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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le jeudi 11 mars 2004 - Vol. 38 N° 19

Consultation générale sur les enjeux entourant la qualité, l'accessibilité et le financement des universités au Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-neuf minutes)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! Je constate le quorum des membres de la Commission de l'éducation, donc je déclare la séance de la commission ouverte. Je rappelle: le mandat de la commission est de tenir une consultation générale sur les enjeux entourant la qualité, l'accessibilité et le financement des universités au Québec.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Charest (Rimouski) remplace Mme Champagne (Champlain).

Le Président (M. Kelley): Alors, quelle coïncidence, Mme la députée de Rimouski est parmi nous, et, le premier témoin, c'est l'Université de Rimouski.

Alors, juste un rappel très rapidement de l'ordre du jour pour aujourd'hui. Cet avant-midi, nous entendrons l'Université du Québec à Rimouski, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et le Syndicat canadien de la fonction publique, secteur universitaire. Cet après-midi, nous poursuivrons avec la Confédération des associations d'étudiants et étudiantes de l'Université Laval, la Coalition des facultés d'ingénierie du Québec et l'Association pour une solidarité syndicale étudiante.

S'il y a le monde ici avec un cellulaire, je vous invite de les fermer maintenant.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kelley): Le timing est bon!

n (9 h 40) n

Des voix: Ha, ha, ha!

Auditions (suite)

Le Président (M. Kelley): Alors, sur ça, je suis prêt à reconnaître notre premier invité, Michel Ringuet, recteur de l'Université du Québec à Rimouski. La parole est à vous, M. Ringuet.

Université du Québec à Rimouski (UQAR)

M. Ringuet (Michel): Alors, merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. membres de la commission, dans un premier temps j'aimerais vous présenter les gens qui m'accompagnent: à ma gauche, Jean Ferron, vice-recteur à la formation et à la recherche; à ma droite, Daniel Bénéteau, vice-recteur aux ressources humaines et à l'administration; et, tout à gauche, Michel Bourassa, qui est vice-recteur aux ressources informationnelles et secrétaire général. J'aimerais aussi saluer des gens de chez nous, professeurs, chargés de cours et étudiants, venus ici témoigner, j'imagine, de leur appui à l'UQAR.

C'est la deuxième fois que nous nous rencontrons en quelques mois. Ça devient pratiquement une habitude, une habitude enrichissante, puisque nous sommes fiers et aimons témoigner publiquement de ce que nous sommes, de nos réalisations, et discuter des conditions optimales pour l'accomplissement de nos missions.

L'automne dernier, nous vous avons parlé de nous et avons décrit comment nous utilisions les fonds mis à notre disposition. Aujourd'hui, nous aimerions plutôt décrire ce que nous pourrions ou devrions être si nous avions les moyens de réaliser notre mission à la hauteur de notre potentiel et des attentes de nos milieux. Car c'est bien de cela qu'il s'agit: l'UQAR est-elle présentement suffisamment outillée pour offrir aux régions qu'elle dessert une réelle accessibilité à une formation universitaire de qualité? L'UQAR répond-elle correctement aux appels des personnes qui l'entourent pour soutenir l'innovation et le développement technologique de son territoire?

Pour répondre à ces questions, nous joignons notre voix à celles déjà entendues ici. La CREPUQ et pratiquement tous ceux et celles qui se sont présentés devant vous jusqu'à aujourd'hui l'ont dit, vous-même, M. le ministre, l'avez indiqué: les universités québécoises sont sous-financées, et l'UQAR est de celles-là, et ce sous-financement a des répercussions importante sur notre capacité d'agir.

Mais d'entrée de jeu je voudrais que l'on réaffirme ce que l'on... et que l'on convienne du postulat suivant: les fonds octroyés par une société à son système d'enseignement supérieur ne sont pas des dépenses, ce sont des investissements, les investissements les plus judicieux, les plus rentables qu'une société puisse faire. Former adéquatement ses citoyens et citoyennes et se munir d'instruments pour favoriser l'émergence de l'innovation, voilà le préalable à toute évolution positive d'une société moderne.

Le Québec a vécu, sous l'impulsion de grands leaders, de magnifiques périodes de développement, et il en est une dont les gens de ma génération se souviennent avec fierté, celle de la Révolution tranquille. Adolescent, j'avais le sentiment que le Québec d'alors avait le goût de l'avenir, la volonté de se donner les moyens d'investir dans son futur. On crée la SGF, la Caisse de dépôt et placement, on nationalise l'électricité, les Bombardier, Quebecor et Alcan et autres émergent, et, surtout, surtout, on investit dans l'avenir de la meilleure façon qui soit en rendant l'éducation accessible. Et les politiciens visionnaires d'alors ont confié à un nouvel établissement universitaire, l'Université du Québec, la mission d'assurer cette nouvelle accessibilité aux études supérieures, entre autres, en garantissant une accessibilité géographique par l'implantation d'universités en région.

Aujourd'hui, le contexte n'est plus le même bien sûr, on met l'accent sur la mondialisation des marchés et des moyens financiers limités de l'État. Mais nous croyons que, au-delà de tout, vous avez, comme parlementaires, et nous avons, comme dirigeants d'universités, le devoir de préparer un avenir prometteur et prospère pour celles et ceux qui nous succéderont, et ils le feront d'autant mieux qu'ils disposeront d'un potentiel intellectuel confirmé. Donc, premier point: nous convenons de l'extrême pertinence de se doter d'universités de qualité et qui garantissent une réelle accessibilité.

J'ai à vous soumettre une deuxième grande question: Doit-on, comme société, décider d'occuper efficacement notre territoire ou choisirons-nous, faute de moyens, de gérer la décroissance des régions dites ressources ou périphériques? Nous répondons tous allègrement que nous ne souhaitons pas laisser à nos enfants un Québec qui ne serait habité que le long du fleuve à l'ouest de Québec.

Sommes-nous alarmistes? Non, car les prévisions des organismes officiels sont là: si rien n'est fait, en 2011, la population de la Gaspésie aura chuté encore de 7 % et ne sera plus que de 90 000 habitants, et celle du Bas-Saint-Laurent tombera de 3 % pour se retrouver à 195 000 habitants. C'est une tendance lourde qu'il faut tenter d'infléchir, et il n'y a qu'une seule véritable façon de le faire, soit en créant dans ces régions des emplois de qualité et en s'assurant que ces emplois sont occupés par des gens qualifiés et productifs.

Or, ces deux stratégies peuvent être avantageusement soutenues par une université accessible, c'est-à-dire présente en région, à l'écoute des besoins, disponible et compétente pour répondre à ces besoins et qui accompagne même les décideurs régionaux dans leurs choix d'orientations stratégiques. L'université est l'instrument par excellence pour aider les entreprises régionales à se développer et à devenir plus compétitives grâce à des équipements mieux adaptés, des technologies plus sophistiquées, une gestion plus performante et une main-d'oeuvre qualifiée.

Nous le constatons, nous, à l'UQAR, qui donnons depuis une dizaine d'années un programme de génie assez polyvalent et dont les professeurs et les étudiants stagiaires se sont résolument mis au service des PME de la région, nous aussi, qui avons été la bougie d'allumage du Québec maritime, les demandes sont énormes et nous y répondons de notre mieux, parfois avec des retombées porteuses, comme la création du Centre de recherche en biotechnologie marine et les partenariats avec le MAPAQ en aquaculture, à Grande-Rivière, et en biotechnologie, à Gaspé. Mais, trop souvent, nous n'avons d'autre choix que de répondre: C'est malheureux, votre projet est intéressant, novateur et pourrait avoir des retombées merveilleuses, mais nous n'avons pas les moyens de vous appuyer.

Voici des exemples de nos limites d'action. Dans un territoire aussi francophone que le nôtre, il est impératif que nous formions des maîtres en enseignement de l'anglais langue seconde. Cela nous est impossible, et ce, même avec une aide ponctuelle que nous avait offerte le ministère dans le contrat de performance. Ce serait consacrer beaucoup de ressources dans un programme dont la taille des groupes-cours serait nécessairement très restreinte.

Dans des régions où l'art et la culture sont omniprésents, nous ne donnons aucun programme relié spécifiquement aux arts. Les techniciens en sciences physiques de la région Chaudière-Appalaches ont un besoin impérieux de formation continue. Ce besoin nous a été communiqué, mais notre seule bonne volonté n'est pas suffisante pour y répondre.

La Gaspésie bénéficierait sans doute d'une plus grande implication de notre part en formation et en recherche dans le domaine de l'éolien, mais nos moyens limités nous empêchent de faire plus.

Alors, deuxième constat: le Québec doit se développer partout, et, en régions ressources, cela veut dire développer de façon durable sa principale ressource, soit sa matière grise. C'est elle qu'il faut retenir en région et développer efficacement en lui fournissant d'abord et avant tout une formation de qualité. Les régions ne font pas pitié et ne demandent pas la charité, elles sont l'une des clés du développement du Québec.

Il nous reste donc à imaginer des moyens de corriger ces situations. Doit-on se lancer dans une vaste opération de réexamen de la structure universitaire et des coûts réels engendrés par nos programmations? Il me semble que ce n'est pas ça, la question. Les compressions budgétaires des années quatre-vingt-dix nous ont forcés à gérer différemment. De la concertation pour revoir la programmation, il y en a eu à travers la Commission des universités sur les programmes et par les processus d'évaluation périodiques dont toutes les universités se sont dotées et qui fonctionnent bien. Du partenariat, des collaborations pour rationaliser les coûts, il y en a à profusion. Les universités québécoises sont exemplaires à cet égard et dans le réseau de l'Université du Québec en particulier, qui, nous le rappelons, est un outil de concertation génial.

Des programmes conjoints donnés en association ou par extension sont le lot d'un bon nombre de programmes de cycles supérieurs à l'UQAR. Cette forme de partenariat permet aux étudiants de profiter de l'expertise d'un nombre accru de professeurs. Toutes les universités, y compris l'UQAR, utilisent des technologies de médiatisation de l'enseignement pour rejoindre de petits groupes d'étudiants ou améliorer l'encadrement. On assiste également à un arrimage constructif avec le palier collégial par l'implantation des D.E.C.-bac.

Il n'y a donc pas de gaspillage dans le réseau universitaire. Ça nous ramène au vrai défi: comment financer adéquatement ce merveilleux outil, cet outil de grande qualité qu'est notre réseau universitaire?

n (9 h 50) n

En simplifiant, la réponse à cette question peut être ramenée à trois options: la première, celle de l'utilisateur-payeur, les étudiants paient tout; la seconde, c'est l'inverse, celle de l'État providence qui paie tout ? on pourrait ajouter: comme en santé. Ces deux options ne sont ni réalistes ni souhaitables, nous en convenons. Nos constats de tout à l'heure ont montré que l'État a le devoir de favoriser la formation universitaire. Il est par ailleurs justifié que l'utilisateur confirme son implication et participe financièrement à son projet de formation. Ainsi, nous nous retrouvons avec la troisième option, un partage des coûts entre l'État et l'étudiant ou le commanditaire d'un projet de recherche. Il nous reste à déterminer le niveau de répartition le plus juste, le plus équitable en fonction des moyens de chacun et de nos priorités sociales. Nous soutenons que ce partage ne doit en aucun cas freiner l'accessibilité à l'université et que toute personne qui a le potentiel intellectuel et la volonté de le faire puisse recevoir une formation universitaire, et ce, dans la mesure du possible, là où elle entend vivre et travailler. Nous soutenons que l'État doit aussi assumer une partie des coûts indirects de la recherche, puisque celle-ci vise d'abord et avant tout la formation des étudiants.

Certains prétendent que la déréglementation des frais de scolarité n'a pas d'impact sur l'accessibilité. Mais se peut-il qu'une hausse des frais de scolarité ait ici, au Québec, un effet différent de celui prévu par certaines études sectorielles? Car, s'il est vrai que les frais de scolarité sont plus bas ici qu'ailleurs et que notre programme d'aide financière aux études est compétitif, comment se fait-il que nous n'ayons pas un taux de participation aux études universitaires beaucoup plus élevé qu'ailleurs? La réponse réside peut-être dans le fait que nous n'avons pas encore réussi à convaincre la population québécoise de l'intérêt de bien se former à l'université. Le mythe du chômeur universitaire instruit est bien ancré chez nous, malgré toutes les données qui le contredisent. Le mythe qui prétend que l'entrepreneurship, ça ne s'apprend pas, que c'est inné, perdure, lui aussi.

Ce qui n'est pas un mythe par ailleurs, c'est le grand nombre de parents qui se dégagent de leurs responsabilités financières et disent à leurs enfants: Vous voulez étudier? Faites-le, mais à vos frais. Je vous parle ici d'une proportion non négligeable de notre population chez qui une hausse de frais de scolarité pourrait ébranler la volonté de s'endetter pour étudier. Après tout, nous parlons de jeunes de 20 à 24 ans pour qui l'endettement des études représente une décision majeure ou de personnes plus âgées qui voient dans la formation continue une porte de salut, mais peut-être pas à n'importe quel prix.

Les gens de la Fédération québécoise des professeurs d'université vous ont peut-être cité cette donnée présentée par Mme Marie-Claude Prémont dans la dernière parution de leur journal. Dans les trois années qui ont suivi la hausse des frais de scolarité en Ontario, le revenu familial moyen des parents des étudiants admis en médecine à l'Université de Western Ontario serait passé de 82 000 $ à 142 000 $. Cette donnée à elle seule fait réfléchir sur la pertinence sociale d'une hausse et encore plus d'une hausse modulée selon les facultés.

Le réinvestissement dans les universités doit donc résulter d'abord et avant tout d'un effort collectif, un effort qui doit nécessairement impliquer le gouvernement fédéral. Évidemment qu'il y a le FCI, les chaires de recherche, les bourses du millénaire et le remboursement, depuis peu, de certains frais indirects, mais il faut plus encore. Nous savons que le Québec fait beaucoup pour ses universités, et je crois, M. le ministre, que le milieu universitaire serait tout disposé à travailler avec vous au montage d'un dossier qui démontrerait la pertinence d'un investissement public majoré et impliquant un transfert fédéral-provincial accru dans les créneaux que nous choisirons.

Nous avons focalisé notre intervention sur trois volets: l'importance sociale des universités, l'occupation efficace du territoire par les universités et la répartition du financement des universités entre le collectif et l'utilisateur, le tout bien sûr selon notre vision, celle d'un établissement particulier, très particulier.

Un très vaste territoire, le plus dispersé de tous, puisqu'il n'est pas établi autour d'une ville-centre comme d'autres le sont; un établissement principal à Rimouski où se tient l'essentiel de nos activités de recherche; un campus de 2 000 étudiants à Lévis; un véritable institut de recherche dans l'établissement d'ISMER, où les conditions de travail des professeurs sont semblables à celles des professeurs des centres de l'INRS, ce qui leur permet de se consacrer beaucoup plus à la fonction recherche ? cela est unique dans les établissements à vocation générale du réseau de l'Université du Québec; des activités de formation continue et de recherche un peu partout sur ce vaste territoire. Et, en arrière-plan de tout ça, le sentiment qu'il faudra en faire plus: plus pour des partenaires du milieu qui nous croient mandatés et financés pour répondre à leurs requêtes et qui ne comprennent pas nos réponses négatives; plus aussi pour notre communauté, des employés et des étudiants du campus de Lévis qui ne disposent pas des infrastructures physiques et documentaires ainsi que des ressources générales adéquates; plus pour nos étudiants qui se retrouvent avec des choix de programmes et d'options et de concentrations des plus limités; plus pour nos employés, y compris les chargés de cours, qui ne jouissent pas des conditions et de l'environnement de travail auxquels ils pourraient prétendre; plus pour nos chercheurs, qui ont peine à compétitionner avec la charge d'enseignement que nous leur imposons. Tout cela serait possible si un niveau de financement adéquat nous était octroyé, et ce serait de l'argent bien investi, parce que les besoins sont réels.

Ce qui est miraculeux dans tout cela, c'est que tous ces gens qui méritent mieux continuent à croire en l'UQAR et veulent travailler à sa réussite, à son développement. La commission parlementaire laisse à tous un véritable espoir que le Québec sortira convaincu de la nécessité du réinvestissement, promesse d'un avenir de développement, et particulièrement dans nos régions. Précisons que ce réinvestissement devra se faire par une formule de financement général qui se négocie actuellement entre le ministère et la CREPUQ, mais que cette formule devra nécessairement tenir compte de facteurs de correction pour une université comme la nôtre qui doit assurer une infrastructure de base mais où aucune économie d'échelle ne peut être envisagée.

M. le ministre, nous réitérons notre volonté de travailler avec vous afin d'assurer à l'UQAR une réelle accessibilité à l'université dans les régions que nous desservons. Nous parlons d'accessibilité territoriale, à une formation de qualité, à la recherche et à l'innovation, une accessibilité en termes de transfert technologique et, enfin, d'une accessibilité par un financement équitable qui reflète la priorité gouvernementale accordée à la formation universitaire.

Encore une fois, Mmes et MM. membres de la commission, merci de nous avoir reçus et de nous avoir écoutés si attentivement.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Ringuet. Alors, il y aura deux blocs de 10 minutes. Je pense qu'on va faire l'alternance. Alors, je vais commencer: 10 minutes à ma droite. La parole est à vous, M. le ministre.

M. Reid: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. le recteur, et bienvenue aussi à votre délégation.

L'Université du Québec à Rimouski est au centre d'un phénomène que j'ai eu l'occasion de voir de plus près en différentes occasions, que je pourrais qualifier un peu d'une filière industrielle ? ce que les Anglais appellent un cluster ? qui est régionale, c'est-à-dire, donc que ça n'a pas l'ampleur d'une filière où il y a des dizaines de multinationales avec des dizaines d'établissements d'enseignement. Mais, néanmoins, vous avez réussi à créer, et, à mon avis, c'est par la volonté régionale que vous avez réussi à le faire ? d'après ce que j'en ai su, tous les intervenants se sont mis d'accord et ont travaillé là-dessus ? vous avez réussi à créer une filière maritime avec un institut dans l'université, etc., avec une collaboration de tous les intervenants, et l'université, là-dessus, joue un rôle absolument central. En tout cas, c'est comme ça que je l'ai perçu, et vous me corrigerez si je me trompe.

Ce que j'aimerais avoir de votre part et qui pourrait être utile aux membres de la commission, c'est... Dans un environnement et, comme vous dites, qui est unique, là, par rapport ? enfin, du moins, de cette ampleur ? par rapport aux universités générales du réseau, j'aimerais voir... si vous pouviez élaborer un petit peu sur l'impact, les impacts qu'un tel succès a sur les éléments de notre commission, c'est-à-dire l'accessibilité ? surtout dans un environnement où il y a une décroissance démographique, régionale du moins ? l'impact sur la qualité de l'enseignement-recherche et impact sur le financement, parce que ça en a.

n (10 heures) n

Et j'aimerais aussi qu'on ne parle pas juste des impacts positifs, parce qu'on peut en imaginer un certain nombre, mais aussi des impacts négatifs ou du moins des défis que cela pose au niveau encore une fois de la qualité, de l'accessibilité et du financement.

Le Président (M. Kelley): M. Ringuet.

M. Ringuet (Michel): Vaste question.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ringuet (Michel): Est-ce qu'on a encore un 20 minutes pour répondre? Non, vous avez raison, je pense qu'il s'est passé dans la région ? et, quand on parle du Québec maritime, c'est le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie et une portion de la Côte-Nord, il s'est passé ? un phénomène tout à fait intéressant de concertation autour d'une volonté face, constatons-le, au fait que la ressource première, la pêche, dérivant vers un manque de ressources important, les gens se sont dit: Il faut faire autre chose. Et, faire autre chose, dans à peu près toutes les ressources premières ? c'est vrai pour la forêt aussi, c'est vrai pour les mines ? c'est de dire: Puisque la ressource première s'amenuise, il faut la transformer, il faut l'utiliser différemment. Et l'UQAR, avec d'autres intervenants, ont amené la région vers l'utilisation de nouvelles technologies, biotechnologies reliées au maritime, qui pourraient certainement relancer l'économie régionale.

On l'a fait en consacrant une portion très importante de nos ressources au maritime. L'Institut des sciences de la mer, c'est une vingtaine de professeurs qui se dédient presque exclusivement à la recherche et à la formation aux cycles supérieurs. Quand on sait qu'on est financé par tête de pipe, étudiant, il faut trouver un moyen de soutenir ce modèle. Heureusement, le ministère a compris la chose et a financé cet institut un peu sur le modèle de l'INRS, mais il faudrait aussi que, dans la suite des événements, le jour où on parlera des espaces de recherche, du financement des espaces de recherche, que le message se poursuive aussi. Mais donc l'essentiel du discours, c'est de dire: Utilisons l'université dans le maritime. Mais je pourrais vous parler de l'éolien aussi, je pourrais vous parler de la forêt, donc de différents secteurs. Utilisons l'université et la compétence en innovation de l'université pour relancer l'économie sur d'autres bases.

Il manque par ailleurs un grand secteur pour que tout cela fonctionne. L'université est là, on a... je pense qu'on a un peu de moyens pour le faire, mais il n'y a pas d'industrie. Elle n'existe pas, l'industrie qui serait prête à recevoir le capital de risque pour se développer. Gilbert Drouin, de Valorisation-Recherche Québec, utilise toujours l'expression «le capital de risque, ça achète ses bananes jaunes». Et, chez nous, toute l'industrie reliée aux biotechnologies marines a besoin de financement de démarrage. Alors, le message ne s'adresse pas nécessairement à la commission, ici, ça s'adresse à une autre commission qui se tient presque concurremment, mais il faut comprendre que le système, il est celui-là.

Par ailleurs, bon, j'y venais, le fait que nous ayons concentré beaucoup nos ressources dans le maritime a un impact réel sur la question de l'accessibilité, parce que l'accessibilité, ça veut dire une brochette de programmes aussi étendue que possible dans des domaines aussi diversifiés que possible. Alors, il y a comme une antithèse, là. Si on met nos ressources dans un créneau, on peut plus difficilement soutenir l'ensemble des autres acteurs. Alors, il est clair que ça nous laisse moins de moyens pour soutenir les programmes à faible clientèle, pour soutenir l'essor du campus de Lévis, qu'il faut faire, et c'est à travers vraiment des prouesses d'imagination qu'on y réussit, mais tout juste.

Le Président (M. Kelley): Ça va, M. le ministre?

M. Reid: Oui.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Maskinongé.

Mme Gaudet: Bonjour. Bienvenue à cette commission. Vous indiquez clairement dans votre mémoire que vous souscrivez au gel des frais de scolarité. Vous avez aussi donné quelques indicateurs, là, comme quoi les étudiants ont des réserves et ne s'inscrivent pas suffisamment aux études supérieures. Vous ne fermez pas la porte à une éventuelle indexation des frais de scolarité. Alors, j'aimerais entendre votre point de vue complet sur la question des droits de scolarité en relation avec votre financement.

Le Président (M. Kelley): M. Ringuet.

M. Ringuet (Michel): Oui. Je pense que j'ai présenté l'essentiel de notre position. Effectivement, pour nous, les frais de scolarité, il faut le regarder dans son ensemble. Il est clair que ça n'a pas le même impact sur tout le monde. Dans les facultés... On va prendre l'exemple de Western Ontario, je pense qu'il est parlant. Dans les facultés fortement contingentées, ça n'aura pas d'impact sur l'accessibilité, puisqu'on va combler le contingent de toute façon. Pas avec les mêmes étudiants, par contre. Je suis persuadé, moi, qu'il y a des étudiants qui... À 20 ans, là, décider de s'investir et de s'endetter sur une éventuelle promesse d'un avenir meilleur, c'est une décision majeure, et les étudiants que nous côtoyons, nous, quotidiennement à l'UQAR auraient difficilement les moyens d'absorber une hausse importante de frais de scolarité.

Il faut réaliser, là, une année universitaire, ça coûte 10 000 $, 2 000 $ de frais de scolarité et 10 000 $ pour vivre. 70 % de nos étudiants sont sur le régime des prêts et bourses, et la moyenne de prêts et bourses est autour de 4 000 $. Alors, il faut qu'ils trouvent la différence entre le 4 000 $ et le 10 000 $. Ils le font en travaillant 15, 20, 25 heures par semaine, au détriment de la diplomation. Alors, si les frais de scolarité n'ont pas nécessairement un impact sur l'accessibilité, ça va en avoir un sur la diplomation.

Oui, effectivement, dans le mémoire, on mentionne que l'indexation des frais de scolarité serait une mesure équitable, effectivement. Donc, pour nous, l'indexation des frais de scolarité, c'est un gel, mais pas en dollars constants ou en dollars courants. Mais une déréglementation au-delà de l'indexation nous paraîtrait extrêmement dangereuse, compte tenu de ce que j'ai dit tout à l'heure, là, de la culture québécoise face à l'université.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, je vous souhaite la bienvenue à mon tour, vous remercie de la qualité de votre présentation qui est une excellente synthèse. Vous touchez, là, directement les points que vous vouliez aborder avec nous, et j'aime bien la teneur de votre mémoire. Je vous souhaite la bienvenue aussi au nom de mes collègues, des collègues de ma formation politique.

Je vais venir d'entrée de jeu sur un aspect que vous abordez dans le premier chapitre, là, qui a trait à l'accessibilité à une formation de qualité et qui fait un lien avec l'occupation du territoire, parce que vous avez posé la question d'entrée de jeu de votre intervention: Est-ce que nous voulons vraiment occuper le territoire et faire en sorte que continuent de se développer les régions du Québec?

À la page 12 de votre mémoire, vous dites: «Une façon d'inciter les étudiantes et les étudiants des régions à s'inscrire dans leur université d'appartenance [...] serait de bonifier les programmes de prêts et bourses, surtout pour ceux qui sont éloignés de Rimouski.» Vous dites par ailleurs: «On pourrait mettre en place un programme de bourses d'études en région pour les étudiantes et les étudiants métropolitains qui souhaiteraient bénéficier des programmes offerts par l'UQAR.» Je comprends que la thèse derrière cela, c'est que le fait que des gens fréquentent l'Université du Québec à Rimouski pourrait les inciter ensuite à y demeurer et donc à prendre pied dans la région.

D'abord, actuellement, quel est le pourcentage de votre clientèle qui vient de d'autres parties, de d'autres régions du Québec? Et, si ces mesures étaient adoptées ? j'aimerais vous entendre sur le type de mesures auquel vous songez ? est-ce que vous iriez même jusqu'à vous fixer un objectif à atteindre, pour aller établir un pourcentage de vos étudiants qui viendraient de l'extérieur de la région?

M. Ringuet (Michel): Notre région, il faut d'abord la définir. Je l'ai décrite tout à l'heure. Donc, pour nous, l'UQAR comprend le campus de Lévis. Alors, quand on définit les étudiants qui proviennent de notre région, on inclut bien sûr Chaudière-Appalaches. Et, si on englobe donc Bas-Saint-Laurent, Gaspésie, Chaudière-Appalaches, c'est plus de 80 % d'étudiants qui viennent de ces régions-là. On a un certain... Et le deuxième plus fort pourcentage, ce sont les étudiants qui proviennent de l'étranger.

On a un certain nombre de programmes porteurs dont la réputation fait en sorte qu'il y a des gens qui viennent des autres régions du Québec. J'amènerais la biologie, par exemple. Si on veut faire de la biologie de la faune, de la biologie de terrain, c'est à Rimouski qu'on vient. Si on veut faire de l'océanographie, c'est pas mal à Rimouski qu'on vient, géographie physique maintenant. Alors, il y a certains secteurs où on attire des gens de l'extérieur.

n (10 h 10) n

Mais, vous avez raison, la proposition qui est là... Puis il faudrait que je remette la propriété intellectuelle de cette suggestion-là au président de l'Université du Québec, qui a conçu un programme qui s'appelait MOBILUQ et qui se voulait un programme incitatif pour attirer des étudiants des régions plus métropolitaines du Québec vers des régions périphériques. Pour nous, ce serait... Et, c'est l'essentiel du discours, ne laissons pas tomber les régions. Et c'est un fait que, une fois qu'un citoyen, une citoyenne a goûté la qualité de vie des régions périphériques et qu'elle y trouve du travail satisfaisant, elle y demeure. On a des chiffres par rapport à nos diplômés, et c'est très sectorisé. Plus de 75 % des gens qui proviennent du Bas-du-Fleuve, de la Matapédia ? Mme Doyer était ici tout à l'heure ? qui viennent à l'UQAR demeurent en région pour le travail. La même chose, les gens de Gaspésie qui viennent chez nous retournent en Gaspésie, et les gens qui... Drôlement, les gens qui viennent de l'extérieur, il y en a un plus fort pourcentage qui demeurent chez nous plutôt que de retourner vers leur région d'origine.

Se fixer un objectif... On est d'abord et avant tout une université qui a une vocation régionale. Donc, notre premier élément de service, c'est la région, et on devrait d'abord et avant tout offrir des programmes dans les créneaux porteurs pour la région, mais on se veut aussi une université à vocation générale, capable d'attirer les étudiants de l'extérieur. Objectif, on n'en a pas vraiment discuté, bien sincèrement.

Mme Marois: ...je pense que votre...

M. Ringuet (Michel): M. Ferron.

M. Ferron (Jean): Oui. Bonjour, Mme Marois.

Mme Marois: Oui, bonjour.

M. Ferron (Jean): Juste... peut-être juste pour vous mentionner, peut-être, dans un programme comme génie, 92 % de nos étudiants en provenance de la région demeurent en région et 50 % des étudiants qui viennent de l'extérieur sont demeurés dans la région, en génie. Donc, c'est... Autrement, on avait de la difficulté à attirer des ingénieurs dans notre région, et, avec ce programme-là, vous voyez qu'on réussit à les garder en région.

Mme Marois: Vous faites la démonstration très concrètement que cette stratégie-là est très efficace, quand on songe à la rétention des gens en région. Je pense que c'est une des perspectives aussi que l'on a, de faire en sorte que nos institutions d'enseignement supérieur aient cet impact-là, et c'est, à mon point de vue, un élément moteur pour assurer le développement et le progrès des régions. Je reste persuadée de cela, hein.

M. Ferron (Jean): Et, là-dessus, je rajouterais qu'on a des étudiants qui sont en stage, des étudiants de génie, par exemple, qui vont en stage dans les PME dans la région. Et, lors d'une enquête, on a montré que ça avait un effet mobilisateur pour l'innovation, dans des nouvelles façons de produire puis des nouvelles idées de produits, dans ces entreprises-là de la région.

Mme Marois: D'ailleurs, juste un petit mot, parce que je voudrais passer la parole à ma collègue la députée de Rimouski, je voudrais vous féliciter pour les reconnaissances que vous avez reçues ou les prix que vous avez reçus. Vous êtes bien modestes dans votre mémoire. D'ailleurs, vous le mettez en bas de page, une note en bas de page, à la page 23 de votre mémoire. Parce que vous faites la démonstration qu'une université en région peut fort bien exceller dans son champ d'expertise, et là vous faites référence au prix qu'on a vous a reconnu, là, que Québec Science vous a reconnu, et même eu le prix scientifique de l'année 2003 que Radio-Canada a octroyé à un professeur de l'UQAR. Alors, on s'en était parlé quand je vous avais rencontré, lorsque je suis allée à Rimouski, mais je pense que ça vaut la peine de le mentionner parce que ça illustre bien justement tout le potentiel qu'il y a lorsqu'on investit de façon, je dirais, pointue et qu'on choisit les bons créneaux, avec les résultats que l'on connaît maintenant.

Je ne sais pas si ma collègue veut... On a encore un peu de temps sur...

Le Président (M. Kelley): Oui, oui.

Mme Charest (Rimouski): ...quelques minutes, oui? Merci, M. le Président. Bienvenue à chacun et à chacune d'entre vous qui êtes là. Vous êtes nombreux, et ça me fait plaisir de voir que vous êtes toujours proactifs. Vous avez un excellent mémoire, comme d'habitude.

Vous avez suggéré, à la page 25 de votre mémoire, de soutenir de façon plus intense les sociétés de valorisation, hein, de la recherche. Parce que, à l'UQAR, on fait beaucoup de recherche, et je pense que, là-dessus, les prix que vient de mentionner ma collègue en sont la démonstration la plus éloquente. Dites-moi, est-ce que vous avez évalué les retombées non seulement pour la région, mais pour l'université, de ces sociétés de valorisation là? Est-ce que vous avez une idée, là, de ce que ça a pu apporter pour nous?

M. Ringuet (Michel): Si on parle des sociétés de valorisation que Valorisation-Recherche Québec a mises en place, donc, nous, on est partenaires. Et, quand on parle de partenariat, donc on est partenaires dans Valeo, Valeo qui comprend des constituantes du réseau de l'Université du Québec et de l'Université Concordia. Concrètement, Valeo, ça a été la bougie d'allumage de valorisation à l'UQAR. Avant Valeo, nous n'avions tout simplement pas les moyens de valoriser quoi que ce soit. On n'a même pas de BLEU chez nous.

Mme Charest (Rimouski): ...répéter ça?

M. Ringuet (Michel): ...

Mme Charest (Rimouski): Voulez-vous répéter?

M. Ringuet (Michel): On n'a pas de BLEU. Dans notre jargon, c'est le Bureau de liaison université-milieu. Et...

Mme Charest (Rimouski): Ça va permettre aussi à l'enregistrement d'avoir une meilleure définition. Merci.

M. Ringuet (Michel): C'est ça. On a... Chaque université a une infrastructure minimale à assurer, mais la nôtre est, je dirais, sous-minimale dans un certain nombre de secteurs et... Alors, n'ayant pas de bureau de liaison, n'ayant pas de bureau de valorisation, on n'en faisait tout simplement pas. Depuis l'arrivée de Valeo, on a déjà soumis quatre projets à Valeo. Deux sont retenus et deux sont en train d'être valorisés. Et dans des secteurs extrêmement porteurs. J'en prendrai un comme exemple, un de nos chercheurs a mis au point un concentrateur d'algues. Les algues, là, c'est des oméga-3. Alors, il y a un potentiel énorme. Bien sûr, le premier marché, ce sera de fournir ces algues-là pour les écloseries, pour les... en aquaculture, pour nourrir les poissons. Mais rapidement on pourrait en venir à du neutraceutique, à du cosmétique aussi. Et, sans Valeo, ça n'aurait pas pu se faire. Parce qu'on n'a pas d'autre levier de démarrage, alors on s'en va véritablement soit vendre la licence ou l'ancienne société dérivée, là, autour de ce projet-là.

Il y a d'autres projets qui sont plus ou moins issus de Rimouski. Et, bien sûr, on n'aura jamais l'ampleur de d'autres universités, mais je pense que c'est possible d'imaginer chez nous au moins une valorisation, donc, d'une invention, d'un produit par année. Est-ce que ce sera des Cirque du Soleil, là, comme potentiel? Mais je suis persuadé que l'avenir de notre région pourrait très certainement être bien soutenu là-dedans. M. Bénéteau siège à plusieurs tables de valorisation comme ça, il pourrait peut-être en dire plus.

Le Président (M. Kelley): M. Bénéteau.

M. Bénéteau (Daniel): Merci. Ça fait quelques mois je suis dans le monde universitaire, puis ce qui m'attirait... J'arrive du privé, puis ce qui m'attirait dans le monde universitaire, c'est le potentiel de développement des universités sur les régions, des universités performantes, parce que c'est un incontournable au développement des régions puis du revirement de la tendance démographique à la baisse. Le sentiment qu'on a est qu'on est à une période charnière. Il y a tellement de produits de la recherche qui ont du potentiel pour être commercialisés dans les prochaines années. Dans la région, on a tout mis en place, toute la structure en place pour exploiter cette recherche-là au bénéfice du développement. On a des centres de transfert technologique, il y a la recherche, il y a une synergie entre tous ces intervenants-là. Puis, comme M. Ringuet le disait au début, l'élément qui manque, c'est de renforcer les sociétés de valorisation, s'assurer qu'elles sont viables ? il y a Inno-Centre aussi, au Québec, qui est un apport important en termes de valorisation ? et le capital de démarrage. Si on réussit à solutionner le volet... renforcer les sociétés de valorisation et capital de démarrage, on s'attend, là, à énormément de développements et beaucoup de bénéfices, là, en termes de création d'emplois et autres pour les régions.

Mme Charest (Rimouski): C'est ce qui fait que je veux vous rassurer là-dessus, pour le capital de risque. Nous allons surveiller ça de très près parce qu'on est très conscient, en région, que ce type de capital participe au développement puis à la diversification économique et qu'il faut ce genre de capital pour que la connaissance scientifique puisse éventuellement être commercialisée et que cette période, ces étapes pour arriver à la commercialisation sont cruciales pour la connaissance et la reconnaissance de cette connaissance. Alors, je pense qu'on va... on a les mêmes chevaux de bataille, on va travailler dessus. Merci. Je vais laisser la place à mon autre collègue de la Gaspésie.

Le Président (M. Kelley): Oui. Je vais...

Mme Marois: ...revenir dans la prochaine...

Mme Charest (Rimouski): O.K.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme la députée. Avant de passer la parole à ma droite, je veux saluer les étudiants de Upper Canada College, à Toronto, qui sont dans les tribunes maintenant, et les enseignants qui les accompagnent. «Welcome to Québec City to all of you, and I hope you enjoy your visit».

Alors, sur ça, je vais donner la parole au ministre de l'Éducation.

n (10 h 20) n

M. Reid: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir sur un autre point de financement. Vous parlez des frais indirects de la recherche. Depuis l'été dernier, les frais indirects de la recherche sont à leur niveau auquel ils devraient être pour les subventions, évidemment, québécoises, mais vous suggérez qu'il devrait y avoir un effort supplémentaire et qu'il serait irréaliste de s'attendre à ce que les autres pourvoyeurs de fonds de recherche paient effectivement leur part des frais indirects de la recherche. Enfin, c'est ce que j'ai compris, là, mais est-ce que vous pourriez élaborer et corriger si j'ai mal compris?

Et, en particulier, j'imagine qu'on ne parle pas du gouvernement fédéral, qui ne paie que 20 % à peu près, là, mais on parle peut-être plus de contrats de recherche, pour lesquels la question se pose évidemment, et, en toile de fond, est-ce qu'on veut subventionner indirectement par les frais indirects de la recherche des contrats des entreprises privées qui, par ailleurs, ont, dans beaucoup de ces contrats-là, des motifs de profit, qui est naturel et légitime, mais qui ne demandent pas nécessairement une subvention du gouvernement pour ajouter à ces profits?

M. Ringuet (Michel): Non, en fait, ce que je... Et, je parlerai surtout du vécu de l'UQAR, nous avons... Un contrat, purement et simplement, qui vise un transfert de connaissances à une entreprise et qui n'aurait pas d'impact sur la formation d'un étudiant à la maîtrise ou au doctorat, on ne le prendra pas. Donc, à chaque fois qu'il y a un contrat qui arrive chez nous, il y a un étudiant qui est formé à la maîtrise ou au doctorat à travers ce contrat-là. Et, si on demande aux commanditaires de payer la totalité des frais indirects, on est peut-être aussi un petit peu à côté du dossier. Et je ne veux pas dire... Entendons-nous, là, je ne veux pas dire que le ministère devrait payer l'entièreté, mais comprenons qu'il y a un flou dans les frais indirects qui n'est pas à couper au couteau comme ça, là, puisqu'on a le devoir d'assurer une infrastructure en termes de laboratoires, en termes de bibliothèques. Et, même si cette infrastructure-là est utilisée via un contrat, elle sert principalement à former un étudiant au doctorat et à la maîtrise.

Il y a eu un grand pas de fait au niveau des frais indirects, bon, avec la contribution fédérale, avec le fait que, au niveau du ministère, on reconnaît, je pense, assez bien la chose maintenant, en tout cas dans les orientations. Il demeure une inquiétude sur la possibilité qu'il y ait une remise en question du financement des espaces de recherche. Ça, ça nous inquiète énormément. Avec ISMER, chez nous, là, ça aurait un impact majeur, parce que, parmi les universités de petite taille, on est celle qui justifie la plus grande proportion de son budget sur la base de recherche. Alors, une remise en question à ce niveau-là serait inquiétante.

D'autre part, il faut regarder le tissu industriel, le tissu social de notre région. Nos contrats de recherche ne viennent pas souvent, là, des grandes entreprises pharmacologiques ou aéronautiques, qui ont peut-être plus les moyens de payer, ça nous vient assez souvent des petites et moyennes entreprises qui, lorsqu'ils voient arriver un 40 % de frais indirects, trouvent la facture un petit peu salée. Et il y a les ministères, les autres ministères qui sont très réticents à payer quelque forme de frais indirects que ce soit. Donc, si on postule que tous les contrats doivent impliquer les frais indirects, bien je pense qu'il y a aussi un travail à faire entre nous, avec les autres ministères, pour convaincre tout le monde de cette obligation-là.

Le Président (M. Kelley): Ça va? M. le député de Charlesbourg.

M. Mercier: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Bienvenue à nouveau à l'Assemblée nationale, puisqu'on s'était rencontré, vous vous rappelez, avant les Fêtes. Vous savez que j'ai un faible pour tout ce qui est maritime, et je vous l'avais mentionné lors de notre rencontre. Peut-être pour renchérir davantage sur ce que M. le ministre vient de vous poser comme question, toujours sur la recherche, le développement de la recherche, vous l'avez effleuré tout à l'heure, mais vous offrez ? et c'est en page 21 de votre mémoire ? la maîtrise en gestion des ressources maritimes, vous en parliez tout à l'heure, mais qui est également reconnue par l'ACDI. Qui est-ce qui finance ça, exactement? Pouvez-vous me...

M. Ringuet (Michel): L'ACDI, c'est... Il y a trois programmes de formation en gestion des ressources maritimes reconnus par l'ACDI où... Il y en a une chez nous, il y en a une dans les Maritimes et il y en a une dans les pays nordiques, et l'ACDI offre des bourses à des étudiants du tiers-monde pour venir se former en gestion maritime, dans les pêches et ces choses-là. Et on est reconnu, alors on reçoit à chaque année une dizaine, 10, 12 étudiants à la maîtrise en gestion des ressources maritimes qui ont des bourses de l'ACDI.

M. Mercier: D'accord. Peut-être une brève question également, M. le Président, si vous permettez. Page 16 de votre mémoire, vous touchez tout ce qui est recrutement et renouvellement du corps professoral. Vous avancez également qu'il faudrait peut-être regarder la possibilité d'offrir, en page 17, une prime d'installation pour les nouveaux professeurs et envisager la mise en place d'un crédit fiscal, évidemment parce que vous avez un problème de recrutement, vous l'avez mentionné tout à l'heure. J'aimerais que vous précisiez l'ampleur, justement, du problème et ce que ça pourrait vous réserver même dans l'avenir, ce problème.

M. Ringuet (Michel): L'ampleur n'est pas la même dans toutes les disciplines, il y a des disciplines qui posent plus problème que d'autres. Et je vous dirais que jusqu'à présent ? il faut le dire, là, jusqu'à présent ? on tirait assez notre épingle du jeu. Mme Marois, tout à l'heure, signalait le prix reçu par Richard Cloutier, Scientifique de l'année. L'autre personne qui a reçu Découverte de l'année de Québec Science, c'est quelqu'un qui était à Montréal, qui enseignait déjà à Montréal et qui a choisi de venir chez nous. Donc, on a certains succès, beaucoup reliés à la qualité de vie, et tout ça. Mais en fait c'est une difficulté anticipée et qui va être énorme.

On le sait, l'ensemble des universités entrent dans une phase de renouvellement important, et il est quand même, avouons-le, plus difficile de faire partie de la grande équipe de recrutement, d'attirer l'attention sur nous. Nous, on sait qu'on a de belles réalisations, on est bons, la qualité de vie chez nous, c'est intéressant, mais convaincre un jeune professeur de venir chez nous, ça prend des arguments. Et je pense qu'un attrait particulier de ce type-là pourrait éventuellement être intéressant. Ce sont des idées qui sont émises pas seulement par nous, je pense, ça discute assez dans... En fait, c'est un peu comme en... Prenons l'exemple de la santé, on l'a vu, il y a des régions qui ont de la difficulté à attirer les médecins. Donc, si on veut créer des bases, des créneaux intéressants, je pense que c'est... Notre mémoire et ce que j'ai mentionné visaient à vous convaincre de la chose, l'université, c'est important et c'est important en région. Il faut trouver les moyens d'y arriver, et, entre autres, en donnant des facteurs d'attrait particuliers. Je vous dirais... je rajouterais là-dessus que ce qui est là, ce sont quand même des facteurs secondaires. Ce qui est important, c'est que le professeur qu'on attire chez nous soit d'abord et avant tout convaincu qu'il va pouvoir faire... enseigner dans sa discipline et faire une recherche intéressante dans sa discipline, donc que, nous aussi, on ait les conditions minimales de fonctionnement, conditions de travail acceptables.

Le Président (M. Kelley): Dernière courte question, M. le ministre.

M. Reid: Toute petite question complémentaire à ça. Étant donné le très haut niveau de concertation qui existe à Rimouski, la concertation régionale, est-ce que vous avez trouvé des solutions magiques, miracles ou des solutions partielles au problème, quand on veut attirer des professeurs... au problème de placement de leur conjoint ou conjointe? Le problème est entier, là comme ailleurs?

M. Ringuet (Michel): Et c'est un problème important, c'est clair.

Le Président (M. Kelley): M. Ferron.

M. Ferron (Jean): M. le ministre, simplement vous mentionner qu'il y a une organisation qu'on appelle Rimouski ville étudiante, et on vit les mêmes problèmes au niveau du cégep et des commissions scolaires, là, avec les cadres qu'on doit renouveler, et on est en train d'essayer de mettre sur pied justement une politique pour essayer de trouver une façon de solutionner le problème des conjoints, conjointes lorsque quelqu'un obtient un poste en région. Ce n'est pas évident, c'est vraiment un frein au recrutement, effectivement.

Le Président (M. Kelley): Merci, M. Ferron. Avant de passer la parole à Mme la députée de Taillon, je vais saluer une autre classe de Upper Canada College qui est dans nos tribunes: «Welcome to Québec City». Mme la députée de Taillon.

n (10 h 30) n

Mme Marois: Merci, M. le Président. Bienvenue effectivement dans nos murs. Je veux revenir sur deux éléments dans votre mémoire. D'abord, vous avez dû fermer des centres de formation continue faute de ressources, et vous faites référence au fait que vous êtes dans l'incapacité de décentraliser des programmes complets de baccalauréat dans les principales villes moyennes de votre territoire.

Quels devraient être les outils, au plan du financement, qui vous permettraient de corriger ces situations-là? Parce que j'imagine que le problème est lié au fait qu'il n'y a pas de masse critique suffisamment importante mais que vos coûts fixes, évidemment, continuent d'être aussi importants que si vous aviez 100 étudiants par groupe. Alors, j'aimerais vous entendre un peu sur ça.

Et, sur la formation continue, qui devrait la financer? Est-ce que ce devrait être l'État, les employeurs, les étudiants, les ordres professionnels, un mixte de tout cela?

M. Ringuet (Michel): Le problème d'occupation du territoire, en fait, vous ciblez bien. Vous savez, quand l'Université du Québec à Rimouski a été créée, il y avait un immense besoin de rattrapage, et pendant plusieurs années il y a eu des bureaux régionaux de l'UQAR qui réussissaient à fonctionner sans trop de pertes parce qu'on réussissait à faire des cohortes de 20, 25 étudiants. Maintenant, c'est de moins en moins possible, parce qu'il y a eu... On a relevé le niveau, je pense, on a eu un bon impact sur l'accessibilité en formation universitaire, mais il reste des éléments importants.

Notre bureau de formation continue a identifié quatre grands secteurs, bon: gestion, santé, éducation et sciences humaines, psycho, psychosociologie, dans lesquels il y a des besoins, mais ce sont des besoins où il y a cinq étudiants à Gaspé, trois à Carleton, quelques-uns aux Îles-de-la-Madeleine, et c'est ça qu'il faut réussir à gérer.

Donc, pour nous, ça requerrait une enveloppe particulière pour faire en sorte qu'on donne une activité à 10 étudiants, mais comme si on recevait du financement pour 28, 30 étudiants, qui est notre moyenne d'étudiants par groupe-cours au premier cycle et qui fonctionne, puisque actuellement on est en équilibre budgétaire approximatif avec ça, bon, quoiqu'on a notre déficit accumulé qui est un véritable boulet.

Mais on a évalué qu'actuellement, si on voulait donner ces activités-là aux 10, 12 étudiants, c'est une enveloppe d'à peu près 1,3 million que ça prendrait. Ça nous prendrait 1,3 million récurrent, additionnel, dans notre... On a fait plusieurs calculs comme ça pour se préparer à la commission parlementaire.

Un autre de nos immenses problèmes, c'est le maintien chez nous des programmes à faible clientèle. On donne des bacs, on donne des baccalauréats qui accueillent 10, 12 nouveaux étudiants à chaque année. C'est extrêmement difficile à porter. Si on voulait... Là aussi, ça nous prendrait une enveloppe de plus de 1 million pour réussir ? additionnel ? pour réussir à faire fonctionner ces programmes à faible clientèle et qui sont la base de l'accessibilité. Si on limite aux programmes à grande clientèle chez nous, on devient une immense école professionnelle, et je pense qu'une université, c'est une autre chose que ça.

Le Président (M. Kelley): M. le député des Îles-de-la-Madeleine, il vous reste deux minutes.

M. Arseneau: Merci beaucoup, M. le Président. Deux minutes, vous connaissez mes préambules. Alors, je vais essayer d'aller très rapidement, mais j'avais une question à deux volets en plus, M. le Président.

Vous savez que c'est aussi, l'Université du Québec à Rimouski, l'université de toute la région Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine. Moi, M. Ringuet, d'abord, je suis heureux de vous saluer, mais je pense que la bataille de l'accessibilité, on ne l'a pas tout à fait gagnée, dans les régions. Et quand je regarde, par exemple, le taux de diplomation de niveau universitaire pour la Gaspésie et les Îles, il est à 6,1, le nombre de... et à 8,9 dans le Bas-Saint-Laurent. Alors, je vous félicite pour le... lorsque vous parlez du maintien du gel des frais de scolarité, parce que vous avez aussi fait la démonstration que c'est important.

Est-ce que vous avez une stratégie particulière en regard du rattrapage qu'on aurait à faire pour permettre aux jeunes du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie, et des Îles, et de la Côte-Nord d'accéder aux études universitaires?

Est-ce que vous pouvez aussi ? deuxième volet ? chiffrer plus précisément... Vous avez parlé de 1 million à ma collègue de Taillon. Par exemple, le fonds de dotation, c'est clair que chez nous ce n'est pas suffisant. Vous le dites dans votre mémoire, qu'il faut avoir un soutien de l'État. L'Université Laval dit qu'il lui manque 11 millions en financement. À combien vous chiffrez votre sous-financement pour permettre vraiment à l'Université du Québec à Rimouski de jouer son rôle?

Une voix: ...

M. Arseneau: ...puis une stratégie, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Habilement posé. Il y a juste deux volets, alors il s'est limité. M. Ringuet.

M. Ringuet (Michel): Et je comprends que je n'ai pas beaucoup de temps. Donc, un chiffre: 5, 6 millions. Et les enveloppes, elles sont celles-là. Présence sur le territoire lorsqu'un groupe-cours de 10 étudiants est monté. Et, si on réussissait à faire ça, je pense qu'on donnerait un grand coup pour relever. Et, «sur le territoire», ça veut dire aux Îles, à Gaspé, à Carleton, à Matane, à Rivière-du-Loup, à La Pocatière, bon, dans ces centres-là. Les autres enveloppes sont celles du maintien des programmes à faible clientèle, c'est encore 1,3 million. Nos professeurs, nos nouveaux professeurs qu'on embauche chez nous, la première année de leur arrivée, ils ont quatre cours à donner, ils doivent donner quatre cours. La connaissance que j'ai de ce qui se passe dans les autres universités, ils sont dégagés pour se lancer en recherche. Nous, on n'a pas les moyens de faire ça. Alors, ça nous prendrait une enveloppe certainement de 300 000 $, 400 000 $ pour couvrir des dégagements de recherche pour les nouveaux professeurs qui arrivent, pour vraiment se lancer correctement en recherche.

Le taux de cours donnés par des chargés de cours, chez nous, est à 55 %. Ces gens-là font un travail magnifique, les chargés de cours font de l'excellent travail, sauf que je suis aussi obligé de dire qu'il y a un rééquilibrage à faire, là. Quand on a une proportion plus importante de cours donnés par les chargés de cours que par les professeurs, ça dénote un problème de niveau d'encadrement, malgré toute la bonne volonté que les chargés de cours peuvent avoir. Et ça, pour ramener, par exemple, les activités d'enseignement données à 55 % par les professeurs, ça demanderait d'embaucher 27 professeurs, donc c'est une enveloppe de 600 000 $ à peu près. Alors, on peut vous faire... on pourrait vous faire une liste de ces enveloppes-là qui nous amènent à 5, 6 millions.

Meilleure présence en recherche sur le territoire. Aller faire de l'éolien en Gaspésie, il faudrait y être. Il y a une discussion actuellement pour un centre de recherche à Murdochville, mais, juste le construire, d'être là, avoir des chercheurs là comme on a avec le MAPAQ, à Grande-Rivière ou à Gaspé, ce serait extrêmement stimulant, intéressant, mais ça, ça veut dire qu'il faut que l'équipe de recherche soit élargie un peu, et ça demande une enveloppe additionnelle aussi.

Le Président (M. Kelley): Sur ce, je dois encore une fois dire merci beaucoup. Vous êtes des ambassadeurs excellents à la fois pour votre institution et pour votre région, alors merci beaucoup.

Je vais suspendre nos travaux quelques instants, et j'invite les représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec de prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 38)

 

(Reprise à 10 h 43)

Le Président (M. Kelley): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Bienvenue aux représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Je vais maintenant céder la parole à M. René Roy. M. Roy, la parole est à vous.

Fédération des travailleurs
et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Roy (René): Merci, M. le Président. Alors, je suis accompagné, à ma droite, de Mme Louise Valiquette, directrice adjointe du SCFP-Québec, et, à ma gauche, de Mme Audet, économiste à la FTQ.

Alors, j'ai préparé un résumé de notre mémoire. Vous avez reçu notre mémoire. Les recommandations de la FTQ vont toutes dans le sens de supporter la formation à tous les niveaux. Plus spécifiquement, je pense qu'il est important de le faire dans la période... à cette période-ci de notre histoire, étant donné la concurrence. Et nous, à la FTQ, on est bien placés pour le savoir, on perd énormément d'emplois à d'autres économies, d'autres économies à faibles salaires, donc il faut se spécialiser, il faut avoir des programmes de formation continue bien supportés par l'État. Alors, c'est dans ce sens-là que l'ensemble de nos recommandations vont être faites.

Alors, au nom des 500 000 membres que la FTQ représente, je voudrais remercier la commission de nous donner l'occasion d'intervenir dans un débat qui touche non seulement nos membres à titre de citoyens et citoyennes, mais dont certains sont aussi des travailleurs et travailleuses du réseau de l'éducation. L'un de nos syndicats, le Syndicat canadien de la fonction publique, vous a d'ailleurs soumis un mémoire qui ne manque pas d'intérêt. D'ailleurs, ils sont immédiatement après nous dans la présentation.

J'aimerais d'entrée de jeu vous dire que, pour la FTQ, le débat auquel vous nous conviez, sur le dossier particulier de la formation universitaire, s'inscrit dans une vision qui ne peut être que globale et qui embrasse l'ensemble du réseau et du secteur de l'éducation du niveau préscolaire jusqu'au niveau universitaire. La vaste majorité des étudiants et étudiantes qui réussissent à s'inscrire aux études universitaires ont la chance de pouvoir dire que, s'ils sont rendus là, c'est qu'ils ont eu accès à un système d'éducation préuniversitaire accessible, de qualité, leur ayant permis d'acquérir les attitudes nécessaires pour poursuivre des études universitaires. Et surtout il convient de souligner les fondements de notre système d'éducation, qui se résument en une seule expression: l'égalité des chances, permise d'abord et avant tout par un réseau public et gratuit d'établissements d'enseignement primaire, secondaire et collégial. La question de l'accessibilité aux études à tous les niveaux est à ce point importante que nous y consacrons près de la moitié de notre mémoire. J'y reviendrai plus loin.

Permettez-moi d'abord d'insister sur ce qui nous apparaît être les conditions indispensables pour mener à bien la mission universitaire. Première chose, le principe de l'autonomie. L'université doit garder son indépendance vis-à-vis toute intervention extérieure dans tout ce qui touche son fonctionnement, son organisation, son administration, l'allocation de ses ressources, le recrutement de personnel, la définition de ses programmes et de ses services à la collectivité, l'organisation des études, l'orientation de son enseignement et de ses recherches. Mais l'université doit aussi rendre des comptes à la société et au gouvernement quant à l'accomplissement de sa mission et à l'utilisation des fonds qui lui sont octroyés.

Financement public. Il est clair que, sans financement public adéquat, l'université sera portée à recourir à un financement privé et à se rendre ainsi vulnérable face à des intérêts extérieurs qui chercheront plus ou moins à lui dicter les orientations à prendre et à briser ainsi l'autonomie dont elle a besoin. Les efforts consentis pour parvenir au déficit zéro lors de la dernière décennie ont rendu difficile un tel financement public, mais il faut maintenir le cap sur l'objectif. Nous y reviendrons en conclusion.

Concertation et collaboration. On entend de plus en plus souvent parler de la nécessité d'améliorer la position concurrentielle de l'université québécoise. Quand on regarde ce qui se passe, on voit les différents établissements participer à une course effrénée à la diplomation et à une mise aux enchères du volume d'inscriptions pour s'arracher leur part de financement ou courir à qui obtiendra le plus de fonds de sources privées. En un mot, on est amené à gérer l'université comme une business, où les rivalités et la compétition sont maîtres à bord.

La FTQ pense que, pour faire de l'université québécoise une université reconnue à travers le monde, il faut plutôt jouer sur la concertation, la collaboration, et bannir une concurrence tellement malsaine qu'elle conduit à une réduction des exigences d'admission et des critères de réussite. Plutôt que d'améliorer l'université, on est en train de la détériorer. Il faut en finir avec la vision productiviste de l'université, fondée sur la concurrence, et promouvoir des mécanismes de coopération et de collaboration interuniversitaires.

Langue d'enseignement. La vision productiviste de l'université est à ce point développée que plusieurs sont tentés, dans une logique de marché, à promouvoir l'anglais comme langue d'enseignement et de communication. La FTQ n'a pas manqué une occasion de se porter à la défense du français comme langue de travail, notamment dans le secteur universitaire où nous lancions déjà un cri d'alarme en 1990. La menace qui pèse aujourd'hui sur l'université québécoise est également présente dans l'ensemble des pays de la francophonie. Nous croyons que le gouvernement du Québec a été et doit continuer d'être un fer de lance à la défense du français dans l'ensemble des universités francophones comme langue d'enseignement et de communication.

La recherche. Une fois encore, il faut aborder la question de la recherche sous un angle qui prend de plus en plus de place, celui de la rentabilité. Il faudra donc éviter de privilégier le financement d'activités de recherche dont les résultats s'inscrivent dans une logique purement commerciale au détriment de la recherche fondamentale. Les modalités de financement de la recherche devront aussi éviter de pousser encore plus la concurrence entre les établissements universitaires, au risque de voir se développer des universités d'élite, les deuxième et troisième cycles d'un côté et des universités d'enseignement général de premier cycle de l'autre.

n (10 h 50) n

Cela nous amène à parler du rôle des universités en région. Justement, les universités en région... la situation des universités en région est sans doute encore plus vulnérable ? pensons à l'exode toujours plus grand des jeunes vers les grands centres urbains ou à la menace de fermeture de certains programmes. Pourtant, les universités en région sont un acteur de premier plan. Ce sont souvent elles qui sont à l'origine de débats et de projets d'envergure qui ont des répercussions concrètes sur le développement local et régional et par conséquent sur le développement social et économique du Québec. La question des ressources et de leur financement ne saurait être limitée aux grands centres. Il est de la responsabilité du gouvernement du Québec de faire en sorte que la mission universitaire s'étende efficacement jusqu'au coeur du développement régional en fournissant les ressources et le financement requis. La présentation du prochain budget pourrait aussi être une occasion de promouvoir des mesures fiscales incitatives d'attraction et de rétention des jeunes en région. Il faudra aussi porter une oreille attentive au maintien et à l'amélioration de la qualité de la main-d'oeuvre par des programmes de formation continue.

Les ressources. Sans se répandre longtemps sur la question, il va de soi que l'absence de ressources hypothèque dangereusement l'université dans l'accomplissement de sa mission. Le recrutement de professeurs réguliers et l'amélioration du sort des chargés de cours et des ressources nécessaires au renouvellement du personnel enseignant sont impératifs. De la même manière, il convient de combler les besoins dans les autres catégories de personnel qui participent toutes à un titre ou à un autre à la qualité de la vie universitaire, qu'il s'agisse des services internes ou des services à la collectivité. Et à ces ressources humaines il faut adjoindre les ressources matérielles: bibliothèque, centre de documentation, matériel, services informatiques, locaux, encadrement, sans oublier la qualité des services rendus à la communauté universitaire elle-même. Alors, voilà, pour nous, les principales conditions prévalant à la bonne marche de la mission universitaire.

Cela dit, il convient maintenant d'examiner les conditions d'accessibilité à l'université. Les dernières semaines ont démontré on ne peut plus clairement que le débat tend de plus en plus à soulever la question des droits de scolarité en termes de financement plutôt qu'en termes d'accessibilité. Bien sûr, ceux qui voudraient voir déplacer les coûts de l'enseignement supérieur vers les étudiants et leur famille nient, à coup d'études, que cela aurait un effet négatif sur l'accessibilité. Pourtant, le simple bon sens suffit à nous convaincre que la capacité de payer pour un bien ou un service est en relation directe avec le niveau de revenu. Plus il est bas, moins on en a, et inversement. Nous avons déjà dit que, pour nous, à la FTQ, le principe de l'égalité des chances est inaltérable. La déréglementation des droits de scolarité et l'éventualité de leur dégel au Québec sont à mille lieues de cette égalité des chances, et nous nous y opposons fermement. Nous croyons également qu'il faut encadrer plus étroitement les frais dits afférents et qui n'ont cessé de s'accroître à tous les niveaux de notre système d'éducation. Augmentation de 85 %.

Cela dit, nous croyons qu'il y a lieu de revoir de fond en comble le système d'aide financière aux étudiants. Sans entrer ici dans les détails, nous recommandons qu'un travail en profondeur soit effectué sur l'équilibre à atteindre entre les niveaux des diverses contributions exigées de la part des étudiants, de leurs parents ou de leur conjoint, d'une part, et l'aide financière, d'autre part, de même qu'entre les niveaux respectifs de prêt, des bourses et autres mesures fiscales. Il faut réviser la base du calcul de l'aide financière dans toutes ses composantes et à la lumière surtout des revenus réels et des dépenses réellement encourues et dans une perspective d'indexation automatique et annuelle des différents paramètres.

Le système d'accessibilité financière se doit d'être attrayant pour les étudiants plutôt que d'agir comme repoussoir. Ses mécanismes et ses dispositions ne doivent pas avoir pour effet de pousser les étudiants à travailler au noir pour camoufler une certaine partie de leurs revenus. Ils doivent permettre de contrôler efficacement la contribution réelle des parents et des conjoints plutôt que leur contribution théorique. Ils doivent assurer un niveau de vie décent, décourager une participation excessive au marché du travail en cours d'études et permettre un dosage adéquat entre travail et études. Ils ne doivent pas résulter dans un endettement redoutable et qui handicape les perspectives d'avenir de l'étudiant. Et enfin ils ne doivent pas déboucher sur l'absentéisme répété, l'interruption d'études, l'échec académique ou encore l'abandon d'études.

L'accessibilité aux études et l'obtention d'un diplôme doivent par ailleurs se traduire par des perspectives positives d'insertion socioprofessionnelle. Terminer ses études avec succès et être endetté jusqu'aux dents ne font pas bonne compagnie. Non seulement faut-il éviter le surendettement par le maintien des droits de scolarité au plus faible niveau possible et par un équilibre adéquat entre prêts et bourses, mais encore, il faut bonifier le programme actuel de remise de dette en l'élargissant, en l'ouvrant à tous ceux et celles qui réussissent, en cessant de lier à la durée normale prévue et en relevant le seuil de remboursement à 25 % de la dette contractée, ce qui existait auparavant.

Nous aimerions enfin souligner l'appui de la FTQ à la proposition de remplacement du programme de remboursement différé par un programme de remboursement proportionnel au revenu, proposé par la FEUQ et appuyé par plusieurs organismes, lequel programme devrait être confié à la gouverne des autorités publiques.

Pour terminer, j'en arrive à l'épineuse question du financement et du rôle respectif des principaux intervenants. L'entreprise privée, tout comme la collectivité, bénéficie de l'université: formation d'une main-d'oeuvre qualifiée, amélioration et développement des connaissances, résultats de la recherche appliquée, etc. À ce titre, le gouvernement doit associer les entreprises au financement universitaire par le biais, croyons-nous, de la fiscalité plutôt que par celui des contributions directes. Les entreprises reconnaissent elles-mêmes qu'elles ont à assumer une part certaine de responsabilité sociale, cela doit se traduire sur le terrain fiscal. Quant aux autres sources de financement, dont les fonds de dotation, chaires, commandites, etc., elles ne doivent d'aucune manière servir de point d'appui à une réduction proportionnelle du financement public.

Les étudiants et leur famille. Notre position est suffisamment claire: la FTQ s'oppose au dégel des droits de scolarité dans les universités et demande de réglementer les frais afférents. Le gouvernement du Québec... Le gouvernement s'est engagé à donner priorité aux services publics de santé et d'éducation. Nous sommes d'accord avec ça. Dans l'état actuel des finances publiques et à la veille du budget, nous croyons que le gouvernement n'a pas d'autre choix que de renoncer à ces baisses d'impôts pour le bénéfice du financement des services publics, dont une bonne partie aux universités afin de contribuer à combler le manque à gagner des universités et à rétablir les fonds alloués au financement public de la recherche scientifique.

Je termine avec le gouvernement fédéral. La FTQ l'a répété à plusieurs reprises, nous appuierons toute initiative visant le règlement du déséquilibre fiscal, comme nous l'avons défendu lors de la consultation sur ce sujet par la commission Séguin. La remise à niveau des transferts fédéraux à leur niveau d'avant les coupes de 1984-1985 et la récupération de ce qui nous est dû permettraient d'améliorer considérablement la situation pour le bénéfice de l'ensemble de la collectivité québécoise et des générations futures. Merci bien. Voilà.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Roy, pour la présentation. Maintenant, la parole est à vous, M. le ministre.

M. Reid: Merci, M. le Président. Merci d'être ici aujourd'hui, bienvenue aux membres de la FTQ, à la délégation. Plusieurs questions intéressantes à partir de votre mémoire, bien sûr, et je vais laisser mes collègues aussi en poser. Je voudrais peut-être en poser une sur... des éclaircissements que j'aimerais avoir un petit peu, parce que, au début, quand j'ai vu la première fois votre recommandation... Une proposition, en fait, dit que le gouvernement associe les entreprises au financement des universités par des mesures fiscales plutôt que par l'incitation à des contributions directes. Dans un premier temps, je pensais que... parce qu'on a entendu souvent d'autres propositions où on parlait d'une taxe spéciale, mais, dans le cas ici, je pense qu'il s'agit bien de mesures fiscales plutôt que des interventions... des contributions ou enfin de l'incitation, pour prendre vos mots, à des contributions directes. Pourriez-vous élaborer un petit peu sur le genre de mesures fiscales que vous voyez? Bon, évidemment, il en existe déjà, parce que, quand une entreprise fait un don à une fondation, il y a évidemment un avantage fiscal en même temps. Mais est-ce que vous voyez autre chose que ces mesures fiscales quand vous faites cette proposition?

Le Président (M. Kelley): M. Roy.

n (11 heures) n

M. Roy (René): On n'a pas voulu élaborer tellement sur les mesures fiscales au niveau du détail, mais on sait très bien que la situation du système fiscal des compagnies au Québec actuellement, si vous les comparez à d'autres au Canada, elles sont nettement avantagées actuellement. Si on regarde l'Ontario, c'est 39 % de leurs revenus qui s'en vont en paiement d'impôts, tandis que, au Québec, on est à peu près à 36 %. Alors, on pense qu'il y a de la place pour des mesures qui pourraient effectivement permettre directement dans le système fiscal ? sans élaborer ? d'aller chercher des revenus au niveau des entreprises, au niveau des entreprises, parce que les entreprises ne contribuent plus tellement. À peu près 20 % de tous les revenus de l'État proviennent des revenus des entreprises, alors qu'ils étaient de 50 % en 1950. Alors, il y a un déséquilibre, il y en a peut-être un avec le fédéral, mais il y en a un avec les entreprises aussi. Alors, on pense qu'elles doivent être mises à contribution. Il y a avec l'université et il y a avec la formation continue. Les entreprises bénéficient beaucoup des programmes de formation continue qu'on a mis en place avec nos comités sectoriels depuis une couple d'années, et on progresse lentement là-dessus, mais ce sont les entreprises qui réussissent à obtenir des revenus reliés à des travailleurs qui sont bien formés.

M. Reid: Je vous remercie. Je peux peut-être passer la parole à mes collègues, ils auraient d'autres questions.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Bonjour. Bienvenue. Moi, j'ai un peu... Vous m'interpellez un peu lorsque vous... en vous inspirant des documents qui ont été mis à votre disposition pour préparer évidemment le... pour préparer votre mémoire. Vous dites, à la page 11: «Bref ? et je vous cite ? on assiste à l'élargissement du clivage, pour ce qui est de l'accès et du cheminement aux études, entre les jeunes issus de milieux plus modestes et ceux qui sont issus de milieux plus aisés. Ce clivage ne peut être étranger à ce que constatent plusieurs auteurs, à savoir une tendance mondiale à déplacer les coûts de l'enseignement supérieur des gouvernements vers les étudiants et leur famille.»

Moi, j'aimerais que vous élaboriez un peu sur... En fait, ce n'est pas juste votre constat, là, c'est sûr, vous référez évidemment à des situations qui se vivent ailleurs dans le monde, mais je trouverais ça intéressant pour notre commission parlementaire que vous élaboriez davantage là-dessus. Parce qu'on fait référence dans le document gouvernemental sur les études en formation professionnelle évidemment au niveau collégial, et j'aimerais que vous fassiez le lien puis que vous nous expliquiez comment on peut mieux arrimer, là, ces clientèles-là, tout en ayant à l'esprit qu'on a besoin des gens, des hommes et des femmes qui passent par la formation professionnelle, et on a tout aussi besoin, aussi, que ces gens-là puissent aussi accéder à des études supérieures. L'un ne va pas sans l'autre. C'est venu un peu me chercher, là, au niveau des interrogations que j'avais par rapport à votre mémoire.

Le Président (M. Kelley): Mme Audet.

Mme Audet (Monique): Je ne comprends pas tout à fait votre question, quand vous faites le rapport entre ce qui est écrit là puis le niveau professionnel universitaire, là, mais enfin je vais clarifier ce que, nous, on écrit. C'est-à-dire que, si on regarde un peu ce qui se passe à travers le monde, ce qu'on voit puis ce qu'on voit dans... chez nos voisins à l'ouest et à l'est, c'est une augmentation faramineuse des frais de scolarité. Et, selon plusieurs études qui ont été faites, c'est sûr que ces augmentations de frais, de droits de scolarité provoquent le clivage dont on parle entre les familles les plus aisées puis les familles les moins aisées. Et c'est sûr que quand... bon, que, quand on donne l'exemple ici, par exemple, des droits en dentisterie, à Toronto, qui s'élèvent à 28 000 $ par année, nous, ce qu'on dit, c'est bien entendu qu'à moins d'avoir... de faire partie d'une famille à revenus élevés, c'est sûr que plusieurs ne pourront pas accéder à ces études-là. Et d'ailleurs il y a une étude intéressante de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'universités au Canada qui tout récemment faisait le constat que jamais on n'avait vu autant de difficultés d'accessibilité à l'université dans les 30 dernières années, et plus ça allait...

Mme Delisle: ...au Québec, là, parce que, quand même, les frais de scolarité sont beaucoup moins élevés. Ça n'empêche pas nos étudiants, par contre, d'être très endettés aussi puis d'avoir de la difficulté finalement par la suite à, entre guillemets, se partir dans la vie, là. Mais, si on transpose ça au Québec, est-ce que, ce constat-là, on le fait aussi de façon aussi claire, ce clivage-là, entre les étudiants qui seraient empêchés finalement d'accéder à des études supérieures parce qu'ils ont des moyens financiers moins importants ou enfin qu'ils ne les ont tout simplement pas? Parce que vous faites quand même référence, à la page 11, en faisant... Ça fait suite, ça, à quelques constats qui ont été soulevés par le... dans le document remis, là, pour préparer cette commission.

M. Roy (René): On est bien conscient que les frais de scolarité, au Québec, sont plus accessibles, là, avec le fait qu'ils ont été gelés depuis longtemps. Il reste quand même que, on l'a dit tout à l'heure, il y a 86,5 % d'augmentation sur 10 ans des frais afférents, et l'augmentation générale des coûts dans les dernières 10 années a quand même été de 10,4 %. Ça, c'est les données de Statistique Québec. Alors, il y en a eu une, augmentation des coûts. Les salaires étant aussi... Par les statistiques, le salaire moyen du Québec est plus bas que celui de l'Ontario ou un peu des États comme l'État de New York. Alors, par le fait même, là, il y a un effet sur l'accessibilité. Alors, ce sont ces coûts-là auxquels on réfère pour faire cette déclaration-là. On veut démontrer, même avec les statistiques, même si les coûts d'accessibilité à l'université actuellement sont plus favorables au Québec, il reste quand même que les étudiants, si vous regardez l'ensemble des statistiques, ça ne nage pas dans le trèfle, ça ne nage pas dans la richesse en général.

Mme Delisle: Mais vous n'avez pas de proposition. Est-ce que j'ai encore un peu de temps?

M. Roy (René): On en a une. On en a une, on demande de maintenir le gel des frais de scolarité...

Mme Delisle: Et de revoir le système, évidemment, de prêts et bourses, là.

Une voix: Et de contrôler les frais afférents.

M. Roy (René): ...et de contrôler... Oui, on en a toute une série, si vous regardez...

Mme Delisle: Ça, j'ai trouvé ça excessivement intéressant dans votre document, j'avoue, là, parce qu'on s'en fait beaucoup parler par les associations étudiantes, et je trouve rafraîchissant finalement que vous soyez allé aussi loin, là, que de faire des propositions pour ce qui est de la révision, là, des proportions en ce qui a trait au système de prêts et bourses. Merci.

M. Roy (René): Mme Valiquette, vous...

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je vous souhaite la bienvenue, à mon tour, au nom de ma formation politique. Merci pour votre mémoire qui effectivement soulève des aspects qui ont été moins soulevés jusqu'à maintenant par les autres mémoires, en particulier toute la partie de révision, là, de l'aide financière aux étudiants, où vous identifiez des mesures très, très concrètes.

Mais une chose, entre autres, sur laquelle vous intervenez, c'est sur la langue d'enseignement. Et, vous le dites dans votre mémoire, puis je veux vous en féliciter, la FTQ a été toujours présente lors des débats sur la place du français au Québec, sur le français langue commune, et cela vous a toujours tenu à coeur, et vous êtes intervenus à plusieurs reprises sur cette question, prenant fait et cause pour cette question du français.

Vous recommandez dans votre mémoire, là ? je suis à la page 7 ? vous recommandez que le gouvernement fasse la promotion du français dans les universités francophones. Vous semblez un peu inquiets et vous dites même qu'il faudrait lancer un cri d'alarme. En quoi avez-vous l'impression que le français n'est pas suffisamment valorisé actuellement dans nos institutions d'enseignement? Et comment concilier cette réalité avec le fait que le matériel de pointe, la documentation spécialisée n'est souvent accessible qu'en langue anglaise?

M. Roy (René): Bien, vous touchez à peu près ce qu'on voit, nous autres aussi, là. Les étudiants, surtout en génie, doivent souvent travailler avec des volumes de langue anglaise. Plus spécifiquement, s'ils s'en vont vers le deuxième, troisième cycle, c'est assez incroyable de voir le nombre de documentation qu'ils sont obligés d'utiliser en langue anglaise. À toutes fins pratiques, même dans une université comme celle de Trois-Rivières, en génie, les étudiants doivent être à toutes fins pratiques bilingues pour devenir des ingénieurs en électricité, ou en électronique, ou autre ingénieur au Québec. Alors ça, c'est une situation qui est un peu bizarre, mais elle n'est pas unique au Québec. C'est un peu bizarre, cette documentation-là pour être formé qui est disponible en anglais.

Mais on voulait souligner aussi ? puis on l'a dit en 1990, on le dit encore aussi fortement aujourd'hui ? que des universités proposent, pour, à toutes fins pratiques, arriver à joindre les deux bouts ou pour autre chose, d'autres raisons qu'on ne connaît pas, la formation en anglais. HEC le font, Sherbrooke le font, l'Outaouais le font. L'UQAM ne l'a pas fait, puis j'espère qu'ils ne le feront pas. L'Université de Montréal en a parlé beaucoup. Alors, on a une tendance, on voit une espèce de tendance à vouloir aller vers de la formation en anglais dans nos universités, et c'est ça qui nous inquiète.

Alors, il y a cette inquiétude-là de formation qu'on offre l'enseignement en anglais dans les universités francophones et il y a aussi la grosse problématique de l'utilisation du matériel en anglais. Remarquez bien que, sur la première, on a des solutions, parce qu'on pense que ça devrait... l'université francophone devrait offrir des cours en français. Sur la deuxième, l'utilisation de matériel en anglais, c'est un peu plus vaste que le Québec, et ça, là-dessus, je ne sais pas si on est capable financièrement de traduire tous ces immenses livres que se servent les étudiants en génie ou entre autres... mais on ne l'a pas approfondi.

n(11 h 10)n

Mme Marois: Et, évidemment, étant conscients aussi que nos étudiants universitaires devraient sinon être bilingues, du moins être trilingues. Mais c'est sûr que notre position comme francophones d'Amérique étant toujours fragile, on doit avoir, je crois, une attention tout à fait particulière à cette situation dans nos universités. Est-ce que vous vouliez ajouter quelque chose, madame?

Mme Valiquette (Louise): Oui, si vous me le permettez.

Mme Marois: ...non verbal.

Mme Valiquette (Louise): Non verbal, hein? C'est ça. Je pense qu'il y a un lien important avec la question du financement puis de la langue française, parce qu'on devrait permettre... On a une richesse, dans les universités, de professeurs, de chercheurs, de chargés de cours, d'employés professionnels, de soutien qui collaborent à des recherches et à de la rédaction. Et évidemment, si on y mettait un petit peu plus de financement, on pourrait produire du matériel qui se comparerait très certainement à ce qui se fait ailleurs et qui serait utilisable en français, puis exportable évidemment ailleurs. Voilà.

M. Roy (René): Monique.

Mme Marois: Madame.

Mme Audet (Monique): Je veux juste ajouter le fait que, quand on dit dans le mémoire, entre autres, que le gouvernement du Québec pourrait être le fer de lance de la promotion du français dans les universités, c'est aussi en relation avec ce qui existe ailleurs, comme M. Roy le disait. Et on a eu des contacts avec des syndicats, par exemple, français où... La situation en France commence à ressembler un peu à ça, où l'américanisme se répand, et puis les discussions concluent que là-bas... Ça s'explique historiquement puis ça s'explique géographiquement aussi, par la culture aussi, mais on dirait que, par exemple, en France, on se rend moins compte du danger que ça représente, alors que, nous qui sommes entourés d'une mer d'anglophonie, on pense que le gouvernement du Québec pourrait être vraiment un cas d'exemple et puis de rôle très actif pour la défense du français.

Mme Marois: D'accord. Merci beaucoup de vos éclaircissements. Je crois qu'un de mes collègues voudrait maintenant intervenir.

Le Président (M. Kelley): O.K. Dans le premier bloc, il reste trois minutes. M. le député de Bertrand, mais...

M. Cousineau: Oui.

Mme Marois: Je reviendrai dans l'autre...

M. Cousineau: Merci, M. le Président. Bonjour. Bienvenue à cette commission parlementaire. Vous parlez, à la page 8, d'un mécanisme qui devrait être revu, concernant l'octroi, là, des montants alloués à la recherche fondamentale versus la recherche appliquée. Est-ce que vous avez pensé à un modèle de financement au niveau universitaire, au niveau... Est-ce que vous avez pensé à ça?

Mme Audet (Monique): Bien, non, pas vraiment, là. Nous, on se rend compte que, si on regarde un peu la tendance depuis les dernières années, c'est qu'il y a une espèce de débalancement, pour ainsi dire, entre les fonds qui sont alloués à la recherche fondamentale et à la recherche appliquée. On s'aperçoit que, par manque de financement, les universités se mettent un peu en concurrence les unes les autres pour aller chercher, comme on le disait, des contrats de recherche des fonds privés qui sont... bien, ces fonds privés qui sont souvent liés à la recherche. Si on considère aussi que les budgets pour les trois fonds publics de recherche scientifique ont été diminués, là on se dit, bon... On est convaincu qu'il y a un débalancement qui s'est effectué et on pense qu'il faut rééquilibrer les choses, mais on n'est pas des spécialistes de...

M. Cousineau: ...ont pensé à un système de péréquation où on pourrait redistribuer d'une façon plus équitable, au niveau de l'ensemble des universités, dans les grands centres et en région. Est-ce que vous êtes partie prenante d'une idée comme ça?

M. Roy (René): Il y aurait sûrement... Nous, on pense, à la FTQ, qu'il y aurait une étude à faire sur ce qui se fait en recherche appliquée, là, parce que là le nombre de chaires qui existent... Puis, assez curieusement, là... Puis je ne veux pas en faire un débat aujourd'hui, mais il me semble, à un moment donné, ça vise des compagnies, des recherches directement... puis on se demande vraiment si l'université reçoit vraiment le dû sur la propriété intellectuelle de leurs découvertes puis de leurs recherches. À certaines occasions, on trouve que les universités, dans la recherche appliquée, vont loin dans le rendement, et est-ce qu'ils ont la bonne part du rendement? Est-ce qu'on a trop de chaires en recherche appliquée versus la recherche fondamentale? C'est la question qu'on... Nous autres, on pense qu'il y en a trop versus la recherche fondamentale, parce qu'il y a un nombre de chaires, là, assez incroyable, à un moment donné, lorsqu'on regarde ça.

M. Cousineau: ...pensez que l'entreprise privée exerce des pressions sur certaines universités pour s'accaparer, en fin de compte, d'un créneau, là, privilégié?

M. Roy (René): On n'a pas de données là-dessus, mais, en tout cas, on regarde ça. On voit qu'il y a beaucoup de chaires puis de recherche appliquée, puis des fois ça nous semble être quasiment aligné sur une compagnie qui cherche quelque chose. Alors ça, c'est un peu inquiétant. Mais ? on ne m'a pas donné de détail là-dessus ? bon, je pense que ce serait une bonne chose de le faire, de regarder. Si le gouvernement ne le fait pas, un jour on va le regarder, nous autres.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Maskinongé.

Mme Gaudet: Bonjour. Merci d'être parmi nous. Félicitations pour la qualité de votre mémoire. En page 3 de votre mémoire, vous nous parlez que, conjointement avec le Fonds de solidarité de la FTQ et avec le soutien du gouvernement du Québec, vous avez mis sur pied le Fonds étudiant afin de permettre au plus grand nombre possible d'étudiants et d'étudiantes de trouver un travail d'été rémunérateur et intéressant au sein de certaines grandes organisations syndicales du Québec.

J'aimerais savoir... J'aimerais, premièrement, que vous élaboriez sur ce fonds et quelles sont les sommes d'argent investies, et combien d'étudiants et étudiantes touchez-vous annuellement. Je trouve que c'est une initiative intéressante.

M. Roy (René): La dernière question, c'est entre 400 et 500.

Mme Gaudet: Entre 400 et 500 étudiants?

M. Roy (René): Entre 400 et 500 étudiants. Alors, ce n'est pas seulement dans les organisations syndicales, en passant. Les organisations syndicales en prennent à peu près la moitié, les organismes communautaires et les PME... Je pense, on ne l'a pas mis, je ne sais pas trop pourquoi, mais il y a aussi dans des petites et moyennes entreprises du Québec où est-ce qu'on... qui accaparent une certaine... surtout vers le système coopératif, qui accapare une certaine partie des étudiants là-dedans.

Les sommes impliquées, ça a été 10 millions par le gouvernement du Québec, 10 millions par le Fonds de solidarité, et ce fonds-là se nourrit à même les intérêts de ces deux montants-là. Et on offre des programmes universitaires... Pour les universitaires, c'est 11 semaines; secondaire, c'est 10 semaines; puis collégial... J'en ai passé un, là, collégial, c'est 10 semaines; puis secondaire, c'est neuf semaines. Et on leur donne un salaire. C'est quoi, notre salaire? C'est autour... entre 10 $ et 12 $ de l'heure, dépendant si c'est universitaire, secondaire, etc.

Alors, ça fonctionne très bien. On a été obligé de le couper un peu l'an passé, je pense, parce que les revenus avaient été faibles. Comme pour tout le monde, les rendements ont été faibles un peu partout, alors... Mais, cette année, il devrait fonctionner à plein régime.

Mme Gaudet: Est-ce que ça existe depuis longtemps?

M. Roy (René): Depuis 1997 ou dans ce bout-là, là, 1997, dans ce bout-là.

Mme Gaudet: Merci.

M. Roy (René): Il y a des règles, les étudiants peuvent avoir ce stage-là seulement qu'une fois dans leur carrière, là, puis... Alors, ce n'est pas...

Mme Gaudet: Je peux y aller d'une autre question?

Le Président (M. Kelley): Oui, oui.

Mme Gaudet: Vous parlez de la pleine autonomie de l'université. Je pense, vous insistez beaucoup, là, sur le respect de l'autonomie, de la liberté, de l'indépendance vis-à-vis de toute force extérieure contraignante. Alors, moi, j'aimerais savoir comment vous conciliez à ce moment-là cette autonomie par rapport aux besoins des entreprises, des besoins spécifiques de formation au niveau de la main-d'oeuvre, en rapport à ce qui est demandé, là, par les entreprises.

M. Roy (René): Bien là les entreprises, ils siègent avec nous, là, à la Commission des partenaires du marché du travail. Il y a bien des endroits où ils siègent, et ils siègent aussi sur les commissions régionales des partenaires du travail. Ça, c'est Emploi-Québec, ça, ça gère Emploi-Québec, et ils sont très bien placés pour faire valoir leurs besoins. Ensuite, on a 28 comités sectoriels en partenariat avec les entreprises. Encore une fois, on enligne... À des places, on est très pointu sur la formation qu'on peut aller chercher avec le monde de l'éducation, cégeps, collèges, universités.

Mais ça, ce sont des approches qui sont... Le gouvernement est là, les différents ministères du gouvernement sont avec nous dans ces milieux-là, alors il n'y a pas de contrôle, là, il n'y a pas d'entreprises qui contrôlent la demande comme telle au niveau des universités. Alors, nous, on ne pense pas que les universités doivent aller gérer... pas les universités, les compagnies doivent gérer les universités, d'aucune façon, mais elles sont très bien... les mécanismes sont très bien là, en place, pour faire valoir leurs besoins.

n(11 h 20)n

Là on a déployé, depuis un an et demi à peu près, tout notre programme de formation continue, qui est en marche, et là ça, ça progresse tranquillement, pas vite avec nos comités sectoriels où est-ce qu'on sort de la diplomation, là, en compagnonnage avec des travailleurs et des travailleuses directement dans les milieux de travail. Et ça, bien ça va chercher, là, ça va chercher une couche de travailleurs, travailleuses qui n'avaient, pour toutes sortes de raisons, pas reçu de diplomation. Alors, ça nous permet de perfectionner puis d'avoir une meilleure qualité de travail et productivité.

Mme Gaudet: Merci.

Le Président (M. Kelley): M. le ministre.

M. Reid: J'aimerais revenir sur une de vos propositions, à la page 27, en bas, où vous recommandez de rejeter une vision fondée sur la concurrence et d'aller davantage vers la coopération et la collaboration interuniversitaire. Et vous avez parlé tout à l'heure de cette course, vous avez décrit une course, disons, un peu comme une entreprise pour les clientèles, parce que le financement est basé en grande partie sur le nombre d'étudiants, d'étudiantes inscrits dans les cours d'une université. Cette question-là est quand même au coeur de nos préoccupations ici parce qu'on touche à la base même du mode de financement des universités. Les universités, à leur demande même, ont un financement qui correspond... qui est basé, qui a été basé, même récemment, les dernières années, de plus en plus sur effectivement le nombre d'étudiants, d'étudiantes qui sont inscrites et qui sont inscrits. Les universités, évidemment, d'un autre côté, à un autre extrême, parce qu'on essaie de voir quel autre mode de fonctionnement effectivement on peut penser... Les universités, évidemment, qui ont... qui se voient augmenter le nombre de leur clientèle parce qu'on leur demande... On pense à Rimouski, tout à l'heure, ou à des universités un peu partout, on leur demande plus de services. Il y a plus d'étudiants, d'étudiantes qui veulent, par exemple, avoir des services ou suivre des cours de tel type ou d'avoir des programmes; ça fait augmenter évidemment leurs coûts. Donc, il faut forcément que ces universités-là aient un lien en rapport avec le nombre d'étudiants inscrits.

Est-ce que votre proposition ici était davantage un souhait ou si vous avez eu l'occasion de réfléchir à des mécanismes qui seraient complètement différents ou qui seraient un compromis entre la méthode, disons, basée sur le nombre... sur les clientèles, comme on l'appelle, basée sur le nombre d'étudiants, d'étudiantes inscrits et une méthode où vous parlez de coopération et de collaboration, sachant aussi que la collaboration, coopération, le gouvernement ne peut pas imposer ça comme tel dans les universités? Mais ? je pense que vous parlez de moyens incitatifs à la collaboration ? est-ce que, au-delà de la proposition... est-ce que vous avez eu l'occasion de réfléchir à des modes de financement qui seraient soit différents ou mixtes par rapport aux clientèles?

M. Roy (René): Mme Audet.

Le Président (M. Kelley): Mme Audet.

Mme Audet (Monique): Bien, c'est-à-dire que, oui, on a réfléchi un peu, et puis on a débattu aussi un peu, et on sait pertinemment que certaines organisations proposent des mécanismes assez concrets, par exemple, comme une espèce de conseil interuniversitaire, etc. Mais la FTQ n'a pas de position officielle là-dessus. Il faut comprendre qu'à la FTQ on a différents syndicats dans différents secteurs, il faut tenir compte des besoins de chacun, des intérêts de chacun. Alors, il n'y a pas de position officielle de la FTQ, mais il est sûr qu'on souhaite que, face à l'état de concurrence actuel entre les universités, entre certains chevauchements de programmes, parce qu'on veut aussi s'attirer la clientèle, etc., il y a un travail à faire, et c'est pour ça que la proposition pousse plutôt dans des mesures incitatives plutôt que dans un mécanisme très, très, très détaillé.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, je veux revenir sur d'autres propositions que vous faites dans votre mémoire et qui sont en lien avec le groupe que nous avons entendu précédemment, qui était l'Université du Québec à Rimouski. À la page 9 de votre mémoire, vous suggérez que soient développés des mesures et des incitatifs financiers pour que les jeunes aillent ou retournent en région. Bon, vous vous souviendrez peut-être que j'en avais suggéré dans le dernier budget. Elles n'ont pas été reprises par le ministre actuel des Finances. Est-ce que vous avez pensé à certaines de ces mesures plus précisément? Parce que, évidemment, je suis plutôt d'accord avec vous, là, je vous l'ai d'entrée de jeu dit, parce que je crois que, si on veut occuper le territoire puis développer nos régions, il va falloir prendre... poser des gestes concrets et fermes. Sinon, on sait qu'on s'en va vers le déclin, malheureusement, des régions du Québec, et je crois que ce n'est pas acceptable. Alors, je vous pose la question quant aux mesures concrètes que vous pourriez suggérer ou souhaiter.

M. Roy (René): Oui, bien on avait justement salué les mesures que vous aviez proposées et on va saluer le budget... Si c'est proposé dans le prochain budget, on va le saluer encore. On avait souhaité d'ailleurs... on avait souhaité que ce soit plus grand encore, parce que, même dans la question du ministre auparavant, au niveau régional, moi, je suis à l'UQAM, je siège au conseil d'administration de l'UQAM et je sais qu'avec une grande université comme l'UQAM située dans la région de Montréal elle peut survivre beaucoup mieux que l'Université du Québec à Trois-Rivières ou à Rimouski, avec le nombre d'étudiants qui peuvent venir à l'université, à l'UQAM en question. Alors...

Puis on sait très bien, puis vous le savez mieux que moi peut-être, que les gens ont tendance un peu à rester à l'endroit où est-ce qu'ils sont diplômés, surtout si vous êtes diplômé à Montréal. Alors, vous aviez une série de mesures fiscales pour les entreprises et pour les... Bon. Puis on en a proposé dans différents lieux, Mme Marois, Mme la députée, on en a proposé dans différents lieux, dans l'investissement, le développement socioéconomique régional. On a fait toutes sortes de propositions. On a demandé aux grandes entreprises, telle Hydro-Québec, tels les ministères de... surtout les ministères régionaux, d'établir leurs bureaux dans les régions pour faire en sorte que les étudiants soient attirés vers les régions plutôt que de revenir dans les grands centres. Et les universités, aussi ? ça, je voulais le mentionner ? doivent avoir des créneaux. Bon, l'Université de Chicoutimi a un créneau, l'Université de Trois-Rivières en a un, l'université... On doit leur donner des créneaux, puis ils ne doivent pas être concurrencés par les créneaux, mais... les centres des grandes villes.

Alors, c'est toutes ces mesures-là. L'incitation, évidemment, il y en a sur les médecins actuellement. Je pense qu'il y a des mesures qui doivent être offertes aux étudiants, quitte que ce soit... ceux qui sont endettés, avoir des mesures sur le remboursement de leurs prêts, remboursement de leurs... pas de leurs bourses, mais de leurs prêts, de leur endettement, etc. C'est dans ce sens-là.

Mme Marois: Un peu aussi, comme le suggéraient certains mémoires, de l'aide à l'implantation finalement... c'est-à-dire pas l'implantation, mais à l'installation. Dans un premier temps, ça peut être supporter l'intérêt d'une hypothèque ou des choses comme ça qui permettraient à des jeunes familles aussi diplômées de retourner dans leur région.

Bon, je veux aborder maintenant une autre question que vous soulevez dans votre mémoire, et ce sont les chargés de cours, que vous représentez dans plusieurs cas. Vous suggérez évidemment que leur situation soit améliorée. Est-ce que vous avez des recommandations précises à faire de ce côté-là, soit sur la rémunération soit sur le statut, les responsabilités, leur intégration dans le corps professoral? J'aimerais vous entendre sur cette question.

M. Roy (René): Mme la députée, notre syndicat, qui va suivre et qui est en charge des négociations avec ces gens-là, va être très précis.

Mme Marois: Alors, vous souhaitez...

M. Roy (René): Pour être certain de ne pas...

Mme Marois: Vous souhaitez que l'on revienne avec cette question au prochain groupe qui va être devant nous. Ça me fera plaisir d'y revenir, parce que c'était déjà prévu de toute façon.

Bon, vous abordez aussi toute la question, évidemment, de l'aide financière aux études et manifestez une grande préoccupation pour le travail des étudiants, les ressources financières dont ceux-ci... sur lesquelles ceux-ci peuvent compter. Bien que évidemment on sait que ça joue un rôle prépondérant pour la réussite, est-ce qu'il y a d'autres facteurs qui, à votre point de vue, peuvent jouer dans la réussite du projet d'études universitaires et desquels on devrait se préoccuper?

M. Roy (René): Vas-y donc, oui. C'est large, hein?

n(11 h 30)n

Mme Valiquette (Louise): Oui, c'est ça, mais il y a très certainement toutes les mesures d'encadrement. Vous faisiez référence aux chargés de cours, qui sont évidemment du personnel hautement qualifié, et tout ça, mais qui sont là pour des charges de cours, alors que les professeurs ont un petit peu plus de temps d'encadrement. Il y a tous les services aussi qu'on offre aux étudiants et étudiantes dans les universités, services de soutien pour se diriger à travers les... parfois dédales administratifs qu'il y a là. Et ça, c'est remis en question depuis quelques années, il y en a de moins en moins. Et, bon, il y a toute la clientèle qui nous vient de l'extérieur, aussi, du pays, qu'on doit diriger, qu'on doit soutenir, qu'on doit aider de telle sorte qu'on puisse les garder là-dedans et qu'ils terminent leur diplomation.

Puis évidemment on parle toujours des frais de scolarité puis des frais afférents, qui doivent très certainement recevoir une attention particulière, parce qu'on peut entreprendre des études sous les modalités actuelles puis ne pas être capable de les finir, pour des raisons financières qui sont au-delà des prêts et bourses. Tout simplement ce que ça coûterait techniquement.

Mme Marois: D'accord. Merci. Je pense que mon collègue...

Le Président (M. Kelley): M. le député des Îles, 2 min 30 s, cette fois-ci.

M. Arseneau: Merci beaucoup, M. le Président. Vous êtes très généreux. M. Roy, tout le monde est bien conscient que l'organisme que vous représentez est très attaché au développement régional, et je pense que votre mémoire aussi témoigne d'un réel souci en ce qui concerne l'accessibilité, avec les efforts que vous avez mis concernant justement le soutient pour les étudiants et la précaution, là, que vous avez... Je pense que vous étiez présent il y a quelques instants, quand on a reçu les gens de l'Université du Québec à Rimouski, et... bon. On sait aussi tout ce que les organismes qui relèvent de la FTQ font pour le développement régional. Même s'ils ne sont pas dans des endroits syndiqués. Des exemples, chez nous, d'entreprises où les employés ne sont pas syndiqués où le fonds, chez vous, est impliqué.

C'est parce qu'il y a toute une situation qui me préoccupe personnellement en ce qui concerne les régions, les régions ressources, en regard de l'accessibilité, du financement. Quand on regarde... Et vous n'abordez pas vraiment ça dans votre mémoire. Quand on regarde, par exemple, les sources de financement disponibles pour l'université, à part des frais de scolarité ? d'abord qu'on ne doit pas toucher ? à part du financement public... on tombe, après ça, dans les fonds de dotation. Les gens nous ont dit, à l'Université du Québec à Rimouski: Pour nous, il n'y a pas une grande performance, puis finalement le gouvernement soutient à 25 %... une subvention, dépendamment de ce qu'on va chercher. Quand on ne va pas en chercher, ça nous donne quoi? Alors, quand on regarde, par exemple, les partenariats avec les grandes entreprises, quand on va dans le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie, là, les grandes entreprises, là, il faut les chercher, là. Qu'est-ce qu'on fait pour les PME?

Alors, moi, ce que je vous demande: Est-ce que vous seriez d'accord à ce que le financement des universités ? et le ministre nous a dit qu'ils sont en train de discuter actuellement avec les représentants d'universités pour revoir les formules de financement ? pour qu'on ait un financement spécial pour les universités en région, dans les régions ressources en particulier, pour leur permettre de jouer le rôle d'accessibilité, de recherche, etc.?

M. Roy (René): Ah! Bien, pour les régions ressources certainement, et puis ça devrait passer à travers de tous les fonds qui sont disponibles au développement socioéconomique local et régional. Ça, il n'y a pas de doute là-dedans dans notre esprit. Il y a des efforts qui sont faits, il y a des efforts de fonds... d'investissements par le gouvernement pour faire le développement socioéconomique, en particulier il y en a qui sont directement dédiés aux régions ressources... et, bon, là, malheureusement pas, mais on avait, avec le précédent gouvernement, des avancées vers ça. Là, le présent gouvernement est en train de travailler là-dessus, alors on espère qu'ils vont aboutir rapidement.

Mais, toute la question des partenaires du marché du travail, qui sont dans toutes les régions, le mouvement syndical et patronal évidemment est là, mais tout le corps d'enseignement est là, les universités sont là. Alors, je pense qu'ils doivent procéder par l'identification ? l'identification, puis je réponds rapidement, je vois le président, rapidement ? par les besoins qu'ils ont, et, d'après moi, on doit financer d'une façon toute spéciale les universités en région ? il n'y a pas de doute là-dessus ? qui ont besoin d'un support particulier. C'est un peu ça que je mentionnais tout à l'heure versus l'UQAM à Montréal.

Le Président (M. Kelley): Sur ça, merci beaucoup, M. Roy et aux représentants, d'avoir partagé les commentaires de votre fédération et de vos membres avec les membres de la commission. Sur ce, je vais suspendre quelques instants et je vais inviter les représentants du Syndicat canadien de la fonction publique ? secteur universitaire de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 34)

 

(Reprise à 11 h 36)

Le Président (M. Kelley): Alors, bienvenue aux représentants du Syndicat canadien de la fonction publique ? secteur universitaire. Je suis prêt de donner la parole à... La parole est à vous.

Syndicat canadien de la fonction
publique 
? secteur universitaire (SCFP)

Mme Valiquette (Louise): Bonjour. Alors, permettez... je veux d'abord vous remercier de prendre le temps de nous entendre. Le SCFP est un syndicat qui regroupe 100 000 membres dans les secteurs public, parapublic, et tout ça, au Québec, et regroupe 8 000 membres qui oeuvrent dans les universités.

Alors, je m'appelle Louise Valiquette, je suis directrice adjointe du SCFP au Québec. J'ai la responsabilité du secteur universitaire pour le SCFP. À ma droite, Mario Gervais, qui est le président du SCFP au Québec; à ma gauche, Lucie Levasseur, qui est vice-présidente du SCFP Québec pour le secteur universitaire; Carole Neill, présidente du Syndicat des chargés de cours de Trois-Rivières; et Luc Dupuy, directeur du groupe des professionnels à l'Université du Québec à Montréal.

Alors, je le disais, on représente autour de 8 000 intervenants et intervenantes qui quotidiennement oeuvrent auprès de la clientèle étudiante et auprès des professeurs, évidemment. Ça va de l'entretien des bâtiments jusqu'à l'enseignement par nos chargés de cours, ce qui fait que la diversité et la complémentarité des fonctions que nos membres exercent nous autorisent à intervenir activement dans ce débat qu'on pense fondamental sur l'avenir de l'université québécoise.

Alors, je vais laisser la parole, dans un premier temps, à Mario Gervais qui va vous parler un petit peu de ce que nous définissons comme étant, pour nous, la mission des universités, et ensuite Lucie Levasseur qui va nous parler des trois... et qui va terminer plus précisément, là, sur la question du financement.

Le Président (M. Kelley): Merci, Mme Valiquette. Alors, la parole est à vous, M. Gervais.

M. Gervais (Mario): Alors, je vous remercie, moi aussi, de nous permettre de nous exprimer. Alors, dans ce chantier qui, selon les voeux de la commission, replace l'étudiant et l'étudiante au coeur même du projet universitaire, il n'y a donc pas que les professeurs qui répondent aux besoins de l'étudiant d'évoluer dans un environnement qui soutient ses ambitions. Tous les groupes: métiers, bureau, technique, professionnel, chargés de cours et chargés d'encadrement contribuent au bon déroulement de tous les gestes que l'étudiant pose afin de concrétiser sa réussite.

Une telle contribution a un indiscutable impact sur la détermination de l'étudiant à poursuivre ses études. Peut-être s'agit-il là à vos yeux d'une évidence, mais nous croyons nécessaire de le rappeler, d'autant plus que les différents articles de journaux parus dernièrement nous portent à conclure que les évidences ne sont pas les mêmes pour tout le monde. À cet égard, vous avez sans doute remarqué que nous avons choisi tout particulièrement d'axer notre intervention sur les enjeux de la qualité, sans pour autant négliger la question du financement.

Mais, avant d'aborder la question du financement, il nous est apparu judicieux de répondre à la question: Que doit-on financer? Au-delà des lieux communs, la question de la pertinence de la mission des universités se pose donc. Quelle est la mission des universités? Quelle en est la finalité? Quelles en sont les obligations? À quelles exigences les universités doivent-elles satisfaire? Quel est leur impact sur le développement de notre société et, si tel est le cas, quel type de société voulons-nous développer?

n(11 h 40)n

Vous avez évidemment compris que notre perspective est celle de l'intervenant et de son engagement, car nous nous sentons mobilisés par le mandat confié au monde de l'éducation, celui de former des individus complets, accomplis, autonomes et responsables.

Le débat centré sur la qualité du projet intellectuel inscrit dans la formation universitaire est à nos yeux porteur d'espoir et d'avenir. C'est la raison pour laquelle la logique de notre mémoire repose largement sur le concept de «responsabilité sociale»; il en constitue le fil de trame.

Aussi avons-nous cru bon de revenir à l'essentiel, puisque l'on parle de financement et que la question du financement interpelle tous les ordres et les niveaux d'enseignement. Outre l'impact des universités sur le développement économique de leur région d'appartenance, quel est l'impact des universités sur le développement de notre société? Quel type de société voulons-nous développer ou, encore mieux, qu'entendons-nous par le terme «développement»? Pour nous, il s'agit d'abord et avant tout d'un développement global. Qu'implique un tel développement? Dans une perspective à long terme, le développement global a pour objectif l'amélioration des conditions économiques, sociales, culturelles, environnementales et politiques de l'ensemble de la population.

Aussi, notre engagement en faveur d'une formation de qualité vise-t-il le développement global de la personne et de la société. La formation universitaire doit ainsi permettre à l'étudiant de se réaliser, d'apporter sa contribution au développement de la société et de participer à l'enrichissement collectif. Toutefois, si nous voulons que les étudiants soient adéquatement préparés à l'exercice de leur citoyenneté, exercice qui fonde la pertinence de la formation universitaire, il nous faut définir la mission des universités. Ce faisant, nous sommes amenés à déterminer de quelle manière les universités participent à l'enrichissent collectif. Or, la participation des universités réside dans le développement des connaissances et des personnes dont les ressources informationnelles, intellectuelles et relationnelles sont mises à profit.

Quelle est donc la mission des universités? Leur vocation première est la transmission des connaissances et leur progression. Et, tout au long du processus de transmission et de diffusion, les universités se doivent de rendre accessible cet univers de la connaissance à tous les milieux sociaux et culturels qui en manifestent le besoin. Vous avez assurément noté l'emploi du singulier lorsque nous parlons de la mission des universités. Cet emploi du singulier, vous vous en doutez bien, est intentionnel.

Si nous tenons pour acquis que, dans la société du savoir, le savoir est non seulement une ressource, mais aussi un atout, que le développement et l'application de nouveaux savoirs représentent une valeur ajoutée, nous devons également tenir pour acquis que, dans une perspective de développement global, l'accroissement de la compétence requise a pour corollaire une augmentation de la responsabilité.

À la fois lieu de production, de transfert et de partage, la mission des universités est singulière. Et, pour être en mesure de démontrer la corrélation entre la notion de compétence et de responsabilité, dans la mesure où une formation de qualité vise le développement global de la personne et de la société, nous avons pris soin de déterminer les objectifs de la formation universitaire, objectifs d'ailleurs que l'on néglige trop souvent de rappeler. Il n'est pas nécessaire ici de définir en quoi ils consistent, nous nous contenterons simplement de souligner l'indissociable relation entre les composantes scientifiques, techniques, méthodologiques et créatives d'une discipline et ce que nous avons appelé l'éducation citoyenne de l'étudiant.

La capacité de s'intégrer professionnellement à une communauté, de s'engager et de contribuer au développement d'une collectivité se réalise par le biais des compétences acquises et des habiletés développées dans une discipline. S'il est vrai que dans une société du savoir une population hautement scolarisée détenant des qualifications de plus en plus élevées sera exigée, ces objectifs répondent à l'obligation des universités de se situer à la fine pointe du savoir, d'anticiper des changements à venir et d'offrir des réponses aux besoins des personnes et de la société. En ce sens, la pertinence des universités ne repose pas uniquement sur la formation d'une future main-d'oeuvre qualifiée. Les universités doivent contribuer par le développement, l'application et le partage de nouveaux savoirs à l'amélioration des conditions de vie de tous les membres de la communauté où elles interviennent. L'excellence, à nos yeux, a ce prix. Sur ce, je passe la parole à Mme Lucie Levasseur.

Le Président (M. Kelley): Mme Levasseur.

Mme Levasseur (Lucie): Merci, M. le Président. Avec ce que vous venez d'entendre, vous conviendrez avec moi que nous en sommes forcément rendus à nous poser la question suivante: Comment les universités parviennent-elles à accomplir la singularité de leur mission? Nous aimerions vous faire remarquer ici que le terme «singularité» englobe deux des enjeux de la commission parlementaire, à savoir la qualité et l'accessibilité. En accord avec le Conseil supérieur de l'éducation, nous croyons fermement que l'éducation est un droit pour chacun, peu importe sa condition. Du fait que les universités sont des lieux de production, de transfert et de partage de la connaissance, il faut, d'une part, concevoir l'accessibilité à la formation universitaire en termes d'accessibilité financière, ce droit inaliénable à l'éducation, et, d'autre part, dans le partage des différents savoir-faire avec les communautés dont les universités font partie, l'accessibilité s'oppose à l'exclusion et à la marginalisation sociale, car il est de la responsabilité sociale des universités de contribuer au mieux-vivre de la collectivité.

De quelle manière les universités y parviennent-elles? Par le développement d'activités liées à l'enseignement, à la recherche et au service à la collectivité. En ce qui concerne les activités liées à l'enseignement, vous avez pu constater dans notre mémoire l'importance attribuée aux notions de formation fondamentale et d'encadrement.

Pour quelle raison? Pour le Conseil supérieur de l'éducation, la réussite est cette finalité essentielle d'accomplissement des personnes, sans laquelle les autres valeurs seraient vides de tout contenu. C'est elle qui motive et justifie tous les efforts individuels et collectifs.

Notre perspective est celle de l'intervenant, du praticien et non du théoricien, comme nous l'avons déjà affirmé. En tant qu'acteur du monde universitaire, nous contribuons au bon déroulement de tous les gestes que l'étudiant pose afin de concrétiser sa réussite.

Il est évident que les étudiants sont les premiers artisans de leur réussite. Cependant, il est difficile, voire terriblement frustrant, d'en arriver à la conclusion que vous ne serez pas en mesure de dispenser l'encadrement approprié aux étudiants qui vous font face, et ce, bien que vous possédiez toutes les compétences requises. Il ne s'agit pas de compétences, il s'agit de moyens. Vos conditions d'exercice ne vous le permettent pas.

Voilà une situation à laquelle nous sommes maintes fois confrontés. C'est pourquoi nous ne saurions trop rappeler que l'encadrement, dans toutes ses dimensions, a un indiscutable impact sur la détermination des étudiants à poursuivre ses études.

Quant à la formation fondamentale, elle a pour but de développer chez les étudiants sa capacité d'analyse et de synthèse, sa capacité d'autonomie à lui procurer des méthodes de travail. C'est par le biais d'exercices répétés d'analyse que les étudiants... que l'étudiant, pardon, apprend à interroger un objet, à consulter un document pour en arriver à trouver des solutions à une problématique donnée. Il doit parvenir à reconnaître les principes sur lesquels repose le raisonnement de l'auteur ou de l'interlocuteur, en fait de tout intervenant avec lequel il interagit.

Et, si nous reprenons la notion de réussite qui se traduit par des résultats observables et qu'on la met en parallèle avec les résultats du sondage réalisé à l'UQAM qui montre que l'étudiant aspire à l'autonomie, la créativité, à la possibilité d'assumer des responsabilités, nous concluons que l'élaboration de tout programme d'études nécessite un juste équilibre entre la formation intellectuelle et la formation professionnelle.

n(11 h 50)n

En ce qui a trait aux activités liées à la recherche, notre propos va dans le même sens que le dernier rapport du Conseil supérieur de l'éducation ainsi qu'à un certain nombre d'articles parus récemment dans les journaux.

Nous déplorons la valorisation excessive attribuée à la recherche financée ou subventionnée. À tel point excessive que, dans l'élaboration de certains programmes, la formation professionnelle est privilégiée au détriment de la formation intellectuelle.

Le mépris ? et le mot n'est pas trop fort ? exercé à l'endroit des professeurs qui se consacrent à l'enseignement, ou des chargés de cours, a amené certains à considérer que la pertinence de la formation universitaire repose sur le degré de compétence technique ou scientifique d'une future main-d'oeuvre. Il n'est pas question ici de mettre en cause la raison d'être de la recherche; les universités ne peuvent accomplir leur mission sans investir dans la production et le renouvellement des connaissances. Là où le bât blesse, c'est que, lorsque l'on parle de recherche, on ne parle que de recherche financée ou subventionnée. Le ministre de l'Éducation lui-même explique que les universités subissent d'énormes pressions pour être compétitives sur le marché de la recherche. Il y a donc un marché de la recherche, s'il y a, là, une sorte de... et s'il s'agit là d'une sorte de cercle vicieux, pourrions-nous dire...

Pour être compétitive, chaque université cherche à être reconnue. Pour être reconnue, il faut paraître. Pour paraître, il faut réussir à obtenir des subventions de recherche, et plus vous en obtenez, plus vous êtes visibles, et plus vous êtes visibles, plus vous excellez. Et voilà, la boucle est bouclée. Le degré d'excellence d'une université réside dans la quantité de subventions de recherche obtenues.

Qui dit marché de la recherche dit logique marchande, et toute logique marchande implique la loi de l'offre et de la demande. Qu'en est-il alors de la recherche fondamentale, qui ne débouche pas nécessairement sur de la recherche appliquée et des produits monnayables? Qu'en est-il de la recherche non subventionnée? Qu'en est-il de l'érudition fondamentale, cette connaissance fine et exhaustive d'un champ de spécialisation qui fonde l'expertise du professeur ou du chargé de cours? C'est pourtant la qualité de l'érudition fondamentale, la qualité de l'expertise qui priment d'abord... qui, de prime abord ? pardon ? soulèvent la curiosité et l'intérêt des étudiants pour des activités de recherche et les études de cycles supérieurs.

Qu'en est-il finalement de l'enseignement lorsque nous apprenons que 45 % des professeurs estiment que l'enseignement est plus important que la recherche et que 80 % affirment que la recherche est plus importante que l'enseignement pour la progression de leur carrière? Vous pouvez alors imaginer la raison pour laquelle les activités liées au service à la collectivité, mises à part les tâches de direction et de participation à différentes instances universitaires et différents organismes externes à l'université, ont peu d'attrait. Si l'enseignement fait figure de parent pauvre à l'université, les services à la collectivité ont perdu tout lien de parenté.

Pourtant, les universités ont pour mandat non seulement la transmission de la connaissance et leur progression, mais également de la rendre accessible à tous les milieux sociaux et culturels. C'est par leur intermédiaire que les universités répondent aux attentes collectives des communautés afin que le développement et l'application de nouveaux savoirs contribuent à l'amélioration des conditions de vie de tous les membres de la communauté. De multiples voies d'accès au savoir doivent être assurées et les activités de recherche, de formation, de création ou de diffusion en collaboration avec des groupes sociaux et communautaires, les organismes à vocation artistique alimentent tout autant le processus de production et de développement des connaissances.

La contribution des universités au développement global d'une collectivité ou de la société n'est pas accessoire, et, au-delà de son impact économique dont on parle tant dans les journaux, c'est la création d'un maillage serré entre l'université et sa collectivité qui fonde sa pertinence. Cela est d'autant plus manifeste pour les universités en région. Et pourquoi? À la problématique de rétention des étudiants et leur détermination à poursuivre leurs études s'ajoutent dans les régions la problématique du rétablissement du profil démographique ainsi que la régénérescence des différents milieux de vie, notamment les milieux ruraux. L'exode des jeunes occasionne une dévitalisation des divers milieux de vie. Par la suite, ce phénomène engendre un problème d'équité dans la mesure où les différentes composantes régionales ne jouissent pas des mêmes richesses ni des mêmes infrastructures que le développement. Ainsi, le fil conducteur qui pourrait relier la problématique du rétablissement du profil démographique et la régénérescence des différents milieux de vie est la rétention des jeunes.

Comment les retenir en région, les accueillir à l'université, les former et les amener à terminer leurs projets d'études? La création d'un maillage serré entre l'université et sa collectivité, tel que les services à la collectivité le supposent, les amènerait à s'impliquer dans le développement de leur région tout au long de leurs études. Il va de soi que l'implication des étudiants se poursuivrait dans le cadre de leurs activités professionnelles lorsque le besoin de perfectionnement ou de ressourcement se ferait inévitablement sentir, avec le développement de l'économie du savoir. Ainsi, la contribution véritable des universités en région au développement global de la personne et de la société pourrait devenir à la fois un facteur de rétention des jeunes et un facteur d'attraction pour d'autres jeunes intéressés par le dynamisme de l'université, par son souci de participer au développement de la région et à l'amélioration de la qualité de vie de ces citoyens. Au terme...

Le Président (M. Kelley): Peut-être... Je veux juste...

Mme Levasseur (Lucie): Mon temps...

Le Président (M. Kelley): On arrive à 20 minutes. Je sais, Mme Valiquette, vous avez quelques mots de conclusion, alors je laisse à vous autres, un peu... deux, trois minutes de plus. Alors, je laisse ça entre vous deux, de faire l'arbitrage, qui va dire le mot de la fin, s'il vous plaît. Trois minutes. Prenez votre temps, mais je veux vous dire que je veux...

Mme Levasseur (Lucie): O.K. Parfait. Oui, d'accord, merci.

Le Président (M. Kelley): Je veux préserver le temps pour les parlementaires de poser les questions aussi, c'est mon souci.

Mme Levasseur (Lucie): Merci. Au terme de notre présentation, nous croyons avoir répondu à la question: Que doit-on financer?

En tant qu'acteurs du monde universitaire, nous affirmons que toutes les personnes physiques et morales doivent contribuer à soutenir les bénéfices issus de l'ensemble de l'oeuvre universitaire. Et, comme citoyens, nous pouvons donc légitimement nous attendre à ce que les sociétés et les entreprises s'engagent plus résolument que jamais à soutenir le développement des universités à la hauteur des bénéfices qu'elles en retirent. Il est de leur responsabilité sociale de traduire financièrement leur engagement moral à l'égard du développement de nos universités. C'est pourquoi nous invitons les membres de la commission à se pencher sur les vecteurs de financement proposés dans notre mémoire.

Peut-être le moment est-il venu d'envisager la constitution d'un observatoire sur la société du savoir, dont un des mandats serait précisément de réfléchir au soutien collectif dont les universités doivent bénéficier, tout en élaborant des instruments de mesure qualitative qui permettraient d'évaluer les bénéfices issus de l'oeuvre universitaire. Merci de votre attention.

Le Président (M. Kelley): Parfait. Vous n'avez pas d'autres mots, Mme Valiquette? Ça va, ou...

Mme Valiquette (Louise): Écoutez, je ne rajouterai rien à ça.

Le Président (M. Kelley): Oui.

Mme Valiquette (Louise): On va répondre aux questions.

Le Président (M. Kelley): O.K., parfait. Sur ça, je propose peut-être deux blocs de 15 minutes pour finir sur l'heure prévue. Commencer avec M. le ministre et député d'Orford.

M. Reid: Merci. Bienvenue aux représentants de la SCFP. Vous avez mentionné évidemment les préoccupations bien légitimes, mais, moi, j'ai été intrigué, dans votre mémoire, par quelque chose qui parle d'abord de l'implication de toutes les personnes de l'université, mais pas uniquement les professeurs ? et je pense que M. Gervais l'a dit tantôt ? en ce qui concerne la réussite des étudiantes et des étudiants ? et je peux en témoigner, si jamais quelqu'un en doute encore, parce que je crois exactement la même chose ? réussite dans leurs études, mais réussite aussi dans la vie. Je pense que les personnes qui sont en contact avec les étudiantes et les étudiants dans l'université ont effectivement un impact extrêmement important, et c'est vrai aussi pour les jeunes, pour lesquels l'université est un milieu d'apprentissage et d'apprentissage évidemment au niveau scolaire, mais aussi au niveau... au niveau académique, mais aussi au niveau de la vie. C'est aussi un milieu de formation continue qui devient de plus en plus indispensable dans notre société.

Mais ce qui m'a intrigué le plus, c'est quand vous parlez effectivement qu'il serait souhaitable que l'étudiant qui abandonne ses études, l'étudiant qui décroche, puisse participer, et je cite: «...puisse participer au mieux-vivre de la société et réussir son insertion dans la société avec le bagage qu'il a ? déjà réussi à accumuler ? en sa possession?» Et moi, je trouve ça intéressant, parce que c'est quelque chose que je n'ai jamais vu sous cette forme-là, et je me demande: Est-ce que, dans votre réflexion là-dessus, vous avez des éléments, des suggestions à faire, que les universités, bien sûr, mais comme gouvernement, comme commission parlementaire, qu'on peut faire? Évidemment, j'imagine qu'il y a des éléments qui font partie des enjeux de négociation, etc., bien sûr, mais il y a peut-être d'autres éléments qui pourraient être intéressants pour nous éclairer comme membres de la commission.

n(12 heures)n

Mme Neill (Carole): Nous, en fait, c'est que quand on a... Évidemment, on est en faveur d'une formation universitaire où les étudiants terminent leurs études. On veut que les étudiants les terminent, cela va de soi, c'est une évidence. Sauf qu'il arrive tout de même que, si on prend soin, si on rappelle les objectifs de la formation universitaire, qui ont deux volets en fait ? l'éducation citoyenne et la formation proprement disciplinaire ? je pense qu'on devrait élaborer... et notre réflexion s'est faite à ce niveau-là, c'est-à-dire qu'on devrait élaborer des programmes d'études où, si on prend soin de bien lier la formation fondamentale et la formation professionnelle, à tout le moins l'étudiant qui décide d'abandonner la deuxième année, par exemple ? parce qu'il y a toujours quand même un certain taux d'abandon après la deuxième année ? il est quand même assez bien outillé, parce que la formation a été bien faite, le programme a été bien élaboré, il est assez, dans une certaine mesure, assez outillé pour faire face à la situation quand il va s'intégrer professionnellement, mais il est tellement bien outillé qu'il va désirer revenir soit se ressourcer soit recommencer des études, etc. Mais les programmes ne sont pas faits de cette manière-là, pas du tout.

Donc, quand l'étudiant abandonne, il y a comme un vide, là. Et on ne prend pas soin de... Évidemment, on veut qu'il termine, mais on ne prend pas soin d'élaborer des programmes en fonction de cet objectif-là qui nous apparaît extrêmement important, et c'est fondamental dans la formation. Et c'est pourquoi on reprend un peu plus loin le fait que la formation fondamentale au premier cycle, disons qu'elle en prend un peu un coup. C'est-à-dire que on a un peu l'idée, on considère un peu l'idée que, pour faire preuve d'une véritable analyse, une capacité d'analyse et de synthèse, il faut avoir cumulé une certaine somme de connaissances; donc, ça, c'est bon pour le deuxième cycle. Alors, au premier cycle, maintenant on axe beaucoup sur la formation professionnelle, et je n'ai absolument rien contre la formation professionnelle; il est important que la connaissance de la discipline puis la connaissance scientifique, technique soient au point.

Par contre, on peut constater dans l'enseignement quelquefois un déficit, un certain déficit au niveau de la capacité d'analyse et de synthèse des étudiants ? j'en parle en connaissance de cause parce que j'enseigne ? et donc... et je me dis... mais, le problème, c'est qu'on est toujours pris dans une situation, dans un dilemme qui fait que, bon, je suis dans un cours, je dois donner tel cours: Est-ce que j'accorde, j'hypothèque mes 45 heures de cours en accordant de l'importance à cette capacité d'analyse et de synthèse que je dois m'assurer que les étudiants possèdent ou je vois le programme? Et, quelquefois, si je ne vois pas le programme, bien je sais que ça a des conséquences sur l'autre personne qui va donner le cours, et mon cours est un préalable à l'autre cours. Donc, finalement, c'est la quantité qui prédomine quelquefois sur la qualité. Et... Mais pas la qualité. Je suis injuste, là, disons. Mais disons que la formation, la quantité de connaissances qu'il faut acquérir prédomine sur la capacité d'analyse qu'on essaie de développer chez l'étudiant.

Pourtant, dans le milieu de travail, les patrons, les employeurs se plaignent d'un manque de connaissances utiles, et, moi, j'ai trouvé ça très intéressant, dans le rapport du Conseil supérieur de l'éducation, parce que, moi, je pensais que, «utiles», c'étaient justement les connaissances dites scientifiques et techniques. Et, non, c'est justement la capacité d'analyse, la capacité d'autonomie, la capacité de faire face aux situations nouvelles, d'adapter des solutions à des situations nouvelles, et c'est ça qui manque.

Et ça, ça appartient à tout le domaine qu'on appelle la formation fondamentale. Et, si on axe peut-être un peu plus les programmes sur cette formation, bien peut-être que l'étudiant en deuxième année qui n'aura pas terminé son bac pour différentes circonstances, bien il sera en mesure quand même, dans le milieu de travail, de faire face à la situation, si on a bien développé sa capacité d'analyse.

M. Reid: Est-ce que vous pensez, là-dessus... c'est un peu pointu, mais est-ce que vous pensez que les méthodes pédagogiques, apprendre par la compétence, peuvent aider à solutionner ce problème-là? Parce que je pense que dans plusieurs universités on a justifié des approches comme celle-là pour effectivement avoir un meilleur équilibre de formation même dans des domaines très professionnels, génie, par exemple...

Mme Neill (Carole): Tout à fait.

M. Reid: ...des domaines de formation... pour équilibrer la formation fondamentale et formation technique, en quelque sorte. Est-ce que vous pensez... Oui?

Mme Neill (Carole): Bien, je pense carrément que ça prend des stratégies. Ça change, d'ailleurs. Moi, je pense qu'il y aurait d'ailleurs des modifications à apporter à la façon d'enseigner. Mais ça a un impact beaucoup aussi ? il faut le considérer ? par exemple sur l'encadrement, parce que ? et on reviendra à la question des chargés de cours, qui m'a beaucoup interpellée évidemment ? mais ça a un impact sur l'encadrement parce que, quand vous êtes devant les étudiants et que vous décidez... par exemple, bon, je donne un exemple en psychoéducation parce que ça se fait beaucoup en psychoéducation, vous avez une étude de cas, donc vous dites aux étudiants: Écoutez, on vient de voir la théorie, là, mais maintenant on va passer à une étude de cas pratique. Bon, ça demande beaucoup de temps, beaucoup de stratégie. Mais, par contre, quand vous en avez 60 devant vous, vous constatez que, même avec l'étude de cas, la deuxième, la troisième, la quatrième, il y a quelques étudiants qui ne suivent pas du tout, et vous n'êtes pas nécessairement en mesure, dans la classe, de voir qu'est-ce qui bogue ? pardonnez-moi l'expression, mais... ? et donc, là, c'est tout l'encadrement qui est en cause, c'est-à-dire que, pour véritablement savoir exactement pourquoi ça ne fonctionne pas, votre stratégie ou, enfin, peu importe, vous devez rencontrer l'étudiant et vous devez reprendre l'étude de cas avec l'étudiant, vous devez... Alors, c'est beaucoup plus large, l'encadrement, que tout simplement le rencontrer pour réexpliquer la matière, si la matière n'est pas comprise, et donc ça a évidemment un impact majeur sur les stratégies pédagogiques. Ça demande d'autres stratégies pédagogiques.

M. Dupuy (Luc): Peut-être en réponse à la question du ministre tout à l'heure sur ces programmes qui ne sont pas standards, si on veut, je pense que la réalité de la population étudiante s'est énormément diversifiée, et ça s'accentue.

Je pense qu'il faudrait de plus en plus regarder sur certaines hypothèses, comme des contrats de formation à long terme qui font qu'il y a une entente avec une université par rapport, bon, à l'évaluation du profil des besoins de l'étudiant, parce que... Bon, à l'UQAM, où je travaille, on sait qu'un étudiant sur deux, là, grosso modo, est une personne à temps partiel. Alors, qu'est-ce qui la caractérise? C'est que c'est souvent un adulte qui revient aux études et qui, pour toutes sortes de bonnes raisons ? et je vais peut-être être un peu sévère ? n'a pas vraiment le temps de s'ennuyer dans de longs cours magistraux. Donc, il faut prévoir des programmes de formation sur mesure aussi pour ces gens-là, et ça, ce ne sont pas des programmes standards. Donc, il faut faire de la place, mais là toute la logique... Bon, à l'UQAM ? je ne veux pas faire la promotion de l'UQAM ici, mais c'est le milieu que je connais ? on gère un édifice qui est une petite ville. Donc, la formation sur mesure en fonction de besoins particuliers, c'est extrêmement difficile à gérer. Pourtant, le besoin, il est là.

Donc, en tout cas, regarder du côté des programmes de formation à long terme qui seraient peut-être plus des reconnaissances de formation qu'un diplôme accrédité, reconnu, standard, mais qui, aux yeux des employeurs ? parce que ça va maintenir la capacité des personnes à se développer ? va avoir davantage de valeur qu'un diplôme de bac, de maîtrise, voire de doctorat. Et, quand je parle de contrat de formation à long terme, il faut faire de la place à tous les niveaux d'études, là. Je ne dis pas que c'est juste pour le bac, quoique, pour le bac, déjà je pense qu'on aiderait beaucoup de gens à maintenir une assiduité à la formation avec une conclusion favorable à leur projet d'études. Parce que je le rappelle encore, que, pour ces adultes qui reviennent ou qui poursuivent des programmes d'études, le diplôme n'est souvent pas un enjeu. Souvent, ils en ont un, peut-être plus le bon, mais il faut regarder aussi... l'avenir est bon.

J'étais étonné, pour avoir participé récemment à un colloque sur cette société du savoir, des besoins qui sont exprimés par les employeurs, de dire: Est-ce que les gens peuvent continuer à se développer? Et on a peu de ressources actuellement pour faire face à ces besoins-là, et il faut le rappeler: c'est du profil très personnalisé. En tout cas, je voulais juste ajouter ce point-là, parce que je pense que ce sont des perspectives qui à la fois vont satisfaire des besoins de formation mais aussi améliorer la performance des universités en regard de ces besoins de formation là qui vont se traduire par des projets d'études réussis et non pas que des programmes entamés et, pour toutes sortes de bonnes raisons, abandonnés en cours de route, là.

Et... bon, cela dit, même quand on est à temps partiel, une semaine ? je parle à trois cours, là ? ça peut représenter 30 heures d'ouvrage. Alors, quelqu'un qui est déjà partiellement en emploi, comme ils disent en anglais, «do the math»: c'est extrêmement difficile à gérer, 35 heures de travail, 30 heures d'étude. Et là, tant mieux si la famille n'est pas trop exigeante, parce que là on va rogner sur des choses, bon, puis là je ne parle pas des chicanes dans la cuisine, là. Alors, je voulais juste vous mentionner cet aspect-là des besoins de formation.

n(12 h 10)n

Un autre aspect, ce serait, par exemple ? et encore, pour des clientèles comme ça, avec d'autres particularités cependant ? d'avoir des formations de bac, par exemple, sur deux ans. Ça aussi, c'est des processus qui permettraient rapidement, pour des gens qui ont des intérêts ciblés, possiblement avec des programmes de perfectionnement négociés... dans certaines entreprises, je sais que cela existe, donc les gens peuvent avoir un parcours de formation où on se concentre vraiment sur des objectifs de formation ? pas juste professionnelle, ça touche toutes sortes de compétences à développer ? mais qui pourrait satisfaire les besoins. Mais ça, ce sont des choses qui restent à inventer, parce qu'actuellement on est beaucoup plus gérés par les contraintes de nos horaires-locaux que par les besoins des étudiants qui viennent nous voir. Puis là je ne fais pas de reproches à personne; quand on bâtit de grands édifices, il faut vivre avec les conséquences que cela suppose. Alors, je voulais juste apporter ces éléments-là.

Le Président (M. Kelley): Merci, M. Dupuy.

Mme Neill (Carole): En fait, ça demanderait beaucoup de créativité, et, malheureusement, souvent le milieu universitaire est un milieu très conservateur. Donc, les changements se font tranquillement pas vite ? permettez-moi l'expression ? et il y a des modèles qui sont à réinventer au niveau des programmes offerts. Mais je ne parle pas au niveau de la formation fondamentale ou professionnelle, mais au type de programme... C'est-à-dire que...

Vous savez, au-delà du professeur ou du chargé de cours que l'étudiant rencontre, la séquence, la façon dont le programme, la séquence du programme, il est un peu otage de cette structure-là aussi. Et, quelquefois, cette séquence-là ne lui convient pas du tout, et c'est la raison pour laquelle il abandonne. Ce n'est pas que le domaine ne l'intéresse pas, c'est que cette séquence-là est beaucoup trop contraignante. Et je pense que là-dessus je suis d'accord avec M. Dupuy, tout reste à réinventer.

Le Président (M. Kelley): Dernier commentaire ou... il y a quelqu'un d'autre? Ou... Mme la députée de Maskinongé, il vous reste deux minutes.

Mme Gaudet: Vous avez... En annexe de votre mémoire, vous avez joint un mot de Mme Monique Lemire, là, C.A., qui fait une suggestion. Alors, pouvez-vous expliquer la position qui est présentée sur la participation accrue du gouvernement fédéral par la récupération de la déduction DPE?

Mme Neill (Carole): En fait, écoutez, je vais vous expliquer notre démarche par rapport à Mme Lemire. C'est-à-dire qu'on n'est pas des spécialistes de la fiscalité et on ne se prend vraiment pas pour des spécialistes de la fiscalité. Mais il nous est apparu que, quand on se pose la question: Qui doit participer au financement des universités? notre position, dans le document, elle est claire, c'est-à-dire que, pour nous, ça reste public et ça doit le demeurer en grande partie. Donc, on est contre évidemment le dégel des frais de scolarité parce qu'on considère que les étudiants sont suffisamment endettés et qu'ils font leur part, les contribuables aussi, et donc on avait demandé à Mme Lemire...

Parce que, nous, notre position, c'est plutôt de faire participer les entreprises et les sociétés par le biais d'un impôt ou d'une taxe ? mais là je vous laisse le choix de l'établir ? pour que par la suite ça puisse être distribué équitablement entre les universités, et là il y a toute la problématique des universités en région par rapport aux entreprises. Donc, si on veut qu'il y ait une distribution, une répartition équitables, on voulait...

Par contre, dans le document de consultation, il y a une question à propos, là, de tout le déséquilibre fiscal existant entre le gouvernement provincial et fédéral, et évidemment, nous ? on le dit d'ailleurs dans le document ? on est plutôt... il va de soi pour nous que le gouvernement a pour responsabilité d'aller demander sa juste part au gouvernement fédéral et que c'est dans ce sens-là qu'on a laissé l'avis de Mme Lemire. Mais on ne peut pas vous en expliquer, là, le détail fiscal, là. Enfin, moi, je ne suis pas en mesure, peut-être M. Dupuy... Je ne suis pas en mesure. Mais, pour nous, c'est vraiment à ce niveau-là, c'est-à-dire qu'il y a... nous sommes convaincus qu'on ne reçoit pas notre juste part du gouvernement fédéral, et il faut aller le chercher, et donc on est pour que le gouvernement fasse ce travail-là, évidemment.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, je vous souhaite la bienvenue à mon tour, au nom de ma formation politique. Je vous remercie pour la présentation de votre mémoire.

Bien, je vais reprendre là où j'ai laissé tout à l'heure avec la Fédération des travailleuses et travailleurs du Québec, là, qui présentait son mémoire. C'est évidemment toute la question des chargés de cours.

Alors, je vais formuler ma question un peu autrement: Quelle proposition feriez-vous pour améliorer la situation des chargés de cours? Est-ce que c'est au niveau des conditions salariales, des conditions de travail autres, le statut, la participation, l'intégration dans les équipes? Enfin, peu importe, là. Quelles sont les avenues qu'il serait souhaitable que nous recommandions ou que nous prenions pour mieux reconnaître les chargés de cours? Puis j'aurai des questions subséquemment à cela.

Mme Neill (Carole): En fait, je vais essayer de faire preuve d'une bonne capacité d'analyse et de synthèse, parce que la question est fort complexe. Mais je dirais que, parce que j'ai été un peu interpellée par le propos de M. Ringuet, le recteur de l'Université du Québec à Rimouski, quand il a dit que les chargés de cours font un excellent travail, mais ils sont trop nombreux, finalement: à 55 % de l'enseignement donné par les chargés de cours, c'est trop, et qu'il faudrait rétablir le pourcentage, le diminuer.

Ce que M. Ringuet a omis de dire, c'est que la diminution du pourcentage des chargés de cours, donc l'augmentation des postes de professeur, ferait en sorte en fait sur le terrain que des chargés de cours seraient congédiés. Pour quelle raison? Parce que ce ne sont pas les chargés de cours qui enseignent depuis 10 et 15 ans à cette université qui seront recrutés, et ça, les statistiques le montrent clairement.

Il n'y a pas de problème d'encadrement avec les chargés de cours de façon stricte, c'est-à-dire que les chargés de cours sont disponibles tout autant que les professeurs. Mais vous comprendrez que, quand vous devez utiliser un bureau et le partager avec 10, 15, 20 et 30 personnes, ce n'est pas l'idéal quand même pour encadrer un étudiant qui a une situation problématique. Parce que souvent, quand ils viennent vous voir au bureau, c'est une situation problématique. Donc, ce qui est arrivé fréquemment, c'est que des chargés de cours ont encadré dans le corridor, dans la salle de classe parce qu'il n'y avait pas d'autre professeur qui allait prendre la place après, ou à la cafétéria ou à la bibliothèque, ce qui n'est pas l'idéal non plus. Donc, les conditions d'exercice ne sont pas bonnes pour les chargés de cours.

Et je dirais que, en plus, les chargés de cours sont exclus, vous savez, de l'assemblée départementale. Chaque département, l'assemblée départementale est constituée seulement des professeurs. Donc, nous sommes exclus de l'assemblée départementale. Alors, qu'arrive-t-il quand il y a une révision de programmes ou qu'il y a une élaboration de programmes? Vous savez, dans certains cas, il y a certains programmes, c'est pratiquement donné seulement par des chargés de cours.

Mme Marois: Est-ce que vous permettez une sous-question? Est-ce que c'est le cas dans toutes les universités au Québec?

Mme Neill (Carole): Pratiquement, oui.

Mme Marois: Pratiquement

Mme Neill (Carole): C'est véritablement tout le Québec, et donc systématique. Et donc, quand on est exclus, il y a un programme qui s'élabore, c'est les professeurs qui travaillent à l'élaboration, mon expertise n'est pas prise en compte parce que je ne fais pas partie de l'assemblée départementale, et donc il y a des programmes qui sont élaborés, et, après, à partir du moment où ils sont élaborés, vous dites: Mais, non, ça ne convient pas sur le terrain; écoutez, on a telle problématique, telle problématique. Donc, ça, ça pose un problème d'encadrement, parce que, quand vous devez enseigner après, vous êtes parfaitement consciente ou conscient que le programme a été mal élaboré, ou il y a un problème, il n'est pas adéquat. Donc, vous êtes mal... vous êtes en situation un peu difficile dans l'encadrement.

En plus, comme on a fait appel massivement aux chargés de cours, les chargés de cours se consacrent donc à l'enseignement, et je vous rappelle que ça ne fait pas partie du mandat des chargés de cours de faire de la recherche subventionnée. Parce qu'ils font de la recherche, mais pas subventionnée. Et donc, bon, si vous finissez, vous terminez votre doctorat, vous savez que la majorité des organismes subventionnaires, quand ça fait à peu près six ans que vous avez terminé votre doctorat et que vous n'avez pas demandé de subventions de recherche, vous êtes un peu exclus de la recherche par ces organismes-là. Mais d'autant plus que, si vous êtes chargé de cours, vous êtes nommément exclus de cette recherche-là, vous devez posséder le titre de professeur.

Alors, vous vous consacrez à l'enseignement, vous permettez à l'université d'accomplir sa mission et, quand vient le temps d'ouvrir les postes, vous êtes exclus parce que vous n'avez pas fait de la recherche et que vous ne pouvez pas démontrer votre capacité à aller chercher des subventions de recherche.

Et n'oublions pas une chose que le Conseil supérieur de l'éducation a oublié de noter dans son rapport sur le recrutement des professeurs: le recrutement des professeurs se fait en assemblée départementale, là où nous sommes exclus. C'est les... il y a un comité de sélection qui est formé et, après ça, la personne recommandée par le comité de sélection est soit approuvée soit désapprouvée par l'assemblée départementale. Alors, vous voyez que là... et on n'a pas beaucoup de portes, là, on n'a pas beaucoup de possibilités. Et c'est souvent juste par la négociation ? Trois-Rivières, par deux conflits ? qu'on réussit à obtenir un peu une place.

Et donc, si on veut régler la question, pas régler la question des chargés de cours, ce serait peut-être un peu difficile, mais enfin permettre une meilleure intégration des chargés de cours, c'est une question de statut, bien sûr, vous avez raison, donc évidemment un meilleur salaire, ce n'est pas moi qui vais être contre, vous le comprenez bien, mais il faut absolument qu'ils soient intégrés de façon systématique dans toutes les instances importantes de l'université. Il faudrait aussi un changement de culture, c'est-à-dire intégrer les chargés de cours aux équipes de recherche, ce qui se fait d'ailleurs dans certains secteurs, surtout dans le domaine de l'interdisciplinarité, mais de façon... des incitatifs, disons, à les intégrer et leur permettre d'avoir des conditions d'exercice, c'est-à-dire des bureaux avec le service de secrétariat qui leur permettraient quand même de faire leur travail adéquatement.

n(12 h 20)n

Et, quand les postes ouvrent, il faudrait peut-être penser à une véritable passerelle existante entre le statut de chargé de cours et le statut de professeur. C'est une chose à laquelle on songe, nous, à Trois-Rivières, avec le syndicat des professeurs, c'est-à-dire de véritablement créer un type de chargé de cours qui permettrait aux chargés de cours de faire partie de certaines équipes de recherche, et, quand le poste serait ouvert, ils seraient, disons, plus professorables ou enfin... et peut-être parler aussi aux organismes subventionnaires pour leur dire qu'il faudrait peut-être ouvrir aux chargés de cours pour qu'ils puissent demander des subventions.

Mais vous savez que présentement, si, moi, je fais de la recherche, c'est très bon pour mon c.v., c'est très bon pour mon curriculum vitae, mais c'est à peu près tout, alors que le professeur qui fait de la recherche, c'est très bon pour sa promotion. Donc, il y a quand même une petite différence de statut, et je pense qu'il faut jouer à tous les niveaux pour véritablement accorder de meilleures conditions.

Mme Marois: Vous avez un peu devancé mon autre question, parce que je l'ai soulevée aussi auprès d'autres groupes qui sont venus, là, représentant les universités. Compte tenu qu'on a un grand besoin du côté du remplacement du corps professoral auquel on devra procéder dans les années qui viennent, ma question était toujours la suivante: Est-ce qu'on ne peut pas imaginer des mesures de transition pour permettre le passage du chargé de cours ou des chargés de cours vers des tâches de professorat, des tâches professorales? Et sachant que tout ce que vous venez de nous décrire crée des barrières à ce passage, dans le fond il faudrait qu'il y ait une véritable volonté, j'imagine, de la part des décideurs au niveau universitaire pour constituer ces conditions-là, les créer, les discuter, les négocier et donc faciliter ces passages.

Même dans les fonds subventionnaires, on pourrait imaginer qu'une partie des fonds est accessible ou est disponible pour les chargés de cours qui voudraient faire de la recherche, en autant évidemment qu'on puisse participer à des équipes, comme vous le mentionniez. Mais est-ce que vous sentez qu'il y a quand même à cet égard une certaine ouverture de la part des personnes en place actuellement dans les institutions?

Mme Neill (Carole): Moi, je dirais que, pour l'instant... mais je veux parler pour Trois-Rivières, là, parce que je connais moins les autres universités, mais je dirais qu'il y a une ouverture ? parce qu'il n'y en avait pas il y a quelques années du côté des professeurs mêmes ? mais là il y a une ouverture du côté des professeurs parce qu'ils sont parfaitement conscients qu'ils ont un problème de recrutement à plus ou moins long terme; je dirais même, c'est du court terme: dans cinq ans, il va y avoir une sérieuse problématique, et, en région, cette problématique s'ajoute, là, elle est plus cruciale.

Mais je ne crois pas à la volonté, du tout, des administrations. Ils ont un modèle. J'ai dit tout à l'heure que les universités étaient conservatrices, et les décideurs qu'on rencontre sont extrêmement conservateurs. Pour eux, il n'y a qu'un seul modèle et c'est celui du professeur. Ils ont beau dire autre chose, mais, dans les faits, les chargés de cours demeurent un pis-aller, et une véritable université n'utilise des chargés de cours que pour des connaissances fines, et, le reste, ce sont des professeurs.

À mon avis, c'est une attitude un peu cul-de-sac, parce qu'ils vont se retrouver devant une situation où ils vont avoir de la difficulté à recruter, alors qu'ils ont un bassin de chargés de cours, dans bien des cas, avec tous les diplômes demandés, là ? ce n'est même pas une question de diplomation ? avec tous les diplômes, les compétences requises. Sauf, si on permettait à des chargés de cours, dans leurs tâches, l'inscrire dans leurs tâches, cette recherche-là, ça ferait évidemment une meilleure transition quand le poste de professeur s'ouvrirait. Et, de la part des administrations, pour l'instant, moi, je ne vois aucune volonté en ce sens-là.

Mme Marois: D'accord. Mon collègue...

Le Président (M. Kelley): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau: Merci beaucoup, M. le Président. J'aurais une question. D'abord, dans votre mémoire, vous faites une très grande place au rôle, je dirais, social de la communauté universitaire dans son milieu et vous décrivez avec force détails en fait l'implication... Je comprends que c'est l'implication des professeurs et le rôle, les tâches départementales, la direction départementale, d'unités de programmes, de centres additionnels de recherche, de création d'instituts, etc. Et c'est très intéressant de vous entendre décrire les tâches des chargés de cours en regard des professeurs, de la recherche, et tout.

Alors, si je comprends bien, la problématique, c'est qu'on survalorise... c'est ce que vous dites, vous dites: La survalorisation de la recherche au détriment de l'enseignement, elle se fait à toutes fins pratiques... l'enseignement qui fait, à toutes fins pratiques, figure de parent pauvre, c'est ça que vous dites dans votre mémoire...

Mme Neill (Carole): Tout à fait.

M. Arseneau: Est-ce que, si, par exemple, on faisait une distinction entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée ? parce que vous avez parlé beaucoup de formation départementale dans votre réponse tantôt ? est-ce qu'on pourrait ou ne pourrait-on pas baliser la recherche fondamentale, la recherche appliquée, financer adéquatement la recherche fondamentale, assurer peut-être à ce moment-là des passerelles, comme vous parlez, pour intégrer graduellement les chargés de cours? Est-ce qu'on ne pourrait pas, autrement dit, donner des balises puis dire: La formation ou la recherche fondamentale devrait être subventionnée à tel niveau partout, puis, après ça, bien, la recherche appliquée, est-ce qu'on ne pourrait pas donner des paramètres comme ça?

Mme Neill (Carole): Le problème de la survalorisation de la recherche financée, c'est que ça concerne à la fois la recherche fondamentale et à la fois la recherche appliquée. Parce que tout le problème de la recherche appliquée, c'est ce qui intéresse souvent les entreprises, c'est pour ça qu'elles accordent certains fonds quelques fois, parce que c'est une recherche qui va donner... qui va aboutir, qui va déboucher sur un produit peut-être monnayable, etc., alors que la recherche fondamentale, par exemple dans le domaine de la bioéthique, on peut chercher pendant 20 ans sur un certain gène et aboutir finalement à rien au bout de 20 ans, ce que les entreprises n'aiment pas tout à fait subventionner, parce qu'il faut aboutir, hein, donc, alors que les universités, ce n'est pas nécessairement le résultat qui compte comme tout le processus de la recherche qui est important et qu'on va réutiliser ailleurs.

Ce qu'on dit, nous, c'est surtout sur la notion d'érudition fondamentale. Parce que ce qu'on dit, c'est que la recherche, ce n'est pas juste la recherche financée, c'est l'érudition fondamentale, qui est ce champ de spécialisation du professeur ou du chargé de cours, qui fait qu'il doit avoir une connaissance fine et exhaustive de son sujet. Et cette érudition fondamentale là est en péril dans les universités parce qu'on cherche tellement à avoir des subventions de recherche que notre érudition fondamentale n'est pas nécessairement in, ce n'est pas nécessairement très branché.

Je vais vous donner un exemple parce que je pense que c'est important d'avoir un exemple. J'ai un doctorat en littérature française sur la littérature de l'Holocauste, O.K.? Ce n'est pas particulièrement un sujet le plus populaire, disons, le plus populaire, et donc je ne vais pas nécessairement être en mesure de me faire subventionner, mais peut-être que oui, aussi, là, mais pas nécessairement, sauf que cette connaissance que je crois fine et exhaustive du sujet, ou enfin que j'espère fine et exhaustive, elle est extrêmement importante, parce que, quand je rencontre les étudiants, c'est le degré d'érudition que vous avez qui soulève la curiosité pour la recherche. Parce que c'est au premier cycle que les étudiants commencent à se dire: Bien, finalement, vous savez, la recherche, c'est drôlement important et c'est drôlement intéressant. Et c'est cette qualité-là de l'érudition fondamentale qui est en train d'être en péril, parce que, bien là, comme les organismes subventionnaires orientent un peu trop, il y a des paramètres de recherche un peu trop orientés, parce que leurs fonds diminuent, bon, je laisse un peu tomber mon érudition fondamentale, je fais dans l'interdisciplinarité ? parce que c'est le mot à la mode ? et finalement peu à peu je laisse tomber tout mon champ d'érudition, mais ça a un rapport qui est finalement étroit avec la recherche fondamentale, c'est que ça n'apporte pas de profit, finalement, cette recherche fondamentale et cette érudition fondamentale. Mais, pourtant, c'est là qu'on va chercher les étudiants, et c'est extrêmement important, la qualité de cette érudition-là, c'est ce qui fait qu'ils s'en vont au deuxième cycle par après.

Le Président (M. Kelley): Sur ça, je vais dire merci beaucoup aux membres du Syndicat canadien de la fonction publique, secteur universitaire, pour partager leur expérience et notamment éclairer les membres de la commission sur les rôles des chargés de cours de notre société.

Sur ça, je vais suspendre nos travaux jusque après les affaires courantes, à peu près 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 29)

 

(Reprise à 15 h 9)

Le Président (M. Kelley): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je vois qu'on a quorum pour continuer nos délibérations.

Juste aviser, avant... Bienvenue aux représentants de la Confédération des associations d'étudiants et étudiantes de l'Université Laval. On risque d'avoir un vote à la fin de l'après-midi, alors on va peut-être essayer d'accélérer un tout petit peu. Mais vous avez le droit de parole, alors c'est à vous maintenant de prendre la parole, mais peut-être qu'on va couper le bloc d'échanges avec les députés à une quinzaine de minutes chacun, parce qu'il y aura un vote à la fin de l'après-midi. Et on va essayer de traiter l'ensemble des témoins avec équité.

Alors, sur ce, je suis prêt à passer la parole à M. Nicolas Duval-Mace qui est le président. Bienvenue.

Confédération des associations d'étudiants
et étudiantes de l'Université Laval (CADEUL)

M. Duval-Mace (Nicolas): Alors, M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, merci de nous recevoir aujourd'hui. Avant de commencer la présentation, j'aimerais vous présenter mes collègues qui m'accompagnent: à ma droite, Ariane-Sophie Blais, vice-présidente à l'enseignement et à la recherche; à sa droite, Bruno Fontaine, coordonnateur à la recherche et principal rédacteur du mémoire; à ma gauche, Jean-Sébastien Chamard, vice-président aux affaires externes.

n(15 h 10)n

Notre présentation se déroulera dans l'ordre suivant. En guise d'introduction, nous vous exposerons les valeurs qui définissent notre vision de l'éducation supérieure au premier cycle et nous vous exposerons celle-ci. Ensuite, nous vous présenterons les exemples les plus frappants du sous-financement qui se manifeste à l'Université Laval. Par la suite, nous vous exposerons les différentes manifestations de la contribution des étudiants à l'Université Laval au financement de leur enseignement. Vous verrez qu'elle ne se limite pas exclusivement aux frais de scolarité. Nous poursuivrons en vous présentant des effets pervers découlant de l'actuelle formule de financement des universités tels que nous les percevons. Finalement, nous conclurons par une synthèse des propositions de notre mémoire.

Les valeurs d'une société contribuent généralement à définir son organisation sociale. Certaines, avancées par Mgr Parent dans son rapport il y a de cela plus de 40 ans déjà, ont façonné le système d'éducation tel que nous le connaissons actuellement. Plusieurs sont d'ailleurs toujours aussi pertinentes qu'à l'époque. Vous comprendrez assurément que nous nous en inspirions, Mgr Parent figurant parmi les plus célèbres personnalités de l'Université Laval.

L'éducation se révèle un pilier fondamental dans une société démocratique. Cela a pour but de lui assurer un sain fonctionnement et un développement optimal. La société démocratique postule dans son fondement l'égalité entre tous les individus. De cet état de fait découle la nécessité pour le législateur de mettre en place des mesures favorisant l'équité sociale, dont le libre accès à l'éducation, indépendamment de la situation financière. Une telle politique favorise ainsi une plus grande égalité des chances entre les individus et contribue à assurer une plus grande mobilité sociale au sein de la population.

Au plan collectif, une société éduquée se positionne avantageusement dans le contexte international sur plusieurs facettes dont celle de la prospérité. La CADEUL conçoit l'éducation comme une mission essentielle de l'État. C'est aussi le choix de société qui prévaut au Québec depuis plusieurs décennies. Bien que l'enseignement supérieur apporte à l'étudiant des avantages personnels indéniables, nous croyons que c'est la société dans son ensemble qui retire les plus grands bienfaits de l'éducation de ses citoyens. Au premier chef, notons la formation pour des carrières essentielles au bon fonctionnement de notre société. De surcroît, les chercheurs universitaires travaillent quant à eux à l'épanouissement de notre société dans des domaines variés. Le fruit de leur travail est perceptible dans bien des cas à court terme, mais aussi souvent à long terme. Il nous apparaît clairement évident que les bénéfices sociaux engendrés par le milieu universitaire dépassent largement les avantages qu'une personne peut aller chercher sur une base individuelle. Ajoutons à cela que l'investissement public en éducation procure à l'État un rendement fiscal minimal de 10,5 % pour un diplômé au baccalauréat, selon une étude du ministère de l'Éducation de 1999. Ce rendement est plutôt intéressant dans le contexte économique présent.

Nous croyons par ailleurs que l'État, dans le cadre de sa mission d'éducation, doit aussi s'assurer que les institutions universitaires fournissent un enseignement de qualité. Au premier cycle, cela se traduit par des pédagogues compétents, des conditions optimales d'encadrement et d'orientation, un accès direct au savoir via une bibliothèque riche en information, un lien de proximité avec la recherche afin de susciter l'intérêt des étudiants pour la matière. Nous aspirons à une formation complète, c'est-à-dire à la fois celle disciplinaire, celle qui développe l'esprit critique et celle qui éveille aux responsabilités citoyennes.

Il convient de réitérer que la qualité de l'enseignement universitaire doit être nécessairement accompagnée de l'accessibilité pour tout individu qui a la motivation et le talent pour accomplir des études de ce niveau. Nous souscrivons à la prémisse que l'éducation, incluant l'enseignement supérieur, est un droit inaliénable pour tous les individus. Rappelons à cet effet un passage du rapport Parent: «Le système d'enseignement, en tant que système, doit, dans les sociétés modernes ? et là je saute un passage ? [...] permettre à chacun de poursuivre ses études dans le domaine qui répond le mieux à ses aptitudes, à ses goûts et à ses intérêts jusqu'au niveau le plus avancé qu'il lui est possible d'atteindre et de bénéficier ainsi de tout ce qui peut contribuer à son plein épanouissement.»

Plus récemment, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse insistait sur la nécessité de reconnaître le droit à l'éducation dans la charte québécoise. La tendance à la hausse des frais de scolarité en Amérique du Nord va, d'après nous, à l'encontre de cette philosophie, consacrant ainsi l'éducation comme un privilège plutôt qu'un droit.

Le principal constat que la commission devra exprimer au sujet de l'état de nos universités est, d'après plusieurs intervenants, leur sous-financement important. Cet état de fait résulte en bonne partie, d'après nous, des décisions politiques prises dans les 15 dernières années dans l'allocation des ressources financières de l'État. En effet, la part des dépenses publiques liées à l'éducation a chuté drastiquement au Québec depuis 15 ans, passant de 28 % en 1988-1989 à un peu moins de 22 % en 2002-2003. Au cours de la même époque, la proportion des dépenses reliées à la santé augmentait, quant à elle, de 30 % à 35 % du budget global. Il faut comprendre qu'on trouve très important que des budgets soient alloués en santé, mais c'est parce que l'emphase doit être mise sur la diminution du budget en éducation dans les dernières années.

D'après les estimations conjointes du ministère de l'Éducation et des recteurs, le sous-financement annuel des universités québécoises par rapport à celles des autres provinces canadiennes est de 375 millions de dollars, dont 114 sont reliés aux fonds de dotation. Nous souscrivons évidemment à cette évaluation, mais nous désirons nous attarder plus particulièrement sur ses conséquences à l'Université Laval.

Dans un établissement d'enseignement et de recherche, la bibliothèque constitue un centre névralgique du savoir. En fait, l'importance de celle-ci est cruciale non seulement pour les étudiants et les chercheurs de l'université, mais aussi pour une proportion importante de la population québécoise, puisque la bibliothèque de l'Université Laval constitue le plus important centre de documentation dans l'Est du Québec. La qualité d'une bibliothèque s'avère, d'après nous, un indicateur important de la qualité de la formation dispensée par une université. Malgré tous les efforts du directeur et du personnel de la bibliothèque de l'Université Laval, cette dernière a été durement éprouvée par les compressions des dernières années. Ainsi, alors qu'elle se situait au 54e rang de l'Association des bibliothèques de recherche, Association of Research Libraries, elle dégringole au 96e rang en 1999-2000. Selon ce même classement, elle se situe au dernier rang pour la plupart des types de documents. Cette déconfiture est, d'après nous, la conséquence directe des coupures dans le budget d'acquisitions annuel de la bibliothèque. Celui-ci a chuté de 1 million de dollars entre 1995 et 1998, pendant que le coût global d'acquisition augmentait, quant à lui, quelque part entre 550 000 $ et 800 000 $ pour la même période.

La situation du corps professoral est aussi particulièrement alarmante à l'Université Laval. De 1 350 professeurs en 1996, nous sommes passés à 1 156 en 2002, et les prévisions sont de 1 096 pour 2004. Cela correspond au bas mot à une diminution de près de 20 % en moins de 10 ans. La politique institutionnelle est telle que, pour sept départs à la retraite, seulement trois postes sont remplacés. Conséquence directe: le ratio étudiants-professeur a augmenté, passant de 26,9 en 1998 à 30,7 en 2002. C'est aussi le cas pour les cycles supérieurs. Cette situation a une incidence sur l'encadrement des étudiants. Ainsi, de moins en moins de travaux leur sont demandés, étant donné l'ampleur de la tâche de correction. La qualité de la formation en est affectée.

Bien entendu, l'université a compensé en embauchant plus de chargés de cours, qui se révèlent être bien souvent de bons enseignants. Cependant, ils bénéficient de conditions d'enseignement souvent moindres que les professeurs, et les étudiants s'en ressentent, surtout au plan de l'encadrement. Cette forte hausse de la présence des chargés de cours à l'Université Laval est due, selon toute vraisemblance, à un manque de fonds pour l'embauche des professeurs.

L'avantage, pour un étudiant, d'avoir un professeur comme enseignant au lieu d'un chargé de cours réside dans le lien de proximité avec la recherche qu'il peut lui offrir. En effet, en plus de favoriser, bien souvent, un plus grand approfondissement de la matière, un professeur est plus susceptible d'initier les étudiants à la recherche. Ainsi, il est à même de leur transmettre la passion essentielle à la poursuite des études aux cycles supérieurs. Alors que la société demande aux universités de hausser leurs efforts de diplomation aux cycles supérieurs, il nous apparaît inconséquent de favoriser l'attrition du corps professoral. Moins de maîtres mais plus de disciples, ça ne nous apparaît pas être une équation viable.

L'état des infrastructures d'enseignement et de recherche constitue un autre facteur permettant, d'après nous, d'évaluer la qualité d'une université. Dans une entrevue donnée au journal L'Étudiant en 2002, le directeur du Service des immeubles avançait que les sommes affectées à l'entretien des bâtiments étaient inférieures de 50 % à ce qui était nécessaire afin de couvrir la totalité des besoins. Cela a comme conséquence que certains pavillons du campus sont en piètre état. Bien entendu, d'autres pavillons ont fait l'objet de réfections et d'agrandissements tout récemment. Cependant, l'essentiel de ces investissements se fait dans les disciplines dites payantes, par exemple les sciences appliquées et l'administration, au détriment des disciplines des sciences humaines comme éducation, lettres ou sciences sociales.

L'essor considérable des efforts de recherche des dernières années a amené les centres de recherche à occuper de plus en plus de place, parfois au détriment des salles d'étude et des espaces étudiants. Nous vivons actuellement un manque d'espace important sur le campus, qui ne pourra commencer à être résorbé que d'ici quatre ans au minimum, compte tenu des délais de construction.

n(15 h 20)n

Alors, abordons maintenant l'aspect de la contribution des étudiants au financement de leurs études. Notre objectif est, ici, d'une part, de démontrer qu'il existe une différence entre les frais de scolarité que paient les étudiants ? ceux qui sont gelés ? soit près de 1 700 $ par année, et ce qu'il leur en coûte réellement pour étudier. En effet, nous évaluons l'achat de fournitures scolaires et les frais autres ? afférents, etc., ? à environ 1 200 $ supplémentaires par année. Il ne faut pas oublier d'ajouter l'achat d'un micro-ordinateur qui, lorsqu'il n'est pas obligatoire pour certains programmes, devient tout de même un outil de travail incontournable pour les étudiants. D'ailleurs, la suspension du prêt micro du régime d'aide financière cause des soucis à plusieurs, d'autant plus que ce choix est, d'après nous, discutable.

Les dépenses réelles engendrées par les étudiants sont donc beaucoup plus importantes que le seul montant des frais de scolarité. De surcroît, le régime d'aide financière aux études n'est plus adapté au coût réel de la vie des étudiants. Citons quelques imperfections, comme les frais d'Internet ou les frais de transport pour les étudiants qui n'habitent pas chez leurs parents, qui ne sont pas couverts, ou encore les coûts de logement, gonflés par la crise qui sévit entre autres à Québec, qui ne sont pas couverts à leur valeur réelle. Dans bien des cas, l'aide financière ne permet même pas aux étudiants d'atteindre le seuil de pauvreté de 10 800 $ fixé récemment par le gouvernement provincial. Rappelons, de plus, que ce montant quantifie les besoins de subsistance de l'individu qui n'a pas à payer des frais de scolarité ni de matériel scolaire, de l'ordre d'environ 3 000 $.

La contribution des étudiants ne se limite donc pas seulement qu'aux frais de scolarité. En fait, notre système de répartition de la richesse, les impôts sur le revenu, fait en sorte qu'un diplômé universitaire paiera en moyenne sept fois le coût de sa formation au cours de sa vie. Toujours selon le ministère de l'Éducation, le bachelier retourne en moyenne un demi-million de dollars de plus en impôts qu'un diplômé du secondaire.

Les étudiants québécois ont fait un effort sans précédent dans les dernières années pour contribuer au financement des universités. En choisissant de réinjecter 700 millions sur 10 ans dans le système québécois avec les bourses du millénaire plutôt que de garder l'argent pour les bourses individuelles au mérite, comme l'a proposé le gouvernement fédéral, nous avons consenti à ce que ces fonds soient attribués en grande partie aux universités pour l'embauche de professeurs, l'entretien des bibliothèques et le matériel informatique. En tout, c'est 230 millions qui sont retombés dans les universités québécoises et 120 millions dans les cégeps grâce à ce gain entièrement étudiant. D'autres parties seraient affectées aux prêts et bourses dans le but de diminuer l'endettement des moins nantis. Le résultat: malgré cette entrée de fonds, l'Université Laval voit toujours le nombre de professeurs diminuer, la bibliothèque amputée et la responsabilité du matériel informatique transférée aux étudiants.

À l'Université Laval, la contribution étudiante ne s'arrête pas là. À raison d'environ 200 $ par année en frais afférents, les étudiants financent presque entièrement les services comme l'orientation et l'aide psychologique, le Bureau des bourses et d'aide financière ou le Service de placement. Alors que les services de promotion et de recrutement de l'Université Laval tirent leurs revenus de la subvention générale d'enseignement, les services essentiels à la mission d'encadrement sont défrayés presque en totalité par les étudiants. La subvention du ministère dédiée à ces services est trop faible ? elle couvre moins de 16 % des coûts ? et son indexation ne suffit pas à supporter les coûts de système, si bien que depuis quatre ans les frais afférents ont augmenté de 25 % afin de couvrir ces dépenses.

D'autres types de frais sont apparus récemment aussi. Les fameux frais de gestion, qui ont causé beaucoup de bruit sur le campus l'an dernier, se chiffrent à 150 $ par année. Pour les étudiants à temps plein, ce fut une augmentation de près de 10 % de la facture en un an. De la bouche de l'administration de l'époque, ces frais ont permis à l'Université Laval de réduire son déficit afin d'atteindre l'objectif du contrat de performance.

Fait unique à l'Université Laval, les étudiants contribuent aussi à l'acquisition du matériel pédagogique et des ouvrages de la bibliothèque par le biais des fonds d'investissement étudiant. Bon an, mal an, ce sont plus de 600 000 $ de dons qui sont recueillis annuellement à cette fin, dons étudiants. Cette contribution leur donne cependant l'avantage de décider des priorités d'investissement, bien qu'il y ait des abus dans certaines facultés.

Autre exemple de contribution volontaire: près de 4 millions de dollars, financés sur quatre ans depuis 1989, ont été investis par les étudiants pour la construction du pavillon des services à la collectivité, qui abrite non seulement les locaux étudiants, mais aussi des services de l'université et même des locaux administratifs, comme le Vice-rectorat au développement qui fait la promotion de l'Université Laval.

D'autres frais s'ajoutent pour les étudiants nécessitant une formation pratique. En effet, en plus de payer pour les crédits reliés à leurs stages, ils doivent débourser 250 $ additionnels dans le cas des stages coopératifs. Un baccalauréat comprenant quatre stages de ce type entraîne donc une dépense de 1 000 $ de plus. Pour tout autre stage, rémunéré ou non, des frais uniformes de 80 $ s'appliquent.

Une dépense importante qui devient de plus en plus fréquente est celle reliée aux ordinateurs portables. Ceux-ci sont obligatoires dans les programmes d'administration depuis 1999 et dans un programme de communication graphique depuis cette année. La Faculté des sciences et de génie s'est, quant à elle, dotée d'un programme où les portables, facultatifs cette fois, sont intégrés à l'apprentissage. Ce phénomène appelé à prendre de l'expansion s'apparente à un transfert de responsabilité du matériel informatique pédagogique de l'institution aux étudiants. Rappelons encore une fois que ce matériel, au coût variant entre 2 000 $ et 3 000 $, n'est plus couvert par le prêt micro-ordinateur depuis cette année et n'est toujours pas calculé dans les dépenses admises des étudiants pour le calcul de l'aide financière.

Lorsque l'on additionne toutes ces contributions supplémentaires que les étudiants font collectivement à l'Université Laval ? frais afférents, frais de gestion, bourses du millénaire ? c'est une somme de 13 millions de dollars qui s'ajoute cette année aux frais de scolarité, et c'est sans compter les autres frais additionnels comme ceux reliés aux stages ou à l'acquisition d'un portable. Vous conviendrez avec nous que, même si les frais de scolarité sont gelés depuis 10 ans, la facture des étudiants continue véritablement de monter.

Cela nous amène à poursuivre avec notre lecture de la formule de financement actuellement en place. Le principal facteur qui guide l'allocation des ressources aux universités est la variation de l'effectif étudiant. Directement affectées par cette variation, les universités en recherche de fonds ont tout intérêt à se démener pour augmenter leur recrutement. Ainsi, des budgets importants sont investis en publicité par l'Université Laval, comme par les autres, partout au Québec et même ailleurs. Inutile de préciser que les sommes dépensées en promotion sont détournées de leur but premier: l'enseignement, les sommes investies par le ministère de l'Éducation pour l'enseignement. De plus, cette formule a le désavantage de causer une certaine instabilité dans le financement des institutions et en étant trop directement liée aux fluctuations des effectifs. Les projections à long terme deviennent dès lors presque impossibles à réaliser.

Cette politique a aussi pour conséquence de favoriser la duplication des programmes dans un même bassin géographique, ce qui se révèle être une distribution discutable des ressources publiques. Par exemple, le nombre d'étudiants de premier cycle du campus de l'UQAR à Lévis est en voie de dépasser celui du campus de Rimouski. Alors que l'Université de Montréal a une antenne à Québec, l'Université de Sherbrooke offre maintenant des programmes à Longueuil. Bien que cette concurrence puisse paraître avantageuse pour les étudiants sur certains points, nous croyons, étant donné le financement limité, que les ressources gagneraient à être mieux organisées afin d'assurer l'optimisation du réseau universitaire québécois.

Une problématique additionnelle se situe au niveau du financement conditionnel à l'atteinte d'objectifs. Ainsi, nous mesurons la performance de nos universités notamment grâce au taux de diplomation, ce qui est en soi fort louable. Cependant, afin d'avoir une véritable mesure de la qualité de l'institution, il importe de prendre en compte des facteurs qualitatifs, comme les compétences pédagogiques des enseignants ou la rigueur des évaluations. Le mécanisme de contrôle du gouvernement, la loi sur les établissements d'enseignement universitaire, ne prend malheureusement pas ces mesures en compte. Cela a résulté, à l'Université Laval comme sûrement ailleurs, par une inflation des notes attribuées aux étudiants. À ce compte, il n'est pas étonnant que le taux de diplomation augmente si facilement alors que les conditions d'encadrement se dégradent.

Un autre objectif de performance a été, pour l'Université Laval, la reconfiguration des programmes et la rationalisation de l'offre de cours. Les économies réalisées grâce à l'élimination de plusieurs cours engendrent en contrepartie une formation moins complète, moins personnalisée.

Le Président (M. Kelley): ...

M. Duval-Mace (Nicolas): Je vais conclure, M. le Président, dans ce cas-là. Écoutez... On reviendra sur les effets pervers, j'imagine, dans nos réponses aux questions. Je vais profiter des deux minutes qui me restent pour arriver plus rapidement à la conclusion.

À la lumière de toutes les observations, nos recommandations vont à l'effet de hausser le niveau des fonds publics alloués aux universités afin de combler leur sous-financement, quitte à ne pas diminuer le fardeau fiscal des entreprises et des particuliers. Nous recommandons par ailleurs que le financement public soit caractérisé par une stabilité et qu'il évite d'inciter les universités à prendre des orientations allant à l'encontre de leur mission première.

Dans l'optique de limiter l'endettement des étudiants, nous recommandons aussi l'établissement d'un véritable gel de l'ensemble des frais de scolarité par le biais d'une mesure législative. Afin d'assurer l'accessibilité aux études, nous recommandons de bonifier le régime d'aide financière afin qu'il soit adapté au coût réel de la vie.

Quant au financement provenant de sources privées, nous recommandons, au-delà d'une étude plus approfondie de la question, que celui-ci soit balisé afin qu'il n'oriente en aucune façon la mission d'enseignement et de recherche des universités.

Nous recommandons de plus qu'une certaine forme de redistribution soit mise en place de façon à assurer le financement équitable entre les différents champs du savoir, afin de protéger la diversité dans nos universités.

En conclusion, nous espérons que le travail de la commission arrive à des recommandations qui permettront véritablement d'améliorer la situation de nos universités et de ceux qui y étudient. Il nous apparaît y avoir un consensus clair au sujet du manque de ressources qui affecte les universités. D'ailleurs, étant donné la capacité affirmée par le gouvernement de diminuer ses revenus, il nous apparaît souhaitable que cette marge de manoeuvre soit affectée à bonifier le système d'éducation. À l'instar du message véhiculé par le Conseil des premiers ministres des provinces demandant à Ottawa de hausser son financement en santé, un effort gouvernemental comparable devrait d'après nous être fait pour l'éducation.

Nous terminons en réaffirmant encore une fois l'importance pour une société d'investir dans son avenir. L'enseignement supérieur devient un prérequis pour de plus en plus d'emplois stratégiques. La recherche nous permet, quant à elle, de bénéficier de conditions de vie de plus en plus avantageuses. Par-dessus tout, comme plusieurs l'ont avancé avant nous, nous souhaitons vivement que le gouvernement évite la solution à court terme que représente la hausse de la contribution étudiante. Plutôt qu'un changement positif, nous croyons qu'une telle mesure constitue un retour en arrière. Le progrès social accompli au Québec depuis 40 ans est phénoménal. Il est essentiel de mettre toutes les chances de notre côté afin que nous puissions continuer en ce sens. Merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup pour cette présentation. Je propose peut-être deux blocs de 15 minutes. Alors, je vais passer à ma droite et donner la parole au ministre de l'Éducation.

M. Reid: Merci, M. le Président. Je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants étudiants de l'Université Laval. Comme on le fait tous, M. le Président, je voudrais vous dire que j'ai un intérêt de mon côté, puisque je suis un diplômé de l'excellente Faculté des sciences de l'Université Laval, M. le Président.

n(15 h 30)n

Mais, en même temps que je vous dis ça, j'ai envie de poser ma première question sur votre paragraphe 3.1, dont le titre est: La dévaluation des diplômes universitaires. Et la question, évidemment, qu'on se pose en lisant ça, c'est: Est-ce que vous êtes en train de dire que la formation qu'on donne actuellement à l'Université Laval en particulier est dévaluée ou si vous manifestez des craintes qui pourraient mener à une dévaluation? Parce que ce n'est pas la même chose, et j'aimerais que vous me précisiez. Parce que, en fait, ici, on regarde dans cette commission évidemment beaucoup la qualité, et l'accessibilité, et des moyens, évidemment, qui permettent l'accessibilité et la qualité. Souvent, ce sont des moyens financiers, mais vous amenez ici d'autres éléments, bien sûr, de préoccupation et qui sont... mais qui sont quand même des intrants à la qualité. Ce qu'on a regardé, nous, avant de commencer, c'est comment est-ce qu'on peut positionner cette qualité et, dans le document, on a mentionné que, si on regarde les extrants de la formation, c'est-à-dire les étudiants, les étudiantes eux-mêmes, elles-mêmes, quand on regarde partout les indicateurs de positionnement, si notre qualité de formation est bonne, elle est bonne, dans ce sens qu'on se compare avantageusement avec les diplômés de toutes les universités avancées de la planète, et nos étudiants n'ont pas de misère à aller dans d'autres universités, et à y bien réussir, et ils sont très bien reçus et valorisés.

Alors, c'est pour ça que je vous demande: Est-ce que vous êtes en train de dire qu'il y a déjà une dévaluation ou, si comme d'autres nous l'ont fait remarquer par différents moyens, y compris pour des raisons financières, à savoir il faut faire quelque chose pour éviter qu'il y ait dévaluation de nos diplômes? Et j'aimerais que vous me positionniez, parce que, dans le document, des fois on a l'impression que c'est l'un puis, des fois, on a l'impression que c'est l'autre.

Le Président (M. Kelley): M. Duval-Mace.

M. Duval-Mace (Nicolas): Merci, M. le Président. Je crois qu'on peut effectivement se targuer, encore à l'heure actuelle, d'avoir des diplômes, là, de qualité importante au Québec. À l'Université Laval, nous, il y a deux états de fait qui nous amènent à faire le constat. Premièrement, effectivement, il y a eu une inflation des notes, et ça, c'est indéniable, là, il y a un article dans Le Soleil là-dessus, basé sur des chiffres du registraire. Dans les dernières années, les notes ont augmenté de façon quand même importante, et ce qui nous amène à penser qu'il est possible que ce soit lié aux objectifs de diplomation et au contrat de performance, d'une part. D'une seconde part, il y a aussi le fait que effectivement, avec l'augmentation des groupes-classes, les qualités d'encadrement se sont détériorées, et ça, on le remarque dans plusieurs cours. Alors que les professeurs nous disaient que par le passé, bien, les étudiants au premier cycle faisaient beaucoup de travaux de recherche, par exemple, maintenant on va avoir souvent plusieurs cours qu'il y a seulement un examen intra, un examen final parce que le travail, la tâche de correction est trop lourde pour les enseignants, et donc ça se répercute par la suite au deuxième cycle, troisième cycle, lorsque les étudiants passent là, mais qu'ils n'ont pas acquis toutes les habilités de recherche nécessaires. Là-dessus, je pense qu'il y aurait peut-être de mes collègues qui pourraient apporter des compléments. Ça va aller.

Le Président (M. Kelley): Mme Blais.

Mme Blais (Ariane-Sophie): Ça va.

Le Président (M. Kelley): Non? Ça va? O.K. Une courte... J'ai mes trois collègues de la région de Québec qui veulent poser des questions. Alors, je vais commencer avec la députée de Chauveau pour un complément et, après ça, passer la parole à la députée de Jean-Talon.

Mme Perreault: Alors, bonjour à vous tous. Je vous salue particulièrement. Je trouve ça intéressant que des jeunes comme vous aient pris le temps de faire un mémoire aussi bien étoffé et je vous en félicite. Je veux juste revenir sur... Dans le fond, là, je veux juste que vous m'éclaircissiez davantage votre position par rapport aux contrats de performance. Vous avez fait état, là, des conséquences que ça pouvait avoir sur les notes et sur la diplomation, mais c'est quoi, votre perception par rapport aux contrats de performance? Est-ce que ça vous apparaissait comme un plus pour les universités ou si vous avez des réserves par rapport à ça? Merci.

M. Duval-Mace (Nicolas): Nous avons effectivement... Excusez-moi.

Le Président (M. Kelley): M. Duval-Blais... Duval-Mace, pardon.

M. Duval-Mace (Nicolas): Merci, M. le Président. Nous avons effectivement certaines réserves quant au contrat de performance. Comme on l'a dit précédemment, certains de ses objectifs sont fort louables; je pense que le Québec a tout intérêt à augmenter son taux de diplomation, évidemment. Cependant, de un, lorsque le financement est rendu conditionnel, ça apporte une certaine insécurité pour ce qui est des universités, mais ça, les étudiants peut-être peuvent s'en ressentir un peu moins. Par contre, l'objectif de diplomation doit se faire en prenant en compte aussi d'autres facteurs, dont la qualité des diplômes. Alors, si l'effet du contrat de performance fait effectivement qu'on a plus de diplômés qui sortent des universités mais que, pour ce faire, n'ayant pas plus de ressources pour diplômer plus, on a délaissé certains aspects de la qualité de l'enseignement, alors là, pour nous, effectivement ce contrat de performance, en soi, n'est pas une très bonne chose. Peut-être qu'il y aurait une précision.

Le Président (M. Kelley): Ça va? Mme la députée de Jean-Talon, qui s'est déjà identifiée comme chauvine de l'Université Laval, alors la parole est à vous. Ha, ha, ha!

Mme Delisle: Je l'ai dit à qui voulait l'entendre, depuis le début de la commission parlementaire, que j'étais une vendue à l'Université Laval. Alors, bienvenue à vous tous que j'ai eu l'occasion de rencontrer à plusieurs reprises. Je voudrais parler de qualité d'enseignement et de recherche. Vous faites référence dans votre mémoire qu'il existe plusieurs... On sait qu'il existe plusieurs mécanismes d'évaluation, là, dans les universités touchant soit l'enseignement soit la recherche. Vous suggérez ? puis je voudrais que vous m'expliquiez davantage cette suggestion, là, que je vais... que je soulève ou que vous soulignez ? vous suggérez qu'il serait pertinent de procéder à un examen externe de la qualité au moyen d'auditions semblables à celles qui sont prévues par la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire. J'aimerais que vous nous expliquiez davantage votre point de vue là-dessus et qu'est-ce que ça ajoute finalement de plus, puisque vous y avez réfléchi, là, à cette qualité-là de l'enseignement et de la recherche.

Le Président (M. Kelley): Mme Blais.

Mme Blais (Ariane-Sophie): Merci, M. le Président. En fait, la précédente question nous questionnait sur les contrats de performance. La CADEUL et la FEUQ également, aussi, que vous avez eu l'occasion d'entendre précédemment, sont pour une certaine forme d'imputabilité, évidemment, des universités, étant donné qu'elles fonctionnent en majorité avec les fonds publics. Alors, on est pour une certaine forme de contrôle. Par contre, ce qu'on déplore à l'heure actuelle, c'est que c'est seulement des critères quantitatifs et non pas qualitatifs. Donc, comme on disait, la qualité du diplôme est moins prise en considération.

Ce qu'on propose, entre autres, c'est qu'il y ait justement des méthodes... étant donné que dans toutes les universités au Québec ? on l'espère à tout le moins ? qu'il y a un processus d'évaluation de l'enseignement justement qui fonctionne bien, et de programmes aussi, qui pourrait être mieux encadré effectivement par peut-être une politique gouvernementale. Mais ce qu'on suggère, c'est que justement, lors des audiences de la loi sur les établissements d'enseignement universitaire, que les universités viennent rendre des comptes également par rapport à la qualité de la formation. Donc, bon, l'évaluation de l'enseignement pourrait être... et des programmes, évidemment, pourrait être un des critères qui seraient évalués lors de ces audiences-là.

Mme Delisle: Une petite courte, courte: C'est quoi, les lacunes? Puisqu'il y a déjà un mécanisme qui existe, quelles sont les lacunes que vous avez identifiées, là, par rapport à ce mécanisme qui existe déjà?

Mme Blais (Ariane-Sophie): En fait, une des premières lacunes serait évidemment que les universités n'ont pas à passer, je dirais, régulièrement devant la commission, puisque, cette année, on a entendu notamment l'Université Laval sur ses états financiers de 2001-2002. Alors, je dirais que ça ne donne pas beaucoup de poigne sur les dirigeants universitaires. Mais, aussi, les rapports ne sont pas nécessairement uniformes, puis l'université peut justement privilégier certains aspects qu'elle veut bien montrer à la commission. La qualité, par contre ? comme j'aimerais revenir là-dessus ? est, d'après nous, un critère essentiel étant donné que justement c'est des fonds publics qui aident justement à financer nos universités, puis qui profitent à l'ensemble de la population.

Mme Delisle: Merci.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Charlesbourg.

M. Mercier: Merci, M. le Président. Bonjour à vous tous. Moi également, ça me fait plaisir de vous voir ici, à cette commission parlementaire, et je tiens également à vous féliciter pour la qualité de votre mémoire, bien étoffé, mais également bien documenté. Alors, je vous en félicite. Et également à titre... Comme le mentionnaient plusieurs des mes collègues, c'est à titre d'ancien étudiant de Laval qu'il me fait plaisir de vous écouter ici, en commission parlementaire.

J'aimerais revenir à la page 61 de votre mémoire, qui relève des recommandations issues de la section 4, sur les modes de financement. Et, juste au milieu ou tout près, vous dites ici: «Que le gouvernement assouplisse la loi antidéficit dans le but de permettre un déficit visant un développement à long terme.» Il me semble, de connaissance, comparativement, par exemple, étant... Provenant du domaine municipal, on avait la Loi sur les cités et villes, évidemment, qui régit les déficits... les non-déficits, plutôt, des municipalités. Alors là je comprends mal que vous vouliez assouplir une loi qui finalement, à ma connaissance, n'existe pas, à moins que vous me corrigiez, là.

n(15 h 40)n

Le Président (M. Kelley): M. Duval-Mace, si vous...

M. Duval-Mace (Nicolas): En fait, la loi antidéficit, pour les universités, ce serait plutôt les... C'est, en fait, les objectifs du contrat de performance qui font en sorte que celles-ci doivent avoir enrayé leur déficit. Comme, par exemple, l'Université Laval, là, maintenant, a un déficit zéro depuis maintenant, je pense, un an. Donc, c'est de cette mesure-là qu'il est question.

Et, pour ce qui est de la pertinence de la recommandation, je laisserais M. Fontaine...

Le Président (M. Kelley): M. Fontaine.

M. Fontaine (Bruno): Oui, merci. C'est qu'actuellement un des grands problèmes des universités, c'est qu'avec, entre autres, des contrats de performance, comme on en a parlé tout à l'heure, il est difficile pour une université de faire un déficit ponctuel, pour une année précise ou quelques années, en vue d'atteindre des objectifs ou de développer des programmes dans un objectif à long terme. Si l'université décidait de faire ça, elle se priverait de sommes qui lui seraient attribuées résultant des atteintes des objectifs des contrats de performance. Donc, elle ne peut pas se le permettre actuellement. Et c'est pour ça que nous espérions que cette mesure-là soit abolie, afin que certaines universités... ou l'ensemble des universités, plutôt, puissent développer et entreprendre de développer de vastes aspects de leurs programmes ou de projets de formation.

M. Mercier: Alors, M. le Président, si je comprends bien, c'est beaucoup plus assouplir les paramètres ou les barèmes plutôt que la loi comme telle, là, parce que... C'est ça, hein, que je comprends?

M. Fontaine (Bruno): Exactement, oui.

M. Mercier: Je vous remercie.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Vimont.

M. Auclair: Moi, je vais d'entrée de jeu vous avouer: je n'ai pas étudié à l'Université Laval. Donc, je m'en excuse; semble-t-il que j'ai manqué quelque chose.

Le Président (M. Kelley): C'est un défaut qui se corrige, alors...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Auclair: Donc, moi, j'ai été intéressé par un commentaire que vous avez fait au niveau de présence de diverses universités, bon, qui étendent leur territoire. Là, vous avez fait rapport de la présence de l'Université de Montréal maintenant à Québec, vous avez fait référence à l'Université de Sherbrooke, et tout ça. Est-ce que c'est dans le lien de faire... de soulever un petit peu la duplication qu'on pourrait avoir, une sorte de compétition, peut-être, qui ne donne pas grand-chose, qui coûte de l'argent puis qui n'est pas rentable en bout de ligne? Est-ce que vous pouvez juste élaborer un petit peu plus là-dessus, s'il vous plaît?

Le Président (M. Kelley): Mme Blais.

Mme Blais (Ariane-Sophie): M. le Président, je veux rassurer le député de Vimont, il n'est pas trop tard. L'Université Laval offre une très bonne formation continue, alors vous pourrez...

M. Auclair: ...deuxième cycle, je veux aller...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Blais (Ariane-Sophie): Pour ce qui est de la question, justement je pense que vous avez mis tout à fait le doigt sur le bobo, je dirais, c'est effectivement pour ne pas qu'il y ait de dédoublement de ressources. Je pense que le recteur de l'Université Laval aussi en a parlé lorsqu'il est venu vous parler, il y a de cela deux semaines. On a l'impression que le réseau universitaire gagnerait beaucoup à travailler ensemble beaucoup plus qu'à l'heure actuelle. Donc, ce n'est pas une compétition marchande, je dirais, ce n'est pas d'offrir le plus d'offres de formation possible, mais l'offre de formation de la meilleure qualité qui soit. Alors, on a l'impression, par exemple, s'il y avait plus de ressources qui étaient mises, par exemple, dans une université dans le même programme, bien il pourrait y avoir la diversité d'enseignement, justement, différentes écoles de pensée à l'intérieur des mêmes programmes. Alors, c'est vraiment dans l'atteinte d'avoir une meilleure qualité que nous proposons ça.

M. Auclair: Et au niveau des... Est-ce que vous avez connaissance, au niveau des professeurs, s'il y en a qui vont justement... eux autres vont aller travailler une partie là, donc moins de disponibilité pour les étudiants, comme chez vous?

Le Président (M. Kelley): Mme Blais.

Mme Blais (Ariane-Sophie): Oui ? on est très discipliné! On a... Effectivement, il y a des chargés de cours, notamment, à l'Université Laval, qui n'ont pas assez de charges de cours à l'université, donc qui traversent la rive et vont justement à l'UQAR pour enseigner en sciences de l'éducation, justement. Évidemment, il y a d'autres chargés de cours à l'Université Laval qui doivent se promener un peu dans les régions du Québec pour avoir une charge complète, je dirais, mais, oui, ça diminue l'encadrement que cet enseignant-là peut donner aux étudiants étant donné qu'il passe une grande partie de son temps sur la route.

Le Président (M. Kelley): Moi, je ne sais pas s'il y a une maîtrise dans les études de notaire, mais peut-être vous pouvez les poursuivre.

M. Auclair: ...deuxième.

Le Président (M. Kelley): Oui, c'est ça. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, je vous souhaite la bienvenue à mon tour au nom de ma formation politique. Et je redis, je reprends les propos de mes collègues d'en face quant à la qualité de votre mémoire. Et, s'il y a des gens qui s'inquiéteraient du développement de l'esprit critique dans nos universités, bien je pense qu'on n'a pas d'inquiétude à avoir en lisant votre mémoire, parce que effectivement vous y êtes assez critiques. Et c'est correct, je pense que c'est normal aussi qu'on puisse soulever un certain nombre de questions et identifier ce qui apparaît devoir être corrigé, soit un certain nombre de lacunes. Et, en ce sens-là, vous avez bien fait votre travail, et je le dis sans ironie, parce que votre mémoire est bien fouillé.

Bon, il faut déclarer nos intérêts. Alors, je suis une diplômée de l'Université Laval, à l'École de service social de l'Université Laval.

Bon, moi, je veux venir immédiatement, là, sur la question des partenariats avec le privé et de la participation donc financière de différents partenaires. Vous suggérez... Là, j'ai toutes sortes de références ici, dans le document, mais vous suggérez la mise en place d'une commission qui viendrait étudier cette question et éventuellement faire des recommandations. Est-ce que j'interprète ce que vous proposez ou pas? Et, par ailleurs, quelle forme d'outils imaginez-vous qui pourraient être proposés pour encadrer, pour exercer un esprit critique à cet égard, pour identifier des normes, des critères d'encadrement, etc.? Alors, j'aimerais vous entendre sur cette proposition-là. Vous n'en avez pas beaucoup parlé dans votre présentation, mais c'est très présent dans votre mémoire. Vous dites ? et je le prends, là, j'ai retrouvé la recommandation exacte ? à la page 62: «Qu'il soit mis sur pied une commission visant à étudier les impacts de l'apport de fonds issus de sources privées.» Mais vous avez un long développement dans votre document.

Le Président (M. Kelley): Mme Blais.

Mme Blais (Ariane-Sophie): Merci. En fait, effectivement, oui, on suggère qu'il y ait une commission qui étudie la question du financement privé. On sait qu'à l'heure actuelle il y a du financement du privé, on ne se le cachera pas. Par contre, ce qu'on déplore, c'est qu'il ne soit pas encore encadré, ce financement privé là. Ça peut donner un bon coup de pouce aux universités effectivement, tout le monde s'entend pour dire qu'il y a un sous-financement. Par contre, je ne pense pas que... bien, en fait, non seulement je ne pense pas, mais nous sommes convaincus que ce financement privé là ne devrait en aucun cas influencer le cursus, le cheminement scolaire de l'étudiant, l'offre de cours. Donc, on prend souvent l'exemple... imaginez un programme, le baccalauréat en informatique, à l'Université Laval, qui serait commandité par Macintosh, on peut se demander de quelle manière ces étudiants seraient aptes à aller sur le marché du travail.

Ce qu'on propose aussi comme avenue, je dirais, pour justement encadrer l'insertion du privé, c'est qu'il y ait une péréquation, en fait, pour justement aider les facultés, les domaines où ça va moins bien, où il y a plus de misère à avoir du financement. Alors, pourquoi ne pas avoir un fonds justement où ce financement privé là viendrait directement à l'université? Et, ensuite, il y aurait un pourcentage qui serait attribué, bon, selon la péréquation. Mais aussi ce qu'on propose, étant donné que les bibliothèques profitent à tout le monde sur le campus, que c'est un outil essentiel pour une formation universitaire, on propose qu'il y ait un pourcentage aussi qui soit alloué aux bibliothèques. Donc, c'est des solutions comme ça qu'on envisage. On espère que justement on pourra se pencher sur un encadrement plus strict au niveau québécois, étant donné que c'est un peu au bon vouloir des universités. Mais, surtout qu'elles sont prises à la gorge à l'heure actuelle, alors ça peut laisser place à plus de dérapages, je dirais.

Mme Marois: Donc, c'est un encadrement national, à ce moment-là, que vous suggéreriez, là, vraiment. Est-ce que ça pourrait aller jusqu'à une législation, là? Peut-être que vous l'avez dit puis que je ne l'ai pas entendu, mais est-ce que ça pourrait aller jusqu'à une législation?

Mme Blais (Ariane-Sophie): Oui. En fait, nous, on aimerait avoir des balises justement, peut-être, ou une légifération qui pourrait, je dirais, aider les universitaires à savoir quoi faire avec ces fonds privés là. Mais, surtout, c'est sûr qu'il faudrait avoir une certaine attitude au sein des universités mêmes, mais qu'il y ait, oui, effectivement, au niveau national, une légifération

n(15 h 50)n

Mme Marois: Bon. Une autre question qui est dans un autre ordre d'idées mais qui, en même temps, s'en rapproche, c'est toute la question de la propriété intellectuelle. Vous indiquez, là, dans votre mémoire, à la page 34: «Nous souhaitons fortement que les universités se dotent de politiques institutionnelles qui définiraient la propriété intellectuelle et les retombées financières, tant économiques que formatrices, qu'engendre un partenariat avec le privé», là. C'est à la page 34, en haut de la page. Moi, j'avais l'impression, là ? peut-être que le ministre pourra me détromper ? qu'il y avait déjà une obligation de faite aux universités d'adopter une politique en matière de propriété intellectuelle. Ce que vous dites, c'est que ce n'est pas satisfaisant, ou on devrait aller plus loin, ou les universités ne sont pas assez au clair sur ça?

Mme Blais (Ariane-Sophie): En fait, effectivement, il existe... Bon, les universités sont obligées de se doter d'une telle politique, par contre... Puis nos collègues de l'Association des étudiants de Laval aux études supérieures pourront vous en parler plus amplement, puisqu'ils vont venir vous présenter leur mémoire dans la semaine qui suit, mais les politiques sont plus ou moins respectées, je dirais. En tout cas, à l'Université Laval, on peut voir qu'il y a des ententes de confidentialité, notamment, qui sont signées avec des entreprises privées, puis ça peut nuire justement aux étudiants, par exemple retarder un dépôt de mémoire, retarder une publication, ce qui peut nuire considérablement dans le cheminement de l'étudiant. Alors, c'est qu'on essaie de contrer, en fait, ce phénomène-là, qu'il y ait une emprise plus directe pour contrôler les ententes avec le privé, qui sont justement dictées par le besoin de financement, je dirais, pour avoir un profit.

Mme Marois: Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose sur cela ou... Ça va? Bon, d'accord, parce que c'est sûr que c'est une préoccupation surtout liée justement au financement, financement dédié, participation des étudiants-chercheurs aussi, parce qu'il y en a, alors... et c'est tout ça qu'il faut encadrer.

Un troisième élément que je veux maintenant aborder, c'est concernant l'argent qui vient du gouvernement fédéral. Vous avez plusieurs recommandations, là. Déjà, à la page 61, vous les reprenez suite à une longue explication dans votre mémoire: «Que le gouvernement québécois exige du gouvernement canadien de rehausser le transfert...» Bon, vous faites un certain nombre de recommandations. Le problème, c'est comment convaincre le gouvernement fédéral de procéder ainsi. Il y a eu quelques succès par le passé dans les négociations avec Ottawa. Bon, évidemment, quant à moi et quant à la formation politique que je représente, nous prônons une solution un petit peu plus globale qui serait d'avoir tous nos moyens par la souveraineté, mais, dans les circonstances actuelles, qu'est-ce que l'on pourrait faire en termes d'actions, qu'est-ce qu'on pourrait mener en termes d'actions pour finir par convaincre Ottawa de respecter sa propre Constitution et de nous transférer les sommes utiles et nécessaires que nous pourrons donc réinvestir ainsi soit en éducation, ou en santé, ou à l'égard... en mesures sociales?

Le Président (M. Kelley): M. Duval-Mace ou...

M. Duval-Mace (Nicolas): Merci, M. le Président. Il est clair que le fédéral, effectivement, là, a diminué sa participation en éducation depuis plusieurs années, puis on s'en ressent ici, au Québec. Je crois que c'est important de faire de l'éducation un enjeu de la part du gouvernement dans ses revendications auprès du fédéral. Actuellement, on entend... on voit d'ailleurs que le gouvernement fédéral est enclin à donner... faire des transferts, particulièrement pour la santé ou encore pour les municipalités, on l'a vu récemment. Il y a une campagne, à l'heure actuelle, de publicité des premiers ministres des provinces, et ça, je crois que ça peut avoir un impact important aussi. Par contre, on n'entend pas parler actuellement vraiment d'éducation au niveau fédéral, et ça, à notre avis, c'est une lacune importante, puis on croit que le gouvernement devrait sérieusement penser à aller chercher la part qui lui revient de ce côté-là.

Mme Marois: Ça va, merci. Mon collègue, M. le Président...

Le Président (M. Kelley): M. le député de Bertrand.

M. Cousineau: Merci, M. le Président. Bonjour. Bienvenue à la commission parlementaire. Bien, moi, j'ai étudié à l'autre bout de la 20. En sciences, comme monsieur, mais à l'autre bout de la 20, à l'Université du Québec à Montréal. Mais ma fille étudie à l'Université Laval, donc...

Des voix: ...

M. Cousineau: Ah! Ah! Ah!

Mme Marois: Moi aussi.

M. Cousineau: Bon. On occupe l'ensemble du territoire québécois. Je veux revenir sur ce que la députée de Taillon mentionnait concernant le financement au niveau privé, là, et puis sur la recommandation de la mise en place d'une commission. À la page 62, vous dites... bon, vous parlez de la commission qu'il serait intéressant de mettre en place puis vous dites aussi: «Que le gouvernement mette en place un mécanisme de redistribution des sommes investies dans un domaine afin qu'un pourcentage de ces sommes aide les universités à financer d'autres secteurs moins lucratifs.»

Bon, vous en avez parlé tantôt un petit peu avec ma consoeur, mais je voudrais avoir un petit peu de... un peu plus de précisions sur les fonds à mettre en place. Est-ce que vous voyez un fonds national, suite à une législation, un fonds national pour une redistribution sur l'ensemble des universités québécoises, ou un fonds plus institutionnel, la création d'un fonds institutionnel pour une distribution à l'intérieur même de l'institution dans des secteurs d'activité plus fragiles?

M. Fontaine (Bruno): Oui, mais, nous, nous avions vu...

Le Président (M. Kelley): M. Fontaine.

M. Fontaine (Bruno): Merci. Nous avions vu une solution qui regroupait un peu ces deux positions-là, c'est-à-dire un financement sur une base locale... C'est-à-dire un peu comme on expliquait tout à l'heure, si on prend un exemple hypothétique, un groupe pharmaceutique qui veut investir dans la Faculté de pharmacie de l'Université Laval offre 100 000 $, par exemple, et on propose que 10 % de ce montant-là aille dans un fonds commun qui serait à la suite distribué dans les facultés qui auraient eu moins de sous en fin d'année. Donc, on propose ça, mais on propose un peu la même chose également pour, bien, l'ensemble des universités, là, pour aider à redistribuer les ressources.

M. Cousineau: C'est la précision que je voulais avoir. Maintenant, dans un autre ordre d'idées, là, à la page 37, vous parlez d'abolir la loi antidéficit. Vous ne pensez pas qu'il y a un danger, là, que c'est une ouverture qui serait dangereuse, là, d'ouvrir cette loi-là?

Le Président (M. Kelley): Mme Blais ou...

Mme Blais (Ariane-Sophie): Merci, M. le Président. En fait, comme on le mentionnait tout à l'heure, c'est à l'intérieur même du contrat de performance, justement de l'obligation, en fait, des universités de ne pas avoir à combler leur déficit à tout prix. Je m'explique. C'est qu'on a l'impression que les universités sont prises pour faire des choix qui vont à l'encontre de leur mission fondamentale, étant donné que justement certains critères reposent plus sur la performance au détriment de la qualité. Alors, c'est vraiment dans ce sens-là qu'on veut assouplir les critères pour qu'une université qui n'atteint pas la performance du contrat, je dirais, ou la formule de financement puisse... ne soit pas obligée de voir sa qualité diminuer étant donné que justement les fonds lui seraient coupés.

Le Président (M. Kelley): Ça va? O.K. Parfait. Sur ça, merci infiniment aux représentants des étudiants de l'Université Laval pour leur contribution à notre réflexion. Je vais suspendre nos travaux quelques instants et j'invite les représentants de la Coalition des facultés d'ingénierie du Québec de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 58)

 

(Reprise à 16 h 1)

Le Président (M. Kelley): Maintenant, je veux dire un mot de bienvenue à la Coalition des facultés d'ingénierie du Québec. Et je suis prêt à passer la parole à son président. J'imagine, M. Leblanc, c'est vous qui lancez le bal?

Coalition des facultés d'ingénierie
du Québec (CoFIQ)

M. Leblanc (Mathieu): Oui. Merci beaucoup. Tout d'abord, merci à tous de nous avoir invités, de la commission. Je m'appelle Mathieu Leblanc. Je suis président de la Coalition des facultés d'ingénierie du Québec. Avec moi, Marc-André Dumas, vice-président exécutif, et François Corriveau, vice-président aux communications.

Comme vous ne connaissez pas la CoFIQ en tant qu'organisation énormément ? on est rarement un acteur à votre niveau ? je vais prendre quelques instants pour nous présenter. Nous représentons les 12 associations d'étudiants en génie du Québec, les facultés et les écoles, soit plus de 13 000 étudiants, la totalité des étudiants en ingénierie au baccalauréat, au Québec.

Notre coalition a été formée en 1984 et notre mandat est de favoriser la communication entre les associations membres, promouvoir l'entraide et les intérêts communs des membres, représenter les membres auprès des diverses instances lorsque mandatée.

C'est pour répondre à cette dernière phase de notre mandat que nous sommes ici aujourd'hui. Depuis le début du présent mandat... Depuis le début du mandat de l'exécutif à la CoFIQ, plusieurs positions concernant la qualité et l'accessibilité et le financement des études en ingénierie ont été adoptées, et c'est un plaisir pour nous de venir vous en faire part dans le cadre de la commission.

Plusieurs autres organisations étudiantes abordent certains sujets chauds qui tiennent à coeur à l'ensemble des étudiants, dont la Fédération étudiante universitaire du Québec. Pour éviter de répéter inutilement leur discours, nous allons centrer notre propos sur des sujets parfois un peu oubliés ainsi que sur les sujets propres au domaine de l'ingénierie.

François Corriveau, vice-président aux communications, et Marc-André Dumas, vice-président exécutif, vont vous présenter la vision et les positions des étudiants en génie sur le financement des écoles et facultés d'ingénierie, sur la charge financière des étudiants en ingénierie et sur l'abolition de la garantie de prêt pour l'achat de micro-ordinateur. Je laisse tout de suite la parole à M. Corriveau.

M. Corriveau (François): Merci. M. le Président, membres de la commission, on vous a déjà présenté, par le biais principalement de la Fédération étudiante universitaire du Québec, les résultats du rapport conjoint du ministère de l'Éducation et de la CREPUQ, la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec, comme quoi il y aurait un manque de près de 375 millions de dollars en éducation. La CoFIQ est bien loin de s'opposer à cette affirmation. En fait, il est de l'avis des associations étudiantes d'ingénierie que le problème de financement est plus grave encore lorsqu'on s'attarde à la répartition des fonds.

Au Québec, le financement des programmes universitaires s'établit sur une échelle associée aux programmes d'études. Or, l'échelle de classification reliée aux domaines d'études et de recherche, ou l'échelle CLARDER, est malheureusement peu adaptée à la réalité. Si les membres de la commission consultent l'erratum au mémoire de la CoFIQ sur l'avenir de la formation en génie ou, à défaut, la page 7 de ce même mémoire, ils trouveront un tableau issu du mémoire du Comité des doyens d'ingénierie du Québec et de l'Ordre des ingénieurs qui compare la répartition de quelques domaines d'études et des besoins en ces mêmes domaines.

Si on compare le financement actuel et les besoins, on remarquera que certains domaines d'études sont grandement sous-financés. De ce nombre, on trouve le génie, qui nécessite un minimum de 26 % d'augmentation de financement pour pouvoir satisfaire ses besoins. La situation est pire encore pour les facultés de médecine du Québec, où le sous-financement pourrait être évalué autour de 42 %. D'un autre côté, certains domaines reçoivent un financement proportionnellement excédentaire. Je voudrais cependant aviser qu'il ne s'agit pas d'un financement excédentaire au niveau des sommes investies, mais bien en proportion. Dans cette situation, on peut retrouver les facultés d'économie, de mathématiques et principalement d'informatique, qui sont très favorisées par l'échelle CLARDER.

Le génie se retrouvant sur le même palier que les sciences appliquées et l'informatique, les départements d'ingénierie du Québec se retrouvent avec un problème de sous-financement. Cette situation est presque tolérable dans le cadre d'universités d'importance, puisqu'il lui est alors possible d'effectuer des transferts de fonds interdépartementaux. Toutefois, en génie, cette solution, elle ne s'applique qu'à quelques universités.

En effet, si la plupart des facultés d'ingénierie du Québec se trouvent dans des universités en région, pour la plupart membres des réseaux des universités du Québec, ou sont regroupées dans des écoles d'ingénierie ? l'École polytechnique de Montréal, l'École de technologie supérieure en sont des bons exemples ? dans ces situations, il est impossible d'effectuer des transferts, puisque les programmes autres sont soit inexistants soit tout simplement en nombre réduit.

La formation en génie représente des coûts élevés principalement en raison de l'aspect pratique de la profession d'ingénieur et à la documentation spécialisée qui en découle. En génie, il est important d'avoir un matériel spécialisé à la dernière pointe de la technologie et excessivement axé sur la pratique. La capacité de l'ingénieur est de pouvoir appliquer les théories et la recherche scientifiques au concret de la vie, et, si nous n'avons pas cette formation spécialisée à la fine pointe de la technologie, il est impossible pour les ingénieurs du Québec de vraiment se positionner sur l'échelle mondiale ou de développer des expertises ici.

M. le Président, la Coalition des facultés d'ingénierie presse le gouvernement d'effectuer un réinvestissement majeur en éducation et d'établir un 12e palier à l'échelle de financement CLARDER qui serait exclusivement réservé au génie pour compenser les lacunes.

Une autre problématique propre au génie est reliée à la situation financière des étudiants. Le baccalauréat en génie dure nominalement quatre ans, contrairement à la plupart des programmes universitaires, qui n'en durent que trois. Cette année supplémentaire rajoute au fardeau financier des étudiants en retardant d'un an leur entrée sur le marché du travail et en ajoutant un an d'emprunts et de dettes de toutes sortes.

En effet, en plus des charges de loyer et d'alimentation communes à tous les étudiants, l'étudiant en génie doit faire face à des coûts élevés de documentation, traduite de l'anglais le plus souvent et étant associée à des domaines techniques et spécialisés qui impliquent des coûts largement supérieurs. S'ajoute à cela tout le matériel essentiel à la réalisation des laboratoires. De ces outils essentiels, on doit compter les logiciels graphiques et de calcul, souvent peu abordables, pour utiliser un euphémisme, et, bien entendu, l'ordinateur permettant de les opérer, car plus les logiciels sont puissants, plus ils nécessitent de la puissance de calcul, et il faut donc compenser avec un ordinateur capable de fournir cette même puissance.

Finalement, la charge de travail élevée des étudiants en génie ajoute au problème. L'étudiant peut soit réduire sa charge de cours et occuper un emploi à temps partiel, ce qui le force à prolonger ses études à plus de quatre ans et à aggraver sa situation de retard sur le marché du travail, soit se concentrer sur ses études, finir dans quatre ans mais augmenter son fardeau financier. Peu importe le cas, la problématique reste.

Il est donc essentiel, M. le Président, que le gouvernement fasse une mise à niveau des dépenses admises dans les programmes de prêts et bourses et d'aide financière pour tenir compte de la réalité vécue par les étudiants, ce, d'une part, et de reprendre le programme de prêt garanti pour prêt de micro-ordinateur, d'autre part.

Je laisse d'ailleurs la parole à Marc-André Dumas qui approfondira la situation, les conséquences et les besoins qu'a créés la suspension du programme en mai dernier.

Le Président (M. Kelley): M. Dumas.

M. Dumas (Marc-André): M. le Président, l'informatique est devenue un outil essentiel dans tous les domaines de l'ingénierie et est donc maintenant intégrée à la formation de l'ingénieur. Afin que l'étudiant puisse faire ses travaux chez soi au moment qui lui convient, celui-ci doit avoir accès à de l'équipement informatique performant et équipé des logiciels qui lui sont nécessaires. Puisque ces outils sont maintenant essentiels à la bonne réussite de l'étudiant, notre société doit s'assurer que chacun d'entre eux puisse y avoir accès.

C'est en 1984 que la CoFIQ demande au gouvernement du Québec un moyen qui permettrait aux étudiants de financer l'achat d'un micro-ordinateur. En 1985, le gouvernement accède à sa demande et crée un programme de financement... de garantie de prêt pour l'achat de micro-ordinateur pour les étudiants en ingénierie. Au cours des années suivantes, d'autres groupes étudiants se joindront au programme, qui sera finalement étendu à l'ensemble des étudiants universitaires en 1990. Ce programme a évolué au cours des années afin de prendre compte des nouvelles réalités, et cela s'est toujours fait en consultant les principaux intervenants. C'est donc avec surprise que nous avons appris en janvier la suspension du programme... pardon, en juin.

Il est aussi nécessaire que l'étudiant ait accès à un ordinateur à la maison pour ne pas qu'il ait à passer toutes ses soirées et fins de semaine à l'université, la majorité des travaux scolaires devant maintenant être réalisés à l'aide de l'informatique. De plus, l'habileté en informatique des employés est très recherchée dans le monde du travail, et les étudiants ayant accès à cet équipement à la maison seront beaucoup plus à l'aise avec les dernières avancées technologiques.

n(16 h 10)n

Au cours des dernières années, nous avons remarqué que les universités ont commencé à encourager l'utilisation de l'ordinateur portable. Celles-ci mettent sur pied des cours adaptés au portable, accompagnés de programmes d'achat et d'un investissement dans l'infrastructure nécessaire pour supporter cet équipement. Sans un régime équitable et universel de financement de ces ordinateurs, nous craignons qu'une catégorie d'étudiants démunis technologiquement n'ait pas droit à une aussi bonne qualité de formation. Si cet outil est aussi utile à l'enseignement et à la qualité de la formation que les universités nous le prétendent, tous les étudiants devraient y avoir accès, plutôt qu'uniquement les étudiants les plus favorisés financièrement.

Nous craignons également que cet encouragement à l'utilisation de l'ordinateur portable n'ait comme objectif de transférer à l'étudiant des coûts que l'université assume normalement. En ayant une part importante des étudiants équipés de portables, l'université peut se permettre de réduire son budget alloué aux équipements informatiques. Cette économie se fait toutefois au prix d'importants investissements de chacun des étudiants.

Lors de sa suspension, le programme de prêt garanti pour l'achat de micro-ordinateur garantissait un montant de prêt pour les étudiants bénéficiaires de l'Aide financière aux études. Après avoir fait une demande et choisi un ordinateur dans sa coopérative scolaire, l'étudiant recevait un certificat de prêt qui lui permettait d'obtenir un prêt à bas taux d'intérêt chez son institution financière. L'étudiant paie ensuite les intérêts trimestriellement, mais ces intérêts sont comptabilisés, à l'Aide financière aux études, comme dépense admissible. Pour les étudiants les plus défavorisés, cela leur est donc remboursé sous forme de bourse.

L'émission et le remboursement de prêt se faisaient de la même manière et aux mêmes conditions qu'avec le Programme de prêts et bourses de l'Aide financière aux études, et l'étudiant doit prendre une entente avec son institution financière à la fin de ses études afin de rembourser cette dette.

Le ministère de l'Éducation a justifié la suspension du programme par une impasse budgétaire qui nécessitait une action rapide. Des calculs effectués par la FEUQ et la CoFIQ ont par contre établi que les coûts du programme étaient bien en deçà des 4,8 millions annoncés. La CoFIQ a également évalué dans son mémoire que les économies reliées à la suspension du programme ne sont pas immédiates et se feront plutôt au cours des prochaines années. Cette décision n'aura donc pas d'impact significatif sur les finances du Québec cette année.

Nous sommes d'accord avec M. le ministre pour dire que le programme a besoin d'une révision. Certaines des conditions n'ont plus leur raison d'être et doivent être révisées dans l'intérêt des étudiants et du gouvernement. Tout d'abord, le montant maximal du prêt garanti est de 2 000 $. Bien que ce montant soit suffisant pour l'achat d'un micro-ordinateur ou de bureau raisonnable, il ne tient pas compte de l'achat des onéreux logiciels d'ingénierie. Heureusement, des versions pour étudiants de ces logiciels sont généralement disponibles, mais cela gonfle toutefois les coûts de plusieurs centaines de dollars. Aussi, certaines universités recommandent à leurs étudiants l'achat d'un ordinateur portatif, et un ordinateur portatif de qualité coûte rarement moins que 2 000 $.

Un autre aspect du programme qui limitait son efficacité est l'obligation pour l'étudiant de se procurer son micro-ordinateur dans une coopérative scolaire. Cette obligation ne fait que limiter la liberté de choix de l'étudiant, qui ne peut pas magasiner afin d'obtenir le meilleur équipement au meilleur prix. Retirer cette obligation se traduirait en une économie pour l'étudiant et pour le gouvernement.

Nous devrions également nous assurer que le programme puisse être accessible à tous les étudiants qui en ont besoin, grâce à des critères d'admissibilité justes. Ce programme limitait également la possibilité pour l'étudiant de renouveler son équipement informatique. Si l'étudiant s'équipe au collégial, les chances sont bonnes qu'il ait besoin de mettre à jour son ordinateur quelques années plus tard lorsqu'il sera au baccalauréat, et il en sera de même s'il persévère jusqu'aux cycles supérieurs. Il ne pourra le faire avec le programme de prêt micro, puisque le montant maximal de 2 000 $ s'applique pour l'ensemble de ses études, peu importe leur durée.

M. le Président, afin de garantir à tous les étudiants l'accès aux outils qui seront nécessaires à la poursuite de leurs études, nous demandons à ce qu'un programme de garantie de prêt pour l'achat d'un micro-ordinateur soit réimplanté. Ce programme devrait, un, permettre à tous les étudiants d'acquérir le micro-ordinateur de leur choix en garantissant à tous l'accès à un financement avantageux; deux, permettre aux étudiants de choisir le commerce avec lequel ils veulent faire affaire; trois, tenir compte des coûts d'un ordinateur et de ses logiciels; quatre, les coûts d'intérêts devraient être comptabilisés comme dépense pour le Programme de prêts et bourses de l'Aide financière aux études.

M. le Président, nous invitons le ministère de l'Éducation à discuter avec la CoFIQ pour l'établissement d'un nouveau programme de prêt pour l'achat d'équipement informatique qui sera plus efficace, mais toujours dans le meilleur intérêt des étudiants.

M. Leblanc (Mathieu): Je vais reprendre la parole.

Le Président (M. Kelley): Oui. M. Leblanc.

M. Leblanc (Mathieu): Oui. Merci, M. le Président. Au travers des arguments présentés jusqu'ici, on observe les effets de certaines des décisions prises jusqu'à maintenant dans le dossier du financement des universités et de l'Aide financière aux études. Ces effets nuisent tout autant avec... Ces effets ont l'impact de nuire tout autant à l'accessibilité et à la qualité des études universitaires, toutes disciplines confondues, et en particulier dans le cas de l'ingénierie.

L'absence de réglementation sur les frais obligatoires, le trou à combler dans le financement des universités et en particulier la mauvaise répartition de l'enveloppe au détriment des écoles et des facultés d'ingénierie, l'irréalisme des montants accordés par l'Aide financière aux études et la suppression des prêts pour micro-ordinateur sont autant de moyens pour effectuer un transfert constant de la charge financière aux étudiants et une diminution de l'investissement sur la qualité de l'éducation; plus de frais inévitables pour les étudiants sans aucune valeur ajoutée au diplôme. Globalement, ces arguments prouvent un recul constant de l'accessibilité aux études universitaires et l'existence d'un fil discriminant pour le choix du domaine d'études aux futurs étudiants universitaires, pour la sélection d'un programme en ingénierie.

En très peu de temps, M. le Président, voici, en réponse à certains des enjeux soulevés par la commission, les requêtes de la CoFIQ: un réinvestissement majeur dans le réseau universitaire afin d'assurer la qualité de la formation reçue par les étudiants; une échelle de classification distincte pour l'ingénierie afin de refléter la réalité vécue par les écoles et facultés d'ingénierie, tant dans les petites universités que dans les plus grosses, puisque l'existence d'écoles indépendantes et de petites universités empêche l'équilibrage du financement entre les facultés afin de pallier au manque particulier de financement dans les programmes de génie pour ces établissements; une mise à niveau du Programme de prêts et bourses pour tenir compte des frais réels encourus par les étudiants lors de leurs études ? l'exemple des études en ingénierie démontre particulièrement que ce programme ne correspond pas aux besoins de la clientèle et conséquemment est un frein à l'accessibilité aux études universitaires ? finalement, que soit réinstauré et fortement amélioré, en collaboration avec les associations étudiantes dont la CoFIQ, le programme de prêt garanti pour l'achat de micro-ordinateur pour les étudiants.

Ces arguments, vus globalement, démontrent que la tendance actuelle du financement de l'éducation sert d'obstacle à la qualité des études à cause de son faible niveau et que la solution ne réside pas dans le transfert de la charge financière vers les étudiants, ce qui a pour conséquence de réduire l'accessibilité aux études. Étant donné les faiblesses que comporte l'AFE, l'équation a pour solution d'ouvrir davantage la porte des universités aux riches plutôt qu'aux meilleurs candidats.

Finalement, M. le Président, je voudrais vous résumer la vision de la Coalition des facultés d'ingénierie du Québec par rapport à l'importance d'investir dans l'éducation en axant sur les réalités du génie. Sacrifier sur la qualité de l'éducation des futurs ingénieurs, c'est handicaper à long terme l'industrie québécoise qui a besoin de l'apport des ingénieurs pour se démarquer sur l'échiquier mondial. Il est nécessaire pour la société de prendre ces décisions en fonction d'un terme plus long que celui d'un mandat électoral.

Albert Einstein disait: Je comprends pourquoi les gens aiment tant scier du bois, c'est parce qu'on peut voir le résultat tout de suite. Autrement dit, pour avoir des impacts durables sur la société à long terme via la force que peuvent avoir les universités à bien former, il faut savoir être patient et continuer d'y investir les ressources nécessaires sans sacrifier sur l'accessibilité à ces études.

Dans le cas particulier des études en ingénierie, de bons exemples de la force du génie québécois ont été illustrés par le passé: la renommée des ingénieurs-conseils québécois à travers le monde, les réalisations d'envergure, tels que les barrages d'Hydro-Québec et l'envoi de satellites dans l'espace; et finalement les ingénieurs sont reconnus comme étant le moteur des PME, le fleuron de l'industrie au Québec.

C'est donc ce qui complète notre présentation. Merci à M. le président et à la commission, encore une fois, de nous avoir invités à être parmi vous.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup pour cette présentation, et je suis prêt à donner la parole au ministre de l'Éducation et député d'Orford.

M. Reid: Oui. Merci, M. le Président. Je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants de la CoFIQ. Je pense que c'est intéressant que vous attiriez notre attention ? parce qu'on a des groupes qui couvrent très, très large au niveau des étudiants et étudiantes du Québec ? d'attirer notre attention donc sur les questions particulières aux étudiants en génie et les étudiantes en génie ? moins d'étudiantes que d'étudiants, en général.

Peut-être vous souligner peut-être au départ que la question de la codification, en fait de la classification CLARDER, est une question qui est tout à fait au coeur du débat qui se fait entre les universités et les universités avec le ministère, et, en fait, le ministère est plutôt dans l'attente d'une proposition des universités dans cette situation-là. Et je pense que les représentants des écoles de génie et des facultés de génie font leurs représentations de façon assez ferme à l'intérieur de ce processus que nous regardons avec soin.

Par ailleurs, je voudrais vous dire que les commentaires que vous faites sur le prêt micro sont extrêmement intéressants, et, comme c'est un programme qui est en suspension pour être examiné et qui donc est en examen, que vos commentaires seront examinés avec soin par l'équipe qui fait ce travail actuellement.

n(16 h 20)n

Moi, je voudrais vous poser une première question sur le fait que vous demandez un traitement spécial, à l'Aide financière, qui ne serait pas de couvrir les dépenses mais qui serait de tenir compte du fait que, devant étudier quatre ans, l'endettement final est plus élevé que ceux ou celles qui vont étudier trois ans, dans un cheminement normal. J'imagine que, quand vous faites ça, vous pensez aussi à d'autres étudiants et étudiantes. Et comment est-ce que, dans une suggestion semblable, on pourrait tenir compte des uns sans tenir compte des autres qui font aussi des cours de quatre ans?

Je pense... Excluons pour l'instant les c.a., qui doivent faire trois ans plus une année de second cycle s'ils veulent effectivement pratiquer et qui ne commencent pas à des salaires très élevés, comme c'est souvent le cas des ingénieurs aussi. Mettons de côté aussi celles et ceux qui ont normalement trois ans pour faire leur cours, mais, parce qu'il y a un changement ? ils trouvent leur vocation après la première année ? vont prendre quatre ans, et donc qui ont, eux aussi et de façon très légitime, une période de quatre ans d'endettement, qui sont en nombre quand même assez élevé au Québec... je n'ai pas la statistique, mais prenons un autre groupe qui est en nombre extrêmement important au Québec, c'est ceux et celles qui veulent devenir des enseignants, enseignantes et qui ont une formation qui demande quatre ans également.

Alors, est-ce que, quand vous faites ce type de recommandation, est-ce que vous songez à cet ensemble-là pour ce qui est de l'endettement, du moins, d'étudiants au Québec, y compris ceux qui ne sont pas forcés d'être, disons, sur un cours de quatre ans mais qui prennent quatre ans pour le faire, comme il y a des gens qui vont faire cinq ans pour avoir leur bac en génie parce qu'ils ont trouvé leur vocation; ils ont décidé de faire des maths, puis ensuite ils ont dit: Non, ce n'est pas des maths que je veux faire, c'est du génie, et ils vont en génie, et finalement ils vont prendre cinq ans pour faire le cours de génie? Et donc, si on commence à tenir compte de la durée des études pour l'endettement, où on commence et où on s'arrête? Parce que quelqu'un qui fait deux bacs, par exemple, est-ce qu'on devrait lui donner une aide spéciale, puis, à ce moment-là, l'endettement va être plus élevé? Est-ce que vous avez songé à ces situations-là ou est-ce que vous avez une méthode où on tranche puis on dit, en bon ingénieur: Voici...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Reid: ...on met tel élément dans la formule, puis ceux qui en ont, c'est après tel niveau, ou quelque chose comme ça? Autrement dit, cette problématique-là qui, a priori, quand on regarde les ingénieurs, on dit: Bon, bien, nous, on a un problème particulier, mais, quand on commence à regarder, il y en a d'autres qui ont des problèmes, mais c'est difficile de savoir où on met la ligne. Est-ce que vous avez eu l'occasion de penser à quel endroit la ligne devrait être mise, même pour les étudiants de génie qui prennent cinq ans au lieu de quatre ans, par exemple?

Le Président (M. Kelley): Qui veut commencer?

M. Corriveau (François): Je vais commencer.

Le Président (M. Kelley): Parfait.

M. Corriveau (François): Je vais dire, au nom de la CoFIQ, que, de un, nous avons considéré le fait qu'il y avait plusieurs autres facultés qui ont des bacs d'une durée de quatre ans. Mais je pense que fondamentalement le fait que le bac dure quatre ans n'est pas un élément d'assistance, l'aide financière; par contre, c'est un élément qui est fortement aggravant au niveau de l'endettement. C'est cette année-là, supplémentaire, qui va rajouter aux pénalités des manquements à l'Aide financière.

Ce que nous demandons, ce que nous voulons vraiment formuler, ce n'est pas de considérer cette durée qui est un peu plus longue, surtout que ça pourrait ouvrir la porte à la même problématique qu'on retrouve parfois au cégep, des personnes qui éternisent leurs études, mais bien d'axer l'aide financière sur l'inclusion de dépenses, de reconsidérer la situation des étudiants pour adapter les programmes d'aide financière à la réalité concrète de la formation d'aujourd'hui.

En génie, ce qui va surtout causer problématique, ça va être la quantité des autres dépenses qui ne sont pas considérées dans l'aide financière et qui sont essentielles à l'acheminement d'études, et le fait d'avoir ces dépenses excédentaires une quatrième année augmente d'autant la problématique. Mais, si on considère ces dépenses et qu'on les inclut déjà dans l'aide financière, le fait que ça dure une quatrième année va probablement être pas un mal, mais une charge supplémentaire, mais une charge qui va être beaucoup moindre que la situation actuelle.

M. Reid: Je comprends mieux. Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Chauveau.

Mme Perreault: ...merci beaucoup pour votre mémoire qui était très intéressant. Je voudrais revenir peut-être sur votre position, que je ne vois pas à travers votre mémoire, là, quant aux frais de scolarité. Est-ce que vous êtes pour une indexation? Il y a plusieurs groupes qui sont passés ici, et je vous dirais que la majorité des étudiants nous ont demandé un gel. Certains d'entre eux, par contre, ont démontré une ouverture d'esprit... une ouverture d'esprit... une ouverture quant à l'indexation des frais de scolarité. Il y en a qui nous ont demandé aussi d'éliminer complètement les frais de scolarité. Alors, j'aimerais savoir quelle est votre position, vous, sur cette question-là.

Le Président (M. Kelley): M. Leblanc.

M. Leblanc (Mathieu): Je vais répondre à cette question, merci, M. le Président. En fait, étant donné qu'on représente seulement une parcelle de la population étudiante, on ne se sent pas en droit d'être ceux qui vont vous dire la bonne réponse par rapport à ça. Sauf qu'il est évident que, de notre point de vue, il n'est pas du tout question d'un dégel des frais de scolarité.

Mme Perreault: O.K.

M. Leblanc (Mathieu): Si vous pouvez m'aider à compléter...

Le Président (M. Kelley): M. Corriveau, en complément de réponse.

M. Corriveau (François): Merci, M. le Président. La CoFIQ a travaillé beaucoup avec la FEUQ au niveau de l'établissement de cette position-là.

La CoFIQ a pris à l'unanimité... a adopté à l'unanimité un avis de la FEUQ sur le financement des universités qui incluait la position progel. En ce sens-là, je pense que la CoFIQ a vraiment décidé que c'était une considération. Toutefois, ce n'est pas un des éléments que nous voulons amener de l'avant. Je crois que la plupart des associations membres de la CoFIQ sont également membres de la FEUQ qui vous a déjà transmis ce message-là.

Et l'objectif principal de notre présence, c'est vraiment d'axer sur les éléments propres en génie mais qui touchent également d'autres. Si on prend le prêt micro, ça va toucher également les étudiants en administration, les étudiants en informatique. Pour les dépenses admises à l'Aide financière, ça peut également toucher pratiquement tout le monde. Et je pense que, si on se concentre exclusivement sur une idée: Est-ce qu'il faut être gel ou dégel? on va passer à côté de beaucoup d'autres points. Toutefois, je pense que la CoFIQ est excessivement dans la même lignée que la FEUQ sur la position du gel.

Mme Perreault: Je veux juste ajouter: Vous comprendrez, tout à l'heure, j'ai fait une erreur, là. Je n'avais pas du tout l'intention de vous porter préjudice, savoir ce que vous pensez, là. Je comprends très bien votre position quant aux frais de scolarité. Merci.

Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Oui. Merci, M. le Président. Alors, ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue aussi, au nom de ma formation politique, et de vous remercier pour la présentation de votre mémoire.

Je peux peut-être commencer par le coeur de ce que vous proposez et ce qui a été l'objet de votre premier... la raison du premier regroupement qui était de pouvoir faire des représentations pour que les étudiants aient accès à des micro-ordinateurs, aux logiciels, etc., à des prix accessibles, hein? J'ai compris que c'était le départ de votre association qui, maintenant, s'est élargie à d'autres intérêts, je comprends bien.

Le ministre vous a dit que le programme était sous examen, mais il est presque sous examen depuis un an. Alors, il me semble que ça ne doit être pas si long que ça, trouver des solutions. C'est depuis juin. Depuis juin que...

M. Reid: Mais on avait dit un an l'année passée.

Mme Marois: Bien, oui. Mais, un an, je veux dire, ça n'a pas de bon sens, pour un programme qui n'a pas de... qui n'est pas si coûteux, d'une part, et, d'autre part, c'est un très mauvais signal qu'on envoie. Je me permets de faire ce commentaire, là; ça s'adresse au ministre, d'accord, et au gouvernement.

Mais, je veux dire, je trouve que c'est un très mauvais signal qu'on envoie, parce qu'on trouve que les technologies de l'information doivent être de plus en plus utilisées dans les universités, dans les facultés; vous y faites référence dans votre mémoire. Toutes les associations étudiantes qui sont venues ici jusqu'à maintenant, celles qui vont venir, y réfèrent pour dire qu'il y a des rattrapages à faire partout, dans toutes les facultés. Si on excepte celles qui se sont rénovées ou reconstruites dans les dernières années, là, les années récentes, partout on identifie cela comme une lacune. Alors, on ne s'aide pas beaucoup en retardant la révision du programme et en ne le rendant pas disponible, surtout que c'est un programme qui n'était pas si coûteux. Alors, mes propos s'adressent au ministre; je suis persuadée qu'avec un peu d'efforts il pourrait arriver un peu plus tôt que ce qu'il avait prévu. Et il me semble que ça enverrait un message positif aux étudiantes et aux étudiants du Québec.

Une voix: À moins qu'on nous annonce une autre commission parlementaire...

Mme Marois: Ah! À moins qu'on nous annonce, comme dit mon collègue, une autre commission parlementaire. Mais je pense que ça ne prend pas une commission parlementaire, là, pour régler ça, hein? Bon, on se comprend?

Bon, moi, je veux revenir sur l'échelle de classification, là, que vous proposez pour... qui serait spécifique à l'ingénierie. J'avoue que c'est... Autant je suis informée ou je connais bien un certain nombre d'éléments concernant l'éducation, autant j'en apprends à ce niveau-là, et j'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi vous faites une telle demande et quels seraient les gains concrets que ça représenterait pour la faculté et les facultés de génie, finalement.

Le Président (M. Kelley): M. Leblanc ou...

n(16 h 30)n

M. Leblanc (Mathieu): Je vais amorcer un début de réponse. Merci, M. le Président. Dans le concret des écoles et des petites facultés d'ingénierie, l'absence d'autres éléments d'autres facultés dans la même université qui permettent une redistribution des coûts fait en sorte que l'enveloppe attribuée à ces mêmes écoles et facultés là est inférieure à proportionnellement ce que les autres facultés ont besoin, que je pense à... comme M. Corriveau l'a mentionné tantôt, à l'ETS ou Polytechnique, qui, en étant indépendants, ne peuvent pas aller piger dans l'enveloppe à côté. Un impact concret qu'on espère voir de ça, c'est une amélioration du financement en ingénierie, évidemment.

Mme Marois: Ce qui viendrait rehausser donc d'une façon assez significative le financement pour les écoles d'ingénierie. C'est ça?

Le Président (M. Kelley): M. Corriveau.

M. Corriveau (François): La situation est que, en génie, on a deux écoles indépendantes, ETS et Polytechnique.

Mme Marois: Oui, et Polytechnique.

M. Corriveau (François): Le seul autre exemple, clairement, de cette situation-là, c'est les HEC, l'École des hautes études commerciales. Par contre, en génie, le problème est excessivement cuisant au niveau du sous-financement. Si on exclut le cas des facultés de médecine, le génie est vraiment le domaine d'études le plus sous-financé, et n'importe quelle amélioration, même la plus petite, va faire un changement excessivement considérable en ce sens que, pour la plupart, les facultés de génie justement sont isolées et ne peuvent pas recourir à des transferts. Donc, c'est vraiment, à notre sens, essentiel qu'il y ait une révision de l'échelle.

Nous autres, nous apportons l'idée qu'il y ait une échelle exclusivement réservée au génie, en partie parce que le génie implique déjà une grande variation, que ce soit dans les domaines de génie électrique, chimique, informatique, physique, industriel, qui ont des besoins tous différents et qui sont tout de même considérés dans le même ensemble que les sciences appliquées et l'informatique. Donc, en considérant le génie à part, on va déjà pouvoir réenligner les facultés de génie en considérant les besoins spécifiques de chacun des domaines et vraiment rétablir une situation acceptable au niveau du financement.

Mme Marois: D'accord, ça m'éclaire davantage. Je vous remercie.

Tout à l'heure, j'ai parlé de la question des micro-ordinateurs puis finalement j'ai oublié de poser ma question. J'avais trop de messages à passer au ministre. J'espère qu'il les a entendus, surtout. C'est, pour moi, le plus important.

Mais, par contre, on pourra bénéficier peut-être de votre éclairage, puisque vous proposez de réinstaurer un programme de prêts pour les micro-ordinateurs et vous suggérez d'élargir un peu, hein, d'aller vers les logiciels, là. Vous m'expliquerez si c'est le cas. Vous proposez donc de le réinstaurer, ce prêt pour micro-ordinateur, et d'y apporter certaines modifications. Est-ce que vous pourriez nous indiquer lesquelles modifications vous suggéreriez?

Le Président (M. Kelley): M. Dumas.

M. Dumas (Marc-André): Oui, je vais répondre. Eh bien, dans le programme qu'il y avait, le montant incluait déjà les logiciels, mais ce qu'on a voulu expliquer, c'était que le 2 000 $ qui était alloué était insuffisant pour couvrir l'ordinateur et les logiciels.

Mme Marois: Les logiciels, d'accord.

M. Dumas (Marc-André): Exactement.

Mme Marois: C'était théorique, dans le fond. On disait que ça couvrait, mais, dans les faits, il n'y avait pas suffisamment de ressources pour les couvrir.

M. Dumas (Marc-André): Exactement. Nous, ce que nous demandons principalement comme amélioration, c'est de permettre à l'étudiant d'acheter l'ordinateur dans la boutique ou dans le magasin qu'il veut. En ce moment, il est obligé d'acheter dans une coopérative scolaire, ce qui limite son choix, et nous avons l'impression que ça augmente les coûts de son ordinateur. Donc, c'est principalement le gros changement que nous voulons, et une augmentation des dépenses admissibles.

Si je peux le souligner, nous aimerions peut-être plus de flexibilité pour que l'étudiant puisse pouvoir, par exemple, acheter des pièces et monter lui-même son ordinateur pour avoir des économies encore plus grandes. On a beaucoup d'étudiants en génie informatique, génie électrique qui ont les connaissances, ils peuvent se monter de très bons ordinateurs.

Mme Marois: Ça peut même être une pratique, finalement, de la profession.

M. Dumas (Marc-André): Ça peut en faire partie, effectivement. Donc, en gros, c'est les principaux changements que nous voudrions, ça, et pouvoir trouver une solution qui permettrait aux étudiants de renouveler leur équipement au cours de leurs études, puisque le programme ne permettait qu'un seul ordinateur au cours de toutes ses études.

Mme Marois: Bon, d'accord. Je pense que, enfin, ça nous éclaire. Ça m'éclaire, ça éclaire les membres de la commission, le ministre y compris. Ça apportera de l'eau au moulin pour ses éventuelles décisions.

Dans un autre ordre d'idées que vous n'abordez pas nécessairement dans votre mémoire mais qui, moi, me préoccupe, dans certaines universités, certaines facultés, on propose des stages coopératifs, et, en génie, j'imagine que c'est à peu près la règle, ou à tout le moins des stages dans l'ensemble des facultés. Est-ce que vous pouvez me parler de l'impact de ces stages et de la perception des étudiants à cet égard?

M. Leblanc (Mathieu): Oui.

Le Président (M. Kelley): M. Leblanc.

M. Leblanc (Mathieu): Merci. En ce moment, il existe deux types de stages offerts aux étudiants: les stages coopératifs, les stages facultatifs. Ce n'est pas l'étudiant vraiment qui fait le choix que ce soit l'un ou que ce soit l'autre, c'est le département...

Mme Marois: L'institution.

M. Leblanc (Mathieu): ...l'institution qui a organisé le programme en conséquence. À Sherbrooke, à l'ETS, il y a une majorité de programmes coopératifs, tandis que, à Polytechnique, c'est une minorité. La plupart du temps, les stages vont quand même être disponibles de façon facultative pour presque n'importe quel étudiant en génie. Simplement, dans le cas où c'est un stage facultatif, il le fait... l'étudiant le fait à ses dépens, dans le sens où ça rallonge la durée de ses études. La plupart du temps, à moins de réussir à caser ça dans un été, qui est la période forte, ce n'est pas nécessairement possible pour tout le monde. Ces stages-là sont vus par la très grosse majorité des étudiants en ingénierie comme étant un aspect positif à la formation, c'est vraiment intéressant que ce soit intégré. Cependant, au niveau des frais de stage, peut-être qu'on retombe encore dans la question des frais non réglementés. Ces frais-là sont déjà très élevés et ont tendance à augmenter à un rythme fulgurant.

Mme Marois: Quand vous dites que les frais de stage augmentent, c'est les frais dus au fait que l'étudiant doit se déplacer, doit aller à l'entreprise et... Non?

M. Leblanc (Mathieu): Non. Je parle directement des frais demandés par l'institution universitaire pour accorder un crédit au stage.

Mme Marois: Oh! D'accord.

M. Leblanc (Mathieu): À tout ça se rajoutent les frais, évidemment, de déplacement, de logement quand c'est le cas, tous les frais de...

Mme Marois: ...des frais supplémentaires demandés pour la supervision du stage, pour l'encadrement, pour...

M. Leblanc (Mathieu): Bien, un petit peu pour le placement comme tel de l'université. Par exemple, à la Polytechnique, on parle de 250 $ par crédit environ. Ces frais-là couvrent l'embauche de gens qui font des recherches pour trouver des stages aux étudiants. Ces gens-là, durant les sessions, vont se promener chez les étudiants en stage pour obtenir un petit peu de feedback, ce qui est essentiel. Simplement, bien, on pourrait comparer ça...

Mme Marois: Donc, c'est vraiment considéré comme hors cursus, quasi, dans un sens...

M. Leblanc (Mathieu): Effectivement.

Mme Marois: ...parce que sinon, c'est les frais universitaires qui devraient couvrir le tout.

M. Leblanc (Mathieu): Effectivement.

Mme Marois: Bon.

M. Leblanc (Mathieu): On pourrait comparer ça à des frais de rédaction à la maîtrise, par exemple.

Mme Marois: Oui. Ah bon! Merci. Mon collègue a des questions à poser.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Bertrand, il vous reste quatre minutes.

M. Cousineau: Quelques petites questions. Bien, pour les frais, là... Bonjour, bienvenue à cette commission. Pour terminer au niveau des frais, est-ce que vous avez un certain nombre... un montant de frais, là, attribué au matériel de laboratoire? Est-ce que vous devez payer un certain montant annuel par cours, à chacun des cours que vous suivez et qui ont un rapport direct avec le matériel de laboratoire que vous utilisez?

M. Leblanc (Mathieu): Cette question-là, c'est vraiment en fonction de quelle université, quel département, quel cours. C'est très dur de répondre à ça globalement. La plupart du temps, les frais vont aller vers du matériel, des livres, des livres spécialisés. Ça peut aller par des logiciels, comme on a mentionné tantôt. Ça peut aller, en génie électrique, par exemple, à l'achat de composantes électriques. Je pourrais vous donner beaucoup d'exemples, là, mais... Bien, c'est inévitable qu'il y a des dépenses qui se rajoutent.

M. Cousineau: Vous en payez une partie, là. Parce qu'un étudiant qui est en biochimie va payer les produits qu'il utilise au laboratoire, des choses comme ça, voire même de la vaisselle, là.

M. Corriveau (François): Étant étudiant en génie chimique, je pourrais répondre en partie. La plupart des produits sont déboursés par l'université, ils rentrent dans les frais de formation. Par contre, il y a toujours le matériel de protection: lunettes, sarrau, gants et, bien entendu, tout le matériel de rédaction, cahier de laboratoire, cahier de suivi et, bien entendu, le logiciel de présentation, puisque c'est absolument impossible maintenant, en génie, de remettre un rapport de laboratoire qui n'a pas été informatisé.

M. Cousineau: D'accord. Vous représentez, en fin du compte, 12 écoles supérieures au niveau du génie, vous fréquentez et vous rencontrez donc beaucoup d'étudiants qui étudient en génie. J'aimerais savoir si, pour vous ? ça doit se discuter entre vous, là ? ...l'augmentation des frais de scolarité, quelle serait l'incidence sur l'accessibilité aux études supérieures en génie?

Le Président (M. Kelley): M. Leblanc.

n(16 h 40)n

M. Leblanc (Mathieu): Oui, merci, M. le Président. On parle nécessairement d'une équation directe entre l'augmentation des frais de scolarité et puis l'accessibilité aux études: augmenter un, c'est diminuer l'autre. Oui, on en parle. On a mentionné tantôt qu'on suivait la position de la FEUQ à ce niveau-là.

M. Cousineau: C'est très cartésien: l'augmentation de l'un implique la diminution de l'autre; je comprends, là. Mais, dans les gens que vous fréquentez, est-ce que vous avez des statistiques concernant le pourcentage des étudiants et des étudiantes qui proviennent de milieux moins favorisés ou des...

M. Leblanc (Mathieu): Je n'ai pas de données précises à vous donner là-dessus. Je préférerais ne pas...

M. Cousineau: D'accord. Vous ne tenez pas ça, vous autres, en tant qu'association, là. Oui.

Le Président (M. Kelley): M. Corriveau.

M. Corriveau (François): Le malheur, c'est qu'en génie les associations facultaires sont beaucoup plus petites que les associations universitaires globales ? ce que la FEUQ a ? et les ressources sont beaucoup moindres. Par contre, je n'ai pas les données avec moi, mais l'Association des étudiants de Polytechnique devrait présenter son mémoire le 24 mars prochain. Je pense qu'ils abordent le sujet.

M. Cousineau: Merci, vous êtes bien gentils.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Et si j'ai bien compris, dans les commentaires de Mme la députée de Taillon, elle brûle de faire le débat sur les crédits, qu'on va faire au mois d'avril. Mais je pense que ça a sollicité une certaine réplique de la part du ministre, alors la parole est à vous, M. le ministre.

M. Reid: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir à nos invités, mais, politique oblige, je dois quand même dire que, encore une fois, ici, on parle de rattrapage et on essaie de gommer le programme de prêt micro dans un ensemble qui est une problématique générale au Québec, qui concerne l'informatique, et qui n'a pas commencé l'été dernier, qui est le résultat de plusieurs années, si on veut, de négligence dans les investissements à ce niveau-là.

Le programme dont on parle... Et je reviens à vous. Le programme dont on parle, vous avez donné un certain nombre d'éléments d'information. Je répète que c'est intéressant et que ça va être utilisé. Ce programme, comme vous l'avez dit, aurait besoin d'examen. Vous avez redit un certain nombre de problématiques. Et vous mentionnez... Et c'est intéressant que la députée de Taillon vous ait reposé la question, parce que, peut-être, à la deuxième fois, on comprend encore mieux que le véritable problème finalement, il se situe au niveau des logiciels. C'est ce que j'ai compris, en tout cas, peut-être de façon plus claire encore.

Mais ça m'amène à vous poser une question, surtout pour des étudiants en génie: Est-ce qu'il n'y a pas une certaine forme de solution qui, mis à part le fait que pour des logiciels incontournables qui sont peut-être ceux qu'on utilise dans le marché du travail, il y a des réductions... Est-ce qu'on n'aurait pas une source, ici, où soit on utilise... soit on subventionne davantage les dépenses ou on considère davantage les dépenses de logiciels, comme vous proposez, mais est-ce qu'il n'y aurait pas une solution alternative aussi, et peut-être les deux, dans le domaine du logiciel libre? Parce que je vois, par exemple, la Faculté de génie de l'Université de Sherbrooke, ils ont fait toute une histoire avec leurs logiciels libres, et il y a peut-être des potentiels de logiciels qui donc ne coûtent rien parce que les sources sont libres, et on peut les utiliser. Et il me semble que, s'il y a des étudiants qui seraient les mieux placés, c'est peut-être plus ceux de génie que ceux, par exemple, de comptabilité, qui se servent des ordinateurs mais de façon extrêmement pointue. Est-ce qu'il n'y a pas une source potentielle là? Et j'aimerais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.

Le Président (M. Kelley): M. Dumas.

M. Dumas (Marc-André): Oui. Bien, je suis très content que vous apportiez ce sujet, parce que effectivement les logiciels libres sont de plus en plus répandus, on en trouve une gamme de plus en plus grande. Mais cette solution, pour le moment, ne peut pas encore s'appliquer au génie. Il existe plusieurs logiciels d'ingénierie disponibles librement, il y en a quand même quelques-uns, mais on ne peut pas dire que ces logiciels sont encore matures pour être utilisés. Mais ce serait peut-être quelque chose... S'il y avait peut-être moyen de trouver une manière d'encourager le développement de ces logiciels, cela pourrait se faire, cela pourrait être avantageux.

Mais il y a un autre aspect qui est important, quand même, c'est qu'en industrie certains logiciels commerciaux sont utilisés, et c'est quand même relativement important que les étudiants puissent être familiarisés avec ces logiciels qui sont utilisés en industrie. Mais, comme... Donc, pour le moment, le logiciel libre n'est pas la solution, mais cela pourrait le devenir éventuellement, avec un peu de maturité, et quelques années, et peut-être quelques encouragements au développement de ces logiciels.

M. Reid: Donc, c'était le sens de ma question, M. le Président. Donc, la réponse, ce n'est pas l'un ou l'autre, mais probablement les deux, là, c'est-à-dire: d'un côté, considérer les dépenses de logiciels incontournables et, de l'autre côté, peut-être trouver des moyens d'encourager le développement de logiciels libres qui pourraient résoudre, là, une partie du problème. Merci.

Le Président (M. Kelley): Sur ce, merci beaucoup. Je pense, comme on a dit, qu'il y a d'autres groupes qui viennent ici qui ont des grands enjeux de système. Vous avez des points qui sont très précis. Je pense à vos confrères et consoeurs dans le domaine de... les étudiants en médecine qui sont venus aussi, qui avaient des précisions fort importantes. Alors, merci beaucoup pour la contribution que vous avez faite à la réflexion des membres de la commission.

Sur ce, je vais suspendre quelques instants, et on va revenir avec l'Association pour une solidarité syndicale étudiante.

(Suspension de la séance à 16 h 46)

 

(Reprise à 16 h 50)

Le Président (M. Kelley): Bienvenue aux représentants de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante. On va avancer l'horaire un petit peu parce qu'il y a un vote prévu autour de 17 h 40. Alors, je pense qu'on a une bonne cinquantaine de minutes ensemble, mais, juste si jamais les cloches commencent à sonner, ce n'est pas un incendie ? j'espère, au moins ? mais c'est plutôt d'aviser les députés qu'ils sont appelés en Chambre pour aller voter. Mais, sur ce, on va laisser le plus grand temps possible pour votre présentation et pour l'échange avec les députés. Alors, la parole est à vous, M. Marsan ou...

Association pour une solidarité
syndicale étudiante (ASSE)

M. Vaillancourt (Carl-Emmanuel): Non, M. Marsan et Mme Whitlock n'ont pas pu être présents aujourd'hui. Moi, c'est Carl-Emmanuel Vaillancourt.

Le Président (M. Kelley): M. Vaillancourt. Et madame?

Mme Moysan-Lapointe (Héloïse): Héloïse Moysan-Lapointe.

Le Président (M. Kelley): Alors, bienvenue. La parole est à vous.

Mme Moysan-Lapointe (Héloïse): Bon. Alors, peut-être que je peux me présenter. Je suis Héloïse Moysan-Lapointe, j'étudie au cégep, je suis en train de finir un D.E.C. à distance et j'ai contribué à la rédaction du mémoire de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante. Avec moi ainsi que Carl, il y avait aussi ? et je pense que c'est important de mentionner leurs noms ? Thomas Chiasson-Lebel, Jean-Luc Ratelle et Sylvain Bédard qui ont contribué à la rédaction et à toute la réflexion qui entoure ce mémoire-là. Ce mémoire-là, aussi, on a nommé cinq noms, mais c'est aussi la réflexion de toute une association syndicale qu'on veut vous soumettre aujourd'hui.

Alors, bon, je parlais de notre association syndicale. D'abord, je suis quand même rassurée de voir, là, qu'on n'a pas eu à utiliser les masques à gaz qu'ils avaient mis à notre disposition, parce que, la dernière fois qu'on est venu parler d'éducation gratuite, c'était dans des contextes un peu plus houleux. On espère que notre message sera malgré tout entendu.

Alors, bon, avant de commencer, j'aimerais présenter l'ASSE, parce que c'est une organisation qui est quand même encore jeune. Elle a été fondée en février 2001 dans la perspective de bâtir un syndicat étudiant national qui soit capable de défendre les intérêts matériels et moraux aussi des membres. Elle regroupe aujourd'hui plus de 40 000 personnes, plus de 40 000 membres autant dans les cégeps que dans les universités.

Alors, ce mémoire-là, il porte sur les universités, mais autant les membres des cégeps l'approuvent, l'appuient et s'y reconnaissent. Et la plupart des éléments qui sont dans ce mémoire-là peuvent s'appliquer autant au cégep qu'à l'université. Donc, c'est une vision assez globale du système d'éducation qu'on veut proposer.

L'ASSE, dès sa fondation, a pris position pour un système d'éducation public, gratuit, laïc, de qualité et non discriminatoire. Cette revendication, c'est un peu l'expression de notre volonté de voir une société qui permet à tous et à toutes d'accéder à la connaissance, sans distinction de race, de sexe et de condition socioéconomique. C'est plus de la condition socioéconomique dont on va traiter dans le mémoire, mais il ne faudrait pas non plus négliger les autres aspects qui sont encore des inégalités qui perdurent.

Une société qui n'est pas capable de se doter d'institutions d'enseignement accessibles à tous et à toutes, quant à nous, c'est une société qui est et qui va rester menée et dirigée par une certaine élite, et c'est quelque chose qu'on veut transformer. Il faut bien comprendre que, quand on parle d'éducation gratuite et accessible, aussi, on ne limite pas la question simplement aux frais de scolarité. On demande que l'éducation soit considérée comme une richesse collective et que tous les coûts reliés à l'éducation, que ce soit l'enseignement, le matériel pédagogique ou des frais de subsistance, qui sont nécessaires pour étudier ? parce qu'on ne peut pas nécessairement travailler ? soient pris en charge par l'ensemble de la communauté. On croit qu'il s'agit là du seul moyen qui est réellement efficace d'avoir une éducation supérieure qui remplisse les missions qu'on va exposer.

Bon. L'ASSE ne fonde pas nécessairement un grand espoir sur cette commission-ci. Dans les dernières années, on n'a pu que constater que les gouvernements, tant péquistes que libéraux, ont saboté ? n'ayons pas peur des mots ? ont quand même saboté les quelques acquis qu'on avait, que ce soit par des coupures ou par des réformes qui ont mis en danger la mission de l'université et des cégeps. Alors, pour nous, venir présenter un mémoire, c'est un peu par acquit de conscience qu'on le fait. On juge ça quand même important, parce que c'est une vision de l'éducation qui n'est peut-être pas très populaire mais qu'on croit qui est quand même juste et qu'on veut qui soit sinon écoutée, du moins entendue. L'action de l'ASSE ne se limitera pas non plus à présenter un mémoire et, après ça, retourner à nos cahiers. On va retourner à nos cahiers de toute façon parce qu'on est des étudiants et des étudiantes, mais ça va aussi se concrétiser dans une mobilisation de la population étudiante, qui a déjà commencé à se positionner pour une éducation publique, gratuite, laïque, de qualité, pour toutes sortes de principes comme ça qui vous seront exposés.

Alors, le mémoire est divisé en six parties. On va suivre un peu cet ordre-là. On va d'abord présenter un peu c'est quoi, le rôle qu'on voit à l'université, ses objectifs; ensuite, on va traiter des aspects juridiques liés à l'éducation, liés au droit à l'éducation, puis de la condition de vie des étudiants et des étudiantes et comment sortir les étudiants et les étudiantes de la pauvreté; enfin, on va parler du financement des universités, lesquelles sources sont acceptables et lesquelles ne le sont pas; et aussi traiter un peu de la volonté politique nécessaire à mettre en application nos propositions.

Alors, sur les finalités de l'université, on peut voir plusieurs fonctions à l'université. Pour notre part, on considère que l'université devrait être un lieu d'épanouissement pour l'individu, un élément qui stimule la démocratie. En ce sens, l'université, on la voit comme globale, comme sociétale. Elle ne peut pas avoir pour seul objectif des nécessités ponctuelles de l'économie de marché, ou des entreprises, ou de petits groupes d'individus. Dans cette perspective, on croit que l'université doit prendre un rôle générateur de modifications sociales. Le système d'éducation dont on se dote aujourd'hui, c'est un peu une petite société en modèle réduit qui influence la société en entier. Si l'université est élitiste et peu accessible, on reproduit les inégalités sociales, économiques, sexuelles, raciales. Si l'université, d'un autre côté, est accessible à tous et à toutes, bien on prend les moyens concrets d'encourager l'éducation pour tous et toutes, on prend part à une transformation de la communauté vers une société plus juste et plus démocratique.

De la même façon, si l'université fonctionne sur une base de compétitivité, de course aux profits, de principe d'utilisateur-payeur, on a l'impression de reproduire une société qui a seulement ça pour règles. D'un autre côté, si on se dote d'un système d'éducation qui est capable de comprendre, de critiquer la société dans tous ses aspects, qui a ça comme mission, d'un système d'éducation qui habilite les individus à le faire de façon autonome, on est en train de poser les assises d'une société capable de réflexion critique, on se donne les outils essentiels à une démocratie plus concrète et plus participative. On donne à chacun et chacune les moyens finalement de prendre part à la collectivité de façon active.

Dans cette perspective-là, l'une des fonctions de l'université, c'est de transmettre de façon critique les acquis théoriques dispensés et de synthétiser de façon systématique les nouvelles connaissances, donc de transmettre les connaissances et d'en découvrir de nouvelles. Bon. C'est un aspect très fondamental de l'université, mais on ne veut pas non plus aller jusqu'à nier que la formation universitaire prépare aussi à l'emploi, et, en ce sens-là, l'université a pour fonction, dans plusieurs domaines, de préparer les individus à remplir une fonction de leur choix dans la société. Et c'est important quant à nous de souligner vraiment l'importance de leurs choix. On ne peut pas refuser le libre choix de l'individu, on ne peut pas laisser le marché, par exemple, les impératifs économiques juger de ce qui est bon ou de ce qui est mauvais, des capacités de chacun et de chacune à remplir des études et de ce que la société aurait besoin. Pour nous, ça doit se faire de façon démocratique et de façon libre. C'est dans ce sens-là qu'on se positionne beaucoup contre le contingentement de certains programmes qui autrement n'auraient pas nécessairement des exigences d'excellence, qui sont contingentés simplement parce qu'on ne veut pas qu'il y ait trop de monde formé.

Bon. Puis on doit aussi... Si l'université prépare à l'emploi, ce n'est pas nécessairement aux employeurs de déterminer le contenu des cours. On croit que ça doit rester quand même détaché pour assurer justement que les individus, une fois sur le marché de l'emploi, aient une liberté, soient capables d'avoir un certain recul par rapport à leurs employeurs, soient capables de prendre part à l'entreprise, mais aussi de la critiquer et de s'en détacher lorsque c'est nécessaire.

Sur la question de la recherche, bon, on a déjà parlé un peu de la recherche fondamentale, on l'a placée comme un des objectifs principaux de l'université, mais il ne faut pas non plus négliger les bienfaits que peut nous apporter la recherche appliquée. Par contre, cette recherche-là quant à nous doit répondre aux besoins de la collectivité et pas à ceux de l'économie de marché ou d'une minorité possédante... d'une minorité d'entreprises privées, par exemple. Donc, on veut qu'il y ait... Excusez-moi. Je m'égare. Il y a dans l'université de l'enseignement et de la recherche, et on croit que ces deux missions sont absolument essentielles, il n'y a pas une des deux missions qui doit se faire au détriment de l'autre. Ça semble assez évident, vu comme ça, là, en commission, mais, dans le concret, dans les salles de classe, on voit vraiment que ce n'est pas le cas. Il y a une survalorisation de la recherche, les professeurs sont poussés à courir après les subventions, à être engagés dans un processus de course aux subventions. La recherche amène souvent les enseignants et les enseignantes à délaisser les salles de classe. Ça donne des classes surchargées, l'emploi abusif de chargés de cours, le manque de disponibilité, toutes sortes de problèmes comme ça qui viennent miner la crédibilité de l'université.

n(17 heures)n

L'enseignement doit être au coeur de la mission universitaire, et ça nécessite aussi absolument un rapport constant entre profs et élèves. On croit que, à travers ce rapport profs-élèves là, on peut mener une réflexion critique sur la société. Et, pour mener cette réflexion-là... Et, quand je parle de la société, on voit tout de suite les sciences humaines, mais ça s'applique à tous les domaines des sciences et des technologies. Pour remplir cette mission-là, on ne peut pas exclure des gens de ce débat-là. Alors, il faut que l'ensemble des gens puissent y participer. C'est important, en ce sens-là, d'avoir une éducation qui est la plus accessible possible à tous et à toutes. Je vais maintenant passer la parole à Carl.

Le Président (M. Kelley): M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Carl-Emmanuel): Oui, merci. Bonjour à tous et toutes. Je vais commencer par vous parler du droit à l'éducation et de quelques aspects juridiques, surtout au niveau international. Le droit international est régi par bon nombre de traités et de pactes, et, parmi ceux-ci, on retrouve le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, je vais l'appeler le PIDESC pour que ce soit plus simple. C'est à ses articles 13 et 14 que ce pacte garantit le droit à l'éducation.

Le Canada et le Québec ont ratifié ce pacte, et l'État prend donc la responsabilité solennelle de s'acquitter de toutes les obligations qui découlent du pacte et de faire en sorte que ses lois et ses politiques nationales soient compatibles avec ses obligations internationales. On y retrouve les buts et les objectifs que doit viser l'éducation.

À tous les niveaux, l'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine, ce qui est reconnu également dans de nombreux pactes et traités de l'UNESCO, qui est l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture. On doit voir l'ensemble de ces déclarations et conventions adoptées comme formant un tout.

Le droit à l'enseignement supérieur, au paragraphe 2c de l'article 13 du PIDESC, doit satisfaire aux critères de dotation, de l'accessibilité, de l'acceptabilité et de l'adaptabilité. Pour répondre aux besoins des étudiantes et étudiants dans des contextes sociaux et culturels différents, l'enseignement supérieur doit être dispensé dans le cadre de programmes souples et de systèmes variés. L'enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous et toutes, en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun et chacune.

L'expression «établir un système adéquat de bourses» engage les États-parties à faire en sorte que le système de bourses puisse favoriser dans les conditions d'égalité l'accès à l'éducation des personnes appartenant aux groupes défavorisés. De plus, les conditions générales des enseignantes et enseignants se sont dans la pratique détériorées ces dernières années dans de nombreux États-parties. Et le Québec n'en fait pas exception, la problématique des chargés de cours en est un bon exemple.

À environ tous les cinq ans, les États-parties doivent soumettre un rapport au Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l'ONU afin de s'assurer du respect des dispositions du PIDESC. La dernière visite du Canada et du Québec remonte à 1998. À cette époque, les conclusions du comité, quant au Canada et au Québec, sur le droit à l'éducation furent entre autres les suivantes: entre 1990 et 1995, le montant moyen des frais de scolarité dans l'enseignement postsecondaire a augmenté de 62 % en termes réels. De plus, toujours depuis 1990, la dette moyenne des étudiantes et étudiants à la fin des études a presque triplé.

De plus, le comité est préoccupé de voir que les programmes de prêts à l'éducation postsecondaire sont réservés aux citoyens canadiens et aux citoyennes canadiennes et aux résidents permanents et qu'ils sont refusés aux réfugiés officiellement reconnus mais qui n'ont pas le statut de résident permanent et aux demandeurs d'asile.

Le comité relève également avec inquiétude que les frais d'inscription à l'université ont augmenté de façon spectaculaire au Canada. Et finalement le comité souligne son inquiétude quant à l'augmentation considérable de l'endettement moyen des étudiantes et étudiants en fin d'études.

Les réponses qui ont été données au comité par le gouvernement québécois sont loin de nous satisfaire. Sur l'augmentation des frais de scolarité, le gouvernement s'est contenté de répondre que le Québec a subi une augmentation de 77,4 % entre 1990 et 1995, comparativement à 43,6 % pour les autres provinces canadiennes. Mais il se défend par la suite en soutenant qu'il s'agissait d'un simple rattrapage et que, malgré cela, les frais de scolarité restent substantiellement inférieurs aux autres provinces canadiennes.

Nous vous rappelons que le PIDESC ne prévoit aucunement la possibilité d'un rattrapage sur d'autres États ou provinces. Nous pouvons nous demander où nous devrions tracer la limite quant à la comparaison face aux autres États ou provinces. Il faut arrêter de se complaire dans l'argument du on-est-moins-pire-qu'ailleurs. Et, dans les faits, ce rattrapage est une augmentation des frais de scolarité, je le répète, qui est contraire au Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels. Aucune réponse n'a été fournie quant à l'augmentation de l'endettement et quant à l'inaccessibilité de l'aide financière aux études pour les réfugiés n'ayant pas le statut de résident permanent.

Ceci m'amène à vous traiter des conditions de vie des étudiantes et étudiants et ainsi que de certains moyens pour les sortir de la pauvreté. Je veux seulement rappeler à la commission qu'à ce niveau nous nous sommes permis de dépasser les positions prises par les membres de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante et d'amener une proposition concrète qui permettrait d'enrayer le problème de l'endettement étudiant. Nous vous invitons à considérer cette proposition comme un exemple de calcul. L'ASSE, pour sa part, continuera sa réflexion sur le sujet, notamment dans la perspective d'un revenu minimum garanti assorti de la gratuité de plusieurs services publics dont l'éducation.

Bien qu'elle semble s'éloigner du sujet central de la commission, la question de la condition de vie des étudiantes et étudiants est reliée de nombreuses façons à celle du financement du système universitaire. Nous avons recueilli de nombreuses données dans le récent document de l'Aide financière aux études intitulé Enquête sur les conditions de vie des étudiants de la formation professionnelle au secondaire, du collégial et de l'université, qui a été publié en 2003. Les chiffres parlent d'eux-mêmes.

Dans le cadre actuel, ce sont 64,9 % des bénéficiaires de l'Aide financière aux études qui ne reçoivent aucune contribution parentale et 81 % qui ne reçoivent pas de contribution du conjoint ou de la conjointe, sans compter que la contribution versée n'a généralement rien à voir avec la contribution calculée. Ceux et celles dont les parents ont le plus faible revenu se voient moins fortement aidés financièrement.

Comme le mentionnait le comité du PIDESC, l'endettement étudiant à la sortie des études est en fulgurante hausse, la moyenne étant de 10 814 $ pour le premier cycle, de 14 562 $ au deuxième cycle et de 18 517 $ au troisième cycle. La philosophie de l'éducation que notre société devrait privilégier devrait viser d'abord l'acquisition de connaissances exempte de restrictions financières. Il devient antidémocratique de bloquer l'accès à l'éducation à des gens qui n'auraient d'autre choix que de s'endetter pour y parvenir. Si le gouvernement et la société perçoivent l'éducation comme étant un financement rentable, on y perd alors son objectif premier. La question de l'accessibilité aux études ne peut plus dès lors faire abstraction de l'importance de l'aide financière aux études, et celle-ci devrait faire intrinsèquement partie des considérations de réinvestissement nécessaire aux objectifs de l'enseignement universitaire.

Nous nous sommes donc trouvés face au problème de déterminer un niveau de revenu acceptable. Nous avons donc décidé de définir un seuil de pauvreté en suivant une approche relative qui vise à définir la pauvreté en comparant le revenu d'une personne par rapport à l'ensemble de la population. Comme il est impossible d'établir un seuil de pauvreté qui ne soit pas relatif et arbitraire, nous avons déterminé un seuil de pauvreté qui répond aux besoins nécessaires à une qualité de vie, considérée comme minimale, qui tient compte de tous les aspects, autant la santé physique et mentale que la santé sociale. Nous avons opté pour l'approche relative afin, premièrement, d'éviter que l'on détermine arbitrairement ce qu'un étudiant ou une étudiante soit normalement tenu en biens et services et, deuxièmement, dans une optique de redistribution des richesses effectuée des citoyens et citoyennes les mieux nantis vers les plus pauvres.

L'aide financière doit permettre aux étudiantes et étudiants de se retrouver au-dessus du seuil de pauvreté. On calculera le montant en soustrayant du seuil de pauvreté, qu'on a établi à 10 332 $, tous les revenus obtenus à l'intérieur de l'Aide financière aux études excédant 4 000 $. Ceci permettrait d'obtenir d'autres bourses ou de travailler, pour ceux qui le désirent, sans pour autant subir une baisse de l'aide financière aux études.

Nous demandons à ce que l'aide financière accordée dans le cadre de l'AFE assume que les études à temps plein demandent de 36 à 45 heures par semaine pour quatre ou cinq cours, ce qui laisse peu ou pas de temps pour travailler pendant les sessions ou cours. La période estivale est une alternative de remplacement à ce travail durant les études, dont il ne faut toutefois pas abuser, car il faut aussi tenir compte des besoins particuliers des étudiantes et étudiants qui doivent suivre des cours durant l'été, que ce soit pour du rattrapage ou pour la rédaction aux cycles supérieurs. En effet, le fait d'être aux études durant l'été est un sérieux obstacle aux possibilités de se décrocher un emploi suffisamment rémunérateur. Sur ce, je vais passer la parole à Héloïse.

Le Président (M. Kelley): Il vous reste plus ou moins deux minutes, alors...

Mme Moysan-Lapointe (Héloïse): Vous avez dit deux ou 10?

Le Président (M. Kelley): Deux, trois, mais...

Mme Moysan-Lapointe (Héloïse): Deux, trois. Alors, je vais essayer de passer rapidement. Vous m'excuserez les petits cafouillages, là; c'est par souci de respecter les délais.

Le financement des universités, quant à nous, doit respecter les missions qu'on a attribuées à l'université et doit permettre de combler les besoins qu'on a ciblés, c'est-à-dire la gratuité scolaire, les infrastructures nécessaires, l'accès aux ressources pour les étudiants et les étudiantes et d'allouer des frais de subsistance aux étudiants et aux étudiantes, selon la proposition que Carl vous a expliquée.

n(17 h 10)n

Il faut rappeler aussi la mission de l'université. Ce n'est pas toutes les sources de financement qui sont compatibles avec la mission de l'université. On ne peut pas se permettre d'accepter n'importe quoi. En ce sens-là, la place de l'entreprise privée est très, très, très, très, très discutable. On propose souvent d'aller chercher l'argent là où il est. Par contre, nous, on croit que l'argent et les ressources que les entreprises privées sont prêtes à «donner» ? je mets «donner» entre guillemets ? aux universités n'est pas vierge. Un financement privé vers l'institution exige un retour d'ascenseur, et, selon nous, cette relation de dépendance là n'est pas nécessairement compatible avec les finalités de l'éducation supérieure. Il y a quelques cas très graves; je vous référerais peut-être au mémoire qu'a déposé la Fédération canadienne des étudiants et des étudiantes, section Québec, qui rappelait quelques cas où des résultats de recherche ont été corrompus. C'est intolérable, on ne peut pas se permettre de risquer ça. Je crois que l'université doit être détachée des besoins des entreprises afin d'être mieux connectée sur les besoins de l'ensemble de la société. Les pauvres ont des besoins aussi, et c'est justement pour ça que l'université existe et que ce n'est pas simplement des entreprises de recherche et de formation qui existent, mais bien un système d'éducation national.

Il faut ajouter aussi que le financement de l'éducation n'est pas selon nous un devoir de charité. On ne veut pas que les entreprises achètent leurs indulgences auprès du système d'éducation et de l'État québécois. Ce qu'on veut, c'est que la communauté définisse ses besoins et, après ça, prenne les moyens de les combler. Aller chercher l'argent là où il est, on est tout à fait d'accord, certainement, mais pour nous ça doit passer par l'impôt, qui est une façon de prendre les richesses qui existent et de mieux les répartir des plus riches vers les plus pauvres.

La place... il faut aussi traiter de la place, de la contribution des étudiantes et des étudiants, et des parents, et des conjoints et des conjointes. Sur la question d'imposer des frais de scolarité, bon, je pense qu'on va vous déposer la proposition qui est la plus simple, à cette commission, on vous propose de les abolir. Ce n'est pas très compliqué!

Il y a des raisons à ça. D'abord, il faut constater que les frais de scolarité sont une entrave à l'accès à l'éducation et que le système de prêts et bourses actuel n'est pas en mesure d'enrayer cette entrave-là. Pour les mieux nantis, ça ne change pas grand-chose, ça, parce que dans tous les cas ils peuvent se le permettre. Pour les moins bien nantis, c'est une autre histoire, c'est un problème. Alors, on croit qu'abolir les frais de scolarité rendrait l'éducation beaucoup plus accessible, et beaucoup plus accessible en particulier aux gens qui en ont le plus besoin.

Nous croyons aussi que l'éducation ne devrait pas être proposée comme un investissement individuel. Je sais qu'on compare... on pourrait comparer l'éducation à s'acheter une voiture, par exemple. On ne croit pas que c'est comme ça que ça marche. Ce n'est pas... ça ne rapporte pas simplement à moi... ça rapporte à l'ensemble de la collectivité, et on veut que, ça, ce soit reconnu, autant en théorie quand on en parle qu'en pratique quand on finance l'éducation.

On ne veut pas simplement une supposée équité où on reconnaît que tout le monde a droit d'aller à l'école, mais qu'on laisse à tout le monde le soin de se dépatouiller avec comment y arriver. On veut vraiment qu'une égalité soit instaurée et que tout soit mis en oeuvre pour que les jeunes et les adultes puissent bénéficier de l'éducation supérieure, pas juste pour leur simple bénéfice personnel, mais pour l'ensemble de la collectivité. Il faut que tout soit mis en place pour les y inciter, il faut qu'on soit actifs là-dedans.

La Loi de l'aide financière aux études place l'étudiant ou l'étudiante en premier responsable du coût de ses études. Ensuite, elle présuppose la contribution des parents ou des conjoints et des conjointes, puis finalement place la société comme une espèce de dernier recours. D'abord, on constate que ça ne marche pas; ensuite, nous, même, théoriquement, on renverserait cette pyramide-là. On croit que c'est la société qui devrait être responsable de fournir... d'offrir l'éducation et d'inciter les gens à en profiter d'abord, puis, après ça, si les individus, les parents, les conjoints peuvent contribuer, devraient être mis à contribution en second lieu.

Le Président (M. Kelley): Mme Moysan-Lapointe, c'est juste qu'on est rendu maintenant à 24 minutes.

Mme Moysan-Lapointe (Héloïse): Oui.

Le Président (M. Kelley): On m'avise qu'on va voter dans une quinzaine de minutes. Alors, si vous voulez laisser le temps pour un échange avec les parlementaires, je vous invite à faire une conclusion pour... Mais vous avez au moins le temps pour une couple de questions de mes collègues.

Mme Moysan-Lapointe (Héloïse): Un petit mot pour conclure. Je pense que... bon, on constate le manque de fonds. J'imagine que ça va revenir en question, mais il y a des moyens d'aller chercher des fonds ? qui existent ? entre autres par certaines règles fiscales qu'on pourrait simplement appliquer, certaines modifications pour rendre les règles fiscales plus progressives. Il y a toutes sortes de solutions qui pourraient être lancées, mais que finalement le problème se résume surtout avec une question de choix politique, de choix de société.

Nous, on vous invite à faire le choix de société d'une éducation qui soit accessible à tous et à toutes, et, si ce choix-là est fait, on est bien conscients qu'il y a toutes sortes de spécialistes qui vont pouvoir nous expliquer les tenants et les aboutissants de comment aller chercher les fonds nécessaires pour l'éducation gratuite, mais aussi pour l'ensemble des services sociaux.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le ministre de l'Éducation.

M. Reid: Merci beaucoup. Je voudrais vous souhaiter la bienvenue et vous dire aussi, pour prendre... faire un peu ce que vous avez fait, que c'est un extraordinaire plaisir pour nous de pouvoir parler sans risquer d'avoir des projectiles ou des sacs de peinture.

J'aimerais vous poser une question... deux questions en fait qui concernent les riches, les plus nantis. La première question, je vais vous... rapidement, et, si vous avez le temps, vous y reviendrez, la deuxième m'intéresse encore plus.

La première c'est quand vous dites qu'il faudrait éliminer tous les dons privés. Vous savez sans doute que, au Québec, oui, mais aussi dans le Canada beaucoup plus, les dons privés ne viennent pas d'entreprises, ils viennent de personnes qui, bon, sur leur testament ou... et c'est généralement sans conditions particulières, et tout ça, et donc est-ce que vous voulez... est-ce que vous allez aussi loin que de dire: On ne veut pas ces dons-là non plus, ou si c'est plutôt les entreprises, comme vous l'avez manifesté? Alors ça, c'est ma première question, j'ai l'impression que ça va être vite répondu.

Mais la deuxième question qui m'intéresse beaucoup plus, c'est que, quand, en même temps, on dit que l'aide financière devrait être des bourses, uniquement des bourses, et que d'autre part on dit: Les droits de scolarité, éliminons-les... Si on part du système qui existe, hein, parce qu'il faut quand même partir de ce qui existe aujourd'hui, c'est-à-dire que tous les étudiants et étudiantes doivent payer 1 700 $ à l'université par année, quand on regarde qu'il y a à peu près 40 % des étudiants et étudiantes qui ont accès aux prêts et bourses, donc qui sont moins bien nantis, et les 60 % autres, dont une grande majorité sont beaucoup mieux nantis et paient avec de l'argent de leurs parents ou autrement le 1 700 $... Quand on dit, dans un système comme celui-là, qu'on voudrait la gratuité, éliminer les droits de scolarité ? et ça me surprend, si c'est ce que ça veut dire, de la part de votre mouvement ? ça revient à toutes fins pratiques à dire: Pour ceux qui sont sur les prêts et bourses, puisque la dépense n'existe plus, bien on n'a pas à la payer, évidemment ce n'est pas une dépense admise, donc ça ne change rien à leur situation, ils ne payent pas plus avant, pas moins, puis ils n'ont pas plus d'argent de disponible avant qu'après qu'on ait admis la gratuité.

Mais, par contre ? et c'est ça qui est surprenant ? c'est que, pour ceux qui sont mieux nantis, ça revient à leur faire un cadeau de 1 700 $ par année, à peu près 5 000 $ pour un bac. Et j'imagine que ce n'est pas ça que vous voulez dire, parce que sinon la proposition de gratuité, en même temps qu'on dit que tout va être bourse, ça revient à faire une proposition de donner un cadeau de 5 000 $ à toute personne qui est mieux nantie, et ça ne change rien pour ceux qui sont moins bien nantis, ça n'a aucun effet. Et j'aimerais avoir votre... à moins que je n'aie pas bien compris votre proposition, mais, généralement, quand on pense et qu'on regarde cette possibilité de gratuité, bien la question qui se pose, c'est celle-là: C'est qu'on fait un cadeau aux riches puis on ne change rien pour les pauvres?

Le Président (M. Kelley): M. Vaillancourt, ou... Mme Moysan-Lapointe.

Mme Moysan-Lapointe (Héloïse): Juste un petit bout d'abord pour la question justement, vous constatez que... vous disiez: 60 % des gens qui sont à l'université le sont avec des sommes qui leur viennent de revenus d'emplois, contribution parentale, et tout ça. Justement, on pense que, si une si grande proportion de ces gens-là sont à l'université, ce n'est pas que c'est représentatif de l'ensemble de la société mais que c'est une certaine élite, pas nécessairement la grande élite, mais une certaine élite qui a accès à l'université. Et nos propositions vont dans le sens de donner accès à l'université à tous ceux et toutes celles qui ne peuvent pas se le permettre, qui ne sont pas en ce moment sur les bancs d'école parce qu'ils sont en train de travailler, parce qu'ils n'ont pas les moyens. Admettons peut-être que... Carl, tu as précisé un peu notre position...

M. Vaillancourt (Carl-Emmanuel): Bien, en fait, ça passe au niveau de... essentiellement, c'est au niveau de l'imposition. Je pense que les mieux nantis, oui, ils vont avoir des frais, mais ils vont le payer d'autant plus avec un impôt qui va être adéquat. Et je suis d'accord aussi avec Héloïse, c'est un point que je voulais rajouter, je pense que c'est un niveau de démocratisation de l'accessibilité à l'université.

Comme on disait, je pense que c'est important que ce soit ouvert à tous et toutes sans aucune discrimination, puis on insiste au niveau de la discrimination socioéconomique, qui est vraiment un problème selon nous au Québec présentement. Puis, oui, ça paraît curieux au premier abord qu'on donne de l'argent aux mieux nantis, mais, justement, au risque de me répéter, je pense que le système d'impôts, avec une révision du système fiscal, je pense qu'on parle... il n'est pas du tout question de cadeau mais d'aller rechercher l'argent où est-ce qu'il se trouve véritablement.

Mme Moysan-Lapointe (Héloïse): D'autant plus qu'en ce moment, bon, les frais de scolarité peuvent être, si on veut, remboursés par les prêts et bourses, mais les mieux nantis en ce moment peuvent avoir... si j'ai un revenu d'emploi suffisant, j'ai droit à des déductions; mes frais de scolarité sont déductibles d'impôts. Donc, le cadeau existe déjà, si on veut. C'est clair que, s'il n'y avait plus de frais de scolarité, les frais de scolarité ne seraient plus déductibles d'impôts. Alors, je pense que le cadeau que vous soulignez, il existe déjà. Seulement, les seuls qui y ont accès, ce sont ceux qui ont un revenu déjà suffisant. Et, pour nous, c'est une injustice. L'abolition des frais de scolarité viendrait enlever cette injustice-là.

Maintenant, sur... Il y avait-il autre chose là-dessus? Sur la question des dons, nous, on voit vraiment un problème par rapport aux dons des entreprises, parce qu'il y a vraiment un intérêt privé là. Sur 20 individus qui donneraient, par exemple, dans des testaments ou quelque... Bon, tant qu'il y a des noms, qu'il n'y a rien d'ajouté à ça, bon, je ne vois pas ce qu'on pourrait trop y trouver à redire. Par contre, nous, ce qu'on dit, c'est que ça ne devrait pas passer par un devoir de ? je ne vais pas retarder ? ce qu'on dit: Ça ne devrait pas passer par un devoir de charité. Il faudrait que, tout au long de la vie, les gens qui ont suffisamment de ressources en retournent une partie à la collectivité par le biais de l'impôt. Et, après ça, bon, s'ils veulent faire des dons supplémentaires, il y aurait sûrement des moyens pour ça. Mais on pense que, si on est capables de fixer des impôts de façon formelle qui vont répondre aux besoins qu'on a, on ne devrait plus en avoir nécessairement besoin.

n(17 h 20)n

M. Reid: Juste pour être sûr que j'ai bien compris, dans le fond, c'est que la réponse à ma question, là, concernant les droits de scolarité ou la gratuité là-dessus, c'est que, pour vous, c'est inséparable évidemment de la proposition que vous faites d'augmenter les impôts pour les classes plus favorisées.

Mme Moysan-Lapointe (Héloïse): C'est clair qu'on ne voit pas un budget magique où il y a de l'argent qui sort et pas d'argent qui rentre.

M. Reid: Ah! non, mais... d'accord.

Mme Moysan-Lapointe (Héloïse): Mais j'insisterais sur le fait que, déjà maintenant, le cadeau existe en retour d'impôts, donc en crédits de toutes sortes pour les gens qui ont suffisamment de revenus. Donc, ce n'est pas vraiment... ce ne serait pas un cadeau supplémentaire qu'on leur ferait, là.

Le Président (M. Kelley): Je vais passer la parole maintenant à Mme la députée de Taillon pour un six, sept minutes. S'il reste du temps après, je vais revenir à ma droite, parce que je ne sais pas exactement quand nous devrons terminer. Alors, juste pour garder l'équité. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: D'accord. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je veux vous souhaiter la bienvenue à mon tour à notre commission, au nom de ma formation politique. J'ai bien entendu vos propos au départ, lorsque vous avez indiqué que vous croyez bien être entendus mais pas nécessairement écoutés. Je pense que cette commission souhaite écouter toutes les personnes et tous les groupes et toutes les associations ou institutions qui viennent, là. Mais évidemment c'est une commission qui, sans prendre de décision, peut faire un certain nombre de recommandations, et, à partir d'une consultation très large où on a, je dirais, tout l'éventail des points de vue, qu'ils soient plus conservateurs, plus progressistes ou autres, c'est évident que toutes les propositions ne peuvent être retenues, parce qu'elles seraient en soi contradictoires, qu'on le veuille ou non, hein? On se comprend bien. Mais ça ne veut pas dire que les gens ne sont pas écoutés et ne sont pas entendus aussi. Je peux vous l'assurer.

Bon. Dans la discussion que vous venez d'avoir justement sur la contribution du privé, il y a une association avant vous, qui est la Confédération des associations d'étudiants et d'étudiantes de l'Université Laval, qui sont venus présenter un mémoire très étoffé et qui ont, eux, suggéré que se mette en place une commission, une sorte de commission d'étude pour évaluer quelles seraient les règles pour encadrer la participation du privé au financement universitaire, cette participation pouvant être autant des dons que de la contribution à des fonds de recherche ou toute autre forme de contribution.

Compte tenu que les ressources de nos sociétés demeurent limitées, est-ce que ce ne serait pas une avenue intéressante à explorer pour faire en sorte que les dérives que vous craignez puissent être évitées justement parce qu'on aura établi des règles du jeu encadrant la participation du privé au financement universitaire?

Mme Moysan-Lapointe (Héloïse): On aura peut-être... Peut-être que vous trouvez que notre raisonnement est un peu simpliste là-dessus, mais la réflexion qu'on fait, c'est...

Mme Marois: Je n'ai pas dit ça, là. Je n'ai pas dit ça.

Mme Moysan-Lapointe (Héloïse): Non, non, j'annonce mes couleurs, là. Si vous... On en arrive un peu au constat que, si les entreprises sont prêtes à donner de l'argent aux universités ou aux diverses fondations à mission sociale et non lucrative, comment ça se fait qu'on ne peut pas aller le chercher selon les règles qu'on avait établies, de la fiscalité? Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'aller chercher cet argent-là de cette façon-là? Je pense que le gouvernement est quand même capable de mettre la barrière nécessaire; en tout cas, on souhaite qu'il le soit. Alors, ça devrait passer par l'impôt, et c'est selon nous un processus qui existe déjà et qui devrait être mieux utilisé, tout simplement.

Si on se met à bâtir des fondations, des groupes, tout ça, je pense qu'il va toujours rester un risque de dérapage pour des cas problèmes. Et aussi, ça démontre un peu que le financement des services sociaux est un devoir de charité, ce qui ne correspond pas, nous, à notre vision de l'éducation. On croit que c'est quelque chose d'essentiel. L'éducation, la santé, tout ça, c'est essentiel et ça ne devrait pas être laissé au hasard de la générosité des entreprises ou d'un redorage de blason, là, ce qui arrive quand même assez souvent, là, il faut se le dire.

Mme Marois: Oui. Mais en même temps admettons qu'il y a quand même une responsabilité sociale des entreprises. Elle peut s'exercer par le fait qu'elles contribuent en payant leurs impôts et taxes, c'est une chose, mais aussi en en faisant davantage, parce qu'elles ont cette obligation de contribuer autrement à leur société, et là la responsabilité des gouvernements, c'est d'encadrer cette contribution-là pour ne pas que ça ait des effets pervers sur l'organisation des universités. Mais je comprends fort bien votre point de vue.

Il y a aussi des propositions qui sont venues ici, qui nous ont été faites ici, où on souhaite même qu'une taxe spécifique soit imposée aux entreprises sur leur masse salariale, par exemple. C'est la FEUQ, je crois, qui l'a fait, ou la FAECUM, la FAECUM ? pardon ? qui a fait cette proposition, en disant que ces sommes devraient ensuite être redistribuées dans les universités et couvrir une partie, là, des sommes nécessaires pour rehausser le financement des universités. Alors, il y a effectivement d'autres hypothèses.

Je voudrais aborder une autre question qui ne se retrouve pas dans les recommandations nécessairement mais que vous avez abordée dans votre présentation générale et qu'on retrouve quand même en filigrane dans votre mémoire. Vous dites que nous ne souhaitez pas qu'il y ait de contingentement... et d'ailleurs on retrouve dans votre mémoire, à la page 10, bon: la liberté du choix de programme d'études, laisser libre choix tant qu'il obtient les résultats nécessaires en un temps déterminé.

Bon, imaginons qu'on n'a aucun contingentement. Un des problèmes qu'on pourrait voir apparaître, c'est que dans certaines facultés il y ait un nombre important d'étudiants qui s'inscrivent une année, l'année suivante, un nombre beaucoup moins important, et donc des variations assez significatives, de telle sorte qu'il ne soit pas possible d'ajuster les ressources aux besoins des étudiants dans un temps relativement court. Ça, c'est une chose.

La seconde. On sait que certaines professions qui sont formées à un coût très élevé ? pensons à la médecine, par exemple ? et où le marché est prédéterminé, au sens où c'est l'État qui paie au complet le salaire des médecins dans notre système ? bon, certains sont hors du régime public, mais c'est l'exception qui vient confirmer la règle ? bien, évidemment, à ce moment-là il est peut-être nécessaire de réguler un petit peu le nombre d'étudiants qui vont sortir de nos facultés de médecine, que ce soit comme omnipraticiens ou comme spécialistes.

Le Président (M. Kelley): M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Carl-Emmanuel): Oui. Je peux répondre brièvement. Bon, je ne suis pas la personne-ressource en la matière, mais je crois qu'on parlait dans le mémoire quand même d'avoir certains critères d'évaluation. Je pensais aussi à l'UFP, qui amenait l'idée de... sans ramener complètement... seulement que les entrevues pour l'entrée à l'université, parce que c'est quand même subjectif, donc ça peut causer quelques problèmes, mais que, par exemple, s'en tenir seulement qu'à la cote R ou à d'autres moyens d'évaluation du genre, je pense qu'il y a une marge entre les deux, puis c'est à ce niveau-là qu'il faudrait peut-être ramener le système d'éducation.

Puis, au niveau des fluctuations, je crois, oui, c'est probablement possible dans certains programmes, mais je me demande jusqu'à quel point ce serait généralisé. Je vous renvoie un petit peu la question, dans un sens; je n'ai pas la réponse. Mais ce serait peut-être aussi quelque chose à évaluer et à approfondir comme réflexion, effectivement, là.

Mme Moysan-Lapointe (Héloïse): Aussi sur la question du contingentement, l'absence de contingentement pourrait peut-être encourir certains problèmes, mais... Bon, je ne veux pas faire de petit coup sensationnaliste, mais la pénurie d'infirmières ou la pénurie de médecins, c'est un effet du contingentement. Je ne le sais pas si on peut... dans tous les cas, il n'y a pas de système parfait, là, sauf que le contingentement amène aussi son lot de problèmes.

Je pense, entre autres, à certains programmes d'études, il y a Communications qui me vient en tête, qui est très, très contingenté mais qui pourtant n'est pas un programme qui est nécessairement plus exigeant qu'un autre, qui ne coûte pas nécessairement plus cher qu'un autre. Comment ça se fait que c'est facile de rentrer en sociologie mais qu'entrer en communications, c'est très, très difficile? Tu sais, il y a des problèmes comme ça. Et puis aussi, peut-être que, si les programmes étaient moins contingentés, si on laissait un peu plus de libre choix, certaines professions très reconnues seraient peut-être seulement recherchées par les gens qui sont vraiment intéressés par ces professions-là.

n(17 h 30)n

Par exemple, je pense à Ergothérapie, en ce moment, où il y a un paquet de gens qui veulent étudier en médecine mais qui se ramassent en ergothérapie à cause du contingentement. Je pense que c'est un effet très pervers. Donc, il faut... la solution du contingentement pour réguler les programmes n'est pas nécessairement parfaite, et il va falloir, là, vraiment regarder les problèmes que ça occasionne.

Mme Marois: Oui, c'est ça, parce que, comme je vous dis, parfois le contingentement est lié au marché, mais d'autres fois il est lié à la disponibilité de ressources. Hier, les médecins spécialistes sont venus nous dire: Bien, si vous voulez augmenter de plus de 50 le nombre de nouvelles entrées en médecine, on a des problèmes, on n'est plus capable d'en prendre, il faudra ajouter des ressources en conséquence. Alors, il y a aussi la disponibilité de ressources. Donc, en ce sens-là, il y a un certain équilibre à avoir.

Et puis il se règle aussi, dans un sens, parce qu'il y a quand même une évaluation et des notes qui sont données de semestre en semestre, puis, à un moment donné, quand les gens ne sont pas capables de suivre le cours, évidemment il y a une sélection qui se fait naturellement à ce niveau-là. Est-ce que... Oui? Non? D'accord.

Le Président (M. Kelley): Je pense, je dois aller à ma droite maintenant. J'essaie de gérer ça équitablement. Il y a M. le député de Vimont qui veut... oui, le député de Vimont qui veut poser une question.

M. Auclair: ...M. le Président. Bonjour. Moi, je suis intéressé à savoir un petit peu au niveau... Bon, vous parlez de la gratuité des frais de scolarité et vous parlez également d'un revenu minimum ou un revenu seuil de... Vous le comparez au seuil de pauvreté pour les étudiants et vous allez ajouter jusqu'à mettre, bon, un montant additionnel de 4 000 $ pour permettre, là... bon, je présume, pour des frais, etc., inhérents. Dites-moi, par rapport à ça, est-ce que vous délimitez dans le temps le nombre d'années qu'une personne peut rester aux études? Parce que, si on regarde ces critères-là, bon, il y a certains moments, on peut encourager les gens justement... les gens à rester aux études, et si, en plus, on met en fonction le... dans le fond, l'ouverture des places, ou on peut aller toucher un petit peu à tout, ce qui peut permettre justement que les gens vont rester plus longtemps... Parce que, malgré le fait que c'est des points de volonté qui sont... bon, qui sont louables, on revient toujours au même principe, la capacité de payer de l'ensemble de la population, là, et j'aimerais voir jusqu'à où vous êtes prêts à aller avec ça, là.

Mme Moysan-Lapointe (Héloïse): Bien, on le mentionne d'ailleurs dans le mémoire, je pense qu'on pensait à un délai comme critère, là, d'admissibilité, avoir un temps donné pour réussir un programme donné. Si quelqu'un réussit des études programme sur programme, on croit que ce serait bénéfique de l'encourager. Par contre, si... C'est ça, on pense à un critère de délai, là. On n'a pas précisé d'un nombre d'années, ou quoi que ce soit, parce que je pense qu'on est loin, là, de l'application concrète de nos recommandations, là, puis c'est correct aussi, mais ce serait en termes de temps et de succès. Mais, quand je parle de succès, je ne parle pas d'excellence. On ne voudrait pas que ce soit: les plus performants ont accès plus longtemps, mais simplement de réussir les cours.

M. Auclair: L'obtention du diplôme.

Mme Moysan-Lapointe (Héloïse): L'obtention du diplôme.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Bertrand, peut-être une dernière question.

M. Cousineau: ...premièrement, bienvenue. Vous avez parlé de l'abolition des frais de scolarité. Qu'est-ce qu'on fait avec les étudiants étrangers? Est-ce que c'est le même... ce serait le même modèle? Est-ce que les étudiants étrangers qui viennent ici pour étudier dans nos universités, on leur offre la gratuité scolaire aussi?

M. Vaillancourt (Carl-Emmanuel): Je ne vous répondrai pas directement à cette question, mais je pense qu'il est important, par exemple, d'avoir un financement, comme je le rappelais, au niveau du pacte international, sans être citoyen nécessairement canadien. Mais, par exemple, il va avoir, au niveau des réfugiés et des résidents permanents qui sont pris dans le problème de financement... Comme je parlais, c'est important justement de les appuyer à ce niveau-là. Et souvent c'est des personnes qui sont plus démunies. Mais, au niveau des personnes qui viennent étudier de l'étranger, je pense, ce serait quand même important d'avoir... peut-être sans payer à 100 %, mais avoir un système de financement, parce que, aussi, on assiste à un exode des cerveaux, puis peut-être que ce serait une des solutions justement, d'aller chercher de l'expertise de l'étranger. Je veux dire, par exemple, qu'un étudiant étranger qui vient faire un deuxième cycle, troisième cycle au Québec, bien ce serait peut-être intéressant de voir la possibilité de lui payer ou de verser une bourse quelconque, puis, à la suite, bien on a peut-être des meilleures chances que cette personne reste au Québec, et paie des impôts par la suite, et contribue au système fiscal québécois.

M. Cousineau: ...que ça pose toujours le problème de la capacité de payer de la société québécoise, comme disait mon confrère. Tu sais, je trouve intéressant ce que vous dites, là, d'accord, mais, en quelque part, là, il faut la prendre en quelque part, l'argent, là.

Mme Moysan-Lapointe (Héloïse): Bien, de façon idéale, ce qu'on prône, ça ne pourrait pas... ça aurait peu de sens que ça s'applique uniquement au Québec. On croit que c'est quelque chose qui est... C'est des revendications aussi qui sont portées par le mouvement étudiant à l'échelle internationale. Donc, si tous les pays tendent vers la gratuité scolaire... Et là c'est un gros «si», j'en conviens, mais ça pourrait être logique et applicable d'avoir une éducation gratuite et beaucoup plus d'échanges. Bien, on en est loin, puis je ne veux pas...

M. Cousineau: Non, mais c'est dans un modèle international, c'est intéressant.

Mme Moysan-Lapointe (Héloïse): Dans un modèle international, ça pourrait être intéressant. Donc, je pense que ce serait louable de payer les études à quiconque veut étudier. Ça, on en revient à ça. Sur comment ça va s'appliquer dans le concret, on ne peut pas vous donner de chiffres, de telle part de pourcentage qui devrait être payée, mais on pense que c'est quand même... que ces étudiants et ces étudiantes là qui viennent au Québec étudier amènent une richesse à notre communauté.

M. Cousineau: Avant d'arriver à ce modèle-là, on pourrait peut-être penser à des ententes entre différents pays.

Mme Moysan-Lapointe (Héloïse): Je sais qu'il en existe déjà même entre universités qui sont...

M. Vaillancourt (Carl-Emmanuel): Il y a des ententes avec la France aussi déjà.

Mme Moysan-Lapointe (Héloïse): ...qu'elles sont intéressantes.

Mme Marois: Oui, il y a des ententes effectivement avec la France ou... Excusez.

Mme Moysan-Lapointe (Héloïse): Quelques autres pays, je pense.

Mme Marois: Ils viennent aux mêmes conditions.

Le Président (M. Kelley): Sur ça, merci infiniment pour la perspective que vous amenez. En lisant votre mémoire et la question de l'université, son rôle social, j'ai pensé à la présentation que l'Université Laval a faite. Ils ont déposé une Déclaration de Glion, qui est un colloque sur l'université à l'aube du millénaire qui était fort intéressant. Peut-être, le secrétaire peut s'engager de vous envoyer copie que Laval l'avait fait avec nous autres. Mais, pour une vision de qu'est-ce que l'université a fait dans le passé et peut faire dans nos sociétés à venir, c'est une déclaration fort intéressante.

Alors, sur ça, merci beaucoup pour votre contribution à notre réflexion, et je vais ajourner nos travaux à mardi, à 9 h 30, dans cette même salle. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 17 h 37)

 

 


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