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Commission permanente de l'éducation,
des affaires culturelles et des communications
Etude du projet de loi 22
Loi sur la langue officielle
Séance du jeudi 13 juin 1974
(Dix heures huit minutes)
M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs !
Je voudrais d'abord faire part des changements dont on m'a
informé. Comme membres de la commission, M. Kennedy (Châteauguay)
remplace M. Bérard (Saint-Maurice); M. Tardif (Anjou) remplace M.
L'Allier (Deux-Montagnes); M. Ciaccia (Mont-Royal) remplace M. Parent
(Prévost); M. Beauregard (Gouin) remplace M. Phaneuf
(Vaudreuil-Soulanges).
Ordre du jour et procédure
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Egalement, avant de continuer à
entendre l'organisme qui était avec nous hier soir, je voudrais vous
faire part des organismes que nous rencontrerons aujourd'hui, en mentionnant
tout d'abord que quatre organismes n'avaient pas reçu l'avis de 48
heures requis et n'ont pas renoncé à leur avis de
convocation.
Dans ce cas, nous avons préféré, en
conformité avec nos règles de pratique de convoquer à
nouveau ces organismes. Donc, il y a quatre organismes qui apparaissent sur
votre ordre du jour et qui ne viendront pas aujourd'hui, à savoir: Le
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, le Comité
Canada, l'Association des directeurs généraux des commissions
scolaires protestantes et l'Association des démographes du
Québec.
Ces organismes viendront à compter de demain ou à une
autre date, justement à cause de l'avis de 48 heures auquel ils n'ont
pas renoncé.
M. CHARRON: M. le Président, c'est quoi exactement?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le Congrès canadien polonais, le
Conseil des hommes d'affaires québécois Inc. et le Regroupement
étudiant Québec français.
M. CHARRON: Etudiant.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le Regroupement étudiant
Québec français.
Pour le bénéfice des membres de la commission, nous allons
vous distribuer, dans quelques minutes, l'ordre du jour de demain
également pour vous mieux préparer pour les organismes.
Je rappelle aux membres de la commission que c'est l'avis de 48 heures
qui n'avait pas été respecté dans ces cas, et les
organismes n'ont pas voulu renoncer à l'avis de convocation.
Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: Pendant qu'on est à discuter de ces choses, la
règle adoptée par la motion présentée par le leader
du gouvernement, l'autre jour, qui prolongeait d'une semaine le délai
pour le dépôt des mémoires et qui, en même temps,
réduisait à 48 heures l'avis, ça veut dire quoi
exactement?
Si nous convoquons, par exemple, les groupes pour 10 heures ce matin,
jeudi, cela veut dire que les groupes devraient avoir reçu le
télégramme avant 10 heures mardi matin, et non pas qu'il soit
parti d'ici, qu'il ait été reçu 48 heures avant l'heure de
la convocation.
M. CLOUTIER: Voici ce qui s'est passé, M. le Président.
C'est que, normalement, le délai est de sept jours. Etant donné
les circonstances, le leader a présenté une motion pour le
raccourcir à 48 heures. Cette motion a été acceptée
à l'Assemblée nationale entre 3 heures et 4 heures mardi. Nos
convocations sont parties mardi à 4 heures. Nous sommes exactement
à six heures près dans les limites. Or, pour ne pas être
trop rigide, étant donné que c'est une période de
transition, nous avons pensé que nous pourrions reconvoquer ces
organismes à moins que l'Opposition préfère qu'on applique
le règlement strictement.
M. CHARRON: Absolument pas!
M. LEGER: Sur ce point, il ne faut pas être intraitable.
M. CHARRON: Vous dites que vous êtes... M. CLOUTIER: Sur le plan
des principes.
M. CHARRON: ... à six heures près, mais quand même,
je pense que la période de 48 heures devrait être entendue...
Comme le groupe ayant reçu la convocation 48 heures avant l'heure
où il doit se présenter... Ce qui veut dire que... Non. Je
demande une interprétation souple de la motion, c'est-à-dire que
la responsabilité porte au cabinet du ministre de l'Education pour que
lui, fasse partir son télégramme, je dirais, 72 heures avant,
pour que le groupe l'ait 48 heures avant. Qu'est-ce que cela voulait dire?
Même avec les six heures de retard, déjà, il n'en restait
plus que 42 au moment où le télégramme est parti. Mais
avant que le groupe le reçoive, cela veut dire mercredi matin. Cela
voulait dire hier matin.
M. HARDY: Je ne suis pas d'accord sur le principe que c'est l'heure de
réception. Parce
qu'à ce moment les gens peuvent toujours dire: On n'a pas de
contrôle.
M. CHARRON: Rangeons-nous du côté...
M. HARDY: Mais que le télégramme parte d'ici plus
tôt.
M. CLOUTIER: D'abord, je voudrais préciser, M. le
Président, que ce n'est pas le cabinet du ministre de l'Education qui
convoque, c'est le secrétariat des commissions. Il est très
important de le savoir, parce que les commissions constituent un organisme de
l'Assemblée nationale.
M. CHARRON: II fixe l'ordre de...
M. CLOUTIER: Deuxièmement, je suis entièrement d'accord
pour qu'on envoie les télégrammes avant 48 heures, et, en fait,
c'est ce que l'on fait maintenant. Les télégrammes sont partis
pour pratiquement une partie de la semaine prochaine.
M. CHARRON: Très bien.
M. MORIN: M. le Président, j'aurais deux questions à
poser. La première porte sur l'heure d'envoi ou de réception du
télégramme. Le ministre des Affaires culturelles n'ignore pas
que, lorsqu'un télégramme est remis à destination, l'heure
de remise est notée. Il y a donc un moyen de contrôler quand un
organisme ou une personne a reçu l'avis. Je crois que c'est l'esprit de
la loi de donner deux jours francs. Autrement, une personne pourrait
très bien ne pas avoir le temps de se préparer convenablement
à comparaître.
D'autre part, puisque la liste est déjà
préparée pour les jours qui viennent, est-ce qu'il serait
possible à l'Opposition d'avoir une copie des personnes appelées
à comparaître pour les prochains six ou sept jours?
M. CLOUTIER: Peut-être pas pour les prochains six ou sept jours
parce que la liste n'est pas faite pour une période aussi longue, mais
le président a demandé tout à l'heure au
secrétariat des commissions de lui apporter les horaires pour les deux
ou trois jours disponibles.
M. MORIN: Une dernière question. Lorsqu'une association se trouve
dans l'impossibilité de comparaître parce que, pour diverses
raisons, ses membres doivent se trouver en d'autres lieux, est-ce que cette
association perd son droit de comparution ou tombe-t-elle tout simplement au
pied de la liste?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vais en profiter pour relire avec vous
l'article 6 de nos règles de pratique qui mentionne: "Si lors de
l'appel, celles-ci..." en parlant d'un organisme "ne se sont pas
présentées ou ne sont pas prêtes à procéder,
elles perdent leur droit de se faire entendre, à moins que la commission
n'en décide autrement".
M. MORIN: C'était le sens de ma question. Est-ce que la
commission décidera de chaque cas particulier ou bien ne pouvons-nous
pas adopter une position de principe là-dessus et convenir, surtout
à cette époque-ci de l'année, alors que les organismes ont
souvent de la difficulté à se réunir, qu'un organisme qui
ne pourrait se présenter à la date annoncée pourrait
tomber au pied de la liste tout simplement, dans l'intérêt d'une
exploration complète du problème linguistique?
M. CLOUTIER: II semble bien que le chef de l'Opposition cherche à
gagner du temps. Enfin, je ne veux pas faire de commentaires
là-dessus.
M. HARDY: Manoeuvre dilatoire. M. MORIN: Non. Pas du tout.
M. CLOUTIER: Mais ce que je veux préciser, c'est qu'il
m'apparaît impossible d'adopter une règle générale
dans un domaine comme celui-ci. Sinon, nous risquons de nous trouver en
présence d'un véritable blocage d'un processus
démocratique qui est la commission parlementaire.
En revanche, je pense parfaitement logique d'étudier chaque cas
au mérite.
M. MORIN: Est-ce que le ministre pourrait, du moins, nous donner
l'assurance morale, puisqu'il ne peut pas nous donner l'assurance juridique,
que tous les organismes seront entendus en principe?
M. HARDY: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Si vous permettez, je voudrais vous donner
un exemple que je reçois à l'instant, quitte à donner
à nouveau la parole au ministre des Affaires culturelles. Nous venons de
recevoir un appel il y a quelques minutes de M. Michel Bouchard,
président du Regroupement étudiant Québec français
de Bagotville, nous confirmant sa non-présence à la commission
parlementaire de ce matin. M. Bouchard ne semble pas tenir
particulièrement à être reconvoqué plus tard. Un
dépôt de mémoire semblerait suffisant. Ce qui fait que,
pour aujourd'hui, de trois, nous sommes à deux maintenant.
M. HARDY: M. le Président, je pense que la suggestion du
député de Sauvé n'est pas très logique; elle
s'inspire de je ne sais pas trop quel motif. A première vue, elle
s'inspire du motif de faire, entendre tout le monde...
M. MORIN : On ne peut rien vous cacher !
M. HARDY: ... ce qui est très bien. Oui, c'est le motif apparent,
mais le député...
M. MORIN: Est-ce que vous me prêtez des intentions?
M. CHARRON: Contrairement aux règlements.
M. HARDY: C'est-à-dire que le juriste qui habite le
député de Sauvé me rend méfiant, parce que...
M. MORIN: Si vous vous méfiez de tous les juristes, vous n'avez
pas fini !
M: HARDY: M. le Président, je n'ai pas dit tous les juristes,
j'ai dit le juriste qui habite le député de Sauvé. C'est
bien circonscrit.
M. MORIN: Le juriste qui habite le ministre est au-dessus de tout
soupçon.
M. HARDY: Peut-être parce qu'il n'a pas eu la malchance de suivre
vos cours.
M. MORIN: Je crois qu'il fait de la projection, ce juriste qui habite le
ministre des Affaires culturelles.
M. HARDY: M. le Président, trêve de plaisanteries.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais savoir...
M. HARDY: Ces notaires!
M. CLOUTIER: II est le meilleur président.
M. LEGER: Quand deux juristes s'affrontent, le simple citoyen est
méfiant.
M. CLOUTIER: Non, mais c'est un notaire qui vient de parler.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Sur une question de règlement,
très brièvement, s'il vous plaît, nous sommes ici pour
écouter.
M. HARDY: Tel que l'a dit tantôt le ministre de l'Education, je
pense qu'adopter la proposition du député de Sauvé serait
totalement contradictoire avec la bonne marche d'une commission parlementaire.
Ce serait tout simplement dire d'avance aux gens: Vous savez, venez ou ne venez
pas, vous êtes sûrs d'être entendus à un moment
donné. Je pense que le principe que nous devons adopter, c'est que si
les gens ne se présentent pas au moment où ils ont
été convoqués, ils ne seront pas entendus, sauf s'il y a
des dispositions particulières, si ces gens peuvent nous
démontrer que ce n'est pas par mauvaise volonté, qu'il y a
vraiment des circonstances, qui ne sont pas de leur volonté, qui ont
fait qu'ils ne se sont pas présentés. La règle
générale, ce devrait être que si les groupes ne se
présentent pas au moment où ils sont convoqués, on ne les
entend pas, sous réserve d'examiner les raisons qu'ils pourraient
invoquer pour justifier une nouvelle convocation.
M. MORIN: M. le Président, je ne faisais que demander au ministre
une assurance morale. Je n'insiste pas pour que nous ayons une décision
juridique. Je voudrais simplement m'assurer que tout le monde aura la chance
d'être entendu.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): II y a tout de même l'article 6.
M. LEGER: Sur un point de règlement, je vais être bref,
mais je ne peux pas laisser passer, parce que cela va être inscrit au
journal des Débats, ce que le ministre des Affaires culturelles a dit.
Je pense que si un groupe qui était inscrit ne peut pas venir, il ne
faut pas prendre pour règle de dire que, parce qu'il est absent, on
refusera de l'entendre à moins que... Je pense que ce n'est pas la
solution. On va l'inviter à nouveau, à moins que...
M. HARDY: M. le Président, on va respecter le
règlement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vais relire avec vous l'article 6 au
complet cette fois: A l'ouverture de la séance, donc c'est
à l'ouverture de chaque séance le président donne
lecture de l'ordre du jour comme je l'ai fait tout à l'heure
il appelle à tour de rôle les personnes convoquées.
Si, lors de l'appel celles-ci ne se sont pas présentées, ou ne
sont pas prêtes à procéder, elles perdent leur droit de se
faire entendre...
M. HARDY: C'est cela.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... à moins que la commission n'en
décide autrement. Donc, je pense que, à l'ouverture de chaque
séance, la proposition de l'honorable député de Lafontaine
peut revenir, chaque fois que quelqu'un ou un organisme ne répondra pas
à l'appel.
M. LEGER: C'est dans le règlement?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Dans les règles de pratique. Ce qui
veut dire que vous pouvez soulever chaque fois le cas à la commission
qui doit décider pour telle personne ou tel organisme en temps et lieu;
vous avez ce privilège de le faire toutes les fois. L'honorable
député de Beauce-Sud m'avait demandé la parole.
M. ROY: Etant donné le nombre de mémoires que nous avons,
il y a une question de règlement, mais il n'y a pas de juriste qui
habite
en moi. Je tiens tout de suite à rassurer... Cela paraît et
je tiens à vous dire que je n'ai pas de complexe là-dessus.
M. HARDY: Bien sûr et vous n'avez pas de raison d'en avoir.
M. ROY: Bon parfait. Mais je pense qu'il y a une question de grosse
logique là-dedans. S'il faut commencer tous les matins par faire un
débat de procédure qui pourrait prendre dix, quinze ou vingt
minutes, je pense qu'il y a quand même un voeu que la commission pourrait
émettre à ce moment-ci, c'est que tous ceux et celles, compte
tenu du fait que la commission siège en dehors des règlements
nous avons été obligés de donner un consentement
unanime à l'Assemblée nationale pour que les délais soient
raccourcis, ce sont des choses que nous avons été obligés
de faire...
M. CLOUTIER: Ce n'est pas en dehors des règlements.
M. ROY: Non. Ce n'est pas en dehors des règlements, mais ce sont
des choses qu'il nous a fallu faire pour permettre à la commission de
siéger au plus tôt et permettre aux gens de présenter leur
mémoire et de venir se faire entendre devant la commission. Pour
éviter de reprendre les débats ce matin... Est-ce que le juriste
qui habite le député de Terrebonne pourrait me laisser le soin de
terminer mon intervention?
M. HARDY: Je ne parle pas, je consulte mon...
M. MORIN: M. le Président...
M. ROY: M. le Président, je n'avais pas terminé. Je
voulais dire tout simplement ceci. On pourrait reporter ces gens-là au
bas de la liste et, lorsque ce sera le temps, on pourra faire une discussion et
on pourra déterminer en analysant tous les cas... Ce que je veux
éviter, c'est un débat tous les matins. C'est cela que je veux
éviter, c'est la raison pour laquelle je demande qu'on prenne une mesure
d'ensemble et qu'on attende vers la fin pour régler la question, mais
pour tout le monde.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable chef de l'Opposition
officielle.
M. MORIN: M. le Président, puisque c'est le moment, à
l'ouverture de la séance, est-ce que je pourrais proposer que les
organismes qui avaient été convoqués aujourd'hui et qui
n'ont pu se présenter, soient de nouveau convoqués en temps
opportun, s'ils ont la volonté de comparaître?
M. CHARRON: J'ajoute, puisque dans le cas précis, le délai
de 48 heures n'avait même pas été respecté
par...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Dans ce cas, ce matin, j'avais
donné les explications voulues, il y a eu un défaut technique. Je
ne pense pas qu'il y ait besoin d'une motion parce que, si je prends un
exemple, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec vient
demain matin, immédiatement, il a été reconvoqué
parce qu'il y avait eu un défaut technique. Ce n'est pas un refus de se
présenter, dans ce cas précis de ce matin. Je pense que la
proposition de l'honorable chef de l'Opposition officielle pourrait venir en un
autre temps lorsqu'il y a vraiment quelqu'un qui ne se présente pas.
M. MORIN: Dans ce cas, nous pouvons procéder.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais donner l'ordre du jour pour le
bénéfice des membres de la commission. L'honorable
député de Saint-Jacques, en premier, Beauce-Sud, Anjou,
Saint-Jean, Pointe-Claire, Papineau et Sauvé.
L'honorable député de Saint-Jacques.
Association québécoise des professeurs
de français (suite)
M. CHARRON: M. le Président, peut-être pouvons-nous
reconvoquer à la table les porte-parole de l'Association
québécoise des professeurs de français.
M. le Président, j'avais entamé hier soir, avec les
porte-parole de l'association, un survol de l'exercice de leur profession et
des difficultés qu'ils rencontrent dans l'exercice de cette profession
de même que la difficulté que tout le monde reconnaît et qui
se retrouve dans le résultat de leur enseignement, lorsqu'on
vérifie la qualité du parler et de l'écrit français
au niveau du système collégial. J'ai l'intention, comme je vous
l'ai signalé hier soir, de continuer quelques brèves questions
là-dessus afin de permettre ensuite au député de
Saint-Jean d'intervenir je crois qu'il avait manifesté
l'intention de poser des questions sur ce chapitre en particulier avant
de revenir sur le mémoire à proprement parler.
Hier, vous nous avez parlé des conditions dans lesquelles vous
donniez cet enseignement du français, vous avez parlé du rapport
maître-élèves comme étant une des causes de
difficultés de l'enseignement.
Je veux vous demander si, à votre avis, le nombre d'heures
enseignées au niveau secondaire, de secondaire I à secondaire V,
par rapport à l'enseignement de la langue seconde, comme, d'une
façon absolue, sans aucune comparaison, vous apparaît suffisant
dans le cadre actuel des règlements qui régissent
l'enseignement?
M. DORION: M. Boivin va vous répondre. M. BOIVIN: Si on faisait
le tour d'horizon,
vous vous souvenez, M. Charron, qu'anciennement, lorsqu'on enseignait le
français à l'élémentaire, il y avait beaucoup plus
d'heures qui étaient allouées à l'enseignement du
français, puisque la question d'éducation physique, des arts
rythmiques, des arts plastiques, ne se posait même pas, de sorte que les
élèves de l'élémentaire avaient peut-être
dix, douze ou treize heures de français, ce qui n'est plus le cas
maintenant. Déjà, ce n'est pas suffisant d'enseigner quelques
heures de français à l'élémentaire. C'est normal
que cette situation se manifeste au secondaire, où il reste cinq heures
d'enseignement de français par semaine. La même chose pour
l'enseignement de l'anglais.
Dans les cinq heures d'enseignement de français, il faut
enseigner de la grammaire, de la littérature, de l'explication de textes
et tout ce que vous voudrez. Alors, cinq heures, c'est très peu.
M. CHARRON: Les cinq heures dont vous parlez, à quel niveau
est-ce actuellement?
M. BOIVIN: Cinq heures, secondaire, I à V. M. CHARRON: Cinq
heures...
M. BOIVIN: C'est cinq heures/semaine. On arrive avec des groupes qui
souvent sont beaucoup trop nombreux. Il faudrait ajouter que lorsqu'on a
implanté les programmes cadres de français en 1969,
c'était presque écrit qu'on aurait des groupes de 25. Qu'on
aurait un agent de développement pédagogique par commission
scolaire régionale. Nous n'avons jamais eu cela. C'est bien beau; on a
dit: On va augmenter le nombre de volumes dans les bibliothèques, cela a
pris beaucoup de temps. Cela commence à débloquer, mais le
matériel audio-visuel fait défaut dans l'enseignement du
français. Ce n'est pas tout d'avoir des magnétophones.
M. CHARRON: Je reviens à la situation que vous décriviez
hier en prenant vous-même, M. Boivin, l'exemple du recrutement des
professeurs de français, qui se fait souvent à la
légère ou sans aucune préparation. On dit à
quelqu'un: Toi, à partir de maintenant, même si tu quittes pour
une branche tout à fait différente de celle où tu
étais, tu enseigneras le français. Le ministre, hier, a fait
référence aux actions de l'ancien gouvernement, mais le
présent gouvernement est quand même là depuis quatre ans.
Est-ce que, depuis quatre ans, la même situation prévaut toujours
dans l'embauchage de professeurs de français?
M. BOIVIN: De toute façon, je pense qu'il n'y a rien de
changé dans les faits. Cela se passe encore tous les ans. Il y a des
professeurs qui ne sont absolument pas préparés pour enseigner le
français et qui enseignent le français. Mais on ne peut pas dire
que cela a changé. Encore dernièrement, on l'a vu. On sait ce qui
va se passer l'an prochain. Il y a encore des professeurs qui n'ont pas leurs
deux ans d'enseignement, qui ne sont pas permanents et qui sont
remerciés, parce que, dans certaines écoles, les
élèves ont diminué. A ce moment-là, on fait appel
aux enseignants en place pour continuer l'enseignement.
M. CHARRON: Hier, également, on a parlé du plan de
développement de l'enseignement des langues auquel s'est
référé le ministre comme ayant été la
solution qu'il a apportée à ce problème depuis qu'il
occupe la place de ministre de l'Education.
Vous avez fait mention, M. Dorion, dans votre exposé, que ce plan
sur cinq ans n'a pas fait place à l'enseignement du français
comme première mesure à développer, mais qu'on a
plutôt fait porter les efforts des deux premières années de
ce plan de développement sur l'enseignement de la langue seconde,
française dans les écoles anglaises et anglaise dans les
écoles françaises.
Qu'est-ce que le plan Cloutier, comme on l'a baptisé, a
apporté de concret depuis son existence dans l'enseignement du
français, langue maternelle?
M. DORION: A ce stade-ci du plan de développement de
l'enseignement des langues, ce que cela a apporté, ce sont de nouveaux
conseillers pédagogiques au niveau élémentaire,
grâce aux sommes qui étaient prévues dans le plan de
développement de l'enseignement des langues. Mais ces conseillers
pédagogiques ont augmenté dans une proportion, je ne sais pas
trop de combien. Il y a peut-être une trentaine de nouveaux conseillers
pédagogiques à l'élémentaire. Mais il reste qu'il y
a des problèmes encore plus sérieux qui se posent, par exemple,
avec les agents de développement pédagogique. Entre les
conseillers pédagogiques et les agents de développement
pédagogique, il n'y a pas encore un système qui permette un
rapprochement entre les deux groupes de personnes qui devraient oeuvrer au
même niveau.
Il y a également multiplication des instruments audio-visuels
il faut bien le remarquer mais on s'est peut-être un peu
moqué de nous en disant que les professeurs de français
n'étaient pas assez habiles pour se servir des instruments
audio-visuels. C'est un fait qu'il y a certaines techniques à apprendre
pour utiliser ces instruments. Bien entendu, ce n'est pas très long
à apprendre. Il ne faut pas présumer qu'on n'est pas assez
intelligent pour s'en servir, mais il reste qu'ils ne sont pas toujours
à notre disposition. Je veux dire qu'ils sont techniquement et
théoriquement à notre disposition, parce qu'ils sont dans des
locaux qui contiennent ces instruments audio-visuels, mais lorsqu'on veut les
avoir, ils sont accaparés par d'autres ou l'appariteur en service n'est
pas là.
Ce n'est pas aux professeurs de français, bien sûr,
à aller courir à l'autre bout de la régionale
pour aller chercher les instruments. Il y a une certaine période
de rodage qui s'effectue actuellement et qui fait qu'on n'a pas encore les
résultats escomptés de ces instruments audiovisuels.
M. GAULIN: M. Charron... M. CHARRON: Oui.
M. GAULIN: ... si vous me le permettez, je voudrais dire trois choses du
plan de développement de l'enseignement des langues.
Je pense qu'il est essentiel qu'un Etat ait un plan d'enseignement des
langues, de développement de l'enseignement des langues.
Cependant, je dois faire les réserves suivantes: En fait,
lorsqu'on parle dans ce plan de l'enseignement des langues, on ne parle que du
français qu'on appelle langue maternelle, qui n'est pas qualifiée
également de langue nationale, et on parle aussi de l'anglais. La
première réserve, c'est qu'il y a ici... Je pense qu'on pourrait
parler de l'enseignement du français comme langue seconde dans un plan
de développement de l'enseignement des langues, la langue seconde pour
ceux qui ont une langue maternelle autre que le français, par exemple
les gens de langue maternelle anglaise, les gens de langue maternelle
italienne, les gens de langue maternelle allemande, etc. Cependant, je trouve
qu'ici il y a une confusion entre la langue d'enseignement qui est, en fait, la
langue nationale, et l'enseignement des langues. Je pense que ce plan de
développement de l'enseignement des langues ne fait pas de place aux
langues étrangères parmi lesquelles j'inclus d'ailleurs
l'anglais, l'italien, l'allemand, etc.
Troisièmement, je trouve qu'il est inadmissible je le dis
en toute déférence que l'on demande d'enseigner une autre
langue que la langue nationale à l'élémentaire. Et
là-dessus, je reprends ce qui a été dit hier: Si le fait
d'être obligé, au Québec, d'enseigner l'anglais à
l'école élémentaire n'est pas le fait que le
français est une langue dominée, je me demande ce que c'est. Il
n'y a aucun pays moderne normal du monde qui tolère l'enseignement d'une
autre langue que la langue nationale à l'élémentaire. Je
voudrais qu'on me cite des exemples, si c'est possible.
M. DEOM: Etes-vous déjà allé en Suède?
M. DORION: II faudrait voir la situation de la Suède.
M. CLOUTIER: En France également. Partout en Alsace, partout en
Hollande, dans la plupart des pays du Marché commun.
M. GAULIN: M. le ministre, il faudrait distinguer...
M. CLOUTIER: En Hollande à l'élémentaire, on
apprend même l'anglais comme langue seconde.
M. GAULIN: ...les enseignements qui sont faits de façon
étendue et institutionnalisée et les enseignements qui sont faits
de façon sporadique, suivie. Je pense, par exemple, qu'on peut apprendre
l'anglais dans telle école de Paris, à des très jeunes
enfants, mais dans une situation socio-économique très
différente de la nôtre, et dans un contexte très
circonscrit. Ce qui n'est pas notre cas.
M. CLOUTIER: Je n'ai pas parlé d'expérience pilote comme
il en existe dans certains lycées parisiens. J'ai parlé de
l'Alsace où on apprend l'allemand maintenant comme langue seconde,
à cause du Marché commun et de la proximité de
l'Allemagne. Et quand on connaît l'histoire de l'Alsace, on
réfléchit sérieusement. Cependant, cela se fait à
l'école primaire. D'ailleurs, je vous fais remarquer que, dans le plan
de développement des langues, l'enseignement de l'anglais à
l'élémentaire n'est pas obligatoire. Il peut se faire en
première ou en troisième année, suivant le cas, compte
tenu des désirs des parents et des circonstances de l'environnement.
M. GAULIN: Si j'ai bien compris, M. le ministre, il n'est pas
obligatoire avant la cinquième année. Le plan de
développement de l'enseignement des langues rend obligatoire
l'enseignement de l'anglais à partir de la cinquième
année.
M. CLOUTIER: Oui, et je crois que c'est une excellente chose.
M. GAULIN: Oui, ce qui n'était pas le cas auparavant.
M. CLOUTIER: Absolument! Parce que je suis très heureux de vous
entendre souligner l'importance du plan de développement des langues,
tant sur le plan de la langue maternelle que sur le plan de l'apprentissage de
la langue seconde. Je souligne, parce que certaines personnes semblent en avoir
douté au Québec, que l'enseignement de l'anglais est devenu
obligatoire en cinquième de l'élémentaire, et peut
être organisé il l'a été effectivement
en première et en troisième.
M. MORIN: Vous avez invoqué le cas de l'Alsace. Est-ce que nous
pourrions l'examiner d'un peu plus près? Vous savez que la langue
maternelle des Alsaciens est l'allemand. C'est un dialecte allemand.
Il est tout à fait normal qu'ils apprennent la langue allemande
à l'école primaire. Leur langue maternelle est proche de
l'allemand. C'est celle qu'on parle dans les rues de Strasbourg. J'imagine que
le ministre le sait.
M. CLOUTIER: Non. Je connais assez bien Strasbourg, croyez-moi, et la
langue maternelle est le français. Il est exact qu'il y a...
M. MORIN: Je pense que les Alsaciens seraient furieux de vous
entendre.
M. CLOUTIER: Au contraire. Je crois qu'ils seraient furieux de vous
entendre dire que leur langue maternelle est l'allemand. Qu'ils
utilisent...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Nous pourrions peut-être aller
siéger à Strasbourg.
M. CHARRON: On a refusé le principe de la commission
itinérante.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais mentionner que le
député de Saint-Jacques avait la parole et je voudrais respecter
l'ordre parce qu'il est déjà 10 h 40. Le député de
Saint-Jacques pourrait terminer sa question.
M. CHARRON: J'ai une dernière question sur l'enseignement
à proprement parler du français. Vous affirmez à la page 5
de votre mémoire que l'article 52 de la loi confirmé par
l'article 116 annule, à toutes fins pratiques, le règlement no 6
du ministère de l'Education. J'aimerais vous entendre développer
cette explication, si vous pouvez.
M. DORION: Je n'ai malheureusement pas le texte du règlement no 6
ici. Je crois que c'est l'article 2 de ce règlement no 6 qui
prévoyait l'enseignement du français dans les écoles
anglophones à partir de la quatrième année ou quelque
chose comme cela, et, par le fait même, il est supprimé.
M. CLOUTIER: Absolument pas. Je m'excuse. Je suis obligé
d'apporter cette précision. Je crois que c'est fondamental. Pas du tout.
Cet article 52 reprend précisément, mot à mot, la
disposition qui a fondé, dans une autre loi, le règlement no 6.
Le règlement no 6 n'aurait même pas de substrat juridique si nous
n'avions pas mis l'article 52. Cet article a été introduit...
M. CHARRON: ... par le bill 63.
M. CLOUTIER: Une partie, oui. C'est la seule partie qui est
conservée parce que c'est une partie précisément qui
visait à renforcer l'enseignement du français dans le secteur
anglophone et le règlement no 6 est conservé
intégralement.
M. DORION: Pas du tout. Il y a un paragraphe d'enlevé. Il y a
trois ou quatre lignes qui sont enlevées et qui faisaient allusion aux
40 p.c. des...
M. CLOUTIER: Pas du tout. Je m'excuse.
En fait, il ne s'agissait pas de 40 p.c, mais les taux progressifs
d'introduction n'ont jamais été dans la loi. D'ailleurs, cela n'a
pas lieu d'être dans la loi. C'est dans le règlement.
M. DORION: C'était un règlement d'ailleurs.
M. CLOUTIER: II est là le règlement. Il est intact. Il n'a
pas été touché et il ne le sera pas.
M. DORION: C'est dommage que je n'aie pas le texte parce que je sais
qu'il y a des lignes qui ont été enlevées.
M. CLOUTIER: Non. Le règlement n'est pas modifié. Un
règlement découle d'une loi et si on utilise le pouvoir
réglementaire, c'est parce que certaines dispositions n'ont pas lieu
d'être incluses dans la loi. Encore faut-il que la loi en prévoie
le principe. Le règlement no 6 vient, comme l'a signalé le
député de Saint-Jacques, d'une disposition de la loi 63 et le
règlement no 6 serait disparu, lorsque nous avons voulu abroger la loi
63, si nous n'avions pas conservé cette disposition par l'article 52. Le
règlement no 6 n'est absolument pas modifié.
M. DORION: J'aimerais avoir le texte de la loi parce que je ne suis pas
sûr de ce que vous affirmez.
M. CLOUTIER: Ce n'est pas le texte de la loi, c'est le texte du
règlement.
M. DORION: ... de l'arrêté en conseil, du règlement
oui.
M. CLOUTIER: Le texte du règlement est celui qui existait, qui
existe depuis deux ou trois ans. Il n'a pas changé.
M. DORION: Parce qu'il y a des termes qui sont enlevés. Par
exemple, vous lisez: "Les programmes d'étude doivent assurer la
connaissance de la langue française parlée et écrite".
Alors...
M. CLOUTIER: Je m'explique mal. Je pense que vous ne saisissez pas.
M. DORION: Dans l'article 2 de l'arrêté en conseil no 155
du 13 janvier 1971, apparaissait "qualificatif" au mot "connaissance".
M. HARDY: Ce que vous ne semblez pas comprendre...
M. DORION: Oui.
M. HARDY: ... c'est que la loi 22 ne fait pas disparaître le
règlement auquel vous vous référez. Une loi et un
règlement sont deux choses distinctes. La loi 22 n'abroge pas le
règlement auquel vous vous référez. Vous semblez dire
qu'il faudrait que la loi 22 reprenne textuellement le texte du
règlement.
Ce n'est pas nécessaire, parce que le règlement, comme le
ministre vient de vous l'expliquer, est toujours en vigueur. La loi 22 n'y
touche pas. Donc, ce n'est pas nécessaire de reprendre textuellement le
règlement.
M. DORION: Evidemment, si la loi est au-dessus du règlement, bien
sûr. Mais je veux savoir pourquoi ne pas avoir apporté
également l'épithète dans la deuxième ligne du no
52 à propos de la connaissance ici. On ne détermine pas le
degré de connaissances de la langue française parlée et
écrite.
M. CLOUTIER: Parce que ceci est fait par règlement en
général, dans le cadre d'une loi. Il faut conserver une certaine
souplesse. C'est la procédure juridique habituelle. Il n'y aurait pas
d'objection à ce qu'on envisage d'apporter des éclaircissements
si ceci ne vous satisfait pas. Je veux vous faire comprendre que l'esprit de
cette loi, son économie, son principe, n'en est pas un de bilinguisme,
quoique vous sembliez penser. Nous voulons justement assurer la primauté
du français partout. Si cela n'est pas suffisamment clair, nous allons
le rendre plus clair. Mais dans le cas particulier, je vous dis que le
règlement est conservé intégralement.
M. DORION: Je suis bien heureux de l'entendre, mais je voudrais quand
même que vous modifiiez, que vous ajoutiez l'épithète
à l'article 52 du projet de loi pour qu'il concorde quand même
avec le règlement, parce que cela laisserait, à mon avis,
beaucoup moins de latitude pour le passage des élèves
francophones à la langue anglaise. C'est bien indiqué. Je n'ai
malheureusement pas ici...
M. CLOUTIER: Ecoutez, nous allons certainement, si vous continuez...
M. DORION: Je crois que c'était le mot "suffisante" qui
était là.
M. CLOUTIER: Si nous venons à la conclusion qu'effectivement il y
a une ambiguïté, nous allons certainement la corriger. Je vous
affirme que l'esprit de la loi n'est pas un esprit de bilinguisme, c'est un
esprit de primauté au français, compte tenu du fait que l'anglais
doit conserver, sur le plan des droits individuels, sa place et certains
régimes particuliers dans certaines circonstances.
M. DORION: Oui. Maintenant, on pourrait discuter à nouveau
également, M. le ministre, de la phrase que vous venez de prononcer
à propos des droits individuels. Il reste quand même que nous
soutenons à l'Association québécoise des professeurs de
français que les seuls droits individuels qu'avaient les anglophones,
leur venaient de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, dans des
domaines bien spécifiques.
M. CLOUTIER: L'article 133.
M. DORION: Justement, à notre avis, le bill 22 donne une
extension législative et juridique à cet acte et le fait passer
dans tous les domaines de l'activité québécoise. Nous
nions que les anglophones aient ces droits étendus dans tous les
domaines de l'activité. Nous étendons malheureusement les
dispositions de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique.
M. CLOUTIER: Quels droits gardez-vous aux anglophones?
M. DORION: Les anglophones et tous ceux de n'importe quelle langue ici
au pays, ont le droit de s'exprimer dans leur langue.
M. CLOUTIER: C'est cela. Alors, les anglophones...
M. DORION: Bien entendu. Cependant, dans un système public
d'enseignement, la langue d'enseignement est le français. Il est bien
clair que les anglophones, les Italiens, les Ukrainiens, et d'autres qui
peuvent avoir des classes à eux pour la langue d'enseignement pour
l'instant,...
M. CLOUTIER: Pour l'instant?
M. DORION: ... aient une certaine période, un certain
délai de transition pour arriver peu à peu à
s'intégrer au système scolaire public et unilingue
français au Québec.
M. CLOUTIER: Mais dans votre jugement, vous ne parliez pas seulement du
système scolaire. Vous sembliez laisser entendre que nous consacrions
des droits aux anglophones, des droits qu'ils n'avaient pas dans le cadre de la
loi, dans d'autres secteurs.
M. DORION: Oui, exact.
M. CLOUTIER: Quels sont les droits que vous conserveriez aux
anglophones, que vous donneriez aux anglophones?
A lire votre mémoire, j'en conclus qu'il ne reste plus de droits
aux anglophones, même s'ils constituent une minorité importante
ici au Québec.
M. GAULIN: Là-dessus, je pense que, là où nous
divergeons, c'est dans le fait que nous reconnaissons le Québec comme
une communauté homogène. Vous avez dit déjà,
à quelques reprises, que vous ne considériez pas que le
Québec est une communauté homogène.
M. CLOUTIER: Comment peut-elle être homogène s'il y a une
minorité anglophone de 20 p.c.?
M. GAULIN: Je pense que, s'il fallait considérer que le
Québec n'est pas une communauté homogène, la carte du
monde serait immédiatement changée.
M. CLOUTIER: Comment cela?
M. GAULIN: Parce que vous auriez un glissement de territoire
extraordinaire. Vous avez des minorités très importantes...
Seulement aux Etats-Unis, il y a combien de minorités? On nous a
donné hier comme chiffres que, dans 34 Etats, on a anglicisé, par
lois ou par règlements, les citoyens allemands. Seulement au Canada, la
troisième nation en importance au Canada ou la troisième ethnie,
je devrais dire, ce sont les Allemands. Est-ce qu'on reconnaît le droit
à l'allemand?
M. CLOUTIER: Avant d'aller trop loin, M. Gaulin, essayons d'analyser
votre concept d'une société homogène. Vous dites qu'au
Québec il y a une société homogène. Moi, je suis
bien obligé de constater qu'il y a, dans ce que vous appelez une
société homogène, 20 p.c. d'anglophones dont une partie
est d'orogine anglo-saxonne...
M. GAULIN: Je regrette, M. le ministre...
M. CLOUTIER: Non. Je suis bien prêt à accepter vos
statistiques.
M. GAULIN: 13 p.c.
M. CLOUTIER: 13 p.c. ou 14 p.c. sont d'origine anglo-saxonne et les
autres viennent de différentes nations, mais se sont
intégrés, sur le plan linguistique, tout au moins, au groupe
anglophone. On est quand même obligé de dire que c'est cela, la
société québécoise. Alors, la
considérez-vous toujours homogène? Si vous la considérez
homogène, vous êtes obligé de mettre de côté
complètement ces minorités.
M. MORIN: M. le ministre, je crois que le sens de la question, c'est :
Est-ce que les Etats-Unis sont une société homogène
à vos yeux?
M. CLOUTIER: Non. Les Etats-Unis n'étaient pas, à
l'origine une société homogène, mais il y a eu un concept
tout à fait différent qui a présidé à la
naissance des Etats-Unis. Je sais que c'est votre technique habituelle et c'est
sans doute part de votre formation, mais oublions les Etats-Unis et les
comparaisons pour l'instant. Voulez-vous que nous parlions du Québec tel
qu'il est?
M. MORIN: M. le ministre, la comparaison éclaire la
situation.
M. CLOUTIER: Qu'est-ce que c'est le Québec? Qu'est-ce qu'il y a
dans le territoire québécois?
M. MORIN: La comparaison permet de se rendre compte qu'aux Etats-Unis,
société dite homogène, il existe encore aujourd'hui des
minorités extrêmement importantes dont les droits ne sont pas
respectés. Vous le savez comme moi et vous seriez le premier, si vous
étiez là-bas, à les défendre, j'en suis
sûr.
M. CLOUTIER: Je défendrai toujours les droits de la
minorité comme les droits de la majorité. Le problème
d'une législation linguistique ici, c'est que, si on veut être
équitable, si d'ailleurs on veut avoir une législation
applicable, il est absolument essentiel de tenir compte de la majorité
comme de la mnorité, parce que, si on ne fait pas cela, on
légifère pour la majorité et on écrase la
minorité et on légifère pour la minorité et on
crée une injustice historique absolument indéfendable. Il n'y a
pas d'autre approche que celle que le gouvernement a choisie.
M. MORIN: J'essayais de comprendre l'intervention de nos invités
et j'essayais d'éclairer le débat. Quand M. Gaulin parle d'une
société homogène, je ne pense pas qu'il entende nier qu'il
y ait des anglophones au Québec; je ne pense pas qu'il veuille nier les
faits.
M. GAULIN: Pas du tout.
M. HARDY: II faudrait peut-être s'entendre sur les ternies.
M. GAULIN: Je veux tout simplement...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Excusez, mais je vais être
obligé de rappeler tout le monde à l'ordre. J'ai indiqué
l'ordre de parole tout à l'heure. Si vous permettez, honorable chef de
l'Opposition, vous pourrez revenir un peu plus tard.
M. MORIN: Oui, c'est bien.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais donner la parole à
l'honorable député de Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, avant de poser une question au Mouvement
du Québec français, je voudrais poser une question au ministre
lui-même. D'ailleurs, c'est la première question que je lui pose
depuis le début de ce débat. Le ministre, dans son projet de loi,
nous annonce qu'il veut faire du français la langue officielle et,
depuis deux jours, j'ai bien pris soin d'entendre le ministre pour
connaître ses intentions. Il ne veut pas déranger quoi que ce soit
dans ce qui se passe actuellement au Québec, autrement dit, il veut tout
faire pour garder le statu quo. Pendant deux jours, j'ai entendu le ministre
rassurer les minorités qu'elles ne perdaient absolument rien. J'aimerais
savoir, ce matin, ayant de poser des questions? Où allons-nous
avec cette loi du français, langue officielle? J'ai l'impression,
M. le Président, que le ministre veut tout simplement ménager le
chou et la chèvre et j'aimerais bien que le ministre nous indique ce
matin où nous nous dirigeons.
UNE VOIX: C'est au feuilleton! M. CLOUTIER: M. le
Président...
M. ROY: Je pose la question parce que, M. le Président, vous avez
établi un ordre de procédure tout à l'heure.
C'était le chef de l'Opposition qui posait les premières
questions à titre de représentant officiel; en deuxième
lieu, je devais poser des questions.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Vous posez des questions à ceux que
nous recevons.
M. ROY: Troisièmement, il y a eu un débat et il y a eu des
échanges entre le chef de l'Opposition et le ministre...
M. TARDIF: C'était hors du sujet.
M. ROY: C'était hors du sujet, alors il y a une application de
règlement différente.
M. TARDIF: Non, le président l'a rappelé.
M. ROY: Le ministre ne peut pas me répondre.
M. CLOUTIER: Je ne peux pas, d'après le règlement.
M. ROY: Vous ne pouvez pas me répondre, cela ne me surprend pas
d'ailleurs.
M. HARDY: Vous n'êtes pas honnête!
M. CLOUTIER: Allons, allons, qu'on se calme, qu'on se calme! La
seule...
M. HARDY: Vous ne respectez pas la personnalité humaine.
M. CLOUTIER: ... raison d'être de la commission parlementaire est
de recevoir des citoyens qui veulent se faire entendre et de tenter de les
aider à préciser leur pensée. La tentation est grande, j'y
ai cédé moi-même, je le confesse, de glisser vers le
débat. Je crois qu'il faut l'éviter; le débat aura lieu en
deuxième lecture, il aura lieu en commission plénière. Il
y a même un journaliste qui m'a fait dire que je refusais de
répondre aux questions et que c'était de l'arrogance. Ce n'est
pas de l'arrogance, c'est tout simplement le respect du processus
démocratique d'une commission parlementaire.
M. ROY: J'accepte la leçon que vient de nous donner le
ministre.
M. HARDY: Avec raison.
M. ROY: Oui, avec raison mais je l'inviterais à nous donner
l'exemple en premier lieu.
M. CLOUTIER: C'est bien ce que j'ai l'intention de faire mais je suis
faillible et il m'arrive parfois de commettre des erreurs.
M. ROY: Mais vous n'admettez pas que d'autres puissent l'être.
M. CLOUTIER: Je le suis, mais le ton que vous adoptez ne me donne pas
l'impression que vous êtes faillible, vous avez l'air...
M. ROY: Vous n'avez pas l'air de tolérer que d'autres puissent
l'être. Est-ce que vous pouvez rappeler le député de
Terrebonne à l'ordre?
M. HARDY: Cessez de...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que je pourrais inviter l'honorable
ministre des Affaires culturelles à se tourner vers moi à
l'occasion, à la commission parlementaire?
M. ROY: Ce grand expert de la procédure parlementaire.
M. HARDY: Je voulais lui dire de cesser d'être provocateur.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Mais là, cessez un peu de vous
provoquer. L'honorable député de Lafontaine.
M. LEGER: Sur un point de règlement. Moi, je pense que dans une
commission parlementaire qui a invité des citoyens à
présenter des mémoires et à venir s'exprimer, il y a, je
l'ai dit avant-hier, des moments où il y a des questions à poser
aux invités qui nous amènent des préoccupations. Le
ministre doit nous répondre pour clarifier. Il ne faut pas que les gens
qui nous présentent des mémoires s'en retournent en n'ayant pas
eu de réponse. Les autres membres de la commission doivent avoir le
loisir de dire à M. le ministre: Ecoutez, d'après les
réponses ou les questions que nous avons, il nous semble qu'on s'en va
vers ça. Est-ce que c'est exact, M. le ministre? Et là, le
ministre n'a pas le droit de se décliner.
M. CLOUTIER: J'ai toujours répondu. Le député de
Lafontaine n'était pas ici depuis le début. Quand il s'agit d'un
point d'éclaircissement, j'ai toujours répondu. D'ailleurs, j'ai
répondu à ce groupe; nous venons d'avoir une discussion sur le
règlement no 6.
M. LEGER: Dans le même sens que nous, dis-je.
M. CLOUTIER: Mais en revanche, la question du député
créditiste ouvre tout le débat, elle s'adresse au principe
même de la loi. Il est impossible de répondre à moins
d'engager le débat.
M. LEGER: Mais sans faire un débat, c'est une réponse,
point.
M. CLOUTIER: Ecoutez, cette réponse, je l'ai donnée
constamment depuis le début. Je ne suis pas d'accord avec lui. Je
considère que le principe de la loi est clairement indiqué. Ce
n'est pas le principe du bilinguisme, c'est le principe de la priorité
au français, langue officielle, mais qui tient compte du fait qu'il y a
des citoyens qui ont des droits et qui ont participé à
l'édification du Québec et que ces droits doivent être
protégés sur le plan individuel, même s'il y a renforcement
des droits sur le plan collectif. J'ai dit ça à
satiété, je le répéterai encore. Mais je ne crois
pas qu'il soit sage de rouvrir tout le débat sur les principes à
ce stade-ci. En revanche, je répondrai toujours aux
éclaircissements que demanderont les citoyens qui viendront
témoigner.
M. LEGER: Ainsi que les députés devant les questions des
citoyens.
M. CLOUTIER: Dans la mesure où c'est possible, oui.
M ROY: Alors, M. le Président, si on me permet...
M. LEGER: Le député d'Anjou saura la différence
entre un débat quand il en verra un en Chambre.
M. TARDIF: Je connais ça, M. le Président...
M. LEGER: II n'a pas encore vu un débat en Chambre.
M. TARDIF: ... je n'ai certainement pas besoin du grand juriste de
Lafontaine pour m'apprendre ce qu'est un débat.
M. LEGER: De toute façon, on verra ce qu'est un débat avec
le député d'Anjou quand il s'engagera dans un débat
directement avec le député de Lafontaine.
M. TARDIF: Je ne me suis jamais gêné pour m'engager dans
les débats.
M. LEGER: Vous étiez gêné quand vous n'êtes
pas venu à l'ouverture de la polyvalente de votre comté à
Anjou.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. TARDIF: J'étais en Abitibi et je représentais le
gouvernement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! On va
profiter si l'honorable député de Lafontaine peut se
tourner vers moi de quelques secondes pour se rappeler que nous avons
des invités et que c'est à eux à poser des questions de
chaque côté. En temps et lieu, je pense que vous aurez l'occasion
de vous rappeler ce que vous avez à vous dire.
M. LEGER: On se reverra.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, ma question s'adresse à M.
Gaulin. Dans le mémoire que vous venez de nous présenter,
concernant le français langue officielle et la légalisation du
statu quo parce que j'en ai la conviction la plus profonde, que c'est la
légalisation du statu quo comme tel vous avez proposé,
à la dernière page, à l'article 6, que le système
scolaire public soit le français. D'ailleurs, on vient d'avoir des
discussions là-dessus et vous avez proposé que tout le
système, si j'ai bien compris, soit le français. J'aimerais que
vous nous disiez quelles sont les mesures que vous proposez face aux
privilèges et aux traditions qui ont été établis et
qui ont prévalu au Québec jusqu'à aujourd'hui concernant
la minorité anglophone comme telle. La question des immigrants, je pense
bien que cela fait partie d'un autre point de votre mémoire, mais c'est
la question de la minorité anglophone qui actuellement fréquente
des écoles anglaises.
M. GAULIN: Je pense que notre intention est de vouloir tout simplement
que les anglophones cessent de vivre en ghetto au Québec. Le
véritable ghetto québécois, c'est le ghetto des
anglophones et c'est un ghetto dans lequel ils veulent nous assimiler. On n'a
jamais besoin de définir la langue d'un ghetto, on sait laquelle elle
est. Si le Québec a le besoin de définir sa langue, c'est parce
que le Québec est un pays moderne qui est déjà
entré depuis 20 ans dans la communauté des nations et dont la
langue est menacée.
Je pense que nous voulons également, par cette mesure,
protéger la culture et la langue française. Nous avons
donné hier notre approche linguistique, nous divergions en cela avec le
ministre de l'Education et l'approche du bill 22. Notre approche est la
suivante: La relation linguistique au Québec est une relation de langue
dominante et de la langue dominée. Et nous disons que la langue
dominante est l'anglais, la véritable langue première est
l'anglais, puisque c'est la langue du travail. La langue dominée est le
français, c'est une langue qui, jusqu'à un certain point, est en
voie de créolisa-tion, on a parlé tantôt de jouai. C'est un
terme très ambigu cependant. C'est une langue qui est en voie de
louisianisation, si on veut des exemples américains.
Je pense que c'est une langue qui est en voie d'abâtardissement
qu'il serait déraisonnable d'imposer à nos enfants si on ne la
protégeait pas, si on ne voulait pas parler une langue
moderne qui est une grande langue internationale. Je pense qu'il s'agit
donc de protéger la langue de l'Etat et de la communauté
nationale. Là-dessus, je ne pense pas que la minorité anglophone
soit menacée. Elle vit dans un continent qui la supporte
socio-économiquement alors que, remarquez, nous n'avons pas d'autre
choix que cela. Ou bien nous assimilons, ou bien nous sommes assimilés.
Telle est la dialectique qui est la nôtre; ce qui veut dire que, quand je
parle de l'assimilation, il faudrait s'entendre. Ou bien les anglophones
s'intègrent, ou bien nous sommes des intégrés. C'est comme
cela qu'il faudrait le dire. Excusez, j'ai repris ma formulation parce que
j'avais remarqué que le ministre des Affaires culturelles avait
semblé protester et je veux reprendre...
M. ROY: Comme toujours, il parle en même temps que les autres.
M. GAULIN: Non, ce n'est pas... Je ne voulais pas dire assimiler, mais
je pense que le terme "intégrer" rend mieux sa pensée.
M. HARDY: M. le Président, pour ne pas qu'il y ait
d'ambiguïté, je ne protestais pas du tout à l'endroit des
propos que vous tenez; ce qui ne veut pas dire que je les approuve, mais je ne
proteste pas.
M. GAULIN: D'accord! Je pense que l'approche est la suivante et nous
n'avons pas d'autre choix que cela. C'est tellement vrai ce que je dis qu'on
est actuellement obligé de vendre l'école française au
Québec, en disant qu'on va bien y enseigner l'anglais, ce que nous a
donné comme déclaration à Cap-Rouge récemment un
sous-ministre de l'Education: Venez à l'école française,
on vous y enseignera bien l'anglais. D'autre part, les parents, qui envoient
leurs enfants à l'école anglaise, ont dit qu'ils ont
accepté; les sondages de fin de semaine ont semblé nous faire
croire qu'ils avaient accepté, ils s'étaient démis.
Je n'en suis pas du tout certain. Comme je l'ai dit hier, on les met
dans un état d'anarchie linguistique. Les parents qui envoient leurs
enfants à l'école anglaise, très souvent, nous envoient
des sommes d'argent au Mouvement Québec français, par exemple,
pour appuyer notre lutte. Ils sont dans un état de distorsion
linguistique. Les mêmes parents qui envoient leurs enfants à
l'école anglaise s'inquiètent de l'enseignement du
français dans les écoles anglaises, qu'est-ce que c'est, si ce
n'est pas une situation abracadabrante?
Il faut donc clarifier la situation linguistique
québécoise et nous pensons la clarifier en disant qu'il y aura
unilinguisme de l'Etat, ce qui n'est pas l'unilinguisme des personnes, ce qui
n'empêche aucun anglophone de parler sa langue dans la rue ou dans les
magasins, mais qu'il devra communiquer avec l'Etat en français, parce
que la mesure est telle, que c'est la seule mesure qui nous est possible pour
protéger la langue. Si nous ne le faisons pas, c'est un aberrant esprit
de tolérance. Le fait de vouloir protéger la minorité en
désintégrant la majorité, cela nous apparaît
être une forme de suicide et je pense que par le bill 22, le gouvernement
du Québec va consacrer ce que André Langevin appelle le
génocide culturel du Québec.
M. ROY: Comme mesure intermédiaire, de façon à
pouvoir transposer ou intégrer la minorité anglophone, selon les
recommandations de votre mémoire au système scolaire
français, quelles sont les mesures que vous avez prévues, quelles
sont vos suggestions à ce sujet? Parce qu'on doit envisager une mesure
intermédiaire.
M. DORION: Cela ne relève pas de notre association, je crois, de
prévoir les modalités de cette transformation. Je crois que les
experts du ministère de l'Education sont plus à même que
nous de trouver les modalités qui, dans un délai relativement
court, puissent permettre l'intégration des anglophones au
système public français.
M. ROY: En somme, vous êtes d'accord avec le principe que cela
doit se faire par étapes selon un calendrier
déterminé?
M. DORION: Bien sûr.
M. GAULIN: M. Roy, une des raisons pour lesquelles nous n'avons rien
prévu, c'est que, très récemment je le ferai
remarquer aux gens du gouvernement ou de l'Assemblée nationale il
y a eu un glissement là-dessus. Un certain nombre d'associations au
Québec, de mouvements au Québec ne reconnaissent plus le droit
aux anglophones ou le privilège aux anglophones de garder leur
système d'enseignement, parce qu'ils se sont dit finalement: A vouloir
être raisonnables, on nous entraîne dans la déraison.
Je pense que nous ne voulons quand même être ni racistes, ni
fanatiques là-dessus et qu'il faudra prévoir des étapes.
Personnellement, je pense qu'on pourrait même aller jusqu'à donner
l'école élémentaire aux Italiens et l'école
élémentaire aux anglophones, mais que, dès le secondaire,
il y a un système d'enseignement unique.
M. ROY: A la proposition no 10, vous dites: "Que l'Office de la langue
française continue à jouer son rôle donc, vous ne
croyez pas à la question de la régie, comme vous l'avez bien
indiqué dans votre mémoire exerce plus de pouvoirs et
relève de l'Assemblée nationale." Est-ce que vous iriez
jusqu'à proposer que la nomination des membres de l'office se fasse par
l'Assemblée nationale et non par le gouvernement?
M. DORION: Nous n'avons discuté aucune modalité par
rapport à cela; nous n'avons pris
qu'une position de principe par rapport à l'Office de la langue
française. Nous appuyons encore l'Office de la langue française,
mais nous n'entrerons pas non plus dans les modalités.
M. ROY: Sur la question du principe de la nomination, parce que...
M. DORION: Oui.
M. ROY: ... au niveau de l'Assemblée nationale, il y a quand
même des organismes. Il y a le poste du Vérificateur
général dont la nomination comme telle relève de
l'Assemblée nationale du Québec, nous avons aussi le cas du
Protecteur du citoyen. Comme leur nomination relève de
l'Assemblée nationale, évidemment, ils ont des comptes à
rendre à l'Assemblée nationale. C'est normal.
M. DORION: C'est un aspect que nous avons discuté.
M. ROY: On ne peut pas les convoquer à l'heure actuelle, parce
qu'il y a eu des omissions dans les lois au moment... Disons que cela pourrait
dans la nouvelle loi, être prévu de façon que ces gens
soient dans l'obligation de comparaître au moins annuellement devant
l'Assemblée nationale du Québec pour rendre compte de leur mandat
et pour faire part de leurs observations et de leurs recommandations.
Est-ce que ce principe de nomination par l'Assemblée nationale
vous semble raisonnable?
M. DORION: II nous a semblé raisonnable, mais nous ne l'avons pas
écrit dans notre mémoire, parce que nous ne voulions pas entrer
dans les modalités. Mais lors de la discussion, c'est ce que veut dire,
en somme, notre proposition. "... relève directement de
l'Assemblée nationale..." voudrait dire également que les
responsables de l'Office de la langue française seraient nommés
par l'Assemblée nationale et seraient obligés de se
référer à elle pour déposer leur rapport annuel et
ainsi de suite, via un ministre peut-être qui serait chargé
directement de contrôler l'office.
M. ROY: Vous savez qu'il y a une différence entre une personne
qui est engagée par le gouvernement, nommée par le gouvernement,
dont la nomination relève du gouvernement comme tel ou dont la
nomination relève de l'Assemblée nationale comme telle.
A la page 4 je reviens sur une autre question, M. le
Président; je n'aime pas abuser de mon temps de parole à
la fin du deuxième paragraphe, vous indiquez clairement et vous l'avez
souligné: "Nous nous opposons vivement au fait que le gouvernement du
Québec accorde des subventions pour la francisation des entreprises
anglophones à même nos deniers." Est-ce que vous avez quelque
chose à suggérer comme méthode qui pourrait être
utilisée par le gouver- nement de façon à
accélérer le processus de francisation des entreprises
anglophones sans qu'il soit nécessaire de leur donner des subventions?
C'est un principe sur lequel je suis entièrement d'accord avec vous. Je
trouve cela tout simplement odieux de taxer les francophones pour permettre aux
entreprises anglophones qui emploient des francophones de pouvoir leur donner
des services dans leur langue, taxer le petit pour donner des
bénéfices à ces gens.
Est-ce qu'il y a d'autres mesures que vous avez prévues ou
d'autres moyens sous forme d'incitation ou sous forme de quelque
réglementation que ce soit, qui pourraient être
présentés par le gouvernement?
M. DORION: Au sein du Mouvement du Québec français dont
nous faisons partie, nous nous sommes entendus que la CSN et le FTQ vous
présenteraient des modalités d'application pour le domaine de la
francisation.
M. ROY: Vous avez eu un consensus avec les autres qui...
M. DORION: C'est cela.
M. ROY: II y aura d'autres mémoires qui viendront à ce
sujet.
M. DORION: II est certain que nous déplorons le caractère
incitatif de la loi. Avec l'incitation nous n'irons jamais loin. Nous voudrions
que ce soit beaucoup plus coercitif.
M. ROY: Dernière question: Est-ce que, selon vous, le projet de
loi 22 je pose la question uniquement au niveau du français
langue officielle contient suffisamment de garanties pour que nous
puissions espérer un redressement, si minime soit-il, de la situation
qui prévaut actuellement au Québec?
M. DORION: Si l'on regarde l'article 1, cela va.
M. ROY: Mais les autres articles, selon vous, défont ce qu'il y a
dans l'article 1. Autrement dit...
M. DORION: La plupart des articles sont assortis. Nous n'avons pas ici
le détail, mais nous avons un certain nombre d'articles sur lesquels
nous sommes d'accord. Il y en a peut-être, je crois qu'il y en a huit ou
neuf. Je les ai indiqués ici: 1, 6, 10, 12, 25 et 28; nous sommes
pleinement d'accord sur ces articles. Mais c'est l'ensemble du contexte, bien
entendu, qui empêche, que nous adoptions, que nous nous prononcions en
faveur du projet de loi 22. C'est impossible, parce qu'à chaque fois
qu'il y a un article qui nous donne un beau bonbon, on nous le retire tout de
suite, n'est-ce pas, pour mettre un peu de vinaigre dessus.
M. ROY: En somme, il y a certains autres articles du projet de loi que
vous avez mentionnés dans votre mémoire qui réduisent la
portée de l'article 1.
M. DORION: Considérablement.
M. GAULIN: Je pense que le bill 22, c'est le médecin qui nous
arrive, mais il nous apporte du poison.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député d'Anjou.
M. TARDIF: M. le Président, avant de poser les deux questions que
j'ai en tête, j'aimerais faire de très brefs commentaires quant
à des affirmations de M. Gaulin hier soir. A un moment je cite de
mémoire; si ce n'est pas exact, vous me reprendrez, M. Gaulin
vous avez dit: L'Etat a créé l'anarchie en 1969 par l'adoption de
la loi 63. Ce n'est peut-être pas mot à mot, mais je pense que
j'ai assez bien...
M. GAULIN: Cela répond très bien à ma
pensée, monsieur.
M. TARDIF: D'accord! Je pense que cette affirmation n'est pas tout
à fait exacte, et dans une bonne partie de la population, on a
l'impression que la loi 63 a créé un état de fait, alors
que la loi 63 était un constat juridique d'une situation qui avait
existé pendant 100 ans. Auparavant le libre choix existait, mais on l'a
inscrit tout simplement dans la loi 63 en 1969, et à un point tel que,
si on abrogeait tout simplement la loi 63, on reviendrait à la situation
qui existait avant 1969, et qui accordait le libre choix.
Mon deuxième commentaire est le suivant, et encore là je
vous cite de mémoire. Ce ne sera peut-être pas mot à mot,
mais si l'idée générale n'y est pas, j'espère que
vous ne m'en voudrez pas. Vous avez dit à un moment: L'unilinguis-me est
la seule mesure de justice sociale.
M. GAULIN: C'est exact aussi.
M. TARDIF: Bon, je vous remercie. Nous avons eu l'occasion, nous, depuis
une couple de jours, de recevoir des mémoires de groupes qui ne pensent
pas exactement comme vous. Pour eux, le bilinguisme était plutôt
la seule mesure de justice et de paix sociales. A ce moment, on en arrive avec
des groupes qui croient fermement à un bilinguisme intégral ou
qui croient fermement à un unilinguisme intégral, selon la
solution ou celle des deux solutions que nous choisirons. Je pense qu'il sera
difficile d'avoir une justice et une paix sociales puisqu'il y aura un groupe,
que ce soit 20 p.c. ou 80 p.c, qui va se sentir lésé par la
solution qu'il considérera radicale, que nous aurons choisie.
Quoiqu'il en soit, la première de mes questions est la suivante:
Vous êtes contre le bilinguisme. Moi aussi, je suis contre le bilinguisme
intégral, et je pense que le projet de loi accorde une priorité
non négligeable au français en accordant toutefois des droits qui
sont à mon avis justifiés, à la minorité de langue
anglaise. Dans vos propositions, à un moment, vous dites c'est
votre proposition no 1 : Que le gouvernement du Québec proclame le
français seule langue officielle sur son territoire. Proposition no 6:
Que le système scolaire public soit le français. Proposition no
8: Que les immigrants soient tenus de s'intégrer au système
scolaire de la majorité, quelle que soit leur origine.
Si je fais référence au sondage qui a été
publié dans le Devoir samedi dernier et dans lequel nous avons
découvert que 15.5 p.c. des gens seulement acceptaient que le
français soit la seule langue officielle au Québec; si nous
prenons note également que 78.5 p.c. des gens étaient en faveur
du libre choix de la langue d'enseignement, à ce moment, ne pensez-vous
pas que vous êtes en rupture de ban avec la majorité de la
société? Ne pensez-vous pas plutôt que vous
représentez l'opinion d'une minorité et je ne peux
m'empêcher de faire remarquer qu'en fait, vous groupez 1,000 professeurs
de français sur 30,000 minorité qui a certainement droit
à son opinion, mais qui est complètement en rupture de ban avec
ce que la population pense et espère? J'espère que vous ne
viendrez pas nous dire que la majorité de la population est
conditionnée, ce qui est un terme peut-être poli, pour dire
qu'elle n'est pas trop trop intelligente ou qu'elle se laisse raconter des
histoires. J'aimerais que vous répondiez à cette première
question et j'en aurai une deuxième sur la qualité de
l'enseignement du français.
M. GAULIN: Je vais vous répondre, si possible. Je voudrais
rappeler ce que j'ai dit hier et je pense que, lorsque vous dites que l'Etat a
reconnu juridiquement une situation de fait par le bill 63, je dis toujours que
l'Etat justement a créé un état de violence
linguistique.
M. TARDIF: Cela n'existait pas auparavant, d'après les faits?
M. GAULIN: Cela existait. Je pense que nous n'avons le choix ni entre le
bill 63, ni entre le statu quo ante, mais qu'il faut justement
décréter l'unilinguisme français. Si, comme vous le dites,
pour créer la paix sociale, vous avez le choix entre 80 p.c. et 20 p.c,
il me semble que votre choix est très clair. C'est 80 p.c. que vous
devez choisir.
M. TARDIF: Je suis sans doute d'accord avec vous là-dessus, mais
on ne doit pas choisir une solution où on va mettre complètement
de côté les droits de la minorité de 20 p.c. parce
qu'à ce moment, non seulement votre loi sera-t-elle inapplicable, mais
il y a peut-être des gens et vous avez parlé de violence
qui eux,
étant opposés à vous, vont penser à la
même idée que vous avez soulevée lorsque vous avez
parlé de violence hier.
M. GAULIN: Si vraiment tout ce qu'on a dit pendant cent ans, à
savoir que les Anglais avaient du fair play, ils sont une minorité,
qu'ils acceptent d'être reconnus comme tels et de jouer la
minorité au Québec. C'est aussi simple que cela. S'ils veulent
vraiment nous déclarer la guerre, nous leur ferons la guerre. Je parle
d'une guerre démocratique.
M. TARDIF: Est-ce que vous auriez à ce moment la justice et la
paix sociales auxquelles vous aspirez?
M. GAULIN: J'espère que nous les aurons. Je crois que les
anglophones vont se rallier. Si j'étais anglophone, je ferais exactement
comme eux. Je revendiquerais ce que j'appelle des droits et je me battrais au
"boutte", mais je ne suis pas anglophone, je suis francophone. Je me battrais
moi aussi comme ils font et ils ont raison de le faire. Ils négocient ce
qui ne devrait pas être négociable et ils essaient de
négocier. Ils sont intelligents, les Anglais, comme dit Séguin.
Sans cela, ils n'auraient pas été nos maîtres. Il faut leur
reconnaître ce qu'ils ont.
Je ferais exactement comme eux, mais le jour où le gouvernement
du Québec va trancher la question, je pense que les anglophones vont se
ranger. Pour répondre à votre question, puisque vous m'avez
posé la question à savoir si nous avions une caution morale
le "front" de M. Marchand je pense ceci. Vous dites: Ne me dites
surtout pas que la population est conditionnée. Je pense que la
population est dans une conditionnement. Si elle n'est pas conditionnée,
si vous me permettez l'expression, elle est dans un conditionnement.
M. TARDIF: C'est une subtilité.
M. GAULIN: Cela n'est pas une subtilité. C'est cet état de
violence linguistique dans laquelle la population est. Je vous disais
tantôt que des parents francophones qui envoient leurs enfants à
l'école anglophone s'inquiètent de la qualité du
français, qu'on est obligé de vendre l'école
française en disant qu'on va bien y enseigner l'anglais; ce sont des
conditionnements qui font qu'au fond la langue de travail ici et la vie
socio-économique nous imposent l'anglais et c'est cela qu'il faut
changer.
Je ne vous dis pas que le fait de proclamer le français langue
officielle et seule langue officielle du Québec changera la situation.
Je ne vous dis pas cela. D'ailleurs, si cela ne change rien, pourquoi ne le
faites-vous pas et pourquoi nous chicanons-nous? Pourquoi avez-vous peur de le
faire?
Je vous dis qu'il faut affirmer la volonté politique du
gouvernement du Québec et le Québec qui va manifester sa
volonté politique va prendre les moyens pour confirmer dans les faits
cette volonté politique. Au fond, on n'est pas des victimes de
l'histoire, les êtes humains, on fait l'histoire et je pense qu'on peut
faire un Québec français. Notre position est dynamique. Est-ce
qu'on représente la population du Québec? Je pense que c'est
à la population du Québec de le dire. Cela n'est pas à moi
de vous dire cela.
Je vous dis, en toute déférence aussi, que la question
linguistique est une question capable de renverser des gouvernements. Elle a
déjà renversé le gouvernement de l'Union Nationale et
détruit même l'Union Nationale. Je pense que la question
linguistique au Québec, si elle est prise à la
légère... les sondages nous révèlent un état
bien précis d'une situation donnée. On a vu comment les sondages
à propos du Watergate aux Etats-Unis avaient fait évoluer la
population, ou les sondages ont montré que la population évoluait
quant à la confiance qu'elle faisait à Nixon ou pas. Je pense
donc que la population du Québec tient fondamentalement à sa
langue.
M. TARDIF: Nous y tenons. Je peux vous le dire, vous ne me connaissez
pas personnellement, mais cela fait dix ans que je suis dans le Parti
libéral et que je défends la langue française. Ceux qui
sont à côté de moi pourront vous le dire, depuis dix ans,
j'en parle et j'ai été achalant avec cela. Je peux vous le dire.
Vous le demanderez aux autres.
Je pense qu'il y a aussi une chose dont on doit tenir compte, c'est
qu'il y a une minorité qui existe ici. Ces gens veulent rester ici et
veulent pouvoir continuer à être Québécois. Je suis
d'accord avec vous qu'ils ont des torts et qu'ils en ont beaucoup et qu'ils
devraient pouvoir faire un effort pour s'exprimer en français et vivre
peut-être un peu plus en français, mais je pense que, d'un autre
côté, on ne rendra certainement pas service, ni aux Canadiens
français, ni aux Québécois en général, si on
emploie des mesures aussi radicales que celles que vous suggérez.
Vous avez cité hier des expressions latines. Inconsciemment la
population, en répondant à ce sondage, s'est inspiré de
l'adage latin qui dit "In medio stat virtus". J'ai l'impression que, de cette
façon-ci, c'est peut-être la seule façon de réussir
à trouver une paix et une justice sociale. Quoi qu'il en soit, je
comprends...
M. GAULIN: Est-ce que vous pourriez traduire la phrase in medio stat
virtus? Je voudrais savoir comment vous traduisez "virtus"?
M. TARDIF: En fait, "virtus" est un mot latin qui veut dire "vertu".
M. GAULIN: Qui veut dire "force".
M. TARDIF: Non, qui veut dire "vertu".
M. GAULIN: Qui veut dire "force".
M. TARDIF: Non. Virtus, virtutis, féminin, cela veut dire vertu.
En fait, c'est juste milieu.
M. GAULIN: Ecoutez, j'ai fait des études latines.
M. TARDIF: Moi aussi.
M. HARDY: Quand saint Thomas d'Aquin l'employait, cela voulait dire
vertu.
M. TARDIF: Oui, cela voulait dire la vertu. M. GAULIN: On va aller
voir...
M. TARDIF: De toute façon, je pense que nous ne parlerons pas
latin et que nos positions sont irréconciliables, mais je
voudrais...
M. ROY: Je voudrais ajouter... M. TARDIF: Surtout en latin.
M. MORIN: Est-ce qu'on peut régler ce conflit linguistique en
disant que l'origine étymologique est effectivement "force", puisque
cela dérive de vir, qui signifie homme, mais que par la suite, cela a
été employé dans toute sorte de sens
dérivés, dont celui de vertu, par exemple.
M. HARDY: Vous avez tous les deux raison.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Nous prendrons les dispositions
nécessaires pour avoir les dictionnaires.
M. TARDIF: Nous espérons que les traductrices n'auront pas trop
d'ennui.
M. MORIN: Je tiens à vous indiquer qu'effectivement le
député d'Anjou se bat pour la langue depuis déjà un
certain temps. C'est ce qu'on appelle un velléitaire.
M. DORION: Je voudrais ajouter un commentaire à ce que M. le
député a dit. La distinction qui est fondamentale, à mon
avis, entre justice et équité, c'est que M. le ministre de
l'Education tout à l'heure a parlé d'un traitement
équitable, et par là même, n'est-ce pas, il allait à
l'encontre de ce qu'il avait dit hier selon quoi le bill 22 n'instituait pas le
bilinguisme, parce que pour instituer le bilinguisme, il reconnaissait deux
groupes égaux. Or, équité vient aussi du latin, "aequitas"
qui veut dire égalité. Nous ne pouvons pas accorder aux
anglophones les mêmes droits que ceux que les francophones ont ici. Ce
n'est pas possible. Nous ne le pouvons pas donc, on pourrait même aller
jusqu'au bout et dire que nous ne pouvons pas les traiter avec
équité, mais avec justice, selon les droits qu'on leur a
déjà reconnus selon la loi. Nous ne pourrons jamais les traiter
avec équité. C'est tout à fait diffé- rent. Si vous
voulez les traiter avec équité, vous instituez le
bilinguisme.
M. HARDY: Vous êtes un professeur de français et vous
donnez au mot "équité", le seul sens d'égalité.
C'est le seul sens que le mot "équité" a?
M. DORION: Non.
M. HARDY: Et vous êtes un professeur de français?
M. DORION: C'est donc lucide. Ce n'est pas le seul, M. Hardy.
M. HARDY: Vous savez très bien que le mot "équité"
a également un sens, dans le sens de justice. Vous savez très
bien cela?
M. DORION: Oui. Mais au sens strict du... M. HARDY: Au sens
étymologique... M. DORION: Non.
M. HARDY: J'espère que vous ne vous en tenez pas à la
racine des mots.
M. DORION: En effet, monsieur, il y a une évolution
sémantique qui se fait. Vous devez le savoir, ce n'est pas
nécessaire d'être furieux pour cela, mais c'est un fait, n'est-ce
pas, que strictement parlant, si vous voulez parler de droit, les anglophones
n'ont que quelques droits. Nous ne pourrons pas les traiter de la même
façon que nous traiterons les francophones ici. Ce n'est pas
possible.
M. CLOUTIER: Quels droits reconnaissez-vous aux anglophones?
M. DORION: Nous nous sommes déjà exprimés
là-dessus, n'est-ce pas? Nous reconnaissons aux anglophones et à
tous ceux qui sont d'autres langues, le droit de s'exprimer individuellement
dans leur langue et de communiquer entre eux dans leur langue.
M. CLOUTIER: C'est le seul droit, n'est-ce pas M. Gaulin?
M. DORION: Les droits juridiques également qu'ils ont devant les
tribunaux, selon l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de s'exprimer
en anglais...
M. CLOUTIER: C'est 133, cela. Donc, vous maintenez 133.
M. DORION: Ce n'est pas...
M. CLOUTIER: Nous, nous le maintenons et nous avons choisi de le
maintenir. Nous le maintenons volontairement, mais je crois qu'il y a une
contradiction.
M. DORION: II existe actuellement, mais il faudra sans doute aussi
passer à la modification de cet article.
M. CLOUTIER: A ce moment-là, vous cessez de reconnaître le
droit de s'exprimer dans leur langue devant les tribunaux.
M. DORION: Oui.
M. GAULIN: II y a un certain nombre dans le Québec
français qui a déjà demandé...
M. CLOUTIER: Nous sommes donc bien d'accord. Le seul droit que vous
reconnaissez à la minorité anglophone ici au Québec, c'est
de pouvoir parler anglais entre eux.
M. MORIN: M. le ministre, je regrette. Sur l'article 133, je ne voudrais
pas que vous induisiez nos invités en erreur. L'article 133 porte aussi
sur les jugements des tribunaux. Je ne pense pas que nos invités
veuillent dire qu'ils ont l'intention d'empêcher un témoin
anglophone de parler sa langue devant les tribunaux. Cela est un droit
individuel. Je ne pense pas que ce soit cela qu'ils aient dans l'esprit.
M. GAULIN: Non.
M. MORIN: Est-ce que...
M. CLOUTIER: Par conséquent, vous maintenez cet aspect de
133.
M. MORIN: Faisons la distinction, messieurs, pour bien nous comprendre,
pour que, par la suite, on ne puisse pas vous mettre sur le nez des choses que
vous n'avez pas dites. Quand vous parlez de l'article 133, est-ce que vous
parlez de la faculté d'un témoin de se faire entendre, dans sa
langue, comme témoin, ou si vous parlez de la langue des jugements, des
lois, des plaidoyers écrits, etc.?
M. GAULIN: Un témoin peut se faire entendre dans sa langue, qu'il
parle l'anglais ou l'italien.
M. MORIN: Vous voyez, M. le ministre, cela est déjà
beaucoup plus clair.
M. CLOUTIER: Oui. Je suis très heureux de cette
précision.
M. GAULIN: Nous ne sommes pas des...
M. CLOUTIER: C'est bien ce que je disais, tout ce qu'on conserve
à la minorité anglophone je ne porte pas de jugement de
valeur, je me contente d'essayer de les aider à préciser leur
pensée c'est la possibilité de parler leur langue et vous
l'assimilez d'ailleurs à toute autre langue, l'italien,
l'ukrainien...
M. MORIN: Vous les aidez en forme de traquenard, M. le ministre.
M. CLOUTIER: Ecoutez, il fallait vous entendre hier.
M. MORIN: Parce qu'il y a une différence entre la langue
privée et le fait d'avoir le droit individuel de se faire entendre dans
sa propre langue devant les tribunaux. Il y a une légère
nuance.
M. CHARRON: D'ailleurs, M. le Président, sur cette question des
droits des anglophones, le ministre le sait très bien, lui aussi qui a
en main le rapport Gendron qui a étudié longuement la question,
avec l'argent des contribuables et qui a servi à donner au ministre un
aperçu. Effectivement, de l'avis de la commission Gendron, ce que nous
appelons couramment dans nos expressions "le droit de la minorité
à ses écoles", c'est une extrapolation que nous faisons; car il
n'y a aucun droit écrit dans le sens le plus juridique du mot, aux
écoles à cette minorité. Moi-même, j'emploie
à l'occasion, lorsque je discute avec des groupes anglophones qui ont
complètement mal compris le projet de loi. A mon avis, cette question du
droit à leurs écoles qui leur est reconnu pour ceux qui sont de
langue maternelle anglaise ou ceux qui sont déjà inscrits dans le
système, mais je suis parfaitement conscient en disant cela, en
employant le mot "droit". Je veux simplement parler d'une concession à
ce que l'histoire et le développement socio-économique du
Québec a donné. Mais il n'est pas question de droit fondamental.
Aucune minorité dans le monde n'a un droit juridique à des
écoles.
M. CLOUTIER: Pour une fois, je suis d'accord avec le
député de Saint-Jacques. Il est exact que la commission Gendron,
d'après l'avis de certains juristes reconnus, a conclu que la notion de
droits acquis était pour le moins discutable; mais en même temps,
la commission Gendron disait qu'il serait inacceptable que l'on aille à
l'encontre des traditions d'équité et de justice qui ont toujours
prévalues au Québec dans le traitement des minorités. Il y
a quand même là une nuance qu'il faut ajouter. Je rappelle au
député de Saint-Jacques qu'il était d'accord hier pour
confirmer, dans le texte de la loi, ce qu'il a appelé tout à
l'heure une concession, mais ce qu'on pourrait dire un état de fait qui
permet aux anglophones un secteur d'enseignement anglophone.
M. CHARRON: Si je le fais, c'est simplement parce que j'ai la conviction
qu'il s'agit de ne pas briser le développement normal d'une
société, mais ce n'est pas du tout par respect pour des droits
acquis, parce que je ne considère pas qu'il s'agit là d'un droit
acquis.
M. CLOUTIER: Je suis entièrement d'accord
là-dessus. De ce point de vue, le député de
Saint-Jacques et peut-être même le PQ, bien que je ne sache plus
jusqu'à quel point on puisse interpréter l'opinion d'un
député comme l'opinion de son parti, de part et d'autre
d'ailleurs, va en contradiction...
M. MORIN: Voilà qui est bien dit.
M. TARDIF: Même dans le Parti libéral.
M. CLOUTIER: Dans tous les partis, y compris le parti
créditiste.
Cela va en contradiction flagrante, messieurs, avec ce que vous semblez
souhaiter, c'est-à-dire la disparition du secteur anglophone, je me
contente de le souligner.
M. CHARRON: Mais je crois, pour terminer sur cet aspect, ce que M.
Dorion vient de décrire en réponse à votre question bien
précise: quels sont les droits des anglophones? Il a parfaitement
décrit le mot "droit" effectivement, les droits de la minorité
anglophone. Même l'école n'est pas un droit acquis.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais souligner qu'il est onze
heures trente actuellement. Il reste trois ou quatre députés qui
ont demandé la parole, s'il vous plaît, rapidement, de part et
d'autre. Le député d'Anjou.
M. TARDIF: Ensuite, c'est le député de Saint-Jean et
ensuite, il n'y en a plus.
M. LEGER: Ensuite, c'est...
M. TARDIF: Ma deuxième question porte sur la motivation que les
professeurs de français ont d'enseigner la langue française. J'ai
eu l'occasion de faire plusieurs régions du Québec, d'autres
députés ont eu l'occasion également de visiter plusieurs
régions et souvent, on rencontre la critique suivante de la part des
parents: les professeurs de français semblent plus ou moins
motivés à enseigner le français ou qu'il n'est pas
enseigné d'une façon adéquate. On rencontre des gens qui
sortent de l'école, qui ont 16 ans, 17 ans, 18 ans et qui, à mon
avis du moins, n'ont pas une connaissance, surtout écrite, du
français qui est adéquate. Même, j'ai retrouvé
ça dans votre texte puisqu'en bas de la page 5, vous avez employé
un anglicisme, le mot "patronage", alors qu'il aurait fallu employer le mot
"favoritisme" à mon avis.
M. DORION: Vous remarquerez qu'il est entre guillemets, monsieur.
M. GAULIN: II est dans le dictionnaire ou le glossaire des canadianismes
de bon aloi de l'Office de la langue française.
M. TARDIF: Mais je pense que le terme exact français qui aurait
dû...
M. DORION: N'oubliez pas, monsieur, qu'il est permis d'employer un
anglicisme dans un texte français pour autant qu'on le mette entre
guillemets.
M. TARDIF: Je pense que les professeurs de français, qui doivent
tout de même donner l'exemple, n'auraient même pas dû
employer un anglicisme.
M. DORION: Nous voulions être compris de tout le monde.
M. TARDIF: "Favoritisme" nous aurait permis de comprendre, vous pouvez
être certain. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas tellement ça qui
est l'objet de ma question. Ce que je veux...
M. GAULIN : Est-ce que vous le pratiquez?
M. TARDIF: Le député de Saint-Jacques connaît
probablement ce mot, lui. Pas peut-être parce qu'il l'a appris...
M. HARDY: II inspire le patronage.
M. TARDIF: Ma question est la suivante, si le projet de loi est
adopté tel quel ou avec des modifications mineures, il va de soi que
ça n'atteindra pas les buts fondamentaux que vous visez. Est-ce que vous
pensez qu'il va y avoir une modification dans la motivation que les professeurs
de français ont d'enseigner le français actuellement?
M. GAULIN: Je pense que le climat sera détérioré
davantage tout simplement. Quant à savoir que nous faisons des fautes,
eh bien, mon Dieu, oui! Oui, nous en faisons beaucoup. Ecoutez, Maritain, qui
était un Français et qui allait de temps en temps en Angleterre
disait: Je suis allé un mois en Angleterre, j'en perds mon
français. Nous vivons, nous, en continent anglophone depuis deux
siècles. Ecoutez, que nous fassions des fautes de français, alors
que le français est une langue humiliée, une langue en
décrépitude, qu'est-ce que vous voulez? Nous en faisons et nous
demandons justement à l'Etat de supporter cette langue pour que nous en
fassions moins. Le frère Untel, que je vous ai cité hier, disait
qu'il fallait abattre à bout portant il n'y allait pas par trente
chemins, lui tout député, tout ministre, tout curé,
tout homme public qui parle mal sa langue; il en abattrait beaucoup. Le
Québec serait un abattoir.
M. TARDIF: II faudrait sans doute faire de même avec les
professeurs de français.
M. GAULIN: Bien sûr. Mais c'est pour vous dire que nous parlons
tous mal en tant qu'hommes ayant des fonctions publiques. Moi, professeur de
français et vous, député. Il faut le reconnaître et
c'est justement là que nous
reconnaissons que la langue est malade au Québec. Que nous ayons
des symptômes de la maladie, c'est tout à fait évident.
M. TARDIF: Mais je ne pense pas que, avec les solutions que vous
suggérez, nous allons arriver aux fins que vous espérez nous voir
atteindre. Vous vivez, je pense, à Québec, si je ne me trompe
pas, dans la ville de Québec, à moins que ce soit votre
confrère.
M. GAULIN: Je vis à Québec et je vais deux fois par
semaine à Montréal. Assez pour savoir ce que je dis.
M. BOIVIN: J'aimerais enchaîner, si vous me permettez, M. Tardif,
sur la question que vous avez posée. Est-ce que je pourrais ajouter un
petit mot? Il ne faudrait quand même pas tout mettre la faute sur les
professeurs de français, si le français est
détérioré, si les élèves font des
fautes.
M. TARDIF: Non, mais je pense que vous avez un rôle important tout
de même, parce que c'est vous qui l'enseignez à ceux qui vont
sortir des écoles.
M. BOIVIN: Si vous avez 42 élèves dans votre groupe, qui
ne sont pas motivés, et que vous vivez dans un état de diglossie,
c'est assez difficile de l'enseigner, de motiver et de se motiver.
M. TARDIF: Mon cher monsieur, vous savez, j'ai une dizaine
d'années de plus que ceux qui sortent de l'école actuellement, du
niveau secondaire, ou une douzaine d'années et je pense que ceux qui
sont sortis du collège, au cours de ma génération,
connaissaient un peu mieux le français que ceux qui sortent
actuellement.
On le voit avec nos secrétaires. Celles qui sortent bien souvent
à 17, 18 ou 19 ans, à mon avis, connaissent leur français
beaucoup moins que celles qui ont 23 ou 24 ans ou un peu plus. Le milieu...
M. BOIVIN: II y a eu détérioration?
M. TARDIF: C'est une détérioration qui est peut-être
causée... Je ne le sais pas, je vous pose la question. C'est vous qui
représentez l'Association québécoise des professeurs de
français; vous pouvez répondre à cette question-là,
je ne suis pas professeur. Mais vous êtes peut-être responsables,
en partie, de cet état de fait, parce qu'il y a dix ans, il y avait 18
p.c. ou 19 p.c. d'anglophones ici, au Québec. Le pourcentage n'a pas
changé de façon radicale. La télévision existait,
il y a dix ans, la radio, les journaux anglophones existaient. Alors, je me
demande si ce n'est pas chez vous que réside une partie du
problème. Je vous dis cela parce que j'ai tout de même eu
l'occasion, et les autres députés qui sont ici également,
de visiter plusieurs régions et les parents nous le disent. Il y en a un
certain nombre qui envoient leurs enfants dans le secteur privé parce
qu'ils sont insatisfaits de l'enseignement de la langue française qui
est donné.
M. DORION: A cet égard, nous avons répondu assez largement
hier. D'abord, il est très facile de lancer la pierre aux professeurs de
français. C'est une chose qu'on nous fait régulièrement,
comme si cela nous motivait davantage à un meilleur enseignement. Enfin,
c'est peut-être un mauvais procédé. Il est un fait que le
programme-cadre de français, tel que nous l'avons exposé hier, a
jusqu'ici privilégié l'enseignement oral du français et la
langue écrite en a subi un fameux coup. La situation ne s'est pas encore
redressée, nous l'avons expliqué hier aussi parce que les
programmes de formation des maîtres de français ne sont pas encore
en vigueur pour la langue maternelle. Jusqu'ici, nous avons beaucoup de
professeurs, effectivement, qui ne sont pas formés pour enseigner la
langue française ou toute langue. Et aussi longtemps que cette situation
ne sera pas réglée, et ce n'est pas à nous
nécessairement de la régler, nous attendons toujours les
directives du ministère de l'Education, nous travaillons d'ailleurs en
collaboration constante avec le ministère de l'Education, nous
étudions ses textes, nous étudions, à de nombreux
comités, des textes que le ministère de l'Education nous propose,
mais jusqu'ici, il est certain que la situation est encore stagnante et que
cela ne va pas en s'améliorant. Cela n'ira certainement pas en
s'améliorant avec le bill 22.
UNE VOIX: Cela, c'est une opinion.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Saint-Jean.
M. VEILLEUX: J'aimerais reprendre, quand même, les propos du
début de la discussion de la présentation de votre mémoire
lorsque vous avez discuté de la motivation des étudiants et des
enseignants. Vous avez donné certaines raisons, je crois, qui
étaient extrêmement valables, du fait que l'enseignement du
français comme langue maternelle dans le secteur francophone laissait
à désirer depuis un certain temps. Et j'ajouterais, aux propos
que vous avez tenus hier, lorsque vous avez parlé des méthodes
d'enseignement, des vendeurs de méthode d'enseignement du
français, notamment dans le secteur élémentaire, au
début, il y a quelques années. Les commissaires d'écoles
changeaient de méthode, suivant le vendeur de méthode qui se
présentait, et, nécessairement, les enseignants et les
enseignantes du secteur élémentaire n'ont pas eu la
préparation valable. On les envoyait suivre des cours pendant trois
semaines, un mois, l'été; on appliquait une méthode et,
l'été suivant, c'étaient d'autres cours sur d'autres
méthodes, avec une deuxième méthode l'année
suivante et une troisième, si possible.
Je pense que c'est extrêmement important. Je me souviens aussi
qu'au début de ma carrière d'enseignant, lorsque arrivait la
correction des examens, on tenait compte du français dans toutes les
matières. Aujourd'hui, on a laissé de côté
complètement la valeur du français dans les matières
autres que le français.
Vous avez des professeurs de mathématiques, de géographie,
d'histoire qui se foutent éperdument du français. Si on veut
améliorer le français, je dis qu'il faut absolument que, non
seulement les enseignants de la matière qu'on appelle le
français, mais les enseignants de toutes les matières prennent
conscience collectivement qu'il est essentiel d'améliorer ce
français dans leur matière respective.
Pour moi, c'est extrêmement important. Quand je voyais des
professeurs de mathématiques ou de géographie cela ne fait
pas très longtemps que j'ai laissé l'école
écrire censément du français au tableau et incapables
d'écrire deux mots sans faire une faute, je trouvais cela pitoyable.
M. DORION: Vous avez...
M. VEILLEUX: Ce n'est pas seulement à cause des professeurs de
français, mais c'est une consigne, c'est collectivement que les
enseignants doivent prendre conscience de ce malaise et essayer de
l'améliorer.
M. DORION: Vous avez tout à fait raison sous cet angle. Nous
faisons également partie de plusieurs groupements, dont le conseil
pédagogique interdisciplinaire de la Centrale de l'enseignement du
Québec. Il y a 19 associations regroupées dans le CPI, le conseil
pédagogique interdisciplinaire. Nous avons déjà
mené, depuis deux ans, une action incitative c'est la seule que
nous pouvons faire auprès des autres associations pour faire en
sorte que les professeurs des autres matières soient très
exigeants sur la qualité de la langue employée par leurs
élèves.
Le prochain congrès de la Centrale de l'enseignement du
Québec, qui se tient à Rivière-du-Loup à la fin du
mois de juin, je crois, du 28 juin au 3 juillet, mettra cette question à
l'étude dans un atelier. Nous allons débattre la question pour
faire en sorte que toutes les associations prennent conscience de ce
problème. Nous devons être appuyés par les autres
enseignants des matières enseignées en français. C'est
absolument sûr.
M. VEILLEUX: II est entendu que les étudiants ne peuvent
être motivés lorsqu'ils entrent dans une classe où on donne
un cours de français et savent fort bien qu'immédiatement
après qu'ils sont sortis de leur cours de français le reste des
enseignants se foutent éperdument du français. C'est ce que je
voulais dire.
Il y a aussi un autre facteur, je crois, qui est extrêmement
important dans l'enseignement du français. Cela touche le professeur de
français comme tel. C'est qu'il y a peut-être trop de la part, je
ne dis pas de l'ensemble des enseignants, mais de plusieurs professeurs de
français, un abus de texte "joualisants". On prend n'importe quoi,
parfois une musique, sous prétexte que la musique peut intéresser
peu à peu les étudiants au français. On va prendre un
chanteur de second ordre, pour autant que la musique est un peu enlevante, pour
essayer d'attirer les étudiants au français, et à ce
moment-là, on se sert d'un texte réellement déplorable et
qui ne correspond pas du tout au français, tel que le mentionnait M.
Gaulin, qui devrait exister au Québec.
M. DORION: Nous déplorons aussi cette attitude de plusieurs
enseignants, mais, à l'intérieur de notre association, nous
regroupons cela va sans dire et c'est inévitable aussi ce
qu'on appelle des "joualisants". Il faut persuader également ces
professeurs de français d'utiliser le plus possible des textes en
français dit universel, de la meilleure qualité possible, mais il
est certain que nous ne devons pas empêcher non plus l'étude de
certains textes de "jouai" pour les idées qu'ils peuvent
véhiculer. Mais il est certain qu'il manque un certain nombre de
précautions indispensables dans l'utilisation de ces textes.
M. VEILLEUX: M. le Président, je termine en disant ceci : Je
trouve cela curieux je ne dis pas que cela s'applique
nécessairement à l'Association québécoise des
professeurs de français mais il y a des députés
à cette table, par exemple, qui voudraient voir apparaître un
système unique français. Je me souviens, il y a un an et demi ou
deux ans, lorsque nous discutions de la loi 27, qu'on n'aurait voulu pour
aucune considération implanter un réseau d'écoles neutres
au Québec sous prétexte que des gens le demandaient; on voulait
conserver les réseaux protestant et catholique. Je trouve un peu
incohérente leur position à cette table. Ces individus voulaient
conserver ce caractère aux écoles catholiques et protestantes,
mais quand arrive le temps de discuter de la langue, ces mêmes gens
et le député est parti voudraient voir s'instaurer
un régime unique, c'est-à-dire un régime
français.
Je termine en posant une dernière question. Vous avez dit tout
à l'heure c'est l'impression du moins qui se dégage d'une
discussion que vous avez tenue ou des propos que vous avez tenus devant la
commission parlementaire que le jour où on
décrétera au Québec l'unilinguisme français, cela
fera qu'on ne vivra plus dans un environnement anglais. Est-ce que je vous ai
bien compris quand vous avez dit cela? Vous donniez l'exemple de l'auteur
français qui est allé en Angleterre un mois et qui disait: Je
perds mon français quand je suis dans un
milieu... Est-ce que, d'après vous, le fait de
décréter l'unilinguisme français dans une loi fera que,
demain matin, on ne vivra plus avec cette contrainte...
M. GAULIN: Je pense que...
M. VEILLEUX: ... qu'on rencontre chaque jour, soit dans le domaine des
affaires ou dans la rue, immédiatement lorsqu'on sort des limites
territoriales de la province de Québec. On ne vivra plus dans cet
environnement anglais. Est-ce que je vous ai bien compris quand vous avez dit
cela?
M. GAULIN: Je veux nuancer ma pensée ainsi. Je pense que nous
serons appelés à vivre dans un territoire qui, s'étant
affirmé français, son gouvernement va faire en sorte qu'il le
devienne. Il sera aussi normal, non plus de vivre dans un environnement
où trois langues dominent, je le rappelle, l'espagnol, l'anglais et le
français, mais nous vivrons dans un territoire qui sera français.
Nous pouvons vivre dans un territoire où nous parlons français,
où nous vivons français, tout en étant très
près des Etats-Unis, exactement comme le type qui vit dans l'ouest de la
France et se trouve accoté sur l'Allemagne, mais il vit quand même
en français tout en étant à proximité d'un autre
territoire où on parle allemand.
M. VEILLEUX: Vous admettrez avec moi que, depuis quelque temps, la
France rencontre quand même elle-même des difficultés quant
à la conservation du français tel qu'elle voudrait le conserver
à l'intérieur des limites. Je me souviens d'avoir lu, lors de la
mort du président français, Georges Pompidou, certains de ses
discours où il faisait mention de ce danger que vivent
présentement à l'heure actuelle les Français de France en
regard du français.
Il va sans dire que j'ai la très nette impression... C'est mon
opinion. Vous m'avez donné la vôtre. Je vous dis que le fait de
décréter l'unilinguisme ne fera pas que, demain matin, notre
environnement ne sera plus ce qu'il est.
M. GAULIN: Mais vous avez raison. Paris...
M. VEILLEUX: Pour que cet environnement change, et quelles que soient
les lois qu'on sera appelé à voter ici je tiens à
le dire c'est une prise de conscience individuelle de chaque personne
qui s'exprime, à l'heure actuelle, en français, une prise de
conscience de ces gens qui fera que le français s'améliorera et
qu'on le parlera de plus en plus.
M. GAULIN: Mais, M. le député...
M. VEILLEUX: Je trouve curieux, en terminant, que vous vous opposiez
quelque peu, ou plutôt que vous ayez certaines réticences à
l'enseignement d'une langue seconde, disant que...
M. TARDIF: A l'élémentaire.
M. VEILLEUX: Oui. En disant que quel- qu'un qui apprend une
deuxième langue, même dès son bas âge, est
voué à perdre sa langue maternelle. J'ai plusieurs exemples, dans
la tête, de gens qui je ne sais pas s'ils ont appris l'anglais,
par exemple, à l'école maternelle sont de parfaits
bilingues. Je trouve curieux que la majorité des ténors de
l'unilinguisme français au Québec sont des gens du même
souffle qui possèdent très bien la langue seconde, qu'il s'agisse
de mentionner le chef du Parti québécois, le leader parlementaire
du Parti québécois, le chef de l'Opposition, la majorité
des députés du Parti québécois et tous les leaders
du Parti québécois. Je trouve paradoxal cette prise de position
de ces gens qui maîtrisent très bien les deux langues, mais qui
voudraient voir le reste de la population s'encarcaner dans une seule
langue.
M. GAULIN: Je ne crois pas que...
M. MORIN: Un point de privilège. Je ne suis pas sûr d'avoir
bien compris le député de Saint-Jean.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Appelez cela règlement...
M. MORIN: Un point de privilège. Je crois que le
député de Saint-Jean...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Appelez cela règlement pour le
bénéfice du journal des Débats.
M. MORIN: Bien! J'invoque le règlement. Je crois que le
député de Saint-Jean nous a prêté des intentions et
nous a fait dire des choses que nous n'avons jamais dites ni même
pensées. Je ne voudrais pas que ces messieurs nos invités se
laissent impressionner par ces bonnes vieilles tactiques parlementaires.
M. GAULIN: M. le Président, puisqu'il semble qu'on...
M. VEILLEUX: Je voudrais répondre au député, un
peu...
M. GAULIN: Oui.
M. VEILLEUX: Je n'ai pas prêté d'intention au
député de Sauvé. J'ai tout simplement dit qu'il
était un parfait bilingue.
M. HARDY: II a constaté une situation.
M. VEILLEUX: J'ai constaté une situation.
M. MORIN: Cela est tout à fait conciliable avec un Québec
français, ne vous en déplaise!
M. GAULIN: Je voudrais faire deux remarques à propos de ce que M.
le député Veilleux nous a dit. Je suis d'accord avec lui pour
dire qu'il faut que les individus supportent la langue, mais je pense que les
individus ne peuvent pas supporter la langue si l'Etat ne la supporte pas.
Quand M. Veilleux donnait comme exemple des professeurs qui n'étaient
pas professeurs de français et qui, jusqu'à un certain point, ne
tenaient plus compte maintenant de l'orthogra-
phe et des choses comme cela, je pense que c'est encore là un
signe de la décrépitude de la langue française au
Québec. C'est une chose qui n'a pas d'importance, la langue
française au Québec, puisque l'anglais... Je vais terminer, si
vous me le permettez.
M. VEILLEUX: Vous vous souvenez lorsque le ministère de
l'Education, vers 1969, a implanté les nouvelles méthodes ou a
voulu inciter les gens aux nouvelles méthodes tant à
l'élémentaire qu'au secondaire. A ce moment, lorsque arrivait le
temps de corriger les examens de fin d'année du ministère, on
disait: Ne vous préoccupez plus du français dans les
matières autres que le français. Cela a été
joliment important. Je trouve qu'une décision du ministère,
à ce moment, pour revaloriser le français...
M. BOIVIN: Est-ce qu'on a déjà dit cela?
M. VEILLEUX: Je me souviens quand je corrigeais les examens à
Honoré-Mercier, on nous avait dit: Dans la correction des examens, ne
tenez plus compte ... Par exemple, en biologie...
M. BOIVIN: Pour les autres matières, ce n'est pas
compliqué, c'est vrai ou faux...
M. VEILLEUX: C'est cela.
M. BOIVIN: ... dans certaines matières.
M. VEILLEUX: Faux avec un "t"...
M. BOIVIN: On ne peut pas corriger le français.
M. VEILLEUX: ... et vrai avec un "x".
M. GAULIN: Quoi qu'il en soit, je pense qu'un professeur de
mathématiques... Il y a des étudiants qui ne sont pas bons en
mathématiques pour une raison très simple: ils ne savent pas
lire. Il y a des étudiants qui ne sont pas bons en chimie pour une
raison très simple: ils ne savent pas lire.
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre des Affaires culturelles.
M. HARDY: Je pense que nous sommes à plus de deux heures de
séance avec ce groupe et qu'il faudrait peut-être songer à
entendre d'autres groupes qui sont présents ici.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je suis prisonnier des questions et des
avis de questions que vous m'avez vous-mêmes...
M. HARDY: Oui, mais je pense que nous devrions également
être prisonniers d'une cer- taine équité envers tous ceux
qui se présentent à la commission et je ne pense pas que l'on
doive accorder une importance démesurée à un groupe en
regard des autres groupes qui veulent se faire entendre.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'avais demandé, au tout
début, tout en indiquant à ceux qui m'avaient demandé le
droit de parole, d'essayer d'être le plus bref possible. Je vais appeler
ceux que j'ai encore sur ma liste: le député de Pointe-Claire, le
député de Lafontaine et le député de
Sauvé.
M. CLOUTIER: A moins qu'ils ne renoncent à leur droit de parole
étant donné que nous avons vraiment dépassé les
délais. Nous entendrons de très...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que le député de
Saint-Jean a terminé?
M. VEILLEUX: Oui.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Pointe-Claire.
Excusez-moi. Je pense que vous étiez en train de terminer de...
M. SEGUIN: Mes questions habituelles. Je serai simple. Vous avez
déclaré hier que vous représentiez ou que vous aviez 1,000
membres. Voulez-vous me dire ou dire à la commission, afin que cela soit
consigné au journal des Débats, de quelle façon vous avez
préparé votre mémoire, très brièvement,
c'est-à-dire combien de jours, combien d'heures avez-vous passées
à sa préparation? Qui y a contribué? Est-ce que les
membres de votre association ont été consultés et de
quelle façon avez-vous obtenu votre mandat pour venir ici, devant la
commission, parler en leur nom?
M. DORION: D'abord, nous regroupons 1,000 professeurs de
français, comme nous avons dit, sur une possibilité
d'au-delà de 30,000 au Québec, compte tenu que 20,000 professeurs
sont de l'élémentaire et enseignent diverses matières.
Pour cette raison, ces professeurs ne désirent pas, évidemment,
adhérer à quatre ou cinq associations. Ce qui veut dire que nous
représentons, comme je l'ai dit hier, une proportion même
légèrement plus forte que l'Association française des
enseignants français, toutes proportions gardées, bien
entendu.
Quant à la deuxième partie de votre question qui concerne
la fabrication du mémoire, nous nous sommes déjà
prononcés sur plusieurs aspects depuis 1967, depuis que nous existons,
sur différents problèmes de la langue française. Depuis
l'annonce de la commission parlementaire, nous nous sommes réunis en
conseil d'administration provincial ou national et nous avons discuté
une journée entière du projet de loi et un sous-comité a
été formé pour rédiger le mémoire. Il a mis
environ deux semaines et, par la suite, cela a été soumis aux
cinq sections que
compte l'association, c'est-à-dire le Saguenay-Lac-Saint-Jean,
Québec, Montréal, Trois-Rivières et Hull. Après
cette consultation, les modifications au mémoire nous sont parvenues et
l'équipe de rédaction a tenu compte de toutes ces modifications
et vous l'avez ici dans sa version finale.
M. SEGUIN: Je vous remercie, M. Dorion. Vous avez semblé ou
quelqu'un a dit tout à l'heure je ne sais pas si cela
était intentionnel ou non qu'il y avait eu consultation ou qu'un
autre groupe, les syndicats, par exemple, viendrait ici devant la
commission.
M. DORION: Oui. Nous faisons partie du Mouvement Québec
français. Nous sommes membres fondateurs du Mouvement Québec
français en tant qu'association et les deux représentants de
notre association au Mouvement Québec français sont M. Gaulin et
moi-même en tant que président. Nous avons aussi
siégé avec eux à plusieurs reprises, de même qu'avec
les groupements qui forment le Mouvement Québec français, entre
autres, le MNQ, le Mouvement national des Québécois.
M. SEGUIN: Il serait juste de dire, dans ce cas, que votre
mémoire a été préparé en consultation avec
certains autres groupes...
M. DORION: Non. Il y aura deux mémoires de
présentés.
M. SEGUIN: Oui. Mais il y a eu consultation de votre part.
M. DORION: C'est-à-dire que nous avons dit que nous nous
attacherions à deux aspects précis devant le MQF. Nous avons dit
que nous nous attacherions au principe même du projet de loi 22 et
à la langue d'enseignement.
M. SEGUIN: Je vous remercie, M. Dorion.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, il y a deux points particuliers que je
voudrais souligner. Tantôt, M. Gaulin parlait de ghetto anglophone. Je
veux vous demander ceci au départ: Quand on regarde je vis
à Montréal, et dans Montréal, quand on s'en va dans
l'ouest, à l'ouest du Saint-Laurent jusqu'à
l'extrémité de l'île une minorité anglophone
à l'intérieur d'un Québec qui n'est pas encore un
Québec français, une minorité anglophone qui
réussit à voir la grande majorité de ses ressortissants
qui viennent au monde avec une langue maternelle anglaise, qui sont
éduqués en anglais, qui travaillent en anglais, qui ont des
loisirs en anglais, qui vont même au moment de leur mort mourir encore en
anglais, sans avoir été capable de dire un seul mot de
français, pensez-vous que, dans cette situation, il y a
réellement une homogénéité au Québec?
Pensez-vous que l'Etat français proposé par le bill 22 peut
réellement corriger cette situation où il est possible pour une
minorité de passer toutes les étapes normales de sa vie
uniquement en anglais en côtoyant même des francophones et
d'être incapable de parler français? Est-ce que vous pensez que le
bill 22 peut corriger cette situation?
M. GAULIN: Pour répondre très brièvement à
M. le député Léger, je réponds non. Nous avons dit
hier que le bill 22 faisait de la langue française une langue de
traduction. Avec tout ce qui est dans le bill 22, les anglophones vont
continuer de fonctionner en anglais comme ils l'ont toujours fait.
M. LEGER: Un peu plus loin vous avez dit que la motivation était
nécessaire et que si l'anglophone veut apprendre le français, il
faut qu'il soit motivé à le faire. Autrement dit, entre autres,
vous avez parlé d'une vie socio-économique française qui
permettrait à l'anglophone de dire: Pour moi, c'est important le
français. Si les anglophones parlaient français, si
c'était possible pour eux de parler français, il n'y aurait pas
deux solitudes, il pourrait y avoir une homogénéité
à ce moment. Donc, il faut nécessairement un redressement total
de la situation du français à tous les niveaux pour permettre,
justement, cette intégration des deux solitudes au Québec
actuellement. Est-ce que vous êtes d'accord là-dessus?
M. GAULIN: Oui, c'est cela. Il faut affirmer qu'on a le pouvoir
politique et ensuite le prendre.
M. LEGER: D'accord. Une autre question provient du fameux sondage. Quand
on parle d'unilinguisme, je pense que les citoyens québécois,
soit à cause du contexte dans lequel ils vivent, soit à cause de
leur préparation psychologique, sociale, soit à cause de
l'information qui leur manque peut-être, sont complètement
mêlés au point de vue des termes: unilinguisme d'un Etat et
bilinguisme d'un Etat. Je prends pour exemple le président du Parti
présidentiel qui a fait une déclaration après le sondage.
On lui a posé la question : Est-ce que vous êtes pour un Etat
bilingue? Alors, M. Dupuis disait à ce moment: Oui, je suis d'accord que
le plus de citoyens soient bilingues. Imaginez-vous, si un président
d'un parti comme celui-là ne fait pas de différence entre un Etat
bilingue et des individus bilingues, comment dans un sondage des citoyens qui
sont dans une situation concrète de tous les jours, dans une limitation
géographique de leur vie quotidienne, ou qui ont des aspirations
limitées, sont-ils capables de déterminer s'ils sont pour ou
contre l'unilinguis-me quand, pour eux, l'unilinguisme veut souvent dire que
les gens ne parleront qu'une langue? Puisque M. Dupuis disait
lui-même:
l'Etat bilingue, c'est que tout le monde parle deux langues.
Est-ce que vous ne pensez pas que le sondage peut être
faussé par le fait que les mots ne signifient pas la même chose
pour tous les gens et que l'unilinguisme collectif n'est pas en opposition avec
un bilinguisme des individus?
M. GAULIN: Bien sûr. Non seulement le bilinguisme des individus,
mais le fait de parler plusieurs langues, le trilinguisme ou le
quadrilin-guisme. Ce que vous dites est tellement vrai qu'il y a même un
éditorialiste d'un important journal qui disait, lorsqu'on a
demandé l'unilinguisme d'Etat au Québec, l'unilinguisme collectif
ou Punilinguisme officiel: Ces gens sont des gens qui ne sont pas
réalistes. Comment ma secrétaire va-t-elle communiquer avec les
Etats-Unis? Il confondait donc c'était pourtant un
éditorialiste de renom Punilinguisme officiel et la
possibilité des individus de parler un tas de langues. Nous pensons
justement que c'est dans les pays unilingues qu'il y a des gens qui parlent le
plus de langues.
M. LEGER: Donc, Punilinguisme dans un Etat n'empêche pas la
majorité des individus d'être bilingues selon leur choix, leurs
affinités, leurs goûts culturels, etc.
M. le Président, l'autre question que je voulais poser: Pourquoi,
d'après vous, est-il important d'apprendre l'anglais dans le contexte
actuel, l'anglais, langue de l'économie et du travail, aspiration d'une
personne qui veut gagner sa vie? Autrement dit, comment voulez-vous que les
personnes, à qui on pose des questions sur l'utilité de
l'anglais, soient capables de réaliser que l'anglais peut ne pas
être aussi essentiel si, pour eux, dans le contexte actuel, la langue de
travail est l'anglais? Comment pensez-vous qu'eux pouvaient répondre
réellement que l'anglais n'était pas absolument essentiel? Quand
vous envoyez un enfant francophone, ayant le libre choix, à
l'école anglaise, est-ce que vous voyez par là non seulement
l'apprentissage d'une langue anglaise, mais, comme le disaient des groupes
anglophones... La langue est le véhicule d'une culture et le francophone
qui va inscrire son enfant à une école anglaise obtient tout
à coup, par cette immersion, une culture anglaise. A la sortie de
l'école anglaise, non seulement il parlera très bien anglais,
mais il sera porté, par le fait qu'il aura été
continuellement côtoyé par des anglophones, à prendre leurs
habitudes, entre autres celle, peut-être, de lire dorénavant le
Star ou la Gazette et d'oublier de lire les journaux francophones. Les journaux
anglophones continuent à charrier la culture anglaise. Par la suite, on
voit des réactions et je vais vous en citer une. Un député
que je nommerai pas, un député anglophone, qui ne lit que le Star
et la Gazette, pour avoir les nouvelles quotidiennes, et qui hier nous disait:
Depuis que j'écoute...
M. TARDIF: ... le Jour.
M. LEGER: ... les mouvements français qui viennent parler, je
commence à comprendre le problème des francophones. Il ne pouvait
pas le voir parce qu'il ne se reflétait pas, le problème
francophone, à l'intérieur de la presse anglophone. La même
chose dans le domaine du travail ou dans le domaine de l'argent qu'on va
investir. Le Canadien français qui va sortir d'une école anglaise
va, par la suite, adopter les attitudes, les habitudes de ses amis qu'il aura
eus sur le plan humain, qui sont anglophones, qui vont investir dans les
milieux, les banques anglophones ou dans les trusts anglophones parce que, pour
lui, c'est normal. Il devient, à ce moment-là,
complètement vidé. Est-ce que...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Jacques-Cartier, une question de règlement.
M. SAINT-GERMAIN: Une question de règlement, certainement. Cela
fait deux heures que nous avons, ce matin, cette association devant nous et
voilà qu'au lieu de coopérer, M. le député fait un
débat sans poser de question.
M. LEGER: M. le Président, un débat, c'est rare quand on
le fait tout seul.
M. SAINT-GERMAIN: II faut penser qu'en prolongeant les débats on
prive certaines associations de venir nous donner leur opinion.
UNE VOIX: C'est vrai.
M. MORIN: M. le Président, je regrette, sur le même point.
Ce n'est pas nous qui avons occupé tout le temps ce matin, je le ferai
remarquer en toute amitié au député. Ce sont les
députés gouvernementaux qui ont profité le plus des deux
heures de débat que nous avons eues ce matin. Aussi est-il normal que
l'Opposition ait sa juste part.
M. HARDY: M. le Président, sur la question de règlement.
Il a été bien entendu, et d'ailleurs c'est le règlement
qui le dit, que l'objectif des séances de la commission parlementaire
était de recevoir l'opinion des personnes qui se présentent.
Actuellement, le député de Lafontaine...
M. LEGER: C'est ce que le député de Saint-Jean et le
député d'Anjou faisaient tantôt.
M. HARDY: M. le Président, le député de Lafontaine
est peut-être frustré parce qu'il a été
remplacé, on ne l'a pas considéré assez bon pour rester
à la commission.
M. LEGER: M. le Président, question de règlement.
M. HARDY: Laissez-moi finir la mienne...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... le député de
Lafontaine...
M. LEGER: Oui, M. le Président, je pense que ce n'est pas la
première fois que des députés sont échangés
à des commissions parlementaires. Je pense que le fait qu'un
député qui est à une commission laisse sa place au chef de
l'Opposition démontre l'importance que nous donnons à cette
commission parlementaire pour que le chef de l'Opposition soit présent,
et si vous avez remarqué, sauf quelques rares cas, je n'étais pas
absent. Donc, c'est tout simplement pour donner l'importance voulue en mettant
le chef de l'Opposition à une commission où il n'est pas
lui-même présent.
M. HARDY: M. le Président, malgré votre partialité
à l'endroit des gens de la gauche, est-ce que vous allez me permettre de
terminer ma question de règlement?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Question de règlement, c'est que
votre déclaration de tout à l'heure invitait à une
déclaration que j'appellerais règlement-privilège.
M. HARDY: J'en conviens, M. le Président. Mais le
règlement est bien explicite. Vous en avez fait lecture au début
de nos séances. Lorsqu'une commission parlementaire siège avant
la deuxième lecture, ce n'est pas pour faire le débat de
deuxième lecture et ce n'est pas non plus pour étudier la loi
article par article. C'est d'abord pour écouter, entendre les personnes
qui veulent se présenter devant la commission, et les interventions des
députés doivent se limiter à ce moment-là, à
formuler des questions à l'endroit de ceux qui ont déposé
des mémoires. Ce que le député de Lafontaine fait
actuellement, et c'était l'explication que je donnais à sa
façon d'agir, c'est que, probablement pour atténuer sa
frustration, il avait décidé de faire un grand discours, une
grande déclaration de principe. Il pourra très bien faire son
discours ou sa déclaration de principe au moment de la deuxième
lecture, il pourra reprendre ses discours autant qu'il le voudra, lorsque nous
étudierons la loi, article par article. Mais la façon de
procéder du député de Lafontaine, actuellement,
empêche les membres de la commission d'entendre davantage les personnes
qui sont à la barre et les autres groupes qui veulent se faire entendre
aujourd'hui. Je vous demande tout simplement, M. le Président, avec la
bonhomie, avec l'esprit d'impartialité, avec une petite tendance vers la
gauche que vous avez, de faire respecter le règlement.
M. LEGER: M. le Président, le préambule que j'avais
donné fait peut-être mal au député de Terrebonne,
mais c'était dans le but d'arriver à la question suivante...
M. HARDY: Ah bon!
M. LEGER: A ce moment-là, le député de
Terrebonne comprendra pourquoi j'ai fait ce préambule pour situer
précisément la question. C'est que, devant cet état que je
viens de mentionner, la situation du citoyen québécois manquant
de toutes les étapes que j'ai mentionnées dans le contexte qu'il
vit exactement...
M. SAINT-GERMAIN: On sait ça.
M. LEGER: D'abord, je dois faire remarquer au député de
Jacques-Cartier que c'est la première fois que j'interviens sur des
questions de gens qui sont présents depuis le début. Si vous
voulez, soyez quand même assez ouverts, nous n'avons pas à
être plus pressés que cela, puisqu'il n'y a que deux
mémoires à entendre aujourd'hui. Je pense bien qu'il faut avoir
un peu d'ouverture d'esprit, de bonhomie, je vois cela sur le visage du
député de Terrebonne actuellement, et continuer dans ce style. Ma
question était la suivante: Devant toute la situation que je viens de
mentionner, est-ce que vous concevez que, pour le libre choix, la
liberté individuelle a une limite devant la liberté de la
collectivité québécoise à la suite de tout ce que
je viens de mentionner?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Moi, je
n'entends plus rien.
M. LEGER: Ils ont bien entendu, ils se préparent à
répondre.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Pour les instants à venir, je
demanderais la collaboration des membres de la commission pour permettre de
continuer, non pas dans le silence complet mais pour qu'on comprenne bien.
M. LEGER: Question, oui?
M. GAULIN: Je crois que la limite de la liberté individuelle,
c'est la liberté collective. On ne peut pas sacrifier la liberté
collective à la liberté individuelle. La langue est un bien
collectif, surtout dans le contexte socio-économique qui est le
nôtre, ce qui est d'ailleurs le cas de la plupart des pays normaux. On ne
peut pas sacrifier ce principe. C'est le cas de la plupart des pays
normaux.
On ne sacrifie jamais le droit collectif au droit individuel... Je pense
que, comme vous l'avez dit, il faut absolument changer au Québec le
pouvoir d'attraction de la langue anglaise pour le donner à la langue
française. Si on s'en tient aux études du professeur Charles
Caston-guay, le Canada français, dans la mesure où on le
définit comme étant un territoire où le français a
encore une force d'attraction, on est réduit à un axe qui passe
par Trois-Rivières, Québec et Chicoutimi. C'est aussi petit que
cela, le Canada français. Je pense qu'il faut absolument redonner au
Québec le territoire qui lui a été reconnu et
j'espère que le gouvernement du Québec va souligner cela,
comme on souligne la prise de la Bastille, il y a deux cents ans, par
l'Acte de Québec 22 juin 1774, où on reconnaît le
Québec comme un territoire français.
M. LEGER: Je termine, M. le Président, par l'affirmation
suivante. Je pense que, dans le débat linguistique qui existe depuis
quand même plusieurs années au Québec, de plus en plus les
Québécois s'éveillent aux problèmes collectifs du
fait qu'ils étaient trop souvent confinés à des
problèmes individuels et que, tout à coup, la collectivité
étant en danger, le débat devient de plus en plus
passionné et que l'agressivité qu'il peut y avoir des deux
côtés, autant du côté francophone que du
côté anglophone, provient surtout d'une insécurité.
Une personne est agressive quand elle se sent insécure". Quand on aura
un Québec français et que la nation québécoise
française, comme la nation québécoise anglophone, aura
cette sécurité, autrement dit, que le Québec sera pour les
francophones, sera français...
M. SAINT-GERMAIN: Question!
M. LEGER: ... et que les anglophones auront droit à ce que leur
confère actuellement l'Acte de l'Amérique du Nord britannique,
à ce moment-là, les francophones, comme les anglophones, seront
beaucoup plus tolérants, parce que, justement, ils n'auront plus cette
insécurité qui les rend peut-être agressifs à juste
titre.
M. GAULIN: II faut définir le jeu politique, c'est cela.
M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, qu'est-ce que c'est, la
question?
M. LEGER: Si vous n'avez pas compris, vous n'êtes pas... C'est un
dialogue de sourds.
M. SAINT-GERMAIN: Je n'ai pas compris.
M. LEGER: D'ailleurs, le dialogue de sourds, on le voit depuis deux
jours.
M. SAINT-GERMAIN: Un dialogue de sourds, c'est vrai. On n'est pas
intéressé ici à savoir vos opinions.
M. LEGER: Pardon?
M. SAINT-GERMAIN: On n'est pas intéressé...
M. LEGER: Moi, je suis intéressé à savoir ce que
vous dites.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Messieurs, à l'ordre, s'il vous
plaît!
M. SAINT-GERMAIN: L'opinion du député, nous la
connaissons.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît !
M. SAINT-GERMAIN: Nous sommes ici pour écouter les opinions des
invités.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous avez posé une
question, effectivement?
M. LEGER: Certainement, et il m'a répondu. C'était
tellement bien formulé qu'il m'a répondu oui.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Sauvé.
M. MORIN: M. le Président, j'avais l'intention d'interroger
à mon tour nos invités, mais, étant donné l'heure
tardive, je vais m'en abstenir en remerciant ces messieurs de l'Association
québécoise des professeurs de français de s'être
prêtés si volontiers à ce long examen oral.
Je voudrais cependant signaler que l'Opposition n'est pas responsable du
retard accumulé jusqu'ici. Seulement deux de nos députés
ont parlé, ont posé des questions à ces messieurs de
l'Association québécoise des professeurs de français. On
ne saurait nous imputer le retard dans la procédure.
Je voulais simplement signaler ce fait pour qu'on ne vienne pas nous
dire par la suite qu'il convient de limiter le droit de parole de l'Opposition.
Ce sont bien les députés libéraux que, ce matin je
pense que tout le monde l'admettra ont mobilisé, non sans
intérêt d'ailleurs, presque tout le temps disponible. Je vous
remercie, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je remercie beaucoup l'Association
québécoise des professeurs de français pour hier soir et
aujourd'hui. Je pense que vous avez, à ce jour du moins, le record de
participation à notre commission parlementaire. Merci.
M. DORION: Nous remercions la commission parlementaire de nous avoir
écouté avec autant d'attention et nous voudrions demeurer
très optimistes quant aux modifications profondes que subira le projet
de loi 22. Merci.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Avant de suspendre les travaux, je
voudrais à mon tour rappeler que, comme président de cette
commission, il ne m'appartient qu'un rôle, soit celui de faire respecter
les règlements par les membres de la commission, sous réserve de
certaines ententes pouvant intervenir à l'occasion de nos audiences.
Maintenant, si nous prenons comme exemple le cas de ce matin, l'audition
a duré trois heures. Nos règlements prévoient une heure.
Il ne m'appartient pas de faire durer une commission trois heures, quatre
heures ou cinq heures.
Mais j'inviterais tous les partis politiques, d'ici demain matin
à se réunir à nouveau et à indiquer au
président, à moi-même ou à ceux qui pourront me
remplacer, quel arrangement vous prenez pour le nombre d'heures allouées
à une association ou à une autre. Parce que, lorsqu'on lit les
règlements, on peut évidemment continuer, mais, de là
à tripler même le temps d'une audition, je pense que cela
mérite un consensus de la part des représentants aux
commissions.
Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, sur cette invitation que vous faites
aux partis à se réunir, voulez-vous dire que chaque parti doit se
réunir pour voir de quelle façon il entend procéder
à la commission parlementaire?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je dirais les leaders parlementaires avec
le représentant du Parti créditiste.
M. CHARRON: Oui, mais, M. le Président, ceci a déjà
eu lieu hier et jusqu'à ce moment, nous avons amplement respecté
l'engagement que nous avions pris hier à la table, c'est-à-dire
que j'ai affirmé au ministre de l'Education et au leader parlementaire
du gouvernement mon collègue de Beauce-Sud était
également témoin comment nous entendions
procéder.
Je vous ai dit, M. le Président, que, si vous nous assuriez,
comme Opposition, qu'immédiatement après les questions que le
ministre poserait, ce serait à moi ou à un des
députés de l'Opposition de s'adresser ensuite au témoin,
nous procéderions de la même façon que le ministre pour,
par la suite, inviter tous les collègues.
Je vous ai affirmé, à ce moment-là, que nous nous
gardions une seconde intervention à la fin, lorsque tous les
collègues libéraux seraient intervenus et c'est exactement de
cette façon, selon l'engagement pris hier midi, que nous avons
procédé depuis ce temps.
Mon collègue de Lafontaine qui est intervenu, le deuxième
de l'Opposition sur cette question et vous remarquerez que le chef de
l'Opposition a retiré sa demande d'intervention n'a pu le faire
qu'à midi. Pour ma part, j'ai pris, hier, de 10 h 45 à 11 h et,
ce matin, de 10 h 25 à 10 h 35. J'ai parlé pendant 25 minutes.
Mon collègue de Lafontaine a parlé probablement pendant 10
à 15 minutes. Tout le reste du temps a été occupé
par la majorité ministérielle.
Je crois, M. le Président, que votre invitation est
fondée, mais il ne faut pas vous en reprendre à nous, parce que
l'engagement d'hier a été, de notre part, intégralement
respecté. J'aimerais que votre invitation soit faite, à
l'intérieur de chacun des partis, pour qu'on se réunisse en
caucus chacun de notre côté et, surtout du côté
ministériel, qu'on s'entende pour savoir comment on va
procéder.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Si vous me le permettez, est-ce que nous
pourrions avoir immédiatement l'avis du caucus du Parti
créditiste?
M. ROY: Oui, et, en même temps, vous allez avoir l'avis du caucus
au complet.
UNE VOIX: Il est seul.
M. ROY: Je suggère justement qu'il y ait un caucus du
côté ministériel, parce que les ententes que nous avons
prises hier, nous les avons respectées. En ce qui me concerne, je les ai
plus que rigoureusement respectées. Or, c'est du côté
ministériel que nous est venu tout ce temps, tout ce débat. Je
pense que, pour nous, c'est du temps complètement perdu que de nous
réunir à nouveau pour discuter de cette question.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): C'est dans l'esprit des règlements.
Vous comprenez ma position. Je suis bien obligé d'avoir toujours les
règlements devant moi, c'est ma tâche, mais je suis un peu mal
pris.
M. CHARRON: Je comprends, M. le Président, que vous êtes
dans une position délicte pour inviter le caucus ministériel
à se réunir.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'invite ceux qui veulent bien
comprendre.
M. TETLEY: Adopté.
M. CHARRON: L'occasion est tentante pour certains députés
ministériels de sortir de l'ombre, mais je ne crois pas que cela doit se
faire au détriment des travaux normaux de la commission. Pour notre
part, nous respectons encore, jusqu'à nouvel ordre, jusqu'à ce
qu'une nouvelle proposition soit faite, l'engagement que nous avons pris
hier.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Nous entendrons, à compter de 4
heures, le Congrès canadien polonais.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 4 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 15)
Reprise de la séance à 16 h 29
M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs! Si vous voulez prendre vos sièges, s'il vous plaît.
Congrès canadien polonais
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'inviterais maintenant les
représentants du Congrès canadien polonais à venir en
avant. Est-ce qu'il y a un représentant du Congrès canadien
polonais ici dans la salle?
J'ai en main un télégramme, daté du 13 juin,
adressé à M. Pouliot, secrétaire des commissions,
indiquant: "Nous n'avons pas reçu la convocation. Prière de nous
fixer notre date. Congrès canadien des polonais."
Vous me permettrez peut-être de m'interroger comment il se fait
qu'ils envoient un télégramme pour nous dire qu'ils n'ont pas
reçu la convocation?
M. MORIN: Ils veulent peut-être dire qu'ils n'ont pas reçu
à temps le télégramme de convocation.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, mais...
M. CLOUTIER: II a été expédié à
temps, d'après ce que me dit...
M. MORIN: Cela me ramène au point que je soulevais ce matin. Il
est évident que quelquefois les télégrammes ne se rendent
pas, pour diverses raisons, et comme il est possible d'avoir un certificat
quant à l'heure de réception ou de livraison sur le
télégramme même lorsqu'on en fait la demande, je
proposerais que les associations qui nous apprennent...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous me permettez de vous
interrompre un instant? Pendant ce temps, je demanderais au secrétaire
des commissions de faire en sorte que les représentants du Conseil des
hommes d'affaires québécois, qui sont ici... Ah! Vous êtes
ici. Parfait.
Le chef de l'Opposition, pour compléter son intervention.
M. MORIN: Je voulais simplement demander que nous tenions compte du
moment où le télégramme est reçu par les
associations dans la détermination des délais. C'est tout ce que
je voulais souligner. J'ai déjà fait mention de ce point ce matin
et je crois que les événements de cet après-midi
confirment que la manière de procéder que j'ai
suggérée est la seule qui soit valable.
Je crois que M. le ministre veut la parole.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre de l'Education.
M. CLOUTIER : Je suis certainement sur la même longueur d'onde que
le chef de l'Opposition, parce que, comme lui, j'ai le souci d'avoir devant la
commission parlementaire les gens qui veulent déposer des
mémoires et les discuter. Cependant, j'éprouve certains doutes
sur l'efficacité de la façon de procéder qu'il
suggère. Je crois que la difficulté vient surtout du fait que le
délai de 48 heures vient seulement d'être instauré. Elle
disparaîtra du fait que nous allons, même si le délai de 48
heures est un minimum, convoquer tout le monde au moins quatre ou cinq jours
à l'avance. Je ne pense pas qu'on puisse se baser ce n'est pas la
pratique dans les autres commissions d'ailleurs sur la réception
du télégramme. Le secrétariat des commissions ne peut que
convoquer dans les limites du règlement et espérer que les
organismes se débrouilleront pour venir. On m'informe que certains
organismes téléphonent parfois pour dire: Nous ne pouvons pas y
aller à telle date, cela ne nous arrange pas, un tel est absent, je
travaille, ce ne sont pas mes heures de bureau. C'est une réponse qui a
été reçue récemment. Je ne vois absolument pas
comment, dans ces conditions, nous pourrons procéder.
M. MORIN: M. le Président, il serait peut-être utile
je me permets d'en faire une suggestion que le secrétariat des
commissions entre en contact avec tous les organismes dès maintenant
pour voir lesquels sont disponibles dans un avenir rapproché et lesquels
préfèrent attendre quelque temps avant de comparaître. Si
cette enquête est faite auprès des divers organismes qui sont
inscrits ils ne sont pas des milliers, ils sont quoi, 180! on ne
me fera pas croire qu'il est impossible de rejoindre 180 organismes, si on s'en
donne la peine. Cela peut se faire en quelques jours au maximum pour tenter
d'établir, déjà, peut-être non seulement, comme le
ministre le suggérait ce matin, une semaine d'avance, mais
peut-être deux ou trois semaines d'avance, les comparutions devant cette
commission. Je crois que ce serait la façon normale de procéder.
J'en profite, M. le Président, puisque nous sommes sur des questions
préliminaires, pour demander au ministre s'il aurait l'obligeance de
nous donner la liste complète de tous ceux qui se sont
enregistrés, tous ceux qui ont donné avis qu'ils désirent
être entendus devant la commission.
M. CLOUTIER: M. le Président, je ne peux pas partager l'opinion
du chef de l'Opposition, parce que j'ai été informé par le
secrétaire des commissions qui, soit dit en passant, ne dépend
pas de moi directement, n'est pas sous mon autorité, que, sur le plan
pratique, il est extrêmement difficile de communiquer avec certains
organismes. On a essayé ce matin de
faire une vérification auprès d'un organisme. Les
numéros de téléphone n'étaient pas exacts. Il y a
beaucoup de ces groupes qui ne sont pas je ne veux pas discuter leur
représentativité toujours faciles à toucher.
Il y a des groupes sociaux, des groupes culturels qui veulent s'exprimer
et qui n'ont peut-être pas toujours de sièges sociaux importants.
Alors, je ne crois pas que le secrétaire des commissions puisse
procéder de cette façon et je ne vois pas d'ailleurs pourquoi il
ne ferait pas comme à toutes les commissions. Le gouvernement est tout
à fait disposé à écouter les gens qui veulent
s'exprimer, le gouvernement, par le règlement, y est tenu
également et les règles du jeu sont bel et bien définies.
Alors, ceux qui ne peuvent pas s'y plier, malheureusement, je ne vois pas
comment ils pourront être entendus. Cependant, leur mémoire a
été reçu et nous pourrons en tenir compte.
M. MORIN : M. le Président, je ne voudrais pas que, par des actes
inconsidérés ou en appliquant trop à la lettre le
règlement, nous en arrivions à frustrer de leurs droits un
certain nombre de citoyens, que ce soit du côté de la
minorité anglophone ou du côté de la majorité
francophone ou encore des personnes qui regroupent les
Néo-Québécois. Je ne voudrais pas qu'on aboutisse à
cela parce que, par la suite, on ferait des reproches à cette commission
et ce serait navrant de voir que la procédure même de la
commission devienne un objet de débat politique. Je crois que la
commission doit non seulement être équitable dans sa façon
de procéder, mais doit donner l'impression de l'être. Cela doit
être évident que nous nous comportons équitablement.
Alors, je ne puis que répéter ma suggestion au ministre
et, naturellement, il en fera ce qu'il voudra. Bien qu'il n'ait pas
autorité directe sur le secrétaire de la commission, je suis tout
à fait persuadé que, si le ministre demande à la
commission de procéder d'une certaine façon, les responsables
feront de leur mieux pour lui rendre le service qu'il demande.
M. CLOUTIER: Le secrétaire de la commission m'informe que ce
n'est pas réalisable, mais cependant qu'il est tout à fait
disposé à essayer de communiquer avec certains organismes, en
plus d'envoyer des télégrammes, de manière à
s'assurer que l'on puisse apporter le maximum de souplesse.
M. MORIN: Eh bien, M. le ministre, je crois que cette réponse est
tout à fait satisfaisante. Nous ne demandons pas l'impossible. Nous
demandons que les fonctionnaires de la commission s'arrangent pour essayer de
prévoir peut-être quelques jours, peut-être même une
semaine, deux semaines à l'avance. Cela étant dit, je vous
réitère ma demande, M. le ministre, pour la liste complète
de tous ceux qui ont donné avis qu'ils désiraient être
entendus.
M. TETLEY: Bon. Continuez.
M. MORIN: Est-ce que je pourrais avoir une réponse à ma
question, M. le Président?
M. CLOUTIER: Oui. Voulez-vous me prêter encore votre
règlement?
M. le Président, notre règlement prévoit en effet
qu'après l'expiration de là date, il est possible de dresser
cette liste et de l'accompagner de mémoires. Je vais cependant
vérifier avec les autres commissions, avec le secrétariat des
commissions. J'ai déjà fait ma demande, mais je n'ai pas eu de
réponse pour savoir quelle est la pratique à cet égard. Je
voudrais procéder de la même façon que l'on procède
pour les autres commissions. Je n'ai aucune objection de principe.
M. MORIN: J'ai cru voir cette liste, elle existe, elle est
complète. Je ne vois vraiment pas pourquoi l'Opposition ne l'aurait pas
entre les mains.
M. CLOUTIER: L'Opposition l'aura entre les mains, le secrétaire
des commissions m'informe qu'elle n'est pas encore complète.
M. MORIN: Et quand pourrons-nous l'obtenir, M. le ministre?
M. CLOUTIER: Vous me permettrez de vérifier et je vous
répondrai le plus rapidement possible.
M. MORIN: C'est-à-dire, si possible, demain matin?
M. CLOUTIER: Très certainement demain matin, je ne vois pas
pourquoi il faudrait attendre.
M. MORIN: Merci, M. le ministre.
Conseil des hommes d'affaires québécois
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): J'invite maintenant le Conseil des hommes
d'affaires québécois incorporé. Pour le
bénéfice des membres de la commission et du journal des
Débats, auriez-vous l'amabilité de vous identifier au
début de votre intervention?
M. BELANGER: M. le Président, je m'appelle André-J.
Bélanger; je suis président du Conseil des hommes d'affaires
québécois Inc. et je suis accompagné de M. André
Charbonneau, membre de l'exécutif.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Vous pouvez procéder.
M. BELANGER: M. le Président, avec votre permission, je voudrais
d'abord commencer par
une courte présentation de l'organisme afin de prévenir
immédiatement certaines questions qui pourraient venir par la suite
concernant la représentativité. L'organisme que nous
représentons, le Conseil des hommes d'affaires québécois,
est de fondation toute récente, son congrès de fondation ayant eu
lieu effectivement les 17, 18 et 19 mai derniers, soit il y a moins d'un mois,
bien qu'il fût en période d'organisation depuis environ un an. Au
moment de ce récent congrès de fondation, nous comptions environ
300 membres, soit des hommes d'affaires répartis dans toutes les
régions du Québec et impliqués, pour la majorité,
dans de petites et de moyennes entreprises.
Depuis le congrès, nous avons reçu et obtenu un certain
nombre de nouvelles adhésions dont nous n'avons pas les chiffres, mais
disons que nous dépassons quelque peu les 300 membres.
Nous ne prétendons donc pas représenter la population du
Québec, ni représenter l'ensemble des hommes d'affaires du
Québec. Nous prétendons représenter environ 300 hommes
d'affaires impliqués dans la petite et la moyenne entreprises,
répartis à travers le Québec et qui, quant à leurs
occupations, représentent à peu près l'image de
l'entreprise québécoise francophone, c'est-à-dire
davantage impliqués dans les services, dans les professions, dans les
petits commerces et peu impliqués dans la grande entreprise qui,
d'ailleurs, nous échappe comme Québécois.
Enfin, je tiens à souligner qu'étant donné que ce
nombre, qui représente malgré tout un échantillonnage
assez fidèle de la population québécoise quant au milieu
des affaires... Ce que nous voulons débattre ici, ce n'est pas
représenter, comme je l'ai dit, la question ou l'opinion de la
population québécoise, c'est une question de principe et je pense
que la question de la représentativité doit jouer en second
lieu.
Le mémoire que nous vous avons soumis constitue
l'établissement des principes qui nous guideront par la suite dans la
discussion du projet de loi comme tel, du projet de loi 22. C'est d'abord notre
position de principe que nous avons voulu établir dans ce
mémoire. Jamais un gouvernement n'adopte un projet de loi sans d'abord
prendre une position de principe et c'est ce que nous avons voulu faire.
Dans un premier temps, nous avons dénoncé le mythe du
bilinguisme. La commission BB elle-même, la commission Laurendeau-Dunton,
dans son introduction générale, aux pages 17 et suivantes,
reconnaissait qu'il est impossible de parler d'un bilinguisme des individus et
qu'on ne peut parler que d'un bilinguisme des institutions. Tout bilinguisme
des individus, partout où on a tenté de l'appliquer, a toujours
mené à l'assimilation d'un groupe par l'autre. Un groupe
finissant toujours par prendre le dessus sur l'autre.
Au Québec, parce qu'on a voulu, depuis déjà de
nombreuses années et de trop nombreuses années, réaliser
ce présumé bilinguisme des individus, notre culture en a
été gravement atteinte, parce que notre langue, qui en est un
élément essentiel, est une langue qui n'est pas souvent
utilisée dans plusieurs secteurs, qu'on parle des secteurs techniques ou
mécaniques.
C'est la commission BB elle-même encore qui le reconnaissait
à la page 15 de son introduction générale. D'ailleurs,
l'histoire elle-même, dans les pays où on a tenté d'imposer
un bilinguisme chez les individus, nous est témoin qu'on en est toujours
arrivé à une assimilation d'un groupe par l'autre.
Un phénomène semblable de bilinguisme des individus est
à peu près totalement inexistant, sauf dans trois ou quatre
cantons suisses sur vingt-cinq. C'est à peu près le seul exemple
qu'on puisse posséder dans le monde.
Nous avons également constaté qu'il existe au
Québec un phénomène de dépendance économique
et politique chez les Québécois francophones,
phénomène qui se concrétise et qui s'est toujours
concrétisé à deux niveaux. D'abord, par un gouvernement
fédéral qui, depuis 1867, a continuellement tenté de
centraliser les décisions importantes et les secteurs importants de
notre vie et, ensuite, par la présence de plus en plus envahissante des
compagnies multinationales anglophones et étrangères chez nous.
Ces deux niveaux, notamment les compagnies étrangères et les
compagnies multinationales, exercent leurs pressions au sein d'organismes
présumément patronaux, présumément locaux,
présumément québécois.
On comprendra facilement que les positions qu'ils défendent sont
les positions qui servent leurs intérêts et non pas ceux de la
collectivité québécoise.
Je veux maintenant, ici, immédiatement souligner qu'il existe une
lacune dans ce projet de loi que nous étudierons tantôt, deux
grandes absences, soit l'immigration et les communications. Ces deux secteurs
sont totalement absents de ce projet de loi. Ils sont, à notre point de
vue, des secteurs importants d'une politique de la langue qui veut être
globale. Nous y reviendrons d'ailleurs.
Enfin, nous avons posé le principe, après avoir
constaté cette dépendance, cet état
d'infériorité dans lequel se sentent de nombreux
Québécois, ce complexe de colonisés qui existe chez nous,
qu'il n'y avait, à notre point de vue, qu'un seul moyen réel,
efficace et global pour susciter ce réveil et assurer cette survivance
de notre nation. C'est la reconnaissance du droit à
l'autodétermination du Québec.
Toutes les conditions pour former une société ou une
nation sont réunies.
Encore une fois, la commission BB le reconnaissait aux pages 13 et
suivantes, et spécialement au paragraphe 44 de son introduction, quand
elle définissait ce qu'était une société
d'après elle. Etant donné qu'il n'est pas question ici de faire
valoir ce point de vue et qu'on discute d'un projet de loi, nous croyons, en
conséquence, fondamental de mettre au moins un cran d'arrêt
à ce mouvement assimilateur, et c'est pourquoi nous croyons qu'une
législation
vigoureuse s'impose sur la question de la langue dans les plus brefs
délais.
Nous avons enfin, dans notre mémoire, en conclusion,
énuméré brièvement quels seraient, à notre
point de vue, le point de vue, le point de vue de l'homme d'affaires, dans le
domaine des entreprises en particulier, les éléments, les effets
bénéfiques d'une législation qui décréterait
vraiment ce que ne fait pas à notre point de vue le bill 22
le français, seule langue officielle au Québec. Ceci
favoriserait inévitablement l'accession de Québécois
et Québé-coi, j'entends le définir ici comme
citoyens francophones du Québec. Je ne parle pas d'ethnies ou d'origines
ethniques, mais je parle de citoyens qui parlent français, soit la
langue de la majorité. Ceci permettrait l'accession plus facile des
Québécois à des postes de cadre dans des entreprises
locales ou étrangères. Ceci permettrait aussi de faciliter
l'acquisition d'entreprises par des Québécois, et enfin la prise
de décisions dans le sens des intérêts collectifs des
Québécois, puisque la gestion, à ce moment, appartiendrait
vraiment aux Québécois.
Dans le projet de loi, partant de ces principes que nous
établissons dans notre mémoire, nous avons étudié
les 55 premiers articles, qui sont les articles de fond, les articles de base.
Le reste nous semble de la cuisine. Une fois qu'on a discuté et
décidé de ces problèmes de fond, on peut facilement
s'entendre sur le reste. Ce qui nous semble fondamental, ce sont ces 55
premiers articles. Et compte tenu de la position que nous venons d'exprimer,
que nous demandons qu'un projet de loi soit adopté ou qu'une loi soit
adoptée décrétant le français seule langue
officielle au Québec, c'est-à-dire seule langue d'enseignement,
seule langue de travail et seule langue de communication, nous arrivons
à la nécessité d'amender ou de rejeter purement et
simplement 25 des 55 articles étudiés.
Et ce faisant, il nous semble que ce texte devient à ce moment
inconsistant, truffé de répétitions et incomplet. Il nous
paraît impossible d'en faire un texte de loi qui puisse se tenir.
En conséquence, nous réclamons le retrait pur et simple de
ce projet de loi qui aura, cette fois, comme véritable fondement de
décréter le français comme seule langue officielle au
Québec, c'est-à-dire et je le répète
seule langue d'enseignement, seule langue de travail et seule langue de
communication.
Avant de passer à l'étude de ces articles en question,
j'aimerais maintenant vous les énumérer. Plus
précisément, il y en a 27 à retirer ou à amender,
soit les articles 1, 2, 8, 9, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 20, 24, 26, 28, 29, 31,
39, 41, 45, 48, 49, 52, 53 et 54.
Je donne maintenant la parole à M. Charbon-neau.
M. ROY: Excusez-moi. Est-ce que cela serait trop vous demander de nous
redonner les articles? J'ai essayé de vous suivre, mais je vous ai perdu
en cours de route.
M. BELANGER: Je peux vous les redonner avec plaisir. Vous voulez les
noter immédiatement? Les articles 1, 2, 8, 9, 11, 13, 14, 15, 16, 17,
20, 24, 26, 28, 29, 31, 39, 41, 45, 48, 49, 52, 53 et 54.
M. ROY: Merci.
M. BELANGER: Avant de donner la parole à M. Charbonneau,
j'aimerais rappeler la conclusion de notre mémoire. Il est impossible,
à notre point de vue, dans l'état constitutionnel actuel des
choses d'adopter une loi qui puisse, globalement, résoudre le
problème, premièrement, parce que l'article 133 nous limite et,
deuxièmement, parce que d'autres secteurs clés sur lesquels nous
devrions légiférer nous limitent également.
J'ai parlé tantôt de l'immigration et j'ai parlé
également des communications qui sont un élément
clé, à notre point de vue, d'une politique de la langue.
Nous allons maintenant passer aux recommandations. Ces recommandations
je le répète ne devraient pas constituer, à
notre point de vue, même si cela nous était permis de le faire, un
projet de loi comme tel ou, en tout cas, cela n'irait pas assez loin, parce que
et à cause des limites constitutionnelles qui nous sont imposées
et parce que ce projet de loi serait à ce moment inconsistant et
incomplet. Les amendements que nous vous proposons sont faits dans le but de
donner une idée de ce que devrait être une véritable loi
sur la langue au Québec.
M. CHARBONNEAU: II s'agit tout simplement de reprendre ces divers
articles en essayant d'être très bref. Premièrement, nous
suggérons le retrait de l'article 1 ou l'amendement de l'article 1 pour
le modifier de la façon suivante: "Le français est la langue
officielle du Québec, c'est-à-dire: a) la langue de
l'administration; b) la langue des entreprises d'utilité publique et des
professions; c) la langue de travail; d) la langue des affaires; e) la langue
d'enseignement."
Nous suggérons de biffer l'article 2. Nous suggérons de
biffer l'article 8. Nous suggérons de biffer l'article 9. Nous
suggérons de biffer l'article 11. Nous suggérons de biffer
l'article 13 pour le remplacer par le suivant: "Le français et l'anglais
sont les langues de communication interne des organismes municipaux dont les
administrés sont, en majorité, de langue anglaise, de même
pour les organismes scolaires pour la durée de la période de cinq
ans avant que le secteur d'enseignement public anglophone ne soit aboli." Nous
suggérons de biffer le deuxième paragraphe de l'article 14 et de
l'amender à compter du mot "appropriée" de la façon
suivante: "Nul ne peut être admis ou promu à une fonction
administrative dans l'administration publique s'il n'a de la langue officielle
une connaissance appropriée à l'emploi qu'il postule" en
ajoutant: "selon les normes définies par
la Commission de la fonction publique du Québec." Article 15,
nous suggérons de le modifier par l'addition de "En assemblée
délibérante dans l'administration publique, les interventions
dans les débats officiels doivent être faites en langue
française."
Article 16, nous suggérons de le remplacer par: "Le ministre de
la Justice doit faire en sorte que les jugements prononcés par les
tribunaux soient rédigés en français." Article 17, nous
suggérons de biffer toute la partie de l'article qui suit, les mots
"langue officielle'', pour se lire comme suit: "Les contrats conclus au
Québec par l'administration publique ainsi que les sous-contrats qui s'y
rattachent doivent être rédigés dans la langue officielle."
Article 20, nous suggérons d'en biffer le deuxième paragraphe.
L'article 24, nous suggérons d'en biffer le deuxième paragraphe.
L'article 26, nous suggérons de le remplacer par le suivant: "Si, au
cours d'une assemblée régulièrement convoquée, les
salariés d'une association accréditée en décident
ainsi, à la majorité des voix, les conventions et écrits
visés à l'article 25 pourront être rédigés en
français et en anglais, et les négociations et les séances
de conciliation pourront se faire dans ces deux langues au choix.
Toutefois, les conventions collectives, qui doivent être
déposées en vertu de l'article 60 du code du travail, seront
rédigées en français." A l'article 28, nous
suggérons de remplacer le début du premier paragraphe comme suit:
"Après une période de transition maximale de cinq ans, les griefs
formulés par les salariés devront être
rédigés en français". Le deuxième paragraphe se
lisant comme il est inscrit. Nous suggérons de rayer l'article 29 pour
le remplacer par le suivant: "Si, au cours d'une assemblée
régulièrement convoquée, les salariés d'une
association accréditée en décident ainsi, à la
majorité des voix, la langue française et la langue anglaise
doivent être utilisées dans les matières visées au
deuxième alinéa de l'article 28. Toutefois, les décisions
arbitrales rendues doivent être déposées en
français". Nous suggérons de rayer, proscrire et bannir l'article
31 et c'est seulement en le lisant qu'on comprend pour quelle raison. Point
n'est besoin d'insister.
Peut-être que je pourrais lire l'article 31 pour le
bénéfice de ceux qui n'ont pas le texte de loi. Il s'agit du
versement de subventions à des entreprises pour favoriser l'utilisation
de notre langue. "Le ministre peut accorder des subventions aux entreprises qui
adoptent et appliquent un programme de francisation conformément aux
articles 35 et 47". Donc, pour nous, c'est un article à bannir. Il
s'agit pour le peuple québécois d'une attitude qui frise pour
nous la bassesse.
Nous suggérons que l'article 36 se lise maintenant comme suit:
"La personnalité juridique ne peut être conférée,
à moins que la raison sociale adoptée ne soit en langue
française". Le deuxième paragraphe, tel qu'inscrit dans le texte
de loi, nous paraît conforme. Nous suggérons de rayer l'article
38. Nous suggérons de rayer l'article 39 pour le remplacer par l'article
suivant: "Les contrats d'adhésion, les contrats où figurent les
clauses types imprimées ainsi que les bons de commande, les factures et
les reçus imprimés doivent être rédigés en
français". Nous suggérons que l'article 41 soit modifié
ainsi: "les contrats auxquels adhèrent les consommateurs doivent
être rédigés en français". Nous suggérons que
l'article 45 soit remplacé par le suivant: "Les propriétaires de
panneaux-réclame ou d'enseignes lumineuses installés avant la
promulgation de cette loi disposent, à compter de cette date donc
de la promulgation de la loi d'un délai de trois ans pour se
conformer à l'article 43.
Les entreprises, qui font commerce de louer des espaces publicitaires
et cette section n 'est pas prévue en aucune manière dans
la loi sur panneaux-réclame, ne peuvent bénéficier
de ce délai pour ces dits espaces loués." Donc, toute
réclame, après la promulgation de la loi, se ferait sur des
panneaux-réclame loués, en français.
Nous suggérons que l'article 48 soit modifié de la
façon suivante: "L'enseignement public se donne en français au
Québec. Sur une période de cinq ans, le français deviendra
la seule langue d'enseignement du secteur public. Le ministre de l'Education
pourra permettre à des organismes privés l'enseignement en
anglais, pour une période ne dépassant pas de dix ans les cinq
années prévues au début de ce paragraphe. Après
cette période de quinze ans, aucune subvention ne pourra plus être
accordée pour l'enseignement de l'anglais dans ces institutions
privées. La commission scolaire du Nouveau-Québec peut cependant
dispenser l'enseignement en langue française et en leur langue aux
Indiens et aux Inuit."
Nous suggérons de rayer les articles 49, 50 et 51 qui, par la
modification de l'article 48, deviennent inutiles.
Nous suggérons de modifier l'article 53 pour qu'il se lise
maintenant ainsi: "Les avis, dont une loi prescrit la publication en
français et en anglais, devront être publiés uniquement en
français à l'avenir."
Nous suggérons de rayer l'article 54.
Enfin, nous tenons à souligner que le bill 22 laisse sans
législation aucune tout l'aspect des moyens de communication qui sont,
on le sait, dans un pays comme celui-ci, extrêmement importants. On sait
l'importance de l'entrée de la télévision
américaine par câblodiffusion au Québec, on sait quel
facteur d'anglicisation ce peut être. Nous croyons aussi qu'il y a lieu
qu'un bill sur la langue tienne compte d'un partage équitable de
l'utilisation des ondes entre les anglophones et les francophones au
Québec.
Une autre lacune grave, d'après nous, de ce bill 22, c'est que
cette loi ne prévoit pas comment elle pourra s'appliquer aux bureaux des
ministères fédéraux au Québec, aux compa-
gnies d'Etat fédérales, aux entreprises incorporées
au fédéral et l'on sait combien de multinationales sont
incorporées à Ottawa aux chemins de fer, à Air
Canada, aux banques à charte, aux ports nationaux, et cette liste
pourrait s'allonger longuement.
Nous croyons qu'une association d'hommes d'affaires telle que la
nôtre doit souligner devant cette assemblée des facteurs tels que
ceux qu'il faut reconnaître pour bien étudier le problème
de la langue. Cela nous paraît être la situation dominée du
peuple québécois, dominée, non seulement sur le plan de la
langue. C'est défini depuis longtemps, une relation de domination, c'est
toujours une relation d'exploitation socio-économique. Et pour nous ici
au Québec, nous croyons que cette exploitation économique se fait
toujours à deux niveaux et par deux cultures qui sont bien près
d'être apparentées, tout d'abord, par les interventions, les
mainmises du fédéral qui, chaque année, drainent des
millions des fonds publics du Québec qui, par le biais des programmes
conjoints, engagent des budgets du gouvernement provincial, le privant en
partie de son autonomie dans ces secteurs.
Nous croyons que ce jeu de domination économique se fait aussi
par le biais de l'extraordinaire outil d'efficacité que sont les
multinationales. Nous croyons qu'une société comme la nôtre
doit se protéger, nous croyons que le gouvernement
fédéral, par ses tentatives d'entrer dans des champs
réservés au gouvernement du Québec, tente de transformer
la socio-culture du Québec. Nous croyons que les multinationales
par le biais d'organismes financés qui sont des organismes parfois
d'expression francophones, mais qui traduisent les idées, les visions
sociales d'organismes anglophones imposent leurs vues au
Québec.
Nous croyons et c'est fondamental dans toute relation de
dominants à dominés ou, si l'on préfère, pour ne
pas avoir peur des mots, dans toute situation de colonisateurs à
colonisés que nous sommes que le phénomène le plus
extraordinaire est toujours celui de la participation du colonisé
à sa propre colonisation. C'est facile d'observer ici au Québec
combien sont nombreux les Québécois qui, victimes d'une
espèce d'admiration dangereuse pour le milieu anglophone, souffrent de
mimétisme, deviennent de véritables porteurs de germes
d'anglici-sation, et même, contribuent à répandre une
culture qui n'est pas la nôtre, des gens qui vivent au sein d'entreprises
anglophones très souvent, qui s'appellent John au lieu de s'appeler
Jean, qui parlent en anglais à des comités, même entre
francophones et ici, nous pourrions citer plusieurs exemples, qu'il suffise
d'observer les opérations de Bell Canada à Montréal, dans
les différents comités.
Nous croyons que tous ces facteurs obligent le gouvernement du
Québec, s'il veut se faire l'outil de notre protection, à adopter
une loi qui, nous l'aurions souhaité, aurait été
jusqu'à la décision d'accorder sa souveraineté au
Québec, mais puisqu'il s'agit d'un travail au niveau de la
souveraineté culturelle, nous pensons que le gouvernement doit, à
tout le moins, voter un projet de loi qui soit efficace, qui reconnaisse les
vrais problèmes et qui fasse du français la langue du
Québec.
M. BELANGER: M. le Président, c'est notre exposé.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre de l'Education.
M. ROY: Avant le ministre de l'Education, j'ai juste une question
à poser. Est-ce que vous pourriez nous donner une copie des amendements
que vous avez proposés? Est-ce que vous disposez d'un document?
M. BELANGER: Malheureusement, à cause des délais
très courts nous avons été convoqués
à 24 heures d'avis nous n'avons pu préparer une copie qui
puisse être présentable de ces amendements, mais nous pourrons, si
vous le désirez, vous en faire parvenir une copie.
M. ROY: Est-ce qu'il y a un service de photocopie?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): De toute façon, c'est
enregistré au journal des Débats et tous les membres de la
commission pourront en prendre connaissance dans deux heures.
M. CHARBONNEAU: Pour les besoins de M. Roy, s'il le désire, je
pourrais lui obtenir une photocopie que je lui remettrai à la fin de
cette assemblée.
M. ROY: D'accord.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: M. le Président, je veux remercier le Conseil des
hommes d'affaires québécois Inc. de sa présentation. Je ne
peux pas accuser cette organisation d'avoir manqué de
sincérité. Je crois qu'elle s'est exprimée clairement. Je
la remercie également d'avoir établi sa
représentativité, à savoir que c'est un groupe qui existe
depuis un mois à peu près et qui compte à peu près
300 membres. J'aurai deux courtes questions, de manière à laisser
aux autres membres de la commission l'occasion de s'exprimer.
La première question est en rapport avec surtout les affirmations
des pages 5 et 6 du mémoire, qui semblent lier la solution du
problème linguistique à la souveraineté du Québec
Je formule maintenant ma question. Est-ce que, dans cette perspective, on peut
considérer le Conseil des hommes d'affaires québécois
comme un groupe indépendantiste?
M. BELANGER: A cette question, nous serons également très
francs et très sincères, M. le Président. Un des premiers
objectifs de notre charte et le principe premier établi dans nos statuts
qui ont été adoptés au récent congrès dit
à peu près ceci: Le Conseil des hommes d'affaires
québécois est composé d'hommes d'affaires
québécois qui croient que la souveraineté politique du
Québec est essentielle à la survivance, à
l'épanouissement et à l'évolution de leurs
entreprises.
M. CLOUTIER: M. le Président, je pense que c'est clair.
Voici ma deuxième question. J'ai suivi avec beaucoup
d'intérêt l'exercice intellectuel auquel vous nous avez
conviés à propos des amendements au projet de loi 22. Je constate
et j'aimerais que vous me précisiez si mon impression est bonne,
si ma constatation est bonne ou ne l'est pas que vous semblez avoir
éliminé du projet de loi tout ce qui protège la
minorité, ici, au Québec, compte tenu du fait que vous avez
ménagé des étapes en ce qui concerne les corporations
scolaires et municipales et également en ce qui concerne le secteur
d'enseignement. Est-ce que cette constatation est exacte?
M. CHARBONNEAU: En partie, oui, M. le ministre. Vous avez
peut-être mal suivi l'exposé en ce qui concerne l'article 48. Nous
croyons qu'au Québec l'enseignement doit se donner en français et
nous prévoyons une certaine étape d'acclimatation à ce
nouveau phénomène d'un peuple qui décide de prendre ses
responsabilités, mais nous croyons aussi que le projet de loi actuel,
avec l'ensemble de ces mesures plus ou moins précises, de copies de
textes, de copies de textes français et de copies françaises de
textes anglais, devient, dans les circonstances, inutile.
Nous pensons que la loi, tel que nous en suggérons l'amendement,
n'empêche pas l'utilisation de copies de textes français, mais je
crois qu'à répéter continuellement qu'il faut copier des
textes français en anglais ou des textes anglais en français, on
reconnaît plutôt un statut bilingue au Québec. Je crois
aussi qu'on donne un statut à la langue anglaise que nous ne souhaitons
pas.
M. BELANGER: Si vous permettez, M. le Président, j'aimerais quand
même compléter cette réponse sur la question de fond ou de
droit. A notre point de vue, il n'existe pas de droits acquis au Québec
pour quelque minorité que ce soit. Il existe au Québec un peuple
fortement majoritaire, le peuple québécois francophone, qui
réunit toutes les conditions de définition de l'expression
"nation", qui occupe un territoire, qui parle une langue, qui a une culture.
Les seuls, ce qu'on appelle aujourd'hui les droits acquis de la minorité
anglaise, sont des droits qui découlent directement de la
conquête. Ce sont des droits sur lesquels nous ne nous sommes jamais
démocratiquement pro- noncés. C'est une situation de fait qui
nous a été imposée dans un acte qu'on appelle l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, et qui a été, plus
particulièrement, imposé à l'article 133. À notre
point de vue, il n'existe pas de droits acquis. Les droits nationaux, le droit
à la survivance, le droit à l'épanouissement briment ces
présumés droits qu'on appelle historiques ou droits acquis, qui
de fait, découlent d'une conquête. Il est temps que le
Québec sorte de ce complexe de conquis et de colonisé. C'est la
position que nous adoptons et que nous avons explicitée d'ailleurs dans
notre mémoire. C'est la raison pour laquelle nous croyons que le
français doit être la seule langue d'enseignement tant dans le
secteur public que dans le secteur privé subventionné. En
d'autres termes, même le secteur privé anglophone ne doit pas et
ne devrait pas être subventionné par le gouvernement, comme c'est
le fait de presque tous les pays du monde.
M. CLOUTIER: Est-ce que vous avez terminé? Je n'ai pas d'autres
questions.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, j'ai également très
peu de questions, parce que je crois que, de tous les mémoires que la
commission a entendus depuis le début, celui-ci est le plus clair et le
plus concis en même temps. Il donne l'occasion aux membres de la
commission d'aller chercher beaucoup moins de précisions que nous sommes
obligés de le faire à certains autres ambigus.
Je voudrais quand même commencer les quelques questions que j'ai
à vous poser en vous exprimant, au nom de l'Opposition, la surprise
heureuse, en fin de compte, que vous constituez après le mémoire
du statu quo présenté par la Chambre de commerce du Québec
hier soir. Je me réjouis également, et je ne pourrais pas faire
autrement, de la position fondamentale que vous avez prise quant à
l'avenir du Québec et à la conception que vous avez des
Québécois. Je me réjouis particulièrement de voir
la progression... Vous êtes, à mon avis, un des symboles de ce que
j'ai eu l'occasion de souligner en Chambre dès après la
dernière élection générale, lors du débat
d'ouverture, de cette progression fantastique que la cause de
l'indépendance, que le mouvement indépendantiste ont connue au
cours des dix dernières années. Il y a dix ans effectivement, il
aurait été impensable qu'un conseil d'hommes d'affaires
québécois, inscrit dans la vie économique du
Québec, arrive devant l'Assemblée nationale des
Québécois et s'affirme non seulement comme
indépendantiste, mais affirme, comme vous l'avez dit, que les
entreprises que vous dirigez ont besoin de la souveraineté pour
connaître leur plein épanouissement et fournir le plein rendement,
lesquels vous espérez le plus vite possible.
Je crois que cette initiative qu'ont eue des hommes d'affaires
québécois je n'étais pas au courant, d'ailleurs,
c'est très récent, donc cela peut excuser mon ignorance
mais cette initiative que certains hommes d'affaires québécois
ont eue de se regrouper sur ce principe, sans abandonner les principes
fondamentaux de l'activité économique auxquels vous vous conviez,
mérite, je pense, notre appréciation la plus sincère.
Evidemment, vous devez encore subir à certaines occasions
cela prouve qu'il reste encore du chemin à faire au mouvement
indépendantiste les sobriquets et les allusions assez
désagréables qu'on doit porter à votre cause. J'entendais
tout à l'heure le député de Jacques-Cartier souligner au
ministre de l'Education que vous étiez probablement des hommes
d'affaires sans succès. J'aimerais voir si, effectivement, dans la
réalité des faits...
M. SAINT-GERMAIN: Je n'ai pas d'objection.
M. CHARRON: Je vous inviterais peut-être même à
commenter cette affirmation...
M. CHARBONNEAU: Certainement, M. le député.
M. CHARRON: ... à nous faire encore une fois, non pas le tableau
de la représentativité, mais, en fin de compte, un aperçu
de vos activités. Ensuite, si vous me le permettez, laissez-moi vous
poser les deux seules questions que j'ai et vous y répondrez par la
suite.
Les amendements que vous nous avez suggérés, je peux vous
assurer que l'Opposition en tiendra plus que bonne note pour employer le
langage sibyllin de notre ministre de l'Education mais, par la suite,
vous avez fait référence à une modification que vous
voulez avoir à l'article 45, à propos des propriétaires
des panneaux-réclame, mais, c'est peut-être un oubli que je vous
signale, vous n'oubliez pas que l'article 45 fait directement
référence à l'article 43, que vous n'avez pas
mentionné comme modifiable ou amendable, à votre avis. Si j'ai
bien compris le sens de l'amendement que vous voulez apporter à
l'article 45, je crois que vous n'êtes pas d'accord sur l'article 43. Je
le lis, même s'il est assez désagréable d'étaler
encore des choses comme cela au Québec, mais "... l'affichage public
doit se faire en français, ou à la fois en français et
dans une autre langue, sauf dans la mesure prévue par les
règlements. Le présent article s'applique également aux
annonces publicitaires écrites, notamment aux panneaux-réclame et
aux enseignes lumineuses."
J'imagine, comprenant le sens de votre amendement apporté
à l'article 45, que vous n'appréciez guère qu'à
l'article 43 on généralise le bilinguisme dans l'affichage public
et qu'on le légalise en quelque sorte d'une manière aussi
élégamment tournée que le fait l'article 43.
Peut-être devons-nous inscrire un nouvel amendement dans ceux que
vous nous avez suggérés à l'article 43.
Finalement, j'aimerais apporter une remarque sur un commentaire de M.
Charbonneau, je crois, quant à l'oubli dans le projet de loi de tout le
domaine des communications. Je ne peux qu'appuyer encore une fois cette
position. Je signalais lors de l'étude des crédits du
ministère des Affaires culturelles au député de
Terrebonne, qui occupe cette charge de diriger le ministère des Affaires
culturelles, que, dans une vingtaine d'années, lorsque nos descendants
liront le compte rendu des activités politiques de ces années et
qu'on verra qu'un peuple se gargarisait de souveraineté culturelle,
qu'un gouvernement annonçait à grand renfort de tambours et de
trompettes qu'il allait faire la souveraineté culturelle et qu'en
même temps, dans cette deuxième moitié du XXe
siècle, tout l'appareillage, tout le domaine des communications, des
télécommunications, des ondes, des câbles, tout cela lui
échappait totalement, les gens penseront, à ce moment, qu'on
avait une très petite conception de la culture.
Vous avez parfaitement raison de signaler que la souveraineté
culturelle en 1974 on ne parle plus de 1910 ne peut plus se
restreindre aux musées et aux bibliothèques. Elle doit d'abord et
avant tout s'étendre au domaine des communications.
Si ceux-là nous échappent en 1980 ou en 1981 et
puisse le ministre des Communications m'entendre c'est une bonne partie
de notre avenir collectif qui nous échappe, mais vous auriez pu signaler
avec encore plus de force, je crois, que...
M. DEOM: M. le Président, une question de règlement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Laporte sur une
question de règlement.
M. DEOM: Est-ce que nous sommes encore au préambule de la
question ou est-ce que la question s'en vient?
M. CHARRON: Chaque fois que des interventions dérangent les
ministériels, il y a un appel au règlement.
M. DEOM: Non, mais...
M. CHARRON: Je me plie au règlement et je formule une question.
Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que le domaine des
communications est un domaine essentiel que nous avons à reprendre et
qu'une loi, comme la loi 22, devant couvrir toute l'activité
linguistique d'un peuple, et qui, dans le cadre constitutionnel actuel, doit se
résigner à laisser échapper cette activité, est une
loi qui porte à faux? Voilà les quelques questions que j'avais
à vous poser.
M. CHARBONNEAU: Alors, M. le député, pour répondre
à ce que je pense être votre première question sur notre
capacité de payer le voyage pour se rendre ici à Québec.
Nous le faisons difficilement à raison de l'inflation qui était
soulignée tout à l'heure en autre lieu, mais nous y
réussissons. D'autre part, les 300 hommes d'affaires que nous
représentons et qui deviennent plus nombreux à chaque semaine,
vivent au niveau de la petite et de la moyenne entreprise. Quand on pense que
dans le secteur industriel, plus de 80 p.c. du contrôle nous
échappe, il est bien évident que des hommes d'affaires, qui sont
prêts à cautionner l'idée de la souveraineté du
Québec, ne sont pas au sein de grandes entreprises.
Définissons ce qu'on entend par petites et moyennes entreprises.
Il s'agit d'abord et avant tout d'un style de gestion, plutôt que d'un
chiffre d'affaire. Donc, la comparaison doit se faire sur le plan d'un style de
gestion. Un style de gestion qui est apparenté, très souvent,
à une structure familiale. Donc, nous représentons des petites et
moyennes entreprises, mais en bonne santé, je pense, puisque ces gens
ont le courage de soutenir une idée comme celle de
l'indépendance, malgré le fait que, bien souvent, on ne le leur
pardonne pas. A ce moment-ci, je pense aux tentatives de leur faire des
difficultés, moins dans une ville comme Montréal que dans des
villes comme Sept-Iles, comme Sorel... surprise. Donc, ces hommes ont quand
même construit des entreprises suffisamment importantes pour leur
permettre d'avoir ce courage.
D'autre part, quant à votre question sur l'article 43, nous avons
souligné au départ qu'il s'agissait d'une étude
très rapide du texte de loi. Nous avons été obligés
de le faire cette nuit, parce que les délais de convocation
imposés dans les circonstances, nous ne nous en plaignons pas, mais nous
ont forcés à travailler rapidement. Nous n'y avions lu que la
possibilité d'utiliser une langue seconde quelconque qui puisse aussi
bien être le grec ou l'italien en certaines circonstances.
Peut-être vaudrait-il mieux, en effet, à cause de la situation
actuelle au Québec, biffer cet article pour, en fait, biffer de cet
article tout ce qui s'appelle l'aspect de traduction ou l'expression anglophone
de quelque chose qui aurait été écrit d'abord en
français, j'espère. Je pense que M. Bélanger va vous y
répondre en ce qui concerne les communications.
M. BELANGER: Quant à la question sur les communications, nous
l'avons effectivement affirmée tantôt, cela nous semble un secteur
clé qui, s'il n'est pas inclus dans une politique globale de la langue,
laisse une loi boiteuse. C'est une des raisons pour lesquelles nous croyons que
seule la souveraineté nous permettra, non seulement de
reconquérir notre fierté perdue comme peuple, et tellement
répandue dans une grande partie de notre population, mais
également de reprendre en main, sans qu'il n'y ait à l'avenir de
conflit constitutionnel, des outils qui nous échappent actuellement.
C'est le cas pour les communications et c'est le cas dans de nombreux autres
domaines. C'est la raison sur laquelle notre option est basée.
M. CHARRON: Merci.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Beauce-Sud.
M. ROY: J'aurais trois courtes questions, M. le Président, suite
au mémoire qui nous a été présenté,
mémoire très clair, par l'Association des hommes d'affaires. Cela
concerne l'article 14. Vous avez dit: Nul ne peut être admis ou promu
dans une fonction administrative dans l'administration publique, s'il n'a de la
langue officielle une connaissance appropriée à l'emploi qu'il
postule.
Alors, vous avez dit tout à l'heure, dans les remarques que vous
avez ajoutées, que les normes devraient être établies par
la Fonction publique, alors qu'ailleurs et partout, on a semblé vouloir
se référer aux normes qui pourraient être établies
par l'Office de la langue française ou la régie comme telle.
Est-ce que vous pourriez me dire pourquoi vous optez plutôt pour la
Fonction publique que pour l'Office de la langue française?
M. CHARBONNEAU: L'Office de la langue française, pour nous, c'est
encore une mesure incitative, une existence liée à une mesure
incitative qui ne nous apparaît pas très efficace. Ce sont des
fonctionnaires dont il est question, ils vont devoir subir des tests en vertu
de la Loi de la fonction publique et, à ce moment-là, nous
croyons que les normes devraient être établies par cette Fonction
publique. Il est possible que l'organisme que s'appelle l'Office de la langue
française pourrait aider, mais, pour nous, nous pensons qu'il s'agit
d'une étape administrative simplement.
M. ROY: Admettez-vous qu'il devrait quand même y avoir un
organisme central, un organisme pleinement responsable puisqu'on a dit, dans
d'autres circonstances, que les commissaires de l'Office de la langue
française devraient être sous la responsabilité de
l'Assemblée nationale plutôt que sous la responsabilité
gouvernementale? On sait très bien que la Fonction publique a quand
même un titulaire. Il y a un ministre responsable et le ministre est
responsable au cabinet, responsable devant la Chambre, mais responsable au
cabinet. C'est la raison pour laquelle je demandais si vous ne penseriez pas
que la Fonction publique pourrait agir dans ce sens à la suite de
directives qui pourraient être émise par l'Office de la langue
française.
M. BELANGER: Probablement, M. le député. Pour nous, ce
n'est pas une question fondamentale...
M. ROY: Bon.
M. BELANGER: ... c'est une question, c'est une autre solution que nous
suggérons, qui nous semble donner de meilleures garanties. D'ailleurs,
c'est la raison pour laquelle nous n'avons pas voulu, étant donné
que nous n'avons pas touché à toute la section qui suit les
articles, aux titres qui suivent les articles 55 et suivants... Il est possible
que ce soit une formule, mais, pour nous, ce n'est pas la question fondamentale
que nous venons discuter. C'est une question de technicité, de technique
sur laquelle nous n'avons pas l'intention de faire une bataille
rangée.
M. ROY: Donc, vous admettez être discutables.
M. BELANGER: Oui.
M. ROY: Ma deuxième question concerne l'article 40, parce que
vous avez été très catégorique au niveau de cet
article. Il dit que l'étiquetage des produits doit se faire en
français. Si j'ai bien compris, vous avez ajouté: "Doit se faire
en français." Cest tout. Alors, est-ce que cela implique
également tout le secteur manufacturier, dans le cas de produits qui
prennent la direction d'autres provinces ou vers les Maritimes ou dans
l'exportation vers les Etats-Unis?
M. CHARBONNEAU: Concernant l'article 40, nous n'y avons pas fait de
modification, c'est-à-dire que l'article 40 tel que libellé dans
le projet de loi prévoit que des règlements viendront
régir l'application des décisions de fond qui auront
été prises. Alors, nous réservons nos commentaires lors de
l'émission de l'édition des règlements.
M. ROY: Mais vous ne faites pas un principe de cet article à
l'effet que cela doit être en français exclusivement?
M. CHARBONNEAU: C'est bien évident que pour nous, dans un pays
français, on doit parler, correspondre, faire de la publicité en
français. Il y a assurément une période qui doit
être prévue pour ajuster ces choses et que les règlements
vont sans doute déterminer.
M. ROY: La petite réserve que j'avais là-dessus, c'est
qu'il ne faudrait pas oublier que nous avons quand même une
quantité d'entreprises au Québec qui font de l'exportation, qui
vont sur le marché du commerce international.
M. BELANGER: Là-dessus, je pense que la réglementation ne
doit pas s'appliquer à l'exportation. C'est évident que des
compagnies, dans quelque pays que ce soit, qui exportent des produits, ne font
pas nécessairement un étiquetage dans la langue d'origine du pays
qui fabrique le produit. Lorsqu'il s'agit de produits à exporter, je
pense que le gouvernement n'a pas à légiférer. Ce qu'on
veut toucher, ce sont les produits vendus au Québec, importés au
Québec et fabriqués au Québec.
M. ROY: Ma dernière question. Vous avez signalé tout
à l'heure que la loi ne contenait aucune disposition concernant
l'immigration. Vous avez entièrement raison puisqu'il y a une loi de
l'immigration qui apparaît au feuilleton de l'Assemblée nationale
et n'a pas encore été déposée. Comme il est fort
possible que nous ne puissions pas avoir le privilège d'entendre de
nouveau les associations devant la commission parlementaire, j'aimerais que
vous nous fassiez part de vos recommandations, de vos suggestions ou de vos
positions en ce qui a trait au domaine de l'immigration.
M. BELANGER: Là-dessus, vous nous annoncez qu'il y aura
probablement un projet de loi, on annonce déjà un projet de
loi...
M. ROY: Oui, il est annoncé.
M. BELANGER: ... sur l'immigration. Compte tenu des récentes
déclarations de certaines personnalités fédérales,
il est très possible qu'on s'engage une fois de plus dans un
débat constitutionnel du genre de celui qu'on a connu et qu'on
connaît encore sur la question des communications, par câble ou
autrement. A ce moment-là, nous en revenons toujours à la
même et seule solution logique, la souveraineté ou
l'autodétermination. C'est-à-dire le pouvoir de rapatrier lorsque
nécessaire les droits ou les domaines de législation qui nous
semblent vitaux. Il ne s'agit pas pour nous de claquer les portes; toute cette
question a souvent été débattue, il s'agit d'une
reconnaissance de notre droit à l'autodétermination. Si, demain
matin, pour la survivance ou pour l'épanouissement de notre culture et
de notre peuple, il s'avère nécessaire que le Québec
légifère dans un domaine, qu'on lui reconnaisse le droit de se
l'approprier, c'est tout ce que nous demandons et, à ce
moment-là, le problème est facilement résolu.
M. ROY: En somme, vous déclarez que l'immigration devrait
être contrôlée par le Québec.
M. BELANGER: C'est évident. M. ROY: Merci.
M. CHARBONNEAU: A ceci, M. Roy, je peux ajouter que la loi telle que
nous en proposons la modification donne quand même des garanties bien
supérieures à ce que le bill 22 peut offrir en ce qui concerne
l'intégration des immigrants à la culture francophone
québécoise. Par le biais d'une structure d'enseignement
public française, je pense qu'on assure la caution, la garantie
d'une intégration des groupes extérieurs à la culture
québécoise.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Laporte.
M. DEOM: Merci, M. le Président, Vous nous avez mentionné
que votre groupe était composé de 300 hommes d'affaires, alors je
déduis que ce sont des individus que vous regroupez et non des
entreprises.
M. BELANGER: Effectivement, nous ne représentons pas de
corporations ou de compagnies. Ce que nous représentons, ce sont des
individus, c'est l'idée des individus, la pensée des individus,
nous ne voulons pas devenir un organisme, un genre de conseil du patronat
subventionné par dix ou onze grosses entreprises multinationales et qui,
de fait, parce qu'elles subventionnent 80 p.c. dans le budget d'un organisme
semblable, peuvent éventuellement avoir un poids disproportionné
qui peut amener qu'on puisse douter de la représentativité d'un
organisme semblable.
Là-dessus, j'ajouterai que notre position de ce jour a
été adoptée au congrès des 17, 18 et 19 mai
unanimement par tous les participants.
M. DEOM: Je ne voudrais pas que vous preniez mes questions pour une
mise' en doute de la représentativité. Je veux juste savoir
exactement ce que vous faites. Vous êtes 300 membres. J'imagine quand
même qu'il y a une relation entre les industriels que vous
représentez et leurs entreprises. Est-ce que vous n'avez jamais
étudié les secteurs que vous représentez et quelle sorte
de marché ils desservent? Sont-ce surtout des marchés
régionaux, des marchés nationaux ou internationaux?
M. CHARBONNEAU: Comme M. Bélanger l'a souligné tout
à l'heure, en effet, nous avons effectué un certain sondage pour
mieux connaf-tre les membres lors de notre congrès de fondation. Comme
il Pa indiqué, confirmant en ceci des études antérieures
dans le domaine de la fixation des entreprises québécoises, dans
quel secteur les entreprises québécoises évoluent au
Québec, les petites et les moyennes entreprises appartenant à des
francophones, nos membres, comme nous l'avons dit, sont des cadres, des
propriétaires, des marchands, des professionnels reliés au monde
des affaires au niveau de la petite et de la moyenne entreprise.
Cela veut donc dire, des gens plus spécialement engagés au
niveau des services qu'au niveau de la fabrication.
Quoiqu'il y ait une assez bonne représentation de petites
entreprises de fabrication, par exemple, des entreprieses qui peuvent faire des
chiffres d'affaires de $10 millions ou $12 millions, qui sont quand même
de petites entreprises par le biais de la structure de direction qui est une
structure familiale.
M. DEOM: Dans ces entreprises qui font $12 millions, est-ce que vous
avez étudié les marchés de ces gens-là, quand ils
communiquent avec leur marché, à l'extérieur du
Québec?
M. CHARBONNEAU: Les communications à l'extérieur, si on
vient sur ce plan, pour tous les pays du monde, et cela se vérifie au
niveau du Marché commun, se font dans les langues des pays qui
communiquent entre eux. Donc, si on veut venir sur ce sujet, nous
suggérons, nous pensons qu'il n'est pas besoin de prévoir
à l'intérieur d'un bill comme celui-ci une chose aussi naturelle
que des négociations s'engageant entre deux entreprises, quelles
qu'elles soient, ou entre des organismes représentant des entreprises,
s'effectueront dans la langue de ces deux entreprises, normalement. Si
c'était le sujet qu'on voulait étudier, c'est notre
réponse.
M. BELANGER: D'ailleurs, pour ne prendre qu'un exemple, le Japon est une
des grandes nations exportatrices actuellement, et le japonais, que je sache,
n'est parlé qu'au Japon, et cela n'empêche pas les entreprises
japonaises de prospérer et d'exporter. L'homme d'affaires s'ajuste,
l'entreprise s'ajuste lorsqu'elle doit faire du commerce extérieur et je
pense que ce n'est nulle part dans le monde un problème, même dans
les pays qui parlent une langue restreinte à ce territoire donné:
les pays Scandinaves, le Japon ou l'Allemagne. Je pense que ce n'est pas un
problème. D'ailleurs, on est déjà tellement bilingue au
Québec, je ne vois pas quel problème on aurait même en
décrétant l'unilinguisme français pour communiquer avec
les autres.
M. DEOM: A la page 3 de votre mémoire, vous parlez du
mimétisme de nos Québécois qui tentent de ressembler
à leurs patrons aglopho-nes ou américains. J'apprécie et
je vous félicite pour la position très claire, comme le ministre
l'a fait, que vous avez prise, mais n'avez-vous pas l'impression que vous
insultez un peu les hommes d'affaires québécois quand vous leur
dites que tout ce qu'ils essaient de faire, c'est de ressembler à des
patrons anglophones et américains? Et ma deuxième question,
c'est: Est-ce que vous êtes familiers avec les études de la
commission Laurendeau-Dunton sur les styles de leadership en milieu francophone
et en milieu anglophone études qui ont prouvé d'une façon
très claire que même dans des entreprises anglophones au
Québec, le style de leadership des gestionnaires francophones est
entièrement différent?
M. CHARBONNEAU: La première partie de votre question ou la
première question, est-ce que vous pourriez me la répéter,
s'il vous plaît?
M. DEOM: Je vous ai demandé si vous n'aviez pas l'impression
qu'en disant que les Canadiens français, les gestionnaires
canadiens-français, tout ce qu'ils essaient de faire, c'est
d'imiter des patrons anglophones et américains. Si vous
n'insinuez pas...
M. CHARBONNEAU: C'est sur l'aspect du mot "mimétisme", je pense,
que vous intervenez?
M. DEOM: Vous l'avez là et vous l'avez à plusieurs
endroits.
M. CHARBONNEAU: C'est évident. C'est une caractéristique.
H s'agit d'un modèle qui est classique, qui a été
établi il y a de nombreuses années par un dénommé
Albert Memmi, qui étudie une société en essayant de voir
les socio-rapports et en essayant de voir les rapports économiques et en
essayant de déterminer la nature des relations et quel groupe est
situé dans une position de domination par rapport à un autre.
Ce modèle, simple en réalité, se vérifie
dans toute société qui a été soumise à des
choses comme une conquête, comme le Québec l'a été.
Normalement, à partir du moment qu'une exploitation
socio-économique s'établit vis-à-vis d'un peuple, il
existe rapidement une espèce d'admiration normale pour le colonisateur
qui fait que le colonisé cherche à lui ressembler. C'est ce qu'on
appelle du mimétisme au niveau des entreprises.
Ce n'est pas dans le texte dit d'une façon à attaquer des
Québécois, mais simplement à les faire
réfléchir, à leur faire comprendre qu'à partir du
moment où tu essaies de t'assimiler à un groupe autre que celui
dont tu fais partie en tant que membre d'une nation, à partir de ce
moment tu trahis certaines choses fondamentales chez toi-même. Ce qui est
le plus surprenant, des études qui ont été faites dans ce
domaine, M. le député, c'est que partout au monde où
l'application de ce modèle s'est vérifié, on a toujours
remarqué cette tendance au mimétisme du colonisé
vis-à-vis du colonisateur jusqu'au temps où il se rende compte
et c'est le réveil qu'on essaie de sonner que jamais un
colonisateur ne voudra l'assimiler, parce que, à ce moment, on
détruit la relation d'exploitation qui existait au départ. Albert
Memmi 1955 édition l'Etincelle.
Il y a même un chapitre qui traite: "Est-ce que les Canadiens
français sont des colonisés"? Je vous en suggère la
lecture, c'est très rapide et très instructif.
M. DEOM: Je vais vous suggérer une autre lecture, parce que, dans
ce domaine, vous savez probablement je ne sais pas si vous avez lu le
roman de Vercors qui s'appelle "You shall know them", où on prouve de
façon très claire que dans le domaine des études
socio-économico-politiques on peut soulever autant de thèses que
l'on veut.
Je vous suggérerais peut-être de lire Véber qui lui
a sorti une autre thèse qui est antérieure de beaucoup et qui a
été vérifiée justement, parce que vous n'avez pas
répondu à ma deuxième question, par les études de
la Commission Gendron. Pour votre information, Véber a prouvé de
façon très claire que le style de leadership était
relié à des valeurs qui sont transmises par l'éthique
catholique ou protestante. Cette thèse a été
réévaluée récemment dans le cadre des études
de la Commission Lauren-deau-Dunton et a été
vérifiée en milieu canadien et francophone.
M. CHARBONNEAU: Oui, disons que si on veut...
M. DEOM: Je vous suggère la même lecture.
M. CHARBONNEAU: ... traiter des styles de leaderships,
premièrement, je vous ferai remarquer que Vercors est, à ma
connaissance, un Français et qu'il faisait partie à ce
moment-là, au moment où a écrit ces sujets...
M. DEOM: Oui, mais il a écrit un volume en anglais, par exemple.
Cela a vraiment été écrit en anglais.
M. CHARBONNEAU: Un instant. Je n'en doute pas, mais je vous ferai
remarquer qu'il faisait justement partie d'un peuple qui était
plutôt du bord du colonisateur que de celui du colonisé,
premièrement. D'autre part, vous faites appel à l'éthique
protestante qui a défini certains styles de leadership aux Etats-Unis,
styles de leadership qu'on a tenté d'exporter des Etats-Unis, par
l'entremise de leurs multinationales, avec de nombreux échecs, comme on
le sait.
Ici, au Québec, il se fait des études
québécoises par des Québécois sur les styles de
leadership au sein des entreprises québécoises. On trouve des
résultats surprenants, qui indiquent que la relation de colonisé
à colonisateur implique des rapports qui créent des genres
d'entreprises où les complexes des dirigeants sont continués au
sein des entreprises, ce qui fait que ces entreprises se développent
beaucoup moins rapidement et produisent que le Québec, en partie, ne
participe qu'à 20 p.c. du secteur industriel.
D'autre part, dans ce sens, il est de nos idées que le
gouvernement du Québec peut agir, même avant qu'on en soit rendu
à l'étape de la souveraineté, très fortement dans
ce secteur pour favoriser, premièrement, en utilisant les
matières premières, les ressources naturelles comme des facteurs
de négociation, pour que les entreprises multinationales
développent davantage d'entreprises de transformation sur le sol
québécois. On sait qu'il y a toujours des retombées
économiques à ce moment et création de nouvelles petites
entreprises. On pense aussi que le gouvernement du Québec, plutôt
que participer à la subvention d'entreprises multinationales qui
viennent s'établir ici comme, par exemple, dans le cas de l'ITT,
devrait
davantage subventionner des entreprises québécoises de
nature coopérative ou financer, favoriser le développement
d'actions concertées au sein de petites entreprises, de façon que
naissent des structures de production capables de concurrencer les
multinationales.
Nous tenons si on nous le permet à féliciter
quand même le gouvernement. Souhaitons que ce qui se produit à
Cabano n'est que le début d'une suite de réalisations dans ce
domaine. Nous tenons à féliciter le gouvernement pour ce qui
semble s'être produit d'après les renseignements que nous avons
eus ensuite dans le cas de Cabano.
M. DEOM: Vous avez fait un long plaidoyer contre les entreprises
multinationales. A un moment, dans votre texte, vous dites que les entreprises
multinationales contrôlent de plus en plus notre économie et
refusent de reconnaître au français le statut de langue de
travail.
J'ai trois questions là-dessus. D'abord, est-ce que vos chiffres
sont à jour concernant le contrôle des entreprises multinationales
sur l'économie, parce que le rapport Gray et d'autres rapports plus
récents semblent démontrer le contraire?
Deuxièmement, est-ce que vous êtes familier avec les
politiques linguistiques des entreprises multinationales?
M. CHARBONNEAU: Telex?
M. DEOM: Troisièmement, comment définissez-vous une langue
de travail?
M. CHARBONNEAU: A la première question, en ce qui concerne les
statistiques, vous savez qu'il y en a beaucoup. Je vous renvoie aux
statistiques qui ont été publiées ces temps
récents. Elles semblent toutes être d'accord à fixer que la
structure industrielle québécoise n'est contrôlée
qu'à une variable de 14 p.c. à 20 p.c. par les francophones au
Québec, par des entreprises québécoises au
Québec.
C'est sur ces chiffres qui sont, en réalité,
aléatoires dans le sens que ce soit 22 p.c. ou 14 p.c, je pense que
l'état d'infériorité dans lequel nous nous retrouvons est
suffisant pour que l'on s'interroge sérieusement. D'autre part,
concernant les politiques de francisation des multinationales, on me
confirmait, justement récemment, que l'Office de la langue
française qui existe actuellement il serait changé, si
j'ai bien compris, par le bill 22, en régie de la langue qui
essaie de produire des résultats dans ce domaine, établit son
efficacité ou l'efficacité de ses tentatives dans ce domaine,
selon un certain critère quant à l'augmentation de la
participation en français dans la gestion de certaines entreprises, mais
que fondamentalement et cela nous a été confirmé
récemment par un journaliste du Toronto Star qui avait fait une
étude sur ce sujet dans la plupart des grandes entreprises, au
moment où il s'agit de prendre des décisions fondamentales, elles
sont prises en anglais par des Anglais, qu'ils soient Américains ou
d'autres parties de l'Amérique.
M. DEOM: Si vous me permettez. J'ai l'impression que vous n'êtes
pas très familier avec les comportements linguistiques des entreprises
multinationales parce qu'à un certain moment, vous avez parlé de
Bell Canada dans le même sens. D'une part, je vous
référerais à une étude de la commission Gendron qui
a porté sur les comportements linguistiques des entreprises
multinationales et, d'autre part, pour votre information, vous devriez savoir
que Bell Canada a été la première société en
1964 à décider par un vote de son conseil d'administration que la
langue de travail, dans la région de l'Est, qui est le Québec,
serait le français.
Alors, pour passer à une autre question...
M. CHARBONNEAU: Si vous voulez, je vais compléter, vous relancer
sur le sujet. La première chose, c'est qu'à Bell Canada où
on a passé une telle mesure en 1964, dont je ne suis pas au courant,
quand on fait des assemblées, ce qu'on appelle des meetings à
l'intérieur de l'entreprise, même quand ce sont des francophones
qui font ces assemblées, ces dernières se tiennent en anglais. Je
pourrais en faire la preuve devant cette commission, si on me permettait de le
faire parce que j'ai des témoignages à cet effet.
Et d'autre part, il est évident qu'il y a des études qui
se sont faites quant à l'utilisation du français à
l'intérieur de l'entreprise. Il y en a même une qui a
été faite par un député du Québec, M.
Déom et une dame Hurtubise, dont les conclusions générales
vont beaucoup moins loin que le bill 22.
Je cite: "Nous croyons que la solution au conflit linguistique actuel
réside dans l'établissement du français comme langue
officielle du Québec sur le plan politique et juridique, tout en
laissant aux entreprises le soin d'établir des exigences linguistiques
réalistes ce n'est pas très défini qui
tiennent compte des contraintes imposées par les marchés." Encore
des voeux pieux!
M. DEOM: Mais c'est cela que vous avez dit tantôt
vous-même.
M. CHARBONNEAU: Je m'excuse, monsieur. Ce n'est pas ce que j'ai dit.
Votre bill 22 va beaucoup plus loin que ceci et je pense que les amendements
que nous avons suggérés au bill 22 vont beaucoup plus loin.
M. DEOM: Ils vont beaucoup plus loin, dans quel sens?
M. CHARBONNEAU: Beaucoup plus loin dans le sens de l'utilisation de la
langue française à l'intérieur de ces entreprises pour en
faire une langue de communication interne, beaucoup plus loin dans
l'utilisation du français dans toutes les entreprises au niveau des
relations patronales-ouvrières, beaucoup plus loin du
côté de la publicité, beaucoup plus loin du
côté de l'affichage, beaucoup plus loin du côté des
raisons sociales. Bien évidemment, si ces entreprises vont s'incorporer
à Ottawa, votre loi ne prévoit pas de quelle façon cela va
se produire. Est-ce qu'elles réussiront à échapper au bill
22? C'est une question que j'adresse à M. le ministre de l'Education,
s'il peut nous répondre. Je ne sais pas si j'ai le droit moi aussi de
formuler des questions.
M. MORIN : Le ministre n'aime pas être mis dans une situation
comme celle-là.
M. CLOUTIER: M. le Président, contrairement aux troupes qu'il
essaie de contrôler, le chef de l'Opposition s'est comporté comme
un gentilhomme, un véritable homme politique. Je ne voudrais pas qu'il
vienne ternir ce qu'il a réussi jusqu'ici.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous avez terminé vos
questions?
M. DEOM: Non, à moins que le temps ne soit fini, M. le
Président.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Parce que, comme il est presque 6 heures,
il y a quelques questions...
M. DEOM: Juste une dernière, si vous permettez...
M. MORIN: On peut continuer après 6 heures.
M. DEOM: Juste une remarque. Je pense que vous n'avez pas lu toute
l'étude que j'ai faite pour la commission Gendron. Je vous
suggère de la lire au complet, pas seulement la conclusion. D'ailleurs
la conclusion...
M. CHARBONNEAU: Les conclusions sont assez souvent
l'élément essentiel...
M. DEOM: Les conclusions sont incorporées, à mon avis,
dans le bill 22. J'en viens à vos effets bénéfiques de
l'unilinguisme français au Québec. C'est un point que j'ai
soulevé hier soir avec la Chambre de commerce. Quand vous dites: Dans
les faits, l'accession par des Québécois à de nombreux
postes de cadre et de gérant, jusqu'ici fermés, en serait
d'autant plus facilitée. Pour ma part, je considère que vous
prostituez la langue française et la culture française quand vous
l'utilisez comme moyen de reprendre le pouvoir économique.
Or, je pense là-dessus j'aimerais vous entendre que
le gouvernement du Québec possède d'autres instruments qui lui
permettront d'équilibrer le pouvoir économique au sein de la
société québécoise et ce n'est pas en utilisant une
chose aussi importante et aussi noble que la langue qu'on doit reprendre le
pouvoir économique.
M. BELANGER: A cette question, si nous demandons et si nous croyons
qu'il doit exister une loi vigoureuse, courageuse, décrétant le
français véritable langue officielle, c'est d'abord pour mettre
un cran d'arrêt au mouvement assimilateur et ensuite pour permettre
à de nombreux Québécois de pouvoir enfin relever la
tête, ce qu'ils ne font pas actuellement dans les entreprises dans
lesquelles ils sont impliqués. Dans les cadres d'entreprises, chez ceux
qui gagnent de $10,000 à $15,000 par année, la proportion de
francophones est d'un pour trois; chez ceux qui gagnent de $15,000 à
$20,000, elle est d'un pour quatre, et chez les plus de $22,000, elle est d'un
pour six. Sans qu'il soit besoin, dans un texte de loi, de dire que les cadres
d'entreprises devront être francophones, les amendements que nous
proposons vont contraindre les cadres à traiter avec leurs
employés en français, vont contraindre les cadres à
traiter avec le gouvernement en français, vont contraindre les cadres
à traiter avec les autres entreprises québécoises en
français.
Nous croyons donc qu'inévitablement il y aura une francisation
des cadres d'entreprises, inévitablement, puisqu'on a également
besoin, plus l'on monte dans l'échelle de direction, de personnes qui
parleront les deux langues. Or, comme, de fait, les Québécois
sont ceux qui sont les plus bilingues, on devra inévitablement faire
appel à des Québécois qui pourront parler en
français dans les cas que je viens d'énumérer et qui
pourront parler en anglais dans les autres cas où cela s'avérera
nécessaire, soit dans les relations extérieures ou ailleurs. Nous
croyons qu'il n'est pas nécessaire, à ce moment-là,
d'imposer des systèmes de subventions, d'imposer obligatoirement
l'engagement de cadres d'entreprises francophones qui pourraient réussir
quelques tests préparés par quelque organisme, ce qui nous fait
entrer à ce moment-là dans tout un système arbitraire,
souvent discriminatoire. Nous croyons que, si la langue française est
décrétée vraiment la langue officielle au Québec,
inévitablement, sans mesure coercitive, par le simple fait des choses,
comme c'est le cas dans la majorité des pays du monde, les entreprises
n'auront d'autre choix que de se franciser et trouveront normal de se
franciser.
M. DEOM: Si je vous comprends bien, je vais essayer...
M. BELANGER: Si vous me permettez d'ajouter à la réponse
de mon collègue...
M. DEOM: ... de synthétiser sa position.
M. BELANGER: C'est ça, synthétiser en quelques mots. Ce
qui me surprend toujours le plus, c'est que nous, en tant que peuple
dominé, on éprouve toujours la largesse, qui frise la
magnanimité, de vouloir protéger les autres. Vous savez, la
domination, c'est une relation socio-économique, on l'a dit, la langue
fait partie d'une société, on l'a dit et l'écono-
mie, ça fait partie d'une société, on l'a dit. Je
pense qu'il s'agit d'une relation globale, comme mon collègue le disait,
qui se vérifie dans la généralité des pays du
monde. D'autre part, je pense que...
M. DEOM: Sauf la Suisse, la Belgique, la Tchécoslovaquie.
M. CHARBONNEAU: Je pense qu'en Suisse, en Belgique et en
Tchécoslovaquie, on favorise la nomination de cadres du pays à
l'intérieur des entreprises et les multinationales américaines
doivent travailler dans ce domaine. On fait la même chose en France et on
fait la même chose au Mexique.
M. BELANGER: Ce que nous demandons, c'est exactement ce qui existe dans
les pays que vous venez de mentionner.
M. DEOM: Non.
M. BELANGER: II n'existe pas de bilinguisme des individus. Il existe de
l'unilinguisme dans les régions. Lorsque, dans une région, est
concentrée une majorité d'une langue quelconque, c'est
l'unilinguisme à tous les niveaux et c'est cette langue qui est
parlée à tous les niveaux et qui est enseignée. Le pays
est bilingue dans ses institutions. Nous n'avons aucune objection à ce
que le statu quo soit maintenu, dans le système fédéral
tant et aussi longtemps que nous y resterons, au niveau des institutions
fédérales et du gouvernement fédéral. C'est le vrai
sens du bilinguisme qui veut dire que tout citoyen, d'un océan à
l'autre, tant que le système fédéral persistera, peut
s'adresser au gouvernement central ou à l'un de ces organismes dans
l'une des deux langues. C'est dans ce sens que doit être compris un vrai
bilinguisme qui ne crée aucune discrimination.
M. DEOM: Si je vous comprends bien, pour vous, la langue c'est un moyen
de reprendre le pouvoir économique et ça semble assez clair dans
votre paragraphe. A ce moment, j'ai une dernière question, est-ce que
vous pensez que l'unilinguisme va changer ce que vous avez appelé ce
mimétisme des gestionnaires francophones?
M. CHARBONNEAU: II est évident que, comme première
solution, nous favorisons la souveraineté du Québec qui, elle,
pourra permettre d'établir un outil véritablement efficace au
niveau du gouvernement du Québec pour garantir des rapports
économiques québécois, garantir un plan de
développement économique québécois, garantir
l'utilisation des ressources économiques québécoises en
fonction du développement selon un plan québécois. Et dans
ce sens, nous pensons que cela répond aux besoins du Québec.
Cependant, puisque dans l'étape dans laquel- le on vit, le
gouvernement ne semble pas prêt à arriver à cette solution
globale, nous disons à tout le moins: Etablissons le français
comme langue au Québec, véritablement. Selon l'article premier
que le bill 22 contient et selon les têtes de chapitre qui suivent, on
peut lire véritablement, si on ne se dédit pas à
l'intérieur des articles, que le français est la langue
officielle au Québec, c'est-à-dire la langue de l'administration,
la langue des entreprises d'utilité publique et des professions, la
langue de travail, la langue des affaires, la langue de l'enseignement.
Et je pense qu'il est clair que cette solution intermédiaire est
nécessaire et qu'on doit l'appliquer en totalité et non pas se
dédire au niveau des articles secondaires qui suivent.
M. BELANGER: En d'autres termes...
M. DEOM: Vous ne répondez pas à ma question, mais en tout
cas, M. le Président, je pense que je vais terminer là.
M. BELANGER: Si vous permettez, M. le Président, en d'autres
termes, nous...
M. DEOM: Je vous remercie.
M. BELANGER: ... disons simplement ceci. C'est un minimum qui va
permettre déjà à des centaines et des milliers de
Québécois de pouvoir relever la tête. Lorsqu'ils ne peuvent
pas parler anglais, dans un milieu quelconque, ils ne se considéreront
pas comme des êtres inférieurs, mais désormais, ils
pourront relever la tête et exiger qu'on parle français dans le
milieu dans lequel ils évolueront.
M. DEOM: Pendant la période électorale, je n'ai pas
rencontré de Canadiens français qui baissaient la tête.
M. BELANGER: Moi, j'en ai rencontré.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Pointe-Claire.
M. SEGUIN: M. le Président, j'ai suffisamment d'informations pour
me permettre d'évaluer la représentativité du
mémoire présenté, donc, je passe mon droit de parole.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable chef de l'Opposition
officielle.
M. MORIN: M. le Président, je n'ai que deux courtes questions
à poser, compte tenu de l'heure tartive.
Vous avez soulevé, messieurs, dans votre mémoire,
plutôt, dans la présentation orale de votre mémoire, un
point qui me paraît important.
Dans l'hypothèse où elle serait adoptée, est-ce que
la législation québécoise, est-ce que le projet de loi
s'appliquerait aux organismes
publics et parapublics fédéraux installés au
Québec? Je songe naturellement aux ports nationaux, à la
Société nationale des chemins de fer, à Air Canada. Ces
organismes font affaires au Québec ou encore administrent des secteurs
importants de l'activité publique. Question connexe. La
législation proposée s'appliquerait-elle aux entreprises
enregistrées à Ottawa et, point que vous n'avez pas
soulevé, aux entreprises déclarées comme étant
d'intérêt national par le Parlement d'Ottawa? Ce sont des
questions d'ordre constitutionnel, fort importantes et ce n'est peut-être
pas à vous que j'aurais à poser la question, c'est plutôt
au ministre.
M. CLOUTIER: Je vais répondre, si on me la pose.
M. MORIN: Volontiers.
M. CLOUTIER: Mais, en revanche, je vais vous en poser une
après.
M. MORIN: Oui, volontiers.
M. CLOUTIER: Cela va? Donnant donnant. Nous légiférons
à l'intérieur de nos capacités législatives. Par
conséquent nous ne légiférons pas pour les organismes
fédéraux. Ceci n'exclut absolument pas qu'une négociation
pourra avoir lieu dans certains secteurs. En fait, il y a déjà
une négociation et le député de Saint-Jacques peut
ricaner qui se fait dans le domaine de l'immigration et une
négociation qui se fait dans le domaine des communications. Mais le
projet de loi 22 porte, bien sûr, lorsqu'on définit
l'administration publique, dans le secteur de compétence
provinciale.
D'ailleurs, il suffit de se rapporter aux annexes qui donnent toutes les
définitions concernant les différents organismes touchés.
Est-ce que je peux poser ma question maintenant?
M. MORIN: J'allais constater que ces messieurs ont donc soulevé
un point important qui marque des limites très précises et
très cruciales au projet de loi qui est devant nous.
M. CLOUTIER: Bien sûr.
M. MORIN: Ni la société Air Canada, ni les chemins de fer,
ni les ports nationaux, ni d'autres organismes publics ou parapublics
fédéraux qui oeuvrent au Québec.
M. CLOUTIER: Cependant...
M. MORIN: Vous savez qu'il y a de très nombreuses entreprises
d'intérêt national ou déclarées telles par le
Parlement fédéral. Je songe non seulement à la compagnie
Bell qui est le cas typique, mais, par exemple...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît !
Tantôt, vous avez oublié tous les deux de me
demander...
M. CLOUTIER: La permission.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... la permission de parler. Je voudrais
vous rappeler de poser les deux questions à nos invités et de ne
pas engendrer de débat.
M. MORIN: Oui, mais le ministre m'en a poser une.
M. CLOUTIER: Moi, j'ai un crédit.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Gardez-le pour une prochaine fois.
M. CLOUTIER: Non, je ne peux pas le garder parce que c'est très
pertinent. Vous avez remarqué que j'ai peu parlé, je me suis
contenté d'établir...
M. MORIN: Est-ce que nous pourrions, M. le ministre, nous mettre
d'accord pour demander ensemble à M. le Président de bien vouloir
nous laisser nous poser des questions l'un à l'autre.
M. CLOUTIER: Je ne sais pas si notre règlement... J'ai une seule
question très simple.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): On va s'arranger pour partir...
M. MORIN: Mais je n'avais pas fini de vous souligner...
M. CLOUTIER: A ce moment-là, c'est un débat.
M. MORIN: Non, c'est une phrase. Non seulement la société
Bell, mais des entreprises québécoises de plus en plus nombreuses
sont déclarées comme étant d'intérêt national
par le Parlement d'Ottawa. Notamment encore, il y a quelques années
à peine, les meuneries. Ce sont des entreprises où votre projet
de loi ne s'appliquera pas, et vous serez étonné, si vous faites
le recensement de toutes ces entreprises, à quel point sa portée
va être limitée. Maintenant, j'accueille votre question.
M. CLOUTIER: Bon, alors je peux rassurer le chef de l'Opposition. Nous
avons fait tous ces recensements, et lorsque le débat aura lieu, nous
pourrons défendre le projet de loi, article par article. Ma question est
très simple.
M.MORIN: Oui.
M. CLOUTIER: Vous avez remarqué que je
n'ai pas parlé beaucoup. Je me suis contenté
d'établir la représentativité du groupe. Le fait que ce
groupe liait toute politique linguistique valable à
l'indépendance du Québec...
M. MORIN: Ah non! Je crois que ce n'est pas ce que j'ai compris. Ils ont
dit qu'en attendant l'indépendance qu'ils considèrent comme
étant une solution plus générale et plus globale aux
problèmes, ils suggéraient, néanmoins, d'adopter des
mesures beaucoup plus strictes en faveur du français et un certain
nombre d'amendements. C'est bien cela que vous avez fait, messieurs?
M. BELANGER: C'est cela.
M. CLOUTIER: Ma question est la suivante : Est-ce qu'on pourrait
considérer les amendements qu'a proposés le Conseil des hommes
d'affaires québécois, comme le contre-projet du PQ?
M. MORIN: Pas du tout! Mais ces messieurs parlent au nom de leur propre
organisme. Nous allons considérer avec beaucoup d'attention comme il le
fera lui-même, sûrement, toutes les propositions qui nous ont
été faites.
M. CLOUTIER: Bon! Mais est-ce qu'on pourrait dire qu'un contre-projet
péquiste ressemblerait aux prises de position du Conseil des hommes
d'affaires québécois?
M. MORIN: Le ministre n'a pas coutume de révéler ses
projets ou ses avant-projets avant l'heure fatidique. De même, nous nous
réservons ce privilège, M. le Président. Quand nous aurons
un projet, nous le déposerons.
M. CLOUTIER: Je voulais simplement établir le radicalisme des
positions du PQ.
M. CHARRON: Vous voudriez qu'on ait notre Chambre de commerce, à
nous aussi.
M. MORIN: Autre question...
M. CLOUTIER: Vous l'avez, mais elle est beaucoup moins
représentative.
M. MORIN: Oui, mais elle est de plus en plus représentative.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Ceci étant dit...
M. CLOUTIER: Cela va. Trêve de gentillesses.
M. MORIN: Trêve de "représentativités", parce qu'on
pourrait soulever ces questions à propos de nombreux organismes qui
comparaissent devant nous. Il y en a un certain nombre qui sont
déjà alignés pour comparaf- tre, à propos desquels
nous pourrions nous poser ce genre de questions.
Autre problème que j'aimerais commenter. Vous avez, dans votre
mémoire, indiqué notamment à la page 7, que l'article 133
du British North America Act, pour l'appeler par son nom, constitue un obstacle
pour le gouvernement dans la mesure où celui-ci voudrait faire du
français la seule langue officielle du Québec, devra
"réclamer" l'abrogation de cette loi britannique, et, à mon avis,
cela n'est pas nécessaire.
Le gouvernement québécois, agissant de son propre chef, de
l'avis des constitutionnalistes qui ont été consultés par
la commission Gen-dron tous sauf un, en tout cas étaient
d'avis que le gouvernement québécois peut modifier l'article 133
sans aller demander la permission du pouvoir fédéral, ni
même celui du Parlement de Westminster.
Je voudrais attirer votre attention sur le fait que, si l'article 133 se
trouve en quelque sorte incorporé dans le projet de loi 22, c'est
à la suite d'un choix délibéré du gouvernement. Le
ministre lui-même, d'ailleurs, acquiesce de la tête.
Peut-être voudrez-vous faire des commentaires là-dessus,
messieurs? Il ne faudrait pas croire que le gouvernement
québécois est impuissant à agir. C'est qu'il se veut
impuissant. Ce n'est pas la même chose.
M. CLOUTIER: C'est qu'il fait une option différente de la
vôtre !
M. BELANGER: M. le chef de l'Opposition, si nous avons, dans notre
conclusion, demandé que le gouvernement l'expression
employée est de réclamer l'abrogation c'est que,
étant donné qu'il y a au moins un constitutionnaliste qui a
affirmé que le gouvernement du Québec n'avait pas le pouvoir de
le faire, nous avons préféré prendre la formule la plus
certaine, c'est-à-dire réclamer l'abrogation. Nous ne voulons pas
poser au constitutionnaliste. Il est effectivement très probable et
possible, puisque c'est d'ailleurs l'opinion de la majorité, que le
gouvernement du Québec, le Parlement du Québec,
l'Assemblée nationale ait effectivement le pouvoir d'amender
elle-même la partie de cet article qui concerne le Québec. Et
là-dessus, étant donné qu'il peut y avoir contestation,
c'est la raison pour laquelle nous avons employé l'expression
"réclamer" plutôt que "abroger elle-même".
M. MORIN: Je suis tout à fait satisfait de ces explications, M.
le Président.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Au nom des membres de la commission, je
désire remercier votre groupe et ajourner la commission à demain
matin, 11 heures.
(Fin de la séance à 18 h 16)