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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 19 janvier 2005 - Vol. 38 N° 46

Examen des orientations, des activités et de la gestion du Conseil supérieur de l'éducation


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Table des matières

Journal des débats

(Quatorze heures dix minutes)

Le Président (M. Kelley): Alors, bienvenue, tout le monde. Je constate le quorum des membres de la Commission de l'éducation. Donc, je déclare la séance ouverte.

Je rappelle le mandat de la commission. La commission est réunie pour examiner les orientations, les activités et la gestion du Conseil supérieur de l'éducation, en vertu de l'article 294 du règlement.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Aucun, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Alors, comme j'ai dit ce matin, c'est notre première activité parlementaire de 2005. Alors, c'est aux membres de la Commission de l'éducation de briser la glace, d'une certaine façon. On a devant nous les représentants du Conseil supérieur de l'éducation. Alors, peut-être, avant de passer la parole à M. Proulx, je vais demander aux membres de la commission, si possible, de fermer les téléphones cellulaires. Je pense que les discussions qui auront lieu ici sont très importantes, alors si vous vous pouvez éteindre vos téléphones cellulaires, s'il vous plaît.

Sans plus tarder, j'invite maintenant M. Jean-Pierre Proulx, le président du Conseil supérieur de l'éducation, à prendre la parole. Si j'ai bien compris, vous avez une présentation d'une trentaine de minutes pour débuter notre discussion, et, après ça, ça va être ouvert aux questions et échanges avec les membres de la commission. À vous la parole, M. Proulx.

Exposé du président du Conseil supérieur
de l'éducation, M. Jean-Pierre Proulx

M. Proulx (Jean-Pierre): M. le Président, merci de votre accueil. Nous sommes honorés de l'invitation que vous nous avez faite, même si techniquement c'est pour nous surveiller, dit votre mandat.

Le Président (M. Kelley): On n'est pas si méchants que ça.

M. Proulx (Jean-Pierre): Ça, j'ai bien compris. Au départ, je voudrais vous présenter les personnes qui m'accompagnent, si vous le voulez bien. D'abord, je vous présente la personne qui est à ma gauche, Mme Josée Turcotte, qui est directrice de l'administration et des communications chez nous; à ma droite, je vous présente M. Francesco Arena, qui est directeur des études et de la recherche au conseil; et, derrière moi, pour m'accompagner et pour m'aider, le cas échéant, dans la réponse ou dans le dialogue que nous entreprendrons dans un moment, les coordonnatrices et coordonnateurs des différentes commissions du conseil, qui sont en réalité la cheville ouvrière du conseil du point de vue de l'ensemble des travaux qui s'y mènent pour préparer les avis que vous connaissez bien.

Je vous présente Mme Suzanne Mainville, qui est coordonnatrice de la Commission de l'enseignement primaire; Mme Francine Richard, qui est coordonnatrice de la Commission de l'enseignement secondaire; M. Michel-André Roy, qui est coordonnateur à la Commission de l'enseignement collégial; Mme France Picard, qui est coordonnatrice de la Commission de l'enseignement et de la recherche universitaires; et Mme Isabelle Gobeil, qui a une compétence transversale. Et pourquoi? Parce qu'elle est coordonnatrice de la Commission de l'éducation des adultes.

Et je vous présente aussi M. Paul Vigneau, qui est coordonnateur du Comité consultatif sur l'accessibilité financière aux études. Vous savez que ce comité fait administrativement partie du Conseil supérieur de l'éducation, mais il agit en pleine autonomie, puisque ce comité est doté d'une structure et qu'il est présidé par une autre personne que moi. Néanmoins, pour le cas où des membres de la commission souhaiteraient poser l'une ou l'autre des questions, il sera la personne tout indiquée pour y répondre.

Alors, on m'a donc invité dans un premier temps. Vous avez derrière vous, je vous le signale, un diaporama qui pourra, le cas échéant, vous aider à suivre ma présentation. On a choisi, pour répondre à votre invitation, de vous faire un certain nombre de réflexions sur les défis et les enjeux du système d'éducation tels que perçus bien sûr par le Conseil supérieur de l'éducation et du fait même de proposer ou de réfléchir avec vous sur quelques priorités d'action pour l'État que ces défis et enjeux pourraient, le cas échéant, entraîner.

Un rappel aussi rapide sur le conseil lui-même. Ce que je vous dirai aujourd'hui, c'est le point de vue du conseil, et ce point de vue, c'est d'abord et fondamentalement celui de la population, puisque le conseil est formé, comme vous le savez, de représentants de la population, de citoyens engagés en éducation pour la plupart d'entre eux, que ce soient des élèves ou des étudiants, des parents, des enseignants et autres éducateurs ou des administrateurs scolaires. Le conseil aussi ne donne pas d'avis d'experts. Nous ne sommes pas des experts. Nous donnons des avis que nous estimons... que nous espérons être sages parce que ces avis s'appuient sur de larges consultations du milieu, ils s'appuient aussi bien sûr sur la recherche la meilleure que nous ayons de disponible au moment de présenter et de formuler nos avis.

Et puis aussi un rappel historique, parce que, comme le ministère de l'Éducation, nous avons été créé en 1964, comme le ministère de l'Éducation. Et, quand on lit le rapport Parent, vous avez entre guillemets devant vous un mot intéressant, il a été créé comme étant un «contrepoids démocratique» à l'exercice formel du pouvoir politique du ministre de l'Éducation. Derrière ces mots-là se cache ou plutôt se révèle, devrais-je plutôt dire, toute la dynamique politique des années 1964, car vous savez que la création du ministère de l'Éducation en 1964 a été l'objet d'un très, très vaste et relativement difficile débat de société. Il y avait, même dans la création du conseil, une certaine part de stratégie politique, à l'époque, qui était de bon aloi, du reste. Quoi qu'il en soit, 40 ans ont passé, et nous pensons que nous exerçons toujours une sorte de contrepoids démocratique, sans s'appesantir indûment sur les mots.

Une chose qui est extrêmement importante aussi, c'est que nous nous exprimons, au conseil, en pleine autonomie du gouvernement et du ministre de l'Éducation. Toutefois, il faut signaler, et c'est très important de le dire, que le conseil n'est pas un groupe de pression et nous n'agissons pas comme un groupe de pression. La loi dit même, dans notre préambule, que le Conseil supérieur de l'éducation est créé pour collaborer avec le ministre de l'Éducation à l'exercice de sa mission. Alors, en général, un collaborateur ne fait pas de pression sur son ministre, il collabore. Cependant, la grande caractéristique, c'est que cette collaboration s'exerce dans l'autonomie. Évidemment, c'est une valeur fondatrice du conseil, et bien sûr nous y tenons, et j'espère bien que tout le monde y tient, puisque c'est une caractéristique qui est garante de la qualité aussi de nos avis.

Nous allons parler cet après-midi des défis et des enjeux qui sont les nôtres. J'ai repéré dans le dictionnaire Robert la définition de ces deux mots-là, il est opportun de les rappeler. Un défi, hein, c'est un obstacle, une difficulté à surmonter. Alors, quand quelqu'un est au pied d'une montagne, il dit: Wow, que voilà un défi que de remonter cette montagne! C'est une difficulté. Mais un enjeu, ce n'est pas la même chose tout à fait. Un enjeu, c'est ce que l'on peut gagner ou perdre dans une partie. Il arrive très souvent par ailleurs que les défis conduisent à des enjeux. Ne pas surmonter son défi, c'est, le cas échéant, souvent perdre l'enjeu, perdre son enjeu. Alors donc, c'est un élément sur lequel je voulais attirer votre attention parce que ces deux mots-là reviendront souvent cet après-midi, «défi» et «enjeu», et ça nous permettra donc de bien situer notre discours.

La présentation que je vous fais va être organisée autour des cinq thématiques suivantes, certains nombres de défis et enjeux qui se posent pour notre système d'éducation: d'abord, par rapport aux fondements du système d'éducation, ce qui en constitue les assises; deuxièmement, ses buts, c'est-à-dire les résultats que nous pouvons atteindre à partir de cela; troisièmement, les curriculums, ce qui est inscrit déjà dans notre système éducatif en vue des apprentissages des élèves; un certain nombre de défis et enjeux qui se posent autour des ressources éducatives du système; et puis un dernier qui est celui de la gouverne du système. Vous voyez qu'il y a derrière tout ça, surtout entre les deux premiers éléments, une sorte de hiérarchie. C'est donc dire que tous les défis et les enjeux dont nous débattrons cet après-midi n'ont pas a priori la même importance, peuvent avoir conjoncturellement la même importance, mais, d'un point de vue plus analytique, ce n'est pas nécessairement le cas.

Je voudrais cependant attirer votre attention sur une question préalable qui comporte... Puisque votre mandat porte aussi sur la gestion du conseil, je ne voudrais pas oublier cette question-là. Ce ne sera pas probablement ce qui retiendra le plus notre attention cet après-midi. Mais il y a quand même un élément important sur lequel je voudrais attirer votre attention. Je me sens responsable de vous en parler à titre de président du conseil. C'est premièrement la question du renouvellement des membres du conseil.

n (14 h 20) n

Il y a 22 membres à la table du conseil, qui forment le conseil lui-même. Or, depuis plusieurs mois, nous sommes 17 à la table du conseil. Il y a cinq postes vacants à la table du conseil depuis au moins juillet dernier. Cela suscite chez moi et chez les membres du conseil une inquiétude certaine parce que, si nous sommes toujours capables d'exercer notre mandat, il est sûr que notre mandat s'en trouve appauvri pour la bonne raison que la qualité du travail du conseil repose sur la diversité des membres du conseil, diversité quant à leur origine régionale, diversité quant aux fonctions qu'ils exercent dans la société, diversité à d'autres égards, mais voilà au moins deux éléments importants. Et, malgré nos efforts et les efforts du président, les postes qui sont vacants ne sont toujours pas renouvelés. Et évidemment cela ne dépend pas du conseil, puisque c'est le gouvernement qui nomme les membres sur recommandation du ministre, mais mon devoir est d'attirer l'attention de la commission sur cette question importante.

Cela a des conséquences que je me permets de vous signaler. Nous devons trouver parmi nos membres les présidents des commissions, de nos cinq commissions permanentes. Eh bien, lorsqu'il y a des démissions, et surtout des démissions de présidents, et que le bassin de recrutement est plus faible, vous constaterez la difficulté que cela crée pour nous. Au surplus, notre inquiétude est croissante parce que, le 31 juillet prochain, 10 autres membres du conseil auront terminé leur mandat. Ça a l'air de dire que 15 nouvelles personnes devraient théoriquement... pas théoriquement, en pratique, être nommées pour le 1er juillet prochain. Mais vous voyez que déjà les retards à combler nos membres font en quelque sorte que plus de la moitié des membres du conseil seront des nouveaux. La qualité de nos travaux aussi dépend aussi de la continuité des mandats à l'intérieur de la commission. Donc, tout ça est le résultat d'un effet cumulatif de retard à nommer les membres au cours des années, et j'attire l'attention de votre commission sur ce qui m'apparaît un problème de gestion important.

Deuxièmement, les règles qui ont été adoptées par le gouvernement, légitimement, bien sûr, concernant le renouvellement de la fonction publique s'appliquent de façon quasi uniforme. Nous sommes 32 permanents au conseil, quand nous avons quatre retraités au cours d'une année, ça veut dire que nous ne pouvons en renouveler que deux. Ça n'a pas le même effet qu'au ministère de l'Éducation ou au ministère de la Justice, qui comportent un grand nombre de personnes. Voilà donc pour la question préalable que je voulais souligner à votre attention.

Alors, revenons à l'essentiel. Un certain nombre de défis et d'enjeux à propos des fondements du système. Il y en a d'abord des enjeux et des défis qui se posent au rapport de la finalité de l'éducation. Quelle est la finalité réelle de l'éducation actuellement? Je rappelle à tous que la Déclaration universelle des droits de l'homme a proposé aux nations ? et nous participons à ce consensus ? deux finalités fondamentales. La première, c'est le développement intégral de la personne et, la deuxième, c'est la promotion des droits et libertés de la personne comme fondement de notre démocratie. Telles sont les deux finalités de l'éducation que toutes les nations doivent poursuivre.

Au regard de ces deux finalités-là, il y a des défis importants qui se posent. D'abord, nous constatons bien avec vous tous sans doute que ce que j'appellerais savamment en latin l'Homo economicus, c'est-à-dire la dimension économique de la personne humaine, dimension évidemment essentielle à la vie, est, dans notre système éducatif, l'objet de pressions énormes. En d'autres termes, il y a une tendance lourde autour de cette question-là qu'on voit très bien au regard d'un certain nombre de programmes ou de discussions, qui fait en sorte que nous formons beaucoup pour la productivité, nous formons aussi beaucoup pour la compétition internationale. Ce sont des thèmes qui reviennent extrêmement souvent. Et c'est observable dans plusieurs ordres d'enseignement. Par exemple, à l'ordre d'enseignement universitaire, cette question des finalités se retrouve reprise dans la question de la mission des universités avec une accentuation et des pressions énormes pour faire des universités des boîtes de recherche plutôt que des lieux de formation des... de la formation des Québécois... de la formation universitaire ou de niveau supérieur des Québécoises et des Québécois, et ça se manifeste à travers toutes sortes d'exemples sur lesquels on pourra revenir, si vous le voulez bien.

Dans la formation des adultes, la place prioritaire qu'occupe la formation à l'emploi, ce qui en soi, la formation à l'emploi, personne n'a à y redire, bien au contraire, il faut gagner sa vie, mais la place de la formation générale, par exemple, dans la formation des adultes, est le parent pauvre, c'est observable. Et donc c'est une question importante à soulever.

Au regard de cette même finalité qui est celle de l'éducation, il y a une question qui se pose aussi concernant les droits de la personne. Vous serez appelés bientôt à débattre, comme parlementaires, du renouvellement ou non des clauses dérogatoires. Lorsqu'on dit que le système éducatif a comme finalité première la promotion des droits et libertés de la personne, vous voyez le défi qui se profile à l'horizon quant à cette question-là, lorsque vous serez appelés, comme parlementaires, le cas échéant, à décider de renouveler ou non les clauses dérogatoires à la Charte des droits et libertés des personnes concernant la place de l'enseignement de la religion à l'école. Alors, c'est une question, c'est un défi, là, puis il y a un enjeu derrière ça qui est rattaché, comme vous le constatez, à une affaire fondamentale qui est la promotion des droits et libertés de la personne. Je vous le signale en passant.

Une autre dimension, c'est la question ? j'ai mis ça entre guillemets ? de la propriété de l'école. À qui appartient l'école? Est-ce que ça appartient aux parents? Est-ce que ça appartient à l'État? Est-ce que ça appartient aux enseignants? Est-ce que ça appartient aux élèves? C'est une question de philosophie fondamentale qui se pose de façon récurrente. Et ce ne sont pas des questions purement abstraites. On le voit, par exemple, actuellement, par une tendance très observable aussi du système éducatif à progressivement se transformer dans une vision davantage marchande que citoyenne. L'exemple le plus manifeste de ça, que tout le monde connaît, c'est les palmarès qui sortent à l'automne, chaque automne, pour parler de l'éducation, qui nous présentent les écoles comme des produits sur lesquels on fait des offres, et qui s'offrent, et pour lesquels on demande. C'est une perspective qui a son mérite, mais c'est une perspective qui a très sérieusement ses limites aussi parce que ça vient en contradiction ou en tout cas en confrontation de façon importante avec une option québécoise qu'on a prise à propos de l'école publique qui est d'en faire une option citoyenne. Est-ce que l'école, c'est quelque chose qui doit être régi selon simplement les règles de l'offre et de la demande ou ça doit être aussi régi en fonction de la participation citoyenne? Les conseils d'établissement, par exemple, que nous avons dans nos écoles publiques sont fondés sur la participation citoyenne. C'est ça que nous avons choisi de faire. Mais en même temps vous voyez ? comment dirais-je, donc? ? les vents contraires qui s'exercent autour de cette question-là. Donc, une première série de défis autour des questions que j'ai appelées les fondements du système éducatif.

Une autre série de défis qui se posent touche cette fois-ci les buts du système, c'est-à-dire les résultats escomptés, observables de notre système éducatif. C'est ça, un but, hein, c'est plus concret que les finalités. Les finalités, c'est l'horizon lointain, ce n'est jamais atteint totalement. Les buts, c'est en principe quelque chose qu'on est capable d'observer. Nous avons noté, au conseil, au moins quatre éléments que vous voyez au tableau.

D'abord, l'accessibilité partout au Québec. Vous connaissez ce problème dont vous entendez parler souvent et dont vous débattez vous-mêmes, du reste, qui est le dépeuplement des régions. Derrière ça, il y a un enjeu majeur, qui est celui de la vitalité des communautés humaines qui sont au Québec, et bien sûr un enjeu encore plus important, qui est celui de l'occupation du territoire au Québec. Et on pensait, avec le rapport Parent, que l'accessibilité était une affaire réglée, n'est-ce pas, c'est-à-dire non seulement avec le rapport Parent, mais avec les investissements qu'on a faits. Eh bien, non. Nous constatons maintenant que, dans certaines régions du Québec, notamment en formation professionnelle, la question de l'accessibilité aux services éducatifs de nature professionnelle se pose de nouveau, et se pose parfois de façon grave, au point où les jeunes doivent s'exiler ou s'expatrier dans un autre coin du Québec pour avoir accès à leurs services. Alors, il y a donc là évidemment un choix de société auquel nous sommes confrontés.

n (14 h 30) n

Le deuxième défi et enjeu, c'est celui classique, récurrent, permanent, parfois ? comment dirais-je, donc? ? inquiétant, qui est celui de la réussite éducative pour tous. Vous connaissez les dernières statistiques peut-être, je vous les redis pour les fins de notre rencontre. Les dernières statistiques que nous avons sur la réussite telle que reconnue par le diplôme d'études secondaires nous enseignent que 65,8 % des jeunes ont réussi à obtenir leurs diplômes avant l'âge de 20 ans. C'est donc dire qu'un tiers n'ont pas réussi cette opération avant 20 ans. Au cégep, au préuniversitaire, 71,3 % réussissent après un certain nombre d'années et, au technique, 67,4 %. Même, je crois même avoir fait une erreur, je pense, mais en tout cas c'est à peu près cela. Au bac, c'est cela aussi, 67,4 % des bacheliers réussissent.

La conclusion générale, c'est que ce que nous savons, c'est que 20 % d'une génération d'étudiants vont quitter le système scolaire, à tous les ordres d'enseignement, là, au bout d'une piste, sans avoir reçu une qualification reconnue. Ça ne veut pas dire qu'ils ne sont pas qualifiés par ailleurs ou qu'ils ne vont pas se qualifier plus tard. Mais, pas de qualification: 20 %. Un Québécois sur cinq, dans sa vie, parmi les jeunes générations, va se trouver dans cette situation-là. Vous comprenez donc qu'il y a là un défi majeur pour notre système éducatif. Et tout se passe comme si le système éducatif, tel qu'il est configuré actuellement, avait donné le maximum de sa capacité. Parce que ces chiffres que je viens d'évoquer ne sont pas des chiffres qui bougent beaucoup, et, s'ils bougent, malheureusement, pour le secondaire, c'est à la baisse. C'est à la baisse. Jusqu'à il y a trois ans, environ 72 % des jeunes réussissaient, on a baissé à 65,8 %. Il y a là donc une question lancinante et préoccupante.

L'éducation à la vie professionnelle, vous le savez, ça a fait l'objet de notre rapport annuel, il y a un certain nombre de défis que j'énumère ? sans être exhaustif, loin de là ? que vous connaissez bien aussi mais sur lesquels le conseil a attiré aussi l'attention. Nous avons moins de 8 000 jeunes actuellement qui sont en formation professionnelle, 8 000 jeunes. Il y en a plus parce que ce sont des jeunes de moins de 20 ans qui sont par contre considérés dans le système comme appartenant à l'éducation des adultes, ils en sont sortis et ils sont revenus. Mais les jeunes qui prennent cette filière-là de façon continue au Québec: moins de 8 000 sur 400 000 élèves au secondaire. C'est à peu près... En gros.

Une voix: À peu près.

M. Proulx (Jean-Pierre): À peu près. Vous voyez, la proportion, c'est... À toutes fins utiles, nos centres de formation professionnelle au Québec sont devenus des centres d'éducation des adultes. 75 % et plus des gens qui fréquentent la formation professionnelle de niveau secondaire sont des adultes. En soi, il n'y a rien à redire à cela. Au contraire, c'est très intéressant que des adultes reviennent à l'enseignement professionnel après un détour. C'est le résultat de politiques publiques sages d'avoir permis, par exemple, à Emploi-Québec ou autrement de former des adultes à la vie professionnelle alors que c'est extrêmement intéressant pour leur travail. Mais il y a là, comme pour ainsi dire, une question à laquelle le conseil bien sûr s'est... a porté son attention, dis-je.

Une autre question relative à la formation professionnelle, c'est la question de la reconnaissance des acquis. Nous y reviendrons un peu plus tard, mais il y a là une question importante, sur laquelle je passe rapidement parce que je vais y revenir dans un moment.

Une autre question aussi relative à la vie, à la formation professionnelle, c'est la place que la formation générale remplit dans la formation professionnelle. Vous vous rappelez peut-être ? moi, je m'en souviens très bien ? lors de ce qu'on a appelé le virage technologique, en 1981-1982, quand est arrivé l'ordinateur pour tout le monde, là, là, on s'est rendu compte d'une chose dont on ne s'était pas rendu compte avant, c'est qu'il y avait un nombre incroyable d'analphabètes au Québec. On découvrait l'analphabétisme, pour la raison suivante, c'est que dorénavant on couplait des machines qui avaient toujours été utilisées d'un point de vue mécanique, mais là on couplait ces machines-là avec des ordinateurs, et les gens se rendaient compte que, pour apprendre à faire tourner ces machines avec des ordinateurs, ça prenait plus de compétences qu'ils n'en avaient. Ils connaissaient parfaitement leurs machines jusqu'à temps qu'on les couple avec des ordinateurs. Alors donc, l'éducation à la vie professionnelle, tout au long de la vie, suppose une formation générale qui permet les transferts. Cette question-là n'est pas très bien résolue au Québec en tout cas pour tout le monde. Bref, et c'est en lien avec ce qu'on vient d'évoquer, le dernier défi autour de la formation tout au long de la vie: la formation de base est un élément important.

L'accroissement du capital culturel de tous les Québécois, toute la vie. Il n'y a pas que le travail qui est important dans la vie. Il y a tous les aspects de la personne qui sont importants. Accroître le capital culturel de chacun des Québécois par des connaissances de toutes natures, c'est un élément important. Ça a même des conséquences économiques parce que, quand on accroît notre capital culturel, on veut continuer à l'enrichir en consommant des services à caractère culturel ou autrement, notamment par l'achat des livres, pour ne prendre qu'un exemple. L'adaptation au changement est une de ces questions-là et la réponse aux besoins multiformes des personnes elles-mêmes.

Passons à une troisième série d'enjeux, qui est celle des curriculums, d'abord qui se décline en trois aspects sur lesquels j'ai déjà dit d'ailleurs des choses, je m'en rends compte. À propos des réformes, vous savez et nous savons que nous avons actuellement une réforme en cours au niveau primaire. Nous avons une réforme qui s'amorce au niveau secondaire. Les collèges, depuis 1993 ou 1992, ont entrepris une réforme radicale de leur programme de formation technique, qui est probablement achevée, en tout cas dont on connaît l'achèvement, pour l'heure, en tout cas.

Il y a certainement un défi de société autour de la question de la réforme du secondaire et du primaire en particulier sur lequel je voudrais attirer votre attention. Ce défi-là, pour dire les choses très simplement, c'est un défi de société, c'est de la réussir, la réforme, faire en sorte qu'elle se fasse. Puis-je attirer votre attention sur une chose qui, moi, m'a frappé? Lorsque cette réforme ? au secondaire, j'entends ? aura atteint son terme, dans l'hypothèse où elle commence à l'automne prochain, on est en 2005, et ce sera en 2010 qu'elle aurait atteint son terme, puisqu'on aura passé à travers les cinq années du secondaire, puis-je attirer votre attention que l'origine de cette réforme, ce sont les états généraux de 1995-1996, c'est donc dire, Mmes et MM. les députés, que nous aurons mis 15 ans, deux générations... une génération et quelque d'élèves sera passée pendant ces quelques années là.

On ne va pas protester sur la longueur qu'on y a mis, mais ça, ça a des conséquences. Des affaires, qui s'étirent trop longtemps, on vient à en perdre le sens, hein, parce que le sens, c'est quelque chose qui est en avant mais aussi quelque chose qui est en arrière. Le conseil a proposé un avis sur la réforme au secondaire il y a quelques mois à peine et il a senti le besoin, dans un premier chapitre de cet avis-là, de rappeler l'origine de ces réformes, et le sens, et pourquoi on l'avait fait. Alors, si on rate cette réforme-là parce qu'elle foire ? excusez cette expression populaire, mais elle dit bien ce qu'elle veut dire... Il y a comme en soi un défi de société d'aboutir dans les affaires qu'on a commencées. Je vous le signale en passant.

Au-delà de ça, bien sûr, il y a des défis internes à la réforme, comme: respecter les conditions d'appropriation de cette réforme-là, donc que le conseil a déjà bien manifesté, un leadership local fort, la formation du personnel, le pilotage du système, une vision systémique de cette réforme-là. Je dois dire, autour de ces éléments-là, que manifestement ce que l'on peut observer, c'est que les efforts faits par le ministère de l'Éducation sont manifestes et sont importants. Un grand nombre de moyens ont été déployés pour la mise en oeuvre de cette réforme-là au niveau du ministère de l'Éducation et bien sûr au niveau des établissements eux-mêmes. Mais je dirais que la partie n'est certainement pas gagnée, et d'autant plus que, le temps passant encore, on oublie le passé et les raisons d'être. Et je me permets d'attirer votre attention.

Ne pas oublier aussi que le but de cette réforme-là, il était unique, c'est d'améliorer et de favoriser la réussite des élèves. C'est pour ça qu'on a fait ça. Et, vous voyez, par rapport aux statistiques que j'ai évoquées tout à l'heure... Évidemment, le problème, en éducation, c'est que, quand on engage une réforme, on ne sait pas avant si elle va réussir. Il n'y a pas de cause unique au succès en éducation.

n (14 h 40) n

Une autre dimension d'éléments de la réforme sur laquelle je voulais attirer aussi votre attention, c'est l'encadrement des élèves, et en particulier l'encadrement des élèves au secondaire. D'abord, le conseil, dans un avis qu'il a rendu public en janvier dernier, rappelle une chose importante, c'est que l'image que l'école secondaire québécoise a au regard de l'encadrement est une image qui malheureusement est déformée et que les mécanismes d'encadrement qui ont été mis en place dans nos écoles secondaires ? publiques, j'entends ? sont nombreux et variés et que par conséquent l'image dévalorisée de l'école publique est une image fausse. On pourrait élaborer sur l'origine de cette image, il y a un certain nombre d'hypothèses, mais on n'aura pas le temps maintenant, mais il se fait énormément de choses dans nos écoles publiques au regard de l'encadrement. Vous avez annoncé ça quand on était passés en commission parlementaire sur les crédits, il y a quelques mois, et ça s'est avéré.

Mais il y a là un enjeu social important, non seulement éducatif, mais social important. L'image de notre école secondaire publique, c'est un élément important. Beaucoup de décisions parfois importantes se prennent à partir des images, n'est-ce pas, que ce soit l'achat d'un bien de consommation, que ce soit s'acheter un service ou se procurer un service. Et ça, autour de cette question-là, je dirais qu'il y a encore un défi majeur à relever autour de ça pour que la valorisation de l'école publique soit à son maximal.

Une autre dimension aussi des réformes, c'est l'éducation à la citoyenneté. Il y a un défi permanent dans la société québécoise qui est celui du vivre-ensemble et de travailler d'arrache-pied à se forger une identité commune qui est respectueuse bien sûr des diversités. Mais une société forte est une société qui se reconnaît en elle-même et qui reconnaît les buts sociaux, les buts politiques, les buts économiques qu'elle poursuit ensemble à l'intérieur bien sûr de la diversité que suppose une démocratie en bonne santé. Alors, ça, c'est un élément important, et l'éducation à la citoyenneté participe à cela. Et une autre dimension aussi importante, c'est la progression des valeurs démocratiques dans une société. L'éducation à la citoyenneté, ça vise cela.

Au regard de la formation générale, j'en ai dit un mot, j'en ajoute un autre, on constate que chaque ordre d'enseignement organise son discours sur la formation générale à l'intérieur de son créneau: La formation générale au secondaire, c'est ceci; la formation générale au collège, c'est cela; la formation générale à l'université, c'est cela. Ce que le conseil constate, c'est qu'entre tous ces ceci et ces cela il manque de liens. Et le temps devrait être venu de clarifier ce que l'on veut faire à chaque ordre d'enseignement au regard de la formation générale.

Bon. Sur la reconnaissance des acquis, je vous ai annoncé que je vous en dirais un mot. M. le Président, pourriez-vous, avant que j'aille plus loin, m'indiquer de combien de temps je dispose pour...

Le Président (M. Kelley): Il reste une dizaine de minutes.

M. Proulx (Jean-Pierre): Ah, c'est parfait. Merci infiniment. Sur la reconnaissance des acquis, ça, pour le conseil, c'est un chantier majeur et urgent. Actuellement, nous reconnaissons les formations reçues dans nos établissements à partir d'un modèle classique, d'ailleurs qui a fait ses preuves, qui est celui de reconnaître le succès des élèves au terme d'un curriculum réussi. Mais il se trouve que, dans la société québécoise, il y a plein de monde qui ont des parcours scolaires bien différents, pour toutes sortes de raisons, parce qu'ils ont quitté l'école et qu'ils reviennent. Et on présume que, parce qu'ils ont quitté l'école, ils n'ont rien acquis pendant leur séjour à l'extérieur de l'école. Bien, c'est une présomption qui est parfaitement critiquable.

Nous recevons en plus... Nous avons une politique d'immigration généreuse qui permet à plein d'immigrants d'arriver au Québec et qui, arrivant au Québec, doivent travailler, qui ont déjà acquis dans leur pays d'origine, des compétences que nous avons de la difficulté à reconnaître. Je vous signale ça sur mode d'anecdote, mais ça m'a frappé, les deux derniers... Vous savez qu'à Montréal, dans l'Ouest de Montréal en particulier, beaucoup de chauffeurs de taxi sont des immigrants, et, comme je suis en éducation, je m'intéresse toujours... Écoutez, monsieur, avant que vous arriviez au Canada, qu'est-ce que vous faisiez? Alors, l'avant-dernier chauffeur de taxi, mesdames et messieurs, je vous le signale en mille, était médecin ? ça, c'est classique ? mais pas juste un médecin, médecin ophtalmologue aux Indes. L'Inde, ce n'est pas le pays le moins démuni, ça, du point de vue, là, de... Il y a plein de gens qui travaillent au Québec qui sont des Indiens, qui sont des compétences extraordinaires. Bien sûr, il y a toute la question des ordres professionnels autour de cette question-là. L'autre que j'ai pris, à Québec, qui est aussi un immigrant, la semaine passée, en rentrant de Montréal, j'ai dit: Qu'est-ce que vous faisiez dans votre pays d'origine, monsieur? C'était un Roumain. Il dit: Moi, monsieur, j'étais un infirmier. On manque d'infirmières et d'infirmiers au Québec, et, lui, il est chauffeur de taxi. Comme dirait mon prédicateur de retraite de collège, je crois que, dans la société québécoise, il nous manque parfois des lacunes. Non, mais c'est manifeste.

Alors donc, et surtout, ce que nous savons maintenant, que nous avons découvert en faisant notre rapport annuel, c'est que, ne pas reconnaître les acquis, c'est s'appauvrir comme société. On estime que le manque à gagner de ces personnes qui pourraient travailler en gagnant plus, c'est de l'ordre, si ma mémoire est bonne ? je crois l'avoir écrit ? de quelques milliards de dollars. En d'autres termes, ne pas reconnaître les acquis des compétences, c'est se priver d'une richesse collective. Des gens qui gagnent plus paient plus d'impôts et participent plus, participent davantage à la richesse collective. Je sais qu'un certain nombre de vos collègues ? nous les avons rencontrés ? travaillent sur cette question-là extrêmement importante.

Quatrième série de défis, les enjeux autour des ressources éducatives. D'abord, un premier enjeu qui est celui de la professionnalisation des enseignantes et enseignants. Vous savez que nous venons de faire un avis sur la profession enseignante, un avis qui, ma foi, est très lu dans le milieu, et nous nous en réjouissons évidemment.

Un certain nombre d'enjeux et de défis que je vous signale en passant. Le premier, c'est l'insertion professionnelle de nos nouveaux enseignants. Écoutez, là, le conseil est clair, il l'a dit de façon manifeste, puis je me permets de le répéter ici, cette question est grave et inacceptable. Nous formons, dans nos facultés des sciences de l'éducation, des jeunes qui arrivent à l'école, engagés dans la commission scolaire, et qui sont laissés à eux-mêmes parce qu'on postule que, parce qu'ils ont fait quatre ans d'université, ils sont parfaitement compétents pour faire le boulot qu'ils ont fait. Ils sont compétents comme des néophytes, comme des nouveaux. Ils ne sont pas compétents comme des spécialistes ou des gens qui ont de l'expérience. Or, il n'existe actuellement, sauf de belles et rares exceptions, il n'existe pas de système au Québec d'intégration professionnelle de nos jeunes professeurs dans l'école. Résultat: au bout de cinq ans, entre 20 % et 25 % quittent la profession parce qu'ils n'ont pas réussi à s'y intégrer, faute de mécanismes.

Autre dimension importante autour de la professionnalisation, c'est bien sûr ? et ça, c'est lancinant, et c'est un problème d'opinion publique aussi auquel on est tous sensibles ? c'est la qualité de la langue parlée et de la langue écrite de nos futurs enseignants. Toutes les universités vous diront qu'elles ont de la difficulté à recruter des jeunes en formation des maîtres qui ont au départ la qualité requise au plan de la langue d'enseignement et dans des proportions qui ne sont pas des exceptions mais qui ne sont pas non plus la majorité mais qui forment un contingent important. Là, on a des difficultés importantes au Québec, difficultés qui, soit dit en passant, sont liées à notre éternel débat au Québec ? et ça, c'est propre au Québec, peut-être pas propre au seul Québec mais propre au Québec ? c'est de s'entendre sur ce que c'est qu'une qualité de la langue au Québec et d'en tirer les conséquences pour les normes que nous voudrions appliquer.

Troisième dimension sur la professionnalisation, c'est le débat actuel qui est celui touchant la gestion de la profession enseignante. Dans l'avis que nous avons fait, le conseil n'a pas voulu se prononcer, parce que ce n'était pas son mandat, sur la question: Faut-il ou non créer un ordre professionnel? Il a déjà dit cependant dans un avis antérieur que quelque chose qui ressemblerait à ça serait nécessaire. Mais, dans ce dernier avis que nous avons rendu public il y a quelques mois, nous avons tout de même dit la chose suivante: Le système actuel relatif à la gestion de la profession enseignante ne nous paraît pas souhaitable. Pourquoi? Parce que tous les grands encadrements de la profession enseignante au Québec sont déterminés par le ministre de l'Éducation ou le gouvernement du Québec, alors que, dans une véritable profession, les professionnels doivent, dans une large mesure et selon les circonstances et selon les professions, s'autogérer eux-mêmes, pour une bonne raison, c'est qu'ils sont compétents pour savoir qu'elles sont les règles ou les normes qui devraient s'appliquer à eux. Or, là-dessus, au Québec, on n'a pas malheureusement bougé.

n (14 h 50) n

Renouvellement du corps professoral à l'université, on en a déjà longuement parlé lorsqu'on s'est vus l'hiver dernier, je passe rapidement là-dessus. Le financement, je passe aussi parce que c'est récurrent et insoluble. Nous y reviendrons si vous voulez.

Pour terminer par les défis et enjeux à propos de la gouverne du système scolaire. Le pilotage du système. Il y a autour de ça un enjeu permanent qui est celui de l'équilibre dans la rationalité du gouvernement central puis du gouvernement décentralisé. En éducation, nous avons des instances décentralisées, comme vous le savez, et il y a un gouvernement... Le pilotage du système, nous sommes tous d'accord au Québec pour qu'il y ait un système décentralisé, ça fait partie des grandes réformes que nous avons faites au cours des dernières années, mais il y a une difficulté récurrente autour de cette question-là. Je pourrais vous citer un certain nombre d'exemples.

Récemment, par exemple, on a adopté une loi qui s'appelle la loi n° 124, qui dit qu'il appartient au conseil d'établissement d'établir des plans de réussite et de choisir les moyens appropriés. Nous sommes allés dans Lanaudière récemment pour apprendre ? nous l'ignorions ? que le gouvernement a décidé que des argents ciblés seraient donnés pour l'aide aux devoirs. Ciblés. C'est à prendre ou à laisser. Alors, voilà un exemple de tension, là, entre le centre puis la périphérie. On dit: Ah, ce sont les établissements qui vont décider quels sont les meilleurs moyens pour assurer la réussite des élèves. Le gouvernement et le ministère de l'Éducation disent: Savez-vous, le meilleur moyen, c'est l'aide aux devoirs. Bien, les commissions scolaires que nous avons rencontrées et dont nous nous faisons le porte-parole aujourd'hui disent: Écoutez, nous, on ne comprend pas, on ne comprend pas parce que c'est pour ainsi dire deux discours. Voilà un exemple de tension entre le centre et la périphérie.

Dernier défi que je souligne à votre attention, c'est la démocratie scolaire, démocratie scolaire à la fois qui concerne la démocratie de participation à l'intérieur de nos conseils d'établissement, mais aussi la démocratie électorale scolaire. Là, l'enjeu est très important. Tout le monde sait que la participation électorale dans les commissions scolaires est très, très faible, que le nombre de commissaires élus dans des... à l'issue d'une élection est très faible aussi, c'est à peine 30 %. Et chacun sait qu'à chaque élection se pose la question et l'enjeu de la légitimité du gouvernement local en matière d'élection. Là-dessus, je vous dis, je vous annonce, ou peut-être le savez-vous déjà, que le Conseil supérieur a décidé de faire de ce thème-là l'objet de son prochain rapport... pas de son prochain rapport annuel, mais de son rapport 2005-2006.

En conclusion, donc, les enjeux et les défis sont importants. Et là, je vais terminer sur une note pessimiste, en essayant que cela ait un effet mobilisateur malgré tout sur tout le monde, y compris sur les représentants que vous êtes. Ni la structure de l'opinion, ni la conjoncture ne favorisent la mobilisation autour de l'éducation, en effet. Et regardez le tableau que vous avez. Il y a une série de sondages qui paraît dans le journal Les Affaires depuis 1997, dans lesquels on pose la question suivante: Mmes et MM. les citoyens, quelles sont vos attentes prioritaires vis-à-vis le gouvernement du Québec? La ligne jaune que vous voyez au bas représente les attentes des citoyens au regard de l'éducation. Une bonne nouvelle, ça a augmenté à 14 % quand j'ai fait ce tableau-là. Le dernier sondage paru le 10 janvier dernier, donc il y a à peine une semaine, nous indique que la tendance remonte quelque peu.

Mais, vous voyez, moi, mon invitation, Mmes et MM. les députés, c'est de mettre tout votre poids politique pour faire que, ce tableau-là, l'année prochaine, que les lignes soient complètement changées, qu'il y ait, dans la vie, chez les citoyens... parce que leurs députés les auront convaincus que l'éducation, ça devrait être la priorité dans une société démocratique parce que c'est le fondement de notre société. On ne peut pas faire une société qui a de l'emploi, qui est en santé si on n'a pas un système éducatif qui va permettre à tous les citoyens de réaliser leurs aspirations là-dessus. Mesdames et messieurs, je vous remercie infiniment de votre écoute attentive.

Discussion générale

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Proulx. Avant d'ouvrir la période des échanges, je veux juste appeler tout le monde à une certaine discipline, parce que je pense qu'on peut passer le reste de la journée sur un des tableaux. On va essayer de traverser les cinq au complet. Alors, juste avoir les questions les plus précises et les réponses les plus précises possibles. Je vais commencer, cédant la parole à M. le député de l'Acadie.

Renouvellement des mandats et rémunération
des personnes siégeant au conseil

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, merci, M. Proulx, pour votre présentation. Disons, avant d'entrer dans, je pense, le coeur du sujet, qui est peut-être plus intéressant, qui touche réellement l'éducation, je voudrais juste clarifier la question des mandats et des renouvellements des mandats des membres. Est-ce que vous pouvez nous expliquer un petit peu comment fonctionne... Disons que j'ai été surpris. Dans votre document, là, le rapport annuel 2003-2004, à la fin, bon, effectivement, on regarde la fin des mandats, et j'avais observé justement, comme vous, là, vous le mentionniez tout à l'heure, qu'il y en a un nombre important qui vient à échéance en 2005, au mois d'août 2005.

La question que je voudrais vous poser à ce sujet-là, c'est: La durée d'un mandat, je crois que c'est de... Je pense que c'est de quatre ans pour le conseil?

M. Proulx (Jean-Pierre): C'est exact.

M. Bordeleau: Est-ce que c'était organisé ou... Comment on se retrouve avec cette situation-là? Est-ce qu'il y avait une espèce de rotation, c'est-à-dire tant par année, pour faire une rotation? Et qu'est-ce qui s'est passé pour qu'on en arrive, disons, à une situation qui est inquiétante, dans le sens où il y a beaucoup de changements, là, qui se font en même temps et il y a un problème de continuité qui peut exister?

M. Proulx (Jean-Pierre): Oui, je peux vous expliquer...

M. Bordeleau: Et peut-être que l'autre question que je pourrais vous poser à ce sujet-là aussi ? puis je vais vous laisser répondre peut-être aux deux après ? c'est: Les nominations qui sont faites par le gouvernement, est-ce que c'est fait en fonction de critères précis au niveau de la répartition géographique ou au niveau de forums ou d'organismes qui assurent la diversité?

Vous faisiez référence tout à l'heure à la diversité. Mais est-ce qu'il y a des règles précises à ce niveau-là qui font en sorte qu'on est assuré qu'effectivement, quand l'ensemble du conseil est nommé, on a la diversité souhaitée?

Le Président (M. Kelley): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): Oui. M. le Président, en réponse à la question de votre collègue en ce qui concerne l'explication pourquoi nous en sommes là, c'est la suivante. Au départ, en 1964, et c'est toujours dans la Loi sur l'instruction publique, on avait prévu des nominations qui soient pour un terme de quatre ans, puis de trois ans, puis de deux ans, afin qu'au départ on assure un renouvellement du membership. C'est comme ça d'ailleurs pour les membres des commissions. Mais il y a une autre disposition de la loi qui dit que les membres restent en poste jusqu'à ce que leur mandat soit renouvelé ou non, n'est-ce pas? S'ils démissionnent, le poste devient vacant, mais, s'ils ne démissionnent pas et que leur poste arrive à terme, là, ils restent en poste jusqu'à temps qu'il y ait renouvellement ou non.

Ce qui s'est produit au cours des ans, c'est que les différents gouvernements qui se sont succédé ont souvent tardé à prendre une décision au regard des renouvellements, si bien que, lorsqu'un mandat est renouvelé, là, il était renouvelé pour soit une certaine période à partir du moment où il était nommé, si bien qu'au terme de ça ce qui avait été voulu au départ de la rotation n'a pas pu se réaliser. Ça, c'est la raison fondamentale de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Ce n'est pas par une volonté originelle du législateur, bien au contraire, c'est tout simplement que la gestion du renouvellement des membres ne s'est pas faite de façon adéquate.

Quant à votre deuxième question sur la nomination des membres, il n'y a pas, dans la loi ni dans les règlements, de règle formelle quant à la représentativité. Toutefois, il y a toujours eu un souci constant d'assurer cette diversité, premièrement, et, deuxièmement, il y a des indications générales dans la loi qui font que le ministre doit consulter les organismes les plus représentatifs des éducateurs, des parents d'élèves, des administrateurs scolaires et des milieux socioéconomiques. Donc, il y a au départ des paramètres généraux. Et on essaie toujours donc d'avoir, au conseil, des parents, des éducateurs, des administrateurs et des gens représentant les milieux socioéconomiques.

Au surplus, le conseil, quand il a conseillé le gouvernement là-dessus, sur la nomination de ses membres, s'est toujours fait un devoir d'attirer l'attention du gouvernement, en disant: Voici, il faut tenir compte de la répartition régionale aussi, tout le monde ne peut pas venir de Montréal. Il signale aussi: On ne peut pas nommer seulement des directeurs d'écoles. Bref, on a fait attention aux fonctions.

Un autre critère très important qu'on réussit très bien à maintenir, c'est la représentation des sexes au sein du conseil. Le conseil, je crois que nous sommes à égalité des sexes au conseil, y compris, dans une très large mesure, dans les commissions.

Au surplus, le gouvernement nous a priés l'année passée, pas seulement nous, mais de tenir compte aussi de la présence des communautés culturelles et des anglophones au sein du conseil. Donc, aussi, ce critère-là s'ajoute. Alors, quand vient le temps de nommer une personne ou des personnes au conseil, l'ensemble de ces critères-là sont pris en considération même si, dans la loi ou dans les règlements, il n'y a pas de règle formelle autour de cette question-là.

n (15 heures) n

M. Bordeleau: Le conseil, je suppose, respecte à peu près les mêmes critères quand il s'agit de nommer des membres des commissions?

M. Proulx (Jean-Pierre): Absolument.

M. Bordeleau: Juste une... J'ai compris tout à l'heure dans ce que vous mentionnez qu'un mandat peut être renouvelé. Est-ce qu'il y a un nombre de fois limité où ça peut être...

M. Proulx (Jean-Pierre): Une fois.

M. Bordeleau: Il peut être renouvelé une fois.

M. Proulx (Jean-Pierre): Voilà. Et c'est au bon plaisir du prince et non pas du membre. Le membre peut déclarer sa disponibilité mais ne peut pas réclamer d'être renouvelé. C'est la décision du ministre de proposer le renouvellement et du gouvernement d'accéder ou non à la demande du ministre.

M. Bordeleau: Concernant la situation actuelle qu'on décrivait tout à l'heure, c'est-à-dire qu'il y a un grand nombre qui viennent à échéance au mois d'août, est-ce que le conseil a fait des représentations particulières auprès du ministre à ce sujet-là? Et quelles sont ces représentations-là? De quel ordre?

M. Proulx (Jean-Pierre): D'abord, dès l'entrée en fonction du ministre, le conseil a rencontré le ministre, et ça faisait partie de l'ordre du jour de notre rencontre, nous avons attiré l'attention du ministre sur cette question-là. Et nous avons rencontré, à l'occasion, les membres de son cabinet qui sont chargés du renouvellement des membres. Nous avons participé aussi à une démarche que le ministre est tenu de faire en vertu de la loi, qui est de consulter les organismes les plus représentatifs. Nous lui avons fait des suggestions quant à la manière de faire les choses quant à la... exactement. Enfin, nous avons, entre guillemets, instruit le cabinet en tenant compte de ce qui s'était fait dans le passé. Oui, il y a eu des représentations autour de cette question-là.

M. Bordeleau: Mais est-ce que vous avez fait des représentations plus précises au niveau technique, c'est-à-dire que, si, au mois d'août 2005, on renouvelle 10 personnes, on se retrouve avec le même problème dans quatre ans?

M. Proulx (Jean-Pierre): Exactement.

M. Bordeleau: Alors, est-ce que vous avez fait des propositions pour essayer de rétablir une certaine rotation ou des suggestions de cet ordre-là?

M. Proulx (Jean-Pierre): Tout à fait, tout à fait. Au mois de septembre dernier, nous avons présenté un mémoire au ministre afin de modifier la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation, qui donnerait plus de souplesse au ministre pour revenir à la nomination non pas pour une période de quatre ans, mais pour une durée qu'il choisirait en fonction de rétablir l'équilibre ? vous voyez ce que je veux dire? ? bref, de revenir à l'esprit originel de la loi pour pouvoir réparer l'outrage des ans, comme disait je ne sais plus quel auteur, pour pouvoir revenir à... Cependant, ce mémoire, que nous avons présenté à l'automne, a été reçu par le ministre, mais nous avons reçu l'information qu'il n'entendait pas donner suite, en tout cas à l'intérieur de la présente session, à ce projet que nous lui avons soumis.

M. Bordeleau: Parfait. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Kelley): Mais, juste pour conclure, l'idéal serait un système où vous avez cinq ou six nominations à faire par année, un petit peu comme le Sénat américain. Le quart par année serait...

M. Proulx (Jean-Pierre): Exactement, tout à fait.

Le Président (M. Kelley): ...un système idéal plutôt que d'avoir... Et, sur les 10 qui vont à échéance cet été, est-ce qu'on sait combien ont été déjà renouvelés?

M. Proulx (Jean-Pierre): Madame.

Mme Turcotte (Josée): Il y en a, de mémoire, une, deux... Quatre en sont à leur deuxième mandat...

Le Président (M. Kelley): O.K. Alors, on le sait, au moins, il y aura quatre vacances incontournables. Il y en a d'autres qui peut-être vont choisir de ne pas chercher un deuxième mandat, mais, au moins quatre, c'est connu d'avance, ne peuvent pas revenir, si j'ai bien compris.

M. Proulx (Jean-Pierre): Oui. Oui, vous avez bien compris. Mais, par contre, le ministre pourrait ne pas les nommer tout de suite, et ceux-là verraient leur mandat se prolonger tant que le ministre ne les a pas...

Le Président (M. Kelley): Oui.

M. Proulx (Jean-Pierre): ...n'a pas pris une décision à leur égard. C'est le cas d'un membre du conseil dont le terme s'est terminé en août dernier et qui est là dans l'attente du ministre, de la ministre, pour un renouvellement ou non dans son cas, Mme Couture... Non, mais est-ce que c'est...

Mme Turcotte (Josée): Elle pourrait être renouvelée.

M. Proulx (Jean-Pierre): Elle pourrait être renouvelée dans ce cas-là.

Le Président (M. Kelley): Sur cette question, M. le député de Bertrand.

M. Cousineau: ...sur le même sujet, c'est seulement une question, là, d'information: Est-ce que les gens sont rémunérés ou est-ce qu'il y a un per diem pour les rencontres? Comment ça fonctionne?

M. Proulx (Jean-Pierre): La loi prévoit ? comment dirais-je, donc? ? un... pas une rémunération, le mot serait mal choisi...

M. Cousineau: Une allocation?

Mme Marois: Une allocation, un montant forfaitaire.

M. Proulx (Jean-Pierre): Une allocation ou l'équivalent. Je ne me souviens plus des termes de la loi.

M. Cousineau: Ou un per diem?

Mme Marois: Oui, pour remplacer leur...

M. Proulx (Jean-Pierre): Ou un per diem. Appelons ça comme ça. En tout cas, on comprend ce dont il s'agit. Seulement ? et, pour la petite histoire, c'est amusant c'est M. Ryan, qui était ministre de l'Éducation, il a dit: Oui, il y a un per diem, mais je mets le compte à zéro. Alors donc, il existe en théorie, mais il n'existe pas en pratique.

Toutefois, le conseil, pour des raisons qui sont liées à une grande difficulté qu'il y a à recruter des personnes qui ne sont pas dans le système, c'est-à-dire qui sont dans le système mais qui ne sont pas des employés... Par exemple, c'est facile d'avoir des enseignants, des directeurs d'école ou des directeurs de commission scolaire parce que ce sont des gens qui sont déjà dans le système et en général leurs établissements sont ravis de les...

Une voix: De les libérer...

Mme Marois: De les libérer pour le conseil.

M. Proulx (Jean-Pierre): De les libérer pour ça. Mais imaginez une personne qui est un employé d'un magasin ? parce que je pense à une personne qui est dans une de nos commissions qui travaille dans une pharmacie ? cette personne-là, quand elle quitte son travail... Et peut-être ne le savez-vous pas, Mmes et MM. les députés et M. le Président, que le conseil se réunit, dit la loi, au moins 10 fois par année. Et ceux qui sont membres des commissions, ils se réunissent... les commissions se réunissent au moins quatre fois par année et parfois plus. Quand on dit quatre fois, ça peut vouloir dire deux jours.

Le conseil, en pratique, ça, ça siège 15 jours par année, ça, sans compter les déplacements pour ceux qui viennent de loin. Ça entraîne donc, pour les membres qui ne sont pas libérés par leur employeur, des dépenses considérables. C'est une des raisons pour lesquelles on a énormément de difficultés à recruter hors du réseau, en particulier des parents.

Alors, le conseil, à cet égard-là, a pris une décision administrative, c'est de rembourser à même son budget d'opération le manque à gagner des personnes qui pourraient devoir quitter leur emploi pour venir travailler au conseil ces journées-là. Mais c'est une question de justice dans ce cas-ci.

M. Cousineau: Parce qu'il y a une question d'inéquité. La personne qui est dans le système, qui est libérée par la commission scolaire ou l'école, bon, d'aller s'asseoir au conseil, ce n'est pas trop, trop grave, mais celui qui est dans le secteur privé puis qui n'est pas dans le système, c'est un peu plus...

M. Proulx (Jean-Pierre): Tout à fait.

M. Cousineau: Oui. Puis maintenant quelqu'un qui manque un certain nombre de rencontres, est-ce qu'il perd son poste?

M. Proulx (Jean-Pierre): Oui. La loi dit qu'après quatre rencontres manquées consécutives, il perd qualité pour...

M. Cousineau: Ça répond à ma question.

Le Président (M. Kelley): Est-ce qu'il y a d'autres questions sur ce sujet? Sinon, Mme la députée de Taillon...

Mme Marois: ...une question sur ça? Oui? Une petite chose. O.K.

Le Président (M. Kelley): O.K. Sur le même sujet, M. le député de l'Acadie?

M. Bordeleau: Oui, c'est juste pour aller dans le sens de l'intervention qui vient d'être faite concernant les per diem, là, et les remboursements que vous faites. Est-ce que ça correspond à ce qu'on voit dans votre rapport de gestion, là, à Autres rémunérations, qui n'était pas dans les crédits votés ni dans le budget modifié, mais on trouve un 26 000 $, là, qui est dans les dépenses puis qu'on appelle... à l'item Autres rémunérations?

M. Proulx (Jean-Pierre): Je vais demander, si vous voulez bien, M. le Président, à Mme Turcotte, qui est la spécialiste de nos budgets, de répondre à cette question-là.

Le Président (M. Kelley): Mme Turcotte.

Mme Turcotte (Josée): Non, les montants qui sont consentis pour les membres sont dans le fonctionnement. Je pense qu'on l'a mis dans les services professionnels. Alors que, dans Traitement et Autres rémunérations... Je pense qu'Autres rémunérations, ça peut être les primes qui sont données... Mais ce n'est pas compris dans Fonctionnement-Rémunération. C'est vraiment à même le budget de fonctionnement du conseil.

M. Bordeleau: Ça va.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Juste un petit complément. C'est ce que je fais comme constat au niveau des membres de la commission, il y a très, très peu de gens hors du système de l'éducation, il y en a très, très peu. Avez-vous un pourcentage? Je regarde ça très rapidement, là, il y en a peu.

M. Proulx (Jean-Pierre): Vous avez parfaitement raison, madame... M. le Président, votre collègue a raison. Et c'est, je dirais, là, un des résultats de la difficulté à recruter à l'extérieur. Moi, quand je suis arrivé au conseil, la première chose que j'ai remarquée, c'est ce que vous venez de remarquer aussi, ce que vous venez de noter aussi. Le système public d'éducation est fait à la fois d'usagers, hein, des parents, des élèves, et à la fois de prestataires de services. Il est manifeste qu'au conseil les prestataires de services sont dominants dans la...

En un sens, ça enrichit la vie du conseil parce que ce sont des personnes qui connaissent ça au quotidien. Mais, d'un autre côté, dans un conseil idéal ou tel que voulu à l'origine, il devait être un conseil qui réunisse à la fois des parents, donc des usagers, et des gens qui rendent des services. Mais, je vous l'ai dit tout à l'heure, recruter des parents, ce n'est pas faute d'essayer, hein. Puis la Fédération des comités de parents, que nous consultons là-dessus ? on l'a fait encore cet automne ? nous a dit: Écoutez, nous avons énormément de difficultés à le faire, les gens ne peuvent pas quitter leur travail pour venir. C'est les limites que nous avons. Donc, il faut faire au maximum dans les règles pour favoriser cela, mais c'est une situation effectivement problématique, vu de mon point de vue, en tout cas.

n (15 h 10) n

Le Président (M. Kelley): Si ça va pour ce sujet...

Mme Champagne: Une petite, petite dernière.

Le Président (M. Kelley): O.K.

Mme Champagne: Une toute petite dernière. Les réunions se font dans les régions ou toujours Montréal ou Québec, les réunions comme telles du conseil et des commissions?

M. Proulx (Jean-Pierre): Les réunions du conseil se font majoritairement à Montréal ? nous avons, entre guillemets, un pied à terre à Montréal, au 600 Fullum ? parce que c'est plus commode, tout compte fait. Et nous avons environ trois ou quatre réunions sur les 10 qui se tiennent à Québec, plus une réunion que nous tenons en région, chaque année, de façon traditionnelle. Cette année, nous sommes allés dans Lanaudière, l'année d'avant, à Gaspé, et avant à Thetford Mines.

Une petite remarque au sujet de la composition des commissions. La Commission de l'éducation des adultes, c'est la commission où on rencontre le plus de personnes qui ne sont pas en soi dans le système éducatif, et on peut comprendre pourquoi.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Oui. Merci, M. le Président. D'abord, je veux vous souhaiter la bienvenue à notre commission, au nom de ma formation politique. J'ai été très heureuse d'entendre vos propos et vos remarques. Et, moi, en tout cas, c'est ce que je souhaitais entendre, dans le sens, pas nécessairement le contenu que vous avez présenté, il est de grande qualité et il éclaire les membres de la commission, mais ce que je souhaitais entendre de votre part, c'était une vision globale et d'ensemble et qu'on nous indique, oui, les défis et les enjeux mais vu d'un peu plus haut qu'évidemment ce qu'on connaît au quotidien, en tenant compte du quotidien. Et je veux vous remercier et vous féliciter pour ça parce que ça éclaire beaucoup les membres de la commission et ça nous permet d'engager un débat intéressant avec vous à cet égard.

Juste sur cette question plus concrète et pratique mais qui n'est pas négligeable que l'on vient de discuter, il serait peut-être intéressant, M. le Président, qu'à la fin de nos travaux on fasse des remarques qui pourraient être acheminées peut-être au ministre de l'Éducation parce que vous soulevez un problème réel, là, très concret et très pratique qui peut empêcher l'avancement des travaux du Conseil supérieur. Et, sur la question du remplacement du salaire ou du revenu des personnes concernées, dans certains cas, ces personnes-là aussi, parce qu'elles ne sont pas à leur travail, doivent renoncer à peut-être certains avancements ou même sont obligées, de par les fonctions qu'elles occupent professionnellement, d'être davantage disponibles. Alors, il y a même un coût supplémentaire pour elles. Alors, moi, je pense qu'il faudrait apporter une certaine... enfin, un certain éclairage là-dessus au ministre de l'Éducation, puis je crois qu'on peut le faire, nous, comme membres de la commission. Alors, je vous remercie pour cet éclairage. Bon.

Sanctions intermédiaires et assouplissement
des règles d'admission au collégial

Avant de venir sur les défis et enjeux auxquels vous nous invitez à réfléchir et sur lesquels vous avez vous-mêmes réfléchi, j'aimerais vous poser un certain nombre de questions très, très concrètes par rapport à des avis qui auraient pu vous être demandés ou non dans les derniers mois. Parce qu'on sait qu'il y a actuellement des dossiers chauds, et il y en a, et il y en aura. Et, moi, j'aimerais savoir quel a été votre point de vue ou si on vous a demandé votre point de vue sur ces questions.

Dans le cas des dernières annonces faites par le ministre de l'Éducation et qui concernent les cégeps, on sait qu'il y a un certain nombre de modifications que le ministre souhaite apporter. Je pense, entre autres, aux sanctions intermédiaires et à l'assouplissement des règles d'admission. Oublions le reste, prenons ces deux sujets-là. Est-ce qu'il y a eu une demande d'avis de la part du ministre de l'Éducation ou du ministère de l'Éducation sur ces questions?

Le Président (M. Kelley): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): Merci. D'un point de vue technique, Mme Marois... ? je crois qu'il faut s'adresser à M. le Président, hein? ? M. le Président...

Mme Marois: On est très tolérants avec nos invités.

M. Proulx (Jean-Pierre): Vous êtes très aimable.

Le Président (M. Kelley): ...hyperprotocolaires.

Mme Marois: C'est ça, voilà.

M. Proulx (Jean-Pierre): Je ne voudrais pas manquer à la déférence qui sied à vos fonctions, messieurs dames. Non, il n'y a pas eu de demande technique faite par le ministre de l'Éducation sur la politique qu'il était à préparer et qu'il a rendue publique ces jours derniers. Toutefois, au cours des derniers mois, nous avons présenté au ministre de l'Éducation un avis spécifique mais qui concerne dans une large mesure un certain nombre de questions touchées par la politique annoncée hier. Cet avis visait à faire le bilan critique du renouvellement des programmes de formation technique au collégial. Cet avis-là a été... Je l'ai quelque part, là. Peut-être...

Mme Marois: ...des derniers avis, hein, je pense, du conseil.

M. Proulx (Jean-Pierre): Oui, tout à fait. Cet avis s'appelle Regard sur les programmes de formation technique et la sanction des études: poursuivre le renouveau collégial, de mars 2004. Il y a, dans cet avis-là, des éléments, des sujets bien sûr qui sont traités par la nouvelle politique annoncée par le ministre de l'Éducation. Je pourrai y revenir, si vous voulez, dans un instant. Donc, ça, c'est la réponse, je crois, madame, à votre question, là, du point de vue d'une demande d'avis, non, il n'y en a pas eu au sens technique. M. le ministre ne nous a pas dit: Écoutez, j'ai l'intention de proposer cela, qu'est-ce que vous en pensez? Je dirais par contre que le conseil a participé de façon indirecte à la délibération qui s'est produite au cours du printemps, puisque notre avis a coïncidé avec le forum qui a eu lieu en mai.

Mme Marois: En mai. C'était en juin, en fait, le forum. En juin.

M. Proulx (Jean-Pierre): En juin. Et nous avons même pris une disposition pour que ça fasse partie du... Nous avions des problèmes de délai d'impression. Nous l'avons d'abord publié sur notre site Internet pour que ça serve à tout le monde, ce qui fut fait.

Mme Marois: C'est ça.

M. Proulx (Jean-Pierre): Alors donc, on a participé de cette façon-là à la délibération... Alors, votre première question plus pointue porte sur la sanction intermédiaire.

Mme Marois: Oui.

M. Proulx (Jean-Pierre): Alors, là-dessus, dans le document ministériel et surtout sur ce qu'en ont rapporté les journaux ? j'ai vu Le Devoir, par exemple, il parlait d'un sous-diplôme ? le conseil, dans son document, n'a pas parlé de ça formellement, mais il a parlé d'une chose qui se rapproche de cela et qui est importante, c'est celle de la reconnaissance des compétences acquises. Et l'important pour le conseil, ce n'est pas la question d'avoir deux diplômes ou trois diplômes, c'est vraiment de reconnaître, lorsqu'on se présente dans un collège pour y être admis, de savoir si on a déjà des compétences quand on y entre et qui pourraient être reconnues et qui éviteraient qu'un étudiant recommence à apprendre quelque chose dans le fond qu'il a déjà appris.

Alors, ce que le conseil pense, c'est qu'il devrait y avoir de la possibilité dans le système éducatif ? et il insiste même là-dessus ? un organisme facilement accessible qui puisse faire pour chaque citoyen, selon les ordres d'enseignement, un bilan des compétences acquises, un bilan reconnu comme tel formellement et qui ait valeur probante, qui se présente avec une telle chose dans une école, que ce soit de niveau secondaire, collégial ou universitaire. Ça, c'est la première chose qu'il a dite là-dessus, mais il n'a pas parlé de ça en termes de diplomation.

Mme Marois: D'accord. Le conseil n'a pas parlé de cela en termes de diplomation...

M. Proulx (Jean-Pierre): Non.

Mme Marois: ...mais en termes de reconnaissance des compétences acquises.

M. Proulx (Jean-Pierre): Tout à fait.

Mme Marois: D'accord.

M. Proulx (Jean-Pierre): Et permettez-moi de vous demander de me rappeler votre deuxième élément.

Mme Marois: En fait, je demandais... C'est sur la sanction intermédiaire et sur l'assouplissement des règles d'admission, parce que c'est un des éléments de changements qui sont proposés par le ministre et qui concernent les cégeps, où on dit: Même si un étudiant n'aurait pas acquis toutes les compétences ou les connaissances nécessaires et donc n'aurait pas ? allons-y plus directement ? n'aurait pas obtenu son diplôme d'études secondaires, il pourrait être admis au cégep sous condition, si j'ai bien compris, être admis au cégep sous condition et évidemment avec l'obligation de mise à niveau ou d'ajustement, s'il y a lieu. Je vais déborder cette question...

M. Proulx (Jean-Pierre): Je vous en prie.

Mme Marois: ...pour aller plus loin justement et vous demander si vous avez eu l'occasion ? et je sais que le temps est court, et ça n'a pas été le cas peut-être pour vous ? si vous avez eu l'occasion de faire la comparaison entre votre avis, celui que vous avez donné juste à l'occasion du Forum sur l'avenir des cégeps, et les annonces faites par le ministre cette semaine quant aux modifications à apporter à la réforme déjà engagée en 1993 et pour laquelle il propose certains aménagements?

M. Proulx (Jean-Pierre): M. le Président, pas une analyse en profondeur, mais, comme nous savions que nous comparaîtrions aujourd'hui, nous avons...

Mme Marois: Vous y avez pensé un peu.

M. Proulx (Jean-Pierre): On y a pensé.

Mme Marois: C'est bon.

M. Proulx (Jean-Pierre): Peut-être vais-je demander à mon collègue...

Mme Marois: C'est une bonne note, une bonne note.

M. Proulx (Jean-Pierre): Si vous voulez bien, M. Roy.

Mme Marois: Nous qui devons vous surveiller... M. le président, nous qui devons vous surveiller, c'est une très bonne note, là.

M. Proulx (Jean-Pierre): Merci.

n (15 h 20) n

Le Président (M. Kelley): Belle anticipation.

M. Proulx (Jean-Pierre): J'ai demandé, avec votre permission, M. le Président, à mon collègue, M. Roy, de bien vouloir, le cas échéant, m'aider, parce que c'est lui qui a... Et j'en ai pris connaissance ce matin. J'arrive de Sherbrooke hier soir. Et je n'ai pas pu aller bien loin pour permettre la réponse. Alors donc, il y avait un certain... Voulez-vous qu'on examine ça au total ou si vous avez certains points en particulier.

Mme Marois: Non, j'aimerais qu'on nous indique généralement si les propositions que fait le ministre, que présente le ministre pour modifier certains aspects du fonctionnement des cégeps, de la reconnaissance, c'est-à-dire de l'assouplissement des règles d'admission, des sanctions intermédiaires, etc., si, ce que propose le ministre se rapproche de ce que vous avez donné comme avis sur les cégeps.

M. Proulx (Jean-Pierre): En ce qui concerne la question des règles d'admission, je vais laisser, avec votre permission, M. Roy répondre à cette question-là. Je reviendrai sur un autre élément de ce même document sur lequel je voudrais attirer votre attention.

Le Président (M. Kelley): Alors, c'est Michel-André Roy qui est le coordinateur de la Commission de l'enseignement collégial. La parole est à vous.

M. Roy (Michel-André): M. le Président, mesdames et messieurs. Alors, concernant l'admission, dans ses avis antérieurs, notamment lors de la présentation d'un document concernant des modifications réglementaires, le conseil s'est dit en faveur d'une ouverture de l'accessibilité aux études collégiales. Toutefois, il insistait sur l'importance d'assurer certaines garanties quant à la réussite pour ces élèves qui accéderaient aux études collégiales. Alors, c'est la position du conseil. Le conseil n'a pas réfléchi plus longuement à cet aspect de la question.

Réaction quant aux nouvelles orientations
proposées par le ministre en matière
d'enseignement collégial

Mme Marois: D'accord. Et, sur les autres aspects qui sont... les autres éléments qui sont proposés par le ministre dans la proposition qu'il a déposée cette semaine, est-ce que cela rejoint votre avis comme Conseil supérieur ou si vous n'aviez pas donné d'avis sur ces questions-là? On ne vous en avait pas demandé, mais, comme vous aviez pris la peine d'y réfléchir, j'imagine que vous ne parliez pas pour ne rien dire.

Le Président (M. Kelley): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): Alors, sur un élément important sur lequel le conseil avait fait des recommandations précises ? je pense à deux éléments sur lesquels je peux répondre plus adéquatement, et mon collègue pourra, le cas échéant, compléter ? ça concerne, par exemple, la réussite de l'épreuve synthèse de programme. Le conseil, dans son avis, avait dit à cet égard-là: Il pose un certain nombre de difficultés à l'intérieur des collègues, en particulier il est souvent rattaché à un cours porteur qui, lui, est trop spécifique. Nous proposions que ce soit rattaché à un cours qui sera lui-même intégrateur. Donc, on avait proposé ceux-là et nous avions proposé qu'ils demeurent dans les règles de sanction du diplôme, alors, autrement dit, d'avoir réussi cela ? c'est bien ça? ? d'avoir réussi cette épreuve synthèse. Là-dessus, sur ce dernier aspect, le ministre annonce dans sa... qu'il ne retient pas cette hypothèse-là, si j'ai bien compris.

Mme Marois: C'est ça, effectivement.

M. Proulx (Jean-Pierre): Donc, là, il y a manifestement une différence importante. Un autre élément important sur lequel le conseil avait fait une recommandation, celle du reste qui a suscité le débat le plus controversé dans la... pas dans la société, mais dans le milieu collégial en particulier, c'était de maintenir les buts et les standards de la formation générale au collégial mais d'élargir les disciplines contributives à cette formation générale, car vous savez que le modèle qui est en place actuellement, qui date du temps du rapport Parent, formulé autour de ce qu'on appelle le modèle humaniste ou des humanités, prévoit la philo, la littérature, l'anglais et l'éducation physique.

Le conseil, lui, en était venu à la conclusion, d'abord parce qu'il n'y a pas d'a priori que ce modèle-là, qui a sa valeur intrinsèque, est le seul modèle possible de formation fondamentale et générale au collège... Ce n'est pas une doctrine, ça, c'est une tradition intéressante et avérée, mais ce n'est pas ? comment dirais-je, donc? ? ce n'est pas un dogme éducatif qu'il en soit ainsi. Et, au surplus, vu du point de vue des étudiants, qui était notre problématique, il apparaît important de tenir compte à la fois des besoins des élèves, que des pédagogues peuvent définir en fonction des buts sociétaux, mais aussi des intérêts des élèves.

Alors, nous avions convenu que la société du XXIe siècle justifiait, dans ses caractéristiques, justifiait un élargissement non pas des buts de la formation générale, mais des disciplines qui pouvaient contribuer davantage à cette formation générale. Or, à cet égard-là, nous voyons dans le document qu'il n'y a pas eu... on en comprend bien la portée, il n'y a pas eu... On n'a pas accueilli favorablement cette recommandation-là.

Mme Marois: Non, c'est ça.

M. Proulx (Jean-Pierre): Y a-t-il d'autres points importants? Oui, un autre élément important, nous avons constaté qu'en ce qui concerne la durée des programmes, surtout au programme technique, qu'actuellement il y a un cadre unique de formation. Que vous formiez une technicienne ou un technicien en santé, en sciences infirmières ou que vous formiez un muséologue en techniques... un muséologue ou n'importe quelle autre technique, c'est toujours le même modèle: tant de crédits pour faire ça.

Alors, là-dessus, le conseil a dit: Mais il n'y a pas de raison pédagogique, il y a peut-être des raisons administratives ou financières qu'il en soit ainsi, mais il n'y a pas de raison pédagogique que l'on mette tout le monde dans le même moule pour la formation. Il proposait un net assouplissement autour de cette question-là. Sauf erreur, cette recommandation-là ne fait pas partie de la politique.

Mme Marois: Non. Je n'ai pas vu ça. Évidemment, moi, j'ai lu le document que le ministre a déposé cette semaine, il y a peut-être des documents d'accompagnement qui viendront plus tard, mais je ne crois pas que ce soit...

M. Proulx (Jean-Pierre): Un des changements majeurs que l'on retrouve aussi dans l'énoncé de politique, sur lequel le conseil n'avait pas fait de recommandation parce qu'il ne semblait pas que ce soit là une chose à remettre en question, c'est la décentralisation importante de la formulation des programmes en formation technique. À ce jour, comme vous le savez sans doute, les compétences et les standards relatifs à une technique sont déterminés par le ministre, d'une part...

Mme Marois: C'est ça, nationalement.

M. Proulx (Jean-Pierre): ...nationalement, mais les disciplines spécifiques contributives à l'atteinte de ces standards et objectifs étaient déterminées par les collèges. Si j'ai bien compris, l'énoncé de politique du ministre de l'Éducation, dorénavant les buts et les standards de la formation technique seront dévolus aux collèges sous réserve que les paramètres généraux, par exemple, la configuration générale des programmes, aient été déterminés par la Commission d'évaluation du collégial.

Là-dessus, nous n'avions pas fait, nous, dans notre avis, de remarque spécifique, mais ça, c'est un... Et, comme disait un ancien professeur, nous ne sommes ni pour ni contre, bien au contraire, mais c'est là un changement notable dans la politique en vigueur à ce jour. Est-ce que... Peut-être, monsieur...

Le Président (M. Kelley): M. Roy.

M. Proulx (Jean-Pierre): ...M. Roy pourrait compléter, s'il y a lieu, des éléments importants qui lui viennent à l'esprit et qui m'échappent.

M. Roy (Michel-André): Oui. Concernant la formation spécifique des programmes techniques en particulier, j'aimerais ajouter que le conseil, dans son avis publié en mars dernier, avait relevé comme points forts, le mécanisme d'élaboration et de révision des programmes d'études. Ça constitue un levier important pour favoriser la réussite, au sens où l'approche par compétences s'incarne bien dans la formation technique et que ça porte fruit. Alors, à cet effet-là, il avait noté le volet ministériel et le volet local et avait proposé certains ajustements à l'un et l'autre des volets.

Mme Marois: Mais pas pour changer l'économie du système comme tel.

M. Roy (Michel-André): Le passage des deux volets à l'un ou l'autre n'était pas envisagé. Voilà.

Mme Marois: D'accord. Enfin. Mais je vous remercie de ces explications et... Pardon, je suis en train de m'étouffer, j'ai avalé de travers. Alors, je vous remercie de cet éclairage. C'était un peu ce que j'avais perçu, mais je n'avais pas eu le temps de faire l'analyse des deux. Par contre, ce qui ressort... Je vais laisser mes collègues, je reviendrai.

Le Président (M. Kelley): On peut passer à un autre...

Mme Marois: Je vais reprendre mon souffle, mais je ne veux pas perdre mon fil parce qu'il est important. Je reviendrai.

n (15 h 30) n

Le Président (M. Kelley): Oui. O.K. Je vais passer à un autre collègue, soit Mme la députée de Maskinongé. On va revenir à Mme de Taillon, le temps pour vous de retrouver votre voix. Alors, Mme la députée de Maskinongé.

Valorisation de la formation
professionnelle et technique

Mme Gaudet: Bonjour. Merci de la présentation de votre rapport. Merci d'être là aussi. Moi, je questionne le point La réussite éducative pour tous. Vous nous avez mentionné que moins de 8 000 jeunes sont inscrits à la formation professionnelle sur environ 400 000 jeunes de niveau secondaire. Est-ce que vous avez des explications? Concrètement, comment se fait-il que nos jeunes ne soient pas plus tentés par cette formation?

M. Proulx (Jean-Pierre): Il existe, madame, un certain nombre d'hypothèses, d'explications, mais hélas n'existe aucune certitude quant à la réponse. Vous savez, c'est souvent comme ça dans les phénomènes sociaux, il existe un ensemble de causes qui interagissent les unes par rapport aux autres sans qu'il soit possible de déterminer avec précision laquelle de ces causes entraîne l'effet que l'on observe.

Cela dit, il faut quand même réfléchir et chercher, ce que nous avons fait. Et je voudrais vous communiquer le résultat de nos réflexions. D'abord, il y a un premier point que j'appellerais une cause socioculturelle générale. Vous savez, même le Conseil l'a écrit, parce qu'on l'a observé, Statistique Canada nous dit: Vous savez, les nouveaux emplois qui vont se dégager, qui se créent au cours des prochaines années sont des emplois qui sont reliés à l'économie du savoir, donc des emplois de haut niveau. Les journaux répètent ça, le Conseil supérieur de l'éducation répète ça, les députés répètent ça. Et tout le monde en vient à la conclusion, comme c'était le cas en 1983 à propos du virage technologique: il n'y a plus d'avenir dorénavant que dans l'informatique.

Donc, il y a un discours ambiant, général porteur de ces vérités-là, car ce sont effectivement des vérités mais qui ont comme pour effet que, dans l'ordre des décisions pratiques prises par les personnes, on dit: Ah, je voudrais bien que mon enfant s'inscrive dans ce qui est actuellement dans l'air. N'est-ce pas? Donc, ça, c'est une valorisation sociale, alors que, s'il est vrai que des métiers nouveaux se produisent dans ? comment dirais-je, donc? ? dans les...

Mme Gaudet: Dans les technologies, là, oui.

M. Proulx (Jean-Pierre): ...on a encore besoin de plombiers pour réparer nos maisons...

Mme Gaudet: De mécaniciens.

M. Proulx (Jean-Pierre): ...de mécaniciens pour réparer nos automobiles.

Mme Gaudet: Débosseleurs.

M. Proulx (Jean-Pierre): On a besoin de débosseleurs, de bouchers, d'aide-bouchers, d'étalagistes, que sais-je encore. Du reste, peut-être devrions-nous le dire dès à présent, vu du point de vue des individus et de leur développement personnel, il n'existe pas de bas métier, de sot métier, de petit métier. Il existe des métiers qui répondent aux aspirations des gens et auxquels ils peuvent ou souhaitent avoir accès. Ça ne veut pas dire que tous les métiers perdurent. Il y a plein de métiers qui sont disparus depuis 50 ans et même depuis 20 ans, mais au moins on sait qu'il y a un certain nombre de choses. Donc, ça, c'est la première cause.

Deuxième cause, qui sont maintenant rattachées plus à notre système éducatif lui-même, nous avons posé la barre de la réussite sociale minimale dans notre société chez nous, nous l'avons posée au niveau du secondaire. Quand j'étais petit, on disait ? quand j'étais petit, il y a 60 ans et un petit peu plus quand même... non, un petit peu moins ? nous disions: Écoute, aujourd'hui, là, ça ne suffit plus, un cours primaire, ça prend un cours secondaire. On disait: Pour être balayeur ? l'expression, rappelez-vous ? pour faire un balayeur, ça prend... Bon.

Enfin, ce discours-là que j'évoque tout simplement a fait qu'il y a eu des attentes sociales qui se sont cristallisées autour d'un certain nombre de choses et, entre autres, le fait que, pour réussir minimalement dans la vie, ça prend un diplôme d'études secondaires. Symboliquement, là, tous ceux qui n'ont pas un diplôme du secondaire sont considérés dans la société comme des gens, entre guillemets, anormaux. La norme, c'est le secondaire V.

Quel parent veut que son fils ou sa fille soit, entre guillemets, anormal au sens sociologique du terme, là? Vous voyez? Donc, ça, c'est une question à la fois de système éducatif et de représentation sociale. Dans d'autres sociétés, ils ont fait d'autres choix. Par exemple, en Suède, la formation générale de base, c'est la neuvième année. Ça ne veut pas dire qu'ils ne vont pas loin, on sait que la société suédoise est extrêmement développée, mais, voyez-vous, symboliquement, la barre n'est pas mise au même niveau. Mais, à l'intérieur même du système éducatif, ça a des conséquences.

Vous avez peut-être vu en tout cas le projet de régime pédagogique... ou l'avant-projet de régime pédagogique qui circule en consultation depuis des années. J'attire votre attention sur un phénomène intéressant. On propose, dans ce projet-là, ce qu'on a appelé l'itinéraire régulier et l'itinéraire appliqué. Remarquez les mots. L'itinéraire régulier, donc celui qui est la règle, la norme, c'est la voie D.E.S.S. ordinaire. L'itinéraire appliqué, ce n'est pas la voie régulière, donc elle est irrégulière? Par rapport à la règle, là. Voyez-vous, symboliquement, on vient de nommer les choses. Je suis sûr que, quand on a écrit ces mots-là, on n'a pas nécessairement pensé à cette dimension-là. Mais ça a un effet, ça, sur les gens, là: L'itinéraire appliqué, aïe, tu n'es pas dans une voie régulière où vas-tu avec ça? Qu'est-ce que ça va te donner? Bref, il y a déjà ce... Bon.

Il y a d'autres éléments qui sont de l'ordre carrément de l'organisation pédagogique. Par exemple, si vous vous envoyez en... ? si vous vous envoyez ? si vous vous inscrivez en formation professionnelle au niveau secondaire sans passer par un D.E.S.S... pardon, pas un D.E.S.S., un diplôme d'études secondaires, un D.E.S. ? D.E.S.S., c'est au niveau universitaire, je m'excuse ? si vous vous inscrivez dans cette voie-là et que vous n'avez pas complété votre formation générale, vous n'avez pas obtenu ce qu'on appelle un D.E.S. +, et par conséquent vous n'êtes pas admissible au collégial. Donc, la formation professionnelle de niveau secondaire, dans le cadre actuel des choses, est pour certains une voie cul-de-sac. Il faut reprendre des... Et M. Pagé, qui a travaillé il y a quelques années sur la formation professionnelle, que nous avons consulté là-dessus, lui, attribuait dans une large mesure les difficultés que nous connaissons à cette dimension-là. Les parents, quand ils veulent pour leurs enfants, entre guillemets, le meilleur, disent: Aïe, s'il s'en va là-dedans, il ne pourra pas aller au cégep. Donc, difficulté cette fois-ci d'organisation pédagogique.

Autre dimension, madame, cette fois-ci toujours d'organisation pédagogique mais de système, nous avons, dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, constaté que, pour toutes sortes de raisons, il y avait une baisse de la clientèle, surtout démographique, chez les jeunes et nous avons en même temps développé des politiques d'éducation des adultes fortes pour laisser non pas les gens sur le chômage, mais les ramener à l'école en formation d'emploi. Ça, c'est parfait. Ça a donné d'excellents résultats. Mais, sur le plan du système, nous avons maintenant trois sortes d'établissements, comme vous le savez, des établissements secondaires, des centres de formation professionnelle et des centres d'éducation des adultes.

Dans les centres de formation professionnelle, je vous l'ai dit tout à l'heure, 75 % de la clientèle est formée d'adultes. Deux choses. Donc, ce n'est plus un milieu favorable aux jeunes, ce que les directeurs d'écoles puis les enseignants et les enseignantes dans ces écoles-là enseignent à des... La culture interne de ces centres de formation professionnelle est dorénavant une culture d'adultes. Donc, dans la gestion quotidienne des rapports, la gestion de classe, la gestion des rapports se fait dans un contexte adulte. Autre dimension très importante, ces centres de formation professionnelle, dont c'est le mandat, n'ont pas beaucoup d'intérêt ni non plus de temps pour organiser la formation générale manquante à des étudiants qui sont en formation initiale pour les mener au terme d'une formation générale. Pourquoi? Parce que la formation générale, ça se donne dans les écoles, dans les établissements ordinaires. Problèmes d'organisation d'horaires, c'est compliqué, les directeurs n'aiment pas ça. Bref, ingénierie pédagogique complexe.

Dernier élément, c'est le problème de l'accessibilité. J'ai évoqué tout à l'heure les problèmes en région. Pour pouvoir suivre une formation professionnelle, encore faut-elle qu'elle soit offerte. Et, pour qu'elle soit offerte, en raison des règles que nous avons actuellement, il faut qu'il y ait un certain nombre d'étudiants raisonnable pour offrir une option, ouvrir un laboratoire, ouvrir un atelier, que sais-je encore. Et bien sûr les fonds ne sont pas illimités, de sorte que le ministère de l'Éducation doit gérer cette situation-là.

Lors de notre visite en région, en Gaspésie, l'année passée, le directeur de la commission scolaire des Îles-de-la-Madeleine nous a raconté ce que je vous raconte à l'instant, il nous a dit: Nous, Emploi-Québec ou l'équivalent, aux Îles-de-la-Madeleine, nous avons constaté que la demande pour des menuisiers charpentiers, c'était quatre. On aurait besoin, là, compte tenu de ceux qui sont déjà là, là, les prévisions de main-d'oeuvre pour ce genre de métier là, c'est quatre. Bien, avec les règles de financement actuelles, ouvrir un atelier de menuiserie, engager un professeur pour quatre élèves, c'est compliqué. Résultat: on envoie ces élèves-là à Gaspé ou à Matane, ou que sais-je encore, avec déplacement, etc. Conséquence: très souvent, ils ne reviennent pas.

n (15 h 40) n

Alors donc, l'effet cumulatif, madame, de tous ces facteurs, qui sont du plus général au plus particulier, la valorisation des métiers, la dévalorisation parfois à l'intérieur du système où la formation professionnelle au niveau secondaire est vue comme la voie de l'échec, on prend ça par défaut. Parce que la culture, progressivement, à la lumière de la favorisation des métiers de haute technologie, ou que sais-je encore, a amené cette dévalorisation sociale des métiers. Ne serait-ce que par l'organisation pédagogique, les manières de se comporter, et que sais-je encore, il y a eu cette dévalorisation-là. Donc, un ensemble de facteurs dont les multiples s'enchevêtrent et qui aboutit aux résultats que nous connaissons. Pour nous consoler, on pourrait dire que nous ne sommes pas les seuls au monde dans cette situation-là. Je ne crois pas me tromper, hein, M. Arena? Pardon?

Une voix: Sauf en Europe.

M. Proulx (Jean-Pierre): Sauf en Europe, où il y a des traditions qui sont différentes. Mais même en Allemagne, par exemple, qui est le pays fort autour de cette question-là, on voit qu'il commence à y avoir effectivement des difficultés. Ils y arrivent, les Européens, et surtout en Allemagne, parce qu'ils ont une très forte structure industrielle qui leur a permis des apprentissages en industrie ou en entreprise. Longue réponse, madame, mais la question était difficile.

Mme Gaudet: Est-ce que j'ai le droit à...

Le Président (M. Kelley): Oui. Non, non, une autre question?

Mme Gaudet: ...à une supplémentaire? Est-ce que vous croyez que les modifications qui sont apportées par le ministre, là, entre autres au niveau des conditions d'admission au collégial, s'il y avait une souplesse, tel que proposé, est-ce que vous croyez qu'à ce moment-là des jeunes qui sont inscrits dans la formation dont vous avez parlé, formation cul-de-sac, là, pourraient, par un processus de mise à niveau offert par le collégial, pourraient, à ce moment-là, poursuivre des études au niveau du collégial? Comment ça pourrait s'organiser? Parce que, vous savez, sur le terrain, nous sommes très préoccupés, cette situation-là est très préoccupante et on est à la recherche de solutions ou de moyens concrets pour aider ces jeunes à s'orienter dans ces voies de formation professionnelle.

M. Proulx (Jean-Pierre): C'est certainement, madame, une avenue à ne pas négliger. Et, du reste, le conseil, dans l'avis qu'il a fait sur la formation professionnelle, s'y est arrêté, d'abord pour constater qu'à ce jour ? je dis bien, à ce jour ? les essais qui ont été faits dans ce sens-là n'ont pas donné les résultats escomptés, à tel point que le ministère de l'Éducation a cessé, depuis deux ans, de produire des statistiques là-dessus. Les dernières statistiques dont on dispose nous indiquaient qu'au total, au Québec, dans cette harmonisation D.E.P.-D.E.C., il y avait 57 élèves là-dedans dans l'ensemble du Québec. Le conseil a dit: Bien, écoutez, ça ne semble pas la voie d'avenir, là.

Maintenant, nous savons très bien, parce que nous en avons entendu parler lorsque nous sommes allés dans Lanaudière, que, dans différentes régions, on explore de façon plus importante cette avenue-là justement en assouplissant les règles qui feraient qu'on pourrait passer du D.E.P. au D.E.C. Là-dessus, la réflexion du conseil, c'est la suivante: Oui, à la condition qu'il y ait des...

Une voix: Passerelles.

M. Proulx (Jean-Pierre): Non, pas des passerelles, pas une garantie non plus, mais une probabilité que, passant ainsi du secondaire au collégial... qu'il y ait une probabilité de réussite. Ça, ça apparaît important. Ça apparaît important.

Deuxièmement, il apparaît tout aussi important qu'on ne néglige pas la formation générale dans ce passage du secondaire au collégial, parce qu'une fois le collégial terminé, là, il y a aussi le reste de la vie, et ça, c'est nécessaire. Alors, on a constaté aussi que, là où ça existait, la formation générale en concomitance au niveau collégial, c'est possible, mais ça ajoute au fardeau de l'élève, ça ajoute au fardeau de l'élève d'avoir d'autres cours supplémentaires pour se mettre à niveau. Mais est-ce que j'ai... C'est essentiellement ce que je viens de dire? Oui. Bon. L'examen est difficile à passer, hein, tout ce que je dois retenir...

Mme Gaudet: Écoutez, je vais laisser peut-être... Mon temps doit être pas mal écoulé, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Non, mais on fait le partage, mais...

Mme Gaudet: Je reviendrai. Je reviendrai.

Mme Marois: Comme j'ai repris mon souffle, M. le Président, je voudrais juste faire un dernier commentaire ? puis je sais que ma collègue la députée de Champlain voudrait pouvoir intervenir. Je suis un peu déçue que le ministre n'ait pas tenu compte de votre avis, parce que c'est ça que, moi, je dois conclure de vos propos, là, sur la question des cégeps. Celui-ci a indiqué dans sa présentation qu'il consulterait sur sa proposition avant de la mettre concrètement en oeuvre. Et j'imagine qu'à ce moment-là... En tout cas, moi, je souhaiterai ? puis je le dis ici, à la commission ? je souhaiterai que le ministre vous demande un avis sur cela et que vous puissiez à ce moment-là revenir avec ce qui justifiait vos orientations au moment où vous avez donné votre avis, en juin dernier, et qui permettrait d'apporter un éclairage nouveau ou un éclairage supplémentaire pour réajuster le tir, s'il y a lieu. Mais je me permets de déplorer le fait qu'il ne l'ait pas fait avant de présenter ses mesures et/ou qu'il n'ait pas tenu compte de ce qui était déjà dans votre avis. Alors, ça va, pour moi, pour l'instant, M. le Président. Je reviendrai plus tard.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Champlain. Alors, M. Proulx?

M. Proulx (Jean-Pierre): Un bref commentaire si vous permettez, M. le Président...

Le Président (M. Kelley): Oui.

M. Proulx (Jean-Pierre): ...au regard de l'intervention de madame votre collègue. Dans la mesure où ? et c'est très probable, je ne vois pas comment ça pourrait être autrement ? dans la mesure où la proposition du ministre va se transformer en règlement pédagogique du collégial...

Mme Marois: En règlement pédagogique, il n'aura pas le choix.

M. Proulx (Jean-Pierre): ...le ministre a l'obligation, en vertu de la loi, de consulter le conseil, de sorte que...

Mme Marois: C'est ça.

M. Proulx (Jean-Pierre): ...votre souhait sera réalisé de toute façon.

Mme Marois: De toute façon. Oui. Peut-être pas sous tous les aspects, voyez-vous, parce qu'il y a certains aspects qui pourraient ne pas concerner le règlement pédagogique. Mais vous avez raison.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Champlain.

Orientation scolaire et professionnelle

Mme Champagne: M. Proulx, merci. Nous avons des documents très complets et qu'on devrait relire, je pense, pour encore mieux comprendre. Alors, moi, je vais aller dans le sens de ma collègue de Maskinongé sur l'enseignement professionnel et technique, la formation, c'est-à-dire, professionnelle et technique. Et on a un véritable problème, là, depuis des années. La députée de Maskinongé le mentionne, elle était au niveau d'une école, moi aussi. Il y a un passage, il y a une reconnaissance qui ne se fait pas au niveau du diplôme d'études professionnelles parce que les étudiants qui sont guidés ou qui se ramassent là, le D.E.P., c'est ceux qui ont des difficultés à l'école. Donc, au départ, on est négatif, on est perdant.

Alors, en arriver à changer cette situation-là, cette vision-là d'inciter nos tout jeunes ? ce en quoi je crois ? tout petits, primaire, secondaire, qui ont des talents autres et qui n'auraient pas nécessairement besoin d'aller au niveau universitaire ou collégial, c'est toute une démarche à faire, puis je pense qu'on a du travail à faire, et probablement que c'est dans vos pensées au niveau de votre groupe.

Par contre, quand, tout à l'heure, dans votre propos de départ, vous parliez de liens et de passerelles qui ne se font pas bien ? puis moi, j'en entends parler depuis très, très longtemps, comme plein d'autres ? dans votre document, dans les mémoires que vous avez déposés, il n'y a comme pas de façon concrète, des moyens et des méthodes qu'on a trouvés à date pour arriver à régler cette situation-là de faire de la formation professionnelle... Je ne parle pas, là, d'adultes qui retournent un jour à l'école, comme même des gens qui ont des professions universitaires et qui décident de retourner au niveau technique. Vous l'avez dit tout à l'heure, là, les CFP, là, c'est adulte, O.K., ça, c'est adulte. Je parle d'étudiants qui pourraient s'en aller directement sans trop se tromper.

Et je termine ma question de la façon suivante. Il y a énormément d'étudiants qui arrivent au niveau collégial et qui ne savent pas du tout où ils s'en vont. Ils font une première année mêlés et ils finissent la première année en disant: Écoute, je revois ma vision, mon orientation, je me suis trompé. Ça peut être vu de deux façons: ou ils ont perdu un an ou ils ont investi dans leur année, mais il y a quand même une inquiétude dans cette orientation-là.

n (15 h 50) n

Alors, qu'est-ce qui se passe entre le secondaire et le collégial ou entre le secondaire et la formation professionnelle qui se fait au secondaire qui bloque tant que ça? Et c'est quoi, la recommandation de votre conseil là-dessus de façon ferme, depuis le temps que vous vous penchez sur ça, depuis le temps où, moi, je m'y suis penchée comme enseignante et ma collègue députée de Maskinongé également? Alors, comment se fait-il qu'on n'en arrive pas, en 2004... Parce que, là, on va d'échec en échec. On a des étudiants qui nous lâchent définitivement de façon inquiétante. Et je pense que, concrètement parlant, j'aimerais ça qu'on en arrive à une solution assez rapidement pour que je la voie de mon vivant.

Le Président (M. Kelley): M. Proulx.

Une voix: ...

Mme Champagne: Non, mais ça va vite. On a 40 ans avec le rapport Parent puis on se rend compte que ce qui se disait il y a 40 ans, on dit encore la même chose 40 ans plus tard, et, honnêtement, M. Proulx, ça m'inquiète.

Le Président (M. Kelley): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): M. le Président, à la fois l'inquiétude et l'optimisme de votre collègue l'honorent. Cela dit, d'abord, je voudrais signaler que le document que nous avons préparé sur la formation professionnelle est un document qui est inscrit dans le cadre d'un rapport annuel. Ce rapport annuel ? c'est une précaution oratoire que je dis en passant ? c'est un rapport qui est destiné à l'Assemblée nationale, donc à l'ensemble des citoyens. Vous ne trouverez pas, dans ce genre de document-là, généralement, de recommandations parce que le sujet dont nous nous occupons est si vaste que ce n'est pas le lieu. Il faut faire une distinction entre nos orientations dans les rapports annuels sur l'état et les besoins de l'éducation et des avis plus précis sur des sujets plus ponctuels.

Cela dit, madame, votre question demeure tout entière pertinente, et je vais essayer de réfléchir avec vous et avec vos collègues sur cette question-là. D'abord, un premier constat que le conseil a fait dans des avis antérieurs: le problème de l'orientation des jeunes aujourd'hui et de leur maturation vocationnelle est un problème dont on doit prendre acte. On ne peut plus penser comme on pensait il y a 40 ans ou 30 ans, qu'après ton école primaire tu t'orientes pour la vie une fois pour toutes. La société a très changé depuis ce temps-là, et il est pour ainsi dire, hélas, peut-on dire, normal qu'il en soit ainsi. La plupart des parents autour de cette table ont vécu ça avec leurs enfants. Et, ma foi, moi, mes enfants, par exemple, qui ont eu quelques difficultés d'orientation, je ne les qualifierais pas d'anormaux. Ce sont un gars et une fille qui ont eu en quelque sorte... ils ont vécu le cheminement de tant d'étudiants aujourd'hui. Ça fait partie de la vie normale.

Cela dit, ça n'excuse pas qu'il ne... Il faut continuer à faire des choses. Et là-dessus je vais vous dire la réflexion du conseil. Le conseil pense, dans un premier temps, qu'il faut, et c'est une des orientations, et c'est la première orientation de son rapport annuel, et justement le mot est bien choisi, c'est de mettre l'accent de façon majeure sur l'orientation des jeunes et que cela commence dès l'enseignement primaire, non pas pour diriger un enfant de sixième année vers une profession en particulier, mais de l'ouvrir à l'ensemble des métiers, et des professions, et des possibilités qui s'ouvrent dans la société.

Non seulement faire cela, mais, vous savez, le monde, pour simplifier les affaires, se divise en deux groupes: les gens qui ont une intelligence théorique et les gens qui ont une intelligence pratique. L'école, au Québec puis dans bien des pays, elle est organisée essentiellement d'abord et avant tout autour des intelligences spéculatives, n'est-ce pas? Ce que le conseil dit, c'est que, même au niveau primaire, il faut permettre aux jeunes de découvrir quel type d'intelligence ils ont ou en tout cas de s'initier aux travaux qui font appel à leur intelligence pratique. Et déjà des écoles ont compris cela, et ils se sont donné des projets éducatifs qu'ils appellent, par exemple, L'école orientante, dans laquelle ils font... ils développent aussi un côté pratique.

J'ai assisté, l'année passée, à une conférence du directeur de l'école Coeur-Vaillant ici, à Québec, dans laquelle ils ont créé une petite entreprise, non pas parce qu'ils pensaient que dorénavant c'était la compétitivité qui était importante puis qu'il fallait devenir, tout le monde, des entrepreneurs, et etc., puis qu'ils répondaient ? comment dirais-je? ? à une conception marchande de la société, pas du tout. Parce qu'ils ont créé, dans cette école-là, un petit atelier dans lequel on fabrique du papier et qu'on vend. Bien, voilà des habiletés à caractère pratique auxquelles les élèves s'adonnent et qui leur permettent de découvrir leur propre intérêt, d'une part. Donc, je résume là-dessus: au niveau primaire, avoir une école qui, dans son projet éducatif, prend comme dimension importante l'orientation de ses enfants.

Deuxièmement, au niveau secondaire, et en particulier au deuxième cycle du secondaire ? et là, MM., Mmes les députés et M. le Président, il y a un défi qui vous attend, je vous le signale en passant ? dans le régime pédagogique dont on aura à débattre dans quelques temps, il faut permettre, au niveau secondaire, aux jeunes de faire l'expérience de la diversité de leurs talents et de leurs intérêts. L'école, voyez-vous, elle est souvent organisée en fonction des intérêts des disciplines, et, derrière les disciplines, il y a des enseignants. Ce sont des intérêts extrêmement légitimes. Alors, moi, je vois ça... Par exemple, j'ai vu ça dans ma vie antérieure de journaliste. Quand le régime pédagogique arrivait puis que l'on proposait une modification au régime pédagogique, je voyais tous les groupes disciplinaires venir au Devoir dire: Écoutez, M. Proulx, nous autres, notre discipline est extrêmement importante. Ce en quoi sur le fond ils avaient raison. Mais la discipline de tout le monde est tellement importante qu'au niveau du deuxième cycle du secondaire il ne reste plus de place pour la diversité.

Le conseil, lui, s'est fait le promoteur et l'apôtre de conserver dans le régime pédagogique, surtout au deuxième cycle du secondaire, une large place pour les options. Pourquoi? Pas parce que les options en soi, c'est intéressant. Au contraire, même sur le plan administratif, les directeurs d'école, j'en suis convaincu, vont haïr ça. Ils vont haïr ça parce que c'est difficile à gérer. Mais ça, c'est un point de vue administratif. C'est un point de vue important, non négligeable, mais ce n'est pas le premier. Du point de vue des étudiants, faire une école qui permet aux jeunes de faire l'expérience de la diversité de leurs besoins et de leurs habilités, c'est nécessaire pour l'orientation des jeunes. Par conséquent, le conseil pense qu'au deuxième cycle du secondaire il faut laisser de la place à l'école pour ça. Il faut avoir des...

Et ça nous ramène paradoxalement aux voeux de la commission Parent. Vous savez, on a parlé d'école polyvalente. L'école polyvalente, ça ne voulait pas dire un secteur général puis un secteur professionnel, ça voulait dire une éducation polyvalente, ce n'est pas la même chose. Ça voulait dire que chaque jeune, dans une perspective humaniste, devait pouvoir faire l'expérience de la diversité des esprits, de la diversité des orientations. On revient paradoxalement à cette orientation-là: avoir une école qui permet l'accessibilité à la diversité et, cela dit, pour le reste, s'arranger qu'il n'y ait pas de cul-de-sac dans nos curriculums qui empêche quelqu'un qui a mal choisi ou choisi provisoirement une orientation qu'il pensait bonne au moment de le faire se retrouve tout d'un coup à devoir régresser pour pouvoir poursuivre.

Donc, madame, en résumé et en conclusion sur ça, au primaire, une école orientante qui tient compte de la diversité des esprits et, au niveau secondaire, surtout au deuxième cycle, une école qui permet de faire l'expérience concrète à travers des apprentissages concrets, des apprentissages intellectuels qui permettent de développer les goûts des élèves dans une proportion raisonnable. Je pense que, cette orientation-là, elle est féconde. En tout cas, le conseil y croit.

Mme Champagne: Je vous remercie. Ça veut dire que cette orientation-là vous l'avez déjà soumise, elle est déjà à quelque part dans vos documents mais pas nécessairement dans ce document-là.

M. Proulx (Jean-Pierre): Oui, nécessairement dans ce document-là. Elle est redite avec vigueur dans ce document-là.

Mme Champagne: Or, de façon concrète, si vous en arrivez à suggérer au ministre et au gouvernement d'aller de l'avant dans ça, ce que disait même ou à peu près le rapport Parent quand il parlait des polyvalentes, si ça ne s'est pas fait, y a-t-il une cause à ça? Puis, si on connaît la cause, on ne la répétera peut-être pas l'erreur. Question d'argent?

M. Proulx (Jean-Pierre): Une question d'argent, mais il y a aussi une question... ? là, écoutez, je parle à des politiciens ? puis il y a aussi une question politique, il y a des choix politiques qui sont autour de ça. Il y a des choix qui sont liés aussi à des contraintes. Le ministère de l'Éducation ou le gouvernement est aussi là l'employeur et donc il négocie des conventions collectives avec des enseignants et des enseignantes. Il doit aussi régir ces questions-là non seulement à travers ? comment dirais-je? ? des orientations qui apparaissent fécondes et utiles, mais aussi à partir des contraintes de la gestion des intérêts légitimes des acteurs sociaux. Donc, au cours des années, il y a eu cela.

Mais il y a aussi des causes qui sont des causes ? comment dirais-je, donc? ? historiques. Quand on a réuni, dans les années soixante, à la fin des années soixante, la formation professionnelle qui était dispensée dans différentes écoles spécialisées dans des écoles générales, le leadership s'est retrouvé tout d'un coup du côté des généralistes. Ceux qui venaient comme moi, là, des collèges classiques, des beaux esprits, n'est-ce pas, qui exerçaient le leadership, qui, par définition et spontanément, valorisaient les savoirs spéculatifs, devant des directeurs d'ateliers qui ne parlaient pas nécessairement un aussi beau langage que leurs collègues qui venaient des collèges classiques ou des...

n (16 heures) n

Mais, vous voyez, il y a eu une confrontation de cultures avec une culture qui est devenue une culture dominante avec le temps puis qui s'est accélérée. Ça m'apparaît une explication historique valable, en tout cas. Mais ce temps-là est passé maintenant. Je pense que ce qu'il faut faire, c'est de revenir à un certain nombre de valeurs fondamentales, notamment qui partent cette fois-ci non pas des intérêts légitimes encore une fois des acteurs adultes, mais des acteurs enfants, des acteurs élèves, la différenciation des esprits, la façon de concevoir l'accès à l'instruction, au goût ou au talent. C'est par là qu'il faut commencer.

Le Président (M. Kelley): Puis, je pense, vous avez bien identifié un élément du problème, c'est-à-dire, quand les choses sont rendues obligatoires ou on a consacré un certain moment dans la plage horaire pour un sujet ou un autre pour désengager, pour introduire la flexibilité, c'est très vite que les politiciens sont accusés de... Moi, je me rappelle au moment de changements au niveau collégial, en 1993-1994, au niveau de la formation physique et, moi, à ce moment-là, je travaillais pour M. Ryan et j'ai rencontré beaucoup de profs de formation physique. Parce que je pense que le changement était d'aller de quatre à deux. Nous avons terminé à trois au bout de la ligne, mais la pression était très forte. Et je cite ça juste comme un exemple, mais on peut en citer beaucoup d'autres. Si on enlève la langue seconde, si on enlève la langue maternelle, si on enlève la longue liste des enjeux, c'est un désengagement du gouvernement plutôt qu'une volonté d'avoir une plus grande flexibilité. Et, comment résoudre ça, c'est un casse-tête qui n'est pas évident.

M. Proulx (Jean-Pierre): ...M. le Président, la beauté de votre profession, qui est de faire les arbitrages entre les intérêts légitimes des acteurs sociaux.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Maskinongé.

Évaluation des programmes de formation
professionnelle au secondaire

Mme Gaudet: Dans le même ordre d'idées, là, et en continuant ce que ma collègue de Champlain a commencé, a amorcé, est-ce que vous avez fait l'évaluation de certains programmes qui existent déjà au secondaire? Vous savez, dans la foulée de cette différenciation, là, au niveau des jeunes qui apprennent de façon plus intellectuelle ou plus abstraite, si je puis dire, et d'autres jeunes qui ont besoin d'un contexte manuel pour vraiment... un contexte plus concret, si je puis dire, pour en arriver à des apprentissages plus abstraits, il existe certains programmes, dont l'Alternance travail-études et la Voie technologique, entre autres, au niveau du secondaire. J'aimerais savoir: Est-ce que ces programmes-là ont fait l'objet d'une évaluation de votre part et qu'est-ce que vous en pensez finalement des résultats de... Puis est-ce que c'est répandu, ces programmes-là, dans les écoles secondaires du Québec?

M. Proulx (Jean-Pierre): Merci, madame, de votre question. D'abord, sur le premier élément plus technique: Est-ce que nous avons fait une évaluation de ces programmes-là? Non, madame, nous ne l'avons pas fait parce que nous n'avons pas les outils pour faire ça ni non plus c'est notre mandat. Il existe une commission qui s'appelle la Commission des programmes, la Commission ministérielle des programmes, dont c'est le mandat spécifique de faire l'évaluation des programmes. Nous n'avons pas fait ça.

En revanche, nous avons fait un certain nombre de réflexions qui vont dans le sens de la question que vous nous avez posée. Dans deux avis au moins sinon davantage, dans un avis qui portait sur l'organisation de l'enseignement par cycle au primaire, nous avons assis notre réflexion justement sur la différenciation pédagogique qui est elle-même fondée sur la reconnaissance de l'existence de la diversité des esprits et nous avons signalé que l'organisation par cycle d'enseignement au primaire était une solution... était une voie intéressante parce que l'objectif précisément est de faire cela, prendre en compte la diversité des apprentissages qui sont eux-mêmes liés à la diversité des esprits, des façons d'apprendre.

Dans un deuxième avis sur l'appropriation locale de la réforme au secondaire, nous avons réitéré ces principes-là et nous avons signalé que la réforme au secondaire propose aussi cette même voie, en réorganisant l'éducation secondaire par cycle, là, vise le même but, et le conseil s'est dit parfaitement d'accord avec cette orientation. En ce qui concerne par ailleurs les voies plus précises que vous avez évoquées, sur la Voie technologique...

Mme Gaudet: L'Alternance travail-études.

M. Proulx (Jean-Pierre): ...l'Alternance travail-études, nous avons fait, dans notre rapport justement sur la formation professionnelle, un bilan de cela que vous retrouverez... Avec la permission de M. le Président, je laisserais mon collègue M. Arena, qui est le spécialiste de cette question-là, répondre plus adéquatement et de façon plus claire à votre question.

Le Président (M. Kelley): M. Arena.

M. Arena (Francesco): Je vous remercie. Pour ce qui concerne la Voie technologique, je crois que le ministère a fait une évaluation et il a fait une évaluation positive. Et, nous, ce que l'on fait dans le rapport annuel, on rapporte justement cette évaluation positive. Et, d'après ce que je crois comprendre, elle a été incluse dans le projet futur de diversification des voies. Donc, c'est une possibilité, ça s'appelle l'itinéraire de formation générale appliquée. Pour ce qui concerne l'Alternance travail-études, je pense qu'il y a aussi une évaluation du ministère.

Alors donc, nous, ce qu'on a fait, c'est que, sur ces plans-là, on a repris leurs évaluations. Ce qu'on constate, c'est que cette voie-là n'est pas encore suffisamment développée, et pour toutes sortes de raisons. Il y a des raisons financières, il y a aussi des raisons d'accueil dans les entreprises, qui, bon, pour toutes sortes de raisons, ne sont pas encore en mesure d'accueillir beaucoup d'étudiants. Mais c'est quand même une voie prometteuse, elle se développe rapidement à la fois au niveau du professionnel, du secondaire professionnel, au niveau aussi collégial technique, et on croit savoir que ça se développe aussi à l'université. Donc, c'est une voie...

Mme Marois: ...

M. Arena (Francesco): C'est une voie qui est peu développée, évidemment, pour toutes sortes de raisons, mais elle se développe au professionnel, il y a de plus en plus de programmes et d'étudiants qui participent à des programmes d'alternance travail-études. Ça se développe aussi au collégial technique et ça se développe aussi à l'université. Là-bas, il y a deux formes, il y a une forme alternance puis il y a une autre forme qu'on appelle coopérative, c'est le même modèle.

Le Président (M. Kelley): Oui.

M. Proulx (Jean-Pierre): Je peux ajouter, madame... M. le Président, en complément de réponse de ce que vient... J'ai retrouvé les statistiques que nous avions publiées mais qui viennent du ministère de l'Éducation, cela pourrait peut-être vous intéresser. À la Voie technologique, aux derniers relevés, il y avait, à travers le Québec, 1 600 élèves dans cette voie-là. Donc, ce n'est pas énorme, mais c'est un début. Par contre, l'exploration professionnelle, celle qui se rapproche de ce que j'exposais tout à l'heure au regard de ce qui se passe au niveau secondaire, la possibilité de faire... ça, c'est plus significatif, il y a 10 000 élèves qui étaient là-dedans aux dernières nouvelles, et c'est de bon augure.

La formation, l'Alternance travail-études, 7 200 élèves qui étaient dans cette voie-là au niveau professionnel, mais avec évidemment les limites qui sont liées à notre structure industrielle. Accueillir des stagiaires, ça veut dire des personnes qui sont capables... C'est une chose d'accueillir des stagiaires, mais de les accueillir de façon efficace et compétente, c'en est une autre. Ça, c'est une autre paire de manches. Et j'ai vu d'anciens milieux de travail accueillir des jeunes et leur dire: Bien, écoute, assieds-toi là et puis regarde-moi faire. Évidemment, ce n'est pas ça qui est souhaitable. Donc, voilà, madame, quelques indications complémentaires sur ce qui vient d'être dit.

Le Président (M. Kelley): M. le député des Îles-de-la-Madeleine ou...

Mme Marois: ...je vais juste faire un petit commentaire et puis je laisse la parole à mon collègue.

Le Président (M. Kelley): O.K. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Effectivement, votre avis... ? enfin, votre avis ? votre rapport annuel, qui est quand même un avis en même temps, qu'on le veuille ou non, même s'il n'y a pas de... il y a quelques recommandations en fait sur les chantiers, et tout ça, il est très fouillé en ce sens-là et nous permet, je pense, de faire le point très largement sur toute la question de l'éducation à la vie professionnelle. Nous, on s'en est préoccupés, comme membres de la commission. On est en train de réfléchir à certains mandats qu'on pourrait se donner. Et j'aimerais ça revenir plus tard sur la question de la reconnaissance des acquis ? pensez-y, là ? parce que je veux voir comment on pourrait pousser plus loin ce que vous recommandez ici. Excusez. C'est un préavis.

Le Président (M. Kelley): C'est un préavis de la question.

Mme Marois: C'est ça.

Le Président (M. Kelley): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

Réussite scolaire des garçons et des filles

M. Arseneau: Merci. Merci, M. le Président. M. Proulx, ça me fait plaisir de vous recevoir avec votre équipe. Parce que, vous savez, en éducation, quand on regarde l'éducation depuis que le monde existe, il y a des choses qu'on peut... Par exemple, si on remonte au rapport Parent, je sais que, dans votre rapport annuel, vous en faites mention, ce qu'on disait dans le rapport Parent, c'est encore très vrai aujourd'hui. On pourrait sortir Aristote. D'ailleurs, on en parlait ce matin.

Je ne sais pas, M. le Président, si c'est le moment pour moi de poser cette question-là, mais on se questionnait aussi sur la pertinence justement de faire une recherche sur un mandat d'initiative que la Commission de l'éducation pourrait se donner pour étudier un dossier encore en profondeur. Pourtant, l'éducation, c'est un sujet sur lequel on a beaucoup réfléchi, on a beaucoup interrogé, etc.

n (16 h 10) n

Moi, quand on regarde différents dossiers, il y a quelque chose qui revient très souvent, par exemple, que ce soit sur la formation professionnelle et technique, que ce soit sur le décrochage, on a ces sujets-là comme des sujets sur lesquels on pourrait avoir des mandats d'initiative. Ce qui revient souvent, c'est que la problématique, elle commence... ou elle est plus aiguë, je devrais dire plutôt, en secondaire III. Si, par exemple, on parle du décrochage des garçons ou du décrochage en général, on sait que la troisième année du secondaire, des fois ça peut commencer un peu avant, mais essentiellement c'est une année extrêmement difficile. Pour avoir vécu dans une polyvalente pendant 15 ans, je le sais aussi.

Quand on regarde le problème de la formation professionnelle au secondaire, et tout ça, il y a eu, au ministère de l'Éducation, plusieurs tentatives où on avait des formations courtes, des formations longues. Essentiellement, on essayait d'aller les chercher ou les rattraper, par exemple, à la fin du secondaire II, la deuxième année du secondaire. Qu'est-ce qui se passe dans le fond chez les garçons ou chez les jeunes, à l'époque ou au moment où ils sont en secondaire II, qui fait en sorte que c'est là qu'on a des difficultés, soit au niveau...

Parce que la difficulté, en formation professionnelle, c'est de valoriser, pour les parents, le fait qu'un jeune de secondaire III aille déjà ou maintenant à la formation professionnelle. C'est comme si c'était un aveu ou une reconnaissance, l'échec de la formation avec son jeune. Alors, qu'est-ce qui se passe? Vous avez déjà réfléchi là-dessus. Est-ce que notre idée est une bonne idée? C'est ça que je voulais vérifier dans un premier temps.

Le Président (M. Kelley): M. Proulx.

M. Arseneau: Une grosse question quand même.

M. Proulx (Jean-Pierre): Oui, en effet. Il y a une chose que nous révèlent les études et qui est paradoxale, qui se résume à une phrase un peu bébête, c'est que les garçons n'aiment pas l'école, ou plutôt les filles aiment plus l'école que les garçons. Dit de façon un peu moins brutale, mais ce qui est observé par les études et qui est constant, c'est une donnée de la psychologie des garçons, c'est que les garçons se valorisent davantage par ce qui se passe à l'extérieur de l'école que par ce qui se passe à l'intérieur de l'école.

M. Arseneau: Est-ce que c'est les garçons, le problème, ou l'école?

M. Proulx (Jean-Pierre): Ce n'est pas le... Non, ce n'est pas l'école en soi, mais l'école devrait avoir le moyen de répondre à cette donnée psychologique fondamentale qui est celle que les garçons se valorisent dans leur rôle de garçon par des choses qui ne sont pas des choses... L'école, dans le fond, et ça se voit dès la petite enfance...

Je dis ça parce que le conseil a étudié il y a quelques années, dans un avis sur la réussite des garçons et des filles, cette question-là et a cherché de comprendre les raisons fondamentales pourquoi les choses se passent comme ça. L'avis du conseil de l'époque n'est pas le fin mot de l'affaire. Si ça avait été le cas, le Québec serait révolutionné. Mais en tout cas il s'est dit des choses intelligentes dans cet avis-là, c'est sûr. Et on a constaté que, dès le départ, les petites filles se valorisent en répondant aux attentes de l'enseignante ou de l'enseignant, et ça constitue une manière de construire leur propre identité de filles, tandis que les garçons ne se valorisent pas par ça et se valorisent d'ailleurs en opposition aux filles. Un garçon veut ne pas être une fille, et par conséquent ce que les filles font bien...

Une voix: ...

M. Proulx (Jean-Pierre): ... ? pardon ? les repoussent.

Mme Marois: Ils ne veulent pas...

M. Proulx (Jean-Pierre): Exactement. Cela dit, c'est d'observation courante que les garçons se valorisent par quelque chose qui est à l'extérieur de l'école en moyenne. On ne peut pas faire de généralisation absolue autour de cette question-là mais des traits généraux, on peut dire ça avec une relative certitude. Ça veut dire que, l'école, si tel est le cas, l'école doit trouver...

Et là on revient à la question que j'ai évoquée dans ma présentation tout à l'heure qui est celle de l'encadrement. L'encadrement, là, ça ne veut pas juste dire, ça, la discipline. Au contraire, l'encadrement, le conseil, dans son avis sur l'encadrement a expliqué ça clairement, l'encadrement ça veut dire à la fois l'encadrement pédagogique, hein, l'encadrement bien sûr disciplinaire par les règles qui sont établies dans l'école, puis l'encadrement qui favorise la vie communautaire à l'intérieur d'une école. Donc, une bonne école secondaire, c'est une école qui répond à ces critères-là et qui est capable d'organiser sa vie pour que les garçons y trouvent matière à se valoriser, que ce soit... Et ça, ça a un impact direct sur leur valorisation qu'ils peuvent ensuite apporter à leur valorisation en classe. Voilà un exemple...

Voilà une réponse partielle à votre question, mais ça a une extrême importance pour l'organisation même de l'encadrement à l'école. Les écoles qui ont compris ça en général réussissent mieux à faire réussir leurs garçons que l'inverse.

M. Arseneau: Est-ce que ce serait la même raison pour laquelle, enfin, on a de la difficulté avec la formation professionnelle, la formation technique? Parce que, pendant que vous parliez, on ne pouvait pas faire autrement aussi que... Hein, on faisait ça à l'école aussi, pendant que le professeur parlait, on réfléchissait, on pensait aussi à d'autres choses. Mais, quand je regarde ce que vous dites, les garçons n'aiment pas l'école, quand on regarde avant la Révolution tranquille, avant la création du ministère de l'Éducation, essentiellement, c'était quand même les garçons. Quand on regarde dans nos facultés, en droit, en médecine, avant qu'on fasse la réforme de l'éducation, c'était essentiellement des gars. Maintenant, c'est l'inverse. Je comprends que les filles aiment l'école, mais il y a quand même, là, une...

Est-ce à dire que la formation professionnelle et technique ne doit pas se faire dans l'école? Parce qu'il me semble, là, qu'il y a un problème, là. À l'époque ? moi, je remonte à l'époque des collèges classiques ? c'était essentiellement des garçons, et les filles n'allaient pas nécessairement à l'école, à moins que si elles devenaient maîtresses d'école ou encore religieuses, mais essentiellement, hein...

Des voix: ...

M. Arseneau: Ou infirmières. C'était les deux...

Une voix: Gardes-malades.

M. Arseneau: Gardes-malades. C'était les deux professions. Mais là, avec la démocratisation ? et c'est ça, le grand succès de la réforme Parent ? est-ce à dire donc que la formation professionnelle et technique ne devrait pas se faire à l'école, qu'elle devrait se faire comme elle se faisait traditionnellement, par l'apprentissage avec un...

Je ne sais pas, mais il y a quelque chose, là, parce que c'est frappant, le problème. La réussite des garçons, c'est problématique. Le décrochage en général se passe à ce moment-là, à cet âge-là, et on a un problème pour donner une valeur, pour valoriser notre formation professionnelle et technique, en particulier en formation secondaire.

Le Président (M. Kelley): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): Une des réponses possibles à votre question, c'est... D'abord, on ne peut pas dire de façon absolue que la formation professionnelle devrait se faire à l'extérieur de l'école parce que d'abord ce serait irréaliste et puis il y a des métiers qui ne peuvent pas se faire à l'extérieur de l'école, ça demande... Vous savez, pour devenir compétent, ça prend trois choses: ça prend des connaissances, ça prend des savoir-faire, des habiletés pratiques, puis ça prend aussi des attitudes conformes à... puis après, de tout ça, on fait quelqu'un de compétent. Il y a un certain nombre de connaissances. Je ne vois pas comment ça peut se faire à l'extérieur de l'école.

Par contre, et c'est là que je pense que l'accent doit être placé dans l'avenir, c'est dans le développement, et surtout pour les garçons, le développement d'une formation professionnelle qui se fasse en alternance école-stage. Ça, c'est une voie prometteuse parce que ça fait, entre guillemets, sortir les gars de l'école, hein, et ça les fait pratiquer leur vrai métier et faire l'essai réel de leurs compétences et même l'apprentissage réel de leurs compétences.

Soit dit en passant, j'ai observé la même chose dans mon métier de professeur ? vous savez peut-être ou pas que je suis professeur à l'Université de Montréal en formation des enseignants et des enseignantes. Écoutez, c'est classique, les futurs enseignants et les enseignantes, quand on leur dit: Qu'est-ce que tu as aimé dans ta formation cette année?, réponse classique, unanime: Mesurer les stages. En plus, parce que c'est 95 % de filles au surplus. C'est vrai des filles comme c'est vrai des garçons. Mais ça devrait, sur le plan de la formation et de la psychologie des garçons, favoriser encore davantage la rétention des garçons à l'école que celle de l'apprentissage et des savoirs pratiques, même pour ceux qui n'ont pas encore décidé de leur formation, comme je le disais tout à l'heure. Donc, ça, une grosse affaire, un gros, gros défi, investissement important.

Il faut dire qu'au Québec, soit dit en passant, nos employeurs sont un peu capricieux. D'abord, ils souhaitent que l'école leur donne tout craché des... et puis ils ne sont pas souvent, pas très souvent ? comment dirais-je donc? ? portés à contribuer à la formation de leurs propres employés. Il y a une tradition au Québec là-dessus qui n'est pas forte si on compare, par exemple, avec l'Allemagne. L'Allemagne, ça va de soi qu'une entreprise forme ses employés. Au Québec, les employeurs chialent pour contribuer de leurs deniers et de leurs ressources humaines à la formation des... Ça, c'est un trait socioculturel au Québec. Je ne fais pas injure en disant ça publiquement, à personne, je constate l'état des choses. Heureusement, on voit bien que les choses progressent parce que de plus en plus d'employeurs puis les organisations en entreprise en sont conscients et ils favorisent ça chez leurs propres membres. Mais, au total, là, il y a une culture de base qui ne favorise pas cela. Il faut travailler aussi de ce côté-là, manifestement.

Le Président (M. Kelley): Une dernière petite question et, après ça, M. le député de l'Acadie.

M. Arseneau: Oui, je pense que...

Mme Marois: ...avis sur le 1 %?

n (16 h 20) n

M. Arseneau: Non, non, il n'y a pas eu d'avis sur le 1 %. Ça, ça a été la réaction à votre... sur la question de la formation en entreprise, etc. Vous avez raison, M. Proulx, de dire qu'il faut que la formation professionnelle et technique se donne dans les écoles. C'est pour ça que je... Mais, vous comprenez, on essaie de dégager des vérités. Aristote cherchait ça aussi. Maintenant, ce n'est pas ça...

Ce que je voulais amener essentiellement, c'est la problématique qu'on a maintenant, qu'on a actuellement, à savoir: Est-ce qu'on va former nos gens en fonction des besoins des entreprises, et des entreprises capricieuses au Québec qui ne sont pas prêtes elles-mêmes à investir justement dans la formation de leur personnel, ou est-ce qu'on va donner une formation fondamentale, une formation générale? On l'appelle générale au secondaire, solide, les cours de base au niveau collégial, est-ce qu'on va se détacher de ces formations-là ou est-ce qu'au contraire on doit insister sur la force de la formation de base, formation générale, formation fondamentale au niveau collégial et au niveau du cégep, parce que nos travailleurs devront être polyvalents, devront pouvoir se raccrocher?

Et même les vieux comme nous, on devra être polyvalents parce que les problèmes auxquels nous sommes confrontés, les problèmes démographiques, on va avoir besoin de reconvertir ces cheveux blancs dans une main-d'oeuvre qui pourra être disponible. Je ne sais pas si vous voyez le débat qu'on a. Alors, plus qu'on va pousser sur la formation fondamentale, plus qu'on va amener nos jeunes à décrocher. Et par contre c'est de cette formation-là dont on aurait besoin. Je ne sais pas si vous voyez mon problème aujourd'hui, mais 2005 commence bien mal, hein?

Le Président (M. Kelley): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): Oui. Je vois très bien la nature de votre questionnement, et le conseil, heureusement, y a réfléchi quelque peu justement dans l'avis que nous avons fait sur la formation technique au collégial. D'abord, on a pu constater une chose, que les enquêtes du ministère de l'Éducation révèlent, les enquêtes faites auprès des employeurs, les employeurs...

Et ça, ça me permet de dire une chose qu'on n'a pas dite tout à l'heure. Tout à l'heure, on sombrait tranquillement dans un pessimisme très fort autour de la formation professionnelle, mais il y a des raisons d'être optimiste aussi. Et l'une d'entre elles, c'est que la formation qui est donnée dans nos écoles secondaires en formation professionnelle et dans les écoles au collégial, ces formations-là sont des formations de haute qualité. Et ça, on en a des témoignages mesurés par la réponse des employeurs aux formations qui sont données. Et, dans ce sens-là, on a certainement fait un progrès.

Et du reste c'est grâce aux investissements massifs qui ont été faits par l'État dans le renouvellement des programmes, dans le renouvellement des équipements, etc., des investissements massifs ont été faits qui ont donné des résultats. Bref, les employeurs sont satisfaits de la formation qui se donne dans nos institutions. Ils sont satisfaits surtout au regard des compétences spécifiques qui sont liées à un métier. Ça, c'est récurrent. Mais ce qu'ils observent et ce qu'on nous dit, c'est que nos formations sont insatisfaisantes au regard des compétences génériques, par exemple, la capacité de communiquer dans une langue correcte d'abord en français et aussi en anglais. Parce que vous savez qu'on exporte je ne sais pas combien de pourcentage de nos produits à l'extérieur. Je me demande si ce n'est pas 80 %.

Une voix: 60 %.

M. Proulx (Jean-Pierre): 60 %. Ça signifie donc que quelquefois, par hasard, au cours d'une journée, un employé, ou un gérant, ou un directeur d'entreprise communique avec le reste du monde puis il fait ça souvent en anglais, et pour cause. Alors, on n'a pas le choix, ça fait partie de la vie en Amérique du Nord puis même dans le monde tout court. Donc, ça, la compétence générique en français, ça fait partie de la formation générale, ça fait partie de la formation de base. Résultat pratique: il faut que nos établissements... Et on revient en arrière, sur ce que je disais tout à l'heure. Cette question-là est lancinante à tous les niveaux.

J'ai évoqué, par exemple, le fait qu'en formation initiale des maîtres, on accueille des élèves que l'on doit former davantage en français pour qu'ils aient cette compétence de base en formation des maîtres. Donc, la roue tourne mais parfois dans un cercle qui est vicieux. Il faut casser ce cycle vicieux de la connaissance de la langue. Mais il y a d'autres habiletés génériques, par exemple, qu'il faut développer, comme, par exemple, la capacité de travailler en équipe, des attitudes sociales. Vous savez, l'école, rappelez-vous, Mmes et MM. les députés et M. le Président j'aurais dû faire... d'ailleurs, M. le Président et Mmes et MM. les députés rappelez-vous...

Le Président (M. Kelley): Mais on n'est pas hyperprotocolaires ici, alors...

M. Proulx (Jean-Pierre): Non, mais c'est pour prendre une petite récréation. Rappelez-vous que l'école vise trois missions, hein: instruire, socialiser et qualifier. Bien, dans la deuxième, là, la socialisation, ça passe par des attitudes, des valeurs qui sont nécessaires aussi à l'éducation. L'école, ça sert à ça. Et ça sert aussi quand on est rendu en entreprise, quand on est en emploi, avoir des attitudes de... On parle aujourd'hui beaucoup d'intelligence émotionnelle, c'est-à-dire la capacité d'entrer en relation avec des personnes de façon intelligente. Bien, ça se développe aussi à l'école. Là-dessus, on a donc des progrès à faire à l'intérieur de nos établissements, manifestement.

Mme Marois: Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Oui.

Reconnaissance des acquis ou des compétences

Mme Marois: C'est parce que je vais devoir quitter. Ce n'était pas prévu, là, mais je vais devoir quitter la... Et ça me désole parce que je trouve ça passionnant. Et je vais quand même laisser la question sur la reconnaissance des acquis. Je voulais, moi, qu'on pousse... c'est-à-dire qu'on évalue la possibilité d'aller plus loin par rapport à votre recommandation.

Est-ce qu'on pourrait imaginer arriver à explorer des mesures concrètes qui pourraient ensuite être proposées au ministère de l'Éducation? Je sais que vous en proposez quelques-unes dans votre document. Mais, nous, comme commission, nous pourrions prendre en charge une telle recherche ou une telle analyse et être utiles pour la suite des choses. Mais ce n'était pas mon temps de parole, c'était à mes collègues du gouvernement, alors mes collègues pourront reprendre cette question-là. Je m'excuse vraiment auprès des membres de la commission, M. le Président, mais je dois quitter.

Le Président (M. Kelley): Mais on comprend, c'est une journée mouvementée, alors...

Mme Marois: Un peu, je pense, oui.

Le Président (M. Kelley): Oui. Alors, peut-être un bref commentaire, M. Proulx, puis après ça il y a le temps qui reste à ma droite, alors je vais passer la parole à mon collègue de l'Acadie.

M. Proulx (Jean-Pierre): Sur la question de la reconnaissance des acquis, dans le rapport annuel, il y a des pages solidement écrites autour de cette question-là sur lesquelles je vous inviterai à revenir une fois la séance levée. Mais elle est une question majeure dans le paysage. Elle est une question majeure.

D'abord, on entend parler de cela depuis un certain nombre d'années. Et je dirais même que, depuis qu'on a adopté une politique d'évaluation des adultes, il y a deux ans à peine, peut-être moins, cela fait partie du paysage. Dans l'ordre des principes, c'est la voie que nous avons décidé de suivre.

Deuxièmement, il y a une autre chose que nous avons faite, et qui va dans ce sens-là, et qui est dans la bonne direction, c'est que nous avons renouvelé nos programmes au collégial et au secondaire aussi en fonction des compétences. Cela fait rire parfois les gazettes et ça soulève de la dérision, mais c'est une affaire extrêmement sérieuse. C'est affaire extrêmement sérieuse que cette question des compétences, d'avoir décidé d'organiser les buts du système en vue de favoriser l'apprentissage des compétences plutôt que la réussite de cours un par un. Pourquoi ça a de l'importance? Parce que, si le but du système, c'est de former en qualifiant, en formant par compétences, ça veut dire que ça entraîne des conséquences extrêmement importantes au regard de l'évaluation, n'est-ce pas?

L'évaluation des compétences suppose donc une manière nouvelle d'évaluer les apprentissages à l'intérieur des établissements à partir des compétences et non pas simplement de la réussite un par un de cours, vous voyez? Et donc ça rend possible sur le plan... En tout cas, sur le plan théorique, ça rend possible de faire l'évaluation des apprentissages, y compris même à l'extérieur des établissements.

Peut-être avez-vous vu cette émission, il y a quelques mois, à La semaine verte, que j'ai trouvée formidable. C'était un type, l'exemple tout à fait sympathique d'un jeune qui travaille sur une ferme et qui apprend les compétences nécessaires à la gestion d'une ferme. Eh bien, il y a des choses qui portaient, par exemple: Comment être compétent pour alimenter comme du monde les animaux? Comment être compétent pour faire la production du lait? L'UPA et le ministère de l'Éducation se sont mis ensemble, ils ont dit: Voici les compétences nécessaires, quand on est cultivateur ou qu'on est travailleur agricole, voici les compétences nécessaires en production agricole, ou en production avicole, ou que sais-je encore. Et, à partir de cela, un employeur cultivateur et un étudiant qui travaille comme apprenti sur sa ferme finit, au bout du compte, en relation avec sa commission scolaire et sous la supervision de sa commission scolaire, réussit... on réussit à dire: Bien, voilà, en apprentissage sur une ferme concrètement, cet élève-là est devenu un travailleur agricole compétent. Et, pendant ce temps-là, il n'est pas à l'école, là, il n'est pas sur les bancs d'une école, il est dans une entreprise industrielle agricole. Eh bien, je donne ça à titre d'exemple, mais on pourrait l'élargir davantage.

n (16 h 30) n

Ce qui manque pour l'instant autour de cette question-là, pour répondre à la question de Mme Marois ? mais elle pourra me relire sur les galées ? ce qui manque surtout, c'est moins la volonté politique, parce que déjà elle est en voie de réalisation, et j'ai évoqué des exemples que... mais ce qui manque, c'est d'appuyer, de mettre le pied sur l'accélérateur. Parce que beaucoup de documents, de choses s'écrivent et se disent sur cette question-là, on connaît même les voies prometteuses, mais, sur le terrain, sur le terrain, la question de la reconnaissance des acquis est une affaire trop embryonnaire. Il faut aller plus loin, et surtout il faut aller plus vite, et il faut y aller en plus, je le dirais de façon significative, il faut y aller de façon concertée. Parce qu'il y a plein de monde qui s'intéresse à la reconnaissance des acquis. Dans le monde de la construction, par exemple, ils s'intéressent à ça. La conférence ? attendez, ça s'appelle-tu comme ça? ? la conférence des emplois...

Des voix: ...

M. Proulx (Jean-Pierre): La Commission des partenaires du marché du travail s'occupe de ça, le ministère de l'Éducation s'occupe de ça. Il y a beaucoup de monde qui s'intéresse à la reconnaissance des acquis. Et la... pas la difficulté mais le danger, c'est que tout un chacun aille de son côté sans qu'il y ait une concertation importante.

Le Président (M. Kelley): Je vais aller maintenant à M. le député de l'Acadie.

Projet de création d'un ordre
professionnel des enseignants

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Écoutez, je voudrais aborder un autre sujet auquel vous avez fait référence dans votre présentation initiale, la question de la professionnalisation des enseignants et des enseignantes. Je voudrais juste comprendre un peu plus, là, la position du conseil à ce niveau-là. Vous nous avez dit, si j'ai bien interprété vos paroles, qu'au fond l'état actuel n'est pas souhaitable, c'est-à-dire que c'est le ministère qui décide et que, dans le cadre d'une professionnalisation, il y a plus d'autonomies qui sont données et une autodiscipline. Et vous avez fait référence à un certain nombre de caractéristiques qui correspondent à une profession. Et vous nous avez dit aussi en même temps que vous ne vous êtes pas prononcés sur l'hypothèse d'un ordre professionnel des enseignants et des enseignantes.

Alors, j'aimerais d'abord savoir de façon plus précise quelle est votre position par rapport... Parce que, si vous êtes préoccupés par l'idée de la professionnalisation, et en faisant ressortir les caractéristiques que vous avez fait ressortir, qui sont celles d'une profession, comment vous vous positionnez par rapport à l'ordre, à l'hypothèse d'un ordre des enseignants et des enseignantes? Et, si ce n'est pas la solution optimale, quelle est la solution optimale que le conseil suggérerait, à ce moment-là, si ce n'est pas la création d'un ordre, pour essayer d'aller dans le sens d'une amélioration de la situation actuelle?

M. Proulx (Jean-Pierre): Oui. Je vais essayer de répondre du mieux possible à votre question. D'abord, pour situer le contexte de notre avis, au départ, le ministre de l'Éducation ? qui n'était pas M. Reid, mais M. Simard, qui a commandé l'avis que vous savez ? n'avait pas ça dans son champ de tir, si vous me passez l'expression, au moment où cet avis-là a été commandé. Mais, une fois lancé, le gouvernement a changé, et, dans le programme du Parti libéral et dans le programme Briller parmi les meilleurs, cela est inscrit en toutes lettres, la création d'un ordre professionnel des enseignants.

Le conseil a pris bien sûr acte de cela, mais il a pris aussi bien sûr acte des attentes du milieu autour de cette question-là, et en particulier le fait que les enseignants manifestement refusent ce projet-là. Donc, il y avait là en quelque sorte collision entre une intention gouvernementale et la position des enseignants. Le conseil, dans ce contexte-là, d'autant que ce n'était pas son mandat, n'a pas pris position en faveur ou non d'un ordre professionnel.

Mais j'ai évoqué tout à l'heure quelque chose que nous avons dit et que vous me permettrez de relire à partir de l'avis, d'un avis que nous avions donné en 1984, dans un rapport célèbre du Conseil supérieur de l'éducation ? je vous dirai pourquoi après, pourquoi c'était célèbre ? mais qui portait sur la condition enseignante. Nous avions écrit ce qui suit: «Le conseil n'estime pas que la corporation professionnelle ? on appelait ça comme ça à l'époque ? était une solution miracle capable de prévenir ou de corriger toute situation, car elle possède aussi ses limites, ses conflits d'intérêts même, et elle doit être elle-même régie par l'Office des professions. Mais le conseil est convaincu qu'un organisme qui s'y apparenterait constituerait un fondement utile pour la confiance du public à l'endroit de la profession enseignante.»

Voici une position que nous avons prise en 1984. Le conseil n'avait pas ? comment dirais-je? ? de qualifications particulières pour décider si c'était là la meilleure des formules. Et, comme vous le savez, il y a quelques années, l'Office des professions a été elle-même saisie d'un projet sur lequel elle a commis, elle ? cette commission ? un avis. Donc, un avis du corps compétent pour trancher cette question-là sous l'angle de la Loi sur les professions avait déjà donné son point de vue.

Alors, le conseil a pris l'ensemble de ces éléments en considération pour formuler sa propre position. Il s'est dit: Ah, voilà, nous sommes devant un cul-de-sac, un affrontement politique entre deux corps sociaux légitimes, un gouvernement et puis des syndicats d'enseignants, est-ce qu'il faut prendre position pour un bord ou pour l'autre et décider: Bien, il faut faire ceci ou ne pas faire cela? Le conseil a jugé que cette voie-là n'était pas souhaitable, et féconde surtout.

Il a plutôt réfléchi à une autre voie qui était, dans un premier temps, de dire: Une chose nous apparaît certaine... deux choses nous apparaissent certaines. Une profession véritable suppose que les membres aient une prise dans la gestion de leur profession. Donc, sur le plan des principes, cela est clair, si on veut parler d'une profession, ça suppose que ses membres aient une prise sur la gestion de leur profession, d'une part. On a dit ça. Deuxièmement, nous avons dit: Là, sur le plan... Et par conséquent, la conséquence de ça, c'est que la situation que nous avons actuellement, où les grands encadrements de la profession sont pris en charge par le ministère de l'Éducation, cela n'est pas souhaitable, le statu quo n'est pas souhaitable. Mais, les choses étant ce qu'elles sont, comment aller plus loin?

Le conseil a proposé au ministre, a recommandé au ministre la création d'un comité-conseil qui étudierait plus à fond cette question-là, avec un mandat spécifique qui serait ? vous me permettrez de le lire ? «de confier à une commission indépendante le mandat de redéfinir les paramètres de la gestion de la profession dans une perspective de valorisation». Cette commission devra être indépendante, c'est-à-dire formée de personnes qui ne sont pas liées par une obligation de représentation, être multipartite mais formée d'une majorité d'enseignants du préscolaire, du primaire et du secondaire. Et cette commission devrait répondre en particulier aux trois questions suivantes: À quels acteurs devrait incomber la responsabilité de la gestion de la profession? Quelle structure, entre parenthèses, comité, commission, office, régie, ordre professionnel ? donc ce n'était pas exclu ou autre, serait le mieux en mesure d'assurer cette fonction? Troisièmement, comment passer de la situation actuelle à la situation souhaitée?» C'était ça, l'essentiel de notre recommandation.

Mais M. le ministre de l'Éducation, à qui nous avons fait cette recommandation, a jugé ? et c'est son droit le plus absolu, et nous le respectons parfaitement ? a jugé ne pas recevoir... ne pas accueillir favorablement cette recommandation-là, estimant qu'elle retarderait la mise en oeuvre du projet politique propre au gouvernement. Alors, pour l'heure, on en est là.

M. Bordeleau: Vous avez fait référence à quel document dont vous...

M. Proulx (Jean-Pierre): Au document qui s'appelle Un nouveau souffle pour la profession enseignante. C'est un avis que nous avons remis au ministre en septembre dernier. J'imagine... je ne sais pas si vous en avez une copie ou un exemplaire. Si ce n'était pas le cas, vous pourriez facilement...

Le Président (M. Kelley): Je suis certain qu'on en a une copie.

M. Bordeleau: Oui, on en a.

M. Proulx (Jean-Pierre): Oui? O.K. Alors, je vous ai fait un petit peu le résumé de la situation.

M. Bordeleau: Peut-être une autre question.

Le Président (M. Kelley): Oui.

Attentes prioritaires
vis-à-vis du gouvernement

M. Bordeleau: Une autre question que j'aimerais aborder aussi, est reliée à votre présentation. Et vous avez conclu votre présentation avec un tableau sur les attentes prioritaires vis-à-vis du gouvernement du Québec et la position évidemment, là, très marginale de l'éducation dans le cadre des priorités que fixe la population. Vous avez dit que vous souhaitiez que... On avait un défi, il faut qu'on se revoie et éventuellement et que ce soit remonté.

Mais je vous avoue que c'est d'abord une question de perception au niveau de la population, les résultats qui sont là. Et, bon, évidemment, je pense que c'est décevant et inquiétant. Mais est-ce que vous avez des explications? Comment vous expliquez qu'au niveau de la population on accorde si peu d'importance à l'éducation? Parce que le problème est là. Il y a un problème de perception de la population, et c'est...

Le Président (M. Kelley): La moitié de la population est masculine et n'aime pas l'école. Alors, on part déjà à -50.

M. Proulx (Jean-Pierre): Bien, je dirais... M. le Président, votre collègue tout à l'heure a cité ou en tout cas invoqué Aristote. Je ne sais pas qui a dit ça, mais il a dit en latin une phrase toute simple qui est: Primum vivere. Ça veut dire: D'abord, vivre. Et par conséquent...

Soit dit en passant, une petite parenthèse, il ne faut pas accorder aux sondages une importance plus grande qu'elle ne l'a. Je ne souhaite pas que le gouvernement du Québec ? comment dirais-je, donc? ? gouverne par sondage. C'est une mauvaise idée. Mais, cela dit, c'est quand même des indicateurs intéressants dont il faut prendre en compte dans notre réflexion. La question donc du pourquoi, il est difficile d'y répondre, mais il est sûr que la priorité spontanée des gens, c'est bien sûr l'emploi, et c'est pour ça que ça se retrouve relativement haut.

n(16 h 40)n

Depuis un certain nombre d'années, et c'est constant, c'est la santé qui est la dominante des intérêts spontanés des citoyens. Je pense que c'est aussi lié à un phénomène de société qui est celui du vieillissement de la population. Ça fait partie des données de base, l'inquiétude par rapport à son avenir, etc. Ça, ça me paraît aussi... Et puis aussi il y a les phénomènes ? comment dirais-je, donc? ? de... Comment ça s'appelle? Le symptôme de la saucisse Hygrade, là: plus on en parle, plus on en veut puis, plus on en veut, plus on en parle. La santé est devenue le sujet dominant non seulement au Québec, mais au Canada. Les politiques publiques tournent autour de ça. Donc, je pense que c'est les explications de ce côté-là.

Une autre explication possible aussi, c'est qu'une fois que les adultes sont passés par l'éducation et que leurs enfants sont passés par le système d'éducation, ça devient une question moins prioritaire. Vous savez que la population adulte québécoise qui a des enfants à l'école primaire et secondaire, c'est 25 %. En mettant le cégep, mettons qu'on se rend à 35 %. La majorité des gens, ayant passé à travers le système d'éducation, accordent des priorités à d'autres choses que celle-là. Ça prend ? comment dirais-je? ? une conscience sociale, une conscience citoyenne pour être très, très, très intéressé à l'éducation alors qu'on n'a plus un intérêt immédiat à l'éducation. Il y a des gens qui ont cet intérêt toute leur vie, mais le citoyen ordinaire, une fois qu'il a passé à travers, en a moins. Je vous ai proposé ces explications pour ce qu'elles valent, mais je pense qu'elles sont logiques en tout cas ou cohérentes.

M. Bordeleau: Oui, je pense qu'effectivement toute la question de la sensibilisation au niveau de la... de la sensibilité au niveau de la santé, je pense qu'effectivement depuis peut-être huit ans, c'est quelque chose qui est majeur dans la société québécoise. Donc, si on regarde, je comprends le positionnement de la santé.

Mais, quand vous faites référence, bon, au fait que la question de l'éducation touche plus particulièrement une section de la population puis c'est ce qui pourrait expliquer un petit peu le résultat qu'on voit dans ce sondage-là, mais il me semble qu'à un autre niveau on observe aussi un manque d'intérêt quand même important de la population, et de la population concernée. Et je pense aux élections... Bien, vous nous avez parlé tout à l'heure de la démocratie scolaire qui va faire l'objet de votre rapport 2005-2006.

M. Proulx (Jean-Pierre): Oui.

M. Bordeleau: Mais, encore là, si on regarde les parents qui ont des enfants à l'école primaire, secondaire et leur participation active au niveau des élections, il me semble que, là, il y a encore une manifestation d'un manque d'intérêt parce que ce n'est pas très fort comme implication. Et là ces gens-là devraient être concernés, puisque leurs enfants fréquentent des écoles soit primaires soit secondaires. Alors, il me semble qu'il y a un problème là, au niveau de l'importance que la population en général et celle qui est plus directement concernée accorde à l'éducation, que je m'explique difficilement.

M. Proulx (Jean-Pierre): J'y ai fait allusion dans ma présentation, tout à l'heure, en réfléchissant sur un certain nombre de questions plus fondamentales sur les finalités de l'éducation et en constatant avec vous sans doute que, l'école, une tendance lourde, en tout cas émergente, et plus qu'émergente est de voir l'école comme un bien de consommation plutôt que de voir un bien citoyen. Dans le fond, et c'est lié à une culture générale au Québec, culture occidentale des temps modernes, l'importance qu'on accorde à l'individu par rapport à la société en général, c'est une variable lourde. La société de consommation dans laquelle nous vivons favorise l'individu plutôt que l'organisation de la société en général. Ça, c'est un phénomène de société avec lequel l'école vit. Alors, il n'est pas très étonnant qu'au total les citoyens en général ne sentent pas le besoin de s'impliquer.

Je me souviens d'avoir lu dans un livre sur l'analyse sociale de l'éducation une phrase qui m'avait fait un petit peu sursauté: Il n'y a pas plus de raisons de participer au conseil d'administration de mon marché Métro que de participer au conseil d'établissement de mon école; l'important, c'est que l'école me satisfasse. Alors, dans le fond, cela étant posé comme principe, la question, c'est de savoir: Que suis-je prêt à payer pour avoir l'éducation qui satisfait à mes aspirations individuelles? Et vous savez que ça a donné lieu, par exemple, à une des hypothèses qui est celle des bons d'éducation. Chacun achète son école avec... peu importe, l'important, c'est de trouver à partir de son porte-monnaie l'école qui correspond à ses aspirations individuelles. Je n'ai pas besoin de m'y impliquer pour autant que je trouve une école qui satisfait à mes besoins.

Il y a ces phénomènes de civilisation qui sont là, pour lesquels nous tous autour de cette table... sur lesquels nous n'avons pas beaucoup de poids, sinon que c'est une question qui doit préoccuper bien sûr un gouvernement puis l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Kelley): Peut-être une dernière question. Parce que je veux vous laisser quelques... pour les remarques finales. Il faut terminer pour 17 heures. Alors, M. le député des Îles-de-la-Madeleine, rapidement.

M. Arseneau: Oui. Merci, M. le Président. Sur ce sujet-là des attentes prioritaires vis-à-vis du gouvernement du Québec en regard... les gens, M. le Président, qui me connaissent de près savent à quel point j'ai mon franc-parler, et M. Proulx pourra réagir s'il veut, mais, moi, je vois ça comme étant le résultat d'un sondage, d'une perception. Mais on parle ici des attentes prioritaires vis-à-vis du gouvernement, ce ne sont pas nécessairement les priorités de la population du Québec dont il est question plus que, je dirais, les inquiétudes ou les préoccupations. Les priorités puis les préoccupations, c'est différent, ça.

Je pense que l'éducation est une priorité pour tous les Québécois et je pense que le gouvernement du Québec s'en rend compte actuellement, aujourd'hui, par exemple, avec toutes les discussions que nous avons sur le financement des écoles privées confessionnelles. Je pense que ça réagit dans la population du Québec, je pense qu'il n'y a pas de doute là-dessus.

Moi, je vais vous donner mon explication en regard du tableau que vous avez là. Quand on regarde, de 1997 jusqu'à 2004, la question, par exemple, de l'emploi, alors l'emploi était, en 1997, la préoccupation ? regardez, là ? de 50 %, 55 % de la population. Pourquoi? C'était une attente prioritaire envers le gouvernement du Québec, c'est parce que c'était une préoccupation pour la population du Québec. L'économie allait plus ou moins, les emplois plus ou moins, dans les régions, ça allait plus ou moins. Et, là, la situation de l'emploi s'est améliorée au fil des ans, et cette préoccupation n'était plus la préoccupation prioritaire.

La question de la santé, à mon avis, c'est une question de médias, de la façon dont les médias et de la façon dont... la réalité aussi, puisque la santé touche l'ensemble de la population. Tout le monde est préoccupé par la santé, alors que, vous avez raison, ce ne sont pas tous les Québécois qui ont des enfants à l'école. Mais les entreprises se sont préoccupées d'éducation, etc. Alors donc, à partir de 1997, il y a eu un focus mis sur les réalités en santé, ça a été très médiatisé. Je vous rappelle, par exemple, qu'à certains moments dans les postes de télévision, on donnait le taux d'occupation des urgences de façon quotidienne. Et on a non seulement... Je ne dis pas qu'on a dramatisé inutilement, il y avait des problématiques en santé aussi. C'est devenu une préoccupation majeure pour les Québécois.

Mais j'ose affirmer que cette stabilité en termes de préoccupations ou d'attentes prioritaires vis-à-vis du gouvernement du Québec, on n'a pas eu vraiment de révolution dans l'éducation qui a fait en sorte que c'est devenu une préoccupation plus que ça ne l'était dans les années ou dans les mois... Je ne sais pas si vous me suivez dans ce que je veux expliquer. C'est ça, M. le Président, qui m'amène à dire qu'on se trompe si on pense que l'éducation n'est pas une priorité pour les Québécois et surtout pour les députés qui sont autour de cette table et dans cette Assemblée nationale.

Remarques finales

Le Président (M. Kelley): Je ne sais pas si vous avez une réaction ou, d'une façon plus générale, parce que, comme je dis, je veux terminer pour 17 heures, en guise de conclusion, M. Proulx, la parole est à vous.

M. Jean-Pierre Proulx, président du
Conseil supérieur de l'éducation

M. Proulx (Jean-Pierre): Merci. Écoutez, d'abord, je suis content des remarques de vos deux collègues, M. le Président, au regard de ce tableau-là que j'ai mis là tout simplement pour susciter la réflexion, sans y apporter une importance qui serait hors de ce qu'elle veut dire. Les interprétations des sondages peuvent être multiples, et on peut dire: Les priorités en éducation sont basses parce que les citoyens sont satisfaits puis ils ont besoin d'autre chose, par exemple, et c'est une interprétation fort valable. Et par conséquent je ne voudrais pas que la conclusion de cette commission parlementaire soit défaitiste au regard de cela. Par conséquent, j'accepte fort bien la pertinence des remarques qui viennent d'être formulées par les deux collègues qui ont pris la parole.

n(16 h 50)n

Je sais qu'une de vos préoccupations, par ailleurs, mesdames et messieurs de la commission, c'est: Qu'allons-nous faire après, lorsque nous nous serons retirés chacun sur nos terres, pour continuer nos travaux? Je me permets de signaler à votre attention que le conseil lui-même se pose cette question-là lorsqu'un thème soit dans une commission où un rapport annuel est déposé, ils disent: Maintenant, de quoi devrions-nous nous occuper? Et, l'an passé, l'assemblée annuelle du conseil, car on réunit une fois par année l'ensemble des membres des commissions, la table du conseil avec les permanents, et on réfléchit sur un certain nombre de choses, l'année passée, on a justement fait le point sur: Quelles sont les attentes prioritaires qui devraient faire l'objet de nos préoccupations? Et ce qui est surgi au premier plan, c'est la démocratie scolaire.

Je crois que vous avez entre les mains le document qui... le petit cahier. Et je voudrais attirer votre attention, à la page 12, sur le tableau... l'encadré qui s'y trouve, qui est l'extrait du compte rendu de l'assemblée plénière 2004. Et, vous voyez, au point 4, vous avez là le résultat de nos délibérations au terme de cette journée-là où nous avons, parmi je ne sais pas combien de sujets qui ont été mis sur la table, nous avons finalement fait un consensus autour d'un certain nombre de priorités qui étaient suffisamment... ont fait l'objet d'un consensus suffisamment grand pour pouvoir les inscrire au procès-verbal. Alors, on n'a pas la propriété de ce paragraphe-là, il vous appartient autant qu'à nous. Et donc par conséquent j'attire votre attention là-dessus parce qu'il me semble y avoir des sujets qui pourraient vous intéresser.

La démocratie scolaire, bien sûr, on s'en occupe au cours des prochains mois, mais rien ne vous empêche d'apporter votre grain de sel ou mieux... ? j'allais dire mieux ? votre contribution à cela en y réfléchissant aussi de votre côté, si le coeur vous en dit.

Deuxièmement, le bilan critique et les perspectives 10 ans après les états généraux sur l'éducation. Il s'est dit... Les états généraux de 1995-1996 ont soulevé de très grandes aspirations au Québec. Qu'avons-nous fait de cet héritage? Est-ce que nous avons réalisé les promesses que cette délibération démocratique a données? C'est une question très intéressante et même importante parce que, encore une fois, comme je l'ai dit tout à l'heure, on a tendance, parce que le temps passe, à oublier nos aspirations. Voilà un sujet, par exemple, qui a un caractère général et qui permet à une commission comme la vôtre de faire le bilan de ça.

Troisièmement, j'ai évoqué à plusieurs reprises et tout à fait... presque à la fin l'approche par compétences, le défi de l'évaluation. C'est un peu technique, mais c'est quand même très important parce que, si on dit qu'on va favoriser les apprentissages par compétences et qu'on fait ça à l'extérieur du système éducatif, ça pose la question de l'évaluation de ces compétences-là. Là-dessus, tout n'a pas été dit, il y a des éléments à caractère pédagogique mais des questions importantes.

Quatrièmement, la qualité de vie et le sens du travail en éducation. Ça, c'est une question très importante qui intéresse au plus haut point nos professionnels à l'éducation. Vous savez ? et ils ont raison de le noter, de le mettre en lumière ? que beaucoup d'enseignants quittent ce métier-là parce que c'est un métier dur et que, dans le contexte social et culturel dans lequel nous vivons aujourd'hui, avec les familles qui sont ce qu'elles sont, très largement éclatées, avec des valeurs sociales qui sont parfois centrées sur l'individu... Vous avez vu les reportages un peu grossiers qui ont été faits sur les faux enseignants qui sont allés en... Le Journal de Québec, ou le Journal de Montréal, il y a quelques années, a fait ses choux gras autour de cette question-là. Mais la qualité de vie de nos personnels à l'intérieur de l'école est une question importante.

Une autre question qui a été soulevée par vous tous ici, autour de cette table, qui mériterait certainement un approfondissement: une meilleure connaissance des jeunes, leurs besoins changeants et diversifiés. J'ai dit des choses à propos des jeunes tout à l'heure qui pourraient être contestables sinon contestées, que les garçons n'aiment pas l'école puis que les filles l'aiment. Est-ce si vrai, et ai-je erré, comme diraient les avocats, tant en faits qu'en droit? Qui sait? Soit dit en passant, le conseil actuellement travaille sur un avis pour le collégial qui va porter sur l'engagement des jeunes dans leurs études au niveau collégial. Donc, des questions que vous avez soulevées seront reprises mais pour cet ordre d'enseignement.

Pour l'heure, au secondaire, nous travaillons sur une autre question qui est, je me permets de le signaler en passant, extrêmement intéressante mais qui va être très ? comment dirais-je? ? controversée comme sujet: Que faut-il penser de la sélection des élèves dans les écoles secondaires et dans les écoles secondaires publiques? Que faut-il penser de ces projets particuliers qui sont fondés sur la sélection des élèves? Est-ce qu'il y a de l'avenir dans notre système éducatif pour une école fondée sur des écoles réservées à un certain nombre d'élèves? Et alors la Commission de l'enseignement secondaire travaille sur cette question-là difficile.

La contribution de l'école au projet de vie des jeunes, j'ai évoqué ça en d'autres termes tout à l'heure, mais c'est toute la question de l'orientation des jeunes et comment pousser plus loin cette question-là.

L'éducation en région, qui est une question qui, je pense, fait déjà très largement l'objet des préoccupations du ministre de l'Éducation, mais en tout cas ça nous préoccupait aussi.

Et puis le dernier, qui est un classique, hein, qui est le décrochage et l'abandon scolaire. Un certain nombre de travaux, je dirais même pas mal de travaux se sont déjà faits là-dessus.

Mais voilà, mesdames et messieurs, M. le Président, un menu dans lequel vous pourriez puiser si le coeur vous en dit et que vous estimez ça opportun de vous y référer et d'y travailler.

Moi, pour ma part, je pense avoir eu tout le temps, et un temps largement suffisant pour exposer les travaux du conseil, ce qui nous tient à coeur. Je suis heureux de l'avoir fait et d'avoir reçu votre invitation. Et je vous remercie bien sûr de votre accueil chaleureux et de l'intérêt manifeste dont vous avez fait part envers nos travaux. Il ne me reste qu'à vous souhaiter la meilleure des chances pour la poursuite de vos travaux. Vous seriez en quelque sorte dans le fond la sixième commission permanente du Conseil supérieur de l'éducation, si je peux m'exprimer ainsi. On pourra recevoir vos recommandations puis en délibérer. Merci.

Le président, M. Geoffrey Kelley

Le Président (M. Kelley): Merci infiniment pour cette réponse et ces remarques finales. À mon tour, merci infiniment pour un après-midi fort intéressant. Il y avait d'autres sujets qu'on doit laisser en suspens pour le moment, qu'on a évoqués ce matin, mais, je pense, c'est la preuve tangible que l'éducation est une priorité pour l'ensemble des membres de cette commission et c'est un enjeu très important pour l'avenir de la société québécoise sur plusieurs niveaux, pas uniquement économiques. Nous avons bien entendu vos paroles sur les finalités de l'éducation et le rôle de l'école dans notre communauté et notre société. Mais, je pense, c'est un enjeu qui nous préoccupe tous, les 125 membres de l'Assemblée nationale. Alors, merci beaucoup pour ces éclairages.

J'ai pris bonne note aussi de la problématique très précise au niveau de votre gestion quant à la nomination des membres du Conseil supérieur de l'éducation et, si j'ai le consentement des deux côtés de la table, je m'engage de prendre cette portion de notre échange, écrire au ministre de l'Éducation pour faire écho à cette préoccupation que vous avez soulevée aujourd'hui, je pense, qui est partagée des deux côtés de la table: Est-ce qu'on peut revenir à une façon plus ordonnée de s'assurer de continuer dans les travaux du conseil? Alors, j'ai pris de bonnes notes et je m'engage comme président de faire écho à votre problématique auprès du ministre de l'Éducation. Peut-être 30 secondes, M. le vice-président.

M. Maxime Arseneau

M. Arseneau: Oui. Bien, merci beaucoup, M. le Président. Pas à titre de vice-président mais au nom de ma collègue et de ma formation politique, je veux vous dire qu'au-delà du mandat de surveillance qui relève de cette commission, je voulais dire qu'on reconnaît au Conseil supérieur de l'éducation l'importance qu'il a depuis sa création en regard du contrepoids qu'il exerce sur le pouvoir du ministre, même s'il doit... son devoir est de collaborer.

Mais, au-delà de ça, je voulais vous dire, M. Proulx, qu'au nom de ma collègue et de notre formation politique, je suis sûr, des collègues d'en face aussi que pour nous c'est un plaisir que d'avoir l'occasion d'échanger, de discuter d'éducation avec vous qui représentez l'ensemble du monde de l'éducation au Québec et surtout de pouvoir en entendre parler avec une telle éloquence et avec un discours d'une telle profondeur. Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Alors, sur ça, j'ajourne nos travaux au mardi le 1er février 2005, quand la commission poursuivra l'audition des dirigeants des universités dans le cadre d'un mandat statutaire en vertu de la Loi sur les universités. Merci beaucoup, tout le monde.

(Fin de la séance à 16 h 59)


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