(Onze heures deux minutes)
Le Président (M. Chagnon): Alors, je déclare la séance de la Commission de l'éducation ouverte et évidemment je demande au secrétaire s'il y a des remplacements.
Le Secrétaire: Aucun, M. le Président.
Auditions (suite)
Le Président (M. Chagnon): Je rappelle que le mandat de la commission pour cette séance est de compléter les consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 95, Loi modifiant diverses dispositions législatives de nature confessionnelle dans le domaine de l'éducation, et nous allons évidemment recevoir immédiatement les représentants des facultés des sciences religieuses des Universités Laval, de Sherbrooke et de Montréal.
Je vous répète, pour ceux qui n'étaient pas là ? et évidemment vous n'étiez pas là, les journées précédentes ? et ceux qui nous écoutent, que nous allons écouter votre exposé pour les 15 prochaines minutes. Par la suite, tant du côté ministériel que du côté de l'opposition, il y aura 15 minutes de débat avec vous. Par la suite, ce sera comme cela pour les deux autres groupes que nous recevrons, c'est-à-dire la Commission des droits de la personne et l'Université du Québec à Montréal.
Alors, peut-être que M. Marc Dumas...
M. Viau (Marcel): Oui. Si vous permettez...
Le Président (M. Chagnon): Est-ce que vous pouvez présenter les gens qui sont avec vous?
Facultés des sciences
religieuses des universités
Laval, de Sherbrooke et de Montréal
M. Viau (Marcel): Oui. Si vous me permettez, nous allons nous présenter. Alors, Marc Dumas, tout à fait à la gauche, qui est le doyen de la Faculté de théologie, d'éthique et de philosophie de l'Université de Sherbrooke; Jean Duhaime, qui est le doyen de la Faculté de théologie et de sciences des religions de l'Université de Montréal depuis deux jours; et Marcel Viau. Donc, je suis Marcel Viau, le doyen de la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l'Université Laval.
Alors, si vous permettez, on a calculé... On nous avait dit une vingtaine de minutes de présentation. On va essayer d'être très courts, ne vous inquiétez pas. Alors, je sais que vous avez déjà probablement reçu notre mémoire. Nous vous remercions d'abord d'avoir bien voulu nous inviter. Je crois qu'on a là, actuellement, une loi qui est très importante. Comme vous avez pu le voir d'ailleurs dans notre mémoire, on est plutôt favorables à cette loi et à la position du ministre.
J'aimerais rapidement vous situer un petit peu la question par rapport à la religion dans la société québécoise. Je vais reprendre quelques extraits de notre mémoire, si vous le permettez, qu'il nous semble important de souligner.
Il est important pour nous de se demander qu'est-ce que la société est devenue en regard de la religion. Je crois qu'elle est surtout marquée par le pluralisme: pluralisme des idées, des valeurs, autant que des institutions et des religions. On sait bien qu'est-ce que ça signifie concrètement, le pluralisme. C'est-à-dire que, si on veut être un petit peu caricatural, une même personne peut tout à la fois développer une sensibilité à l'égard des droits des animaux et vouloir peut-être emprisonner un enfant de 12 ans pour les crimes qu'il a commis. Du point de vue religieux, on peut avoir des gens qui ne voient aucune contradiction entre adhérer à des slogans de nouvel âge et participer à une messe des plus traditionnelles.
Le pluralisme peut être un avantage bien sûr dans une société. Il a conduit à l'adoption des chartes des droits, a garanti les libertés des minorités et a poussé au dialogue social plutôt qu'à la discrimination. Par ailleurs, le pluralisme n'est pas un phénomène purement social; il s'introduit au coeur même de l'individu, jusqu'à parfois lui faire remettre en question son identité propre. Il peut dès lors devenir destructeur de la personnalité ou, pire encore, d'un point de vue collectif, déresponsabiliser totalement l'individu face aux vastes enjeux sociaux qu'il doit affronter. Rendu à une certaine étape de développement, le pluralisme ne peut se passer d'une connaissance des principes éthiques et de l'apport spécifique des religions, faute de quoi il risque de mettre en danger les valeurs qu'il a contribué à faire naître.
La formation en éthique et culture religieuse dans le contexte du pluralisme est évidemment, nous ne le cachons pas, très complexe. Soulignons d'abord que la présentation de la religion à l'école demande plus qu'une simple description des traditions religieuses. D'abord, le risque est grand d'ainsi considérer les religions comme des objets de musée et de les étudier comme tels au moment même où ces religions jouent toujours un rôle non négligeable dans la culture mondiale. Ensuite, et le plus important peut-être, les enfants n'ont pas le recul critique nécessaire pour apprécier une telle perspective purement descriptive.
Il est impératif que la présentation des religions soit conséquente avec la manière dont sont traitées, dans la culture, les questions de l'identité personnelle et de la formation à une vision du monde. Chaque expression durable de la religion s'intéresse effectivement à ces problématiques. Pour ce faire, des passerelles entre les matières scolaires doivent être établies. L'identité personnelle et la vision du monde relèvent autant de la littérature, des arts plastiques, de la géographie et de l'histoire que de l'apprentissage d'une matière étiquetée éthique et culture religieuse. Il nous faut donc dépasser la seule instruction pour faire véritablement de l'éducation.
La religion et la spiritualité qui lui est propre demeurent des pierres angulaires d'une telle construction. Ainsi doit-on éviter une présentation de la religion dépeinte comme une simple étude en laboratoire. L'être humain, peu importe sa position face à la religion, doit composer avec les questions du sens ultime de la vie qui sont siennes tout au long de son existence. Une approche purement descriptive des religions ne pourra jamais combler son besoin de réponse à cet égard.
Dans la mise en oeuvre de ce projet de formation, il est évident que les instances universitaires seront appelées à jouer un rôle de premier plan. Quel serait donc le rôle de ces universités relativement à la nouvelle formation? La première utilisation de la clause dérogatoire, en l'an 2000, a eu l'heur de cristalliser les positions à l'égard de l'enseignement religieux confessionnel. Pour certains, cette décision avait pour but de maintenir un système qui allait dans le sens du désir de la majorité. Pour d'autres, elle sonnait le glas d'une formation qui avait fait son temps. Or, ce choix a produit des effets inattendus. L'impact principal du renouvellement de la clause dérogatoire afférent à la diminution des heures d'enseignement consacrées à l'enseignement religieux et à l'enseignement moral fut de fragiliser la profession d'enseignant dans le domaine de l'enseignement religieux confessionnel et de l'enseignement moral. Ce constat, ce n'est pas nous qui le faisons, il se retrouve dans l'avis du CAR intitulé La Formation des maîtres dans le domaine du développement personnel: une crise symptomatique.
Il a résulté de cette situation que les étudiants en formation des maîtres ne considéraient plus cette formation comme une voie d'avenir. Au moment où une pénurie d'enseignants commence à poindre à l'horizon, on ne désirait pas s'engager dans un cul-de-sac alors que s'ouvraient d'autres chemins plus prometteurs. Dans pratiquement toutes les institutions d'enseignement universitaire offrant cette formation, les admissions furent suspendues progressivement. Quelle était en effet l'utilité de maintenir des programmes qu'aucun étudiant ne voulait plus fréquenter? En définitive, on avait compris, à tort ou à raison, que la décision du ministre de l'époque n'était en fait qu'un demi-pas dans la bonne direction et que la véritable réforme ne viendrait que plus tard. En attendant ce jour, les étudiants ont décidé de s'investir ailleurs.
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(11 h 10)
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Rappelons que les objectifs du changement de cap qui s'annonce maintenant seront progressivement intégrés par tous les enseignants dans un contexte où plusieurs n'avaient retenu de la loi n° 118 que ceci: moins de religion aujourd'hui, pas d'enseignement religieux après 2005. Dès lors, il faudra porter une grande attention aux enseignants qui auront à oeuvrer dans ces domaines afin de tenir compte de leur contexte, de leur intérêt, de leur sensibilité et du portrait qu'ils ont des élèves. Un déplacement devra s'opérer chez eux quant au fait de travailler dans un unique programme d'éthique et de culture religieuse. En conséquence, il importe d'aller au-delà des contenus et des savoirs à acquérir dans le travail d'élaboration futur des programmes.
Avec leurs partenaires des domaines des sciences de l'éducation et de la philosophie, les départements et facultés de théologie et de sciences des religions des universités québécoises sont en mesure d'appuyer le projet du ministre et de contribuer à la formation d'enseignants qualifiés pour sa mise en application. En effet, tout en continuant de répondre aux besoins de leurs étudiants dans le secteur de la théologie, ces institutions ont considérablement investi d'énergie dans le développement des sciences des religions et de l'éthique. À Sherbrooke, à Montréal, à Québec, des programmes complets en sciences des religions furent créés, des centres ou instituts en éthique furent mis sur pied. Malgré les contraintes financières auxquelles font face ces institutions, elles ont pu consacrer les maigres ressources dont elles disposaient pour ouvrir de nouvelles perspectives dans ces domaines d'avenir. Or, il s'avère que les orientations de la nouvelle formation en éthique et en culture religieuse proposées par le ministre vont précisément dans le sens de ces réorientations des départements et des facultés qui offrent déjà des programmes de théologie et de sciences des religions.
J'aimerais simplement, si vous me permettez, prendre quelques minutes pour expliquer un peu, chacune d'entre nous, ce que nous serions susceptibles d'offrir pour ce programme-là. En ce qui concerne Laval, il existe déjà un profil de formation du baccalauréat en enseignement secondaire, intitulé Univers social, éthique et religion, qui habilite les enseignants à l'enseignement dans ces trois matières. Alors que nous n'avions plus aucune inscription dans nos programmes de formation en enseignement religieux confessionnel, nous avons dépassé, dès la deuxième année, le contingentement permis par la disponibilité des places de stage. Ce programme a été rendu possible grâce à la collaboration des facultés des sciences de l'éducation, des lettres, et de théologie et de sciences religieuses. Une difficulté demeure cependant, le petit nombre de places de stage disponibles ? une quinzaine ? rend impossible le financement requis de cours dédiés à ce seul programme.
En enseignement au primaire, la faculté offre une formation obligatoire de trois crédits à tous les futurs enseignants. Au cours des années, les professeurs ont développé une pédagogie qui leur permet de rejoindre les enseignants, quelle que soit leur position initiale face à la religion. Tout en travaillant avec de grands groupes, ils ont acquis une expertise qui leur permet de rejoindre chacun et chacune et de les aider à se situer dans le respect de leurs convictions et de celles de leurs futurs élèves. Ils constatent cependant qu'un unique cours de trois crédits est insuffisant pour atteindre tous les objectifs souhaités. Cela est encore plus vrai lorsque l'on se réfère au nouveau programme souhaité.
Alors, la Faculté de théologie et de sciences religieuses ainsi que la Faculté de philosophie peuvent compter sur une solide équipe d'à peu près... Il y a six professeurs d'une chaire en bioéthique et en éthique de l'environnement et surtout d'un institut, le nouvel Institut d'éthique appliquée, dont un des volets s'intitule Éthique publique et organisationnelle, dans lequel on retrouve des travaux portant sur l'éducation. La faculté peut également proposer plusieurs cours en sciences des religions, sociologie de la religion, histoire du christianisme, religions orientales. Et également on a engagé une ressource dernièrement en islam.
Je laisserais peut-être mes collègues parler un petit peu. Il ne faut pas toujours que ce soient les mêmes qui parlent. Alors, je demanderais à M. Duhaime peut-être de prendre la relève pour expliquer ce qui se fait à l'Université de Montréal.
M. Duhaime (Jean): Merci. Alors, même si on a dit que je suis doyen depuis hier, en fait j'ai été vice-doyen...
Le Président (M. Chagnon): J'ai cru comprendre que c'était avant-hier.
M. Duhaime (Jean): Pardon?
Le Président (M. Chagnon): J'ai cru comprendre que c'était avant-hier.
M. Duhaime (Jean): Non, c'est en fait le 1er juin, à minuit. J'ai été vice-doyen pendant 12 ans et responsable des programmes académiques, donc j'ai quand même une certaine connaissance du dossier.
Je dois vous dire que, chez nous, on travaille en étroite collaboration avec la Faculté des sciences de l'éducation, dont les programmes de formation des maîtres tiennent compte du contexte particulier de la région de Montréal, région métropolitaine qui a une diversité socioéconomique, culturelle, linguistique et religieuse. Alors, dans toute l'institution, pas seulement à la Faculté des sciences de l'éducation mais dans toute l'université, la question du pluralisme culturel et religieux s'est imposée, ces dernières années.
Chez nous, à la Faculté de théologie, ça s'est traduit par le développement des sciences des religions. Nous avions déjà des programmes de cycle supérieur au niveau du doctorat, en sciences des religions. Nous avons des programmes de premier cycle aussi. Nous les avons mis à jour et développés considérablement, depuis quelques années, et la faculté a inscrit ça dans son appellation même: nous sommes devenus Faculté de théologie et de sciences des religions depuis l'automne 2003. Et nous avons créé une chaire d'études, à la faveur d'une campagne de financement, qui porte le titre Religion, culture et société et qui examine ces problématiques de très près.
Aussi, à l'Université de Montréal, il s'est développé, ces dernières années, plusieurs centres d'études, trois principalement qui concernent la problématique qui nous intéresse: le Centre d'études des religions de l'Université de Montréal, qui regroupe à peu près 80 personnes qui, de toutes sortes de façons, par toutes sortes de champs disciplinaires, couvrent le champ du religieux; le Centre d'éthique de l'Université de Montréal, qui s'est développé aussi autour du Département de philosophie principalement; et le Centre d'études ethniques des universités montréalaises, dont nous sommes des partenaires et dont Jean Renaud, sociologue, est le directeur. Alors, nous avons une masse critique, là, d'intervenants et un potentiel de recherche et de formation assez intéressant à travers ces centres d'études.
Nous avons entrepris des discussions qui sont assez avancées avec la Faculté des arts et des sciences et la Faculté des sciences de l'éducation pour discuter d'un projet autour du projet d'aménagement de l'enseignement de l'éthique et de la culture religieuse à l'école, et nous proposerions, si le projet de loi est adopté, un programme de formation des spécialistes de l'éthique et de la culture religieuse sur le modèle du baccalauréat en enseignement secondaire, avec à peu près la moitié du programme consacrée à une formation à la Faculté des sciences de l'éducation et l'autre moitié du programme partagée sous la responsabilité du Département de philosophie et de la Faculté de théologie et de sciences des religions pour l'aspect éthique et culture religieuse.
Nous avons bien enregistré dans l'annonce du ministre que le volet éthique comportera une présentation de l'apport des traditions religieuses à l'élaboration des éthiques dans nos sociétés et dans nos cultures, et réciproquement que le volet culture religieuse comportera une présentation des visions séculières du monde. Je crois que ce type de programme pourrait être mis en oeuvre assez rapidement, et nous avons les ressources pour le faire, en termes, disons, de compétences, sans que cela ne nous pose de problème majeur.
Je laisse la parole maintenant à mon collègue Marc Dumas, de l'Université de Sherbrooke.
M. Dumas (Marc): Oui. Bonjour. Donc, la faculté que je représente est une faculté de théologie, d'éthique et de philosophie. Depuis environ une dizaine d'années, elle s'est reconfigurée ainsi, donc en intégrant au secteur théologique le secteur philosophique et éthique. Donc, le projet du ministre est un projet qui pour nous vient stimuler non pas simplement le secteur théologique, mais aussi le secteur de la philosophie et de l'éthique.
Je serai relativement bref pour dire que nous avons, à travers cette reconfiguration-là, développé, depuis environ 2000, deux créneaux importants: le créneau de l'éthique appliquée, avec une chaire, un centre de recherche, etc., où on pense qu'on a l'expertise pour pouvoir répondre aux quêtes de sens des gens ou aux quêtes de discernement éthique qui peuvent apparaître. Donc, je peux lire rapidement parce que c'est un peu moins mon domaine.
Plusieurs d'entre nous ont souvent le réflexe, quand on parle d'éthique appliquée, de réduire cette éthique à de la casuistique ou à une métaéthique sans la déployer dans sa véritable dimension civique. L'éthique est plus qu'une simple interrogation théologique sur le bien, elle est un questionnement, une mise en forme de nos comportements, compris dans leur dimension civique. Quel sens pouvons-nous et devons-nous donner à nos actions? Quel fondement et quelle légitimité pouvons-nous attribuer à une décision morale? Ce questionnement nous oblige à élaborer une véritable formation qui touche le jugement pratique, là où le citoyen de demain se construit, alors que les repères sont désormais pluriels. Nous croyons que l'éthique doit figurer en bonne place donc dans le programme de formation pour les enfants du primaire et du secondaire pour répondre aux exigences ministérielles. Et cette éthique devient prépondérante, puisqu'elle s'y déploie dans une triple dimension: politique, éducative et morale.
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(11 h 20)
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Le second créneau, qui est celui aussi de la FATEP, c'est le créneau de ce qu'on appelle le religieux contemporain. Nous sommes en train de restructurer nos études supérieures avec ce créneau-là. Et le créneau veut, d'une certaine manière, analyser, par des regards croisés, le religieux contemporain, donc un regard qui associe les sciences humaines des religions, la théologie au développement du religieux dans nos sociétés ou dans notre société. Donc, ce qui est intéressant, c'est d'aller voir comment, par exemple, les mouvements nouvel-âgistes, ou les religions traditionnelles, ou les nouvelles quêtes spirituelles, etc., se manifestent, et développer une analyse critique de ces développements qui sont dans la société. On s'était peut-être imaginé, il y a quelques décennies, que le religieux disparaîtrait, mais le religieux refait surface de toutes sortes de façons. Donc, un de nos créneaux en développement serait d'analyser cette résurgence ou cette quête du religieux chez les contemporains.
Nous avons aussi, du côté du secteur des sciences humaines des religions, un professeur qui, depuis une trentaine d'années, collabore dans le réseau pour développer le programme de culture religieuse. Il a même eu des projets pilotes dans certaines écoles montréalaises pour tenter de développer cette approche. Alors, on se dit en même temps heureux de l'avoir encore parmi nous pour pouvoir faciliter le passage vers le nouveau programme.
Donc, concrètement, nos programmes répondent... ou reflètent ces deux créneaux. Notre baccalauréat en philosophie a une mineure en éthique. Il est très sensible aux approches séculières et il pourra offrir ces expertises. Le bac en théologie intègre les volets des sciences humaines des religions, de l'accompagnement spirituel, au sens large du terme, et de la théologie qui, elle, peut être encore le témoin de l'héritage québécois de même que des déplacements religieux que connaît notre société. Nous avons déjà des collaborations aussi avec la Faculté d'éducation en vue de préparer un programme apte à rencontrer les nouvelles exigences du ministère. Une formation continue pour les maîtres serait à souhaiter. Et nous souhaitons finalement ? avant de repasser la parole à mon collègue ? que vous reconnaissiez nos compétences que nous pouvons participer à la mise en forme de ces programmes et que nous pouvons offrir effectivement ce qui va permettre à la loi et au programme de former des jeunes citoyens dans la cité.
Alors, je passe la parole à Jean.
M. Duhaime (Jean): Merci.
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, mais vos 15 minutes sont largement dépassées. Mais le temps du ministre... On peut toujours continuer. Il semble que gracieusement il fasse part de son temps. Alors, on continue.
M. Duhaime (Jean): Bien. En fait, très rapidement, ce que nous disons dans la section qui s'appelle Les suites à donner, c'est qu'il y a un certain nombre de choses qu'il faut préciser si on veut pouvoir implanter ces nouveaux programmes dans les échéances que prévoirait le recours à une dérogation jusqu'en 2008. Alors, première chose, c'est qu'il faudrait déterminer clairement quelles seront les exigences de formation pour les enseignants du primaire. Est-ce qu'elles seront les mêmes que pour ceux du secondaire? Nous, nous souhaitons que oui, mais, si ce n'était pas le cas, il faudrait que ce soit précisé assez rapidement. Par ailleurs, il faudrait aussi s'assurer, dans les trois facultés que nous représentons, qu'il y aura un contingent de formation, un contingent d'étudiants à former qui sera suffisant pour que les programmes soient rentables. Compte tenu de la situation de nos universités et en particulier de nos facultés dans nos universités, on ne peut absolument pas se permettre d'avoir des programmes qui seraient déficitaires, et ce serait compromettre la réforme si on n'est pas capables de maintenir les programmes de formation pour les enseignants.
En terminant là-dessus, nous disons que nous soutenons clairement le ministre dans sa démarche. Nous estimons qu'il s'agit d'une clarification importante de la situation qui va stabiliser tout le domaine pour une longue période et qui va être bénéfique pour l'ensemble des Québécois et Québécoises de toute origine, religion et culture.
M. Viau (Marcel): Simplement pour terminer ? parce que je tiens beaucoup à terminer par le dernier petit paragraphe ? j'aimerais rappeler au ministre l'importance de prévoir le financement adéquat réservé à la poursuite de ce projet de réforme, et cela, dès le début du processus. C'est de bonne guerre, n'est-ce pas? Sans nul doute, il nous faut éviter de faire naître dans la population des attentes auxquelles nous ne nous serions pas donné les moyens de répondre comme société, comme ce fut malheureusement le cas lors de la mise sur pied du Service d'animation spirituelle et d'engagement communautaire.
Nous vous remercions beaucoup. Nous nous excusons d'avoir été un peu longs et nous serions prêts à répondre à vos questions.
Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, M. Dumas. M. le ministre.
M. Fournier: Merci, M. le Président. Messieurs, merci d'être avec nous. Et bien sûr le dernier paragraphe aurait manqué s'il n'avait pas été inclus à votre présentation. Je ne vous dis pas qu'on ne s'en serait pas doutés, de toute façon, mais pourquoi ne pas être clair quand c'est possible de l'être? Alors, je vous remercie. Je comprends bien que la teneur de votre mémoire est à l'effet de soutenir et la démarche et les délais qui sont impartis pour le faire.
Quelques précisions. Je sais que vous notez à quelque part l'importance d'aller chercher l'appui des enseignants, entre autres ? ça tombe sous le sens ? autant pour la préparation qui doit être faite que pour l'implication de ceux-ci dans la démarche. Je l'ai déjà dit hier, elle me semble importante, surtout dû au fait qu'on part d'une situation ? vous avez parlé de l'instabilité, là ? où le mode organisationnel fait que ça ne fonctionne pas vraiment. Alors, à partir de là, si on fait un correctif sur le fond, il faut aussi s'intéresser à ceux qui vivent le mode organisationnel d'aujourd'hui puis essayer de leur faire comprendre que ça va être un changement d'histoire, que ce ne sera plus le même scénario et donc que ça vaut la peine d'embarquer, ce n'est pas la même chose. Et on s'est déjà fait dire d'être le plus loquaces possible sur la question, pour inciter justement à ce que tout le monde comprenne bien le message.
Un petit détail. Dans le mémoire que vous nous écrivez, à un moment donné, vous nous dites juste ceci, comme une espérance. À la page 5, vous dites: «Les diverses religions pourraient également favoriser l'adhésion de leurs membres à ce projet éducatif.» C'est toujours dans une optique d'aller chercher le plus de monde et de démontrer qu'il s'agit de quelque chose d'intéressant. Alors, vous dites que les diverses religions pourraient favoriser l'adhésion de leurs membres. C'est intéressant de noter un passage de l'Assemblée des évêques, hier, dans son mémoire, qui écrivait ceci, dans une espèce d'appui suspensif, que j'appelais. Ils disaient: «Nous pourrons accorder notre soutien à ce programme et inviter nos fidèles à y reconnaître une évolution positive dans la mesure où le gouvernement saura donner suite aux orientations prometteuses qu'il contient tout en évitant les risques sur lesquels nous avons cru nécessaire d'attirer l'attention.» Bien sûr, il y a des éléments sur lesquels ils attirent notre attention, mais essentiellement ils répondent exactement au souhait que vous formulez, et, venant de l'Assemblée des évêques, donc pour qui il y a un changement plus important que pour d'autres confessions, de voir cette avancée-là, moi, je considère que c'est très porteur.
Il y a eu quelques groupes qui sont venus nous voir. Il y en a un... et j'ai eu l'occasion de poser... à quelques reprises... Mais, comme vous en parlez justement dans votre mémoire, des impacts du pluralisme religieux, et vous parlez de la possibilité de confusion à l'égard du pluralisme, c'est le pluralisme non compris qui entraîne la confusion ou le pluralisme compris qui entraîne la confusion? Je suis un peu mal pris. Je pose la question. Un groupe est venu nous dire que le pluralisme connu peut entraîner de la confusion parce qu'on en connaît peut-être un peu trop finalement et que ça nous fait perdre nos bases. Alors, il y aurait le pluralisme compris et le pluralisme non compris, et là on arrive à des conclusions différentes. Pouvez-vous me dire ce que le pluralisme compris permet d'éclairant, alors que celui qui serait très limité entraîne peut-être des certitudes qui ne sont peut-être pas aussi fondées que celles qui seraient volontairement acceptées?
M. Viau (Marcel): Bien, je ne dirais pas les choses de cette façon-là, quant à moi. Je crois que mes collègues seraient d'accord. Vous parlez de pluralisme compris ou pas compris. Le pluralisme est un fait, c'est une réalité, nous vivons dans cette société qui est pluraliste. Et, nous, nous sommes d'accord pour dire que pour nous ce n'est pas un mal, c'est un bien, c'est un plus, c'est un avantage. C'est l'avantage de vivre dans une société démocratique comme la nôtre. Oui, c'est un bien. Ce sur quoi on met en garde peut-être les enseignants, les ministres et la société en général, c'est plutôt le fait que l'individu doit se sentir tout à fait bien structuré à l'intérieur de ça. Parce qu'un pluralisme où l'individu se sent seul, ne sent plus de repère, ne voit plus de repère, ça risque fondamentalement de faire éclater une société, en d'autres termes.
Bon, les repères peuvent se donner de multiples façons, quant à nous. Je veux dire, ils peuvent se donner par la religion, ça peut se donner aussi par une bonne structure philosophique, par une bonne structure éthique, et là il n'y a aucun problème pour nous. Mais il faut bien s'attarder au fait que l'individu, dans nos sociétés, est un individu qui se sent seul, qui se sent complètement dépassé par l'ensemble de la complexité du monde dans lequel il vit, ce qui n'était pas nécessairement le cas il y a 30 ou 40 ans, au Québec, où alors on sentait une espèce de structure idéologique qui maintenait tout ça de façon un peu factice, peut-être. Mais, aujourd'hui, on ne sent plus ça. Donc, les valeurs, on ne sait plus trop, on ne sait plus comment.
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(11 h 30)
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Nous, l'important, je pense, c'est que le jeune puisse sortir de l'école, après le secondaire, en se disant: Oui, je suis capable d'affronter cette société-là complexe et, oui, la religion peut ou peut ne pas être une instance, un lieu où je peux me donner ces balises-là pour affronter cette société-là.
M. Fournier: Quand je parlais du pluralisme compris ou non compris, c'est parce que le pluralisme existe, mais on a le choix: soit qu'on met de l'emphase dessus et on l'explique, et donc, une fois expliqué, il est compris, ou bien on ne l'explique pas, il est non compris. Il existe quand même, mais on le comprend moins. Les parents qui souhaitaient le renouvellement de la clause dérogatoire nous mettaient sur la piste que de donner des explications à l'égard du pluralisme n'allait pas nécessairement entraîner une compréhension, mais plutôt une confusion. C'est pourquoi je vous mets sur cette piste-là. Bon, vous me ramenez avec l'ancrage identitaire.
Est-ce que, lorsqu'on met dans notre proposition l'importance de partir de la réalité du jeune, de ce qui est son environnement immédiat, de ce qui est prépondérant dans ce qu'il peut voir et d'évoluer en progression à partir de là, c'est susceptible de lui donner une certaine base pour pouvoir accepter, recevoir les notions de pluralisme et le faire correctement? Est-ce que c'est une des pistes?
M. Dumas (Marc): Oui, moi, je pense que c'est une piste. Effectivement, il faut tenir en tension l'identité de la personne, l'identité qui est en construction, le jeune qui va être... Mais le jeune, aujourd'hui, sur Internet, il est mis en contact avec ce pluralisme. Il vit, même à l'intérieur de sa famille ou de son propre cheminement, de sa vie, ce pluralisme-là. Le pluralisme, ce n'est pas simplement des gens avec des signes religieux particuliers ou des attitudes, on le vit, chacun de nous, en revenant à la maison. On voit toutes sortes de choses qui nous confrontent à ce pluralisme-là, à ce pluriel, à cette pluralité.
Ce qui peut être le danger, d'après moi ce serait de vouloir avoir une quête identitaire qui nous replie sur nous-mêmes et qui nous empêche d'avoir cette ouverture à l'autre, l'ouverture à l'autre qui est fondamentale pour vivre en société. Je ne vis pas dans un bois, je vis dans une ville, je vais dans un village, dans un campagne ou... mais je ne vis pas isolé. Et je pense que cette tension entre comment donner des balises, comme disait Marcel, comment donner des balises pour que les jeunes, au sortir de leurs études, aient un certain nombre de repères pour éviter aussi de démoniser l'altérité, démoniser les autres, démoniser ceux qui pensent différemment... Et je pense que, là, le programme ou les programmes qui pourraient être présentés permettraient aux jeunes d'être initiés ? parce que vous parlez d'initiation plus que de formation pure et dure, là, au sens large ou en tout cas très extensif ? pourraient permettre aux gens d'avoir des balises et d'avoir un peu moins peur face aux réalités plurielles qu'ils rencontrent. Voilà. C'est une réponse, en tout cas une première partie.
Le Président (M. Chagnon): Une dernière question, M. le ministre?
M. Fournier: Oui. Tantôt, vous avez parlé de la nouvelle pratique religieuse, qu'à un certain point il y a eu une diminution, et vous décelez une nouvelle ferveur. Je ne sais pas si j'exagère avec le mot «ferveur». En tout cas, c'est vraiment une nouvelle pratique. C'est un peu ce que vous nous disiez tantôt. Et là on est sur la piste de l'importance pour le jeune... Vous avez parlé de sa famille et de son environnement, tout ça. Qu'est-ce que vous voyez comme développement sur la pratique? Et là je sors de l'école, mais je sors de l'école pas parce que je veux sortir de l'école, mais le jeune qui nous intéresse, dans sa formation, lui, il sort de l'école à un moment donné. Il rentre dans son quartier, il est dans des clubs sportifs, il est dans sa famille. Comment vous voyez cette nouvelle pratique qui pointe à l'horizon? C'est à l'égard de confessions traditionnelles, par exemple catholique pour nous, ou bien c'est des nouvelles confessions et des nouvelles pratiques? Autrement dit, une fois qu'on a une opportunité comme celle-ci de brasser les cartes à l'égard de l'éthique et du religieux, au Québec, est-ce que cela amène des effets dans la pratique, que ce soit de la pratique traditionnelle ou bien une pratique nouvelle? Mais est-ce que, oui, c'est une opportunité?
Deux, qu'est-ce que vous voyez à l'égard de la tendance actuelle qui pourrait se produire à l'égard des pratiques familiales, par exemple?
M. Dumas (Marc): Vous me posez la question, donc je vais y répondre. Ce qu'on se rend compte, c'est que d'une certaine façon on avait avant un bloc monolithique, religion catholique francophone, anglophone, d'autres types de religions, etc. Ces cartes-là se sont toutes effondrées depuis, disons, Vatican II ou la Révolution tranquille, et le pluralisme fait que nous avons le choix de choisir énormément d'opportunités. Et ce qu'on peut observer, c'est que la tendance à vouloir dire: Il n'y a plus de catholicisme, il n'y a plus de pratique, ce n'est pas vrai. Il y a des gens qui tiennent mordicus à leur pratique religieuse dominicale. Mais, à côté de ça, il y a énormément de gens qui ont pris une distance face aux institutions ? aussi politiques, hein, vous le savez ? et, face à cette distanciation institutionnelle, vont chercher ailleurs des façons de vivre ce que j'appellerais peut-être, au sens large, des quêtes spirituelles ou quêtes de sens. Ça peut se retrouver...
J'étais en auto pour m'en venir ici, là. On parlait de numérologie. Donc, il y a une espèce d'éclatement du religieux et une recomposition du religieux de toutes sortes de façons, et je pense que, dans le programme, il faudrait aussi sensibiliser les gens pas simplement aux grandes traditions, je dirais, instituées, comme la foi chrétienne, l'islam, etc., mais qu'on ait aussi une certaine sensibilité pour avertir... ou initier ces gens aussi à ces mouvements religieux qui émergent dans la société contemporaine ou occidentale au sens large, qui sont aussi une des conséquences du pluralisme, hein? On parle de l'Asie, on parle... Alors, toutes ces choses-là interviennent, et d'après moi il faut d'une certaine manière avoir des espaces pour ? comment je dirais ça? ? pour réaliser que ce religieux, il n'est pas simplement institué. Donc, il faudrait que, dans le programme, on ait des balises, des cartes pour être capables de mieux cibler... Parce qu'il y a du religieux qui peut être très libérateur, et, moi, je pense que le religieux devrait être libérateur. Mais il y a du religieux destructeur aussi. Un de mes maîtres dirait «démonique». C'est-à-dire qu'il est destructeur, ce religieux-là, et on en voit souvent, malheureusement, ses faces, oui.
M. Fournier: C'est pour ça que vous avez tantôt utilisé le mot «avertir», et vous avez choisi «initier», et ensuite il y avait, chez vous, un désir... Il y a un élément d'alerte dans ce que vous souhaitez que le cours comporte?
M. Dumas (Marc): D'alerte ou de...
M. Fournier: Ou d'avertissement? En tout cas, certainement, il y a...
M. Dumas (Marc): Bon, on pourrait parler, en termes classiques, de discernement, parce que nous sommes confrontés... nous sommes invités à toutes sortes de... nous avons une offre du religieux qui est énorme par la littérature, encore là par Internet ou par d'autres médiums. Et je pense que, si on est capables de donner quelques balises aux jeunes, ce sera probablement pour le mieux. Vous savez qu'il y a des trucs complètement destructeurs qui sont aussi dans des groupuscules, dans nos régions ou ailleurs, hein?
Le Président (M. Chagnon): Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à mon tour à notre commission, au nom de ma formation politique. Je vous remercie pour la réflexion que vous nous apportez d'entrée de jeu dans votre mémoire. Ça rejoint évidemment d'autres préoccupations qui nous ont été présentées ici, depuis le début de nos travaux, et ça rejoint aussi autant nos interrogations que, sinon nos inquiétudes, du moins nos espoirs et nos désirs.
Moi, je veux revenir sur quelque chose de très précis et concret. Il y a des groupes qui sont venus nous dire, entre autres ? et ils étaient préoccupés par cela ? qu'il fallait faire selon eux une distinction très claire entre l'éthique et la culture religieuse. Je pense, entre autres, à la Centrale des syndicats du Québec qui nous a apporté ce point de vue là, et c'était assez intéressant de les entendre. J'aimerais savoir si vous avez réfléchi à cette question ? enfin vous l'abordez, donc vous y avez sûrement réfléchi ? et comment vous voyez cela, de votre point de vue et à partir des connaissances que vous possédez.
M. Duhaime (Jean): Moi, je peux dire quelques mots là-dessus.
Le Président (M. Chagnon): M. Duhaime.
M. Duhaime (Jean): Dans nos discussions avec les gens du Département de philosophie, qui ont le leadership de l'éthique chez nous, le directeur du département a commencé d'entrée de jeu en nous disant que, pour un certain nombre de ses collègues, parler d'éthique séculière, c'est un pléonasme. Mais on lui a vite fait remarquer que les grandes valeurs éthiques qui ont forgé nos sociétés sont d'inspiration religieuse et que les religions contribuent encore largement au comportement éthique et à la détermination des valeurs des personnes religieuses. Alors, nous sommes dans une situation où les choses ne sont pas aussi simples que le syndicat voudrait bien le souhaiter, hein?
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(11 h 40)
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Il faut, lorsqu'on présente des traditions religieuses, mesurer et présenter l'impact des croyances et des traditions religieuses sur le comportement moral des gens. De la même façon, lorsqu'on parle de visions séculières du monde, les éthiques séculières sont inspirées de certaines valeurs, de certaines philosophies qui les sous-tendent, et il faut être en mesure de présenter ça. Et par ailleurs il n'y a pas des éthiques séculières coupées de cette espèce de quête de sens, et de recherche d'accomplissement de soi, et de réalisation d'une société dans laquelle il y a un bien-être pour tout le monde. Alors, quand on parle de culture religieuse, si on veut centrer ça essentiellement et exclusivement sur les visions du monde et le sens du monde que les traditions religieuses proposent, et laisser complètement de côté les philosophies et les sagesses qui essaient de réfléchir sur un sens du monde sans références religieuses, là aussi on se fourvoie complètement. Ça ne reflète pas l'histoire, ça ne reflète pas la réalité et ça rendra impossible, je crois, à toutes fins pratiques, d'atteindre les objectifs qu'on recherche, qui sont de favoriser, dans notre société, l'intégration, de façon respectueuse, de gens qui ont des croyances religieuses et des éthiques inspirées de ces croyances-là et des gens qui ont des visions séculières du monde et des éthiques conséquentes, hein? Et je pense que, de ce point de vue là, la formation à la citoyenneté et au respect des options religieuses ou non va jouer un rôle capital dans le nouveau programme.
Mme Marois: Oui? Je pense que vous voulez ajouter un mot.
Le Président (M. Chagnon): Monsieur... M. Viau, c'est-à-dire.
M. Viau (Marcel): Oui, c'est ça. Oui. Alors, je pense aussi qu'on est un peu pris dans un contexte où il y a des vestiges d'un ancien système où, par exemple, l'éthique s'était faite un peu en contre-position avec la religion en disant: Bon, c'est une façon séculière de voir l'aspect religieux. Et là on bascule dans un tout nouveau système où vraiment ces deux concepts-là sont mis ensemble ? ils ont des objectifs différents ? mais où ils sont mis ensemble.
Je pense que, là, il va falloir vraiment prendre soin de nos enseignants là-dessus. Je pense que c'est eux qui vont être le fer de lance, là. C'est eux qui vont avoir à faire ce basculement. Et je ne sais pas encore comment on va faire pour former ces enseignants-là en disant: Vous savez, vous n'êtes plus dans un ancien monde, vous êtes dans un nouveau monde où ces deux domaines-là sont ensemble mais ont des objectifs différents en étant ensemble. Et là bien je pense qu'il va falloir vraiment prendre soin de tout ce qui va se développer dans les programmes, en ce qui nous concerne, pour les universitaires, dans les programmes qui vont nous permettre de former nos enseignants.
Mme Marois: D'accord. Bien, ça m'amène sur ce terrain-là, ce que vous abordez. Mais, avant de le faire, par contre, et par rapport à la distinction qu'on fait entre éthique et culture religieuse, je comprends bien votre explication et votre analyse, mais certains philosophes, si je comprends bien, que vous avez même consultés, eux prétendent qu'éthique se conjugue au séculier et pas autrement. Donc, il y a quand même des thèses différentes qui existent et qui vont, j'imagine, influencer et inspirer éventuellement le programme et son contenu.
Mais, puisque vous abordez cette question de la formation et des enseignants, bon vous faites référence évidemment, dans chacune de vos universités, à ce que vous offrez déjà et ce que vous faites. Moi, j'aimerais que vous nous parliez des expériences vécues jusqu'à maintenant, de collaboration avec les facultés, écoles ou départements d'éducation. Et comment jusqu'à maintenant les expériences vécues peuvent-elles être garantes de la suite des choses pour mieux préparer les enseignants à prendre la relève, autant dans la formation initiale bien sûr que dans la formation continue? Je ne sais pas si chacun de vous veut expliquer un peu comment ça se passe ou si vous voulez présenter une synthèse, mais j'aimerais vous entendre sur ça.
M. Viau (Marcel): Oui, bien...
Le Président (M. Chagnon): M. Viau.
M. Viau (Marcel): Pardon. Une synthèse, ce serait peut-être un peu difficile parce qu'on a des...
Mme Marois: Oui, chacun, vous avez des façons de faire différentes.
M. Viau (Marcel): Oui, on a des situations extrêmement différentes. Mais, ce matin, j'étais justement avec le doyen des sciences de l'éducation de l'Université Laval. On a eu une rencontre à cet effet-là. Je pense qu'il est venu vous rencontrer hier.
Mme Marois: Oui, on a eu un excellent échange avec ce dernier, avec M. Simard.
M. Viau (Marcel): Oui, et on a partagé nos mémoires respectifs et nous étions fondamentalement d'accord là-dessus. Nous avons, entre autres, une expérience qui est assez intéressante. Le B.E.S. a été un peu restructuré en fonction de... je ne sais pas par quelle magie ou par quel esprit.
Mme Marois: Là, vous allez nous aider un petit peu. Les acronymes, on y est habitués, mais enfin...
M. Viau (Marcel): Le baccalauréat en enseignement secondaire.
Mme Marois: D'accord. Merci.
M. Viau (Marcel): Donc, la formation pour les enseignants au secondaire. Pardonnez-moi.
Le Président (M. Chagnon): Ça peut dire d'autre chose aussi, hein?
M. Viau (Marcel): O.K.
Mme Marois: Non, non, ça va. On le savait, mais en même temps je pense que c'était intéressant de...
M. Viau (Marcel): Oui, oui, oui. D'accord. Alors, le baccalauréat en enseignement secondaire, où c'est probablement le plus clair, là, a été restructuré il y a quelques années, et, comme par magie, ça ressemble beaucoup à ce qui est proposé par le ministre actuellement, et ça fonctionne, ça fonctionne. D'abord, on a beaucoup d'étudiants, alors qu'on n'avait plus d'étudiants, pratiquement plus. On a pratiquement été obligés de fermer le programme en enseignement religieux. Là, on a beaucoup d'étudiants qui s'investissent dans cette nouvelle formation. Et ça fonctionne bien également dans nos rapports avec la Faculté des sciences de l'éducation qui ont bien compris la place que nous pouvions prendre là-dedans et qui nous font confiance également. Alors ça, ça peut être intéressant.
Là où ça reste un petit peu problématique ? mais ça ne peut pas faire autrement ? c'est le B.E.P.P., le bac en enseignement au préscolaire et primaire, parce qu'on a une autre situation, c'est qu'on forme un généraliste et non un spécialiste. Mais quant à nous, depuis quelques années, les relations sont excellentes entre nos deux facultés.
Mme Marois: D'accord. Est-ce qu'il y a de vos collègues qui voudraient ajouter quelques mots sur ça?
Le Président (M. Chagnon): M. Dumas? M. Duhaime?
M. Duhaime (Jean): Oui. À l'Université de Montréal, bon, d'abord, je rassure tout de suite Mme Marois, les gens du Département de philosophie, il y en a effectivement un certain nombre qui préconisent une éthique purement séculière. Mais nous avons négocié un compromis qui est satisfaisant pour tout le monde. Et, avec les sciences de l'éducation, nos rapports sont excellents, sauf que, depuis le chaos qu'on connaît en enseignement religieux et moral, ils sont à peu près inexistants. Alors, ce qu'il en reste est...Mme Marois: C'était devenu très problématique.
M. Duhaime (Jean): Oui, oui. Tout à fait.
Mme Marois: Et, ce qui est problématique actuellement, plusieurs des représentants des milieux scolaires nous ont dit comment c'était difficile d'offrir les options parce qu'ils n'avaient pas les gens pour les offrir. Alors, c'étaient des fins de tâche d'autres profs qui n'étaient pas nécessairement préparés à faire ça.
M. Duhaime (Jean): Tout à fait. Chez nous, à toutes fins pratiques, l'option n'est plus offerte pour l'enseignement secondaire, faute de clientèle. Par ailleurs, dans l'élaboration du programme qui est sur la table, à toutes fins pratiques, pour nous, sauf quelques ajustements, là, avec les gens de la Chaire sur les milieux ethniques, dans l'ensemble, le programme est ficelé, et ça s'est fait sans aucune difficulté, et les collaborations en termes de personnel, chargés de cours ou professeurs qui seraient prêtés pour un cours ou l'autre et qui collaboreraient pour un même cours, tout ça ne pose aucun problème. Il y a une longue tradition de collaboration, de ce point de vue là. C'est vraiment une question de contingentement qu'il faut régler.
Mme Marois: Oui, c'est ça. Et dans quel sens?
M. Duhaime (Jean): Bien, dans le sens que d'abord il faut avoir une situation claire, il faut avoir un même curriculum qui est proposé pour tout le monde, et pas une panoplie d'options qui vont fragmenter la clientèle et les enseignants dans les écoles. Par ailleurs, il faut aussi qu'en termes de lieux de formation on évite aussi de fragmenter complètement la clientèle en offrant ces options, ces programmes dans tout le réseau des universités au Québec. Il faudra cibler un certain nombre...
Mme Marois: Est-ce que vous pensez être capables d'y arriver?
M. Duhaime (Jean): Bien ça, ce sera à négocier, ça aussi.
Mme Marois: D'accord. Parce que je me souviens d'autres débats dans une autre vie où j'avais abordé ces questions-là. Mais elles sont réelles, et je pense que, si on veut former des cohortes et avoir un nombre suffisant d'enseignants dans ces cohortes, il faudra qu'il y ait une certaine concertation. Enfin, je me permets de faire cette remarque.
M. Dumas (Marc): Pour Sherbrooke, les collaborations sont plutôt à venir, parce que, depuis plusieurs années, nous n'offrons pas de programme, nous n'offrons pas de section dans la formation du B.E.S. Il y avait des professeurs qui collaboraient de façon très ponctuelle. Alors, hier, j'ai rencontré la doyenne de l'éducation justement pour lui dire qu'il faudrait que ça change un petit peu et qu'on réussisse à créer vraiment des collaborations. Je crois que la table est mise pour qu'on puisse, à l'intérieur de ce projet de loi et de ces programmes, réinvestir, de façon commune, l'aspect formation didactique et disciplinaire.
Et là il faudrait reconnaître d'une certaine manière la mission disciplinaire de nos facultés. Et, si ça, c'était dit, là, M. le ministre, ce serait très intéressant pour m'aider à avoir vraiment un espace dans cette collaboration qui doit être faite, parce qu'évidemment je n'ai pas la maîtrise d'oeuvre, comme on dit dans le jargon. Mais, si cette maîtrise d'oeuvre était partagée ou elle était reconnue comme faculté de théologie, d'éthique et de philosophie... Les ressources sont là et les clientèles sont à côté. Voyez-vous la tension qu'on vit? Alors, ce serait facilitant pour tout le monde si on pouvait noter, nommer, insinuer l'importance de nos facultés dans cette formation qui s'en vient.
Mme Marois: Je vous remercie.
n(11 h 50)nLe Président (M. Chagnon): Alors, merci beaucoup, Mme la députée. Alors, encore une fois, bien, merci, MM. Dumas, Duhaime et Viau, pour votre participation à cette commission. Et j'inviterais maintenant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse à s'approcher presque à la barre, je pourrais dire.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Chagnon): Bienvenue, M. Bosset et Mme Pothier. Vous connaissez les règles de fonctionnement, c'est-à-dire que vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire, si vous en avez besoin, et après...
Une voix: On a un document.
Le Président (M. Chagnon): Il y a un document qui vient d'être déposé, alors nous allons vous transmettre le document. Alors, nous allons vous écouter tout de suite.
Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse (CDPDJ)
M. Bosset (Pierre): Merci, M. le Président de la commission. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, comme vous le savez, les membres de notre commission sont nommés par l'Assemblée nationale sur la proposition du premier ministre. La commission a pour mission de veiller au respect des principes de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, qui est une loi fondamentale, de nature constitutionnelle, adoptée en 1975.
Le législateur nous a confié la responsabilité d'analyser les textes législatifs pour vérifier leur conformité à la charte et de faire au besoin les recommandations qui s'imposent. C'est donc à ce titre que je présente, ce matin, les observations de la commission sur le projet de loi n° 95. Pour ce faire, je suis accompagné de la directrice de l'éducation et de la coopération, Mme Nicole Pothier.
Le président de la commission m'a demandé de vous dire qu'il regrette d'être absent. Il a insisté pour qu'en son nom je vous rappelle qu'un des deux postes de vice-président de la commission reste vacant depuis 14 mois, et ce, malgré des demandes répétées. Et cela s'ajoute au fait que l'autre vice-présidente rentre d'un congé de maladie prolongé qui a privé la commission de ses services pendant sept mois.
D'entrée de jeu, je souligne la satisfaction de la commission devant le contenu de ce projet de loi. En effet, celui-ci donne suite aux recommandations formulées par la commission depuis 1983 ainsi que par de nombreux autres intervenants. Il marque l'aboutissement logique et nécessaire d'un processus historique qui aboutira, nous l'espérons, à un régime pleinement respectueux des droits et libertés des élèves.
La place de la religion à l'école est un élément d'une problématique plus générale, celle des rapports entre l'État et les religions. Deux principes fondamentaux reconnus par la charte sont en jeu: ce sont le respect des libertés de conscience et de religion, d'une part, et, d'autre part, le respect du droit à l'égalité. Une autre variable entre en jeu, celle des droits des parents en cette matière. Enfin et surtout, parce qu'il s'agit du coeur du débat, il faut rappeler les principes qui encadrent le recours aux clauses dérogatoires. J'aborderai ces quatre aspects tour à tour avant de formuler les observations qui s'imposent sur le projet de loi.
Rappelons d'abord la portée des libertés de conscience et de religion. L'article 3 de la charte du Québec prévoit que toute personne est titulaire des libertés fondamentales, dont la liberté de conscience et la liberté de religion. Ces libertés figurent parmi les dispositions de la charte qui ont préséance sur l'ensemble de la législation, sauf en cas de dérogation explicite.
Pour l'individu, la liberté de religion comporte d'abord une dimension positive, c'est-à-dire que l'individu est libre de croire ce qu'il veut mais aussi de professer ses croyances, et une dimension négative, c'est-à-dire que personne ne peut être forcé, directement ou indirectement, d'embrasser une conception religieuse ou d'agir contrairement à ce qu'il croit.
Pour l'État, la liberté de religion comporte un autre élément qui est relatif à la nécessaire neutralité de celui-ci par rapport à la diversité des religions. En effet, l'État a l'obligation d'être neutre en matière religieuse, c'est-à-dire de ne pas privilégier ou défavoriser une religion par rapport à d'autres. Ces deux éléments de la liberté religieuse, donc liberté de l'individu et neutralité de l'État, sont le point de départ obligé de toute réflexion sur la place de la religion à l'école.
Ils sont complétés par un autre principe fondamental, également reconnu par la charte québécoise, le droit à l'égalité. L'article 10 de la charte prévoit que toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la religion. Cet article doit être lu bien sûr avec une autre disposition de la charte, l'article 40, qui reconnaît le droit à l'instruction publique. En principe, donc, toute discrimination fondée sur la religion dans l'exercice du droit à l'instruction publique va à l'encontre de la charte.
Quelques précisions maintenant sur les droits des parents en matière d'enseignement religieux. L'article 41 de la charte reconnaît aux parents le droit d'exiger que, dans les établissements d'enseignement publics, leurs enfants reçoivent un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions dans le cadre des programmes prévus par la loi. Par l'étendue des obligations qu'il vise à imposer à l'école publique, cet article se démarque sensiblement des dispositions correspondantes qu'on trouve dans les textes internationaux sur les droits de la personne, par exemple l'article 18 du Pacte international sur les droits civils et politiques, qui se lit ainsi: «Les États parties au [...] pacte s'engagent à respecter la liberté des parents [...] de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions.» Fin de la citation.
Comme on le constate, le pacte ne reconnaît aucun droit d'exiger que les établissements publics dispensent un enseignement religieux. La liberté reconnue par cet article est avant tout une liberté négative, celle de ne pas subir d'endoctrinement. C'est d'ailleurs ce qu'a rappelé le Comité des droits de l'homme des Nations unies en examinant les rapports périodiques soumis par le Canada et le Québec, qui sont bien sûr partie au pacte. Le comité s'est exprimé ainsi: «Le paragraphe 4 de l'article 18 permet d'enseigner des sujets tels que l'histoire générale des religions et des idées dans les établissements publics, à condition que cet enseignement soit dispensé de façon neutre et objective.» Même situation dans le cas du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, que je cite: «Nul ne peut se voir refuser le droit à l'éducation. L'État, dans l'exercice des fonctions qu'il assumera dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement, respectera le droit des parents d'assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques.» Ici encore, on interdit l'endoctrinement, mais on n'oblige pas l'État à dispenser un enseignement religieux.
En somme, selon ces textes, la responsabilité d'assurer l'éducation proprement religieuse des enfants incombe aux parents, aux communautés religieuses et bien sûr, le cas échéant, à l'école privée. La commission attire votre attention sur le fait que l'article 41 de la charte n'est pas en harmonie avec le droit international des droits de la personne sur ce point ni avec les dispositions du projet de loi actuellement à l'étude.
Arrivons maintenant au coeur du sujet, soit la faculté de déroger à la charte. Le législateur s'est réservé la faculté de déroger expressément aux libertés fondamentales de conscience et de religion ainsi qu'au droit à l'égalité. La charte permet qu'une disposition législative déroge aux articles 1 à 38, à condition toutefois que cette dérogation soit explicite. C'est ce que dit l'article 52 de la charte. Il s'agit d'un geste grave auquel le législateur ne doit recourir qu'avec la plus grande circonspection et en respectant certains principes. En effet, le recours à une clause dérogatoire ne doit pas être banalisé. Sur le plan éthique de même que pour assurer le respect des engagements internationaux du Québec, seules des circonstances exceptionnelles peuvent justifier des mesures dérogatoires aux droits et libertés de la personne. Par ailleurs, ces mesures doivent se limiter à la stricte mesure exigée par une situation.
Le recours à une clause dérogatoire au Québec demeure peu fréquent. La plupart des clauses dérogatoires adoptées à ce jour visent à protéger d'autres droits ou libertés, par exemple faciliter l'accès des personnes handicapées aux transports et aux édifices publics ou encore assurer une présence autochtone dans les jurys chargés de juger les autochtones. Telle doit bien être la finalité ultime du recours à une clause dérogatoire. Selon nous, le principe étant que la charte prévaut sur toute législation, même postérieure, le législateur ne doit utiliser son pouvoir de dérogation que dans la mesure jugée strictement nécessaire. Une dérogation peut en ce sens apparaître nécessaire dans la mesure où elle vise à protéger davantage les droits et libertés de la personne et non à restreindre ceux-ci.
Notre analyse tient compte aussi des engagements pris par le Québec devant la communauté internationale. En effet, selon l'article 4 du Pacte international sur les droits civils et politiques dont je parlais tout à l'heure, aucune dérogation aux libertés de conscience et de religion n'est permise. De même, aucune mesure dérogatoire ne doit entraîner une discrimination fondée sur la religion. En somme, le recours à une clause dérogatoire doit rester une mesure d'exception fermement encadrée, justifiée par la nécessité de protéger un droit ou une liberté reconnus et d'application temporaire.
Appliquons maintenant ces principes aux clauses dérogatoires que nous connaissons dans le domaine de l'éducation et qui sont visées par le projet de loi n° 95. Rappelons que le but recherché par ces clauses dérogatoires est et a toujours été de protéger les arrangements confessionnels actuels contre toute contestation fondée sur les libertés fondamentales ou encore sur le droit à l'égalité.
Le recours à une telle clause dérogatoire est présenté parfois comme une façon légitime d'aménager les rapports entre l'école et les religions. Selon cette thèse, les facteurs historiques ou culturels propres à une société pourraient justifier certains écarts par rapport à des normes juridiques prétendument abstraites et désincarnées. Dans cette perspective, certains qui sont peut-être passés devant vous semblent d'avis que le recours à une clause dérogatoire serait une manière acceptable de faire en sorte que l'importance du patrimoine chrétien du Québec se reflète dans l'organisation et le fonctionnement du système scolaire.
n(12 heures)n Devant ce qui lui paraît être une banalisation, voire une perversion du recours aux clauses dérogatoires, la commission estime qu'il est de son devoir de remettre les pendules à l'heure. Je rappelle d'abord que le recours aux clauses dérogatoires pour protéger certains privilèges confessionnels va directement à l'encontre des engagements internationaux du Québec selon lesquels une clause dérogatoire ne doit pas porter atteinte aux libertés de conscience et de religion ni entraîner une discrimination fondée sur la religion. Et, sur ce point, je citerai encore le Comité des droits de l'homme des Nations unies. À propos justement de l'argument fondé sur la présence historique d'une religion dans une société, le comité disait ? je cite: «Le fait qu'une religion est reconnue en tant que religion d'État ou qu'elle est établie [comme] religion officielle ou traditionnelle, ou que ses adeptes représentent la majorité de la population, ne doit porter en rien atteinte à la jouissance de l'un quelconque des droits garantis par le pacte [...] ni entraîner une discrimination quelconque contre les adeptes d'autres religions ou les non-croyants.» Fin de la citation.
Et par ailleurs, comme je l'ai rappelé tout à l'heure, aucun des privilèges confessionnels protégés par les clauses dérogatoires actuelles ne se rattache au corpus des droits de la personne reconnu par la communauté internationale. Cela va directement à l'encontre du principe voulant que le recours à une clause dérogatoire doive pouvoir se justifier par la protection d'un autre droit. Dans ce contexte ? et je conclurai là-dessus ? la commission est en mesure de formuler les observations suivantes à propos du projet de loi n° 95.
Tout d'abord, c'est avec une très grande satisfaction que nous notons, après 20 ans, une intention ferme, claire et définitive de ne plus recourir à une clause dérogatoire dans ce domaine, et ce, à compter d'une date précise. Cet aspect du projet de loi répond, de manière adéquate, à la recommandation présentée par la commission ici même, en 1999, lors de la commission parlementaire sur la place de la religion à l'école. Nous avions alors recommandé que le législateur s'engage à abroger les clauses dérogatoires actuellement en vigueur dans le domaine de l'éducation et qu'il s'abstienne de recourir à de telles clauses dans l'avenir.
Deuxièmement, la commission prend acte de la période de transition prévue dans le projet de loi pour la mise en place du programme d'éthique et de culture religieuse destiné à remplacer l'enseignement religieux, soit trois ans. Vu les limites de son expertise, la commission ne formule pas d'opinion particulière sur la durée de cette période de transition. Elle reconnaît cependant, comme déjà en 1999, que la mise en place d'un système pleinement respectueux des droits et libertés des élèves ne peut se faire du jour au lendemain et que, durant la phase de conception, d'élaboration et de mise en oeuvre du futur programme d'éthique et de culture religieuse, le maintien d'une certaine sécurité juridique sera nécessaire. En ce sens, la commission ne s'opposera pas au renouvellement limité dans le temps des clauses dérogatoires. Nous constatons avec satisfaction sur ce point que, conformément au principe voulant que les mesures dérogatoires se limitent au strict nécessaire, ces clauses dérogatoires seront définitivement abrogées à compter du 1er juillet 2008. C'est donc sans hésiter, M. le Président et M. le ministre, que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse apporte son entier appui au principe et au contenu du projet de loi n° 95.
Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, M. Bosset. M. le ministre.
M. Fournier: Merci, M. le Président. Je vais vous avouer que je n'aurai pas un nombre incroyable de questions à vous poser, mais je vous remercie de votre participation. Je vous remercie surtout de nous... Et on le sait bien, que l'utilisation de la clause dérogatoire est très importante dans le débat dont on a à traiter. Mais, au cours des derniers jours, on a fini par perdre cet aspect-là pour nous concentrer sur le fond du dossier, je dirais, à savoir quelle est la situation présente, qu'est-ce qui est proposé, qu'est-ce qui est le mieux pour les élèves, qu'est-ce qui est le mieux pour la société de demain, sans porter tant d'attention que ça ? on l'a abordée par la bande, là, mais sans porter tant d'attention que ça ? à la mécanique légale qui était utilisée pour favoriser la situation actuelle, c'est-à-dire privilégier deux confessions par rapport à d'autres, pour des raisons que vous avez mentionnées dans votre mémoire.
Et donc ce que vous nous rappelez, l'emphase que vous mettez ce matin, c'est de nous dire que, si, sur le fond ? ce n'est pas ce que vous nous dites, là, ça, c'est moi qui l'interprète ? eh bien, la première partie, si, sur le fond, ce que nous faisons est avantageux, comme je le crois d'ailleurs et la très grande majorité de ceux qui sont venus nous voir l'ont dit, avantageux pour l'avancement de nos élèves et la préparation du Québec plus compréhensif, si, à cet égard-là, ce qu'on propose est intéressant, ça a aussi l'avantage, vous nous le rappelez, de nous mettre en respect de nos autres engagements que nous avons à l'égard des droits et des libertés et de nous ramener dans un espace qui utilise moins les exceptions.
Encore une fois, personnellement ? et là c'est une opinion personnelle ? quant à moi, la clause dérogatoire, elle existe. Donc, si elle existe, c'est qu'on peut l'utiliser. Mais, puisqu'une dérogation est une exception, il y a une méthode, il y a une certaine mesure d'utilisation. Ça ne veut pas dire qu'on doit tout le temps être gêné de l'utiliser, ça veut dire qu'on va l'utiliser de façon réfléchie, en suivant un certain guide. Et, si on peut éviter d'utiliser les exceptions, on risque de brimer moins de nos concitoyens, donc c'est plus utile et plus efficace.
Je m'arrêterais là-dessus en vous remerciant pour votre mémoire, pour nous rappeler qu'effectivement on règle un autre problème. Je dois vous dire que, de la façon dont les choses se présentent... Et là je vais parler pour ceux qui m'ont précédé parce que, depuis de nombreuses années, ça se discute. Je pense que plusieurs ont pris souvent l'angle de la clause dérogatoire: Est-ce qu'on devrait utiliser ça puis est-ce qu'on devrait avoir d'autre chose que ça? Et ce qui était le problème, c'était la clause dérogatoire.
Ce que je crois avoir décelé au cours des dernières années, qui a favorisé une évolution pour une acceptation du changement, c'est que, jusqu'à un certain point, on a oublié la question de la clause dérogatoire et on s'est demandé: Mais qu'est-ce qu'on vit présentement comme situation et qu'est-ce qu'on pourrait offrir? Et, en faisant ce débat-là ? par la bande, évidemment, c'était toujours là ? mais c'est presque devenu un accessoire. On a réglé la question de la clause dérogatoire en réglant la question de fond.
Et je salue tous ceux qui ont participé à ce que le débat porte sur autre chose et qu'en portant sur autre chose il vienne régler une des problématiques qu'il y avait dès le départ. Enfin, je pense que c'est peut-être ce qui s'est passé. Quelqu'un pourrait avoir une opinion contraire. Je ne sais pas si mes commentaires vous interpellent à en faire. Merci de votre participation.
Le Président (M. Chagnon): Merci, M. le ministre. Peut-être avez-vous un mot à ajouter, M. Bosset?
M. Bosset (Pierre): Bien sûr! Nous, on intervient, ce matin, sur la clause dérogatoire parce qu'elle est directement concernée par ce projet de loi. Mais effectivement la clause dérogatoire, c'est un moyen pour arriver à un but, un but qui a été jugé acceptable à une certaine époque, qui l'est visiblement moins aujourd'hui. Je pense qu'on peut parler d'un consensus pas seulement en émergence, mais un consensus bien réel qui se dégage, à défaut d'une unanimité, bien entendu.
Pour nous, si nous nous sommes opposés, depuis 1984, à cette clause dérogatoire, c'est que sur le fond nous n'avons pas changé d'avis non plus, nous considérons que le système scolaire public doit être inclusif et ne doit pas comporter de discrimination ni porter atteinte aux libertés fondamentales, ce qu'il fait malheureusement depuis très longtemps. Et donc, nous aussi, nous profitons de ce forum sur la clause dérogatoire pour au fond promouvoir à nouveau les principes de fond qui sont ceux de la charte.
Le Président (M. Chagnon): Merci. Merci, M. Bosset. Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Oui. Alors, merci, M. le Président. Ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue au nom de ma formation politique. Moi non plus, je n'ai pas de nombreuses questions. Je vous remercie d'abord pour votre mémoire, pour sa qualité et sa clarté. C'est toujours intéressant quand on va directement au but.
Cependant, j'en ai une sur la référence que vous faites à l'article 41 de la charte. Et vous n'êtes pas les premiers à le faire, d'autres avant vous sont venus nous dire qu'ils croyaient qu'on devrait amender l'article 41 si on voulait être conformes et à l'esprit et à la lettre du projet de loi n° 95, une fois adopté. Alors, vous dites: L'article 41 de la charte n'est pas en harmonie avec le droit international des droits de la personne sur ce point ni avec les dispositions du projet actuellement à l'étude. Donc, vous nous suggéreriez, si nous voulons nous conformer aux grandes obligations que nous fait la charte à l'égard du respect des droits de la personne, une modification à l'article 41. C'est bien ça que je dois comprendre?
Les modifications apportées à la charte doivent se faire avec l'appui de deux tiers des... Non? Ce n'est pas ça? C'est parce que j'essayais de me souvenir, là. Je le sais pour la nomination des personnes mais pas nécessairement pour les changements à la charte. D'accord. Je dis «pas nécessairement» parce que j'écoute le non-verbal... je constate le non-verbal. Pas écouter mais voir le non-verbal.
Le Président (M. Chagnon): Vous faites bien de le dire. Vous faites bien de le dire, Mme la députée de Taillon, parce que ce serait dur, pour les gens qui vont vous lire dans sept ou huit ans, dans 25 ans, de comprendre.
Mme Marois: C'est ça, de comprendre. Mais j'aimerais vous entendre maintenant sur cela. Alors, on comprendra mes propos sans avoir à les interpréter.
Le Président (M. Chagnon): M. Bosset.
M. Bosset (Pierre): Je confirme que, pour modifier la charte, une majorité simple est requise, mais que, pour nommer les membres de la commission, les deux tiers sont requis.
n(12 h 10)n Sur le fond donc de la question, l'article 41, c'est une question que nous avons abordée pour la première fois en 1999, devant la Commission parlementaire de l'éducation sur la place de la religion à l'école. Nous avons répété à nouveau nos recommandations là-dessus dans le bilan des 25 premières années de la charte que nous avons adopté il y a un an et qui a été transmis à chacun et chacune d'entre vous, d'ailleurs, comme membres de l'Assemblée nationale. Sur le fond donc de cette question-là, notre position est la suivante: l'article 41 va au-delà de ce qui est requis par les engagements internationaux du Québec. Tout ce que le Québec s'est engagé à faire sur le plan international, c'est de respecter la liberté des parents de voir à ce que leurs enfants reçoivent un enseignement religieux conforme à leurs convictions. L'article 41 va plus loin parce qu'il crée... ou il vise à créer en tout cas des obligations à l'école publique dans ce domaine. On comprend qu'il y a un conflit entre l'esprit de cet article 41 et les principes du projet de loi actuellement à l'étude.
La modification de l'article 41 n'est pas un prérequis à l'adoption de ce projet de loi, je tiens à le préciser, parce que l'article 41 de la charte fait partie d'un chapitre qui s'intitule Droits économiques et sociaux, un chapitre qui ne jouit pas, lui, de la prépondérance par rapport aux autres lois. Alors, je pense que, s'il y a un conflit, c'est davantage au niveau de l'esprit de cette disposition par rapport à celui du projet de loi, mais ce n'est pas un obstacle juridique. Mais nous continuons effectivement, comme commission, de prôner un alignement de l'article 41 sur les engagements internationaux du Québec.
Mme Marois: Dans le fond, il y aurait, à ce moment-là, une parfaite cohérence... ou plus de cohérence, disons ? la perfection, ce n'est peut-être pas le cas ? mais beaucoup plus de cohérence dans nos lois et dans nos grandes...
Le Président (M. Chagnon): C'est rarement parfait, ça, la cohérence.
Mme Marois: Non, c'est vrai. Mais quand même on peut essayer de s'en approcher. On réfléchit aux valeurs, à l'éthique, alors essayons de s'en approcher. On s'y réfère souvent parce que je pense que ça nous a...
Une voix: Marqués.
Mme Marois: ...marqués, oui, dit ma collègue. Il y a eu un groupe qui est venu et qui souhaitait, lui, renouveler la clause dérogatoire. Bon, eux, c'est leur droit, puis ils peuvent venir présenter leur point de vue. On peut ne pas le partager, mais ça, c'est une autre question. Ils nous ont dit ceci, puis je les cite, là. Je ne veux pas vous embêter parce que vous n'avez pas nécessairement fait de recherche en ce sens-là, dans le cadre de la préparation de votre mémoire. Ils disent: «En imposant un programme d'éthique et de culture religieuse obligatoire, le gouvernement risque que des parents se voient dans la position malheureuse d'avoir à exiger l'exemption de ce cours, et cela en conformité avec l'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés.» Et ils continuent en disant: «Dans une société dite démocratique et libre comme celle du Québec, il est de mise que les citoyens s'expriment sur les valeurs fondamentales comme celles, entre autres, de l'exercice de leur droit de choisir en éducation, et il est normal qu'ils s'attendent au respect de leur choix.» Alors, je ne sais pas si vous pouvez me faire quelques commentaires sur cela. J'avais un peu de difficultés à accepter ce point de vue et cette analyse, mais il est exprimé, alors...
M. Bosset (Pierre): J'en ai aussi. Parce que le programme qu'on entend adopter, si le projet de loi est adopté, donc le programme d'éthique et de culture religieuse, n'a aucune visée religieuse, à proprement parler, c'est un programme, comme son nom l'indique, d'éthique et de culture de religion. On pourrait parler d'éducation à la religion ou d'éducation sur la religion et non d'éducation religieuse, à proprement parler. Et pour moi c'est un élément fondamental. Parce que, comme il n'y a aucune visée religieuse ou de prosélytisme derrière ce programme, je vois mal comment un tel programme, s'il est bien conçu et s'il est bien sûr conforme à ses propres objectifs, je vois mal comment un tel programme pourrait porter atteinte à la liberté de conscience ou de religion de qui que ce soit.
Et là-dessus je rejoins une des citations que j'ai faites, tout à l'heure, dans le mémoire, celle du Comité des Nations unies sur les droits de l'homme, qui précise bien, en toutes lettres, que le pacte ? et c'est la même chose pour les chartes ? n'interdit pas l'enseignement historique, par exemple, des religions ou le transfert de connaissances sur les religions. Ce qu'il interdit, c'est l'endoctrinement. S'il y avait endoctrinement, j'aurais un problème.
Mme Marois: C'est ça. Parce qu'ici on parlait d'endoctrinement, mais ce n'est absolument pas de ce dont on parle ici.
M. Bosset (Pierre): Je pense qu'il va falloir faire attention à ce que bien sûr ce programme-là soit conçu d'une façon qui soit neutre et objective. Mais on ne peut pas en demander plus.
Mme Marois: D'accord. Alors, je vous remercie beaucoup pour cet éclairage. Oui, Mme Pothier.
Mme Pothier (Nicole): Est-ce que je peux me permettre de faire deux observations...
Le Président (M. Chagnon): Bien sûr, Mme Pothier! Nous vous écoutons.
Mme Pothier (Nicole): ...qui sont un petit peu différentes, là, du débat maintenant? La première, c'est... Et je me situe davantage au niveau du programme à venir, sur le sujet, là, l'éthique et culture religieuse. La première observation, c'est toute l'importance de la notion de préjugés qu'on pourrait avoir à l'égard de certaines religions, qui s'incarnent dans certaines cultures aussi. Et donc je crois qu'il y aura un travail important à soigner.
Tantôt, les gens parlaient au niveau de la formation initiale des maîtres, du perfectionnement des maîtres, mais je pense qu'il va falloir être vigilant autour de préjugés qu'on entretient à l'égard de certaines religions et de certaines cultures. Parce que la loi et le programme auront beau être très bien définis, il restera que, dans la classe, ça arrivera que c'est l'enseignant qui, lui, sera appelé à réagir par rapport à ça. Et donc notre expérience sur le terrain nous montre ? et je pense que vous allez corroborer ces observations-là aussi ? qu'à beaucoup d'égards on entretient des préjugés importants qui conduisent des fois même à des gestes discriminatoires à l'égard de certaines religions, certaines cultures. Alors, je pense que ça devrait faire partie... je ne sais pas si c'est dans le programme comme tel, mais certainement au niveau de la nécessaire formation que les maîtres devront avoir. C'est une réflexion autour de ça.
Ma deuxième observation. Et là, comme je dis des fois, je fais du pouce sur une question que M. le ministre a posée tantôt autour du pluralisme, là, si ça peut être pas plus confondant de parler du pluralisme. Je partage aussi le point de vue que le pluralisme est un fait, que c'est quelque chose avec lequel il faut conjuguer et vivre au quotidien, et tant mieux. Moi, je dis qu'il faut aussi mettre dans la balance que le pluralisme nous appelle à mieux nommer et à mieux reconnaître les différences, oui, mais nous amène aussi à mieux nommer ce qui nous réunit et ce que nous partageons comme valeurs communes aussi. Et, moi, je pense que, dans une approche où on parle de pluralisme et de respect des différences, il faut aussi parler de ce qui nous rassemble, et je pense qu'il faut le mettre dans cette perspective.
Autant les gens tantôt disaient: Bon, il faut être capable de resserrer son identité pour ne pas se perdre, c'est vrai, c'est à un niveau personnel, mais, à un niveau collectif, ça réaffirme aussi. Et, quand je regarde déjà les premières balises autour du programme, que vous parlez de valeurs, mais ça prend aussi toute son acuité. C'est sûr que ça nous pose le défi de mieux nommer ce que veulent dirent ces valeurs-là. Il y a des valeurs qui, dans leur appellation, sont universelles: la liberté, la dignité. Le défi que ça nous pose, c'est de dire concrètement: Au Québec, qu'est-ce que ça veut dire, la liberté, puis à partir de quand l'exercice ou le respect de droits de certains individus ou de certaines collectivités compromettent le droit de façon plus générale? Mais c'est aussi à cet exercice-là que nous convie quant à moi le nouveau programme qui va être élaboré, la nouvelle dynamique qu'on veut instaurer, à cet égard-là, dans le milieu scolaire.
Et c'est un débat avec lequel on va devoir quant à moi toujours être confrontés parce que ces questions-là vont toujours être pertinentes. Et, dans une société qui veut changer, pour rester nous-autres mêmes, il faut bouger. Alors, la question va toujours se poser, les réponses qu'on va y apporter vont différer, et donc d'avoir un programme qui nous parle des autres mieux, qui nous sensibilise à ça, ça va nous aider à avoir des débats plus éclairés sur ces questions-là. Et, moi, je crois que c'est dans ce contexte-là aussi qu'il faut parler de ce nouveau programme là en milieu scolaire.
Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup. Mme la députée de Champlain.
Mme Champagne: Merci beaucoup, c'était très pertinent. Juste une petite question pour aller faire suite à la question de ma collègue de Taillon. Un parent qui, suite à la mise en place du programme, se montrerait ? parce que ça peut arriver, là ? insatisfait et toujours aussi inquiet ou moindrement inquiet, là, ne pourrait pas recourir à l'article 2 en prétextant... c'est-à-dire l'article 2 de la Charte des droits et libertés pour retirer son enfant de ce programme-là. Il pourrait recourir à autre chose, mais pas à l'article 2. Est-ce que c'est ça que je dois comprendre?
M. Bosset (Pierre): La seule façon pour un tel parent pour recourir à la liberté fondamentale de conscience et de religion, ce serait de démontrer que le contenu du cours ou la façon dont il est enseigné porte atteinte dans les faits à la liberté de conscience et de religion de son enfant. Sans cela, il n'y a aucun recours en vertu des chartes.
Mme Champagne: Parfait. Merci.
Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, Mme la députée. Merci, Mme Pothier, M. Bosset et membres de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Nous vous remercions pour votre témoignage. Et j'invite maintenant l'Université du Québec à Montréal à passer à l'avant.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Chagnon): Alors, j'inviterais M. Jacques Pierre à nous présenter les personnes qui l'accompagnent.
n(12 h 20)n Comme vous le savez, vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire. Le gouvernement et l'opposition auront aussi 15 minutes pour vous questionner sur le mémoire. Alors, bienvenue, Mme, MM. les représentants de l'Université du Québec à Montréal, à cette commission.
Université du Québec à Montréal (UQAM)
M. Pierre (Jacques): M. le ministre, M. le Président, MM. et Mmes les parlementaires, un mot d'abord pour présenter mon institution. Le Département de sciences religieuses de l'UQAM, comme du reste tout le réseau de l'Université du Québec, est un enfant du rapport Parent qui, dans ses dernières recommandations, proposait à l'État de déconfessionnaliser son système d'éducation. Depuis 1969, donc, notre département, tout en donnant une place particulière à la tradition chrétienne, étudie l'ensemble des traditions religieuses du monde grâce à une approche non normative, non théologique, non canonique, inspirée pour l'essentiel des différentes sciences de l'homme. Depuis 1969 également, dans l'esprit particulier du mandat de l'Université du Québec, notre département contribue à la formation des maîtres dans cette même perspective culturelle et non confessionnelle. Et, depuis les années 1980, nous sommes entrés dans le domaine de la formation morale pour préparer les enseignants requis pour ce nouveau domaine.
Aujourd'hui, notre département est la seule institution universitaire à avoir maintenu un programme spécialisé et intégré, intégré, de quatre années dans ce domaine et, par la force des choses, le seul programme aussi dont l'intitulé soit baccalauréat en enseignement secondaire d'éthique et de culture religieuse. Notre équipe départementale a maintenu, pour ce faire, une équipe de spécialistes en didactique, en éthique et en sciences des religions. Depuis 30 ans, ces personnes travaillent ensemble, ont élaboré un paradigme en commun et collaborent dans le domaine de la formation des enseignants, et nous en sommes même, aujourd'hui, à la deuxième génération de spécialistes dans le domaine.
Un mot encore pour présenter mes collègues: Nancy Bouchard, à ma droite, est professeure de didactique de l'enseignement moral et a été, à de multiples occasions, interpellée par le ministère de l'Éducation relativement aux questions dont nous débattons aujourd'hui; Louis Rousseau, à ma gauche, est professeur d'histoire de la religion au Québec et est, lui aussi, régulièrement consulté sur le même sujet; et, moi-même, Jacques Pierre, je suis parmi vous en ma qualité de directeur de ce département et spécialiste en théorie de la religion.
Un mot enfin pour remercier cette commission pour son invitation et féliciter le ministre de son projet de loi, à l'esprit duquel, je tiens à le dire, nous souscrivons entièrement. Comme chacun le sait, les universitaires et les politiques ne sont pas toujours sur la même longueur d'onde. Je pense que l'occasion valait la peine d'être soulignée par un coup de chapeau en direction de notre ministre.
Sans revenir sur le fond du débat qui a conduit à cette décision politique, nous pensons que la reconduction de la clause dérogatoire pour une période conclusive de trois ans est judicieuse et avisée politiquement. Outre le fait qu'elle permette aux communautés religieuses concernées d'achever de préparer la transition vers d'autres lieux de transmission de la foi, elle dresse la table pour la suite des choses et laisse suffisamment de temps aux différents acteurs, comme dirait l'autre, pour voir venir. C'est cet horizon que nous souhaitons évoquer avec vous dans ce mémoire. En ce qui me concerne, je me contenterai de poser quelques principes d'ordre assez général sur l'enseignement religieux culturel, principes qui devraient baliser ce nouvel aggiornamento sociohistorique auquel nous nous apprêtons collectivement à souscrire et à traduire dans un projet éducatif pour les générations à venir.
Ma collègue, Nancy Bouchard, spécialiste des questions dans l'enseignement de l'éthique, enchaînera avec ses propres constats et, plus versée que je ne le suis dans les tenants et aboutissants institutionnels de ce projet, conclura avec des considérations de nature plus opératoire.
Premier constat, donc: il est dans la nature des traditions religieuses de revendiquer chacune pour elle-même un accès particulier, voire privilégié à la vérité. La question du rapport à la vérité s'y trouve colorée par une référence à l'absolu, chaque tradition pouvant prétendre ainsi avancer sur le monde des vérités fondamentales en regard desquelles tout le reste s'ordonne: le rapport à la science, par exemple, les relations entre les personnes, l'exercice de la sexualité, la place de la démocratie, la façon de rendre la justice, la conception du rapport entre les générations. On comprendra dès lors que la coexistence de ces vérités dans un même espace, chacune avec sa requête d'un absolu particulier et pas toujours compatible avec celui du voisin, n'aille pas de soi et requière un cadre de pensée particulier.
De cette première constatation découle une conséquence pour l'enseignement. Le cours d'éthique et de culture religieuse ne peut être la simple transmission encyclopédique de contenus notionnels du genre: l'islam a été fondé par Mahomet en telle année ou encore le bouddhisme repose sur les quatre nobles vérités, qui sont, etc. Cet enseignement est nécessaire mais insuffisant, nécessaire parce que la dimension religieuse traverse de part en part l'héritage historico-culturel non seulement de notre société, mais de l'humanité, et qu'à le négliger nous nous condamnons à ne plus comprendre des pans entiers de notre monde; mais insuffisant aussi parce qu'on ne peut juxtaposer sans plus les différentes croyances religieuses et se déresponsabiliser par rapport à ce que ces visions du monde impliquent parfois. Untel, par exemple, croit qu'un homme est ressuscité et que de ce fait le salut est offert à toute l'humanité. Un autre ? et on sait de qui je parle ? croit que l'espèce humaine a été créée par les extraterrestres. Mais le même que tantôt estime peut-être aussi moralement condamnable et légalement inadmissible le mariage entre conjoints de même sexe. Quant à l'autre, il y a de bonnes chances pour qu'il favorise le clonage reproductif pour assurer notre immortalité.
Disons-le franchement, certaines revendications de groupes religieux sont incompatibles avec notre État de droit et ne sauraient avoir droit de cité qu'après avoir été clairement subordonnées à des valeurs communes qui rendent possibles le dialogue, la reconnaissance de l'autre et une coexistence véritable des différences religieuses. L'État de droit repose en effet sur des normes et des principes fondamentaux rendant possible la coexistence pratique des individus et des communautés et qui, en tant que tels, ont préséance sur tous les autres. Or, ces normes et principes sont en leur fond de même nature que ceux qui balisent l'exercice du savoir critique.
S'agissant de l'étude de la religion dans une perspective culturelle et non plus confessionnelle, il y a un ensemble de concepts ? par exemple, mythe, rituel, interdit religieux, récit fondateur ? un ensemble de concepts qui s'appliquent indifféremment à toutes les traditions religieuses et qui permettent de les comprendre dans un cadre général où leur particularité historique, sociale, culturelle est mise en perspective à côté d'autres traditions. C'est un langage qui permet de mettre en commun des expériences particulières qui seraient autrement incommunicables ou réfractaires les unes aux autres, qui en assure la traductibilité et qui se trouve du même coup à les relativiser sur fond de la scène que j'évoquais tantôt. Et, ce qui est important ici, c'est ce même cadre qui, dans l'ordre de la pensée, permet de situer les croyances à leur place dans un ordre normatif plus vaste, permet aussi, dans l'ordre de la pratique, de coexister dans un espace démocratique. C'est pourquoi ce cadre de pensée doit impérativement faire l'objet d'un apprentissage à l'école.
n(12 h 30)n Deuxième constat: l'expérience religieuse met en oeuvre un certain savoir sur les choses, un savoir à vocation totalisante, comme nous venons de le voir, et qui s'énonce dans des affirmations de portée générale sur la vie, la mort, la sexualité, le monde, le bien, le mal. À la différence toutefois des savoirs positifs comme celui, par exemple, de la géométrie ou de la chimie, sa pertinence dépend de sa réalisation dans des événements et des êtres exemplaires, non pas comme l'expérience empirique en chimie ou en physique, par exemple, qui démontre après coup le bien-fondé d'une théorie, mais comme l'expérience existentielle, le moment hautement significatif qui, en amont du savoir, donne le goût de savoir, ce type de vérité sans laquelle la vie n'a pas de sens, sans laquelle le savoir est vain et demeure un pur jeu de l'esprit.
Dans le religieux ? et, soit dit en passant, cela différencie le religieux de l'éthique ? cet événement originel a eu lieu une fois à tel moment et en tel lieu. Le Christ, Mahomet sont des êtres réels au même titre que l'ancêtre Ayasheo de qui dépendent, dans la mythologie montagnaise, l'apparition du cycle des saisons et la révélation des techniques de la chasse. Et cet événement continue d'avoir lieu dans le quotidien, de rythmer rituellement la vie, d'attester et de confirmer sa propre vérité dans des gestes ou des paroles du sujet croyant. Or, ces événements et ce qu'on pourrait appeler ces jalons sont les briques avec lesquelles se construit l'identité du sujet et l'identité de la communauté. L'identité est le récit, le fil conducteur qui unit ces événements les uns aux autres dans une histoire où le sujet se projette.
Pour le troisième constat, relatif à la question de l'éthique, je passe la parole à ma collègue, Nancy Bouchard, ici, à ma droite.
Le Président (M. Chagnon): Mme Bouchard. Mais il vous reste un peu moins de quatre minutes.
Mme Bouchard (Nancy): Il va de soi que, même...
Le Président (M. Chagnon): Je comprends que le ministre vous dit de vous rendre jusqu'au bout de votre mémoire...
Mme Bouchard (Nancy): Ah oui?
Le Président (M. Chagnon): ...et gracieusement fait part de son temps de parole.
Mme Bouchard (Nancy): Merci. Il va de soi que, même si toutes les traditions religieuses comportent des morales, les champs de l'éthique et de la culture religieuse ne coïncident pas. À vrai dire, sur le plan historico-culturel, la déduction de ce que l'on a longtemps appelé la morale naturelle, à partir de ce qui était au fond des prémisses religieuses, a largement contribué à brouiller les juridictions, et, de ce point de vue, il est important de bien marquer la spécificité des champs disciplinaires.
Ceci étant dit, dans le processus et les situations concrètes d'apprentissage, il n'est pas évident que l'on puisse faire aussi clairement la distinction entre les deux champs. Il est vital en effet que l'éthique puisse interpeller le religieux au coeur de son projet. L'expérience religieuse n'est pas que confessante, elle est aussi raisonnante. Une tradition religieuse doit se rendre tôt ou tard aux exigences des formes de rationalité de son temps, sous peine de perdre toute crédibilité pour ses contemporains. Et réciproquement l'éthique n'est pas un processus purement délibératif et formel, exempté, par sa vocation à l'universel, de toute incarnation dans des valeurs particulières, dispensé des paris inhérents à la condition humaine. Le jugement moral ne peut être abstrait de la singularité du sujet qui l'énonce. L'éthique repose à son tour sur des références où la norme s'est incarnée de façon exemplaire, bienveillante et humainement viable. L'intériorisation de la norme met aussi en oeuvre des mécanismes d'identification à des êtres de chair et à des modèles d'humanité puisés dans des récits, dans le milieu de la famille, de l'école et de la société en général. Le jugement moral culmine, lui aussi, dans l'affirmation d'une vision du monde, d'où une dernière conséquence qui concerne aussi bien l'enseignement de la culture religieuse que de celui de l'éthique.
Il n'y a pas, d'une part, un sujet éthique et, d'autre part, un sujet religieux. Il y a un sujet qui se pose. Il est vital alors que toutes les visions du monde se retrouvent ensemble dans la même arène. Une recommandation donc à caractère prudentiel: essayons de ne pas rendre étanches les deux domaines et de compliquer l'aménagement du va-et-vient concret qui devra avoir lieu continuellement dans la parole. Si l'expérience religieuse possède la singularité d'un événement existentiel et la réflexion éthique d'un cadre universel de pensée, dans la vraie vie du sujet et des communautés, elles sont destinées à se rencontrer à mi-chemin et là à aller de concert, côte à côte.
Au niveau des recommandations plus pratiques, à propos du processus d'élaboration du nouveau programme, pour rencontrer le délai de trois ans et pour nous assurer que ce programme soit validé concrètement par le milieu pendant le processus, nous estimons que la stratégie de la recherche-action devrait être privilégiée dès le départ. Ainsi, d'entrée de jeu, chercheurs et praticiens travailleraient de concert auprès des élèves de différents milieux pour que ce cours puisse non seulement s'inscrire dans les visées attendues, mais puisse également répondre adéquatement au contexte scolaire québécois en général ainsi qu'au contexte particulier d'un milieu donné. De plus, une telle collaboration université-milieu scolaire permettrait d'identifier les besoins des enseignants en termes de formation.
À propos de la formation des enseignants, à l'heure actuelle, les élèves, dans les écoles, ne reçoivent plus que des parcelles de formation dans ce champ d'enseignement, et de surcroît ces cours sont plus souvent qu'autrement assumés à contrecoeur en queues de tâche, selon le jargon du milieu, par des enseignants non formés à cette fin. Soit que des enseignants formés dans le domaine de la religion et/ou de la morale se tuent à la tâche, soit que la direction d'école choisit de répartir ces cours à différents enseignants. Nous estimons que l'enseignement de l'éthique et de la culture religieuse, pour être un succès, ne doit pas être assumé à reculons par des enseignants non formés à cette fin. Un cours unique d'éthique et de culture religieuse permettra de réduire le nombre de programmes à enseigner dans ce champ, et l'ajout récent de quatre unités au deuxième cycle du secondaire permettra que des tâches complètes d'enseignement dans ce domaine soient maintenant possibles.
On peut noter également que, dans les universités, la formation des futurs maîtres dans le domaine a été carrément désertée depuis cinq ans, au point où il nous a été extrêmement difficile de continuer à la maintenir jusqu'à aujourd'hui. La concentration formation éthique et culture religieuse du baccalauréat en enseignement secondaire de l'UQAM, dont notre département assume la responsabilité, est actuellement la seule formation spécialisée dans ce domaine, au Québec. Et nous assumons trois années de formation sur les quatre années du baccalauréat en enseignement secondaire, alors c'est vraiment une formation spécialisée.
Les effets dévastateurs de la réduction du temps d'enseignement dans le domaine ont pesé lourdement sur notre capacité à maintenir notre concentration du baccalauréat. Nous l'avons maintenue non sans peine parce que nous estimions que la perte d'un tel profil d'enseignant amputerait l'école d'une précieuse ressource dans la formation des jeunes Québécois. La pénurie d'enseignants en formation éthique et culture religieuse étant bien réelle, il est du devoir du ministère, des universités et du milieu scolaire de travailler de concert afin que, dans les plus brefs délais, la formation initiale et continue des enseignants se mette en branle pour que les élèves du Québec puissent recevoir des enseignements de qualité dans ce domaine.
À propos de la Loi sur l'instruction publique, au niveau du régime pédagogique, il a été modifié très récemment en outre par l'inscription, dans la grille-matières, d'un nouveau cours, en cinquième année du secondaire, appelé Développement personnel. Or, le document d'orientation pour la mise en place d'un cours d'éthique et de culture religieuse prévoit également deux unités pour ce programme en cinquième secondaire. Alors, qu'adviendra-t-il du cours de développement personnel? Il est de notre avis que ces deux cours de deux unités chacun devraient être maintenus dans la grille-matières.
À propos du temps d'enseignement-apprentissage alloué au cours d'éthique et de culture religieuse, l'article 25 du régime pédagogique stipule que l'école peut, sans autorisation du ministre, attribuer un maximum de quatre unités à un programme d'études local, et l'article 32 stipule que la sanction des études prend en considération les unités obligatoires en langue d'enseignement, en langue seconde, en mathématiques, en sciences et en technologie, en histoire et en éducation à la citoyenneté. Le domaine du développement personnel ainsi que celui des arts sont donc exclus de la sanction des études. À l'heure actuelle, ces deux dispositions de la loi permettent à certains milieux scolaires de retrancher des unités, en particulier dans le champ 14. D'une part, l'article 25 leur permet de retrancher des heures; d'autre part, le domaine du développement personnel étant exclu de la sanction des études par l'article 32, ce domaine écope nécessairement de cette latitude laissée au milieu, ce qui n'est pas sans conséquence pour la formation des élèves et pour la tâche des enseignants dans le champ 14.
n(12 h 40)n En conséquence, nous estimons que ces domaines, les arts et le développement personnel, devraient être inclus à part entière dans la formation et par conséquent être également sanctionnés. D'autre part, nous estimons qu'il ne devrait pas être possible pour un milieu de retrancher complètement une discipline d'enseignement de l'horaire des élèves. Merci.
Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, Mme Bouchard. M. le ministre.
M. Fournier: Oui. Bon, bien, merci beaucoup. Merci à vous d'être avec nous.
Simplement un dernier point, parce que j'étais en train de faire la vérification effectivement pour la sanction des études. Ça va arriver en 2010 parce qu'il faut tenir compte des années d'implantation. Mais, en 2010, il y aura, dans le régime de sanction, l'obligation éthique et culture des religions du secondaire V. Et d'ailleurs je sais que le régime comme tel va être publié très, très, très prochainement, si ce n'est pas d'ailleurs déjà fait. Alors, encore une fois, merci d'être avec nous.
Je vois les commentaires que vous faites sur le projet et sur la clause transitoire, si on veut, et je suis très heureux des commentaires que vous faites à cet égard-là. Je pense que ça décrit vraiment ce que nous voulions faire et je pense que ça participe un peu, là, avec les relations qu'on a eues avec différents groupes, les présentations qui sont venues, je pense que ça participe à aller chercher un peu d'adhésions.
Je vais aller sur une partie qui m'a intéressé particulièrement dans votre présentation, c'est lorsque vous vous référez à une religion qui serait par définition presque une recherche de l'absolu, en tout cas qui témoigne d'une vérité, et qui peut-être aurait de la difficulté ou trouverait moins agréable de vivre avec d'autres vérités et donc rend la coexistence ? c'est ce que vous dites ? de ces vérités dans un même espace qui ne va pas nécessairement de soi.
J'aimerais que vous élaboriez un petit peu plus, surtout dans le contexte où ce que nous allons faire va mettre en relation, ou en tout cas en présentation, les unes près des autres, des vérités. Bon, ce n'est pas, je veux dire, ce n'est pas nouveau, ça fait partie de la vie, là. Tu sais, on peut bien dire qu'à l'école il va y avoir des vérités qui vont se toucher, mais, dans la société, elles se touchent, dans la vie, elles se touchent déjà, là. C'est juste que peut-être l'espace est un peu plus réduit peut-être. Mais j'aimerais ça vous entendre plus là-dessus, sur les chocs qui peuvent se produire et sur donc les modalités qu'on doit définir pour éviter que ces chocs ne se présentent. Ils risquent de se présenter, là, mais comment on les amenuise?
M. Pierre (Jacques): Je demanderais à mon collègue Louis Rousseau de vous répondre sur ce sujet.
Le Président (M. Chagnon): M. Rousseau.
M. Rousseau (Louis): M. le ministre, votre présentation est intéressante pour autant qu'effectivement, déjà, dans la vraie vie, il y a des échos conjoncturels de chocs. En introduisant le nouveau programme, je dirais que le Québec vient de se doter d'une chambre d'éducation contrôlée, donc contrôlée publiquement. Ce n'est pas laissé aux individus. Il y aura une surveillance de cette interaction de vérités qui des fois sont contradictoires. On va éduquer, d'une manière contrôlée, les jeunes citoyennes et citoyens en formation à rencontrer une vérité qui à certains égards n'est pas acceptable par une personne et réciproquement.
Je dirais: Le pas en avant que nous faisons, c'est de ne pas juste laisser l'affaire se régler toute seule dans les «hot lines» et dans les bagarres de quartier, mais de nous doter d'une arène dont on précisera les règles du jeu pour que le jeu des interactions entre vérités qui sont à certains égards inconciliables puisse se jouer d'une manière démocratique. Et, dans ce jeu même, on forme des citoyens à l'existence dans la pluralité. Je dirais: C'est un instrument, dont le Québec se donne... qui est un peu à l'avant-garde dans le processus de mondialisation, qui n'est pas juste économique, mais culturel, qui va nous amener, partout sur la terre ou en particulier dans l'hémisphère nord, plus riche, à avoir la totalité des visions du monde qui cohabitent à la limite dans cette salle. On ne pouvait pas indéfiniment ne pas assumer démocratiquement, dans nos sociétés libérales, le souci pédagogique de former nos jeunes citoyennes et citoyens à cette réalité-là. Alors, je dirais, on s'en vient vers là depuis bien des années, nous y sommes, et c'est pourquoi nous félicitons nos législateurs de faire, de créer cette chambre d'initiation à la coexistence de vérités qui ne sont pas toujours la même chose.
La solution à date, dans les écoles, par les directions, c'est de dire: Parlez-moi pas de ce qui vous sépare, il y a juste une chose dont on va se parler entre nous, c'est: Aimez-vous les uns les autres, ou ? c'est déjà trop fort: Ne faites pas à autrui ce que vous ne voulez pas qu'on vous fasse à vous, ce qui est la règle d'or. Excellent. Sauf qu'on ne vit pas en pratique seulement, là, on vit aussi dans des convictions qui des fois nous opposent sur des choses essentielles à nos concitoyens. Apprenons à faire ça. Et je crois que, dans ce cours comme dans bien d'autres, hein, ce n'est pas le seul lieu, le champ 14 n'est pas le seul lieu où on va rencontrer ça, mais le champ 14 aura en quelque sorte la fonction fondamentale de nous éduquer à la vie dans la différence.
Le Président (M. Chagnon): Merci. M. le ministre.
M. Fournier: Juste retenir de l'échange qu'on a, M. le Président, que, pour la suite des choses, le défi que nous nous donnons collectivement de mieux comprendre les différences et de ne pas se limiter à nos ressemblances, bien qu'il faille s'y arrêter de façon excessivement importante, mais de mieux comprendre nos différences fait en sorte qu'on les met en lumière, hein, c'est un éclairage, et que donc, forcément, les mettant en lumière, on va les voir. Et cela risque, au premier regard en tout cas, de pouvoir être inquiétant. Il y a un usage, une habitude à prendre justement à ce débat.
Vous savez, à tous les jours, ici même, dans ce forum démocratique qui est animé par les débats contradictoires, il n'est pas toujours facile d'accepter la version opposée, bien qu'on y travaille très fort, je peux vous le dire.
Le Président (M. Chagnon): Il y a encore de l'espace, il y encore de l'espace.
M. Fournier: Il y a toujours de l'espace à s'améliorer. Mais c'est exactement ça. Et, forts de cette expérience que nous avons ici, sur l'acceptation des différences, ça nous amène et m'amène à vous dire, M. le Président, que ce sera quelque chose qu'on devra toujours avoir à l'oeil, de ne pas se décourager d'être dans un processus d'apprentissage de l'autre, différent, de ne pas se dire: Dans le fond, c'est un peu trop compliqué, revenons à une solution beaucoup plus simple: je l'ignore. Ignorer, ça a l'avantage d'aller au plus court, au début; ça ne porte peut-être pas beaucoup de fruits, cependant.
M. Rousseau (Louis): Et ça prépare, M. le ministre, des affrontements sauvages, sans règle, où ce sera la règle du plus fort ou... Enfin, bref, je pense que, si on regarde ça du point de vue des sociétés libérales et des instruments que nos sociétés libérales se donnent pour accepter la différence... Parce que la notion même de société libérale, c'est qu'il y a... C'est une valeur, la différence. Bien, il faut s'équiper pour former des citoyens dont ça fait partie des valeurs sacrées, hein? Je dirais: Il y a un absolu dans nos sociétés, nos sociétés ne sont pas relativistes. L'absolu de nos sociétés, c'est que les différences d'opinions, entre autres, ont un droit tant qu'elles ne menacent pas la... C'est un absolu, on ne transige pas là-dessus, c'est la règle de base. Alors, c'est un des lieux où nous l'apprendrons.
M. Fournier: Si vous me permettez, une autre question. Mais je suis très content qu'on ait rappelé ce phénomène-là qui devra nous accompagner pour la suite des choses.
Je veux revenir sur l'éthique et la culture de la religion. On nous a présenté ici une avenue ? je ne veux pas trahir, là ? qui n'était pas de dire: Il faut compartimenter, ce n'est pas ça, là, mais qui a prétendu qu'on pouvait avoir les deux, mais parfois aussi les unes séparées des autres. Je crois comprendre de votre proposition qu'il faille plutôt les réunir en tout temps. Là, je ne veux pas non plus aller trop loin, mais précisez-moi ce que vous voulez dire et pourquoi on devrait faire ceci plutôt que cela qu'on nous avait proposé.
M. Pierre (Jacques): Une chose, c'est: écoutez, au Québec, je veux dire, on a vécu suffisamment les deux solitudes. Je pense que ce serait pédagogiquement assez peu judicieux de transporter ça à l'intérieur de la classe, je veux dire, qu'il y ait véritablement deux formations qui soient distinctes. Ce sont les mêmes étudiants, ce sont les mêmes professeurs qui vont enseigner ceci. Et par ailleurs, je veux dire, comme d'autres l'ont dit avant nous, il y a un va-et-vient, il n'y a pas de la... Comme ma collègue le disait, une religion n'est pas simplement confessante, je veux dire, elle est aussi raisonnante, et les morales ont des visions du monde.
n(12 h 50)nMme Bouchard (Nancy): Puis je dirais que bon, de façon universitaire, ce sont des savoirs divisés, mais qu'en éducation on doit éduquer le sujet entier et pas un sujet divisé.
Par exemple, j'enseigne la didactique de l'éducation morale, avec les approches en éducation morale, aux futurs enseignants en religion et en morale, dans notre programme, et les approches que j'enseigne en didactique de l'éducation morale leur servent autant en enseignement religieux, même avec un cours confessionnel, qu'en enseignement moral. Alors, du point de vue du processus, il y a une conjonction qui... Même si, à l'université, c'est deux choses séparées que l'on enseigne, dans le milieu, ils devront se servir conjointement des deux.
Puis, je dirais, dans le fond la question que ça pose, c'est: Qu'est-ce qu'un sujet devenant éthique? Un sujet devenant éthique, c'est un sujet qui se pose la question: Est-ce que je suis satisfait de l'être humain que je suis et que je deviens par mes actes? Et la réponse positive à cette question-là s'inscrit, quelle que soit sa vision du monde, dans le développement de l'estime de soi, de la sollicitude pour autrui et de la justice pour tous. Alors, dans ce sens-là, il y a conjugaison, en éducation, avec des jeunes, dans une classe, entre la dimension éthique et culture religieuse.
Puis, j'ajouterais que tout sujet est porteur d'une vision du monde. À partir de cette vision du monde là, le sujet construit et dégage ses valeurs. Mais, qu'elles soient religieuses ou non religieuses, il y a des différences, bien entendu, mais quand, on arrive pour porter des jugements normatifs, on doit s'entendre sur un cadre de référence, comme le disait Jacques, commun, et c'est ce cadre de référence là qui va nous permettre de porter un jugement. Et il faudrait vraiment éviter que la classe d'enseignement d'éthique et de culture religieuse reproduise, dans un même local, les clivages entre ceux qui ont l'enseignement moral et ceux qui ont l'enseignement religieux, dans le fond. C'est un des risques.
M. Fournier: Merci.
Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, Mme Bouchard. Vos enseignements sont non seulement éclairants, mais pourraient être inspirants pour même plusieurs députés. Mais il faudrait vous ramener ici puis élargir le spectre de l'Assemblée nationale pour écouter ça. Merci, M. le ministre. Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue à mon tour à notre commission, au nom de ma formation politique.
Je ne reviendrai pas sur la discussion qu'on vient d'avoir et sur le contenu sur lequel je suis intervenue avec ceux qui vous ont précédés tout à l'heure, éthique et culture religieuse, je pense qu'on s'en vient à faire des nuances intéressantes et qui nous permettent d'éclairer la suite des choses. Je vais aller sur quelque chose de très concret et précis.
Vous indiquez dans vos recommandations pratiques que, dans le processus d'élaboration du nouveau programme, bon vous nous dites que la stratégie de la recherche-action devrait être privilégiée dès le départ pour que ce programme soit validé concrètement par le milieu pendant le processus. J'aimerais ça que vous m'en parliez un peu. Parce que vous savez que les parents, la Fédération des comités de parents a souhaité être associée à la préparation du programme. Des représentants de professeurs, d'enseignants ont souhaité aussi la même chose. Les doyens de faculté et ceux qui s'occupent d'enseignement dans les facultés d'éducation ont souhaité aussi qu'on se préoccupe de ça. Alors, comment vous envisagez cela, cette approche par la recherche-action?
Mme Bouchard (Nancy): Je pense qu'il y a là vraiment un nouveau type de formation à créer. Ça n'existe pas nulle part ailleurs, dans le monde, à ma connaissance. Et, quand on innove autant, je pense que ce serait...
Mme Marois: Quand vous dites «ça n'existe pas», «ça n'existe nulle part au monde», vous dites le fait qu'on...
Mme Bouchard (Nancy): Ce qui est proposé comme cours d'éthique et culture religieuse.
Mme Marois: D'accord.
Mme Bouchard (Nancy): Et l'avantage de la recherche-action est, bon, de concert... C'est vraiment une collaboration, même, je dirais, plus qu'un partenariat, une collaboration réelle entre chercheurs et praticiens et qui permet vraiment, progressivement, d'améliorer une formation qu'on veut donner à des élèves. Et, comme elle est cyclique et peut s'étendre, par exemple, sur une année scolaire, le produit, le programme qui en ressortirait aurait bénéficié en même temps, comment dire, du milieu concret. Au lieu d'être validé après avoir été construit, il est validé tout au cours et réajusté tout au cours du processus de recherche-action.
Mme Marois: C'est une pratique qui a cours dans les formations sociales, hein, beaucoup... dans le domaine, c'est-à-dire, social, que d'utiliser la recherche-action, où on associe des citoyens, où on associe des groupes, des organisations. Bien, je pense que c'est très intéressant. Et dans le fond, vous dites: Tout au long du processus arrivant à bâtir le cours, on irait, par un processus d'aller-retour et en continu, associer les gens qui sont les premiers concernés, et ça pourrait comprendre aussi les parents. Parce que je vois ici que vous dites plus loin, là, dans la formation des enseignants: «L'occasion pourrait [être] également [...] donnée de valider le programme auprès des parents desdits élèves.»Mme Bouchard (Nancy): En fait, quand des élèves participent à une recherche, on doit absolument avoir l'autorisation des parents, et je pense qu'avec cette autorisation-là on pourrait ou on devrait peut-être s'engager à les consulter, à les rencontrer pour voir qu'est-ce qu'ils en pensent. Puis d'avoir aussi des terrains, des milieux suffisamment différents pour trouver aussi qu'est-ce qui sera le cadre pour tous et comment on arrivera à donner de la souplesse dans les situations, par exemple, qui seront présentées aux élèves, ou les contextes, on en tient compte. Par exemple, je voyais, au primaire, là, c'est très, très lié au contexte, à l'environnement immédiat. Comment construire un programme qui respecte cet environnement immédiat puis qui du même coup respecte le développement de l'enfant?
Mme Marois: Donc, c'est très intéressant. En tout cas, moi, ça me plaît beaucoup parce que, comme vous dites, on entre dans un domaine où on va innover à cet égard, et plus on sera associés à la préparation du résultat, bien plus on a de chances que celui-ci corresponde aux besoins, aux attentes, et atteigne les objectifs qu'on se fixe.
Toujours dans la question du régime pédagogique, et ça fait référence aussi à ce que je lisais, ce matin, concernant les écoles privées qui pourront ? enfin, peut-être; on verra; on en discutera, là ? qui pourraient continuer à enseigner la religion à l'école en substituant un cours optionnel pour choisir l'enseignement de la religion, vous dites, à la fin de votre mémoire, dans le dernier paragraphe: «D'autre part, nous estimons qu'il ne devrait pas être possible pour un milieu de retrancher complètement une discipline d'enseignement de l'horaire des élèves.» J'aimerais ça que vous m'en parliez un petit peu. Je sais que vous avez abordé, tout à l'heure, là, le régime pédagogique avec le ministre, mais je voudrais que vous m'en parliez un petit peu.
Mme Bouchard (Nancy): Oui. Ce qui se passe, c'est que bon on est très en contact, comme on forme les enseignants, on est très en contact avec le milieu scolaire puis on est très au fait, là, de ce qui peut se passer dans le domaine. Et il y a, par exemple, une école soit de premier cycle ou de deuxième cycle qui se retrouve avec quatre unités, hein? Si j'ai seulement un premier cycle, j'ai quatre unités dans le domaine de l'enseignement religieux et moral, puis ce sera le cas aussi pour l'éthique et culture religieuse. La même chose pour le deuxième secondaire dans la forme actuelle. Et puis il y a des écoles qui se permettent de retrancher complètement ces quatre unités-là, ce qui fait que, dans ces cas-là, ces élèves-là n'ont aucun cours dans le domaine.
Mme Marois: Et pour vous ça n'apparaît pas souhaitable?
Mme Bouchard (Nancy): Bien, je pense que c'est une formation de la personne qui est... Si on en débat tellement, si longtemps, puis qu'on y met tant d'énergie, je pense que c'est parce qu'on est convaincus que c'est une formation qui est absolument nécessaire pour les jeunes Québécois.
Mme Marois: Moi aussi, j'en suis convaincue. Alors, je vous remercie beaucoup. Est-ce que tu as une question? Ma collègue a une autre question.
Le Président (M. Chagnon): Merci, Mme la députée de Taillon. J'invite Mme la députée de Champlain, s'il vous plaît.
Mme Champagne: Alors, merci. Et bienvenue à vous trois.
n(13 heures)n Écoutez, quand vous parlez qu'au niveau du premier cycle du secondaire et du deuxième cycle on va jusqu'à enlever carrément les quatre cours de formation très personnelle pour y mettre d'autres cours optionnels, est-ce que c'est ça que je dois comprendre? Et non pas des cours de maths ou de français auxquels on ajoute de la formation.
Mme Bouchard (Nancy): Ce peut être ça aussi.
Mme Champagne: Ce peut être ça aussi?
Mme Bouchard (Nancy): Oui, oui.
Mme Champagne: Et là à date le régime pédagogique permet de faire ce genre de choses là.
Mme Bouchard (Nancy): Oui.
Mme Champagne: Bon. Là, on comprend bien que c'est... C'est ça, on ne pense pas au développement de la personne dans son entièreté. Alors, je comprends votre hésitation, là, j'en conviens avec vous autres.
Petite question concernant le cours unique d'éthique et de culture religieuse. Vous dites: Ça va permettre de réduire le nombre de programmes à enseigner, et l'ajout récent de quatre unités, en deuxième cycle du secondaire, va permettre des tâches complètes d'enseignement. Si je comprends bien, par là, pour vous, la formation doit être suffisamment, je dirais, bien orchestrée et bien organisée, de telle sorte que les profs n'aient pas à enseigner trois, quatre autres matières, mais bien se concentrent, quitte à le donner à plusieurs niveaux, mais se concentrent dans cette formation-là. C'est bien ça que je comprends?
Mme Bouchard (Nancy): Oui, oui.
Mme Champagne: Et tout ça, c'est dans le but de donner plus d'intérêt, également avoir plus de preneurs. Parce qu'on comprend bien que, l'enseignement de la religion, tel qu'il est présentement, on manque, de preneurs, là.
Mme Bouchard (Nancy): Oui.
Mme Champagne: Même chez vous également, comme on l'a vu tout à l'heure, dans d'autres universités, là, il manque de profs, il n'y a plus d'intérêt. C'est ça? Et là, vous autres, présentement, cet intérêt-là, est-ce que vous sentez qu'il est maintenu, avec votre cours qui est un peu unique, là, le bac en enseignement sur l'éthique et la culture des religions? Vous avez beaucoup d'étudiants présentement qui manifestent de l'intérêt?
Une voix: ...
Mme Champagne: Pas plus, même avec ce genre de cours là?
M. Rousseau (Louis): Ils ont le sens de la réalité et ils veulent avoir un travail qui a du sens. Et, s'ils sont condamnés à rencontrer chaque classe une fois aux neuf jours, pendant une heure, vous comprenez bien qu'ils sentent qu'ils n'ont absolument aucun effet pédagogique et puis... Enfin, personne ne va vouloir prendre ce genre de job là. Et la nouvelle intention qui est suggérée va rendre vraiment ce métier-là, en tant que métier de spécialiste au secondaire, un métier attirant. On sait qu'il y a des jeunes qui aimeraient ça, sauf que tout le monde leur dit: Ne fais pas ça, tu es mort. Et nos jeunes ont un sens de la réalité qu'on n'avait peut-être pas à notre époque et puis...
Mme Champagne: Alors, dernière petite question. D'après l'expertise que vous avez développée, si je comprends bien, demain matin ? voyons ça, mettons, l'automne prochain ? dès le mois d'août, vous êtes prêts à préparer des profs qui viendraient dans le sens d'un programme qui serait concocté, là, qui serait prêt.
M. Pierre (Jacques): On le fait déjà, madame.
Mme Champagne: Vous le faites déjà.
M. Pierre (Jacques): On le fait déjà.
Mme Champagne: Mais il n'y a pas de preneur parce qu'il n'y a pas de débouché, là, réaliste.
M. Pierre (Jacques): Bien, je veux dire, il y a des contingents, mais c'est des contingents qui sont coûteux pour l'université. Je veux dire, on a eu, Dieu merci, le support de notre institution à cet égard-là, compte tenu de ce que l'institution pressentait pour l'avenir, ce qu'elle concevait comme étant la façon de faire les choses pour l'avenir, mais ça a été coûteux. Et tant mieux si, demain matin, on peut avoir des cohortes, je veux dire, qui ne sont plus déficitaires pour notre université. Mais ce n'est pas donc... de 30 ans qu'on le fait et ce n'est pas une conversion de la 25e heure pour aller chercher des nouvelles clientèles.
Mme Champagne: Dernière question: Le bac que vous donnez en enseignement secondaire, est-ce qu'il y a eu déjà soit des certificats ou formations pour les enseignants du primaire dans le même domaine, ou si ce n'est pas encore mis en place?
Mme Bouchard (Nancy): On assume une partie, une toute petite partie de la formation au bac en enseignement primaire, tant dans la formation initiale que dans la formation continue. Maintenant, la place est toute petite, mais, depuis des années, on offre plusieurs cours, tant de didactique que sur les traditions religieuses du monde contemporain, aux futurs enseignants du primaire. Mais on n'a pas de certificat en enseignement religieux culturel pour les enseignants du primaire, mais on pourrait rapidement mettre en place, tel qu'on le fait pour le certificat en éducation morale et le certificat en sciences des religions, un certificat en éthique et culture religieuse.
Mme Champagne: Merci.
Mme Bouchard (Nancy): Ça pourrait se faire très rapidement.
Mme Champagne: Merci.
Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, Mme la députée de Champlain. M. Rousseau, vous vouliez ajouter...
M. Rousseau (Louis): J'ai un dernier...
Le Président (M. Chagnon): Sachez que Mme la députée de Champlain, quand elle vous questionne sur ce sujet-là, elle est un peu intéressée. Elle, un jour, invoque la possibilité de retourner chez vous comme étudiante pour ensuite aller enseigner en histoire dans une commission scolaire, à quelque part.
M. Rousseau (Louis): Elle serait très bien accueillie.
Le Président (M. Chagnon): Vous auriez raison, d'ailleurs.
M. Rousseau (Louis): Juste un commentaire pratico-pratique, parce que ça a été soulevé tantôt comme question, lors de présentations antérieures. Je pense qu'il faudrait que le ministère réfléchisse au rythme d'implantation en quelque sorte ou de l'ouverture d'offre et de formation de la part des universités. Bon, entendons-nous, tout le monde veut avoir des clientèles, O.K., on part de ça. Par ailleurs, personne ne peut vraiment dire à cette date, au moment où on se parle, quelle sera la rapidité de la communication d'abord du nouveau message qui est lié à l'innovation de ces programmes-là. En d'autres termes, quand est-ce que les étudiants qui finissent le cégep vont commencer à dire: On veut aller de ce côté-là? Je dirais qu'il va falloir faire un suivi de très près. La formation pour le secondaire ? c'est surtout de celle-là qu'on parle à ce moment-ci ? est une formation qui implique... Je veux dire, il faut donner beaucoup de cours. Chez nous, par exemple, pour dire les choses vite, c'est un an religion, un an morale. C'est 10 cours, ça. Ce n'est pas deux cours de morale, deux cours de religion.
Le mandat qui est donné par la loi maintenant, c'est: il faut avoir une compétence pour aborder, par exemple, les grandes traditions religieuses et les nouveaux phénomènes religieux. Tu ne fais pas ça dans 45 heures, tu ne fais pas ça dans 90. Notre expérience depuis bien des années, c'est que ça prend effectivement ce temps de formation pour le secondaire pour avoir un vrai professionnel. Vous ne voulez pas que se ramassent comme enseignants validés par un diplôme universitaire des gens qui auraient pris ça parce que, eux, ils ont une conviction religieuse particulière et ils vont se servir de ce pont-là pour convertir, là. Nous, je dirais, l'expérience, c'est qu'on arrête à peu près 5 % de nos finissants, à la fin de la quatrième année, lorsqu'on les teste dans un stage dans l'école, et on dit à ces gens-là: Non, tu ne deviendras pas un enseignant dans ce domaine-là, tu n'es pas capable de prendre le recul professionnel. Nous sommes en plein domaine de liberté de conscience. On n'envoie pas n'importe qui là-dedans.
Donc, je veux attirer votre attention et celle du ministère sur la nécessité d'assurer en quelque sorte une validité de la formation. On ne peut pas faire n'importe quoi vite, hein? Dans ce domaine-là, notre expérience à nous, quatre ans, ce n'est pas trop. On peut valider, aux yeux des législateurs et du ministère, on peut valider en quatre ans si on a la capacité de dire à tel ou tel: Non, toi, non, out, tu ne l'auras pas, le diplôme, tu ne seras pas capable d'enseigner, parce qu'il n'a pas développé les aptitudes. Donc, il faut pour ça qu'on ait suffisamment d'étudiants.
Je vous donne un chiffre juste pour le fun. Pour que ça fonctionne bien, par exemple, chez nous, il faudrait probablement avoir quelque chose comme un minimum de nouvelles entrées, en première année de ce programme de quatre ans, de 50 étudiants par année. Il va s'en perdre quelques-uns, ils vont changer de champ, etc., mais, avec 50, on est capables d'assurer la qualité des ressources pour les former jusqu'à la fin. Il nous en rentre, ces dernières années, entre cinq et 15. Alors, je vous suggère... Vous pouvez bien voir les miracles et, j'oserais dire, une certaine abnégation de pas mal de monde pour ne pas rater la qualité de la formation. Alors, si, du jour au lendemain, tous ceux qui vous ont parlé ce matin ont des programmes et disent: On attend le monde, hein... Déjà, nos collègues qui nous ont précédés nous ont dit: Écoutez, nous, on va la faire, la formation, si on a les étudiants, parce que c'est les règles du jeu dans le financement des universités. Alors, je dirais, je ne sais pas exactement quoi vous suggérer, sauf la précaution de ne pas dire: Allez-y, tout le monde, offrez des services.
Je pense qu'il y a une connaissance du milieu qui devrait faire en sorte qu'on attende... Je prends le cas montréalais, et là vous nous accuserez de corporatisme UQAMien. Mais on a en place un programme qui fonctionne déjà. Il faudrait peut-être qu'on ait la chance de pouvoir, je ne dis pas faire bien du fric avec ça, mais simplement être capables de jouer les règles du jeu d'une formation de qualité, avec les financements qui sont prévus, avant qu'il y ait deux, trois autres universités dans le territoire qui offrent la même chose. Parce que ce qui arrive présentement, c'est qu'en réalité tout le monde est en train de mourir. Alors, là-dessus, je dirais, il faut une gestion de l'offre, en quelque sorte, et ça, le ministère peut avoir des ajustements assez rapides, parce qu'on sait, à chaque année, il en rentre combien, à quelque part. On ne veut pas du tout, disons, monopoliser le domaine, mais d'un autre côté il ne faut pas non plus tomber dans la liberté absolue de l'offre de formation, ce qui risquerait finalement de rater.
n(13 h 10)n Mon sentiment, c'est que, dans quelques années, entre cinq et 10 ans, ça va prendre des offres de formation partout, y compris d'ailleurs de restaurer les capacités de formation à l'Université du Québec à Chicoutimi et à Rimouski, là. À un moment donné, les gens du Bas-du-Fleuve vont vouloir ne pas venir forcément à Québec. Donc, il y aurait quelque chose... Je ne sais pas quel conseil peut jouer ce rôle-là, mais de veiller à ce que l'offre de services de qualité soit facilitée et que graduellement on permette un élargissement de cette offre-là, il y a là une question que je veux vous laisser. On ne peut pas simplement dire: Ça va se faire tout seul. Ça risquerait de ne pas se faire du tout.
Le Président (M. Chagnon): Alors, bien, merci beaucoup, Mme Bouchard, M. Pierre, M. Rousseau, de votre témoignage ici. Ça a été grandement apprécié, je pense, par tous les membres de la commission. Peut-être était-ce votre première expérience en commission.
Une voix: Oui.
Le Président (M. Chagnon): Alors, j'espère qu'on ne vous a pas traumatisés.
Des voix: ...
Le Président (M. Chagnon): Alors, encore une fois, pour l'Université du Québec à Montréal, nous les remercions.
Remarques finales
Je vais inviter M. le ministre et Mme la députée de Taillon à commencer leurs remarques finales. Alors, je vais inviter Mme la députée de Taillon à faire ses remarques finales.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Oui. Merci, M. le Président. Je vais y aller assez brièvement, puisque nous aurons l'occasion de revenir, à l'Assemblée, en Chambre, sur l'adoption du principe, de même qu'en commission parlementaire, mais je voudrais quand même partager avec vous quelques commentaires.
D'abord, au terme de trois journées de consultations, je crois que nous avons reçu des éclairages fort intéressants quant à la décision du gouvernement de mettre un terme à l'enseignement religieux confessionnel. Les points de vue ne sont pas unanimes, on a pu le constater, quelques groupes continuent de s'opposer au projet de loi et aux changements qu'il propose ? pensons au Comité pour le renouvellement de la clause dérogatoire, l'Assemblée des évêques, quoiqu'avec nuances, la Table de concertation protestante ? alors que d'autres, nettement majoritaires cependant, l'appuient, la saluent et l'ont réclamée parfois après un long cheminement.
D'autres ont cheminé dans le sens d'arriver à cette conclusion-là maintenant, ce qui n'était pas le cas il y a quelques années. Alors, dans ce groupe, on retrouve la Fédération des comités de parents, les enseignants et le personnel des écoles, les commissions scolaires francophones, anglophones, la Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire, qui rejoint beaucoup de personnes, la Commission des droits et libertés de la personne et des droits de la jeunesse, le Conseil supérieur de l'éducation, le Comité sur les affaires religieuses et, je crois, l'ensemble des universitaires qui sont venus, à un titre ou à un autre, présenter leur point de vue ici.
Il est clair que le sujet de nos discussions, bien que fort important, ne soulève pas autant d'objections et d'appréhensions comme ce fut le cas en 1999, alors qu'on étudiait la place de la religion à l'école. Et il y avait eu plus de 200 mémoires déposés au moment des consultations publiques sur le projet de loi n° 118. Plusieurs éléments ont donc fait l'objet de consensus ou du moins semblent largement partagés par ceux et celles qui sont venus nous rencontrer. J'en cite... ou j'en rappelle quelques-uns, dont, entre autres, l'importance de transmettre des valeurs, non pas uniquement des connaissances factuelles, préserver certaines dimensions, comme la quête de sens, la spiritualité, préserver une certaine cohérence, un fil conducteur, dans l'enseignement, tout au long du cheminement scolaire des jeunes du primaire et du secondaire, l'importance d'apporter toutes les nuances utiles entre l'éthique et la culture religieuse sans départager l'une ou l'autre de ces réalités, mais quand même se préoccuper des nuances qui existent.
On a constaté que certains écueils avaient été mis en lumière et qu'il faudra éviter, entre autres, le nivellement par le bas. Certains craignent le trop grand relativisme. Il faudra, dans le programme, éventuellement y réfléchir. Il y a encore certaines inquiétudes dues, à mon point de vue... Bon, certains, ce sont des objections de principe, et là on peut respecter cela et être en désaccord, mais pour certains c'est vraiment, ces objections, lié à la méconnaissance ou à la peur de l'inconnu, à une certaine ignorance, dans un sens, et il faudra donc lutter contre cela en agissant concrètement sur ce front. Donc, le travail ne commence pas en 2008, il commence aujourd'hui.
Le gouvernement devrait, je crois, dans l'élaboration du nouveau programme d'éthique et de culture religieuse, répondre aux interrogations des gens plus craintifs dont les objections nous apparaissent plus ou moins fondées mais qui devront être dissipées dans la mesure du possible. Je crois qu'on a eu à cet égard une suggestion intéressante de la Fédération des commissions scolaires, qui parlait d'un véritable plan de communication qui allait s'adresser aux parents les plus inquiets et qui s'opposaient, parfois par méconnaissance, d'autres fois ça peut être par principe, je le répète. Mais, quand il s'agit de méconnaissance, je pense qu'on a une responsabilité, le ministère de l'Éducation en a une.
Et il y a aussi, je crois, une attention qui doit être apportée par le gouvernement et par le ministre au fait d'inclure, dans sa démarche, selon des formes modulées, les parents, les enseignants, les directions d'école de même que tous les groupes intéressés par la question. Le ministre dit souvent que l'acceptation passe aussi par l'appropriation, mais, dans le cas présent, je pense qu'il faut s'approprier aussi la démarche.
Il faudra accorder une attention particulière à la formation initiale, à la formation continue. Il y a 20 000 enseignants du primaire qui sont concernés, 2 400 enseignants au secondaire qui seront au coeur de ce nouveau programme. Agir avec célérité. Et, trois ans, certains vous diront: C'est long. D'autres vous diront: C'est court. Peut-être y aurait-il eu, entre les deux, une possibilité de deux ans...
Une voix: ...
Mme Marois: ...deux ans ou enfin tout dépendant de la manière évidemment dont on va utiliser le temps qui nous est alloué, mais il faut bien l'utiliser, surtout.
Un certain nombre de propositions d'amendement ont été formulées par les groupes, peu discutées cependant, lors des consultations, probablement faute de temps. Nous aurons l'occasion d'y revenir plus longuement à l'étude article par article. Il y a un certain nombre de suggestions qui ont retenu mon attention. Je tiens à souligner en particulier la modification à l'article 41 de la Charte des droits et libertés de la personne. Je pense que la Commission des droits a été très claire là-dessus, dans son intervention, il y a quelques minutes à peine. C'est une modification non seulement logique, mais elle est conséquente et elle éviterait que d'hypothétiques bien sûr mais possibles contestations judiciaires remettent en question l'esprit ou même la lettre de la loi. Et puis ce n'est pas seulement la Commission des droits qui l'a souligné, mais je pense à la Coalition pour la déconfessionnalisation, la CSQ, le Conseil supérieur de l'éducation, etc.
Des modifications aussi concernant l'article du projet au sujet du nouveau mandat du Comité sur les affaires religieuses, je pense que ça mérite d'être exploré et que ça mérite une réflexion.
Peut-être devrait-on aussi envisager des dispositions touchant les écoles privées. C'est soulevé, ce matin, dans un article de La Presse, mais, moi, depuis le début, j'ai ça en tête. C'est un peu dommage d'ailleurs parce qu'ils ne sont pas venus faire de présentation ici, à la commission ? je crois qu'ils avaient été invités ? l'Association des écoles privées. Est-ce que des dérogations ne viendraient pas à l'encontre de l'esprit de la loi, par exemple celle de vouloir remplacer les nouveaux cours confessionnels par ceux qu'on voudrait supprimer, soit les non... c'est-à-dire, inversement, là, les confessionnels par rapport aux non-confessionnels? Alors, je pense qu'il faut quand même se poser la question sur ça et y réfléchir. On interviendra, au moment de la commission parlementaire article par article, sur ces questions.
D'autres propositions ne touchent pas à la loi mais à la démarche gouvernementale des prochaines années, par exemple d'éventuelles modifications au nouveau régime pédagogique ou bien sûr la définition du nouveau programme. Alors, à cet égard, nous devons nous fier à la bonne foi du ministre. Ha, ha, ha!
Une voix: ...
Mme Marois: Bien sûr! Mais, dans le cas présent, c'est intéressant de revenir à ces notions. Toutefois, nous allons demeurer vigilants, et je crois comprendre qu'il est dans l'intention de tous les groupes concernés d'en faire autant. Alors, je vous remercie, M. le Président.
n(13 h 20)nLe Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, Mme la députée de Taillon. J'invite maintenant le ministre à nous faire part de ses remarques finales.
M. Jean-Marc Fournier
M. Fournier: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord remercier tous nos collègues qui ont participé à ces travaux pour recevoir les commentaires de ceux qui souhaitaient y répondre. Je pense qu'autant l'oeuvre qui a été lancée ? j'ai eu l'occasion de le dire un peu plus tôt ? que ce qui nous a été témoigné par les groupes qui sont venus, c'est que la situation actuelle n'était pas une solution qui était viable. Nous n'étions pas dans un mode opérationnel, organisationnel, fonctionnel. Et donc, peu importe si on est à l'aise ou pas avec des clauses dérogatoires, qui étaient souvent la façon dont on abordait le problème jusqu'ici, la grande question était: Ce qu'on donne, pour nos élèves, est-ce que c'est ce qu'il y a de plus efficace? En bout de piste, notre travail, c'est aussi celui-là, de nous assurer que pour les jeunes on fait ce qui doit être fait.
D'abord, simplement pour dire, puis ça, je pense que c'est important de le placer comme principe de base, ne serait-ce que comme premier élément à dire à ceux qui n'ont pas encore adhéré à ce nouveau programme, notamment les groupes de parents qui souhaitaient qu'on continue d'avoir le statu quo là-dessus, c'est important de dire que tous ceux qui sont venus ici ? je pense, entre autres, bon, aux gens qui représentaient des enseignants, aux gens qui représentaient des commissions scolaires ? je veux dire, c'est le monde qui vit cette situation-là, là. Quand on s'est fait dire, à un moment donné, que c'étaient les structures qui parlaient mais que, sur le terrain, les gens voulaient perpétuer une situation, le fait est que ce sont les gens qui vivent sur le terrain qui sont venus nous dire: Ça ne marche pas. À partir de là, il faut bien qu'on puisse réagir. Et donc, à ce constat, il y a une réaction, celle du projet de loi qui est déposé et qui nous amène dans une autre direction qui à mon avis est beaucoup plus intéressante que l'enseignement, même si le système avait bien fonctionné, que le système qui était en place précédemment.
Je retiens évidemment que, malgré ce changement, les gens souhaitent garder un lien avec un héritage qui est important à l'identité québécoise. Tout le monde l'a dit, des parents aux commissions scolaires, aux syndicats, en passant par le Conseil supérieur de l'éducation, et je pense que, si on veut réussir, c'est certainement en gardant ce lien, en rappelant qu'il n'y a pas négation de l'héritage identitaire avec cette démarche-là, il y a plutôt une ouverture par rapport à la différence. Et, si l'objectif du programme que nous mettons de l'avant est de nous assurer de mieux préparer les jeunes au monde, il y a tout ce débat qui a eu lieu sur: Est-ce que cela fera naître de la confusion ou une meilleure appropriation du religieux?
On a eu le débat tantôt avec les gens de l'UQAM, et je pense que c'était important qu'ils nous soulignent qu'on y porte une attention particulière dans la suite des choses. Parce que ce n'est pas tout de dire qu'on va mettre en lumière des différences et que ça va provoquer un choc, il faut s'habituer à ces chocs initiaux pour qu'ils ne nous fassent pas reculer. Des fois, c'est un comportement qu'on pourrait vouloir utiliser en disant: Bien, peut-être qu'on s'est trompés. Mais, si on sait à l'avance, avant de se lancer, que le choc va arriver, bien on va déjà savoir que le choc va être là, et le choc ne sera pas un élément qui entraînera un recul mais qui sera plutôt un passage par lequel nous savions déjà que nous devions passer, et je pense qu'il ne faut pas perdre de vue cela. Comprendre l'autre, parfois ça implique de mettre en lumière certains éléments, nous faire prendre conscience de quelque chose. Aussi bien bien le gérer, plutôt, comme on nous indiquait, que d'avoir à le subir sans avoir aucune prise dessus par la suite. Alors ça, je pense que c'est très important pour la suite des choses, et on y verra, M. le Président.
Petit détail, parce que notre collègue soulevait la question, qui a d'ailleurs été soulevée, sur la question des écoles privées et des dérogations, encore faut-il comprendre que la règle de sanction va faire en sorte que ce cours d'éthique et de culture des religions de secondaire V devra être respecté. Alors, forcément, il ne pourra y avoir place à dérogation dans ce sens-là. Et bon, plus simplement encore, avec toute l'énergie qui y est mise, tout le temps qui y est mis, avec, je dirais, au-delà de ça ? moi, je le vois comme ça, là ? le consensus ? le consensus, ce n'est pas l'unanimité, là ? le consensus assez largement partagé, dans la société, de vouloir doter nos concitoyens, les jeunes, de ce programme, de cet outil pour apprécier leur place dans le monde, je ne vois pas comment on pourrait souhaiter que tous n'en profitent pas.
Sur la démarche, on a abondamment parlé du souhait. On a eu des offres de collaboration qui nous sont venues de toutes parts, et je pense qu'il est bien que ce soit ainsi. Vous m'avez souvent entendu parler que nous cherchions la plus grande adhésion possible, et évidemment, pour aller chercher l'adhésion, il faut ouvrir la porte. On va s'assurer que, dans le processus, autant pour la formation des enseignants que pour la conception du programme, nous soyons toujours en contact avec ceux qui ont à vivre cette réalité-là. Ça commence avec les parents et ça se termine avec les enseignants, les dirigeants, enfin l'ensemble de ceux qui sont dans le domaine.
On a eu certains échanges à savoir: Est-ce qu'un an, deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans était la période à considérer pour assumer une transition harmonieuse? Plusieurs groupes ont décelé les raisons fondamentales pourquoi nous étions avec ce trois ans. Encore une fois, on vient tout juste d'avoir le mémoire de l'UQAM qui disait ceci: «La reconduction de la clause dérogatoire pour une période conclusive de trois ans est judicieuse et avisée politiquement.» D'ailleurs, la CSQ, si je ne me trompe pas, c'est eux qui disaient qu'ils auraient souhaité aller plus vite, mais qu'ils trouvaient néanmoins que c'était judicieux de faire le trois ans. Donc, je comprends que le mot «judicieux» est venu à quelques reprises sur le trois ans. Mais le coeur de ce que l'UQAM nous disait et que d'autres ont dit: outre le fait qu'elle permette aux communautés religieuses concernées de préparer la transition vers d'autres lieux de transmission de la foi, elle dresse la table pour la suite des choses et laisse suffisamment de temps aux différents acteurs, comme dirait l'autre, pour voir venir.
Alors, il y a la préparation comme telle, il y a le programme, il y a la formation des maîtres, il y a les Églises qui sont interpellées, et j'ajouterais ? et encore plus important, quant à moi ? ce groupe encore inquiet de notre société qui considère qu'il y a une perte et qui à mon avis va se retrouver plutôt avec un plus. Et, si on veut s'assurer, là, d'aller chercher le plus de monde possible ? notre collègue de Taillon disait qu'il fallait répondre aux craintes, aux gens qui sont les plus craintifs ? bien cette période de temps permet justement de donner de l'information, d'expliquer où on s'en va, pour aller chercher le plus de monde possible encore une fois, toujours en se souvenant de la période de choc initiale qui risque de se produire. Il ne faudrait pas que les plus craintifs perpétuent leurs craintes pour ensuite relancer un mouvement disant: On vous l'avait dit, et on recule. Et je ne pense pas qu'on aura été gagnants. Donc, préparons déjà cette période-là, et je pense que le temps qu'on se donne nous permet de le faire correctement.
Je termine, M. le Président, en disant que ma compréhension est à l'effet qu'effectivement il y a un large consensus à cet égard. Je n'étais pas membre de la commission qui a étudié le sujet, qui n'était pas le même projet, qui était sur cette table, devant l'Assemblée, mais, la dernière fois que le débat s'est posé, disons que le débat était bien, bien différent, et il y a certainement eu une évolution très, très rapide en cinq ans. Il y a eu les parents, les commissions scolaires qui ont changé de position, et ça draine pas mal de monde, là. Alors, forcément...
Je disais, lorsqu'on a rendu public le projet, que le Québec était rendu là. C'était une formule un peu courte, un peu simple, mais, ma foi, au sortir de cette commission, je me rends compte que le Québec est effectivement rendu là. C'est la meilleure façon de le dire. Et, même si, lorsqu'on regarde les nuances ? notre collègue de Taillon le rappelait tantôt ? les nuances de l'Assemblée des évêques, hein, on aurait pu s'imaginer, bon... Puis ils l'expriment, leur déception, mais, en bout de piste, ils nous rappellent, M. le Président ? et ce n'est pas rien; je le rappelais un petit peu plus tôt, aujourd'hui ? et je les cite, l'Assemblée des évêques: «Nous pourrons accorder notre soutien à ce programme ? et là les mots importants sont ceux qui suivent ? et inviter nos fidèles à y reconnaître une évolution positive dans la mesure où le gouvernement saura donner suite aux orientations prometteuses qu'il contient tout en évitant les risques...» Et bien sûr on va tout faire en sorte pour pouvoir donner suite aux orientations prometteuses et éviter les risques.
Mais ce que je veux noter, c'est que non seulement... Ce que l'Assemblée des évêques nous dit, c'est qu'ils attendent. Ils sont prêts à donner leur soutien. Mais, de poser un geste beaucoup plus dynamique, beaucoup plus concret, et de dire «et inviter nos fidèles à y reconnaître une évolution positive», donc je constate que, le calme relatif qui accompagne nos débats, qui a accompagné le dépôt du projet de loi, la source, on la trouve un peu ici, dans cette acceptation même de l'Assemblée des évêques de dire: On est rendus là. Et c'est quelque chose qui est utile. Moi, à mon avis, on est en train de passer une étape importante, mais on le fait sans rupture, sans rejet, on le fait, constatant une évolution avec une harmonie qu'on cherche toujours à être plus grande pour susciter l'adhésion du plus grand nombre. Alors, je suis très heureux des débats.
n(13 h 30)n Vous me permettrez, en terminant, puisque j'ai salué nos collègues d'entrée de jeu, de remercier les groupes qui sont venus mais surtout, M. le Président, de remercier les gens du ministère qui y travaillent depuis bien longtemps et qui ont même eu des échos positifs, notamment du Conseil supérieur de l'éducation qui est venu dire que même la relecture de documents l'avait amené à le trouver encore plus inspirant. Et donc j'en profite pour saluer les gens qui travaillent là-dessus, en espérant que ceux qui nous écoutent puissent communiquer ces remerciements à tous ceux qui travaillent avec eux. M. le Président, merci beaucoup.
Le président, M. Jacques Chagnon
Le Président (M. Chagnon): Merci, M. le ministre. J'aurais aussi à remercier tous les membres, toutes les personnes, tous les groupes qui ont participé à nos travaux depuis trois jours. Je pense que la qualité des débats, l'élévation des débats a fait en sorte justement de permettre à notre commission d'atteindre ce but que nous recherchons toujours lorsqu'on étudie et approfondit des questions qui touchent l'éducation. On s'attend à ce genre de débats là quand on touche ce sujet-ci.
Et, dans ce cadre-là, il me reste aussi à remercier tous les membres de la commission pour la grande qualité de travail qu'ils ont faite, les membres de la commission, les employés de la commission, secrétaires, techniciens, les gens du secrétariat, les gens du ministère de l'Éducation, les gens du cabinet et les gens du Service de recherche de l'opposition. Et il me reste évidemment, je pense, entre autres...
J'ai eu un flash, à un moment donné, quand M. Rousseau disait qu'il avait perdu des étudiants, depuis quelques années, en matière d'enseignement religieux. Je dois confesser probablement aujourd'hui que j'ai été probablement un de ceux qui ont fait en sorte, sans le vouloir, que cela arrive. Quand, en 1994, au printemps, je faisais adopter les règles de sanction du secondaire par le gouvernement, j'avais exclu l'enseignement religieux catholique ou protestant dans les règles de sanction. Peut-être vous en souviendrez-vous. Je me rappelle de débats, au Conseil des ministres de l'époque, qui avaient été assez bons, assez musclés, entre autres avec M. Ryan qui avait une vision, on le sait, sur ces questions-là, qui était très intéressante et très réfléchie. Bref, j'ai dû faire en sorte de contribuer à diminuer votre nombre d'étudiants sans le vouloir.
Mais une chose est certaine, c'est un débat qui est extrêmement important pour l'ensemble de la société québécoise, et la façon sereine dont nous l'abordons, la façon dont nous allons probablement, dans la semaine qui vient... ? j'anticipe que, mardi, mercredi, j'anticipe, dis-je, que mardi, mercredi, nous aurions probablement à étudier le projet de loi article par article ? nous amènera évidemment à faire un autre pas dans le sens qui est choisi par le gouvernement et le ministre.
Et en même temps je vous rappelle que, mercredi matin, à 8 heures, nous aurons une séance de travail pour préparer le document, pour déposer éventuellement à l'Assemblée nationale, sur l'avenir des universités, sur le rôle des universités et sur les universités en général. Alors, il me reste à vous souhaiter une bonne journée, à vous remercier tous encore une fois et à ajourner sine die.
(Fin de la séance à 13 h 33)