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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mardi 1 octobre 2002 - Vol. 37 N° 40

Mandat d'initiative sur les fluctuations des clientèles dans le secteur de l'éducation


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-trois minutes)

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, nous avons le quorum. Alors, la commission est réunie ce matin afin de poursuivre les audiences publiques dans le cadre de son mandat d'initiative sur les fluctuations des clientèles dans le secteur de l'éducation au Québec.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Chagnon (Westmount?Saint-Louis) remplace M. Bergman (D'Arcy-McGee).

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Alors, aujourd'hui, nous avons à l'ordre du jour: 9 h 30 ce matin, l'Université du Québec à Montréal, l'Université Concordia, l'Université McGill et l'Université de Montréal; à 11 h 30, le groupe de l'Abitibi-Témiscamingue comprenant les cinq commissions scolaires, le cégep et l'université de cette région; à midi trente, il y aura suspension, pour reprendre les travaux à 14 heures, l'Association des collèges privés du Québec; et, à 15 heures, la Fédération autonome du collégial; à 16 heures, M. André Brunet, UQAT.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Bélanger): Ah bon! C'est l'Université du Québec, Abitibi-Témiscamingue.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Bélanger): Eh bien, oui, je viens de le dire. À 17 heures, il y aura ajournement.

Auditions (suite)

Alors, j'inviterais les gens de la table. Je tiens d'abord à leur allouer le temps réservé pour la présentation et la période d'échange. Alors, il y a 20 minutes pour votre exposé, pour ensuite avoir des échanges avec les membres de la commission pendant 40 minutes.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Bélanger): Ah bon! On vient de me dire: Étant donné que vous êtes plusieurs groupes, quatre universités très importantes, vous pouvez avoir 30 à 35 minutes pour faire votre exposé. Alors, je demanderais au porte-parole de bien vouloir se présenter et présenter les personnes qui l'accompagnent.

Université du Québec à Montréal (UQAM),
Université Concordia, Université McGill
et Université de Montréal (UdeM)

M. Lacroix (Robert): Bien. Alors, je suis Robert Lacroix, recteur de l'Université de Montréal; M. Jack Lightstone représente l'Université Concordia; Roch Denis, recteur de l'Université du Québec à Montréal; et M. Yalovsky, qui représente l'Université McGill et qui est vice-recteur à l'Université McGill. Alors, voilà, madame.

Écoutez, les quatre universités montréalaises ont décidé de partager leurs réflexions et leurs vues sur la problématique démographique au Québec et l'incidence de cette problématique démographique sur l'évolution différentiée éventuelle des clientèles dans le réseau universitaire québécois. Nous l'avons fait, d'abord, parce que l'on croyait que le problème était suffisamment important pour que nous puissions y réfléchir conjointement et, bien évidemment, madame, par souci d'efficacité aussi. Vous voyez qu'on vous sauve beaucoup de temps en venant à quatre plutôt que de venir individuellement.

Nous ferons cette présentation par partie. Chacun des membres de la délégation de ce matin présentera une partie du mémoire de façon synthétique pour laisser le plus de temps possible aux interactions avec la commission.

D'entrée de jeu, Mme la Présidente, nous tenons à souligner que nous partageons avec la commission l'inquiétude que soulèvent les perspectives d'évolution démographique au Québec, et particulièrement l'incidence de cette évolution démographique sur les régions. Cette problématique, il faut toutefois le souligner, est panquébécoise même si les conséquences du vieillissement de la population et de la stagnation démographique... même si les conséquences peuvent être plus évidentes et plus, je dirais, importantes dans certaines régions. Le territoire québécois est immense, et sa population a toujours été bien faible par rapport à la dimension du territoire.

Alors, évidemment, dans un monde où les concentrations urbaines se concurrencent entre elles maintenant à l'échelle mondiale, une population faible au niveau du Québec et, surtout, une population vieillissante et, en certains égards, en déclin sur ce vaste territoire pose à l'ensemble du Québec un problème majeur. La question universitaire, on le voit bien, n'est qu'une composante de cette problématique d'ensemble non négligeable. Mais, il faut le souligner, ce n'est qu'une partie de ce vaste problème démographique que vit le Québec.

Dans le document de base de réflexion qui a été soumis à la commission pour amorcer avec les milieux la réflexion, on parlait de prévisions des clientèles qui nous été soumises à l'intérieur de ce document pour les universités en région comme pour les autres universités québécoises. Nous tenons à souligner que nous partageons l'inquiétude que ces tendances semblent montrer. Nous voulons toutefois bien faire remarquer à la commission que, comme toute prévision, ces prévisions sont faites sous certaines hypothèses et elles sont faites aussi avec des hypothèses de comportement quant aux clientèles.

Généralement, il faut se méfier non des tendances lourdes, mais de l'exactitude de ces prévisions. Nous savons que le comportement des étudiants peut changer dans le temps. Nous savons que les taux de décrochage ? et nous le souhaitons tous ? peuvent diminuer, et nous le souhaitons, au secondaire, peuvent diminuer au cégep. Nous savons que les taux de participation à l'enseignement universitaire peuvent s'accroître dans le temps, tout simplement parce que la demande de main-d'oeuvre hautement qualifiée sera si forte que la plupart des jeunes verront un intérêt croissant à participer à l'enseignement universitaire. Nous savons aussi que, dans une économie du savoir, le retour aux études se fera de plus en plus pour ceux qui ont terminé un premier cycle, pour ceux qui n'ont pas fait de premier cycle ou pour ceux, même, qui ont déjà amorcé des études supérieures. Enfin, nous savons que, dans cette même économie, la formation continue jouera un rôle croissant.

n (9 h 40) n

Tout cela pour dire que, si les tendances lourdes démographiques sont incontournables, le comportement de cette même population en stagnation ou en léger déclin peut être tel que l'incidence sur les clientèles universitaires n'est pas aussi évidente qu'on pourrait le croire a priori. Cela est si vrai qu'on prévoit depuis 1985 le déclin des clientèles étudiantes dans les universités, il ne nous a pas encore frappés de plein fouet. Donc, ça veut dire qu'il faut regarder ces prévisions avec une certaine prudence, il faut tenir compte du fait que le comportement des individus comme des institutions sont influençables dans le temps et pourraient entraîner des modifications considérables dans les clientèles étudiantes des universités et des universités en région.

L'autre élément qui nous apparaît important est que les fluctuations des clientèles en région ne sont pas imputables à une attraction particulière de Montréal sur les clientèles étudiantes du Québec. Il n'y a pas eu de modifications dans le temps quant à ce pouvoir d'attraction de Montréal, et ça, je crois que c'est très important à retenir. En d'autres mots, si éventuellement des problèmes de clientèle se posaient en région, il ne faudrait quand même pas en imputer les causes à une trop grande attraction des universités montréalaises. Dans le temps, l'évolution considérable des clientèles étudiantes à Montréal est imputable à la venue d'étudiants hors Québec, essentiellement à ce facteur-là, et non pas à la migration des régions vers les universités montréalaises.

Je crois que c'est extrêmement important de retenir ce facteur, puisque nous croyons que, à cet égard, même si Montréal regroupe quatre grandes universités, quand on compare l'évolution du milieu métropolitain montréalais à ce qui se passe à Toronto, Vancouver ou même Calgary, on réalise que les autres centres métropolitains ont beaucoup plus de pouvoir d'attraction sur l'ensemble de leurs territoires et en dehors de leurs territoires provinciaux que ce que nous pouvons avoir sur le territoire québécois. Donc, à cet égard, je crois qu'on n'occasionne pas, tout au moins, ce problème.

Alors, voilà en guise d'introduction. Notre collègue, Roch Denis, va maintenant parler un peu du milieu montréalais et des universités montréalaises.

La Présidente (Mme Bélanger): ...

M. Denis (Roch): Merci. Merci, Robert. Mme la Présidente, si vous permettez... Pardon.

La Présidente (Mme Bélanger): Pour le bénéfice du Journal des débats, je vais nommer votre nom. Vous êtes M. Denis?

M. Denis (Roch): Oui, Roch Denis, recteur de l'UQAM.

La Présidente (Mme Bélanger): Parfait.

M. Denis (Roch): Je vais poursuivre notre présentation en rappelant en quelques minutes ce qu'est le Montréal universitaire. D'abord, quelques chiffres. À Montréal, comme Robert Lacroix vient de le rappeler, il y a quatre grandes universités à vocation générale, mais il faut aussi souligner que Montréal compte une dizaine d'établissements universitaires. C'est qu'autour des quatre établissements qui sont représentés ici, ce matin, il y a aussi six instituts ou écoles de grande renommée qui oeuvrent dans notre ville.

Montréal, c'est aussi plus d'un demi-milliard de dollars en recherche déployée par l'activité des chercheurs, des professeurs et des étudiants gradués des universités montréalaises, pour un pourcentage de 68 % de l'activité de recherche du Québec.

C'est aussi 63 % de l'effectif étudiant du Québec en équivalence temps complet. Et, en ce qui concerne, par exemple, le troisième cycle, les universités montréalaises accueillent 70 % de l'effectif étudiant.

Montréal, je pense qu'il faut aussi le rappeler, est la première parmi les 30 plus grandes villes en Amérique du Nord pour ce qui est du nombre d'étudiants per capita, 4,4 étudiants par habitant, alors que sous ce rapport la ville de Boston, qui est une grande ville universitaire, est deuxième; Denver est troisième; Vancouver, sous le même rapport, est neuvième en Amérique du Nord; Toronto est dixième.

Le Montréal universitaire, c'est aussi le fait d'être le siège mondial de l'Institut de statistique de l'UNESCO. Montréal est aussi le siège du réseau de 29 chaires en communication de l'UNESCO, le réseau ORBICOM.

À Montréal, on voit aussi se développer depuis une dizaine d'années l'Institut des sciences mathématiques qui est un des joyaux de la coopération interuniversitaire et scientifique. Les quatre universités de Montréal ont fondé cet Institut, et s'y sont jointes depuis quelques années les universités Laval et de Sherbrooke. L'Institut des sciences mathématiques assure une formation de troisième cycle de calibre mondial. Je pense qu'il y a lieu, d'abord, de se réjouir, comme nous le faisons dans notre mémoire, de cet acquis. C'est une raison de fierté légitime pour les universités montréalaises que nous représentons et c'est aussi, nous le pensons, une raison de fierté pour tout le Québec. Il s'agit d'un acquis pour l'ensemble du territoire et pour l'ensemble de notre système d'enseignement supérieur.

Je situerai ce propos dans le contexte suivant. D'abord, nous avons raison de vouloir maintenir cet acquis que représente le déploiement universitaire à Montréal pour tout le Québec compte tenu de la taille relativement modeste de notre système d'enseignement supérieur si on le compare à d'autres grands systèmes à l'échelle internationale. Quand je parle de taille, je ne parle pas de sa qualité, qui est, à beaucoup d'égards, sous plusieurs registres, de calibre international, mais la taille de notre système d'enseignement supérieur est relativement modeste. Et, d'autre part, aussi la situation spécifique du Québec en Amérique du Nord notamment, et à l'échelle internationale, commande, avec la taille de notre système, si on le compare à des grands systèmes d'enseignement supérieur comme celui de l'Allemagne, par exemple, ou comme l'anglais... Je ne parle pas du système ou des systèmes d'enseignement supérieur aux États-Unis, qui sont colossaux. Mais, considérant le contexte particulier qui est celui de notre système et de la place du Québec en Amérique du Nord, je pense que nous devons maintenir et développer cet acquis que représente le Montréal universitaire. Si on devait en douter et si on devait remettre en cause cet acquis, c'est tout notre système d'enseignement supérieur qui subirait l'onde de choc d'un rabaissement. Le Québec, certainement, ne peut pas se permettre cela.

Cet acquis et les prévisions de croissance qui sont commentées dans notre mémoire pour ce qui est de la fréquentation universitaire pour les universités de Montréal imposent une série d'exigences et aussi des responsabilités. Au chapitre des exigences se trouve évidemment l'enjeu des ressources. Les possibilités, les potentialités, les perspectives de croissance des universités à Montréal concernent, bien sûr, les ressources professorales, l'allocation des personnels professionnels suffisants dans les services. Cela touche aussi au matériel informatique et à l'allocation et à la création des nouveaux espaces. De même, aussi, on peut le souligner, le financement à 100 % des variations d'effectif plutôt qu'à 58 %, comme c'en était le cas auparavant, est une mesure extrêmement positive, et cette mesure doit être maintenue. Le maintien de l'effort collectif par et pour un surcroît de ressources est nécessaire si nous voulons continuer de relever le défi de la qualité et d'une contribution de haut niveau ouverte sur le monde. Au coeur de cet enjeu, il y a, bien sûr, au cours de la prochaine décennie, celui, l'enjeu du renouvellement du corps professoral. Nous en traitons dans notre mémoire.

Et puis, en même temps que cette perspective de croissance crée une exigence, elle nous impose aussi une responsabilité, et le mémoire indique bien, souligne bien que les universités de Montréal savent qu'elles doivent renforcer leur concertation et leur coopération entre elles à la fois en tout ce qui touche aux coopérations scientifiques, à l'offre de programmation. Et elles sont conscientes aussi de l'importance de favoriser les articulations nécessaires, les offres de programmation, notamment avec l'ensemble du système d'enseignement supérieur sur le territoire du Québec.

Voilà. Je donne la parole à mon collègue Morty Yalovski, de l'Université McGill, pour la poursuite de la présentation.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Yalovsky.

n (9 h 50) n

M. Yalovsky (Morty): Merci. Morty Yalovsky, Université McGill. Le système d'enseignement supérieur présente beaucoup de similitudes dans toute l'Amérique du Nord, mais les approches sont souvent différentes. J'aimerais vous citer quelques exemples au Canada et aux États-Unis qui, j'espère, pourront apporter des éléments de réflexion.

En Colombie-Britannique. Tout d'abord, en Colombie-Britannique, on retrouve 27 établissements d'enseignement supérieur publics qui dispensent plus de 1 300 programmes couvrant tout un éventail de matières. Plusieurs des établissements sont dotés de campus périphériques, lesquels leur permettent de rejoindre plus de 100 collectivités.

Tout comme au Québec, la clientèle des étudiants en région n'est pas en croissance. Plusieurs mécanismes ont été mis à la disposition des établissements d'enseignement supérieur afin de permettre le meilleur accès possible aux étudiants. Par exemple, le gouvernement a créé des collèges universitaires qui proposent des diplômes dans les disciplines spécialisées, et ils pourront bientôt offrir des diplômes de maîtrise appliquée. Les collèges qui dispensent un enseignement professionnel et technique pourraient bientôt offrir des diplômes de baccalauréat appliqué. La Colombie-Britannique a mis sur pied un important système d'équivalences. Les cours suivis dans un collège communautaire ou un collège universitaire peuvent être comptabilisés pour un diplôme universitaire.

Un autre aspect novateur de leur système, University of Northern British Columbia, UNBC, créée il y a 10 ans par décret, bénéficie d'un financement supérieur à 20 % à la moyenne provinciale. Cette politique vise spécifiquement à favoriser l'accès à l'enseignement supérieur des populations autochtones.

En Alberta, tout comme en Colombie-Britannique, les collèges et universités travaillent en étroite collaboration afin de fournir à une clientèle en région éloignée l'accès aux études universitaires. Pour assurer le maximum d'accessibilité, les collèges n'offrent pas seulement des programmes d'acquisition de compétences, mais aussi une partie d'un programme universitaire. Grâce à la politique Campus Alberta, le système de transfert de crédits permet actuellement aux étudiants de sept collèges publics de suivre leurs cours de première et de deuxième années d'un grade universitaire dans la filière collégiale avant de s'inscrire dans une université. Le Conseil albertain des admissions et des transferts assure le passage en douceur entre les établissements d'enseignement supérieur de l'Alberta et les établissements situés dans les régions.

Le gouvernement de l'Alberta privilégie l'accessibilité, mais, étant donné que le coût par étudiant est généralement inférieur dans les établissements de plus grande taille grâce aux économies d'échelle, la viabilité des établissements en région fait l'objet d'une attention particulière. Le gouvernement albertain, par de nombreuses politiques, reconnaît que le bien-être du système de l'Alberta dépend sur la collaboration entre les établissements pour créer un système en continu plus qu'un système compétitif.

Un autre aspect intéressant du système albertain que je souhaite mentionner est le récent rapport Recommendations of the Faculty Attraction and Retention Working Group. Dans ce rapport, le gouvernement reconnaît toute l'importance de la collaboration pour promouvoir l'excellence afin de permettre à la province d'attirer ainsi que de retenir des professeurs-chercheurs et de rester concurrentielle dans l'économie du savoir.

En Ontario, le gouvernement connaît une croissance phénoménale dans tous ses établissements postsecondaires due aux changements dans son programme d'études secondaires et à la croissance de sa population. Les collèges communautaires de l'Ontario dispensent une formation axée sur les compétences et jouissent de droits en ce qui concerne l'octroi des diplômes même si ce n'est pas à la même échelle qu'en Alberta et en Colombie-Britannique.

À l'instar du système d'enseignement supérieur du Québec, l'Ontario offre des possibilités d'enseignement universitaire dans les régions éloignées grâce au grand nombre d'universités qu'on y trouve. On prévoit une forte croissance de clientèle dans les centres urbains, et une croissance soutenue dans les régions, et la création d'une nouvelle université en 2003, University of Ontario Institute of Technology, qui sera située à Oshawa.

Tout comme l'Alberta, le dossier de l'excellence revêt une importance cruciale pour les politiques gouvernementales d'Ontario. Des centaines de millions de dollars octroyés par le biais du Fonds ontarien pour l'innovation et du Fonds ontarien d'encouragement à la recherche-développement sont destinés à assurer la qualité des recherches. Le gouvernement de l'Ontario tient à tout prix à maintenir un système de qualité supérieure pour être compétitif dans l'économie du savoir.

Quelques constats se dégagent du tour d'horizon canadien. En premier lieu, le Québec pourrait envisager, comme l'a fait le Colombie-Britannique par exemple, de soutenir des missions spécifiques en région grâce à des projets particuliers. Deuxième, tous les collèges et universités du Québec gagneraient à s'inspirer des décloisonnements engagés par l'Alberta entre les deux ordres d'enseignement. Et, troisième, enfin, à l'exemple de l'Ontario et de l'Alberta, le développement, dans chaque établissement, de créneaux d'excellence de calibre international doit devenir le leitmotiv de tout le système d'enseignement supérieur.

J'aimerais ajouter quelques exemples au sujet des États-Unis qui ne se trouvent pas dans le mémoire, mais qui, je pense, méritent d'être mentionnés. L'État de New York et celui de Californie possèdent des universités à multiples campus. Le réseau universitaire public de New York s'unit. State University of New York comprend quatre universités de recherche: Albany, Binghamton, Buffalo, Stony Brook ? Stony Brook est maintenant admise au AAU ? et plusieurs universités régionales, incluant celle de Plattsburg.

L'État de Californie possède deux systèmes publics, University of California, avec six universités de recherche, Berkeley, Irvine, Davis, UCLA, San Diego et Riverside, mais aussi the California State System qui comprend plusieurs universités régionales.

Tout comme le système canadien, ces universités à multiples campus sont financées par les fonds publics au niveau de l'État. Le financement de la recherche se fait principalement au niveau fédéral. Cependant, les missions des universités de recherche et des universités régionales sont tout à fait distinctes. Des directions générales différentes de leurs ministères de l'Éducation respectifs s'occupent de l'organisation et du financement des universités de recherche et des universités régionales. Les universités régionales sont souvent spécialisées dans les disciplines axées sur l'économie de la région et n'offrent, en majorité, que des diplômes de premier cycle, tandis que les universités de recherche offrent des diplômes d'études supérieures. Il est aussi important à mentionner que les échelles, dans l'État de Californie... les échelles salariales pour les professeurs sont différentes dans les deux systèmes.

Par ailleurs, plusieurs universités américaines sont établies en région et constituent la raison d'être des villes où elles sont situées, comme l'University of Georgia, Athens, Georgia; University of Oregon, Eugene, Oregon; Washington State à Pullman. Il y a aussi l'Université du Vermont à Burlington. La pérennité de ces universités est assurée ainsi que celle des villes où elles se trouvent situées. Il serait bon d'étudier davantage comment ces universités régionales réussissent à attirer une clientèle soutenue. Nous avons un exemple ici même, au Québec, tel que Bishop's à Lennoxville.

Il y a une personne, un professeur de développement économique régional ? le nom c'est Richard Florida ? à Carnegie Mellon, qui écrit: «The economic impact of the university is far beyond the old measures. The university's most important contribution may well be the talent it attracts to an area. The university is more than just a major employer, it encourages new business growth and can put a town on the map economically.» Comme professeur de management, je connais qu'il est très important d'offrir un produit séduisant et vendable. C'est mon plaisir à passer la parole à Jack Lightstone.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. M. Lightstone.

n (10 heures) n

M. Lightstone (Jack): Merci, Morty. M. Lightstone, vice-recteur de l'Université Concordia. Implicites dans les remarques de mes collègues, il y a des pistes de solution. Les universités de la région de Montréal tiennent à rappeler à la commission qu'un soutien aux universités en région qui se ferait au détriment des universités montréalaises signifierait, en raison de l'importance stratégique de ces établissements, une marginalisation accélérée de l'ensemble du système universitaire québécois par rapport aux autres grands systèmes universitaires à travers le monde. Il nous paraît par ailleurs essentiel de respecter la liberté des étudiants dans le choix des programmes et des établissements. Cela n'exclut évidemment pas de soutenir les missions spécifiques des établissements ni la possibilité de donner un coup d'accélérateur à certains secteurs où le Québec manque globalement de diplômes.

Autre aspect d'une piste de solution, on doit développer des créneaux d'excellence dans la recherche. De plus en plus, les universités sont appelées, par divers moyens, à préciser leur choix de développement et le créneau d'excellence dans le domaine de la recherche. Elles sont aussi appelées à collaborer davantage en vue d'établir des masses critiques de chercheurs capables non seulement de bien servir les intérêts de notre société, mais aussi d'être partie prenante à la compétition internationale croissante. Une telle approche aide à encourager, car elle constitue une incitation positive à l'identification des créneaux d'excellence spécifiques à chacun des établissements ainsi qu'un maillage des forces.

En ce qui concerne l'offre de formation, nous croyons qu'en matière de l'offre de formation, la question des études de premier cycle doit être traitée de façon distincte de celle des études supérieures. La préoccupation même de l'accessibilité incite à offrir la formation de premier cycle là où la demande est suffisante. Les études de cycles supérieurs, particulièrement celles du doctorat, étant plus étroitement arrimées au développement de la recherche, le réseautage de certaines formations s'avère un moyen souvent stimulant pour mieux servir les besoins spécifiques du Québec. Et, évidemment, il y a pas mal d'exemples d'une telle concertation au niveau des études de troisième cycle entre les universités et les établissements montréalais, et certaines de ces collaborations permettent de conjuguer des forces montréalaises et des secteurs d'excellence en région.

La leçon de la Colombie-Britannique et de l'Alberta et ailleurs nous indique qu'on doit accroître les partenariats. Comme déjà mentionné, le University Transfer System de Colombie-Britannique permet aux étudiants de prendre certains cours dans les collèges, qui sont accrédités à l'université, et les collèges universitaires peuvent offrir des diplômes universitaires. En vertu du programme Campus Alberta, les collèges albertains peuvent offrir la première et la deuxième année de premier cycle, comme mentionné déjà; des ententes de collaboration existent entre les universités et les collèges pour permettre aux étudiants de terminer à l'université le programme entrepris dans un collège. La philosophie du système albertain est de favoriser la collaboration pour promouvoir l'excellence.

Il en va de même pour le système universitaire québécois. Il est clair que des choix éclairés devront guider le développement du réseau dans les prochaines années. Une réflexion en profondeur s'impose dans une optique de clarification des missions institutionnelles et d'optimisation des ressources, surtout dans la formation de deuxième et troisième cycles. Les universités québécoises devront, dans la planification de leur développement, adapter les services à la clientèle non traditionnelle, analyser le potentiel de complémentarité des réseaux en place, voir à une meilleure articulation et à une utilisation optimale des ressources, s'assurer de l'intégration rapide des modes d'enseignement à distance, mais surtout garantir aux clientèles étudiantes des services éducatifs de qualité adaptés à leurs besoins de formation et qui se comparent favorablement à d'autres réseaux d'enseignement de taille semblable. Pour faire ces choix, les universités devront accélérer le processus de concertation de façon à permettre la reconnaissance et l'émergence de pôles d'attraction forts basés sur le principe de la spécificité et de la complémentarité des apports.

Si le Québec désire trouver des solutions durables aux problèmes de baisse des clientèles des universités en région, celles-ci devront prendre en compte l'ensemble de ses réseaux d'études postsecondaires. Une réflexion approfondie sur l'articulation entre les cégeps et les universités situés en région devrait être amorcée en s'appuyant sur les ententes de partenariat cégep-université déjà existantes. Les universités montréalaises ne pourraient que bénéficier des fruits d'une telle réflexion et en tirer les leçons.

Il y a aussi l'opportunité d'attirer davantage d'étudiants de l'extérieur du Québec en région. Comme nous l'avons indiqué précédemment, l'augmentation du nombre d'étudiants provenant de l'extérieur du Québec est un des éléments qui expliquent la croissance des clientèles des universités montréalaises. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une panacée, la mise en place de mesures pour inciter les étudiants de l'extérieur du Québec à fréquenter les universités en région représente une avenue qui devrait être explorée par la commission. Je passe la parole encore à M. Lacroix.

M. Lacroix (Robert): Bien, alors...

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lacroix.

M. Lacroix (Robert): Merci, Mme la Présidente. En guise de conclusion, quelques mots, d'abord, pour bien prendre en compte le fait que le problème démographique du Québec est panquébécois. Le problème de nos régions-ressources est d'abord et avant tout un problème de développement économique pour l'avenir. Les universités en région ne sont pas parties du problème mais sont bien parties de la solution dans ce contexte-là. Mais, je dirais, sans développement économique de ces régions-là, les universités comme telles auront de plus en plus de difficultés à pouvoir continuer à y évoluer.

Enfin, dernier élément qui nous apparaît important, nous formons... le but premier du système universitaire est de former la relève scientifique professionnelle du Québec et de participer à l'évolution des connaissances dans le monde et au Québec en particulier. Il ne faut jamais oublier ça de vue. Et on ne le fait pas dans un monde isolé et fermé, on le fait en Amérique du Nord et on le fait dans un monde de plus en plus globalisé. La qualité de la formation universitaire de nos jeunes conditionnera la compétitivité du Québec dans l'avenir. La qualité de la recherche qui est faite au Québec conditionnera sa performance en innovation et en développement futur. Et cette qualité-là n'est pas mesurable en termes absolus, elle est toujours mesurable en termes relatifs. C'est par rapport à ce que font les autres que nous devons nous interroger. Découvrir six mois après un autre, ça ne vaut rien, ce n'est pas découvrir, ça a déjà été fait. Former des gens qui n'auront pas la qualité de formation permettant à nos entreprises de compétitionner en Amérique du Nord et dans le reste du monde, c'est de se tirer dans le pied.

Donc, dans ce contexte-là, il ne faut jamais oublier, quand on discute la question universitaire, de la situer dans sa finalité, dans un monde globalisé, et tout autre objectif que l'on veut donner aux universités, qu'il s'agisse de développement régional ou de tout autre objectif, doit être vu dans les perspectives spécifiques de ces objectifs-là sans nuire à l'objectif premier du réseau universitaire.

Alors, voilà en résumé ce que nos quatre universités voulaient partager avec la commission. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Lacroix. M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Mme la députée de Rimouski a demandé la parole avant moi, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Bon. Alors, peu importe. J'ai lu votre... Bonjour, messieurs. Ça me fait toujours plaisir de vous revoir, parce qu'on a quand même plusieurs occasions de se rencontrer, surtout au niveau de la recherche, de la science et de la technologie. J'ai lu votre mémoire et, moi qui suis une députée issue d'une région-ressource pas éloignée, mais une région-ressource qui n'est pas pareille, je pense, j'ai le sentiment que... Là, je vous dis bien franchement, j'ai le sentiment que Montréal, les universités de Montréal, c'est quelque chose à part. On voit l'ensemble du problème à partir de Montréal, mais c'est comme si on était un peu sur la défensive pour préserver les acquis et qu'on ne fait pas nécessairement partie de la solution du problème des fluctuations de clientèle scolaire.

n (10 h 10) n

Et je m'explique quand je vous dis ça. Vous allez peut-être me trouver méchante de vous donner ce feeling à la lecture de votre mémoire, peut-être que je me trompe, c'est vous qui allez me le dire, mais ce qui me frappe dès l'introduction, vous parlez de la décroissance démographique qui est un problème réel pour les régions et vous dites que le développement des régions, bon, c'est la responsabilité de toutes les universités et elles doivent toutes concourir à la recherche des solutions, mais je n'ai pas ce sentiment-là à la lecture de l'ensemble de votre mémoire.

Et vous faites des distinctions importantes, vous parlez de la baisse de clientèle versus la courbe démographique à la baisse. C'est deux choses, ça, on s'entend là-dessus. Et vous nous parlez du problème du renouvellement des professeurs, du corps professoral, vous nous parlez des fluctuations de clientèle qui peuvent être solutionnées en partie par l'ajout ou l'apport de clientèle de l'étranger, mais je ne vois pas concrètement les liens que les universités dans les centres urbains établissent, concrètement, pour contrer ces fluctuations-là, avec les universités qui sont situées en région.

D'ailleurs, ce qui est quand même important de souligner, c'est que, bon, l'Université de Montréal fait partie du réseau des universités du Québec, l'Université du Québec à Montréal, et là vous êtes comme partie prenante d'un mémoire qui ne parle que des universités situées dans la région urbaine de Montréal. Alors, j'ai un petit peu de difficultés, là, à bien saisir le message que vous voulez nous donner.

M. Lacroix (Robert): Bien, madame, je peux peut-être donner un début de réponse, et, Roch Denis, comme vous avez été interpellé directement, vous répondrez à...

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. Denis.

M. Denis (Roch): Oui. Nous considérons, je considère et nous considérons ? je pense que ça ressort fort bien dans notre mémoire ? que le déploiement en matière d'accessibilité universitaire aux trois cycles d'études et le déploiement en recherche qui se passe à Montréal, du fait que l'histoire y a placé quatre grandes universités plus six instituts et écoles universitaires... je considère que ce déploiement est un acquis pour l'ensemble du Québec et que, si nous voulons développer notre système d'enseignement supérieur sur l'ensemble du territoire, comme ce fut la volonté de l'État et un choix de société depuis 30 ans maintenant, on devrait considérer que ce qui est à Montréal est une rampe de lancement, un atout pour l'ensemble de notre système, plutôt que de chercher en quelque sorte à opposer le développement de l'un au développement de l'autre. Les deux sont combinés.

Et c'est dans cette optique-là d'ailleurs que nous sommes venus, représentants des universités montréalaises, contribuer à la réflexion animée par la commission sur l'enjeu majeur des fluctuations démographiques. Notre mémoire parle non seulement des universités montréalaises, mais du problème des régions, et je crois qu'il essaie de situer ce problème, cet enjeu des établissements en région comme un enjeu national plutôt que comme strictement un enjeu qu'on devrait laisser aux régions elles-mêmes.

Nous ne sommes pas indifférents, notre présence ici en témoigne, et je pense que notre mémoire aussi en témoigne, mais je ne pense pas non plus qu'on pourrait nous reprocher de souhaiter que les ressources, aussi bien financières qu'humaines, soient allouées aux universités de Montréal pour leur permettre d'assumer pleinement leur mission dans un contexte, comme vient de le rappeler le recteur Lacroix, dans un contexte qui, désormais et de plus en plus, pour l'enseignement supérieur, ne peut pas s'analyser localement ou régionalement, mais certainement internationalement. D'ailleurs, le choc de l'international frappe aussi bien les établissements en région, dans leurs créneaux d'excellence, qu'il frappe les universités montréalaises. Voilà pour le commentaire que je ferais, madame, suite à votre question.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lacroix, est-ce que vous avez quelque chose à rajouter?

M. Lacroix (Robert): Pardon?

La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce que vous avez quelque chose à rajouter?

M. Lacroix (Robert): Non, je pense que c'est complet. Je vous remercie, madame.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Alors, une fois ceci clarifié, monsieur, à la page 12 de votre mémoire, «il est clair que des choix éclairés devront guider le développement du réseau». C'est à la page 12 de votre mémoire, l'avant-dernier paragraphe. Vous parlez qu'il est clair que les choix éclairés doivent guider le développement du réseau dans les prochaines années. Et une optique de clarification des missions institutionnelles et d'optimisation des ressources, ça, je pense que tout le monde est d'accord là-dessus, il n'y a pas de problème, donc les universités ont des enjeux à rencontrer, là, comme adapter leurs services aux clientèles, etc.

Et, dans l'autre paragraphe, quand vous dites: «Si le Québec désire trouver des solutions durables aux problèmes des baisses de clientèle des universités en région, celles-ci devront prendre en compte l'ensemble de ses réseaux d'études postsecondaires. Une réflexion approfondie sur l'articulation entre les cégeps et les universités situés en région devrait être amorcée en s'appuyant sur les ententes de partenariats cégep-université déjà existantes», il me semble que ça ne devrait pas se faire juste au niveau des régions, mais de l'ensemble des universités, de l'ensemble des réseaux collégiaux, et c'est dans ce sens-là que ma première question me suscitait des commentaires, parce que c'est plus des commentaires que je vous ai faits qu'une question, auxquels vous avez quand même répondu, là, ce qui a permis de donner le fond de votre pensée.

Mais ça, ça me soulève quand même une interrogation: Comment les universités montréalaises, avec l'ensemble des universités du Québec, de l'ensemble du Québec ? là, je ne parle pas juste du réseau mais de l'ensemble des universités ? peuvent participer à cette articulation des créneaux, des vocations ou des champs qui seraient spécifiques à l'une par rapport à l'autre? Parce qu'on peut faire la démonstration que des masses critiques peuvent exister, pas seulement dans des grands centres urbains mais dans des petits centres urbains, et qu'on peut développer aussi des créneaux d'excellence ailleurs que strictement à Montréal.

Et ce n'est pas contre Montréal que je dis ça, mais pourquoi ça partirait juste d'une région et pourquoi que l'ensemble des régions ne serait pas dans cette articulation-là? Parce que votre paragraphe, il parle de ce que les régions devraient faire, et je ne vois pas qu'est-ce que Montréal ferait avec les régions.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lacroix.

M. Lacroix (Robert): Bien, madame, je pense qu'évidemment ce paragraphe-là dit bien que, oui, on devrait s'interroger sur une meilleure articulation de tout le postsecondaire. Évidemment, le problème de masses critiques se pose avec beaucoup plus de virulence actuellement en région qu'il se pose à Montréal. Évidemment, il y a une augmentation des clientèles dans les universités et les cégeps continuent à avoir des clientèles tout à fait de masses critiques. Donc, le problème, là où il est le plus virulent actuellement, c'est en région. Et ce que nous disons, c'est qu'un exercice qui serait amorcé là, de réflexion, bien sûr que la région de Montréal devrait y collaborer le cas échéant, mais il y a moins d'urgence à Montréal de retrouver des masses critiques en région et de constituer des milieux qui soient des centaines de nombres d'étudiants, mais l'expérience régionale pourrait nettement servir aux articulations qui sont amorcées actuellement dans la région de Montréal et qui, sans nécessiter de masses critiques, pourraient conduire quand même à des innovations majeures en termes d'efficacité de production des offres de service, et non pas en termes de masses critiques, puisque dans la plupart des cas les masses critiques existent déjà et ne sont pas en cause dans le court terme. Donc, ce serait plutôt au niveau des innovations pédagogiques et au niveau des innovations en termes de constitution d'offre de programmes que ça deviendrait intéressant pour la région de Montréal de voir l'expérience qui se fait au niveau des régions. Alors, voilà, je pense que ça...

n (10 h 20) n

Maintenant, il est clair et net que les universités montréalaises n'ont pas la prétention de solutionner le problème des universités en région, je pense que ce n'est pas ça qui était le but de notre présentation ici. Je pense que vous nous aviez d'ailleurs demandé: Qui êtes-vous pour penser venir solutionner nos problèmes à partir de Montréal? Si on l'avait fait, probablement que ça aurait été la première remarque qu'on nous aurait faite. Nous sommes convaincus que les universités en région sont capables d'analyser elles-mêmes la situation, sont capables évidemment de regarder leur apport aux régions, et le gouvernement est capable aussi d'évaluer l'apport autre que strictement éducationnel de ses universités, même de ses cégeps en région, pour, comme on le disait tantôt, tenir compte, au-delà de la formation et de la recherche qui s'y fait, du facteur de développement économique, développement culturel et développement social que, on sait très bien, font ces institutions-là dans la plupart des régions. Mais je crois que ce n'est certainement pas aux quatre universités montréalaises de...

Mme Charest: Écoutez, moi, je ne pense pas que vous aviez la prétention de régler le problème pour les régions, mais ce que je voyais, c'était plus une participation, une... oui, une participation avec les universités pour partager le problème parce que le problème, il a des impacts sur l'ensemble du Québec, et Montréal est une région comme toutes les autres régions du Québec, là, sauf qu'elle a des particularités comme d'autres régions ont la leur. Et je ne prétends pas déshabiller Pierre pour habiller Paul, ce n'est pas ça, l'objectif de ma réflexion ou de mon commentaire, mais je verrais et j'aimerais et j'apprécierais que les universités montréalaises se sentent partie prenante des solutions et que je sente de leur part une participation réelle avec les universités des régions, une participation réelle à des pistes de solution pour solutionner le problème comme tel, ce que je ne peux pas mettre en doute parce que je suis persuadée de votre bonne foi, mais, je veux dire, je ne le sens pas, je m'excuse, là, je ne le sens pas dans le mémoire. Je sens plutôt, oui, que vous êtes conscients d'un problème, vous le voyez très bien. Écoutez, vous êtes des intellectuels très articulés, vous êtes capables de bien positionner la problématique comme telle. Ça, je n'ai aucun problème et je n'ai aucun doute là-dessus, sauf que c'est plus viscéral ? ha, ha, ha! ? et j'aimerais bien qu'on sente plus une intégration et une adhésion, c'est dans ce sens-là.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lacroix.

M. Lacroix (Robert): Oui. Madame, je pense que l'adhésion est là, la volonté de collaboration et d'ouverture des universités montréalaises envers les universités en région, elle est là. On a des cas... Dans ma propre école de génie affiliée, qui est l'École polytechnique, on a un très beau cas de collaboration en génie minier qui s'est développée volontairement. Et je pense cependant qu'il faut ouvrir cette collaboration-là entre les universités régionales et l'ensemble des universités montréalaises. Mais là il ne faut pas non plus lancer la pierre trop vite. Le réseau même de l'Université du Québec a voulu d'abord développer des collaborations entre eux, mettre des choses entre eux, et il n'était pas toujours bien vu d'ailleurs qu'une université montréalaise autre vienne s'insérer, je dirais, dans les partenariats.

Donc, si on veut ouvrir, dites-vous une chose, les quatre universités montréalaises ? bien sûr, l'UQAM qui fait partie du réseau est a priori ouverte ? mais l'Université de Montréal, comme McGill, comme Concordia seront extrêmement heureuses de cette ouverture que feraient les universités régionales et le réseau de l'Université du Québec à des collaborations avec l'ensemble des universités montréalaises. Dites-vous une chose, nous serions là, et mes collègues peuvent...

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lightstone.

M. Lightstone (Jack): Merci, Mme la Présidente. Je peux donner quelques exemples de ce qui se passe maintenant, et c'est des démarches incontournables, maintenant, en particulier dans le domaine des études de deuxième et troisième cycles et de la recherche. Par exemple, il y a quelques années, la philosophie de subvention de la recherche de qualité, on peut dire, internationale était basée sur l'hypothèse des centres, ça veut dire la concentration des chercheurs dans un établissement en particulier pour avoir une masse critique qui peut agir dans le marché international de la découverte, de la connaissance.

C'est changé beaucoup maintenant depuis quelques années. Par exemple, la politique du Québec, du MEQ, du MRST, des universités, ce n'est pas des centres institutionnels, des centres de recherche, mais des regroupements stratégiques. Et les regroupements stratégiques, la philosophie de ces regroupements, c'est de regrouper toutes les forces au Québec, soit dans la région montréalaise soit dans les régions, pour être financés. Et, par contre, on ne devra pas exclure des expertises relevantes dans les régions, et ça, c'est bien. Et ça a changé la carte, si on peut dire, de la recherche universitaire au Québec énormément et ça va changer encore plus cette carte-là. Et à cause des relations étroites entre recherche et études de deuxième et de troisième cycle, ça implique beaucoup plus d'intégration au niveau du deuxième et du troisième cycle ? en particulier du troisième cycle ? que c'était le fait il y a quelques années.

Mme Charest: Vous avez raison là-dessus, sur la question de la recherche, et vous faites bien de le souligner parce que je pense que, ça, c'est un point excellent pour le propager en quelque sorte au niveau de la formation du premier et du deuxième cycle surtout. Et je pense que là-dessus, c'est vrai, la politique scientifique du Québec y est pour beaucoup, ça a facilité les choses. Et ça, c'est vrai que c'est un plus.

M. Lightstone (Jack): Mais est-ce que je peux ajouter, Mme la Présidente, quelque chose en réponse à ça?

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, en réponse.

M. Lightstone (Jack): Il y a des implications de ça. Par exemple, les régions et Montréal ont vécu maintenant le problème du renouvellement, de la relève professorale qui se présente un peu différemment dans les régions qu'à Montréal, mais elles ont vécu la même chose. Les opportunités d'avoir une carrière de recherche importante et significative, c'est un des éléments les plus importants quand on veut attirer des jeunes, des nouveaux profs et les retenir. Et pour cette raison-là, toutes ces démarches de concertation au niveau de la recherche vont aider aussi le recrutement et la rétention des profs dans les régions.

Mme Charest: Oui, parce que ça valorise.

M. Lightstone (Jack): Exact.

Mme Charest: Il y a eu la valorisation du chercheur et de la production scientifique. C'est vrai. Alors, merci, je vais laisser le temps aux autres de pouvoir échanger avec vous. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme la députée de Rimouski. M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je voudrais saluer et souhaiter la bienvenue aux représentants des universités montréalaises qui nous font le plaisir de venir à cette commission aujourd'hui. Je pense que vous avez raison au tout début de votre mémoire. C'est parce que vous mentionnez le fait que, s'il est possible et relativement facile de prévoir des problèmes de fluctuation de clientèle pour le primaire et le secondaire, par exemple, cycle primaire et cycle secondaire, des ordres d'enseignement... C'est un peu plus facile à prévoir qu'au niveau collégial et particulièrement au niveau universitaire.

Au niveau universitaire, évidemment, la persévérance des études que nous connaissons, le retour aux études, le retour des gens, des adultes à l'enseignement universitaire, la difficulté d'anticiper exactement ce qu'on aura comme clientèle internationale rend plus problématique la capacité... notre capacité de prévoir à long terme, même à moyen terme, quelles seront les fluctuations que connaîtront chacune de nos institutions.

Ceci étant dit, j'avoue avoir reçu... j'étais un peu surpris du caractère qu'on a qualifié de défensif de votre mémoire. Quand on a 70 % de l'ensemble de la masse des étudiants universitaires du Québec, 70 % de la recherche universitaire au Québec, je pense qu'on n'a pas trop, trop à se laisser impressionner ou à avoir peur de perdre une partie de ses clients ou de ses effectifs au profit des universités en région.

n (10 h 30) n

Il aurait peut-être été intéressant de mentionner les efforts que vous faites ou que vous comptez faire dans l'avenir, par exemple, pour vous associer sur une base locale aux efforts qui sont faits au niveau de certains collèges. Par exemple, on a remarqué ici que, en ce qui concerne la persévérance aux études et l'éventuelle diplomation, l'organisation de la diplomation, des expériences comme celle que vous connaissez, exemple les D.E.C.-bacs dans plusieurs universités, ont eu des effets tout à fait concrets et importants dans plusieurs régions du Québec. Et je remarque que plusieurs universités du groupe et d'organisations des universités du Québec ont été impliquées beaucoup dans ces domaines-là ? Laval ? mais on entend un peu moins parler des universités de Montréal, à cet égard-là.

Ça aurait peut-être été intéressant de signaler ce qui se fait dans les universités du Québec... les universités montréalaises à l'égard par exemple du travail de persévérance et du travail de diplomation universitaire qu'on peut faire, même au niveau collégial. Puis, je reprends à ce titre les exemples que vous mentionnez, entre autres, dans les provinces que sont l'Alberta, la Colombie-Britannique et l'Ontario à cet effet, venant des universités de Toronto, Guelph et autres dans le cas de l'Ontario, ou UBC et Simon Fraser dans le cas de la Colombie-Britannique, et la même chose pour les universités de Calgary ou l'Université d'Edmonton, en région, et les autres en Alberta.

Évidemment, le problème des fluctuations de clientèle affecte quand même les universités de Montréal. Pas plus tard que ce matin, à l'UQAM, on parlait d'une douzaine de programmes qui étaient remis en question, puis on mentionnait... pas les moindres: géographie, chimie, mathématiques, sciences du langage, philosophie, musique, sciences religieuses, sciences politiques ? ça a dû faire un pincement au coeur du recteur ? et sciences, technologie, société et géologie. Alors, donc, il y a aussi une problématique au niveau du premier cycle dans certaines universités à Montréal, au moins pour regarder, peut-être pas de fermer les programmes mais, à tout le moins, remettre en question certaines avenues d'enseignement.

Il y a une caractéristique importante que vous représentez tous les quatre, messieurs, c'est cette concentration d'étudiants au niveau de deuxième et de troisième cycles. Ça, c'est tout à fait particulier, on ne retrouve pas ça, nulle part ailleurs, puis je pense qu'il faudrait insister davantage là-dessus.

Vous avez, je pense, comme rôle... puis vous auriez pu aussi nous intéresser sur ce sujet-là parce que vous pourriez aussi êtres des phares pour l'ensemble de vos collègues, puis surtout pour cette commission, à savoir qu'est-ce qu'on peut faire pour s'assurer de la persévérance des étudiants qui sont déjà dans nos universités pour leur permettre de passer aux deuxième et troisième cycles. Ça, ça aurait été intéressant de voir vos pistes de solution à cet égard-là.

J'avoue que j'ai été un petit peu... je suis resté un petit peu sur ma faim en ce qui concerne votre... je sais que vous êtes ouverts mais je sais ? ha, ha, ha! ? j'ai trouvé que vous n'en avez pas parlé beaucoup, sur toute la question de l'importance des étudiants étrangers venant dans nos universités. Si, demain matin, là, on perdait les étudiants étrangers en deuxième et troisième cycles, imaginez un peu quels problèmes vous auriez avec votre corps professoral puis qu'est-ce qu'on aurait comme problèmes au niveau de la recherche. Et ça, je pense qu'on aurait été plus, plus, plus... on aurait été... en tout cas, dans cette commission, on aurait aimé en apprendre plus que le petit paragraphe que nous en avons à la page 13 de votre document. Ceci étant dit, j'aimerais vous entendre sur ces sujets.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lacroix.

M. Lacroix (Robert): Bien, je vais peut-être dire quelques mots et mes collègues, selon leur inspiration, pourront en rajouter.

D'abord, toute la question évidemment de la persévérance aux études et des liens cégep-université, c'est crucial; je pense que c'est crucial. Le taux de diplomation et le taux de persévérance dans le cégep préuniversitaire est catastrophique, je pense que tout le monde le sait, et, qu'on le veuille ou non, c'est la porte d'entrée pour l'université. Alors là, le problème commence là. Le problème se poursuit par la suite.

Le problème se poursuit par la suite, parce que, évidemment... et on le vit dramatiquement dans une université comme l'Université de Montréal dans tous les secteurs contingentés. Évidemment, les hommes de plus en plus se ramassent dans leur deuxième ou troisième choix et non pas dans leur premier, compte tenu des résultats académiques antérieurs, ce qui fait qu'ils décrochent davantage de l'université ou n'y viennent pas. Donc, là, on a une déperdition de clientèle extrêmement considérable, à cet égard-là.

On sent aussi, dans nos milieux universitaires et dans tous les secteurs, plus spécifiquement dans les secteurs des sciences sociales, sciences humaines et lettres et certains secteurs des sciences et du génie, on sent qu'il y a des redites par rapport aux programmes des cégeps, il y a manque de coordination avec les programmes des cégeps, et là, à l'évidence, il y a matière à réflexion et à travail. Ce n'est pas facile, nous l'avons fait actuellement pour le D.E.C.-bac en sciences infirmières, ça n'a pas été facile. Ça n'a pas été facile d'y arriver, on y est arrivé, on a commencé, et on en sait quelque chose, puisque 60 % des diplômés d'université en sciences infirmières sont à l'Université de Montréal; donc, on le sait pertinemment.

M. Chagnon: C'est à Saint-Hyacinthe, je pense, hein?

M. Lacroix (Robert): Pardon?

M. Chagnon: Vous avez un programme à Saint-Hyacinthe, si je ne m'abuse.

M. Lacroix (Robert): Oui, mais qui est un programme d'entrée.

M. Chagnon: D'accord.

M. Lacroix (Robert): Mais ce D.E.C-bac là, c'est fait. À force d'y travailler, on y est arrivé. Je crois qu'il faut ouvrir beaucoup plus. Mais les deux ordres d'enseignement sont frileux, à cet égard-là. Il y a une certaine frilosité des cégeps en disant: Plus la synergie se fait, est-ce qu'on va remettre en cause la pertinence de ce niveau de deux ans préuniversitaires, au bout du compte? Au niveau de l'université, on se dit: Oui, mais on est prêts à reconnaître une série de choses qui se font dans les cégeps, mais il faut avoir un certain contrôle, parce que, reconnaître sans des critères... Donc, vous vous apercevez que ça ne saute pas aux yeux, là.

M. Chagnon: C'est faisable.

M. Lacroix (Robert): Comprenons-nous bien.

M. Chagnon: Mais c'est faisable.

M. Lacroix (Robert): Mais reconnaissons qu'il y a là un enjeu majeur pour l'ensemble du Québec, d'accord? Ça, il faut le reconnaître. Après qu'on a reconnu le problème, au moins on pourra s'y attaquer.

Deuxième élément dont on a parlé, c'est toute la concentration au niveau des deuxième et troisième cycles que l'on retrouve dans les universités montréalaises ou qu'on retrouve aussi à l'Université Laval, je veux dire ? il ne faut jamais oublier ça ? puis à l'Université de Sherbrooke aussi, puis à l'Université de Trois-Rivières. Puis il faut faire attention, là. Montréal est gros...

M. Chagnon: ...concentration, là, à Montréal.

M. Lacroix (Robert): Oui. Bien, il y a une grosse concentration à Montréal, et, évidemment, aussitôt que vous êtes dans des secteurs arrimés sur la recherche ? c'est le cas particulièrement du troisième cycle ? les masses critiques deviennent essentielles. Et masse critique ne veut pas dire la même chose, selon les secteurs disciplinaires.

Tu sais, une masse critique dans le secteur biomédical santé, ça coûte cher, c'est gros, et tu ne peux pas la disperser partout. Une masse critique dans les développements que l'on fait actuellement en nanotechnologie, qui est un secteur éminemment porteur pour l'avenir, tu ne peux pas le disperser beaucoup parce que c'est à coup de dizaines de millions pour pouvoir en développer quelques secteurs de pointe. Tu sais? Tu es pris avec des minimums pour pouvoir te donner la masse critique de recherche, et, quand tu l'as, c'est le seul lieu possible où tu peux former les étudiants de troisième cycle. Donc, je pense que ça il faut en être conscients et bien le vivre, à cet égard-là.

Donc, la question des étudiants étrangers ? mes collègues pourront y revenir ? évidemment, il y a une forte concentration d'étudiants étrangers dans les universités montréalaises, beaucoup plus forte que ce qu'on retrouve partout ailleurs au Canada, dans les métropoles canadiennes. Tant mieux. Montréal est considérée comme une ville internationale, à la grandeur du continent et du monde. Tant mieux pour le Québec. Et c'est là qu'on peut y attirer... beaucoup plus forte qu'à Toronto, beaucoup plus forte qu'à Vancouver et beaucoup plus forte que dans toute région du Canada.

On ne peut pas vendre le Québec à l'étranger en disant: Nous avons une métropole de la science, du savoir, de la connaissance et de l'innovation. Venez y investir, venez vous y installer puis oubliez, quand on est au Québec, ce que l'on vend à l'étranger. Donc, on ne peut pas avoir deux discours, à cet égard-là. C'est une caractéristique de Montréal et du Québec. Nous en profitons collectivement, et je crois qu'il faut voir cela comme une partie de la solution et non pas comme une partie du problème universitaire, au Québec.

M. Denis (Roch): Juste en addition à ce que vient de dire Robert Lacroix, je voudrais souligner quelque chose qu'on a peut-être tendance aussi à oublier parfois en ce qui concerne non seulement les coopérations scientifiques, mais l'offre de formation. Vous savez que plusieurs dizaines de programmes de troisième cycle et de deuxième cycle sont des programmes réalisés en collaboration interuniversitaire, sur l'ensemble du territoire. Ça corrige beaucoup la perception sur laquelle les universités de Montréal se foutent du reste, en autant qu'elles se servent et sont bien servies. Ce n'est pas vrai parce que nombre de programmes ? j'en ai une liste ici ? de troisième et de deuxième cycles n'existeraient pas sur l'ensemble du territoire, faute des masses critiques nécessaires, si on ne les établissait pas en réseau à partir des capacités qui sont celles des universités montréalaises. C'est fort important, je pense, de le souligner. Je voulais le rappeler aux membres de la commission.

M. Chagnon: Vous avez tout à fait raison de le rappeler. Mme la Présidente, je sais que mes collègues ont l'intention de poser quelques questions, je reviendrai un peu à la fin, on parlera d'autres choses que du football interuniversitaire.

M. Lacroix (Robert): ...invitation? Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lacroix (Robert): M. Chagnon, s'il vous plaît!

M. Chagnon: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Merci, Mme la Présidente, messieurs...

La Présidente (Mme Bélanger): Il vous reste 6 min 15 s.

n (10 h 40) n

M. Kieffer: Ah, mon Dieu! Bon. Alors, on va aller à l'essentiel. Un commentaire: moi aussi, je ressens un certain malaise. Je vais être poli mais quand même franc, dans la mesure où je vous sens timides. On a entendu d'autres intervenants de réseaux, depuis une semaine, qui ont été... qui sont allés beaucoup plus loin, à tout le moins quant au pif qu'ils nous offraient pour gérer cette décroissance. Je pense, entre autres, à la Fédération des cégeps.

Vous ouvrez des portes, mais ça s'arrête dret-là, là, puis je veux vous donner un exemple qui me préoccupe et dont, à l'heure actuelle, l'Université du Québec vient de parler, mais j'aimerais qu'on y aille un peu plus loin parce que je pense que ça va être la seule question que je vais pouvoir vous poser. À la page 11, vous dites: «La préoccupation même de l'accessibilité incite à offrir la formation de premier cycle là où la demande est suffisante, sauf pour certains champs particulièrement onéreux comme la médecine.» Ça, je n'ai pas de problèmes avec ça. Et là vous dites: «Les études de cycles supérieurs, particulièrement celles du doctorat, étant plus étroitement arrimées au développement de la recherche, le réseautage de certaines formations s'avère un moyen souvent stimulant pour mieux servir les besoins spécifiques du Québec et de mieux s'imposer sur la scène internationale. De ce point de vue, les universités de Montréal ont déjà des collaborations bien établies et fort intéressantes, par exemple le doctorat en administration» et autres.

Ça veut dire quoi concrètement? Est-ce que ça signifie que l'ensemble des universités offrirait le premier cycle qui serait quelque part le tronc commun, hein, y compris les universités en région, mais que, lorsque viendrait le temps de passer aux cycles supérieurs ? maîtrise et doctorat ? à ce moment-là, il faudrait effectivement regrouper, sinon physiquement, à tout le moins au niveau de la reconnaissance et de l'attestation, dans les universités de Montréal qui ont la masse critique de chercheurs, qui ont l'environnement nécessaire pour y arriver? Vous n'allez pas aussi loin que ça mais je sens que vous vivotez entre les deux, là, et j'aimerais que vous précisiez.

Et, si ce n'est pas le cas, O.K., à ce moment-là, qu'est-ce que ça signifie pour les universités en région d'offrir les deuxième et troisième cycles quand on sait ce que ça exige ? et vous l'avez souligné tantôt ? en termes de capacité intellectuelle? Est-ce que... Et là, vous ouvrez une autre porte à un moment donné en parlant de la spécialisation, hein, les champs de spécialisation en région, les champs d'excellence.

Allez-y là-dessus, là, puis, s'il me reste deux minutes, je vous poserai une autre question.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lacroix.

M. Lacroix (Robert): Bien, écoutez, je pense que les faits sont là et les faits sont là au Québec mais ils sont là dans tous les pays du monde, d'accord? Les études de troisième cycle en particulier sont essentiellement concentrées dans un nombre restreint d'universités. Il ne faut pas se le cacher, c'est comme ça. Et la concentration est d'autant plus forte que le coût de la recherche est élevé et que les masses critiques exigées et les plateformes technologiques exigées sont onéreuses. Ce n'est pas un problème québécois, ce n'est pas un fait québécois, c'est une règle qui est incontournable de par le monde. Partons de là, d'accord?

La concentration que l'on voit actuellement au Québec, bien, elle s'est faite en fonction de ces contraintes, je dirais, à caractères technique et financier. Vous trouvez la même chose dans les autres régions du Canada et vous trouvez la même chose dans le reste du monde. Si on accepte ça au point de départ, il est clair qu'il y aura une très forte concentration des études de troisième cycle, un peu moins forte au deuxième cycle et possibilité d'un étalement plus considérable au premier cycle. Ça va de soi. C'est comme ça partout dans le monde, on ne pourra pas aller à l'encontre de ce système-là.

Ça veut dire quoi par rapport au système québécois? Ça veut dire que, oui, il y aura une très forte concentration du troisième cycle dans Montréal, l'Université Laval, Sherbrooke, certaines universités du réseau de l'Université du Québec, d'accord? Il y aura du deuxième cycle à caractère, je dirais, spécialisé et plus pertinent dans le contexte de certaines régions qui se développeront en région, et le premier cycle sera plus étalé. Mais ce n'est pas, ce n'est pas une prévision qu'on fait là, c'est la vérité, et c'est ce qui se passe actuellement, et c'est la réalité. Et vouloir aller à l'encontre de cette réalité-là, ni le Québec ni aucun pays du monde pourrait se payer ça. Et, s'il essayait de le faire, il y aurait des programmes médiocres partout, non compétitifs, non concurrentiels, et ne permettant pas de former une main-d'oeuvre hautement qualifiée qui soit au niveau exigé par le contexte nord-américain et mondial. Donc, notre approche est très claire, c'est-à-dire qu'on ne pourrait pas aller à l'encontre des contraintes naturelles du développement du système universitaire, et, aller à l'encontre, ce n'est pas possible, c'est tuer le système lui-même.

Tirons-en, de là, les conclusions, d'accord? C'est clair qu'il faut, pour l'accessibilité, avoir un premier cycle le plus étalé possible au Québec, c'est une question d'accessibilité. Trouvons les moyens pour se les donner, organisons-nous pour avoir des masses critiques, voyons tout le postsecondaire conjointement, puis ça, tout le monde va être d'accord avec ça. Voyons, après ça, dans chacune des régions où les universités deviennent partie prenante des régions, de leur développement et de leur évolution, quels sont les créneaux sur lesquels, au moins au niveau de bon deuxième cycle, on pourrait avoir des développements importants au niveau de la recherche et dans quelques cas au niveau du troisième cycle. D'accord?

Et, moi, je pense que, si on n'aborde pas le problème de ce côté-là, si l'on se dit: Bien, écoute, on devrait avoir une université de la grosseur de l'UQAM ou de McGill dans une région éloignée, ça n'arrivera jamais. Ce n'est pas possible, ce n'est pas réalisable et ça se fait nulle part dans le monde. Alors, je pense qu'il faut être conscients des contraintes naturelles que nous impose le milieu, des contraintes de coûts et de finances et surtout des exigences de qualité qui ne sont pas québécoises mais qui sont au niveau international.

M. Lightstone (Jack): Je pense que la distinction... la différence... différencier les régions et Montréal en ce qui concerne le problème du développement des programmes de troisième cycle est une fausse distinction. Par exemple, chez nous, à l'Université Concordia actuellement, nous n'avons pas un doctorat en philosophie.

Je ne peux pas imaginer.... Même si Concordia est dans la région montréalaise, je ne peux pas imaginer aujourd'hui d'avoir mon propre doctorat en philosophie, c'est impossible. Ce n'est pas une question d'être à Montréal ou être en région, c'est des questions de la logique du système de la recherche et de la formation de troisième cycle internationale. Ce n'est pas une question simplement de régions versus Montréal, c'est une réalité que chaque université, même les quatre universités ici, devront se confronter.

À la question de l'accessibilité, quand j'ai écouté votre question et vos remarques, ma propre impression, c'est: J'aimerais renverser la problématique.

M. Kieffer: Allez-y.

M. Lightstone (Jack): O.K.? Renverser la problématique. Nous avions des débats dans d'autres réunions de commission, oui. Aujourd'hui, c'est la responsabilité de la société, à mon avis, de fournir une formation universitaire à sa population. Il y a une trentaine d'années, la philosophie, c'est de: Nous avons une responsabilité sociale de former des gens au niveau jusqu'à la fin du secondaire. Mais, aujourd'hui, je pense que nous avons une responsabilité de former des gens jusqu'à la fin du premier cycle pour des personnes qui ont la capacité de le faire.

Ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'on doit s'attendre à adopter un objectif d'avoir 35 % ou 40 % de notre population avec un diplôme de premier cycle. C'est le défi. Ce n'est pas la question de: Est-ce qu'on peut avoir un bac là ou ne pas avoir un bac ailleurs? Je pense que l'importance de notre analyse ici, c'est qu'on doit essayer d'élever la scolarité de la population québécoise et atteindre un certain objectif d'avoir 35, 40 % de notre population avec un bac de premier cycle avant 2015, on peut dire. C'est un objectif important pour le Québec, soit dans les régions, soit à Montréal.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va?

M. Kieffer: Oui. Je peux?

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, continuez.

n (10 h 50) n

M. Kieffer: Bon. Vous admettrez que, quand vous dites: Je retourne la question, nous avons un rôle à jouer, nous, les parlementaires et l'État, mais vous êtes aussi partie intégrante et intégrale de cette réalité-là. Vous avez un rôle à jouer. On veut bien, nous, fixer les grandes orientations et tenter de déterminer les budgets les plus généreux possible, puis, après ça, c'est dans votre cour, là, je veux dire. Vous allez être ceux qui allez les gérer, qui allez fixer les orientations au niveau de vos propres institutions et tenter de rejoindre ces objectifs-là qu'on fixe.

Tantôt, quand vous nous dites: Je ne vois pas la possibilité pour Concordia par exemple d'instituer un doctorat. Vous avez tout à fait raison, et j'admire votre capacité à dire: Il y en a assez ailleurs. Mais, si on inversait le problème, puis, le problème, on l'a posé il y a quelques années en disant: Il y a certaines facultés, il y a plusieurs facultés dans les universités du Québec qui peut-être pourraient disparaître, hein, par manque d'effectif, parce qu'il y en a trop. Vous avez vu, il y a un sacré problème à gérer cette question-là. Ça fait que c'est toujours plus facile de dire: Je n'en veux pas quand il n'est pas là que de dire: Je vais le faire disparaître, mais il y a d'autres institutions qui sont peut-être plus en mesure d'offrir et de fournir aux étudiants et aux étudiantes la qualité nécessaire.

Je reviens sur... et je termine là-dessus. M. le recteur de l'Université de Montréal, tantôt, j'ai trouvé très intéressant votre réplique mais vous la posiez aussi dans le sens: Il faut que nous discutions entre nous, il faut que nous nous arrimions entre nous, comme si ça ne se faisait pas suffisamment, et c'est confirmé un peu aussi, là, dans votre mémoire, à la page 12.

Vous dites, avant-dernier paragraphe, et ma consoeur en citait une partie tantôt. Vous dites: «Une réflexion en profondeur s'impose dans une optique de clarification des missions institutionnelles et d'optimisation des ressources.» Et, à la fin, vous dites: «Pour faire ces choix, les universités devront accélérer les processus de concertation, de façon à permettre la reconnaissance et l'émergence des pôles d'attraction.»

C'est un constat qu'il y a du chemin à faire au niveau de la concertation entre les universités pour en arriver effectivement à offrir le meilleur service possible ? on ne parle pas d'un produit mais on parle d'un service. Ils sont où les empêchements? Je veux dire, c'est dans les cultures des différentes universités, c'est dans la perception de leur rôle? Est-ce que c'est très corporatif comme difficulté? Qu'est-ce qui fait qu'on n'arrive pas à ce que vous voulez?

Et vous avez tout à fait raison de dire que, bon, les centres d'excellence, ils seront nécessairement dans les grandes villes au niveau du deuxième et surtout du troisième cycles; ça, je n'ai pas de problème avec ça. Mais elle est où, cette difficulté que vous rencontrez?

M. Lacroix (Robert): Bien, écoutez, il faut réaliser une chose. C'est que, quand on met la problématique comme ça, en discussion, les universités la réalisent, la vivent tous les jours. Mais, quand vous êtes à la tête d'une université, dans une université particulière, vous vivez des problèmes énormes. Vous devez vous occuper de votre institution. Et chaque recteur et chaque président ou vice-chancelier de l'université, son premier rôle, c'est de solutionner les problèmes de son institution et de s'organiser pour que son institution puisse performer le mieux possible. Donc, a priori, il faut comprendre nos milieux. Après une longue période de compression, ça a été extrêmement difficile, il y a un réinvestissement qui a été fait, il faut gérer le réinvestissement. Chaque institution, son premier problème, c'est elle-même.

Autrefois, nous avions évidemment un conseil des universités qui, dans ces grands enjeux là, permettait une tribune de discussion en dehors et posait les problèmes, et c'est le genre de problèmes qu'on aurait pu effectivement discuter en dehors du milieu spécifique de chacune des universités. On n'a plus cette espèce de milieu de discussion au Québec, je dirais, à distance du milieu politique et à distance du milieu universitaire mais fait par des gens qui ont cette capacité de réflexion et cette expérience; nous n'avons plus ces milieux de réflexion. D'accord?

Et, quand vous parliez de corporatisme tantôt, ce n'est pas une question de corporatisme, c'est une question que les missions et les mandats de chacune des universités, c'est de développer son université. D'accord? Dites: Faites-le en concertation. On va dire: Est-ce que ça me donne une valeur ajoutée de me concerter? Oui, très bien; non, je ne m'en occupe pas. Et ce n'est pas par égoïsme, c'est tout simplement parce que c'est notre mission de base de le faire.

Donc, je crois qu'on manque souverainement au Québec un milieu qui... quel qu'il soit, un milieu où, à distance du politique et à distance de chacune des universités, ces grands enjeux qui nous confrontent actuellement de tout le postsecondaire, de toutes les universités, d'une concertation dans un monde globalisé ? pas pour se concurrencer entre nous mais pour être bien certains qu'envers le monde on soit compétitifs ? on n'a pas ces lieux de discussion. Alors, on arrive en commission parlementaire, on vient vous présenter chacun nos petits mémoires de part et d'autre, et puis, après ça, les livres sont refermés, puis on recommence à zéro, puis on retourne dans nos institutions puis on fait notre travail.

M. Chagnon: Le Conseil supérieur de l'éducation, selon vous, ne remplit pas son rôle?

M. Lacroix (Robert): Bien, je veux dire, je ne dis pas que le Conseil supérieur de l'éducation ne remplit pas son rôle. Mais je dis qu'on avait... Tu sais, le niveau universitaire et la recherche au niveau universitaire et dans des sociétés comme la nôtre, sont devenues tellement déterminants pour l'avenir de nos sociétés. Dieu sait... on le sait tous, d'accord? Je ne comprends pas qu'on n'ait pas pour ce créneau, qui est absolument crucial, de notre société, qu'on n'ait pas vraiment un lieu de réflexion.

Bon. Je lance ça comme ça. Le gouvernement peut très bien donner un mandat particulier au Conseil supérieur de l'éducation en lui disant: Je veux que vous réexaminiez telle, telle, telle, telle, telle situation, mais regardez bien, qui regardent l'élémentaire, les maternelles, le secondaire, le ci, le ça. À vouloir trop embrasser mal étreint. J'aurais préféré qu'on ait notre...

M. Kieffer: Votre confrère...

La Présidente (Mme Bélanger): M. Denis.

M. Denis (Roch): Bien, écoutez, le problème qu'évoque ou qu'indique Robert Lacroix il existe et on l'a vu depuis la disparition du Conseil des universités. En Ontario, il y a un tel organisme qui s'occupe des enjeux de l'enseignement supérieur universitaire, en particulier. Nous n'avons pas un tel organisme, et le fait de confier au Conseil supérieur de l'éducation ce paquebot, ce navire amiral qu'est l'enseignement supérieur, la recherche et l'enseignement universitaire crée certainement une pression très, très difficile sur le travail du Conseil supérieur de l'éducation.

Maintenant, ce que je veux ajouter, c'est ceci. Vous disiez aussi: Où est-ce qu'est l'obstacle? Où est l'obstacle? En complément de ce que dirait Robert Lacroix, selon ce que j'observe ? je suis assez nouveau dans mes fonctions, j'y suis depuis 14 mois ? à mon avis, l'obstacle, il est plus souvent à la tête qu'à la base, que dans les réseaux de coopération scientifique. Parce que, peut-être par leurs fonctions, les administrations, les recteurs ? comme le recteur Lacroix le rappelle ? ont pour mandat de promouvoir leur propre établissement. Et nous sommes engagés dans une espèce de course effrénée pour exister et pour maintenir les contributions au patrimoine scientifique de l'humanité, à l'échelle internationale.

Ça, c'est une chose. Il y a certainement du travail à faire, et je suis content qu'avec mes collègues nous disions que dans le contexte actuel les universités montréalaises veulent faire un effort pour renforcer leur coopération et leur concertation. Ça, c'est plus que des mots parce qu'on n'est pas obligés de les prononcer, ici. Ici, on n'est pas sur la défensive et on dit bien ce qu'on dit, et on l'a travaillé, ce mémoire, à quatre mains.

D'autres choses que je veux dire à ce sujet-là, et je serai très bref, l'émulation entre les universités, elle n'est pas bonne que dans le sport, n'est-ce pas?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: On l'espère pour l'Université de Montréal.

M. Denis (Roch): Elle est surtout essentielle...

M. Lacroix (Robert): Je vous répondrai, monsieur. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lacroix (Robert): Elle est surtout essentielle, Mme la Présidente, dans le domaine académique, dans le domaine de la recherche et dans le domaine de tout ce qui touche au savoir. On ne peut pas imaginer un programme national d'histoire, universitaire, un programme national de biologie. Il n'y a pas d'étatisation telle en ce qui concerne l'ordre de l'enseignement universitaire. Il est bon qu'il y ait différentes écoles en histoire, différentes approches de pensée en biologie, différentes contributions libres dans tous les domaines: des sciences sociales, des sciences, etc.

n(11 heures)n

Donc, nous opérons dans ce cadre-là, c'est-à-dire que nous ne voulons pas une approche qui ferait en quelque sorte une centralisation, une conception centralisée du développement universitaire. Nous nous réjouissons qu'il y ait pluralité parce que la science n'aime pas les moules uniques. Quand elle y a goûté, elle s'est retirée, elle a fui ces contextes-là. Et donc, nous travaillons dans un cadre qui doit à la fois faire toute sa place à l'émulation ? qu'on appelle aussi, si vous voulez, compétition académique, etc. ? pour les équipes de chercheurs et dans l'offre de programmation, mais nous voulons le faire aussi... Dans le contexte international actuel, il nous dicte cette responsabilité avec une approche de coopération plus marquée, pas parce que nous aimons nous rencontrer une fois par semaine ou une fois par mois, mais parce que, si nous voulons maintenir la qualité de ce que nous offrons à l'échelle internationale, nous devons aussi regarder les zones de coopération plus offensives que nous pouvons développer dans toute une série de domaines, que ce soit l'environnement, que ce soit les sciences, que ce soit les sciences sociales, etc. Il y a place à la coopération dans le respect des libertés et dans le respect des émulations. C'est ce que je voulais dire, suite à votre remarque.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça tombe pile. Merci, M. le député de Groulx, M. Denis. M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Merci, Mme la Présidente, et bienvenue, messieurs. Je vais vous demander deux questions: la première touche les étudiants étrangers. Vous l'avez brièvement évoquée tout à l'heure; vous en parlez dans votre mémoire. Tout le monde reconnaît, je pense, que les étudiants étrangers, au-delà d'avoir des clients de plus puis des étudiants de plus, constituent un enrichissement pour un milieu universitaire, et, lorsque ces personnes diplômées retournent dans leur pays, je pense qu'ils deviennent également en quelque sorte des ambassadeurs pour nous.

Vous indiquez dans votre mémoire que l'augmentation de la clientèle ou la constance de la clientèle pour les universités de Montréal repose en partie sur la croissance, là, de... sur les étudiants étrangers. Et je pense que même à Montréal certaines des universités ont une proportion plus importante que d'autres, en ce qui a trait à la clientèle des étudiants étrangers.

Ma question est la suivante: D'une part, est-ce que vous jugez qu'on devrait favoriser davantage la venue d'étudiants étrangers dans les universités du Québec, notamment celles de Montréal? Est-ce que les politiques actuelles en place favorisent la venue d'étudiants étrangers? Est-ce que vous proposez de modifier ces politiques?

Et, deuxièmement, vous évoquez également que les universités en région devraient pouvoir bénéficier de la venue de ces étudiants étrangers de façon particulière. C'est peut-être plus difficile d'aller en région, ils sont peut-être plus tentés de rester à Montréal, ou de venir à Québec que d'aller en région. Vous dites qu'il y a plusieurs exemples en Amérique du Nord où des universités en région attirent des étudiants étranger. Donc, j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus donc de façon générale et subséquemment pour les étudiants étrangers en région.

L'autre question touche la liberté de choix des étudiants pour les programmes, les différents programmes qui existent dans les universités. Vous indiquez qu'on doit respecter la liberté des étudiants dans le choix des programmes, partout dans les universités québécoises. L'Université du Québec, la semaine dernière dans son mémoire à cette commission, indiquait qu'on devrait encourager les étudiants québécois eux-mêmes à aller davantage en région; donc ce que j'appelais la mobilité interrégionale des étudiantes et des étudiants. Et, entre autres, l'Université du Québec proposait de moduler en conséquence ses programmes d'incitation financière pour favoriser cette mobilité interrégionale. Alors, est-ce qu'on pourrait avoir vos commentaires sur cet aspect?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lacroix?

M. Lacroix (Robert): Quelques mots, Jack Lightstone va... Peut-être, Jack, que tu peux dire quelque mots. Je reprendrai la parole par la suite.

M. Lightstone (Jack): O.K.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lightstone.

M. Lightstone (Jack): Surtout sur la question des étudiants étrangers. Dans le monde développé, un signe important de la maturité d'un système d'université, c'est d'avoir une certaine masse des étudiants étrangers dans le système, et, surtout dernièrement, c'est important pour le développement social du pays hôte et c'est important pour la formation de nos étudiants, même au niveau du premier cycle.

Au niveau des deuxième et troisième cycles, la présence des étudiants étrangers est primordiale pour la compétitivité internationale, dans le domaine de la recherche. Un bon nombre de ces étudiants reste dans leur pays de formation de deuxième et troisième cycles, et ceux qui reviennent à leur patrie ont des liens étroits au niveau des recherches qui continuent avec leurs institutions de formation de deuxième et troisième cycle. Et c'est absolument primordial pour la question de la globalisation et intronisation de la recherche universitaire. Je pense que la présence d'un bon nombre d'étudiants étrangers dans nos universités du Québec, québécoises, dans notre réseau, signifie l'excellence de nos universités et la maturité de nos institutions.

Est-ce que les politiques favorisent le recrutement des étudiants étrangers? Je dois vous dire franchement: Non, absolument pas. La philosophie, à date, du gouvernement du Québec, c'est de: Le financement pour chaque étudiant, selon les disciplines et le cycle, devra être le même, même si c'est un étudiant venant de Montréal, des régions, des provinces du Canada, de l'étranger.

Il n'y a pas une reconnaissance du fait que ça coûte cher, le recrutement, plus cher le recrutement des étudiants étrangers. Ça coûte plus cher de les accueillir, ça coûte plus cher de les encadrer. Et, à mon avis, notre politique décourage la présence des étudiants étrangers, et on devra encourager leur présence, et, en particulier, au niveau des deuxième et troisième cycles.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lacroix.

M. Lacroix (Robert): Juste un petit complément, madame.

M. Chagnon: Peut-être une question plus spécifique, avant que M. Lacroix réponde, peut-être une question à M. Lightstone: Pensez-vous qu'il y aurait intérêt... En tout cas, pour les universités, est-ce qu'on ne devrait pas changer les règles budgétaires actuelles pour permettre entre autres aux universités de conserver les droits de scolarité des étudiants étrangers?

M. Lightstone (Jack): Oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lightstone (Jack): Oui!

M. Chagnon: Est-ce que tous vos collègues sont d'accord?

M. Lightstone (Jack): Je ne sais pas, on n'a pas discuté ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: On va poser la question.

M. Lightstone (Jack): Mais vous m'avez posé la question, je vous réponds.

M. Chagnon: ...pose à tous les quatre, hein?

M. Lightstone (Jack): Oui.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lacroix.

M. Lacroix (Robert): Évidemment, la question des étudiants étrangers, il faut bien réaliser qu'actuellement les universités montréalaises, dans l'ensemble canadien, sortent en tête de liste. C'est à Montréal qu'on a le plus grand nombre d'étudiants étrangers dans les universités. Et, même par comparaison aux grandes universités du reste du Canada, la proportion d'étudiants étrangers dans les universités montréalaises est plus élevée qu'à peu près partout au Canada. Donc, je pense que ça ne doit pas être si mal a priori, si on peut arriver à ce résultat-là.

Est-ce qu'on en voudrait plus? Ça dépend de chacune des institutions. Mais, ultimement évidemment, ce qui est absolument important, c'est d'avoir suffisamment d'étudiants étrangers pour donner le caractère international à nos institutions, que nos propres étudiants ? qui n'ont peut-être pas la chance d'aller à l'étranger ? puissent vivre dans leur propre classe un peu l'étranger, par des gens qui viennent de l'extérieur, accroître la compétitivité au niveau du deuxième et troisième cycle par la venue d'étudiants étrangers de haut calibre. Mais les missions des universités québécoises, c'est d'abord de former les gens d'ici, dans le meilleur contexte possible. Je crois qu'il ne faut jamais oublier ce critère-là.

La question des frais de scolarité, évidemment, moi, je pense qu'on ne peut pas la regarder juste par le bout des étudiants étrangers; il faut la regarder globalement, si on la regarde, autant pour les nôtres que pour les autres. Alors, si on veut ouvrir ce dossier-là, mieux vaut l'ouvrir au complet que de l'ouvrir par morceaux.

M. Chagnon: ...ce n'est pas question de l'ouvrir au complet ou à moitié ou la canne est à moitié ouverte. La question, c'est: Des étudiants étrangers, on en veut-u ou en n'en veut pas? Si on en veut plus, peut-être que c'est un des moyens: ce serait de faire en sorte que les universités courent pour en avoir. Puis, pour qu'elles courent pour en avoir, si elles gardaient les droits de scolarité, bien, elles seraient peut-être plus portées à les garder.

M. Lacroix (Robert): Oui. Mais déjà je pense qu'on court pas mal pour en avoir. Si on garde les frais de scolarité, l'incitatif est nettement plus élevé, à cet égard-là.

M. Chagnon: Êtes-vous d'accord ou pas d'accord? La question, c'est...

M. Lacroix (Robert): Mais il y a des ententes avec une série de gouvernements de la francophonie qui font que ces gouvernements... il faudrait que le gouvernement tienne compte de cela aussi.

M. Chagnon: Bien sûr!

M. Lacroix (Robert): Parce que, si on fait deux poids, deux mesures ? vous recrutez dans la francophonie, ça ne rapporte rien, vous recrutez en dehors, c'est payant ? bien là il y a un certain problème qui se poserait pour l'ensemble des universités québécoises, à cet égard. Donc, qu'on garde les frais de scolarité, nous sommes tout à fait d'accord, mais qu'on le regarde dans le contexte d'où proviennent les étudiants et des ententes antérieures qu'il y a entre le Québec et ces pays-là. Ça, ce serait un peu plus complet comme problématique.

n(11 h 10)n

La question de la mobilité des étudiants au Québec, c'est une question majeure. Au niveau des deuxième et troisième cycles, cette mobilité-là n'existe à toutes fins pratiques pas. Contrairement au reste du Canada où les étudiants font un premier cycle dans une université et font généralement les études supérieures dans une autre, nos étudiants sont très casaniers, c'est-à-dire, ils font les deuxièmes cycles là où ils ont fait le premier cycle à 60, 70 % et persistent souvent au doctorat ? s'ils ne vont pas à l'étranger ? encore dans la même université. C'est un gros, gros problème, à mon avis. Même pour les universités qui ont de forts troisièmes cycles... Moi, j'aimerais bien que mes étudiants aillent faire un tour à Laval ou à Rimouski, dans le cas d'un doctorat sur les eaux, ou aillent faire un tour à l'UQAM, peu importe, mais, à une condition, c'est qu'eux autres viennent chez nous, en contrepartie. Donc, ça, on a un problème de mobilité des étudiants aux études supérieures au Québec entre nous, d'accord? Alors, je pense que vous avez tout à fait raison, si on pouvait trouver des moyens d'accélérer cette mobilité-là, je pense que ce serait de bon aloi.

Deuxièmement, on développe des programmes de cotutelles de doctorat avec une série de pays étrangers dont la France mais avec d'autres pays étrangers, et ça, ça veut dire quoi? Un doctorat fait dans deux milieux avec deux directeurs de recherche par préentente préalable. Évidemment, les gens travaillent généralement ensemble au préalable, mais, tu sais, je veux dire, si on peut le faire avec la France, peut-être qu'on pourrait le faire au sein du Québec aussi dans un certain nombre de cas, là. Donc, il y a des avenues comme ça qui m'apparaissent intéressantes pour que les jeunes bougent.

Pourquoi les jeunes ne bougent pas, au Québec? Bien, c'est très simple. C'est que, généralement, dans l'université où ils ont fait leur premier cycle, ils ont une petite job au deuxième cycle qui leur permet de gagner un peu leur vie, ils ont un petit peu de ci, ils ont un petit travail auxiliaire sur place, et, s'en aller dans une autre université, c'est risquer de perdre ça et de recommencer à zéro. Les conditions financières les tiennent dans leurs propres universités. Moi, je crois que c'est désastreux, cette immobilité de nos jeunes, même entre les universités québécoises.

M. Marcoux: Est-ce qu'il pourrait y avoir, dans ce sens-là, une meilleure collaboration entre les universités pour tenter de promouvoir cette mobilité?

M. Lacroix (Robert): Tout à fait. Mais, je veux dire, ce sont souvent des conditions financières qui empêchent les jeunes de partir, tu sais, pour une autre université. Donc, en ce sens-là, au lieu de songer à mettre des incitatifs auprès des universités pour la mobilité des étudiants, il faudrait les mettre auprès des étudiants pour aller, eux... pour devenir mobiles. On l'a fait au niveau international.

Dans les derniers budgets des universités, on a injecté 10 millions pour la mobilité internationale. Ça a eu un effet absolument incroyable sur la mobilité de nos propres étudiants vers l'extérieur, d'accord, dans tous les pays du monde d'ailleurs, et, au premier cycle autant qu'aux études supérieures, plus au premier cycle qu'aux études supérieures. Donc, quand vous mettez l'incitatif au niveau de celui qui est mobile, c'est généralement mieux que de le mettre au niveau de l'institution qui tente d'attirer. Alors, moi, je pense que, si on réglait le problème financier des jeunes, la mobilité serait accrue, à cet égard-là.

M. Denis (Roch): Justement, là-dessus, Mme la Présidente, le programme dont parle Robert Lacroix, c'est le programme de bourses de mobilité, 10 millions par année pendant trois ans, qui a été mis en oeuvre par le ministère de l'Éducation, à partir de 1999-2000. C'est un programme qui a beaucoup d'impact effectivement, parce que ça permet, si on parle de mobilité internationale, aux universités québécoises d'inciter leurs étudiants à inscrire dans leur séjour d'études, dans leur curriculum, un séjour à l'étranger, et c'est une source de persistance aux études, d'engagement, d'intérêt, d'ouverture au monde. Au premier cycle en particulier, l'enjeu d'ouverture aux cultures du monde est majeur, ici. Pour les étudiants des études avancées, des cycles supérieurs ? maîtrise, doctorat ? c'est des lieux et des moments, des appuis à leurs études et à leurs spécialisations. C'est majeur.

De l'autre côté, donc, nous voulons que nos étudiants puissent avoir les moyens d'aller davantage découvrir le monde, mais nous voulons aussi en accueillir plus, c'est clair. Nous voulons accueillir plus d'étudiants étrangers. C'est un enjeu majeur pour le Québec et pour notre système d'enseignement supérieur, comme Lightstone, mon collègue, le disait, auparavant. C'est un enjeu de ressources, à ce moment-là, pour les universités aussi. Ça veut dire la capacité d'accueil qui est la nôtre. Je veux dire, c'est des places, c'est des résidences. Et, donc, de ce point de vue, quand nous parlons de notre volonté d'accueillir plus d'étudiants étrangers, je crois qu'elle est là, mais ça interpelle ou ça pose la question des ressources allouées, et, donc, des choix liés au financement des universités: capacité de résidence, capacité d'accueil, capacité d'encadrement de ces étudiants dans leurs études. C'est un enjeu très, très important, et il n'est pas que montréalais. Dans le mémoire, nous disons que la capacité d'accueil d'étudiants étrangers pour les universités en région, c'est un enjeu majeur aussi.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Simplement un commentaire, Mme la Présidente. Peut-être que j'ai mal saisi les propos du recteur Lacroix, mais il semblait dire, peut-être un peu différemment de M. Lightstone et de M. Denis, que, déjà, au Québec nous en accueillions plus et que, finalement, ça semblait correct. Et j'ai peut-être mal interprété, M. le recteur Lacroix, ce que vous avez mentionné?

M. Lacroix (Robert): Non. Ce que je voulais souligner, c'est qu'on ne part pas de zéro, là, tu sais ce que je veux dire. Il faut quand même être sérieux, là. On a peut-être des problèmes pour accueillir des étudiants étrangers mais on doit en avoir moins qu'ailleurs parce que déjà on performe mieux.

À partir de là, maintenant, il faut se fixer un certain nombre d'objectifs si on doit s'en fixer et tenir compte dans l'ensemble des paramètres de financement, à cet égard-là. Les frais de scolarité en sont un, mais, compte tenu des ententes internationales qu'a le Québec avec une série de pays, la question des frais de scolarité entraînerait un débalancement complet d'universités qui accueillent plus de la francophonie par rapport aux universités qui accueillent d'autres pays. Donc, tout ce que je dis, c'est que, si on regarde le problème, il faut le regarder globalement pour l'ensemble des universités.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lightstone.

M. Lightstone (Jack): Oui. J'aimerais ajouter quelque chose là-dessus. Je trouve ça bizarre qu'un étudiant québécois qui étudie dans nos universités paie certains frais de scolarité, mais un étudiant venant de France en échange ne paie rien. Ne paie rien parce qu'il ou elle paie les frais de scolarité dans son université d'appartenance en France, et, en France, dans les universités, les frais de scolarité sont zéro, ça veut dire qu'ils viennent ici et ne paient pas de frais de scolarité.

Peut-être qu'il y a une vingtaine d'années c'était une bonne politique afin de promouvoir le Québec en France et dans la francophonie, mais est-ce que c'est une politique qui a du bon sens aujourd'hui? Nous avons maintenant un système universitaire de très haute qualité, renommé en France pour sa qualité. Est-ce qu'on veut vraiment former des étudiants venant de France en échange, gratuitement, avec le système d'une université en maturité qu'on a maintenant?

Les universités comme l'Université de Montréal et l'UQAM et Laval, qui ont des centaines, des milliers ? certaines 1 000 ? des étudiants venant de France chaque année à cause de la qualité de notre formation ici, perdent de l'argent. Et c'est les frais de scolarité de nos étudiants québécois qui financent l'éducation des gens venant de France.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. Une très courte question, je sais que mes collègues voudraient avoir d'autre temps. Je voudrais aborder avec vous, peut-être davantage avec l'UQAM, cette possibilité... D'abord, je veux toucher l'enseignement à distance, c'est cette possibilité de rattacher la TELUQ à l'enseignement à distance de l'UQAM.

Au-delà évidemment du débat qui s'annoncera probablement en particulier dans la région de Québec parce que ce serait une perte importante comme telle, là, pour la région, je voudrais vous entendre sur les effets qu'auront en région, autre que Québec, donc sur la fluctuation des clientèles scolaires, cette décision que je comprends être une... en fait, qu'elle n'est pas prise, je sais qu'il a été mentionné que de jumeler les deux permettrait une plus haute qualité de l'enseignement. Bon. Je peux comprendre tout ça.

n(11 h 20)n

Mais, en concentrant la majeure partie de ces activités-là ou de l'administration et en jumelant ces deux entités, là, importantes à Montréal, il m'apparaît qu'il peut y avoir une conséquence sur les étudiants en régions plus éloignées qui, bon, c'est sûr, sont quelquefois une clientèle peut-être un peu plus captive parce qu'ils et elles étudient à partir de leur maison, en tout cas à partir de... ils ne sont pas obligés de se déplacer, mais il y a quand même, si je ne m'abuse, une partie des cours ou des examens qui sont donnés aussi dans des centres autres que... bon, des centres comme Québec.

Alors, avez-vous fait des études là-dessus? Y a-t-il des analyses qui existent et pourriez-vous peut-être très brièvement nous entretenir là-dessus pour qu'on comprenne un peu ce rattachement-là?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Denis.

Mme Delisle: Puis l'autre, ensuite, après... J'adressais ma question à M. Denis. Je m'excuse.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Denis.

M. Denis (Roch): Je vais sortir du cadre du mémoire, mais je m'y sens invité par votre question.

Mme Delisle: C'est que ça a un effet, à mon avis, sur la fluctuation des clientèles.

M. Denis (Roch): Oui, oui, bien sûr, bien sûr. La crainte que vous évoquez au sujet du rattachement institutionnel TELUQ-UQAM, les établissements en région l'avaient, bien avant ce projet de rattachement vis-à-vis de la TELUQ. Puisque la TELUQ fait du télé-enseignement, chaque cours qu'elle médiatise, elle ne l'offre ni à Québec, ni à Montréal, ni à Chicoutimi, ni à Trois-Rivières, en particulier. La localisation géographique de la TELUQ n'a jamais été un enjeu pour cet établissement universitaire. Chaque étudiant qui veut prendre son cours par la voie de la médiatisation, qu'il soit à Rimouski ou en Abitibi, s'il le fait, Rimouski ou Abitibi ou Trois-Rivières peut s'inquiéter de le perdre comme étudiant campus potentiel ou réel. Donc, cette crainte-là, elle n'est pas nouvelle.

Mais je vais vous dire une chose: Si le rattachement institutionnel de la TELUQ à l'UQAM devait servir à autre chose que de donner des ailes enfin au télé-enseignement et au développement de l'université en réseau au plan bimodal, comme on le dit maintenant, si ça devait servir à autre chose que cela, je m'y opposerais, comme recteur de l'UQAM. C'est-à-dire, si ça devait servir à dépouiller les établissements en région de leurs étudiants et de leurs capacités, je pense qu'on ferait un bricolage structurel qui serait néfaste pour l'ensemble des universités.

Or, nous sommes en train de travailler à établir un modus operandi en vertu duquel non seulement, si nous faisons ce rattachement, les établissements en région ne devront pas avoir moins d'étudiants, mais peut-être plus de moyens d'en recruter. Notamment, on parlait des étudiants étrangers, des étudiants à l'échelle internationale. Nous voulons faire en sorte que ce rattachement bénéficie à l'ensemble du réseau, et je le dis pour le réseau de l'Université du Québec: Il va falloir regarder cela aussi. C'est regardé actuellement dans le cadre de la CREPUQ depuis un certain nombre d'années pour l'ensemble du réseau universitaire du Québec. C'est dans cette optique-là que nous travaillons cela avec beaucoup d'encouragement.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je voudrais revenir un peu sur les sujets que je mentionnais presque à l'ouverture de cette présentation que nous avons eue des quatre recteurs ou, du moins, ce que j'en lisais de leur rapport.

Vous nous avez dit, M. le recteur de l'Université de Montréal, que vous aviez eu beaucoup de mérite et de travail à faire avec le programme D.E.C.-bac en formation d'infirmier et d'infirmière. Et, si cette expérience-là s'est révélée pertinente et florissante, est-ce que vous avez l'intention de la multiplier? La question pourrait se poser aussi pour l'Université du Québec, pour McGill et pour Concordia, il n'y a pas de limite à la vertu de la connaissance. Dans ce cadre-là, évidemment, je serais bien intéressé de voir quels sont vos programmes de développement pro domo, puisque, de toute façon, vous avez des collègues sinon des compétiteurs qui sont rendus aux portes, tout près des portes, à bâtir des programmes de maîtrise qui feraient en sorte que, même si on les écoutait, on changerait les noms des stations de métro.

Éventuellement, j'imagine que vous devriez avoir un intérêt à faire en sorte que vos institutions contribuent au renforcement des capacités de savoir des gens sur leur base locale, particulièrement au premier cycle. Et peut-être que vous pourriez m'informer... davantage M. Yalovsky pourrait m'expliquer quelles sont les différences entre les collèges qui dispensent des cours et des programmes sanctionnés par des certificats en Colombie-Britannique et qui donnent des diplômes de baccalauréat appliqué. J'aimerais comprendre à quoi on fait allusion. C'est évidemment un diplôme professionnel, j'imagine. Et on parle de collèges universitaires qui donnent des diplômes de maîtrise appliquée ? on parle toujours de la Colombie-Britannique. Jusqu'à quel point ces exemples tirés de l'autre bout du pays pourraient être utiles ici dans l'organisation de notre mode de fonctionnement d'enseignement postsecondaire?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Yalovsky.

M. Yalovsky (Morty): Oui. Peut-être ce qu'on a fait commence un peu en Colombie-Britannique. Ça veut dire, dès la petite fusion entre les universités et les collèges, premièrement avec les collèges qui se trouvent dans les régions. Peut-être si on va prendre l'exemple de Québec, on a le D.E.C. pour peut-être, je crois... le D.E.C. de trois années pour faire que des personnes qui suivent ça peuvent commencer dans le programme de baccalauréat et peuvent le faire en deux années au lieu de faire ça en trois années de plus. C'était le mandat que...

M. Chagnon: It does exist right now.

M. Yalovsky (Morty): Oui, c'est ça.

M. Chagnon: You have D.E.C.-bac in many, many areas, many regions in Québec. You speak about that? Is that the example you are giving?

M. Yalovsky (Morty): That's a version of what they are attempting to do. If you were to look at it in many of the colleges that do exist there, they tend to specialize more... in those areas... they tend to specialize more in applied areas, then the idea is to use that to advance into a university degree. The attempt at the baccalaureate has just started, and now there is the talk and the proposal to do so at the masters. Is there a program working at this point? Not yet. But the intention is to go ahead and try to do this type of greater integration.

M. Chagnon: Qu'est-ce qui empêche, par exemple, des universités comme les vôtres à développer davantage ces programmes-là avec les cégeps en région?

M. Lacroix (Robert): Écoutez, je pense que le D.E.C.-bac en sciences infirmières est un exemple. Quand on regarde la situation...

M. Chagnon: En administration. Il y en a plusieurs en...

M. Lacroix (Robert): Oui. En fait, il y a trois secteurs où ces possibilités-là existent. Il y avait sciences infirmières, il y avait administration et il y avait le secteur génie, en fait. C'est là que c'est massif. En dehors de ça, on ne peut pas dire que les... Il est bon que les étudiants qui ont fait un D.E.C. professionnel restent dans leur secteur parce qu'on a besoin d'eux là où ils sont puis je ne pense pas qu'ils veulent venir à l'université, non plus.

Donc, c'est très limité, c'est très circonscrit. On a réglé un des trois cas, ça fait déjà le tiers des problèmes de réglés. L'ETS a déjà, je pense, avec le secteur génie des cégeps, des relations tout à fait particulières, et l'École a été créée précisément pour avoir une filière unique, à cet égard-là. On peut dire qu'à ce niveau-là il n'y a pas des problèmes majeurs. Il reste le secteur administration, mais, comme le Québec forme déjà des administrateurs plus que partout dans le Canada, alors je vais vous dire ce n'est peut-être pas la priorité des priorités.

Là où la situation est différente, quand je sors du secteur professionnel...

M. Chagnon: En dehors des programmes professionnels, est-ce qu'il y a lieu, est-ce qu'il y a possibilité de regarder...

M. Lacroix (Robert): C'est ça. En dehors des programmes professionnels évidemment, en principe, c'est: La formation de deux ans est une formation préparant à l'arrivée à l'université, formation générale mais aussi spécifique à certains secteurs. Là, je pense que le travail qu'il y a à faire évidemment est un travail de reconnaissance d'acquis et de voir si effectivement on ne pourrait pas davantage harmoniser les deux systèmes pour éviter en première année que beaucoup d'étudiants et d'étudiantes se sentent un peu démobilisés, soit par des redites ou soit par des manques d'intérêt par les cours qu'ils ont suivis.

M. Chagnon: Bien, l'idée, c'est de mettre...

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lacroix...

M. Chagnon: L'idée, c'est de mettre l'imagination au pouvoir...

La Présidente (Mme Bélanger): C'est fini, c'est fini.

M. Chagnon: Il y aurait peut-être lieu de regarder la possibilité de faire une première année universitaire dans des cégeps, suite aux deux années du collégial.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Lacroix, M. Denis, M. Lightstone et M. Yalovsky, de votre participation. Je suspends les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 29)

 

(Reprise à 11 h 33)

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, nous reprenons nos travaux. M. le député de Westmount?Saint-Louis, si vous voulez bien prendre place. Bien, il est sourd. Il est sourd, le député de Saint-Louis.

Alors, nous recevons le groupe de l'Abitibi-Témiscamingue comprenant les cinq commissions scolaires, le cégep et l'université de cette région. Alors, nous vous souhaitons la bienvenue, et je demanderais au porte-parole de bien s'identifier et de présenter la personne qui l'accompagne. Et je vais vous dire que vous avez 20 minutes pour votre exposé, qui sera suivi d'un échange de 40 minutes avec les membres de la commission.

Groupe de l'Abitibi-Témiscamingue
comprenant les cinq commissions scolaires,
le cégep et l'université de cette région

M. Roy (Fernand): Merci, Mme la Présidente. Je me présente, Fernand Roy, je suis président de la Table interordres et je suis directeur général de la commission scolaire de l'Or-et-des-Bois de Val-d'Or. Donc, je vous présente les gens qui m'accompagnent: complètement à ma droite, M. Jules Arsenault, qui est le recteur de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.

M. Arsenault (Jules): Bonjour.

M. Roy (Fernand): M. Roger Gauthier, qui est président du conseil d'administration de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.

M. Gauthier (Roger): Bonjour.

M. Roy (Fernand): M. Daniel Marcotte, qui est directeur général du cégep de l'Abitibi-Témiscamingue.

M. Marcotte (Daniel): Bonjour.

M. Roy (Fernand): M. Jean-Louis Carignan, qui est président du conseil d'administration du cégep de l'Abitibi-Témiscamingue; M. Clément Roy, qui est président de l'Association des commissions scolaires de l'Abitibi-Témiscamingue et aussi président de la commission scolaire Harricana.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, je suppose, M. Roy, que c'est vous qui êtes le porte-parole. Alors, vous avez la parole.

M. Roy (Fernand): Comme président de la Table interordres, il semblerait que je devais faire la tâche ce matin. Donc, c'est avec un plaisir que je le fais, madame. Vous avez reçu le document, donc je vais me permettre d'en faire la lecture, de le présenter puis, ensuite, je suppose que les questions tourneront autour du contenu de notre mémoire.

Donc, les commissions scolaires du Lac-Témiscamingue, de Rouyn-Noranda, du Lac-Abitibi, d'Harricana et de l'Or-et-des-Bois, ainsi que le cégep de l'Abitibi-Témiscamingue et l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue se réjouissent de l'intérêt que porte la commission de l'éducation de l'Assemblée nationale à la fluctuation des clientèles en éducation, notamment au chapitre de leur décroissance dans plusieurs régions du Québec.

Que notre intervention soit conjointe n'est pas le fruit du hasard, nos établissements ont, depuis plus de 30 ans, cultivé une tradition de collaboration et de partage des ressources destinée à mieux servir leurs clientèles respectives.

Donc, je vous mentionne un peu à côté que la table interordres regroupe, comme on vous l'a dit, les cinq commissions scolaires. On se réunit régulièrement à toutes les années et de façon formelle depuis 1999. Donc, ça fait trois ans qu'on est regroupé pour des projets d'intérêt, tout ce qui touche l'éducation dans le milieu et aussi le développement régional. Donc, dans ce contexte, nous proposons dans le présent mémoire un certain nombre d'éléments susceptibles de répondre aux interrogations de la commission. Cependant, nous ne souhaitons pas trop insister sur les aspects liés à notre capacité de mettre en oeuvre des plans, des actions, moyens visant à mieux gérer la décroissance de nos effectifs.

Je dois vous dire que là-dessus on a beaucoup d'expérience. Puisque plusieurs régions du Québec sont aux prises avec ce phénomène, nous croyons que nos fédérations respectives ainsi que le siège social de l'Université du Québec traiteront abondamment de ces questions dans leurs interventions. À ces quelques éléments reliés à la gestion du problème nous préférons greffer une vision que nous osons qualifier de socioéducative, puisqu'elle concerne à la fois la société et l'éducation, vision indispensable à l'édification d'un projet collectif en l'absence duquel la gestion de l'éducation s'avère incertaine, voire illusoire. En effet, la présence de nos établissements d'enseignement en Abitibi-Témiscamingue ne trouve pas uniquement sa raison d'être dans la contribution qu'ils apportent à la formation des jeunes et des adultes.

Certes, nous réalisons notre mission d'enseignement, mais nous exerçons aussi nos responsabilités dans le cadre d'un vaste projet collectif, celui d'assurer, avec tous les autres intervenants, le développement durable de l'Abitibi-Témiscamingue. Notre approche dans la présente crise démographique en est donc une de concertation, que nous souhaitons réaliser avec l'État comme avec le milieu, afin de ne pas limiter notre action à la gestion de la décroissance, de façon à investir massivement nos énergies à trouver des moyens de contrer cette décroissance.

Au plan de la statistique, le document de la commission de l'éducation servant de base à notre réflexion s'avère juste dans la conjoncture actuelle. Nous sommes donc en accord avec l'état de la problématique de la décroissance de la clientèle scolaire qui nous a été présenté. Pour les commissions scolaires, la croissance est directement liée à la baisse démographique. Pour le cégep et l'université, la situation pourrait être différente si nous pouvions bénéficier de nouveaux programmes et si le taux de persévérance aux études augmentait. Or, ce portrait nous laisse perplexes. Le Québec voit sa population vieillir, et le nombre de naissances chute année après année. L'augmentation de la population dans les grands centres urbains et dans leur périphérie est donc due à un contexte favorable, dû notamment à l'économie florissante, à l'apport de l'immigration, à la concentration des services de l'État, à la proximité des centres de décision et des centres de recherche, alors que les régions qui ne bénéficient pas de ce contexte voient les familles quitter pour trouver ailleurs des emplois dont elles ont besoin.

La richesse ayant été créée ailleurs, nous ne devons pas être surpris d'avoir à faire face à une problématique de déclin de nos effectifs alors qu'il reste tant de questions auxquelles nous souhaitons trouver des réponses. Pourquoi devons-nous fermer des écoles dans les milieux ruraux, alors que nous pourrions les revitaliser en utilisant les 6 millions d'acres de terres fertiles et non polluées dont nous disposons en Abitibi-Témiscamingue? Comment pouvons-nous générer emplois et richesse collective avec une partie des 50 % de l'énergie électrique du Québec que nous produisons avec nos voisins du Nord? Comment transformer chez nous une partie de la production du bois d'oeuvre dont nous sommes parmi les plus grands producteurs? Puis on n'a pas parlé des mines.

n(11 h 40)n

Les ressources naturelles et les matières premières sont disponibles. Les nouvelles technologies de l'information et des communications nous rapprochent des grands marchés. Nous avons les établissements d'enseignement primaire et secondaire, d'enseignement supérieur pour former les jeunes, assurer la formation continue et le perfectionnement des adultes et, ainsi, accompagner la région dans son développement. À nous maintenant d'être proactifs à renverser les tendances et de contrer les phénomènes de décroissance qui nuisent à notre plein épanouissement.

Dans un contexte d'économie du savoir, les experts s'entendent pour dire que la survie d'une région est intimement liée au taux de scolarisation qu'elle obtient. Une région dont la scolarisation est déficiente risque d'avoir de sérieuses difficultés à s'affirmer, voire à survivre dans une société compétitive où la formation des ressources humaines, la recherche et le développement, la technologie occupent des positions stratégiques pour son développement. Voilà pourquoi il est essentiel pour l'État québécois de maintenir à tout prix un réseau d'enseignement de qualité, diversifié et accessible partout. À ce chapitre, nous proposons donc quelques pistes de solution. Nous croyons qu'il est essentiel d'assurer la stabilité à nos réseaux d'éducation. Le mode de financement basé uniquement sur les clientèles ne peut donc, à lui seul, assurer l'accessibilité aux études dans notre immense région.

Par ailleurs, compte tenu du type d'économie de notre région-ressource, qui évolue suivant les prix des matières premières, il nous apparaît essentiel de pouvoir maintenir des programmes dont la survie ne peut être liée qu'à la clientèle. Certains programmes d'enseignement professionnel, ou technique, ou de niveau universitaire doivent être supportés de façon particulière parce qu'ils sont essentiels au maintien et au développement des entreprises de notre région.

Le développement des nouvelles technologies et le contexte de mondialisation dans lequel nous évoluons nous obligent à répondre rapidement aux besoins de nos entreprises. Il apparaît donc important de permettre une plus grande souplesse pour que nous puissions adapter nos programmes aux besoins changeants et aux diverses conjonctures.

Nos établissements d'enseignement supérieur devraient également être en mesure de bénéficier de la présence d'un nombre accru d'étudiants étrangers ? on en a entendu parler tout à l'heure. À cet égard, l'exonération des frais de scolarité ou des bourses équivalentes à ces étudiants qui choisiraient d'étudier en région constituerait une aide substantielle aux établissements. Ce serait peut-être aussi intéressant de permettre aux jeunes de Montréal et de Québec de venir en région, pas juste d'aller au niveau international. Ça aiderait à occuper le territoire.

Les régions aux prises avec un heureux problème de croissance importante de leur clientèle scolaire ne doivent cette chance, selon nous, qu'à l'arrivée massive de familles attirées par des milliers d'emplois créés dans et en périphérie des grands centres urbains grâce à un soutien vigoureux de l'État au cours des dernières années. C'est le développement des industries de l'aéronautique, des communications, des biotechnologies qui oblige désormais la construction de routes, de maisons, d'écoles et qui attire les services du secteur tertiaire.

Dans les régions du Québec, particulièrement en Abitibi-Témiscamingue, une semblable volonté de l'État doit se manifester rapidement. Le gouvernement doit prêcher par l'exemple et travailler avec nous, avec l'ensemble des intervenants de la région, à inverser la tendance à la décroissance démographique. Lorsque la géographie du développement se caractérise par une concentration excessive dans quelques pôles bien limités des leviers de développement, créant ainsi des régions moins bien nanties, une déstructuration de l'économie et un mouvement d'exode de la population, c'est l'ensemble du territoire qui s'affaiblit, et toutes les populations en souffrent. On ne règle pas de problèmes de cette façon, on en crée d'autres beaucoup plus complexes et plus coûteux à résoudre. Que l'on pense, par exemple, à l'engorgement et à la détérioration des réseaux routiers urbains, à la pollution plus importante, aux coûts de gestion des déchets, aux problèmes de logement locatif, à la surpopulation dans les hôpitaux et les centres d'accueil. Bref, le déséquilibre dans la géographie du développement ne solutionne pas les problèmes, il les généralise à l'ensemble du territoire. Il est donc urgent de s'attaquer à la difficile question de répartition des lieux de décision et de la capacité de production afin que l'ensemble du territoire québécois puisse se développer et participer à l'augmentation de la richesse collective.

Identifions quelques pistes afin d'augmenter notre population, puisque nous disposons d'un excellent réseau d'éducation pour le desservir. Le transfert en région de réseaux de services provinciaux publics et privés par le biais de la décentralisation des services dans les régions constitue un message clair de la volonté de l'État d'occuper le territoire et de le développer. Un bureau gouvernemental ayant une responsabilité panquébécoise, un centre de recherche, voilà quelques exemples de transfert de compétences qui amènent des familles en région et qui permettent d'attirer des commerces et des services nécessaires à leur bien-être.

Le regroupement en région de services en lien avec les ressources constitue également une intéressante piste de solution. Certains les nomment des créneaux d'excellence; d'autres, pôles d'excellence. Notre région dispose de ressources naturelles importantes: minéraux, forêts, ressources hydriques, des terres agricoles propres. Des programmes de formation privilégiant nos établissements développés et offerts en partenariat avec le milieu et avec les entreprises attireront des étudiants de partout au Québec, en plus d'un certain nombre provenant de l'étranger. Ces diplômés et la proximité des ressources seront de nature à attirer les entreprises désireuses d'exploiter et de transformer ces ressources.

L'arrivée des créneaux de télécommunications à large bande permet de rapprocher entre eux les grands centres et les régions du Québec. Nous souhaitons que ces nouvelles technologies puissent être utilisées non seulement pour que notre population et nos étudiants bénéficient des transferts d'information dans l'axe sud-nord, mais que ces réseaux soient de véritables autoroutes du savoir utilisés également dans l'axe nord-sud. Nous avons, au fil des ans, développé des programmes et des expertises que nous pouvons partager avec le reste du Québec et du monde, particulièrement avec les autres établissements d'enseignement.

La dernière piste que nous proposons consiste à faciliter le financement avec notre propre argent. Il existe dans nos régions des milliers d'employés des secteurs public, parapublic, des entreprises d'État et des municipalités qui contribuent depuis des décennies à garnir des caisses de retraite milliardaires. Ces sommes, qui défient l'imagination, servent année après année à assurer le financement d'entreprises, donc le développement de l'emploi et, par conséquent, des services éducatifs partout dans le monde, notamment aux États-Unis, en Europe et en Asie du Sud-Est. Un pourcentage raisonnable de ces fonds pourrait donc être investi chez nous, dans des entreprises installées ici, dont les profits seront taxés par nos gouvernements, entreprises dont les employés vivront et éduqueront leurs enfants chez nous.

Rappelons-nous ce que nous disions dans les années 1940 et 1950 lorsque nous avions à identifier les personnes importantes d'une communauté locale. La conversation tournait toujours autour du curé, de l'institutrice et de l'infirmière. L'école a toujours été au centre de la vie de nos villes et de nos villages. En Abitibi-Témiscamingue, la mission des commissions scolaires, du cégep et de l'université ne peut se limiter à dispenser l'enseignement aux étudiants que la communauté est en mesure de lui fournir. Nos établissements accompagnent le développement de toute la région. Ils sont au coeur de la vie éducative, certes, mais également de la vie sociale, culturelle, économique et technoscientifique de nos communautés.

Compte tenu de la rareté ou de l'absence de ressources dans plusieurs domaines, nos commissions scolaires, notre cégep et notre université sont constamment sollicités pour participer activement aux grands projets de développement partout sur notre immense territoire. Cette mission d'accompagnement, nous souhaitons qu'elle soit reconnue à sa juste valeur et que nous puissions disposer des ressources nécessaires à son accomplissement. Jamais une famille ne s'installera dans une communauté où elle ne pourra instruire ses enfants. Les femmes et les hommes de l'Abitibi-Témiscamingue ne pourront jamais s'investir dans un projet dont l'aboutissement consisterait à atrophier leur développement. Elles et ils s'investiront totalement dans un projet de société où ils et elles seront des agents actifs de développement, soutenus par des établissements d'enseignement qui enracinent en eux le goût d'apprendre et qui soutiennent leurs aspirations.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Roy. M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Merci, Mme la Présidente. La situation de l'emploi en Abitibi actuellement et au Témiscamingue, ça ressemble à quoi?

M. Roy (Fernand): La situation de... Tu peux y aller?

n(11 h 50)n

M. Gauthier (Roger): On a un taux de chômage ? Roger Gauthier ? un taux de chômage qui est un peu en deçà de 10 %, mais on a une fluctuation constante, là, compte tenu de l'effet des ressources naturelles. Donc, il y a des temps où l'emploi est en bonne croissance et des temps où l'emploi est très... les taux de chômage sont très élevés.

M. Paquin: Comment vous qualifieriez les tendances sur les dernières années? Ça s'améliore? Ça s'empire? Ça se maintient?

M. Gauthier (Roger): Toutes proportions gardées, on a de la difficulté à conserver en région des emplois, qu'on pourrait dire... des emplois de qualité ou des emplois scolarisés. Il y a des emplois qui, par la force des choses... Par exemple, dans les mines, il y a des emplois qui sont chez nous parce que ça ne peut pas faire autrement, mais, dans certains cas, les centres de décision et les emplois influents ont tendance à sortir des régions.

M. Paquin: Et, au niveau de la population, ça ressemble à quoi? Ça se maintient? Ça augmente? Ça diminue?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Arsenault.

M. Arsenault (Jules): Il y a une décroissance de la population, en Abitibi-Témiscamingue, de 4 % dans les cinq dernières années. À peu près 5 000 personnes ont quitté l'Abitibi-Témiscamingue.

M. Paquin: Est-ce exact que maintenant, bon, il y a des gens qui s'en vont ailleurs pour travailler et que, finalement, on commence à assister aussi à des départs des personnes à la retraite qui vont rejoindre les enfants ou qui vont rejoindre les familles ailleurs? Est-ce que ça se manifeste actuellement chez vous?

M. Arsenault (Jules): Oui, c'est de plus en plus le cas. Vous avez posé une question sur la situation de l'emploi. Le taux de chômage a baissé, là, au cours des dernières années, donc il y a eu une amélioration de l'emploi, mais il faut regarder ça dans un contexte global. Des travailleurs miniers en Abitibi-Témiscamingue, une bonne partie ont quitté la région. Aujourd'hui, on ne serait pas capable de faire face à une découverte importante puis trouver la main-d'oeuvre parce que les gens ont quitté le territoire. Donc, on trouve des améliorations, mais il faut regarder l'ensemble plus globalement. Donc, moi, il faut faire des lectures un peu plus... La journée qu'il restera une personne en Abitibi-Témiscamingue, il n'y aura pas de problème de chômage.

M. Paquin: Mais on voit, là, le phénomène des retraités qui vont rejoindre la famille à l'extérieur, qui quittent aussi?

M. Arsenault (Jules): Oui, parce que, de plus en plus, vous savez, les baby-boomers arrivent à la retraite, ont eu des enfants, les ont fait instruire, ces enfants ont quitté la région. On essaie de se rapprocher des petits-enfants, et les petits-enfants ne sont plus sur le territoire de l'Abitibi-Témiscamingue. Donc, il y a un glissement de la population, de plus en plus, des aînés qui vont quitter le territoire.

M. Paquin: Puis est-ce qu'on fait beaucoup d'enfants chez vous?

M. Arsenault (Jules): Pardon?

M. Paquin: Est-ce qu'on fait beaucoup d'enfants chez vous?

M. Arsenault (Jules): Dans un certain cas, je dirais qu'on a le record, parce que les autochtones font partie de notre territoire, les gens des premières nations, et vous savez que les gens des premières nations ont un taux de natalité trois fois plus élevé que la moyenne québécoise. Mais, si je prends les populations qui sont autres que les premières nations, le taux de natalité se compare à celui du Québec, donc de l'ordre de 1,4, 1,43, là.

M. Paquin: En termes de fréquentation de l'école, est-ce que la présence de familles autochtones a tendance à stabiliser les effectifs d'enfants dans les écoles ou est-ce qu'il y a quand même une décroissance dans les écoles malgré le haut taux de natalité chez les autochtones?

M. Arsenault (Jules): Je vais parler pour l'université. La clientèle autochtone permet de ralentir la baisse de clientèle étudiante à l'université. On a développé principalement avec les communautés cries, les trois communautés... Il y a neuf communautés cries sur notre territoire, neuf communautés algonquines et deux communautés inuites. Dans les trois communautés, on a développé des programmes particuliers pour eux, bien adaptés, parce qu'il faut pratiquement avoir des enseignants... Je pense qu'on vient de terminer... On termine cet automne un bac en travail social où on a commencé il y a quatre ans avec une cohorte de 50 étudiants cris, et on va terminer avec 45. Donc, le taux de rétention est exceptionnel. Même, c'est le record pour l'UQAT par rapport à l'ensemble de nos autres programmes.

Donc, si on offre des services bien adaptés aux communautés autochtones, c'est un volet qui va nous permettre de maintenir un certain nombre de clientèles. Il ne faut pas oublier que les communautés autochtones, 60 % ont moins de 25 ans. Donc, ils sont de la clientèle... Ils ont fait un choix ? ils sont comme les autres sociétés de la planète ? de miser sur l'éducation, la formation, le développement des hommes et des femmes de leur communauté, et je pense qu'il y a un potentiel de clientèle.

M. Paquin: ...d'enseignement, ça ressemble-tu à la même situation?

M. Marcotte (Daniel): Oui. Daniel Marcotte, collège de l'Abitibi.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Marcotte.

M. Marcotte (Daniel): Oui, c'est ça, Daniel Marcotte. La population autochtone est plus significative au niveau de nos formations au niveau de l'enseignement régulier. On a beaucoup de formations au niveau formation continue, des A.E.C., attestations d'études collégiales. Par contre, au niveau de formation régulière, il y a peu de fréquentation. On constate qu'il y a un glissement majeur de cette clientèle-là vers les institutions anglophones du Québec et de l'Ontario. Donc, les gens n'étudient pas dans la région, dans leur langue. On aurait possiblement des efforts à faire à ce niveau-là au niveau de l'anglais comme langue d'enseignement.

M. Paquin: Et au primaire?

M. Marcotte (Daniel): Aux niveaux primaire et secondaire, là, je pense qu'il y a peut-être des régions où c'est plus évident, mais il y a certaines réserves sur le territoire, donc il y en a qui ont déjà leur école. Je pense au Lac-Simon puis à Pikogan, à Amos, mais je prends une autre réserve... À la commission scolaire de l'Or-et-des-Bois, que je connais plus particulièrement, on a environ 90 élèves du lac Dozois, qui s'appelle Kitcisakik pour... et qui ne veulent pas aller au Lac-Simon, donc qui demeurent dans des foyers à Val-d'Or. Donc, c'est environ 85 élèves jeunes, je vous dirais, sur une population de 7 500 élèves environ.

M. Paquin: Primaire, secondaire, est-ce qu'il y a une baisse nette d'effectif dans les écoles?

M. Roy (Clément): Oui, oui, on a les mêmes statistiques que vous avez dans le document que vous avez reçu du gouvernement du Québec puis qui sont confirmées chez nous. On parle de 15, là, ou 16 % pour les cinq prochaines années, donc on est dans la tendance de toutes les régions.

M. Paquin: Alors, je constate que vous abordez cette question-là de façon systémique, tous ensemble, et aussi dans une perspective de mission dans un territoire donné pour une population donnée, en la situant dans le contexte économique, hein, votre mémoire est assez clair là-dessus. Et, à ce moment-là, vous dégagez un certain nombre de pistes, en fait, quatre principales pistes que j'ai notées, là, et sur lesquelles je ne reviendrai pas toutes pour peut-être vous poser des questions sur d'autres aspects qui ont été évoqués par d'autres dans la commission jusqu'ici.

Mais ce que je vois, donc, c'est que vous situez ça dans un contexte d'une économie, d'une occupation du territoire, d'une population enracinée dans sa réalité abitibienne et du Témiscaminque et puis dans une perspective de développement global de la région. Et, à cet égard-là, pour l'ordre collégial, vous mentionnez une disposition avec laquelle j'ai une tendance, en tout cas a priori, d'être assez d'accord, vous dites que le développement des nouvelles technologies et le contexte dans lequel on évolue nous obligent à répondre rapidement aux besoins des entreprises. Et là vous parlez d'une souplesse au niveau de la fabrication des programmes, une capacité de s'adapter. Bon, on veut développer des créneaux d'excellence, on veut profiter du fait qu'il y a certaines réalités sur le territoire, qu'il y a certains besoins, et tout ça, mais le temps de réponse pour la fabrication des programmes est très lent au niveau collégial, surtout que finalement la tentation, c'est d'abandonner les D.E.C. pour aller vers des A.E.C. On a une formation de base dans quelque chose, on en profite, on ouvre des A.E.C. dans plein d'affaires pour répondre à des besoins. Néanmoins, nos étudiants, à ce moment-là, négligent la formation globale. Ça ferme peut-être des portes pour certains aspects de l'avenir en termes de formation universitaire, ou des choses comme ça, pour un emploi immédiat, pour une réponse immédiate à une entreprise.

Moi, l'intuition que j'ai, c'est que quand il y a des nouvelles technologies puis quand il y a des nouveaux besoins qui ne sont pas donnés ailleurs dans le réseau, on devrait permettre aux institutions, en collaboration avec le milieu, de faire un programme sur le tas, c'est-à-dire de le préparer avec les industries, avec les commerces, avec ceux qui ont le besoin de cette formation-là, et de le développer sous forme d'un D.E.C. et de le vérifier a posteriori avant de l'étendre ailleurs, avant de le valider, avant de le mettre dans la grille des programmes, et non pas de le faire avec la manière usuelle qu'on fait les programmes ou les révisions de programmes à la Direction générale de l'enseignement collégial, c'est-à-dire que c'est des mesures qui aboutissent au bout de plusieurs années. Je me souviens le programme en laboratoire médical où ça n'a pas fini de se terminer. Là, il y a des nouvelles technologies qui arrivent. Le temps de réponse est extrêmement important, et, par rapport aux besoins de nos entreprises, aller toujours vers les A.E.C. au détriment des D.E.C., eh bien je ne suis pas sûr que ça nous amène en quelque part d'intéressant au bout du compte. J'aimerais vos commentaires là-dessus.

n(12 heures)n

M. Marcotte (Daniel): Oui, Daniel Marcotte, collège d'Abitibi. D'entrée de jeu, moi, je pense qu'il faut préciser que l'A.E.C., ce n'est pas une formation à rabais. L'A.E.C., c'est quand même une formation qui est spécialisée. Il manque tous les cours de formation générale, mais l'individu a quand même été chercher une plus-value en termes de compétence. À peu près tous les nouveaux D.E.C. qui apparaissent dans le réseau depuis les cinq dernières années s'appuient sur des A.E.C. Il y a eu des expériences qui ont été faites via des A.E.C., ce qui a permis de confirmer le besoin qui éventuellement a débouché sur un D.E.C. Mais ça s'est appuyé sur une expérience d'A.E.C, et, effectivement, vous avez raison, l'A.E.C. est beaucoup plus facile à gérer qu'un D.E.C. Un D.E.C., c'est extrêmement long à mettre en place, c'est extrêmement long à écrire, alors que l'A.E.C. nous permet de répondre rapidement à des besoins. Il faut savoir également qu'il y a beaucoup de gens qui passent dans des A.E.C. qui, ultérieurement, se réinscrivent au collège pour terminer leur formation générale.

Donc, c'est quand même une voie d'entrée intéressante pour le collégial, les gens viennent y chercher une formation spécifique qu'ils complètent, par après, dans les années subséquentes. Donc, ce n'est pas une fin, je pense, l'A.E.C.; on peut considérer ça comme un processus d'apprentissage, et c'est une partie du processus d'apprentissage. Mais, effectivement, le développement d'un D.E.C. est beaucoup plus long qu'une A.E.C. C'est moins de souplesse, c'est moins de liens immédiats avec un besoin, et l'A.E.C. a été créée pour répondre à des besoins immédiats auxquels on répondait ponctuellement. Le problème avec l'A.E.C., c'est que souvent on est appelé à le répéter deux, trois, quatre fois, et là le besoin du D.E.C. s'imposerait. On n'a pas la structure actuellement qui nous permet d'aller au D.E.C. Donc, on se contente de l'A.E.C.

M. Paquin: Oui. Je pense qu'on aura probablement des recommandations qu'il faudrait formuler là-dessus. Vous vouliez donner un complément de réponse?

M. Roy (Fernand): Oui. En complémentaire, je vous dirais que c'est une bonne chose, toute la question du développement des A.E.P. pour la formation professionnelle. Il y a toute la question du financement des A.E.P. puis des A.E.C. On sait que le D.E.C., il est financé, le D.E.P. aussi, il est financé, mais, quand on parle des A.E.P. puis des A.E.C., on est obligé d'y aller avec Emploi-Québec qui reçoit l'argent, puis, des fois, on doit faire le développement de façon concomitante avec eux autres. C'est peut-être une bonne chose, on a diminué le temps pour les programmes. Je sais qu'ils ont l'intention au ministère de raccourcir ce temps-là à un an et demi, mais la majorité des programmes ont été révisés. Donc, présentement, je pense que les commissions scolaires ou les cégeps qui donnent un programme, on devrait les utiliser davantage pour la révision puis la mise à jour, et ça, c'est moins de temps, parce que tous les programmes présentement sont développés par compétences. Il reste un peu plus au niveau collégial, mais ça va bien. C'est surtout le financement. Mais de dire que ce soit plus court pour développer des programmes, je pense qu'il faut aboutir à ça; je suis complètement d'accord avec vous.

M. Paquin: Au niveau universitaire, pour qu'il y ait des mobilités dans les deux directions ? et peut-être que les gens qui vivent dans la métropole découvrent les régions ? il pourrait être intéressant qu'il y ait une mobilité, comme il y en a une parfois entre certaines universités. Je pense à des expériences très intéressantes entre l'Université Laval et l'Université de Turin par exemple, en architecture et des choses comme ça. Mais, à l'intérieur du Québec, pour permettre à nos jeunes de découvrir les réalités un peu partout, il pourrait être intéressant d'accompagner ou de favoriser les déplacements intranationaux et donc entre les régions du Québec.

Que penseriez-vous d'une recommandation de la commission qui irait dans le sens de suggérer qu'il y ait des bourses de mobilité intranationales pour des étudiants dans des universités avec obligation de réciprocité? Un étudiant vient d'une université et va à Montréal, mais quelqu'un de Montréal doit aller là. Quelqu'un vient de Rimouski et va à Chicoutimi, quelqu'un de Chicoutimi irait au Saguenay. Mais il y aurait des bourses pour faciliter le déplacement de ces jeunes-là, parce qu'on nous a dit tantôt que la mobilité n'était pas un problème de la volonté des institutions mais un problème des capacités financières de l'étudiant qui est en train d'étudier. Alors, qu'est-ce que vous penseriez d'une suggestion comme celle-là?

M. Arsenault (Jules): Nous, on pense que c'est une piste extrêmement intéressante, pas seulement pour l'impact à court terme sur les clientèles. D'ailleurs, on l'a suggéré dans le mémoire du réseau de l'Université du Québec. On a mis des programmes, comme le recteur Lacroix le soulignait tout à l'heure, de mobilité des étudiants au niveau international, on a mis des sous pour les soutenir ? 10 millions. On pense qu'on pourrait changer la dynamique du Québec si on faisait des programmes semblables pour assurer la mobilité sur l'ensemble du territoire québécois.

C'est évident que la grande masse étudiante est dans les grands centres. Si on avait des programmes comme ça qui faciliteraient une session ou deux sessions ou un an dans les régions du Québec et vice versa, des gens des régions aller dans la métropole, on pourrait stabiliser la clientèle étudiante dans les régions du Québec.

Mais, au-delà de cela, c'est les contacts que les gens créeraient qui auraient un impact sur tout le... Je prends un exemple, moi-même. J'ai été prêté ? je ne sais pas si c'est le bon terme ? à Tembec, à l'entreprise québécoise Tembec. J'ai été travailler à Tembec pour partir l'usine Temcell, faire la formation pendant 18 mois. Ça a changé toute la relation qu'on peut avoir avec cette entreprise-là.

La même chose si on faisait des échanges comme ça sur l'ensemble du territoire québécois. Mais un Montréalais qui viendrait passer une session en Abitibi-Témiscamingue établirait des contacts, aurait un réseau et, plus tard dans la vie, pourrait penser peut-être faire des affaires, développer des choses différemment. Et je pense que, pour un Québec plus solidaire globalement, on aurait intérêt à investir très tôt dans des programmes de mobilité de ce genre. Donc, c'est une mesure, nous, qu'on trouverait très intéressante, pertinente pour le développement du Québec.

M. Paquin: Au niveau des écoles primaires, est-ce que vous avez des cas d'écoles où il y a peu de jeunes et où, un jour, pourrait se poser la question de: Garde-t-on ou ferme-t-on la dernière école du village? Est-ce que c'est une réalité qui existe chez vous?

M. Roy (Fernand): Je demanderais à M. Roy, président de...

La Présidente (Mme Bélanger): Un autre monsieur Roy.

M. Roy (Clément): O.K. D'abord, selon les normes du ministère, une petite école, c'est 250 élèves et moins. Nous, chez nous, quand on parle de petites écoles, on parle de 40 à 100 élèves. Alors, un gros noyau de nos écoles contiennent ce nombre d'étudiants. Il s'en ferment un peu à toutes les années, là. Il y a un projet actuellement au Témiscamingue qui a été travaillé pendant un an d'en fermer cinq parce qu'eux ont des regroupements, exemple à trois par... trois municipalités. Un, deux, à une place, trois, quatre à l'autre, cinq, six à l'autre, avant que les jeunes se promènent. Dans beaucoup d'autres endroits, c'est deux municipalités qui échangent: maternelle 1, 2, 3 dans une municipalité et 4, 5, 6 dans l'autre municipalité. Alors, ça, ça se fait beaucoup en tout cas au niveau, je pense, à la grandeur des régions.

On a quelques écoles ou des classes à degrés multiples 3 mais très peu. À date, on a beaucoup de 2, exemple 1 et 2, 3 et 4, 5 et 6. Mais ça va devenir critique d'ici 10 ans, notre 40 va peut-être être rendu à 20 ou 25, et là, on se posera sérieusement la question.

M. Paquin: Alors, vous avez commencé à travailler en concertation. La question que je vais vous poser, c'est par rapport à la concertation avec d'autres agents dans votre milieu: Au moment de discuter de la pertinence de maintenir, de fermer une école, d'agencer quelques écoles entre elles ou de faire des multigroupes dans deux ou trois écoles, des choses comme ça, d'autres intervenants nous ont dit: Ça ne peut pas et ça ne doit pas être la décision unique d'une commission scolaire sur des bases administratives mais ça doit prendre en compte d'autres dimensions. Je vois déjà, dans votre façon de fonctionner, vous prenez en compte pas mal de dimensions.

Mais on a été jusqu'à suggérer dans certains mémoires et dans certaines présentations un organisme ou en tout cas une entité ad hoc ou structurée dans le milieu qui inclut la commission scolaire mais qui, au-delà de la commission scolaire, peut être centrée sur les parents par exemple et qui prend la décision finale concernant une fermeture d'école, par exemple.

Qu'est-ce que vous pensez d'une recommandation qui irait dans le sens de suggérer que ce soit le cas, qu'il y ait une telle instance dans le milieu au moment de prendre les décisions finales sur des enjeux comme ceux-là?

M. Roy (Fernand): Je vais laisser ça au politique. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Bélanger): M. Roy.

M. Roy (Clément): Actuellement, il y a déjà des concertations. Exemple, je peux vous dire qu'au Témiscamingue des municipalités souvent entretiennent les écoles. Donc, il y a déjà un lien de tissé un peu commission scolaire-municipalité.

Chez nous, les municipalités ouvrent la cour de l'école. Une municipalité, quand on a réouvert Preissac ? je ne sais pas si ça vous dit quelque chose, village minier ? a investi 100 000 puis des petites municipalités, pendant cinq ans, pour nous aider à réouvrir Preissac. Maintenant, souvent, des fois, ça peut être le parent. Exemple, à la commission scolaire du Lac-Abitibi, les parents, la commission scolaire voulaient garder des écoles rurales. Les parents ont dit non plutôt que de vivre des deux degrés. Les jeunes rentrent à LaSarre, une ville d'à peu près 5 000 habitants. Donc, c'est sûr qu'à un moment donné on peut faire la réflexion, mais en même temps on devra aller voir les parents, qu'est-ce qu'ils veulent, finalement, ou c'est quoi qu'on... Peut-être que c'est nous qui leur avons bâti... La qualité de l'éducation, c'est quoi. Mais, des partenariats, je pense qu'on en fait. La plus belle preuve, c'est qu'ici, ce matin, les trois ordres d'enseignement, on est ici, c'est qu'on travaille déjà ensemble et on est conscients de ça.

n(12 h 10)n

On fait des démarches avec les municipalités. Maintenant, c'est sûr que c'est un pouvoir actuellement qui revient aux commissions scolaires. Remarquez qu'au niveau des villes on n'a pas de problème quand on ferme une école dans une ville. Le problème, c'est quand c'est la dernière école du village. Je vous dirais aussi à des endroits, exemple chez nous, dans le coin de La Morandière, Barraute, Champneuf, Rochebaucourt ? tous des noms français agréables ? il y a eu une petite, école et on va tout faire... Là, actuellement, c'est 40 ou 45 élèves parce que c'est déjà un regroupement de cinq anciennes municipalités, qui, aujourd'hui, sont trois ? je ne sais pas si un jour ils seront moins que ça, là, les gestions, ce n'est pas nous qui avons fait les genres de fusions municipales ? mais, exemple, dans ce milieu rural là et dans d'autres milieux ruraux, je pense que la politique qu'on peut se donner, nous, c'est de: la clientèle rurale, essayons de la scolariser en milieu rural. D'ailleurs, on s'est même donné des normes pour que les gens qui sont proches des villes retournent dans leur école de quartier rurale pour servir. Parce que la personne qui peut être à huit kilomètres d'Amos, elle dit: Moi, mon jeune, je veux qu'il rentre à Amos. Bien là, on a dit: Non, merci. C'est: Vous avez une école à Saint-Mathieu, vous en avez une autre là, vous retournez chez vous.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Roy. M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, messieurs. Je voudrais également vous dire que je trouve assez remarquable que vous fonctionniez comme une table interordre en éducation, dans une région. J'ignore si c'est une formule qui est répandue dans d'autres régions...

M. Chagnon: L'Outaouais.

M. Marcoux: Dans l'Outaouais, le député de Westmount?Saint-Louis le mentionne. Mais, je veux dire, en tout cas...

M. Chagnon: C'est très rare.

M. Marcoux: ...à mon avis, c'est rare et c'est certainement à publiciser. Moi, je pense que ça peut constituer un exemple, en tout cas, de concertation pour d'autres régions du Québec. Parce que, comme vous mentionnez, ce n'est pas seulement le primaire et le secondaire, c'est-à-dire, tout s'enchaîne avec le cégep et également l'université, en région.

Simplement un commentaire sur une dernière remarque de M. Roy sur les classes multi-âges ou de multidegrés ou multiniveaux. Vous avez mentionné que, bon, des parents dans une municipalité entre autres, ont indiqué que, plutôt que d'avoir une école avec deux degrés, on aime mieux les envoyer ailleurs.

Les présentations, les discussions que nous avons eues jusqu'à maintenant en commission parlementaire, ici, me donnent l'impression, moi, qu'on ne valorise pas de façon générale ? ce n'est peut-être pas le cas chez vous, dans votre région ? les classes à multidegrés ou multi-âges et que, pour bien des parents, c'est une voie qui est peut-être un pis-aller par rapport à une école où on enseigne degré par degré. Le président me faisait valoir que c'est une formule qui a du succès, c'est une formule où les étudiants...

M. Chagnon: Puis l'Université de l'Abitibi-Témiscamingue prépare ses enseignants à ça.

M. Marcoux: ...elle prépare ses enseignants à ça, ce que nous avons appris, la seule université, le seul programme de formation d'enseignants qui prépare des futurs maîtres à cette situation-là. Je me disais: Est-ce que c'est exact, est-ce que c'est vrai que les parents ont une sorte de...

M. Chagnon: De réticence.

M. Marcoux: ...un peu de réticence, d'appréhension négative à l'existence de ça et que leurs élèves ou que leurs enfants ne seront pas aussi bien formés que dans une école où on a seulement des classes à un niveau?

Une voix: M. Carignan...

M. Carignan (Jean-Louis): C'est sûr que, en principe, je devrais répondre au nom du cégep, mais, à ce niveau-là, oui, effectivement, au niveau des parents, la comparaison de la qualité de l'enseignement est existante, dans le sens suivant: c'est qu'il y a des parents qui ont encore l'impression que d'être dans des groupes multiprogrammes, la qualité est moins bonne; ça, c'est une chose.

M. Chagnon: On va leur envoyer le député de Vaudreuil qui lui-même a étudié dans ces classes-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Carignan (Jean-Louis): Et moi aussi, si vous regardez la couleur de mes cheveux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Carignan (Jean-Louis): Je me suis permis d'aller dans des écoles de rang, moi. C'est dans ce sens-là. Et certains disent que je n'ai pas nécessairement mal tourné pour autant.

M. Marcoux: C'est une expérience que nous partageons, M. Carignan.

M. Carignan (Jean-Louis): Voilà. On n'a pas nécessairement mal tourné pour autant. Mais, effectivement, en termes de qualité, l'impression est là. Il faut dire aussi que dans le temps tous ces villages-là avaient des groupes uniques, ils étaient capables de fonctionner.

Et je reviendrais peut-être, en répondant à ça, sur un sujet. La baisse de clientèle fait en sorte que ces regroupements-là, ils deviennent de moins en moins solides, parce que, si on a des municipalités ou des villages que sa première, deuxième années ou le premier cycle s'est fait à une place, l'autre là, donc la valeur de l'école du village n'a plus le même sens non plus avec ces regroupements-là. L'école existe, mais il y a peut-être, quoi, cinq ou six élèves qui vont à l'école durant l'année un ou l'année deux, à l'intérieur de ce village-là. Donc, la décroissance d'élèves va faire en sorte aussi qu'on va frapper cette difficulté-là, le sens de l'école du village qui va disparaître, de un. Et de deux, il faut aussi parler de financement, et ça, je pense qu'on a oublié... Tout à l'heure, on va peut-être revenir là-dessus, sur le financement, là. Si vous voyez dans une école qu'il y a plus qu'un ou deux degrés, bien là, à ce moment-là, il faudrait financer ça aussi. Je vois mal un enseignant de deuxième cycle avec... exemple, deuxième et troisième cycles, avec 25 ou 22 ou 23 ou 20 élèves de préparer toute cette préparation-là. Ça aussi, il va falloir y penser lors des conventions collectives ou des ententes, des négociations ou du financement que nous aurons. Ça aussi, c'est le nerf de la guerre. Je vais m'arrêter là-dessus.

M. Roy (Fernand): En complémentaire, peut-être.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Roy.

M. Roy (Fernand): Je suis complètement d'accord sur la valorisation des classes multiprogrammes. Je pense que la réforme va le faire, va aider, là-dessus. Puis on veut publiciser davantage, tout le monde y travaille... que le fait d'être avec d'autres élèves, que tu peux très bien réussir, puis il y a tout ce que M. Carignan disait, toute la question du 50 km puis des jeunes enseignants qui arrivent, c'est tout le turnover ? excusez ? c'est le roulement qui arrive auprès des enseignants qui veulent se rapprocher. Ils vont en milieu rural mais ils veulent demeurer en ville pour ne pas avoir à voyager s'ils sont à Val-d'Or, s'ils sont à Rouyn-Noranda, s'ils sont à La Sarre ou Amos, peu importe. Ils veulent retourner, ils recherchent un endroit, puis on ne défraie pas nécessairement. Tu te trouves un emploi à Vassan ou à Cadillac, tu voyages soir et matin, les gens ne demeurent pas là puis ils essaient de se rapprocher plus rapidement, puis, bien souvent, on est pris par le 50 km, au niveau des conventions collectives. Mais il faut effectivement valoriser, et c'est dans tout notre mémoire. Ce qu'on dit, c'est qu'il ne faut pas regarder dans 10 ans ce qu'on va faire parce qu'on va avoir encore d'autres trucs... je ne sais pas qu'est-ce qu'on va trouver. Nous autres, ça fait déjà cinq ans ou 10 ans qu'on y travaille, à trouver des trucs. Disons qu'il faut arrêter d'essayer de trouver des trucs, il faut peut-être décider si on l'occupe, le territoire, si on y habite ou si on continue à chercher des trucs, régulièrement. On est habitué dans les trucs, je vous dis qu'on fait bien ça à part de ça, on fait ça en concertation. Vous voyez, on est regroupé, on est les seuls probablement; lorsqu'on est en situation de crise, on se regroupe puis on monte aux barricades plus facilement, mais je pense qu'il faut aller au-delà de ça.

C'était l'objet de notre mémoire, je dois vous le dire. Puis, oui, le financement, ça va aider; oui, les trucs, ça va aider, mais je pense que dans 10 ans on va chercher encore des trucs si on ne fait pas d'autres choses. Nous autres, ce qu'on vous demande, c'est de regarder d'autres choses, d'aller au plus loin que de nous dire: Avez-vous pensé à des petits trucs? Oui, on en a, des trucs, puis on a des cahiers de trucs.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Oui, Mme la Présidente. Oui, bien, écoutez, je comprends très, très bien vos commentaires. Il est sûr que c'est relié à la dynamique économique d'une région, c'est évident, et on pourra revenir là-dessus.

Cependant, il y a certains volets qui sont reliés directement à l'éducation. Je pense que c'est en appréciant la dynamique économique régionale qui est nécessaire, il y a quand même des périodes qui vont se vivre, qui vont être un peu plus difficiles; je pense que c'est partout. Et, dans ce cas-là, je ne puis pas sûr que les avenues, en tout cas, qui ont été fixées sont nécessairement uniquement des trucs, en tout respect. Et je pense que ce qui touche les classes multi-âges, ça a été abandonné lors de la réforme de l'éducation des années soixante, dans un contexte qui est nouveau, notamment en région. Mais pas seulement en région, même en milieu urbain...

M. Roy (Fernand): Dans toutes nos écoles.

M. Marcoux: ...la question peut se poser, hein? Ce n'est pas uniquement en région, cet aspect-là. Même dans la grande région de Montréal...

Une voix: Tu en as dans ton comté.

M. Marcoux: Et j'en ai dans mon comté.

M. Roy (Fernand): Dans toutes les écoles.

M. Marcoux: Bon. Alors, c'est pour ça que, si, d'un côté, on donne l'impression, en tout cas, aux parents que c'est un pis-aller et que ça peut être moins bon pour leurs enfants, je pense bien que ça ne les rend pas ouverts, ça ne les ouvre pas à cette possibilité-là. C'est ce que je voulais, je pense, faire ressortir. Quant à moi, je pense que les commissions scolaires ont également un rôle à jouer à cet égard-là, du moins les personnes qui sont dans le système d'éducation.

Deuxièmement, en tout cas, certains groupes qui sont venus témoigner devant la commission ont fait état de critères très... pas de critères arbitraires mais de critères très rigides établis par les commissions scolaires au sujet du maintien des écoles de quartier ou des écoles de village. Je ne sais pas si c'est le cas chez vous ou...

n(12 h 20)n

M. Roy (Fernand): En tout cas, au niveau des critères des commissions scolaires, je suppose, c'est chacune des commissions scolaires. Si vous parlez de l'Abitibi-Témiscamingue, dans l'ensemble, j'ai l'impression que les critères ont varié en fonction des commissions. M. Roy en a mentionné quelques-unes, je vous dirais que l'approche de la commission scolaire Rouyn-Noranda, celle d'Abitibi, celle de l'Or-et-des-Bois, que je connais bien, celle d'Harricana, c'est d'y aller puis de travailler avec le monde, puis, le plus possible, de maintenir les écoles ouvertes. C'est toujours ce qui a été fait.

Lac-Témiscamingue vit une situation peut-être un peu plus particulière, est en étude présentement, mais ils le font avec les gens puis ils se font brasser pas mal, ils n'ont pas le choix d'ignorer les gens, vous le savez. Ils sont même venus ici avec la Fédération des commissions scolaires; vous les avez questionnés. Donc, Mme Roy y a répondu puis le vous savez, par rapport à ses critères. Mais c'est chaque commission scolaire qui est autonome, là. Ça existe toujours, et je pense qu'il y a des gens qui ont travaillé à maintenir les commissions scolaires.

M. Roy (Clément): Je voudrais rajouter... Merci. Dans le fond, c'est qu'on va être capables d'apprivoiser ? puis on le fait déjà ? les classes multiprogrammes, mais on ne veut pas que ça devienne notre norme.

Je pense que, si on est ici ce matin, c'est qu'on veut la gérer, la décroissance, pour qu'elle devienne de la croissance. Et c'est l'objectif pourquoi on est là, parce que, les commissions scolaires surtout, on a une clientèle que j'appellerais captive: si le jeune est là, il vient chez nous. L'université, le cégep, eux autres, il faut qu'ils travaillent pour aller le chercher: reste ici, viens ici, je t'amène. Mais, nous, ce qu'on voudrait faire par le geste qu'on pose ce matin, c'est d'agir, bon, que ce soit tôt ou autrement, mais on veut agir pour qu'on ait des leviers chez nous pour garder notre population et l'augmenter.

Actuellement, la population de la région, c'est environ 175 000 habitants Abitibi-Témiscamingue ? parce que la Baie-James va plus haut ? puis on entrevoit 150 000 d'ici une couple d'années. Alors, nous, ce qu'on veut, c'est faire l'effet inverse. Y a-tu moyen de garder des choses chez nous pour qu'on garde les familles, qu'on crée une dynamique et qu'on ne l'aura pas, ce problème-là, de fermer des écoles? C'est, je pense, ce qu'on vient dire, soit que la recherche forestière ou la troisième transformation... Je prenais Alouette tout dernièrement, hier, puis on parlait de troisième transformation pour garder les jeunes sur la Côte-Nord puis dans les écoles de la Côte-Nord. Bien, je pense qu'au niveau de l'Abitibi-Témiscamingue c'est l'objectif qu'on a.

On voudrait qu'il y ait des leviers. On parle de décentralisation, on en parle. Dans la vraie réalité, peu importe le parti politique, je pense qu'elle est dure à vivre. Alors, pour que des choses restent chez nous, que ce soit en recherche forestière avec l'Université du Québec et la commission scolaire chez nous, on a toutes les options forestières; avec le cégep on a un maillage. Il y a des chercheurs chez nous qui pratiquent dans la forêt, dans notre forêt où travaillent nos jeunes puis au service des industriels.

Mais si ? je ne sais pas, moi ? tant de pour cent du quota du droit de coupe qui s'en va à Québec puis tant de pour cent va en recherche, si ça reste tout ici, autour de Laval, je viens de manquer le bateau parce que de la forêt... il y a un grosse forêt boréale chez nous, il y en a ailleurs, il y en a au Saguenay. Je ne les veux pas tous dans la région, on en veut une partie pour créer chez nous une dynamique, pour créer chez nous des chercheurs puis des gens aussi bien rémunérés qui vont avoir un impact sur le milieu.

Alors, c'est un peu le discours qu'on vient tenir. Oui, on va devoir s'ajuster; ça ne sera pas facile. Bien sûr que ça prend du financement pour garder ce qu'on a. Mais on ne travaille pas pour détruire notre milieu nous-mêmes mais on veut être capables d'agir sur le milieu.

M. Carignan (Jean-Louis): Moi, je peux vous assurer...

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va?

M. Carignan (Jean-Louis): Jean-Louis Carignan.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Carignan.

M. Carignan (Jean-Louis): Je peux vous assurer qu'au niveau des normes, pour répondre à la question, les normes, elles ne sont pas rigides chez nous, en Abitibi, pour la fermeture des écoles parce que c'est des normes de maintien d'école. Je peux vous dire aussi que c'est un travail avec les parents. Et, pour nous, ce n'est pas arriver à 32, 37 ou 40 qu'on va fermer des écoles, c'est avec les parents. D'ailleurs, preuve à l'appui, c'est que chacune des commissions scolaires a mis des obligations que les gens d'un milieu donné, milieu rural, aient l'obligation d'aller à l'école. Et, en tout cas, on met beaucoup de pression pour ne pas appliquer le choix des parents au niveau de l'école, de prendre le milieu rural, aller à 8 km.

Vous savez, il y a des parents qui travaillent dans un milieu urbain puis ils disent: Bien, écoute, je vais le voyager, mon enfant, là; je reste juste en face de l'école, etc. Nous, on dit: Non, tu viens de ce milieu-là, tu vas à l'école dans ce milieu-là, tu vas aider la communauté à faire vivre ton école. C'est le langage qui est tenu, dans ce sens-là. Donc, le choix, entre guillemets, je vous dis qu'on ne l'a pas enlevé ? évidemment, parce que c'est une loi ? mais on le travaille avec les parents pour faire vivre cette école. Donc, les critères, là, c'est des critères de maintien d'école et non des critères de fermeture que nous avons. Évidemment, quand on sera rendu un-un, ça va probablement être difficile, là: une école, un enseignant, un élève, probablement qu'on ne se rendra pas là, par exemple.

La Présidente (Mme Bélanger): J'espère que non.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Carignan (Jean-Louis): Et on va faire moins un, là, c'est vrai. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Bélanger): Ha, ha, ha! Alors, M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Vous ne trouvez pas, Mme la Présidente... Je voudrais aussi saluer l'initiative qu'ont prise les gens de l'Abitibi-Témiscamingue de former ce groupe de travail en collaboration les uns avec les autres. Peut-être un des effets les plus tristes qu'on a observés longtemps, en tout cas dans le monde de l'éducation, c'est de voir comment les gens fonctionnaient en silo, sans se parler les uns les autres, et je mentionnais au député de Vaudreuil que dans la région de l'Outaouais aussi il y a une expérience semblable à la vôtre et qui est très pertinente. Les gens sont allés jusqu'à regarder un peu les avenues du marché du travail dans les années à venir, ils ont réussi à s'entendre sur des plans de formation les uns et les autres, tant au niveau secondaire qu'au niveau collégial qu'au niveau universitaire, et vous auriez peut-être intérêt à vous parler les uns et les autres, parce que je pense que vous avez amorcé tous les deux, à peu près probablement en même temps, une initiative qui risque d'être fort importante pour chacun de vos milieux mais aussi pour l'ensemble du Québec. Alors, vous auriez peut-être intérêt à parler au recteur de l'Université du Québec à Hull qui a travaillé là-dessus aussi beaucoup.

M. Gauthier (Roger): Très régulièrement... D'ailleurs, on vient de créer une association des universités des régions dont l'UQAT et l'université...

M. Chagnon: Un point, justement, parlant de l'UQAT...

M. Gauthier (Roger): ...dont l'Outaouais font partie.

M. Chagnon: Parlant de l'UQAT, ma collègue de Jean-Talon a soulevé une question concernant la TELUQ, TELUQ qui risquerait de passer à l'UQAM, et, enfin, une des questions qui était posée ? à tort ou à raison, puis c'est vous qui êtes le mieux placé pour nous y répondre ? si TELUQ s'en allait à l'UQAM, est-ce que ça peut avoir une influence sur... Évidemment, on peut présumer que l'élargissement de la gamme des produits médiatisés par TELUQ s'enrichirait, et, éventuellement, est-ce que ça pourrait avoir une influence sur la captation ou la rétention des clientèles pour une université comme la vôtre?

M. Arsenault (Jules): Je suis content que vous posiez la question parce que l'UQAT, en termes de développement de l'enseignement à distance, a un taux de croissance de 50 %, depuis trois ans. Donc, depuis 1999-2000, à chaque année on augmente, par rapport à l'année précédente, notre clientèle à distance. Donc, c'est un secteur, et je pense qu'on est la seule université québécoise, TELUQ y compris, qui a un taux de croissance de la clientèle étudiante à distance. On a développé des programmes en administration ? deux programmes en administration ? trois programmes dans le secteur de la santé, des cours dans le multimédia, des cours en travail social. Donc, l'enseignement à distance chez nous, là, c'est un secteur en développement. Si le développement qui se ferait par le regroupement de la TELUQ et de l'UQAM irait pour tuer cette créativité-là, je pense que ce serait un fiasco pour l'ensemble du Québec. Il y a des créneaux...

M. Chagnon: Mais il n'y a personne qui va annoncer qu'il veut tuer qui que ce soit, là. Mais le problème... Il faut regarder ce qui...

M. Arsenault (Jules): Non, non, mais ce serait un fiasco pour... donc, et je pense qu'il faut que ça se fasse en partenariat avec les universités en région. On a eu, depuis quelques semaines, on a eu deux rencontres, on en a une autre demain au niveau de la Télé-université, pour voir comment on peut offrir au Québec plus de possibilités, plus d'accessibilité, en travaillant avec les universités en région. Et des domaines d'expertise, on en a que personne ailleurs ont au Québec. On est les seuls dans le multimédia. Donc, respectez ces créneaux-là.

M. Chagnon: Mais, si TELUQ doit s'en aller avec une université, je ne sais pas, moi, s'il y a une décision conjointe, commune de tout le monde qu'il faille que TELUQ cesse d'être une des constituantes de l'Université du Québec, ils doivent s'associer à l'une ou l'autre des constituantes de l'Université du Québec, ce ne serait pas plus normal que ce soit chez vous, par exemple?

M. Arsenault (Jules): On n'a peut-être pas toutes les gammes de programmes pour offrir une diversité d'offres de services, là, parce qu'il faut assurer une diversité. Mais dans les secteurs où on est les leaders au Québec, je pense qu'il faut respecter ça pour ne pas reprendre à Montréal le multimédia ou ces choses-là.

M. Chagnon: Je répète ma question: Si, à Montréal, on élargit la gamme de services médiatisés de TELUQ éventuellement, est-ce que ça n'aura pas une influence sur la captation puis la rétention des clientèles chez vous, à Rimouski, à Chicoutimi, etc.?

M. Arsenault (Jules): Moi, je vois l'offre de services de l'enseignement à distance du réseau de l'Université du Québec comme une offre globale sur le marché. Lorsqu'on est à distance, que le cours ait été conçu, développé par l'Abitibi-Témiscamingue, Rimouski, Chicoutimi, l'UQAM ou la TELUQ, l'étudiant, lorsqu'il est à Carleton ? on a des étudiants à temps complet à Carleton, en Gaspésie, en sciences comptables ? lui, là, que le cours vienne, l'étudiant ou l'étudiante, vienne de n'importe quelle source, ça a peu d'importance. Donc, si on est capables de regrouper la formation, garder les spécialités, moi, je pense que ça peut être une ouverture dans le maintien des clientèles en Abitibi-Témiscamingue. Mais si ça a comme effet...

M. Chagnon: Ça va peut-être avoir un maintien des clientèles en Abitibi-Témiscamingue qui vont s'associer et étudier avec TELUQ, mais ils n'iront pas sur le campus de Rouyn ou...

M. Arsenault (Jules): Mais il y a des clientèles qui ne viendront pas, de toute façon, sur le campus, physiquement.

M. Chagnon: Vous ne voyez pas de problème, en fait. C'est ça que je comprends.

n(12 h 30)n

M. Arsenault (Jules): Je vois un problème s'il n'y a pas de coordination avec... Si les universités en région ne sont pas partenaires de ce projet-là, je vois un problème.

M. Chagnon: Vous avez aussi mentionné qu'il fallait être en mesure de bénéficier de la présence d'un nombre accru d'étudiants étrangers. Vous suggérez l'exonération des frais de scolarité. Or, on a des ententes internationales, ça a été dit plus tôt, entre autres avec la France où il n'y a pas de frais de scolarité. Avez-vous plusieurs étudiants français qui vont chez vous?

M. Arsenault (Jules): Présentement, la clientèle, il y a...

M. Chagnon: On ne veut pas leur enlever ce qu'on ne leur demande pas.

La Présidente (Mme Bélanger): ...

M. Arsenault (Jules): La façon d'attirer des clientèles étrangères, c'est d'avoir des spécialités qui sont reconnues au niveau international. Présentement, en foresterie à l'UQAT, on a des Russes, des Américains, des Français, des Belges; on en a à peu près de toutes les nationalités parce qu'on est rendus les meilleurs pratiquement en foresterie, en recherche en foresterie. Si on pouvait avoir plus de programmes, mais je vous dis qu'on aurait une spécialité puis on est capable de développer les clientèles. On est les premiers en recherche, en termes de subventions de recherche par prof, en Abitibi-Témiscamingue.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci M. Arsenault. La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

 

(Reprise à 14 h 2)

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, la commission reprend ses travaux. Le mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de son mandat d'initiative sur les fluctuations des clientèles dans le secteur de l'éducation.

Alors, nous recevons cet après-midi l'Association des collèges privés du Québec. Alors, je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier et d'identifier les personnes qui l'accompagnent, et lui faire remarquer que vous avez 20 minutes pour votre mémoire, pour ensuite une discussion avec les membres de la commission pendant 40 minutes.

Association des collèges privés du Québec (ACPQ)

M. Lévesque (Gilles): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, Gilles Lévesque, comme porte-parole de l'Association des collèges privés. Je vous présente donc M. Jacques Marchand, nouveau président de l'Association des collèges privés depuis vendredi dernier...

Une voix: ...

M. Lévesque (Gilles): ... ? ha, ha, ha! ? M. André Métras, qui est directeur général du séminaire de Sherbrooke et qui est membre du conseil général. J'ai oublié de mentionner que M. Marchand était donc du collège LaSalle à Montréal. Et M. Jean-Bertin Gingras, qui est directeur du collège O'Sullivan de Québec et également membre du conseil général. Et je veux souligner également la présence de Mme Louise Landry, qui est secrétaire générale de l'Association depuis le mois d'août dernier.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. Lévesque, vous avez la parole.

M. Lévesque (Gilles): Merci. Donc, je veux remercier la commission de l'éducation de nous fournir l'occasion de faire part, donc, de nos expérimentations et de nos réflexions sur le sujet qui est à l'ordre du jour aujourd'hui.

Je veux d'emblée souligner notre surprise, quand on a pris connaissance du document, de l'absence de référence aux collèges privés subventionnés dans le document de consultation et également dans les questions qui étaient posées. Donc, je me permettrai, dans un premier temps, de faire une brève présentation de l'Association des collèges privés subventionnés du Québec.

Donc, cette Association a été fondée en 1968 pour représenter les nouveaux collèges créés après la réforme scolaire qui divisait l'enseignement secondaire classique des deux niveaux. Et, à ce moment-là, on a donc eu l'instauration de l'Association des collèges privés pour les collèges privés au Québec et, un peu plus tard, de la Fédération des cégeps. Les collèges privés, donc, actuellement, cet automne, représentent donc 25 collèges privés subventionnés, donc les 25 collèges privés subventionnés de la province. On offre dans l'ensemble particulièrement les programmes préuniversitaires, les programmes techniques et également tous les services de formation continue.

Également, depuis longtemps, pour nous, comme collèges privés subventionnés, ça a été une question de survie de pouvoir établir des plans de réussite et de pouvoir établir également des plans de développement stratégique pour chacun des collèges. Quand on dit qu'on est agréé aux fins de subventions, parce qu'on reçoit un financement public pour une partie de nos opérations et également parce qu'on offre donc un service public ? je vais revenir sur cette question ultérieurement ? et on doit compléter, donc, par une contribution financière des étudiants qui choisissent l'un ou l'autre des collèges privés subventionnés. Et, pour nous, la réussite des 25 collèges privés qui demeurent, c'est, en fait, la réussite de nos étudiants et de nos étudiantes.

Comme vous le savez, on est moins financés que les collèges publics, mais en même temps on est soumis au même régime des études. Donc, à chaque fois qu'on a une modification au régime des études, on est donc soumis, là, à ces mêmes règles. Également, on doit satisfaire tout au long de notre survie aux critères et à l'obligation de résultat, puisque ce résultat-là, on doit le rendre aux étudiants qui sont inscrits chez nous.

Dans les caractéristiques des collèges privés subventionnés, je veux mentionner particulièrement ce que les collèges ont apporté au réseau collégial depuis leur existence en 1968. Que l'on pense particulièrement aux programmes de Bac international qui ont été développés au Québec par le Petit Séminaire et par le Collège Brébeuf de Montréal, que l'on pense particulièrement aux entreprises d'entraînement qui ont été développées par le Collège O'Sullivan de Québec. Également, une étude réalisée par une firme externe a révélé, là ? une étude réalisée en 1998 ? l'apport important à l'économie du Québec des programmes d'attestation d'études collégiales qui étaient donnés dans sept collèges privés, des programmes d'attestation d'études collégiales, donc, visant principalement le secteur technique.

Donc, également, je veux défaire un mythe ici qui dit que ? et qui est souvent véhiculé ? que l'on va chercher la clientèle des mieux nantis. Les données de l'Aide financière aux études venant du ministère de l'Éducation révèlent donc qu'on a un fort pourcentage qui, parfois, dépasse le 50 % d'étudiants qui ont droit aux prêts et qui ont droit aux bourses, et les frais supplémentaires de scolarité payés par ces étudiants sont parfois admissibles au niveau du prêt, et ce, à une grande proportion. Donc, les études dans des collèges privés subventionnés sont des études qui sont accessibles à une grande partie de la population qui exprime un choix qu'il importe de continuer à respecter.

Les collèges sont également présents actuellement dans cinq régions du Québec, et parfois on est les seuls à offrir certains programmes techniques qui répondent aux besoins du marché du travail de cette région-là et parfois pour l'ensemble des besoins du Québec.

n(14 h 10)n

Enfin, on ne peut pas passer sous silence également le fait que les subventions gouvernementales par élève sont moindres dans le réseau privé collégial que dans les cégeps. Et, si on fait une comparaison des données qui étaient disponibles pour fins d'étude et à partir du financement, donc on s'aperçoit qu'en 2001-2002 un élève coûtait à l'État 5 318 $, tandis que ce même élève, en 2000-2001, donc une année précédente, coûtait 7 650 $ en moyenne s'il étudiait dans un cégep. Donc, il en coûte moins cher à l'État pour un collégien du réseau privé que celui du réseau public.

L'objet même de la commission est l'évolution de la clientèle, donc regardons d'un peu plus près l'évolution de la clientèle dans le réseau collégial privé. On fournit les tableaux évolutifs, à partir des données du ministère de l'Éducation, de l'évolution de clientèle depuis 1992. Je tiens à mentionner ici que, pour fins d'étude comparative, nous n'avons retenu de façon longitudinale que les collèges qui existent au cours de l'année scolaire 2002-2003 et nous n'avons pas tenu compte de la baisse de clientèle due au fait que des collèges privés ont dû fermer leurs portes ou que des collèges privés ont été achetés, en fait, par le gouvernement québécois pour devenir un cégep.

Donc, le tableau 1 ici démontre une légère baisse au cours des cinq années qui ont suivi l'année 1995-1996, puisque cette année-là démontre une légère hausse. Et le tableau 2, donc, démontre l'évolution de clientèle par collège, selon les grandes régions: la région de Montréal, la région de Québec et les autres régions du Québec. On s'aperçoit ici qu'il y a une baisse graduelle du nombre d'inscriptions dans les collèges privés au cours ce ces années. Le tableau, également, ne tient compte que de la clientèle régulière et ne tient pas compte de la clientèle adulte qui est en formation. Le tableau 3 illustre de façon un petit peu plus particulière l'évolution de clientèle selon le secteur préuniversitaire et selon le secteur technique, et, encore là, on voit une baisse progressive dans l'un et l'autre des secteurs au cours des dernières années. Si vous regardez dans le tableau, le total ne correspond pas toujours à l'ajout du préuniversitaire et technique, puisqu'on n'y a pas mis ceux qui étaient hors D.E.C. ou ceux qui étaient en fin de D.E.C. pour fins, là, d'étude comparative de ce tableau.

Donc, la diminution totale de la clientèle dans l'ensemble des collèges privés subventionnés pour l'ensemble des programmes des secteurs technique et préuniversitaire, entre 1992 et 2001, se situe à 14 %. Et, pour certains collèges ici, cette baisse a eu un impact dramatique, puisque certains collèges ont dû, au cours des dernières années, fermer leurs portes, comme je le disais. Également, les collèges ont dû prendre toutes sortes de mesures pour répondre à cette diminution de clientèle.

Donc, l'ACPQ est particulièrement inquiète pour l'avenir du réseau collégial privé, et certaines mesures s'imposent afin de maintenir le réseau en bonne santé. L'Association est particulièrement préoccupée par le fait que les cégeps, avec de l'argent supplémentaire consenti, font des campagnes de promotion agressives pour aller chercher de nouvelles clientèles, et cette nouvelle clientèle, on le voit dans certaines régions, est grugée à même le bassin de la clientèle du réseau privé subventionné.

Également, l'ACPQ est préoccupée par le fait que de nombreuses règles et politiques ministérielles viennent entraver le développement des collèges privés subventionnés en les empêchant parfois de diversifier leur offre de formation pour compenser la diminution de clientèle dans certains programmes spécifiques.

Dans un troisième temps, j'aimerais explorer les causes de la baisse de clientèle, et pour nous les causes de la baisse de clientèle... On dit que la situation démographique ne fait que d'expliquer qu'une partie importante de la baisse de clientèle dans le réseau scolaire et particulièrement au niveau privé subventionné. Et, si on veut mentionner d'autres facteurs, mentionnons particulièrement le décrochage scolaire au secondaire qui fait que le bassin de recrutement de clientèle pour le collégial est moindre. Mentionnons également un certain niveau de décrochage scolaire au niveau du collégial, et on le voit particulièrement chez les garçons.

On veut mentionner également certains phénomènes sociaux qui ont des effets sur le degré d'attraction des programmes et, par conséquent, sur le choix d'orientation des élèves. Et, on le voit, certaines professions, parfois, ont plus de pouvoir d'attraction, et d'autres moins, ce qui a un impact direct sur les inscriptions dans les collèges. Également, les fluctuations économiques ont des effets sur le choix des programmes, et je veux mentionner ici, particulièrement pour bien illustrer, que certains collèges privés subventionnés n'ont parfois qu'un, deux ou trois programmes de D.E.C. Donc, dès que ces secteurs sont touchés, naturellement le nombre d'inscriptions dans ces collèges-là est également touché.

Plusieurs collèges, donc, ont tenté de compenser la baisse de clientèle à l'enseignement régulier par une augmentation de la clientèle en formation continue, et, encore là, on a eu, donc, de nouveaux modes de fonctionnement de la formation continue, particulièrement à Emploi-Québec, qui ont contribué à la baisse dramatique des inscriptions d'adultes dans les programmes collégiaux et particulièrement les mesures qui sont prises, par exemple, en 2001-2002, 2002-2003 pour que la clientèle qui passe par Emploi-Québec reçoive davantage une formation de niveau secondaire par rapport à celle du niveau collégial.

Un autre aspect qu'il faut mentionner dans la baisse de clientèle, c'est le développement de microprogrammes universitaires où la clientèle va donc chercher un diplôme au niveau universitaire plutôt que la formation que nous donnions jusqu'à maintenant au niveau collégial. Sans remettre en question, donc, la pertinence des programmes courts des autres ordres d'enseignement, il faut toutefois ici reconnaître que l'offre de formation à une même clientèle s'est considérablement diversifiée et gruge donc dans notre bassin de population. Également, le fait que la clientèle ait recourt à des programmes courts a aussi un impact sur la clientèle des collèges, puisque la clientèle des collèges devient ainsi plus instable, et on n'a plus maintenant la clientèle pour trois ans ou pour deux ans, mais c'est de la clientèle qui est là pour six mois, pour huit mois, ce qui entraîne pour les collèges une difficulté quant à la planification à long terme de l'effectif scolaire.

Quatrièmement, l'impact de cette baisse de clientèle sur les collèges privés subventionnés. Donc, la majorité des impacts mentionnés pour les commissions scolaires dans le document de consultation que vous avez soumis s'appliquent également au réseau privé subventionné.

À titre d'illustration, mentionnons l'alourdissement des frais fixes et des coûts de système. Également, le fait qu'on ait, comme collèges privés, à faire face à des bâtiments qui, parfois, font partie du patrimoine architectural ou patrimoine culturel et qu'il faut entretenir selon des normes dont la mise en oeuvre est très onéreuse, et ça a amené certains collèges, donc, à se départir de bâtiments qu'ils possédaient.

Plusieurs collèges également ont dû réduire leur personnel, non seulement le personnel-cadre, mais également le personnel des services aux étudiants, et parfois on a dû agir sur la réduction des salaires par rapport aux salaires consentis dans le réseau public, provoquant ainsi parfois des problèmes de recrutement de personnel.

n(14 h 20)n

Également, certains collèges ont eu parfois de la difficulté à supporter les projets d'enrichissement de programmes qui étaient plus coûteux, et, à ce moment-là, certains de ces programmes-là ont dû être réaménagés. Et le réseau collégial privé a vu également là un défi et une possibilité de diversifier ses activités dans des créneaux d'excellence, et des créneaux d'excellence qui nous ont amenés à développer un entrepreneurship au niveau local.

Également, je veux rappeler que les collèges privés subventionnés ne peuvent pas accumuler des déficits de façon récurrente, et ces déficits-là ne sont pas comblés par l'État. Donc, on doit s'assurer, là, d'une certaine valeur ajoutée, d'une certaine rentabilité annuelle, c'est-à-dire d'arriver au niveau de l'équilibre budgétaire.

Cinquièmement, pourquoi maintenir un collège privé subventionné? Certains se demanderaient sans doute: Pourquoi maintenir un réseau collégial privé subventionné dans le contexte de décroissance de la clientèle? Dans les faits, on devrait plutôt se demander si le Québec a le moyen de perdre la force que représente le réseau collégial privé subventionné, notamment sa force d'innovation et sa force d'adaptation aux clientèles, et également sa force d'émulation pour le réseau public. Ça a été un choix de société qui a été fait en 1968. Ça a été un choix qui s'appuyait sur les principes de base du choix libre et également de l'exercice raisonnable de ce choix. C'est un choix qui a été répété en 1992 dans la Charte québécoise des droits et également c'est un choix qui a été renforcé par les États généraux sur l'éducation. Donc, les collèges privés offrent forcément des programmes qui répondent aux besoins du marché du travail, puisque, pour nous, c'est une question de survie. Et, si on ne répond pas à ces besoins, on n'a pas d'inscriptions et ça affecte donc les collèges.

Également, les collèges privés subventionnés alimentent les universités en étudiants bien formés, et il faut voir ici que les premiers D.E.C-bacs ? donc, les associations et les partenariats avec l'université ? ces premiers D.E.C.-bacs ont été établis par des collèges privés subventionnés avec des filières qui étaient conjointes.

La Présidente (Mme Bélanger): Si vous voulez conclure.

M. Lévesque (Gilles): Oui. Donc, on indique ici que les infrastructures qu'on finance à même les fonds privés servent aussi à des fins publiques. Les collèges privés subventionnés rendent donc un service public, et il faut donc qu'on puisse mettre en oeuvre des solutions qui vont permettre de maintenir le réseau privé subventionné. Vous avez dans le document une série de mesures qui vous sont identifiées, particulièrement au niveau de la poursuite des études, de l'encouragement à la poursuite des études, particulièrement également au niveau du développement de la formation continue, au niveau du recrutement d'étudiants étrangers ? je vais finir ma... deux lignes ? mesures visant à lever les obstacles au développement des collèges privés subventionnés. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Lévesque. Alors, M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente. Je tiens à remercier et à souhaiter la bienvenue aux représentants des collèges privés à cette commission parlementaire. Votre mémoire, évidemment, parle par lui-même. Une des remarques que vous nous faites, en gros, c'est de nous dire: Écoutez, s'il y a une diminution de clientèle dans le secteur public... Mais, s'il y a une diminution de clientèle, point, au niveau collégial, ne venez pas cannibaliser le secteur privé pour essayer d'améliorer le secteur public. Vos collègues du niveau secondaire sont venus nous passer à peu près le même message, et avec raison d'ailleurs. Mais il n'y a pas d'intention puis il n'y a pas eu... En tout cas, je n'ai pas entendu personne ici, d'un côté comme de l'autre de cette commission, quoique, évidemment, il manque un parti politique à cette commission-là, mais ce n'est pas de notre faute... Et il n'y a pas personne ici qui a manifesté une intention de s'en prendre au secteur privé pour essayer d'augmenter les effectifs du secteur public.

Ceci étant dit, dans les mesures incitatives à la poursuite des études, il y a plusieurs expériences, il y a plusieurs choses que vous suggérez qui sont intéressantes et qui pourraient, à la rigueur, aussi bien, dans le fond, être appropriées pour tant le secteur privé que le secteur public. Et vous parlez entre autres... Justement, vous avez mentionné le D.E.C.-bac, et le D.E.C.-bac, on en a parlé plusieurs fois depuis une semaine et demie ici. À quel endroit avez-vous initié le D.E.C.-bac? Parce que, effectivement, vous avez été... Ou vous le prétendez, là, du moins ? et il n'y a pas de raison de ne pas le croire ? vous avez initié le D.E.C.-bac, et c'est à quel endroit que ça s'est fait puis en quelle matière?

M. Lévesque (Gilles): Le premier D.E.C.-bac, il a été initié particulièrement au niveau du D.E.C.-bac en administration, et...

M. Chagnon: Est-ce que le collège Sainte-Foy de...

M. Lévesque (Gilles): ...ça a été fait avec le Campus Notre-Dame-de-Foy, le collège de Lévis et le séminaire de Sherbrooke, et avec particulièrement l'Université du Québec...

M. Chagnon: À Trois-Rivières.

M. Lévesque (Gilles): ...à Rimouski.

M. Chagnon: À Rimouski.

M. Lévesque (Gilles): D'ailleurs, c'est une formation qui se continue. Et là on avait vraiment un D.E.C.-bac intégré...

M. Chagnon: On les avait rencontrés.

M. Lévesque (Gilles): ...et non pas un D.E.C. plus bac.

M. Chagnon: Effectivement, on les avait rencontrés, mon collègue de Vaudreuil et moi-même, il y a un an, un an et demi, et je me demandais... Comme ça, c'est la première fois qu'un D.E.C.-bac a été fait. O.K.

Lorsque vous suggérez de créer un comité d'arrimage entre les différents programmes d'ordres d'enseignement, vous voulez dire quoi?

M. Marchand (Jacques): M. Chagnon, je pense qu'il est très important...

La Présidente (Mme Bélanger): M. Marchand.

M. Marchand (Jacques): Jacques Marchand. Ce qu'on veut dire par là, c'est que quand on veut faire l'arrimage entre les programmes collégiaux et les programmes secondaires professionnels ou avec les programmes collégiaux et les programmes universitaires, il y a d'énormes difficultés pour y parvenir, dans le sens qu'il n'y a pas une volonté nationale, si je peux dire, ou provinciale au niveau gouvernemental, au niveau ministère pour dire: Oui ? aux différents ordres d'enseignement ? vous devez vous asseoir et vous devez convenir de programmes d'arrimage entre vos différentes formations. Parce que, si on arrive, mettons, à obtenir un arrimage ou un D.E.C.-bac avec l'Université du Québec à Rimouski, ou à Hull, ou à Chicoutimi, il est à peu près impossible de l'avoir ou d'obtenir le même type d'arrimage avec une autre université de la région métropolitaine.

Alors, c'est de ce côté-là qu'on dit qu'il devrait y avoir une volonté, puis on pense que c'est essentiel... Tout à l'heure, on va en parler, on pense, c'est essentiel, notamment au niveau des étudiants étrangers qui ne viennent pas d'abord ici pour venir chercher un niveau collégial, mais ils viennent ici pour chercher un niveau d'études supérieures qui se termine par un niveau universitaire. Alors, le collégial a tout à fait sa place pour les premières années dans le technique, mais suivi par la formation universitaire pour compléter le baccalauréat. Alors...

M. Chagnon: Mes collègues ont été témoins ce matin, lorsqu'on a rencontré les quatre recteurs des universités de Montréal, les quatre recteurs se sont fait dire un peu ceci: vous auriez intérêt à prendre l'exemple des universités, des institutions qui sont hors Montréal et qui ont déjà pris une certaine avance en matière de D.E.C.-bacs. Et je dois dire que certains recteurs confessaient un peu qu'ils avaient pris du retard. L'Université de Montréal, par exemple, a institué un D.E.C.-bac en sciences infirmières, mais ils ont trouvé ça compliqué à faire. Mais, une fois qu'ils l'ont fait, ils ont trouvé ça bien intéressant. La même chose pourrait se faire en génie ou en administration avec plusieurs de vos collèges, privés ou publics d'ailleurs. Ce n'est pas interdit de penser que...

M. Lévesque (Gilles): Et je pense qu'il faut souligner, dans ce qui est apporté dans ces ententes interordres, ici, c'est l'élève qui est gagnant en bout de ligne, hein? Et ça a toujours été l'objectif qui a prévalu dans les ententes, parce que je pense qu'autant le niveau universitaire que le niveau collégial, par rapport au niveau professionnel, reconnaît que parfois, dans certains cheminements, il peut y avoir redondance, et c'est donc ce qui est reconnu.

Ici, quand on dit les comités d'arrimage, particulièrement, je pense qu'il y a une nécessité de les systématiser entre les trois ordres d'enseignement, et ce, dans tous les programmes qui s'offrent, parce qu'on a, bon, plus de 125, là, programmes de D.E.C., de niveau collégial.

M. Chagnon: Il y a M. Marchand qui voudrait compléter.

M. Marchand (Jacques): Bien, j'ajouterais juste que je pense que c'est important aussi qu'au niveau de l'éducation qu'on favorise le développement ou la promotion de la voie technique. Et, la voie technique ne s'achève pas avec un D.E.C. technique, la voie technique, de plus en plus, n'importe où à travers le monde ? et ça doit être comme ça ici ? doit s'achever par l'obtention du diplôme universitaire.

M. Chagnon: On le voit d'autant plus avec le succès de l'ETS, qui est sur notre territoire, tout près de votre collège. Et on voit ça, comment c'est un grand succès.

n(14 h 30)n

M. Marchand (Jacques): Normalement, un bac s'obtient avec 16 années de scolarité, alors que n'importe qui qui emploie la voie technique, mettons, via notre collège ou n'importe quel collège technique va résulter avec 17 années de scolarité avant d'atteindre le marché du travail, et ça, ça nous crée un grave préjudice aussi au niveau étudiants étrangers.

M. Chagnon: Instaurer plus largement ? puisqu'on parle du secteur technique ? un système d'apprentissage basé sur l'alternance travail-études. Puis ça, ça fait longtemps qu'on le dit, beaucoup de monde l'ont dit. Avec ça, il va y avoir des problèmes pratico-pratiques à la mise sur pied de cette idée-là.

Il y a un frein syndical qui est connu, qui n'est pas... Enfin, d'un point de vue syndical, on va vous le dire, on ne veut pas faire en sorte que des jeunes servent à remplacer des gens qui seraient des travailleurs permanents dans une entreprise ou dans un... Comment on fait pour régler ce genre de problème-là ou de passer à côté ou du moins cesser d'avoir ce frein-là éternellement?

Vous mentionnez évidemment le système dual allemand où on a réussi. Il y a des syndicats en Allemagne et puis ce n'est pas parce que ce n'est pas... Ce n'est pas un problème de syndicalisme, c'est un problème de perception de l'entrée sur le marché du travail puis c'est un problème de compréhension de formes d'apprentissages qui peuvent être nouvelles et qui, à mon avis en tout cas, ne semblent pas interférer avec le désir et le besoin d'une syndicalisation dans une société.

M. Lévesque (Gilles): Oui. Je pense que preuve est, de l'alternance travail-études... les programmes qui sont déjà et actuellement en alternance travail-études. Il y a un partenariat qui se développe avec les milieux de travail qui permet de satisfaire en même temps aux exigences scolaires, qui permet en même temps de satisfaire aux exigences d'apprentissage des étudiants et qui permet également de satisfaire le milieu qui accueille un stagiaire en alternance travail-études.

Quand on mentionne le système dual ici, un principe de base du système dual est donc la participation et l'engagement des institutions et des entreprises dans la formation, et je pense qu'au Québec on a encore du travail à faire là-dessus.

M. Chagnon: Ça, on en parle beaucoup. On fait des phrases là-dessus. Tout le monde a fait bien des phrases sur cette question-là. Mais il n'y a pas bien, bien du monde... il n'y a pas beaucoup de gens qui ont installé un véritable système d'études-travail ou de travail-études qui se tienne un peu. On a fait bien des phrases encore une fois mais on n'a pas fait beaucoup de chemin là-dedans et puis je pense que c'est une bonne façon. On a pu le voir en Allemagne. On peut le voir dans d'autres pays, au Japon. Mais il y a des obstacles ici qui sont structurels et qui nous empêchent d'y arriver. Bien, comment on fait pour les surmonter, ces obstacles-là?

M. Lévesque (Gilles): Je laisserais M. Gingras répondre.

M. Gingras (Jean-Bertin): Si je peux intervenir, chez nous, au collège, depuis une douzaine d'années, le système fonctionne très bien avec entre 100 et 200 stagiaires par année qui partent pour des périodes de 16, 17 semaines rémunérées à raison de 300 $ à 400 $ par semaine. Qu'est-ce qui fait que les employeurs ont embarqué dans notre formule? Dans le temps, c'était avec le régime coopératif du fédéral. On a été, avec l'Université de Sherbrooke, je crois, les premiers à instaurer ça au Québec. C'est qu'on garantit à l'employeur qu'on lui envoie un stagiaire fonctionnel ou une stagiaire fonctionnelle.

Dans notre établissement, ce n'est pas n'importe qui qui peut aller en stage, c'est quelqu'un qui fonctionne. Donc, ça fait une espèce de motivation pour l'élève à réussir. Puis, pour l'employeur, une fois qu'il a reçu un stagiaire ou une stagiaire de qualité, il est intéressé à répéter. Puis, même ici, au niveau du gouvernement, je pourrais donner des exemples: le ministère des Transports, entre autres, qui a des départements où c'est 15 à 20 stagiaires par année qu'ils accueillent. Mais il faut avoir des stagiaires de qualité, formation de qualité. Puis ça entraîne...

M. Chagnon: Dans quel domaine que vous envoyez des...

M. Gingras (Jean-Bertin): Nous, c'est la bureautique.

M. Chagnon: Bureautique. O.K.

M. Gingras (Jean-Bertin): Si je peux continuer, tantôt vous avez dit: Il n'y a personne qui a intérêt à cannibaliser le secteur privé par rapport au public. Chez nous, on a senti un peu de contraintes de la part du gouvernement dans le fonctionnement des dernières années au niveau de l'éducation, par exemple quand on a modifié les règles de l'année financière. Comme disait Gilles dans sa présentation, ce n'est pas vrai que c'est les bien nantis qui viennent chez nous. Surtout au niveau de la bureautique, ce n'est pas la médecine, là. Ce n'est une profession qui commande des salaires mirobolants. Mais, quand on a décidé de changer les calculs, ne plus inclure par exemple les frais de scolarité dans l'attribution des bourses, ça a eu beaucoup d'effet sur le secteur privé.

Quand la formation est passée du fédéral au provincial, avec l'unanimité des gens du Québec, ce qu'on n'a pas vu venir, c'est qu'on tombait dans une autre façon d'acheter la formation. Avec Développement ressources humaines Canada, le chômeur ou l'adulte qui voulait s'acheter une formation choisissait son école, subventionnée ou non subventionnée, privée ou publique, puis les fonds étaient disponibles pour l'individu.

Depuis que c'est devenu québécois, le modèle veut que c'est plutôt des gens qui se réunissent en commission des partenaires puis qui choisissent d'acheter la formation en groupe. Puis on nous avait interdit, si on n'était pas secteur public au début, de recevoir des gens qui étaient admissibles. Il a fallu se battre pour que les collèges privés subventionnés soient admissibles. Les collèges privés non subventionnés, ils n'ont pas réussi. Donc, il y en a plusieurs qui ont fermé, également. Donc, cannibaliser le privé, peut-être pas ouvertement, mais il s'est fait des mouvements, disons, peut-être négatifs.

M. Chagnon: Pendant que vous parlez du système de prêts et bourses, une autre des suggestions que vous faites, c'est d'améliorer le système de prêts et bourses non seulement pour les étudiants du collège privé subventionné, mais aussi pour financer les déplacements de certains frais de subsistance d'étudiants qui choisissent d'aller étudier dans une région. Vous n'êtes pas les premiers à suggérer ça, avoir un nouveau modèle ou un modèle un peu différent pour les étudiants qui iraient étudier en région. Jusqu'à quel point ça pourrait... Si les frais de scolarité d'un collège privé ne sont pas intégrés dans l'organisation des prêts et bourses, quand même on intégrerait le déplacement en région, ça ne vous avancera pas beaucoup.

M. Gingras (Jean-Bertin): Bien, c'est sûr que nos collèges privés comme tels ne sont pas nécessairement dans des régions éloignées. Mais la formule que vous proposez, c'est sûr que ça s'appliquerait dans des cégeps éloignés. En tout cas, je ne sais pas si Gilles, tu veux...

M. Lévesque (Gilles): Quand on dit: Améliorer le système de bourses ? et ça fait quand même quatre ans, là, qu'on revient là-dessus ? puisque le système de bourses particulièrement a changé quand on a enlevé les droits de scolarité comme étant une dépense admissible pour obtenir une bourse, et, actuellement, on n'a pas encore rétabli ce qui avait été pour nous une injustice pour nos étudiants...

M. Chagnon: En quelle année encore?

M. Lévesque (Gilles): Pardon?

M. Chagnon: Quelle année?

M. Lévesque (Gilles): Ça s'est fait en 1998? En 1998, où on a voulu régler, je pense, une situation qui s'appelait collèges privés sans faire de distinction avec collèges privés subventionnés et non subventionnés, sauf qu'actuellement cette mesure n'est pas rétablie. Donc, quand on dit «améliorer le système de bourses», on vise davantage cet élément-là et le déplacement de certains frais de subsistance, particulièrement pour des ? et on le disait tout à l'heure ? pour des programmes dans lesquels on est seuls à oeuvrer, et on a des étudiants qui viennent des autres régions et qui ont donc des frais de subsistance, là, supplémentaires à combler pour venir étudier dans les secteurs qui sont donnés dans les collèges privés subventionnés.

Naturellement, comme disait M. Gingras, ça s'applique aussi à l'ensemble du réseau pour faciliter cette mobilité, et ça passe par un critère, également. On peut décider de maintenir un ensemble de programmes, deux ou trois organismes ou institutions d'enseignement qui donnent les mêmes programmes dans une même région, à un moment donné il y a un choix à faire parce qu'il y a une baisse de clientèle, et, à ce moment-là, on doit choisir quels sont les collèges au Québec qui vont donner tel ou tel programme. Et on le voit actuellement, il y a eu des autorisations de programmes qui ont été données dans des mêmes villes, que ce soit Québec ou Montréal, et ça a été donné dans les cégeps quand les collèges privés avaient cette expertise, et, à ce moment-là, ça vient donc défavoriser, là.

M. Chagnon: Dont la mode, par exemple?

M. Marchand (Jacques): Bien, pas la mode, je pense que... Si on parle du multimédia notamment, lorsque le ministère a décidé de démarrer des formations en multimédia au niveau collégial, alors, c'est trois institutions, trois cégeps qui ont obtenu les autorisations alors que nous, nous avions... le collège LaSalle avait demandé à maintes reprises... Même avant que le ministère décide d'instaurer cette formation-là, le collège LaSalle, qui offrait déjà ces types de formations là à une clientèle adulte, avait demandé l'autorisation de donner un D.E.C. et ça ne lui a jamais été accordé bien qu'on ait représenté notre dossier par au moins trois fois. Quand est venu le temps d'accorder, c'est trois cégeps qui l'ont eue.

n(14 h 40)n

M. Chagnon: Votre volonté de recruter des étudiants étrangers, vous dites: Favoriser les mesures en favorisant le recrutement d'étudiants étrangers, améliorer la concertation entre le ministère de l'Éducation et les Relations avec les citoyens et l'Immigration, vous voulez dire quoi? Parce que vous avez déjà, vous, une expertise contraire. En tout cas, je pense au collège LaSalle, où vous allez exporter à l'étranger une expertise québécoise en matière d'enseignement. Et vous avez plusieurs collèges à l'extérieur du Québec.

Maintenant, quand vous cherchez à avoir des étudiants étrangers au Québec, vous prétendez qu'on devrait faire en sorte d'améliorer la concertation entre l'Éducation et les Relations avec les citoyens. Vous voulez dire quoi?

M. Lévesque (Gilles): Dans les mesures qui sont prises ici pour le recrutement d'étudiants étrangers, il faut voir que, quand on recrute des étudiants étrangers, ces étudiants-là... on le favorise comme étant une mesure compensatoire à la baisse de clientèle, d'une part, et, d'autre part, on le prend comme une mesure également d'assurer... ou comme une mesure pour augmenter l'immigration au Québec. Et on voit très bien, au fur et à mesure de l'expertise qu'on peut développer en recrutement d'étudiants étrangers, que ces étudiants étrangers demandent une adaptation, un, des mesures d'admission, de l'encadrement qu'on doit leur donner et également les différents programmes qu'on va leur offrir pour favoriser leur adaptation ici, au Québec. Et ça, il y a plusieurs exemples qui démontrent cet élément-là, d'une part.

D'autre part également, la concertation entre le ministère de l'Éducation et Relations avec les citoyens et l'Immigration, on fait du recrutement à l'étranger, on favorise ce recrutement-là. On a des élèves qui normalement viendraient étudier au Québec et ce sont des gens qui n'ont pas par exemple leur certificat d'acceptation du Québec ou qui ne peuvent immigrer ou venir étudier pour toutes sortes de contraintes qui sont mises dans certains pays, et on pense particulièrement, là, à des pays comme les pays du Maghreb. Donc, de par l'affinité de la francophonie, on devrait favoriser un plus grand recrutement; il y a quand même des difficultés dans la venue de ces étudiants-là ici, au Québec.

M. Chagnon: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vais laisser mon collègue de Vaudreuil poser d'autres questions.

M. Marcoux: Merci, madame la...

La Présidente (Mme Bélanger): Je vais vous laisser une minute.

M. Marcoux: Oh! Merci, Mme la Présidente. Donc, deux courtes questions et deux courtes réponses, mais... Premièrement, est-ce que le pourcentage de subventions couvre à peu près 60 % des frais de fonctionnement comme au primaire et secondaire pour ce qui est des collèges?

Et, deuxièmement, à la page 13, vous suggérez que les différents ministères reconnaissent la place et le rôle des collèges privés subventionnés. Si je comprends votre... le ministère, pas de tutelle, là, mais le ministère qui... c'est le ministère de l'Éducation. Alors, pourquoi vous souhaitez que les autres ministères... En quoi ça peut être positif? Qu'est-ce que ça peut vous apporter, ce souhait-là que vous exprimez à la page 13, quand vous parlez des autres ministères?

La Présidente (Mme Bélanger): Excusez-moi. Bonne nouvelle pour vous, M. le député de Vaudreuil, le parti ministériel vous donne du temps. Alors, M. Lévesque.

M. Lévesque (Gilles): Oui. On relève de plus d'un ministère. Ha, ha, ha! Dans l'optique où on relève, oui, du ministère de l'Éducation, on relève également du ministère de l'Emploi parce qu'on a, pour la formation continue particulièrement et la formation de la main-d'oeuvre, des liens étroits avec le ministère de l'Emploi. Cet élément-là ici, on l'a mis parce que très souvent, comme collège privée subventionné, d'emblée on ne fait pas partie des mouvements de consultation qui ont lieu.

Et je le répétais l'an dernier à plusieurs reprises, je pense qu'on est rendu à un moment où les collèges privés subventionnés préfèrent actuellement faire partie de la solution que de faire partie du problème à résoudre, où, parfois on est avisé de certains changements qui ont lieu puis on doit résoudre un problème, comment ça va s'appliquer pour les collèges privés subventionnés.

Quand on dit ici de présenter ou d'obtenir une place statutaire, en fait, sur certains organismes de consultation... Et je vous mentionne particulièrement la nouvelle politique de la formation continue qui a été adoptée conjointement par le ministère de l'Éducation et le ministère de l'Emploi, on y mentionne deux organismes qui peuvent aller chercher des subventions: on y mentionne les cégeps et les organismes communautaires.

Et on aurait dû ? et on avait fait des représentations alors ? mentionner également les collèges privés et subventionnés. Donc, c'est un exemple particulier qui illustre cette concertation et cette représentation qu'on devrait obtenir dans les ministères.

M. Marchand (Jacques): Si vous me permettez, juste pour ajouter à ce que M. Lévesque vient de mentionner, aussi on travaille étroitement, à tout le moins ceux qui oeuvrent au niveau du développement à l'étranger, avec le ministère, là ça a changé de nom, mais l'Industrie et Commerce, et on travaille aussi étroitement avec les gens du ministère des Relations internationales. Alors, c'est là qu'on dit: De plus en plus, au niveau de l'ensemble des ministères, il doit y avoir une concertation à l'intérieur des actions dans lesquelles s'inscrivent les collèges privés subventionnés.

La Présidente (Mme Bélanger): ...continuer? Vous pouvez continuer.

M. Marchand (Jacques): Et puis, pour répondre à votre autre question au niveau du taux de subvention, le pourcentage effectivement, quand on parle du ministère, ça joue autour de 60 % mais c'est quelque part entre 55 et 60 % qu'on reçoit, à titre de subvention.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Oui. Simplement une précision, Mme la Présidente. M. Métras, vous avez parlé d'Emploi-Québec, d'achat de cours par Emploi-Québec, tout à l'heure. Je pense que c'est vous qui avez parlé de ça ou M. Lévesque. Maintenant, est-ce que, en quelque sorte, la situation est normalisée et s'est rétablie et vous pouvez avoir des cours, maintenant? Emploi-Québec fait affaire avec les collèges privés subventionnés comme avec les cégeps ou les commissions scolaires et il n'y a pas de problème?

M. Gingras (Jean-Bertin): L'injustice dès le départ a été corrigée. Maintenant, ce qui demeure, c'est l'achat regroupé. C'est-à-dire, Emploi-Québec détermine des professions en demande, puis, si tu offres un programme qui, d'après la consultation régionale, n'est pas en demande, même si chez vous il y a une grosse demande...

Mettons, pour prendre mon cas précis, secrétariat, ce n'est pas supposé être une profession en demande. Donc, Emploi-Québec n'achètera pas cette formation regroupée. Mais, si on ajoute secrétariat bilingue, il y a une pénurie dans la région de Québec, puis c'est notre spécialité, puis ça vient comme il faut, c'est le marché. Puis les gens qui veulent venir chez nous, ils ne sont pas acceptés au niveau d'Emploi-Québec pour recevoir l'appui, le soutien au revenu pour le temps qu'ils vont étudier chez nous. Ça fait que ça nous coûte, chez nous... j'évalue ça entre 50 et 100 élèves par année, depuis trois ans. Donc, la baisse de clientèle chez nous n'est pas juste due à la démographie, c'est dû au transfert... nouvelle façon d'acheter de la formation pour les adultes.

M. Marcoux: Peut-être...

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, allez, M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Est-ce qu'il y a des exemples de partenariat avec les cégeps publics? Parce que vous dites que certains collèges évidemment ont vu leur clientèle se réduire. J'imagine qu'il y a des locaux qui existent parce qu'il y a des bâtisses importantes et assez grandes. Si, par exemple, les cégeps ont des nouveaux programmes ou voient leur clientèle augmenter, est-ce qu'il y a des échanges entre les collèges privés et subventionnés et des cégeps publics? Est-ce qu'il y a des exemples de ça?

M. Métras (André): Oui. Pour répondre à cette question-là, en ce qui nous concerne, moi, je suis à Sherbrooke et je sais qu'il y a également des modèles qui existent dans d'autres régions, dont à Drummondville et dans la Mauricie également, à Trois-Rivières. Il est bien évident que dans les régions la dynamique est particulière, il y a un ou deux collèges, un public, un privé ou en ce qui nous concerne à Sherbrooke et dans l'Estrie, il y a donc deux collèges publics, un francophone et un anglophone, et un collège privé. Donc, la dynamique régionale nous impose, comme collège privé, d'être présents à toutes les tables qui favorisent la concertation régionale. C'est une question de survie et c'est une question également de s'inscrire en réponse à de réels besoins régionaux et suprarégionaux.

Effectivement, en ce qui nous concerne, et je sais qu'à Trois-Rivières également on a réussi ? et je pense qu'à Drummondville également ? à faire partie, entre autres, de la Table de concertation régionale en formation professionnelle et technique. Alors, nous avons un siège à cette table-là qui vient élaborer un peu des stratégies permettant d'établir un plan d'action, un plan de formation de la main-d'oeuvre, soit en formation initiale ou en formation continue, au même titre que le Collège de Sherbrooke, qui est présent à cette table-là également, et le Collège Champlain aussi. Sont également présents à cette table-là les deux universités, Emploi-Québec, évidemment la Direction régionale du ministère de l'Éducation aussi et des représentants de différentes entreprises de la région. Donc, effectivement, il y a des possibilités de partenariat.

n(14 h 50)n

Le partenariat, à ce moment-ci, il prend la forme davantage, je dirais, d'une offre de formation qu'on souhaite la plus concertée possible en région pour éviter les dédoublements. Mais je pense qu'il y a effectivement lieu d'être un acteur plutôt qu'un spectateur, et c'est ce que les collèges privés en région font depuis plusieurs années déjà, je pense, et la résultante est, en fait, qu'on siège actuellement à ces tables-là.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lévesque.

M. Lévesque (Gilles): Je me permets, si vous permettez, dans les deux autres régions, particulièrement les régions de Montréal et les régions de Québec, il n'y a aucune concertation, là, possible, puisque cette concertation-là se fait entre le réseau public, et, même si des demandes répétées ont été effectuées dans la région de Québec et dans la région de Montréal, c'est toujours une fin de non-recevoir qui est émise. Et, parfois, bon, dans la région de Montréal, on avait accepté que siège un collège privé subventionné à une table, sauf que la table ne s'est jamais réunie.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Marchand, vous vouliez rajouter?

M. Marchand (Jacques): Bien, juste pour renforcer ce que M. Lévesque dit, c'est que j'étais la personne désignée par les collèges privés pour siéger à cette table-là, et, après maints téléphones au coprésident de cette table-là, qui disait toujours: Ça s'en vient, ça n'a jamais eu lieu, et on n'a jamais siégé, et on n'a jamais pu participer, là, à un partage quelconque de formation.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Marchand. M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Merci, Mme la Présidente. Il y a des remarques qui ont été faites concernant le réseau par des représentants des syndicats, notamment ceux de la CSQ, au moment de la rencontre en commission, et qui visaient essentiellement le démantèlement du réseau privé. Alors, au regard des effectifs et au regard des autres aspects que vous voudrez bien évoquer, je vous demanderais d'élaborer sur cet aspect-là. Parce qu'il y en a qui disent à ce moment-ci: On manque d'étudiants dans le réseau. Bien, démantelons le privé. Alors, qu'avez-vous à dire là-dessus?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lévesque.

M. Lévesque (Gilles): Oui. Je pense qu'on a tout un chapitre là-dessus à l'intérieur de notre mémoire, un, parce qu'on maintient au niveau du réseau privé subventionné, on a développé une expertise puis, je pense, un champ d'émulation important pour le réseau public, et, régulièrement, à cause de notre capacité de réagir rapidement, on a adapté des services éducatifs, autant en formation régulière qu'en formation continue, qui ont permis de répondre aux besoins du marché du travail et aux besoins des universités.

Et ce serait une solution très facile ? et c'est une solution idéologique ? que de dire qu'on laisse tomber un réseau. Je suis toujours surpris d'ailleurs que, quand un collège privé subventionné annonce qu'il a reçu une subvention particulière pour un projet x du gouvernement provincial ou du gouvernement fédéral, on reçoive dans les journaux, le lendemain ou le surlendemain, une réaction d'une centrale syndicale disant qu'on aurait dû investir cet argent-là dans le réseau public. Et je pense que dans le mémoire, à cause de la valeur ajoutée actuellement du réseau privé subventionné, c'est un réseau qui est à maintenir, et il en va également du choix de l'élève et jusqu'à un certain point du choix du parent.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Gingras.

M. Gingras (Jean-Bertin): Si je peux ajouter quelque chose, ça nous fait toujours un peu mal quand on entend les syndicats réagir comme ça, surtout la CSQ. Chez nous, on a un syndicat depuis 30 ans, on n'a jamais eu de grève, on s'est toujours bien entendu, on les a bien rémunérés, puis ça nous surprend toujours, puis je pense qu'ils sont présents dans plusieurs institutions privées.

Maintenant, tout ce qu'on peut dire là-dessus, c'est que, quand on dit «facteur d'émulation», qu'est-ce que ça veut dire? M. Chagnon, tantôt, quand il posait la question sur les stages, effectivement on l'a mis en application chez nous, ça fonctionne très bien. Puis, sans déprécier ce qui se fait ailleurs, il reste qu'on voit très bien que dans le collège public à côté où ils essaient d'établir le même système, ils ont de la difficulté, puis ça leur coûte une fortune.

J'ai vécu le phénomène des entreprises d'entraînement qu'on a introduit en 1995 dans un petit collège privé de Québec; ça a dérangé beaucoup de gens. On avait monté un réseau pour l'étendre à la grandeur du Canada. En un an, on avait réussi à créer ? avec l'aide de DRHC ? créer 22, 23 entreprises d'entraînement. Puis là, bien, on nous a enlevé le réseau pour l'établir dans le secteur public. Nous, on ne chargeait rien pour administrer le réseau, on le faisait avec passion, puis... Qu'est-ce qui arrive maintenant? Ça coûte 5 à 7 000 $ par entreprise d'entraînement, puis, depuis qu'ils nous ont enlevé l'administration du réseau, en six ans il ne s'est pas créé d'autres entreprises d'entraînement, alors que, nous, en un an, on en avait établi.

Ce que je veux dire, c'est que le privé, c'est le privé, puis, si on veut devenir 100 % public, bien, bravo, mais, je pense ? là, je ne veux pas faire un discours politique ? mais ça fait soviétique sur les bords.

M. Lévesque (Gilles): Comme devant cette question qui vient chercher la fibre patriotique, je laisserais M. Marchand aussi ajouter un élément, si vous me permettez.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Marchand.

M. Marchand (Jacques): Collège LaSalle, les enseignants sont syndiqués avec la CSN, et, à ce que je sache, ces derniers... on vient de signer une convention collective et à leur très grande satisfaction. Et je pense qu'eux sont très conscients comme syndicat que, si ça n'était pas de la gestion et de la direction du collège LaSalle, le fait de fermer le collège LaSalle pour les amener au public ne créerait pas plus d'emploi. Au total, il y en aurait moins, parce que le collège LaSalle a réussi à aller chercher des étudiants au Québec et créer des groupes-classes et engager des professeurs. Mais il en a engagé aussi beaucoup, il a créé de l'emploi, il a créé des syndiqués qui paient des cotisations avec au-delà de 400 étudiants étrangers, maintenant. Donc, il n'est pas difficile de faire le calcul pour dire: 400 étudiants, ça donne tant d'emplois. Le jour où le collège LaSalle n'est plus là, je suis certain qu'il n'y a plus 400 étudiants étrangers, donc ces emplois-là en moins qui vont peut-être s'en aller dans une autre province ou dans un autre pays, parce qu'on est le plus grand recruteur dans le réseau collégial, à tout le moins, d'étudiants étrangers, pour l'instant. Ça fait que notre syndicat, à ce que je sache, reconnaît la gestion privée, et, si elle n'a pas l'appui du syndicat, c'est la CSN qui sont très présents dans l'enseignement collégial.

M. Paquin: Vous avez fait naturellement transition vers le sujet suivant que je voulais aborder: les étudiants étrangers. Entre autres, une des recommandations qu'on pourrait envisager seraient d'indiquer qu'il serait souhaitable que les institutions gardent la rémunération qui est attachée à la présence d'un étudiant étranger en prenant attention...

Une voix: ...

M. Paquin: Pardon? Oui, les droits de scolarité... En faisant attention par ailleurs à la réalité qui existe avec certains pays francophones où il y a des cas de gratuité, et tout ça. Sur l'ensemble de ces aspects-là, j'aimerais ça vous entendre.

M. Lévesque (Gilles): On a une recommandation qui est là et que l'on a fait valoir également au niveau du ministère de l'Éducation dans une consultation qui a eu lieu il y a deux semaines, où, effectivement, pour être concurrentiels et pour nous permettre d'adapter les programmes de formation aux étudiants étrangers comme je parlais tout à l'heure, on aurait avantage à ce que les collèges gardent davantage de sommes. Parce que, actuellement, on retourne 90 % au ministère de l'Éducation de la somme qui nous est demandée par le ministère de l'Éducation à exiger aux étudiants.

C'est sûr que, pour nous, la somme est moindre que dans les cégeps, mais, en même temps, on doit compenser également par des droits de scolarité supplémentaires que l'on demande aux étudiants étrangers, et, à cet égard-là, on demande donc de réduire le pourcentage qui est donné au ministère. Et, dans les discussions également, on avait évoqué parfois la déréglementation, à cet effet-là.

Je pense que l'orientation qui est à prendre, c'est: Quelles sont les mesures qui vont permettre aux collèges du Québec d'aller recruter des étudiants étrangers pour être compétitifs également avec les autres provinces canadiennes qui, elles, recrutent des étudiants étrangers, en ayant des conditions qui sont parfois favorables pour ce recrutement-là? Puis je pense qu'il faut aborder la question de ce point de vue là.

M. Paquin: Il y avait un complément de réponse.

La Présidente (Mme Bélanger): Oui. M. Marchand.

M. Marchand (Jacques): Juste un petit mot très rapide. Il faut que cette activité de recrutement d'étudiants étrangers soit favorisée au plus haut point et le plus rapidement possible, et ça doit être pour l'éducation au Québec une activité à valeur ajoutée. La première chose, c'est qu'il faut revoir le plan d'affaires pour cette opération-là.

n(15 heures)n

Il y a beaucoup de jeunes qui veulent venir étudier ici, mais il faut revoir les programmes, en tout cas certaines parties du programme, pour qu'il soit plus accueillant pour les étudiants étrangers. Il faut revoir la notion de frais de scolarité. Ces étudiants-là ont les moyens de couvrir les frais de scolarité réels qui devraient être demandés si on se compare aux frais qui sont demandés sur la place internationale. En tout cas, il y a un ensemble de facteurs, et puis une grosse partie de la solution du développement à court terme, à moyen terme et à long terme passe par là: à court terme parce que ça nous amène des étudiants dès maintenant; à moyen terme parce qu'on espère que ces étudiants-là vont se plaire au Québec, puis, avec une belle formation, une bonne éducation, plusieurs vont vouloir rester ici, puis faire des enfants, et développer la future jeunesse québécoise; puis à moyen terme et long terme parce que ces gens-là, ceux qui ne restent pas, ils s'en vont, ils deviennent d'excellents ambassadeurs et vont apporter des échanges, des interactions entre les pays puis ils vont favoriser le développement du Québec. Mais il faut pousser cette voie-là et rapidement. On est déjà très en retard, très, très en retard sur ce qui se passe ailleurs dans les autres provinces. On l'a mentionné tout à l'heure, il y a d'autres gens qui nous l'ont rapporté. Moi, je suis totalement d'accord, on est très en retard sur les D.E.C.-bacs, on est très en retard pour revoir nos frais de scolarité, on est très en retard pour revoir un programme qui est accueillant. Alors, il faut pousser, il faut pousser vite parce que les autres sont déjà sur le terrain, et recrutent maintenant, et en amènent, des étudiants, chez eux.

M. Paquin: Quand vous parlez du maillage culturel, et puis des ambassadeurs, et tout ça, je pense que c'est très important parce qu'il n'y a pas que seulement que de nourrir un effectif pour avoir plus de ressources, il y a aussi ce que ça représente sur le plan éducatif que de mailler les personnes de cultures différentes. Je pense que c'est important à cet égard-là aussi, vous avez bien fait de le mentionner. Par contre, est-ce que vous avez des étudiants français parmi votre contingent de 400?

M. Marchand (Jacques): Oui, mais ça, c'est un problème.

M. Paquin: Bien, c'est ça, ma question.

M. Marchand (Jacques): On ne leur charge pas assez cher. Je veux dire, j'ai un étudiant francophone du Nouveau-Brunswick qui vient étudier chez moi. Je pouvais lui demander plus cher qu'à l'étudiant français qui vient de France. Pour nous, c'est un problème. Ça ne devrait pas exister.

M. Paquin: Il y a une question d'équité, je pense, là. Maintenant, on fait financer les étudiants français par des étudiants québécois en quelque part, là.

M. Marchand (Jacques): Exact. Mais je pense qu'on finance l'ensemble... Les citoyens du Québec actuellement financent l'ensemble des étudiants étrangers qui sont sur le territoire québécois, puis ça, ça ne devrait pas exister.

M. Paquin: Alors, il y a des ajustements à suggérer à ce niveau-là.

M. Lévesque (Gilles): Je me permettrais également, dans ce contexte-là, de mentionner: on fait partie de l'enseignement supérieur, et, quand il y a des ententes avec les pays qui pourraient fournir des étudiants étrangers, ces ententes pour donner des bourses servent principalement aux universités, et notre proposition également, c'est qu'on puisse inclure le réseau collégial dans ces ententes interpays, favorisant donc l'entrée, ici, d'étudiants boursiers, en fait.

M. Paquin: En termes de mobilité nationale d'une région à l'autre, il a été évoqué de faciliter des échanges d'étudiants pour un an ou pour un semestre entre institutions, par exemple, si vous êtes à Montréal, avec une institution de Gaspésie ou d'Abitibi et aussi, d'une région à l'autre, inversement, d'avoir des mesures pour faciliter ça de façon à ce que le même genre de maillage puisse se produire entre gens de la Capitale-Nationale, de la métropole ou des régions-ressources ou de d'autres régions du Québec. Comment vous voyez cette chose-là?

M. Lévesque (Gilles): Un peu comme les programmes de mobilité interinstitutionnelle qui existent entre les provinces canadiennes où on a des programmes qui favorisent la mobilité des étudiants d'une institution à l'autre. Et, actuellement, les programmes de mobilité interinstitutionnelle font en sorte que je peux accueillir dans une institution collégiale au Québec un étudiant qui vient, par exemple, de Vancouver, qui vient étudier en français dans un programme d'études, et ça lui est reconnu. Et, à cet égard-là également, en Europe tout le système Erasmus, qui a développé un système de reconnaissance d'acquis interinstitutionnelle, permet cette mobilité entre les différents pays de la Communauté européenne. Et là on a différents exemples, je pense, qui, au Québec, pourraient être appliqués d'une région à l'autre.

Une voix: ...

M. Lévesque (Gilles): Actuellement, non...

La Présidente (Mme Bélanger): Merci beaucoup. C'est terminé. C'est terminé, malheureusement. Alors, merci, M. Lévesque, M. Gingras, M. Marchand et M. Métras, ainsi que Mme Landry pour sa présence parmi nous. Alors, nous allons suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 4)

 

(Reprise à 15 h 7)

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, nous recommençons nos travaux. Alors, le mandat est toujours de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de son mandat d'initiative pour les fluctuations des clientèles dans le secteur de l'éducation au Québec, et nous recevons la Fédération autonome du collégial.

Alors, comme je le répète à chaque intervenant, le porte-parole doit se présenter et présenter les personnes qui l'accompagnent, pour ensuite avoir 20 minutes pour son exposé, qui sera suivi d'un 40 minutes de discussion avec les membres de la commission.

Fédération autonome du collégial (FAC)

M. Lauzon (Daniel): Merci, Mme la Présidente. Alors, en débutant, mes salutations cordiales aux membres de la commission. Mon nom est Daniel Lauzon, je suis enseignant en techniques administratives au collège de l'Abitibi-Témiscamingue et président de la Fédération autonome du collégial. Je vous présente les gens qui m'accompagnent: à ma gauche, M. Jean-Claude Drapeau, qui est enseignant en éducation physique au collège de Rimouski et vice-président aux affaires pédagogiques à la Fédération; et, à ma droite, M. Alain Dion, qui est enseignant aussi au collège de Rimouski, en cinéma, et qui est vice-président aux communications à la Fédération.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, allez-y.

M. Lauzon (Daniel): Alors, je débuterais simplement avec une brève présentation, si vous le permettez, de la Fédération. Alors, la Fédération autonome du collégial représente, comme son nom le dit, des enseignants du collégial essentiellement... totalement, plutôt. Elle est autonome, donc ne fait pas partie d'aucune grande centrale syndicale du Québec. Elle représente 4 000 membres dans 18 syndicats répartis partout sur le territoire du Québec, des îles-de-la-Madeleine jusqu'à l'Abitibi, en passant par le Bas-Saint-Laurent, le Saguenay, la Montérégie et, évidemment, Québec et Montréal.

C'est une fédération qui a une préoccupation profonde pour l'éducation dans son ensemble, pour l'accessibilité aux études supérieures, préoccupation profonde aussi pour les régions et aussi pour la pédagogie, donc de garder toujours, dans le discours des revendications que l'on fait, une préoccupation pédagogique importante.

n(15 h 10)n

Sur le dossier qui nous préoccupe ou qui préoccupe la commission à ce moment-ci, il y a longtemps que la FAC a commencé à réfléchir sur cette problématique. Les chiffres du ministère étaient assez clairs assez tôt, on croit, pour comprendre que la baisse d'effectif prévue dans les régions du Québec au niveau de l'éducation allait créer des problèmes importants. Lorsqu'on couple ça avec l'exode des jeunes, l'exode des familles aussi... On parle rarement de l'exode des familles des régions, mais, pour y habiter, ceux qui y habitent le reconnaissent bien. La dénatalité, on a rapidement vu un problème, et ce problème-là s'est accentué par le financement actuel, le mode de financement actuel des cégeps. Qu'on parle de financement global des cégeps ou qu'on parle de financement de l'enveloppe de l'enseignement, il y a un problème important sur lequel je reviendrai tantôt. Alors, quand on a mis tout ça dans une même potion, il y a un danger important autour de l'offre de programmes qu'on peut offrir dans les collèges de région, et donc ça met l'accessibilité aux études supérieures... l'accessibilité est en danger de façon très évidente dans nos régions, dans les régions du Québec. Et, donc, quand on parle d'un problème d'accessibilité, de baisse d'affectifs, de financement insuffisant, on parle de problématiques importantes autour du développement des collèges, et donc du développement des cégeps et du milieu de vie, et donc du développement des régions comme telles.

La Fédération a fait des représentations très tôt sur cette problématique-là et a obtenu, comme vous le savez, de concert avec d'autres organisations, la mise sur pied d'un comité, le comité Germain-Boucher, composé du ministère et de la Fédération des cégeps, qui a entendu les différentes fédérations syndicales, mais aussi d'autres groupes intéressés à la chose et qui a pondu, l'an passé, un rapport qu'on a applaudi en partie, qui visait certains réinvestissements dans le réseau collégial qui tenaient compte de la problématique des régions. Mais on pense qu'il y a quand même encore des bouts de chemin à faire là-dessus, que tout n'est pas compris dans ce rapport-là, et la FAC va continuer, évidemment, d'intervenir. Et, à cet effet-là, la FAC tient à souligner la clairvoyance de la commission de porter ce dossier-là encore à l'avant-plan, de poser son regard sur cette problématique-là et d'essayer de comprendre. On a bien pu suivre les transcriptions depuis le début des travaux de la commission et on comprend bien que les gens autour de cette table ont saisi la problématique court terme, long terme, et qu'on va essayer de trouver des solutions, des solutions durables pour assurer le développement des cégeps en région.

Alors, dernière chose que je dirais en préambule, c'est qu'il ne faut jamais perdre de vue que le réseau collégial est le seul réseau d'enseignement totalement financé par l'État. Et ça, c'est, je pense, très important quand on discute de cette dynamique-là, il n'y a pas moyen d'aller chercher des sous ailleurs. C'est une responsabilité de l'État qui vient du rapport Parent. La mission a été donnée très clairement aux cégeps de promouvoir l'accessibilité, de permettre l'accessibilité aux études supérieures, et, quand on voit cette commission-ci se pencher sur le dossier, on espère qu'effectivement, ça, c'est un signe que l'État prend en main cette responsabilité-là et que l'État va s'impliquer dans le financement, va continuer de s'impliquer, va continuer de reconnaître les difficultés des cégeps des régions à l'heure actuelle et continuer de penser qu'il faut réinvestir.

Je vais vous exposer simplement le mémoire qu'on vous présente. Tout d'abord, si vous le permettez, je vais vous exempter de tout l'exposé sur les baisses démographiques, les effectifs. On a pu, comme je le disais tantôt, suivre les transcriptions de la commission, on pense que les gens comprennent bien la problématique, là. On parle de baisse de clientèle, de baisse d'effectif autour de 25 %. Dans plusieurs régions du Québec, ça va jusqu'à 35 %. Les impacts sont bien compris, sur le développement des cégeps de régions, de ces baisses d'effectif.

Je vous exempte aussi de tout le discours qu'il y a dans le mémoire autour du rôle et de la place des cégeps dans leur milieu, je pense que ça, ça a été dit aussi. Simplement quelques éléments à signaler: le cégep comme héritage de la Révolution tranquille, le cégep comme un créateur ou générateur d'un impact important au niveau culturel, social, intellectuel, sportif même dans son milieu. C'est un centre d'innovation qui crée l'esprit d'entreprise, de l'entrepreneurship, de l'expertise aussi, qui forme, pour la région et pour le Québec, une main-d'oeuvre qualifiée, génère aussi un capital d'initiatives important. Les cégeps, c'est des milieux d'emplois stables, permanents, n'en déplaise à certains. Donc, un milieu d'emplois stables et permanents. On fait simplement des calculs, quand on divise... Si vous prenez le budget d'un cégep, les investissements que ça crée dans une région divisés par le nombre d'élèves, on tourne toujours autour de 12 à 15 000 $ d'investissement par élève pour avoir un cégep en région. Ça, c'est des investissements dans la région, c'est fort important.

Et, quand on regarde de façon plus générale l'instruction comme une valeur sûre, si vous regardez les dernières statistiques quant au niveau de scolarisation nécessaire pour occuper des emplois, les nouveaux emplois qui sont créés dans l'économie actuelle, la scolarisation demeure un fait important, demeure un fait incontournable, et le niveau de scolarité nécessaire pour occuper les nouveaux emplois est de plus en plus élevé.

Quand on regarde aussi un rapport comme celui d'ECOBES, un groupe du Saguenay, sur la proximité des écoles, la proximité du site d'enseignement pour les élèves pour s'assurer du niveau de scolarisation, on jumelle ça avec toutes les données de l'Institut de la statistique du Québec et, c'est un fait incontournable, plus l'école est près des jeunes, plus les jeunes vont à l'école; plus on les éloigne, plus l'école s'éloigne des milieux, moins les jeunes fréquentent. Et, les chiffres sont clairs sur les niveaux de scolarisation de nos jeunes en milieu urbain, milieu rural, milieu rural prospère, on a toutes ces données-là dans le mémoire qu'on vous a déposé. Alors, ça, ce sont des faits incontournables.

Le constat final autour de tout ça, je pense que c'est le fait que les collèges se sont bien acquittés de la mission qui leur a été confiée dès le départ, c'est-à-dire permettre l'accessibilité au plus grand nombre à des études supérieures. Alors, là-dessus, je pense que ça, c'est indéniable.

La dernière chose sur laquelle je vais insister avant de passer peut-être aux pistes de solution qu'on a proposées au comité Germain-Boucher et qui restent d'actualité à ce moment-ci, c'est toute la problématique autour du financement. Je pense qu'il faut bien comprendre le financement des cégeps pour comprendre dans quelle situation on est à l'heure actuelle. Donc, le financement du cégep, que ce soit le financement global du cégep ou celui de la masse salariale des enseignants ou du E de FABES, pour ceux qui sont familiers avec ces données-là, donc, tout ce financement-là est fait en fonction du nombre d'étudiants qui est dans le collège, qui passe le pas de la porte du collège. Alors, ce que ça amène, ce modèle-là, c'est qu'on a pondu au ministère un mode de financement qui est basé sur une statistique, sur une méthode historique qui a permis au ministère d'évaluer ce que coûtait, par exemple, un étudiant dans un programme x au Québec de façon généralisée.

Vous comprendrez que, du moment où on fait une moyenne, il y a des gens qui sont au-dessus, il y a des gens qui sont en dessous. Actuellement, le mode de financement, entre autres, de la masse salariale des enseignants, du E de FABES, crée une problématique évidente: tous ceux qui sont sous-financés sont les collèges de régions pour la raison très simple, évidemment, lorsque vous avez, dans ce mode de financement là, des cohortes dites normales, donc de 30 élèves, 60 élèves, 90 élèves, donc des groupes de 30 élèves, lorsque vous tournez autour de ça, il n'y a pas de problème chez vous, vous pouvez donner vos programmes sans trop de difficultés. Lorsque vous tournez dans les cohortes qui sont autour de 10, 12, 15, huit, pour certains collèges, alors là vous avez des problèmes sérieux, très sérieux.

Ça a même amené le ministère, il n'y a pas si longtemps, à envoyer une lettre aux collèges leur disant: Écoutez, si vous êtes autour de 60 élèves ou moins dans les trois années d'un programme technique, vous êtes en sérieuse difficulté, pensez-y avant de maintenir le programme en action. Alors, quand on prend ce modèle de financement là qui a coupé les vivres de façon importante aux cégeps de régions parce que les cohortes sont moins importantes, on atteint très souvent 40, 30... Dans certains programmes, 30 élèves, c'est le mieux qu'on peut aller chercher, mais le programme est fort important dans les régions. Mais, à 30, il n'y a pas moyen de financer l'enseignement, c'est impossible.

Alors, ce que ça a généré dans les collèges, c'est que les professeurs ont dû supporter à même la masse salariale des enseignants le maintien des programmes dans les régions. Donc, il y a plusieurs programmes... La financement est assez simple à comprendre dans cette perspective-là. Une fois qu'on a obtenu le financement pour tous les programmes et qu'on met ça dans une enveloppe commune, on peut la redistribuer de façon différente. Alors, certains programmes qui étaient en meilleure forme, si on veut, avec de meilleurs effectifs ou la formation générale, français, philo, éducation physique, où on a évidemment plusieurs étudiants parce que tout le monde passe dans ces cours-là, ces gens-là se sont vu augmenter leurs tâches pour évidemment dégager des sous pour aller subventionner les programmes qui étaient en difficulté dans la région.

Alors, c'est à bout de bras à ce moment-ci que les enseignants tiennent en vie la carte de programmes dans les régions, et ça, ça ne peut plus durer. Ça, il faut bien comprendre cette problématique-là quand on examine les pistes de solution. Ça a amené les enseignants à devenir des agents de marketing aussi, à être obligés de vendre leurs programmes, de passer dans les écoles. Et ça, je pense que les gens qui sont fiers de leurs programmes n'ont pas de problème à en parler, mais de là à devenir des agents de marketing, des agents aussi qui doivent essayer de maintenir les élèves au maximum dans les programmes avec une pression qui est autre que celle de la réussite pédagogique pour maintenir le programme en vie, alors, ça, c'est des pressions qui sont très peu intéressantes, vous le comprendrez. Alors, ces enseignants-là, qui croient en leur région, qui croient en leurs programmes, qui croient aux jeunes, qui croient à l'accessibilité, se sont vus placés dans des situations très difficiles pour maintenir, comme je le disais, à bout de bras le maintien de la carte de programmes dans leur région.

n(15 h 20)n

Alors, la Fédération a proposé trois axes d'intervention lors du comité Germain-Boucher. Le premier axe, c'est le développement essentiel, à ce moment-ci, d'une politique nationale de développement de l'offre de programmes sur tout le territoire du Québec. Alors, à ce moment-ci, les collèges font des interventions, demandent, par exemple, au ministère de pouvoir donner tel ou tel programme, et il n'y a pas de vision d'ensemble à ce moment-ci. Il est essentiel que dans le développement qui s'en vient pour les collèges on puisse se donner des tables où on peut discuter et où on peut ensemble convenir du développement de l'offre de programmes au Québec, l'offre de programmes du collégial. Ça inclut, on le verra tantôt, des programmes nationaux pour les régions, ce qui nous amène aussi à se dire: Est-ce qu'il n'y a pas un moyen aussi qu'on puisse discuter avec les gens des autres ordres d'enseignement, que ce soit le secondaire, que ce soit le professionnel, que ce soit l'universitaire, pour voir comment, dans les régions, on peut harmoniser ces choses-là?

Quand je fais le tour de la province, et qu'on rencontre les membres, et qu'on va, par exemple, à Rivière-du-Loup où on s'aperçoit qu'en face du collège, qui a certaines clientèles qui baissent dans certains programmes... on s'aperçoit, de l'autre côté, il y a un endroit de formation professionnelle qui est en pleine effervescence, qui grandit et qui grandit et qui offre des programmes qui viennent chercher des élèves au collégial, alors est-ce qu'il y a lieu de se parler là-dessus? Je pense que oui. Est-ce qu'on doit encourager une compétition dans ce domaine-là? Je crois que non. Je pense que dans les régions, si on veut offrir une carte de programmes intéressante, il faut qu'on soit capable de se parler. Alors, on demande ça. On n'a pas pu trouver, du côté du comité Germain-Boucher, une oreille attentive, on espère que la commission retiendra cette possibilité-là.

Deuxièmement, j'en parlais tantôt, le financement. Alors, il faut trouver des solutions du côté du financement. L'argent va être nécessaire, les sous vont être nécessaires si on veut maintenir l'offre de programmes. Alors, on aura besoin de nouvelles ? et là je pense que c'est important de le noter ? de nouvelles ressources financières récurrentes. Donc, des nouvelles ressources, et il faut qu'elles soient absolument récurrentes. Il faut que ce soit terminé, le temps où les cégeps de régions doivent se pointer ici, à Québec, pour réclamer des sous et faire valoir leurs projets à toutes les minutes sur chaque projet qu'ils veulent développer.

On doit, au Québec, prendre des engagements pour les régions, envers les cégeps de régions, et ça, c'est fondamental. On ne peut pas quêter tout le temps. Ça, les gens en ont assez. Je pense que ça, il faut être clair, nouvel argent récurrent et des sommes d'argent qui vont au-delà, évidemment, de ce que Germain-Boucher a proposé, au-delà du mode de financement actuel, qui sont en dehors des modes statistiques historiques qu'on nous sert et qu'on nous propose depuis quelques années, et des sommes, évidemment, qui impliquent qu'on ne cherche pas à faire de la péréquation, qu'on ne cherche pas à prendre dans le réseau collégial public à Montréal ou à Québec des sommes pour venir les investir en région et que là on prend ça dans les poches des autres. Ça, je pense que ce n'est pas souhaitable. Je reviendrai sur du précis un peu plus tard, tantôt.

Et le troisième axe qu'on retenait, évidemment, c'est hausser la clientèle de nos cégeps en région. Donc, il y a plusieurs idées qui circulent de ce côté-là. Il y a évidemment façon de retenir les jeunes, d'intéresser les jeunes des régions à rester en région par une carte intéressante de programmes. Il y a moyen, je pense ? on l'a entendu beaucoup à cette commission ? d'attirer des étudiants étrangers, mais il faudrait aussi être capable d'attirer les étrangers les plus près, c'est-à-dire les gens de Montréal ou de Québec, à venir dans les régions du Québec. Alors, je pense que ça, c'est un incontournable aussi. Si on ne réussit pas à attirer les gens de chez nous à venir chez nous, parce que, pour moi, Montréal ou l'Abitibi, ça reste chez nous... Alors, si on ne réussit pas à avoir une mobilité de ce côté-là, je ne sais pas vers quoi on s'en va.

Alors, pour revenir aux deux dernières pistes, le financement et la hausse de clientèle, sur le financement, pour être un peu plus précis, donc, on pense qu'au niveau des programme offerts il faut laisser tomber le modèle statistique dans lequel on est enfermé à l'heure actuelle, qui est tant de dollars par étudiant et multiplié par le nombre d'étudiants, ça génère les ressources que ça génère, et ensuite, bon, vous vous arrangerez au local avec ça. On doit trouver autre chose que ça, on doit avoir un financement par programme qui tient compte, entre autres, des perspectives d'emploi pour les diplômés. Donc, on a certains programmes qui fonctionnent avec des effectifs réduits, mais pour lesquels il y a des emplois au Québec. Donc, il faut absolument qu'on puisse maintenir dans les régions ou partout sur le territoire ces programmes-là s'il y a des emplois dans le domaine. Mais, si j'ai 30 ou 35 élèves dans ce programme-là, je ne reçois pas le financement nécessaire pour le faire fonctionner. Pourtant, il y a des emplois. Donc, ce n'est pas une responsabilité locale de maintenir ça en vie, c'est une responsabilité nationale. Alors, ça, il faut absolument que ça fonctionne.

Je le disais tantôt, par rapport à des emplois dans la province, on fait face, à l'heure actuelle, dans les régions à une nouvelle formule qui s'appelle l'adéquation formation-emploi. On nous sert beaucoup ça dans les régions en nous disant: Vous pouvez former des gens à condition qu'il y ait de l'emploi dans votre région. C'est comme nous dire, dans les régions, qu'on n'a pas le droit de sortir des régions et qu'on ne forme pas des jeunes qui vont aller ailleurs après. Je pense que la preuve est faite, nos jeunes circulent, sont intéressés à aller à Montréal peut-être pour travailler, mais est-ce qu'on peut leur permettre d'étudier chez nous? Je pense que ça, c'est important. Mais, dans cette nouvelle formulation de l'adéquation formation-emploi, on a le droit de donner une formation si on a de l'emploi dans la région, une espèce d'adéquation formation-emploi régionalisée. Alors, ça, il faut que ça tombe, il faut que ce concept-là tombe absolument.

Est-ce qu'on peut avoir un financement de programmes aussi qui tient compte de l'exclusivité dans la région d'un programme? Donc, si on est le seul collège dans la région à donner ce programme-là, si j'ai 30 élèves, encore une fois, je ne reçois pas le financement nécessaire. Mais je suis le seul à le donner. Est-ce que je peux obtenir... Est-ce que l'État va m'aider à donner ce programme-là dans la région?

Et là ça, ça introduit aussi, par rapport au comité Germain-Boucher, le concept des doublons. Donc, je ne sais pas si vous êtes familiers avec le comité Germain-Boucher sur le concept des doublons. On a entendu ça au comité Germain-Boucher quand on l'a présenté, mais on nous a servi une espèce de passe par la droite en disant: Oui, peut-être qu'on peut financer effectivement un programme qui est seul dans sa région, mais pas deux. Et, donc, par exemple, à Rivière-du-Loup et à Rimouski, où il y a 100 kilomètres entre les deux endroits, donc, si un des programmes, par exemple, en techniques administratives est en difficulté, celui qui est en difficulté le premier est mal servi. Étant donné qu'il est en doublon, il ne sera pas aidé. Donc, un doublon, c'est donc un même programme à 150 kilomètres de distance. Donc, si vous êtes le premier programme de la région en techniques administratives à avoir des difficultés, malheureusement vous êtes en doublon et vous ne serez pas aidés. Quand on connaît la mobilité intrarégionale, quand on sait que nos jeunes, s'ils sont de Rimouski... Si le programme ne se donne plus à Rimouski, ils ne font pas le saut à Rivière-du-Loup, ils vont à Québec. Chez nous, en Abitibi, si ce n'est pas donné à Rouyn-Noranda et que c'est donné à Val-d'Or, malheureusement, les gens, en faisant la 117, ne voient pas Val-d'Or et se rendent en Outaouais ou se rendent à Montréal ou dans les Laurentides. Donc, il faut que ce concept-là aussi des doublons soit réexaminé et qu'on puisse réexaminer qu'est-ce que c'est, un programme régional et un point de services régional. Donc, une stabilisation de l'enveloppe de financement sur la base de ces aspects-là.

Financement aussi qu'on pourrait examiner par rapport au nombre d'étudiants en première année, est-ce qu'on ne peut pas avoir un déclencheur d'une clientèle en première année qui assurerait le financement de ce programme-là ou d'un chiffre magique, là... Le comité Germain-Boucher nous a répondu 45, le chiffre magique. Lorsqu'il y a 45 élèves dans une cohorte, un financement intéressant. Alors, des financements intéressants, et, par-dessus ces financements-là par programme, on doit absolument rajouter une marge de manoeuvre au local. On doit donner une somme d'argent, un nombre d'ETC, d'équivalents temps complet, un budget pour que le milieu puisse se prendre en main et prendre des décisions, faire des choix sur des programmes qui, peut-être, n'entrent pas dans les règles particulières qu'on se donnerait, mais pour lesquels la région aurait un attachement et voudrait maintenir. Alors, il faut une marge de manoeuvre pour que le milieu puisse prendre des décisions.

Est-ce que je comprends qu'il me reste une minute?

Le Président (M. Paquin): Une demi-minute.

M. Lauzon (Daniel): Une demi-minute? Merci. Alors, je finis rapidement sur l'accroissement de l'effectif scolaire. Donc, financement, mais accroissement de l'effectif scolaire. Donc, je le disais tantôt, politique nationale de développement de l'offre de programmes, il faut permettre aux cégeps de régions d'obtenir des programmes nationaux, que ce soit un point de services ou deux points de services au maximum avec des contingentements pour assurer que les régions puissent attirer des étudiants d'autres régions du Québec. Donc, des programmes nationaux, c'est important.

Mise en place d'aide financière pour les élèves étrangers de Montréal qui voudraient venir étudier à Rimouski, à Rivière-du-Loup ou en Abitibi, chez moi, alors, ça, je pense qu'il faut encourager ça.

Exploration de nouveaux programmes, formules novatrices en pédagogie, que ce soit le D.E.C. intensif, l'alternance travail-études, donc ce genre de choses là on est ouvert.

Favoriser la scolarisation des adultes, pas nécessairement toujours dans les programmes d'A.E.C., et leur favoriser l'entrée aussi au D.E.C., qu'ils puissent revenir à l'enseignement dans la formule de D.E.C., qu'on trouve une façon de les ramener à ça.

Limiter la concurrence entre les institutions. Si vous êtes familiers avec le concept du devis pédagogique, chaque collège a son devis pédagogique, c'est le nombre d'étudiants maximum qui peut entrer dans le collège. On sait que certains collèges ont outrepassé cette règle-là, il faut qu'elle soit renforcée.

Et, mon dernier point, le système de référence qui a été mis sur la table, ici, par d'autres organisations. Donc, quand un programme est donné à Montréal, qu'il est rempli à craquer, est-ce qu'on ne pourrait pas dire aux élèves que, ailleurs, ce programme se donne peut-être dans une région et les référer vers ces programmes-là plutôt que leur donner leur deuxième choix dans le collège de Montréal?

Alors, je m'excuse, j'ai pris un petit peu plus de temps. On voulait faire ça bref pour pouvoir discuter avec vous. Mais on vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Paquin): Alors, Mme la députée de Rimouski.

n(15 h 30)n

Mme Charest: Merci, M. le Président. Bonjour et bienvenue, M. Drapeau, M. Dion et... M. Lauzon. Pardon. Je m'excuse. Écoutez, je partage plusieurs de vos préoccupations pour en avoir discuté dans le passé, là, entre autres avec M. Dion à plusieurs reprises, et je pense que vous avez la sensibilité qu'il faut pour parler des régions parce que vous habitez en région. Et ça semble peut-être un peu dur, ce que je dis là, mais il y a une sensibilité qui se sent à partir d'un vécu. Vous savez, quand on décide de faire une carte des options ou une carte des programmes et qu'on n'a aucune idée de ce que signifie donner une formation x à Rivière-du-Loup et la même à Rimouski et que, sous prétexte qu'ils sont dans une même région administrative, on fait la croix sur un, puis on dit que ça va tout se concentrer là, on vient de rayer de la carte l'accessibilité à un nombre important, je pense, de jeunes pour avoir accès à une formation collégiale dans un programme qu'ils auraient choisi. Et pour toutes sortes de raisons, ces jeunes-là n'iront pas à Rimouski compte tenu des distances, des coûts que ça va engendrer, d'où l'abandon scolaire dans bien des cas, sinon on va filer vers les grands centres urbains parce que là peut-être on va avoir accès à un prêt-bourse plus intéressant qui va nous permettre de justifier les coûts d'appartement, de transport, etc. Enfin, ceci étant dit, je pense qu'on se comprend sur ce que ça signifie pour les gens en région, cette fameuse carte des programmes ou des options.

Moi, je voudrais revenir sur toute la question du financement. Je vous le dis bien franchement, le financement per capita, je suis contre: contre, contre, contre. C'est-u clair? C'est contre. Et ça, là-dessus, on ne me fera jamais revenir là-dessus. Alors, je tiens à le signifier parce que je pense que les régions seront toujours défavorisées avec un financement per capita. Ça, là, je ne reviendrai jamais... Il y a un reculons très difficile sur certaines questions, et celle-là, c'en est une.

Je voudrais quand même qu'on parle de financement. Quand vous parlez de développement pour les collèges, d'une nouvelle constante fixée pour le E de FABES, j'aimerais ça que vous m'expliquiez parce que, moi, je ne comprends pas c'est quoi. De quoi il s'agit exactement? Expliquez-moi ça. Ça veut dire quoi, ça consiste en quoi? Puis comment ça peut améliorer le financement? Je n'ai aucune idée. Expliquez-moi ça.

M. Lauzon (Daniel): Comme je le disais tantôt, les règles de financement à l'heure actuelle sont par tête. Donc, chaque étudiant dans un programme x génère une allocation, et donc, au total, quand on a 15 programmes qui génèrent un nombre x d'enseignants, on a une allocation aussi pour le nombre d'étudiants qui sont en formation générale. Tout ça fait une masse totale, par exemple, dans un collège comme chez nous, en Abitibi, de 200 enseignants. Donc, ensuite, le collège prend cette masse salariale là et la répartit, cette allocation-là, il la répartit de la façon qu'il choisit. Comme je vous le disais, la problématique, c'est qu'on prend dans un programme qui est en meilleure posture, on hausse la tâche des enseignants de ce programme-là, on dégage quelques ressources et on les envoie dans les programmes en difficulté. Donc, ce qu'on dit, c'est qu'il faut trouver pour chacun des programmes des normes de financement qui permettent de garder ces programmes-là en vie s'ils sont, par exemple, les seuls programmes dans la région, etc. Mais au-delà de ça, il faut inscrire dans le E cette masse salariale là. Au lieu du financement par programme, il faut donner à chacun des collèges une constante fixe, donc de dire que, pour qu'un collège puisse agir dans son milieu, il a besoin d'une certaine marge. Donc, qu'on donne, par exemple, dans mon collège de 200 ETC, de 200 profs, qu'on donne un 2 ou 3 ETC qui est une marge de manoeuvre qui permettrait qu'au-delà des répartitions qu'on fait à l'occasion avec la pitance qu'on a, avec ce qu'on a comme somme, est-ce qu'il n'y a pas des décisions qu'on voudrait prendre qui sont au-delà de ça et pour lesquelles on a besoin de budget?

Alors, à ce moment-ci, si je veux faire au-delà de ça, un collège doit venir à Québec, réclamer du ministère une espèce d'allocation spéciale, faire la preuve du pourquoi, du comment il utiliserait ça, et ça, on pense qu'il faut que ça cesse. Il faut que les gens des régions puissent se prendre en main de ce côté-là. Et donc, de rajouter par-dessus le financement de chacun des programmes une espèce de somme récurrente, fixe, qui serait à la hauteur de ce que le cégep représente dans la région. Est-ce que c'est le seul cégep de la région? Quels sont les points de services dans le coin? Et donc une espèce de petite poche arrière où on aurait des sous pour pouvoir faire des choix dans le milieu, de maintenir un programme qui peut-être n'entre pas dans aucune règle de financement mais pour lequel on a un attachement particulier probablement ou une analyse différente de celle du ministère, et qu'on dit: Celui-là, nous, on veut le garder.

Mme Charest: O.K. Vous parlez également de financer certains programmes à 100 %. Ce n'est pas financé à 100 %? C'est quoi, ça veut dire quoi, ça, 100 %?

M. Lauzon (Daniel): On a des programmes à l'heure actuelle, les programmes de financement à 100 %. Comme vous le disiez tantôt, le financement est per capita. Alors, est-ce que les programmes sont financés à 100 %? Oui, s'ils vont chercher la clientèle de 60 élèves. Les seuls programmes qui sont financés à l'heure actuelle à 100 %, c'est ceux qui ont au minimum 60 élèves. Les autres sont financés à moins que ça.

Alors, on veut garantir, pour des programmes qui qualifieraient dans certains critères qu'on pourrait fixer, par exemple, le seul point de services dans la région, qu'on reçoive un 100 % de financement indépendamment si on a 32, 34 ou 27 élèves dans ce programme-là. Donc, il faut trouver un moyen de financer à 100 % certains programmes qu'on choisirait de financer. À l'heure actuelle, la seule règle qui permet d'être financé à 100 %, c'est d'avoir le fameux, le fabuleux 60 élèves dans le programme.

Mme Charest: De toute façon, je suis contre ce fameux critère de 45 ou de 60, parce qu'on sait très bien que, dans les cégeps en région, c'est très difficile d'avoir des cohortes de 60 étudiants, et 45, là, il faut vraiment que ce soit un contexte particulier pour l'atteindre. Ça, là-dessus, il y a des choses à revoir, j'en suis persuadée.

Moi, je voudrais aussi qu'on revienne sur la question que vous mettez de l'avant, qui est d'avoir une aide financière pour les élèves ou les étudiants qui étudieraient en région. Qu'est-ce que ce serait? Un crédit d'impôt, un prêt-bourse bonifié? C'est quoi, l'idée, et ça s'appliquerait à qui? À ceux qui demeurent... dont l'adresse permanente est en région et qui demeurent en région ou à ceux qui partent de l'Outaouais puis qui viennent étudier à Gaspé ou à Carleton dans le comté de ma collègue vis-à-vis, ou peu importe, là, en Abitibi ou à Thetford? À Thetford-Mines aussi, là, on n'en parle pas souvent, mais il y a un collège là, en région. Parce que, moi, je peux parler de Rimouski, mais j'ai aussi la préoccupation des autres collèges dans les régions, parce que quand on parle des collèges en région, je pense qu'on est solidaire, hein, on a une cause commune.

M. Lauzon (Daniel): Ce qu'on a cherché à faire évidemment, c'est de trouver un système, et on n'a pas été jusqu'à savoir: Est-ce que ce sera un crédit d'impôt? Est-ce que... Je pense que ça, ça reste à définir, on peut trouver les modalités d'application de ça. Ce qu'on cherche à faire, c'est de garder des jeunes dans la région, de leur offrir... Et la première chose qui garde les jeunes en région ? ça, je pense que c'est important de le mentionner ? au-delà de l'argent qu'on leur mettrait dans leur poche, c'est une offre de service, une offre de programme de qualité, variée. Ça, c'est la première chose. Si vous avez des enfants, souvent vous allez les entendre dire: Il y a tel programme qui se donne à 500 km qui m'intéresse. Et des fois ils vont chercher jusqu'au petit programme le plus intéressant qu'on ne donne pas chez nous. Mais, si on n'est pas capable d'offrir un service de qualité de base, là on n'est pas en affaires. Alors, dans la région, la première chose, c'est d'offrir un service, une carte de programmes de base.

Ensuite, pour garder nos jeunes, est-ce qu'il n'y a pas des incitatifs qu'on peut mettre sur la table? Le collège de Gaspé avait fait cette proposition-là et s'est fait retourner en lui disant qu'il n'était pas question de vider les écoles de Montréal, les cégeps de Montréal pour envoyer des jeunes en région. Je m'excuse, là, mais à moins que je me trompe, il n'y a pas 50 000 élèves de Montréal qui vont se déplacer vers les régions. Mais, un, c'est intéressant; deux, c'est encore plus intéressant; et à trois, on triple notre plaisir.

Mme Charest: Envoyez-moi-le donc, celui-là, qu'on se parle un peu.

M. Lauzon (Daniel): D'accord. Alors, ce que je veux dire, c'est qu'on n'a pas travaillé sur le fin mot de comment ça pourrait se faire, mais ce qui est clair, c'est que des étudiants qui accepteraient de partir de Montréal ou de Québec pour aller vers les régions pour y recevoir certaines sommes, certains prêts et bourses, par exemple... et peut-être qu'il y a des gens qui seraient prêts aussi... on parlait tantôt de mobilité intrarégionale, quelqu'un qui dit: Moi, au lieu de partir de Rivière-du-Loup et d'aller à Québec, j'irais à Rimouski dans le programme...

Mme Charest: Ou à Gaspé.

M. Lauzon (Daniel): Ou à Gaspé, bien, qu'on les intéresse et qu'on leur donne... qu'on les aide un peu à payer de ce côté-là.

Puis l'autre question qu'on n'aborde pas de front non plus, c'est le coût pour les familles des jeunes qui quittent la région. Donc, si j'ai une offre de service de qualité dans la région, je peux garder mes jeunes. Mais c'est qu'on n'évalue jamais ça, on n'a pas de statistique là-dessus, mais chaque parent qui reçoit la demande de son enfant d'aller à Québec au lieu de rester à Rivière-du-Loup ou de rester en Abitibi, il y a des sous d'associés à ça. Alors, si j'investis plutôt cette somme-là pour garder des programmes en région, donc chaque 10 000 $... On peut facilement penser qu'une année de scolarité en dehors de la région va vous coûter, comme parents, entre 8 et 10 000 $. Donc, si j'accumule des 8 ou 10 000 $ là, est-ce que je ne peux pas les réinvestir pour avoir un programme dans ma région? Alors là on commence à parler, là on est en affaires.

n(15 h 40)n

Mme Charest: Et, pour poursuivre sur la question des programmes, je suis heureuse de voir que vous avez exploré l'idée de la carte des programmes, un programme pourrait être donné en région, et ce serait le lieu physique où ce programme serait donné pour l'ensemble du Québec. Tout le monde sait qu'à Jonquière c'est en communications, à Longueuil, c'est l'aéronautique, à Rimouski, c'est le maritime. Il y en a d'autres comme ça. Ça pourrait être en Abitibi dans les mines. Enfin, on peut trouver des spécificités qui collent à chacune des régions. Moi, je favorise cet élément de solution. Ce n'est pas vrai que, parce que c'est donné à Gaspé, à Thetford ou peu importe, en Abitibi, à Amos ou à Val d'Or ? c'est ça, vos cégeps, c'est ça? ? que le programme ne serait pas de qualité. Moi, je pense que là-dessus il faut en revenir et il faut que les choses soient clairement dites. Il y a de la qualité possible partout, il suffit qu'on le reconnaisse et qu'on donne les moyens pour qu'il y en ait.

Je voudrais aussi souligner la question de donner les programmes en fonction des créneaux d'emploi ? l'employabilité ? à partir des régions. Ça, ça veut dire qu'on bloque le développement des régions, parce que, si on se fie seulement sur ce qui existe ici maintenant puis qu'on n'a pas de perspectives d'avenir sur cinq ans, sur 10 ans, je veux dire, là on bloque le développement futur non seulement au niveau de l'employabilité de la main-d'oeuvre jeune, mais aussi du développement économique, parce que les cégeps sont des outils de développement économique régional. Alors, ça, je suis d'accord avec vous qu'il faut regarder ça à nouveau. C'est pour ça que je questionne, moi aussi, les critères sur les cohortes.

Bon! Je pense que j'ai dit, en plus de vous questionner, ce que j'en pensais. Mais j'aimerais mieux vous entendre sur toute la question de... Est-ce que les collèges en région sentent le support et l'appui par des gestes concrets des établissements universitaires urbains de la région de Montréal, par exemple, de la région de Québec, de Québec? Est-ce que, là-dessus, il y a des passerelles? Je sais que le cégep de Rimouski, avec l'UQAR, a des passerelles. Mais est-ce que vous en avez, en Abitibi, avec des universités de Montréal ou d'autres, de Sherbrooke? Comment ça se passe? Oui, M. Drapeau.

Le Président (M. Paquin): M. Drapeau.

M. Drapeau (Jean-Claude): Oui. Je pense que... Dans un premier temps, je dirais que ce n'est pas nécessairement très senti, cette dynamique-là. Ce qu'on sent davantage, c'est la relation avec l'université de notre région, qui fait partie du réseau des universités du Québec. Celle-là, on peut la sentir pour différentes raisons. D'abord, on est dans le même milieu, c'est des gens qui se côtoient, qui se connaissent, qui font de l'action sociale dans le même milieu; il y a des tissus sociaux, il y a des fibres qui existent.

Au niveau des arrimages de programmes, des complémentarités puis tout ça, je pense qu'il y a encore des bons bouts de chemin à faire également, même en région, entre nous, parce qu'il y a d'abord toute une problématique qu'il faut peut-être bien situer, puis je vais la placer en lien avec ce dont on parlait tantôt, la carte des programmes. On est très conscients que, dans nos demandes, il y en a qui sont financières. On pourrait dire que c'est les plus faciles, techniquement parlant, à gérer. Au niveau monétaire, ce n'est peut-être pas si facile que ça, mais, techniquement, c'est les plus faciles à gérer. Mais l'harmonisation d'une carte de programmes dans un contexte où tout le monde véhicule des valeurs de concurrence, d'exclusivité, dans ces contextes-là, ça devient très difficile. Parler d'une carte de programmes quand on est dans un système, également, de compressions budgétaires, de resserrement de l'apport de l'État en regard des services publics, ça cause des problèmes aigus.

Alors, si on est pour aller réaliser des arrimages, des concertations interordres, il va nécessairement falloir qu'il y ait des possibilités qui donnent de l'espace politique pour faire ce travail-là, parce que les enjeux sont fondamentaux, et ça, on le sait. Moi, je comprends très bien puis j'accepte très bien le leadership des grandes universités qui sont dans les grands centres, situées sur l'angle de la compétition internationale et de l'influence internationale. Mais, en même temps, ce qui est important, c'est quelles sont les retombées au niveau régional. C'est la question que vous posez. Elles ne sont peut-être pas directement, elles sont probablement à un autre niveau. Mais, si on s'y arrêtait, on en verrait, des contributions. Mais ça ne se passe pas dans l'arrimage des programmes présentement. Mais ce qui manque, c'est peut-être des exemples de tables interordres comme on a vu ce matin avec la Table régionale de l'Abitibi-Témiscamingue. Mais, pour mettre en place ces tables interordres là, ça prend des contextes aussi.

Dans le réseau collégial, l'élément le plus délicat auquel on fait face ? Daniel en a parlé tout à l'heure ? c'est que le financement vient directement de l'État. Donc, contrairement au réseau des universités qui ont d'autres sources de financement, contrairement aux réseaux primaire et secondaire qui ont aussi d'autres sources de financement et un pouvoir politique également en lien avec les élections des commissaires, le réseau collégial repose dans le vide, politiquement parlant, si ce n'est que d'appartenir à l'État. Et, à cet égard-là, où est-ce qu'on va le brancher, le réseau collégial, si on fait des tables régionales? Les cégeps sont des représentants régionaux. Comment on va les placer, les représentants régionaux, politiquement? Il y a tout un débat pour asseoir la place de nos collèges.

Et je vous dirai que, pour nous, la Fédération des cégeps, lorsqu'elle dit parler au nom des cégeps, ne parle pas au nom des cégeps, elle parle au nom des cadres de collèges, elle parle au nom des conseils d'administration. Et on se retrouve très peu, les employés du collège, dans le discours de la Fédération des cégep parce qu'on ne se retrouve pas dans les lieux de consultation, et ça manque également.

Mme Charest: Oui, je comprends que vous représentez quand même l'opinion syndicale, vos membres. Vous défendez les intérêts de vos membres et l'intérêt des collèges et de la formation collégiale. Il me semble que ça aussi, c'est quand même important de le souligner. Mais, moi, je reviendrais...

Le Président (M. Paquin): ...

Mme Charest: Pardon?

Le Président (M. Paquin): Il reste trois minutes à cet échange.

Mme Charest: Moi, je voudrais quand même revenir sur le fait que vous dites que les cégeps sont complètement financés par l'État. C'est vrai en partie mais, avec les centres collégiaux de transfert technologique, là on est en train de... On a 28 cégeps au Québec qui ont des centres de transfert technologique, et ça permet aux cégeps d'avoir des relations de partenariat avec l'entreprise privée et d'avoir des liens étroits aussi avec les PME de leur milieu et d'avoir de l'autofinancement pour les activités de connaissance et de transfert de connaissances qu'ils font avec les entreprises de leur milieu. Il y a quand même là des choses importantes qui se passent.

Je voulais quand même vous resituer ça parce que ça m'apparaît très, très important aussi, parce qu'il y a des centres de transfert technologique au niveau collégial qui fonctionnent très bien et qui vont se chercher des revenus même de l'ordre de quelques millions, là. Pas tous, mais quelques-uns ont quand même des possibilités intéressantes.

Alors, je voulais juste quand même qu'on réfléchisse à cet apport-là. Et cet apport-là peut susciter d'autres réflexions pour des expériences similaires à d'autres niveaux, dans d'autres secteurs d'activité. Vous allez me dire que c'est surtout avec les techniques, c'est vrai, mais il y a peut-être d'autres possibilités aussi, là.

Le Président (M. Paquin): Alors, M. Drapeau, en une minute et demie.

M. Drapeau (Jean-Claude): Oui. Alors, effectivement, pour la pertinence des centres de transfert technologique et en lien avec toute la dimension des créneaux d'excellence à développer, à consolider dans les régions, oui. Cependant, sur l'angle de l'apport au cégep en lien avec toute la dimension de la formation initiale et jusqu'à quel point ces retombées-là se font et apportent des sommes d'argent... n'apportent pas des sommes d'argent, apportent des expertises, donnent des lieux, pour des profs, à aller faire des stages, des étudiants, des étudiantes, donnent ces possibilités-là, mais ça ne contribue en rien à toute la problématique du financement dont je parlais pour la formation initiale.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais d'abord remercier et souhaiter la bienvenue à nos représentants de la FAC. Je voudrais essayer de cerner les différences entre le rapport Germain-Boucher, que vous avez soulevées, et le rapport lui-même. Vous dites que vous êtes en écart ou que vous n'êtes pas en accord avec... ou qu'il manque dans le rapport Germain-Boucher un programme de développement d'offre des programmes, un développement de l'offre des programmes en région, un financement des étudiants dans des cohortes, s'il y a des emplois en région, toute la question des doublons et le nombre mentionné par le rapport Germain-Boucher, c'est-à-dire 45 élèves par cohorte. Et puis vous avez ajouté ensuite qu'il y a une politique de référence pour les étudiants qui, par exemple, s'inscrivent dans un programme à Montréal ou à Québec et qu'éventuellement ce programme-là pourrait être ouvert en région. Ce n'est pas traité non plus par le rapport Germain-Boucher.

n(15 h 50)n

Est-ce que vous êtes capable... Un, est-ce que c'est... Est-ce que j'ai fait le tour des éléments qui vous distinguent du rapport Germain-Boucher ou est-ce qu'il y en a d'autres? Deuxièmement, est-ce qu'on a évalué ce que ça valait? Et troisièmement, est-ce que, dans le rapport Germain-Boucher, qui a amené un refinancement pour 15 millions de dollars, il n'y a pas un 5 millions de dollars qui peut être retourné ou renvoyé vers la direction que vous souhaitez? Et je pense au 5 millions de dollars qui a été séparé en 100 000 $ à 48 cégeps, un chèque de 100 000 $ aux 48 cégeps qui ont reçu parfois des sommes d'argent qui... enfin, je ne dirais pas qui n'étaient pas nécessaires. De l'argent, tout le monde en a besoin. Mais il y avait des cégeps qui sont en surplus puis qui ont reçu un 100 000 $, qui ont mis 100 000 $ de plus dans leur surplus, pendant que d'autres cégeps sont en problèmes financiers, particulièrement les cégeps en région. Est-ce que j'ai fait le tour un peu de ce qui vous sépare du rapport Germain-Boucher?

M. Lauzon (Daniel): Bon, je n'ai pas noté l'énumération que vous avez faite de nos récriminations par rapport au comité Germain-Boucher. Je pense qu'on a écrit, suite à la production du rapport, on a écrit, on a présenté notre évaluation du dossier. Il manque, dans ces éléments-là... bon, quand vous soulignez le 100 000 $, c'est une des choses, là, par collège, qu'on a un peu questionnée, mais il y a quand même des éléments où, par exemple, le fameux 45 élèves nécessaires... Par exemple, quand on sait que, quelques mois précédant ça, on a vu une lettre du ministère disant que, en dessous de 60 élèves, un programme était techniquement sous-financé. Ça a été écrit. Ça a été envoyé aux directions de collèges, et le comité Germain-Boucher finance à 45. Alors là il y a une problématique. Il y a tout l'aspect des nouvelles technologies de...

M. Chagnon: ...à ce qu'il finance à 45.

M. Lauzon (Daniel): Non, on aimerait qu'il finance à 60.

M. Chagnon: O.K.

M. Lauzon (Daniel): Donc, il manquait un bout. Quand on dit qu'il manque des bouts, ce premier bout là de chemin est intéressant, mais il manque des bouts. Par rapport à toute la politique nationale de développement de l'offre de programmes, je pense que l'élément essentiel de la politique nationale de développement de programmes n'a pas été traité par le comité Germain-Boucher. On ne s'est pas posé la question, et ça, je pense que, s'il y a quelque chose...

M. Chagnon: Développement d'offres de programmes, financement des étudiants pour les cohortes où il y aurait des emplois en région puis qui ne sont pas 60, mais qu'on les finance pareil parce qu'il y a des emplois en région, c'est ce que vous dites. Les doublons, la question des doublons... Le... 45 élèves par cohorte. Si on finance 45, je ne vois pas pourquoi vous exigez qu'il finance 60. Il va manquer juste plus d'élèves en région.

M. Lauzon (Daniel): Bien, la logique est... Il me semble que la logique est très simple. Ce qu'on dit, c'est que, pour qu'un programme soit bien financé, pour qu'il y ait assez de sous pour qu'on puisse donner l'enseignement de tous les cours d'un programme, ça prend l'équivalent de 60 étudiants fois ce que ça génère, un étudiant. Ce que Germain-Boucher nous dit, c'est que, si vous avez 30, 35 élèves, on va vous financer à la hauteur... comme si vous en aviez 45. Mais à 45, ce n'est pas suffisant encore. Ça en prend 60 pour faire fonctionner le système.

M. Chagnon: Je comprends.

M. Lauzon (Daniel): Alors là on demande que ça, ce soit... Il faut absolument que, ça, on soit réaliste. Et là on a fait un peu mieux. Bravo, mais...

Le Président (M. Paquin): M. Dion, il y a quelque chose que vous voulez ajouter?

M. Dion (Alain): Non, bien, ça va dans le même sens.

Le Président (M. Paquin): O.K. M. le député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Et la différence entre un financement entre 35 et 45 et 35 et 60, est-ce qu'on ne la retrouverait pas dans le 5 millions supplémentaire qui a été disséminé dans chacun des 48 cégeps?

Le Président (M. Paquin): M. Drapeau.

M. Drapeau (Jean-Claude): Oui, rapidement. C'est parce que j'exprimais tout à l'heure... Quand on est dans un contexte de réinjecter de l'argent suite à des compressions comme le réseau collégial en a subies et qu'on doit en donner davantage à certains, je pense que c'est normal qu'on se retrouve dans la situation que tout le monde veut avoir une part du dû, et c'est comme ça qu'on a compris la position de la Fédé des cégeps puis des autres collèges à cet égard là, dans ce 100 000 $ là, mais qui, en passant, ne va pas en lien avec ce que Daniel exprimait tout à l'heure: le E sur le financement. Habituellement, ces sommes-là, elles ne rentrent pas l'une dans l'autre. Alors, ça ne contribue pas, d'aucune façon.

Est-ce qu'on aurait pu prendre cette somme d'argent là, comme vous posez un peu dans votre question? Bon, là, il y a des décisions politiques. Nous, on dit: Ça prend un réinvestissement dans l'enseignement collégial et ce réinvestissement dans l'enseignement collégial devrait permettre de donner des marges de manoeuvre davantage pour tenir compte des problématiques qu'on vous présente. C'est plus sur cet angle-là, à ce moment-ci, que je placerais la question.

Le Président (M. Paquin): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Il y a M. Dion, M. le Président, qui, je pense, souhaiterait apporter un complément d'information.

Le Président (M. Paquin): Alors...

M. Dion (Alain): En complément. C'est sûr que le réinvestissement est important, mais je pense que la valeur des propositions de la FAC, c'est d'aller au-delà de l'investissement puis de trouver des solutions beaucoup plus durables comme le développement de créneaux exclusifs, comme une politique aussi. Parce qu'on ne peut pas parler de développement de créneaux exclusifs pour les collèges sans se doter d'une véritable politique de développement de l'offre. Parce que ça ne sert à rien de dire au collège de Gaspé: L'année prochaine, tu as le D.E.C. en tourisme d'aventure, puis dans deux ans le laisser ouvrir au Vieux Montréal, ça serait complètement illogique. Et, malheureusement, présentement dans le réseau, c'est ça qui se passe, c'est ça qui est en train de se produire.

À l'IMQ, à l'Institut maritime du Québec, il y avait un programme exclusif en logistique du transport. On l'a ouvert dans cinq autres collèges. Ça vivote partout et aussi... À l'IMQ, c'est quand même encore pas si mal, mais ça vivote. Je ne comprends pas la logique. La même chose avec Matane, vous connaissez l'histoire de tourisme... qui ouvre à Limoilou, il y a deux ans, on coupe la clientèle de moitié, même des 2/3, complètement illogique.

Donc, ces créneaux-là deviennent essentiels parce que ça devient des pôles d'attraction autant pour les jeunes de la région mais aussi pour les jeunes de l'extérieur. Mais il faut absolument se doter d'une vision d'ensemble, d'une politique nationale. Il faut vraiment regarder le portrait national et évaluer. Si on ouvre un programme dans une région donnée puis qu'on l'ouvre en même temps dans un grand centre, c'est complètement ridicule. Donc, ça, je pense que c'est essentiel et ça vient aussi... ça appuie aussi nos demandes de financement, ça, c'est clair. Donc, moi, je pense que, ça, il faut toujours regarder ça.

Dans le fond, ce qu'on essaie de développer, c'est une vision globale du problème et non une espèce patchage à gauche et à droite. Moi, je pense qu'il faut toujours le regarder comme ça. Et je pense que c'est là où les positions ou les propositions qu'on amène ont toute leur valeur.

Le Président (M. Paquin): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Vous me permettrez, d'entrée de jeu, de vous saluer et de vous remercier pour votre contribution parce que c'est un mémoire qui est très, très bien rédigé. J'ai appris plusieurs choses, notamment l'aspect lié aux impacts, aux retombées économiques que génère, évidemment, chaque étudiant qui fréquente un centre de services ou un collège.

Pour vous donner un petit exemple bien concret, à Carleton, dans le comté que je représente ici, là ? c'est une municipalité de 2 800 habitants ? il y a plusieurs années, 10 ans maintenant, on a ouvert... Bon, il y a le collège à Gaspé, mais on a ouvert un centre de services à Carleton. Il y a à peu près 250 étudiants qui fréquentent le centre, là. C'est un petit centre, toute chose étant relative. Mais, sur la base du chiffre que vous amenez, il y a quand même des retombées de 3 750 000 pour une municipalité de 2 800 habitants, alors...

M. Chagnon: Amqui.

Mme Normandeau: Évidemment, Amqui. Évidemment, on pourrait se servir d'Amqui également, tout près de Rimouski. Donc, votre mémoire est très instructif de ce côté-là.

J'aimerais peut-être faire un peu de millage sur ce qu'Alain, c'est-à-dire M. Dion, vient de dire. Parce qu'on se connaît un peu. Alain était à la Coalition des cégeps en région, avant.

Il y a deux sujets, en fait, qui me préoccupent. Le premier, c'est effectivement la carte où vous parlez d'une politique nationale de développement de l'offre de programmes. Il y a plusieurs intervenants qui sont venus plaider effectivement pour une révision de la carte des programmes.

La question que j'ai à vous poser... Je peux vous assurer que, de notre côté, là, on plaide en faveur de cette vision pour le réseau collégial. Mais, en même temps, plus concrètement, on se dit: Ça va prendre quelqu'un qui va faire des arbitrages quelque part, hein, parce qu'il faut non seulement que le ministère de l'Éducation abonde dans cette... fasse sienne cette vision-là, mais ça va prendre, même à l'intérieur du réseau, suffisamment de maturité pour que les gens puissent s'entendre, parce que... Vous parliez du tourisme d'aventure, M. Dion. Bien, effectivement, au moment où la SEPAQ investit plusieurs dizaines de millions dans le parc de la Gaspésie, puis on apprend qu'il y a un programme de tourisme d'aventure qui se tient à Montréal, tu dis: Bien, là, c'est le monde à l'envers. Ça n'a pas de bon sens. Ça ne fonctionne pas.

Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus. Quelle contribution votre organisation serait prête à faire? Au-delà de l'idée qui est lancée, là, vous êtes conscient que même à l'intérieur du réseau il y a comme une espèce de... un petit peu de logique de prédation peut-être sur la base de la logique de financement qui fait en sorte que tout le monde tire du bord de sa couverte. Comment on va y arriver, d'une part?

D'autre part, vous demandez, vous revendiquez une plus grande marge de manoeuvre sur le plan financier au niveau régional et vous plaidez pour une espèce de décentralisation. Vous excluez cependant... Vous vous insurgez contre le financement par habitant ou... c'est-à-dire per capita ou par étudiant, mais, en même temps, vous rejetez l'idée d'une péréquation entre les collèges. Alors, j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus, là. Quel serait le meilleur moyen, effectivement, de vous octroyer la marge de manoeuvre que vous souhaitez obtenir dans le contexte, évidemment, actuel?

M. Lauzon (Daniel): Peut-être sur la première question, sur comment on peut gérer une nouvelle attribution. Évidemment, vous le sentez bien. Et, quand même, quand on vit dans les régions, on sent aussi que, même dans une région, d'une ville à l'autre, il y a aussi ce concept-là de concurrence. Et on nous a placés dans le contexte avec, entre autres, un concept comme l'habilitation des collèges que l'on essaie de faire retirer de la loi, tout ce concept-là de la concurrence entre les institutions.

n(16 heures)n

Alors, effectivement, ce qu'on demande n'est pas banal. Une politique nationale de développement de l'offre de programmes où on pourrait de façon concertée décider de faire des choix ensemble, c'est énorme et ça demande une philosophie de penser différemment. Mais on pense qu'on est rendus là et on pense que les gens des régions sont prêts à ça, ils sont prêts à se concerter. Et ça prend aussi, du côté des gens de Montréal et de Québec, cette volonté-là.

Et ça, c'est peut-être quelque chose sur lequel il faut travailler pour s'assurer que tout le monde est sur la même longueur d'onde, quand on parle de la survie d'un réseau, de la survie d'un mandat aussi fondamental que l'accessibilité aux études sur tout le territoire. Bien, évidemment, si on veut garder ces acquis-là, il faut changer nos philosophies de gestion, nos façons de voir, et on pense que les gens sont prêts à faire ces efforts-là. La FAC, comme Fédération ? les membres de la FAC ? est prête à s'investir là-dedans, dans le nombre de comités qu'il faudra pour qu'on puisse arriver à ça. Mais là, on est dans une situation d'urgence, et moi, je pense que, quand on frappe la situation d'urgence, les gens sont prêts à regarder ça d'un autre oeil et à mettre un peu d'eau dans leur vin et convenir de ça. Mais le défi n'est pas simple. Le défi n'est pas banal, je pense, de penser qu'on va s'asseoir ensemble et décider par exemple qu'un programme comme écotourisme va aller vers Gaspé parce que c'est un naturel, et qu'un collège de Montréal, qui s'était fait à l'idée de l'avoir, ne l'aura pas.

Mais il y a aussi tout un développement qui s'en vient dans des nouveaux secteurs aussi de formation, où, là, on part à zéro, où tout est à venir. Et là, il ne faut pas se leurrer non plus, là. On ne pense pas que dans une carte nationale de développement de l'offre de programmes on va travailler sur ce qui est là. Ce qui est là à l'heure actuelle, ça va être très difficile de dire à un collège de Montréal: On te retire ce programme-là où tu as une expertise puis on l'envoie à Baie-Comeau. Je pense que ça, ça va être difficile de travailler sur ce qui est en place. Mais, tranquillement, on peut travailler sur ce qui est en place et regarder sur l'avenir, comment on va travailler, et c'est ce à quoi on convie les partenaires de l'éducation.

Le Président (M. Paquin): M. Drapeau.

M. Drapeau (Jean-Claude): Un court complément. Et ça implique, à ce moment-là, qu'il y a certaines règles du jeu qui commencent à se mettre en place, qu'elles soient interrompues au plus vite.

Deux des éléments-règles du jeu ? et ça répond un peu aussi à un autre élément de la question de M. Chagnon tout à l'heure ? sur les choses qu'on ne retrouve pas dans Germain-Boucher ou qu'on retrouve mais qu'on n'aime pas: il y en aurait une première qui s'appelle le concept de la consolidation. Mais, lorsque vous le lisez, c'est une forme déguisée de rationalisation de l'offre de programmes. Alors, on ne peut pas se placer dans un contexte de développer une carte de programmes nationale en commençant d'abord par une rationalisation. Parce qu'on sait où elle se fait, la rationalisation: elle se fait dans les régions présentement, là. C'est ça, la première situation.

La deuxième règle du jeu qu'on dénonce, c'est que, là, on commence à vouloir mettre des nouveaux programmes dans les régions, des programmes qui sont déjà existants mais que la région n'offre pas ou le collège n'offre pas et pour les mettre en place dans le contexte où on... sur l'adéquation formation-emploi régionalisé. On ne peut pas garantir la permanence du programme à vie, on nous le place sur des autorisations provisoires avec des conditions de travail précaires. Alors, ça, c'est une bonne façon d'amorcer un réseau à deux vitesses, et on déplore cette façon de faire qui va nécessairement piéger, ghettoïser les cégeps de région. Et c'est déjà en place actuellement; vous avez des collèges que c'est à ces conditions-là qu'on vient de leur autoriser de nouveaux programmes.

Mme Normandeau: Au niveau de la question sur le financement...

M. Lauzon (Daniel): Bon, tout simplement, je pense que, du côté du financement, il y a comme... Ce que je comprends de votre question, c'est comme... il y a un peu opposition entre des choix globaux, des règles nationales et des sommes au local aussi qui pourraient être un peu plus à la discrétion du collège.

Ce qu'on sait, c'est qu'à l'heure actuelle toutes les règles de financement sont au national. Il n'y a pas de marge au local, ce sont des règles nationales. Ce qu'on dit, c'est que, comme société ? la FAC a toujours fait la promotion de ça ? on puisse faire ensemble des choix de société, et on s'attend évidemment que dans ces choix de société là on va établir des règles de financement, et ça, c'est souhaitable.

Ce qu'on ne veut pas, évidemment, c'est que... On ne cherche pas à ce que tout l'argent soit envoyé au local et qu'il y ait des règles locales à définir dans un ministère de l'Éducation local, on n'en veut pas, de ça. On veut garder le ministère de l'Éducation à Québec, on veut des choix de société nationaux, on veut des règles de financement qui sont plus intéressantes que celles qu'on a à l'heure actuelle. Mais on dit: Au-delà de ça, est-ce qu'on peut avoir dans les régions une marge de manoeuvre? Est-ce qu'on peut au local, une fois que j'ai rempli tous les formulaires des règles de financement et que j'ai reçu la somme qui m'est donnée par des règles de financement convenues en société... Ensuite, est-ce qu'au local je ne peux pas avoir une marge de manoeuvre de plus? Est-ce que je ne peux pas gérer aussi, au local, une certaine marge et faire des choix dans le milieu? Et c'est ça qu'on vient rajouter, ce qui n'existe pas, à l'heure actuelle.

Mme Normandeau: Mais, pour vous, M. Lauzon, ce serait, par exemple, à partir du financement de base qui vous est octroyé à partir des règles nationales, mettons un plus 10, un plus 15 %, mais vous excluez le principe de la péréquation. C'est un peu une forme de péréquation déguisée, ça, non, pour certains collèges de la région?

M. Lauzon (Daniel): Non. Moi, je pense que ça cadre très, très bien dans ce qu'on appelle des choix de société en disant: Bien, comme société, on n'est pas tous dans les mêmes problématiques partout sur le territoire québécois. Alors, qu'on ne prenne pas ailleurs... Si ça va bien à Montréal puis qu'il y a une belle clientèle, on fait des choix de société et on s'établit des règles de financement, et, pour eux, ça fonctionne bien, tant mieux.

On a ces mêmes règles de financement là, appliquées avec quelques nuances, pour les gens des régions. Mais, en plus, on dit: Il y a une problématique dans les régions et on a besoin d'un peu de marge de manoeuvre et on octroie un montant supplémentaire qui peut être, comme vous le dites, 5 %, 4 %, 3 % de budget d'enseignement, qui est une somme discrétionnaire à côté, sur laquelle le milieu peut discuter. Et là, est-ce que ça prend une table du milieu, est-ce que ça prend une table enseignantes-personnel de soutien professionnels, est-ce qu'on va au C.A. avec ça ? au conseil d'administration? Je ne le sais pas, on n'en a pas discuté encore. Mais dans le milieu les gens sont intelligents; dans les régions, ils sont capables de se prendre en main là-dessus et de décider ce qu'ils veulent favoriser comme développement de l'offre de programmes chez eux.

Le Président (M. Paquin): Là, en une minute, M. le député de Groulx.

M. Kieffer: C'est parce que c'est pour compléter un peu ce que disait la députée de Bonaventure et suite à vos remarques: Êtes-vous au courant du mémoire qui a été présenté par la Fédération des cégeps?

M. Drapeau (Jean-Claude): Oui.

M. Kieffer: Est-ce que vous avez aussi entendu les commentaires?

M. Lauzon (Daniel): Malheureusement.

M. Kieffer: Parce que c'est paradoxal, là, ce qu'ils ont déclaré versus ce que vous venez de déclarer. Parce que, eux, ils sont allés assez loin dans l'ouverture qu'ils ont manifestée vis-à-vis de la carte des programmes, la carte des spécialisations.

M. Boucher est allé aussi loin que de dire: Nous autres, on est prêts à la mettre sur la table et amorcer des négociations «at large». C'est le seul que j'ai entendu dire ça, moi, là, depuis une semaine, là.

Vous autres, vous ouvrez aussi. Il y a d'autres syndicats, entre autres le syndicat des profs des universités, m'as te dire, c'était timoré, c'est le moins qu'on puisse dire, là.

Par contre, vous venez de dire: Bien non, c'est un façon pour lui de rationaliser, là. Moi, ce n'est pas du tout ce que j'ai entendu. Alors, j'aimerais avoir votre réaction à ce qui m'a semblé être une ouverture de la part de la Fédération. Alors, c'est quoi, là? Il y a deux...

Le Président (M. Paquin): Alors, M. le député de Groulx, je vous invite à laisser un peu répondre...

M. Kieffer: Est-ce qu'il y a deux discours, un discours pour lorsque vous vous rencontrez puis un discours avec nous autres, ou bien donc j'ai mal compris?

M. Drapeau (Jean-Claude): On va nuancer deux choses. Moi, j'ai parlé de ce qui se fait actuellement de manière indirecte par des règles de financement qui provoquent. On est dans un contexte de rationalisation de l'offre de programmes dans certains collèges de certaines régions du Québec. Ça, c'est une chose qui se place, présentement. Et ça ne se fait pas de façon par la porte d'en avant convenue, dans la même offre que M. Boucher vous a faite. C'est un autre niveau, l'offre que M. Boucher vous a faite. Et, à cet égard-là, effectivement, comme Fédération, nous ? et c'était la question aussi de Mme Normandeau ? qu'est-ce qu'on est prêts à faire comme Fédération? Nous, comme Fédération, au plan national, représentant des gens, des syndicats de profs de Montréal et des régions, on est prêts à s'asseoir puis à considérer des lieux de discussion à ces égards.

Le Président (M. Paquin): M. le député de Vaudreuil, pour le dernier échange.

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Je vais poser une question évidemment qui, peut-être, n'est pas de votre responsabilité directe. Mais est-ce que les cégeps, de façon générale dans les régions, selon vous, font suffisamment d'efforts et sont suffisamment proactifs auprès des clientèles du secondaire, auprès des parents également pour encourager les étudiants pour... par exemple les disciplines qui se donnent dans les cégeps de la région, de fréquenter le cégep de la région plutôt que d'aller à l'extérieur?

Et je crois comprendre ? et vous êtes du cégep de l'Abitibi-Témiscamingue, M. Lauzon ? qu'en septembre 2002 il semble qu'il n'y a pas de diminution de clientèle totale dans votre cégep. Le cégep... Bien, vous avez vu, il y a eu la table interordres, et je trouve très intéressant, en tout cas dans la région, qu'il semble exister également dans l'Outaouais... M. Drapeau mentionnait tantôt que c'était peut-être difficile pour les cégeps, ça prenait des contextes. Mais, en tout cas, dans certaines régions, ça semble fonctionner.

Alors, est-ce que, selon vous, il peut se faire encore davantage de la part des cégeps, au moins retenir les étudiants qui sont déjà dans la région et dire: Écoutez, venez. Puis les parents aussi. Parce que, souvent, les parents vont dire: Bien, écoute, ça va être mieux ailleurs. Mais, dans le fond, ça se donne dans la région.

Le Président (M. Paquin): En dedans de 45 secondes.

n(16 h 10)n

M. Lauzon (Daniel): Ha, ha, ha! On commence à rapetisser les temps d'antenne. Je pense que, là-dessus, s'il y a quelque chose, là...

J'arrive des Îles-de-la-Madeleine la semaine passée; j'ai fait Rivière-du-Loup, il y a trois semaines. Ce qui est clair, c'est que les cégeps de région multiplient les trésors d'innovation pour essayer de garder les jeunes en région, dans les visites d'écoles qu'ils font, dans des regroupements interordres comme vous le mentionnez, dans des efforts de promotion comme cité collégiale. On parle de l'Abitibi, Rouyn-Noranda comme cité collégiale; Rimouski, je pense, comme cité étudiante, et tout ça. On a déployé tout ce qu'il faut, je pense, pour essayer de garder nos jeunes en région.

Ce qu'on dit, c'est que maintenant on ne peut pas continuer à faire ça si on n'est pas capables d'avoir une offre de programmes intéressante. Et quand les gens vont dans les écoles et qu'ils disent par exemple: Le programme... x programme est très intéressant, et qu'ils se font demander par les jeunes ? qui ne sont pas fous: Est-ce que le programme va être là dans deux ans? Est-ce que je vais pouvoir terminer ma formation dans trois ans? Donc, si on n'a pas cette...

Le Président (M. Paquin): C'est sur cette question qu'on va devoir se quitter.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lauzon (Daniel): Le reste était beaucoup plus intéressant encore.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Paquin): Ah, j'imagine. Alors, MM. Dion, Lauzon et Drapeau, par respect pour le prochain invité, je mets fin à notre échange et je vous remercie de votre contribution. Alors, deux minutes de pause pour changer les intervenants.

(Suspension de la séance à 16 h 11)

(Reprise à 16 h 12)

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, la commission reprend ses travaux. J'inviterais M. André Brunet de bien vouloir s'approcher à la table. Je demanderais à M. Brunet: Est-ce que vous avez un mémoire ou si vous avez juste des notes personnelles?

M. Brunet (André): Non, je n'ai pas de mémoire.

La Présidente (Mme Bélanger): Vous n'avez pas de mémoire.

M. Brunet (André): Je n'ai pas de mémoire.

La Présidente (Mme Bélanger): J'espère que vous avez une mémoire, par exemple.

M. Brunet (André): Je n'ai que ma mémoire, mais pas de mémoire à déposer.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, nous allons vous écouter religieusement.

M. André Brunet, Université du Québec
en Abitibi-Témiscamingue

M. Brunet (André): Merci, Mme la Présidente. J'ai reçu votre invitation de venir vous rencontrer au début de l'été et je peux vous dire que j'y ai jonglé tout l'été, et j'arrive aujourd'hui avec un niveau de réflexion que je voudrais venir porter à un secteur de votre questionnement. Vous comprendrez que je suis coordonnateur à la Chaire Desjardins en développement des petites collectivités et que, ma préoccupation, c'est donc les petits milieux, et vous comprendrez que je vais vous parler d'écoles situées dans de petits milieux.

Je voudrais rapidement me présenter parce que vous comprendrez que j'ai un vécu de municipal, je dirais. J'ai été directeur général de la ville d'Amos, qui est une ville de 14 000 habitants. pendant 11 ans. J'ai été maire de cette même ville, pendant huit ans. J'ai été président du Conseil régional de développement pendant cinq ans, j'en suis toujours le vice-président. J'ai présidé en 1996 un comité qui s'est appelé Comité de développement de municipalités-régions pour le sommet économique et j'ai présenté à ce moment-là un rapport qui a mis en place par la suite l'ensemble des CLD du Québec. J'ai donc toujours été préoccupé par le développement des milieux. J'ai aussi été commissaire d'école dans ma vie et aussi siégé à la régie régionale, à l'époque que la démocratie existait encore dans ce lieu. J'ai donc, vous voyez, un peu roulé ma bosse à travers le Québec mais particulièrement en Abitibi-Témiscamingue, étant natif de la ville d'Amos.

Donc, ce milieu municipal, ce milieu du développement, c'est un milieu qui m'a toujours préoccupé, et, à la Chaire en développement des petites collectivités depuis maintenant trois ans, je suis en travail en relation directe avec le terrain, comme on dit chez nous, et je suis donc en relation avec ce monde des petites collectivités.

En Abitibi-Témiscamingue, contrairement au reste du Québec où la moyenne québécoise est à peu près de 79 % des citoyens québécois qui vivent dans un milieu urbain et 22 % dans un milieu rural, en Abitibi-Témiscamingue, c'est 55 % de la population qui vit en milieu rural et vous avez 45 % en milieu urbain. C'est donc un milieu riche. Il y a au-delà de 70 municipalités inférieures à 1 000 habitants en Abitibi-Témiscamingue. Donc, vous voyez que le terroir est riche et en enseignement et en expérience.

Je voudrais d'entrée de jeu vous raconter une histoire. L'histoire que je veux vous raconter, c'est l'histoire ? très rapidement, d'ailleurs ? mais c'est l'histoire d'une petite municipalité qui s'appelle Rémigny, qui se situe au Témiscamingue, qui est une petite municipalité un peu inférieure à 500 habitants. Il y avait là un maire tout à fait extraordinaire, qui est décédé cet été, d'ailleurs, mais qui était tout à fait extraordinaire, qui a été maire de cette municipalité pendant 20 ans, et, je dirais, c'est un des grands maires au Québec. Mais, comme de raison, il n'a pas fait les manchettes, il n'a jamais été à RDI et il n'a jamais fait La Presse. Mais, dans son milieu, c'était un personnage tout à fait extraordinaire. C'est donc un maire que je considère dans la catégorie des grands maires.

Il y avait dans ce petit milieu de Rémigny une difficulté avec la caisse populaire à l'époque. Donc, la population a fait un bi, et ils ont construit à partir d'un vieux garage une caisse populaire. La caisse populaire s'y est installée pour un loyer de 1 $ par mois, et ils ont donc eu leur caisse populaire parce que la population tenait à se rendre à sa caisse populaire.

Le maire, il voulait absolument développer ? ce n'était pas dans l'ordre, mais c'est tout au long de sa vie de maire ? il voulait développer une entreprise, créer des emplois, au niveau de ses citoyens. La municipalité a donc parti un OSBL et cet OSBL a parti un moulin à scie et a créé une quinzaine d'emplois dans sa petite municipalité jusqu'à temps, que, un jour, on découvre que c'était illégal, puis on a fermé tout ça, parce que, vous voyez, quand c'est illégal, il faut arrêter ça.

L'école, la commission scolaire en 1994, a décidé de fermer l'école. Le maire a donc décidé avec ses citoyens d'acheter l'école. Ils ont transformé l'école. Il y a donc une partie de l'école qui est devenue l'hôtel de ville, une partie de l'école qui est devenue des loyers, une partie de l'école qui est devenue un bureau pour l'infirmière du CLSC, une partie de l'école qui est devenue une bibliothèque et une partie de l'école qu'ils ont continué de louer à la commission scolaire qui a décidé d'accepter de continuer d'avoir donc des classes dans cette école.

Le maire a demandé à la fondation Bill Gates d'avoir des ordinateurs; ils ont reçu des ordinateurs. Donc, les enfants sont juste à côté d'une bibliothèque remplie d'ordinateurs, c'est extraordinaire, et il y a un dynamisme là.

Je vais vous raconter Rémigny aujourd'hui, maintenant. Le Mouvement Desjardins a décidé que Rémigny, même s'il n'était pas rentable... Parce que Rémigny, c'est une caisse populaire qui fait ses frais, qui fonctionne, mais elle n'est pas rentable, dans le sens que maintenant la Fédération des caisses populaires considérait... Ils ont décider de la fermer, pas parce qu'elle n'était pas rentable, c'est parce qu'elle ne rapportait pas suffisamment d'argent pour payer ? comment ils appellent ça aujourd'hui? les caisses pop ? des ristournes. Mais ils ont décidé de la fermer pareil. Je vous dirais que l'usine est maintenant fermée parce qu'elle était illégale. Je dirais que l'école, la commission scolaire du Lac-Témiscamingue vient de décider de la fermer. Il y en a 10 comme ça, en Abitibi-Témiscamingue, de petites écoles où les commissions scolaires ont décidé de les fermer. C'est la situation aujourd'hui à Rémigny.

Je vais vous dire, jusqu'à cette année, Rémigny, qui était en perte de population, était une des rares municipalités qui étaient en croissance de population, et il commençait à s'installer déjà une famille à Rémigny, ce qui était tout à fait nouveau. Et il y avait eu depuis quelques années l'installation de jeunes familles avec des enfants, tout ça, parce qu'il y avait tous ces services-là. Je ne vous parle pas de l'avenir, je vous parle d'aujourd'hui. Je ne sais pas ce qui va arriver avec ces jeunes familles qui se sont installées et je ne sais pas s'il va s'en installer d'autres, mais j'ai comme l'impression que non.

Je voudrais maintenant, une fois que j'ai terminé mon histoire, vous parler d'autres choses, des documents ? parce que je n'ai pas de mémoire, mais je fouille dans la mémoire des autres. Je voudrais vous parler de la Politique de la ruralité qui a été adoptée le 9 décembre dernier, 2001. Et je voudrais vous tirer quelques phrases de la Politique de la ruralité.

n(16 h 20)n

Bernard Landry, d'entrée de jeu, dans la Politique de la ruralité... Dans le message du premier ministre, je cite un paragraphe, qui est l'avant-dernier: «Certaines municipalités du Québec rural sont confrontées à des problèmes de développement et parfois de survie. La Politique de la ruralité se veut un complément aux moyens déjà mis en place et une avenue pour dynamiser les milieux les plus fragiles mais surtout pour consolider les acquis, élargir et diversifier les horizons pour l'ensemble des territoires ruraux. Nous avons le devoir collectif de protéger et de mettre en valeur ce territoire, et, dans cette perspective, le gouvernement du Québec entend ajuster ses interventions aux caractéristiques des communautés rurales. Nous nous engageons donc dès maintenant, comme gouvernement, à tenir compte des spécificités des milieux ruraux.»

Toujours dans la même Politique, le ministre d'alors responsable des Régions disait: «Par ailleurs, pour tenir compte des situations particulières des communautés rurales dont la faible densité de la population, l'éloignement des services et le vieillissement de la population, l'État verra à adapter et à moduler ses programmes et ses mesures. Le gouvernement, ainsi, poursuit trois objectifs: assurer le maintien et l'amélioration des services de proximité, améliorer et promouvoir le cadre de vie et accroître le sentiment d'appartenance, favoriser l'adaptation des politiques et des programmes gouvernementaux.»

Lorsqu'on parle de la Politique de la ruralité, il y a, à la page 44, un paragraphe qui parle d'éducation. Je voudrais... Ce n'est pas long, quelques lignes: «En ce qui concerne l'école de village, le ministre de l'Éducation favorise son maintien dans la mesure où la volonté des parents de la communauté... qu'il en va du bien-être de l'élève et que des services de qualité pourront être offerts à tous les élèves; la tenue de débats sur la qualité de services éducatifs offerts dans les petites écoles; la recherche avec les conseils d'établissement et les représentants de la communauté de différentes solutions possibles visant le maintien de l'école. Exemples: l'utilisation partagée de locaux, répartition des coûts et des responsabilités, location des locaux à des organismes qui ont une vocation compatible avec la mission de l'école, la transparence dans les discussions nécessitant la participation des parents et des représentants de la communauté, principalement des municipalités.» Et un petit paragraphe dit: «En outre, le ministre de l'Éducation octroie aux commissions scolaires des ressources additionnelles afin de favoriser l'organisation des services éducatifs pour des groupes formés de peu d'élèves dans les écoles qui accueillent un effectif réduit ou dans des écoles qui sont éloignées des grands centres urbains et dispersées sur le territoire.»

À ce moment-ci, j'ai un peu terminé avec la Politique de la ruralité, mais je pense que j'en ai sorti un peu la substance en ce qui touche le sujet qui nous occupe aujourd'hui. Je vous signale qu'au mois de juin 2002 il y a eu ici ? je l'ai ? Notre école, un autre modèle, mémoire réalisé par le Comité des parents de la survie de l'école primaire de Rémigny. Ces gens-là ont rencontré plein de gens, ont monté un mémoire, et ils ont eu une fin de non-recevoir de la commission scolaire. Ils n'ont même pas voulu les entendre. Les enfants de Rémigny maintenant qui sont au niveau de la maternelle devront parcourir trois quarts d'heure d'autobus le matin, trois quarts d'heure d'autobus le soir. Où irons-nous? Jusqu'où irons-nous? Est-ce que c'est une heure d'autobus qui est considérée comme inacceptable pour des enfants de la maternelle? C'est-u une heure d'autobus qui est jugée inacceptable pour les enfants du primaire?

Vous savez, au Québec, je dirais dans les années soixante-dix et après, on a créé au Québec des monstres qui n'étaient, à l'époque, pas des monstres mais qui vont devenir des monstres. Et je vous le dis tout de suite, ces monstres-là ont un nom. Parce que, dans la catégorie des monstres, il y a toutes sortes de monstres. Mais ceux dont je parle, ce sont des ogres parce que, vous savez, dans la catégorie des monstres, les ogres, ce sont ceux qui mangent les petits enfants. Donc, on a créé, au Québec, dans les années soixante-dix, des ogres. Ça s'appelle des polyvalentes ? ça, c'est le vrai nom de l'ogre ? et il y a les cuisiniers qui sont au service de l'ogre pour l'alimenter en nourriture que sont les petits enfants. Les polyvalentes ont été inventées au moment où la croissance démographique au Québec était très grande, et c'est cette croissance démographique qui faisait appel donc à des grands locaux, etc., et, dans chaque MRC du Québec, généreusement on a construit de ces polyvalentes. Aujourd'hui, on commence à manquer de clientèle pour alimenter les polyvalentes. Et, comme on a des conseils d'administration qui sont formés de gens qui sont, je dirais, premièrement, des administrateurs de la chose publique, leur intérêt, c'est de rentabiliser ou, enfin, de faire en sorte que, au niveau administratif, les choses soient rentables, entre parenthèses.

On est donc en train de gérer l'ensemble des commissions scolaires de la façon suivante: c'est qu'on regarde l'aspect, je dirais, administratif, rentabilité. Il y a des commissions scolaires actuellement où les polyvalentes vont être fermées de moitié. Au niveau du primaire, il va y avoir la moitié qui va être en secondaire et l'autre moitié de la polyvalente qui va être en primaire. On est rendu là au niveau de certaines polyvalentes au Québec, sur la Côte-Nord, entre autres. On est rendu donc à remplir les polyvalentes avec des enfants du primaire. Et on les prend où, ces enfants du primaire? On les prend dans, comme de raison, les écoles primaires des petits villages.

Donc, la question, c'est: Ces ogres qui commencent à avoir faim, saurons-nous leur répondre adéquatement? Est-ce qu'il faut transformer les polyvalentes en des écoles mi-primaires, mi-secondaires ou faut-il carrément fermer la moitié de la polyvalente pour la consacrer à d'autres fins? Elle pourrait devenir un lieu de lancement d'entreprises, cette polyvalente ? la moitié de la polyvalente. Elle pourrait servir à faire autre chose qu'une école. Et je pense que, si on n'est pas capables, comme administrateurs de la chose publique, de prendre ce niveau de décision là, qui n'est pas une décision, de prime abord, d'apparence rentable mais, socialement, drôlement intéressante parce que, lorsqu'on aura vidé entièrement un territoire de ses petits enfants pour ne les amener qu'à un endroit, il y a de la formation qu'on est en train de faire.

Je vous dirais qu'un enfant à partir de la maternelle qui parcourt trois quarts d'heure d'autobus ou une heure d'autobus matin et soir, je vous dirais que, dans l'ensemble des matières pédagogiques qu'on lui enseigne, il y a une matière qui n'apparaît pas dans le programme du ministère mais que l'enfant comprend très bien: c'est qu'il n'y a pas d'avenir dans son village, et que la seule façon, c'est d'en sortir, c'est de partir. C'est donc la formation de base de toute école au Québec au niveau... Dans les petits milieux, un des cours de base, en plus d'apprendre à lire et d'apprendre à compter, c'est d'apprendre à partir.

On a développé au Québec un modèle d'école qui est un modèle d'école, je dirais, entre parenthèses, urbaine, un modèle d'école, et on s'en tient mordicus, parce que, à ce modèle d'école là qui est un modèle d'école urbain ? et je l'appelle «urbain» parce que c'est un modèle d'école qui prévoit dans le fond des classes complètes ? on n'est pas capable de gérer une école où les classes ne sont pas complètes. Donc, ce qu'on tente de faire, c'est: on tente de faire des classes complètes parce qu'on a un modèle d'école qui présuppose des classes complètes.

À travers le Québec actuellement il y a des enfants qui se dealent de village à village: passe-moi tes 1 et tes 2, je vais te passer mes 3 puis mes 4, puis renvoie-moi donc tes 5 puis tes 6, puis je vais te remettre tes maternelles, puis on se deale les enfants entre les milieux actuellement au Québec parce qu'on a un modèle.

Je vous dirais que, à travers le monde entier... Parce que je suis allé voir d'autres modèles, il existe d'autres modèles. L'école primaire au Québec qui suit un modèle... Dans d'autres pays, exemple la France, qui n'est pas un pays reculé, je pense, qui n'est pas un pays considéré comme sous-développé, je suis allé rencontrer des villages dans lesquels il y a des modèles d'école primaire différents des nôtres.

n(16 h 30)n

J'ai visité une dizaine d'écoles en France rurale où les parents avaient décidé que les enfants ne quittaient plus le village tant qu'ils n'auraient pas atteint la fin du primaire. Donc, de maternelle à fin du primaire, ils restent dans le village. Après, l'autobus peut venir les chercher. Parce que, dans cette période-là, les parents ont décidé qu'ils étaient pour faire des racines à leurs enfants.

J'ai visité ces écoles-là. Je voudrais vous donner juste l'expérience que j'ai eue quand j'ai visité une de ces écoles. Il y avait 12 enfants dans l'école en question, il y avait sept niveaux. Il y avait dans le milieu un local un peu plus petit qu'ici. Dans le milieu de la place, il y avait une dizaine d'ordinateurs, il y avait un enseignant. Dans un coin, il y avait une grand-maman, je dirais, pour être poli. Et, quand j'ai rentré, il y avait un grand-papa qui sortait avec deux enfants et j'ai demandé à l'homme donc d'un certain âge qui sortait avec deux enfants: Qu'est-ce que vous faites? Il dit: Moi, je suis un retraité de l'EDF, je suis un ingénieur. Je suis né dans ce village-là et je suis revenu prendre ma retraite dans le village. J'ai offert mes services à l'école et, moi, je viens, comme ça, aux 15 jours chercher deux enfants, je leur fais faire le tour du village et je leur explique l'histoire du village. Je leur explique maison par maison l'histoire du village. Je dirais que ça s'appelle faire des racines, hein?

Et il y avait une grand-maman dans l'autre coin qui, elle, enseignait aux enfants les jeux d'échecs. Il y avait ce grand professeur dans le milieu de la place qui animait ces enfants-là. Deux des enfants étaient dans un des niveaux et ils étaient sur l'ordinateur en train de faire un travail. Ils étaient au niveau, je dirais, à peu près de la 5e année, ils faisaient un travail sur ordinateur en lien avec une autre école de la même race. Et on m'expliquait qu'une fois par 15 jours, à peu près, on prenait un autobus puis on changeait les enfants d'école, c'est-à-dire qu'on partait avec une école puis on s'en allait voir l'autre école. On se faisait des copains et, comme ça, à tous les 15 jours, on se visitait, et ce qui permettait de faire des groupes de travail, et ils travaillaient par Internet interposé. Ils étaient reliés par Internet et ils travaillaient par Internet interposé. J'ai posé la question: Mais ça donne quoi à ces enfants-là? Ça fait combien de temps que vous faites ça ici? Ils ont dit: Ça fait au-delà de 15 ans. Mais ça donne quoi à ces enfants-là?

La Présidente (Mme Bélanger): Je m'excuse, M. Brunet, ce serait terminé, mais, si les... C'est très intéressant, alors, si les collègues sont d'accord...

M. Brunet (André ): Je termine.

La Présidente (Mme Bélanger): Non, non, vous êtes très intéressant, on va continuer à vous écouter. On vous donne du temps supplémentaire.

M. Brunet (André ): Ah bon. O.K. Et j'ai demandé: Qu'est-ce que ça fait, ces jeunes-là, quand ça rentre au niveau du secondaire, ça veut dire dans les écoles, dans le fond, qui... Là, ils quittent le village, ils s'en vont dans les écoles secondaires. Ça fait 15 ans que ça existe, ça fait 15 ans que ça fonctionne, et les enfants qui se ramassent au niveau du secondaire, ça fait, ce que les gens m'ont dit, des présidents de classe, ça fait des présidents d'école, ça fait des jeunes qui sont débrouillards, ça fait des jeunes qui sont capables de voir large, qui sont capables de se préoccuper du petit, du grand, qui sont capables de se préoccuper de l'ensemble de leur milieu. C'est des jeunes qui ont, un, des racines solides dans leur village, mais c'est des jeunes aussi qui sont capables de voir le monde d'une façon très différente parce que c'est des jeunes qui ont été amenés à échanger à travers le monde entier avec d'autres milieux. Mais c'est des jeunes aussi qui sont ouverts. Donc, ils ont atteint, ces jeunes-là, les mêmes objectifs qu'on a au niveau du primaire, mais ils l'ont fait dans le cadre d'un modèle différent de ce qu'on a au Québec.

Il existe à travers l'Amérique du Nord des modèles différents de ce qui existe au Québec. C'est pareil comme si, au Québec, on avait comme créé le summum des modèles puis qu'on ne voulait plus en déroger. Le primaire dans les petits milieux, si on n'en sort pas du modèle actuel, on va assassiner et continuer d'assassiner les petits milieux, parce que, quand on enlève l'école... Parce qu'il n'y a déjà plus d'église, quand on enlève l'école puis que les caisses pop commencent aussi, malgré que je suis financé par le Mouvement Desjardins... que les caisses pop ferment les caisses pop dans les petits milieux... Même s'ils sont encore rentables, ils décident de les fermer. Quand tous ces gens-là de l'extérieur du village décident, pour toutes sortes de raisons qui leur sont propres, de venir fermer dans le village tout ce que le monde veut se donner dans ce village-là, le village, il ne peut pas survivre. Le village disparaît, il n'y a plus de jeunes familles qui s'installent. Et, quand les gens qui y habitent puis qui y tiennent encore vont mourir, il n'y en aura plus de village. Et, au Québec, on est en train d'assassiner au-delà de 500 villages comme ça, et je ne sais pas si c'est ça qu'on veut laisser à nos enfants, qu'on veut laisser à l'avenir, un Québec qui va n'être formé que de grosses villes et qui n'aura plus de ruralité.

Quand on lit la Politique de la ruralité, on se dit: Mon Dieu! ils ont compris. Et, quand on regarde l'application: Mon Dieu! ils n'ont pas lu la même chose que moi. Quand j'ai demandé à la commission scolaire du Témiscamingue: Est-ce que vous avez reçu de la part de votre ministre de l'Éducation le financement approprié, tel que prévu dans la Politique de la ruralité? le directeur général... la présidente, que je connais fort bien, qui est vice-présidente aussi au Conseil régional de développement ? vous voyez les belles chicanes qu'on a là ? elle m'a dit: On n'a jamais vu ce financement-là. Il n'existe pas, ce financement-là, il est virtuel. Il est là, inscrit dans la Politique de la ruralité, mais il n'apparaît pas dans aucune commission scolaire. J'ai posé la question à une multitude de commissions scolaires: Est-ce que vous avez eu du financement pour vous empêcher de fermer les petites écoles? Nulle part, ils n'ont vu ce financement.

Quand je lisais la semaine dernière que le maire... la Fédération des municipalités du Québec, que je connais bien aussi, malgré que moi, j'étais à l'autre Union, j'étais à l'UMQ pendant huit ans au conseil d'administration de l'UMQ... Mais, quand j'ai vu le maire de l'autre Union venir vous dire ici: Ça prend un moratoire, parce qu'on est en train de faire des gaffes, et que, tout de suite après, le ministre, le lendemain, dans La Presse, répond: Il n'en est pas question, les commissions scolaires continueront de fermer à leur guise, c'est qu'il faut comprendre que, quand une commission scolaire administre une école dans un milieu, elle est au niveau éducatif. La commission scolaire décide de fermer une école, elle n'est plus dans l'éducatif, elle est dans le développement. Et, sur le développement, le terrain du développement, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, vous allez trouver des maires, vous allez trouver des préfets, vous allez trouver des députés, j'espère, sur le terrain du développement. Donc, c'est ça aussi que, quand une commission scolaire décide de fermer une école, elle a aussi... elle rentre à deux pieds sur le terrain du développement.

Moi, je suis allé voir les parents de Rémigny, et les gens de la commission scolaire, qu'est-ce qu'ils sont venus leur dire? Je vous dirais, entre parenthèses: Les gens de la commission scolaire ? je vais utiliser un terme et je vais le mettre entre parenthèses avec beaucoup de retenue ? sont vicieux dans leurs approches. C'est le terme, ça, «vicieux», qui était avec beaucoup de retenue. Ils sont vicieux dans leurs approches, parce que qu'est-ce qu'ils font quand ils s'en vont voir un milieu, les commissions scolaires? Je vais vous le dire, ce qu'ils font, parce que j'ai assisté à ce type de réunion là. La commission scolaire vient rencontrer les parents puis là elle raconte aux parents que, pour être capable d'avoir une bonne formation puis que leurs enfants soient bien formés, comprenez-vous, pour ne pas qu'ils soient déficients quasiment, pour ne pas qu'on en fasse des imbéciles, on est obligé de les emmener dans le village voisin. On peut vous les laisser ici, mais vous comprenez que, bon... Un parent, qui, en principe, n'est pas un pédagogue formé à l'université, c'est sûr que ce qu'il veut, c'est le mieux pour son enfant. Quand personne ne lui présente d'autre alternative que l'alternative d'emmener son enfant dans l'école voisine, il veut le mieux pour son enfant. Et, quand les pédagogues sont là, qu'ils renchérissent, puis qu'ils prétendent qu'il n'y a pas d'autre solution que celle-là, puis que, si leurs enfants restent dans le village, ils vont être comme pas corrects, leurs enfants, il n'y a pas un parent qui accepte ça. C'est là qu'est la partie vicieuse, il y a comme pas jamais de contrepartie.

Mais, moi, quand je vais voir les gens du village... Et, à Rémigny, ils m'ont invité, les gens du village, parce qu'ils ont présenté ça, la commission scolaire a dit: Non merci, on ne veut même pas en discuter. Merci, bonjour. Ils m'ont invité, les gens du village, il y avait 82 personnes. J'avais donc les parents, à peu près, des 40 enfants et j'avais aussi les grands-parents, parce qu'il y avait beaucoup de grands-parents dans la salle, et je leur ai parlé qu'il existe d'autres modèles, qu'il existe d'autres façons de faire. Bien, je peux vous dire que Rémigny, aujourd'hui, ils ont décidé... Les 82 personnes qui étaient dans la salle et toute la population de Rémigny ont décidé qu'ils ne laisseraient plus partir un enfant tant qu'il n'a pas fini son primaire, et ils vont garder leurs enfants dans leur village tant qu'ils n'auront pas fini leur primaire. Et ça, à Rémigny, je peux vous dire que là, attendez-vous, il va se passer de quoi à Rémigny. Si vous ne connaissez pas le village, vous allez le connaître. Le maire est mort, mais l'esprit n'est pas mort...

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, il y a des gens qui veulent poser des questions. C'est très, très intéressant, alors on vous remercie beaucoup, M. Brunet. M. le député de Groulx.

n(16 h 40)n

M. Kieffer: Merci, Mme la Présidente. C'est vrai que le ministre a rejeté l'idée d'un moratoire. L'idée était à l'effet qu'il y ait un moratoire d'une année, le ministre a jugé que, au moment où cette demande était faite, ça ne réglait pas grand problèmes. Sauf que le ministre n'a pas non plus... Et il est bien capable de se défendre, hein, ceci étant dit, là, alors je... Sauf que je veux remettre les choses en perspective. Il a ouvert à deux possibilités qui m'apparaissaient intéressantes et qui venaient, entre autres, des municipalités: une instance d'appel qu'il s'agira de préciser, à partir de laquelle des citoyens et des citoyennes qui se sentent brimés... Et, votre description du fonctionnement d'une commission scolaire lorsqu'elle prend ce type de décision là, on l'a entendue à plusieurs reprises, donc il doit y avoir un fond là-dedans, là. Donc, une instance d'appel où les citoyens et les citoyennes pourraient effectivement en appeler de cette décision d'une commission scolaire, où probablement la municipalité siégerait. En tout cas, à mon point de vue, la municipalité devrait y siéger. D'une part, ça puis, d'autre part ? et ça sortait dans le journal, je pense, c'est ce matin ? le principe de l'«opting out».

Une voix: ...

M. Kieffer: Ou samedi. Le principe de l'«opting out» qui permettrait à une municipalité de gérer les budgets alloués par enfant, hein? C'est un peu comme que ça fonctionne, là, pour faire marcher une école, de les gérer... Et on entendait des maires... Entre autres, je lisais, là ? je trouvais ça assez intéressant ? où des maires disaient ceci: La commission scolaire n'est pas capable de le faire avec 300 000, moi, je vais être capable de faire avec 300 000.

Donc, oui, il a refusé le moratoire, sauf que ce qu'il a ouvert, moi, m'apparaît intéressant, et je voudrais avoir votre réaction à ce type d'ouverture là, d'une part, l'«opting out» qui permettrait à la communauté locale, en général la municipalité, mais ça peut être autre chose... Et, d'autre part, cette espèce d'instance d'appel qui permettrait aux citoyens de faire valoir leur vision de ce que devrait être l'éducation de leurs enfants.

M. Brunet (André): Bon, je vais tenter des réponses, parce que je dirais que, dans ces deux solutions-là, à mon point de vue, ça me semble plus des plasteurs que d'autres choses. Je vous dirais que...

M. Kieffer: Plus qu'un moratoire?

M. Brunet (André): Un moratoire, c'est un gros plasteur itou, là. Et, moi, je demande un moratoire s'il y a une autre perspective. S'il n'y a pas d'autre perspective, il n'y a pas de moratoire, là, et ça, dans ma tête, est bien clair.

Et vous comprendrez que, par rapport à ce que je viens de vous dire aujourd'hui, c'est que la solution, à mon point de vue, passe par un modèle n° 2. C'est-à-dire qu'actuellement on a un modèle d'école urbaine. Parfait, appliquez-le où c'est applicable. On va développer ensemble maintenant ? et, quand je dis ensemble, le monde municipal, le monde scolaire, le monde des professeurs, les syndicats, bref les pédagogues ? on va développer une espèce de modèle d'école rurale qui s'applique en ruralité au Québec et qui va dans l'esprit de la Politique de la ruralité, et que, d'ici à ce qu'on établisse ce modèle d'école rurale, un moratoire, s'il vous plaît, pour arrêter d'assassiner, là. Donc, un petit moratoire jusqu'à ce qu'on définisse un deuxième modèle au Québec qui s'appelle le modèle d'école rurale. Et des modèles pour s'en inspirer, il y en a à travers le monde entier, puis pas dans les pays d'Afrique, mais dans les pays développés. Vous en avez dans des États, aux États-Unis, qui sont faiblement peuplés. Ils ont développé des modèles d'écoles rurales basés sur l'infrastructure haute vitesse d'Internet et d'échange.

Vous avez, au Québec, une place où on n'est pas capable de transporter les enfants par autobus ? c'est extraordinaire, j'aime ça, moi, quand le monde sont coincés parce qu'ils ont de l'imagination ? ça s'appelle Radisson. Ils n'ont pas encore trouvé... Des avions jaunes, ça n'existe pas. Ça fait qu'ils ont 70 enfants de maternelle à secondaire V à Radisson, ils sont poignés avec. Je vais vous dire qu'ils ont inventé un modèle à Radisson pour être capable d'enseigner aux 70 enfants en question. Ils réussissent, là, mais, quand ils sont dans un petit village, ils disent: Non, on va déménager. Une demi-heure, trois quarts d'heure, une heure, ce n'est pas grave.

Il existe des modèles à travers le monde entier, il en existe même en cachette au Québec. En quelque part, on va se mettre une gang, là, puis on va se trouver un modèle d'école rurale. Puis, quand on aura un modèle d'école rurale qui va faire qu'on va enraciner nos enfants dans nos milieux, en tout cas, à tout le moins, là, leur faire découvrir leur milieu, la richesse de leur milieu, deux, ça va supposer... Et, moi, je l'ai vu partout, ça suppose que le milieu s'implique. Les grands-papas, les grands-mamans, les parents, il va falloir qu'ils s'impliquent dans l'école. S'ils ne veulent pas s'impliquer, ça sera un choix de milieu, on les prendra, les enfants, on les emmènera ailleurs. Mais, s'ils veulent s'impliquer, il faut leur laisser la chance de garder leurs enfants jusqu'à la fin du secondaire. Là, on n'est pas au niveau du plasteur, on est au niveau d'une solution.

Et je vous dirais que la deuxième solution ? et là c'est le modèle français que j'ai dans la tête ? c'est que les écoles, dans le milieu primaire, devraient, de facto, être données aux municipalités. Toutes les écoles dans les petits milieux, on les donne aux municipalités. Faites ce que vous voulez, gérez les salles le soir comme vous voulez, gérez ça comme vous voulez, la commission scolaire, elle vous fournit un professeur qu'elle va venir s'installer à l'intérieur de ça, et la communauté va faire des enfants qui ne seront pas si niaiseux que ça. Quand je fais des réunions de 200, 300 parents puis je leur demande: Y en a-tu ici qui ont été éduqués dans un système à deux, puis trois, puis quatre niveaux? je vais vous dire, au-delà de 80 % de la salle lèvent la main.

M. Kieffer: C'était la suite de ma question, si ça ne vous dérange pas.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Groulx.

Mme Normandeau: Ça suscite énormément de discussions puis de débats de notre côté, puis c'est extraordinaire. M. Brunet, vous êtes notre cadeau, là, en fin de journée. Je vous le dis, vous êtes notre cadeau.

La Présidente (Mme Bélanger): Un très beau cadeau.

M. Kieffer: Parce que j'allais vous poser la question suivante: Donc, vous êtes d'accord avec les classes multiniveaux, c'est ça?

M. Brunet (André): Oui, monsieur, c'est fondamentalement ça. C'est-à-dire que l'avenir de l'école rurale, c'est des classes multiniveaux. Et je peux vous dire tout de suite qui vous allez rencontrer sur votre chemin et qui avoir les plus grandes résistances du monde...

M. Kieffer: Je m'en viens à ça, la CSQ ne veut rien savoir.

M. Brunet (André): Je sais, je connais fort bien...

M. Kieffer: Ils l'ont dit clairement.

M. Brunet (André): Je connais fort bien la vice-présidente, qui est venue présenter un mémoire ici. C'est une jeune fille d'Amos, une copine d'enfance à moi, donc que je connais très bien, et qui était ici pour la pauvreté. Tantôt, on s'est croisé dans les passages, j'ai dit: Pour moi, on n'est pas sur la même opinion. Elle sait qu'on n'est pas sur la même opinion. Donc, le premier problème, c'est un problème syndical qu'on va avoir.

Je vais vous dire le deuxième problème, et je l'ai dans mon université. Je suis allé rencontrer... À l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, on forme des professeurs, et j'ai dit à la gang de profs qui forment les profs, j'ai dit: Leur enseignez-vous à enseigner à un, puis deux, puis trois, puis quatre niveaux? Non.

Une voix: ...

M. Brunet (André): Oui, mais c'est non, la réponse. J'étais avec le recteur, au mois de juillet, en train de lui donner une maudite volée là-dessus, parce qu'on ne peut pas à la fois réfléchir...

M. Kieffer: ...vous haïr, vous. Ha, ha, ha!

M. Brunet (André): Non, non, mais ce n'est pas grave. Mais il faut qu'on se mette... Comme société, on ne peut pas décider qu'on va scraper notre milieu rural au Québec. On ne peut pas décider ça, et je pense que la Politique de la ruralité, qu'on a attendue pendant combien d'années, est venue nous créer tellement d'espoir, il y avait tellement de belles choses. Relisez-les une fois par soir avant de vous coucher, c'est l'avenir du Québec qui est là-dedans, dans cette Politique de la ruralité, que j'ai aimée du couvert jusqu'à la fin. Maintenant, je recherche ceux qui vont la mettre en application, et ils se sauvent comme des barres de savon. Quand on vient pour les poigner, ils ne sont plus là. L'éducation, elle est partie, elle ne veut plus... Quand elle... C'est marqué: Le gouvernement s'engage à financer les petites écoles. Ça n'existe pas.

M. Kieffer: ...parce que je trouve intéressante votre approche, de dire: Dans les communautés rurales, les écoles... Ça va?

La Présidente (Mme Bélanger): Allez, allez.

M. Kieffer: Les écoles rurales devraient être gérées par la communauté, vous l'avez bien dit, et donc les municipalités, parce que c'est leur niveau de...

M. Brunet (André): Il n'y en a pas d'autre.

M. Kieffer: Il n'y en a pas d'autre. Alors, on se comprend. Ça veut dire quoi concrètement, là? Je veux dire, jusqu'à...

M. Brunet (André): Ça veut dire que, physiquement, les bâtisses, on les donne aux municipalités.

M. Kieffer: Non, non, mais d'accord, mais jusqu'à quelle hauteur? Je veux dire, où on va tracer la ligne, là? Tous les villages de moins de 2 000 ou de 4 000? Je veux dire...

M. Brunet (André): Je vous dirais... Je suis tenté de dire tout ce qui s'appelle primaire. En France, c'est comme ça, tout ce qui s'appelle primaire relève du monde municipal, que ce soit dans une ville de...

M. Kieffer: Y compris à Montréal?

M. Brunet (André): Y compris dans les grands centres. Savez-vous ce que ça va provoquer? Savez-vous ce que ça va provoquer? Ça va provoquer... Savez-vous ce que ça va provoquer? Ça va provoquer l'intelligence, c'est ça que ça va provoquer parce que... Exemple, dans un milieu, l'école est trop grosse, il n'y a plus assez d'enfants pour l'école. Bien, le monde municipal va dire: La maison que M. Untel est parti, on rachète la maison, on abat les cloisons, on fait l'école là-dedans, puis l'école, on la transforme en d'autres choses. Ils vont avoir cette souplesse de faire les choses et d'avoir de l'imagination pour les faire que les commissions scolaires ne seront même pas capables de penser, d'imaginer qu'ils vont faire. Une commission scolaire, elle insiste pour maintenir une classe dans une école de quatre puis, après ça, elle dit que les coûts de chauffage, ça ne marche pas. Je comprends que ça ne marche pas, les coûts de chauffage, il y a l'équivalent d'une classe d'enfants dans une école de quatre. Fermez cette école-là ou transformez-la en d'autres choses, prenez les enfants, mettez-les dans une autre école.

Qu'est-ce qui est important au niveau éducatif? C'est que le gouvernement, il paie le professeur. Le reste, c'est accessoire, comprenez-vous? Les parents sont fondamentalement des pédagogues, les grands-parents sont fondamentalement des pédagogues, et faites donc confiance au monde. En France, qui n'est pas un pays arriéré, je répète, tout ce qui s'appelle primaire, les bâtiments, le physique, appartient au monde municipal.

M. Kieffer: N'importe quelle ville, là?

n(16 h 50)n

M. Brunet (André): Dans n'importe quelle ville. Et, moi, je disais... Parce que, vous savez, une ville, ça vieillit. C'est extraordinaire, une ville. Quand tu sais observer une ville, une ville ça vieillit. Ça veut dire qu'un quartier se développe. Vous avez déjà une famille, plein d'enfants, là il faut bâtir une école. Le quartier vieillit, le quartier n'a plus d'enfants, ce n'est plus rien que des ados. À un moment donné, il n'y a plus d'enfants pantoute, pantoute. Il y a une belle petite école là, mais les enfants sont rendus dans un autre quartier, et là on est en train de développer un autre quartier, les enfants sont tous rendus là.

À l'époque, je disais: Les écoles, il faut mettre ça sur des roulettes. Vous les transportez à une place où les enfants se déplacent. Mais il faut être plus malin que ça. Je pense qu'il va falloir provoquer une intelligence. Ça veut dire qu'il va falloir construire une bâtisse qui, au départ, va être une école, mais qu'on l'a conçue de telle sorte qu'elle devienne d'autres choses avec le temps. Puis, dans un autre coin, on va construire une école qui, à un moment donné, va se déformer en d'autres choses. Ça deviendra un foyer, ça deviendra une place pour les jeunes, les adolescents, ça deviendra... Et le monde municipal va avoir cette imagination-là de faire que les bâtiments de niveau primaire servent à toutes sortes de choses dans la boucle au lieu de les garder vides. Si vous confiez les bâtiments au monde municipal, donnez-leur pour une piastre puis dites-leur: Nous, dans le fond, ce qu'on veut avoir... On vous fournit des profs, ce qu'on veut avoir, c'est tant d'espace, etc. Faites ça, vous aller provoquer l'intelligence, vous allez provoquer l'imagination.

M. Kieffer: Et, en terminant, madame...

La Présidente (Mme Bélanger): Allez-y, M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Je trouve intéressante votre analyse, là. Est-ce qu'elle s'applique «at large», complètement? Mais je la trouve intéressante et je la trouve innovatrice puis imaginative.

Quand j'ai soulevé la question avec les commissions scolaires qu'elles étaient un peu trop en silo, je me suis fait ramasser pas à peu près. Parce que je faisais l'espèce de comparaison: municipalités qui ont un mandat beaucoup plus large, les commissions scolaires qui ont un mandat beaucoup plus sectoriel. Alors, tabarnouche, ils ne m'ont pas aimé pantoute, là, puis je me suis fait massacrer pendant une demi-heure. Je suis bien content de voir que je ne suis pas tout seul à penser de même. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Groulx. Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, cher M. Brunet, comme je vous dit tout à l'heure, vous êtes notre cadeau, là. Puis vous nous suggérez de lire la Politique de la ruralité un peu comme notre livre de chevet, mais je pense qu'on va se faire un devoir, comme parlementaires, de relire votre présentation certainement à plusieurs reprises. Bien, vous avez le mérite, avec votre présentation, en fait, de vous appuyer sur une expérience vécue, parce que vous avez une longue feuille de route, là. Vous avez bien pris soin de nous tracer le portrait de vos réalisations, puis, je vais vous dire, Mme la Présidente, que M. Brunet a une longue feuille de route qui lui confère une notoriété qui dépasse les frontières de l'Abitibi-Témiscamingue. Parce que M. Brunet a été bien modeste, là, mais c'est quelqu'un qu'on entend sur plusieurs forums, au niveau du développement rural notamment, et je connais M. Brunet notamment par ses... évidemment avec son implication avec Solidarité rurale.

Et d'ailleurs, petit commentaire éditorial en passant: M. Brunet, vous auriez peut-être intérêt à convaincre votre ami Jacques Proulx sur l'idée du moratoire, parce que, évidemment, je pense que tout comme vous... Puis, on a fait la suggestion ici, de notre côté, le moratoire, en fait, aurait deux avantages à notre sens. Le premier, c'est de sécuriser les parents qui livrent des combats comme ceux de Rémigny, comme ceux de Baie-Trinité, Godbout, etc., Angliers, Témiscamingue, Moffet, et tout ça. Et l'autre avantage, c'est de se donner une obligation de résultat à la fin du moratoire. Et on est forcé, à ce moment-là, de trouver des solutions concrètes, là, applicables après le moratoire.

Je vous écoutais, puis on a reçu ici, en commission, la Fédération des commissions scolaires du Québec, et la présidente de la commission scolaire du Lac-Témiscamingue qui était ici, Mme Roy, si ma mémoire m'est fidèle, et vous auriez tout intérêt à lui transmettre une copie de votre présentation, parce qu'elle est venue nous dire, en fait: À Rémigny, c'est un dossier que je connais bien. Rémigny, ce qu'elle est venue nous dire, c'est qu'il y a une très grande concertation actuellement qui existe entre les parents, le milieu municipal et la commission scolaire. Alors, évidemment, je suis très surprise de vous entendre aujourd'hui plaider l'inverse puis nous dire que finalement ça ne va pas dans le meilleur des mondes du côté de Rémigny.

J'ai beaucoup aimé votre présentation parce que, effectivement, vous appelez même les parlementaires à faire preuve d'intelligence et d'innovation. Mais vous conviendrez avec nous, cependant, qu'il y a quand même de vos propositions qui sont un peu surprenantes, là. Quand vous dites: Il faudrait évidemment déléguer tout le primaire au municipal, évidemment l'idée est intéressante, mais, en soi, c'est une révolution, vous êtes conscient de ça.

Ce qu'on a plaidé aussi à la commission puis une question pour laquelle on a interpellé les commissions scolaires, c'est... J'ai demandé, moi, au président de la Fédération: Qu'est-ce que vous dites aux parents qui se butent, en fait, au manque de réceptivité des commissions scolaires qui, souvent, invoquent des considérants d'ordre budgétaire pour refuser à des parents effectivement l'accès à l'école primaire à leurs enfants dans leur village? Et j'avoue, là-dessus, que, bon, la réponse a été, en fait... En fait, elle a été un peu mitigée parce que vous plaidez pour une plus grande accessibilité des enfants du primaire dans l'école de leur village, mais vous nous dites aussi avec force et vigueur, avec beaucoup d'émotivité et de conviction: On est en train d'assassiner, au Québec, 500 villages, si on continue comme ça.

Alors, votre contribution aux travaux de la commission est importante parce que vous savez que la commission va faire des recommandations, et, en fait, j'aimerais en savoir un peu plus sur votre expérience vécue puis nous dire, en fait, le modèle... Est-ce qu'il y a un modèle idéal qui existe, qui nous permettrait de... Parce que vous savez que les résistances sont énormes, là, actuellement, comment on va faire pour, en fait, aller au-delà des résistances qu'on risque de rencontrer sur notre chemin pour effectivement avoir la meilleure solution qui nous permette de maintenir en vie nos écoles de village?

M. Brunet (André): Je pense que votre suggestion d'un moratoire avec l'obligation d'un résultat est tout à fait intéressante. Il faut toujours mettre une carotte quelque part puis peut-être un petit bâton en arrière qui traîne, c'est la seule façon de faire avancer les hommes.

Mme Normandeau: ...

M. Brunet (André): Les hommes.

Mme Normandeau: Les hommes. O.K. J'ai compris «les ânes». Ha, ha, ha!

M. Brunet (André): C'était un lapsus, «âne». «Âne», c'était un lapsus.

Mme Normandeau: Oui, effectivement. Ha, ha, ha!

M. Brunet (André): Et je dirais que regardons ça, ce moratoire-là, en se disant: On se donne un temps, peut-être deux ans, peut-être un an et demi. Moi, je vous dirais que je n'ai aucun espoir que la solution, le modèle vienne de Montréal ou de Québec, là. Aucun espoir. C'est zéro, zéro égale zéro. Moi, je dis que la solution et les expériences... Ou, en tout cas, ce comité devrait être créé soit en Gaspésie, soit en Abitibi, soit ou les deux, et de dire: Proposez-nous un modèle dans lequel il va y avoir... Un, c'est sûr qu'il va y avoir les gens des commissions scolaires, il va y avoir les gens du syndicat, il va y avoir des maires, il va y avoir des professeurs, il va y avoir des parents. On va faire des comités, un comité, puis on va essayer de réfléchir à une école dite rurale avec les normes, les considérations et on va faire que, quelque part, on va faire une expérience-pilote. Pendant un an, on va avoir une école dite rurale puis on va aller voir partout. Il en existe partout, là. En Saskatchewan, en Alberta, il y a des expériences d'écoles dans des secteurs faiblement peuplés. Aux États-Unis, dans l'État de Utah, il y a des écoles dans des milieux faiblement peuplés. En Australie, il y a des écoles de cette nature-là. En France, il y a des écoles de cette nature-là. On va s'inspirer. On va regarder ce qui existe, ce qu'ils font, de quelle façon nos contraintes sont, puis on va tenter des expériences d'écoles-pilotes, et on va finir par définir ce modèle d'école qui va faire qu'on va avoir un modèle n° 2 qui va s'appeler école rurale.

Et, pendant que je vous réponds à la question, je suis en train de penser à la réponse que j'ai oubliée de dire tantôt, de l'autre côté, c'est que si on s'en va dans un financement par tête de pipe comme on est actuellement... Parce que vous m'avez ramené le financement par tête de pipe au niveau des écoles, ça, ça ne s'applique pas du tout dans une école de deuxième type, une école dite rurale. C'est-à-dire qu'il faut y avoir une espèce de financement de base pour l'école et l'infrastructure qui s'appelle l'école puis, après ça, il faut y avoir un financement et pas par tête de pipe, parce que là vous êtes rendus... Quand vous avez 15 enfants dans une école puis vous faites un financement par tête de pipe, vous n'avez pas assez d'argent pour payer le professeur. Ça fait qu'il faut arrêter de voir ça comme ça aussi, là.

Je dirais, rien que pour vous ? et je vous dis là une pleine vérité ? à la Polyno de La Sarre... Il y a plus de gardiens de sécurité à la Polyno de La Sarre que de conseillers pédagogiques. Il y a, à un moment donné, des affaires qui n'ont plus de maudit bon sens. Ça veut dire que ce n'est pas vrai que la grosse école répond à tout et que c'est merveilleux, une grosse école, une grosse polyvalente. Quand, dans les polyvalentes, vous êtes obligés de faire de la discipline à un point tel que vous avez plus de gardiens de sécurité, de barrières, de cadenas que de conseillers pédagogiques dans toute l'école, il y a quelque chose qui ne marche plus. Donc, ce n'est pas vrai que «big is beautiful», et il faut revoir ça, il faut revoir comment on fait ça.

Et aujourd'hui l'école telle qu'on la conçoit, c'est-à-dire l'école modèle urbain, c'est que le professeur, il a une classe complète ? idéalement, 28 pour correspondre au ratio ? et, en plus de ça, c'est que vous avez toutes sortes de conseillers pédagogiques qui viennent à tout bout de champ, là, je veux dire, supporter le professeur, parce que le professeur, il n'est pas capable de porter toute l'attention qu'il faut à l'enfant. Et, comme il change de batch tous les ans, le professeur fait qu'il est déconnecté complètement de ses enfants. Ça fait que les enfants à problèmes ressortent évidents, et là ça prend plein de support pour venir accompagner ça.

n(17 heures)n

Quand vous avez un petit milieu d'une vingtaine d'enfants, basé sur sept niveaux, avec deux professeurs qui animent tout ça et qui les suivent tout au long de leur primaire, ils savent en maudit c'est lequel des enfants qui a des problèmes, ils savent en maudit où il faut apporter l'attention. Vous n'avez plus besoin d'avoir une série de conseillers pédagogiques, vous avez une approche totalement différente. Et c'est ça qu'il va falloir comme tout repenser, repenser dans le fond la façon, l'objectif qu'on a de prendre un enfant au niveau maternel et de le lâcher à la fin du primaire. C'est quoi, qu'est-ce qu'on a envie de faire avec cet enfant-là? Et ça, là, il y a 1 000 façons de faire les choses, et, à mon point de vue, il y en a quelques-unes de bonnes puis il y en a un maudit paquet de pas bonnes. On peut-u essayer de fouiller là-dedans, en trouver trois, quatre de bonnes dans lesquelles on implique les grands-parents, on implique les parents? Dans les petits milieux, ces gens-là...

Moi, j'ai parlé avec 82 parents de Rémigny, là. Là-dedans, il y avait plein de grands-mamans puis il y avait des grands-mamans puis des grands-papas qui levaient la main... Puis il dit: Oui, moi, s'ils ont besoin de moi, je vais venir. Oui, je veux venir. Puis, là-dedans, il y avait des gens qui avaient un niveau d'instruction intéressant. Il y avait une dame qui était une retraitée de l'éducation puis elle a dit: Moi, je suis prête à venir faire du bénévolat.

Mais, quand vous parlez de ça au syndicat, comprenez-vous, ça s'arrache les cheveux puis ça crie au scandale. Ça n'a plus de maudit bon sens! Il va falloir que... Il y a des combats à faire, il y a des choses à faire, et ce n'est pas possible d'assassiner 500 villages au Québec pour faire plaisir à un syndicat. Il va falloir que le syndicat quelque part comprenne qu'il a de l'eau à mettre dans son vin.

Et c'est cette dynamique-là qu'il faut mettre en branle. Actuellement, il n'y a rien de mis en branle, dans ce sens-là. Rien, rien, rien. On continue de reproduire le modèle urbain puis on l'étire tant qu'on peut. On fait prendre des voyages de trois quarts d'heure, une heure à des enfants et on leur apprend à tous les jours à quitter le village. Il faut arrêter ça, là.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va?

Mme Normandeau: Bien, oui, ça va. En fait, oui, tout à fait. On est un peu sous le choc quand on entend des choses comme ça. Est-ce qu'il reste du temps?

La Présidente (Mme Bélanger): C'est parce que le député de Vaudreuil...

Mme Normandeau: Ah oui! Mon collègue serait prêt à poser une question.

La Présidente (Mme Bélanger): Mais il y a encore du temps. Il y a encore du temps.

Mme Normandeau: Bien, en fait, oui. En passant, M. Proulx est venu nous dire qu'il s'insurgeait quand il a dit: On voit nos enfants à sept heures moins quart, 7 heures sur le bord de la route prendre l'autobus. Tu sais, il fait encore noir. C'est épouvantable quand même quand on pense à ça. Monsieur...

M. Brunet (André): C'est pire que ça, là, hein?

Mme Normandeau: Oui?

M. Brunet (André): Parce que, avec un nouveau, avec un... Vous savez, au Québec, on fonctionne beaucoup comme ça. Quand il arrive un accident, il y a quelqu'un qui vient de nous décider, comme dorénavant, on faisait les choses de telle façon. Ça fait qu'aujourd'hui il y a eu quelques enfants écrasés par des autos. À cause, aujourd'hui, les enfants n'ont plus le droit de traverser la rue. Ça fait que l'enfant, il est cueilli le matin d'un côté de la rue; l'autobus s'en va jusqu'à l'autre bout. Il revient, puis là, il est cueilli de l'autre côté de la rue. Ça fait qu'on a, à cause de cette directive-là, on a doublé le temps d'autobus. Le petit jeune qui habite ici, il se lève une demi-heure avant l'autre, l'autre bord, juste l'autre bord de la rue. Je vais vous dire qu'il doit se trouver du mauvais côté de la rue en maudit, lui. Il se lève une demi-heure avant l'autre, parce que, lui, il est sur le bord de la route une demi-heure avant l'autre parce que l'autobus le ramasse, il fait le tour jusqu'au bout. Il revient, il ramasse l'autre en face. L'autre, le soir, il se trouve du mauvais bord en maudit parce que, là, il lâche celui-là en premier, puis, après ça, il vient lâcher l'autre. Il reste à côté du village mais il va être lâché une heure après, lui.

Je vais vous dire: On a mis des drames épouvantables. Quand on a pensé... C'est épouvantable ce qu'on fait parce qu'on agit sans se rendre compte des effets. Quand on a dit: La réforme de l'éducation, on a dit: Maintenant, on va aller par petits paquets de deux. La première et la deux, la trois et la quatre, la cinq, la six. Maintenant, c'est comme ça, le primaire.

Donc, il y avait des écoles en Abitibi, entre autres, qui donnaient un, deux, trois. Elles ont dit: On ne peux plus faire ça. Comprenez-vous? En enlevant un, deux, trois, pouf! il n'y a plus assez d'enfants pour faire l'école, on ferme l'école. Parce que le régime pédagogique, il a dit que ça allait par petits paquets de deux, on vient de fermer des écoles, c'est un effet de cette décision-là. C'est comme ça, ça n'arrête pas une par derrière l'autre, c'est-à-dire on n'est pas conséquent de ces décisions-là. Le petit bonhomme qui prend l'autobus une demi-heure avant l'autre puis qui reste juste en face, l'autre qui lui fait des grimaces, je vais vous dire qu'il ne la trouve pas drôle, lui.

Mme Normandeau: Ce qui est encourageant, M. Brunet, c'est que vous êtes animé d'une conviction incroyable, puis, dans le fond, ça, ça nous donne un peu espoir, un peu, pas mal, beaucoup, je dirais même.

Une petite question en terminant avant de céder la parole à mon collègue. Est-ce que vous croyez réellement que le comité qui a été formé ? Proulx-Caron ? pour les écoles de villages pour trouver une solution, qui doit rendre un rapport, un plan d'action plus tard en décembre, est-ce que vous croyez à ça? Est-ce que vous pensez que réalistement ils vont arriver avec des propositions qui se tiennent?

M. Brunet (André): Je vous avouerais que je ne connais pas ce comité, et puis, M. Proulx...

Mme Normandeau: Vous n'avez jamais entendu parler de ce comité?

M. Brunet (André): Non. Et, M. Proulx, je le vois de temps en temps mais pas aussi souvent que vous pensez que je le vois. Et il y a...

Mme Normandeau: Ha, ha, ha! Je ne pense à rien, moi, monsieur.

M. Brunet (André): Il y a certains sujets sur lesquels on ne s'entend pas.

Mme Normandeau: O.K. Bien. Ça répond à ma question. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Bélanger): Bon, bien, paraît-il qu'il a répondu à la question du député de Vaudreuil en même temps.

M. Marcoux: Bien, écoutez, Mme la Présidente, oui, parce que M. Brunet a répondu lors de son dernier commentaire. Parce que, effectivement, il y a des gens ici qui sont venus nous dire: Bien, écoutez, là, nous sommes obligés justement de transporter les enfants de 1 et 2 dans le village, puis on prend ceux de l'autre village, des 3 et 4, puis on les ramène dans le village. Puis, après ça, deux ans après, on les retourne de bord puis on les ramène à cause des cycles qui sont prévus dans le nouveau régime pédagogique. Alors, vous avez répondu, je pense, à la question que je voulais vous poser.

Et, moi, je trouve que ça... Personnellement, moi aussi, je suis aussi un produit de l'école multiniveaux, à mon âge, dans un milieu rural. Et je pense que pour les enfants on oublie de centrer l'école sur les enfants à plusieurs égards, je pense.

M. Brunet (André): Je pense que l'école actuellement est... Je ne veux pas être méchant quand je dis ça mais je le dis devant Mme Jocelyne Wheelhouse aussi, ça ne me dérange pas: On n'a plus mis le centre de l'école sur la qualité qu'on donne à nos enfants. On a mis le centre de l'école sur la qualité des professeurs et des syndicats, et c'est bien regrettable, à mon point de vue. On est en train de scraper beaucoup de choses à cause de ça.

C'est sûr que ça vient d'un équilibre de conventions collectives, de négociations. Mais là, je pense qu'on est rendu à un point tournant où il faut comme se rasseoir puis mettre les vraies valeurs aux bonnes places. Les vraies valeurs aux bonnes places, c'est les enfants, c'est l'éducation qu'on veut leur laisser.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député.

M. Marcoux: Peut-être une dernière question, puis je sais que la Présidente veut également, je pense, faire un commentaire. Un des arguments que nous entendons également, c'est que les enfants ont besoin de socialisation et que, si le groupe est trop petit, ils ne seront pas bien socialisés. Parce que l'école doit instruire, qualifier et socialiser...

M. Brunet (André): Oui, oui.

M. Marcoux: Alors, qu'est-ce que...

M. Brunet (André): Ça, encore une fois, là, vous me tenez un langage de pédagogue comme je les hais.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brunet (André): Les enfants, il y a moyen de les socialiser d'une multitude de façons. Il faut savoir qu'un enfant rural n'est plus un colon. Il faut s'enlever ça de la tête. Un enfant rural, il a accès à la même TV que vous, là, hein? Il voit le monde de la même façon que vous. Un enfant en ruralité, il a accès à Internet, de la même façon que vous, là. O.K.? Puis un enfant en ruralité, il y a moyen...

Et tantôt je l'ai mentionné dans le cas de l'Europe, dans le cas de la France. Ils prennent les enfants une fois par 15 jours dans un village, ils les amènent dans l'autre village, ils se font des groupes d'amis entre villages, et, par Internet, ils se fréquentent. Les enfants, une fois par 15 jours, de l'autre village, il viennent les visiter.

Et ces enfants-là... J'ai posé la question en France: Est-ce que ces enfants-là, quand ils arrivent au niveau du secondaire, ils ont l'air de quoi? Ils ont dit: Ça fait des présidents de classe puis des présidents d'école parce que c'est des enfants qui ont une vision beaucoup plus large. Au contraire, c'est quand vous faites des gros groupes que vos enfants, ils sont comme assommés. Là, vous avez des phénomènes de taxation, vous avez des phénomènes de violence, vous avez toutes sortes de phénomènes.

L'école rurale, il faut arrêter de la voir comme une école de fond de rang, et ça, c'est qu'à chaque fois que je dis: Il faut revoir l'école, définir, redéfinir l'école en milieu rural dans des niveaux multiples avec des petites entités; on me ramène toujours l'école rurale de rang de 1920. On est très loin de ça aujourd'hui avec Internet, avec les liens, avec ce qu'on est capables de faire comme programme. On est très loin des écoles de rang de 1920, là.

Ce n'est pas rétrograde. La ruralité n'est pas rétrograde; la ruralité, elle est éminemment moderne. Et, nous, on est capables de faire des écoles rurales de petits groupes éminemment modernes. Il ne faut pas penser qu'on recule en arrière.

Et les pédagogues ont trop... «the gogues», comme je les hais, ont tendance à toujours nous sortir cet argument de dire: Une école rurale, c'est une école passéiste; vous nous demandez de revenir en arrière. Il y a des pays éminemment modernes qui ont ce type d'école rurale et ça fait des enfants très modernes. Arrêtons de penser que l'école rurale est un modèle égale ancien, égale passé.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, moi, je voulais faire un petit commentaire. J'ai été institutrice ? on ne s'appelait pas professeur dans le temps, on s'appelait institutrice ? de classe multiples, de première à la septième années. C'était pour vous dire que ça se fait. Puis j'ai sorti des docteurs, des avocats, des infirmières qui ont continué leur cours et qui sont aujourd'hui capables de se défendre très bien dans la société.

n(17 h 10)n

Mais je voudrais aussi confirmer votre thèse sur les prises de position des commissions scolaires. Nous sommes en train de se battre avec la MRC contre la commission scolaire des Hauts-Cantons, parce que, dans la municipalité de Dixville, une petite municipalité, comme vous dites, où la population diminue, il y a des enfants qui restent dans un rang, mais, pour le transport scolaire, c'est plus avantageux de les envoyer à Coaticook qui est une ville. Alors, les parents, l'an passé, ont décidé de voyager eux-mêmes les enfants, et là, la MRC, la municipalité, le député, on est en train d'essayer de renverser cette décision-là parce que les parents, ils veulent garder l'école ouverte à Dixville, parce que c'est un petit village, mais, par rapport au budget de transport, on veut envoyer ces enfants-là à Coaticook.

Alors, il y a des choses aberrantes qui se passent, c'est incroyable. Alors, c'était pour confirmer votre thèse, là, de l'administration puis de l'éducation, c'est très différent.

M. Brunet (André): On est obligés de mobiliser des énergies épouvantables, les maires, les préfets et les députés, pour des affaires niaiseuses. Ça n'a pas de bon sens. Pensez-vous qu'on a le temps de s'occuper de ça? Il me semble que ces affaires-là devraient être simples et évidentes, faciles à régler. Mais, non, ça devient des affaires épouvantables. À chaque petite affaire, on est obligés de mobiliser les députés. Il me semble que vous avez d'autres choses à faire que ça.

La Présidente (Mme Bélanger): Ah! Ça fait partie de notre tâche, défendre les citoyens.

M. Brunet (André): Oui, mais ça devrait être tout naturel.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. Brunet, comme disait ma députée de Bonaventure, vous avez été un cadeau, et, tout ce que vous avez dit, étant députée rurale, je vis ça quotidiennement, des menaces de fermeture d'écoles dans les petits villages, et ce qu'on me dit quand ça arrive, c'est que la mort a passé dans le village. Alors, merci beaucoup de votre présence, et on ajourne les travaux à demain matin, le 2 octobre, 9 h 30.

(Fin de la séance à 17 h 12)


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