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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 9 septembre 1998 - Vol. 35 N° 68

Audition des dirigeants d'établissements universitaires


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Table des matières

Organisation des travaux

Auditions


Intervenants
Mme Jeanne L. Blackburn, présidente
M. Henri-François Gautrin
M. André Gaulin
M. Lawrence S. Bergman
M. Yves Beaumier
M. Jean-Guy Paré
Mme Hélène Robert
*M. Pierre Lucier, UQ
*M. Michel Leclerc, idem
*Mme Louise Milot, idem
*M. Jacques A. Plamondon, UQTR
*Mme Claire V. de la Durantaye, idem
*M. Jacques Bégin, idem
*M. Cléo Marchand, idem
*M. François Tavenas, UL
*M. Claude Godbout, idem
*M. Robert Lacroix, U de M
*Mme Claire McNicoll, idem
*M. André Racette, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-six minutes)

La Présidente (Mme Blackburn): Mesdames, messieurs, membres de la commission, nous allons débuter maintenant les travaux. D'abord, je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues. Je déclare ouverte cette séance de la commission de l'éducation. Vous allez me permettre, pour les fins de la retranscription des débats en particulier, de rappeler le mandat de la commission qui est d'entendre les dirigeants des établissements d'enseignement de niveau universitaire sur le rapport 1996-1997 en application de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire.


Organisation des travaux

Je me permets aussi, pour, je dirais, améliorer l'exercice, le rendre un peu plus utile à la fois pour les parlementaires mais également pour les dirigeants d'établissements, de rappeler le désir manifesté par les membres de la commission de voir mieux cernés les sujets sur lesquels on souhaitait vous entendre, en rappelant que les états financiers, les rapports que vous avez remis en vertu de la loi à la ministre de l'Éducation ont été déposés en Chambre, donc remis aux membres de la commission. Les membres de la commission en ont pris connaissance. Je dois ajouter également qu'avec le service du personnel de l'Assemblée nationale, le service de recherche, il y a un résumé de chacun de ces rapports qui a été fait par le service de l'Assemblée nationale, ce qui a permis, pour ceux qui ont moins le temps de la lecture, une lecture accélérée de vos rapports. Nous avons également en main, les membres de la commission, différentes données statistiques sur la performance des universités de même que sur leurs perspectives de développement.

Nous souhaitons, au cours de cet exercice, échanger avec vous évidemment sur vos rapports, mais plus particulièrement sur cinq questions ou cinq thèmes qui vous ont été suggérés: le plan de résorption des déficits; la formation des étudiants, particulièrement à l'enseignement à distance – son avenir, ses perspectives; les efforts de rationalisation des programmes d'études; la reconnaissance des crédits entre les établissements d'enseignement universitaire et les cégeps – l'arrimage ou ce qu'on appelait, il y a quelque 20 ans, la formation continue; et la tâche de l'enseignant. Je sais qu'un collègue de l'Assemblée nationale souhaitait également – un collègue de la commission parlementaire – parler du programme d'évaluation des enseignements.

Alors, voilà. Vous avez, M. le président de l'UQ et vos collègues, la tâche d'ouvrir les travaux de cette commission. Mais avant de poursuivre, je voudrais demander au secrétaire d'annoncer les remplacements.

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Gautrin (Verdun) remplace M. Cusano (Viau).

La Présidente (Mme Blackburn): Bienvenue, M. Gautrin. C'est devenu un collaborateur et un habitué de la commission, et je dois dire aussi apprécié de tous et de toutes.

M. Gautrin: Vous me direz ça à la fin de la réunion.

La Présidente (Mme Blackburn): Ah! à la fin de la réunion. C'est possible. J'aurais dû réserver mon jugement, c'est ce que vous me suggérez? Bien.

Alors, M. le président, avec nos mots de bienvenue, je vous inviterais à présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous indiquer que nous avons une heure trente et que le temps se répartit généralement: tiers, tiers, tiers. Donc, vous avez le tiers du temps à vous pour votre présentation et les deux tiers restant pour les membres de la commission.

(9 h 40)

Peut-être convenir avant le début des travaux d'une démarche à suivre. On n'a pas l'habitude de trancher ça cinq minutes là, cinq minutes là, un peu comme on le fait à l'occasion des débats en Chambre, c'est relativement libre entre les membres de la commission de répartir ça de façon équitable.

J'avais une suggestion à faire au porte-parole de l'opposition officielle en matière d'enseignement supérieur et député de Verdun: On pourrait aborder les cinq questions. Si on veut épuiser un peu les sujets, on doit aborder chacun des sujets, des thèmes suggérés aux dirigeants d'universités et, la question étant posée, les deux échangeront de manière à ce qu'on couvre le sujet sans s'enferrer, en essayant – comme vous connaissez mon souci de justice à cet égard – de m'assurer que chacun des...

M. Gautrin: O.K. Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Blackburn): Oui.

M. Gautrin: ...je suis bien d'accord avec ça, si on respecte quand même l'équilibre entre l'opposition et les ministériels. Il est possible aussi que, suite à la présentation d'une institution qui insiste particulièrement sur un point que nous n'avons pas inclus à l'intérieur, que nous soyons amenés à devoir questionner sur des points qui ne sont pas présents ici. Il va falloir, à un moment, quand même réagir à la présentation qui sera faite par nos interlocuteurs. On ne peut pas dire: Bon, ils ont parlé, mais ça ne sert à rien, et maintenant on va proposer nos questions indépendamment.

La Présidente (Mme Blackburn): M. le député de Verdun, loin de moi l'idée de penser que c'était exclusif et exhaustif, les sujets sur lesquels on voulait vous entendre. Alors, M. le président, je vous écoute.


Auditions


Université du Québec (UQ)

M. Lucier (Pierre): Merci, Mme la Présidente. Je vous présente d'abord les gens qui m'accompagnent, pour le bénéfice de la transcription des débats: à ma gauche, M. Michel Leclerc, qui est vice-président à l'administration; à ma droite, Mme Louise Milot, qui est vice-présidente à l'enseignement et à la recherche; et M. Michel Quimper, qui est secrétaire général de l'Université.

Mme la Présidente, je vous remercie, vous-même et vos collègues de la commission, de nous accueillir de nouveau pour cette rencontre annuelle de reddition de comptes que nous souhaitons, comme vous, être aussi une occasion d'échanges ouverts sur les questions qui nous intéressent de part et d'autre et, de toute façon, sur la situation et l'avenir de nos établissements. Je veux apprécier aussi l'intérêt marqué par le député Gautrin...

M. Gautrin: De Verdun.

M. Lucier (Pierre): De Verdun. C'est vrai. Je compte regrouper sous trois têtes de chapitre la trentaine de minutes de propos d'introduction que vous m'avez invité à présenter. Je commenterai d'abord brièvement le contenu du rapport remis en septembre 1997 sur les indicateurs prescrits par la loi 95 et qui constituent formellement le premier objet de cette rencontre. Dans un deuxième temps, je partagerai avec vous quelques réflexions sur la mission de l'Université du Québec et sur certaines caractéristiques de sa mise en oeuvre, et enfin, en troisième lieu, je vous parlerai de la situation financière de l'Université du Québec.

Notre rapport 1996-1997 comprend d'abord l'état des traitements préparé selon les règles convenues. Les chiffres sont là et je ne les commenterai pas, sinon pour souligner que l'Université du Québec est contrainte de pratiquer des échelles salariales qui, en particulier pour le personnel de direction, la situe sous les moyennes québécoises, et a fortiori sous les moyennes nord-américaines. Je ne le mentionnerais pas si cela n'avait aucun effet sur notre capacité de recrutement et de rétention, et si, à cet égard, nous n'étions pas directement dépendants des décisions gouvernementales.

Deuxième indicateur examiné: la durée des études et l'accès aux diplômes. Notre rapport fait état des données de l'accord de 1991 pour le baccalauréat et de celles de 1990 pour la maîtrise et le doctorat dans nos établissements à vocation générale. Du point de vue stratégique, c'est sûrement le tableau comparatif de la page 7, comme on a dû vous l'indiquer, qui est le plus significatif. Il indique que dans toutes les constituantes les taux d'accès aux diplômes se sont sensiblement améliorés au cours de la période considérée. Quant à la durée des études, les chiffres fournis, il faut le rappeler, incluent les étudiants à temps partiel dont le cheminement est nécessairement plus lent et dont nous comptons une proportion plus élevée que tout autre établissement universitaire du Québec.

L'utilisation de ce double indicateur appelle certains commentaires, particulièrement dans la perspective évoquée ici ou là où on voudrait éventuellement en faire un paramètre de financement. D'abord, il faut bien voir qu'une approche sélective du recrutement améliore automatiquement les taux de diplomation. C'est bien connu, les étudiants forts réussissent même avec des maîtres ordinaires. Il n'y a pas grand mérite pour un établissement donc à se vanter de ses succès. Même type de remarques concernant la durée des études. Les étudiants qui veulent ou peuvent étudier à temps complet et s'adonner à leurs études réussissent mieux et plus vite que ceux qui étirent leur cheminement. Yvon Deschamps ne dirait pas mieux.

La question est plutôt de savoir si nous voulons restreindre l'accès à l'université à certains profils de cheminement, qui suivent d'ailleurs d'assez près certains profils socioéconomiques. Voulons-nous, notamment en région, par exemple, inviter des candidats dûment diplômés d'un D.E.C. à aller ailleurs parce qu'ils n'auraient pas la note jugée préférable? Ce n'est pas pour rien que plusieurs projets américains d'évaluation institutionnelle s'intéressent de plus en plus à la plus-value institutionnelle, donc à ce qu'un établissement est capable de réussir avec les étudiants qu'il reçoit. À cet égard, je veux souligner que la dernière enquête de Maclean's, dont on connaît par ailleurs la préférence presque indécente pour un certain type de campus et de clientèles socioéconomiques, a tout de même dû classer nos constituantes en tête de liste quant au rapport établi entre la force à l'entrée et l'accès aux diplômes.

Le troisième indicateur, les mesures favorisant l'encadrement des étudiants. Il s'agit là d'un champ de pratique institutionnel, de pratique terrain, que chaque établissement de l'Université du Québec sera beaucoup plus en mesure de traiter avec vous. Notre rapport général, lui, mentionne les encadrements réseau de ces pratiques, qui ont consisté notamment en modifications récentes de nos règlements académiques généraux, précisant les devoirs et responsabilités de chacun en cette matière. Mais nous pourrons y revenir si vous le souhaitez.

J'insisterai davantage sur la quatrième des rubriques prescrites par la loi, les perspectives de développement, dont il y aurait beaucoup à dire et dont je ne retiendrai que quelques paramètres de base qui concernent l'ensemble du réseau de l'Université du Québec. Vous imaginez bien que des développements envisageables ne sont plus du type linéaire de ceux des années soixante et soixante-dix. Les développements actuels et prévisibles seront forcément plus sélectifs et davantage sous le signe de la synergie des ressources, du renforcement des masses critiques, de regroupement et du repositionnement stratégique, de l'allégement structurel, de l'accès à des revenus nouveaux.

Et des établissements vous parleront de leurs perspectives spécifiques. L'Université du Québec à Hull, par exemple, est dans une dynamique de croissance démographique et de québécisation de l'offre de services qui nécessite des réaménagements de sa capacité institutionnelle et de son patrimoine académique de base. L'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue doit aussi compléter et redessiner son patrimoine académique pour répondre plus adéquatement aux besoins. D'autres établissements ont des projets spécifiques ciblés pour répondre à des besoins en émergence. Je mentionnerai le génie électronique à l'UQAM, la formation des sages-femmes à Trois-Rivières, le génie des bioprocédés à l'École de technologie supérieure, la culture et les modes de vie à l'INRS-Culture et Société, de concert avec Trois-Rivières.

Je veux surtout, conformément à nos responsabilités d'ensemble et dans le prolongement d'une question que vous aviez soulevée l'année dernière ici même, vous dire quelques mots d'un certain nombre d'opérations réseau qui appartiennent, me semble-t-il, à ce nouveau type de développement. Je mentionnerai essentiellement les suivants: L'intégration de l'institut Armand-Frappier à l'Institut national de la recherche scientifique, incluant elle-même l'intégration de l'INRS-Santé aux opérations réalisées à Laval qui devrait très prochainement être juridiquement complétée par le transfert des actifs et l'émission des nouvelles lettres patentes de l'INRS.

La création de l'Institut des sciences de la mer, à Rimouski, qui est issue de l'intégration de l'INRS-Océanologie et du département d'océanographie de l'UQAR, et qui donnera lieu aussi sous peu à un transfert d'actifs. McGill et Laval, je le signale en passant, se joindront à l'Université du Québec à Rimouski pour offrir conjointement le programme de doctorat en océanographie.

La mise en route de l'École des technologies de l'information qui relie, comme vous le savez, l'ETS, l'INRS, la TELUQ et l'UQAM, et qui travaille à ses premières actions marquantes.

La consolidation du Centre multirégional de recherche en foresterie, qui a été relancé sous le leadership de l'Université du Québec à Chicoutimi et qui positionne plus stratégiquement l'Université du Québec dans ce secteur majeur.

Le repositionnement du groupe de recherche sur l'enseignement supérieur, qui est passé à l'UQAM et qui a été intégré au Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie, lequel est de plus en plus reconnu comme une équipe de première force en matière d'enseignement supérieur et de politique scientifique. Des rapprochements stratégiques se préparent aussi dans d'autres secteurs, notamment en sciences de la terre.

Notre volonté partagée de réseautage académique inspire plusieurs autres opérations en cours. Elle a donné lieu, notamment dans le vaste secteur de la formation des maîtres, à des rapprochements de programmes comprenant un nombre élevé de cours communs. Même type de rapprochements au cycle supérieur en développement régional, en environnement et en développement durable, et, dans les suites des travaux de la Commission des universités sur les programmes, en physique et en sciences religieuses et théologie. Des extensions et des collaborations nouvelles ont aussi été réalisées en psychologie, en communication, en génie informatique, en administration des affaires.

(9 h 50)

Six de nos établissements, sous le leadership de l'ENAP et de l'Université du Québec à Chicoutimi, ont réussi ensemble une percée significative en formation continue des personnels de direction des écoles du Québec et c'est d'un commun accord que tous les établissements ont mandaté un démarcheur réseau en formation continue pour prospecter des besoins nécessitant des opérations pluri-institutionnelles et des activités sur l'ensemble du territoire, comme cela va se concrétiser prochainement pour la formation du personnel policier.

Notre centre de services communs a aussi pris sa vitesse de croisière et son action s'est particulièrement fait sentir dans notre grand projet stratégique de réseau de télécommunications en ATM. Plusieurs constituantes ont opéré avec les collèges...

M. Gautrin: C'est quoi, ATM?

M. Lucier (Pierre): C'est l'abréviation de...

M. Leclerc (Michel): «Asynchronous Transmission Mode.»

M. Lucier (Pierre): C'est très bien.

M. Gautrin: Ça fait quoi dans la vie, ça?

M. Lucier (Pierre): Ça fait très rapide et très performant.

La Présidente (Mme Blackburn): Mais encore?

M. Leclerc (Michel): C'est une fibre optique qui transmet, en mode asynchrone, l'information voix-données à très haute vitesse.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien, merci.

M. Lucier (Pierre): Plusieurs constituantes ont opéré avec les collèges des rapprochements positifs qui vont du partage de services techniques, en Abitibi-Témiscamingue, à Chicoutimi, et du réseautage de salles vidéo interactives, comme à Rimouski, à des jonctions de programmes en continuité à l'UQAM, à l'UQTR, à Rimouski, Chicoutimi, Abitibi-Témiscamingue, et à des ententes portant sur la formation des personnels; par exemple à Chicoutimi.

Autre secteur majeur de développement stratégique: le télé-enseignement et la multimédiatisation. À la lumière du rapport récent d'un groupe de travail et des propositions de la Télé-université elle-même, l'Assemblée des gouverneurs s'apprête à arrêter ses orientations sur la façon de développer les activités de la TELUQ dans un contexte de partenariat avec nos autres établissements.

La Présidente (Mme Blackburn): M. le président, est-ce que vous auriez des copies de votre texte pour les membres de la commission?

M. Lucier (Pierre): Je...

La Présidente (Mme Blackburn): Vous souhaitez les déposer après? Non.

M. Lucier (Pierre): C'est-à-dire qu'il n'est pas montrable dans son état, mais il le sera dans les heures qui suivront.

La Présidente (Mme Blackburn): Très bien, nous vous écoutons.

M. Lucier (Pierre): Je me suis permis de méditer nuitamment aussi sur ces propos. Donc, la Télé-université conduit d'ailleurs actuellement avec détermination le plan de modernisation technologique pour lequel elle a reçu une aide particulière de la part du ministère. L'Assemblée des gouverneurs doit aussi convenir de certaines actions visant à favoriser l'intégration du multimédia dans les protocoles d'enseignement et de recherche; elle a d'ailleurs déjà approuvé l'utilisation, à cette fin, d'un volet important de notre Fonds de développement académique du réseau.

À cette liste qui n'est pas exhaustive il faudrait ajouter des mises en commun comme le développement et l'entretien de systèmes collectifs pour la gestion, la mise en place et l'exploitation d'un réseau numérique de télécommunications, la mise sur pied d'un service de vérification, une contribution déterminante au projet d'inforoute pour l'enseignement supérieur et la recherche sous l'égide du risque, le regroupement des universités et des cégeps du Québec, la réingénierie des services d'approvisionnement, des finances et de gestion des ressources humaines, et un appel de propositions en vue de doter le réseau de progiciels administratifs et financiers plus performants. Ces opérations s'inscrivent dans les perspectives d'un développement stratégique de nouvelle génération mieux adapté aux contraintes et aux opportunités des années que nous vivons. Vous comprendrez qu'elles occupent une bonne partie du temps et des énergies de ceux qui ont le mandat de promouvoir la réalité réseau de l'Université du Québec.

Ces données et les premiers commentaires qu'elles suggèrent me conduisent maintenant à partager avec vous quelques réflexions sur les traits particuliers de la mission qui est la nôtre comme université, née d'une décision unanime de l'Assemblée nationale et, par elle, d'une volonté collective de promotion et de développement. J'ai déjà eu l'occasion de développer ça ici, notre mission est d'abord et essentiellement celle de toute université: oeuvrer à la formation et à la qualification supérieure des personnes par la transmission, la création, la diffusion des connaissances et, par cette action même, servir la collectivité et contribuer au développement de notre société. Nous trouvons là ce qui inspire et justifie nos entreprises, et c'est fondamental.

Mais cette mission que nous partageons avec tous les autres établissements, l'État et la collectivité nous ont demandés de la placer très explicitement à l'enseigne de la démocratisation et de l'accessibilité, de l'occupation du territoire, du développement des communautés et des régions, de la réponse aux besoins socioéconomiques du Québec, de l'exploration de ses nouvelles frontières culturelles et scientifiques. L'Université du Québec fait partie des grands instruments que s'est donné le Québec pour assurer son développement, son accès et son maintien dans la modernité, et c'est ce que nous rappellent constamment les populations de partout au Québec.

La mise en oeuvre de notre mission dans un tel ensemble de figures imposées entraîne des conséquences bien concrètes qui ne sont pas toujours spontanément présentes à l'esprit de tous les observateurs. Se rend-on bien compte, par exemple, des effets qui en découlent sur le profil socioéconomique de larges couches de notre clientèle? Oui, la création de l'Université du Québec a permis de faire accéder aux études universitaires des populations qui en étaient jusque là exclues, faute de moyens ou d'accès aux services, mais oui aussi, elle a fait qu'une proportion importante de notre effectif étudiant provient de milieux économiques modestes, est plus dépendante que d'autres du régime des prêts et bourses et est dès lors plus sensible que d'autres au coût lié aux études.

Le profil socioéconomique allant généralement de pair avec le caractère plus ou moins ancré des traditions familiales et sociales de fréquentation universitaire et de participation culturelle, cette fragilité économique se double souvent d'une fragilité culturelle que nous sommes heureux d'aider à vaincre mais qui ne compte pas pour peu dans nos tâches quotidiennes d'accueil et d'encadrement. Ce trait de nos clientèles étudiantes est à mettre en relation avec notre responsabilité géographique d'accueil.

Notre implantation territoriale comporte aussi d'autres obligations et d'autres contraintes dont on ne parle pas assez et s'accompagne – fort important – de tout un train de conséquences concrètes. Il y a d'abord cette obligation de se rapprocher des populations et de tenir compte des cultures sous-régionales. C'est ainsi que nos constituantes en région ont toutes créé des centres d'enseignement et des antennes pour répondre, plus près d'elles, aux besoins des populations locales et autochtones. La plus petite de nos constituantes, l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, est aussi celle qui, à l'instigation des autorités politiques elles-mêmes, a à gérer un campus à Val-d'Or en plus des centres qu'elle entretient sur son territoire.

Liée à une évolution démographique vacillante dans plusieurs cas, cette expansion géographique exige aussi qu'on accepte des groupes-cours de taille réduite. Ce n'est pas dans des établissements de taille petite ou modeste qu'on peut beaucoup jouer sur le nombre moyen d'étudiants dans chaque cours. Et on ne peut pas davantage ne pas y offrir des services de base qui, dans des grands établissements, atteignent des niveaux où se font sentir des économies d'échelle. Il en résulte donc que dans certains établissements, spécialement dans certains secteurs, les coûts unitaires ne peuvent pas ne pas être comparativement plus élevés, même si ce n'est pas le cas pour l'ensemble de notre réseau.

Mme la Présidente, je n'évoque pas ces traits concrets de notre mission pour les déplorer, nous sommes fiers de cette mission qui a été confiée à l'Université du Québec et nous trouvons dans sa mise en oeuvre, je dois vous le dire, des éléments de motivation et de satisfaction qui nous donnent coeur au ventre et joie au travail. Et nous sentons quotidiennement, partout sur le territoire, l'attachement et l'appui du Québec profond. Nous sommes là pour les gens et les gens le perçoivent bien, qui nous redisent avec insistance leurs besoins et leurs attentes. Mais la mise en oeuvre de notre mission doit se réaliser avec des héritages de politiques institutionnelles et gouvernementales que nous avons le devoir d'expliciter et de partager avec vous, car elle nous place actuellement à une croisée des chemins qui est en même temps une heure de vérité. Je veux parler de la fragilité relative de l'Université du Québec héritée de ses modes d'implantation et de développement.

L'Université du Québec, comme université, a été créée et développée dans une certaine hâte et pas toujours sans expédients. Sans doute aussi dans la joie et l'exaltation qui entourent l'arrivée d'enfants voulus et désirés, en tout cas par ceux qui ont voulu sa naissance et non, tant s'en faut, par tout le monde. On s'est donc souvent lancés avec les moyens du bord, conscients des risques qu'il y a à grandir à des rythmes aussi rapides et à vouloir construire aussi rapidement des traditions scientifiques et pédagogiques.

Ainsi, c'est une université qui est née locataire et qui n'a pas d'ailleurs tout à fait fini son accès à la première propriété. C'est une université qui n'a pas davantage fini de bâtir tout son corps professoral. Des chargés de cours ont été de grands agents de notre développement et ils continuent d'assumer une part très élevée de nos activités, mais ce serait être injustes même envers eux que de ne pas reconnaître que nous en avons vraiment beaucoup. On doit répéter que, seulement pour pratiquer des ratios québécois, il manque à l'Université du Québec, toutes catégories confondues, plusieurs centaines d'employés. Sait-on un peu ce que cela signifie, par exemple, pour notre capacité d'offrir des services comparables et pour notre aptitude à compétitionner honorablement dans les grands organismes subventionnaires de la recherche? La fragilité institutionnelle de l'Université du Québec se situe ainsi d'abord sur le plan des ressources humaines.

(10 heures)

Cette fragilité se traduit aussi directement dans certains traits de l'organisation pédagogique elle-même. Ainsi, par exemple, avec des nombres élevés d'étudiants à temps partiel et de chargés de cours – 50 % de nos cours sont dispensés par des chargés de cours – pensez-vous qu'on peut raisonnablement distribuer des heures de cours tout au long de la semaine comme lorsqu'on sait qu'étudiants et professeurs sont, en principe, disponibles à tout moment de la semaine? A-t-on pensé aussi aux difficultés concrètes d'organiser les rencontres d'encadrement? Nous assumons ces contraintes et, ma foi, nos résultats sont généralement au rendez-vous. Mais il est important que vous soyez pleinement conscients de cela.

Il faut que vous sachiez aussi que cette fragilité institutionnelle a des composantes financières tout à fait déterminantes. Certains établissements de l'Université du Québec sont nés avec des moyens que l'on savait insuffisants et risqués. Je puis même en témoigner personnellement. La plupart se sont développés rapidement, à coûts sous-estimés, et dans le cadre d'une formule de financement historique qui a traité le développement même initial à l'aune du coût marginal de clientèles dites additionnelles. L'Université du Québec a donc ainsi très tôt pratiqué des coûts moyens dangereusement bas qui ont ensuite servi de barème à son financement. Et ce qui était pour elle des implantations initiales a été traité comme un développement à la marge. Elle est ainsi depuis longtemps désavantagée d'avoir pour ainsi dire allongé la soupe dans les années soixante-dix.

Ces faits méritent d'être bien saisis, car ils sont au coeur de la problématique actuelle de la plupart des établissements de l'Université du Québec, y compris dans la métropole. Ils expliquent que la base historique de nos établissements soit plus mince que celle des maisons établies depuis longtemps et que nous soyons dès lors en déficit structurel de ressources humaines, notamment de professeurs de carrière. Dans certains sports, on appelle cela des «handicaps au départ». Et je ne parle pas de la capacité d'avoir accès à des fonds de dotation, qui va généralement de pair, évidemment, avec l'âge de l'implantation. Quant à la croissance de l'effectif après la détermination des bases historiques du début des années soixante-dix, alors que l'Université du Québec était en plein développement, elle a été financée à un taux marginal qui est allé en décroissant pour atteindre environ 56 % actuellement. Pourtant, on sait bien que, même à 100 %, le financement des clientèles additionnelles ne couvre pas tous les coûts et ne convient pas à un établissement qui est à prendre sa vitesse de croisière.

Le ministère a reconnu que, dans certains cas de développement nouveau, par exemple en chiropraxie, il fallait au moins financer les clientèles additionnelles à 100 %; dans le cas de l'École de technologie supérieure aussi, parce qu'une école qui double et triple sa clientèle de base n'évolue pas à la marge. Il faudra à tout le moins faire de même en Outaouais où la démographie et la nécessité de former les Québécois au Québec obligent l'Université du Québec à Hull à accroître rapidement sa capacité institutionnelle. De manière générale, c'est une correction des bases historiques dont ont besoin les établissements de l'Université du Québec. Je crois pouvoir dire que le ministère est parfaitement conscient de ces réalités, même si la rectitude politique et le contexte budgétaire actuel ne l'incitent guère à s'engager dans ce genre d'opération. Mais, au bout du compte, Mme la Présidente, et au-delà de tous les discours, il suffit de circuler dans le système québécois pour percevoir, à l'oeil nu et presque physiquement, les fragilités institutionnelles relatives qu'il est de mon devoir de vous rappeler ici.

Cette histoire institutionnelle du développement de l'Université du Québec, on en retrouve même aussi les traces dans l'éventail des programmes offerts, dans les vides qu'on y observe aussi bien que dans un déploiement aujourd'hui souvent perçu négativement. La stratégie de la complémentarité, par exemple. L'Université du Québec lui doit d'avoir occupé des secteurs disciplinaires en émergence, mais elle lui doit aussi d'avoir contribué à accroître le nombre de programmes différents et donc à accroître les difficultés de collaboration et de reconnaissance réciproques. Même au sein de l'Université du Québec où les programmes sont de juridiction réseau, on s'est ainsi senti obligé de diversifier les programmes pour ne pas faire comme le voisin. Le nombre de programmes différents à l'échelle du système n'est pas étranger non plus à cette approche. Dans le cas de l'Université du Québec, il en est résulté aussi des limitations qui ne s'imposaient pas toutes et aussi clairement que dans le secteur de la médecine, par exemple. En génie notamment, c'est fort judicieusement que le gouvernement est passé outre aux réticences malthusiennes dominantes, et le développement normal n'y est pas encore complété. En Outaouais, cas d'espèce qui donne tout de même à réfléchir, c'est même par rapport aux établissements ontariens qu'on a longtemps pensé la complémentarité. Et je ne ferai que mentionner le fait que les universités plus anciennes ont, pour les programmes qu'elles veulent créer, un coffre à outils qui permet de nombreuses combinaisons et d'ingénieux bricolages, alors que nos nouveaux programmes sont passés à la loupe un à un.

Vous comprendrez dès lors la vigilance et la prudence qu'exigent de nous les travaux de la Commission des universités sur les programmes. Précisément née dans la perspective de faire ailleurs ce qui se faisait à Montréal et à Québec, et poussée par ailleurs à faire différent, plus thématique que disciplinaire par exemple, l'Université du Québec doit maintenant protéger ses acquis à la fois contre le retour en force des pouvoirs disciplinaires, toujours tentés de déclasser la nouveauté thématique, et contre les discours qui jugent pervers tous les dédoublements. La Commission des universités sur les programmes n'est pas elle-même tombée dans ces travers, mais il se pourrait qu'à l'extérieur certains nourrissent des attentes qui iraient finalement à l'encontre du projet même de l'Université du Québec. Vous aurez compris que nous veillons farouchement au grain, y compris sur certaines affirmations ambiguës du document de consultation en vue d'une politique des universités qui annoncent sans sourciller qu'aucun nouveau programme ne devra doubler les programmes existants. Belle perspective pour ceux qui sont en dehors de la capitale et de la métropole, où l'on offre déjà pratiquement tout!

Chacune des thématiques esquissées ici nécessiterait une analyse et une discussion approfondies. Mon but n'est pas de les couvrir toutes, mais seulement d'en évoquer suffisamment pour brosser le contexte de réalisation de notre mission propre. Leur évocation campe à tout le moins le décor pour ce qui me reste à vous dire et qui concerne la situation financière de l'Université du Québec.

Disons-le sans langue de bois, les ponctions budgétaires actuellement exercées sur les ressources allouées aux universités sont proprement excessives et dangereuses: des compressions de l'ordre de 30 % en cinq ans, accompagnées du gel des droits de scolarité, constituent une médecine qui parle d'elle-même. Toutes les universités québécoises sont à cet égard dans une situation de très grande difficulté. Pour sa part, et parce qu'elle a continué d'accueillir des étudiants alors que les effectifs diminuaient ailleurs, l'Université du Québec a même vu ses subventions per capita diminuer de 28 % en 10 ans, donc beaucoup plus que dans les autres universités où c'est à 20,8 %.

Les autres universités vous diront elles-mêmes ce qu'il en est de leur situation. Mon devoir à moi est de vous dire que, pour l'Université du Québec et compte tenu de ce que je viens de vous exposer, la situation confine tout simplement à l'impossible.

Selon les données prévisibles, l'année 1998-1999 se terminera pour nous avec un déficit d'opération d'environ 18 000 000 $, une hausse de 11 000 000 $ par rapport à l'année 1997-1998. S'y ajoutent des dépenses exceptionnelles de 34 000 000 $ au solde du fonds destinées à couvrir les coûts des programmes de départs assistés. Incidemment, à propos de ces programmes, on ne sait peut-être pas assez que les universités sont le seul réseau des secteurs de l'éducation et de la santé pour lequel le gouvernement n'a pas assumé le financement à long terme de ces programmes pourtant directement inspirés et induits des politiques gouvernementales. Nous entamons d'ailleurs des discussions avec le ministère à ce sujet.

Mme la Présidente, le recours au déficit n'est pas dans la culture de l'Université du Québec. Il ne fait pas partie de nos stratégies institutionnelles. Mais, en cela aussi, l'Université du Québec se découvre maintenant comparativement désavantagée. Pendant que d'autres universités recouraient quasi systématiquement au déficit et profitaient donc de ces ressources supplémentaires disponibles pour financer des développements qui les positionnent aujourd'hui de manière plus intéressante, l'Université du Québec s'étranglait littéralement. Les conseils d'administration des établissements et l'Assemblée des gouverneurs sont maintenant contraints d'approuver des déficits, placés dans la situation de devoir gérer ce qui devient de plus en plus une véritable quadrature du cercle. C'est que le respect des obligations institutionnelles et la mise en oeuvre de notre mission sont devenus inconciliables avec les revenus disponibles et avec les dépenses liées.

Aucun établissement du réseau, vous le verrez, n'a pourtant baissé les bras. Des coupes, des rationalisations, des réingénieries ont été et seront réalisées. Nos personnels eux-mêmes ont consenti temporairement à des réductions salariales individuelles variant de 2,5 % à 5 %, tout en acceptant des alourdissements de tâches. Les responsables du régime de retraite de l'Université du Québec nous accordent un congé de cotisations. Mais tout cela ne suffit pas. Nous ne voyons tout de même pas comment pouvoir aller davantage en deçà des planchers d'emploi convenus, comment accroître encore notre proportion de chargés de cours ou comment augmenter significativement le nombre d'étudiants par cours? Tant les responsables de l'administration et des ressources humaines que ceux de l'enseignement et de la recherche s'emploient bien à identifier d'autres moyens d'accroître les revenus, de diminuer les dépenses et de réduire les coûts de dispensation des programmes. Mais, en toute hypothèse, je peux vous le dire, le compte ne pourra pas y être.

(10 h 10)

Mes collègues de l'Assemblée des gouverneurs m'ont explicitement demandé, Mme la Présidente, de vous saisir de cette situation. Tout comme moi, ils sont très inquiets de l'évolution financière de l'Université du Québec: le déficit récurrent prévisible deviendra vite proprement invivable et ingérable. Et, nous le disons sans hésitation, cet enlisement n'a rien à voir avec la compétence ou le courage des gestionnaires auxquels le gouvernement a accordé sa confiance. Cet enlisement exigera plusieurs années de redressement, qui compromettent déjà la capacité concurrentielle de l'Université, ainsi que nous l'éprouvons durement en matière d'embauche et de rétention. Ce qui est dès lors en cause, c'est le développement normal d'une grande institution née de la volonté sociale et politique du Québec moderne. C'est ce que vous diront aussi mes collègues chefs d'établissement au cours de leur comparution devant vous.

Nous apprécions à leur juste valeur les interventions financières ponctuelles qu'à quelques reprises la ministre et le ministère ont faites en faveur de l'Université du Québec. Nous leur en sommes même très reconnaissants. J'estime, avec mes collègues, que des redressements plus structurants s'imposent maintenant avec urgence. C'est pour nous un devoir de conscience de vous le dire, de vous dire que ça ne va pas du tout et qu'elle est bien commencée, la dégradation du grand service public d'éducation qui avait mis le Québec sur la voie de la modernité; la dégradation, c'est-à-dire la détérioration et l'affaiblissement graduels de notre capacité de fonctionner correctement et de réussir. La pratique des standards continentaux et internationaux est bel et bien déjà affectée. C'est tout notre système d'innovation technologique qui donne ainsi des signes de fléchissement. Ceux qui, comme moi et d'autres, fréquentent les indicateurs de système ont des raisons de s'inquiéter de l'évolution des choses. Tous les ingrédients sont même réunis pour des déceptions amères et à très court terme.

Nous avons été aux premières lignes du combat du Québec pour obtenir que les fonds fédéraux destinés au Programme de bourses du millénaire puissent être plutôt dirigés vers le financement de l'enseignement supérieur, y compris vers le système québécois de prêts et bourses. Nous avons aussi été pleinement solidaires de l'action de l'Assemblée nationale en cette matière. Mais le programme a tout de même été créé et, même si un arrangement est encore possible et souhaitable entre la Fondation et le gouvernement du Québec, la rentrée de septembre se déroule sans qu'aucun redressement budgétaire n'ait été opéré. Au contraire, de nouvelles coupes se sont abattues sur nos établissements et compromettent chaque jour davantage leur capacité de réaliser ce qu'on attend d'eux.

Mme la Présidente, il faut immédiatement stopper ce mouvement de dégradation et il faut réinvestir dans les universités et dans l'ensemble du système d'éducation, non pas pour financer des actions ciblées et spectaculaires aptes à satisfaire les goûts de visibilité ou les préférences de tel ou tel bienfaiteur, mais tout simplement redonner aux établissements les ressources qu'ils n'ont même plus pour leurs actions quotidiennes les plus élémentaires. Plus globalement, il faut refaire de l'éducation une priorité nationale. C'est urgent. Et, dans le cas de l'Université du Québec, c'est même une question de viabilité. Je vous remercie de votre attention.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. le président. Vous tracez un portrait, d'une part, extrêmement dynamique et qui démontre la capacité de l'Université du Québec, de ses dirigeants et de ses personnels à s'ouvrir de façon novatrice, originale, je dirais presque unique sur le savoir et les besoins du futur. Vous parlez également de programmes donnés en complémentarité entre différentes institutions, d'arrimage avec l'enseignement collégial. Autant de questions qui nous interpellent également tant il est vrai, nous disait quelqu'un de votre réseau hier, qu'il faut éviter de demander à nos étudiants de refaire des cours qu'ils ont déjà faits, la vie est trop courte.

Alors, vous parlez également de la fragilité du réseau de l'UQ, des modes de financement, ce qu'on appelait le financement sur la base historique qui a historiquement défavorisé l'Université du Québec. J'ai déjà eu l'occasion, à d'autres moments, avec vous, d'échanger sur ces questions. Les Universités du Québec en région – en région, je parle toujours en région de façon particulière, l'UQAM ayant un traitement différent – sont effectivement plus fragiles.

La politique de déficit – j'avais eu l'occasion d'avoir un long échange avec un prédécesseur de l'actuelle ministre de l'Éducation – avait défavorisé à l'époque, aussi, les universités n'ayant pas de déficit. Le ministère avait contribué à éponger le déficit des grandes universités, les Universités du Québec, ayant peu ou pas de déficit, avaient été laissées pour compte. Il y a effectivement une histoire dans le développement du réseau de l'UQ qui n'a pas toujours favorisé l'UQ, et je pense que c'est connu.

J'aimerais peut-être amorcer l'échange avec vous sur toute la question relative à la révision des programmes, le comité de la CREPUQ chargé de revoir les programmes. Nous les avons rencontrés hier et on retrouve dans leurs recommandations faites aux universités un certain nombre de suggestions, de propositions particulièrement reliées à l'harmonisation, à l'encadrement des étudiants, au resserrement dans les pratiques pédagogiques. Également, on recommande une meilleure harmonisation entre les universités, la possibilité pour les élèves de changer d'université en voyant leurs acquis être reconnus, et la même chose avec le réseau de l'enseignement collégial. On aura l'occasion de l'aborder plus spécifiquement, évidemment, avec les constituantes qui, elles, sont au premier titre interpellées lorsqu'on parle de ces questions. Mais j'aimerais quand même vous entendre, vous, sur cette question de la reconnaissance des acquis de formation ou des crédits, particulièrement pour les diplômés de l'enseignement professionnel, les D.E.C. professionnels, qui s'inscrivent dans les universités.

M. Lucier, vous êtes quelqu'un qui a parmi la plus longue ancienneté, je dirais, entre nous en tout cas, dans le réseau des universités. Vous êtes quelqu'un qu'on a vu associé dans les universités comme professeur, au ministère de l'Éducation comme sous-ministre et, actuellement, comme président. Vous connaissez l'histoire de l'éducation au Québec. Vous avez plaidé très éloquemment toute la question du sous-financement par rapport au développement des universités en émergence. Mais vous savez également que, quand on a créé le réseau de l'enseignement collégial, il y a une année du bac qui a été transférée au collège, au cégep, et ç'a n'a été reconnu que partiellement dans les universités, pour des raisons de protectionnisme, pour protéger les emplois, à ce que je sais. Mais, de façon générale, le bac, pas tous mais la bonne partie des bacs – je pense en génie, entre autres – ont gardé, ont toujours une durée de quatre ans. Ça fait 30 ans. Il y en a même qui ont augmenté depuis. Alors que certains diplômés de niveau collégial – un D.E.C. professionnel, je dis toujours – sont plus reconnus s'ils s'inscrivent dans une université d'une province voisine qu'ils le sont dans nos universités. C'est moins le cas à l'Université du Québec; des Universités du Québec, on a un rapport là-dessus. J'aimerais que vous me parliez des efforts qui ont été tentés pour éviter à nos étudiants des coûts additionnels de formation, parce que la durée des études est plus longue s'ils n'ont pas de reconnaissance des acquis, mais également des coûts additionnels pour la société.

M. Lucier (Pierre): Oui. Il y a plusieurs facettes à votre question qui sont passionnantes, plus les unes que les autres. On pourrait peut-être commencer par la question des diplômés du D.E.C. technique. Je pense qu'il faut dire au départ que le D.E.C. technique avait été conçu et implanté dans la perspective d'un accès direct au marché du travail; donc, il n'était pas pensé dans la perspective d'une continuité, en tout cas, formelle avec des études subséquentes. Je pense que c'est important de le dire. C'est pour ça qu'il est plus long, d'ailleurs, parce qu'il devait déboucher sur l'exercice d'une technique. Je pense que, ça, fondamentalement, ça n'a pas changé, et ça serait, au fond, probablement tout confondre que de penser que c'est comme du pas universitaire.

(10 h 20)

Mais, cela étant dit, on a observé une demande croissante pour des continuums de formation, qu'il y ait des capacités de passer d'un niveau à l'autre dans un même secteur autant que possible et en ayant pleine reconnaissance de ce qui est fait. Le cas, je dirais, le plus typique – et peut-être parce qu'il est atypique, justement, au départ – c'est celui de l'École de technologie supérieure qui a été conçue dès l'origine justement pour accueillir des diplômés du D.E.C. technique et les conduire, dans un premier temps, à un type de génie, disons, de plancher qui a fini par devoir se ranger aux normes générales. Mais voici donc un cas très, très clair de jonction, je dirais, structurellement pleinement réussie parce que c'est ça qui était voulu.

Ce qu'on observe actuellement, c'est que cette tendance-là s'étend à d'autres secteurs. Les deux plus marquants, je crois que c'est du côté des sciences administratives jointes aux techniques administratives, et le cas de génie aussi. Bon. En techniques administratives, nous ne sommes pas les seuls à reconnaître de plus en plus, presque en bloc finalement, une partie notable de la formation du D.E.C. technique, en techniques administratives, dans des programmes de sciences d'administration.

Le cas du génie est un peu plus récent et ça ne se fait pas sans tiraillement, comme vous le savez, parce que l'Ordre des ingénieurs veille au grain et ne voit pas toujours d'un bon oeil qu'il y ait diminution de ce qui est fait à l'université, mais on observe actuellement une jonction qui est en train d'évoluer. Nous sommes, nous, je dirais, structurellement et par intérêt au coeur de ces évolutions-là. Nous comptons bien continuer à y oeuvrer. Nous avons un certain nombre de cas même de jonction interinstitutionnelle dont on pourrait vous parler, notamment en sciences d'administration et en génie.

De manière plus générale du côté des programmes préuniversitaires, je pense qu'on peut dire qu'il y a eu des travaux considérables au cours des dernières années qui ont joint collèges et universités en consortium pour la refonte, pour la mise à jour des programmes préuniversitaires du collégial. Mais je vous dirai que le seul fait que nos baccalauréats dans l'ensemble de ces disciplines finalement soient de trois ans montre bien qu'il y a eu une jonction qui s'est opérée. Je ne vous dis pas qu'on est au bout du compte et que tout est beau, beau, beau, qu'il n'y a aucune répétition – c'est d'ailleurs le cas entre les années du secondaire aussi, ce sont des choses qui arrivent – mais, de manière générale, je vous dirai qu'il y a une préoccupation de base là-dessus. Je ne pense pas qu'on soit au bout du compte. Je ne pense pas. En tout cas, pour ce qui nous concerne, je peux vous dire que nous ne faisons pas que suivre cela, nous sommes au coeur de toutes ces opérations-là. Je pense qu'il y a une évolution qui est importante de ce côté-là.

La Présidente (Mme Blackburn): Une reconnaissance plus complète, si je puis utiliser le terme, des acquis de formation de niveau collégial dans les D.E.C. professionnels en génie, en particulier le génie mécanique, informatique, est-ce que ça ne viendrait pas combler ce que j'appelle la pénurie d'inscriptions dans les universités dans ces secteurs d'activité en particulier? On dit qu'en génie on ne forme pas suffisamment de diplômés. On dit également que ceux qui ont fait leur D.E.C. professionnel sont généralement plus performants à l'université et ont une persévérance accrue. Est-ce que c'est vrai? Est-ce qu'il n'y a pas là une voie de solution à un problème qu'on éprouve quant au nombre de diplômés en génie?

M. Lucier (Pierre): Écoutez, vous savez qu'on atteint au-delà de 20 % maintenant de diplômés du D.E.C. technique qui continuent à l'université, ce n'est pas rien.

La Présidente (Mme Blackburn): C'est beaucoup.

M. Lucier (Pierre): Par rapport aux idées initiales, c'est quand même assez exceptionnel. Est-ce que des meilleurs continuums permettraient d'accroître, disons, les clientèles dans ces secteurs-là? C'est possible. Puis, si c'est bien fait, c'est possible. Vous faites peut-être allusion à l'émission du Point d'avant-hier où peut-être, enfin, bien, parce qu'on traitait de ça et on en traitait correctement, me semble-t-il... Parce que, s'il y a moins de monde dans ces secteurs-là qu'on ne le souhaiterait, c'est fondamentalement parce que les étudiants n'y vont pas ou, quand ils y vont, ils trouvent ça difficile ou... pour toutes sortes d'autres raisons, les taux d'abandon sont assez importants. Ça nous pose toutes sortes de questions, y compris sur nos pédagogies, hein. Ça, je ne veux pas... Mais fondamentalement, ce n'est pas parce qu'on ne veut pas en former, c'est fondamentalement parce que des étudiants n'y viennent pas et, dans certains secteurs, c'est parce qu'on n'a pas la capacité d'en former plus non plus. Je vais vous donner tout simplement l'exemple, en tout cas, de l'École de technologie supérieure, je pense qu'ils vont vous dire qu'ils pourraient en former plus s'ils avaient plus de capacité d'en former. Et d'autres départements de génie pourraient aussi dire cela dans certains cas. Alors, c'est une combinaison, disons... Il n'y a pas de volonté malthusienne de diminuer le nombre d'étudiants dans ces secteurs-là, au contraire.

La Présidente (Mme Blackburn): Par rapport aux continuums de formation, est-ce qu'il y a une résistance dans les départements chez les professeurs, par exemple? Parce que reconnaître des acquis de formation, c'est diminuer la durée de la formation au niveau universitaire, donc moins de temps d'enseignement. Est-ce que ça peut...

M. Lucier (Pierre): Je ne dis pas que c'est absent, mais je ne pense pas que ce soit l'idée dominante.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien.

M. Lucier (Pierre): Il y a aussi la composante des ordres professionnels qui est majeure dans cette histoire-là. Vous savez que les gestes qui ont été posés par certaines de nos universités et d'autres universités, en génie, n'ont pas été bien reçus du tout à l'Ordre des ingénieurs, et je ne pense pas que les discussions soient même terminées.

La Présidente (Mme Blackburn): Est-ce que vous pourriez nous dire un peu – parce que c'est un peu sibyllin, votre remarque là-dessus, et ça nous laisse un peu sur notre appétit – de quoi il s'agissait?

M. Lucier (Pierre): Bien, elle est assez explicite. Si, par exemple, pour donner l'accréditation, pour reconnaître un programme de génie, vous avez dans vos spécifications tant de crédits de ci, tant de ci, tant de ci et tant de ça, et si vous en allouez en reconnaissance pour ce qui s'est fait avant, quelqu'un pourrait remettre en question l'accréditation. Je ne vous dis pas qu'on est allé jusque-là, mais ça fait partie du débat. Donc, il y a beaucoup d'intervenants dans ces secteurs professionnels, il faut le savoir. Et la dynamique des ordres professionnels n'est pas une petite composante de tous ces débats-là. On l'aurait dans d'autres secteurs aussi. On ne parlera pas des sciences comptables ou d'autres choses. Nous ne sommes pas les seuls à bord dans ces questions-là.

La Présidente (Mme Blackburn): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je poursuis sur votre intervention, Mme la Présidente, après, je reviendrai sur les questions de financement qui me semblent importantes. Il y a deux éléments sur les articulations entre les collèges et les universités du réseau. C'est que certaines de vos composantes sont beaucoup plus libérales, entre guillemets, quant à la reconnaissance des acquis au collégial que d'autres composantes de l'Université du Québec. J'ai ici les éléments. L'Université du Québec à Rimouski, par exemple, a fait un effort important pour reconnaître, dans ses programmes de formation, des équivalences de formation pour les gens qui ont un D.E.C. professionnel et qui vont étudier à l'UQAR. Ce n'est pas le cas pour les autres composantes. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu, de la part, disons, de l'Université du Québec prise dans son ensemble, de voir à uniformiser ces processus de reconnaissance et d'articulation de la formation collégiale.

M. Lucier (Pierre): Je vous dirai que nos efforts actuellement en ces matières sont moins du côté de l'uniformisation que de la contribution à créer un mouvement d'ouverture à cet égard-là. Vous citez l'UQAR, mais on pourrait en citer plusieurs autres, je pense bien.

M. Gautrin: Mais ils n'ont pas atteint le même niveau de reconnaissance.

M. Lucier (Pierre): Ça dépend des secteurs.

M. Gautrin: Absolument. Bien sûr, ça dépend des secteurs.

M. Lucier (Pierre): Ça dépend des secteurs. Écoutez, en génie, par exemple, on pourrait parler de Chicoutimi, on pourrait parler de Trois-Rivières.

M. Gautrin: Non, non, bien sûr, mais, moi, je vois le nombre de secteurs par rapport à d'autres. L'expérience intéressante, aussi, poursuivie par deux de vos composantes, l'Université du Québec à Montréal, dans son bac intégré, entre les D.E.C., du cégep du Vieux-Montréal, en celui qui est articulé, soit celui de Histoire et Sociétés, et l'expérience du D.E.C. intégré, dans la région de l'Abitibi, entre le D.E.C. en sciences humaines et sociales et le programme de... je pense que c'est le Bac en service social ou le bac en quelque chose comme ça. Ça, c'est des expériences intéressantes. Est-ce qu'elles vont se poursuivre? Est-ce que c'est vous qui les avez initiées, au niveau central?

M. Lucier (Pierre): Nous appuyons cela. Nous prêchons cela, si je peux dire.

M. Gautrin: Elles sont quand même relativement marginales, hein.

M. Lucier (Pierre): Ah non! Ah non! elles ne sont pas marginales. C'est parce que ça, c'est des exemples que vous connaissez, mais...

M. Gautrin: Bien, justement, s'il y en a d'autres, j'aimerais les connaître.

M. Lucier (Pierre): Ha, ha, ha! C'est un mouvement, actuellement. Je pense qu'on peut dire ça. Il y a plusieurs modèles. Vous faites allusion, par exemple, au modèle interinstitutionnel.

M. Gautrin: Comme l'exprimait le rapport du CLES aussi à cet effet-là.

M. Lucier (Pierre): Alors, c'est sûr qu'il y a des grandeurs et des misères là-dedans, évidemment, parce que c'est interinstitutionnel. Je pense bien que tout le monde cherche progressivement quelque chose de plus systémique, disons, comme jonction. Mais, si on fait l'addition de tous les cas dans chacune des composantes et ailleurs qu'à l'Université du Québec, on a une liste impressionnante actuellement, et le Comité de liaison de l'enseignement supérieur est en train de faire justement cet inventaire-là et découvre, avec un certain étonnement, le nombre de ces opérations.

(10 h 30)

M. Gautrin: Mme la Présidente, peut-être... M. le président de l'Université du Québec, et Mme la Présidente de la commission, je comprends que peut-être mon information est partielle, je présente ces deux exemples-là. Si vous aviez un état des articulations entre le collégial et les programmes, qui compléterait évidemment l'information que j'ai, moi, je serais heureux qu'il soit déposé à la commission éventuellement. Vous pourriez nous le transmettre?

M. Lucier (Pierre): Ça nous fera plaisir de le faire. Et puis je pourrais vous citer aussi le rapport du Comité de liaison de l'enseignement supérieur, le CLES.

M. Gautrin: Ça, je l'ai eu, celui-là.

M. Lucier (Pierre): Vous l'avez vu, celui-là?

M. Gautrin: Le rapport du CLES, je l'ai eu. Bien, moi, je veux revenir maintenant sur la question qui est problématique, entre nous, qui était la question de votre financement. La dernière fois qu'on s'est rencontrés, vous aviez un déficit de 15 000 000 $, à peu près, vous anticipez maintenant un déficit de 17 000 000 $, ce qui fait que – ça, c'est pour l'ensemble du réseau, bien sûr – vous avez une dette accumulée de combien, à peu près? Parce que vous avez eu une période de surplus, avant, en termes de dette accumulée.

M. Lucier (Pierre): Au moment où on se parle... Je vais demander à M. Leclerc...

M. Gautrin: Non, non, mais c'est tout simplement...

M. Leclerc (Michel): Mme la Présidente, quand vous dites 15 000 000 $, c'est parce que ça totalise... C'était au solde du fonds, c'était le dernier chiffre de l'année dernière. Ça totalisait le déficit récurrent, mais aussi les postes exceptionnels comme le paiement des allocations de départ. Mais, en termes de récurrence, on était plutôt à 1 000 000 $. Nous avons terminé la dernière année avec un déficit récurrent de 7 000 000 $ et nous prévoyons – ce que le président vous disait dans sa présentation – terminer l'année qui vient avec un minimum de 18 000 000 $, et nous avons également un 34 000 000 $ que nous traînons pour les allocations de départ, ce qui fait qu'au solde du fonds, toutes catégories confondues, c'est de 67 000 000 $ dont on parle.

M. Gautrin: La dette accumulée du réseau est de 67 000 000 $.

M. Leclerc (Michel): Sera de 67 000 000 $ au 31 mai 1999, toutes choses étant égales, par ailleurs, si on n'a pas de surprises.

M. Lucier (Pierre): Si vous me permettez, Mme la Présidente, directement là-dessus, ce qui nous inquiète, nous, encore plus, c'est le fait que s'installe sans qu'on puisse le gruger ou le maîtriser un déficit structurel qui, lui, sera géométrique. C'est ça qui est...

M. Gautrin: J'ai compris dans votre présentation que c'était cela. Bien sûr, on va regarder institution par institution, parce qu'on va avoir la chance de rencontrer chacune des institutions, mais c'est quand même intéressant de voir les chiffres globaux. Je comprends, de votre intervention, M. le président, que vous n'avez pas de moyens, actuellement, que vous ne voyez pas de moyens de résorption et de ce déficit et de ces dettes, si les paramètres de financement du réseau et les sommes injectées dans le réseau ne sont pas modifiés. Est-ce que je comprends ça de votre part?

M. Lucier (Pierre): Oui, et je vous dirai sans...

M. Gautrin: Sans remettre en question la qualité, évidemment, et votre mission fondamentale.

M. Lucier (Pierre): Bien voilà. Ça, c'est majeur. Je vous dirai qu'actuellement on est... Vous me posiez la question, parmi les cinq questions des plans de résorption, on n'est pas à résorber, on est en train de les faire, si vous me permettez. Je le dis sans aucun cynisme. Nous sommes en train de les faire et de limiter les dégâts, de les maîtriser le plus possible. Mais ça nous échappe, je vous le dis. On n'est pas dans une perspective, actuellement de résorption...

M. Gautrin: Vous ne pouvez plus assumer votre mandat, que vous avez rappelé, qui est un mandat et de qualité et d'accessibilité et de régionalisation – je pense que j'essaie de synthétiser en trois mots ce que vous avez présenté – s'il n'y a pas réinjection de fonds dans le réseau. Est-ce que c'est à peu près ce que je comprends?

M. Lucier (Pierre): C'est tout à fait ça. Et, si quelqu'un voit comment, bien...

M. Gautrin: Là, maintenant, je pourrais essayer d'échanger avec vous... Ce n'est pas exactement dans votre présentation. Il est clair qu'on a longtemps réfléchi, de part et d'autre, sur les financements du réseau universitaire. Ceux qui oeuvrent dans ce milieu-là depuis un certain temps ont beaucoup réfléchi. Et là on se retrouve, on a eu une commission – vous avez été sous-ministre à l'époque où la Commission Gilbert avait fait son rapport – et on n'a rien changé, si ce n'est de toujours revenir au même principe de dire: Bon, il y a la formule historique, et on ajuste à la marge aux variations de la clientèle étudiante.

Est-ce que je peux comprendre votre intervention, où, dans votre intervention, vous avez rappelé la mission spécifique des universités du Québec, c'est-à-dire: En plus d'une mission de qualité – enfin, j'appelle ça qualité, c'est ce que vous avez dit – nous avons une mission d'accessibilité et une mission de régionalisation? Est-ce que vous pensez qu'on doit en tenir compte dans les paramètres ou dans la manière de financer ou si on doit revoir le financement général ou le partage d'une enveloppe entre les différentes institutions?

M. Lucier (Pierre): Écoutez, vous faisiez allusion au rapport Gilbert. Je comprends sans peine que le rapport Gilbert ait recommandé de ne pas toucher à quoi que ce soit pendant des périodes de compression et j'imagine bien que le ministère est du même avis. C'est proprement impossible. Écoutez, quand vous êtes en train de couper, comment allez-vous ajuster des bases? En prenant à Pierre pour donner à Jacques? Je veux dire, c'est quelque chose qui n'a pas de sens. Et les rares fois où ça a été évoqué, ça a été suicidaire et les projets ont été remballés; l'histoire a plusieurs exemples de ça. Donc, c'est sage de ne pas faire ça à ce moment-ci.

Mais il est évident que, si on parle de restructuration du financement, ça ne pourra pas se faire sans addition de ressources. Écoutez, là, vous avez affaire à un ensemble d'universités qui sont toutes en situation très difficile. Allez-vous soulager l'une en mettant l'autre dans une plus grande misère? C'est des choses qui ne se font pas. Il n'y a personne qui va prôner ça, je crois. Maintenant, quant aux paramètres dont on parlait tantôt, je vous dirais que, historiquement, il y a eu un certain nombre de prises en compte de ces paramètres-là, il ne faut pas charrier, sauf que ça ne suffit pas...

M. Gautrin: Mais qui étaient marginales.

M. Lucier (Pierre): C'est marginal et ça ne change pas la structure du financement, qui est celle que j'ai essayé de décrire. Ce n'est pas parce que vous ajoutez, à un moment donné, un 500 000 $ à telle université en région que vous allez régler son problème. Ça soulage, on le prend, on remercie, mais ça ne règle rien.

M. Gautrin: Mais, si on devait repenser complètement les modes de financement, on pourrait différencier les institutions en fonction des missions différentes.

M. Lucier (Pierre): C'est possible.

M. Gautrin: C'est possible.

M. Lucier (Pierre): C'est possible, mais cela ne peut pas se faire sans addition de ressources.

M. Gautrin: Sans fonds additionnels. Moi, il y a un autre sujet que je veux aborder, mais enfin...

La Présidente (Mme Blackburn): Peut-être juste une brève question sur cette question du financement. Vous avez raison de vous inquiéter de la structure de financement telle qu'on la connaît. Sur une base historique, ça a eu des effets que j'ai eu l'occasion de constater, on m'a présenté différentes études là-dessus. Mais, de façon générale, les compressions qui affectent actuellement tout le réseau de l'éducation, primaire, secondaire, enseignement supérieur, diriez-vous que cette obligation devant laquelle les universités se sont trouvées de rationaliser leurs dépenses, de mieux utiliser et les fonds et les ressources humaines, ça a eu quelques effets heureux? J'ai comme senti ça, à la lecture de vos rapports: plus grande collaboration entre les universités, programmes interuniversitaires, partage de ressources, des équipes de recherche. Il me semble qu'il y a 10 ans on voyait moins ça qu'on voit ça actuellement. Est-ce qu'on doit ça à l'obligation de revoir un peu ces modes de fonctionnement en raison des compressions?

M. Lucier (Pierre): Bien, je vous dirai que oui, c'est d'observation, je pense, quotidienne que de dire que ces contextes-là obligent à poser les problèmes différemment. Mais là on a dépassé les limites du raisonnable, c'est ce que je veux dire.

La Présidente (Mme Blackburn): Une fois qu'on a dit qu'on a dépassé, ce serait quoi les éléments les plus positifs par rapport à cette obligation de rebrasser un peu ces vieilles habitudes, en se disant: Il faut peut-être mieux répondre...

M. Lucier (Pierre): Bien, en ce qui nous concerne, je pense que j'ai essayé de vous donner tous les genres d'exemples d'opérations que nous faisons ensemble. Il y en avait avant, mais on sent que, actuellement, il y a un accueil plus intéressant, de ce côté-là. Mais ça, si on veut absolument voir les beaux côtés de l'affaire, c'est...

La Présidente (Mme Blackburn): Bien, vous admettez quand même que ça s'est vu dans d'autres réseaux, l'obligation de mieux compter ses dépenses, d'être... C'est peut-être moins vrai pour l'UQ, mais... Parce que, compte tenu de son financement, là...

M. Lucier (Pierre): Moi, écoutez, mon devoir et notre devoir à nous, c'est de vous parler de l'UQ, mais je pense que je manquerais de vision, si je vous disais que ce n'est pas la même chose dans l'ensemble du système d'éducation. Je le connais assez pour savoir ce qui se passe partout.

La Présidente (Mme Blackburn): M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Oui, Mme la Présidente. M. le président, bonjour. Pour continuer, peut-être, avant de passer à un autre sujet, sur le financement universitaire, évidemment, l'Université du Québec, vous l'avez très bien rappelé, a une fonction de connaissance qui fait partie du paysage de la Révolution tranquille. On sait que, ce que décrivait Desbiens, l'enseignement supérieur ne débouchait pas sur l'université. Il était privé et il ne débouchait pas sur l'université. Il y avait un cul-de-sac du réseau public. On a même des stigmates de ça, quand on va à l'école du Plateau, où on voit, sur l'école, «enseignement primaire supérieur», par exemple. Ça s'est fait à coups de luttes, souvent, cet enseignement-là.

Mais vous disiez tout à l'heure, par exemple, que les fonds de dotation qui vont généralement de pair avec l'âge – je vous cite à peu près dans le texte, là – et je pensais, par exemple, au fonds de dotation que s'est donné l'Université Laval, qui pourtant est de 1852, qui est relativement récent... Est-ce qu'il y a, par exemple, de ce point de vue là, une fondation Université du Québec? Qu'est-ce qu'elle rapporte?

(10 h 40)

M. Lucier (Pierre): Il y a, dans plusieurs constituantes, des fondations et des campagnes de financement, on en a plusieurs, actuellement, qui sont en cours. On peut penser autant à Chicoutimi qu'à Hull, à l'UQAM, qui vient de finir, et ainsi de suite. Et nous avons nous-mêmes une fondation universitaire créée par le gouvernement, au niveau de l'ensemble. Mais je veux dire, on n'est pas dans... Pour le moment, c'est important. Je vais citer l'exemple de Chicoutimi, parce que c'est une des plus vieilles fondations, qui a capitalisé, elle – ils n'ont pas dépensé de capital, alors c'est extrêmement intéressant – et à qui on doit une bonne partie des choix judicieux en recherche avancée à l'Université du Québec à Chicoutimi. Je pense qu'on peut le dire en étant tout à fait...

La Présidente (Mme Blackburn): La présidente est de Chicoutimi, et je comprends que...

M. Lucier (Pierre): Non, non, mais c'est parce que...

La Présidente (Mme Blackburn): Je sais, je vous taquine, c'est juste...

M. Lucier (Pierre): Et j'y pense parce que je vais les visiter cette semaine. Bon, alors, c'est un cas très...

La Présidente (Mme Blackburn): C'est vrai qu'ils ont fait un travail remarquable.

M. Lucier (Pierre): Mais disons qu'au total on n'est pas dans des ordres de grandeur qui nous... on n'est pas tout à fait dans les mêmes ligues, pour le moment, que des universités établies, et c'est normal.

M. Gaulin: Mais, là-dessus, il reste que ce n'était pas beaucoup dans la culture des universités francophones que ces fonds de dotation. Et, quand ça a été créé à l'Université Laval – votre vice-présidente est là, on appartenait à la même université – on n'y croyait pas beaucoup, et pourtant ça rapporte annuellement, c'est de l'ordre de 25 000 000 $, je pense.

M. Lucier (Pierre): Et le nombre d'anciens est important, évidemment, dans...

M. Gaulin: Oui, mais vous avez déjà 25 ans ou presque.

M. Gautrin: Sur le même sujet, par contre, je veux vous poser une question. Je veux rentrer strictement sur les fondations. Je sais que c'est mineur, dans nos échanges, ici, mais je suis étonné que vous n'ayez pas bénéficié... Vous savez que le Parlement a passé une nouvelle Loi sur les fondations universitaires. Est-ce que vous en avez bénéficié? Je sais que McGill a été la première à le faire, Concordia et Montréal, ensuite. Est-ce que, d'après...

M. Lucier (Pierre): Oui, on en a même deux, je crois.

M. Gautrin: Vous en avez deux qui sont bénéficiaires? Excusez-moi, mon information était inexacte.

M. Lucier (Pierre): Oui, oui, tout à fait. On a été parmi les premiers à le demander, oui, oui.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, je sais que ça venait aussi de McGill. Mais ce sont quelles universités qui ont bénéficié de la modification...

M. Lucier (Pierre): En tout cas, chez nous, il y a l'UQ, donc, globalement, avec les établissements de la région de... et puis, il y a l'UQAM.

M. Gautrin: Qui ont une fondation dans le style de... Merci.

M. Lucier (Pierre): Au sens de la Loi sur les fondations universitaires.

M. Gautrin: Au sens de la Loi sur les fondations universitaires. Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Toujours sur le financement, si le député de Verdun est d'accord. Si j'ai bien compris, tout à l'heure, vous avez souhaité une augmentation des frais de scolarité. Je vous ai bien compris?

M. Lucier (Pierre): Non, vous ne m'avez pas bien compris. Ou je ne me suis pas bien expliqué, pardon.

M. Gaulin: Oui, je vous ai peut-être mal compris, c'est ça.

M. Lucier (Pierre): Écoutez, les droits de scolarité, moi, je vais vous répéter ce que je raconte toujours. Le problème, ce n'est pas le problème des droits de scolarité, c'est le problème du financement, de ce qui est disponible pour chaque étudiant.

Un gouvernement, et c'est sa responsabilité politique, décide de l'apport qui va être versé par les deniers publics ou le trésor public et la part qui est versée par l'usager. C'est lui qui fait le dosage, comme il le fait pour les soins de santé, pour les autoroutes ou les permis de conduire, ou tout ce qu'on voudra. Qu'est-ce que l'usager assume? Et qu'est-ce que les fonds publics, l'impôt général assume?

Alors, nous, nous ne demandons pas au gouvernement de taxer nos étudiants, non. Nous avons un problème de financement per capita, c'est évident. Alors, si, par ailleurs, le gouvernement applique un gel ou ferme un des robinets, en bonne logique, il devrait desserrer l'autre, parce que, sinon, c'est un étranglement qui est complet.

Vous savez, on a eu des exemples de ça. Moi, je peux vous citer... C'est purement anecdotique. Comme payeur de taxes, je reçois, cette année, de la commission scolaire – c'est la deuxième année, d'ailleurs – une belle lettre du président qui m'explique et qui nous explique à tous que cette année il y a un manque à gagner étant donné les coupures, donc: Votre compte de taxes, cette année, est augmenté de tant. Donc, il s'est servi de l'autre robinet pour pouvoir...

M. Gautrin: ...encore aux 0,35 $ d'évaluation dans les commissions scolaires.

M. Lucier (Pierre): Oui, c'est exact.

M. Gautrin: Mais vous avez de la marge de manoeuvre dans votre...

M. Lucier (Pierre): Mais, avec le système de péréquation, finalement, c'est tout le monde qui en profitera.

M. Gautrin: Ha, ha, ha!

M. Lucier (Pierre): Mais ce que je veux dire par là, c'est que le problème que nous avons, actuellement, et les étudiants eux-mêmes le comprennent parce qu'ils complètent actuellement, je dirais, leur pensée et leur action au-delà des droits de scolarité, ce n'est pas tout de demander d'obtenir un gel de droits de scolarité, en soi, ça n'a pas de conséquences extraordinaires, mais il s'agit de savoir si on ferme les deux robinets. Alors, moi, je ne demande pas d'augmentation des droits de scolarité, je ne réclame pas ça, mais, par ailleurs, je crois qu'il faut qu'on réclame qu'il y ait une ajustement du financement. Si le gouvernement juge que c'est à l'impôt général à payer ça, ça, c'est sa décision politique, ça se défend. Mais fermer les deux, là, il y a quelque chose qui est tout à fait discutable.

La Présidente (Mme Blackburn): M. le président, vous disiez que vos élèves étaient moins fortunés, donc avaient davantage recours... J'avais cru comprendre, à l'inverse de mon collègue, que vous ne plaidiez pas en faveur de l'augmentation des droits de scolarité. J'ai le tableau, ici, à la page 21 du résumé, je ne sais pas ce que ça représente. La contribution des étudiants est passée, en 1990-1991, de 8 % du budget à 17 %. Ça veut dire que ça compense en partie les compressions imposées par le budget, les subventions du ministère.

M. Lucier (Pierre): Ils sont gelés, les droits de scolarité, depuis plusieurs années. C'est-à-dire, ça dépend des années que vous couvrez, là.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui. La contribution était, en 1991-1992 – prenons cette année-là – de 1 101 $ par étudiant équivalent temps complet – c'est les tableaux qui nous viennent du ministère – et elle serait estimée, en 1996-1997, à 1 504,08 $.

M. Lucier (Pierre): Mais l'important, c'est de savoir à partir de quand ça a commencé à 1 504 $. Vous comprenez? Ils sont gelés, là, depuis au moins 1993, sûrement, si ma mémoire est bonne.

La Présidente (Mme Blackburn): Il s'est ajouté d'autres frais afférents sans doute parce qu'il y a une augmentation.

M. Lucier (Pierre): Bien, ça fait cinq ans qu'on a 30 % de coupures, avec des droits de scolarité maintenus au même niveau. Alors, la proportion peut avoir changé, parce qu'il y a une compression dans la subvention, mais les droits n'ont pas été augmentés.

La Présidente (Mme Blackburn): Vous parliez tout à l'heure d'une entente qui pourrait peut-être intervenir sur les bourses du millénaire.

M. Lucier (Pierre): Oui. Bien, écoutez, quand on lit la loi...

La Présidente (Mme Blackburn): Il faut rappeler, là-dessus, que si l'État québécois a comprimé – on parle de 500 000 000 $ au cours des cinq dernières années – les transferts fédéraux, eux, ont atteint à peu près 3 000 000 000 $, juste au domaine de la santé, au cours des mêmes années. Moi, je ne veux pas vous demander de régler ça, là...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Blackburn): C'est ça, juste à l'enseignement supérieur, collèges et universités.

M. Lucier (Pierre): Nous sommes tout à fait conscients de ça.

La Présidente (Mme Blackburn): Donc, vous comprenez que 3 000 000 000 $, on coupe de 500 000 000 $, bon, mettons que c'est beaucoup. Moi, je comprends, et je suis celle qui est la plus vendue à l'enseignement supérieur et à l'éducation, mais la grande question est là. Parlez-moi des bourses du millénaire.

M. Lucier (Pierre): Bien, écoutez, le cas des bourses du millénaire, disons, ça a suscité, je pense, une réaction remarquablement unanime au Québec. On est tous un peu scandalisés qu'il y ait eu des fonds au moment où on est dans la misère. Et, que ça soit attribué à un secteur où le Québec a déjà un régime de bourses de 250 000 000 $ par année – c'est la seule province – donc, venir en ajouter par dessus ça, c'est semer la confusion. Je pense que tout le monde a dit ça.

Et, alors, ce qu'on souhaitait et ce qu'on souhaite encore, c'est que cet argent-là soit effectivement donné par le fédéral pour le système d'aide aux étudiants, mais que ça puisse permettre au Québec de soulager sa propre contribution et, donc, de pouvoir investir dans les établissements. C'est un jeu de domino, hein. Et c'est encore possible, Mme la Présidente, parce que la loi qui a été adoptée par le Parlement canadien, en tout cas, quand on la lit, donne une très grande souplesse à la fondation. On dit même que, si la fondation juge que telle chose est conforme à sa mission – c'est fort, ça, on n'a pas ça dans beaucoup de lois – elle peut convenir avec un gouvernement provincial, concernant les critères de distribution, de la liste des bénéficiaires.

Alors, moi, je n'ai pas perdu espoir. On s'est battu, d'ailleurs, très, très vigoureusement là-dessus, pour la vertu, bien sûr, mais parce qu'on y voyait aussi notre bien, parce que ça nous apparaissait comme un des moyens, peut-être, de soulager la ponction à la source, la ponction sur les universités, l'enseignement supérieur. Parce que, si, de ces 250 000 000 $, le Québec pouvait être, pendant 10 ou 15 ans, soulagé d'un programme de 75 000 000 $, quitte même à faire quelques améliorations dans le régime – ça, je pense que personne ne nie ça – il pourrait d'autant, disons, se retirer pour ce montant-là, tout en assurant la visibilité du fédéral, s'il y tient, et pouvoir réinjecter dans les établissements. D'ailleurs, j'ai bien compris que même la motion de l'Assemblée nationale dit ça explicitement, que ce n'est pas pour construire des autoroutes, qu'il y aurait un jeu de domino.

M. Gautrin: Mais, moi, je veux rentrer dans ce débat-là. Ça a pris du temps avant de faire en sorte que le gouvernement se ramène au bon sens sur cette question-là.

M. Lucier (Pierre): Ça, je vais vous laisser régler vos...

(10 h 50)

M. Gautrin: Et, très justement, vous l'avez rappelé, il y a actuellement la possibilité encore, si on veut accepter de discuter avec la fondation, de régler ces problèmes-là d'une manière banale et facile, sans aucune difficulté.

M. Lucier (Pierre): C'est possible, techniquement, je suis convaincu de ça.

La Présidente (Mme Blackburn): M. le député de D'Arcy-McGee, ensuite, M. le député de Champlain.

M. Bergman: Merci, Mme la Présidente. M. Lucier, vous parlez des effets des compressions budgétaires et vous avez mentionné la fragilité des ressources humaines, la dégradation des universités, l'alourdissement des tâches. Quel est l'effet de cette fragilité, les effets des compressions budgétaires sur le recrutement des étudiants et sur la qualité de l'enseignement?

M. Lucier (Pierre): Ça a beaucoup d'effets sur le recrutement des professeurs, d'abord, et ça a beaucoup d'effets sur l'organisation quotidienne de la prestation de l'enseignement. Vous avez moins de moyens, les bibliothèques sont en problème, les laboratoires sont en difficulté aussi, les groupes-cours augmentent, le nombre d'étudiants supervisés par des profs augmente. Ça, c'est vrai partout. Moi, ce que j'ai essayé de mettre en lumière ici, c'est que, dans le cas de l'Université du Québec, on part avec un handicap supplémentaire parce qu'on a moins de ressources humaines, mais c'est historique, c'est comme ça, on a moins de professeurs de carrière. Donc, c'est tout le potentiel qui est diminué.

Mais ce qu'il faut bien voir, c'est qu'on n'est plus dans les fantômes ou dans les discours pour faire peur au monde. Il suffit de se promener ou d'entendre les témoignages des étudiants, à commencer par nos propres enfants, pour savoir qu'il y a de moins en moins les services qu'il y avait. Soyons clairs. Je l'exprime aussi comme père de famille. Je suis ça de près. Effectivement, il y en a moins. Alors, c'est à tous les niveaux. Personne ne peut faire de miracles.

Les effets, je vous dirai, on commence d'ailleurs à les voir, donc, ils vont aller s'amplifiant; ça, il n'y a aucun doute là-dessus. Et on a toutes les raisons de craindre qu'on est sur une mauvaise pente. Et les signes sont là, et c'est très, très concret, les étudiants peuvent en témoigner. Écoutez, ce n'est pas... Il y a moins de ressources. Encore une fois, je vous dis, c'est vrai partout, mais je vous dis que, nous, nous sommes dans une situation de plus grande fragilité encore. On ne va quand même pas augmenter encore la proportion de chargés de cours. Écoutez, là...

M. Bergman: O.K. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Bergman. M. le député de Champlain.

M. Beaumier: Merci, Mme la Présidente. Juste pour compléter. Je reprends votre image des robinets. Alors, il y a les subventions gouvernementales, bien sûr. Il y a les frais de scolarité. On a parlé du réseau fédéral aussi. Pour compléter le tableau, quelle est actuellement la réflexion quant à l'apport du secteur privé dans ses liens avec l'université concernant effectivement la possibilité que ça puisse aider ou accentuer non seulement l'atteinte des objectifs de formation, mais aussi, en même temps, au niveau financier? Est-ce qu'il y a une réflexion qui est à jour sur ça?

M. Lucier (Pierre): Oui. Et là, écoutez, on plonge très rapidement dans des questions qui sont pratiquement de philosophie sociale. Le secteur privé contribue beaucoup, mais, je dirais, en presque totalité, ce sont des contributions liées. C'est pour telle, telle chose, c'est pour tel service ou c'est pour tel investissement, pour tel partage de coûts d'équipement, ou des choses comme ça, ou dans des projets de commandite et de recherche. Alors, je ne dis pas que ça n'aide pas au volume, mais ça ne règle absolument rien, je dirais, à la vie quotidienne de l'ensemble de l'institution. Parce que j'imagine qu'on ne va quand même...

Nous, on n'a pas le pouvoir de lever un impôt sur les entreprises privées. Je le dis sans blague, là. Donc, on ne peut pas ponctionner le privé. Il y a un système, il y a une fiscalité générale pour ça. Alors, quand le privé intervient, c'est sous forme, encore une fois, ou de commandite, ou d'achat, ou de contribution spécifique. Je ne vous dis pas que ça nuit, là. C'est extrêmement important, mais ça ne règle pas le problème de la structure même de financement et la capacité de maintenir l'ensemble des activités.

M. Beaumier: Mais, en termes de développement et de recherche, j'imagine que l'apport du privé est extrêmement intéressant...

M. Lucier (Pierre): C'est important, ça l'est déjà.

M. Beaumier: ...extrêmement important. Sauf que vous dites que ça ne fait pas des frais de fonctionnement, ça. C'est ça que vous voulez dire.

M. Lucier (Pierre): Bien, ça ne règle rien. C'est ça. Tout comme d'ailleurs ne réglerait rien, et je l'ai signalé en finissant, cette idée qui voudrait que: Bon, bien, dorénavant, on va en mettre des sous, mais on va choisir nos cibles. Ça, c'est bien pour la visibilité, mais ça ne règle rien. C'est exactement ce qu'on a toujours reproché au gouvernement fédéral, d'ailleurs. Mme la Présidente, ma collègue, Mme Milot, aimerait, là-dessus...

La Présidente (Mme Blackburn): Écoutons madame.

Mme Milot (Louise): Là-dessus, sur cette question, je voudrais faire remarquer qu'en chiffres absolus au Québec, c'est l'Université du Québec qui, en recherche, a le plus recours au secteur privé. C'est l'Université du Québec, en chiffres absolus, depuis deux ou trois ans. Et vous savez que la recherche était beaucoup appuyée, traditionnellement, par les organismes subventionnaires, qui sont des organismes de l'État. Et, petit à petit, les universités traditionnelles se sont mises aux contrats avec l'entreprise privée pour, justement, comme vous le disiez, stimuler leur développement de recherche et permettre aux étudiants de travailler dans un contexte appliqué.

L'Université du Québec, pour les raisons que le président a énoncées, elle est plus jeune, elle a essayé de se développer dans des créneaux où n'étaient pas les autres établissements, beaucoup plus près, peut-être, des secteurs socioéconomiques des régions dans lesquelles elle était implantée. Il se trouve que maintenant, quand on regarde les statistiques, elle est la première au Québec. C'est bien, mais la contrepartie de cela, si vous voulez, il y a une limite, si je peux dire, à cela, c'est qu'il faut bien voir que la recherche fondamentale dans le milieu universitaire doit se développer librement et doit se développer en compétition sur le plan international. Et là tous les pays ont des programmes de subventions et de... pas nécessairement de subventions, mais l'appauvrissement de notre infrastructure dans les universités va nuire à l'effort de recherche.

Il faut que nous puissions supporter cela aussi pour la compétition de nos établissements universitaires à l'échelle canadienne, à l'échelle québécoise, canadienne et internationale, par rapport à des recherches comparables qui ne se font que dans le milieu universitaire. Parce que là il y a tout le débat, que nous ne soulèverons pas, de: De ce glissement qui pourrait être trop accentué vers une recherche commanditée par le privé, y a-t-il là vers quoi doit aller de façon trop importante le milieu universitaire? Cette question-là se pose. Mais, même à cela, donc, même nous qui le faisons le plus au Québec, ça n'empêche pas le besoin que nous avons d'une sorte de scénario de développement avec des fonds qui sont des fonds publics, finalement, comme dans tous les pays du monde à peu près.

M. Beaumier: Je crois bien comprendre. Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme Milot. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je vais aborder avec vous un autre thème et je m'adresse à vous vraiment comme réseau et je pense, et je souhaiterais qu'il puisse y avoir des politiques réseau qui, après, seront appliquées par chacune de vos constituantes. Je vais aborder la question de l'évaluation des cours par les étudiants. Alors, où en êtes-vous, à l'heure actuelle, dans les mécanismes d'évaluation, dans chacune des constituantes de l'évaluation des cours par les étudiants? Y a-t-il uniformité, à l'intérieur du réseau? Est-ce que vous avez une politique qui est propre à l'Université du Québec quant à l'évaluation des enseignements par les étudiants? Et souhaiteriez-vous, éventuellement, en mettre une sur pied, s'il n'y en a pas? Et comment vous vous situez dans ce cadre-là?

Mme Milot (Louise): Écoutez, je vais dire, là-dessus, que c'est une question qui est plus surprenante pour l'Université du Québec – je sais qu'elle est dans les médias ces jours-ci – que pour d'autres établissements universitaires parce que, à ma connaissance – et à ce moment-là, je n'étais pas à l'Université du Québec – c'est l'Université du Québec la première au Québec qui a tracé la voie dans ce domaine, et ça fait très longtemps que l'Université du Québec a une politique-cadre d'évaluation des enseignements. Elle a inspiré, je pense, les autres établissements universitaires pour toutes sortes de facteurs, encore une fois, le moment de sa naissance, le contexte social, les rapports professeurs-étudiants, à ce moment-là, et toute la culture propre à l'Université du Québec. De sorte que chacun des établissements, toutefois, comme c'est le cas en général pour les politiques de l'Université du Québec, peut insérer sa propre politique avec des modalités particulières. Il n'y a pas une politique réseau uniforme dans le détail, mais il y a une politique-cadre réseau d'évaluation des enseignements par les étudiants...

M. Gautrin: Qui dit quoi, à peu près?

Mme Milot (Louise): Comment?

M. Gautrin: Votre politique-cadre résume quoi, à peu près, en quelques mots?

Mme Milot (Louise): Ah! que tous les étudiants dans les cours ont le droit de participer à l'évaluation de l'enseignement eux-mêmes par le biais de questionnaires et que... Là, je ne connais pas, je pense qu'il faudrait demander, peut-être, aux établissements dans quelle mesure ces questionnaires-là sont publics, à qui ils vont, à qui ils sont remis et que des suites...

M. Gautrin: On a la chance de rencontrer chacune de vos constituantes.

Mme Milot (Louise): ...sont données par les modules par les responsables de programmes aux principales difficultés qui ont été identifiées à cet égard-là.

M. Gautrin: Donc, à votre niveau, au niveau de l'Université du Québec réseau, vous essayez d'inciter vos constituantes à développer une politique d'évaluation de l'enseignement dans chacune des constituantes.

(11 heures)

Mme Milot (Louise): Bien, je dirais que nous ne sommes pas en ce moment dans une période d'incitation à cela. C'est quelque chose, je dirais, qui est derrière nous. Et peut-être que votre question pourrait nous faire penser que l'Université du Québec considère qu'à ce moment-ci cette politique, qu'elle a votée il y a un certain temps... est-elle adéquate, pourrait-elle être encore améliorée? Mais ça fait partie de la culture de l'Université du Québec et ce n'est pas quelque chose qui est contesté dans les établissements de l'Université du Québec comme ça l'est encore, contrairement à tout ce qu'on pourrait croire, dans certains établissements universitaires où les professeurs ne veulent même pas en entendre parler. Mais, à l'Université du Québec, ça a été établi dès le point de départ. Il y a des dossiers qui sont plus jeunes que dans de vieilles universités, à l'Université du Québec, mais ce n'est pas le cas de celui-là, à ma connaissance.

M. Gautrin: Mais on aura la chance de pouvoir questionner les constituantes pour savoir ce qu'il en est.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. De la même manière, les constituantes pourront davantage élaborer. Ce qui me semble être une approche originale par rapport à la situation de l'UQ par rapport aux universités à charte, c'est celle visant à mieux assurer une présence des chargés de cours. Les chargés de cours, ça fait partie du portrait de l'UQ depuis sa création, je pense. À l'époque, il y avait 50 % de chargés de cours. J'imagine qu'avec la situation ça n'a pas beaucoup évolué.

M. Lucier (Pierre): 50 % des activités sont données par des chargés de cours.

La Présidente (Mme Blackburn): Données par des chargés de cours, alors que les chargés de cours étaient peu invités, finalement, à participer aux activités départementales, alors qu'on semble ouvrir sur cette voie-là. On aura l'occasion sans doute d'entendre les différentes constituantes nous parler de cette ouverture qui nous semble être nouvelle et qui est faite aux chargés de cours pour être plus et davantage présents aux élèves.

Alors, quelques mots en conclusion, M. le président?

M. Lucier (Pierre): Je voudrais essentiellement vous remercier de votre accueil, de la qualité de votre écoute et de vos interventions. Nous n'avions pas beaucoup de choses rigolotes à vous dire, mais nous l'avons fait sans aucune animosité et en pleine solidarité. Mais c'est notre devoir de conscience de vous dire les choses comme elles sont. Je vous remercie de nous avoir écoutés avec autant d'attention et d'intérêt.

La Présidente (Mme Blackburn): Nous recevons vos commentaires avec le même respect que vous les avez exprimés. Je dois vous dire que la description que vous nous faites de la situation financière des universités en région m'a été largement communiquée par l'Université du Québec et les dirigeants de l'Université du Québec à Chicoutimi. Cette communication a été transmise également à la ministre de l'Éducation. Et je ne doute pas qu'après avoir un peu soulagé le réseau de la santé on se penchera sur la situation particulière – je dis «particulière» – de l'enseignement supérieur, collèges et universités, qui nous semble actuellement, pour utiliser vos termes, un peu plus précaire et particulièrement en région.

(11 h 10)

Alors, M. Quimper, Mme Milot, M. le président, M. Lucier, et M. Leclerc, merci de votre participation aux travaux de cette commission.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Blackburn): Mesdames, messieurs. J'inviterais donc les dirigeants de l'Université du Québec à Trois-Rivières à prendre place. Bien, vous me permettez, au nom des membres de la commission, de vous souhaiter la bienvenue à cette commission. Je ne répéterai pas ce que j'ai dit un peu plus tôt quant au voeu formulé par les membres de la commission d'échanger sur des questions plus particulières, sans être pointues, qui touchent davantage l'administration, mais aussi la mission des universités et leurs perspectives de développement.

Alors, M. le recteur, M. Plamondon, vous nous présentez les personnes qui vous accompagnent et vous pourrez, dès après, commencer votre présentation, dans les 30 minutes... On n'est pas, là-dessus, absolument rigoureux; si ça vous prend 32 minutes ou 25, nous ne vous en tiendrons pas rigueur. Nous vous écoutons.


Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)

M. Plamondon (Jacques A.): Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, j'ai demandé qu'on distribue une petite pochette avec, tout d'abord, mon texte et deux documents récents que nous avons produits pour propager l'image de notre université. J'espère que vous prendrez plaisir à consulter cela.

La Présidente (Mme Blackburn): Une très belle présentation, d'ailleurs.

M. Plamondon (Jacques A.): Mme la Présidente, mes excuses aussi, vous verrez que mon texte a été fait, le début en tout cas, au moment où je venais à cette commission parlementaire, et puis, à l'époque, c'était un président. Ça m'a échappé, je m'en excuse...

La Présidente (Mme Blackburn): Je vous en prie.

M. Plamondon (Jacques A.): ...très volontiers.

La Présidente (Mme Blackburn): Vous êtes tout pardonné.

M. Plamondon (Jacques A.): Alors, Mme la Présidente, Mmes et MM. les parlementaires membres de la commission de l'éducation, tout d'abord, j'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent et qui, au besoin, pourraient être invitées à prendre la parole en réponse aux questions que vous voudrez nous adresser. Tout d'abord, à ma droite, M. Jacques Bégin, le vice-président et directeur général de Cogeco Câble et le président de notre conseil d'administration. Je suis fier d'ajouter d'ailleurs que M. Bégin est un diplômé de notre université, à l'instar d'ailleurs de certains membres de cette commission. À ma gauche, Mme Claire de la Durantaye, la vice-rectrice à l'enseignement et à la recherche. Aux deux extrémités: M. Cléo Marchand, à droite, et M. François Héroux, respectivement vice-recteur à l'administration et aux finances et vice-recteur et secrétaire général.

Cette entrée en matière complétée, je veux aussi vous dire que j'ai plaisir à répondre devant vous de la gestion de l'Université du Québec à Trois-Rivières, tant il est vrai qu'elle se caractérise par une rigueur exemplaire.

Dans ma présentation, je ferai trois choses. D'abord, je vais tenter de répondre aux objectifs de la loi en traitant des points qui sont explicitement mentionnés comme devant faire l'objet de votre attention. Cela permettra de mettre en lumière certains traits de notre Université et de vous faire part de ses stratégies financières récentes. Dans un deuxième temps, je présenterai les éléments les plus importants des dossiers sur lesquels nous travaillons présentement et je tenterai ainsi de vous donner un aperçu de l'Université des années 2000 que nous voulons construire en Mauricie–Centre-du-Québec. Finalement, je retiendrai quelques points particuliers dont je sais à l'avance qu'ils présentent un intérêt pour vous, puisque vous avez explicitement demandé qu'on en dise quelques mots. Dans cette partie, vous comprendrez que je traite les questions un peu en vrac et de façon succincte, quitte à ce que nous revenions sur ces mêmes matières au cours des échanges qui suivront. En conclusion, je vous adresserai quelques demandes dont l'importance pourra être évaluée à la lumière des constats établis précédemment.

Avant de continuer, je prie les membres de la commission de ne pas me tenir grief si certaines statistiques et certains faits que je commente chevauchent plus d'une année universitaire. Cela découle du moment où je suis invité à rencontrer la commission. Dans certains cas, ce serait inutile de ne produire que des renseignements concernant l'année 1996-1997 alors que l'on connaît déjà l'état de fait qui concerne 1997-1998.

L'UQTR existe sur la base de lettres patentes octroyées en 1969 pour assurer l'enseignement et la recherche universitaires. Elle est sise à Trois-Rivières et appartient au réseau de l'Université du Québec. On trouve là trois caractéristiques fondamentales qui nous définissent institutionnellement. La première a trait à notre mission: nous sommes voués à l'enseignement et à la recherche universitaires. La deuxième a trait à notre situation géographique: nous oeuvrons principalement au coeur même du Québec. La troisième a trait à notre appartenance structurelle à l'Université du Québec. Sans doute est-il utile de dire quelques mots de chacune de ces caractéristiques.

Le fait que notre mission nous dédie à l'enseignement et à la recherche universitaires nous confère le statut d'une université à vocation générale. De jure, cela ne comporte aucune limitation, de telle sorte qu'il nous est loisible d'oeuvrer dans tous les domaines du savoir et sans restriction quant aux cycles. Bien évidemment, cette capacité théorique ne nous a pas conduits à faire des choses irresponsables. Les développements de l'Université ont été l'objet de choix rigoureux et la configuration des disciplines et des niveaux qu'on observe aujourd'hui est le résultat d'une planification délibérée. C'est dire que, selon les circonstances, la façon de remplir la notion d'université à vocation générale peut connaître des variations. Ce qui importe, c'est de préserver notre capacité de nous autodéterminer, tout en respectant notre mission.

Dans les faits, l'UQTR offre des enseignements aux trois cycles et des programmes d'études dans tous les grands secteurs disciplinaires, sauf le droit. À l'automne 1996, elle comptait 26 % de ses inscriptions en administration, 23 %, grosso modo, en sciences humaines, 18 % en éducation, 14,5 % en santé, 7 % en sciences pures et appliquées, 5,5 % en lettres et près de 3 % en arts. Les secteurs de la santé, des sciences pures et des lettres étaient en hausse par rapport à l'automne précédent alors que tous les autres marquaient une baisse. Cet effectif se répartissait comme suit entre les divers genres de programmes: 52,3 % au baccalauréat, 30 % au certificat, 8,4 % à la maîtrise, 1,3 % au doctorat et, finalement, 8 % dans les autres programmes ou statuts d'inscription. Pour une autre année, l'effectif à temps partiel connaît une baisse en 1996-1997, portant la diminution à 15 % depuis 1993. L'effectif à temps complet fléchit, en baisse d'environ 4,8 % par rapport à l'année précédente. Notons que le nombre total d'inscriptions à la session d'automne dans les universités québécoises a diminué de 1,7 % à l'automne 1997. Pour sa part, l'UQTR a connu une diminution de 3 %. Au plan de la recherche, les professeurs-chercheurs conduisent des activités scientifiques portant notamment sur les pâtes et papiers, les études québécoises, les communautés aquatiques – particulièrement l'omble de fontaine – l'hydrogène, la biotechnologie des membranes, la gestion des petites et moyennes entreprises – un groupe particulièrement bien connu – le développement de l'enfant, la philosophie analytique, l'électronique industrielle et les diélectriques.

Notre implantation au coeur du Québec nous confère aussi des responsabilités particulières eu égard à notre communauté d'appartenance. Il nous appartient de donner accès aux études universitaires aux personnes qui habitent le territoire que nous desservons au premier chef. Bien que cela ne soit en aucun cas limitatif et que nos aspirations puissent excéder largement la vocation d'une université régionale, ce trait nous met en relation privilégiée avec notre entourage immédiat et nous confère la responsabilité de le bien servir. À cet égard, il est heureux que des liens privilégiés se soient tissés entre le milieu régional et notre Université. Il nous importe de veiller à ce que ces liens persistent pour le bénéfice mutuel des deux parties. Avec plus de 10 000 étudiants, des octrois de recherche dépassant les 9 000 000 $, de nombreux partenariats avec des organismes et entreprises de la région et un budget de fonctionnement de plus de 65 000 000 $, l'Université peut être fière de sa contribution au développement de sa région et de sa position au sein des universités québécoises. De plus, l'Université offre depuis sa création des enseignements dans des sous-centres de sa région: Victoriaville, Drummondville, Saint-Hyacinthe, Sorel-Tracy, Joliette et Shawinigan. Elle le fait également à Québec ainsi qu'au Centre universitaire des Appalaches situé, comme vous le savez, à Saint-Georges de Beauce. Cette année, l'Université a aussi résolu de renforcer sa présence à Drummondville. Sous peu, elle inaugurera son nouveau centre de formation continue qui sera logé au cégep de Drummondville. Et ça, c'est dans le cadre de la création d'une nouvelle région, comme vous savez, la région Centre-du-Québec.

(11 h 20)

Finalement, notre appartenance au réseau de l'Université du Québec a aussi marqué notre histoire et continue d'influencer notre vie universitaire et administrative. L'UQTR a trouvé dans les partenaires du réseau des établissements qui ont contribué à vaincre les difficultés qui auraient pu survenir s'il avait fallu qu'elle fasse sa place de manière isolée dans le concert des universités québécoises. Il est évident, pour un observateur informé, que la force du réseau a aidé chacune des constituantes à traverser des périodes mouvementées. La planification des rôles dévolus à chacune a pu être faite en concertation. La négociation des moyens a pu être appuyée par les pressions exercées par l'ensemble des partenaires. La vie académique a été soutenue grâce aux échanges dont le réseau a été le lieu privilégié et, bien souvent, l'instigateur, comme c'est le cas avec le programme du Fonds de développement académique du réseau.

Maintenant, l'UQTR est le deuxième établissement en importance du réseau, que ce soit en termes d'effectif étudiant, de nombre de programmes, de nombre de professeurs, de nombre de membres du personnel non enseignant ou encore de budget de fonctionnement. Pour ce qui est des octrois de recherche, elle vient au troisième rang après l'INRS et l'UQAM. Il est également intéressant de noter que l'UQTR a le taux d'encadrement administratif le moins élevé des établissements à vocation générale du réseau de l'Université du Québec, 17,7 étudiants en équivalence de temps plein par poste de non-enseignant, alors que la moyenne réseau est de 15,9, et qu'il est celui de ces établissements qui compte le pourcentage le plus élevé de professeurs parmi son personnel régulier, 45,2 %, alors que la moyenne réseau est de 38,7 %.

À l'échelle du Québec, l'UQTR occupe le septième rang des 19 établissements universitaires quant à l'effectif étudiant et au nombre de professeurs, et le neuvième en ce qui a trait aux octrois de recherche. La dernière étude disponible montre que la charge moyenne d'enseignement des professeurs de l'UQTR se situe légèrement au-dessus de la moyenne de l'ensemble des établissements qui est de 3,6 cours de trois crédits. Une étude de la vice-présidence à l'administration de l'Université du Québec montre également que l'UQTR est, après l'Université McGill, l'établissement universitaire québécois dont le coût administratif par étudiant en équivalence au temps plein est le plus bas, 1 751 $ par rapport à un coût moyen de 1 817 $ pour l'ensemble – et ça, c'est aussi basé sur une étude du ministère de l'Éducation – et dont le coût de la fonction terrains et bâtiments, 43,99 $ par mètre carré brut, est le deuxième plus bas après l'Université Bishop's, et de loin inférieur au coût moyen de l'ensemble qui est à 64,19 $.

Par souci d'illustrer la rigueur de la gestion de l'UQTR, il est possible de comparer l'évolution des coûts unitaires consacrés à l'enseignement depuis 1988-1989. Ainsi, la clientèle est passée de 6 175 étudiants en équivalence de temps plein à 6 941 en 1997-1998, soit une augmentation de 12,4 %, alors que les coûts passaient de 8 468 $ à 7 474 $, une diminution de 11,7 %. Vous faites le total et vous voyez le redressement important qui a été fait à cet égard. Il s'agit là d'un véritable exploit, surtout lorsqu'on tient compte que, dans la même période, l'UQTR a implanté de nouveaux programmes exigeant normalement des ressources plus abondantes, par exemple le doctorat de premier cycle en chiropratique, les programmes de 120 crédits en formation des maîtres et en génie et plusieurs programmes d'études avancées. De fait, pour parler de la période que je connais mieux personnellement, je vous dirai que lors de mon entrée en fonction à titre de recteur, en 1994-1995, les revenus totaux en dollars constants 1988-1989 s'établissaient à 62 835 000 $. Ils sont de 50 266 000 $ pour 1998-1999. Il s'agit d'une réduction de 12 000 000 $. Ce chiffre parle de lui-même et démontre à lui seul que la situation est dorénavant intenable.

Dans ce contexte de parcimonie, l'Université a su maintenir une santé financière relativement bonne, qui se compare avantageusement à celle des autres universités du réseau de l'Université du Québec, ou même encore à celle des universités québécoises. Rappelons-nous d'abord que l'adoption du budget 1997-1998 avait été l'occasion de confirmer la réduction du nombre de postes de personnel non enseignant qui découlait d'un programme temporaire de réduction des effectifs mis en oeuvre en décembre 1996 et qui s'est soldé par le départ de 47 personnes. En fait, c'est une réduction de 42 postes qui se trouvait ainsi réalisée. Les économies découlant de cette seule mesure de rationalisation s'établissaient à 2 406 875 $. En juillet 1997, le programme d'incitation à la retraite, offert principalement aux professeurs, s'est soldé par le départ de 43 d'entre eux.

Ce budget venait aussi soustraire, de même façon, des coûts anticipés suite à la suspension de la contribution patronale au Régime de retraite de l'Université du Québec et à des renonciations salariales consenties par les employés. Finalement, ce budget a pu être réduit encore par la suppression de 16 postes au plancher d'emploi négocié avec le syndicat des professeurs et par l'établissement d'un plafond salarial imposé dans le cadre du recrutement des nouveaux professeurs. Cette dernière mesure, rappelons-le, vise à assurer le recrutement de professeurs en tout début de carrière, rajeunissant ainsi le corps professoral, tout autant qu'à permettre de contrôler les dépenses. Si on se réfère à l'année financière 1997-1998 – on notera ici que je réfère aux dernières informations disponibles plutôt que de commenter les résultats des années antérieures qui vous sont connus – telle qu'elle est consignée dans les états financiers vérifiés de l'établissement, on peut constater que cet exercice s'est, à toutes fins utiles, terminé en situation d'équilibre. Les revenus comptaient pour 65 489 720 $ et les dépenses pour 66 264 551 $. L'Université réalisait donc un léger déficit d'opération de 774 881 $.

On voit, en conséquence, que l'effet combiné de ses efforts assure à l'UQTR de terminer le dernier exercice budgétaire proche de l'équilibre. Il ne faut pas croire qu'il s'agit là d'un mince exploit ni d'un hasard. En effet, l'UQTR a dû absorber en quatre ans une perte de revenus correspondant à 23,2 %. C'est majeur. Il a donc fallu beaucoup de détermination pour maintenir le cap et empêcher que l'Université ne sombre dans des déficits d'opération récurrents. En dollars, on parle d'une perte de revenus égale à 11 840 000 $, comme je l'ai déjà dit. Si on additionne les pertes sur les quatre ans, on peut parler plutôt d'un manque à gagner cumulatif de 35 928 000 $.

Ce constat nous laisse aussi entendre que les moyens développés et mis en vigueur étaient nécessaires et suffisants. Nécessaires en ceci qu'ils permettaient à l'UQTR de redresser sa situation financière au milieu des plus terribles compressions que les universités québécoises ont connues dans toute leur histoire. En effet, jamais auparavant, alors que les universités québécoises subissaient des compressions, on n'a connu de situation où les revenus d'une année ultérieure étaient inférieurs à ceux de l'année antérieure, car, toujours, les nouveaux revenus engendrés par les croissances de clientèles venaient contrebalancer, en partie au moins, les effets des compressions budgétaires. Or, depuis trois ans, les pertes de revenus dues aux compressions et à la baisse des clientèles étudiantes s'additionnent sous forme de pertes, provoquant une crise sans précédent dans nos universités québécoises.

Les moyens étaient aussi suffisants, comme le démontre le fait même de l'atteinte d'un résultat qui est tout près de l'équilibre budgétaire. En procédant, comme nous l'avons fait, à une réduction importante des coûts de notre administration, nous protégions le plus possible la qualité de notre vie universitaire. Plus récemment, il a fallu aussi réduire les ressources en enseignement et en recherche, tout en diminuant sensiblement les coûts de main-d'oeuvre. Nous avons donc réussi le tour de force d'absorber une large part des compressions budgétaires au niveau du fonctionnement annuel. Il est clair maintenant que l'UQTR a épuisé sa capacité de subir d'autres pertes de revenus et qu'il ne lui est plus possible de redresser sa situation sans compromettre la qualité de ses services.

Pour en arriver à des résultats somme toute défendables, il faut savoir en effet que l'UQTR a dû consentir à contracter une dette importante en administrant des programmes de préretraite. Les indemnités de départ payées aux membres du personnel qui ont choisi de se prévaloir des offres des régimes de retraite et de l'UQTR totalisent 9 774 748 $, des dépenses exceptionnelles. Cette dépense exceptionnelle devrait maintenant faire l'objet d'un remboursement à même les économies réalisées par le non-remplacement des employés ou par les économies générées par le respect d'un plafond salarial dans le cas des nouvelles embauches. En fait, comme nous le verrons, ce scénario ne se réalise pas, car le gouvernement du Québec continue de pressuriser les budgets universitaires, tant et si bien que nos efforts sont annihilés à toutes fins utiles.

Voilà donc brièvement esquissée la description de notre situation actuelle. Voyons maintenant comment nous avons décrit ce que nous voulons être lorsqu'il a fallu nous donner buts et objectifs. En deuxième partie, je parle des développements. Je vous fais grâce de la page 11 qui rappelle notre plan quinquennal 1993-1998. J'enchaîne avec la page 12.

Voilà l'essentiel de ce qui a été retenu pour la période visée. Les rapports annuels d'activité en marge du suivi du plan ont permis de constater que sa réalisation va bon train; que l'on pense aux diverses mesures d'amélioration de la pédagogie, plus particulièrement en ayant recours de plus en plus aux technologies de l'information et des communications – à cet égard, nous avons un plan très vigoureux de déploiement des NTIC – à la mise en oeuvre d'une politique d'évaluation des programmes et des enseignements, à l'élaboration d'un plan de développement de la recherche ou encore aux interventions pour accroître l'effectif étudiant dans certains secteurs stratégiques.

(11 h 30)

Sur ce dernier point, l'Université poursuit son développement dans les approches non traditionnelles de la santé. Elle est sur les rangs, par exemple, pour obtenir la permission d'offrir le Baccalauréat en pratique sage-femme et elle déploie des efforts pour établir son secteur des sciences appliquées, dont l'effectif a connu une baisse importante au cours des dernières années.

Des actions sont également entreprises dans les domaines de la recherche et des services à la collectivité. L'UQTR s'adresse à la Fondation canadienne de l'innovation avec, bien sûr, l'approbation de Québec pour consolider les secteurs prioritaires que sont l'hydrogène, les pâtes et papiers et les études concernant les PME. De plus, les efforts devront être poursuivis dans ces domaines afin de resserrer les liens entre l'université et sa collectivité, de faire mieux connaître les réalisations et les services de l'université et d'assurer la plus grande mobilisation possible des ressources humaines autour des priorités stratégiques de l'université. Les documents annexés à mon texte visent un peu cet objectif.

L'UQTR est aussi fière d'avoir pu implanter trois nouveaux programmes: un Baccalauréat en sciences sociales, une Maîtrise appliquée en mathématiques et en informatique et – en septembre, maintenant, là, tout juste, on a reçu les premiers étudiants – un Doctorat en «Business Administration» offert conjointement avec l'Université de Sherbrooke.

Pour l'année qui vient, le conseil d'administration a convenu de retenir de façon plus particulière la priorité la plus intimement liée à sa mission de formation des personnes, soit le développement de la qualité de l'enseignement. À titre subsidiaire, les trois moyens privilégiés sont le développement de l'effectif étudiant, l'implantation des nouveaux moyens technologiques et le développement de l'éducation continue.

Au chapitre de l'implantation des nouvelles technologies de l'information et de la communication, l'Université fera le point de façon plus ample dans le rapport 1997-1998 destiné à votre commission. Je passe maintenant aux points particuliers.

Tout d'abord l'enseignement à distance, qui vous intéresse plus particulièrement. Plus haut, j'ai eu l'occasion de dire un mot de notre plan de développement des NTIC. Je veux, malgré tout, manifester l'intérêt que nous portons à l'enseignement à distance. Il est certain que nous voulons être partenaires de la Télé-université dans le développement de cette pédagogie. Pourtant, nous conservons à cet égard une autonomie d'action qui nous a déjà amenés à concevoir et à mener à bon port un projet majeur qui demeure l'une des plus belles réussites jamais réalisées en la matière. Il s'agit d'un cours multimédia qui a porté sur l'internationalisation des économies et des sociétés.

Ce cours a été offert grâce à la coopération de Cogeco, qui a installé la fibre optique dans la ville de Trois-Rivières et qui, par ce moyen, nous a permis de rejoindre nos étudiants dans leur demeure par le Web et l'Internet. Une cinquantaine d'étudiants ont pu suivre chez eux des enseignements qui étaient regroupés en 12 modules comportant une cinquantaine de séquences vidéo originales, des contenus spécifiques et plus de 150 hyperliens ouvrant accès aux banques de données les plus complètes. Alors, M. Bégin pourrait commenter sur les aspects de diffusion de ce cours-là, parce que c'était Cogeco Câble qui était notre partenaire.

Le cours, dans l'ensemble, a été un succès, comme nous avons pu le constater à la suite d'une évaluation rigoureuse. Depuis, ce cours n'a pas été répété, faute de ressources pour le mettre à jour. Cet été, au contact d'universitaires américains préoccupés par ces nouveaux développements – une société qui s'appelle Society for College and University Planning et qui se réunissait cet été – j'ai pu constater que notre expérience nous situait encore dans le peloton de tête en ce qui a trait à ces cours offerts à l'aide des NTIC.

De même, il est opportun de mentionner que l'UQTR, en partenariat avec les cégeps de Drummondville, de Saint-Hyacinthe et de Sorel-Tracy et du Centre universitaire des Appalaches, est en train de déployer un réseau de salles de télé-enseignement. La Fondation universitaire du Centre du Québec – la Fondation de l'Université du Québec à Trois-Rivières – appuie d'ailleurs cette mise en réseau de façon très vigoureuse. Donc, notre Fondation partage les coûts moitié-moitié avec les cégeps concernés.

Les travaux de la Commission universitaire des programmes. Votre intérêt vous amène aussi à vous interroger sur la rationalisation des programmes à l'échelle provinciale. À cet égard, l'UQTR prend très au sérieux les travaux de la commission formée par la Conférence des recteurs à la demande de Mme Marois. Plusieurs dossiers ont déjà fait l'objet d'une attention, et les programmes offerts à l'UQTR sont jugés originaux et suffisamment spécifiques pour mériter d'être préservés.

En musique, notre Université a cependant été sérieusement mise en cause, de telle sorte que nous avons enclenché une étude importante pour vérifier l'opportunité de resserrer nos liens avec le Conservatoire et maintenir, forts de cette collaboration, une présence dans l'enseignement musical en Mauricie. Ce dossier chemine présentement et devrait aboutir prochainement.

La concertation avec les collèges. C'est, là aussi, un sujet de préoccupation pour l'UQTR. Depuis de nombreuses années, notre établissement animait une table de concertation régionale de tous les établissements d'enseignement supérieur, soit les cégeps de Drummundville, de Shawinigan, de Trois-Rivières, de Victoriaville et le Collège Laflèche, un collège privé, comme vous savez. La séparation de l'ancienne région administrative 04 en deux régions distinctes est venue questionner cet arrangement. Il a fallu renouveler notre volonté de travailler ensemble à la lumière de l'existence des régions de la Mauricie et du Centre du Québec. Cela fut fait. Et j'ajoute que nous avons même résolu de resserrer les liens avec Lanaudière et de travailler plus étroitement avec le nouveau collège De Lanaudière à Joliette. Cette détermination nous a permis de monter un beau dossier de concertation en sciences infirmières qui voit à la formation des futures infirmières dans une continuité parfaite, du collégial à l'universitaire.

La planification institutionnelle. Dans notre envoi de cette année, vous aurez retrouvé une copie du plan quinquennal 1993-1998. Vous aurez noté que ce document doit maintenant être renouvelé. La démarche à cet effet est déjà amorcée et devrait être complétée au cours de la présente année universitaire, de telle sorte qu'il me sera possible de vous la faire parvenir avant notre prochain rendez-vous. Le nouveau plan, triennal, celui-là, comportera un bilan de la route parcourue depuis 1993.

Maintenant, ma conclusion. Je voudrais terminer cette présentation en abordant trois recommandations qui me tiennent à coeur. J'ai eu l'occasion de vous dire comment l'UQTR a réduit ses dépenses en administrant deux programmes de préretraite pour son personnel. Les coûts entraînés par ces programmes ont été importants et laissent une dette de près de 10 000 000 $ qui génère des frais d'intérêts élevés. Cela handicape sérieusement la capacité de redressement financier de l'établissement, puisque les compressions budgétaires continuent de s'appliquer en même temps que la population étudiante décroît. Or, ces dépenses, dans tout le reste du réseau de l'éducation de même que dans les autres réseaux publics, ont été supportées, à long terme, par le gouvernement du Québec. Au nom de l'équité, je me permets de proposer un traitement semblable pour mon Université de même que pour toutes les autres universités qui feront la preuve d'avoir fait de tels déboursés pour redresser leur situation financière. À défaut de satisfaire cette demande, il faudrait tout au moins que les frais d'intérêts de ces dettes soient pris en charge par le gouvernement.

Deuxième recommandation. J'ai aussi parlé des NTIC et de l'importance que l'UQTR a accordée à leur utilisation à des fins de formation. J'ai, pour ma part, relevé l'évolution des budgets d'investissement de mon Université au cours de la période où se sont développés ces moyens nouveaux. J'ai constaté qu'il n'y a pas eu de redressement majeur des sommes accordées pour permettre aux universités de construire un parc d'appareils modernes. Il a donc fallu que les universités procèdent à ce déploiement en négligeant d'autres priorités. À partir du moment où le gouvernement du Québec fait de ce développement technologique une priorité nationale, il faudrait qu'il consente à aider les universités à renouveler les instruments des professeurs, qui doivent être les premiers formateurs de la génération montante.

Je termine en vous redisant toute l'importance que l'UQTR accorde au développement de son secteur santé. Depuis l'implantation chez nous du Doctorat en chiropraxie, nous envisageons de nouveaux programmes comme la podiatrie et surtout la pratique sage-femme. Ces intentions de développement sont très importantes à nos yeux et demandent d'être soigneusement tenues en compte lors des décisions d'opportunité qui seront prises en cette matière.

En guise de conclusion, permettez-moi de souligner que je suis particulièrement fier des réalisations de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Enfin, les indicateurs montrent assez éloquemment que nous avons fait du boulot de redressement financier très important, au milieu d'un développement concerté, déployé, avec la collaboration de tous nos personnels. Et, donc, c'est avec beaucoup de satisfaction que je me présente devant vous pour vous parler de notre situation. Je vous remercie à l'avance de l'intérêt que vous porterez à notre Université et à ces quelques éléments d'information que vous avez reçus et je vous dis que, tous les cinq, nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. le recteur. Alors, pour amorcer l'échange avec vous, la parole serait au député de Lotbinière, M. le député de Lotbinière, qui, si je ne m'abuse, était aussi chargé de cours à l'UQTR.

M. Paré: Oui, chargé de cours, mais surtout un diplômé de la première cohorte, chère madame, en 1972, à l'Université du Québec à Trois-Rivières, avec M. Bégin et aussi M. Marchand, qui étaient de mes collègues.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, vous êtes en famille.

M. Plamondon (Jacques A.): M. Paré était aussi un Patriote.

M. Paré: C'est ça, parce que...

M. Plamondon (Jacques A.): À Trois-Rivières, c'est très important.

M. Paré: ...je jouais pour l'Université du Québec à Trois-Rivières et au football et au hockey. Donc, on pratiquait le matin, avant les classes, au football et, en fin d'après-midi, après les classes, pour le hockey. Donc, j'étais en bonne forme à l'époque.

La Présidente (Mme Blackburn): Et des malins vous diraient qu'actuellement il patine.

Des voix: Ha, ha, ha!

(11 h 40)

M. Paré: Sur une autre glace, plus mince, celle-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Et il est toujours patriote.

M. Paré: Je suis toujours patriote, c'est vrai. Puis je vous annonce aussi que la deuxième génération de Paré, mon fils, rentre à l'Université du Québec à Trois-Rivières ce matin, à la Faculté d'administration, en sciences comptables, un des fleurons de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Parce que, dans les examens nationaux, on se classe toujours dans les premiers, donc...

La Présidente (Mme Blackburn): Donc, on comprend que ça s'ajoute à votre bilan, M. le recteur.

M. Paré: C'est ça. J'ai réussi à le recruter pour vous, et puis ça me fait plaisir.

M. Plamondon (Jacques A.): Nous l'accueillerons comme nous accueillons tous nos étudiants, avec beaucoup, beaucoup de chaleur.

M. Paré: O.K. Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): M. le député.

M. Paré: Donc, moi, au niveau du financement, je pense qu'on peut constater que vous avez fait un effort extraordinaire, et vos chiffres parlent dans ce sens-là. Je ne sais pas si vous avez assisté tout à l'heure à la présentation de M. Lucier...

M. Plamondon (Jacques A.): Oui, tout à fait.

M. Paré: ...et à la séance de questions et réponses. On a abordé les bourses du millénaire et on a parlé à un moment donné de... M. Lucier nous a mis sur la piste, par substitution... Parce qu'on sait que c'est 625 000 000 $ en l'an 2000, qu'on est en train de constituer un fonds pour des bourses pour les gens du collégial et de l'université, donc, dans notre réseau d'éducation supérieure, ici, au Québec. On sait, ce que M. Lucier nous a dit tout à l'heure, on a constaté qu'on a 250 000 000 $ déjà. On est les seuls au Canada à donner des bourses à nos étudiants en éducation supérieure. Donc, par substitution, M. Lucier nous laissait entrevoir la possibilité de récupérer une partie, disons 100 000 000 $, de ces bourses-là pour la réinjecter au niveau de l'éducation supérieure, notamment dans les universités.

Si on faisait ceci, quelles seraient vos priorités? Parce qu'on sait que l'Université du Québec à Trois-Rivières, le réseau, c'est 25 % à peu près, donc, c'est 25 000 000 $ qui seraient réinjectés au niveau des constituantes. Des 25 %, je ne sais pas c'est quoi, la part de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Mais, si vous aviez cette marge de manoeuvre là, quelles seraient vos priorités de réinvestissement? On sait que les étudiants nous ont dit: Bon, bien, écoutez, nous, c'est les bibliothèques en premier, l'informatique et les nouveaux doctorats, les nouveaux professeurs, de jeunes professeurs de doctorat à engager dans le système. On nous dit que les professeurs, bien, bien sûr, c'est garder, maintenir le nombre de professeurs à l'intérieur de leur réseau. Et au niveau du conseil scientifique, on nous dit que c'est des cours vraiment ciblés et des nouveaux programmes ciblés pour répondre plus adéquatement aux besoins de notre société et des entreprises, et ainsi de suite. Vous, quelle serait votre priorité si vous aviez un réinvestissement à faire au niveau de votre Université, l'Université du Québec à Trois-Rivières?

M. Plamondon (Jacques A.): Tout d'abord, nous avons exposé tout à l'heure un peu notre stratégie avec des programmes incitatifs qui ont permis de soulager notre masse salariale globale. Maintenant, il fallait ensuite fixer les priorités de réinvestissement. À l'Université du Québec à Trois-Rivières, nous avons pris les devants et nous avons autorisé des recrutements de professeurs au cours de la dernière année. C'est probablement, au cours de la présente année, l'université québécoise qui a recruté le plus grand nombre de nouveaux professeurs. Parce que, pour nous, on a essayé, tout à travers ces années-là, de vraiment nous centrer sur notre mission d'enseignement et de recherche. Et l'effet des compressions, ça a été un effet d'affaiblissement de cette fonction-là.

Et j'ai expliqué un peu, dans le texte, la stratégie employée, c'est-à-dire, tout d'abord, réduire le plancher d'emploi, oui, il a fallu le faire, mais remplacer en recrutant des jeunes. Donc, à l'Université du Québec à Trois-Rivières, les recrutements ont été des recrutements à l'intérieur d'une catégorie II, échelon VII et, donc, chez nous, on a vraiment essayé de recruter des jeunes professeurs. Nous continuons ce plan de redéploiement des ressources pour consolider nos équipes. Et, dans ce sens-là, je dirais que la première priorité de l'Université, ce serait ce rattrapage au niveau de l'embauche de professeurs réguliers.

Bien sûr, en même temps, notre action, parce qu'on a analysé l'état de nos équipes et tenu compte des départs, on essaie de réinjecter les ressources dans les secteurs les plus en demande. On ne veut pas nécessairement remplacer les professeurs dans le département qu'ils ont quitté. Et là, bon, bien, on entre... Quand vous dites nos priorités, je dirais que les secteurs qui sont identifiés ici, les pâtes et papiers, l'hydrogène, l'étude des petites et moyennes entreprises, où nous avons regroupé nos professeurs dans un institut, nous leur avons donné pignon sur rue, alors, tout ça, ce sont des priorités de notre établissement, et nous encourageons, en quelque sorte, le déploiement de ces ressources-là.

Pour donner un exemple d'un développement tout récent dont on est vraiment fiers, cette année, en septembre, nous commençons à offrir un programme à temps plein en administration des PME au Centre universitaire des Appalaches, à Saint-Georges de Beauce. Nous accueillerons 45 étudiants temps complet dans ce programme-là. Les entreprises sont partenaires de l'Université pour assurer l'enseignement et des stages aux étudiants. Ce type de présence là, nous voulons l'avoir là où c'est requis. Nous avons des intentions semblables pour Drummondville et sa région.

Alors, vous le voyez, on a, d'une certaine façon, rationalisé à travers les actions que nous avons posées. Et maintenant, nous redéployons en nous assurant que les secteurs où nous réinvestissons sont les secteurs qui sont, je dirais, les plus en demande au niveau de nos caractéristiques que nous avons choisies au fil des années, soit en recherche, soit en enseignement. On peut dire, à cet égard-là que, je dirais, la planification pas forcenée, pas aveugle à la manière des économies planifiées des pays de l'Est, mais une planification, je dirais, intelligente et rigoureuse devient notre instrument. On essaie d'éviter, à travers tout ça, dans des compressions qui sont difficiles, des règles aveugles et des gestes qui compromettraient le développement de notre Université.

Alors, voilà comment je répondrais à votre question. On réinvestit dans nos missions, l'enseignement et la recherche, on réinvestit dans ces ressources professorales qui nous permettent de les mieux remplir, et on le fait de façon, je dirais, nuancée en tenant compte de nos points forts et de nos choix traditionnels.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Merci, M. le député. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je vais rentrer un peu sur les mêmes sujets. C'est toujours avec intérêt qu'on écoute ou qu'on rencontre les gens de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Vous avez une situation un peu particulière. Moi, quand je regarde les chiffres comme tels et vos chiffres d'inscription... Et même votre intervention me pose des problèmes. Je vous explique pourquoi. Vous avez dit: Nos secteurs clés, et très naturellement vous êtes rentré dans les pâtes et papiers, vous êtes rentré dans le secteur de l'hydrogène, et ça ne présente pourtant seulement que 7 % de vos inscriptions, en termes d'étudiants.

J'ai un peu l'impression, quand je regarde l'Université du Québec à Trois-Rivières, qu'il y a quelques secteurs moteurs, en partant, qui compétitionnent au niveau international sans aucune difficulté, qui sont d'ailleurs vos fleurons, vous les avez énoncés, je pourrais le refaire. Vous ajoutez aussi la théorie des membranes en biophysique, si je peux dire, vous avez aussi les petites et moyennes entreprises. Et, après, il reste un vaste domaine où, là, l'enseignement se donne par des chargés de cours, et là se trouve la majeure partie des étudiants.

Est-ce que ma lecture de l'Université est correcte? Parce que c'est un peu la lecture qu'on pourrait avoir: quelques secteurs de pointe qui ont peu d'étudiants et qui sont compétitifs sur le plan international, puis, après, des secteurs, disons, moins compétitifs où l'enseignement est donné plutôt par des chargés de cours. Est-ce que la lecture que je fais est correcte ou pas? Si elle est correcte, à ce moment-là, on pourrait discuter pour savoir s'il y a lieu de la modifier ou pas. Si elle est incorrecte, j'aimerais bien la modifier.

La Présidente (Mme Blackburn): M. Plamondon.

(11 h 50)

M. Plamondon (Jacques A.): Alors, M. le député de Verdun, tout d'abord, vous avez raison, nous avons ce que j'ai appelé des fleurons, et vous les avez énumérés. Il faut voir que, quand nous sommes présents de façon aussi résolue dans un secteur, tout d'abord, il y a une caractéristique à Trois-Rivières, c'est qu'on développe toute la... J'ai parlé d'une université à vocation générale qui développait les cycles d'études.

Pour prendre le cas des pâtes et papiers, on a donc un Baccalauréat en génie chimique, on a une Maîtrise en pâtes et papiers et un Doctorat en génie papetier. Donc, on a tout le spectre. Puis, maintenant, en administration, je vous ai dit qu'on avait maintenant un D.B.A., on avait déjà la maîtrise puis on avait le baccalauréat. Donc, quand on a identifié des secteurs, je dirais, qui deviennent des choix pour notre Université, ce qu'on a essayé de faire, c'est de développer tout le cycle jusqu'au doctorat.

M. Gautrin: Je n'en disconviens pas, mais les clientèles étudiantes ne suivent pas.

M. Plamondon (Jacques A.): Et, par conséquent, le nombre d'étudiants dans ces programmes-là... Il est compréhensible qu'ils soient moins nombreux que dans les grands programmes de base. Maintenant, ce que je voulais dire, parce que vous semblez dire: Bien ça, est-ce que c'est au prix d'avoir développé avec beaucoup de chargés de cours et est-ce que ça affaiblit les programmes de base?...

M. Gautrin: C'est exactement la...

M. Plamondon (Jacques A.): ...je dirais non. Puis je vous rapporte – M. Paré. tout à l'heure, a mentionné ça – notre performance, par exemple, en sciences comptables. Vous prenez la page 24 de notre petite brochure, puis on vous dit: L'UQTR, en sciences comptables, première dans les examens des trois corporations. Je donnerais l'exemple du génie, je donnerais l'exemple...

M. Gautrin: Là n'est pas ma... Écoutez...

M. Plamondon (Jacques A.): Il n'y a pas de négligence, là.

M. Gautrin: Non, je comprends, mais, écoutez un peu. Moi, la question que je me pose, j'ai l'impression... Je comprends que vous avez du succès, etc. Ce n'est pas ça. Il semblerait que certains secteurs ont une très forte concentration d'enseignements par des chargés de cours. Je crois qu'on conviendra ici sans difficulté que l'encadrement qui est donné par un chargé de cours est peut-être différent de l'encadrement qui est donné par un professeur, sinon, il n'y a pas de raison de les payer différemment.

Et, donc, ça fait une différence dans l'encadrement des enseignements que vous pouvez donner dans ce que je pourrais appeler vos grands secteurs de base, au profit de maintenir, ce qui n'est pas négligeable – et je m'attendais que vous répondiez à ma question d'une autre manière, mais je vais vous relancer la poque – de dire que vos fleurons, ce que vous appelez vos fleurons sont aussi intimement liés au développement économique régional, à savoir et la question des pâtes et papiers et la stratégie qu'on peut avoir par rapport à l'innovation sur l'hydrogène, et, donc, qu'il y a un lien direct entre l'Université du Québec à Trois-Rivières et une stratégie du développement de l'innovation dans la région de la Mauricie. Je m'attendais que vous me répondiez ça, mais enfin, je crois que c'est vrai.

Mais je me préoccupe quand même. Est-ce que ceci est fait au détriment d'une forte concentration d'enseignements donnés par des chargés de cours dans la majeure partie des cours, qui ne sont pas dans vos fleurons, qui regroupent, qui recrutent quand même la majeure partie de vos étudiants? Vous avez seulement 7 % de vos étudiants dans les secteurs des sciences appliquées et des sciences pures, qui sont importants. Je ne conteste pas vos succès, je ne conteste pas ce que vous avez fait, ce n'est pas ça. Mais je me dis: est-ce que ça, ça a été fait au détriment des enseignements dans les autres secteurs? C'est l'inquiétude que je pourrais avoir en lisant les chiffres.

Mme V. de la Durantaye (Claire): Non, je crois... Si je peux me permettre, je voudrais donner l'exemple du secteur des sciences de l'éducation, de la formation des maîtres ainsi que de l'administration scolaire, où nous avons effectivement une maîtrise et un doctorat, mais où notre implication au premier cycle est très grande. Nous agissons dans à peu près tous les programmes de formation des maîtres. Et je peux vous assurer que, pour l'avoir vécu depuis six, sept ans, l'Université du Québec à Trois-Rivières a investi énormément dans le domaine de la formation des maîtres.

D'abord, nous avons suivi, je dirais, de façon très soigneuse, les réformes enclenchées par le ministère de l'Éducation. Nous avons porté nos programmes à quatre années. Et, lorsque M. le recteur a fait mention que, cette année, l'Université du Québec à Trois-Rivières, de façon exceptionnelle, a procédé à l'embauche d'une trentaine de nouveaux professeurs, ce qui est un effort énorme dans les conditions actuelles, pour l'Université, il faut dire que ces choix-là ont été guidés par nos étudiants de premier cycle, nos étudiants, où sont nos étudiants et la qualité.

Mais, si je peux me permettre, il demeure un constat général, qui a été évoqué d'ailleurs hier à la radio, c'est qu'en général à l'Université du Québec, et c'est tout à fait exact pour l'Université du Québec à Trois-Rivières, nous n'avons pas en ce moment suffisamment de postes de professeurs pour faire en sorte que nos professeurs rencontrent les étudiants, que ce soit du premier, du deuxième ou du troisième cycle, en proportion qui serait comparable à la moyenne des universités au Québec.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme de la Durantaye.

M. Plamondon (Jacques A.): Peut-être, j'ajouterais...

La Présidente (Mme Blackburn): M. Plamondon.

M. Plamondon (Jacques A.): Parce que je vois aussi l'autre aspect de la question de M. le député. Concernant les chargés de cours, vous savez que la dernière grève de chargés de cours dans une université québécoise a été celle subie à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Bien sûr, il y avait un rattrapage énorme. Je pense, Mme la Présidente, vous exprimiez cette préoccupation lorsque vous avez rencontré les autorités de l'Université du Québec. Alors, chez nous, cette grève-là, qui a été difficile et qui nous a fait mal, ça a été ardu. Il reste qu'on a fait des progrès énormes en termes de reconnaissance de la place des chargés de cours.

Suite à cet événement on a aussi investi dans le perfectionnement de nos chargés de cours plus qu'auparavant. On a accepté d'injecter des argents pour les recycler ou les former mieux aux nouvelles technologies. Donc, ils sont partie intégrante de notre vie universitaire, à cet égard-là. Et nous avons aussi procédé à un rattrapage par rapport à d'autres établissements pour leur intégration dans la vie académique de notre Université.

Alors, tout n'est pas parfait avec nos chargés de cours, mais je dirais aux membres de la commission qu'à cet égard-là on a, toujours dans l'esprit d'offrir malgré tout, malgré le fait qu'on a 50 % de nos cours à peu près, comme ceux des autres constituantes du réseau, donnés par des chargés de cours, essayé de faire que même cette partie qui est offerte par les chargés de cours puisse être, je dirais, concertée avec nos professeurs réguliers, parce que les chargés de cours ont une place plus importante dans notre établissement.

Donc, tout en gardant nos fleurons, on essaie de garder aussi un équilibre. Et je pense qu'on a des succès qui attestent ça éloquemment. Cette année, on va donner les premiers diplômes, c'est-à-dire, je vais remettre les premiers diplômes à 45 nouveaux chiropraticiens. C'est la première cohorte de chiropratique à sortir de notre Université. Le contingent était de 45. La rétention est de 100 %.

La Présidente (Mme Blackburn): Je répète la même question, à savoir le traitement ou le rôle qui était donné ou consenti aux chargés de cours. Il y a toujours eu une espèce de clivage entre les professeurs réguliers, donc à temps-plein et permanents, et les chargés de cours. On a connu ça dans la plupart de nos universités. Ils étaient plutôt mis à l'écart, comme je le rappelais tout à l'heure. Dans votre rapport, vous nous dites que «le conseil d'administration de l'Université a adopté en fin d'exercice 1996-1997 une déclaration de principe sur le rôle et la valorisation de la place des chargés de cours, et ça marque un engagement institutionnel ferme à améliorer et faciliter l'intégration pédagogique des chargés de cours à l'Université». Comment ça s'est traduit comme temps de présence auprès des élèves?

Mme V. de la Durantaye (Claire): Eh bien, je reprends un peu les propos de M. le recteur, il y a quelques minutes à peine. Nos chargés de cours maintenant sont présents à toutes les instances académiques de l'Université et particulièrement au niveau de la vie modulaire, c'est-à-dire les conseils de module, où se retrouvent professeurs, chargés de cours et étudiants. Nous avons maintenant aussi la présence des chargés de cours sur chaque comité chargé d'évaluer un programme.

On sait, avec la politique de la CREPUQ et avec les politiques que chaque université s'est données ces dernières années, que tous nos programmes sont évalués périodiquement. «Évalués», ça, ça veut dire qu'on regarde les points forts, les points faibles, on regarde les objectifs pédagogiques du programme de chacun des cours. Les chargés de cours sont invités à participer à ces comités d'évaluation là.

(12 heures)

Et je dirais aussi que, dans beaucoup de nos départements, les chargés de cours sont invités à participer au comité de planification des enseignements. Alors, on sait que, dans un département, il peut se donner le même cours mais à plusieurs groupes. Il y a toujours des rencontres de planification. Les chargés de cours sont invités à participer à ces rencontres-là et, je dirais, comme personnel enseignant à part entière au niveau de l'atteinte d'objectifs et de la qualité d'encadrement des étudiants.

Ils sont aussi couverts, je dirais, dans une certaine mesure par tous les efforts que nous menons – M. Plamondon l'a dit – dans le domaine des nouvelles technologies de l'information et des communications. Notre Université investit tout de même 150 000 $ en fonctionnement pour offrir aux différents enseignants, qu'ils soient professeurs ou chargés de cours, des sommes pour les aider à apprivoiser les nouvelles technologies et à les utiliser à l'intérieur de leurs cours. Les chargés de cours participent en grand nombre à ces activités-là. Et je pourrais continuer comme ça. Leurs cours sont aussi évalués parce que, depuis l'an dernier, nous avons maintenant une politique officielle d'évaluation des enseignements, mais nous pratiquons depuis au moins 20 ans l'évaluation des enseignements dans tous nos cours. Alors, les chargés de cours reçoivent aussi l'évaluation de leurs cours.

La Présidente (Mme Blackburn): Sur la question précédente, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Pas sur les chargés de cours. Moi, je rentre sur le budget.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui.

M. Gautrin: Pas sur les chargés de cours. J'ai terminé.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, moi, ce serait peut-être, si vous permettez, sur les nouvelles technologies de l'information, le multimédia. Dans un autre modèle, beaucoup moins avancé, on ne jurait que par cela, il y a 25 ans, le multimédia. On sait ce que ça a donné. Finalement, ça n'a pas percé tel que les attentes... On avait une vision. On a même construit un collège autour de ce modèle-là. On connaît la suite de l'histoire.

On aborde les nouvelles technologies des communications, de l'information et des communications. J'ai l'impression, à tort sans doute, dans cette même perspective, et en même temps je sais que c'est de plus en plus utilisé à la maison, les familles sont munies d'ordinateurs, et tout ça... Mais est-ce que finalement ça ne risque pas de donner sensiblement les mêmes résultats que ça a donnés lorsqu'on a parlé du multimédia et de l'enseignement – et j'en passe, je ne veux pas m'attarder là-dessus parce que je sais que, vous, vous connaissez l'histoire – et, finalement, l'échec de cette approche qui n'avait peut-être pas suffisamment pris en compte le désir, la volonté des gens de se parler et non exclusivement par ordinateurs interposés? Tout ça m'inquiète. La même chose, comme il y a une multiplication d'informations sur ces réseaux, est-ce qu'on apprend à discriminer? Est-ce que, finalement, le temps qu'on prend à chercher son information, on ne la trouverait pas plus rapidement dans un manuel? Tout ça m'inquiète par rapport à l'importance que les établissements y accordent, le vôtre en particulier.

M. Plamondon (Jacques A.): Voilà, madame. Vous avez raison en partie, et je pense qu'on peut témoigner, nous, parce qu'on a fait le cours dont j'ai parlé, le cours qu'on a fait avec les partenaires de Cogeco. Tout d'abord, quand je citais des Américains, je pourrais même mettre leur nom, alors il y a actuellement aux États-Unis deux personnes qui ont publié un livre très important sur la transformation des universités aux lumières des nouvelles technologies. C'est les professeurs Dolence et Norris. M. Norris était au congrès dont j'ai parlé, et j'ai eu l'occasion de parler avec lui puis de lui décrire un peu notre projet et ce qu'on a réalisé. Et il disait: Vous êtes à l'avant-garde; même aux États-Unis, dans les réseaux qui sont très puissants, on n'a pas fait un modèle aussi pur.

Qu'est-ce que ça nous a donné, nous autres? Ça nous a donné une grande expertise et, heureusement, nos collègues de Cogeco nous ont donné l'occasion, ont donné à des professionnels et à des professeurs d'aller très loin. On a donc offert ce cours-là de trois crédits, et les étudiants... il y avait deux groupes, ils étaient 50 au total, il y en avait 25 qui prenaient ça chez eux dans leur salon et 25 qui prenaient ça dans des salles publiques de l'Université. On avait a priori exclu le fait que ces gens-là ne se rencontrent avec les professeurs. Alors, tout ce qu'ils avaient, ils voyaient les professeurs sur leur écran d'ordinateur et il y avait une introduction... Quand j'ai parlé des séquences vidéo, il y en avait 50 qui étaient originales, etc. Alors, on est allé au bout puis on a fait l'évaluation de ça. Et ce qu'on a obtenu, c'est que les étudiants nous ont dit: Merveilleux! pour un cours, une expérience remarquable, mais on ne ferait pas tout un programme universitaire avec ces moyens-là.

Ce que ça nous a dit: Tout d'abord, c'est coûteux. Mais les coûts vont, j'imagine, se stabiliser. Ce que ça nous a dit, c'est que probablement il fallait un mixte, qu'il fallait introduire cela de façon planifiée, mais le faire en essayant toujours de maintenir soit de la stimulation, de la présence face à un professeur, soit la stimulation d'un groupe d'étudiants qui travaillent ensemble. Et donc, dans le plan NTIC que nous avons adopté, nous prévoyons... Et les projets dont parlait Mme de la Durantaye sont des projets qui ne visent pas à faire des cours qui vont entièrement se donner avec ces moyens-là, mais visent à faire des mixtes intéressants, bien gradués, pour que les étudiants suivent et puissent utiliser ces moyens extrêmement puissants qui peuvent leur donner des accès incroyables.

Je prends le cas de l'environnement, par exemple, dans notre cours; à l'époque, c'était la guerre du flétan. Alors, il y avait des jeux drôles où les étudiants étaient des pêcheurs portugais, l'autre était un pêcheur acadien, et il y en a qui étaient des gouvernants, et tout ça, et ils faisaient des simulations entre eux, puis là ils pouvaient aller chercher des statistiques à Genève, ils pouvaient aller chercher des statistiques à l'ONU, ils pouvaient aller chercher des statistiques, et tout ça, par les hyperliens qui étaient établis. Donc, ils avaient accès à une masse d'informations absolument phénoménale et, toujours, ils ne s'égaraient pas, parce qu'il leur suffisait de revenir à leur cours de base pour avoir leur professeur devant eux qui leur expliquait la suite du cours. Donc, il y a moyen de travailler avec ces technologies-là et de faire des choses très intéressantes.

Maintenant, bien sûr, il faut le faire, développer l'expertise, et c'est ce qu'on a essayé de faire avec le cours et qui a été un héritage très important chez nous parce que, maintenant, nos professeurs qui ont participé à ça, nos professionnels des technologies de l'information et des communications sont plus aguerris et peuvent soutenir mieux ces développements-là à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Je ne sais pas, Jacques, si tu as quelque chose de particulier?

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, M. Bégin.

M. Bégin (Jacques): En fait, ça va exactement dans le même sens, ce qu'on apprend, et ça va dans le même sens que vous, Mme la Présidente, les technologies par elles-mêmes ne sont pas une fin en soi et on se rend compte qu'il faut que les gens se parlent, se voient et se touchent. Ceci dit, elles peuvent contribuer, et je pense qu'on l'a démontré à Trois-Rivières, au développement de l'étudiant. Les résultats, suite à l'expérience, démontrent que les deux groupes- pilotes, soit celui qui était en formation normale, magistrale à l'Université, et l'autre qui étudiait à la maison, ont des résultats similaires. Donc, il n'y a pas de différence dans l'apprentissage comme tel, sauf les commentaires, effectivement, que les gens disent: Ce n'est pas le genre de pédagogie qu'on prendrait à long terne. Donc, on a senti ça.

Il est important de savoir, de notre côté, au niveau technologique en tout cas, que c'est prêt. Le déploiement de l'inforoute dans le cadre des territoires de l'Université du Québec à Trois-Rivières, que ce soit Saint-Georges de Beauce, Drummondville, Saint-Hyacinthe, Trois-Rivières, ça va de pair, par hasard, avec notre organisation, mais c'est vrai aussi à Rimouski où on est présent, et l'inforoute est déployée, les communications à haute vitesse sont là, et des expériences comme celles qu'on a vécues à Trois-Rivières peuvent se répéter immédiatement dans toutes ces régions-là. Donc, ce n'est pas un problème de technologie, c'est plus un problème de pédagogie et d'approche de l'étudiant.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Merci, M. Bégin. Est-ce que, sur cette question... Il y avait toute la question de l'arrimage avec les collèges. Je ne sais pas s'il y a...

M. Gautrin: Mais, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: ...simplement sur le partage du temps, c'est une question qu'on...

La Présidente (Mme Blackburn): Ah! tout à l'heure, ça a été 20-20, c'est-à-dire moitié-moitié.

M. Gautrin: Je ne suis pas sûr.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, on l'a fait compter, parce que je ne veux pas vous priver de votre droit.

M. Gautrin: C'est bien ce que je pensais.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, vous avez la parole, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Non, si M. le député de Champlain veut entrer sur le même sujet, sur les nouvelles technologies.

M. Beaumier: Non, ce n'est pas sur le même sujet, puis je viendrai après vous.

M. Gautrin: Merci. Moi, je vais revenir, si vous me permettez, M. le recteur, sur toute la question financière. Vous nous avez ouvert une porte, je voudrais bien savoir si je la comprends. Vous dites: Nous avons, pour équilibrer nos budgets, été à même... ou demandé des départs, d'avoir un programme de mise à la retraite qui a eu des succès, qui a permis le départ de 43 professeurs, 42 personnes non enseignantes. Vous avez été d'ailleurs amenés à remplacer un certain nombre de professeurs, mais vous faites des économies parce qu'il y a une différence d'échelle, entre le début de l'échelle et la fin de l'échelle. Et vous soulevez la question, si je comprends bien, du déficit qui est inhérent à cela à cause de la dette dans les fonds de pension.

(12 h 10)

Alors, la question que je vous pose, et vous avez probablement fait des calculs: Est-ce que le fait que vous avez obtenu un congé de cotisations patronales pendant un certain temps – je pense, pendant un an ou deux, c'est bien cela? – actuellement de vos employés réduit ce déficit accumulé ou non? Ou est-ce que le calcul du déficit accumulé que vous nous présentez actuellement, c'est en incluant le fait que vous avez obtenu un congé de cotisations patronales dans le régime de pension?

M. Marchand (Cléo): Si vous me permettez, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui.

M. Marchand (Cléo): Il faut préciser que l'UQTR vivait avec un surplus accumulé, il y a trois ans, d'autour de 3 500 000 $, surplus qui a fondu comme neige au soleil du printemps. Nous avons terminé, au 31 mai dernier, 1998, avec un déficit accumulé d'environ 7 000 000 $. Ça comprend, dans le 7 000 000 $, la prise en charge ou le bénéfice que nous avons retiré du fait que nos employés ont participé à une politique salariale et le congé de primes dont l'employeur a bénéficié provenant du régime de retraite.

M. Gautrin: Donc, ça inclut les deux.

M. Marchand (Cléo): Oui. On termine l'année avec un déficit accumulé, au 31 mai dernier, de 7 000 000 $ auquel nous devons ajouter un résidu de la dépense exceptionnelle des deux programmes d'incitation à la retraite qui totalisent autour de 3 000 000 $ qui restent à comptabiliser comme dépense exceptionnelle dans les deux prochaines années.

M. Gautrin: Ça, c'est le déficit accumulé. C'est l'équivalent de la dette à l'heure actuelle.

M. Marchand (Cléo): Le déficit accumulé se retrouverait autour de 10 000 000 $

M. Gautrin: O.K. Maintenant, dans l'année qui est en cours, vous prévoyez arriver à un déficit ou vous prévoyez arriver à un budget équilibré?

M. Marchand (Cléo): Si vous me donnez une minute, je vais terminer en disant que, pour 1998-1999, les prévisions budgétaires montrent un déficit prévu d'autour de 2 000 000 $. Donc, au 31 mai 1999, notre déficit accumulé tournerait autour de 12 000 000 $. Mais ce qui est crucial maintenant, c'est qu'en l'an 1999-2000, là où les salaires devront être rétablis conformément aux conditions signées dans les conventions collectives et au rajustement des 2 % auxquels les employés ont renoncé, à cela on doit ajouter que nous n'avons plus de congé de primes en ce qui a trait au régime de retraite, nous prévoyons un déficit structurant – et je prends l'expression du président de l'UQ – de 6 500 000 $. Et ça, c'est un 6 500 000 $...

M. Gautrin: Qui est récurrent.

M. Marchand (Cléo): ...récurrent d'année en année.

M. Gautrin: Qui va être récurrent. Donc, réellement, si on ne règle pas la question des fonds de pension, vous êtes absolument égorgés.

M. Marchand (Cléo): Et on se souvient qu'il y a de cela trois ans, nous étions en surplus accumulé. L'UQTR finissait ses années toujours avec un surplus.

M. Gautrin: Oui, ça, je le vois ici dans les courbes.

M. Plamondon (Jacques A.): Alors, sur la question de la dette...

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Marchand. Oui, M. Plamondon.

M. Plamondon (Jacques A.): Sur la question de la dette, quand je dis que ça handicape, dans mon texte, c'est effectivement...

M. Gautrin: Parce que, en plus, vous avez le service de la dette accumulée qui s'en va en phénomène courant. À chaque année, vous devez avoir un service de la dette qui handicape automatiquement votre institution, ou qui augmente proportionnellement votre déficit de fonctionnement.

M. Plamondon (Jacques A.): Tout à fait. Donc, ces frais-là... Dans le fond, je pense vraiment, sur cette question particulière qui ne corrige pas la totalité de notre problème de financement, sur cette question particulière, il y a vraiment un problème d'équité, parce que les dépenses que nous avons encourues pour les programmes de préretraite, dans les autres réseaux ça n'a pas été à la charge des établissements.

M. Gautrin: Je pense que ce que vous voulez dire, c'est que, si vous vous comparez aux réseaux primaire et secondaire ou au réseau collégial, parce que leurs employés avaient un fonds de pension qui était ce qu'on appelait le RREGOP, ou le RRE, ou le RRF, à ce moment-là, ça a été à même l'entente, face au RREGOP qui a absorbé, en quelque sorte, les programmes de départs assistés et ce n'était pas le cas dans votre institution.

M. Plamondon (Jacques A.): Tout à fait.

La Présidente (Mme Blackburn): C'est la recommandation qu'on retrouve à la page 16 de votre présentation tout à l'heure, au point 4.1.

M. Gautrin: Mais je comprends que c'est la situation qui est la même à peu près dans l'ensemble des composantes du réseau.

M. Plamondon (Jacques A.): L'ensemble des universités québécoises. Je pense bien qu'il y a eu...

Une voix: Du Québec.

M. Gautrin: Du Québec...

La Présidente (Mme Blackburn): Québécoises.

M. Gautrin: ...qui sont tenues par la même situation.

M. Plamondon (Jacques A.): Je crois que ça va devenir une demande... c'est devenu une demande CREPUQ.

M. Gautrin: Je comprends.

La Présidente (Mme Blackburn): D'accord.

M. Gautrin: J'ai une autre question, mais enfin peut-être que mon collègue de Champlain...

La Présidente (Mme Blackburn): Allez, M. le député de Champlain.

M. Gautrin: Pour respecter l'alternance.

M. Beaumier: Rapidement, Mme la Présidente. Je sais que vous êtes très sensible, Mme la Présidente, à l'arrimage le plus parfait entre le niveau collégial et puis universitaire, et je prenais dans le document déposé et lu par M. le recteur qu'en ce qui concerne la formation des infirmières, dans le cadre de la concertation cégep et puis université, vous aviez, je cite: «La formation des futures infirmières dans une continuité parfaite du collégial à l'universitaire.» J'ai eu l'occasion, moi, de recevoir, à mon bureau, sans aucun rapport avec la dimension universitaire, mais j'avais eu l'occasion de recevoir à mon bureau, il y a quelques mois, des infirmières qui, effectivement, me posaient cette question-là sur l'espèce de continuité sans dédoublement, sans allongement inutile des deux formations au niveau cégep et au niveau universitaire. J'aimerais ça savoir exactement c'est quoi, cette continuité parfaite à laquelle je pense, je crois, pour vous connaître.

La Présidente (Mme Blackburn): Mme de la Durantaye.

Mme V. de la Durantaye (Claire): Oui, merci. En fait, c'est un projet qui chemine depuis quatre ans, qui a consisté à travailler de façon intense avec les collègues de nos cégeps de la région, mais la région s'élargissant jusqu'à Joliette avec laquelle nous avons d'excellents contacts. Et le projet, c'est de donner, ensemble, cinq ans en continuum de formation qui permet à l'étudiante ou à l'étudiant, au bout de ses trois premières années, soit de terminer, comme ils le font actuellement, avec un D.E.C. technique en sciences infirmières ou de poursuivre son cheminement et de terminer après le baccalauréat en ayant deux diplômes, le D.E.C. technique en sciences infirmières et le baccalauréat. Alors, dans ce cheminement-là, les professeurs de l'Université interviennent dès la première année et demie de formation au collégial, si on veut garder les divisions, pour bien s'y retrouver, comme, par la suite, certains ou certaines professeures du collégial interviennent au niveau de la formation qui pourrait se trouver, dans le système actuel, en première année d'université.

Les objectifs de formation, parce que c'est le coeur, ça, vraiment, de toute discussion d'un programme. Quels objectifs avons-nous? Quels objectifs de formation donnons-nous à ces programmes-là? Des objectifs de formation sont pris dans leur ensemble et, lorsque l'étudiant ou l'étudiante, à un moment donné de son parcours au collège, choisit son orientation, les cours qu'il lui reste à suivre, à ce moment-là, sont déterminés par la sortie qu'il a choisie. Alors, il y a vraiment interrelation tout au long du cheminement, qu'il soit de niveau collégial ou de niveau universitaire, des deux groupes, des deux équipes enseignantes. Et les objectifs ont été redéfinis globalement, parce que ce qu'apporte normalement une formation universitaire, c'est un élargissement des connaissances dites générales, c'est qu'on accroît la formation de base dans certaines disciplines de façon à favoriser la spécialisation de la personne.

Maintenant, le document est prêt. Nous avons sensibilisé les gens au ministère de l'Éducation, les gens, bien évidemment, au niveau de la présidence et de la vice-présidence de l'Université du Québec. Il y a eu cependant les bouleversements récents que l'on connaît, c'est-à-dire que, depuis deux ans, le réseau de la santé au grand complet est en transformation. Il y a eu apparition de contingentement dans ces programmes au niveau collégial. Et il y a eu, par la suite, la volonté de la ministre de mettre fin à la formation initiale au niveau universitaire. Alors, ceci a provoqué, comme conjoncture, un ralentissement, et nous attendons actuellement, en fait, l'issue de cette proposition-là que nous avons faite. Nous savons aussi, nous avons lu le rapport du CLES, récemment, qui est un rapport très important sur lequel, je crois, les vice-recteurs à la CREPUQ doivent se prononcer prochainement, où le CLES réaffirme la nécessité, pour une voie professionnelle au collégial, de demeurer professionnelle au collégial. Alors, c'est la situation actuelle du dossier.

M. Beaumier: Cette réflexion qui est commencée, ce travail qui est commencé depuis quelques années, je comprends que ça va s'arrimer avec les nouvelles orientations qui ont été déterminées, qui ont été avancées au niveau du gouvernement concernant les objectifs de formation très très précisément d'infirmières au cégep et la spécialisation au niveau universitaire. Est-ce que c'est aussi tranché que ça?

(12 h 20)

Mme V. de la Durantaye (Claire): Les nouvelles les plus récentes que j'ai, elles ne sont peut-être pas tout à fait à jour, mais c'est qu'il y a un comité présidé par la ministre elle-même...

M. Beaumier: Oui, c'est ça.

Mme V. de la Durantaye (Claire): ...qui va revoir l'ensemble de cette problématique de la formation des sciences infirmières. Par conséquent, les cégeps, je suppose, sont en attente de nouvelles orientations parce que eux-mêmes sont à redéfinir les objectifs de formation de leurs étudiantes et étudiants de ce secteur. Évidemment, nous, à l'Université du Québec à Trois-Rivières, compte tenu du projet que nous avons mis sur la table avec nos collègues des autres collèges, attendons effectivement les résultats de ce comité-là.

M. Beaumier: Et vos travaux pourront inspirer aussi la réflexion qui est en cours par le comité actuellement.

Mme V. de la Durantaye (Claire): Bien, nous le souhaitons beaucoup...

M. Beaumier: O.K. C'est beau.

Mme V. de la Durantaye (Claire): ...parce que nous sommes très fiers de ce projet-là qui donne un éclairage nouveau à la formation des infirmiers et des infirmières et leur permet d'entrer, je dirais, de plain-pied dans des programmes de type plus spécialisé, par exemple, en soins périopératoires, en soins cardiovasculaires. Mais c'est une question, comme vous voyez, qui est cruciale en ce moment, puisque les hôpitaux eux-mêmes sont à revoir leur organisation et qu'il est, je suppose, peut-être un peu difficile en ce moment de prévoir les besoins de formation qui, par ailleurs, selon d'autres indicateurs, nous laissent croire que la formation des infirmières doit connaître vraiment une assise importante compte tenu des responsabilités qu'on s'attend à ce qu'on leur confie dans les prochaines années.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, madame. M. le député de Verdun, est-ce que c'est sur la même question?

M. Gautrin: Simplement, sur la même question, tout à fait. À l'heure actuelle, malgré l'existence d'un continuum, quelqu'un qui a un D.E.C. général en santé peut-il entrer dans le programme de sciences infirmières de l'Université du Québec à Trois-Rivières?

Mme V. de la Durantaye (Claire): Non.

M. Gautrin: Donc, actuellement, il est limité uniquement... vos admissions sont limitées uniquement aux gens qui ont une formation avec un D.E.C. technique.

Mme V. de la Durantaye (Claire): Oui. De souvenir, c'est le modèle que nous avons sur la table.

M. Gautrin: Donc, c'est un changement ou ça a toujours été comme ça?

La Présidente (Mme Blackburn): M. Plamondon.

M. Plamondon (Jacques A.): Chez nous, à l'Université du Québec à Trois-Rivières... Enfin, vous savez, il y a quatre universités au Québec qui offrent une formation initiale suite à une formation D.E.C. général. Alors, ce sont les universités Laval, Montréal, McGill et l'Université du Québec à Hull. Les autres ont des programmes de baccalauréat offerts après le D.E.C. technique à des infirmiers et des infirmières qui décident d'aller plus loin dans les études universitaires. Or, le dossier dont on parle, c'est un dossier qui viendrait alléger, dans le même esprit que celui qu'a abordé le président de l'Université du Québec pour les sciences appliquées et l'administration, le fardeau pour éviter les redites à ces étudiants et étudiantes qui font le continuum. Et maintenant, bon, il y a un ralentissement dans les travaux, mais l'exemple vous permet d'illustrer deux choses particulières et c'est pour ça qu'il est intéressant.

Tout d'abord, le sujet de préoccupation qui était le vôtre, c'est-à-dire notre travail avec les cégeps. À Trois-Rivières, on investit beaucoup dans cette concertation avec les établissements collégiaux et c'est un exemple de succès, maintenant qui n'a pas encore donné tous ses fruits parce que la conjoncture n'a pas permis d'aller au bout de ça.

L'autre chose, c'est qu'effectivement ce travail de concertation, nous le faisons pour les infirmières, mais comme nous le faisons en administration où le collège Laflèche est demandeur, il voudrait qu'on arrime nos programmes d'administration au programme de formation en trois ans, là, dans les techniques administratives offertes par le collège. Et même chose qu'on essaie de faire de plus en plus dans le secteur des sciences appliquées. Donc, je pense que ça illustre deux aspects des préoccupations que vous aviez comme commission.

La Présidente (Mme Blackburn): Le ministère nous a remis un tableau des différents programmes dispensés au niveau du D.E.C. professionnel et les reconnaissances accordées par les différentes universités. Votre Université n'apparaît pas dans ce tableau-là. Est-ce qu'il y a une harmonisation, un continuum de formation – par exemple, vous avez un programme de génie – avec les programmes de D.E.C. professionnel? Combien de crédits vous leur reconnaissez? Est-ce que vous obligez l'étudiant qui se voit reconnaître, par exemple, trois cours, 15 crédits, est-ce que vous l'obligez à prendre un autre cours complémentaire de plus qui ne serait pas imposé à d'autres? Il y a toutes sortes de pratiques. Vous avez entendu tout à l'heure un peu l'intervention là-dessus. Mais on n'a pas le tableau de la performance, si vous pouvez me le permettre, de l'Université du Québec à Trois-Rivières par rapport à ce champ d'activité. Est-ce qu'il y a harmonisation entre les diplômés de D.E.C. professionnel qui s'inscrivent dans un programme apparenté à l'université, dans quelle mesure on les reconnaît et dans quelles disciplines? Alors, si vous avez un tel tableau, ça intéresserait sans nul doute tous les membres de la commission.

M. Plamondon (Jacques A.): Pour notre propre éclairage, peut-être... je ne sais pas à quoi attribuer le fait que nous sommes absents de ce tableau parce qu'il y a chez nous des pratiques, peut-être pas une politique aussi développée que dans d'autres établissements, mais nous faisons ça, nous, avec les restrictions que le président de l'Université du Québec mentionnait. Quand nous travaillons, par exemple, dans un domaine comme le génie, où la corporation, l'Ordre des ingénieurs, et le Conseil canadien à l'accréditation des programmes sont présents, bien là, on a des contraintes avec lesquelles il faut composer. Donc, il faut que nos programmes demeurent reconnus par le Conseil canadien et, par conséquent, il peut arriver qu'on ait des difficultés particulières.

La Présidente (Mme Blackburn): J'ai un problème de compréhension.

M. Plamondon (Jacques A.): O.K.

La Présidente (Mme Blackburn): Probablement que ou je ne suis pas suffisamment dans le réseau ou j'y ai été trop longtemps.

M. Plamondon (Jacques A.): Écoutez, le tableau en question, j'aimerais le voir, parce que je ne comprends pas, moi.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, d'accord. C'est parce que vous me parlez – et le président, tout à l'heure, le faisait également – de l'accréditation canadienne. L'accréditation canadienne vaut pour le Québec comme elle vaut pour le Nouveau-Brunswick ou l'Ontario. Alors que les universités des provinces voisines reconnaissent jusqu'à un an de formation... donc, la formation en génie, d'une durée de deux ans et demi à trois ans, lorsque l'étudiant a eu sa formation au Québec, dans un D.E.C. professionnel apparenté, et on n'aurait pas ça au Québec. C'est ça que je veux savoir, pourquoi? Parce que là on me réfère toujours à cette accréditation canadienne. Elle est la même pour l'université de la Nouvelle-Écosse ou à Ottawa.

M. Plamondon (Jacques A.): Mais le cas des provinces...

La Présidente (Mme Blackburn): Voisines.

M. Plamondon (Jacques A.): ...des autres provinces canadiennes, il faut voir... Vous avez vous-même mentionné le niveau cégep, qui est un mixte. Moi, j'ai été longtemps, huit ans, recteur à l'Université du Québec à Hull et j'ai été confronté à ces difficultés-là, parce que les universités ontariennes peuvent prendre des étudiants québécois dès le secondaire, et elles ne s'en privent pas, madame. Quand le président a abordé cette question-là, il a mentionné qu'on rapatriait les clientèles québécoises dans l'Université du Québec à Hull, c'est véritable, ça. Et donc, les universités ontariennes ont une marge de manoeuvre différente parce qu'elles ont des baccalauréats de plus longue durée. Elles peuvent donc prendre des étudiants québécois dès le secondaire et les enrégimenter dans leurs programmes universitaires qui sont de plus longue durée que les nôtres.

Alors, comment ça se traduit avec les D.E.C. professionnels du collège de l'Outaouais? Ça peut se traduire par une abréviation, un abrègement de la durée des études au niveau de... mais ils doivent toujours correspondre aux normes canadiennes. Parce que, en génie – enfin, ça dépend des corporations... Vous savez qu'il y a des corporations qui font passer des examens, c'est le cas des corporations comptables. Il y en a d'autres qui accréditent les programmes, c'est le cas des ingénieurs. Il y a le Collège des médecins qui a sa manière d'agir, etc. Donc, les universités sont toujours en relation avec les corporations professionnelles et, dans le secteur du génie, ça se fait par une visite d'agrément qui a lieu de façon périodique et où on reçoit des experts nommés par le Conseil canadien qui viennent chez nous et qui regardent comment les étudiants ont cheminé dans nos programmes. Et donc, quand on exempte un étudiant en provenance du cégep de certains cours, il faut toujours être prudent de ne pas disqualifier le programme, et c'est pour ça qu'il y a plus de difficultés là qu'en administration.

(12 h 30)

La Présidente (Mme Blackburn): Pourquoi est-ce que les universités de l'Ontario, ou du Nouveau-Brunswick, ou de la Nouvelle-Écosse peuvent reconnaître davantage de crédits à nos diplômés que ne le font nos universités, alors qu'elles sont soumises aux mêmes règles canadiennes, c'est-à-dire, l'accréditation des programmes? Je vous dis, j'ai toujours une difficulté avec ça. Parce que c'est le même organisme d'accréditation, ils ont tous les mêmes élèves. Et là je vois, à titre d'exemple, l'Université du Québec à Rimouski. Alors, pour tous les collèges en technologie physique, un Bac en chimie, maximum trois crédits, petite note: à condition d'avoir une note supérieure à la moyenne. Autrement dit, chacun a sa méthode là-dessus. Mais j'ai de la difficulté à comprendre que l'attitude soit différente par l'organisme d'accréditation des programmes lorsqu'il s'adresse à nos universités québécoises et lorsqu'il s'adresse aux universités ontariennes, par exemple. Parce que ça a un effet direct sur la durée des études et, évidemment, c'est pénalisant pour l'élève lui-même, le futur diplômé, et ça coûte cher à l'État.

M. Plamondon (Jacques A.): En fait, moi, je soupçonne qu'une partie de la réponse à vos préoccupations viendrait de l'examen des deux systèmes en comparaison. Comme je disais, l'Université d'Ottawa, par exemple, peut prendre un étudiant après la 12e année du secondaire. Donc, le programme qui le mène, il y a un préuniversitaire qui, ensuite, lui permet d'entrer dans le programme de génie. Alors, si on l'exempte de l'équivalent d'un préuniversitaire s'il est passé par le D.E.C. professionnel, je ne suis pas sûr qu'au niveau d'arriver au bout, là, il n'a pas récupéré l'équivalent puis qu'on n'arrive pas avec des étudiants qui ont le même nombre d'années pour la même formation. Mais il faudrait examiner, dans le cas particulier du génie, comment on traite les étudiants du D.E.C. professionnel.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien.

M. Plamondon (Jacques A.): Madame, si vous permettez...

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, Mme de la Durantaye.

Mme V. de la Durantaye (Claire): Mme la Présidente, je voudrais revenir au tableau qu'on vous a remis et sur lequel l'Université du Québec à Trois-Rivières n'apparaît pas. Je suis un peu étonnée. On va s'assurer que l'information sera transmise. Parce que, dans nos conditions d'admission, dans les petits livres également qu'on distribue à nos étudiants, sont écrits les cours pour les D.E.C. techniques, j'entends, qui sont reconnus à l'Université comme étant faits...

M. Gautrin: Ce ne sera pas la première fois que le ministère de l'Éducation fait des erreurs.

Mme V. de la Durantaye (Claire): Non, mais, en fait, écoutez, ce n'est pas vraiment ce que je voulais dire là.

M. Gautrin: Ha, ha, ha!

Mme V. de la Durantaye (Claire): Mais ce qui était important pour moi, c'était de rassurer les membres de la commission ici, qu'il se fait de la reconnaissance. Nous avons d'ailleurs établi des tables de concertation il y a deux ans. Ça existe dans le domaine des sciences de la gestion ou de l'économie, ça existe au niveau des baccalauréats en génie. Et je peux vous dire que, grosso modo, c'est une session qui est sauvée par les étudiants que l'on reconnaît, grosso modo. Et je pense que cette session-là, elle est relativement standard, je dirais, puisque – comme il a été soulevé tout à l'heure, je crois que c'est M. le président qui soulevait ce point-là – même l'ETS, qui a structuré son programme de premier cycle pour accueillir des étudiants du D.E.C. professionnel des techniques, maintient tout de même une durée pour le bac qui est comparable aux durées de nos propres programmes.

Et je voudrais peut-être simplement terminer en disant quels sont les objectifs de formations qui sont données aux programmes de baccalauréat à l'Université comparativement aux objectifs de formations qui sont données au D.E.C. technique. C'est différent. Et si on voulait accroître la facilité de transfert entre les collèges et les universités – j'entends par là réduire la durée des baccalauréats – il est évident qu'il faudrait revoir les objectifs de formations au collège. C'est une question de donner aux étudiants, au niveau où ils sont rendus, les formations dont ils ont besoin.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, madame. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Très brièvement.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, parce que le temps est...

M. Gautrin: J'ai une question: Quel type d'évaluation de cours par les étudiants ou quelle pratique d'évaluation des cours par les étudiants vous avez à l'Université du Québec à Trois-Rivières? Deuxièmement, comment tient-on compte de ces évaluations par les étudiants dans les mécanismes de renouvellement de contrats pour les chargés de cours et les mécanismes de promotion pour les professeurs?

Mme V. de la Durantaye (Claire): Alors, comme je vous ai dit tout à l'heure, nous pratiquons l'évaluation des enseignements depuis certainement 20 ans. Ce que nous avons fait il y a trois ans, c'est de faire valider du point de vue scientifique le questionnaire qui était utilisé. Le questionnaire est maintenant validé. Et nous avons une politique institutionnelle qui, entre autres choses, dit que les questionnaires d'évaluation seront pris en compte au niveau de l'évaluation des chargés de cours, et là ça réfère à un mécanisme qui est dans la convention collective des chargés de cours, et je crois que mon collègue ici serait peut-être plus compétent que moi pour vous expliquer ces mécanismes-là. En ce qui concerne le professeur régulier, les évaluations de ses enseignements sont versées, bien sûr, dans son dossier d'évaluation.

Alors, il s'évalue à chaque session 40 % à 45 % des activités d'enseignement et on s'assure que, au moins une fois pendant la durée d'un baccalauréat... un cours sera évalué au moins une fois. Ces évaluations-là sont faites par les étudiants, qui sont signées par les étudiants, qui sont consignées dans des enveloppes cachetées, qui sont par ailleurs traitées, et les résultats avec les commentaires dactylographiés sont par la suite acheminés au professeur lui-même ou au chargé de cours, avec copie au responsable de programme.

Évidemment, l'avantage, c'est de voir, au fil des ans, se profiler les forces ou les faiblesses de la ressource enseignante. Il y a des rencontres prévues des directeurs de département de qui relève le professeur pour voir, session par session ou année par année, le déroulement. À l'évaluation du professeur, particulièrement si c'est l'évaluation qui conduit à la permanence, ces évaluations-là sont bien évidemment prises avec beaucoup de sérieux. Et je peux vous dire qu'à l'Université du Québec à Trois-Rivières l'ensemble du corps professoral et des chargés de cours prennent très au sérieux l'évaluation des enseignements puisqu'il arrive très fréquemment que les professeurs ou les chargés de cours se plaignent à la doyenne des études de premier cycle pour les ratés du processus ou pour le fait que l'évaluation prévue à telle heure n'a pas eu lieu.

Alors, on suit beaucoup cette opération-là. Et ce qu'il nous reste à établir, faute de moyens financiers, c'est un suivi où nous pourrions, par exemple, avoir des professionnels spécialisés en enseignement universitaire pour supporter nos professeurs. Ce que nous faisons actuellement, c'est d'offrir certaines séances de formation, certains «counselling» avec des professeurs qui sont plus performants. Mais réellement, ce qui serait souhaité, c'est d'avoir un conseiller vraiment spécialiste de ces questions-là.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme de la Durantaye. Un dernier mot, M. le recteur.

M. Plamondon (Jacques A.): Écoutez, simplement vous dire merci de la réception que vous avez faite de nos représentations, de nos textes, et j'espère que vous apprendrez à nous mieux connaître avec ce que nous vous laissons en supplément aujourd'hui. Merci beaucoup, Mme la Présidente, pour la façon élégante avec laquelle vous avez mené cette séance.

La Présidente (Mme Blackburn): Je vous remercie. Merci, M. Marchand, M. Bégin, M. Plamondon, Mme de la Durantaye et M. Héroux, pour votre participation aux travaux de cette commission. Simplement vous dire que, dans les recommandations, en conclusion de la présentation de votre texte, j'ai l'intention de porter ces recommandations à l'attention de la ministre de l'Éducation. Je vous remercie.

(Suspension de la séance à 12 h 38)

(Reprise à 14 h 7)

La Présidente (Mme Blackburn): S'il vous plaît! Mesdames, messieurs, la commission de l'éducation reprend ses travaux. Vous me permettez, au début de cette deuxième partie de la séance, de rappeler le mandat de la commission qui est d'entendre les dirigeants des établissements d'enseignement de niveau universitaire sur leurs rapports annuels 1996-1997 en application de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire.

Je vois que nos invités ont déjà pris place, les dirigeants de l'Université Laval. Et j'inviterais, dès maintenant, son recteur, M. François Tavenas, à nous présenter les personnes – là, j'en vois une, mais je pense qu'il doit y en avoir deux – qui l'accompagnent.

M. Tavenas (François): Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Blackburn): Peut-être, juste à titre indicatif, vous dire qu'on a deux heures et que le temps est réparti généralement en trois: opposition, gouvernement et évidemment l'Université. Alors, vous avez 40 minutes à vous. Et on n'est pas absolument rigoureux sur le temps. Si vous prenez 35 minutes, on ne s'en plaindra pas, non plus que 45 minutes. Mais là on devra vous dire que, probablement, les parlementaires voudront aussi poser quelques questions. Alors, M. le recteur, la parole est à vous.


Université Laval (UL)

M. Tavenas (François): Merci, Mme la Présidente. Mmes, MM. les membres de la commission parlementaire de l'éducation, je voudrais vous présenter le collègue qui m'accompagne, M. Claude Godbout, qui est vice-recteur exécutif et, à ce titre, responsable de la gestion au jour le jour, de la bonne marche de l'Université. Il est également vice-recteur aux affaires académiques et étudiantes et responsable de la gestion des programmes de formation et de toutes les relations avec les étudiants aux trois cycles. La combinaison de deux fonctions de vice-recteur en une même personne résulte de ma décision de réduire la taille de l'équipe de direction de l'Université Laval, qui compte aujourd'hui deux membres de moins qu'elle n'en comptait l'an dernier.

Je voudrais souligner – j'ai l'impression qu'il n'est pas là... si, il est là – par ailleurs, la présence dans l'assistance de M. Simon-Pierre Pouliot, qui est président de la Confédération des associations d'étudiantes et d'étudiants de l'Université Laval, la CADEUL, et de quelques-uns de ses collègues qui ont voulu m'accompagner pour cette présentation. J'en profite pour vous mentionner qu'ils ont produit une lettre qui vous a été remise ou qui devrait vous être remise prochainement. Et je voudrais aussi souligner l'excellent climat de collaboration qui règne depuis quelques années entre les associations étudiantes et la direction de l'Université Laval.

Je suis, comme vous le savez, Mme la Présidente, un habitué de ces rencontres annuelles entre votre commission et les dirigeants des universités québécoises, mais c'est avec un très grand plaisir que je me présente aujourd'hui devant vous dans mes nouvelles fonctions de recteur de l'Université Laval pour vous soumettre notre rapport en application de la Loi sur les établissements d'enseignement universitaire.

(14 h 10)

Nous vous avons transmis, en septembre 1997, une abondante documentation sur chacun des thèmes explicités à l'article 4 de la loi. Cette documentation couvrait l'année 1996-1997, dernière année du mandat de mon prédécesseur, Michel Gervais. Vous me permettrez donc, dans ma présentation d'aujourd'hui, de reprendre simplement quelques faits saillants de cette documentation en y apportant un éclairage personnel que me permet la première année de mon mandat.

J'aimerais également profiter de notre rencontre pour déposer le rapport final de la Commission d'orientation – j'en ai des copies, ici, que je vais pouvoir vous faire distribuer – que j'avais mise sur pied en juin 1997 avec le mandat de procéder à une vaste réflexion et à une consultation en vue de proposer des grandes pistes d'action pour l'Université Laval, au cours des cinq prochaines années. Je reviendrai sur quelques éléments de ce rapport en exposant nos orientations de développement dans le contexte d'application de la loi.

Enfin, vous avez exprimé le désir de nous voir aborder quelques questions particulières, dans une lettre qui nous a été transmise par le secrétaire de la commission. Je tâcherai de le faire dans le cours de ma présentation, et nous pourrons y revenir dans la période de questions.

Alors, je voudrais d'abord aborder le thème de la formation et de la diplomation pour souligner que la qualité de la formation a, de tout temps, été une préoccupation majeure à l'Université Laval. Cette préoccupation s'exprime par des politiques d'encadrement et de soutien pédagogique, par des politiques d'évaluation et elle se matérialise dans des taux de diplomation élevés.

Au chapitre de nos politiques d'encadrement et de soutien pédagogique, Laval est reconnue comme une université où les professeurs assume la très grande majorité des cours. Effectivement, les professeurs étaient responsables de 76 % des crédits étudiants de premier cycle et de 90 % des crédits de deuxième et de troisième cycles. Et la revue Maclean's, si tant est que ce soit une référence, nous a placé au premier rang des universités canadiennes de recherche à ce chapitre.

Au cours des dernières années, nous avons résisté à la voie facile de faire appel aux chargés de cours. Au contraire, nous avons fait face aux compressions budgétaires en accroissant les charges d'enseignement des professeurs de carrière et en réduisant, au cours des 10 dernières années, d'environ 37 % le nombre de chargés de cours et de 30 % les charges de cours qu'ils assument.

Les professeurs de Laval enseignent donc beaucoup et ils enseignent bien. J'en veux pour preuve le fait que ce sont des professeurs de Laval qui ont obtenu sept des huit prix et mentions de la ministre de l'Éducation remis cette année pour la première fois pour la qualité du matériel pédagogique qui avait été produit. Ainsi, encore, pour la seconde année consécutive, un professeur de Laval a obtenu l'un des 10 prix 3M attribués à des enseignants exceptionnels au niveau canadien par la Société pour l'avancement de la pédagogie dans l'enseignement supérieur.

Ces résultats remarquables ne sont pas fortuits. Depuis plusieurs années, l'Université Laval a investi dans le développement de la qualité de l'enseignement. Nous avons un programme de soutien à l'innovation pédagogique qui distribue plus de 500 000 $ annuellement à des projets soumis par les professeurs et les facultés dans un cadre compétitif. Nous avons un programme de formation pédagogique des nouveaux professeurs, et, à partir de cette année, ce programme sera suivi à temps plein par les jeunes professeurs durant leur premier trimestre de présence à l'Université Laval.

Nous avons développé les activités de ce que nous appelons le Réseau de valorisation de l'enseignement, un organisme de coopération entre les profs auquel de nombreux professeurs participent et qui organise des sessions de formation pédagogique, des ateliers d'initiation à l'usage des technologies de l'information, des colloques, etc.

Enfin, au chapitre de la gestion de la tâche professorale, nos départements pratiquent tous la modulation des tâches, suivant des pratiques locales adaptées aux disciplines et aux méthodes d'enseignement et de recherche. La tâche moyenne de cours est maintenant supérieure à 3,6 cours par personne, à quoi nous devons évidemment ajouter les tâches d'encadrement des étudiants de deuxième et de troisième cycles – et en moyenne, nous avons trois étudiants par professeur, dans ces programmes-là – et, bien entendu, les tâches de recherche et les tâches de services à la communauté.

Pour conclure cette section, je veux souligner que nous avons accru la capacité d'enseignement de notre corps professoral en faisant passer de 160 à 120 le nombre de professeurs administrateurs et en invitant tous les professeurs administrateurs à maintenir leur tâche professorale. Pour donner l'exemple, le recteur a une tâche d'enseignement. J'ai été dans une salle de cours, ce matin, de 8 h 30 à 11 h 30, tout comme la vice-rectrice à la recherche ou le vice-recteur à l'administration et aux finances ou, l'an dernier, mon collègue le vice-recteur aux affaires académiques et étudiantes.

En ce qui concerne maintenant les politiques d'évaluation, pour assurer la qualité des programmes et des unités, l'Université Laval s'est donnée un éventail assez complet de moyens d'évaluation. Tous nos programmes de premier, deuxième et troisième cycles font l'objet d'une évaluation périodique, avec une périodicité de l'ordre de six ou sept ans, faisant intervenir des experts externes, avec des mécanismes de suivi qui assurent une évolution des contenus des programmes et, donc, de la qualité et de la pertinence de la formation.

Par ailleurs, dans la foulée des recommandations de la Commission des sages de la CREPUQ, nous avons instauré depuis trois ans une politique d'évaluation intégrée des départements et des facultés, là aussi avec l'intervention d'évaluateurs externes.

Ces mécanismes nous ont permis de réaliser des opérations importantes de rationalisation dans des secteurs comme les sciences de l'éducation, où nous avons éliminé sept programmes, fusionné sept départements en trois; dans le secteur des lettres, où nous avons fusionné deux programmes d'anglais en un, deux programmes de littérature française et littérature québécoise en un seul, deux programmes de linguistique en un seul, nous avons aboli 10 programmes de majeure et de mineure; dans le domaine de l'agriculture, où nous avons fusionné sept départements pour n'en avoir que cinq aujourd'hui. Bref, nous avons pris toute une série de mesures pour rationaliser l'ensemble de nos opérations.

Pour s'être faites sans éclat sur la place publique, ces réorganisations n'en ont pas moins été importantes au chapitre de l'utilisation rationnelle de nos ressources et de la qualité de la formation.

Par ailleurs, l'évaluation des activités d'enseignement fait l'objet d'une politique formelle, depuis mars 1997, et nous avons mis en place cette année un comité de suivi de la mise en oeuvre de cette politique, comité auquel les étudiants participent activement. Ce sera une de nos priorités cette année que de nous assurer que, à l'image des facultés des sciences de l'administration, de foresterie et de géomatique ou de sciences et génie, toutes les facultés adopteront des méthodes d'évaluation d'enseignement adaptées à leurs particularités disciplinaires et des moyens de donner suite aux résultats de ces évaluations.

Nous consacrons donc des efforts importants à la qualité de l'enseignement. Ces efforts se traduisent, entre autres, par des mesures d'accueil et d'encadrement ciblées, en particulier pour la première année du baccalauréat, ou par la mise sur pied d'un système de tutorat et d'encadrement individualisé.

Les résultats de notre travail sont de plus en plus probants. Ainsi, au chapitre des taux de diplomation, nos programmes sont parmi les premiers au Québec. Nous avons diplômé 74,7 % de nos étudiants au niveau du baccalauréat, avec une durée moyenne d'études de 3,5 années, ce qui est remarquable, si on sait qu'une partie de nos programmes sont des programmes formellement de quatre ans. Et notre taux de diplomation s'est amélioré de 2,2 %, cette année. Au niveau de la maîtrise, 63,9 % des étudiants ont obtenu leur diplôme; c'est un chiffre stable par rapport à l'année précédente. Au niveau du doctorat, 49,7 % ont obtenu leur diplôme, une amélioration de 2,3 %, avec une durée d'études de 4,8 années, ce qui nous situe tout à fait dans le peloton de tête au niveau canadien.

À cela, je peux ajouter que, pour les cohortes de diplômés de cégeps qui rentrent directement dans les programmes de baccalauréat, nous avons atteint des taux de diplomation de 80 % maintenant. Je pense que, donc, du côté de la diplomation, nous avons réellement fait des efforts et des progrès, qui se voient dans le fonctionnement de nos programmes.

Pour faciliter l'accès à un grade universitaire au plus grand nombre possible d'étudiants de cégeps, nous avons pris, par ailleurs, des mesures pour améliorer la continuité de la formation entre ces deux ordres d'enseignement. Ainsi, durant l'été et l'automne derniers, j'ai visité tous les cégeps de l'Est du Québec et, par la suite, nous avons amorcé un cycle de rencontres annuelles avec les directeurs généraux et les directeurs des études de ces cégeps. Nous avons établi une table de concertation des directeurs des études des cégeps de la région Québec–Chaudière-Appalaches avec notre Direction générale du premier cycle pour clarifier toutes les questions de passage du cégep à l'université.

Nous avons, par ailleurs, pour de nombreux programmes de D.E.C. technique, établi des mécanismes de reconnaissance des acquis qui font économiser entre six et 12 mois aux diplômés admis dans des programmes de baccalauréat. Et nous étudions actuellement avec nos partenaires des cégeps des projets de programmes intégrés cégep–université dans lesquels il y aura un véritable continuum de formation pour permettre une transition la plus efficace possible.

Je me fais souvent dire que l'Université Laval est à l'avant-garde du développement des relations avec les cégeps au Québec. Je m'en réjouis et je compte bien nous voir conserver cette place de choix.

Enfin, nous avons fait des efforts importants au chapitre de la pertinence de la formation par l'intégration de stages. Ainsi, 83 % de nos programmes offrent maintenant la possibilité d'activités de formation pratique. Ces 83 % de nos programmes touchent 93 % de nos étudiants, et les activités de formation peuvent prendre différentes formes: des stages au Québec ou à l'étranger, des emplois d'été crédités, qui sont de plus en plus la formule adoptée.

(14 h 20)

Nous avons également démarré, cette année, à l'intérieur de l'Université, un programme études-travail qui permet aux étudiants de combiner une formation professionnelle sur le tas, l'obtention d'un revenu additionnel et, donc, d'une aide financière substantielle et d'une formation de qualité.

Notre service de placement joue un rôle clé dans cette opération en même temps qu'il dessert les entreprises qui sont à la recherche de main-d'oeuvre de haut niveau. Au cours de la dernière année, ce service a satisfait 6 500 offres d'emploi et a réussi 9 200 placements. Pour ce qui est des stages, c'est 950 postes crédités qui ont été affichés. Cette année, nous avons 1 300 postes de stages crédités qui sont à notre disposition, et plus de 800 étudiants pourront s'en prévaloir.

Au chapitre de la formation, vous pouvez donc constater avec moi que l'Université Laval va bien. Elle attire plus d'étudiants, depuis deux ans; j'y vois un autre indice de la pertinence et de la qualité des programmes que nous offrons. Je serais donc un recteur comblé si ce n'était de la situation dramatique que nous connaissons au chapitre des ressources. Ainsi, depuis trois ans, nous avons dû réduire notre corps professoral de 9 %. Nous avons dû geler le budget d'acquisition des bibliothèques, alors que l'inflation, dans le domaine, s'élève à 10 %, sans compter les fluctuations récentes de notre devise. Nous avons dû enfin réduire le budget de soutien à l'enseignement. Bref, malgré des efforts considérables, nous avons dû faire moins d'encadrement et de soutien à l'enseignement.

Avec une compression directe de 64 000 000 $ et un manque à gagner direct cumulé de 176 000 000 $, depuis 1994, l'effort de compression demandé à notre Université était irréaliste, compte tenu des obligations imposées par le Code du travail et les conventions collectives. Il était aussi contraire aux objectifs d'accessibilité à une formation de qualité de même qu'à notre obligation de protéger la vitalité à moyen terme de notre corps professoral.

Avec l'appui de notre conseil d'administration, nous avons décidé de concentrer des réductions de masse salariale du côté du personnel administratif et de maintenir un minimum de renouvellement du corps professoral, de façon à protéger l'essentiel. Cette décision s'est faite au prix d'un déficit budgétaire qui, certes, pose problème, mais qui est bien moins dommageable pour l'avenir de notre société que le déficit de formation et de qualité qui ne manquerait pas de résulter du respect complet des compressions qui nous sont imposées.

Vous nous avez demandé de parler de nos actions au chapitre de la formation à distance, c'est avec grand plaisir que je me rends à cette demande, l'Université Laval ayant fait de grandes choses à ce chapitre, depuis quelques années. Effectivement, depuis la création de la Direction générale de la formation continue, en 1994, notre Université a fait des efforts de développement considérables et a eu beaucoup de succès.

C'est ainsi que, durant l'année 1996-1997, nous avons offert 107 cours à distance, auxquels se sont inscrits plus de 12 000 étudiants. Notre programme de Certificat en planification financière personnelle, seul accrédité par l'Institut québécois de planification financière, a connu un succès phénoménal, et plus de 2 000 étudiants y étaient inscrits à l'automne de 1997.

La qualité de ce programme a attiré l'attention du Groupe Investors, avec lequel nous avons signé, au printemps dernier, une entente de partenariat qui verra l'Université Laval offrir éventuellement cette formation en français et en anglais à 7 000 professionnels de ce Groupe, d'un océan à l'autre à travers le pays. Le Groupe Investors et d'autres partenaires investiront dans le développement, à l'Université Laval, d'une chaire en planification personnelle et d'une expertise en formation à distance.

Toujours au chapitre de la formation continue et de la formation à distance, nous avons mis au point un Certificat de gestion des organisations et un Certificat en gestion du changement pour répondre spécifiquement aux besoins du Mouvement Desjardins. C'est donc l'Université Laval qui sera le principal partenaire du Mouvement dans l'importante phase de réorganisation qu'il traverse. Ce programme a d'ailleurs été reconnu comme meilleur partenariat université-industrie de l'année au Canada, dans le cadre d'une compétition ou d'une évaluation faite par le Conference Board du Canada.

Enfin, je vous invite à vous inscrire au cours COMVIS – communication visuelle, donc – qui a été conçu par notre professeur Claude Cossette et qui est entièrement offert sur Internet, en mode autonome et interactif. Vous pouvez donc interagir avec le professeur à votre guise, de l'endroit qui vous convient à travers le monde et à la vitesse qui convient à votre rythme d'apprentissage.

Je reviens maintenant au chapitre de la recherche. L'Université Laval est solidement établie dans le Groupe des dix, qui réunit les 10 grandes universités de recherche du Canada. Nos revenus de recherche se sont établis à 120 000 000 $, en 1996-1997, et la revue Research Money nous a placés au premier rang pour la croissance des subventions décernées par le CRSNG. Nos chercheurs ont eu une performance remarquable, un taux de réussite de 44 % dans les subventions stratégiques du CRSNG, alors que la moyenne nationale est de 26 %. Nos jeunes chercheurs ont obtenu 37 % des subventions décernées par le FCAR dans un programme de subventionnement des jeunes chercheurs, alors que notre part ethnographique serait plutôt de 19 %, 20 %. Nous avons obtenu quatre subventions dans le cadre du programme de partenariat technologique du CRSNG, ce qui nous place deuxième au Canada à ce chapitre. Et deux des 10 grandes découvertes de l'année 1995, dans le magazine Québec Science , étaient le fait de professeurs de l'Université Laval.

Au chapitre du transfert technologique, l'Université continue d'être des plus actives, avec plus de 30 000 000 $ de contrats. Nous sommes dans le groupe de tête des universités canadiennes, à ce chapitre. Nous avons signé une entente de 3 000 000 $ avec Innovatech Québec et Chaudière-Appalaches pour la valorisation des résultats de la recherche. Laval est devenue actionnaire dans trois compagnies créées à partir de recherches effectuées par ses chercheurs, et 24 compagnies ont été créées spécifiquement en exploitant des découvertes faites par les chercheurs de l'Université Laval dans le contexte de leurs activités régulières de recherche. De plus, 11 compagnies dont le développement et l'expansion nécessitent des liens étroits avec l'université ont été créées par des diplômés de l'Université Laval ou par des membres de notre Université.

Toujours à ce chapitre, le partenariat entre DiagnoCure, une des compagnies de la région de Québec, et l'Université Laval a reçu le prix Friesen-Rygiel, qui souligne la découverte la plus importante ayant donné lieu à une création d'entreprise dans le milieu universitaire.

Toujours au chapitre des succès, le partenariat entre l'Université Laval et la compagnie Précitech, dans le cadre de projets mobilisateurs du Fonds de développement technologique du gouvernement du Québec, a reçu un prix d'excellence décerné par le CRSNG et le Conference Board du Canada. Enfin, nous avons intensifié notre action de partenaire dans les actions régionales, que ce soit avec le CREDEQ, le Parc technologique, le GATIQ, etc.

Cela dit, notre situation, au plan des ressources, m'inquiète en ce qui concerne notre performance en recherche. En effet, la réduction du corps professoral ne manquera pas d'avoir un impact négatif sur notre capacité d'obtenir des subventions au niveau fédéral, où la compétition est de plus en plus féroce. Les compressions budgétaires que nous vivons nous empêchent d'exploiter pleinement les programmes de chercheurs boursiers du CRM et du FRSQ, dans le domaine médical, dans la mesure où nous sommes de moins en moins en mesure d'offrir les appoints de salaire exigés par ces programmes et surtout les perspectives d'intégration à moyen terme de ces jeunes chercheurs dans le corps professoral.

Notre situation de moins en moins compétitive au chapitre des conditions de travail accroît également rapidement le risque de départ de nos meilleurs chercheurs vers des cieux plus cléments. Ainsi, nous avons vu partir récemment un éminent rhumatologue vers Toronto, un spécialiste de la finance vers le Texas, un autre spécialiste des systèmes d'information et d'organisation vers les États-Unis.

Nous avons fait des investissements importants en recherche, depuis une quinzaine d'années. Nous avons eu des succès remarquables qui ont largement contribué au fait que les chercheurs québécois ont porté de 22 % a 28 % la part des fonds fédéraux obtenus, soit nettement plus que la part du Québec, qu'elle soit mesurée sur une base économique ou sur une base démographique. Les contraintes budgétaires imposées aux universités québécoises remettent ces efforts et ces progrès en question. C'est bien dommage et c'est surtout parfaitement contraire aux intérêts à moyen terme du Québec, si nous voulons nous tailler une place respectable sur la scène internationale de l'économie du savoir.

J'en viens maintenant à nos perspectives de développement. Dès l'entrée en fonction de mon équipe de direction, en juin 1997, j'ai constitué une commission d'orientation qui a réuni une quinzaine de personnes représentant tous les secteurs et toutes les composantes de la communauté universitaire. J'ai assumé la présidence de la Commission, alors que la présidente sortante de la CADEUL assumait la fonction de secrétaire.

Dans le courant de l'été 1997, la Commission a travaillé de façon assidue, procédant à ses propres analyses et à la consultation des doyens, des directeurs de département, des directeurs de service, des commissions des études, de la recherche et des affaires étudiantes, des associations étudiantes et d'un groupe d'une cinquantaine de représentants des milieux de l'enseignement, des affaires et de la culture de la région de Québec. Un rapport préliminaire, déposé en 1997, a ensuite fait l'objet d'une vaste consultation. Mes collègues de la direction et moi-même avons rencontré les assemblées départementales de toutes les unités du campus, les responsables des syndicats et des associations de personnels ainsi que les responsables des associations étudiantes. Cette période de consultation s'est terminée en janvier 1998 et a généré de nombreux commentaires constructifs.

(14 h 30)

La Commission s'est donc remise au travail en février et mars pour intégrer ces commentaires dans sa réflexion et produire un rapport final qui, s'il conservait les grandes orientations proposées initialement, se trouverait substantiellement enrichi. Le rapport final de la Commission d'orientation, dont on vous a fait distribuer des copies, qui a été adopté à la quasi-unanimité par le conseil universitaire et le conseil d'administration en avril 1998, reflète un très large consensus dans notre communauté universitaire. Les recommandations s'inscrivent dans la continuité des actions de notre Université depuis une quinzaine d'années, tout en traçant une voie de développement qui sera marquée par une adaptation de nos programmes aux exigences modernes du savoir en vue de dispenser une formation de base plus large et adaptée au marché de l'emploi, le développement de programmes courts ciblés sur les besoins particuliers du marché du travail, programmes pouvant s'offrir à des finissants en quête d'intégration au marché du travail, tout comme dans le cadre d'activités de formation continue.

Une intensification de l'aspect international de nos activités. Pour répondre aux besoins de la société et de l'économie québécoises de plus en plus ouvertes sur le monde, nous visons à amplifier la dimension internationale de nos programmes, à offrir à 10 % de nos diplômés la possibilité d'un stage à l'étranger en université ou en entreprise dans le courant de leurs études et nous visons également à doubler à 10 % la proportion des étudiants étrangers qui fréquentent nos programmes.

Au plan de la gestion interne, nos actions seront marquées par la poursuite de la décentralisation, garante d'une utilisation optimale et souple des ressources, en appui aux priorités institutionnelles et aux exigences disciplinaires des unités. Nous viserons également un arrimage renforcé de l'Université Laval dans la région, tout l'Est du Québec, par une collaboration accrue avec les cégeps et avec tous les intervenants socioéconomiques pour offrir des formations initiales et continues bien adaptées et pour mettre la puissance de recherche de l'Université au service du transfert technologique dans toute la région. Nous poursuivrons la formule gagnante dans le développement de la recherche, formule faite d'une sélection rigoureuse de jeunes professeurs et d'un effort de structuration d'équipes de recherche compétitives au niveau national et international.

Enfin, la préoccupation de faire de l'université, avec l'appui des associations étudiantes, un milieu de vie et surtout un milieu de formation le plus enrichissant possible. À ce sujet, deux importants rapports, notre Commission des études sur la formation personnelle et notre Commission des affaires étudiantes, sur la participation des étudiants à la vie universitaire nous fournissent un cadre d'action précis.

Vous constaterez, à l'examen du rapport final de la Commission d'orientation, que nos objectifs sont ambitieux mais bien adaptés aux besoins de la société québécoise moderne. Vous constaterez aussi que les pistes d'action proposées sont souvent détaillées et précises. Bref, notre voie de développement est tracée.

Reste une question, mais elle est de taille: Avons-nous les moyens financiers de nos ambitions? De ce côté, je vous dirai que, lorsque je regarde le passé récent et le présent, je devrais être plutôt pessimiste. Mais, si je considère le futur, je suis d'un optimisme raisonné.

Pessimiste en considérant le passé et le présent, tout universitaire qui se respecte est forcé de l'être, quand on constate: que les compressions budgétaires directes et indirectes imposées au réseau universitaire dépassent maintenant les 500 000 000 $, soit 32 % de l'ensemble des subventions; que les universités québécoises n'ont eu d'autre choix que de fermer plus de 900 postes de professeurs, c'est l'équivalent du corps professoral de l'Université du Québec à Montréal au grand complet; que, malgré tous les efforts et en partie à cause des coûts des programmes d'incitation à la retraite, les universités ont accumulé une dette de plus de 300 000 000 $, l'équivalent du budget de base de mon Université; que les budgets de fonctionnement pour les laboratoires et le développement des collections des bibliothèques font de plus en plus défaut; bref, que le système universitaire québécois, qui avait fait des progrès remarquables depuis 30 ans, est soumis à des compressions sans équivalent, ni ailleurs au Canada, ni aux États-Unis, ni dans aucun autre pays développé du monde.

Plus particulièrement en ce qui concerne l'Université Laval, le tableau que je vais vous distribuer ou qu'on fera distribuer illustre clairement la détérioration de notre situation financière, au cours des dernières années. Nous avons dû absorber une compression directe de 64 000 000 $ dans la subvention de fonctionnement, et, comme je le disais tout à l'heure, le manque à gagner direct cumulé s'est élevé à 176 000 000 $.

La principale façon, pour nous, de réduire nos dépenses était de réduire la masse salariale, qui représente 85 % de notre budget. Ceci nous a amené à mettre en place des programmes d'incitation à la retraite dont les coûts, en raison de l'absence d'un mécanisme légal de retraite obligatoire, nous ont forcés à encourir des dépenses supplémentaires considérables qui sont venues compliquer encore notre situation financière. Que nous ayons pu, dans ces conditions, maintenir nos activités d'enseignement et de recherche, rétablir la situation du côté du recrutement étudiant et limiter la croissance de notre dette à 83 000 000 $ tient tout simplement du miracle. Mais nous avons épuisé toutes nos marges de manoeuvre.

Dans ce contexte, notre conseil d'administration a accepté, en novembre 1997, un plan de redressement financier basé sur des hypothèses prudentes en ce qui concerne l'évolution de la population étudiante et sur la stabilisation des revenus de subventions et de droits de scolarité. Ce plan ne résout ni le problème de notre déficit intellectuel, puisqu'il ne permet qu'un remplacement très partiel des postes de professeurs libérés par des retraites et autres départs – 40 %, en moyenne, pour la durée du plan – ni le déficit financier, puisqu'il nous laissera éventuellement avec une dette de plus de 43 000 000 $, à terme. Et sa réalisation dépend beaucoup de facteurs qui sont malheureusement hors de notre contrôle, comme les décisions individuelles de départs en retraite des membres de notre personnel ou les décisions, elles aussi individuelles, des étudiants de s'inscrire dans l'un ou l'autre de nos programmes.

Vous pouvez me croire quand je vous dis que les membres de notre conseil d'administration ont examiné attentivement toutes les voies de solution à notre situation budgétaire. Et, s'ils ont accepté ce plan, c'est avec une vision très claire qu'il fallait d'abord protéger l'essentiel, c'est-à-dire la qualité de nos programmes et la vitalité de notre corps professoral, et qu'un accroissement de nos revenus s'imposait à brève échéance pour permettre de rétablir la santé académique et financière de l'Université. Et, malgré tout, je suis optimiste, d'un optimisme raisonné, fondé sur quelques grandes observations. La première, c'est qu'aucun pays développé ne peut survivre et conserver une position compétitive dans l'économie globalisante du savoir sans investir de façon substantielle dans la formation de sa jeunesse, au plus haut niveau. L'enseignement supérieur est le moyen par excellence du développement économique, social et culturel.

Le deuxième, c'est que notre pays sait cela plus que les autres, après l'expérience édifiante de la Révolution tranquille qui nous a vus investir massivement en enseignement, et surtout en enseignement universitaire, pour prendre ensuite la maîtrise de notre économie et de notre développement social.

La troisième de ces raisons, c'est que les appuis se matérialisent de plus en plus clairement, du côté du milieu des affaires, que ce soit dans le cadre des campagnes de souscription – l'Université Laval clôturera très prochainement sa campagne DÉFI en ayant dépassé son objectif de 60 000 000 $ – que ce soit dans le cadre de partenariats de formation, comme les programmes que nous venons de mettre sur pied pour le Mouvement Desjardins ou le Groupe Investors, que ce soit en joignant leur voix à celle des universités et des étudiants pour demander que l'enseignement supérieur redevienne la priorité qu'il aurait toujours dû être.

La quatrième de ces raisons, c'est que, malgré les compressions brutales qu'elles ont subies, les universités québécoises continuent, pour le moment encore, à produire des diplômés de qualité. Ce résultat est remarquable, quand on pense qu'elles opèrent avec des ratios étudiants-professeur qui sont généralement 50 % à 100 % plus élevés que ceux des autres universités nord-américaines.

La cinquième raison, c'est que le corps professoral de l'Université, bien que réduit, réussit encore à attirer au Québec plus que sa part des fonds fédéraux de recherche. Et les jeunes professeurs, malheureusement trop peu nombreux, que nous avons recrutés ont des performances tout simplement remarquables.

La sixième raison, c'est que nos étudiants nous appuient de façon soutenue par leurs contributions à des fonds d'investissement étudiants dont toutes nos facultés sont maintenant dotées. Appuyées par des contributions de la Fondation de l'Université Laval et par notre budget d'investissement, ces contributions étudiantes nous permettent l'acquisition d'équipements de laboratoire ou, dans certains secteurs, de collections de bibliothèque pour parer à l'insuffisance des budgets réguliers de l'Université. Enfin, la place que notre Université occupe dans la région de la capitale et dans tout le Québec, dans la francophonie en fait un partenaire incontournable et de première valeur.

Je suis donc optimiste. Mais le temps presse. L'Université Laval, comme toutes les universités québécoises, en ce moment, vit à crédit, financièrement aussi bien qu'intellectuellement. Il est urgent que nous puissions réinvestir dans notre corps professoral pour en assurer le renouvellement et le rajeunissement. Il est urgent que nous puissions créer des perspectives de carrière pour des jeunes Québécois les plus brillants. Il est urgent que nous puissions réinvestir dans les collections de nos bibliothèques ou dans le fonctionnement de nos laboratoires. Il est urgent que nous puissions accroître l'offre de programmes de formation continue. Il est urgent que nous puissions reprendre le développement de la recherche et intensifier le transfert technologique pour appuyer le développement économique et la création d'emplois. Il est urgent que la société québécoise investisse de nouveau dans ce qui a été le moteur de la Révolution tranquille et son développement remarquable depuis 30 ans et dans ce qui sera la clé de la conversion d'une économie de matières premières à une économie de matière grise; je veux parler de l'enseignement supérieur.

Je suis un optimiste. J'ai confiance qu'avec votre appui le gouvernement du Québec saura trouver dès cette année les moyens d'amorcer un virage dont la nécessité s'impose pour l'avenir du Québec. Je vous remercie et je suis disponible, avec mon collègue Claude Godbout, pour répondre à vos questions.

(14 h 40)

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. le recteur. Je me permets, en début de séance, comme ça, de vous suggérer la lecture d'un document qui nous a été transmis par le Conseil de la science et de la technologie sur le financement de la recherche universitaire. La lecture de ce document, avec celle que j'ai faite des rapports des universités, témoigne d'un dynamisme et d'une performance absolument remarquables dans les universités québécoises.

Je veux juste citer quelques chiffres du rapport du Conseil de la science et de la technologie: «Les dépenses de recherche des universités québécoises représentent 30 % du total canadien. Au Québec, plus de 44 % de leurs dépenses se concentrent surtout dans le secteur des sciences naturelles et du génie, 29 % en santé, comparativement à 37 % et 35 % pour l'Ontario. Le Québec produit environ 1 % des publications scientifiques mondiales. Montréal se classe au deuxième rang des principales villes nord-américaines en ce qui concerne le nombre de publications scientifiques par rapport à sa population.» Et toujours dans le même rapport: «Parmi les pays du monde, le Québec est l'un de ceux dont la proportion de sa population qui obtient un diplôme universitaire, baccalauréat ou certificat, est le plus élevé.»

Je dois dire qu'à la lecture des rapports ce que j'ai constaté, ce qui me semble nouveau, pour ne pas dire inédit, c'est une volonté de mettre ses ressources en commun, d'une plus grande collaboration interuniversitaire. Je ne voyais pas ça, il y a 10 ans ou 15 ans, dans le réseau universitaire. Les universités avaient plutôt tendance à travailler en vase clos, sinon même entre départements, les départements étant peu ouverts l'un à l'autre.

Il y a comme un mouvement qu'on sent – je n'appellerais pas ça une vague de fond mais presque – une volonté de s'associer, de travailler de concert. On voit des équipes multidisciplinaires mais interuniversitaires dans plusieurs centres de recherche. Je trouve ça dynamique, nouveau, extrêmement intéressant.

La question que je me posais, en faisant cette lecture: Est-ce que finalement ce qu'on pourra appeler la crise budgétaire des universités n'aurait pas entraîné cette obligation de revoir ses façons de faire, de tirer davantage partie de ses connaissances, de ses savoirs et de la compétence de ses professeurs et de ses personnels? Alors, c'est une question que je me pose, à la lecture des documents.

En ce qui concerne l'Université Laval, nous avons tous – je pense pouvoir, en cette matière, parler au nom de la commission de l'éducation – été fort impressionnés de la collaboration et de la reconnaissance des crédits entre l'Université et les différents programmes, les diplômés des techniques professionnelles, dans les cégeps. Et c'est un cheminement, je pense qu'il faut le rappeler ici, à la commission, qui prend ses origines quelque part dans les années 1981, 1982, où on parlait de continuum de formation. Et le premier exercice avait été fait avec la Faculté de génie forestier, et ça a continué, à ce que je constate à la lecture de ce document.

Moi, je voudrais savoir. Parce qu'on pose la question, on vous l'a d'ailleurs transmise, mais on la pose aussi aux dirigeants des autres universités. Vous êtes allés plus loin, à notre connaissance, que toutes les autres universités. C'est à l'avantage des étudiants, ça leur coûte moins cher, la durée des études étant moins longue, et ça coûte moins cher à l'État. Est-ce que vous avez rencontré des difficultés particulières dans ce parcours? Est-ce que, par exemple, les grandes agences d'accréditation des programmes, les agences canadiennes y ont vu des menaces à la qualité de la formation?

M. Tavenas (François): Vous avez abordé plusieurs questions, Mme la Présidente. Laissez-moi vous dire, tout d'abord, que je suis heureux qu'on fasse la même lecture, tous les deux, sur la performance du système universitaire québécois au plan de la recherche. Ce que je trouve intéressant, c'est qu'on le fasse ensemble, ce constat-là. Il y a un temps pas si lointain où les bruits qui sortaient de cette auguste maison n'étaient pas tout à fait aussi concordants. Alors, je me réjouis de voir que vous vous êtes rendus à l'évidence et que vous constatez que le système universitaire québécois est un des systèmes superperformants.

La Présidente (Mme Blackburn): M. le recteur, je ne pense pas que vous n'ayez jamais entendu le président de la commission de l'éducation...

M. Tavenas (François): Je n'ai pas parlé...

La Présidente (Mme Blackburn): ...prétendre que les universités n'étaient pas performantes.

M. Tavenas (François): Pas du tout, Mme la Présidente. Ceci dit, de ce côté-là, je suis préoccupé parce que, si effectivement les chercheurs québécois se sont taillé une place de choix sur la scène nationale et internationale, la réduction du corps professoral que nous vivons depuis quatre ans ne peut pas faire autrement que d'avoir un impact négatif. Les 28 % des fonds fédéraux qu'on a obtenus l'an dernier, ça ne me surprendrait pas que ça soit un sommet historique. Parce que, quand vous avez moins de soldats à mettre sur la ligne de front, il y a moins de munitions qui sont utilisées et, en bout de ligne, il y a moins de résultats qui sont obtenus.

Pour ce qui est de la collaboration interuniversitaire, la lecture que je fais de la situation, pour l'avoir vécue de l'interne depuis une trentaine d'années maintenant, c'est que la collaboration interuniversitaire a été une chose réelle depuis bien longtemps. Mais ça a été une chose réelle qui faisait partie des secrets bien gardés du système universitaire québécois.

L'Université Laval est l'un des partenaires principaux dans un groupe qui s'appelle le GIROQ, le Groupe interuniversitaire de recherche en océanographie du Québec, dans lequel on retrouve – ça doit faire au moins 25 ans maintenant – des chercheurs de l'Université de Montréal, de l'Université McGill, de l'Université du Québec à Rimouski et de l'Université Laval. Ça a été un modèle de centre de recherche interuniversitaire. Ça fait très longtemps que ça existe. Dans des domaines comme la chimie, comme la physique, les collaborations interuniversitaires sont établies depuis fort longtemps aussi, mais on n'avait pas éprouvé le besoin d'en parler beaucoup.

Là où vous avez raison de souligner que les contraintes budgétaires ont peut-être facilité ou amplifié certaines choses, c'est plutôt du côté du soutien, du côté des infrastructures. On a observé, disons, que nos directeurs de bibliothèques, par exemple, avaient amorcé depuis plusieurs années des discussions, des réflexions sur la manière de mieux se concerter dans le développement des collections. On a vu depuis trois ans un effort massif se développer pour véritablement coordonner le développement des collections entre les bibliothèques universitaires. Il est vraisemblable que les contraintes budgétaires ont aidé dans ce domaine-là.

Mais je n'irai pas à faire, comme vous, le parallèle direct entre les compressions budgétaires et l'incitation à faire de la collaboration interuniversitaire. Il s'en faisait depuis bien longtemps, de la collaboration interuniversitaire. C'est sûr qu'on en fait plus, c'est sûr qu'on en parle plus, et la Commission des universités sur les programmes aide probablement à ce qu'on en parle plus, mais je vois peu de relations de cause à effet entre des compressions et la concertation. Et je vous invite à éviter d'établir un parallèle qui voudrait dire, donc, que les compressions sont bonnes puisqu'elles résultent en une meilleure concertation. Les compressions, elles sont fondamentalement dommageables. Elles ont déjà fait des dommages dans le réseau universitaire québécois.

(14 h 50)

Pour ce qui est des relations avec les cégeps, je vous le disais tout à l'heure, je pense qu'on est – et vous le confirmez – sinon un modèle, du moins bien placé dans ce domaine-là. J'ai investi beaucoup d'énergie, mon collègue Claude Godbout également, dans le développement de nos relations avec les cégeps, et avec les cégeps de tout ce qui est notre zone traditionnelle d'influence, c'est-à-dire de Trois-Rivières vers l'Est, pour réaliser deux choses: la première, nous assurer qu'au niveau de la gestion de nos programmes universitaires, nous comprenons bien et nous intégrons les réformes pédagogiques qui sont en train de se faire dans le réseau des cégeps. Les cégeps, de ce point de vue là, sont, à certaines occasions, en avance sur les universités, en particulier sur des formations axées sur le développement d'aptitudes, de compétences plutôt que sur l'acquisition de contenus. Et, donc, nous travaillons de ce côté-là pour faciliter l'intégration des étudiants dans les programmes universitaires.

Nous travaillons aussi, et de façon très intense, dans le développement de véritables continuums du côté des D.E.C. techniques. Pendant trop longtemps, les formations techniques du cégep ont été considérées comme des voies terminales, et le passage de l'un à l'université était un parcours du combattant. Nous avons fait en sorte que ce soit un parcours plus facile à faire. De ce côté-là, je dirais qu'il nous reste encore un bon bout de chemin à faire et nous travaillons là-dessus en particulier, comme je le mentionnais tout à l'heure, pour faire en sorte que nos programmes soient véritablement intégrés.

Quels sont les obstacles ou, disons, les difficultés à circonscrire dans ce domaine-là? Je pense qu'elles sont de deux ou trois ordres. La première, c'est qu'il n'y a pas assez de dialogue, au niveau du corps professoral, entre le corps professoral des cégeps et le corps professoral des universités. Même si, fondamentalement, ces gens-là ont souvent les mêmes formations, les mêmes diplômes – la proportion de professeurs de cégep qui détiennent un doctorat est loin d'être négligeable – il n'en reste pas moins qu'ils vivent dans des milieux différents et que les occasions de rencontre sont relativement limitées.

Alors, j'ai demandé à mes collègues doyens de créer des occasions de rencontre comme ça pour faire en sorte que des profs de français de cégeps rencontrent des profs de français des universités, et des profs de physique du cégep rencontrent des profs de physique de l'université pour se parler de physique, pour se parler de méthodes pédagogiques, pour mieux se comprendre. Il y a quelque chose là, parce que des occasions de ces rencontres ne sont pas suffisantes.

La deuxième difficulté qu'on a, mais qui est relativement facile à tourner, c'est de bien comprendre les contenus de formation et les contenus de programmes et des universités et des cégeps. Et ça, je dirais, les recettes ont été trouvées de ce côté-là. Il s'agit de créer des comités conjoints sur lesquels on fait siéger un petit nombre de profs de cégeps, un petit nombre de profs des universités, et puis ils s'attellent à l'analyse détaillée des contenus. Et, quand on fait ça, on trouve assez rapidement où est-ce qu'on peut accorder des équivalences et où est-ce que la formation permet ce continuum dont on a besoin.

La troisième difficulté, je dirais, elle est plus d'ordre financier. Le mécanisme de financement des cégeps n'est pas tout à fait le même chez les universités, donc il y a des petites difficultés qui se développent à l'occasion. Je parlais tout à l'heure de la nécessité de créer des occasions de rencontre. Le gros problème, c'est: Qui va financer ces rencontres-là? Si je veux organiser une rencontre avec les profs du cégep de Sept-Îles ou, dans le domaine de la foresterie, avec les profs du cégep de Saint-Félicien ou les profs du cégep de Gaspé, ça va représenter des méchantes dépenses, et il n'y a personne qui a des budgets pour ça. Donc, il y a un problème de ce côté-là, les mises en commun d'expertises, elles ne sont pas aussi évidentes que ça.

Du côté de l'accréditation, je n'ai pas perçu jusqu'ici de véritables difficultés. On a eu un petit épisode avec l'Ordre des ingénieurs du Québec, mais qui relève plus de l'insuffisance d'information de notre part qu'autre chose. Quand on met les choses au clair, ces difficultés-là sont facilement gérables et, donc, je ne vois pas, dans cette question particulière là de l'action des ordres professionnels, une difficulté significative.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Alors, peut-être un commentaire sur votre remarque quant aux effets heureux, entre guillemets, des compressions budgétaires. Il est généralement reconnu, en économie, que le resserrement des finances a comme effet d'obliger les administrateurs à revoir leur façon de faire, leurs priorités et leurs choix, donc une utilisation plus efficiente et plus rationnelle des fonds. Je ne vous dis pas que, poussé à sa limite, ça ne courrait pas à la catastrophe, mais c'est généralement reconnu.

Et ce que je voudrais, cependant... Vous avez parlé également d'une diminution possible des subventions émanant des organismes subventionnaires fédéraux. Il est déjà prévu une baisse de 13,5 % du budget du Conseil de recherche en sciences naturelles et génie et de 10 % pour le Conseil de recherche en sciences humaines. Alors, c'est déjà prévu. C'est sûr qu'à ce moment-là ça ne facilitera pas la chose à vos professeurs chercheurs.

Une dernière question. Vous qui – et j'en profite pour vous féliciter pour votre nomination au titre de recteur de l'Université Laval – avez été à McGill pendant plusieurs années, il y a une tradition à McGill qu'il ne me semble pas qu'on retrouve à l'Université Laval, c'est une très forte présence auprès de la collectivité. L'Université McGill a tout un programme autour de ça, elle fait un rapport annuel de ses activités, alors que – bon, je me permets de le dire – ça n'est pas la réputation de Laval. Et, pour ne citer qu'un exemple, l'Hôpital de Chicoutimi n'a jamais réussi à conclure une entente de collaboration pour la formation en médecine familiale avec Laval. Elle l'a fait avec Montréal et Sherbrooke. Est-ce que vous, nouveau recteur, avez l'intention d'examiner cette façon de faire?

M. Tavenas (François): Mme la Présidente, j'ai plus que l'intention, je l'ai déjà fait. Vous aurez probablement noté que le recteur de l'Université Laval a accepté d'assumer la présidence du Comité Québec-Capitale, qui regroupe l'ensemble des intervenants de la région. Ce n'est pas parce que j'ai des ambitions politiques. C'est parce que je pense que le recteur était particulièrement bien placé pour regrouper des intervenants dont les intérêts n'étaient pas toujours convergents et amener tout ce monde-là autour de la table.

L'Université s'implique énormément dans tout ce qui est organisme de développement et de fonctionnement de la région. On a probablement une difficulté à transmettre notre message, à le diffuser. Je regrette toujours un peu qu'il y ait certaines caisses de résonnance qui marchent moins dans la région de Québec – là, je pense, du côté des médias entre autres – pour souligner les bons coups, et Dieu sait qu'il y en a, presque tous les jours.

Pour ce qui est de la plus grande région, si vous voulez, de la zone d'influence de l'Université Laval – vous parliez de Chicoutimi – ce n'est pas neutre que j'aie décidé de me taper, à l'automne dernier, une vingtaine de voyages et que j'aie sillonné toute la province pour aller rencontrer les directeurs de cégeps. C'était justement pour discuter avec eux des manières dont l'Université peut s'impliquer, pas juste dans les relations cégep-université, mais aussi, de façon générale, dans le développement économique.

On a, du côté du transfert technologique, des choses à faire, et la collaboration avec les cégeps peut être extrêmement précieuse là-dedans. J'ai discuté avec le directeur du cégep de Chicoutimi, on a la possibilité de l'appuyer dans la mission provinciale qu'ils ont obtenue du côté de la géomatique. Vous savez qu'on a une énorme expertise, ici. On a donc des ressources à mettre à leur disposition. J'ai rencontré le directeur du cégep de Jonquière pour discuter de collaboration du côté de l'informatique et de la mécanique. J'ai rencontré le directeur du cégep de Saint-Félicien pour discuter de collaboration dans le domaine de la foresterie, et pas en formation comme telle, mais de façon générale, dans l'appui à l'action économique, et ainsi de suite.

Alors, il est certain qu'on en fait déjà plus. Il est certain qu'on a la possibilité d'en faire plus parce qu'on occupe une place absolument centrale dans une immense région, et c'est ma volonté de le faire. Quant à la diffusion de cette information, bien, on va essayer de prendre les moyens pour que l'information sorte et on va essayer de trouver les bonnes caisses de résonnance.

La Présidente (Mme Blackburn): Évidemment, j'en veux comme exemple le fait que certaines universités du Québec viennent offrir ici des services dans des organismes satellites, soit à Lévis ou ailleurs, pour ne pas le nommer, alors qu'il m'aurait semblé naturel que ça soit davantage l'Université Laval. Mais je conclus là-dessus. Et la parole est au député de Verdun, porte-parole officiel de l'opposition en matière d'enseignement supérieur.

M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente. M. le recteur, je vais essayer de résumer ce que j'ai compris de votre intervention. En deux mots, vous nous dites: Nous avons eu des succès, nous sommes actuellement une université de qualité, mais les compressions qui nous sont imposées remettent en question, pour le futur... Parce qu'il y a évidemment un délai entre le moment où on fait une compression et l'effet qu'elle a sur la qualité de l'enseignement, la qualité de la recherche. Les compressions que je dois supporter à l'heure actuelle m'amènent à remettre en question la qualité de la recherche et la qualité de l'enseignement que je dispense. Autrement dit: Si les choses continuent, dans deux ans, lorsque je viendrai témoigner devant cette commission, je ne serai plus en mesure de présenter le bilan honorable... que vous avez présenté aujourd'hui. Est-ce que j'ai bien compris ce que vous venez de dire?

(15 heures)

M. Tavenas (François): Parfaitement.

M. Gautrin: Merci, M. le recteur. Je voudrais revenir maintenant sur le document que vous nous avez donné. Vous nous dites: Le manque à gagner du ministère est de 176 000 000 $. Comment vous l'établissez, s'il vous plaît? Ça serait...

M. Tavenas (François): C'est le cumulatif des coupures, puisque c'est des coupures qui s'exercent dans la base. Donc, quand on passe de 275 000 000 $ en 1994-1995 à 260 000 000 $, bien, on cumule 15 000 000 $, quand...

M. Gautrin: Et quand j'arrive à 211 000 000 $ par rapport à 275 000 000 $...

M. Tavenas (François): Mais c'est ça, il faut cumuler. À chaque année, ça se rajoute, là. C'est comme les intérêts composés, ça.

M. Gautrin: À 176 000 000 $, à ce moment-là.

M. Tavenas (François): C'est ça.

M. Gautrin: Ce sont des coupures accumulées les unes par rapport aux autres...

M. Tavenas (François): C'est-à-dire, s'il n'y avait pas eu de coupures...

M. Gautrin: S'il n'y avait pas eu de compressions, les unes après les autres, vous auriez eu, actuellement, dans la base...

M. Tavenas (François): Non, j'aurais eu, au total, 176 000 000 $ de plus à dépenser sur la période.

M. Gautrin: Sur les cinq ans qui...

M. Tavenas (François): C'est ça.

M. Gautrin: Deuxième question. Vous avez eu un programme de départs assistés, si j'ai bien compris.

M. Tavenas (François): Oui.

M. Gautrin: Vous l'avez financé en partie à même la caisse de retraite ou pas, ou à même le budget, directement? Y a-t-il eu des congés de cotisation? Qu'est-ce que vous avez à attendre dans le futur?

M. Tavenas (François): C'est un des sujets qui restent encore en partie en suspens dans nos discussions avec nos syndicats. Nous avons, du côté du corps professoral, modifié les règles du fonds de pension, ce qui fait qu'une partie des coûts passés des programmes de retraite anticipée ont été absorbés, effectivement, à l'intérieur du fonds de pension. Nous avons, pour cette année, négocié un congé de contribution avec le Syndicat des professeurs de l'Université Laval, mais pour un an seulement et sous la forme d'un prêt. C'est-à-dire qu'il va falloir que nous remboursions le fonds de pension, à moins d'une autre entente à intervenir.

Et, du côté du Syndicat des employés de soutien de même que du côté de l'Association du personnel professionnel, nous avons fait des propositions d'utilisation des surplus actuariels, mais nous n'avons pas encore d'entente, à ce moment-ci, avec eux, ce qui fait que les coûts de ces programmes de départ en retraite se sont retrouvés, pour l'essentiel, dans le déficit accumulé de 83 000 000 $ que nous avons au total. Si vous faites le total des chiffres qui sont identifiés, dépenses de retraites, base d'encourues et retraites du passé, vous voyez qu'on a une cinquantaine de millions qui ont été accumulés à ce titre-là, qui est une dette nette.

M. Gautrin: Mais, si je comprends bien, si je regarde votre déficit de l'année, vous êtes en mesure d'avoir un déficit un peu moindre que ce que vous aurez l'an prochain, parce que l'an prochain, vous n'aurez plus ce congé de cotisation...

M. Tavenas (François): C'est ça.

M. Gautrin: ...de vos employés au fonds de pension. Et l'an prochain, vous serez obligés de budgétiser, si je comprends bien, le remboursement du congé de cotisation qui a été pris cette année, à moins que vous soyez en mesure de l'étaler sur...

M. Tavenas (François): C'est ça.

M. Gautrin: Donc, la situation financière d'un déficit appréhendé pour l'année en cours est plus élevée que 14 000 000 $ parce que vous avez...

M. Tavenas (François): Pour l'année prochaine, là.

M. Gautrin: Pour l'année prochaine, oui, excusez-moi. Parce que là vous allez être obligés de rembourser 1 % de la masse salariale et vous n'aurez plus cette flexibilité sur le congé de cotisation. Donc, même si on maintient les subventions au niveau où elles sont, c'est-à-dire s'il n'y a pas de nouvelles coupures, vous allez avoir un déficit de fonctionnement qui va être de l'ordre de 20 000 000 $, à peu près. Est-ce que c'est ça?

M. Tavenas (François): C'est ça, tout à fait.

M. Gautrin: D'après mon estimé. Ce qui est énorme, à l'heure actuelle, et qui va s'ajouter sur votre dette. Et ce qui implique, à ce moment-là un service de la dette qui est de combien, par exemple, dans votre budget, actuellement?

M. Tavenas (François): Je pense qu'à l'heure actuelle dans le budget, on doit avoir 2 000 000 $. On vient juste de passer, en fait, dans le courant de cette année, d'une opération dans laquelle on avait un bilan de caisse qui était positif à une opération avec un bilan de caisse négatif. Ça s'est fait dans le courant de l'année. Et les fluctuations de taux d'intérêt étant ce qu'elles sont de ce temps-ci, le montant qu'on a prévu au budget de l'ordre de 2 000 000 $, c'est une estimation qu'il faudrait qu'on réexamine.

M. Gautrin: Mais reconnaissez à quel point, nous, de ce côté-ci, du moins, nous sommes très préoccupés par le situation financière dans laquelle...

M. Tavenas (François): Je peux vous dire que c'est ma préoccupation principale, essentielle, en tout temps, parce que, effectivement, on vit avec une épée de Damoclès sur la tête.

M. Gautrin: Je vais aborder d'autres questions, si vous me permettez. Mais ça ne veut pas dire que je minimise cette question financière, mais on pourrait le répéter à satiété. Sur la question des l'évaluation des enseignements – vous nous avez dit que vous avez mis sur pied un politique d'évaluation des enseignements – est-ce qu'on en tient compte dans les mécanismes de renouvellement de contrat et de promotion des professeurs, et de quelle manière?

M. Tavenas (François): Les pratiques, je dois l'avouer, varient d'un département à l'autre. L'économie de la convention collective des profs à l'Université Laval est centrée sur le département. Les critères de promotion sont fixés au niveau de l'unité professorale départementale. Donc, l'évaluation en fonction de la promotion se fait au niveau du département. Et, comme nos pratiques d'évaluation des cours sont variables d'un département à l'autre, de façon assez générale – je pense qu'il y a des pratiques bien établies de longue date, dans les secteurs scientifiques; il y a des pratiques moins établies et moins systématiques dans les secteurs littéraires, sciences sociales – évidemment, la prise en compte des résultats de l'évaluation de l'enseignement est variable d'un département à l'autre et d'un secteur à l'autre.

Ce que je vous ai dit tout à l'heure et ce que je compte bien voir se faire dans la foulée de l'adoption de notre politique d'évaluation et de l'opération du comité du suivi de cette politique, c'est que les pratiques qui ont cours depuis plusieurs années dans des facultés comme sciences et génie ou foresterie vont se généraliser à la dimension du campus, avec les adaptations convenables d'une faculté à l'autre.

M. Gautrin: Je vais revenir sur les questions budgétaires parce que j'ai une question que j'avais oublié de vous poser. Ce matin, le président de l'Université du Québec est venu témoigner devant nous en précisant que l'ensemble des institutions des universités du Québec avaient une mission particulière qui était, bien sûr, celle de dispenser la connaissance, d'être une université de qualité mais aussi une mission de régionalisation et d'accessibilité. Implicitement, dans votre document et dans votre intervention, j'ai l'impression que vous et quelques-unes des universités québécoises avez considéré que vous avez une mission – vous avez été inclus dans ce qu'on a appelé les 10 universités de recherche du Canada – qui est un peu différente sur le plan, disons, du développement des connaissances et de la transmission du savoir, du développement du savoir et du développement des connaissances. Est-ce que vous pensez que, dans les formules de financement, on pourrait avoir des formules de financement qui tiennent compte des missions particulières des institutions?

M. Tavenas (François): La formule actuelle le fait déjà en partie, dans la mesure où elle reconnaît un financement différencié pour le premier, le deuxième et le troisième cycles, dans la mesure où la formule de financement inclut un financement, par exemple, pour les frais indirects de recherche. Donc, sur le principe, le principe, il existe déjà. Sur les modalités, on peut discuter.

Mon expérience du système universitaire m'incite à penser que, effectivement, les fonctions de recherche et les fonctions de formation au deuxième et au troisième cycles sont insuffisamment financées. Il y a eu des études qui ont été faites ailleurs – je pense en particulier à l'Australie – qui montrent que le ratio entre le coût d'un étudiant de premier cycle et le coût d'un étudiant de doctorat, ce n'est pas un ratio de 1 à 3, 3,3, comme c'est ici, mais c'est 1 à 4.

(15 h 10)

Je pense que l'Université de Montréal, il y a quelques années, avait fait une proposition formelle d'accroissement du poids relatif des programmes de maîtrise et de doctorat, et effectivement, quand on regarde la réalité des coûts, on devrait en tenir compte, plus que la formule ne le fait à l'heure actuelle.

M. Gautrin: Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): Sur la question du financement, M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Oui. M. le recteur, bonjour. C'est bien sûr que, d'un côté de ce Parlement, on vous dit qu'on est très attentif à ce que vous dites, je pense que c'est des deux côtés qu'on est très attentif à ce que vous dites. Sauf que nous pensons, nous, par exemple, que, quant au financement des universités, ce que nous dit le Conseil de la science et de la technologie, «le gouvernement québécois fournit à lui seul 62 % de tous les revenus des universités du Québec», alors, c'est 1 500 000 000 $, c'est énorme, bien sûr.

Je me souviens du temps où, à l'Université Laval, avant la grève, par exemple, les professeurs gagnaient à peu près la moitié moins de ce que gagnait un professeur dans le réseau public. Ça a beaucoup changé évidemment. Je sais que les professeurs maintenant sont relativement bien payés. Je sais aussi...

Et c'est à ce moment-là que j'ai cessé de donner au fonds. Parce que vous avez été inventifs; l'Université Laval a créé un fonds de dotation. Mais c'est à partir de ce moment-là que les recteurs aussi se donnent un salaire qui est plus fort que – et les vice-recteurs – celui du premier ministre du Québec. Ça aussi, c'est une réalité. C'est à ce moment-là que, comme je le disais, j'ai cessé de donner au fonds de dotation de l'Université Laval. Bon.

C'est peut-être un petit peu dur, ce que je vous dis, d'autant plus que c'est un oiseau qui salit son nid, je suis un collègue universitaire de l'Université Laval, mais je joue mon rôle de député, ici, pour essayer de voir comment, finalement, dans la population, on va croire que vraiment... Étant donné que ça fait 15 ans que le réseau universitaire dit qu'il est sous-financé, est-ce qu'on ne va pas croire qu'il appelle aux loups inutilement?

C'est bien sûr que vous nous donnez des chiffres qui sont intéressants, mais il reste qu'il faut regarder la situation financière du Québec. Parce que les mêmes gens qui nous disent qu'ils sont très préoccupés par ce que vous nous dites sont aussi ceux qui n'ont pas réussi – et je ne veux pas faire de la politique bassement partisane – à équilibrer le budget québécois. Bien sûr, vous dites que vous avez beaucoup d'espoir. Moi aussi, je suis de votre côté, parce que, l'an prochain, au lieu de parler du partage des dettes, on va parler du partage peut-être des suppléments, et j'espère qu'il y en aura pour l'éducation. Vous pouvez l'espérer avec moi.

M. Gautrin: ...dans les dettes du réseau, premièrement.

M. Gaulin: Alors, c'est... Mme la Présidente, j'ai la parole.

La Présidente (Mme Blackburn): M. le député, on va laisser la parole au député de Taschereau.

M. Gaulin: Moi, je voulais savoir. Par exemple, vous nous dites que... Supposons que je fais l'avocat du diable. Vous nous dites – et je trouve ça très beau d'ailleurs, parce que je pensais que c'était moindre, j'ai essayé d'avoir des chiffres du ministère – que la tâche du prof, c'est 3,6 cours-année. J'aimerais ça que vous m'en parliez.

M. Tavenas (François): Plus l'encadrement des filières graduées, plus la recherche, plus le service à la collectivité. Mes collègues ne chôment pas. Vos anciens collègues ne chôment pas.

M. Gaulin: Oui. Mais, par ailleurs, je sais aussi que notre tâche normale annuelle donnée par l'unité syndicale, c'est 4 cours-année. Alors, normalement, la moyenne devrait arriver à 4. Ça aussi, je le sais. Ce qui veut dire que, dans les universités, peut-être pour des raisons syndicales, je ne sais pas, il y a peut-être des gens qui font de la recherche et qui donnent moins de cours, mais il y a peut-être des gens qui ne font pas de recherche et qui devraient donner davantage de cours pour arriver à une moyenne de 4.

M. Tavenas (François): Pour arriver à 3,6, il faut effectivement qu'il y ait pas mal de monde qui donne plus de 4 cours. Si vous considérez, en plus... C'est toujours ça le problème, c'est qu'on oublie... Il y a tellement un focus étroit sur le nombre de cours qu'on en oublie que, dans une université de recherche, une des principales tâches... Et j'ai 5 000 étudiants de maîtrise et de doctorat, il faut les encadrer, ces gens-là. Et l'encadrement d'étudiants de maîtrise ou de doctorat, ce n'est pas à vous que je l'apprendrai, c'est un travail qui se fait de un à un, ce n'est pas un travail dans une salle avec 50 étudiants, et ça prend du temps. Dans les domaines expérimentaux, ça prend du temps tous les jours parce qu'il faut superviser le travail expérimental de l'étudiant dans le laboratoire. C'est des tâches professorales. Former un étudiant de deuxième cycle ou un étudiant de troisième cycle, c'est former un étudiant, c'est faire de l'enseignement.

M. Gaulin: C'est vrai. Quand j'ai quitté, je dirigeais 20 thèses.

M. Tavenas (François): Voilà.

M. Gaulin: Mais je sais aussi qu'il y a beaucoup de collègues qui n'en dirigeaient pas et qu'il n'y avait pas moyen, d'une certaine manière, parce que c'est l'offre et la demande, c'est des collègues qui sont demandés pour être les directeurs de thèse, alors...

M. Tavenas (François): Mais, de ce côté-là, il y a eu beaucoup d'évolution depuis que vous nous avez quittés.

M. Gaulin: Oui. Bien, j'en suis très heureux. D'ailleurs, j'ai une très haute opinion de l'Université Laval. D'ailleurs, ce que vous avez fait, M. le recteur, depuis que vous êtes là est remarquable.

M. Tavenas (François): Merci.

M. Gaulin: Mais je voulais juste attirer votre attention sur le fait que vous êtes victimes, comme nous, en politique, de la perception qu'ont les gens.

M. Tavenas (François): Tout à fait.

M. Gaulin: Et peut-être qu'il y en a qui ne croient pas que finalement, quand il y a 1 500 000 000 $ donnés par le gouvernement aux universités et qu'il y a, par ailleurs, une coupure de 3 000 000 000 $ venant du fédéral... Bien, peut-être que les gens peuvent croire que, si jamais il y a un défaut de financement, il ne vient pas du gouvernement du Québec.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Gaulin: Parce que c'est 3 000 000 000 $, depuis 1994, en éducation.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, M. le recteur.

M. Tavenas (François): Mais, sur la perception du public, je partage votre préoccupation. Mais j'aurais presque envie de vous relancer la balle.

M. Gaulin: Allez-y. On joue le jeu.

M. Tavenas (François): On a une responsabilité certainement partagée, là-dessus, à faire évoluer la perception du public: moi, comme recteur, à expliquer qu'est-ce qui se passe à l'université, vous, comme députés représentant la population, à expliquer à la population qu'est-ce qui se passe au total.

La réalité des choses, c'est que, si on ne comprend pas l'urgence de réinvestir en enseignement supérieur pour former les diplômés dont l'économie du Québec a besoin, à terme, ce qu'on se prépare, c'est un avenir dans lequel la force économique ne sera plus là pour financer ce que M. et Mme Tout-le-Monde comprennent parfaitement bien, c'est-à-dire les programmes sociaux et les programmes de santé.

Regardez ce qui se passe dans le domaine de l'informatique, de ce temps-ci. À ma connaissance, il y a quelque chose comme 25 000 ou 30 000 emplois de très haut niveau non comblés dans les milieux de l'informatique, au Québec, parce que les universités n'ont pas eu les moyens de former les diplômés qu'il fallait. Non pas l'envie, pas les moyens.

On est en train de travailler tous chacun à notre façon. Il y a un programme qui est en train de se développer dans la région de Montréal avec le Centre de recherche informatique de Montréal. L'ITS est là-dedans, l'UQAM est là-dedans, Concordia, je pense, aussi, pour faire un programme de recyclage des ingénieurs dans des domaines dans lesquels la demande est moins forte, entre autres en génie civil, en ce moment, pour fabriquer des informaticiens.

Nous, on vient d'amorcer des discussions. On a des discussions très avancées avec CAE électronique pour prendre des diplômés récemment sortis de l'université dans des secteurs dans lesquels le marché de l'emploi est moins porteur en ce moment et leur donner une formation complémentaire adaptée aux besoins de CAE électronique dans les domaines d'informatique. Donc, on est tous en train de chercher des trucs.

Mais, pour chercher des trucs, pour mettre en place des nouveaux programmes, il faut des ressources. Les ressources, à l'heure actuelle, je ne les ai pas. Alors, on est en train de faire des montages artistiques avec des partages de ressources avec CAE, avec des partages d'expertise avec des entreprises de la région. Ce n'est pas stable, cette affaire-là.

Et, en termes de qualité à long terme et de capacité à long terme de l'Université de répondre à la demande, je ne peux pas l'assurer, ça, je ne peux pas vous dire: Ne vous inquiétez pas, les emplois de haut niveau dont l'industrie québécoise aura besoin demain, là, on s'en occupe, on va les former tous. Je ne peux pas vous le dire, ça. Je n'ai pas les ressources qu'il faut pour y arriver.

Alors, qu'est-ce qui va se produire, dans un domaine comme l'informatique? Bien, ce qui va se produire, c'est que l'entreprise X, Y ou Z, après avoir cherché à combler des emplois au Québec et n'ayant pas trouvé l'expertise parce qu'on n'aura pas eu les moyens de la former, eh bien, elle va prendre les jobs et elle va les relocaliser ailleurs où les expertises sont disponibles.

La Présidente (Mme Blackburn): M. le recteur.

M. Tavenas (François): Ça, c'est une réalité. Ça se fait aux États-Unis déjà en masse, O.K.? Il y a une vraie urgence de ce côté-là, que, de façon un peu étonnante, on n'arrive pas à transmettre dans le public.

La Présidente (Mme Blackburn): M. le recteur, vous dites deux choses en même temps, la première, c'est que vous formez des diplômés...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Blackburn): Juste une... Je peux vous la passer...

Une voix: Elle est présidente.

M. Gaulin: On va vous donner votre temps.

La Présidente (Mme Blackburn): Mais vous formez des diplômés dans des secteurs d'activité où ils ne trouvent pas de placement, alors que vous dites ne pas avoir les ressources pour former où il y a des besoins. J'ai comme un problème. Parce que vous recyclez des diplômés, par exemple, vous nous dites, en génie civil, en informatique. Ça veut donc dire que vous donnez plus que... Alors, j'ai comme de la difficulté à comprendre pourquoi vous n'arrivez pas à vous ajuster plus rapidement aux besoins. Je ne pouvais pas résister à la tentation, M. le député de Verdun, de poser la question.

M. Tavenas (François): Oui, mais ça, Mme la Présidente, c'est le problème de toutes les sociétés libérales, et je pense qu'on en est une. Le choix des étudiants de s'inscrire dans tel ou tel programme de formation, c'est un choix personnel, individuel. On peut leur fournir toute l'information qu'on peut au moment où ils font ces choix, mais, en bout de ligne, c'est l'étudiant qui choisit s'il s'inscrit dans un programme de génie civil ou dans un programme de génie informatique.

(15 h 20)

La réalité des choses aussi, c'est que nous vivons dans un système qui connaît des cycles économiques. Et, puisque vous avez mentionné, et je l'ai mentionné aussi, le domaine du génie civil, que je connais bien puisque je suis ingénieur civil, il se trouve, que, dans ce domaine-là, de façon traditionnelle, les cycles économiques sont rigoureusement opposés aux cycles de formation. La périodicité du cycle correspond à la durée de la formation. Alors, les étudiants s'engagent dans des programmes de génie civil au moment où le génie civil va bien. Quand ils en ressortent, quatre ou cinq ans plus tard, le génie civil va mal. Et on a des situations comme ce qu'on connaît en ce moment, c'est-à-dire des étudiants qui sortent... ils se sont engagés en grand nombre dans des programmes et, quand ils viennent sur le marché du travail, le marché du travail n'est plus là.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, le sachant, l'université va pouvoir s'adapter.

M. Tavenas (François): On ne peut pas y arriver et le gouvernement non plus...

La Présidente (Mme Blackburn): C'est plus sous forme de boutade.

M. Tavenas (François): ...parce que c'est des décisions individuelles. Alors, ce qu'on est en train d'essayer de faire, c'est de trouver des moyens de rattraper ces divergences, si vous voulez, de formation par rapport aux besoins du marché du travail et d'offrir aux étudiants, aux diplômés qui sortent des voies de rattrapage ou de réintégration dans le marché du travail. C'est ce que je disais tout à l'heure à propos des nouvelles stratégies qu'on est en train de mettre en oeuvre, de programmes courts ciblés sur des formations immédiates à des besoins immédiats du marché du travail. Mais, pour faire ça, il faut des moyens.

La Présidente (Mme Blackburn): M. le député de Verdun, toujours sur le financement?

M. Gautrin: Non.

La Présidente (Mme Blackburn): Sinon, j'aurais une question sur le financement, tirée de vos rapports. Évidemment, ça biaise un peu la situation, vous additionnez les compressions pour en arriver à 176 000 000 $ sur quatre ans. En 1992-1993, il y avait 30 000 étudiants équivalents temps plein à l'Université. Vous en aviez, en 1996-1997, 25 500. Ça veut dire une diminution de 4 500. Dans votre évaluation des compressions, vous ne faites pas état, évidemment, de la diminution de la clientèle. Comment ça se traduit?

M. Tavenas (François): La diminution de la clientèle a dû contribuer, sur les 174 000 000 $, pour à peu près une trentaine de millions au total. Parce que, dans la formule de financement, le définancement de la clientèle vient avec un retardement.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, il serait important de le rappeler, là, parce que ce n'est pas des compressions nettes, c'est des compressions qui...

M. Tavenas (François): C'est la compression totale.

La Présidente (Mme Blackburn): C'est une compression totale.

M. Tavenas (François): C'est ça.

La Présidente (Mme Blackburn): Mais qui correspond aussi à une diminution de clientèle.

M. Tavenas (François): En partie.

La Présidente (Mme Blackburn): Et non pas exclusivement à des compressions, simplement, juste pour les fins de l'équilibre budgétaire.

M. Tavenas (François): Exact.

La Présidente (Mme Blackburn): Il y a une partie des compressions qui sont dues à une diminution de clientèle. Il serait important de le rappeler. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je vais aborder deux questions, si vous me permettez. Une des premières questions, c'est aussi budgétaire, vous l'avez abordée dans votre présentation: la difficulté de recrutement des professeurs et la difficulté de conserver vos professeurs de qualité. Vous en avez parlé en citant quelques exemples. Est-ce que vous pourriez clairement nous signaler, à l'heure actuelle, si vous êtes compétitifs pour recruter actuellement sur le marché nord-américain les meilleurs professeurs que vous devez rechercher, premièrement?

Et, deuxièmement, est-ce que vos meilleurs que vous avez chez vous ne risquent pas – parce que les cerveaux peuvent bouger – de pouvoir être happés par le marché nord-américain ou le marché européen, éventuellement? Autrement dit, quelle est la situation de votre corps professoral, compte tenu de votre... Il y a un lien, bien sûr, avec la situation financière, dans ce cadre-là, mais ce n'est pas... L'attrait, pour quelqu'un, n'est pas uniquement une question salariale, c'est évident, bien sûr. Le milieu de travail que vous leur offrez... Dans l'institution qui était celle à laquelle vous étiez associé avant, vous rappeliez les difficultés que vous aviez à l'époque pour recruter de nouveaux professeurs lorsque le milieu de travail avait commencé à ne plus être ce qu'il était quelques années avant.

M. Tavenas (François): La réponse n'est pas simple, n'est pas très concise, à votre question.

M. Gautrin: Mais c'est un problème qui peut être réel.

M. Tavenas (François): Oui, oui. Dans la mesure où on recrute très peu, en ce moment... Parce que, coupures budgétaires aidant, on peut remplacer, dans le meilleur des cas, un poste sur trois, pour le courant, pour l'année immédiate. Donc, dans ce contexte-là, on recrute très peu. Et, par conséquent, on n'est pas un gros joueur sur le marché du recrutement universitaire et, donc, on arrive à recruter à peu près les gens qu'on veut.

Les difficultés qu'on a, qui sont nouvelles, que Laval ne connaissait pas il y a deux ans ou trois ans, c'est qu'on commence à voir partir nos bons – jusque-là, je pense que le français nous avait isolés, dans une certaine mesure, la langue de travail et la langue de la vie, de la famille nous avait isolés, mais la preuve est qu'elle nous isole moins; les personnes dont je vous ai parlé qui sont parties, c'est tous des bons francophones et, en fait, tous des bons Québécois – tout simplement parce que l'environnement, il est trop contraignant au plan des conditions de travail, au plan où le salaire en fait partie, les impôts en font partie, les conditions de travail, c'est-à-dire où l'environnement de façon générale en fait partie. Et, donc, il y a quelque chose de nouveau que mon ancienne Université McGill connaissait bien parce que la langue n'était pas une barrière, mais que, du côté des universités francophones, on commence à observer, et ça, moi, ça m'inquiète.

L'autre chose qui m'inquiète, c'est que, dans certains secteurs, et en particulier dans les secteurs de pointe des sciences de la vie, où établir un nouveau prof est une opération qui vous coûte au bas mot 100 000 $, mais, en fait, plus que ça en infrastructures qu'il faut mettre autour de la personne, les universités québécoises n'ont plus les moyens de mobiliser ce genre de ressources. Alors, on fait encore, à l'occasion, des bons coups, mais tout simplement parce qu'on arrive à intégrer un jeune prof dans une équipe dans laquelle il y a déjà une grosse infrastructure et où, donc, la personne arrive puis elle a un lieu d'atterrissage. Mais, dans les endroits ou dans les secteurs qui sont nouveaux, dans les secteurs en expansion dans lesquels on n'a pas ces infrastructures établies, les universités québécoises, de ce temps-ci, on des grosses difficultés à se faire une place sur ce marché-là, et c'est un problème, parce que c'est le marché de l'avenir. Donc, il y a tout ça.

Un dernier point. Je le mentionnais dans mon exposé initial, le gouvernement fédéral, par le Conseil des recherches médicales, et le gouvernement du Québec, par le Fonds de recherche en santé du Québec, le FRSQ, gèrent des systèmes de chercheurs boursiers, donc un système par lequel un jeune chercheur compétitif est sélectionné et se voit financer une partie de son salaire de même que des budgets d'opération. Une des conditions de base pour recruter ces gens-là, c'est d'être capable de leur offrir un poste, une perspective de carrière, d'intégration dans un poste de carrière. De ce temps-ci, je ne suis pas capable d'offrir des postes à toutes les personnes qui voudraient venir à Laval ou qui sont déjà à Laval dans ces postes-là. Et, donc, on se retrouve dans une situation où, par suite de notre incapacité à garantir des possibilités d'intégration, il y a des chercheurs de très haut niveau – parce que c'est des gens qui ont été sélectionnés par des processus hypercompétitifs – qui ne peuvent pas s'intégrer dans nos équipes de recherche.

M. Gautrin: Parce que vous n'êtes pas capables de payer la quote-part.

M. Tavenas (François): D'une part, la quote-part, mais surtout la garantie d'intégration, à l'expiration de la bourse.

M. Gautrin: Dans le même ordre d'idées, à un moment, lorsque nous étions... le mois précédent, vous nous aviez signalé les difficultés que vous pouviez avoir par rapport à la Fondation canadienne pour l'innovation à payer la quote-part de l'Université pour pouvoir éventuellement bénéficier des renouvellements d'équipements qui auraient pu être faits par le programme de la Fondation canadienne pour l'innovation. Est-ce que ça s'est réglé? C'est le même problème de quote-part, à ce moment-là, de payer la quote-part de l'Université.

(15 h 30)

M. Tavenas (François): Dans ce cas-là, c'est différent, et, effectivement, les choses évoluent d'une façon intéressante. Le gouvernement du Québec a mis en place un programme pour assurer sa quote-part du financement des projets de la Fondation canadienne pour l'innovation. Il a mis en place un mécanisme qui marche bien pour sélectionner des projets, en collaboration avec la Fondation canadienne pour l'innovation. Et la quote-part de fonds privés que l'Université doit mettre en oeuvre, de l'ordre de 20 %, dans le contexte de la campagne en ce qui concerne l'Université Laval, de la campagne DÉFI qui s'achève, dans le contexte de toutes les relations université-industrie qu'on a développées depuis plusieurs années, bien, il s'avère qu'on a été capable de la mobiliser. Alors, nous avons eu les premiers résultats des compétitions de la Fondation canadienne pour l'innovation tout récemment, il y a trois semaines, et c'était dans le cadre du programme Établissement de jeunes chercheurs, et l'Université Laval a continué à avoir sa belle performance, comme toujours, dans ce domaine-là. Nous avons obtenu pour 5 000 000 $ et quelques de subventions, au total. Et nous nous situons, au niveau canadien, au cinquième ou au sixième rang, suivant la manière dont on compte, donc à nouveau solidement dans le groupe de tête. Donc, la Fondation canadienne, ça a l'air de bien fonctionner.

Maintenant, les gros morceaux restent à venir, c'est-à-dire les grosses infrastructures. Je pense que nous avons d'excellents dossiers. Nous avons des dossiers extrêmement intéressants, en termes de collaboration interuniversitaire, en fait, même de collaboration de l'enseignement supérieur, puisqu'il y a un dossier d'établissement d'un réseau de télécommunications à très grande vitesse entre toutes les universités, tous les centres hospitaliers universitaires et tous les cégeps du Québec. C'est coordonné par le RISQ, qui est le Réseau interordinateurs scientifique québécois, qui est maintenant établi comme une corporation indépendante, qu'on m'a demandé de présider. Donc, il y a des belles choses. Il y a la mise en commun de ressources bibliothèques, avec un projet de bibliothèque virtuelle qui implique l'ensemble des universités québécoises. C'est Laval qui pilote ce dossier-là. J'ai bon espoir.

M. Gautrin: Vous m'ouvrez la porte, à ce moment-là, sur une préoccupation que, moi, j'ai beaucoup. La collaboration de l'Université Laval – puisque vous représentez l'Université Laval – avec l'industrie et son milieu est comme un élément moteur dans le déclenchement des technopoles et de l'industrie du savoir. Alors, vous m'ouvrez la porte, parce que vous venez de le dire, donc, je vous pose la question. Qu'est-ce que...

M. Tavenas (François): Effectivement, je pense que, écoutez, dans l'ensemble de notre activité de recherche, il y a plus de 30 000 000 $ qui sont des contrats et des commandites directement avec l'industrie.

M. Gautrin: Je peux vous dire exactement combien.

M. Tavenas (François): Quand on regarde la scène canadienne, si on n'est pas les premiers, on n'est pas loin du sommet en ce qui concerne ce type d'activité. Pourtant, quand vous regardez l'environnement dans lequel l'Université Laval opère, on ne peut pas dire...

M. Gautrin: 27 000 000 $.

M. Tavenas (François): Hein?

M. Gautrin: 27 714 000 $.

M. Tavenas (François): Oui, mais, si vous comptez, il y a encore des choses, des ministères à vocation économique, enfin, dans le domaine de la foresterie, de l'agriculture, et ainsi de suite, où c'est des contrats.

M. Gautrin: Enfin, vous n'étiez pas loin, à 30 000 000 $, hein!

M. Tavenas (François): Ah oui! On est dans les leaders canadiens, là-dedans, alors que notre environnement économique immédiat, on ne peut pas dire que ce soit un environnement industriel. On fait plus de contrats qu'en font bien des universités montréalaises, qu'en font bien des universités du coeur de l'Ontario parce qu'on a fait des efforts d'investissement et de développement avec notre Bureau de valorisation des applications de la recherche depuis plusieurs années.

On est actionnaire dans trois compagnies, je le disais tout à l'heure, des compagnies qui ont été créées par des chercheurs de l'Université à partir de résultats de recherches de l'Université. C'est une première, ça aussi. Il n'y a aucune université qui pratique ça en ce moment. On a décidé de le faire parce qu'on a constaté que gérer le transfert technologique strictement par le biais de brevets et de licences, ça mobilise beaucoup d'énergie du côté des avocats, mais ça ne génère pas beaucoup de profits.

M. Gautrin: Vous êtes actionnaires de quelle manière? C'est-à-dire, vous avez...

M. Tavenas (François): À la création de l'entreprise, à la capitalisation de l'entreprise...

M. Gautrin: C'est-à-dire, vous avez déposé...

M. Tavenas (François): ...on dépose la propriété intellectuelle.

M. Gautrin: Vous avez aidé à financer, à ce moment-là, l'entreprise en achetant une partie des actions.

M. Tavenas (François): On dépose la propriété intellectuelle dans le panier de l'entreprise, et cette propriété intellectuelle a une valeur qu'on traduit en capital-actions.

M. Gautrin: Très bien, très bien. Ça marche, je comprends. Mais, à même votre budget de fonctionnement, ce n'est pas directement...

M. Tavenas (François): Non, non, non.

M. Gautrin: C'est ce que j'avais cru comprendre à un moment.

M. Tavenas (François): Non, non. Mais on est en train cependant de mettre en place une corporation qui va être indépendante de l'Université et dont l'objectif sera d'agir comme un agent commercial, de gérer les actions qu'on aura, le portefeuille d'actions qu'on aura dans les entreprises, de gérer notre portefeuille de propriétés intellectuelles et puis de collaborer avec les milieux industriels, les milieux de la finance pour générer des fonds qui vont nous permettre d'amplifier notre action de développement technologique.

M. Gautrin: Alors, ça m'amène à une question. La propriété intellectuelle d'un chercheur chez vous est partagée comment entre l'Université et le chercheur?

M. Tavenas (François): La propriété, elle n'est pas partagée; l'usufruit de la propriété l'est.

M. Gautrin: C'est-à-dire...

M. Tavenas (François): Si vous partagez la propriété intellectuelle, dans le monde moderne, la propriété intellectuelle, elle vaut zéro. Parce que quelqu'un qui est obligé d'acheter un know-how quelconque et de négocier avec 25 propriétaires, il va acheter le know-how ailleurs. Alors, la propriété intellectuelle, elle est propriété de l'Université. Maintenant, après ça, nous avons...

M. Gautrin: Un mécanisme.

M. Tavenas (François): ...des politiques pour partager les fruits de cette propriété intellectuelle de façon équitable entre le professeur et l'institution.

La Présidente (Mme Blackburn): Ça se partage dans quelles proportions? Parce que ça m'intéresse. Dans quelles proportions...

M. Tavenas (François): On est en train de...

La Présidente (Mme Blackburn): ...de la valeur?

M. Tavenas (François): Oui, typiquement, c'est fifty-fifty.

La Présidente (Mme Blackburn): O.K.

M. Tavenas (François): Et il y a une enquête qui est faite en ce moment sur l'ensemble des universités, et on est en train, toutes les universités, de remettre à jour nos politiques, de les actualiser puis d'essayer de les uniformiser pour qu'on soit tous à peu près à la même heure.

La Présidente (Mme Blackburn): M. le député de Lotbinière.

M. Paré: Merci, Mme la Présidente. Dans l'introduction, lorsque vous avez parlé de l'évaluation de vos programmes, vous avez parlé d'une nouvelle façon de le faire et vous avez parlé d'un cycle de sept ans. Et vous nous parliez tout à l'heure, à une question que vous a posée M. le député de Verdun, en disant que vous aviez des programmes courts, maintenant. Vous ne trouvez pas ça un peu long, une évaluation cyclique de sept ans pour évaluer un programme? Parce qu'on sait que la jeune fille ou le jeune homme qui rentre en engineering ne connaît même pas l'appareil sur lequel il va travailler quatre ans après son cours.

M. Tavenas (François): Les cycles d'évaluation réguliers, c'est pour les programmes de grade, c'est-à-dire que c'est pour les programmes de baccalauréat, maîtrise, doctorat. Les programmes de certificat, ce qu'on appelle les microprogrammes, tous ces programmes d'insertion au marché du travail, les programmes qui répondent à des besoins très spécifiques, ils ont des durées de vie et des périodes d'évaluation beaucoup plus courtes.

M. Paré: Comme...

M. Tavenas (François): Claude?

M. Godbout (Claude): Peut-être un élément d'information, aussi. Il ne faut pas oublier que les comités de programme évaluent et révisent les programmes à tous les ans, et, donc, le cycle de sept ans est pour une évaluation majeure avec les comités externes, ainsi de suite. Mais, à tous les ans, c'est bien sûr que les programmes sont ajustés pour tenir compte de l'évolution de la société. Donc, je ne voudrais pas vous laisser sous l'impression qu'il n'y a rien qui se passe entre l'an 1 et l'an 7, au contraire.

M. Paré: Non, je le sais. C'est parce que M. le recteur a dit tout à l'heure qu'il y avait des programmes courts pour répondre aux besoins du milieu, donc je voulais voir comment vous conciliez ça tous les deux. Donc, il y a des programmes longs qui sont évalués année après année. Le programme lui-même est évalué sur un cycle de sept ans. Et les programmes courts, par contre, vous vous ajustez aux besoins du milieu. C'est ça que j'ai compris?

M. Tavenas (François): C'est ça.

M. Paré: O.K. Dans quels domaines vous avez des programmes courts, comme vous dites, que vous adaptez aux besoins ou aux demandes du milieu?

M. Tavenas (François): À l'heure actuelle, il y en a dans le secteur des sciences de l'administration, de façon générale, en finance, en informatique et en gestion des organisations, il y en a en sciences et génie, dans le domaine de l'informatique, il y en a en agriculture. Disons, de façon plus ponctuelle, si on cherchait la concentration, elle est probablement en sciences de l'administration, et il y a une deuxième concentration en sciences et génie. Mais on en retrouve dans toutes sortes de domaines. La Faculté de théologie a des programmes très fréquentés dans des domaines de l'éthique, de la vie spirituelle, et ainsi de suite.

M. Paré: Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Merci, M. le député. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Si on regarde la participation du secteur privé dans votre financement du secteur privé, il y a eu une période où il y a eu une pointe, en 1992-1993, où il y avait ces espèces de partenariats pour soutenir la recherche. Enfin, votre institution précédemment y avait beaucoup participé, je pense que l'Université Laval aussi y a participé. Quel bilan vous en faites maintenant? Je sais que le programme n'existe plus. Serait-il souhaitable qu'il soit rétabli? Serait-il souhaitable qu'il puisse y en avoir un nouveau dans ce sens-là? Il avait été critiqué par certains, disons qu'il avait donné lieu à des abus, c'est-à-dire qu'on avait qualifié de recherches des choses qui n'en étaient pas. Mais, de votre côté, à l'heure actuelle, à l'Université Laval...

Parce que, quand même, si je regarde les contributions du secteur privé, à ce moment-là, dans les fonds de recherche, en 1992-1993, vous étiez de l'ordre de 45 000 000 $ et maintenant vous êtes à 27 000 000 $. Bon, il y a peut-être un peu plus, je comprends bien. Mais, comparé par rapport à l'existence de ce programme-là qui n'existe plus... Donc, je comprends tout à fait votre argument de départ, que vous êtes en croissance dans le type de collaboration avec le secteur industriel, ça, je le comprends, si j'élimine ce programme-là. Mais est-ce que le programme qui existait dans les années 1992-1993, il est souhaitable qu'il soit rétabli ou pas, d'après vous?

La Présidente (Mme Blackburn): M. Tavenas.

(15 h 40)

M. Gautrin: Il avait une influence importante, quand même, sur les fonds de recherche que vous receviez. Vous pouvez estimer la différence en une vingtaine de millions que vous receviez, à ce moment-là, en plus?

M. Tavenas (François): Bon, j'ai connu ce programme-là dans mon...

M. Gautrin: Dans vos vies antérieures.

M. Tavenas (François): Dans ma vie antérieure.

M. Gautrin: Et votre institution y avait participé fortement.

M. Tavenas (François): Participé beaucoup. La lecture que je fais, après coup, des avantages et des inconvénients de ce programme, elle est assez mitigée. Ce qu'on a vu, finalement, ça a été une injection massive de fonds pendant une période de temps très courte. Ce n'est jamais une bonne façon d'optimiser l'utilisation de l'argent et en particulier dans le domaine de la recherche. On est beaucoup mieux, on a beaucoup plus d'efficacité avec des programmes qui assurent un accroissement continu, systématique des fonds de recherche et des activités qui vont avec.

La deuxième chose, c'est que, si j'essayais de faire le bilan des retombées qui ont été créées par ces programmes-là, je ne suis pas sûr que leur rentabilité soit à la mesure des fonds qui ont été investis. En d'autres termes, une piastre de recherche investie dans un programme de base a probablement eu plus d'effet qu'une piastre de recherche investie dans cette bulle-là de durée très courte. Et c'est, encore une fois, je pense, à cause de l'importance de la bulle et de la très brève durée de son application.

M. Gautrin: Parce qu'elle a coûté aussi, il faut bien en être conscient, cher au trésor public, compte tenu qu'il y a des mécanismes de déduction fiscale.

M. Tavenas (François): Oui. Et puis elle a coûté... Disons qu'il y a une partie non négligeable de ces fonds qui est allée faire fonctionner les intermédiaires qui étaient nécessaires là-dedans, des émetteurs d'actions, etc., les monteurs de dossiers qui ne rentraient pas directement dans la recherche.

Donc, de ce point de vue là, je pense que, si le gouvernement du Québec a des choses intéressantes à faire pour associer l'université à une recherche plus appliquée, il vaudrait mieux regarder du côté du prolongement de programmes comme ceux du Fonds de développement technologique. Le bilan du Fonds de développement technologique, il est globalement positif, et je pense qu'on aurait tout intérêt à le poursuivre ou à l'adapter. Mais ce genre d'opération a bien fonctionné, a bien marché.

Les crédits d'impôt pour la recherche, avec la valorisation particulière de la recherche exécutée en collaboration avec l'Université, ça a été aussi des bons mécanismes. Je dirais que, de ce côté-là, on n'a pas nécessairement tiré tous les bénéfices qu'on aurait pu d'un programme qui, en soi, est bon, parce que, du côté du ministère du Revenu en particulier, les décisions de reconnaissance des activités et d'attribution des crédits ne sont pas nécessairement venues aussi vite ou aussi clairement qu'il aurait fallu. Donc, il y a des choses à faire de ce côté-là. Mais, moi, je pense que le gouvernement du Québec a plus d'intérêt à retirer de la mise en oeuvre de programmes qui sont stables dans le temps...

M. Gautrin: À long terme plutôt que des programmes ponctuels.

M. Tavenas (François): ...plutôt que des espèces d'expédients financiers de durée limitée.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, M. le député de Verdun, ensuite, le député de Taschereau.

M. Gautrin: Dans un domaine voisin, je vous ai déjà entendu dire, dans une de vos interventions, et je voudrais vous entendre commenter là-dessus: La veille technologique, c'est important, mais reconnaissez – vous vous adressiez à un auditoire, et alors j'imagine que vous allez le redire devant nous, ici – que les meilleurs centres de veille technologique, vous les avez actuellement dans vos institutions universitaires. Et également, vous citiez, à l'époque, l'Université Laval. Est-ce que vous pourriez au moins le redire et le recommenter ici, devant cette commission?

M. Tavenas (François): Il n'y a absolument aucun doute dans mon esprit que le mécanisme de veille technologique mondial par excellence, c'est l'université, pour toutes sortes de raisons bien simples. Les universitaires, dans un domaine d'activité scientifique, c'est un petit réseau, c'est une petite famille à l'échelle mondiale. O.K. Mes spécialistes de robotique, ils connaissent les spécialistes de robotique partout à travers le monde, puis ils se parlent. Puis maintenant, avec Internet, ils s'envoient des messages à peu près tous les jours. Donc, ils savent ce qui se trame partout dans les laboratoires universitaires. Et, comme le développement scientifique et technologique, grosso modo, il a à peu près la même structure partout dans le monde, c'est-à-dire des idées qui se brassent dans les labos universitaires, dont un certain nombre débouchent, après ça, sur des applications industrielles, ce réseau d'universitaires, c'est un réseau avancé de veille technologique. Mes collègues du département de génie électrique, ils savent ce qui se trame en télécommunications optiques partout dans le monde aujourd'hui, ils savent où sont les trucs intéressants, ils savent où sont les gens intéressants.

M. Gautrin: Mais comment en faire bénéficier la société québécoise comme centre de veille technologique?

M. Tavenas (François): C'est ça, le défi. Puis je dirais qu'à l'heure actuelle on ne s'est pas particulièrement bien organisé pour s'en servir, parce que c'est une fonction qui n'est pas reconnue et qui, par conséquent, n'est pas financée. Donc, ceux qui en font, ils en font parce qu'ils trouvent ça le fun d'en faire. Mais il y a une réflexion à faire de ce côté-là. Alors, est-ce que ça doit se faire dans le cadre d'organismes comme – je ne sais pas – le Parc technologique? Est-ce que ça doit se faire dans le cadre d'organismes comme des chambres de commerce ou des centres de recherche?

M. Gautrin: Bien. Les centres de veille n'ont pas été un succès, complètement.

M. Tavenas (François): À ce moment-ci, il n'y a pas de mécanismes structurés pour exploiter cet outil absolument extraordinaire de veille qu'on a dans les mains.

M. Gautrin: Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. Tavenas. M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Oui. J'aimerais revenir, Mme la Présidente, sur ce que disait tout à l'heure le député de Verdun par rapport au rôle que peut jouer l'université dans le développement d'une technopole. Je pense, par exemple, qu'hier le gouvernement annonçait justement qu'on allait donner 12 000 000 $ au Parc technologique, 400 000 $ au Centre de développement de la géomatique, 3 500 000 $ au CEFRIO. D'ailleurs, je pense que vous étiez de la tournée, puisque vous avez dit que vous êtes président d'un comité qui se préoccupe du rôle d'une capitale, cette capitale qui est la nôtre.

Tout à l'heure, la députée de Chicoutimi disait que les gens de McGill étaient beaucoup sur le terrain au plan communautaire. Mais j'ai été étonné, depuis que je suis député, de voir jusqu'à quel point beaucoup de profs de l'Université Laval sont sur le terrain, aussi, au plan du tourisme. Ils sont beaucoup sur le terrain au plan du développement du tourisme scientifique.

Alors, ça pourrait être intéressant de revenir sur trois des créneaux de développement de la capitale, peut-être, en tant qu'université, comment vous les voyez: la haute technologie, le tourisme et la culture. Et surtout, pour le tourisme, je vous demanderais de regarder ça par rapport aux programmes, c'est ce que vous avez commencé, d'articuler des programmes qui développeraient sur quelque chose qui est créateur d'emplois aussi pour les jeunes.

M. Tavenas (François): Alors, en ce qui concerne la place de l'Université dans la région et l'appui aux grands axes de développement de la région, on était hier tous les deux à la même réunion convoquée par le premier ministre Bouchard, et vous vous souvenez que le tour de table qui s'est fait par les intervenants successifs, chacun... Alors, il y avait le président-directeur général du Centre de développement de la géomatique, qui a mentionné qu'il était là à cause de l'Université Laval, la présidente-directrice générale du CEFRIO, le Centre de recherche sur l'informatisation des organisations, qui a mentionné qu'elle était là à cause de l'Université Laval, et ainsi de suite. Bref, tous les intervenants de la région se réfèrent à l'Université Laval parce qu'ils sont en collaboration, en coopération avec l'Université.

Au plan du développement technologique dans la région, au plan de la conversion de la région dans le secteur économique, Laval joue déjà un rôle majeur. Vous avez juste à regarder toutes les entreprises importantes de technologie qui se sont créées, elles sortent toutes de Laval – je l'ai mentionné – une trentaine d'entreprises qui sortent directement de chez nous. Et on est en train de s'organiser pour systématiser ça pour en faire plus. L'entente avec Innovatech Québec–Chaudière-Appalaches, elle vise à ça, puis ça commence à porter des fruit.

(15 h 50)

Dans le domaine du tourisme, je me rappelle une rencontre assez amusante dans le cadre de la campagne électorale au rectorat, où on avait rencontré des intervenants de la région de La Malbaie, qui posaient aux candidats au rectorat de l'Université Laval la question: Qu'est-ce que l'Université Laval va finalement faire pour nous? La connotation étant: Pour l'instant, on ne fait rien. Alors, je leur ai souligné que l'Université Laval faisait déjà énormément pour eux et qu'ils avaient juste à essayer de regarder dans les revenus des restaurants et des hôtels de Charlevoix et à faire la corrélation entre la tenue des grands congrès dans la région de Québec à l'instigation de l'Université et le volume d'affaires dans le système touristique de Charlevoix pour constater qu'il y avait une corrélation assez directe et que l'Université, donc, contribuait au développement économique de Charlevoix, pas nécessairement de la manière dont ils l'avaient pensé, mais de façon très manifeste.

Quand je suis entré en fonction, je suis allé rencontrer la présidente du Centre des congrès – on sait ce qui lui est arrivé. J'ai rencontré son successeur, il y a quelques semaines, pour discuter d'un accord structurel de partenariat entre l'Université Laval et le Centre des congrès. Nous sommes, je pense, le principal outil de recrutement de congrès pour la région de Québec, dans le sens, et ça rejoint un peu le thème de la veille technologique: les grands congrès, ça réunit d'abord et avant tout des universitaires, et donc c'est les universitaires qui sont capables de savoir c'est quoi, les grands congrès, où ils sont, où sont les gens qui prennent les décisions et comment on fait pour les attirer ici.

Je pense qu'on peut faire plus. Parce que, à l'heure actuelle, cette fonction de prospection de congrès, à l'Université, elle est faite sur une base individuelle et bénévole par les collègues. Quand un Fernand Labrie amène des grands congrès dans son secteur d'activité, il fait ça de sa propre initiative, avec ses moyens à lui, tout seul. Alors, Fernand n'est pas démuni, il est plein d'initiatives, il est plein de moyens, donc il fait pas mal de choses. Mais j'ai bien des collègues qui seraient capables d'en faire tout autant, mais qui n'ont pas les ressources.

Ce que j'ai discuté avec le président du Centre des congrès, c'est la possibilité de mettre en commun nos ressources pour faire une véritable collaboration. Et je suis tout à fait confiant qu'on peut jouer un rôle plus efficace dans ce domaine-là et contribuer au développement du Centre des congrès et, par le fait même, au développement de toute l'industrie touristique.

Dans le domaine de la culture, la présence de Laval est très importante et à la fois complètement effacée parce que, bon, on a un grand nombre de collègues qui sont impliqués directement ou indirectement dans le domaine du théâtre, dans le domaine des arts, dans le domaine de la musique. Si je retirais tout ce qui est associé à l'Université Laval, la vie culturelle dans la région de Québec prendrait un méchant coup. Mais ce n'est pas structuré, ça ne se voit pas, ce n'est pas systémique.

Ce que j'espère voir se développer, c'est, en particulier dans le domaine de la musique, une bien meilleure collaboration entre notre Faculté de musique et le Conservatoire. Nous avons signé une entente qui semble difficile à mettre en oeuvre, pas de notre côté, mais du côté des gens du Conservatoire. J'espère qu'on pourra progresser dans ce domaine-là parce que je pense qu'on a beaucoup à contribuer dans la dynamisation de la vie culturelle dans la région. Entre le secteur des arts visuels, le secteur de la musique, le secteur des arts de la scène et de la littérature de façon générale, il y a une richesse à l'intérieur de l'Université qui est absolument extraordinaire et qu'on peut mieux exploiter dans la région.

Ceci dit, il ne faut quand même pas considérer qu'on ne fait rien. Si vous allez regarder tous les gens qui ont fait l'animation cet été dans les différents festivals et activités de toutes sortes, la grande majorité, c'étaient des étudiants de l'Université, quand ce n'étaient pas des profs de l'Université.

La Présidente (Mme Blackburn): Sur une autre question qui vous avait été soumise, qui est un peu reliée à la question que je vais poser, la formation des étudiants, l'enseignement à distance, les nouvelles technologies de l'information et des communications font un peu rage actuellement dans les universités, dans les cégeps, dans plusieurs foyers. Je pense qu'on est rendu à plus de 50 % des foyers qui sont dotés d'un ordinateur.

Vous, l'Université Laval, de façon générale – parce que vous êtes une grande université, vous ne contrôlez pas chacune des facultés, chacun des départements – comment réagissez-vous aux espoirs et aux attentes qu'on met dans ce médium? Et comment est-ce qu'on développe l'esprit critique par rapport aux informations qui circulent là-dessus, la cueillette des données, et ainsi de suite, la confidentialité? Est-ce que c'est une des préoccupations de l'Université?

M. Tavenas (François): C'est sans aucun doute une préoccupation de l'Université, en ce moment. Je pense qu'on n'a pas le choix que de se préoccuper de ces questions-là, parce qu'on voit l'activité se développer autour de nous et, si on ne s'en occupe pas, on risque de passer à côté de quelque chose d'essentiel. Alors, effectivement, on s'en occupe. On s'en occupe comme on doit le faire dans une organisation comme l'université, c'est-à-dire en capitalisation sur les professeurs dynamiques qui se précipitent là-dedans et qui expérimentent. Nous avons, de ce côté-là, en sciences de l'éducation, deux groupes de recherche qui sont impliqués dans l'utilisation des techniques de l'information dans les méthodes d'enseignement pour en étudier l'efficacité, et ainsi de suite.

Nous sommes partenaires de l'initiative nationale Telelearning, qui, donc, regroupe tous les milieux des sciences de l'éducation un peu partout à travers le pays. Nous avons initié, depuis un an, des activités de formation pour nos professeurs pour qu'ils s'approprient les technologies de l'information, qu'ils intègrent ça dans leurs méthodes d'enseignement. Nous avons, dans le cadre de l'entente avec le Groupe Investors, dont je parlais, une entente financière pour développer notre expertise dans le domaine de l'utilisation des technologies de l'information et pour développer notre infrastructure.

Laval a été, je pense, dès le départ un partenaire très actif des initiatives de la CREPUQ du côté de l'intégration des technologies de l'information. Mon adjoint, Yves Giroux, est actif là-dedans depuis les premières heures.

Nous sommes très actifs dans le dossier des réseaux informatiques à l'échelle de la province. Parce que je vous disais tout à l'heure que je préside le RISQ, qui est la corporation qui gère cette affaire-là et qui va en gérer le développement.

Nous sommes impliqués dans l'initiative de l'AUPELF-UREF concernant la mise sur pied d'une université virtuelle francophone parce que nous sommes convaincus que les technologies bien comprises dans le domaine de l'enseignement universitaire impliquent des collaborations internationales et impliquent une exploitation de ce qu'on fait à l'échelle internationale. Le marché du Québec est trop petit pour justifier les investissements importants qui doivent être faits. Par contre, le marché international, lui, il a la taille qu'il faut. Donc, je dirais, là, on est impliqué, on est actif ou en observation sur tous les fronts dans ce domaine-là.

Ceci dit, je suis de ceux qui sont convaincus qu'il y a des choses extrêmement intéressantes à faire avec les technologies de l'information, mais que ça ne sera pas la panacée et que ce n'est pas demain qu'on verra la célèbre université virtuelle totale dont certains rêvent. Parce que le citoyen est un animal particulier qui aime l'interaction avec les autres animaux de la même famille, et il n'y a rien comme une bonne discussion pour bien se comprendre. Si on organisait une réunion, même comme celle-ci, dans un cadre virtuel, chacun au bout d'une caméra de télévision, on n'aurait pas le même échange que ce qu'on est en train d'avoir. Et c'est particulièrement vrai dans le domaine de l'enseignement.

Par contre, il y a des choses intéressantes à faire dans des domaines dans lesquels les concepts sont difficiles à expliquer. On peut faire, avec les technologies de l'information, de la simulation pour expliquer des concepts théoriques très compliqués d'une façon particulièrement parlante. Dans des domaines comme la psychologie, on peut former des étudiants à des techniques d'interview, par exemple, sans les mettre en présence d'un véritable patient, mais avec des séquences filmées interactives, etc. Donc, il y a une possibilité énorme d'enrichissement de l'efficacité de l'information. Mais ce n'est pas demain la veille qu'on va remplacer les profs par des disquettes d'ordinateur ou des cédéroms.

(16 heures)

La Présidente (Mme Blackburn): Le temps est presque écoulé. Je repose la même... Je ne vous invite pas à y répondre, ça prendrait certainement peut-être une dizaine de minutes. L'inquiétude que je voulais exprimer, c'est qu'on a eu le même enthousiasme quand est apparue la télévision. Et je rappelais ce matin qu'on a même construit un cégep qui devait prodiguer l'enseignement presque exclusivement comme ça, à Montmorency, finalement; on a dû le refaire de l'intérieur parce que ça ne marchait pas. Alors, tout ça pour dire que, oui, c'est important, mais je dis «modérément», parce que la machine ne remplacera jamais le rapport humain, comme vous l'avez bien exprimé.

M. Tavenas (François): Nous sommes d'accord.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui. Alors, un dernier mot, M. le recteur? Voulez-vous faire une dernière remarque?

M. Tavenas (François): Écoutez. Je vous remercie des deux heures de discussions extrêmement intéressantes que vous nous avez consacrées. Je compte vous faire parvenir un texte épuré des fautes de frappe qui y restaient encore de la présentation que je vous ai faite.

Je me permettrai, pour finir, de souligner une autre fois l'intérêt que les universités ont et que mon université en particulier a de voir notre mécanisme de reddition de comptes, le rapport préparé dans le cadre de la loi 95 amélioré dans son contenu, enrichi pour être plus utile. Je trouve que nous transmettons beaucoup de papier, je trouve que nous transmettons beaucoup de chiffres que vous avez sûrement beaucoup de difficultés à ingurgiter et à exploiter, alors que la vie de l'université, c'est probablement autre chose. Alors, des rencontres comme celle-ci nous permettent d'aborder d'autres choses, et je m'en réjouis. Mais je pense que la loi 95 laisse encore une large place à l'amélioration.

M. Gautrin: ...avantage d'exister, cher ami.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tavenas (François): Elle a l'avantage de nous donner l'occasion d'une rencontre telle que celle-ci.

La Présidente (Mme Blackburn): La commission de l'éducation, avec le ministère de l'Éducation, a travaillé un peu à ce que pourrait être l'élaboration d'indicateurs de performance. Mais ce qu'on a actuellement, souvent, on a des indicateurs de performance dans une institution et on ne peut pas les comparer avec l'institution voisine, faute de standardisation dans les données. Alors, on travaille là-dessus. Et, si j'avais le temps, je vous demanderais ce que vous pensez d'établir des critères et des standards qui nous permettraient d'uniformiser la présentation des données de manière à ce qu'on puisse comparer les établissements entre eux.

M. Tavenas (François): Si vous permettez, juste là-dessus, Mme la Présidente, pour vous inciter à une grande prudence, dans le sens suivant. La standardisation d'indicateurs de performance porte en elle l'uniformisation du réseau universitaire québécois. Je ne pense pas que la mission de l'Université Laval soit nécessairement rigoureusement identique à la mission de l'Université du Québec à Chicoutimi. Je ne pense pas que la mission de l'Université McGill soit identique à la mission de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Et, en imposant des indicateurs de performance standardisés, on se fait croire que les missions sont semblables et on risque fort de pousser le système vers une tentative de standardisation de sa vie, de sa réalité, qui serait contraire à l'intérêt par rapport à ce que nous connaissons aujourd'hui, qui est tout de même, dans une homogénéité globale, une diversité de matérialisation des missions qui font que les besoins de formation et les besoins de recherche sont, je pense, globalement bien servis, bien qu'ils soient très divers. Alors, il faut y faire attention.

Ceci dit, et pour ceux qui ont travaillé avec moi à l'occasion sur ces questions-là, vous savez que je suis très préoccupé par la question des indicateurs de performance, mais je vous dis qu'il faut faire une distinction entre indicateurs de performance et standardisation et il faut exercer beaucoup de prudence. La bonne façon, de mon point de vue, d'enrichir la loi 95, c'est d'inviter chaque université à identifier sa mission particulière, à identifier les moyens pour l'État et pour elle de mesurer le degré d'accomplissement de cette mission particulière et de mesurer, par le fait même, l'utilisation efficace des fonds.

M. Gautrin: Mais, Mme la Présidente, je voudrais réagir sur ce que vous dites, si vous me permettez deux minutes.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui.

M. Gautrin: Je comprends tout à fait et je suis parfaitement d'accord avec vous sur les dangers de l'uniformisation et sur le respect des différentes missions. Néanmoins, la difficulté que nous avons, nous, à lire les rapports qui nous viennent des universités, et vous savez à quel point on est en... c'est que les manières de comptabiliser la même chose diffèrent d'une institution à une autre.

Donc, on n'est pas en train de vous dire: Bon, il va falloir qu'on ait des indicateurs uniformisés et que tout le monde soit identique l'un à l'autre, ce n'est pas du tout ça. Mais, au minimum, qu'on puisse savoir que, si une personne qui est considérée comme une personne-cadre dans une institution et soit un employé technique dans une autre... Parce que vous avez une manière différente de les comptabiliser, c'est assez difficile. C'est ça. Je pense que c'est dans ce sens-là que Mme...

La Présidente (Mme Blackburn): Oui. Je pense que «standardisation» était peut-être inapproprié, pour utiliser un terme qu'on a entendu ailleurs, mais...

M. Gautrin: Ha, ha, ha! Il est 16 h 5, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Blackburn): ...qui n'avait pas tout à fait le même sens. Mais simplement pour dire qu'il faudrait qu'on uniformise la présentation des rapports, particulièrement au plan de l'imputation des dépenses. On ne peut pas comparer. On lit votre rapport, comme on lit celui de McGill, comme je lis, vous l'avez dit, celui de l'Université du Québec à Chicoutimi ou en Abitibi-Témiscamingue et, sauf entre ces universités, les constituantes où on a uniformisé la présentation des rapports, les règles d'attribution des fonds entre les universités, on ne peut pas faire cet exercice.

Et, si on avait pu faire cet exercice – ma dernière boutade – peut-être qu'on aurait vu que, dans l'analyse que vous faites dans les effets des compressions budgétaires, on aurait eu une colonne clientèles puis une colonne compressions budgétaires puis, au total, l'image que ça nous aurait présentée aurait été peut-être un peu plus transparente et un peu moins négative, si vous me le permettez. Parce que, quand on fait ce genre d'exercice et qu'on lance un chiffre de 176 000 000 $ en oubliant de dire que la clientèle a diminué de 4 500, c'est une information incomplète, en étant tout à fait polie.

M. Tavenas (François): Pour être très complet, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Blackburn): Et, à ce moment-là, la population est en droit, et les parlementaires, de penser que ça manque un peu de transparence. C'était ma dernière remarque là-dessus. Et moi-même je me trouve un peu déçue, parce que je plaide pour les universités, mais, si on ne me donne pas tout l'éclairage ou qu'on biaise un peu l'information, évidemment que, là, je suis plus mal à l'aise après.

(16 h 10)

C'est simplement ce que je souhaitais vous dire au terme de cet exercice, qui, par ailleurs, a été extrêmement instructif, pour nous, en tout cas; pour vous, je ne saurais dire, mais pour nous, très certainement.

M. Tavenas (François): Merci, madame.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. le recteur et M. Godbout.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Blackburn): Mesdames, messieurs!

M. Gautrin: Je vois que les parlementaires ministériels sont en train de disparaître! Est-ce que c'est le résultat des élections...

La Présidente (Mme Blackburn): Non, il ne faut pas prendre ses désirs pour des réalités.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Alors, nous reprenons la séance que nous avons suspendue quelques minutes pour accueillir les dirigeants de l'Université de Montréal. Avec nos mots de bienvenue, M. le recteur et vos collaborateurs, s'ajoutent nos félicitations pour votre nomination au poste de recteur de cette grande Université qui est l'Université de Montréal.

Vous allez me permettre en même temps de profiter de la présence de Mme McNicoll pour, avec vous, partager la peine qui a été la vôtre à l'occasion du décès d'un de vos collègues et collaborateur, et ami, l'ami de plusieurs d'entre nous également, Léonce Beaupré, qui était président du comité de la CREPUQ sur la restructuration des programmes. Je ne ferai pas, devant des amis et des collaborateurs, des gens qui le connaissent depuis déjà plus de 20 ans, son curriculum vitae. Simplement pour dire que c'était un amoureux de l'éducation et des réseaux de l'éducation. Et je vous inviterais ensemble, si vous me le permettez, à une minute de silence à sa mémoire.

Bien. Merci. Nous allons donc vous demander, M. le recteur, de présenter vos collaborateurs. Vous avez une quarantaine de minutes pour la présentation. On a un peu de retard, mais, rassurez-vous, les membres de la commission, généralement, acceptent sur consentement et même sans consentement – on ne le demande pas – de dépasser le temps, 6 heures trente tel que prévu par les convocations de la commission sans difficulté, tant, généralement, les échanges sont fructueux entre nous. C'est à 18 heures. Excusez-moi, j'ai dit 18 h 30, c'est 18 heures. Voilà. Alors, ça sera 18 h 15. M. Lacroix, nous vous écoutons.


Université de Montréal (U de M)

M. Lacroix (Robert): D'abord, Mme Blackburn, Mme la Présidente, je vous remercie de nous accueillir à cette commission parlementaire. Je voudrais d'abord vous présenter ainsi qu'à vos collègues les collaborateurs qui m'accompagnent. D'abord, Patrick C. Robert, qui est notre vice-recteur aux affaires publiques et au développement. Patrick C. Robert fait partie de notre nouvelle équipe de direction de l'Université de Montréal. Il est entré en poste à l'Université de Montréal en juin dernier. Il était préalablement directeur de l'école de gestion de l'Université du Québec à Montréal.

Claire McNicoll, vice-rectrice à l'enseignement de premier cycle et à la formation continue. Alors, Claire, évidemment, vous la connaissez bien, Mme Blackburn, et je pense que les autres membres de la commission la connaissent aussi. Elle était secrétaire de l'ACUP et faisait un travail remarquable, et j'ai cru que l'Université de Montréal ne pouvait se passer de son expertise. Elle est maintenant avec nous, et je suis convaincu qu'elle nous aidera à relancer cette grande institution.

Et André Racette est le directeur des finances de l'Université de Montréal. Alors, il y est depuis fort longtemps et il fait toujours un très bon travail, malgré les périodes difficiles que l'on vit. Évidemment, si on s'enfarge un peu dans les chiffres, je lui passerai la parole et il aura l'odieux de se tromper, s'il doit se tromper. Voilà, Mme la ministre, pour ce qui est de mes collaborateurs.

Je voudrais maintenant prendre quelques instants pour revenir très rapidement sur ce rapport de l'année 1996-1997, dans un premier temps, et, dans un deuxième temps, avec ma collègue Claire McNicoll, nous tenterons d'ouvrir sur les cinq thèmes qui nous ont été proposés par la commission.

D'abord, quelques mots sur l'année 1996-1997. Comme vous, je la trouve bien loin, d'autant plus loin que j'étais dans une autre vie et dans un autre monde, à cette époque-là. Mais, comme je suis prof au département d'économie de l'Université de Montréal, j'ai quand même le sentiment d'avoir vécu cette période-là dans notre institution.

D'abord, cette année-là, et vous le savez, fut la deuxième année des compressions budgétaires, et notre institution a mis en place une série de processus qui devaient nous permettre de sauver l'essentiel tout en absorbant de façon structurelle – je dis bien de façon structurelle – le maximum de compressions qui nous étaient imposées.

(16 h 20)

Nous avons donc établi des cibles de réduction de dépenses qui n'étaient pas strictement horizontales, mais qui tenaient compte de la spécificité des unités et de leur caractère prioritaire dans la réalisation de la mission de l'Université de Montréal. Ces cibles portaient largement sur des réductions relativement importantes de notre personnel d'encadrement administratif, de notre personnel de soutien, de même qu'une réduction de notre corps professoral.

Toutes les dépenses des services ont été passées au crible. Nous voulions tenter de réduire les dépenses, si possible, au rythme de la réduction de nos revenus, tout en étant conscients qu'on atteindrait, à un moment donné ou l'autre, des seuils critiques qui nous amèneraient à prendre des décisions importantes dont je vous parlerai tantôt. C'est l'ensemble de ces processus qui ont été mis en place à l'Université de Montréal qui nous ont permis de survivre jusqu'à l'année présente et qui sont encore les guides des décisions que nous prenons.

Durant cette même année 1996-1997, évidemment, nous avons poursuivi, malgré les tensions suscitées par l'absorption des coupures – et, vous le savez vous-même, au gouvernement, puisque, dans différents ministères, vous avez subi ces mêmes tensions et ces mêmes incertitudes – notre mission académique d'enseignement et de recherche. En effet, nous avons accueilli, en 1996-1997, 33 000 étudiants et étudiantes dans nos différents programmes, dont les deux tiers étaient inscrits à plein temps. De ces 33 000 étudiants, vous le savez déjà, 8 000 étaient inscrits aux études supérieures, c'est-à-dire aux études de maîtrise et de doctorat, dont 2 500 au niveau du doctorat. Donc, l'Université de Montréal continuait à remplir son rôle de formation à tous les cycles d'études dans des secteurs facultaires et aussi dans des secteurs professionnels importants.

Il faut le comprendre et le répéter, l'Université de Montréal est une université très fortement orientée dans des secteurs professionnels. Au-delà de 60 % de nos étudiants de premier cycle appartiennent à des secteurs professionnels: médecine, médecine dentaire, médecine vétérinaire, droit, architecture, pharmacie. Et la liste est bien longue de couvertures de formations de ces étudiants qui s'insèrent dans notre société et sont le support, je crois, important de cette société.

Nous avons aussi, durant cette année-là, poursuivi nos efforts pour augmenter le taux de réussite au premier cycle et réduire la durée des études aux études supérieures. Ces efforts, évidemment, avaient commencé un certain nombre d'années avant 1996-1997 et portaient fruit, cette année-là. Ce n'est pas facile, on travaille à la marge, mais on a constaté une augmentation de 7 % dans les taux de réussites sur une période de cinq ans, ce qui n'est pas marginal, et une réduction de 15 % du temps des études de deuxième et troisième cycles, ce qui n'est pas marginal non plus.

Du côté de la recherche, toujours durant cette même année 1996-1997, l'Université de Montréal et ses écoles affiliées ont reçu 175 000 000 $ de fonds de recherche d'organismes subventionnaires et des secteurs privé et public. C'était une hausse de 2 % par rapport à 1995-1996. Et cette hausse est d'autant plus remarquable qu'elle s'est faite au moment où les grands organismes subventionnaires du gouvernement fédéral coupaient leurs budgets de subventions aux universités.

Il faut bien imaginer effectivement quel pôle de recherche cela peut constituer. 175 000 000 $ de fonds de recherche pour financer des recherches dans les divers domaines dans lesquels l'Université de Montréal et ses écoles affiliées sont impliquées, vous devez rajouter à ça évidemment la valeur des infrastructures physiques mises à la disposition de ces chercheurs-là, mises à la disposition des étudiants de maîtrise et de doctorat qui sont impliqués dans ces recherches-là, vous devez ajouter à cela une portion importante du salaire des professeurs qui dirigent ces projets de recherche là. Donc, à l'évidence, l'Université de Montréal et ses écoles affiliées constituent probablement le pôle de recherche scientifique et de développement technologique le plus important de Montréal, le plus important au Québec et le deuxième au Canada.

Évidemment, ces activités-là sont faites dans le cadre universitaire, donc elles sont faites dans une perspective de formation et dans une perspective d'avancement des connaissances. Il n'est pas possible d'avoir une université massivement concentrée aux deuxième et troisième cycles sans une activité de recherche de premier plan aux niveaux national et international. Nous ne pouvons former des gens qui seront responsables de l'avancement des connaissances dans les secteurs public, parapublic, privé et dans les secteurs universitaires sans que nous-mêmes, comme Université, nous soyons partie prenante de cette évolution des connaissances dans l'ensemble du monde. Donc, c'est à l'aune de l'international qu'il faut comparer la qualité de la recherche d'une institution universitaire comme l'Université de Montréal.

Au-delà de cette mission fondamentale de notre Université et de toute université de recherche, il y a aussi l'impact économique de la recherche faite à l'Université de Montréal et dans les autres universités. Mais, seulement pour l'Université de Montréal, l'impact économique de la recherche de cette institution-là s'élève à 500 000 000 $, en 1996-1997. Cet impact économique, si on le traduit en termes d'emplois, soutient directement 7 000 emplois et indirectement 8 000 autres emplois. C'est donc 15 000 emplois soutenus par l'activité de recherche de l'Université de Montréal, c'est très considérable. Et je crois que le gouvernement, lorsqu'il songe à la création d'emplois et au soutien d'emplois dans une économie qui, à certains égards, a certaines défaillances, doit bien réaliser que, quand on affecte les budgets des universités, c'est des emplois de haut savoir qu'on affecte et très rapidement. Et ce n'est pas en compensant par des subventions à d'autres entreprises de haute technologie qu'on a solutionné le problème.

Donc, je pense que c'est à retenir. L'Université de Montréal, à cet égard, est créatrice d'emplois et créatrice d'emplois de haute qualité pour nos jeunes qui sortent de nos institutions et nos moins jeunes qui sont déjà sur le marché du travail.

Deuxième élément qui est important, de ces 175 000 000 $, près de 40 000 000 $ venaient du secteur privé. Ça veut dire que 23 % des subventions et contrats de recherche de l'Université de Montréal viennent du secteur privé. C'est au-dessus de la moyenne canadienne, très au-dessus de la moyenne canadienne et au-dessus de la plupart des grandes universités de recherche d'Amérique du Nord. Croire que les universités francophones ne sont pas branchées au milieu de la recherche du secteur privé est une erreur. Non seulement nous sommes branchés, mais nous sommes mieux branchés que la plupart des grandes universités canadiennes et nord-américaines.

À titre d'exemple, si vous prenez l'université McGill, 11 % seulement de ses fonds de recherche proviennent du secteur privé, alors que, dans l'entendement général, l'Université McGill est l'Université branchée et les autres universités ne le sont pas. Donc, je pense qu'il faut réaliser ces faits, il faut réaliser ces chiffres aussi.

Avant de passer la parole à Claire McNicoll, qui va évidemment parler de la partie enseignement et des autres questions que vous avez soulevées dans la lettre d'invitation que vous nous avez fait parvenir, je voudrais prendre quelques minutes pour parler du premier thème que vous avez soumis à notre réflexion, à savoir la résorption des déficits.

(16 h 30)

Évidemment, j'ai l'impression que je vais répéter des choses que vous entendez depuis 9 heures, 9 h 30, ce matin. Ça va être des variations sur le même thème. Espérons que je serai aussi exceptionnel que Glenn Gould quand il fait ses propres variations et que vous ne reconnaîtrez pas de quel auteur ça vient. Il faut bien comprendre les efforts qui ont été demandés à nos institutions universitaires. Et vous le savez déjà, on vous l'a dit, on vous l'a redit, à la fin de la présente année, donc au 31 mai 1999, c'est une compression de 498 000 000 $ qu'on aura imposée aux universités sur une période de cinq ans. Cela inclut évidemment le non-financement des coûts du système, pour un montant de 139 000 000 $, et la compression comme telle, pour le restant du montant. C'est une chute des revenus du financement gouvernemental de 32 %, énorme, considérable. Et, si on interprète ça d'une façon différente, ça veut dire que chaque université québécoise a approximativement 2 000 $ de moins par étudiant pour le former et 2 000 $ de moins aussi pour soutenir l'ensemble de ses activités universitaires. On est donc passé de 9 700 $, en moyenne, par étudiant à 7 800 $, en moyenne.

Écoutez, on peut faire des miracles, mais c'est très considérable comme réduction. Évidemment, on demande aux universités de couper et, quand les universités ont coupé, elles l'ont fait comment? Elles ont coupé dans leur personnel cadre, elles ont coupé dans leur corps professoral, elles ont coupé dans l'entretien des infrastructures physiques de nos institutions universitaires.

Et là je dois vous dire une chose, c'est que plus vous avez une université qui prend de l'âge, plus ce non-maintien de nos infrastructures physiques est une bombe à retardement. C'est le cas de l'Université de Montréal. Nous avons des infrastructures qui datent, qui ont été transformées en laboratoires extrêmement modernes, mais qui ont un coût d'entretien très considérable. Limiter les coûts d'entretien, c'est une bombe à retardement. Et je vous dis que, dans certains cas, certains bâtiments, autant à l'Université de Montréal qu'à McGill, risquent d'être fermés pour des causes de sécurité parce qu'on n'a plus les moyens de les entretenir.

Évidemment, comme je le disais tantôt, couper dans le corps professoral, vous le savez, on vous l'a redit, c'est plus de 900 professeurs que nous avons de moins dans nos institutions universitaires. Et je l'ai répété à plusieurs reprises, pour faire image, c'est comme si on avait fermé l'UQAM en l'espace de trois ans dans le réseau universitaire québécois. C'est aussi simple que ça. L'UQAM a 925 professeurs.

Malgré toutes ces coupures, les universités se retrouvent toutes en situation de déficit courant et ont accumulé au cours du temps un déficit dépassant les 300 000 000 $. Évidemment, on peut nous dire: Vous étiez trop bien nantis, c'est pourquoi les coupures ne sont pas si dramatiques dans le milieu universitaire. Bien, il faut se rappeler à cet égard qu'à la fin des années quatre-vingt un grand consensus s'est développé au Québec quant à l'enseignement supérieur: elle était sous-financée par rapport aux universités comparables du reste du Canada et sous-sous-financée par rapport aux universités comparables de l'Amérique du Nord. Ça, c'est à la fin des années quatre-vingt.

L'évaluation du sous-financement, à cette époque-là, variait selon ceux qui en parlaient. Il passait de 100 000 $ à 200 000 $, dépendant qu'on écoutait la CREPUQ ou le ministère de l'Éducation. Mais, en tout état de cause, tous s'entendaient, tant au niveau du gouvernement qu'au niveau des entités universitaires, pour dire que ce sous-financement se situait entre 100 000 000 $ et 200 000 000 $.

Il y a eu, à cette époque-là, un léger redressement des subventions, réajustement des frais de scolarité, tant et si bien qu'on avait l'impression en quelques années d'avoir à peu près retrouvé la moitié du rattrapage qui était à faire, au moins. Immédiatement après, les coupures ont recommencé, pour des raisons évidentes, que l'on comprend très bien, de difficultés de finances publiques.

Et, évidemment, on se retrouve maintenant dans une situation où, lorsque l'on se compare au reste de l'Amérique du Nord et au reste du Canada, nous sommes la seule région où les universités ont subi des baisses massives de leurs revenus. Dans le reste du Canada, à l'heure où je vous parle, vous ne pouvez pas trouver une région où les universités auraient des revenus inférieurs à ce qu'elles avaient en 1994-1995. Toutes ont des revenus qui leurs sont supérieurs. Certaines, un peu plus, d'autres, un peu moins, d'autres, à égalité, mais toutes sont sorties du bois et sont revenues même mieux que la situation antérieure.

Si vous allez maintenant dans tous les États américains, les augmentations oscillent entre 3 % et 22 % d'augmentation sur la même période. Ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'avec les baisses qui sont de l'ordre de 20 % à 25 % dans les universités québécoises, ce n'est pas vrai qu'on était trop bien nantis. On était même sous-financés par rapport aux autres, au point de départ. Donc, nous sommes littéralement sous-financés par rapport à nos comparables et par rapport à nos concurrents.

Ce sous-financement devient encore plus dramatique pour les universités francophones et particulièrement pour les grandes universités francophones. Pourquoi? Parce que, si vous regardez dans le reste du Canada, prenez l'Université de Toronto, juste un exemple, son fonds de dotation doit faire à peu près 600 000 000 $ à 700 000 000 $ à l'heure actuelle. Et elle termine campagne, et on dit à travers les branches que cette campagne-là rapportera au-delà de 350 000 000 $, peut-être 400 000 000 $.

Ça veut dire quoi, ça? Ça veut dire que l'Université de Toronto commence l'année, avant de recevoir toute subvention et tous frais de scolarités, avec des revenus de sa dotation et ses rentrées d'apports autres d'à peu près 100 000 000 $ à 125 000 000 $. Elle commence l'année avec ça. Le reste, c'est pour effectivement aller plus loin. Ça, ce n'est pas comptabilisé quand on fait les comparaisons, ça ne fait pas partie de la comparaison. Si vous prenez l'Université de l'Alberta, vous trouvez la même chose. Si vous prenez UBC, vous trouvez la même chose, etc. Et, si vous prenez l'Université McGill au Québec, vous la retrouvez dans une situation relativement comparable.

L'Université de Montréal est l'Université francophone qui a essayé de prendre les devants au niveau de la constitution d'un fonds de dotation. On est supposément l'Université la mieux nantie à cet égard-là. Mais je vous annonce que, quand l'Université de Toronto commence l'année avec 125 000 000 $, moi, je commence l'année avec moins de 10 000 000 $. C'est ça que ça veut dire. Donc, petit fonds de dotation et petites rentrées.

La culture de dons à nos institutions se développe bien, la richesse du milieu francophone s'accroît, mais il faut nous donner le temps. Et, comme on n'a pas eu ce temps-là, quand on frappe des compressions dans les universités québécoises, dites-vous une chose, c'est qu'on n'a pas de coussin pour absorber le choc, comme ont eu nos universités comparables du reste du Canada. Et ça, je pense qu'il faut en tenir compte, ça devient encore plus dramatique. Le système américain a aussi ce coussin d'amortissements qui leur permet de survivre des conjonctures plus difficiles.

Évidemment, quand on regarde cette question du financement, il faut bien la situer dans un contexte. Si on n'était qu'entre nous et qu'on ne faisait que nos petites affaires et qu'il n'y avait pas l'extérieur du Québec, on se dirait: C'est vrai, on souffre tous ensemble, mais, au moins, on est sûrs qu'on souffre tous et, quand on s'en sortira, on s'en sortira tous ensemble. Vous savez, ce n'est pas comme ça que ça se passe dans le monde universitaire et dans le monde de la formation.

La dégradation de la qualité de l'enseignement, de l'encadrement et des milieux de recherche, qui résulte des compressions budgétaires, nous place dans une situation extrêmement défavorable par rapport à nos concurrents et par rapport à nos partenaires du reste de l'Amérique du Nord. L'économie du savoir sera intraitable, à cet égard-là. Et, comme elle est, en plus, globalisée, elle sera doublement intraitable. Et les sociétés qui feront l'erreur de ne pas miser sur l'éducation pour leur développement futur paieront très, très cher cette erreur-là. Regardez ce qui se passe dans le pays d'à côté, allez voir ce qui s'est passé depuis un certain nombre d'années dans les investissements massifs que l'on fait en éducation supérieure et dans le financement de la recherche fondamentale, vous allez vous apercevoir qu'on a compris où mène l'économie du savoir.

Donc, je pense que le Québec a fait des efforts absolument remarquables – remarquables! – depuis, je dirais, l'avènement de la Révolution tranquille. Et là, peu importe les gouvernements au pouvoir, les efforts ont été remarquables. On a amené cette société-là à un niveau d'excellence qu'aucune autre société n'aurait pu atteindre en si peu de temps et avec aussi peu de ressources. Nous sommes là, nous y sommes, mais en équilibre très instable. Et je crois qu'on a fragilisé le système universitaire comme ce n'est pas possible de le fragiliser.

Qu'est-ce que ça veut dire pour l'Université de Montréal maintenant? À l'Université de Montréal, la compression totale, depuis 1995-1996, est de l'ordre de 70 000 000 $, 27 % des revenus de subventions gouvernementales. Énorme. Nous avons pu comprimé nos dépenses de 57 000 000 $. Vous voyez le trou qu'on a entre les deux: 13 000 000 $, minimum, 13 000 000 $ à 15 000 000 $ dépendant des évaluations qu'on en fait, et cela, après avoir mis en retraite anticipée plus de 300 profs, s'être départi de 530 personnels de soutien et de cadres, avoir négligé nos infrastructures et avoir sabré dans l'ensemble de nos autres dépenses. À la fin de la présente année, nous aurons, à l'Université de Montréal, un déficit accumulé de 83 000 000 $, dont 41 000 000 $ sont imputables à des dépenses exceptionnelles de mise à la retraite anticipée. Nous avons donc un trou structurel de 13 000 000 $ à 15 000 000 $ entre nos dépenses et nos revenus, malgré toutes les coupures qu'on a faites et malgré la fragilisation qu'on a apportée à nos unités de recherche et d'enseignement.

(16 h 40)

Ça veut dire quoi, pour les années qui viennent? Ça veut dire la chose suivante. S'il n'y a pas de lumière au bout du tunnel, ça veut dire qu'il faudra couper encore de 15 000 000 $ pour retrouver un équilibre et, après avoir coupé de 15 000 000 $, nous serons probablement avec un déficit accumulé de l'ordre de 90 000 000 $. Si nous voulons le remettre sur une période de 10 ans, ça va nous coûter entre 7 500 000 $ et 8 000 000 $ par année. D'accord? Il faudrait donc couper encore d'un autre 8 000 000 $ pour remettre notre dette, sinon on doit payer les intérêts sur cette dette-là, qui monteront probablement à entre 3 000 000 $ et 4 000 000 $ par année.

Alors, c'est une situation, et je vous le dis, j'ai pris le dossier en juin dernier, j'ai donc fait le tour du jardin, et je me dis que c'est une situation absolument alarmante, catastrophique. Et là c'est une institution – et j'ai l'impression que vous avez vu mon collègue Tavenas qui vous a raconté un peu des histoires d'horreur aussi – qu'on a bâtie, évidemment, avec des efforts considérables de toute la société québécoise qui est en train d'être mise en cause.

Et là on me dit: Comment on fait pour résorber le déficit? Bien, on va faire des efforts pour augmenter nos revenus. Mais, dites-vous une chose, c'est qu'une partie des revenus, quand je les augmente, je vais les augmenter au détriment de la baisse des revenus des autres. Parce que, quand j'augmente des revenus de clientèle étudiante, il a fallu que j'aille les chercher quelque part, donc il y en a d'autres qui ne les auront pas. Mais on va le faire parce qu'on est concurrentiels et on est compétitifs. D'autres formes de revenus peuvent nous arriver à l'Université. On va essayer de trouver d'autres formes de revenus. Mais, au bout du compte, vous réalisez bien là qu'il y a un trou majeur qui n'est pas facilement compressible dans la structure actuelle de financement de nos institutions.

Alors, évidemment, je pense que je vous renvoie un peu la balle en vous disant: comment allons-nous nous sortir de cette situation dans laquelle nous sommes? Si le gouvernement décidait d'injecter 300 000 000 $ dans les universités l'année prochaine, il aurait juste épongé la dette des universités, et on serait encore avec les mêmes trous structurels qu'on avait avant. Donc, on se dit: c'est grave. Et il faut vraiment voir ça de façon grave.

On peut très bien dire: On va réorganiser les universités, on va sauver de l'argent, on va faire ci, on va faire ça. Dites-vous une chose, c'est qu'on n'est pas seuls au monde et, quand les autres ont 2 000 $, 3 000 $, 4 000 $ de plus pour former chacun des étudiants qui rentrent chez eux, on pourra avoir l'équilibre budgétaire, mais on l'aura vraiment à qualité fortement réduite et on mettra sur le marché des jeunes qui ne sont pas compétitifs – qui ne sont pas compétitifs – et on aura des recherches qui retarderont dans le temps et pour lesquelles la valeur de l'investissement sera pratiquement nulle.

Alors, voilà un peu ce dossier général. Ce qui ne nous empêche pas, malgré tout, de faire des efforts extrêmement considérables, depuis trois mois que nous avons pris la direction de l'Université de Montréal, pour trouver des solutions, pour réaménager notre institution et pour pouvoir être certains que, si le gouvernement fait des efforts de son côté, il saura que nous avons fait tous les efforts de notre part aussi. Là, je demanderais à Claire McNicoll de peut-être continuer sur un certain nombre d'autres volets qui vous préoccupent et pour lesquels vous nous avez posé un certain nombre de questions.

Mme McNicoll (Claire): Merci, M. le recteur.

La Présidente (Mme Blackburn): Mme McNicoll.

Mme McNicoll (Claire): Merci, madame. En dépit du tableau critique que décrit le recteur, évidemment, dans la vie courante, nous devons nous assurer que nous offrons le meilleur service possible à nos étudiants et que nous nous assurons que la progression de ces étudiants et leur diplomation sont une préoccupation de chacune des unités. Alors, je vais donc revenir un peu sur la question de la persévérance avant de traiter de l'enseignement à distance, des efforts de rationalisation des programmes d'études, de la reconnaissance des crédits ainsi que de la tâche d'enseignement. Je ferai le tout rapidement, compte tenu de l'intérêt que nous avons à un échange de questions et des réponses.

Je veux rappeler une des choses qui se trouve dans le dossier, à savoir que nous avons, comme l'a dit le recteur, amélioré nos taux de réussite de 7 %, environ, sur une période de cinq ans, aux études de premier cycle et dans l'ensemble de nos programmes. Mais ce qu'il est important de signaler, je crois, c'est que, dans les programmes spécialisés de premier cycle, nos performances ou, enfin, la performance de nos étudiants est passée de 68 %, environ, d'étudiants qui obtiennent leur baccalauréat à 71 %. En d'autres termes, même s'il est clair qu'il faut que nous améliorions encore cette performance, sept étudiants sur 10 qui entrent dans un programme de premier cycle, en moyenne, à l'Université de Montréal, obtiennent leur diplôme, ce qui est une réalisation qu'il vaut la peine de souligner.

Les étudiants font ces programmes-là en dedans de sept trimestres. Vous savez que le temps imparti normalement pour un baccalauréat est de trois années, c'est-à-dire six trimestres. La moyenne le fait en sept trimestres. Compte tenu que des étudiants, travaillent, très souvent, durant leurs études, cela aussi est une réalisation importante. Enfin, comment dire, nos étudiants arrivent à compléter leurs études dans un temps tout à fait raisonnable.

Évidemment, ces résultats-là sont différents suivant les différents secteurs. Nous avons, comme on l'a dit, 63 % de nos étudiants de premier cycle qui sont dans des programmes professionnels la plupart du temps contingentés. Dans ces programmes-là, les taux de réussite sont plus élevés, qui peuvent aller jusqu'à 98 %, comme c'est le cas en médecine, mais qui peuvent également aller jusqu'à 45 %, environ, dans des programmes prévus pour des étudiants qui font leurs études à temps partiel. Cela étant dit, le 45 % d'étudiants qui obtiennent leur diplôme à temps partiel constitue, là aussi, une mesure très importante parce que les deux tiers des étudiants sont réputés abandonner les études à temps partiel. Ça veut dire que les nôtres, dans presque 4,5 sur 10, arrivent à obtenir leur diplôme.

Les éléments qui permettent d'atteindre ces performances, si je puis dire, tiennent au fait que, depuis 1992, l'Université de Montréal a adopté des politiques de valorisation de l'enseignement, des politiques d'appui à l'encadrement. Et elle a, l'année dernière, à la fin de l'année qui vient de se terminer, approuvé une politique d'évaluation de l'enseignement, une politique approuvée par l'assemblée universitaire pour laquelle un comité de surveillance composé de professeurs, d'étudiants et de chargés de cours aura comme mandat de rappeler aux différentes unités ce qui fait une réussite à l'intérieur d'un programme, c'est-à-dire des syllabus détaillés, des modalités d'évaluation des étudiants qui leur sont communiquées au début de la session, des résultats qui leur sont communiqués également en cours de session le plus rapidement possible après que les étudiants ont fait des travaux ou des intras. En d'autres termes, nous faisons ce qu'il faut pour permettre l'amélioration de la diplomation. Encore une fois, le sept sur 10 au premier cycle, nous en sommes fiers, mais nous savons que nous devrions viser un huit sur 10.

Cela m'amène à la question de l'enseignement à distance, auquel vous vous intéressez. Je pense que les nouvelles technologies de l'information et de la communication vont changer la façon d'enseigner dans les universités. Les moyens en question sont très variés, bien sûr, et vont du support documentaire électronique à des cours entièrement médiatisés sur cédérom ou sur un autre support et où l'étudiant communique avec le professeur, par exemple par courrier électronique.

Ces moyens-là sont diversement implantés dans nos programmes. On doit dire qu'au deuxième et au troisième cycles l'utilisation de ces moyens fait partie de l'activité de recherche des étudiants et des professeurs, souvent à l'aide des moyens obtenus par les subventions de recherche des professeurs. Il est impossible aujourd'hui, par exemple, de mener une recherche sans transiger avec des banques de données, des banques bibliographiques, avec le traitement de données et la rédaction à l'aide d'un micro-ordinateur sans avoir recours à toutes sortes de communications sur toutes sortes de supports.

Mais, cela étant dit, les applications de ces nouvelles technologies de l'information et de la communication dans les programmes de premier cycle vont entraîner une modification et entraînent déjà, d'ailleurs, une modification du rôle du professeur ainsi que de la façon d'apprendre des étudiants. Il doit être clair que les étudiants viennent à l'Université pour rencontrer des personnes, rencontrer des professeurs et des collègues et pour s'approprier des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être. Ces moyens vont nous aider à mieux réaliser notre mission.

Les Affaires universitaires , le bulletin de l'AUCC, faisait état, dans sa dernière livraison, des améliorations apportées à la diplomation et au succès d'étudiants à l'université Case Western de Cleveland, où l'on indiquait que les taux de réussite avaient très sérieusement augmenté, que les taux de diplomation avaient également très sérieusement augmenté à l'aide de l'introduction d'un certain nombre de ces moyens technologiques avec, bien sûr, toujours une intervention professorale et une intervention de personnes qui sont du domaine dans lequel les étudiants apprennent.

(16 h 50)

En d'autres termes, ce que je veux signaler par là, c'est que l'utilisation de moyens modernes de communication améliore manifestement la réussite et l'efficacité, si l'on veut, de l'enseignement des professeurs et de l'apprentissage des étudiants. Mais une chose qui est certaine, c'est qu'il ne faut pas imaginer que cela va remplacer le professeur. L'autre chose qu'il faut signaler, c'est que les limites, nos limites à l'introduction d'un certain nombre de ces modifications tiennent au coût du matériel, au coût du développement et au temps de préparation pour plusieurs de ces développements.

Alors, je pense qu'on assiste, à l'Université de Montréal comme ailleurs, à la multiplication de ces usages, depuis 1996. En 1996, l'Université a fait un inventaire de l'utilisation des moyens technologiques, mais c'est un inventaire qu'il va falloir refaire cette année, dans la mesure où la diffusion de ces moyens-là s'est répandue vraiment comme une traînée de poudre.

Au premier cycle, par exemple, la Faculté de médecine, avec son nouveau programme, son programme qui date de quatre ans, a introduit l'apprentissage par problème, avec une série de méthodes d'apprentissage où les étudiants ont accès à des cédéroms d'anatomie, de physiologie, enfin, des différentes matières fondamentales où ils ont accès aux systèmes experts développés un peu partout dans le monde en médecine. La simulation sur ordinateur est devenue quelque chose de régulier pour la préparation des étudiants en médecine dentaire. Certains traitements, par exemple, sont simulés sur ordinateur. En architecture, on ne peut pas aujourd'hui faire d'enseignement en architecture ou en design sans avoir recours à la conception assistée par ordinateur. Et plusieurs professeurs mettent leurs notes de cours et leurs exercices sur leur site Web, un site Web destiné à leurs étudiants, et les étudiants ont accès 24 heures par jour évidemment à ces moyens. Cela dit, encore une fois, la limite, nos limites sont grandes, en termes de moyens financiers pour les développer.

Je vous parlerai, évidemment, de la question de la rationalisation des programmes d'études. Les éléments que le recteur a mentionnés tout à l'heure, en termes de réduction du corps professoral, ont des effets en termes de rationalisation, c'est-à-dire, ont eu des effets économiques, si l'on veut, dans la mesure où nous avons vu les moyennes au premier cycle passer de 36, environ, à 46. En d'autres termes, dans tous les cours, sur 30 cours de premier cycle que fait un étudiant, il risque de se trouver dans des groupes qui sont beaucoup plus nombreux que par le passé. Évidemment, cela a des effets, mais cela est lié au fait que nous avons réduit, en deux ans, notre corps professoral de 1 449 professeurs à 1 114, que nous avons réduit la masse salariale des chargés de cours dans une proportion semblable, que nous avons fait disparaître ou presque les auxiliaires d'enseignement. En d'autres termes, il y a des effets sur la nature de l'enseignement et sur les conditions dans lesquelles les étudiants sont maintenant invités à faire leurs études.

Les opérations de planification n'ont cependant pas seulement diminué le nombre des enseignants et les différents indicateurs, si l'on veut, de soutien aux études. Nous avons engagé des discussions afin d'accroître le partage des enseignements de base à l'intérieur de l'Université.

Comme vous le savez, au cours des 20 dernières années, il s'était développé assez largement, dans les différents départements, dans les différentes facultés, des corps professoraux qui enseignaient des matières, par exemple, la méthodologie mathématique à l'intérieur de sociologie, de sciences politiques, de géographie, et le reste. Nous avons mis sur pied des groupes d'études sectoriels qui, dans la plupart des cas, ont recommandé que l'on lève les barrières interdisciplinaires. Alors, ce vers quoi nous allons, c'est un partage des enseignements de base plus large entre les différentes disciplines.

Je dirais qu'au-delà de cette question de rationalisation il est crucial pour nous de faire en sorte que les étudiants acquièrent une formation de base qui leur permette la polyvalence nécessaire une fois qu'ils seront dans leur activité professionnelle, dans un monde où ils seront appelés à travailler avec des équipes multidisciplinaires, où ils seront appelés à travailler avec un certain nombre de spécialistes de toutes origines de formation.

Je voudrais signaler également que nous avons, en termes de rationalisation de nos programmes d'études, décidé de fermer le département de géologie et son programme. C'est une opération extrêmement difficile à faire dans une université, comme vous le savez. Nous avons décidé d'abandonner ce secteur au regard de ce qu'il y avait comme nombre d'étudiants et de professeurs dans l'Université et au regard évidemment de ce qu'il y avait dans l'ensemble du système universitaire québécois, puisque plusieurs universités y étaient engagées et avec, dans certains cas, un plus grand nombre d'étudiants qu'à l'Université de Montréal.

Cette rationalisation-là, enfin, encore une fois, c'est une opération difficile à faire, mais c'est une opération qui est, pour nous, aussi un test, jusqu'à un certain point, parce que fermer une unité prive une université des revenus de clientèle étudiante qui y sont liés. Évidemment, il y a un certain nombre de dépenses que cette université n'aura plus, du moins à terme, mais il est nécessaire qu'il y ait un soutien transitoire. Il y a des coûts de transition à une telle fermeture, à une telle rationalisation. Et nous sommes à tester la possibilité d'obtenir une aide transitoire de la part du ministère de l'Éducation. Et je pense que cela sera un exemple, si ça réussit, qui pourra inciter d'autres institutions, éventuellement, à faire de même pour un certain nombre de programmes peut-être moins fréquentés. Comme vous le savez, le comité Gilbert proposait une masse à affecter à ces opérations de rationalisation, et nous allons être les premiers à le tenter.

Dans un sens plus positif, dirais-je, en termes de rationalisation, évidemment, l'Université de Montréal participe aux activités de la Commission des universités sur les programmes. Je rappellerai la proposition qui concernait la mise en commun des ressources des conservatoires de Québec et de Montréal à l'Université Laval, d'une part, et à l'Université de Montréal, d'autre part. Nous étions actifs dans cette opération de synergie avec le Conservatoire depuis trois ans, avant que la sous-commission sur la musique ne fasse sa recommandation.

Et, là aussi, c'est un élément test parce qu'il est clair que les conservatoires, voyant leur subvention diminuer et les universités également, il y a lieu de faire des activités qui tablent sur la synergie possible entre les étudiants du Conservatoire et ceux de la Faculté de musique. C'est un dossier qui est un peu en panne, là aussi, à notre connaissance, faute de moyens pour assurer l'intégration physique du Conservatoire et de la Faculté de musique.

À l'intérieur des travaux de la CUP, nous avons également participé au travail sur mathématiques, informatique et physique. Et vous verrez que la Commission va recommander que l'on établisse une troisième année commune au baccalauréat en physique entre les universités de Montréal. Évidemment, cela se fera d'abord sur une base linguistique entre l'Université du Québec à Montréal et l'Université de Montréal et l'Université McGill et Concordia. Mais ce sont des éléments, je dirais, des perspectives qui sont intéressantes, en termes de partage des ressources entre les universités. Nous sommes évidemment actifs, en termes d'études supérieures, dans cette perspective, et nos programmes sont ouverts à des étudiants et à des personnes, des professeurs qui peuvent venir d'autres universités pour encadrer nos étudiants.

(17 heures)

Je terminerai sur la tâche des professeurs peut-être, si vous me donnez quelques minutes, Mme Blackburn. Je pense que c'est important. Je veux rappeler que la tâche des professeurs d'université... toutes les enquêtes qui se sont faites au cours des dernières années, depuis une douzaine d'années, concluent que les professeurs enseignent, travaillent, c'est-à-dire ont des semaines de travail de 50 à 55 heures en moyenne. L'Université de Montréal ne fait pas exception à la règle, et je pense que leur productivité ne fait aucun doute. Nous avons 16 % des professeurs par rapport au nombre des professeurs qui sont embauchés dans les universités du Québec. Ces professeurs recueillent un peu plus de 30 % des subventions recueillies dans les universités. Ces professeurs encadrent 31 % des étudiants au doctorat dans les universités du Québec, 22 % à la maîtrise et 16 % au premier cycle.

Les sommes en question, les 175 000 000 $ de recherche, que les professeurs vont chercher, sont obtenus, bien sûr, sur concours au plan canadien ou au plan québécois, concours qu'il faut repasser périodiquement et auquel on a du succès ou un échec suivant qu'on a été productif ou non productif. Alors, je pense que les professeurs de l'Université de Montréal sont des professeurs qui sont extrêmement actifs en enseignement et en recherche et que leurs performances se comparent extrêmement bien avec l'ensemble des professeurs des universités du Québec. Je terminerai là-dessus. S'il y a des questions...

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, Mme McNicoll. M. le député de Lotbinière.

M. Paré: Merci, Mme la Présidente. M. le recteur, lorsque, dans votre introduction, vous avez parlé d'une baisse de revenus de 30 %, de quelle année à quelle année vous parlez? Parce que je regarde ici les statistiques qui nous ont été fournies par le ministère de l'Éducation puis ça donne un écart à peu près de 15 % à peine.

M. Lacroix (Robert): Les statistiques sont les suivantes: ça va de 1994-1995 à 1998-1999, donc à la fin de la présente année, auxquelles évidemment s'ajoutent dans la présente année des compressions directes de 58 000 000 $ et indirectes de 16 000 000 $, pour un total de 74 000 000 $. Donc, sur la période 1994-1995 à 1998-1999, les compressions directes qui auront été faites aux institutions universitaires, et je dis «directes», c'est-à-dire la baisse de la subvention du gouvernement du Québec aux universités québécoises, seront de l'ordre de 359 000 000 $. L'estimation qui est faite des coûts indirects non compensés, c'est-à-dire les frais de système, inflation au détriment des biens et des services que l'on acquiert, les salaires et progressions dans les échelles salariales, qui montent à 1,3 %, à 1,4 % à peu près de la valeur des budgets, ça, ça va se monter, évidemment, à la fin de 1998-1999, donc au 31 mai, à 139 000 000 $, pour un total de 498 000 000 $. D'accord? Alors, évidemment, si vous rapportez ça à la subvention que nous avions à la fin de 1993-1994 et qui était de l'ordre de 1 556 000 000 $, vous arrivez effectivement au 32 % dont je vous ai parlé.

M. Paré: Mais ce n'est pas de votre Université dont vous parliez? C'était au niveau général.

M. Lacroix (Robert): Ah! absolument pas. C'est l'ensemble du système universitaire. Pour mon Université...

M. Paré: Non, non, je parle du pourcentage, est-ce que ça s'applique aussi... En pourcentage, c'est combien chez vous?

M. Lacroix (Robert): En pourcentage, je vous ai donné tantôt...

M. Paré: Parce que je regarde que vous avez eu une baisse de clientèle aussi. Donc, ça peut être...

M. Lacroix (Robert): ...c'est 70 000 000 $, ce qui est un pourcentage de 27 % de nos revenus de subventions gouvernementales plus le non-financement des frais du système. C'est 27 %, pour l'Université de Montréal, de réduction à la fin de la présente année.

M. Paré: O.K. À partir de 1994.

M. Lacroix (Robert): À partir de 1994-1995, donc en débutant l'année 1995-1996.

M. Paré: Merci.

La Présidente (Mme Blackburn): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: M. le recteur, je vais rentrer sur une question qui me préoccupe un peu. Vous avez eu des compressions budgétaires difficiles et pénibles. Je pense qu'on a déjà échangé avec vos prédécesseurs; on pourrait le refaire. La situation à l'Université de Montréal est semblable à ce qu'elle est dans les autres éléments du réseau. Grosso modo, l'Université de Montréal, dans l'ensemble des universités du Québec, ça représente entre 16 % et 18 % à peu près de l'activité universitaire. Par contre, je regarde l'effet des compressions. Le jeu des compressions a eu lieu dans le réseau universitaire; on estime à 900 postes de professeurs qui sont partis. Et vous-même, dans votre propre institution, vous avez assumé, sur ces 900 professeurs, 335 personnes qui sont parties, c'est-à-dire plus du tiers des compressions. Alors, moi, je voudrais comprendre pourquoi, et pourquoi les autres n'ont pas eu à diminuer d'une telle manière. Je comprends, vous êtes jeune recteur en poste; étant donné que, comme parlementaire, on s'adresse à l'institution et non pas à la personne... Les choix qui ont été faits devant une compression aussi forte dans le corps professoral, comparé aux autres institutions universitaires.

M. Lacroix (Robert): Je vais vous expliquer. Dans le fond, ce qui est arrivé, c'est, je vous l'ai dit, dès 1995-1996, 1996-1997, on a mis une série de processus en place pour très rapidement tenter de réduire de façon structurelle nos coûts de masse salariale. Et l'impression que j'ai, peut-être qu'André Racette pourra compléter, mais l'impression que j'ai, c'est qu'on a été l'université qui a été le plus vite et le plus loin rapidement à cet égard. Ce qui veut donc dire que, dans d'autres universités, vous allez voir arriver le morceau dans les années qui viennent. Certaines pourront s'en sortir, d'autres non. Nous avions, compte tenu de la structure d'âge de notre corps professoral, une possibilité de programme de retraite anticipée qui n'était pas trop onéreux; malgré tout, ça nous a coûté 40 000 000 $. D'autres universités qui ont des corps professoraux plus jeunes ne pourront pas utiliser la même approche; ils seront pris, effectivement, à voir augmenter leur déficit structurel pendant plus longtemps que nous. Donc, en un certain sens, l'Université de Montréal a pris des décisions extrêmement rapides à cet égard-là en se disant: Les compressions, elles sont là et elles sont là pour durer probablement, mieux vaut s'ajuster immédiatement.

Deuxièmement, nous avions une structure d'âge de notre corps professoral qui nous permettait de mettre, de façon rapide, sur pied un programme de retraite anticipée et j'ai l'impression qu'on a pris peut-être une année ou deux d'avance sur les autres. Ce qui ne veut pas dire, effectivement, que vous ne verrez pas d'autres universités voir des baisses de corps professoral dans l'avenir. Nous pensons, en ce qui nous concerne, que les compressions du corps professoral de l'Université de Montréal sont terminées, nous ne pouvons pas aller plus loin que ça. C'est clair, c'est net, c'est fini, on ne peut pas aller plus loin que ça, on a fait le maximum. Vous allez voir et probablement que, quand vous verrez l'évolution du déficit budgétaire de l'Université Laval, vous allez comprendre que eux sont en plein processus, maintenant, de réalisation des compressions structurelles, et vous verrez l'Université du Québec suivre, etc.

Donc, je ne crois pas qu'il faut imputer cela au fait que l'Université de Montréal aurait supporté plus que les autres sa part du fardeau. Elle a tout simplement plus rapidement que d'autres fait les ajustements par décision et par structure d'âge qui le lui permettait.

M. Gautrin: Je comprends. Si je reviens, néanmoins...

M. Lacroix (Robert): Peut-être que, M. le député, André Racette pourrait ajouter quelque chose.

M. Racette (André): Peut-être un complément d'information. Comme dit le recteur, effectivement, je pense qu'on a pris les devants en termes de départs à la retraite, mais il faut aussi mentionner qu'il y a eu des engagements pour compenser certains départs. Donc, quand vous parlez de... vous avez mentionné 300...

M. Gautrin: Moi, écoutez, vous me dites ça, mais j'ai pris exactement le chiffre que votre collègue a donné; elle a donné 1 449 postes... réduits des compressions, et aujourd'hui elle parle de 1 114. Moi, j'ai fait la soustraction, ça me donne 335.

M. Racette (André): C'est ça. O.K. D'accord.

M. Gautrin: Mais je comprends que peut-être il y en a plus qui sont partis puis vous avez réengagé, mais en comparant année à année, j'ai 335.

M. Lacroix (Robert): C'est ça. Pour compenser... probablement ce qu'André Racette voulait souligner, c'est peut-être la compensation qu'on a dû faire. On a accéléré rapidement le départ des profs, et je pense, André, qu'on a dû faire une compensation dans certains secteurs parce que la structure d'âge de certains départements vidait la moitié du département avec les retraites anticipées. On a donc été obligé, à court terme, de réajuster un certain nombre de postes. Peut-être, André, tu pourrais donner le montant des postes, mais c'est peut-être...

(17 h 10)

M. Racette (André): Il y a eu à peu près 50 à 60 postes additionnels qui ont été injectés dans le système pour compenser.

M. Gautrin: Donc, les compressions étaient plus que 335 dans les départs à la retraite...

M. Lacroix (Robert): C'est ça, il a fallu réajuster.

M. Gautrin: ...mais le net est quand même de 335.

M. Racette (André): C'est ça. Il a dû y avoir des engagements nécessairement, puisque le programme était ouvert à l'ensemble des professeurs.

M. Gautrin: Je comprends. Je voudrais continuer sur cette dimension-là. Une bonne partie des départs à la retraite sont financés par le fonds d'opération, c'est bien ce que je comprends?

M. Lacroix (Robert): Exact. C'est un emprunt.

M. Gautrin: C'est un emprunt que vous avez fait. Est-ce que vous avez obtenu des congés de cotisation aux régimes de retraite?

M. Lacroix (Robert): Oui.

M. Gautrin: Pour combien de temps? Est-ce que c'est un congé de cotisation ou, comme à l'Université Laval, un emprunt de cotisation, que vous allez devoir rembourser? Autrement dit, vos collègues de l'Université Laval, comparé au réseau de l'Université du Québec où ils ont eu un congé de cotisation, à l'Université Laval, ils ont eu une période où, on pourrait dire, ils ne paient pas la cotisation patronale pendant un certain temps, mais ils vont devoir la rembourser au bout d'un certain temps. Votre situation, c'est quoi?

M. Lacroix (Robert): C'est ça. Alors, voilà. André Racette pourra compléter. La situation est la suivante. Nous avons un congé de cotisation qui a été accepté par l'ensemble de nos syndicats sur une période de trois ans. L'estimation est de l'ordre d'à peu près 42 000 000 $ à 43 000 000 $ comme apport que ça fait à l'absence de dépenses; dans le fond, c'est comme si on avait un revenu qui nous arrivait, là.

M. Gautrin: Absolument.

M. Lacroix (Robert): Qu'est-ce qui a été décidé, évidemment, par les parties prenantes? Parce que, là, il fallait avoir une entente patronale-syndicale non seulement avec les profs, mais avec tout le personnel de soutien, parce que c'est l'ensemble du fonds de pension de l'Université et ça regroupe tout le monde à l'Université et non pas seulement les profs. Cette entente-là, évidemment, voulait la chose suivante, c'est qu'il faudrait que la moitié de ce congé de cotisation soit mis dans un fonds de relance de l'institution, fonds de relance de ces revenus, fonds de relance du réajustement structurel. L'autre moitié sert actuellement à comprimer notre déficit courant. Actuellement, on est à un déficit courant de 5 000 000 $, 6 000 000 $, parce que le congé de cotisation nous permet effectivement de combler le trou. Quand on va arriver en 2001, on va retrouver notre écart – si rien n'est fait, là – on va retrouver un écart de 13 000 000 $ à 15 000 000 $ entre nos revenus et nos dépenses. Pour le moment, cet écart-là est à quoi, 5 000 000 $, 6 000 000 $?

M. Racette (André): 6 000 000 $.

M. Lacroix (Robert): 6 000 000 $. Alors, vous comprenez, il y a deux parties.

M. Gautrin: Je comprends. Mais est-ce que vous avez une obligation de rembourser ou pas?

M. Lacroix (Robert): Et là, à partir de 2001, il y aura réajustement des cotisations de l'Université de Montréal...

M. Racette (André): Oui, et c'était prévu.

M. Lacroix (Robert): ...sur une longue période, pour rétablir la situation. Donc, c'est un emprunt, dans le fond, indirect.

M. Gautrin: Indirect, mais sur le long terme...

M. Lacroix (Robert): Exact.

M. Gautrin: O.K. Troisième question, je peux entrer toujours sur le financement, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, je reviendrai sur le financement.

M. Gautrin: Le recteur de l'Université du Québec, M. Pierre Lucier, a insisté devant nous pour dire que son université avait une mission particulière, et il a insisté sur l'élément de mission qui était la régionalisation, l'accessibilité. Votre collègue de l'Université Laval a développé une mission différente pour l'Université Laval qui était plus axée, disons, sur le développement des savoirs et à participer à ce qu'il appelait les 10 grandes universités de recherche au Canada. Est-ce que vous pensez, vous, que les formules de financement devraient être adaptées en fonction des missions différentes des institutions? Et, si oui, comment? Vous étiez sur le comité Gilbert?

M. Lacroix (Robert): Je pense qu'il y a une réalité. Qu'on le veuille ou non, la réalité est la suivante, c'est qu'il y a des universités qui se sont historiquement développées dans des bassins de population extrêmement considérables et qui ont atteint une masse critique qui les compare aux grandes universités nord-américaines d'enseignement et de recherche. L'Université de Montréal est une de celles-là. Vous savez, au Canada, il y a ce qu'on appelle «The Group of Ten», c'est le groupe des 10 grandes universités de recherche canadiennes. Les critères de sélection pour être partie de ce groupe-là, ce sont effectivement les fonds de recherche obtenus, fonds de recherche par tête de prof, le nombre d'étudiants de doctorat, le nombre d'étudiants de maîtrise, etc., qui sont des critères très restreints. Il y a 10 universités qui sont classées comme ça au Canada, qui font partie du groupe, qui se réunissent trois, quatre fois par année pour discuter de problèmes communs. Au Québec, trois des 10 font partie du Group of Ten, c'est quand même considérable: McGill, Montréal et Laval.

Ces universités-là, évidemment, dans les faits, ont une mission particulière. Or, je vous disais tantôt, il y a 2 500 étudiants de troisième cycle à l'Université de Montréal; nous formons au-delà de 30 % des étudiants de doctorat au Québec. Bien, si ce n'est pas, ça, une spécificité, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Elle est là. C'est la même chose au niveau de la maîtrise. Première spécificité.

En recherche, nous allons chercher à peu près 30 % de tous les fonds de recherche octroyés aux universités. Il est clair que cette université-là est très concentrée en enseignement supérieur et en recherche. C'est une vocation que l'on retrouve dans tous les pays du monde. Ce qu'il faut bien se mettre dans la tête, c'est que, dans tous les pays du monde et dans toutes les grandes régions de certains pays du monde, vous avez quelques universités qui auront une vocation, évidemment, tout à fait particulière de densité de recherche et d'enseignement aux études supérieures, en combinaison avec un premier cycle, qui font des universités qui vont frayer au niveau international et qui sont généralement les passerelles de ces régions, de ces pays vers le reste du monde. Passerelles, ça veut dire quoi? Ça veut dire que les meilleurs chercheurs du reste du monde acceptent d'aller dans ces institutions-là. Ils n'acceptent pas d'aller n'importe où. Ils acceptent d'aller dans des institutions qui ont une qualité comparable à la leur. Nos propres individus sont accueillis dans ces institutions-là. Les échanges de connaissances, d'idées, de rayonnement international se font par un très petit groupe d'universités dans le monde. Le Québec est chanceux, trois grandes universités participent à ce consortium, je dirais, mondial des universités de grande réputation. C'est une vocation qu'aucun pays ne doit mettre de côté parce que ce serait se couper de la fine pointe de la recherche et de la fine pointe des développements en formation d'études supérieures dans le reste du monde. Je pense qu'il faut faire attention.

M. Gautrin: Mais comment en tenir compte?

M. Lacroix (Robert): Pardon?

M. Gautrin: Faut-il en tenir compte et comment en tenir compte dans les formules de financement?

M. Lacroix (Robert): Ah! là, évidemment, l'Université de Montréal est dans ce cas-là, en plus de ses secteurs professionnels. Au comité de financement des universités, présidé par Marcel Gilbert, il y avait une recommandation qui disait: Il faut de toute urgence revoir la formule de financement des universités pour davantage tenir compte des coûts sectoriels, des niveaux, différencier les coûts selon le niveau de formation premier cycle, deuxième cycle et troisième cycle. C'était une recommandation importante et on disait au gouvernement: Vous n'avez peut-être pas l'argent, là, pour immédiatement répondre aux exigences de cette réévaluation, mais mettez en marche l'étude, de telle sorte qu'on puisse arriver dans un an ou deux... On a déposé le rapport en avril 1997. On disait: Dans un an ou deux, lorsque la situation financière sera replacée, on pourra à ce moment-là, sans affecter la situation des universités, faire les compensations requises.

Ça veut dire quoi, ça? Par secteur, par exemple, si je prends l'Ontario, on finance le bac à pondération 1, la maîtrise à 2 ou 3 et le doctorat à 6. Il y a une énorme différence. Au Québec, c'est 1, 2, 3, ou 2,6. Pour une université fortement concentrée aux études supérieures, vous imaginez bien que concurrencer l'Ontario, pour moi, c'est difficile, et concurrencer les autres universités comparables dans le reste du Canada, c'est difficile. Donc, là, il y a une révision à faire.

La révision sectorielle, c'est la même chose. Nous avons des secteurs à l'Université de Montréal, et d'autres pourront parler pour eux-mêmes, mais nous avons des secteurs professionnels extrêmement onéreux: médecine vétérinaire, médecine dentaire, médecine, pharmacie, des secteurs très lourds et très onéreux. La subvention gouvernementale sectorielle ne compense pas nos coûts de ces secteurs-là. Et ces coûts-là, ce n'est pas du gras; ils nous sont généralement imposés par des organismes d'accréditation qui nous disent: Non, non, non, le ratio professeur-étudiants, c'est tant; le soutien au laboratoire, c'est tant, sinon vous perdez votre accréditation canadienne et américaine. Ça veut dire que tu n'as plus le droit de pratique. Alors, on n'a pas le choix.

Ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'on a estimé au sein de l'Université de Montréal que, bon an, mal an, on devait faire une péréquation de 12 000 000 $ à 15 000 000 $ de nos secteurs non-santé et paramédical vers les secteurs santé et paramédical par manque de subventions de ces secteurs-là. C'est le vrai chemin pour la catastrophe, en d'autres mots, surtout dans des périodes de compressions. Donc, quand on dit «revoir la question sectorielle», ce n'est pas parce qu'on a des velléités de dire qu'on est différents des autres. Nous sommes différents et nos coûts sont différents. Et dans toute cette problématique-là, ce qu'on a fait historiquement, c'est que les coûts sectoriels ont été définis par cours, c'est-à-dire que tel cours appartient au secteur de la santé, donc les étudiants sont financés à tel tarif. Et là, évidemment, beaucoup d'universités qui n'étaient pas massivement dans des secteurs de santé lourds ont commencé à définir des cours comme étant des cours-santé parce que ça rapportait plus. Et ça a diminué évidemment le coût moyen sectoriel. Et ceux qui étaient vraiment dans ces secteurs-là se sont vus sous-financés de plus en plus au cours des 10 dernières années. C'est dramatique pour des universités comme Montréal et probablement comme pour Laval et McGill aussi.

M. Gautrin: J'ai terminé sur le financement.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. Vous aviez une autre question sur le financement? Non?

M. Gautrin: Non. J'ai d'autres questions, mais pas sur le financement.

(17 h 20)

La Présidente (Mme Blackburn): Bien. M. le recteur, vous avez fait un exposé assez complet, je pense, des revendications des universités quant au niveau de financement depuis le début des années quatre-vingt. Je ne veux pas revenir sur vos données. Vous êtes dans le réseau déjà depuis quelques années, nous avez-vous dit tout à l'heure. Je vous cite quelques données qui émanent d'un rapport du Conseil de la science et de la technologie qui démontre hors de tout doute que nos universités sont extrêmement performantes comparativement aux universités canadiennes. Je vous dis, par exemple, que les... je vais revenir à mes pages.

D'abord, les universités McGill et Montréal sont les universités les plus impliquées dans les centres de recherche interuniversitaires reconnus. Montréal apparaît le plus souvent comme tête de réseau tandis que McGill agit toujours comme une université participante. Au moins, 13 universités québécoises sont impliquées à divers degrés dans les réseaux des centres d'excellence. Il y a cinq têtes de réseau qui sont au Québec.

M. Lacroix (Robert): Tout à fait.

La Présidente (Mme Blackburn): Ce sont des données que vous connaissez. Ces cinq réseaux, dans la phase II du programme, ont leur centre administratif au Québec, 36 % de l'ensemble de ces centres, et, sur un total de 876 chercheurs principaux impliqués, 262 sont du Québec, c'est-à-dire 30 %, et ça, en dépit de ce que vous nous dites, un sous-financement. Je ne veux pas dire que vous avez tort sur toute la ligne, mais je veux dire et démontrer par là que, en dépit de ressources que vous disiez insuffisantes, le réseau est extrêmement performant.

On dit également, toujours dans ce rapport, que les dépenses de recherche des universités québécoises représentent 30 % du total canadien, que le Québec va chercher, dans les secteurs des sciences naturelles et génie, 44 % des fonds et 29 % en santé. À l'inverse, McGill, c'est 37 % et 35 %

Vous avez également une donnée qui nous dit que le Québec produit environ 1 % des publications scientifiques mondiales.

M. Lacroix (Robert): Exceptionnel.

La Présidente (Mme Blackburn): Montréal se classe au deuxième rang. Qui plus est, parmi les pays du monde, le Québec est l'un de ceux où la proportion de sa population qui obtient un premier diplôme universitaire est la plus élevée.

Je vous entends, je vous écoute et je me dis: soit que les universitaires et leurs collaborateurs sont masochistes et travaillent comme des forcenés, et les étudiants sont ultraperformants. Mais je voudrais juste dire qu'on a des résultats extrêmement intéressants qui démontrent le dynamisme, la créativité et l'engagement des universités.

M. Lacroix (Robert): Parfait.

La Présidente (Mme Blackburn): Par ailleurs, et c'est là ma question, dans votre rapport, et je vois souligné, là... Je l'ai lu avec attention. Vous avez des succès remarquables au plan de la réussite éducative, de la diplomation, à tous les niveaux. On voit une croissance. Vous avez mis l'accent beaucoup sur l'encadrement des étudiants, la valorisation de l'acte pédagogique. Et je pourrais continuer. Vous avez aussi des règlements qui s'appliquent un peu différemment – ça arrive dans les facultés – qui vont jusqu'à prévoir pour que l'enseignant prévoit ses heures de disponibilité aux élèves; on ne retrouve pas ça partout. Mais il y a des choses extrêmement intéressantes et pas seulement au plan de la recherche. C'est reconnu, votre potentiel de recherche est plus élevé – et ça va être vrai encore plus dans le futur – que celui de Pratt & Whitney qui avait un budget de 224 000 000 $ dans le temps. Je ne suis pas retourné voir aux dernières nouvelles. C'est une activité économique également majeure.

Alors, vous dites dans votre rapport – c'est un résumé que j'ai ici, c'est à la page 23 – vous parlez du Groupe de réflexion sur les priorités institutionnelles qui s'est inspiré, puis ça a été créé à la suite pour répondre aux besoins d'exercer un certain nombre de compressions dans l'institution. Et dans ce rapport qui constitue la deuxième phase, les mesures proposées par ce Groupe devaient permettre de réaliser, de manière récurrente, des économies de quelque 18 000 000 $ et d'augmenter les revenus nets d'environ 9 000 000 $ pour un total de 27 000 000 $.

Un des constats était à l'effet que seule la concertation interuniversitaire permet de faire face aux défis qu'imposent les compressions budgétaires: «Il faut aller bien au-delà de ces collaborations et échanges et aborder la concertation interinstitutionnelle dans une perspective de partage ou de transfert des activités, de fusion, d'abolition de programmes, de mise en commun des ressources.» Un rapport de l'Université de Montréal sur les perspectives de développement 1995-1996, c'est à la page 12.

Alors, ma question. Ces compressions qui sont dures, qui sont difficiles, qui exigent beaucoup d'imagination de la part des administrateurs et des dirigeants d'organismes, qui exigent également de la part des employés – on l'a vu, ça s'est fait dans un climat relativement de collaboration, je pense, entre les professeurs quand on a parlé des compressions, des diminutions salariales, ainsi de suite... Est-ce que, finalement, la crise que nous traversons n'a pas eu des effets heureux? Je disais au groupe qui vous a précédés, aux dirigeants de l'Université Laval, qu'à la lecture des rapports, à la lecture attentive que j'ai faite, je constate qu'il y a un foisonnement d'initiatives qui amènent une plus grande collaboration entre les universités, entre les départements. Alors, pas pour nier que les compressions ne font pas mal, mais voir avec vous si, finalement, il n'y a pas eu, malgré tout, des retombées intéressantes.

M. Lacroix (Robert): Bien, madame, d'abord, je vais prendre la première partie de votre intervention qui porte évidemment sur la performance absolument extraordinaire des universités québécoises, en particulier de l'Université de Montréal, et je n'en suis pas peu fier. Ou bien vous réalisez la chose suivante: c'est que les compressions que l'on vit depuis trois ou quatre ans commencent uniquement à avoir des effets perceptibles maintenant qui vont s'accélérer dans l'avenir. Tous les beaux résultats qu'on a actuellement reposent sur le stock de capital humain que nous avions au moment où ces gens-là... les centres d'excellence étaient constitués voilà trois, quatre ans, cinq ans, d'autres, sept ans. Vous savez, pour publier des publications scientifiques, en moyenne, ça prend à peu près de deux ans à deux ans et demi. Donc, tous les effets des compressions vont arriver sur des indicateurs comme ceux que vous avez dans deux, trois ans d'ici. Et là on va réaliser la chose suivante, c'est que les compressions ont fait vraiment mal. Pour le moment, si vous regardez la situation qui vous est faite par le Conseil de la science et de la technologie et que vous dites: Ce n'est pas si mal, on a eu des compressions, dites-vous une chose: Les compressions affecteront ce qui s'en vient dans deux, trois ans. Ça, ça me paraît crucial. Et je vais vous donner juste un exemple à cet égard-là qui est absolument remarquable.

Vous savez, ces jeunes, là, et moins jeunes qui ont performé dans les centres d'excellence, les embauches qu'on a faites à cette époque-là, le soutien qu'on a donné à nos centres de recherche en émergence, tout ça coûte énormément d'argent. Nous n'avons plus l'argent pour faire ça. Nous ne soutenons plus nos jeunes comme on les soutenait avant, tant et si bien que, quand les nouveaux concours vont arriver, vous allez voir que la situation va changer s'il n'y a pas de redressement rapide. Je vais vous donner un exemple. Quand on engage un jeune chimiste dans une université comme l'Université de Montréal, si on veut vraiment le situer en position concurrentielle par rapport à ses collègues du reste du Canada dans des universités comparables à l'Université de Montréal, ça va nous coûter à peu près de 200 000 $ à 250 000 $ d'installation. Vous engagez un jeune prof, vous devez lui donner des labos qui le rendent concurrentiel et un certain budget d'infrastructure. Avant qu'il puisse aller chercher ces belles subventions là, c'est 200 000 $, 250 000 $. Vous devez le soutenir. Et j'en sais quelque chose puisque, quand j'ai été doyen de la FAS, nous avons, au minimum, embauché 100 à 120 profs dans cette faculté-là, dont une bonne partie dans le secteur sciences naturelles, où était Henri-François, et ça nous coûtait en moyenne 100 000 $ à 125 000 $ à cette époque-là pour installer nos jeunes chercheurs. Nous n'avons plus ces moyens-là dans aucune université du Québec, sauf ceux qui ont des fonds de dotation que nous n'avons pas. Et tout ça aura des effets cumulatifs dans le temps. Donc, je dis: Faites bien attention, l'illusion des réalisations que l'on voit présentement repose sur un passé un peu plus glorieux, mais les résultats dans quatre ou cinq ans seront dramatiques s'il n'y a pas de redressement.

Deuxième élément. Vous avez tout à fait raison, Mme la ministre, de dire: La situation de crise que l'on vit, comme dans toute organisation, a toujours des effets bénéfiques, c'est-à-dire force l'imagination des gens, force les mises en commun, force les rationalisations nécessaires. Je pense que vous avez raison de dire: Oui, des universités ont fait un bout de chemin qu'elles n'auraient peut-être pas fait sans les compressions. La question qu'il faut se poser cependant, c'est que les bénéfices qu'on va retirer de ces réaménagements et de ces éléments imaginatifs, est-ce que vraiment ils sont comparables aux coûts qu'on va supporter dans quelques années qui vont nous apparaître des compressions qui ont été faites?

(17 h 30)

Je vais vous donner juste un exemple. Quand on a fait le tour, à l'Université de Montréal, de l'ensemble des rationalisations de coûts qu'on pourrait faire, de tout ce que vous voudrez, en ouvrant les départements, en forçant ci, en forçant cela... Et ça, ça voulait dire quoi, les rationalisations? Ça ne voulait pas dire que, dans ces départements-là, il n'y avait pas assez d'étudiants. Souvent, dans ces départements-là, déjà, les classes sont remplies à 60, 65, 70 étudiants. On va en rajouter un autre 50 pour rationaliser, et ça va en faire 140, puis on va donner juste un cours, donc détérioration de la qualité. Mais, quand on a fait l'évaluation de ça, ça donnait à peu près 1 000 000 $ à 2 000 000 $ d'économies sur l'ensemble de l'Université de Montréal. D'accord? C'est bien loin de compenser 70 000 000 $ de compressions. Il ne faut pas se faire de grandes illusions à cet égard-là. La clientèle est là et, qu'on fasse ce qu'on voudra... Mais, effectivement, ça pousse. Les concertations interuniversitaires, je crois que, là aussi, il y a matière à réflexion et à rationalisation. Et vous avez raison de dire que des efforts seront nécessaires.

On vous disait tantôt que la fermeture du département de géologie, c'est un peu un test. Et j'aimerais que la commission parlementaire puisse passer des messages à cet égard-là. Si l'on veut que les universités rationalisent un certain nombre de programmes entre elles, il faut un fonds de compensation transitoire. Chaque fois que je ferme un département ou un programme, je perds immédiatement les revenus qui sont les subventions du gouvernement et les frais de scolarité et je suis obligé de faire une transition de deux, trois ou quatre ans dans mon corps professoral, dans le personnel, là, qui a des droits acquis, etc., tant et si bien que je perds des revenus et je supporte les coûts pendant trois, quatre ans.

Et là les universités sont très craintives à cet égard-là. C'est pourquoi nous avions demandé dans le rapport Gilbert de créer un fonds de transition qui partirait de 5 000 000 $ et qui monterait à 15 000 000 $ pour aider les universités à se rationaliser entre elles. Si on dit: Bien, moi, je suis prêt à rationaliser avec l'UQAM sur tel programme, le coût transitoire est peut-être de 2 500 000 $, mais voilà les bénéfices qu'on aura dans quatre ans, il faut avoir un fonds pour faire ça parce que les universités n'ont pas les moyens de le faire. Alors, je pense qu'il y a un message à passer. Oui, il y a du bon travail à faire là, mais on aura besoin d'un fonds spécial à cet égard.

La Présidente (Mme Blackburn): M. le recteur, la difficulté que j'éprouve à apprécier à sa juste valeur les remarques que vous nous faites sur les effets négatifs, vous dites même dévastateurs, des compressions budgétaires, c'est que je suis dans le réseau à divers titres depuis plus de 20 ans, et, vous le rappeliez tout à l'heure, au début des années quatre-vingt, on tenait sensiblement le même discours, notre compétitivité était menacée. Et j'ai entendu encore l'an passé et l'année précédente les mêmes requêtes. Vous savez, il y a cette histoire de l'enfant qui criait au loup parce qu'il voulait un peu passer son temps, mais, finalement, quand le loup est arrivé, il n'y a plus personne qui écoutait, parce que... Alors, c'est l'impression que j'ai quand je vous entends. C'est que vous tenez, les universités et je dirais un peu les cégeps aussi, que je connais mieux, sensiblement ce même discours depuis quasiment 20 ans.

Les chiffres, les indicateurs que je viens de citer et qui émanent du Conseil de la science et de la technologie démontrent que, bon, vous aviez peut-être raison, mais pas totalement, si on examine les résultats. Alors, aujourd'hui, je suis sensible à votre discours. Rassurez-vous, le recteur de l'Université du Québec à Chicoutimi s'est bien chargé de me faire également le message. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Blackburn): Mais, quand je regarde le tableau qui nous est fourni par le ministère de l'Éducation, il faut dire qu'il s'arrête à l'exercice 1996-1997, il part de 1992-1993 à 1996-1997, donc sur cinq exercices financiers, et l'écart entre le budget total de votre Université... je parle de celui du ministère, le grand total était de 382 000 000 $ et il est à 323 000 000 $, et vous avez une diminution de clientèle de tout près de 10 %. C'est ça que j'ai de la difficulté à apprécier. Et, moi, avec toute l'ouverture que j'ai à l'endroit des universités et le souci que j'ai qu'on maintienne un niveau d'activités qui nous rende et qui nous permette de demeurer compétitifs, j'ai de la difficulté à apprécier à sa juste valeur votre requête.

M. Lacroix (Robert): Oui. Mme la ministre, je sais que les universités, depuis fort longtemps, se sont toujours plaintes qu'elles étaient sous-financées. Les chiffres étaient là. Il y a eu des réajustements, et peut-être parce qu'elles se sont plaintes, les réajustements ont permis de redresser la situation. Dieu merci! C'est ce qui est arrivé d'ailleurs à la fin des années quatre-vingt. Et ce redressement a été fort bénéfique parce que le redressement de la situation qui a été fait à la fin des années quatre-vingt a permis à beaucoup d'universités de recruter des jeunes professeurs qui sont actuellement au sein de ces universités-là et qui font précisément les performances que vous avez dites tantôt. Et, s'il n'y avait pas eu des redressements, bien, ces gens-là n'entraient pas dans nos universités. Et ça a été le cas de l'Université de Montréal, à cette époque-là, puisque – je le sais, j'étais doyen à ce moment-là – ça nous a permis de rajouter quelques 270 postes nouveaux, suite au redressement qui avait été fait, au financement des universités à cette époque-là. Donc, il ne faut pas dire qu'il n'y a rien qui a été fait. Il y a de quoi et de quoi de majeur qui a été fait.

Maintenant, évidemment, quand vous regardez l'Université de Montréal – je pourrai passer la parole à mon collègue Racette – les compressions continuent à s'étaler, 1996-1997, 1997-1998, 1998-1999, et ça continue. Évidemment, quelles sont les diminutions? On peut vous les fournir de façon très directe...

M. Racette (André): Je pense que c'est important. C'est important de signaler que les données que vous avez s'arrêtent à 1996-1997. Donc, c'est la deuxième année de compressions importantes...

La Présidente (Mme Blackburn): Je vous ferais juste remarquer que c'est le rapport que nous avons la responsabilité d'examiner aujourd'hui.

M. Racette (André): Oui, je comprends. Mais la difficulté qu'on rencontre, c'est qu'on est en train de planifier le budget 1999-2000 et, avec l'année 1998-1999, se sont ajoutées des compressions très importantes, en plus évidemment de toutes celles qui étaient accumulées depuis 1994-1995. Donc, si on fait le cumul de tout ça, le recteur, tout à l'heure, a parlé de quelques 60 000 000 $ de réduction dans la subvention gouvernementale pour l'Université de Montréal, c'est de ce résultat-là dont il est question.

Et nos simulations budgétaires nous amènent à penser qu'il y a actuellement un problème majeur, en termes de financement de l'institution, compte tenu du chemin parcouru. Je comprends qu'en 1996-1997 peut-être que la situation était moins criante qu'aujourd'hui, mais ce n'est plus le cas.

La Présidente (Mme Blackburn): La clientèle est-elle stable, actuellement, à l'Université, cette année? On parle de 1998-1999.

M. Lacroix (Robert): En fait, les premiers résultats, peut-être que...

Mme McNicoll (Claire): Les premiers résultats nous donnent une diminution de 1 %, ce qui est à peu près la stabilité comparativement à ce qui s'est passé depuis 1992. Toutes les universités ensemble ont connu une diminution d'environ 12 % de la clientèle. Je vous rappelle qu'il y avait 250 000 étudiants dans l'ensemble des universités au Québec, au début des années quatre-vingt-dix, et on est rendu à 230 000. Ça fait une diminution importante. Mais nous, nous avons connu une diminution dans nos programmes non contingentés. Les programmes contingentés sont restés ce qu'ils étaient, évidemment.

La Présidente (Mme Blackburn): 1997-1998, ça donne quoi? Parce que, moi, ici, j'ai 1996-1997, de même dans votre rapport. Est-ce qu'il y a eu aussi diminution par rapport à 1996-1997?

Mme McNicoll (Claire): Ça donnait 2 %.

La Présidente (Mme Blackburn): 2 %? Ça veut dire que la diminution de la clientèle, chez vous, c'est de l'ordre de 12 %.

Mme McNicoll (Claire): Elle a été de 12 %, depuis 1992.

La Présidente (Mme Blackburn): Depuis 1992.

M. Lacroix (Robert): Au total, cumulée.

Mme McNicoll (Claire): Oui, cumulée.

M. Lacroix (Robert): Mais, à cet égard, évidemment, dans le total des réductions qu'on vous a annoncées tantôt, il y a 6 % qui sont dus à des baisses, 6 000 000 $ qui sont dus à des baisses de clientèle. Le reste, ce sont des compressions directes sans regard aux baisses de clientèle. Donc, sur le 70 000 000 $, incluant les frais du système, 6 000 000 $ sont dus à des baisses de clientèle, 64 000 000 $ aux compressions et au non-soutien du coût du système.

La Présidente (Mme Blackburn): Mais, à l'extérieur du réseau, on vous défendrait la chose suivante, c'est qu'il est vrai qu'une infrastructure demande sensiblement le même personnel de laboratoire, le même nombre de lapins dans les laboratoires. Cependant, moins vous avez de clientèle, il y a un certain nombre de services aussi qui appellent moins de personnel.

Une voix: Oui, oui.

La Présidente (Mme Blackburn): Parce qu'on ne peut pas compter juste la diminution par rapport à la clientèle. C'est un peu court. Et n'importe qui, dans la rue, va vous dire que ce n'est pas tout à fait comme ça que les entreprises font leurs calculs.

M. Lacroix (Robert): Oui, mais, Mme la ministre, nos clientèles étudiantes ont diminué de l'ordre de 10 %, depuis 1992-1993. Et actuellement, je vous dis, notre corps professoral a diminué de près de 20 % et notre personnel de soutien de 23 %. Donc, à l'évidence, on a fait plus que compenser des diminutions de clientèle.

Mme McNicoll (Claire): Par ailleurs, il faudrait peut-être rappeler que les ... Vous parlez des plaintes que les universités avançaient au début des années quatre-vingt. Nous étions dans une période d'expansion des clientèles et, à ce moment-là, les demandes que faisaient les universités, c'était de continuer à financer à 100 % les clientèles additionnelles. Souvenez-vous!

(17 h 40)

La Présidente (Mme Blackburn): Surtout dans le réseau de l'UQ, oui, je me rappelle aussi.

Mme McNicoll (Claire): Ha, ha, ha! Alors, c'est une chose très différente que de voir l'augmentation de sa subvention réduite à 60 % de la clientèle additionnelle et de se voir diminuer de 60 000 000 $ dans le financement. C'est une échelle absolument différente. Et je dirais que l'économie s'est modifiée de façon très importante, et nous sommes dans une période plus concurrentielle que jamais, et il y a des passages qu'il ne faut pas louper. Mais là on est en train de le faire.

La Présidente (Mme Blackburn): Avec votre permission, M. le député, je pense que vous aviez une brève question, Mme la députée de Deux-Montagnes?

Mme Robert: Oui. C'est là-dedans toujours, c'est toujours la même question, c'est peut-être dans le sens, un peu... face aux compressions. On peut dire que le gouvernement du Québec, depuis quatre ans, on a assumé 6 000 000 000 $, plus 11 000 000 000 $ en non-transferts fédéraux, alors, c'est des milliards que le gouvernement, c'est-à-dire toute la société en entier a dû assumer.

C'est vrai que les universités, ça, je suis d'accord avec vous, sont des fers de lance, des têtes pour la société de demain, etc. Et, moi, c'est ce que j'aimerais savoir... Vous venez défendre ici un peu beaucoup votre difficulté, le manque de ressources, etc. Comme gouvernement, c'est très clair qu'on essaie de répartir du mieux possible les revenus que l'on a. Et c'est pour ça que j'aimerais que vous nous disiez, vous nous parlez beaucoup de votre problème fer de lance, on a beaucoup comprimé dans le domaine de l'éducation, primaire, secondaire, etc., le domaine de la santé, comment est-ce que vous voyez ça par rapport aux universités. Où se situent les universités là-dedans?

M. Lacroix (Robert): Écoutez, peut-être que Claire pourra faire des comparaisons interniveaux d'enseignement. Je crois que les universités n'ont pas été particulièrement protégées au niveau de l'éducation durant les compressions actuelles, elles ont, je crois, eu plus que leur juste part... Loin de moi l'idée de dire qu'il n'y a pas un problème de finances publiques au Québec. Comprenons-nous bien, à cet égard-là. Et tout le monde s'entend pour dire ça, et je pense que... Je suis économiste de formation et je sais assez ce qui se passe dans le monde pour savoir qu'on avait un problème de finances publiques, qu'il y a des mesures de redressement qu'il était nécessaires de prendre.

Le problème, évidemment, qu'il faut jauger, c'est la question des priorités, de dire... Quand on touche à l'éducation universitaire, c'est qu'on n'en voit pas les résultats de coûts immédiatement, et c'est ça qui est dangereux. En d'autres mots, c'est dangereux pourquoi? Parce que, je dis toujours aux gens, évidemment, quand ça compresse dans le secteur de la santé et qu'il y a une augmentation du nombre des personnes dans les salles d'urgence, très rapidement, les hommes et les femmes politiques le réalisent parce que les médias passent leur temps à montrer ça à la télé. Les coûts des compressions dans l'éducation, nous allons probablement les récolter, en termes de qualité des formations et de la recherche, dans 10 ans, donc c'est beaucoup plus loin. Et les pressions, évidemment, je dirais, de l'environnement du milieu sont beaucoup moins présentes.

Et c'est pour ça, d'ailleurs, que quand vous regardez ce qui se passe actuellement au Québec, toute la question universitaire est très, très peu présente et même, je dirais, la question éducative est peu présente. On parle beaucoup de santé, très peu d'éducation. D'accord? Pourquoi? Parce que je pense, effectivement, que, quand les coûts arrivent plus tard, ça ne fait pas tout à fait la manchette et la nouvelle et, conséquemment, on laisse ça de côté et on va supposément au plus urgent. Mais je pense que c'est extrêmement dangereux de ne pas tenir compte de ce fait-là.

Et je dis que ce n'est pas seulement au niveau de la société québécoise, c'est au niveau de l'ensemble de la société canadienne, puisque qu'est-ce que vous entendez au niveau du gouvernement fédéral? Il parle lui aussi de santé, il parle très peu d'éducation, de ce côté-là. Donc, dans un certain sens, je pense qu'il est important que, collectivement, on prenne conscience qu'il faut remettre à l'agenda politique la question de l'éducation universitaire mais même à d'autres niveaux d'éducation, c'est crucial.

Et je dis toujours la chose suivante. Le seul instrument réel qui reste à nos gouvernements pour influencer le sort des sociétés, c'est l'éducation. Dans le monde dans lequel on vit actuellement, qui est un monde d'ouverture, de libre-échange, dont on ne peut pas s'abstenir et où nous sommes tout à fait partisans, au Québec, d'ailleurs, de ce libre-échange, de cette ouverture, toute politique, en d'autres mots, qui enfreint la libre circulation des biens et des services et qui favorise certains secteurs va disparaître graduellement. Et vous le savez, on le vit tous les jours.

Ça veut dire quoi, ça? Il va rester quoi, comme instrument de positionnement des sociétés? Il va rester l'éducation. Et les sociétés qui auront misé sur l'éducation – et c'est ce que font les États-Unis actuellement et c'est ce que font certains autres pays – sont des sociétés qui, dans 10 ans ou 15 ans d'ici, s'en sortiront grandes gagnantes. Et je pense que, effectivement, au niveau de notre société, indépendamment de la question des compressions, si on veut passer au-dessus de ça, il faut se dire: Faisons au plus sacrant le débat de société sur ça, sur l'éducation. C'est le seul instrument qu'il nous reste. Les autres, là, vont devenir complètement banals dans le temps, et on le voit déjà. Et ça, je me dis, on ne sent pas l'urgence de cela et on ne sent pas dans notre population... et je ne blâme pas les gouvernements, parce que, si les gouvernements regardent ce que la population exprime comme besoins, on ne sent pas ça. Et je me dis que c'est aux universités, aux universitaires et éventuellement aux hommes et aux femmes politiques de remettre à l'agenda la question éducative à tous les niveaux, incluant évidemment le niveau universitaire.

Mais je comprends très bien la situation des finances publiques du Québec, je la comprends très bien. Mais, dans l'ordre des priorités de notre société, je suis extrêmement déçu de cet ordre de priorités. Et ça, ça sort dans les sondages. Quand vous demandez: Quelle devrait être la priorité qu'on devrait donner si le gouvernement... l'éducation est retrouvée toujours quelque part en arrière. Mais vous dites: Ça n'a aucun sens. Que la population puisse penser cela, ça n'a pas de sens. D'accord? Ça n'a pas de sens. C'est parce que, là, il y a un manque d'information flagrant, il y a un manque de compréhension de cette nouvelle société dans laquelle on vit et il y a un manque de compréhension des coûts que l'on va supporter, par un manque d'investissements présents, dans un avenir plus ou moins éloigné.

Et je me dis, pour un, moi, comme nouveau recteur de l'Université de Montréal: bien sûr, mon institution me tient à coeur, mais je dis: le sort de la société québécoise me tient beaucoup à coeur aussi parce que je sais quels sont les efforts absolument considérables qu'on a faits au cours des 50 dernières années pour émerger comme société et pour mieux former qu'ailleurs dans certains cas. Et je me dis: Mon Dieu! ne perdons pas cet instrument-là, c'est ce qui fait notre force dans l'avenir.

Alors, c'est un peu ça, dans le fond, qu'il faut. Il faut dépasser, à un moment donné, le stade purement des finances et se dire: Dans l'ordre des priorités, je crois qu'il faut rétablir l'éducation. Et, quand on l'aura rétablie dans l'ordre des priorités et que la population l'aura mise dans l'ordre de ses priorités, je suis convaincu que, là, les budgets vont commencer à retrouver un sens différent.

La Présidente (Mme Blackburn): M. le recteur, juste un bref commentaire, ensuite, la parole au député de Verdun. Il est vrai que la population n'est pas suffisamment sensible, à mon goût également, quant à l'importance qu'il faudrait accorder à l'éducation. Mais le sentiment trop généralement répandu que les institutions ont chialé pour rien, qu'elles étaient gras-dur, qu'ensuite les professeurs avaient du bon temps contribue un peu à entretenir cette impression dans la population. C'est pourquoi j'essaie de faire avec vous un exercice extrêmement rigoureux et qui appelle à beaucoup de transparence. Parce que, pour vous défendre avec efficacité, vous défendre, nous défendre et défendre le monde de l'éducation, il faut qu'on puisse le faire sur des bases extrêmement transparentes.

D'où mon idée qu'il fallait peut-être examiner la présentation d'indicateurs de performance et, j'allais dire, un peu normaliser – je ne voulais pas utiliser «standardiser» parce que ça a eu une impression un peu négative tout à l'heure – la présentation de vos rapports pour qu'on puisse dire à la population: Voilà comment ça se compare, et ils sont performants. Alors, je vous dis: Aidez-nous aussi, et on pourra aussi vous aider.

(17 h 50)

M. Lacroix (Robert): Vous avez raison, je crois, Mme la ministre, à cet égard-là. Je pense que les universités ne sont pas sans tache, comme toute organisation d'ailleurs n'est pas sans tache. Mais je pense qu'il y a un fond de mythe, il y a un fond de résistance, il y a une espèce... Vous savez, vous voyagez vous aussi, et je voyage moi aussi, je vais dans d'autres milieux, dans d'autres pays, dans d'autres régions, et je trouve cette espèce de respect pour la connaissance et le savoir, cette espèce de respect pour l'éducation et cette espèce de respect pour l'éducation universitaire que j'ai toujours de la difficulté à retrouver au Québec. On est vite pour dénigrer, alors que je dis que ce niveau d'enseignement là, quand on regarde – et vous le voyez par le rapport de science technologie, là – la performance qui a été faite là, comment peut-on dire effectivement que ces gens-là n'ont rien foutu dans le système? Ce n'est pas possible de dire des choses comme ça. Mais il y a un fond récurrent d'anti-intellectualisme et d'antisavoir qui revient sous une forme ou sous une autre.

La Présidente (Mme Blackburn): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci. Vous nous avez ouvert la porte sur un débat qui est impressionnant, sur l'importance de l'éducation dans notre société, sur les projections de ce qu'on pourrait faire. Je ne veux pas y rentrer, mais j'aimerais éventuellement pouvoir y rentrer un jour. J'avais des questions beaucoup plus pointues, si vous me permettez, et beaucoup plus terre à terre. Alors, je m'excuse de redescendre au niveau peut-être du plancher des vaches. J'ai trois types de questions.

Première question. Il y a eu la Commission des universités sur les programmes. Vous avez dit que vous la suivez. Or, une des recommandations de la Commission des universités sur les programmes, particulièrement en ce qui touche les enseignements de génie et les enseignements de mathématiques et de physique, c'est de voir à uniformiser au moins les premiers cours, les cours qui sont à caractères très généraux entre les disciplines scientifiques et les disciplines de génie. Sauf que le programme que vous avez, vous, dans votre propre institution, c'est que la faculté de génie n'est pas une faculté de votre institution, mais est une école séparée.

Alors, est-ce que vous avez l'intention d'entreprendre, disons, des échanges avec l'École polytechnique, qu'on va recevoir ici bientôt et à qui je poserai la même question, pour suivre ce type de recommandation de la CUP? C'est ma première question, j'en ai deux autres, Mme la Présidente. Vous pourrez répondre là-dessus. Les autres sont de nature différente, mais c'est des petites questions pointues, comme ça.

M. Lacroix (Robert): D'abord, vous devez comprendre, je crois, que les écoles affiliées à l'Université de Montréal sont des entités autonomes. Pour une partie académique, évidemment, de leurs diplômes, elles relèvent de l'Université de Montréal, mais ce sont des entités historiques et autonomes, et il n'est jamais question, je pense, ni de la part du gouvernement ni de la part de l'Université de Montréal, de remettre en cause cette autonomie qui leur a été, il faut l'avouer, fort profitable à certains égards. Il s'est développé deux magnifiques écoles, l'une de génie, l'autre de gestion, qui sont un peu des fleurons du Québec. Donc, je ne pense pas qu'on doive remettre ça en cause par les temps qui courent.

M. Gautrin: Je ne mettais pas en cause leur autonomie. Mais, entre deux entités autonomes, on peut collaborer.

M. Lacroix (Robert): Exact. Et là ce qui arrive, évidemment, les conversations... Dès mon entrée en fonction comme recteur, j'ai rencontré le nouveau directeur de l'École polytechnique, qui est Réjean Plamondon, qui commence, lui avec, et on s'est bien dit effectivement que nous ferions tout pour partager le plus possible nos ressources, d'abord dans un consortium de plus en plus important de recherche et, par la suite, autrement, dans la mesure où c'est requis et dans la mesure où ce sera efficace.

Il faut bien réaliser aussi que Polytechnique, c'est 10 000 étudiants qui entrent là, il y a du monde. Les classes sont pleines. C'est sûr qu'ils donnent des cours de maths, des cours de physique, mais les cours débordent. Je veux dire que c'est gros, Polytechnique, ça attire beaucoup de monde. Et, quand vous regardez leur corps professoral par rapport à leur nombre d'étudiants, il y a à peu près 160, 170 profs à Polytechnique qui ont 10 000 étudiants. Je vais dire comme l'autre, là, ils en ratissent large. Donc, il n'y a pas grand gras là.

Et les complémentarités ne donneraient pas des résultats économiques majeurs, mais donneraient des résultats académiques importants, et c'est ça qui me paraît crucial. C'est-à-dire que, si l'on peut confronter nos chercheurs, les mettre en commun, que les étudiants puissent avoir accès à des enseignements qui ne sont pas nécessairement de Poly, mais qui leur donnent accès à des professeurs de très grande qualité dans l'institution, ça, je pense que tout le monde y gagnerait, sans nécessairement que le gain financier soit majeur.

M. Gautrin: Deuxième type de question. Vous avez abordé, dans votre présentation, Mme la vice-rectrice, la question de l'évaluation par les étudiants. Vous savez qu'il y a tout un débat qui a été soulevé par les fédérations étudiantes sur la prise en compte des évaluations étudiantes dans les mécanismes de carrière du corps professoral. Et où en êtes-vous, à l'Université de Montréal?

Mme McNicoll (Claire): Je n'entrerai pas dans le détail ni des départements ni des personnes qui se sont vu refuser la titularisation, par exemple, parce que les résultats de l'évaluation de l'enseignement étaient négatifs, mais c'est une chose qui se fait depuis quatre ans. Alors, c'est un effet très certainement de cette importance que nous devons accorder à l'évaluation de l'enseignement. Et cela fonde, je dirais, les travaux que nous avons à faire dans l'année qui vient à cet égard.

M. Gautrin: Maintenant, je termine mes questions et après...

La Présidente (Mme Blackburn): Oui, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: À moins qu'il y ait quelqu'un qui... Vous avez changé de sujet. Moi, j'ai un autre sujet que je veux aborder, mais, enfin...

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, avec votre consentement, le consentement des membres de la commission, on pourra déborder un peu le 18 heures. Il n'y a pas de problème, M. le député.

M. Gautrin: O.K. Alors, moi, je veux aborder avec vous quelque chose de beaucoup plus général. Votre collègue M. Tavenas, qui était ici présent il y a un moment, a développé le concept que, dans le fond, les universités sont les meilleurs réservoirs de veille technologique qu'on peut avoir au Québec. Dans un cadre d'une économie du savoir – et je pense qu'on est assez d'accord qu'on rentre actuellement dans la porte de l'économie du savoir – comment faire bénéficier à l'ensemble de la population et à l'ensemble des acteurs économiques québécois le potentiel de veille technologique qu'il y a actuellement dans les universités?

Autrement dit, moi, je suis dans le problème suivant. Je sais qu'il y a un potentiel là, je sais qu'il y a un besoin, et il va falloir qu'on trouve un moyen de connecter l'un avec l'autre et que ça devienne aussi une des missions. Une fois qu'on vous donne ça comme mission, on ne régle pas le problème demain de savoir comment ça peut se faire.

M. Lacroix (Robert): Moi, je pense... Évidemment, il faut être clair sur les missions des différentes parties prenantes de notre société. Le secteur privé, le milieu des affaires, le milieu des entreprises ont une mission très claire...

M. Gautrin: Absolument.

M. Lacroix (Robert): ...c'est celle de produire des biens et des services, de faire des profits pour faire rouler la machine. Le milieu universitaire a essentiellement une mission première qui est une mission de formation. Et, dans cette mission de formation là il y a besoin d'une activité de recherche intense parce que s'ajoutent à ça la formation de chercheurs et, donc, l'avancement des connaissances. Ça, c'est deux missions distinctes. Et les temps de réaction des deux catégories d'acteurs ne sont pas les mêmes. D'accord? Former un étudiant en doctorat, c'est quatre ou cinq ans. Il va passer deux ans et demi, trois ans sur une thèse. Ce n'est pas un livrable pour dans six mois. Alors, entendons-nous bien. Le caractère fondamental de la recherche devient important.

Ceci dit et accepté, je pense qu'il y a tout intérêt à ce qu'il y ait des rapprochements de plus en plus considérables. Ils se font. Je vous ai dit tantôt que 23 % des fonds de recherche de l'Université de Montréal provenaient du secteur privé. Ça veut dire que c'est des interrelations de recherche avec le secteur privé.

M. Gautrin: Oui, mais, majeure partie, c'est du privé dans le secteur pharmaceutique...

M. Lacroix (Robert): Secteur pharmaceutique important.

M. Gautrin: ...et de la chimie. Je m'excuse. C'est très sectoriel, à ce moment-là.

M. Lacroix (Robert): Exact. Secteur important. Mais je vais vous raconter une autre histoire, qui est une histoire qui n'est peut-être pas du secteur pharmaceutique, et c'est l'histoire du CIRANO. Alors, CIRANO, effectivement, qui est un centre de recherche que j'ai créé il y a cinq ans avant de devenir recteur, est un centre...

M. Gautrin: Mais qui a eu une excellente évaluation.

M. Lacroix (Robert): ...qui regroupe des gens de six universités dans les domaines de l'analyse des organisations. Donc, là, tu es loin de la pharmacie et de la médecine et de tout ce que tu peux penser. L'analyse scientifique des organisations. On a regroupé des gens de six institutions universitaires. Dix corporations ont initialement contribué au financement. Le ministère de l'Industrie...

M. Gautrin: Du Commerce et de la Technologie.

M. Lacroix (Robert): ...du Commerce, de la Science et de la Technologie a donné la subvention de base de regroupement des chercheurs. Et, quand j'ai quitté CIRANO, le budget de ce Centre-là était rendu à 3 000 000 $, provenant à 63 % des secteurs privé et parapublic, ce qui est absolument exceptionnel. Toute la programmation de recherche de ce Centre-là était faite par des comités thématiques regroupant des chercheurs, des gens de nos grands partenaires corporatifs, et autres, et des gens du gouvernement du Québec même participaient. Et là on discutait. Les chercheurs disaient: Voilà les grands enjeux que l'on croit importants. Maintenant, est-ce que ça vous paraît important? Discussions, modifications, programmation de recherche. Aucun projet dans ce Centre-là ne pouvait avoir moins de 18 mois. D'accord? La plupart s'échelonnaient sur deux et trois ans. Pourquoi? Parce que le temps universitaire est requis, tu formes des jeunes, alors... Tout le monde non seulement joue le jeu, mais le milieu corporatif privé a un engouement considérable pour ce Centre, qui est devenu maintenant un centre hautement financé par ce secteur-là, qui se développe de façon magistrale. Je dis donc que c'est possible.

(18 heures)

Mais la leçon que j'ai tirée en créant le Centre, en le faisant progresser, c'est que la ligne est très étroite, c'est-à-dire: si tu veux sauvegarder la mission universitaire, ne pas brûler tes chercheurs en les faisant passer dans la commandite à la petite semaine, qui les brûle; pour les laisser vraiment dans la recherche de fond, il faut que tu aies la poigne solide envers les secteurs extérieurs. Parce que, eux, ce qu'ils veulent, c'est éteindre des feux. Donc, tu as un processus d'éducation majeur à leur faire comprendre. Quand ils ont compris qu'on peut faire des cheminements avec eux mais qu'on n'est pas là pour éteindre leurs feux, là ils réalisent l'importance du contact universitaire dans les recherches, qui leur sont profitables, et dans la veille technologique, qui leur est essentielle. Mais ça, évidemment, c'est long, ça prend du temps, c'est difficile. Il faut que les chercheurs le veuillent vraiment parce que, je veux dire, là, ils sont obligés de faire beaucoup de rencontres – les gens du secteur privé – de partager, et ainsi de suite. C'est réalisable, mais il faut que des institutions protègent ces relations-là. Et je dis: CIRANO en était une, CERCA en était une autre, qui est un autre centre de recherche interuniversitaire. C'est des institutions qui protègent les chercheurs pour ne pas que les chercheurs tombent dans le panneau de la relation directe avec l'entreprise. Moi, je pense que le Québec, à cet égard-là, est en avant de la plupart des autres régions du Canada et de l'Amérique du Nord.

Et, quand on a évalué CIRANO, nous avons eu des gens du Wharton School, de MIT, de Yale, de Princeton et du Merritt Institute, aux Pays-Bas, qui sont venus évaluer la qualité scientifique de ce qui se faisait là et la programmation de recherche et les liens avec le secteur privé. Et allez voir le rapport de ce comité scientifique de toute première catégorie au niveau international. Ils étaient estomaqués par ce qu'on avait pu réussir à faire avec des fonds des universités – parce que les profs sont financés par les universités – le gouvernement qui finance l'infrastructure et le secteur privé qui venait bonifier les fonds de recherche. Nulle part ailleurs ils n'avaient trouvé une chose comme ça. Je me dis: le Québec a un certain nombre de centres de ce calibre-là, je pense que voilà des facteurs innovateurs qui peuvent nous faire avancer loin et rentrer dans cette mission de transfert des connaissances, de veille technologique, mais de façon structurée.

La Présidente (Mme Blackburn): Merci, M. le recteur. Une dernière question, en ce qui me concerne, c'est l'arrimage entre la formation collégiale et universitaire, particulièrement la reconnaissance des crédits des diplômés à l'enseignement professionnel. Je rappelais un peu plus tôt ce matin que trop longtemps nos diplômés de D.E.C. professionnels étaient mieux reconnus lorsqu'ils voulaient s'inscrire à l'Université dans les provinces voisines qu'au Québec. Ça a progressé, depuis, je m'en réjouis. Il y a un secteur qui, évidemment, relève de la Poly, mais particulièrement dans le secteur du génie, on dit que nos diplômés en D.E.C. professionnel en génie sont particulièrement performants lorsqu'ils décident de poursuivre leurs études à l'université, mais que, souvent, à l'époque, c'était trop peu reconnu.

Nous avons un relevé qui nous a été présenté à l'occasion de l'étude des crédits, qui démontre qu'il y a chez vous une pratique intéressante, mais que, souvent, ces D.E.C., en soins infirmiers, en inhalothérapie – évidemment, ce sont dans les sciences paramédicales – diététique, réadaptation mènent au certificat. Ils ont des crédits pour les certificats, mais on n'a pas l'impression que ça ouvre au bac. Je ne sais pas si je lis mal votre rapport, mais ce que j'ai sous les yeux ne me laisse pas penser, sauf pour le bac en sciences infirmières, collaboration Bois-de-Boulogne... Pour les autres, ça semble ne mener qu'au certificat.

M. Lacroix (Robert): Écoutez, Mme la ministre, je crois que, évidemment, c'est un dossier sur lequel Claire commentera, puisqu'elle est plus avisée et informée que je ne le suis, mais les informations préliminaires que j'ai eues quant à notre institution à cet égard me portent à croire qu'on n'a pas fait notre travail correctement à cet égard. Je crois qu'on doit réviser la situation, examiner notre degré d'ouverture à cet égard-là et questionner de façon importante nos unités quant aux critères qui leur font refuser certains de ces étudiants-là. Pour un, quand j'ai vu des chiffres, j'ai dit: Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas là. Et Claire pourra rajouter des choses à ça. Mais je vous assure que, dès maintenant, on va se mettre à la tâche et on va regarder cette situation-là. Et, si vraiment il y a problème à l'Université de Montréal, il ne durera pas longtemps, je vous l'assure.

La Présidente (Mme Blackburn): Bien.

Mme McNicoll (Claire): Je n'ai rien à ajouter à cela, Mme la Présidente.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Blackburn): Non, je pense qu'il n'y a rien à ajouter non plus. Disons qu'on se retrouvera probablement à vous poser les mêmes questions l'an prochain.

M. Lacroix (Robert): J'espère que ce sera aussi agréable.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, on pourra faire état de l'avancement. Alors, en conclusion, peut-être, M. le recteur.

M. Lacroix (Robert): Écoutez, Mme la ministre, d'abord, je vous remercie. Je crois que ça a été une rencontre et une discussion extrêmement civilisées.

M. Gautrin: Le remaniement ministériel n'a pas encore eu lieu.

M. Lacroix (Robert): Il n'est pas fait encore, je m'excuse. Mais je l'ai vue souvent sous un autre chapeau et, je veux dire...

M. Gautrin: Non, mais le remaniement ministériel va peut-être avoir lieu, mais il n'a pas encore eu lieu.

M. Lacroix (Robert): Ha, ha, ha! Mais je suis peut-être prémonitoire.

M. Gautrin: Ha, ha, ha!

M. Lacroix (Robert): Alors, Mme la Présidente, je crois que cette rencontre a été fort utile pour l'Université de Montréal. Je pense que vos questions et les questions de vos collègues nous ont forcés à préciser un certain nombre de choses. Certaines questions nous forceront à aller revoir ce qui se passe dans notre institution. Je crois que la rencontre a été aussi fort civilisée et fort agréable. Et je pense que le but que nous cherchons tous ensemble, c'est de nous assurer que ces institutions universitaires fassent progresser le Québec dans le sens que souhaite notre société. Alors, je vous remercie infiniment, Mme la ministre.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, considérez que, pour notre part, pour ma part de façon toute particulière, le message est bien reçu et que l'intérêt que je porte à l'éducation m'amène à penser, comme vous, qu'on a peut-être – on a peut-être, je dis bien – un peu atteint les limites et qu'il faudra, à l'occasion du prochain exercice financier – et je ne doute pas que le gouvernement et la ministre y réfléchissent – tenter de redresser un peu la situation. Merci de votre participation aux travaux de cette commission, M. Racette, M. Lacroix, Mme McNicoll et M. Robert. Et bonne fin de journée.

M. Lacroix (Robert): Merci infiniment, madame.

La Présidente (Mme Blackburn): Alors, la commission de l'éducation ajourne ses travaux à demain, M. le secrétaire, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 18 h 7)


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