des débats tout à l'heure. Avant la suspension de la commission, j'apporterai certaines précisions sur la marche de la commission, après le député d'Argenteuil.

M. SAINDON: Mr Wayland, not withstanding your paragraph 3, would you consider French and English languages as official with priority to the French language?

M. WAYLAND: It is so difficult for anyone to define the word "priority". It means...

M. SAINDON: Well, it means precedence.

M. WAYLAND: In this House, at this moment, French takes precedence as it should, if, whenever there is a majority group, the language of the majority should be spoken to the every extent possible. This is what the English people of Quebec want. At this moment, I am talking English. I would much prefer, if I had the fluency, to answer these questions in French. I know French. I can read French. I can get along in my business in French, but I have not got the fluency to answer these questions in French.

So, when you say priority, I believe that everything would depend upon the definition of that word "priority".

M. SAINDON: Mr Wayland, would you be in favour of mandatory bilingualism in our schools, English and French?

M. WAYLAND: We would encourage bilingualism in our schools to the greatest possible extent. It is my view.

M. SAINDON: Would you agree to the necessity for all immigrants other than French and English to mandatorily attend French schools up to the time where these students would be judged satisfactorily versed in the French language?

M. WAYLAND: Mr President, I know that the government of Québec is very busy studying a proposed "Charte des droits de l'homme". If the principle — we call it in English the rule of law, l'égalité devant la loi — means anything, it means that each individual must be treated, in the law, in the same manner to whatever extent is possible. So that when you put this question to me, my immediate reaction is against the question, because I do not like to think that there would be one treatment for the immigrant, another treatment for the non-Canadian, another treatment for the Canadian, another treatment for the Americans who happen to come here.

I wonder if you would permit me, because I like to go to the best evidence whenever it is available, to read from the "Charte des droits de l'homme pour le Québec". This, of course, never became law, but it was published and it has been published in the McGill Law Journal in 1963, and, on the question of discrimination, it reads: "Article 22...

M. SAINDON: Would you permit me just one explanation? You may not have to go through all these explanations. What I meant by my question was that immigrants, other than French and English, those who come to this country and do not speak either French nor English, that as they come in this country, they have to attend French schools up to the day that they speak French. Then, from that point on, they attend public schools where they learn both languages, French and English. That is what I meant.

M. WAYLAND: Yes, no.

M. SAINDON: Because when they come in, they do not speak either languages, French or English.

M. WAYLAND: No, it is not...

M. SAINDON: They are at a loss at that time.

M. WAYLAND: It is our view that the immigrant, because he is an immigrant, usually poor, bewildered, not knowing the laws, he should be given exactly the same rights as a citizen.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Si vous permettez, un instant, je voudrais rappeler à mon collègue, le député d'Argenteuil, que la période de 40 minutes allouée pour la période des questions est terminée. Je n'entends pas, personnellement, devenir un arbitre en chef et un préfet de discipline à tous les matins ou à tous les après-midis. Il y a eu une entente de prise hier, d'un commun accord, selon laquelle l'Opposition avait 20 minutes et le Parti ministériel 20 minutes. Si, lorsqu'on arrive au Parti créditiste, comme tout à l'heure, la période de 20 minutes est terminée, malheureusement, ce n'est pas la faute du président.

Vous pourriez prendre, au sein de l'Opposition officielle, une entente sur cette période de 20 minutes qui a été décidée, d'ailleurs, hier, d'un commun accord entre tous les partis représentés à la commission — les trois partis — et en même temps, du côté ministériel, respecter ces 20 minutes. Que voulez-vous que je fasse, moi? Comme président, je dois tout simplement faire part de l'observance des règlements et, si la commission en décide autrement, c'est bien sûr que je vais suivre les directives de la commission. Mais comme, actuellement, la période de 40 minutes est terminée, j'attends les directives de la commission, et je vous informerai, autant moi que les autres présidents, qu'à toutes les 20 et 40 minutes, il y aura une nouvelle directive de demandée à la commission. Mais comme tout le monde le sait, je pense que vous pourriez facilement vous entendre. Et tout à l'heure — malheureusement, le député de Beauce-Sud est absent; il a participé à cette entente hier — il est malheureux que, lorsque le temps est arrivé de poser une

question, nous étions déjà rendus à 23 minutes. Je pense que c'était équitable, et je me rappelle bien que le député de Saint-Jacques a mentionné qu'il s'agissait d'un partage équitable. A ce moment, je suis les directives de la commission.

Actuellement, nous en sommes rendus à plus de 40 minutes. Je pense qu'il faut s'entendre. On ne peut pas continuer indéfiniment là-dessus, heure après heure. Entendez-vous, et je suivrai vos directives.

Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, sur votre rappel au règlement, je suis parfaitement d'accord pour dire que la période est terminée actuellement et que la commission devrait ajourner ses travaux jusqu'à cet après-midi.

Quant à l'invitation que vous avez faite à l'Opposition officielle de partager le temps avec le Parti créditiste, je suis parfaitement d'accord également sur cette invitation. Si cela ne s'est pas produit ce matin, c'est parce que je ne me suis même pas rendu compte que mes 20 minutes étaient écoulées. Sans lui faire de reproche, c'est peut-être à cause du témoin en particulier que nous avons qui, sur chaque question, peut-être s'éloignait, parce que je n'avais pas un nombre tellement grand de questions. Et, de toute façon, je pense que le député de Rouyn-Noranda avait également fini de poser ses questions dans les limites. A l'avenir, j'essaierai de me restreindre à douze minutes ou environ.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): II faudrait vous entendre entre vous.

M. CHARRON: Nous le ferons de notre côté pour ne pas brimer les droits de nos collègues de l'Opposition créditiste. Nous voulons respecter cette entente.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je tiens à rappeler — et je n'aime pas beaucoup passer pour un préfet de discipline — qu'il s'agit d'une entente entre les membres de la commission. Si je comprends bien, les membres de la commission décident que c'est terminé.

Au nom des membres de la commission, je remercie sincèrement M. Wayland et son invité au nom des cinq sociétés qu'ils ont représentées.

M. WAYLAND: Merci.

LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le premier groupe que nous entendrons alors sera la Fédération des travailleurs du Québec.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 16 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 6)

Reprise de la séance à 16 h 36

M. PILOTE (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs !

Je voudrais mentionner les changements suivants ainsi que la liste des membres de cette commission pour la séance. M. Springate (Sainte-Anne) remplace M. Bérard (Saint-Maurice); M. Charron (Saint-Jacques) est membre de la commission; M. Déom (Laporte); M. Cloutier (L'Acadie): M. Leduc (Taillon) remplace M. Hardy (Terrebonne); M. Lachance (Mille-Iles) remplace M. Lapointe (Laurentides-Labelle); M. Tardif (Anjou) remplace M. L'Allier (Deux-Montagnes); M. Morin (Sauvé) remplace M. Léger (Lafontaine); M. Séguin (Pointe-Claire) remplace M. Parent (Prévost); M. Déziel (Saint-François) remplace M. Phaneuf (Vaudreuil-Soulanges); M. Brown (Brome-Missisquoi) remplace M. Saint-Germain (Jacques-Cartier; M. Roy (Beauce-Sud) remplace M. Samson (Rouyn-Noranda); M. Veilleux (Saint-Jean) est membre de la commission.

Avant que ne débute cette séance également, je voudrais mentionner aux organismes qui sont venus se faire entendre qu'ils ont 20 minutes pour présenter leur mémoire ou un résumé de leur mémoire. Egalement, l'Opposition a 20 minutes pour poser des questions, ainsi que le parti ministériel, 20 minutes.

M. CHARRON: M. le Président, est-ce que je peux vous faire remarquer que les deux côtés de l'Opposition sont présents cet après-midi?

LE PRESIDENT (M. Pilote): J'en ai pris note. J'inviterais M. Fernand Daoust, secrétaire général de la Fédération des travailleurs du Québec à venir présenter son mémoire et à nous présenter, s'il y a lieu, les personnes qui l'accompagnent.

Fédération des travailleurs du Québec

M. DAOUST: Mme Mona-Josée Gagnon et M. Pierre Richard. M. le Président, MM. les députés, je vais vous lire le mémoire de la FTQ. Je vais essayer de faire une lecture assez rapide pour ne pas dépasser cette période de 20 minutes.

LE PRESIDENT (M. Pilote): S'il y avait possibilité, M. Daoust, d'en faire un résumé.

M. DAOUST: II n'est pas tellement long de toute façon.

La FTQ, qui regroupe 275,000 membres, a tenu à se présenter devant la commission parlementaire pour faire connaître son opposition au projet de loi 22 de la même façon que nous avions présenté à la commission Gendron un mémoire sur l'instauration du français com-

me langue de travail. Nous avons exprimé en temps opportun notre déception face aux recommandations de la commission Gendron du point de vue de la langue de travail, ainsi que dans leur ensemble. Nous n'avons pas hésité à faire connaître ici notre refus global face au projet de loi intitulé Loi sur la langue officielle. La FTQ s'est en effet convaincue au fil des années du caractère absolument vital que revêt la langue de travail pour les travailleurs québécois; la langue utilisée au travail est bel et bien une condition de travail au même titre que ces autres conditions de travail que nos membres négocient, convention après convention.

Malgré que cette question de la langue de travail en soit une d'intérêt éminemment national, les travailleurs québécois sont réduits à se débrouiller avec les moyens du bord pour faire respecter leurs droits linguistiques puisque l'Etat québécois n'a, jusqu'à ce jour, rien fait de valable pour forcer ou même inciter les employeurs à respecter leur identité linguistique.

Nos membres à Firestone, General Motors ou United Aircraft se sont tenus debout sur cette question et dans certains cas ont marqué des points. Il est vrai que les travailleurs québécois n'hésitent pas quand il le faut à revendiquer énergiquement, mais nous espérons tout de même que leur dynamisme n'amènera pas nos gouvernants à s'enfoncer plus avant dans leur démission linguistique. C'est à l'Etat qu'il appartient de prendre ses responsabilités dans le domaine de la langue de travail et de défendre notre patrimoine culturel. Le gouvernement québécois va-t-il bientôt cesser de laisser les parents et les enseignants se battre seuls contre l'assimilation pour l'école des Néo-Québécois et même de plusieurs francophones au groupe anglophone? Le gouvernement québécois va-t-il bientôt cesser d'abandonner aux travailleurs le soin de défendre notre identité linguistique au prix de sacrifices qu'eux-mêmes doivent assumer? Le gouvernement québécois va-t-il bientôt gouverner?

A titre de centrale syndicale, c'est à la langue de travail que nous nous intéressons au premier chef. C'était l'essentiel, d'ailleurs, du mémoire soumis à la commission Gendron et nous croyons que ce mémoire constituait une première tentative de traduire en termes concrets et réalistes le principe du français langue de travail. Ce mémoire était le fruit d'une réflexion profonde et, avouons-le, parfois pénible dans nos rangs. Il exprime encore parfaitement bien nos positions. Nous nous attachons donc dans ce présent document à faire une analyse critique du projet de loi 22 à partir des positions jadis exprimées par nous. Ceci dit, à titre de porte-parole de dizaine de milliers de travailleurs, il est également dans nos fonctions de porter un jugement global sur le projet de loi qui nous a été présenté. Nous avons d'ailleurs répété à satiété que tous les éléments de la politique linguistique conditionnaient mutuellement leur efficacité. C'est pourquoi nous pré- senterons en première partie des remarques générales sur le bill 22 pour nous préoccuper ensuite des secteurs d'intérêt plus direct pour nous.

La FTQ trouve, dans sa participation à cette commission, une nouvelle occasion d'aborder le problème de notre domination économique. Le premier ministre, M. Bourassa, n'a pas été d'ailleurs sans soulever, à sa façon bien entendu, les rapports entre notre sujétion économique et le piteux état de la langue française au Québec, ceci dans le cadre de la polémique entourant le projet de loi 22. Pour M. Bourassa, aller plus loin dans l'affirmation du caractère francophone du Québec serait économiquement mal avisé puisque des représailles ne se feraient pas attendre. Cela constitue pour nous davantage un dramatique aveu d'impuissance qu'une opinion dictée par ce qu'il est convenu d'appeler un sain réalisme.

L'économie du Québec est dominée à 80 p.c. par des intérêts non québécois, surtout américains. De toute éternité, le Québec s'est laissé déposséder de ses richesses naturelles quand il ne se vendait pas littéralement au plus offrant. Ces générations de gouvernements impuissants et quémandeurs que nous avons vus se succéder au Québec ont permis de perpétuer cette domination. Non contents de subir toute cette domination sans faire quoi que ce soit pour en secouer le joug, nos gouvernements, tant au fédéral qu'au provincial, distribuent subventions et largesses à des entreprises qui n'en ont nul besoin.

Le projet de loi 22 s'inscrit dans cette tradition d'à-plat-ventrisme. Mais les rapports entre notre domination économique et l'état du français, langue de travail, sont en réalité plus complexes. Les entreprises étrangères, en prenant pied au Québec, ont importé leur "know-how", mais encore leurs cadres et leur vocabulaire technique. Conscientes que les travailleurs québécois n'étaient absolument pas protégés dans leurs droits linguistiques par le gouvernement québécois, elles n'ont pas eu de scrupule à imposer massivement l'anglais comme langue de travail, la connaissance de l'anglais étant d'autant plus essentielle que l'on montait dans la hiérarchie. Si bien qu'alors que dans tous les pays normaux, des entreprises multinationales parmi les mieux connues travaillaient dans la langue du pays, étaient ainsi prêtes à encourir des frais supplémentaires et à embaucher de la main-d'oeuvre locale pour remplir les fonctions de direction, ici au Québec, ces mêmes entreprises démontraient une intransigeance ou une ignorance provocatrice et traitaient linguistiquement le Québec comme l'Ontario, alors que les salaires, par contre, étaient apprêtés de façon spéciale pour le Québec.

L'état pitoyable de la langue française en milieu de travail et le peu de cas qu'on en fait nous semblent, de toute évidence, reliés à la sujétion économique dans laquelle nous nous trouvons. Corollairement, nous croyons qu'il

est impossible de changer significativement la situation sans adopter une nouvelle attitude d'ensemble face aux entreprises. Nous ne sommes pas assez naiïs pour attendre du gouvernement actuel un changement radical sur les questions économiques, car ce gouvernement, comme ceux qui l'ont précédé d'ailleurs, a partie liée avec ces intérêts économiques et ne saurait se dissocier de ces derniers trop ouvertement. Nous espérons toutefois que la pression de l'opinion publique pourra éventuellement inspirer de façon bénéfique les membres du gouvernement, si peu que ce soit, notre geste n'aura pas été inutile.

Cette attitude de faiblesse du gouvernement québécois face au pouvoir économique, nous la retrouvons, à vrai dire, à chaque article ou presque de ce projet de loi. L'ensemble des articles équivaut à sanctionner un statu quo dont nous savons pourtant trop bien dans quelle impasse il a entraîné la majorité francophone du Québec. La FTQ réclamait une politique de la langue globale et nous devons concéder que c'est là l'objet du projet de loi 22. Plusieurs secteurs d'activité sont effectivement touchés, mais de façon si superficielle et si inadéquate que l'ensemble de la politique paraît vide de sens. De ce point de vue, les différents secteurs d'activité touchés s'agencent bien les uns aux autres: même indécision, même vacuum politique, même cohérence dans l'arbitraire.

La FTQ a maintes fois posé que le français ne serait jamais "sauvé" au Québec, si l'on n'en faisait pas une langue utile, en somme la langue qu'il faut obligatoirement posséder pour gagner sa vie. De ce point de vue, les éléments de la politique linguistique concernant la langue de travail occupent un caractère de centralité dans la politique linguistique globale. Pour apprendre une langue ou pour la faire apprendre à ses enfants, la motivation culturelle ne suffit pas, et nous ne saurions blâmer les Néo-Québécois qui choisissent l'école anglaise. Si le critère d'utilité de la langue française doit être l'élément déterminant pour l'avenir de la francophonie au Québec, le point de départ d'une politique linguistique globale se situe évidemment du côté de l'immigration et du système scolaire. Le projet de loi 22 fait silence sur le premier aspect et propose une solution discutable pour le second.

La FTQ, quant à elle, a soutenu par le passé que les enfants d'immigrants devraient être obligatoirement dirigés vers l'école française, mesure qui serait vide de sens si l'on n'entreprenait pas parallèlement une francisation énergique des milieux de travail et si l'on ne mettait pas en oeuvre une politique d'immigration qui se situerait dans le prolongement des intérêts de la majorité.

Le projet de loi ne va pas aussi loin et empêche même les anglophones d'envoyer leurs enfants à l'école française, puisque ces enfants ne posséderaient pas les rudiments de la langue française, sauf exceptions.

La FTQ, en tant que partie au CCTM, est régulièrement consultée sur les modifications à apporter au code du travail. Voilà trois ans que le CCTM discute des précisions à apporter au code du travail concernant la langue de travail dans les relations de travail. Ces amendements au code du travail se retrouvent maintenant partie intégrante du projet de loi 22. La FTQ veut faire, à ce sujet, deux ensembles de remarques, d'abord sur l'insertion même de ces amendements dans le projet, ensuite sur le contenu des articles en question.

L'exclusion de l'usage de la langue dans les relations de travail de la pièce législative habilitée à réglementer les relations de travail, le code du travail, nous semble lourde de conséquences. Le code prévoit en effet une série de sanctions et de recours qui garantissent le respect de la loi et la capacité des syndiqués à faire respecter leurs droits.

Ces mesures législatives faisant partie du projet de loi 22, nous nous interrogeons sur leur portée exacte, et réclamons leur "rapatriement" là où leur objet les destine naturellement, à savoir le code du travail.

Les centrales syndicales FTQ et CSN ont déjà fait dernièrement un consensus sur ces éléments législatifs. Le résultat de ce consensus a été présenté à une réunion récente du CCTM, le 7 juin dernier. Nous insistons sur la nécessité de donner au français un caractère officiel au niveau des relations de travail, ce qui veut dire que seul le texte français des conventions collectives ainsi que des décisions arbitrales aurait un caractère officiel.

Le projet de loi 22 ne comporte que deux mesures ou ensembles de mesures visant à faire du français la langue de travail: D'une part, l'article 24 et, d'autre part, la question des certificats de francisation. L'article 24 nous paraît favoriser l'établissement du bilinguisme en milieu de travail, bien sûr.

On peut considérer qu'il s'agit d'une amélioration, compte tenu du fait que l'unilinguisme anglais prévaut encore assez souvent, mais pour nous cela n'a rien à voir avec une politique de français langue officielle non plus qu'avec les justes revendications de la majorité des travailleurs québécois.

La FTQ n'est pas partisane de l'application instantanée de l'unilinguisme français en milieu de travail; elle favorise l'implantation graduelle et nuancée d'une politique de français langue officielle. Cela implique qu'il y aurait nécessairement une période de transition pendant laquelle le bilinguisme pourrait être indiqué dans certains milieux, mais qu'au terme de cette période de transition, seul le français serait utilisé pour les avis et communications. Bien entendu, sans l'adoption d'autres mesures telles l'obligation de suivre des cours de français, l'addition de l'obligation de connaître le français aux différents critères d'embauche, etc., la période de transition ne sera jamais assez longue, car nul ne se sentira dans l'obligation d'apprendre le français. Cette dernière langue

ne serait même pas la langue principale d'affichage en milieu de travail, selon l'article 24. Enfin, pour nous, il ne saurait y avoir de politique de francisation uniforme, indépendamment des secteurs de travail. Nous voulons des mesures plus radicales que celles prônées par le gouvernement, certes, mais nous suggérons une attitude nuancée. Des facteurs comme la taille des entreprises, la proportion des différents groupes ethniques parmi les travailleurs et les cadres, l'identité ethnique du groupe propriétaire de l'entreprise, le caractère des opérations et le degré d'utilisation d'un vocabulaire technique anglais sont autant de facteurs dont il faut tenir compte dans l'établissement d'une période de transition raisonnable, cinq ans, et des réglementations appropriées.

Cet article 24, même si son principal effet consisterait à instaurer le bilinguisme en milieu de travail n'a pourtant guère de portée, dans la mesure où aucune sanction n'est prévue, aucun système de surveillance, etc. Il ne nous semble pas normal de remettre au chapitre des réglementations ce genre d'éléments législatifs. Bien sûr, la présence d'éléments de sanction et de surveillance ne constitue pas une garantie suffisante; nous connaissons trop l'efficacité douteuse de la Commission du salaire minimum, pour ne nommer que celle-là, et l'insignifiance des sanctions prévues. Toutefois, cette lacune du bill 22 ne peut que nous faire mettre en doute le sérieux des proposeurs de ce projet de loi. Il est en effet primordial que les travailleurs soient protégés expressément par la loi dans le cas où ils dénonceraient leur employeur.

D'autres que nous ont déjà exprimé des doutes extrêmement justifiés sur l'efficacité et la pertinence des articles ayant trait aux certificats et programmes de francisation. Ces articles sont en fait extrêmement nébuleux, constituant tout au plus une déclaration d'intention dont les éléments importants seraient parties de réglementations. La seule chose qui apparaît très clairement, c'est la mesure d'arbitraire immense dans l'attribution de ces certificats, ainsi que l'apparition d'une méthode inédite de patronage et de népotisme.

L'article 35 énumère les éléments des programmes de francisation et, à ce titre, est plus précis, mais la rédaction est telle que tout ce qui est indiqué ne sont que des têtes de chapitres. Il est permis de supposer qu'il peut y avoir une infinité de programmes de francisation, aucune norme n'étant émise et toute latitude étant laissée aux entreprises. La souplesse, nous en sommes, mais à l'intérieur d'un cadre précis. Encore ici, la loi elle-même est donc vague, imprécise et gélatineuse; les questions importantes sont reléguées aux règlements ou, pire, à l'appréciation d'une poignée d'hommes politiques.

La FTQ n'est pas et n'a jamais été en faveur d'une politique de "quotas" en vertu de laquelle on suggérerait que telle proportion de membres d'un groupe ethnique donné devrait se retrouver au niveau, par exemple, des cadres de l'entreprise. Nous voyons là une forme de discrimination raciale, odieuse comme toute discrimination. La FTQ favorise une politique de francisation énergique qui fasse l'obligation de travailler et de fonctionner en français; nous croyons que, par voie de conséquence, dans un pays dont les dirigeants ne craindraient pas d'affirmer et de faire respecter les droits de la majorité, les francophones auront graduellement la part des postes de direction qui leur revient. De toute manière, nous nous soucions fort peu qu'un Québécois d'extraction anglaise occupe un poste important, s'il le fait intégralement en français. L'alinéa b) de l'article 35, malgré que cet article soit flou, semble porter en germe ce genre de principe de "quotas" qui nous semble, à notre avis, d'abord un aveu d'impuissance. Cela nous apparaît d'autant plus plausible que le rapport Gendron en faisait lui-même une recommandation.

Une dernière raison, et elle est fondamentale, qui nous fait rejeter en bloc le principe des programmes et certificats de francisation, réside dans l'aspect subventions aux entreprises. La FTQ a toujours soutenu que les entreprises devaient, de façon générale, assumer les coûts sociaux de leurs opérations. Le Québec, société dominée, par son absence de politique de la langue, a permis à des entreprises de se comporter en colonisateurs à l'endroit des travailleurs qu'elles embauchaient et de faire fi de leur identité linguistique. Si nous nous opposons à ce que des individus, pris isolément, soient pénalisés par nos carences politiques passées et notre réveil — puisse-t-il venir — tardif, il n'en va pas de même des entreprises, le plus souvent des firmes multinationales qui, partout sauf au Québec, respectent au moins le contexte culturel des pays qui les accueillent. Les entreprises ont objectivement profité de la situation de faiblesse des travailleurs québécois, privés d'un gouvernement digne de ce nom et bien souvent aliénés dans leur identité linguistique jusqu'à la moelle. Non seulement les coûts d'exploitation des entreprises étrangères au Québec ont-ils été diminués, mais encore leur attitude a-t-elle causé des torts psychosociaux irréparables, et ces dommages qui ne s'estompent qu'après une génération, mais au prix de l'anglicisation de plusieurs éléments de notre population. Nous ne rejetons pas la responsabilité première de cette situation sur les entreprises; la collectivité québécoise et surtout les gouvernements qui se sont succédé méritent la plus grande part du blâme. Mais la responsabilité secondaire revient néanmoins aux entreprises, et compte tenu du fait qu'elles ont profité de cette situation, permettez-nous de trouver inconcevable et révoltant l'article 31 du projet de loi 22, en vertu duquel un nouveau programme de subventions serait mis sur pied. Nos gouvernements ont beaucoup d'imagination lorsqu'il s'agit de trouver des prétextes pour gaver ceux-là qui exploitent, oppriment, mutilent et assassinent les

travailleurs québécois. Voilà encore un nouveau filon; la subvention linguistique. La FTQ s'intéresse depuis longtemps au problème des subventions que nous considérons comme des investissements allant à l'encontre des intérêts de la majorité de la population.

United Aircraft résiste à une grève de 2,000 de nos membres grâce aux largesses gouvernementales. Nous ne voulons pas entamer un nouveau débat sur la pertinence des subventions; nos positions à ce sujet sont connues.

Des entreprises ne devraient même pas avoir le droit de prendre pied au Québec sans s'engager à respecter la politique linguistique, pour peu que nous en ayons une, bien entendu. Les programmes actuels de subventions, les exonérations d'impôt dont nos gouvernements sont prodigues, devraient être éliminés dans le cas des entreprises déjà implantées au Québec et ne respectant pas une hypothétique politique linguistique. De grâce, le temps des cadeaux est révolu: il s'agit de prendre en main notre destinée, notre avenir collectif. Faisons-le éner-giquement et ayons au moins la décence de nous respecter nous-mêmes, de respecter les générations de travailleurs québécois bafoués par ces entreprises millionnaires.

Le projet de loi 22 a, en vérité, bien peu à offrir pour ce qui est de la francisation des milieux de travail. Nous ne voyons pas là une politique d'ensemble, mais une accumulation d'éléments vagues et imprécis, ouvrant la porte à tout le moins à l'arbitraire; le seul article (24), à cet égard clair, évacue les modalités d'application (sanctions, droit de recours) et propose d'instituer le bilinguisme en milieu de travail. Nous ne voulons pas répéter ici ce que nous avons proclamé, avec peu de succès, faut-il le dire, devant la commission Gendron. La FTQ a proposé et propose encore aujourd'hui un programme détaillé visant à faire du français la seule langue de travail au Québec; la clef de voûte de cette politique serait la souplesse. Le mémoire que nous avons déposé devant la commission Gendron ne péchait pas, croyons-nous, par intransigeance; les nuances et les réserves exprimées tempéraient cet énoncé de base, mais ne le sabotaient pas à la façon dont tous les articles ou presque du projet de loi 22 invalident l'article 1. Nous invitons donc ceux qui seraient intéressés à consulter notre mémoire à la commission Gendron à nous en faire la demande.

Le secteur extrêmement important des services au public (vente au détail, restauration, hôpitaux) ne reçoit guère d'attention de la part des rédacteurs du projet de loi 22. Seul l'article 18 traite spécifiquement du sujet; en vertu de ce dernier, les services des entreprises dites d'utilité publique devraient être disponibles dans la langue officielle. Il s'agit là pour nous d'une disposition minimale, équivalente à celle de l'article 24; s'ils s'agissait de services écrits, on aurait sans doute ajouté qu'ils pouvaient aussi être offerts en anglais. Compte tenu de la situation actuelle dans les zones d'anglicisation (Montréal, les Cantons de l'Est, l'Outaouais), l'article 18 tel que rédigé équivaut pour nous à instituer le bilinguisme officiel, car rien dans la loi n'empêche que l'anglais soit en pratique mis sur le même pied que le français. Ici encore, on se demande quelles en seront les modalités d'application.

La FTQ, dans son mémoire à la commission Gendron, consacrait quelques pages aux services au public. Il était clairement posé que toute personne devrait être tenue de parler couramment le français pour travailler dans ce secteur, la connaissance de la langue anglaise ne pouvant inversement être exigée de tous. Alors que les zones presque complètement francophones du Québec devaient logiquement bénéficier de services unilingues français, nous proposions que les zones déjà mentionnées où se trouvait une forte minorité de non-francophones soient dotées de services où le français serait prioritaire, mais où il serait possible d'obtenir des services en anglais en en faisant la demande. Les services téléphoniques devraient de même être donnés en français, sauf sur demande expresse. La FTQ croyait en faisant cette proposition demeurer dans les limites du réalisme et cela va sans dire respecter les droits individuels. Le projet de loi 22 n'apporte aucun élément concernant les entreprises d'utilité publique susceptible de donner une place au moins prioritaire au français, majorité au comportement de minorité, nous en sommes réduits à quêter le bilinguisme.

Nous voudrions également attirer l'attention des parlementaires sur un aspect de ce problème, à savoir l'industrie touristique. Un vice-président de la FTQ a fait une intervention à ce sujet, dans le cadre de la polémique entourant le projet de loi 22, que nous endossons entièrement. Fort de sa participation au Conseil de planification et de développement, Jean Gérin-Lajoie rappelait fort justement qu'il était prouvé noir sur blanc que le développement de l'industrie touristique québécoise allait de pair avec le développement et l'accroissement du caractère français du Québec. Ilot francophone dans une mer anglo-saxonne, l'intérêt majeur que présente le Québec aux yeux des touristes nord-américains réside justement dans cette spécificité. Voilà au moins un exemple où l'équation émise par M. Bourassa (affirmation poussée de la souveraineté culturelle égale pertes économiques) ne s'applique pas, et cela selon un document public du CPDQ.

La FTQ réclamait, dans son mémoire à la commission Gendron, la création d'un organisme distinct chargé de veiller à l'application de la politique linguistique. Bien entendu, la valeur du travail de cet organisme repose en grande partie sur le degré de consistance de la politique linguistique dont il doit être le maître d'oeuvre. Quoi qu'il en soit, nous déplorons de voir dans le même projet de loi, au chapitre "Régie", la même hésitation et la même lâcheté quant aux

sections touchant la langue de travail. En fait, la section sur la régie ne fait que confirmer la vacuité du bill 22 en créant un organisme dépouillé des quelques pouvoirs qui auraient pu donner une allure un peu plus vigoureuse à la politique linguistique gouvernementale. Il y a beaucoup à dire sur la question de la régie, mais nous nous en tiendrons à souligner les aspects dans notre mémoire à la commission Gendron où nous prenions des positions nettes.

L'article 62 ne fait pas de mystère de l'insignifiance totale du rôle dévolu à la Régie de la langue. On croirait voir là le mandat de l'Office de la langue française et cela n'est pas pour inspirer confiance quand on connaît à quel point l'OLF travaillait à vide et à l'aveuglette, confiné à la confection de lexiques plus ou moins utiles, puisque l'OLF était dépourvu des pouvoirs requis pour imposer leur usage. La Régie de la langue se voit dépouillée de tout pouvoir réel, et on en a un exemple de taille avec la question de l'émission des certificats de francisation. La régie n'a même pas ce pouvoir de juger de leur attribution, alors qu'elle est dotée d'une structure complexe, d'un fonctionnement élaboré. Encore ici, on tombe dans l'arbitraire, puisque le ministre décide en dernier ressort: délais additionnels, efficacité amoindrie, introduction de considérations partisanes... L'article 74, qui interdit aux membres de la régie de délibérer sur une question dans laquelle ils ont un intérêt personnel, fait sourire quand on pense à la très grande vulnérabilité de notre gouvernement sur cette question. Quant à nous, il nous apparaît que des membres de la Régie de la langue seraient assez incapables de pratiquer un patronage de mauvais aloi puisqu'ils n'ont même pas les pouvoirs minimaux qui le leur permettraient. Le ministre affecté à la régie, par contre, est celui qui prend les décisions relativement aux certificats et n'est pas assujetti à cet article 74.

On retrouve un autre exemple de la mainmise politique sur la régie au niveau des enquêtes. L'organisme a le devoir de mener les enquêtes commandées par le ministre. Pour ce qui est des enquêtes demandées par d'autres, par exemple un groupe de travailleurs, le bill 22 prévoit tant d'échappatoires qu'il n'y a guère de chances que l'enquête ait effectivement lieu. H est assez incompréhensible, par exemple, que l'article 89 introduise une perscription en interdisant de répondre à une demande d'enquête qui aurait pu être faite plus d'un an auparavant; nous ne voyons vraiment pas de quelle façon on peut traduire cet élément législatif en réalité. Quant à l'article 90, il donne virtuellement à la régie le pouvoir — en voilà un tout de même — de refuser une enquête sous n'importe quel prétexte. On se rend compte que l'on n'est pas au bout de nos surprises avec les articles 96, 97 et 98.

Car une fois effectuée, une enquête par les commissaires-enquêteurs et une recommandation négative ayant été rendue, une autre enquête est mise en branle par la régie. On s'attendrait à un verdict final à ce stade, mais pas du tout. Le chef du ministère concerné est seul habilité à décider du bien-fondé de la recommandation de la régie. Un peu comme si le ministre du Travail lui-même devait prendre toute décision finale en matière d'accréditation, en réduisant le tribunal du travail à un organisme consultatif.

La FTQ proposait dans son mémoire sur la langue l'addition de conseils consultatifs chargés de guider la régie dans son travail. Tel que le mandat de la régie est défini, nous ne sommes pas certains que nous serions intéressés à collaborer à cette mascarade, mais nous voudrions tout de même rappeler le principe de la consultation. Spécialement en matière de langue, nous croyons qu'une intervention étatique et efficace ne saurait prendre place sans une collaboration des milieux syndicaux; des comités consultatifs pourraient être mis en place pour chaque secteur industriel. L'absence de toute disposition de ce genre ne constitue pour nous qu'une confirmation de ce que nous pensons de la régie telle que définie, mandat restrictif, aucun pouvoir réel. Une telle régie ne serait qu'un appareil lourd et inutile, une triste façade ne parvenant pas à masquer l'inconsistance de la politique linguistique.

Le bill 22 a peu à offrir sur le plan de la langue de travail. Les quelques éléments qu'on y retrouve laissent énormément à désirer, ainsi que nous l'avons signalé. L'ensemble des dispositions touchant la langue de travail constitue une politique de quémandage qui se situe bien dans le style de gouvernement auquel M. Bourassa nous a habitués. A genoux devant les entreprises, l'Etat québécois lui fait des suggestions de francisation: Pas de pénalités ni de sanctions, et il n'en coûterait pas un sou aux entreprises. Car on a prévu des subventions additionnelles et une série confuse de cadeaux que les règlements devraient préciser, mais dont on sait seulement qu'ils seront accordés par les membres du gouvernement. Les travailleurs québécois sont donc à la merci des entreprises. Si elles ne le veulent pas, ils ne travailleront pas en français. Si elles sont d'accord, elles recevront des contributions financières et autres avantages payés par les impôts de ces mêmes travailleurs qui grossiront encore leurs profits. Le gouvernement ne sait-il pas que les entreprises où l'on travaille le plus en anglais sont parmi les plus riches, les plus puissantes. Le bill 22 constitue à nos yeux une humiliation collective du peuple et des travailleurs québécois. Nous souhaitons bien que de telles dispositions ne soient jamais entérinées, mais que de tels éléments législatifs aient été présentés sérieusement à la population demeure un fait scandaleux.

L'ensemble du bill 22 nous paraît, d'autre part, inacceptable en ce qu'il accorde peu ou pas de nouveaux droits au français, mais institue par contre une série de nouveaux droits

pour la langue anglaise. C'est un projet de loi qui vise, à consacrer un état de fait anormal, la domination de la langue de la majorité québécoise. Le gouvernement Bourassa, en présentant le bill 22, démontre à quel point en est rendue la collusion entre ce gouvernement et les pouvoirs économiques tout-puissants., Face à une telle démission gouvernementale, face au refus du gouvernement d'assumer ses responsabilités politiques et de faire des choix clairs et courageux, la FTQ ne peut que réclamer le retrait et la mise au rancart du bill 22. Car ce bill nous ferait carrément reculer sur le plan de l'affirmation de notre identité linguistique. Qu'on revienne en nous offrant une loi qui fasse véritablement du français la langue officielle du Québec. Il sera temps ensuite de penser à une pièce législative assurant que le français sera véritablement la langue de travail au Québec. Le bill 22 ne nous donne même pas le français comme langue officielle. En dehors de cette volonté minimale, comment peut-on attendre du gouvernement qu'il permette aux travailleurs québécois de travailler en français?

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président, je désire remercier la Fédération des travailleurs du Québec pour son mémoire. H contient un bon nombre d'éléments intéressants et je regrette que le temps ne me permette pas de tous les relever.

Avant de poser une ou deux brèves questions, je voudrais apporter quelques précisions qui jettent peut-être un éclairage sur certaines des interrogations que contient le mémoire. La première précision concerne l'inclusion de certains articles touchant la langue du travail, de la négociation, dans le chapitre III du projet de loi 22.

Je tiens tout de suite à rassurer la fédération que cette section apparaîtra également dans le code du travail. Il n'a jamais été question de procéder autrement; il y a intérêt à ce que le code du travail, pour des raisons qui sont d'ailleurs citées dans le mémoire, forme un tout, une espèce de charte. Il n'est pas anormal que les mêmes dispositions, à la condition qu'il n'y ait pas contradiction, apparaissent dans deux lois. Il était normal, par ailleurs, de manière que nous ayons une véritable loi-cadre en matière linguistique, que nous reprenions ces dispositions.

Le deuxième point sur lequel je peux également apporter une précision, c'est que la réglementation pertinente aux programmes de refrancisation ne sera peut-être pas déposée dans ses versions finales lors de la discussion en commission élue, c'est-à-dire article par article. Mais il en sera largement fait état sur le plan des principes et même sur le plan des dispositions, de manière que ne subsiste aucune ambiguïté, en ce qui concerne l'application de ces program- mes. Il est certain actuellement qu'avec la rédaction du projet de loi, il est difficile de se rendre compte exactement de la portée de ces programmes. Malheureusement, il était impossible de procéder autrement parce qu'aucune législation au monde ne peut enfermer dans un texte toutes les situations individuelles dont il faut tenir compte sur le plan de l'application.

C'est la raison pour laquelle ce genre de législation comporte presque inévitablement un pouvoir réglementaire important. Mais il est évident que, pour que l'on puisse, sur le plan de l'opinion publique, bien évaluer l'impact des textes, il faut que ce pouvoir réglementaire soit précisé. Cela a toujours été l'idée du gouvernement. Il y a également une troisième précision qui concerne les subventions prévues par l'article 31. J'ai dit, ici même à la commission parlementaire, que le gouvernement ne tenait pas à cet article et que s'il est interprété un peu comme le mémoire le fait, il n'hésitera pas à le mettre de côté. Il est inclus dans le projet de loi uniquement pour tenir compte de situations très exceptionnelles. Il aurait peut-être été utile d'avoir ce pouvoir, mais le gouvernement ne pense pas qu'il y ait lieu de subventionner des entreprises pour qu'elles se refrancisent. Il n'en est vraiment pas question dans son esprit. Je veux m'expliquer clairement là-dessus. En revanche, il est évident que les programmes de refrancisation comportent certains avantages d'ordre économique et, indirectement, certaines sanctions. C'est l'instrument privilégié qu'a voulu choisir le gouvernement. Je m'arrête là dans mes commentaires. J'en fais très rarement, mais ils m'ont paru importants et les membres de la commission me le pardonneront peut-être étant donné qu'ils modifient de façon assez large certains aspects du mémoire.

Ma première question, que je souhaite brève, porte un peu sur la façon dont, au sein de votre organisme, la consultation s'est faite pour que vous en arriviez à une prise de position concernant le projet de loi 22. Je n'ignore pas qu'il existe déjà, au sein de votre fédération, des prises de position générales sur la langue. Mais en ce qui concerne le projet de loi 22 plus particulièrement, j'aimerais que vous me donniez quelques explications.

M. DAOUST: En deux mots, ce mémoire découle essentiellement des prises de position de la FTQ. Dans ce mémoire à la commission Gendron que nous n'avons peut-être pas distribué, que nous vous distribuerons, nous reprenons un peu l'historique et le cheminement qui a été accompli à l'intérieur de notre centrale et qui a débouché sur une prise de position en matière linguistique. Disons essentiellement que c'est au moment où se faisait ici même, à l'Assemblée nationale, un débat sur un autre projet de loi qui est devenu une loi, la loi 63, que les délégués de la FTQ réunis en congrès en 1969, ici même à Québec, se donnaient une politique linguistique. Par la suite, cette politi-

que a été explicitée dans un mémoire qui a été soumis à la commission Gendron. Ce mémoire a fait l'objet d'une approbation au niveau du bureau de direction de la FTQ, de son conseil général qui regroupe des représentants, sur le plan géographique et sur le plan professionnel, des syndiqués qui sont affiliés à la Fédération des travailleurs du Québec. Depuis la présentation du projet de loi 22, la FTQ, comme un tas d'organismes, s'est mise à faire des sondages et des recherches d'opinions à l'intérieur de ses rangs, a réuni un tas d'instances, un tas de groupements et nous en sommes arrivés à la rédaction de ce mémoire qui a reçu l'approbation du bureau de direction de la FTQ et du conseil général de la Fédération des travailleurs du Québec. Essentiellement, sauf l'actualisation de certaines remarques à l'égard du projet de loi 22, nous ne reprenons que les grandes prises de position de la FTQ, entre autres à l'égard de la langue de travail.

Fondamentalement, nous avons toujours cru que la clé de voûte d'une politique linguistique au Québec était la langue de travail et qu'à moins qu'un gouvernement mette tout en oeuvre — et nous ne croyons pas aux incitations dans ce domaine — pour que les travailleurs québécois, à quelque niveau que ce soit, puissent travailler dans leur langue, on va se payer de mots sur le plan d'une politique linguistique.

M. CLOUTIER: Je vous remercie de ces précisions. J'en conclus qu'il y avait déjà, au sein de votre fédération, une politique linguistique qui avait été approuvée dans ses grandes lignes par les membres et que votre mémoire est basé sur les principes qui étaient contenus dans cette politique et vous en avez tenu compte en essayant de juger le projet de loi 22.

Je ne sais pas cependant si je peux en conclure que le retrait du projet de loi que vous demandez est souhaité par les 275,000 membres de votre association.

M. DAOUST: Je suis porté à le croire et je peux vous le déclarer de façon très catégorique. C'est entendu que, comme tout autre organisme, on ne peut pas consulter nos membres à tout moment et à toute occasion. Nos consultations se font surtout à l'occasion des congrès. Mais les positions de la FTQ sur le plan linguistique, qui ont été prises en 1969, réaffirmées et radicalisées en 1971, et réaffirmées de nouveau et un peu plus radicalisées en 1973, auraient le même accueil en ce qui concerne les positions que l'on voit dans le mémoire de la FTQ.

M. CLOUTIER: Comprenez-moi bien. Mon intention n'est pas du tout de vous mettre en difficulté. J'apprécie beaucoup le ton de votre mémoire et votre façon de répondre, mais je suis quand même obligé de vous poser cette question, parce qu'il se peut que certaines personnes soient d'accord sur votre politique linguistique et ne soient pas nécessairement d'accord sur le retrait de la loi 22 qui arrive avec une politique linguistique. Il peut y avoir des nuances d'interprétation. Le gouvernement pense avoir une politique linguistique valable et il est possible que certains de ces 275,000 membres le pensent également.

Je ne voudrais pas aller plus loin. Je crois que vous m'avez répondu de façon satisfaisante. J'aurai donc deux courtes questions maintenant. Une qui est un peu sectorielle et une autre qui est plus large. La sectorielle, je l'utilise parce qu'elle est un peu symbolique, parce qu'un certain nombre de personnes qui se présentent devant cette commission semblent ne voir dans cette loi qu'une espèce de consécration du bilinguisme. Vous citez l'article 24 en disant ou en laissant entendre que c'est un peu votre façon d'évaluer au moins cet article. Or, je vais le lire avec vous et je vais vous redemander si vous maintenez votre opinion, à savoir que c'est une consécration du bilinguisme.

L'article 24 est le suivant: "Les employeurs doivent rédiger en français les avis, communications et directives qu'ils adressent à leur personnel". C'est là l'établissement d'un principe général; d'un principe général qui, dans l'esprit de notre loi, consacre un droit collectif. Mais il y a un deuxième alinéa qui n'a qu'une seule raison d'être, tenir compte des droits individuels, c'est-à-dire des communications en ce qui concerne les personnes. "Les textes et documents susdits peuvent cependant être accompagnés d'une version anglaise lorsque le personnel est en partie de langue anglaise".

Est-ce que ceci est vraiment la consécration du bilinguisme ou est-ce que ce ne serait pas plutôt, et c'est l'esprit qui se retrouve un peu partout, la consécration du français prioritaire et l'acceptation du fait qu'il y a des anglophones qui ont certains droits sur le plan individuel?

M. DAOUST: Ecoutez, dans le deuxième alinéa, on dit: Les textes et documents peuvent cependant être accompagnés d'une version anglaise lorsque le personnel est en partie de langue anglaise. On peut difficilement imaginer une entreprise au Québec qui n'emploie pas quelques personnes de langue anglaise. Et vous savez fort bien que, plus on examine le profil d'une entreprise, plus on réalise que le personnel de langue anglaise se trouve dans les postes les plus prestigieux de l'entreprise.

Alors, n'importe quelle entreprise pourrait, en se basant sur les dispositions de l'article 24, "bilinguiser" ses communications internes.

M. CLOUTIER: Est-ce que vous avouez cependant que le français prioritaire est consacré pour la première fois de façon très nette dans cet article de loi, même s'il est possible, compte tenu des gens qui sont dans une entreprise, d'avoir des versions dans l'autre langue?

M. DAOUST: II s'agit des communications, avis et directives qu'ils adressent à leur personnel. La langue de travail va au-delà de ça, dans le fond. Il y a cela, mais il y a autre chose.

M. CLOUTIER: On parle de ça en ce moment. Je souhaiterais une réponse précise. Je comprends que c'est très difficile, parce que votre pensée est nuancée. Mais est-ce que, dans cet article, il n'y a pas consécration d'une priorité absolue au français avec, sur le plan des droits individuels, la possibilité d'utiliser une langue de communication?

M. DAOUST: Je ne peux pas voir une priorité absolue. Quand on dit, pour reprendre les mots...

M. CLOUTIER: II y a une différence entre "doivent" et "peuvent" parce qu'il ne faut peut-être pas préjuger.

M. DAOUST: Les documents pourront être traduits, compte tenu du rapport...

M. CLOUTIER: Lorsque les besoins l'imposeront. Les besoins n'existeront pas partout, parce que je vous rapporte à une étude extrêmement intéressante de la commission Gendron, qui est l'étude de M. Laporte, qui montre qu'il y a quand même un nombre beaucoup plus élevé d'employés qui travaillent en français au Québec. Elle cite le chiffre de 85 p.c, ce qui ne règle pas le problème, parce que le problème se situe à un autre niveau.

Je m'arrête là. Ma deuxième question, parce qu'encore une fois ce n'est pas le lieu d'un débat. Je m'en excuse. C'est la première fois que je fais, pour ma part, une petite incursion dans ce domaine. Vous semblez faire une adéquation entre le pouvoir économique et l'approche que devrait contenir une loi linguistique.

Partout dans votre mémoire — et je trouve cela assez normal de la part d'un syndicat — vous parlez du pouvoir économique. En même temps, vous vous opposez au contingentement, ce que vous appelez les quotas. Je crois que vous avez tout à fait raison, même s'il y a des organismes francophones qui souhaiteraient des contingentements; cela ne se défend pas dans une économie quelle qu'elle soit, y compris l'économie qui est la nôtre.

Est-ce qu'il n'y aurait pas là une espèce de contradiction, parce que je me demande si vous ne souhaiteriez pas qu'on utilise une loi linguistique pour au fond changer un équilibre de force, c'est-à-dire le pouvoir économique, alors qu'il y a d'autres moyens que le gouvernement a à sa disposition? La SDI, par exemple, va tenir compte de ce facteur de pouvoir économique dans l'attribution de ses subventions. C'est un autre problème.

Mais est-ce que vous croyez que c'est vraiment le lieu, lorsqu'on fait une loi linguistique qui vise à déterminer la place du français et la place beaucoup plus restreinte comme les groupes francophones s'en rendent compte, de l'anglais? Est-ce que vous croyez vraiment que ce serait le lieu, c'est-à-dire la loi linguistique, d'essayer de reprendre en main le pouvoir économique?

M. DAOUST: C'est vous qui nous forcez, vous, le gouvernement, à faire cette adéquation entre le pouvoir politique et le pouvoir économique à cause de la teneur même du projet de loi qui ne fait pas du français véritablement la langue de travail et qui risque de "bilinguiser" et d'inscrire, dans des projets de loi, des droits acquis à la langue anglaise.

M. CLOUTIER: "Ne fait pas du français la langue de travail", que voulez-vous dire par là? Vous voulez dire qu'il ne fait pas instantanément la langue du travail. Mais, est-ce qu'il n'y a pas, dans cette loi, des mécanismes qui permettent de renverser une tendance et qui permettent progressivement, compte tenu des difficultés que vous connaissez mieux que quiconque, parce que vous êtes dans le milieu du travail... C'est ce qui donne d'ailleurs de la valeur à votre témoignage.

Les programmes de refrancisation, je crois qu'il est indéniable que c'est là un progrès et que certainement cela va permettre à des entreprises d'avancer. Etes-vous vraiment d'avis qu'il suffirait de dire "le français est la langue de travail" pour que demain toutes les entreprises...

M. DAOUST: Nous l'avons dit à plusieurs reprises. Nous ne croyons pas que l'implantation du français comme langue de travail doit se faire de façon rapide et immédiate. Ce n'est pas pensable. On a toujours parlé de souplesse.

Par ailleurs, on ne croit pas non plus que cela puisse se faire en ayant recours à l'incitation. Cela fait 100 ans qu'on incite les anglophones au Québec...

M. CLOUTIER: Comment cela se fait?

M. DAOUST: ... à faire du français la langue de travail...

M. CLOUTIER: Comment cela se fait, d'après vous?

M. DAOUST: ... et on régresse dans ce domaine.

M. CLOUTIER: Comment cela se ferait d'après vous, brièvement?

M. DAOUST: Le rapport de force est tel que le pouvoir économique impose, avec une facilité...

M. CLOUTIER: Bon.

M. DAOUST: ... déconcertante, les règles du jeu au gouvernement dont vous êtes un des ministres.

M. CLOUTIER: C'est donc une question de pouvoir économique pour vous.

M. DAOUST: C'est une question de pouvoir économique et c'est une question d'absence de volonté gouvernementale de prendre ses responsabilités et de faire du français la langue de travail.

M. CLOUTIER: Ah!

M. DAOUST: Ecoutez, ils ne sont pas masochistes. Ils ne viendront pas vous dire, que ce soit le Conseil du patronat ou la Chambre de commerce: "De grâce, imposez-nous le français comme langue de travail".

M. CLOUTIER: Comment cela se fait-il? Comment cela s'impose, le français comme langue de travail?

M. DAOUST: Ils ne céderont pas des pouvoirs qu'ils ont acquis depuis fort longtemps. Mais vous êtes le gouvernement du Québec, vous pouvez imposer au pouvoir économique à moins que — et là, on devient soupçonneux — il n'y ait une espèce d'identité entre le pouvoir politique et le pouvoir économique, mais si tel n'était pas le cas, vous pourriez imposer au pouvoir économique la volontée, qui est celle de la population et des travailleurs québécois, de faire du français la langue de travail.

Ce sont des incitations polies. Que voulez-vous que je vous dise?

M. CLOUTIER: Je pense le contraire, mais je vous remercie d'avoir répondu aussi gentiment.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, je veux également remercier le secrétaire général de la Fédération des travailleurs du Québec de la qualité de son mémoire et lui dire, en tout premier lieu, que c'était un témoignage très attendu, comme d'ailleurs nous attendions avec beaucoup d'impatience le témoignage de chacune des centrales syndicales du Québec.

Je dois vous dire, M. Daoust, que le mémoire de la FTQ est d'autant plus satisfaisant qu'il intervient dans un domaine où, jusqu'ici, très peu de groupes étaient intervenus de façon aussi spécifique et attentive, par une étude aussi approfondie du projet de loi dans le domaine du secteur de la langue de travail. Vous connaissez l'intérêt que tous les Québécois ont pour la question de la langue d'enseignement, suite au projet de loi 63 et à sa répétition dans le projet de loi 22, ce qui fait que plusieurs organismes ont fait porter l'essentiel de leurs remarques là-dessus. De la FTQ, nous attendions ce témoignage, et je dois dire que vous nous le donnez amplement.

J'ai suivi attentivement l'échange que vous avez eu avec le ministre de l'Education. C'est un peu à la suite de ses questions et des points qu'il a notés que je voudrais vous amener à préciser davantage, puisqu'il a choisi d'arrêter cet échange qu'il avait avec vous.

Est-ce que j'ai raison de dire que l'un des paragraphes de votre mémoire qui résument le mieux la pensée de la FTQ quant à la francisation des milieux de travail est celui qu'on retrouve à la page 6, paragraphe 12. Vous y affirmez un peu le principe général que je crois avoir retrouvé dans chacune de vos positions, que vous n'êtes pas partisans de l'application instantanée de l'unilinguisme français en milieu de travail, que vous favorisez donc une implantation graduelle et nuancée, mais que vous exigez au départ une affirmation de principe qui soit catégorique quant à l'objectif.

Est-ce que vous reprochez au projet de loi 22... Si le ministre veut continuer à participer à cet échange, soit, mais de façon silencieuse.

M. CLOUTIER: Je m'excuse. C'est le chef de l'Opposition et moi qui parlions...

M. CHARRON: Très bien!

M. CLOUTIER: ... je ne suis pas sûr que ce soit moi qui aie commencé.

M. CHARRON: Est-ce que je peux inviter très poliment...

M. BURNS: A l'ordre, les garçons!

M. CHARRON: ... le ministre de l'Education à suivre le débat.

M. CLOUTIER: Et le chef de l'Opposition â suivre ce débat.

M. CHARRON: Concernant ce que M. Daoust vous a répondu tout à l'heure, j'aimerais préciser. Par exemple, si l'article 24 — vous l'avez incité à se prononcer — était une mesure temporaire, ou, si vous voulez, était l'application graduelle mais devait arriver à l'application très nette du seul et premier paragraphe de cet article 24, autrement dit si la version anglaise dont parle le ministre comme un droit individuel, en deuxième paragraphe, était une mesure que la FTQ reconnaît dans l'implantation graduelle et nuancée, mais que ce Parlement, cette Assemblée, ce Québec prenaient comme position nette que les employeurs doivent rédiger en français les avis, communications et directives qu'ils adressent à leur personnel, la position de la FTQ se trouverait, je dirais, acquise dans le projet de loi et respectée dans le projet de loi.

Ce que vous reprochez, ai-je raison de le dire,

au projet de loi, c'est que ce que vous considéreriez comme étape graduelle d'implantation est ici établi comme objectif et, point final, comme l'établissement d'une politique linguistique? Est-ce que j'ai raison d'interpréter votre paragraphe de cette façon?

M. DAOUST: Oui, vous avez raison. Fondamentalement, notre position est la suivante, en peu de mots: Nous soutenons que le français doit être la langue courante et normale de travail à tous les paliers de l'activité économique. Pour y parvenir, nous rejetons toute incitation. Nous optons de façon très nette pour une législation. Par ailleurs, nous avons toujours mentionné qu'il fallait que cette législation soit nuancée et souple et qu'on ne peut y parvenir du jour au lendemain. Nous avions pensé qu'on devait créer une Régie de la langue avec des pouvoirs véritables, qui verrait à faire une étude de chacun des grands secteurs professionnels qu'on retrouve dans une société comme la nôtre, et qui prévoirait un programme d'implantation du français comme langue de travail.

Dans certains cas, cela peut prendre deux ans, dans d'autres, cela peut prendre cinq ans. Nous avons souhaité de plus que cette Régie de la langue soit conseillée par des comités consultatifs où, paritairement, les employeurs et les syndicats se retrouveraient et feraient l'analyse de la situation.

Et encore une fois, sur le plan des principes, il faudrait qu'il y ait une affirmation, une volonté très nette. Il faudrait, somme toute, qu'on laisse tomber les méthodes d'incitation ou d'appels à la bonne volonté qui, encore une fois, n'ont pas donné grand-chose sur le plan du français, langue de travail, ici au Québec.

M. CHARRON: M. Daoust, j'ai peut-être une ou deux autres questions avant de laisser le temps à mes autres collègues de l'Opposition de participer à ce débat. Vous êtes également le premier organisme, non, peut-être à l'exception d'une autre centrale, à être aussi catégorique ou à reprendre de façon aussi catégorique les arguments quant à la présence du pouvoir économique étranger aux Québécois comme obstacle majeur pour l'implantation de la langue de la majorité comme étant la langue de la vie économique des Québécois. Vous affirmez dans le paragraphe 16, à la page 8, ceci: "Nous croyons que, par voie de conséquences, dans un pays dont les dirigeants ne craindraient pas d'affirmer et de faire respecter les droits de la majorité, les francophones auront graduellement la part dés postes de direction qui leur revient." Et ce, sans "quota", sans incitation et tout ce qui est contenu dans le reste du paragraphe.

M. Daoust, je vous pose cette question. Est-ce que ce gouvernement et est-ce que le Québec, dans son statut actuel, a la possibilité d'avoir de ses dirigeants, qui ne craindraient pas d'affirmer, de faire respecter les droits de la majorité sur le plan économique? Est-ce que le Québec, dans sa situation actuelle, bénéficie de tous les moyens dont il pourrait disposer pour contrecarrer l'immense pouvoir économique qui lui est étranger?

M. DAOUST: Je pense que oui. Par ailleurs, encore une fois, si le débat linguistique se poursuit au Québec et si le gouvernement insiste pour que son projet de loi soit adopté de la façon dont il l'a soumis, même en tenant compte de certaines modifications, il pourra peut-être faire la preuve qu'il est impossible, à l'intérieur du régime politique que nous connaissons, sur le plan constitutionnel, d'en arriver à débloquer au niveau d'une politique linguistique qui soit à l'image de la majorité de ceux qui composent notre société.

J'estime et la FTQ aussi, on l'a mentionné dans le mémoire à la commission Gendron, que, quel que soit le gouvernement du Québec, c'est dans la mesure où ce dernier aura la volonté de faire du français la langue de travail et de faire en sorte que les Québécois reprennent en main leur destinée sur le plan économique, on pourra avoir satisfaction, mais cette volonté nous semble absente dans le projet de loi tel qu'il nous est soumis. C'est cela, en fait, qui nous bouleverse.

M. CHARRON: Une sous-question très simple et, par la suite, je cède la parole aux collègues de l'Opposition. Autrement dit, même dans le régime actuel et en admettant ces contraintes, vous estimez que ce gouvernement n'est pas allé au maximum de ce qu'il pouvait faire, avec les pouvoirs qu'il a et la volonté qu'il pourrait avoir, pour faire du français la langue du Québec.

M. DAOUST: C'est vraiment le fond de ma pensée, Que le gouvernement la fasse cette preuve. Il a tous les pouvoirs, pas sur tous les plans, mais sur la plupart des plans. En tout cas, sur le plan des relations de travail et de l'imposition du français comme langue de travail, il a ces pouvoirs. A mon sens, il n'y a aucune espèce de contrainte, sauf celle du pouvoir économique à l'intérieur de notre société.

Ce ne sont pas des contraintes constitutionnelles, ce sont des contraintes idéologiques, si vous voulez, ou des affinités idéologiques qui se répercutent au moment de la rédaction d'un projet de loi. Ce n'est peut-être pas vrai dans tous les domaines, c'est vrai sur le plan de l'éducation. Le gouvernement les a aussi ces pouvoirs. Sur le plan de l'immigration, il n'a pas complètement ces pouvoirs. Il n'a jamais fait beaucoup pour les arracher à l'autre gouvernement qui, lui, les a à peu près en globalité. C'est cette absence de volonté qui, encore une fois, se manifeste depuis fort longtemps, gouvernement après gouvernement et je trouve cette indéci-

sion dangereuse sur bien des plans. Je sens que le pouvoir économique — et je ne suis pas le seul — serait bien obligé d'accepter un projet de loi beaucoup plus ferme. On l'a dit dans le mémoire que nous avions soumis à la commission Gendron. Je pense qu'on cite la G M, entre autres, qui a des usines partout dans l'univers. Elle parle français à Strasbourg, italien en Italie, enfin je ne vous répéterai pas ce que vous savez fort bien. Ce n'est pas la seule entreprise multinationale. Ces gens sont habitués à transiger dans toutes les langues et avec tous les pays de l'univers. Ils sont habitués à respecter les collectivités nationales. Mais au Québec, les grands gestionnaires du capitalisme, qu'ils soient anglophones ou francophones ou quels qu'ils soient, de façon générale sont anglophones ici au Québec. Ils se sont approprié des postes et on l'a dit à de multiples reprises: La minorité anglophone au Québec, c'est la plus riche, la plus scolarisée, la plus choyée. Nous autres, on parle de tolérance quand on fait état de cette chose. Pas nous autres, mais certains parlent de tolérance.

Le pouvoir économique, à notre sens, est prêt et ne demande peut-être pas mieux, mais qu'on cesse de lésiner et qu'on manifeste beaucoup plus d'agressivité. Indépendamment du pouvoir économique, il y a tout le peuple québécois, les travailleurs québécois. On en a fait des batailles sur le plan de la langue, à GM, à Firestone, à United Aircraft, et dans des dizaines et des dizaines d'usines. On a toujours trouvé que c'était inacceptable que les travailleurs soient obligés de céder certains droits ou certains avantages sur le plan de la convention collective de travail pour obtenir que le français soit la langue des échanges, la langue de la négociation, la langue de la défense des griefs.

Tous ces gens, en fait les travailleurs syndiqués, s'attendaient que le gouvernement profite de la présentation d'une politique linguistique, après les travaux de la commission Gendron et le débat qui dure depuis dix ans, pour dire: On va prendre nos responsabilités globalement, et on va foncer, on va s'en donner une politique linguistique globale. Je pense qu'on le dit dans notre mémoire. On ne peut pas blâmer les Néo-Québécois d'envoyer leurs enfants dans les écoles anglaises. Vous connaissez les statistiques aussi bien que moi. La rentabilisation de l'instruction de nos jeunes en français, c'est loin d'être prouvé, puisque, encore une fois, les postes les plus prestigieux dans l'entreprise, les plus intéressants, les mieux rémunérés, sont détenus par des gens qui maîtrisent l'anglais d'abord, et de temps à autre, le français.

On ne peut pas blâmer les Néo-Québécois, je le répète, d'opter pour l'école anglaise, tant et aussi longtemps qu'à l'autre bout de la ligne ou qu'au tout début du processus, on n'a pas la certitude que ces enfants, si jamais ils fréquentaient l'école française, comme on le souhaite, puisent travailler dans la langue de la majorité des citoyens du Québec.

M. CHARRON: Merci, M. Daoust.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, je voudrais à mon tour féliciter M. Daoust et la FTQ qui ont pris le temps qu'il fallait pour nous préparer un mémoire qui est très bien étoffé. Egalement, je veux féliciter M. Daoust pour le ton qu'il a pris pour nous présenter son mémoire et la façon dont il répond aux questions. Nous retrouverons dans le mémoire qui est devant nous trois points sur lesquels nous serons, je pense, immédiatement d'accord. Il s'agit, à la page 4, de l'énoncé à l'article 7, lorsque vous parlez de l'immigration, lorsque vous mentionnez que, selon vous, les immigrants devraient obligatoirement être dirigés vers l'école française.

C'est un point sur lequel vous nous trouverez d'accord, sauf que j'aurais peut-être certaines questions à poser, mais je reviendrai tantôt, une fois que je vous aurai expliqué l'autre point sur lequel nous sommes d'accord sur votre énoncé. C'est celui du fait que vous prétendez, je pense, à juste titre, que le bill 22, en quelque sorte, n'apporte pas tellement d'avantages nouveaux au français, mais confère beaucoup plus de privilèges à la langue anglaise qu'elle n'en avait déjà. L'autre point sur lequel on est d'accord immédiatement, c'est un point que nous retrouvons à l'article 27, à la page 15, soit le retrait du bill 22. Alors, M. le Président, je voudrais me reporter à l'article 7 en ce qui concerne les immigrants qui, selon le mémoire, devraient être orientés vers l'école française. Selon vous, cette mesure serait vide de sens si l'on n'entreprenait pas parallèlement une francisation énergique des milieux de travail, etc. Lorsque vous parlez d'une francisation énergique des milieux de travail, est-ce que vous avez des propositions assez nettes qui pourraient nous être présentées sur la façon d'entreprendre, selon vous, cette francisation énergique des milieux de travail?

M. DAOUST: A notre sens, il faudrait que, dans le projet de loi, il y ait une affirmation de principe voulant faire du français la langue de travail et imposant aux entreprises, quelles qu'elles soient, l'obligation très nette d'implanter le français en ce qui a trait aux activités, de quelque nature qu'elles soient. Nous avions proposé la mise sur pied d'une Régie de la langue qui serait chargée de veiller à l'application d'une telle disposition de la loi. Cette régie, je le répète, selon nous, devrait être nantie des plus grands pouvoirs qu'on puisse imaginer, qui découleraient inévitablement de la loi et des règlements qui seraient promulgués par la suite. Je vous ai mentionné, il y a un instant, que nous avions proposé que cette régie se fasse aider dans ses études par des gens du milieu, par secteur industriel, que, paritairement, soient représentés, au sein de comités consultatifs

pour l'implantation du français comme langue de travail, les employeurs de tel secteur industriel donné ainsi que les syndicats qu'on retrouve à l'intérieur de tel secteur. La régie serait chargée de prévoir un programme et de prévoir des modalités d'application et peut-être des exceptions dans certains cas. Il saule aux yeux que, dans certains secteurs d'activités, il sera essentiel pour certains groupes de travailleurs de maîtriser l'anglais. Nous ne sommes pas complètement irréalistes. C'est entendu qu'on l'a mentionné, dans bien des domaines, que ce soit pour la mise sur le marché, la vente ou le tourisme, il faudra que des gens qui occuperont certains postes puissent posséder et maîtriser l'anglais. Tout cela pourrait faire partie des règlements d'une telle régie, mais, encore une fois, il y aurait des programmes prévus, programmes suggérés par un comité consultatif et, à la suite des suggestions et des recommandations, la Régie de la langue entérinerait les propositions qui lui seraient par la suite soumises par tel comité consultatif. C'est un peu le fond de notre position. Si on veut que les Néo-Québécois, quels qu'ils soient, puissent, à l'égard de l'école française, être attirés, pour qu'il y ait un magnétisme, si vous voulez, il faut qu'éventuellement ils puissent se dire: Quand on travaillera, on pourra franchir tous les échelons à l'intérieur d'une entreprise, même si on ne maîtrise pas l'anglais, dans la mesure où on possédera le français. On va rentabiliser à ce moment-là la connaissance du français et on en fera une langue utile. A ce moment-ci, ce n'est pas une langue utile. C'est la langue, on l'a dit, du chômage et des emplois les moins bien payés.

Ce n'est pas la langue des postes les plus créateurs, les plus prestigieux, les plus intéressants dans l'entreprise. C'est encore l'anglais qui est cette langue. C'est lourd de conséquences sur tous les plans qu'on puisse imaginer. Enfin, un Canadien français qui se retrouve à un poste supérieur dans l'entreprise est obligé, par mimétisme souvent, il n'a pas le choix, par obligation inévitablement, de se mouler à la façon de penser de ceux qui sont ses véritables "boss" et qui utilisent l'anglais. C'est catastrophique pour une collectivité, et c'est d'autant plus catastrophique que ça se retrouve encore une fois parmi les postes les plus créateurs qu'on puisse imaginer à l'intérieur d'une société. Il y a un tas d'exemples qu'on pourrait vous citer là-dessus: Le bonhomme qui va lire surtout des journaux anglais, qui va épouser la façon de penser des anglophones — je parle du francophone — qui va même envoyer ses enfants dans des écoles anglaises, qui va rejeter une espèce d'affirmation culturelle de son groupe afin de plaire un peu plus au groupe dominateur dans notre société.

LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre! M. Daoust, je vous inviterais à conclure. C'est que le temps de l'Opposition est terminé depuis au-delà d'une minute et il reste au parti ministériel quatre minutes pour poser des questions.

M. MORIN: M. le Président, ce n'est pas raisonnable, quatre minutes, pour le gouvernement, pour les députés ministériels. Je crois bien qu'étant donné qu'il est déjà presque six heures, on pourrait se permettre, avec la permission du ministre, d'aller jusqu'à six heures.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Si vous voulez, on va permettre aux députés ministériels leurs quatre minutes, vous reviendrez à votre question et on soumettra à la commission...

M. SAMSON: M. le Président, écoutez, j'ai eu le temps de poser une question à peine. La réponse qui m'a été donnée, même si elle a été un peu longue, méritait qu'on lui donne le temps nécessaire. J'ai une couple d'autres petites questions. Compte tenu du fait que, comme l'a dit le chef de l'Opposition, il est près de six heures, on n'aura quand même pas le temps d'entreprendre un autre mémoire, on devrait donc considérer ce fait en vertu de l'article 8 de nos règlements qui nous le permet.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Si vous me permettez, nous allons permettre aux députés ministériels leurs quatre minutes et on statuera sur votre proposition. Je pense que la commission va être d'accord pour qu'on aille jusqu'à six heures; j'ose espérer.

M. SAMSON: On va statuer dès maintenant, la commission est maître de ses travaux, en vertu de l'article 8. Si les membres de la commission sont d'accord, on peut me permettre de poser mes deux autres questions immédiatement. Je ne vois pas pourquoi...

LE PRESIDENT (M. Pilote): D'accord.

M. CLOUTIER: M. le Président, je pense que c'est à la commission à vous donner une directive. Je n'ai absolument pas objection à ce que l'on procède de cette façon, je pense que c'est le genre de souplesse que nous avons toujours manifestée. Nous tentons, lorsque nous sommes amenés à consacrer plus de temps à un organisme, de compenser avec d'autres organismes. Je serais tout à fait d'accord pour ma part. Si je comprends bien, le député de Rouyn-Noranda voudrait terminer avant...

M. SAMSON: Oui, oui, tout simplement et ce ne sera pas long. Vous allez voir qu'on va faire ça vite.

M. BURNS: Le député de Maisonneuve devrait avoir la possibilité, après que les députés ministériels auront posé leurs questions, peut-être de poser une ou deux questions aussi.

M. MORIN: Et moi de même.

LE PRESIDENT (M. Pilote): La commission n'a pas objection à ce qu'on siège jusqu'à six heures?

M. CLOUTIER: Aucune objection.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: Merci, M. le Président. Faisant suite à la réponse que nous a donnée M. Daoust, est-ce que je comprends bien lorsque je vois qu'à l'article 13, vous mentionnez qu'à l'article 24 on ne prévoit pas tellement de sanctions advenant que les intéressés contreviennent. Quel est, selon vous, le genre de sanction qui devrait être prévu à cet article?

M. DAOUST: C'est très vrai que nous n'avons pu trouver les sanctions dans ce projet de loi. Dans le code du travail, il y a des sanctions. Dans certains cas, nous les trouvons fort peu élevées, quand il s'agit du respect du droit d'association, mais il pourrait y avoir ce type de sanction si une entreprise était mise à l'amende à la suite du non-respect d'un règlement ou d'une disposition de la loi. Si cette amende était assez élevée pour que cela fasse mal, cela pourrait peut-être provoquer des résultats.

Mais je pense bien qu'un gouvernement pourrait trouver un tas de sanctions. Les législateurs pourraient imaginer un tas de sanctions qui donneraient à une loi, à celle-là, des dents, comme on dit, et qui ne permettraient pas à qui que ce soit de pouvoir y contrevenir à volonté. De façon fort précise, on ne s'est pas penché sur ce problème, sur les sanctions, mais il y a sûrement moyen d'en imaginer qui pourraient faire l'objet d'un respect par leur seule nomenclature, au cas où un contrevenant ne respecterait pas les dispositions de la loi.

M. SAMSON: Merci. M. le Président, une dernière question. Vous avez réclamé le retrait du bill, en demandant qu'on revienne en nous offrant une loi qui fasse véritablement du français la langue officielle du Québec. Est-ce que, dans votre esprit, vous avez déterminé un calendrier que vous pourriez proposer à la commission quant à la date où cette loi devrait revenir devant le Parlement?

M. DAOUST: Cela pourrait se faire très vite. Il suffirait que le gouvernement accepte de présenter son projet de loi en l'amputant de tous les articles, sauf l'article 1. Cela fait du français la langue officielle. Pour ce qui est de la langue de travail, que voulez-vous, cela pourrait être un peu plus tard, cela peut être à l'automne. Cela ne peut pas tramer indéfiniment.

M. SAMSON: Est-ce que c'est là une sugges- tion de scinder le bill en deux? L'article 1 pour faire un bill et les autres articles pour en faire un autre?

M. DAOUST: Cela nous semblerait acceptable.

M. SAMSON: Merci.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de Taillon.

M. LEDUC: M. Daoust, un très bref commentaire. Je ne veux pas vous féliciter pour votre mémoire, mes collègues l'ont fait et je me joins à eux. La félicitation que je voudrais vous faire, c'est que j'ai l'impression que cet après-midi, avant de vous présenter à la commission, vous avez pris des cours de lecture rapide, parce que vous avez présenté votre mémoire dans le temps, sans trop commettre d'erreurs.

En fait, j'ai une seule question à vous poser, M. Daoust. J'aimerais savoir si, d'après vous, la solution au problème linguistique est directement reliée à la souveraineté politique du Québec.

M. DAOUST: La réponse vous appartient bien plus qu'à nous.

M. LEDUC: C'est vous qui témoignez devant la commission.

M. DAOUST: C'est ce que j'ai voulu dire de façon peut-être un peu difficile à Claude Charron, député de Saint-Jacques. Si le gouvernement persiste à nous présenter un projet de loi comme celui-là, franchement, ce n'est pas montrable. Que voulez-vous que je vous dise? Il y a un tas de gens qui vont se dire: Avec une majorité aussi écrasante, 102 députés, avec un gouvernement qui vient d'assumer le pouvoir il y a à peine quelques mois, on n'en sortira jamais, à moins de penser à d'autres formes politiques.

Vous aurez contribué, plus que n'importe qui au Québec, par des techniques comme celle-là, à convaincre les gens qu'il n'y a pas moyen de s'en sortir, à moins de chambarder l'ensemble du système politique et de faire du Québec un véritable pays. C'est pour cela que je vous dis que la réponse vous appartient. Si vous n'avez pas cette volonté, encore une fois, de faire en sorte qu'on ait une véritable politique linguistique globale sur tous les plans, qui en soit une qui permette au francophone d'accéder à tous les postes, sans être l'objet de discrimination, ou sans être obligé d'oublier ce qu'il est, par voie de conséquence, il y a un tas de gens qui vont se dire: II n'y a rien à faire. Parce que des gouvernements aussi majoritaires que le vôtre qui viennent présenter un projet de loi dans cette conjoncture politique, cela ne peut pas se répéter fort souvent. On ne le souhaite pas.

Je pense bien qu'à ce moment-là, on va se dire: II n'y a vraiment rien à faire. C'est par l'indépendance du Québec qu'on y parviendra peut-être, à être maîtres chez nous sur tous les plans et peut-être aussi sur le plan linguistique.

M. LEDUC: Cela va.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Laporte.

M. DEOM: M. Daoust, pour enchaîner sur la question additionnelle que le ministre de l'Education vous avait posée, j'ai bien compris que votre mémoire avait été préparé à partir de la position antérieure de la FTQ. Ce qu'il m'intéresse de savoir, parce que je pense que vous pourriez peut-être en profiter pour expliquer à la commission quels sont les pouvoirs réels de la FTQ, comparée à ses unions affiliées c'est: Est-ce que vous pouvez me dire si ce pouvoir a été endossé intégralement par les conseils de direction des unions internationales qui sont affiliées à la FTQ? J'en nomme quelques-unes: le Syndicat canadien de la fonction publique, les Métallurgistes unis d'Amérique, les Ouvriers unis des salaisons d'Amérique, les Ouvriers unis de l'automobile, etc.

M. DAOUST: Mon cher député de Laporte, je pense que vous êtes passablement au courant du fonctionnement de la FTQ. La FTQ est un lieu de concertation, c'est aussi un carrefour. Le bureau de direction de la FTQ et le conseil général de la FTQ sont représentatifs des 275,000 membres québécois de notre centrale. Ces instances sont habilitées à se prononcer et à appuyer de tels documents. Votre question est quelque peu insidieuse. Vous savez fort bien que le conseil de direction du Syndicat canadien de la fonction publique, l'exécutif, ou celui des Métallos ou des Salaisons, dans certains cas, ce sont des conseils de direction pancanadiens ou même internationaux. Je ne verrais pas — on ne le souahaite pas, on ne le ferait pas non plus — qu'ils aient à se prononcer sur l'avenir linguistique du Québec, pas plus que le gouvernement fédéral, à ce moment-ci, a quoi que ce soit à décider sur le projet de loi 22.

Je pense bien que vous n'accepteriez pas, quoi qu'il en pense, que Pierre Elliott Trudeau vienne vous donner des directives à l'égard du contenu de votre projet de loi.

M. DEOM: M. Daoust, vous déviez ma question. Si je ne m'abuse, toutes ces unions internationales ont des directeurs québécois, des exécutifs québécois.

M. DAOUST: II faut reprendre systématiquement, si c'est dans ce sens.

M. DEOM: Alors, je reformule ma question. Est-ce que l'exécutif...

M. BURNS: C'est un syndicat canadien. Ce n'est pas un syndicat...

M. DEOM: Le député de Maisonneuve... M. BURNS: ... international.

M. DEOM: ... voudra bien me laisser la parole.

M. BURNS: Oui, mais vous vous trompez. M. DEOM: Je questionne...

M. BURNS: Vous vous trompez dangereusement.

M. DEOM: II me le dira.

M. BURNS: Le SCFP est un syndicat canadien.

M. DEOM: II me le dira.

M. DAOUST: Ecoutez, au sein du conseil général de la FTQ, qui est composé d'environ 100 personnes, on retrouve les responsables de l'immense majorité des syndicats qui font partie de la FTQ. Au sein du bureau de la FTQ, vous le savez, on retrouve le directeur du Syndicat des métallos, Jean Gérin-Lajoie; le directeur du SCFP au Québec, Jacques Brûlé; le directeur du Conseil provincial des métiers de la construction, André Desjardins; le directeur de l'Organisation des travailleurs du vêtement, Saul Lynds; enfin, on retrouve un tas de gens qui occupent des postes de direction. Ces gens approuvent le mémoire évidemment.

M. DEOM: Vous ne voulez pas répondre à ma question. Je ne sais pas si je...

M. DAOUST: Non, je veux bien y répondre, mais...

M. DEOM: Les instances québécoises des unions internationales affiliées à la FTQ ont-elles appuyé ce mémoire?

M. DAOUST: Les instances québécoises de ces syndicats ont délégué leurs pouvoirs au conseil général de la FTQ et au bureau de direction de la FTQ.

M. DEOM: Alors, c'est le représentant des instances québécoises à la FTQ qui l'a approuvé et non les instances exécutives québécoises. C'est ce que vous me dites?

M. DAOUST: Si vous voulez, mais, par ailleurs, cela...

M. DEOM: J'ai une autre question...

M. DAOUST: ... n'annule ni n'atténue aucunement la représentativité de la FTQ en ce qui a trait à ce mémoire.

M. DEOM: On discutera cela en deuxième lecture.

M. DAOUST: En quoi?

M. DEOM : On verra en deuxième lecture.

M. DAOUST: Ah bon!

M. DEOM: M. Burns se chargera de faire la... Bon! Alors, à la page 7, vous dites, à un moment: Enfin, pour nous...

M. BURNS: Vous présumez? M. CHARRON: Ramsès.

M. SAMSON: C'est une présomption de député !

M. DEOM: Je ne fais que m'amuser, M. le député de Maisonneuve. Enfin, pour nous, il ne saurait y avoir de politique de francisation uniforme, indépendamment des secteurs de travail. Et, à la page 8, vous dites: L'article 35 énumère les éléments des programmes de francisation. Il est permis de supposer qu'il peut y avoir une infinité de programmes de francisation. Vous répétez un peu ce que vous dites à l'article 7. Par ailleurs, vous dites: Aucune norme n'étant émise et toute latitude étant laissée aux entreprises.

Or, moi, je suis un peu confus. Vous dites: II y a une infinité de politiques. Il faut tenir compte de différents secteurs. Il faut tenir compte de la taille des entreprises, de la proportion des groupes ethniques, de l'identité ethnique du propriétaire d'une entreprise.

Je vous demande si l'article 35 ne fait pas justement cela?

M. DAOUST: L'article 35, comme la plupart des articles où il est question de la francisation dans les milieux de travail, n'a aucun caractère impératif.

On incite les entreprises à bien vouloir franciser le milieu de travail et on leur fait voir qu'elles pourront peut-être obtenir des certificats de francisation et peut-être éventuellement autre chose. Mais il n'y a aucune obligation et c'est là notre désaccord profond entre ce projet de loi, là-dessus tout au moins, et le gouvernement. Nous soutenons qu'il faudrait qu'il y ait une déclaration formelle faisant du français la langue de travail et le faisant par voie de législation. Et c'est là qu'on parle de souplesse dans notre approche.

M. DEOM: Là-dessus, je vous arrête. Qu'est-ce que c'est une langue de travail?

M. DAOUST: C'est la langue de la majorité des travailleurs québécois. Ce n'est pas l'anglais.

M. DEOM: Non, mais comment définissez-vous cela en termes concrets? Pour prendre l'exemple...

M. DAOUST: La langue de travail, pour un francophone, est la langue qu'il pourra utiliser sans être contraint d'en connaître une autre pour accéder à des postes multiples à l'intérieur de l'entreprise, tout comme le travailleur italien qui doit parler en italien, ou le travailleur mexicain qui doit parler en espagnol ou le travailleur japonais qui doit parler en japonais.

M. DEOM: Bon.

M. DAOUST: Je trouverais cela — et vous aussi — inconcevable que la GM s'installe, je ne sais trop où, au Portugal ou en Espagne et qu'elle dise à tel ou tel niveau et à peu près à tous les niveaux: Vous, les Espagnols, vous les Italiens, vous serez tenus de parler la langue du siège social de la GM, l'anglais. En fait, la langue de travail pour nous, c'est le français.

LE PRESIDENT (M. Pilote): M. le député de Laporte, le député de Maisonneuve a demandé la parole.

M. DAOUST: Et la langue de travail pour nous...

M. DEOM: Nous n'avons pas eu le temps qui était dévolu au parti ministériel.

M. DAOUST: ... doit être le français au même titre que l'anglais est la langue de travail pour les Ontariens, M. Déom.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Je l'ai calculé et c'est passablement égal de part et d'autre. Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Je ne veux pas brimer les droits du député de Laporte.

M. DEOM: Non. Allez-y, M. le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. Daoust, je sais que peut-être pas vous-même, mais le président de la FTQ fait partie du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Est-ce que vous en faites partie vous-même? Je m'excuse.

M. DAOUST: Non. C'est Jean Gérin-Lajoie qui...

M. BURNS: Ah! c'est Jean Gérin-Lajoie qui en fait partie. De toute façon, je veux simplement établir un parallèle qui, je vous le dis, M. le Président, au départ peut peut-être paraître

comme étant hors d'ordre, mais il ne l'est pas du tout à mon avis. Les articles 24 et suivants, sauf erreur, en tout ce qui concerne la convention collective, qui est en français, "... l'arbitrage a lieu en français, à moins que...", vous savez ce que je veux dire...

M. DAOUST: Oui.

M. BURNS: "... le grief est dans la langue de l'individu qui le formule, etc." Je pense que cela a été soumis au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, sauf erreur. C'est bien cela?

Je suis frappé, entre autres, par les mots de l'article 26 qui disent que les trois mots "à moins que" s'appliquent lorsque la majorité des voix de ceux qui sont présents à l'assemblée se sont prononcés d'une autre façon. C'est-à-dire qu'à toutes fins pratiques, on dit que le français est la langue de la négociation, que le français est la langue d'opération du syndicat, mais cela peut être changé lorsque la majorité des salariés présents, j'insiste sur le mot "présents", à l'assemblée ont voté d'une autre façon. En tout cas, l'article 26 dit: "Si, au cours d'une assemblée régulièrement convoquée, les salariés d'une association accréditée en décident ainsi à la majorité des voix de ceux qui sont présents, les conventions et écrits visés à l'article 25 sont rédigés en anglais..." Alors, ceci résume le sens de l'article 26, et se retrouve également à l'article 29: "Si au cours d'une assemblée régulièrement convoquée, les salariés d'une association accréditée en décident ainsi à la majorité des voix de ceux qui sont présents, la langue anglaise doit être utilisée dans les matières visées au deuxième alinéa de l'article 28."

Le deuxième alinéa de l'article 28 concerne le grief qui est déféré à l'arbitrage. Bon. On s'entend?

M. DAOUST: Oui.

M. BURNS: Ce qui me frappe dans ces deux articles, c'est que c'est à la majorité des salariés présents. Je fais un parallèle avec — et c'est récent — le ministre du Travail à qui on a demandé s'il avait toujours l'intention de légiférer en matière de lois "anti-scabs". C'est peut-être là que le président va penser que je sors du sujet, mais je vais y revenir, vous allez voir, cela ne sera pas long. En matière de lois "anti-scabs", anti-briseurs de grève, le ministre du Travail vous a également soumis un projet au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Dans ce cas, si on doit accepter qu'une loi "anti-scabs" doive s'appliquer dans une unité de négociation, il faudrait, selon l'opinion du ministre du Travail, que 60 p.c. non pas des salariés présents à l'assemblée, mais de l'ensemble de l'unité de négociation se prononcent en faveur de la grève.

Je vois une espèce de disproportion entre les deux attitudes. Deux attitudes d'ailleurs soumises — et c'est cela qui est le lien, M. le Président, c'est pour cela que je l'amène — au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, à moins, M. Daoust, que vous disiez que le deuxième cas n'a pas été soumis, mais mes informations prouvent le contraire. Je pense que le cas de la loi "anti-scabs" a été soumis au conseil consultatif. Dans un cas, on dit: Si on décide que ce n'est pas la langue française qui s'applique, la majorité absolue de ceux qui sont présents suffit pour changer. Quand il s'agit de décider si une grève a suffisamment d'importance pour empêcher un employeur d'utiliser des briseurs de grèves, là c'est 60 p.c. non pas des salariés présents, mais de toute l'unité de négociation qui doit être le critère pour décider de la majorité.

La question que je vous pose est la suivante. Est-ce qu'à votre connaissance, au conseil consultatif, on s'est posé des questions sur cette divergence d'attitude?

Je vais vous dire tout de suite, en ce qui me concerne, que le fait qu'une grève ait lieu ou n'ait pas lieu quelque part, je pense que cela a un petit peu moins d'importance que le problème de la langue officielle, si cela doit être, comme le dit le premier ministre, le projet de loi historique, le projet de loi du siècle. C'est son deuxième projet de loi du siècle.

LE PRESIDENT (M. Pilote): J'inviterais le député de Maisonneuve à conclure.

M. CLOUTIER: II est 6 h 5.

M. BURNS: On reviendra peut-être à 8 h 15 là-dessus?

LE PRESIDENT (M. Pilote): M. Daoust a donné sa réponse.

M. BURNS: II n'a pas répondu à cela. C'est la première fois, je pense, qu'on lui pose la question là-dessus. J'aimerais au moins avoir les commentaires de M. Daoust là-dessus.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Deux minutes.

M. DAOUST: Deux mots, oui. Il faudrait peut-être qu'il y ait concordance dans l'application des règles démocratiques. Je ne sais pas si on a fait état de cette espèce de divergence au niveau du CCTM. Je ne sais pas.

Ce que je sais, par ailleurs, c'est qu'au niveau du CCTM, il y a un consensus qui s'est établi chez les représentants syndicaux en ce qui a trait à certaines dispositions de la loi. Nous ne souhaitons pas que joue cette règle de la majorité pour le choix de la langue de la négociation ou la langue du grief, pour plusieurs raisons, entre autres, c'est encore une fois, conférer à l'anglais des droits par voie de législation. Ce que nous souhaitons, c'est que les sentences arbitrales soient rendues, le texte officiel, en français et la même chose pour la convention collective de travail, qu'il y ait un seul texte officiel, le français.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Je remercie M. Daoust, représentant de la FTQ de la façon dont il a présenté son mémoire.

Je voudrais rnentionner que nous allons entendre ce soir le Comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation, la Federation of English-Speaking Catholic Teachers Inc., l'Association des cadres scolaires du Québec, la Provincial Association of Catholic Teachers et le Conseil du patronat du Québec.

La commission suspend ses travaux à ce soir 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 4)

Reprise de la séance à 20 h

M. PILOTE (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs! Les membres de la commission, pour la présente séance, sont les suivants: M. Springate (Sainte-Anne), qui remplace M. Bérard (Saint-Maurice), M. Charron (Saint-Jacques), M. Déom (Laporte), M. Cloutier (L'Acadie), M. Lapointe (Laurentides-Labelle), M. Tardif (D'Anjou), qui remplace M. L'Allier, M. Morin (Sauvé) remplace M. Léger (Lafontaine), M. Séguin remplace M. Parent (Prévost), M. Déziel (Saint-François) remplace M. Phaneuf, M. Brown (Brome-Missisquoi) remplace M. Saint-Germain, M. Roy (Beauce-Sud) remplace M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Jacques Veilleux.

J'inviterais le Comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation, représenté par M. J. L. Mac Keen, secrétaire, à bien vouloir s'avancer pour nous présenter son mémoire.

M. SPRINGATE: M. le Président, je pense que vous allez entendre cinq groupes ce soir dans l'espace de trois heures; croyez-vous que nous allons passer les cinq groupes? Sinon, est-ce que, par politesse, nous ne pourrions pas libérer les deux ou trois groupes qui, comme Provincial Association of Catholic Teachers, sont ici depuis neuf heures trente ce matin? Est-ce qu'il vont passer ou non? Sinon, est-ce qu'on peut les libérer?

M. MORIN: Avant que nous ajournions, plus tôt aujourd'hui, M. le Président, j'allais vous faire une suggestion. Je ne sais pas pourquoi j'ai hésité à le faire. J'allais vous suggérer que peut-être si on en fait trois ce soir, c'est un maximum puisque nous avons trois heures devant nous. Je n'en fais pas une proposition en bonne et due forme, parce que ça ne me paraît pas indiqué, mais peut-être une suggestion que nous pourrions libérer les deux derniers. Cela ne me paraît pas réaliste de penser qu'on puisse passer au travers de cinq groupes quand, jusqu'ici, aujourd'hui, on n'en a fait que deux.

M. CLOUTIER: M. le Président, je serais d'accord sur cette suggestion, pour ma part. Je serais d'accord également pour que nous reconvoquions ces groupes, s'ils le souhaitent, à moins qu'ils ne préfèrent se contenter de déposer leur mémoire. Je serais même d'accord pour reconvoquer le groupe que nous n'avons pu entendre hier soir. Il faut bien dire qu'il y a eu une querelle de procédure qui a duré à peu près une heure, et je ne voudrais pas que ce soit les groupes qui viennent se présenter devant la commission qui en fassent les frais. C'est la raison pour laquelle j'accepterais volontiers la suggestion du chef de l'Opposition et nous pourrions libérer les deux derniers groupes, c'est-à-dire le Provincial Association of Catholic Teachers et le Conseil du patronat en nous

excusant. Les travaux parlementaires ne sont pas toujours faciles à prévoir.

C'est ainsi, par exemple, que nous espérions commencer les travaux de la commission à quatre heures cet après-midi, mais les circonstances ont été telles que nous n'avons pu commencer avant quatre heures trente. Il faut donc ne pas nous en vouloir et, si vous le souhaitez, nous vous reconvoquerons la semaine prochaine, sinon nous accepterons vos mémoires, dont nous tiendrons compte.

M. MORIN: M. le Président, est-ce que je pourrais ajouter, à l'intention de ces deux associations, que nous tenons beaucoup à les entendre? Qu'il s'agisse de la Provincial Association of Catholic Teachers, qu'il s'agisse du Conseil du patronat, je crois que ces deux groupes sont importants et qu'ils auraient sans doute des éléments de réflexion à nous apporter. Si nous ne pouvons les entendre, ce soir, qu'ils comprennent bien que ce n'est que partie remise dans notre esprit et que nous les invitons instamment à revenir.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: J'ajoute simplement, M. le Président, que ceci montre bien, comme je l'ai dit ce matin, lors de ce débat sur la procédure, que le gouvernement n'a qu'un seul désir, c'est de permettre à ceux qui viennent ici de s'exprimer. Mais il est obligé de tenir compte, sur le plan des convocations, du règlement. Il lui est impossible de prévoir de façon absolument exacte combien de temps prendra l'audition de tel groupe. C'est la raison pour laquelle, je me suis permis ce matin d'insister sur la nécessité de respecter le règlement avec toute la souplesse voulue, dont voici la meilleure démonstration.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Je crois savoir que les membres de la commission sont d'accord sur ce qui a été proposé par l'honorable député de Sainte-Anne. Nous entendrons ce soir le Comité protestant du conseil supérieur de l'éducation, The Federation of English-Speaking Catholic Teachers Inc. et l'Association des cadres scolaires du Québec.

J'inviterais M. J. L. MacKeen, secrétaire du Comité protestant du conseil supérieur de l'éducation, à bien vouloir s'approcher et identifier ceux qui l'accompagnent.

M. CLOUTIER: Non, non absolument.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Je voudrais vous informer, avant que vous procédiez à votre mémoire, que vous avez 20 minutes, si c'est possible de le faire dans 20 minutes. Le parti ministériel a 20 minutes pour vous poser des questions. Et l'Opposition — autant du Parti québécois que du Parti créditiste — a 20 minutes. La séance devrait durer une heure.

M. MacKeen.

Comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation

M. SLINGERLAND: En effet, je suis le porte-parole de ce groupe selon la décision du comité protestant, et je m'appelle M. Slingerland.

M. le Président, M. le ministre, honorables députés, je vous remercie pour l'occasion que vous me donnez de présenter, de vive voix, l'avis et les critiques que nous voulons construc-tives du Comité protestant. Afin de nous introduire, je vous présente M. Lloyd MacKeen, qui est le secrétaire du Comité protestant et ancien directeur général d'une commission scolaire; M. Langdon Fuller qui est directeur général de la Commission scolaire protestante de Saint-Maurice et membre du Comité protestant et moi-même, Francis Slingerland, professeur de génie mécanique à l'université Laval et membre du Comité protestant.

Comme vous le savez sans doute, le Comité protestant est un des deux comités confessionnels du Conseil supérieur de l'éducation. Notre responsabilité, en partie décisionnelle et en partie consultative, consiste à nous assurer du caractère confessionnel des écoles protestantes et des aspects concernant l'instruction morale et religieuse dans ces écoles. Le comité est formé de quinze membres dont un tiers à peu près représentent les confessions protestantes, un tiers, les parents protestants et un tiers, les éducateurs protestants.

Chaque réunion mensuelle de notre comité est doublée de visites à une commission scolaire protestante pour pouvoir prendre le pouls des attitudes et des opinions de ceux que nous essayons de représenter. Je vous offre trois remarques préalables. D'abord, nos remarques sont limitées au chapitre V de la loi, qui traite de la langue de l'enseignement, seul chapitre où nous avons un mandat légal à accomplir. De même, nos remarques se tiennent principalement aux aspects confessionnel et moral de cette loi. Deuxièmement, nous partageons entièrement le souci du gouvernement de protéger la langue française et d'en faire la langue prioritaire du Québec, à condition que les moyens employés soient justes et pratiques. Troisièmement, nous ne préconisons pas ici la pleine liberté de choix des parents concernant la langue d'enseignement de leurs enfants.

Maintenant, je commence à vous exposer les points que nous avons soulevés dans notre avis et la numérotation de mes commentaires suit effectivement la numérotation des points de notre avis. Le premier est que la loi tend à entretenir l'illusion d'une base linguistique des commissions scolaires, tandis que cette base est confessionnelle, et cela depuis son début, avant même la confédération.

Cette division confessionnelle a été réitérée plusieurs fois depuis, par exemple dans le bill 60 établissant le ministère de l'Education, encore dans la Loi du Conseil supérieur dont nous sommes les créatures.

M. le ministre répondra sûrement que rien, dans le bill 22, empêche la continuation de cette politique. Nous ne sommes pas si facilement rassurés, parce que nous avons remarqué récemment plusieurs publications du ministère qui tendent à confondre l'école française et anglaise sans spécifier la confessionnalité de l'école dont il s'agit.

Nous avons aussi remarqué une tendance à négliger l'existence même non seulement de l'aspect confessionnel, mais quelquefois de l'aspect protestant de l'éducation. Je cite, un exemple, la directive récente 2701, concernant le conseiller en éducation chrétienne et l'animateur en pastorale. Les termes, le contexte de cette directive sont tellement clairement catholiques qu'ils ne sont pas applicables au contexte protestant sans modifications majeures. Mais cette directive s'adressait à toutes les écoles de la province.

Ces erreurs témoignent non pas, nous en sommes assurés, d'une volonté de rejet de l'aspect confessionnel ou protestant de l'éducation, mais plutôt d'un manque de soin. C'est justement cela qui nous pousse à suggérer que l'aspect confessionnel doit être beaucoup plus clairement explicité au chapitre 5 du bill 22.

Notre deuxième point, c'est que, quoique les droits linguistiques d'un immigrant soient peut-être discutables, son droit à la liberté de conscience et à l'option religieuse ne l'est pas. Tout enfant d'immigrant de foi protestante doit donc jouir du droit de s'inscrire dans une école francophone du système protestant plutôt que catholique. A notre connaissance, aucune commission scolaire protestante n'a été approchée par le ministère de l'Education en vue d'établir, dans une école protestante francophone, un système d'accueil des immigrants tel que cela existe dans d'autres écoles depuis un an.

Je cite à cet égard un article publié dans Education Québec, volume 4, no 5, "Les immigrants à l'école francophone", qui dit en partie ce qui suit: "Le ministère de l'Education a donc élaboré des mesures spéciales dans l'espoir d'amener les immigrants à l'école française. Ils sont exemptés de l'enseignement religieux catholique s'ils sont d'une autre confession".

Cela implique clairement, à notre avis, que l'école française est catholique, et cela ce n'est pas catholique.

Troisièmement, nous croyons que ce bill ignore ou tend à négliger l'existence — surtout à Montréal mais aussi ailleurs dans la province — d'un bon nombre d'écoles protestantes francophones. Là, je ne parle pas d'immersion d'anglophones, mais plutôt des écoles où la très grande majorité des élèves sont de langue maternelle française. Plusieurs de ces écoles élémentaires existent — aussi une école secondaire dans la région de Montréal — et seraient prêtes à accueillir presque tous les immigrants de foi protestante à la fois dans une culture française et dans une ambiance protestante. Ambiance qu'il me fera plaisir de vous expliciter plus tard.

Maintenant, pour changer de sujet; je veux passer au point 5. Nous décelons dans ce bill une discrimination contre les Indiens qui vivent en dehors du Nouveau-Québec et qui ne jouissent pas de la facilité offerte aux Indiens et aux Inuit du Nouveau-Québec de recevoir leur instruction dans leur propre langue. Prenons, par exemple, les Indiens de Maniwaki, de Shefferville qui souffrent, je vous l'assure, d'une anomalie culturelle lamentable qui découle, en bonne partie, de la perte de leur langue comme langue d'instruction et, éventuellement, comme langue d'usage. Situation que vous comprenez très bien. Il nous parait immoral de les priver d'une facilité dont jouissent leurs proches voisins au nord.

Sixièmement, le bill manque de précision et de clarté et, de ce fait même, ouvre la porte à l'arbitraire, à la variation géographique des décisions des fonctionnaires à tous les niveaux, et je vais vous citer quelques exemples que nous décelons de cette imprécision. Prenons les deux premières phrases du paragraphe 48 qui disent en effet: "L'enseignement se donne en langue française mais peut se donner en langue anglaise". En bon anglais nous voyons là des "weasel words".

Deuxièmement, dans la deuxième phrase du paragraphe 48, il est mentionné que le ministre a le droit d'autoriser le commencement ou la cessation d'un enseignement de langue anglaise dans les écoles.

Sur quels critères se base le ministère pour prendre sa décision? On ne nous en dit rien. La deuxième obscurité: les élèves qui connaissent suffisamment les langues, on en parle dans l'article 49. Qui va décider qu'est-ce qui est suffisant et comment le définir? On dit aussi que les commissaires d'une commission scolaire doivent trier leurs enfants, eu égard à leurs aptitudes dans la langue d'enseignement. Qu'est-ce qu'on définit comme aptitudes? Et qui va régir le système qui mesure ces aptitudes?

On dit, à l'article 51, que le ministère peut imposer certains tests qui semble doubler les tests que, sûrement, les commissaires imposeraient pour trier les enfants. Dans quelles conditions ces tests s'imposeraient-ils? Toujours, occasionnellement, en cas de conflit entre les commissaires et le ministère? On ne sait rien. A quoi donc rime tout ça? La réalité peut varier entre le maintien du statu quo qui offre une protection inadéquate au français, qui serait la crainte, je crois, des extrémistes francophones de la province, ou jusqu'à l'autre extrême de l'éventuelle abolition de la langue anglaise dans la province de Québec, qui serait la crainte des extrémistes anglophones. Donc, imprécisions et trop de pouvoirs arbitraires.

Pour passer maintenant au point 4 de notre avis, vous mentionnez les tests imposés aux

enfants. Nous y voyons les mêmes possibilités de distorsion des règles du jeu, d'injustice, que l'on a vues au sud des Etats-Unis lors des tests d'admission au droit de vote administrés aux nègres. Si vous trouvez ça un peu exagéré, prenons un cas plus près de chez nous. Imaginons les commissaires de Saint-Léonard, il y a peu de temps, sous le coup de pressions énormes de tous côtés. Quelle confiance aurait-on dans la possibilité d'avoir des critères de triage justes, invariables, qui s'imposent de façon pratique à des petits enfants? Admettons que notre vie est régie en large mesure par des décisions de fonctionnaires. Mais celles-ci, en touchant tout l'avenir linguistique de l'enfant, sont particulièrement importantes et nous semblent insuffisamment contrôlées.

Finalement, notre point 7 que je divise en deux parties.

Le bill constitue un empêchement pour tous les citoyens et surtout pour les anglophones, à chercher une compétence dans leur langue seconde. Parlons d'abord des protestants anglophones. Il y a trois façons d'acquérir la langue seconde, autres que l'osmose dans la rue. Il y a, primo, les cours d'instruction de langue seconde mentionnés à l'article 52, et je dois vous assurer que cela existe déjà, dès la première année, dans toutes les écoles protestantes anglophones.

Deuxième méthode, les cours d'immersion, généralement commençant tôt à l'élémentaire, où toute matière s'enseigne en français. Troisièmement, la possibilité de transplantation de l'enfant dans une école francophone pour une période longue ou courte. Cette méthode peut être doublée par les deux autres. Maintenant, nous croyons que ces trois méthodes, cours d'instruction de langue, immersion et transplantation sont d'efficacité croissante et que la troisième, surtout s'il y a un transfert aussi interconfessionnel, est la seule qui puisse fournir une vraie sympathie, compréhension du vécu, du ressenti de la culture française et de la foi catholique.

J'ai fait usage avec succès de cette méthode moi-même pour mes quatre enfants et à peu près un tiers des gens de ma connaissance, anglophones protestants, font de même. Or, le bill 22 porte une grave atteinte contre la méthode 2 d'immersion, surtout si on commence dès le niveau de la maternelle où la connaissance préalable et nécessaire de la deuxième langue n'existe pas et ferme quasiment la porte contre la méthode 3. Nous croyons que cela va contre l'esprit même du bill qui veut promouvoir la langue française.

Le bill reconnaît déjà, à l'article 52, la non-symétrie du contexte linguistique dans lequel nous vivons. Pourquoi donc ne pas permettre, à l'article 49, cette même sorte d'asymétrie en permettant à la communauté anglophone une immersion libre, un transfert libre pour s'instruire en français? La deuxième partie du 7e point, c'est ceci et ce n'est nullement une réclamation, mais plutôt une suggestion amicale, fraternelle, que nous offrons à nos confrères catholiques de langue française.

Est-ce que pour vous aussi la privation des méthodes 2 et 3 — que je viens de mentionner — d'apprentissage de la langue seconde constitue un prix trop élevé et, à la longue, peu efficace dans la protection de votre langue? Est-ce qu'il y a, dans le contexte nord-américain, un danger de créer un ghetto économiquement dépourvu? Vous n'avez même pas, vous autres, dans le bill l'assurance dont nous jouissons de la méthode 1 d'apprentissage de la langue seconde dans l'article 52. Est-ce que ça ne consiste pas à lier la main gauche d'un droitier derrière son dos pour pouvoir rendre le bras droit plus fort?

Est-ce qu'on est en train de créer deux races de Québécois francophones? Notons bien que cette privation, si tel est le cas, pèse sur les pauvres qui ne pourront pas se payer le luxe de leçons préparatives dans la langue seconde. Enfin j'ose jeter une petite somme de désaccord en suggérant qu'il serait peut-être intéressant et instructif de s'informer des options linguistiques des membres du gouvernement quant à l'éducation de leurs enfants.

Merci de la bonne attention que vous m'avez donnée.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président, je désire remercier le Comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation. J'ai écouté sa présentation avec intérêt et j'ajoute avec respect. Le Comité protestant du Conseil supérieur est un organisme créé par la loi. Le ministre de l'Education y a souvent recours, comme, d'ailleurs, au Comité catholique, ce qui ne signifie pas que je suis d'accord sur toutes les prises de position des organismes consultatifs qui gravitent autour du ministère.

J'apporte trois précisions avant de poser deux questions. La première précision concerne votre assertion à savoir que le projet de loi 22 ne reconnaît guère l'existence de deux systèmes scolaires confessionnels au Québec. Il est exact que le projet de loi 22 n'en parle pas, mais il n'y pas à en parler. De toute façon, les deux systèmes confessionnels sont établis par la constitution; ils sont établis, par ailleurs. En droit — et les légistes parmi nous vous l'expliqueront — le fait que le projet de loi 22 n'en parle pas ne change strictement rien à la situation.

La deuxième précision que je désire apporter concerne cette question de cours d'immersion dans le secteur anglophone. Il y a peut-être là une interprétation difficile à faire et, s'il est nécessaire d'apporter un éclaircissement par amendement à un article du chapitre V, nous le ferons. Ce n'est certainement pas l'esprit de la

loi de vouloir empêcher l'utilisation des méthodes d'immersion dans un secteur comme dans l'autre, d'ailleurs.

En ce qui concerne, toujours dans la même perspective, l'inscription d'élèves anglophones dans le secteur francophone, cette inscription est soumise, dans un souci d'éviter toute discrimination, exactement aux mêmes critères qui s'appliquent à tous les citoyens dans la rédaction actuelle du projet de loi, à savoir une certaine compétence linguistique, une connaissance suffisante de la langue du secteur d'enseignement, de sorte que l'inscription devient possible, d'autant plus que, dans le secteur anglophone, l'enseignement du français est de plus en plus satisfaisant. Il n'y a pas de doute qu'à un certain degré, si un élève anglophone désire s'orienter — ce que je souhaite, pour ma part — vers le secteur francophone et s'il a acquis la connaissance suffisante pour le faire, c'est parfaitement possible.

Troisième précision, en ce qui concerne les Inuit et les Indiens, il y a là un point intéressant et je vais certainement vérifier ce qui peut être fait. L'article n'a reconnu que la Commission du Nouveau-Québec, parce que la Commission du Nouveau-Québec est une commission scolaire qui s'occupe exclusivement des Inuit et des Indiens et qui a comme clientèle des Inuit et des Indiens. Nous avons introduit au ministère de l'Education une approche qui est basée sur l'enseignement de la langue maternelle en premier lieu, ensuite qui permet l'enseignement du français.

Je vais voir s'il n'y a pas intérêt, et je remercie le Comité protestant d'attirer mon attention là-dessus, à ce que l'on puisse tenir compte également des Indiens ailleurs, bien que ceux-ci se trouvent peut-être dans une situation un peu différente puisqu'ils sont appelés, n'étant pas dans une région homogène, à s'intégrer à l'école francophone. Mais je veux simplement citer mon intérêt pour l'instant.

Mes deux questions sont les suivantes: Premièrement, je voudrais savoir en quoi le fait d'administrer des tests, quels qu'ils soient, constitue "un processus odieux et injuste empiétant sur les droits humains des enfants". Je dois faire remarquer au Comité protestant du conseil supérieur de l'éducation qu'il y a des centaines de tests qui existent, que toutes les commissions scolaires appliquent des tests. Il y a des tests dans le domaine des mathématiques, dans le domaine des niveaux des connaissances linguistiques. Il y en a en anglais, il y en a en français. Il est à peu près impossible à notre époque d'avoir une pédagogie valable si on n'utilise pas les tests. J'ose croire, M. le Président, que tous les tests que nous utilisons au ministère de l'Education, directement ou indirectement, n'entament pas un processus "odieux et injuste empiétant sur les droits humains des enfants". J'aimerais avoir quelques éclaircissements.

M. SLINGERLAND: Je vous fais remarquer, en réponse, deux points. Au point 4 de notre avis, nous disons: Les tests administrés pourraient constituer un processus odieux et injuste.

M. CLOUTIER: Donc vous admettez que ça peut ne pas être le cas?

M. SLINGERLAND: Non, ça peut ne pas être le cas, mais ça peut l'être aussi. J'ai essayé, en citant un exemple de Saint-Léonard, de donner un cas d'espèce où on peut craindre une mauvaise administration de ces tests sous la pression locale très forte. Voilà ce que nous voulions dire par là. C'est ouvert à un mauvais usage.

M. CLOUTIER: Alors ce n'est donc pas un jugement général sur les tests, il s'agirait de l'application des tests.

M. SLINGERLAND: D'accord et j'ai mentionné aussi dans mes remarques que toute la vie est régie par toutes sortes de décisions fonctionnaristes, mais il s'agit ici d'un test qui est tellement important qu'il faut que ce soit très bien protégé, et nous ne voyons pas les protections nécessaires dans la loi.

M. CLOUTIER: C'est pour une raison qui est tout à fait compréhensible, et je crois qu'il faut que vous en teniez compte dans votre évaluation. La raison est la suivante, c'est qu'il n'est pas possible, dans le cadre d'un projet de loi aussi complexe, d'apporter des précisions qui relèvent du pouvoir réglementaire. Le problème est exactement le même en ce qui concerne les programmes de refrancisation. J'ai eu l'occasion de donner des explications cet après-midi à ce sujet-là. Nous avons l'intention, lors de la discussion en commission élue, lorsque nous prendrons chaque article un après l'autre, d'apporter toutes les précisions nécessaires pour que l'on puisse mesurer, non seulement la portée de ces tests, qui sont des tests objectifs, mais également la façon dont ils seront appliqués.

Ma deuxième question est plus importante à beaucoup de points de vue et j'aimerais que vous m'expliquiez quelle est l'interprétation que je dois donner à la phrase suivante: "Nous soutenons que l'anglais détient un statut spécial qui devrait être reconnu". Je pense que le député de Saint-Jacques se fera un plaisir de vous expliquer quels sont vos droits en matière de langue dans le projet de loi 22. Il vous dira que l'anglais conserve des droits, ce que nous avons souhaité faire d'ailleurs, parce que même si nous voulons donner la priorité au français, et nous le faisons d'une façon extrêmement claire, ce qui se traduit par une certaine restriction de l'usage de l'anglais, nous ne voulons pas brimer les droits individuels. Je laisse donc au député de Saint-Jacques l'occasion de s'exprimer à ce point de vue-là. Mais je voudrais tout de même vous entendre, parce que je me demande si votre phrase n'implique pas que vous considére2

que le projet de loi 22 ne protège pas suffisamment les droits de l'anglais ou les droits que vous vous reconnaissez.

M. SLINGERLAND: J'ai essayé d'expliquer cela. Ce n'est pas le droit du maintien de l'anglais, à cet égard, je dois vous assurer que la plupart d'entre nous ne sont pas inquiets là-dessus. Mais c'est plutôt cette autre liberté que j'ai mentionnée — étant donné la sécurité linguistique dans laquelle nous vivons, les anglophones, entourés de plusieurs centaines de millions d'anglophones — de pouvoir transférer nos enfants dans une école francophone pour pouvoir mieux absorber la deuxième langue. Cela, c'est un droit que nous voudrions conserver, que nous détenons actuellement selon le bill 63, tout comme les francophones, d'ailleurs.

M. CLOUTIER: Puisque votre remarque semble s'appliquer uniquement au secteur scolaire, ce que je comprends, parce que c'est tout de même votre juridiction, je crois comprendre que votre inquiétude tournerait autour de ça. Mais j'y ai répondu en disant que lorsqu'un enfant aura une connaissance suffisante de la langue d'enseignement, rien ne le lui interdira, s'il le désire. Je dois dire qu'il n'y en a pas tellement qui le désirent parce qu'il n'y a pas plus de 8,000 enfants anglophones dans le secteur francophone sur une population scolaire totale de 1,400,000. Alors, vous voyez tout de même l'importance des chiffres.

Mais il reste que ce droit est maintenu mais soumis à une condition qui est une condition d'ordre pédagogique. Dois-je conclure, à la lumière de tout ça, que vous êtes d'accord sur les principes généraux de la loi 22?

M. SLINGERLAND: Je crois que oui. Nous sommes d'accord sur l'effort de donner à la langue française une priorité dans la province de Québec. Et tout ce que nous voulons nous assurer, c'est que cette voie soit juste et suffisamment claire, que ce soit applicable, et nous craignons, comme je l'ai signalé, certaines imprécisions qui laissent trop de libertés, il nous semble, aux décisions de fonctionnaires.

M. CLOUTIER: Bien, je peux vous affirmer que s'il y a des ambiguïtés, elles disparaîtront lors du débat. C'est d'ailleurs l'une des difficultés d'aller en commission parlementaire après la première lecture, ce que notre règlement ne permet que depuis peu de temps, depuis une révision relativement récente. La difficulté vient du fait que le débat n'a pas pu avoir lieu. Nous n'avons pas pu expliquer tous les aspects de la loi. C'est la raison pour laquelle je crois que la deuxième lecture et la présentation article par article vont nous aider beaucoup de ce point de vue.

M. SLINGERLAND: Est-ce que je peux continuer à répondre à ces questions? L'autre souci que j'ai soulevé, que nous croyons assez considérable, c'est ce souci qu'on mette des entraves devant l'enfant qui voudrait transférer dans une école francophone. Nous admettons que ce transfert est encore possible mais c'est maintenant entouré de toutes sortes de conditions préalables...

M. CLOUTIER: Vous pensez au transfert de l'enfant du secteur anglophone au secteur francophone?

M. SLINGERLAND: En tout cas...

M. CLOUTIER: Mais vous n'oubliez pas, j'imagine, le transfert inverse, de l'école francophone au secteur anglophone.

M. SLINGERLAND: II faudrait encore faire la distinction confessionnelle et pas linguistique.

M. CLOUTIER: Laquelle vous préoccupe le plus?

M. SLINGERLAND: C'est aux francophones catholiques à décider, et ce n'est pas de notre ressort de leur dicter ce qu'ils veulent faire.

M. CLOUTIER: Bon.

M. SLINGERLAND: Mais tandis que pour nous, les protestants de langue française et de langue anglaise, je crois que nous préconisons les deux langues également, cette possibilité de transfert.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable chef de l'Opposition.

M. MORIN: Merci, M. le Président. En guise de préambule, je voudrais vous dire, messieurs, qu'en mettant l'accent sur les droits confessionnels, les droits religieux plutôt que les droits linguistiques, vous êtes sûrement sur une base constitutionnelle beaucoup plus sûre que certains comparaissants anglophones qui sont venus ces jours-ci devant la commission.

En effet, vous pouvez très certainement vous appuyer sur l'article 93 du British North America Act et vous êtes, jusqu'à ce que cette loi soit modifiée en tout cas, sur un terrain tout à fait inexpugnable.

Je suis fort intéressé par le secteur que vous nous décrivez au paragraphe 3 de votre mémoire: ce secteur francophone au sein de l'enseignement protestant.

J'ai eu l'occasion de rencontrer, à l'occasion, des enseignants y appartenant. Il serait peut-être bon que vous éclairiez la lanterne de la commission, ce soir, et que vous nous disiez, par exemple, combien d'écoles de ce type existent, combien d'écoles françaises protestantes à travers le Québec et où elles sont concentrées. Vous pourriez peut-être aussi nous dire combien d'élèves elles desservent,

peut-être aussi quelle est leur origine. Est-ce que les élèves qui s'inscrivent dans ces écoles sont d'origine québécoise?

Je sais que vous avez souvent des Québécois d'origine européenne, française, italienne, dans les écoles protestantes françaises de Montréal. Pourriez-vous nous donner là-dessus des détails? Cela m'intéressait beaucoup, d'être mieux renseigné là-dessus.

M. SLINGERLAND: Je ne peux que répondre que nous aussi, nous serions très contents d'être mieux renseignés et que nous avons demandé à plusieurs reprises les statistiques qui relèvent du ministère de l'Education. Il semble que ces statistiques manquent. Il y a un blanc, à côté de plusieurs écoles, quant à la langue d'enseignement, la langue de la majorité des élèves.

Donc, les statistiques du ministère sont très imprécises là-dessus. Ce que nous avons, c'est l'expérience personnelle des membres de notre comité qui font des visites à des connaissances dans les écoles. Dans certains cas, il s'agit de connaissances personnelles, du directeur de l'école, ainsi de suite.

Dans la région de Montréal, au niveau élémentaire, il y a l'école Centenaire de la paix, l'école Maisonneuve, l'école Victoria; au niveau secondaire, il y a seulement l'école de Roberval; pour la rive sud, il y a l'école Mackayville, Saint-Hubert, à Laval, l'école Gordon. Maintenant, nous savons qu'il existe des écoles protestantes françaises à Girardville, Windsor, Senneterre et Saint-Georges-de-Beauce.

Mais nous souffrons encore d'un manque de statistiques claires et précises là-dessus. Nous nous basons, dans ces remarques, sur notre connaissance personnelle et peut-être limitée. Ceci, donc, est un minimum, que je viens de vous citer. Il peut y en avoir d'autres.

M. MORIN: Je suis un peu étonné de ce que vous m'apprenez là. Vous voulez dire qu'il est impossible d'obtenir du ministère de l'Education les chiffres exacts quant aux enfants inscrits dans les écoles francophones protestantes?

M. SLINGERLAND: Oui. Nous avons essayé, il y a un an, et la réponse que nous avons obtenue était plus fragmentaire que la nôtre.

M. CLOUTIER: M. le Président, c'est parce que le ministère éprouve beaucoup de difficulté à obtenir des statistiques des commissions scolaires protestantes. Ce n'est pas le ministère qui s'occupe des élèves directement. Cela, je crois que le comité protestant le sait fort bien. Nous n'obtenons des chiffres valables en ce qui concerne les commissions scolaires protestantes que depuis peu de temps.

M.MORIN: Ecoutez! Je ne voudrais pas vous voir vous renvoyer la balle comme cela toute la soirée. C'est une question à tirer au clair entre vous le plus tôt possible.

M. SLINGERLAND: Je suis d'accord.

M. MORIN: Pourriez-vous nous dire, M. Slingerland — c'est bien comme cela qu'on prononce votre nom?

M. SLINGERLAND: Oui.

M. MORIN: Pourriez-vous nous dire, approximativement, combien il y a d'élèves dans ce secteur francophone protestant, à votre connaissance?

M. SLINGERLAND: Je n'ai pas de chiffres en main. Je peux vous les chercher, mais disons qu'à Roberval, il y a des centaines d'élèves dans une école secondaire. Je me demande si mes collègues ont d'autres connaissances.

M. MORIN: Nous parlons toujours d'écoles publiques, naturellement.

M. SLINGERLAND: Oui, sûrement. M. MORIN: Très bien.

M. SLINGERLAND: Dans chaque cas, je crois qu'il s'agit de centaines d'élèves. Mais c'est à peu près cela, c'est tout ce que je peux vous dire pour le moment. C'est pour les raisons que je vous ai citées.

M. MORIN: Eh bien, c'est tout à fait étonnant, cette absence de données. Je vous avoue que j'en suis renversé. Je vois que vous l'êtes aussi.

M. SLINGERLAND: Oui.

M. MORIN: Passons, parce que nous n'avons pas le temps d'entrer dans les détails. J'essaierai de savoir par d'autres moyens ce qu'il en est, et peut-être aurons-nous l'occasion de communiquer à ce sujet.

Je pense que vous êtes tout aussi intéressé que nous à avoir les réponses, n'est-ce pas? Bien.

Maintenant, pourriez-vous nous décrire un peu le régime qu'on trouve dans ces écoles protestantes de langue française? Est-ce que tout se fait vraiment tout en français? J'imagine que vous leur apprenez également une langue seconde, l'anglais, comme c'est normal. Combien d'heures sont consacrées à l'enseignement de l'anglais? Est-ce que tout le reste se fait vraiment en français? Est-ce que toutes les matières sont, en principe, en français? Autre question destinée à expliciter ce que je viens de vous demander, est-ce que vous enseignez en anglais la langue anglaise ou si vous enseignez en anglais, dans ces écoles, d'autres matières com-

me les mathématiques ou les sciences, par exemple?

M. SLINGERLAND: C'est tout à fait semblable aux écoles catholiques francophones du Québec. Il s'agit, en grande partie, d'élèves dont la langue maternelle est française; la langue maternelle des enseignants est principalement, dans la très grande majorité, française et toute matière s'enseigne en français uniquement, sauf peut-être les cours d'anglais, comme c'est naturel. Donc, c'est complètement parallèle à ce que vous faites dans les écoles francophones de la province. Et, pour les mêmes raisons, on y tient.

M. MORIN: Vous avez de bonnes raisons d'y tenir et vous ne trouverez pas d'objection de ce côté-ci, là-dessus.

Au sujet du paragraphe 7 de votre mémoire, j'avoue que je me pose des questions. Vous nous dites: "Le Comité protestant appuie de tout coeur l'aspiration de la majorité française d'assurer la priorité de la langue française". Vous avez, comme dans le bill d'ailleurs, c'est remarquable, un "toutefois" qui me rappelle tout à fait les articles du projet de loi 22. Après avoir énoncé cet excellent principe, vous nous dites "toutefois". Vous auriez pu dire comme dans le bill, "néanmoins", "excepté que", "cependant", "sauf que..."

M. CLOUTIER: Ce n'est pas le texte du bill. Amusons-nous, si vous voulez, mais...

M. MORIN: Cela me rappelle un peu certains articles du projet. "Toutefois, dites-vous, nous soutenons que l'anglais détient un statut spécial qui devrait être reconnu". J'aimerais bien que vous explicitiez quelque peu votre pensée là-dessus. Voulez-vous dire un statut juridique, un statut social, un statut politique ou un statut économique?

M. SLINGERLAND: Je vous invite à continuer à lire, monsieur. "A ce sujet nous sommes perturbés, etc." On continue à soulever le point que je viens de mentionner que le bill semble nous priver d'un droit dont il ne semble pas nécessaire de nous priver pour le maintien du français comme langue prioritaire du Québec. C'est dans ce sens que nous parlons. Donc, notre statut spécial est un statut de contexte linguistique dans lequel nous vivons. Nous ne voyons pas le besoin de nous mettre dans le même carcan que les francophones semblent vouloir accepter pour protéger leur langue, quand, pour nous, il ne s'agit pas de risque de perte de notre langue. Donc, pourquoi ne pas nous permettre de nous associer temporairement ou à long terme à une école francophone?

M. MORIN: Ce statut spécial, vous ne l'entendez donc pas du tout dans le sens de statut juridique ou de statut politique quelconque.

M. SLINGERLAND: Non, nullement.

M. MORIN: Vous voulez dire alors, si j'ai bien compris, une place spéciale, une situation...

M. SLINGERLAND: Une situation linguistique spéciale, c'est cela. C'est ce que nous voulons dire par statut.

M. MORIN: Parce que, vous le savez peut-être, le mot statut a un sens juridique précis. Cela jetait la confusion dans ce paragraphe.

M. SLINGERLAND: Dont vous seriez très content de discuter.

M. CLOUTIER: Ils ont été prudents ceux-là. M. CHARRON: M. le Président...

M. MORIN: Une dernière question avant que je cède la parole au député de Saint-Jacques, qui a aussi des questions.

Est-ce que vous savez que, dans certains écoles de Montréal où on a permis aux anglophones de passer librement à l'école française, ils l'ont fait si massivement dans certains quartiers bien définis — des quartiers en général à l'aise où les enfants possèdent déjà un contexte culturel très développé dans leur famille et dans leur milieu — que certaines classes françaises se sont trouvées noyées par les anglophones? Tout le monde s'est ramassé à parler l'anglais en pleine école française. Est-ce que vous connaissez...

M. CLOUTIER: M. le Président, mais le chef de l'Opposition est en train de défendre la modalité du chapitre V de la loi 22 !

M. MORIN: Non.

M. CLOUTIER: Le chef de l'Opposition est en train d'admettre que le fait...

M. MORIN: C'est un tout autre problème.

M. CLOUTIER: ... qu'il y ait des transferts — pas du tout — qui se fassent, dans le sens anglophone ou le sens francophone, d'enfants qui ne connaissent pas suffisamment la langue du secteur crée des difficultés...

M. MORIN: Ah!

M. CLOUTIER: ... sur le plan pédagogique...

M. MORIN: Vous êtes...

M. CLOUTIER: ... comme sur le plan des équipements.

M. MORIN: ... encore...

M. CLOUTIER: Voilà la justification de ce que nous faisons.

M. MORIN: M. le ministre, si vous essayez de trouver là des justifications pour vos affreux tests...

M. CLOUTIER; Bien, essayez de vous défendre, là.

M. MORIN: ... c'est une toute autre chose. M. CLOUTIER: Essayez de vous défendre. M. MORIN: Non, non, non!

M. CLOUTIER: Je serai très heureux d'entendre ça.

M. MORIN: Eh! bien, je pense que nous aurons l'occasion d'en discuter en deuxième lecture, comme dit le ministre. Chaque fois qu'il se trouve devant une question embêtante...

M. CLOUTIER: C'est vrai.

M. MORIN: ... il la remet en deuxième lecture

M. CLOUTIER: Tatatatatata. M.MORIN: Je suis...

M. CLOUTIER: L'atmosphère est gaie, ce soir.

M. MORIN: ... prêt à dire dès maintenant que nous envisageons deux systèmes distincts où chacun enseignera la langue seconde correctement. Ce n'est pas la même chose que le libre passage d'un système à l'autre.

M. CLOUTIER: Tiens, tiens!

M. MORIN: Mais nous en reparlerons,

M. CLOUTIER: Bon, d'accord, ça m'aide beaucoup.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de...

M. MORIN: Est-ce que je pourrais demander aux comparaissants s'ils connaissaient la situation qui a été créée par le passage sectoriel mais massif d'un certain nombre d'enfants anglophones au secteur francophone, dans certains secteurs, au point que les parents francophones se sont mis à protester et à tenir des réunions pour empêcher les enfants anglophones de venir à l'école francophone?

M. SLINGERLAND: Je n'ai pas entendu parler de cette situation, j'ai vu l'inverse, à la commission scolaire de Sainte-Foy, par exemple, où quand j'ai essayé d'introduire mon enfant dans une école française; on m'a refusé carrément en disant: Si nous acceptons votre enfant dans une école française, il y aura tout un flot de francophones qui voudront insérer leurs enfants dans une école anglophone. Et cette école...

M. MORIN: C'est déjà fait. M. SLINGERLAND: Oui.

M. MORIN: A Sainte-Foy, c'est déjà fait. Et il n'y aurait...

M. SLINGERLAND: Donc...

M. MORIN: ... peut-être même pas d'école anglophone à Sainte-Foy, n'était la présence des petits francophones, parce qu'elle ne satisfairait pas aux critères du ministère de l'Education.

M. SLINGERLAND: C'est évident que dans les deux sens il faudrait employer des normes de proportions raisonnables qui rendent faisable l'enseignement dans une classe quelconque. Et j'ai confiance...

M. MORIN: Mais chez vous...

M. CLOUTIER: Ce qui suppose des tests.

M. MORIN: Oui, votre raisonnement vous mène tout droit...

M. CLOUTIER: Aux tests.

M. MORIN: ... dans la prison des tests.

M. CLOUTIER: On n'y échappe pas; vous verrez...

M. MORIN: Non, non, non, non!

M. CLOUTIER: ... que le chef de l'Opposition y viendra aussi. C'est une question de patience.

M. MORIN: Oh oui! oh oui! A n'en pas douter !

M. SLINGERLAND: La solution que j'ai proposée à ce point, et maintenant je parle à titre personnel, à la commission scolaire de Sainte-Foy, j'ai dit: Bien, d'accord, premier venu, premier servi. Faisons...

M. CLOUTIER: A ce moment-là, vous donnez des droits inégaux — on y a pensé — aux enfants: Premier venu, premier servi. Cela signifie que celui qui arrive au moment où vous avez déterminé, vous ne pouvez pas dépasser 10 p.c. ou 15 p.c. ou 20 p.c, il a le droit, ce qui est totalement arbitraire. Celui qui vient immédiatement après, il n'a plus le droit. C'est très complexe. Attendez de réfléchir, vous allez vous apercevoir que ce n'est pas simple.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, j'ai quelques questions; certaines devraient venir avant mais, puisque nous sommes sur le sujet invoqué par le paragraphe septième du mémoire soumis par le comité protestant, aussi bien y rester. Suite aux questions posées par le chef de l'Opposition et aux interventions du ministre de l'Education, vous dites: A ce sujet, nous sommes perturbés par le manque de clarté au chapitre V de l'article 49. Je ferai donc avec vous ce que j'ai fait avec tous les groupes anglophones qui sont venus à la table et nous allons lire ensemble l'article 49 pour voir véritablement s'il y a raison d'être, comme vous dites, perturbés par ce manque de clarté.

On affirme: "Pupils must have a sufficient knowledge of the language of instruction to receive their instruction in that language". Cette affirmation de principe, précédemment contenue au bill 63, dans cet article et dans le libellé même de tout le chapitre V de la langue de l'enseignement, aucune existence de tests, de concours, d'aptitudes à vérifier, rien. On affirme un principe sur lequel d'ailleurs vous-même — probablement comme responsable dans le domaine scolaire, oeuvrant dans le domaine scolaire au Québec — serez amplement d'accord.

Sur le strict plan pédagogique, il est inutile de vouloir faire instruire un enfant dans une langue d'enseignement où il n'a aucune aptitude, aucune connaissance.

M. SLINGERLAND: Je ne suis pas d'accord là-dessus. J'ai fait l'essai de cela avec mes quatre enfants, avec beaucoup de succès, et je connais plusieurs autres personnes qui l'ont fait sans aucune connaissance préalable, presque aucune.

M. CHARRON: Ecoutez, savez-vous ce que les administrateurs scolaires qui vous ont précédé nous ont répondu à cette question? Cela leur est arrivé effectivement. Je rappelle ce que nous ont répondu les commissaires et les directeurs généraux des commissions scolaires protestantes du Québec. Je leur demandais: Qu'est-ce que vous faites actuellement, sans la loi 22, lorsqu'un francophone se présente à votre commission scolaire protestante anglophone et désire inscrire son enfant qui n'a aucune connaissance de l'anglais? Il dit: On les met au point zéro.

Si on s'aperçoit qu'il a une connaissance relative, plus avancée, plus ou moins avancée, on le place dans des classes spéciales, ce que les commissions scolaires ont déjà le droit de faire, soit les placer au niveau et au cours où ils veulent, et ce que leur répète l'article 50 de la loi 22 qui est également une répétition du statu quo. Mais je ne vois pas comment vous pouvez partir de l'affirmation à l'article 49, pour dire: Est-ce qu'un enfant de langue anglaise pourrait s'inscrire à une école où la langue d'enseignement est le français?

Mais certainement, certainement, c'est le statu quo. C'est laissé à la discrétion des commissions scolaires, comme ça l'était sous le bill 63 et comme ça l'est encore et comme ça le sera toujours en vertu de l'article 50 de la loi 22 actuellement. Je m'aperçois que, si, à d'autres articles de votre mémoire, je suis en parfait accord avec vous quant aux inquiétudes en particulier que vous avez face aux pouvoirs si englobants qu'ils font peur dans le domaine de la réglementation, à celui-là, vous prenez exactement le réflexe que tous les anglophones ont eu à cette question et qui ne répond pas à une claire compréhension du texte de la loi. Où voyez-vous, dans le texte actuel de la loi, une interdiction d'inscrire vos enfants dans l'école française si vous, anglophone, décidez de le faire? Parce qu'il y a une affirmation de principe disant que les élèves doivent connaître suffisamment la langue? C'est quoi, une connaissance suffisante? Il n'y a aucune réglementation qui vient le dire. On affirme un principe.

Je vous dis que ce principe, il a été mis parce que le gouvernement voulait maintenir à la fois la loi 63 et faire croire aux francophones qu'il la modifiait. Mais, quand on le regarde dans sa portée réelle, les commissions scolaires ne sont obligées de soumettre aucun test. Il n'y a aucun test pédagogique, d'aptitude, rien. Regardez 48, regardez 49, regardez 50, c'est exactement ce qui existe actuellement.

Etes-vous d'accord avec moi? Vous êtes membres du Comité protestant du conseil supérieur. Le seul test qui existe — et revenons-y pour la 100e fois s'il le faut, mais je le ferai jusqu'à épuisement — c'est à l'article 51. C'est un test discrétionnaire que le ministre peut — le mot est là — imposer dans des cas comme Saint-Léonard, Laval ou Brossard, Cest-à-dire des cas où ça flamberait, au moment où le transfert serait trop massif et inquiéterait la population, dans un sens ou dans l'autre, d'ailleurs, peu importe. Mais 48, 49 et 50, c'est le statu quo, c'est le bill 63.

Vous avez peut-être connu des difficultés à inscrire vos enfants à l'école française. Je vous dis qu'en vertu du bill 22, si vous avez eu ces difficultés au niveau des commissions scolaires, vous les aurez encore. Vous les aurez encore, parce que 48, 49, 50 remettent encore aux mains des commissions scolaires la question de juger l'aptitude d'un enfant. Comme on le disait, si quelqu'un m'arrive et n'a aucune connaissance suffisante de la langue dans laquelle il veut être enseigné, on le met dans la classe zéro. On part à zéro. Si, déjà, il baragouine un peu l'anglais ou, dans le cas inverse, il baragouine un peu le français, on peut le mettre dans des classes spéciales. C'est la discrétion actuelle qu'ont les commissions sco-

laires et qu'elles conservent en vertu de l'article 50.

Je pense que, si j'avais le temps de parcourir tous les foyers anglophones du Québec pour reprendre avec eux les articles 48, 49, 50 et leur démontrer comment le gouvernement maintient intégralement les privilèges de l'anglais actuellement dans le Québec, en vertu de ces trois articles, j'obtiendrais des résultats assez probants. Je n'ai pas le temps de le faire, mais, hier encore, il y avait un témoin qui vous précédait à cette table et à qui je répétais, encore une fois, la même explication, qui m'a dit: Si c'est ça, "I am in favour of the bill".

Tant mieux, mais je soutiens cette affirmation que je viens de vous faire, MM. les membres du Comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation. Je soutiens cette affirmation depuis les débuts des travaux de la commission parlementaire; on en est à notre septième journée et jamais je n'ai été contredit par le ministre quant à ma façon d'interpréter les articles 48, 49 et 50.

Au contraire, à plusieurs occasions, il m'a même donné raison en disant qu'effectivement la liberté de choix était intégralement maintenue.

M. CLOUTIER: C'est vrai, M. le Président, qui l'a nié? On ne l'a jamais nié. La liberté de choix est maintenue, mais elle devient conditionnelle, et la condition est une condition d'ordre psychologique, justement pour essayer de régler les problèmes qu'a très bien décrit le chef de l'Opposition.

LE PRESIDENT (M. Pilote): J'accorderais cinq minutes...

M. CHARRON: M. le Président, vingt secondes. Je ne veux pas gruger le temps.

LE PRESIDENT (M. Pilote): C'est parce que déjà votre temps est écoulé. On vous les accorde.

M. CHARRON: Savez-vous, comme membre du Comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation, si le Conseil supérieur de l'éducation est à préparer actuellement un avis sur le chapitre cinq de la loi 22?

M. SLINGERLAND: Oui.

M. CHARRON: Savez-vous quand cet avis sera communiqué au public?

M. SLINGERLAND: Aucune idée.

M. CHARRON: Avant la deuxième lecture?

M. SLINGERLAND: Cela a été discuté.

M. CHARRON: Pouvez-vous lui transmettre mon urgent besoin de l'avoir avant la deuxième lecture?

M. CLOUTIER: Si vous n'avez pas d'objection, j'aimerais bien le recevoir avant, selon les usages.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. CHARRON: Habituellement, on reçoit cela en même temps.

LE PRESIDENT (M. Pilote): II reste...

M. SLINGERLAND: M. le Président, je n'ai pas répondu à la question du député de Saint-Jacques. Est-ce que je peux y répondre?

LE PRESIDENT (M. Pilote): Une courte réponse.

M. SLINGERLAND: D'accord, assez brièvement. D'abord, les difficultés que j'ai mentionnées d'insérer mon enfant dans une école francophone, c'était avant le bill 63. Deuxièmement, je suis d'accord avec vous: le bill, tel qu'il est, est très flou et l'interprétation que vous avez mentionnée est possible et loisible, mais je vois dans la première partie de l'article 49 un empêchement au transfert, que je n'ai pas subi jusqu'ici et dont je ne vois pas la nécessité. Aussi, quand on parle de la nécessité des commissaires de juger de l'aptitude de l'enfant, comment juger?

M. CHARRON: C'est cela.

M. SLINGERLAND: Les tests sont impliqués, je crois.

M. CHARRON: C'est ça qu'on ne sait pas.

M. SLINGERLAND: Cela, c'est une autre possibilité d'interprétation et je conviens avec vous qu'il y a beaucoup de confusion dans le bill sur ce point.

M. CHARRON: D'accord, merci.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de Rouyn-Noranda. Il reste six minutes au parti ministériel pour poser des questions après l'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, je voudrais demander au représentant du comité s'il pourrait nous expliciter davantage l'article 4 du projet de loi lorsque, par exemple, il mentionne qu'en plus des droits constitutionnels "nous soutenons également qu'il doit refléter les droits humains de toutes les personnes concernées, particulièrement les enfants". Quel est le sens de ce que nous retrouvons à l'article 4? Qu'est-ce que vous entendez par

"doit refléter les droits humains de toutes les personnes concernées, en plus des droits constitutionnels"?

M. SLINGERLAND: J'ai déjà un peu discuté de ce problème, pour un groupe de commissaires subissant des pressions politiques et linguistiques de tout côté, de pouvoir administrer, justement, de façon à ne pas contrer les droits humains des enfants concernés, d'administrer un test ou quelque mesure d'aptitude. Il y a aussi... Imaginons la pression psychologique qui pèse sur un petit enfant de cinq ou six ans qui se trouve devant quelque examen linguistique. Il sait, ou ses parents, qui le savent, transmettent à l'enfant leur souci que tout son avenir linguistique est en jeu, et voilà! Imaginons cette situation d'examen linguistique.

Nous trouvons là-dedans une situation qui est vraiment pénible pour l'enfant, une situation où un choix très important est en jeu selon ses réponses, difficiles dans une langue seconde. Notons aussi le cas des immigrants. Prenons un immigrant qui est entré au Canada, disons, au printemps. Durant l'été, ses parents l'ont envoyé à quelque institution privée et ont payé pour pouvoir le préparer à suivre des tests d'aptitude linguistique afin d'entrer dans une école ou francophone ou anglophone. Là encore, il s'agit d'un petit enfant qui est déjà déculturisé parce qu'il n'est pas dans son propre pays. Nous trouvons que dans ces situations l'aspect humain est un peu difficile et que cela blesse un peu, psychologiquement, les enfants concernés.

M. SAMSON: A l'article 6, vous dites que les pouvoirs discrétionnaires accordés au ministre de l'Education et aux fonctionnaires sont si englobants qu'ils font peur. Est-ce que, si le ministre avait déposé sa réglementation de façon que vous puissiez en prendre connaissance en même temps que la loi, cela vous aurait permis de préparer un mémoire d'une façon plus en connaissance de cause et peut-être même d'avoir une autre opinion de la loi ou de la regarder d'un autre oeil?

M. SLINGERLAND: C'est bien possible, M. le ministre m'a assuré que tel serait le cas. J'attends de voir.

M. SAMSON: Oui, mais ne trouvez-vous pas qu'on vous aurait rendu un meilleur service, à vous ainsi qu'aux autres associations voulant déposer des mémoires devant la commission, si vous aviez, à ce moment-là, connu aussi la réglementation qui s'ajoutera au projet de loi?

M. SLINGERLAND: Je dois avouer que j'ignore les processus normaux de développement des projets de loi. Je ne sais pas à quel stade normalement les règlements se publient.

M. SAMSON: D'accord, mais...

M. SLINGERLAND: Mais je crois que oui, on pourrait en parler en meilleure connaissance de cause, c'est évident.

M. SAMSON: Cela pourrait peut-être même, si je vous comprends bien, modifier un peu votre attitude, à l'article 6, lorsque vous dites que les pouvoirs discrétionnaires qui sont accordés aux fonctionnaires sont si englobants que cela vous fait peur. Autrement dit, si vous connaissiez ces pouvoirs, ça vous ferait moins peur, si je comprends bien?

M. SLINGERLAND: Je suis pleinement d'accord.

M. SAMSON: Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: M. le Président, j'aurais une couple de questions à poser en prenant comme principe — si je lis la première ligne de votre mémoire — que vous venez ici comme représentant du secteur protestant, dans mon esprit, beaucoup plus que du secteur anglophone, parce que dans le secteur protestant, comme vous l'avez dit, il y a des écoles francophones.

M. SLINGERLAND: Absolument.

M. VEILLEUX: J'aimerais vous poser des questions en tant que représentant du groupe protestant.

Tout à l'heure, le député de Sauvé vous a posé des questions sur les matières qui étaient enseignées dans les écoles protestantes françaises, vous y avez répondu. Maintenant, est-ce que les enseignants qui oeuvrent dans ces milieux sont de langue française ou de langue anglaise?

M. SLINGERLAND: En très très grande majorité de langue maternelle française.

M. VEILLEUX: Maintenant, les enseignants de langue maternelle anglaise qui enseignent dans ces écoles est-ce qu'ils enseignent, sauf l'anglais nécessairement, les autres matières en français?

M. SLINGERLAND: Je ne connais qu'un directeur qui est d'origine anglophone, mais qui est intégré à la société francophone du Québec depuis au moins vingt ans. Donc, est-ce qu'il est francophone ou anglophone? C'est le seul cas que je connaisse.

M. VEILLEUX: Si on applique le deuxième paragraphe de l'article 49, le futur immigrant qui ne parle ni français ni anglais et qui aura à choisir le secteur francophone — si je vous comprends bien — cet immigrant ne trouverait pas de difficulté à recevoir l'enseignement tel que prescrit à l'article 49, deuxième paragraphe,

dans la langue française. Il recevrait, dans le secteur protestant, le même enseignement que si c'était un immigrant catholique ne parlant ni français ni anglais qui aurait, lui, à aller dans le secteur catholique francophone.

M. SLINGERLAND: Absolument.

M. VEILLEUX: Cela revient peut-être aussi à vous demander ce que vous pensez de ce deuxième paragraphe de l'article 49. Est-ce que, d'après vous, l'immigrant protestant né connaissant ni l'anglais, ni le français, qui viendrait au Québec, serait pénalisé par ce deuxième paragraphe de l'article 49?

M. SLINGERLAND: Je dois d'abord préciser que la grande majorité des immigrants viennent dans la région de Montréal, où cette difficulté d'absence d'écoles protestantes francophones n'existe pas. Pour les autres, c'est une question pratique à trancher de la part du ministère et des parents.

Est-ce que nous avons le droit prioritaire confessionnel de choisir une école anglophone confessionnelle, de la confession de notre choix, ou est-ce que nous devons nous intégrer dans une école francophone qui n'est pas de notre confession? Là, c'est une question ultérieure à trancher, et légalement et pratiquement.

M. VEILLEUX: Selon l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, au point de vue de la confessionnalité au Québec, personne, du moins un catholique ou un protestant, ne peut trouver de difficulté à choisir, soit le secteur catholique ou soit le secteur protestant. Je sais que, dans l'esprit de bien des gens, catholique veut dire francophone, protestant veut dire anglophone.

M. SLINGERLAND: Je ne suis pas du tout d'accord.

M. VEILLEUX: Si je regarde les questions qu'ont posées mes honorables collègues de la loyale Opposition de Sa Majesté Elizabeth II ce soir, j'ai la nette impression que, pour eux, vous êtes les représentants du secteur anglophone beaucoup plus que les représentants du secteur protestant.

M. SLINGERLAND: Disons qu'il faut avouer d'abord que la plupart de nos...

M. MORIN: M. le Président, sur un point de privilège, je regrette d'interrompre nos invités. Vraiment, je ne saisis pas ce à quoi le député de Saint-Jean veut en venir avec une question comme celle-là. Je pense qu'il projette ses propres pensées sur les autres et c'est un procédé très peu parlementaire.

M. SLINGERLAND: ... répondre. Pour nous, nous tenons au fait que nous représentons les protestants comme tels, des deux langues. Admettons que la plupart de nos constituants sont de langue anglaise. Mais cela ne minimise nullement le fait que nous avons aussi des responsabilités envers les francophones, que nous voulons mettre en évidence.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le temps est écoulé.

M. VEILLEUX: 20 secondes, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Pilote): 20 secondes, pas plus.

M. VEILLEUX: 20 secondes. Vous m'avez fait perdre ma question! Vous parlez de libre choix là-dedans. L'article 49, deuxière paragraphe, aux immigrants qui ne s'expriment ni en français ni en anglais, enlève ce choix parce qu'il leur fait choisir l'école française. Est-ce que, d'après vous, un volet comme ça dans la loi enlève ou restreint des droits? Est-ce qu'un gouvernement peut se permettre d'établir un paragraphe comme celui-là dans un article d'une loi qui touche l'enseignement?

M. SLINGERLAND: Je crois que oui. Nous ne voyons pas trop de soucis à cet égard. C'est à l'immigrant de prendre...

M. VEILLEUX: Merci.

M. SLINGERLAND: ... ses responsabilités.

Fédération of English-Speaking Catholic Teachers Inc.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Merci, M. Slingerland, ainsi que ceux qui vous accompagnent, de la façon dont vous avez présenté votre mémoire. J'inviterais à présent M. Hayden, de la Federation of English-Speaking Catholic Teachers Inc., à venir présenter son mémoire et à bien identifier ceux qui l'accompagnent.

M. DOBIE: M. le Président, je ne suis pas M. Hayden, je suis M. Dobie, de la Provincial Association of Catholic Teachers. J'aimerais faire une petite remarque parce qu'il paraît que nous ne serons pas entendus ce soir. Je suis très désappointé de ne pas être entendu. Cela fait depuis neuf heures et demie, ce matin, qu'on est ici. On a convoqué un certain nombre de groupes. J'ai avec moi l'équipe du bureau. Le bureau a été fermé aujourd'hui pour qu'on soit entendus. Là, j'apprends qu'on sera remis à je ne sais quand. Je me demande si on veut vraiment entendre les groupes ou non.

Tout à l'heure, on nous a dit que le sixième ou septième groupe, The Provincial Association of Catholic Teachers, était remis indéfiniment.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Indéfiniment, c'est le cas. Nous vous convoquerons ultérieurement.

M. CLOUTIER: M. le Président, personnellement, je serais d'accord pour entendre le groupe, mais le problème est le suivant. C'est que l'Opposition insiste pour que nous ayons un temps minimum pour chaque groupe, ce que je peux parfaitement comprendre.

M. MORIN: Ce n'est pas l'Opposition, M. le ministre, c'est l'accord auquel nous en sommes venus.

M. CLOUTIER: Ce sont les règlements. Bien que nous ne soyons pas obligés de passer une heure avec chaque groupe, nous nous sommes entendus pour le faire ce soir. Moi, j'aurais préféré vous entendre, je ne vous le cache pas.

M. DOBIE: Moi aussi.

M. CLOUTIER: Quitte à prolonger, peut-être, d'une demi-heure.

M. MORIN: M. le Président, nous aussi aurions aimé entendre ce groupe, je ne vous le cache pas. Vous avez certainement des choses importantes et intéressantes à nous dire.

Seulement, à l'heure qu'il est, il reste deux groupes à entendre avant onze heures. Nous aurons peut-être de la difficulté à recevoir convenablement les deux groupes qui viennent et ils sont importants.

M. le Président, si vous me le permettez, je demanderais à ce monsieur à quel moment cela ferait son affaire, ainsi qu'à son groupe, de revenir. Qu'on les consulte. Demain matin, par exemple, le premier groupe reçu, ce pourrait être vous?

M. CLOUTIER: Ce n'est pas possible, M. le Président, il y a déjà des groupes. Il y a un règlement, dans cette Assemblée nationale. Il y a déjà des groupes de convoqués, puisque le règlement nous oblige à les convoquer à l'avance.

La seule possibilité, c'est de vous convoquer à nouveau, peut-être dans le courant de la semaine prochaine.

M. MORIN: Nous allons leur occasionner des dépenses inutiles.

M. CLOUTIER: Si nous n'avions pas perdu une heure ce matin en un débat de procédure, si nous avions véritablement respecté le règlement, comme je vous y ai engagé constamment, nous aurions pu entendre tous nos groupes aujourd'hui.

M. MORIN: M. le ministre, je regrette que vous recommenciez ce débat...

Si vous aviez consenti à notre motion, ce matin, il n'y aurait pas eu de débat. Cela aurait été vite réglé.

M. CLOUTIER: Mais non, ces gens étaient déjà convoqués. Aurions-nous accepté votre motion...

M. MORIN: Mais cela, c'est votre erreur, et non la nôtre.

LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre, à l'ordre !

M. CLOUTIER: Ce n'est pas une erreur. LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre!

M. DOBIE: Nous serons ici à onze heures, si vous voulez nous entendre. Cela fait déjà douze heures que nous sommes ici !

M. CLOUTIER: On peut les entendre une demi-heure.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Est-ce qu'une demi-heure, ce serait suffisant?

M. CLOUTIER: L'Opposition ne veut pas.

M. MORIN: Ce n'est pas exact. Une demi-heure, vous croyez que ce serait suffisant pour les entendre mais, d'un autre côté, il sera peut-être onze heures passées avant que nous ayons fini avec ces deux groupes. Et ce ne serait pas juste, non plus, pour les membres de la commission qui siègent pendant sept heures et quart ou sept heures et demi par jour.

M. CLOUTIER: Nous sommes prêts. M. TARDIF: Nous sommes prêts.

M. MORIN: Je vous propose plutôt de revenir demain matin.

M. DOBIE: Nous serons ici à onze heures, en tout cas.

M. CLOUTIER: Ecoutez, ce n'est pas la peine de rester si la commission n'est pas unanime. Je crois que ce n'est vraiment pas la peine de rester.

Il est impossible de vous entendre demain matin parce que d'autres groupes sont convoqués. Si la commission était unanime, je serais entièrement d'accord pour qu'on vous entende jusqu'à onze heures et demie, minuit moins quart. Votre mémoire, nous l'avons lu. Vous pourriez peut-être le présenter en quelques minutes. Ensuite, nour pourrions vous entendre. Mais s'il n'y a pas d'unanimité, ce n'est pas possible.

M. DOBIE: Nous serons ici à onze heures.

M. CLOUTIER: Non, je pense qu'il vaudrait mieux ne pas vous faire attendre.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Est-ce qu'il y a unanimité à la suggestion du ministre de les entendre à onze heures ou à onze heures et quart, jusqu'à minuit moins quart?

M. CHARRON: Non, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Pilote): II n'y a pas unanimité. On comprend la déception du groupe.

M. CHARRON: M. le Président, je vais vous expliquer pourquoi je vous dis non. Si on consentait, demain matin, ce ne serait pas huit organismes qui seraient convoqués, mais le ministre essaierait de nous en faire passer dix...

M. CLOUTIER: Non, M. le Président. Je m'engage solennellement...

M. CHARRON: ... et la semaine prochaine, douze.

M. CLOUTIER: Je m'engage solennellement à suivre le règlement.

LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre! Nous allons procéder.

M. MORIN: M. le Président, combien y a-t-il d'organismes convoqués pour demain? Vous allez avoir votre réponse; je parie qu'il y en a sept.

M. CLOUTIER: Oui, M. le Président.

M. MORIN: Eh bien... Alors, vous voyez?

M. CLOUTIER: Suivant le règlement.

M. MORIN: Nous allons nous trouver devant la même impasse encore demain soir.

M. CLOUTIER: C'est exact, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Si vous me permettez, si on veut passer les deux groupes qui restent, nous allons procéder immédiatement. J'inviterais M. Hayden à lire son mémoire. Vous avez vingt minutes soit pour lire votre mémoire ou en faire le résumé quitte ensuite à ce qu'on passe aux questions.

M. SHORE: Mr Chairman, honourable Members, my name is Phillip Shore. I am the executive director of the Federation of English-Speaking Catholic Teachers. This is Mr Patrick O'Reilly, the President.

Our brief is founded on two considerations and proposals for recommendations. We have not approached the problem of the language Legislation as a constitutional or legal question but rather as a political question.

Our existence as English Catholics within the educational community does not really stem from the constitutional arguments, it is not quite based on confessionality nor as it is based on purely language considerations.

In our approach, in the brief, we have attempted to maintain a positive approach. We do not wish to add to some of the extreme statements that have been made by any of the parties who are involved. We have two main points or two main considerations within the brief. First, that the bill governing these complex social, cultural, political, economic questions should not be presented as a kind of package. That within the existing ministerial system whatever guarantees are required should evolve normally as they have done over the years.

In the bill itself we mention certain examples in which this normal evolutionary process has taken place. In the sections, for example, dealing with the Labour Code, article 27, I believe it is, indicates that where there are more than one syndicate existing within an employees group that, if one of these syndicates is of French language majority, then the language of negociations should be French.

We feel that a more democratic approach is simply to approach it on the basis that the language of work is decided by the majority of the workers, that the language of negociation, by the same token, is decided by the largest syndicate that is involved.

In our own case, we represent some 12,200 teachers employed by the Montreal Catholic School Commission. We work under a joint certificate with l'Alliance des professeurs, representing some 7,500 ou 8,000 teachers. It is obvious that on the joint negociations we certainly respect that fact that l'Alliance, representing the majority, would probably opt for French. They have done this to date. We feel that this is reasonable and does not impose any artificial conditions.

There is another aspect of the bill with relation to the educational question, we feel that does not come to grips with the problem. The attraction of the English schools for what is called the immigrant group, that is a group that is often far from clear, let us say, for those whose mother tongue is neither English nor French. One of the great attractions that the English schools have for these as well, as for many francophones, is the much higher quality of second language instruction that is found within the English schools. It is our contention that to attempt an artificial coercive approach in attempting to graft people onto a culture will not work. It will not work simply on the practical consideration that if a language test is applied and is to be applied particularly for the immigrants, within a matter of days, he will have bootleg — if I may use the term — private schools being established within the ethnic communities at the nursury school levels for three year old, if necessary to give them the necessary requirements to pass the test.

The attempt, through an artificial status, to control such a matter of basic concern will not work for much the same reasons I suppose as the Volstead Act did not work in United States.

The kind of statement that is so often heard from people like Mr. Yvon Charbonneau of the CEQ in calling for the total abolition of second language instruction. In doing so, quite accidently I am sure, Mr. Charbonneau is actually acting as a recruting agent, that the concern of parents is that their children possess some kind of bilingual competence.

The first objection and the most basic objection to the bill lies in chapter 1 which states that French shall be the official language. It is true, as it has been pointed out by several members here, that the bill does not say that people cannot speak English. It does not say the public utilities cannot communicate in English. But equally the bill does not state that the public corporations cannot communicate in Italian or Polish or Chinese. In fact, without looking and without attempting to make any comparison or some of the exagerated comparisons, this is not Nuremberg. I do not think anybody who look at the question rationally will make any such comparisons; the fact remains that the status of English is being degraded, it cannot be else.

To say that certain people can still speak to each other in English does not really change the situation. The recommandations which we have made are fairly straight forward. The first is not simply a question of delay for the sake of delay; the atmosphere within our own community, and by that I mean at large the English-speaking population within the Montreal area, is far from calm. We feel that the Cloutier plan which establish four objectives, I believe, involving the expenditure of a $100 million, is a positive step. We recommand that perhaps the priorities within these plans should be applied more quickly and with a greater sense of haste, particularly to improve the quality of second language teaching within the French schools. We recommend the right of each individual within the province to choose one of the two official languages, as long as they remain official. And, fourth, we seriously contest the validity of the statement that the learning of a second language will somehow weaken or destroy a cultural identity. Thank you, sir.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie la Federation of English-Speaking Catholic Teachers pour son mémoire. Je ne poserai que deux questions, pour commencer, en tout cas. Dans ce mémoire, il est question, en se référant au projet de loi 22, de "draconian measures" et également de "coercion or the restriction of human rights". Je crois que ce sont là des jugements qui ont une certaine importance. Lorsqu'on parle de "restriction of human rights", ce n'est pas de la littérature; il s'agit de quelque chose d'extrêmement grave. Alors, je voudrais que l'on m'indiquât quels sont les éléments ou les articles du projet de loi 22 qui constituent des restrictions des droits de l'homme. Je peux comprendre que l'on parle de mesures draconiennes, parce que, là, il s'agit d'un jugement de valeur. On peut se tromper, mais on peut le faire. Mais, en revanche, quels sont les éléments qui vont à l'encontre des droits de l'homme?

M. SHORE: It is always dangerous, I suppose, to use adjectives but within the context of the paragraph, we are drawing attention to the goodwill and tolerance wich presently exist. The draconian measures which we are referring to are not necessarily those presented in bill 22 or by the Government. We are thinking in terms of some of the other groups which have been heard here, which called for such things as the immediate abolition of second language teaching or the closing of English schools. We do not in that context, especially with relation to the education, make the claim that the measures in bill 22 are draconian.

M. CLOUTIER: Le projet de loi 22 ne demande pas la fermeture des écoles du secteur anglophone, ce qu'ont réclamé bon nombre de groupes francophones devant cette commission.

M. SHORE: Yes, the point that I am making is that much of the public controversy that has been surrounding the bill which has become perhaps more important than the bill itself at times, most of these are unnecessary.

M. CLOUTIER: II n'y a rien, dans le projet de loi 22, qui va contre les droits de l'homme?

M. SHORE : I believe that in terms of the rights presently existing, when you remove one of the official languages, when you create a kind of turmoil within the community, you have, if not legally, a very large percentage of the english community who feels very strongly that their rights are being violated.

M. CLOUTIER: Mais, est-ce qu'il y a véritablement restriction des droits de l'homme dans la loi 22, d'après vous?

M. SHORE: As it applies to our community, I would have to answer yes.

M. CLOUTIER: C'est ça. En quoi?

M. SHORE: In the fact that an existing right, an existing status for a language and a community group is being removed.

M. CLOUTIER: En quoi?

M. SHORE: It is being removed from the language of public administration. It is being limited in the area of labour, existing labour rights for two items.

M. CLOUTIER: Je ne nierai pas qu'il y ait une restriction de la langue anglaise, bien au contraire, même si la plupart des groupes francophones semblent croire que non seulement il n'y a pas restriction de l'usage de l'anglais, mais que nous augmentons encore les droits de l'anglais. Je crois que votre interprétation est juste. Il y a certainement une restriction de l'usage de l'anglais dans la loi 22. Mais ce que nous avons essayé de faire, c'est de reconnaître le fait français, de l'affirmer, de donner une priorité au français, mais de protéger l'anglais sur le plan des droits individuels. Mais je ne nierai pas qu'il y ait une diminution de l'usage de l'anglais en ce qui concerne les droits collectifs.

Je crois cependant qu'il y a une situation, un contexte qui justifie cette approche-là. C'est votre droit de ne pas être d'accord, et je le respecte.

M. SHORE: Thank you.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Est-ce qu'il y a d'autres députés? Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, je n'ai pas eu le temps, je voudrais d'abord m'assurer d'une chose; est-ce que le texte français qui accompagne votre mémoire est la version intégrale de ce que vous dites en anglais? Je ne vous en ferai pas le reproche, notez bien, parce que même dans la loi le préambule français n'est pas la même chose que l'anglais. Vous n'auriez pas été le premier coupable.

M. CLOUTIER: II ne rate pas une occasion.

M. SHORE: We are in the same position and for our purposes the English, I think, will be used by us as the official text. Wherever there is a difference we will refer to the english text if it is agreeable.

M. CHARRON: Moi je m'en tiendrai au texte français si vous permettez, puisqu'il me semble conforme. Vous commencez votre mémoire avec un drôle de ton, un ton que la plupart des groupes anglophones n'ont pas osé employer, je dirais, non pas qu'ils en manquaient d'envie, mais ils n'ont pas osé qualifier la loi 22 de cession de la part du gouvernement aux sentiments nationalistes des francophones, au prix de droits individuels des anglophones. Vous accusez ni plus ni moins le gouvernement d'avoir troqué, comme vous dites à la page 2, pour une au mêne nos sentiments nationalistes; vous avez fait payer le prix de libertés indivuduelles qui sont désormais enlevées. Notez que vous n'êtes pas le premier groupe anglophone à partir en croisade. Enfin, tout le monde qui est venu ici l'a fait.

Mais, vous abordez la question d'une façon plus particulière. Je voudrais juste revenir sur un point, avant de céder la parole à mes collègues de l'Opposition. Vous parlez des jérémiades — je ne sais comment vous le dites en anglais — mais des jérémiades des nationalistes francophones, depuis une dizaine d'années. Je crois que ce sont les deux dernières lignes de votre premier paragraphe. Vous dites également dans cette première page, les quatre dernières lignes avant la fin: "Le Québec s'élève comme un modèle pour tout le Canada, un modèle graduellement suivi des autres provinces".

Si vous voulez qu'on parle de jérémiades, on va en parler. S'il y en a une qui commence à me fatiguer et qui commence à être insultante, également, pour les francophones, c'est celle-là. Savez-vous à quoi ça me fait penser, comme allusion aux francophones? C'est exactement le cave qui travaille, qui se fait exploiter, qui a un bon "boss" et qui a une "job steady" et à qui on dit : T'es un modèle pour toute la société. Il n'y a personne qui va remettre en question le bon gars que tu es. Continue, rentre ici, ressors le soir, épuise-toi, travaille à un salaire de cave, tu es un modèle pour la société.

Tous les groupes anglophones qui sont venus ont tronqué la réalité, ont faussé la réalité. Lorsque vous affirmez que le Québec est un modèle graduellement suivi des autres provinces, est-ce que vous n'exagérez pas un peu?

M. SHORE: I understand your feeling very well, Mr Charron, I felt that way myself very often in dealing with various school commissions and, at times, with many spokesmen for the nationalist group who, very patronizingly at times, offered congratulations to us as the most spoiled minority; perhaps, we are. I would like to say I am not responsible for the situation in Ontario. I belong to an organization, the Canadian Teacher Federation, which has devoted considerable time and money towards the cause of improving French language instruction accross the country. That is the most that I can do right now.

I cannot clarify the social situation anywhere, I am expressing the feelings of the group which I represent. The feeling that perhaps the French Canadian, as a minority within Canada, has been unjustly treated, may or may not be true. The point is, it is our feeling, that of the existing situation in Canada, no one can argue seriously that Quebec does not have the finest system. Ontario, I believe, has moved in the direction of full French language schooling, from kindergarten right through university. I submit that that is the direction that other provinces can adopt. If there is anything that I personnally can do to help this process, I will.

M. CHARRON: Puis-je vous dire, monsieur,

que c'est exactement ce que, moi, je souhaite pour le Québec également? Que nous puissions accorder à notre minorité, de la maternelle jusqu'à l'université, le droit d'avoir un enseignement dans sa langue. Ce groupe de 13 p.c. d'anglophones québécois a droit à un enseignement dans sa langue, mais pour le reste, suivons également, intrinsèquement, ce que l'Ontario a fait et vivons complètement en français.

Vous m'avez dit, et souvent les groupes anglophones également le disent quand ils viennent: Nous déplorons ce qui s'est passé dans les autres provinces, nous regrettons comment les minorités francophones... Je vous dirai, monsieur, que je le déplore et je le regrette probablement moins que vous parce que je considère que la société canadienne a eu une évolution tout à fait normale, elle ne s'est pas embêtée et elle n'a pas essayé de se donner un caractère bilingue. Le bilinguisme conduit toujours à un unilinguisme, éventuellement, ce n'est qu'un état passager dans une société.

Les linguistes de l'Université du Québec à Montréal sont venus nous en faire la démonstration. Le Canada a suivi une évolution parfaitement normale, c'est un pays unilingue anglais et il doit le rester. Moi, quand je vais à Toronto ou à Saskatoon, je n'essaie pas d'écoeurer le monde avec le français. C'est un pays anglais et je respecte sa langue. Quand je suis sur le Canadien National, en Alberta, je n'essaie pas d'écoeurer un fonctionnaire parce qu'il est fédéral et qu'il y a une loi des langues officielles pour lui demander de me parler français. Je suis dans un pays anglais et je respecte la langue des gens qui sont là. Ce que nous demandons simplement, c'est que la même chose soit au Québec, mais cette fois en français parce qu'ici aussi il y a la langue de la majorité.

Est-ce que vous admettez qu'à un moment donné une société québécoise puisse avoir envie d'assimiler ces immigrants exactement comme la société canadienne l'a fait à l'égard de tous les autres? Est-ce que vous considérez comme normal ce réflexe québécois que nous avons, qui a été celui du groupe canadien dans les neuf autres provinces et qui était tout aussi normal également?

M. SHORE: In the question of providing rights and in determining what is a right and what is a privilege? I am not being facetious in the sense that I understand the difficulty which you as legislators have. The point remains within our community as it stands, let us take it in two sections.

I was born in Quebec. I was educated in schools, followed the programs established by the government of Quebec in the schools of the Montreal Catholic School Commission. Like one of the gentlemen earlier, I learned no French. I cannot in honesty take much responsibility for that fact. There has been and still is, in my sense, an identity of Quebec, I was born here. I have learned French in the course of dealing with my colleagues and other syndicates and negociation in dealing with School Commissions.

My children now who are attending English schools have begun to learn French from the kindergarten. They are making very good progress. They have learned more by the time they get to grade 1 than I did after twelve years.

To the role of immigrants those who speak neither English nor French I would not want to be the one to indicate what rights must be removed, who will have the rights. The Montreal Catholic School Commission in its brief or in its recommendations indicates the people who come from Toronto to Montreal must be classed as immigrants. That is probably an issue that the constitutionalists can argue later. I do not pretend to have the answer. Can you remove the rights only from those immigrants who do not speak English or French? Would you accept bootleg schools that will give in three months sufficient mastery of either English or French to qualify the child? Will that then satisfy the requirements of the bill? Will that then satisfy the aspirations of the French Canadians or of the French majority or must the government go further by proclaiming such instruction in English-language as illegal? How far can the controls apply if you are going to say that these people cannot attend unless they pass a test? Human nature is versatiling of to make sure that any child who has to write the test will be coached sufficiently to pass the test. And I think you are no further up the road of solving the very basic problem. You simply remove it from the sphere of a positive action to subversion of whatever provisions you wish to put forward. In the Saint-Leonard crisis you remember an entire separate system with full instruction was established. This operation would be much less ambitious, such private, if you like, underground schools could be established within a matter of days.

M. CHARRON: Je vous remercie.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président ,dans la version française du mémoire, à la page 2 au dernier paragraphe, vous allez aussi loin, dans les deux dernières lignes, par exemple, que de dire: "Pour des raisons évidentes, les panneaux signalisateurs routiers devraient être bilingues". Est-ce que vous pouvez me dire si les membres de votre association ont eu des communications à ce sujet avec les autorités des autres provinces du Canada pour leur demander si, elles aussi, elles envisageraient de rendre ces panneaux signalisateurs bilingues? Pouvez-vous me dire quel est le genre de réponse que vous avez reçue?

M. SHORE: Again, Sir, that is part of a paragraph that indicate the protection of the consumer should be the aim of Consumer Protection Laws. From the view point of other provinces again, I am not in any position to do anything about those highway signs, but I understand there are many American tourists who come to Quebec and I think that everybody safety would be better served.

M. SAMSON: Ne trouvez-vous pas que la question de la protection du consommateur, que vous invoquez, ne serait pas aussi importante dans les autres provinces que dans le Québec?

M. SHORE: The brief is not quite accurate in that because I understand that the food label in-laws in Quebec, right now, indicate that the labelling must be done in French. I do not believe that the Quebec legislation indicates that it must also be in English. It probably should.

M. SAMSON: Pour nous donner satisfaction, admettons par hypothèse que le gouvernement veuille absolument vous donner satisfaction sur ce point, mais qu'en vous offrant ce genre de satisfaction il l'accompagnerait d'une condition qui serait celle de vous dire: Dès que quatre ou cinq autres provinces auront établi ce que vous demandez là, nous, au Québec, nous ferons exactement la même chose. Est-ce que, si l'on vous promettait cela ce soir, cela vous donnerait satisfaction?

M. SHORE: No, sir.

M. SAMSON: Cela ne vous donnerait pas satisfaction?

M. SHORE: No, sir. I could only give you my commitment that if, as a member of the Canadian Teachers Federation, I ever have to present a brief to the Federal Parliament concerning the Official Languages Act, my point of view will be the same as here. It I were presently residing in Ontario, I would like to think that I would make the same proposition to the Ontario Legislature. But it is Quebec, and we are talking about a Quebec language problem.

M. SAMSON: Oui, je comprends que c'est seulement le Québec qui vous intéresse parce que, lorsque l'on parle de bilinguisme, il semble que cela intéresse uniquement le Québec dans le Canada. Mais nous, ce n'est pas uniquement sur cette base qu'on veut discuter. Je pense qu'au Québec on accorde en tout cas le "fair play" que généralement la communauté anglophone dit vouloir nous donner. Alors, le "fair play", à mon sens, cela devrait faire partie du langage autant des anglophones que des francophones. Quand on est au Québec, on réclame le "fair play" pour demander le bilinguisme. Quand on est à l'extérieur — l'extérieur du Québec parce qu'on est encore dans le Canada — on devrait aussi pouvoir bénéficier de ce même "fair play".

Mon point de vue, c'est que je trouve malheureux qu'on se retrouve toujours devant la même situation. On est toujours prêt à réclamer du Québec qu'il soit un territoire bilingue alors qu'il semble qu'on n'est pas prêt à donner l'équivalence ailleurs. Je pense que, de ce côté-là, vous avez raison de dire que nous pouvons citer le Québec en exemple. Mais ne trouvez-vous pas que cela fait longtemps qu'on donne l'exemple et qu'il n'est pas suivi, cet exemple-là?

M. SHORE: Again, sir, at risk of repetition, I was born in Quebec. If I understand the platform of the Parti québécois, if they form the Government, Quebec will separate from Canada. I would still be residing in Quebec and I will still identify myself as an anglophone, resident of Quebec.

M. SAMSON: M. le Président, je n'irai pas jusqu'à vous souhaiter ça!

M. MORIN: Je voudrais souligner que c'est une attitude très ouverte, tout de même, de la part du témoin, une attitude dont pourraient s'inspirer certains collègues...

M. SAMSON: M. le Président,...

M. CLOUTIER: Je dirai que c'est une attitude courageuse même.

M. SAMSON: ... je continue à ne pas le souhaiter au témoin.

Recommandation no 1 : "que la question soit ajournée dans l'attente d'un programme plus positif et l'établissement d'une atmosphère plus calme et objective". C'est un point de vue que je vous demande, compte tenu des différentes attitudes que nous avons retrouvées devant cette commission, les différents points de vue, cela mènerait à quand le moment où nous aurions une atmosphère meilleure, plus calme et plus objective?

M. SHORE: Perhaps, being pessimistic,... You spoke of hearing briefs throughout the Fall and the Winter. The situation has not, I think, deteriorated so badly in the last 200 years that it could not wait another...

M. MORIN: Another 200 years? M. SHORE: ... year.

M. SAMSON: D'accord, M. le Président. A l'article 2, vous dites: "Nous recommandons l'emploi de la persuasion pour encourager les immigrants à fréquenter les écoles françaises".

D'abord, je voudrais vous demander quel genre de persuasion vous...

M. SHORE: Particularly the offering of good English language instruction. The tendency of the immigrants to whom I have spoken — and I have spoken to many of them — is that they are faced with a choice between going to a French school where they will not receive any second language instruction before grade five and, in many cases, will receive it very grudgingly. The recent decisions of l'Alliance des professeurs and the CEQ indicate how willingly this instruction is given.

On the other hand, they have the English school in which their child will start in kindergarten throughout all the elementary years receiving a minimum of two and a half hours of instruction in French, each week.

That, I submit, is one of the main reasons why the immigrants tend to opt for the English schools. By the same token, francophone parents who have transferred their children have done so primarily for that reason. Many of them, angain, have indicated that if good second language instruction was available, they would leave their children in the school in the milieu.

M. SAMSON: Si je vous comprends bien, vous souhaitez que la deuxième langue soit enseignée dès le début, dans les deux cas.

M. SHORE: That is being done in the English schools now, unless there is a basic difference in pedagogy between the six-year-old francophone and six-year-old anglophone, I suggest that either we have to stop teaching the anglophones French at kindergarten or begin teaching the francophones English at the same level. But as I understand, the cerebral development is not different.

M. SAMSON: Et selon vous, si cela se faisait dans les écoles françaises de la même façon, ce serait là un moyen de persuasion qui pourrait justifier que nous continuions avec ces moyens.

M. SHORE: I believe that that would be the first step in a comprehensive plan.

M. SAMSON: Merci.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député d'Anjou.

M. TARDIF: M. le Président, je voudrais poser une question au représentant de l'association. Bien que vous ne le disiez pas de façon formelle, est-ce que je vous comprends bien lorsque vous dites que vous préférez le bilinguisme intégral à une priorité qui serait accordé au français, comme le prévoit le projet de loi no 22?

M. SHORE: Yes.

M. TARDIF: Est-ce qu'à ce moment-là, je peux vous demander de m'expliquer comment se concilie votre position avec votre affirmation, à la fin du deuxième paragraphe de la page 1, où vous dites qu'une réponse éloquente fut donnée à cet extrémisme par des Québécois modérés, par le truchement du récent sondage subventionné par le Devoir, etc.?

Je vous pose la question parce que, selon le sondage du Devoir, entre autres, il y avait 56 p.c. de la population du Québec, qui comprenait à la fois les francophones, les anglophones et les membres du tiers groupe, qui favorisaient soit le français seule langue officielle ou le français langue officielle tout en accordant un certain statut à la langue anglaise.

Je voudrais vous demander comment se concilie votre affirmation à l'effet que les sondages démontrent qu'il n'y a effectivement pas de négativisme de la part de la population du Québec et votre position qui favorise tout simplement un bilinguisme intégral.

M. SHORE: I am inclined to agree with Mr. Claude Ryan, who, I believe, interpreted the results of the survey as indicating that only 15 p.c. of Quebecers favoured unilingualism.

M. TARDIF: 15.5 p.c.

M. SHORE: Oui. Taking it from that viewpoint, I am inclined to think that 85 p.c. or perhaps 82 p.c. — I do not have the exact figures here — do not seem to be in favour of placing English in the kind of position that is outlined in the bill.

M. TARDIF: Non, je ne suis pas d'accord avec vous. En fait il y a 42 p.c, selon le sondage qui favorise le français et l'anglais comme langues officielles, sans doute sur un pied d'égalité, et 56 p.c. lui accorde un statut soit prioritaire ou un statut exclusif. Alors, je me demande comment se concilient votre position et votre déclaration qu'il n'y a pas de négativisme de la part de la population du Québec si on se réfère au sondage.

M. SHORE: It is precisely with relation to the fact that only 15 p.c. — that is the figure that strikes me as being of greatest interest — wish to adopt unilingualism. It seems to me that whatever else the bill does is it takes a very strong step in that direction, granted the existing situation in guarantees within English schools will be maintained. But on all other basis, English, according to the bill, has no discernible difference between Polish or Chinese. I see no reference in the bill to official recognition of English as the second language for dealing with, for example, Hydro-Québec.

M. TARDIF: Mais vous reconnaissez, d'autre part, que le projet de loi ne fait pas du français la seule langue officielle au Québec.

M. SHORE: As I understand it, unless I am reading chapter I wrong, chapter I says that French is the official language.

M. TARDIF: Non, l'article 1 dit que le français est la langue officielle du Québec alors que 15.5 p.c. de la population déclarait préférer une version par laquelle le français serait la seule langue officielle, ce qui implique un unilinguisme intégral.

M. SHORE: Following the argument, it strikes me that we can also say that 100 p.c. of the population who responded favoured maintaining French as an official language.

M. TARDIF: Oui, je suis d'accord et je pense que c'est bien normal, tout comme il y aurait probablement 98 p.c. ou 100 p.c. de la population de la Saskatchewan qui favoriserait le maintien de l'anglais à tout le moins comme langue officielle, vous ne pensez pas?

M. SHORE: I would be inclined to think that in Saskatchewan again 100 p.c. of the population would favour English as being at least one of the official languages.

M. TARDIF: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je pense que c'est un peu la même tendance qui se dégage ici où vous avez 98 p.c. de la population qui, en fait, favorise le français, à tout le moins comme une des langues officielles. Mais ce que je vous demande, en somme, c'est si vous ne considérez tout de même pas que le projet de loi consacre le français comme la seule langue officielle.

M. SHORE: That is my interpretation of it.

M. TARDIF: Enfin, je pense que vous devrez peut-être relire le projet de loi. Relisez également les commentaires de ceux qui sont venus ici auparavant puisqu'il est bien clair, pour eux — et, je pense, pour tout le monde — que le projet de loi ne consacre pas le français comme seule langue officielle.

Quoi qu'il en soit, je voudrais passer à un autre point, celui de l'administration publique, auquel vous faites allusion à la page 3 lorsque vous demandez qu'un nombre suffisant de fonctionnaires possèdent une maîtrise adéquate de l'anglais. Avez-vous pris connaissance de l'article 11 qui dit que toute personne a le droit de s'adresser à l'administration publique en français ou en anglais à son choix?

M. SHORE: It says nothing about the answer that he would receive.

M. TARDIF: Je suis bien d'accord. Le texte actuel ne traite pas de la réponse, mais il n'en reste pas moins qu'il est bien mentionné que le citoyen québécois a le droit de s'adresser à l'administration publique en français ou en anglais.

Maintenant, avez-vous déjà eu, vous-même, des problèmes particuliers pour recevoir une réponse en anglais de l'administration publique québécoise?

M. SHORE: Would it be a problem...?

M. TARDIF: Est-ce que vous avez déjà eu vous-même des problèmes?

M. SHORE: No, I must admit that particularly in the area of income tax forms the service is fluently bilingual and prompt.

The issue at stake is that there is presently a custom within the government to respond to such correspondance in English. The bill, it seems to me, implies that this may continue.

M. TARDIF: A ce moment-là, il ne devrait pas y avoir de danger que vous n'ayez pas de réponse en anglais, si je comprends bien.

M. SHORE: No, it is not only the question, Sir, of a matter of formal written communication with the government. What is at stake — we talked earlier of the need for the profes-sionnals to be able to service both languages — would be in the area of public utilities, natural gas, for example, Hydro, when service calls are made. There is no indication here that any effort will be made at all or that any encouragement will be made to serve those elements who cannot communicate.

M. TARDIF: Oui mais, lorsque vous traitez de cette question dans votre paragraphe 3, vous faites allusion — j'en suis persuadé — à l'administration publique puisque vous parlez des fonctionnaires. Une compagnie qui vend du gaz ou qui fait partie des utilités publiques ne fait certainement pas partie de l'administration publique. Alors, en somme, si je comprends bien, il n'y a pas de danger pour vous, d'après la rédaction actuelle du projet de loi, quant à la protection de vos droits dans le domaine de l'administration publique.

M. SHORE: The question of what is the public sector or the parapublic sector is an item that touches upon every citizen who has to deal with the corporations, with the Crown corporations or with the Government directly. What I am concerned about in here is the idea that communications may be accompanied in English indicates no commitment of any kind.

M. TARDIF: Oui, mais là vous faites allusion à la langue des entreprises d'utilités publiques, monsieur. On pourrait y revenir mais, de toute façon, je pense que vous ne devriez pas avoir de crainte à l'effet que, nécessairement, du jour au lendemain, vos droits de communiquer avec l'administration publique en anglais vont être abolis parce que le texte du projet de loi ne dit absolument pas cela. Je pourrais traiter de la question de la langue des entreprises d'utilités

publiques, mais je ne le ferai pas parce que je sais qu'un de mes confrères a des questions à poser. Je vous poserai tout simplement une dernière question.

A la page 4, vous dites: Nous recommandons l'emploi de la persuasion pour encourager les immigrants à fréquenter les écoles françaises. Tenons compte de deux éléments. Le premier est celui de la dénatalité assez importante qui a caractérisé le groupe canadien-français au Québec au cours des dernières années. Le deuxième est le fait qu'environ 88 p.c. à 90 p.c. des enfants des nouveaux arrivants ou des immigrants, si vous préférez, fréquentent le secteur anglais. Ne pensez-vous pas que, dans le but de corriger cette situation, il est nécessaire d'employer des mesures autres que la persuasion et de faire en sorte que l'on intègre, par un texte de loi ou autrement, les nouveaux arrivants éventuels ou les immigrants au secteur français? Ne pensez-vous pas qu'en fonction des deux éléments que j'ai mentionnés, c'est-à-dire la dénatalité et la fréquentation massive du secteur anglais des immigrants, il faudrait prendre des mesures qui sont autres que celle de la persuasion?

M. SHORE: There are two aspects that should be pointed out here on the question of immigrants. I can quote, if I may, a personal example in one of the schools I visited recently, where many of the children were listed as immigrants, but their mother tongue was neither French nor English. Of one group of 24 so-called immigrants, 20 were born in Quebec. That, first of all, leads to some misleading satistics; these are not in fact immigrants unless I misunderstand the term; they are people who were born in Quebec and who are not fluent in either language.

The other reason that I oppose forcing the immigrants in is on a very practical reason. As I understand it, one of the aspects of good laws, is that it must be unforceable. And what I suggest to you is that to use force at this stage or to use means others than persuasion will defeat itself, that is every effort will be made and organized in order to get around the provisions of the bill. If the Government starts on the path of force, it will have to continue escalations along that line.

I sincerely believe that there is a much more optimistic solution in true persuasion.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Quatre minutes.

L'honorable député de Sainte-Anne.

M. SPRINGATE: Mr President, I know this is not the place for a debate and I am not going to get into a debate. However we have been hearing many statements for quite sometime and I think it is about sometime that someone told the PQ that it is not only French Canadians who have lousy jobs, not only

French Canadians who were told at times that: Bon, tu vas être un bon petit gars, tu as un job "steady" pour employer les termes du député de Saint-Jacques, et vous êtes un modèle pour la société.

I know thousands of English-speaking people that do not have good jobs either, as the Member for Saint-Jacques will know. I also happened to read the survey the way you read it: 15.5 p.c. — I have it right in front of me — want French as the only official language of the province. I read it the way you do: French as the official language of Quebec and English as the second language, 40.5 p.c. But 42 p.c. therefore having one of these three questions, let us say if you wish desirable French and English as the official language? I know this is not the place for a debate, I will not get into it there, but it is one point that I think has to be made.

The Member fron Anjou does not worry about the fear. He is telling you that you should not have any fear, because article 11 says that you can correspond with the Government in either language. I know what type of response you are going to get from the Government. I have to translate letter after letter, day after day in my county and I share your fears. I happen to disagree with him on this particular point.

I would like to ask you one question, this will be the only question. I happen to agree with the Minister of Education and I laud him for the efforts that he brought out — oh about or almost 20 months to two years ago, when he brought out the 5 year $99 million plan, which brought out more persuasion to induce immigrant children to attend French Canadian schools by bringing welcoming centres in French schools for the first time. And I would like to ask you if you found an increase in the number of immigrant children now attending French schools because of the small persuasion and tell the Minister what you think of this particular plan, I was only allowed four minutes, so we will get back to the debate another time.

M. SHORE: We do not have any special welcoming centres within the English sector. The welcoming centres are within the French sector and I really do not know how well they are. I an told that they are operating well.

M. SPRINGATE: They were set up to induce immigrants towards French schools, this was the plan. I think this is an excellent plan. I happen to believe that it is incumbent upon the state for moral persuasion not for coercion, that is my particular view.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Je remercie M. Hayden et M. O'Reilly qui l'accompagne de la façon dont ils ont présenté leur mémoire

et j'inviterais à présent l'Association des cadres scolaires du Québec, M. Fernand Langlais, directeur général, à présenter également ceux qui l'accompagnent. Je vous mentionne que vous avez vingt minutes pour présenter votre mémoire ou en faire un résumé. Il y aura 40 minutes de questions, dont vingt minutes au parti ministériel et 20 minutes à l'Opposition officielle et au Parti créditiste.

Association des cadres scolaires du Québec

MLLE GAGNON: M. le Président, je suis Céline Gagnon, vice-présidente de l'Association des cadres scolaires et je dirige cette délégation de l'association. Je vous présente mes confrères, M. Roger Thériault, de la Commission professionnelle des services de l'enseignement, et M. Paul Vachon, de la Commission professionnelle des services de l'enseignement.

Je vous situerai, d'abord, l'Association des cadres scolaires comme étant une association qui regroupe 1,400 cadres francophones qui oeuvrent dans les commissions scolaires et les syndics et dont les fonctions sont des fonctions de gestion pédagogique et de gestion administrative. A l'occasion de son dernier colloque, qui se tenait les 30, 31 mai, 1er et 2 juin derniers et qui a réuni plus de 700 cadres, l'assemblée générale de l'ACSQ, comme le projet de loi 22 venait d'être déposé, a, en tenant compte des considérations suivantes, adopté la résolution dont je vous donnerai la teneur. En tenant compte, premièrement des objectifs de l'association qui sont, entre autres, une éducation de qualité pour notre société québécoise; en tenant compte aussi qu'une éducation de qualité se doit de reposer sur un instrument de communication, d'expression omniprésent dans la société québécoise; en tenant compte que la langue d'enseignement doit trouver sa contrepartie essentielle dans la langue de travail; en tenant compte que l'ACSQ avait demandé, en octobre 1972, le retrait du bill 63, puisqu'elle craignait, à la lumière de certains faits, une anglicisation massive à long terme, et en tenant compte, enfin, que le projet de loi 22 déposé à l'Assemblée nationale ne répondait pas dans sa teneur à l'objectif énoncé à l'article 1 dudit projet, l'association a résolu unaniment de s'opposer à l'adoption du projet de loi no 22 dans sa forme actuelle.

L'association a, aussi, confié à un comité formé de l'exécutif de la Commission professionnelle des services de l'enseignement le soin de rédiger un mémoire dans cet esprit, mémoire qui vous est déposé ce soir, à cette commission parlementaire.

Le mémoire, donc, que nous vous présentons a fait l'objet d'une étude et d'une approbation du conseil général, tel que recommandé par l'assemblée générale de nos membres. J'invite, à ce moment-ci, M. Paul Vachon, qui a participé à la rédaction du mémoire, à vous donner, dans l'esprit de ce que vous avez recommandé ce matin, un résumé de ce que vous y trouvez.

M. VACHON: M. le Président, M. le ministre, messieurs les députés membres de la commission, disons que je vais faire un bref résumé, peut-être, en insistant davantage sur certains points et, particulièrement, sur la question de la langue d'enseignement qui, bien sûr, préoccupe au plus haut point l'Association des cadres scolaires du Québec.

Il est bien évident que l'ACSQ, de par sa composition, de par sa nature, est extrêmement préoccupée par la question linguistique, par la législation de l'Etat en matière linguistique et elle l'a toujours été dans sa courte histoire, qui date à peu près de deux ans. En octobre 1972, l'ACSQ, face à une crainte d'anglicisation relativement à la loi 63, demandait le rappel de cette loi. Par ailleurs, il faut quand même souligner que, depuis, de nombreuses déclarations ministérielles et des déclarations du gouvernement du Québec nous ont, si je puis dire, mis en confiance face à la venue éventuelle d'une loi sur la langue. Propos portant sur l'impertinence de la loi 63, qu'on a maintes fois qualifiée comme étant une erreur. Evocation d'intentions du gouvernement de prendre ses responsabilités en matière de politique linguistique. Emphase mise par le premier ministre lui-même sur la souveraineté culturelle; l'importance accordée par le premier ministre au fait qu'il était le seul chef d'un Etat francophone en Amérique et l'importance, bien sûr, de légiférer pour promouvoir le fait français. Enfin, la volonté souventefois répétée de faire du français la langue officielle au Québec.

Si je m'en rapporte au discours inaugural du premier ministre, du 9 juin 1970, on pourrait lire à peu près ceci: "Le français doit devenir au Québec la langue de travail. Tous connaissent les faits apparents surtout dans la région de Montréal. Il est inadmissible que, dans un Québec dont la population est en majorité francophone, il soit trop souvent impossible d'utiliser le français comme langue de travail... Cette situation doit cesser... Nous réclamons le respect d'un droit fondamental... On ne pourra jamais expliquer à ceux qui ne peuvent travailler en français que la langue dans laquelle ils ont étudié et grâce à laquelle ils se sont formés devienne trop souvent la langue seconde. Et, si on ne peut le leur expliquer, c'est qu'ils ont raison de vouloir que la situation change".

Si on se reporte au discours inaugural de cette année, mars 1974, il est bien dit: "Une loi proclamera le français langue officielle du Québec, affirmant d'une façon non équivoque la détermination de tous les Québécois à conserver et à développer la langue et la culture françaises, tout en consacrant, par ailleurs, la personnalité française du Québec au sein de la Confédération canadienne". Bon, on peut se

reporter également au préambule même du projet de loi 22. On peut se reporter à une déclaration du ministre de l'Education lors d'une conférence de presse devant la chambre de commerce, en novembre 1973, où le ministre affirmait: "II semble bien que la langue française soit plus menacée qu'autrefois ou peut-être en sommes-nous plus conscients".

Donc les intentions du gouvernement nous paraissent, toujours dans ces textes, dans le préambule, claires. Je dois dire cependant l'é-tonnement et la déception de l'Association des cadres scolaires devant le projet de loi 22 lui-même, ce projet de loi réclamant le français langue officielle.

Ici, j'aimerais quand même qu'on situe le Québec comme étant dans une position assez exceptionnelle, un peu spéciale en Amérique du Nord qui, à notre avis, bien sûr, appelle — et c'étaient les propos mêmes du gouvernement — une législation spéciale en matière linguistique, une loi qui, non seulement protège. Et la protection, je pense qu'on commence juste à penser que ça fait un peu "quétaine", du genre un peu collecte-pour-la-survivance-française-en-Amérique. Je pense que la protection ça doit exister. Par ailleurs, je pense qu'il paraît au gouvernement lui-même, semble-t-il, qu'il faut aller du côté de la promotion, dans le sens étymologique, déplacer vers l'avant, donc faire des pas en avant, ce qui est un processus essentiellement dynamique.

Au moment où le ministre de l'Education, en novembre 1973, parlait de contrainte qui limite notre marge de manoeuvre, bien sûr l'ACSQ prétend qu'il faut définir quels sont les objectifs. Cela dépend un peu de ce qu'on veut. Nous prétendons que personne de vraiment sérieux — en éliminant tout ce qu'il peut y avoir d'affectif ou de pression dans l'attitude qu'on veut prendre face à une législation linguistique au Québec — il nous paraît que personne de sérieux ne peut vraiment croire que la minorité anglophone du Québec n'est menacé dans sa langue, dans sa culture, dans ses possibilités de communiquer, et ceci, quelle que soit la nature des conditions des réalisations jugées essentielles à la prééminance et la promotion du français au Québec.

La culture française a besoin d'une action énergique de l'Etat. On est là, sur nous-mêmes. Le français ne doit pas être seulement une langue de culture. Il est facile de passer de la langue officielle à la langue de culture, et de la langue de culture à l'extinction définitive de la langue. Donc, le danger c'est d'essayer d'établir une langue officielle alors que le contexte de vie ne permet pas de l'utiliser. Alors, l'ACSQ, dans son mémoire, traite principalement de la langue de l'enseignement et de la langue de l'administration. Bien sûr, la langue de travail, des affaires, de l'affichage, de l'étiquetage est traitée mais moins en détail et davantage sous l'aspect d'une espèce de moteur ou de motivation à l'enseignement du français au Québec.

Au plan de la langue de l'administration, on voudrait principalement souligner un point qui nous paraît être la consécration du bilinguisme dans le fonctionnarisme public et parapublic. Si on s'en rapporte à l'article 11, toute personne a le droit de s'adresser à l'administration publique en français ou en anglais, à son choix. C'est bien évident que la personne qui s'adresse à l'administration publique en anglais est en droit de s'attendre à une réponse en anglais. Pour nous, il nous paraît que tous les cadres des commissions scolaires, avec l'école anglaise ou classes anglaises, seront tenus d'être bilingues, et les anglophones seront en droit de l'exiger. Ceci nous paraît inacceptable.

Côté langue de travail, d'autres que nous ont épilogué et épilogueront beaucoup plus longtemps et beaucoup plus savamment que nous là-dessus. Il nous paraît quand même important de souligner que c'est un des noeuds sinon le noeud du problème.

Facteur de motivation. La langue est essentiellement un instrument de communication. Il ne nous paraît pas qu'on doive parler d'aspect esthétique de la langue, il n'y a pas de langue belle ou de langue pas belle. Le français n'est pas une langue plus belle que l'anglais. Par contre la langue ça doit servir. C'est quand même l'argument essentiel pour la question des transfuges, ce qu'on appelle les transferts de langue.

C'est l'argument que nous servent le plus souvent les parents de l'enfant francophone qui veulent inscrire leur enfant à l'école anglaise. Il faut apprendre l'anglais. Il va travailler et il faut qu'il sache l'anglais.

Par ailleurs, les sondages qui ont été publiés, en particulier dans le Devoir, nous paraissent comme étant peut-être une des meilleures preuves que la motivation n'existe plus au Québec, et il nous paraît que c'est peut-être davantage le portrait d'une situation qu'une solution. Il nous semble que le gouvernement du Québec, devant la publication de ces sondages, devrait réfléchir à cela, se poser des questions. Il nous semble que quand un peuple ou une collectivité réclame à un moment donné de son histoire — si on s'en réfère aux sondages — le bilinguisme d'une façon majoritaire, l'on devrait se poser également des questions.

Nous passons rapidement sur la question des subventions aux entreprises. Le ministre en a parlé aujourd'hui. C'est quand même un autre symptôme de notre situation : nous allons offrir de l'argent aux anglophones, aux Américains pour avoir le privilège d'exister ici en français.

Je termine rapidement sur la langue de l'enseignement. Si le français est la langue officielle au Québec, il nous semble que les articles sur la langue d'enseignement doivent découler de ces prémisses. Il nous semble que tous les immigrants quelle que soit leur origine, devraient être tenus de s'inscrire à l'école de la langue officielle. Il nous semble que c'est normal et que cela se passe ainsi partout, dans

tons les pays du monde. En fait, d'après les chiffres qui ont été publiés, je vous les rappelle, en 1972/73, 86 p.c. des Néo-Québécois ont choisi l'anglais comme langue d'enseignement.

Il nous semble que pour tous les citoyens québécois l'école à fréquenter est l'école de la langue officielle. Les citoyens anglophones le désirant devraient, bien sûr, pouvoir recevoir leur éducation en langue anglaise. Il nous semble également que l'on devrait mettre l'emphase — là-dessus, nous rejoignons le ministre de l'Education à propos du plan de développement des langues, quoique l'on puisse différer d'avis sur les modalités — sur l'enseignement de la langue officielle qui devrait se faire dans les classes anglaises et l'enseignement de la langue seconde, c'est-à-dire l'anglais, dans les écoles françaises.

Il nous semble important de dire un mot sur la notion de la connaissance suffisante dont on parle particulièrement aux articles 49 et 50, où il est question d'aptitude, et à l'article 51, où il est question des tests. Cela nous semble une notion particulièrement nébuleuse, difficile et pratiquement "inadministrable". C'est une notion qui paraît quand même assez souvent dans la législation fédérale sur le bilinguisme. On peut se reporter aux officiers de douane, aux employés anglophones bilingues d'Air Canada, du Hilton à Montréal ou des grands magasins de l'Ouest de Montréal, gens dont on exige une connaissance suffisante. C'est une notion qui nous paraît tellement difficile à définir qu'il nous paraît que c'est peut-être, en définitive, "inadministrable".

Relativement toujours à cette notion de connaissance suffisante, si le bill 22 était adopté tel que rédigé, on pourrait facilement entrevoir la prolifération au Québec d'écoles privés de langues, style Berlitz, écoles qui ont pour but de procurer à ceux qui s'y inscrivent une connaissance suffisante rapide de la langue qu'ils veulent apprendre.

On peut encore parler des étés passés en Ontario ou dans les colonies de vacances aux Etats-Unis, etc. Il paraît que tous les moyens seront bons pour, de toute façon, contourner la loi et conserver la statu quo consacré par la loi 63.

Je termine rapidement, M. le Président, par les recommandations que formule l'ACSQ à l'endroit de la commission:

L'Association des cadres scolaires du Québec recommande: 1. Que la loi proclamant le français langue officielle affirme clairement le caractère francophone du Québec, dans le sens de réunir les conditions essentielles à l'épanouissement, à la promotion et la prééminence du français au Québec. 2. Que les articles de la loi ne viennent pas en contradiction avec les énoncés de principe du préambule. 3. Que la loi assure sans équivoque le caractère francophone de ce qu'on peut appeler l'environnement linguistique québécois par des mesures coercitives en ce qui concerne la langue d'enseignement, la langue de travail, la langue de l'administration et des affaires, la langue d'affichage, d'étiquetage et de communication à tous les niveaux. 4. Que la loi assure l'intégration à l'école française de tous les nouveaux immigrants. 5. Que les francophones soient tenus pas la loi de fréquenter l'école française à compter de la date de proclamation de la loi.

Il ne s'agit pas, bien sûr, de sortir les enfants qui sont déjà dans les classes anglaises. Il s'agit de statuer sur le fait qu'à compter du moment de l'adoption de la loi les francophones soient tenus de fréquenter l'école française. 6. Que la loi prévoie l'établissement, d'ici quinze ans, d'un seul réseau francophone d'enseignement regroupant des écoles qui respectent la confessionnalité des individus, des écoles anglaises pour les seuls citoyens dont la langue maternelle est l'anglais et des écoles qui respectent l'esprit du troisième paragraphe de l'article 48 du projet de loi.

M. le Président, je remercie les membres de la commission de leur attention. Mes collègues et moi-même serons maintenant disponibles pour répondre aux questions.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie l'Association des cadres scolaires du Québec pour la présentation de son mémoire. Comme l'association m'a cité, je désire répéter que j'assume toute la responsabilité de ce que j'ai dit, depuis que je suis en politique d'ailleurs et même auparavant, et que je ne renie en rien le diagnostic que j'ai pu poser à ce moment-là sur la situation linguistique.

Là où nous semblons différer d'avis, c'est sur les moyens d'arriver à la corriger. Je n'ai pas l'intention de tenter de réfuter certains points du mémoire. Je n'ai jamais pris cette attitude vis-à-vis d'aucun groupe. Je vais me contenter de poser quelques questions pour recevoir des éclaircissements sur la façon dont vous avez évalué le projet de loi no 22.

Je pense que vous êtes d'accord avec moi pour admettre qu'il y a, au Québec, une majorité et une minorité, une majorité de parlants français, une minorité de parlants anglais, une minorité d'à peu près 20 p.c.

Avant que le député de Saint-Jacques ne dise que ce n'est pas 20 p.c, je précise qu'il s'agit d'anglophones mais qu'effectivement il y a peut-être 14 p.c. d'Anglo-Saxons là-dedans. Mais il reste que c'est une minorité d'anglophones de 20 p.c. Vous êtes d'accord là-dessus, je crois bien. Ce sont des faits.

Peut-être également êtes-vous d'accord sur le fait que le gouvernement représente, dans tous les pays du monde, dans toutes les régions du

monde, tous les citoyens. Je crois que vous êtes aussi d'accord là-dessus.

Alors, si vous êtes d'accord sur ces deux principes, il faudrait peut-être comprendre que, lorsqu'on légifère, il faut tenir compte de tous les citoyens, c'est-à-dire de la majorité et de la minorité.

C'est la raison pour laquelle j'aimerais que vous m'expliquiez comment vous arrivez à voir, dans la loi 22, une loi de bilinguisme. Il semble que partout, c'est vraiment le français qui devient prioritaire mais que l'on prévoit des régimes particuliers, dans certains cas, ou encore la protection de certains droits sur le plan individuel.

Vous le comprenez fort bien parce que vous dites: En effet, le projet de loi veut faire du français la langue officielle et, déjà, on prévoit des exceptions au niveau de l'appareil administratif, etc.

Alors j'aimerais que vous m'expliquiez comment on peut légiférer, en tant que gouvernement responsable, si on ne tient pas compte de sa minorité, tout en allant le plus loin possible en ce qui concerne la priorité de la langue de la majorité.

M. VACHON: II est bien évident que l'association des cadres reconnaît entièrement le fait qu'au Québec il y a une minorité anglophone. Par contre, ce que le mémoire veut faire ressortir particulièrement, c'est qu'à propos de certains articles, notamment sur la langue — je passe rapidement sur la langue de l'étiquetage, de l'affichage où les articles du projet de loi ne nous apparaissent pas clairs — l'article 11 que j'ai cité tantôt, c'est un article qui touche particulièrement, vous en conviendrez, M. le ministre, les administrateurs scolaires francophones.

M. CLOUTIER: L'article 11, communication. Je ne veux pas engager un débat. Si je m'adresse à vous sur ce ton-là, c'est que vous êtes des administrateurs responsables, c'est pour ça que je vous parle comme je le fais, et je souhaiterais que vous relisiez la loi de manière à en voir toutes les implications. Est-ce que vous n'admettrez pas qu'il s'agit là d'un droit individuel? Lorsque nous sommes dans une société où il y a 20 p.c. d'anglophones, il est à peu près impensable de priver des gens de ce droit individuel de communication, il ne s'agit pas d'un droit collectif.

Relisez bien la loi, avec votre esprit d'administrateur — lorsque vous voyez vos budgets, vous nous les présentez au ministère à peu près dans le même esprit, avec la même objectivité — et essayez de vous poser la question, ne partez pas de prises de positions antérieures, essayez de vous poser la question à savoir comment on fait lorsqu'on veut protéger des droits individuels qui existent, comment on fait, sinon prévoir des régimes d'exception dans des cas très particuliers ou certaines exceptions et en quoi c'est un signe de bilinguisation?

M. VACHON: C'est une question que l'on peut se poser. Par contre, une autre question que l'on peut se poser et que nous nous sommes posé avant celle que vous me posez, c'est celle-ci: Que fait-on au Québec pour promouvoir et pour assurer la prééminence du fait français? Je pense que le problème est là. Il est bien évident que, comme on l'a mentionné tantôt, compte tenu du contexte nord-américain, des communications, de la télévision, du câble, des journaux, etc. des écoles anglaises que nous ne contestons pas, c'est bien évident que la culture, la langue des anglophones n'est pas menacée. Par contre, il nous apparaît...

M. CLOUTIER: Ne protégeons-nous par la langue? Il s'agit des individus en ce moment. En quoi protégeons-nous la langue?

M. VACHON: D'accord, mais ce que nous disons c'est que, pour assurer la promotion et la prééminence du fait français...

M. CLOUTIER: ... les droits individuels de 20 p.c. de la population.

M. VACHON: Non et je pense bien que dans le mémoire soumis ici à la commission parlementaire, il n'y a absolument rien qui nous fait dire qu'on veut brimer leurs droits.

M. CLOUTIER: Bien sûr que non, mais la construction que vous proposez ne semble pas tenir compte de la situation de fait. C'est pourquoi je voudrais que vous preniez la peine peut-être de revoir la loi. Vous dites qu'il y a des contradictions entre le préambule et certains articles de la loi. En êtes-vous tellement sûr? Qu'est-ce qu'un préambule? Ce sont des objectifs. Et la loi fournit justement les moyens d'obtenir des objectifs. C'est le but que l'on fixe, ce n'est pas autre chose, c'est impensable que ça puisse être atteint instantanément. Mais la loi comporte toute une dynamique dans tous les secteurs, il y a peut-être des faiblesses ici et là, nous verrons à les corriger, mais comporte une dynamique qui permet d'évoluer vers ces objectifs. Avez-vous cela, dans la loi?

M. VACHON: Oui. Par contre ce qu'on a vu aussi, c'est que la dynamique dont vous parlez ne nous paraît pas exister au plan de la langue d'enseignement particulièrement. Et je pense que les articles du projet de loi concernant la langue d'enseignement vont probablement et presque assurément consacrer le statu quo.

M. CLOUTIER: Là, c'est un autre problème. Je conviens avec vous que...

M. VACHON: C'est très important.

M. CLOUTIER: ... et le fait que vous parliez comme ça semble montrer que dans les autres chapitres, c'est plutôt mon interprétation qui

prévaut. C'est-à-dire que ce n'est pas du tout du bilinguisme. Vous semblez dire que dans le domaine de l'éducation, au chapitre de l'enseignement, il est exact que nous acceptons le fait qu'il y a deux réseaux d'enseignement. Il y a le réseau francophone et le réseau anglophone.

M. VACHON: Dans le mémoire, nous mentionnons à un ou deux endroits le fait que certains articles semblent consacrer un bilinguisme. Quand on parle, par exemple, de deux textes...

M. CLOUT1ER: C'est le mot fort. Je vous demande simplement de revoir votre avancé parce qu'il y a eu beaucoup de groupes qui sont arrivés ici, je pense en particulier à la FTQ cet après-midi, et le président de la FTQ, qui est un homme pondéré, demandait le retrait de la loi. Si j'avais eu le temps de lui parler, j'aurais dit: Ecoutez, réfléchissez bien; n'allez-vous pas priver pas mal de Canadiens français du meilleur instrument de francisation qu'on ait jamais offert au Québec? Oubliez pour l'instant vos...

M. MORIN: Vous n'avez pas convaincu le représentant de la FTQ cet après-midi.

M. CLOUTIER: ... opinions politiques préconçues et essayez de voir la loi telle qu'elle est, pas telle que vous la rattachez à des idées antérieures. Ce n'est peut-être pas ce que vous souhaitez mais ce n'est peut-être pas si mauvais au point d'en demander le retrait. Vous n'allez pas si loin que ça.

Il y a également M. Charbonneau, de la CEQ, qui a fait une excellente citation que j'ai bien l'intention de reprendre à l'occasion; c'est d'ailleurs tout à son honneur. Il a dit ceci: Une politique c'est une tendance qu'il faut corriger. C'est exactement cela parce que ce n'est pas instantanément qu'on obtient des résultats. On cherche à corriger des tendances.

Alors, je m'excuse, M. le Président, je suis allé assez loin dans le plaidoyer; j'essaie d'éviter ça le plus possible mais, devant une association d'administrateurs responsables qui touche à ce que nous avons de plus important au Québec, je crois que je me devais de leur demander au moins de revoir leur position.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: M. le Président, de façon à laisser suffisamment de temps à mes collègues pour poursuivre le dialogue avec nos invités, je voudrais simplement soulever un ou deux petits points qui m'intéressent particulièrement. A la page 12, vous évoquez le cas des institutions privées, le fait que la loi ne semble pas s'appliquer aux institutions privées. D'après vous, quelles seraient les solutions dans le cas des écoles privées? J'entends en matière de langue d'enseignement.

M. THERIAULT: Vous avez bien dit sur le plan de la langue d'enseignement, ce qui exclut tout autre possibilité; dans ce secteur, je pense que les principes que nous défendons pour le secteur public doivent être appliqués mutatis mutandis aux institutions privées, dans la mesure où on juge pertinent de continuer à les maintenir.

M. MORIN: Vous voulez dire que vous ne feriez donc aucune distinction, sur le plan de la langue d'enseignement, entre le secteur public et le secteur privé; ce seraient les mêmes règles?

M. THERIAULT: En principe, non. Toutefois, il y aurait peut-être lieu de rattacher à notre sixième recommandation votre intervention, cette recommandation préconisant l'institution d'un seul réseau d'enseignement au Québec.

M. MORIN: Voulez-vous dire par là que cet unique réseau d'enseignement serait public?

M. THERIAULT: Serait nécessairement public.

M. MORIN: En attendant l'avènement de ce secteur unique, de caractère public, vous préconiseriez donc l'application des mêmes solutions aux deux secteurs?

M. THERIAULT: Les mêmes solutions dans le cadre des observations que nous avons faites dans notre mémoire et non dans le cadre de la loi telle qu'elle est présentement déposée.

M. MORIN: Oui, bien sûr, bien sûr. Un deuxième point maintenant. Il s'agit d'une question qui a été longuement débattue à l'Assemblée et surtout ici en commission ainsi qu'à l'extérieur, selon laquelle les francophones soient tenus par la loi de fréquenter l'école française à compter de la date, comme vous le dites, de la proclamation de la loi. Lorsque de telles idées sont mises de l'avant, on nous dit souvent: Que faire des cas limites, des enfants qui sont de père français et de mère anglaise ou vice versa, de père anglais et de mère française? Que fait-on de ces cas-là? Est-ce que, comme administrateur scolaire, vous vous êtes déjà heurté à des problèmes de ce genre? Quelles solutions entrevoyez-vous? J'ai noté au début de votre mémoire — c'est la raison pour laquelle je pose la question — que vous vous occupez aussi bien de gestion pédagogique que de gestion administrative.

M. THERIAULT: II est bien évident, dans le contexte présent, que la délimitation ou la définition en termes clairs de ce qu'est un citoyen québécois anglophone par opposition à un citoyen québécois francophone est très difficile à établir.

Oeuvrant personnellement dans un milieu où j'ai à trancher ces questions, je vous avoue que ça impliquerait dans les faits la mise en place localement d'un système d'enquête qui devrait être assez bien instrumenté pour pouvoir le faire, de telle sorte que, pratiquement, si on retient la solution de se baser sur la consonnance du nom de famille, c'est évidemment trompeur et non significatif. D'autre part, il y aurait nécessité d'avoir, par quel mécanisme je ne sais trop, pour le moment, un instrument qui permettrait — genre recensement, possiblement — de définir, au moment de la promulgation de la loi, quels sont les citoyens du Québec qui sont de langue anglaise, quels sont les citoyens du Québec qui sont de langue française.

Je retiendrais cette suggestion dans l'optique de la proposition que nous faisons qu'à partir de la date de promulgation de la loi, le transfert de langue d'enseignement, pour ce qui est des francophones, ne se fait plus et qu'il peut se faire, pour ce qui est des anglophones qui voudraient intégrer le secteur français.

M. CHARRON: Seriez-vous d'accord —je vous le demande comme administrateur scolaire — si on employait la même définition que l'on emploie au moment des recensements fédéraux en ce qui concerne la langue maternelle, c'est-à-dire qu'elle est définie dans les recensements fédéraux comme étant la première langue apprise, quelle que soit l'acquisition, même si à un moment l'acquisition d'une seconde langue a effectivement remplacé la première? Je pense que quand on établit les statistiques fédérales et qu'on mentionne qu'il y a au Québec x personnes de langue française, on veut dire que ces personnes, c'est la première langue qu'ils ont apprise.

Est-ce qu'une définition de ce genre, si elle devait s'appliquer à l'établissement scolaire, amènerait dans votre tâche des complications particulières?

M. THERIAULT: Elle amènerait vraisemblablement au départ, en principe, une clarification; en pratique, ça m'apparaît un instrument qui de toute façon n'amène pas une réponse claire au problème proposé. Il me paraît nécessaire qu'on doive faire de la recherche pour avoir des éléments de référence qui puissent permettre de définir un tel statut d'une façon beaucoup plus claire et beaucoup plus officielle.

M. CHARRON: Lesquels, par exemple?

M. THERIAULT: Reste à voir. Je parlais tantôt au niveau de la recherche ou de l'investigation. Sans déboucher sur une connotation peut-être un peu policière, il faudrait quand même avoir des éléments, à savoir... C'est peut-être davantage l'interrelation d'un certain nombre de facteurs qui permettrait de mieux définir la provenance linguistique ou la définition systématique de la langue maternelle. Parce qu'au niveau d'un recensement tel que vous le mentionnez, dans le contexte actuel, où l'enseignement du français ou le fait de parler français au Québec n'est pas perçu comme économiquement rentable, il y a de forts risques, demain matin, que plusieurs personnes déclarent, pour sauvergarder leurs arrières, être de langue maternelle ou utiliser l'anglais comme langue commune à la maison. Il faudra aller dans le milieu pour le vérifier, à ce moment-là.

M. CHARRON: Maintenant, je ne sais pas si j'ai la parole, M. le Président, je me suis trouvé à...

M. THERIAULT: Oui, j'ai terminé, je la passe volontiers au député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Mais, soumis au règlement, M. le Président, je dois vous demander si j'ai votre autorisation.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Vous avez mon autorisation.

M. CHARRON: Je vous remercie, M. le Président. Je ne suis pas capable de respecter l'autorité sans susciter des commentaires.

M. CLOUTIER: Nous sommes en train de...

M. CHARRON: Je voudrais reprendre l'échange que vous aviez avec le ministre de l'Education. Le ministre a la malheureuse habitude d'abandonner ses échanges au moment où ils deviennent le plus intéressants.

M. CLOUTIER: Je pense aux autres.

M. CHARRON: Je vous remercie de penser à moi, mais je voudrais...

M. CLOUTIER: Je ne veux pas monopoliser la discussion.

M. CHARRON: J'ai remarqué, dans la discussion que vous aviez tout à l'heure avec le ministre de l'Education, que le ministre commence déjà à puiser les références qu'il faut dans les témoignages que nous avons entendus depuis sept jours et de savamment abandonner d'autres références qui ont été beaucoup moins utilisables, en tout cas, mais ça, c'est son jeu, personne ne le lui reprochera.

Je reviens sur cette affirmation que le ministre faisait à l'effet qu'une politique ou une loi est une tendance. Il s'est fait fort d'aller chercher des appuis chez un groupe qui a demandé le retrait du projet de loi 22, pour reprendre cette affirmation.

Justement, en admettant l'hypothèse du ministre de l'Education, considérez-vous que la tendance actuelle, inscrite dans le projet de loi

22, avec les nouveaux droits qu'acquiert la langue anglaise, est effectivement, comme l'ont dit plusieurs groupes, une tendance vers le bilinguisme?

M. VACHON: La loi 63, dans son préambule, comportait également une tendance à la promotion du français au Québec. Dans les faits, il est apparu que la tendance a été l'inverse de celle qu'on attendait. Nous craignons fort que la tendance indiquée dans le préambule du présent projet de loi n'aille dans le même sens. De la même façon que je l'exposais tantôt, si test il y a ou quelque moyen qu'on puisse utiliser pour déterminer ce qu'on appelle la connaissance suffisante, il nous paraît fort simple pour n'importe qui de contourner facilement ce qu'on appelle des embûches ou des contraintes ou des restrictions. Il nous paraît qu'au plan de la langue d'enseignement on va consacrer le statu quo. Dans ce sens-là, nous préférerions le simple retrait du projet de loi 22, parce qu'il est bien évident qu'on ne revient pas chaque année avec une nouvelle loi sur la situation linguistique, sur la langue. On préférerait que cette question-là soit plus longuement débattue et qu'on en fasse le tour plus longuement.

M. CHARRON: Mais, sur le chapitre premier de la loi, celui de l'administration publique, diriez-vous que les dispositions d'exception créant un nouveau statut à l'anglais qui accompagnent l'article 1 sont également une tendance vers la bilinguisation, comme certains groupes avant vous l'ont soutenu? La grande majorité des groupes l'a soutenu.

M. VACHON: Disons que moi, j'hésiterais, à ce moment-ci, à me commettre au plan des mots unilinguisme et bilinguisme. Je pense que c'est trop facile de jouer sur les mots. C'est trop facile de dire que ceci est du bilinguisme et que cela est de l'unilinguisme. De toute façon, on mêle le monde avec cela, c'est bien évident. Demandez à dix personnes sur la rue: C'est quoi, pour vous, l'unilinguisme? Dans un sondage, vous dites aux gens: C'est quoi? Etes-vous pour l'unilinguisme? Bien non, on a besoin de l'anglais. Bien sûr, on a besoin de l'anglais. La même distinction que celle que le ministre de l'Education faisait tantôt, les droits individuels ou l'unilinguisme d'Etat et le bilinguisme des individus.

Dans tout cela, autant au niveau de l'article que vous mentionnez ou des tendances que vous semblez voir dans l'article sur l'administration publique, il ne nous semble pas que ces articles-là renferment ou ramassent suffisamment les conditions essentielles à la prééminence du fait français au Québec. Dans ce sens-là, nous, on préférerait le simple retrait du projet de loi.

M. CHARRON: Bien, j'ai terminé.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Rouyn-Noranda. Il reste huit minutes à l'Opposition.

M. SAMSON: M. Vachon — je n'en prendrai pas huit — à l'article 3, on dit: Que la loi assure sans équivoque le caractère francophone de l'environnement linguistique québécois par des mesures coercitives. J'aimerais vous demander de nous expliciter davantage ce que vous entendez par mesures coercitives dans le cas présent. Si possible, donnez-nous quelques exemples de ce que seraient ou ce que devraient être, selon vous, ces mesures coercitives.

M. VACHON: Je pense que des juristes pourraient beaucoup plus facilement que nous dire ce qui fait peur aux gens ou ce qui empêche les gens de faire certaines choses ou ce qui incite les gens à faire certaines autres choses. On a parlé d'amende, on a parlé d'un paquet de choses; par contre, prenons la législation actuelle sur le phénomène de l'environnement, la pollution. Toutes les semaines, on lit dans les journaux que des compagnies contreviennent aux lois sur la pollution. Il y a des amendes qui paraissent souvent symboliques et qui font que la situation ne change pas.

Là-dessus, nous, nous n'avons rien envisagé. Moi, je ne peux pas vous dire: Ce serait tant d'amende, ce serait telle chose, les mesures. Il nous paraît qu'une loi qui ne prévoit pas des sanctions, on y contrevient facilement et la situation peut demeurer facilement inchangée.

M. SAMSON: Si le projet de loi était retiré pour être ramené un peu plus tard avec une nouvelle formulation, cela donnerait peut-être à votre groupe ou à d'autres le temps qu'il faut pour penser à des formules à suggérer pour répondre aux objectifs que vous visez à l'article 3 de votre recommandation, si je comprends bien?

M. VACHON: A nous, comme groupe, cela nous le permettrait sûrement.

M. SAMSON: Merci.

M. THERIAULT: II est important de mentionner, si vous me permettez, que l'importance qu'un gouvernement accorde à une loi doit être directement proportionnelle aux sanctions qu'il prévoit pour la même loi.

M. CLOUTIER: Répétez donc ça là.

M. THERIAULT: L'importance qu'un gouvernement accorde à une loi...

M. CLOUTIER: ... doit être...

M. THERIAULT: ... directement proportionnelle aux sanctions qu'il met en place pour assurer le respect de cette même loi.

M. CLOUTIER: II y a des juristes ici, je ne sais pas s'ils voudront faire des commentaires.

M. LALONDE: ... des moyens qui sont pratiques pour appliquer un instrument comme une loi. La loi est une institution. Alors il n'est pas pratique d'utiliser la coercition; à ce moment-là, je ne pense pas qu'il soit très responsable de suggérer dans un mémoire d'employer des méthodes coercitives, sans avoir étudié l'aspect pratique, parce que la coercition implique nécessairement des sanctions et les sanctions, tout un mécanisme d'inspection.

Vous allez mettre un policier dans chaque usine, à chaque étage. Je veux dire que l'importance que l'on accorde à une loi est en proportion des sanctions que l'on y prévoit. Si vous pensez à la coercition à ce moment, c'est tout à fait...

M. THERIAULT: Ce que je veux signifier, d'une part, c'est qu'il est bien évident qu'il n'appartient pas à un organisme qui présente un mémoire de définir des sanctions, au départ. Bon, cela me parait indiscutable. Il appartient au législateur toutefois d'aller jusque-là. Et ce que je voulais signifier, c'est que si un projet de loi revêt aux yeux du législateur une certaine importance, il a le devoir de mettre en place les mécanismes pertinents pour en assurer le respect. A titre d'exemple, vous vous en allez chez vous ce soir en voiture et si le fait, à minuit trente, de brûler un feu rouge ne vous coûte qu'une légère semonce de la part des autorités, bien, il est normal qu'à tous les soirs vous allez brûler les feux rouges.

Lorsque l'on parle de sanctions, je pense qu'il faut nuancer, mais il faut s'assurer que les mécanismes sont sérieux, aussi sérieux que la loi veut l'être.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Huntingdon m'a demandé la parole, aussi que le député de Laporte et le député de Laurentides-Labelle. Le député de Huntingdon.

M. FRASER: Merci, M. le Président. J'ai deux questions à vous poser. La première: Est-ce que vous considérez que, pour mentionner deux ou trois personnes, M. Jacques-Yvan Morin, M. Claude Charron, M. René Lévesque ou M. Robert Gordon Burns sont moins français parce qu'ils sont bilingues?

M. VACHON: Moins français parce qu'ils sont bilingues?

M. FRASER: Oui, Moins français parce qu'ils sont bilingues. Ils sont parfaitement bilingues, ces gens-là. Est-ce que vous pensez qu'ils sont moins cultivés ou moins français parce qu'ils sont bilingues?

M. VACHON: Au niveau des individus? M. FRASER: Oui.

M. VACHON: Non, non! Je suis d'accord avec vous, ils ne sont sûrement pas moins français.

M. FRASER: Donc, votre argumentation contre le bilinguisme ne tient pas debout. Dans votre troisième recommandation et dans votre cinquième recommandation, comme vous êtes en faveur d'une école unique française et de mesures coercitives, est-ce que vous seriez en faveur d'une loi pour prohiber aux Canadiens français de fréquenter les écoles anglaises ou les universités anglaises, premièrement, au Canada, deuxièmement, aux Etats-Unis et, troisièmement, outre-mer?

M. VACHON: Non, moi, je pense que...

M. FRASER: Je crois que votre argumentation va plus loin que vous n'êtes allé, un peu, peut-être.

M. VACHON: Oui, d'accord. Ecoutez, je peux vous affirmer un point de vue personnel. Je pense bien qu'il n'y a aucun Etat au monde... En fait ce qu'on réclame, ce n'est pas que le Québec soit différent ou ait une législation extraordinairement différente des autres collectivités qui nous entourent.

M. FRASER: Mais pour renverser votre argument comme cela, vous n'êtes pas en faveur de leur prohiber de faire cela. Pourquoi êtes-vous en faveur de leur prohiber d'être libres de fréquenter l'école de leur choix?

M. VACHON: Oui, en fait, je pense que n'importe quel Américain peut s'inscrire dans une université japonaise et vice versa. Je pense que c'est normal, c'est dans l'ordre des choses.

Maintenant, au niveau de ce qu'on appelle les conditions essentielles de réalisation, de ce qu'on appelle la promotion ou la prééminence du fait français au Québec, il nous paraît que, comme n'importe quelle autre collectivité, le Québec doit se comporter, doit avoir une loi qui fasse en sorte que les francophones ou la majorité s'inscrit à l'école de la majorité ou à l'école de la langue officielle.

M. FRASER: Vous dites, à la recommandation no 5, "que les francophones soient tenus par la loi de fréquenter l'école française à compter de la date de la proclamation de la loi". Dans la même teneur, vous forcez les français à aller à l'école française. Il n'y a pas de choix. Dans la même teneur, vous pouvez les forcer à rester au Québec et à ne pas aller à des écoles étrangères.

M. VACHON: Je pense que je viens de répondre à cela. Je pense que c'est tout à fait normal.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de Laporte.

M. DEOM: M. le Président, je ne voudrais pas poursuivre trop longtemps sur cette question de loi, mais il semble bien, d'après vos réponses, que vous ne faites pas la distinction entre une loi qui règle des rapports entre des collectivités et une loi qui régit les comportements individuels. Je voulais juste faire ce commentaire. Pour moi — et le ministre d'Etat à l'exécutif l'a souligné d'une façon très précise — ce sont deux types de lois complètement différents et on ne peut pas appliquer des sanctions.. Je pense que vous êtes d'accord sur cela.

Je voudrais vous remercier d'avoir établi votre représentativité, mais j'ai une question là-dessus. Vous nous avez dit que les conclusions de votre mémoire avaient été discutées et résolues au colloque du 1er juin où il y avait 700 cadres. Est-ce exact?

MME GAGNON: J'ai précisé qu'il y avait eu une résolution de principe général du rejet du projet de loi, dans sa teneur actuelle, à l'occasion du colloque où il y avait 700 personnes.

Il n'y avait cependant pas 700 personnes au moment de la prise de décision, mais il y a eu 700 personnes qui, à l'occasion, ont pu donner des avis. Dans un mécanisme que nous avons établi à l'intérieur du colloque, il y avait M. Vachon, qui était responsable de recevoir les réflexions des cadres relativement à cela et il y a eu l'adoption d'un principe de base. Les recommandations qui sont là ont fait l'objet d'une adoption du conseil général de notre association seulement, puisque notre colloque s'est tenu les 30, 31 mai, 1er et 2 juin et que c'est le 8 juin que nous les avons adoptées.

M. DEOM: Oui, je comprends très bien. Alors, cette résolution qui rejette le bill 22 a été adoptée à quelle majorité?

MME GAGNON: A l'unanimité, avec trois abstentions.

M. DEOM: Combien de personnes aviez-vous à ce moment-là?

M. VACHON: Nous ne les avons pas comptées.

MME GAGNON: Je ne saurais pas vous préciser.

M. THERIAULT: En octobre 1972, l'association, après une consultation provinciale de tous les membres, avait recommandé de la même façon, majoritairement, le rejet de la loi 63. Alors, on peut présumer avec certitude que la même attitude aurait été adoptée en ce qui a trait à la loi 22, qui ne fait pas de différence fondamentale entre les deux.

M. DEOM: Je pourrais peut-être faire un long commentaire là-dessus, mais je vais laisser faire, M. le Président. Vous avez beaucoup insisté sur l'objectif de votre association qui est de fournir un meilleur enseignement. Est-ce que, dans votre esprit, il y aurait un sous-objectif qui comprendrait aussi un meilleur enseignement de la langue seconde?

MME GAGNON: Un meilleur enseignement de la langue seconde? Oui.

M. DEOM: De la langue anglaise.

M. THERIAULT: Cela va de soi, dans la mesure où nous aurons l'instrumentation requise pour assurer cet enseignement de qualité et à ce moment-là nous sommes dépendants des moyens mis à notre disposition pour ce faire.

M. VEILLEUX: Si le député de Laporte me le permet, je voudrais continuer là-dessus. Croyez-vous que si l'enseignement de la langue seconde avait été meilleur qu'il ne l'a été jusqu'à présent, que même avec la loi 63, vous auriez eu un aussi grand nombre de francophones qui auraient désiré passer dans le secteur anglophone, ou si c'aurait pu diminuer les effets négatifs de la loi 63?

M. VACHON: Bien, honnêtement, je pense que dans certains cas cela aurait joué, si je m'en rapporte à certains témoignages. Par contre, ça me parait assez marginal parce qu'il semble bien que, dans la majorité des témoignages de personnes qui veulent faire un transfert de langue comme ça ou d'école, l'argumentation qui vient tout de suite c'est: Cela nous prend l'anglais, un milieu anglais, il faut que nos enfants fréquentent une école dans un milieu anglophone, et tout cela relié, bien sûr, comme on l'expliquait tantôt, aux contingences au niveau de la langue de travail.

M. VEILLEUX: Oui, mais ça revient un peu. Cela aurait pu diminuer un peu, peut-être pas l'enlever complètement, c'est sûr, parce qu'il y a des gens nécessairement qui doivent dire que ça prend le milieu ambiant anglophone pour pouvoir bien l'apprendre. Le ministère de l'Education l'a fait dernièrement avec son plan des langues, mais, avant, si on avait cherché au ministère de l'Education à améliorer ou à donner un enseignement en anglais plus pratique que celui qui a été donné jusqu'à ce jour, vous avez l'impression que cela aurait pu diminuer quelque peu les effets négatifs de la loi 63. Si j'ai bien compris, c'est ça?

MME GAGNON: Oui, mais il y a...

LE PRESIDENT (M. Pilote): Je m'excuse de vous interrompre. Il reste à peine deux minutes; des questions rapides et des réponses rapides également.

M. VEILLEUX: C'est terminé.

MME GAGNON: Bien...

M. DEOM: A la page 8, vous dites...

LE PRESIDENT (M. Pilote): Un instant. Voulez-vous répondre à la question 'du député de Saint-Jean?

MME GAGNON: Oui, je voudrais dire qu'il a été toujours mentionné que c'est beaucoup plus dans le contexte de langue de travail. Tant qu'on n'aura pas assuré un contexte de langue de travail exclusivement francophone, qu'on donne un enseignement de langue anglaise comme langue seconde de la meilleure qualité du monde, avec les meilleurs laboratoires de langues, ainsi de suite, ça n'incitera pas, ça n'aura pas l'effet de maintenir dans la culture française et dans le réseau français l'ensemble des Québécois, parce que leur premier besoin dans leur chaîne de besoins, c'est d'abord le besoin d'avoir les ressources nécessaires pour vivre dans le Québec. Or, ces ressources, dans le contexte où nous vivons actuellement, sont de trop grande façon anglophones ou le besoin de l'anglais est trop souvent identifié.

M. VEILLEUX: Je vous remercie.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de Laporte.

M. DEOM: Alors, à la page 9 vous dites: "Rien n'assure aux travailleurs des entreprises parapubliques, dans ce texte soumis à l'Assemblée nationale, que la langue de communication entre eux et les cadres sera celle de la langue officielle". Alors, moi, je vous réfère à l'article 18: "Les entreprises d'utilité publique et les corps professionnels doivent faire en sorte que leurs services soient offerts au public dans la langue officielle".

Je ne sais pas si je ne comprends pas le français ou s'il y a quelqu'un qui l'interprète mal, mais, pour moi, ça veut dire que les services doivent être offerts dans la langue officielle qui, en vertu de l'article 1, est le français.

M. THERIAULT: Je pense qu'il faut se reporter à ce que le ministre disait au départ. Il faut voir les autres articles qui indiquent le contraire.

M. DEOM: Non, non. Ecoutez, on étudie un texte de loi, l'article 18 est très strict.

M. THERIAULT: Vous avez l'article 21 dans le même sens qui vous dit que les corps professionnels ne peuvent délivrer de permis en vertu du code des professions à moins que les intéressés n'aient de la langue une connaissance appropriée; alors il y a le même problème qui se produisait tantôt. Cette connaissance doit être prouvée suivant les normes fixées par les règlements adoptés à cet égard par le lieutenant-gouverneur en conseil. Alors, en principe, il y a une sauvegarde; en pratique la formulation nous permet d'en douter.

M. DEOM: Je ne dis pas comment, parce qu'en vertu des règles d'interprétation des lois il y a un principe fondamental qui est établi à l'article 18, qui est très clair. En tout cas j'en ai juste une dernière à vous poser, parce que ça m'a frappé cet après-midi, le secrétaire général de la FTQ ne l'a pas mentionné. A la page 10, vous dites: "Le projet de loi prévoit la publication de documents relatifs aux contrats de travail dans les deux langues selon l'article 26, rendant encore une fois force aux deux langues". Alors si je reprends l'article 26, on dit, au dernier paragraphe: "Toutefois, les conventions collectives ne peuvent être déposées en vertu de l'article 60 du code du travail que si elles sont accompagnées d'une version française". Alors est-ce que vous savez ce que l'article 60, le dépôt d'une convention collective, veut dire en vertu du code du travail?

MLLE GAGNON: Oui, mais cependant, si au cours d'une même assemblée...

M. DEOM: Je le relève, parce que le secrétaire général de la FTQ, cet après-midi, n'a pas du tout mentionné ça, alors que c'est un expert là-dedans. Le dépôt, en vertu du code du travail, est absolument obligatoire pour donner à la convention collective un caractère juridique.

M. MORIN: M. le Président, il ne faudrait pas que le député de Laporte induise nos invités en erreur toutefois. La version officielle de la convention en question demeure la version anglaise, demeure l'original anglais.

M. DEOM: Comment la version officielle? M. CARPENTIER: Qu'est-ce que c'est ça?

M. MORIN: Vous ne savez pas de quoi nous parlons, monsieur le député de quel endroit? Le député de Laviolette ne sait pas de quoi nous parlons. M. le député de Laporte, je ne voudrais pas que vous induisiez...

M. DEOM: Je ne veux pas engager de débat avec vous, mais...

M. CARPENTIER: Vous pouvez l'engager à n'importe quel temps.

M. MORIN: Dans ce cas-là, l'article 26...

M. CARPENTIER: A n'importe quel temps.

LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre, à l'ordre, messieurs!

M. CARPENTIER: Soyez donc réalistes.

M. MORIN: Les conventions collectives rédigées en anglais...

LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre, messieurs !

M. MORIN: ... la version authentique est la version anglaise, l'original anglais.

M. DEOM: II le faut, forcément, parce qu'il faudrait interpréter toute cette loi-là...

M. MORIN: Bien oui, oui!

M. DEOM: ... et que quelqu'un y travaille.

M. MORIN: II y a d'autres articles du bill où la même règle s'appliquerait comme, par exemple, les jugements qui ont été traduits, la version originale en anglais prévaudrait sur la version française.

M. DEOM: En vertu de quoi?

M. MORIN: Ecoutez, regardez le projet de loi comme il le faut.

M. DEOM: En vertu de quoi? M. le Président, je pense que je vais terminer.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Je remercie Mlle Gagnon, M. Vachon et M. Thériault de la présentation de leur mémoire et soyez assurés que la commission va en prendre bonne note.

Avant d'ajourner, je voudrais mentionner les organismes qui seront convoqués pour demain: The Montréal Board of Trade.

M. MORIN: M. le Président, juste avant que vous procédiez à l'énumération des comparaissants prévus pour demain, j'aurais une observation à faire sur la marche de nos travaux. Nous en sommes au 25e mémoire, ce soir, et je dois constater que, jusqu'ici, seulement deux mémoires ont appuyé le projet de loi et, encore, avec des réserves. Tous les autres s'opposent au projet de loi. Je crois qu'il faut le noter en passant.

M. CLOUTIER: M. le Président, ce n'est pas le moment parce que je pourrais noter pas mal de choses aussi, là. Nous sommes dans l'illégalité, il est onze heures cinq et je propose que l'on ajourne. J'expliquerai, moi aussi, l'interprétation qu'on doit donner de cette commission parlementaire en temps et lieu.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Les organismes convoqués pour demain sont les suivants: The Montréal Board of Trade, The Provincial Association of Protestant Teachers of Québec, la Fédération des jeunes chambres du Canada français, la Commission scolaire Chomedey de Laval, Québec Association of School Administrators, la Commission scolaire de Lakeshore et le Congrès canadien polonais.

La commission ajourne ses travaux à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 21 h 7)

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