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Education
(Neuf heures trente-six minutes)
M. GARDNER (président du comité): Alors, le vote viendra
tout à l'heure.
M. BELLEMARE: Alors, si vous demandez un vote, je vais préparer
un discours.
M. LE PRESIDENT: Sur quoi?
M. LESAGE: M. Lavoie, faites donc votre travail.
M. CARDINAL: M. le Président, je ne sais pas si le Dr Goldbloom
avait terminé. Sa dernière question portait...
M. GOLDBLOOM: Non, je n'avais pas terminé.
M. CARDINAL: D'accord.
M. LE PRESIDENT: Alors, Dr Goldbloom.
M. GOLDBLOOM: Avant d'aborder la dernière partie de mes
brèves remarques, je voudrais souligner que je fournirai aujourd'hui au
ministre les renseignements que je lui ai promis à la dernière
séance de notre comité sur certaines personnes qui occupent des
postes importants au niveau des organismes universitaires et autres, et qui ont
fait campagne pour être élus à ces postes en disant
et cela a été le thème principal de leur campagne
Nous sommes des étudiants à temps partiel. Donc nous sommes
libres de nous occuper de la contestation. Alors, je pense que ce sont des
choses qui intéresseront le ministre. J'espère aussi que, quand
il aura la parole par la suite, il sera en mesure de nous donner d'autres
renseignements sur l'occupation de l'école des Beaux-Arts.
Alors, j'aborde la dernière partie de mes remarques. Je voudrais
parler brièvement d'un problème qui nous concerne tous; c'est le
problème de la politique linguistique de la province de
Québec.
C'est un problème qui, à un certain moment, avait, aux
yeux de certaines personnes, l'allure d'un problème local puisque tous
les yeux de la province étaient tournés vers une
municipalité en banlieue de Montréal, Saint-Léonard. Avec
les récents événements à Donnacona, à
Sainte-CéciMontréal et dans le Nord-Ouest du Québec, il
est clair que nous faisons face à un problème d'envergure
provinciale, et qu'en effet l'absence d'une politique dans ce domaine finit par
constituer une politique.
Nous avons entendu à plusieurs reprises des déclarations
selon lesquelles une politique linguistique serait énoncée au
cours de l'automne. L'automne tire à sa fin. Les complications de cette
situation se multiplient et nous avons toujours hâte, d'avoir une
politique qui serait confirmée par une législation. Il est
évident que le problème est complexe. Il est évident qu'il
s'agit de beaucoup plus que la simple intégration des immigrants au
milieu québécois. Il s'agit d'un problème qui n'est pas de
date récente, le problème de percer les solitudes
québécoises et les solitudes canadiennes pour réussir
à bâtir une société à laquelle tous pourront
participer.
Je n'ai pas l'intention de refaire l'historique des
énévements à Saint-Léonard.
Je voudrais simplement souligner quelques faits, surtout que l'attitude
d'un nombre important de parents a été telle qu'ils ont, dans
certains cas, refusé d'envoyer leurs enfants aux écoles et qu'ils
ont changé non seulement d'école, mais d'adhésion à
certains groupements linguistiques et même religieux à
l'intérieur de la communauté. Des parents ont cru bon de payer,
de leur poche, des classes spéciales qui continuent et qui ne sont
pas... J'insiste là-dessus parce qu'il y a une impression assez
répandue voulant que ce soient des classes unilingues puisqu'on a
proposé de l'autre côté et on a même instauré,
de l'autre côlé, des classes unilingues de langue
française; on a l'impression que les classes privées qui se
tiennent au sous-sol de certaines maisons sont des classes unilingues de langue
anglaise: Ce n'est pas le cas. Il y a un enseignement qui est, selon tous les
ran-seignements que j'ai pu avoir, excellent de la langue française. Les
résultats sont très satisfaisants quant à la
compétence des enfants en français, après ces quelques
semaines, maintenant près de deux mois, n'est-ce pas, de classe
spéciale.
Il y a eu un incident - je l'appelle incident -que j'ai trouvé un
peu curieux. Il est arrivé à Saint-Léonard, peu
après l'établissement de ces classes spéciales, des
documents qui émanaient du ministère de l'Education et qui
étaient surtout des formules à compléter pour une demande
de subvention à une institution privée. Je souligne, M. le
Président, que le problème dans toute son envergure est un
problème de responsabilité publique. Ce n'est pas une solution
honorable à un problème où les parents croient qu'ils ont
droit à des écoles qui leur seraient satisfaisantes et que ce
droit leur vient de l'autorité publique.
Il y a un autre fait qui m'a quelque peu étonné. Nous
savons tous ce qui est arrivé à Saint-Léo-
nard et quelles sont les personnes qui, ayant été
élues à la commission scolaire, ont pris les décisions que
nous connaissons. J'ai devant moi une photocopie de la page 24
d'Hebdo-Education du 23 juillet. Je vous rappelle que c'est au mois de juin
si ma mémoire est fidèle que nous avons
discuté à cette même table le problème de droits
linguistiques, d'une politique linguistique et, dans l'occurrence, des
événements de Saint-Léonard.
Hebdo-Education du 23 juillet fait allusion à la formation d'un
comité pour étudier les moyens d'intégrer les enfants des
immigrants au Québec. Le problème principal n'est pas le
problème unique de Saint-Léonard. Parmi les membres de ce
comité dont la constitution définitive devait être
arrêtée le 25 juillet deux jours plus tard se trouve
le nom de M. Jacques Deschênes, président de la commission
scolaire de Saint-Léonard-de-Port-Maurice.
Je trouve curieux que cette personne ait été nommée
à une commission, à un comité, pour étudier les
moyens d'intégrer les enfants des immigrants au Québec. Je
trouve, là aussi, qu'on est en face d'une absence de politique qui finit
par constituer une politique.
Il y a des mouvements, de part et d'autre, qui s'intéressent
à ce problème, en particulier un mouvement qui a attiré
vers lui une certaine publicité, récemment, qui s'appelle le
Mouvement pour l'Intégration scolaire. Je me permets de rappeler
à l'honorable ministre ce dont il se rappelle peut-être
qu'à l'occasion des débats sur les crédits de son
ministère, je lui ai posé certaines questions très
spécifiques sur le problème qui me concerne en ce moment. Parmi
ces questions était celle-ci: Est-ce que le gouvernement croit qu'une
fois qu'il sera en présence d'un fait accompli, il sera, par la suite,
en mesure de retourner et corriger des injustices qui auraient existé
pendant une certaine période de temps?
Il est clair que les activités de ce mouvement ont une tendance
qui, à mon humble sens, n'est pas une tendance vers la justice pour tous
les intéressés. J'insiste pour réprouver toute injustice
qui prive les Canadiens français, en nombre important, de l'usage de
leur langue comme langue de travail ainsi que l'injustice qui prive certains
parents des écoles qu'ils choisiraient pour leurs enfants. Je souligne,
entre parenthèse, que si ces parents auxquels j'ai déjà
fait allusion ont choisi de puiser dans leurs propres poches pour payer des
classes privées, et ont pris cette décision, même s'ils
eussent peut-être dû, aux yeux de certains, laisser leurs enfants
en dehors de toutes les écoles plutôt que de capituler devant le
refus de la commission scolaire de leur fournir les classes qu'ils voulaient,
c'est surtout parce que ce sont des personnes qui ne sont pas bien nanties et
dans beaucoup de cas, et le père et la mère sont obligés
d'aller travailler et il n'y a personne pour avoir soin des enfants à la
maison.
Donc, il y a un problème complexe et, devant ce problème,
on trouve des expressions d'opinion qui viennent d'un peu partout. Mais j'ai
devant moi, M. le Président, la Presse du mercredi 13 novembre. A la
page 5, il y a un reportage par la journaliste Lysiane Gagnon sur les
activités du MIS dans le Nord-Ouest québécois. Je
relève un seul paragraphe, c'est une citation qui se veut textuelle des
paroles du président de ce mouvement. Il dit ce qui suit: « Alors,
demandez au gouvernement québécois de vous donner les locaux
d'une université anglophone de Montréal d'ici septembre 1969.
S'il refuse, allez l'occuper, vous y avez droit ».
Je ne suis pas ici pour faire de la démagogie, M. le
Président, mais je suis ici pour réprouver une telle
démagogie. Je crois que ce n'est pas par de telles démagogies ni
par la multiplication d'injustices qu'on va corriger les injustices du
passé et créer une société qui se veut bonne, qui
se veut intéressante pour toute personne qui veut y participer.
M. le Président, j'ai dit au départ, et je
répète à la fin de mes remarques, que l'absence d'une
politique finit par constituer une politique.
L'Honorable ministre, puisque nous nous sommes affrontés à
cette table à plus d'une occasion, connaît, je crois, les opinions
de celui qui vous parle. Je suis pour tout ce qui peut permettre
l'épanouissement de quiconque dans la société
québécoise. Je fais un humble effort pour aider à
l'épanouissement de la langue et de la culture française dans la
province de Québec et ailleurs au Canada. Puisque le ministre
connaît mon point de vue, je suis obligé de dire que je regrette
de ne pas connaître le sien ou même celui du gouvernement, en
dépit de certaines déclarations de principe qui ont
été faites, et qui sont peut-être faites un peu plus
nombreuses récemment mais qui ne sont pas confirmées par une
législation, une législation qui est nécessaire, voire
essentielle et que nous attendons depuis déjà trop longtemps.
M. CARDINAL: M. le Président, je prendrai les remarques du
docteur Goldbloom dans l'ordre qu'il les a présentées: dans les
deux derniers domaines. Tout d'abord, au sujet des étudiants qui
seraient des étudiants à temps partiel si j'ai bien
compris la question, parce qu'elle était générale
et qui sont à la tête de
mouvements étudiants à l'université. Disons que les
faits tels que je les connais, sont les suivants: tout d'abord, je ne connais
pas de noms d'étudiants qui seraient à temps partiel ou qui ne
seraient pas des étudiants bona fide, cependant j'ai été
suffisamment longtemps dans ce milieu pour savoir ce qui se passe
généralement. Par exemple, un étudiant se fait
élire à la tête d'une association d'université,
selon les règlements et de cette association et de cette
université, règlements sur lesquels le ministère n'a
actuellement aucune autorité. Nous savons que, d'après la loi du
ministère de l'Education, lorsque ce ministère a
été créé, ces pouvoirs s'arrêtaient au seuil
de l'université. C'est pourquoi, par la suite, le gouvernement actuel a
voulu créer le conseil des universités loi qui vient
d'être adoptée ainsi que d'autres organismes qui viendront.
Ce qui arrive en pratique, c'est qu'un étudiant se fait élire,
s'inscrit dans une faculté ou dans une école selon les
règlements de cette faculté ou école. Il peut arriver et
il est arrivé de fait que l'étudiant qui est en poste de
responsabilité à la tête de l'association ne se
présente plus aux cours. Ces faits sont difficiles à
vérifier dans la plupart des écoles et facultés. On ne
vérifie pas les présences. D'ailleurs je dirai qu'au niveau
universitaire, je pense que les étudiants doivent prendre leur
responsabilité et qu'il ne s'agit plus d'écoles. Cependant, je
recevrai les renseignements qui me seront donnés.
M. LESAGE: Voulez-vous m'excuser? Est-ce qu'on ne prend plus les
présences en droit, par exemple? On les prenait.
M. CARDINAL: Cela dépend des facultés, il y a actuellement
des facultés de droit à Laval, à Sherbrooke, à
Montréal, à McGill. A ma connaissance, ni à
Montréal ni à McGill les présences ne sont prises; elles
le seraient encore à Sherbrooke et à Laval. Mais ce sont
là des renseignements que j'avais depuis un certain temps. C'est
exact...
M. LESAGE: Quand j'étais étudiant en droit, quand mon fils
était étudiant en droit, je sais qu'il fallait motiver les
absences à Laval.
M. CARDINAL: Je pense qu'à Laval le règlement est
demeuré, mais je pense qu'il a été aboli dans la plupart
des autres écoles.
M. LESAGE: Evidemment à Montréal, vous êtes bien
placé pour le savoir.
M. CARDINAL: Oui, je sais qu'il a été aboli à cause
du trop grand nombre; il y avait 900 é-tudiants à ce
moment-là et le simple fait mécanique de la prise des
présences était déjà...
M. LESAGE: L'appariteur était débordé.
M. CARDINAL: Un moyen d'éviter qu'il y ait un cours. Si vous le
permettez...
M. GOLDBLOOM: M. le Président, j'espère que le ministre a
compris que je lui fournirai des renseignements spécifiques sur
cinqperson-nes.
M. CARDINAL: C'est ça!... Je veux insister sur le fait que f
attends les renseignements. E-videmment, ce n'est pas une chose que l'on peut
imputer, disons, au ministère ou au ministre comme tel.
Deuxième chose, la question des Beaux-Arts. Il y a une
assemblée ce matin alors que nous-mêmes sommes réunis en
comité.
Samedi dernier, M. Bernard Landry du cabinet du ministre de l'Education
est allé rencontrer les étudiants des Beaux-Arts. Il a
été avec eux pendant six heures. L'on sait qu'au début,
les étudiants ne voulaient pas l'accueillir et que, par la suite, ils
l'ont accueilli.
Il était accompagné de M. Vidal, directeur de
l'école.
D'après les renseignements que j'ai eus de M. Landry, dimanche,
au lendemain de cette assemblée, il avait confiance que cette question
se réglerait au cours de cette semaine. L'école est encore
occupée au moment où nous parlons. Il y a encore une
réunion ce matin justement pour prendre une décision. Alors, on
peut dire que la situation n'est pas la même qu'avant samedi en ce sens
que ce n'est pas seulement une occupation mais qu'un dialogue s'est
établi avec le ministère, au niveau du cabinet du ministre, et
qu'il continue aujourd'hui; celui qui me représente là-bas est
confiant que nous sommes près d'une solution.
Quant à la politique de langue, je pense que le
député est d'accord qu'il s'agit d'un problème qui
concerne tout le gouvernement. Je suis d'accord avec lui, je l'ai
répété à plusieurs reprises devant ce comité
lorsqu'il y eut débat sur les crédits. Il y a une
conférence de presse que j'ai donnée au mois d'août et j'ai
répété à d'autres reprises depuis qu'il s'agit d'un
problème qui dépasse de beaucoup Saint-Léonard.
Je rappelle que, dans les déclarations précédentes,
j'ai à plusieurs reprises mentionné que le gouvernement attendait
le rapport du comité de restructuration. L'on sait que dès
que
le ministre a reçu ce rapport, deux jours après il l'avait
remis au conseil des ministres pour étude avec recommandation que ce
rapport soit rendu public, déposé à l'Assemblée
législative et soit étudié de façon qu'on puisse
prendre des mesures administratives ou préparer la législation
qui paraîtrait judicieuse dans les circonstances. De fait, le rapport a
été rendu public dès la semaine suivante il n'a pas
été conservé sous le boisseau il a
été remis, je pense, à l'Assemblée
législative. Il est présentement étudié par un
comité du conseil des ministres.
Ce rapport est suffisamment volumineux, le nombre de recommandations
qu'il contient est important. C'est un rapport de nature consultative,
c'est-à-dire que le gouvernement n'est pas lié par ses
recommandations. Je dis ceci non pas pour qu'on interprète mes paroles
dans le sens que le gouvernement ne serait pas d'accord avec ce rapport, il
n'est pas du tout question de ceci. Il faut d'abord l'étudier avant de
mettre en pratique ce qui semble utile. Je pense que le dépôt de
ce rapport est déjà un premier pas quand même puisque ce
comité, qui avait été institué en septembre 1967, a
été un des rares comités qui ait rempli son mandat presque
dans les délais qui lui avaient été accordés. En
fait, un délai additionnel lui avait été accordé
jusqu'au 30 octobre et le rapport a été remis avant cette date.
Ce rapport, évidemment, est un rapport qui ne s'appliquerait si
on prenait ses recommandations qu'à la ville de Montréal
où, évidemment, la situation est plus cruciale que dans le reste
de la province. Cependant, il peut en quelque sorte servir de modèle
dans certaines de ses recommandations. J'ajoute qu'au Conseil supérieur
de l'éducation, il y a un comité qui a été
créé pour étudier le système scolaire du point de
vue de la langue et de la confessionnalité, pour étudier la
restructuration scolaire au niveau de tout le Québec.
Ce comité a été créé je n'en
connais pas la date par coeur mais au cours de l'été
dernier vers le mois de juin si je ne me trompe pas, il faudrait
vérifier et poursuit présentement ses travaux pour
présenter ses recommandations au ministre de l'Education, selon la loi
qui régit le Conseil supérieur de l'éducation.
Je rappelle aussi et le député l'a mentionné
que j'ai déjà fait plusieurs déclarations de
principe à ce sujet. Je rappelle aussi que le premier ministre
lui-même, par la suite j'entends l'honorable J.-Jacques Bertrand
a repris plusieurs de ces déclarations et a mentionné que
le gouvernement annoncerait, en temps et lieu, une politique de...
M. LAPORTE: Vous aimez beaucoup ça dire: En temps et lieu!
M. LESAGE: C'est contagieux!
M. LE PRESIDENT (M. Proulx): A l'ordre!
M. LAPORTE: Non, non, on peut souligner les mots qui nous frappent plus
particulièrement, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Ce n'est pas...
M. LESAGE: Surtout les litanies qui reviennent.
M. GABIAS: Ce sont les principaux mots.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Continuez, M. le Ministre.
M. CARDINAL: Cette politique de langue peut s'appliquer à
l'éducation ou peut s'appliquer dans tous les domaines. Il y a
déjà le ministère de l'Immigration qui est
créé.
Le premier ministre lui-même a pris la responsabilité
d'annoncer cette politique lorsque les études seront terminées.
C'est pourquoi je ne me permets, je ne me sens pas, si vous voulez,
l'autorité d'annoncer d'avance une politique en matière de langue
pour tout le gouvernement du Québec.
Je pense que cependant, malgré ce que l'on mentionne, que j'ai
été suffisamment clair sur ce que j'entendais comme politique de
langue en matière d'éducation. Cependant, certains moyens
d'information, consciemment ou inconsciemment, ont semble-t-il voulu sortir du
contexte ce que j'ai pu déclarer de façon à créer
une situation d'anxiété qui n'était pas nécessaire
dans un certain milieu linguistique.
Je pense qu'il faut être lucide et voir les faits comme ils
existent. J'ai été surpris, au lendemain de certaines
déclarations, de constater que l'on annonçait que j'aurais
déclaré que Québec deviendrait unilingue - ce qu'en aucun
moment j'ai déclaré et l'on peut vérifier le
journal des Débats au moment du débat sur le budget de
l'éducation, comme on peut vérifier le texte de ma
conférence de presse à la suite de l'affaire
Saint-Léonard.
Pour ce qui est du comité pour intégrer les immigrants, il
s'agit d'un comité purement consultatif dont le premier mandat
était d'étudier l'établissement de classes d'accueil dans
Montréal particulièrement, à Lachine et à
Saint-Léonard. C'est pourquoi sur ce comité étaient
représentées les commissions scolaires de ces trois
municipalités et c'est pourquoi M. Des-
chênes, qui est d'abord président de la commission scolaire
de Saint-Léonard, était membre du comité.
Ce comité était déjà constitué avant
les événements d'Aimé-Renaud. On l'a d'ailleurs
mentionné tout à l'heure. Ce sont les commissions scolaires qui
étaient représentées sur ce comité et il s'agissait
d'étudier un système de classes d'accueil destinées aux
enfants des immigrants qui arrivent au pays et qui s'intégreraient au
groupe français. En ce domaine, l'expérience de
Saint-Léonard, si je peux la qualifier d'expérience, est positive
dans un sens. Elle ne nous apporte peut-être pas des
éléments de solution, mais elle indique ce qui peut se produire,
justement, lorsqu'il n'y a pas ces classes d'accueil, lorsqu'il n'y a pas de
politique.
Le but du comité n'était donc pas, n'a jamais
été et n'est pas d'élaborer une politique
linguistique.
Je dis quelques mots au sujet de ce comité. Ce comité a
été institué en mai 1967. Le service de la formation des
immigrants qui existe au ministère de l'Education a pour mission de
favoriser l'intégration des immigrants à la vie
québécoise à l'aide des moyens qu'offre le système
d'enseignement. En raison des problèmes particuliers que pose
l'intégration des enfants d'immigrants dans le milieu scolaire, le
ministre de l'Education a constitué, auprès du service de la
formation des immigrants, ce comité pour l'étude de
l'intégration des enfants d'immigrants et les travaux ont
débuté en juillet 1968.
Ce comité - comme on l'a déjà mentionné ici
était présidé par M. Mario Buzzanga, responsable du
service de la formation des immigrants. Il comprenait plusieurs personnes,
dont, en particulier, des représentants des trois commissions scolaires
que j'ai mentionnées. Le représentant de la commission scolaire
de Montréal, de la CECM, était M. Ferdinand Blondi. Par exemple,
la commission scolaire de Lachine était représentée par M.
Marcel Boulard. L'Alliance des professeurs de Montréal était
représentée par M. Henri Egretaud. Il y avait d'ailleurs une
relation qui avait été établie avec le secrétariat
de la province qui s'occupait du service des immigrants avec mon
collègue, le ministre qui est mon voisin.
M. GABIAS: De droite]
M. CARDINAL: Mon voisin de droite.
Dès la mi-septembre, ce comité a soumis au
ministère de l'Education un rapport, rapport qui a été,
par la suite, apporté au conseil des ministres pour décision. Il
ne faut donc pas voir par la présence de M. Deschenes à ce
comité une attitude du ministère dans un sens ou dans l'autre. Ce
sont trois commissions scolaires comme telles, qui avaient des problèmes
particuliers d'intégration d'immigrants dans l'île de
Montréal, qui ont été représentées, entre
autres, dans ce comité.
M. Deschênes n'était pas là comme membre du MIS; il
n'est pas président du MIS! Lorsque nous appelons des gens au
comité parce qu'ils remplissent un poste officiel, nous ne
vérifions pas leurs allégeances. Et de fait, je rappelle que le
comité a été créé en mai et qu'à ce
moment-là les événements de Saint-Léonard ne
s'étalent pas produits.
Je rappellerai que le mouvement MIS comme tel n'a jamais
été approuvé, ni désapprouvé, ni par le
ministre, ni par le ministère, comme ne l'a été aucun
mouvement volontaire qui existe. Je pense qu'il ne faut pas mêler le
ministère et le ministre à aucun mouvement; je termine pour le
moment quitte à reprendre d'autres détails si des questions sur
le même sujet sont posées. Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: M. Houde.
M. HOUDE: M. le Président, j'aimerais, à mon tour,
intervenir sur cette question de la criée scolaire en l'abordant d'un
angle peut-être tout à fait différent de ceux qui ont
été utilisés jusqu'à maintenant. Je pense, M. le
Président, qu'actuellement tous ceux que nous pouvons classer dans la
catégorie des spécialistes en matière de jeunesse
je pense, par exemple, aux éducateurs, je pense aux sociologues, aux
psychologues, aux philosophes même doivent admettre qu'ils ne
comprennent plus vraiment le phénomène de la jeunesse actuelle.
Je dis le phénomène de la jeunesse d'aujourd'hui dans son
entité. Personne, je crois, ne peut se vanter d'avoir tellement
d'expérience actuellement avec les jeunes. Nous devons, à mon
humble avis, faire acte d'humilité autour de cette table, puisque
jeunesse suppose, au moment où nous nous parlons, un
phénomène tout à fait nouveau. Un phénomène
qui n'existait pas il y a à peine quelques années et qui,
aujourd'hui, représente une couche quand même importante de la
population. Phénomène qui était inexistant il y a quelques
années puisque nous passions très facilement de Page scolaire
pour aller directement sur le marché du travail vous l'avez dit
vous-même à peu près sans transition.
Aujourd'hui, il y a une couche fort importante dé la
société, que nous appelons les 15-25, qui était
inexistante il y a quelques années. Ils ne sont ni des enfants, ni des
adultes. Anciennement, nous passions facilement de la sixième ou de la
septième année carrément sur le marché du
travail.
Alors, ma première réaction devant toute cette crise
scolaire comme on l'appelle, c'est que tous les spécialistes, tous ceux
qui se croient spécialisés en matière de jeunesse, en
matière d'éducation doivent d'abord faire un acte
d'humilité. Je pense aussi qu'il faut faire quelques commentaires
concernant l'inquiétude des parents et du public en
général. Il est quand même étonnant d'admettre et de
constater actuellement, à travers tout le Québec, et d'entendre
des phrases comme celles-ci: On avoue ne plus rien comprendre. On accuse
très facilement les dirigeants, les politiciens; on accuse les
enseignants. On suppose même, en certains milieux, qu'au fond de cette
crise scolaire il y a du communisme; on donne tous les torts, dans d'autres
milieux, aux syndicats, et on va même jusqu'à accuser tous les
étudiants dans leur crise scolaire d'être totalement des
séparatistes.
Je pense, M. le Président, qu'il est extrêmement facile
présentement, dans cette crise de porter des accusations; mais c'est
également facile d'y croire. D'y croire parce que, comme beaucoup de
parents, j'ai eu l'occasion de visiter des CEGEP et des écoles
secondaires au moment de cette crise. C'est facile d'y croire comme c'est
facile de porter des accusations. Pourquoi? Parce qu'à
l'intérieur de certaines écoles, j'ai vu, de mes yeux vu, des
photos de Fidel Castro, j'ai vu des photos de Che Guevara, j'ai vu des
pensées de Mao Tsé-Toung, j'ai vu un tas de choses.
M. GABIAS: A Montréal.
M. HOUDE: Dans la région métropolitaine, pas
nécessairement à Montréal. D'autre part dans la
population, et surtout parmi les parents, nous entendons des phrases comme
celles-ci: Il est grand temps de rétablir une discipline de fer.
D'autres disent: Pourquoi ne pas instaurer un service militaire. D'autres plus
subtiles disent: Pourquoi ne pas instaurer un service civique, par exemple? Et
même les gars de l'UGEQ y ont pensé.
Actuellement, je ne sais pas si cela prouve quelque chose. Service
militaire: cela ne prouve sûrement rien. La preuve, c'est qu'en France
ils ont un service militaire obligatoire, et pourtant la révolution en
France, la révolution étudiante a été pire
qu'ailleurs. Des jeunes même ont pensé au service civique. Qui a
raison? Quelle est la solution? Je voudrais bien la connaître. Je pense
que du jour au lendemain celui qui aurait la réponse à toutes ces
questions deviendrait un héros.
La grande phrase que l'on entend actuellement à travers le
Québec, au niveau des parents comme au niveau des étudiants,
c'est: Où allons-nous? Dans mon temps, ce n'était pas comme
ça!
La jeunesse, plutôt les jeunesses sont différentes.
J'espère que tout le monde est convaincu que nous n'avons plus tellement
le droit aujourd'hui je pense qu'il y a une enquête assez
extraordinaire qui l'a prouvé en Europe, dernièrement de
parler de la jeunesse avec un grand J, mais qu'il faut plutôt parler des
jeunesses. Il n'y a pas une jeunesse mais il y a des jeunesses,
II y a quand même des dénominateurs communs. Les jeunesses,
elles sont inquiètes. Les jeunesses veulent de l'action. D'autre part,
tout le monde semble avoir perdu confiance, actuellement, a un grand nombre
d'hommes publics et aux politiciens. Toutes les jeunesses, également, ne
sont pas organisées. Mais, toutes les jeunesses ont des chefs de file.
Pas seulement des chefs de file nous venant de l'UGEQ et des chefs
formés par les syndicats. Et, je pose la question peut-être
que le ministre a des réponses à cela: Où sont nos chefs
de file dans les domaines autres que ceux de l'UGEQ? Je pense
particulièrement aux chefs de file dans le domaine du scoutisme, par
exemple. Où sont nos chefs de file dans le domaine de la JEC? Où
sont, dans cette crise scolaire, nos chefs de file, nos leaders de jeunes dans
le domaine des sports, des loisirs, dans le domaine des jeunes travailleurs? On
ne le sait pas. L'impression qu'on a, depuis le début de cette crise,
c'est qu'il y a seulement un groupe de leaders étudiants, comme on les
appelle, et ce groupe de leaders est ordinairement identifié à
100% avec l'UGEQ et l'UGEQ est identifiée avec le syndicalisme.
Je sais pertinemment, comme tout le monde sait, qu'il existe d'autres
chefs de file dans d'autres domaines et également
intéressés au phénomène de la jeunesse. Je pose la
question. Où sont-ils dans cette crise?
Actuellement, il y en a qui sont pour le statu quo. D'autres mouvements
parlent de cogestion. D'autres parlent d' « autogestion ». Mais
tous les groupes: spécialistes, parents, étudiants, travailleurs
sont d'accord ordinairement sur deux mots: participation et dialogue.
Où sommes-nous? Que faisons-nous? Pendant que des milliers de
parents se creusent la tête, cherchent, travaillent à trouver les
solutions; pendant que des milliers d'étudiants en font autant; pendant
que la JOC, soit dit en passant, a multiplié, également, ses
efforts par des mémoires, par des réunions, nous, les
représentants de tous les Québécois, que faisons-nous?
Je parle des députés d'une façon spéciale.
Quelle est l'action, par exemple, jusqu'à maintenant, du comité
parlementaire de l'éducation, qui, au plus fort de la crise, ne pouvait
même pas siéger à cause d'un règlement qui, à
mon humble avis, m'apparaît comme désuet? D'ailleurs, je pense que
nous aurons très bientôt une motion au feuilleton à ce
sujet. Le comité parlementaire de l'éducation n'avait même
pas le droit de siéger quand la session ne siégeait pas.
Allons-nous continuer longtemps nos réunions, nos discours, nos
théories, qui, une fois de plus, risquent de faire enrager parents et
jeunes?
Quant à moi, M. le Président, j'ai suffisamment
été théorique et je me permets maintenant une suggestion
pratique. Je me permets une suggestion qui va peut-être en faire sourire
quelques-uns. Je me permets une suggestion et je me battrai, s'il le faut, pour
qu'on puisse autour de cette table, autour de ce comité, étudier
et reparler de cette suggestion.
M. le Président, je pense qu'il est grand temps pour le
gouvernement, pour le Parlement dans son ensemble, de trouver un moyen pour
chercher des solutions à tout ce problème étudiant,
présentement, à tout ce problème des jeunesses
québécoises.
Une des suggestions je ne dis pas que c'est la seule, je ne dis
pas qu'il n'y en a pas d'autres mais une, en tout cas, qui
m'apparaît valable, qui mériterait sûrement que nous en
discutions autour de la table, c'est celle-ci: Je suggère, et j'emprunte
l'expression au scoutisme, un jamboree de tous les leaders des jeunesses
québécoises. Je pense qu'avec un montant d'environ $100,000, il
serait possible, pour une période non pas d'un soir ou d'un week-end,
mais pour quinze jours, deux semaines complètes, soit à
l'époque de Pâques, par exemple à l'époque des
vacances de Pâques, ou au plus tard à l'été, de
grouper dans un endroit déterminé, par exemple à
Rivière-du-Loup, 500 représentants des jeunes.
Il y a là des dortoirs, des salles à manger, des
commodités sportives et récréatives et de nombreuses
salles. Il pourrait y avoir au moins deux représentants de chacune des
écoles régionales, soit un gars et une fille. Il pourrait y avoir
des représentants de tous les CEGEP de la province de Québec, des
représentants de toutes les universités et des
représentants de tous les mouvements de jeunes qui existent au
Québec, sans compter plusieurs hauts fonctionnaires, des
représentants sur invitation de parents, par exemple. Eien
sûr, les journalistes pourraient être admis à ce genre de
réunions.
Mais pourquoi quinze jours? Parce que je crois sincèrement, M. le
Président, que toutes les réunions, quelles qu'elles soient, que
toutes les réunions de fin de semaine, que toutes les réunions
d'une soirée ne sont jamais assez longues pour vider complètement
la question. Je pense que les jeunes du Québec ont besoin d'un temps
suffisamment long pour pouvoir, une fois pour toutes, vider la question. Tout
le monde semble d'accord sur la question de dialogue. Je ne crois pas que nous
pourrions dialoguer un samedi après-midi avec les gars des Beaux-Arts,
comme cela a été fait en quelques heures. Tandis que si nous
avions un jamboree des meneurs de la jeunesse québécoise, non
seulement des gars de l'UGEQ, mais tous les représentants des jeunes
seraient là. J'ai calculé que cela pourrait représenter
environ 500 personnes. 500 personnes! Il n'y a pas un CEGEP, il n'y a pas un
camp de vacances, il n'y a pas un organisme qui n'accepterait pas de recevoir
500 personnes à $5 par jour, logées et nourries, ce qui fait
$50,000.
Puisque pour ces étudiants vous-même, M. le
Ministre, vous en avez parlé il faut trouver des moyens de leur
procurer aussi du travail. Si cela se faisait en période de vacances,
par exemple, pour que ceux qui participeraient à ce jamboree aient
vraiment non seulement l'impression mais la conviction qu'ils ne viennent pas
là en vacances, mais qu'ils viennent là pour travailler. Je vais
plus loin dans ce rêve peut-être je vais
jusqu'à demander au gouvernement d'investir $50 par tête, par
semaine pour les participants. Cela ferait $100; multipliez par 500 et vous
aurez le chiffre. Pour ce que nous appelons communément la plus grande
richesse que le Québec possède, c'est-à-dire les jeunes du
Québec, je pense qu'investir $100,000 pour grouper environ 500
participants avec des spécialistes en vue de vider, d'étudier
tous les problèmes de la jeunesse québécoise, c'est un
placement. Non pas un placement à long terme, mais véritablement
un placement de $100,000 à court terme qui pourrait rapporter
énormément de dividendes.
Bien sûr, nous pourrions discuter longtemps de quantité de
modalités. Je pense sincèrement qu'il est temps que nous cessions
d'abord de parler, de parler et de parler, que nous cessions de dire: Il faut
dialoguer! Il est temps que, comme adultes, nous cessions de demander aux
jeunes: Mais que voulez-vous exactement? Ils ne le savent pas. Ils ont
peut-être raison de ne pas le savoir puisque nous, adultes, ne le savons
pas tous.
M. GABIAS: Un instant.
M. HOUDE: Personne ne peut se vanter de savoir exactement ce qu'ils
veulent.
M. GABIAS: Vous parlez pour l'Opposition parce que nous, nous le
savons.
M. LESAGE: Si vous le savez....
M. HOUDE : Si vous le savez, dépêchez-vous de le dire,
parce qu'il y a des milliers de personnes...
M. LESAGE: II faudrait qu'il nous fasse un discours pour nous le
dire.
M. GABIAS: Cela ne sera pas long.
M. HOUDE: Il y a des milliers de personnes qui attendent. Tout le monde
dit: Il faut changer quelque chose. Les jeunes ont des expressions comme: il
faut changer la société. Nous leur demandons quoi, ils ne le
savent pas. Ils disent: C'est justement pourquoi, nous vous demandons votre
aide, à vous, adultes. Nous demandons votre aide, c'est pourquoi nous
vous invitons à nos réunions. Nous voulons essayer de trouver une
réponse.
Je ne sais pas si vous êtes au courant de ce travail qui vient
d'être publié et qui est intitulé: Travailleurs et
étudiants, pouvoir du peuple, occupation 1968. Cela a été
publié par les gars du CEGEP Lionel-Groulx. Il y en a par le CEGEP du
Vieux-Montréal. Pour employer une expression qui est fort populaire
actuellement, je pense que tout le monde peut dire en lisant ces textes, en
voyant exactement ce qui se passe: Eh bien nous en perdons vraiment notre
latin.
M. GABIAS: Est-ce que le député de Fabre me permettrait
une question? Est-ce qu'il a lu les mémoires des étudiants du
CEGEP Lionel-Groulx et de l'autre? Moi, je ne les ai pas lus, mais j'estime que
les jeunes doivent dire, dans ces mémoires ce qu'ils désirent, ce
qu'ils veulent.
M. HOUDE: Non pas exactement. Ce qu'ils veulent surtout les jeunes,
c'est de s'asseoir autour d'une table et de chercher une réponse. Us
n'ont pas la réponse à tout cela.
M. GABIAS: Mais est-ce qu'ils n'ont pas des suggestions dans tout
cela?
M. HOUDE: Bien sûr qu'ils ont des suggestions. Mais, actuellement,
ils ne le savent pas. Actuellement il y a des questions que tout le monde se
pose. Exemple: Pourquoi le ministre a-t-il envoyé, par exemple, un
délégué officiel pour dialoguer samedi après-midi
avec une minorité qui s'appelle les occupants? C'est une question qu'on
m'a posée hier soir. On dit: La majorité est formé par des
« non-occupants » aux Beaux-Arts. C'est une école qui
appartient à la Province, c'est une minorité qui est
classée comme occupante; le représentant officiel du ministre va
dialoguer avec la minorité oc-cupantel Est-ce qu'il y a eu un dialogue
avec les « non-occupants »? Ce sont des questions que tout le monde
se pose ça. Pourquoi une majorité n'a pas de personne en
autorité pour dialoguer et pourquoi la majorité est-elle en
dehors de l'école quand c'est la minorité qui esta
l'intérieur de l'école? Pourquoi ce phénomène?
Pourquoi toutes ces réunions?
Je pense, très modestement, que ma suggestion est valable. Je
pense qu'elle mérite, au moins, d'en discuter autour de la table. Que ce
soit cette formule-là ou une autre, je reste convaincu que si tous les
mouvements de jeunesse au monde, que si tous les syndicats, que si toutes les
associations, que si tous les partis politiques en tout cas le
nôtre se donnent la peine, de temps à autre de faire des
congrès de trois ou quatre jours, si les syndicats se donnent la peine
de faire des congrès, comme celui de la CSN qui dernièrement a
duré une semaine, je crois que ça vaut la peine d'organiser un
colloque, un congrès, un jamboree, appelez-le comme vous le voulez, non
pas d'un week-end mais de quinze jours, du matin au soir. En donnant $50 par
semaine à chaque participant sous forme de salaire, il est convaincu
à ce moment-là qu'il ne va pas en vacances, qu'il va travailler,
et que l'on est en droit d'exiger de lui quantité de travaux de
recherche et de participationl Je pense qu'après quinze jours d'un
travail intensif de cette façon-là, nous pourrions
peut-être arriver à trouver quelques solutions. Je ne dis pas que
nous trouverions toutes les solutions mais je pense que nous pourrions du moins
arriver à trouver une solution.
Je prends un exemple. Le ministre a suggéré dans un long
discours, par exemple, une étude ou un projet je n'ai pas le
texte à la portée de la main socio-économique avec
les étudiants, avec une participation des étudiants.
Peut-être que la suggestion du ministre est très bonne, mais il
reste qu'il faut admettre que la suggestion vient de lui; elle ne vient pas de
la base. Et peut-être qu'après quinze jours avec ces 500
participants-là, peut-être que nous arriverions à une
solution comme celle qui est proposée par le ministre, et que les gars
diraient; Bien sûr, c'est plein de bon sens; nous allons jouer ce
jeu-là pendant X temps et nous allons faire quelque chose. Cela
permettrait peut-être également de trouver d'autres so-
luttons que celle qui est proposée par le ministre; des travaux
de recherche, un meilleur dialogue. Enfin, il y a quantité de
possibilités que j'entrevois à la suite de quinze jours comme
ceux-ci si vraiment quelqu'un se donne la peine d'organiser cela.
Quant à moi, M. le Président, j'offre
bénévolement mes services si on décide d'organiser un tel
colloque...
M. GABIAS: Hé, hé, vous êtes payé pour
ça! M. LESAGE: Allons donc, il n'est pas payé... M. GABIAS: Non,
il est payé comme député.
M. HOUDE: Avec mon traitement de député, alors!
M. GABIAS: Comme député.
M. HOUDE: ... et je le ferai avec mon traitement de
député...
M. GABIAS: C'est ça!
M. HOUDE: ... ça me ferait plaisir d'organiser, de participer, en
tout cas, à l'organisation d'un tel colloque. Je suis convaincu que
c'est facile à organiser et je suis convaincu, également, que
ça plairait, je ne dis pas à tous les étudiants, mais je
tiens à dire, soit dit en passant, M. le Président, qu'avant
d'aborder cette question, ce matin, j'ai pris la précaution de
rencontrer des groupes d'étudiants, des groupes de gens que l'on classe
actuellement parmi les plus révolutionnaires d'entre les
révolutionnaires chez les étudiants. A ma grande surprise, en
tout cas, et je ne dis pas ça pour m'envoyer quelques fleurs, il y a
quantité... Non, non... Il y a quand même beaucoup de ces
gars-là qui m'ont dit...
M. GABIAS: C'est plus sûr quand on se les envoie
soi-mêmel
M. HOUDE: ... c'est une des suggestions...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est comme mol.
M. HOUDE: ... jusqu'à maintenant, qui nous plaît le plus. A
entendre parler certains leaders étudiants, comme on les appelle, c'est
quelque chose qui, semble-t-il, plairait à quantité de nos chefs
de file, ce serait, en tout cas, quelque chose qui n'a jamais été
fait à ma connaissance et qui est fait dans tous les autres domaines et
qui n'a jamais été fait dans ce domaine-là.
Alors, si c'est vrai que les jeunes du Québec sont notre plus
grande richesse, je crois, M. le Président, que $100,000, que des heures
de travail organisées pendant quinze jours, un jamboree de tous les
groupements de la jeunesse québécoise, serait rentable pour le
plus grand bien de la province de Québec.
M. LESAGE: Très bien.
M. GABIAS: C'est le premier discours cons-tructif de l'Opposition!
M. CARDINAL: M. le Président, si vous me le permettez, je
m'empresse de féliciter le député de Fabre. Je le
félicite pour plusieurs choses. Je le félicite, tout d'abord,
d'avoir maintenu son intervention au niveau même du mandat du
comité, celui de la crise scolaire.
Je le félicite d'avoir fait des commentaires et d'avoir fait des
suggestions plutôt que des critiques. Il a raison lorsqu'il dit qu'il est
facile d'accuser les parents, les étudiants; il a oublié
d'ajouter le ministre, le ministère. C'est facile de faire de la
politique avec une situation. Il n'en a pas fait.
M. GABIAS: Très bien.
M. CARDINAL: Où sont nos chefs de file? Je peux donner divers
exemples. Il a mentionné la JEC. La JEC a participé à la
contestation.
Il a mantionné le scoutisme, qui est demeuré silencieux.
Il est exact que la plupart des groupes, constitués ou non, qui
représentent la majorité, ont rarement manifesté leur
pensée, leur intention, leur tendance. Lorsqu'ils l'ont fait, ils l'ont
fait comme le député l'a mentionné, de façon
différente, en voulant des choses différentes.
Il y a cependant des cas qui se sont produits. Je souligne qu'à
Trois-Rivières, par exemple, les élèves ont
étudié, ont fait des suggestions et ont empêché ce
qui s'est produit dans d'autres CEGEP. Je souligne qu'à Limoilou les
représentants de 19 collèges d'enseignement général
et professionnel se sont réunis et m'ont demandé de les
rencontrer en vue de créer une association, chose qu'ils n'ont pas pu
réaliser parce que la majorité ne les a pas suivis. Je
félicite aussi le député de reconnaître que la crise
scolaire n'est pas simplement au Québec, mais qu'elle est
extérieure, comme par exemple, ce qu'il a rappelé de la France.
Je suis d'accord avec lui qu'il y a beaucoup trop de discussions, beaucoup trop
de paroles, pas assez de suggestions. Je retiens sa suggestion et je
serais des plus heureux si nous pouvions discuter. Je retiens même
son offre; j'ai d'ailleurs déjà mentionné qu'à
certains comités de travail je ne parle pas des comités de
l'Assemblée et du Conseil il devrait y avoir, en plus des
fonctionnaires, des députés d'un côté ou de l'autre
de la Chambre et qui seraient heureux d'y oeuvrer.
Quant au cas des Beaux-Arts en particulier, je rappelle cependant que ce
que nous pourrions appeler dialogue, s'est établi non seulement avec les
occupants mais aussi avec les « non-occupants » et que, dans cette
crise scolaire, cela a été un des problèmes du ministre de
savoir si les groupes minoritaires ou les groupes de contestataires devaient
être, disons non pas reconnus mais rencontrés. Ceci a
commencé d'ailleurs avec le boycottage de l'examen de qualification,
alors que la question s'est posée, si nous devions rencontrer uniquement
les représentants de la FEMEQ et aussi ceux qui étaient d'ici
dans la FEMEQ. Finalement nous avons rencontré les deux de façon
à arriver à des solutions.
Je le félicite aussi de suggérer que le comité de
l'Education soit un comité de l'Education et non pas un comité
où l'on a profite pour faire des attaques politiques. Je n'ai donc que
deux remarques à ajouter; d'une part, mes félicitations sont
sincères et j'ai indiqué les raisons pour lesquelles Je les al
faites et, d'autre part, l'intervention est très positive. Je retiens la
suggestion qui a été faite non seulement pour étude mais
que ce soit un jamboree, comme certains autres l'ont mentionné, les
états généraux des étudiants ou tout autre terms,
ce ne sont pas les mots qui comptent.
M. GABIAS: Disons une réunion « Cardinal. »
M. CARDINAL: II serait important qu'il y ait une réunion, peu
importe la qualification, où les Jeunes - au sens général
du terme puissent se rencontrer, discuter entre eux et peut-être
aussi dialoguer avec des adultes.
Quant au texte du 16 octobre que j'ai donné, il s'agissait de
suggestions qui venaient du ministre pour les étudiants. Depuis, J'ai
reçu de certains collèges des rapports comme celui que
possède le député de Fabre. Ce ne sont pas tous les
collèges qui l'ont fait, en dépit de l'invitation qui avait
été faite. Certains d'entre eux l'ont fait et ces documents sont
présentement étudiés au ministère.
M. LE PRESIDENT: Selon l'article 444, M. le Ministre, le
président d'un comité spécial peut prendre part aux
délibérations de ce comité. Vous n'avez pas objection
à ce que J'y participe?
M. GABIAS: Ah, si vous me l'enlevez. C'est clair...
M. LE PRESIDENT: Certainement! Les occasions pour les Jeunes
députés sont tellement rares de s'exprimer. A partir de cet
article 444, messieurs, je me permets de prendre part à ce débat.
Vous voulez me laisser la parole, M. le Ministre?
M. GABIAS: Oui, M. le Président, mais je retiens la mienne pour
après.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je l'avais demandée auparavant, M. le
Président.
UNE VOIX: Tout le monde a la parole. M. LE PRESIDENT: Je continue.
M. LAPORTE: Il n'y a rien comme d'être capable de poser des
problèmes et de décider soi-même.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): II se donne la parole.
M. LAPORTE: M. le Président, si vous n'êtes pas dans les
règles, allez-vous vous interrompre vous-même?
M. BELLEMA.RE: Non, non.
M. LE PRESIDENT: C'est mon leader parlementaire qui va me rappeler
à l'ordre.
M. GABIAS: ... Pour avoir votre décision.
M. LE PRESIDENT: Je voudrais faire part au ministre de
l'expérience que j'ai vécue pendant l'occupation du CEGEP de
Saint-Jean, où j'ai moi-même pendant deux jours été
présent à l'occupation. J'avais écrit : Où j'ai
participé à l'occupation. Mais on m'a dit que je me ferais
critiquer si je disais que j'avais moi-même occupé. J'ai donc
été présent à l'occupation.
J'ai assisté à leurs délibérations, M. le
Ministre, à la séance d'étude. J'ai vécu cette
crise sur place; je l'ai suivie avec un très grand
intérêt.
En premier lieu, les élèves ont demandé à
toutes les personnes étrangères à leur groupe de ne point
s'y mêler. Ils ont demandé aux administra-
teurs, au bureau de direction, aux députés, aux
journalistes d'assister en spectateurs ou en observateurs. On m'a pris par le
bras et on m'a dit: M. le député, voulez-vous monter, s'il vous
plaît? Ils ont été à l'égard de toutes ces
personnes très polis et même très déterminés.
Ils a-vaient décidé d'occuper et de discuter. Ils n'ont
montré aucune agressivité ni à l'égard du ministre
ni à l'égard du gouvernement, ni à mon égard, ni
à l'égard de leurs administrateurs. Ils étaient, surtout,
tournés vers eux-mêmes, pour étudier leurs problèmes
à eux. J'ai noté que la direction semblait
désemparée devant ce problème nouveau et ne savait quoi
dire ni quoi faire. Cela du moins, au tout début. Ils ont
écouté avec un respect relatif le représentant du ministre
qui a répondu à toutes leurs questions, et même celui de la
L'AGEUM, qui venait de Montréal. Ils l'ont écouté mais ils
étaient plutôt tournés vers eux-mêmes. Ils semblaient
vouloir ne rien entendre; il n'était pas question de dialogue. Pour
employer l'expression populaire, ils ne voulaient rien savoir.
Les thèmes majeurs apportés sont bien connus:
participation, autogestion, pouvoir étudiant. On a parlé de leur
agressivité notoire; on a parlé de leur angoisse et de leur
sentiment d'insécurité. A mon avis, messieurs, à dix-huit
ans on n'est pas angoissé. L'angoisse paraît beaucoup plus tard
dans la vie.
Au cours de toutes les discussions que j'ai entendues, l'une est revenue
à plusieurs reprises: Nous voulons nous définir, nous voulons
essayer de nous comprendre. M. le Ministre, lorsque vous êtes
passé à la télévision, deux étudiants vous
ont dit la même chose: Laissez-nous le temps de nous définir, nous
voulons nous définir. Dans ce sens-là je me rapproche des paroles
du député de Fabre: Les jeunes veulent se définir. Je
pense, M. le Ministre, que cela est un des aspects profonds du problème.
Les élèves avaient un grand besoin de se retrouver
eux-mêmes, de se définir et de se comprendre. Ils ont
l'impérieux besoin de trouver un sens à leur vie, une
finalité propre qui puisse guider leurs actions. Ils se cherchent une
vocation propre. C'était, pour eux, un temps de réflexion, un
temps d'arrêt.
M. GABIAS: Prenez votre temps, c'est intéressant.
M. LE PRESIDENT: Oui, ça vous intéresse?
M. LAPORTE: Oui, mais il est lent à comprendre; ne parlez pas
trop vite!
M. LE PRESIDENT: Monsieur, je ne veux pas politiser le problème;
je ne suis pas en mesure d'être dépolitisé.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): En plus, il est obligé d'expliquer au
député de Chambly!
M. GABIAS: M. le Président, au moins je suis parvenu à
comprendre; ce n'est pas le cas du député de Chambly!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
En occupant leurs collèges, ils ont occupé leur propre vie
intérieure. Ce fut une prise à charge d'eux-mêmes, une
prise en main de leurs problèmes, une prise de conscience de leur
être intérieur. C'était une dimension nouvelle de la vie
étudiante, c'était un temps de retrouvailles. Je dis nouvelle,
mais en apparence seulement. Nous tous qui sommes allés au
collège, durant notre jeunesse, nous rappelons très bien, qu'au
début de chaque année scolaire, il y avait une retraite. Un
retrait de la vie extérieure où pendant quatre, cinq ou six jours
les élèves, sous la direction d'un prédicateur, se
plaçaient en face de leurs problèmes et de leur finalité
profonde. Ces retraites existaient chez nous depuis 150 ans. Cela correspondait
donc à un réel besoin psychologique où l'homme a besoin,
dans sa vie, de retrouver son âme. Nos élèves n'ont plus de
ces retraites, de ces temps d'arrêt et de réflexion. Ils s'en sont
donné une de façon spontanée, imprévue et toute
particulière à eux-mêmes. C'était une retraite
nouvelle sans prédicateur attitré. Ils faisaient,
eux-mêmes, leurs propres prédications; ils avaient aussi leurs
prophètes dans leurs vocabulaires à eux. A Saint-Jean, les
élèves se sont donné, eux-mêmes, trois jours
où, en atelier, ils ont étudié leurs problèmes
à eux. C'est peut-être, M. le Ministre, une structure rituelle
nouvelle, une liturgie moderne. Tout être a besoin de rites et les jeunes
s'en sont donné de nouveaux.
Devant ces problèmes nouveaux. M. le Ministre, il nous faut
canaliser ces forces nouvelles et non les écraser. Nous pouvons
facilement politiser ces situations difficiles mais je préfère
les humaniser. Han Suyin a eu, pendant son passage parmi nous, des paroles qui
se rapprochent des miennes...
M. LAPORTE: Est-ce qu'elle est au courant?
M. LE PRESIDENT: Elle lira certainement ce texte, dans le journal des
Débats, lorsqu'elle sera rendue à Pékin.
M. LAPORTE: Cela fera l'objet de ses prochains livres.
M. GABIAS: II va sans dire que le président est
étouffé par l'humilité.
M. LE PRESIDENT: Ce sera peut-être traduit en Tonkin.
M. GOLDBLOOM: Seules les paroles doivent être étranges.
M. LE PRESIDENT: Je cite Han Suyin: « Les jeunes d'aujourd'hui ont
des comportements adultes à l'âge de 18 ans je me rapproche
des paroles de l'honorable député de Fabre aussi
sentent-ils le besoin de s'autodiscipliner, de discuter des heures
entières, de remettre en question non seulement la société
mais surtout la tradition ».
Au lieu de se culpabiliser réciproquement, comme le feraient le
père et la mère en face de l'enfant qui faute et qui erre, il
faut plutôt analyser ces forces nouvelles qui surgissent subitement. Il
faut plutôt les orienter vers des structures nouvelles qui correspondent
aux besoins de la jeunesse étudiante, cela pour en tirer le plus grand
avantage. C'est pourquoi, M. le Ministre, je propose et mes propositions
se rapprochent étrangement de celles du député de Fabre,
les hommes intelligents se rapprochent...
M. GABIAS: Un autre qui vous a copié!
M. LE PRESIDENT: ... je propose que dans le calendrier scolaire de l'an
prochain, l'on réserve quelques jours à l'usage exclusif de tous
les étudiants, où ceux-ci, seuls ou avec d'autres personnes de
leur choix, puissent étudier les problèmes qui les
préoccupent.
M. le député parlait d'un groupe, moi, je parle de tous
les étudiants de la province de Québec, qu'ils aient une retraite
à eux, leur propre retraite qui durerait trois, quatre ou cinq jours. Ce
serait une période de quatre ou cinq jours qui leur appartiendrait en
propre, où ils pourraient selon la structure qui leur conviendrait, en
atelier ou en assemblée générale, prendre conscience
d'eux-mêmes et de la société dans laquelle ils vivent.
On a apporté des explications sociologiques, on a pris des
positions politiques. J'ai voulu, M. le Président...
UNE VOIX: M. Moi-même!
M. LE PRESIDENT: M. Moi-même... y ap- porter un outil
d'éclairage psychologique, et mon témoignage personnel. Lady
Asquith...
M. LESAGE: II fait un discours!
M. LE PRESIDENT: Oui! Article 424!
M. LESAGE: Au moins, d'ordinaire, on a la décence de se faire
remplacer par quelqu'un.
M. LAPORTE: Vous avez l'air un peu inquiet, M. le Président, vous
avez l'article, toujours, directement à la main. Continuez quand
même!
M. LE PRESIDENT: Je suis un homme discipliné.
M. LAPORTE: D'ailleurs, votre texte n'est pas mauvais.
M. LE PRESIDENT: Vous trouvez?
M. LESAGE: C'est avec des fleurs qu'on abat nos adversaires.
M. LE PRESIDENT: Lady Asquith - j'ai parlé de Han Suyin, je
voudrais citer en dernier lieu Lady Asquith est venue chez nous
bien qu'elle soit d'origine britannique et l'autre d'origine tonkinoise
Lady Asquith est venue chez nous dernièrement et, à une
émission de télévision, elle nous a raconté un fait
vécu par son frère aux Indes.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je crois que c'est l'affaire de Churchill,
n'est-ce pas?
M. LE PRESIDENT: Non. C'est dans la vie privée.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est plus rassurant.
M. LE PRESIDENT: Celui-ci faisait un voyage dans labrousse porté
par quelques Noirs. Et voici que ses esclaves s'arrêtent subitement et ne
veulent plus avancer d'un pas. Quand on leur eut demandé pourquoi ils ne
bougeaient plus, ils ont répondu: II faut que nos corps retrouvent nos
âmes.
Donnez aux étudiants, M. le Ministre, le temps nécessaire
pour qu'ils se retrouvent eux-mêmes.
M. LAPORTE: Si vous étiez aussi bon président que vous
êtes bon lecteur, ce serait parfait.
M. BOUSQUET: M. le Président.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai
écouté avec beaucoup d'intérêt ce que vous venez de
dire. Etant éducateur de profession, je ne suis évidemment pas
insensible à la crise scolaire qui sévit non seulement ici au
Québec mais dans les autres pays du monde soit au Canada, aux
Etats-Unis, en France ou ailleurs.
Nous avons réuni ce comité pour discuter de la crise
scolaire. Le ministre de l'Education a répondu à des questions
précises qui lui ont été adressées notamment par
les membres de l'Opposition et je crois qu'il a donné des
réponses satisfaisantes, encore qu'il n'ait pas esquissé toutes
les solutions pratiques qui s'imposent mais qui demandent évidemment
pour leur réalisation un temps de réflexion et de recherche.
On a évoqué ce matin le problème de la crise
étudiante dans une perspective idéologique. Et le
député de Fabre et vous-même avez parlé de cette
nécessité de la réflexion et de cette
nécessité d'un dialogue des jeunes, des jeunesses, comme on a
dit, avec ceux qui sont à quelque échelon que ce soit,
responsables de l'autorité.
J'abonde dans le sens des propos du député de Fabre
également. Eya une évidente nécessité de dialogue
entre ceux que nous appelions communément les adultes, les hommes
d'âge mûr, et cette partie des citoyens que nous appelons la
jeunesse ou les jeunesses.
Si nous voulons parler de dialogue, nous devons toutefois distinguer
entre deux tendances bien marquées qui se manifestent dans les
déclarations des étudiants, qui s'appellent eux-mêmes des
contestataires. Il y a une tendance réelle, sincère, très
franche au dialogue chez un bon nombre, je crois chez la grande majorité
des étudiants. D'autre part, il y a aussi une tendance de refus chez bon
nombre de contestataires qui déclarent qu'il importe peu que ce soit MM,
Johnson, Lesage, Bertrand, Lévesque ou qui que ce soit d'entre nous qui
soit à la tête du gouvernement, ce qu'ils contestent c'est la
société globale. Au nom de quoi, pourquoi, en vertu de quel
principe? Ils disent eux-mêmes ne pas le savoir. Et le
député de Fabre l'a souligné tout à l'heure, on se
demande pourquoi on conteste et quelles sont les raisons qui font que nous
mettons en cause les assises même de la société
traditionnelle.
Par conséquent, dans cet effort de dialogue ce dialogue
que nous voulons établir avec les jeunesses il faut tenir compte
de ces deux tendances, dont l'une est absolument positive, la tendance de ceux
qui veulent avec les maîtres, avec les responsables du gouvernement,
discuter du problème de leur avenir, discuter du problème des
réformes scolaires, de la mise en place des nouvelles structures
scolaires, etc.; il y a, par ailleurs, chez les autres, une attitude de refus,
attitude de contestation qui nous obligera évidemment, si l'on veut
mettre sur pied cette sorte de mouvement de dialogue qui se
concrétiserait dans des réunions comme celle qu'a
suggérée, tout à l'heure, le député de
Fabre, celle que vous suggérez vous-même, tenir compte de ces deux
tendances: la tendance de participation sincère et la tendance aussi au
refus global.
Un professeur de l'université de Strasbourg a écrit
récemment, dans les Nouvelles littéraires, un article
extrêmement intéressant qui s'appelle « L'opium du peuple
» et qui nous fait bien voir ce qui est mis en cause chez un bon nombre
d'étudiants. C'est, avant tout, la notion de l'autorité, en
somme, la notion du magister, au sens où nous l'entendions à
l'époque où existaient les grandes universités. Vous me
permettrez de citer ce passage de l'article de M. Gusdorf, qui donne
actuellement des cours, d'ailleurs, à la faculté de philosophie
de Laval. M. Gusdorf dit ceci: « Les chemins de la connaissance sont
longs et difficiles. L'impatience des jeunes est un signe des temps. Ils
prétendent obtenir tout et tout de suite, comme si la vitesse croissante
des mécaniques pouvait trouver des équivalences selon l'ordre du
devenir intellectuel. Ils se veulent aptes à trancher les plus hautes
questions et des problèmes difficiles. Le dénigrement
systématique de la fonction professorale exprime la révolte
contre l'idée qu'on pourrait, avec le temps, en savoir davantage. La
durée des études ne serait qu'un empêchement à
l'intelligence que les bacheliers possèdent déjà
pleinement. Ils ne veulent pas apprendre afin de savoir, ils prétendent
contester ce que les autres savent, comme si l'on pouvait contester sans avoir
rien appris. Le mot, si brusquement mis à la mode, est significatif. La
contestation n'est pas une critique car, pour critiquer, il faut
posséder des connaissances égales sinon supérieures
à celles de l'auteur qui est critiqué.
La contestation est une nouvelle rhétorique, une
rhétorique du non, fondée sur des principes idéologiques
étrangers à toute connaissance scientifique.
Ces réflexions du professeur Gusdorf éclairent
singulièrement l'attitude des « constesta-taires » qui se
réfugient, se replient dans le refus total, dans le refus global. C'est
pourquoi, dans ce dialogue que nous voulons établir avec les groupements
de jeunesse, avec les étudiants, il nous faut tenir compte de ce
facteur, facteur extrêmement important de groupes qui mettent en cause la
notion même de l'autorité.
Le comité de l'éducation qui a siégé
depuis
déjà plusieurs semaines a été
convoqué pour discuter de certains problèmes pratiques. Le
ministre Cardinal a démontré comment le ministère qu'il
dirige doit faire face à des situations extrêmement difficiles et
délicates et comment il doit répondre aussi à des besoins
qui se sont accrus du fait de l'accélération des réformes
et du processus de restructuration des études.
Le ministre a aussi noté l'impatience de la jeunesse et il a bien
montré que, dans l'élaboration des programmes, il était
important de tenir compte aussi des coûts et des ressources physiques et
humaines dont dispose la société du Québec.
Vous m'interromprez, M. le Président, si vous devez ajourner la
séance.
M. LE PRESIDENT: Je me le dois, M. le Ministre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Enfin! Je me reprendrai parce que je voudrais
vous parler de la formation des maîtres.
M. LE PRESIDENT: Avec un déplaisir profond et ressenti, je me
dois d'interrompre le ministre.
M. GABIAS: S'il y a une autre séance, M. le Président, je
demanderais de prendre la parole après mon collègue, sauf si un
membre de l'Opposition veut parler.
M. LE PRESIDENT: La démocratie sera respectée.
M. GABIAS: Non, c'est parce que vous m'avez enlevé la parole, ce
matin.
M. LE PRESIDENT: Ce n'est pas hygiénique, mais je vous ai
enlevé les mots de la bouche.
C'est ajourné à jeudi...
M. BELLEMARE: Dix heures.
M. LE PRESIDENT: Ce n'est pas pour ça, c'est pour d'autres qui
seront absents.
M. LESAGE: Ce n'est pas la-dessus! C'est pour entendre des
témoins sur les deux bills d'enseignement privé.
UNE VOIX: Les bills 56 et 61...
M. LE PRESIDENT; Messieurs, je vous remercie de votre collaboration
singulière. C'est bien dit ça?
M. LESAGE: C'est parce que nous avons écouté, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: Oui.
(10 h 48)