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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le jeudi 4 novembre 1999 - Vol. 36 N° 15

Consultation générale sur la place de la religion à l'école


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Table des matières

Auditions


Intervenants
Mme Madeleine Bélanger, présidente
Mme Solange Charest, vice-présidente
M. Serge Geoffrion, président suppléant
M. François Legault
M. Claude Béchard
M. Lawrence S. Bergman
M. Pierre-Étienne Laporte
M. Gilles Labbé
Mme Lucie Papineau
M. Yves Beaumier
*M. Robert Brault, Forum de la pastorale dans le secteur public
*M. Laurent Lafontaine, idem
*Mme Françoise Imbault, idem
*M. Guy Tapin, idem
*M. Yves Carrier, idem
*Mme Lucie Girard, ADDE
*Mme Micheline Mayrand, idem
*M. Daniel Baril, MLQ
*M. Michel Gaudette, idem
*M. Gildas Haméon, idem
*M. François Gauthier, idem
*M. Luc Alarie, idem
*M. André Girard, AEMRQ
*M. Jean Desjardins, idem
*Mme Denyse Gagnon-Messier, CPIQ
*M. Jack Ligneau, idem
*M. Yves Duceppe, Chevaliers de Colomb du Québec
*M. Daniel Langlais, idem
*M. Jean-Guy Martin, idem
*Mme Claudette Sauriol, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-huit minutes)

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, je déclare la séance de la commission de l'éducation ouverte. Je rappelle le mandat de la commission, c'est de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur la place de la religion à l'école.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Beaumier (Champlain) remplace M. Cousineau (Bertrand).

La Présidente (Mme Bélanger): Nos premiers invités sont déjà à la table. Je vais donner l'ordre du jour: 9 h 30, Forum de la pastorale dans le secteur public, ce sont les gens qui sont assis à la table; à 10 h 30, Assemblée des directeurs et directrices diocésains d'éducation; 11 h 30, le Mouvement laïque québécois; et à 12 h 30, la suspension des travaux.


Auditions

Alors, bonjour et bienvenue à la commission. Vous avez 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire, qui sera suivi d'un échange avec les membres de la commission: 20 minutes du côté ministériel et 20 minutes du côté de l'opposition. Je demanderais au porte-parole de bien vouloir se présenter et présenter les personnes qui l'accompagnent.


Forum de la pastorale dans le secteur public

M. Brault (Robert): D'accord. Merci, Mme la Présidente. Je voudrais d'abord vous présenter les membres que vous voyez ici, à la table. Alors, complètement à gauche, vous avez M. Yves Carrier, qui était le secrétaire de notre Forum et qui est un étudiant au doctorat en théologie ici, à Québec; immédiatement à ma gauche, vous avez M. Laurent Lafontaine. Tu pourrais peut-être te présenter?

M. Lafontaine (Laurent): Je suis le président d'un organisme qui s'appelle IKTUS, Service d'animation biblique et pastorale, qui est un organisme reconnu à l'Université du Québec à Montréal.

Mme Imbault (Françoise): Françoise Imbault, je travaille à l'établissement de détention de Montréal qui s'appelle communément Bordeaux, animatrice de pastorale.

M. Tapin (Guy): Mon nom est Guy Tapin, je suis responsable du Centre INAFU, qui est un Centre qui offre des services complémentaires en fin de semaine et session à l'animation pastorale et à la vie étudiante au niveau des commissions scolaires pour la région de Lanaudière, Laurentides, Montréal, Laval et Montérégie.

(9 h 40)

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Alors, M. Brault, c'est vous qui êtes le porte-parole.

M. Brault (Robert): Merci. Le Forum de la pastorale dans le secteur public, dont vous avez quelques membres ici devant vous, est un réseau d'intervenants qui travaillent dans le secteur public québécois, soit dans les domaines de la santé, donc dans les hôpitaux, dans les centres d'hébergement et de soins de longue durée, soit dans le monde de l'éducation, au niveau des écoles secondaire, cégeps et universités, ou encore du monde carcéral, dans les prisons, etc.

Le Forum se préoccupe et aborde principalement la question de la pertinence sociale de l'animation pastorale et de l'intervention spirituelle à l'intérieur du secteur public québécois. Dans la foulée du rapport sur la place de la religion à l'école, communément appelé le rapport Proulx, le Forum a décidé de mener sa propre enquête auprès des intervenants en pastorale afin d'avoir leur opinion sur la place qu'occupe la dimension spirituelle dans le secteur public. Il est à noter ici que, face aux champs d'application du rapport Proulx, notre consultation ne touche que l'animation pastorale au secondaire.

La question principale que nous abordons dans le mémoire que nous vous présentons se rapporte à la contribution de l'animation pastorale dans le secteur public et aux changements à apporter pour la rendre adaptée au contexte actuel. Le rapport Proulx y aborde la question de la place de la religion à l'école sur le plan juridique, du respect de la liberté religieuse et de l'accès égal à ce droit. Nous abordons la question sur le plan des pratiques pastorales qui ont cours actuellement dans nos écoles.

Le service d'animation pastorale, peu importe où il se retrouve – et vous avez ici des gens qui proviennent de différents secteurs dans le public – se préoccupe en priorité de la personne humaine. C'est l'objectif premier de la pastorale à l'intérieur non seulement de ses finalités propres qui sont spirituelles ou religieuses, mais également à l'intérieur des finalités des institutions où nous travaillons, qu'elles soient carcérales, scolaires ou hospitalières.

La spécificité de l'animation pastorale dans le secteur public se situe au niveau de la quête de sens. Notre travail s'effectue principalement dans des institutions où les personnes qui y passent sont confrontées, dans leur situation de maladie, d'incarcération ou bien de croissance, aux questions du sens de l'existence. Dans le contexte québécois, l'État a reconnu aux Églises une compétence pour aider les gens qui se retrouvent dans ces institutions, dans leur cheminement spirituel, et considère que cette présence pastorale ou religieuse contribue aux missions de soins, de réhabilitation ou d'éducation dans les institutions concernées.

En plus de contribuer à cette mission, les services aussi contribuent par leur engagement communautaire, soit à la santé des personnes au sens large, en oeuvrant par la quête de sens à la prévention des suicides, à la résolution de conflits, à la prévention des toxicomanies, et ainsi de suite. En prison, par exemple, la pastorale peut contribuer à prévenir des émeutes.

Deuxièmement, à augmenter le sentiment d'appartenance des personnes qui sont concernées par cette institution. Par le souci de la qualité des relations humaines qu'elle établit, la pastorale favorise la création de réseaux de relations qui sont autant de lieux d'appartenance.

Troisièmement, à promouvoir l'institution hospitalière, carcérale ou scolaire au sein de la communauté environnante en permettant, de différentes manières, à la population d'être sensibilisée à l'expérience des malades, des détenus ou des jeunes.

Quatrièmement, à offrir aux jeunes dans les milieux de l'éducation la possibilité d'agir dans des organismes à vocation communautaire tout en leur permettant de développer un sens à la vie.

La présence pastorale contribue à la qualité de vie d'une institution à cause du type de présence et de services qu'elle offre de même que d'une certaine liberté dans l'approche. C'est une fonction qui est inséparablement religieuse, sociale et humaine.

Sur le volet de l'animation pastorale au secondaire – puisque c'est la préoccupation principale de cette commission – je vais suivre plutôt le texte du mémoire en détail, qu'on vous a présenté, puisque c'est là-dessus qu'on va le plus travailler. Alors, si vous avez aussi la copie du mémoire au total, c'est à la page 7 que commence cette présentation-là.

À l'adolescence, la quête de sens est un élément constitutif de l'éducation de l'être humain. Parmi vous, sans doute, il y a des gens qui ont des adolescents ou des adolescentes; je ne vous apprends rien en vous disant ça, que c'est une étape importante de la vie. On présente l'animation pastorale, au niveau des écoles secondaires, à partir des années quatre-vingt, comme un atelier de pratique des valeurs évangéliques; donc, c'est vraiment sous le mode d'un atelier, de faire des choses.

L'adolescent est à l'étape de l'expérimentation et le service de pastorale s'offre comme un lieu où des valeurs comme l'accueil, la tolérance, le partage et l'engagement sont proposées aux élèves. Les adolescents et les adolescentes d'aujourd'hui ont besoin d'une spiritualité qui fasse vivre, d'un socle identitaire où les dimensions éthiques et spirituelles sont importantes, et ce, peu importe l'horizon de leur spiritualité. Ils ont besoin d'avoir devant eux des adultes qui se tiennent debout et qui ont des convictions. Les jeunes vont se construire à partir des adultes signifiants qu'ils vont trouver ou retrouver devant eux.

Les animatrices et les animateurs favorisent l'expérimentation par les jeunes des valeurs humanitaires et communautaires. Cette fonction fait partie intégrante du service d'animation pastorale. Il s'agit d'une pastorale éducatrice, d'un lieu d'apprentissage qui possède des objectifs gradués d'intégration de certaines valeurs qui serviront de critères de discernement tout au long de la vie de ces gens.

Les animatrices et les animateurs sont également les personnes qui tissent des liens à l'intérieur de leur milieu. Il s'agit là d'une caractéristique fondamentale de leur mission. Leur approche est définitivement communautaire tout en laissant une place importante aux individus. Nous reviendrons par la suite sur cette question, mais permettez-nous d'abord de nous exprimer sur notre rôle, tel qu'il est perçu dans le rapport.

Certaines questions qui sont soulevées par le rapport sur la place de la religion à l'école. Tout d'abord, nous tenons à souligner la qualité du travail qui a été effectué dans ce rapport. Nous y avons reconnu plusieurs éléments positifs qui font l'objectif d'un large consensus dans l'opinion publique. Ainsi, ce rapport reconnaît: premièrement, l'apport du service dans le système actuel, tel qu'il existe actuellement; deuxièmement, que l'école québécoise doit être commune avant d'être confessionnelle, elle doit favoriser l'intégration des nouveaux immigrants et immigrantes sur une base d'ouverture; troisièmement, l'importance de la liberté de conscience et de la liberté religieuse des minorités; et enfin, quatrièmement, implicitement, l'importance de l'animation aux valeurs et à la quête de sens fondée sur des bases humanistes.

La reconnaissance de la pertinence de l'apport du service d'animation dans le système actuel, tel qu'il existe. La pertinence sociale de notre travail auprès des jeunes du secondaire est reconnue par le rapport Proulx qui affirme à la page 71: «À l'intérieur du cadre professionnel actuel, l'animation pastorale et religieuse ne soulève apparemment pas de difficulté particulière. Elle est généralement appréciée du personnel, des parents et des élèves, en particulier pour le travail d'humanisation du milieu qu'accomplissent les animateurs.»

C'est la vie globale qui préoccupe les animatrices et les animateurs de pastorale, et non seulement ses performances ou ses comportements. On ne fait pas des activités pour elles-mêmes mais pour ouvrir l'école et les jeunes sur leur milieu. L'école apparaît en ce sens comme un lieu de recherche et de croissance pour le jeune, d'intégration de son existence. Les engagements qu'on y fait, les crises qu'on y vit, sont des occasions de remettre en question ses propres cohérences internes. Et c'est avec des adultes qui ont déjà fait un certain cheminement par la souffrance ou par leur quête de sens que les jeunes peuvent être aidés.

Pour une bonne part, cependant, la qualité de notre présence demeure dépendante de décisions administratives qui, au fil des années, tendent à réduire notre disponibilité au coeur des écoles secondaires. Pourtant, le rapport sur la place de la religion à l'école reconnait lui-même l'importance de la dimension spirituelle chez la personne humaine. Dans ce rapport, à la page 118, il est indiqué: «La dimension spirituelle a une existence et une densité propre qui justifient que dans une perspective éducative on lui apporte son soutien.» Elle existe aussi chez beaucoup de personnes qui ne se déclarent d'aucune religion.

(9 h 50)

Par ailleurs, dans une perspective plus collective, il est indéniable et souvent reconnu que l'animation pastorale contribue pour une part importante, par les valeurs qu'elle favorise, surtout par les engagements concrets qu'elle suscite, à humaniser les écoles secondaires, contribuant à en faire des milieux de vie plus riches.

La pertinence sociale de l'animation pastorale auprès des jeunes est reconnue par le Groupe de travail sur la place de la religion à l'école. La dimension spirituelle qu'apporte ce service contribue à l'humanisation des écoles. Il y a dans la pastorale des activités pour compléter ce que les jeunes reçoivent au plan académique, puisque le rôle de l'éducation est de construire ou d'aider des jeunes à se construire. Si on éduque la personnes à travers toutes les dimensions de ce qu'elle est, il faut que cette fibre soit réveillée pour que les jeunes puissent parvenir un jour à se réaliser comme êtres humains.

Le rapport sur la place de la religion à l'école se préoccupe d'une école qui soit publique et ouverte à tous. Elle doit donc être commune avant d'être confessionnelle. Elle doit favoriser l'intégration des nouveaux arrivants, immigrants, immigrantes, sur une base d'ouverture. Nous sommes d'accord avec ces affirmations, nous ne désirons pas avoir des écoles fragmentées sur la base de la confession religieuse. C'est pourquoi les animatrices et animateurs de pastorale reconnaissent que l'intégration des valeurs spirituelles et morales dans le réseau des écoles secondaires est une tâche délicate et complexe qui demande de grandes capacités d'écoute et d'observation de ces milieux en constante mutation.

Le rapport a exprimé le souci que soient respectées la liberté de conscience et la liberté religieuse des minorités. Nous ne pouvons pas nous opposer à un tel désir, et c'est dans cet esprit, soyez-en certains, que nous travaillons. Le service apparaît discriminatoire dans le libellé de la loi actuelle sur l'instruction publique qui ne reconnait ce droit à des services complémentaires en animation de pastorale qu'aux seuls élèves catholiques ou encore, aux services d'animation religieuse, qu'aux seuls élèves protestants. C'est actuellement ce qui est inscrit dans la loi.

Dans les faits cependant, et dans la vie de tous les jours dans les écoles, les animatrices et animateurs des services d'animation pastorale respectent le droit à l'égalité et à la liberté religieuse. À preuve, beaucoup de ces services ont été étroitement impliqués et parfois, et je dirais même souvent, ont été eux-mêmes à l'origine des mouvements d'éducation interculturelle dans les différents milieux scolaires. Les valeurs d'ouverture, de tolérance et d'accueil des différences sont au centre des préoccupations pastorales. Au coeur de sa spécificité, il y a cet intérêt à développer le sens de l'ouverture et de l'accueil de l'autre, quelle que soit son appartenance et ses différences avec les autres. La volonté des gens en pastorale est de s'adresser à tous.

Dans le cadre actuel, les activités confessionnelles ont leur place, même si elles ne constituent qu'une minorité des actes professionnels. Ce sont les jeunes et leurs questions de sens qui demeurent au centre de nos préoccupations. Dans le respect des libertés de conscience et de religion, il faut savoir leur proposer des points de repère qui puissent servir d'ancrage à leur volonté. Parce que les jeunes sont à la recherche de motivations qui leur donnent des raisons de s'engager, de vivre et d'espérer, ils ont besoin de guides qui sachent leur révéler la force de la vie qui est présente en eux.

La pastorale permet au jeune de découvrir son intériorité comme un chemin de croissance humaine et de révélation de son identité à travers les expériences d'engagements sociaux et communautaires. L'apprentissage de la liberté présuppose celui de la responsabilité que nous avons les uns envers les autres, ou de ce que nous appelons plus généralement l'éveil de la conscience totale. Dans une société pluraliste comme la nôtre, nous devons pouvoir opposer aux seuls critères de compétitivité et rentabilité ceux de la dignité humaine, qui incluent le respect de l'équité, de la culture et de l'environnement.

Ici, nous touchons aux deux pôles majeurs de la pertinence sociale de l'animation pastorale: l'engagement et l'intériorité. Non pas l'un ou l'autre, mais les deux. L'engagement permet de dénouer des crises de façon directe ou indirecte, par exemple, par des gestes caritatifs qui influencent la vie de celui qui s'engage. Il découvre que les gestes posés avec d'autres ont plus d'impact. Le jeune y trouve l'estime de soi et son autovalorisation. La joie des autres crée sa propre joie. Au travers de ses gestes, il découvre la fragilité de l'existence sociale et humaine.

L'engagement fait aussi naître des questions, parce que la vie est une réalité dont on ne connaît pas tous les contours. Nous pouvons aussi souligner l'impact que l'engagement des jeunes a sur l'ensemble de la communauté. Ces engagements contribuent de manière significative à transformer l'image que les jeunes ont d'eux-mêmes et des autres jeunes.

L'intériorité est en elle-même un mouvement de réflexion qui amène le jeune à réaliser que la vie n'est pas que mouvement et agitation. Il découvre que tout un pan de son existence se retrouve au dedans de lui plutôt qu'au dehors. Cela devient pour lui un réservoir de sens. C'est le je identitaire qui s'installe. Le jeune développe graduellement sa propre cohérence interne à partir de cette compréhension intime des choses. C'est pourquoi l'animatrice ou l'animateur ne doit pas endoctriner mais accompagner le jeune dans son cheminement. Les animateurs et animatrices de pastorale dans le secteur public remplissent cette double mission: celle de l'éducation, en lien avec l'agir moral, par des activités d'apprentissage de repères éthiques qui se réalisent au moyen de différents engagements; et celle de l'animation d'ateliers sur les questions existentielles à partir d'une spiritualité ouverte.

Je reviens maintenant au résumé, à la page 3. Les questions qui sont soulevées par le rapport sur la place de la religion à l'école. Les recommandations du rapport Proulx d'un service commun d'animation à la vie spirituelle et religieuse. S'il ne s'agissait que d'une question d'appellation, de nom, les animatrices et les animateurs de pastorale n'auraient aucune objection pratique à ce qu'il y ait des changements dans ce domaine pourvu que ça recouvre les mêmes réalités. Ceux-ci ne veulent cependant pas être cantonnés dans une dimension éthérée de l'animation spirituelle située hors du temps ou de l'histoire. Il faut continuer de répandre l'idée d'une spiritualité engagée, de l'importance pour chacun de posséder une éthique de l'engagement. C'est sur les aménagements prévus et la manière d'offrir ce nouveau service que nous entendons faire nos recommandations aujourd'hui.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Brault, il vous reste une minute pour conclure.

M. Brault (Robert): Oh! D'accord. Alors, nous allons aller tout de suite à nos recommandations.

La Présidente (Mme Bélanger): C'est bien.

M. Brault (Robert): Alors, la première recommandation. Nous recommandons que le nom du service proposé dans le rapport soit plutôt le nom Service commun d'animation spirituelle et communautaire. Deuxièmement, nous recommandons que ce service continue d'être financé par l'État et qu'il soit inscrit comme matière obligatoire au curriculum des services complémentaires du ministère de l'Éducation. Nous recommandons la création d'un comité de sages formé de personnalités morales – dont certains proviendraient des différentes confessions religieuses – d'animatrices ou d'animateurs de pastorale, pour contribuer à l'élaboration des buts généraux et des critères d'embauche en partenariat avec le gouvernement et les commissions scolaires. Enfin, nous recommandons que le programme d'activité continue d'être préparé par l'animatrice ou l'animateur, en lien avec les besoins des jeunes, les attentes du milieu et les ressources communautaires. Les buts généraux et le projet éducatif de l'école sont également des facteurs dont nous devons tenir compte dans l'élaboration de notre programme.

La Présidente (Mme Bélanger): On vous remercie, M. Brault. M. le ministre.

M. Legault: D'abord, M. Brault, Mme Imbault, M. Tapin, M. Lafontaine et M. Carrier, merci beaucoup pour votre mémoire qui est très bien articulé. Je pense que ça nous amène un éclairage particulier sur les services de pastorale qui sont donnés dans des milieux variés. Et, comme on le souligne d'ailleurs, comme le souligne M. Proulx dans son rapport, c'est un service – et j'ai pu le constater sur le terrain, dans les écoles – qui est très apprécié, le service que vous offrez. Je sais qu'il est aussi très apprécié dans d'autres milieux, notamment dans les établissements de santé, dans les établissements carcéraux. Vous avez sûrement une expérience de travail dans des milieux pluralistes, une expérience qui peut donc nous être d'une grande utilité pour faire évoluer le débat actuel.

(10 heures)

J'ai quelques questions pour vous. D'abord, vos recommandations portent évidemment surtout sur les aménagements qui sont prévus pour le service commun d'animation à la vie spirituelle et religieuse. Mais vous n'abordez pratiquement pas dans votre mémoire la question de l'enseignement religieux. Et vous n'abordez pas non plus les liens entre l'enseignement et l'animation spirituelle. Est-ce qu'on doit comprendre que vous préconisez qu'il n'y ait pas d'enseignement religieux ou qu'il n'y ait pas de lien entre celui-ci et les services que vous préconisez? Donc, quel est votre point de vue à ce niveau-là, au niveau de l'enseignement religieux? Si c'est possible un peu de voir est-ce que ça devrait être différent pour le primaire ou le secondaire? Quel est votre point de vue sur ce point?

M. Brault (Robert): Effectivement, le Forum n'a pas abordé plusieurs des questions soulevées dans le rapport Proulx. Il n'a pas touché à la confessionnalité des écoles ni aux structures, etc. On n'a pas touché non plus à l'enseignement religieux. Nous souhaitions nous centrer sur ce que nous connaissons d'expérience, ce qui faisait notre particularité, donc ce qui était l'expérience d'animation pastorale dans les écoles secondaires et aussi dans les autres milieux pour voir quels étaient les plans communs. Donc, on n'a pas traité du tout de la question de l'enseignement religieux: s'il devait y avoir des changements, si on devait aller du côté de l'enseignement culturel des religions comme il est proposé dans le rapport Proulx. On n'a pas du tout abordé cette question.

Par contre, je peux vous répondre sur la dimension des relations ou des liens qu'il y a entre les cours actuellement d'enseignement religieux et l'animation pastorale. Il y a des liens très étroits actuellement dans les écoles secondaires entre l'animation pastorale et les cours d'enseignement religieux, et je dirais aussi les enseignants qui donnent l'enseignement moral. Comme il était mentionné dans la présentation, les activités que nous proposons sont toujours des activités libres. Les gens s'inscrivent sur une base volontaire. Alors, la plupart des animateurs de pastorale, quand ils rencontrent les élèves, vont voir tout le monde dans l'école, autant ceux qui sont en enseignement religieux que les gens qui sont en enseignement moral, pour leur dire: Voici ce qui existe dans l'école, voici ce que nous vous proposons, parce que nous savons qu'il y a des élèves qui sont en morale qui font aussi des recherches au niveau spirituel, qui sont aussi en quête de sens.

Et effectivement les élèves qui participent aux activités proviennent aussi bien des cours de morale que de religion. Et étonnamment même dans certaines activités qui ont un caractère peut-être plus de réflexion ou de recherche spirituelle, il y a souvent plus d'élèves de morale qui sont dans ces activités-là que les élèves de religion. C'est un peu étonnant, mais enfin, c'est ce qu'on constate sur le terrain.

Alors, on n'a pas abordé la question des cours comme tels – on se dit: Il y a probablement des groupes qui vont venir en parler – mais il y a quand même des liens très importants entre l'animation pastorale et l'enseignement religieux ou l'enseignement moral tel qu'il existe actuellement.

M. Legault: Vous dites à la page 19 de votre mémoire: «Le service commun serait non confessionnel, mais l'animateur ou l'animatrice devrait être campé dans une spiritualité et une religion bien définies.» Qu'est-ce que vous entendez par là, précisément?

M. Brault (Robert): Ce qu'on envisageait comme perspective dans la proposition qui vous est présentée, c'est que, si le service avait à se transformer pour tenir compte de la réalité actuelle, on dirait: Il faut qu'il y ait là des gens d'ouverture, qu'ils soient capables d'entendre d'autres traditions spirituelles ou religieuses. C'était important parce qu'effectivement le paysage du Québec s'en allait vers un changement de plus en plus grand. Mais on disait: Par contre, il ne faut pas que les gens qui sont là soient des gens qui ont de multiples connaissances sur plein de choses, mais dans le fond, qui ont touché à tout, mais qui n'ont jamais comme fait une expérience personnelle ou concrète dans leur vie.

Alors, c'est pour ça qu'on souhaitait que les gens qui se retrouvent dans ces postes-là soient des gens qui sont situés à l'intérieur d'une grande tradition établie, qu'elle soit bouddhiste, qu'elle soit chrétienne, qu'elle soit musulmane, mais que ces gens-là aient eu une expérience personnelle importante dans leur vie et qu'ils soient capables de manifester une ouverture par rapport à d'autres grandes traditions spirituelles.

C'était aussi pour éviter que des gens, par exemple des gens extrémistes dans un quelconque groupe religieux ou dans une quelconque secte, puissent se retrouver dans cette situation-là et en fermeture par rapport à d'autres traditions religieuses qui seraient présentes dans nos écoles. Alors, c'est pour ça qu'on souhaitait que ça soit des gens quand même qui ont une certaine reconnaissance en tout cas d'une grande tradition religieuse où quelque part ces gens-là sont capables de manifester une ouverture et une reconnaissance des choses communes qu'il peut y avoir dans des grandes traditions.

M. Legault: Et est-ce que ces gens-là, ces animateurs ou animatrices, est-ce que vous pensez qu'ils ou elles devraient déclarer leur allégeance religieuse et quelle sorte de formation est-ce que vous voyez pour ces gens-là? Une formation universitaire ou... Quelles sont finalement les qualifications que vous voyez pour ces gens-là?

M. Brault (Robert): On croit que ces gens-là devraient effectivement acquérir une formation universitaire, puisque leur travail à l'intérieur des écoles se situe au niveau d'un travail professionnel. Donc, comme tout professionnel, on est en droit d'exiger une certaine qualité au niveau de la formation des gens qui sont là. Quant à la reconnaissance de ces personnes-là, une des avenues que nous avions proposées, nous avions proposé qu'il y ait une espèce de «comité de sages» au niveau du ministère pour pouvoir traduire cette nouvelle réalité à l'intérieur des grands objectifs du ministère de l'Éducation. On suggérait qu'il puisse y avoir quelque chose de similaire au niveau des commissions scolaires, où il y aurait des gens reconnus dans leur milieu. Alors là, chacun des milieux aura à voir quelles traditions ils vont chercher.

Ce n'est probablement pas les mêmes types de personnes à Montréal que dans les régions, par exemple, alors des gens qui seraient reconnus faisant partie d'une grande tradition importante, humaniste ou religieuse dans leur milieu, pour pouvoir voir ces personnes-là, examiner ces personnes-là et voir si ces gens-là semblent adaptés pour pouvoir travailler à l'intérieur d'un milieu scolaire. Alors, ça serait une formation universitaire, en termes précis, académique, et en termes de sélection dans les commissions scolaires, ça pourrait être par ce comité-là qui pourrait reconnaître que ces gens-là ont les capacités d'ouverture et de travail à l'intérieur des milieux scolaires.

M. Legault: Parlons-en justement un peu de ce «comité de sages» que vous proposez de créer. Vous dites, si je comprends bien, en fait, ça remplacerait les comités catholiques et protestants actuels. Est-ce que vous pourriez nous préciser comment on fait le choix des membres de ce comité? Est-ce qu'il y aurait des conditions particulières? Quels seraient les groupes religieux qui seraient représentés? Puis, est-ce que, par exemple, pour les athées, est-ce qu'il y aurait une place dans votre comité de sages?

M. Brault (Robert): Actuellement, effectivement, la structure qui existe est une structure à deux têtes – il y a un comité protestant et un comité catholique – qui voit donc à trouver des mécanismes pour reconnaître les gens qui travaillent du côté protestant et du côté catholique. Alors, les personnes qui pourraient faire partie de ce comité de sages, si vous regardez à la page 16, on avait donné comme exemple un comité qui avait été mis sur pied par le président français François Mitterrand, un comité d'éthique qui regroupait des catholiques, des juifs, des protestants, des musulmans et des marxistes.

Alors donc, dans mon esprit, le comité de sages qui pourrait être formé au niveau du Québec, bien, ça, il faut l'adapter à notre réalité. Alors, on connaît quelles sont les grandes traditions que nous avons sur le territoire québécois. Évidemment, on ne peut passer à côté des catholiques parce que c'est celle qu'on connaît, mais on connaît les autres grandes traditions religieuses qui sont sur notre territoire. Et dans ma tête, ça inclurait aussi des gens qui ne sont pas nécessairement d'une appartenance religieuse mais qui ont des convictions en termes humanistes et qui auraient à être présents, je crois, sur ce comité de sages aussi, puisque ça reflète une partie de notre population.

Comment se fait le choix? Bien, évidemment, c'est le gouvernement qui choisirait ce comité-là, mais je pense qu'on peut trouver dans notre société des gens qui sont représentatifs, qui sont significatifs, des gens qui manifestent des ouvertures, qui sont des membres de traditions reconnues et qu'on pourrait aller chercher pour faire partie de ce comité-là au niveau provincial.

M. Legault: Vous nous dites justement, à la page 16, que l'État doit agir comme partenaire avec les autres membres de la société civile, dont les Églises. Comment vous voyez ce partenariat? Quel serait le rôle des Églises dans ce partenariat?

M. Brault (Robert): Bonne question. Actuellement, il y a déjà des mécanismes qui sont en place, qui ont été mis pour tenir compte de la réalité actuelle. Si on va vers une autre façon de faire, il y aura, bien sûr, des choses à inventer, je crois, là. Évidemment, on n'a pas toutes les questions dans notre mémoire. C'est une démarche qui est en progrès, ça, cette démarche de transformation qu'on envisage avec le rapport Proulx. Quelle sera la collaboration? Je ne le sais pas. Ça sera à voir, aller voir quelles sont les possibilités d'établir des choses entre les groupes qui sont reconnus au niveau du Québec avec le gouvernement pour permettre que des choses soient établies à ce niveau-là.

M. Legault: Merci. Je vais laisser mon collègue de La Prairie poursuivre.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de La Prairie.

M. Geoffrion: Merci, Mme la Présidente. Madame, messieurs, merci de votre présence à cette commission. Il y a quelques semaines, on a reçu devant nous la Conférence de la pastorale scolaire. J'imagine, M. Brault, que vous êtes membre de cette Conférence, comme animateur de pastorale en milieu scolaire?

M. Brault (Robert): Non.

M. Geoffrion: Non, vous n'êtes pas membre.

M. Brault (Robert): Ce n'est pas tous les animateurs qui sont membres.

(10 h 10)

M. Geoffrion: Ah, bon, d'accord. Évidemment, quand ils se sont présentés devant nous, j'aurai aimé posé une question. On n'a pas eu le temps, mais là je vous la pose à vous, à savoir: Dans la vie de tous les jours, au niveau scolaire... Bon, évidemment vous êtes actifs dans d'autres milieux mais le temps ne nous permet pas de s'étendre aux autres secteurs où vous êtes également impliqués. Mais dans le milieu scolaire, au secondaire, moi, j'aurais aimé ça savoir un petit peu comment ça se passe dans la vie de tous les jours. Qu'est-ce que les jeunes du secondaire vous disent? Qu'est-ce que vous leur dites? Quelles sont les préoccupations de nos jeunes du secondaire, là, en 1999? Vous, vous êtes à même de... M. le ministre disait tout à l'heure qu'il avait eu la chance d'aller voir sur le terrain comment ça se passait. Moi, je n'ai pas eu cette opportunité-là encore. Donc, j'aimerais ça vous entendre là-dessus brièvement.

M. Brault (Robert): Ce que je vois sur le terrain, je vois des jeunes qui... Puis malheureusement, dans les journaux, on en parle surtout par la dimension négative, c'est toujours ça qui fait la nouvelle, bien sûr, dans les journaux. Je crois que ceux que l'on côtoie dans les écoles sont, dans le fond, des jeunes qui portent des valeurs qui ressemblent beaucoup à celles de leurs parents. Ils les traduisent peut-être de façon différente mais fondamentalement, quand on s'assoit avec eux autres et qu'on jase avec eux autres, on se rend compte qu'ils partagent les mêmes valeurs de souci des plus petits, de souci des personnes âgées, des gens qui sont mal pris. Ils ont, je crois, encore très présente dans leur vie, cette importance du souci des gens autour d'eux autres.

Je crois que ça ressort dans les activités qu'on propose aux élèves. Quand, par exemple, on leur propose des projets où ils sont invités à aller visiter des personnes âgées dans des centres d'hébergement pour personnes âgées, il y a vraiment un enthousiasme de leur part d'aller poser des gestes concrets sur des personnes concrètes. C'est tellement important pour eux de pouvoir, pas tellement traiter d'idées abstraites, c'est important pour eux que leur action ait quelque chose de concret, sur une personne réelle qu'ils voient devant eux autres. Et ils ont vraiment un grand bassin de générosité à l'intérieur d'eux-mêmes.

Alors, dans les écoles, souvent on va faire appel à ces talents-là qu'ils ont, qui ne sont souvent pas mis à contribution autour d'eux autres, pour leur permettre justement de développer ça. Alors, dans les écoles, souvent il va y avoir, par exemple, à l'interne même, des groupes de prévention du suicide, où souvent il va y avoir des collaborations entre l'animateur de pastorale et le psychologue ou la psychologue de l'école. Et c'est des jeunes de l'école qui vont accepter de suivre une formation de base en écoute, en relation d'aide, et c'est ces jeunes-mêmes qui vont intervenir comme première ligne auprès d'autres jeunes dans leur propre milieu scolaire.

Alors, il y a vraiment un intérêt important des jeunes et beaucoup de générosité de leur part de s'impliquer dans des activités qui leur sont proposées, de cette nature-là.

M. Geoffrion: Parce que vous êtes conscients du rôle que vous jouez, hein? Vous l'avez cité tout à l'heure quand vous dites: «Les jeunes vont se construire à partir de l'exemple des adultes signifiants qu'ils trouvent devant eux.» Bon, vous faites partie de ces adultes signifiants, si je comprends bien.

M. Brault (Robert): Oui.

M. Geoffrion: Donc, votre rôle est extrêmement important. Vous avez aussi à gérer une certaine pluralité des confessions religieuses, si je comprends votre démarche. Je vous donne un exemple: Est-ce qu'un moine bouddhiste pourrait être un animateur de pastorale?

M. Brault (Robert): Tout à fait, s'il a cette dimension d'ouverture aux autres traditions. Aucun problème. Tout à fait.

M. Geoffrion: Mais, sur le terrain, est-ce que vous êtes confrontés justement à cette réalité, à ce pluralisme?

M. Brault (Robert): Oui. Moi, je travaille plus en banlieue. Donc, je suis dans le coin de Terrebonne– Repentigny. Mais évidemment, à Montréal, eux autres, ils sont confrontés de façon directe. Dans les banlieues, on commence, depuis quelques années maintenant, à voir des gens qui proviennent de différentes traditions religieuses.

Une des choses que l'on réalise souvent dans les écoles – on en parlait dans le mémoire – c'est qu'on a souvent été à l'origine de mouvements d'éducation aux autres traditions religieuses et aussi aux autres traditions civiles même des autres groupes communautaires qui apparaissent dans notre société. Et souvent on va favoriser, à l'école, des activités où les différentes traditions vont être mises de l'avant dans les milieux scolaires pour que les gens apprennent à connaître, plutôt que par la télévision où on présente effectivement des groupes extrémistes de tel ou tel groupe – c'est l'image qu'on en garde souvent – et on voit rarement les pratiques intéressantes que ces groupes-là peuvent avoir.

Alors souvent, on est à l'origine de ces mouvements-là ou de ces groupes-là qui visent justement à une meilleure compréhension et à vivre ensemble, à l'intérieur du Québec. Je pense, par exemple, à des groupes comme Amnistie Internationale, qui ne sont pas a priori des groupes religieux. Ces groupe-là permettent, à l'intérieur d'une reconnaissance des droits humains, d'intégrer des musulmans, des bouddhistes, des chrétiens de toute nature et même des non-croyants, parce que dans le fond on se rallie autour d'une action commune qui vise des personnes concrètes. Souvent, on a de plus en plus à tenir compte de cette réalité-là, pas par défaut, mais parce que ça fait partie de la dimension d'ouverture de la spiritualité que cette visée de toucher à l'ensemble de l'être humain, quel que soit sa tradition religieuse ou son expérience religieuse. C'est pour ça, dans le mémoire, qu'on parlait que c'était important d'avoir même, si on veut, des gens qui soient ouverts à différents groupes religieux, que, eux-mêmes, ces gens-là, soient bien campés par exemple dans leur propre expérience pour qu'il y ait des choses qui soient intégrées dans leur vie.

M. Geoffrion: Est-ce que j'ai encore du temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Bélanger): Trois minutes.

M. Geoffrion: Trois minutes. Je ne veux pas confronter vos idées avec la Conférence de la pastorale scolaire, mais le porte-parole nous a dit que, au niveau de la structure d'encadrement, des animateurs, je le cite presque au texte: «Cet encadrement-là se fait à partir des parents, des écoles, et souvent de l'Église.» Donc, ça m'avait frappé un petit peu comme au niveau de la hiérarchie. Est-ce que vous partagez un petit peu cette vision-là? Votre encadrement se fait comme, bon, souvent à partir de l'Église, mais surtout à partir des parents et de l'école. Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose là qui nous interpelle?

M. Brault (Robert): Vous voulez dire l'encadrement de notre travail?

M. Geoffrion: Oui, oui, absolument.

M. Brault (Robert): La Conférence de pastorale scolaire représente des gens qui sont au niveau secondaire et au niveau primaire.

M. Geoffrion: Primaire, oui.

M. Brault (Robert): Majoritairement au niveau primaire parce qu'il y a beaucoup plus de monde au niveau primaire qu'au secondaire. La réalité du primaire est fort différente du secondaire. La réalité du primaire, les gens sont engagés par les paroisses et travaillent à l'intérieur des écoles primaires. Les gens au secondaire sont engagés par les commissions scolaires et travaillent dans les écoles secondaires. Alors, déjà en partant, il y a une grande différence du lieu d'origine où les gens sont engagés.

Nous, notre encadrement, évidemment il se fait à l'intérieur de l'école, par le directeur de l'école, puisqu'on fait partie de son personnel. Donc, notre réalité est d'abord à partir du monde des jeunes, puisque c'est pour eux qu'on intervient, du milieu dans lequel on est, le milieu scolaire dans lequel on est, du milieu plus large aussi de la communauté dans laquelle on est, parce que les projets sont faits aussi en concertation avec la communauté dans laquelle on est. C'est pour ça des fois qu'il peut y avoir des projets différents dans une région ou dans l'autre, parce qu'on tient compte de la réalité qui nous entoure.

L'Église, le lien que nous avons avec, c'est un lien de mandat, actuellement, c'est-à-dire que c'est l'évêque qui nous mandate de pouvoir effectuer ce travail-là à l'intérieur... reconnaît que le travail qu'on fait actuellement fait partie du travail de l'Église. C'est le lien qui existe actuellement au niveau des animateurs du secondaire. Mais l'encadrement se fait: parents, niveau scolaire, école secondaire, direction d'école. Le travail se fait à ce niveau-là surtout, au niveau secondaire en tout cas.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci.

M. Geoffrion: Merci, M. Brault. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Brault, Mme Imbault et MM. Tapin, Lafontaine et Carrier, bienvenue et bonjour. Je dirais que votre mémoire est très fouillé sur un des aspects qui, oui, est une partie importante, mais qui... J'entendais tantôt M. le ministre qui parlait des liens entre l'enseignement comme tel et votre rôle. Je vous dirais que j'ai relu le mémoire en me posant cette question-là, il y a un lien fondamental entre les deux, et qui, selon moi, influence directement votre rôle et votre place, dépendamment des suites qui seront données au rapport Proulx.

Et, là-dessus, je regardais dans votre mémoire où vous soulevez des questions qui ont été amenées dans le rapport Proulx, entre autres sur l'importance de la liberté de conscience et de la liberté religieuse des minorités. Finalement, il y a deux grandes approches qu'on a vues ici. C'est soit qu'on a plus de liberté religieuse au sein même d'un même cours qui est un cours de culture des religions et que la diversité religieuse se fait à l'extérieur de ces cours-là, ou encore on ouvre à la multiconfessionnalité.

La première question que j'ai le goût de vous poser: Est-ce que vous pensez que votre rôle pourrait être, je ne dirais pas diminué ou tassé un peu si, par exemple, on y va avec un enseignement, un cours de culture des religions et qu'on dit, comme le propose le rapport Proulx: Bien, on ouvre aux différentes communautés religieuses les écoles après les cours ou ailleurs pour venir faire cet enseignement privé là? Et on est toujours un peu dans la même limite de temps. Est-ce que vous n'avez pas peur qu'une telle approche vienne, de un, vous enlever du temps ou réduire la place que vous avez? Parce que ça commence à faire beaucoup de gens, s'il y a un cours de culture des religions dans le curriculum, si on ouvre après les classes aux différentes communautés religieuses. Quel serait l'impact de tout ça sur vos interventions?

(10 h 20)

M. Brault (Robert): Dans l'hypothèse où on irait vers des cours de culture religieuse, à mon avis, ça ne changerait pas grand-chose. Actuellement, quand les animateurs vont rencontrer les élèves, ils passent dans les cours d'enseignement religieux et dans les cours d'enseignement moral pour se présenter et présenter les activités qu'ils proposent. Alors, si c'est un cours de culture religieuse, dans la mesure où l'enseignant accepterait, on pourrait aussi passer par ce cours-là pour, au début de l'année, se présenter et proposer des activités.

Donc, je ne crois pas que ça amènerait un changement majeur par rapport au travail que l'on fait actuellement dans les écoles secondaires. En théorie, on pourrait probablement même passer par un autre cours, s'il le fallait, pour aller voir les élèves. C'est sûr que c'est intéressant parce qu'il y a des connivences intéressantes avec l'enseignement religieux où on peut peut-être aider des fois à faire des liens. Quand on parle de quelque chose, ça peut sonner des cloches parce qu'ils les ont entendues un peu plus tôt dans leur cours. En ce sens-là, c'est intéressant parce que ça fait comme les deux volets d'une même réalité, le volet plus intellectuel, académique, puis le volet comme plus pratique.

Quand je rencontre les élèves, je leur dis toujours: L'enseignement religieux et l'animation pastorale, c'est un peu comme quelqu'un qui suit un cours de mécanique automobile. D'un côté, il va étudier les différents systèmes de la voiture dans son livre, puis après ça il va aller dans l'atelier puis là, bien, il va aller travailler dessus. Ça fait que, effectivement, s'il a les deux, je pense que c'est bien, ça permet une certaine continuité. Mais s'il ne l'a pas, bien, on va agir autrement.

M. Béchard: Oui. Justement, dans votre mémoire, à la page 9, vous indiquez dans le deuxième paragraphe: «Il y a dans la pastorale des activités pour compléter ce que les jeunes reçoivent au plan académique, puisque le rôle de l'éducation est de construire ou d'aider les jeunes à se construire.»

Quand j'ai lu ça, la question que je me suis posée, c'est: Si c'est un cours de culture des religions qui est là, votre intervention, comment vous pouvez baser votre intervention sur cette partie-là au niveau académique? Est-ce que vous allez la baser là-dessus ou sur la possibilité que peut-être certains auront en fin de journée suivi des cours ou une formation avec les communautés religieuses?

Parce que, moi, ce n'est vraiment pas clair sur comment vous pouvez intervenir dans cette continuité-là académique si le cours qui est en place est un cours de culture des religions dans lequel on présente beaucoup plus un ensemble... Certains disent un cours d'histoire. C'est sûr qu'on n'a pas le contenu du cours encore, mais ça a un impact direct sur vous, il me semble. C'est pour ça que j'ai de la difficulté quand vous dites que vous allez vous adapter, parce que vous faites vous-même le lien entre l'académique et votre intervention. Mais si, dans l'académique comme tel, il n'y a plus d'enseignement religieux comme tel, ça a un impact direct sur votre travail, je dirais.

M. Brault (Robert): Les démarches que l'on fait avec les élèves, les activités que l'on fait avec eux, les engagements qu'on leur propose sont souvent des activités ou des engagements qui font appel à des valeurs communes qu'on retrouve dans beaucoup de traditions religieuses. Que ces élèves-là aient eu une formation académique catholique, ou protestante, ou d'une autre tradition n'empêche rien par rapport à leur participation à une activité où ils s'engagent, où ils vont expérimenter des choses.

Des élèves qui, par exemple, toute leur vie ont suivi le programme d'enseignement moral, quand ils décident de participer à un 24 heures de silence, bien, ils décident de faire l'expérience, d'expérimenter ce que c'est, de participer pleinement à cette expérience-là et de s'ouvrir à la dimension de l'intériorité.

C'est sûr que quand les gens peuvent faire des liens de façon encore plus directe avec le cours qu'ils ont suivi, tant mieux. Mais s'ils ne le peuvent pas, ça n'empêche pas que dans leur vie ils puissent porter des valeurs, ils puissent porter des engagements, des expériences d'intériorité ou d'engagement qui font partie du bagage humain, dans le fond, peu importe où on se retrouve, dans quelle tradition on se retrouve. Alors, c'est pour ça que je vous mentionne que, pour moi, ce n'est pas absolument essentiel, cette relation-là. Peut-être que ça l'est plus au primaire. Il y a peut-être des connivences encore plus serrées au primaire, entre les deux. Mais au secondaire, ce n'est pas une nécessité absolue qu'il y ait ce lien-là tissé très étroit.

M. Béchard: Oui. Mais à la page 10, vous nous indiquez: «Dans le cadre actuel, les activités confessionnelles ont leur place même si elles ne constituent qu'une minorité des actes professionnels...» Quel est justement aujourd'hui, à date, la place des activités confessionnelles dans vos interventions, dans votre travail? Juste pour nous faire un peu le portrait.

M. Brault (Robert): Très, très peu. D'abord, en partant, la moitié la majorité des animateurs et animatrices de pastorale ne sont pas prêtres. La majorité, c'est des gens laïques. Donc, on n'a pas la possibilité sur place de poser des actes de célébration, etc. Et les demandes des jeunes sont très minimes en termes de cette dimension-là. On a déjà parlé de 10 %, mais, moi, je peux dire que, dans ma pratique, c'est moins que ça encore. C'est plus faible que ça. Alors, c'est vraiment minoritaire, cette dimension-là strictement confessionnelle dans mon travail.

M. Béchard: Une dernière question avant de passer la parole à mes collègues. À la page 13, dans les limites de la proposition Proulx, vous vous interrogez sur la faisabilité d'avoir une personne généraliste affectée aux services communs d'animation à la vie spirituelle et religieuse. Vous indiquez, bon: «L'univers religieux est quelque chose de complexe et d'englobant, et le défi ce serait de nous entendre, les principaux groupes religieux et les tenants du courant humaniste, sur une certaine base éthique qui puisse nous fournir des pistes d'actions communes et souhaitables.» Et j'avais mis à côté, entre parenthèses: Quel défi! Ha, ha, ha!

M. Brault (Robert): Oui. Effectivement.

M. Béchard: Parce que vous êtes bien placés pour le savoir, mieux que nous, il y a des courants, des groupes fort différents et qui tiennent à des valeurs, je dirais, communes, peut-être exprimées différemment, mais qui y tiennent avec conviction. C'est un peu une chose, je pense, que nous apprenons tous dans les débats actuel, c'est à quel point... Je dirais même, si on compare avec le débat linguistique, c'est un débat tout aussi important, qui attire les convictions, et les gens parlent avec leurs tripes. Oui, c'est un beau défi, mais jusqu'à quelle limite ça peut paraître réalisable? S'entendre sur une certaine base éthique, oui, peut-être à la base, dans une partie théorique il peut y avoir une entente, mais dans la pratique, je me demande combien de temps pourrait tenir le consensus.

Encore une fois, dépendamment du type d'enseignement religieux qu'il y a ou qu'il n'y a pas, c'est tout un défi que vous avez là. Quels sont les moyens que vous voyez pour les relever? Il y a le comité de sages, mais je veux dire, dans la pratique de tous les jours, vous n'avez pas peur que ça devienne une espèce, je dirais, de lieu de contestation où il y aura toujours quelqu'un qui ne sera pas content de la place que lui ou sa religieux ou son courant de pensée occupe?

M. Brault (Robert): C'est toujours le propre de la vie en société, hein. On négocie des affaires entre nous. On essaie de trouver quels sont les courants qui satisfont la majorité du monde. Ça me fait un peu penser quand j'écoutais les nouvelles hier où on disait qu'on avait fait un sondage auprès des parents par rapport à l'enseignement religieux ou bien non l'enseignement culturel. Les gens disaient: Oui, oui, nous sommes d'accord pour l'enseignement culturel. Nous voulons manifester une ouverture. Et je pense qu'au Québec les gens sont assez ouverts, effectivement. En même temps, quand on parle de leurs enfants, ils voudraient pouvoir garder la possibilité que leurs jeunes, eux autres, aient cette possibilité-là en tout cas de choisir ça.

Ce qui fait, je pense, que, si on regarde concrètement, c'est sûr qu'on peut s'inquiéter des groupes possibles qui peuvent s'énerver ou se poser des questions sur le terrain, dans nos écoles, ce qui se passe actuellement, dans les écoles de Montréal particulièrement – on intègre et on a intégré beaucoup au fil des années des gens qui provenaient de toutes sortes horizons culturels – si je regarde concrètement, ça se passe quand même relativement bien. Il y a quand même des gens là qui font des choses intéressantes, pas malgré la diversité, grâce à la diversité qui est là. Alors, je me dis: Je pense qu'il faut faire confiance aux gens. C'est en se parlant. Et c'est le propre de la vie en société et du politique aussi, de pouvoir faire ce qui est possible. C'est sûr qu'on ne peut pas satisfaire tout le monde, mais on essaie de trouver la voie qui, le plus communément possible, rassemble les gens. Parce que c'est ça qu'on essaie de viser autant que peut. Mais c'est sûr que c'est un défi.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Carrier, vous voulez rajouter là-dessus?

M. Carrier (Yves): Oui. Simplement dire qu'on a la Charte des droits et libertés comme plancher, on ne peut pas aller en bas de ça. Alors, des trucs comme la polygamie, qui vont renier le rôle de la femme parce que ça se fait dans d'autres pays, ça, on ne peut pas aller en bas de ça. Ce n'est pas négociable. Les droits humains, on ne peut pas négocier ça. La dignité humaine qu'on a comme standard ici, au Québec ou au Canada, on ne peut pas aller en bas de ça. S'il y a des groupes fondamentalistes qui veulent se situer en dehors de ça, bien là, on ne peut pas tenir compte de ces positions-là: qu'un homme décide d'avoir trois femmes parce qu'il a le droit au Maroc. Ça ne rentre pas dans la légalité ici. Ils doivent se plier à notre loi, puis je pense qu'on est en droit d'imposer notre loi, à ce moment-là.

M. Béchard: Merci. Je vais laisser la parole à mes collègues.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de D'Arcy-McGee.

(10 h 30)

M. Bergman: Merci, Mme la Présidente. Madame, messieurs, merci pour votre mémoire. À la page 7 de votre mémoire, vous dites que les adolescents d'aujourd'hui ont besoin d'une spiritualité qui fasse vivre, où les dimensions éthiques et spirituelles sont importantes. Mais vous dites que vous n'aimez pas voir des écoles fragmentées sur la base de confessions religieuses. Et moi, je ne vois pas comment les buts que vous voulez atteindre ne peuvent pas être plus facilement atteints avec des écoles confessionnelles. Alors, j'aimerais savoir pourquoi vous tenez aux écoles communes au lieu des écoles confessionnelles quand vous maintenez les principes que vous avez maintenus à la page 7 de votre rapport.

M. Brault (Robert): Votre question porte sur la question des écoles confessionnelles ou pas?

M. Bergman: Oui.

M. Brault (Robert): Ça n'apparaît pas être un élément majeur par rapport au travail qu'on fait, que l'école soit confessionnelle ou pas. Je crois que le rapport Proulx a fait ressortir plein d'éléments qui peuvent causer une certaine difficulté à la reconnaissance d'une école ayant un statut confessionnel. Ils en ont parlé beaucoup à l'intérieur du rapport. Nul ne peut prévoir l'avenir, mais en tout cas j'ai l'impression qu'on s'en va de plus en plus vers une société qui va être diversifiée en termes d'appartenance religieuse ou de convictions religieuses. À moins qu'on puisse construire une foule d'écoles dans les quartiers, je pense qu'il y a un élément de base, économique. Il faut, à un moment donné, qu'une école soit commune quelque part pour que tout le monde puisse y aller, quelle que soit son appartenance religieuse ou pas, qu'il puisse aller à l'école de son quartier et que là on puisse se reconnaître entre nous, à l'intérieur de cette école-là.

Ça peut peut-être être difficile de maintenir... Peut-être qu'il y a des lieux qui vont s'y prêter bien. Il y a peut-être des endroits où l'école confessionnelle ne cause absolument pas problème puis ça roule très bien dans ce milieu-là. Bien, à ce moment-là, pourquoi ne pas laisser la chance à ces écoles-là de poursuivre ça, si pour elles ça leur convient et ça va bien?

Moi, je crois, dans la vie, qu'on n'efface pas tellement tout puis on recommence à zéro. Je crois qu'on évolue graduellement en tenant compte de notre héritage et des projets d'avenir qu'on a. Alors, je me dis: Bien, si on veut proposer quelque chose au niveau du Québec, essayons de proposer des choses qui soient souples, qui permettent aux milieux de se reconnaître dans ce qu'ils choisiront. Si, pour des milieux, une école neutre ou laïque, ça correspond à quelque chose et ça reflète ce qu'ils sont, bien, qu'on puisse leur donner ce choix-là. Si, un autre milieu, c'est une école où il y aurait plusieurs éléments religieux qui seraient à l'intérieur reconnus dans le projet de l'école puis qu'ils se reconnaissent là-dedans, ça fait partie de leurs couleurs, bien, qu'on puisse le permettre. Puis si une autre école, c'est une tradition x qui est dans ce milieu-là, bien, qu'on puisse le permettre. L'école, dans le fond, doit refléter l'environnement dans lequel elle est. Puis l'environnement évolue aussi, il faut aussi permettre que ça puisse changer éventuellement. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Bergman: Oui.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? Pas d'autre question? Non?

Alors, on vous remercie de votre participation.

Nous allons suspendre les travaux pour quelques instants, le temps de changer les intervenants.

M. Brault (Robert): On aimerait...

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, un instant!

M. Brault (Robert): On aimerait vous laisser, avant de quitter, un volume que nous avons publié il y a deux ans, qui fait le tour un petit peu des pratiques dans les différents milieux que nous représentons. Alors, ça peut vous donner une idée un petit peu de l'idée de ce forum-là, d'où il est né.


Document déposé

La Présidente (Mme Bélanger): Parfait, nous allons les distribuer aux membres de la commission.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Bélanger): S'il vous plaît! Nous sommes limités dans le temps. À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez reprendre vos places. Je vous demanderais, s'il vous plaît, de bien vouloir reprendre vos places. Et je demanderais à l'Assemblée des directeurs et directrices diocésains d'éducation de bien vouloir s'approcher à la table. Je demanderais à la porte-parole de bien vouloir se présenter et présenter les personnes qui l'accompagnent. Comme pour le groupe précédent, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, qui sera suivi d'échanges entre les deux groupes parlementaires.


Assemblée des directeurs et directrices diocésains d'éducation (ADDE)

Mme Girard (Lucie): Mme la Présidente, M. Legault, Mmes, MM. les membres de la commission parlementaire, M. le député Beaumier de Champlain, au nom de l'Assemblée des directeurs et directrices diocésains d'éducation, merci de nous recevoir aujourd'hui.

Permettez-moi d'abord de vous présenter les personnes qui m'accompagnent: à ma gauche, Mme Ginette Beaucher, qui est responsable de l'Office de l'éducation au diocèse de Sherbrooke; Mme Micheline Mayrand, ici, à ma gauche, responsable de l'Office de l'éducation au diocèse de Sainte-Anne-de-la-Pocatière – Mme Mayrand est aussi représentante de notre Assemblée à la Table provinciale de la pastorale scolaire – et à ma droite, Mme Diane Huot, responsable de l'Office de l'éducation au diocèse de Québec. Moi-même, je suis responsable de l'Office de l'éducation au diocèse de Trois-Rivières.

Notre Assemblée regroupe les responsables des offices de l'éducation des 19 diocèses du Québec. Nous sommes huit hommes et 11 femmes à notre Assemblée. Nous travaillons à assurer et à maintenir des concertations avec différents acteurs en éducation, à divers niveaux: au niveau du ministère de l'Éducation, au niveau des commissions scolaires, des écoles et des paroisses. Il nous arrive aussi de travailler en concertation avec le milieu universitaire au sujet de la formation continue du personnel enseignant et en animation pastorale.

Nous sommes aussi attentifs aux avis du comité catholique et aux travaux de l'Office de catéchèse du Québec, et nous sommes évidemment en contact avec les évêques du Québec, principalement par le Comité épiscopal de l'éducation.

Au moment de rédiger notre mémoire, nous avons pris l'option de ne pas nous en tenir au cadre du rapport Proulx. Je ne lirai pas le texte intégral de notre mémoire, j'ai été chercher des éléments du mémoire. Alors, nous avons pris l'option de ne pas nous en tenir au cadre du rapport Proulx, plusieurs s'y sont attardés et d'autres continuent de le faire.

Nous avons choisi de privilégier ceux pour qui nous cherchons à définir une place de la religion à l'école, c'est-à-dire les élèves, les jeunes. Plus d'un million d'élèves fréquentent les écoles du Québec. Qui sont ces jeunes et quels sont leurs besoins? Vous n'entendrez ici rien de neuf, mais peut-être les besoins des jeunes ont-ils été moins souvent évoqués que les principes d'égalité et de respect des chartes.

Voici donc quelques besoins des jeunes cités par les jeunes eux-mêmes, leurs professeurs, les animateurs et animatrices de pastorale, les directions d'écoles et les parents. Les jeunes ont besoin d'accompagnement au quotidien pour aborder les problèmes qui sont reliés à la solitude, à la violence, aux tensions dans leurs rapports entre eux et avec leurs parents, problèmes de suicide et de drogue. Ils ont besoin de croire en eux-mêmes et aux autres, à la société, à l'amour, à l'avenir, à la justice. Ils ont besoin de ressources intérieures, spirituelles et morales pour faire face aux défis d'aujourd'hui et de demain.

Je citerai Mme Diane Pacom, sociologue et professeur à l'Université d'Ottawa, qui exprime ainsi les défis auxquels les jeunes ont à faire face: «Les jeunes, dit-elle, vivent dans une société qui est elle-même un défi pour la jeunesse. Ce l'est déjà sur le plan économique, car on a l'impression de vivre une révolution sur la façon de gérer notre survie. Par ailleurs, on passe du modèle technologique du XIXe siècle au modèle numérique. Ainsi, les jeunes se retrouvent piégés, pris entre deux modèles encore une fois: entre l'époque de l'automobile et celle, actuelle, de l'autoroute électronique.»

(10 h 40)

Elle continue: «Mais le défi le plus important qu'ils doivent relever, c'est le défi social, c'est-à-dire: Comment entrer en rapports les uns avec les autres? Depuis la déconstruction des institutions sociales, les jeunes ne savent pas encore vraiment, par exemple, ce qu'est être homme ou femme.

«Prenons l'image corporelle des jeunes filles. Vous savez les pressions constantes que les filles subissent pour maigrir ou pour se procurer des implants mammaires. J'interprète, dit-elle, cela justement comme une confusion monumentale. En même temps qu'elles sont soumises aux idéaux traditionnels de féminité, on exige des femmes d'être, sur le plan professionnel, très performantes. Pour plusieurs, cela veut dire une incitation, au niveau des représentations, à être plus viriles ou plus masculines.

«Une société qui se cherche n'est pas une société facile à vivre, mais elle est par ailleurs très intéressante. Ajoutons à ce contexte que les jeunes se préparent à occuper plusieurs emplois, puisqu'une carrière linéaire est devenue aujourd'hui une denrée rare.

«Quant à leur rapport avec la sexualité, ils doivent composer avec la réalité du sida.»

Les jeunes nous disent des choses graves et crient au secours avec leurs suicides, avec leur violence, avec leurs gestes démesurés. Ils nous envoient des messages, et je me dis qu'on leur doit du respect, de l'écoute et de l'attention. Voilà dans quel contexte les jeunes ont besoin de parler, de se confier et de trouver quelqu'un à qui se confier. Ils ont besoin d'être écoutés, ils ont besoin aussi de s'engager dans des projets et de se sentir solidaires de certaines causes. Ils ont besoin de trouver un sens à leur vie, et parfois simplement de dire oui à la vie. Ils ont besoin d'élaborer leur propre échelle de valeurs, de se référer de manière personnelle à un absolu, ils ont besoin d'entendre parler d'espérance.

La réponse à ces besoins passe-t-elle nécessairement par l'école? À cette question, nous répondons oui, et voici pour quelles raisons. Premièrement, au nom même de la finalité de l'école qui vise la formation intégrale de la personne incluant les dimensions morale, spirituelle et religieuse. Deuxièmement, parce que les jeunes passent beaucoup de temps à l'école. À cet égard, l'école devient un milieu de vie qui offre un lieu, un espace et des contenus pour contribuer au développement moral, spirituel et religieux des jeunes. Troisièmement, parce que les parents demandent la religion à l'école. Ils la demandent annuellement lorsqu'ils exercent leur choix entre l'enseignement moral religieux confessionnel ou l'enseignement moral; ils réaffirment leur choix à l'occasion de l'analyse du vécu confessionnel, opération qui se tient tous les cinq ans; ils ont exprimé leurs attentes sur la place de la religion à l'école à l'occasion des États généraux de l'éducation, en 1996; et ils ont récemment exprimé leur préférence dans le récent sondage Léger et Léger, réalisé en juillet dernier.

Les parents continuent de s'exprimer en ce sens dans de nombreuses assemblées publiques qui se tiennent depuis la publication du rapport Proulx. Ces assemblées de prise de parole ont été tenues à Québec, Montréal, Trois-Rivières, Saint-Jean-Longueuil, Rimouski, Sherbrooke, Sainte-Anne-de-la-Pocatière, Chicoutimi, Valleyfield, Saint-Jérôme et Joliette, à ma connaissance. Tout récemment, le responsable de l'Office d'éducation du diocèse de Saint-Jean-Longueuil m'informait qu'il a participé à 10 rencontres publiques dans différentes régions de son diocèse. Tout en soulignant le multiculturalisme qui caractérise la région de Brossard, il a confié que plus de 95 % des participants dans les autres régions ont dit vouloir garder les services confessionnels dans leurs écoles. Il a ajouté: Nous sommes, en même temps, tout près de Montréal.

De plus, des milliers de personnes ont choisi d'écrire sur une carte postale leurs attentes relatives à la place de la religion à l'école. Ces cartes postales étaient destinées à leur député de comté, et plusieurs autres ont été adressées au secrétaire de la commission parlementaire. Je tiens à souligner qu'il s'agit ici de cartes sans texte où chacun était libre d'écrire son opinion quant à la place de la religion à l'école. Les responsables des offices d'éducation de plusieurs diocèses ont offert ce moyen à la population pour se faire entendre. En constatant l'ampleur des requêtes que nous avons reçues, nous en déduisons que cela répondait réellement à un besoin.

Nous en profitons pour saluer la ténacité des parents qui continuent de réaffirmer leurs attentes quant à la place de la religion à l'école au delà des préjugés dont ils font parfois les frais lorsqu'ils demandent des services confessionnels à l'école.

À titre d'exemple, lors d'une rencontre publique, un parent est venu s'identifier comme étant un athée, mais il a affirmé avoir inscrit son enfant en enseignement religieux parce que celui-ci le lui avait demandé. Cette personne a dit avoir fait ce choix par amour pour son enfant et a demandé aux députés qui étaient présents à cette Assemblée de porter ce message à la commission parlementaire: «Laissez le choix aux parents, a-t-elle dit, par amour pour nos enfants.» Ce parent était conscient que l'enseignement religieux à l'école pouvait donner à son enfant ce dont il aurait besoin éventuellement pour faire un choix éclairé plus tard. Il n'est pas question ici de la transmission de la foi, mais plutôt des données fondamentales nécessaires pour, un jour, adhérer à une foi, quelle qu'elle soit.

S'il restait un doute aux décideurs quant au désir des parents, il y a lieu de s'interroger des raisons qui les ont incités à retirer de la loi les dispositions visant l'obligation, pour les commissions scolaires, de consulter avant le 1er juillet 2001 l'ensemble des parents et le conseil d'établissement de chaque école déjà reconnue comme catholique ou protestante sur l'opportunité de maintenir son statut. À cet égard, nous considérons comme primordial que le gouvernement trouve un moyen des plus démocratiques pour connaître véritablement les attentes des parents.

Une autre raison de conserver une place pour la religion à l'école tient à l'histoire même de l'école québécoise, depuis ses tout débuts jusqu'à aujourd'hui, où la religion a toujours trouver une place qui a su s'ajuster aux nouvelles réalités. Parmi les nombreux ajustements, mentionnons la possibilité de l'exemption pour les élèves et les enseignements, l'introduction de cours à option, le révision constante des programmes. Il convient aussi de souligner le retrait de l'initiation sacramentelle de l'école qui a été entièrement remise à l'Église. Cette nouvelle façon de faire démontre bien que l'école n'a pas responsabilité de la transmission de la foi.

Nous avons aussi entendu: Est-ce à l'école de transmettre les valeurs religieuses? N'est-ce pas là une façon réductrice de poser la question sur la place que tient la religion à l'école? Car la transmission des valeurs passe d'abord par la famille, se continue à l'école, se vit dans la société. Quant à l'Église, elle a la responsabilité d'accueillir les demandes des parents pour l'initiation chrétienne de leurs enfants et de les soutenir dans leur parcours de la vie chrétienne.

Lorsque nous présentons l'évolution de la confessionnalité scolaire en différentes occasions lors d'assemblées publiques, des personnes s'interrogent: Pourquoi en sommes-nous rendus à remettre en question la religion à l'école puisqu'elle a su s'ajuster aux nouvelles réalités depuis toujours? Ou est le problème? Nous ne saurions rester indifférents à ces questions puisque les ajustements précédemment cités on déjà donné satisfaction. S'agirait-il d'un problème virtuel, continuent-ils de nous demander.

En ce qui concerne les valeurs religieuses, elles ne sont pas dissociées des valeurs de tolérance, de respect, de partage et d'accueil qui caractérisent la société québécoise. Peut-être même en sont-elles la source. Elles font partie de l'héritage des parents qui, au Québec, souhaitent en grande majorité transmettre à leurs enfants une vision du monde et un ordre de valeurs qu'ils reconnaissent avoir eux-mêmes reçu du christianisme.

La religion à l'école pour faire quoi? D'abord, pour continuer d'humaniser ce milieu d'instruction, de socialisation et de qualification qu'est l'école. Pour acquérir des savoirs sur la Bible, sur la tradition chrétienne et ses symboles. Pour acquérir des savoir-faire, développer le jugement moral. Pour développer des savoir-être, apprendre à entrer dans son monde intérieur. Et finalement, apprendre à vivre ensemble par l'ouverture aux grandes traditions religieuses et à la diversité culturelle. Pour aider à rester en contact avec les réalités humaines du monde.

Permettez-moi de vous rapporter une expérience racontée par une animatrice de pastorale qui accompagnait un groupe d'étudiants du secondaire – ils étaient 30 – pour faire du service communautaire à Cuba. Après trois jours passés auprès des familles, les jeunes ont demandé de sortir, de faire une sortie en ville. Ils se sont précipités dans des kiosques de souvenirs pour acheter tous ce qu'ils voyaient. L'animatrice leur a demandé ce qui les poussait à dépenser de la sorte, ce à quoi ils ont répondu que lorsqu'ils ne consommaient pas, ils étaient habités par un sentiment de vide. Elle les a alors réunis pour discuter avec eux de ce qu'ils étaient en train de vivre et n'a pu s'empêcher de constater l'influence et l'impact des valeurs de la société de consommation dans laquelle nous évoluons. Elle n'a pas la prétention de les avoir convertis mais elle les a interpellés. Et elle s'est demandé: La journée où on ne sera plus dans les écoles, qui interpellera les jeunes dans des situations comme celles-là?

(10 h 50)

Comment faire une place à la religion dans l'école? D'abord, en ayant le souci du respect du principe d'égalité avec la souplesse que commande un minimum de réalisme. Ce ne serait pas une première que d'agir ainsi. En différentes circonstances, la société québécoise a su trouver des aménagements pour satisfaire la majorité et prendre en considération les besoins de groupes plus restreints. Par exemple, dans le milieu scolaire, les élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage ont été considérés de façon particulière pour tenir compte de leurs besoins particuliers. Les modes et les critères de classement, les ratios maître-élèves et l'élaboration de plans d'intervention sont autant d'efforts déployés pour que ces élèves puissent bénéficier de services éducatifs de qualité ajustés à leurs besoins.

En matière de confessionnalité, il importe de continuer d'offrir des cours d'enseignement religieux confessionnel et des services d'animation pastorale à ceux qui le demandent. Nous avons déjà la possibilité d'exercer des droits confessionnels à l'intérieur des aménagements que nous connaissons en recourant à la clause «nonobstant» de la Charte canadienne. En juin dernier, le gouvernement a reconduit cette clause pour deux ans. S'il songeait à ne plus y recourir, il faudrait trouver une alternative convenable qui permette de garantir les droits confessionnels qui ont contribué à façonner le Québec d'aujourd'hui. D'ici là, il n'y a pas de honte à y faire appel. Le contraire risquerait de nous conduire à une uniformité qui tue la diversité. N'est-ce pas cette même diversité qui fait de nous, Québécois et Québécoises, une société distincte?

Au sujet du respect des droits de chacun en matière de convictions religieuses et de liberté de conscience, nous suggérons d'élargir les droits des catholiques et des protestants à d'autres confessions, à certaines conditions, comme la Loi sur l'instruction publique le permet.

Pour conclure, nous réaffirmons l'importance que nous accordons au respect du droit des parents de choisir l'école qui répond le mieux à leurs convictions religieuses. Par-dessus tout, nous insistons sur le respect des droits des élèves à une formation intégrale qui inclut les dimensions morales, spirituelles et religieuses. Nous souhaitons que l'élève soit au coeur des décisions que prendra le gouvernement.

Et nous terminons par une réflexion extraite d'un ouvrage d'Andrée Ruffo et Yves Beauchemin intitulé Finalement... les enfants , et je cite: «Éduquer, c'est faire preuve d'esprit, de parole et d'amour. Oeuvre d'esprit, c'est-à-dire de spiritualité afin d'aider ces jeunes à trouver un sens à leur vie. Oeuvre de parole, parce que c'est par la parole que naît et se développe cette communication vraie entre deux personnes qui décident de se faire confiance. Oeuvre d'amour, de cet amour sécurisant et stimulant qui permet à l'enfant de construire sur sa souffrance, de nous faire à nouveau confiance et de prendre le risque de vivre et surtout de partager ce projet de société que nous, adultes, construisons avec lui.» Je vous remercie.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Girard. Alors, M. le ministre.

M. Legault: Oui. Bien, d'abord, Mme Girard, Mme Huot, Mme Beaucher, Mme Mayrand, merci beaucoup pour votre mémoire, pour votre présence ici, à Québec. C'est un mémoire très bien structuré que vous nous présentez, un mémoire qui est appuyé sur votre préoccupation de l'accès à une éducation religieuse confessionnelle pour surtout les parents de l'église catholique, dans le cas qui vous concerne. Mais je note aussi dans votre mémoire quand même une belle ouverture où vous dites que vous souhaitez un élargissement de ce droit à d'autres confessions.

Vous proposez dans votre mémoire, si je comprends bien, trois genres de statut pour l'école: des écoles à statut confessionnel, des écoles sans statut confessionnel qui offriraient des services confessionnels et des écoles laïques. Ma première question: Comment se ferait le choix du statut? Est-ce que ça serait par l'ensemble des parents, est-ce que ça serait par le conseil d'établissement? Comment d'abord se ferait ce choix?

Mme Girard (Lucie): Je pense qu'actuellement nous avons déjà des modalités, à la fois en passant par le conseil d'établissement, et je pense qu'il faudrait aller jusqu'à la consultation de tous les parents par le biais du conseil d'établissement. Vous me dites que nous proposons trois modèles d'école. Je pense qu'actuellement nous en avons deux, parce que nous avons la possibilité d'avoir des écoles sans statut confessionnel. Alors, la nouveauté dans notre proposition, c'est l'école laïque, et l'école laïque pour les gens qui le souhaiteraient, donc qui auraient fait consensus à cet égard. Est-ce que ça répond à votre question?

M. Legault: Oui. Au niveau pratique, instaurer des écoles confessionnelles multiples. Vous savez, au Québec, il y a plusieurs parents pour qui c'est important, la fréquentation de l'école de quartier. Comment vous conciliez les deux objectifs, c'est-à-dire d'avoir, d'un côté, des écoles confessionnelles, de l'autre côté, de dire on veut privilégier l'école de quartier pour tous les enfants de toutes les religions? Comment vous conciliez les deux?

Mme Girard (Lucie): De toutes les religions. Je pense qu'ici on n'a pas dit «de toutes les religions». Dans un premier temps, je pense qu'il y a des religions qui sont reconnues universellement, et c'est à ces religions qu'on pense. Hier, j'entendais la présentation de Mme Landry et elle parlait de religions à magistère, alors je pense que c'est un autre point de référence. De toute façon, on n'a pas la prétention d'être les spécialistes pour décider de quelle religion il s'agirait, mais je pense qu'il faudrait pousser plus loin cette chose.

Ceci dit, comment concilier l'école de quartier? Je pense que déjà il y a des parents qui doivent envoyer leurs enfants ailleurs, pour d'autres raisons que la religion. Je pense au niveau du transport. Je pense qu'il se vit déjà des choses à ce niveau-là. Il ne faudrait pas durcir le goût d'aller à l'école de quartier au nom de l'école confessionnelle parce qu'on veut que notre enfant soit dans l'école confessionnelle.

Maintenant, pour respecter les gens qui seraient d'une autre confession ou sans confession religieuse et qui voudraient fréquenter l'école de quartier, je pense que l'école confessionnelle propose des choses mais n'impose rien. Alors, il y a toujours le choix entre l'enseignement confessionnel et l'enseignement moral. Et là où il y aurait des élèves qui ne seraient pas de la confession de l'école, je pense qu'il faudrait voir à faire des activités qui tiennent compte de ces élèves-là, de sorte qu'ils pourraient participer sans être brimés dans leurs convictions religieuses.

M. Legault: Vous demandez d'élargir donc aussi les droits – ce que vous dites dans votre mémoire – des catholiques, des protestants à d'autres confessions religieuses. À quelles religions et sur quels critères on pourrait étendre ces droits, puis est-ce que tous les groupes religieux auraient droit à des écoles, à des services confessionnels? Vous voyez tout de suite les problèmes d'organisation que ça peut amener. Comment vous voyez l'organisation de l'encadrement? Est-ce qu'il y aurait des limites quant au nombre d'élèves requis? J'aimerais ça vous entendre un petit peu plus sur l'aspect pratique de tout ça.

Mme Girard (Lucie): Bon, je pense que d'abord ce n'est pas à toutes les religions, je l'ai dit précédemment. On laisserait le soin à des spécialistes de déterminer à quelle religion, dans un premier temps.

Deuxièmement, je pense que «là où le nombre le justifie», c'est déjà utilisé à d'autres occasions, alors c'est un autre point de référence.

Troisièmement, je pense qu'il ne suffirait pas que le nombre le justifie mais il faudrait aussi que les gens désirent ça, alors il faudrait que les parents aient fait la demande. Et dans un des documents du Comité catholique et dans le mémoire de la Coalition, parce que nous sommes membres de la Coalition. Alors nous endossons les six critères qui ont été nommés quant aux modalités de mettre en place une école confessionnelle ou à statut d'une autre confession. Est-ce que vous voulez que je vous les répète, ils sont à la page 20 du mémoire de la Coalition? Alors, il faudrait que l'école soit le fruit d'un consensus – et je dis bien d'un consensus et non pas d'un vote majoritaire; l'école doit être ouverte à tous les élèves à partir du moment où on a fait consensus; respecter les libertés de conscience et de religion... Enfin, c'est les conditions que nous avons énumérées hier.

M. Legault: Mais vous affirmez qu'un cours de religion, d'enseignement culturel, ça ne convient pas pour satisfaire les besoins des jeunes. Est-ce que vous pourriez nous dire pourquoi un enseignement confessionnel est plus apte à satisfaire les besoins des jeunes que le serait un enseignement culturel, tel que proposé dans le rapport Proulx?

Mme Girard (Lucie): Il ne convient pas dans la mesure où les parents tiennent à un enseignement religieux confessionnel et qu'ils n'ont pas le droit de le recevoir; ça, c'est une première chose.

(11 heures)

Deuxièmement, je pense qu'on ne peut pas les placer... Ils n'ont pas les mêmes objectifs. Un cours d'enseignement culturel des religions va donner des connaissances sur les données principales des traditions religieuses, mais je pense qu'un cours confessionnel, par exemple, l'exploration de la Bible, la présentation du message chrétien, c'est très différent de ce qu'on pourrait retrouver dans un enseignement culturel des religions, dans un premier temps. Dans un deuxième temps, je pense aussi qu'on a fait une ouverture à l'enseignement culturel des religions, mais pour le deuxième cycle du secondaire, parce qu'on ne croit pas que les jeunes du primaire soient aptes à faire la part des choses et trouvent ce dont ils ont besoin pour pouvoir éventuellement faire un choix plus tard. Je pense qu'ils ont besoin de connaître leur culture religieuse, celle que leurs parents leur ont inculquée, et, par la suite, ils pourront s'ouvrir aux autres cultures religieuses.

M. Legault: Peut-être une dernière question concernant les enseignants. Vous nous dites que les enseignants vivraient un certain malaise actuellement à enseigner l'enseignement religieux. Qu'est-ce que vous suggérez? Est-ce que vous suggérez des spécialistes dès le primaire? Qui devrait être responsable des qualifications des enseignants? Est-ce que ça devrait continuer à être l'école ou les Églises? Comment vous voyez l'encadrement des enseignants pour essayer d'éliminer ce malaise que vous sentez actuellement?

Mme Girard (Lucie): Je pense qu'on pourrait changer la perspective. Actuellement, on parle d'exemption, de droit à l'exemption. Je pense qu'on devrait y aller du côté du choix, de sorte qu'un enseignant n'aurait pas obligatoirement dans sa tâche – et je pense particulièrement aux enseignants du primaire – il n'aurait pas systématiquement dans sa tâche l'enseignement religieux confessionnel. Par contre, ils pourraient le choisir, mais ils ne sont pas tenus de l'offrir, donc ils ne sont pas tenus de demander à être exemptés, de ne pas l'enseigner. Je pense que c'est une façon de voir les choses qui respecterait davantage les gens qui sont mal à l'aise et ça mettrait peut-être plus de crédibilité pour les enseignants qui le choisiraient, au primaire. Et, s'il manque de personnel, bien, je pense qu'il faudrait aller voir du côté des spécialistes et non du côté des Églises ou... vraiment du côté des spécialistes, comme au secondaire.

M. Legault: Donc, vous excluez un lien avec les Églises concernant les enseignants.

Mme Girard (Lucie): Absolument, oui.

M. Legault: Oui. O.K. Je vais laisser ma collègue continuer.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, Mme la Présidente. Merci, mesdames, de nous présenter votre mémoire.

Je lisais, à la page 2 de votre mémoire, les problèmes auxquels vous référez pour nous décrire ce que vivent les jeunes, et ça m'apparaît être des problèmes qui sont d'ordre psychologique et social. J'aimerais bien comprendre les liens que vous faites entre des problèmes d'ordre psychologique et social et l'enseignement religieux comme tel. Qu'est-ce qui peut être favorable à prévenir, ou à contrer, ou à résorber ce type de problèmes que vous énumérez à la page 2, les problèmes de solitude, de tension, de violence, de drogue, de suicide, etc., de relations entre gars et filles? Je ne reprendrai pas votre page, là, mais...

Mme Girard (Lucie): Je pense que, derrière ça, le sens à la vie est très important, je pense que l'orientation que nous donnons à notre vie nous aide à trouver les solutions à tous ces problèmes-là, je pense que l'enseignement religieux contribue à clarifier ou, en tout cas, propose quelque chose d'intéressant pour donner un sens à sa vie. Et cette proposition, je pense qu'elle a fait ses preuves, parce que, dernièrement, dans un sondage Léger & Léger – pas celui de 1999 mais celui de 1996, je pense – 71 % des adultes affirmaient que, quotidiennement, lorsqu'ils ont des décisions à prendre, ils se réfèrent à leurs valeurs religieuses. Alors, je pense que c'est comme fondamental. Et pourquoi ne pas offrir aux jeunes la possibilité de pouvoir aller puiser dans ces valeurs-là, sans leur imposer? Je pense que c'est un apport considérable, particulièrement par rapport au sens à la vie.

Mme Charest: O.K. Parce que vous n'êtes pas sans savoir que, pour les problématiques à caractère psychosocial, on réfère souvent à des thérapies. Je pense, entre autres, à la toxicomanie, à titre d'exemple. Alors, vous voyez l'aspect religieux?

Mme Girard (Lucie): Je pense qu'il n'y a pas que l'enseignement religieux. Je pense que le service de pastorale contribue grandement. Je pense qu'il y a beaucoup d'animateurs de pastorale qui demandent des perfectionnements en relation d'aide et, en même temps, ils n'ont pas la prétention d'avoir les réponses à toutes ces questions. Ils travaillent beaucoup avec des équipes multidisciplinaires, avec les psychologues de l'école, mais ils sont souvent requis pour donner leur expertise et pour apporter leur contribution.

Mme Charest: Je vous réfère maintenant à la page 12 de votre mémoire, la conclusion. Vous nous dites que vous êtes... «Nous sommes conscients des problèmes qui entourent le principe d'égalité et le respect des droits en matière de confessionnalité scolaire. Nous sommes ouverts aux changements et soucieux de la manière de les réaliser.» J'aimerais savoir de quelle façon et sur quoi porterait... quels sont les éléments sur lesquels l'ouverture pourrait se faire de votre part? Vous dites que, tout en maintenant les jeunes au coeur des décisions qu'ils auront à prendre et le respect des jeunes à l'intérieur de nos décisions, vous vous montrez ouverts, parce que vous voulez maintenir quand même les confessionnalités catholique et protestante. Mais vous vous dites ouverts. J'aimerais savoir sur quel élément il y a des ouvertures de votre part.

Mme Girard (Lucie): Je pense qu'on est ouvert à ce que d'autres grandes confessions religieuses puissent avoir droit aux mêmes services que les catholiques et les protestants. Alors, ça, c'est dans un premier temps. Vous me demandez sur quoi porterait cette ouverture. Je pense aussi qu'on est soucieux de la façon de le faire. Ça réfère au rapport Proulx, ça réfère aux conclusions du rapport Proulx et à ses recommandations. On n'est pas d'accord avec une rupture aussi radicale que celle qu'il nous propose. Je pense qu'il faut aller dans la continuité de ce que nous vivons déjà. Je demandais, un peu avant: Est-ce qu'on n'est pas en face d'un problème virtuel? Bon, c'est un peu exagéré que de dire ça, on est conscient qu'il y en a, des difficultés, mais est-ce qu'elles ont l'ampleur de la solution... est-ce que c'est proportionnel à la solution qui nous est proposée dans le rapport Proulx? Je ne crois pas. Alors, je pense qu'il faut s'ouvrir. Il faut offrir au plus grand nombre possible de jeunes la possibilité de recevoir ce qu'on considère qui est bénéfique pour les enfants catholiques, protestants. C'est l'ouverture dont on parle.

Mme Charest: Mais, pour être plus précis, plus pragmatique, si vous voulez bien, si, vous et moi, on avait à négocier et que je regarde vos recommandations à la page 11, lesquelles sont incontournables puis sur lesquelles on peut faire du chemin ensemble puis trouver soit des accommodements ou, enfin, des modifications qui seraient acceptables, autant pour vous que pour moi?

Mme Girard (Lucie): Je pense qu'au niveau des garanties, c'est incontournable; on a besoin de garanties. Que ça change de modalités, que ce soit la clause «nonobstant» ou autre chose, je pense que les parents, ce à quoi ils tiennent, c'est des garanties concernant les services confessionnels. Alors, un et deux, ce n'est pas négociable.

Mme Charest: Ce n'est pas négociable, O.K. Non, mais c'est bien, on fait un exercice pour...

Mme Girard (Lucie): Que soit maintenu dans la grille horaire le choix entre l'enseignement moral et religieux protestant, on y tient. On dit qu'on pourrait l'ouvrir à d'autres confessions. Alors, ça non plus, ce n'est pas négociable, dans le sens que ce qu'on entend, c'est que les parents continuent d'y tenir, et beaucoup, et, de notre côté, je pense qu'on voit les résultats de ce que cela apporte aux jeunes.

Au niveau de la liberté de conscience des enseignants, en tout cas, on a vu une façon... On est allé du côté du choix plutôt que de l'exemption. Peut-être qu'il y a d'autres façon de le regarder, mais je pense qu'il faut être attentif au malaise des enseignants. Là-dessus, je voudrais dire que, dernièrement, une formation était donnée aux enseignants sur le droit au doute en éducation religieuse des 6-12 ans. Alors, c'est juste pour montrer que, non seulement on est attentif à leur malaise, mais on essaie de voir comment on peut, ensemble, faire un bout de chemin là-dedans. Il y a des gens qui sont venus... dans le contexte où il y a des négociations, où ils sont absents de plusieurs activités, ils se sont présentés, en soirée, à une formation comme ça, je pense que ça dit qu'il y a des pas à faire avec les enseignants. Il faut prendre en compte leur malaise.

Élargir les droits des catholiques et des protestants...

Mme Charest: Je m'excuse.

Mme Girard (Lucie): Oui.

Mme Charest: Vous dites que c'est négociable. Je veux dire, on peut trouver...

Mme Girard (Lucie): C'est-à-dire que...

Mme Charest: Parce que, jusqu'à date...

Mme Girard (Lucie): ...on n'a peut-être pas la modalité. On ne dit pas que c'est la réponse, que c'est la solution. Mais je pense qu'il faut chercher une solution. Chercher une solution, ce n'est pas négociable. Celle qu'on propose...

Mme Charest: O.K. Donc, c'est une ouverture.

Mme Girard (Lucie): Oui, c'est ça.

Mme Charest: Parfait.

(11 h 10)

Mme Girard (Lucie): Au niveau de la proposition 5, élargir les droits des catholiques et des protestants à d'autres grandes confessions, je pense qu'on serait mal à l'aise de garder, pour les catholiques et les protestants, ce dont nous bénéficions actuellement. Je pense que, ça aussi, il faut élargir. La façon de le faire, les modalités, je pense qu'on a donné des avis. Maintenant, là aussi, on n'est pas les spécialistes pour trouver les solutions les plus pressées.

Maintenir les services d'animation pastorale et religieuse qui sont actuellement offerts aux catholiques et aux protestants, je pense que, ça aussi, ça fait partie des services confessionnels. Et, si c'est un service qui est requis et apprécié, c'est bien celui-là, parmi tous les autres. Je pense que ça a été démontré même dans le rapport Proulx. Alors, je pense que ce n'est pas le temps de laisser tomber les services de pastorale. On ouvre ici à un service multiconfessionnel dans des milieux qui sont pluriethniques. Alors, je pense que c'est quelque chose qui est envisageable.

Mme Charest: Une ouverture.

Mme Girard (Lucie): Oui. Et finalement qu'une structure de soutien aux services confessionnels soit maintenue. Actuellement, on connaît les structures que nous avons: le sous-ministre associé, son adjoint, les répondants régionaux, les responsables du soutien à la confessionnalité. Peut-être qu'il y a des aménagements différents qui peuvent être faits, mais je pense que ça prend une structure et des interlocuteurs et des gens qui vont continuer d'approuver les programmes, et tout.

Mme Charest: Si je comprends bien, il ne faut pas l'abandonner.

Mme Girard (Lucie): Non. Ça prend une structure. C'est ça.

Mme Charest: Vous y tenez absolument. O.K.

Juste en terminant, je voudrais bien... Est-ce que vous avez pris connaissance du sondage Léger & Léger?

Mme Girard (Lucie): Oui.

Mme Charest: Vous êtes conscients que l'opinion des Québécois et des Québécoises sur la suppression du statut confessionnel, 29 % de la population... Vous êtes au courant des chiffres, vous avez vu ça?

Mme Girard (Lucie): Oui. Quand on parle du droit des parents de choisir, je pense que c'est dans cette ligne-là que nous sommes orientés. On n'imposera pas un statut confessionnel.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci.

Mme Charest: Merci, Mme la Présidente. Merci, mesdames.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. Mme Girard, Mme Huot, Mme Beaucher et Mme Mayrand, qui a la chance de travailler dans un des plus beaux comtés du Québec, je tiens à vous souhaiter la bienvenue ici.

Le premier élément de votre mémoire qui m'a frappé et qui... Pardon?

Une voix: ...

M. Béchard: Loin de là. Je vous dirais que la première chose de votre mémoire qui m'a frappé est le fait que vous êtes probablement, en tout cas, de mémoire, un des premiers groupes ou un des groupes qui parlent de... Oui, on fait beaucoup de cas des jurisprudences, de la loi, de l'organisation comme telle. Et, dès le début de votre mémoire, vous parlez que c'est bien beau, tout ça, mais il faut penser d'abord et avant tout aux enfants. Et je pense que c'est vrai. Souvent, on se laisse entraîner dans toutes sortes de préoccupations, autant politiques qu'historiques et juridiques, et on oublie, dans le fond, pourquoi et pour qui cette réforme-là est faite. Je ne pense pas que la réforme de la place de l'enseignement religieux à l'école soit faite pour les parents. Elle est faite pour les enfants. On parle souvent du droit des parents de choisir, mais on oublie qu'au secondaire il y a aussi le droit des enfants de choisir, qu'il ne faut pas non plus perdre dans notre perspective.

Le premier élément que je veux soulever avec vous est de voir, par rapport à vos trois solutions... Et je suis heureux de voir qu'en bonne négociatrice vous avez dit à la députée de Rimouski qu'il y avait bien peu de choses de négociables.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard: C'est toujours le premier pas d'une négociation. Mais je vous dirais que, sur l'article 41 et sur les trois aspects que vous amenez, les écoles à statut confessionnel sans statut et des écoles laïques, il y a une différence, en tout cas que, moi, j'essaie toujours de faire et de maintenir. C'est que, oui, le statut et au niveau des structures, c'est une chose. Mais il y a aussi et d'abord et avant tout ce qui s'enseigne. C'est pour dire que, dans mon ordre de priorité, par exemple, c'est plus important de réfléchir à la place de l'enseignement comme tel dans l'école qu'au statut de la structure.

Et, moi, je vous dirais: Oui, de façon consensuelle, peut-être qu'on peut régler, parce que c'est une autre chose aussi, on peut régler le cas de 80 %, 85 %, je ne le sais pas, des statuts au Québec, autant laïques que confessionnels. Mais, dans les cas qui restent, est-ce que vous n'avez pas peur que, justement, cette volonté de vouloir trouver un statut ou d'en arriver à un quelconque arrangement sur le statut comme tel d'une école vienne compromettre ce qu'il peut y avoir de plus important, c'est-à-dire ce qui s'enseigne à l'intérieur? C'est-à-dire qu'à force de vouloir se battre ou... on va prendre l'autre côté: À force de vouloir trouver un consensus pour un statut, est-ce qu'on ne risque pas de perdre ou de se pénaliser nous-mêmes en se disant: Bien, si on arrive à un consensus sur un statut quelconque, est-ce que ça va avoir certaines barrières pour l'enseignement qu'on va donner à l'intérieur? Est-ce que vous n'avez pas peur de ce risque-là, que le statut devienne peut-être plus un frein ou un problème à l'enseignement qu'une partie de la solution?

Mme Girard (Lucie): Vous savez que, dans plusieurs coins de la province qui sont plus homogènes, les gens tiennent mordicus au statut. En tout cas, c'est ce qu'ils nous disent. Et je pense que déjà, en proposant trois modèles d'école, on est en train de dire qu'il y a autre chose de possible. Quand on explique les trois modèles, je pense qu'on dit ce qu'il adviendrait des services confessionnels à l'intérieur de chacun de ces modèles. Dans le fond, ce que je suis en train de vous dire, c'est qu'on est en train d'éduquer la population pour montrer que, au-delà du statut, il y a des choses et c'est peut-être ce à quoi on tient le plus. Alors, je suis d'accord avec vous qu'on n'est pas en train de défendre à tout prix un statut. Je pense qu'il faut montrer à quoi ressemblerait une école avec un statut confessionnel, sans statut ou une école laïque, et c'est surtout là-dessus que nous travaillons au niveau des parents, au niveau de l'information. Mais, en même temps, la question est posée sur le statut et nous avons voulu répondre à cette question-là, mais ce n'est pas plus que ça.

M. Béchard: O.K. Je regardais, à la page 8 de votre mémoire, les différentes préoccupations que vous amenez dans la révision ou la place des éléments importants auxquels un enseignement religieux peut trouver une réponse, et je suis conscient que – entre autres, pour Mme Mayrand – je suis convaincu que c'est une préoccupation quotidienne et régulière au niveau de l'éducation comme telle. Toute la question des contenus, oui, on peut y aller avec toutes les réformes possibles, multiconfessionnalité, et tout ça. Et je ne vous poserai pas ma fameuse question sur: Qu'est-ce qu'une religion et qu'est-ce qui n'est pas une religion?

Mais, au niveau des contenus, comment peut-on s'assurer que ce qui se fait comme enseignement, parce que c'est une des critiques qu'on entend souvent actuellement, puis je pense que je ne vous l'apprends pas non plus... sur l'enseignement religieux, au niveau des contenus de ces cours-là, de quelque confessionnalité que ce soit, comment peut-on faire pour s'assurer que le lien entre ce qui se dit dans la classe et les éléments que vous apportez comme problème sociétal et les grands défis que nous avons, en tant que société, à relever... comment peut-on garantir que ces liens-là sont constants et qu'il y a toujours une préoccupation de la part des enseignants et de la part des gens qui font partie de la vie de l'école par rapport à ces contenus-là, pour ne pas qu'on se retrouve – par exemple, une hypothèse – dans quatre, cinq ans, lorsqu'on évaluera la réforme actuelle, à se dire: Bien, ça aurait pu être une bien belle réforme – par exemple, l'hypothèse de la multiconfessionnalité pourrait être retenue... Mais de dire finalement: La preuve que le modèle ne marche pas, c'est que le contenu des cours est vide et que, à vouloir donner un peu à tout le monde, on a complètement vidé le contenu de tous. Est-ce que c'est une préoccupation qui, pour vous, est... Comment vous voyez des réponses à cette préoccupation-là?

Mme Girard (Lucie): D'abord, je pense que, présentement, on a des contenus justement qui font partie de programmes. Alors, je pense qu'on n'enseigne pas n'importe quoi. Dans un deuxième temps, la formation des enseignants, je vous mentionnais tantôt la formation continue. Alors, je pense qu'il faut être attentifs et préoccupés de la formation continue des enseignants, de leurs besoins et aussi de comment ils sont à l'aise pour donner les contenus. Alors, je pense qu'il y aurait peut-être une partie du problème, en tout cas, de moins aiguë si les enseignants qui ont à donner les contenus étaient à l'aise de les donner. C'est une autre façon, je pense, de faire face à ce que vous soulevez. Je pense aussi qu'il y a un encadrement. Il y a des conseillers pédagogiques, il y a les responsables du soutien à la confessionnalité qui voient régulièrement les gens, les enseignants, les animateurs de pastorale. Bon, ça, ça va pour la religion que nous côtoyons plus, mais je pense qu'il faudrait avoir les mêmes exigences pour les autres religions qui seraient enseignées dans les écoles, à savoir que ça prendrait un programme approuvé, que ça prendrait du personnel qualifié et qu'il y aurait un suivi, qu'il y aurait des soutiens pédagogiques pour les enseignants et pour que les contenus soient donnés, tel que prévu.

(11 h 20)

M. Béchard: Je vais profiter de votre présence. Je pense que vous avez entendu la présentation qui vous a précédés, dans laquelle on nous disait finalement: Peu importe que ce soit un cours de culture des religions ou de l'enseignement comme tel confessionnel, le rôle des services d'animation religieuse et pastorale se situe au-dessus de ces éléments-là et ne serait pas extrêmement influencé. À la page 9 de votre mémoire, vous dites: «Les services d'enseignement religieux et d'animation pastorale actuellement offerts à l'école contribuent, autant par le but qu'ils visent que par leur contenu, à répondre aux multiples besoins des jeunes. Il serait regrettable, voire irresponsable, d'en priver les générations futures.» Donc, vous dites oui à la continuité et au maintien des services d'enseignement religieux et d'animation pastorale. Mais, pour vous, est-ce qu'il y a un lien direct et important entre la partie académique comme telle qui est donnée et qui ne pourrait pas être la même, qu'on aille dans le multiconfessionnel, que dans un cours de culture des religions?

Mme Girard (Lucie): Ici, je vais laisser la parole à Mme Mayrand, parce qu'elles ont réfléchi au comité de la table de la pastorale scolaire au niveau de la province et elles continuent de réfléchir sur cette question-là. Alors, je lui laisse la parole.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Mayrand.

Mme Mayrand (Micheline): Merci. Alors, en ce qui concerne l'animation pastorale, moi, je tiens beaucoup à faire des distinctions entre le primaire et le secondaire. Le groupe qui nous a précédés a parlé simplement de l'animation pastorale au secondaire. Alors, je pense qu'il y a ça d'abord dans le décor.

Et, moi, je crois qu'il faut beaucoup miser sur le fait que l'animation pastorale, ce sont des expériences de vie qu'on fait vivre aux jeunes. Ce n'est pas un contenu, ce ne sont pas des apprentissages au niveau des contenus d'une religion ou d'une autre. Si c'était un cours d'enseignement religieux de différentes confessionnalités, enseignement culturel des religions, évidemment, peut-être que, en ce qui concerne la dimension qui est plus confessionnelle, les services en animation pastorale pourraient peut-être changer. Il y aurait peut-être moins de lien entre l'enseignement religieux et l'animation pastorale si c'était un enseignement culturel des religions.

Alors, en particulier, en ce qui concerne les jeunes du primaire, nous l'avons dit que nous pensons que, quand les enfants sont jeunes, c'est difficile d'aller très loin dans un enseignement culturel des religions si on veut respecter leur âge, leur environnement, leur capacité de s'ouvrir à des dimensions culturelles d'une religion dans laquelle ils ne sont pas insérés de par leur appartenance familiale. Alors, je pense que, là, ça en serait une très grosse, différence.

Maintenant, l'animation pastorale, on veut aussi respecter les besoins des jeunes. Alors, c'est toujours à partir des besoins des jeunes. S'ils ont dit que ça ne changerait pas grand-chose, c'est parce qu'ils sont branchés sur les besoins des jeunes, en particulier au secondaire. On parle beaucoup d'une pastorale de projets, alors de projets qui sont initiés à partir de ce que les jeunes demandent. Alors, je pense que, s'ils disent qu'il n'y aurait pas de différence, ce serait parce qu'ils partent des besoins des jeunes. Ça m'apparaît être ça.

M. Béchard: Merci. Une de vos propositions qui est intéressante, c'est la proposition 3, et qui a été soulevée à quelques reprises ici... et juste une question d'éclaircissement, parce qu'il y a des gens qui disent, selon l'évolution de la grille horaire des cycles primaire, secondaire: Au primaire, on pourrait garder l'enseignement religieux multiconfessionnel avec le choix des parents; au niveau du secondaire, le choix des jeunes, secondaire I, secondaire II et secondaire III, et qui disent qu'en fin de cheminement on pourrait avoir, pour tous, un cours de culture des religions. Mais, si je comprends bien votre proposition, ce n'est pas, même à la fin du secondaire, de remplacer, c'est d'ajouter une option à ce moment-là. C'est bel et bien ça. Mais, si on y allait selon le scénario que je vous ai mentionné, c'est-à-dire qu'en bout de ligne, en fin de formation secondaire IV, secondaire V, le cours de culture des religions pourrait être offert à tous et, à ce moment-là, enlever la partie enseignement religieux, est-ce que cette hypothèse-là vous serait acceptable ou vous tenez à maintenir l'enseignement multiconfessionnel jusqu'au secondaire V?

Mme Girard (Lucie): Je pense que c'est acceptable dans la mesure où ça respecterait quelqu'un, un élève qui se sentirait brimé dans sa liberté de conscience de recevoir un cours d'enseignement culturel des religions. Mais, si ça ne pose pas de problème de ce côté-là, je pense qu'on pourrait accepter qu'un cours soit donné à tout le monde et je pense que ce serait intéressant aussi que tout le monde reçoive, en même temps, l'enseignement culturel des religions.

M. Béchard: Une dernière question avant de passer la parole à mes collègues. Sur votre dernière recommandation, quand vous parlez d'une structure de soutien aux services confessionnels, il y a une hypothèse qui a été amenée en commission et qui est celle de mettre en place, à la place, je dirais, des deux sous-ministres, protestant et catholique, des structures du Conseil supérieur de l'éducation, de mettre en place un seul comité multiconfessionnel avec des gens qui représentent un peu, si on veut, les grandes religions. Encore là, il faudra déterminer lesquelles, parmi les 1 000, pourront siéger. Ça va prendre une grande salle au ministère de l'Éducation, sinon. Je vous dirais: Est-ce que ce type de structure là et de suivi vous semblerait acceptable, vous semblerait un compromis souhaitable pour à la fois jouer un peu un rôle d'arbitre, si on veut, entre ce qui se passe, s'assurer du suivi, le suivi de la formation des maîtres, le suivi des contenus de programmes, et, finalement, en faire, je dirais, un lieu de concertation et de consensus de l'enseignement religieux au Québec?

Mme Girard (Lucie): C'est acceptable et je pense que c'est dans la logique de ce qu'on a dit juste au début. Quand on fait l'ouverture au niveau des services, je pense qu'il faut avoir l'ouverture aussi au niveau du soutien et de l'encadrement, et c'est tout à fait acceptable.

M. Béchard: Merci. Je vais laisser mon collègue...

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Merci, Mme la Présidente. Mme Girard, d'abord, je voudrais vous dire que mon objectif à moi, ce n'est pas de solutionner un problème, c'est de vous comprendre. Le ministre, c'est son problème, de solutionner les problèmes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: Bon. J'aimerais poser la question à un plan philosophique, là; pas savoir, à un plan politique, le droit des parents, les modalités d'accès: Est-ce qu'au primaire, c'est bon? au secondaire, c'est bon? Il me semble que, dans votre présentation et les présentations qui ont été faites hier, à l'occasion desquelles on est revenu sur la notion de confessionnalité ouverte, il y a une affirmation, une conviction que vous exprimez, et je voudrais que vous confirmiez la perception que j'en ai. Et c'est un gros problème dans le rapport Proulx, ça. Le rapport Proulx repose... ce qui manque dans le rapport Proulx, à mon avis, c'est une réflexion philosophique sur l'essence de la religion.

Vous l'avez dit au début, vous, actuellement, vous avez la conviction, c'est qu'il y a une fonction de l'enseignement religieux qui ne peut trouver de substitut nulle part et cette fonction de l'enseignement religieux, selon vous, c'est ce que vous avez appelé la quête d'espérance. Et c'est un problème très réel. Jean Delumeau, qui a été le plus grand historien des religions du siècle, a parlé de ce qu'il appelait le déficit d'espérance. Et on ne peut pas souhaiter vouloir combler le déficit d'espérance par la sociologie des religions, par l'histoire des religions ou par l'anthropologie des religions. Il y a donc un fondement philosophique à la proposition que vous faites, et vous dites: Les parents qui souhaitent que leurs enfants comblent ce déficit d'espérance ou cette quête de sens ailleurs... ils pourront aller à l'école laïque ou ils pourront lire Jean-Paul Sartre, ça les regarde.

Donc, vous reconnaissez la liberté des parents, mais vous affirmez néanmoins que, pour les parents dont vous parlez, il y a une fonction de l'enseignement religieux qui ne peut être satisfaite par rien d'autre.

Mme Girard (Lucie): Absolument.

M. Laporte: C'est ça qui est fondamentalement dans votre affirmation. Est-ce que je vous ai bien comprise là-dessus?

Mme Girard (Lucie): Vous m'avez bien comprise, en effet.

M. Laporte: Donc, le rapport Proulx, et ça, je voudrais qu'on s'entende là-dessus, l'enseignement culturel de la religion, ça n'est pas un véhicule qui puisse permettre – évidemment à un enfant au primaire, je suis d'accord avec vous – à un jeune de répondre, si cette quête d'espérance existe chez ce jeune, de répondre à cette quête d'espérance.

Mme Girard (Lucie): Absolument.

M. Laporte: Ça peut être bon pour des raisons cognitives, ça peut être bon pour des raisons conatives, ça peut favoriser la tolérance, la solidarité, la bonne entente, le vivre ensemble, et ainsi de suite. Mais, pour répondre à cette aspiration des religions de salut, n'est-ce pas, qui est véhiculée par les religions de salut, selon vous, il n'y a qu'un moyen, qu'un véhicule, c'est l'enseignement de la religion dans une école confessionnelle, en admettant que ceux qui n'en veulent pas peuvent aller soit dans ce que vous avez appelé des écoles laïques ou des écoles confessionnelles à services où on offrirait des services d'enseignement religieux. C'est ça, votre position.

Mme Girard (Lucie): Le niveau d'espérance qui nous est proposé par le christianisme, ça s'appelle la bonne nouvelle – moi, je n'ai pas trouvé ça nulle part ailleurs – et j'aimerais qu'on puisse le proposer aux jeunes du Québec. Ils seront libres...

M. Laporte: Mais vous pourriez l'avoir... Je m'excuse. Là-dessus, vous avez raison d'un point de vue chrétien. Mais vous pouvez le retrouver aussi dans le bouddhisme.

Mme Girard (Lucie): Absolument.

(11 h 30)

Une voix: Oui, dans les grandes religions.

M. Laporte: Dans les religions de salut.

Mme Girard (Lucie): Alors, je pense qu'il faut l'offrir. Absolument. C'est ça.

M. Laporte: Donc, c'est votre position, il pourrait très bien y avoir une école qui serait une école d'une religion de salut qui ne serait pas la religion catholique ou la religion protestante.

Mme Girard (Lucie): Oui. Absolument.

M. Laporte: Le reste, ce sera par des négociations au niveau local, s'il faut faire des aménagements.

Mme Girard (Lucie): C'est ça.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci beaucoup, mesdames, pour votre participation. Nous allons suspendre les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 31)

(Reprise à 11 h 33)

La Présidente (Mme Bélanger): La commission reprend ses travaux. Je demanderais au Mouvement laïque québécois de bien vouloir s'approcher à la table.

Alors, normalement, il y a 20 minutes de présentation du mémoire, mais M. Baril a demandé s'il pouvait prendre 25 minutes pour la présentation de son mémoire, et naturellement qu'il y aura moins de dialogue entre les groupes parlementaires après. Alors, si les membres sont consentants, on va leur accorder 25 minutes, mais pas plus que l'heure, de toute façon. Est-ce que ça va?

Alors, M. Baril, si vous voulez bien présenter les personnes qui vous accompagnent.


Mouvement laïque québécois (MLQ)

M. Baril (Daniel): Oui, je vous remercie. Alors, à ma gauche, M. Michel Gaudette, membre d'une communauté protestante à Trois-Rivières; M. Gildas Haméon, président du conseil d'établissement de l'école Mgr-Bluteau, à Saint-Félicien, au Lac-Saint-Jean; à ma droite, François Gauthier, un de nos conseillers de la région de la Montérégie, et Me Luc Alarie de Montréal.

Alors, le Mouvement laïque québécois a pour objectif de promouvoir et de défendre la liberté de conscience dans la société civile, notamment à l'école publique, au nom de l'idéal humaniste et républicain. Notre membership est pluraliste sur le plan des convictions religieuses et se retrouve dans toutes les régions du Québec. Nous ne sommes pas un organisme montréalais.

Nous soutenons dans l'ensemble l'analyse et les principales recommandations du rapport Proulx parce que les conclusions de ce rapport reposent sur les principes qui ont toujours guidé notre action, c'est-à-dire la nécessaire neutralité de l'État et le respect en pleine égalité des droits fondamentaux pour tous.

Nous rappelons que les recommandations en faveur de la laïcité s'inscrivent dans la suite logique des avis précédents, c'est-à-dire le rapport des états généraux sur l'éducation, qui en faisait une des 10 priorités, ainsi que les conclusions du comité Corbo, qui avait été mis sur pied par l'ex-ministre Lucienne Robillard.

Les opposants au rapport Proulx font surtout valoir que ses orientations ne respecteraient pas le droit de choisir des parents. Il y a, au Québec, à notre avis, une inflation sur cette notion de liberté de choix à l'égard de l'école. Cette liberté se restreint habituellement à l'offre raisonnable que peut proposer l'État entre une école publique et une école privée ou encore une école à vocation particulière dans laquelle les droits fondamentaux ne sont pas en cause. On ne peut bien sûr mettre l'école confessionnelle sur le même pied que ces écoles à vocation particulière parce que l'école confessionnelle traite inégalement les droits fondamentaux des élèves.

La liberté de choix des parents par ailleurs ne légitime jamais la confessionnalité de l'école publique, comme le font valoir les avis en annexe au rapport Proulx. Le respect de la Charte des droits et libertés n'a en aucun temps à être subordonné à une décision des parents, fussent-ils majoritaires. Ceux qui prétendent le contraire confondent sciemment processus démocratique et résultat démocratique.

La mobilisation actuelle contre le rapport Proulx n'a, à notre avis, aucune justification de ce qu'on considère le contenu du rapport. Il propose donc de maintenir un service d'animation spirituelle à l'école, d'instaurer un cours de culture religieuse et d'ouvrir les écoles à l'enseignement religieux confessionnel en dehors des heures de classe. En proposant de tels accommodements, le rapport n'assure pas la stricte égalité et la neutralité auxquelles on est en droit de s'attendre d'une école publique laïque. Il constitue, en ce sens, un compromis qui est loin d'une rupture radicale avec la situation actuelle.

Les opposants font également valoir que le pluralisme religieux est un phénomène montréalais, comme l'indique le Comité catholique dans son dernier avis. Il suffirait, selon cette croyance, de faire quelques aménagements à Montréal, alors que le statu quo pourrait être maintenu ailleurs. On oublie ici que le pluralisme est aussi composé de citoyens sans appartenance religieuse. Cette catégorie de population est, en fait, le groupe le plus important de ce qui nous permet de parler de pluralisme, c'est-à-dire la population autre que chrétienne. Les sans-religion représentent 57 % de cette population, ce qui équivaut – en 1991 – à 4 % de l'ensemble de la population du Québec. En comparaison, les protestants de la réforme représentent 3,2 % de la population.

Les citoyens sans appartenance religieuse ne se retrouvent pas qu'à Montréal. Les données de Statistique Canada nous indiquent que, dans plusieurs villages, on retrouve une proportion de gens sans religion parfois supérieure à celle de Montréal, qui est de 7,5 %. On nous donne plusieurs exemples ici, qui vont de la Gaspésie jusqu'à l'Abitibi. Alors, le pluralisme mesuré par le taux de citoyens sans appartenance religieuse est une réalité observable de façon notable dans tout le Québec et jusque dans les fins fonds de nos campagnes.

Et ces données de Statistique Canada sont très conservatrices. Des sondages plus précis identifient, pour le seul sous-groupe des incroyants, des taux allant de 12 %, 18 % et même de 26 % au Québec. Les citoyens, donc, sans appartenance religieuse constituent le deuxième groupe en importance après les catholiques romains.

Si les protestants, qui, tous types confondus, représentent autour de 5 % de la population, ont droit à une école conforme à leurs convictions, on ne voit pas pourquoi les gens sans religion, qui représentent 20 % de la population et qui sont répartis dans l'ensemble du territoire, n'auraient pas droit à une école conforme à leurs convictions, c'est-à-dire à une école professant la libre pensée ou l'athéisme, puisque la liberté de religion inclut une incroyance.

Pour l'instant, les citoyens incroyants ou sans religion ne réclament pas d'école athée et sont tout à fait disposés à se satisfaire d'une école laïque. Une telle école représente ainsi l'incomparable avantage d'éviter la fragmentation du système scolaire en permettant à toute la population de fréquenter dans la paix et l'harmonie la même école de village ou de quartier, d'y recevoir les mêmes services et le même traitement de leurs droits fondamentaux.

Sur la question de la tradition et des droits acquis, soulignons que, lorsque le gouvernement a créé au siècle dernier un réseau d'écoles publiques, lorsqu'il a rendu la fréquentation scolaire obligatoire, lorsqu'il a créé un ministère de l'Éducation, lorsqu'il a accordé le droit de vote aux femmes, à chaque occasion, il est allé à l'encontre d'une tradition. Dans chacun de ces cas, le gouvernement a su prendre ses responsabilités politiques et passer outre au blocus que tentait d'imposer le clergé catholique avec l'appui d'une bonne partie de la population – appui au clergé, évidemment.

Pour contourner le problème d'une tradition contraire à la démocratie, il y a toujours la clause dérogatoire. Ce recours pourrait être défendable s'il s'agissait de défendre les droits fondamentaux des catholiques ou des protestants, mais ce n'est pas ce qui est en cause actuellement. L'enseignement religieux confessionnel assumé par l'État ne fait pas partie du droit fondamental à la liberté de religion.

La plupart des provinces canadiennes se sont d'ailleurs dotées d'un système scolaire public non confessionnel. Au Nouveau-Brunswick, par exemple, la Loi sur l'éducation stipule que «toutes les écoles publiques sont non confessionnelles» et qu'un enseignant, «dans le cours normal de ses fonctions, ne peut faire usage de tout catéchisme». À l'Île-du-Prince-Édouard, «all public schools shall be non-sectarian». En Colombie-Britannique, «no religious dogma or creed is to be taught». À Terre-Neuve, le programme actuellement en préparation sera universel et rattaché à aucune confession. En Ontario, la loi interdit un enseignement religieux qui comporte un enseignement à l'égard d'une religion ou d'une croyance religieuse en particulier. L'enseignement confessionnel est donné en dehors des heures de classe, comme le propose ici le rapport Proulx. En Saskatchewan, la Commission des droits de la personne vient d'ordonner une révision des dispositions confessionnelles afin d'exclure toute prière ou lecture de la Bible dans les écoles publiques. Aucune province au Canada n'a de comité confessionnel constitué par une loi scolaire.

(11 h 40)

Dans certains pays européens où l'école publique accorde une place à l'enseignement religieux, on ne retrouve, là non plus, aucune situation comparable à celle du Québec, c'est-à-dire une école avec un statut juridique confessionnel, un projet éducatif global confessionnel, de l'enseignement religieux confessionnel, de l'animation pastorale, des comités confessionnels nommés par le clergé et ayant pouvoir de législation, des directions de l'enseignement confessionnel au sein du ministère de l'Éducation, le tout soustrait aux droits fondamentaux.

Nous connaissons par ailleurs tous la situation prévalant en France et aux États-Unis, deux pays que le Comité catholique ignore dans son dernier avis, deux pays culturellement et politiquement proches de nous et qui se distinguent par un système scolaire public laïque leur assurant paix et cohésion sociale.

C'est, à notre avis, ces exemples que le Québec devrait suivre et qui lui permettraient de se distinguer en affirmant son adhésion à l'humanisme républicain. Et ceux qui s'opposent au rapport Proulx en faisant valoir le système privé en France devraient savoir que l'école publique confessionnelle en France, c'est-à-dire l'école financée par des fonds publics en France, applique le modèle du rapport Proulx puisque l'enseignement religieux est en dehors du curriculum.

Alors que certains sont à la recherche d'un consensus, l'enquête menée par le groupe de travail nous montre que le compromis proposé reçoit l'appui majoritaire de tous les groupes de citoyens. Chez les parents, 53 % des catholiques, 76 % des protestants, 84 % des adeptes d'autres religions et 95 % des gens sans religion appuient cette solution, ce qui représente 57 % de l'ensemble de la population, sans qu'aucune campagne d'information n'ait été faite pour promouvoir cette solution. Au contraire, malgré la désinformation qui circule actuellement, un sondage commandé par des groupes confessionnels arrive aux mêmes résultats: 56 %, dans le sondage Léger & Léger, se montrent en faveur de la proposition du rapport Proulx. En 1996, un autre sondage démontrait que c'était 72 % de la population qui préférait une approche culturelle du religieux plutôt qu'une approche confessionnelle à l'école.

Si les droits fondamentaux n'ont pas à être soumis à l'applaudimètre, l'ensemble des sondages montrent que la solution proposée a l'avantage de recevoir l'assentiment d'une bonne majorité de la population et que cette majorité pourrait facilement être haussée à 75 %. Donc, on ne comprend pas pourquoi ceci semble assez insuffisant aux yeux du ministre pour prendre une décision.

Reste évidemment la solution multiconfessionnelle. Le groupe de travail a montré que cette proposition faite aux minorités religieuses ne reçoit que 12 % de leur assentiment par rapport à une école laïque. L'enseignement religieux à la carte aurait plusieurs effets pervers: morcellement du système scolaire en école ethnicoreligieuse; alourdissement du fardeau financier assumé par l'État au profit des communautés religieuses; complexification de la gestion scolaire; alourdissement des contraintes de toutes sortes par une augmentation du nombre de cours dans un même champ; maintien des inégalités et des injustices; entrave au principe de la neutralité de l'État en matière de religion; et négation du rôle intégrateur de l'école publique, qui se doit d'être une école commune.

Les confessionnalistes cherchent à minimiser ces effets pervers et ils ne croient pas que l'école risque de devenir un supermarché des religions. Pourtant, des sectes comme l'Opus Dei, l'Église de scientologie, le Mouvement Raëlien, le Parti de la loi naturelle, que l'on retrouve autant en province qu'à Montréal, ainsi que divers groupes nouvelâgistes ont déjà leurs entrées dans le système scolaire et n'attendent que le moment où les enfants de l'école publique leur seront offerts sur un plateau d'argent.

Il faudra également compter avec la fragmentation du réseau protestant, déjà commencée à Québec, et éventuellement avec d'éventuelles écoles athées qui seraient démographiquement justifiables et juridiquement fondées. Nous croyons que c'est cette avenue de l'école multiconfessionnelle qui est contraire au pacte social auquel adhèrent les Québécois. Tôt ou tard, il faudra faire marche arrière, comme il a fallu faire marche arrière pour éviter le gâchis appréhendé par la loi n° 107. Alors, l'école multiconfessionnelle tient, à notre avis, du multiculturalisme, alors que le Québec a choisi l'approche de la culture publique commune qui invite à la laïcisation des institutions publiques.

Concernant le cours de culture religieuse proposé par le rapport Proulx, nous craignons qu'un tel cours, dans le contexte de l'après-confessionnalité, ne devienne le terrain de bataille de divers groupes religieux qui voudront investir ou réinvestir l'école afin de passer leur message ou de prendre le contrôle de cet enseignement. Il faudrait probablement maintenir une clause d'exemption pour des minorités religieuses qui refuseraient qu'un regard neutre soit porté sur l'histoire ou les croyances de leurs groupes. Et c'est d'ailleurs l'avis de José Woehrling, qui signe l'annexe 6 du rapport Proulx.

Donc, il nous paraît plus pertinent d'inclure les éléments de culture religieuse et de pensées séculières aux cours d'histoire et de sciences humaines. Même réserve à l'égard du service d'animation spirituelle, qui, à nos yeux, demeure un service de pastorale, ce qui n'a pas sa place dans une école publique. L'humanisation de la vie scolaire, le soutien aux jeunes en quête de sens peuvent très bien être assumés et assurés par un service laïque d'action humanitaire et communautaire de soutien à la vie civique. Nous rejoignons en ce sens l'avis, la recommandation des états généraux sur l'éducation.

Par ailleurs, nous refaisons nôtre les recommandations suivantes du rapport Proulx: «Que le gouvernement du Québec abroge les clauses dérogatoires qui font actuellement partie des lois de l'éducation; que la loi instaure un service scolaire public laïque au préscolaire, au primaire et au secondaire; que les statuts confessionnels soient abrogés; que la Loi sur l'instruction publique précise que les valeurs et les croyances propres aux confessions religieuses ne peuvent servir de critères pour l'établissement d'une école à projet particulier; que les dispositions relatives aux comités catholique et protestant soient abrogées de même que les dispositions relatives aux sous-ministres associés; que l'article 41 soit amendé afin de le rendre conforme à l'esprit du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.»

Et, à ces recommandations du rapport, nous ajoutons: Que l'animation pastorale soit remplacée par un service laïque d'animation sociale et d'action humanitaire; que les éléments d'histoire des religions ou de philosophies séculières soient intégrés aux cours d'histoire et de sciences humaines; que la formation morale et l'éducation à la citoyenneté soient intégrées au cours de formation personnelle et sociale; et que le temps libéré serve à l'enrichissement des matières de base; et que cette réforme soit précédée d'une campagne d'information visant à expliquer à la population que la laïcité des institutions publiques ne porte pas atteinte au droit à la liberté de religion ni au droit de regard des parents sur l'éducation de leurs enfants.

En conclusion, l'amendement à l'article 93, qui est un geste politique courageux et risqué, n'aura servi qu'à bien peu de choses si la laïcisation du système scolaire n'est pas achevée. La cohésion sociale visée par cet amendement ne pourra être atteinte si le clivage linguistico-religieux que l'on a voulu corriger au niveau des commissions scolaires était maintenu au niveau des écoles.

Au début du siècle dernier, la guerre des éteignoirs a eu pour effet d'infliger un retard considérable et dramatique au développement du système scolaire du Québec, retard que nous n'avons pas encore réussi à combler. À la fin du siècle, la même idéologie a eu gain de cause dans sa lutte contre l'instauration d'un ministère de l'Éducation. Il aura fallu attendre 70 ans, soit la Révolution tranquille, pour réparer les dégâts.

Nous assistons en cette fin de siècle à un enjeu de même nature et de même importance. La démocratisation du système scolaire et son adaptation à la réalité d'aujourd'hui sont combattues par les mêmes forces qui se sont opposées au développement de l'école publique au siècle dernier. Il importe, cette fois-ci, que l'esprit des lumières l'emporte sur celui des éteignoirs. Je vous remercie. Et deux de mes collègues ont des choses précises sur leur situation régionale à indiquer. Oui, M. Gaudette.

M. Gaudette (Michel): Oui. J'aimerais tout simplement insister sur un cas vécu, le cas d'une famille franco-protestante. Comment elle exerce son droit scolaire, confessionnel, puisque les protestants ont des droits, que plusieurs considèrent comme des privilèges? Alors, en région 04 nord, le nombre d'écoles protestantes, il est très réduit. Alors, moi, je viens vous dire ce matin, MM., Mmes les députés, qu'un enfant en bas âge qui veut avoir un enseignement confessionnel protestant doit faire deux heures et demie d'autobus par jour, aller-retour. Il doit se lever une heure et demie avant l'enfant qui fréquente l'école catholique de quartier qui est peut-être son voisin. Donc, il accumule de la fatigue.

Et, dans le cas que je veux présenter brièvement, bien, ça a donné un échec scolaire à cause de cette accumulation de fatigue. Et les parents, exaspérés de se lever à cinq heures et demie pour préparer les enfants, qu'est-ce qu'ils ont fait? Ils ont tout abandonné au bout d'un an, surtout à cause de l'échec scolaire des enfants. Alors, ils se sont dit: On va s'en remettre à l'école de quartier, qui est une école catholique.

Alors, moi, je viens vous dire, en tant que franco-protestant, MM., Mmes les députés, que le système biconfessionnel ne fonctionne pas. Et, si vous introduisez la multiconfessionnalité, si le système biconfessionnel n'a pas fonctionné, comment voulez-vous que le système multiconfessionnel puisse exister? Il va être la source d'injustices que les familles franco-protestantes en région vivent au quotidien et qui les exaspèrent à long terme et qui donnent des injustices, dont les échecs scolaires. C'est très important à considérer. Je viens vous parler de vécu. Alors, c'est tout simplement l'exemple d'un cas vécu que j'avais à vous apporter et que je mets à votre réflexion. Merci beaucoup.

M. Baril (Daniel): M. Haméon, du Lac-Saint-Jean, il vous reste...

(11 h 50)

M. Haméon (Gildas): Oui. Donc, moi, je viens d'une région qui était à 99 % catholique, en tout cas à majorité catholique, et mon implication dans ce débat vient essentiellement de ma réaction à l'information qui a été véhiculée par la commission scolaire ainsi qu'au mémoire qu'elle a produit. Dans un dépliant que j'ai ici, qui a été transmis aux parents, on oppose clairement en deux colonnes la prétendue liberté de choix dans l'école confessionnelle catholique à une absence de choix liée à l'école laïque. C'est l'information qui est transmise par la commission scolaire. Donc, d'un côté, on a le choix, on a la liberté, puis, de l'autre côté, c'est une absence de choix qui est liée à l'école laïque. Donc, ça, c'est l'information qui est transmise.

D'autre part, dans le mémoire, on nie qu'il existe dans le système actuel toute marginalisation ou discrimination dans le système actuel, donc dans la région. O.K. On prétend aussi que les conclusions du rapport Proulx ne s'appliquent qu'à Montréal, que, dans les régions, on n'est pas touché par ça. Et on conclut en souhaitant une confessionnalité qui soit plus intégrée à la vie de l'école. En lisant ces dépliants puis ce mémoire, j'ai eu le sentiment que, moi, mes enfants et tous ceux qui n'appartiennent pas à la majorité confessionnelle, nous n'existons pas pour ces gens-là. On est complètement exclus, complètement ignorés par la majorité confessionnelle catholique.

Non, les conclusions du rapport Proulx ne s'appliquent pas seulement à Montréal. Au contraire, elles s'appliquent bien plus dans les régions où la fameuse liberté de choix est totalement inexistante. Depuis 10 ans, je n'ai jamais eu le choix d'envoyer mes enfants autre part qu'à l'école confessionnelle catholique. Donc, hors de l'école confessionnelle, pas d'école, hors de la foi de la majorité, pas de salut.

Oui, il existe une marginalisation. Les quelques élèves dont les parents choisissent l'enseignement moral au primaire doivent quitter leur groupe-classe et peuvent ainsi faire l'objet d'une discrimination selon leurs convictions. Plusieurs parents hésitent même à choisir l'enseignement moral par crainte de cette possible discrimination pour leurs enfants. Au secondaire I, à Saint-Félicien, les élèves sont encore réunis en groupes-classes stables. Les élèves qui choisissent la morale forment un groupe homogène parmi les huit groupes de l'école. Là encore, c'est une ségrégation qui est basée sur le seul choix religieux.

Non, on ne doit pas donner le choix aux écoles de développer une confessionnalité plus intégrée à la vie de l'école. Comment cela peut-il être cohérent avec les droits fondamentaux des individus? Je souhaite, comme le ministre de l'Éducation, une école publique qui transmet à tous les enfants les valeurs de justice, de solidarité, d'équité et de démocratie, une école qui leur apprend à développer leur esprit critique et leur ouverture aux autres. Cette école, elle doit les réunir et non les diviser, elle doit leur dispenser la même culture et la même histoire.

Je partage complètement les recommandations du Mouvement laïque, dont je suis un nouveau membre. Certains points peuvent faire l'objet de compromis, mais d'autres non. Tout particulièrement dans les régions, les écoles publiques ne doivent plus être confessionnelles. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci.

M. Baril (Daniel): Il nous reste, sur le temps alloué, quelques minutes?

La Présidente (Mme Bélanger): Il reste six minutes.

M. Baril (Daniel): M. François Gauthier, Montérégie.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. Gauthier.

M. Gauthier (François): Oui. Merci. Mes enfants ont grandi dans la région de Beloeil–Saint-Hilaire, ils ont fait tout leur primaire et leur secondaire dans une commission scolaire confessionnelle. Et l'école, il va de soi, selon ce régime-là de l'époque, elle était confessionnelle. Mais, moi, comme je n'adhère à aucune religion, j'ai choisi d'envoyer mes enfants à des cours de morale, non religieux, évidemment. Ils ont terminé leur primaire et leur secondaire au complet dans cette même commission scolaire là. Chaque année, sans exception, ils ont été assujettis à une propagande religieuse présentée par le personnel de la morale. Après le secondaire terminé, ma fille, qui étudiait au collégial, dans un cours de philosophie, un prof a demandé aux élèves de faire une prière.

Moi, je trouve cette situation-là totalement inacceptable. Mes enfants ont été sollicités pour aller à des activités dans des camps de vacances religieux, pour aller à des activités de fin de semaine religieuses, pour faire des dons à des organismes religieux. Personnellement, je trouve scandaleux, je trouve complètement scandaleux que du personnel payé par l'État, le personnel de morale, incite mes enfants à une croyance qui n'est pas la mienne, qui n'est pas la leur et qu'on sollicite leur don, en plus, pour le bénéfice d'une croyance religieuse. Je trouve ça totalement scandaleux.

Et puis, ce système-là, il fonctionne avec un système où c'est les gens de pastorale, les bénévoles de catéchèse qui prennent en charge le comité de parents. C'est le seul groupe organisé. Ce n'est pas les diverses religions éparpillées en petits nombres et les incroyants qui vont être un groupe organisé qui va prendre le contrôle du comité d'école et puis du conseil d'orientation ou, maintenant, du conseil d'établissement. Je trouve que de laisser le pouvoir à la majorité qui prend le contrôle de l'école et des projets éducatifs, c'est aberrant, c'est une dictature de la majorité. Je crois que, dans une société démocratique, on doit pouvoir permettre aux gens de ne pas être exposés, aux frais de l'État, à une propagande religieuse.

M. Baril (Daniel): Donc, la liberté de choix qu'il y a dans notre système actuellement, que les tenants du statu quo supposent exister, en fait, on voit que, dans la pratique, il n'y a pas de liberté de choix. C'est un système imposé et dans lequel il faut s'insérer.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Baril. M. le ministre.

M. Legault: Oui, d'abord, M. Baril, M. Alarie, M. Haméon, M. Gaudette et M. Gauthier, merci pour votre présentation. Une chose qu'on peut sûrement dire, c'est que c'est une présentation très claire, votre position est très claire. Mais je ne vous apprendrai rien en vous disant quand même – puis les sondages le montrent – que votre opinion est partagée par un certain pourcentage de la population, mais qu'il y a aussi un pourcentage important de la population, d'abord, qui est de foi catholique, au Québec, c'est un fait qu'il ne faut pas nier. Et on a aussi, au Québec, un pourcentage important des parents qui souhaitent avoir encore un enseignement religieux dans nos écoles.

J'essaie de voir, là. Parce que, je pense, si on veut trouver une solution qui fasse avancer les choses, il faut essayer de trouver un compromis quelque part. Comment vous réagissez devant ces faits, que les groupes sont très divisés et qu'il faut essayer de trouver un compromis? Comment vous réagissez?

M. Baril (Daniel): En fait, il y en a un compromis sur la table, là. Le rapport Proulx est un compromis. Il permet aux églises de continuer de rencontrer les élèves dans les écoles, il maintient un service d'animation spirituelle et puis il propose d'avoir un cours de culture religieuse. Donc, le débat actuel, je pense, serait facilité, allégé s'il y avait eu une bonne campagne d'information pour expliquer clairement à la population quels sont les objectifs, les attendus et les conséquences des propositions du rapport Proulx, ce qui n'a pas été fait. Alors, ce qui a été fait, c'est de l'information véhiculée par les opposants, qui sont très bien organisés, qui organisent des rencontres d'information publique dans toutes les régions. Écoutez, c'est l'information que reçoivent les parents et le public en général.

Par ailleurs, le fait qu'il y ait un certain pourcentage de parents qui soient d'accord pour maintenir l'enseignement religieux à l'école, on n'a pas de doute face sur ça, mais ce n'est pas une raison suffisante, à notre avis, pour leur donner raison. Il y a plein de choses dans l'école qu'on ne passe pas au vote majoritaire. On donne des exemples, là. L'organisation des journées pédagogiques, il n'y aurait pas beaucoup de parents qui voteraient en faveur de ça. Il y aurait peut-être beaucoup de parents qui préféreraient une discipline plus répressive à l'école. Or, ces choses-là ne sont pas soumises à la volonté majoritaire des parents. Bien, à plus forte raison, le respect des droits fondamentaux non plus. Même si plusieurs parents veulent maintenir l'enseignement religieux à l'école, ils ne perçoivent peut-être pas que ceci va à l'encontre des libertés fondamentales. Et, quand on leur explique ce problème – ce qui a été fait dans le sondage de Sondagem de 1996 – ils ne sont plus d'accord pour maintenir un tel système.

(12 heures)

M. Legault: Vous nous dites: Dans le rapport Proulx, c'est déjà un compromis. D'ailleurs, vous l'écrivez dans votre rapport. Vous nous dites: Le rapport Proulx est loin de proposer une rupture radicale avec la situation actuelle, il doit être considéré comme un compromis en maintenant différents services. Par contre, dans votre mémoire, vous dites que vous n'êtes pas d'accord avec certaines des recommandations du rapport Proulx. Vous dites, par exemple: Il faudrait remplacer l'animation spirituelle par un service laïque d'animation. Vous dites: Les cours de culture religieuse devraient être intégrés au cours d'histoire. Vous dites: On s'oppose à un enseignement religieux en dehors des heures de classe, comme le propose M. Proulx. J'essaie de voir quels sont les compromis que, vous, vous proposez.

M. Baril (Daniel): En fait, on serait capable de vivre avec le rapport Proulx qui, lui, est un compromis, comme on l'indique, un compromis à cause de tout ce qui est proposé. Le rapport aurait facilement pu proposer d'évacuer toute question, tout contenu qui a trait à la religion dans les écoles. Ça aurait pu très bien être défendable. Mais non, on veut maintenir que la religion va avoir sa place. Nous, on pense que... quand on propose de mettre ce cours de culture religieuse, de l'intégrer finalement au cours d'histoire ou aux autres cours de sciences humaines, c'est qu'on accorde, en créant un cours spécifique sur cette question, une place démesurée à la religion par rapport à l'importance qu'elle a dans le vécu des gens et dans la société en général. Ce n'est pas parce qu'on est contre le fait que l'école puisse en discuter. Alors, ça aurait pu ne pas faire partie des propositions et on aurait vécu avec aussi. Il propose ça. Bon, nous, on essaie d'améliorer la situation. On est prêt quand même... S'il était appliqué tel quel, on serait capable de vivre avec. On ne partira pas en guerre, on n'est pas en guerre contre le rapport Proulx. On essaie de faire des propositions pour que ce soit plus clair et qu'il y ait moins de danger de retomber dans du contenu confessionnel, et c'est le danger que présente ce cours.

M. Legault: J'essaie de voir, là. Est-ce que vous avez une volonté de chercher un compromis ou si vous souhaitez une rupture radicale avec la situation actuelle? Est-ce que vous êtes ouverts, entre autres, par exemple à une période de transition, à voir des accommodements, à voir des compromis? J'essaie de voir votre position à vous.

M. Baril (Daniel): Une période de transition, il est probable qu'il en faudra une. Il faudrait savoir, au départ de cette période de transition, vers où on s'en va. Là, on a une clause «nonobstant» pour deux ans, mais on ne sait pas plus là, ce serait quoi une période de transition. La déconfessionnalisation peut se faire progressivement. Effectivement, on peut commencer par le secondaire, le primaire ensuite, quoique c'est surtout au primaire qu'il y a des problèmes. Mais oui, on est ouvert. Ce n'est pas nécessairement pour demain matin, on comprend très bien.

Mais, comme je vous disais, nous, on est prêts à peut-être aller jusqu'au rapport Proulx. Mais là, en dehors de ça... On ne voit pas où est la marge entre le rapport Proulx et le statu quo. On trouve qu'il en laisse... il en donne beaucoup, mais, écoutez, ce n'est pas... on va vivre avec. Et, si on s'en va dans cette lignée-là, bien, peut-être qu'il y aurait moyen... sur l'aménagement par exemple du cours de culture religieuse, c'est là-dessus qu'on a des divergences. Ce n'est pas sur le fondement du cours, c'est sur l'aménagement proposé. Et quand vous dites: On est contre l'ouverture des écoles, on n'a pas dit qu'on était contre, on pose des questions sur la faisabilité de ça. Il aurait pu ne rien dire là-dessus. On conçoit qu'en dehors des heures de classe les écoles sont des édifices publics. Par contre, si le système s'organise en fonction de toutes les religions ou les groupes qui vont cogner à la porte de l'école, ça va être le joli méli-mélo, même si c'est en dehors des heures de classe. Je ne voudrais pas avoir à gérer ça, moi.

M. Legault: Peut-être une dernière question. Vous avez fait allusion à la clause «nonobstant». Vous dites dans votre mémoire, à la page 8: «La confessionnalité de l'école publique, il faut la protéger. La clause dérogatoire ne protège qu'un privilège non essentiel à la liberté de religion.» On a eu ici, en commission, un constitutionnaliste de l'Université Laval, M. Patrice Garant, qui est venu nous dire que la clause, selon lui, et j'aimerais entendre vos commentaires sur son opinion... il est venu dire: «La clause dérogatoire ne constitue pas une autorisation de violer les droits et libertés fondamentaux ni d'accorder des privilèges, mais elle sert plutôt à établir un équilibre entre le Parlement et le pouvoir judiciaire.» Qu'est-ce que vous pensez de cette interprétation de la clause dérogatoire?

M. Baril (Daniel): Me Alarie.

M. Alarie (Luc): En fait, la clause dérogatoire, j'aimerais peut-être vous dire qu'est-ce que le Comité catholique pense des clauses «nonobstant», des clauses dérogatoires. Si on a à se pencher sur cette question, le Comité catholique, dans son mémoire, dans son avis au ministre, à la page 65, dit ceci: «Le Comité catholique croit avoir tout fait pour que sa proposition respecte les droits fondamentaux des individus en même temps que les droits collectifs des confessions religieuses, les intérêts éducatifs des jeunes aussi bien que les objectifs sociaux et culturels du Québec. Quelle que soit la solution adoptée, il demeurera peut-être nécessaire de recourir aux clauses "nonobstant".» En somme, il n'y a pas de solution dans les propositions du Comité catholique, on doit toujours avoir recours aux clauses «nonobstant», de telle sorte que les droits individuels des gens ne seront jamais protégés. Il n'y a pas de système avec l'enseignement religieux qui permettrait d'avoir un traitement d'égalité pour chacun des enfants ou chacune des personnes qui ont droit à l'instruction publique.

En somme, je pense c'est peut-être mal poser la question. Il s'agit de savoir quelle est la responsabilité de l'État par rapport à l'enseignement religieux. Les gens peuvent prétendre ou avoir droit à un enseignement religieux, il s'agit de savoir si c'est la responsabilité de l'État de le dispenser. Le Comité catholique, dans son avis, le dit, il affirme: «La non-compétence de l'État en matière religieuse rend nécessaire une collaboration avec les diverses confessions pour différentes questions relatives à l'éducation religieuse scolaire.» En somme, le Comité catholique le dit lui-même que l'État n'a pas compétence en matière d'enseignement religieux. Ce n'est pas parce que les écoles publiques ne dispenseront pas l'enseignement religieux que ceux qui veulent vivre des valeurs religieuses seraient privés du droit de les vivre. En fait, c'est une liberté individuelle, la liberté de religion. Ce n'est pas une obligation de l'État de dispenser des cours d'enseignement religieux.

Alors, les clauses «nonobstant», quant à moi, vont toujours avoir pour effet de priver les gens de leur droit à la liberté de conscience ou la liberté religieuse. Je pense que ça ne peut pas être un compromis; c'est complètement contradictoire, en somme, d'avoir des écoles publiques dans lesquelles on enseignerait les valeurs qui sont inscrites dans la Charte des droits, où tous ont droit à l'égalité, puis, en même temps, on aurait des clauses «nonobstant» qui viendraient leur dire que certains d'entre eux seulement ont des droits plus que d'autres.

Alors, je pense que la question des clauses dérogatoires devrait être complètement éliminée des lois de l'éducation. Les clauses dérogatoires ne devraient porter que pour la protection de droits collectifs et non pas de droits individuels. La liberté de religion n'est qu'un droit individuel. Prenons la protection de la langue française. Ça, c'est un droit collectif. Alors, il y a une charte spéciale pour la protection de la langue française. Mais il n'y a pas de charte spéciale pour la protection des libertés individuelles. C'est inscrit à l'article 2 de la Charte québécoise et à l'article 3 de la Charte canadienne. Alors, c'est spécifiquement prévu comme étant des libertés individuelles. Dans aucune charte, on ne voit l'obligation de l'État de dispenser un enseignement religieux. L'article 41 de la Charte québécoise ici, en fait, déroge au Pacte international sur les... enfin, je n'ai pas le nom exact, mais le Pacte international sur les droits humains... qui ne prévoit pas quelque obligation que ce soit pour les États de dispenser l'enseignement religieux. On protège les libertés individuelles en matière de religion ou de liberté de conscience, mais nulle part, dans quelque charte que ce soit, on n'y voit l'obligation pour un État de dispenser quelque enseignement religieux que ce soit. Et, dans le fond, comme législateurs, avec respect, je vous dis: En quoi vous vous devez de voir à ce que l'État dispense un enseignement religieux? Les Églises sont en mesure de le faire, il y a des communautés religieuses qui prennent en main leur propre enseignement, et ici, au Québec, on n'a que les protestants et les catholiques qui ont le droit, actuellement, de recevoir de l'enseignement dispensé par l'État. Mais il y a une multitude d'autres religions qui vivent très bien leur foi, leur pratique et qui peuvent très bien s'organiser sans le support de l'État. Alors, ici, c'est une situation privilégiée que certains groupes religieux ont de recevoir un appui financier de l'État, des ressources matérielles, des ressources financières, en somme, pour leur enseignement confessionnel. Alors, tout ça peut se faire en dehors des cadres scolaires.

(12 h 10)

M. Legault: Je complète là-dessus, là. Donc, vous nous dites, vous nous parlez de ce que devraient être ou ne pas être les droits et les responsabilités de l'État, là. Mais ma question, c'est plutôt de savoir: Est-ce que vous pensez que les clauses dérogatoires, l'objectif, l'existence des clauses dérogatoires, ce n'est pas, comme l'a dit M. Patrice Garant, pour garder un équilibre entre le Parlement et le pouvoir judiciaire? Est-ce que vous voyez ça comme objectif des clauses dérogatoires ou vous pensez que ce n'était pas l'objectif du législateur?

M. Alarie (Luc): Bien, il n'est pas prévu, dans la Charte québécoise, de clauses dérogatoires. Les articles 1 à 38, dont l'article 2 qui garantit la liberté de religion, ne permettent pas au législateur même de modifier ces libertés individuelles. Alors, pourquoi avoir des clauses dérogatoires pour protéger des libertés individuelles et faire un contrepoids avec d'autres libertés individuelles qui, elles, ne pourraient pas s'exprimer ou s'exercer à cause de l'existence de ces clauses dérogatoires? Je ne vois pas, là.

M. Legault: O.K. Je vais laisser la députée poursuivre.

La Présidente (Mme Bélanger): Non.

M. Legault: On n'a plus de temps. Bon. Excusez-moi.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. M. Baril, Me Alarie, M. Haméon, M. Gaudette et M. Gauthier, bienvenue. Effectivement, votre position est très claire. Il y a un élément qui n'est pas abordé et, pour avoir certains éclaircissements – et je sais que mon collègue d'Outremont m'a demandé de lui laisser un certain temps... C'est toute la question du système privé et du système public, ce que vous proposez ou votre position face à la laïcisation comme telle inclut autant le système privé que le système public, ou vous seriez prêts à dire: Bien, écoutez, si le système privé devient vraiment un système privé, est plus subventionné, ou quoi que ce soit... Comment vous voyez la relation entre les deux systèmes face à la laïcité?

M. Baril (Daniel): Notre intervention porte d'abord et avant tout sur l'école publique. On pense que c'est ça, l'objet du rapport Proulx, ça ne porte que sur l'école publique. Par ailleurs, on aurait pu ajouter – et, à ce moment-là, on aurait été encore plus clair – que ça porte sur l'école publique ou toute école subventionnée. Si une école privée est privée, est subventionnée par des fonds privés, bien, évidemment, elle peut fonctionner comme elle veut. Par contre, il faudrait appliquer à ce moment-là le modèle français, c'est-à-dire que, dans la partie des subventions données à l'école privée confessionnelle, partie des subventions publiques... ne couvre pas la dimension religieuse. Donc, c'est un enseignement qui est assumé par les communautés religieuses et qui ne fait pas partie du curriculum. On n'a pas de problème avec ça, évidemment.

M. Béchard: O.K. Je vais laisser mon collègue d'Outremont, Mme la Présidente. S'il reste du temps, je reviendrai.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Merci, Mme la Présidente. M. Baril, messieurs, je veux vous dire d'abord que, moi, je suis un parlementaire et que je suis motivé par la quête, par la recherche d'un intérêt public, de ce que les philosophes classiques appelaient l'intérêt général. Or, j'ai des réserves sur le rapport Proulx qui sont de nature philosophique, pour ne pas dire épistémologique. J'ai le plus grand respect pour l'opinion du Mouvement laïque québécois, mais je dois vous dire, tout en étant calme mais sans détour, n'est-ce pas, que votre conclusion, je l'ai trouvée très offensante. Compte tenu des réserves que j'ai sur le rapport Proulx et compte tenu de votre conclusion, dont je vous lirai des extraits tantôt, vous m'amenez à penser que le député d'Outremont et Pierre-Étienne Laporte, n'est-ce pas, se rangerait du côté des éteignoirs et qu'il ne serait pas un adhérent de l'esprit des Lumières. C'est très difficile pour moi d'accepter ce genre de jugement là parce que j'ai été éduqué dans la tradition de l'esprit des Lumières, et c'est une tradition à laquelle j'ai une adhérence totale, n'est-ce pas.

Donc, ma question est la suivante: Êtes-vous sérieux dans la conclusion lorsque vous dites: «Nous assistons en cette fin de siècle à un enjeu de même nature et de même importance» que celui qui était au XIXe siècle; «la démocratisation du système scolaire et son adaptation à la réalité d'aujourd'hui sont combattues par les mêmes forces qui se sont opposées au développement de l'école publique au siècle dernier. Il importe, cette fois-ci, que l'esprit des Lumières l'emporte sur celui des éteignoirs»? Êtes-vous en train de dire ici, dans cette commission parlementaire, que le député d'Outremont, qui a des réserves sur le rapport Proulx, les a strictement parce qu'il pratique l'obscurantisme? C'est très grave ce que vous êtes en train de dire là. Êtes-vous en train de dire que les gens qui sont venus ici de bonne foi nous exprimer leurs opinions sur l'opportunité de faire certains autres choix que ceux que veut le rapport Proulx le font strictement au nom d'une adhésion à l'obscurantisme? C'est une affirmation qui ne doit certainement pas s'adresser à moi et que je trouve très défensive et très difficile dans le cas des gens qu'on a entendus jusqu'ici dans cette Assemblée. Donc, je vous repose la question: Êtes-vous sérieux? Et, si vous êtes sérieux, expliquez-vous.

M. Baril (Daniel): On est très sérieux. Écoutez, prenez-le personnel ou non, je pense que vous n'étiez pas là au siècle dernier; par contre, il y a des institutions qui étaient là au siècle dernier. Quand on fait allusion ici aux mêmes forces, on pense notamment aux structures cléricales catholiques actuellement au Québec. Bon. C'est d'abord de là qu'origine la campagne d'opposition. Ça ne veut pas dire que tous ceux qui ont des réserves sur le rapport Proulx, que tous ceux qui sont en accord même avec la confessionnnalité sont des obscurantistes, des bornés et qu'ils veulent combattre les libertés civiles. Par contre, quand vous dites aussi que les gens viennent ici de bonne foi et ont un discours qui n'est pas obscurantiste, on est habitués au discours du Comité catholique, par exemple, qui, sous des dehors d'ouverture et de démocratisation et même d'humanisme, arrive à des conclusions qui visent au maintien d'un statu quo qui, lui, n'est pas démocratique. Alors, le discours qui précède, nous, ça ne colle pas sur nous.

On ne veut pas dire non plus que l'école confessionnelle est une école fasciste, là. Par contre, ce n'est pas la meilleure solution pour traiter équitablement des droits fondamentaux dans une école publique dans une société démocratique. Bon. Tous les opposants aussi à la confessionnalité peuvent avoir des divergences sur nos positions, et tout le monde qui est d'accord peut-être avec certaines formes de religion à l'école n'adhère pas au discours de ce qu'on juge être actuellement, oui, une certaine forme d'obscurantisme qui occulte la réalité des faits au départ et qui vise par des contours pseudodémocratiques ou un verni démocratique à maintenir une situation qui n'est pas démocratique. Alors, si vous cherchez, vous, personnellement, le bienfait public, bien, d'abord, on vous en félicite et ça fait partie de votre devoir de député. Il faut trouver des solutions pour que l'école publique soit démocratique. Puis, si vous en trouvez d'autres que la laïcité, bien, il faut... la balle est dans le camp des confessionnalistes qui ont à défendre que l'école confessionnelle est démocratique. À date, la preuve n'a pas été faite. Il faut d'ailleurs suspendre la Charte pour maintenir une telle école. Alors, est-ce que vous avez d'autres solutions?

M. Laporte: Mais, monsieur, je suis content que vous me répondiez ainsi parce qu'il y a tout de même une chose claire. Moi, je ne suis pas le porte-parole du Comité catholique, je ne suis pas le porte-parole de l'Église, je ne suis pas le porte-parole de la hiérarchie, je ne suis pas le porte-parole d'aucune religion. Je suis un parlementaire qui fait un travail de réflexion, n'est-ce pas, et je réfléchis au meilleur de mes capacités intellectuelles. Et, sur le rapport Proulx, j'ai des réserves philosophiques. En particulier, je pense que c'est un rapport dans lequel il y a une absence à peu près complète de réflexion sur l'essence de la religion, n'est-ce pas?

Une voix: Oui.

M. Laporte: Sur l'essence de la religion. Et, à partir de cette réflexion-là, on pourrait s'interroger sur les fonctions de l'enseignement religieux dans les écoles ou ailleurs. Mais il y a une chose sur laquelle il faut absolument qu'on s'entende, c'est qu'on peut avoir des réserves sur votre position et sur la position de Jean-Pierre Proulx sans appartenir au courant obscurantiste. On est d'accord là-dessus?

M. Baril (Daniel): Oui, oui.

M. Laporte: D'accord. Je suis content de vous l'entendre dire.

M. Baril (Daniel): Sur les lacunes ou ce qu'il n'y a pas dans le rapport Proulx, en fait ce n'était pas dans le mandat de ce groupe de travail d'établir ce qu'est l'essence de la religion. Ils ont réfléchi sur la place de la religion à l'école. Alors, la religion peut être définie par... C'est une autre paire de manches de définir ce qu'est la religion. Et sur le sens, sur l'apport que ça peut apporter à la quête de sens... ce n'était pas dans leur mandat. Peu importe ce qu'on répondra à ces questions périphériques, on peut les mettre entre parenthèses et réfléchir sur la façon dont l'école va tenir compte de ce qu'on vient de mettre entre parenthèses. Et c'est à ça qu'ils ont répondu. Alors, cette lacune ne porte pas, ne minimise en rien, je pense, les conclusions du rapport.

(12 h 20)

M. Laporte: Mme la Présidente, je vous remercie, je pense que j'ai exprimé clairement mon point de vue.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député d'Outremont. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Ça va aller, merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Pas d'autres questions? Alors, on vous remercie beaucoup de votre participation. Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à l'ordre de la Chambre.

(Suspension de la séance à 12 h 21)

(Reprise à 15 h 20)

La Présidente (Mme Charest): Alors, nous allons reprendre les travaux de la commission parlementaire de l'éducation.

J'invite l'Association des enseignantes et enseignants de morale et de religion à prendre place à la table. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Suivra une période d'échanges avec les deux formations. Là, monsieur, s'il vous plaît. J'apprécierais aussi que vous vous présentiez, dans un premier temps. Alors, on y va.


Association des enseignantes et enseignants de morale et de religion du Québec (AEMRQ)

M. Girard (André): Madame, messieurs. La courte présentation consiste en ceci: que l'Association des enseignantes et enseignants de morale et de religion du Québec n'est pas l'association de tous les enseignants et de toutes les enseignantes de morale, mais une association bona fide qui regroupe au-delà d'une centaine de ces enseignants dont une bonne partie est anglophone et dont également une bonne partie est protestante, catholique et aussi neutre. Je pourrai vous laisser une documentation supplémentaire sur cette association.

Le Dr Desjardins et moi-même, André Girard, faisons partie de l'exécutif au titre de conseillers techniques avec l'exécutif qui a élaboré le rapport qui a été remis au comité Proulx dans le temps et qui a également élaboré celui que vous avez en main comme membres de l'Assemblée législative.

La Présidente (Mme Charest): Comme membres des groupes parlementaires, c'est ça. Merci.

M. Girard (André): Voilà. Il y a quatre courtes remarques à faire au départ, à savoir sur quelle base le cheminement de cette association s'est fait pour en arriver à vous remettre le rapport en question, les suggestions en question.

La première est assez importante, c'est qu'on parle sans arrêt de privilège des catholiques et des protestants actuellement dans le système scolaire du Québec. C'est sans doute vrai quand on regarde toute la diversité idéologique et religieuse actuellement dans la province, mais il ne semble pas que ce soit juste que d'en parler sur le plan historique. Il ne faut pas oublier que notre législation, qui a commencé à s'élaborer de façon sérieuse dans les années 1840, à ce moment-là, était prise avec deux légitimités faisant partie de l'État et absolument pas privilégiées, à savoir le régime colonial à base anglicane protestante et la population immensément majoritaire évidemment francocatholique. Et le compromis de ces années-là a été celui de n'exclure personne. Dans l'Empire britannique du temps, c'était la première fois que les catholiques, depuis deux siècles, gagnaient leurs droits. Il s'agissait d'inclure toutes les options, et c'est comme ça qu'on a vécu dans le système de cette province, et qui a été d'ailleurs transmise, en bonne partie, dans huit des autres provinces, c'est comme ça, dis-je, qu'on a vécu dans cette province l'inclusion de tous. La faille a consisté à ne pas inclure les collectivités qui sont arrivées par la suite, spécialement au début du siècle, depuis le début du siècle. Donc, historiquement, il ne s'agit pas d'un privilège, il s'agit d'une volonté d'inclure toutes les options. Première prise de réalité par l'Association.

La deuxième prise de réalité, ça a été de relever que le terme «laïcité» qui est constamment employé est une importation récente de France. Il s'agissait, au début du siècle, en France, de sortir ceux qu'ils, eux, appelaient les congréganistes: les religieuses, les religieux, les clercs – «laïcité» s'oppose à «clerc». Dans la province de Québec, on peut affirmer que, depuis une bonne trentaine d'années, le système est laïcisé, si on veut parler en bon français. Il n'est toutefois pas déconfessionnalisé, ce qui est une autre réalité. La déconfessionnalisation supposerait à ce moment-là qu'on passe à la neutralité et la neutralité est une option religieuse, celle de n'en admettre aucune. Il y a actuellement dans notre milieu diverses options religieuses et dont l'option négative neutre qui a tous ses droits, qui devrait tous les avoir et auxquels peut-être on ne les a pas toujours concédés.

La troisième prise de réalité par l'Association pour élaborer les trois recommandations, les trois propositions qui vous ont été soumises, est la suivante: il n'y aurait pas à confondre l'école publique et école gratuite et école commune, trois réalités encore fort différentes. L'école publique existe bien sûr et, de nouveau, non seulement au Québec, mais ailleurs également, l'école publique n'est pas unique dans ce pays. La province voisine, par exemple, a deux systèmes d'école publique: l'école ordinaire – elle n'a pas de qualificatif, celle-là, par exemple, en Ontario – puis ce qu'ils appellent, eux, malencontreusement l'école séparée, qui est une école publique. L'école commune, c'est l'école de tous. Elle n'existe pas, l'école de tous. Dans la province de Québec, il y a les écoles, selon la loi, francophones et il y a les écoles, pour ceux qui y ont droit, anglophones, et il y a toutes les écoles autochtones qui sont actuellement, je pense, au nombre de six ou sept, tout à fait légales. Il n'y a pas d'école commune, il y a l'école publique.

Et finalement, la quatrième réalité qu'a prise en compte l'Association, c'est qu'on parle beaucoup jusqu'à maintenant de question de structure, de gestion et d'administration, alors que, fondamentalement, il s'agit de question de pédagogie et de salles de classe, ce qui amène aussi, quant aux propositions, l'idée que, s'il faut que les gestionnaires et les administrateurs aient à se plier à des conditions éducatives plus favorables, il faudrait peut-être ne pas hésiter à leur imposer, en se rappelant bien que, dans cette province, il y a proportionnellement infiniment plus de gestionnaires et d'administrateurs scolaires qu'on en trouve dans la plupart des autres systèmes scolaires d'Amérique du Nord. On aurait sensiblement le même nombre de fonctionnaires de tous les niveaux, de tous les paliers en éducation dans cette province qu'il y en a dans l'État de New York qui a cinq fois notre population.

C'est sur ces considérations-là que le cheminement, encore une fois, de l'Association a été amené à vous proposer les aménagements suivants quant au phénomène en cause que vous étudiez.

La première proposition commence donc par le départ et la base, celle de la salle même de classe. L'école publique, même si elle n'est pas tout à fait commune sur le plan linguistique, aurait normalement à offrir, dans chacune des classes, un choix entre l'enseignement moral et l'enseignement religieux à tous les élèves des écoles primaires et secondaires, ce qui semble encore une fois une montagne gestionnaire à surmonter, mais qui est localisée fort probablement seulement dans certains secteurs de cette province.

La proposition 2. Je ne sais pas si Dr Desjardins voudrait prendre le relais, là.

La Présidente (Mme Charest): M. Desjardins, allez-y.

M. Desjardins (Jean): Oui. L'école publique doit être juridiquement non confessionnelle et constituer un milieu de formation où chaque option offerte puisse s'épanouir. Et la troisième proposition qui découle de ces deux premières: des comités doivent être ajoutés au Conseil supérieur de l'éducation, et les postes de sous-ministres associés de fois catholique et protestante doivent être abolis au ministère de l'Éducation. Alors, ce sont les propositions que l'AEMRQ vous soumet.

M. Girard (André): L'idée de ces sous-ministres associés remettrait le gouvernement à la page, c'est-à-dire qu'au niveau du gouvernement il y aurait neutralité, quitte, mais c'est une toute autre question, à ce qu'il y ait des ministres associés pour les langues, maintenant que le système est établi sur une base linguistique, autochtone et anglophone.

(15 h 30)

Le coeur de la proposition quant aux structures pourrait se loger sur le plan du Conseil supérieur de l'éducation. Il y a un comité catholique, il y a un comité protestant. L'option neutre existe depuis des années et on n'a jamais donné aux neutres leur comité, par exemple. Les Juifs sont avec nous en nombre considérable depuis maintenant près d'un siècle et on ne leur a jamais donné leur comité encore, d'où les propositions qu'on a pu lire dans les journaux, si je me souviens bien, hier matin.

De nouvelles communautés avec des élèves en nombre qui dépassent le nombre de beaucoup de commissions scolaires, même s'il en reste moins qu'autrefois, mais des élèves d'autrefois, religieuses, existent: les bouddhistes, bien sûr, les musulmans. Mais le nombre croissant sans cesse actuellement parmi les élèves, c'est celui des neutres, surtout dans les régions, semble-t-il, urbaines. Alors, il serait normal peut-être qu'il y ait des sous-comités au Conseil supérieur de l'éducation qui complètent ce qui est inchoatif depuis maintenant 25 ans. C'est là, l'esprit de la proposition.

Nous reviendrons tout à l'heure... si vous voulez, tout de suite, sur le fait que l'école publique, qui doit être juridiquement non confessionnelle, pourrait néanmoins offrir – ça avait été soumis au comité Proulx, ça – un local, mais un local bien identifié où les diverses options philosophiques, idéologiques ou religieuses pourraient s'y retrouver et s'identifier si l'école, elle, doit être non confessionnelle. La situation des bâtiments scolaires actuellement, vu la baisse démographique, pourrait probablement permettre, sans dépense excessive, l'aménagement d'un local comme ça par école. Et, si l'école devait, elle, avoir certaines manifestations d'un type ou de l'autre, de caractère religieux ou neutre, là le comité de gestion de l'école aurait à se prononcer démocratiquement sur place à chaque fois.

Quant à la proposition 1, il serait intéressant de relever combien actuellement d'enseignants de morale et de religion, dans les faits, sont là un peu pour complément d'horaire, par obligation, sans trop de conviction, et là il y a une fiction de droit, ou d'organisation, ou de réglementation, comme vous voulez, qu'il faudrait une fois pour toutes crever. Celui qui vous parle a été pendant 30 ans dans la formation des maîtres, y compris des maîtres qui se préparaient à l'enseignement primaire, et, avec ce que vous savez, les classes n'étaient plus de 25, mais de 175 à 180 les dernières années où j'y étais. Et, en toute confidence, bien sûr publique...

M. Béchard: Ça va rester entre nous autres, ne vous inquiétez pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Girard (André): Oui, s'il y avait un quart des enseignants qui se préparaient à enseigner les programmes d'enseignement religieux, qu'ils soient de l'une ou de l'autre option actuellement admises, s'il y avait un quart des enseignants qui y allaient avec conviction, eh bien, c'étaient les bonnes années. Les autres devaient ramasser leurs crédits pour obtenir leur brevet et y aller. On ne trouve ça nulle part chez tous les états-majors de l'éducation qui ont peut-être oublié d'aller demander aux enseignants si, oui ou non, pour complément de tâches, pour assurance d'emploi, ils étaient coincés pour aller enseigner. Il faut que cette situation cesse, il y a un porte-à-faux assez grave, là.

Et la diversité dans ces mêmes publics, dans ces mêmes classes d'étudiants qui se préparaient à l'enseignement, la diversité d'origine religieuse était bien celle qui est énumérée dans notre proposition. C'est assez considérable de voir qu'il y a parmi les chrétiens, en plus, les diverses options orthodoxes, dans la région de Montréal bien sûr, et qu'il y a également des juifs francophones, autant qu'anglophones, qu'on ne les oublie pas – vous vous êtes fait dire avant-hier que la moitié de leur population-élèves, 3 500, était dans les écoles publiques – sans oublier encore une fois les musulmans et les bouddhistes. Et j'ajoute – j'espère que la proposition vous agréera – le nombre très considérable de neutres. Plutôt que de les braquer, aussi bien, et il faut, leur donner leurs droits. On peut réclamer démocratiquement l'enseignement religieux si on donne démocratiquement l'enseignement neutre à ceux qui le réclament et qui sont en nombre considérable. Ça peut vous sembler paradoxal, mais la justice, c'est pour tous.

Du côté, donc, des enseignants, l'immense respect qu'on leur doit d'enseigner dans ce domaine-là, selon leurs convictions, à l'intérieur de chaque école, selon une plage horaire établie, c'est habituellement deux périodes-semaine...

La Présidente (Mme Charest): Il vous reste deux minutes.

M. Girard (André): Voilà, et j'allais terminer justement là-dessus.

La Présidente (Mme Charest): Allez-y, monsieur.

M. Girard (André): Et, du côté des élèves, avec l'immense éventail qu'ils représentent, sans oublier que, dans les écoles secondaires, actuellement, le règlement qui dit que, en secondaire I, II et III, il faut que parents et enfants signent ensemble l'option, demandez à tous nos directeurs d'école dans quel dilemme ils sont régulièrement, chaque année, quand, à la maison, on leur fait signer enseignement religieux et qu'à l'école le directeur et les enseignants sont pris avec des jeunes qui disent: Ça, c'est le choix de mes parents, ce n'est pas mon choix. Ce ne sera qu'en secondaire IV et V qu'ils auront finalement leur premier droit de parole à ce sujet.

Madame, mes deux minutes sont écoulées.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Girard et M. Desjardins. Maintenant, je passe la parole au ministre de l'Éducation. M. le ministre.

M. Legault: Oui. M. Girard, M. Desjardins, merci beaucoup pour votre mémoire, votre présentation et votre présence ici aujourd'hui. Vous représentez des personnes qui vivent au quotidien avec les élèves, les élèves, finalement, qui sont ceux pour qui, en bout de ligne, on essaie de construire un système scolaire de qualité, respectueux des droits et libertés de chacun.

Vous proposez d'ajouter, là où le nombre le justifie, de l'enseignement religieux d'autres confessions. Donc, je pense que votre contribution peut être très importante pour mieux comprendre cette approche que plusieurs appellent l'approche communautarienne, surtout dans son application concrète. Et vous le dites d'ailleurs dans votre mémoire, ça peut poser effectivement des situations, des difficultés. Vous n'êtes pas sans savoir, par exemple, que, dans la région de Montréal, on pourrait se retrouver avec des écoles qui pourraient offrir quatre, cinq, six options et même peut-être plus.

Une voix: ...

M. Legault: Sept, vous me dites. Oui, c'est ça.

M. Girard (André): En incluant les sikhs du côté anglophone.

M. Legault: C'est ça. Et vous précisez aussi dans votre mémoire que le ministère de l'Éducation devrait aussi avoir la responsabilité d'éviter l'intrusion d'inacceptables sectes.

M. Girard (André): Voilà. Ça, je n'ai pas eu le temps à cause des deux minutes.

M. Legault: Bon. J'aimerais vous entendre. Je vais vous laisser la chance de vous faire entendre justement. Est-ce que vous pouvez nous dire, d'abord, ce que vous entendez par «sectes»? Comment démêler les groupes religieux minoritaires qui peuvent légitimement exister et ceux qui pourraient être répréhensibles? Et puis comment le ministère pourrait faire pour éviter l'intrusion dans l'école de ce que vous appelez une secte?

Une voix: Inacceptable.

M. Girard (André): Inacceptable. Sectes: pensons au Temple solaire. Je pense que, là, il n'y aura pas de controverse. Je vous ferai remarquer qu'en anglais, «sect», ça n'a pas tout à fait la même signification qu'en français. Mais on s'entend pour dire qu'il y a des cas limites. Et votre question, dans le fond, c'est le comment.

M. Legault: Oui.

(15 h 40)

M. Girard (André): C'est là qu'arrive la proposition des sous-comités: Ne pourraient être enseignés que les groupements qui ont un sous-comité au Conseil supérieur de l'éducation, qui doivent approuver les programmes et qui, dans le mémoire soumis au comité Proulx, doivent également approuver les personnels qui y enseigneront.

M. Legault: O.K. Mais on n'en sort pas, là. À ce moment-là, je vais vous poser une autre question: Comment ferait-on pour choisir les religions qui composeraient ce comité? Les représentants de quelles religions seraient admis à ce comité?

M. Girard (André): Mais ce n'est pas au comité... Ce sont les...

M. Legault: Quels seraient les critères qui seraient utilisés par le comité pour choisir les religions qui sont acceptables?

M. Desjardins (Jean): C'est le comité, je crois, qui devrait établir ces critères-là. Je pense que ce n'est pas à nous à définir les critères actuels qui définissent qu'est-ce qu'une religion ou une secte. Mais vous savez certainement qu'il existe des religions... Il y a les religions officielles, celles qui sont reconnues, et puis il y a des sectes, qu'on appelle des sectes. Mais ce n'est pas à nous à définir les critères. Ce serait au ministère de l'Éducation à définir ces critères-là et à établir les sous-comités que nous proposons. C'est notre façon de voir.

M. Girard (André): En complément. Est-ce qu'il n'y aurait pas une possibilité de dire: Le Conseil supérieur de l'éducation reçoit des demandes par des options... Puis j'insiste, excusez-moi de rajouter, M. le ministre, mais la première, elle est faite, c'est clair, c'est les neutres qui ont besoin de leur sous-comité, et ça urge.

M. Desjardins (Jean): C'est les quoi?

M. Girard (André): Les neutres.

M. Desjardins (Jean): Bien oui.

M. Girard (André): Bon, c'est une option religieuse, ça, dans le fond, celle de ne point avoir... Bon. Les autres qui voudraient s'ajouter soumettraient leur candidature pour obtenir – comment je dirais bien ça? – une structure de sous-comité. J'imagine les juifs, au départ, par exemple, qui demandent d'avoir un sous-comité juif.

M. Desjardins (Jean): Les musulmans.

M. Girard (André): Les musulmans, bien sûr, suivraient assez tôt, bien qu'actuellement, on le sait, il y a 18 écoles juives seulement dans la région de Montréal. Alors, les juifs, ils obtiennent du Conseil supérieur le statut de sous-comité, et là, comme dit le Dr Desjardins – il y a par exemple des études faites là-dessus, à l'Université de Montréal, sur les sectes et les religions – les critères et les normes se dégagent. Ils se dégagent d'une façon aussi dans d'autres pays. La France est en train de dégager toute une série de critères d'admissibilité. On n'est pas obligé de suivre tous les critères; par exemple, le costume. En France, c'est défendu d'avoir des costumes représentatifs d'une religion à l'école. Je ne sais pas si je vais trop loin, là.

M. Legault: Non.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Girard. M. le ministre.

M. Legault: Bien, j'essaie juste de comprendre. Si je comprends bien, vous suggérez la création, entre autres, de six nouveaux comités: neutre, juif, chrétien orthodoxe, musulman, bouddhiste et hindou.

M. Girard (André): Voilà.

M. Legault: D'abord, vous n'êtes pas sans savoir que ce serait une approche qui serait considérée discriminatoire aux yeux des chartes que de choisir juste ces six religions. Comment on peut ouvrir à d'autres religions sans ouvrir à toutes les religions? C'est ce que j'essaie de comprendre avec vous.

La Présidente (Mme Charest): M. Girard.

M. Girard (André): Je comprends mal que ça aille contre les chartes s'il n'y a personne qui est exclu.

M. Legault: Bien, vous dites que vous limitez à six religions.

M. Girard (André): Parce qu'il y en a six.

M. Legault: Bien, il y en a plus que six, il y en a 1 000, religions au Québec.

Une voix: Groupes religieux.

M. Legault: Ou groupes religieux.

M. Girard (André): Oui, voilà. Quand on dit «les orthodoxes»... comme on dit «les protestants», c'est un réflexe de franco-catholique, ça, que de parler des protestants dans un seul groupe. Dans vos 1 000, il y en a 600...

M. Legault: Non, mais toute la question, c'est de savoir: Qu'est-ce qu'une religion?

M. Girard (André): Voilà.

M. Legault: Qu'est-ce qu'une secte inacceptable? Bon, vous, vous établissez qu'il y en a six. C'est ce que je comprends bien?

M. Desjardins (Jean): Six, ce serait déjà mieux que ce qui est actuellement. Actuellement, il y a un sous-ministre catholique, un sous-ministre protestant, sous-ministres associés. Les neutres ne sont pas représentés. Les juifs ne sont pas représentés. Les autres religions ne sont pas représentées. Alors, ce qu'on suggère, c'est d'abolir les postes de sous-ministres associés puis de les remplacer par des comités qui représenteraient plus d'options qu'actuellement, catholique et protestant. Alors, je pense que ce serait déjà un pas en avant, quitte à l'améliorer dans le futur quand les critères de définition de «religion» seront mieux connus. Mais c'est qu'on croit à la tolérance, à la diversité, on voudrait donner la chance à chacun de s'exprimer et de s'épanouir dans les écoles. C'est pour ça qu'on suggère de former plus de comités qu'il en existe actuellement.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Desjardins.

M. Legault: D'accord. Une dernière question...

La Présidente (Mme Charest): M. le ministre.

M. Girard (André): C'est parce que c'est par famille religieuse qu'il faut procéder, pas par série de catéchisme ou de dogmatique. Par famille.

M. Legault: D'accord.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Girard. M. le ministre.

M. Legault: Oui, une dernière question. Bon, vous semblez d'accord pour laisser tomber le statut confessionnel pour toute école publique, mais vous ne dites rien sur les écoles à projet religieux ou sur les écoles qui, sans avoir de statut confessionnel, voudraient se donner un projet éducatif à caractère religieux. Est-ce que vous avez un point de vue à ce sujet?

M. Girard (André): Oui.

La Présidente (Mme Charest): M. Girard.

M. Girard (André): Vous me permettez, je vais être bref en lisant. «Si, venant de certains groupes de la société, il se dessinait un fort mouvement de blocage et de refus d'accepter ce compromis, le gouvernement pourrait mettre de l'avant, en dernière analyse, l'adoption d'une loi par l'Assemblée nationale sur les écoles à charte, "charter schools", à l'image de ce qui s'est fait dans plusieurs provinces canadiennes et États américains, ou même sur les écoles sous contrat qu'on trouve un peu partout en Europe.»

M. Legault: Dans les écoles publiques, est-ce que ce serait possible, selon votre système proposé, d'avoir un projet éducatif, religieux ou non?

M. Girard (André): Les lois sur les écoles à charte, surtout aux États-Unis, le permettent.

M. Legault: Donc, vous voyez une différence entre une école qui a un statut confessionnel et une école qui a un projet éducatif à caractère religieux. Vous voyez une différence. Est-ce que je pourrais savoir quelle est cette différence, selon vous?

La Présidente (Mme Charest): M. Girard.

M. Girard (André): Excusez, le premier terme, c'est... Le projet éducatif...

M. Legault: Par rapport au statut de l'école.

M. Girard (André): La proposition de l'AEMRQ, c'est que le statut soit neutre... soit non confessionnel, pardon, pas neutre, non confessionnel. Mais le projet éducatif, les projets éducatifs, si vous me permettez, de l'école pourraient prendre place dans ce local oecuménique où chacun, à tour de rôle, pourrait y poursuivre ses occupations. C'est quand toute l'école est impliquée que le projet éducatif devrait à ce moment-là s'en référer au conseil mis en place – je ne me souviens plus du nom technique, là – dans chaque école pour avoir l'approbation.

M. Desjardins (Jean): Le comité de travail.

M. Girard (André): Ça ne se fait pas sans tension dans l'est de l'île de Montréal, où ils ont trouvé moyen, le printemps dernier, d'organiser des cérémonies dans des écoles qui sont encore juridiquement catholiques, par exemple, où il y a beaucoup de protestants et de neutres...

M. Legault: D'accord.

M. Girard (André): ...et il a fallu un compromis dans le comité d'école.

M. Legault: Je vais laisser mon collègue continuer.

La Présidente (Mme Charest): C'est qui?

M. Legault: Le député de Masson.

M. Labbé: Alors, madame...

M. Legault: Le député de Masson.

La Présidente (Mme Charest): Oui, alors...

M. Labbé: Le député de Masson.

La Présidente (Mme Charest): ...Mme la députée de Prévost.

Une voix: Non.

La Présidente (Mme Charest): Non?

M. Labbé: De Masson.

La Présidente (Mme Charest): De Masson. Le député de Masson. Pardon.

M. Labbé: Alors, merci, Mme la Présidente. M. Girard, M. Desjardins, félicitations pour la présentation de votre mémoire. Sans vouloir tourner le fer dans la plaie, je voulais juste peut-être avoir un petit élément d'éclaircissement sur la notion des six nouveaux comités confessionnels que vous voulez créer, finalement qui s'ajouteraient à ceux de catholique et protestant. J'aimerais savoir quelle serait votre réaction face à la création peut-être d'un comité multiconfessionnel? Comment vous réagissez par rapport à cette hypothèse?

M. Girard (André): Écoutez, je ne voudrais pas répondre par une mauvaise blague, mais c'est le mouvement oecuménique, ça. Demandez au Saint-Père ce qu'il en pense. Ha, ha, ha!

M. Labbé: Et vous n'êtes pas le Saint-Père.

M. Girard (André): Ce que je veux dire, c'est que chacun va se sentir lésé... évidemment qu'un comité comme ça, on penserait tout de suite à dire: Bien, ça nous prend un juif, ça nous prend un musulman, ça nous prend... et chacun va se sentir lésé dans un seul comité. La raison profonde est encore une fois administrative, possiblement mais probablement assez peu financière malgré tout. Et le comité peut être – je ne sais pas, moi – d'une option religieuse, d'une famille religieuse. Le comité peut être beaucoup plus restreint que le comité catholique, par exemple. Alors, pourquoi pas donner l'autonomie à chaque option dès le départ? C'est le nombre qui fait peur, dans le fond. C'est le nombre qui fait peur. Les options, il faut les recouvrir dans leur réalité, mais là, c'est une exhortation morale que je fais.

(15 h 50)

M. Labbé: D'accord. Je voulais quand même vous entendre sur cet aspect. Pour moi, c'est important de le valider.

La Présidente (Mme Charest): M. le député de Masson.

M. Labbé: Merci, madame. Alors, vous mentionnez aussi, à la page 4 de votre mémoire, que «l'apprentissage du respect et du partage à l'école passe par la tolérance face à la diversité». Par contre, vous rejetez à ce moment-là l'option des cours culturels des religions, le fameux cours culturel des religions. Ne croyez-vous pas que ce cours constitue une bonne occasion d'introduire les élèves à la diversité religieuse? Puis quel moyen proposeriez-vous à ce moment-là pour permettre de développer une telle ouverture?

M. Girard (André): Bon. Je le crois, mais – on revient en classe – je ne sache pas – il y a des bémols au départ, hein – qu'on ait le personnel pour enseigner ça. Soyons bien honnêtes: la loi change, elle s'applique, je ne sais pas, moi, en septembre 2000 ou 2001, qui va enseigner ça? Qui est formé pour enseigner dans toutes les écoles du Québec cette diversité proposée? Vous me comprenez?

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Girard. M. le député de Masson.

M. Girard (André): J'ai des enseignants de...

La Présidente (Mme Charest): O.K., vous n'avez pas terminé. Excusez-moi.

M. Girard (André): Je dis «j'ai», ce n'est pas moi, là. Nous avons des enseignants de religion chrétienne qui n'ont jamais lu le Nouveau Testament, pas plus les Évangiles. Donc, qui va enseigner ça? Ça va prendre combien de temps pour former le personnel pour toutes les écoles? C'est là que les sectes nous attendent. Elles sont déjà en train de noyauter. Je n'ai pas osé le dire, mais on me questionne, elles sont déjà en train de noyauter dans nos universités, en tout cas dans la mienne.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Girard. Allez-y, M. le député de Masson.

M. Labbé: Et, dans le même sens, quand vous me disiez tout à l'heure que, au niveau de la religion catholique ou protestante, même il y a des gens qui ne pratiquaient pas, ce n'était pas évident, on s'entend là-dessus, alors on avait aussi un problème à ce niveau-là. Par contre, quand on parle du cours culturel, en fait... à ce moment-ci, évidemment, on s'entend, c'est une initiation aux différentes religions.

M. Girard (André): Oui, oui, on s'entend, il y a des manuels là-dessus.

M. Labbé: Alors, dans une période transitoire, vous ne voyez pas, à ce moment-ci... pour vous, il y a vraiment un risque que, justement, des sectes ou différents organismes s'introduisent?

M. Girard (André): Surtout de médiocrité. Ce qu'il y a de mieux, c'est encore le manuel, je ne sais pas si vous l'avez vu quelqu'un, et c'est le plus qu'on peut en attendre, à mon humble avis.

M. Labbé: D'accord.

M. Girard (André): Et ça a été soulevé, ça, à l'exécutif, on l'a regardé, à l'AEMRQ, puis on a dit: Si ce n'est que ça, aussi bien faire un solide cours d'histoire.

M. Labbé: D'accord, c'est beau. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député de Masson. Maintenant, nous allons procéder avec le critique de l'opposition officielle, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci beaucoup. M. Girard, M. Desjardins, bienvenue, merci pour votre mémoire, pour votre présence.

Vous avez, au cours de votre présentation et dans votre mémoire, soulevé un phénomène qui m'inquiète beaucoup et qui, en même temps, je pense, est en lien direct avec ce que vous venez de mentionner sur les sectes. Vous mentionnez dans votre mémoire, à la page 3, que, au niveau des enseignants, «il y a à prévoir la complète liberté d'option pour les enseignants également, sans préjudice aucun. En corollaire, le respect des contenus prévus au programme...» Mais, au niveau des enseignants comme tels, la problématique que vous soulevez pour enseigner le cours d'histoire ou de culture des religions, est-ce que le même phénomène ne risque pas de se révéler pour l'enseignement des religions auquel on pourrait ouvrir en cas de multiconfessionnalité? Et la même problématique sur la formation, sur les programmes, sur le suivi, comment on peut – parce que c'est dans une option ou dans l'autre... Parce que l'autre question à laquelle je réfléchissais pendant que je vous entendais, quand vous disiez qu'il y a à peine... très peu d'enseignants qui, finalement, y vont par conviction, beaucoup plus de gens y vont pour compléter une tâche, etc. Mais qu'est-ce qu'on fait en cas de pénurie d'enseignants qui veulent procéder à de l'enseignement religieux ou au cours de culture des religions?

La Présidente (Mme Charest): M. Girard.

M. Girard (André): Il y a deux volets à votre question, hein.

M. Béchard: Oui.

M. Girard (André): Je dirais, l'approbation pour l'enseignement des religions, ça relèverait, ça pourrait relever des sous-comités proposés tout à l'heure. Il faudrait que ces comités-là approuvent leurs gens. Je pense que les catholiques, les protestants, les musulmans, les juifs – les juifs, ce serait déjà un peu plus compliqué, mais en tout cas – pourraient facilement établir: Voici qui est autorisé. C'est le premier volet. Il faudrait être autorisé par le sous-comité de son culte pour y aller. Il y aurait regroupement d'élèves forcément, là.

Le deuxième volet, c'est celui-là qui est sous-jacent. De nouveau, on revient aux questions de gestion et d'administration. C'est que, dans ces listes-là, apparaîtront des gens qui ne sont pas des enseignants à plein temps forcément. Alors, ce volet-là recouvre bien sûr, et ça existe dans certains pays, ça... ça prend quand même, désignés, des gens qui ont ce qu'il faut pour enseigner. Mais qui paie? Qui les paiera, s'ils sont des hors cadres, des fonctionnaires de commissions scolaires? Alors, là, la question est posée. Si, disons, les orthodoxes grecs disent: Bon bien, on a tel enseignant et tel enseignant – comme ils ont d'ailleurs – qui donneront les deux périodes d'enseignement religieux orthodoxe dans telle école, pleinement approuvés et acceptables par le ministère comme enseignants, qui va couvrir les frais?

La Présidente (Mme Charest): Merci. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Pour poursuivre là-dessus. Dans le fond, ce que vous proposez, c'est d'avoir un peu deux types d'enseignants, c'est-à-dire les enseignants à tâche pleine, régulière, pour le curriculum, mais, pour l'aspect religieux comme tel, qu'on puisse avoir des enseignants, je dirais, des chargés de cours, à temps partiel, à tâche non complétée.

M. Girard (André): C'est ça.

M. Béchard: Je reviens à ma question. Un, si ce sont des gens qui n'ont pas une tâche complète et entière, comment s'assurer que ces gens... C'est sûr, il y a toujours, comme vous dites, l'accréditation, et tout ça, mais, moi, je me dis, un enseignant qui est formé et qui a suivi toute sa formation veut avoir une tâche complète, que ce soit en enseignement religieux ou autre. Et, si on ouvre à d'autres personnes, à d'autres types de gens, ou à une autre catégorie pour l'enseignement religieux, est-ce que vous croyez qu'il n'y a pas un risque là pour que, justement, il y ait des gens qui, comme vous le mentionniez tantôt, tentent de s'y infiltrer, ou quoi que ce soit, pour cette partie d'enseignement là? Et je reviens à ma question. Moi, je me demande, dans ces cas-là, s'il n'y a pas un risque, je ne dirais pas de pénurie d'enseignants, mais de manque de personnes qui veulent faire de l'enseignement religieux. Et en sous-question, à ce moment-là: Est-ce que vous seriez prêt à ouvrir la porte à ce que, comme certains l'ont mentionné ici, ce soient les communautés religieuses qui viennent donner cette période d'enseignement là?

M. Girard (André): Ça se pourrait. Maintenant, écoutez, s'il n'y a pas d'enseignants religieux pour enseigner une religion, quel futur a cette religion-là, franchement? Vous comprenez ce que je veux dire?

M. Béchard: ...

M. Girard (André): Bon. Vous pensez du côté catholique, les communautés religieuses. Je n'ai aucune idée actuellement de leur démographie de recrutement, mais j'ai constaté au début de mon intervention que la laïcisation, à ce point de vue là, au sens rigoureux du mot, elle est faite depuis 30 ans au Québec. Bon. On ne découvre pas le monde ici actuellement, ça se passe partout ailleurs, ça. Le comité Proulx lui-même vous a dit: Il faudra ouvrir l'école hors des heures à ceux qui voudront l'enseignement religieux. La question se pose pour là aussi. La vraie question, c'est: Qui va payer? C'est ça, la vraie question. Ça n'enlèvera pas de poste à la profession enseignante, parce que la profession enseignante, elle est issue du milieu et elle est à peu près dans les mêmes proportions que les enfants. On peut s'y attendre, à ça. Vous comprenez?

M. Béchard: ...

(16 heures)

M. Girard (André): Le problème, c'est, encore une fois: Est-ce qu'il va y avoir un statut de paiement public? Ça, c'est une question que l'AEMRQ n'a pas abordée, mais sachant très bien qu'elle est inévitable. Est-ce que l'État va continuer à payer pour l'enseignement religieux?

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Girard. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Juste pour continuer peut-être dans le même sens que la réponse, cette question-là se pose aussi quand vous mentionnez, à la page 4 de votre mémoire, le fait que l'école publique à l'intérieur de chacun des réseaux doit être commune, sans privilège ni marginalisation pour aucune des options qu'elle a l'obligation d'offrir. Et vous mentionnez: «Les groupes qui tiendraient à officialiser leur confessionnalité à l'échelle de l'école entière devront s'en remettre au secteur privé.»

La grande question sur le secteur privé actuel, c'est: Est-ce que c'est un secteur privé? Et, à ce moment-là, est-ce qu'il y a un risque de discrimination quelconque? À partir du moment où les groupes qui voudraient voir officialiser leur confessionnalité, dans le fond, s'ils ont les moyens de se l'offrir par le secteur privé, à ce moment-là, ils pourraient y avoir accès. Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y a là un risque de discrimination?

Parce que je dirais qu'un des points importants qui sont soulevés par la plupart des groupes, c'est de dire que le système qui va être mis en place doit être le même pour le secteur public et le secteur privé. Parce qu'à partir de ce moment-là il y a un risque, dans le système actuel qu'on connaît au Québec, de se faire dire: Bien, écoutez, l'État n'est pas complètement neutre. Et, dans ce cas-là, est-ce qu'on ne devrait pas tout simplement dire que la confessionnalité des écoles, des structures telle qu'on la connaît et comme un peu vous le suggérez aussi dans les structures supérieures... votre comité avec plusieurs confessionnalités devient multiconfessionnel. Donc, il faut éviter de tomber dans ce piège-là aussi. Est-ce que vous ne voyez pas un risque dans ce que vous amenez, quand vous dites que les groupes qui tiendraient à officialiser leur confessionnalité à l'échelle de l'école devraient s'en remettre au secteur privé?

La Présidente (Mme Charest): M. Girard.

M. Girard (André): L'établissement d'une confessionnalité donnée, l'établissement. Si l'école publique est ouverte à l'enseignement puis à un certain cadre de formation ouvert aux diverses options, il peut rester un groupe irréductible qui veut que l'établissement soit confessionnel. Et là il n'y a que le recours au secteur privé pour avoir un établissement officiellement confessionnel.

J'ai évoqué tout à l'heure aussi le fait que les 18 écoles juives, les deux écoles musulmanes à Montréal, les deux écoles arméniennes, c'est leur statut. C'est leur statut, l'école est confessionnelle. Est-ce que je vois un risque? Mais quel risque il y aurait? Je ne connais pas de système d'éducation, même dans les pays les plus totalitaires, malgré tout ce qu'on en ait dit, qui ait évité l'école publique. Il y a une idéologie qui va contre; ça, c'est clair. Mais, dans les faits, il n'y en a pas eu, il n'y en a pas.

Au Québec, il y a une émotivité épouvantable face aux écoles privées, par exemple, qui existent, lesquelles sont très peu confessionnelles, d'ailleurs. Il y a une émotivité énorme, et on a une proportion moindre au Québec dans nos écoles privées qu'il n'y en a aux États-Unis, qu'il n'y en a en France, nos références éternelles et constantes. Alors, le danger, je pense qu'il ne faut pas tomber dans le fossé de gauche parce qu'on est dans le fossé de droite.

La Présidente (Mme Charest): Merci. Oui, allez-y, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: M. Girard, un autre point que vous avez amené dans votre présentation qui porte à réflexion, c'est sur le choix, quand vous mentionnez, en secondaire I, II, III, quand les parents arrivent avec un choix et que les enfants arrivent à l'école et disent: Nous, on n'est pas d'accord avec le choix de nos parents. C'est une situation assez problématique. Est-ce qu'on peut envisager qu'en secondaire I, II et III ce soit un choix uniquement des jeunes? Uniquement des parents? Quelle est la solution au problème que vous avez soulevé?

M. Girard (André): J'ai soulevé une situation, et la solution, elle existe, sauf erreur. Parce qu'il n'y a pas d'étude très précise faite sur ces choses-là. Mais la plupart des directeurs – je ne sais pas s'il y en a ici – ce qu'ils font, ils regroupent ces enfants-là, ils sont officiellement, par exemple, dans l'enseignement catholique ou dans l'enseignement protestant, mais ils sont regroupés, et l'enseignant est averti, pour ne pas faire de conflit de famille: Tu as, dans ton groupe, des jeunes qui protestent contre le choix de leurs parents, alors tire-toi-z-en au mieux. Alors, c'est la compromission éducative familiale, classique et éternelle, ça.

M. Béchard: Est-ce que les parents sont au courant de ça, selon vous?

M. Girard (André): Là, je ne sais pas.

M. Béchard: Ha, ha, ha! Pour faire de la dénonciation.

M. Girard (André): Mais c'est certain que, s'ils le devenaient, au courant... Bien, c'est-à-dire que c'est officiellement... Mais, en tout cas, c'est une formule de compromis entre: Tu rentreras à telle heure, puis tu rentreras à telle heure.

M. Béchard: Je vais laisser mon collègue d'Outremont... Puis je reviendrai après.

La Présidente (Mme Charest): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Merci, Mme la Présidente. M. Desjardins, pourquoi la question: Qui paie? est une question tellement majeure pour vous?

La Présidente (Mme Charest): M. Desjardins.

M. Desjardins (Jean): Oui. Ce n'est pas tellement majeur, mais c'est fondamental. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: Pourquoi?

M. Desjardins (Jean): Pourquoi? Parce que les parents s'attendent à ce que l'État paie pour l'enseignement à l'école. Et, si l'école est non confessionnelle, si elle offre des options, les options religieuses doivent être offertes à tous les élèves et l'État devrait payer pour ces cours-là. C'est pour ça. C'est parce qu'on a l'impression que c'est le voeu de tous les parents, de tous les élèves que ces cours soient défrayés par l'État. Parce qu'ils l'étaient dans le passé, alors ils veulent que ça continue.

M. Laporte: Donc, on revient à la question préalable, c'est-à-dire: L'État a-t-il la responsabilité d'assurer un enseignement de la religion, quoi?

M. Desjardins (Jean): C'est ça.

M. Laporte: Et, s'il l'assure, il doit payer pour, quoi.

M. Desjardins (Jean): Oui. Mais notre position, c'est que l'État a le devoir d'assurer l'enseignement de la religion dans les écoles. L'État doit offrir les options, et les élèves et les parents doivent avoir le choix.

M. Laporte: Bien, oui. Donc, doit-il payer?

M. Desjardins (Jean): C'est l'État.

M. Laporte: Donc, vous avez répondu oui à votre question.

M. Desjardins (Jean): Oui.

M. Laporte: Donc, la question de savoir qui paie, pour vous, ce n'est pas une question, vous avez déjà une réponse.

M. Desjardins (Jean): Oui, mais ce n'est pas une question, hein. Pour moi, ce n'est pas une question.

Une voix: ...de souhait.

M. Béchard: C'est un souhait.

M. Laporte: Non, mais je voulais clarifier ce point-là.

M. Girard (André): Est-ce que je peux rajouter un petit mot?

La Présidente (Mme Charest): Oui, M. Girard, si vous voulez ajouter quelque chose.

M. Girard (André): Y a-t-il une seule armée au monde qui refuse l'aumônerie?

M. Laporte: Qui refuse...

M. Girard (André): L'aumônerie, l'aumônerie militaire. Qui paie?

M. Laporte: Ah! moi, je n'ai pas de...

M. Girard (André): Non, non, mais c'est un argument, là.

M. Laporte: Je pose une question, là.

Une voix: ...

M. Laporte: Pardon? Bien, oui, disons, comme mon collègue l'a dit, de préférence, je suis un pacifiste, quoi. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: Je serais pour l'abolition des armes. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Charest): Est-ce que le député d'Outremont a une autre question?

M. Laporte: Non, merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charest): Ça va. Alors...

M. Béchard: Juste une petite question rapide, en terminant...

La Présidente (Mme Charest): Allez-y.

M. Béchard: ...sur un aspect qui n'a pas été abordé. C'est l'aspect, à la page 4 de votre mémoire, sur le local qui doit être désigné et réservé pour qu'en toute liberté et alternativement chaque groupe optionnel puisse faire des célébrations, tenir des réunions, etc. Est-ce que vous prévoyez des murs amovibles et des décors amovibles? Parce que ce que je veux dire, c'est d'avoir... Vous mentionniez tantôt qu'il y a des possibilités que, dans certains cas, on se retrouve avec de l'enseignement religieux, quatre, cinq, six religions. Ce local-là ne risque-t-il pas de devenir beaucoup plus un lieu, je dirais, de petits conflits entre qui l'a et qui y pratique quoi et qui le fait de telle et telle façon? Je me demande pourquoi vous amenez cette proposition-là.

M. Girard (André): Pour être certain que l'école soit juridiquement neutre et pas – comment je dirais? – envahie et bousculée par une des familles religieuses qui serait majoritaire. Qu'on se comprenne, là, l'enseignement religieux a lieu dans les classes, ce n'est pas dans le local, là.

M. Béchard: Non, non, absolument.

M. Girard (André): Bon. Et les manifestations, bien, le local est réservé à tour de rôle, et là c'est le travail des gestionnaires de l'école de voir à ce que ce soit réparti de façon équitable, le temps d'occupation de ce local. Ce n'est pas une entourloupette, ça. On a suffisamment de gestionnaires et d'administrateurs, dans cette province, en éducation pour faire des bons horaires. C'est ma conviction.

(16 h 10)

M. Béchard: Merci.

M. Girard (André): Non, j'ajoute quelque chose, si vous me permettez, j'en donne plus que le client en demande.

La Présidente (Mme Charest): Rapidement, puisque le temps est écoulé. Allez-y, M. Girard.

M. Girard (André): Pardon?

La Présidente (Mme Charest): Rapidement, parce que le temps est écoulé.

M. Girard (André): Oui.

La Présidente (Mme Charest): Allez-y, terminez.

M. Girard (André): Bien, là, je l'ai échappée. Je m'excuse.

Une voix: Il l'a avalée.

M. Girard (André): Il l'a avalée trop vite.

La Présidente (Mme Charest): Pardon?

Une voix: Il l'a avalé.

La Présidente (Mme Charest): Il l'a oublié. Bon, alors, je suis désolée. Je vous remercie, M. Girard et M. Desjardins.

Nous allons suspendre quelques minutes, le temps de changer de groupe.

(Suspension de la séance à 16 h 11)

(Reprise à 16 h 12)

La Présidente (Mme Charest): Je demanderais aux membres du Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec de prendre place à la table.

S'il vous plaît! Allez-y, mesdames, messieurs, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Et, dans un premier temps, si vous voulez bien vous présenter.


Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec (CPIQ)

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Mme la Présidente, M. le ministre, M. le critique officiel en matière d'éducation, mesdames, messieurs, d'abord, un merci bien sincère de nous donner l'opportunité de présenter notre avis suite au rapport du comité d'étude de la place de la religion à l'école.

Je me présente, je suis Denyse Gagnon-Messier, je suis présidente du CPIQ, qui est le Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec. M'accompagnent aujourd'hui, à mon extrême droite, Mme Micheline Beaulac, qui est enseignante au primaire et conseillère au primaire au comité de direction du CPIQ, M. Jack Ligneau, directeur au CPIQ, et Mme Huguette Faille, qui est la secrétaire du comité de direction et en même temps enseignante au secondaire.

La Présidente (Mme Charest): Bienvenue.

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Merci. Alors, le débat relancé par la publication du rapport sur la place de la religion à l'école – relancé, nous disons bien, parce que ça fait longtemps qu'on en parle – peut donner lieu évidemment à un dialogue de sourds entre partisans de la vérité et tenants de l'erreur. On vient d'assister à une présentation, et c'est très difficile à départir et à trouver, des solutions, évidemment. Pour éviter cette confrontation dualiste, le CPIQ propose plutôt d'inscrire sa réflexion dans la perspective qu'il a développée de 1990 à 1995, au cours de quatre forums sur les fondements de l'éducation, à partir des questions de base suivantes:

Quel type d'hommes et de femmes veut-on préparer pour les années 2000?

Quelles finalités veut-on assigner à l'école?

Quels sont les apprentissages essentiels que devraient maîtriser tous les élèves à la fin du secondaire?

L'avis du CPIQ comprend donc deux parties. La première partie décrit le cadre de référence à partir duquel devrait, pour nous, être analysée toute composante du curriculum et en particulier tout programme ou activité de formation à l'école. Ce cadre de référence comprend et définit notamment la mission de l'école – que vous trouverez en page 3 – les fondements de l'éducation à l'école, sur lesquels je m'arrête un peu plus parce que nous nous appuyons donc sur ces fondements énormément. Je noterai, en page 4, par exemple, dans toute la liste des valeurs prioritaires pour nous, les trois premières: l'esprit d'analyse et de synthèse, la rigueur intellectuelle, le sens critique. J'y reviendrai de toute façon un peu plus loin.

Évidemment, il y a les visées communes de la formation à l'école qui nous ont interpellés, il y a également les apprentissages essentiels, qu'on retrouve en pages 6 et 7, les caractéristiques de la formation à l'école et finalement l'organisation et les caractéristiques d'un curriculum optimal. Pour nous, avec le point des fondements de l'éducation à l'école, ce sont les points sur lesquels on a appuyé notre position.

Alors, en pages 10 et 11 du document, justement, vous avez ces caractéristiques d'un curriculum optimal: la richesse, le curriculum doit aborder et permettre de traiter de façon significative l'ensemble des composantes de notre société; la modernité, et nous insistons sur la modernité; l'adaptabilité; la pertinence; la cohérence du système; l'équilibre dans les contenus; la souplesse dont on doit faire preuve aussi; et le niveau d'exigence. Alors, nous appuyons donc notre propos en particulier sur ces deux points: les fondements de l'éducation et l'organisation et les caractéristiques d'un curriculum optimal.

Alors, en première partie, je n'insisterai pas plus que ça parce que rien n'a été conçu spécifiquement, suite au rapport Proulx. Nous avons voulu établir une corrélation, une relation tout à fait logique entre des positions qu'on avait déjà prises et ce qui était maintenant proposé dans le rapport Proulx. Alors, ces positions qu'on a pu prendre dans les quatre forums dont je vous parlais sont dans la première partie du document.

La deuxième partie présente, elle, les positions du CPIQ sur les sujets spécifiques de la consultation. Ces positions sont, en fait, évidemment des extraits du cadre de référence de la première partie de cet avis qui sont mis en corrélation avec les différentes recommandations du rapport Proulx.

Alors, je vous amène maintenant à la page 13 de notre document, la deuxième partie. Sur la première recommandation, c'est-à-dire sur la priorité des droits à l'égalité de tous et à la liberté de conscience et de religion, le CPIQ s'est déjà exprimé sur le sujet par la position suivante: la formation à l'école, pour nous, doit être optimale et équivalente pour tous les jeunes, c'est-à-dire que l'école doit se soucier de donner à chacune et à chacun le maximum de chances de se développer, quel que soit son potentiel ou son origine.

Sur la recommandation 2, c'est-à-dire l'instauration d'un système scolaire public laïque, là aussi, la position du CPIQ qui précède peut aussi s'appliquer, à savoir que l'école doit offrir une formation équivalente pour tous les jeunes, quel que soit leur potentiel ou leur origine. À cela, il faut ajouter que les visées communes de la formation dans l'école sont interreliées et doivent se traduire effectivement dans les contenus des programmes d'études et d'enseignement. Cela laisse la place à une nécessaire adaptation de la pédagogie, de l'évaluation des apprentissages, des interventions des formateurs et de l'organisation des milieux éducatifs eux-mêmes.

Sur la troisième proposition, sur l'abrogation du statut confessionnel des écoles, alors, le CPIQ considère que le cadre et le statut organisationnel des institutions d'enseignement doivent être cohérents avec leur mission. La mission éducative n'est pas intemporelle, comme si la société était immuable. L'interaction dynamique entre l'école et la société impose qu'on tienne compte des changements sociaux comme l'afflux massif de l'information, l'impact considérable des techniques sur les comportements humains, la croissance de la pluralité ethnique et l'extrême diversité des populations étudiantes. Cependant, ces changements multiples ne doivent pas empêcher la continuité et la permanence dans les valeurs à promouvoir à l'école.

(16 h 20)

La quatrième recommandation sur la place des valeurs et des croyances religieuses dans le projet éducatif d'une école. Le CPIQ, depuis plusieurs années, a piloté une réflexion en profondeur et développé des consensus sur le sujet. Il a ainsi défini puis situé la place des valeurs de référence en éducation. La formation à l'école doit poursuivre l'atteinte de ces objectifs en s'appuyant sur des valeurs d'ordre intellectuel, personnel, social, culturel et esthétique qui sont à la fois l'émergence du patrimoine et le reflet d'une vision d'avenir de la société québécoise.

La démarche du CPIQ a pu faire ressortir, à partir de la réflexion collective, un ensemble de valeurs de référence qui doivent fonder et inspirer la mission éducative de l'école. Elles étaient en page 4, nous les retrouvons ici et nous insistons toujours sur les trois premières. Ces valeurs, pour nous, sont des qualités qui doivent se traduire chez les jeunes par des attitudes et des comportements perceptibles et mesurables qui réclament un certain bagage de connaissances et d'habiletés. Il est important qu'elles soient présentées dans leur sens humaniste et dans la perspective du développement intégral du jeune. Elles doivent surtout se démarquer de tout endoctrinement. En effet, la transmission de valeurs relève moins de l'enseignement théorique, pour nous, que de l'exemplarité et de la mise en pratique.

La promotion de cet ensemble de valeurs semble convenir surtout, mais sans exclusivité, à l'école. Cet ensemble n'est pas exhaustif, et il est possible d'envisager d'autres valeurs importantes dont la promotion peut être assumée de façon plus adéquate par d'autres milieux de formation comme les familles ou les organisations communautaires. En ce sens, tout cours à être mis au point dans un curriculum, pour nous, devrait être cohérent avec le référentiel de valeurs que l'on veut voir acquises par nos jeunes.

La cinquième proposition. Sur l'introduction justement d'un enseignement culturel des religions en lieu et place des enseignements religieux obligatoires actuels, le CPIQ a précisé les rôles et fonctions des matières d'enseignement pour ainsi guider les choix et la place des contenus. Pour nous, les disciplines scolaires, les matières ou les programmes d'études du préscolaire, du primaire et du secondaire n'ont qu'un caractère instrumental, c'est-à-dire que ce sont des moyens privilégiés pour atteindre la maîtrise d'apprentissages essentiels spécifiques visés par la formation. Ces disciplines, matières ou programmes ne doivent être considérés et retenus que dans la mesure où ils contribuent à la maîtrise d'apprentissages essentiels génériques et à des visées de formation. En ce sens, a priori, aucune matière d'enseignement n'est donc exclue d'une telle formation. La seule exigence pour chacune, c'est de contribuer d'une manière essentielle et cohérente aux divers champs du savoir, du savoir-faire et du savoir-être. On les retrouverait en page 9.

La formation à l'école doit donc assurer l'acquisition de compétences générales et professionnelles permettant à une personne de comprendre le monde dans lequel elle vit et de s'y intégrer de façon active et dynamique comme citoyen, comme parent et comme agent social et économique. Dans ce sens, l'introduction de ce cours, d'un cours d'enseignement culturel des religions nous apparaît à ce point-ci inopportune, même improvisée un peu. On se demande si ce n'est pas la cuillerée de sirop pour faire avaler la pilule de la déconfessionnalisation. Est-ce que le fait de voir encore «enseignement des religions»... Alors, on n'est pas sûrs qu'il répond aux critères, pour nous, auxquels doivent répondre les cours dans un curriculum. Je pense par exemple...

Ça ne veut pas dire qu'on balaie du revers de la main ce que pourrait contenir un tel cours. Le contenu est fort intéressant. Mais on vient justement, dans un curriculum repensé, de faire un peu de ménage, d'éviter les redondances, et tout, alors, n'y aurait-il pas lieu, par exemple – il y a quand même une partie d'histoire des religions dans l'enseignement culturel des religions – d'enrichir de ce contenu le cours d'histoire? Ça pourrait être une façon de ne pas créer un cours pour le cours. Alors, on peut acheminer, on peut être conscient des valeurs et de l'importance du contenu sans en faire un cours comme tel. Ce qui nous apparaît un peu improvisé et inopportun, c'est de dire: Nous allons créer un cours, comme si on avait mal à la place des gens de dire: Le cours de religion actuel étant disparu, il y en aura un autre qui portera au moins dans son titre le mot «religion». Alors, là-dessus, on se pose beaucoup de questions.

Sur la sixième recommandation, c'est-à-dire sur les conditions de mise en oeuvre d'un nouveau programme d'enseignement des religions, évidemment le CPIQ n'a pas pris position sur cette disposition comme nous l'avons fait d'ailleurs sur d'autres qui sont plus, pour nous, de type réglementaire et législatif que pédagogique. Et c'est aussi un corollaire du fait que ce cours serait mis sur pied ou pas. Nous constatons cependant...

Parce qu'il faut vous dire qu'on essaie de dégager des consensus. Le CPIQ regroupe toutes les associations d'enseignants, autant en formation générale qu'en formation professionnelle, et ces associations, elles sont disciplinaires. Alors, les consensus que l'on dégage transcendent les associations. Nous constatons cependant que les points de vue sur des associations membres du CPIQ consultées sur le sujet, par exemple cette disposition des conditions de mise en oeuvre d'un cours, sont très divisés, comme ils le sont d'ailleurs sur l'existence même du cours aussi.

Alors, sur le perfectionnement, maintenant, la recommandation 7 sur le perfectionnement du personnel enseignant, à l'égard de l'enseignement culturel des religions, le CPIQ en a fait un cheval de bataille de la formation continue du perfectionnement. Mais, si on s'est déjà prononcé de façon très explicite sur la nécessité d'offrir une formation continue, c'est-à-dire mise à jour, perfectionnement ou recyclage, pour nous, on s'est prononcés à l'égard de toutes les enseignantes et de tous les enseignants concernés par des modifications ou la création de nouveaux programmes d'études, pas seulement pour celui-là. Alors, on ne peut pas être contre, évidemment. On est pour une importance accrue à la formation continue.

D'ailleurs, un des articles de la loi actuelle de l'instruction publique dit comme ceci, qu'on exige une qualification spécifique pour les enseignants qui doivent donner les cours d'enseignement religieux et moral. On ne parle pas, c'est bizarre, de la compétence ou de la qualification spécifique des autres enseignants. Ça nous a un petit peu interpellés.

Alors, pour nous, en tout cas, un ordre professionnel dont nous souhaitons l'existence un jour accorderait l'importance à la formation continue et à la formation initiale qui est la qualification exigée pour toute discipline à l'école. Alors, on trouve un peu spécial qu'on ne mette que ce point, à ce moment-ci. Et ça ne s'avère pas, dans le vécu, semble-t-il, d'après ce qu'on a entendu, toujours se réaliser.

À la recommandation 8, sur l'amendement permettant la création d'un service communautaire d'animation, là non plus nous n'avons pas vraiment pris position sur cette recommandation qui se situe, pour nous, comme une conséquence éventuelle de type organisationnel et réglementaire de la cinquième recommandation, qui est la mise sur pied du cours d'enseignement culturel des religions. Nous constatons cependant que la presque totalité des associations membres du CPIQ consultées à ce sujet s'opposent à cette recommandation sur la base d'arguments d'ailleurs parfois très divergents.

(16 h 30)

Sur la recommandation 9, qui vise les buts et les activités du service d'animation de la vie religieuse, le CPIQ a déjà pris position sur la place et le rôle des activités complémentaires dans un curriculum optimal. Pour nous, la formation des jeunes à l'école doit avoir un caractère systémique. En effet, la cohérence de la formation est non seulement nécessaire horizontalement à chaque niveau d'enseignement, mais aussi verticalement d'un niveau ou d'un ordre d'enseignement à un autre, à défaut de quoi la cohérence des visées de la formation risque d'être compromise. En ce sens, toutes activités devant être mises sur pied devraient, elles aussi, comme les activités d'enseignement, démontrer leur cohérence en regard de leur contribution aux visées de la formation et à l'acquisition de l'apprentissage essentiel.

La Présidente (Mme Charest): ...

Mme Gagnon-Messier (Denyse): D'accord, alors je vais accélérer. Donc, évidemment on réitère, encore ici, l'importance que l'on accorde – en bas de la page 18 – justement à ce qui fait pour nous un curriculum optimal, et, en ce sens, tout ce qui doit être mis sur pied dans une école doit répondre à ces exigences.

Sur la reconnaissance qui concerne les activités parascolaires, il n'y a pas vraiment eu non plus de prise de position, parce que, encore là, qu'on s'inscrive dans une cohérence, si c'est cohérent avec les valeurs qu'on veut acheminer, allons-y, mais on ne les traite pas une à une.

Ensuite, la même chose pour la 11, ce qui porte sur les dispositions législatives éventuelles portant sur le Conseil supérieur de l'éducation, au ministère, alors nous considérons que c'est une recommandation d'ordre législatif et réglementaire qui vient à la suite d'autres décisions. Cependant, on doit dire que le CPIQ a toujours été favorable à la déconfessionnalisation du système au complet. Tel que c'est actuellement, on a l'impression d'une oeuvre inachevée. Et évidemment on aimerait que ça se rende au bout. En ce sens, s'il faut repenser les structures, c'est dans ce contexte qu'il faudra le faire.

La douzième recommandation, le CPIQ n'a pas pris de position sur cette recommandation, mais vous réfère à la première, qui réitère l'importance des chances d'égalité pour tous de développer son plein potentiel.

La Présidente (Mme Charest): Alors, Mme Gagnon-Messier...

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Je peux conclure?

La Présidente (Mme Charest): Vous pouvez conclure, oui, rapidement. C'est terminé?

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Non. J'ai fini. Juste une petite conclusion.

La Présidente (Mme Charest): Oui, allez-y, madame.

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Alors, le Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec a proposé, dans son avis, son analyse et son évaluation des recommandations du rapport Proulx à la lumière du cadre général de référence pour la formation des jeunes du Québec que le CPIQ a élaboré à partir de quatre forums. Alors, rien n'a été inventé, pour nous, mais il y avait une relation logique avec plusieurs des recommandations du rapport Proulx. Cette analyse a fait ressortir des corrélations significatives entre plusieurs recommandations.

Il faut cependant souligner de façon toute particulière que tous les contenus de formation, peu importe dans quelle discipline, pour nous, devraient répondre aux critères du cadre référentiel qu'on se fixe pour l'atteinte d'un curriculum optimal. Et je vous remercie.

La Présidente (Mme Charest): Merci, Mme Gagnon-Messier. Maintenant, je cède la parole à M. le ministre de l'Éducation. M. le ministre.

M. Legault: Oui, bien, d'abord, Mme Gagnon-Messier, M. Ligneau, Mme Faille et Mme Beaulac, merci beaucoup, merci pour votre mémoire, merci pour votre présence. Je pense que ce n'est sûrement pas la première fois que votre organisme s'implique pour apporter sa contribution aux réflexions sur le système scolaire. Et puis votre grande expérience sur le terrain va sûrement nous aider à examiner la faisabilité des différentes solutions qui sont proposées.

Vous nous faites une série de recommandations. Je voudrais peut-être discuter quelques-unes d'entre-elles. D'abord, aux recommandations 3 et 4, vous souhaitez qu'on abroge les statuts confessionnels de l'école et vous nous dites aussi que vous ne voulez pas qu'on reconnaisse d'écoles religieuses à projets particuliers, donc des projets évidemment à caractère religieux.

Le groupe – je ne sais si vous étiez présents – qui vous a précédé nous a dit que, lui, il voyait une différence entre les deux. Il proposait d'abroger le statut, mais il était d'accord pour avoir des projets particuliers à caractère religieux. Vous, est-ce que vous voyez que c'est la même chose ou est-ce que vous voyez une différence entre les deux?

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Alors, vous voulez dire qu'un projet éducatif serait...

M. Legault: À caractère religieux, oui.

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Pour nous, l'importance de l'égalité des chances pour tous nous fait dire que ça serait très difficile, en tout cas, à moins d'obtenir des consensus. Pour nous, l'école doit répondre à des consensus de société, pas à des majorités. On s'entend, dans la société, pour l'enseignement des disciplines. Ordinairement, ça fait consensus et tout le monde s'entend là-dessus. Il n'y a pas de consensus sur la place de la religion à l'école. Et je serais étonnée qu'un projet éducatif émanant de l'ensemble des intervenants dans une école puisse faire consensus sur ce point. Il pourrait peut-être répondre à une majorité. Et nous nous portons à la défense de la minorité qui ne se sentirait pas respectée là-dedans.

M. Legault: D'accord. Maintenant, justement, parlant de consensus ou de compromis, je vous écoutais sur votre cinquième proposition, qui est d'instaurer un enseignement culturel des religions obligatoires. Si je comprends bien, vous n'êtes pas certains de l'à-propos de voir ce cours appliqué. Je voulais juste peut-être en connaître un peu plus sur vos objectifs puis votre opinion sur ce cours d'enseignement culturel des religions. Est-ce que vous êtes d'accord ou vous n'êtes pas d'accord?

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Non, pas vraiment. Le contenu peut nous sembler intéressant, mais de là à en faire un cours en soi, c'est autre chose. Au moment où on a justement dû éliminer certaines disciplines, ou quoi que ce soit, en se disant: Il faut que l'école se recentre sur les apprentissages essentiels et il faut éviter aussi les redondances – parce qu'il y en avait évidemment, c'était très possible – à ce moment-là, on le voit comme un petit peu un cours parachuté ou, comme je vous disais dans la présentation, un peu comme la cuillerée de sirop qui fait avaler la pilule. On se dit: Dans le fond, il faudrait y aller à la déconfessionnalisation, il faudrait achever notre oeuvre. Mais on craint, on craint beaucoup pour les parents qui paniquent, et quoi que ce soit, et on se dit: Si on les sécurisait.

Tantôt, dans le mémoire avant nous, les gens qui l'ont présenté ont fait ressortir aussi différentes problématiques là-dessus. Nous, ça nous interpelle moins. Il y a quand même un aspect historique à la religion, comme il y en a un à l'évolution humaine, et tout. Alors, on pense qu'avec tout ce que le curriculum comprend actuellement, ce qu'on y a inséré, il y a place pour enrichir une discipline déjà existante, ou même plus qu'une, de ces volets-là.

Par contre, il faut des points d'ancrage. Évidemment, on ne dit pas non plus: Ça appartiendra nécessairement à tout le monde, donc à personne. Si on trouve qu'il y a là matière à éveiller les esprits sur un enseignement culturel des religions, ça ne veut pas dire pour autant qu'on doit en faire un cours comme tel.

M. Legault: Mais vous dites en même temps: Ça pourrait peut-être, si je comprends bien, être la cuillerée de sirop qui ferait avaler la pilule.

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Présenté tel quel.

M. Legault: Je pense qu'on est en train de chercher un compromis. La question que j'aurais le goût de vous poser: Est-ce que vous pensez que le Québec, dans un consensus, pas une majorité – pour reprendre vos mots, dans un consensus – est prêt pour une rupture complète avec tout enseignement religieux à l'école?

Mme Gagnon-Messier (Denyse): De toute façon, il n'y a pas de consensus dans un sens comme dans l'autre, actuellement.

M. Legault: Non, mais vous recherchez un consensus, si je comprends bien.

Mme Gagnon-Messier (Denyse): C'est-à-dire que, pour nous, l'école doit répondre à ce qui fait consensus.

M. Legault: Oui.

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Et, si l'enseignement de la religion ou l'enseignement ne fait pas consensus dans la société, on ne voit pas pourquoi l'école assumerait cette mission. Vous savez, il y a aussi le fait qu'on a comme senti, dans ce cours... Parce qu'il n'y a pas jamais eu vraiment d'étapes de consultation, ou quoi que ce soit. En tout cas, il nous est arrivé là en se disant: Est-ce qu'il est là pour être là justement pour permettre de passer à une autre étape ou à une autre façon de faire?

Mais, pendant ce temps-là, peut-être qu'il faudrait davantage sensibiliser les parents au rôle qu'ils ont dans la transmission des valeurs religieuses. Les parents se sont énormément déchargés sur l'école, on l'a vu un peu tantôt: Oui, tu vas faire les cours de religion, et tout, évidemment. Parce que c'est comme si: En tant que parents, ce volet-là, je n'ai pas besoin de m'en occuper. Il y a un côté où on nous a déresponsabilisés de la transmission des valeurs religieuses. C'est là où le bât blesse, actuellement. C'est que les parents paniquent beaucoup, dans ce sens que: Comment on prend le virage? Il y a des religions qui n'ont jamais été enseignées à l'école et pourtant qui sont très actives et où les parents s'impliquent beaucoup dans la transmission des valeurs. Alors, en ce sens, le consensus, pour nous, il est loin d'être là. Et, pour nous, la mission de l'école, c'est de répondre à des consensus de société.

(16 h 40)

M. Legault: Maintenant, une dernière question, une dernière recommandation sur laquelle j'aimerais revenir, c'est votre recommandation n° 10, concernant les locaux de l'école qui pourraient être mis à la disposition de groupes religieux. Vous dites: On doit avoir une cohérence entre les modalités proposées et les visées de formation de l'école. Bon. Quelles modalités, selon vous, seraient acceptables? Est-ce que vous êtes ouverts, finalement, à des cours de religion dans les écoles qui seraient exclus du curriculum mais donnés, par exemple, par les Églises? Est-ce que vous êtes ouverts ou non à cette possibilité?

Mme Gagnon-Messier (Denyse): M. le Président, je peux permettre à monsieur de répondre?

Le Président (M. Geoffrion): Oui, s'il vous plaît. En vous identifiant, s'il vous plaît, monsieur.

M. Ligneau (Jack): Jack Ligneau, directeur du CPIQ. Disons qu'en ce qui concerne l'introduction de quelque activité que ce soit à l'intérieur du cadre scolaire notre cadre de référence indique toujours qu'il doit y avoir cohérence: cohérence avec les objectifs de formation, les fondements de l'éducation, la mission de l'école. Donc, à partir du moment où il n'y a pas de cohérence entre l'introduction de n'importe quelle activité, de n'importe quel cours, de n'importe quelle matière, à notre avis, ça ne doit pas faire partie, ça ne doit pas s'insérer dans le cadre de l'école comme institution d'enseignement. Ça peut bien sûr s'intégrer dans le cadre d'activités qui peuvent se dérouler dans le cadre physique de l'école, comme d'autres, des activités de loisirs municipaux qui se déroulent à l'intérieur de l'école, à titre d'exemple, mais ça, ça sort du cadre scolaire proprement dit.

Alors, à partir du moment où on pense l'inclure dans la mission même de l'école – on parle d'institution de formation, d'enseignement – on dit qu'il faut que ce soit en corrélation avec les objectifs fondamentaux. Si on pense ouvrir des locaux, des espaces, des activités dans le cadre de la mission de l'école, pour nous, il faut que ça soit absolument cohérent avec l'ensemble de la formation des fondements de l'éducation. En dehors de ce cadre-là, bien sûr que l'école peut accueillir dans différents locaux, à différentes heures de la journée et de la nuit d'autres activités.

M. Legault: O.K. Merci.

Le Président (M. Geoffrion): Ça va. Merci, M. Ligneau. La parole est maintenant à la députée de Prévost, s'il vous plaît.

Mme Papineau: Mesdames, monsieur, il y a des gens, des groupes qui sont venus nous dire que le rapport Proulx est arrivé 15 ans trop tôt, d'autres 15 ans trop tard. Si on tient compte du fait que la majorité de la population québécoise est à 80 %, même à 90 % de confession catholique et que la demande de l'enseignement religieux est encore élevée dans les écoles – un sondage même dit que, si on offrait le choix, ça irait à 60 % – pensez-vous qu'aujourd'hui au moment où on se parle, la société québécoise, elle est prête pour un changement comme celui-là?

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Je pense que c'est un changement majeur. Et il n'y a jamais un changement comme ça qui se prend facilement. Je pense que la société... Est-ce qu'elle sera prête? Évidemment, vous savez, entre ce qu'on connaît et ce qu'on ne connaît pas, c'est un choix très déchirant. Mais cette société, composée des parents, de nos élèves, et tout, doit, je pense, être supportée dans cette prise de responsabilité dont elle s'est départie. Et c'est ça, le gros problème. C'est ce qui fait aussi que souvent ce qui est enseigné aux écoles et ce qui est véhiculé à la maison n'est pas cohérent. On ne trouve pas de suite.

On a vu un reportage, la première communion qu'on appelait parfois la dernière aussi et la mascarade à laquelle ça donnait lieu et tout le questionnement des parents, et tout. On voit que la société, en tout cas, se questionne beaucoup. Et des parents allaient dire: Bien, je respecte, je fais ce qu'on me dit de faire dans la cérémonie, et tout. On sentait qu'il n'y avait pas cette transmission que des parents assument à d'autres niveaux. Ils ne l'ont pas. Mais les parents se questionnent. Et ils peuvent dire que c'est comme si ça se passait en marge d'eux. Et peut-être que c'est ce qu'il faudra réaliser, que c'est une religion d'école qu'on a contribué à développer. C'est une religion d'école. Et, une fois qu'ils ne sont plus là, c'est comme si on ne s'y retrouvait plus. Alors, à ce moment-là, moi, je pense que les parents paniquent actuellement et qu'il devrait y avoir une transition, une reprise en main de leur rôle de transmetteur de valeurs.

Comment? Avec l'aide des communautés, de la communauté religieuse comme telle aussi, qui doit s'impliquer davantage. Et il y a à s'afficher, il y a à s'affirmer, ce que beaucoup de parents ne sentent même pas le besoin de faire: L'école nous les éduque religieusement, et, bon, le tour est joué. Il y a un message qui ne passe plus depuis longtemps déjà.

Alors, est-ce que le rapport Proulx arrive trop tôt, pour nous? Je ne pense pas parce que, avec les prises de position qu'on a prises depuis 1990 et qui étaient en grande partie en relation logique avec le rapport, non, il n'arrive pas trop tôt. Peut-être qu'on aurait dû s'y prendre et commencer à préparer déjà cette prise en charge de leurs responsabilités pour les parents, commencer à les aider déjà. Mais il y a un côté artificiel qu'on vit depuis longtemps et qui n'est pas sain non plus. Ça ne peut donc pas rester comme c'est là.

Le Président (M. Geoffrion): Oui, M. Ligneau.

M. Ligneau (Jack): Qu'on pense que, quand, en 1990, 1992, dans des forums, on a affirmé pour la première fois que l'école devait s'occuper avant tout et en priorité du développement intellectuel des jeunes, on a vu des gens bondir comme ça. Bon. Et on est quand même seulement sept, huit ans plus tard, et ça semble acquis, parce qu'on l'a vu dans les documents, depuis, du ministère de l'Éducation, dans le cadre de la réforme en particulier. Donc, on peut évoluer. Et imaginons quand même que le ministère de l'Éducation peut faire oeuvre aussi éducative, dans le sens qu'il a des responsabilités lui-même dans les politiques qu'il avance, dans les curriculum, dans les projets qu'il avance, à une obligation de cohérence.

À partir du moment où, par exemple, l'ensemble des programmes enseignés au primaire et au secondaire s'appuient sur des valeurs qui veulent développer l'esprit d'analyse, de synthèse, la rigueur intellectuelle, le sens critique – enfin, ça, c'est des valeurs communes à l'ensemble des programmes d'enseignement depuis le préscolaire pratiquement jusqu'à la fin du secondaire dont on parle – il se trouve que tout programme d'enseignement doit passer à travers ce même cadre d'analyse pour que les objectifs soient cohérents. Il ne faut pas imaginer qu'un contenu, une matière poursuive des objectifs différents de l'ensemble des autres.

Et, quand on parle de sens critique, de développer le sens critique, pour nous, l'enseignement religieux, bien, ça nous questionne beaucoup, le rapport entre le développement du sens critique, d'une part, comme objectif de formation et, d'autre part, l'enseignement religieux, avec ce qu'il y a de dogmatique, doctrine, etc. Voyez-vous? Pour nous, ce que l'on propose, c'est un cadre d'analyse, d'évaluation pour prendre des décisions.

Le Président (M. Geoffrion): Oui, Mme la députée.

Mme Papineau: J'aurais une deuxième question. Ce qui m'a un peu surprise, à la page 2 du résumé de votre mémoire, deuxième paragraphe, vous dites que les programmes d'études doivent refléter les visées communes de la formation qui est spécifique à l'école et qui complète celle donnée par la famille, par le milieu social et par les médias. J'aimerais vous entendre sur le dernier terme, «médias». Qu'est-ce que vous avez voulu dire par ça?

M. Ligneau (Jack): Ça aussi, ça remonte à plusieurs années. Notre position est très claire là-dessus, c'est que, pour nous, on a identifié, enfin, bon, avec bien d'autres personnes qu'il n'y avait pas qu'un seul lieu de formation, qu'un seul milieu de formation des jeunes, c'est-à-dire l'école, que ce n'était pas le seul milieu de formation. Il y avait le milieu familial dont on devait tenir compte. Il devait bien sûr y avoir l'école, mais il y avait aussi la communauté, le groupe social, communautaire, les amis, les parents, etc., le milieu. Il y avait aussi les médias qui jouaient un rôle de formateur. C'est aussi un acteur dans la formation des jeunes.

Donc, pour nous, ces quatre milieux ou acteurs dans la formation doivent poursuivre, si possible, pour que ce soit efficace, à peu près les mêmes objectifs et soutenir un peu les mêmes valeurs, sans exclusivité, mais enfin il doit y avoir aussi une cohérence entre les objectifs de formation poursuivis par le milieu familial, l'école, la communauté et les médias.

Et ce que l'on a souligné à plusieurs reprises et malheureusement déploré, c'est que l'école poursuit – la famille aussi – souvent les mêmes objectifs de formation, de valeurs, de priorités en ce qui concerne des comportements, des attitudes, et tout cela, qui sont contredits quotidiennement par les médias. Alors, on se dit: On rame à contre-courant. Et, donc, pour nous, c'est la cohérence, encore une fois, la recherche d'une cohérence dans les objectifs de tous les quatre éléments, des quatre piliers que l'on considère dans la formation des jeunes.

Mme Papineau: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Geoffrion): Ça va? Merci, M. Ligneau. Je cède maintenant la parole au député de Kamouraska-Témiscouata. S'il vous plaît.

(16 h 50)

M. Béchard: Merci, M. le Président. Mme Gagnon-Messier, M. Ligneau, Mme Faille et Mme Beaulac, bonjour et bienvenue. J'apprécie le travail qui a été fait et qui démontre que vous avez non pas réagi comme tel au rapport Proulx mais adapté vos positions au rapport Proulx. Mais ce qui, selon moi, semble assez fondamental dans toute cette question-là, c'est une question qui a été soulevée à plusieurs reprises et qui a amené des réponses différentes, c'est: À qui vraiment appartient l'école? À qui? Est-ce que c'est aux parents? Est-ce que c'est aux enfants? Dans le fond, pour qui l'école est là? Et, donc, toute la suite qui doit y aller.

Et un autre point important que vous avez mentionné, toujours dans cet esprit-là, c'est que la mission de l'école est de répondre à des consensus. Et j'essayais de me dire et de trouver une solution, par exemple, dans certains milieux où ça peut être un consensus parfait d'avoir un enseignement religieux, d'avoir un enseignement religieux catholique et que c'est le consensus de la communauté. Est-ce que vous ne trouvez pas que c'est paradoxal de dire: On ne répondra pas à ce consensus-là, alors qu'on dit que l'école doit être faite en fonction de répondre à des consensus?

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Évidemment, s'il existe, ce consensus, quelque part, j'en serais surprise parce que, s'il y a une question pour laquelle la réponse n'est pas unanime dans la société actuellement, c'est justement les concepts religieux ou l'identité ou la place de la religion dans nos vies.

Pour nous, quand on parle que l'école doit répondre à des consensus, c'est justement pourquoi on a défini des apprentissages essentiels à l'école. Tout le monde s'entend, par exemple, qu'à l'école on enseigne les langues, qu'on enseigne les sciences, les mathématiques. On pourra différer parfois sur les approches, on pourra être critique sur même certains contenus, mais on ne remet pas en question, jamais, les apprentissages essentiels.

Là où il y a division et pour donner raison à tout le monde ou pour et au nom de l'équité ou des droits de tous vraiment à l'expression de ce qu'ils sont, bien, ça serait, on l'a vu tantôt, combien d'enseignements possibles il faudrait assurer, ne serait-ce que pour trois élèves, ne serait-ce que pour cinq. Est-ce que le nombre justifie justement le respect des droits? Et c'est là qu'on a le plus de difficulté.

Et, en ce sens, on vient de dire justement que l'école n'avait pas à transmettre certaines valeurs, que la famille était là. On a fait, dans ce renouvellement du curriculum, un ménage vraiment avec l'accord des gens. Bien, je pense aussi qu'il faut toujours se rappeler que l'école est le reflet de la société, évidemment. Mais il reste aussi que cette société est en évolution beaucoup plus pluraliste à tout niveau et qu'à ce moment-là l'école doit aussi s'adapter. Et, en ce sens, il faut aussi départir...

La crainte qui existe, c'est de dire: Pas d'enseignement des religions égale plus de valeurs véhiculées. C'est tout à fait différent. Je pense qu'il y a un mythe à ce sujet-là qu'il faut vraiment voir à enrayer. Mais il reste que, pour nous, oui, l'école doit répondre à des consensus dégagés par la société. Et l'école n'est pas le seul endroit où nos jeunes peuvent aller chercher leur éducation, leur formation. Il y a la famille, il y a la société elle-même qui doit jouer son rôle, il y a les communautés religieuses, et tout.

M. Béchard: Tantôt, vous parliez de toute la question du cours, comme tel, de culture des religions, où vous mentionniez, si je me souviens bien, que vous trouviez que le contenu, à la limite, pouvait être intéressant, mais que ça ne valait pas la peine de faire un cours avec ça. Et ça amène ma première question là-dessus, peut-être pour y aller par étape: Dans quels cours vous le voyez et quelle est la partie de ces cours-là? On parle de culture des religions. Donc, est-ce que vous transformeriez ça pour davantage l'histoire des religions dans des cours d'histoire, comme certains l'ont suggéré? Ou quelle serait l'approche que vous verriez? Et je dis bien: pour ne pas remplacer le cours, mais pour aller ressortir les éléments que vous trouvez importants et intéressants dans ce qui a été dit à date sur ce cours.

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Évidemment, dans l'enseignement culturel des religions, il y a une partie historique. Oui, l'enseignement de l'histoire pourrait être enrichi de ce volet. Il y a également des valeurs transmises par les religions. Il pourrait y avoir... Par exemple, est-ce que certaines de ces valeurs ne seront pas rejointes par l'éducation à la citoyenneté qu'on veut mettre au point. Pour nous, vous savez, on ne dit pas: Ça ne doit pas se faire, le cours d'enseignement religieux, dans le sens qu'on ne veut pas qu'un cours ait l'air d'avoir été mis là pour qu'il y ait un cours. Il n'y a pas une discipline qu'on retrouve qui doit être traitée de cette façon-là. Les disciplines ne sont que, pour nous, instrumentales, c'est tout. Et ça ne veut pas dire qu'un contenu doit vraiment donner lieu à une discipline comme telle. Alors, s'il y a lieu qu'un contenu d'enseignement culturel des religions enrichisse et atteigne les objectifs d'un curriculum optimal, bien, avant d'en faire un cours comme tel, il faut voir si on ne peut pas regarder ce qu'il y aura là-dedans et le répartir et l'enrichir de volets confiés à certaines disciplines.

Il y a évidemment l'histoire qui est pressentie. Évidemment. Mais je pense aux compétences transversales qu'on veut développer, aux domaines de vie qui nous sont maintenant très préoccupants dans le nouveau curriculum, et tout. Et, vous savez, il ne faut pas retomber dans une autre forme de redondance où on fait la même chose dans deux ou trois disciplines. Alors, à ce moment-là, c'est ça qu'on vous invite à faire. Pour nous, une discipline doit naître si elle répond au cadre de référence qui veut la promotion des valeurs pour tous et qui veut un curriculum optimal pour tous.

M. Béchard: À la page...

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Est-ce qu'il y avait...

M. Béchard: Oui.

M. Ligneau (Jack): On considère aussi qu'il y a une nécessité. L'histoire des religions fait partie de l'évolution humaine, donc, à ce titre-là, c'est une partie importante de l'évolution humaine, et on doit l'aborder à l'intérieur de la formation. Maintenant, la question est de savoir sous quelle forme on doit aborder ce contenu. Et on parle bien sûr de l'aspect historique, alors on voit tout de suite les liens à faire avec le cours d'histoire, d'une part, c'est évident. Mais aussi on voit la question des valeurs morales reliées aux différentes religions, et là on peut imaginer des regroupements avec d'autres aspects soit reliés à la morale ou à l'éducation du citoyen, la citoyenneté, la création éventuelle...

Et là on est dans les hypothèses bien sûr d'arrimer en particulier des objectifs de formation qui, à l'heure actuelle, dans la réforme de l'éducation, ne sont pas du tout arrimés, qui n'ont pas d'ancrage dans le curriculum comme tel, en particulier l'éducation à la citoyenneté. Il y a plusieurs domaines de vie qui n'ont pas d'ancrage dans des programmes, dans des matières comme telles. L'éducation à la citoyenneté, par exemple, aurait besoin peut-être d'un ancrage, et d'un ancrage dans un programme qui inclurait bien sûr cet objectif-là, mais qui inclurait bien sûr aussi des aspects moraux, une formation morale et aussi, donc, les aspects moraux reliés aux religions. Donc, il pourrait y avoir des volets de l'évolution culturelle des religions à l'intérieur d'un cours d'éducation à la citoyenneté. Mais ça, c'est des hypothèses que l'on voit. Mais on voit certaines faiblesses dans la réforme du curriculum et on se dit: Tiens, il y aurait possibilité d'un ancrage particulier à certains objectifs de la réforme, à titre d'exemple bien sûr. C'est une hypothèse que nous n'avons pas approfondie beaucoup, mais il y a une possibilité.

M. Béchard: À la page 18 de votre mémoire, dans la première des conditions de votre curriculum optimal, vous dites: Un curriculum optimal doit posséder les caractéristiques essentielles suivantes. Et la première, la richesse: Le curriculum doit aborder et permettre de traiter de façon significative l'ensemble des composantes de notre société.

Le phénomène religieux est une composante, je pense, qui fait consensus, importante de notre société. Le débat est sur comment on le traite et la place. Est-ce que le fait, selon vous, justement, de le traiter à travers d'autres cours permet d'atteindre cet objectif-là, au niveau de la richesse, c'est-à-dire qu'un curriculum doit permettre de traiter de l'ensemble des composantes de notre société? Comment peut-on prétendre qu'on va traiter de l'ensemble des composantes de notre société si on ne traite plus, quelque part, d'un phénomène important qui est le phénomène religieux?

(17 heures)

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Je ne pense pas qu'on ait dit qu'on ne le traiterait plus, quelque part, mais on n'en ferait pas un cours comme tel nécessairement. Vous savez, la religion n'est pas une discipline comme telle. La religion, c'est un ensemble de croyances et de valeurs et de... Bon. Ce n'est pas la même chose. Ce n'est pas une discipline, pour nous. Et les valeurs transmises, c'est autre chose. Évidemment, quand on parlait, tantôt, qu'il pourrait y avoir des points d'ancrage... Parce qu'on pense quand même que ça serait tout à fait riche d'être plus informé. Déjà, dans la préoccupation de l'éducation à la citoyenneté, on a justement à ouvrir les yeux, les oreilles et le coeur de nos jeunes sur la pluralité, la multiplicité, le respect, la tolérance des autres, et tout. Alors, vous voyez à quel point aussi ça peut toucher... Parce que souvent, entre eux, quand ils ne connaissent pas, ne comprennent pas les rites religieux de quelqu'un, ils ont un manque de respect, ou quoi que ce soit. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on ne dit pas qu'on ne tient pas compte de cette composante, mais qu'on doive probablement et pertinemment lui donner sa place là où elle pourrait justement répondre aux attentes.

Et, pour moi, l'enseignement culturel des religions, ça nous manque peut-être un peu tous parce qu'on a donné peu d'importance à ça et que, dès qu'on comprend mieux ce qui se passe, on partage mieux, on tolère mieux. Mais, justement, ça ne veut pas dire qu'il ne faille pas lui donner de l'importance, ce n'est pas ça. Pas du tout. Et éducation à la citoyenneté, pour avoir travaillé sur un avis produit là-dessus, c'est très large, c'est très important et ça englobe énormément, autant des valeurs qu'on a à transmettre, et ces valeurs-là aussi pourraient passer et pourraient être un volet intéressant de l'enseignement culturel des religions. Donc, on ne se sent pas du tout incohérent avec cette richesse que l'on veut pour le curriculum. Pas du tout.

Le Président (M. Geoffrion): Merci, Mme Gagnon. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Merci. Mme Denyse Gagnon-Messier, M. Ligneau – on s'était rencontré quand j'étais président de l'Office, je suis content de vous retrouver – Mme Huguette Faille, Mme Beaulac, j'ai trouvé ça très intéressant, votre présentation, mais je voudrais comprendre, là.

D'abord, il me semble que vous nous avez dit que, pour vous, l'enseignement culturel de la religion, tel que proposé par Jean-Pierre Proulx, c'est un stratagème – on s'entend là-dessus, là? – vous avez dit: C'est du sirop pour faire passer...

Des voix: La pilule. Ha, ha, ha!

M. Laporte: ...disons, la laïcisation ou la déconfessionnalisation. Bon. C'est une interprétation qui est la vôtre, moi, je voulais juste vous comprendre.

Deuxièmement, je veux essayer de savoir si j'ai bien compris où vous vous nichez du point de vue de la pensée, là, parce que, au fond, si j'ai compris, vous êtes les porte-parole d'une très grande tradition éducative qui remonte... En France, c'était chez Durkheim, avec son grand livre qui s'appelait L'éducation morale . Aux États-Unis, il y a eu Dewey. Donc, vous véhiculez l'idéologie – et je ne l'emploie pas dans le sens négatif, là – qu'on retrouve véhiculée dans une revue américaine de grand renom qui s'appelle The Journal of Moral Education . C'est ça finalement que vous véhiculez, vous, vous dites: On n'entend pas l'éducation morale, dans ce journal-là, au sens où on l'entend dans nos écoles. Vous parlez d'une éducation à la citoyenneté, vous parlez d'une transmission de valeurs civiques. D'ailleurs, dans votre énumération des composantes d'un curriculum, on retrouve fondamentalement tout ce qu'on retrouve dans cette tradition, chez John Dewey, par exemple. C'est ce que John Dewey revendiquait comme mission formatrice de l'école dans une société démocratique.

Donc, la question qui... je veux bien vous comprendre, là, parce que... Et aussi vous faites appel – c'est M. Ligneau qui fait surtout appel à ça – à cette notion de cohérence. Vous nous avez dit une chose tantôt qui... Encore là, je vous répète, je ne fais pas de jugement de valeur, mais vous avez dit: L'enseignement de la religion à l'école poserait un problème du point de vue de la cohérence du projet éducatif, puisque, si d'une part vous voulez former l'esprit critique, comment peut-on, du point de vue de la cohérence, vouloir aussi transmettre des valeurs qui ont, dans certains cas, une tonalité de dogmatisme? À moins qu'on suppose qu'il y ait des... Donc, l'enseignement culturel des religions, ça pourrait évacuer tous les dogmes, mais l'enseignement de religions particulières, que ce soit l'hindouïsme, que ce soit le catholicisme ou le protestantisme, il y a un aspect dogmatique à cet enseignement-là.

Donc, vous dites: Non, ce n'est pas cohérent avec notre projet éducatif. C'est ce que vous dites de l'enseignement des religions à l'école: Ce n'est pas en cohérence avec notre projet éducatif parce que c'est en contradiction ou en conflit avec certains autres objectifs du projet éducatif. Mais votre position finale, est-ce que c'est celle d'une éducation, d'une école qui aurait comme mission – en plus de transmettre toutes les connaissances dont on parle – la formation morale des étudiants, des jeunes, au sens où on leur transmettrait les valeurs qui leur permettraient d'être bons citoyens dans une société démocratique? Et je ne pense pas que ça, c'est ce qu'on a appelé plus tôt l'humanisme républicain, là. L'humanisme républicain, c'est autre chose, à mon avis. Ça, c'est vraiment la tradition de l'éducation qui s'est développée, en Europe en particulier, depuis l'âge des lumières, alors que... Il y a des études à Harvard sur ça, par exemple, des gens qui font des études sur l'éducation morale. J'ai l'impression que c'est ça que vous revendiquez, vous. C'est ça que vous véhiculez, vous.

Et ce que j'ai trouvé dans vos propos – et, encore là, je fais juste vous donner une appréciation, mais je ne me commets pas à une position – je trouve que c'est la première fois qu'on vient de nous exposer... Je n'ai pas entendu exposer cette position-là depuis que je suis ici, en commission parlementaire. Donc, est-ce que je vous comprends?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Geoffrion): Vous avez quelques minutes pour répondre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Oui ou non?

Le Président (M. Geoffrion): Il reste trois minutes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: C'est quoi, vos auteurs de référence, dans un sens?

Le Président (M. Geoffrion): S'il vous plaît. Madame.

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Je pense que vous nous avez bien résumés. Si on a apporté un élément nouveau, tant mieux. Tant mieux parce que je pense que c'est ce qu'on voulait aussi, apporter un éclairage nouveau. Et, effectivement, cette transmission de valeurs qui nous rassemble, qui doit nous rassembler dans l'évolution de la société actuelle, c'est essentiel que l'école travaille et centre ses actions sur cette transmission de valeurs. Et c'est pour ça que, pour nous, il n'y en a rien d'insécurisant. Le côté religieux dogmatique peut être fait ailleurs, évidemment, mais le côté transmission de valeurs, là-dessus, on ne cédera jamais. L'école est là pour ça, et ces valeurs-là font consensus dans la société.

Et puis, pour nous, si on vous apporte un éclairage nouveau, c'est que, tout simplement, on n'a rien pondu de neuf pour ça, on revient toujours à notre case départ qui est: Est-ce que ça respecte le cadre de référence qu'on s'est donné? Toutes les prises de position qu'on a pu faire reviennent à cette base-là. Et parfois ce qui arrive, c'est que dans la réforme, dans des mouvements de réforme, c'est ce qu'on oublie de faire, de revenir à la base et de dire: Qu'est-ce qu'on attend de l'école? Quelle est la mission de l'école? Sur quoi on peut s'entendre comme projet d'école pour notre société actuelle? Et on est revenu à la base, et cette base nous dit: Soyons toujours cohérents. Avant d'implanter un cours, avant de faire quoi que ce soit, est-ce que ça passe bien à l'analyse du cadre de référence qu'on se donne qui est: On ne voudra jamais céder sur la transmission des valeurs?

Et, évidemment, le plus grand souhait qu'on peut faire là-dessus... Même si on parle de points d'ancrage dans certaines matières, peu importe la réforme qu'on fera en éducation, la seule façon qu'elle soit vraiment réussie, c'est qu'on se mette tous, dans le système éducatif, à parler plus par l'exemplarité que par les discours, et, à ce moment-là, tout le monde est un peu responsable dans une école de la transmission des valeurs. On ne peut donc pas uniquement le laisser à une matière en particulier, évidemment. Par contre, si on se fie que c'est tout le monde qui va le faire, on risque fort que ça soit toujours rendu au voisin à le faire. Alors, on veut aussi des points d'ancrage solides, mais on veut aussi que se développe cette cohérence dans le système éducatif au complet et que, tout le monde, on travaille à cette transmission de valeurs aussi, qu'on ne soit jamais en contradiction avec ce qu'on a pu tenir comme discours. Alors, évidemment...

Le Président (M. Geoffrion): Alors, M. Ligneau, rapidement, oui.

(17 h 10)

M. Ligneau (Jack): ...ajouter que nous ne sommes pas des décideurs. Notre mandat, on s'est vus comme un moyen, un intermédiaire pour fournir aux décideurs un cadre d'analyse, un cadre de référence, de fournir aux décideurs un argumentaire pour prendre des décisions cohérentes et éclairées. C'est comme cela qu'on s'est vus dans nos interventions, et, si on se démarque un peu des autres interventions, c'est justement parce qu'on ne voulait pas être des décideurs qui arrivaient avec leur vérité. On a fourni un argumentaire qui nous semble assez solide pour prendre des décisions éclairées, même contre des majorités peut-être défavorables.

Le Président (M. Geoffrion): Merci, M. Ligneau. Écoutez, si j'ai...

M. Laporte: Juste un petit mot pour terminer, là.

Le Président (M. Geoffrion): Oui, allez-y très rapidement.

M. Laporte: Il faut bien reconnaître aussi que, moi non plus, je ne suis pas un décideur. Je suis un député de l'opposition, donc... Mais est-ce que vous êtes conscients, néanmoins, que l'idéologie – et je ne l'emploie pas dans un sens négatif – que le mode de pensée, que la vision du projet éducatif que vous avez, qui est une vision que j'ai qualifiée de fort respectable, c'est-à-dire que ça s'enracine dans une grande tradition intellectuelle, elle n'est pas consensuelle dans notre société, puisque des gens sont venus nous dire qu'ils jugeaient opportuns que l'école ait comme l'une de ses fonctions non pas la transmission de la foi...

Le Président (M. Geoffrion): S'il vous plaît, M. le député d'Outremont.

M. Laporte: ...mais la réponse à la demande de sens ou de quête d'espérance qu'on trouve dans les grandes religions de salut? Vous êtes conscients que votre projet n'est pas un projet consensuel, on s'entend là-dessus, là.

Le Président (M. Geoffrion): Merci, M. le député d'Outremont. Si j'ai le consentement des membres de la commission, étant donné qu'il restait trois minutes de ce côté-ci de la table, j'ai une demande du député de Champlain pour une très courte question.

M. Beaumier: Oui, merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Geoffrion): J'ai le consentement?

M. Laporte: Oui, oui, bien sûr.

M. Beaumier: Je sauverais du temps à tout le monde si je ne parlais pas, mais je pense qu'il faut que j'intervienne parce que je voudrais profiter du fait que nous avons des pédagogues qui connaissent l'enfant, le développement de l'enfant, etc. Vous faites souvent référence aux valeurs d'ordre intellectuel, personnel, social, culturel et esthétique, moi, il y a une chose qui me préoccupe, c'est la dimension spirituelle, la dimension qu'on peut appeler de la transcendance, de l'intériorité. Il y a toute sorte de mots qui, certainement, font partie du bagage de développement de l'enfant, et souvent on dit à ce moment-là: Bien, les religions peuvent permettre... ou on a le préjugé, peut-être, que les religions peuvent permettre une accession à cette dimension-là, plus facile par le volet de la religion. Est-ce que la dimension spirituelle est une dimension de l'enfant, du développement de l'enfant?

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Oui, effectivement, et elle est comprise dans le volet culturel. C'est à cet endroit-là qu'on la positionne. Puis, effectivement, la dimension spirituelle est très importante, et je pense que ça fait partie des valeurs à continuer de promouvoir. Et puis, oui, effectivement, c'est, pour nous, très important que cette quête d'espérance. C'est pour ça qu'on parlait de cette quête d'espérance, et tout. Ce qu'on prône n'empêcherait pas ça, n'empêche pas du tout qu'on puisse répondre à cette quête d'espérance et à la promotion de la spiritualité, mais peut-être avec plus d'authenticité qu'actuellement.

Le Président (M. Geoffrion): Alors, mesdames, monsieur, merci beaucoup de votre présentation. Nous allons suspendre quelques secondes.

Mme Gagnon-Messier (Denyse): Merci de votre attention.

Le Président (M. Geoffrion): Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 14)

(Reprise à 17 h 15)

Le Président (M. Geoffrion): ...du Québec à se présenter à la table.

S'il vous plaît. Les représentants, les porte-parole des Chevaliers de Colomb du Québec, bienvenue. Si vous voulez prendre place.

Alors, madame, messieurs, si vous voulez vous présenter, s'il vous plaît.


Chevaliers de Colomb du Québec

M. Duceppe (Yves): Oui, alors, M. le Président, c'est avec beaucoup de plaisir que je vous présente les personnes de notre organisme qui m'accompagnent en cette fin d'après-midi. Alors, ici, à ma gauche, Me Daniel Langlais; à ma droite, Jean-Guy Martin et son épouse, Mme Claudette Sauriol; notre directeur général, qui m'accompagne ici, en arrière, M. Alphonse Martel; et votre humble serviteur, Yves Duceppe.

Alors, avant de vous présenter notre mémoire, je me permets certains commentaires. Nous sommes tous des parents, et même plusieurs d'entre nous avons de jeunes enfants fréquentant l'école primaire et je peux vous affirmer que la place de la religion à l'école nous préoccupe énormément. Je vous remercie de nous recevoir afin de nous permettre de vous exposer nos représentations sur la place de la religion à l'école pour et au nom des Chevaliers de Colomb du Québec que j'ai l'honneur de représenter en tant que président provincial.

Donc, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, depuis 1966, nous le savons tous, le système scolaire québécois a été l'objet de multiples changements. Nous reconnaissons comme tous que la remise en question de notre système d'éducation et, surtout, de ses résultats se doit d'être examinée de près.

Comme organisme de laïcs catholiques à caractère familial, fraternel et de service, nous comptons plus de 103 000 membres, parents et grands-parents, répartis sur tout le territoire québécois. Nous déplorons avec vigueur que le droit des parents de choisir le type d'école qui correspond le mieux à leurs convictions religieuses soit mis de côté par le rapport Proulx. Le fondement juridique sur lequel repose le choix de ce rapport nous confine dans une égalité qui s'apparente davantage à l'uniformité. En cela, les Chevaliers de Colomb du Québec soutiennent les prises de position de l'Association des parents catholiques du Québec, de la Coalition en faveur du droit des parents de choisir l'école de leur préférence et de l'Assemblée des évêques du Québec, soit le droit des parents de choisir l'école qui correspond le mieux à leurs préférences et le rejet de toutes les solutions uniformes et réductrices des différences. La religion fait partie de l'identité des Québécois, et, même si la pratique religieuse s'est transformée, il est toutefois important que l'enseignement religieux continue d'être transmis à l'école.

Sur ce, vous me permettez de présenter brièvement notre mémoire, que nous avons présenté à la commission. Alors, il comprend cinq parties, et, dans l'introduction, fidèle à la volonté de son fondateur, le mouvement colombien est essentiellement un ordre fraternel et familial de laïcs catholiques. Après plus de 100 ans d'existence en sol québécois, les Chevaliers de Colomb comptent plus de 103 000 membres. Depuis quelques années, la moyenne d'âge de ses nouveaux membres est de 35 ans.

À partir de leurs 523 conseils locaux, les Chevaliers de Colomb rayonnent dans leur communauté paroissiale et dans leur milieu de vie en s'engageant dans des oeuvres éducatives charitables, religieuses et sociales à partir des quatre grands principes de notre ordre, soit la charité, l'unité, la fraternité et le patriotisme. Qu'il suffise de mentionner qu'en 1998 les Chevaliers de Colomb du Québec ont versé au-delà 6 000 000 $ en oeuvres diverses et effectué plus de 1 500 000 heures de travail bénévole partout dans la province, mais leur attachement au milieu dépasse les dons en temps et en argent. Certains de leurs objectifs contribuent à préparer des jeunes à devenir des leaders parmi leurs compagnons, à former une élite, à assurer un développement religieux, intellectuel, moral, social et physique du jeune, à offrir un programme complet d'activités qui rejoignent les champs d'intérêt de la jeunesse actuelle.

Des états généraux tenus en 1992 et 1993 ont suscité chez les Chevaliers de Colomb du Québec une prise de conscience très nette de leurs propres responsabilités vis-à-vis de l'élaboration d'un projet de société. L'Ordre colombien, au Québec, demande à ses membres, dans un projet de société, de travailler avec et de faire avec d'autres organismes selon l'une des recommandations finales. Depuis lors, l'Ordre collabore davantage à des projets issus du milieu en concertation, solidarité, union de force et prise en charge avec les autres organismes pour une société plus juste. À partir de ces états généraux, un consensus s'est établi sur des orientations qui sont toujours prioritaires, à savoir: une approche globale en éducation; la place à donner aux parents; certaines valeurs à sauvegarder, dont celles de la confessionnalité et de l'enseignement moral et religieux à l'école.

(17 h 20)

Dans la première partie, le rapport Proulx amorce un débat de société. Les modifications survenues dans la famille ont fait en sorte que notre système éducatif québécois, suite au dépôt du rapport Proulx, se trouve confronté à des remises en question et à des nouveaux défis. Les parents sont les principaux responsables de l'éducation de leurs enfants, et les projets de société ont des incidences directes sur leur éducation. Ainsi, les parents estiment être les premiers décideurs parmi les autres partenaires rejoints par ces questions. Le choix des valeurs spirituelles à transmettre aux enfants appartient donc aux parents, qui sont les premiers à avoir le droit et le pouvoir d'en décider.

L'ordre des Chevaliers de Colomb, qui regroupe plus de 500 000 parents, grand-parents et enfants oeuvrant bénévolement dans leur milieu, soutient que les parents sont les premiers touchés par les changements proposés. C'est pourquoi la réflexion des parents et leur point de vue sur les différentes questions entourant l'éducation de leurs enfants doivent davantage être prioritaires par rapport aux différents intervenants, et l'un de ces premiers points de vue doit porter sur le droit fondamental et primordial des parents de choisir le style d'école qui correspond le mieux à leurs attentes et aspirations.

Enseignement religieux et confessionnalité des écoles. La société québécoise ne présente plus le même visage que durant les années soixante-dix ou même quatre-vingt. L'appartenance religieuse ne s'exprime plus aujourd'hui de la même façon qu'hier. Il y a lieu de se poser les questions suivantes. Quelle est la place de la religion à l'école? L'école publique doit-elle rester confessionnelle, soit un lieu de transmission et d'enrichissement de la foi?

Ces questions résultent de l'accroissement des pouvoirs de l'État moderne, de la sécularisation de la société, de la coexistence de différents groupes religieux. Le problème central de l'éducation est la recherche des valeurs qui méritent d'être transmises d'une génération à la suivante. Il revient donc aux parents le droit et le devoir de veiller à ce que l'école soit bel et bien le prolongement de la famille.

La famille a toujours été au centre des préoccupations de l'ordre colombien. En cette année, le thème retenu, Tous engagés vers l'avenir, montre l'intérêt que nous portons à cette cellule sociale actuellement confrontée à de nombreuses difficultés. Ce souci de nos propres familles nous invite à oeuvrer pour qu'elles demeurent des lieux de croissance et d'épanouissement. Puisque l'école est le prolongement de la famille et qu'elle éduque tout en instruisant, les parents ont aussi le droit et le devoir de veiller à ce que cette instruction et cette formation s'articulent autour de l'éducation première reçue de la famille. L'école est au service des enfants et de leurs parents. C'est le comité d'établissement, issu du milieu, qui décide de la confessionnalité ou de la neutralité de l'école. Les parents veulent transmettre des valeurs religieuses aux enfants et croient que l'école est la mieux placée pour le faire. Nous affirmons que les parents sont les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants et du choix du genre d'école et de son projet éducatif. D'ailleurs, les sondages tenus à divers moments et dans différents milieux démontrent que les parents tiennent à l'école catholique, et ce, à très forte majorité.

Le vécu chrétien n'est plus ce qu'il était, mais la foi a toujours sa place à l'école. Et nous vous citons quelques passages: «Le temps nous semble venu pour que les chrétiens et les chrétiennes prennent la parole et s'expriment clairement sur le type d'éducation qu'ils réclament pour leurs enfants à l'intérieur du réseau public.» Citation de Mgr Jean-Claude Turcotte.

«L'école n'est pas une entité coupée de la réalité sociale dans laquelle elle baigne. Elle doit être le reflet de la société et de la culture ambiante.» Citation de Mme Micheline Milot, qui était membre du comité de M. Proulx.

«Cette fierté proviendra de trois éléments d'une culture commune que les écoles sont appelées à transmettre: le sens de la présence de Dieu qui fait partie de l'expérience québécoise; la connaissance de notre patrimoine; la conservation des animateurs de pastorale afin d'avoir une école qui ait une âme[...]. Si on rogne sur la culture, on écorche l'école.» Citation de M. Julien Harvey.

«Il ne faut pas oublier non plus que l'école est toujours étroitement liée à un milieu. Les élèves sont les enfants de nos foyers[...]. Au Québec, nous avons pris le risque, que nous trouvons très beau, de confier à 25 000 enseignants la tâche de parler de la foi à nos enfants[...]. Une tâche qui n'est pas facile.» Citation de M. Paul Tremblay.

Aussi, les Chevaliers de Colomb du Québec, en conformité avec l'opinion exprimée par les parents, donnent leur appui à une école confessionnelle et aux valeurs véhiculées dans l'enseignement moral et religieux actuellement dispensé par l'école et complété par des activités pastorales.

Bien sûr, nous avons une vision de l'école de demain. Un monde certain, mais différent attend nos enfants. La famille tend à s'en remettre à l'école comme un lieu particulier d'acquisition d'apprentissages, de compétences, d'attitudes et de comportements. Malheureusement, l'école ne répond pas toujours à ces attentes légitimes. Le défi auquel fait face notre école de demain consiste non pas à faire mieux avec moins de ressources qu'auparavant, mais plutôt à faire autrement.

Lorsqu'un gouvernement ne peut plus développer l'ensemble des différents secteurs de la société, il doit participer au développement de la collectivité en favorisant des consensus sociaux et en soutenant les initiatives des groupes d'intervenants vers l'atteinte de leurs objectifs. Le milieu aura toujours des besoins à combler, et ce milieu devra se tourner vers des organismes ou des systèmes capables de l'aider à solutionner ces besoins.

Un des objectifs de notre mouvement est d'initier les jeunes à la vie communautaire tout en sensibilisant le milieu à leur réalité. D'autres objectifs sont également avancés, tels que: faire de la prévention, encourager chez eux le développement de valeurs comme l'autonomie, l'entraide, le respect de soi et des autres, l'engagement social et l'implication dans leur milieu. L'Ordre des Chevaliers de Colomb tire sa force de chacun et de tous ses membres qui se doivent d'oeuvrer, de s'impliquer et de témoigner de leur foi en des valeurs évangéliques, familiales et sociales. Il nous apparaît clairement que tous les intervenants doivent s'entendre pour adhérer à des objectifs communs de développement harmonieux de la personne humaine. Sans consensus sur la nature et le niveau de qualité des apprentissages visés, la réussite scolaire qualitative et quantitative peut difficilement être envisagée.

Selon nous, les jeunes ont et auront un rôle important à jouer dans la société et dans l'Église. Les jeunes ont ce désir profond de découvrir et de donner un sens à leur vie, de partager et de servir. Les jeunes vivent des difficultés, de l'insécurité. Ils aspirent à une paix. Ils ont besoin de se rattacher à des valeurs qui sont autant de guides pour eux. Pour qu'ils puissent bénéficier d'une société et d'une école qui répondent à leurs besoins et aspirations, nous nous devons comme parents de leur apporter de l'espérance par le biais de valeurs comme la foi, la langue, le respect du patrimoine, la solidarité, l'esprit de famille, le sens communautaire, le respect des autres, le sens des responsabilités. Sans restreindre les valeurs qui précèdent, d'autres pourraient s'ajouter selon les besoins du moment.

Le désir d'être et d'agir des jeunes nous indique qu'ils s'attendent à rencontrer des adultes leur parlant de la vie, de son sens plutôt que de leur apprendre exclusivement à être un bon technicien à haut rendement. Les jeunes doivent rencontrer sur leur chemin des parents, des éducateurs et d'autres personnes qui ont trouvé et donné un sens à leur vie. Le jeune a besoin de se sentir appuyé et valorisé. C'est pourquoi la famille et l'école doivent lui témoigner de la considération pour ce qu'il est et ce qu'il fait. Fournissons-lui les outils adéquats.

Nos recommandations. Ces recommandations découlent en majeure partie de consensus dégagés lors de rencontres régionales et provinciales, plus particulièrement à l'occasion des échanges qui ont précédé l'adoption de la résolution que nous appelons n° 25 lors de l'assemblée générale annuelle de notre mouvement tenue dans le cadre du 100e congrès provincial au mois d'avril dernier. Et ce document est d'ailleurs déposé en annexe de notre mémoire.

Compte tenu des principes qui leur sont propres et des valeurs qu'ils préconisent, les Chevaliers de Colomb du Québec recommandent ce qui suit:

1° que l'école vise à dispenser un ensemble d'apprentissages essentiels au développement de l'être humain et à son intégration dynamique dans la société;

2° que l'école établisse les fondements de cet ensemble sur des valeurs d'ordre intellectuel, personnel, social et moral reliées à notre culture et au projet de société québécois;

3° que la formation assure le renforcement de l'identité personnelle et l'ouverture aux autres;

4° que l'école privilégie les valeurs fondamentales suivantes: celles véhiculées par l'enseignement moral et religieux catholique et par les activités pastorales; le sens de l'effort dans une rigueur intellectuelle et une discipline personnelle; le souci du travail bien fait, puisé dans la créativité et les initiatives personnelles; le souci et la fierté de la qualité de sa langue; le respect de soi, d'autrui, du milieu et de l'environnement; la considération et la valorisation, nourriture d'un être en croissance;

5° que le gouvernement du Québec maintienne l'école confessionnelle catholique.

Donc, en conclusion, les Chevaliers de Colomb du Québec désirent prendre leur place dans ce débat et dans la réalisation du projet de société qui suivra. Le fait de vous présenter ce mémoire témoigne de notre intérêt et de notre désir d'être participants à l'amorce de changements qui contribueraient au mieux-être de l'éducation. Nous continuerons à demander à nos membres et à leur famille d'encourager leurs enfants aux études et à la réussite scolaire. Nous inviterons nos enfants à se responsabiliser, à donner une priorité à leurs études. En contrepartie, nous souhaitons que l'école nous soutienne en respectant notre désir d'une école confessionnelle qui tiendrait compte des valeurs chrétiennes fondamentales, valeurs qui nous apparaissent primordiales et essentielles dans le cadre du renouveau dans l'éducation.

(17 h 30)

Et j'ajouterais en terminant, M. le Président, que les Chevaliers de Colomb du Québec sont aussi membres de la Coalition en faveur du droit des parents de choisir l'école de leur préférence dont font partie 64 organismes au Québec. Nous avons également annexé à notre mémoire la résolution présentée et acceptée par l'ensemble de nos membres lors de notre dernier congrès annuel. Merci.

Le Président (M. Geoffrion): C'est moi qui vous remercie, M. Duceppe. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Legault: D'abord, Me Duceppe, Me Langlais, M. Martin, Mme Sauriol, M. Martel, merci pour votre mémoire, merci pour votre contribution à ce dossier important qui est la place de la religion à l'école. Les Chevaliers de Colomb sont bien connus au Québec, bien connus pour être des militants catholiques voués à la promotion de valeurs, telles la charité, l'unité, la fraternité, le patriotisme. Donc, vous êtes présents dans toutes les régions du Québec. Et, comme ministre responsable de la Jeunesse, je vais en profiter pour souligner le travail extraordinaire que vous faites avec plusieurs oeuvres caritatives qui visent souvent les jeunes. Donc, merci.

Vous dites dans votre mémoire, vous proposez un petit peu le statu quo finalement, et j'aurais le goût de vous poser la question directement. Il y a certaines personnes qui sont venues nous faire état de certaines propositions ici concernant le statut de l'école puis concernant l'enseignement religieux. Je pense que c'est deux choses différentes, en tout cas deux choses qu'il est possible de distinguer. Si on pouvait assurer les parents québécois que l'école offrirait un enseignement religieux correspondant à leurs désirs, est-ce que vous seriez d'accord pour qu'on envisage l'abolition du statut confessionnel des écoles?

M. Duceppe (Yves): En ce qui concerne le statut confessionnel des écoles, c'est un point assez crucial, je dois vous dire, de ce côté-là. C'est sûr que ça implique beaucoup de choses, ne serait-ce qu'au côté juridique. Mais je vais laisser le côté juridique peut-être de côté pour vous dire simplement que, en ce qui concerne le mouvement que nous représentons ici, d'emblée, au niveau de la structure en tant que telle, il nous apparaît important de conserver quand même une structure efficace ou une structure que, nous, nous préconisons confessionnelle, ne serait-ce que pour avoir un cadre dans lequel tout ça pourra se tenir.

C'est sûr que nous préconisons que l'enseignement religieux à l'école soit continué, première chose. Dans quel cadre? Est-ce qu'on continue dans le cadre actuel qui est le cadre que nous connaissons tous, avec les structures légales qui s'imposent et les différentes dérogations aux chartes, ou autres? Ça, c'est une question quand même assez difficile à répondre en tant que telle pour moi. Mais je vous dis que ce qui nous préoccupe, nous, c'est le maintien peut-être du statu quo. C'est sûr, au niveau de l'éducation à l'école, si on est en faveur ou non du maintien des statuts actuels ou de la conjoncture actuelle que l'on connaît, l'important pour nous, c'est que l'école continue à véhiculer les valeurs que l'on préconise dans notre mémoire. C'est ce qui est important pour nous. C'est sûr que la structure actuelle légale dans laquelle nous nous trouvons actuellement a peut-être une importance secondaire, sauf que, nous, on est plus au niveau des valeurs qui doivent être véhiculées à l'école et du maintien de l'enseignement religieux.

M. Legault: Donc, vous auriez, si je comprends bien, une ouverture. Si on pouvait assurer les parents d'un enseignement religieux catholique par exemple, dans le cas qui vous concerne, à l'école et aussi de la transmission des valeurs de base à l'école, vous seriez ouverts à ce qu'on mette peut-être de côté le statut confessionnel des écoles.

M. Duceppe (Yves): Oui.

M. Legault: Bien. Est-ce que, maintenant au niveau de l'enseignement des... Vous savez, actuellement, on enseigne seulement deux religions à l'école, la religion catholique ou protestante. Est-ce que vous seriez ouverts à ce qu'on enseigne plus que deux religions dans nos écoles?

M. Duceppe (Yves): On est ouvert, bien sûr. Le mouvement Chevaliers de Colomb du Québec est ouvert à l'enseignement des religions dans un esprit de respect, bien sûr, des convictions religieuses de tous et chacun. Ça, on n'est pas contre, aucunement, aucunement. Sauf que ce qu'on dit brièvement dans notre mémoire, c'est qu'on veut quand même que le respect de la religion et de l'enseignement religieux à l'école soit également considéré. On a également à coeur le respect des autres religions et des autres convictions religieuses.

M. Legault: Allons un petit peu plus loin, là, ça va bien. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Legault: Bon, si on ouvrait l'enseignement religieux à d'autres religions que les religions catholique et protestante, sur quelle base vous pensez qu'on pourrait faire le choix des religions qu'il serait acceptable d'enseigner ou non à l'école?

M. Duceppe (Yves): Bien, sur quelle base? Je sais qu'actuellement nous avons quand même un système, disons, qui fonctionne avec plusieurs religions qui sont enseignées dans différentes écoles, on n'est pas contre le droit aux autres, bien sûr, d'avoir un enseignement religieux qui pourrait être donné, comme ça se passe actuellement, dans un cadre justement d'enseignement soit de pastorale ou autre. Et je vais vous dire également, pour en revenir à une recommandation du rapport Proulx, qu'on n'a pas vraiment d'objection à ce que l'enseignement culturel des religions qui se donne, même si on connaît peu la structure ou le contenu de ce genre-là, ça devrait être donné plus tard et non pas au niveau du primaire, mais lorsque le jeune ou l'enfant est en mesure peut-être de choisir. Et, à cet effet-là, je dois vous dire qu'un sondage a été fait. Et je peux me permettre, si vous me permettez, parce qu'il y a eu beaucoup de sondages qui ont été faits et peut-être que d'autres viendront; tout le monde l'a mentionné, tantôt Mme la députée l'a dit, qu'un sondage Léger & Léger, récemment... on mentionnait que la majorité des parents souhaitent l'enseignement religieux dans les écoles, c'est apparu dans le sondage Léger & Léger. Et je peux me permettre, si vous me permettez, M. le ministre, de souligner que, de façon terre-à-terre et dans les commissions scolaires locales, des sondages ont été faits.

D'ailleurs, je me permets d'en souligner un, puisque M. le président qui est là, qui est le député où je demeure, à La Prairie, sans doute est au courant d'un sondage qui a eu lieu à la commission scolaire des Grandes-Seigneuries, à l'école institutionnelle Saint-Joseph, sondage que j'ai ici devant moi, où on posait trois questions, où on demandait: Êtes-vous d'accord qu'on maintienne la situation actuelle, soit le choix entre l'enseignement religieux catholique, l'enseignement religieux protestant et l'enseignement moral, à l'intérieur de l'horaire? Au primaire, on disait oui, à 190, 34 non; au premier cycle du secondaire: oui, 163, contre, 48; au deuxième cycle du secondaire: oui, 136, non, 73. Donc, vous voyez, la très forte majorité des parents désirent conserver ce choix d'enseignement. Et même chose: Êtes-vous d'accord qu'on rende obligatoire l'enseignement culturel des religions en remplacement de l'enseignement religieux confessionnel? Au primaire: oui, 32, non, 183; au premier cycle du secondaire: oui, 58, non, 162; au deuxième cycle du secondaire: oui, 95, non, 122.

M. Legault: Une dernière question et je passerai la parole à mon collègue. Si on conservait l'enseignement religieux, entre autres catholique, dans nos écoles, est-ce que vous seriez ouverts pour que cet enseignement soit sous la responsabilité des Églises plutôt que d'être sous la responsabilité des écoles ou du ministère de l'Éducation au niveau des qualifications des enseignants, au niveau du contenu, au niveau de ce qui est donné? Est-ce que vous avez une ouverture de ce côté-là?

M. Duceppe (Yves): Disons, une ouverture peut-être, sauf que notre position est à l'effet que ça devrait rester au niveau du ministère de l'Éducation, donc au niveau de l'État, étant conscients bien sûr que, au niveau des religieux, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup moins de ressources qu'il en existait il y a 25 ou 30 ans. Il faut être conscient de cela. On a beaucoup moins de religieux, on a beaucoup moins de personnes disponibles pour donner cet enseignement-là. Et, si on le réfère purement ou si on retourne le tout au niveau des religieux, bien, je suis convaincu, à cause du manque de ressources que les religieux vivent, que, malheureusement, il n'y aura plus, à brève échéance, la possibilité d'enseigner la religion, si on le réfère aux religieux. C'est pour ça que, nous, on préfère que ça demeure au stade de l'État ou du ministère de l'Éducation que cet enseignement-là se fasse.

(17 h 40)

M. Legault: Si les ressources étaient assurées par l'État, est-ce que vous seriez d'accord que la responsabilité, le transfert de la responsabilité soit envisagé vers les Églises, si les ressources étaient assurées par l'État?

M. Duceppe (Yves): Par les Églises, non.

M. Legault: Non?

M. Duceppe (Yves): Non.

M. Legault: Pourquoi?

M. Duceppe (Yves): Parce que, premièrement, je ne crois pas que les Églises aient les ressources pour le faire, connaissant, bien sûr, les difficultés que les Églises ont, ne serait-ce que... Vous savez tous que, maintenant, il n'y a plus de dîme, il n'y a plus rien vraiment d'obligatoire au niveau des ressources financières.

M. Legault: Mais si on leur assurait des ressources financières? Je vous dis: Si on leur assurait des ressources financières? C'est juste au niveau de la responsabilité finale. Pourquoi vous pensez que l'État est en meilleure position pour dire si un cours de religion est acceptable ou non, si un enseignant a les qualifications ou non? Pourquoi l'État serait mieux placé que l'Église pour porter ce jugement?

M. Duceppe (Yves): Bien, je crois que ça fait quand même partie de l'éducation de nos enfants, là, que la question de la religion, que ce soit la religion catholique ou les autres religions. Mais, de façon particulière, nous, on demande que le maintien de la confessionnalité de l'enseignement moral et religieux à l'école soit quand même chapeauté par l'État, à cause justement, je crois, du manque de ressources au niveau religieux, mais...

M. Legault: Parfait. Merci.

M. Duceppe (Yves): Attendez. Mon collègue peut peut-être vous répondre.

M. Langlais (Daniel): Est-ce que je peux rajouter là-dessus?

Le Président (M. Geoffrion): Oui, allez-y. Si vous voulez vous identifier, monsieur.

M. Langlais (Daniel): Daniel Langlais.

Le Président (M. Geoffrion): M. Langlais.

M. Langlais (Daniel): La question que vous posez est importante. Moi, je suis père de quatre enfants. J'ai la foi, c'est évident, je fais partie du mouvement des Chevaliers de Colomb. Ma journée normale: je me lève vers 7 heures, j'envoie mes enfants à l'école, mes quatre enfants, et j'en ai une qui va à la garderie là-dessus, puis je fais ma journée de travail et j'arrive vers 18 heures, on soupe, vers 20 heures on commence les devoirs, on finit vers 22 heures. Je vous fais une histoire courte. Si ce n'est pas à l'intérieur de la grille horaire que l'enseignement de la foi, l'enseignement catholique, c'est où qu'elle va se faire?

M. Legault: Ça pourrait être dans la grille horaire. Mais je ne veux pas insister, je veux laisser la chance à mon collègue. Ha, ha, ha!

M. Langlais (Daniel): C'est ça. Si ça se fait à l'intérieur de la grille horaire, ça donne une ouverture.

M. Legault: Il y aurait une ouverture.

M. Langlais (Daniel): Mais, si ça se fait le soir comme dans le rapport Proulx...

Le Président (M. Geoffrion): Merci, M. Langlais, de votre témoignage. M. le député de Masson.

M. Labbé: Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre. On a tellement de questions, vous permettrez. D'abord, je me permets de vous féliciter pour la présentation de votre mémoire et votre présence.

Dans votre affirmation comme telle, c'est clair, je pense que votre position est assez claire aussi, c'est le maintien des écoles confessionnelles. Par contre, quand je regarde dans votre mémoire, à la page 4, il y a certaines citations, et j'aimerais peut-être en reprendre quelques-unes. Vous les avez d'ailleurs rappelées tout à l'heure. Dans le bas de la page 4: «Le vécu chrétien n'est plus ce qu'il était.» Ça, c'est une des premières affirmations que vous faites. Et, comme Chevaliers de Colomb, vous faites aussi l'affirmation suivante: «L'école n'est pas une entité coupée de la réalité sociale dans laquelle elle baigne. Elle doit être le reflet de la société et de la culture ambiante...» Puis je rajouterais aussi, un petit peu plus bas: «Il ne faut pas oublier non plus que l'école est toujours étroitement liée à un milieu» ou à son milieu.

À partir de ces affirmations-là puis en sachant que les Chevaliers de Colomb sont présents partout à travers le Québec – je pense qu'ils sont bien représentés – je suis un petit peu surpris de voir votre réaction qui, quand même, oublie certaines réalités qu'on vit au Québec, et j'irai peut-être dans un deuxième temps tout à l'heure. J'aimerais voir s'il y a une ouverture par rapport, par exemple, aux autres ethnies? On sait que, peut-être dans certains secteurs, c'est un petit peu plus polarisé, en termes d'ethnies ou en termes de religions. Par contre, on sait que, dans les grands centres, il peut y avoir différentes optiques, différents éléments qui existent. Moi, j'aimerais avoir votre perception. Compte tenu que vous êtes présents à travers le Québec, vous semblez ignorer un petit peu les autres aspects qui existent à ce moment-ci. Comment vous réagissez à ça?

M. Duceppe (Yves): Effectivement, M. le député, c'est sûr que, si on regarde la région de Montréal, où il y a beaucoup d'ethnies, et d'autres régions, ne serait-ce que pas tellement éloignées de Montréal – je vais prendre ma propre ville où je demeure, Laprairie, pour prendre cela comme exemple – c'est des réalités quand même différentes. On est bien conscient de cela. Et également, nous, nos conseils sont partout présents, jusqu'aux Îles-de-la-Madeleine. Alors, je peux vous dire qu'aux Îles-de-la-Madeleine et au centre-ville de Montréal ou dans certains secteurs de Montréal, c'est des réalités différentes. Et, je dois vous dire, c'est sûr et certain que nous sommes très conscients qu'il y a des choses qu'il faut considérer, mais on ne veut pas que ce soit uniforme. Est-ce que le rapport Proulx dit que, ça, c'est uniforme, laïque pour tous? C'est ce que le rapport préconise, de rendre ça laïque pour tous et uniforme pour toutes les personnes. Et je ne crois pas qu'on puisse trouver cette uniformité-là ou qu'on puisse avoir la même uniformité dans la région de Montréal et dans les régions plus éloignées et, comme je vous dis, pas tellement éloignées, la Rive-Sud de Montréal. Mais on est ouvert quand même, on est conscient de ces réalités-là.

Mais ce que je vous dis, c'est que, comme mouvement, nous, nous préconisons le maintien de l'école confessionnelle catholique. Le statu quo, comme M. le ministre peut-être le disait, pour nous, ce n'est pas vraiment le statu quo, dans le sens que c'est une valeur qui nous semble importante et qu'on veut préserver. C'est sûr qu'on est ouvert à des aménagements, comme tout le monde. Je crois que tous les groupes qui sont venus ici témoigner en commission parlementaire, à moins de position radicale, sont ouverts à certains aménagements, et on est ouvert également à certains aménagements, considérant les particularités régionales.

M. Labbé: M. le ministre, tout à l'heure, vous en a suggéré quelques-uns. Vous, quand vous parlez d'aménagements, est-ce qu'il y en a quelques-uns que vous pourriez me suggérer à ce stade-ci, c'est-à-dire justement dans le respect de ce qui existe dans certaines municipalités ou dans certaines agglomérations? Y a-tu des ouvertures que vous seriez prêts à faire aujourd'hui par rapport à ça, indépendamment de la position globale du mouvement comme telle?

M. Duceppe (Yves): Bien, disons... je vais permettre à M. Martin de répondre.

M. Martin (Jean-Guy): On peut dire que les Chevaliers de Colomb du Québec sont ouverts aux autres. M. le ministre a rappelé tout à l'heure qu'un de nos quatre grands principes, c'est la charité et, dans l'application de ce principe-là, on veut être accueillant aux autres ethnies et aux autres confessionnalités religieuses. Ce que M. Duceppe a mentionné, c'est qu'on ne préconise pas une solution mur à mur à travers le Québec, mais qu'on est ouvert à des aménagements pour des situations particulières, notamment dans la région de Montréal où le problème se fait sentir avec beaucoup plus d'acuité que peut-être dans votre comté, M. le député. Alors, on est ouvert à ça, mais en autant que le nombre le justifie. Puis, ça, c'est à vous, les décideurs, à déterminer ce que ça veut dire «le nombre le justifie». Il faudrait que, dans le point de vue des législateurs et dans le point de vue d'un consensus de société, on s'entende sur ce que pourrait vouloir dire «là où le nombre le justifie». Ceci dit, si les législateurs nous font des propositions on entendent des discussions dans ce sens-là, on est prêt à y participer.

M. Labbé: J'apprécie dans ce sens-là. Je voulais aussi vous entendre... Le groupe qui vous a précédés tout à l'heure a fait certaines affirmations et, dans ces affirmations-là, on disait ceci: On a créé une religion d'école. Alors, je pense que, là-dessus, ça nous situe bien. Puis on a même dit aussi: Après l'école, il n'y a rien qui se vit au niveau spirituel comme tel. Puis on a même dit que c'était artificiel. Comment vous réagissez? Parce qu'il y a une différence entre dire que je suis catholique puis être catholique pratiquant, ou peu importe. Alors, j'aimerais vous entendre un petit peu, les Chevaliers de Colomb, sur cet aspect-là.

M. Duceppe (Yves): Bien, écoutez, moi, en tout cas comme organisme, je crois qu'on n'est pas vraiment d'accord avec cette affirmation-là. Au contraire, je peux vous dire que la famille ouvre même à l'école, que des valeurs fondamentales se transmettent et doivent être transmises. Et il y a eu beaucoup de choses qui ont évolué. On ne parle même plus des sacrements à l'école. Maintenant, tout se fait à l'extérieur, tout se fait en dehors des heures normales d'école, que ce soient les préparations à la confirmation. Maintenant, ça se fait complètement en dehors des heures normales d'école, à la paroisse même, et ce n'est plus à l'école. Mais je peux vous dire que, quant à nous, c'est important, cette transmission de valeurs fondamentales qui doit être faite dans le stade de l'école et dans le cadre précis de l'école. Et, pour nous, c'est quelque chose d'essentiel qui doit demeurer. Sous quelle forme? Vous aurez à en décider éventuellement peut-être. Mais, pour nous, ça doit demeurer.

M. Labbé: Excellent. Peut-être une dernière question, M. le Président.

Le Président (M. Geoffrion): Très, très rapidement, quelques secondes.

M. Labbé: D'accord. Vous nous suggérez en fait de reporter la clause dérogatoire de cinq ans. Vous n'avez pas l'impression que, dans cinq ans, finalement on va être obligé de refaire le débat? Comment vous réagissez par rapport à ça? Est-ce qu'on devra refaire ça à chaque cinq ans ou, à ce moment-là...

M. Duceppe (Yves): Bien, disons, lorsque la résolution a été adoptée, la clause dérogatoire n'était pas encore reportée. Elle a été reportée à deux ans.

M. Labbé: Deux ans, c'est ça.

M. Duceppe (Yves): Et je crois que le report de la clause dérogatoire à cinq ans était pour permettre justement d'avoir une plus grande réflexion, une plus grande étude, une plus grande consultation de tous les intervenants.

M. Labbé: Excellent. Merci, messieurs, merci, madame.

Le Président (M. Geoffrion): Merci, M. Duceppe. Je suis heureux d'apprendre que la population de La Prairie peut compter sur les bons services de deux députés d'État.

Des voix: Ha, ha, ha!

(17 h 50)

Le Président (M. Geoffrion): Merci beaucoup. M. le député de Kamouraska-Témiscouata, s'il vous plaît.

M. Béchard: Oui, merci, M. le Président. M. Duceppe, M. Langlais, M. Martin, Mme Sauriol et M. Martel, bienvenue. Je vous dirais que, moi aussi, j'ai la chance d'avoir non pas un, mais plusieurs conseils de Chevaliers de Colomb dans mon comté, de La Pocatière à Dégelis, Squatec, Cabano, et dans plusieurs municipalités. Et on peut témoigner, je pense, mois après mois, jour après jour, de votre implication et de votre implication non pas seulement pour rendre service, mais d'une implication sociale. Je pense que votre mémoire le démontre bien aussi.

Vous mentionnez dans votre mémoire que «l'école est le prolongement de la famille et qu'elle éduque tout en instruisant, les parents ont aussi le droit et le devoir de veiller à ce que cette instruction et cette formation s'articulent autour de l'éducation première reçue de la famille. L'école est au service des enfants et de leurs parents.» Et vous mentionnez à la suite: «C'est le conseil d'établissement, issu du milieu, qui décide de la confessionnalité ou de la neutralité des écoles», premier point. Et vous indiquez: «Nous affirmons que les parents sont les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants et du choix du genre d'école et de son projet éducatif.»

Il y a des groupes qui sont venus et qui ont présenté différents modèles, le modèle où on pouvait avoir une école laïque, une école confessionnelle, une école non confessionnelle, toujours au choix des parents et selon un certain modèle consensuel. Moi, la question que j'ai le goût de vous poser par rapport à cette affirmation et à l'ouverture que vous avez démontrée tantôt sur le statut comme tel de l'école: Comment on peut s'y prendre pour déterminer, sans en arriver à des guerres et à des référendums serrés puis qui décident en bout de ligne, puis des recours après, et tout ça... comment on peut en arriver à déterminer le statut de l'école comme tel? Il y a des milieux où ça ne causera aucun problème, ça va être totalement consensuel, et il y en d'autres où ça va l'être moins. Comment on peut arriver, et avec quelle formule, à déterminer: Voici le statut confessionnel qui fait consensus ou qui rallie la plus large partie des gens d'un milieu?

M. Duceppe (Yves): Bien, actuellement, je crois que, par le comité d'établissement, promulgué il y a quelques années par le gouvernement, qui permet actuellement, d'après ce qu'on vit et d'après ce qui se passe sur le terrain, à tous les jours, de justement donner ce caractère-là, M. le député, à l'école... Et ce sont des parents – en tout cas, une partie, une grande partie – qui font partie de ces comités d'établissement là. Et je crois que, bien sûr, si le rapport Proulx va de l'avant avec l'école telle que proposée, il n'y aura plus... ce genre de comité n'existera plus. Mais, actuellement, je crois que c'est par le comité d'établissement qu'on peut veiller justement à ce que cette particularité-là à l'école soit donnée.

M. Béchard: Il y a l'importance des parents aussi dans le rôle, dans le contenu, je dirais, des programmes comme tels d'enseignement religieux, et c'est une des critiques qu'on fait souvent actuellement, de dire que les programmes d'enseignement religieux, finalement, il y a des choses qui ne se disent pas, il y a des choses qui se disent. Selon vous, est-ce que la réforme que nous vivons ou que nous allons vivre devrait revoir aussi le contenu des programmes d'enseignement religieux qui existent présentement, catholique et protestant, entre autres, et, bien sûr, s'il y a une ouverture à la multiconfessionnalité, est-ce qu'on devrait porter plus d'attention sur le suivi, sur le contenu des programmes comme tels d'enseignement religieux?

M. Duceppe (Yves): Je crois que oui. Je crois que, oui, c'est essentiel, si on va de l'avant au niveau de la réforme, d'assurer justement ou de réviser ce contenu.

M. Béchard: Je vois que, dans votre résolution que vous avez adoptée, le premier point, c'est le maintien des deux comités confessionnels, comités catholique et protestant, qui ont le pouvoir de faire des règlements touchant les activités de l'éducation religieuse. Dans l'hypothèse d'une ouverture à la multiconfessionnalité, est-ce que vous croyez qu'il y a lieu et que ce sera opportun d'abolir ces structures-là pour les remplacer par des comités, je dirais, multiconfessionnels, mais neutres, c'est-à-dire avec des représentants des grandes confessions, mais qui auraient la responsabilité du programme, du suivi, de la mise en place, à la limite de certains arbitrages dans certains endroits quand ça va moins bien ou qu'il y a des contestations, ou quoi que ce soit. Est-ce qu'un type de comité comme ça, plus ouvert que les structures que nous avons actuellement, pourrait permettre d'atteindre un bon équilibre, selon vous, dans l'enseignement religieux?

M. Martin (Jean-Guy): Je pense que, dans ce domaine-là, on devrait plutôt envisager de rajouter des comités à chaque fois que les besoins s'en feraient sentir. Si ceux qui sont de foi islamique en sentent le besoin, nous, on serait ouverts à ce qu'il y ait rajout d'un comité, mais pas un comité multidisciplinaire où ça serait un petit peu une reproduction du rapport Proulx, où tout le monde qui est de divers courants de pensée pourrait avoir des choses à décider sur des points que, nous, nous jugeons que les parents sont les premiers concernés. Si vous parlez de rajouter des comités pour répondre aux besoins des autres dénominations religieuses, on serait d'accord à envisager ça, mais pas de faire un comité multidisciplinaire.

M. Béchard: O.K. Donc, ça serait plus d'avoir, à l'intérieur de ce comité-là, différentes identités bien claires et bien précises qui pourraient être des sous-comités, catholique, protestant, mais ne pas faire un mélange de tout le monde assis autour d'une grande table, et voici...

M. Martin (Jean-Guy): C'est ça. Il pourrait y avoir un comité pour ceux qui sont de foi islamique, un comité pour ceux qui sont de foi judaïque, et ainsi de suite, mais pas un seul comité pour chapeauter tout le monde.

M. Béchard: O.K. Vous mentionnez à un endroit, une de vos citations, c'est le fait qu'«il ne faut pas oublier non plus que l'école est toujours étroitement liée à un milieu. Les élèves sont les enfants de nos foyers... Au Québec, nous avons pris le risque, que nous trouvons très beau, de confier à 25 000 enseignants la tâche de parler de la foi à nos enfants... Une tâche qui n'est pas facile...» Je ne sais pas si vous étiez là quand le groupe qui vous a précédés a parlé justement de la motivation des enseignants, souvent qui n'est peut-être pas là, à faire de l'enseignement religieux. Il disait, je pense, que, s'il y avait le tiers qui était là pour vraiment faire ça, ça serait déjà très bon et merveilleux. Alors, comment on peut arriver à trouver une formule où les enseignants ne feront pas de l'enseignement religieux uniquement pour compléter une tâche, pour remplir leurs fonctions et le faire finalement par dépit de ne pas faire autre chose? Comment on peut trouver une formule pour répondre à ça?

M. Duceppe (Yves): Bien, au niveau de la formule, c'est sûr et certain que ce n'est pas quelque chose de facile à trouver. Mais, si vous me permettez, M. le député, il y a Claudette, ici, qui nous accompagne, l'épouse de Jean-Guy, qui est enseignante au primaire et qui pourrait sans doute peut-être vous livrer son opinion là-dessus, qui ne regarde pas vraiment le mouvement des Chevaliers de Colomb, mais qui est l'opinion d'une personne qui est dans le milieu et qui vit ce genre de situation là à tous les jours.

Mme Sauriol (Claudette): Oui, je pense que c'est vrai que beaucoup d'enseignants ne se sentent peut-être pas aptes à faire l'enseignement religieux, sauf que chacun est assez professionnel pour le faire du mieux et se préparer aussi de la meilleure façon qui soit.

Ceci dit, il y aurait peut-être, une solution. L'enseignement religieux pourrait peut-être être enseigné, au même titre que l'enseignement de l'anglais, l'enseignement d'autres matières spécialisées, par un ou une spécialiste en enseignement religieux. Alors, la personne pourrait se promener de classe en classe et faire l'enseignement religieux; alors, elle serait formée. Puis, tantôt, le groupe qui nous a précédés parlait aussi des enseignants qui devaient toujours se recycler continuellement. Alors, ça aussi, ça pourrait être une solution, qu'il y ait des cours en enseignement religieux pour les enseignants, comme il y en a en français, comme il y en a pour les mathématiques et les sciences. Il y en a en enseignement religieux, mais ils ne sont peut-être pas autant préconisés, les enseignants ne s'y rendent peut-être pas, on n'en entend pas assez parler peut-être. En tout cas, ça pourrait être des débuts de solution.

(18 heures)

M. Béchard: Donc, vous seriez favorables à l'idée d'avoir, par exemple, sur le territoire d'une commission scolaire, deux ou trois spécialistes de l'enseignement religieux qui pourraient se promener dans chacune des écoles, et ça pourrait en même temps régler le problème de la multiconfessionnalité, où c'est presque illusoire de penser qu'il pourrait y avoir une personne dans chaque école, par exemple, pour donner un enseignement religieux, islamique ou autre. Donc, ça pourrait être une personne qui aurait la responsabilité de couvrir l'ensemble du territoire de la commission scolaire, et peut-être qu'à ce moment-là ça répondrait aussi aux obligations de la commission scolaire au niveau des accommodements acceptables et du «là où le nombre le justifie», et tout ça. Selon vous, ça serait une formule qui pourrait être envisagée et applicable.

Mme Sauriol (Claudette): Mais là, moi, je ne pensais pas, à ce moment-là, que ce serait quelqu'un qui enseignerait toutes les religions, là.

M. Béchard: Non, non, non.

Une voix: Non, ce n'est pas ça.

Mme Sauriol (Claudette): O.K.

M. Béchard: Non, non, non. Mais d'avoir, je dirais, comme vous le mentionniez pour l'anglais ou pour d'autres matières, un spécialiste, par exemple, de la religion islamique qui pourrait faire cinq, six écoles, et on pourrait même appliquer le même modèle au niveau de la religion catholique.

Mme Sauriol (Claudette): Oui, l'appliquer surtout au niveau de la religion catholique parce qu'il y a de plus grands nombres d'élèves. Mais «là où le nombre le justifie», ça pourrait être une autre solution pour toutes les religions.

M. Béchard: J'ai envie de vous poser une question qui me chicote depuis deux, trois jours et je n'ai pas osé la poser avant. On va attendre jeudi, à 18 heures, quand il y aura moins de monde.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard: C'est quelqu'un qui a soulevé cette hypothèse-là, puis j'aimerais vous entendre là-dessus. Il y a quelqu'un que je rencontrais la semaine passée qui me disait: Oui, mais dans le cas, par exemple, où l'on se situe à Montréal, on dit qu'on veut préserver les droits aux catholiques, aux protestants et ouvrir sur d'autres religions. Et la personne me demandait: Dans le cas, par exemple, où les catholiques se retrouveraient en nombre insuffisant pour former une classe ou pour avoir un enseignement dans une école – ce qui peut arriver; à certains endroits, ça peut arriver – est-ce qu'on est prêt à dire: Oui, dans certaines écoles, il pourrait ne plus y avoir d'enseignement religieux catholique ou protestant? J'aimerais avoir votre aperçu là-dessus parce que, si on ouvre à d'autres confessionnalités, à d'autres confessions, là où le nombre le justifie, on ouvre aussi à cette hypothèse-là et, à ce moment-là, on fait un pas en avant, c'est-à-dire que, dans certains endroits, on enlève l'enseignement religieux catholique. Qu'est-ce que vous pensez de cette hypothèse-là?

M. Duceppe (Yves): Effectivement, c'est une hypothèse qui pourrait arriver dans certains... surtout, je crois, dans la région montréalaise, il faut le dire, de façon plus précise même à Montréal. Ça m'étonnerait que cette situation-là puisse être envisagée dans d'autres endroits à part la grande région de Montréal. C'est sûr et certain que, de prémisse, comme on vous l'a dit tantôt, nous, on a le respect de liberté de conscience et de religion, et le respect, bien sûr, pour les personnes, les minorités. Sauf que je crois que la très grande majorité, sinon la très forte majorité des gens sont d'ascendance ou de conviction catholique. Mais, dans un endroit comme ça ou dans un cas précis, comme vous le dites, M. le député, c'est sûr et certain que, si on y va avec notre logique et notre respect, bien sûr, des croyances et des religions, et que là où le nombre le permet, le justifie, comme Jean-Guy le disait tantôt, on devrait être d'accord avec votre suggestion, de l'admettre ou de permettre qu'il n'y en ait pas à ce moment-là, si on va avec notre logique, puis on veut être logique avec ce qu'on soutient, même si, bien sûr, notre préférence, elle est contenue dans le mémoire qu'on vous soumet, puis on est conscient que, dans certains cas particuliers, ça peut être un choix difficile, mais un choix qui devrait être fait inévitablement, pour être logique avec notre position.

M. Béchard: Bien. Merci.

M. Duceppe (Yves): Daniel.

M. Langlais (Daniel): Comprenant bien que le libre choix entre l'enseignement religieux puis l'enseignement moral demeure. Dans un contexte de même, les catholiques en question, probablement qu'ils auraient deux alternatives: soit de s'en aller dans l'enseignement moral ou de rejoindre le réseau d'éducation privé qui correspond à leurs valeurs. Dans un tel cas, ce serait la solution.

M. Béchard: O.K. Merci.

Le Président (M. Geoffrion): M. Martin, peut-être, vous vouliez rajouter quelque chose?

M. Martin (Jean-Guy): Oui.

Le Président (M. Geoffrion): Allez-y.

M. Martin (Jean-Guy): Juste pour rajouter. Peut-être que, si le problème devait survenir à quelque part, ce serait sûrement à Montréal. S'il survenait à Montréal, les distances entre les écoles sont beaucoup plus courtes qu'ailleurs en région, alors il pourrait peut-être y avoir des aménagements pour favoriser le déplacement de ceux qui sont en minorité, que ce soit la nôtre, que ce soient les catholiques, ou une autre, pour aller chercher les services dans une école qui, somme toute, pourrait être relativement près de celle où ils étaient à l'origine, là.

M. Béchard: Merci. Merci beaucoup.

Le Président (M. Geoffrion): Merci, Mme Sauriol, M. Martin, M. Duceppe, M. Langlais, merci de votre présence devant la commission. Alors, la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 6)


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