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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mardi 31 mai 2005 - Vol. 38 N° 59

Consultations particulières sur le projet de loi n° 95 - Loi modifiant diverses dispositions législatives de nature confessionnelle dans le domaine de l'éducation


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures six minutes)

Le Président (M. Chagnon): Je déclare la séance de la Commission de l'éducation ouverte et j'invite le secrétaire à nous informer s'il y a des remplacements.

Le Secrétaire: Aucun, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Alors, je rappelle que le mandat de la commission pour cette séance est d'entreprendre des consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 95, Loi modifiant diverses dispositions législatives de nature confessionnelle dans le domaine de l'éducation.

Remarques préliminaires

Je vais inviter tout de suite le ministre de l'Éducation à faire ses remarques préliminaires. Il y aura donc un 15 minutes pour l'ensemble du groupe parlementaire gouvernemental, et ensuite j'inviterai la porte-parole de l'opposition officielle et députée de Taillon à faire de même pour un autre 15 minutes qui est dévolu aux députés de l'opposition. Alors, M. le ministre.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Mmes et MM. les membres de la Commission de l'éducation, les invités qui vont se joindre à nous et nos collaborateurs, nous amorçons, aujourd'hui, des consultations particulières relatives au projet de loi n° 95, Loi modifiant diverses dispositions législatives de nature confessionnelle dans le domaine de l'éducation. Ce sera l'occasion d'échanger et de recevoir les commentaires et propositions des organismes invités à participer à ces discussions et d'enrichir de la sorte notre réflexion à l'égard des objectifs poursuivis par celui-ci.

Le projet de loi n° 95 modifie la Loi sur l'instruction publique afin de supprimer les dispositions de nature confessionnelle qui s'y trouvent concernant l'enseignement religieux et d'ajuster en conséquence, à compter de juillet 2008, la mission du Comité sur les affaires religieuses, à qui incombe la responsabilité d'approuver les aspects confessionnels des programmes d'enseignement moral et religieux catholique ou protestant. Le projet de loi n° 95 vient aussi modifier en concordance la Loi sur l'enseignement privé de même que la Loi sur l'instruction publique pour les autochtones cris, inuit et naskapis. Il prévoit enfin que les clauses dérogatoires aux chartes canadienne et québécoise des droits et libertés cesseront d'avoir effet le 1er juillet 2008.

M. le Président, le projet de loi n° 95 représente l'aboutissement de la démarche du système scolaire pour s'ajuster à la réalité sociale du Québec et il lui permettra également de se soustraire au processus répété de recours aux clauses dérogatoires dans les lois de l'éducation. Ce recours est conçu comme une mesure d'exception, mais on avait fini par en faire une pratique courante afin de maintenir ces cours distincts que sont l'enseignement religieux catholique ou protestant et l'enseignement moral. Or, comme on le sait, l'échéance de ces clauses dérogatoires surviendra le 30 juin prochain. Le moment est venu de prendre une décision sur la pertinence de maintenir à long terme le recours à ces clauses et du même coup de réfléchir au type de formation que l'école doit donner à l'ensemble des élèves sur les questions d'ordre religieux et éthique. Cette responsabilité ne peut être esquivée ou reportée.

Les avis reçus au ministère convergent tous dans la même direction et concluent à la nécessité de revoir notre approche relative à l'enseignement moral et religieux au primaire et au secondaire. Pour cela, il nous faut d'abord réfléchir à une question fondamentale, à savoir le rôle et la responsabilité que l'on souhaite confier à l'école en matière d'enseignement religieux.

L'enseignement religieux a déjà connu de grandes transformations au Québec. Une de ces modifications réside dans le fait que, depuis 1983, la préparation aux sacrements ne relève plus de l'école mais bien des paroisses. Conséquemment, depuis plusieurs années déjà, l'enseignement religieux catholique ou protestant dispensé dans nos écoles ne cherche plus à susciter l'adhésion à une croyance particulière mais plutôt à faire connaître un de ces courants religieux aux élèves.

Il faut toutefois se demander si l'école ne doit pas être un facteur de cohésion sociale et conséquemment favoriser le rapprochement des individus par le partage de valeurs communes. À cet égard, est-il souhaitable de séparer les élèves d'une même classe sur la base de leur adhésion à telle conviction ou telle religion? Pourquoi l'élève chrétien doit-il être séparé de ses camarades bouddhistes ou musulmans? Que deviennent les enfants qui se retrouvent en situation de minorité? Comment peut-on, le cas échéant, assurer la qualité de l'enseignement dispensé à ces élèves? Et, plus fondamental encore, n'y a-t-il pas un avantage pour le même élève chrétien de situer son appartenance religieuse ou celle de sa famille dans un contexte plus large où il apprend et comprend la légitimité d'appartenances plurielles?

n (11 h 10) n

Ce projet de loi constitue un point tournant dans l'histoire du Québec, car, en renonçant au recours à des clauses dérogatoires en matière d'enseignement religieux, nous confirmons aussi notre adhésion sans réserve aux droits fondamentaux auxquels souscrit la société québécoise, des droits qui concourent à l'affirmation de son caractère laïc et démocratique dans une société ouverte et accueillante où nous devons apprendre ensemble à vivre ensemble.

La situation appelle à ce que nous adoptions une solution qui rejoint le plus grand nombre possible de nos concitoyens. La réponse que nous adopterons ensemble ouvre un chantier neuf qui exigera toutes nos énergies, notre créativité et la mise en commun de notre expérience au profit des jeunes d'aujourd'hui. Le projet de loi que nous soumettons à la consultation vise à faire en sorte que l'école puisse remplir pleinement sa mission d'instruction, de socialisation et de qualification de tous les élèves. Il permettra d'offrir un enseignement adapté au contexte et aux besoins actuels, ce à quoi, dans un sentiment largement partagé, le régime d'options actuel semble moins bien convenir.

Il s'agit d'une nouvelle étape à l'intérieur d'une démarche amorcée, il y a plusieurs années, par la mise en place des commissions scolaires linguistiques et la déconfessionnalisation des structures scolaires. Elle rendra plus pertinente la formation dispensée dans nos écoles en matière d'éthique et de religion pour permettre à nos jeunes de relever les défis personnels et sociaux qui se présentent à eux dans la société d'aujourd'hui.

Grâce au présent projet de loi, nous verrons la mise en place, à l'automne 2008, d'un programme unique d'éthique et de culture religieuse qui sera offert sans discrimination à tous les élèves du primaire et du secondaire. L'échéance de trois ans donnera le temps au ministère et au réseau de l'éducation de réaliser les travaux nécessaires à sa mise en place. Ce délai permettra en effet d'élaborer en consultation le programme et d'offrir aux enseignants et enseignantes du primaire et du secondaire la formation requise. Cette approche est de nature à mieux répondre aux besoins des enseignants et, par le fait même, à mieux servir les élèves.

Depuis quelques années, les enseignants soulevaient des critiques à l'égard de cette discrimination positive à l'égard de la religion chrétienne. De fait, les enseignants étaient de moins en moins nombreux à faire le choix de donner des cours reflétant un enseignement religieux. Un virage s'imposait. Pour réussir ce virage, la formation des maîtres sera plus que jamais prioritaire. Elle constitue un facteur clé du succès de notre démarche. Voilà un argument qui à lui seul suffit à convaincre de la nécessité de ce délai de trois ans.

Pour ce qui est du nouveau programme, il s'articulera autour de quatre grands principes qu'il m'importe d'évoquer ici. Premièrement, nous voulons que les apprentissages soient continus et progressifs. Ainsi, l'élève, en tenant compte de son évolution, sera mis en contact avec les grandes philosophies et les courants de pensée majeurs qui ont marqué l'histoire de l'humanité. Deuxièmement, les apprentissages devront prendre racine dans la réalité immédiate de l'étudiant, pour ensuite élargir ses horizons. Or, cette réalité, c'est la culture du Québec, une culture largement façonnée par l'influence des courants catholique et protestant. Le nouveau programme fera donc une place appropriée à l'héritage chrétien du Québec et il s'inscrira dans une perspective plus large, ouverte à la pluralité religieuse. Troisièmement, les apprentissages devront se réaliser dans le respect de la liberté de conscience et de religion des élèves. Ce respect du droit fondamental à la liberté de conscience et de religion constitue l'assise de toute formation dans le domaine de l'éthique et de la religion. Enfin, quatrièmement, les apprentissages viseront à développer des attitudes appropriées à la vie en commun.

Le nouveau programme aura pour objectif de favoriser la cohésion sociale. Pour ce faire, il misera sur le partage des valeurs communes, l'acquisition d'un sens civique et la prise de conscience que les choix individuels ont des effets sur la collectivité. Nous ne devons pas encourager la division des élèves québécois mais bien leur permettre d'apprendre ensemble afin de mieux vivre ensemble.

Il ne s'agit pas de faire de nos élèves des spécialistes universitaires des questions éthiques et spirituelles au terme de leurs études secondaires. Le nouveau programme prévoit plutôt leur apprendre ce que sont les règles, les valeurs et les droits qui constituent les fondements de notre société, fondée sur la liberté de la personne et le respect d'autrui, tout en les éveillant à la diversité du monde au sein duquel ils seront appelés à évoluer, diversité dans laquelle le phénomène religieux occupe une place toujours affirmée.

Nous vivons à l'ère de l'information, et nos enfants sont soumis à de multiples influences. Ils sont aussi témoins comme nous d'événements bouleversants. Je considère qu'il est de notre devoir de les accompagner dans cette prise de conscience au regard de la complexité du monde et des enjeux auxquels celui-ci est et sera confronté dans le futur. Nous souhaitons que le nouveau programme d'éthique et de culture religieuse leur donne les outils de base pour accueillir et interpréter cette information dans un esprit d'ouverture, de compréhension et, nous l'espérons, de respect mutuel. Nous souhaitons encourager la connaissance de l'autre et contribuer à former des adultes qui seront sensibilisés à la diversité des personnes qui les entourent et qui exercent leur jugement de manière éclairée.

Nous sommes bien conscients, M. le Président, que des changements aussi importants ne peuvent être brusqués. Nous avons donc été soucieux de mettre en place des conditions qui favorisent une transition harmonieuse vers le nouveau programme. Voici donc brièvement exposés les enjeux sous-jacents au projet de loi n° 95. On admettra qu'il s'agit d'un changement majeur pour notre système scolaire, mais j'ai la conviction que ce projet de loi contribuera à accroître encore plus la qualité de la formation de nos enfants.

M. le Président, la démocratie est une chose bien précieuse, notamment parce qu'elle nous permet de débattre et de discuter ensemble des choix de notre société. Je suis convaincu que nous partageons cette volonté d'offrir un enseignement de qualité qui outillera nos jeunes en prévision d'une participation active et constructive à notre société. J'espère que ce sera cette même volonté qui animera nos débats et qui permettra de faire franchir à notre système scolaire une autre étape nécessaire à son évolution.

C'est dans un esprit d'ouverture et de respect que j'aborde les consultations sur le projet de loi n° 95. Je suis persuadé que nous nous engagerons ensemble dans la voie qu'il trace devant nous pour le mieux-être de nos enfants et pour une société encore plus ouverte et accueillante. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres membres du groupe ministériel qui veulent participer à cette... ou qui ont des choses à ajouter quant aux notes d'ouverture de la commission? Non? Alors, j'inviterai donc Mme la députée de Taillon à nous faire part de ses voeux préliminaires.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Je vous salue, ainsi que les membres de votre équipe, M. le ministre, chers collègues de la commission et mesdames et messieurs qui allez participer à nos échanges.

D'abord, je suis très heureuse que nous puissions profiter de quelques heures, en fait même de quelques jours, pour recevoir l'éclairage de groupes et d'organismes interpellés par le projet de loi n° 95. Que ce soient des intervenants scolaires, des parents, des autorités religieuses, des institutions universitaires ou des organismes-conseils du gouvernement, nombreux sont ceux et celles qui ont des opinions et des visions à partager avec nous.

La tenue des consultations particulières est un moment important dans le cadre de notre mandat de législateur. Il nous permet de prendre la mesure des opinions de celles et de ceux qui sont les principaux concernés par des projets de loi qui auront un impact relativement important, pour ne pas dire très important. J'ai eu l'occasion de dire au cours des dernières semaines que notre formation politique est en faveur du projet de loi déposé par le ministre de l'Éducation. Nous croyons que la société québécoise est arrivée à un point où la dimension confessionnelle doit être retirée de l'enseignement offert à nos enfants.

Le démarche, qui connaîtra son aboutissement, dans quelques jours, par l'adoption de ce projet de loi puis, d'ici trois ans, par l'introduction de mesures obligatoires des nouveaux cours d'éthique et de culture religieuse, s'est amorcée il y a près de 10 ans maintenant et un peu avant, comme le mentionnait d'ailleurs le ministre de l'Éducation, mais, d'une façon plus accélérée, à l'occasion de la tenue des états généraux sur l'éducation, en 1996, états généraux qui avaient été mis sur pied par le gouvernement du Parti québécois et qui avaient lancé le débat. Nous avions obtenu par la suite un amendement constitutionnel et procédé à l'adoption de projets de loi qui ont entraîné la déconfessionnalisation des commissions scolaires ? c'était en 1997 ? et la laïcisation des écoles ? c'était en 2000. Nous nous apprêtons donc à boucler la boucle.

Ce long processus aura permis de suivre l'évolution des mentalités et des valeurs de notre société. Il aura permis aussi de préparer le terrain, de réaliser des changements importants tout en douceur. D'ailleurs, plusieurs grandes organisations et institutions ont préparé ce terrain, et un certain nombre d'intervenants directement concernés ? je pense aux parents ? qui ont aussi en ce sens vu leur pensée évoluer et permis à ce que des consensus se dégagent. Et j'imagine que c'est ce que nous constaterons dans les consultations.

n (11 h 20) n

Je rappellerai, pour fins de comparaison, qu'en France le principe de laïcité s'applique au secteur public de l'éducation. Là-bas, l'enseignement ne doit avoir aucune coloration religieuse, il doit être neutre. Il n'existe pas de cours d'enseignement religieux ou d'histoire religieuse.

Une voix: ...

Mme Marois: Oui, voilà. Les parents désirant qu'une éducation religieuse soit donnée à leurs enfants doivent les inscrire dans un établissement religieux privé ou encore s'assurer qu'ils en reçoivent une en dehors des horaires et des lieux de l'école publique.

Aux États-Unis, l'enseignement religieux est encadré par le premier amendement de la Constitution qui interdit au gouvernement d'établir une religion officielle et qui consacre le droit à la liberté religieuse. Il y a donc séparation de l'Église et de l'État. Parfois, nous n'en avons pas l'impression, à entendre les discours de certains chefs d'État américains, mais il reste que c'est tel que prévu dans la Constitution et dans les lois qui en découlent.

Ailleurs au Canada, il existe différents modèles. On pense d'abord à un système qui est entièrement laïc: l'Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick, la Colombie-Britannique. Les écoles publiques sont expressément déclarées non confessionnelles, l'enseignement religieux est assuré par les écoles privées ou sous la responsabilité de la famille des Églises. Donc, un système entièrement laïc dans certaines provinces. Dans d'autres, l'enseignement religieux non confessionnel; il s'agit de Terre-Neuve, entre autres, où un programme uniforme et non confessionnel est offert aux élèves qui le désirent, et cet enseignement ne doit viser aucune religion en particulier. Souvent, on oublie, hein, que ces modèles existent ailleurs. Et enfin un troisième modèle qui fait en sorte que le gouvernement confère aux conseils scolaires le pouvoir d'offrir un enseignement religieux avec ou sans balises, et c'est le cas de la Nouvelle-Écosse, de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba et de l'Ontario. Toutefois, les modèles développés ailleurs répondent à la réalité historique et sociale des États concernés. C'est pourquoi la solution préconisée ici pouvait s'en inspirer mais pas forcément les imiter.

Il faut rappeler, M. le Président, que le gouvernement a reçu, dans les derniers mois, de précieux avis sur lesquels il peut maintenant s'appuyer et sur lesquels s'appuie le projet de loi que nous étudierons dans les jours qui viennent. D'abord, en 1999, on se souviendra qu'un groupe de travail avait été formé concernant la place de la religion à l'école. Le rapport du comité, comité qui était présidé par l'actuel président du Conseil supérieur de l'éducation, M. Jean-Pierre Proulx, recommandait, entre autres, la mise en oeuvre des programmes d'enseignement culturel des religions. C'était en 1999.

En 2004, dans son avis intitulé Éduquer à la religion à l'école: enjeux actuels et piste d'avenir, le Comité des affaires religieuses soulignait que le régime actuel est rempli d'ambiguïtés et difficile d'application parce qu'il est lié à un résidu confessionnel. La société d'aujourd'hui appellerait selon le comité à l'abolition des cours d'enseignement religieux et de morale pour les remplacer par des programmes d'éducation à la religion et d'éthique. Et je cite une partie, une phrase du contenu de ce rapport: «Notre analyse démontre que les différentes options ? soit l'enseignement moral, religieux catholique ou protestant ? ne correspondent pas vraiment aux besoins des jeunes et aux enjeux de notre société moderne, en plus d'être difficiles à gérer.» C'était une citation du président, M. Jean-Marc Charron.

Le Conseil supérieur de l'éducation a aussi émis, de son propre chef, un avis intitulé ? et c'est au tout début de l'année qu'il l'a fait ? Pour un aménagement respectueux des libertés et des droits fondamentaux: une école pleinement ouverte à tous les élèves du Québec. Le conseil recommandait d'abord de ne pas renouveler la clause dérogatoire à la Charte canadienne des droits et libertés; deuxièmement, d'abroger la clause dérogatoire à la charte québécoise des droits et libertés de la personne; troisièmement, d'adopter, dans les meilleurs délais, un programme d'enseignement non confessionnel de la religion destiné à l'ensemble des élèves et qui soit conforme aux exigences des chartes, ainsi de modifier la législation conséquemment; quatrièmement, le conseil recommandait de développer, dans ce nouveau programme, une dimension éthique forte pour l'ensemble des élèves; et enfin, cinquièmement, de mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la réalisation et à l'implantation progressive d'un tel programme.

On le constatera, les avis formulés par les trois organismes mentionnés ci-haut ont eu le grand mérite de tenir compte des réalités historiques et sociales propres au Québec. Notre formation politique souhaite d'ailleurs que les nouveaux cours définis et mis en oeuvre par le ministère de l'Éducation tiennent compte de différentes particularités. D'abord, prendre en compte l'héritage chrétien et l'histoire du Québec. Les mots «religion» et «catholicisme» ne doivent pas être tabous dans nos écoles. Ils devront faire en sorte que nos jeunes sortent grandis de leur contact avec d'autres religions, bref faire en sorte de contribuer à instruire, socialiser et qualifier les élèves, comme le rappelle si justement le petit document qui a été déposé par le ministre de l'Éducation, préparé à son ministère, et qui réfère à la mise en place d'un programme d'éthique et de culture religieuse.

Par ailleurs, notre formation souhaite bien sûr qu'on témoigne de notre ouverture face aux autres religions et aux immigrants. C'est vrai à Montréal, mais c'est vrai aussi dans plusieurs, pour ne pas dire toutes les régions du Québec. Le Québec a changé, le Québec accueille de plus en plus de nouveaux Québécois, et il faut que notre école reflète cette nouvelle réalité dans toutes ses dimensions, et cela, dans toutes les régions du Québec.

Aussi, bien sûr ces nouveaux cours devront contribuer à transmettre des valeurs citoyennes universelles: la tolérance, le vouloir vivre ensemble, la solidarité, la paix, la justice, l'équité. Ces cours devront aussi être introduits dans le respect des femmes et des hommes qui actuellement oeuvrent dans le système d'éducation.

Dans sa forme actuelle, M. le Président, le projet de loi nous apparaît un compromis acceptable. Le renouvellement des clauses est un passage obligé et prudent, dirait-on, un passage un peu long, toutefois. Un ou deux ans nous semblaient suffisants. Nous souhaitons donc que le gouvernement utilise adéquatement les trois ans qu'il s'est donnés pour bien préparer les nouveaux programmes d'enseignement. Le document de présentation auquel je faisais référence tout à l'heure, élaboré par le ministère, semble un bon point de départ. Je cite en particulier la phrase suivante: «Les apprentissages poursuivis dans le programme proposé s'appuient sur les quatre principes suivants: ce sont des apprentissages continus et progressifs ? le ministre y faisait référence d'ailleurs dans son intervention ? enracinés dans la réalité du jeune et dans la culture québécoise; ces apprentissages respectent la liberté de conscience et de religion et favorisent le vivre-ensemble.» Nous savons cependant que certains citoyens... Fin de la citation. Nous savons cependant que certains citoyens, particulièrement en région, sont inquiets. Je crois qu'il faut les rassurer.

J'ai pris connaissance d'opinions par le biais de lettres ouvertes, en particulier pendant les derniers jours et les derniers mois. Certaines craintes ou désinterprétations devront être dissipées au moyen d'une information précise que pourront rendre disponible les commissions scolaires, que pourra aider à préparer le ministère, et qui devra être largement accessible au cours des prochains mois. Je crois que le gouvernement a le devoir de répondre aux interrogations légitimes des Québécoises et Québécois. Il ne doit donc pas se traîner les pieds et se retrouver, dans trois ans, dans une situation où, pour toutes sortes de raisons, le renouvellement de clauses redeviendrait une solution. J'imagine qu'on ne pense d'aucune façon dans cette perspective actuellement, qu'on ne pense à cela actuellement. Nous allons d'ailleurs demeurer vigilants. Il ne doit pas en douter, sûrement. Nous tenons à rappeler que le processus, au cours des derniers mois, n'a pas été exempt de ratés, ce qui est un peu dommage, considérant l'importance de la question et sa charge hautement émotive.

Depuis un an, le gouvernement a fait un peu de surplace. Il avait déjà été informé et connaissait bien la situation, ils sont au gouvernement depuis maintenant deux ans. Sachant que la clause venait à échéance en juin, un signal plus clair aurait pu être donné plus rapidement, puisque nous sommes à 30 jours, à compter d'aujourd'hui, de l'échéance des clauses dérogatoires. On sait par ailleurs que le ministère de l'Éducation avait pourtant transmis, il y a déjà un an, avait donc transmis au gouvernement un document stratégique qui exposait la situation et l'enjoignait à prendre une décision. D'ailleurs, je rappelle que l'ancien ministre de l'Éducation, lorsqu'il a été interrogé sur ses intentions, en janvier et février, disait qu'il allait annoncer ses intentions au cours des prochains jours. Ça aura pris plus de deux mois. Pourquoi? Parce que sans doute le gouvernement était, à ce moment-là, empêtré dans les dossiers du financement des écoles juives et des coupures à l'aide financière.

n (11 h 30) n

Mais cela ne justifie pas, M. le Président, qu'il n'y ait pas eu une intervention plus rapide dans ce dossier, une information donnée aux citoyens et citoyennes et surtout à ceux et à celles qui sont concernés par l'éducation, qu'il s'agisse des parents ou des personnels du monde de l'éducation. Espérons que, pour la suite des choses, le gouvernement prendra les moyens qu'il faut pour mener à bien le dossier dans le respect de tous et chacun. Les avis qui nous seront donnés seront donc très précieux. Ils n'iront certainement pas tous dans le même sens, mais ils recherchent sans aucun doute le mieux-être des élèves et de notre société.

Alors, j'ai quant à moi bien hâte d'échanger avec les intervenants de même que mes collègues de notre formation politique pour nous permettre de bonifier, s'il y a lieu, le projet qui est devant nous et surtout, comme je le mentionnais dans mon intervention, de boucler la boucle pour le mieux-être des jeunes Québécoises et Québécois. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, Mme la députée de Taillon. Est-ce qu'il y a d'autres membres de l'opposition qui veulent ajouter aux remarques préliminaires de la députée de Taillon? Je constate que non.

Auditions

Alors, j'inviterais de ce pas, de ce chef, la Fédération des comités de parents du Québec, qui sera le premier groupe que nous entendrons ce matin, à nous faire un exposé. Et, comme je le spécifie pour les auditeurs qui pourraient essayer de comprendre nos débats, la façon d'organiser nos débats, chaque groupe aura 15 minutes pour faire part de leur opinion, et par la suite 30 minutes seront réparties, tant du côté de l'opposition que du gouvernement, pour questionner les invités que nous allons recevoir au cours des trois prochains jours.

Alors, j'inviterais, s'il y a des gens dans la salle qui ont des téléphones cellulaires ou des appareils de ce type ou de cet acabit, de les fermer au moins pour nous permettre d'avoir une séance de travail qui nous évite d'avoir à supporter ces bruits.

Une voix: ...

Le Président (M. Chagnon): Et voilà. Merci beaucoup. Un peu de musique tout de suite avant de commencer nos travaux. Il vaut mieux l'avoir tout de suite.

Alors, mesdames messieurs de la Fédération des comités de parents, j'invite la présidente, qui est Mme Miron, je pense, à nous présenter les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Mme Miron (Diane): D'accord. Alors, à ma gauche, Mme Édith Samson, la première vice-présidente de la fédération; Mme Lynda Gosselin, agente de recherche; et, à ma droite, M. Clément Page, le directeur général de la fédération.

Le Président (M. Chagnon): Bonjour. Merci beaucoup. Alors, nous vous écoutons, Mme Miron.

Fédération des comités de parents
du Québec (FCPQ)

Mme Miron (Diane): D'accord. Alors, M. le Président de la commission, M. le ministre, Mme la députée de Taillon et membres de la commission, un petit rappel sur ce qu'est la Fédération des comités de parents. Alors, nous sommes un organisme sans but lucratif qui regroupe des parents bénévoles qui sont engagés dans le réseau scolaire. Nous avons été créés en 1974 d'abord pour soutenir la participation parentale au sein du réseau scolaire public et pour défendre les droits et les intérêts des parents des élèves.

La Fédération des comités de parents tient d'abord à remercier le ministre de l'avoir conviée à participer à cette commission parlementaire. Cette invitation témoigne bien d'une sensibilité au fait que la place de la religion à l'école est un sujet qui rejoint et interpelle très fortement les parents du Québec. C'est d'ailleurs à cause de cette même sensibilité que, devant l'échéance prochaine de la clause dérogatoire autorisant les écoles à offrir un enseignement religieux confessionnel pour les seuls catholiques et protestants, la fédération a jugé impérieux d'informer les parents et de consulter les comités de parents du Québec dont chacun des membres représente les parents d'une école.

Au terme de cette opération, la fédération a transmis au ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport une lettre l'informant de sa position sur le sujet, position qui a été appuyée par une majorité des comités de parents du Québec ayant participé à la consultation. Cette position, vous la retrouvez à l'annexe de notre document. Alors, elle était libellée comme suit: Donc, la fédération recommande:

Que l'école publique se prépare rapidement à laisser aux familles et aux Églises le soin d'assurer l'enseignement confessionnel correspondant à leurs convictions;

Que le temps alloué actuellement à l'enseignement religieux catholique ou protestant ou à l'enseignement moral soit utilisé de façon optimale pour offrir à tous les élèves du Québec un programme commun de formation aux valeurs et de sensibilisation aux grandes religions; et

Que le gouvernement québécois fasse les démarches nécessaires pour que soit reconduite la clause dérogatoire, essentiellement afin d'accorder une période de temps suffisante pour élaborer un programme qui vise l'acquisition d'un bagage commun de valeurs, le développement d'attitudes d'ouverture et de respect des autres de même qu'une sensibilisation aux différentes facettes du fait religieux dans le monde, et permettre évidemment la préparation des enseignants qualifiés pour offrir ce nouveau programme.

Cette position, on l'aura remarqué, a changé depuis 2000. La fédération est à même de constater que la vision des parents reflète l'évolution de celle de la population en général à l'égard de la religion, évolution dont témoignent d'ailleurs, de façon éloquente, les récentes enquêtes sur le sujet.

Le climat social et politique, tant sur la scène mondiale qu'au Québec, n'est pas étranger à ce changement de vision du rôle de l'école en matière de religion. La diversification croissante de la population québécoise de même que la multiplication des croyances et des façons de vivre placent de plus en plus à l'avant-scène des préoccupations relatives à l'égalité et aux droits de la personne. Le Québec étant somme toute, aujourd'hui, disposé à connaître les grandes traditions religieuses, il est soucieux de développer la tolérance, l'ouverture et tout ce qui est nécessaire à la paix sociale dans une société résolument pluraliste.

Enfin, il ne fait de doute qu'au cours des dernières années le débat public sur la place de la religion à l'école a permis de rassurer de nombreux parents sur le fait que la disparition de l'enseignement confessionnel des religions catholique et protestante à l'école ne signifierait pas que celle-ci renoncerait à ses responsabilités, en matière notamment d'éducation aux valeurs. La fédération se réjouit évidemment que le projet de loi présenté par le ministre reflète bien sa position. Elle souhaite néanmoins commenter le projet de loi, puisqu'il porte sur un sujet qui a suscité et qui suscite encore vivement son intérêt.

Donc, les premiers commentaires de la fédération ont trait aux principes et aux motivations qui sous-tendent le projet de loi. Alors, il apparaît utile de réaffirmer l'adhésion de la fédération au principe d'offrir à tous les élèves une même formation en matière d'éthique et de culture religieuse. Une telle approche permet assurément à l'école de remplir sa mission d'instruction, de socialisation et de qualification, et d'assumer sa responsabilité d'intégration de tous les élèves, et de développer leur capacité de vivre ensemble.

La fédération estime aussi que cette approche permettra d'évacuer des insatisfactions propres à la situation actuelle. Citons à cet égard d'abord les insatisfactions de plusieurs parents catholiques ou protestants qui tantôt déclarent le caractère insuffisamment intense du témoignage de foi dans les programmes et tantôt s'inquiètent de sa trop grande place, ensuite la marginalisation des enfants inscrits à un programme minoritaire, souvent l'enseignement moral, troisièmement, l'inquiétude de plusieurs parents à l'effet que les élèves inscrits en enseignement moral n'aient pas accès à des éléments propres à l'identité, à l'histoire et aux traditions québécoises, quatrièmement, le sentiment légitime des familles appartenant à des minorités religieuses de ne pas être traitées équitablement par l'école, le malaise d'enseignants du primaire qui ont à dispenser un enseignement qui ne reflète pas nécessairement leurs convictions et leurs croyances, le faible nombre de futurs enseignants inscrits dans les facultés, la diminution constante du nombre d'enseignants spécialistes de ces programmes.

Tout en prenant en compte la déception de certains parents de voir l'école abandonner l'enseignement confessionnel catholique et protestant, la fédération considère somme toute que la fin du régime d'options et l'introduction d'un programme commun peuvent représenter des bénéfices certains pour les parents et surtout pour les élèves. De tels bénéfices ne sont cependant pas inconditionnels. Les actions à poser pour renouveler le rôle de l'école en matière d'éducation aux valeurs et de culture religieuse comportent leur lot d'exigences, et c'est au regard de celles-ci que la fédération souhaite maintenant se prononcer.

D'abord, la période transitoire. La fédération tient d'emblée à qualifier de sage et de raisonnable la décision d'accorder trois ans pour réaliser la transition de la situation actuelle à la mise en oeuvre du nouveau programme commun. Une telle transition fait d'ailleurs partie intégrante de la position de la fédération, et il n'est certainement pas superflu d'insister sur son importance.

Comme a pu le constater la fédération, une forte proportion de parents sont prêts à prendre le virage vers une formation commune axée à la fois sur l'éthique et la culture religieuse. Il reste qu'une fraction moindre mais néanmoins significative de parents partagent deux positions bien différentes. Les uns considèrent urgent de régler, une fois pour toutes et le plus rapidement possible, la question du renouvellement, de cinq ans en cinq ans, de la clause dérogatoire et auraient souhaité une action immédiate. Au contraire, d'autres parents ont dit souhaiter le maintien du régime d'options. Même si ces deux positions demeurent marginales par rapport à la position majoritairement soutenue, elles ne peuvent être ignorées au moment d'envisager la transition.

n (11 h 40) n

C'est dans cette optique que la fédération est très satisfaite de la période des trois ans projetée. Il s'agit en fait d'un laps de temps relativement court pour trouver une solution à une situation qui, depuis tant d'années, s'avère inconfortable, notamment au regard des droits de la personne. Mais il s'agit aussi d'un délai suffisamment long pour que les familles intéressées par un enseignement confessionnel de même que les Églises concernées se donnent les moyens d'assumer les conséquences qu'aura pour eux la réalisation complète du processus de déconfessionnalisation de l'école. En d'autres mots, la fédération tient fermement à ce que le processus de changement qui se dessine offre un espace nécessaire pour que ces familles et ces Églises élaborent les stratégies nécessaires à un enseignement confessionnel dont l'école ne serait plus responsable.

La période de transition proposée par le ministre permet d'offrir, et la fédération s'en réjouit, cette avenue importante pour certains parents. Enfin et surtout, la période de trois ans semble aussi suffisante pour que soit mis en place un nouveau programme de formation qui permettra à l'école d'assumer sa neutralité en matière religieuse tout en répondant aux besoins des élèves en matière d'éducation aux valeurs et de formation sur les cultures religieuses et séculières.

En informant et en consultant les comités de parents sur la possibilité d'un nouveau programme commun d'éthique et de culture religieuse, la fédération a pu entendre et lire de nombreux parents. De tels commentaires, s'ils devaient être résumés, témoignent de préoccupations sérieuses à l'effet que leur oui à un nouveau programme n'est pas un oui à n'importe quel programme. Et dans cette optique bon nombre de parents manifestent d'importantes attentes à l'effet que le programme soit véritablement pour les élèves une source de développement personnel et plus précisément une occasion de formation du jugement moral et de réflexion sur les valeurs. Les parents souhaitent que l'école oeuvre à ce que les élèves se dotent de repères, développent leur jugement face à des enjeux éthiques, acquièrent une capacité d'établir avec eux-mêmes et avec les autres des relations imprégnées de valeurs telles que le respect, la compassion et la justice.

La religion catholique ou protestante se présente pour plusieurs comme un véhicule privilégié de valeurs essentielles au bien-être et au développement personnel et collectif. Mais laisser aux familles et aux Églises l'entière responsabilité d'une formation confessionnelle ne dégage pas l'école de sa responsabilité de contribuer au développement moral des jeunes. Il est ainsi certain que le nouveau programme trahirait les parents en évacuant toute éducation aux valeurs du curriculum de formation des élèves. Même si la proposition mise sur la table par le ministre semble accorder une grande importance à cette dimension, la fédération tient à faire valoir que celle-ci est en tête de liste des préoccupations des parents. Bref, en matière d'éducation aux valeurs, les préoccupations parentales rejoignent l'esprit du programme d'enseignement moral, du programme de formation de l'école québécoise. Il faudra donc, selon la fédération, que ce dernier serve effectivement, comme le suggère le document ministériel, à la conception du volet éthique de l'éventuel nouveau programme.

Au nombre des préoccupations des parents, il faut compter des attentes à l'effet que l'école offre des espaces au cheminement spirituel. À cet égard, rappelons que l'article 36 de la Loi sur l'instruction publique a été modifié, suite au débat sur la place de la religion à l'école, en 2000, afin précisément que cette dimension ne soit pas évacuée au cours du processus de déconfessionnalisation de l'école. On peut ainsi lire à l'article 36 que l'école doit notamment faciliter le cheminement spirituel de l'élève afin de favoriser son épanouissement.

Au moment de commenter le projet de loi du ministre, la fédération ne peut passer sous silence les attentes parentales en la matière. Elle se doit ainsi, comme elle l'a déjà d'ailleurs fait, d'insister sur l'importance que le Service d'animation spirituelle et d'engagement communautaire, communément appelé le SASEC, mis en place en 2000, bénéficie d'un soutien suffisant et adéquat. La qualité de l'implantation du SASEC représente en somme une condition essentielle pour que le processus de déconfessionnalisation de l'école soit satisfaisant pour les parents. La fédération souhaite donc, dans le contexte de discussion du projet de loi n° 95, que le ministre se penche aussi sur le problème que représente le soutien insuffisant de ce service.

Le traitement que le nouveau programme devrait réserver aux grandes cultures religieuses suscite, lui aussi, des préoccupations certaines. D'une part, il semble que le Québec ne peut s'engager dans le XXIe siècle sans prendre en compte des phénomènes démographiques, sociaux et culturels d'importance. La sensibilité actuelle des Québécois ne manque pas, par exemple, d'être touchée par l'importance que les religions, au Québec et sur la scène mondiale, revêtent autant pour les individus et les familles que pour les sociétés et les pays, la croissance continuelle du nombre de Québécois et de Québécoises qui appartiennent à des religions autres que chrétienne de même que du nombre d'individus qui disent n'appartenir à aucune religion, la diversité, entre autres chez les personnes qui se déclarent catholiques ou protestantes, des façons d'interpréter et de vivre leur religion.

De la même manière, il semble que le contexte de diversification de la population pose avec acuité le défi du vivre-ensemble, de l'acceptation des différences et du traitement égal des personnes. Dans cette optique, la familiarisation des élèves avec les différentes religions représente bien plus qu'une voie d'acquisition de connaissances. Cela doit être une voie susceptible de développer la tolérance, l'ouverture et le respect des différences. L'école contribuerait ainsi, comme le veut sa mission de socialisation, au développement de citoyens aptes à vivre ensemble dans une société résolument pluraliste. Cette approche a aussi comme avantage non négligeable de ne pas encourager le repli sur soi des groupes minoritaires.

Il reste que la fédération est aussi sensible au message de nombreux parents qui s'inquiètent de la perte éventuelle de l'héritage catholique et protestant du Québec. La fédération considère que c'est là une dimension importante de l'identité québécoise et que l'école a donc la responsabilité d'y accorder une place privilégiée. Cette place privilégiée réservée aux religions catholique et protestante s'avère, elle aussi, essentielle à la réalisation de la mission de socialisation de l'école et à sa responsabilité en matière d'intégration des élèves, y compris des catholiques et des protestants qui ont toujours reçu leur formation religieuse de façon indépendante.

L'importance relative de ces deux religions représente de fait une facette essentielle de la formation des jeunes du Québec, autant ceux dont la famille pratique l'une ou l'autre de ces religions que ceux qui appartiennent à des familles pratiquant d'autres religions ou n'en pratiquant aucune. La fédération estime que le fait d'accorder une place particulière à ces deux religions répondrait à des préoccupations parentales et à la crainte de certains de voir arriver un enseignement qui présenterait un supermarché de croyances sans lien avec l'histoire, la culture et les traditions québécoises.

Par ailleurs, pour véritablement répondre aux préoccupations des parents, il faudra aussi que le nouveau programme se centre sur une approche neutre ou objective des religions.

Le Président (M. Chagnon): Il vous reste une minute, Mme la présidente.

Mme Miron (Diane): Alors, je vais manquer de temps, évidemment.

Le Président (M. Chagnon): Ah! le ministre m'informe qu'il est prêt à vous laisser aller sur son temps. Alors, pas de problème.

Mme Miron (Diane): D'accord. Merci. Alors, j'étais rendue à la page 7, au milieu...

Le Président (M. Chagnon): À «Aucune».

Mme Miron (Diane): ...du dernier paragraphe.

Le Président (M. Chagnon): Vous étiez rendue à «Aucune».

Mme Miron (Diane): «Aucune». Alors, par ailleurs, pour véritablement répondre aux préoccupations des parents, il faudra aussi que le nouveau programme se centre sur une approche neutre et objective des religions. Alors, par exemple, des parents très attachés à la foi catholique seraient assurément desservis si le nouveau programme faisait un traitement négatif ou insuffisamment développé du rôle des religions catholique ou protestante dans l'histoire du Québec et du Canada. De la même manière, évidemment, le programme ne saurait, pour les mêmes raisons, impliquer aucune forme de prosélytisme en faveur d'une religion ou d'une autre.

Le processus d'élaboration et d'implantation d'un nouveau programme... Je résumerais peut-être en disant que... Je vous ramènerais au dernier paragraphe, qui résume bien notre pensée là-dessus. En fait, à la fédération, on demande au ministre de bien vouloir convenir avec elle des modalités qui permettraient l'implication des parents dans le processus d'élaboration et de mise en place du nouveau programme. Dans le calendrier de travail qui est proposé, il n'y a aucune consultation. En fait, il n'y a pas de place qui est faite aux parents, en termes de consultation notamment.

Alors, cette implication permettra de s'assurer que l'appui des parents... s'assurer de l'appui... Excusez-moi. Cette implication permettra de s'assurer que l'appui des parents au changement soit respecté dans toute sa profondeur. Elle permettra aussi un dialogue tout au long du processus et non pas seulement une fois le programme implanté ou en cours d'implantation. La fédération, compte tenu de son expertise et de son réseau de communication, estime être l'interlocuteur tout désigné pour assumer ce rôle de représentation des parents auprès du ministère et ce rôle d'information auprès des parents.

En conclusion, le processus de déconfessionnalisation de l'école québécoise semble pouvoir maintenant être complété. Il est heureux que, pour boucler la boucle de ce projet initié depuis déjà longtemps, le ministère propose une approche respectueuse, c'est-à-dire qui concilie la volonté de plus en plus présente de mieux connaître les autres traditions religieuses tout en préservant les intentions de développement moral, de vie spirituelle et de familiarisation avec les traditions propres à l'identité québécoise.

La fédération espère vivement le succès de la démarche qui doit conduire les écoles du Québec à offrir un nouveau programme commun d'éthique et de culture religieuse. Dans ce sens, elle souhaite plus précisément que le ministre donnera suite à sa demande de révision du soutien au SASEC de même qu'à sa requête de faire partie de l'équipe de ceux et celles qui sont déjà sollicités pour la réalisation des différentes étapes prévues dans l'échéancier. Ce sont là, lui semble-t-il, des atouts essentiels pour que le changement souhaité et prévu se réalise pour le grand bénéfice des élèves et pour la plus grande satisfaction de leurs parents. Merci.

Le Président (M. Chagnon): C'est nous qui vous remercions, Mme Miron. Alors, pour la première étape, comme je l'ai mentionné au tout début, je vais demander au ministre et aussi aux autres membres de l'opposition s'ils ont des questions à vous formuler pour les 12 prochaines minutes. Alors, M. le ministre.

n (11 h 50) n

M. Fournier: Merci, M. le Président. Mme Miron et ceux qui vous accompagnent, merci beaucoup d'être avec nous. Je suis très heureux que vous lanciez le bal sur ce débat. Je dois vous avouer ce que je vous ai déjà avoué, mais là je le ferai avec un micro devant moi: que la prise de position que vous avez prise, assez dernièrement d'ailleurs ? puis tantôt je vous demanderai de donner un peu le contexte ? a eu une importance très, très grande à l'égard de la décision que nous avons prise et des avis d'un peu partout. Mais il me semblait, comme dans d'autres matières, que la position des parents était excessivement importante dans ce dossier-là. Je suis donc heureux que vous lanciez la discussion, je pense que ça campe un élément essentiel de ce que nous avons à donner à nos enfants.

Je note un élément avec deux dimensions, celui du temps, où vous considérez que la période de trois ans était une période qui était la bonne période de transition. Je dois vous avouer que j'ai jonglé avec différentes hypothèses, et il me semblait que c'était la plus raisonnable. Je suis content que vous y voyiez, entre autres, un temps nécessaire de préparation. Je pense qu'il faut faire les choses correctement.

Et surtout aussi, on le voit, il y a une dimension dans votre texte, je ne sais plus trop à quelle page, où vous proposez une transition harmonieuse sans que ce soit brusqué. Et c'était aussi un des critères que j'avais à la tête lorsqu'on en a discuté. J'ai eu l'occasion de rencontrer certains groupes pour qui je ne voulais pas que le débat en commission parlementaire ou tout le débat qui entoure le projet de loi soit vu comme une menace ou une soustraction. Ce n'est pas une critique à l'égard de nombreuses décennies, pour ne pas dire des siècles même, de ce qu'a été l'éducation au Québec, menée beaucoup par autant les catholiques que les protestants, qui ont laissé une marque excessivement importante dans notre identité, et, plutôt qu'une rupture, que ce soit un relais qui soit donné... Et le délai de trois ans permet de bien se préparer, mais en même temps d'envoyer un message d'harmonie et de relais. Et je le dis d'entrée de jeu parce que c'est l'esprit qui est donné à la façon dont on veut aborder la chose et le message qu'on veut communiquer à l'ensemble de la population.

Alors, j'en conclus donc, sur l'aspect où vous parlez de l'importance de relater l'héritage catholique et protestant, de vous dire que bien sûr, à partir du moment où, dans le document qui sert d'ossature, là, au programme, que nous avons cru ? je fais une parenthèse ? que nous avons cru utile de préparer et de diffuser parce qu'il y a des craintes... Il y en avait beaucoup. Il faut essayer de répondre aux craintes plutôt que les attiser, et je pense que le document qu'on a fait permet justement de répondre à un certain nombre de choses, et ce sera probablement une des raisons qui fait que les gens comprennent un peu mieux ce qu'on veut faire. Plus il y a d'information, mieux on sait.

Alors, dans ce document, on y parle, entre autres, des apprentissages enracinés dans la réalité du jeune et dans la culture québécoise. Il y a un chapitre qui est fait là-dessus et qui témoigne de la volonté de préserver l'héritage. Enfin, il ne s'agit pas de nier l'héritage, c'est de le préserver et de le contextualiser dans un monde plus global où l'identité de l'un ne nie pas l'identité de l'autre; ils ont à vivre ensemble. Et je peux vous assurer que ce que vous avez décelé chez les parents comme étant une préoccupation ? j'irais peut-être même jusqu'à dire une priorité ? de préserver l'héritage est aussi inclus dans l'objet que nous voulons atteindre.

Bon, cela étant dit, il y a un élément important pour tous les autres groupes qui vont venir. Vous nous parlez, à la page 2 de votre mémoire, du fait qu'en l'an 2000 vous n'aviez pas la même position. Je comprends bien qu'il y a quelques lignes qui expliquent que le Québec a évolué, et tout ça, mais c'est une ligne générale. Parlez-moi des parents que vous avez rencontrés au fil du temps, probablement dernièrement, là. Je pense qu'il y a des développements qui sont passés peut-être dans la dernière année ou je ne sais pas trop. Mais comment il y a eu ce changement-là chez les comités de parents? Pour moi, je veux que vous nous disiez comment ça s'est vécu dans votre milieu à vous spécifiquement.

Le Président (M. Chagnon): Merci, M. le ministre. Mme la présidente, madame...

Mme Miron (Diane): Miron.

Le Président (M. Chagnon): ...Miron. J'avais «Morin» dans la tête, mais je dois être dyslexique. Je dois être dyslexique. Ha, ha, ha!

Mme Miron (Diane): Ah! ça, j'y suis habituée. Je pense que je vais changer de nom avant longtemps.

Le Président (M. Chagnon): Mme Miron, allez-y.

Mme Miron (Diane): Peut-être que, si je dis «Morin», on va m'appeler Miron.

Le Président (M. Chagnon): Oui, c'est ça. Voilà.

Mme Miron (Diane): Alors, je voudrais dire qu'en 2000, quand il y a eu tout le débat avec le rapport Proulx, je pense que les parents étaient sensibles aux arguments qui étaient invoqués là, l'importance d'aller jusqu'au bout du processus de déconfessionnalisation. Mais je pense qu'en même temps... J'ai envie de vous dire: En même temps qu'on voulait mettre le pied sur l'accélérateur, on a mis aussi le pied sur le frein, dans le sens que, quand on a vu que ça pouvait nous arriver, tout de suite, là, les parents se sont sentis: Non, on n'est pas prêts; on est peut-être d'accord avec le principe, mais donnez-nous encore du temps pour cheminer là-dedans. Alors, je pense qu'en 2000 ça a été surtout ça qui a expliqué, là, la position des parents. On a été sensibles justement au fait qu'on sentait que les parents n'étaient pas prêts à prendre ce virage-là.

Maintenant, depuis 2000, je pense que les parents ne sont pas indifférents à toute la question du respect de l'égalité des droits. Ça aussi, ça a cheminé. On en parle beaucoup avec tout le climat social et politique dans lequel on vit, on est beaucoup plus sensibles à ça. Il y a eu des événements majeurs aussi qui se sont passés. On fait juste penser au 11 septembre 2001, hein? Je pense que ça aussi, ça a été un événement marquant pour l'ensemble de la population mais pour les parents québécois. Je pense qu'on a pris conscience qu'on avait besoin de connaître les autres cultures pour comprendre ce qui se passait.

Et je pense que notre position le reflète bien, c'est qu'il ne s'agit pas de sortir la religion de l'école, il s'agit plus de dire qu'on va confier à la famille et à l'Église, et aux Églises, là, toute la transmission des croyances religieuses. Alors, bon, je pense qu'on a senti, là, que les parents étaient prêts à ça... bien, prêts, avec un trois ans encore, pour se donner la chance, hein... parce que je pense qu'il y a encore des choses à mettre en place, ne serait-ce que le programme, mais aussi que les Églises et les familles trouvent une façon de travailler ça et d'aborder ça pour que toute la question justement de la transmission de la croyance religieuse... que la foi se vive, là.

Le Président (M. Chagnon): Merci. M. le ministre.

M. Fournier: Je comprends. Évidemment, la position est différente, mais de nombreux parents, en 2000 ou en 1999... Je voyais Le Point hier où on nous montrait une manifestation, en 1999, je pense, devant le parlement, qui suscitait quand même, là, un large débat avec beaucoup de parents qui étaient impliqués. Mais on n'a pas assisté à la même chose, là, cette année.

Est-ce que je dois comprendre que, de votre réponse, vous dites: Ils étaient d'accord, mais ils ne voulaient pas y aller tout de suite? Est-ce que je me trompe si je dis qu'ils étaient plutôt contre, à l'époque? Pas mal de parents étaient plutôt contre, à l'époque. Est-ce que c'est parce qu'à l'époque ils pensaient qu'il y avait une perte, qu'il y avait une soustraction, qu'on enlevait la religion, finalement? Parce qu'encore hier, au Point, le présentateur disait: On sort la religion des écoles pour rentrer les religions. Alors, on ne sait plus trop. Quand ils le présentent, hein, on finit par se perdre. Mais est-ce que vous diriez que les parents ont cette fois-ci une compréhension plus affirmée qu'il ne s'agit pas de perdre un héritage mais plutôt de le contextualiser justement avec ce qui se passe ailleurs et d'autres religions?

Le Président (M. Chagnon): Mme Miron.

Mme Miron (Diane): Je pense qu'effectivement c'est un élément majeur dans la position, là, que les parents prennent aujourd'hui, c'est de ne pas perdre ce qu'ils ont, leur héritage, le patrimoine, leur identité. Ça, c'était bien, bien important. C'est vrai que ça avait été dit aussi en 2000, dans toute la discussion avec le rapport Proulx, mais c'était, je dirais, comme un gros choc, là, et on n'était pas prêts à ça.

Puis, je vous dirais, moi, j'ai fait la tournée de la province, cette année, j'ai rencontré beaucoup de parents. Jamais je n'ai entendu parler de ce dossier-là. Et notre position, elle est connue depuis le mois de janvier. On a fait une consultation auprès de tous les comités de parents, donc jamais ce n'est ressorti.

En fin de semaine dernière, nous étions en assemblée générale. On avait notre congrès. Il y avait 900 parents qui étaient présents, et je n'ai pas entendu parler de la position de la fédération, c'est-à-dire des parents qui se sont manifestés pour dire que ça n'avait pas d'allure, ce qu'on disait. Je sens davantage, là, un appui à la position.

M. Fournier: Votre position date de janvier. Vous n'en avez pas entendu parler, mais vous avez suscité le débat, j'imagine, vous-mêmes pour arriver à cette position-là?

Mme Miron (Diane): Effectivement. Nous avons envoyé dans tous les comités de parents un document de réflexion qui faisait un peu... qui faisait l'historique de ce dossier-là, avec une position du conseil d'administration dont je vous ai fait lecture au tout début, et fortement majoritaire, qui a été appuyée majoritairement, là, par les parents.

M. Fournier: Et, suite à cette adoption, bon, au mois de janvier ou à peu près, vous l'avez donc fait connaître, là. Il y a une consultation, il y a une décision, il y a une information à vos membres que telle est donc la décision qui a été prise?

Mme Miron (Diane): Oui.

M. Fournier: La réaction, c'est le silence total ou il y a quand même... Écoutez, on n'est pas sans savoir qu'il va y avoir des représentants de parents, là, qui vont venir nous voir à cette commission-ci et qui vont nous dire que ce n'est pas ça, la vérité, qui vont venir nous dire que 80 % des parents souhaitent et inscrivent en fait leurs élèves à des cours bon catholiques ou protestants. Ils font ce choix-là. Est-ce que ces gens-là ne sont pas membres de la fédération, ou vous ne les avez pas entendus, ou... Je ne sais pas trop comment vous le dire.

n (12 heures) n

Mme Miron (Diane): En fait, effectivement, ils ne se sont pas manifestés parce que, notre position, on l'a fait connaître et, les résultats de la consultation, on les a fait connaître. C'est disponible sur le site Internet de la fédération, et on l'a fait connaître dans notre revue qui est acheminée dans chacune des écoles. On n'a eu aucun commentaire de la part des parents qui pourraient s'opposer à notre position.

M. Fournier: Trouvez-vous que les parents perdent un choix, perdent un droit? Parce que telle est leur prétention: 80 % s'inscrivent pour la religion catholique et protestante, ne choisissent pas science morale et prétendent que les parents y perdent. Comment vous interprétez ces propos-là? Deux questions, en fait. Il y a la question du 80 %: Est-ce qu'on doit comprendre effectivement qu'il y a une perte à l'égard de ces 80 %? Est-ce qu'on l'interprète correctement?

Mme Miron (Diane): On avait prévu la question, donc la réponse est prête.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Samson (Édith): Alors...

Le Président (M. Chagnon): Est-ce que vous pourriez vous nommer, s'il vous plaît, juste pour fins de...

Mme Samson (Édith): Bonjour. Édith Samson.

Le Président (M. Chagnon): Voilà, pour les fins de...

Mme Samson (Édith): Alors, ce qu'on dit de ce volet-là, c'est: Est-ce un choix, est-ce un véritable choix pour les 80 % des parents qui choisissent encore, choisissaient encore, cette année, l'enseignement moral et religieux catholique ou protestant? Si on pense que les parents peuvent vivre la crainte de la marginalité, que les enfants vivent une absence de culture religieuse ou tout le volet de la culture québécoise, puis qu'également c'est sécurisant pour un parent de choisir ce volet-là, quand c'est quelque chose qu'il a connu lui-même, qu'il a vécu lui-même à l'école. Les parents désirent la transmission du patrimoine religieux et pas nécessairement la croyance religieuse à l'école. Et aussi il faut savoir que le programme de morale, quand il a été mis en place, a été vu davantage comme une solution marginale et non pas comme un programme où l'on développait des valeurs humanistes. Et, quand le programme d'enseignement moral a été implanté, il n'y a pas eu ce qu'on pourrait dire énormément de promotion et de valorisation de ce programme-là, tant par le milieu scolaire que par les écoles elles-mêmes.

Alors, c'est sûr que, quand les parents ont à faire un choix et un choix qui n'est pas, je dirais, totalement éclairé, c'est là que ça peut être davantage inquiétant pour les parents. Mais, si le programme de morale avait été vu davantage comme quelque chose qui est important, qui est valorisant, qui aide aux jeunes à se développer, et non pas, on pourrait dire, une voie de garage, une voie d'évitement, on aurait peut-être eu un autre discours, depuis plusieurs années, face à l'enseignement moral dans nos écoles.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup.

M. Fournier: Je sais que j'ai terminé. Je voulais juste vous dire ceci à l'égard de la consultation: il y a une période prévue de validation, entre autres, à l'automne 2006-2007 et il y a de nombreux intervenants qui seront évidemment, là, consultés pour nous assurer que toute l'équipe est dans le même cheminement. Alors, je voulais répondre à votre question sur la consultation.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup. Alors, Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Ça me fait plaisir à mon tour de vous souhaiter la bienvenue à notre commission au nom de ma formation politique et de mes collègues. Je vais en profiter pour souligner que Mme Miron a été reconduite à la présidence de la fédération. Alors, félicitations! Ça me fait plaisir de le souligner.

Moi, je veux revenir, par rapport à votre mémoire, sur la suite des choses. Le ministre a ouvert un peu sur cela à la fin, là, de son intervention ou de ses questions. Vous êtes très fermes sur le fait que vous souhaitiez être consultés, oui, de participer ou d'être entendus sur le nouveau programme et son implantation. D'abord, vous en faites une recommandation formelle, et, à la fin, il y a un long plaidoyer, là, à la page 8 de votre mémoire ? le processus d'élaboration et d'implantation d'un nouveau programme ? et vous dites ceci: «La fédération estime en effet qu'elle doit être partie prenante du processus qui devrait conduire, si le projet de loi est adopté, à la mise en place d'un nouveau programme commun en matière d'éthique et de culture religieuse. Or, l'échéancier proposé par le ministre ne comporte malheureusement aucun temps pour l'implication ou la consultation des parents.»

Alors, j'aimerais vous entendre d'abord sur le pourquoi, même si je peux deviner certains aspects, sur le pourquoi et sur la façon dont vous voyez cela pour la suite des choses.

Mme Miron (Diane): D'abord, sur le pourquoi, en fait, je pense que, comme ce sont des changements quand même majeurs qui sont apportés à l'école puis qu'on vient jouer dans des valeurs profondes, il nous apparaissait important, sinon... C'est comme, pour nous, un incontournable qu'on soit associés le plus possible à toute cette démarche de mise en place d'un nouveau programme pour essayer d'aller chercher l'adhésion le plus possible des parents. En fait, c'est pour tenir compte des parents qui veulent le maintien du statu quo. Moi, je pense qu'il faut accorder une attention particulière à ces parents-là, et, nous, nous sommes très sensibles à ça. Alors, c'est sûr que pour nous c'était comme un moyen aussi d'aller chercher le consensus, l'adhésion la plus large possible des parents, et je pense que le fait que la fédération soit associée le plus près possible à l'élaboration du contenu de programme, je pense que ça pourrait être rassurant aussi pour les parents. C'était dans ce sens-là.

Bon, maintenant, comment est-ce qu'on voyait ça? C'est sûr que minimalement on veut être consultés. Alors, comme on le dit dans le document, on ne prétend pas être des spécialistes de la chose, on n'est pas des universitaires puis on ne veut pas concevoir le programme, mais en tout cas être le plus possible, là, près de la rédaction, ne pas attendre à la dernière minute pour qu'on vienne nous consulter. Alors, je ne sais pas, dans l'échéancier du ministre, s'il est prévu, à l'automne, une consultation, mais peut-être qu'on souhaiterait avoir une petite consultation privilégiée avant.

Mme Marois: Et dans le fond ce que vous dites, c'est un peu... je ne veux pas vous tirer les mots de la bouche, mais que, tout au long du processus de préparation du programme, on puisse aller vérifier auprès de vous si les attentes que vous aviez obtiennent une réponse avec le programme. C'est dans cette perspective-là?

Mme Miron (Diane): C'est dans cette perspective-là, effectivement.

Mme Marois: Bon. Une deuxième question maintenant qui est liée à vos propos aussi et au contenu de votre mémoire, et vous le rappeliez encore dans vos derniers commentaires. Il y a certains parents qui restent inquiets, n'est-ce pas, et qui craignent pour la suite des choses, que finalement ce nouveau cours évacue un certain nombre de valeurs et même de connaissances de leur patrimoine, de leur histoire, et etc. Qu'est-ce que vous croyez que le ministère devrait faire, le gouvernement devrait faire à cet égard-là pour rassurer les parents, pour faire tomber les craintes et les peurs? Est-ce que vous avez en tête quelque chose de précis en ce sens?

Mme Miron (Diane): On n'a pas de stratégie qui est précisée, mais je dirais que le fait de vouloir être associés le plus près possible de l'écriture du programme nous permettra d'informer les parents le plus souvent possible. Tu sais, je pense que c'est d'en faire la promotion, mais une belle promotion, une bonne promotion, pour que ce soit rassurant. Donc, il faut en parler, il faut développer, là, des mécanismes au cours des trois prochaines années pour que les parents soient informés de l'évolution, je dirais, de la situation, pour aussi qu'au bout des trois ans, là, il y ait des mesures concrètes qui soient faites pour que des familles puissent s'adresser aux Églises pour justement vivre la foi. Alors, ça aussi, il ne faut pas oublier ça. Je pense que, ce volet-là, il va falloir qu'on le travaille puis qu'on rassure les parents là-dessus. Alors, c'est sûr que ça passe par l'information, et la fédération est capable d'en faire un bon bout là-dedans, là.

Mme Marois: C'est ça. En fait, vous souhaitez vraiment qu'en associant les parents la période de transition permette aussi les autres changements, parce que ça implique d'autres changements au niveau des Églises, vous avez bien raison, c'est très clair.

Mme Miron (Diane): Oui.

Mme Marois: Bon, maintenant, à la page 6 de votre mémoire, vous faites référence au Service d'animation spirituelle et d'engagement communautaire qui a été mis en place en 2000. Alors, vous nous dites: «La fédération ne peut passer sous silence les attentes parentales en la matière. Elle se doit ainsi, comme elle l'a [...] d'ailleurs [toujours] fait, d'insister sur l'importance que le Service[...], mis en place en 2000, bénéficie d'un soutien suffisant et adéquat.» Alors, dans le contexte du projet de loi que nous nous apprêtons à étudier, vous comprenez que ce service devrait être mieux soutenu.

Qu'est-ce que vous entendez par le fait qu'ils n'ont pas actuellement un soutien suffisant, puis vous dites: Il y a un soutien insuffisant au Service, là, d'animation spirituelle et d'engagement communautaire?

n(12 h 10)n

Mme Miron (Diane): Je vais demander à Mme Samson de répondre.

Le Président (M. Chagnon): Mme Samson.

Mme Samson (Édith): Alors, si on pense tout simplement au nombre d'animateurs qui sont disponibles, on sait qu'au primaire ça représente, pour un animateur, plusieurs écoles; pour le secondaire également, tout dépendant des commissions scolaires. Et on connaît le territoire des commissions scolaires. Si je prends en région, alors de disponibiliser un animateur pour quatre, cinq, six, huit, 10, 12 écoles quand on sait que, pour les parents, tout le service d'animation... Parce que, je dirais, dans ce qu'on vit par rapport au programme proposé, c'est toutes les valeurs du coeur aussi, c'est le développement de la spiritualité. Alors, ce n'est pas quelque chose qui doit se faire rapidement et c'est quelque chose de continu. Alors, le fait que la disponibilité des animateurs n'est pas là, tant par le nombre, tant par le temps qu'ils peuvent consacrer auprès de nos jeunes... C'est quelque chose de primordial pour les enfants, c'est quelque chose de primordial pour les parents d'avoir ce type de services là, et, je vous dirais, tant budgétairement aussi, de permettre ce soutien-là. C'est quelque chose qui doit être, je dirais, revu et corrigé, bonifié pour répondre à la demande parentale face au support accordé aux enfants.

Mme Marois: Est-ce que, malgré le fait que la loi soit transformée, que ce nouveau cours soit implanté, vous croyez toujours à la nécessité de la disponibilité de ce service?

Mme Samson (Édith): C'est fondamental parce que c'est là que... Je vous dirais, comparativement aux maths, français, etc., ce n'est pas une matière de transmission de connaissances.

Mme Marois: Comme un contenu scientifique essentiellement qu'on transmet.

Mme Samson (Édith): C'est ça, c'est au-delà. C'est au niveau des valeurs, du vécu au quotidien que ça se transpose. Quand on parle que nos enfants devront agir dans une société, alors c'est tout, je dirais, le comportemental et les valeurs qu'ils doivent intégrer, vivre, le faire ensemble. Il faut leur permettre de le vivre ensemble.

Mme Marois: Avez-vous quelque chose à ajouter, Mme Miron, sur cette question?

Mme Miron (Diane): Oui. Bien, je rajouterais que ce volet-là comporte aussi tout l'engagement communautaire. Alors, toutes les valeurs, je dirais, de solidarité, d'ouverture aux autres, ça passe aussi par là. Donc, pour nous, c'est un service complémentaire auquel on tient.

Mme Marois: Ma collègue voudrait pouvoir poser une question aussi sur ce sujet particulier.

Le Président (M. Chagnon): Alors, je vais inviter Mme la députée de Champlain à continuer.

Mme Champagne: Oui. Alors, écoutez, une toute petite question concernant ce même service là: À date, ça équivaut à combien d'heures-semaine dans les écoles? Parce que le professeur fait soit l'enseignement religieux catholique ou bien il fait l'enseignement moral. Mais, l'animation pastorale comme telle, est-ce qu'il y a déjà des critères établis? Ça donne quoi dans la réalité de tous les jours?

Le Président (M. Chagnon): Mme Samson.

Mme Samson (Édith): Je vous dirais que, dans certaines écoles primaires ? et je vous donne ça de mémoire ? lorsqu'on avait rencontré des membres du SASEC, ça pouvait être une présence aux deux mois vraiment réelle dans des petites écoles primaires, dans le sens qu'ils y allaient peut-être quatre, cinq, six fois par année, en espaçant leurs visites, pour aller faire un projet particulier. Alors, c'est très peu de présence, si on contextualise ça dans l'ensemble des territoires au niveau de nos commissions scolaires.

Le Président (M. Chagnon): Oui, Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Et ça se fait à l'intérieur même des heures de classe, évidemment. Ce n'est pas à l'extérieur des heures de classe, là, c'est intégré aux cours réguliers?

Mme Samson (Édith): ...habituellement intégré, je vous dirais. Lorsqu'il y a tout le volet d'engagement communautaire, c'est sûr que ça peut également prévoir des périodes en dehors des heures justement pour aller vers la communauté, faire des activités spécifiques avec différents intervenants du milieu, soit les personnes âgées, différentes choses comme ça. Mais, oui, il y a du temps de prévu lors des heures de classe.

Mme Champagne: De là je crois comprendre l'importance que ce soit maintenu, afin de garder le volet spiritualité, là, que l'enfant peut aller chercher. Et je suppose que ces animateurs-là sont des animateurs, et de un, formés; et de deux, ce sont des gens qui sont très en lien avec soit le curé de la paroisse ou autres. Est-ce que c'est des gens qui ont des liens très étroits avec le diocèse, entre autres? Même pas?

Mme Miron (Diane): Plus maintenant. Plus maintenant.

Mme Champagne: Non?

Le Président (M. Chagnon): Mme Miron.

Mme Miron (Diane): Autrefois, c'étaient les animateurs de pastorale qu'on retrouvait dans nos écoles. À l'époque, les animateurs de pastorale, ils étaient payés, ils étaient rémunérés par le diocèse. Alors, ce n'est plus le cas maintenant, avec la loi n° 118, depuis qu'ils sont devenus des animateurs, bon, du SASAC, là. J'ai toujours de la difficulté à le prononcer. Alors, ce sont les commissions scolaires qui engagent ces personnes-là, et elles sont rémunérées par les commissions scolaires. Alors, il y avait un budget qui avait été dégagé par le ministère et les commissions scolaires. Bon. Alors, il y a eu des problèmes au niveau de... L'argent n'a pas nécessairement été mis, là, pour... Il y a eu des coupures dans beaucoup de commissions scolaires.

Mme Champagne: Ce n'était pas de l'argent dédié, en fait. C'est ça?

Mme Miron (Diane): Non.

Mme Champagne: Ce que vous souhaiteriez, c'est que ce soit de l'argent dédié. C'est ce que je comprends.

Mme Miron (Diane): Nous, on souhaite souvent qu'il y ait de l'argent dédié, mais on n'a pas des amis... Ha, ha, ha!

Mme Marois: Vous avez quelques divergences avec d'autres partenaires, si je comprends bien. Ha, ha, ha!

Mme Miron (Diane): Oui.

Mme Samson (Édith): Et je rajouterais: Pourquoi c'est si important? Et je parle personnellement, pour être aussi auprès de beaucoup d'étudiants et de jeunes. C'est que le fait d'apporter l'ensemble des cultures religieuses, une ouverture, parfois ça va susciter un questionnement chez certains jeunes. Et, sachant que les animateurs ont une formation solide concernant l'ensemble des cultures religieuses, à ce moment-là, ils vont être capables de davantage supporter l'étudiant face à son questionnement. Parce que, si l'enfant revient à la maison, il peut avoir des questions. Bon nombre de parents vont pouvoir répondre. Mais il y a des spécificités où on va peut-être avoir besoin, comme parent, également de parler avec ces animateurs-là pour connaître davantage... pour pouvoir supporter nos enfants face à leurs démarches. Alors, je pense que c'est un service qui est, comme je vous le disais tout à l'heure, à consolider et à lui accorder le sérieux face au support aux enseignants.

Le Président (M. Chagnon): Mme la députée de Champlain, ça va?

Mme Marois: Il y a peut-être une autre... Enfin, il y a une autre interrogation que j'ai, qui reviendra tout au long de notre commission, la question des enseignants. Est-ce que, dans ce que vous avez pu consulter jusqu'à maintenant ? le document, là, qui a été déposé ? ça vous apparaît être suffisant, ce qui est là, pour bien préparer les enseignants à prendre la relève et à assurer la transmission de ce cours, ou est-ce que vous avez peu de commentaires sur cette question?

Mme Miron (Diane): En fait, là, pour être bien honnête avec vous, on a peu de commentaires là-dessus.

Mme Marois: D'accord. Ça va. Merci.

Le Président (M. Chagnon): Alors, je vous remercie beaucoup. Je veux remercier les membres de la Fédération des comités de parents et j'invite la Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire à prendre place dans les minutes qui viennent.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Chagnon): J'invite Mme Louise Laurin, porte-parole de la coalition, à prendre place.

Alors, bienvenue, madame. Est-ce que vous pourriez nous présenter la personne qui vous accompagne, s'il vous plaît?

Mme Laurin (Louise): M. le Président, M. le ministre, Mme la députée de Taillon, je vous présente tout d'abord Henri Laberge, qui est conseiller pour la coalition.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup. Alors, encore une fois, vous connaissez les règles du jeu, vous avez 15 minutes. 15 minutes sont dévolues au parti ministériel et aux partis de l'opposition.

Mme Laurin (Louise): Parfait.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup.

Coalition pour la déconfessionnalisation
du système scolaire

Mme Laurin (Louise): Alors, comme vous le savez sans doute, mais je tiens à vous le rappeler, notre coalition compte une cinquantaine d'organismes qui accueillent d'abord tous les gens qui oeuvrent auprès des jeunes, donc des associations, des syndicats d'enseignants, des associations d'enseignants de la maternelle à l'université, ainsi que des cadres, des directions d'école, des associations nationalistes, populaires, coopératives, communautaires et de la défense des droits humains. Je pense qu'on représente un large éventail des citoyens et citoyennes du Québec, qui sont de toute allégeance, de toute origine et aussi beaucoup qui sont parents.

Alors, je vais rappeler... parce que la coalition, je pense, a joué un rôle important dans toute cette démarche. Alors, M. Chagnon s'en souviendra sûrement aussi, quand le gouvernement, en 1993, le gouvernement de l'époque menaçait de mettre en vigueur les dispositions de la Loi sur l'instruction publique telles que refaites en 1988, relatives à la structuration des commissions scolaires. Alors, les organismes coalisés voyaient, dans ces dispositions qui instituaient des commissions scolaires linguistiques sans abolir les commissions scolaires confessionnelles et dissidentes, une menace d'éclatement de notre système scolaire et un obstacle majeur à la mission de l'école publique d'intégrer la diversité culturelle du Québec.

n(12 h 20)n

Nous avons ensuite combattu toutes les tentatives des ministres qui se sont succédé à l'Éducation de mettre en application ce projet avec des modifications cosmétiques. Les ministres et leurs conseillers invoquaient des contraintes constitutionnelles, ce à quoi nous répondions qu'avant toute réforme adéquate, sérieuse du système d'éducation il fallait dénoncer et combattre les contraintes constitutionnelles.

Alors, par nos mémoires et nos prises de position publiques, nous avons également dénoncé l'esprit de plusieurs dispositions législatives alors en vigueur, relatives notamment à la structuration confessionnelle du ministère de l'Éducation, des organismes-conseils, à la confessionnalité des écoles, au contenu confessionnel des projets éducatifs et à l'enseignement privilégié de deux religions, de même que les effets pervers potentiels de l'ouverture à l'enseignement confessionnel des religions autres que catholique et protestante. Nous avons dénoncé sans relâche le recours systématique à des clauses dérogatoires pour autoriser un traitement discriminatoire sur la base de la religion des parents d'élèves.

À l'occasion des états généraux de l'éducation, notre coalition publiait les résultats d'un sondage qui révélait déjà que l'opinion publique québécoise était favorable à plus de 70 % à une école qui donne à tous les élèves une éducation morale et civique ainsi qu'une initiation aux grandes traditions religieuses. Alors, le paysage de la confessionnalité scolaire a subi, depuis ce temps, de très importantes retouches. Nous y avons, je pense, contribué, et l'Assemblée nationale, pour beaucoup. À ce moment-là, c'était le Parti québécois qui était au pouvoir.

Alors, l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 ne s'applique plus au Québec depuis décembre 1997. Les commissions scolaires ne sont plus confessionnelles depuis 1998. La loi de 2000 déconfessionnalisait la structure du ministère, des organismes-conseils, et ainsi que chacun des établissements scolaires. Il s'agit de transformations majeures dont l'Assemblée nationale a raison d'être fière.

Il fallait commencer par le commencement, ce qui fut fait. Cependant, le fait de reconduire les clauses dérogatoires pendant cinq ans a laissé planer un climat d'incertitude chez les parents, on l'a vu, chez le personnel enseignant, qui ne savait plus s'il devait enseigner telle chose, ne pas l'enseigner, etc., et en fait la population en général, puisque l'école appartient à tous et non seulement à une catégorie de personnes.

Il faut maintenant compléter la réforme amorcée en 1997, et nous estimons que le projet de loi n° 95 va globalement dans la bonne direction. Nous sommes ici, aujourd'hui, pour vous dire que nous appuyons les orientations de ce projet de loi et pour vous indiquer ce qui selon nous devra être fait pour permettre à cette importante réforme de porter tous les fruits que nous attendons. Alors, je vais rappeler quand même nos positions fondamentales, qui ont leur écho en fait dans ce projet de loi.

Alors, la population du Québec s'est considérablement diversifiée, du point de vue des origines, des langues maternelles, des croyances religieuses. L'immigration, jadis essentiellement européenne, va désormais puiser en Asie, en Amérique latine, dans les Antilles et dans le monde arabe, en conséquence de quoi les grandes religions, telles que l'hindouisme, le bouddhisme et l'islam, ont maintenant place chez nous.

Par ailleurs, le groupe des sans-religion dépasse désormais en nombre n'importe quel groupe confessionnel autre que catholique. Parmi les catholiques déclarés, la majorité ne pratiquent plus ou ne pratiquent que d'une façon épisodique. Il y a maintenant plus d'anglophones sans religion déclarée et plus d'anglophones catholiques qu'il n'y a d'anglophones protestants. Alors, l'identification traditionnelle des francophones au catholicisme et des anglophones au protestantisme, c'est, aujourd'hui, sans fondement.

Dans ce contexte, il nous apparaît plus que jamais important de réaffirmer les valeurs fondamentales de la société que nous constituons désormais. En tête de liste de ces valeurs fondamentales, il faut placer la liberté de conscience et de religion. Cela implique la liberté d'adhérer à la religion de son choix ou de n'adhérer à aucune religion, liberté de croire ou de ne pas croire, de pratiquer ou de ne pas pratiquer.

Loin d'être antireligieuse, cette position fondamentale va dans le sens d'une revalorisation de l'acte de foi comme manifestation de la liberté de la personne face aux pouvoirs publics. Pour avoir tout son sens, la liberté religieuse doit être complète et sans restriction. Elle doit exclure toute intervention de l'État dans les options religieuses des personnes.

La liberté de conscience et de religion suppose l'égalité des personnes sans égard aux attitudes religieuses de chacune d'elles. Tout privilège accordé à une ou à quelques religions par rapport aux autres est une intrusion dans le libre choix des personnes et donc une atteinte à la liberté religieuse. Par ailleurs, notre engagement pour la liberté religieuse la plus totale ne doit pas nous faire négliger les valeurs que nous partageons en tant que participants à une même société démocratique. Autant nous excluons toute forme de discrimination sur la base de la religion, autant nous rejetons toute politique à fondement ségrégationniste ou à effet ségrégationniste sur cette même base.

Alors, nous reconnaissons que les parents doivent conserver la liberté de transmettre à leurs enfants un enseignement religieux conforme à leurs convictions. Ils ont la liberté de se regrouper pour assurer un tel enseignement. Mais le rôle de l'école est différent. Elle doit transmettre des connaissances, elle doit éduquer à la vie en société, elle doit transmettre des valeurs communes, favoriser la connaissance mutuelle et le respect des différences, mais elle ne doit pas devenir un supermarché d'enseignements confessionnels incompatibles les uns avec les autres et entre lesquels les élèves ou leurs parents n'auraient qu'à choisir. Alors, il faut établir très clairement la différence entre la mission de l'école, celle de la famille et celle des institutions créées par une communauté de croyants pour faire l'éducation religieuse de ses membres. Celles-ci font l'éducation à la foi. L'école éduque à la vie en société, au respect mutuel que se doivent les personnes qui participent à une même société. L'école ne met pas de côté la religion en tant que réalité incontournable dans une société diversifiée, elle doit enseigner sur les religions pour permettre aux élèves de comprendre le rôle historique et actuel et pour favoriser le dialogue interconfessionnel, mais sans s'ingérer dans les options religieuses qui relèvent de la libre décision de chacun.

n(12 h 30)n

La loi scolaire, adoptée en l'an 2000, maintenait l'enseignement religieux et confessionnel catholique et protestant à l'intérieur d'écoles en principe laïques. Mais elle prévoyait déjà qu'au premier cycle une école secondaire puisse être dispensée de l'obligation d'assurer un tel enseignement confessionnel si elle offrait... Alors, le ministère, à ce moment-là, prévoyait une période de transition et accordait une dérogation aux chartes des droits et libertés. Alors, on laissait entendre que, dans ces cinq ans-là, il y aurait une transformation qui se ferait, qu'il y aurait un programme d'enseignement qui serait applicable dans cinq ans, ce qui permettrait à la population de se préparer. Cinq ans, c'était un peu long, mais on acceptait l'étalage dans le temps avec l'espoir qu'à partir de 2005 toutes les lois de l'éducation seraient enfin conformes à l'esprit des chartes.

Cet espoir était d'autant plus fondé que diverses expériences avaient déjà été réalisées, notamment le programme d'enseignement culturel de la religion, implanté dans les écoles québécoises en 1977 et abandonné, en 1984, pour des raisons obscures. Le Comité sur l'enseignement culturel des religions, formé par le Groupe de travail sur la place de la religion à l'école pour le conseiller sur la question, estimait que ce programme de type culturel de 1977 est le plus acceptable de tous ceux qu'on a expérimentés au cours des dernières décennies.

On sait que d'autres programmes sont en voie aussi. Quelques commissions scolaires ont mis en marche certains programmes, mais nous regrettons fortement que le ministère de l'Éducation ait retardé l'élaboration, l'expérimentation et la mise au point d'un programme d'enseignement religieux de type culturel. Mais, puisque le ministère dit ne pas être prêt pour un programme de remplacement, on peut admettre un certain délai d'implantation. Est-ce bien nécessaire de prendre trois ans? Si par ailleurs l'objectif de rendre toutes les lois sur l'éducation conformes aux chartes dans un délai maximum de trois ans est très clair, est-il vraiment nécessaire de réactiver les clauses dérogatoires?

Nous aurions franchement aimé des délais plus courts. Nous saluons tout de même l'intention, clairement exprimée dans le projet de loi, d'abroger enfin toutes les dispositions de la Loi de l'instruction publique relatives à l'enseignement religieux confessionnel. Nous apprécions le fait que les commissions scolaires aient le pouvoir de libérer dès maintenant leurs écoles ou certaines d'entre elles de l'obligation qu'elles avaient de dispenser cet enseignement religieux confessionnel. Nous sommes soulagés par le fait qu'il y ait une date butoir, que nous aurions voulue plus rapprochée, à partir de laquelle il n'y aura plus de recours aux clauses dérogatoires en vertu de la Loi de l'instruction publique. Nous appuyons donc les orientations du projet de loi. Les élèves ne seront plus divisés selon leurs croyances et les commissions scolaires n'auront plus à tenter l'impossible pour appliquer des obligations légales qu'elles n'arrivaient pas de toute façon à respecter. Les enquêtes auprès des directions d'école sont très claires à cet effet-là.

Si nous appuyons globalement le projet de loi, nous avons de sérieuses interrogations sur le contenu et les orientations du programme. Alors, nous accueillons favorablement le principe d'enraciner les nouveaux contenus dans la culture québécoise. Une approche respectueuse de notre passé et de notre présent, c'est aussi une approche inclusive qui nous réjouit. Cependant, notre coalition a toujours défendu le principe d'une nécessaire distinction entre l'enseignement moral et l'initiation culturelle au phénomène religieux. Alors, ce que nous suggérons, c'est une réflexion à poursuivre par rapport à la Loi de l'instruction publique ? comme il ne me reste pas beaucoup de temps.

La nouvelle formulation sur le Comité des affaires religieuses pourrait se lire ainsi: au lieu simplement de consulter des gens qui sont intéressés par ce sujet, toutes les organisations intéressées par le sujet, pas seulement les organisations qui s'occupent d'organisations religieuses.

Le Président (M. Chagnon): Mme Laurin, je vais vous inviter à conclure, puisque le temps est dévolu.

Mme Laurin (Louise): Oui. La Charte des droits et libertés de la personne, à l'article 41 ? je pense qu'on pourra peut-être en reparler après ? n'est plus adéquate, ne correspond plus à ce que la Loi de l'instruction publique... Comme la loi va être modifiée, alors il faudra modifier aussi l'article 41 de la charte en conséquence.

Une autre chose: s'assurer que la Loi sur l'enseignement privé... de façon à ce que les fonds publics ne subventionnent désormais que des institutions qui se conforment aux normes applicables à l'école publique en matière de laïcité et de relations interculturelles.

En conclusion, nous appuyons globalement le projet, mais il y a des gestes qui pour moi sont importants à compléter.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, Mme Laurin. Je vous avais prévenus, il y aura 15 minutes maintenant de temps au gouvernement, 15 minutes à l'opposition. Alors, j'invite le ministre à prendre son temps.

M. Fournier: Merci, M. le Président. Mme Laurin, M. Laberge, ça fait plaisir de vous revoir et d'avoir votre mémoire sous les mains.

Quelques petits commentaires sur le délai. C'est un sujet qu'on a déjà discuté, d'ailleurs. J'étais heureux que vous soyez présents quand les parents étaient là, tantôt, pour avoir leur point de vue sur les délais. J'ai eu l'occasion de le dire à quelques reprises, je le réaffirme, l'important, c'est que tout le monde soit dans le coup.

Et elle expliquait, la Fédération des comités de parents expliquait, en 2000, où ils étaient, et le cheminement qu'il y a eu, et puis les inquiétudes qui subsistent encore un peu. Alors, je voulais juste soumettre, par rapport aux bémols que vous soulignez sur le délai, que, bien qu'il soit terminal, il m'a semblé, dans les consultations que j'avais, qu'il était important de suivre un rythme qui allait chercher l'adhésion maximale de tout le monde, pour éviter que le débat qu'on a ? bien qu'on ne peut pas s'attendre à l'unanimité ? ne soit pas un débat de rejet d'un groupe par rapport à un autre mais bien plutôt un projet qui rallie le plus de monde possible, ce qui est la thèse que vous défendez de toute façon depuis si longtemps. Alors, on est dans l'ordre des moyens. Mais je voulais quand même vous dire que, de ce côté-là, je pense qu'on avait fait le choix, il me semblait, qui ralliait le plus de monde possible.

Je souligne au passage, là, ce que vous amenez sur l'importance d'être enraciné dans la culture québécoise. Je pense que toute la question identitaire fait aussi partie des inquiétudes qu'avaient, de façon plus large, les parents avant, un peu moins maintenant, peut-être parce que le débat, là, court depuis si longtemps ? vous en êtes d'ailleurs des artisans depuis si longtemps ? mais où ils voient que... Je pense de plus en plus qu'ils voient que c'est une addition, non pas une soustraction. Et, dans ce sens-là, bien, là, on a un contexte plus global.

Il y a deux sujets, un qui est toujours pour essayer de rallier le plus de monde possible. Vous terminez votre texte avec Léger Marketing et vous le débutez avec le milieu des années quatre-vingt-dix, une période où on avait un 70 % qui était favorable, là, à une initiation aux grandes traditions religieuses. On est un peu toujours dans les mêmes eaux, c'était peut-être 75 % pour Léger Marketing. De toute façon, sur une décennie, à peu près, hein ? je pense qu'il y avait un écart de 10 ans entre les deux relevés ? vous décodiez, dans vos mesures d'évaluation, trois quarts, hein, on va dire, 70 %, 75 % des gens qui souhaitaient un peu ce qui est mis sur la table.

Comment interprétez-vous ces résultats par rapport à ce qu'on entendait en 2000, par exemple, ou aujourd'hui, de la part de ceux qui ne partagent pas ce point de vue là, qui disaient que ces chiffres-là n'avaient pas d'allure? Parce qu'au contraire il y a 80 % des parents qui, dans les choix qu'ils ont à faire, prennent plutôt soit catholique ou protestant, là, mais qui ne font pas le choix des 75 %. Là, vous vous doutez que je veux vous entendre pour pouvoir avoir votre position. Je sais bien que vous aurez peut-être une autre position plus tard, mais je veux que les Québécois qui suivent nos travaux puissent avoir les positions différentes qui sont sur la table. Mais comment vous arrivez, vous, à dire: Moi, j'ai un sondage, puis le sondage, c'est plus fort que le choix délibéré de parents qui disent: Moi, je veux cela? Un sondage, après tout, hein, ce n'est pas tout le monde, là. Les groupes qu'on va recevoir ce soir, entre autres, vont me dire: Regarde, là, le monde choisissent, ils veulent avoir un cours confessionnel.

Mme Laurin (Louise): Mme Miron vous a très bien répondu, d'ailleurs, tout à l'heure, là, mais je peux très bien...

M. Fournier: On va faire une deuxième tentative.

Mme Laurin (Louise): ...deuxième. D'abord, si on regarde ce fait-là, c'est un fait, là, hein, mais c'est un fait que les gens l'inscrivent, mais ils n'ont pas d'autre choix. Est-ce qu'on leur a posé la question à l'école, à ce moment-là: Est-ce que vous préférez un enseignement culturel des religions plutôt que l'enseignement catholique, l'enseignement protestant puis l'enseignement moral? D'abord, ça, c'est la première des choses: on ne leur posait pas la question, mais, quand on leur pose la question, c'est différent.

n(12 h 40)n

Puis, par rapport à la différence entre le premier sondage de 1996 qu'on a fait puis celui-là, c'est que, là, c'est le nombre de gens qui ne veulent pas de religion du tout qui augmente. Tu sais, au lieu de dire: Bien, on préfère ça, mais on n'en veut pas, il y en a 20 %, comme il y a 20 % de gens qui veulent le statu quo, ça fait que ce qui veut dire que le 20 % de ceux qui n'en veulent pas et de ceux qui souhaitent un enseignement culturel des religions bien nous indique que clairement on s'en va vers une voie laïque.

Maintenant, pour revenir à la question des 80 % des parents, les analyses qui ont été faites là-dessus, et les sondages, et les enquêtes qualitatives et quantitatives qui ont été menées par le groupe du rapport Proulx, par Micheline Milot ensuite, sociologue, pour le compte d'Immigration et Métropole, pour le compte du ministère aussi, ont réellement démontré qu'il y a plusieurs facteurs qui jouent, à ce moment-là, d'abord le facteur de rapport à la religion, le facteur du fait que les gens inscrivent leurs enfants. Bien, on a une espèce de nostalgie, notre patrimoine religieux, on a été élevés comme ça. Donc, on a connu, nous, la peur de perdre aussi... que les enfants n'entendent pas parler de religion. Quand on pousse le questionnement, là, c'est ça qui ressort. Ensuite, on veut quand même, quand on pousse cette question-là, éveiller la tolérance puis développer au sens éthique. C'est des réponses qui sont recueillies, là, à ce moment-là.

Maintenant, il y a le fait aussi de la contrainte d'un régime à options: vous prenez protestant, catholique ou moral. Comme le soulignait très bien madame, là, de la Fédération des parents, ça a été comme un pis-aller, l'enseignement moral, alors que tous les enfants devraient avoir un enseignement moral. Alors, à ce moment-là, les contraintes ont fait que soit que les gens... Il n'y avait pas assez de gens qui allaient en enseignement moral. Alors donc, il fallait bien les mettre à quelque part, ces enfants. Les mettre dans le corridor, ce n'est pas très intéressant. Dans certains milieux, il y en avait plus, mais il y en a qui étaient frustrés parce qu'ils auraient voulu que leurs enfants entendent parler de religion. Je l'ai vécue moi-même, cette expérience-là. Et, à ce moment-là, ils n'ont réellement pas le choix, parce que le type d'aménagement est très difficile, d'autant plus qu'avec trois options, là...

La religion protestante, ça a été un casse-tête incroyable pour les directions d'école: des budgets supplémentaires, pas beaucoup de personnes. Il y en a qui enseignent les trois affaires: catholique, protestant puis la morale. Tu sais, c'est devenu, là, ingérable. Puis dans le fond, le choix, on ne l'avait pas. Si on voulait entendre parler de religion, bien on s'en allait en religion catholique, qu'est-ce que tu veux, autrement tu n'en entendais pas parler en morale, là. Alors, on ne l'offrait pas, cette...

Puis je pense qu'aussi, dans les attentes des parents, il faut peut-être réfléchir. On parlait tantôt ? madame ? qu'il faut les informer beaucoup. Mais le rôle des institutions religieuses puis des familles... C'est parce qu'on a été habitués, hein, on a été élevés ? moi, je suis une grand-mère, maintenant ? on a été élevés dans un certain modèle puis on a de la misère parfois à voir qu'il peut y avoir d'autres modèles.

Moi, je pense qu'on a oublié de donner à l'Église son véritable rôle, alors que le rôle de l'école, c'est réellement de transmettre des connaissances. Ce n'est pas d'en faire des disciples de Jésus, là, ou de Mahomet, ou de quelque autre prophète. En fait, le rôle de l'école, c'est de transmettre des connaissances, d'apprendre aux enfants à vivre ensemble, et puis à développer ce respect, puis à accepter, de plus en plus, la diversité. Puis je pense que, quand on en discute, là, avec les parents, bien on voit où ça aboutit. De plus en plus, les gens ont conscience qu'on vit dans un monde pluraliste puis que, si on se divise, bien, là, c'est des problèmes qui peuvent nous rebondir.

Alors, je pense que, dans le 80 %, il y a ce désir d'héritage, là, de partager l'héritage. Puis je pense que, pour ceux qui sont de nouvelles religions, d'autres religions aussi, c'est important, là, qu'ils connaissent ce qui se passe au Québec, qu'est-ce que c'est qui a façonné le Québec sur le plan religieux, la langue également, là. Mais je parle sur le plan religieux. Puis les jeunes doivent fonctionner face à cette diversité culturelle et religieuse. Parce que la diversité n'est pas juste montréalaise. Quand on a fait notre sondage, c'était autant en région que dans la région montréalaise, c'était le même pourcentage de gens qui souhaitaient la même chose, alors ce qui veut dire, je pense, actuellement, que le projet de loi répond au 80 %.

Puis, Henri, tu voulais compléter?

Le Président (M. Chagnon): M. Laberge.

M. Laberge (Henri): Je voudrais ajouter juste une chose, c'est que, dans le sondage Léger Marketing, c'est la population en général, là, tous confondus, mais il y a eu d'autres études, d'autres sondages qui ont fait la distinction entre les parents catholiques, parents protestants, parents d'autres religions et parents sans religion.

Mme Laurin (Louise): Nous autres aussi.

M. Laberge (Henri): Ah! Oui, oui, c'est vrai, le nôtre aussi.

Mme Laurin (Louise): Oui, nous autres aussi, là.

M. Laberge (Henri): Oui. Et puis, dans tous les cas, quelle que soit la catégorie, il y a une majorité en faveur de l'option que vous retenez.

Mme Laurin (Louise): Puis même, comme c'était pour la population en général, je trouve que c'est significatif qu'autant les parents, ceux qui se déclarent parents ? parce qu'on posait la question, là, s'ils avaient des enfants à l'école ? puis ceux qui n'ont plus d'enfant à l'école... Ça arrivait la même chose. Ça fait que c'est fantastique quand même.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup.

M. Fournier: J'ai un petit peu de temps encore, M. le Président?

Le Président (M. Chagnon): Oui, oui.

M. Fournier: J'aimerais ça que vous me commentiez de façon un peu plus élaborée ce qui était d'ailleurs une explication peut-être intuitive, ou en tout cas les gens sentent peut-être ça. Ça a peut-être participé à une transformation. Vous nous dites que les commissions scolaires n'auront plus à tenter l'impossible pour appliquer des obligations légales qu'elles n'arrivaient pas de toute façon à respecter. J'aimerais que vous nous donniez un peu plus de détails sur cette affirmation.

Mme Laurin (Louise): J'espère que les directeurs d'école vont venir vous le dire plus que moi peut-être, mais enfin...

M. Fournier: Vous vous inspirez d'eux.

Mme Laurin (Louise): Oui, oui. Je m'inspire d'eux par expérience aussi et par contact avec des gens des commissions scolaires. Bien, je vous l'ai expliqué un peu, tantôt, c'est que l'obligation légale, c'est d'offrir catholique, protestant, enseignement moral, mais on n'arrive pas, pour les raisons que je vous... D'abord, c'est très complexe. Il y a certaines écoles qui finalement, quand il y en a un ou deux, bon, disent: Écoute, là, vas-y, hein, tu sais. Alors, c'est complexe à administrer. C'est très difficile à gérer, trois options comme ça. Puis, au secondaire, au premier cycle du secondaire, quand on a enlevé l'enseignement culturel des religions, là, le premier programme que j'ai mentionné tantôt, il y avait un peu ça, parce que c'était trop compliqué, le fait qu'il y ait trois options différentes.

On veut respecter la loi, mais il y a des écoles qui ont dit, à un moment donné: On n'est pas capables. Donc, on ne peut pas le faire. On dit: Je n'ai pas personne pour le faire, je n'ai pas personne pour le faire, je n'ai pas de voeu général des parents. Il y a des écoles qui n'en font pas du tout, vous savez, puis ça leur fait mal. Mais il y a des écoles qui malgré tout le font. Bien, elles sont obligées de prendre du budget différent pour arriver à payer puis à respecter la liberté de conscience des enseignants aussi qui ne peuvent ne pas enseigner. Alors, à ce moment-là, si...

Parfois, l'enseignant va dire: Bien, je vais y aller, là, parce que c'est trop compliqué, c'est trop compliqué à gérer. Je n'aurai pas mon salaire, d'autres ne l'auront pas, ou je vais perdre mon salaire. C'est sûr, s'il ne peut pas faire d'autre chose, il ne peut pas gagner son salaire. Alors, c'est tout un complexe... difficultés administratives qui font que c'est difficile à gérer, à administrer.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup.

M. Fournier: Votre coalition regroupe de très nombreux groupes, dont, entre autres, des enseignants. J'étais curieux. Comme dernière question, si vous pouviez nous dire comment la coalition vivait ces prises de position, les discussions qu'il y avait, pour m'amener à comprendre, par exemple, ce que vous venez de me dire sur les enseignants, qui, je n'en doute pas, ont dû vous passer un peu ce message-là des difficultés qu'ils avaient, là. Alors, comment, au cours des dernières années, ou certainement de la dernière année, vous avez entretenu un dialogue avec toute cette coalition-là pour établir bon une position à l'égard du mémoire, mais des positions antérieures aussi? Comment les différents groupes qui viennent de différents milieux ont pu susciter chez vous des éléments faisant la promotion de la thèse générale?

n(12 h 50)n

Mme Laurin (Louise): Bien, c'est qu'on se rencontrait puis on se parlait. Je pense que c'est la première des choses à dire. On s'est rencontrés régulièrement. Peut-être que tous les 50 n'étaient pas là, là, parce que c'est difficile à gérer, des agendas; mais, moi, tout de suite après, je communiquais avec ces gens-là puis, s'il y avait des réactions ou n'importe quoi... Il y avait toujours un dialogue qui s'établissait. Puis les partenaires importants, les enseignants, les directions d'école...

Je communiquais avec les cadres. Les cadres, ils n'avaient pas beaucoup de temps pour assister à des réunions. Mais il y avait toujours eu une communication soit écrite soit par téléphone pour qu'on puisse être au courant de ce qui se passait. C'est tout un travail, je dois vous dire.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, Mme Laurin. Je vais maintenant céder la parole à la députée de Taillon.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je vous souhaite bienvenue à mon tour, au nom de notre formation politique. Et je reconnaissais, dans les propos de Mme Laurin, l'ancienne directrice d'école aussi qui connaît bien le terrain et qui sait comment ça se passait.

Bon, moi, je veux revenir sur certaines propositions que vous faites ou remarques que vous faites dans votre mémoire, toujours dans la perspective de la suite de choses. Bon, d'abord, un premier commentaire, j'étais d'accord avec vous que ce n'était peut-être pas nécessaire et utile qu'il y ait trois ans de transition, moi, dans la perspective où je pense qu'on aurait pu agir plus tôt. Et peut-être même qu'on aurait devant nous à peine six mois et qu'on pourrait implanter le nouveau programme si on avait pu immédiatement préparer le terrain, au moment où le ministre savait qu'il avait devant lui quand même deux ans pour l'échéance de la clause «nonobstant». Bon. Maintenant, nous en sommes là, aujourd'hui, l'objectif va être atteint, et je pense que c'est de ça dont il faut être satisfait, et je l'ai dit, puis je le répète, et je vais le répéter encore. Bon.

Maintenant, vous dites dans votre mémoire, dans votre document, que, sur la question de la différenciation... Là, j'essaie de le retrouver, là. J'avais pris mes notes. Voilà. Une réflexion à poursuivre. Nous appuyons globalement le projet de loi. Nous avons cependant de sérieuses interrogations sur le contenu et les orientations du programme intégré d'éthique et de culture religieuse, conçu comme un programme continu et progressif. Bon, le principe d'enraciner les nouveaux contenus dans la culture québécoise, etc. C'est la distinction entre l'enseignement moral et l'initiation culturelle au phénomène religieux.

Vous, ça ne vous apparaît pas clair dans ce qui est proposé dans les documents du ministre. Est-ce que je comprends cela? Et à quoi vous attendriez-vous pour la suite des choses?

Mme Laurin (Louise): D'un côté, ça peut apparaître clair, parce qu'on voit «éthique», d'un côté, là, dans le document d'orientation, et, de l'autre côté, la question de l'enseignement culturel. Mais c'est parce que, là, il y a une réflexion qui va continuer par rapport ça, puis c'est un peu comme une mise en garde qu'on veut faire.

Henri, veux-tu aller...

M. Laberge (Henri): En fait, c'est parce qu'on présente ça comme étant un seul programme, éthique et culture religieuse, alors que, nous autres, on préférerait qu'il y ait deux programmes, un d'éthique, qui pourrait être réservé, par exemple, à une partie du primaire, puis ensuite, une autre partie du primaire, il y aurait un cours de culture religieuse. En le mettant dans le même cours, il y a un danger, c'est qu'on laisse entendre que la morale découle nécessairement d'une croyance religieuse. Alors, à ce moment-là, ça laisse entendre que ceux qui n'ont pas de religion n'ont pas de morale.

Mme Marois: ...de valeurs ni de morale.

M. Laberge (Henri): Alors, on voudrait éviter ce malentendu-là. Il est possible que, dans le travail du ministère, on évite le problème, mais on préférerait qu'on fasse deux programmes pour bien marquer la différence.

Mme Marois: Non, je comprends très bien maintenant ce que vous voulez dire par là. Et ça a toujours été aussi une de mes préoccupations quand on voulait changer cette situation de... voyons! de cours confessionnel à l'école. C'est parce qu'on donnait l'impression qu'on ne pouvait transmettre des valeurs autrement qu'à travers une religion, alors qu'il y a des valeurs humaines qui existent, il y a une morale qui existe en soi et qui n'a pas à être reliée à une vision religieuse des choses. Alors, d'accord. Donc ça, c'est votre perspective.

Sur des choses encore plus précises, vous questionnez, à la page 6 de votre mémoire, le fait que l'article 5 du projet de loi qu'on va étudier, là, dans les jours qui viennent... Vous dites: «Lorsqu'il est appelé à donner son avis ? vous faites référence à l'article ? il peut consulter les groupes religieux ainsi que les personnes ou organismes particulièrement intéressés par la question religieuse.» Vous dites qu'il serait plus juste, dans le contexte d'une éducation laïque, d'indiquer de façon plus générale que le comité peut consulter les organisations intéressées à la question. J'aimerais vous entendre sur ça. Donc, vous, vous suggéreriez un amendement au projet de loi que nous allons étudier et qui irait dans ce sens-là?

Mme Laurin (Louise): Oui. Là, vous voyez, comme les parents, là, ce n'est pas un organisme... juste à cette question-là. Il y a d'autres mouvements, autres, intéressés par la question religieuse. Comme nous, je veux dire, on est quand même... Je ne pense pas qu'on va avoir encore à travailler à modifier les projets, on est rendus au bout d'une démarche. Ha, ha, ha! Mais je pense que, pour que ce soit plus large, pour que ceux qui ont le goût de se prononcer sur ces questions-là... Je pense à ceux qui ont des pensées séculières, entre autres, tu sais, qui ont développé... Bien, eux autres aussi, là, ils pourraient aller dire leur mot, comment ils voient ça. Donc, ça apporte un éclairage supplémentaire.

M. Laberge (Henri): C'est parce que le texte actuel mentionne spécifiquement les organisations religieuses, alors que ce n'est pas nécessaire. Il suffit de dire «tous les groupes qui sont intéressés à la question». Alors, ça inclurait...

Mme Marois: Et ça pourrait les inclure, mais sans nommément le faire dans la loi.

Mme Laurin (Louise): Oui, c'est ça.

Mme Marois: Vous, ça vous apparaîtrait plus respectueux, d'un point de vue différent?

Mme Laurin (Louise): Oui.

Mme Marois: D'accord. D'autre part, sur la Charte des droits et libertés de la personne, vous dites qu'il faudrait aussi évidemment corriger cela. Bon, moi, j'essaie de comprendre, là. J'imagine que ça devrait se faire dans un second temps, une fois qu'on aura adopté la loi nous permettant de ne plus recourir à la clause «nonobstant», mais dans trois ans, selon ce qui est là maintenant et ce qu'on discutera. J'imagine que, d'ici là, on devrait retoucher la Charte des droits et libertés, enfin la référence à la Charte des droits et libertés.

Comment vous entrevoyez cela?

M. Laberge (Henri): L'article 41 peut être modifié tout de suite. Je veux dire, ce n'est pas nécessaire que ce soit...

Mme Marois: Effectivement, il pourrait être modifié tout de suite, vous avez raison.

M. Laberge (Henri): Mais ce n'est pas nécessaire que ce soit avant la fin de juin, là. Mais, dès la reprise des travaux, il pourrait y avoir un projet de loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne pour l'ajuster sur l'article dans la Charte des droits civiques...

Mme Marois: ...universel, là.

Mme Laurin (Louise): Du Pacte international, là.

M. Laberge (Henri): Oui, international.

Mme Marois: Le Pacte international. C'est ça.

Mme Laurin (Louise): Parce qu'actuellement il n'y a aucune concordance, actuellement, si on lit l'article.

Mme Marois: Vous avez raison. Vous avez raison.

Mme Laurin (Louise): Il faudrait juste... Je pense que c'est une concordance nécessaire.

Mme Marois: Bien, c'est une question qu'on pourra soulever au moment de l'étude article par article du projet de loi, voir s'il y a des choses de prévues par le ministre sur cette question-là.

Bon, la Loi sur l'enseignement privé. Vous suggérez aussi de modifier la Loi sur l'enseignement privé de façon à ce que les fonds publics ne subventionnent désormais que des institutions qui se conforment aux normes applicables à l'école publique en matière de laïcité et de relations interculturelles. J'aimerais vous entendre sur cette question de façon plus précise et un petit peu plus, en même temps, élaborée.

M. Laberge (Henri): Bon. Alors, notre préoccupation, c'est de faire en sorte que les jeunes Québécois se retrouvent dans une même école autant que possible. Bon, le droit à l'enseignement privé, ça existe, je pense qu'on ne remet pas en question la possibilité qu'il y ait des écoles privées confessionnelles, mais ce qu'on ne voudrait pas, c'est que les fonds publics servent à financer une ségrégation des clientèles sur la base de la religion. Alors, qu'il y ait des écoles catholiques, musulmanes, juives, etc., ça ne nous apparaît pas souhaitable. Ce qui nous apparaît souhaitable, c'est que tous les jeunes québécois catholiques, protestants, juifs, musulmans se retrouvent ensemble dans les mêmes écoles. Et ça, on voudrait que ce soit la même chose dans le secteur privé. Donc, il ne devrait pas y avoir de subvention publique d'un enseignement privé qui ne respecte pas les normes de l'école publique en matière de laïcité et d'éducation interculturelle.

Mme Marois: Donc, pas de subvention aux écoles confessionnelles privées.

M. Laberge (Henri): Oui.

Mme Marois: C'est ça. Et, à ce moment-là...

Mme Laurin (Louise): C'est-à-dire, qu'ils prennent seulement ceux d'une confession, là.

Mme Marois: Oui. Je pense que mon collègue a une question sur ça.

Le Président (M. Chagnon): Oui, monsieur.

M. Cousineau: Merci, M. le Président. Pas de subvention pour l'ensemble de l'école, là, ou uniquement pour la partie qui touche l'enseignement religieux?

M. Laberge (Henri): Non, non, pas de subvention pour l'école. Parce que, même si on disait: On ne subventionne pas la partie enseignement religieux, il reste que l'école, à ce moment-là, attirerait une clientèle autre et spécifique, là, dont uniquement des musulmans, ou uniquement des Juifs, ou uniquement des catholiques. Alors, à ce moment-là, je pense que ce ne serait pas bon du point de vue de l'intégration qu'on souhaite.

Mme Marois: D'accord. Ça va. Ça répond à nos questions.

n(13 heures)n

M. Chagnon: Alors, je vous remercie. Je remercie Mme Laurin, M. Laberge, de la Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire. Et, tout en remerciant les membres de cette commission pour le travail de ce matin, je vous réinvite à continuer les auditions à 20 heures, ce soir.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

 

(Reprise à 20 h 6)

Le Président (M. Chagnon): Je déclare la séance de la Commission de l'éducation ouverte et j'invite toutes les personnes présentes à s'avancer.

J'invite le Comité pour le renouvellement de la clause dérogatoire à s'approcher et je répète évidemment, pour les gens qui sont nouveaux, puisqu'évidemment vous n'étiez pas ici, cet après-midi, que vous aurez 15 minutes pour présenter votre mémoire, et par la suite il y aura 15 minutes de chaque côté de la Chambre, c'est-à-dire du côté ministériel et du côté de l'opposition, pour vous questionner sur votre mémoire.

Alors, vous pourriez peut-être nous présenter les gens qui vous accompagnent. Vous êtes Mme St-Cyr?

Mme St-Cyr (Jocelyne): C'est bien ça.

Le Président (M. Chagnon): Alors, vous nous présentez les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Comité pour le renouvellement
de la clause dérogatoire (CCD)

Mme St-Cyr (Jocelyne): C'est ça. Je vous présente, à l'extrême gauche, Mme Nicole Trudel, ex-enseignante, pédagogue, conseillère pédagogique, conseillère en éducation chrétienne et animatrice de pastorale pour la région de Trois-Rivières; Mme Jeanne Morse-Chevrier, docteure en psychologie et aussi présidente de l'Association des parents catholiques du Québec, invitée, ce soir, à titre de spécialiste; et, à ma gauche, M. Gary Caldwell, parent, sociologue, ex-commissaire aux états généraux, auteur, industriel et citoyen québécois; et moi-même, Jocelyne St-Cyr, coordonnatrice pour le Comité pour le renouvellement de la clause dérogatoire.

Le Président (M. Chagnon): Nous vous écoutons.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Ça va?

Le Président (M. Chagnon): Oui.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Donc, M. le Président, je vous remercie. Nous sommes très heureux d'avoir finalement pu participer à cette commission que nous considérons très importante.

Donc, le projet de loi n° 95 qui modifie les diverses dispositions législatives de nature confessionnelle dans le domaine de l'éducation a été déposé en même temps que La mise en place d'un programme d'éthique et de culture religieuse ? Une orientation d'avenir pour tous les jeunes du Québec. Donc, ce projet de loi prévoit maintenir pour trois ans la clause dérogatoire qui permet l'option pour les cours d'enseignement religieux catholique, protestant et moral. Donc, «c'est une mesure transitoire de courte durée ? que M. le ministre disait dans sa lettre ? qui permettra au ministère et au réseau scolaire de réaliser les travaux nécessaires à l'élaboration des programmes d'études et de perfectionnement des enseignants et des enseignantes». Par ce projet de loi, le ministre entend remplacer le cours d'enseignement moral et religieux catholique et protestant et l'enseignement moral par un seul cours, obligatoire pour tous, d'éthique et de culture religieuse.

Imposition d'un cours obligatoire. Voilà donc qu'on imposera à tous les élèves, de la première année du primaire à la fin du secondaire, un cours d'éthique et de culture religieuse. M. Fournier déclarait dans sa lettre, et nous le citons: «Je pense donc qu'il est dans l'intérêt de tous les parents qu'un programme commun d'éthique et de culture religieuse soit donné à l'ensemble des élèves, étant assuré que ce programme respectera les options morales et religieuses des parents et des familles.»

Nous nous questionnons fortement. Comment le ministre peut-il supposer que ce programme respectera les options morales et religieuses des parents et des familles alors que ces derniers s'expriment à 80 % pour l'inscription de leurs enfants en enseignement primaire catholique au primaire? Comment M. le ministre peut-il supposer que ces parents accepteront qu'en plus des contenus judéo-chrétiens leurs enfants apprennent, dès l'âge du primaire, et explorent aussi les traditions religieuses musulmanes, bouddhistes, hindoues, ainsi que les nouveaux mouvements religieux et les spiritualités amérindiennes? Par surcroît, le programme apportera des précisions sur les représentations séculières du monde, dont l'athéisme et le marxisme.

n(20 h 10)n

Nous pensons... et nous sommes très inquiets face à la confusion religieuse que cela apportera chez les parents. Au premier abord, les parents peuvent penser que cela avantagera leurs enfants de recevoir des enseignements sur d'autres religions et visions du monde en plus de la leur, ce qui expliquerait peut-être les résultats de certains sondages. Cependant, il faut être très prudent et mettre les parents en garde contre l'exposition d'enfants et de jeunes adolescents à des contenus religieux variés, avec des compréhensions de Dieu très différentes les unes des autres. Cela comporte un risque sérieux de créer de la confusion chez les enfants et les jeunes adolescents. À cet âge, ceux-ci ne maîtrisent pas encore la pensée formelle qui permet de traiter et de comparer différentes religions avec objectivité et discernement. À notre avis, il y aurait d'autres moyens de sensibiliser les jeunes aux autres religions sans qu'ils aient à renoncer à la leur. En fait, c'est ce que les parents veulent vraiment. À notre avis, il s'agit plutôt d'une situation qui conduira l'enfant du primaire à de la confusion religieuse. Et, encore dans l'enfance, comment pourra-t-il comprendre et s'y retrouver dans la présentation de tant de religions différentes?

Que fait-on de la majorité? M. le ministre ajoute, et nous le citons: «...la frustration guette les parents qui font un choix minoritaire...» Que fait alors le ministre de la frustration qui guette les parents qui font un choix majoritaire? Comme l'écrit l'éditorialiste Jean-Guy Dubuc: «On a beau vouloir tout laïciser, il faut quand même respecter la vérité. Un Québec privé de sa tradition religieuse ou une religion catholique enseignée comme le bouddhisme, l'hindouisme et le zen représenteraient une insulte à notre histoire, comme à ceux et celles qui nous permettent d'être ce que nous sommes devenus.»

L'attitude des gouvernements. Le 26 mars 1997, dans une déclaration ministérielle, l'ex-ministre de l'Éducation, Mme Pauline Marois, a pris l'engagement suivant, et nous la citons: «Le libre choix entre l'enseignement moral et [...] religieux, catholique et protestant, continuera d'être offert, en conformité avec l'article 41 de la charte québécoise des droits et libertés qui prévoit la possibilité d'un enseignement "conforme aux convictions des parents". Le service d'animation pastorale ou religieuse sera également offert au libre choix.» En déposant son projet de loi, le ministre Fournier ne respecte pas cet engagement du gouvernement et ne tient pas compte des attentes des parents qui choisissent majoritairement l'enseignement religieux catholique.

Les attentes des parents. La décision du gouvernement de ne pas tenir compte des attentes des parents qui choisissent majoritairement l'enseignement religieux catholique dénote un mépris envers le jugement des parents, et cette attitude est ressentie comme une trahison, comme un hold-up. Que fait-on des droits de la majorité dans la société québécoise, que l'on dit pourtant démocratique? Cette attitude du gouvernement laissera des traces dans la mémoire des parents, et ce changement majeur en éducation touche à des racines profondes qui ont marqué l'identité de la société québécoise. En imposant, et je répète, en imposant un programme d'éthique et de culture religieuse obligatoire, le gouvernement risque que des parents se voient dans la position malheureuse d'avoir à exiger l'exemption de secours, et cela, en conformité avec l'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Le Comité pour le renouvellement de la clause dérogatoire, formé en 2003, visait à actualiser le débat et surtout évaluer la situation, réfléchir et informer la population sur les conséquences possibles du non-renouvellement de la clause dérogatoire qui permet aux parents de choisir, pour leurs enfants qui fréquentent une école du réseau public ou privé, un cours d'enseignement moral et religieux catholique, enseignement moral et religieux protestant ou l'enseignement moral. Depuis mai 2004, nous avons choisi d'utiliser un moyen populaire, c'est-à-dire la signature d'une pétition, pour sensibiliser la population du Québec au renouvellement de la clause dérogatoire. Ce que nous avons constaté depuis toutes ces années, c'est que les parents ou les gens qui signent la pétition posent beaucoup de questions, ne signent pas parce que leur voisin a signé, ils s'informent, et on a pensé que c'était un moyen intéressant, simple et qui rejoignait les gens sur le terrain, ce que l'on ne fait pas souvent. Donc, près de 70 000 personnes ont appuyé les attendus de cette pétition, et nous apportons, ce soir, un supplément à ça, que nous déposerons en annexe, qui portera le total à 64 500 signatures; et les 10 000 autres sont dans le courrier, donc près de 75 000.

Par cette consultation, nous avons été à même de constater que les parents sont peu ou pas informés et qu'ils connaissent mal les conséquences réelles de la situation sur leur droit actuel de choisir entre l'enseignement confessionnel et l'enseignement moral à l'école. De plus, ils ne savent rien de l'avis du Comité sur les affaires religieuses ? je ne parle pas des gens des structures, je parle des gens qui sont sur le terrain ? un document qui à notre avis les concerne grandement, car leur droit de choisir y est explicitement remis en question. Et nous n'avons pas entendu les parents nous dire: On veut un cours Éduquer à la religion. On nous a plutôt dit: Ce n'est pas ça qu'on veut! On veut que notre droit de choisir soit maintenu.

Nous revenons sur cette remise en question, sur le choix des parents. Contrairement à ce que laissent entendre les divers sondages et articles de journaux, notre comité en est venu à la conclusion que les données du ministère expriment très clairement et majoritairement les choix des parents pour l'enseignement religieux. Rappelons que ces données ne viennent pas d'un sondage, et ce qui est très important, mais du choix réel des parents, qu'ils exercent annuellement, année après année, et qui confirme que la tendance se maintient. Donc, le CCD croit que cette expression de la volonté des parents ne peut être laissée-pour-compte et être remise en question au nom de diverses interprétations. Au contraire, ces données demandent au gouvernement de porter une très grande attention et beaucoup de respect lorsqu'il légiférera dans ce dossier.

La démocratie exige le maintien des options. Il est regrettable, inacceptable et antidémocratique que cette loi vienne enlever aux parents leur droit d'exercer leur choix. Cela est d'autant plus inacceptable que le choix en faveur de l'enseignement religieux est encore très majoritaire et qu'il est aussi retenu par un très grand nombre de communautés culturelles. Avec les pétitions, nous déposons un appui du Regroupement des chrétiens du Moyen-Orient, qui représente 120 000 personnes. Nous citons juste un petit extrait de leur demande: «Le gouvernement du Québec devrait protéger le droit à l'enseignement religieux dans les écoles publiques du Québec. Le Rassemblement des chrétiens du Moyen-Orient à Montréal tient à appuyer la position des évêques du Québec partagée par plus de 80 % des parents et demande au gouvernement de reconduire les clauses juridiques qui permettent de maintenir le droit d'enseigner la religion chrétienne dans nos écoles publiques.»

Le Président (M. Chagnon): Mme St-Cyr, vous demandez d'en faire le dépôt?

Mme St-Cyr (Jocelyne): Je le dépose.

Document déposé

Le Président (M. Chagnon): Alors, nous acceptons le dépôt.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Merci, M. le Président. Après avoir perdu l'école confessionnelle, les commissions scolaires confessionnelles, les animateurs de pastorale, les comités protestants et catholiques, voilà que l'on propose d'enlever aux parents le peu qu'il leur reste, c'est-à-dire un droit fondamental en démocratie, le doit de choisir un cours optionnel en enseignement religieux confessionnel dans une école pour laquelle ils paient des taxes. Cela dépasse à notre avis une question de religion, c'est plutôt ici une question de respect de la liberté.

Malheureusement, l'État, se substituant ainsi aux parents par l'imposition d'un cours unique à tous les élèves, usurpera leur droit comme premiers responsables de l'éducation de leurs enfants. Dans une société pourtant démocratique, on privera une forte majorité de parents d'exercer leur droit de choisir pour leurs propres enfants en matière d'éducation morale et religieuse. Au Québec, l'État imposera à tous les citoyens un enseignement de la religion conçu par lui et dispensé par lui, à ses propres conditions, et tout cela au nom de la séparation de l'Église et de l'État.

Nous rejoignons notre voix à celle de l'éditorialiste Jean-Guy Dubuc: «Maintenant, il faut poser la question: Où pourra-t-on trouver, dans ce nouvel enseignement, un système de valeurs qui pourrait s'élever au-dessus des références purement matérielles et scientifiques qui sollicitent notre petit univers? Qui va s'occuper des valeurs humaines ou spirituelles, de ces valeurs qui touchent le coeur au-delà de la tête? À quoi vont se lier les valeurs essentielles à la formation d'un être humain complet, composé de plus que de chair et de sang, soucieux d'autres choses que de biens tangibles? Comment l'école pourra-t-elle former des adultes sensibles à des réalités nécessaires à un épanouissement normal et à une vie saine, à des valeurs plus vitales que leur science? Bref, qui va donner le sens à la vie? Franchement, c'est inquiétant.»

n(20 h 20)n

En terminant, nous faisons nôtre cette affirmation de Fernand Dumont, qui n'est pas le moindre, parue dans L'activité... L'actualité, dans la revue, pardon, L'actualité, le 15 septembre 1996: «Avant la politique et l'économie, c'est du vide spirituel affligeant le Québec qu'il faut s'inquiéter», l'école comme la famille et comme la paroisse.

Nous résumons très brièvement nos inquiétudes face à l'imposition obligatoire d'un cours d'éthique et de culture religieuse: manque de liberté religieuse pour les parents et les enfants qui devront recevoir des contenus religieux contre leur gré; manque de liberté religieuse pour les enseignants du primaire, qui devront enseigner sur le même pied toutes les religions, peu importent leurs propres convictions; cours d'éthique, à clarification de valeurs, appuyé sur aucune base religieuse; cours de religion où l'enfant sera aussi laissé en position de faire son choix entre un ensemble de positions qu'il ne pourra pas approfondir et qu'il ne pourra pas évaluer à partir d'une base certaine; contenus religieux décidés par des personnes autres que les chefs religieux. Nous faisons ici référence à l'article 477.18.3. Nivellement par la base pour les contenus religieux et moraux, puisqu'il faudra trouver le terrain commun; confusion religieuse chez l'enfant, au primaire, et, au secondaire, risque de provoquer des choix prématurés au plan moral et religieux; l'école sera privée de véritables témoignages de foi; et objections à ce que les enfants soient obligés de recevoir l'enseignement des religions, philosophies, visions séculières ou valeurs qui ne se situent pas dans la lignée des convictions et croyances religieuses que leurs parents veulent leur transmettre; nous nous inquiétons aussi de la présentation d'un éventail de valeurs qui peut avoir un impact inconnu sur notre société; pour les enseignants du secondaire, tâche presque impossible de tenter de présenter avec objectivité et discernement les positions de cet ensemble de religions et de systèmes de pensée et de gérer les réactions de l'ensemble des élèves de différentes fois ou convictions.

Le Président (M. Chagnon): Mme St-Cyr, votre temps est écoulé. Mais est-ce qu'il vous reste...

Mme St-Cyr (Jocelyne): Il me reste les recommandations, j'en ai deux.

Le Président (M. Chagnon): Nous vous écoutons.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Nous demandons que le gouvernement respecte le droit des parents de choisir l'enseignement moral et religieux catholique, l'enseignement moral et religieux protestant, l'enseignement moral, et que le cours d'éthique et de culture religieuse soit optionnel.

Nous demandons que le gouvernement maintienne l'application de la clause dérogatoire pour cinq ans. Il répondra ainsi aux attentes des 60 % à 80 % des parents qui choisissent d'inscrire leurs enfants en enseignement religieux catholique et il respectera aussi la liberté religieuse des autres, des aménagements que l'on a réussi à faire dans d'autres démocraties. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup. Merci.

Des voix: ...

Le Président (M. Chagnon): S'il vous plaît! Vous savez que, dans nos travaux et dans notre parlement, comme dans les commissions parlementaires, il n'est pas permis d'exprimer son opinion par le biais d'applaudissements ou quoi que ce soit.

Mme St-Cyr, je vous remercie beaucoup. Je vais maintenant passer la parole à M. le ministre.

M. Fournier: Merci, M. le Président. Mme St-Cyr et les gens qui vous accompagnent, bonjour, merci d'être avec nous.

J'ai eu l'occasion de voir le mémoire ? nous l'avons reçu cet après-midi ? de vous entendre en faire la présentation, mais aussi nous avons eu déjà l'occasion d'échanger. Ça fait donc plaisir de vous avoir devant nous, aujourd'hui.

Il y a un point dans la présentation que vous faites, dans le mémoire tel qu'il est déposé, dans la présentation tout au long, évidemment qui était très inspirée du mémoire, un fil conducteur qui revient souvent autour du 80 %. En fait, on le trouve presque à toutes les pages ou assez régulièrement. Un des fils conducteurs pour vous, c'est le choix des parents. Alors, il y a plusieurs questions qui arrivent. Il y en a une qui à mon avis est celle qui m'a fait peut-être le plus sursauter, vous allez comprendre pourquoi, c'est à la page 5, où, là, vous dites qu'on agit avec mépris, que c'est une trahison et que ça va laisser des traces dans la mémoire des parents. La raison pourquoi je vous dis que ça m'a fait sursauter un peu, c'est qu'encore faudrait-il savoir qui parle au nom des parents, finalement. Ici, vous venez nous expliquer un point de vue, vous inspirant d'un taux d'inscription à des cours, et vous dites: Voilà, les parents, ce qu'ils veulent.

Nous avons reçu, en entrée en matière, ce matin, la Fédération des comités de parents, qui a, et le dit eux-mêmes, entre 2000 et 2005, changé de position. Je leur ai posé des questions. C'est assez important, ce sujet-là, dans le débat parce que très fortement, dans votre mémoire, dans votre présentation, le coeur est là, il y a beaucoup d'éléments qui se trouvent là-dessus. Et je dois vous dire que la Fédération des comités de parents vient expliquer pourquoi ils ont évolué et comment ils ont établi leur position: ce sont les parents dans les écoles, puis là c'est tous les comités, puis... Alors, il y a une position des parents dans les écoles. Je ne peux pas non plus faire comme s'ils n'étaient pas là. Et honnêtement, à chaque fois que vous me demandez qu'est-ce que je réponds aux parents, à chaque fois que c'est écrit dans le texte, j'ai... Je réponds, en tout cas, au moins à la Fédération des comités de parents. Ça doit être au moins une bonne gang.

Alors, comment vous situez votre position par rapport à celle de la Fédération des comités de parents qui a eu l'occasion, ce matin, d'interpréter les taux d'inscription? Je suis sûr que vous la connaissez, là, je n'ai pas besoin de vous répéter ce qu'ils disent.

Mme St-Cyr (Jocelyne): On a même leur mémoire.

M. Fournier: Alors, ils ont une façon de répondre à ce taux d'inscription de 80 %, ce n'était pas pour eux un argument qui les amenait à prendre une position autre. Comment donc vous pouvez me dire et me convaincre aujourd'hui que je me trompe quand j'écoute les parents, tel qu'exprimé par la Fédération des comités de parents?

Mme St-Cyr (Jocelyne): Voyez-vous, M. Fournier, ce n'est pas pour rien qu'on a utilisé une pétition, parce que les structures ne rejoignent pas toujours les parents sur le terrain ou les autres citoyens. Donc, les près de 70 000 personnes qui nous appuient actuellement sont aussi des contribuables et ne nous ont pas dit la même chose que la Fédération des comités de parents, que je respecte. Mais il ne faut pas oublier en tout cas que la présidente a déjà dit qu'il ne fallait pas couper la main qui les nourrit. Donc, on considère qu'ils manquent peut-être un peu d'objectivité. Et surtout les parents qu'on a rencontrés nous disent: Ce que Mme Miron a dit à la télévision, nous, ce n'est pas ça.

On a même une résolution, dans nos documents ? oui, je vous donnerai la parole ? d'un comité de parents de la commission scolaire de Charlevoix qui n'est pas du tout d'accord avec la position de sa fédération, et on s'est dit: Pour tous ceux que la fédération ne rejoint pas... Nous, ça s'est maintenu depuis de nombreuses années. Et les chiffres qu'on vous donne, ce sont les chiffres, les données du ministère. Donc, à ce moment-là, on ne les invente pas et on peut vous dire que vos chiffres, en 2004, c'est 78 % au primaire puis 45 % au secondaire, parce qu'on sait qu'au secondaire III, actuellement, là, par toutes sortes de jeux, il n'y a plus de temps pour l'enseignement religieux. Donc, on ne se fait pas d'illusion là-dessus. Mais Mme Trudel peut répondre à...

Le Président (M. Chagnon): Alors, Mme Trudel.

Mme Trudel (Nicole): Moi, dans votre document La mise en place du programme d'éthique, à la page 10, je pense qu'il y a une forme d'admission que la Fédération des comités de parents ne reflète pas nécessairement l'ensemble de ses membres. Ce que vous dites dans Des partenaires de l'éducation, c'est «le conseil d'administration de la Fédération des comités de parents». Ça m'a frappée. Et je pense que c'est juste que le conseil d'administration est votre partenaire, mais le conseil d'administration ne représente pas nécessairement l'ensemble de ses membres.

J'ai travaillé à une commission scolaire pendant 10 ans, j'ai travaillé avec le comité de parents de ma commission scolaire, et j'ai participé avec les parents à de très nombreuses consultations qui étaient faites par la Fédération des comités de parents, et je vous assure que parfois, et même souvent, les parents disaient: Comment se fait-il? Ils nous posent des questions, ils suggèrent les réponses et, parmi leurs suggestions de réponse, il n'y en a aucune qui correspond à ce qu'on voudrait. Qu'est-ce qu'on fait avec ça? C'est notre fédération. Alors, moi, quand vous considérez comme votre partenaire, au ministère de l'Éducation, le conseil d'administration de la Fédération des comités de parents, je trouve que c'est juste, ce que vous dites, mais à moi ça dit quelque chose, et pas à moi seule, d'autres personnes ont lu votre document aussi.

Le Président (M. Chagnon): Merci. M. le ministre.

n(20 h 30)n

M. Fournier: Oui. Bien, merci de la réponse. Justement, c'est pour ça que je les ai interrogés, ce matin, sur la manière dont ils ont développé leur position, les consultations qu'ils ont tenues, les décisions qu'ils ont prises, assemblée générale qui a été tenue, et ils m'ont dit ? et évidemment je prends la parole de chacun qui vient ici, je ne les mets pas en doute, ni la vôtre ni la leur, vous comprenez bien ? mais ils m'ont dit que la position qu'ils avaient prise, et donc qui est connue par tout le monde, même ceux qui ne sont pas sur le conseil d'administration, ne fait pas l'objet de critiques, ne fait pas l'objet de dénonciations. Alors, c'est la position qui nous est présentée ici.

Maintenant, sur les suggestions de réponse, est-ce que je devrais vous renvoyer un peu la balle? Vous me dites que vous avez décelé certains parents qui considèrent que la façon que la Fédération des comités de parents l'aurait fait, c'est en suggérant des réponses, et donc ce n'était pas nécessairement ce qu'ils voulaient vraiment. Est-ce que vous me dites que votre pétition ne suggérait pas de réponse et permettait aussi un choix large?

Le Président (M. Chagnon): Oui, Mme St-Cyr, allez-y.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Je voudrais juste ajouter qu'on n'a pas conseillé à personne pour signer la pétition, puis ça s'est signé un peu partout. Donc, les gens qui ont vraiment signé étaient d'accord avec les attendus de la pétition, dans le respect de la liberté. Je comprends que la fédération est dans les structures, et, nous, on est sur le terrain, là, vous savez, ceux qui sont en bas, et souvent, des fois, on ne rejoint pas tout le temps... C'est ce qu'on a voulu faire en formant le comité, rejoindre ces parents-là.

M. Fournier: Je ne veux pas faire de chicane entre celui qui est le plus sur le terrain...

Mme St-Cyr (Jocelyne): Pas du tout, M. le ministre.

M. Fournier: Je suis allé au congrès de la Fédération des comités de parents, jeudi soir dernier. Il y avait pas mal de monde. Je peux vous dire qu'ils avaient l'air à être pas mal connectés sur le terrain, avec ce qu'ils m'ont dit. Des fois j'aimais ça, ce qu'ils me disaient, des fois j'aimais moins ça, mais ça prouvait qu'ils étaient vraiment sur le terrain. Alors, je voulais juste vous dire que je ne doute pas que tout le monde soit sur le terrain.

Oui? Vous voulez rajouter?

Mme Morse-Chevrier (Jeanne): Oui. J'aimerais ajouter que...

Le Président (M. Chagnon): Pourriez-vous vous nommer, s'il vous plaît, peut-être pour le bénéfice de la réinscription de nos travaux?

Mme Morse-Chevrier (Jeanne): Ah! Mme Chevrier.

Le Président (M. Chagnon): Mme Châteauguay?

Mme Morse-Chevrier (Jeanne): Chevrier.

Le Président (M. Chagnon): Chevrier.

Mme Morse-Chevrier (Jeanne): Je trouve qu'il y aurait un moyen simple de savoir si les parents veulent vraiment un cours d'éthique et de culture religieuse, et ce serait de l'offrir en option. Parce que, là, vous voulez abolir les choix que les parents ont pris jusqu'ici. Mais, si vous voulez vraiment savoir si les parents préfèrent avoir un cours de culture religieuse ou garder des cours d'enseignement religieux protestant, catholique ou simplement moral, sans aucune religion, ce qui est une autre option, pour certains parents, qui peut être valable, il y a un moyen très simple, c'est de garder les options présentes et d'offrir votre cours en option, et là vous aurez vraiment le pouls de la population sur cette question-là.

M. Fournier: Merci de m'amener sur cette proposition, mais j'aimerais vous poser des... Malheureusement, je sais que je n'aurai pas beaucoup de temps. J'ai deux sujets en même temps qui sont un peu dans les mêmes eaux, mais quand même. À la page 3, vous dites: «Il faut être très prudent et mettre les parents en garde contre l'exposition d'enfants et de jeunes adolescents à des contenus religieux variés, avec des compréhensions de Dieu très différentes les unes des autres.» Bon. Et, à la page 8, au point 12, vous nous dites que, de gérer les réactions de l'ensemble des élèves de différentes fois ou convictions, il y a des risques de conflits et d'incompréhensions mutuelles. Ça m'intéresse que vous me parliez de ça parce que l'objectif est justement, au contraire, de s'assurer qu'il y ait une connaissance de l'autre pour entraîner le respect de l'autre. Et là ce que vous me dites, c'est: Plus on va connaître l'autre, plus il va y avoir du danger. Et là, bien, peut-être que c'est mon paradigme qui n'est pas le bon, mais...

Mme Morse-Chevrier (Jeanne): Bien, je voudrais parler d'abord de votre premier point, la confusion religieuse. Donc, placez-vous du point de vue d'un enfant qui est au primaire et qui se fait dire, un jour, que Jésus, c'est le Fils de Dieu, et, le lendemain, Jésus est un prophète et il n'est pas le Fils de Dieu, dépendant des convictions religieuses, et qui arrive à la maison, dépendant de sa foi, hein ? il peut être d'une foi ou d'une autre ? mais qui dit: Maman, à l'école, aujourd'hui, la maîtresse a dit que soit que Jésus n'était pas le Fils de Dieu ou bien que Jésus l'est, puis ce n'est pas ma conviction. Alors, ça peut créer profondément une perturbation chez l'enfant.

Parce que le ministère propose un cours de culture religieuse, la culture religieuse, ce n'est pas la religion comme telle. D'ailleurs, vous le reconnaissez. Donc, c'est plutôt les formes extérieures de la religion, le culte, les figures, etc. L'expérience, le vécu religieux n'y est pas. Ce qui est proprement religieux n'y est pas. Mais l'enfant qui arrive à l'école, il a un vécu proprement religieux, des fois, pas toujours, mais souvent. Donc, il est mis en contradiction avec sa propre foi. Et aussi l'enseignant qui enseigne peut avoir une conviction religieuse, et l'enfant peut demander: Mais, vous, madame, qu'est-ce que vous croyez? Ah! je ne suis pas là pour vous dire ce que je crois, je suis là pour vous présenter les différentes croyances. Donc, du point de vue que le médium est le message, le message qu'on passe ici, c'est que la religion, c'est quelque chose qu'on n'affirme pas, qu'on garde caché ou bien qui n'est pas important, et qu'on peut y renoncer, dépendant des circonstances. Donc, encore là, ça passe un message à l'enfant qui est en contradiction avec sa foi.

Et les religions révélées, les trois grandes religions révélées, donc qui proclament un seul Dieu à l'exclusion de tout autre, là encore, ça pose un problème du point de vue du parent, du point de vue de la famille qui a cette croyance-là, et son enfant est exposé dans une situation où on lui dit, un jour: Oui, ton Dieu, c'est ton Dieu; demain, bien, c'est un autre Dieu qui est Dieu. On l'a vu au Point, hier soir, la petite fille qui disait ? bon, elle le disait de façon très positive: J'ai appris à respecter les autres religions, à les comprendre, etc., je comprends que j'ai mon Dieu, et cet autre enfant là a son Dieu qui s'appelle autrement. Mais donc, pour l'enfant, est-ce que maintenant il y a deux Dieu ou il y a juste un Dieu? On ne sait pas.

Je veux dire, l'ouverture, le respect, c'est une chose, mais ça crée aussi de la confusion. Et c'est là qu'on parle de syncrétisme, parce que la pensée d'un enfant, son raisonnement conceptuel est déjà syncrétique entre sept et 12 ans, dans le sens qu'il a tendance à mettre, dans un portrait global, différents éléments sans nécessairement les situer de façon logique les uns par rapport aux autres. C'est dans le but de comprendre, de chercher une explication, de justifier la réalité. Et donc il va assimiler les différentes figures, les différentes croyances les unes aux autres. Et, même au niveau adulte, on voit le syncrétisme religieux dans le nouvel âge. Donc, ce n'est pas quelque chose, quand ça vient au plan religieux, qui reste au niveau enfantin. Parce que les systèmes religieux, ce n'est pas comme d'autres systèmes, ils sont mutuellement exclusifs. Donc, ce serait comme enseigner aux enfants différents systèmes politiques puis dire: Bien, fais ton choix, puis ensuite espérer qu'on garde encore une société démocratique en disant: Bien, l'un vaut l'autre, et puis, bon, c'est tout du pareil au même. Ce n'est pas comme la langue. La langue, ce n'est pas mutuellement exclusif, mais les systèmes religieux le sont.

Donc, rendu à l'adolescence, là l'enfant qui est capable de pensées hypothétiques et qui vise un idéal ? parce qu'il peut imaginer l'idéal et voir les contradictions entre les systèmes ? là les différentes pressions culturelles religieuses font en sorte qu'il faut qu'il se situe, et il est à l'intérieur de beaucoup de contradictions. Alors, lui, à ce moment-là, déjà il vit ça dans la société, on le sait, mais, je veux dire, c'est accentué et ça crée des frustrations. Bon, face aux frustrations, parce que l'enfant doit se situer, alors qu'est-ce qu'il va faire? Il a différentes options. C'est sûr qu'il peut décider d'adhérer à sa propre foi. Mais il peut aussi décider d'aller vers le syncrétisme, il peut aussi décider d'abandonner parce que c'est trop compliqué, puis, bon, on ne peut pas faire la vérité, donc aller vers l'indifférence religieuse ou vers un fondamentalisme qui est plus simpliste en vue de simplifier la réalité. Donc, les enfants, à l'adolescence, ils vivent beaucoup de perturbations, d'autant plus qu'ils vont être en conflit avec les croyances de leurs familles.

Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie beaucoup, Mme Trudel.

Mme Morse-Chevrier (Jeanne): Donc, dans la classe, les enfants arrivent avec leur bagage familial, avec leur confusion et avec les contradictions entre les religions.

Le Président (M. Chagnon): Mme Trudel, je vais être obligé de vous interrompre pour passer la parole à la députée de Taillon.

Mme Morse-Chevrier (Jeanne): C'est bien. J'espère que ça répond à la question.

M. Fournier: J'aurais aimé qu'on puisse en discuter un petit peu, mais...

Mme Marois: Je vais y revenir, de toute façon, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Je vous laisse le soin de continuer.

Mme Marois: D'accord. Alors, je vous remercie. Je vous souhaite la bienvenue à cette commission, au nom de ma formation politique. J'ai effectivement pas mal de questions à poser.

n(20 h 40)n

Par rapport à la discussion que nous avons actuellement, et aux propos, et à la défense que vous faites de votre point de vue, vous êtes vraiment en contradiction avec tout ce qui nous a permis ou a permis au gouvernement d'arriver à recommander qu'on ne recoure plus à la clause «nonobstant», et donc qu'on passe à l'enseignement de la culture des religions, de l'histoire des religions, que l'on passe à la formation aux valeurs. Parce que les valeurs humaines existent en soi sans qu'elles soient reliées à une doctrine religieuse, on va admettre ça ensemble. Vous êtes en contradiction avec le Conseil supérieur de l'éducation, par exemple, qui se prononce sur cette question de façon très claire, et avec, je dirais, beaucoup de... enfin une approche très subtile finalement et une analyse fine, à mon point de vue, le Comité sur les affaires religieuses, dont c'est le mandat de réfléchir à ces question-là, qui, là encore, propose exactement ce que présente le ministre de l'Éducation comme proposition. Alors, je suis un peu étonnée et j'avoue que j'ai un petit peu de difficultés à suivre votre raisonnement à cet égard-là.

On a souvent blâmé les gouvernements de vouloir se substituer aux parents. Est-ce que la transmission de la doctrine, des convictions religieuses, ce n'est pas, d'abord et avant tout, la responsabilité d'abord de l'Église, avec ceux et celles qui adhèrent aux convictions qu'elle porte, de s'assurer que cette doctrine et ces convictions soient transmises à ceux qui sont des croyants, et que ce soient les parents qui, en ce sens-là, prennent le relais, et que l'école, qui a une responsabilité de former des jeunes capables de comprendre les grands courants religieux qui existent non seulement au Québec, mais dans le monde, et ensuite d'être capables justement d'exercer un meilleur sens critique, mais de choisir à partir d'une connaissance plus grande des valeurs portées et des doctrines portées par chacune des religions, de choisir ce qui lui semble correspondre à ses convictions ou à son engagement... Alors, ma question donc, pointue, c'est: Est-ce que ce n'est pas le rôle de l'Église, des Églises ou, selon les religions, évidemment, des leaders religieux qui portent la doctrine et qui sont chargés de la transmettre, d'assumer cette responsabilité-là et de laisser à l'école un autre type de responsabilité, et que ce soient les parents par ailleurs qui soient ceux et celles qui transmettent et doctrines et convictions, partager, à tout le moins?

Mme St-Cyr (Jocelyne): Oui. Merci pour l'accueil, Mme Marois. Effectivement, c'est l'affaire de l'Église. C'est l'affaire aussi de la famille. Mais l'enseignement religieux à l'école, actuellement, n'est pas doctrinaire. Ce n'est pas une catéchèse. C'est plutôt un enseignement où on invite les jeunes... ou l'élève à la quête de sens, à découvrir et à comprendre le monde qui l'entoure, dans le cadre de récits bibliques et de témoins de la foi catholique, et qui l'invite à faire des choix éclairés.

Je pense que nous reconnaissons que nous sommes à contre-courant avec les institutions, dans les structures. Nous ne sommes pas surpris de la position du Conseil supérieur de l'éducation parce que nous connaissons son président, M. Jean-Pierre Proulx, du fameux comité pour le rapport Proulx, et ses positions antérieures. Nous sommes aussi conscients...

Mme Marois: Mais qui, vous le savez par ailleurs, est un homme très engagé.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Oui. Je ne remets absolument pas son engagement... Ce qui nous surprend, c'est cette ténacité ou cette continuité. Mais de toute façon, écoutez, on est là, nous autres aussi, on continue depuis plusieurs années parce qu'on considère que les parents, lorsqu'ils choisissent d'envoyer leurs enfants en enseignement religieux... C'est ce qu'ils nous ont dit: Nous, on veut bien faire ce que l'on peut, mais on n'est pas toujours en mesure de le faire d'une façon pédagogique ou aussi structurée que l'école, et on veut que nos enfants reçoivent par cet enseignement des valeurs qui nous ont apporté quelque chose, et on considère que, quand ils seront plus grands, s'ils n'en veulent pas, bien on aura fait notre job de parent.

Donc, je reconnais avec vous que le Comité aux affaires religieuses, le Conseil supérieur de l'éducation et...

Une voix: ...

Mme St-Cyr (Jocelyne): Ah oui! Et toutes les structures ont une vision à notre avis qui ne répond pas entièrement à l'ensemble des parents qui inscrivent leurs enfants, ou qui choisissent de le faire, en enseignement religieux.

Donc, je transmettrai la parole à Mme Chevrier, qui voudrait ajouter quelque chose, si vous permettez, M. le Président.

Mme Marois: D'accord.

Le Président (M. Chagnon): Mme Chevrier.

Mme Morse-Chevrier (Jeanne): Merci. Alors, d'après nous, le rôle de l'école, c'est un rôle qui est subsidiaire à celui des parents. Donc, il doit se faire en continuité avec l'éducation que les parents veulent pour leurs enfants. On considère que ce cours d'éthique et de culture religieuse, c'est une expérimentation sur le dos des enfants et des parents, et que, quand on aborde la religion, ça prend un point de référence, et que, pour un enfant qui a été élevé dans une foi ? dans ce cas-ci et dans la majorité des cas, c'est chrétienne ? le point de référence devrait être sa propre religion parce qu'on ne comprend une religion qu'à partir de notre propre vécu religieux. Et là, présentement, c'est plutôt un point de vue agnostique, si on peut dire, qui est le point de référence à partir duquel on présente la religion.

Entre autres, on remarque, dans le programme du ministère, qu'on invite les enfants à remettre en question puis à critiquer leurs propres valeurs. Bon, c'est un travail normal à l'adolescence, mais encore une fois on se pose la question: À partir de quel point de référence on va faire ces critiques-là? Vous avez parlé des valeurs portées par les différentes religions, mais ce qu'on comprend du programme du ministère, c'est que la voie de l'éthique, séparée de la voie des cultures religieuses, cette voie-là de l'éthique ne sera pas basée sur les valeurs des religions, et ça fait partie de nos objections parce que ça va être une approche morale à clarification de valeurs, alors que les différentes religions, elles ont différentes valeurs. Quand ça vient à des positions concrètes de problèmes de société, c'est assez évident. On a juste à prendre une question comme l'avortement où différentes religions, pas juste la religion catholique, par exemple, peuvent avoir une position contre, alors qu'une position autre peut prendre une position pour l'avortement. Donc, dans le concret des choses, si on ne peut pas référer à la religion, quand on vient aux valeurs, on ne peut pas donner une base solide aux jeunes, au primaire, à partir de laquelle l'enfant, à l'adolescence, peut intérioriser les règles de conduite et avoir une certaine cohésion sociale.

Le Président (M. Chagnon): Oui. Monsieur...

Mme Marois: Mais dans le fond vous...

Le Président (M. Chagnon): Je m'excuse, vous avez...

Mme Marois: Excusez-moi.

Le Président (M. Chagnon): Il y a M. Caldwell qui voulait ajouter, me disait-on.

M. Caldwell (Gary): Oui. Je suggère que c'est naïf de penser que l'école peut être neutre, objective. Moi, j'ai été élevé dans une école qui était publique et neutre, à Toronto, mais la culture était protestante parce que tout le monde était protestant. C'était imprégné d'une éthique des valeurs protestantes. Une école complètement neutre, je vous suggère, ne pourra pas se réaliser parce que les gens ont besoin de certitude, ils ont besoin d'idéologies, que ce soit un laïcisme intégral, ils ont besoin d'une certitude pour fonctionner. L'école, si vous évacuez complètement la religion, il y aura une autre religion ou idéologie qui vient s'installer, ou une indifférence et un flux qui va faire en sorte que les enfants vont installer leurs propres valeurs, leur propre gang, leur propre vision, qu'ils prennent du milieu ou d'ailleurs. Alors, tout ça pour dire que je ne crois pas que vous allez pouvoir atteindre une école complètement neutre. Et, lorsque 90 % ? il ne faut pas oublier ? de Québécois s'identifient comme chrétiens, 90 %, alors je crois que, dans leurs écoles publiques, ils ont un droit de regard à ce que ces écoles-là ne sont pas en contresens, que ce soit une vision excessivement étatique vers laquelle on s'en va, soit en contresens sur leurs valeurs.

Et, Mme Marois, je vous demande... Vous avez évolué, en 1997, malgré la profession de foi laïciste que vous venez de faire, vous avez senti le besoin d'assurer les Québécois qu'il y aurait une école confessionnelle, malgré le changement des structures. Et je me souviens, en comité conjoint, à Ottawa, où vous avez fait cette affirmation. On a assuré les Québécois qu'ils vont peut-être perdre leurs structures confessionnelles, mais il y aurait une école confessionnelle, il y aurait l'enseignement religieux. Il faudrait leur dire carrément c'est quoi qui a fait ce changement maintenant, que vous ne croyez pas à ce que les parents ont droit à ça. C'est-à-dire, leur... québécoise ne tient pas parole, et il y a une sorte de trahison.

Le Président (M. Chagnon): Merci. Mme Marois... Je m'excuse, Mme la députée de Taillon.

n(20 h 50)n

Mme Marois: Le mot est un peu fort, «trahison». Il y a eu des changements dans nos sociétés, compte tenu de l'évolution, de l'évolution sociale, de l'évolution des institutions, qui ont amené ensuite qu'on s'est adaptés, et comme d'ailleurs il y avait eu un engagement, au moment du rapport Parent, avec l'Assemblée des évêques, pour dire qu'on ne toucherait pas aux structures religieuses, alors que nous l'avons fait et que c'est moi qui ai porté le dossier du changement constitutionnel à cet égard-là, avec mon gouvernement. Nous sommes maintenant à une autre étape, dans notre vie collective, où on sait qu'il y a, au Québec, des gens qui viennent de différents univers, de d'autres États dans le monde, et qui ont des convictions religieuses différentes de celles que partagent peut-être encore la majorité. Remarquez que, moi, la foi sans les oeuvres, ça m'inquiète toujours un peu. Alors, quand, je veux dire, on va à l'église pour naître, se marier et mourir, disons que ça pose quand même quelques questions. On peut ensemble en tout cas y réfléchir un peu. Bon.

Mais je veux revenir cependant sur d'autres aspects que vous soulevez dans votre mémoire. Donc, pour moi, je suis confortable avec les propos que j'ai tenus à l'époque et avec l'évolution que l'on connaît maintenant parce que je pense que l'on doit passer à une autre étape en ce sens. Et, quand vous dites, dans votre mémoire et dans les propos que vous tenez, qu'on va évacuer complètement la question de ce que porte comme valeurs la religion chrétienne, par exemple, bien, je ne veux pas défendre indûment la proposition du ministre ? je suis certaine qu'il va être très, très content ? mais je pense qu'on est là quand même pour servir les Québécois et les Québécoises, et, quand on est d'accord, on est d'accord. Et, quand vous lisez le document préparé par le ministère, bien on dit: La formation en culture religieuse gravite autour de différents axes, notamment la familiarisation avec l'héritage religieux du Québec.

Moi, j'ai beaucoup de difficultés avec votre point de vue parce que je m'imagine comme une scientifique, par exemple, qui dirait: Je ne veux pas les exposer à une théorie qui comporte des risques, si on l'applique jusqu'au bout, hein, par exemple, de nous amener à bâtir une bombe nucléaire qui pourrait détruire des milliers de vies, donc on ne les informera pas que ça existe. On va informer les gens qu'il y a différentes religions dans le monde, différentes valeurs portées par ces mêmes religions et défendues, mais on n'endoctrine pas les jeunes. C'est la différence, à mon point de vue, mais une différence fondamentale, dans ce qui est proposé ici, par rapport à ce que je comprends que vous souhaiteriez.

Puis je sais que notre temps est compté, alors c'est bien compliqué de pouvoir donner et avoir un échange très en profondeur. Vous dites quelque part que vous croyez... Bien, tiens, je vais revenir à vos conclusions. Vous dites qu'on devra demander des exemptions pour certains parents qui voudraient refuser que leurs enfants... Bon, voilà. 13: «En imposant un programme d'éthique et de culture religieuse obligatoire, le gouvernement risque que des parents se voient dans la position malheureuse d'avoir à exiger l'exemption de ce cours, et cela, en conformité avec l'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés.» Je ne comprends pas, parce que tous les traités internationaux, notre charte québécoise, la Constitution canadienne au contraire nous obligent à recourir justement à une clause «nonobstant» pour pouvoir offrir le cours seulement aux catholiques et aux protestants. Alors, je...

Le Président (M. Chagnon): ...

Mme Marois: Oui, mais je pense qu'on pourrait leur donner 1 min 30 s pour nous répondre.

Le Président (M. Chagnon): Oui, oui, oui. J'essaie de vous aider en même temps.

Mme St-Cyr (Jocelyne): Alors, je veux vous dire, Mme Marois, que ce que l'on a, nous, là, particulièrement, c'est l'imposition obligatoire du cours. Ça, là, ça va contrairement à ce que l'on a constaté dans la population. Et le cours d'enseignement religieux à notre avis n'est pas un endoctrinement, actuellement. La population a évolué, mais je vous dirai que, depuis les 20 dernières années, c'est passé de 85 % à peu près à 78 % de choix en enseignement religieux. Donc, c'est vrai que la société évolue, on est d'accord avec ça, on comprend ça, mais on s'objecte à ce que ce cours soit obligatoire. On ne veut pas que les parents... S'ils se dirigent vers le cours d'éthique et de culture religieuse en majorité, on aura le vrai sens, le vrai, l'importance de leurs préoccupations. Mais actuellement on fait dire aux parents que c'est parce qu'ils ne trouvent pas d'autre chose.

Écoutez, là, Montréal, je comprends qu'il y ait des particularités, mais, dans les régions, ce n'est pas cela, et on veut que le gouvernement... Même à Montréal, les chiffres disent 50 % des gens. Donc, c'est ça qui nous titille, que ce cours devienne obligatoire.

Oui, vas-y, Jeanne.

Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie. Bien, allez-y.

Mme Morse-Chevrier (Jeanne): Je voulais juste ajouter que vous dites que le cours que le ministère va offrir, d'enseignement de culture religieuse, n'endoctrinera pas les enfants. Cependant, dès le primaire, on va enseigner aux enfants les récits, les cultes, les figures des différentes traditions religieuses.

À quel moment est-ce qu'on va informer les enfants de l'athéisme, du marxisme, etc.? Ça, on ne le dit pas. Mais en tout cas on... C'est déjà jeune, au secondaire, pour amener ça. Mais, même en amenant au primaire les récits, par exemple, des différentes religions, vous dites que ce n'est pas un endoctrinement, mais c'est un enseignement qui est à la base de toute foi. Donc, ça aussi, c'est une forme de préparation à une foi, je veux dire. D'ailleurs, même dans les paroisses, on enseigne ces choses-là, les cultes, les mythes, les récits, les figures, parce que ça fait partie d'une religion. C'est sûr que ce n'est pas tout le coeur, mais ça en fait partie. Donc, c'est un certain endoctrinement et c'est justement à ça que certains parents peuvent s'opposer. C'est qu'eux, s'ils sont convaincus de leur foi, ils ne veulent pas nécessairement que l'enfant soit mis dans une situation de confusion, de contradiction entre des fois réellement qui sont en contradiction les unes avec les autres.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, Mme St-Cyr et les membres du Comité pour le renouvellement de la clause dérogatoire. Je vais maintenant inviter l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec à prendre la parole.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Chagnon): Alors, j'ai M. Marcus Tabachnick et M. David Birnbaum. Je vais inviter tout de suite M. Tabachnick à nous livrer son message ? il a 15 minutes pour le faire ? suivi évidemment de la période de questions tant du côté ministériel que du côté de l'opposition. M. Tabachnick, nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous écoutons.

M. Tabachnick (Marcus): Ce n'est pas la première fois que tout le monde a quitté la salle avant que je commence à parler.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Chagnon): Dites-vous bien que ce n'est pas parce que vous êtes arrivé qu'ils sont partis.

Mme Marois: Ce n'est pas à cause de vous, c'est à cause de nous. Ha, ha, ha!

Association des commissions scolaires
anglophones du Québec (ACSAQ)

M. Tabachnick (Marcus): M. le Président, M. le ministre, Mme Marois et les membres de la commission, au nom de neuf commissions scolaires anglophones membres et après une consultation auprès de l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires anglophones du Québec, l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec est heureuse de présenter nos commentaires et recommandations lors de la consultation particulière dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 95.

n(21 heures)n

Au Québec, le vaste débat public sur la place de la religion à l'école a été important aussi bien que coûteux non seulement en temps, mais en efforts depuis la création du ministère de l'Éducation, il y a plus de 40 ans. Le point de vue de notre association, qui participe à ce débat depuis les débuts, a évolué au gré du temps et des divers changements sur le plan législatif et organisationnel. Comme vous le constaterez, l'association est généralement d'accord avec les orientations du gouvernement exprimées dans le projet de loi n° 95, qui préconisent une approche viable et opportune au rôle de la religion à l'école.

À travers l'histoire, la communauté anglophone du Québec a été desservie par les commissions scolaires protestantes et les écoles catholiques anglophones sous une gouvernance catholique francophone majoritaire. Au fil des années, une approche distincte et variée, reflétant les particularités de notre communauté, a été adoptée et a continué à évoluer avec la création des commissions scolaires linguistiques en 1998. Depuis ce temps, maintes discussions ont eu lieu sur comment, quand et pourquoi il faudrait compléter la déconfessionnalisation des écoles publiques du Québec.

L'association a répondu à la consultation générale à ce sujet, en octobre 1999, en notant: «La portée et l'intensité des changements auxquels le système scolaire a fait face au cours des dernières années ont été importantes et, selon l'aveu de bon nombre de personnes, sans précédent depuis 1960.»

Depuis, le rythme du changement s'est poursuivi avec la création des conseils d'établissement et la mise en oeuvre de la réforme. Le processus menant à la déconfessionnalisation complète du système scolaire public s'est poursuivi avec l'adoption de la loi n° 118 qui a modifié la Loi sur l'instruction publique. À partir de ce moment-là, chaque école publique, qui était désormais commune et ouverte, ne pouvait élaborer un projet particulier de nature religieuse. Ainsi, les comités catholique et protestant du Conseil supérieur de l'éducation ont été abolis. Aussi, un seul cours obligatoire d'éthique et de culture religieuse a été mis en place au deuxième cycle du secondaire. Bref, la poussée quasi inévitable vers l'abolition de l'enseignement religieux dans les écoles québécoises s'est poursuivie. C'est pourquoi, aujourd'hui, l'Association des commissions scolaires anglophones est d'accord avec le propos du législateur selon lequel le contexte est approprié et le consensus assez large pour procéder à l'abolition de l'enseignement confessionnel dans nos écoles.

Compte tenu des différents chemins qui nous ont menés à la jonction actuelle, il faut noter que la Fédération des commissions scolaires du Québec se joint au réseau des écoles publiques anglaises du Québec dans le soutien du projet de loi n° 95. Notre association est maintenant convaincue, avec certaines précisions, que l'évolution de ce long débat nous amène à la prochaine étape importante et logique, la déconfessionnalisation complète de notre système scolaire public.

Il faut souligner que l'abolition de l'enseignement religieux catholique et protestant ne veut nullement suggérer que le système d'enseignement public du Québec doit ou devrait abandonner son obligation de guider et de faciliter l'épanouissement moral et spirituel des élèves que nous desservons. La position de notre association concernant l'abolition de l'enseignement religieux catholique et protestant repose sur la nécessité d'élaborer un programme d'études non confessionnel prescrit dans la loi. Cette position a été clairement énoncée par la Fédération des comités de parents du Québec dans une résolution contenue dans un document de consultation distribué à ses membres au mois de janvier dernier, qui dit: «Que le temps alloué actuellement à l'enseignement religieux catholique ou protestant ou à l'enseignement moral soit utilisé de façon optimale pour offrir à tous les élèves du Québec un programme commun de formation aux valeurs et de sensibilisation aux grandes religions.»

Les 115 000 élèves qui fréquentent quelque 340 écoles publiques anglaises au Québec proviennent de milieux culturels, ethniques, religieux et linguistiques très diversifiés. Bien que bon nombre des élèves optent pour un enseignement religieux catholique ou protestant, une majorité d'entre eux optent déjà pour un enseignement moral et religieux non confessionnel. Les commissions scolaires membres de notre association doivent donc se livrer à des acrobaties pour maintenir ce système d'option, particulièrement dans les petites écoles en région.

La diversité de notre population étudiante a toujours créé des points de vue divergents sur la place de la religion à l'école. Encore aujourd'hui, il existe une minorité de parents, dans notre système scolaire, qui croient que l'école doit transmettre des valeurs et l'histoire des croyances protestantes et catholiques en dispensant de l'enseignement confessionnel aux élèves dont les parents en font la demande.

Cela dit, le milieu scolaire anglophone, surtout dans la région de Montréal, a toujours été un milieu multiculturel. Même avant la mise en place des options d'enseignement moral et religieux, les commissions scolaires, les conseillers et les enseignants ont dû, pendant plusieurs années, faire preuve de souplesse et privilégier des approches axées sur le pluralisme dans tout enseignement religieux. Il existe donc une richesse de savoir, dans le secteur anglophone, sur laquelle nous pouvons compter et puiser pour mettre en place un programme, au primaire et au secondaire, visant au plein épanouissement de nos élèves en leur dispensant la formation morale et spirituelle non confessionnelle.

L'association reconnaît que les changements importants proposés par le projet de loi nécessitent la reconduction de la clause dérogatoire pour une courte période de transition. Bien que l'adoption de la clause dérogatoire suscite de l'inquiétude, compte tenu des limitations des droits et libertés qu'elle engendre, elle est considérée comme un mécanisme permettant de résoudre les problèmes auxquels notre système scolaire fait face à l'heure actuelle. Il faut noter que l'abrogation du système de droits fondamentaux, chose qui ne doit jamais être prise à la légère, est abordée par le législateur, dans ce cas, afin de conférer aux catholiques et aux protestants un droit exclusif à l'enseignement religieux dans leur confession religieuse, un droit historique au Québec.

Bien que ce droit ait un effet discriminatoire sur les non-protestants et non-catholiques, l'adoption de cette clause dérogatoire, prescrite pour une période limitée de trois ans, mènera à notre avis à un nouveau programme d'études qui reflétera mieux les droits et libertés du Québec moderne et marqué de plus en plus par la diversité. Compte tenu que nos écoles anglaises n'ont jamais eu le même degré d'homogénéité que les écoles publiques françaises au Québec, la question d'abolir l'enseignement confessionnel est probablement d'une importance moindre pour notre population. De toute manière, l'association est d'accord avec l'avis des juristes selon lequel l'adoption de la clause dérogatoire est nécessaire afin de compléter la déconfessionnalisation des écoles.

Il y a certes une option proposée qui ne nécessite pas de recours à la clause dérogatoire, mais avec laquelle l'Association des commissions scolaires anglophones est en désaccord. Cette option consiste à offrir un enseignement religieux dans n'importe quelle confession, pourvu qu'il y ait un nombre suffisant d'élèves dans l'école concernée, sans entamer une étude détaillée de l'éthique ou de la philosophie qui sous-tendent cette option. L'association s'oppose à une telle option à cause des défis énormes, sur le plan économique et logistique, qu'imposerait l'adoption d'une telle approche.

En ce qui concerne l'application du projet de loi dans nos écoles, l'association comprend que la reconduction de la clause dérogatoire s'avère nécessaire pour une période de trois ans afin de permettre aux secteurs de la société québécoise qui demeurent récalcitrants face au changement d'avoir le temps de s'approprier les orientations retenues. De plus, la reconduction de la clause dérogatoire nous laissera le temps de mettre en place des programmes de qualité basés sur une approche plus moderne et inclusive, visant le développement moral et spirituel de nos élèves.

Dans l'esprit de la réforme, l'Association des commissions scolaires anglophones croit que le nouveau parcours favorisera l'épanouissement de chaque individu par une plus grande compréhension des valeurs sociales communes, par la responsabilité communautaire, par une ouverture sur le monde et par une appréciation des racines historiques et religieuses de notre société. Nous aurons sans aucun doute à faire face à des défis énormes dans l'élaboration d'un programme qui respectera et aidera à expliquer davantage les forces opposantes et paradoxales entourant la religion, les valeurs, la spiritualité et la sécularisation.

n(21 h 10)n

Aussi, d'autres défis s'ajouteront. Même si les écoles anglaises et françaises du Québec gèrent le même programme d'études, elles ont leurs propres méthodes d'enseignement, dans ce domaine comme dans tout autre. Bien que le législateur ne partage pas nécessairement cette préoccupation, l'Association des commissions scolaires anglophones invite le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport à introduire une plus grande souplesse dans l'élaboration et la mise en place de ce nouveau parcours. Ceci nécessitera également l'injection de ressources supplémentaires dans les commissions scolaires pour la formation et le perfectionnement du personnel enseignant dans ce nouveau parcours.

Au moment de ce changement de programme dynamique, surtout au secondaire, le personnel enseignant doit disposer de suffisamment de temps pour entreprendre des activités professionnelles et de formation lui permettant d'offrir ces nouveaux programmes de manière pertinente et intéressante afin de favoriser l'épanouissement spirituel, moral et scolaire des élèves. L'association et ses commissions scolaires membres sont prêtes à participer, à titre de partenaires à part entière, dans l'élaboration et la mise en place de nouveaux parcours et à travailler avec le ministère afin de maximiser l'utilisation de cette période de transition de trois ans pour préparer nos communautés scolaires à ce changement. Nous sommes convaincus que les élèves, les parents et le personnel sont prêts pour cette étape importante dans l'évolution de l'enseignement public au Québec. Nous espérons que cette étape se déroulera dans la collaboration, la solidarité et l'innovation qui caractérisent si bien l'enseignement public à travers tout le Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, M. Tabachnick. M. le ministre.

M. Fournier: Merci, M. le Président. M. Tabachnick, M. Birnbaum, merci beaucoup d'être là. Ça me fait plaisir de vous revoir. Merci de participer à nos travaux.

Très rapidement, bon, je remarque évidemment que vous êtes d'accord avec les orientations, avec le délai de trois ans. D'ailleurs, je veux noter ceci, que vous prenez la peine de nous préciser, et je veux vous dire que c'est... D'ailleurs, le facteur de trois ans est important à noter parce que c'est le temps que ça prend pour préparer le cours. Mais, une fois qu'on a dit ça, des fois on peut dire: On peut-u le faire en deux ans? Même si des fois c'est compliqué, on peut toujours essayer de rendre ça un peu plus serré. Mais trois ans, c'est le temps que ça prend pour vrai.

Mais par ailleurs vous notez quelque chose qui est au coeur de ce qui nous a guidés pour prendre le temps qu'il faut pour le faire correctement. Vous dites, dans votre texte, de permettre d'avoir le temps de s'approprier les orientations retenues par l'ensemble de la population. C'est exactement le même esprit que la Fédération des comités de parents est venue nous communiquer ce matin. Donc, j'ai l'impression qu'on a mis le doigt à la bonne place et qu'on fait la bonne chose. Et je suis content de voir que, sur le terrain, c'est comme ça que c'est senti.

J'ai deux questions par rapport au mémoire. Il y en a une qui n'est pas inutile à expliquer pour comprendre ce qui se passe actuellement. Il y a des choses qui sont parfois peu dites mais qu'il est important de noter. À la page 2 de votre mémoire, vous nous dites que les commissions scolaires membres de l'association doivent donc se livrer à des acrobaties pour maintenir ce système d'option, particulièrement dans les petites écoles en région. J'aimerais que vous élaboriez un peu sur cette idée, parce que parfois on peut exposer ici... Puis, sachez-le, on est bien capables de faire ça, nous autres, au Parlement, là, avoir beaucoup de théories, beaucoup d'idées et intellectualiser bien des choses, mais après ça il faut le tester sur le terrain, voir comment ça se vit pour vrai. Et là vous nous parlez d'une situation concrète, petites écoles en région, les difficultés à appliquer des options, des choix. Pouvez-vous nous expliquer un peu comment ça se vit pour vrai? Parce que, juste avant vous ? vous étiez là peut-être pour entendre ? mais, juste avant vous, on nous a suggéré d'augmenter la palette de choix. Alors, parlez-nous de la situation actuelle et, tant qu'à y être, commentez donc cette possibilité d'augmenter la palette de choix.

Le Président (M. Chagnon): M. Tabachnick.

M. Tabachnick (Marcus): Oui. Comme nous l'avons déjà noté, c'est très difficile à offrir, les trois options qu'on offre maintenant, d'avoir les enseignants en place, les programmes en place et de mettre... Quand vous avez une demande d'une dizaine de parents des élèves dans une école qui comprend des élèves de première à la sixième année, peut-être deux ou trois par classe, c'est difficile de faire votre programme, d'assurer que tous les enfants peuvent se joindre dans la même classe en même temps pour avoir une éducation religieuse. Mais il faut...

Je veux passer la parole à M. Birnbaum parce que c'est lui qui a fait un tour de nos D.G. pour avoir peut-être un plus... qui peut plus préciser à cette question.

M. Birnbaum (David): Je vous remercie, M. Tabachnick.

Le Président (M. Chagnon): M. Birnbaum.

M. Birnbaum (David): Oui. Tel qu'on l'a dit, sur le plan philosophique, on est tout prêts pour le changement. Et, sur le plan organisationnel, on trouve que c'est le moyen à privilégier aussi. On a fait le calcul avec une de nos commissions scolaires et on parlait de la nécessité de confier au moins un pourcentage de 0,2 % d'un enseignant dans chacune de nos écoles tout simplement pour dispenser les options. Et ce n'est pas juste en région, mais surtout en région.

On parle des écoles des fois où on a deux élèves ou trois, au niveau 3, dont les parents insistent sur un enseignement qui est protestant, 10 élèves où l'option privilégiée est l'enseignement catholique et les autres qui suivent le cours de morale. Et, quand on parle de déployer des enseignants et enseignantes dans une école des fois qui est au total de 100 élèves, c'est une tâche de grande taille. Aussi, de nous assurer qu'on a une équipe, un personnel enseignant qui est à la taille d'offrir ces programmes d'une façon fidèle et efficace est très difficile aussi. Et aussi de recruter les profs, par exemple, pour donner l'enseignement catholique quand ça ne rejoint pas peut-être leur propre foi ou leurs propres orientations est très difficile. Alors, sur le plan de l'efficacité, on trouve que ces trois options sont très difficiles, et l'idée d'ouvrir la porte aux autres confessionnalités va à l'encontre de là où se trouvent la société québécoise et notre communauté. Alors, c'est une option qu'on ne privilégie pas.

M. Fournier: Le groupe qui vous a précédés a esquissé l'idée que d'amener les enseignants à partager du savoir sur des religions auxquelles ils n'adhèrent pas n'était pas respectueux des enseignants eux-mêmes, prétendant ainsi, et c'était un peu ce qui était dit... Par exemple, chez les catholiques, d'amener un enseignant catholique à donner du savoir sur d'autres religions était irrespectueux de l'enseignant. Vous êtes en train de me dire qu'il arrive, sur le terrain, qu'on ait de la difficulté à avoir des enseignants pour partager le savoir catholique.

M. Birnbaum (David): Oui, on est en train de vous dire ça, et aussi on ne partagerait pas le point de vue qui a été exprimé. L'idée de mettre de côté l'endoctrination des élèves suggère qu'on n'a pas besoin de parler du rôle historique et primordial, et l'existence actuelle de l'influence de la foi catholique ou protestante au Québec, ça fait partie de nos racines. On accepte pleinement que ça va faire partie des parcours dont on est en train de songer. Mais est-il incohérent de suggérer qu'un non-catholique peut enseigner un tel cours? Non. Est-ce que c'était incohérent de suggérer qu'un tel prof pouvait fidèlement livrer un cours pastoral catholique actuel? Peut-être.

M. Fournier: Je voudrais vous ramener sur une autre dimension de votre mémoire dont a déjà eu l'occasion de discuter, d'ailleurs. Vous nous faites état de la... peut-être par obligation ou... en tout cas vous avez dû vous lancer dans le pluralisme, dans l'enseignement religieux. Vous traitez, à la page 2, de l'expérience que vous avez vécue et vous nous dites donc qu'il y a une richesse dans les expériences qui peuvent nous guider. D'ailleurs, vous nous suggérez de profiter de votre savoir, dans la suite des choses, parce que vous avez une certaine expérience justement dans la façon dont vous avez dispensé les cours.

Pouvez-vous nous parler justement de cette expérience que vous avez déjà menée par la force des choses?

M. Tabachnick (Marcus): Depuis longtemps, au Québec, les écoles protestantes sont vraiment des écoles non catholiques et elles sont des écoles pour tout autre que des catholiques. Alors, on a une histoire, dans les écoles protestantes, maintenant des écoles anglaises, anglophones, qui est basée sur une ouverture et sur une multiplicité des religions et des communautés culturelles dans nos écoles, et on avait déjà adapté assez bien, et la plupart de nos parents veulent que nous continuions dans ce sens, d'introduire leurs enfants aux cultures et aux religions du monde, parce qu'en grande partie ça reflète la réalité du Québec aujourd'hui. Alors, c'est notre histoire, c'est des cours que nous avons déjà adaptés pour notre clientèle, et nous sommes toujours prêts à partager nos expériences.

n(21 h 20)n

Le Président (M. Chagnon): Pour faire sauver du temps, M. le ministre.

M. Birnbaum (David): Si je peux...

Le Président (M. Chagnon): Oui.

M. Birnbaum (David): Depuis l'adoption des amendements qui étaient dans la loi n° 118 aussi, tout ce qu'on entend de nos directions générales, de nos directions d'école ainsi que de nos parents: le travail de ces animateurs spirituels, qui est finalement, si on veut, un genre de projet pilote de ce qui nous attend, on espère, le bilan est très positif. Et peut-être qu'il faut aussi noter qu'on n'écarte pas la réalité qu'il y a une minorité de parents anglo-catholiques qui privilégieraient en quelque part le statu quo. Mais il faut souligner que, depuis l'adoption de la loi n° 118, il y en a plusieurs qui constatent que peut-être, dans le régime actuel, là où on est rendus, au Québec, ce n'est plus possible pour l'école de faire ça d'une façon efficace. Et même les gens qui prônent l'endoctrination, si vous voulez, sont en train, d'un autre côté, de se résigner au fait que c'est une tâche qu'on est mieux de laisser aux parents et aux Églises.

Le Président (M. Chagnon): Merci.

M. Fournier: Une petite dernière, M. le Président, toujours parce que, forts de l'expérience du groupe qui vous a précédés, on nous a mis sur la piste que, d'ouvrir à des connaissances plus variées sur de nombreuses religions, on pouvait amener une certaine confusion dans la tête des jeunes, et ça pouvait même aller à l'encontre d'un respect mutuel, amener même des querelles, et que, ni plus ni moins, les parents n'allaient pas appuyer ce choix-là. Vous nous dites que l'expérience que vous menez par la force des choses a amené les parents à souhaiter que cela se perpétue, si je comprends bien. Parlez-nous donc de cet esprit de confusion appréhendé. Si je comprends bien ce que vous nous dites, elle ne s'est pas produite.

M. Tabachnick (Marcus): La grande majorité de nos parents ne partagent pas cette opinion, c'est aussi clair que ça, et ils acceptent, comme dit M. Birnbaum, que le programme qui est en place à l'heure actuelle fonctionne bien pour leurs enfants, et ils veulent qu'on continue cette approche et peut-être qu'on élargisse sur un plus grand nombre de religions et de cultures qui font partie de notre société aujourd'hui.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup.

M. Birnbaum (David): Et on oserait croire que, si notre vision est implantée, de ce parcours ? et on espère la vision partagée par le gouvernement ? ça laisserait toute ouverture, ça renforcerait la foi d'un enfant d'une famille croyante, où l'enfant, en grandissant, décide en pleine confiance qu'il va continuer à adhérer d'une façon très fidèle à sa foi. Je crois que c'est très important de souligner que notre voeu, notre souhait ? et il nous semble bien exprimé dans le projet de loi ? c'est de ne pas nuire à l'épanouissement moral et spirituel de l'enfant. C'est tout à fait le contraire. Et ça va être juste une autre épreuve de foi pour les gens qui choisissent une foi ou une autre.

M. Fournier: Merci.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, M. le ministre. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Tabachnick et M. Birnbaum. Il me fait plaisir de vous accueillir au nom de ma formation politique.

Votre mémoire est succinct, mais il est bien ramassé. J'aime bien aussi, là, la réflexion que vous faites, à la page 3, sur le fait qu'il n'était pas souhaitable d'offrir l'enseignement de toutes les religions dans les écoles. Je sais que c'est une option qui a été évaluée aussi et, moi, je crois que ça risquait de ghettoïser encore davantage, si on veut, l'école, si tant est que c'est le cas dans certaines situations. Alors, je pense que vous décrivez bien cela.

Je veux aller un petit peu plus loin par rapport à ce que vous proposez. Vous dites: «Nous aurons sans [...] doute à faire ? et je suis à la page 4 du mémoire; à faire ? face à des défis énormes dans l'élaboration d'un programme qui respectera et aidera à expliquer davantage les forces opposantes et paradoxales entourant la religion, les valeurs, la spiritualité et la sécularisation.» Bon, ça, on a vu le groupe, tout à l'heure, là, qui ne souhaite pas de changement être très inquiet à cet égard-là et penser que ce n'est pas possible, finalement. Bon. Vous dites: Nous souhaitons pouvoir participer éventuellement à l'élaboration du programme ou être associés à l'élaboration.

J'aimerais que vous me parliez un peu de la façon dont vous envisageriez cela et quel serait l'apport spécifique ou particulier que vous pourriez avoir.

M. Birnbaum (David): Je crois qu'il y a surtout deux volets. On veut se réserver, lors de l'implantation de ces cours, une souplesse qui nous a toujours été accordée pour tailler l'éventuel programme à nos particularités. Mais, dans l'élaboration du programme, il nous semble, comme on a dit, qu'on a fait un petit parcours envers cette approche, déjà, par nécessité, parce que ça fait longtemps et, surtout pour les années avant la Charte de la langue française, qu'on a accueilli du monde de partout. Alors, l'approche traditionnelle, même au cours de l'enseignement catholique mais surtout l'enseignement protestant, était nuancée, et par nécessité, à l'écoute de nos élèves qui venaient d'un petit peu partout. Aussi, comme j'ai dit, on trouve quelques exemples actuels en ce qui a trait au travail des animateurs spirituels, en dehors surtout des heures de classe, mais qui nous donnent des pistes intéressantes en ce qui a trait à l'élaboration de l'éventuel parcours. Alors, si on compte tout ça, il y a toutes sortes de façons, comme vous le savez mieux que moi, de développer des nouveaux programmes sur le plan du curriculum, et tout ça, et on veut tout simplement souligner qu'à chaque palier nos directions d'école, nous, à l'association, ainsi que les profs, on est confiants qu'ils veulent donner leur collaboration totale à chaque étape du développement du cours.

Mme Marois: D'accord. C'est intéressant. Il y a aussi d'autres groupes, là, qui sont venus déjà, même la Fédération des comités de parents, qui disaient: Bien, on aimerait donner un point de vue, etc. C'est un autre angle qui serait apporté, sûrement, mais intéressant.

Bon, je m'arrête à quelque chose d'encore plus précis. Vous dites «la souplesse dans la mise en place de ces nouveaux parcours» et vous faites référence au fait que vous avez eu parfois des façons... Bien, vous l'avez dit vous-mêmes, là, mais vous avez eu des façons différentes de faire, dans vos écoles, à cause de la réalité à laquelle vous étiez confrontés. Mais vous pensez à quoi quand vous pensez à «souplesse dans la mise en place de nouveaux parcours»? Là, on n'est plus dans l'élaboration mais vraiment dans l'opérationnel, là.

M. Tabachnik (Marcus): Il existe déjà, dans quelques-unes de nos commissions scolaires, des programmes oecuméniques qui sont déjà approuvés par le ministère, dans un cas-par-cas ? c'est déjà approuvé par le ministère ? qui peuvent être intéressants pour la discussion de l'élaboration d'un programme pour le Québec, pour tout le Québec. Alors, il existe déjà des programmes qui sont déjà faits et préparés en répondant aux demandes de nos parents, mais en même temps avec une certaine, si je peux dire, attitude anglophone de préparer nos jeunes selon les besoins de leurs parents et les demandes de leurs parents. Alors, il existe déjà quelques cours qui sont en place, qui sont déjà livrés à nos élèves et qui peuvent être intéressants pour la discussion de l'élaboration d'un programme.

Le Président (M. Chagnon): Merci. M. le député de Bertrand.

M. Cousineau: Merci, M. le Président. Bien, en fin de compte, c'est aussi là-dessus que je voulais poser ma question, parce que vous appelez le ministère de l'Éducation à avoir un peu plus de souplesse. Un petit peu plus loin, vous dites que c'est important d'avoir bon les ressources nécessaires pour la formation des enseignants, et puis ça, moi, je suis d'accord avec vous, là. À un moment donné, ça prend des mesures d'accompagnement au niveau des commissions scolaires pour faire en sorte que tout ça, ça puisse bien atterrir.

n(21 h 30)n

Mais je veux juste revenir, là, quand vous dites, bon, «une plus grande souplesse» puis, un petit peu plus haut, vous dites: «Elles ont leurs propres méthodes d'enseignement.» Vous dites que les commissions scolaires anglophones et francophones bon passent les mêmes programmes, d'accord, les mêmes programmes d'études, mais elles ont leurs propres méthodes d'enseignement dans ce domaine. Puis là probablement que vous avez donné la réponse, mais j'aimerais un petit peu plus d'explications. En quoi les méthodes d'enseignement sont différentes dans le secteur anglophone que dans le secteur francophone? C'est juste là, là, que j'ai une petite interrogation.

M. Birnbaum (David): On dirait que c'est un mélange de choses tangibles et non tangibles, l'approche globale, et nos collègues, à chaque palier des commissions scolaires francophones, se diraient d'accord avec ça volontiers. Sur le plan pratique, une des souplesses qui s'imposaient ici relève de ce qu'on a dit, du fait qu'il n'y avait jamais, dans nos écoles, qu'elles soient en région ou à Montréal métropolitain... qui était d'une homogénéité. Tout cela est en train de changer radicalement. Dans les écoles françaises aussi, francophones du Québec, on le constate. Mais ça a déjà nécessité et nécessite des fois une souplesse, une approche un petit peu différente. Je ne suis pas qualifié pour vous donner un traité sur les petites différences culturello-linguistiques, mais elles sont là et elles touchent aux rapports entre nos profs et les parents, les rapports entre les directions d'école et les directions générales des commissions scolaires, et tout cela se traduit en une approche qui a ses particularités dans nos écoles.

M. Cousineau: Je comprends bien qu'en réalité, sans minimiser une méthode face à l'autre, là, c'est vraiment un petit peu relié à la culture anglophone versus la culture francophone.

M. Birnbaum (David): Voilà.

M. Cousineau: O.K. Merci.

Le Président (M. Chagnon): Ça va?

Mme Champagne: M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Oui, Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Oui. Bonjour, messieurs. Une petite question. Pour revenir à l'idée de l'expérience que vous vivez au niveau secondaire, où vous appliquez cette méthode, je dirais, quasiment comme un projet pilote, là, la réaction des enfants, des jeunes étudiants de ce niveau-là à la maison, qui sont, admettons, protestants... Est-ce que vous avez senti avec les parents que leur culture protestante se continue à la maison? Est-ce que vous l'avez senti de par des commentaires, peut-être même des étudiants? Parce que, là, ils n'ont plus d'enseignement protestant spécifique, c'est l'enseignement plus global, quasiment la méthode qui est proposée ici, par le projet de loi. Alors, avez-vous senti cette différence-là de l'enseignement, puisque c'était l'inquiétude du groupe qui vous a précédés tantôt, que, si on enseigne l'éthique et un peu plus large, en termes de plusieurs religions, c'est que l'enfant qui fait, exemple, catholique, ne pourra plus avoir accès à sa religion? Il va être comme pris dans une espèce de, je dirais, créneau dangereux, et je ne le vois pas comme ça, là. Alors, chez vous, vous avez une expérience, et de niveau secondaire en plus, alors j'aimerais savoir comment, avec les parents, les enfants s'en sortent dans leur propre religion, dans le fond.

M. Tabachnick (Marcus): C'est les parents qui nous amènent notre position. Alors, ça doit refléter un peu leur discours avec leurs enfants, leur expérience à l'école. Alors, nous reflétons les demandes de nos parents après avoir l'expérience avec ces programmes dans nos écoles. Alors, cela pour dire que le programme, il fonctionne très bien dans nos écoles, et les parents veulent que ça continue.

M. Birnbaum (David): Et c'est pourquoi en quelque part nous nous permettons de vous parler des minorités de parents qui quand même vont risquer de privilégier le statu quo. Et, même auprès de ces parents anglo-catholiques et souvent farouchement catholiques, farouchement, très, très, très dévoués à leur foi...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Birnbaum (David): ...farouchement, bon, ils nous font le constat que, surtout avec la progression des choses et l'implantation de la loi n° 118, si la tâche n'est pas faite comme il faut, ça va être à eux, comme parents, et à leur Église... Et on tient à vous dire que la suggestion qu'il y a une confusion qui va se semer avec ces cours-là, ça, c'est de la nouvelle pour nous. On n'a pas entendu ce genre de discours de nos parents, même, comme j'ai dit, de ces parents minoritaires qui prôneraient le statu quo.

Mme Champagne: Merci.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. Tabachnick, M. Birnbaum. Je remercie encore une fois l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec et je demande à M. Claude Simard, de l'Association des doyens et directeurs pour l'enseignement et la recherche en éducation du Québec, de s'approcher.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Chagnon): M. Simard. Alors, M. Simard, vous avez 15 minutes pour nous entretenir, et nous passerons ensuite la parole au groupe ministériel et au groupe de l'opposition. Alors, c'est à votre tour, M. Simard. Bienvenue en commission.

Association des doyens, doyennes
et directeurs, directrices pour l'étude
et la recherche en éducation
du Québec (ADEREQ)

M. Simard (Claude): Merci, M. le Président. Alors, l'ADEREQ, que je représente ce soir, est l'Association des doyens, doyennes, directeurs, directrices pour l'étude et la recherche en éducation au Québec. Cette association regroupe des représentants du domaine de l'éducation de l'ensemble des établissements universitaires québécois. Elle s'associe à la Table MEQ-universités pour la formation des enseignants et à la CREPUQ dans l'élaboration et le suivi de différents dossiers touchant notamment la formation initiale et continue des enseignantes et des enseignants et les programmes d'études du primaire et du secondaire. Le présent avis porte principalement sur les impacts, sur la profession enseignante, des changements découlant de l'abandon du recours à la clause dérogatoire.

L'ADEREQ tient à exprimer son accord avec la décision d'abandonner le recours à la clause dérogatoire et l'enseignement religieux confessionnel. La société québécoise a connu de profondes transformations qui justifient pleinement cette décision. L'école publique se doit d'être accueillante et respectueuse face à la diversité sociale, culturelle et religieuse de ses citoyens et adopter une nécessaire réserve à l'égard des choix confessionnels de chacun.

Ce qui précède ne saurait toutefois faire oublier la grande place qu'occupe le phénomène religieux dans les sociétés contemporaines. À cet égard, l'ADEREQ considère qu'une éducation à la citoyenneté ouverte sur le phénomène religieux constitue le plus grand défi de l'école publique. Une formation en éthique et culture religieuse constitue une réponse plus adéquate aux besoins du futur citoyen vivant des situations sociales diversifiées, dans un monde complexe, qu'un enseignement religieux confessionnel.

Nous recevons favorablement la proposition d'introduire un enseignement en éthique et culture religieuse parce que celui-ci permet de situer dans l'espace public la connaissance de la religion et la compréhension de sa place dans notre société. Une telle approche viendra enrichir la démarche des personnes pour qui l'adhésion à une foi est importante, tout en contribuant au développement intellectuel et moral de tous, indépendamment des choix religieux des individus ou des familles.

Un enseignement culturel des religions a de nombreuses ramifications à l'intérieur du régime pédagogique et croise l'enseignement de l'univers social et la formation au vivre-ensemble; de même pour l'éthique, qui est un aspect fondamental de l'éducation à la citoyenneté et de la compréhension des enjeux sociaux de la science et de la technologie, mais aussi plus généralement de la vie scolaire et du projet éducatif. À ce sujet, il faudra faire preuve de prudence et ne pas se priver de toute la richesse éducative de l'éthique. Tout comme la qualité de la langue, il s'agit là d'une responsabilité partagée et d'une dimension fondamentale de tous les enseignements, pas seulement de l'enseignement de la culture religieuse.

L'éthique n'est ni la religion ni la morale, et il existe une importante tradition intellectuelle de réflexion sur son objet premier, soit l'exercice du jugement sur le sens et la portée d'une action, peu importe la sphère d'activité en cause. La recherche scientifique, les choix politiques ou encore la vie sociale sont autant de domaines dans lesquels l'éthique apporte une importante contribution à la réflexion citoyenne, qui va au-delà d'une contribution au développement personnel en préparant le citoyen à la participation au débat public.

Comme le souligne avec justesse le document d'orientation publié par le ministère de l'Éducation, du Loisir et des Sports, il faudra prévoir que la formation du personnel enseignant permette à celui-ci de faire les distinctions et les arrimages qui s'imposent. En matière de formation des enseignantes et des enseignants, le même document souligne l'importance de compter sur un programme d'études stable si on souhaite développer un enseignement de qualité. L'ADEREQ est pleinement d'accord avec ce principe, puisque la stabilité du programme d'études permet de prévoir et de planifier la formation du personnel enseignant.

n(21 h 40)n

L'ajustement des programmes de formation initiale pour l'enseignement au primaire ne devrait poser aucune difficulté à cet égard. Au secondaire, cependant, la situation et les perspectives en formation initiale sont différentes. Les orientations ministérielles en matière de formation initiale prévoient deux possibilités: une formation préparant à l'enseignement de l'éthique et de la culture religieuse et de la morale ou encore une formation préparant à l'enseignement dans les domaines de l'univers social, de l'éthique, et de la culture religieuse, et de la morale. Or, que ce soit en lien avec la réforme ou à cause du faible nombre d'inscrits, un nombre croissant et important d'établissements secondaires confient à une même personne l'enseignement de plusieurs matières. Cette situation, qui ne concerne pas que l'enseignement en éthique et culture religieuse, indique toutefois qu'il ne va pas de soi que des perspectives de carrière stable s'offriront à des spécialistes de cet enseignement, qui devront partager la place avec des enseignantes et des enseignants en situation de polyvalence ou formés principalement pour l'enseignement en histoire et éducation à la citoyenneté.

De l'avis de l'ADEREQ, on ne peut établir la légitimité de l'enseignement en éthique et culture religieuse sans valoriser la préparation à l'enseignement dans ce champ, que ce soit en clarifiant les profils de sortie pour l'enseignement spécialisé dans le domaine, ou, de manière plus importante encore, sans mettre en place une véritable formation continue. En effet, si le nouveau programme invite à une réflexion sur la formation initiale, le succès de son implantation dépend cependant de la formation continue du personnel en place, tant au primaire qu'au secondaire, et, dans ce dernier cas, qu'il s'agisse d'un enseignant spécialiste ou d'un enseignant polyvalent assurant plusieurs enseignements.

Les mesures de perfectionnement annoncées par le ministère nous semblent insuffisantes à cet égard. Regroupées sur une courte période de moins de deux ans et visant un très grand nombre d'enseignantes et d'enseignants ? 20 000 au primaire et 2 400 au secondaire ? elles auront des retombées très inégales et risquent de ne pas permettre l'atteinte de l'objectif d'une mise à jour des connaissances et des habiletés didactiques alors même que tout le travail d'élaboration des situations d'apprentissage et d'évaluation du matériel didactique est à venir. Pour ces raisons, il faut investir dans la formation continue plutôt que dans le perfectionnement ad hoc.

Le plan d'action du ministère indique que les universités seront invitées à élaborer des offres de service en formation continue: programmes courts, conférences, colloques, etc. L'ADEREQ se félicite de cette ouverture mais réaffirme l'importance de la reconnaissance de la participation du personnel enseignant à des activités de formation continue créditées et du financement de celles-ci. La convention collective des enseignantes et des enseignants, dans son état actuel, n'encourage ni l'une ni l'autre. Or, qu'il s'agisse de l'introduction d'un nouvel enseignement en éthique et en culture religieuse ou plus généralement de la réforme du curriculum scolaire, l'amélioration continue de la qualité de l'enseignement et la valorisation de la profession vont de pair avec le développement d'une culture de formation continue et la mise en place d'un véritable encadrement de celle-ci.

En conclusion et en guise de synthèse, l'ADEREQ appuie l'abandon de la clause dérogatoire et l'introduction, dans le régime pédagogique, d'un enseignement culturel des religions, souligne les nombreuses ramifications de l'éthique, qui déborde largement le contexte religieux et concerne également la réflexion sur la science et la technologie, les choix politiques et la vie sociale, souligne l'importance de compter sur un programme d'études stable si l'on souhaite développer un enseignement de qualité et planifier la formation des enseignants, attire l'attention sur l'impact des orientations ministérielles actuelles en matière de formation initiale en enseignement et sur les caractéristiques de la tâche de plusieurs enseignants du secondaire sur la stabilité des perspectives de carrière dans le domaine de l'éthique et de la culture religieuse, invite le ministère à accorder davantage d'importance à la formation continue créditée, sa reconnaissance et son encadrement, plus à même de soutenir l'implantation de cette réforme et l'amélioration continue de l'enseignement que des mesures ponctuelles de perfectionnement. Merci.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, M. Simard. M. le ministre.

M. Fournier: Merci, M. le Président. M. Simard, merci de votre collaboration à nos travaux et de vos remarques. Je vais aller au vif du sujet. Dans certains passages, il y en a un qui m'intéresse particulièrement, celui sur l'éthique, celui sur les précisions ou les contenus que vous donnez à l'éthique par rapport à la religion. J'ai souvent tendance à comparer les présentations qui nous sont faites. Un peu plus tôt, au micro, a précédé un groupe qui liait l'éthique à la religion et qui ne souhaitait pas vraiment la dissocier de la religion.

J'aimerais que vous puissiez étayer, élaborer, de façon plus poussée, les variantes qu'il y a entre l'éthique, entre les valeurs contenues dans les différentes religions, sur l'importance de pouvoir aborder les sujets dans un cadre ou dans l'autre, tel qu'il nous a été présenté.

M. Simard (Claude): Je pense qu'il faut bien distinguer l'éthique et la religion, distinguer l'éthique et la culture religieuse. Il faudrait peut-être aussi distinguer l'éthique et la morale. Vous savez, la morale a une coloration plus pratique, elle vise l'action, tandis que l'éthique est plutôt délibérative, elle vise le jugement et elle amène le jeune à apporter un regard éclairé, fondé, raisonné sur le comportement humain. Mais cette réflexion peut être menée en dehors de toute religion, c'est-à-dire que l'éthique n'est pas essentiellement religieuse. C'est, je dirais, une dimension fondamentale de l'être humain.

Il existe toute une tradition éthique en dehors des religions. Vous savez, toute la philosophie s'est intéressée à l'éthique sans nécessairement avoir des considérations religieuses. On confond souvent les deux parce que les religions, hein, proposent une morale, proposent des types de comportement, des règles de conduite, des préceptes, etc., c'est-à-dire qu'il y a toujours, dans une religion, une dimension morale forte. Mais ça ne veut pas dire que seules les religions peuvent examiner la dimension éthique de l'être humain, au contraire. Il peut y avoir, par exemple, bien des courants de pensée qui nous permettent d'enrichir le développement de l'enfant et lui faire comprendre que l'éthique dépasse largement la dimension religieuse, la transcendance, puisqu'on peut très bien fonder une éthique sans nécessairement faire appel à la transcendance, c'est-à-dire sans faire appel à la quête d'un au-delà, la quête du divin. C'est, par exemple, toute la philosophie contemporaine qui le montre.

J'ai été étonné aussi d'entendre, tout à l'heure, le groupe, sans doute catholique, qui s'indignait de voir que, dès le primaire, on puisse amener des élèves à examiner l'athéisme, comme si l'athéisme était démoniaque, comme si l'athéisme n'était pas vraiment un courant de pensée fondamental. Je pense qu'on peut être athée, et avoir une éthique et une morale très fortes, et partager des valeurs de commisération, de sollicitude, de tolérance aussi grandes que dans les grandes traditions religieuses.

M. Fournier: Mettons-nous dans leurs souliers, si vous voulez faire cet exercice-là. Pourquoi est-ce que le groupe en question nous présente ça? C'est parce qu'il a des craintes que ça menace l'adhésion à la foi? Est-ce que c'est pour ça qu'il nous a dit ça...

M. Simard (Claude): Je crois que oui.

M. Fournier: ...que ça risque d'affaiblir la sympathie, l'appartenance à une... peu importe quelle confession, mais de vouloir lier éthique ou morale à une confession? C'est pour éviter que... ou pour être un incitatif à l'adhésion? C'est pour ça qu'ils font ce choix-là, vous pensez?

M. Simard (Claude): Je crois qu'il y a une crainte effectivement de voir que, si on examine les dimensions éthiques sans considération religieuse, ça affaiblisse l'adhésion qu'on peut avoir face à une foi. Mais je crois que c'est une peur, une crainte tout à fait injustifiée parce qu'une foi véritable... Moi, je n'ai pas la foi, remarquez, mais j'ai des amis qui ont la foi. La foi est fondée sur des croyances solides, des croyances raisonnées, réfléchies, et, si on amène les jeunes à examiner différents courants de pensée, différentes façons de voir le monde, ils pourront toujours adhérer à une foi particulière, mais en toute connaissance de cause, et leur foi à mes yeux va se solidifier, se raffermir. C'est une crainte que je ne partage pas du tout.

Vous savez, il faut bien distinguer, en tout cas dans le programme qui est présenté, il faut bien distinguer le savoir et le croire. Et nous allons maintenant du côté du savoir plutôt que du croire, pour l'école publique, mais le savoir peut fonder le croire. À mes yeux, il n'y a pas incompatibilité.

M. Fournier: Ne le fonde-t-il pas de façon encore plus solide?

M. Simard (Claude): Tout à fait. À mes yeux, oui.

n(21 h 50)n

M. Fournier: L'aveuglement volontaire n'est sûrement pas la meilleure méthode pour développer des convictions.

M. Simard (Claude): Je crois que le phénomène religieux est un phénomène, comme tout autre phénomène humain, qui a besoin d'être examiné de façon raisonnée, de façon rationnelle, à la lumière du savoir et non pas simplement du croire. Et le rôle de l'école pour le développement spirituel, religieux des élèves, c'est de donner ce savoir. Je pense que c'est un pas énorme qu'on franchit aujourd'hui, dans l'histoire de l'éducation du Québec.

M. Fournier: Une autre question, en fait peut-être des commentaires de votre part sur l'aspect de la stabilité. Ça semble assez important, puis d'ailleurs vous nous en parlez au niveau de la formation continue. J'ai pris bonne note de vos commentaires. Mais vous nous suggérez pour l'avenir... Et d'ailleurs vous êtes d'accord pour qu'il y ait un choix qui soit fait et donc qu'on prépare l'avenir à plus long terme que cinq ans, là. En allant de cinq ans en cinq ans, on finit par se dire: Qu'arrivera-t-il? Puis ça laisse de l'instabilité.

Parlez-nous de la situation actuelle, c'est-à-dire justement du fait qu'à chaque fois on se disait: À la prochaine! Et, la prochaine fois, on se repose la question, et on répète, et on répète. On nous dit que ce que ça a donné, c'est des gens qui ne veulent pas nécessairement se former pour donner la formation en ces matières religieuses ou morales parce qu'ils ne savent pas vraiment vers quoi on va. Parlons donc de la situation telle que vous la connaissez sur le terrain, actuellement, là, avant de faire les transformations qu'on veut faire, sur comment ça se vit dans les écoles. Parce que quand même il y a des gens qui nous demandent le statu quo. Il faut bien être capable de documenter ou de se dire c'est quoi, le statu quo, quelle est la réalité, dans les faits, qui se vit. Donc, j'aimerais ça que, comme expert, vous nous en parliez.

Et, par rapport à cette situation-là, est-ce qu'on a raison de penser, une fois que nous allons terminer cette période de trois ans et qu'on va prendre le cap, là, d'une période beaucoup plus longue, que, là, ça va nous permettre d'avoir une stabilité qui va amener des gens à dire: Bon, bien, cette formation-là, elle vaut la peine parce que ce n'est pas juste pour cinq ans?

M. Simard (Claude): Tout à fait. D'abord, je vais vous parler de la formation des maîtres dans les universités. Il y avait une grande confusion, c'est-à-dire qu'on ne pouvait pas vraiment offrir ce genre de profil parce qu'on ne savait pas si cet enseignement serait donné dans nos écoles. Alors, imaginez, comment attirer des jeunes dans cette voie s'il n'y a pas de possibilité d'emploi?

Là, avec ce qui est proposé, on saura que l'enseignement de l'éthique et de la culture religieuse constitue un domaine d'enseignement pour lequel il faudra être formé. Donc, les universités pourront offrir des programmes de formation beaucoup plus stables, plus clairs, plus nets, et attirer des gens vraiment intéressés par ce type d'enseignement, première chose. Je pense que ça clarifie beaucoup la formation initiale des enseignants.

Si on regarde maintenant du côté des écoles, comme nous le disons dans notre mémoire, il faudra un perfectionnement, un recyclage assez important parce que tout ce volet de l'éthique et de la culture religieuse s'est développé, au fil de l'histoire de l'éducation au Québec, je dirais, dans une situation conflictuelle. Au départ, nous avions l'enseignement religieux, vous savez, pendant des décennies et des décennies, et ensuite, à un certain moment, lorsque le Québec est devenu un peu plus laïque, on a offert l'enseignement moral. Mais l'enseignement moral s'est défini, je dirais, en conflit par rapport à l'enseignement religieux. Il faudra donc niveler cette situation de tension pour arriver à former des enseignants capables d'aborder le phénomène éthique et le phénomène religieux dans une perspective générale et non pas voir deux matières en contradiction. Et je pense que ça, c'est un défi qui se pose actuellement à notre système d'éducation pour les personnes qui sont en place actuellement. Je ne dis pas que ce n'est pas possible, remarquez, mais il y aura des efforts importants à faire dans ce domaine-là.

Je rencontrais des spécialistes de l'enseignement moral, et ils se posaient la question: Mais pourquoi on lie morale et éthique religieuse? Pourquoi on lie morale, éthique et culture religieuse? Je pense qu'on aurait pu décider effectivement de faire deux champs, deux champs d'enseignement, éthique et culture religieuse, mais la décision est d'en faire un seul champ. Il faudra donc que les enseignants acceptent de travailler dans ce champ unique, en ayant bien sûr en tête ce que j'ai expliqué tout à l'heure, que l'éthique n'est pas assimilable au religieux et qu'il y a des distinctions importantes à faire.

M. Fournier: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Une question, comme ça: La formation des enseignants ou le recyclage des enseignants selon vous peut prendre combien de temps?

M. Simard (Claude): Bien, je pense que le ministère est prudent en prévoyant une période de transition de trois ans. Il aurait été prématuré, je pense, de lancer ce programme dès l'année prochaine ou dans deux ans. Mais il faut un programme de perfectionnement. Il faudrait éviter le saupoudrage, c'est-à-dire une formation superficielle, une formation sur le tas, vous savez, quelques ateliers donnés dans les commissions scolaires, et voilà, on fait d'un enseignant qui ne connaît pas vraiment le monde de l'éthique et le monde des sciences religieuses un spécialiste du domaine en quelques ateliers de formation. Il faut vraiment miser sur des formations continues, et c'est pour ça que les universités proposent des formations bien encadrées, bien structurées, c'est-à-dire la formule de la formation continue créditée, plutôt que des formations sur le terrain, ad hoc, là, ponctuelles, qui à mes yeux ne donneraient pas une formation suffisante, étant donné la complexité des phénomènes en cause.

Vous savez, on ne peut pas aborder le phénomène de l'éthique et le phénomène religieux avec quelques formations de quelques heures. Ça m'apparaîtrait tout à fait inutile. Si on va dans ce sens-là, je ne sais pas pourquoi on propose ce genre de programme.

Le Président (M. Chagnon): ...l'organisation de l'éducation est une organisation faite de cohortes. À ce moment-là, l'implication et l'organisation de... l'imbrication de ce nouveau programme dans les cohortes nouvelles, comment on peut l'arrimer?

M. Simard (Claude): Bien, là, il faut distinguer la formation initiale et le perfectionnement. Mais je peux toujours...

Le Président (M. Chagnon): Je parle de la formation pour les élèves.

M. Simard (Claude): Ah! la formation pour les élèves. Vous ne parlez pas de la formation...

Le Président (M. Chagnon): Non, c'est pour les élèves qui se... Eux, ils se présentent en cohortes, de la première année jusqu'au secondaire V. Évidemment, il faut procéder et penser à un cours qui va avoir une suite.

M. Simard (Claude): Je ne comprends pas très bien votre question.

Le Président (M. Chagnon): Lorsque vous faites la formation des jeunes, vous prenez un cours comme celui-là. Ce n'est pas un cours qui va être donné une année, c'est un cours qui va s'échelonner pendant quelques années, tant du primaire que du secondaire. Alors, la formation doit de se faire et se penser, s'imaginer en fonction de la formation des enfants de la première année jusqu'au secondaire V.

M. Simard (Claude): Ah! vous voulez dire que la formation donnée, par exemple, par l'université pourrait prévoir l'implantation progressive du programme. C'est ça?

Le Président (M. Chagnon): Oui. Mais comment le voyez-vous, vous?

M. Simard (Claude): Moi, je vois peut-être une formation créditée qui pourrait prendre la forme d'un diplôme, d'un certificat. Vous savez que, pour enseigner dans une domaine d'enseignement, il faut avoir au moins, hein ? c'est dans la convention collective ? 15 crédits. Donc, ce certificat pourrait avoir au moins 15 crédits, et je crois qu'on pourra offrir 15 crédits de formation à des enseignants qui voudraient se perfectionner dans ce domaine-là. Et il ne serait pas nécessaire, je pense, de suivre l'implantation du programme pendant les trois années que nous avons devant nous, on pourrait mettre en place ce genre de certificat et préparer les enseignants à offrir le programme de façon progressive.

Le Président (M. Chagnon): Et pour les élèves qui, eux, vont recevoir le cours aussi de façon progressive. Si vous commencez à recevoir ce cours-là en secondaire II ou en quatrième année, il faut penser évidemment à la suite, la poursuite de cet enseignement-là en cinquième, sixième année ou secondaire III, IV, V.

Comment on peut faire pour arrimer et la formation des maîtres et la pratique au niveau de l'organisation des savoirs dans l'école?

M. Simard (Claude): Oui, je comprends. Je pense qu'on peut le faire très bien, c'est-à-dire qu'il pourrait y avoir, dans la formation que je propose, des mesures de transition, voir ce que l'on peut faire avec des élèves qui auraient à peine, là, commencé ce programme et des élèves qui auraient suivi ce programme pendant un certain nombre d'années. C'est tout à fait possible de voir des mesures, là, je dirais, adaptées selon la préparation des élèves du secondaire et même du primaire.

Le Président (M. Chagnon): ...concordance.

M. Simard (Claude): Oui, c'est ça. Il y aura une concordance à assurer à l'intérieur de nos programmes de formation d'enseignement.

Le Président (M. Chagnon): Mme la députée de Taillon.

n(22 heures)n

Mme Marois: Oui. Merci, M. le Président. Ça se présente cependant, les changements à apporter dans ce domaine en particulier, différemment des changements à apporter par la réforme du curriculum, parce que, là, c'est vraiment un changement où on souhaite offrir, à partir du moment où on ne recourt plus à la clause «nonobstant», la formation, tant au primaire qu'au secondaire, sur les questions d'éthique, de culture, d'histoire des religions, sur la morale aussi, etc. Et donc il faudra faire quand même une transition relativement rapide, parce qu'évidemment l'idée, c'est, le plus rapidement possible, d'arriver à ce que tous et toutes soient formés avec les mêmes concepts, les mêmes niveaux de connaissance et les mêmes contenus. Alors, il y a quand même, je dirais, un certain travail à faire à ce niveau-là, et de préparation, d'une part, et, d'autre part, d'implantation, même s'il y aura une certaine ? comment je dirais ça? ? certaines étapes à franchir. Enfin, je veux vous entendre un peu sur ça. Vous voyez un peu le défi à relever finalement, là, actuellement.

M. Simard (Claude): Mais, le défi, nous avons trois ans pour le relever, si je comprends bien. La clause dérogatoire, hein, sera reportée, l'année prochaine, jusqu'en 2008.

Mme Marois: Si nous adoptons la loi, effectivement.

M. Simard (Claude): Si vous adoptez la loi.

Mme Marois: Oui, tout à fait. Ha, ha, ha!

M. Simard (Claude): Donc, pour moi...

M. Fournier: Ça regarde pas pire, là.

M. Simard (Claude): Pour moi...

Mme Marois: Si nous adoptons la loi, oui.

M. Simard (Claude): Pour moi, déjà cette période est très utile pour les universités, en tout cas, les personnes, les organismes qui s'occuperont de la formation, parce que nous pourrons, je pense, en trois ans, assez bien préparer le personnel pour implanter le programme d'études du primaire et du secondaire avec les concordances dont on a parlé tout à l'heure. Moi, je ne vois pas le problème parce que nous avons déjà offert au milieu scolaire, les universités, des programmes de formation dans des périodes de temps beaucoup plus courtes que trois ans.

Il faut dire aussi que nous avons une certaine expertise, nous ne partons pas de... nous ne partons pas de... C'est-à-dire, nous avons quand même des expériences, là, dans le domaine de l'éthique et de la culture religieuse. Vous savez, nous donnons déjà des cours dans ce domaine-là. À l'Université Laval, nous n'avons pas attendu le ministère; nous avons décidé, lorsque nous avons révisé notre programme du bac en enseignement secondaire, de ne plus offrir d'enseignement confessionnel mais d'axer notre cheminement histoire, culture religieuse et éthique sur les aspects anthropologique, sociologique, historique. C'est déjà en place, ça. Alors, forts de cette expérience, nous pouvons, je pense, les universités, nous pouvons offrir un perfectionnement qui pourrait, dans les trois ans que nous avons, là, permettre une implantation réussie, je crois, de ce nouveau champ d'enseignement, je crois, moi, avec bien sûr les adaptations dont on nous parle et ce qu'on peut faire avec des élèves qui commencent, ce qu'on peut faire avec des élèves qui ont été initiés depuis longtemps, etc.

Mme Marois: À ce moment-là, vous pourriez peut-être répondre aux inquiétudes des parents qui sont venus et qui souhaitaient garder l'enseignement religieux tel qu'il se fait maintenant. Vous pourriez peut-être les rassurer, parce qu'ils étaient inquiets sur le fait que les enfants du niveau primaire ne pouvaient pas être en contact avec certaines informations parce que ça risquait d'amener de la confusion dans leurs têtes. Alors, j'imagine que c'est déjà résolu dans certaines des facultés universitaires que vous connaissez.

M. Simard (Claude): Ce n'est pas ma conception de la pensée enfantine. Vous savez, l'enfant peut acquérir des connaissances, et ça n'entraîne pas nécessairement de la confusion chez lui; au contraire, ça lui permet de structurer sa pensée.

Mme Marois: Je partage votre point de vue et je suis très heureuse de l'entendre. Peut-être qu'on pourrait en faire...

M. Simard (Claude): Et l'enfant qui, par exemple, aurait connu surtout l'enseignement religieux catholique ? donnons un exemple ? pourrait, je dirais, sur la base de ses connaissances sur le christianisme et le catholicisme, s'initier à d'autres confessions.

Mme Marois: Tout à fait.

M. Simard (Claude): Et on lui dirait: Maintenant, on va changer un peu la perspective, on n'est plus ici pour parler uniquement de Jésus et t'amener à penser comme Jésus et à croire en Jésus, on est ici pour voir ce que Jésus représente dans l'histoire de l'humanité et on est ici pour te montrer qu'il y a d'autres façons de voir le monde.

Mme Marois: Exactement.

M. Simard (Claude): Et je pense que n'importe quel enfant va comprendre ce que l'on dit.

Mme Marois: Moi, je suis tout à fait d'accord avec votre point de vue en ce sens-là. Je pense que ce serait intéressant de le partager aussi avec d'autres personnes qui vous ont précédé à cette commission.

Le Président (M. Chagnon): ...séance de cours du soir.

Mme Marois: Oui, c'est ça. Je sais qu'on n'a pas beaucoup de temps encore, mais, vous, dans votre document, puis vous y avez fait référence tout à l'heure, sur le fait qu'on propose une formation en continu plutôt qu'une formation ad hoc et sporadique, ici et là, vous dites: «Le plan d'action du ministère indique que les universités seront invitées à élaborer des offres de service [de] formation continue. L'ADEREQ se félicite de cette ouverture, mais réaffirme l'importance de la reconnaissance de la participation du personnel enseignant à des activités de formation continue créditées et du financement de celles-ci. La convention collective des enseignantes et des enseignants, dans son état actuel, n'encourage ni l'une ni l'autre.» À quoi faites-vous référence très concrètement?

M. Simard (Claude): Nous faisons référence à la formation continue dans le domaine de l'enseignement tant primaire que secondaire. Les universités ont constaté que la formation continue, en tout cas la formation que nous connaissons, c'est-à-dire la formation universitaire créditée, a perdu beaucoup d'importance actuellement, et c'est lié en grande partie à la Loi sur l'équité. Vous savez qu'avant le facteur déterminant pour l'avancement dans la carrière était la scolarité, et les enseignants étaient incités à se former davantage à l'université. Mais maintenant cet incitatif joue beaucoup moins, de sorte que la formation universitaire créditée attire beaucoup moins les enseignants et les commissions scolaires. C'est ce que nous voulons dire ici.

Mme Marois: Parce qu'elle n'amène pas d'autres avantages...

M. Simard (Claude): Non, exactement, c'est-à-dire que...

Mme Marois: ...en termes de rémunération, ou d'avancement dans les échelons, ou quoi que ce soit du même ordre.

M. Simard (Claude): Elle n'est pas liée à la promotion dans la carrière, en tout cas beaucoup moins qu'avant, de sorte qu'on assiste actuellement, dans le domaine de la formation continue des enseignants, à une reconfiguration, et on constate que la formation continue se passe dans le milieu scolaire, faite par différents organismes, différents intervenants qui ne sont pas nécessairement des universitaires, et souvent c'est une formation ponctuelle, ad hoc, une formation sur mesure, mais qui n'a pas le caractère continu, structuré des formations qu'on offrait. Peut-être que l'université avait des changements à apporter, des améliorations à apporter, mais il reste qu'une formation continue structurée à mes yeux assure un meilleur perfectionnement, un perfectionnement plus solide que des formations épisodiques, sporadiques, ponctuelles sur des besoins très précis.

Ici, on ne parle pas de besoins très ponctuels, on parle d'une formation de base dans un champ d'enseignement, et c'est pour ça que les universités vous proposent une formation beaucoup plus organisée, structurée, par exemple un diplôme ou un certificat, mais vraiment une spécialisation solide dans ce domaine-là plutôt que des formations comme ça données un peu ad hoc, là, dans les différentes commissions scolaires.

Mme Marois: Selon l'analyse que vous pouvez faire, à ce moment-ci, là, de l'état du dossier et de la connaissance qu'on a quant aux orientations et aux objectifs poursuivis par le ministre, est-ce qu'on peut imaginer qu'effectivement ce que vous dites à la page 4, à savoir que des enseignants et des enseignantes du secondaire pourront vraiment inscrire cette formation-là dans une perspective de carrière qui, elle aussi, aura une certaine stabilité ? parce que c'était un des problèmes qu'on constatait, là, chez les enseignants, enfin les étudiants en éducation qui n'allaient pas vers ces options...

M. Simard (Claude): Non, pour les raisons que j'ai évoquées tout à l'heure, à cause de la confusion qui y règne.

Mme Marois: Tout à fait, tout à fait. C'était très clair.

M. Simard (Claude): Je distinguerais le primaire et le secondaire, hein? Au primaire, cet enseignement sera donné par les titulaires, les généralistes, hein? C'est ce que j'ai entendu dire. Donc, il n'y aura pas de spécialiste de la culture religieuse, là, et de l'éthique.

Mme Marois: C'est ce que j'ai cru comprendre aussi.

M. Simard (Claude): Ce sont les généralistes, les titulaires du primaire qui offriront aux enfants ce type de formation. Au secondaire, les choses sont différentes. Mais il reste que vous avez là une petite matière, c'est-à-dire une matière qui occupe...

Ah! mais... Ha, ha, ha! J'ai vu un de mes amis à la commission, là.

Mme Marois: D'accord. Ha, ha, ha! Mais continuez, c'est intéressant. Une petite matière...

M. Simard (Claude): Je reprends, j'ai été distrait. J'ai été distrait en voyant mon ami de Saint-François, là.

Mme Marois: D'accord. Une petite matière en termes d'espace de temps, on s'entend.

M. Simard (Claude): Mais comprenez-moi bien, ce n'est pas une petite matière sur le plan du développement intellectuel, c'est une petite matière dans le régime pédagogique par rapport aux matières principales comme le français...

Mme Marois: Et les mathématiques.

M. Simard (Claude): ...et les mathématiques. C'est-à-dire qu'il y aura toujours un nombre limité de périodes qu'on pourra offrir aux enseignants. Certains enseignants pourront vraiment se spécialiser dans ce champ, ça dépend de l'importance de la commission scolaire, de l'importance des écoles. Mais il reste que plusieurs auront à donner d'autres matières.

Mme Marois: Tout à fait.

M. Simard (Claude): Et c'est pour ça que, dans les profils de sortie du secondaire, nous avons prévu spécialiser ces enseignants dans au moins deux matières. Il y a le profil Univers social. À l'Université Laval, par exemple, nous offrons le profil Univers social, éthique et culture religieuse, c'est-à-dire que l'enseignant pourra enseigner l'histoire mais aussi la culture religieuse et l'éthique. Vous voyez donc des possibilités d'emploi intéressantes et des gens qui vont avoir une formation de base en histoire et en culture et éthique religieuse. C'est d'autant plus intéressant que la culture religieuse est liée à l'histoire. Comment voulez-vous comprendre les grandes confessions, les grandes religions sans avoir cette perspective historique? Alors, vous voyez, ça va donner quand même une très bonne formation, même si elle est pluridisciplinaire.

n(22 h 10)n

Mme Marois: Mais c'est très intéressant, M. le Président, ce que M. Simard soulève, et ça, moi, c'est une grande préoccupation parce que, je me dis, si on veut atteindre un niveau de qualité significatif dans la transmission des connaissances, bien encore faut-il qu'on ait des gens dont c'est la spécialité. Moi, je crois à ça. Que cette spécialité soit plus large, bien sûr! Pourquoi pas? Et la question de l'histoire, évidemment ça va de soi, l'apparition des grands courants religieux se situe quelque part dans l'univers temps et puis il faut être capable d'y référer. Alors, en ce sens-là, c'est très intéressant.

M. Simard (Claude): Et j'ajouterais aussi que, dans le nouveau régime pédagogique, l'éducation à la citoyenneté est confiée au professeur d'histoire en grande partie. Donc, l'éducation à la citoyenneté pourra aussi comprendre l'éducation spirituelle et éthique de l'élève.

Mme Marois: Qui rejoint aussi la notion des valeurs et...

M. Simard (Claude): Exactement. Exactement, oui.

Mme Marois: Ça va.

M. Simard (Claude): Mais il faut dire que, dans les profils de sortie... Vous connaissez peut-être ce document qui est à la base de la confection des programmes de formation à l'enseignement, de la formation à l'enseignement. C'est le document de référence pour construire des programmes de formation à l'enseignement. Il reste que nous avons, et c'est souligné dans le document, quand même deux profils assez distincts. Nous avons un profil développement personnel qui se concentre sur l'éducation à la citoyenneté, sur l'éthique et la culture religieuse, et nous avons le profil que je vous ai décrit tout à l'heure, c'est-à-dire la relation histoire, culture religieuse et éthique. Il faudra aussi considérer que, si on veut avoir des enseignants qui choisiront ce type d'enseignement avec conviction, bien il faudra leur permettre d'avoir des conditions d'emploi intéressantes. Je pense que le seul volet développement personnel pourra malheureusement restreindre leurs possibilités d'avancement dans la carrière. C'est un problème qui a été souligné, hein? Il faudra peut-être revoir ce profil de sortie pour, je pense, donner plus d'ouverture à l'Univers social.

Le Président (M. Chagnon): Merci. Mme la députée de Champlain, je pense.

Mme Champagne: Oui. Alors, M. Simard, ce n'est pas nécessairement une question, mais je pense que ça peut vous amener à me donner un peu plus encore. J'ai étudié et enseigné l'histoire, et définitivement il y a un lien tellement étroit avec ce que propose le projet de loi et l'enseignement ? je parle toujours au niveau du secondaire, là ? que je pense que ça va devenir un profil fort intéressant. Ça me donnerait même le goût d'y retourner, à l'enseignement, parce que c'est un domaine qui est passionnant, d'abord, mais, lié avec l'histoire, cet enseignement large des religions, si on veut, va devenir un projet intéressant pour les jeunes et les nouveaux enseignants, qui vont y voir une fenêtre ouverte, là, sur un intérêt nouveau peut-être à se lier à l'enseignement, mais pas lier cette matière-là à n'importe quoi, parce que ça va y perdre tout intérêt. Et on sait très bien qu'au niveau du secondaire l'étudiant, je dirais, moi, en mange, là, de l'information. Il s'agit de bien lui en donner et de l'intéresser. Ça peut faire toute la différence du monde, parce que l'étudiant est ouvert encore plus largement.

Mais ma question va revenir, et ce sera peut-être la dernière question, sur le niveau primaire. Le niveau primaire, le fait que l'enseignant qui est titulaire fait plusieurs matières, comment vous voyez ça au niveau formation? Ce n'est pas évident de lui donner un intérêt, quoique déjà là l'enseignement de la religion comme elle est présentement, elle n'est déjà pas facile à faire. Elle est souvent un petit peu bâclée parfois parce qu'il y a parfois moins de compétences ou moins de connaissances, en tout cas peu importe. Mais, dans le nouveau projet qui est là, je le vois plus difficilement au primaire qu'au secondaire.

M. Simard (Claude): Mais vous savez que... En fait, le problème que vous posez touche l'ensemble des matières qu'un titulaire peut donner au primaire. Ça veut dire que la formation des enseignants du primaire est pluridimensionnelle. Elle est pluridisciplinaire. Alors, ce sera une autre dimension à ajouter dans la formation des enseignants, et c'est déjà fait dans la plupart des programmes ici, au Québec, comme à l'Université Laval. Nous offrons déjà des cours d'initiation à l'éthique et à la culture religieuse, indépendamment de toute confessionnalité.

Mme Champagne: Vous le faites déjà?

M. Simard (Claude): Oui, nous le faisons déjà. Comme je vous ai dit, on a devancé un peu les décisions ministérielles parce qu'on voulait offrir quelque chose qui corresponde vraiment au Québec actuel.

Mme Champagne: Parfait. Mais là tout est en avance. C'est merveilleux.

Des voix: ...

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup, M. Simard. Je pense que votre participation a été très appréciée par les membres de la commission.

Je voudrais d'abord, avant que vous quittiez tous, vous dire que nous allons ajourner nos travaux sine die, mais probablement à demain, à 11 h 15. Alors, je vous salue tous et vous souhaite bonsoir et à demain.

(Fin de la séance à 22 h 15)


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