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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 29 février 2000 - Vol. 36 N° 24

Audition des dirigeants d'établissements d'enseignement universitaire dans le cadre de l'examen de leurs rapports annuels


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Table des matières

Auditions


Intervenants
Mme Madeleine Bélanger, présidente
Mme Solange Charest, vice-présidente
M. Henri-François Gautrin
M. Claude Béchard
M. Jean-François Simard
M. Léandre Dion
Mme Margaret F. Delisle
M. Serge Geoffrion
M. Claude Cousineau
*M. Pierre Lucier, UQ
*Mme Louise Milot, idem
*M. Michel Leclerc, idem
*Mme Claire V. de la Durantaye, UQTR
*M. François Héroux, idem
*M. Cléo Marchand, idem
*Mme Paule Leduc, UQAM
*Mme Lynn Drapeau, idem
*M. Alain Dufour, idem
*Mme Louise Dandurand, idem
*M. Frederick H. Lowy, Université Concordia
*M. Jack Lightstone, idem
*M. Marcel Danis, idem
*M. Larry English, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-neuf minutes)

La Présidente (Mme Bélanger): Je déclare la séance de la commission de l'éducation ouverte. Le mandat de la commission est d'entendre les dirigeants des établissements d'enseignement de niveau universitaire sur leurs rapports annuels 1997-1998, conformément aux dispositions de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Dion (Saint-Hyacinthe) remplace Mme Papineau (Prévost).

La Présidente (Mme Bélanger): Merci.

M. Gautrin: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Bélanger): Oui.

M. Gautrin: ...est-ce que vous me permettez de solliciter le consentement des députés ministériels pour pouvoir intervenir dans cette commission, bien que je ne sois pas membre de la commission et que je ne remplace pas formellement un des députés de l'opposition?

(9 h 40)

La Présidente (Mme Bélanger): Je crois que la gentillesse des députés ministériels... ils vont sûrement vous donner l'opportunité de questionner nos invités.

Des voix: ...

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, vous avez la permission, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Mme la Présidente, merci. Je suis certain que nos invités me verront entrer et sortir. C'est que je dois aussi siéger sur la commission des institutions pour l'étude de la police; ce n'est pas par manque d'intérêt pour les témoignages.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, aux moments opportuns, vous aurez la parole.

Alors, je vais vous donner l'ordre du jour. Ce matin, nous recevons l'Université du Québec, de 9 h 30 – avec un petit peu de retard évidemment – jusqu'à 11 heures – mais vous allez pouvoir reprendre votre temps. La suspension à 12 h 30...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, à 11 heures, l'Université du Québec à Trois-Rivières, pour suspendre nos travaux à 12 h 30 et pour les reprendre, à 14 heures, avec l'Université du Québec à Montréal, à 16 heures, avec l'Université Concordia, pour ajourner nos travaux à 18 heures.


Auditions

Alors, je demanderais à nos invités... au porte-parole de bien vouloir se présenter et présenter les personnes qui l'accompagnent.


Université du Québec (UQ)

M. Lucier (Pierre): Oui, Mme la Présidente. Mon nom est Pierre Lucier, je suis président de l'Université du Québec. M'accompagnent M. Michel Leclerc, qui est vice-président à l'administration; Mme Louise Milot, qui est vice-présidente à l'enseignement-recherche; et M. Michel Quimper, qui est secrétaire général de l'Université.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Alors, on a 1 h 30 min pour se promener sur les sujets qui vous intéressent.

M. Lucier (Pierre): Je vous remercie, Mme la Présidente, vous-même et vos collègues, de nous recevoir aujourd'hui pour cette rencontre annuelle de reddition de comptes dont nous avons, je le sais, le désir commun d'en faire aussi une rencontre d'échanges et de discussions.

Notre rapport 1997-1998, car c'est lui qui fait l'objet de la présente comparution, contient les données qui se rapportent aux indicateurs prévus par la loi, c'est-à-dire l'état des traitements des dirigeants et du personnel-cadre, la durée des études et l'accès aux diplômes, les mesures favorisant l'encadrement des étudiants, les perspectives de développement. Mais nous sommes tout à fait disposés à échanger avec les membres de la commission sur les rubriques qu'ils nous ont communiquées en annexe à leur invitation et dont nous comprenons qu'elles les intéressent particulièrement à ce moment-ci. Donc, c'est bien volontiers, Mme la Présidente.

Pour les propos d'ouverture que vous m'autorisez, il m'a paru indiqué d'opter, si je peux dire, pour le grand angle et d'esquisser à votre intention la toile de fond qui, vue de mon lieu de responsabilité, éclaire l'ensemble des données disponibles et en fait ressortir la direction et la signification. Je vous parlerai donc brièvement, premièrement, de la mission de l'Université du Québec, telle que la loi constitutive la définit et telle que nous la comprenons; deuxièmement, des besoins pressants qui sont les nôtres pour réaliser cette mission d'ores et déjà compromise; et, troisièmement, des actions que nous avons conduites et des actions qu'il nous faut envisager pour remplir correctement nos mandats.

Notre mission. C'est connu, plus la mer est tourmentée, plus il importe de garder le cap sur la destination. Et seul le regard sur notre mission peut ainsi nous permettre de distinguer l'accessoire de l'essentiel et nous soutenir dans notre volonté de garder la tête froide et la main ferme au gouvernail.

L'Université du Québec partage avec toutes les autres universités sa mission essentiellement éducative d'université: assurer la circulation et le développement des connaissances nécessaires à la formation de haut niveau que les personnes veulent et peuvent acquérir et dont nos sociétés ont un essentiel besoin pour leur développement culturel, scientifique, technologique, social, économique, voire politique. Le noyau dur de notre mission nous renvoie dès lors à une des institutions les plus structurantes que l'Occident ait produites et dont il ne faut pas attendre d'en être privé pour l'apprécier. À cet égard, je me réjouis que la toute récente politique gouvernementale à l'endroit des universités confirme solennellement les conditions de liberté et d'autonomie dans lesquelles les universités d'ici doivent pouvoir continuer de conduire la grande aventure de la connaissance.

Il est essentiel de rappeler cette mission universitaire fondamentale de l'Université du Québec parce qu'elle seule donne la spécificité de notre contribution au développement du Québec, de sa population, de ses régions, de sa capacité scientifique et technologique. C'est comme institution universitaire, indissociablement engagée dans l'enseignement et la recherche, que nous y oeuvrons à ce développement, avec tout ce que cela exige d'accréditation dans les circuits internationaux du savoir.

Cela dit, il y a de multiples manières d'être une université. L'Université du Québec a, elle aussi, ses originalités, ses marques. Les traits de son apport propre et original au système universitaire et à la société québécoise me semblent se dessiner de façon assez nette et trouvent dans chacun des établissements du réseau des points d'ancrage et des modes de réalisation à la fois spécifiques et convergents. Énumérons-en les plus déterminants, si vous me le permettez.

En tout premier lieu, il faut le rappeler haut et fort, l'Université du Québec est une université à vocation proprement nationale. La mission de l'Université du Québec couvre l'ensemble du territoire québécois, son territoire géographique bien sûr – la métropole, la capitale, les régions – le territoire de ses grands secteurs névralgiques, comme on en trouve à l'INRS et dans les constituantes, de même que celui de l'administration publique, de la filière continue de formation technologique, de la formation à distance. C'est tout cela, le territoire du Québec. Ce trait fondamental indique nettement à la fois la particularité et la modernité de notre mission. Nous sommes nés d'une volonté unanime de l'Assemblée nationale, et c'est une loi publique qui constitue notre charte. Le Québec n'a donc pas hérité de nous, quitte à ajuster ses rapports subséquents avec nous; nous avons été explicitement voulus comme institution nationale, pour occuper l'ensemble du territoire, pour scolariser la population là où les besoins n'étaient pas couverts, pour développer des créneaux scientifiques déterminants pour l'avenir du Québec.

Vous savez que je reviens souvent sur cette dimension de notre mission, non pas pour afficher quelques mérites particuliers, mais fondamentalement pour souligner notre raison d'être, aussi bien que les exigences particulières, voire les figures imposées qui en découlent, et pour rappeler qu'il y a une responsabilité publique de soutenir correctement cette institution et de s'assurer qu'elle ait les moyens de figurer à la place qui lui revient dans le concert québécois et continental. Notre nom même, avec le génitif de possession qu'il connote, définit à cet égard un programme et des obligations qu'on se doit d'honorer. On nous perçoit et nous nous percevons nous-mêmes comme étant plus publics que d'autres, en tout cas plus nettement définis comme l'université des Québécoises et des Québécois.

Institution nationale, et sans doute en raison de cela, l'Université du Québec est une institution démocratique. C'est le deuxième trait que je veux mentionner brièvement. J'entends par là que l'Université du Québec s'est définie et continue de se définir à partir des besoins de la société québécoise.

Je ne veux évidemment pas laisser entendre que nous sommes les seuls à être à l'écoute des besoins de la société québécoise, tant s'en faut. Je veux seulement souligner que l'Université du Québec s'est définie essentiellement en fonction des impératifs de développement de la société québécoise. Université des Québécois et des Québécoises, y compris de celles et ceux qui sont socialement plus fragiles, de celles et ceux qui sont économiquement moins bien nantis, de celles et ceux qui sont aux frontières culturelles, sociales ou géographiques, l'Université du Québec a ainsi compris et précisé sa mission à travers sa lecture des attentes et des aspirations de la collectivité.

C'est vrai à Montréal, où elle est devenue, du côté est et dans la plaine, une grande université urbaine francophone capable d'accueillir les nouvelles générations de jeunes et d'adultes et de s'engager dans des voies et des styles nouveaux. C'est vrai dans chacune des régions, où les profils institutionnels épousent les atouts et les particularités de la région. C'est vrai dans nos instituts et écoles, dont la mise sur pied s'est révélée visionnaire et a permis d'ouvrir des voies proprement exemplaires. Création nouvelle, sans véritables plis permanents, l'Université du Québec est demeurée, je crois, inventive, innovatrice, apte à se retourner puis à saisir les occasions. Sa ligne de développement stratégique est toujours nette: se définir institutionnellement pour et avec les populations desservies et, à cette fin, accepter d'agir aussi, dans le respect des missions propres à chacun, de concert avec les pouvoirs publics. C'est cela, être démocratique au sens le plus fondateur du terme. Et l'Université du Québec l'est dans sa nature même, elle l'a été dans son histoire et elle l'est toujours dans sa culture institutionnelle.

(9 h 50)

Un troisième trait majeur du profil spécifique de notre Université, c'est sa constitution en réseau. Il peut sembler banal et répétitif de le réaffirmer, car tout le monde sait cela, mais, particulièrement au moment où tout le monde parle un peu partout de réseautage et de partenariat, le rappel n'est pas du tout anodin. C'est que l'Université du Québec constitue un réseau original à maints égards. Il n'a pas été bâti sur le modèle de l'autorité unique coiffant des succursales ou accordant des franchises. Pour répondre aux aspirations qui l'ont fait naître et pour s'enraciner dans les communautés et leurs besoins, l'Université du Québec s'est plutôt progressivement déployée en un réseau d'établissements ayant leur statut juridique propre, leur conseil d'administration, leurs champs de décision et de responsabilité. Même si juridiquement et historiquement ils sont nés de son projet fondamental et non l'inverse, ses établissements sont tous vraiment constituants, qu'ils soient associés, constituantes, écoles ou instituts.

Différent du modèle américain d'université publique aussi bien que du modèle confédératif, c'est là un modèle assez finement calibré, qui permet des modalités de fonctionnement souples et adaptables. Notre évolution institutionnelle le montre à l'évidence: les dates de création ne sont pas toutes les mêmes, les statuts ne sont pas identiques, des statuts ont été modifiés, des fusions ont été opérées. Par-delà la loi et ses règlements, beaucoup de ce que nous faisons ensemble est même finalement lié à ce que nous voulons et décidons de faire ensemble. Ainsi en est-il de nos systèmes de télécommunications, de nos programmes de mobilité interinstitutionnelle, du maillage de nos programmes, du partage de nos progiciels. Et nous n'avons évidemment pas épuisé l'éventail des façons de faire les choses en réseau.

Directement lié aux trois premiers, un quatrième trait essentiel caractérise l'Université du Québec, c'est le modèle d'établissement universitaire implanté dans les grandes régions du Québec. Ce que porte le projet de l'Université du Québec et ce que nous avons explicitement voulu ici, ce sont des établissements pouvant offrir un éventail adéquat de programmes de premier cycle dans les secteurs de formation correspondant aux besoins de base des communautés. Pour permettre aux jeunes d'accéder aux études universitaires, de se former chez eux et ainsi de préparer leur insertion dans leur région, il faut bien en effet que la majorité d'entre eux puissent trouver chez eux un ensemble suffisant de programmes et n'aient pas, sauf dans des secteurs qu'il serait déraisonnable ou impossible d'avoir sur place, à s'expatrier pour faire des études de premier cycle. Sur la base d'un tel premier cycle raisonnablement pourvu, nous avons développé quelques programmes de deuxième et troisième cycles dans les créneaux correspondant aux besoins, aux atouts et aux expertises qui, tout en étant directement portés par des milieux régionaux, renvoient à des enjeux pour l'ensemble de la société québécoise. L'aluminium du Saguenay, l'estuaire rimouskois ou les pâtes et papiers trifluviens sont bien en effet l'affaire de tout le Québec. Absolument rien donc qui ressemble à des développements tous azimuts, plutôt un développement judicieusement songé, ciblé, collé à ses environnements.

Ce modèle institutionnel que vient de confirmer explicitement la politique québécoise à l'endroit des universités a permis que nos constituantes régionales soient de vraies universités et réalisent chez elles le plein déploiement de la mission universitaire, laquelle comprend l'avancement des connaissances. Cela a notamment permis à nos étudiantes et à nos étudiants de se former dans des milieux où il se fait de la recherche, à nos professeurs de ne pas se voir systématiquement exclus des circuits des études supérieures et aux communautés et aux régions de puiser abondamment dans cette expertise pour l'accroissement de leur capacité d'innovation et de développement. Le fait que la grande majorité des diplômés de nos constituantes décident de s'établir dans la région où ils ont fait leurs études témoigne éloquemment de la justesse de ces choix. C'est un modèle que nous devons considérer comme constitutif même de ce que nous sommes. Je m'arrêterai ici sur notre mission.

L'esquisse de ce profil n'est pas complète, mais elle me semble contenir l'essentiel. La question que nous devons poser – et la formuler, c'est sans doute y répondre: Voulons-nous toujours ce projet? Le Québec veut-il toujours cela? J'ai la conviction que, oui, le projet de l'Université du Québec fait toujours partie des grands instruments collectifs de notre développement. J'ai aussi, tout aussi forte, la conviction qu'il est encore plus nécessaire avec l'émergence de ce que nous appelons «l'économie du savoir. Compromettre la viabilité de cet outil, voire entreprendre d'en réduire la portée, ce serait le plus sûr moyen de promouvoir cette société à deux vitesses dont nous ne voulons toujours pas. Les quelque 300 000 diplômes décernés par l'Université du Québec au cours des 30 dernières années proclament tout le contraire et tracent la route à suivre et ses exigences. C'est beaucoup à cette réussite d'accessibilité et de diplomation que nous devons les performances que rappelle avec une juste fierté la politique gouvernementale à l'endroit des universités.

J'ai déjà eu, devant cette commission, l'occasion de faire état de la situation institutionnelle de l'Université du Québec, spécifiquement de la fragilité relative de son assiette de ressources, issue de l'histoire du financement universitaire et des sédimentations qu'on y observe. En effet, à côté d'établissements solidement appuyés sur des secteurs traditionnels lourds et dotés de ressources financières lourdes, les établissements de l'Université du Québec affichent une évidente fragilité institutionnelle.

Ceux qui connaissent un peu les faits savent que l'Université du Québec a été créée et développée dans une certaine hâte, et pas toujours sans expédients. J'en ai été moi-même témoin privilégié, on s'est ainsi souvent lancé avec les moyens du bord, conscients des risques qu'il y a à grandir à des rythmes aussi rapides. Certains établissements de l'Université du Québec sont nés avec des moyens que, dès le départ, l'on savait insuffisants et risqués. La plupart se sont développés à coûts sous-estimés et dans le cadre d'une formule de financement historique qui a généralement traité le développement initial à l'aune du coût marginal des clientèles dites additionnelles. Toutes les discussions actuelles entourant les coûts moyens par secteur disciplinaire et par cycle peuvent dès lors être trompeuses. Ces coûts moyens, en effet, sont très sensibles aux fluctuations marginales et ne disent rien des financements d'origine sédimentés dans la boîte noire des bases de financement.

Ces faits méritent d'être bien saisis, car ils sont au coeur, me semble-t-il, de la problématique actuelle de la plupart des établissements de l'Université du Québec. Ils expliquent que la base historique de nos établissements soit plus mince que celle des maisons établies depuis longtemps et que, en maints endroits, nous soyons en déficit structurel de ressources.

C'est le grand projet de la mission même qui donne le sens aux demandes de soutien financier que nous ne cessons d'adresser au gouvernement du Québec. Ce n'est pas pour nous et pour le confort de notre gestion que nous formulons ces demandes. C'est pour pouvoir faire correctement ce que nous avons à faire, portés en cela par des attentes sociales dont nous percevons toujours l'insistance. C'est pour cela que nous le faisons sans nous excuser d'exister et sans avoir à nous excuser d'avoir à réclamer des ressources publiques, et, j'ajouterai, avec la conviction que, au regard de l'avenir du Québec et de sa jeunesse, nos demandes ne peuvent être ni banalisées ni considérées comme des demandes parmi d'autres.

(10 heures)

Nous devons répéter que les coupures des dernières années ont été dévastatrices et que, dans le cas d'une université dont le financement historique a été structurellement faible, le seuil de viabilité a été dépassé. Nos états financiers et les budgets en cours l'illustrent à l'évidence, ça ne va plus, et je n'ai aucune honte à dire que, sans contribution gouvernementale significative, c'est mission impossible. Un redressement de notre financement s'impose de toute urgence, tantôt parce que, comme à Montréal, il y a décidément des limites à pouvoir fonctionner avec systématiquement moins de ressources disponibles à allouer aux activités de base; tantôt parce que, comme dans les constituantes en région, il y a des obligations plancher et certains coûts plus élevés qu'il faut assumer dès lors que l'on veut toujours ces universités, et de vraies universités; tantôt parce que, comme en Abitibi-Témiscamingue, il n'est plus possible de colmater les brèches structurelles par une péréquation interne ou, comme on le fait depuis quatre ans, à coups d'emprunts réseau; tantôt parce que, comme en Outaouais, le développement de services proprement québécois commande autre chose qu'un financement marginal; tantôt parce que, comme dans nos instituts et écoles spécialisés, la concentration aux cycles supérieurs, en recherche ou dans des modalités spécifiques d'enseignement s'accommode mal d'un financement d'abord conçu pour des établissements à vocation générale.

D'autres auront sans doute d'autres motifs de réclamer des redressements de leur financement, mais nous céderions à une stérile rectitude politique si nous ne pointions pas nos différences dont certaines appellent de sérieux réinvestissements. Et puis, au bout du compte, je vous dirai qu'il suffit de circuler dans les universités québécoises, et je l'ai fait abondamment, pour percevoir, à l'oeil nu et presque physiquement, les fragilités institutionnelles que nous avons le devoir de rappeler ici.

Et, Mme la Présidente, nous ne nous contentons pourtant pas de quémander. Nous savons que nous avons la garde de notre institution. L'Université du Québec est notre affaire, c'est notre maison, et nous n'avons aucunement l'intention de nous en remettre totalement à d'autres pour régler nos problèmes. Du même souffle, cependant, en raison de la mission même qui nous a été confiée, nous attendons du gouvernement qu'il fasse sa part. Tous les membres de notre Assemblée des gouverneurs et de nos 10 conseils d'administration sont nommés par le gouvernement, de même que tous nos chefs d'établissement et moi-même. C'est à l'unanimité que tous ces mandataires attendent un geste significatif de leur mandant.

Des actions de rationalisation, de redressement et de consolidation, il y en a eu de nombreux et d'importants au sein de l'Université du Québec: retour à l'équilibre budgétaire après un déficit qui s'élevait à 29 000 000 $ en 1989-1990, diminution de dépenses, réingénieries, rationalisations, péréquations de solidarité entre établissements pour soutenir les plus faibles, emprunts réseau destinés aux mêmes fins, réductions salariales individuelles variant de 2,5 % à 5 %, congés de cotisations accordés par le régime de retraite, reconfigurations institutionnelles majeures, par exemple, autour de l'Institut national de la recherche scientifique et de l'Institut Armand-Frappier, mise en commun de services informatiques et techniques, maillages académiques sans précédent dans l'offre de programmes. Tout cela ne nous a pas empêchés de revenir à la case départ, et pire encore: l'ampleur des coupures des subventions gouvernementales depuis quatre ans et le définancement relié à la baisse de l'effectif étudiant ont réduit la subvention de l'Université du Québec de 20 %, soit 86 000 000 $. Cela nous a littéralement – je tiens à vous le dire – cassés. Nous allons vers un déficit structurel de l'ordre de 60 000 000 $, même si, et je tiens à le répéter, le recours au déficit n'est pas dans la culture de l'Université du Québec et ne fait pas partie de nos stratégies institutionnelles.

Cela ne peut pas durer, Mme la Présidente. Il n'est donc pas étonnant que, dans nos conseils d'administration – il faut que vous le sachiez – les décideurs donnent actuellement des signes qu'ils accepteront de plus en plus difficilement d'adopter de tels budgets déficitaires et de gérer une mission sans en avoir les moyens. Je ne vois pas bien moi-même que l'Assemblée des gouverneurs et son président puissent bien longtemps cautionner une situation qui, à sa face même, n'a plus de bon sens. Ce sont des questions d'ordre éthique qui nous assaillent dès lors de plus en plus. Personne d'entre nous n'accepte de gérer les fonds publics avec une carte de crédit.

Très régulièrement maintenant depuis deux ans, puis avec l'appui de l'Assemblée des gouverneurs, voire à sa demande, j'ai attiré l'attention des autorités ministérielles et gouvernementales sur le caractère de plus en plus intenable de la situation, sans beaucoup d'écho, je suis contraint de le dire, de sorte que ce qui s'annonçait est d'ores et déjà arrivé, et il serait irresponsable de continuer sur cette lancée.

Il est de notre devoir d'explorer la faisabilité d'autres opérations de redressement et de repositionnement. Mais, outre qu'elles ne pourront jamais atteindre les ordres de grandeur en cause, il faut savoir de toutes les nouvelles mesures de rationalisation qu'il ne pourra plus y en avoir qui ne toucheraient pas à ces figures imposées dont, avec mes collègues et en communauté de vues avec les autorités gouvernementales, j'avais cru jusqu'ici qu'elles faisaient partie du noyau dur de la mission de l'Université du Québec. Ces figures imposées concernent aussi bien notre implantation institutionnelle dans les régions du Québec que notre présence active dans de nombreuses municipalités du territoire, une présence qui, en bien des cas – je tiens à le rappeler – relève de la mission commandée, comme à Val-d'Or, à Lévis, en Beauce, sur la Côte-Nord, dans les communautés autochtones, et bien ailleurs. Elles ont aussi trait au modèle institutionnel voulu pour nos constituantes à vocation générale, de même qu'à des concepts stratégiques comme le patrimoine académique de base et le maillage académique, que des orientations ministérielles encore fraîches ont pourtant explicitement consacrés.

En clair, bien au-delà des seuls gains de productivité, c'est le contenu et la configuration de l'offre de formation qui sont désormais en cause. Notamment en région, il y a des programmes que nous n'aurons plus les moyens d'offrir. C'est aussi le maintien même de certains lieux d'implantation ou d'activité, du moins dans leur forme actuelle, qui devra être remis sur les planches à dessin. Pour ma part, je vous assure d'une grande ouverture à l'inédit, mais une balise demeurera incontournable: notre mission universitaire nationale d'accessibilité et de développement de la société québécoise. Si cette mission n'est plus la nôtre ou si elle n'est plus prioritaire, il faudra que le gouvernement, voire le législateur, nous le dise et le dise à la population. Si on veut nous voir restreindre notre programmation, réduire notre mission d'occupation du territoire, voire nous replier sur nos arrières, il faudra qu'on nous le dise. D'ici là, il n'est sûrement pas présomptueux d'estimer que ni le gouvernement ni le législateur ne souhaitent que nous fassions n'importe quoi.

Lors du lancement de la politique gouvernementale, il y a deux semaines, le ministre de l'Éducation a fait état d'une approche qu'il qualifie de donnant, donnant et qu'il associe à d'éventuels contrats de performance. Je peux vous dire, Mme la Présidente, que nous n'avons aucune allergie préalable à ce genre de perspectives, d'autant moins qu'elles ne sont finalement pas si nouvelles, les universités vivant à maints égards dans une dynamique contractuelle avec les gouvernements subventionnaires. Nous sommes même positivement ouverts à ces intentions ministérielles, tenant pour acquis qu'elles évolueront dans le réalisme et l'intelligence et dans l'adhésion commune aux valeurs et aux grands objectifs qui font notre mission même. Mais un important réinvestissement devra constituer une clause essentielle de tels contrats.

J'ai entendu, comme vous, les conclusions du Sommet du Québec et de la jeunesse, fortement axées sur un réinvestissement significatif en éducation. Nous nous en réjouissons bien évidemment, particulièrement de cette adhésion renouvelée à ce qui structure le plus l'avenir des jeunes. Mais, par-delà ces annonces agglomérées et couvrant plusieurs années, vous comprenez bien qu'il nous faudra attendre les chiffres précis, leur ventilation selon les ordres d'enseignement et selon les priorités retenues, le rythme de leur mise en oeuvre, les conditions attachées à leur transfert, de même que les perspectives subséquentes. Ce qui nous importe au bout du compte, ce sont les montants de subventions qui vont effectivement nous aider à sortir de l'impasse budgétaire dans laquelle nous sommes et nous permettre de réaliser notre mission auprès de celles et ceux, jeunes et moins jeunes, qui attendent toujours beaucoup de l'Université du Québec.

Voilà pour la toile de fond, Mme la Présidente. Les dirigeants de chacun des 10 établissements de l'Université du Québec prendront le relais de ce tableau d'ensemble et vous diront avec plus de précision comment les choses se présentent et se vivent chez eux. C'est en toute solidarité que je serai ici pour les entendre avec vous. Quant à nous, mes collègues et moi-même, nous sommes évidemment à votre disposition pour poursuivre les échanges selon vos souhaits. Je vous remercie de votre attention.

(10 h 10)

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Lucier. Première question, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Non, je pense que le député de Kamouraska va intervenir le premier.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. M. Lucier, M. Leclerc, M. Quimper et Mme Milot, bienvenue à cette commission parlementaire. J'aime beaucoup l'angle que vous prenez, c'est-à-dire, comme nous l'a dit M. Lucier, l'angle large, parce que la situation des universités québécoises, et plus particulièrement celles qui font partie du réseau des universités du Québec, je dirais, arrive, selon moi, à un certain point critique dans leur existence. Vous l'avez mentionné, la politique des universités reconduit le mandat, reconduit la vision que les gens qui ont adopté à l'époque la loi sur les universités du Québec défendaient: l'accessibilité en région, et toutes ces choses-là. Mais on arrive à un moment où on se dit: Oui, on peut continuer de cette façon-là, mais on peut reconfirmer qu'on est les meilleurs, que c'est une configuration qui est excellente, que tout va bien, sauf qu'à un moment donné il faut regarder les choses comme elles sont et se demander: Est-ce que, par derrière, on n'est pas en train de nous couper l'herbe sous le pied et rechercher d'autres modèles de financement, d'autres façons, d'autres alternatives, tout en nous disant: Bien, écoutez, votre modèle va bien, puis on va continuer comme ça?

Il y a, selon moi, plusieurs défis qui attendent le réseau des universités du Québec: le défi financier, c'est certain; le défi, je dirais, démographique pour plusieurs régions, et je pense, entre autres, à la région de Rimouski, que ma collègue connaît très bien, et à plusieurs autres régions au Québec, où, aussi, la diminution des populations étudiantes fait en sorte qu'on doit se tourner vers différentes alternatives; le défi aussi d'avoir, de garder et de recruter les meilleurs enseignants possible dans le corps professoral. Quand on voit qu'au Canada la demande sera environ de 12 000 nouveaux professeurs pour 32 000 nominations au cours des huit, 10 prochaines années, quels sont les outils dont les universités, notamment le réseau des universités du Québec, vont disposer? Et je vous dirais qu'on vient à se demander: Bien, écoutez, à un moment donné, est-ce qu'on a encore et toujours les moyens de nos ambitions? Parce que, quelque part, c'est la clé.

Je vais commencer par peut-être la partie la moins intéressante, c'est-à-dire la partie financière. Dans la partie financière, il y a deux, trois éléments qui me chicotent. On se souvient, et je voyais, il y a environ deux semaines, que le réseau, selon différents intervenants qui avaient parlé à ce moment-là, se dirigeait vers un déficit record de plus de 100 000 000 $. C'était la première partie. L'autre partie était aussi de savoir, sur les investissements de l'an passé, 170 000 000 $, quelle est la part, comment tout ça a été donné, comment ça a mené plus loin. Et je vous dirais que l'autre point... Moi aussi, j'étais au Sommet de la jeunesse et j'ai bien vu les conclusions. Le 1 000 000 000 $, c'est sûr que ça paraît toujours beau, un gros chiffre, c'est impressionnant, mais, quand on regarde la ventilation de ce 1 000 000 000 $ là, les alternatives que ça pourrait prendre, finalement on se rend compte que le 1 000 000 000 $ pourrait finalement être un 166 000 000 $ seulement d'argent neuf par année pendant trois ans si on prend la théorie des escaliers puis la récurrence qu'on doit calculer. Et je me souviens très bien des demandes des universités en général, qui étaient de 650 000 000 $ de façon récurrente. Le ministre avait ouvert la porte à ce moment-là, je pense, à 150 000 000 $, 300 000 000 $. Selon moi, il reste encore un écart important. Et c'est une des raisons pour lesquelles on avait des réserves sur, je dirais, le consensus qui s'en est dégagé du Sommet de la jeunesse.

Mais, je vous dirais, il y a un autre point encore plus fondamental qui revient dans la question du financement et que plusieurs commencent à soulever un peu partout, c'est-à-dire – et je vous dirais que, moi-même, personnellement, je ne me suis pas fait une tête là-dessus encore, j'écoute et j'étudie ce que les gens disent – il y a plusieurs personnes qui disent: Avant de réinvestir en éducation, entre autres au niveau universitaire, est-ce qu'on ne devrait pas revoir les méthodes et les façons de faire? Autrement dit, est-ce qu'on ne fait que retourner de l'argent dans les réseaux tels qu'on les connaît actuellement et refinancer ou est-ce qu'on profite de cette occasion-là pour y aller de différentes façons, revoir les bases de financement, revoir le fonctionnement de notre réseau universitaire, entre autres? Et je vous dirais là-dessus que... les gens qui disent: Oui, il faut peut-être attacher des étiquettes aux sommes puis que ce soit par des projets de rendement ou d'autres indicateurs, mais c'est une question qui est quand même fondamentale à l'aube de ce qu'on pourrait peut-être appeler, je dirais, le retour du balancier, un réinvestissement. Donc, j'aimerais vous entendre sur l'une ou l'ensemble de ces questions pour commencer cette séance.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lucier.

M. Lucier (Pierre): Écoutez, il y a beaucoup de choses dans la question de M. Béchard. Il a raison de noter la configuration assez complexe des défis, qui sont tous reliés d'ailleurs. Il est évident que, dans certains cas, l'évolution démographique a eu des impacts financiers. Par exemple, l'état des finances a un impact majeur sur la capacité de recruter. Donc, je partage votre analyse à l'effet qu'il y a une espèce de configuration complexe de facteurs, c'est évident. Nous sommes appelés à parler plus souvent de financement parce qu'on est étranglé. On aimerait bien parler d'autre chose que d'argent, remarquez. Mais nous sommes dans une situation d'étranglement, alors, c'est pour ça que nous en parlons. Mais, derrière ça, toutes les choses sont reliées.

Vous avez évoqué différentes données, je les prends brièvement pour poursuivre le dialogue. La manchette que vous avez vue sur le journal, qu'on confondait déficit accumulé et déficit structurel, Dieu nous en garde, nous n'en sommes pas à un déficit structurel de 100 000 000 $. Nous nous acheminons vers quelque chose de considérable, mais le 100 000 000 $ est plutôt un effet d'accumulation. Mais ce qui nous préoccupe au premier chef, comme dans tout budget, c'est le déficit structurel évidemment.

Vous avez fait allusion au montant de 170 000 000 $, un forfaitaire qui a été versé l'année dernière. Il s'agissait d'un montant pour compenser les coûts assumés par les établissements universitaires dans l'exécution de programmes de départs assistés à la retraite. Ces départs qui avaient été assumés par les fonds publics dans les autres réseaux ne l'avaient pas été dans le cas des universités. Il y a eu donc une injection forfaitaire de 170 000 000 $ qui a été répartie, je dirais, au prorata des masses salariales. Donc, il nous a été assigné là-dedans un montant de 47 000 000 $, qui était destiné à l'Université du Québec, versable en deux parts: une première part immédiate de 75 %, ce qui fait 36 000 000 $ à peu près – je laisse tomber les sous, 36 000 000 $ – et la dernière tranche de 25 %, c'est-à-dire 11 000 000 $, versable sur présentation d'un plan de rééquilibre budgétaire sur un temps donné. Alors, nous sommes encore à travailler sur ce plan de rééquilibre. Ce que je vous ai dit vous permettra de comprendre que ce n'est pas très simple dans notre cas, puisqu'on est dans une impasse. Alors, nous espérons être capables de fournir des données qui vont permettre à l'Université du Québec de recevoir la dernière tranche de 25 %, c'est-à-dire 11 000 000 $, qui a été, comme vous savez, déjà indiquée comme somme à recevoir dans les états financiers, mais que nous n'avons pas touchée encore. Donc, nous comptons bien que les démarches en cours vont permettre de faire cela.

Quant aux sommes issues du Sommet de la jeunesse, bien je pense que j'ai dit l'essentiel de ce que j'avais à dire. Nous attendons donc, évidemment, les ventilations de cela. Vous vous imaginez bien que nous n'allons pas lever le nez sur ce changement-là, donc il est le bienvenu. Et c'est évident, à sa face même, qu'il ne pourra pas être à la hauteur des besoins. Mais c'est quand même quelque chose à prendre.

(10 h 20)

La question plus large que vous soulevez, donc, de modes de réinvestissement, on les observe, remarquez, un peu partout dans le monde. Les gouvernements et les sociétés ont de la difficulté à ne pas attacher des étiquettes aux sommes qu'ils réinvestissent dans les services publics. Bon. Je vous dirais que, ici, l'exemple vient de haut, si je peux dire, parce que c'est un peu ce qui se produit aussi, même dans le budget qu'on a entendu hier: on coupe les paiements de transfert, mais on est prêt à réinvestir avec des étiquettes. Donc, c'est une méthode qui nous est bien connue, mais elle est assez universelle actuellement. Nous pensons, nous, étant donné qu'on a un problème structurel, qu'on ne pourra pas se relever seulement avec de l'argent étiqueté, parce que, quelles que soient les bonnes actions qu'on puisse faire, ça ne règle pas le problème, je dirais, du pain quotidien. Mais nous n'avons pas non plus d'allergie à ce genre de perspective là, parce que, derrière cette perspective de l'argent étiqueté, il y a le concept, disons, de l'approche contractuelle, au fond: on investit, mais on s'attend à ce que les choses se fassent de telle, telle, telle manière.

Maintenant, sur la pluralité des modes de financement ou de fonctionnement, vous savez, quand on observe la situation internationale, il n'y en a pas d'infinis. Il y en a un qui, au Québec, a été mis de côté, celui de la participation de l'usager; ça, c'est un choix – je pense aux droits de scolarité. Mais, quand on observe ce qui se passe dans le monde, vous savez, l'argent d'un service public, ça vient du trésor public, ça vient de l'usager et ça vient d'un certain nombre de prestations contractuelles avec des tiers. C'est notre situation, ici. Je n'ai pas trouvé encore, dans les formules de financement dans les pays qui nous ressemblent, de trouvailles tout à fait mirobolantes qui nous distinguent beaucoup de ça. Ce à quoi on assiste par ailleurs, c'est un mixage et un équilibrage qui peuvent varier beaucoup entre ces différents éléments de financement. Donc, oui, ouverture à d'autres perspectives, d'autres approches et, en même temps, rappel qu'il n'y a pas un nombre infini de paramètres qui puissent faire varier des solutions possibles, hein.

Alors, sur cette question du financement, je ne sais pas si mon collègue a réservé pour d'autres choses.

La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce que ça va? M. le député de Montmorency.

M. Simard (Montmorency): Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Lucier, Mme Milot, M. Leclerc, M. Quimper, bienvenue parmi nous. À titre d'ancien étudiant à l'Université du Québec à Montréal et à l'Université du Québec à Rimouski, je suis doublement heureux de vous savoir parmi nous aujourd'hui.

Alors, comme nous sommes ici pour vous écouter, ma question sera, somme toute, très brève, et j'aimerais reprendre la balle au bond des derniers propos que vous nous avez tenus. Vous nous avez dit qu'il y avait différentes manières d'être des universités. Vous nous avez rappelé que, plus que tout autre encore, le réseau UQ était une université fondamentalement nationale. Vous nous avez rappelé cette mission que s'était donnée l'UQ depuis sa fondation, d'accroître l'accessibilité à l'enseignement supérieur. Et, en parallèle de tout ça, bien, vous nous avez rappelé la fragilité institutionnelle, tout particulièrement financière, du réseau. Et, tout à l'heure, vous avez, au sens large du terme, traité de la façon dont on a revu les bases, dont on revoit les bases du financement universitaire. Moi, j'aimerais vous centrer plus particulièrement sur un débat assez épineux, sur la façon de revoir ce financement universitaire, et j'aimerais savoir quelle est la position de l'UQ là-dessus, quant à tout ce débat sur l'augmentation des frais de scolarité. Où est-ce que se situe le réseau UQ là-dedans?

M. Lucier (Pierre): Il y a au moins deux grosses choses, énormes: il y a tout le chapitre des droits de scolarité et puis le chapitre d'une nouvelle politique de financement, disons. Commençons par, à notre sens, la plus difficile.

Sur les droits de scolarité, vous savez, je pense que notre position, elle est connue. L'enjeu n'est pas les droits de scolarité. L'enjeu, c'est le financement de l'enseignement supérieur. Alors, il y a différentes sources possibles, et, au fond, c'est une question politique de déterminer quelle va être la part du trésor public et la part des usagers. On fait ça pour les médicaments, on a fait ça pour les autoroutes, on fait ça pour les plaques d'immatriculation, on fait ça pour l'ensemble des services. Au fond, qu'est-ce qui provient du trésor public et qu'est-ce qui provient de l'usager. Bon. Et notre perspective, c'est d'abord celle-là. Nous avons un problème de financement. Alors, on peut comprendre qu'un gouvernement ou un parti puisse décider que c'est mieux de ne pas toucher aux droits de scolarité, mais, à ce moment-là, il y a une conséquence: ça veut dire que, si vous fermez un des deux robinets... vous ne pouvez pas fermer les deux robinets, sinon il y a un problème.

Dans les universités canadiennes en dehors du Québec, il y a eu des coupures importantes aussi, mais elles ont été rattrapées, si je peux dire; elles ont été rattrapées par des augmentations de droits de scolarité. Donc, ça, c'est la question, je dirais, préalable. Vous entendez beaucoup moins, actuellement, de dirigeants d'université pour réclamer la hausse des droits de scolarité. Ce n'est pas ça qui est le problème. D'ailleurs, ça s'est déjà fait, puis on s'est aperçu que la subvention finalement diminuait en conséquence, donc ça n'avait rien changé, au fond, de durable dans le financement. Et pourquoi nous irions réclamer qu'on taxe nos étudiants si, au bout du compte, de toute façon, il n'y en a pas plus? Donc, c'est une question de financement et de répartition des sources de contribution. C'est ça, l'enjeu.

Maintenant, sur le fond même, j'observe qu'il y a des tabous dans la discussion. Il faudra bien qu'on puisse à un moment donné être capable d'en parler au moins, surtout dans une période où les deux grands partis politiques se sont engagés à ne pas toucher aux droits de scolarité dans une perspective immédiate. Donc, ça donne le temps de souffler. Ça permet d'en discuter peut-être, parce qu'il y a des questions de fond là-dessus, hein. Écoutez, l'argument, par exemple, de l'accessibilité, on observe que, dans les pays où ça coûte le plus cher, c'est des pays de plus grande accessibilité. Le plus bel exemple, c'est les USA. En France, c'est gratuit, ils n'ont pas des taux d'accessibilité aussi forts. Donc, il n'y a pas de corrélation automatique, ça dépend de ce qu'il y a autour, ça dépend des systèmes d'aide, ça dépend des systèmes de bourses, ça dépend de beaucoup de choses.

Il y a aussi telle chose que l'effet fiscal. Maintenir des droits de scolarité plus bas, c'est, à beaucoup d'égards, favoriser un transfert financier et fiscal des classes économiquement plus faibles vers des classes plus riches. Assumer des droits de scolarité à 1 500 $ quand vous faites 100 000 $ et les assumer quand vous faites 30 000 $, ce n'est pas la même chose. Ce n'est même pas la même chose sur la déduction d'impôts. Donc, il n'est pas sûr que ce soit si progressiste et progressif que cela du point de vue de la philosophie sociale. Mais nous n'avons pas de catéchisme, nous, là-dessus. Moi, je dis simplement ici que ça mériterait d'être discuté, cette histoire-là, calmement, puisqu'il n'y a pas de menace aux portes, mais que, sur le fond... et, sur le fond, nous, notre position, c'est que c'est une question de financement et on ne pourra pas survivre si on ferme les deux robinets.

La formule de financement, c'est une question qui est politiquement moins difficile, mais qui est techniquement plus difficile. La difficulté de toute opération pour modifier des choses dans le financement, c'est évidemment le poids de l'histoire. Nous avons une formule qui, depuis 30 ans, est axée sur la variation, mais en partant de données de base au tournant des années soixante-dix. C'est très difficile de revenir dans cette boîte noire là, et c'est pour cela que la plupart des essais des gouvernements successifs – et j'en ai vu de près quelques-uns – n'ont pas vraiment abouti, parce que ça consisterait presque à refaire, si je peux dire, le passé, et très souvent on a travaillé sur des indicateurs qui sont de fait marginaux par rapport à la sédimentation de base.

(10 h 30)

Alors, c'est pour cela que ce qu'on voit depuis une vingtaine d'années, c'est des ajustements, je dirais, à la marge. Vous avez de nouveaux paramètres qui apparaissent: par exemple, tel montant pour chaque diplôme, ou encore on paie un peu plus ou un peu moins des frais indirects de recherche, ou on paie un peu plus ou un peu moins des clientèles additionnelles, ou on définance un peu plus ou un peu moins des clientèles en baisse. Mais, quand vous regardez la somme de ces ajustements paramétriques qui sont nés dans l'histoire, vous savez, ça reste une proportion faible par rapport au financement historique de base.

Alors, c'est parce que ce n'est pas simple que ça n'a pas été fait. C'est manifeste. Il faut bien voir aussi que tous ces ajustements à la marge peuvent avoir des effets considérables d'une année à l'autre sur le financement. Et, ce que nous disons, nous, c'est qu'il y a dans l'histoire même, dans la base même, des faiblesses structurelles dans le cas de la plupart des établissements de l'Université du Québec.

Écoutez, quand vous êtes mis au monde avec une base estimée insuffisante... C'est le cas de certains de nos établissements plus récents. Écoutez, vous pourrez en parler avec les gens d'Abitibi-Témiscamingue, vous pourrez en parler avec les gens de Hull, de l'Outaouais. Quand, au départ, la masse est jugée insuffisante, bien, on part quand même parce que: On va s'arranger. On est courageux. On va trouver. Mais, si vous partez avec une base déficiente, vous avez beau faire toutes sortes d'ajustements paramétriques sous différents angles, la base est trop faible. Ou encore, historiquement, si vous vous êtes développé rapidement, avec beaucoup de chargés de cours, par exemple, en diminuant les coûts, et ainsi de suite, à un moment donné vous vous retrouvez avec des coûts de base qui sont plus faibles, qui sont plus bas. Bon.

Et je ne crie pas du tout à l'injustice ou à l'iniquité quand je dis ça. C'est technique, cette affaire-là. La grande difficulté de toutes les réformes de politique de financement universitaire, c'est celle qui consisterait à aller voir dans la boîte noire, si je peux dire, pour savoir si, au départ, les choses sont équivalentes ou sont suffisantes. Bon. Alors, la fragilité dont nous parlons, c'est celle-là.

Je ne suis pas en train de vous dire que l'Université du Québec est moins financée que les autres. Pas du tout. Elle n'est pas traitée inéquitablement par rapport à la formule de financement actuelle. Ce que je vous dis, c'est qu'il y a dans les bases mêmes de calcul une faiblesse institutionnelle qui est là et qui perdure d'année en année. Si vous partez plus faible, vous allez rester faible. Alors, aussi longtemps que vous êtes en progression de clientèle et qu'il n'y a pas trop de coupures, vous tenez le coup. Mais, à partir du moment où la subvention baisse dramatiquement et que les effectifs étudiants diminuent, là, bien, vous êtes dans la misère.

On parle parfois du développement au coût marginal, vous savez là. Si vous partez avec 20 000 étudiants, qui sont votre base de financement, et que là vous avez un accroissement marginal, on peut concevoir que vous payez des nouveaux effectifs à une proportion qui n'est pas 100 %. O.K.? Il y a une espèce de gain marginal. Ça dépend de la proportion. Mais, si vous doublez ou triplez vos effectifs, vous n'êtes plus dans du marginal. Ou, si vous créez de nouveaux programmes, vous n'êtes plus dans le marginal. Alors, si vous êtes financé au coût marginal, vous allez vous mettre rapidement en difficulté. Ce qui veut dire concrètement, là, que, dans bien des cas, au cours des années, il y a certains programmes jugés importants qui ont été créés à toutes fins utiles à perte, à cause de ça.

Mais, quand on se met à vouloir régler ça, c'est sûr qu'il y a des solutions plus simples que d'autres. Les solutions les plus simples, c'est de jouer sur un certain nombre de paramètres. Vous pouvez dire qu'au lieu d'avoir 11 secteurs disciplinaires vous allez en avoir huit. Au lieu de payer tant au premier cycle, au deuxième cycle, troisième cycle, vous allez faire ça autrement. Vous allez augmenter telle chose, telle chose. Mais vous êtes toujours, en un certain sens, dans du périphérique lourd, mais du périphérique.

Comment toucher à la boîte noire? Moi, en tout cas, j'ai été témoin de la volonté et du souhait de plusieurs ministres successifs d'aller dans cette boîte-là, mais qui ont vite trouvé que c'était une boîte de Pandore.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente. Je veux aborder avec vous une autre des dimensions des fonctions des universités, qui est celle de la recherche. Vous n'êtes pas sans savoir que, dans le virage que prend notre société, qu'on appelle le virage vers l'économie du savoir ou l'économie de l'innovation, les universités ont un rôle central à faire et particulièrement la synergie qui peut s'établir entre les pôles de connaissants que sont les professeurs d'université ou les chercheurs dans le monde universitaire et des besoins du milieu. L'Université du Québec, parce qu'elle est, comme vous l'avez rappelé très justement, structurée en réseau et présente sur l'ensemble du territoire québécois et directement interpellée par cette politique, alors, je vais dans un seule question vous poser à peu près trois ou quatre questions.

Comment, à l'intérieur de l'Université du Québec, cette prise en considération des besoins économiques ou sociaux de la population est prise en considération pour l'orientation des politiques de recherche?

Comment les moyens qui ont été mis en place dans la politique de recherche – je reviens un peu dans votre vie antérieure, je pense à des moyens comme Innovation Québec ou Valorisation de la recherche – ont été utiles ou vous avez pu participer dans ces différents programmes pour en arriver à une synergie entre le monde du travail ou le monde industriel et le monde de la recherche?

Troisième question: Comment pouvez-vous participer ou avez-vous pu participer dans les programmes fédéraux? Je pense particulièrement à la Fondation canadienne pour l'innovation. Est-ce que vous avez pu avoir votre juste part des fonds de la Fondation canadienne pour innovation?

Dernier point. Et ma dernière question, c'est une question de prospective. Vous avez, comme moi, écouté le budget fédéral proposé par Paul Martin hier, qui introduit des chaires de recherche, chaires qui vont être distribuées par les grands conseils nationaux, si j'ai compris, au pro rata des montants qui sont octroyés dans chacune des universités par les grands conseils nationaux. Quelle est la part, à ce moment-là, dans ces chaires qui vont être créées, que l'Université du Québec peut obtenir?

Et dernière sous-question: Est-ce que vous êtes équipés pour participer au grand projet sur le génome humain qui a été introduit hier? Donc, beaucoup de questions en une seule.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lucier.

M. Lucier (Pierre): Avec votre permission, je demanderai, sur la Fondation canadienne, sur les chaires et puis sur le génome, d'offrir le micro à Mme Milot. Je vais garder, si vous voulez, votre première question globale sur la manière de prendre en compte les besoins économiques.

Je vous dirai qu'une simple photographie des engagements de l'Université du Québec en recherche nous indique qu'il y a un mariage réussi, là. Bon. Je ne serai pas exhaustif, mais est-ce qu'on sera étonné de voir que l'océanographie, par exemple – les sciences de la mer – se soit très, très massivement et solidement développée à Rimouski?

M. Gautrin: Ma question est plus précise: Est-ce qu'il y a quand même interaction avec les organismes économiques du milieu?

M. Lucier (Pierre): Bien, oui, justement, là. Alors, je veux dire: Est-ce qu'on serait étonné de voir l'aluminium, la forêt, le dégivrage encore qu'on annonçait hier, bon...

M. Gautrin: Le Moyen Nord. À Chicoutimi.

M. Lucier (Pierre): ...qu'on ait ça à Chicoutimi? Dans chacun des cas, il y a plein de maillage avec des entreprises. Vous savez que l'Université du Québec a, en chiffres absolus, je dirais, le championnat de la proportion des sources de financement de recherche qui viennent de contrats et qui ne nous viennent pas des organismes subventionnaires. La proportion est tout à fait typique. Donc, il y a chez nous une plus grande part de financement qui vient d'entreprises partenaires ou contractantes qu'ailleurs, quand on compare ça aux organismes subventionnés. Il me semble qu'il y a là un indicateur de proximité avec les autres agents dans les secteurs, et ça a été possible en raison du genre de choix dont je vous parle.

(10 h 40)

Vous iriez en Abitibi-Témiscamingue et vous verriez, par exemple du côté du génie minier, à des proportions impressionnantes, la participation du monde de l'entreprise. Écoutez, on pourrait étendre, on pourrait parler des pâtes et papiers, de l'hydrogène, à Trois-Rivières. On pourrait faire la liste, là. Mais je crois qu'il y a effectivement des indicateurs montrant un maillage important, à telle enseigne – parce que vous faites référence à des perspectives disons de planification stratégique ou politique – que je serais porté à dire qu'il y a dans certains de nos modèles – et notamment, par exemple, à l'INRS qui viendra vous voir – je dirais, réalisé cela même que visaient certaines politiques spécifiques comme, par exemple, les centres de liaison et de transfert, ou encore le programme SYNERGIE, dans les années quatre-vingt-dix. Il me semble qu'il y a des signes que c'est réalisé concrètement, sans le nom, sans l'appellation, cela même que l'on visait par ces initiatives-là. Tant et si bien que l'enjeu maintenant est peut-être moins de multiplier des centres de liaison et de transfert patentés que de recueillir les vrais fruits institutionnels, je dirais, intégrés dans la pratique quotidienne des établissements.

C'est le cas de l'ensemble de nos constituantes, c'est le cas très clair à l'Institut national de la recherche scientifique qui a un taux de répartition de financement quasi à la limite du danger, comme vous savez. Il me semble qu'il y a là des indicateurs extrêmement intéressants qui montrent que la piste est bonne et nous n'avons pas l'intention de la lâcher.

M. Gautrin: Est-ce que vous avez des politiques institutionnelles pour les soutenir?

M. Lucier (Pierre): Je dirais: c'est inscrit dans la culture de l'Université du Québec. Mais là-dessus, avec votre permission, je demanderais à Mme Milot.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Milot.

Mme Milot (Louise): Oui. Bien simplement pour chiffrer les propos du président, il y a 68 % des subventions et contrats de recherche de l'Université du Québec qui ne viennent pas des organismes subventionnaires, dont presque 40 % viennent des contrats avec l'entreprise et d'autres des contrats avec les ministères. Alors, je pense qu'effectivement votre question est intéressante, mais c'est très culturel à l'Université du Québec, cette aptitude et cette compétence à interagir avec les entreprises, étant donné l'importance finalement de ce créneau-là.

L'Université du Québec s'est, en recherche, comme vous savez, développée dans des secteurs stratégiques pour le Québec. En 1990-1991, déjà, le nombre de contrats et le montant des contrats, alors que ce n'était pas culturel dans d'autres universités, pour des raisons historiques, l'Université du Québec était très en avance, toutes disciplines confondues, sur son nombre de contrats.

En 1997-1998, qui sont les dernières statistiques complètes pour la recherche, l'Université du Québec, si vous incluez les contrats faits avec les facultés de médecine dans les établissements qui ont des facultés de médecine, est derrière l'Université Laval et l'Université de Montréal pour ses contrats avec le privé – évidemment, là, le poids est très fort, des facultés de médecine – mais bien devant McGill, et bien devant Sherbrooke, et bien devant toutes les autres universités du Québec.

Et si vous enlevez les contrats que font les établissements qui ont des facultés de médecine avec le biomédical, l'Université du Québec totalise en dollars les contrats de toutes les universités du Québec. Elle en a plus que toutes les universités du Québec, à peu près le même montant. Et sa croissance de contrats est de 18 % au cours de la dernière année.

Donc, nous, l'Université du Québec, dans les organismes subventionnaires, quand il y a des programmes stratégiques – ça a toujours été comme ça – c'est-à-dire quand il y avait, pardon, pas des programmes stratégiques, des programmes de partenariat avec l'entreprise, c'étaient nos meilleures performances parce que c'était dans la culture de l'institution. À un point tel qu'il faut faire très attention. À un moment donné, le FCAR, par exemple, avait diminué l'importance de ses subventions stratégiques. Il faut se retourner très vite parce que ça peut nous pénaliser.

Donc, dans les recherches – si vous permettez, maintenant je viens à vos autres questions – les programmes que vous évoquez – c'est le cas des programmes fédéraux – je commence par le programme de Valorisation-Recherche Québec. Oui, l'Université du Québec considère qu'elle est en train de tirer son épingle du jeu, puisque les jeux sont en train de se faire dans la première partie finalement de Valorisation-Recherche Québec, la question des sociétés de commercialisation où l'Université du Québec est le promoteur finalement de l'une des quatre qui ont été acceptées par le conseil d'administration de Valorisation-Recherche Québec. Vous savez que nous sommes liés à Concordia, nous formons un consortium, tous nos établissements et Concordia.

Quant au deuxième 50 000 000 $ de Valorisation-Recherche Québec, les projets structurants, le premier appel de lettres d'intention, la limite était le 1er mars. Donc, nous sommes en concours. Il n'y a pas de raison pour que l'Université du Québec n'aille pas chercher sa part. Parce que, comme vous le savez, il s'agit de programmes interdisciplinaires, intersectoriels, encore là en partenariat avec des communautés, des organisations ou des entreprises, et nous croyons que nous sommes à pied d'oeuvre dans plusieurs secteurs d'expertise. Et, d'ailleurs, nous allons travailler avec les autres universités du Québec dans de tels projets.

Dans la Fondation canadienne pour l'innovation – et ce sera un peu la même chose pour le réseau des chaires d'excellence – le Québec en général considère qu'il est allé chercher sa part, je crois, et l'Université du Québec également, mais nous avons le même regret que le Québec, c'est-à-dire que nous avons eu un taux de succès très élevé pour le nombre de projets, c'est-à-dire, parmi le nombre de projets que nous avons présentés, nous avons eu un bon taux de succès, mais, dans d'autres provinces canadiennes et, pour l'Université du Québec, dans d'autres universités québécoises notamment qui avaient des facultés de médecine, le montant de la demande était plus élevé. Et, quand on totalise tout ce que nous sommes allés chercher, bien, on trouve que peut-être on aurait pu aller chercher plus. Bon, ça aurait peut-être été possible. Nous continuons de travailler, mais nous sommes, je dirais, relativement heureux de notre performance.

Dans les chaires d'excellence qui ont été annoncées hier... Une dernière chose sur la Fondation canadienne. Vous savez qu'à l'échelle canadienne ils ont fait une différence entre les plus grandes universités et les universités de petite taille, pour donner la chance à tout le monde, et ça nous a certainement donné une chance aussi pour certains de nos établissements qui ont voulu se prévaloir de ce scénario. Ce sera la même chose dans les chaires d'excellence, nous le savons. Il y a beaucoup, comme vous le savez, d'universités de petite taille et de taille moyenne au Canada, à l'extérieur du Québec, et ces universités font pression dans ce sens, même si l'Université du Québec, nous n'avions pas fait pression à la Fondation canadienne.

Pour les chaires d'excellence, nous savons qu'il y aura un minimum de chaires dans toutes les universités canadiennes. En tout cas, c'est ce qui ressort. Mais vous savez que les universités, nous ne connaissons pas encore les paramètres de distribution de ces chaires. Et nous savions d'ailleurs que le budget fédéral n'irait pas dans ces détails. Ce sont des choses que nous attendons, et que nous surveillons, et que nous essayons bien entendu d'influencer au profit des universités du Québec et, en ce qui nous concerne, au profit des universités du Québec. Nous savons qu'il y aura des chaires seniors et des chaires juniors, et nous croyons que nous pourrons aller chercher des têtes d'affiche dans certains domaines d'expertise de recherche de l'Université du Québec par le biais de ce programme.

Génome Canada, c'est un dossier que toutes les universités du Québec suivent depuis le début. Nous ne savions pas quelle serait la hauteur des sommes accordées dans le budget. Je crois que les promoteurs seront déçus; on attendait plus. On attendait 350 000 000 $, c'est 160 000 000 $. Et si c'était 350 000 000 $ ou 300 000 000 $, il était question d'un nombre de centres de génomique beaucoup plus important, dont cinq majeurs et peut-être trois ou quatre de moindre importance. Là, vous avez vu, le budget a retenu 160 000 000 $ et cinq centres majeurs, dont un au Québec.

Nous savons, toutes les universités du Québec savent que la tête de pont sera McGill, en génomique. Tom Hudson travaille depuis longtemps sur ce dossier, mais il y travaille avec les universités du Québec. Et, en ce qui nous concerne, Armand-Frappier et l'Université du Québec à Montréal sont de toutes les discussions de ce centre de génomique. Nous attendons de voir quelle sera exactement la mission du centre québécois, qui sera en santé humaine, pour voir comment s'aggloméreront les chercheurs du Québec, les nôtres et ceux des autres universités, et aussi comment, dans les autres centres qui porteront sur d'autres types de génomes – en botanique, du côté des poissons – nos chercheurs québécois s'agglutineront aux autres centres. Mais c'est un dossier que nous suivons, et nous n'avons pas de raison de penser que nous ne pourrons pas en profiter. Alors, voilà, je ne sais pas si j'ai bien répondu à vos questions.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. M. le président, MM. les vice-présidents et madame, votre exposé, votre présentation, je l'ai perçue comme un cri d'alarme des universités, un cri d'alarme qui bien sûr était attendu, parce qu'on en parle un peu dans les journaux, et ce n'était pas la première fois. Évidemment, on a tendance à s'y associer. Cependant, tout en tenant compte du fait que c'est une tradition de plusieurs centaines d'années que depuis toujours, à peu près, les universités réclament une grande autonomie dans l'administration et à tous points de vue – parce que c'est nécessaire, je pense, pour avoir une autonomie dans la façon de conduire et la recherche et l'enseignement – il reste que, sur le terrain, on se fait parfois aborder par des gens qui nous posent des questions. Parce qu'ils savent bien que le gouvernement met de l'argent dans les universités. Et les questions qui nous sont posées sont de toutes sortes.

(10 h 50)

Entre autres, on se fait dire par des gens que, par exemple, il y a beaucoup de professeurs qui sont payés à temps plein et qui donnent peu ou pas de cours et font d'autres travaux à leur compte pendant ce temps-là, pendant que les chargés de cours, peu payés, font le travail. On se fait dire que, dans les services de soutien, bien, il y a beaucoup de monde là – et là je parle de cas concrets qui nous sont rapportés – qui ont peut-être une charge de travail questionnable, pour parler par euphémisme. Évidemment, c'est sûr, tout le monde sait que, si on prend des cas particuliers, on va trouver le meilleur et le pire partout dans le monde, dans les universités comme ailleurs. Alors ça, il n'y a pas de problème là-dessus. Sauf que c'est souvent les cas particuliers qui donnent lieu à des préjugés. Et, généralement, quand c'est des préjugés, c'est général. Et le préjugé, c'est l'enfant de l'ignorance. Alors, seriez-vous en mesure de nous mettre les pendules à l'heure par rapport à tout cela?

Et je vais vous donner comment j'aimerais que les pendules soient mises à l'heure, c'est-à-dire: Quel est le système d'évaluation de performance que vous avez dans l'Université du Québec par rapport à la mission de l'institution ou un mécanisme d'évaluation de l'efficience par rapport au budget disponible? Comment ça fonctionne?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lucier.

M. Lucier (Pierre): Oui. En écoutant le député de Saint-Hyacinthe, j'avais la fantaisie de vouloir lui demander comment il répondait, lui, à ces bruits quand il les entendait, mais on pourrait réserver ça pour d'autres conversations. Vous avez d'emblée touché la question de l'autonomie, au point de départ. Vous savez, l'autonomie, dans le cas de l'université, ce n'est pas une coquetterie ou une demande d'immunité, c'est un des biens les plus précieux qui accompagnent l'aventure du savoir, et je sais que le député en est convaincu personnellement. C'est quand c'est menacé qu'on en découvre toute l'importance. Historiquement, les universités ont toujours été une cible dans certains contextes de pouvoir, tout le monde sait ça.

Parce que l'enjeu, finalement, c'est de savoir qui décide du vrai scientifique. La vérité scientifique n'est pas votée à la majorité de popularité, comme chacun sait. J'insiste là-dessus parce qu'il arrive qu'on fasse des gorges chaudes très superficielles sur l'autonomie chatouilleuse, disons, des universités. Moi, je vous dirais, je ne suis pas chatouilleux mais je suis ultrasensible là-dessus et ultraconvaincu qu'on a... Une des pierres d'assise fondamentales – et ce n'est pas de la coquetterie ou de la volonté d'immunité qui nous pousse à ça – c'est notre mission même. Mais je pense qu'on est plusieurs à en être convaincu, de cela. Et ça a un lien avec ce que le député dit parce qu'on pourrait penser que, derrière le rideau sublime de l'autonomie, on peut se cacher n'importe quoi.

Moi, je vous dirai: Sur les cas particuliers, je pense que le député a fait les nuances qu'il faut. De dire que les profs d'universités ne travaillent pas, c'est à peu près comme de dire que les politiciens sont tous des voleurs, ou ainsi de suite. Chacun sait que c'est faux. Moi, je dirais là-dessus: Qu'on vienne voir, qu'on regarde. Nous produisons des données, des indicateurs à rendre impossible la lecture, à faire faire des indigestions. J'en envoie un chariot, moi, pour votre commission. Il y en a qui sont publiées, donc il n'y a pas de cachette là-dessus. Et, moi, je vous dirai là-dessus: Qu'on nous dise ce qu'on veut savoir, il n'y a pas de cachette. Moi, je connais surtout des personnels qui se désâment. Je connais surtout ça. Mais, c'est évident, on peut avoir un voisin qui tond son gazon au début de mai, un après-midi de soleil, puis qui est prof dans une université, qui pourrait aussi être ailleurs. Bon. Mais la réalité, ce n'est pas ça. Moi, je dirais: Qu'on vienne voir. Bon.

Et l'évaluation des performances ou déficiences, j'imagine, vous la mettez sur le plan institutionnel. Mais, je dirais, là aussi, les données sont publiques. On en témoigne en étant ici. Je veux dire: il n'y a pas de cachette là-dessus. Moi, je peux vous dire, en observant cela, que je ne vois pas en quoi c'est plus critique et en quoi c'est moins rassurant que ce qu'on peut avoir d'indicateurs dans l'ensemble du fonctionnement des institutions. C'est même un milieu qui a, je vous dirai, des panoplies d'indicateurs particulièrement développés.

Prenons le cas, par exemple, puisque vous en parlez, des professeurs, le système d'évaluation de professeurs. Vous savez que toute la carrière d'un professeur d'université est soumise à des évaluations obéissant à un certain nombre de compilations d'indicateurs. On peut discuter de validité, mais enfin, à chaque dossier de promotion est attaché l'examen des publications, le nombre de citations, et on pratique, nous, je vous dirai, traditionnellement, à l'Université du Québec – ce n'est pas moi qui ai inventé ça, ça existait bien avant – une évaluation par les étudiants et une évaluation systématique. Autrement dit, les professeurs reçoivent leur bulletin.

Donc, je vous dirai, il y a une partie de votre question à laquelle il n'y a pas de réponse possible à quelqu'un qui a décidé que ça marchait tout croche. Mais je vous dirai simplement que l'examen des données disponibles serait susceptible de nous en apprendre beaucoup. Puis, moi, je vais plus loin, je dis: Écoutez, si on en a besoin d'autres, c'est ouvert. On pourrait peut-être demander, si vous permettez, à M. Leclerc de poursuivre.

M. Leclerc (Michel): Nous pouvons dire, pour ajouter à ce que disait M. le président, que la dernière étude – parce que j'imagine que vous voulez des comparaisons – qui a été faite a été faite par la Conférence des recteurs des universités du Québec. Cette étude démontrait que, dans toutes les universités, l'Université du Québec y comprise, la charge nette des professeurs était à peu près identique, était à peu près la même, de telle sorte qu'on n'est ni plus ni moins performant, selon cette étude.

Cette étude, qui a déjà un peu d'âge, c'est-à-dire trois ans, est en train d'être reprise actuellement, d'une part. D'autre part, je vous dirais, on a simplement à regarder les moyennes que nous pratiquons au premier cycle et à regarder également le nombre de chargés de cours que nous avons. Si, dans un département d'administration comme celui de l'Université du Québec à Montréal, vous avez un nombre excessivement important de chargés de cours, bien, le professeur, en plus de sa prestation d'enseignement, doit coordonner ces chargés de cours là. Or, on pratique actuellement, comme disait le président, environ 50 % de chargés de cours.

D'ailleurs, quand on traduit ça au niveau de ce que le président appelait «la boîte noire», on dit: Il nous manque actuellement 60 000 000 $ minimum au niveau de la base. Puis on dit: Si on veut se mettre à la hauteur de la moyenne de chargés de cours d'ailleurs, bien, on peut ajouter un autre 60 000 000 $, 120 000 000 $. Évidemment, tout le monde peut faire des chiffres comme ceux-là.

Au chapitre de l'évaluation, je vous dirais en plus qu'il y a des politiques d'évaluation institutionnelles qui sont faites, qui sont décrétées par les commissions des études. À l'Université du Québec à Montréal, par exemple – il en existe partout ailleurs aussi – pour octroyer un cours, il y a des formules très complexes où, en plus du professeur qui est évalué régulièrement et dans tous les établissements, ce qui n'est pas le cas dans toutes les universités – je ne pointe personne, je dis: Chez nous, c'est une pratique qui date de 1970 – tous les professeurs sont évalués à chaque session pour leurs cours. Toutes ces évaluations vont au département et ces évaluations sont consignées et font partie de l'évaluation globale du professeur.

Maintenant, les départements sont évalués quant à leurs performances. Quand il s'agit de donner un – et je termine là-dessus – poste de professeur à tel département plutôt qu'à tel autre, à l'Université du Québec à Montréal, il y a une formule excessivement complexe qui mesure la productivité de recherche, l'accroissement de la productivité de la recherche, la tâche nette, les services à la collectivité, etc., et qui fait que les départements les plus performants ont automatiquement plus de chances d'avoir le ou les postes qui sont disponibles. Voilà.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

(11 heures)

M. Béchard: Oui, merci. Il reste peu de temps. Moi, un des points qui me tracassent beaucoup – j'en avais parlé dans mes premières remarques – est au niveau de la diminution de la clientèle étudiante. Et je voyais dans vos documents que vous parlez non seulement des difficultés financières, mais ça met aussi en cause la viabilité de certains établissements, de leur masse critique, de leur capacité de maintenir des ressources. D'une part, quelles sont les stratégies que vous adoptez pour aller chercher de nouveaux étudiants ou pour combler ces baisses de clientèles?

D'autre part, vous mentionnez aussi dans votre document la question de promouvoir et de soutenir des actions concertées pour favoriser la motivation et le développement professionnel des différents groupes de personnels, notamment en matière de politique salariale, de perfectionnement et de mobilité, au niveau de l'ensemble des personnels, mais plus précisément au niveau des enseignants aussi. Quelles sont vos stratégies, comme je le mentionnais tantôt, pour garder vos enseignants, aller chercher les meilleurs? Parce qu'il y a certains de vos collègues en région qui me disaient que finalement le réseau des universités du Québec investit beaucoup dans de jeunes enseignants, et, aussitôt que l'investissement est fait, bien souvent on perd... aussitôt qu'il y a eu des premières parutions dans des revues scientifiques, vraiment que le cheminement scientifique des enseignants avance, bien là on les perd. Quelles sont vos stratégies pour combler ces deux points importants là?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lucier ou Mme Milot.

Mme Milot (Louise): Oui, je vais laisser M. Leclerc parler de mobilité et je vais répondre à votre question sur les clientèles et sur le fait de retenir peut-être les professeurs.

D'abord, les baisses de clientèles, comme vous le savez, des années du rapport dont nous parlons aujourd'hui ne sont plus les mêmes, n'est-ce pas? Les universités du Québec en général sont en reprise de clientèles. Je parlerai peut-être de l'Est du Québec, qui est une région à part. D'une part, je pense que nous n'avons pas fini d'amener les étudiants à l'université, notamment, comme vous le savez, les étudiants des D.E.C. techniques dont nous nous occupons beaucoup, toutes les universités, depuis cinq ou six ans. Il ne s'agit pas de tous les amener à l'université, mais il y a beaucoup de ces étudiants-là qui souhaitent se perfectionner encore à l'université, étant donné les exigences du marché du travail pour eux, et nous le faisons.

Il y a une autre façon d'augmenter les clientèles dont nous n'avons pas touché le fond certainement, c'est d'améliorer la diplomation. Nous sommes toujours en très grand effort pour améliorer la diplomation des étudiants. Et, comme vous l'imaginez sans doute, il est beaucoup plus facile ou, en tout cas, il y a moins d'investissement pour un établissement universitaire à essayer de mener au diplôme l'étudiant qui est déjà assis dans la classe plutôt qu'à le laisser retourner et décrocher, à essayer de bien l'encadrer; et, de cette façon-là, nous augmentons aussi nos clientèles. Donc, je ne crois pas que les universités du Québec, nous puissions dire actuellement que nous avons un problème de clientèles. Dans l'Est du Québec, c'est...

La Présidente (Mme Bélanger): ...Mme Milot, parce que, si M. Leclerc, il a un complément de réponse, il reste une minute.

Mme Milot (Louise): D'accord. Bien, ça va. C'est ce que je souhaitais dire là-dessus. Donc, les stratégies que nous avons pour les clientèles, nous en avons réglé une bonne partie depuis le moment du rapport que vous avez sous les yeux. Sur la question de la mobilité des personnels et de la façon dont nous procédons, je laisserai Michel Leclerc répondre.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. Leclerc, il reste une minute pour le complément de réponse.

M. Leclerc (Michel): Oui. Vous nous avez dit que vous nous donneriez un petit peu plus de temps au début.

La Présidente (Mme Bélanger): Non, non...

M. Leclerc (Michel): Mais enfin, vous présidez, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): ...mais c'est parce qu'il reste du temps pour l'autre côté aussi.

M. Leclerc (Michel): Oui, bien sûr. Alors, écoutez, je pense que, nonobstant le fait que l'on pratique des salaires en moyenne pour les professeurs plus bas que ceux qu'il y a dans les autres universités, l'ensemble professoral est relativement stable, sauf dans certains secteurs de pointe particuliers: exemples, INRS-Télécommunications ou d'autres secteurs à l'INRS, où on perd plus facilement, mais du côté de l'industrie cette fois-là. Bon, il s'est produit quelques cas aussi dans la région de Montréal. Maintenant, ce que l'on a comme défi, c'est qu'on aura probablement d'ici l'an 2010 – et je termine là-dessus, Mme la Présidente – 800 professeurs à embaucher, c'est-à-dire que, grosso modo, compte tenu des âges moyens de nos personnels enseignants, on aura à peu près 800 professeurs à embaucher d'ici 2010, donc il faudra avoir des stratégies qui seront des stratégies évidemment de rétention de jeunes, docteurs au postdoc ou postdocs, et non pas des gens qui seront dans les mêmes tranches d'âge que ceux qui quittent ou à peu près.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Leclerc. Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, Mme la Présidente. Bonjour et merci d'être là. Moi, j'aurais voulu avoir le temps qu'on regarde la question de l'évolution du mandat des universités du Québec. Ça fait 30 ans que vous existez. J'aurais voulu aussi qu'on regarde l'évolution du rôle du siège social versus les universités, parce que, M. Lucier, vous avez fait état de votre rôle, votre vocation nationale, de la couverture du territoire du Québec, de l'ensemble du territoire, c'est-à-dire couvert géographiquement d'une extrémité à l'autre. Vous savez, on peut parler d'argent, on peut passer la semaine à en parler, mais, si on veut parler des vrais enjeux, je pense qu'il faut qu'on commence par se questionner et discuter à la fois du contenu. Parce que je dirais que l'argent, c'est bien beau, c'est le nerf de la guerre, mais on peut en mettre à l'infini, de l'argent; c'est comme la santé, c'est sans fond, je pense qu'on peut... Ceci dit, sans nier les besoins financiers – ça, soyez rassurés là-dessus – nous sommes tous d'accord pour dire que, dans le domaine de l'éducation, nous devons réinvestir. Ça, je pense que c'est connu et c'est assuré.

Alors, moi, j'aimerais vous entendre sur l'évolution du mandat, du rôle des deux, à la fois du réseau et à la fois du siège social, et, en parallèle, sur l'évolution du budget. J'aimerais ça savoir quelle est la portion du budget qui est accordée au siège social versus la portion du budget qui est consacrée aux universités dans le réseau? Je pense qu'on pourrait commencer avec ça, et j'aurais bien aimé qu'on ait le temps... mais, rapidement, me donner un aperçu là-dessus.

La Présidente (Mme Bélanger): Deux minutes pour répondre à toutes ces questions.

M. Lucier (Pierre): On peut donner des pourcentages. Au fond, j'ai toujours dit, moi, que la question, ce n'est pas la question du siège social, c'est la question de la constitution d'un réseau. Nous, nous sommes au service de l'ensemble...

Mme Charest: Mais parlez-moi plutôt en partant du rôle de l'un par rapport au reste.

M. Lucier (Pierre): Bien, écoutez, c'est la constitution même de l'Université du Québec. L'Université du Québec est porteuse des pouvoirs universitaires. C'est ça, l'Université du Québec dans son ensemble est porteuse des pouvoirs universitaires. Elle a une Assemblée des gouverneurs, elle a un Conseil des études, une Commission de planification. C'est ça. Et les établissements sont constituants de l'Université du Québec et donc en tirent leurs pouvoirs universitaires. Ce n'est pas un régime de confédération ou un régime, je dirais, de franchises ou un régime de succursales. Il y a des constituants qui participent de cette mission-là. Mais les pouvoirs universitaires, c'est ça qu'il faut comprendre, ils sont exercés par l'Université du Québec qui a été conçue de cette manière-là, avec ses instances centrales, en matière de programmes, en matière de financement, en matière de concertation des ressources. Alors, ce n'est pas du tout, d'un côté, un siège social, puis des établissements. C'est l'Université du Québec. Moi, je ne dirige pas un siège social, je préside l'Université du Québec, et c'est là que sont les pouvoirs proprement de l'Université du Québec, qui a de ses constituantes qui sont définies avec leurs pouvoirs propres, et on a voulu que cette Université-là fonctionne en réseau, puisse faire un type de mariage qui n'est pas possible ailleurs.

Mme Charest: Est-ce que vous pouvez nous démontrer qu'il n'y a pas de chevauchement ou qu'il n'y a pas des rôles similaires d'une instance à l'autre et que, là-dessus, il y aurait peut-être des choses à revoir? Parce que cette formule, même si elle est bonne et qu'elle a été bonne durant 30 ans, est-ce qu'il y a des choses qui pourraient être différentes aujourd'hui, parce que le contexte a changé, parce que l'évolution des universités n'est plus ce qu'elle était il y a 30 ans passés? Est-ce qu'on a réfléchi à ça?

M. Lucier (Pierre): On peut tout penser autrement. Le vrai enjeu: Est-ce qu'on veut toujours que les établissements de l'Université du Québec fonctionnent en réseautage? C'est ça, la vraie question. Il n'y a pas d'autres questions que ça. Il n'y a pas de chevauchement quand les pouvoirs sont différents. C'est très clair, la loi est très, très claire sur les pouvoirs des commissions des études, sur les conseils d'administration, le Conseil des études, l'Assemblée des gouverneurs; c'est de rendre possible que les établissements ne soient pas des établissements isolés, mais participent à un même projet et fassent qu'ils appartiennent à une grande université.

Mme Charest: Mais, d'un point de vue de gestion, d'un point de vue administratif, est-ce qu'il n'y a pas des choses qui se chevauchent à l'intérieur des universités et qui se font aussi au niveau de la tête dirigeante de l'Université?

M. Lucier (Pierre): Après les nettoyages, si je peux dire, des dernières années, je ne sais pas très bien à quoi vous pensez. J'aimerais ça avoir des exemples, parce que...

La Présidente (Mme Bélanger): Malheureusement, on n'aura pas ces exemples-là aujourd'hui, c'est terminé.

M. Leclerc (Michel): Est-ce que je peux vous donner... deux minutes pour répondre à la question?

Mme Charest: Vous pouvez lui donner une minute pour répondre.

La Présidente (Mme Bélanger): Une minute? Parfait.

(11 h 10)

M. Leclerc (Michel): Excusez-moi. Mais, lorsque je suis arrivé à l'Université du Québec, au siège social, le budget était de 22 000 000 $, madame. Le budget est actuellement de 8 000 000 $. Le pourcentage était, du temps de M. Després, qui fut un ancien président nommé sous le règne du Parti libéral... il y avait 265 personnes au siège social. Je veux dire, ça a baissé, on est rendu à moins de 80. Il y a eu une profonde évolution, hein, les dépenses sont passées d'au-delà de 5 %... c'est à 2 % actuellement. Alors, c'est 2 % actuellement. Et il y a eu une réingénierie qui a été faite, encore tout récemment, du siège social, et non de l'Université du Québec. Cette réingénierie nous a amenés à créer un centre de services communs, où il y a des services vraiment qui sont une espèce de coopérative des établissements, et puis il y a le siège social. Alors, moi, je dis: À moins que ça, là, je ne vois pas vraiment, là; je veux dire, il faudra trouver d'autre monde pour faire fonctionner ça. Merci, madame.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci, M. Leclerc, merci, M. Lucier, Mme Milot et M. Quimper, pour votre participation à ce débat très intéressant.

Alors, nous allons suspendre quelques instants, le temps d'un changement...

(Suspension de la séance à 11 h 11)

(Reprise à 11 h 14)

La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je demanderais à l'Université du Québec à Trois-Rivières de bien vouloir prendre place. Alors, j'inviterais le porte-parole à bien vouloir s'identifier et à présenter les personnes qui l'accompagnent. Alors, nous avons 1 h 30 min pour faire le débat.


Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)

Mme V. de la Durantaye (Claire): Mme la Présidente, bonjour.

La Présidente (Mme Bélanger): Je m'excuse, mais, à la demande des parlementaires... le groupe précédent a eu des réponses très, très longues, il y aurait eu plus de questions à poser; malheureusement, le manque de temps. Ça fait qu'on demanderait peut-être d'être un petit peu plus court dans les réponses pour que les parlementaires puissent poser plus de questions.

Mme V. de la Durantaye (Claire): Nous ferons ce qu'il faut, chère madame.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci.

Mme V. de la Durantaye (Claire): Permettez-moi de vous présenter mes deux collègues cadres supérieurs qui m'accompagnent aujourd'hui. Alors, à ma gauche, vous avez M. François Héroux, qui est vice-recteur aux ressources humaines, et, à ma droite, vous avez mon collègue Cléo Marchand, qui est vice-recteur aux finances. Je vous prie d'excuser l'absence du vice-recteur à l'enseignement et à la recherche, qui est retenu à la commission parlementaire sur la police, pour une bonne cause.

Alors, Mme la Présidente, nous vous remercions de nous donner l'occasion ce matin de nous exprimer devant vous et les distingués membres de cette commission. La Loi sur les établissements d'enseignement universitaire requiert que nous fassions état de notre performance en enseignement et en recherche ainsi que de nos perspectives de développement. Les informations fournies aux membres de la commission répondent à cette exigence, mais il nous apparaît important de les mettre en perspective à la lumière de la situation actuelle. Nous souhaitons donc utiliser ce moment privilégié non seulement pour répondre de la performance de notre Université pour 1997-1998, mais également pour vous faire part de nos préoccupations quant à l'avenir de notre Université dans le contexte d'un financement gouvernemental restreint.

En effet, bien que cette audience porte sur les renseignements concernant l'année 1997-1998, vous me permettrez de faire référence à divers aspects de l'évolution de la situation de l'Université du Québec à Trois-Rivières au-delà de cette période. Les dernières années et leur cortège de difficultés financières et de rationalisations ont eu d'importantes conséquences sur notre Université, que l'analyse année par année ne permet peut-être pas de bien saisir. Et ces conséquences étant déterminantes pour la bonne compréhension de nos actions présentes et futures, il nous a semblé essentiel de vous en faire part. Également, à l'occasion de questions qui intéressent les membres de la commission, il nous fera plaisir d'aborder les thèmes soulevés dans votre missive du 12 janvier dernier, mais qui n'ont pas fait l'objet d'une transmission d'informations à la commission.

Je me permettrai donc, Mme la Présidente, de présenter brièvement mes propos en trois points: le contexte budgétaire difficile des dernières années, les mesures mises de l'avant par l'Université du Québec à Trois-Rivières pour faire face à la situation et, finalement, les actions entreprises pour garantir l'avenir.

Un contexte d'appauvrissement des universités québécoises. L'événement marquant des cinq dernières années dans le système universitaire québécois est certes le désengagement de nos gouvernements dans son financement. Ce désengagement de l'État représente aujourd'hui une perte de près de 25 % de la subvention générale que reçoit notre Université. Pour l'Université du Québec à Trois-Rivières, qui fête tout juste ses 30 ans cette année, cette perte signifie que la subvention générale versée par le ministère de l'Éducation est passée de 53 900 000 $, en 1994-1995, à 44 200 000 $, en 1998-1999.

Une autre manière de présenter cette réduction de notre financement consiste à comparer l'évolution de notre clientèle étudiante à temps complet entre 1988-1989 et 1997-1998 avec, en correspondance pour la même période, l'évolution en dollars constants de nos revenus par étudiant équivalent temps complet. Selon les données de la vice-présidence à l'administration de l'Université du Québec, en date du 27 mai 1998, l'Université du Québec à Trois-Rivières a connu, au cours de cette décennie 1988 à 1998, une hausse de son nombre d'étudiants équivalents temps complet de 12,4 %. L'Université du Québec à Trois-Rivières recevait, en 1988-1989, des revenus par étudiant équivalent temps complet de 8 468 $ en dollars constants, qui ne sont plus, en 1997-1998, que 7 474 $ pour la même période, une diminution des revenus de 11,7 %.

Un constat similaire peut être fait en regardant l'évolution de la subvention reçue du ministère de l'Éducation par étudiant équivalent temps complet, en dollars courants cette fois. Cette subvention, de 7 108 $ qu'elle était en 1994-1995, se situe, en 1997-1998, à 6 614 $, soit une diminution de 7 % en quatre ans. En 1994-1995, seule l'Université Bishop's pouvait prétendre avoir une subvention par étudiant équivalent temps complet plus faible que notre Université. En 1997-1998, seule l'UQAM et Bishop's ont une subvention plus faible que l'UQTR. Pourtant, notre Université, pour la même période, soit de 1994-1995 à 1997-1998, a pu réduire ses coûts moyens par étudiant équivalent temps complet de 7 853 $ à 7 650 $, soit une diminution, peut-être faible mais réelle, de 2,6 %.

(11 h 20)

L'UQTR possède depuis de nombreuses années les coûts les plus bas de tout le réseau universitaire québécois en terrains et bâtiments ainsi qu'en soutien administratif. Aussi, peu importe le barème de comparaison utilisé, il appert hors de tout doute que notre Université fait un usage plus que réfléchi des argents publics qui lui sont versés et, à ce titre, il nous faut constater que sa performance financière ne fait aucun doute. Car, malgré la hausse de clientèle enregistrée pendant la dernière décennie, l'Université du Québec à Trois-Rivières a su non seulement maintenir des coûts moyens parmi les plus bas de tout le réseau universitaire québécois, mais encore des subventions moyennes parmi les plus basses du réseau universitaire québécois. En 1997-1998, la subvention moyenne pour notre Université par étudiant équivalent temps complet que nous recevons du ministère de l'Éducation est inférieure de 1 036 $ au coût moyen généré par un étudiant équivalent temps complet dans notre Université.

Voilà, Mme la Présidente, pourquoi nous tenions aujourd'hui à placer dans son réel contexte le déficit de fonctionnement de 1997-1998, mais surtout celui de 1999-2000 qui s'annonce être de l'ordre de 5 500 000 $. Ceci n'est pas oeuvre de négligence. Il s'agit plutôt de la conséquence d'une diminution importante et cumulative de la principale source de nos revenus, soit la subvention générale versée par le ministère de l'Éducation.

Deuxième point, les mesures prises pour corriger la situation financière déficitaire. L'ampleur des compressions financières gouvernementales, cumulatives et récurrentes, a été de l'ordre de 35 500 000 $ entre 1993-1994 et 1998-1999 pour notre Université. Par différentes mesures d'économie, 80 % de ces compressions ont pu être absorbées jusqu'à maintenant. Mais, en l'absence d'un refinancement, la dernière étape de notre redressement financier pourrait s'avérer difficile, voire mission impossible, sans changements importants dans notre mission d'accessibilité et notre mission régionale.

Pour absorber de telles compressions, notre Université a dû mettre de l'avant des mesures d'économie à effet rapide, certaines ayant des conséquences structurelles importantes que l'on constate aujourd'hui. Deux programmes de départs volontaires à la retraite ont été mis sur pied, l'un en 1996, l'autre en 1997, permettant à une centaine de personnes – 33 % de nos cadres, 13 % de nos personnels non enseignants et 11 % de nos professeurs – de quitter l'Université, tout en permettant à l'Université du Québec à Trois-Rivières de contribuer à réaliser une économie de 2 500 000 $ sur sa masse salariale totale. Ces départs à la retraite n'ont pas tous donné lieu à un remplacement, il va sans dire. Aussi, notre structure administrative s'est-elle trouvée allégée. Par ailleurs, des concessions salariales furent également consenties par l'ensemble des personnels enseignants et non enseignants pendant ces années. Ces concessions salariales furent accompagnées de congés de primes au régime de retraite pour l'employeur et l'employé au cours de la même période. Ces mesures constituèrent les éléments importants de la stratégie de résorption de la réduction de nos subventions. Les autres mesures d'économie réalisées pendant ces années, c'est-à-dire entre 1994-1995 et 1998-1999, à l'Université du Québec à Trois-Rivières, comme, par exemple, la réduction du nombre d'activités d'enseignement, qui ont été réduites de 12,3 % pour la période, n'ont pas eu l'impact des mesures précédemment citées.

Tout au long de sa courte histoire, l'UQTR a toujours fait le choix d'investir ses ressources dans les activités centrales de sa mission, à savoir l'enseignement et la recherche. Face à la diminution importante de ses subventions, elle a dû cependant réduire le nombre de postes octroyés de professeurs, ceux-ci passant de 386 postes, en 1994-1995, à 365, en 1998-1999. Le taux de ses activités d'enseignement assumées par les chargés de cours est passé par conséquent de 52,8 %, en 1994-1995, à 55 %, en 1997-1998, année, il est vrai, du départ à la retraite de plusieurs de nos professeurs.

En ce qui a trait au renouvellement des ressources professorales, les postes qui furent octroyés le furent dans les secteurs à fort besoin de soutien autant au niveau de l'enseignement – clientèle étudiante importante, présence d'études avancées – que de la recherche – postes de professeurs sous octroi, programmes de recherche à structurer ou à soutenir. Malgré ces efforts, l'UQTR doit toujours composer avec un taux élevé de ses activités assumées par des chargés de cours. Au cours des 10 dernières années, ce taux n'a jamais été inférieur à 47,8 % pour l'ensemble de l'Université, dépassant même les 70 % dans certains secteurs.

Or, pendant cette période, notre Université a tenu à maintenir sa mission d'accessibilité et la qualité de la formation offerte. Pendant cette période, notre Université a continué son développement et a poursuivi sa mission d'appui au développement régional. Avec ses 10 000 étudiantes et étudiants, ses 55 000 diplômés, elle a concrétisé avec succès son projet d'université à vocation générale, proche des besoins de son milieu, mais aussi elle s'est montrée capable de choix d'intervention uniques, comme, par exemple, en santé, en hydrogène, en petite et moyenne entreprise, etc., qui font d'elle une institution, j'ose l'espérer, respectée et reconnue.

Pendant cette période difficile, l'Université du Québec à Trois-Rivières a su également accomplir de très belles réussites dans la poursuite de son développement. Du côté de ses programmes d'études de premier cycle, elle a procédé à une révision en profondeur de ses programmes de formation des maîtres, consolidé la mise en place de l'unique doctorat de premier cycle en chiropratique offert dans le monde francophone, et inauguré, à l'automne 1999, un baccalauréat de formation pour les sages-femmes, avec la collaboration de l'Université McMaster. Le programme de podiatrie vient, quant à lui, de franchir l'étape de qualité de la CREPUQ. Elle a également opéré une percée dans la formation du personnel infirmier clinique en soins infirmiers périopératoires, en collaboration avec des hôpitaux situés un peu partout au Québec, et dans la formation du personnel infirmier en région isolée. L'UQTR élabore présentement, de concert avec l'Institut de police du Québec et plusieurs universités québécoises, un programme de baccalauréat en formation policière.

Aussi, dans le but de faciliter l'accès de détenteurs de diplômes d'études collégiales techniques à un grade universitaire, l'UQTR a, au cours des dernières années, déposé un modèle de curriculum intégré D.E.C. technique–baccalauréat pour la formation du personnel infirmier, et mis en place, avec le cégep de Sainte-Foy et bientôt avec tous les collèges de sa région, un tel curriculum intégré en sciences comptables, permettant à un étudiant au D.E.C. technique d'obtenir son baccalauréat en quatre années d'études. D'autres ententes collèges–Université ont pu aussi être conclues dans les secteurs de la psychoéducation et de la biologie moléculaire.

Aux études avancées, l'Université du Québec à Trois-Rivières a ajouté à son répertoire de programmes une maîtrise en mathématiques et informatique appliquées, une maîtrise en psychoéducation offerte conjointement avec l'Université du Québec à Hull, ainsi qu'un doctorat en administration des affaires, le D.B.A., conjointement avec l'Université de Sherbrooke.

En recherche, notre Université a vu son patrimoine s'enrichir depuis quelques années de deux nouveaux instituts: l'Institut de recherche sur l'hydrogène et l'Institut de recherche sur les petites et moyennes entreprises, dont les développements se poursuivent à très grande vitesse. Par ailleurs, il importe de souligner le succès remporté par nos équipes de recherche à la Fondation canadienne pour l'innovation, où, l'an dernier, nous sommes allés chercher l'ensemble de l'enveloppe de 2 200 000 $ que le fonds nous avait réservée, et, le mois dernier, cinq nouveaux projets de recherche ont été envoyés au grand fonds de la Fondation canadienne, dont un projet majeur dans le domaine des pâtes et papiers avec la collaboration, en partenariat avec le cégep de Trois-Rivières.

(11 h 30)

Mentionnons également qu'avec la mise en oeuvre d'un premier plan directeur des technologies de l'information et des communications en enseignement, l'UQTR a placé ces technologies au service de l'amélioration de l'apprentissage et de l'enseignement. En plus de faire exemple, elle s'est acquise la réputation d'une Université branchée. Grâce à un fonds d'enseignement médiatisé mis en place en 1997-1998, 170 initiatives dans ce domaine ont pu bénéficier d'un soutien financier au cours des trois dernières années.

Mentionnons enfin rapidement deux améliorations majeures au chapitre de nos services à nos étudiants: le développement du dossier étudiant informatisé, qui donne désormais accès à chacun de nos étudiants à l'ensemble de son dossier académique et lui permet d'effectuer par intra ou Internet l'ensemble des transactions touchant ce dossier, et le centre de ressources multiservices, tel que l'on en trouve un à l'Université d'Ottawa ou de Concordia, qui crée un lieu unique pour l'étudiant afin qu'il trouve réponse à tous ses besoins.

Troisième et dernier point: les actions préparant l'avenir. Disons les choses telles qu'elles sont: l'UQTR éprouve de plus en plus de difficultés à répondre aux attentes légitimes que son milieu a à son endroit. Nous sommes arrivés, Mme la Présidente, à une croisée des chemins. S'il n'y a pas très bientôt une correction du sous-financement que la formule actuelle de financement occasionne à l'Université du Québec à Trois-Rivières, nous n'aurons d'autres choix que de réduire l'accessibilité des études universitaires, la qualité de la formation ne pouvant souffrir aucune atteinte.

Comment, en effet, absorber autrement un manque à gagner structurel de près de 8 000 000 $ à chaque année? Malgré la réduction des dépenses décrite précédemment, la rationalisation de l'offre des activités d'enseignement déjà effectuée et des questionnements sérieux sur le maintien de certains programmes, l'ampleur de ce manque à gagner nous forcera à une réduction bien plus grande de l'offre de services. Des programmes devront vraisemblablement être retranchés, forçant des étudiantes et des étudiants à aller chercher hors de leur région la réponse à leurs besoins de formation, avec le risque qu'ils ne reviennent pas contribuer au développement de leur milieu. Ce qui est également préoccupant dans cette perspective, c'est que ces retranchements n'ouvriront pas de marge pour répondre à de nouveaux besoins, ils conduiront purement et simplement à une diminution de services privant la population desservie par l'Université de services d'enseignement et de recherche cruciaux pour son développement social, économique et culturel.

L'Université du Québec à Trois-Rivières n'hésite pas à reconnaître et à assumer sa responsabilité par rapport aux régions qu'elle dessert. Elle a toujours cherché à répondre aux besoins de ses clientèles, qu'il s'agisse de formation initiale, de formation continue, d'études avancées ou de recherche appliquée. Elle a renforcé depuis quelques années ses partenariats avec le milieu afin d'accroître à la fois sa pertinence et ses liens avec ceux-ci.

Dans le plan triennal de développement que nous sommes à élaborer, une attention toute particulière est portée à l'amélioration de la formation et à l'encadrement de nos étudiants. Nous visons ainsi à répondre davantage aux besoins en formation pratique, aux besoins d'ouverture sur le monde et d'apprentissage des technologies de l'information et de la communication, des orientations fortement appuyées par la nouvelle politique sur les universités rendue publique il y a 15 jours et longuement débattue au récent Sommet du Québec et de la jeunesse. Concernant l'éthique, après un début particulièrement prometteur, nous sommes à préparer la seconde phase de notre plan pour l'utilisation de ces technologies en enseignement.

Or, les ressources financières nécessaires à cette amélioration de nos programmes de formation ne sont pas au rendez-vous, obligeant l'Université à trouver ailleurs l'argent nécessaire. Il y a, vous en conviendrez, un paradoxe entre l'importance accordée à ces nouvelles dimensions de la formation ainsi qu'à l'économie du savoir et le fait que nous ne puissions y consacrer les ressources appropriées sans devoir couper ailleurs. Dans l'énoncé de ses priorités de réinvestissement et dans ses réactions au projet de politique sur les universités, l'Université du Québec à Trois-Rivières a insisté sur le péril que représente sa situation financière actuelle pour le maintien de l'accessibilité des études universitaires et pour la poursuite de sa contribution au développement des milieux qu'elle dessert. En fait, les principes d'accessibilité et de qualité de la formation qui guident nos interventions souffrent actuellement grandement des conditions dans lesquelles l'Université doit maintenant réaliser cette mission.

Aussi avons-nous entrepris au cours des derniers mois, au sein de notre communauté universitaire, une démarche de changement organisationnel, changement axé sur le modèle d'une université innovante et entrepreneure. En fait, nous sommes actuellement en consultation auprès de l'ensemble de notre communauté pour un modèle d'université à structure allégée et décentralisée, fonctionnant sur la base de l'approche par résultats et sur la base de départements entrepreneurs. Cette démarche doit nous permettre de renforcer la cohésion d'action à l'interne et nos partenariats avec le milieu. Nous comptons ainsi simplifier nos modes d'organisation et de fonctionnement afin de rendre un meilleur service aux étudiants et de faciliter l'amélioration continue de nos activités de formation et de recherche. Ce faisant, nous visons à la fois une plus grande efficacité et une plus grande efficience. Ces mesures permettront – du moins nous le souhaitons – de relancer la motivation des artisans de notre université. Nous ne saurions décemment en attendre une contribution additionnelle à la réduction des dépenses de fonctionnement de l'université.

Mme la Présidente, pourquoi sommes-nous ici aujourd'hui à plaider pour que la société québécoise continue de nous accorder confiance et soutien pour un plein exercice de notre mission? C'est avant tout pour que le plus grand nombre possible de nos concitoyennes et de nos concitoyens puissent bénéficier près de chez eux de services d'enseignement supérieur de qualité et pour que notre université continue d'être le levier de développement des collectivités que ces dernières lui reconnaissent de plus en plus que nous venons vous livrer aujourd'hui ce plaidoyer. En partageant avec nous cette préoccupation et en faisant en sorte que le caractère essentiel de la formation supérieure se traduise par des investissements conséquents, vous nous donnerez l'occasion de poursuivre notre contribution au développement social, économique et culturel du Québec et d'améliorer notre performance, ce qui est l'un des objets principaux de notre présence à cette commission.

Mme la Présidente, nous sommes favorables à des plans de performance, mais nous demandons simplement d'être sur la même ligne de départ que les autres universités au Québec. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme de la Durantaye. Oui, Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Pour quand même avoir une efficacité en termes de fonctionnement, j'apprécierais qu'on nous donne le texte des intervenants et qu'on demande à tous ceux qui vont venir aujourd'hui... Parce que les textes, enfin, les discours d'introduction ne sont pas ce que l'on retrouve dans nos documents. Je pense que, pour poursuivre la discussion sur la lancée que nos invités nous donnent, il serait très important que nous ayons les textes. Alors, je ne sais pas si madame a des copies de son texte.

Mme V. de la Durantaye (Claire): Je peux laisser ma copie avec beaucoup de plaisir. Il y a trois coquilles dans le texte, j'espère que vous les excuserez.

Mme Charest: Ce n'est pas grave, madame.

Mme V. de la Durantaye (Claire): Nous vous ferons parvenir par courrier express une version enjolivée.

Mme Charest: Je vous dirais que ce n'est pas nécessaire. En autant qu'on l'a au moment où on discute ensemble.

Mme V. de la Durantaye (Claire): Très bien, madame.

Mme Charest: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): On va faire faire des copies qui seront déposées à chacun des membres de la commission. Alors...

Mme Charest: Et j'insiste pour que ceux qui vont venir, là, dans la suite, nous présentent leur texte au moment de la lecture, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Bélanger): S'il y a possibilité, ça sera sûrement fait. Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, aussi. C'est marqué, mais là on commence par le porte-parole.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup. Tant que je ne me ferai pas tirer de roches ou de crayons!

Mme de la Durantaye, M. Héroux, M. Marchand, et je vois M. Adam aussi, bienvenue. Moi, une des réactions que j'avais quand j'entendais votre texte, je faisais immédiatement référence à la présentation sur la politique des universités quand le ministre de l'Éducation disait que le réinvestissement devrait être lié à des indicateurs de performance. Et la réflexion qui me venait, à entendre vos chiffres, à entendre que, malgré le contexte dans lequel vous évoluez, vous réussissez encore à faire du développement et à développer de nouveaux programmes, je pense que tous les textes que le ministre veut avoir sur les indicateurs de performance... on va lui envoyer une copie de votre présentation, puis ça devrait le convaincre. Et, si ça ne le convainc pas, je pense qu'il y a un problème quelque part.

(11 h 40)

Ce que j'ai entendu de votre présentation est un peu, pour reprendre certains des propos qu'on avait avec le réseau des universités du Québec il y a quelques minutes, c'est de dire: On a beau vouloir garder la mission, on a beau garder l'accessibilité en région, l'implication régionale, mais, d'un autre côté, s'il n'y a pas, je dirais, une implication de la part du ministère comme tel, du gouvernement du Québec au niveau financier, ça risque de devenir un jeu extrêmement dangereux où vous vous retrouvez sur une ligne, la ligne de touche. Comme vous le mentionniez, je prenais en note que vous disiez: On veut garder les liens et la pertinence de notre université en région. C'est très grave, parce que vous êtes pris avec des moyens qui sont, je dirais, minimes – vous avez les mains bien attachées – mais vous avez aussi un rôle à rendre au niveau régional. Les gens en région s'attendent à ce que vous soyez un joueur majeur, s'attendent à ce que l'Université du Québec à Trois-Rivières soit un chef de file, et, vous, vous êtes aux prises avec ces attentes-là, et, de l'autre côté, peu de moyens pour les faire. Et je regardais aussi, dans les documents que vous nous avez transmis, les courbes au niveau du financement. Ça fait réfléchir aussi. Je pense que ça met en lumière toute l'urgence qu'il y a à réinvestir.

Je vais poser ma première question sur le réinvestissement et je vais y mettre deux volets. Le premier volet, c'est certain, vous avez sûrement entendu parler du 1 000 000 000 $ qui a été annoncé. Et, finalement, quand on le décortique, il n'en reste peut-être pas beaucoup; on verra dans les chiffres. Ce réinvestissement-là, vous, dans votre cas, sur les prochaines années, vous le chiffrez à combien? Vous avez sûrement une idée quelque part d'un minimum; je ne parle pas du maximum. Tous ceux qui fréquentent le réseau universitaire savent qu'au niveau de la recherche, au niveau du développement, on peut en faire et on peut faire de très, très belles choses. Mais, s'il y a un minimum quelque part à aller chercher pour, je dirais, combler vos besoins les plus pressants, quel est-il, de quel ordre est-il?

Et une question qui sous-tend ça et qui a piqué ma curiosité: Quand vous parlez dans vos plans de développement d'une université innovante et entrepreneure, vous parlez d'une approche par résultats avec des départements entrepreneurs, est-ce que derrière ça il y a aussi un objectif d'aller chercher davantage de financement autour, d'aller chercher d'autres moyens de se financer?

Et, moi, ça m'amène à une réflexion. Je veux bien qu'à un moment donné on parle beaucoup de rapprocher les universités du milieu du travail, on veut faciliter les liens avec les entreprises, mais est-ce qu'il n'y a pas là un danger aussi sur le fait que les enseignants et les professeurs vont à l'avenir avoir beaucoup plus d'intérêt à travailler au niveau de la recherche, au niveau d'aller chercher les contrats, au niveau de devenir eux-mêmes, je dirais, des entrepreneurs quelque part pour aider leur développement personnel et le développement de leur université qu'à un autre aspect qui est aussi important, sinon plus, de leurs fonctions, qui est d'enseigner et de transmettre la connaissance? Et je vous dirais que ça peut même remettre en question, si on pousse à la limite, la vocation sociale et de développement de l'avenir des universités au Québec. Et j'aimerais que vous nous parliez de tout ça dans la perspective de l'Université du Québec à Trois-Rivières.

Mme V. de la Durantaye (Claire): Certainement, M. le député. Mme la Présidente, je serai certainement un peu longue, mais là je dois dire que ce n'est pas de ma faute.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme V. de la Durantaye (Claire): Il y a plusieurs questions qui me sont posées et qui sont tout à fait pertinentes et absolument intéressantes. Mais je vais tout de même essayer d'être brève, je vais résumer les propos.

La Présidente (Mme Bélanger): C'est parce que le temps est réparti également entre les deux formations politiques.

Mme V. de la Durantaye (Claire): D'accord. Alors, vous me permettrez de résumer vos propos, cher monsieur, en quatre points. Concernant l'accessibilité, je tiens à dire ici que nous avons 40 % de notre clientèle qui vient de l'extérieur des deux régions naturelles de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Autrement dit, 40 % de nos étudiants viennent en fait des deux régions: Montréal ou Québec. Je tiens à dire aussi qu'il ne faut pas penser que la pénétration de l'enseignement universitaire dans les régions est complétée. On a tous entendu le ministre de l'Éducation et nous avons tous entendu les jeunes au Sommet, la semaine dernière, parler du décrochage scolaire. Rappelons-nous que 30 % des jeunes au niveau secondaire, qu'ils soient en région ou dans les grands centres urbains, décrochent au secondaire et sont donc une clientèle, si on peut employer ce mot, sont donc des jeunes qui n'auront pas et qui ne se donnent pas accès à l'enseignement supérieur. Et, lorsqu'il y aura un travail de fait auprès de ce 30 % là d'individus, évidemment la formation universitaire sera accessible.

M. le député a souligné la situation financière difficile de l'Université du Québec à Trois-Rivières. C'est le message principal que j'ai voulu livrer aujourd'hui: il y a effectivement urgence. Comprenons-nous bien, nous ne nous sommes pas du tout opposés à des mesures de performance ou à des redditions de comptes. Nous sommes des gestionnaires publics d'institutions publiques consacrées à la jeunesse et à la formation des Québécoises et des Québécois. Nous avons et nous faisons actuellement le maximum de ce que nous pouvons. Mais, cependant, le message de l'équipe de direction de l'UQTR ce matin est très clair: il nous manque 8 000 000 $ dans nos bases de financement. Avant de parler de développement, avant de parler d'aide ponctuelle mieux ciblée, le chiffre, il est écrit dans mon texte, c'est 8 000 000 $, 8 000 000 $ qui devraient être versés dans la base de financement de l'Université du Québec à Trois-Rivières pour qu'elle ait cette position équivalente aux autres universités en ce moment, quand le ministre nous mettra tous sur la ligne de départ avec les plans de performance.

Le dernier élément tient de la gestion universitaire, ça vise le modèle que j'ai qualifié d'«université innovante». Comprenons-nous bien, il ne s'agit pas de décloisonner le milieu universitaire pour lancer les individus à la recherche de contrats commandites, nous sommes à des années-lumière de cela. Ce que nous disons, c'est que l'université étant une collectivité intelligente, où la grande majorité des acteurs possèdent un doctorat et ont une capacité d'autonomie importante, le temps serait peut-être venu d'arriver avec un style de gestion à l'intérieur de nos universités où nous confions davantage de responsabilités et d'imputabilité à nos départements et transformons notre gestion, qui est actuellement une gestion un peu trop normative et réglementaire, pour aller vers des modèles où les unités de base de nos institutions peuvent prendre davantage de responsabilités. Et, selon nous, il est évident que ça va permettre une énergie créatrice encore plus grande et rejoindre le but de l'efficience que nous fixe finalement notre ministère de l'Éducation. Voilà, Mme la Présidente, j'ai essayé d'être brève.

La Présidente (Mme Bélanger): Très bien. Alors, d'autres questions, M. le député? Non. Alors, M. le député de Montmorency.

M. Simard (Montmorency): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, comme nous avons tout un chacun plusieurs questions à vous adresser, comme nous avons peu de temps pour le faire, j'irai, si vous me le permettez, droit au but. D'abord, bienvenue parmi nous. Merci pour votre présentation.

Ma question est la suivante. Vous savez qu'il y a plusieurs attentes, parfois d'ailleurs contradictoires ou paradoxales, entre la mission enseignement et la mission recherche dévolues aux universités. Et si fondamentalement on va faire un bac à l'université, c'est pour y obtenir une solide formation, une formation de qualité qui ultimement va déboucher sur une attestation, une diplomation. Et, lorsqu'on se vante de son taux de diplomation, on ne peut pas faire référence au travail que font les chargés de cours dans ce contexte.

On sait que près de 55 % – je crois que c'est le chiffre auquel vous faisiez tout à l'heure référence – des cours sont dispensés par des chargés de cours. Or, vous avez tout récemment eu une grève, si je ne m'abuse, de vos chargés de cours qui, pour l'essentiel, disent: Écoutez, la différence qu'il y a entre notre salaire et celui des enseignants n'est pas justifiée par la différence des responsabilités dévolues à l'un et aux autres. Alors, j'aimerais savoir qu'est-ce que vous pensez de cette revendication, et est-ce que le 8 000 000 $ que vous nous réclamez servirait éventuellement à réduire l'écart entre les deux groupes d'enseignants?

Mme V. de la Durantaye (Claire): Alors, je vais répondre en partie à votre question et je laisserai la parole à mon collègue vice-recteur aux ressources humaines pour commenter la deuxième partie qui est plus rattachée à l'évaluation qui est faite des tâches des chargés de cours.

Il n'y a pas de contradiction entre l'enseignement et la recherche au niveau universitaire. Et je citerai la politique sur les universités que le ministre de l'Éducation a dévoilée il y a deux semaines, qui, en fait, de façon très claire, établit le lien qu'il doit y avoir, la synergie qu'il doit y avoir dans une université entre des activités de recherche active, intense et l'enseignement, puisque l'objectif principal de nos missions est justement de former ces jeunes, ces étudiantes, ces étudiants, à des niveaux élevés de capacité d'analyse, de raisonnement, et aussi à les initier progressivement au processus de recherche.

La présence chez nous d'un taux élevé de chargés de cours ne vient pas du fait qu'il y a contradiction entre enseignement et recherche, ça vient du fait de notre sous-financement chronique. Voilà, monsieur. Et, dans le plan de réinvestissement que nous avons déposé auprès du ministère de l'Éducation, vous trouverez, au niveau des demandes de fonctionnement, un item où l'Université du Québec à Trois-Rivières dit au ministère qu'elle souhaiterait réduire à 30 % le taux de chargés de cours – surtout si le ministère tient à en faire un indicateur de performance – et que, pour atteindre ce 30 % là, nous évaluons que nous aurions besoin de 116 postes de professeurs. C'est des choses que nous avons dites et écrites. Alors, je laisserais la parole à mon collègue.

Une voix: Les revendications des chargés de cours...

(11 h 50)

La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce que vous pourriez vous réidentifier, s'il vous plaît? Je n'ai pas entendu votre nom.

Une voix: Pardon?

La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce que vous voulez vous identifier?

M. Héroux (François): François Héroux, vice-recteur aux ressources humaines. Alors, les revendications actuelles des chargés de cours à l'Université du Québec à Trois-Rivières sont basées sur une étude qui a été faite par l'Institut de la statistique du Québec, qui compare les tâches des chargés de cours par rapport aux tâches des enseignants.

L'étude est basée spécifiquement sur l'analyse des textes de conventions collectives, et, sur cette base-là, l'Institut de la statistique du Québec conclut que, en fonction des textes de conventions collectives, il y a un écart d'à peu près 72 %, l'écart salarial, entre les tâches d'un professeur au niveau enseignement et les tâches d'un chargé de cours. Évidemment, cette étude est limitée, très limitée, elle est basée uniquement sur des textes de conventions collectives.

L'Institut de la statistique lui-même nous dit qu'il ne faut pas aller trop loin dans cette analyse-là, il ne faut pas aller trop loin dans les revendications basées sur cette analyse-là parce que toutes les analyses plus qualitatives et quantitatives rattachées à ça n'ont pas été faites. On peut se questionner, par exemple, en relation avec la recherche, comme disait Mme la rectrice: Quelle est l'influence des activités de recherche d'un prof sur la qualité de ses enseignements, sur la quantité de ses enseignements? Alors, on a encore beaucoup de chemin à faire pour pouvoir baser des revendications sur cette étude-là.

Il y a peut-être un rattrapage à faire. L'importance des chargés de cours dans les constituantes du réseau de l'UQ notamment est importante, la participation des chargés de cours. La contribution des chargés de cours est importante, mais de là à une revendication salariale de l'ordre de 72 %, ça ne tient pas l'analyse. On en est là pour le moment.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, madame, messieurs. Moi, j'aimerais vous ramener sur ce que vous avez dit tout à l'heure et je m'appuierais sur ce qu'on retrouve dans le document qui nous a été remis pour nous permettre de bien comprendre la situation de l'Université.

Alors, à la page 19, il y a deux paragraphes qui touchent le renouvellement des ressources humaines, il y en a un autre qui touche les ressources financières. Ça recoupe un petit peu, Mme de la Durantaye, ce que vous nous avez dit. Mais j'aimerais savoir, lorsqu'on parle du sous-financement, lorsque vous faites appel au gouvernement pour... J'ai compris que c'était «basic», le 8 000 000 $. En fait, ça vous remettrait finalement sur les rails.

Mais, ce dont j'aimerais vous entendre parler, c'est comment les problématiques de remplacement des ressources professorales, comment la détérioration de la subvention qui a eu un effet majeur sur la baisse de l'effectif étudiant, comment ça, ça affecte les services qu'on donne aux étudiants et aux étudiantes chez vous. De quelle façon ça a été affecté?

Pouvez-vous nous donner des exemples de détérioration de services directs aux étudiants et nous dire: Est-ce que ça affecte aussi la qualité du diplôme de l'étudiant et de l'étudiante? Moi, je vous avoue que ça, ça me préoccupe énormément. J'ai des enfants qui sont passés par l'université, j'en ai quatre. J'aurai comme tout le monde probablement des petits-enfants qui passeront par là dans plusieurs années – ça vient pas mal plus vite qu'on pense – et ça me préoccupe énormément parce que, s'il n'y a pas de correctifs qui sont apportés dès maintenant, est-ce qu'on doit s'imaginer qu'on ne donnera pas cher du papier sur lequel sera imprimé le diplôme de nos enfants puis de nos petits-enfants? Peut-être que j'exagère. Je ne sais pas si vous devez me rassurer ou pas, mais, en tant que parlementaire, je pense que c'est des questions qui doivent être posées.

Mme V. de la Durantaye (Claire): En tout cas, je vous dirai, Mme la députée, que ce sont des questions qui nous font beaucoup de bien à entendre et je tiens à vous dire qu'on apprécie que nos parlementaires, les membres de cette Assemblée nationale, aient de telles questions.

Je ne serai pas originale en vous disant ce matin – parce que le président de la CREPUQ l'a déclaré à plusieurs reprises et différents recteurs ont utilisé les médias à l'occasion pour le faire savoir: La formation universitaire se construit sur le long terme. Il faut qu'à chaque jour nous posions des gestes dont le rendement est sur le long terme. Il est évident que les difficultés financières que nous avons, en bons citoyens, tenté de relever depuis quatre, cinq ans, s'il n'y a pas un rétablissement de cette situation-là, c'est le long terme qui est directement affecté, c'est très clair.

Comment se ressent l'impact des coupures? Écoutez, je peux parler de mon université bien sûr et je m'en tiendrai à cela. Je peux vous dire que nous sommes très conscients en ce moment qu'il y a des besoins au niveau des services aux étudiants, au niveau de notre capacité à répondre aux besoins des étudiantes et des étudiants qui sont chez nous et qu'on ne peut pas offrir. Nous avons des jeunes et des moins jeunes qui, lorsqu'ils arrivent à l'université, souhaitent avoir des conseils en orientation, souhaitent avoir des possibilités de vivre des expériences académiques enrichissantes avec certains outils technologiques de l'information et des communications, qui souhaitent aussi avoir une qualité d'encadrement, une capacité d'être encadrés par leurs professeurs et des possibilités de s'impliquer dans des activités de type para-académique. Vous savez, la formation passe par les choses que nous voyons, par les choses que nous entendons, mais fondamentalement elle passe aussi par les choses que nous faisons, et ce sont des choses sur lesquelles nous nous privons beaucoup.

Et ce qui m'inquiète, c'est que les tendances du futur vont vers une accentuation de cette capacité des universités, dans différents domaines de formation, d'offrir ces capacités d'apprentissage. Et ces choses-là, nous n'osons pas... en tout cas, je n'ose pas personnellement insister trop là-dessus parce que... Non seulement nous vous disons ce matin que nous sommes sous-financés, mais je dirais que la formation universitaire de demain passe nécessairement par un mentoring, par un encadrement davantage personnalisé des étudiants, parce que c'est comme ça qu'ils apprennent et c'est comme ça qu'on apprend.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va?

Mme Delisle: Oui, merci.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, madame. En fait, ça sera plutôt une observation qu'une question. Votre présentation, madame, je pense, en ce qui me concerne, me laisse entendre que vous avez accordé beaucoup d'importance à la capacité non pas seulement de bien administrer les fonds publics, mais d'en faire la démonstration. Parce que, autre chose est l'autonomie des universités, autre chose est la nécessité dans laquelle on est parfois de justifier les montants, le 8 000 000 $ qui manquent. Et je pense que tout ce que vous avez dit concernant ce que vous êtes en train de faire, l'approche par résultats ou toute autre méthode – il s'agit d'avoir des méthodes qui sont adaptées à la mission de l'entreprise – en tout cas, je pense que ça plaide en faveur de votre approche.

Une petite question, cependant. J'aimerais que vous m'éclairiez. Selon les types d'options, j'imagine que toutes les options ne coûtent pas nécessairement le même prix par étudiant. Alors, il se peut qu'une université disposant d'un certain nombre d'options que l'autre n'a pas, ça lui coûte plus cher ou moins cher, sur le total. Comment se fait cette approche-là par rapport aux 8 000 000 $ que vous réclamez?

Mme V. de la Durantaye (Claire): Si vous me permettez, M. le député, je vais laisser mon collègue vice-recteur aux finances, qui a toute la compétence requise, répondre précisément à votre question.

M. Marchand (Cléo): Merci beaucoup. Alors, je vais être très bref, vous allez voir, je vais vous donner trois chiffres. En 1997-1998, former un étudiant équivalent temps complet à l'UQTR coûtait 7 650 $; nous étions la cinquième université au Québec où il coûtait moins cher de former un étudiant par année. Nous avons actuellement les coûts de terrains et bâtiments les plus bas de toutes les universités au Québec. Nous avons les coûts les plus bas de l'administration au Québec. Et notre subvention par étudiant équivalent temps complet, nous sommes la quatrième université où on reçoit le plus bas montant de subvention par année par étudiant équivalent temps complet. La différence entre les deux, entre 7 650 $ et 6 600 $ de subvention, c'est 1 000 $, multiplié par sept mille et quelques cents étudiants équivalents temps complet. Vous avez le chiffre.

(12 heures)

Si nous étions l'université où la gestion nous amenait les coûts les plus élevés soit en administration, terrains, bâtiments et bien sûr enseignement-recherche, on ne pourrait pas venir ici pour vous demander ce que nous vous demandons. Nous sommes une des universités où il coûte le moins cher de former des étudiants. Et il faut dire aussi que notre éventail de programmes est comparable avec l'ensemble des universités du Québec: nous avons de la chiro; nous allons avoir les sages-femmes, donc les coûts de sages-femmes; nous avons la biologie médicale, nous avons des études de premier, deuxième, troisième cycle; nous avons des centres de recherche pâtes et papiers, hydrogène, institut de recherche. Donc, nous sommes une université où nous avons un éventail complet comparable, ce qui nous fait dire ce que certains nous disent souvent: Vous avez une vraie université, mais petite, et c'est là qu'on retrouve la vraie mission de l'université.

Donc, les chiffres que nous déposons ce matin sont comparables avec d'autres. Je ne veux pas dire ce que ça coûte ailleurs. Tout ce que je peux vous dire, c'est ce que ça coûte chez nous. Et des chiffres vérifiables provenant de votre ministère de l'Éducation démontrent que nous sommes la cinquième université où ça coûte le moins cher pour former des étudiants à l'université.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Oui, merci. Dans le document qui nous a été transmis, au niveau des programmes d'études, vous mentionnez qu'avec la nouvelle Commission des universités sur les programmes c'est une nouvelle façon de voir le réseau universitaire québécois, et vous indiquez: «Les critères de pertinence et de complémentarité à l'échelle du réseau universitaire prennent le pas sur la dynamique de développement autonome du répertoire des programmes de chaque établissement. Ce questionnement rejoint la préoccupation quant à la vocation générale de l'Université exprimée dans le plan 1993-1998 sous forme d'une volonté de définir les modalités d'une présence optimale de chacun des secteurs disciplinaires au sein de l'ensemble.»

Moi, ce que j'aimerais connaître de vous, c'est: Comment on peut arriver à un juste équilibre justement entre cette nécessité, ce mandat d'offrir une bonne accessibilité, dans votre mandat, pour les gens de la région et, d'autre part, en même temps être capable de vous démarquer au sein de certains programmes, d'aller plus loin et de répondre à des besoins beaucoup plus spécifiques au niveau, par exemple, des entreprises de la région? Comment on peut, dans le cas d'une université comme la vôtre, qui est, je pense, très collée sur son milieu avec les programmes que vous avez, en même temps être capable de garder un certain équilibre au niveau de l'ensemble des cours et des programmes qui sont offerts pour ne pas en arriver à avoir une université qui est spécifique, qui est concentrée dans deux, trois domaines et qui tasse les autres étudiants? Comment on peut arriver à cet équilibre-là?

Est-ce que vous croyez que, dans l'avenir, par exemple pour les universités du réseau, les universités du Québec dans chacune des régions, quelle est l'importance qu'on devrait donner au développement, je ne dirais pas d'une locomotive au sein de l'université, mais d'une vocation particulière? Est-ce qu'on doit aller de l'avant avec... je ne sais pas, autoriser plus de programmes dans des secteurs spécifiques pour vraiment donner une couleur à une université en région davantage qu'à une autre, pour différencier les universités dans chacune des régions? Est-ce que cette voie-là vous paraît porteuse d'avenir?

Mme V. de la Durantaye (Claire): Lorsque nous disons, dans notre texte, que l'Université du Québec à Trois-Rivières a, d'une certaine façon, jusqu'à maintenant réussi sa vocation générale, c'est que nous pensons que, chez nous, vous trouvez cet équilibre entre des axes de spécialisation très bien affichés. On pense aux pâtes et papiers, on pense aux études québécoises, on pense au domaine de la santé – chiros, sages-femmes et possiblement podiatrie – on pense au niveau des sciences de la gestion, l'axe particulier des petites et moyennes entreprises. Alors, ce sont des volets – et j'en oublie – qui nous distinguent, mais dont la popularité, si je puis dire, a permis jusqu'à maintenant de maintenir un autre ensemble de programmes qui, eux, répondent de façon plus immédiate à une mission qu'on pourrait qualifier de régionale, quoique des étudiants de tout le Québec viennent, mais qui répondent à tout le moins à cette préoccupation de la proximité de la formation. Et je pense au domaine de la formation des maîtres, qui est un domaine, chez nous, extrêmement important, qui est bien enraciné dans la région aussi; nous avons un contact avec toutes les écoles, nos commissions scolaires, etc. Alors, jusqu'à aujourd'hui, nous pensons que nous avons bien répondu à la fois à ce que souhaitait le législateur lorsqu'il a mis sur pied le réseau de l'Université du Québec et à la fois à ce que peut souhaiter un gouvernement soucieux, je dirais, des deniers publics demandant aux universités d'avoir des axes de développement. Je crois que, à mon humble avis, il n'y a pas de modèle meilleur pour illustrer ce que je dis que l'Université du Québec à Trois-Rivières.

Maintenant, la question cruciale que nous posons aujourd'hui, c'est que cet équilibre-là est rompu; il est rompu depuis un an. Je vais vous donner un exemple. Le baccalauréat en physique, chez nous, c'est effectivement un petit programme. Nous avons cependant la maîtrise en sciences énergie et matériaux, en collaboration avec nos collègues de l'INRS–Énergie, et nous avons le doctorat en énergie et matériaux, toujours en collaboration avec l'INRS. Quelle est la particularité de l'Université du Québec à Trois-Rivières? C'est l'hydrogène. C'est ce qui nous caractérise. Et l'Institut de recherche sur l'hydrogène, il est reconnu mondialement. C'est le seul dans l'Est du Canada. Et il a des collaborations avec Toronto, avec Washington, avec le Japon, avec la Belgique, avec la Colombie-Britannique.

Pouvons-nous fermer le baccalauréat en physique parce qu'il n'y a que 30 étudiants dans ce baccalauréat-là? La réponse, c'est non. Nous offrons, dans notre région, un programme de premier cycle en physique et nous pouvons maintenir nos trois cycles présents dans notre institution. Et je me permettrais de reprendre une phrase que le président de l'Université du Québec vous a dite tout à l'heure, d'entrée de jeu: «Il faudrait à ce moment-là que quelqu'un, soit le législateur, soit le ministre, nous dise: "Notre conception a changé."» C'est ma réponse.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va?

M. Béchard: Oui, sur ce thème.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de La Prairie.

M. Geoffrion: Oui. Bonjour, madame. Bonjour, messieurs. Ma question s'adresse à M. Marchand. Dans un article publié il y a à peine 10 jours – donc je suis assez à l'aise d'en parler, c'est très récent – dans le journal Le Nouvelliste , un article, ma foi, avec un titre et une série de commentaires assez percutants: L'UQTR dans un gouffre financier ... Vous commencez l'article... enfin, l'article commence en disant: «Deux années comme ça, et on ferme nos portes. Ça ne marche plus.» Donc, je pense que le mot «percutant» est assez bien choisi. Un petit peu plus loin, vers la fin de l'article, on dit: «N'empêche que l'UQTR affiche un déficit annuel et cumulatif important, et sa présence au sein du réseau de l'UQ ne semble pas arranger les choses, quand on vit en famille, justifie le vice-recteur.» Donc, sans vous demander qui joue le rôle du beau-frère, j'aimerais quand même savoir un petit peu vos commentaires. Vous en énumérez un certain... enfin, vous élaborez un petit peu plus vers la fin. Mais ça pourrait, comment dire, nous aider à mieux comprendre un petit peu le fonctionnement entre les institutions. Je comprends que vous aidez certaines autres qui vont moins bien. J'aimerais ça vous entendre sur cette mécanique que peut-être peu de gens connaissent.

M. Marchand (Cléo): Écoutez, le choix des mots de l'article, c'est le journaliste et le chef de pupitre qui l'ont mis.

Une voix: Ah! c'est toujours la faute des journalistes.

M. Marchand (Cléo): Cependant, je pense que le fond était vrai. Si on est des gestionnaires responsables d'université et qu'on sait que, dans les deux prochaines années, nous sommes devant un déficit de 8 000 000 $ à 10 000 000 $ par année, structurel, et que ce total des déficits accumulés va correspondre à peu près à la valeur de la subvention d'une année qu'on reçoit du ministère, je pense que celui qui ne s'inquiète pas de ce montant-là, de ces événements-là, il est irresponsable. Je pense que c'est important de le souligner.

Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question, vous savez que le réseau de l'Université du Québec, et M. Lucier tout à l'heure en a fait mention, est un réseau qui est tissé d'universités autonomes, mais qui a à coeur la mission que le gouvernement du Québec lui a donnée en 1968. Profitant de l'occasion que l'Université du Québec à Trois-Rivières était en croissance d'étudiants, donc en croissance de subventions, dans les années quatre-vingt-dix, il y a eu un pacte de signé entre les universités du Québec, c'est-à-dire du réseau, à l'effet que certaines universités... Dans les règles de partage de la subvention reçue du ministère, qui passait par le siège social, certaines sommes d'argent pouvaient être prises à l'intérieur de certaines universités pour être redistribuées dans d'autres universités. Ça a été fait dans les moments ou dans les années où il n'y avait ni compressions ni diminution de clientèles. Ce qui a été fait, c'étaient des redressements intégrés à la base, donc qui étaient permanents et qui sont encore permanents.

(12 h 10)

Lorsque j'ai mentionné que, lorsqu'on est en famille, on ne demande pas si Pierre a plus que Paul. J'ai souligné aussi – puis je pense que les gens autour de cette commission devraient le savoir – que l'Abitibi-Témiscamingue, l'ouest québécois, a été formée et dirigée par l'Université du Québec à ses premières années d'opération, c'était la Direction des études universitaires du Nord-Ouest québécois, et nous étions bien sûr les gestionnaires de, heureusement aujourd'hui, cette Université. Ce que nous avons joué, nous avons joué un rôle réseau, une université régionale qui aidait des consoeurs régionales. On ne met pas en cause ce que nous avons fait.

Ce qui est venu amplifier malheureusement le manque de ces montants-là, ce sont les compressions budgétaires, qui sont venues l'amplifier. Je vous signale cependant que, si ça n'avait été que des subventions au redressement des bases que nous avons fait dans les autres universités, bien que c'est un assez gros montant, on aurait pu passer à travers. Ce qui vient nous faire mal actuellement, c'est le cumulatif et le récurrent des compressions budgétaires qu'on semble oublier du fait qu'on dit maintenant qu'on ne compresse plus. Mais je vous signale qu'à Trois-Rivières, l'UQTR, c'est 11 500 000 $ annuel, et on ne reçoit pas ce montant-là, et nous sommes même contents de vous dire, et Mme de la Durantaye vous l'a mentionné tout à l'heure, que nous avons pu absorber 80 % de cette compression-là. Et là le cri de coeur que je disais au Nouvelliste la dernière fois: On ne peut plus, c'est impossible. C'est impossible. Je l'ai dit, c'est impossible. Alors, je m'arrête là.

M. Geoffrion: Merci, M. Marchand.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Oui, merci. Vous avez effleuré tantôt, et je pense que c'est mon collègue de Montmorency qui avait posé la question sur les chargés de cours – moi, je veux aller un petit peu plus loin – vous mentionniez: Si le ministère nous impose des ratios professeurs ou chargés de cours, il y a des coûts reliés à ça. Mais, dans la situation actuelle des choses, et je vois des représentants de l'Association des professeurs d'université qui sont là dans la salle, il y a un défi, je pense, que nous avons tous au Québec et que tout le monde a au niveau universitaire, c'est comment on peut faire pour garder nos meilleurs enseignants? Comment on peut faire pour aller en chercher? Et comment on peut faire pour les former aussi? Et, moi, je voulais voir avec vous quelles sont actuellement les marges de manoeuvre que vous avez. Qu'est-ce que ça implique, autant au niveau des conventions collectives, à partir du moment où on dit: Est-ce qu'on peut dans certains domaines... on sait que tel professeur, quelque part au Québec, au Canada, ou ailleurs, est disponible. Quelles sont les marges de manoeuvre qu'on a pour aller le chercher puis le convaincre de venir?

Deuxième chose. Dans la formation comme telle, quelle est la marge de manoeuvre que vous pouvez offrir à des étudiants pour dire: Bien, écoutez, sur un plan de cinq ans, sur 10 ans, voici des perspectives que l'Université du Québec à Trois-Rivières vous offre en tant qu'équipements de recherche, équipes de recherche, développement dans un secteur donné? Et surtout, à l'intérieur du réseau des universités du Québec, quelle est votre marge de manoeuvre pour être capable de faire face à cette concurrence-là au niveau de garder et d'aller chercher des enseignants, je dirais, de haut niveau, entre autres dans les domaines particuliers qui vous concernent? Et je voyais que vous aviez un programme conjoint avec Manchester, je crois. À un moment donné, comment on fait? Est-ce qu'on peut échanger des enseignants? Est-ce qu'on peut aller en chercher là-bas, les amener à Trois-Rivières? Quelles sont vos marges de manoeuvre?

Mme V. de la Durantaye (Claire): Nous avons une entente de collaboration avec l'université McMaster...

M. Béchard: McMaster.

Mme V. de la Durantaye (Claire): ...qui est une université ontarienne, parce que c'est l'université qui est en fait responsable du programme de sages-femmes. Effectivement, lorsqu'on a élaboré le dossier de programmes et encore actuellement dans l'implantation, nous pouvons compter sur des collaborations du personnel enseignant de cette université dans ce secteur, et c'est surtout en termes de conseils, en termes d'échange de matériel, et autres.

La question que vous soulevez, je dirais qu'elle est très différente de cela. Ça concerne la relève au niveau professoral et, bien sûr, au niveau de la recherche dans nos universités. Il y a un problème qui est pancanadien en ce moment, c'est-à-dire qu'il n'est pas seulement au Québec, c'est partout à travers le Canada, suite à des coupures de financement qui ont été assez généralisées à travers le Canada. Et on sait qu'actuellement, aux États-Unis, la tendance s'inverse, c'est-à-dire que non seulement il y a eu peu de coupures, mais, depuis quelques années, il y a vraiment un réinvestissement majeur, ce qui fait que nos meilleurs diplômés au niveau des études doctorales ou postdoctorales se voient évidemment offrir des conditions à la fois matérielles, ou d'équipements scientifiques, ou autres, qui vraiment deviennent, dans certains secteurs, difficiles à concurrencer, pour ne pas dire en ce moment impossibles à concurrencer.

Le problème n'est pas un problème d'abord et avant tout de conventions collectives ou de rigidité d'éléments de convention collective, le problème est d'abord et avant tout une question de ressources financières, de financement de nos universités dans l'état actuel du financement. C'est le sous-financement des universités actuellement qui va faire en sorte que nous ne pourrons pas retenir chez nous les meilleurs chercheurs s'ils sont sollicités par d'autres universités canadiennes qui, elles, retrouvent une période de financement.

Nous avons déjà, à l'époque de notre... je dirais, aux premières années du développement de l'Université du Québec à Trois-Rivières, eu des ententes qui consistaient à cibler nos meilleurs étudiants et à les encourager à poursuivre des études de maîtrise et de doctorat pour leur offrir par la suite des postes de professeurs dans notre institution. Ce sont des mesures assez exceptionnelles que nous ne pratiquons plus maintenant. Et ce que nous tentons de faire cependant, c'est de créer un milieu de vie où les étudiants qui font d'abord leur baccalauréat trouvent le goût de poursuivre aux études avancées et, au niveau des études avancées, d'offrir à nos étudiants des possibilités de travail, soit dans les laboratoires ou dans le cadre des recherches des professeurs.

À ce titre-là, il faut souligner un programme qui a été mis sur pied par le ministère de l'Éducation l'an dernier et qui permet une contrepartie financière pour les étudiants que nous embaucherions dans nos universités dans différents types de travail, mais aussi, bien sûr, dans le cadre de travaux de laboratoire avec les professeurs. Ce sont des programmes comme ceux-là qui nous permettent, qui nous aident, malgré nos faibles ressources financières, à conserver l'intérêt des étudiants et à pouvoir leur offrir des possibilités de travail. Et, on le sait, pour nos étudiantes et nos étudiants, c'est surtout la capacité de payer leurs études qui est déterminante. Et ça, ce sont des exemples de mesures qui vraiment viennent en support à nos efforts. Alors, j'espère avoir répondu le plus précisément à vos questions.

M. Béchard: Oui.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, Mme la Présidente. Mme la rectrice, messieurs, merci d'être là, et je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues. Je dois vous dire que vous pouvez compter sur moi et sur mes collègues pour maintenir et avoir une préoccupation toujours constante par rapport aux universités en région. Nous sommes plusieurs à être le produit de ces universités et nous sommes fondamentalement – en tout cas, moi, je le suis – fondamentalement convaincus que les universités en région sont des institutions absolument indispensables au développement social et économique de nos régions. Et le Québec sans ses régions n'est pas le Québec, en quelque sorte.

Alors, ceci étant dit, sachez aussi que j'ai une oreille très, très attentive et, comment dirais-je, une bonne oreille par rapport à votre exposé, par rapport à votre document. Nous sommes très sensibles à ce que vous nous dites.

Ceci étant dit, je voudrais revenir sur toute la question du financement per capita. Vous êtes une université en région. Le financement basé sur le per capita, que ce soit une enveloppe qui est redistribuée à travers un réseau ou que ce soit d'autres universités, je pense qu'il y a toujours eu là un déficit pour les universités comme la vôtre, et comme la nôtre à Rimouski, et d'autres universités, en Abitibi, à Chicoutimi – enfin, je ne les nommerai pas toutes. Et ce que je voudrais souligner, c'est que ce déficit a toujours été un handicap, je pense, parce que je pense que c'est un critère qui fausse le débat et la discussion sur le financement de nos universités en région par rapport à l'ensemble des universités au Québec. Et je voudrais aussi, une fois ceci dit... Parce que ça met un peu comme une base de discussion pour dire que le problème du financement est réel, que nous en sommes tous conscients, mais on a un handicap de plus lorsqu'on est en région. Ça, c'est le présent et le passé.

Maintenant, si on regarde vers l'avenir, on sait très bien que ce qui va distinguer les universités, ce n'est plus le territoire géographique où elles sont situées strictement, même si elles ont un rôle à jouer par rapport à leur territoire respectif, c'est l'économie du savoir. Donc, c'est les créneaux, les expertises que les universités vont développer. Et, dans l'état actuel de vos finances, c'est-à-dire en ayant des déficits, ce qu'on me dit, c'est que vous n'êtes pas à même de pouvoir même développer de nouveaux créneaux ou de nouveaux programmes. J'aimerais vous entendre par rapport à ça. Qu'est-ce que ça coûte de développer, grosso modo, en moyenne, un nouveau programme, un nouveau champ de formation? Et vos marges de manoeuvre, compte tenu de ce qu'elles sont, j'aimerais que vous nous éclairiez un peu plus par rapport à ça.

(12 h 20)

Mme V. de la Durantaye (Claire): Oui. Concernant la possibilité de faire des développements de programmes, je pense que l'Université du Québec à Trois-Rivières, sur cette question-là aussi, est un bon exemple. Nous avons réussi, si je peux me permettre, certaines performances ces dernières années. Obtenir le programme de doctorat de premier cycle en chiropratique ne fut pas une mince tâche; il faut calculer 10 années de travail intense. Pour obtenir le programme de baccalauréat pour la formation des sages-femmes, c'est un dossier qui, lui aussi, a demandé huit années de travail. Mais ce sont de très beaux exemples. Nous avions, nous, à l'Université du Québec à Trois-Rivières, fait des études qui nous amenaient à penser que ces deux domaines-là étaient des professions du futur, de l'avenir. Nous y tenions. Nous y avons investi tout ce que nous pouvions. Mais la réponse du ministère de l'Éducation a été à la hauteur de nos attentes.

Je vous rappellerai, si c'est nécessaire – ce n'est peut-être pas nécessaire – une lettre que Mme Marois avait signée à l'époque, lorsqu'elle était ministre de l'Éducation, peut-être dans la dernière année de son mandat, disant qu'il y aurait un moratoire désormais dans le développement de programmes et les programmes qu'on subventionnerait seraient des programmes qui auraient un impact ou qui relèveraient d'une politique claire du gouvernement, de son gouvernement. L'exemple du baccalauréat sages-femmes est un très bon exemple de cela. Alors, il a fallu investir beaucoup, il a fallu beaucoup de bénévolat dans ce dossier-là, mais c'est un «success story», parce que nous l'avons obtenu.

Il y a un dossier qui est malheureusement moins chanceux. Ce sont des programmes... par exemple, la maîtrise en sciences infirmières réseau, parce que nous avons, chaque constituante, des départements de sciences infirmières très actifs, mais récemment créés bien sûr, et nous sommes en attente d'une réponse sur ce dossier-là. Alors, ce n'est pas que je veuille juger le gouvernement ou le ministère, mais c'est pour illustrer, pour vous, la différence entre des capacités de développement facilitées ou plus faciles, donc ciblées, et un développement que nous souhaiterions peut-être avoir pour nos régions ou pour le Québec. Parce que cette maîtrise en sciences infirmières est quand même caractéristique.

Mme Charest: Parce qu'il faut se rappeler que la formation qu'on donne, que ce soit à Trois-Rivières ou à Rimouski, c'est pour l'ensemble des étudiants du Québec, et je pense que...

Mme V. de la Durantaye (Claire): C'est très clair...

Mme Charest: Oui, vous avez raison.

Mme V. de la Durantaye (Claire): ...et surtout parce que vous avez fait référence à l'université de l'avenir. C'est quoi, l'université de l'avenir? C'est une place publique ouverte à tout le monde et, qui plus est, réseautée par toute la technologie de l'information et des communications. Et, nous, de plus, nous sommes reliés par le fleuve, si on veut aller jusqu'au poétique. Mais l'élément fondamental, c'est vraiment ça. Et on regarde comment l'Europe se développe en se réseautant. Alors, vous avez tout à fait raison. Maintenant, il est très clair que, dans les conditions financières actuelles que nous avons, le développement qui irait soit dans un besoin régional ou dans un besoin national ou autre est difficile, est très difficile. Et il faut vraiment juger au cas par cas selon les opportunités, selon les possibilités de maillage avec nos milieux, parce que c'est très important. Et voilà.

Mme Charest: Parce que là on parle de développement, et j'essayais de voir comment les déficits que vous avez ou que vous allez avoir peuvent faire obstacle à ce développement. C'est ça que j'essayais de saisir.

Mme V. de la Durantaye (Claire): Absolument. La base d'une université, ce sont ses ressources enseignantes, particulièrement professorales. C'est là que se trouvent, je dirais, l'imagination, la créativité, la capacité d'action. Le rôle du gestionnaire universitaire, c'est un rôle d'accompagnement, de support, d'animation et de coordination. Alors, quand on dit que nos universités sont sous-financées particulièrement à la base, ce que ça veut dire, c'est que nous pourrions être amenés à manquer de ces ingrédients de base là. C'est aussi simple que ça. Et il est aussi certain que, peu importe la beauté du développement que nous souhaiterions faire, si nous n'avons pas les ressources humaines pour le supporter, nous ne serons pas en mesure de le réaliser.

Mme Charest: Est-ce que vous considérez que, étant une université en région, mais étant au coeur du Québec, entre la capitale et la métropole, vous avez aussi des handicaps par rapport à votre situation géographique en termes de...

Mme V. de la Durantaye (Claire): L'Université du Québec à Trois-Rivières – je pense pouvoir le dire parce que j'ai entendu les recteurs précédents qui l'ont dit – a toujours été soucieuse de la complémentarité à développer avec les autres universités. Nous sommes sensibles au fait que nous ne pouvons pas développer copie conforme dans tous les domaines, nous sommes sensibles à ça. Et ce que nous prétendons, ce que mes prédécesseurs ont prétendu et ce que, nous, nous prétendons aujourd'hui, c'est que nous l'avons fait avec soin et avec précaution.

Prenons l'exemple de la psychologie. Il existe des départements de psychologie probablement dans toutes les universités québécoises. Pour quelle raison, à l'Université du Québec à Trois-Rivières, avons-nous développé un département de psychologie? Parce que la région est, de façon chronique et historique, en manque de psychologues, et ça a été, à l'origine, en 1969, je crois – c'est l'année où le département a été créé – le motif pour lequel nous avons eu chez nous un département de psychologie, parce qu'à l'époque il n'y avait pas accès aux psychologues dans notre région. Et le département de psychologie, aujourd'hui, se spécialise, si l'on peut dire, dans tout ce qui touche la déficience intellectuelle, ce qui est très défaillant dans notre région, qu'on me dit, selon les indicateurs du ministère de la Santé. Alors, vous voyez, je pourrais continuer comme ça.

Mme Charest: Alors, ça démontre quand même le fait que ce n'est pas une université désincarnée. Vous êtes très collés à la réalité. C'est vrai que, dans le domaine de la santé, chez vous, dans votre région, il y a des problématiques – j'en parle parce que je connais un peu plus la santé encore que l'éducation – qui font que vous avez moins de professionnels, certains types de professionnels, que dans d'autres régions. Et je pense que la proximité de Montréal et de Québec, en étant entre les deux, fait que ce type de professionnels là va aller exercer dans les grands centres plutôt que d'aller à Trois-Rivières.

Mme V. de la Durantaye (Claire): C'est ça.

Mme Charest: Et on a le même phénomène ailleurs, mais je pense que votre cas l'illustre bien.

Mme V. de la Durantaye (Claire): C'est très important de vous dire ce matin que l'Université du Québec à Trois-Rivières – et je suis certaine que c'est la même chose pour mes collègues de l'UQAR par exemple – c'est une université dans le sens plein et fort du terme. Mais nous ne pouvons pas ne pas être enracinés profondément dans notre milieu. Il y aurait quelque chose d'indécent et, en même temps, je dirais, de superficiel. Nous sommes une université à rayonnement national et international et nous sommes très bien situés là où nous sommes.

Mme Charest: Je suis très contente de voir que vous défendez... que vous avez ce discours-là, parce que j'ai horreur qu'on considère les universités en région comme étant des petites universités, dans le sens péjoratif du terme. Et, moi, j'ai pour mon dire que ce n'est pas parce qu'on est en région qu'on n'a pas la connaissance, l'expertise et enfin les capacités de développer, puis pas seulement au niveau de la région, mais à l'international et d'un point de vue mondial. Alors, merci beaucoup, Mme de la Durantaye.

Mme V. de la Durantaye (Claire): Je vous en prie, madame.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente. C'est toujours un plaisir de rencontrer les gens de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Ça fait une dizaine d'années que je vous vois évoluer et grandir. Je vais limiter mes interventions sur les questions de la recherche et en particulier sur... Bon, je connais chez vous les instituts, je connais le plan sur l'hydrogène. Mais quels sont les rapports qu'il y a entre les besoins spécifiques, économiques de votre région et la recherche qui se fait dans vos universités? Et, pour être un peu plus spécifique, le programme de valorisation de la recherche, est-ce que ça a eu des effets concluants pour soit des brevets, soit du développement, de la mise en marché, de la recherche qui se fait à l'intérieur de vos murs?

Mme V. de la Durantaye (Claire): Écoutez, pour ce qui est des liens entre les besoins de la région et la recherche qui se déroule à l'Université du Québec à Trois-Rivières, je vous dirais qu'il y en a de multiples. Pour reprendre un secteur qui est fort connu de vous, les pâtes et papiers, je pense que nous avons là un exemple vraiment spectaculaire du lien qui existe...

M. Gautrin: Vous avez bâti votre école de génie, d'ailleurs.

(12 h 30)

Mme V. de la Durantaye (Claire): Voilà. Et nous avons un nouveau projet que nous avons présenté en janvier, donc il y a quelques semaines à peine, à la Fondation canadienne pour l'innovation, de façon à ce que l'on puisse intégrer à la fois les équipes de chercheurs et d'enseignants du cégep de Trois-Rivières avec les équipes de l'Université du Québec à Trois-Rivières pour faire ce que nous appelons un centre intégré en pâtes et papiers. Alors, le projet est déjà sur la table du ministère de l'Éducation, ici, et...

M. Gautrin: Ça implique les compagnies.

Mme V. de la Durantaye (Claire): ...la Fondation canadienne.

M. Gautrin: Ça implique le secteur privé aussi.

Mme V. de la Durantaye (Claire): Définitivement, puisque ce sera un centre incorporé et que les membres du conseil d'administration de ce centre comporteront des représentants des entreprises de pâtes et papiers de notre région.

Un autre exemple aussi que je pourrais vous donner, c'est celui dont on entend moins parler parce qu'il n'a pas encore le statut d'institut, c'est celui des recherches qu'effectue l'équipe du professeur Pierre Magnan sur les poissons en eau douce. Alors, on sait que le professeur Magnan a été l'une des 10 découvertes scientifiques de l'année par la revue Interface . Et ces recherches, en fait, touchent les milieux de vie des truites, je crois – je m'excuse, je ne suis pas une amateure de pêche. Ces recherches sont très importantes pour l'industrie du tourisme non seulement dans notre région – et vous savez que la région de la Mauricie à tout le moins comporte des centaines de lacs – mais évidemment c'est une recherche extrêmement importante pour l'ensemble du Québec. Actuellement, l'Université du Québec à Trois-Rivières a la meilleure équipe, dans les universités québécoises, concernant les recherches sur les poissons en eau douce, et le professeur Magnan a aussi piloté un projet à la Fondation canadienne pour l'innovation pour un laboratoire flottant dans ce domaine-là.

D'autres recherches. J'ai parlé tout à l'heure de la psychologie chez nous, où nous sommes en train de préparer un institut de recherche en déficience intellectuelle avec les partenaires, entre autres les centres jeunesse et les centres en déficience intellectuelle à travers le Québec. Dans notre région, il y a un manque d'expertise dans ce domaine-là, et c'est aussi un constat qui est fait dans plusieurs régions du Québec. Alors, ça, c'est un autre exemple.

M. Gautrin: Mais la dimension valorisation de la recherche, c'est-à-dire ce qu'on appelait avant les BLEU, qu'on a utilisée maintenant, autrement dit l'exploitation éventuelle sur le plan économique de brevets qui auraient pu être...

Mme V. de la Durantaye (Claire): Alors, je dois vous dire que nous participons à la Société de valorisation dont a parlé Mme la vice-présidente tout à l'heure, nous faisons partie de cette Société-là. Nous sommes aussi partenaires, dans notre région, de ce qu'on appelle la Technopole de la Vallée Saint-Maurice, qui est un organisme aussi qui se consacre aux transferts technologiques dans les entreprises; l'Université du Québec à Trois-Rivières est un des partenaires au conseil d'administration. Et nous avons créé, il y a deux ans, deux ans et demi, une direction des partenariats, chez nous, pour justement créer une espèce de guichet unique, dans notre Université, pour toutes les entreprises ou les organismes de la région qui souhaiteraient mettre à contribution la recherche universitaire dans leurs problématiques.

M. Gautrin: Est-ce que vous avez des documents sur cela, une documentation que vous pourriez nous faire parvenir?

Mme V. de la Durantaye (Claire): Oui, nous pourrions certainement vous acheminer...

M. Gautrin: Moi, je serais intéressé éventuellement, si la présidence veut l'accepter.

Mme V. de la Durantaye (Claire): Certainement. Oui.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, c'est très bien. Alors, nous vous remercions, Mme de la Durantaye, M. Héroux et M. Marchand, de votre participation. Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 34)

(Reprise à 14 h 6)

La Présidente (Mme Bélanger): La commission de l'éducation reprend ses travaux. Le mandat de la commission est d'entendre les dirigeants des établissements d'enseignement de niveau universitaire sur leurs rapports annuels 1997-1998 conformément aux dispositions de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire.

Alors, cet après-midi, nous recevons l'Université du Québec à Montréal, et je demanderais à la rectrice de bien vouloir se présenter et présenter les personnes qui l'accompagnent.


Université du Québec à Montréal (UQAM)

Mme Leduc (Paule): Bonjour, Mme la Présidente, MM. Mmes les députés, ça me fait plaisir de vous présenter mes collègues: Mme Louise Dandurand, vice-rectrice à la recherche, à la planification; Mme Lynn Drapeau, vice-rectrice à la formation; M. Alain Dufour, vice-recteur aux ressources humaines et à l'administration. Je puis commencer déjà?

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, allez-y, Mme Leduc.

Mme Leduc (Paule): Alors, c'est un immense plaisir pour nous de nous retrouver là encore une fois, d'autant plus qu'il y a des nouveaux visages autour de la table cette année, ce qui va nous permettre de convaincre encore un plus grand nombre de députés de l'importance des universités et de leurs besoins. J'aimerais dire en commençant qu'il est difficile de se présenter devant vous aujourd'hui juste après la semaine que nous venons de passer autour du Sommet de la jeunesse. Nous pouvons, je pense, retenir de cette semaine qui a été fertile en événements de toutes sortes une chose qui nous tient à coeur, c'est, pour une fois, le sentiment que l'éducation devient une priorité du gouvernement et de la société, nous l'espérons.

Malgré, dois-je dire, cet effort énorme qui a été fait la semaine dernière et l'assentiment de tous pour examiner et voir l'éducation comme une priorité et un projet collectif, je dois dire que je n'ai pas changé d'un iota la présentation que je comptais vous faire aujourd'hui. Je vais donc, si vous me le permettez, après avoir revu avec vous rapidement les éléments importants des données que nous vous avons fait parvenir, m'arrêter principalement sur trois questions: le financement des universités, le financement de l'UQAM et la rationalisation des programmes universitaires.

Je ne m'attarderai pas très longtemps sur les rapports que nous vous avons donnés en vertu de la loi. Vous avez reçu, je pense, les données pertinentes à l'UQAM, mais je me permettrai quand même d'attirer votre attention sur certaines statistiques qui, je crois, devraient vous intéresser, d'autant plus que vous avez vous-mêmes marqué votre intérêt particulier pour certaines questions dont on retrouve les données dans les documents.

Vous avez trouvé dans nos documents qu'il y a une légère croissance de notre taux de diplomation depuis les cinq dernières années. C'était un objectif de l'UQAM de voir à améliorer un peu mieux le taux de diplomation.

(14 h 10)

Vous avez aussi remarqué que nos finances ne se sont pas améliorées. Au contraire. J'en reparlerai tout à l'heure plus en détail. Je me permettrai juste maintenant de dire que, pour l'UQAM – et on le voit très bien dans les rapports qu'on vous a donnés – le sous-financement récurrent que nous avons toujours constaté et pour lequel nous avons toujours déploré le manque de réponses du ministère de l'Éducation a des effets cumulatifs qui sont aggravés par les coupures draconiennes que vous connaissez et qui ont été faites dans les universités par le gel des frais de scolarité, par la baisse des inscriptions que nous avons connue au cours de la période, et bien sûr par la non-reconnaissance par le ministère de dépenses liées à certaines de nos immobilisations. Je reviendrai plus en détail là-dessus tout à l'heure.

Je voudrais aussi vous rappeler que nos chiffres indiquent que la situation de nos finissants du baccalauréat, qui ont trouvé un emploi à temps complet, s'est améliorée de 10 points de pourcentage depuis 1993. On peut espérer que c'est bien sûr la formation qu'on a offerte aux étudiants qui permet de trouver les emplois, mais on peut aussi supposer que la bonne santé de l'économie a pu également aider les emplois pour nos étudiants.

Vous avez aussi noté dans vos documents que nous avons poursuivi une restructuration académique à l'UQAM, qui est complétée maintenant et qui a donné lieu à la création de sept facultés et secteurs, dont une faculté de sciences politiques et de droit qui est unique en Amérique du Nord. C'est, je pense, une innovation de l'UQAM dans le monde universitaire, dont on verra les fruits un peu plus tard, dans quelques années.

Du côté de la recherche, nous avons également de très bonnes nouvelles. Auprès des organismes subventionnaires fédéraux aussi bien que provinciaux, nous avons connu une importante croissance de notre financement. Au Conseil de recherche en sciences naturelles et génie, nous avons vu nos subventions augmenter de 25,8 %. Au Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, nous avons vu nos subventions augmenter de 34 %. L'UQAM se classe maintenant au premier rang parmi les universités francophones pour le CRSH et au troisième rang au plan canadien. Ce n'est pas, à mon avis, une mince réussite dans la conjoncture actuelle.

Au fonds FCAR, donc le fonds québécois, notre financement est passé de 2 600 000 $ à 3 300 000 $. Par ailleurs, nous avons également noté que le fonds FCAR a gratifié deux de nos groupes de recherche du statut de centre de recherche; vous savez qu'il y en a quand même relativement peu au Québec. Il s'agit du Groupe de recherche en écologie forestière et du Centre de recherche sur l'emploi et les fluctuations économiques. Je me permets d'insister sur l'importance de la réussite des chercheurs de l'UQAM aux conseils subventionnaires dans une conjoncture où les infrastructures de base et le soutien interne deviennent de plus en plus minces.

Je ne m'attarderai pas davantage sur ces chiffres dont vous avez pu prendre connaissance. Je crois qu'ils témoignent des efforts que nous avons faits pour améliorer nos modes de distribution et nos modes d'encadrement des étudiants. Je me souviens que dans les commissions parlementaires antérieures plusieurs députés s'étaient interrogés sur ce que nous faisions pour favoriser la diplomation des étudiants et pour éviter des décrochages qui sont toujours coûteux pour les personnes aussi bien que pour la société. Nous avons mis – à l'époque, je vous l'avais dit – sur pied des plans d'encadrement avec des plans d'action très précis par programme, par faculté, et nous pensons que ça porte des fruits lentement, et on espère que nous pourrons voir à l'UQAM des résultats extrêmement positifs de ces mesures. Ceci étant dit, je me ferai bien sûr un plaisir de répondre à toutes vos questions sur les données que nous vous avons fait parvenir.

Ceci étant dit, vous me permettrez de dire deux mots du financement des universités avant de parler du financement de l'UQAM. Je présume que je ne suis pas la première à vous parler de ces choses au nom des universités, je ne serai sûrement pas la dernière, puisque nous sommes en début de travaux. Je dois vous dire aussi que j'ai un peu le sentiment qu'il y a bien des années que nous répétons la même chose. Et les chiffres que je vais vous donner sont devenus pour moi presque une chanson que je répète par coeur. Il y a relativement eu peu de corrections qui ont été faites aux chiffres que je vais vous rappeler.

Je me permettrai de parler du financement de l'ensemble des universités avant de parler de celui de l'UQAM. Je pense qu'il est dans l'intérêt probablement de tous de répéter – je sais que le président de l'Université du Québec l'a dit devant vous ce matin – que le réseau des universités du Québec poursuit une mission générale d'accessibilité à l'enseignement et à la recherche, et poursuit également une obligation d'excellence. Je me permets de répéter cela parce qu'on est porté à penser trop souvent qu'il y a quelques universités qui ont une mission différente des autres. Ce n'est pas le cas.

J'ajouterais toutefois que, pour chacune des universités, il y a des objectifs stratégiques qui sont fournis à la fois par les compétences qu'elles ont développées, mais aussi par les créneaux spécifiques que les universités ont voulu développer où qu'elles soient au Québec, en particulier en relation avec les besoins de la société et pour que nous puissions aider cette société à être à la fois compétitive, économiquement à point, mais également culturellement vivante.

Ceci étant dit, je me permets de vous rappeler que les universités québécoises accusent un recul considérable par rapport aux universités canadiennes et nord-américaines en termes de financement par étudiant. Pendant que le Québec réduisait de manière draconienne les dépenses de ses universités et ses subventions à ses universités, la Colombie-Britannique, au Canada, augmentait les siennes de 5 %; les provinces des Prairies augmentaient les leurs de 10 %; les provinces des Maritimes augmentaient les leurs de 1 %; les États-Unis, de 28 %.

Pendant qu'en Ontario il y avait un dégel des frais de scolarité, le gouvernement ontarien diminuait, c'est vrai, ses dépenses de 8 %, mais avait autorisé de doubler les frais de scolarité. Nous savons que le gouvernement ontarien s'apprête à hausser les dépenses des universités.

Nous avons répété, et vous l'avez lu dans tous les journaux, qu'il manque au réseau universitaire québécois 650 000 000 $ pour être au même niveau que les universités canadiennes, et j'oublie les américaines. Nous pensons et je pense, avec mes collègues de l'UQ, mais aussi avec mes collègues des autres universités, que nous avons un besoin immédiat d'un réinvestissement dans tout le réseau universitaire québécois pour assurer une chance égale à la relève québécoise, aux jeunes Québécois qui devront faire face, comme vous le savez, aux exigences d'une économie du savoir qui demande de plus en plus des connaissances, et les plus développées possible.

(14 h 20)

Je vous rappelle aussi que le nombre important de professeurs qui ont quitté le réseau universitaire québécois n'est pas sans nous causer de nombreuses inquiétudes quant à notre capacité d'enseignement et de recherche. Il nous semble absolument essentiel que nous pensions, au Québec, à réassurer le financement de base adéquat pour l'ensemble des universités – et je me permettrai d'ajouter un point qui est très important – dans l'ensemble des domaines. Ce qui signifie à nos yeux qu'un financement ciblé comme on en parle très facilement ne peut venir qu'une fois le financement de base adéquat pour l'ensemble des domaines. Je crois aussi qu'il faudra continuer à faire des efforts énormes pour permettre de renouveler le corps professoral des universités du Québec. Et enfin, il me semble que le gouvernement du Québec devrait encourager et continuer à développer les initiatives qu'il a entreprises dans le domaine de la science, de la recherche et de la technologie.

Ceci étant dit, je me permettrai de dire des mots particuliers pour mon Université. J'ai voulu situer les besoins de l'UQAM dans l'ensemble des besoins des universités du Québec parce que je crois que c'est l'ensemble du réseau qui a besoin d'air, actuellement. Pour l'UQAM, vous me permettrez de dire que mon Université, c'est la plus pauvre des pauvres. Je répète cela tellement souvent que j'ai parfois l'impression que je radote, mais je vais le répéter encore une fois.

En 1989-1990, le gouvernement du Québec a corrigé les bases de financement des universités québécoises. Il avait été reconnu à ce moment-là que l'UQAM était sous-financée. Mais, pour des raisons que je ne veux pas réexpliquer ici, le gouvernement du Québec a choisi d'ajuster les bases des autres universités, mais l'UQAM n'a pas été réajustée à 100 % comme les autres. Cet événement, dont on se rappelle vraiment et très fréquemment les effets à l'UQAM, continue à avoir des effets négatifs considérables sur notre santé financière. Je vous rappelle que nous avons subi, comme les autres universités, des coupures, depuis 1993, importantes, mais je vous rappelle également que, compte tenu des ressources dont disposent les autres universités, l'UQAM dispose d'à peu près 74 % des ressources des autres universités pour accomplir les mêmes fonctions.

En conséquence, quand les autres universités au Québec ont un ratio d'un professeur pour 19 étudiants, l'UQAM a un ratio d'un professeur pour 25 étudiants, ce qui, je pense, vous montre très bien que nous manquons de professeurs à l'UQAM. Ce qui fait aussi que de 50 % à 60 % des cours chez nous sont assumés par des chargés de cours, ce qui est le plus haut taux au Québec. Il nous semble que, si nous voulions atteindre les ressources que connaissent les autres universités, nous aurions besoin de complètement inverser la pyramide, c'est-à-dire d'essayer d'imaginer que 70 % de nos cours sont donnés par des professeurs. C'est à peu près l'inverse que nous vivons.

Nous avons, nous aussi, comme les autres universités, perdu de nombreux professeurs et nous prévoyons, dans les années qui viennent, le départ de 220 professeurs pour des prises de retraite. Nous avons un âge moyen du corps professoral de 50,5 ans, ce qui est quand même très élevé et ce qui vous indique que nous n'avons pas pu aller engager de nouveaux professeurs pour rajeunir un peu notre corps professoral.

Pour parler plus concrètement, nous avons demandé et nous continuons à demander – je taquinais tout à l'heure le sous-ministre qui est derrière moi, qui connaît bien nos demandes – un redressement rétroactif de notre base de financement de 30 000 000 $, ce qui nous permettrait d'être à peu près au même niveau que les autres universités, ce qui veut dire aussi un redressement annuel de 15 500 000 $ pour les années 1998-1999 et 1999-2000. Ce financement serait récurrent et nous mettrait au même niveau que les autres universités.

Nous ne demandons pas plus que les trois autres universités montréalaises, mais pas moins non plus. C'est pourquoi je me permets de vous dire que, quand l'UQAM doit faire sa place dans l'ensemble des universités du Québec, c'est d'abord et avant tout avec les universités de la région montréalaise qu'elle se compare. Et nous osons espérer que le gouvernement, quand il voudra rétablir ce que j'appelle l'équité historique dans le financement des universités, pensera d'abord à corriger les erreurs du passé et à permettre à l'UQAM d'être au même niveau dans la course.

Ceci étant dit, je me permettrai d'ajouter que, dans la conjoncture actuelle où le gouvernement s'apprête à réinvestir dans l'éducation, nous pensons que le gouvernement devra faire un effort très particulier pour aider l'ensemble des universités du Québec et plus particulièrement régler – si je peux me permettre – les déséquilibres historiques que nous avons connus dans la base de financement de l'UQAM.

Ceci étant dit, j'aimerais aborder une autre question qui fait l'objet de beaucoup – si vous me permettez d'être peut-être un peu impolie – de mythes et de préjugés, celui de la rationalisation des programmes universitaires. La rationalisation des programmes universitaires a paru et paraît encore comme une panacée pour régler les problèmes des universités. Et nous entendons encore couramment aussi bien les hommes politiques, les femmes politiques, que les décideurs dans la société penser que les universités trouveront une solution à leurs problèmes budgétaires si elles rationalisent leurs programmes.

Je crois que les travaux que la CREPUQ a menés là-dessus montrent bien que, s'il y a quelques rationalisations à faire, elles sont très mineures et que la rationalisation des programmes universitaires, tout en donnant de bons arguments ou des faire-valoir trop faciles pour ceux qui ne veulent pas réinvestir dans les universités, ne permettra jamais de régler les problèmes financiers des universités.

Je me permettrai d'aller un peu plus loin sur cette question. Je crois que, quand on parle de programmes universitaires, il faut faire la différence entre les programmes de premier cycle et ceux de cycles supérieurs. Au premier cycle universitaire, lorsque la demande existe, c'est-à-dire lorsque les étudiants sont présents pour suivre les programmes de premier cycle, il nous semble que les universités seraient très mal venues de mettre un terme à des programmes qui font salle comble, même si les sept autres universités offrent les mêmes programmes à travers la province.

Je me permets d'insister là-dessus parce que je me suis souvent fait dire: Pourquoi y a-t-il des programmes de sociologie partout? Pourquoi y a-t-il des programmes de philosophie partout? Pourquoi y a-t-il des programmes d'études littéraires partout? Pourquoi y a-t-il des programmes de sciences politiques partout? Pourquoi y a-t-il des programmes d'histoire? Quand on m'a souvent dit ces choses, j'avais le sentiment que parfois les interlocuteurs s'imaginaient que, comme c'est philosophie, histoire, sciences politiques, ce n'est pas tellement important pour une société, ça ne conduit pas immédiatement à un emploi rentable dans l'économie du savoir, et donc on n'en a pas besoin tant que ça.

(14 h 30)

Vous me permettrez de vous dire qu'une telle vision des choses montre une image extrêmement tronquée de ce qu'est une université, montre une image extrêmement tronquée aussi de ce qu'est l'économie du savoir. L'économie du savoir, ça veut dire des hommes et des femmes qui ont des connaissances dans tous les champs du savoir et qui seront utiles dans la société dans l'ensemble des domaines d'activité, pas uniquement dans les technologies de l'information ou en génie. Alors, je me permets d'insister là-dessus.

Sur les programmes de cycles supérieurs, je vous dirai qu'il y a eu un effort de rationalisation énorme au Québec, mais je me permettrai d'insister davantage sur ces programmes. Pour l'UQAM, et je crois que ce n'est pas différent pour mes collègues de l'Université du Québec, nous sommes arrivés les derniers sur la scène universitaire, il y a 30 ans. Et je me souviens très bien que, quand nous développions des programmes à cette époque-là, que ce soit l'UQAM ou les autres constituantes de l'Université du Québec, nous devions prouver, à chaque fois que nous ouvrions un programme universitaire, que nous étions complémentaires avec les autres universités. Et donc, nous nous sommes, nous, à l'UQAM, développés en complémentarité avec les autres universités et nous n'avons pas eu d'autorisations de donner des programmes s'il n'y avait pas une complémentarité très établie avec ce qui se faisait déjà dans les autres universités, de sorte que la rationalisation, pour nous, elle a été faite tout au long de notre histoire. Ça, je pense que c'est une chose qu'il ne faudrait pas oublier.

Par ailleurs, une fois ceci dit, nous reconnaissons que, dans les programmes de deuxième et troisième cycle, il est, là, probablement nécessaire d'avoir une rationalisation et des rapprochements beaucoup plus grands que nous pouvons le voir au premier cycle, d'une part parce que la clientèle étudiante est beaucoup moins nombreuse, deuxièmement, les étudiants qui font des études de deuxième et troisième cycles ont besoin d'avoir un environnement où aussi bien les regroupements de chercheurs que les différentes spécialités soient représentés, de sorte que vous verrez, dans la région de Montréal en particulier, de nombreux programmes de maîtrise et de doctorat qui sont donnés conjointement par les quatre universités montréalaises.

Nous avons développé cela bien avant qu'on commence à dire que la rationalisation des programmes, ça allait sauver les universités, puisque ça allait de soi dans la dynamique universitaire. Nous continuons à le faire et nous allons continuer à le faire. Je crois que, là-dessus, personne ne pose de questions, et tout le monde imagine très bien que, pour les étudiants, les regroupements de ressources professorales aussi bien que d'infrastructures sont importants et essentiels. Je me permets d'insister sur cela parce que j'entends encore trop souvent des discours autour de cela, et il me semble que nous avons tous avantage à mieux comprendre la dynamique d'organisation de l'université autour de ces grands pôles de premier, deuxième et troisième cycles.

Je me permets également d'ajouter que, quand on parle souvent de rationalisation de programmes, on nous fait maintenant, j'allais dire, presque peur avec les nouvelles visions des choses qui montreraient, par exemple, qu'on pourrait couper des grands pans de mur dans les universités. Je pense que vous connaissez cette image qu'on utilise parfois dans la fonction publique et souvent dans les milieux que vous connaissez: Si on coupe, coupons donc un grand pan de mur; comme ça, ça va être beaucoup plus efficace. On me rappelle ça très souvent, plus récemment.

Ça veut dire quoi, couper des pans de mur? Est-ce que ça veut dire qu'on va fermer des facultés dans les universités? Et que vont devenir les universités comme la mienne à laquelle on aurait enlevé des grands pans de mur? Allons-nous pouvoir survivre? Un pan de mur, quand on en parle, pour ceux qui sont peut-être un petit peu moins habitués à ce vocabulaire, ça veut dire: Fermons la faculté, disons, chez nous, de sciences humaines, ça va coûter moins cher parce qu'il y aura moins d'étudiants là, les étudiants, ils vont aller ailleurs, sûrement; fermons peut-être, je ne sais pas, moi, la faculté des sciences.

Je pense qu'envisager ce genre de mesure, c'est procéder à la destruction du réseau universitaire québécois. Et je vous dis que je suis très inquiète de ce genre de discours aussi bien que de ce genre de mesure qui aurait été prise sans une analyse approfondie de ses impacts à long terme pour le Québec. Dans les universités, nous travaillons à long terme et non pas à court terme.

Ceci étant dit, je me permettrai de terminer ma présentation par des mots un peu plus personnels. Vous savez tous que c'est ma dernière présentation publique comme rectrice de l'UQAM. J'ai annoncé que je quitterais ma fonction. Donc, vendredi prochain, j'aurai quitté l'Université. Je me permets de profiter de cette occasion, d'une part pour vous dire, du fond du coeur, qu'il ne se peut plus que le Québec continue à laisser se détériorer ses universités. Je fais ce plaidoyer public et devant vous en sachant très bien que je n'en tirerai pas moi-même les résultats positifs, mais en vous disant qu'il m'apparaît très clair que nous ne pourrons pas survivre comme société développée si les universités du Québec continuent à se détériorer et à prendre le recul que nous connaissons maintenant.

Alors, je vous supplie, si vous le pouvez, d'aider et de nous aider au Québec, d'une part, à maintenir l'éducation au coeur de notre projet collectif et, bien sûr, aussi, à voir à ce que l'ensemble du réseau de l'éducation, mais plus particulièrement les universités, puisqu'elles ont un rôle stratégique à jouer dans l'évolution de la nouvelle société, continue à se développer. Je me permets de vous le répéter et j'ose espérer, aussi bien pour l'Université que je représente aujourd'hui que pour l'ensemble des universités, que notre cri de détresse, notre demande soit acceptée, écoutée et que le gouvernement vienne donner aux universités les moyens dont elles ont besoin pour continuer leur mission. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Leduc. Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci beaucoup, Mme Leduc, et mesdames, monsieur qui vous accompagnent. Bonjour et bienvenue à cette commission.

(14 h 40)

Je vous dirais que votre plaidoyer, Mme Leduc, même si, comme vous le mentionnez, ce n'est pas la première fois que vous le faites, est toujours aussi, pour moi, convaincant et toujours aussi, je dirais, en parfaite cohésion avec le développement qu'on veut pour le Québec. C'est bien beau, puis vous l'avez mentionné, on a eu le Sommet de la jeunesse la semaine dernière où on a réitéré l'importance de l'éducation, on peut réitérer l'importance de bien des choses pendant bien des semaines, pendant bien des mois et pendant bien des années sans cependant que cette importance-là se traduise par des gestes concrets. Au cours des dernières années, et s'il y a une chose dont je me rends compte depuis un an en tant que porte-parole en matière d'éducation, c'est que tous les vieux stéréotypes qu'on avait au niveau des universités, que les gens ne travaillent pas, qu'il y a encore du gras à couper, qu'il y a encore des choses à faire, je vous dirais que ce qui a été fait comme coupures, comme compressions dans les dernières années a fait tomber la majorité de ces stéréotypes-là. Et, s'il y a une chose, une seule chose de positive, je dirais, aux coupures des dernières années, c'est qu'elles nous ont peut-être fait prendre conscience, à tous et à toutes, que nous étions à deux cheveux d'échapper, je dirais, une des choses les plus fondamentales de notre société. On est à un moment où les grands projets d'infrastructure – je pense à la Baie James, etc. – sont peut-être révolus et où les plus grands projets d'infrastructures qui restent sont des projets d'infrastructures intellectuelles, et, pour ce faire, la question qu'on doit se poser, c'est: Comment on peut y arriver?

Dans votre présentation, il y a, oui, toute la question du financement qui est là, mais il y a aussi une autre question que j'ai relevée à la fin de la présentation que vous nous avez faite et qui doit nous amener à se poser une question sur la façon dont on fonctionne face au réseau de l'éducation. C'est certain qu'il y a eu les états généraux, qu'il y a eu différentes consultations au cours des dernières années, il y a même eu le Sommet de la jeunesse la semaine dernière, mais, dans le fond, on est à un point où, au niveau universitaire, on a eu une politique des universités, mais quel a été le grand débat autour de cette politique-là? Je vous dirais qu'elle a été déposée, on a été invité à envoyer des mémoires, des commentaires, plusieurs l'ont fait, d'autres ne l'ont pas fait, mais enfin. Je vous dirais qu'on est peut-être à un point – au-delà de se dire: On se donne une politique des universités qui semble plaire à tous – d'avoir un véritable débat sur quelle est la place des universités dans notre société. Et ce débat-là se fait effectivement à deux niveaux dans votre cas, au niveau des universités en général, mais au niveau de la situation particulière de l'Université du Québec à Montréal.

D'abord, j'ai bien pris en note que vous n'aviez pas retouché votre présentation depuis le Sommet et malgré ce qui a été mentionné à ce moment-là sur le réinvestissement en éducation. Moi non plus, je n'ai pas refait mes questions suite au Sommet. Je vous dirais que ça me laisse extrêmement songeur, ce qui a été annoncé la semaine dernière. J'écoutais les autres universités ce matin, je vous écoute et je suis loin d'être convaincu que l'argent annoncé et la façon dont il est annoncé vont nous permettre de vraiment confirmer dans les gestes que l'éducation est la priorité. On parlait de 650 000 000 $ dans votre présentation, on parle du redressement rétroactif uniquement pour l'UQAM, et ça représente beaucoup d'argent.

Je vous dirais, la question que je me pose et qu'on doit tous se poser, c'est: Est-ce que la période des miracles n'est pas terminée? Je voyais que, malgré les coupures, vous avez réussi quand même à augmenter le taux de placement des finissants au baccalauréat, et tout ça, dans les chiffres. Je voyais les diminutions de clientèles, qui sont dans vos chiffres aussi, qui sont extrêmement inquiétantes. Moi, je vous dirais, parce que ça m'inquiète beaucoup: Est-ce qu'on peut, dans l'état actuel des choses, dire qu'avec le réinvestissement annoncé on va vraiment se sortir la tête de l'eau? Parce qu'il ne faut pas oublier que, dans les quatre dernières années, c'est tout près de 2 000 000 000 $ qu'on a coupés dans le réseau de l'éducation au complet. Là, on dit qu'on va en réinvestir 1 000 000 000 $. Et ce que je retiens de votre présentation et d'autres présentations de ce matin, c'est: Oui, c'est beau, réinvestir, mais l'effet des coupures passées se fait encore sentir. Comment, Mme Leduc, on peut penser que ça va prendre de temps, d'investissements, d'énergie pour réussir à se sortir de ces trois, quatre, cinq années-là qui ont été très dures au niveau de l'éducation et de l'enseignement supérieur?

Mme Leduc (Paule): Écoutez, le 1 000 000 000 $, qui a été annoncé sur trois ans, bien sûr n'est pas réparti actuellement. Alors, les universités devront examiner, suivre avec énormément d'attention les choix budgétaires qui seront faits par le gouvernement là-dessus. Vous connaissez les demandes des universités, je l'ai répété tout à l'heure, il est sûr que nous sommes loin des demandes des universités si le 1 000 000 000 $ doit être réparti entre les différents réseaux de l'éducation. Est-ce qu'il y a des solutions miracle? D'abord, je pense bien que la solution monétaire est absolument essentielle. Il est difficile d'imaginer que des gens affamés ont toute l'énergie qu'il faut pour s'améliorer, disons, être un petit peu plus performants. On se demande dans quelle mesure à la fois l'État québécois pourra trouver les ressources suffisantes pour financer ces grands réseaux, dont celui de l'éducation, qu'est-ce que ça signifie pour une société comme la nôtre que de ne pas avoir un réseau postsecondaire qui soit très dynamique et comment les priorités de l'État seront revues. Parce que, vous le disiez tout à l'heure, la cour des miracles, en tout cas, n'est pas de ce monde, mais les priorités et la revue des priorités, ça existe, cela.

Il me semble que nous devrons comme société revoir nos manières d'investir nos sous et resituer dans l'ensemble général la place des universités là-dedans. Mais, moi, je sais, et mes collègues pourront vous le confirmer, qu'avec l'argent dont nous disposons maintenant et même si nous faisions des efforts supplémentaires pour assurer une meilleure gestion de l'Université nous ne serons jamais capables de maintenir une capacité de recherche et, je vous dirais, une qualité de l'enseignement qui corresponde aux standards nord-américains. Alors, c'est peut-être la quadrature du cercle, mais c'est une question extrêmement importante. Le grand malheur des universités, c'est de ne pas avoir de salle d'urgence avec des civières.

M. Béchard: Sur un autre phénomène qui est lié à ça et qui, dans votre cas, l'Université du Québec à Montréal, est, je dirais, encore plus important qu'ailleurs, le ratio, si on veut, maître-élèves ou encore la place des chargés de cours comme tels. Il y a différentes rumeurs qui circulent que, dans les fameux critères d'évaluation ou de performance qui seraient liés au réinvestissement en éducation, un des points importants est de savoir... on peut toujours parler de différents critères, mais, si on n'a pas des bases comparables, donc si on ne ramène pas un ratio maître-élèves et aussi un ratio chargés de cours-professeur à un niveau équivalent à peu près partout, on a des problèmes avec ces fameux critères là. Et j'aimerais savoir – je ne sais pas si vous l'avez calculé ou si vous l'avez regardé – à l'Université du Québec à Montréal, combien ça pouvait représenter, la transformation, si on veut, du ratio chargés de cours-professeur au ratio qui est partout à peu près au Québec, à la moyenne québécoise... combien ça représente d'investissement supplémentaire uniquement sur cet aspect-là. Parce que, avant d'y aller avec des critères de comparaison, un peu comme l'Université du Québec à Trois-Rivières nous le disait ce matin, il faut s'assurer que tout le monde part sur la ligne, égal, et, après ça, on peut comparer.

Mme Leduc (Paule): Nous avons fait évidemment ces calculs, c'est 200 000 000...

Une voix: Deux cents profs.

Mme Leduc (Paule): Je m'excuse, 200 professeurs. Pour arriver à avoir un ratio similaire, ce serait 200 professeurs de plus à l'UQAM. Alors, calculez rapidement un salaire moyen autour de 55 000 $ à peu près.

Une voix: 60 000 $, 70 000 $... 12 000 000 $,

13 000 000 $.

Mme Leduc (Paule): 12 000 000 $, 13 000 000 $. D'ailleurs, quand le ministre de l'Éducation nous a demandé nos priorités, ça a été notre première priorité, très clairement établie.

M. Béchard: Je ne sais pas si mes collègues...

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, Mme la Présidente. Mme Leduc, bienvenue et merci pour votre exposé. J'ai entendu avec attention ce que vous nous avez dit. J'ai sursauté à l'idée que vous étiez l'Université la plus pauvre des universités pauvres. J'aimerais que vous m'expliquiez ça, Mme Leduc, parce que vous faites partie d'une famille, qui est celle de l'Université du Québec, où les argents, j'en conviens, ne sont pas ce qu'ils ont déjà été dans le passé. Mais, au-delà de cela, vous recevez des enveloppes à l'Université du Québec qui sont réparties entre chacune des universités. Comment se fait-il que l'UQAM se retrouve l'Université la plus pauvre des universités? Alors, j'aimerais que vous m'expliquiez ça un peu.

(14 h 50)

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Leduc.

Mme Leduc (Paule): Notre base de financement, qui a énormément souffert dès le départ, notre base de financement... Écoutez, je ne sais pas si vous voulez me faire dire qu'il y a des universités plus pauvres que moi à l'intérieur de l'Université du Québec. Je pense qu'on pourrait longuement se disputer sur les chiffres. Il est sûr que...

Mme Charest: Mais c'est quoi? Je veux dire, est-ce que vous êtes financièrement plus défavorisés que les autres universités du Québec à l'intérieur du réseau? Parce que le financement de base, il est basé sur le per capita, il est basé sur d'autres critères.

Mme Leduc (Paule): Ah! c'est...

Mme Charest: Non? C'est plus que ça?

Mme Leduc (Paule): Oui, c'est plus compliqué que ça.

Mme Charest: Alors, on veut vous entendre, on veut que vous nous expliquiez tout ça.

Mme Leduc (Paule): Sur le sous-financement de l'UQAM, quand on examine notre histoire à nous, vous verrez que, pendant une partie de notre vie, nous nous sommes développés à un rythme extrêmement rapide, et les étudiants ont été financés, au moment de notre développement, à une portion de leur coût parce que le ministère faisait là un financement à la marge, de sorte que ça, ça explique très clairement que, dans notre base de financement, nous n'avons pas eu un financement égal pour les étudiants comme l'ont connu les autres universités, par ailleurs.

Mais, quand nous regardons un certain nombre d'autres critères, si vous voulez, de comparaison, le nombre de profs par étudiant, le nombre d'employés de soutien par étudiant, les dépenses de bibliothèque par étudiant, les dépenses administratives par étudiant, et le reste, en regardant l'ensemble des universités, notre propre image à nous nous place dans l'université à qui, disons, il manque à peu près 25 % de ressources pour arriver au même niveau que les autres. Alors, c'est une série d'indicateurs comme ça, de dépenses ou de ressources par étudiant, qui nous amène à cela.

Mme Charest: C'est votre financement historique que vous êtes en train de nous expliquer.

Mme Leduc (Paule): Oui.

Mme Charest: Pour l'Université de Montréal, pour l'UQAM, ce serait quoi, la situation idéale pour dire que l'Université, l'UQAM maintient un leadership dans certaines sphères, dans certains créneaux ou dans certains programmes? Je veux dire, ça serait quoi pour vous? Est-ce qu'il y a des...

Mme Leduc (Paule): Je vous ai dit tout à l'heure, on demande 15 000 000 $ dans notre base par année plus un redressement...

Mme Charest: Pour vous mettre en équilibre budgétaire ou si c'est pour vous...

Mme Leduc (Paule): Pour nous mettre au même niveau que les autres universités. Je vais vous donner...

Mme Charest: Ça, c'est pour le financement de base.

Mme Leduc (Paule): Oui, c'est ça. Plus un montant forfaitaire pour le passé, quand nous n'avons pas été corrigés alors que tout le monde l'a été dans le passé.

Mais je vais vous donner un exemple de cela. Le fait que nous ne pouvons pas ou que nous n'avons pas suffisamment de professeurs, quand on se compare avec les autres universités, fait par exemple que, dans les concours actuels du Fonds canadien pour l'innovation, ce fonds fédéral qui a été lancé, ou alors même du Fonds FCAR qui nous donne des subventions possibles pour nous aider à soutenir l'engagement de nouveaux professeurs, donc de la relève, je vous dirai que l'UQAM n'a pas été capable d'aller chercher la part qui lui aurait été due parce que nous n'avons pas suffisamment engagé de professeurs. Alors, nous n'avons eu aucun financement pour des nouveaux profs parce qu'on n'était pas capable d'en demander, on n'avait pas engagé de profs.

Alors, nous, quand on voit ce genre de choses, c'est qu'on est en train de se dire qu'on se détruit, on se détruit presque par l'absurde. Nous ne pouvons plus, parce que notre corps professoral n'est pas suffisamment important, un, aller chercher les ressources qui normalement devraient nous venir, nous ne pouvons pas profiter même des concours auxquels plusieurs universités ont participé parce que nous n'avons même pas de candidats à proposer, nous n'avons pas engagé de corps professoral. Alors, ça, ce sont des effets négatifs de l'insuffisance de nos ressources financières.

Mme Charest: Qu'est-ce que vous avez fait qui aurait pu vous aider, malgré les contraintes? Parce que les autres universités aussi ont fait face à des problèmes de sous-financement. Je veux dire, le problème, il n'est pas particulier à l'UQAM, toutes les universités en souffrent, du sous-financement, et certaines ont quand même réussi à engager, peut-être pas autant de profs qu'elles auraient voulu. Mais ça a été quoi, les moyens que vous avez mis de l'avant pour essayer de minimiser en quelque sorte les impacts négatifs de ce manque de financement?

Mme Leduc (Paule): D'abord, ce que je vous ai dit tout à l'heure, c'est que nous pensons que nous sommes sous-financés par rapport aux autres universités, montréalaises en particulier. Alors, ça, ça veut dire tout simplement que nous n'avons pas les mêmes moyens qu'elles pour faire notre travail. Première chose. Donc, si vous me permettez de vous dire que je n'accepte pas très bien de me faire dire que je suis... elles sont sous-financées, et je le suis. Je pense que «sous-financées» n'a pas le même sens, là. Par ailleurs, elles ont eu les mêmes coupures que nous; ça, c'est vrai. Mais ce que, nous, nous disons, c'est que nous avons un sous-financement et, en plus, les coupures sont venues. Alors, il y a un double effet qui nous rend la vie extrêmement difficile, et ça, c'est, je pense, prouvé par les indicateurs – d'ailleurs, dont vous avez sûrement les données dans vos papiers – mais très clairs, qui nous permettent de nous comparer avec les autres universités. Et je ne me compare même pas avec des universités dans les autres provinces canadiennes, parce que, alors là, c'est la catastrophe.

Mme Charest: Je veux bien, mais, une fois qu'on a énuméré et identifié nos problèmes, on a l'habitude de chercher des solutions. Moi, ce que je veux savoir et ce que je n'ai peut-être pas saisi, c'est: Jusqu'au moment où on se parle, ça a été quoi, les tentatives de recherche de solutions autres que de constater que le sous-financement est présent chez vous?

Mme Leduc (Paule): Bien, d'abord, on a fait comme tout le monde, on a essayé au maximum de couper nos dépenses. Moi, je peux vous dire par exemple que nous avons réduit le nombre de postes d'employés de manière importante, nous avons diminué le nombre de cadres presque du quart – 25 % de nos postes de cadres – nous avons réduit nos dépenses un peu partout, nous avons tenté d'augmenter nos revenus autonomes dans les cafétérias, les stationnements, ou des choses comme ça, les employés ont accepté une réduction de salaire pendant trois ans, nous avons eu des congés de cotisation des régimes de retraite. Tout ça, je dois vous le dire, nous a permis d'éviter le pire quant à la situation financière de notre Université. Mais, malgré cela, cette année, nous nous trouvons avec un déficit d'opération qui frise 20 000 000 $. Alors, vous savez, à part de fermer l'Université, je ne sais plus très bien qu'est-ce qu'il nous reste à faire.

Mme Charest: Je comprends que se comparer aux autres universités, c'est une chose, mais se comparer entre les autres universités du Québec, ça, j'aimerais qu'on y revienne. C'est quoi, la part du budget de l'UQAM par rapport à l'ensemble des autres universités du Québec?

Mme Leduc (Paule): 11 %.

Mme Charest: 11 %. Et le type de programmes que vous offrez, on peut comparer ça de quelle façon par rapport à ce qui s'offre ailleurs dans les autres universités du Québec?

Mme Leduc (Paule): Bien, l'UQAM est une université à vocation générale. Les seules facultés que nous n'avons pas, ce sont les facultés de médecine et toutes les professions autour – infirmières, toutes ces choses, orthophonistes, on n'en a aucune dans le monde biomédical – et nous n'avons pas non plus de faculté de génie. Mais nous avons l'ensemble de l'éventail des autres universités. Si nous devions nous comparer à une université qui ressemble un peu à la nôtre, au Québec et à Montréal, ce serait Concordia, quoique la comparaison n'est pas exacte, puisque Concordia a une faculté de génie et que nous n'en avons pas. Alors, c'est l'image de l'UQAM, donc.

(15 heures)

Mme Charest: O.K. J'ai lu dans L'actualité , en octobre dernier, vos préoccupations par rapport aux autres universités en région. Je dois vous dire que ça ne m'a pas nécessairement plu parce que ça ne semblait pas faire partie des préoccupations que vous partagiez avec les autres universités.

Et, aujourd'hui, ce que j'essaie de savoir, c'est: Qu'est-ce qu'est l'UQAM par rapport aux autres universités du Québec dans chacune des régions du Québec? C'est ça que j'essaie de comprendre et je ne réussis pas à voir qu'est-ce qui ferait que... La solidarité de la famille des universités du Québec, elle se situe où par rapport à vous mais aussi par rapport aux autres universités, et vous par rapport à vos collègues des universités du Québec dans les autres régions?

Mme Leduc (Paule): Bon. D'abord, écoutez, je n'avais pas compris votre question, je pensais que vous parliez de l'ensemble des universités, tout à l'heure. Je comprends que vous parliez de l'Université du Québec même, de la famille de l'Université du Québec. Je pense que vous savez que l'UQAM a un statut particulier à l'intérieur de l'Université du Québec, nous avons un statut d'université associée, auquel nous tenons, ce qui nous donne un petit peu plus de marge de manoeuvre, premièrement.

Deuxièmement...

Mme Charest: Marge de manoeuvre financière ou académique ou...

Mme Leduc (Paule): C'est-à-dire que, par exemple, l'UQAM propose directement le choix de son recteur au gouvernement sans passer par l'Assemblée des gouverneurs. Nous nous représentons officiellement nous-mêmes...

Mme Charest: Donc, à l'intérieur de la famille des universités, vous avez certains privilèges?

Mme Leduc (Paule): À l'intérieur du réseau de l'Université du Québec. Ceci étant dit, je vous rappelle aussi que nous sommes de taille quand même respectable, nous avons 37 000 étudiants; alors, nous sommes donc une très, très grosse part de l'Université du Québec, autour de la moitié de l'Université du Québec. Par ailleurs, par rapport à nos collègues de Rimouski, de Chicoutimi ou des autres du réseau de l'Université du Québec, nous ne sommes pas du tout dans la même situation – j'allais dire... vous me permettrez d'utiliser un terme que plusieurs n'aiment pas – de concurrence. Nos universités comparables sont les universités à peu près de même taille et de même vocation que la nôtre. C'est comme ça d'ailleurs que les gens nous comparent très souvent.

Une fois que j'ai dit cela, l'UQAM a énormément de collaboration avec les autres constituantes de l'Université du Québec. Je pourrais vous faire une liste très longue des programmes que nous avons à l'UQAM et qui sont extensionnés ici et là dans le réseau de l'Université du Québec. À tous les cycles, d'ailleurs: premier, deuxième, troisième cycle. Ça se fait de manière tout à fait harmonieuse. J'ai énormément de respect pour mes collègues des constituantes de l'Université du Québec. Je connais leur travail, je sais qu'elles jouent un rôle extrêmement important, mais nous n'avons pas exactement la même situation géographique, vous le savez, ni les mêmes enjeux. Ceci étant dit, vous faites référence à un article de L'actualité . Je préférerais que vous preniez les paroles de moi-même plutôt que de ce qu'on en dit.

Mme Charest: Ah! je suis bien prête à prendre vos paroles, on sait toujours que les journalistes interprètent, mais, quand même, ce qui était laissé comme message était un petit peu désolant pour les universités et pour les populations des régions qui tiennent à leur institution, surtout parce que – le message que je tiens à véhiculer – les institutions en région, quel que soit leur statut ou leurs effectifs en termes d'étudiants ou de corps professoral, ne sont pas juste des antennes ou enfin des extensions, comme vous dites. Je veux dire, elles peuvent être et elles sont des universités à part entière, selon moi. Et ça, je veux bien que le message soit présent partout et à tous les niveaux de réflexion. Parce que la réflexion et le questionnement qu'on se fait sur les universités, ils se font ici maintenant, mais ils vont se poursuivre. Je pense que ça a un impact et que ça a déjà eu un impact sur le développement de toutes les universités du réseau et des autres universités au Québec. Et là on est à un moment crucial, je pense, pour l'avenir des universités. Et, là-dessus, il y a des choses qu'il faut qu'il se dise par rapport aux universités qui sont situées en région. Merci.

Mme Leduc (Paule): Vous me permettrez de vous dire, madame, que, moi, je défends l'UQAM.

Mme Charest: Pardon?

Mme Leduc (Paule): Je défends l'UQAM.

Mme Charest: Ah oui, oui, puis c'est tout à fait correct et c'est de votre plein droit. Je ne suis pas contre l'UQAM, là, même si je pose des questions. Ça, c'est très clair. Je pense qu'on ne bâtit pas le Québec en mettant les régions les unes contre les autres, je pense que les régions doivent travailler ensemble et que Montréal est une région au même titre que toutes les autres régions du Québec; dépendamment des paramètres qu'on se donne, ça demeure que c'est un statut de région aussi. Alors, je pense que ceci est très clair pour vous comme pour moi. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Jean-Talon. Non?

Mme Delisle: Il va y aller, je vais y aller après.

La Présidente (Mme Bélanger): O.K.

M. Béchard: Oui, merci. Même si Montréal est une région, elle a certaines caractéristiques particulières qui la démarquent. Je vous dirais, un élément, moi, qui me tracasse énormément pour les prochaines années, et vous en avez parlé un petit peu tantôt... On a beau ne pas vouloir regarder souvent ce qui se passe ailleurs, le président américain annonçait dans son discours de l'Union son intention de réinvestir 30 000 000 000 $ en éducation dans les prochaines années.

Vous avez fait le portrait de ce qui se passe au Canada avec les augmentations ailleurs. Et ça, ça a un impact direct et très, très important sur... On parle beaucoup des structures, on parle beaucoup du financement comme tel, mais, dans le fond, l'élément majeur pour qu'une université fonctionne, ce sont ses enseignants. Et les étudiants puis les enseignants sont là aussi beaucoup. Et, dans les prochaines années, on s'en va dans une espèce de course à l'embauche d'enseignants.

J'aimerais, Mme Leduc, oui, en tant que rectrice de l'UQAM, mais aussi avec l'expérience que vous avez du monde universitaire... Quels sont les moyens, qu'est-ce qu'on peut mettre en place, qu'est-ce qu'on peut favoriser pour s'assurer de garder, d'aller chercher les enseignants, de leur donner le goût de travailler ici? Et on parle beaucoup d'exode de cerveaux, on parle beaucoup de rétention, on parle beaucoup, bon, tout le monde... Il y a peut-être 32 000 postes qui vont s'ouvrir au Canada, dont 12 000 nouvelles embauches. Qu'est-ce qu'on peut faire? C'est sûr qu'il y a le financement. Est-ce qu'il y a d'autres moyens? Comment on peut s'assurer d'avoir au moins voix au chapitre puis d'au moins être capable, je dirais, de faire des offres à certains enseignants partout au Canada?

Mme Leduc (Paule): Cette question-là est une question très importante pour nous, vous le devinez. On parle beaucoup d'exode des cerveaux. On a fait notre propre examen, et je dois vous dire que, pour nous, à l'UQAM, ce qu'on constate, ce n'est pas que nos professeurs nous quittent pour aller aux États-Unis ou au Canada, de façon générale, nos professeurs nous quittent pour aller dans les autres universités montréalaises parce que souvent on leur offre des conditions salariales et surtout des conditions d'infrastructures que nous ne sommes pas capables de nous offrir. Alors, notre drame à nous, ce n'est pas tellement qu'ils s'en vont ailleurs, mais c'est qu'ils restent à Montréal, dans une autre université. Remarquez que c'est de bonne guerre, je présume. Mais ce que nous avons constaté récemment, c'est que nous avons perdu beaucoup de nos professeurs, à l'UQAM, de très grande qualité, qui ont pu trouver ailleurs, c'est-à-dire à Montréal, dans d'autres universités, un environnement de recherche qui soit beaucoup plus favorable.

Et, donc, ça me ramène à votre question de départ. Ce qui est important pour être capable de garder nos cerveaux chez nous et même d'en accueillir d'ailleurs – je pense que c'est une bonne chose qu'il y ait une certaine mobilité dans le monde de la science – c'est, d'une part, bien sûr, de leur donner des conditions salariales qui sont comparables, mais c'est de leur donner aussi les infrastructures de base: les labos, les équipements, le soutien technique ou professionnel dont ils ont besoin pour pouvoir continuer leurs travaux. Et ce qu'on a pu noter d'ailleurs, quand on regarde les études qui ont été faites aux États-Unis là-dessus aussi bien que chez nous, c'est que, pour un prof, ce n'est pas uniquement le salaire qui va jouer un rôle, c'est vraiment l'environnement qui lui est proposé pour lui permettre de continuer son travail, d'encadrer ses étudiants, de développer sa recherche et, bien sûr, de pouvoir communiquer avec d'autres. Donc, c'est la masse critique.

Et, nous, évidemment, je dois vous dire qu'à chaque fois qu'un département perd un de ses professeurs pour d'autres cieux, c'est toujours un drame chez nous. Parce que, quand on vient faire du recrutement, nous savons que, même si nous pouvons peut-être arriver à avoir des échelles salariales relativement similaires, nous ne pouvons pas faire même de comparaison avec ce qui se passe, à Montréal, dans d'autres universités, et nous sommes très malheureux de cela. On suit ça avec beaucoup d'attention, et c'est vraiment pour nous un obstacle extrêmement important.

(15 h 10)

La Présidente (Mme Charest): Ça va?

M. Béchard: Oui.

La Présidente (Mme Charest): Alors, merci. M. le député de La Prairie, je vous prie.

M. Geoffrion: Mesdames, monsieur, peut-être laisser quelques instants le financement, question de se détendre un petit peu peut-être, là. Je lisais qu'il y a 30 % à 35 %, que ce soit chez vous ou pour l'ensemble des universités, d'étudiants, d'étudiantes qui ne finissent pas, qui quittent avant l'obtention d'un diplôme. Donc, il reste quand même un 60 %, 65 % qui réussissent, et, vous en avez parlé tout à l'heure, le taux de placement est meilleur que jamais.

Il y a ceux qui quittent l'université, mais il y a aussi ceux qui rentrent à l'université. C'est de ça que j'aimerais vous parler. J'aimerais vous entendre sur votre perception des cégepiens qui arrivent chez vous, là. Est-ce que vous les trouvez bien préparés à accéder à l'université? J'aimerais ça vous entendre sur cette question-là, ceux qui arrivent chez vous et dans l'ensemble des universités du Québec.

Une voix: Je pense que les cégeps ont vécu et continuent de vivre une réforme importante de leur programmation, et on voit certainement, au niveau des sciences humaines, entre autres, des étudiants mieux préparés.

La Présidente (Mme Charest): Excusez-moi, madame, pour les besoins de la transcription, le secrétaire me fait remarquer que nous ne connaissons pas votre nom.

Mme Drapeau (Lynn): Lynn Drapeau.

La Présidente (Mme Charest): Merci, Mme Drapeau.

Mme Drapeau (Lynn): Vice-rectrice à la formation.

La Présidente (Mme Charest): Merci, madame, continuez.

Mme Drapeau (Lynn): Alors, ce que je disais, c'est que les cégeps, les collèges ont vécu et continuent de vivre une réforme importante de leur programmation, eux-mêmes, et on constate entre autres en sciences humaines, chez les étudiants de sciences humaines, une meilleure préparation. Ceci étant dit, ce n'est pas un sujet qui, en règle générale, préoccupe beaucoup. Ce qu'on essaie de regarder, par ailleurs, c'est la cote R moyenne des étudiants qui entrent dans nos programmes. Certains des programmes ont tendance maintenant à vouloir resserrer un petit peu de manière à s'assurer d'avoir une population étudiante qui est de meilleur niveau.

M. Geoffrion: Je vous demande ça, bon, peut-être que vous ne voyez pas directement un effet, mais, connaissant ce chiffre-là, qu'il y a 30 % qui ne terminent pas le baccalauréat, est-ce que vous ne voyez pas un effet direct de cause à effet – bon, si mal préparé, peut-être pas au bon endroit au bon moment – ou ça n'a pas d'effet direct? Je vous pose la question. Je n'ai pas d'idée préconçue là-dessus.

Mme Drapeau (Lynn): En fait, au niveau des taux de diplomation, ce dont on s'aperçoit en regardant les chiffres de l'UQAM, c'est qu'il y a un écart très, très important entre les taux de diplomation des étudiants qui étudient à temps complet et ceux qui étudient à temps partiel. Au niveau des étudiants qui sont à temps complet, notre taux de diplomation est comparable, dans les baccalauréats, aux autres universités, c'est-à-dire autour de 66 % à peu près. Il y a une baisse importante, et ce, pour tous les types de programmes pour les taux de diplomation des étudiants qui étudient à temps partiel. Alors, je pense que c'est peut-être moins une question de préparation préalable des étudiants qu'une question du temps que les étudiants ont à consacrer à leurs études.

M. Geoffrion: D'accord. Ou d'orientation peut-être? Est-ce que tous ceux qui commencent des études universitaires sont bien au fait dans le programme dans lequel ils s'engagent? Est-ce que ça, ça peut jouer aussi?

Mme Drapeau (Lynn): C'est clair que les changements de programme sont beaucoup plus nombreux pour les étudiants qui s'inscrivent au baccalauréat. C'est ceux chez lesquels on observe le taux de changements de programme qui est le plus élevé. C'est beaucoup plus faible pour les étudiants qui sont inscrits dans les certificats; en général, c'est les professionnels en exercice, des gens qui viennent prendre un complément de formation à l'université. Aux études avancées, le niveau de changement de programme est assez négligeable. Donc, c'est pour les étudiants qui entrent dans un baccalauréat, mais il faut voir qu'un étudiant qui s'inscrit par exemple en sciences humaines pourrait très bien s'inscrire à un bac en sociologie et finalement décider de passer un bac en sciences politiques ou quelque chose comme ça.

Il existe cependant un facteur important pour les changements de programme au baccalauréat, donc au premier cycle, c'est qu'on a beaucoup de programmes qui sont très fortement contingentés, pour lesquels la demande est extrêmement forte. Et certains étudiants se trouvent à s'inscrire finalement dans un programme qui est leur deuxième choix ou un programme qui est leur troisième choix. Et ça, clairement, ce n'est pas un facteur qui aide à la persévérance aux études.

M. Geoffrion: D'accord.

La Présidente (Mme Charest): Merci, Mme Drapeau. Alors, Mme la députée de Jean-Talon, je vous prie.

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. Mme Leduc, tout à l'heure, d'entrée de jeu, mentionnait qu'il y avait de nouveaux visages et qu'elle espérait qu'on soit multiplicateurs ou multiplicatrices – je ne sais pas si c'est un terme qu'on peut utiliser – non seulement à entendre le message mais à le véhiculer. Je fais partie de la génération qui a accédé à l'université. Les portes étaient grandes ouvertes. On avait accès évidemment à toutes sortes de programmes. On a même eu accès à de l'emploi dès qu'on est sorti, les gens nous couraient après.

Je fais également partie de la génération qui a des enfants qui sont passés par les différentes universités du Québec et qui ont vu, à certains égards, parce qu'il y a eu évidemment des coupures drastiques au fil des ans – je ne cherche pas nécessairement de coupable – une détérioration par rapport à ce que, nous, on a pu avoir, toutes choses étant égales.

Un avantage de l'exercice qu'on fait aujourd'hui, c'est que c'est non partisan – je le souhaite évidemment – et qu'on puisse, tout le monde, non seulement mieux comprendre la réalité qui est vécue par le milieu universitaire, et par ricochet le corps professoral, les employés de soutien, les étudiants qui sont nos enfants et nos petits-enfants, et essayer dès maintenant finalement non seulement d'entendre l'appel mais de s'assurer que les missions qui ont été confiées aux universités mais plus particulièrement à l'Université du Québec – parce que c'est de ça dont on parle depuis ce matin, là, des missions de l'Université du Québec et de ses constituantes – qu'on puisse non seulement les maintenir, les remettre sur les rails, mais aussi...

Vous avez dit, Mme Leduc, tout à l'heure, et je vais vous citer – j'espère que je vous cite au texte: «Il faut donner une chance égale à la relève québécoise pour assurer que tout le monde puisse participer à cette économie du savoir.» Je suis parfaitement d'accord avec vous. Je suis très perturbée par ce que j'entends depuis ce matin. C'est nouveau pour moi, je siège depuis très peu sur la commission de l'éducation. On s'est connu dans une autre vie. Et je ne voudrais pas que le drame prenne le dessus sur ma façon de voir les choses, mais il se profile une idée dans ma tête. J'espère que je me trompe. Vous mettrez sur le compte de la méconnaissance peut-être de l'ensemble de ce dossier-là la remarque que je vais faire.

Est-ce que vous ne croyez pas, avec le sous-financement chronique – parce qu'on peut l'appeler chronique, à moins qu'il y ait un changement de barre vraiment drastique dans le budget dans quelques semaines – que c'est un peu une façon de dire aux universités et peut-être plus particulièrement à l'Université du Québec et à ses constituantes qu'il y a peut-être trop d'universités au Québec? Je pose la question à voix haute.

Je ne vous dis pas que c'est moi qui pense ça, là, mais je ne peux pas concevoir qu'on ait, au nom de différentes considérations, vraiment mises en péril nos universités, la transmission des connaissances, l'évolution finalement de toutes ces nouvelles technologies qui doivent être mises à la disposition de nos jeunes, de nos professeurs, de tout ce qui compose nos universités. Et je regarde les tableaux depuis ce matin – peut-être que je suis alarmiste, je n'en sais rien – tous ces tableaux qui nous démontrent de façon absolument éloquente les coupures drastiques, là. Mon mot n'est même pas assez fort. Parce que, qu'on ait coupé, tout le monde peut s'entendre que c'était nécessaire parce qu'on avait quand même des objectifs à rencontrer au gouvernement – «on» évidemment excluant la personne qui parle pour le moment – mais je dois vous dire que ces objectifs-là ont été rencontrés possiblement sur le dos de plusieurs générations à venir.

Je repose la question: Est-ce que ce n'est pas une façon indirecte de peut-être passer le message: il y a trop d'universités, et puis de concentrer peut-être dans d'autres, en moins d'universités? C'est peut-être une hérésie, ce que je dis là, je n'en sais rien, mais il m'apparaît que, si votre voeu n'est pas rencontré, ce que vous nous avez demandé vous-même, le plaidoyer qu'a fait avant vous ou qu'ont fait avant vous finalement M. Lucier et Mme de la Durantaye, il y en a quelques-unes qui vont tomber quelque part, là. Je veux dire, on ne peut pas continuellement s'imaginer que le gouvernement va accepter ces déficits à répétition, le cumul de ces déficits, pour qu'on puisse les éponger après ça pendant 10 ans puis ne pas avancer dans le temps. Alors, je ne sais pas si vous avez une idée là-dessus.

(15 h 20)

Mme Leduc (Paule): Écoutez, comme j'ai un peu de liberté de parole – en tout cas, ce que j'aurai un peu plus... – je vais l'utiliser maintenant. La semaine prochaine, ça serait différent, je dirais plus, peut-être. Il reste que nous avons au Québec un système universitaire très complet et très diversifié: la présence des universités en région, la présence des grandes universités à Montréal, des grosses quand même – on est quatre grosses universités à Montréal – les instituts spécialisés, je pense qu'on a couvert, j'allais dire, l'ensemble, en tout cas, des identités possibles dans le milieu universitaire. Et c'est un système universitaire extrêmement riche que nous avons mis sur pied, dont moi j'ai toujours été fière. Quand je travaillais en dehors du Québec, j'étais très fière de voir notre système universitaire au Québec.

Quand on fait appel à vos émotions et à votre raison pour vous expliquer ce qui se passe chez nous, c'est évidemment parce qu'il est en train de se faire une destruction lente de notre système universitaire. Est-ce que, dans l'esprit des gens qui prennent les décisions, ça repose, j'allais dire, la dynamique même du réseau universitaire tel qu'il se trouve? Je ne le sais pas. Enfin, personne ne m'a jamais dit des choses comme ça autour de la question des coupures financières. Je me suis plutôt demandé souvent dans quelle mesure, devant un système universitaire comme le nôtre, complexe et riche, pas riche d'argent mais riche de compétences et de possibilités, on ne traversait pas au Québec une période assez inquiétante pour moi, que j'ai souvent appelée une certaine forme d'anti-intellectualisme, qui fait qu'on devient assez critique devant des institutions comme les nôtres, qui sont des institutions qui vivent de l'esprit, qui vivent des choses de l'esprit, qui travaillent avec des choses de l'esprit. Ça n'est pas mesurable.

Pourquoi est-ce qu'à l'UQAM nous formons tant de philosophes? Pourquoi est-ce qu'à l'UQAM nous formons tant d'artistes, sculpteurs, peintres? Pourquoi est-ce que nous formons tant d'économistes ou de mathématiciens? Et j'ai le sentiment que nous passons au Québec une période qui m'apparaît à moi terriblement matérialiste par rapport à la chose intellectuelle. Et ça, ça m'inquiète beaucoup plus profondément que l'examen potentiel de l'équilibre actuel du système, parce que j'ai trop eu souvent le sentiment que, dans la critique qu'on faisait des universités, plus ou moins voilée dans certains cas, il y avait ce que je vais qualifier peut-être un peu fortement d'un certain dédain pour la chose intellectuelle. Et souvent j'ai senti, quand on nous disait: Si vous formiez vraiment plus d'informaticiens puis de gens qui travaillent sur les technologies de l'information puis des multimédias puis un peu moins des autres types, peut-être que vous feriez mieux votre mission...

Et ça, ça me hérisse complètement. Ça me rend malheureuse terriblement parce que je me dis: Il s'agit du travail à long terme d'une société pour se définir, pour se développer, mais aussi pour aider l'homme, la nature humaine, pour aider la condition humaine dans la propre recherche de réponses à ses questions. Et ça ne se fait pas qu'en technologie de l'information, ça se fait dans l'ensemble. On parle de la violence chez les jeunes, de la violence dans les familles, c'est un problème humain profond. Comment on le comprend, comment on vient essayer de trouver à la fois les racines de ce mal, comment on trouve comme société les manières de contrer ou la manière de développer nos propres systèmes sociaux pour permettre que nous soyons un petit peu humains, ça fait partie de la réflexion universitaire et de son travail.

Et donc, je me dis: Peut-être suis-je devenue terriblement pessimiste ou alors, comment dirais-je, avec un sens de la culpabilité profond, mais il me semble que, derrière tout ça, il y a le phénomène économiste de nos sociétés. Et je me demande si on n'a pas trouvé beaucoup d'excuses pour cacher ces grands visages de notre société actuelle. Mais ça, c'est mauvais.

Ceci étant dit, si le gouvernement ou la société elle-même – puisqu'on en parle beaucoup entre nous maintenant – si le gouvernement juge qu'il ne peut pas continuer à financer l'ensemble de ses universités pour qu'elles continuent à être ce qu'elles ont été et qu'elles puissent continuer à se développer, eh bien, moi, j'aimerais mieux qu'on le dise rapidement, qu'on en parle ouvertement, qu'on soit transparent et qu'on pose la question plutôt que de nous laisser tous mourir de faim.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va?

Mme Delisle: Ça va, oui.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. Je pense, madame la rectrice, que vous venez peut-être de faire le plus beau plaidoyer que j'aie entendu encore pour les universités. Non seulement il est touchant, mais il est vrai, je pense, il va chercher les dimensions profondes pour lesquelles on travaille.

Vous savez, ici, nous, de façon générale, je pense bien qu'autour de la table il y a plutôt une propension à être d'accord avec les gens qui viennent nous dire qu'il manque d'argent dans les universités. Encore faut-il que nous soyons en mesure de bien défendre ces objectifs-là. Parce que vous avez dit au début que vous vouliez nous convaincre, en convaincre le plus grand nombre possible. Alors, nous, c'est avec les réponses qu'on est convaincus, hein! Alors, on pose les questions qu'on peut et on travaille avec les réponses qu'on a.

Dans ce contexte-là, c'est sûr que la dimension intellectuelle, la dimension spirituelle du travail des universités a quelque chose d'impondérable et que tout ne peut pas être évalué. Ça, je pense que tout le monde en conviendra. Cependant, il y a aussi des choses qui sont pondérables dans le travail des universités. Il y a, dans un certain nombre de facultés, des choses qui touchent quelque chose de très, très tangible; mais il y a aussi, dans le phénomène même de l'administration des universités, quelque chose de tangible.

Et, dans ce contexte-là, je vais poser la même question que j'ai posée ce matin au président du l'Université du Québec: Est-ce que vous avez des indicateurs de performance non pas de l'évaluation des professeurs – parce que c'est bien sûr qu'on comprend le mécanisme qui existe et puis qui est relativement... en tout cas, qui répond à l'objectif pour lequel il a été mis en place – mais un indicateur de performance par rapport à deux choses: la performance par rapport à la mission de l'Université et l'efficience par rapport au budget?

On en a eu une démonstration de la part de la rectrice de l'Université de Trois-Rivières, alors c'est dans le même sens que je pose la même question. Est-ce que vous pouvez abonder dans ce sens-là, nous dire quelque chose concernant la façon dont se fait l'évaluation de performance par rapport au fond? Parce qu'il y a quelque chose dont vous nous avez beaucoup parlé, il y a une ligne argumentaire qui est celle de la comparaison avec les autres universités comparables. C'est excellent, je pense que c'est une bonne façon d'évaluer, mais ce n'est qu'une des façons d'évaluer. Est-ce qu'il y a moyen d'évaluer autrement l'évaluation des fonds par rapport au personnel de soutien, par rapport aux chargés de cours, par rapport aux professeurs titulaires? C'est la question que je me pose.

(15 h 30)

Mme Leduc (Paule): Effectivement, nous avons des éléments de mesure de ce type-là quand nous nous comparons aux autres universités: combien on a d'employés de soutien par étudiant, par exemple, ou de chargés de cours par étudiant. On a ces données-là, et puis ça, on pourrait vous les donner. Mais, quand vous parlez d'indicateurs de performance, c'est un peu pour mesurer, si vous me permettez de vous interpréter, comment nous utilisons les fonds publics dans une fonction qui n'est pas toujours pondérable, comme vous le disiez tout à l'heure. Et effectivement je pense qu'il y a... Moi, je dis que c'est absolument essentiel que, nous, avec l'argent public important, nous fassions la preuve que nous utilisons correctement l'argent public, comment le faire. O.K.? Ça, c'est la question que vous me posez.

Il y a peu d'indicateurs de performance qui ont été développés et qui sont très complexes. Il nous semble que, pour évaluer la performance des universités, ce que le ministre annonce dans sa politique sur les universités, il va falloir développer des indicateurs de performance qui ne soient pas trop simplistes et qui rendent compte de... j'allais dire de la complexité de la mission. Mais actuellement nous avons quand même des pratiques d'évaluation de performance que nous avons développées dans nos propres universités – en tout cas, moi, je parle pour la mienne – et qui nous permettent de mesurer nos progrès, parce que tout est perfectible, et nous le savons.

On a parlé tout à l'heure du taux de diplomation. Je pense que c'est un bon indicateur. Si nous recevons des étudiants, il faut qu'on connaisse qui ils sont, ce qu'on veut leur offrir et si nous sommes capables de les conduire à bon port. Alors, cet indicateur-là de performance, qui est celui de la diplomation – d'ailleurs, vous savez, il sert comme un des paramètres de financement du ministère – mérite, je crois, d'être examiné de plus près, probablement d'être un petit peu plus complet aussi. Mais ça, je pense que c'est un bon indicateur.

Il y a d'autres formes d'indicateurs que nous avons: par exemple, toute l'évaluation de programmes que nous faisons. Nous faisons une évaluation régulière de l'ensemble de nos programmes, évaluation qui est relativement, si je puis dire, longue mais très complexe. Nous parlons aux employeurs de nos programmes, nous parlons aux étudiants diplômés de nos programmes, nous travaillons avec les diplômés, nous avons un comité avec des membres externes qui vont venir examiner les résultats de recherche du corps professoral ou des travaux du corps professoral, et ça entraîne, je me permets de le dire, un examen de conscience, une fois qu'on a fait tout le tour, sur la qualité du programme, sur l'offre que nous faisons à nos étudiants de formation ou sur l'encadrement, et le reste, et puis on fait les modifications qui s'imposent. On fait ça de manière en tout cas régulière à notre Commission des études, passer à travers le filtre de l'évaluation, mais de manière extrêmement complexe.

Est-ce que nous pouvons aller plus loin dans les indicateurs de performance? Nous avons, nous, indiqué – puis je sais que mes collègues des autres universités l'ont fait – au ministre de l'Éducation que nous étions disposés à développer des indicateurs de performance supplémentaires pour mieux mesurer ce qui est mesurable dans nos manières de faire. Là-dessus, on a des exemples de pays étrangers. On sait par exemple que l'Angleterre a fait énormément d'efforts. Ils se sont, si vous me permettez l'expression, lourdement fourvoyés; dans certains cas, ils ont été obligés de revenir en arrière parce que, effectivement, ils se sont rendu compte que leur manière de faire était dévastatrice pour les universités et pour leur équilibre. Mais on sait qu'il y a d'autres expériences, en Australie par exemple, qui sont en train de se développer, en Nouvelle-Zélande aussi. On sait qu'il y a certaines universités américaines qui développent des choses, des indicateurs comme ça. Et, moi, je suis de celles qui pensent qu'il faut qu'on le fasse et qu'on le fasse publiquement.

M. Dion: Je vous remercie beaucoup. Je voudrais juste ajouter un commentaire qui en entraînera peut-être un de votre part. C'est que ça me paraît quelque chose d'absolument important, cette démarche-là, parce que, par sa mission même, l'université, elle a à remettre en question un certain nombre de concepts ou d'idées reçues dans la communauté. Par exemple, le taux de diplomation, on s'en est servi pour mesurer la performance de certaines écoles au secondaire, au cégep, et, à un moment donné, on s'est rendu compte que peut-être la perspective d'avoir à mesurer par le taux de diplomation avait tendance à causer des taux de diplomation non justifiés ou des façons de sélectionner à l'entrée qui n'étaient peut-être pas les meilleures façons de fonctionner. Alors, le fait que les universités travaillent sur leurs propres mesures de performance, ça peut éclairer le fonctionnement sur d'autres secteurs de la société aussi, parce que c'est leur mission.

Mme Leduc (Paule): Vous me permettrez d'ajouter la chose suivante. On ne peut pas, me semble-t-il, faire des indicateurs de performance pour arriver à faire ce que j'appellerais un palmarès. Moi, je peux vous dire que, chez nous, nous connaissons assez bien les caractéristiques de nos étudiants, leur origine socioéconomique. Nous savons par exemple que 65 % de nos étudiants, à peu près, sont d'origine socioéconomique plus col bleu. Nous savons aussi qu'une grande majorité d'entre eux, plus de 50 % de nos étudiants sont les premiers dans leur famille à venir à l'université, donc un environnement qui est complètement différent. Nous connaissons aussi la condition financière de nos universités. Nous connaissons la cote Z de nos étudiants. Ce qui nous fait dire, à nous, quand nous avons travaillé sur ces questions-là, que, si on veut mesurer la performance des universités là-dessus, c'est qu'il faut qu'on soit capable de mesurer ce que l'étudiant, tel qu'il était quand il est arrivé chez nous, avec son environnement, a pu apprendre quand il sortira. Et donc, c'est la plus-value que l'université donne à l'étudiant.

Quand vous recevez des étudiants qui ont tous une cote Z ou une cote R, peu importe... mettons, situons-les dans les 10 pourcentages les meilleurs, ce n'est pas difficile de diplômer ces gens-là. C'est plus difficile de diplômer des jeunes qui doivent travailler pour gagner leurs études, qui viennent de milieux socioéconomiques où c'est moins valorisé, et le reste. Alors, l'effort est beaucoup plus grand de la part de l'université. C'est pourquoi nous pensons que des indicateurs de performance ne doivent pas être trop simplistes, ils doivent mesurer les bonnes affaires.

Et, moi, si je reçois, chez moi, des étudiants qui ne viennent pas avec la meilleure cote Z et qui sont obligés de travailler à plein temps, qui n'ont pas le moyen et qui viennent d'un milieu un petit peu moins favorisé sur le plan de la vie intellectuelle, s'ils diplôment, pour moi, c'est un succès extraordinaire. Et ça suppose par ailleurs que j'ai été obligée de faire un petit peu plus d'efforts, de suivre d'un peu plus près. Comme nous connaissons bien les caractéristiques de nos populations étudiantes, nous, on sait que, pour encadrer de plus près des étudiants qui sont dans des situations un petit peu plus difficiles, ça prend du temps, ça prend un peu plus de ressources, ça prend du monde. Et donc, si vous voulez, mon plaidoyer pour un corps professoral un peu plus important chez nous est très lié à cette obligation que nous avons de conduire nos étudiants, qu'ils soient de premier, deuxième ou troisième cycle, jusqu'à la fin de leurs études et qu'ils puissent poursuivre ensuite leur vie avec les instruments qu'ils désiraient. Et donc, je suis, moi, de celles qui pensent qu'il faut y aller.

Mais, par ailleurs, je voudrais que le ministère de l'Éducation et que la société me disent: Madame, dans votre Université, vous avez réussi, par exemple, à conduire de plus en plus de jeunes au diplôme, malgré un certain nombre d'obstacles que ces jeunes-là avaient et que nous connaissions. Ça, je pense que ça serait une mesure extraordinaire de ce que nous pouvons faire. Moi, je parle de mon Université, mais je pense que c'est la même chose au primaire, au secondaire ou au cégep. On vit dans une société qui a besoin de permettre des succès à ses jeunes. Et, chez nous, on a ça à coeur. Je peux vous dire que Mme Drapeau pourrait vous donner toute une série d'exemples de mesures, de règles, de trucs particuliers qu'on a faits pour nous permettre de suivre les étudiants d'un peu plus près et puis de compenser, souvent, pour le fait que nous manquons de professeurs pour le faire.

M. Dion: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

(15 h 40)

M. Béchard: Vous ne me croirez peut-être pas, mais mes prochaines questions étaient sur vos mesures prises pour l'encadrement telles qu'elles sont présentées. Vous avez tenté de mettre en place, et vous avez mis en place à certains niveaux, certaines mesures au niveau de l'encadrement qui sont, à quelques virgules près, un plan de réussite d'établissement. On parle beaucoup de plan de réussite ces temps-ci, on en a parlé au Sommet de la jeunesse. J'aimerais beaucoup vous entendre sur comment tout ça a fonctionné, comment ça a été accepté par les étudiants, entre autres, au niveau du monitorat de programmes, de la prise en charge par les programmes. Toute votre politique d'encadrement, où est-ce que ça en est? Qu'est-ce que ça a donné comme résultats? Qu'est-ce qui se passe?

Mme Leduc (Paule): Je vais demander à Mme Drapeau de vous donner un petit peu plus de détails, mais je peux vous dire une chose. Quand on a commencé ça, et c'était, dans le fond, bien pensé, bien réfléchi, nous avons fait des expériences dans certains programmes, dans certaines facultés, et ça a été beaucoup plus populaire, si vous me permettez, que ce que nous avions imaginé au départ. Alors, je laisse peut-être Mme Drapeau vous...

M. Béchard: Dans quel sens, beaucoup plus populaire?

Mme Leduc (Paule): C'est-à-dire plus de monde qui voulait participer...

M. Béchard: O.K.

Mme Leduc (Paule): ...plus de programmes qui voulaient s'embarquer dans l'expérience, et le reste.

M. Béchard: Et ça, autant au niveau des étudiants, des enseignants...

Mme Leduc (Paule): Oui.

M. Béchard: ...vraiment, c'était...

Mme Leduc (Paule): Oui, oui.

M. Béchard: O.K. Allez-y.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Drapeau.

Mme Drapeau (Lynn): Oui, Mme Drapeau. Comme vous avez pu le voir dans le document que nous avons soumis, le monitorat de programmes a été initié en 1998-1999, donc nous sommes actuellement dans la deuxième année, et nous sommes à procéder actuellement, il y a une équipe qui travaille à l'évaluation de la première année de fonctionnement du monitorat de programmes. Nous aurons sans doute pour l'an prochain des résultats tangibles à vous présenter.

C'est effectivement une formule... comme vous la connaissez, la formule utilise des étudiants d'études avancées pour encadrer dans leur cheminement les étudiants qui entrent à l'université, première année, premier cycle. Cette formule-là, comme vous avez pu le voir, a été très, très populaire. Ça a démarré très vite. Les directeurs de programmes et les départements étaient extrêmement intéressés, si bien que maintenant nous avons 32 programmes qui jouissent de cette mesure-là. Ça va sans dire que nous avons ciblé au premier chef les programmes qui avaient, en termes de nombre absolu d'étudiants, un très grand nombre d'étudiants et dans lesquels les taux de décrochage à la première année du baccalauréat étaient les plus élevés. Maintenant, comme la mesure était très populaire, plusieurs programmes se sont prévalus de ça, même ceux qui n'avaient pas nécessairement un taux de décrochage très, très élevé.

Ceci étant dit, cette mesure-là s'est accompagnée d'autres mesures, comme vous avez pu le voir, entre autres le développement, je pense, qui est unique à l'UQAM, de la formule qu'on a appelée de réseautage entre les étudiants, les réseaux socioprofessionnels, qui ont débuté d'abord il y a quelques années dans le baccalauréat en carriérologie et qui sont en train de faire tache d'huile dans l'Université, pilotés par les services à la vie étudiante. C'est une formule qui a pour but de réseauter les étudiants qui étudient dans certains programmes avec des professionnels en exercice issus des mêmes programmes, donc d'exposer les étudiants...

M. Béchard: Donc, qui ont terminé, qui sont sur le marché du travail.

Mme Drapeau (Lynn): Oui, oui, des diplômés, exact, un réseau socioprofessionnel qui effectue un maillage entre des professionnels de la discipline et des étudiants qui sont en formation.

M. Béchard: Est-ce qu'il y a, entre autres sur le monitorat, une reconnaissance académique dans la formation quelque part ou si c'est un peu... c'est du bénévolat...

Mme Drapeau (Lynn): Non, non, ce n'est pas du bénévolat.

M. Béchard: ...ou ça ne remplace pas des crédits de cours ou de recherche? Comment tout ça fonctionne, là?

Mme Drapeau (Lynn): Non, il n'y a pas de reconnaissance académique comme telle...

M. Béchard: O.K.

Mme Drapeau (Lynn): ...parce que ce n'est pas une fonction qui qualifie une reconnaissance académique. Cependant, la beauté du système, c'est qu'on fait d'une pierre deux coups, au sens où à la fois on encadre mieux les étudiants de premier cycle et on donne un support financier aux étudiants d'études avancées qui agissent comme moniteurs de programmes. Ils sont bien sûr rémunérés pour le faire.

M. Béchard: O.K. Et, au niveau de la prise en charge par le programme, moi, je le voyais un peu comme une décentralisation au niveau du programme, où chaque programme devient un peu responsable de son développement et de son fonctionnement, ça aussi, c'est un peu de l'innovation à quelque part. Est-ce que les gens ont pris cette responsabilité-là, est-ce qu'ils ont pris la balle au bond, pour reprendre l'expression de mon collègue de Montmorency, ou s'ils ont eu des doutes face à ces nouvelles responsabilités là?

Mme Drapeau (Lynn): Bien, la prise en charge par le programme, ça peut vouloir dire plusieurs choses. Entre autres, on est à mettre sur pied, dans plusieurs programmes, ce qu'on appelle les équipes pédagogiques de programmes, c'est-à-dire des équipes de professeurs et de chargés de cours qui travaillent plus activement à l'encadrement des étudiants dans les programmes. On a mis un certain nombre de mesures en place ces dernières années qui ont visé, entre autres au niveau du programme d'intégration des chargés de cours, à consacrer des sommes additionnelles pour que les chargés de cours puissent prendre plus de temps pour l'encadrement de leurs étudiants. Donc, ça, c'est un des aspects de la prise en charge par le programme, la mise sur pied d'équipes pédagogiques de programmes. L'École des sciences de la gestion, entre autres, est très, très active dans ce domaine-là, à mettre sur pied ces équipes-là.

Par ailleurs, quand on parle aussi de prise en charge par le programme, depuis plusieurs années, à l'UQAM, on essaie, à chaque fois qu'on fait des développements de programmes nouveaux, à chaque fois qu'on fait des modifications de programmes, d'introduire, dans la première année du programme, une activité d'intégration de l'étudiant à son programme. Alors, ça prend toutes sortes de formes: intégration... ce sont des cours crédités qui visent à assurer une meilleure intégration de l'étudiant dans son cheminement, dans son programme, dans son parcours d'études.

Plusieurs départements ont développé également toutes sortes de formules au niveau de l'entrée des étudiants dans les programmes, des façons de faire en sorte que les étudiants connaissent mieux les professeurs qui enseignent dans ces programmes-là, connaissent mieux leurs programmes de recherche. Il y a beaucoup de formules actuellement; c'est en effervescence. Tout ça est en ébullition dans l'Université, et je ne pense pas qu'on soit la seule. D'ailleurs, le Conseil supérieur de l'éducation travaille sur ce dossier-là actuellement.

M. Béchard: Merci. Sur un autre sujet. Je ne sais pas si... non? O.K. Je voyais plus loin, dans vos statistiques, dans vos données financières... On parle beaucoup du gel des frais de scolarité, on parle beaucoup du fait que personne ne veut vraiment remettre ça en question, et je pense que ça fait partie des éléments. Souvent, on a peur de faire des débats. On a peur même d'avancer l'idée de peur de se faire clouer au mur. Mais il y a quelque chose qui m'a frappé dans vos colonnes de revenus, c'est à la page du document qui nous a été préparé... quand on regarde les tableaux sur la contribution étudiante, le fonds sans restriction et la contribution du ministère de l'Éducation. Ce qu'on remarque dans le fond, c'est que la contribution du ministère de l'Éducation a diminué depuis 1993-1994. Mais ce qui m'a frappé, c'est que, d'un autre côté, malgré le gel des frais de scolarité, la proportion de la contribution étudiante par rapport aux revenus, elle, a augmenté, est passée de 17,1 % à 21,7 %. On a tous à peu près nos réponses là-dessus, mais juste pour voir: À partir du moment où on dit que les frais de scolarité sont gelés, dans le fond on se retourne vers d'autres moyens, et c'est souvent dit par les étudiants, ils disent: Bien, dans le fond, on devrait appeler un chat un chat. Qu'on dise qu'on gèle les frais de scolarité, mais qu'on augmente les frais afférents, ça revient à peu près à la même chose, l'étudiant paie davantage.

Et ça, ça m'amène à une autre question, sur la place du financement privé dans les universités. Encore, c'est un débat qu'on a beaucoup de difficultés à faire. On se dit: Bon, bien, il ne faut pas signer d'entente – vous avez eu des expériences là-dessus – ou quoi que ce soit de financement extérieur, trop aller loin là-dedans. Mais c'est un autre élément sur lequel – et j'entends les gens qui demandent plus de financement depuis le début – on a comme peur de faire le débat là-dessus: Quelle est la place du financement privé dans les universités? Quelle est la place des frais de scolarité, du financement des étudiants, de la participation étudiante comme telle dans le financement aussi? Est-ce que c'est un débat qui, je dirais, commence à rejaillir ou à jaillir davantage et de plus en plus, ou vous croyez qu'il faudrait remettre ce débat-là encore sous la table pour quelques années?

Mme Leduc (Paule): Si vous regardez nos chiffres... Je vais demander au vice-recteur de rapidement vous expliquer cela. Mais comme, quand on le fait sur 100 % puis qu'on regarde la proportion, sur 100 %, quelle est la proportion des fonds gouvernementaux, des droits, des revenus, autres revenus? évidemment, la grosse portion, c'est le gouvernement. Comme ça baisse, ça fait monter les autres. Alors...

M. Béchard: Donc, ce n'est pas nécessairement une augmentation de frais, c'est juste...

Mme Leduc (Paule): Non.

M. Béchard: O.K.

Une voix: C'est juste un changement de proportion.

Mme Leduc (Paule): C'est bien ça, Alain? Oui.

M. Dufour (Alain): Oui, je peux... À l'exception...

M. Béchard: Je voulais être sûr. C'est ce que je pensais. Parce qu'on parle de gel de frais de scolarité, donc c'est au niveau de la proportion.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Dufour.

M. Dufour (Alain): Oui, Alain Dufour. Alors donc, effectivement, il y a une augmentation. Compte tenu que les droits de scolarité sont fixes, la proportion tient compte de ce fait-là. Il y a eu un phénomène – quand on regarde deux années comparatives, soit l'année 1998-1999 et l'année 1993-1994 – c'est que, en cours de route, nous avons eu la construction d'un centre sportif pour lequel les étudiants ont accepté de payer une cotisation. Ça totalise tout près de 2 000 000 $. Donc, ça vient expliquer l'augmentation des cotisations ou des frais afférents, qui peuvent être assimilables à des frais afférents. Le centre sportif a pris ses opérations en janvier 1998, alors donc, dans la période observée, ce qui explique l'augmentation des frais, parce que, à l'exception de ce facteur-là, les autres frais sont quasi constants ou ils suivent l'augmentation du coût de la vie.

(15 h 50)

M. Béchard: Sur la question du financement autant par la place du privé comme telle et la place des frais de scolarité...

Mme Leduc (Paule): Je pense que vous devinez bien qu'à l'UQAM, ça là, ça agite bien des âmes, la place du privé. Vous avez juste à regarder ce qui se passe actuellement puis lire quelques petits communiqués qui sortent de certains groupes chez nous, vous verrez. Effectivement, c'est un dossier qui suscite bien des discussions chez nous. Et on l'a fait, puis on va continuer à le faire parce que disons qu'il y a... les deux extrêmes du pôle d'argument sont présents chez nous. Mais peut-être que je pourrais demander à Mme Dandurand de vous dire rapidement un peu ce que ça signifie chez nous, le financement privé. Quelle proportion? Qu'est-ce qu'on fait? Et quelles sont nos règles? Mme Dandurand.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Dandurand.

Mme Dandurand (Louise): Merci. Louise Dandurand, vice-rectrice à la recherche, à la création et à la planification.

Quand on parle de financement privé, on parle d'abord et avant tout en termes de masse financière, de financement d'activités de recherche. Dans nos revenus, si vous voulez, on a à peu près 1 000 000 $ qui vient de revenus de formation sur mesure, mais, pour le reste, on parle de contrats de recherche et de la mise sur pied de chaires: chaires de recherche, chaires d'enseignement... enfin, plus ou moins, plutôt recherche et animation, diffusion et transfert de connaissances.

Si on regarde le volume de la recherche financée à l'externe, à l'UQAM, ça varie, bon an, mal an, entre 27 000 000 $ et 28 000 000 $, 29 000 000 $, et, là-dessus, il y a 6 000 000 $ qui viennent du secteur privé. Et, quand on dit secteur privé, on parle non seulement de l'entreprise privée, c'est-à-dire de l'industrie, mais également de ministères et agences gouvernementales, tant au niveau fédéral que québécois, de même que d'organismes au niveau municipal. Donc, quand on parle de financement privé en matière de contrats de recherche, on ne parle pas uniquement de financement industriel, mais on parle de tout ce qui n'est pas financement universitaire, si vous voulez, et ça représente à peu près le quart de notre financement.

Également, on a, à l'Université, maintenant, 19 chaires de recherche dont les activités sont financées par le secteur privé, et c'est une partie du débat qui a alimenté, si vous voulez, la communauté à l'UQAM. La question qui se pose: Quand on finance une chaire de recherche, par exemple, est-ce que les bailleurs de fonds d'une chaire définissent le programme de recherche de la chaire, définissent ses orientations, définissent sa programmation, disent dans quel domaine il faut diriger les étudiants ou non? Et ce que l'on sait, c'est que toutes les expériences et toutes les conversations que nous avons avec ces étudiants font en sorte qu'on nous dit partout que, dans les chaires de recherche – et je prends l'exemple des chaires parce qu'il est important – les programmations de recherche sont tout à fait laissées à des comités scientifiques sur lesquels il y a une majorité de pairs, donc de scientifiques, et les conseils d'administration des chaires voient à la bonne marche des affaires de la chaire. Mais, en ce qui concerne la programmation scientifique, on se rend compte que le financement privé n'a pas d'influence sur la programmation ou sur les orientations de la chaire.

En ce qui concerne les contrats de recherche, il y a bien sûr des attentes précises qui sont exprimées dans le cadre d'un contrat et, pour s'assurer que nous prenons toutes les précautions requises pour qu'il n'y ait pas une influence indue de l'entreprise ou du bailleur de fonds sur les activités conduites dans le cadre du contrat, nous nous assurons que les étudiants qui travaillent dans le cadre de ces contrats savent très bien dans quoi ils s'engagent, quelles seront leurs libertés d'expression et de publications, que les ententes relatives à la confidentialité soient claires et clairement acceptées et que les dispositions relatives à la propriété intellectuelle soient clairement définies. Donc, je pense qu'il faut, quand on parle de financement privé de la recherche à l'Université, bien comprendre que nous sommes très vigilants et nous sommes constamment rappelés à la vigilance tant par nos étudiants que nos professeurs et que nos propres préoccupations.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Dandurand, Mme Leduc, Mme Drapeau et M. Dufour...

M. Béchard: ...une petite minute.

La Présidente (Mme Bélanger): Une petite minute?

M. Béchard: Oui.

La Présidente (Mme Bélanger): Une petite minute.

M. Béchard: Une petite minute. J'ai des passe-droits avec la présidente, des fois.

La Présidente (Mme Bélanger): Lui, une petite minute, puis lui, un petit commentaire.

M. Béchard: Je voulais juste prendre une petite minute pour saluer Mme Leduc qui nous disait que c'est sa dernière présence dans son rôle actuel, et je veux profiter de l'occasion pour souligner à Mme Leduc que, dans la dernière année, depuis que je suis porte-parole, chaque fois que j'ai eu à travailler ou à échanger avec elle, ce fut toujours très, très instructif pour moi. Je regarde le document qui a été fait dans le cadre du Sommet de la jeunesse et je ne peux que penser que ce document-là va laisser ses traces au Québec pour encore longtemps, de même que votre présence à l'Université du Québec à Montréal. Et, s'il y a un souhait que je fais personnellement, c'est que, même si on ne vous revoit plus dans ce rôle-là au cours des prochains mois et des prochaines années, j'ose espérer que la société québécoise pourra continuer de profiter de votre présence, de votre dynamisme, de votre implication et de vos connaissances. Et ça, je pense, ça va être très bénéfique pour nous tous. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Un petit commentaire.

M. Simard (Montmorency): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, Mme Leduc, j'aimerais joindre mes paroles à celles du député de Kamouraska pour vous dire merci pour ce que vous avez fait pour notre collectivité, merci pour ce que vous avez fait pour le réseau UQ, et tout particulièrement pour l'UQAM, et merci aussi tout particulièrement pour ce beau plaidoyer que vous nous avez livré aujourd'hui en faveur d'une université forte, une université porteuse d'avenir, témoignage qui a fait appel non seulement à la raison mais aussi à l'émotion, et nous tenons sincèrement à vous en remercier.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci. Et, moi de même, je vous remercie, Mme Leduc. Vous allez peut-être regretter de prendre votre retraite, là. Je suppose que vous vous orientez vers d'autre chose d'aussi intéressant. Merci. Alors, la commission suspend ses travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 57)

(Reprise à 16 h 1)

La Présidente (Mme Bélanger): La commission reprend ses travaux. Nous avons toujours comme mandat d'entendre les dirigeants des établissements d'enseignement de niveau universitaire sur leurs rapports annuels 1997-1998, conformément aux dispositions de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire. Nous recevons l'Université Concordia. Je demanderais au porte-parole de bien vouloir se présenter et présenter les personnes qui l'accompagnent.


Université Concordia

M. Lowy (Frederick H.): Merci bien, Mme la Présidente... Mme la vice-présidente, et Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire de l'éducation, j'ai le plaisir de vous présenter, à ma gauche, M. Jack Lightstone, le vice-recteur académique de l'Université Concordia; à ma droite, M. Marcel Danis, le vice-recteur aux affaires institutionnelles et secrétaire général; à ma gauche, ici, M. Larry English, le chef de la direction financière; aussi, M. Michael Di Grappa, le vice-recteur désigné aux services; et Mme Marie-Andrée Robitaille, qui n'est pas ici en ce moment. Alors, si vous me permettez, je continue.

La Présidente (Mme Bélanger): Vous avez la parole.

M. Lowy (Frederick H.): Merci. Alors, mesdames et messieurs, vous nous avez proposé pour notre rencontre d'aujourd'hui plusieurs thèmes de discussion, et nous avons choisi de vous parler davantage de deux problèmes qui nous préoccupent, soit le financement, ou plutôt le sous-financement, des universités, ainsi que le phénomène de l'exode des cerveaux. Vous savez sans doute que le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse, M. François Legault, a reçu, en septembre 1999, les plans de réinvestissement de toutes les universités du réseau. Celles-ci réclament un réinvestissement de l'ordre de plus de 1 000 000 000 $. En ce qui concerne l'Université Concordia, notre demande de réinvestissement s'élève à 163 500 000 $. Nous estimons avoir besoin de 115 000 000 $ d'investissement ponctuel et de 48 500 000 $ dans le budget de fonctionnement récurrent. Ces montants font partie de la somme réclamée par le réseau.

Je vous ai envoyé une copie de notre plan de réinvestissement ainsi que notre réponse à l'énoncé de politique à l'égard des universités. Je n'ai donc pas l'intention de vous dresser un bilan exhaustif du sous-financement des universités, puisque ces dernières l'ont déjà exprimé clairement au ministre de l'Éducation ainsi que dans les médias. Néanmoins, j'aimerais souligner certains aspects du mémoire soumis au ministre François Legault par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, le 14 décembre 1999, s'intitulant Pour des universités montréalaises plus dynamiques . Le diagnostic que pose la Chambre de commerce de Montréal appelle à des correctifs, et je cite: «Nos universités sont sous-financées. On ne peut pas à la fois resserrer les subventions et geler les frais de scolarité sans hypothéquer la capacité de nos universités à s'adapter à un marché de plus en plus exigeant. Il est illusoire de croire que le problème se résoudra sans accroître les revenus de nos universités. Ce serait jouer à l'autruche.»

Les universités québécoises jouissent de l'appui de la Chambre de commerce de Montréal, du Conseil du patronat, sans compter l'appui des médias. Dans un article dans La Presse , le 21 février dernier, le CPQ proposait au gouvernement, et je cite, qu'«une partie des surplus budgétaires des gouvernements soit injectée dans l'éducation supérieure pour contrer les problèmes liés à la qualité et au recrutement de la main-d'oeuvre». Le CPQ explique que, et je cite encore, «dans un nouvel environnement économique qui mise de plus en plus sur le savoir, les entreprises doivent pouvoir compter sur une main-d'oeuvre hautement qualifiée». Fin de la citation.

Le Conseil de la science et de la technologie observe que les emplois nécessitant une formation postsecondaire et universitaire sont en constante progression depuis près de deux décennies, tandis que le nombre d'emplois nécessitant moins de qualifications décline. Entre 1984 et 1996, les industries québécoises exigeant un niveau de savoir élevé affichaient une performance nettement supérieure aux autres industries en ce qui a trait à la création d'emplois. Le niveau de l'emploi y a augmenté de 37 % au cours de la période, alors que les industries de niveau de savoir moyen et faible ont vu le leur s'accroître respectivement de 12 % et de 5 %.

Selon le plan stratégique régional de Montréal 2000-2005, l'expression de cette tendance est telle que certains secteurs d'activité sont menacés de pénurie de main-d'oeuvre. Plusieurs études le révèlent. Plus les emplois deviennent spécialisés et plus les employeurs éprouvent des difficultés de recrutement. Dans le domaine de l'informatique au Québec, la demande des entreprises pour les bacheliers croît de 20 % par année depuis 1996, si bien que, en 1998, elle était trois fois et demie supérieure à l'offre.

Le sort des entreprises, qu'elles oeuvrent dans les domaines aérospatial, pharmaceutique, biotechnologique, des télécommunications, du matériel médical, des technologies de l'information ou des services, repose au premier chef sur la formation, la création et l'innovation. Or, depuis 1993-1994, le financement public du réseau universitaire québécois a été amputé de plusieurs centaines de millions de dollars. La qualité de la formation, la relève des professeurs et la recherche universitaire sont en péril.

Pour pallier le sous-financement public, les universités du reste du Canada ont pu compter sur des sommes additionnelles grâce aux augmentations des frais de scolarité, sommes auxquelles nous n'avons pas eu droit. S'il est vrai que la contribution des fonds publics aux universités canadiennes est comparable à celle offerte par le Trésor québécois, il ne s'agit que du financement gouvernemental. Puisque le gouvernement québécois a décidé de maintenir les droits de scolarité à leur niveau actuel, l'écart doit être compensé par un financement public qui tient compte de ce principe. L'accessibilité aux études universitaires doit aussi donner droit à un diplôme de qualité, et les universités québécoises doivent pouvoir disposer des ressources et de moyens comparables à ceux de leurs homologues canadiens.

Le gouvernement fédéral a annoncé hier soir un nouveau programme d'infrastructures. Ce programme tombe à point. On sait bien que les universités du Québec ont de graves problèmes d'entretien différé, et le gouvernement provincial n'accorde plus d'argent neuf pour de nouveaux pavillons. Nous espérons donc pouvoir bénéficier du prochain programme d'infrastructures au fédéral.

(16 h 10)

Le programme d'infrastructures actuel du gouvernement fédéral, lancé en décembre 1993, était un programme fédéral-provincial-municipal à frais partagés qui a donné lieu à des investissements de plus de 8 000 000 000 $. Ce programme visait à améliorer l'infrastructure physique des collectivités locales du pays, à créer des emplois et à accroître les compétences, à renforcer la compétitivité des entreprises nationales, provinciales et locales et à promouvoir la qualité de l'environnement.

Néanmoins, lors du programme fédéral d'infrastructures en 1993-1994, les universités du Canada, à l'exception du Québec, ont su profiter de ce programme pour la rénovation de leur parc immobilier ou pour des nouveaux bâtiments, laboratoires, selon les besoins. Le Québec a préféré accorder toutes les sommes du programme fédéral d'infrastructures au volet municipal. À l'encontre du Québec, toutes les autres provinces ont favorisé le volet des infrastructures universitaires. Ainsi, les universités canadiennes ont obtenu collectivement 58 000 000 $ du gouvernement fédéral, ce qui signifie un tiers des coûts pour tous les projets dans le cadre du programme d'infrastructures de 1993-1994. Les provinces et universités participantes ont été appelées à contribuer les deux autres tiers. Nous espérons cette fois que le programme fédéral d'infrastructures sera mis à la disposition des universités québécoises aussi. Nous avons informé le ministre Legault que nous avons des besoins urgents pour l'entretien de nos immeubles, d'au moins 40 000 000 $, et ce, seulement en travaux différés.

Maintenant, Mme la Présidente, parlons du recrutement et du maintien en poste des professeurs. Le recrutement et le maintien en poste des professeurs à Concordia est un sujet complexe qui est assujetti à l'évolution du marché de l'emploi, au contexte démographique et aux politiques locales. Nous voulons vous faire part d'une situation préoccupante qui affecte la capacité de l'Université Concordia à attirer des ressources professorales surtout dans les secteurs où la pénurie de main-d'oeuvre est criante.

À titre d'exemple, la Faculté de génie et d'informatique de l'Université Concordia lançait l'automne dernier un programme de baccalauréat en génie logiciel – le premier au Québec – secteur où la demande de spécialistes est très élevée. Tout nouveau programme devant être supporté par des nouveaux professeurs qualifiés, la Faculté a procédé au recrutement. Ayant trouvé un candidat idéal, jeune détenteur de Doctorat en génie logiciel appliqué à l'aérospatiale et désireux de travailler avec l'industrie ici, au Québec, ce candidat a même insisté pour rencontrer les entreprises locales dans le but de mesurer leur intérêt à l'égard de ses travaux de recherche, et ces dernières étaient très intéressées. Malgré le fait que cette personne souhaitait sincèrement s'établir à Montréal avec sa famille, elle ne pouvait financièrement pas composer avec les salaires, considérant les revenus nets après impôts. Elle a finalement accepté une offre d'une université à l'extérieur du Québec. Nous croyons que, si nous avions pu offrir à ce professeur un congé fiscal, comme c'est le cas actuellement pour les chercheurs recrutés à l'étranger et travaillant en entreprise, nous aurions eu un argument de poids qui aurait joué en notre faveur.

Compte tenu du problème vécu par toutes les universités québécoises à recruter et à garder leurs professeurs, le gouvernement pourrait songer à initier une mesure permettant aux professeurs universitaires recrutés à l'étranger de bénéficier d'un congé fiscal, comme dans l'industrie. Il ne fait aucun doute que les universités canadiennes souffrent grandement à l'heure actuelle d'un manque de professeurs. Depuis 1992, quelque 3 500 postes ont été supprimés. Selon Statistique Canada, il y aurait 22 % de professeurs adjoints, 5 % de professeurs agrégés et 6 % de professeurs titulaires de moins qu'en 1992. Durant cette période, les inscriptions à l'Université Concordia s'accroissaient. Dans la période entre 1995 et 1998, 1 000 professeurs sont partis en préretraite; au Canada, 3 000 professeurs sont partis. Nous avons donc perdu, au Québec, le tiers, ce qui est plus élevé que la moyenne. Le corps professoral de Concordia a chuté de 805 à 597 entre 1994 et 1998. Nous avons embauché depuis 43 nouveaux professeurs. En dépit de cette situation, nos inscriptions d'étudiants à temps complet ont augmenté de 16 200 à 17 000.

Selon Affaires universitaires , janvier 2000, les universités canadiennes devront engager durant les prochaines 10 années près de 3 000 enseignants par année pour compenser les départs à la retraite et faire face à l'augmentation des admissions. Étant donné que les universités canadiennes ne délivrent que 1 400 diplômés de doctorat par an, il s'ensuivra évidemment une concurrence très vive pour des ressources professorales limitées. Le Québec devra être prêt à faire face à la compétition. Dans de nombreux cas, les universités québécoises n'ont tout simplement pas les fonds nécessaires ceux et celles qu'elles embauchent pour remplacer les professeurs qui prennent leur préretraite et pour retenir ceux et celles qu'elles embauchent.

Selon l'Association des universités et collèges du Canada, nos universités offrent un environnement de recherche loin d'être optimal. L'AUCC cite les perspectives de carrière réduite, les maigres allocations de recherche, le peu de temps alloué à la recherche et les laboratoires mal équipés. D'autres citent les budgets de fonctionnement pour les salaires du corps professoral et les installations. L'écart entre les salaires du corps professoral au Canada et aux États-Unis est un facteur significatif, surtout pour nous. Les salaires varient d'une discipline à l'autre, mais la moyenne des professeurs dans les grandes universités canadiennes gagnent 25 % de moins que leurs homologues aux États-Unis, selon une étude de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université.

Dans certaines disciplines, l'écart est encore plus grand. Un professeur de finances qui a quitté l'Université de Colombie-Britannique pour celle de Boston note que son salaire a augmenté de 150 %. Il a bénéficié par ailleurs d'autres avantages: un meilleur soutien administratif, une charge d'enseignement moindre, un bureau plus spacieux, moins d'impôts et un meilleur régime d'épargne-retraite. Les universités québécoises doivent concurrencer non seulement les universités américaines, mais aussi les autres universités canadiennes et le secteur privé.

Selon une étude menée par l'Institut de la statistique du Québec, se fondant sur le recensement de 1996, 30 % de tous les adultes ayant quitté le Québec pour d'autres provinces possédaient un diplôme universitaire. Sachant que seul à peu près 8 % de Québécois détenaient un diplôme universitaire, cela est tout à fait significatif.

(16 h 20)

Un rapport rendu public par le ministère de l'Éducation au printemps de 1999 montre que le Québec dépense moins pour ses universités que les autres provinces. En Ontario, la déréglementation touchant les frais de scolarité ainsi que des campagnes musclées de collecte de fonds ont permis à l'Université de Toronto d'embaucher 120 nouveaux professeurs. Cette année, les universités de la région de Montréal dépensent présentement 9 500 $ par an par étudiant, alors que les universités ontariennes en dépensent 13 500 $ et les universités américaines publiques, à peu près 15 000 $. Au Canada, un peu plus de la moitié des diplômés ayant émigré possédaient un diplôme universitaire; 25 %, un Diplôme d'études collégiales; 15 %, une maîtrise; et 8 %, un doctorat. Parmi les diplômés restant au Canada, 7 % avaient une maîtrise et 1 % seulement un doctorat. Près de la moitié des individus du groupe était parmi les 10 premiers de classe et 80 % faisaient partie des 25 % meilleurs.

Ce sont plus souvent les perspectives d'emploi qui ont poussé à émigrer les quelque 2 600 diplômés quittant le Canada, principalement pour des raisons de travail. Beaucoup d'entre eux étaient attirés par une plus vaste disponibilité des emplois dans un domaine particulier ou en général. Les diplômés du collégial ou de l'université dans les domaines de la santé sont plutôt partis pour des raisons liées au travail lui-même. Les perspectives limitées d'emploi au Canada rendaient beaucoup plus attrayantes les carrières de l'autre côté de la frontière.

Le salaire est un autre facteur important. Près de quatre diplômés sur 10 ayant déménagé essentiellement pour des raisons de travail ont invoqué les salaires plus élevés au sud de la frontière. Il est significatif que quelques diplômés aient explicitement mentionné les impôts moins lourds. Les diplômés qui ont émigré ont effectivement gagné des salaires plus élevés que ceux qui sont restés au Canada, et cela n'a rien de surprenant. Une fois que l'on a tenu compte de l'inflation et de la parité du pouvoir d'achat, le revenu annuel moyen des bacheliers canadiens travaillant dans le domaine des sciences appliquées et des sciences naturelles aux États-Unis était de 47 400 $ par rapport à 38 400 $ seulement pour leurs homologues au Canada. La différence des salaires entre les bacheliers à des postes dans le domaine de la santé dès leur arrivée aux États-Unis et ceux restés au Canada était du même ordre. Les diplômés occupant des postes dans le domaine des sciences appliquées ou des sciences naturelles aux États-Unis étaient ceux qui obtenaient les salaires les plus élevés. Ce groupe, composé essentiellement de scientifiques, d'ingénieurs, d'analystes en système et de programmeurs, gagnait un salaire annuel moyen de 76 300 $ au moment de l'étude, en mars 1999.

Il est aussi important de noter que 20 % du groupe qui a émigré était dans le domaine de la santé et 13 % dans celui du génie et des sciences appliquées. Selon Statistique Canada, les secteurs des soins de santé et de l'éducation sont les seuls domaines où l'immigration internationale ne devance pas présentement l'émigration vers les États-Unis. Beaucoup de professionnels partent parce que la réduction des dépenses publiques à travers le pays ne leur laisse pas le choix de rester et de travailler au Canada. Beaucoup aimeraient rester et enseigner dans des universités canadiennes, mais les postes sont rares et les fonds alloués à la recherche se sont taris en raison des compressions survenues au sein des conseils de recherche fédéraux et provinciaux. C'est, dans une large mesure, la réduction des dépenses publiques et non pas les impôts élevés qui a obligé ces jeunes universitaires à quitter le pays.

Concordia a connu les mêmes problèmes que les autres universités, bien sûr. Entre 1992 et 1999, son personnel enseignant s'est vu diminuer de 285 membres. En 1992, nous avions 805 professeurs réguliers. Entre 1992 et 1999, nous avons perdu 295 professeurs réguliers. Les efforts de l'Université pour recruter de nouveaux enseignants n'ont guère été couronnés de succès. Au cours de cette période, elle n'a pu embaucher que 150 nouveaux professeurs, dont 90 nouvellement embauchés au cours des deux dernières années. Toutefois, ces nouveaux professeurs démissionnent en plus grand nombre depuis les deux dernières années. Cette réalité est accentuée lorsque l'on parle de professeurs dans des domaines de pointe. Encore faut-il préciser que presque la moitié d'entre eux a démissionné au cours des trois dernières années.

Le problème risque d'empirer dans les 10 prochaines années du fait du vieillissement du corps professoral. Par exemple, à Concordia, 31 % du corps professoral a plus de 55 ans. À l'heure actuelle, Concordia a besoin d'au moins 100 nouveaux enseignants pour les années académiques 2000-2001 et 2001-2002. Au cours des 10 prochaines années, 200 autres professeurs devront remplacer ceux qui prendront leur retraite ou qui démissionneront. Cela représente des dépenses d'environ 20 000 000 $ à 25 000 000 $ pour la décennie 2000-2010 et de 15 000 000 $ pour les 15 années suivantes.

Néanmoins, madame, malgré les défis importants que nous devons affronter, nous envisageons l'avenir avec confiance, enthousiasmés par l'atteinte des buts que nous nous sommes fixés et plus déterminés que jamais à poursuivre notre mission. Nous croyons que le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse est parfaitement conscient des enjeux importants pour l'éducation supérieure au Québec et nous osons espérer qu'il saura convaincre ses collègues de l'urgence du réinvestissement dans nos universités. Mesdames et messieurs, votre appui est essentiel à la poursuite de notre mission. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le recteur. Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, M. Lowy, et vos collègues. Vous êtes très optimistes.

M. Lowy (Frederick H.): Oui, toujours.

M. Béchard: Votre présentation amène certains points extrêmement intéressants qui méritent d'être peut-être approfondis davantage. Je vous dirais que, quand on regarde l'ensemble de la situation universitaire, il y a un des points que vous avez soulevés qui, moi, m'a un peu surpris, qui ramène les choses en perspective, entre autres l'exode des cerveaux. On parle beaucoup que, bon, les impôts, les taxes, c'est important – je n'en doute pas – mais vous avez mentionné que, dans le choix comme tel, vous avez découvert que, finalement, ce n'est pas nécessairement les impôts, mais la réduction des dépenses publiques en éducation qui fait fuir les cerveaux. C'est-à-dire que, à un moment donné, la personne regarde ce que, elle, ça lui apporte comme avantages, mais la décision finale se prend aussi sur l'ensemble des conditions dans lesquelles elle va se retrouver: Est-ce qu'il va y avoir un laboratoire de qualité? Est-ce qu'il va y avoir des assistants de qualité? Quelles sont les possibilités de collaboration, les perspectives de développement? Et ça, je vous dirais que c'est un des points, quand on regarde la situation canadienne et qu'on la ramène au Québec, c'est peut-être un des points qui nous fait perdre encore du terrain.

Je vais soulever une série d'éléments, puis on en reparlera après. Vous avez parlé aussi d'un congé fiscal, d'un statut particulier pour certains chercheurs. Je vous dirais que ça mérite, selon moi, d'être approfondi un petit peu pour voir jusqu'où on peut aller dans ce chemin-là.

Vous avez aussi, dans votre document, un élément qui a soulevé certaines questions, et on va en parler dans les prochaines minutes aussi, c'est l'enseignement intradisciplinaire du premier cycle. Ça, je vous dirais que votre approche soulève des questions, des interrogations. Il faudra voir qu'est-ce qu'il peut en arriver.

(16 h 30)

Mais, avant de commencer toutes ces questions, je tiens à excuser l'absence de mon collègue Lawrence Bergman, et je vous raconte l'anecdote. Lors de la décision qu'on a faite à une réunion pour voir combien de temps chacune des universités, Lawrence avait été un des grands défenseurs du fait que l'Université Concordia devrait avoir plus de temps en commission parlementaire et il m'avait promis, à l'époque, qu'il serait là pour poser des questions pendant au moins une demi-heure, une heure. Alors, ce sont des circonstances personnelles que peut-être vous connaissez et qui, sans doute, sont faciles à excuser.

Mais, sur le document comme tel et sur le financement, je regardais vos courbes de financement et, à ma grande surprise, la situation des années qu'on a vues, il n'est pas déficitaire. Il n'est pas déficitaire parce que vous avez une campagne de financement privée. Et, entre nous, peut-être que le sous-ministre de l'Éducation qui... Bien, en partie, vous avez dépassé vos objectifs au niveau de votre campagne de financement. Entre nous, je voudrais savoir – il n'y a personne qui nous écoute, on peut même fermer les micros et on va lui enlever le crayon – ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard: ...est-ce qu'au ministère de l'Éducation le fait d'être capable d'aller chercher des fonds privés et de dépasser vos objectifs au niveau privé, et dans votre situation – puis je vais poser la même question à d'autres universités aussi qui font aussi des campagnes de financement – est-ce que quelque part ça ne vous désavantage pas un peu d'être capable de dépasser... Est-ce que le ministère, à un moment donné, ne vous répond pas: Bien, écoutez, oui, nos subventions sont à la baisse, mais vous êtes capable d'aller chercher du financement privé. L'année prochaine, faites donc un effort encore plus. Est-ce que c'est quelque chose qui quelque part joue pour vous ou joue contre vous?

M. Lowy (Frederick H.): Bon. D'abord, je vous remercie pour la question. Mais je passe à mon collègue Jack Lightstone, si vous le permettez. Merci.

M. Lightstone (Jack): Merci pour les questions. C'est une bonne occasion d'éclairer quelque chose. Le fond de notre campagne n'a aucune relation avec la situation où j'étais dans un autre budget de base récurrent. Si nous n'avons pas de déficit annuel dans notre budget de fonctionnement annuel récurrent, c'est parce que nous avons fait des coupures. Et nous avons fait des coupures à cause de deux choses, qui marchent dans deux chemins parallèles, on peut dire: une, c'est un programme de planification académique qui ramène à un réaménagement très sérieux des programmes académiques, d'un côté; et, de l'autre côté, un projet de retraites anticipées qui a été, on peut dire, un succès, entre guillemets. Parce que c'est un succès avec des retombées négatives aussi.

Et ça veut dire que, dans le chemin de réaménagement des programmes, nous avons beaucoup concentré nos efforts sur des objectifs académiques très, très clairs, très, très étroits, afin de faire l'analyse, d'un côté, sur des besoins de nos étudiants en ce qui concerne leur formation de base, en particulier au premier cycle, et, de l'autre côté, les besoins de notre société et notre force académique. D'un autre côté, ça nous permettait, avec un réaménagement de nos programmes académiques, en visant les vrais objectifs de formation, d'utiliser la marge de manoeuvre de la retraite de pas mal de nos professeurs afin de restructurer où nous voulons consacrer nos postes professoraux. Et ça n'a aucune relation avec la campagne pour le millénaire de l'Université, c'est le travail dur du personnel et des professeurs de l'Université en ce qui concerne le réaménagement de toute la structure académique de l'Université.

M. Lowy (Frederick H.): Et nous sommes convaincus qu'il faut éviter tout déficit, si possible.

M. Béchard: O.K. Sur la réforme justement de l'enseignement au premier cycle, intradisciplinaire, vous indiquez, dans vos documents, que près de 40 % de vos programmes, en 1997, subiront des changements majeurs pour viser plus d'interdisciplinarité, d'échanges. Comment tout ça a été perçu, reçu et mis en place du côté des enseignants, du côté des étudiants? Est-ce que ça a été une certaine adaptation? Comment tout ça est tombé finalement sur...

M. Lightstone (Jack): Oui. Si vous me permettez de répondre. Bien sûr, c'était un exercice très difficile, nous avons profité beaucoup de la bonne foi des professeurs dans tous les départements, de tous les programmes. Mais c'était pour tous un exercice très difficile. Ce que nous avons fait, nous avons fait deux choses en même temps, à l'intérieur de cette programmation et restructuration, et de la planification académique: d'un côté, nous avons le Sénat de l'université – c'est le Sénat des affaires académiques de l'université – qui a défini certains critères afin d'examiner chaque programme de l'Université, chaque programme. Il y a cinq critères: sur la qualité, s'il y a une vraie mission académique, une opportunité... Qualité, opportunité, efficience, etc., cinq critères, et nous avons fait une étude au niveau facultaire de tous nos programmes, avec les données qu'on a.

En même temps, nous allons faire un exercice, on peut dire, de publication de documents de consultation, de documents de discussion sur les vrais objectifs de formation au premier cycle, deuxième cycle, troisième cycle. Est-ce que, pendant une trentaine d'années de développement dans les universités québécoises et canadiennes, nous avons perdu le chemin en ce qui concerne notre conceptualisation des objectifs de formation? Pour quels besoins, pour quels buts on forme des étudiants de chaque niveau? À travers une discussion de ces documents de consultation, après deux ans, après un an et demi, nous avons atteint une perspective partagée partout, dans toutes les facultés et parmi les profs.

Et avec l'analyse de chacun de nos programmes d'un côté et une nouvelle perception partagée en ce qui concerne les besoins et les buts les plus importants de formation universitaire, nous avons transmis tout ça à un exercice de remaniement des programmes. Je vais vous donner quelques exemples. Selon notre analyse, nous avons atteint la conclusion que l'éducation de premier cycle, pas seulement à Concordia mais dans toutes les universités au Canada, est devenue de plus en plus spécialisée. Ça veut dire qu'on ramène des étudiants dans des programmes qui sont de plus en plus serrés en ce qui concerne leur conception, ça veut dire qu'on forme des spécialistes, des vrais spécialistes.

Nous avons fait l'analyse, nous avons conclu que, pour une formation de premier cycle, ça ne répond pas vraiment aux besoins ni de l'étudiant ni de la société de fournir une personne tellement spécialisée pour la formation initiale universitaire et nous avons fusionné beaucoup de programmes trop spécialisés afin de définir des programmes plus largement conçus. Je peux donner un exemple. Nous avions à la fois, en 1994, dans le département de chimie, cinq silos à peu près autonomes dans cinq sous-spécialités de chimie et biochimie, au premier cycle, chacune avec un programme majeur en outre d'une spécialisation. Quinze programmes au niveau du premier cycle. Nous avons décidé de ramasser tout ça en deux grands sujets: chimie des matériaux, biochimie. Et on a simplement fusionné tous ces programmes-là, éliminé les cours trop spécialisés et, à mon avis, nous avons, à travers ça, défini un programme beaucoup plus efficace, un programme qui répond plus aux vrais besoins de formation au premier cycle de nos étudiants.

(16 h 40)

De plus, ce que nous avons décidé, nous avons remarqué que, depuis une trentaine d'années, les étudiants eux-mêmes, quand ils ont le choix de choisir leurs cours en dehors de leur programme, en général, ils suivent de plus en plus des cours dans leur spécialité. Ça veut dire, même s'ils ont l'opportunité, l'occasion de suivre des cours en dehors de leur spécialité, en général, ils ne les suivent pas, mais ils prennent l'occasion de prendre plus de cours dans leur propre département.

Et nous avons fait la décision de demander à nos étudiants de prendre encore plus de leurs cours pas seulement en dehors de leur département de spécialité, mais même en dehors des secteurs. Ça veut dire, s'ils sont dans le secteur sciences, de suivre des cours dans deux autres secteurs. Mais ce requis, on peut dire, ça sera en effet, j'espère, pour tous les étudiants qui commencent leurs études en septembre 2001, à partir de 2001.

Nous sommes maintenant aussi dans le processus de définir un autre aspect, on peut dire, d'élargissement de notre conception de formation de premier cycle, et ça veut dire d'être beaucoup plus explicite comment, dans la formation de premier cycle, on donne aux étudiants des habiletés générales, on peut dire des habiletés de succès: la capacité de communiquer efficacement, la capacité d'utiliser les mathématiques afin de moduler le monde. Et on peut définir un certain nombre de ces capacités générales comme en parallèle avec leurs études de chimie ou biologie ou philosophie. On veut que ces étudiants...

Ça a toujours été le fait que la formation universitaire a comme but de donner à ces étudiants ces habiletés, mais nous devrons être beaucoup plus explicites sur comment et quand ces étudiants, dans leurs cours, ramassent ces capacités. C'est les trois volets de notre réaménagement de notre formation de premier cycle: l'élimination de surspécialisation; une perspective qui demande de plus une formation générale comme complément de formation dans une discipline; et cette formation des habiletés générales, des habiletés intellectuelles générales qui peuvent servir notre société et nos diplômés à travers toute leur vie. Et, à travers ça, nous avons, on peut dire, éliminé... Mais ce n'est pas vraiment de l'élimination. Par fusion, nous avons réduit le nombre de notre programme de premier cycle d'à peu près 300 à 200 programmes.

M. Béchard: Mais cette réduction-là, est-ce qu'elle a eu un impact sur le nombre d'étudiants? Je ne pense pas. Les étudiants se retrouvent quand même et même davantage dans ces nouveaux programmes. Parce qu'un des réflexes, c'est que les gens disent souvent: Bien, on ne peut pas trop diminuer les programmes, on va perdre des étudiants là-dedans. Je pense que l'expérience, ce n'est pas ça.

M. Lightstone (Jack): Non, c'est l'inverse. C'est la fusion de programmes et le réaménagement de programmes, il ne s'agit pas d'une réduction du nombre de sièges dans le programme. Vraiment, ce que nous avons fait, nous avons augmenté le nombre de sièges dans le programme, et, pour cette raison-là, dès que nous avons commencé à implanter cette réforme, le nombre des inscrits a augmenté d'à peu près 16 200 à 17 000 étudiants ETC, équivalents temps complet. Et c'est intéressant que l'effet soit complètement l'inverse de ce à quoi on s'attendait dans un tel exercice.

M. Béchard: Mais est-ce que vous vous attendiez à ces résultats-là, vous? Vous dites: C'est l'inverse. Oui, c'est l'inverse de la pensée, mais, vous, quand vous avez commencé ça...

M. Lightstone (Jack): Oui, nous avons modulé tout ça en avant.

M. Béchard: O.K.

M. Lightstone (Jack): Et c'était bien clair qu'un des résultats de cette réforme, ce sera d'ouvrir, de déboucher certaines barrières en ce qui concerne l'accessibilité de notre programme. Et, de l'autre coté, nous avons pris la décision de beaucoup augmenter le nombre des inscrits dans les programmes où il y a un vrai manque de main-d'oeuvre qualifiée au Québec. Ça veut dire, par exemple, les industries dans les nouvelles technologies.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Bertrand.

M. Cousineau: Merci, Mme la Présidente. M. Lowy, M. le recteur, messieurs, vous parlez abondamment de rationalisation des programmes au premier cycle et puis vous semblez avoir très bien réussi dans ce domaine-là à l'Université Concordia. Et puis je lis le texte ici, le document qu'on a reçu. Vous dites qu'il n'y a pas une université québécoise qui est allée aussi loin dans le travail de rationalisation au niveau des programmes. Alors, vous venez de faire un exposé qui nous le démontre très bien.

Maintenant, vous parlez d'harmonisation au niveau des buts puis des objectifs entre le corps professoral et puis les objectifs de l'entreprise aussi. Pouvez-vous nous donner des exemples de partenariats avec l'entreprise que vous avez établis dans les dernières années dans tout ce processus de rationalisation des programmes?

M. Lightstone (Jack): Un bon exemple, c'est une négociation, on peut dire «win-win» – vous comprenez l'anglais – avec un consortium des industries dans la télécommunication où il y a une vraie... C'est un des domaines où il y a un grand manque de main-d'oeuvre. Et c'était un exercice très, très intéressant parce qu'au coeur de l'université et de l'enseignement universitaire, c'est la liberté académique, la liberté de l'université de définir son propre curriculum qui n'est pas dicté par l'industrie.

Mais, de l'autre côté, l'université a aussi une mission, et surtout dans les domaines appliqués comme le génie: de répondre aux besoin de la société. Et comment on peut harmoniser ces deux buts, on peut dire? Une chose que nous avons faite, c'est qu'on a rejeté complètement de siéger en négociation avec une seule compagnie mais avec un groupe de compagnies dans ce domaine, afin de ne pas répondre aux besoins de la compagnie x en comparaison avec les besoins de la compagnie y.

Deux choses. On a établi les règles du jeu en avance: nous sommes ici pas nécessairement pour former un étudiant pour votre compagnie, mais pour former un étudiant pour la vie des étudiants. Nous avons siégé ensemble deux mois, deux mois et demi, et négocié afin de répondre, nous, à leurs besoins et garder notre liberté académique, notre propre perspective sur la formation d'étudiants et, de l'autre côté, nous aider – pas nous dicter – à définir un programme de très haute qualité afin de former des étudiants en génie électrique pour l'industrie en télécommunications.

Nous étions la première Université à siéger avec eux, avec un double résultat: un, nous avons défini et commencé une option en télécommunications à l'intérieur d'un programme qui est resté toujours plus général en génie électrique, c'est un aspect; l'autre aspect, nous avons défini à l'intérieur de l'Université un diplôme de deuxième cycle afin de recycler leurs employés dans les nouvelles technologies. Il y a tout à fait un troisième volet que nous avons suivi avec les autres, en partenariat avec les autres universités; ça veut dire, nous avons décidé de coopérer avec ces groupes d'industries dans l'établissement de l'Institut international de télécommunications, qui est un institut à but non lucratif, afin de former, de recycler des personnes pour les besoins de main-d'oeuvre de l'industrie en télécommunications. C'est un institut privé, à but non lucratif, autonome de l'Université, puis ça veut dire, de la même façon, il ne peut dicter à l'Université son propre curriculum.

(16 h 50)

M. Lowy (Frederick H.): Si je peux ajouter quelque chose, nous sommes très, très contents de nos liens avec l'industrie à Montréal. L'Université Concordia n'est pas une tour d'ivoire, pas du tout. Alors, si on est vigilant, on ne perd pas, quand même, on peut davantage collaborer avec l'industrie, avec le commerce. C'est ça que nos étudiants réclament.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. Messieurs, bonjour. Je voudrais revenir – puis c'est beaucoup plus pour ma gouverne personnelle – il y a quelqu'un, je pense, tout à l'heure qui vous a parlé des campagnes de financement que vous faites. Sans rentrer dans l'utilisation de ces fonds-là – ça, ça vous appartient, j'en conviens – vous avez semblé dire qu'il n'y avait pas de lien finalement entre ces campagnes de financement, donc les fonds que vous recueillez, et le budget d'opération ou enfin, bon...

La raison pour laquelle je vous pose cette question-là, n'y voyez pas une objection de ma part à ce que vous fassiez des levées de fonds ou que le privé investisse, puisque vous êtes une université privée, mais j'aborde ma question en repensant à ce que Mme Leduc disait tout à l'heure par rapport aux missions de certaines universités. Toutes les universités ne sont pas obligées d'avoir tout à fait les mêmes objectifs ou les mêmes missions. Comment on peut marier des visions qui ne sont peut-être pas nécessairement complètement divergentes, qui peuvent être convergentes à certains égards?

Quand on voit, bon, le plaidoyer que nous ont fait ce matin et en début d'après-midi l'Université du Québec et deux de ses composantes, qui sont vraiment – je vais peut-être exagérer, mais peut-être que ces gens-là diraient que je n'exagère pas – presque à l'article de la mort, là, et qu'on voit de quelle façon finalement vous arrivez à opérer sans déficit pour l'année – je vois dans le tableau qu'il y a quand même un déficit accumulé de 30 000 000 $ – pouvez-vous juste nous dire à quoi servent les fonds? Est-ce que ça va pour des programmes d'études? Est-ce que ça va pour des bourses? À quoi ça sert? Puis est-ce que finalement ça ne vous aide pas, vous, à vous en sortir par rapport au réseau public qui est à la merci des subventions gouvernementales? Puis, je vous le dis tout de suite, loin de moi l'idée de dire que ce n'est pas bon, ce que vous faites.

M. Lowy (Frederick H.): Je vais demander à mon collègue Marcel Danis.

M. Danis (Marcel): Merci, Mme la députée de Jean-Talon. Pour répondre à votre question, si vous me permettez un commentaire de façon préliminaire, c'est qu'une des raisons aussi pour lesquelles nous avons pu opérer l'Université sans avoir de déficit a été qu'on avait un surplus dans notre fonds de pension – notre fonds de pension est un fonds de pension différent de celui du réseau de l'Université du Québec – et le comité de pension de l'Université a permis à l'Université d'utiliser des sommes considérables du surplus du fonds de pension pour procéder à des programmes de préretraite. Donc, en fait, ça nous a permis... Il y a eu 273 employés de l'Université à temps plein qui ont pris leur retraite dans les dernières années: 144 professeurs et 129 employés de soutien. Donc, on a perdu 273 employés à temps plein et on a quand même augmenté le nombre d'étudiants dans l'Université. C'est une des raisons aussi, à part de ce que mon collègue le vice-recteur académique disait tantôt, pour lesquelles on a pu avoir un budget équilibré.

Maintenant, quant à la campagne de financement, c'est vrai qu'elle a été un succès, ça a été même un succès inespéré pour nous. Parce que, lorsque nous l'avons planifié, nous croyions obtenir 55 000 000 $ – il y a eu des efforts vraiment extraordinaires de personnes, surtout de nos bénévoles, par exemple, comme Jacques Ménard, M. Corey, M. Bronfman, M. Molson, ces gens-là – et finalement on en a ramassé 77 000 000 $. Mais ça a été une surprise pour nous aussi. La grande partie de ces sommes-là va pour aider les étudiants de façon financière. Donc, c'est pour ça, lorsque mon collègue disait que... En fait, il n'y a pas de sommes là-dedans qui vont pour le budget d'opération. Les étudiants eux-mêmes aussi ont contribué la somme de 9 000 000 $ sur le 77 000 000 $. Je pense que le pourcentage de contribution des étudiants a été le plus élevé de toute campagne de financement au Canada. Donc, le 9 000 000 $ des étudiants, eux-mêmes ont décidé où ils l'enverraient. Et ils ont envoyé à peu près le tiers pour la construction d'un nouveau centre sportif sur notre campus de l'ouest, le collège Loyola, et à peu près les deux tiers pour aider la bibliothèque. Alors, dans ce sens-là, on peut dire que ça a pu aider le budget d'opération parce qu'on a mis une partie de ça dans la bibliothèque.

Mais il n'y a aucune somme de la campagne de financement qui va directement dans le budget d'opération, ce sont tous des programmes indépendamment de ça. Et c'est sûr que la question se pose pour les universités parce que les universités ne semblent pas toutes avoir les mêmes moyens de ramasser de l'argent. Nous, on regarde avec envie l'Université de Toronto. Mon recteur, qui est ici, a été doyen de la Faculté de médecine de l'Université de Toronto pendant 10 ans, et eux ont fait une campagne de financement. Ils sont rendus à 600 000 000 $. Nous, on est satisfaits de notre 77 000 000 $, mais ça va en fonction des efforts qu'on fait. Et je peux vous dire que nous avons terminé notre campagne il y a quelques mois et nous en avons commencé une autre immédiatement.

Normalement, ces campagnes-là se faisaient à intervalles de 10 ans, mais je ne vois pas pourquoi les universités maintenant... Parce que, en fait, on n'a pas le choix. Tant que les frais de scolarité seront gelés et que le gouvernement n'augmentera pas ses subventions vis-à-vis des universités, on n'a absolument pas le choix. Et le gros problème qu'on voit, nous, c'est que notre clientèle étudiante, ce n'est pas des jeunes riches, là, qu'on a chez nous. Donc, ces gens-là ont besoin d'argent, et c'est pour ça qu'on continue à faire des campagnes de financement, en espérant y mettre la plus grande partie en des bourses pour les étudiants.

Mme Delisle: Je trouve ça fort intéressant puis je vous remercie de vos explications. Je voudrais juste, peut-être, terminer avec un commentaire. C'est que les gouvernements – je dis bien «les» gouvernements – on a souvent vu ça au fil des années, que ce soit dans votre domaine ou dans d'autres, lorsqu'il y a du privé qui investit, lorsqu'il y a une campagne qui réussit avec autant de succès que la vôtre, il faudrait peut-être émettre le voeu que ça ne vous pénalise pas. Je sais que c'est un commentaire... que cette question-là a été un peu abordée par mon collègue tout à l'heure, ou un des collègues ici, sauf qu'il ne faudrait pas qu'on voie ça comme une opportunité au gouvernement de dire: Bien, on va investir ailleurs, mais on n'investira pas à Concordia ou à d'autres universités privées.

Alors, je pense que vous allez avoir un bon plaidoyer à faire. Moi, personnellement, je pense que le fait d'investir dans les services aux étudiants, c'est peut-être une nouvelle façon finalement de s'assurer que nos étudiants auront, et nos étudiantes aussi, là, accès à des études de qualité. Souhaitons qu'on trouve une formule pour nos autres universités aussi, pour que finalement tout le monde puisse avoir accès à cette qualité dans les services, à la diplomation aussi.

J'ai bien aimé aussi – un dernier commentaire – les efforts qui ont été faits, en tout cas la démonstration que vous avez faite tout à l'heure de la rationalisation puis de la façon dont vous avez revu l'ensemble de vos programmes. J'ai compris que ce n'était pas nécessairement des abolitions, ça a été davantage une réingénierie de l'ensemble de ces programmes-là à l'intérieur d'une faculté qui a fait en sorte que non seulement vous avez bien réussi ça, mais que vous avez augmenté la clientèle étudiante aussi. Donc, ça se fait.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lightstone.

M. Lightstone (Jack): Permettez, madame. Même si c'est une histoire de succès, et c'est vraiment une histoire de succès...

Mme Delisle: Il ne faut pas s'asseoir dessus.

(17 heures)

M. Lightstone (Jack): Je peux vous donner une métaphore, peut-être. Si quelqu'un commence une diète et que son «intake» calorique est tombé jusqu'à 60 % de son «intake» régulier, pour quelques semaines, on se sent mieux, mais il y a une limite, une certaine limite, oui.

Mme Delisle: Il a raison!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lightstone (Jack): Et c'est exactement le cas de nos universités, Concordia et les universités du réseau. Ça veut dire que ceux qui ont fait un vrai effort en ce qui concerne le réaménagement de leurs programmes, les effets dans les premières années sont surtout positifs. Mais, de l'autre côté, nous sommes sur une diète qui ne peut pas nous soutenir à long terme. Et, en même temps, le prix de la nourriture va augmenter beaucoup dans les années qui viennent.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Delisle: Dans le jargon des diètes, ça s'appelle revoir ses habitudes alimentaires. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. le député de Montmorency.

M. Simard (Montmorency): Bien, merci, Mme la Présidente. M. le recteur, j'aimerais vous souhaiter, ainsi qu'aux personnes qui vous accompagnent, la bienvenue à Québec et à l'Assemblée nationale du Québec. Ma foi, à regarder votre bilan financier au cours des dernières années, surtout depuis 1990, on constate que vous n'avez fait qu'un déficit, en 1995-1996, et que depuis vous avez fait donc des surplus. Et, en voyant ça tout à l'heure, avant votre arrivée, je me suis dit: Je vais leur demander pourquoi, quelle est votre recette. Et puis vous nous avez présenté depuis tout à l'heure, donné des explications très valables et très intéressantes.

Et, à la question que se posait Jean-Jacques Samson le 20 novembre dernier dans son éditorial, qui disait: «Les recteurs des universités québécoises mériteraient-ils seulement un diplôme de premier cycle en administration?» bien, en ce qui vous concerne, je pense que la réponse est sans équivoque, oui.

Et donc, dans les raisons que vous nous avez présentées, qui expliquent votre situation financière, vous avez fait référence à des choix institutionnels assez clairs, comme celui de la rationalisation des programmes à l'interne de l'Université. Et Mme Leduc, qui vous précédait tout à l'heure, s'est positionnée quant à la rationalisation des programmes entre les universités, ce qui est un autre choix institutionnel. Vous nous avez parlé de l'utilisation des fonds de pension également. À ma connaissance, c'est la première fois que, depuis aujourd'hui, on faisait référence à cet élément.

Moi, j'aimerais vous poser une question peut-être un peu délicate, mais je pense que c'est le lieu pour poser ce genre de questions. Plusieurs se questionnent sur – comment dire? – le type de conventions collectives que se donnent les universités. Plusieurs reprochent aux conventions collectives de n'être pas assez flexibles, d'être trop rigoureuses. Bref, est-ce que vous pensez qu'il y a des «économies d'échelle», si je peux me permettre l'expression, à aller chercher dans un réaménagement potentiel de conventions collectives?

M. Lowy (Frederick H.): Tout à fait, mais c'est le volet de mon collègue ici, alors je lui passe la parole.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Di Grappa.

M. Danis (Marcel): Merci, M. le député de Montmorency.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Danis.

M. Danis (Marcel): Oui. J'ai eu un peu d'expérience dans les conventions collectives. J'ai eu l'opportunité de siéger comme ministre dans le gouvernement Mulroney avec M. Charest et, à ce moment-là, j'étais ministre du Travail. Alors, ça fait longtemps que je suis dans ce domaine-là.

Chez nous, à l'Université Concordia – en fait, ça fait 31 ans que je suis professeur à cette Université-là – je dois vous dire que le syndicat a toujours été, même si les négociations sont difficiles, un syndicat qui est très coopératif et qui a à coeur la mission de l'Université. C'est pour ça que – je vais toucher du bois – pour le moment, nous n'avons pas des problèmes que certaines autres universités ont. Nous avons une convention collective, nous, qui a été signée en 1997, pour cinq ans. Les professeurs ont des augmentations de salaire, de 1997 à juin 2002, totalisant 9,7 %, et ils n'en avaient pas eu depuis 1992. Donc, pendant 10 ans, ils ont eu 9,7 %.

Mais où ils nous ont donné un grand coup de pouce, c'est qu'on a beaucoup moins de professeurs qu'avant, on a plus d'étudiants maintenant qu'on en avait, et les professeurs, eux, ont volontairement accepté d'augmenter leur charge de travail, ce qui n'est peut-être pas le cas dans toutes les universités. On a négocié puis, en fait, on ne leur a pas donné grand-chose. On leur a dit: L'Université est dans une situation extrêmement difficile, est-ce que vous augmenteriez votre charge de travail? Non seulement le nombre de cours, mais également le nombre d'étudiants dans chaque cours?

Moi, ça fait 31 ans que j'enseigne pas mal les mêmes cours depuis que j'ai commencé à l'Université. Au début, j'avais 20 étudiants à peu près par cours. Au fil de mes 30 ans d'enseignement, ça a augmenté à 40, 60, 80, 100, 120, 140; là, j'en ai 140 dans mes cours.

Une voix: Vous êtes populaire ou...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Danis (Marcel): Et aussi, l'autre raison, c'est que, sous la direction particulière de mon collègue, le vice-recteur académique, notre Université enseigne avec des moyens qui ne sont peut-être pas nouveaux pour certaines universités, mais peut-être qu'au Québec ils le sont. On donne des cours maintenant en partie par Internet. L'étudiant qui prend mon cours – moi, j'enseigne demain après-midi à 16 heures – peut rester chez lui puis le voir en direct sur Internet. Mon collègue Jack Lightstone, la même chose. Donc, quand il y a une tempête de neige à Montréal, l'étudiant n'est pas obligé de venir. Puis on a ce qu'on appelle – excusez mon anglicisme – des «chat rooms», là, où les étudiants vont sur Internet et me posent des questions, et tout ça. Donc, on a des nouveaux moyens d'enseigner qui nous permettent d'avoir des nombres assez considérables d'étudiants dans nos cours.

Mais ça, ça a été fait sous la direction du vice-recteur académique et avec le consentement du syndicat. Ça n'aurait pas pu être fait sans le consentement du syndicat. Et, chez nous aussi, on a beaucoup de syndicats; on en avait 16, maintenant on en a 11. Et on a eu la même coopération du syndicat des chargés de cours, parce qu'on a un pourcentage élevé de cours qui sont donnés par des chargés de cours. On a obtenu le même genre de coopération. Et la même chose pour nos syndicats de soutien, qui sont généralement ceux de la CSN. Donc, il y a une coopération qui existe avec les syndicats, et, nous, on ne voit pas de problème du tout, on n'en a pas, là, jusqu'en 2002, lorsqu'on va renégocier nos conventions collectives.

Parce que, ce qui arrive maintenant, le problème qu'on va avoir, c'est que le gouvernement a donné des augmentations qui sont supérieures à celles que, nous, on a données. Donc, les syndicats maintenant nous reviennent et disent: Comment ça se fait que les gens du secteur public ont des augmentations puis que, nous, on a celles-là? Ça fait que je pense qu'ils nous attendent, quand on va arriver en l'an 2002, mais je ne prévois pas de problème d'ici ce temps-là.

M. Lightstone (Jack): Permettez d'ajouter un peu, peut-être.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lightstone.

M. Lightstone (Jack): Est-ce que nous sommes vraiment entre nous?

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Bélanger): Oui.

M. Lightstone (Jack): O.K.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va rester secret. C'est sûr, sûr que ça va rester secret.

M. Simard (Montmorency): Ça ne sortira pas du Québec. Ha, ha, ha!

Une voix: Entre Québécois.

M. Lightstone (Jack): Les niveaux de coopération que nous avions de nos professeurs à plein temps et chargés de cours étaient extraordinaires. Je peux vous donner quelques exemples. Comme toutes les conventions collectives des universités du Canada, il y avait et il y a maintenant dans notre convention collective avec les profs à plein temps, réguliers, un plancher du nombre de postes. Volontairement, le syndicat professoral a pris la décision d'ignorer cette demande pour un certain nombre d'années afin de nous permettre de faire la réforme et de renégocier, après ça, le plancher. Un des membres de l'exécutif me disait cette journée-là: «Jack, we know that we could win this, but if we win it, we'll loose.»

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Oui, merci. Vous pouvez compter sur ma discrétion pour que les débats restent ici!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard: M. le recteur, il y a un élément, tantôt, que je vous ai mentionné et qui me tient... J'aimerais beaucoup qu'on approfondisse ce point-là, c'est l'aspect du congé fiscal pour attirer des enseignants ou encore contrer... Bien, je pense que vous le percevez plus comme un élément pour attirer des enseignants que pour vraiment contrer l'exode, là. Définissez-moi donc un petit peu les paramètres de ça. Est-ce que ça s'applique à tout le monde, tout nouvel enseignant qui arrive? Pour combien de temps? Selon quelles mesures, et tout ça? Est-ce que c'est seulement transitoire? Allez-y, expliquez-moi un petit peu comment...

M. Danis (Marcel): Si vous permettez, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Danis.

(17 h 10)

M. Danis (Marcel): Alors, M. le député de Kamouraska, ce qu'on suggère, c'est l'équivalent d'un programme qui existe actuellement chez les entreprises. À notre connaissance, ça n'existe pas, dans le domaine universitaire, au Canada. Et c'est un programme, je crois, qui est uniquement québécois. Lorsqu'une entreprise embauche un chercheur dans des domaines de pointe, à ce moment-là, le chercheur en question ne paie pas d'impôts personnels au Québec pendant cinq ans. Alors, nous, l'exemple qu'on a donné dans le mémoire que le recteur vous donnait tantôt, c'est que notre professeur qu'on a perdu, au lieu de faire ça, on aurait dû le faire engager par la compagnie CAE. Il n'aurait pas payé d'impôts pendant cinq ans puis il aurait pu venir enseigner chez nous.

Alors, si le gouvernement a jugé bon de le faire pour les entreprises, nous croyons que c'est une excellente mesure. Nous avons fait des représentations au ministre Rochon concernant ce programme-là, et il semblait très intéressé. Nous en ferons incessamment au ministre Legault et nous espérons que cette commission appuierait ce genre de programme-là. Nous croyons que ce serait un programme excellent. Il faudrait déterminer des secteurs en particulier...

M. Béchard: O.K. C'est ça. Ça ne serait pas pour tous les secteurs nécessairement. Comment vous...

M. Danis (Marcel): Non, ça ne serait pas notre intention...

Une voix: Dans les secteurs de pointe.

M. Béchard: Dans les secteurs de pointe. Et est-ce que vous le voyez... C'est vraiment pour attirer des nouveaux chercheurs, des nouveaux professeurs, ce n'est pas pour éviter le départ de certains. Parce que, là, tout le monde va vouloir partir en même temps pour avoir le programme.

M. Danis (Marcel): Non. Je pense que ça serait pour attirer, et dans les secteurs de pointe. Je ne pense pas que ce soit nécessaire dans les secteurs comme le mien. Je suis professeur de science politique, je ne pense pas que ce soit nécessaire. Ha, ha, ha!

M. Lowy (Frederick H.): Dans le logiciel.

M. Béchard: Ça ne donne rien de dire que je veux partir, comme ça. Ha, ha, ha!

M. Danis (Marcel): Dans les domaines de génie de logiciel, par exemple, là, c'est un problème.

M. Lowy (Frederick H.): Ou les finances.

M. Danis (Marcel): Oui.

M. Béchard: O.K. Et est-ce que vous l'avez évalué, est-ce que vous avez regardé un petit peu, vous êtes allé un peu plus loin? Comment ça pourrait coûter, un programme comme ça au Québec? Est-ce qu'il y a un maximum, selon vous, qu'on devrait fixer en termes d'argent pour être capables de...

M. Danis (Marcel): Moi, je calcule, en fait, que ça coûterait, en pertes de revenus au gouvernement québécois, 25 000 $ par professeur, ce qui est, je pense, le montant qu'un professeur, dans ces domaines-là... Un professeur dans ces domaines-là gagne environ 100 000 $ par année maintenant.

Chez nous, on engage des professeurs de science politique à 42 000 $. Mais un professeur de finances, maintenant, il nous arrive avec des offres... Ils ont 25 ans ou ils ont 27 ans puis ils ont des offres d'autres universités de 80 000 $. Nous, on n'avait pas vu ça. Donc, le milieu change, et je pense qu'il faudrait que le gouvernement nous aide à attirer des gens de qualité.

M. Béchard: Et est-ce que ce programme-là, il faudrait le combiner à autre chose? Je vous entendais tantôt parler un petit peu que ce n'est pas uniquement les impôts mais la réduction des dépenses publiques. Est-ce qu'on doit joindre ce programme-là, par exemple, à certains gestes spécifiques au niveau des immobilisations, des équipes de recherche? Est-ce qu'on peut élargir ce programme-là à une ou deux personnes qui se joignent au professeur, qui font partie de ses collaborateurs? Parce qu'on peut toujours avoir un ensemble de mesures, mais lesquelles sont vraiment les plus efficaces?

Ce programme-là sur les impôts, oui, il peut avoir une certaine efficacité, mais, quand vous mentionniez qu'au-delà des impôts ce qui compte, c'est aussi la diminution des dépenses publiques – et ça, là-dessus, c'est le gouvernement qui doit envoyer un signal – est-ce qu'il y a des gestes à poser au niveau des équipements, au niveau des équipements de recherche, au niveau des laboratoires, au niveau d'autres... qui seraient tout aussi importants et productifs?

M. Danis (Marcel): Aussi importante que la question du salaire, je crois, est la question des locaux, des laboratoires. Je pense qu'on va vous demander, à ceux d'entre vous qui ne sont pas de Montréal, peut-être de venir nous visiter chez nous. M. Babin, qui est en arrière de nous, a eu l'occasion de venir visiter, et, chez nous, nos professeurs sont dans environ 70 bâtisses, à l'Université Concordia, à travers la ville de Montréal. Et nos laboratoires ne sont pas de qualité suffisante pour nos professeurs.

Mme la députée de Jean-Talon posait la question tantôt: Qu'est-ce qu'on fait avec l'argent? On a ramassé de l'argent puis on est en train de procéder pour faire adopter par notre conseil de direction un plan d'aménagement pour nos bâtisses pour l'avenir et nous avons l'intention de construire. Et nous tentons de convaincre M. Babin de faire une recommandation positive à son ministre pour avoir des fonds pour construire. Et donc, c'est la question des salaires, la question fiscale et les questions physiques, pour les professeurs, à mon sens, qui sont extrêmement importantes.

M. Béchard: Vous parliez aussi tantôt que vous auriez besoin de 100 nouveaux enseignants d'ici peu. Il y a cet aspect-là, il y a un aspect qui, moi, me tracasse aussi, c'est: Est-ce qu'on va les trouver? Est-ce qu'on va les trouver, ces enseignants-là? Parce que, moi, ce qui commence à m'inquiéter, c'est que, quand on regarde dans certains domaines de pointe, les finissants ou les enseignants ne sont pas très, très intéressés à aller à l'université. Ils s'en vont dans les entreprises, puis c'est là que c'est payant. Qu'est-ce qu'on fait pour, un, les trouver; deux, les recruter; et, trois, les garder? Surtout pour les trouver, premièrement?

M. Lowy (Frederick H.): Vous avez tout à fait raison, monsieur. C'est le problème-clé.

M. Béchard: Bien merci. Ça, j'espère que c'est enregistré puis que ça va se savoir. Ha, ha, ha!

M. Lightstone (Jack): Mme la Présidente, permettez d'ajouter un peu?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lightstone.

M. Lightstone (Jack): Vous avez tellement raison.

M. Béchard: Arrêtez, vous allez me gêner. Ha, ha, ha!

M. Lightstone (Jack): La population québécoise et les députés de l'Assemblée nationale du Québec devront parler très, très fort et expliquer à nos concitoyens et au gouvernement que nous sommes, en potentiel, en face d'une catastrophe. Une catastrophe. Pourquoi? Dans le reste du Canada – ça va commencer dans un an ou deux ans au maximum – on va commencer à embaucher, pendant 10 ans, 30 000...

Une voix: Trente mille par année.

M. Lightstone (Jack): Pour 10 ans, 30 000 profs. Dans tous les secteurs. O.K.? Et c'est clair que le Québec aura besoin de son propre pourcentage de ces jeunes profs et, après les avoir embauchés, il devra les retenir. Parce que ça coûte cher d'embaucher des jeunes. Pas seulement le salaire, mais on doit acheter de nouveaux équipements pour les laboratoires, etc. On doit démarrer leur carrière de recherche avec une subvention de recherche. Et, si j'embauche un jeune professeur de chimie, ça va me coûter à peu près 100 000 $ dans les premières années pour équiper un laboratoire et une subvention pour le démarrage de la recherche, des coûts de dépenses de recherche, un autre 10 000 $ ou 15 000 $ par année pour trois ans afin de bien démarrer la carrière académique de cette personne-là. Si, après trois, quatre ou cinq ans, ce professeur-là, cette professeure, est recruté par une autre université, c'est une perte. Tout l'investissement que l'Université – ça veut dire le peuple québécois – on a fait dans cette personne-là, ça ne sert à rien.

Vous avez posé des questions et, implicitement, dans les questions: Quelle mesure suffira pour résoudre le problème? C'est difficile à dire. Parce que la pauvreté, ce n'est jamais une pauvreté absolue, c'est une pauvreté relative. Si une université en Ontario, ou en Alberta, ou en Colombie-Britannique, a plus de sous à dépenser afin de recruter, moi, je ne peux pas recruter. Nous devrons reconnaître que nous serons dans l'avenir proches d'une bataille afin de maintenir le système universitaire du réseau du Québec à la fine pointe où nous avons assez de succès jusqu'à maintenant pour nous maintenir. Mais, d'un côté, nous serons dans une bataille, et le résultat de ne pas gagner dans cette bataille-là, ce sera une catastrophe. Ce sera de voir notre système universitaire ici, au Québec, tomber à un niveau, quant à moi, qu'il est irresponsable de maintenir dans un pays développé. Et ce n'est pas une blague. Et ce n'est pas une exagération.

M. Lowy (Frederick H.): Madame, je peux faire des comparaisons entre l'Ontario et le Québec parce que, moi, j'ai travaillé à l'Université de Toronto pendant 21 ans avant de venir ici, à Montréal. Alors, dans ce contexte concurrentiel, si on perd les professeurs qu'on a – M. Lightstone vient de le dire – alors, le niveau de notre enseignement va tomber sans question. Jusqu'ici, on a gardé un niveau de qualité, je crois, au Québec, qui est très, très élevé. Mais on ne peut pas soutenir ce niveau dans l'avenir, dans les deux, trois, quatre ans qui viennent, parce que c'est très serré maintenant. Si on réinvestit dans nos universités au Québec, on peut sauver la situation; mais, si ça continue, dans cinq ans, six ans, on ne pourra pas sauver la situation parce qu'on aura trop perdu.

(17 h 20)

M. Béchard: Et sur le combien? Vous avez vu comme moi, au Sommet de la jeunesse, on a parlé de 1 000 000 000 $ à terme dans trois ans pour l'ensemble des réseaux, ce qui ne peut signifier finalement qu'entre 300 000 000 $ et 500 000 000 $ d'argent neuf, dépendamment de comment ils sont investis et comment on assume la récurrence de ces montants-là. Moi, je vous dirais que la première réaction, quand on a entendu le chiffre, on disait: C'est gros, 1 000 000 000 $, les universités demandent 650 000 000 $. Donc, moi, ce que j'en comprends, c'est que les universités demandent 650 000 000 $ présentement et de façon récurrente. Pas 650 000 000 $ à terme dans trois ans, une fois qu'on aura dispersé tout ça puis qu'on se rendra compte qu'il reste 165 000 000 $ d'argent neuf par année. Et, selon vous, est-ce que ces chiffres-là sont réalistes, de dire que c'est 650 000 000 $ maintenant, qu'il faut investir dès cette année pour que le réseau universitaire s'en sorte, et non pas un 650 000 000 $ à terme?

Parce que, moi, je fais une prédiction, là. Je suis à peu près convaincu qu'on va arriver au budget et que ça va être un budget sur trois ans. On va nous dire: Dans trois ans, à terme, il peut y avoir 500 000 000 $ pour les universités, il va y en avoir 200 000 000 $ pour les cégeps et 300 000 000 $ pour les commissions scolaires. Mais ça va être dans trois ans, ce qui fait qu'en bout de ligne ça va être à peu près coupé en deux pour chacun des réseaux. Si, par exemple, vous aviez 170 000 000 $, 300 000 000 $ à terme, dans trois ans, on est loin d'être sorti des problèmes.

M. Lowy (Frederick H.): Très, très loin.

M. Béchard: Au contraire. Parce qu'il ne faut pas oublier qu'on a coupé 2 000 000 000 $ en éducation. On veut en réinvestir 1 000 000 000 $, mais on n'efface pas les effets qui sont là. Moi, c'est ce qui me fait dire que, si on veut vraiment donner un coup de barre et démontrer, passer de la parole aux actes, votre 650 000 000 $, si ce n'est pas cette année, c'est au plus tard l'année prochaine. Parce que là, après ça, c'est un peu comme quand on remet puis on remet des réparations – pour ne pas tomber dans le culinaire, moi, je suis meilleur dans les autos – à un moment donné, il faut les faire de toute façon. Si on ne les fait pas cette année, si on ne les fait pas l'année prochaine, il va falloir les faire. Et, à ce moment-là, sur les montants – je veux vous entendre sur un autre point – c'est qu'il y a beaucoup de gens qui disent: Avant de réinvestir en éducation, avant de remettre 1 $ en éducation, il faudrait peut-être revoir nos façons de faire. Il faudrait peut-être revoir comment on investit, comment tout ça fonctionne.

Le problème que, moi, je déplore, c'est qu'on nous a présenté une politique des universités. Vous avez réagi, beaucoup de gens ont réagi à la politique des universités, mais est-ce qu'on a vraiment eu un débat public sur comment étaient dépensés nos argents en éducation, entre autres, au niveau des universités? Et est-ce que vous croyez, vous aussi, qu'avant de réinvestir il faudrait peut-être regarder comment tout ça fonctionne? On a un réseau qui est là depuis plusieurs années, depuis 30 ans, en fin de compte, presque sans beaucoup de changements, qu'on étire toujours un petit peu d'un bord et de l'autre, et là, moi, je me dis: On est très, très proche de la rupture. Est-ce qu'on n'est pas mieux de commencer tout de suite à réfléchir à ce débat-là avant de ne plus avoir le choix, dans trois, quatre ans, et que là on se rende compte, comme Mme la rectrice de l'Université de Montréal disait, que c'est peut-être des grands pans de murs qui vont devoir tomber parce qu'on n'aura pas d'autres choix?

M. Lowy (Frederick H.): Vous avez tout à fait raison, monsieur. Peut-être mon collègue Larry English peut ajouter quelque chose.

M. English (Larry): Bien, écoutez, il n'y a pas tellement à ajouter. Les règles de financement sont de telle manière. C'est sûr qu'il nous manque un terrible tas d'argent. Les montants annoncés ne comblent certainement pas les demandes. Ça fait un bout de chemin. Entre-temps, qu'est-ce qu'il va se passer? Je peux seulement «guess».

M. Béchard: Parce que, moi, ce que je veux dire, je suis bien d'accord avec vous sur le fait que les montants annoncés font un bout de chemin, mais, moi, c'est un peu une chose qui me fatigue. Et c'est l'une des raisons pour laquelle on n'a pas, notre parti, adhéré au consensus du Sommet de la jeunesse, parce que, pour nous, on disait: À partir du moment où on adhère au consensus que 1 000 000 000 $ en éducation, à terme, c'est correct, on n'a plus de marge de manoeuvre. On ne peut pas demander 1 200 000 000 $ ou 1 300 000 000 $ ou 1 400 000 000 $, je veux dire, on a dit autour de la grande table que tout le monde était d'accord avec le fait d'avoir 1 000 000 000 $ en éducation. On vient de s'attacher comme il faut et, moi, ce qui me fait dire, le premier réflexe que j'ai eu, je me suis dit: Bien voyons, à la base, c'est peut-être loin d'être suffisant si on veut en faire vraiment le moteur économique du Québec et vraiment passer du Québec inc. au Quebec.com ou quoi que ce soit. Est-ce que vous êtes un peu de cette approche-là ou comment vous voyez ce fameux consensus qui, pour moi, je trouve, est très dangereux pour le monde de l'éducation, à moyen terme, et très, très, très dangereux?

M. Danis (Marcel): Nous avons pris connaissance des résultats du Sommet. Nous sommes très prudents quant à nos commentaires, parce qu'on entend le chiffre de 1 000 000 000 $, mais je pense qu'il n'a pas été décidé par personne quel pourcentage irait aux universités. Et, si c'est de l'argent à terme, on va le prendre, mais ce n'est pas de ça qu'on a besoin. Parce que mon collègue le vice-recteur académique, lui, quand il engage des jeunes, ce sont des gens qu'il engage avec la permanence. Maintenant, le Québec, ce ne sera pas la province ou l'État qui va briser la permanence dans le domaine des universités. Donc, tant que la permanence va demeurer, si on n'a pas de l'argent de façon récurrente dans nos budgets, on ne pourra pas engager les professeurs dont on a besoin. Donc, c'est pour ça qu'on a été prudent et on le restera jusqu'à temps que M. Babin nous dise quel pourcentage ira aux universités.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard: Je l'ai vu prendre des notes, en tout cas.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Bélanger): Vous pouvez approcher à la table pour vous commettre. On peut l'inviter.

M. Béchard: Bien oui, on va ajouter une chaise, M. Babin. Sentez-vous bien à l'aise. Et un des points que vous n'avez pas beaucoup soulevés – et j'aimerais voir ce qui se passe à l'Université Concordia là-dessus – c'est le ratio chargés de cours-enseignant, comment tout ça est réparti. Il y a des choses dans les statistiques, mais souvent, quand c'est dit en commission, ça porte davantage.

M. Lightstone (Jack): Bon, c'est une histoire intéressante et très importante. Souvent, un ratio de 60 % à 40 % est considéré comme un 60 % bon, ça veut dire de qualité, avec lequel on peut maintenir la qualité de formation, et je vais expliquer. Ça veut dire que 60 % de nos étudiants, des ETC, équivalents à temps complet, sont enseignés par des professeurs réguliers et 40 % par des chargés de cours. Et, en général, on peut voir ça dans chaque programme. Ça veut dire que chaque étudiant qui suit son propre programme, dans les progrès de sa formation, est enseigné à 60 % du temps par des profs réguliers, 40 % par des... Et nous avons eu du succès pendant une vingtaine d'années à maintenir ce ratio-là, jusqu'aux coupures. C'était évident qu'à l'intérim – et ça devra être seulement à l'intérim – afin de s'ajuster aux coupures, avant de réinvestir dans l'embauche de professeurs réguliers, nous n'avions pas le choix de laisser glisser ce ratio-là. Et ça a glissé dans la première année de coupures à 55 %, de 60 % à 50 %, et ça dépasse 50 %, à 48 %, etc.

Maintenant, nous avons légèrement, avec les embauches que nous avons faites depuis deux ans, augmenté le ratio. Mais, quand j'estime le nombre d'embauches que je devrai faire demain, c'est à partir de ce ratio 60 %-40 % dans la tête. Et ce n'est pas nous qui avons établi ce ratio-là. Par exemple, c'est des standards de AACSB, the American Assembly of Collegiate Schools of Business. Ils ont le même ratio en ce qui concerne une mesure de qualité.

(17 h 30)

Et je peux vous donner d'autres chiffres, d'autres moyens d'arriver aux mêmes conclusions, parce que, quand on modélise un système universitaire, il y a toujours des moyens différents de faire une modélisation et de voir si des moyens différents vous ramènent aux mêmes places. O.K. Je vais vous donner un autre exemple. En 1990, le ratio étudiants ETC au Canada pour chaque prof régulier était à peu près 14 étudiants par prof. Maintenant, dans le reste du Canada, ça approche 20 étudiants par prof. Qu'est-ce que c'est le ratio au Québec aujourd'hui? Je ne sais pas, mais je suis certain, presque certain, que ça approche 25 étudiants par prof régulier au Québec.

Une voix: Vingt-cinq?

M. Lightstone (Jack): Oui. Dans le reste du Canada, 20; il y a 10 ans, 14. C'est un autre moyen et, à mon avis... moi, j'ai fait une modélisation quand j'ai fait notre planification académique. Ça veut dire qu'il y a des différences entre certaines disciplines, le ratio n'est pas le même, un ratio de bonne santé n'est pas le même en philosophie qu'en biologie, etc. Et chaque fois que je fais une modélisation sur un ratio comme 60-40 ou sur le nombre des étudiants dans ce secteur disciplinaire par prof, j'arrive au même chiffre, à plus ou moins 10 profs, chaque fois. Ça veut dire que, pour les étudiants que j'ai déjà aujourd'hui, pour revenir à une situation de bonne santé, moi, j'ai besoin de 100 profs demain. Demain. Et nos inscriptions montent parce que nous ne voulons pas couper l'accessibilité à l'université, nous voulons répondre aux besoins de notre société, répondre au grand manque de main-d'oeuvre dans certaines disciplines, etc. Et il y a d'autres moyens de le modéliser aussi, le «bench marking». O.K.?

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. C'est très intéressant de vous entendre. Je dois dire que votre témoignage, enfin votre présentation est particulièrement rafraîchissante. Le sentiment que, moi, ça me donne, c'est que vous prenez la situation, qui n'est quand même pas facile pour vous, comme elle n'est pas facile pour la société, comme un défi, et vous prenez les moyens pour le relever. Et ça, c'est intéressant, on a l'impression qu'on bâtit quelque chose.

Je ferai juste un petit détour par le sommet des jeunes, mais je ne veux pas m'arrêter à ça, pour dire ceci. C'est que l'engagement qui a été pris, c'est un engagement de 1 000 000 000 $ sur trois ans. Si j'ai bien compris, il y a une distinction à faire entre un engagement et un budget. Le budget, probablement qu'il va évoluer dans le temps. L'engagement, c'est le minimum, on ne peut pas aller en bas de ce qu'on s'est engagé de faire. Il n'est pas exclu qu'on puisse faire mieux. Cependant, pour faire mieux, il faut avoir de bonnes raisons pour faire mieux, et c'est ce que vous avez essayé de nous démontrer. Vous avez parlé de la cure d'amaigrissement tout à l'heure, c'est bon pour la santé, hein, mais il ne faut pas toujours être en amaigrissement parce qu'on devient comme le député de Saint-Hyacinthe, non? trop maigre. Ha, ha, ha!

Alors donc, il faut aussi des moments où il faut en remettre. Mais la cure d'amaigrissement qui a été imposée au système, il me semble qu'elle a été imposée à l'ensemble des systèmes. Et je pense qu'en soi, même si elle nous a été imposée par les circonstances, elle ne comporte pas qu'un aspect pénible, elle comporte un aspect absolument bénéfique parce qu'elle nous oblige à nous poser des questions sur chaque dépense ou chaque engagement: premièrement, est-ce que c'est utile? deuxièmement, est-ce que c'est nécessaire? troisièmement, est-ce que c'est indispensable? Et ça, dans tout système, il faut le faire périodiquement, à certains moments. Alors, dans ce sens-là, je pense que vous l'avez fait dans cet esprit-là, et les résultats que vous avez obtenus n'auraient pas été possibles sans imagination, sans une implication de tout le monde et sans la solidarité, et, sans la solidarité, je pense en particulier au corps professoral et des syndicats. Bon.

Ceci étant fait, j'aimerais que vous me fassiez une certaine démonstration de la façon dont vous... Où est-ce que vous en êtes venus, où est-ce que vous en êtes arrivés par rapport au phénomène de l'évaluation de performance, par rapport à la mission de votre institution, et l'évaluation de l'efficience par rapport aux sommes qui sont engagées? C'est une question très difficile, parce que c'est sûr qu'évaluer la performance, ça doit se faire dans le cadre de l'autonomie de la pensée universitaire.

M. Lowy (Frederick H.): Je suis absolument d'accord, monsieur. Aussi, pour cette question, si vous le permettez, Jack Lightstone.

M. Lightstone (Jack): Merci pour une autre occasion de vous torturer avec mon français.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lightstone (Jack): Il y a deux aspects de la question. Un, c'est une question, peut-être implicite, mais peut-être explicite, à savoir que, sans ces coupures, est-ce que j'aurais jamais démarré cet exercice de restructuration? Et ça me rappelle une phrase très fameuse de Benjamin Franklin, des États-Unis, qui disait: «There's nothing like hanging in the morning to concentrate the mind on the evening before.» Mais on ne peut pas conclure de ça que c'est une bonne idée, de «hanging». Correct? Et vous avez raison. «There's nothing like hanging in the morning to concentrate the mind on the evening before.»

L'autre question, la qualité. Il y a de nombreux moyens dans le monde universitaire, et en particulier aussi au Québec, qui garantissent la qualité de ce qu'on offre aux étudiants.

Premièrement, il y a une évaluation des professeurs, de la performance des professeurs. Cette évaluation de la performance des professeurs, et je ne parle pas seulement des professeurs quand on parle de permanence, mais nous avons une évaluation, chaque deuxième année, de la performance de tous nos profs. Et qu'est-ce qu'on fait dans cette évaluation? D'abord, on évalue leur pédagogie. Ensuite, on évalue leurs services à la collectivité, et ça veut dire même à l'intérieur de l'Université, même à l'extérieur. À l'intérieur, ça veut dire: s'ils partagent le fardeau d'administration académique, s'ils partagent le fardeau d'encadrement des étudiants. À l'extérieur, est-ce qu'ils servent dans le comité de leur association disciplinaire, etc., ou même est-ce qu'ils sont des bénévoles pour les institutions de la société? Le troisième élément, la recherche. Et la recherche est très intéressante parce que, dans la recherche, le seul moyen de publier dans les publications scientifiques, c'est de passer par l'évaluation des pairs, et ce n'est pas les pairs de votre département, ici, c'est les pairs à travers le monde dans la discipline. Et un aspect de la qualité, c'est la qualité des professeurs: les professeurs sont évalués régulièrement, ils sont évalués par des standards internationaux et pas par des standards locaux.

(17 h 40)

Deuxième élément de la qualité. Dans la plupart des programmes appliqués, il y a des associations qui accréditent, qui donnent accréditation à nos programmes. Tous les programmes en génie de premier cycle, par exemple, qui amènent à un membership dans l'ordre professionnel sont évalués par la Société canadienne des ingénieurs. Nous avons volontairement soumis notre Faculté de l'administration au processus d'accréditation de la AACSB, American Association of Collegiate Schools of Business, seulement la quatrième au Canada à volontairement soumettre le programme à cette évaluation. Bien sûr, nos programmes en éducation qui amènent à un brevet d'enseignement, c'est évalué par un comité à l'intérieur du ministère. Nos programmes en psychologie sont accrédités par l'American Psychological Association et par l'Association canadienne de psychologie, etc. Notre programme en chimie, par l'Ordre des chimistes du Québec, etc. C'est dans le deuxième volet. Ça veut dire que, dans les programmes appliqués aux professionnels et dans pas mal de cas, il y a des associations qui accréditent et évaluent régulièrement les programmes. Sinon, si les programmes ne sont pas évalués, le diplôme n'a aucune valeur.

Troisième élément de la qualité. Nous avons au Québec, dans tout le système du réseau universités du Québec, un système d'évaluation de programmes périodique. Chaque programme universitaire, premier cycle, deuxième cycle, troisième cycle, est évalué par un processus qui est dirigé par un comité des sages établi par le CREPUQ. Chaque université doit avoir son propre processus d'évaluation périodique de chacun de ses programmes et le comité des sages évalue le processus, et pas seulement les résultats. Le processus de chaque université est soumis à une évaluation par le comité des sages.

Et, en fin de compte, il y a toujours le choix des clientèles. C'est un aspect très important en ce qui concerne la motivation de maintenir la qualité. Un aspect des universités qui est complètement différent de tout autre niveau d'enseignement et de formation dans notre société, c'est parce que nos universités sont autonomes, parce que nous ne sommes pas seulement des partenaires dans la formation de nos jeunes, mais aussi en compétition pour la formation des jeunes. Le choix des clientèles d'aller là-bas et pas là-bas est une motivation, une incitation à maintenir la très haute qualité. Parce que, sans étudiants, on ne peut pas maintenir un programme.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lowy, vous voulez ajouter?

M. Lowy (Frederick H.): Oui. Sur cette question, je voudrais ajouter une chose. Ce qui m'encourage le plus à titre de recteur, c'est la question de performance. Grâce au bon travail de mon collègue ici, dans notre convention collective, les professeurs à Concordia ont accepté l'évaluation biannuelle de leur propre performance. Et je crois que c'est le fait-clé qui va garder la performance. C'est très difficile dans le milieu universitaire d'arriver à des évaluations qu'il faut faire, «compulsory», hein. Oui.

M. Dion: Je vous remercie.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Bertrand.

M. Cousineau: Merci, Mme la Présidente. Un sujet un petit peu plus terre-à-terre. M. le recteur, vous avez mentionné dans votre laïus, au départ... vous avez parlé des programmes d'infrastructures qui étaient en place en 1993-1994, et puis qui ont été annoncés hier du côté fédéral, mais qui vont être annoncés probablement du côté provincial aussi. Quelques petites questions rapides, en rafale. Votre parc immobilier au niveau de l'Université Concordia, j'imagine que ça a besoin de rafraîchissement, vous nous l'avez mentionné tantôt. Est-ce que l'Université Concordia, avec d'autres universités, vous avez fait des représentations pour que soit inclus, à l'intérieur de ces programmes qui s'annoncent, le rafraîchissement du parc immobilier des universités?

M. Lowy (Frederick H.): Merci pour votre question. Comme on vient de le dire, actuellement, Concordia occupe à peu près 70 immeubles dans la ville de Montréal. On a beaucoup de places, d'immeubles qui sont loués. La plupart de ces immeubles ne sont pas désignés pour l'enseignement, ne sont pas des lieux qu'on veut. Alors, comme vient de dire M. Danis, nous avons un plan directeur, et M. Babin comme M. Dupras sont très au courant de ça. Nous avons l'intention, si possible, avec l'assistance du gouvernement et aussi avec les fonds privés, d'ériger des immeubles de science et de génie et aussi de beaux-arts. Parce que, actuellement, les beaux-arts, y compris des logiciels appliqués aux beaux-arts – le cinéma, le multimédia – à Montréal, ce sont des champs qui s'accroissent beaucoup. Alors, il y a une grande demande à l'éducation dans ces champs. Dans le multimédia, dans le cinéma, nous avons à peu près cinq ou six applications pour chaque place. On a accepté le défi de doubler l'inscription et la diplomation en logiciel. Pour le faire, il faut des espaces nouveaux. Alors, j'espère que, dans les deux ou trois prochaines années, on pourra commencer avec nos plans de construction. On est presque prêt à commencer, si on nous donne les moyens.

M. Cousineau: Parce que les lieux physiques puis l'appareillage, en fin de compte, si c'est déficient, c'est aussi une des raisons du départ des individus, des cerveaux?

M. Lowy (Frederick H.): Je crois que nous sommes la dernière des grandes universités québécoises à passer des espaces loués à des espaces...

Une voix: Que vous possédez.

M. Lowy (Frederick H.): ...oui, qu'on possède.

M. Cousineau: Merci.

M. Lowy (Frederick H.): Je vous remercie.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? Alors, même s'il vous reste peu de temps, il paraît que vous avez encore une question, M. le député de Kamouraska-Témiscouata?

M. Béchard: Oui, avec sûrement la collaboration de mes collègues, je vais prendre un petit peu plus de temps. Puis je prends bonne note que le député de Saint-Hyacinthe, lui aussi, trouve que c'est un plancher, le 1 000 000 000 $ en éducation. J'espère qu'il va faire des revendications au moment approprié.

Il y a un aspect qu'on n'a pas abordé du tout encore – on avait posé ça dans nos questions, puis je veux voir où Concordia en est là-dessus – c'est tout ce qui s'appelle le développement de certains programmes conjoints au niveau international, que ce soit au niveau de chacun des cycles, avec des universités un peu partout, pour pouvoir graduer des gens avec d'autres... Est-ce que vous avez commencé à travailler à ce niveau-là? Où ça en est à Concordia? Et qu'est-ce qui est en développement à ce niveau-là, au niveau, je dirais, des programmes conjoints avec d'autres universités un peu partout?

M. Lowy (Frederick H.): Tout à fait. Jack.

M. Lightstone (Jack): Oui, merci. Nous avons beaucoup de programmes conjoints avec les universités au plan international, mais surtout aux deuxième et troisième cycles en particulier. On trouve ça moins souvent au niveau du premier cycle. Il y en a, mais pas beaucoup. Il y a une raison pour ça aussi. Nous avons fait le choix ici, au Québec, depuis une trentaine d'années, d'avoir un système collégial, et ça donne à une université seulement trois ans afin de former un bac. D'envoyer un étudiant à l'étranger pour une année, si on a seulement trois années afin de compléter un programme d'études, c'est bien difficile. Nous avons certaines décisions. Et c'était une décision, on peut dire, peut-être positive à long terme pour le Québec, mais avec certaines retombées.

En ce qui concerne l'Université Concordia, nous avons pris la décision néanmoins de suivre une internationalisation de nos programmes, et on pensait le faire avec quelques moyens. Quand nous avons des programmes d'éducation coopérative ou des programmes avec des stages, on peut toujours essayer de négocier avec des institutions à l'étranger pour placer un stage ailleurs ou/et de recevoir des stages d'ailleurs ici, au Québec. Deuxième élément, la fameuse question de l'inscription des étudiants de l'étranger ici, au Québec, est, à mon avis, un faux problème. La raison la plus importante pour accepter des étudiants qui viennent de l'étranger, c'est d'aider nos étudiants à mieux connaître le monde partout et d'écouter et de siéger à côté de personnes avec une perspective qui vient d'une autre culture.

La Présidente (Mme Bélanger): O.K. Une dernière petite question, M. le député de Bertrand.

M. Cousineau: Bien, ce sera une intervention très courte. Premièrement, merci de votre présence, M. le recteur puis messieurs. En tout cas, c'est très agréable parce que c'est un dossier qui est bien présenté. Et puis c'est bien agréable. J'ai un petit souhait. J'aimerais ça que les recteurs au Québec puissent former un petit comité pour demander au gouvernement fédéral de rétablir ses transferts qu'il a coupés au gouvernement provincial.

(17 h 50)

M. Lowy (Frederick H.): Mais nous l'avons fait.

M. Cousineau: Ah! je suis content d'entendre ça, parce que c'est 6 200 000 000 $ sur quatre ans.

M. Lowy (Frederick H.): Malheureusement, sans succès.

M. Cousineau: Alors, ce que j'ai entendu aujourd'hui, c'est un peu les conséquences de ça.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, nous vous remercions beaucoup. La commission ajourne ses travaux à demain matin, 9 h 30. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 51)


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