(Seize heures six minutes)
La Présidente (Mme Harel): Je déclare la séance de la Commission de l'éducation ouverte, en rappelant le mandat de notre commission qui est de procéder à l'examen des orientations, des activités et de la gestion du Comité sur les affaires religieuses en vertu de l'article 294 du règlement de l'Assemblée nationale.
Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Reid (Orford) remplace M. Clermont (Mille-Îles) et M. Merlini (Chambly) remplace Mme Roy Verville (La Prairie).
La Présidente (Mme Harel): Alors, je vous remercie. Bon. J'imagine que tout le monde a déjà fermé son téléphone cellulaire? La dernière fois que j'ai fait cette remarque, c'est moi-même qui l'avais laissé ouvert! Bon, alors... Mais il vaut mieux toujours prévoir, même quand on pense que c'est déjà fait.
Alors, je vais vous souhaiter la bienvenue. M. Racine... Non. M. Racine est parmi nous?
M. Racine (Jacques): Oui, c'est lui-même.
La Présidente (Mme Harel): Oui. Bonjour, M. Racine.
M. Racine (Jacques): Bonjour, madame.
La Présidente (Mme Harel): Donc, M. Jacques Racine, président; M. Boisvert, coordonnateur au Secrétariat aux affaires religieuses, bienvenue. Et est-ce que c'est bien Mme Guay, Odette Guay...
Mme Guay (Odette): C'est bien ça.
La Présidente (Mme Harel): ...qui est professeur?
Mme Guay (Odette) Oui. Bonjour, madame,
La Présidente (Mme Harel): Bienvenue également. Alors, vous connaissez en fait l'échange que nous aurons à la suite de votre présentation. Merci.
M. Racine (Jacques): Bien, madame. Donc, Mme Guay est enseignante à l'école Hébert, à la commission scolaire Pays-des-Bleuets, au primaire.
La Présidente (Mme Harel): Est-ce qu'elle est là à titre d'enseignante?
M. Racine (Jacques): Nous sommes tous les trois membres du Comité sur les affaires religieuses, et Mme Guay est là à titre d'enseignante du primaire, j'y suis à titre d'enseignant à la Faculté de théologie et sciences religieuses, et M. Boisvert y est à titre de représentant du ministère au sein du Comité sur les affaires religieuses.
La Présidente (Mme Harel): Merci de ces clarifications. Alors, à vous.
Exposé du président du Comité sur
les affaires religieuses (CAR),
M. Jacques Racine
M. Racine (Jacques): Donc, le CAR a été créé en l'an 2000, au moment où le ministère a pris ses orientations et où on est allé du passage... au ministère, qui a abandonné les structures confessionnelles présentes au ministère. Donc, c'est à ce moment-là qu'on a cessé d'avoir des sous-ministres de foi catholique, des sous-ministres de foi protestante, c'est à ce moment-là qu'il a cessé d'y avoir des écoles comme telles catholiques et protestantes, et c'est à ce moment-là que sont disparus le Comité catholique et le Comité protestant. Et indirectement on peut dire qu'on est un peu la suite de ces deux comités-là, dans le cadre de la déstructuration, au plan confessionnel, du système québécois. Or, c'est lié au projet de loi n° 118 qui modifiait certaines dispositions législatives, comme je viens de le dire. Le CAR est institué dans la Loi sur l'instruction publique, à l'article 477.181.
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(16 h 10)
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La mission et les fonctions qui ont été données au CAR à ce moment-là, c'est de conseiller le ministre sur toute question touchant la place de la religion dans les écoles; de donner des avis sur les orientations du système scolaire, les orientations que ce système devrait prendre dans ce domaine et sur son adaptation à l'évolution socioreligieuse de la société québécoise. On avait en plus à donner notre avis sur les aspects religieux du programme d'éthique et culture religieuse. Et, lorsqu'il est appelé à donner cet avis-là, il devait consulter les groupes religieux ainsi que les personnes ou organismes particulièrement intéressés à cette question. Depuis ce temps et depuis la première réunion, qui a eu lieu en 2001, au tout début de 2001, depuis ce temps nous avons essayé de suivre l'évolution de l'aspect socioreligieux du Québec et nous avons à cette fin créé une table de réflexion sur le fait religieux, qui regroupe des personnes venant de différents horizons, de différents groupes religieux et que nous rencontrons au moins deux fois par année pour essayer, avec eux, d'évaluer cette évolution religieuse du Québec.
La composition du Comité sur les affaires religieuses. Le comité est fait de 13 membres bénévoles nommés par le ministre, dont le président. Tous les membres sont bénévoles. Il y a quatre parents d'élèves, deux du primaire et deux du secondaire; il y a quatre membres du personnel des commissions scolaires, des enseignants du primaire et du secondaire, un personnel cadre et une personne professionnelle, animatrice ordinairement dans le domaine de la spiritualité, de l'engagement communautaire; il y a quatre universitaires; et il y a un employé du ministère, qui est M. Boisvert, qui est en même temps coordonnateur du Secrétariat. Pour la nomination de ces membres, il y a consultation des organismes intéressés. Or, dépendant des parents, ce sera la Fédération des comités de parents, dépendant des universités, ce sera la CREPUQ, dépendant des parents, il y aura aussi les Églises des confessions religieuses qui pourront être consultées. Et c'est à partir de cela que la ministre nomme les membres. Le ministère essaie aussi d'assurer une représentation régionale, d'assurer une recherche-équilibre hommes-femmes et de refléter la diversité religieuse du Québec dans le choix de ses membres.
Le fonctionnement. Le CAR a tenu 51 réunions depuis février 2001, date de la première réunion. Il reçoit le soutien du Secrétariat aux affaires religieuses, qui est une unité du ministère. Ce secrétariat, que coordonne M. Boisvert, a aussi, je crois, deux ou trois postes de personnes professionnelles et une secrétaire pour l'ensemble de son fonctionnement. Il est aussi au service du ministère pour d'autres fins que le CAR. Le secrétariat nous aide dans la recherche et la rédaction, l'organisation et la planification du travail, et le poste de responsable du Comité des affaires religieuses, non pas du président mais du responsable, est lié au ministère de l'Éducation.
Le CAR a fait des publications, sept rapports annuels qui ont été déposés à l'Assemblée nationale, six avis au ministre, un rapport de consultation sur le projet de programme Éthique et culture religieuse, en 2007, et les axes d'un colloque sur le développement spirituel en éducation, en 2003.
Je vais maintenant vous présenter brièvement les avis, mais je crois que pour l'intérêt je vais présenter un peu plus longuement par la suite les avis de la dernière année, qui traitent plus directement du cours d'éthique et culture religieuse, mais je crois que ce ne serait pas rendre justice à ce qu'a fait le CAR d'oublier les pas précédents qui ont d'ailleurs conduit à une compréhension de la réalité socioreligieuse du Québec dans le monde scolaire.
Le premier texte qui a été publié a été Rites et symobles religieux à l'école ? Défis éducatifs de la diversité, dès 2003. Or, ce texte que vous avez pu sans doute consulter était demandé par le ministre, qui s'interrogeait sur la place des manifestations religieuses dans le contexte de l'école publique. Et, dans ce texte, déjà on soulignait les défis posés à la société québécoise relativement à l'héritage culturel, à l'accueil de la différence et aux valeurs démocratiques. On proposait déjà des critères de discernement au personnel scolaire par rapport aux rites et symboles en milieu scolaire et on recommandait la mobilisation des différents acteurs concernés en vue d'une prise en charge de la diversité religieuse dans le respect des droits fondamentaux et dans le respect de la mission de l'école.
En 2003, nous donnions un second avis, qui s'intitulait La formation des maîtres dans le domaine du développement personnel, un domaine général d'apprentissage dans le système d'éducation québécois, et on s'inquiétait de la situation faite à la formation des maîtres dans ce domaine qui touchait ce qu'on appelait des petites matières, mais qui touchait aussi l'enseignement moral et religieux, l'enseignement moral et religieux catholique et protestant et l'enseignement moral. On trouvait que, dans les facultés des sciences de l'éducation des différentes universités, il n'y avait plus personne qui étudiait dans ces domaines-là, ou très peu de personnes, et il y avait très peu de programmes offerts pour former des professeurs à ces niveaux-la, tant en formation initiale qu'en formation continue. L'enjeu pour nous était le risque de pénurie d'enseignants qualifiés et, deuxièmement, une perte appréhendée d'expertise universitaire en formation des maîtres dans ce domaine, étant donné la fermeture de beaucoup de facultés ou départements de sciences religieuses dans les universités.
On recommandait au ministre de s'assurer aussi d'une solide culture éthique et religieuse, et là on parlait déjà d'une culture éthique et religieuse non seulement pour des spécialistes, mais pour tous les membres de l'enseignement au primaire et au secondaire. On disait que ça devait faire partie d'une certaine formation générale, qu'une culture religieuse, et non seulement pour les spécialistes du secondaire. Et on voulait s'assurer aussi que les futurs titulaires du primaire reçoivent une formation initiale suffisante en morale et en religion. Et déjà, étant donné la difficulté de trouver des tâches intéressantes pour les enseignants au secondaire, on suggérait de préparer quelqu'un à enseigner à la fois l'éthique et le fait religieux au secondaire, pour qu'ils aient une tâche plus riche, plus intéressante et qu'ils soient intéressés à oeuvrer dans ce domaine-là.
En 2006 ? c'est la grosse année 2006-2007 ? nous avons cru utile, et en répondant à ce niveau-là à une demande que nous avions eue de traiter de la question de la laïcité de l'école, avant que paraisse le nouveau cours d'éthique et culture religieuse et que nous fassions nos recommandations autour de ça, il nous avait paru utile de réfléchir sur le modèle que l'État était en train de se donner au niveau de la laïcité scolaire. Et nous avons essayé de dire quelles étaient les caractéristiques de ce modèle-là. On voyait bien qu'on était dans un passage, depuis la question, dans les années quatre-vingt-dix-huit, des commissions scolaires qui étaient devenues linguistiques, on était dans un passage, depuis quelques années, à une situation tout à fait autre et il nous semblait important de préciser quelle était cette situation. D'une part, on traitait du processus de déconfessionnalisation, qui a été une transition longue et difficile par périodes mais qui a commencé assez rapidement, dès les années qui ont suivi immédiatement la Constitution canadienne de 1982, dans laquelle est inscrit les droits de conscience et de religion, au plan constitutionnel.
Donc, dès 1982, on a commencé l'opération avec, par exemple, des cours optionnels. On avait des cours soit de religion soit de morale. On a exempté des enseignants de donner ces cours-là pour respecter la conscience des enseignants, etc., quelques années plus tard. Donc, on a regardé ce processus lent de déconfessionnalisation et on a dit: Voici le modèle auquel on est en train d'arriver, dans les années 2006, suite aux décisions de 2005, suite à la décision de l'Assemblée nationale de ne plus recourir à la clause dérogatoire à partir de juin de cette année.
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(16 h 20)
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Or, ce modèle-là, qu'est-ce qu'il est? C'est un modèle qu'on appelle de laïcité ouverte et non pas de laïcité fermée, et non pas de laïcité idéologique, une laïcité ouverte, basée sur le respect de la conscience et de la religion et la neutralité de l'école publique. Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire non pas une école morne, mais ça veut dire la neutralité, en ce sens-ci: c'est qu'on ne privilégie aucune religion, on ne discrimine aucune religion, on ne favorise pas la religion, mais on ne défavorise pas la religion au coeur de l'école.
Ensuite, on voit trois décisions gouvernementales qu'on a mises là comme étant trois autres points importants de notre modèle. L'article 36 de la Loi de l'instruction publique indique qu'un des rôles de l'école, c'est la prise en compte du cheminement spirituel de l'élève. C'est le nouvel article 36 de l'an 2000. Deuxièmement, en l'an 2000, on a décidé de faire des services d'animation spirituelle et d'engagement communautaire, deuxième bloc, aussi autour de l'an 2000. Et un dernier élément qui s'y ajoute: un programme d'éthique et culture religieuse. Donc, par rapport à la façon de gérer la place de la religion à l'école, c'est, je dirais, les cinq éléments qui structurent le modèle que petit à petit on a mis en place, pas nous, mais le gouvernement, les gouvernements successifs.
Les recommandations au ministre, évidemment, dans cet avis, c'était d'expliquer le rôle que joue l'école publique dans sa gestion de la diversité culturelle et religieuse et dans sa contribution au partage de valeurs communes. On voyait que c'est ça qui était en train de se faire, de se réaliser, et on s'est dit: Il faudrait que ce soit dit clairement et qu'on perçoive clairement cette mission-là. Veiller à ce que la formation des personnels scolaires leur permette de s'approprier ce nouveau modèle de la laïcité, qu'ils le saisissent, qu'ils le comprennent, qu'ils comprennent ce que c'est que la neutralité, qu'ils comprennent ce que c'est, la liberté de conscience et de religion, mais qu'ils comprennent aussi qu'est-ce que c'est que la place du spirituel dans le développement, dans l'épanouissement de l'élève, et qu'ils comprennent le changement important entre un cours d'éthique et culture religieuse et un cours d'enseignement et d'éducation de la foi.
Enfin, on disait: Il fallait s'assurer de l'élaboration d'outils d'information auprès des parents sur cette réalité qui est tout en train de se transformer et qui, à mon point de vue, est arrivée à une étape importante avec la décision de 2005 qui mettait comme fin à un parcours pour ouvrir à un nouveau parcours, et non pas fin de toute présence du religieux à l'école. Mais c'est fin d'un parcours de la confessionnalité et c'est le début d'un autre parcours dont on a déjà établi les jalons.
En 2007, on a écrit aussi un texte sur Le cheminement spirituel des élèves ? Un défi pour l'école laïque. Parce que le ministre encore nous posait la question. Il la posait en 2001; on n'a pas pu y répondre plus tôt, c'était trop complexe, parce qu'il fallait répondre à la laïcité, puis avoir les idées claires sur la laïcité pour pouvoir parler de la spiritualité dans un monde laïc. Donc, tout ça s'est fait un peu en même temps, on a travaillé sur les items un par un mais aussi dans leurs liens réciproques.
Donc, l'article 36, comme je le disais, disait qu'un des rôles de l'école, c'est d'assurer le cheminement spirituel. Comment cela peut-il se faire dans l'école laïque ouverte?
La Présidente (Mme Harel): Vous avez cinq minutes pour nous l'expliquer.
M. Racine (Jacques): Comment?
La Présidente (Mme Harel): Cinq minutes pour nous l'expliquer.
M. Racine (Jacques): Bon bien, je vais passer tout droit. Je vous l'expliquerai une autre fois.
La Présidente (Mme Harel): C'est ça.
M. Racine (Jacques): Autrement dit, c'est un idéal éducatif, c'est d'élever l'enfant à l'humanité. Si ça vous intéresse, vous me poserez des questions. Mais c'est le projet d'école au complet, l'attention à l'enfant et à l'élever en humanité par différents apprentissages qui sont là. On recommandait donc au ministre de soutenir les membres de l'équipe-école dans l'exercice de leurs responsabilités.
Passons à la question de l'Éthique et culture religieuse. Nous avions déjà dit dans un premier texte, Éduquer à la religion à l'école, nous avions à ce moment-là proposé directement au ministre, avant la loi n° 95, de... nous avions proposé de recommander de remplacer le régime d'option par un cours non confessionnel commun à tous les élèves, comprenant une enseignement sur l'éthique et une éducation à la religion.
Il y a eu la décision de 2005 et, à ce moment-là, il y a eu une consultation qui nous été demandée. Nous avons donc, suite à cette demande explicite, fait une consultation. Cette consultation, nous l'avons faite à partir d'une part des statistiques de Statistique Canada sur les regroupements religieux, aidés par des experts qui connaissent le secteur, et nous avons ainsi déterminé les groupes qui seraient consultés, des groupes religieux, des organismes intéressés, des personnes intéressées.
Pour les groupes religieux, vous avez, sur la première diapositive, les groupes religieux chrétiens qui ont été consultés, donc l'Église catholique romaine. Il y a une vieille habitude, la consultation, c'est par l'Assemblée des évêques catholiques du Québec, et on y a ajouté des organismes, étant donné le grand nombre de catholiques, d'autres organismes représentatifs, dont les religieux et les religieuses, qui ont eu tellement affaire avec l'enseignement et qui sont regroupés en regroupement des religieux, religieuses.
On a aussi interrogé les églises catholiques orientales présentes sur le territoire. Il y a la Table de concertation protestante sur l'éducation, qui regroupe 24 églises membres et qui ont accepté de faire un travail de coordination: l'Église anglicane, l'Église unie, l'Église copte. Au niveau des groupes religieux non chrétiens consultés, nous avons consulté un membre d'une communauté autochtone, le Judaïsme dans son aspect réformé et orthodoxe, l'Islam sunnite et chiite, le Bouddhisme, l'Hindouisme, le Sikhisme et l'Église de Jésus des saints des derniers jours. Voici les groupes religieux consultés.
Le question cherchait à savoir deux choses: Est-ce que c'était conforme aux orientations ministérielles, que le programme qui avait été bâti? Et est-ce que ce programme serait accueilli dans les milieux? C'étaient les deux objectifs du questionnaire. Le bilan de la consultation: À partir des statistiques de cette consultation, on pouvait dire que la réception du programme devrait être positive malgré l'opposition de groupes minoritaires, et de groupes minoritaires qui ont les mêmes positions pratiquement depuis la création du ministère de l'Éducation. Tant à un extrême qu'à l'autre, c'est à peu près les mêmes lignées de groupes minoritaires qui s'y affichaient. La majorité des groupes religieux se sont montrés et intéressés ou explicitement d'accord avec son implantation. La place faite au vivre ensemble constituait un point fort, et le développement d'une culture religieuse était vu comme une nécessité pour la société québécoise.
Le CAR, suite à cette consultation, a donné sa propre opinion. Il l'a donnée à partir des orientations ministérielles, de la consultation et du modèle de laïcité. Il disait que l'enjeu majeur était la première finalité du programme, qui était la reconnaissance de l'autre, grâce à un regard intégrant les dimensions de l'histoire et de l'expérience, et il souhaitait certains enrichissements pour faciliter l'application du programme. En conclusion de ce rapport, il reconnaissait la conformité du programme aux orientations, le consensus sur la pertinence de ces finalités, la nécessité de l'implanter, des bonifications qui permettraient un appui plus ferme de la part des groupes. Autrement dit, si le programme est amélioré entre ces deux versions, la première et la seconde, et si on répondait à certaines des principales remarques des groupes, on pensait qu'il y aurait encore plus d'appui sur ce programme, et on insistait sur la formation initiale et continue des maîtres.
Enfin, le dernier avis, sur le programme lui-même, que nous avons envoyé à la ministre en juillet 2007, après avoir pu avoir la seconde version. Cet avis porte sur une nouvelle version, sur la dernière version, celle de juillet 2007. C'est très important de comprendre cela. Cette version a été faite à partir évidemment des consultations, mais à partir des évaluations faites par les partenaires habituels du monde de l'éducation, par les responsables du programme et notre consultation à nous sur les aspects religieux. Mais beaucoup d'autres groupes ont été d'abord... comme, la Fédération des comités de parents a eu d'abord à répondre à une évaluation faite par la direction des programmes selon le modèle habituel. On constate que les modifications apportées assurent plus qu'antérieurement un équilibre entre les deux premières compétences traitant sur la manifestation du phénomène religieux et sur la réflexion sur des questions éthiques.
Dans la première version, on avait l'impression que tout était tiré vers l'éthique et qu'il n'y avait pas tellement de place comme telle à la culture religieuse. Ceci a été corrigé dans la deuxième version. De plus, dans la seconde version... dans la première version, il y avait vraiment une séparation entre éthique et culture religieuse. Et les groupes religieux nous disaient: Ça n'a pas tellement de sens, parce que, si l'éthique est une réflexion, les matériaux qui aident à ça, c'est souvent les traditions religieuses, c'est souvent le patrimoine qui nous précède. Et, dans la nouvelle version, on montre bien que, si l'éthique, c'est réflexion, parmi ce qui aide à trouver des références pour faire notre jugement éthique, il y a le patrimoine religieux. Donc, ceci a été très fortement... une des grandes améliorations de la seconde version.
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(16 h 30)
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Il y a la réorganisation des thèmes en culture religieuse, qui a permis de tenir plus compte de la question de l'histoire, qui est très importante; la dimension historique est beaucoup plus importante, dans les thèmes, dans la seconde version. Et on a aussi ajouté la notion de l'expérience religieuse, à la fin du secondaire, qui est aussi déterminante pour comprendre ce qu'est réellement la religion pour les personnes qui en vivent, qui la pratiquent.
Je dirais qu'enfin on avait dit, et ça, les groupes religieux l'avaient dit, c'est un peu anormal de parler du patrimoine québécois de façon générale, qu'il fallait parler du catholicisme et parler du protestantisme, ce que fait la deuxième version. Et on avait demandé de donner des prescriptions claires quant à l'importance du patrimoine québécois. C'est ce qui est fait dans ce qu'on appelle la ligne de prescription disant que le catholicisme et le protestantisme seront traités tout au long de chaque année du programme, la spiritualité amérindienne et les Juifs, chaque année du programme, les grandes religions, plusieurs fois dans le cycle, première et deuxième années, et que, pour les besoins d'un milieu, il puisse y avoir aussi, quelques fois dans le cycle... on pense à un milieu, mettons, dans le coin de Westmount, il y a beaucoup de Sikhs, ça n'est pas dans le programme, mais, s'il y a des élèves, s'il y a une école qui se situe dans ce milieu-là, il est un peu normal qu'on aborde aussi cette religion-là, mais pour ce milieu-là.
Voilà, madame. Et ensuite de ça nous recommandions d'approuver le projet de programme ECR, d'assurer l'offre de formation aux enseignants, de fournir aux parents une information pertinente et d'assurer la qualité du matériel didactique. Et le CAR, depuis ce temps, essaie de suivre ce qui est en train de se faire et va continuer à suivre ce qui se fait pour l'implantation de ce programme. C'est sa principale responsabilité dans l'année actuelle.
La Présidente (Mme Harel): Alors, M. Racine, c'est terminé? Oui.
M. Racine (Jacques): Bien, écoutez, vous m'avez dit que j'avais terminé, je suis obéissant.
La Présidente (Mme Harel): Bien, écoutez, on va avoir l'occasion d'échanger avec vous, à moins que vous souhaitiez peut-être une conclusion?
M. Racine (Jacques): Peut-être en conclusion. Des dossiers qui se présentent devant nous, outre l'implantation, qui est un dossier qui vous intéresse, qui nous intéresse, il y a évidemment la question que la démographie québécoise a changé et que le deuxième groupe le plus important après les catholiques, maintenant, au Québec, c'est les gens sans religion. Dès 2001, ils étaient 400 000, donc plus que tous les protestants ensemble. Et une deuxième chose qu'il ne faut pas oublier dans notre regard, c'est que les musulmans, en nombre, ont dépassé les Juifs. C'est deux changements considérables dans la façon dont nous regardions la réalité religieuse au Québec antérieurement. Nous jasions entre catholiques et protestants, etc. Mais, vous voyez, là, il y a quelque chose de fort important, de dire que... et le groupe qui est le plus en croissance, c'est le groupe qui, au niveau statistique, se dit n'appartenir à aucune religion. Déjà 400 quelques mille en 2001, il faut penser au prochain... en 2011, ce sera plus considérable, et c'est pour ça que nous allons organiser une table, dès le mois d'avril, avec des gens qui se déclarent sans appartenance religieuse, pour être bien sûrs que nous saisissons bien aussi, et comment eux-mêmes se retrouvent dans ce type de programme là. C'est un point qui nous apparaît important à considérer parce que c'est une évolution assez marquante des dernières années au Québec.
Discussion générale
La Présidente (Mme Harel): Alors, merci, M. Racine. Nous allons débuter l'échange, et peut-être puis-je vous proposer que nous le fassions par alternance, peut-être pour les 15 premières minutes avec les députés ministériels, et on reviendra avec vous par la suite. Ça vous convient?
Formation et qualification des enseignants
M. Reid: Oui. Je pourrais peut-être commencer, Mme la Présidente. Dans le rapport sur la consultation...
La Présidente (Mme Harel): M. le député d'Orford.
M. Reid: Oui. Pardon.
La Présidente (Mme Harel): Excusez-moi, juste pour les fins d'enregistrement.
M. Reid: Oui, oui.
La Présidente (Mme Harel): Très bien.
M. Reid: Je m'excuse d'avoir été un peu vite, là.
La Présidente (Mme Harel): Allez.
M. Reid: Oui. Bienvenue, M. Racine, bienvenue aux membres du comité. Dans votre rapport, vous soulignez, dans les recommandations, je pense, à la Formation des maîtres, 3.4.2: «De toute évidence, la formation initiale ou continue des maîtres constitue la pierre angulaire de l'implantation du programme Éthique et culture religieuse. Il importe en effet que les connaissances, les habiletés pédagogiques et les attitudes appropriées soient développées par les maîtres afin de permettre aux élèves d'atteindre la visée du programme.» Alors, c'est clair que vous soulignez un élément important. Je n'ai pas eu le temps de tout regarder récemment, là, mais vous avez certainement différents aspects, là, qui permettent de... ou qui vont aller dans cette direction-là. Moi, si vous permettez ou enfin... ce que j'aimerais avoir et peut-être pour le bénéfice de tous les membres de la commission, c'est, si on reculait un tout petit peu, à partir de la formation des maîtres, dans le domaine du développement personnel, une crise symptomatique, en 2003, et on parlait de crise, et on dit, entre autres enjeux, ici, et vous l'avez souligné dans votre présentation, «un risque de pénurie d'enseignants qualifiés dans ce domaine». Et le mot «crise» n'était pas trop fort, si ma mémoire est bonne, parce qu'il y avait effectivement des fermetures de programmes, des fermetures de programmes en éducation et dans les universités, où le programme était pris en relais par les facultés de théologie, lorsqu'il y en avait; on assistait également à des diminutions drastiques du nombre d'admissions parce qu'on avait l'impression, je dis «on» étant les élèves, les étudiants potentiels avaient l'impression qu'il n'y avait pas... qu'il n'y aurait pas d'emploi dans le secteur, qui diminuait.
Mais la crise avait aussi, si ma mémoire est bonne, une autre dimension. Et l'autre dimension, c'était que l'enseignement de la foi, dans la partie religieuse par opposition à l'enseignement moral, l'enseignement de la foi, si ma mémoire est bonne... Et j'aimerais ça que vous nous fassiez... brossiez un portrait de cette situation-là, pour en arriver aujourd'hui à: Est-ce qu'on a une solution à la crise?
Parce que j'imagine que, depuis l'augmentation ? peut-être pas évidente, là, dans les facultés, dans les programmes non plus ? mais ce qu'on disait, c'est que l'enseignant qui se retrouvait à donner les cours de religion, donc les cours de foi religieuse, était très souvent, par le jeu des règles syndicales, des règles de conventions collectives, était très souvent quelqu'un qui n'avait aucune espèce de foi religieuse, ou alors une foi qui n'était pas celle de cette religion-là et qui devait donc enseigner, et que souvent l'enseignement ne correspondait pas à ce que le citoyen québécois, les parents québécois s'attendaient d'avoir, pour ceux du moins qui pensaient que l'enseignement serait un enseignement à la foi religieuse.
Et ma mémoire était à l'effet que, si on continuait dans cette direction-là, on risquait d'avoir des cours de foi religieuse qui nécessiteraient, par la force des choses, un enseignement supplémentaire, hors l'école, de religion... enfin, en ce qui me concerne, c'était surtout donc la religion donc catholique et protestante.
Alors, je ne sais pas si vous pourriez nous reprendre un petit peu ça, pour le bénéfice des membres de la commission, pour voir où on en est aujourd'hui avec le programme et qu'est-ce que le programme permet de résoudre dans cette situation qui, à moins que je me trompe, était effectivement une situation de forte crise de l'enseignement religieux ou de l'enseignement de la culture religieuse. Et, pour aller plus loin, ce que beaucoup de parents en concluaient à ce moment-là, c'est qu'il y avait une forte crise de l'enseignement des valeurs au Québec.
La Présidente (Mme Harel): M. Racine.
M. Racine (Jacques): Écoutez, la question est importante. On pourrait remonter très loin, on pourrait remonter au rapport Parent, qui proposait justement qu'il y ait trois systèmes d'éducation au Québec: un neutre, un catholique et un protestant. Vous voyez, on était dans une autre période, mais on était déjà interpellés par la question de la reconnaissance des droits... du droit à la liberté de conscience et à la liberté de religion, dès le rapport Parent.
Je disais tout à l'heure que, dès 1982, suite à la consultation... Et aussi, il faut penser qu'il y a tout un changement de la société, hein? On parle beaucoup des lois, etc., mais les lois viennent souvent simplement un peu confirmer ce qui est en train de se passer dans une société, ce qui est en train de se vivre, et une loi, c'est un diagnostic sur une société qui vit toujours des évolutions.
Donc, dès 1983, du côté de l'Église... Suite à ça, vous savez que toute la question, qui était... à mon âge, moi, qui était fondamentale, quand on était au primaire, on apprenait notre catéchisme puis on se préparait aux sacrements. Ça va? Donc, on se préparait à la première communion, à la confession, à la confession annuelle, etc. C'était le gros de l'éducation à ce moment-là.
Bien, dès 1983, l'Église catholique a décidé que ça se faisait dans les communautés chrétiennes. Ça a arrêté de se faire dans les écoles. Alors que c'était une partie très importante de l'enseignement dans les écoles primaires ? je regarde des têtes qui hochent ? que nous avons connue, hein? Il y a un changement dès 1983, là, les évêques ont pris conscience que cette question-là qui touchait plus l'éducation de la foi chrétienne devait revenir aux communautés paroissiales. Et désormais la préparation de nos enfants, des enfants à la communion, à la confirmation, au sacrement de pénitence, s'est faite à l'église. Et ça fait 15 ans, ça. 15 ans, hein? Le changement a commencé il y a 15 ans. 25 ans, je m'excuse. Ça fait que c'est terrible. 25 ans, hein? On a l'impression que ça arrive aujourd'hui, mais ça fait 25 ans.
n(16 h 40)n Après ça est arrivée la question: il faut qu'on offre l'option aussi à ceux qui n'ont pas la foi catholique, il faut qu'on offre l'option, si on donnait encore des cours catholiques ou protestants à ceux qui n'ont pas cette foi-là, d'avoir d'autre chose. On va donner la morale. C'est comme ça que ça s'est passé. Mais c'est toujours le fameux principe, hein, de reconnaissance de... Le cardinal Roy disait ça dès 1963, quand il a demandé les principes, au début du bill 60 ? allez voir ça, c'est très intéressant ? les principes qu'il a fait mettre là, c'est exactement ceux du pacte international signé par le Canada puis le Québec. C'est très intéressant. Mais ça se fait progressivement.
Donc, suite à ça, on a permis aux parents puis aux enfants rendus à un certain âge, en secondaire, de faire le choix entre morale ou religion. Après ça, on a permis aux enseignants d'être exemptés de ça ? vous voyez, les choses sont progressives ? et l'Église, elle, dans son enseignement, est passée de la catéchèse à un enseignement moral et religieux, et on disait, là... on ne parlait même plus tout à fait d'éducation de la foi, mais un enseignement moral et religieux de tradition catholique. Puis, en l'an 2000, il y a eu un nouveau programme pour les écoles d'enseignement... pour l'enseignement moral et religieux catholique, et, à l'intérieur de cet enseignement-là, on s'ouvrait aux autres religions aussi, dans les derniers programmes qui sont passés au Comité sur les affaires religieuses. Vous voyez, les choses sont progressives. Bon, le dernier programme catholique et les programmes protestants essayaient de s'adapter à la situation en s'ouvrant comme programme confessionnel aux autres confessions. Ça va?
Revenons à nos professeurs, ceux pour lesquels vous m'avez interpellé au départ, et à la formation des enseignants ? je pourrais en dire trop long là-dessus. Mais c'est sûr qu'il faut distinguer le primaire et le secondaire. Au secondaire, on est supposés avoir des spécialistes depuis toujours. Malheureusement ? vous connaissez probablement, la question du complément de tâche ? il est arrivé qu'on a remplacé les spécialistes par les compléments de tâches, c'est-à-dire qu'on a donné à un professeur d'histoire, de français, etc.: Tu feras en même temps le cours d'enseignement moral et religieux catholique. Or, en ouvrant la question des suppléments de tâche, on a enlevé le caractère de formation des spécialistes, et donc on s'est ramassés, au plan secondaire, avec des gens qui auraient pensé faire toute autre chose, mais ils aimaient mieux avoir une tâche pleine, quitte à enseigner l'enseignement moral et religieux. Ce n'est peut-être pas la question de la foi tout le temps qui était en jeu là-dedans, c'est la question qu'ils se sentaient mal préparés et que ce n'était pas pour ça qu'ils s'étaient préparés.
Mais là il y a un problème qui est à la fois politique, à la fois syndical, à la fois ? moi, je vous dis ça, là, ça, c'est ce qu'on ne dit pas dans la société québécoise, personne ne le dit ? ...on a un bogue, excusez-moi le terme, puis on va avoir la même difficulté avec ce programme-ci, puis on a la même difficulté avec l'anglais langue seconde, où des professeurs, comme complément de tâche, empêchent des jeunes professeurs avec une formation adéquate pour l'anglais de prendre la tâche. C'est un problème large. Je ne blâme personne ici, c'est un problème de société québécoise. C'est peut-être un problème qui fait qu'un enseignant sur cinq quitte dans les... un enseignant sur 20... 20 % des enseignants quittent dans les cinq premières années. Il va falloir qu'on s'interroge là-dessus comme société. Si la personne s'engage pour pouvoir enseigner dans tel genre de discipline puis qu'on lui demande, pendant les premières années, les plus belles de sa carrière, d'enseigner dans d'autre chose, ce n'est pas très promoteur. C'est un problème qui reste. On a eu le problème avec les infirmières dans les hôpitaux, les jeunes infirmières, c'est pareil, on veut qu'elles fassent des enfants puis qu'elles travaillent de nuit. C'est compliqué un peu, ça aussi. C'est un problème majeur. C'est plus large que notre problème, mais, je veux dire, ça explique.
Ensuite, les gens ont cru qu'il n'y en aurait plus, de religion à l'école, à partir de 2000. Ce qu'on disait: Moins de religion. La prochaine fois, le pas qu'ils vont faire, c'est: plus de religion. Ça, c'est évident que ça joue sur la clientèle, hein? Si vous dites: Ça se termine dans... Les gens ont l'air que ça va se terminer: en 2000, c'est moins, 2005, ça va être «pu». Ça explique en gros. Restent les problèmes avec les programmes de sciences de l'éducation, qui sont totalement responsables de la formation. Et, pour ce qui est du primaire, c'est évident que, même encore aujourd'hui, c'est de trois à six crédits maximum, par rapport à l'éthique et la culture religieuse, ce qui est donné aux enseignants en formation initiale.
Au secondaire, bien la question est différente. Et, dans la mesure où on engage ceux qui ont des compétences... Depuis deux ans, nous, tous les gens qui veulent aller étudier pour devenir professeurs du secondaire en Éthique et culture religieuse... on a le droit à 18 postes, à cause des stages, et c'est toujours rempli. On a plus de demandes qu'on peut en recevoir.
Donc, on voit qu'il y a un changement, parce que là ce qu'on leur offre, c'est quelque chose qui semble structuré, Éthique et culture religieuse, qui semble, pour eux, intéressant par rapport à un défi à réaliser et qui semble s'appuyer sur certaines bases qui risquent de demeurer. C'est comme ça qu'on prend un engagement pour aller... Il reste toujours des gens qui font ça pour la culture, mais en général les jeunes font ça aussi pour vivre, pour élever une famille.
M. Reid: Juste un petit complément, madame.
La Présidente (Mme Harel): M. le député d'Orford.
M. Reid: Pour essayer de comprendre un petit peu, là, si je comprends bien, donc la crise qui, bon, n'a pas dû se résorber quant aux cours de type plus associé à la foi, là, même si ce n'est pas des cours de foi, cette crise-là, ce que vous dites, c'est que dans le fond les signes très clairs d'intérêt pour des jeunes aujourd'hui, sachant qu'on s'en va vers un cours d'éthique et culture religieuse, amèneraient une solution à ça. Donc, en quelque sorte, le changement de la nature du cours, qui va davantage vers un cours Éthique et culture religieuse, amènerait en soi, intrinsèquement, une solution à la crise de formation de personnel enseignant. Est-ce que je comprends bien ça?
M. Racine (Jacques): Il est de beaucoup cela. Est-ce que c'est la seule chose? Il faut dire aussi qu'on change de génération, hein? On a une génération plus jeune, habituée à la diversité, habituée à voyager, habituée à rencontrer l'autre, intéressée à le reconnaître, intéressée à ce qui est différent. C'est sûr que, sous cet aspect-là... Vous savez que, dans des collèges privés catholiques, depuis très longtemps on donne, en secondaire IV et V, des cours d'éthique et culture religieuse à cause de l'intérêt des élèves et à cause de l'intérêt qu'ils ont à l'international, à cause de l'intérêt à l'international, pas juste à cause de ce qui se passe chez nous. Mais leur grand intérêt à l'international, concevant les problèmes comme des problèmes internationaux, que ce soit au plan économique, de l'environnement, bien, au plan des religions, c'est un peu la même chose. Ils sont préoccupés de saisir cette dimension.
Je sors d'un séminaire, cet après-midi, avec des étudiants en éthique des affaires, au M.B.A. Mais j'ai des gens du Bengladesh, j'ai des gens du nord de l'Afrique, j'ai des Québécois beaucoup aussi, des Français, etc. Mais, quand ils se mettent à discuter... Aujourd'hui, on discutait du problème du travail des enfants. Un gars du Bengladesh qui parle de ça, là, ça nous aide pas mal. Ça nous fait comprendre beaucoup de dimensions qu'on ne comprend pas. Les gens de la génération actuelle sont intéressés à cela et ils sont intéressés, parce que la religion, c'est une partie de la culture et une partie importante de la culture, mais des cultures et non pas seulement de la nôtre. Des fois, on se préoccupe de la nôtre, mais c'est l'importance des cultures, et ça, ça fascine les gens, parce qu'ils sont aussi fascinés. On est dans un monde qu'on dit mondialisé mais internationalisé aussi. Dans les écoles secondaires, vous savez comme moi que beaucoup d'écoles organisent, à l'intérieur du service d'animation pastorale et animation et culture religieuse, les maisons spirituelles et culture religieuse, organisent des... Ils pourraient tripler si ça ne coûtait pas si cher, des voyages en Amérique latine ou ailleurs pour aller aider les gens, pour aller comprendre une culture, etc. Oui, ça correspond, ce type de cours Éthique et culture religieuse correspond à certaines aspirations de la génération actuelle.
M. Reid: Et donc...
La Présidente (Mme Harel): M. le député d'Orford, peut-être juste pour conclure. Si vous voulez conclure.
M. Reid: Oui, bien c'est ce que...
La Présidente (Mme Harel): Il vous reste une minute, parce que...
M. Reid: D'accord, je...
La Présidente (Mme Harel): C'est ça, allez-y pour la conclusion.
M. Reid: Je vais demander... enfin je vais faire un commentaire et je ne poserai pas de question. Comme ça, on aura le temps de passer à l'autre.
La Présidente (Mme Harel): Exactement, on reviendra.
M. Reid: Mais le commentaire est essentiellement que ce je trouve très intéressant ce que vous venez de dire, c'est que d'une part il y a tout cet élément de formation aux valeurs, aux valeurs humaines, etc., avec toute la richesse des valeurs chrétiennes mais aussi les valeurs qui sont apportées par d'autres cultures, mais ce que vous dites qui est intéressant, c'est que dans le fond la génération d'aujourd'hui, celle qui va à l'école aujourd'hui, elle va vivre dans un monde qui est beaucoup plus vaste, beaucoup plus ouvert que tout ce qu'on a connu, et c'est aussi une préparation à une culture qui s'adapte à ce monde-là, pas uniquement une culture de valeurs. Donc, l'effet est double en quelque sorte, à la fois de s'assurer que nos enfants aient des valeurs ? éthique, c'est ce que ça veut dire ? et d'autre part qu'ils aient non seulement une culture religieuse pour comprendre pourquoi, au Québec, il y a autant de noms de rues qui sont des noms de saints, etc., mais aussi de comprendre la culture, une culture religieuse plus vaste, comprendre ce qui se passe au niveau de la planète dans laquelle ils vont vivre. Et, moi, ça me fascine, et j'espère qu'on aura l'occasion d'en reparler avant qu'on ait terminé, cet après-midi.
n(16 h 50)nLa Présidente (Mme Harel): Alors, merci, M. le député. La parole est donc au député de Mirabel.
Consultation des parents quant au
programme Éthique et culture religieuse
M. Desrochers: Merci. Mme la Présidente, chers collègues, membres du comité, M. Racine, Mme Guay et M. Boisvert, bienvenue. Merci d'avoir bravé les éléments pour venir ici aujourd'hui.
Écoutez, je dirais que, d'entrée de jeu... bien je me joins à vous. Vous avez parlé évidemment de l'évolution de la religion au Québec. Je mets ça aussi dans un contexte d'évolution de la société québécoise, et nous sommes, je crois que nous sommes au tournant historiquement d'une évolution de notre société présentement, et je crois que ce thème-là évidemment est très d'actualité. C'est pourquoi à l'époque, évidemment, avant les fêtes, j'avais demandé à la commission de prendre un mandat d'initiative pour vous rencontrer, pour venir nous parler justement de ces changements-là qui sont d'actualité mais qui suscitent chez certains beaucoup d'intérêts positifs, chez certains, certaines craintes aussi, puis de remettre certaines choses en perspective, et d'avoir votre avis aussi sur les différents éléments du programme qui sont déposés ici, dans un programme, on le sait, qui sera implanté de la première année au secondaire V donc, qui, je crois, est une première, au niveau du ministère, dans la même année. Donc, il y aura évidemment beaucoup de questions qu'on aura tantôt peut-être sur la formation, le matériel pédagogique, la formation des maîtres, entre autres.
Mais j'aimerais d'entrée de jeu vous entendre, par contre, d'abord et avant tout sur la consultation. Vous avez vu l'évolution depuis quelques années et vous avez consulté pour l'implantation de ce programme-ci. On a vu la liste des groupes que vous avez rencontrés, qui est une liste assez intéressante. Mais j'aimerais attirer votre attention sur un point et avoir votre commentaire là-dessus. Au lendemain où, nous, comme parti politique... on sait que le Québec est une société ouverte et le sera toujours. Nous, à partir du moment où nous avons regardé le programme, nous l'avons étudié et nous avons trouvé intéressant, pour les élèves du niveau secondaire, d'avoir cette ouverture sur le monde, qui est tout à fait dans les normes de la mondialisation présentement et qui est tout à fait d'intérêt, je pense, pour une nation qui veut s'ouvrir vers l'extérieur, et nous avons regardé pour le niveau primaire.
Ça nous apparaissait un petit peu plus délicat, compte tenu de l'âge des enfants et de ce qu'on demandait au niveau de leur apprentissage. Mais la question fondamentale était au niveau des parents, des groupes consultés. Parce que, quand la question est sortie et que, comme formation politique, nous avons demandé un moratoire ? chaque parti bien sûr a ses opinions et ses divergences un peu là-dessus ? on s'est rendu compte que les parents... ce que les parents nous ont dit et ce que certains sondages disaient aussi, c'est que les parents disaient ne pas avoir été tellement et trop consultés. Certains groupes un peu plus que d'autres, mais qu'il y avait peut-être une zone grise, où les groupes précis avaient été consultés, mais que les parents en général avaient des interrogations là-dessus et ne sentaient pas nécessairement avoir été tellement consultés. On ne peut pas évidemment mener une consultation à chacun des individus qui composent une société, c'est tout à fait normal. Mais j'aimerais entendre: Vous, par rapport à vos consultations sur ce programme-là, les parents, de quelle façon vous les avez entendus? Quelle a été votre perception à l'époque au niveau des parents en général?
M. Racine (Jacques): Dans notre consultation, outre le questionnaire qui a été envoyé, etc., nous avons rencontré à deux fois tous les... Tous ces gens-là, nous les avons d'abord mis ensemble le 13 septembre pour leur expliquer un peu dans quoi ils se lançaient et nous les avons invités à faire eux-mêmes une consultation par rapport à leurs réponses comme groupe. Parce que nous n'avions pas à nous mêler de savoir comment l'Assemblée des évêques catholiques du Québec devait traiter de la question. Est-ce qu'ils voulaient le traiter par leur comité d'éducation? Est-ce qu'ils voulaient inviter des parents catholiques à en traiter avec eux? Nous laissions à chaque groupe religieux le soin d'organiser sa consultation. Comme je vous ai dit, la table protestante nous a dit: Écoutez, nous, on va faire un bout du travail, on va vous donner la réponse des... Tout notre groupe, là, on va s'arranger pour vous donner une réponse, tout le monde ensemble. C'est eux qui ont choisi ça. S'ils nous avaient dit: On voudrait être consultés, chaque groupe individuellement, on l'aurait fait. Mais on ne pensait pas que nous avions à nous infiltrer dans la réponse que les groupes religieux avaient à nous donner, ce n'était pas à nous à faire la consultation pour savoir quoi nous répondre.
Je pense que certains de ces groupes religieux là ? mais je ne veux pas nommer de groupes ? ont fait des contacts avec des associations de parents et avec des parents pour prendre leur position. Je sais que des groupes religieux ont bien présenté l'inquiétude des parents. Ça, je sais ça, j'ai entendu ça, on les a reçus le 13 septembre, on les a reçus à nouveau le 1er novembre. Après avoir fait une première lecture des questionnaires, nous avons voulu vérifier auprès d'eux si notre lecture de leurs réponses était adéquate et nous les avons regroupés en groupe une soirée de temps pour tester les choses. Je ne dirais qu'il n'y avait pas d'inquiétude par rapport au primaire, ce serait faux. Il y avait une certaine inquiétude, et elle a été formulée. Mais elle a été formulée non pas comme une objection, mais comme: Expliquez-nous les choses; expliquez-nous les choses; on a plus de misère avec le primaire, hein?, on a plus de misère avec le primaire. Ça, c'est clairement exprimé.
Deuxièmement, j'ai dit tout à l'heure que nous n'avons pas voulu consulter, nous, les mêmes groupes que consultait la Direction des programmes, qui faisait son évaluation de sa première version. Donc, la Fédération des comités de parents, qui représente tous les comités de parents, qui sont, je dirais, au plan démocratique, la représentation des parents dans chaque école, cette fédération-là a été consultée par la Direction des programmes, et c'est pour ça que nous ne l'avons pas consultée, d'autant plus qu'en 2005, lors de la loi n° 95, en 2005, la Fédération des comités de parents s'était dite d'accord pour la première fois avec l'orientation. Et ça, c'est très important, parce que la Fédération des comités de parents avait fait obstacle en l'an 2000, était plus que tiède, avait dit non au changement de déconfessionnalisation scolaire. Or, en 2005, la même Fédération des comités de parents, voyant l'évolution des choses, a changé son point de vue et s'est montrée favorable, à un point tel que l'Assemblée des évêques catholiques du Québec, dans une rencontre qu'ils ont faite avec Benoît XVI à l'occasion de leur visite quinquennale, ont exprimé qu'il y avait un changement dans leur texte Bâtir notre église québécoise, ils ont exprimé ce changement-là qu'ils avaient vu et ils étaient très conscients que la distance que la Fédération des comités de parents, qui jusqu'ici était à peu près toujours la même position qu'eux, que cette distance-là, ils devaient en prendre eux-mêmes conscience, puisque cette fédération représentait les parents et qu'eux-mêmes voulaient parler au nom des parents.
Donc, c'est la réponse que je peux vous faire. Mais, à côté de ça, nous n'avons pas mis de côté l'Association des parents catholiques, même si ce n'est pas une association officielle, ni du côté de l'État ni du côté de l'Église.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de Mirabel.
M. Desrochers: Oui. Il y a aussi, à travers le nouveau programme Éthique et culture religieuse, un changement majeur que les parents et que les enseignants, que tout le monde doit un petit peu vivre avec aussi, c'est la question du libre choix. Donc, vous avez tenu vos consultations, vous avez abordé ces tableaux, vous avez fait vos recommandations, vous avez probablement aussi vu vous-mêmes, à travers ces changements-là, qu'il y allait peut-être y avoir certaines réticences puis par contre, d'un autre côté aussi, certaines ouvertures à ce nouveau programme là.
J'aimerais vous entendre aussi sur les avis que vous avez donnés durant vos consultations sur la question, et à travers les groupes que vous avez entendus, par rapport au libre choix. Parce qu'à ce moment-ci on réalise que c'est un changement qui s'opère, et tout ça. Donc, quels ont été les échos que vous avez entendus pour le libre choix?
La Présidente (Mme Harel): M. Racine.
M. Racine (Jacques): Oui. Nous avons entendu des échos sur la question du libre choix. Nous avons sensibilisé, dans notre rapport, à cette question-là en disant que ça pouvait être une question qui retrousse, hein, qui retrousse. C'était assez clair. Pour des groupes particuliers, c'était clair, et je pense que nous en avons informé la population et les gens, dans notre consultation, et le ministère, dans notre consultation, et nous avons débattu de cette question-là. Sauf que ce qu'il faut dire, c'est qu'on sentait souvent derrière cette question de libre choix deux choses. On sentait d'une part que c'était le libre choix parce qu'on refusait l'orientation du programme. Donc, ça aurait été l'occasion pour certains de prendre une position qu'on appelle communautarienne, qui est un peu celle qui existe en Belgique. Donc, comme on est obligé par les droits, liberté de conscience, liberté de religion, il y a trois choses qu'un gouvernement peut faire; il peut tout sortir, il peut tout ouvrir. Donc, en Belgique, il y a des catholiques, il y a des protestants, il y a des orthodoxes. Chacun a son programme: des orthodoxes, des Juifs, des musulmans, puis il y a un groupe: les laïcs. Alors, chacun choisit ça. Ça va?
Ça, ça respecte la liberté de conscience et de religion. Tu pourrais même dire: pourvu qu'il y en ait au moins 4 000 ou 5 000, là, tu sais? Ça respecterait, puis il y a la situation que le pacte canadien, l'interprétation du pacte, donnée en 1999, sur l'article 13 du Pacte sur la liberté de religion dans l'école, donne ce qui est pour les parents une liberté de choisir des écoles autres que les écoles publiques, dans la mesure où ces écoles respectent minimalement les programmes de l'État. C'est ça qui est la liberté, c'est ça qui est la liberté religieuse du pacte. Donc, c'est de pouvoir avoir un privé. Ici, on a un privé qui est financé à hauteur de 60 % à peu près, je pense, par l'État, mais la liberté, c'est ça.
n(17 heures)n Donc, dans ceux qui voulaient le choix, c'était ça. Après ça, il y avait ceux qui ne voulaient pas entendre parler du religieux, qui voulaient aussi avoir le choix de ne pas en entendre parler. Nous, nous considérions que faire qu'une partie de la population de plus en plus... au secondaire, ça arrivait, là, à presque moitié-moitié, religieux et moral, qu'une moitié de la population fasse de la culture religieuse puis que l'autre moitié de la population fasse de la morale. Ça n'aide pas le débat public beaucoup, ça n'aide pas la reconnaissance les uns des autres, puis ça n'aide pas de vivre ensemble.
Donc, c'est à ce niveau-là... nous, ça nous posait un problème, la question des choix. Je pourrais demander à Odette, à côté de moi... On est allés dans la région. Une fois par année... D'habitude, on va à Montréal ou Québec en alternative, mais, une fois par année, on va en région, on va écouter qu'est-ce qui se passe. On est allés dans sa belle région, on a été reçus très bien, et notre étonnement, ça a été d'apprendre que les écoles primaires en étaient rendues à décider qu'elles fermaient si elles ne pouvaient pas avoir trois professeurs, un pour première et deuxième années, un pour troisième et quatrième, un pour cinquième et sixième années.
On est dans un pays très large géographiquement, à petite population. Organiser quelque chose comme en Belgique, ce n'est quasiment pas praticable. On a de la misère à garder des écoles ouvertes, au primaire, dans des régions, et c'est là que la solution, qui respecte les droits, de dire: On fait un très libre choix aux parents, hein, si ce choix puisse être pris, on pourrait trouver des moyens de le faire, mais on trouvait, d'une part, que ce n'était pas praticable et, d'autre part, que ça n'aidait pas à vivre ensemble comme société, à nous reconnaître les uns les autres. Et sachant en plus ? ce que je disais tout à l'heure ? ...nous, ça nous apparaît que... Écoutez, les enfants, même juste à cause de l'immigration des enfants, des bébés, là, les bébés chinois, vietnamiens, etc., les enfants, dès la prématernelle, rencontrent des gens, même dans la région de Québec, là, de telle sorte qu'ils sont habitués à ce... et ils s'habituent à ça et ils s'habituent par la structure du système scolaire, les cégeps, ça aussi, parce que les gens se regroupent, venant de... etc.
Donc, pour nous, il nous apparaissait que ce n'était pas praticable, même si théoriquement ça répondait à la liberté de conscience et de religion. Voilà un peu ma réponse à votre question.
La Présidente (Mme Harel): ...première partie. Oui, M. le député de Nicolet-Yamaska, vous voulez... Excusez-moi.
M. Dorion: Est-ce qu'il reste du temps pour la première?
La Présidente (Mme Harel): Oui, il vous en reste deux, minutes.
M. Dorion: Deux minutes. Merci. Je retiens quand même les arguments où, lorsqu'il y avait eu consultation auprès des parents, vous avez quand même soulevé qu'au niveau du primaire ce n'était pas de façon généralisée que ce cours soit offert au niveau primaire. J'essayais de... à la lueur... et je suis content de voir que Mme Guay... parce qu'un des mandats de la commission était de conseiller. Je me remettais en contexte, parce que je suis père de famille de quatre enfants et j'essayais d'imaginer que, dans un esprit d'ouverture à de nouvelles cultures, à de nouvelles... je le vis avec mes enfants et je fais un parallèle de façons imagées, en disant: Bien, pourquoi, papa, tu as choisi l'ADQ? Pourquoi tu n'es pas au PQ? Pourquoi tu n'est pas au PLQ? Pourquoi c'est Jean Charest, le premier ministre? Pourquoi c'est... Bon.
Et là je me remettais en question par rapport à l'enseignement et à la nécessité de donner ce type de formation là à l'âge primaire, étant donné... et je ne sais pas si, entre six et neuf ans, c'est à cette période-là que, définitivement dans les objectifs qui sont visés, là, que l'enfant développe, là, sa vision vers d'autres cultures, vers d'autres types de religions, puis le pourquoi du pourquoi du pourquoi, et là je me suis dit: Bien, il y a quand même une enseignante, il y a un professeur qui fait partie de votre comité, et j'aimerais l'entendre à ce sujet.
La Présidente (Mme Harel): Si vous permettez, M. Racine. Mme Guay, donc il y aura une réponse, puis elle sera prise sur le temps qui vous sera imparti par la suite, ça va? Mme Guay.
Mme Guay (Odette): Bien, je considère que les jeunes enfants ont aussi besoin de comprendre. Le programme est basé sur le dialogue, ça veut dire que, quand on va travailler en éthique autant qu'en culture religieuse, on va utiliser le dialogue, et, on le voit présentement, comment, de dialoguer ensemble, ça nous permet de comprendre la position de l'autre. Et vous pourriez... on pourrait dire: En région, comme chez nous, à Saint-Félicien, au Lac-Saint-Jean, on n'a pas besoin de comprendre parce qu'on est tout seuls, mais ce n'est pas vrai. Dans mon école, on a des baptistes, on a des Témoins de Jéhovah, on a, comme M. Racine le soulignait tout à l'heure, on a le deuxième... en tout cas, on a des non-religieux, on en a plusieurs, on a aussi des catholiques. Et ces enfants-là sont ensemble à longueur de journée. Et je considère qu'ils ont besoin de comprendre aussi.
Je ne suis pas là pour vous vendre rien, là, mais, moi, quand j'arrive dans ma classe puis que je vois le côté pratique du programme, je vois la nécessité d'enseigner des valeurs. Puis, quand on comprend bien le programme, on voit que ça donne beaucoup d'emprise, le fait de discuter ensemble de problèmes éthiques. De discuter de situations qui ont rapport avec la culture religieuse, ça va nous amener à faire ressortir les valeurs qui, après, sont intégrées dans la classe. Je vais vous dire que, moi, je crois beaucoup que ce doit être les enseignants, qui sont dans la classe, qui vivent avec les élèves à tous les jours, surtout au primaire, qui doivent enseigner l'éthique et la culture religieuse.
La Présidente (Mme Harel): Voulez-vous continuer? Parce que, si vous voulez poursuivre, c'est possible, mais ce sera sur le temps qui vous était imparti. Non, alors on reviendra. Excusez-moi. Alors, maintenant la parole est à Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: J'ai aussi 15 minutes, moi?
La Présidente (Mme Harel): Oui.
Implantation du programme
Éthique et culture religieuse
Mme Malavoy: Même si je suis toute seule? C'est parfait. Bonjour, M. Racine, Mme Guay, monsieur... que je dise bien votre nom, M. Boisvert, c'est ça. Je pense qu'on est vraiment aujourd'hui dans un sujet très important, pas seulement parce qu'il défraie la manchette, mais parce que c'est le genre de discussion où on est obligé de réfléchir en profondeur. Je ne dis pas que d'autres questions ne sont pas importantes. La réfection des routes, c'est important, mais enfin, dans une société, les questions que vous touchez depuis des années, elles façonnent, hein, notre façon de voir le monde, notre façon de vivre ensemble, et donc j'apprécie d'autant plus que nous ayons un petit moment pour discuter.
J'ai beaucoup de questions à vous poser, mais je voudrais juste faire peut-être deux petites remarques à la suite de ce que j'ai entendu aussi de mes collègues. Il me semble que la société québécoise a fait le choix d'une école, comme vous le dites, une école laïque ouverte. Ce choix-là, il est fait. Il a été long à faire. Il s'est fait sur plusieurs années, mais il ne s'est pas fait tout d'un coup, il nous a nécessité un certain nombre d'efforts, parce qu'on était dans une société, pendant plusieurs décennies, où la religion était omniprésente autant dans les affaires de l'école que dans les affaires de l'État. Donc, pour moi, puis, si je me trompe, vous me contredirez, mais on est actuellement dans une société qui a fait ce choix. Ce qui ne veut pas dire que ça convient à tout le monde, mais majoritairement on l'a fait.
On est aussi dans une société qui, bien qu'on ait découpé par cycles les périodes d'apprentissage pour les enfants, essaie tout de même de voir les choses dans leur ensemble. Par exemple, c'est difficile pour moi d'imaginer qu'un petit enfant du primaire soit tout à fait différent d'un jeune du secondaire. En ce sens, je ne suis pas forcément en accord avec mes collègues. C'est-à-dire que, pour avoir eu moi-même des enfants, avoir des petits-enfants, quel que soit l'âge, à partir du moment où l'enfant raisonne un peu, il se pose des questions aussi fondamentales que des questions d'ordre éthique et d'ordre religieux. Et en plus, comme vous l'avez fait remarquer, il côtoie, dès qu'il est tout petit aussi, des gens qui viennent d'ailleurs et qui ont d'autres traditions religieuses.
n(17 h 10)n Donc, moi, je suis plutôt à l'aise avec l'idée que l'on fasse un nouveau programme dans lequel on dise: Tant qu'à y être, c'est tous les enfants qui vont cheminer, bien sûr avec une gradation, puisqu'on ne raisonne pas de la même manière à six ans qu'à 12 ans. Avec les débats actuels, avec les soubresauts qu'il y a, avec... Bon, vous le savez, l'Action démocratique a demandé qu'on prenne du temps, ils ont demandé un moratoire, ils souhaitent que ce ne soit pas pour le primaire. Les parents catholiques s'expriment aussi, les évêques sont entrés dans la discussion récemment. Est-ce que vous maintenez fermement votre recommandation qui est de mettre en application ce nouveau cours en septembre? C'est votre recommandation numéro un, ce que vous recommandiez à la ministre. Est-ce que, nonobstant tout ce brouhaha, vous maintenez cette position? Et sur quoi vous appuyez-vous pour dire: on continue dans le même sens, on y va?
M. Racine (Jacques): Bon, écoutez, nous maintenons cette position, premièrement. Je pense que ça, c'est clair. Écoutez, nous la maintenons à partir d'une décision prise en 2005. La décision a été prise en 2005. C'est toujours dur de passer à l'acte. À un moment donné, il faut qu'il y ait une limite et qu'on tranche et qu'on s'embarque, si on a toutes les raisons de dire qu'on s'embarque. Mais il reste... Évidemment qu'il faut rester dans une entreprise aussi singulière que celle-ci, hein? On passe du confessionnel à un enseignement qui n'est pas de l'éducation de la foi, mais de la culture religieuse. Il faudra qu'on reste très attentif, au cours de prochains mois, les prochaines années, à la façon dont les choses vont se faire dans la pratique quotidienne. En ce sens-là, nous, nous considérons qu'on a un rôle, mais que ce rôle doit être plus large que le nôtre. Nous sommes une petite équipe. On est des bénévoles mais des bénévoles intéressés à y donner du temps.
Mme Malavoy: Vous le faites manifestement très bien, parce qu'avec la production de vos dernières années vous êtes des bénévoles on ne peut plus actifs.
M. Racine (Jacques): Mais, ceci étant dit, il va falloir que d'autres qui ont des moyens plus... ? je parle du ministère général ? assurent un suivi de l'opération. Il y a la qualité de la décentralisation puis la difficulté de la décentralisation dans nos organismes. Autrement dit, on décentralise la formation continue, par exemple. Actuellement, on est dans la période de formation continue des enseignants, c'est-à-dire, ce n'est pas des gens qui sont en formation initiale, c'est les gens qui étaient là et qui doivent se préparer à un programme tout à fait nouveau, et qui n'ont pas été formés par rapport à ce programme-là, sauf quelques professeurs au secondaire qui ont été formés aux sciences des religions et qui ont fait à la fois de la théologie, des sciences des religions.
Donc, par rapport à cet objectif de formation continue, il faut s'assurer que dans chaque région, que dans chaque commission scolaire les efforts aient été faits et continuent à se faire pour accompagner les enseignants dans ce grand changement qui se fait tout en même temps pendant 11 ans.
Mme Malavoy: Ça, c'est l'enjeu premier, si je comprends bien.
M. Racine (Jacques): L'enjeu premier, c'est de s'assurer d'accompagner. Il y a des commissions scolaires que j'ai rencontrées, parce que je visite pas mal en région et je rencontre pas mal de groupes de parents, d'enseignants en région aussi... il y a des commissions scolaires qui ont décidé déjà d'assurer qu'il y ait des personnes qui soient comme des mentors auprès des enseignants et de dégager une ressource spécialement pour faire ça l'année prochaine. Il y a des commissions scolaires qui ne font pas ça.
C'est la décentralisation, d'où, moi, j'appelle une très grande vigilance. Parce qu'on a trouvé quelque chose d'assez inspirant pour d'autres sociétés qu'est le service d'animation spirituelle et d'engagement communautaire. Les gouvernements ont même mis des sommes d'argent pour ça, mais on a appris qu'en certains lieux on n'a pas utilisé l'argent donné à cette fin, mais on l'a utilisé à d'autres fins et que ça s'est fait avec le comité d'établissement, avec le conseil d'établissement. Ça s'est fait avec les parents. J'ai des jeunes enfants, moi aussi, malgré mon âge et je les accompagne à l'intérieur de ça au primaire, au secondaire, et il y a des comités de parents qui ont fait le choix de ne pas avoir d'animation ou de ne pas donner de temps pour ça pour avoir un autre professionnel à la place, etc. Écoutez... D'où l'importance d'avoir une vigilance, d'où l'importance d'avoir une vigilance et d'avoir une évaluation, pas similaire à toutes les évaluations de programme après x années... Nous sommes assez d'accord, nous, comme comité, à dire que ça va prendre des évaluations assez précises après un certain nombre d'années, parce qu'on est dans des grands... on est dans un changement fort important, et il ne faudrait pas dérailler à l'intérieur de ça. Mais ceci ne nous fait pas enlever notre recommandation, mais nous dit: adjoignons ces considérations, plus l'importance de l'information auprès de la population et des parents particulièrement.
Mme Malavoy: Et je comprends de vos propos que selon vous la société québécoise est prête pour l'implantation de ce programme. Vous plaidez pour la vigilance au moment de l'implantation, pour avoir les ressources, la formation, etc., mais je vous ai bien compris tout à l'heure, quand vous avez dit: C'est toujours difficile de passer à l'acte.
M. Racine (Jacques): Oui.
Mme Malavoy: C'est vrai que c'est facile de faire des réformes sur papier, mais, quand on les implante, on change des habitudes, on touche des gens dans leurs perceptions, dans leur passion aussi, dans leurs convictions, et donc, là, il y a quelque chose qui... On le sent bien actuellement, hein, il y a quelque chose qui retrousse un peu parce qu'on est proche de l'échéance. Mais vous me confirmez que somme toute, si on fait attention et qu'on a une formation adéquate et qu'on est vigilant, vous diriez: La société québécoise est mûre pour cette implantation?
M. Racine (Jacques): La société est mûre, mais toutes les personnes de cette société ne sont pas au même niveau par rapport à ça, et je pense qu'il faut comprendre ça dans un choix si important, d'où l'importance d'accompagner aussi les personnes et d'accompagner aussi les parents par la qualité de l'information.
Quand je dis «la société»... Tout à l'heure, vous m'avez entendu référer beaucoup à ce que je connais de la génération des gens autour de la vingtaine, de la trentaine, des étudiants que j'ai connus, année après année, qui sont les étudiants. J'enseigne au coeur du bac, en enseignement secondaire, de la maîtrise au M.B.A. puis du doctorat en théologie. Donc, c'est assez diversifié comme modèles d'étudiants, hein, puis même mes étudiants de cet après-midi au M.B.A., c'est des gens qui sont prêts et qui attendent ça, et qui sont attentifs à ça, hein? Ceci dit, je n'ai pas dit que les gens des générations plus élevées étaient nécessairement tous à ce niveau-là, et ça, je l'admets très clairement, et j'ai rencontré, dans des rencontres régionales, j'ai rencontré des gens qui viennent de se rendre compte que, par exemple, la question de l'initiation aux sacrements est dans la paroisse. J'ai été obligé de dire à un pauvre type: Monsieur, ça fait depuis 1983, mais cette personne-là vient d'être parent. Elle ne s'était jamais intéressée à cette question-là avant, mais là elle vient d'être parent, puis elle dit: Moi, je pensais que ça se passait à l'école. Ça fait vingt quelques années de différence, là.
Mme Malavoy: 25 ans de différence.
M. Racine (Jacques): Donc, quand vous me posez la question, je dis: Oui, mais je ne suis pas naïf au point de dire que... Tout le monde n'est pas préoccupé de cette question-là, d'abord, hein?, tout le monde n'est pas préoccupé de cette question-là, là, de la religion dans la vie, là, hein?, tout le monde n'est pas préoccupé de ça. Souvent, les gens commencent à s'en préoccuper quand arrive un événement dans leur vie ou pour des questions autres, etc., mais ce n'est pas évident, là. Donc, si tu n'es pas très sensible à cette question-là, si tu es dans un groupe organisé, tu vas avoir un peu l'opinion du groupe organisé; si tu n'as pas de groupe organisé, bien c'est par une occasion, un enfant qui arrive, ci ou ça, et là, tu vas te reposer la question. Mais il faut comprendre que ce n'est pas la même chose que le pain quotidien, et donc on ne peut pas s'attendre à ce que toute une population soit... ait perçu ces phénomènes de changements-là. Mais c'est normal pour tout changement que l'on fait, même vous les connaissez mieux que moi, quand vous faites des changements politiques, vous attendez rarement qu'il y ait 100 % des gens; vous faites une évaluation de ce qui vous apparaît le mieux au moment où vous le faites, en espérant que la grande majorité des gens y adhèrent au point de départ, et que, au fur et à mesure, il y en ait plus qui y adhèrent à cause de la qualité de ce qu'on y fait, d'où l'importance du suivi.
Mme Malavoy: Est-ce qu'il me reste du temps?
La Présidente (Mme Harel): Il vous reste trois minutes.
Mme Malavoy: Il me reste trois minutes? Je vais poser ma question donc rapidement parce qu'elle s'enchaîne bien. Vous avez évoqué les parents, à juste titre, et puis les parents, en plus de se sentir responsables des enfants, ils se sentent toujours un peu inquiets, parce qu'à l'école, là, dans bien des domaines, ils ne savent pas trop ce qui s'y passe. Qu'est-ce que vous recommandez que l'on offre aux parents pour les accompagner dans cette transition qui est importante? Qu'est-ce qu'on doit leur donner comme outils, comme information?
n(17 h 20)nM. Racine (Jacques): Bon, bien, je pense qu'il y a des actions à divers niveaux, mais vous êtes encore mieux placés que moi pour le faire. C'est évident qu'il y a des actions ministérielles, mais il y a des actions dans chaque école, puis, quand je rencontre des enseignants, je dis: Il y a des actions dans chaque classe, parce que c'est madame, qui rencontre ses 25 élèves dans sa classe, qui peut se rendre compte qu'avec l'enfant témoin de Jéhovah qui est là elle va peut-être être obligée de faire une démarche particulière, ça ne peut pas se régler d'en haut. Mais, si elle sent qu'il y en a un dans sa classe et que ça pose un type de problème par rapport aux autres mais aussi par rapport aux parents, il faut penser que le milieu est capable d'une sensibilité à ces niveaux-là, n'est-ce pas? Comme on disait tout à l'heure, c'est important que tout ça soit vécu par l'ensemble de l'école et non seulement par un spécialiste ou l'autre, hein? Et la sensibilité donc ou l'information doit se faire aux différents niveaux, mais on n'y réussirait pas... J'en souhaite, puis je... qu'il y en aura une, une grande campagne au niveau du ministère, et on fait des grandes journées ? il y en a eu une lundi, je crois ? de formation, etc. Mais, pour empêcher qu'il y ait des coups trop durs dans la population, chez des gens qui sont plus en distance avec ces questions-là, il importe que, même à un niveau d'une classe, les enseignants soient sensibilisés, et, au niveau d'une école, qu'il y ait quelque chose qui se fasse au niveau des écoles en termes d'information, et d'accompagnement, et de suivi, et que la direction d'école soit sensible à ce changement de paradigme qu'on est en train de vivre.
Mme Malavoy: Ça va aller pour l'instant.
La Présidente (Mme Harel): Merci. Alors, nous reprenons le tour de table. Alors, M. le député de Mont-Royal.
M. Arcand: Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Je reprendrais peut-être un peu la question de la députée de Taillon, parce qu'encore une fois, dans ce dossier-là, ce sont des dossiers toujours complexes, comme on l'a mentionné. Et quand je regarde, entre autres, le rapport de consultation que vous avez remis à la ministre de l'Éducation en mai 2007, dans vos conclusions, vous estimez que le projet est sur la bonne voie, vous estimez que l'échéancier doit être respecté. Le rapport est sensiblement très positif, suite aux consultations que vous avez eues. Et, quand je vois votre rapport annuel, dans une lettre qui a été envoyée le 1er novembre 2007 à la ministre, vous dites que votre comité continue d'être préoccupé par la réussite de cette mise en oeuvre, en parlant évidemment du programme d'éthique et culture religieuse, et vous êtes aussi préoccupé de la formation du personnel enseignant et toutes ces questions-là.
C'est parce que j'y vois quelque chose d'un peu contradictoire. Est-ce que c'est le programme? Est-ce que c'est les parents? Déterminez-moi le sens de vos préoccupations au moment où on se parle.
M. Racine (Jacques): Écoutez, la préoccupation, c'est quelqu'un qui s'attelle à un projet excessivement important, et, dans ce projet important, l'enseignant est au coeur de ce projet important, et il faut que chacun de ces enseignants-là reçoive une formation, pas d'universitaire, mais une formation adéquate, et il faut que les manuels qui vont venir soient bien en lien avec le programme qui est fait et que l'on suive l'expérience. C'est ça qu'est notre préoccupation, et notre préoccupation, c'est que c'est comme... Tous, vous lancez des projets. Mais vous savez que, quand on lance un projet, ça prend un peu de temps à démarrer. À un moment donné, on s'aperçoit que les échéances arrivent, on met la pédale au fond un peu. Mais il y en a d'autres qui ne la mettent pas trop au fond puis qui se disent: Bien, tu sais... C'est ça qui est notre préoccupation. C'est que, suivant les choses, on s'aperçoit que ça ne se passe pas également dans chacune des régions; suivant les choses, on s'aperçoit qu'à certains endroits, au plan de la formation, les gens, à cause de leur situation secondaire, à cause de la redéfinition de discipline, ne sont pas obligés de suivre la formation, ils doivent le faire par souci professionnel.
Parce que nous savons que, dans un grand changement comme ça, ce n'est pas juste de connaître un peu de choses pour faire l'enseignement, ça prend... Pour enseigner la culture religieuse, il faut s'y intéresser, d'une certaine façon, vous comprenez, c'est le sens de... Mais ce n'est pas dire: On arrête, parce que, si on arrête... Pourquoi on dit: N'arrêtez pas, faites un an de plus? On va remettre la pédale tranquille. Tu sais, c'est la gestion du changement dont on parle ici, là, hein, c'est la gestion du changement. Pourquoi ça nous a pris tant de temps à dire qu'on se décidait, pourquoi? Ce n'est pas grave, on ne blâme pas les autres générations, on dit: Actuellement, on est dans un lieu où la décision a été prise en 2005. Beaucoup d'efforts ont été faits, et ici il y a peut-être un trois, quatre mois, là, qu'on a échappé, pour telle raison, etc. Mais on dit: Si on retarde, on enlève tous les gens qui sont à la tâche depuis un an. Les professeurs, il y a des gens qui ont commencé en janvier 2006 à se donner une formation pour former. Vous comprenez ça, là? Ils se sont donné de la formation pour être formateurs de janvier à août 2006, puis, à partir de 2006, ils ont commencé à s'embarquer un peu dans la formation, puis là ils sont embarqués à plein dans la formation, cette année. Si on relâche, vous comprenez, pour un système, si on relâche tout ce qui a été investi à l'intérieur de ça, et c'est du temps des personnes qui a été investi, on leur dit: Vous avez pesé sur le gaz un peu trop pour rien, vous savez l'effet que ça fait sur un changement? On risque de revenir à l'idée... on va finir soit par ne plus avoir de religion à l'école, du tout, puis par mettre ça de côté complètement. Nous, c'est une crainte qu'on avait, c'est une crainte. On peut se dire: Face à l'importance du défi... Et il n'y a pas tant de personnes qui s'élèveraient pour dire: Oui, il pourrait peut-être y avoir un cours de plus d'informatique, hein, je ne sais pas trop, là! Vous comprenez bien que cette question-là est une question de culture, de patrimoine, de compréhension de la société actuelle. Donc, l'ampleur du défi nous fait dire: Restez vigilants. Puis n'imaginez pas que c'est fait quand ça commence, hein? Ça, c'est l'ampleur du défi.
Mais le fait que beaucoup y sont embarqués depuis 2006... Moi, c'est aux enseignants que je parle, c'est à eux que je pense. Tous ceux qui ont fait des efforts depuis ce temps-là pour commencer en septembre 2008, ceux qui ont fait les expérimentations, les commissions scolaires qui se sont engagées, est-ce qu'on va leur dire: Écoutez, on va attendre une couple d'années parce qu'il y a une couple de places, ils n'ont pas encore pesé sur le gaz? Moi, je pense, ce serait démotiver les gens les plus engagés. C'est mon opinion.
M. Arcand: Sur la question, qui a été maintes fois soulignée, à l'effet, entre autres, que, pour des élèves de l'école primaire, c'était peut-être un peu commencer tôt, ce que je comprends, puis dites-moi si j'ai raison ou pas, il semble que c'est l'aspect plus éthique qui est abordé, au primaire, que l'aspect religieux comme tel. Ou est-ce que vous avez eu des assurances à cet effet-là, que les cours qui sont donnés au primaire sont valables, ou qui seront donnés, vont être valables pour des enfants du primaire, comme tel?
M. Racine (Jacques): Je vais commencer par laisser madame répondre, puis je terminerai brièvement.
La Présidente (Mme Harel): Mme Guay.
Mme Guay (Odette): Merci. Moi, je peux vous dire que... d'abord, je vous dirais que les parents du primaire... moi, j'ai une classe... depuis que je suis membre du CAR, je vérifie un peu le pouls dans ma classe avec mes parents, et, à chaque année, les réflexions que je reçois, c'est: Hé! qu'on a hâte que ça change! Parce que le programme actuel, on attend depuis 10 ans qu'il change. Nous, dans l'école... moi, je suis une enseignante en enseignement religieux présentement. À chaque semaine, je donne mon cours d'enseignement religieux dans ma classe, puis je vais vous dire que le milieu, autant les enseignants que les parents dans ma classe... je ne sais pas, peut-être qu'à Québec, c'est différent, mais je peux vous dire que chez nous, c'est comme ça, on est prêts, O.K., d'abord.
Votre question, c'était par rapport à...
M. Racine (Jacques): ...culture religieuse. On traite aussi de culture religieuse.
Mme Guay (Odette): Oui, on traite les deux volets à l'intérieur du programme. À chaque année... tu sais, on va dire que, pour les enseignants du primaire, le contenu au niveau de la culture religieuse peut paraître dense, mais, moi, comme enseignante de cinquième année, quand je vais aborder le programme... juste le volet culture religieuse, je vais avoir un thème à maîtriser dans mon année, O.K.? Par exemple, en cinquième année, on pourrait parler de la fraternité, O.K.?, de la façon dont on se comporte les uns avec les autres dans un groupe, O.K.? Donc, au niveau de la culture religieuse, ça va être ce que je vais traiter dans mon année, O.K.?, puis, à côté de ça, j'ai de l'éthique qui va se faire aussi. Est-ce que ça répond à votre question?
n(17 h 30)nM. Arcand: O.K., mais, moi, ma question aussi, c'était: Est-ce que vous embarquez dans des questions de connaissances religieuses au primaire? Par exemple, est-ce... parce qu'un des arguments qui est souvent mentionné par certains groupes, entre autres, là, et j'ai eu l'occasion de l'entendre, c'est que des enfants au primaire qui ont, disons... un enfant musulman qui a à peine eu le temps d'entendre parler de Mahomet dans sa vie puis qui soudain se met à entendre parler de bien des gens, ça les préoccupe.
Et donc, tant qu'il est question d'éthique, de morale, de ces aspects-là et de fraternité, comme vous dites, il n'y a pas de problème. Mais, lorsqu'on entre dans une matière un peu plus dense, si on veut, les gens semblaient m'indiquer que c'était du matériel qui était beaucoup plus acceptable pour des gens du secondaire que pour des gens du primaire.
Mme Guay (Odette): Je ne sais pas si je vais répondre à votre question, mais je vous dirais que, par exemple, pour la fraternité, la façon d'aborder les autres religions, ça va être par la règle d'or: Ne faites pas aux autres ce que vous ne voulez pas qu'on vous fasse. Et on va se rendre compte que dans toutes les religions cette règle-là existe. Il ne faut pas oublier que, tout au long de l'année du primaire, pendant... on va avoir à aborder la religion catholique et protestante. C'est celles qui sont traitées le plus en continuité, quand on parle de culture religieuse, et les autres viennent en complément. C'est important de retenir ça: la base, elle est catholique et on ajoute de la culture par-dessus.
M. Arcand: M. Racine.
M. Racine (Jacques): Bien simplement, pour donner simplement des exemples. En première et deuxième année, si ma mémoire est bonne, là, on traite des fêtes familiales. Comment on fait... c'est quoi, les fêtes familiales. Puis on traite des récits. On traite des récits, les grands récits. Parce que c'est l'âge du conte, etc. Donc, on voit les grands récits qui circulent dans ma vie familiale, donc qui sont les récits de Jésus pour le catholique, qui sont les... mais qui sont les récits fondamentaux. Donc, on ne fera pas traiter de dogme avec des gens du primaire. Et, pour l'éthique, c'est la même chose. Le premier cycle du primaire, c'est le lien de l'élève avec l'ensemble... avec la nature, avec tout ça. C'est, lui, prendre conscience qu'il est quelqu'un et que ce quelqu'un là est en lien avec tout un tas de personnes et aussi avec la nature, etc. Ensuite, on va s'intéresser à lui et la classe. Hein? Au plan de l'éthique, lui et la classe. Et ensuite lui et la société. Et autant l'éthique que la religion, première, deuxième année, autour de lui puis de la famille. Troisième et quatrième, ce qui se passe dans la classe. Ce qu'on a comme diversité religieuse, ce qu'on peut comprendre à ces niveaux-là, mais aussi comment ça se joue, nos relations dans la classe et comment qu'il y a des questions éthiques qui se posent dans la classe. Il y a-tu des choses dans la classe qui se posent? Et après ça on va commencer de regarder, en cinquième et sixième année, comment ça se passe dans la société autour de chez eux. Même en géographie, ils font ça, c'est autour de chez eux, c'est quoi, comment ça se passe, etc.
Donc, vous voyez bien... Mais, quand arrivent des thématiques beaucoup plus importantes, c'est à la fin du secondaire que ces problématiques sont là, et c'est là qu'on pense que, grâce à la gradation, l'élève pourra se faire une idée plus synthétique, plus intégrée de peut-être trois expériences religieuses, etc. Évidemment, toujours l'expérience catholique, mais peut-être que, dépendant des milieux, ce sera une couple d'autres expériences dont il pourra mieux connaître l'intégration, mais évidemment pas nécessairement l'ensemble. Il faut comprendre aussi les capacités réelles de faire.
M. Arcand: Donc, d'après votre expérience, parce que vous avez quand même une expérience assez forte et beaucoup de consultations, le programme comme tel, dans ce que vous avez vu jusqu'ici, vous satisfait? Et particulièrement pour les enfants du primaire, c'est quelque chose qui est bien intégré, si on veut, à la capacité des enfants du primaire de bien comprendre ces valeurs?
M. Racine (Jacques): Je dis oui. Il faut prendre... Un programme, vous savez ce que c'est qu'un programme, pour n'importe qui, n'importe quoi, donc un programme, on lui donne les grandes orientations, les finalités, on en dresse l'architecture, etc. Par la suite, ça se passe dans la classe, avec le professeur, qui est aussi un professionnel. Et ce professeur-là, avec sa classe, ne fera peut-être même pas tout à fait le même type d'enseignement en 2008 puis en 2009. Pas pour des questions idéologiques ou de choix personnel, mais à cause de la relation avec les élèves de sa classe et à cause de ce qui se passe dans la classe, dans son rapport à la classe et à chaque élève de la classe.
Il ne faut pas oublier, là, au primaire, ça se joue beaucoup. Pourquoi c'est un même enseignant qui enseigne toutes les matières? C'est que la relation entre l'enseignant et l'élève... Bien sûr, on cherche à instruire, à qualifier, vous connaissez tout ça. Mais ça ne peut pas se faire au détriment de cette relation pédagogique avec l'élève. Et c'est là-dessus que, moi, je mets la confiance, et c'est pour ça qu'en même temps on insiste de dire: Il faut qu'on s'assure que ces gens-là aient réfléchi autour de ça, qu'on leur ait donné la formation pour qu'ils puissent le faire, se retrouver dans ce nouveau cadre. Oui. Mais, moi, je crois beaucoup à ce professionnalisme de l'enseignant dans son contact avec les élèves. Je ne pense pas qu'un enseignant peut durer longtemps en enseignement sans avoir ça.
La Présidente (Mme Harel): Alors, il reste une minute à la partie ministérielle pour un commentaire ou une conclusion.
Évolution de la mission du CAR
M. Arcand: Écoutez, j'avais peut-être juste une dernière question rapide, étant donné que le temps file. Ma question portait sur le comité comme tel. Vous avez parlé de vos défis de la prochaine année, vous avez dit qu'est-ce que vous aviez à faire. Est-ce que, pour le futur, si on prend pour acquis que ce cours-là commence au mois de septembre, que ça va probablement devenir un enjeu moins important en 2009 et puis dans les années futures, est-ce que vous voyez une modification à la mission de votre comité dans les années futures?
M. Racine (Jacques): Écoutez, pour le moment, le comité dépend du ministère de l'Éducation. Tant qu'il dépendra du ministère de l'Éducation, nos préoccupations sont par rapport à la religion dans le système d'éducation. Ce qui pourrait nous intéresser, c'est qu'il n'y ait pas seulement la question du cours d'éthique et culture religieuse, mais je vous ai parlé du cheminement spirituel, où on a donné un avis. Et c'est une question qui n'est pas passée dans l'opinion publique, qui n'est pas passée non plus beaucoup même au niveau scolaire, et c'est une question qui appelle une réflexion, parce que c'est très important par rapport à la reconnaissance de chaque étudiant. Donc, ce dossier-là va nous rester pour nous important.
Il y a peut-être un dossier qui va venir aussi avec ça, et là, bien on en discutera avec la personne en responsabilité au ministère, c'est de savoir si nous regardons du côté aussi du cégep, de l'université, comment les choses se passent. Parce que, là aussi, ce changement aux niveaux primaire et secondaire devrait amener certaines conséquences au niveau des ordres supérieurs. Mais actuellement nous n'avons pas ce mandat-là.
La Présidente (Mme Harel): Alors, merci. Merci, M. le député. La parole est au député de Mirabel.
État de préparation des
enseignants du primaire
M. Desrochers: Merci, Mme la Présidente. M. Racine, j'aimerais porter mon prochain bloc sur différentes questions terre à terre, notamment, présentement, au niveau de la formation des enseignants, primaire. Vous en avez parlé dans vos avis de 2003 et de 2007, donc vous avez jugé la chose importante, et avec raison d'ailleurs. Mais on sait qu'actuellement, dans un contexte où c'est assez difficile d'être agnostique et de maîtriser, là, parfaitement les différentes religions, enfin les principales religions de notre monde, croyez-vous qu'il est possible pour un enseignant du primaire, qui est un généraliste, qui aura... qui enseigne le français, qui enseigne les mathématiques, la géographie et qui doit maintenant... qui n'a peut-être pas une formation généraliste adéquate... à court terme, enfin est-ce qu'il est quand même prudent de demander à ces enseignants-là... Parce que les questions viendront des élèves, au sens large, et les délais qui sont accordés pour cette formation-là, est-ce qu'on est prêts pour l'automne, cette année? En fait, ce sont des milliers d'enseignants à travers le Québec qui auront à maîtriser certains fondements de grandes religions. Est-ce que les délais sont là et est-ce que la formation qui est donnée présentement, vous la jugez satisfaisante?
n(17 h 40)nM. Racine (Jacques): C'est une question importante, une question qu'il faut garder. Ça va? Donc, il faut toujours distinguer la formation initiale, où du travail est à faire encore avec les universités là-dessus, puis il faut regarder la formation continue qu'on est obligé de donner à cause du changement rapide et qui intervient à des enseignants qui n'avaient pas été formés ainsi, hein, on se comprend? Donc, je parlerai plutôt de la question de la formation continue que de la formation initiale, puisque la formation initiale, on va en voir les débouchés dans sept, huit ans. Mais, par rapport à la formation continue, les façons de faire qui ont été décidées, c'est, je l'ai dit un peu tout à l'heure, c'est le décentralisation. Il y a des jours qui sont faits, il y a des cours qui sont donnés, etc., mais je vous ai dit que ça pouvait être variable selon les milieux. Je vous ai dit que j'aimais bien la solution d'une commission scolaire ou l'autre qui assure de dégager quelqu'un à plein temps pour faire du monitoring pendant toute la première année et peut-être la deuxième année, d'être disponible pour aider des enseignants qui pourraient avoir des complications.
Ceci étant dit, d'autre part, ce qu'il faut bien savoir, ce que madame a dit tout à l'heure, c'est qu'une enseignante n'est responsable que d'une année. J'ai des collègues chez moi qui sont spécialisés en sciences des religions depuis 30 ans qui disent qu'ils ne peuvent enseigner que l'hindouisme. Ce n'est pas ça qu'on demande à la personne de l'élémentaire, hein? J'ai une collègue spécialisée en islam qui ne se prononce pour le moment, parce qu'elle... que sur l'islam en... non pas en Irak, juste à côté du Liban, la Syrie. Parce qu'en fait sa thèse de doctorat, elle, elle considère que, même pour diriger quelqu'un sur l'islam, en dehors, qui n'est pas de l'islam, de la Syrie, elle hésiterait. Mais on n'est pas là, là, à l'élémentaire, on est avec quelqu'un auquel on ne demande pas de tout faire. On demande, pendant une année, troisième, quatrième, première, souvent ils restent quelques années au même niveau, on leur demande, avec les enfants, d'aborder des thématiques. Donc, tu sais, il faut toujours se mettre dans la tête: moi, comme enseignante, j'ai à me préparer pour cette classe-là et uniquement pour cette classe-là.
Deuxièmement, le ministère met à la disposition des étudiants ? et ça a été lancé, je ne l'ai pas vu encore, là, je vais le voir prochainement ? un site, un site pour les enseignants ? je crois qu'il y aura un site pour les parents aussi ? donc, et le site pour les enseignants devrait donner du matériel pour les aider.
Troisièmement, les entreprises ont eu les schémas... ont eu le plan avant qu'il soit finalisé, au mois de mai dernier ou avril dernier, ont eu ce qu'était le programme pour qu'ils fassent les manuels. Et je crois qu'il y a quelques maisons d'édition qui sont en train de fabriquer de ces manuels, et ces manuels...
Une voix: ...
M. Racine (Jacques): Plusieurs maisons d'édition. Et je pourrais peut-être laisser la parole à Roger, qui pourrait vous dire comment va se faire l'évaluation des manuels. Je pense que c'est assez important.
La Présidente (Mme Harel): Il va falloir que ça se fasse vite, parce qu'il va vous rester par la suite seulement sept minutes. Alors, M. Boisvert.
M. Boisvert (Roger): Oui. Alors, Mme la Présidente, il y a une unité au ministère de l'Éducation qui s'occupe de l'approbation du matériel didactique. Et, pour le programme Éthique et culture religieuse, cette unité-là qui est le Bureau d'approbation du matériel didactique a demandé au secrétariat de collaborer pour évaluer les aspects religieux du matériel didactique. Le secrétariat a fait appel à des spécialistes. On a une douzaine de spécialistes, 12 ou 15 spécialistes, sur toutes les traditions qui sont abordées dans le programme Éthique et culture religieuse, ce qui fait que ces spécialistes-là s'assurent de l'exactitude des informations qui sont données sur chacune des traditions religieuses. Nous faisons rapport de ça au bureau d'approbation, et ça fait partie du processus d'évaluation du matériel didactique. Il y a plusieurs maisons d'édition qui se sont lancées dans la production de matériel didactique. Il y a du matériel didactique qui est en voie d'être approuvé déjà. L'objectif du ministère, c'est que, pour la rentrée scolaire 2008, il y ait du matériel didactique d'approuvé pour chacun des cycles du primaire et du secondaire.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de Mirabel.
M. Desrochers: Oui. C'est hier, en Chambre, la ministre nous a mentionné que les manuels seraient approuvés et seraient disponibles pour le mois d'août. Donc, je pense que tout le monde peut convenir, à moins d'indication... peut-être que vous avez d'autres informations, mais je pense que, si on parle du mois d'août, je pense qu'on peut convenir que c'est un délai qui est relativement court, pour ne pas dire très court, à ce moment-là, surtout pour nos enseignants de s'approprier cette nouvelle information-là, cette nouvelle matière. On sait que nos enseignants du côté secondaire évidemment sont des spécialistes, de façon générale, contrairement à nos enseignants primaire. Je reviens un peu à la dynamique de nos généralistes.
Mais selon vous, si tel était le cas pour le mois d'août, est-ce que vous jugez qu'il serait préférable d'attendre au moins que les enseignants aient un peu plus de temps pour s'approprier le matériel didactique, là? Parce qu'on parle du mois d'août. La rentrée scolaire, on sait comment se passe une rentrée scolaire pour des enseignants, il y a énormément de travail à faire, nos enseignants généralistes doivent préparer les mathématiques, le français, et l'année scolaire commence incessamment. Donc, est-ce que vous jugez que le temps est assez... le facteur temps est assez raisonnable pour une belle appropriation?
La Présidente (Mme Harel): M. Racine.
M. Racine (Jacques): Oui. J'ai indirectement répondu à ça tout à l'heure. Mais ce n'est pas seulement pour ce cours-là que les manuels scolaires arrivent assez tardivement, et, moi, je serais très heureux si tous les manuels étaient disponibles au mois d'août et que l'on puisse prévoir en conséquence dans les milieux d'offrir quelques chances aux enseignants du primaire, dans les premiers jours de la rentrée, de pouvoir prendre... quitte à susciter une journée particulière d'échanges entre eux sur ces manuels là, toujours en pensant que... Bien sûr qu'on désire connaître tous les manuels et tout le manuel, mais c'est toujours en vue de la préparation immédiate de la classe que je vais rencontrer bientôt, avec quelque 25 étudiants, pour une année du programme.
La Présidente (Mme Harel): Alors, M. le député de Mirabel, une dernière question.
État de préparation des élèves du primaire
M. Desrochers: Je vais vous laisser... Le temps file, c'est vraiment intéressant, mais j'aimerais vous entendre sur une question philosophique. Aristote disait, il y a très longtemps, que les questions d'éthique devaient être abordées à partir du moment où un individu devait atteindre un certain niveau de connaissance, un certain âge, une certaine maturité. Est-ce que vous pensez qu'aborder des questions d'éthique à sept ans, à huit ans... est-ce que ça reflète un peu la pensée d'Aristote?
M. Racine (Jacques): Bien, je pense qu'au niveau... Aristote se situait... je suis d'accord qu'au primaire on ne fera pas ça, là. Mais... vous avez peut-être des enfants, je ne le sais pas, moi, j'en ai, je sais qu'on commence assez vite avec l'éthique avec les enfants, dans la mesure où il y en a quelques-uns dans la maison, assez rapidement on est obligé d'aborder ces questions-là. On ne les aborde pas à la façon du philosophe, mais on les aborde à la façon de pères de famille, et l'enseignant ou l'enseignante, dans sa classe au primaire, c'est un peu ce qu'elle fait. Ce que tout à l'heure madame vous disait, c'est un peu ce qu'elle fait. Il y a des classes coopératives qui fonctionnaient déjà comme ça, c'est-à-dire qu'on profite beaucoup de ce qui est en train de se passer entre les élèves pour faire la réflexion éthique. On n'est pas obligés de l'appeler «éthique», là; nous, on le sait qu'on fait ça, mais on les forme à ça.
Vous savez, il y a des gens qui disent: Il n'y a plus personne qui se préoccupe de l'éthique. Ce n'est pas vrai, là. Les gens ne mettent pas toujours le mot, mais ils ont des préoccupations que, moi, comme universitaire, je baptise «éthiques» ou «dilemmes éthiques», etc. Mais ça se pose très, très vite, ça, ça se pose très vite, et c'est bon de les aider ? et c'est pour ça que le dialogue est toujours la troisième compétence ? de les aider à se parler de ça entre eux, à échanger là-dessus, à comprendre que ce que je viens de faire, là, c'est incorrect puis ça a blessé du monde. C'est de former, ça, à l'éthique aussi. Et là tu expliques, là tu peux prendre, à un moment donné, des concepts, dans la mesure où le concept est adapté à l'âge.
Application du nouveau
programme dans le secteur privé
La Présidente (Mme Harel): Je pense qu'on aurait besoin parfois de cours d'éthique dans le Parlement. Ceci étant dit, le temps imparti à l'opposition officielle étant terminé, alors, Mme la députée de Taillon, vous allez me permettre de vous demander très rapidement la question suivante: L'enjeu d'application dans le secteur privé, qui est financé par le public, est-il le même que dans le secteur public?
n(17 h 50)nM. Racine (Jacques): Les écoles privées sont regroupées en associations, et ils ont abordé cette question-là dans un petit recueil qu'il serait intéressant de lire, là, mais, comme ce n'est pas dans notre comité, je ne l'ai pas apporté, mais ils ont évidemment abordé ça: Comment ça se pose par rapport à... et ils n'ont pas voulu... ils se sentent très à l'aise de donner ce cours, Éthique et culture religieuse. Ils se sentent très à l'aise parce que, comme je le disais, ils le donnaient déjà souvent dans les... chez les Jésuites, au Séminaire de Québec ? monsieur a été professeur là-dessus avant d'arriver au CAR; au Séminaire de Québec. Dans des collèges privés catholiques, ça se faisait en secondaire IV et V à cause du besoin des élèves. Ce qui n'empêche pas les écoles privées d'offrir un cours à côté de ça, ce cours-là, et d'offrir à côté de ça un cours d'enseignement religieux catholique, s'ils le souhaitent.
Cependant, dans ce qu'ils ont fait comme réflexion, ils ont dit qu'ils considèrent, au niveau secondaire, qu'ils aiment mieux travailler avec l'animateur à la vie spirituelle et engagement communautaire et offrir des projets aux adolescents que d'ajouter un cours sur l'éducation catholique. Donc, ils considèrent que, par rapport au cheminement dans la foi du jeune... parce que, là, je parle de catholicisme à côté du cours, hein? Ils donnent le cours, mais, à côté de ça, ils ont dit: Est-ce qu'on donne un cours? Bien, plusieurs ont plutôt opiné de dire qu'au niveau secondaire c'est mieux d'organiser des activités, de les faire participer à des mouvements, de les amener dans un monastère ou de les amener en Haïti que de rajouter un cours. Mais certains rajouteront un cours d'éducation catholique au cours sur... mais ça n'a pas posé de problème. Ça a pu en poser à quelques endroits, mais de façon générale... et l'association qui les regroupe a la position que je viens de vous décrire.
La Présidente (Mme Harel): Mme la députée de Taillon. Merci.
Enseignement aux élèves n'appartenant
à aucune confession religieuse
Mme Malavoy: Il y a un aspect que vous avez abordé, M. Racine, à quelques reprises et que je trouve important et un peu troublant. Vous dites que le groupe qui augmente le plus, c'est le groupe de ceux qui se définissent sans religion. Ce n'est pas négligeable, là, comme information. Parce qu'on assiste plutôt, dans ce qui est visible depuis ces dernières années puis avec un peu de renforcement ces derniers mois, à des prises de position, par exemple, de groupes de parents d'une foi religieuse. Mais par définition les gens qui sont sans religion ne manifestent pas et ne se regroupent pas comme un groupe sans religion; ce sont des gens qui ont des convictions personnelles mais qui ne veulent pas se référer à une religion.
C'est quoi, l'impact de ça dans tout ce dont nous avons parlé cet après-midi? Parce que... J'élimine les gens à l'extrême, là, qui ne veulent entendre parler de rien du tout ? il y en a toujours ? mais, dans ce groupe-là qui semble représenter... d'abord, j'aimerais que vous redisiez les proportions, mais qui semble représenter beaucoup de monde, comment peut-on introduire cette réflexion que nous introduisons et qui tout au moins donne accès comme faisant partie de notre culture profonde et essentielle pour comprendre la vie, la culture des religions. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus parce que je reste avec des interrogations.
M. Racine (Jacques): Deux choses: premièrement, un oubli que j'ai fait, c'est quand je vous ai dit, quand on parlait du catholicisme, du protestantisme, etc., j'ai oublié de dire qu'on avait aussi à traiter des traditions séculières et en éthique et en culture religieuse. Donc, nous devons aussi traiter... nous ne considérons pas ça comme une religion, mais pas seulement sous l'aspect non religieux. Mais c'est des gens qui sont inspirés par des philosophies, par la littérature, etc. Donc, ces traditions-là doivent être aussi traitées dans le cours d'éthique et culture religieuse. Quand je rencontre des enseignants, je leur dis toujours: N'oubliez pas cette catégorie de gens dans votre classe.
Mme Malavoy: Est-ce que ça inclut les agnostiques ou ça, c'est autre chose?
M. Racine (Jacques): Bon. Là, ça, ça inclut statistiquement les... ceux qui inscrivent, statistiquement: appartenance à aucune religion. D'où, nous, notre importance... je vous ai dit que c'était notre dossier actuel, c'est de savoir ce qui se cache là-dessous, O.K.? Nous ne pouvons pas identifier ça totalement au mouvement laïque de langue française, qui a une position mais qui est une position qui n'est pas la position de tous les non... de tous ceux qui n'adhèrent pas aux religions. Donc, pourquoi nous voulons les rencontrer? C'est que nous avons la même question que vous, nous voulons cerner, là-dedans, pourquoi des gens se disent «non-religion». Est-ce que c'est des gens qui demeurent catholiques et croyants mais qui ne veulent pas dire leur adhésion à l'institution catholique? Est-ce que c'est des agnostiques? Est-ce que ce sont des athées? Est-ce que ce sont des gens simplement qui, pour le moment, la question religieuse, ça leur importe peu? Ça peut être tout ça ensemble, et c'est pour ça que nous... Nous avons travaillé sur d'autres choses depuis un certain temps, c'est... La question, c'est qu'on a interrogé ces gens-là par le Mouvement laïque, on a la position du Mouvement laïque, mais ça ne nous paraît pas représenter tout ce phénomène de la non-religion, des gens qui se disent non religieux. Il y a un phénomène qui augmente, et nous voulons creuser cette question-là.
Mme Malavoy: Diriez-vous tout de même que dans ce groupe-là il y a au moins une ouverture à l'idée que leurs enfants suivent un cours d'éthique et culture religieuse? Comment c'est reçu?
M. Racine (Jacques): Comme je vous dis, nous sommes à l'étude, hein? Ce serait difficile... Je me prononce beaucoup moins facilement, parce que c'est pour moi un objet d'étude actuellement; pour le comité, c'est un objet d'étude, hein? Donc, l'hypothèse que nous avons, c'est que c'est diversifié, ce qu'il y a à l'intérieur de ça, et c'est qu'il y a une grande partie de ces gens-là qui sont intéressés à ce que les gens connaissent la culture religieuse et connaissent particulièrement ce qu'est notre héritage, au Québec. Donc, quand on le prend sous le côté de l'héritage, religion héritage, je pense que le plus grand nombre serait... même parmi les gens qui se disent non religieux seraient d'accord, mais avec des nuances, en se demandant bien comment qu'on va traiter le reste. Ça va? Mais j'aimerais vous répondre avec autant de précision que dans d'autres dossiers, mais c'est vraiment un dossier qui est à l'étude. Nous, ça nous a frappés en cours de route, quand on a vu que c'était le deuxième groupe le plus important, à Statistique Canada, et nous avons dit: Il faut qu'on change notre approche, qui se faisait beaucoup, comme interlocuteur avec le Mouvement laïque... qu'il faut qu'on trouve d'autres approches, il faut qu'on agrandisse notre connaissance de cette réalité-là, étant persuadés que le recensement de 2011 va appeler un certain gonflement de ça et va aussi probablement... On sait que les groupes un peu pentecôtistes sont aussi en augmentation, et, je dirais, on voit un peu les choses évoluer. Mais je pense qu'il faut qu'on continue à les regarder. C'est un peu la mission du CAR, hein, d'être attentif à cette évolution-là. Et là, à cette situation-là, dans le changement de paradigme, bien c'est ça que nous regardons actuellement, dans le changement de paradigme, comment ces gens-là se situent et est-ce qu'on les situe correctement.
Mme Malavoy: Vous préparez...
La Présidente (Mme Harel): Mme la députée de Taillon, il reste... une dernière question très rapide.
Sujets à l'étude au CAR
Mme Malavoy: Très rapide donc. Est-ce que je comprends que vous préparez un avis sur cette question, et, si oui ou si non, mais sur quels dossiers travaillez-vous pour les deux prochaines années... qu'avez-vous à l'esprit?
M. Racine (Jacques): Bon. Bien, on garde un oeil, hein, on vous l'a dit, sur Éthique et culture religieuse, là. On ne perd pas ça de vue pour les deux, trois prochaines années, là, je pense que ça, c'est clair, hein? On vous a dit qu'on regardait beaucoup cette question des «non-religion». Je dirais que là, c'est le dossier sur lequel on travaille le plus intellectuellement, en termes de recherche, etc., en termes de commencer à se faire une opinion. On n'est pas prêts pour un avis dans deux mois, là. Souvent, ces questions-là sont complexes puis, avant de se prononcer, on veut bien les étudier. Donc, on a un temps d'étude, on est dans le temps d'étude là-dessus. On a regardé le problème puis là on est en train d'étudier le problème.
L'autre question, c'est par rapport à l'article 36, on a touché la spiritualité. Mais il y a un deuxième rôle, qui est celui de la fonction communautaire de l'école, hein? Et vous avez peut-être vu dans les journaux, en fin de semaine, je pense qu'on parlait de cette fonction communautaire de l'école. Or, quand on parle de la fonction communautaire de l'école, on ne peut pas s'empêcher de dire qu'il peut aussi y avoir des relations avec des communautés religieuses, etc., parce que ça fait partie de l'aspect communautaire. Et, là-dessus, comme on est dans un changement de paradigme, il faut réfléchir à cette question-là soit en rapport avec l'animation spirituelle et l'engagement communautaire, où des fois il y a des liens, mais aussi par rapport au cours d'éthique et culture religieuse: peut-il ou ne doit-il pas y en avoir, ou etc.? C'est une question aussi sur laquelle nous avons du travail à faire.
Mme Malavoy: Alors, on se reverra pour en parler. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Harel): Alors, merci, Mme la députée. Nous allons terminer nos travaux. Et il vous reste peut-être une minute de conclusion, M. Racine.
M. Racine (Jacques): Je vous remercie beaucoup de votre accueil. Et le CAR vous remercie de l'accueil que vous faites à ce comité qui est un peu méconnu et dont les travaux sont aussi méconnus, mais nous cherchons, pour le bien de la société québécoise, à suivre l'évolution socioreligieuse du Québec, pas pour forcer les gens, mais pour que les générations les plus jeunes se sentent bien dans la société qui est en train de se faire non seulement au Québec, mais en relation avec toutes les autres.
La Présidente (Mme Harel): Alors, au nom de mes collègues, je vous remercie. M. Racine, M. Boisvert, Mme Guay, nous vous remercions pour cette importante contribution à notre réflexion. Alors, nous ajournons nos travaux. Merci.
(Fin de la séance à 18 heures)