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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 9 juin 1999 - Vol. 36 N° 10

Audition du Groupe de travail sur la place de la religion à l'école


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Table des matières

Remarques préliminaires

Exposé du président du Groupe de travail sur la place de la religion à l'école

Discussion générale


Autres intervenants
Mme Madeleine Bélanger, présidente
Mme Solange Charest, vice-présidente
M. Jean-François Simard
M. Lawrence S. Bergman
M. Gilles Labbé
M. Pierre-Étienne Laporte
Mme Fatima Houda-Pepin
M. Serge Geoffrion
* Mme Micheline Milot, Groupe de travail sur la place de la religion à l'école
* Mme Lise Racine, idem
* M. Ammar Sassi, idem
* Mme Francine Tremblay, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quinze heures dix minutes)

La Présidente (Mme Bélanger): Je déclare la séance de la commission de l'éducation ouverte. Le mandat de la commission, c'est que la commission de l'éducation entende le Groupe de travail sur la place de la religion à l'école le 9 juin 1999. C'est aujourd'hui. Alors, qu'une période d'une heure soit prévue pour la présentation du Groupe de travail. Il n'y a pas de remarques préliminaires qui étaient prévues, mais, à la demande du ministre, je pense qu'il y a une heure pour la présentation du comité et, par la suite, il y a deux heures de dialogue entre les membres de la commission et le président, M. Proulx.


Remarques préliminaires

Alors, je demanderais au ministre de bien vouloir faire ses remarques préliminaires.


M. François Legault

M. Legault: Oui. Bonjour, Mme la Présidente. J'ai le plaisir d'abord, Mme la Présidente, d'accueillir et de vous présenter les membres du Groupe de travail sur la place de la religion à l'école: d'abord, son président, qui est au centre, M. Jean-Pierre Proulx, qui est professeur à l'Université de Montréal; on a aussi Mme Micheline Milot, qui est professeur à l'Université du Québec à Montréal; Mme Francine Tremblay, qui est enseignante au primaire dans une école de Jonquière; on a Mme Margaret Whyte, qui est directrice à St. Lawrence College, situé tout près d'ici, à Sainte-Foy; et on a Mme Lise Racine, qui, au moment de sa nomination sur le Groupe travail, était directrice d'une école primaire à Cap-Rouge, depuis ce temps-là, la chanceuse, elle a pris sa retraite; on a aussi M. Ammar Sassi de ville Saint-Laurent, qui était enseignant au secondaire, puis lui aussi a pris sa retraite, il est aujourd'hui membre par contre du conseil d'établissement de l'école qui est fréquentée par sa fille. Il y a malheureusement deux membres qui sont absents: M. Yves Lafontaine de Sillery, qui est retenu par ses fonctions de juge au Tribunal administratif du Québec; et M. Daniel Weinstock, qui est professeur à l'Université de Montréal, qui est à l'extérieur du pays aujourd'hui.

Donc, en mon nom personnel et au nom des membres de l'Assemblée nationale, il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue, de vous accueillir dans cette magnifique enceinte du Parlement où de nombreux débats sur des choix fondamentaux de notre société se sont déjà tenus.

Je tiens tout d'abord, encore une fois, à vous remercier très sincèrement pour le travail que vous avez accompli. Vous avez déposé un rapport qui est clair, qui est cohérent et, je le souligne, de grande qualité, sur une question difficile. Nous connaissons les débats que la place de la religion à l'école a suscités à différents moments de la récente histoire du système d'éducation au Québec. Donc, aborder cette question était un défi en soi, et vous avez su le relever d'une manière remarquable, et ce, d'autant plus que vous êtes arrivés à une position consensuelle, ce qui ne devait pas être évident au point de départ lorsqu'on regarde l'origine de chacun de vous.

Donc, à l'automne 1997, ma collègue la députée de Taillon, alors ministre de l'Éducation, vous avait confié un mandat important. Et je désire peut-être rapidement, Mme la Présidente, pour le bénéfice des membres de la commission, rappeler les grandes lignes.

Il fallait d'abord définir la problématique de la religion à l'école, aussi bien au regard de son statut que des services éducatifs, en accordant une attention toute particulière à l'évolution de la société québécoise depuis les travaux de la commission Parent sur le même sujet.

Il fallait aussi – et c'était dans le mandat – déterminer les principes, les finalités et les diverses orientations qui pourraient guider l'État, donc le gouvernement, dans sa définition de la place de la religion à l'école.

Et on vous demandait notamment: d'abord, de faire l'inventaire critique des différentes conceptions des rapports entre l'État et les religions à l'égard de l'éducation; de clarifier les rapports entre les droits fondamentaux de la personne et les droits des parents à l'égard de l'éducation religieuse de leurs enfants; de clarifier aussi les attentes des parents de même que celles des acteurs immédiats de l'école, plus particulièrement des enseignantes et des enseignants et des directions d'école; de prendre en considération les choix de société fondamentaux déjà faits au Québec en matière culturelle et qu'exprime le préambule aussi de la Charte de la langue française et la politique québécoise en matière d'immigration; finalement, de prendre en considération les points de vue des principales confessions religieuses et des groupes porteurs d'une vision séculière de l'éducation.

Donc, comme on le voit, c'était un mandat important, et dans l'exercice de ce mandat vous vous êtes imposé une démarche très rigoureuse, qui est d'ailleurs bien rendue dans votre rapport.

Donc, prenant appui sur une grille d'analyse, vous nous présentez une lecture des différents aménagements possibles, eu égard à la place de la religion à l'école. Donc, je sais qu'il y a beaucoup de personnes qui ont parlé, au cours des dernières semaines, des recommandations dans le rapport, mais, comme je l'ai répété plusieurs fois, il faut aussi regarder cette grille d'analyse des différentes solutions possibles. Je pense que c'est une excellente analyse.

Et donc le Groupe de travail, je le répète, a exploré différentes avenues, et cette façon de faire est une invitation pour que, à notre tour, en tant que parlementaires, nous prenions le relais des discussions du Groupe de travail. Il est maintenant de notre responsabilité, ici, d'écouter le point de vue de nos concitoyennes et concitoyens sur l'analyse soumise dans le rapport du Groupe de travail sur la place de la religion à l'école.

Donc, pour toutes sortes de raisons, la place de la religion à l'école demeure un sujet très complexe, voire même dans certains cas un sujet émotif, et ce, même si on observe d'importants changements de comportement dans les rapports de nos concitoyennes et concitoyens, dans les rapports qu'ils entretiennent avec la religion. Cependant, on dispose maintenant d'une base de discussion solide qui nous permettra d'engager un dialogue ouvert et, je le souhaite sincèrement, un dialogue respectueux et positif.

Donc, comme je l'ai dit récemment à l'Assemblée nationale, plusieurs questions nous préoccupent, notamment: Pour faire une place à la religion à l'école, est-il nécessaire, par exemple, que l'école ait un statut confessionnel qui vienne teinter son projet éducatif? De même, pourrait-on envisager des aménagements qui permettraient de donner un enseignement religieux sans aller à l'encontre des droits fondamentaux? On peut aussi se poser cette question. Par ailleurs, quelle est la responsabilité, aussi, des Églises au regard de l'enseignement religieux? Qui doit assumer les coûts de l'enseignement religieux? Et les attentes relativement à l'enseignement religieux sont-elles les mêmes au primaire qu'au secondaire? Donc, ce sont des exemples de questions auxquelles plusieurs citoyens et citoyennes devraient pouvoir trouver réponse pendant le débat qui s'engage aujourd'hui.

Donc, Mme la Présidente, en terminant, la composition du Groupe de travail qui vient aujourd'hui nous présenter son rapport reflète, je pense, la diversité du Québec. Il était composé de huit citoyennes et citoyens de milieux différents: les uns enseignent à l'école primaire et secondaire ou à l'université; les autres sont administrateurs ou spécialistes en droit; certains vivent à Montréal, d'autres en région; certains ont une appartenance religieuse, d'autres pas; la plupart sont nés au Québec, mais quelques-uns sont aussi venus d'ailleurs.

Donc, les délibérations sont ouvertes, et je compte sur la participation de nos concitoyennes et concitoyens pour que nous puissions tenir un débat serein sur un sujet important pour l'avenir de la société québécoise. Encore une fois, merci et bienvenue.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre. Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, M. Proulx, Mme Milot, Mme Racine, M. Sassi, Mme Tremblay et Mme Whyte, bienvenue. Bienvenue et merci de prendre le temps, cet après-midi, de venir rencontrer la commission parlementaire de l'éducation sur un sujet qui, je crois, au cours des prochains mois et des prochaines années, va prendre beaucoup d'importance.

Malgré le fait que souvent on a peut-être l'impression que les gens peuvent être indifférents face à la question de la place de l'enseignement religieux à l'école, je vous dirais qu'au cours des derniers mois je pense qu'on se rend compte, tous et toutes, que, même si la fréquentation de nos églises ou, je dirais, des institutions religieuses au Québec directement est peut-être à la baisse, l'intérêt envers la place et le débat sur l'enseignement religieux à l'école fait en sorte qu'on peut se rendre compte qu'il s'agit d'une question de première importance, d'une question qui arrive à un moment, aussi, où...

(15 h 20)

Oui, il y a eu le mandat qui vous a été confié par Mme Marois, il y a eu aussi une modification de l'article 93 de la Constitution, et je vous dirais qu'il y a aussi une évolution du dossier depuis les trois, quatre dernières années, qui font en sorte qu'on en est aujourd'hui à un point où nous sommes convaincus qu'il y aura des changements dans le type, dans la façon, dans la vision que l'on a d'enseigner la religion dans les écoles ou en dehors des écoles ou de la place de la religion dans notre système éducatif, et votre rapport arrive justement à ce point.

Le débat lancé par Mme Marois a fait en sorte que de nombreux groupes, de nombreuses personnes se sont également, je dirais, préparés et sont devenus très sensibles à la question et ont fait en sorte qu'au cours des derniers mois, des dernières semaines on a ressorti beaucoup, beaucoup d'études, beaucoup de documents, beaucoup d'avis juridiques sur la question de la place de la religion à l'école comme telle.

Et je vous dirais que, en regardant et en lisant votre rapport, on se rend compte effectivement que c'est une question qui a été extrêmement bien fouillée, qu'il y a eu beaucoup, beaucoup de recherches un peu partout. Et parfois on peut avoir même l'impression qu'il y a tellement eu que ce soit d'avis juridiques ou d'éléments autour de la place de la religion à l'école qu'on n'a peut-être pas tous les éléments pour décider et pour prendre une décision éclairée sur quel est le meilleur modèle à mettre en place au Québec.

Je vous dirais simplement, moi: Dans les trois derniers mois, suite à la lecture de votre rapport, s'il y a une chose que je trouve dommage, c'est qu'on n'a pas encore accès, je dirais, à tous les documents – en tout cas, de notre côté – qui ont été à la base de votre rapport, par exemple au niveau des avis juridiques, des enquêtes statistiques, des enquêtes socioéconomiques. Et ça, j'ose espérer que, dans le débat qui s'amorce au cours des prochaines semaines, ce sera des documents et des études auxquels on pourra aussi avoir accès et que l'on pourra y jeter un oeil pour prendre de meilleures décisions.

Au cours des derniers mois aussi, on a vu les deux principaux partis politiques prendre certaines positions. On a vu celle du Parti québécois qui a été prise au Conseil national des 24 et 25 avril, dans laquelle on parle, bien sûr, d'abroger les clauses dérogatoires, de supprimer, dans toutes nos lois sur l'éducation, toute référence au statut confessionnel du système scolaire, tant au niveau de la structure des institutions que de la description des tâches et des fonctions des membres du personnel. On prévoit aussi de prévoir, dans la Loi sur l'instruction publique, le remplacement de l'enseignement confessionnel des religions catholiques et protestantes par un programme d'initiation culturelle aux phénomènes religieux dans une perspective de promotion du respect mutuel.

Chez nous, au Parti libéral, je vous dirais qu'on a pris la position suivante, c'est-à-dire que la Commission politique a été mandatée pour élaborer une réponse à votre rapport qui respecterait le principe de la liberté de choix des parents et des élèves, tel que défini à l'article 41 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, assurerait le respect de la diversité des croyances religieuses, éviterait le recours aux clauses dérogatoires et servirait également de position lors des prochaines commissions parlementaires.

Je vous dirais que ces prises de position là que l'on regarde font aussi en sorte que – une chose qu'on doit admettre – il y a de plus en plus d'alternatives qui se développent, et ça, votre rapport en fait mention, notamment avec l'approche républicaine et l'approche communautarienne. Il y a beaucoup d'alternatives qui se développent et qui démontrent que finalement, autant dans l'option où on voudrait garder l'enseignement religieux dans le curriculum comme tel, dans, je dirais, le temps de classe, autant qu'on veuille le mettre à la fin ou en dehors des heures de classe, autant qu'on veuille y aller d'un enseignement laïque, ou autant qu'on veuille y aller avec, comme vous le proposez, un cours d'histoire culturelle des religions, il y a une chose qui est commune à toutes ces positions-là, c'est que, en général, elles permettraient d'éviter le recours aux clauses dérogatoires.

Je pense que, à date, s'il y a une chose qui est claire et qui est commune à tous les partis politiques, c'est justement d'éviter ce recours-là et de trouver une alternative qui permette d'avoir un système d'enseignement religieux qui permet de concilier à la fois les croyances individuelles et les libertés individuelles au niveau de la religion comme telle et, je dirais, de la place qu'elle doit occuper dans nos écoles.

Donc, je vous dirais que votre document est très important, amène beaucoup de réflexion, amène aussi, je dirais, un certain éclairage. Et, s'il y a une chose qu'on doit reconnaître, que les gens soient pour ou soient contre, ou aient des réserves, ou l'endossent complètement, c'est que le rapport Proulx, tel qu'on le prénomme dorénavant, est un outil de référence de base qui servira de guide au cours des prochaines semaines, des prochains mois mais qui, en même temps, est dans le fond la première pierre de nombreuses autres études, de nombreuses autres documentations qui seront également fournies. Et là-dessus je crois que le débat qui est lancé fait en sorte que l'on doit chercher à refléter dans les choix que nous ferons... chercher à respecter les croyances religieuses, les diversités comme telles au niveau de notre société et le fait que... Moi, c'est une des premières choses qu'on m'a apprises en sciences politiques, quand j'ai commencé mes études, c'est que ma liberté personnelle se termine là où celle des autres commence.

Et je pense qu'il faut trouver une alternative, une solution qui permet de respecter les libertés individuelles de tous les Québécois et de toutes les Québécoises et qui va permettre de faire en sorte que le message que nous enverrons à notre société et aux gens, aux Québécois et aux Québécoises, sera un message d'ouverture, un message de respect et un message clair que nous sommes capables, ensemble, de se faire confiance et de trouver des solutions qui permettront d'atteindre l'objectif qui est commun à tous et à toutes, c'est-à-dire d'avoir un système dans lequel la place de l'enseignement religieux, quel qu'il soit et selon quelque modèle qu'il soit, soit, je dirais, en respect avec nos chartes des droits et libertés, autant la Charte québécoise que la Charte canadienne.

Je vous remercie de prendre du temps cet après-midi pour venir nous rencontrer et je remercie mes collègues qui sont là aussi, les membres de la commission de l'éducation qui ont accepté cette rencontre suite à une suggestion que nous avons faite il y a quelques semaines. Je remercie aussi le ministre d'être là cet après-midi et de prendre le temps de venir vous entendre et poser quelques questions sur le rapport Proulx et sur les suites et les différentes alternatives qu'il présente. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Alors, je rappelle à M. Proulx qu'il a une heure pour faire la synthèse de son rapport. Je ne sais pas si vous trouvez que c'est assez long. Après ça, il y aura quand même une discussion de deux heures entre les membres de la commission parlementaire. Alors, M. Proulx, vous avez la parole.


Exposé du président du Groupe de travail sur la place de la religion à l'école


M. Jean-Pierre Proulx

M. Proulx (Jean-Pierre): Merci, Mme la Présidente. Je vais d'abord répondre à votre question. J'ai déjà résumé en 20 minutes, alors une heure, c'est déjà très généreux.

Alors, merci à Mme la Présidente, merci à M. le ministre, merci à M. le porte-parole de l'opposition et merci à tous les membres de la commission parlementaire de nous accueillir cet après-midi, ainsi que... de m'accueillir et d'accueillir tous les membres du Groupe de travail sur la place de la religion.

Avant de faire la synthèse de notre rapport, j'aurais une remarque préliminaire qui va disposer d'une question que M. Béchard a soulevée il y a un moment concernant les études qui accompagnent ce document. Alors, la bonne nouvelle, c'est que ces études-là, elles sont à toutes fins utiles prêtes et pratiquement disponibles. Notre seul problème, c'est qu'il en reste deux à imprimer, et, pour des raisons qui sont de l'ordre d'économies, moi, j'ai recommandé, ou on m'a suggéré, qu'elles partent toutes en même temps, parce qu'on en a fait faire pour l'ensemble du réseau scolaire. Mais, à très court terme, ces études vous seront disponibles sans aucune difficulté. Elles sont toutes publiées ou en voie de l'être, on attend simplement d'avoir les deux dernières pour faire un seul envoi à tous ceux qui en ont besoin. Donc, c'est une question de jours pour qu'elles vous soient acheminées sans difficulté.

(15 h 30)

Cela dit, M. le ministre a fort bien rendu compte du mandat qui était le nôtre. Par conséquent, je ne reviendrai pas là-dessus, si ce n'est pour préciser une chose importante qui doit, je pense, être soulignée. Le mandat que nous avons exercé, nous l'avons exercé dans une perspective d'État et non pas dans une perspective d'Église. En d'autres termes, nous n'étions pas des membres de diverses confessions qui venions pour ainsi dire négocier entre nous la place de la religion à l'école. Ce qu'on nous a demandé de faire, c'est d'examiner cette question-là du point de vue de l'État, et, comme jusqu'ici, traditionnellement, le discours sur la place de la religion à l'école a surtout été construit, diffusé par les Églises, l'État, nous a-t-on fait comprendre lorsqu'on nous a transmis ce mandat-là, était relativement démuni quant aux principes qui devraient le guider en matière de religion à l'école. Voilà pourquoi le document qui vous est présenté est un document qui fournit à l'État, en tant qu'État, un discours sur la place de la religion à l'école. Telle est ma première remarque, et je pense qu'elle est fondamentale pour bien comprendre l'ensemble des positions que nous avons prises et des recommandations que nous faisons.

La deuxième remarque, c'est que les orientations et les recommandations que nous avons faites ont été construites ou proposées non pas à partir d'un seul paramètre qui, par exemple, serait les attentes de la population par rapport à la religion à l'école, bien que dans une société démocratique les attentes de la population sont une affaire essentielle, mais à partir d'un ensemble de paramètres que nous avons tenus ensemble de manière dialectique, c'est-à-dire en dialogue les uns par rapport aux autres, avant de formuler nos recommandations.

Alors, ça, c'est une affaire extrêmement importante, et je me permettrais d'attirer votre attention... J'imagine que tout le monde a le document sous la main. À la page 181 du document, nous faisons un bref rappel des paramètres qui nous ont servi à formuler nos orientations et nos recommandations. Il y a une version brève et une version longue; c'est dans la version intégrale, bien entendu, à la page 181. Quelles sont, dans le fond, les dimensions du problème pour arriver à une solution?

Le premier de ces paramètres, et qui est probablement le plus important, ce sont les principes et les finalités qui, de notre point de vue, devraient guider l'État en matière de religion à l'école. Est-ce que l'État a quelque chose à dire, a un intérêt en regard de la religion à l'école en tant même qu'État? Alors, nous avons formulé un certain nombre de principes à cet égard, que je vous résume le plus rapidement possible, et vous allez voir, je pense, leur importance. Nous, pour y arriver, nous avons dû délibérer pendant un bon moment pour nous entendre sur une conception qui nous permettrait de vous fournir quelques balises fondamentales autour de cette question-là.

Le premier de ces principes, c'est que le Québec est une démocratie libérale qui doit, dans tous les domaines, respecter la norme de l'égalité fondamentale de tous les citoyens. Bref, nous prenons nos décisions, dans une démocratie, à la majorité, mais, en même temps, lorsque nous prenons nos décisions à la majorité, nous ne pouvons pas ne pas être respectueux des droits de la personne. Bref, la démocratie elle-même est soumise à une norme fondamentale qui est le respect, encore une fois, des droits de la personne.

Le deuxième principe qui nous a guidés, c'est que toute politique de l'État québécois sur la question de la religion à l'école doit s'imposer l'exigence de la neutralité de type égalitaire. En d'autres termes, l'État, face à chacune des religions des concitoyens qui forment la société québécoise, ne peut pas en tant qu'État prendre position en faveur ou favoriser une religion plutôt qu'une autre. L'État en soi n'a pas de position sur les religions, si ce n'est pour en reconnaître la valeur patrimoniale, mais, en ce qui a trait à la religion des citoyens et des citoyennes, il doit être en quelque sorte neutre face à toutes les religions.

Une troisième question extrêmement importante et en même temps fort difficile, c'est: De qui relève l'école ou à qui appartient l'école? À cet égard, dans le débat dans la société, on fournit diverses réponses à cette question-là. Pour les uns, l'école appartient aux parents et relève d'eux; pour d'autres, elle appartient à la société civile; pour d'autres, elle relève de l'État; pour d'autres, elle relève de la société en général. Après avoir pris en considération l'ensemble des questions autour de ce noeud, si vous me passez l'expression, nous en sommes venus à la réponse suivante qui nous apparaît la plus conforme, du reste, au modèle que nous avons instauré à l'école québécoise, à savoir que l'école relève de la responsabilité partagée des parents, de la société civile et de l'État.

Et le plus bel exemple qui nous est fourni de cela, c'est les conseils d'établissement autour desquels on retrouve à la fois des parents et des éducateurs qui agissent au nom de l'État. Bref, dans ce partenariat qui vise à fournir à tous les enfants une éducation intégrale de qualité, on retrouve à la fois les parents et à la fois l'État, qui cherchent la meilleure éducation possible pour nos enfants. Donc, on ne doit pas et on ne peut pas, pour ainsi dire, dire: L'école relève uniquement de l'État ou uniquement des parents; elle relève, dans un partenariat, de l'un et de l'autre.

Le quatrième principe qui nous a guidés et qui est fort important du point de vue de l'État, c'est que les enfants ont, à l'égard de l'éducation, des intérêts primordiaux qui doivent être garantis par l'État. On parle souvent des droits des parents en éducation, ce qui est correct aussi, mais ce qu'il faut savoir et qui nous semble important, c'est qu'il y a d'abord les droits des enfants. C'est d'abord le droit à l'éducation, c'est d'abord le droit des enfants dont, bien sûr, les parents sont les premiers responsables et les interprètes légitimes, mais, au premier chef, ce sont les droits des enfants.

Ces intérêts primordiaux, ils visent, du point de vue de l'État, à faire en sorte que ces enfants-là deviennent des citoyens éclairés, responsables, d'une société démocratique et libérale comme celle que nous voulons être. Ils se traduisent, ces intérêts fondamentaux, dans le droit de l'enfant de se préparer de manière adéquate à sa vie de citoyen dans une démocratie libérale. Lorsqu'on a dit ça, ça veut donc dire que les enfants ont le droit d'apprendre des choses, d'un point de vue des connaissances, mais ils ont aussi le droit, dans cette éducation, de développer leur autonomie personnelle, leur esprit critique, la capacité de délibérer comme éventuel citoyen et en même temps une aptitude à la tolérance parce que nous avons, sur les idées qui forment une société, des points de vue divergents.

Donc, nous devons apprendre à l'école à être tolérants par rapport aux idées qui sont différentes des nôtres. Nous devons aussi à l'école avoir une ouverture à la diversité, non seulement une ouverture abstraite, mais une ouverture qui fait qu'on est capable, le cas échéant, d'apprécier les différences dans une société forcément pluraliste et plurielle comme la nôtre. Et puis, aussi, l'école doit apprendre aux enfants à développer un sentiment d'appartenance à la communauté politique et à la communauté civile à laquelle ils appartiennent.

Tout ça est un devoir de l'école. Et la question qui se pose, c'est: Est-ce que la religion a quelque rapport avec ça? Notre réponse c'est: Oui, la religion peut avoir une place à l'école comme contribution à l'éducation intégrale de l'enfant, vu même du point de vue de l'État, dans la mesure où son aménagement, de cette religion, respecte la norme de l'égalité fondamentale de tous les citoyens et qu'elle favorise l'atteinte des buts dont je viens de parler et qui sont nécessaires à la formation des citoyens et à la construction du lien social entre chacun d'entre nous. Alors, du point de vue même de l'État, oui, la religion peut avoir une place à l'école dans la mesure, encore une fois, je me répète, où la norme de l'égalité fondamentale des citoyens est respectée, dans la mesure aussi encore où les buts que je viens d'évoquer peuvent légitimement être poursuivis à travers un enseignement ou des enseignements de la religion; on reviendra sur les aménagements un peu plus tard.

Le deuxième grand paramètre qui nous a guidés dans notre réflexion porte sur la difficile question entre les droits fondamentaux de la personne et les droits des parents. Nous vivons dans une société de droit, nous le savons – et du reste vous en être l'incarnation même, puisque, comme députés, vous votez les lois qui font que nous vivons dans une société de droit. Il y a des dimensions incontournables auxquelles, comme société, nous sommes liés.

Parmi ces dimensions incontournables, il y a le fait que nos rapports sociaux sont régis par des chartes: la Charte québécoise, au premier chef, qui a été adoptée en 1975, la Charte canadienne adoptée en 1982.

Ici, je fais une parenthèse. Même si politiquement les Québécois et Québécoises ne se sont pas entendus sur la pertinence de la Charte de 1982 et sur le rapatriement de la Constitution de 1982, nous savons que nous sommes néanmoins liés juridiquement par la Charte canadienne des droits et libertés de la personne.

(15 h 40)

Nous savons, cela dit, et nous l'avons examiné dans les études que nous avons commandées à des experts juristes, que les aménagements actuels que nous retrouvons dans nos écoles sont discriminatoires à l'égard des normes fondamentales qui nous gouvernent. Elles favorisent les catholiques et les protestants, et par conséquent elles n'accordent pas les mêmes droits aux autres confessions religieuses et à ceux qui n'ont pas de religion. Et ces aménagements actuels sont légaux dans la mesure où ils sont protégés par les clauses dérogatoires – on y a fait allusion tout à l'heure.

Un autre élément qui nous est apparu dans nos études juridiques, c'est que la liberté de religion inclut le droit à l'école privée. Cela ressort à la fois du droit international, des interprétations de la Constitution canadienne par les tribunaux et à la fois aussi de la reconnaissance qu'on y retrouve dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.

Sur le plan international, les droits des parents... Parce que, dans le droit international, on évoque un certain nombre de droits des parents. La jurisprudence internationale, à cet égard-là, nous informe que le droit des parents en matière religieuse est un droit qui s'inscrit dans une perspective pour ainsi dire négative, si vous me passez l'expression, c'est-à-dire le droit de n'être pas contraint dans l'école à recevoir un enseignement religieux qui ne serait pas conforme à ses convictions et non pas un droit positif de réclamer un enseignement religieux ou des écoles confessionnelles, dont d'ailleurs le droit international ne parle pas.

Dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, par ailleurs – on y a fait allusion il y a un moment – l'article 41 de cette Charte reconnaît aux parents le droit d'exiger un enseignement religieux conforme à leurs convictions dans le cadre prévu par la loi. Alors, ici, les études juridiques que nous avons faites nous indiquent que, d'un point de vue juridique – et j'insiste là-dessus – l'article 41 n'est pas juridiquement contraignant au même titre que les articles qui précèdent, qui sont des articles concernant les droits fondamentaux.

De toute façon, même si cet article-là n'est pas contraignant juridiquement parlant, il s'agit d'un engagement politique officiel de l'État. Cependant, si l'État choisit de faire droit aux exigences des parents, en vertu du principe de l'égalité et en vertu aussi de la norme de l'égalité juridique qu'on retrouve à l'intérieur même de la Charte québécoise des droits et libertés, ce droit des parents doit s'appliquer en pleine égalité à toutes les religions et à ceux qui n'ont pas de religion. En d'autres termes, ce droit d'exiger un enseignement religieux conforme à ses convictions n'est pas celui que des catholiques ou des protestants, c'est le droit des parents, et le fait de ne l'appliquer qu'aux catholiques et aux protestants, pour l'instant, constitue une discrimination envers les autres religions.

La troisième série de paramètres que nous avons pris en considération a trait aux buts sociétaux qui sont déjà valorisés par la société québécoise. De fait, dans la société québécoise, nous avons déjà pris des décisions importantes sur un certain nombre de questions, des décisions politiques, des décisions culturelles, des décisions sociales, et qu'on retrouve dans les politiques officielles du Québec. Ces politiques ont été souvent proposées par les grands conseils aviseurs: Conseil des relations interculturelles, Conseil du statut de la femme, Conseil supérieur de l'éducation, rapport Inchauspé, Commission des droits de la personne. Et ces grands objectifs sociétaux peuvent se résumer comme suit: dorénavant, nous essayons, au Québec, de construire un espace civique commun que nous espérons être capables de bâtir ensemble, quels que soient nos horizons et quelles que soient nos origines.

Nous avons aussi une politique d'immigration qui vise à intégrer ceux qui choisissent de venir au Québec dans une société pluraliste et dans le respect des valeurs démocratiques. Nous avons une politique sur l'intégration sociale – d'ailleurs le ministère des Relations interculturelles, si ma mémoire est bonne, existe au Québec – qui vise le respect des particularismes, y compris les particularismes religieux, et propose des obligations d'accommodement.

Enfin, la Commission des droits de la personne, à plusieurs reprises, nous a rappelé que l'égalité des citoyens et des citoyennes constitue une base fondamentale, une valeur sur laquelle il faut construire le Québec.

Enfin, en ce qui concerne l'école comme telle, la Loi sur l'instruction publique, telle que modifiée en 1997 dans la loi n° 180, a proposé une mission à l'école qui est celle de travailler à la construction, à l'apprentissage et à la socialisation aux valeurs communes pour vivre ensemble en partageant un patrimoine commun et diversifié, d'une part, par l'héritage historique du Québec mais aussi par l'apport des nouveaux citoyens. Bref, dans notre rapport, nous avons voulu prendre en considération aussi, de manière importante, ces dimensions, et nous invitons bien sûr la société québécoise et les parlementaires à faire de même.

Enfin, quatrième paramètre que nous avons pris en considération, ce sont les attentes sociales des citoyens et des citoyennes. Là-dessus, nous avons sollicité l'avis d'environ une centaine de groupes sociaux particulièrement intéressés et nous avons aussi mené des études à caractère sociologique par moyen d'enquêtes et de sondages auprès des parents, des directeurs d'école et des enseignants.

Ce que nous ont révélé ces mémoires, d'une part, que nous avons reçus, c'est une chose importante à noter. Il y a une différence d'appréciation de la question religieuse entre les parents et les acteurs scolaires. Un certain nombre de parents favorisent le libre choix; les enseignants et les directions d'école, dans les mémoires qui nous ont été transmis, favorisent l'école laïque.

Nous avons pu constater aussi que dans la pensée catholique on favorise la primauté du droit des parents, la dimension religieuse de l'éducation et qu'on fait référence beaucoup à l'identité chrétienne des Québécois. La pensée protestante est différente: les Églises réformée, anglicane, l'Église unie du Canada, etc., proposent une laïcité ouverte avec une dimension religieuse. Il y a, bien sûr, aussi, le courant laïque que vous connaissez bien qui est axé sur le respect des droits fondamentaux et la diversité et le pluralisme. Alors, voilà ce que nous ont dit les gens dans les mémoires.

Vous savez que nous avons fait aussi une enquête très générale auprès des parents, des enseignants et des directeurs d'école. Nous avons rejoint, selon les règles de l'art, exactement 2 234 parents et au-delà de 1 000 enseignants et 1 000 directeurs et directrices d'école.

Je vous résume très rapidement ce que nous ont dit ces parents. En un mot, on peut dire que la perspective laïque, quels que soient les groupes que nous avons contactés, est la perspective dominante. C'est celle qui revient le plus souvent dans les opinions qui nous ont été transmises. Nous avons voulu vérifier ça – je vous fais grâce des détails – dans une étude approfondie. Mais je vous réfère à deux questions fondamentales que vous retrouvez, si vous permettez que je vous y réfère à mon tour, dans le chapitre 7 sur les attentes sociales, à la page 148 du rapport.

Alors, au sujet de la question primordiale de savoir si nous devrions avoir un système éducatif qui soit fondé sur la tradition et la reconnaissance des privilèges historiques consentis aux Québécois catholiques et aux Québécois protestants, nous avons posé la question de savoir quelle était l'attitude des parents, des enseignants et des directeurs d'école autour de cette question-là: Est-ce que l'école devrait maintenir les droits et privilèges historiques que nous connaissons maintenant aux protestants seulement, ou si nous devrions accorder aux autres religions les mêmes droits et privilèges, ou n'accorder ni droits ni privilèges à aucune religion?

À l'évidence, nous avons pu constater que l'hypothèse de maintenir les droits et privilèges des seuls catholiques et des seuls protestants est rejetée par l'immense majorité des catholiques, soit près de 80 %, plus encore chez les protestants, plus encore chez les gens d'une autre religion, et plus encore chez les gens d'aucune religion, puisque vous voyez que la proportion baisse de 21 % à 4 %. Bref, l'hypothèse de fonder notre système scolaire sur le maintien des droits et privilèges historiques aux seuls catholiques et aux seuls protestants ne semble pas une hypothèse acceptable pour l'ensemble de nos concitoyens.

Par contre, vous pourrez constater que l'opinion est plus divisée sur comment appliquer le principe de l'égalité. Alors, là, chez les catholiques, les protestants et les autres religions – je parle toujours des parents – on voit qu'une légère majorité se dessine pour accorder des droits et privilèges aux autres religions. On verra cependant que cette hypothèse, qui est abstraite d'un point de vue – comment dirais-je – général, nous amène à d'autres conclusions lorsqu'il s'agit de faire les aménagements pratiques à l'intérieur de l'école.

Alors, précisément, nous avons posé aux parents, aux directeurs d'école et aux enseignants la même question mais de façon un petit peu différente selon les... Nous avons posé la question, d'abord, concernant le projet éducatif de l'école. Et là je vous réfère au tableau, si ma mémoire est bonne, de la page 154. C'est bien ça, page 154. Et nous nous sommes rendus compte qu'il arrive, hélas, toujours des erreurs. Il y a une erreur dans la deuxième colonne concernant les protestants: il faut mettre 3,6 à la place du tiret vis-à-vis la ligne «catholiques».

(15 h 50)

Alors, vous savez que, depuis plusieurs années, les projets éducatifs sont fondés sur des valeurs qui peuvent être religieuses, catholiques ou protestantes selon le cas. Nous avons posé la question suivante: Concernant le projet éducatif de l'école de votre enfant, préférez-vous qu'il s'inspire des valeurs catholiques, des valeurs protestantes, des valeurs d'une autre religion ou des valeurs communes aux citoyens, qu'ils aient ou non une religion?

Alors, on constate que, chez les parents qui se déclarent catholiques, 53 % souhaiteraient que l'école soit fondée sur des valeurs communes aux citoyens, qu'ils aient ou non une religion. On constate par ailleurs que chez nos concitoyens des autres religions, soit chez les protestants, les autres religions ou ceux qui n'ont aucune religion, une très forte majorité est favorable à une école qui est fondée non pas sur des valeurs religieuses, mais sur des valeurs communes aux citoyens, qu'ils aient ou non une religion.

En d'autres termes, vous constaterez que la perspective laïque l'emporte de façon évidente dans tous les groupes. Je devrais ajouter que – le tableau n'est pas dans le rapport, je pense, ici, mais il sera dans l'annexe que nous sommes en train de terminer – c'est encore plus vrai chez les enseignants et chez les directions d'école. Que ces enseignants et directeurs se retrouvent dans l'école catholique, protestante, francophone comme anglophone, c'est encore plus vrai que l'on favorise des projets éducatifs qui sont fondés sur les valeurs communes à l'ensemble des citoyens et des citoyennes.

Nous avons aussi posé une question sur la préférence des parents relative au type d'enseignement religieux. Vous retrouvez cela à la page 159, dans le petit tableau au bas de la page. Alors, la question était, en substance, la suivante: Concernant l'enseignement de la religion dans l'école de votre enfant, préférez-vous que l'on offre soit un enseignement religieux catholique et protestant seulement, ce qui est la situation actuelle; de chaque confession, ce qui est une hypothèse dite communautarienne en quelque sorte, bref, tout à tous en quelque sorte; ou encore préférez-vous avoir un enseignement culturel qui donne des renseignements sur la religion communs à tous; ou encore aucun enseignement religieux?

Et alors vous voyez la réponse, si on regroupe... Dans votre rapport, incidemment, deuxième erreur que nous avons constatée après coup: dans la colonne relative aux protestants, dans l'avant-dernière ligne, «(perspective laïque)»... Nous sommes peut-être bons en réflexion philosophique, mais je n'étais pas bon en calcul, en tout cas, l'imprimeur s'est trompé. Si vous additionnez 63,8 % plus 12,7 %, ça ne fait pas 66,5 %, mais ça fait bien 77 %. Et, dans la dernière colonne, 56,6 % plus 38 %, ça fait 95 %. Est-ce que vous vous êtes retrouvés?

Une voix: Dans la dernière colonne, «aucune religion».

M. Proulx (Jean-Pierre): C'est ça, dans la dernière colonne, «aucune religion». Bref, alors vous constaterez que la perspective confessionnelle, c'est-à-dire d'avoir un enseignement religieux chez les catholiques, est retenue par 47 %, tandis que, chez les autres religions, ce qui est retenu essentiellement, c'est majoritairement un enseignement culturel des religions tant chez les protestants, ceux qui ne sont d'aucune religion. Et ce qui est intéressant, et non seulement intéressant, mais significatif et important, me semble-t-il: même chez nos concitoyens qui disent n'appartenir à aucune religion et qui font près de 4 % de la population, 57 % des répondants sont d'accord pour un enseignement culturel de la religion à l'école. En d'autres termes, on a souvent dit, et je l'ai entendu depuis que le rapport est lancé: Bien, écoutez, ceux qui ne veulent pas de religion à l'école, ceux qui ne sont ni catholiques ni protestants, bien ils ont la formation morale, ils peuvent aller en formation morale.

Eh bien, la formation morale ne répond pas adéquatement, parce qu'elle poursuit d'autres fins, aux besoins des citoyens. La majorité de nos concitoyens désire une enseignement religieux à l'école. Cependant, la nature de cet enseignement religieux varie. Mais vous constaterez que, chez les catholiques, il y a 44 % qui voudraient un enseignement culturel commun à tous ou aucun enseignement, donc 52 % dans une perspective laïque, tandis que, chez les autres, 77 %, 81 % et 95 % souhaiteraient une perspective laïque concernant l'enseignement de la religion, avec un choix majoritaire, dans tous les groupes, pour l'enseignement culturel de la religion. Voilà pourquoi, dans nos recommandations, nous en avons fait une hypothèse forte concernant la place de la religion à l'école.

Voilà en gros très rapidement esquissés les désirs que nous résumons forcément de façon un peu rapide, les aspirations et les attentes des citoyens. En d'autres termes, si on résume, les citoyens et les parents, des directions d'écoles et les enseignants souhaitent un enseignement culturel des religions majoritairement et souhaitent aussi une école qui soit fondée sur les valeurs communes à tous les citoyens et toutes les citoyennes.

Nous avons pris en considération aussi deux autres paramètres qui étaient importants. Un cinquième paramètre, c'est celui de la dimension administrative. Les hypothèses qui sont possibles ont toutes des conséquences sur le plan administratif, sur le plan de la gestion pédagogique et sur le plan administratif. Nous avons pris en considération ces dimensions-là lorsque est venu le temps de faire des choix entre chacune des hypothèses que nous estimions possible d'examiner. Alors, ça, c'est une dimension importante aussi.

Et la dernière dimension, c'est la capacité d'accueil au changement. Est-ce que les recommandations que nous faisons sont susceptibles d'être accueillies par la population et parce qu'elles leur seraient acceptables et leur paraîtraient souhaitables?

Alors, munis de l'ensemble de ces six paramètres: un, principe et finalité; deux, la dimension juridique; trois, les buts déjà valorisés dans la société; quatre, les attentes des citoyens; cinq, les dimensions administratives, tant sur le plan pédagogique que sur le plan strictement administratif; et enfin les attentes des citoyens, en prenant en considération l'ensemble de ces questions-là, nous sommes arrivés aux orientations que vous connaissez déjà largement, parce qu'elles ont été largement diffusées, mais sur lesquelles je me permets maintenant d'insister.

Avant toute chose, s'est posée à nous, comme elle se pose à vous et comme elle se pose à l'ensemble des citoyens... c'est: Devons-nous opter, comme société, pour le principe de l'égalité et le principe du respect des droits fondamentaux de la personne? À cet égard, ce que j'ai entendu depuis le dépôt du rapport, c'est que les solutions qui sont recherchées par ceux qui se sont mis à la recherche de ces solutions-là passent apparemment par la voie du respect des droits fondamentaux et des chartes des droits et libertés de la personne. C'est une bonne nouvelle en quelque sorte, puisque c'est le coeur du... c'est-à-dire que c'est une question incontournable à laquelle toute la société québécoise est confrontée. Il nous a semblé, quant à nous, que c'était là une question de cohérence.

Nous avons déjà opté, au Québec, depuis 1975, en adoptant la Charte des droits et libertés de la personne, pour que nos rapports sociaux soient fondés sur le respect des droits de la personne. Même si la Constitution de 1982, en quelque sorte, n'est pas la nôtre politiquement parlant, nous sommes néanmoins soumis à cette Charte-là et nous devons, en quelque sorte, régler nos rapports là-dessus.

La question qui nous est posée, c'est: Y aurait-il des raisons particulières qui feraient qu'en matière d'éducation nous nous déroberions à cette norme fondamentale que nous avons déjà acceptée? Il nous a semblé que non, et nous nous en expliquons très clairement dans un chapitre que nous estimons fondamental. D'ailleurs, il s'exprime comme ça... C'est à la page 173 du rapport, vous me permettez d'y attirer votre attention, le chapitre 8, qui s'intitule Un choix fondamental: l'égalité ou les privilèges confessionnels . Alors, nous, dans ce chapitre, nous élaborons l'ensemble des arguments qui nous font penser que la société québécoise et, au premier chef, ceux qui sont ses législateurs, c'est-à-dire vous-mêmes, devraient fonder notre système éducatif sur les normes générales que nous acceptons dans l'ensemble de la société québécoise.

Cela ne veut pas dire, et j'insiste là-dessus, que nous voulons, par cela, nier l'existence d'une tradition qui, au Québec, est celle de la tradition judéo-chrétienne et de la tradition catholique en particulier qui ont façonné notre histoire, qui façonnent encore dans une très large mesure les comportements et la culture du Québec. Mais nous pensons que la tradition chrétienne, toute présente qu'elle soit, ne peut pas servir de norme à la configuration de notre système éducatif. La norme qui doit servir à la configuration de notre système éducatif, nous la connaissons parce que nous l'avons déjà admise ailleurs, c'est: premièrement, l'égalité de tous les citoyens; deuxièmement, le plein respect de la liberté de conscience et de religion de chacun et de chacune des citoyens du Québec.

(16 heures)

Alors, munis de ces orientations, de ces paramètres, nous nous sommes posé la question maintenant du comment, quelles devraient être les orientations pratiques que nous devrions adopter pour l'école. Alors, ces orientations particulières – vous permettez que je me retrouve dans mes papiers, dans un instant... Je ne me suis pas retrouvé, mais je les connais par coeur. Ces orientations, pour ce qui est de l'action, pour ce qui est des choses à entreprendre, sont au nombre de cinq, bien qu'elles soient répertoriées dans 14 recommandations.

En réalité, il y a cinq recommandations fondamentales qui vous sont formulées. La première de ces recommandations est le corollaire de ce que je viens de dire: si nous voulons que notre système soit fondé sur l'égalité de tous les citoyens et le respect de la liberté de conscience et de la religion, cela veut dire qu'il faut confirmer cela politiquement et juridiquement en ne renouvelant pas les clauses dérogatoires aux chartes des droits et libertés de la personne. C'est le sens de la première recommandation que vous retrouvez à la fin du rapport, à la page 229.

La deuxième recommandation porte sur le statut de l'école. Alors, vous me permettrez d'insister un petit peu là-dessus. Dans le débat que nous avons fait sur chacune des hypothèses qu'il était légitime d'envisager, au chapitre 9, à partir de la page 181, nous avons voulu prendre en considération non pas une hypothèse, mais toutes les hypothèses qu'il nous semblait légitime d'examiner et que les citoyens nous ont recommandées, selon leurs points de vue.

Par exemple, à l'égard du statut de l'école, une première hypothèse était possible – nous l'avons formulée à la page 184 – c'est d'avoir une école non confessionnelle et l'école confessionnelle catholique et protestante, comme celles que nous connaissons actuellement. C'est le régime actuel, reconduire en quelque sorte le régime actuel. Nous avons rapidement rejeté cette hypothèse, pour une raison fort simple, c'est qu'elle ne nous apparaît pas conforme, justement, à la norme de l'égalité fondamentale des citoyens que nous avons adoptée. Ce régime-là ne survit que grâce à l'application des clauses dérogatoires.

Par ailleurs, à la page 188, vous trouvez le libellé de l'option n° 2: l'école non confessionnelle et l'école confessionnelle pour toutes les confessions. Cette hypothèse-là est conforme, bien sûr, au principe de l'égalité des citoyens, puisque nous accepterions, si nous donnions suite à cette hypothèse, de faire en sorte que chaque groupe religieux comme ceux qui ne sont pas religieux puissent avoir une école soit catholique, soit protestante, soit musulmane, soit juive, soit témoin de Jéhovah, etc., puisque, par définition, c'est le principe de l'égalité qui s'applique à tout le monde, la seule réserve étant évidemment le nombre raisonnable.

Cette hypothèse, nous l'avons écartée pour un certain nombre de raisons, et pas parce qu'elle n'est pas conforme à la Charte des droits et libertés – au contraire, elle le serait, puisqu'elle est, comment dirais-je donc, acceptable sur le plan de la norme de l'égalité – mais parce qu'elle nous semble aller à l'encontre d'un but que nous visons tous comme société, qui vise à faire de l'école un lieu d'apprentissage à la cohésion sociale et où vivre ensemble. En d'autres termes, faire en sorte qu'à l'école chacun soit réparti sur son territoire religieux ou areligieux nous apparaît contradictoire avec un but que nous recherchons tous ensemble comme société québécoise, c'est-à-dire d'une société qui accepte la diversité et qui accepte le pluralisme mais qui accepte aussi que ce pluralisme soit quelque chose qui soit vécu ensemble et non pas de manière séparée.

Troisièmement, il nous est apparu, aussi, visiblement, que cette hypothèse-là ne répondait pas aux attentes dominantes des parents. Au contraire, vous avez vu tout à l'heure que ce qui est recherché d'abord et avant tout, c'est une école qui est fondée sur les valeurs communes à tous les citoyens, et paradoxalement c'est encore plus vrai chez les minorités religieuses et ceux qui n'ont aucune religion, les catholiques étant les moins favorables à cette hypothèse-là, quoique majoritairement favorables.

Et puis aussi il y a une raison extrêmement pratique, cette fois-ci, qui a son importance. Dans l'hypothèse où nous accepterions cette solution d'école catholique protestante différenciée, ça voudrait dire qu'il faudrait renoncer à un principe d'organisation pédagogique qui nous est cher depuis un bon moment, et depuis la loi n° 180 en particulier, qui est celui de la localité ou de l'école de quartier. Du jour où on définit l'école en fonction de la couleur religieuse de chacune des appartenances religieuses, ça voudra dire qu'il faudra décider que telle école sur tel coin de rue est attribuée aux catholiques, aux protestants, aux juifs, aux musulmans ou à d'autres confessions, et donc répartir les enfants dans les écoles en fonction de ce critère religieux. Il nous est apparu que, du point de vue de l'organisation pédagogique, du transport scolaire, cela était une solution qui mènerait certainement à de très grandes difficultés, et on n'a pas besoin de la religion à l'école pour connaître cela.

Ceux qui sont députés parmi vous – tous l'êtes dans cette commission, bien entendu – savez qu'une des choses auxquelles les parents tiennent le plus, c'est à leur école de quartier ou à leur école. Du jour où on décide de fermer une école dans un village ou de déplacer une population pour attribuer à une autre école – je pense, par exemple, au débat sur l'École internationale à Laval où on décide... bon, on attribue cette école-là – il y a toujours des parents qui sont mécontents parce qu'ils doivent être déplacés. L'hypothèse de faire des écoles à la carte en fonction de la religion mènerait, nous semble-t-il, à d'immenses difficultés de ce côté-là, et il nous a semblé qu'il fallait rejeter cette hypothèse.

La troisième hypothèse qui est celle que nous avons acceptée, c'est l'école laïque pour tous. Alors, l'école laïque... Ici, je prends un moment pour dire une chose absolument capitale. J'ai souvent lu et souvent entendu que l'école laïque était une école sans valeur et que d'avoir une école laïque, c'était, le cas échéant, ouvrir la porte à des difficultés importantes, de faire en sorte que n'importe qui pourrait faire un holdup sur l'école en particulier. Je pense que ce sont là des craintes qui sont injustifiées.

D'abord, nous avons une tradition au Québec qui fait que depuis 1971, et qui a progressivement fait son chemin, il appartient dorénavant à chaque communauté éducative, à travers le conseil d'établissement, de déterminer les valeurs qui vont être au fondement du projet éducatif de chaque école. Ce que nous disons, c'est que, pour respecter le principe de l'égalité et le principe de la liberté de conscience des citoyens, dans un cadre d'un partenariat entre un État qui doit être neutre et des parents qui ont des convictions, il y a... le partenariat entraîne des contraintes, si vous me passez l'expression.

Cela ne veut pas dire que les valeurs éducatives, les valeurs intellectuelles, les valeurs esthétiques, les valeurs éthiques qui vont fonder l'école ne seront pas des valeurs fortes parce qu'elles ne sont pas fondées sur des valeurs religieuses. Nous pensons au contraire que c'est tout à fait possible. Et d'ailleurs l'expérience nous a montré que les conseils d'établissement ou les conseils d'orientation ont déjà commencé à fonder des projets éducatifs fondés sur ces valeurs-là, sur des valeurs propres et décidées en commun.

Alors, la dernière option, à la page 197, l'école à «projet particulier», on a fait l'hypothèse que l'on pourrait, le cas échéant... Est-ce que je dois arrêter, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Charest): Non. Ça va, allez-y.

M. Proulx (Jean-Pierre): O.K. Parce que la cloche, pour moi, ça voulait dire la récréation, mais là...

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Charest): Ici, ça veut dire soit le quorum ou soit un vote. Dans le cas que l'on l'entend, c'est le quorum, alors vous pouvez continuer.

M. Proulx (Jean-Pierre): D'accord. Merci, madame. Alors, l'école à projet particulier dont on débat à l'article 197, projet particulier à caractère religieux, est une hypothèse que nous n'avons pas non plus accueillie parce qu'elle pose des difficultés importantes du point de vue juridique.

(16 h 10)

La jurisprudence ontarienne, à cet égard-là, nous a enseigné que l'école à projet particulier était susceptible de porter atteinte à la liberté de conscience et à la liberté religieuse parce que, si on crée une école à projet particulier à caractère religieux dans un coin, dans un endroit donné, forcément, des enfants ne pourront pas fréquenter cette école-là et devront aller plus loin parce que cette école-là ne répond pas à leurs convictions, ou, au contraire, s'ils doivent la fréquenter, cette école-là à projet particulier n'est pas conforme à leurs convictions, de toute façon. Alors, elle pose des difficultés, notamment pour cette raison-là. Nous nous en sommes expliqués en long et en large. Je vous invite bien sûr à y revenir en temps utile.

L'autre orientation que nous avons débattue, que nous avons proposée, porte sur l'enseignement religieux. Nous proposons et nous recommandons au ministre de l'Éducation et au gouvernement de remplacer les enseignements confessionnels actuels par un enseignement culturel de la religion.

Là encore, nous avons pris en considération, avant d'arriver à cette recommandation-là, diverses hypothèses. La première hypothèse que nous avons prise en considération, c'est celle d'offrir à l'école des enseignements religieux de toutes les confessions et l'enseignement culturel des religions, répondre en quelque sorte à la demande des parents, selon leur demande, en pleine égalité dans chacune des écoles, à la fois pour des enseignements religieux confessionnels et pour un enseignement culturel des religions. Bref, en quelque sorte, une école où il y aurait un menu, une école, en quelque sorte, à la carte.

Cette hypothèse-là, toute séduisante qu'elle apparaisse parce qu'elle est pleinement respectueuse du droit à l'égalité des citoyens et des citoyennes, nous est apparue par ailleurs, sur le plan pratique, une option, à toutes fins utiles, impraticable. D'abord, si nous voulons offrir à tous et à toutes un enseignement religieux conforme à leurs convictions, il faudra répondre à la demande en pleine égalité. Ça veut dire que, dans l'école, par exemple, du quartier où j'habite, où il y a 47 religions à l'école, il faut théoriquement répondre à toutes les demandes, à moins que l'on introduise une clause «là où le nombre le justifie», auquel cas il faudra forcément mettre des quotas comme c'est normal lorsqu'on dit «là où le nombre le justifie». C'est là une première difficulté. Et les clauses dites numerus clausus sont toujours des clauses difficiles à interpréter. Il y a toujours des gens qui trouvent que le seuil est trop haut.

Par ailleurs, si nous offrons cela, ça veut dire qu'il faudra que l'État accepte de mettre sur pied ou de reconnaître, le cas échéant, parce que c'est dans les écoles, des programmes pédagogiques propres à chacune des religions qui voudrait donner des enseignements à ses membres ou à ses adeptes. Pour l'instant, l'État prépare les programmes pour l'enseignement religieux catholique, prépare les programmes pour l'enseignement religieux protestant. Ou bien les autres religions, le cas échéant, reçoivent le même traitement, et alors, là, il faudra donc embaucher des fonctionnaires pour préparer ces programmes-là ou encore permettre aux membres des religions de préparer ces programmes-là, mais, le cas échéant, de les accueillir comme étant valables à l'intérieur de l'école publique... Le ministre de l'Éducation approuve les programmes. Si ce n'est pas le ministre qui approuve les programmes d'enseignement religieux particuliers qui pourraient se donner dans les écoles, qui cela sera-t-il? Le conseil d'établissement, puisqu'il le fait déjà pour les programmes locaux qui peuvent être organisés par les écoles.

Alors, ça veut dire que, si on offre une possibilité de plusieurs enseignements religieux à l'intérieur de l'école, ou bien le ministre approuve les programmes comme il le fait déjà pour les religions majoritaires, enfin, la religion majoritaire catholique et pour la religion protestante, ou c'est le conseil d'établissement. Il nous apparaît difficile de penser que le conseil d'établissement de l'école X va se mettre à approuver plusieurs programmes d'enseignement religieux qui lui sont relativement étrangers et pour lesquels il n'a pas nécessairement la compétence. Parce que la compétence relative aux enseignements religieux, ça relève forcément des Églises.

Ça va bien pour ce qui est de l'enseignement religieux catholique ou de l'enseignement religieux protestant, puisque l'État prévoit déjà, dans ses lois, le Comité catholique et le Comité protestant qui approuvent. Le ministre, lorsqu'il édicte le programme d'enseignement religieux, le fait après approbation des comités catholique et protestant. Donc, il approuve quelque chose pour lequel il a une certitude que ça répond aux besoins au moins de ces deux confessions-là. Si on le fait pour plusieurs confessions, là, l'État ou les conseils d'établissement se mettent à approuver des programmes d'enseignement religieux de diverses religions, il y a là une difficulté que nous estimons importante.

Deuxièmement, si nous faisons dans une telle hypothèse aussi, il faut forcément avoir des enseignants et des enseignantes qui vont dispenser ces enseignements-là. Pour l'instant, dans le régime actuel, ce sont nos enseignants qualifiés qui donnent l'enseignement religieux catholique, qui donnent l'enseignement religieux protestant. Si nous acceptons d'avoir d'autres types d'enseignements religieux que catholique ou protestant, ou bien ces enseignements sont dispensés par des enseignants qualifiés aussi qui sont à l'intérieur du système, s'il s'en trouve capables d'assumer l'enseignement religieux de cette religion-là dans l'école, ce qui n'est pas évident à première vue – en tout cas, moi je suis en formation des maîtres et je peux vous dire que les aspirants maîtres que nous recevons dans nos universités sont très largement, actuellement, des enseignants d'origine catholique – alors ou bien ces personnes-là seront des personnes qui viendront des Églises ou des diverses confessions qui seront reconnues comme telles par une autorité compétente, sans doute l'autorité compétente de chacune des Églises.

Alors, si nous continuons à le faire de façon spécifique pour les catholiques ou les protestants, les autres confessions pourraient bien réclamer à juste titre le même privilège en ce qui concerne leurs coreligionnaires. Bref, cela pose, du point de vue de l'organisation pédagogique, des difficultés importantes. Alors, de deux choses l'une: ou bien les enseignements religieux confessionnels sont pris en charge par l'État, et il faut le faire en pleine égalité pour tout le monde, ou bien donc, à l'intérieur de l'école publique, ils sont pris en charge par les différentes confessions religieuses à leurs frais. Alors, c'est une autre hypothèse, mais la difficulté, à ce moment-là, c'est la reconnaissance pédagogique de ces enseignements confessionnels particuliers.

Alors, pour ces raisons qui sont des raisons d'ordre de gestion pédagogique, nous n'avons pas retenu cette hypothèse parce qu'elle nous apparaissait très largement impraticable. Aussi, bien entendu, nous savons actuellement que...

Réfléchissons à partir de la situation actuelle. Depuis la restructuration des commissions scolaires sur le plan linguistique, nous avons à l'intérieur de l'école non plus seulement une option entre l'enseignement religieux catholique et la formation morale, mais nous avons dorénavant trois options: l'enseignement catholique, l'enseignement protestant et la formation morale non confessionnelle. Les directeurs d'école, les enseignants vous diront l'extrême difficulté de gérer déjà cette diversité. En pratique, si cette solution-là apparaît au premier abord une solution intéressante d'un point de vue abstrait et du point de vue théorique, il faut aussi la considérer du point de vue des droits des enfants.

Dans les milieux où existent de fortes majorités catholiques – et c'est le cas à l'extérieur de Montréal en particulier – la reconnaissance réelle, et non pas seulement théorique – dans la loi, c'est dit que les enfants peuvent recevoir un enseignement religieux protestant – de ce droit à recevoir un enseignement religieux protestant ou même une formation morale pose toujours une difficulté concrète parce que les populations qui demandent cela sont en nombre relativement restreint selon les milieux.

Un directeur ou une directrice d'école qui doit organiser l'enseignement moral pour trois élèves ou pour quatre élèves se trouve toujours en situation... J'ai entendu aussi le témoignage, dans la tournée que j'ai faite depuis la publication de ce rapport... J'ai entendu, par exemple, ici, à Québec, que des protestants ont demandé, comme la loi le prévoit, la possibilité de recevoir un enseignement religieux protestant à l'école catholique où se trouvent leurs enfants, ce qui est leur droit. En pratique, l'école a été incapable de répondre à cette demande-là – en pratique – pour des raisons d'organisation pédagogique.

(16 h 20)

Imaginons la situation où nous aurions une multiplication d'enseignements religieux à l'intérieur de l'école, je ne suis pas sûr que le droit réel que nous voudrions protéger soit rendu possible par un tel aménagement. Voilà pourquoi, à toutes fins utiles, nous avons estimé que, bien que théoriquement cette hypothèse réponde au principe de l'égalité, en pratique elle apparaît impraticable sur le plan pédagogique et difficilement réalisable pour ce qui est du respect des droits de tous à la liberté de conscience et à la liberté religieuse. Voilà pourquoi nous avons choisi plutôt d'offrir une solution qui nous apparaît un compromis, dans la continuité avec la tradition québécoise, qui est celui de l'enseignement culturel des religions.

Déjà, on dit, ou j'ai lu dans les journaux: Le rapport Proulx veut sortir la religion de l'école. Il me semble que cette assertion-là est fausse à tous égards.

Nous proposons que cet enseignement culturel de la religion soit offert obligatoirement à tous les enfants de toutes les écoles du Québec en même temps que la formation morale. Nous proposons que, dans cet enseignement culturel, la place importante et privilégiée soit d'abord accordée à la tradition chrétienne, en d'autres termes, que les enfants, que les élèves à l'école puissent accéder, quelle que soit leur origine, à ce qui constitue le patrimoine central du Québec, à savoir la tradition chrétienne.

Nous proposons cependant que cet enseignement-là n'ait pas un caractère confessionnel, en d'autres termes qu'il ne vise pas à proposer aux enfants la foi catholique ou la foi protestante mais qu'il propose les connaissances, les savoir-faire, les savoir-être à l'égard de la tradition chrétienne selon les milieux et selon aussi le développement cognitif des enfants. Il est entendu qu'on ne ferait pas la même chose entre la première année du primaire et du secondaire sur ce plan-là.

Par ailleurs, si nous proposons d'accorder la place privilégiée à la tradition chrétienne dans cet enseignement culturel, nous proposons d'élargir cet enseignement aux principales traditions religieuses du monde et aux principales visions séculières de voir le monde. Et nous pensons que cela constituera, dans la foulée du rapport Inchauspé qui est au fondement de la réforme actuelle des programmes en éducation, un accroissement, un enrichissement de la culture des jeunes, de tous les Québécois et de toutes les Québécoises. Et j'ai entendu, depuis que nous avons publié notre rapport, un argument: Ah! cette hypothèse-là, c'est bon pour Montréal parce qu'il y a des groupes ethniques à Montréal ou des groupes plurireligieux. En province, on n'en a pas, de ça, entre guillemets, on n'a pas d'ethniques, on n'a pas de musulmans à Chicoutimi, etc.

J'insiste sur un fait important. Notre Groupe de travail n'a pas proposé cette solution-là à cause de Montréal, où il y a bien sûr une diversité religieuse plus importante; nous avons proposé cette solution-là pour deux raisons fondamentales. La première – je l'ai dit tout à l'heure – il faut trouver une solution qui soit respectueuse de l'égalité des citoyens et des citoyennes. Cette solution-là respecte ce principe-là. Et les droits fondamentaux de la personne sont les mêmes à Chicoutimi comme à Montréal, ou à Rimouski, ou à Trois-Rivières. Tous les Québécois ont les mêmes droits fondamentaux. Première raison.

La deuxième raison: nous estimons important que tous les Québécois puissent avoir accès aux mêmes outils culturels, qu'ils soient à Val-d'Or, ou qu'ils soient à Sherbrooke, ou qu'ils soient à Montréal. Et, par conséquent, la connaissance d'abord de la tradition chrétienne pour l'ensemble des Québécois, quelle que soit leur origine, et, d'autre part, l'ouverture aux diverses traditions religieuses qu'on retrouve dans le monde et qu'on retrouve maintenant au Québec à des degrés divers selon les régions, nous trouvons que c'est un droit pour tous les petits Québécois où qu'ils se trouvent. Et voilà pourquoi cette solution-là nous apparaît celle qui répond le plus à un des objectifs du Québec qui est de se socialiser à la diversité dans le respect de la pluralité.

Faisons ici la métaphore suivante. Nous pourrions dire: Écoutez, pourquoi ne pas faire à l'intérieur de l'école différentes chambres, en quelque sorte: la chambre de l'enseignement religieux catholique, la chambre de l'enseignement religieux protestant, la chambre de la formation morale? Bref, dans cette maison qu'est l'école, chacun, au moment de l'enseignement religieux, se retrouve dans sa chambre confessionnelle pour recevoir son enseignement. C'est une hypothèse, mais il nous semble qu'il y a une meilleure hypothèse qui est celle de la chambre commune, qu'à l'intérieur de l'école tous les petits Québécois, quel que soit leur horizon religieux, puissent avoir accès en commun à la diversité des traditions religieuses que l'on retrouve au Québec, en commençant par la tradition religieuse principale qui est la tradition chrétienne.

Il nous semble que c'est une solution qui, encore une fois, constitue, par rapport à la situation actuelle, un progrès indéniable, et, par rapport à l'approche communautarienne, une solution qui a l'avantage de mettre ensemble l'ensemble des petits Québécois, quel que soit leur horizon.

Par ailleurs, et c'est là notre cinquième recommandation... Je reviendrai sur la quatrième parce que je pense qu'il me reste quatre minutes, Mme la Présidente, à peu près ça?

La Présidente (Mme Bélanger): Deux minutes.

M. Proulx (Jean-Pierre): Deux minutes. Bon. Très bien.

M. Simard (Montmorency): Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Oui.

M. Simard (Montmorency): C'est tellement intéressant. Nous pourrions peut-être laisser le temps à M. Proulx de finir son...

M. Proulx (Jean-Pierre): Je n'en ai pas pour très longtemps encore.

La Présidente (Mme Bélanger): Selon le mandat de la commission, c'est une heure pour la présentation du dossier. Alors, peut-être qu'on pourra...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Bélanger): Non. Peut-être qu'avec le questionnement on pourra être encore plus informé, avec les questions que les membres de la commission peuvent...

M. Proulx (Jean-Pierre): Mais j'en ai pour peu de temps, Mme la Présidente. Je pense que je vais pouvoir m'arranger.

La Présidente (Mme Bélanger): D'accord.

M. Proulx (Jean-Pierre): Donc, nous sommes conscients cependant qu'il y a des parents qui souhaiteraient avoir, pour leurs enfants, un enseignement confessionnel qui vise à répondre de façon plus générale et plus pointue à la question du sens, qui vise à développer la foi de leurs enfants selon leurs convictions, etc.

Nous pensons que l'école, dans le cadre de sa mission communautaire – car l'école a deux missions, une mission de formation qu'on retrouve à travers les programmes du ministère et une mission communautaire qui vise à répondre aux besoins de la communauté – peut s'ouvrir, ouvrir ses locaux à l'extérieur des heures d'enseignement pour les diverses confessions religieuses qui voudraient offrir à leurs enfants qui fréquentent cette école des services proprement confessionnels.

Cela a paru surprenant que nous fassions cette recommandation-là, car c'est une solution qui apparaissait nouvelle. Effectivement, elle n'est pas si nouvelle que ça. C'est ce que nous observons en Ontario et c'est ce que nous observons aussi au Manitoba. Donc, il y a déjà des communautés qui se sont organisées comme ça. Car, en définitive, l'éducation religieuse des enfants ne dépend pas uniquement de l'école. L'État peut faire son bout, et nous proposons de le faire dans la continuité et dans le compromis à travers l'hypothèse de l'éducation, de l'enseignement culturel des religions. Mais la famille, en particulier, et les Églises ou les diverses confessions ont une responsabilité qui leur est propre en matière d'éducation religieuse. Nous pensons que la formule qui est de mettre l'école à leur disposition constitue pour les Églises une chance de renouveau par rapport à l'éducation chrétienne ou d'autres confessions des enfants. Alors, voilà pourquoi cette solution, qui constitue un compromis acceptable, nous est apparue la meilleure.

Mme la Présidente, je suis à peu près convaincu, parce que vous me faites des signes, que le moment est venu de me taire.

La Présidente (Mme Bélanger): Vous allez avoir l'occasion de reparler encore.

M. Proulx (Jean-Pierre): C'est ça. J'aurais pu parler d'une dernière recommandation sur l'animation spirituelle. J'imagine que quelqu'un va forcément me poser une question là-dessus. Alors, Mme la Présidente, mesdames et messieurs, merci de votre écoute attentive.


Discussion générale

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Proulx. Je ferai remarquer aux membres de la commission qu'il reste 45 minutes à chacun des groupes parlementaires pour échanger avec M. Proulx et ses associés et que la réponse du comité compte sur le temps du groupe parlementaire qui pose la question. Alors, M. le ministre. On va diviser ça par 15 minutes, peut-être que ça va être plus facile, les échanges.


Enseignement culturel des religions

M. Legault: Parfait. Merci, Mme la Présidente. D'abord merci, M. Proulx. C'est une excellente présentation. On voit que vous possédez bien le dossier puis... une analyse rigoureuse. Donc, félicitations encore une fois pour le travail que vous avez fait.

Moi, je voudrais peut-être vous parler un petit peu de la position des parents. Vous nous avez dit que vous avez fait une enquête importante auprès de 2 234 parents. Vous avez reçu aussi différents avis. Comme on l'a vu tantôt, les opinions sont très partagées du côté des parents. Je suis certain que vous avez eu à rencontrer aussi personnellement plusieurs parents, pendant et après. Moi aussi, j'en ai rencontré plusieurs au cours des dernières semaines, et on voit que les réactions sont partagées.

(16 h 30)

Je voudrais peut-être que vous élaboriez un petit peu sur les inquiétudes que vous avez senties de la part des parents concernant l'enseignement culturel des religions. Peut-être juste élaborer ce que vous avez senti de ce côté-là. J'ai senti, de mon côté, quelques inquiétudes. Peut-être vous entendre aussi nous en parler un peu.

M. Proulx (Jean-Pierre): Oui. Et je donnerai aussi la parole à Mme Milot...

M. Legault: Oui.

M. Proulx (Jean-Pierre): ...qui a eu aussi une même expérience que moi là-dessus. Alors, pour ce qui est des inquiétudes, la première, c'est le fait que cet enseignement culturel des religions transmet, entre guillemets, uniquement des connaissances, d'une part. Et, deuxième inquiétude, c'est comment penser que ça viendrait, en première année... Comment ferait-on l'enseignement culturel des religions en première année, ouvrir aux diverses religions?

Sur la première question, qui est celle des connaissances, la réponse que nous avons donnée à ça quand la question nous était posée, c'est: Écoutez, l'école, une de ses premières missions, c'est ce que dit la Loi sur l'instruction publique... L'école a trois missions: instruire, socialiser, préparer à la vie. Apprendre des choses en géographie, en français, en mathématiques, c'est déjà le lot de l'école, c'est sa mission même. Apprendre des choses sur sa religion ou sur les religions du monde, ça constitue aussi la première mission de l'école. L'école, c'est fait pour instruire, transmettre des connaissances. C'est le principal lieu dans notre société qui est organisé pour faire ça, d'une part. Donc, apprendre des connaissances à l'école sur les différentes religions n'est pas quelque chose qu'il faut, pour ainsi dire, diminuer ou en quelque sorte voir de manière négative. Au contraire, l'école est faite pour ça, d'une part.

D'autre part, l'enseignement culturel des religions ne vise pas que la transmission des connaissances, il vise aussi l'apprentissage concret en fonction des milieux, il vise l'apprentissage à la tolérance concrète envers les autres religions pas simplement à l'école, mais pour plus tard dans la vie, à savoir des choses sur les religions, des choses qui parfois nous heurtent compte tenu qu'on fait partie d'une majorité. Savoir qu'il y a des traditions différentes permet dans la vie subséquemment, le cas échéant, du moins peut-on l'espérer, d'avoir envers des concitoyens qui ont des pratiques, des comportements religieux différents de soi... C'est une chose qu'on est capable et qu'on doit apprendre à l'école.

Donc, dans la mission de socialisation de l'école, l'enseignement culturel des religions a son importance, y compris de ce point de vue là, non seulement apprendre la tolérance, mais aussi apprendre, si possible, la bienveillance envers des gens qui ont des traditions religieuses différentes de la nôtre et surtout de la majorité. Voilà ce que je réponds, moi, à deux inquiétudes que j'ai entendues, c'est-à-dire à la première inquiétude. Je laisse la parole à Mme Milot sur le deuxième volet de la question sur l'inquiétude que ce soit en première année, ou en deuxième année, ou etc.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Milot.

Mme Milot (Micheline): Merci. Effectivement, les parents se demandent: Est-ce que des petits enfants peuvent, sont en mesure d'apprendre et de connaître des choses sur les autres religions? Alors, à nos yeux et selon les expériences pédagogiques que nous avons examinées, il ne fait aucun doute que des enfants du primaire, même en jeune âge, qui vivent déjà à l'intérieur de la classe avec leurs compagnons, qui font face à la différence, sont capables aussi de se la faire expliquer, cette différence-là. D'ailleurs, au Québec, ce n'est pas nécessaire d'aller très loin. Dans les écoles protestantes, le programme d'enseignement religieux protestant, dès la première année, a un volet d'ouverture aux autres religions, notamment à travers l'apprentissage des fêtes des autres enfants dans la classe. Il y a d'autres expériences aussi, en Angleterre, aux États-Unis, qui montrent que des petits enfants sont tout à fait capables, avec des notions à la mesure de leur développement cognitif, de faire un apprentissage extrêmement satisfaisant.

J'ajouterais aussi une autre inquiétude que j'ai entendue de certains parents – et avec raison, bien sûr, cet enseignement culturel des religions n'étant pas fait à l'intérieur d'un programme, c'est des inquiétudes normales: les parents craignent que ce soit un peu trop loin de ce qui se fait actuellement. Autrement dit, présentement les enfants connaîtraient leurs racines chrétiennes, mais, à travers un enseignement comme ça, est-ce que les enfants vont avoir encore accès à cela? Alors, pour nous, il ne fait aucun doute que mieux connaître ses propres racines à l'intérieur de la communauté croyante dans laquelle on est né, ça ne se fait pas nécessairement uniquement à travers un enseignement qui transmet la foi de cette communauté-là. Alors, un enseignement qui fait une large place à la tradition chrétienne mais aussi aux autres religions permet à tous les enfants, quels qu'ils soient, d'avoir accès à leurs propres racines à travers cet enseignement-là tout en s'ouvrant aux autres.

Et, quand on explique davantage aux parents – je suis allée dans plusieurs réunions de parents – le contenu de cet enseignement-là, eh bien, effectivement, plusieurs parents sont assez ravis, ce qui concorde avec l'enquête que nous avons faite là-dessus.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.


Enseignement religieux de toutes les confessions

M. Legault: Oui. Il y a plusieurs parents évidemment – puis vous pouvez avoir entendu la même réaction – qui souhaitent qu'on continue à enseigner, par exemple, la religion catholique à l'école. Tantôt, vous nous disiez: Bon, si on avait un genre d'école à la carte, ça serait impraticable et il y aurait peut-être un problème pour l'approbation des programmes. Vous avez sûrement entendu certains groupes proposer d'avoir une responsabilité qui serait confiée aux Églises pour l'enseignement de chaque religion à l'école, ce qui supposerait que le ministère de l'Éducation évacue ce champ, mais certains proposent qu'on ménage quand même une plage horaire, à l'intérieur de l'horaire régulier des enfants, à l'école, pour que les Églises viennent enseigner à l'école. Qu'est-ce que vous pensez d'une proposition comme ça?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): Très honnêtement, nous ne l'avons pas envisagée nous-mêmes. Alors, par conséquent, je ne serais pas capable de répondre au nom du Groupe de travail sur cette question-là.

M. Legault: Peut-être en votre nom personnel?

M. Proulx (Jean-Pierre): Oui. Je vous dirai cependant qu'elle pose une difficulté à l'égard de ceux – et je ne voudrais pas qu'on les oublie parce qu'ils me semblent être la majorité – qui souhaiteraient que l'école dispense un enseignement culturel des religions aussi. C'est-à-dire que cette formule-là, il faut se le rappeler, elle... Les non-croyants, les membres des autres religions, les protestants, à des degrés très importants, souhaitent qu'un tel type d'enseignement soit dispensé à l'intérieur de l'école et ne souhaitent pas d'abord un enseignement qui soit propre à leur religion. Et, nous, nous pensons que c'est la responsabilité de l'État – pour les raisons que nous avons invoquées dans nos principes et finalités – de permettre à tous les Québécois cette ouverture sur les religions pour les raisons qu'on a évoquées dans notre rapport.

Alors, si les Églises occupent une plage horaire à l'intérieur de l'école, comment allons-nous en même temps offrir un cours d'enseignement culturel des religions? Est-ce que ce sera une option? Comment allons-nous intégrer la formation morale dans l'enseignement à l'école? Là, il y a des problèmes d'ingénierie pédagogique qui se posent et auxquels on n'a pas réfléchi plus avant, puisque ce n'était pas dans le cadre de notre réflexion, mais l'hypothèse que vous soulevez soulève, me semble-t-il, ces difficultés-là. Comment répondre en même temps à ceux, et ils sont majoritaires, qui souhaitent d'abord un enseignement culturel des religions à l'école.

Alors, l'hypothèse, c'est qu'il y aurait donc des choses qui seraient sous la responsabilité du ministère, par exemple la formation morale et l'enseignement culturel des religions, encore que les Églises vous diraient: Écoutez, la formation morale, on va s'en occuper. De fait, la tradition chrétienne, les programmes catholiques actuellement s'appellent Enseignement moral et religieux catholique. Donc, sur le plan de la gestion interne de l'école, l'hypothèse d'une double responsabilité nous semble problématique, en tout cas, me semble, à moi, problématique.

M. Legault: Est-ce que vous ne pensez pas que justement il ne faut pas faire une distinction entre l'enseignement des valeurs fondamentales, qui peuvent être incluses justement dans un enseignement culturel des religions, et l'enseignement de chaque religion, qui peut être souhaité puis qui est souhaité, on le voit, là, par un certain pourcentage des parents, qui pourrait être fait par l'Église? Est-ce que ce n'est pas possible – en fait, pour rejoindre un peu votre question – d'avoir les deux?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): Écoutez, théoriquement, c'est sans doute possible, mais je suis incapable de répondre de façon adéquate à votre question parce que, sur le plan pratique, il faut encore vérifier ce que cela impliquerait dans l'organisation concrète de l'école. Et ça, vraiment, je ne l'ai pas étudié personnellement. Cette hypothèse que vous soulevez, je l'ai entendue, comme vous, mais je n'ai pas eu à l'étudier et notre groupe ne l'a pas étudiée. Théoriquement, c'est possible. Je ne sais pas si mes collègues ont d'autres avis là-dessus.

Mme Racine (Lise): De voir peut-être la faisabilité aussi administrativement.

La Présidente (Mme Bélanger): Un instant, s'il vous plaît.

Mme Racine (Lise): Excusez.

La Présidente (Mme Bélanger): Pour le bénéfice de... Madame...

Mme Racine (Lise): Lise Racine.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Racine. Je m'excuse.

(16 h 40)

Mme Racine (Lise): Peut-être dans la ligne de ce que disait M. Proulx, de voir la faisabilité administrative d'un modèle comme ça. Il m'apparaît difficile, moi, de mon expérience – si je prends un exemple concret dans une école de 490 enfants, la dernière que j'avais – d'organiser, de façon à respecter tous les enfants, un modèle comme ça et de l'organiser jusqu'au bout. La demande des parents pouvant être plus large au niveau de la confessionnalité catholique, de la confessionnalité protestante aussi et d'autres confessions.

Qu'à un moment donné, dans l'assiette horaire, on prévoie une ou deux périodes semaine où toutes les personnes qui viennent parler de religion arrivent, il faudra bien leur trouver des locaux semblables à quelque part – alors, là, on se parle de faisabilité, je sais bien – pour que ce soit respectueux de tout le monde et aussi des équipes du personnel enseignant qui sont là. Alors, un peu comme M. Proulx, on n'a pas analysé ça profondément. Je questionne cependant la faisabilité. Mais peut-être qu'on pourrait pousser le modèle jusqu'au bout et voir.


Statut confessionnel des écoles

M. Legault: Une autre question concernant les parents. Parmi les parents que vous avez rencontrés, qui souhaitent qu'on continue à enseigner chaque religion, incluant la religion catholique, est-ce que vous sentez... Parce que je ne le retrouve pas dans le rapport, là. Est-ce que vous sentez que, pour eux, c'est important, le statut confessionnel de l'école puis que cette partie soit incluse dans le projet éducatif, pour les parents qui souhaitent l'enseignement de chaque religion?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): Écoutez, j'ai fait plusieurs rencontres. Je pense qu'aujourd'hui je suis à ma 28e rencontre. Je ne peux pas dire qu'au total la question du statut de l'école ait été une forte préoccupation des parents que j'ai rencontrés. Ma collègue, Mme Milot, puis M. Sassi en ont rencontré aussi. Je ne pense pas qu'on puisse dire que la question du statut est primordiale. Le débat porte davantage non pas sur le statut de l'école, mais sur le mode d'enseignement religieux. Et même la question d'animation pastorale, dont on n'a pas parlé, ne semble pas soulever aussi de vagues. La recommandation que...

M. Legault: Peut-être que vous pouvez nous en parler un petit peu, de l'animation pastorale.

M. Proulx (Jean-Pierre): La recommandation que nous avons faite a été reçue comme étant une ouverture intéressante plutôt qu'une fin de non-recevoir, loin de là. Le débat, l'ai-je bien senti dans les nombreuses rencontres que j'ai faites, porte d'abord et avant tout sur le mode d'enseignement religieux.


Animation de la vie religieuse et spirituelle

M. Legault: Peut-être que vous pouvez nous parler, pendant une minute, là, de l'animation pastorale, pour compléter votre présentation.

M. Proulx (Jean-Pierre): D'accord. Vous savez que, actuellement, seuls les catholiques et seuls les protestants, en vertu de la Loi sur l'instruction publique, ont droit à des services d'animation religieuse ou pastorale. C'est ce que dit, en toutes lettres, l'article 5 ou 6 de la Loi sur l'instruction publique. Donc, ce régime actuellement revêt le même défaut que les autres aménagements et il est discriminatoire à l'endroit des autres religions.

Alors, on s'est posé la question: Est-ce qu'il faudrait avoir des animations pastorales à la carte, chaque membre de chaque confession ayant le droit de venir à l'école rencontrer ses ouailles, entre guillemets? Il nous est apparu que ce n'était pas là une solution souhaitable, d'autant plus que la pratique déjà en milieu pluriethnique fait en sorte que les animateurs de pastorale catholique, par exemple, ont acquis des habiletés pour mettre tout le monde ensemble. M. Sassi, qui était à l'école Émile-Legault, une des rares écoles secondaires non confessionnelles, soit dit en passant, au Québec, a vécu des expériences intéressantes là-dessus.

Alors, nous avons proposé, plutôt, que dorénavant nous offrions à l'intérieur de l'école qui le voudrait, là où le conseil d'établissement en déciderait ainsi, d'avoir un service complémentaire d'animation à la vie spirituelle et religieuse commun à tout le monde. Et ces animateurs et animatrices à la vie spirituelle et religieuse seraient engagés en fonction non pas de leur appartenance religieuse propre, mais d'abord et avant tout en raison de leurs compétences en matière religieuse, soit qu'ils aient fait des études en théologie, en animation, etc., et donc qu'ils puissent offrir leurs services aux enfants qui veulent bien, librement et en toute égalité, recevoir leurs conseils, à titre d'animateurs à la vie spirituelle et religieuse. C'est fondé sur un principe important. Nous reconnaissons, dans notre Groupe, la dimension spirituelle de la personne, et, par conséquent, nous reconnaissons qu'il peut y avoir des besoins auxquels l'école peut répondre à travers ce service-là.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Proulx. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


Importance relative des différents groupes de citoyens

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais d'abord... Parce que c'est une question... Quand on a parlé des tableaux des pages 148, 154, 159, vos statistiques sur, entre autres, les choix ou les aspirations des catholiques et des protestants, ces statistiques-là, est-ce qu'elles tiennent compte de l'importance relative de chacun des groupes, c'est-à-dire que, par exemple, 90 % ou 85 % des gens qui sont catholiques, ça fait plus de monde, en termes absolus, même s'ils sont à 53,2 % dans le tableau de la page 154? Est-ce que vos statistiques sont réparties pour tenir compte de l'importance relative de chacun des groupes?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): Oui. Alors, il y a un postulat important qui a présidé à la confection de l'échantillonnage de notre enquête. Le postulat important, c'est que chaque groupe, quel que soit leur nombre, en soi, ils ont un poids égal, non pas du point de vue démographique, mais du point de vue de la valeur de leur opinion. L'opinion d'un catholique ou l'opinion d'un protestant, n'est-ce pas, c'est une opinion qui est aussi valable l'une que l'autre. Alors donc, ça, c'est le postulat que nous avons pris.

Il faut donc lire chaque colonne séparément, n'est-ce pas? Nous n'avons pas pris l'opinion du Québécois en soi, nous avons pris l'opinion, d'une part, des catholiques, dont on sait qu'ils font 85 % de la population, nous avons pris l'opinion des protestants, dont on sait qu'ils forment 5 % de la population, les autres religions, etc. Donc, le poids relatif, sur le plan démographique, c'est à vous et à chacun de le faire.

Quand nous prenons en considération l'opinion des gens, nous la prenons pour elle-même, à l'intérieur d'un groupe en particulier. C'est sûr que, nous le disons plus tard, le poids démographique est différent, et, par conséquent, le poids des catholiques, sur le plan politique, dans le rapport de force, l'emporte potentiellement, mais, en soi, l'opinion d'un catholique et l'opinion d'un protestant, c'est deux opinions qui ont le même poids.

M. Béchard: Parfait. Parce qu'il faut faire bien attention, surtout quand on parle des choix et des préférences de ces gens-là, pour se rendre compte que, en termes de nombre absolu, il y a une très grande différence.

M. Proulx (Jean-Pierre): Ça, c'est incontestable, M. Béchard.


Enseignement religieux de toutes les confessions (suite)

M. Béchard: Il y a un constat que vous avez fait et qui, je vous dis, me satisfait beaucoup. C'est que, dans le fond, peu importe l'option, que ce soit l'option d'avoir, comme vous l'avez mentionné et comme le ministre l'a dit, une école à la carte où on offre plusieurs types d'enseignement religieux ou encore l'option que vous apportez de l'histoire culturelle des religions, les deux options rencontrent les exigences, selon vous et selon la jurisprudence, des chartes et de la réconciliation entre la place de la religion avec les chartes.

En ce qui a trait à l'option d'élargir à l'ensemble des religions dont le nombre d'élèves le justifie la possibilité d'instaurer dans les écoles publiques de l'enseignement religieux, à l'intérieur de ces écoles-là, cette option-là, je vous dirais que, dans votre argumentaire, c'est davantage – et je pense que j'ai bien compris – les raisons d'applicabilité, les raisons pédagogiques, c'est davantage ces points-là sur lesquels vous insistez pour dire que cette option-là ne pourrait pas, selon vos connaissances et vos analyses là-dessus, être mise en place.

Mais cependant j'aimerais juste, pour qu'on voie vraiment que tout l'éventail des possibilités nous permet de nous réconcilier avec les chartes, que vous me confirmiez que cette option-là, comme votre option, fait en sorte que l'on peut réconcilier l'enseignement religieux et sa place dans les écoles avec nos chartes des droits et libertés.

M. Proulx (Jean-Pierre): En théorie, vous avez raison.

M. Béchard: En théorie, oui.

M. Proulx (Jean-Pierre): En théorie, vous avez raison. Nous l'écrivons en toutes lettres. Mais les juristes vous diront, et surtout ceux qui en sont les bénéficiaires ou les victimes, que, entre les théories et la réalité, il peut y avoir une distance importante.

(16 h 50)

Si, en théorie, dire que tout le monde aura le droit à tout permet de respecter a priori le principe de l'égalité, il faut bien voir si, concrètement, dans chacune des écoles, compte tenu des situations, cela est possible de le faire et surtout cela est possible de le faire sans porter atteinte pas nécessairement au principe de l'égalité, mais au principe de la liberté de conscience et de la liberté religieuse. Car l'enfant qui se trouverait à pouvoir opter pour son enseignement ou pour la formation morale, s'il est en quelque sorte dans une situation extrêmement minoritaire, il est possible, comme l'histoire nous l'enseigne, qu'il subisse les pressions de la direction, des enseignants, pour, entre guillemets, renoncer à son droit. Et, à cet égard, je signale une chose importante: La majorité est souvent mauvais juge de la situation des minorités. Les minorités sont mieux en position pour dire si cela leur convient.

Alors donc, en réponse à votre question, sur le plan théorique, vous avez raison, M. Béchard, nous l'écrivons nous-mêmes. Sur le plan pratique, il faudrait voir, dans chaque cas, si cela porte ou non atteinte à la liberté de conscience ou de religion.

M. Béchard: Mais vous serez d'accord avec moi que, aussi, le fait que dans la Charte, à l'article 41, quand on parle d'accommodement acceptable, ou encore, quand on pourrait parler de «là ou le nombre le justifie», le phénomène, comme vous le dites, d'avoir un sentiment d'exclusion pour quelques personnes ou quelques enfants s'ils n'ont pas accès à l'enseignement de leur choix, étant donné qu'il pourrait y avoir aussi un enseignement moral en même temps, que cet argument-là sur le nombre, ça ne fait pas... C'est parce que je regardais un peu la jurisprudence. Un des éléments qui accrochent le plus à ce niveau-là, c'est l'aspect qu'on appelle, je crois, la «stigmatisation», c'est-à-dire, vraiment, que le non-choix provoque l'exclusion, alors que, si on est dans un système où il y a plusieurs choix, on ne provoque pas nécessairement l'exclusion.

Enseignement culturel des religions (suite)

Mais l'autre élément sur lequel je voulais aussi vous entretenir, c'est justement un aspect que j'ai regardé dans les avis juridiques sur la question et sur la question de l'enseignement religieux culturel. On y indique les différents paramètres, selon les jurisprudences, qui guident la mise en place de ce cours-là et on dit: L'enseignement doit viser l'étude, non la pratique des religions. Il doit présenter aux élèves toutes les religions mais n'en imposer aucune. L'approche doit être académique et non confessionnelle. Le but recherché doit être de rendre les élèves sensibles à l'existence de toutes les religions et non pas de leur en faire accepter une en particulier.

Ça, c'est dans l'arrêt Elgin, que vous connaissez sans doute, et on y indique, en effet, dans la mesure où les religions sont décrites de façon documentaire, que certains pourraient trouver matière à redire à la façon dont leur religion est présentée.

Ce qui est un peu mentionné là-dedans, on indique qu'à force de ne pas vouloir attaquer ou déplaire à aucune des religions qui se retrouveraient à l'intérieur du cours, on risque d'en arriver, et je cite, «à un cours sur les religions qui voudrait éviter tout reproche de ce genre – c'est-à-dire de porter atteinte à l'une ou à l'autre – et risquerait de sombrer dans la rectitude politique et de devenir intellectuellement insignifiant».

Moi, je dirais: Comment on pourrait relever ce défi-là, c'est-à-dire, tout en ne heurtant pas les croyances et les religions des uns et des autres qui se retrouveraient à l'intérieur de ce cours-là, ne pas tomber non plus dans un cours qui, à la fin, n'aurait ni odeur, ni couleur, ni saveur.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): Vous soulevez sans doute une difficulté importante. La réponse à cela réside dans la formation des enseignantes et des enseignants. Les enseignants et les enseignantes sont des professionnels qui, à ce jour, dispensent des enseignements en fonction de leur formation et des programmes qui leur ont été donnés.

Si nous adoptons l'hypothèse que nous proposons d'un enseignement culturel des religions, il faudra forcément donner une formation ou un perfectionnement aux enseignants pour les rendre aptes à donner ces enseignements-là non pas en sombrant dans la rectitude politique, mais en restant à l'intérieur d'un cadre éducatif.

Alors, comment cela se fera-t-il? Ça, ça reste à déterminer. Il faut connaître, comment dirais-je, ce danger que vous soulignez, mais il faut s'assurer que nos enseignants et nos enseignantes puissent être formés pour être capables de faire cela dans les règles de l'art pédagogique et en fonction des programmes qui seront édictés le cas échéant.

Pour l'instant, je pense que c'est la seule réponse que je puisse donner à votre question, mais je pourrais peut-être passer la parole à Mme Milot, si elle a quelque chose à rajouter là-dessus, parce qu'elle est plus compétente que moi, dois-je l'avouer, sur cette question de l'enseignement culturel des religions.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Milot.

Mme Milot (Micheline): Il y a aussi la qualité des programmes qui est en cause. D'ailleurs, c'est ce que soulève votre question. Effectivement, il y a un défi pédagogique, mais c'est un défi qui a déjà été relevé, qui a été relevé au Québec, qui a été relevé ailleurs.

Tout d'abord, pour confectionner un programme sur les religions, on dispose de très bons spécialistes sur les différentes religions. Donc, comme en toute autre matière, il y a des spécialistes sur les différentes religions, et c'est des savoirs qui sont reconnus et par les communautés scientifiques et par la plupart des groupes religieux. Généralement, quand des programmes sur les religions sont élaborés, les représentants des groupes religieux sont également consultés, c'est-à-dire qu'ils sont consultés pour voir à ce que le discours qu'on tient sur leurs groupes religieux ne soit pas soit vexatoire ou soit biaisé malencontreusement.

Alors, en Angleterre ou ailleurs, il s'est formé des groupes comme ça où le matériel pédagogique était soumis non pas pour être normé par les groupes religieux – parce que ça reste des programmes d'État – mais en collaboration pour qu'ils puissent éventuellement voir à ce que ce qui est dit sur eux soit correct.

Ceci dit, tout programme sur la religion – et c'est le cas pour l'enseignement catholique qui se donne au Québec – peut être décrié par les uns et les autres. C'est-à-dire que les parents qui sont très croyants et très pratiquants trouvent que le programme d'enseignement religieux catholique est très édulcoré. Et, pour certains parents qui ne sont pas croyants, pas pratiquants, mais qui veulent que leur enfant ait une information sur la religion, ils trouvent que cet enseignement-là est trop porté sur la foi. Alors, effectivement il faut faire un programme qui est acceptable pour le plus grand nombre, mais je pense que c'est un défi pédagogique qu'il est tout à fait possible de rencontrer.

M. Béchard: Juste un commentaire, Mme la Présidente, avant de passer la parole à mon collègue de D'Arcy-McGee. Donc, en théorie, toutes les solutions peuvent être acceptables au niveau des chartes, mais, en pratique, toutes les solutions risquent d'être contestées aussi. Et je pense que, peu importe la solution qui sera mise sur la table par le gouvernement, il faudra voir sa validité et la tester peut-être avant de la faire tester par quelque contestation que ce soit pour vérifier la validité comme telle.

Finalement, on est dans une zone grise où, tant que la solution ne sera pas concrète, déterminée, sur la table, en théorie on a les alternatives pour répondre aux exigences des chartes, mais en pratique tout peut être contesté. Et je pense que mon collègue avait une question.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, il ne reste que deux minutes et demie pour question et réponse.


Responsabilité de l'enseignement religieux

M. Bergman: M. Proulx, dans notre société moderne, à votre opinion, qui est dans la meilleure position pour enseigner la religion à nos enfants? Les parents, l'école ou l'Église? Il me semble que c'est l'école qui est dans la meilleure position pour enseigner la religion. Et, si, dans ce cas, on opte pour l'enseignement moral et culturel, le résultat sera une société où nos enfants n'auront pas une formation, si c'est le choix de leurs parents, de leur religion, et le résultat sera une société peut-être – pour employer votre terme – uniforme mais sans les valeurs de base que chacun de nous peut apprendre de notre religion.

Alors, c'est un concern que j'ai, qu'on ait une société où il manque les valeurs de base qu'on peut avoir de notre propre religion.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): Oui. Vous me permettrez de faire une brève parenthèse avant de répondre à votre question. Me Yves Lafontaine, notre collègue, est arrivé pendant notre exposé. Alors, je voudrais vous le présenter. Il rendait justice avant d'entrer.

La question que vous soulevez, M. le député, est une question de choix de société – comment dirais-je – un choix philosophique. Il y a des parents, au Québec, qui estiment que l'école est le meilleur endroit pour transmettre les valeurs. Dans d'autres sociétés qui sont organisées autrement, les parents ont confié l'éducation religieuse de leur enfant essentiellement aux Églises. La société américaine, par exemple, a fait ce choix-là. Il n'y a pas d'enseignement religieux à l'école américaine. Nos voisins, ici, d'à côté, au Nouveau-Brunswick, n'ont pas d'enseignement religieux du tout, d'aucune manière, à l'intérieur de l'école. Ce sont les communautés chrétiennes et ce sont les parents qui s'occupent de cela.

(17 heures)

Donc, il n'y a pas de réponse dans l'absolu à cette question-là: Qui est le mieux placé pour donner l'enseignement religieux, la formation, transmettre les valeurs religieuses? Au Québec, je peux dire que nous avons compté traditionnellement sur l'école. Nous pensons – et nous en parlons un peu plus longuement dans notre rapport – que ce ne fut pas nécessairement et que ce n'est pas nécessairement un succès à tous égards. Et nous pensons que l'hypothèse que nous proposons, de confier, cette fois-ci, aux communautés chrétiennes et aux parents et aux confessions religieuses, constitue pour les confessions un défi important pour elles et en laissant à l'école le bout de chemin qu'elle peut faire, selon ses compétences à elle. Là, bien sûr, il y a un changement par rapport à la situation que nous connaissons actuellement, mais c'est précisément le choix que nous avons fait, quant à nous.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Proulx. Alors, M. le député de Montmorency.


Régimes juridiques au Canada anglais

M. Simard (Montmorency): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, Mmes, MM. les commissaires, bienvenue parmi nous, merci d'avoir répondu à notre invitation.

J'aimerais tout d'abord saluer le sérieux, la qualité et la rigueur du rapport que vous avez soumis aux membres de l'Assemblée nationale. Je crois que ce rapport fera date et que, dans 20 ans encore, on en parlera, tellement il s'agit d'une belle synthèse des rapports nombreux et complexes qu'entretiennent l'État et l'expression du phénomène religieux eu égard à l'éducation.

Alors, c'est un rapport qui soulève de nombreux débats éthiques concernant l'égalité des citoyens, la neutralité de l'État, la liberté de conscience, l'éducation intégrale des jeunes, la spiritualité de la personne, la continuité de notre communauté politique, et j'en passe, et vous nous proposez essentiellement un modèle de laïcité ouverte.

Dans votre rapport, vous en parlez un petit peu, mais vous ne l'avez pas fait dans votre présentation. J'aimerais vous donner la chance de le faire ici parmi nous, à savoir: Cette laïcité ouverte, comment s'applique-t-elle ou ne s'applique-t-elle pas dans les autres provinces canadiennes?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): Je vous réfère, pour une réponse plus complète, aux pages – attendez que je vous y mène...

M. Simard (Montmorency): 112, peut-être?

M. Proulx (Jean-Pierre): Exactement. À la page 112, vous avez, sur deux pages bien tassées, le résumé d'une étude complète – qui fait partie de celle que vous allez recevoir bientôt – de la situation dans l'ensemble des provinces du Canada. J'ai fait allusion tout à l'heure au Nouveau-Brunswick et à un certain nombre de provinces – c'est le cas, si ma mémoire est bonne, du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard et de la Colombie-Britannique – où les écoles sont non confessionnelles à tous égards, où il n'y a ni statut confessionnel ni enseignement religieux confessionnel à l'intérieur des écoles. Il y a là un premier bloc de provinces.

Il y a des provinces comme l'Ontario, par exemple, qui est un modèle en particulier, où là vous avez, d'une part, les écoles séparées catholiques, en vertu de l'article 93, que nous connaissions au Québec jusqu'à récemment, et les écoles publiques, les écoles publiques sont laïques et non confessionnelles et il n'y a pas d'enseignement religieux confessionnel à l'intérieur du système public ontarien, si ce n'est, lorsque les conseils scolaires en décident ainsi, un enseignement culturel des religions et, si ma mémoire est bonne, la décision dépend du conseil scolaire lui-même. En plus, il y a, à l'extérieur des périodes d'enseignement, la possibilité pour les confessions religieuses d'utiliser les locaux de l'école pour un enseignement confessionnel avant ou après les heures d'école. Telle est la situation en Ontario.

À Terre-Neuve, vous savez qu'ils ont eu, comme au Québec, une modification constitutionnelle qui les a totalement déconfessionnalisés. Il y avait cinq types de commissions scolaires de différentes confessions. Dorénavant, cela a été aboli par une modification constitutionnelle, et la constitution de Terre-Neuve, la nouvelle modification permet de dispenser dans l'école un enseignement qui ressemble à un enseignement culturel des religions pour tous les élèves. D'autres provinces, dans l'Ouest du Canada, de mémoire, le Manitoba permet aux confessions religieuses, à la demande d'un certain nombre de parents, de venir dispenser à l'intérieur de l'école un enseignement religieux confessionnel ou laïque, si ma mémoire est bonne.

Bref, il y a différentes hypothèses, comme vous pouvez le constater, et différents modèles dans les différentes provinces du Canada; c'est selon.


Animation de la vie religieuse et spirituelle (suite)

M. Simard (Montmorency): Tout à l'heure, j'aurais souhaité que vous puissiez davantage nous parler concernant toute la dimension spirituelle de la personne humaine, donc que vous puissiez davantage en parler. Vous l'avez abordée, il vous restait une minute à peine lorsque le ministre vous a posé la question. Vous nous traitiez des services d'animation à la vie spirituelle. Alors, je sais que vous alliez très rapidement pour pouvoir expliquer votre point de vue, vous en avez donné quelques grandes lignes, mais je sentais que vous restiez sur votre appétit. J'aimerais donc vous tendre la perche et vous donner l'occasion de finir votre pensée.

M. Proulx (Jean-Pierre): O.K., merci. Parfait.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): Alors, j'étais dans l'impression que c'était la fin de la séance, Mme la Présidente, tout à l'heure.

La Présidente (Mme Bélanger): Non, non.

M. Proulx (Jean-Pierre): Alors, je n'avais pas compris les jeux de minutage entre les parties.

La Présidente (Mme Bélanger): C'est pour ça que j'ai dit que vous auriez l'occasion de reparler.

M. Proulx (Jean-Pierre): D'accord, très bien. Alors, oui, nous reconnaissons la dimension spirituelle de l'existence humaine, mais nous faisons remarquer, d'autre part, à partir de l'observation sociologique, que la dimension spirituelle de la personne ne passe pas nécessairement par l'appartenance à une religion; ça, c'est important de noter ça. D'ailleurs, nous avons posé la question aux parents, aux éducateurs, à ceux qui disent n'appartenir à aucune religion: Est-ce que la vie spirituelle est importante pour vous? Et la majorité ont répondu: Oui. Donc, même les enfants qui n'ont aucune religion peuvent avoir des besoins spirituels qui sont latents en eux ou qui parfois surgissent des événements.

Prenez, par exemple – et, hélas, il y a des drames qui se passent dans la vie des écoles quelquefois – le drame qui s'est passé dans une polyvalente à Coaticook, il y a quelques années ou quelques mois, où des enfants se sont suicidés. Ces questions-là font surgir des questions de sens à tous les enfants, y compris chez ceux qui n'ont pas de religion: Pourquoi cela? Qu'est-il arrivé? etc. Nous pensons qu'un animateur à la vie spirituelle et religieuse est la personne tout indiquée, si elle est compétente, pour répondre aux interrogations des enfants en fonction de leurs besoins personnels, n'est-ce pas, qui peuvent être variés, ou en fonction des besoins collectifs.

Qu'est-ce que j'entends par «besoins collectifs»? Il arrive fréquemment que, dans les écoles, on ait besoin de se recueillir, on ait besoin de porter ensemble une dimension spirituelle. Ainsi, par exemple, un animateur à la vie spirituelle peut rassembler les enfants qui le désirent, et en toute égalité, pour célébrer un événement qui s'est produit dans l'école, d'une manière oecuménique, sans porter atteinte aux droits... sans vouloir par là, pour ainsi dire, embrigader les enfants. Et je me permettrais de laisser la parole à M. Sassi, qui était dans une école de ce type et qui a connu des expériences de ce...

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. Sassi.

M. Sassi (Ammar): Alors, j'ai enseigné dans une école où il y a à peu près 70 religions différentes et au-delà de 80 nationalités. Et, en ce qui concerne l'animation spirituelle, qui est menée par une animatrice à la vie spirituelle catholique qui a su, par ses expériences, comment réunir toute la communauté de l'école dans une activité où toutes les confessions sont invitées à célébrer ensemble une activité... C'est Les 24 heures de tout coeur , et elle répète ça à chaque année. Et Radio-Canada est venue filmer cette activité. Je l'ai montrée aux différents membres du Groupe.

Je pense qu'elle a réussi à éveiller cette dimension spirituelle. Et puis j'étais dans une école de 1 000 étudiants et il y en avait à peu près 600 qui ont participé à cette activité. Alors, ils ont même passé la nuit dans des locaux, dans des gymnases, dans des salles de classe. Ils ont partagé cette activité ensemble pour venir en aide à des gens démunis en Afrique – je pense, au Tchad – qui n'avaient pas les moyens, même, pour des enfants handicapés, d'acheter des ânes pour les transporter à l'école. C'est des activités nobles qui ont réussi à un peu rassembler tout le monde.

M. Proulx (Jean-Pierre): Permettez, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Bélanger): M. Proulx.

(17 h 10)

M. Proulx (Jean-Pierre): ...que j'ajoute quelques éléments à la question posée, à votre collègue député. Dans notre rapport, nous avons précisé une chose importante sur laquelle je voudrais attirer l'attention des parlementaires. Nous pensons que ce service d'animation à la vie spirituelle et religieuse, que ses objectifs généraux, d'une part, ses buts généraux – qu'est-ce qu'un animateur à la vie spirituelle devrait faire? – devraient faire l'objet, comme tous les services complémentaires, d'une définition dans le régime pédagogique du ministère de l'Éducation. C'est déjà le cas pour l'animation pastorale. Par exemple, un but de cette animation, c'est: accompagner les jeunes dans leur développement spirituel, par hypothèse.

Nous pensons cependant qu'il appartient à chaque communauté locale, chaque communauté éducative dans chaque école de décider si ce besoin-là, compte tenu de l'ensemble des besoins des élèves qui sont nombreux, alors qu'on a des ressources limitées... qu'il appartient à chaque école, à chaque conseil d'établissement de décider si on devrait se doter ou non d'un tel service soit à l'intérieur de l'école ou soit en service commun entre plusieurs écoles.

Cela devrait relever de la responsabilité locale, tout comme relève de la responsabilité locale des conseils d'établissement de porter à la commission scolaire l'expression des besoins de la communauté éducative et de recevoir les sommes d'argent nécessaires pour l'organisation de ces services. Ponctuellement, une école pourrait décider, compte tenu du milieu où elle se trouve, qu'elle a besoin, cette année-là, de mettre des ressources dans l'orthophonie ou l'orthopédagogie plutôt que dans l'animation spirituelle. Alors, ce sera l'objet d'une délibération démocratique du conseil d'établissement, comme ils le font pour n'importe quel autre service complémentaire, et, si – et j'insiste là-dessus en terminant – l'école décide qu'elle veut offrir ce service complémentaire, ça devrait être aux frais de l'État.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Masson.


Rôle des conseils d'établissement

M. Labbé: Merci, Mme la Présidente. Alors, ça va bien, M. Proulx? D'abord, je me permets de vous féliciter pour la qualité du travail que vous avez fait, toute votre équipe. C'est merveilleux, c'est un document qui nous sert énormément.

Et, dans la continuité, justement, on va parler de conseil d'établissement, compte tenu que vous revenez à plusieurs occasions dans votre rapport sur l'importance des parents, et on sait que le conseil d'établissement comme tel est très représentatif des besoins du milieu, des parents entre autres, et évidemment ils sont là aussi pour les enfants.

Ce que je voulais mentionner, dans un premier temps, c'est que, justement, à partir de l'orientation que vous donnez dans votre rapport comme tel, j'aimerais voir et j'aimerais vous entendre, surtout, sur le rôle du conseil d'établissement comme tel dans chacun des milieux. On sait qu'il y a des endroits où c'est quand même assez priorisé. Et j'aimerais vous entendre, justement, sur comment ces gens-là, qui sont représentatifs du milieu, vont pouvoir intervenir au niveau des services supplémentaires. Vous en avez parlé tout à l'heure pour l'orthophonie, à titre d'exemple, mais j'aimerais vous entendre aussi sur toute la notion de la place de la religion dans les écoles.

Et – peut-être une sous-question à ça – on sait que les parents... Compte tenu qu'on a affaire à des enfants qui sont au primaire et au secondaire, il y a quand même des jeunes qui ont 16 ans qui ont aussi des droits, comme tels, au niveau de choisir pour le droit à des cours de religions, peu importe le type de religion, et je n'ai pas retrouvé dans votre rapport comment ces enfants-là, leurs droits peuvent être respectés comme tels, compte tenu que c'est les parents qui doivent décider pour eux autres. Peut-être que j'ai mal compris. À ce moment-ci, j'aimerais vous entendre, peut-être, sur ces deux aspects-là.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): D'accord. Alors, à l'égard du conseil d'établissement, il faut faire remarquer que le conseil d'établissement n'a pas été mis sur pied d'abord et avant tout uniquement pour régler les questions religieuses. Il a un pouvoir, le cas échéant, dans le cadre de la loi actuelle, pour demander à la commission scolaire de voir retiré le statut confessionnel de l'école après consultation des parents. Mais ça, c'est dans le cadre actuel de la loi et ce n'est pas l'option que nous proposons, nous pensons qu'il ne doit plus y avoir de statut confessionnel de l'école.

Donc, le conseil d'établissement, dans l'hypothèse qui est la nôtre, n'aurait plus de prérogative à l'égard du statut de l'école, puisqu'il n'y aurait plus de statut de l'école, le statut de l'école serait commun. Néanmoins, il continuerait d'avoir le rôle qu'il a maintenant pour la définition des valeurs qui doivent orienter le projet éducatif de l'école. Et la caractéristique de ces valeurs-là, c'est qu'elles devraient pouvoir être partagées en commun par tous les parents, les éducateurs et les grands élèves qui sont au conseil d'établissement, elles devraient pouvoir être partagées en commun par la communauté éducative.

Par définition, les valeurs religieuses ou les croyances religieuses sont mutuellement exclusives; par définition, un catholique n'est pas un protestant et un protestant n'est pas un musulman et il n'est pas un juif. Donc, s'il peut, bien sûr, y avoir des valeurs communes aux religions, ultimement les religions se distinguent par les valeurs et les croyances qui leur sont propres. Voilà pourquoi les valeurs religieuses ne pourraient plus ou ne devraient plus être les valeurs qui sont au fondement du projet éducatif de l'école. Donc – ça, c'est très clair dans notre rapport – ce devraient être des valeurs qui peuvent être partagées en commun par les citoyens et les citoyennes et les éducateurs et les parents qui sont à l'intérieur de l'école.

Voilà donc pour...

La Présidente (Mme Bélanger): C'est terminé, M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): Ah! j'ignorais.

La Présidente (Mme Bélanger): Il va revenir d'autres questions. Alors, est-ce qu'il y a consentement pour que le député d'Outremont pose une question, n'étant pas membre de la commission?

Une voix: Oui, pas de problème.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. le député d'Outremont.


Fonctions de la religion

M. Laporte: Oui. M. Proulx, j'ai lu votre rapport à plusieurs reprises et j'éprouve toujours un malaise quand je lis ce rapport-là puis j'essaie de comprendre pourquoi.

J'ai l'impression que la raison pour laquelle j'éprouve un malaise, c'est que, vous et moi, on ne partage pas la même notion de ce que c'est que la fonction de la religion. À mon avis, vous partagez de la religion une fonction qui est d'abord une fonction politique. Selon moi, ce n'est pas la fonction de la religion de gérer la diversité et de préserver la coexistence; ça, c'est une fonction de la politique.

Et, à partir de là, la question que je me pose, c'est: Si la fonction de la religion, c'est une fonction plus métaphysique, non pas celle de gérer le sens, de faire dévoiler le sens d'un événement comme d'un suicide qui pourrait se produire dans une école, mais la capacité pour l'individu de donner un sens à sa vie, particulièrement dans des moments de très grandes épreuves, n'est-ce pas, la religion est très importante dans ces moments-là...

Donc, la question que je me pose, c'est: Dans la société québécoise, une fois que la religion a eu cette fonction politique qui est celle que vous lui attribuez, compte tenu de ce que vous entendez par l'«enseignement culturel de la religion», où est-ce qu'elle est, la fonction de la religion? Où l'individu acquiert-il la capacité de gérer la question du sens? Ce n'est plus à l'école qu'il acquiert ça. Je ne dis pas que l'enseignement de la religion dans les écoles fait qu'il l'acquiert maintenant; peut-être que l'enseignement de la religion dans les écoles est très défectueux de ce point de vue là. Mais à qui cette responsabilité-là est-elle maintenant dévolue dans l'économie que vous faites de la fonction de la religion?

Je termine en disant: Moi, j'ai un peu la crainte que, une fois qu'on ait accepté... Et j'ai compris les raisons pour lesquelles vous en êtes arrivés à ces choix-là, je pense que vous les avez très bien exposées, et, vous l'avez dit, l'enseignement culturel de la religion a aussi une fonction cognitive, c'est-à-dire une fonction de transmission de connaissances. Mais, une fois qu'on accepte cette idée de la religion comme ayant une fonction politique...

Vous dites que la religion est là pour apprendre la tolérance. Ce n'est pas le rôle de la religion, d'apprendre la tolérance; c'est le rôle de la politique, de gérer les problèmes de coexistence. Ça serait peut-être le rôle d'une école qui serait une école laïque munie d'un cursus de doctrines, à la façon dont on entendait la vocation de l'école laïque traditionnellement, c'est peut-être à cette école-là que reviendrait la fonction d'apprendre aux gens à gérer ces problèmes de tolérance.

Mais, une fois que cette fonction-là est donnée à la religion, où est la fonction de la religion qui me paraît une fonction beaucoup plus métaphysique? Et vous ne dites pas à ceux qui sont responsables de la religion: Assurez-vous que cette fonction-là soit exercée, vous ne leur lancez pas de cri, à ces gens-là; vous leur dites tout simplement: Dorénavant, la fonction de la religion deviendra une fonction politique.

Là, moi – je termine là-dessus – j'ai l'impression qu'il y a un grand vide, parce que, par exemple, le fait qu'un enseignement anthropologique de la religion puisse arriver à non seulement amener les gens à mieux s'entendre, à ce que vous appeliez «à vivre ensemble», mais aussi à comprendre un certain nombre des grandes questions existentielles que peut se poser l'individu, à mon avis, ça, c'est encore très désencastré – pour employer le mot que les Américains appellent «disembedment» – qui est une des caractéristiques de la société moderne, en fait. Donc, j'ai un peu l'impression, en vous lisant, que vous allez dans cette direction-là, et la question que je vous pose, c'est: Dans votre esprit, en supposant qu'on accepte le choix que vous faites, quelle devient par la suite la responsabilité des gens qui ont comme mission d'assurer la fonction de la religion ou des religions?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Proulx...

M. Proulx (Jean-Pierre): Oui. Alors, je vais répondre en partie à...

La Présidente (Mme Bélanger): ...est-ce que la réponse va être aussi longue que la question? Ha, ha, ha!

M. Proulx (Jean-Pierre): Pardon? Je vais répondre en partie à M. le député d'Outremont et je vais laisser ma collègue, Mme Milot, qui est une sociologue de la religion, poursuivre sur la réflexion, parce que je sais qu'elle a réfléchi beaucoup là-dessus.

(17 h 20)

D'abord, je vous contesterai poliment et avec respect en ce qui concerne la fonction que nous attribuons à la religion à l'école. Ce n'est pas une fonction politique, c'est une fonction éducative, et cette fonction éducative se situe à l'intérieur d'une des missions de l'école qui est reconnue dans notre Loi sur l'instruction publique, qui est celle de socialiser. Et je vous renvoie, si vous me permettez, aux pages 200 à 203 de notre rapport, où nous expliquons de façon très claire ce que nous estimons que la religion doit faire à l'école essentiellement, n'est-ce pas.

Alors, l'enseignement culturel des religions vise le développement culturel, à apprendre des choses; il vise à aider à contribuer au développement rationnel et autonome; il vise à l'ouverture et à la diversité; il vise, par la transmission et la connaissance des patrimoines du Québec, la formation et la contribution au lien social. C'est à travers cette mission éducative que se poursuit l'enseignement culturel des religions. C'est donc une fonction essentiellement éducative en des termes éducatifs, et ça, on pense que l'État est capable de faire ça à travers un programme qu'il propose.

Quant aux autres dimensions de la religion et à ses fonctions et qui doit les prendre en charge, eh bien, je pense que les réponses dans les diverses sociétés sont diverses à cet égard-là, mais, en général, les Églises ou les confessions reconnaissent que c'est leur responsabilité et celle des parents. Mais je laisse la parole à Mme Milot avec votre permission, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Milot.

Mme Milot (Micheline): Vous avez raison d'évoquer que la religion comporte de multiples facettes et de multiples fonctions: effectivement, il y a la fonction métaphysique, celle du sens, il y a la fonction rituelle, il y a d'autres fonctions. Notre réflexion a porté sur quel rôle doit avoir l'école par rapport aux Églises et par rapport aux familles et par rapport aux recherches individuelles que chaque personne doit faire dans sa vie.

Si, effectivement, la religion a une importante fonction eu égard à la signification de l'existence, tout d'abord elle n'est pas la seule. Certains individus vont la trouver dans la littérature, dans la philosophie. Et nous pensons qu'un enseignement qui permet aux enfants d'explorer les grandes questions qu'ont abordées les religions sans dire qu'il y en a une qui est préférable à l'autre, c'est déjà aborder avec eux, d'une part, la question du sens.

Cependant, pour ce qui est d'en proposer un ou de nourrir vraiment cette quête de sens là, eh bien, je dirais qu'il n'y a pas un sens mais il y a des sens à l'existence. Et ça nous est apparu un poids très lourd sur les épaules d'un enseignant que de devoir faire face, dans sa classe, quand il y a 10, 15, 20 recherches de sens différentes, selon les familles spirituelles auxquelles on appartient... que ça revienne aux enseignants de faire face à cette fonction-là. Il nous est apparu qu'elle était en partie rencontrée par l'enseignement culturel des religions, mais qu'une grande part de cette fonction-là trouvait aussi des ressources à l'extérieur de cet enseignement-là, et notamment dans les communautés croyantes et dans les familles. Je pense que nous lançons le défi aux communautés croyantes, effectivement, dans le rapport, en distinguant le rôle de l'école et en les rappelant, en quelque sorte, à ce rôle fondamental qu'elles ont auprès de leurs commettants dès l'enfance.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Milot. Est-ce qu'il y a consentement pour que Mme la députée de La Pinière pose une question?

Une voix: Oui.

La Présidente (Mme Bélanger): Consentement. Mme la députée de La Pinière.


Modèle de l'enseignement religieux protestant

Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente, merci à mes collègues.

La Présidente (Mme Bélanger): Il reste cinq minutes.

Mme Houda-Pepin: J'ai lu votre rapport et je vous ai écoutés, en tout cas, faire les présentations. Je trouve ça extrêmement intéressant, c'est une réflexion assez bien fouillée.

Une voix: ...

Mme Houda-Pepin: Oui. C'est une réflexion assez bien fouillée. Je connais parmi vous un certain nombre de personnes avec lesquelles j'ai eu à échanger dans une autre vie sur ces questions-là.

Moi, ce qui me préoccupe, c'est que l'approche que vous abordez, c'est une approche, je dirais, juridique, dans une large mesure théorique. Mais concrètement il se fait de l'enseignement des religions à l'école, surtout dans la grande région de Montréal; je fais référence en particulier à l'expérience des écoles protestantes. Ça n'existe plus maintenant, c'est les écoles linguistiques. Mais les écoles protestantes ont développé, dans le cadre des cours de l'enseignement du protestantisme, une approche diversifiée, où, dépendamment de la classe, de la diversité qui se vit en classe, l'élève, dépendamment de sa tradition religieuse, peut avoir un contenu dans le cours qui l'interpelle, lui, personnellement. Et, en même temps, c'est fait dans une approche de partage pour faire comprendre aux autres c'est quoi qu'il y a de commun entre les religions. Je sais aussi qu'il y a eu du matériel pédagogique qui a été développé en rapport avec ces cours-là.

Je voudrais savoir: Dans votre réflexion, est-ce que ce modèle est quelque chose qui vous semble transférable dans l'école publique ou est-ce que, quand vous parlez d'un cours de culture des religions, c'est quelque chose d'autre que vous voyez?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): Merci, madame. Vous me permettrez cependant de commenter brièvement votre réflexion, que nous serions dans une démarche juridique.

Mme Houda-Pepin: Moi, je fais référence à la Charte des droits, et tout ça.

M. Proulx (Jean-Pierre): Oui, d'accord, mais notre rapport est fondé sur plusieurs paramètres, dont la dimension juridique.

Cela dit, oui, madame, si vous allez, dans notre rapport, à la page 30 ou quelque part par là, vous verrez que nous traitons en long et en large du programme d'enseignement religieux protestant; c'est aux pages 32, 33 et suivantes. Donc, nous connaissons bien ce programme-là, nous avons rencontré les artisans du ministère de l'Éducation qui l'ont fait, et nous le connaissons aussi parce que le groupe d'experts que nous avons mis sur pied pour étudier la question de l'enseignement culturel des religions en a fait une étude approfondie. Et, dans une large mesure, moyennant des accommodements ou des réaménagements, on peut dire que la proposition que nous faisons concernant l'enseignement culturel des religions est très proche de ce qui se fait dans le programme d'enseignement religieux protestant.

Cependant, la différence est toute simple: c'est que ce programme d'enseignement religieux protestant continue, même s'il est non confessionnel, de s'appeler un «programme d'enseignement religieux protestant». Dans notre cas, nous pensons que nous devrions, même si les objectifs fondamentaux se rapprochent très fortement de ce programme-là, éviter ce genre d'ambiguïté et dire que notre programme, le cas échéant, serait un programme d'enseignement culturel des religions.

Pourquoi il ressemble à ce que nous proposons? D'une part, parce que, comme le programme d'enseignement religieux protestant, nous accordons la place la plus importante et privilégiée à la tradition chrétienne pour tout le monde; deuxièmement, parce que nous proposons un élargissement culturel aux autres grandes traditions religieuses, ce que fait le programme d'enseignement religieux protestant; et, troisièmement, parce que nous acceptons que, dans l'enseignement culturel des religions, qui a une dimension aussi éthique, cela puisse servir à féconder en quelque manière, mais sans brouiller les pistes, l'enseignement moral.

Donc, oui, madame, il y a un lien très précis que nous avons fait avec cet enseignement protestant, mais nous pensons qu'il faut éviter toute ambiguïté de vocabulaire à cet égard.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Proulx. M. le ministre.


Transmission des valeurs à l'école

M. Legault: Oui. Je voudrais revenir à la transmission des valeurs à l'école. Indépendamment des enjeux concernant le respect des droits et libertés des individus, plusieurs parents nous disent qu'actuellement il faut revoir l'enseignement religieux. On nous dit, par exemple, que plusieurs professeurs de religion ne sont pas croyants, donc de là la difficulté pour eux de vraiment bien enseigner la religion. D'autres parents me mentionnent que l'enseignement des cours de morale est déficient actuellement. Justement, concernant cette transmission des valeurs, moi, je pense qu'un des grands défis qu'on va avoir au cours des prochaines années, ce n'est pas juste d'enseigner les hautes technologies et puis les sciences, ça va être aussi un défi de transmettre ces valeurs à nos jeunes, et je pense que le débat qu'on a actuellement doit recouper cet objectif.

Comment évaluez-vous l'enseignement actuel et quel rôle pensez-vous... Bien sûr, les parents ont un rôle important et primordial, essentiel dans la transmission des valeurs. Mais comment voyez-vous le rôle de l'école et comment finalement le cours que vous proposez et l'enseignement actuel peuvent-ils être améliorés?

M. Proulx (Jean-Pierre): D'accord.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): Merci, madame. Alors, d'abord, de manière générale, la transmission des valeurs, dans une école, ça se fait par plusieurs lieux. On peut dire même, dans un premier temps, que ça se fait dans le curriculum globalement: les valeurs politiques, les valeurs éthiques, les valeurs intellectuelles, les valeurs esthétiques; ça se fait à travers toutes sortes d'éléments.

(17 h 30)

Je vous donne un exemple précis. Une école qui veut valoriser la dimension esthétique va décorer l'école avec des tableaux, avec des reproductions de peintures qui vont faire prendre conscience aux élèves que voilà une valeur importante qui est la valeur esthétique. Ce n'est pas dans le programme comme tel, c'est dans l'environnement qu'on perçoit les valeurs auxquelles une école tient.

Les règlements pédagogiques, les règles de vie de l'école sont des lieux aussi de transmission des valeurs. Donc, il y a ce lieu-là de transmission de valeurs, et les conseils d'établissement sont sensibles à cela actuellement, d'une part.

Mais il y a aussi la transmission des valeurs dans des lieux plus précis, ou l'éducation aux valeurs. Le programme de formation morale, c'est sa tâche principale. Alors, nous n'avions pas – je le signale en passant – le mandat spécifique d'étudier le programme de formation morale. Nous avons dit que cela va de soi, une école doit transmettre les valeurs à travers un programme de formation morale. Celui que nous connaissons est-il adéquat? Est-il pertinent? Nous en savons les limites par les critiques qui se posent là-dessus.

Nous pensons par ailleurs que l'enseignement culturel des religions est lui-même un lieu de transmission des valeurs, d'abord pour faire connaître les valeurs qui sont promues dans les diverses traditions religieuses. Le bouddhisme, par exemple, valorise l'intériorité plus que probablement le christianisme ou le catholicisme. L'islam valorise beaucoup la prière, etc. Bref, l'exposé des diverses traditions religieuses est un lieu aussi de transmission de valeurs par la connaissance de ce qui est valorisé dans chacune des religions, y compris la religion catholique et la religion chrétienne.

Donc, dans la perspective que nous proposons, l'enseignement culturel est aussi un lieu de transmission des valeurs. Il faudrait arrimer aussi la formation morale entre les deux pour permettre un heureux partage entre les deux sans pour autant confondre ce qui ne doit pas l'être.


Situation actuelle de l'enseignement religieux

Par ailleurs, vous me posez une question sur la situation actuelle de l'enseignement religieux que nous connaissons dans nos écoles. Là-dessus, on éprouve, dans notre Groupe, un certain devoir de réserve parce que, du point de vue de l'État, du point de vue des citoyens, c'est difficile pour nous de critiquer de façon – comment dirais-je – importante, directe la situation de l'enseignement religieux. Cependant, nous disposons d'un certain nombre d'outils qui nous permettent de savoir un certain nombre de choses.

Dans notre enquête que nous avons faite auprès des enseignants et des enseignantes, nous avons découvert, par exemple, que 30 % des enseignants qui dispensent l'enseignement religieux catholique se sentent mal à l'aise de dispenser cet enseignement. 30 % – entrez dans une école – ça veut dire qu'il y a un enseignant sur trois qui est mal à l'aise de dispenser cet enseignement-là. Pourtant, nous savons par ailleurs qu'à peu près 3 % ou 4 % seulement des enseignants demandent d'être dispensés de cet enseignement-là. Ça veut dire, ça, qu'il existe et subsiste un doute sérieux sur la qualité même des enseignements religieux qui sont dispensés à l'intérieur des programmes actuels.

Nous savons même, par des confidences qui nous ont été faites, que du côté protestant, par exemple, les programmes, actuellement, sont parfois donnés, parfois pas donnés, ça dépend, les gens... Il y a une sorte de... Ce serait une belle question à poser au Comité protestant sur la qualité de l'enseignement religieux protestant qui est dispensé dans les écoles protestantes.

Il y a dessus ces questions-là des questions très largement disputées sur la qualité même des enseignements religieux catholique et protestant. Et c'est une des raisons qui nous font penser qu'il faut pour ainsi dire dédouaner. On demande à l'école... On peut dire que les enseignants et les enseignantes, tout centrés qu'ils soient sur la qualité de leur tâche, ne peuvent pas être différents de la société en général. Il est difficile de demander à notre corps enseignant d'être plus croyant – si vous me passez l'expression – ou plus engagé dans sa foi que la société en général. Or, par les programmes d'enseignement religieux, catholique à tout le moins, on leur demande non pas de catéchiser les enfants, mais de proposer à leurs élèves la foi catholique.

Je peux peut-être laisser la parole à madame, si vous souhaitez la prendre, vous qui êtes enseignante au primaire, pour témoigner de ça.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Racine? Non, Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Francine): Oui. Enseignante au primaire en première année. Le témoignage que je peux faire, c'est: Quand tu as 23 petits enfants en avant de toi et que tu leur demandes à un moment donné, parce que c'est dans ton programme, après avoir vécu la fête de Pâques, et tout le kit, est-ce qu'il y en a qui ont déjà été à l'église puis qu'il y en a deux sur 23 qui ont déjà été dans une église et qu'il faut que tu leur demandes: Où est-ce qu'on parle de Jésus, où est-ce que tu as vu Jésus, où est-ce que tu peux reconnaître Jésus? ça devient effectivement très difficile de le faire.

Et, quand M. Proulx dit qu'on ne peut pas être plus croyant que ce qui se donne dans les maisons ou qu'est-ce qu'on offre à leurs enfants, c'est un témoignage, là. C'est ce qui se vit actuellement. C'est ce qui se vit en première année et c'est ce qui va se vivre aussi en deuxième ou en troisième année, ou dans tous les degrés du primaire.

M. Legault: Donc, on est en train de se dire que le statu quo est difficile ou presque impossible.

Mme Tremblay (Francine): Oui.

M. Proulx (Jean-Pierre): Pour ajouter, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Bélanger): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): ...et M. le ministre, nous avons posé la question aux enseignants: Quelles sont vos préférences concernant les enseignements religieux à l'école, comme nous l'avons... Qu'est-ce que vous pensez... Comment l'école...

Alors, il y a 28 % des enseignants qui disent qu'il ne devrait y avoir aucun enseignement religieux à l'école, même pas culturel, là. Un sur trois profs dit: On devrait – entre guillemets, là, c'est le cas de le dire – sortir la religion de l'école. C'est-à-dire qu'un enseignant sur trois dit cela.

Pourtant, chaque titulaire au primaire a, dans sa tâche, à enseigner l'enseignement religieux. Ça fait partie de son boulot. Écoutez, ça fait poser un soupçon sur la qualité des enseignements, indépendamment – encore une fois j'insiste là-dessus – de la qualité même de nos enseignants. Et on sait aussi, par l'étude que nous avons faite, que ces questions-là, le malaise est lié aussi aux convictions religieuses des enseignants et des enseignantes.

C'est pourquoi on pense, ultimement, pour répondre au prolongement de la question posée par M. le député d'Outremont, M. Laporte, que finalement la qualité même des enseignements religieux confessionnels, pour répondre aux grandes fonctions qui sont données, serait mieux servie par les confessions elles-mêmes parce qu'il y aurait une sorte de contrat de réciprocité entre les enseignants ou ceux qui dispenseraient ces enseignements et ceux qui les recevraient sur la nature même de ce qu'il y a à transmettre. Là, il y a une difficulté réelle qui me semble préjudiciable à la qualité de l'éducation.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Proulx. M. le député de La Prairie.


Neutralité de l'État en matière de religion

M. Geoffrion: Oui. Bonjour, M. Proulx. Au tout début de votre intervention, vous avez introduit le concept de neutralité de type égalitaire. Bon. Ça, c'est des notions qu'on retrouve au chapitre 4.

M. Proulx (Jean-Pierre): Oui.

M. Geoffrion: Vous dites vous-même que la neutralité, c'est un concept qui est difficile à cerner et qu'on pourrait en parler longtemps. Un petit peu plus loin, vous parlez de deux types de neutralité, neutralité de type communautarien – c'est un petit peu ce qu'on a vécu, je pense, au cours des dernières années – et neutralité dite de type républicain. C'est ce pour quoi votre comité semble vouloir opter. Est-ce que je me trompe?

M. Proulx (Jean-Pierre): Non, non, vous ne vous trompez pas.

M. Geoffrion: Bon, d'accord. J'aimerais quand même, parce que, bon, c'est rapidement exprimé, ces deux types de neutralité là, j'aimerais ça vous entendre un petit peu. Et comment se fait-il que, par, justement, notre histoire, notre culture, vous privilégiez la neutralité de type républicain versus le premier type? C'est un peu complexe, tout ça. C'est pour ça que je veux vous entendre.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): Alors, la neutralité communautarienne fait en sorte que l'État dit: Moi, je vais accorder, à l'école publique, le même traitement, un traitement égalitaire à chaque groupe religieux, soit en ce qui concerne le statut de l'école soit en ce qui concerne l'enseignement religieux. Bref, on va permettre non seulement aux individus, mais aux individus membres d'un groupe religieux ou qui n'en font pas partie de recevoir des services qui sont conformes à l'idéologie ou aux convictions de leur communauté. Voilà pourquoi on appelle ça «communautarienne».

L'expression «égalité républicaine» s'inspire un petit peu du vocabulaire français, où ce qui est reconnu, cette fois-ci, c'est l'égalité de chaque individu, indépendamment de son appartenance à sa communauté.

(17 h 40)

Nous avons choisi cela parce qu'il nous est apparu que, liée au respect du droit de tous à l'égalité, l'hypothèse communautarienne nous amenait dans des voies impraticables. En d'autres termes, donner tout à tous est une affaire qui, sur le plan de la gestion, est extrêmement difficile à gérer. Et il nous est apparu que, finalement, de rendre compte du droit de chaque élève – et là c'est pour ça qu'on parle de neutralité républicaine – à l'école publique, indépendamment de sa confession, d'être informé sur la tradition majeure au Québec, la tradition chrétienne, le droit d'être informé sur les autres traditions religieuses constituait une manière acceptable, et même souhaitable, de respecter le principe de l'égalité et de la neutralité de l'État.

Car l'État dit à ses citoyens: Écoutez, nous allons vous faire accéder, chacun pour ce que vous êtes, aux grandes traditions, en commençant par la tradition québécoise. Mais ce droit-là est celui non pas d'un catholique, mais c'est le droit de tout enfant à l'école de pouvoir accéder à toutes... pas à toutes parce que l'école ne peut pas tout faire, mais aux grandes traditions religieuses du monde et aux courants séculiers aussi qui ont forgé l'histoire de notre humanité.

Donc, il y a à cet égard-là, c'est sûr, une certaine rupture avec l'hypothèse communautarienne, puisque nous avons catholiques et protestants, mais – je reprendrais l'expression que j'ai adoptée au début de cette présentation – il nous semble qu'il y a là un compromis dans la continuité. On aurait pu prendre l'hypothèse de la laïcité fermée, comme aux États-Unis ou comme au Nouveau-Brunswick, aucun enseignement religieux à l'école, par exemple, ou comme en France. Nous n'avons pas choisi cela. Au contraire, nous acceptons la dimension religieuse de l'existence humaine. C'est tellement vrai que nous proposons un enseignement des religions à l'école et nous acceptons la dimension spirituelle dans l'animation de la vie religieuse. Voilà pourquoi nous appelons ça une «laïcité ouverte». C'est vrai que c'est une neutralité républicaine, mais, pour paraphraser un vocabulaire actuellement à la mode dans cette enceinte, c'est vraiment un nouveau modèle québécois.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, Mme la députée de Rimouski, pour deux minutes.


Enseignement religieux à l'école en dehors des programmes d'études

Mme Charest: Merci, Mme la Présidente. Rapidement, je veux quand même souligner la qualité de votre rapport qui, pour nous, sera un outil de travail indispensable et, en tout cas, qui m'apparaît être un outil qui va nous donner beaucoup d'éléments pour faire le débat que nous devons faire sur la place de la religion à l'école.

Ceci étant dit, qu'est-ce que vous pensez d'une hypothèse comme celle-ci, à l'effet que l'enseignement confessionnel religieux puisse être dispensé à l'intérieur d'une grille horaire, pour un élève, sans nécessairement faire partie du curriculum? Comment vous réagissez à une hypothèse de ce type?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): La question a été indirectement posée tout à l'heure, je pense, par un autre de vos collègues. Cette hypothèse-là supposerait que cet enseignement soit pris en charge par les confessions, j'imagine.

Mme Charest: Enfin, moi, je me dis: Si on permet l'enseignement confessionnel religieux, donc on l'inclut dans une grille horaire pour l'élève...

M. Proulx (Jean-Pierre): D'accord.

Mme Charest: ...mais ce n'est pas partie intégrante du curriculum.

M. Proulx (Jean-Pierre): O.K. C'est un...

Mme Charest: Comment on peut voir la faisabilité de cette chose et est-ce que c'est quelque chose d'acceptable, une hypothèse comme celle-là, pour vous?

M. Proulx (Jean-Pierre): Bien, il faut voir si on tient ou non à l'enseignement culturel des religions. Si on tient à l'enseignement culturel des religions, il faut faire une place à cet enseignement-là à l'intérieur de l'horaire et du curriculum, parce qu'on pense que ça, c'est le rôle de l'État de faire ça. Il faut faire accéder tous les enfants, quelles que soient leurs traditions. En tout cas, à tout le moins ceux qui veulent un tel type d'enseignement culturel devraient y avoir droit. On ne voit pas comment à l'extérieur du curriculum on pourrait organiser un enseignement culturel des religions. Comme la formation morale, ça doit faire partie du curriculum.

Si on met dans la grille horaire, en plus, un enseignement confessionnel, il faut forcément retirer du temps dans la grille horaire pour d'autres matières, j'entends, à moins d'augmenter le temps prescrit au primaire ou au secondaire pour pouvoir mettre cela dans la grille horaire. Alors, là, je laisse le soin au Conseil du trésor de compter le coût de cet ajout dans la grille horaire, si on maintient un enseignement culturel des religions et, en plus, dans la grille horaire, un enseignement des religions confessionnel hors curriculum.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Proulx. C'est terminé.

M. Proulx (Jean-Pierre): Je pense que madame...

Mme Charest: Un commentaire?

La Présidente (Mme Bélanger): Non, non, mais là c'est terminé. Il reste 15 minutes puis il faut être équitable.

M. Proulx (Jean-Pierre): Excusez-moi, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, elle va pouvoir le faire, le commentaire, peut-être, sur les questions de l'opposition. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


Enseignement religieux dans les écoles privées

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. Au tout début, vous avez parlé, M. Proulx, que l'État doit favoriser l'égalité et notamment au niveau du financement, c'est-à-dire soit que, pour être équitable, on finance tout le monde de façon égale ou on ne finance pas, point. Puis il n'y a rien qui empêche de le faire. Qu'on finance, on finance tout le monde et on recherche l'égalité de cette façon-là ou, tout simplement, on retire le financement au niveau de l'enseignement religieux et encore là on est équitable.

Cependant, moi, la problématique que je vois là-dessus, c'est en ce qui concerne plus spécifiquement l'enseignement confessionnel qui pourrait se donner au secteur privé. Dans le cas québécois, plusieurs écoles privées sont aussi subventionnées. Donc, à ce moment-là, la problématique de l'enseignement privé pourrait avoir son importance à ce niveau-là. Et, par ailleurs, est-ce que le fait qu'on puisse avoir de l'enseignement religieux confessionnel dans un établissement privé ne ferait pas en sorte que l'on atteindrait indirectement un des droits qui est le droit à l'égalité des chances et que, là, ceux qui pourraient avoir les moyens d'aller au privé pourraient en venir à dire: Bien, on peut se payer un enseignement religieux, et que ceux qui n'en ont pas les moyens disent: Nous, on n'a pas le choix et on ne peut pas? Est-ce que cette dimension-là a été, je dirais, regardée et quels seraient les impacts, là? Votre solution là-dessus.

M. Proulx (Jean-Pierre): Nous n'avons pas – parce que ce n'était pas dans notre mandat – examiné de façon spécifique la question de l'enseignement privé, sauf sous ce rapport. Dans les études juridiques que nous avons faites, nous avons constaté que, tant sur le plan international que sur le plan du droit constitutionnel canadien, la liberté de conscience et la liberté de religion comprennent aussi le droit d'enseigner cette religion-là. Par conséquent, dans le cas des États qui ont choisi d'avoir des écoles laïques, tous les États du monde acceptent le principe parce que c'est juridiquement reconnu dans la communauté internationale, le droit d'avoir pour leurs citoyens qui le désirent des écoles privées. C'est reconnu en droit international comme en droit constitutionnel canadien.

Par ailleurs, ni le droit international ni le droit canadien ne reconnaît le droit à un financement des écoles privées. Là-dessus, la situation varie de pays en pays et de province en province. Le Québec est, à ma connaissance, la province la plus généreuse en acceptant de financer certaines écoles à raison de 55 % à peu près du coût moyen de l'enseignement public; c'est le cas du Québec.

Ce que nous disons dans notre rapport à ce propos-là, c'est: Si l'État québécois décide de financer le secteur privé pour des raisons religieuses, ce qui n'est pas le cas actuellement... Il finance des écoles privées. Si vous regardez la Loi sur l'enseignement privé, il n'y a pas de critères religieux en tant que tels. Mais, dans l'hypothèse où il choisirait de financer l'école privée pour des motifs religieux, il serait soumis à l'obligation d'égalité, il devrait financer sur le même pied toutes les écoles privées à caractère religieux qui souhaiteraient être financées.

Telle est notre conclusion. Mais cependant nous ne disons pas – parce que ce n'était pas notre mandat et nous n'avons pas voulu répondre à cette question-là: L'État québécois doit-il financer les écoles privées? Ça, c'est une chose qui ne nous regardait pas en tant que telle. Mais, s'il décide de le faire et s'il décide de le faire pour des motifs religieux, il est soumis à l'obligation constitutionnelle de le faire en pleine égalité pour toutes les religions.

Donc, pour répondre finalement à votre question originale, ce n'est pas porter atteinte au droit à l'égalité que de financer l'école privée ou de permettre l'école privée. La permission de l'école privée relève du droit à la liberté de conscience et pour en permettre l'exercice. Le financement est une question sur laquelle nous ne nous sommes pas prononcés formellement.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Proulx. M. le député d'Outremont.


Maintien d'une dimension religieuse dans les écoles non confessionnelles

M. Laporte: Merci, Mme la Présidente. J'aime bien votre notion de compromis dans la continuité. C'est ce que vous avez dit tantôt, si j'ai bien compris. Je comprends l'enjeu, là.

(17 h 50)

À mon avis, je vous écoutais tantôt et ça confirme l'impression que j'ai eue en lisant le rapport aussi – vous me corrigerez. Mon impression, c'est que votre argumentation contre l'école laïque, pas contre sortir la religion de l'école, mais contre ce que Gaucher appelle «la sortie de religion», là, l'école laïque, qui aurait bien sûr des fonctions... où les fonctions politiques que vous attribuez à la religion se seraient aussi exercées... Parce que vous attribuez des fonctions politiques à la religion. Au fond, vous faites servir la religion à l'État, puisque finalement ce que vous voulez, c'est la tolérance, c'est la coexistence, c'est l'acquisition d'un certain nombre d'habitudes de vivre ensemble; ça contribue à la stabilité de l'État. On est d'accord avec ça. Ça ne contribue pas à amener l'individu à solutionner ses grands questionnements métaphysiques. Ça contribue à assurer la stabilité de l'État au sens de sa légitimité: le vivre ensemble, la coexistence, la gestion du pluralisme, la religion.

On pourrait aussi attribuer d'autres institutions... D'autres dispositifs pourraient servir aussi cette fonction-là, quoi. On pourrait leur enseigner l'anthropologie, la sociologie, la philosophie. Platon nous a beaucoup enseigné des choses aussi sur la façon dont il faut s'y prendre pour coexister ensemble et être heureux. C'est un choix que vous avez fait, là. On peut être d'accord ou pas d'accord avec ce choix-là, mais enfin je ne voudrais pas me prononcer là-dessus maintenant, là.

Mais ce que j'ai encore de la difficulté à comprendre, après avoir lu le rapport et après vous avoir écouté, c'est l'argumentaire, l'argumentation qui vous a amené à dire: Je choisis ça plutôt que de choisir l'école laïque «pure and simple» O.K. Et je ne dis pas ça parce que je suis en faveur de l'école laïque «pure and simple», je dis ça parce que, si on avait un argumentaire plus clair, à mon avis, là-dessus dans le rapport, on serait peut-être mieux en mesure d'apprécier la raison, le fondement du choix que vous avez fait en fonction de ce que vous avez appelé tantôt ce «compromis dans la continuité». Vous en avez parlé tantôt, pourquoi vous avez rejeté – vous l'avez mentionné – l'école laïque. Ce n'était pas clair et peut-être que vous pourriez clarifier encore votre point de vue là-dessus.

M. Proulx (Jean-Pierre): D'accord.

La Présidente (Mme Bélanger): Monsieur Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): Merci, Mme la Présidente. J'ai mieux compris, M. Laporte, ce que vous entendiez par la fonction politique. Je crois que je suis d'accord avec vous dans le sens que vous... Alors, nous le disons clairement aux pages que j'ai mentionnées tout à l'heure. L'enseignement culturel des religions vise, peut viser précisément la formation d'un citoyen autonome responsable, donc qui travaille dans une communauté politique, qui est la nôtre, au renouvellement de la démocratie libérale dans laquelle nous nous trouvons. Alors, dans ce sens-là, je suis d'accord avec ce que vous dites.

Les raisons par ailleurs pour lesquelles on n'a pas opté carrément pour l'école laïque radicale, à l'américaine, par exemple, ou à la française, sont doubles. Je cite de mémoire. La première, c'est que nous croyons à l'importance de la dimension religieuse tout court. La dimension religieuse est polymorphe, elle a différentes facettes, et l'une d'entre elles est notamment la fonction culturelle.

Écoutez, je lisais dans le journal Le monde de l'éducation que les Français eux-mêmes commencent à trouver que d'avoir exclu la dimension religieuse de l'école comme ils l'ont fait fait de leurs citoyens des citoyens incultes sur le plan religieux, qui sont incapables d'interpréter leur propre vécu social et communautaire, qui ne connaissent plus leurs racines et leurs traditions religieuses. Il y a actuellement un courant qui vise à inscrire dans l'école laïque française – avec beaucoup de réserves parce que c'est leur débat – la dimension culturelle de la religion.

Les Américains font des réflexions analogues et ils ne sont pas seuls dans le monde. Donc, nous pensons qu'évacuer complètement la dimension religieuse de l'école, si ce n'est peut-être de façon très marginale à travers les cours d'histoire, constituera un appauvrissement de l'école québécoise. Et ça, c'est la première raison.

La deuxième raison relève cette fois-ci de l'attente des citoyens. Il n'y a pas grand Québécois, d'après nos enquêtes qui ont été faites auprès d'eux, qui souhaiteraient carrément l'expulsion pure et simple de toute dimension religieuse de l'école. Donc, il y a une attente légitime de la population vis-à-vis de la dimension religieuse. La question qui se pose, c'est: Comment aménage-t-on cette dimension religieuse? La réponse, c'est celle que nous vous fournissons dans notre rapport.

M. Laporte: O.K., c'est clair.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va?


Enseignement culturel des religions (suite)

M. Laporte: Bien, l'autre question, c'est: Pourquoi privilégiez-vous si exclusivement l'enseignement culturel de la religion aux fins que vous venez de mentionner plutôt que de l'accompagner d'un enseignement de bien d'autres contenus, de bien d'autres grandes traditions, de bien d'autres référentiels culturels que la religion?

M. Proulx (Jean-Pierre): Alors, là, je vais répondre parce que, dans le chaud de la discussion, j'ai oublié de mentionner que dans cet enseignement culturel... Nous l'avons appelé – parce que l'expression était un peu longue – enseignement culturel des religions, mais est incluse dans cet enseignement culturel des religions l'initiation aux courants de pensée séculière qui ont traversé l'humanité, et en particulier l'Amérique du Nord et l'Europe. Alors donc, nous prenons acte de ça, et, selon l'âge des enfants, nous pensons qu'il faut initier aussi aux grandes traditions philosophiques qui ont marqué la vie québécoise en particulier. Donc, ce n'est pas exclu. Tout ce que j'ai fait, c'est que j'ai omis de vous le dire. Mais je vous renvoie à cet égard-là à l'annexe du rapport où cela est dit en toutes lettres.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci.

M. Laporte: Peut-être une autre question.

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, allez-y.

M. Laporte: Juste un point de clarification parce que, en lisant le rapport, je ne suis pas arrivé à me satisfaire.

Quand vous dites que la tradition chrétienne ne peut pas être à la base de ce que vous avez, la configuration de l'enseignement d'école, vous dites qu'elle sera néanmoins la tradition prépondérante. Ça veut dire quoi, ça, en pratique?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Proulx.

M. Proulx (Jean-Pierre): On a dit «la tradition la plus importante et privilégiée».

M. Laporte: La plus importante, oui.

M. Proulx (Jean-Pierre): C'est ça. Alors, écoutez, en pratique, ça veut dire que, selon les régions, selon les écoles, selon les milieux, compte tenu de la diversité réelle observable dans l'école, la place de la tradition chrétienne, dans les heures ou dans les modules que l'on pourrait accorder à cette tradition-là, pourrait être plus ou moins grande selon les régions où nous nous trouvons.

Mais je reprends l'exemple du programme d'enseignement religieux protestant, auquel votre collègue Mme Fatima Pepin faisait allusion tout à l'heure. Dans le programme d'enseignement religieux protestant, le programme est divisé en trois modules à peu près, en termes de temps, égaux: premier module, la tradition judéo-chrétienne, premier tiers; deuxième module, l'élargissement aux autres grandes traditions du monde; et, troisième module, la formation personnelle et sociale et la formation morale. Donc, si on prend l'exemple du programme d'enseignement religieux protestant, c'est grosso modo un tiers, un tiers, un tiers.

Alors donc, quand on dit: Une place... Une tradition qui occupe le tiers d'un programme a certainement une place importante et privilégiée. Pour le reste, je dois vous dire que nous ne sommes pas allés loin là-dessus parce que cela est lié à toutes sortes de considérations: en fonction de l'âge des enfants, en fonction des lieux où on se trouve, et c'est très largement une question d'ingénierie pédagogique et je pense que ce seront les spécialistes du ministère de l'Éducation qui pourront répondre adéquatement à ces questions-là.

Incidemment, pour répondre à une question qui a été posée tout à l'heure, j'y pense tout à coup, il est sûr qu'un tel programme d'enseignement culturel des religions devra être, entre guillemets, validé. Mais je signale à l'attention de la commission parlementaire que déjà le ministère de l'Éducation a un protocole en ce qui concerne les programmes. Il y a même une commission, la loi prévoit maintenant une commission des programmes qui prévoit comment un programme est implanté, quel que soit d'ailleurs ce programme-là. Et on sait que, dans la plupart des cas, un nouveau programme est toujours expérimenté et testé avant d'en vérifier l'efficacité pédagogique, etc.

Donc, un programme d'enseignement culturel des religions devrait probablement, le jour où il sera instauré, aller pendant un certain temps en parallèle avec le programme déjà existant. On ne pourra pas faire un changement radical du jour au lendemain. Un programme, ça prend cinq ou six ans à l'appliquer, quel que soit le programme.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Alors, le temps de notre mission étant écoulé, il ne nous reste qu'à vous remercier et à ajourner nos travaux sine die. On vous remercie beaucoup.

(Fin de la séance à 17 h 59)


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