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(Dix heures huit minutes)
Le Président (M. Bradet): Je déclare la
séance de la commission de l'éducation ouverte. Je vous rappelle
le mandat de la commission pour cette séance, qui est de procéder
à des auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi 82, Loi modifiant la Loi sur les
collèges d'enseignement général et professionnel et
d'autres dispositions législatives. Mme la secrétaire, est-ce
qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gobé
(LaFontaine) est remplacé par M. Doyon (Louis-Hébert); Mme
Hovington (Matane) par M. Maltais (Saguenay); M. Tremblay (Rimouski) par M.
Poulin (Chauveau).
Le Président (M. Bradet): Alors, merci. L'ordre du jour
pour aujourd'hui. Alors, nous avons un groupe, Philosophie au
collège.
Mémoires déposés
Je dépose les cinq mémoires des groupes qui n'ont pas
été entendus, soit l'Association des professionnels de
l'enseignement du français au collégial, l'Association
québécoise d'information scolaire et professionnelle, le
collège de Bois-de-Boulogne, la Corporation professionnelle des
conseillers et conseillères d'orientation du Québec et les
Départements d'«humanities» des cégeps anglophones de
Québec.
Alors, messieurs de Philosophie au collège, je vous souhaite la
bienvenue à cette commission. M. Therrien, vous avez 20 minutes pour
votre intervention, et j'aimerais auparavant que vous nous présentiez
les gens qui vous accompagnent.
Auditions Philosophie au college
M. Therrien (Jean-Marie): Oui. Merci, M. le Président. Je
vous présente, à ma droite, Serge Saint-Laurent, du
collège Jean-de-Brébeuf, Pierre Cohen-Bacrie, du collège
de Montmorency; à ma gauche, Michel Paquette, du collège de
Maisonneuve. Je me présente, Jean-Marie Therrien, président de
Philosophie au collège, du collège de Rosemont.
Je vous remercie, en fait, de nous avoir invités à cette
session. Tout est-il déjà décidé ou peut-il y avoir
des ajustements? La ministre a déclaré être prête aux
ajustements qu'elle reconnaîtrait comme nécessaires suite à
des arguments valables. Nous vous présentons donc aujourd'hui une
argumentation plus spécifique. Je donne donc la parole à Pierre
Cohen-Bacrie qui résumera ces arguments, comme vous l'avez
demandé, en 20 minutes.
Le Président (M. Bradet): Alors, allez-y, M.
Cohen-Bacrie.
M. Cohen-Bacrie (Pierre): Merci. Les objectifs retenus par la
réforme au chapitre de la formation générale sont aussi
poursuivis par la discipline philosophie. Nous en questionnons cependant
certaines modalités. (10 h 10)
Premièrement, resserrer les contenus. Le gouvernement veut
resserrer les contenus des cours de formation générale, y compris
en philosophie. Nous aussi. Il s'agit de s'assurer que cette formation commune
aux deux secteurs, technique et préuniversitaire, dans l'ensemble des
collèges du Québec, ait justement un aspect commun plus
évident. À ce sujet, il ne faut pas confondre l'autonomie
intellectuelle des professeurs (qui fait partie de la liberté
académique) avec la licence de ne pas aborder un contenu jugé
essentiel. Se dispenser, par exemple, lors du premier cours de philosophie,
d'introduire l'étudiant à la logique ou à l'argumentation,
ou aux origines de la rationalité et de la philosophie grecque, ou
à une comparaison entre les discours philosophique, scientifique et
religieux je suis à la page 4 ou à tout cela
ensemble, est et sera impossible avec le nouveau système des contenus
communs élaboré par la coordination et approuvé à
l'unanimité par les départements.
Deuxièmement, développer des compétences
intellectuelles. Le gouvernement reconnaît la nécessité de
développer des compétences intellectuelles à
l'intérieur de la formation générale de base, aussi bien
dans le secteur préuniversitaire que dans le secteur technique,
s'inscrivant, par le fait même, dans un mouvement qui est celui de tous
les pays occidentaux à l'heure actuelle. Or, le développement des
compétences intellectuelles a fait l'objet d'une résolution
très majoritaire des départements de philosophie
représentés à la coordination provinciale. À
travers des contenus philosophiques et des textes d'auteurs, en ayant pour
objectif philosophique le développement d'une pensée autonome, il
s'agit de s'assurer que les étudiants améliorent progressivement
leur maîtrise de la conceptualisation, de l'analyse, de la comparaison,
de la critique, de la problématisation et de la synthèse. Le but
de cette progression ordonnée du développement des
compétences intellectuelles, tel que nous le concevons, réside
dans la production d'un discours argumentatif complet sous la forme d'une
dissertation philosophique. Il s'agit là d'un résultat
majeur de nos travaux de ces trois ou quatre dernières
années.
Troisièmement, adaptation partielle aux domaines des programmes.
La ministre a fait le choix d'une adaptation partielle aux domaines des
programmes ou des grandes familles de programmes sans renoncer à
l'originalité de la formation générale. Nous aussi.
À plusieurs reprises, des votes ont clairement établi l'appui des
professeurs de philosophie à une telle approche. Citons ici la
résolution adoptée à l'unanimité le 24 avril 1993
par les délégués des départements de philosophie
réunis en coordination à Montréal: «qu'un ou deux
cours de philosophie soient intégrés à la formation propre
aux familles de programmes (épistémologie et
éthique)». À ce niveau devraient agir comme garde-fous non
seulement l'exclusion de la déontologie professionnelle d'un
éventuel cours d'éthique adapté et l'inclusion de l'aspect
de philosophie politique, mais aussi la participation des professeurs de
philosophie, à titre d'experts et au titre de la consultation, entre
autres à la définition des contenus, le maintien des
départements de philosophie et, il faut le souhaiter, de la coordination
de philosophie au niveau national.
Quatrièmement, une évaluation systématique. Le
gouvernement estime que le maintien et l'amélioration de la
qualité de l'enseignement passent par une évaluation plus
systématique des apprentissages et des programmes. Nous aussi. À
plusieurs reprises, la coordination de philosophie a voté en ce sens.
Autrement dit, notre volonté de réaliser des contenus communs
resserrés et un développement des compétences
intellectuelles correspondant à un standard national n'est pas de pure
forme puisque nous l'assortissons d'une ouverture certaine à
l'évaluation.
Citons, à ce propos, ce que disait ici même M. Raymond
Brouillet, ancien président de l'Assemblée nationale. Je cite:
«Alors rapidement, sur ça, je pense que le fruit est mûr
actuellement, les esprits sont prêts. Vous avez vu, dans le rapport de
l'association des professeurs de cégep c'est nous ils se
sont entendus sur une séquence des habiletés intellectuelles, ce
qui n'existait pas du tout antérieurement. Il faut tabler sur ça
actuellement pour enrichir le cadre [...]. Il faut aller chercher ça
[...] pour que, partout dans l'ensemble des collèges, on puisse
être certains que certains objectifs d'habiletés vont être
le fait de chacun des plans de cours, de chacun des cours. Et, en même
temps, ils se sont entendus sur des contenus communs [...]. Donc, ça va
éviter cette dispersion et ça pourra permettre une
évaluation plus uniforme et comparative entre les différents
collèges et aussi, peut-être, éventuellement, un examen
national parce que, si on n'a pas quelque chose de commun à la base au
niveau des objectifs et des contenus, c'est quasiment impensable de penser au
reste», disait M. Raymond Brouillet.
Or, il n'y a pas de raison valable pour réduire l'espace
pédagogique occupé par la discipline philosophie. Si l'on pense
à la performance en argumentation des finissants, notre connaissance des
lacunes et des besoins des étudiants en argumentation nous amène
à penser que leurs bons résultats à l'examen de
français à ce chapitre ne doivent pas nous faire relâcher
notre vigilance. Les paramètres utilisés dans cet examen, en
effet, excluent l'analyse et la synthèse. Il faut, au contraire,
améliorer encore la compétence des étudiants en
argumentation, évaluer aussi leur capacité d'analyse et de
synthèse et établir d'autres paramètres visant à
mesurer leur maîtrise de la pensée formelle. Il faut, de plus,
resserrer les contenus ayant trait à la logique, au discours et au
raisonnement argumentatif dans au moins un cours de philosophie. Il faut,
enfin, appuyer cette initiative des professeurs de philosophie d'établir
une progression ordonnée du développement des compétences
intellectuelles dans les cours de philosophie. Il ne faut pas seulement
évaluer les compétences langagières, mais aussi les
compétences intellectuelles des finissants du secteur
préuniversitaire, mais aussi du secteur technique dans ce cas, au
terme des deux années de formation générale en
tenant compte non seulement du français, mais aussi de la
philosophie.
Réduire n'est pas améliorer. Est-ce que le seul moyen de
répondre à des besoins d'amélioration dans la
manière d'enseigner la philosophie est d'en réduire le nombre de
cours? Pourquoi utiliser deux poids et deux mesures lorsqu'il s'agit de la
discipline philosophie? Je cite: «Quand l'enseignement des
mathématiques ou de la chimie s'avère défectueux, on le
réforme. Mais quand quelque chose ne va pas dans l'enseignement de la
philosophie, on songe à la supprimer», disait Mario Bunge, de
l'Université McGill.
L'absence de philosophie antérieurement au collège.
N'oublions jamais que les étudiants n'ont de cours de philosophie qu'au
collège. En arrivant au collège, ils auront fait, par exemple, au
moins 1800 heures de français langue maternelle, 1325 heures ou plus de
mathématiques, 1025 heures ou plus de sciences humaines, 670 heures
d'éducation physique, 650 heures ou plus de langue seconde, 550 heures
ou plus de morale ou de religion et 0 heure de philosophie. Réduire,
donc, du quart cet enseignement obligatoire de la philosophie au
collégial, c'est le réduire dans son seul lieu d'existence. Il
n'y a pas de courant social contre la philosophie, au contraire. L'appui
manifesté par de nombreuses personnalités est là pour en
témoigner.
Je passe à la page 11. Quels sont nos arguments pour maintenir
huit unités ou quatre cours de philosophie? Nous prétendons qu'il
y a lieu, comme moyen d'atteindre les objectifs visés, de maintenir
quatre cours de philosophie. Il y a des raisons fondamentales qui justifient
cette affirmation.
Premièrement, il ne faut pas réduire les exercices
écrits en philosophie. L'objectif visé en philosophie, au
chapitre des compétences intellectuelles, est la maîtrise du
discours rationnel argumentatif, tel que manifesté dans la dissertation
philosophique. Cependant, connaissant les difficultés et les lacunes des
étudiants en ce qui a trait au langage, au discours, au raisonnement et
à une connaissance de la culture, n'apparaît-il pas
inconsidéré
de priver ces étudiants non seulement du quart de leurs cours de
philosophie, mais encore du quart de leur temps de travail à la maison
dans cette discipline axée sur l'écrit, et ceci, au moment
où ces compétences sont nommément recherchées?
Réduire leurs exercices écrits en philosophie à trois
quarts de ce qu'ils sont nous paraît impensable si l'on veut poursuivre
sérieusement les objectifs visés par la formation
générale. (10 h 20)
Deuxièmement, le processus de maturation vers une épreuve
de dissertation philosophique. La dissertation philosophique est l'expression
d'une compétence intellectuelle qui présuppose l'accomplissement
d'un cheminement antérieur axé sur l'analyse de texte, la
synthèse et le commentaire critique. Or, les étudiants sont en
processus de maturation. La différence entre un étudiant de
première session et de quatrième session est marquante à
cet égard. Demander à un étudiant en troisième
session, après seulement trois cours de philosophie, de se soumettre
à une épreuve de dissertation évaluant ses
compétences intellectuelles et son degré de maîtrise d'une
problématique serait insuffisant. On risquerait de partir perdant ou de
baisser le niveau eu égard à ce processus. Le lieu naturel de
cette épreuve est à la fin de la quatrième session. C'est
le moment où les étudiants du secteur préuniversitaire
finissent leurs études collégiales et le moment où les
étudiants du secteur technique finissent leur formation
générale.
Troisièmement, on ne peut escompter que d'autres préparent
à cette épreuve. Certains prétendent que la progression
dans le développement des compétences intellectuelles poursuivie
nommément par la philosophie pourrait l'être, par exemple, par
d'autres disciplines de la formation générale. Il faudrait,
à cet égard, être lucides. Malgré leur
bien-fondé, que nous reconnaissons, les cours de langue seconde n'ont
pas pour objectif d'initier les étudiants à une argumentation
rationnelle complète impliquant des compétences
supérieures de pensée. Que reste-t-il? Les six unités ou
les trois cours de formation générale complémentaires.
Soyons réalistes. Que gagneraient les étudiants à voir
confier à des professeurs différents, de disciplines
différentes, le quart de leur progression au niveau des
compétences intellectuelles?
Comment coordonner une séquence dans ces conditions? Ne nous
aveuglons pas sur les difficultés inhérentes. La gestion de ces
objectifs deviendrait vite inadministrable, étant donné, en
outre, que les professeurs des cours complémentaires ne sont pas dans
des départements communs. Le ministère a sans doute non seulement
mal évalué le rôle que joue la formation philosophique dans
l'utilisation du discours, avec son incidence sur la maîtrise de la
langue, mais il a aussi sous-évalué l'importance de l'apport de
l'enseignement philosophique au développement de la formation
intellectuelle.
Quatrièmement, un oubli majeur quant aux contenus. Finalement,
quant aux contenus de la formation générale, le projet de
règlement comporte un oubli majeur dans la définition des
thèmes retenus pour la contribution de la philosophie. Il s'agit de la
réflexion philosophique sur les fondements de l'approche du réel
spécifique à un grand domaine du savoir et qui s'adresse aux
étudiants de ce champ d'étude.
On sait que la règle de complémentarité page
15 interdit aux étudiants d'un champ donné de prendre un
cours complémentaire dans leur champ. Nous ne contestons pas cette
règle. Par exemple, les étudiants en sciences de la nature ou en
techniques physiques ou biologiques n'auraient pas le droit de s'inscrire dans
un cours complémentaire de philosophie des sciences et des techniques,
encore moins le collège de les y obliger. Il y aurait donc un trou dans
la formation générale, une impossibilité structurelle
d'assumer une partie de la formation des étudiants.
C'est d'autant plus regrettable qu'il existe chez les professeurs de
philosophie des compétences certaines, que ce soit en philosophie des
sciences et des techniques, en philosophie des sciences humaines ou en
philosophie de l'art. De tels cours, certes, pourront valablement initier
l'étudiant à un domaine du savoir extérieur à son
champ d'étude, comme cours complémentaires. Nous le
reconnaissons. Cependant, quel profit l'étudiant n'en tirerait-il pas
s'il pouvait bénéficier de tels cours de philosophie afin de
réfléchir sur son propre domaine? L'aberration est que
l'élève serait invité à réfléchir sur
les spécificités des approches du réel qui sous-tendent
les autres grands domaines du savoir, mais, faute d'un quatrième cours
de philosophie, ne pourrait réfléchir sur l'approche du
réel qui sous-tend son propre domaine du savoir, défini par le
champ de son programme d'études.
Il est donc, selon nous, justifié d'introduire un
quatrième cours de philosophie dans la formation générale
particulière aux programmes, quatrième cours portant sur
l'approche du réel spécifique à un grand domaine du savoir
propre au champ d'étude de l'élève. Cette mesure
viendrait, en outre, corriger une aberration systémique présente
dans le projet de Règlement sur le régime des études
collégiales, qui fait suite au projet de loi 82 et qui empêche
tous les étudiants de bénéficier d'un cours de formation
générale les portant à réfléchir sur leur
champ d'étude. Il s'agirait ici, pourtant, d'une mesure allant dans le
sens d'une adaptation réclamée par la plupart des intervenants.
De plus, si l'expérimentation en cours du nouveau programme des sciences
de la nature devait être positive, le cours de formation
générale en philosophie des sciences qu'il comporte trouverait
ici sa place naturelle. Même chose si une expérimentation comme
celle-là pouvait se faire en technique, en sciences et techniques
humaines ou en arts.
L'inscription de huit unités ou quatre cours de philosophie dans
la formation générale signifierait, au contraire, dans la
conjoncture actuelle, un renouveau de fond et pas seulement de structure. Tous
les éléments du renouveau, autres que la réduction des
cours de philosophie inclus dans le projet de règlement, seraient
maintenus dans notre proposition. Nous y rajoutons seulement, comme moyen
d'atteindre ces objectifs, tant au niveau
des contenus que des compétences intellectuelles à
évaluer, deux unités de philosophie dans la formation
générale particulière. Il s'agit donc, selon nous, d'un
ajustement qui se situe à l'intérieur des paramètres du
renouveau.
Il s'agit de changements majeurs par rapport au statu quo. En effet, les
contenus d'au moins deux cours de philosophie seraient définis par les
collèges et adaptés partiellement aux programmes. En effet, une
progression ordonnée du développement des compétences
intellectuelles serait assumée par les cours de philosophie et serait
instaurée et sanctionnée par une évaluation à la
fin des deux années de formation générale au
collégial. En effet, certains textes d'auteurs philosophiques devraient
être obligatoirement étudiés afin de garantir la
qualité de la référence culturelle. S'agit-il ici du statu
quo? Nous ne le pensons pas. Il s'agit plutôt de modifications de fond
qui iraient bien au-delà d'un simple changement structurel tel que la
réduction de quatre à trois des cours de philosophie.
Rapidement, je dirai qu'il existe différents moyens qui
permettraient au gouvernement d'ajuster cet aspect de son projet. En effet, en
ce qui a trait à la langue seconde, il faut reconnaître qu'elle
faisait traditionnellement partie des cours complémentaires. Lorsque,
dans le projet de règlement, la ministre a établi quatre
unités de langue seconde obligatoires ce que nous ne contestons
pas, encore une fois elle a simplement pris deux cours
complémentaires pour les rendre obligatoires en langue seconde. On
s'attendrait donc à trouver, dans le projet de règlement, qu'il
reste deux cours complémentaires. Or, il en reste trois.
Nous proposons, comme premier moyen praticable, justifié sur le
plan structurel et ne coûtant rien, de ramener à quatre
unités la formation générale complémentaire et de
faire passer à huit unités la formation générale
particulière, dont quatre unités de philosophie. Cette solution
conserverait toutes les grandes avenues de la réforme, y compris la
mission des cours complémentaires, puisque l'étudiant pourrait se
voir initier à deux domaines du savoir extérieurs au sien ou, au
moins, à un domaine du savoir extérieur au sien avec deux
cours.
Nous sommes, de plus, ouverts à discuter, si c'est le cas,
ultérieurement avec le ministère d'autres moyens qui pourraient
parvenir à un résultat semblable. Nous espérons,
cependant, que les grands objectifs que nous avons développés
devant vous, à savoir la nécessité de reconnaître la
part de la formation générale dans le développement des
études, avec peut-être des recommandations comme celle d'inclure
des professeurs de la formation générale dans la commission des
études, la nécessité de sanctionner, peut-être par
un examen national en tout cas, de s'en donner le pouvoir la
formation, tant au niveau des compétences langagières que des
compétences intellectuelles, seront considérés.
Je vous remercie.
Le Président (M. Bradet): Alors, merci beaucoup de votre
présentation. Nous en sommes à la pé- riode
d'échanges avec nos invités. Et, pour 20 minutes, je reconnais
Mme la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.
Mme Robillard: Merci, M. le Président. Bienvenue aux
représentants de l'Association des professeurs de philosophie des
collèges. Je suis contente de vous accueillir ce matin. Je sais que,
depuis le dépôt du renouveau collégial, l'Association a
travaillé de main ferme à nous préparer ce mémoire
et à réfléchir à nouveau concernant tous les
objectifs aussi qui sont poursuivis par le renouveau collégial, et
comment les professeurs de philosophie, de leur côté, sont
capables de participer à ces objectifs poursuivis par le renouveau
collégial. (10 h 30)
J'aimerais, au point de départ, vous demander votre opinion,
comme association, en regard de l'approche programme qui est l'approche
privilégiée par le renouveau collégial dans toute la
structure du renouveau collégial, tant au niveau du contenu des cours
qu'au niveau des lieux de concertation. Comment les professeurs de philosophie
se situent par rapport à cette approche programme et comment
comptent-ils y participer?
M. Therrien (Jean-Marie): Pierre Cohen-Bacrie va vous
répondre.
M. Cohen-Bacrie: Alors, très certainement, comme je vous
l'ai dit, les professeurs de philosophie appuient une adaptation de
l'enseignement aux différents programmes. Donc, en gros, il y a un
accord à l'approche programme à condition de penser que cette
approche programme doit s'inscrire à l'intérieur d'une
visée qui devrait prendre en compte, au moins, le développement
des compétences de base absolument nécessaires dans les
programmes. Si on pense, par exemple, au développement des
compétences intellectuelles des élèves, il faut se rendre
compte que tous les élèves ne présentent pas les
mêmes lacunes et n'ont pas forcément les mêmes besoins en ce
qui a trait à l'apport que peut faire leur professeur de philosophie au
niveau du développement de leurs compétences intellectuelles.
Or, il est pratiquement impossible de faire passer un examen à
l'entrée au cégep pour déterminer qui a telle
compétence intellectuelle. Il est donc parfaitement logique de penser
à un regroupement des étudiants selon leurs programmes ou selon
leur famille de programmes: préuniversitaire, technique. Lorsqu'on a en
face de nous un groupe en sciences de la nature, étant donné
leurs performances passées au niveau scolaire, on peut penser que le
développement de leurs compétences intellectuelles va prendre un
tour différent de celui d'étudiants qui sont dans un autre
secteur et qui ont un passé scolaire différent. Donc,
l'adaptation aux programmes, dans la mesure où cela implique de
s'occuper des étudiants en fonction de leurs véritables besoins
et de leurs véritables lacunes, et dans la mesure où ça
s'inscrit dans la visée du développement des compétences
intellectuelles, nous
en sommes tout à fait partie prenante et nous la
recommandons.
Mme Robillard: J'ai lu et j'ai relu votre mémoire, et il
me semble qu'il y a une question que vous n'avez pas abordée et qui est
assez centrale au niveau du renouveau collégial, parce que, vous l'avez
vu, le projet du renouveau collégial ne propose pas de diminuer
l'importance des objectifs mêmes qui sont visés par la
philosophie. Je pense que c'est assez clair dans le renouveau collégial.
Quand on pense à la rigueur de la pensée ou à l'aptitude
à la pensée critique, ces objectifs-là sont maintenus;
l'ouverture culturelle aux visions du monde, la compréhension des
réalités éthiques et politiques, et, bon, tous les autres
objectifs.
Mais ce qui est dans le renouveau, par ailleurs, c'est: Est-ce que
l'exclusivité du moyen disciplinaire pour atteindre ces
objectifs-là est nécessaire? Et, dans le renouveau, c'est
ça qui est remis en cause. Est-ce qu'il y a une nécessité
entre la poursuite de ces objectifs et la discipline philosophie? Est-ce que
ces mêmes objectifs-là ne peuvent pas aussi être poursuivis
par d'autres disciplines? C'est dans ce contexte-là que le renouveau
présente les objectifs, et ça, vous ne l'avez pas abordé,
et ça m'apparaît central et fondamental. Avant de discuter de
trois, quatre, deux, c'est vraiment l'approche de base. Oui aux objectifs
poursuivis, aux mêmes objectifs, mais est-ce qu'il y a seulement la
philosophie qui, comme discipline, peut nous permettre d'atteindre ces
objectifs-là?
M. Cohen-Bacrie: Alors... Le Président (M. Bradet):
Oui.
M. Cohen-Bacrie: ...si on vise une évaluation à la
fin des études, il faut, pensons-nous, assigner une
responsabilité quant au développement de ces compétences
intellectuelles. Si nous diffusons la responsabilité, nous nous
interdisons que le réseau fasse les efforts nécessaires pour
améliorer ces compétences. Il est évident que toutes les
disciplines collaborent au développement des compétences
langagières. Ce n'est pas l'exclusivité des professeurs de
français. Cependant, fort sagement, le gouvernement a
décidé de mettre l'accent sur les cours de français afin
de leur assigner, entre autres, la responsabilité de développer
des compétences langagières qui, éventuellement, feront
l'objet d'un examen national qui garantira la compétence au niveau
préuniversitaire et au niveau technique.
Nous pensons très sérieusement qu'abstraction faite de la
philosophie il faudrait absolument que le gouvernement pense à
établir un examen national garantissant l'atteinte de compétences
intellectuelles, tant pour le niveau préuniversitaire que pour le niveau
technique. Ce faisant, le gouvernement devrait assigner une
responsabilité quant au développement de ces compétences
intellectuelles afin que cette évaluation ne soit pas seulement un
contrôle punitif à la sortie, mais donne aux collèges, par
les efforts pédagogiques qui seront faits dans les cours ici, de
philosophie les moyens d'améliorer de telles
compétences.
Donc, si nous diluons la responsabilité, si nous disons que tous
les cours participent à l'élaboration de telles
compétences, nous nous privons des moyens d'améliorer ces
compétences. Il est bien évident que le professeur de chimie
développe des compétences langagières dans ses cours, mais
il ne va pas s'arrêter une heure dans son cours de chimie pour expliquer
des règles du français. Un prof de français peut le faire.
De la même façon, le professeur de mathématiques
développe des compétences intellectuelles dans son cours, aucun
doute, mais il ne va pas s'arrêter une heure dans son cours de
mathématiques pour faire écrire trois pages d'argumentation
à ses étudiants et y revenir de façon critique.
Nous avons justement une formation générale, avec des
disciplines majeures dans cette formation générale qui sont,
entre autres, le français et la philosophie. Donnons-leur une mission
qui n'est pas exclusive. Tant mieux si les autres y collaborent. Donnons-leur
une mission, une responsabilité et, éventuellement, instaurons un
examen à la fin, et nous améliorerons ainsi les
compétences des étudiants, au grand plaisir des
universités et du marché du travail.
M. Therrien (Jean-Marie): Mme la ministre, j'aimerais
compléter la réponse de Pierre Cohen-Bacrie. En fait, votre
question porte un peu sur la spécificité de notre discipline,
puisque, finalement, dans le mémoire, on a développé
l'idée qu'on était prêts, disons, d'une certaine
façon, à entrer dans certains objectifs de la réforme
puisque ces objectifs-là sont communs à notre discipline.
Je vous donne un exemple. Disons que je suis un professeur d'histoire et
que j'explique les causes de la Révolution française ou que
j'explique les causes de la révolution industrielle. Le professeur
d'histoire ne peut pas prendre une heure pour réfléchir sur ce
que c'est une cause, finalement, en histoire. Il ne peut pas prendre comme
objet, d'une certaine façon, la réflexion sur la démarche
qu'il demande de faire à ses étudiants. Donc, il est
obligé de faire une espèce d'énumération et,
finalement, l'étudiant, d'une certaine façon, ne comprendra pas
le processus. Donc, la philosophie, elle, prend comme objet la réflexion
sur la méthode. Et, d'une certaine façon, ça, c'est propre
à la philosophie.
Et vous avez vu les objectifs de compétences intellectuelles que
nous avons dégagés, mais ces objectifs-là, nous, on les a
toujours je pense que les professeurs de philosophie le font
reliés à des thèmes qui parlent aux étudiants,
à des thèmes précis, de sorte qu'on a l'avantage à
la fois de donner un contenu et de réfléchir sur le processus
intellectuel de connaissance. Et ça, c'est propre à notre
démarche, Mme la ministre.
Mme Robillard: Mais j'ai compris aussi, par la réponse de
M. Cohen-Bacrie, que les mêmes objectifs
peuvent aussi être partagés par d'autres disciplines,
c'est-à-dire...
M. Cohen-Bacrie: Ça veut dire... Mme Robillard:
Oui, allez-y, M. Cohen.
M. Cohen-Bacrie: ...qu'ils gagnent à être
appuyés, absolument. Comme en ce qui a trait au français,
à la compétence langagière, nous avons tout à fait
intérêt à ce que l'ensemble des disciplines valorise la
compétence langagière.
Mme Robillard: Vous insistez aussi beaucoup dans votre
mémoire et c'est suite aux travaux de votre association, des
dernières années, je pense sur une séquence de
cours en philosophie. Est-ce que, vraiment, il y a obligation de
séquence dans les objets, dans le fond, qui s'impose en philosophie?
Est-ce qu'une séquence s'impose nécessairement dans des cours de
philosophie? (10 h 40)
M. Cohen-Bacrie: C'est surtout au niveau du développement
des compétences intellectuelles que la séquence s'impose.
Jusqu'à présent, nous sommes dans la situation, en philosophie,
où nous disons: Dans tous les cours de philosophie, on développe
l'analyse, la synthèse, la capacité d'argumentation, et on ne
s'assure aucunement que ceci soit réalisé de manière
spécifique dans chacun des cours, comme disait M. Brouillet.
L'idée de séquence, c'est l'idée d'une progression
ordonnée qui se dit: Au fond, l'objectif terminal, c'est quoi? Il faut
que l'étudiant soit capable d'élaborer une argumentation
complète. Pour cela, il y a des présupposés. Et, donc, il
serait très intéressant que, dans chacun des cours, on dise:
Bien, ici, tu commences par la conceptualisation, la définition et
l'analyse, et là tu passes à la comparaison, et puis ensuite
à la critique, et puis ensuite à la problématisation et
à la synthèse. C'est donc au niveau des compétences
intellectuelles que la progression ordonnée se justifie
essentiellement.
M. Therrien (Jean-Marie): M. Serge Saint-Laurent voudrait
compléter.
M. Saint-Laurent (Serge): II y a aussi un autre motif à
cette séquence-là, qui est très important, c'est ce qui
concerne le contenu même des cours. Il ne faut pas oublier que ce que la
coordination provinciale a privilégié par le biais de ses
représentants et de ses porte-parole, c'est le fait que la
séquence inclut elle-même une progression relativement à
l'histoire de la philosophie. Et c'est ce qui se retrouve, au fond, dans la
progression des cours ou la complexification des cours, de philosophie 101
à aller jusqu'au quatrième cours. Et ça, cet ancrage des
habiletés à l'intérieur même de l'évolution
historique... Comme disait Pierre tout à l'heure, on ne peut pas
enseigner un contenu ou enseigner uniquement des habiletés sans voir ce
qui est le lien exactement, du point de vue de ce qui est profitable pour
l'étudiant.
C'est pour ça que je reviendrais un petit peu sur ce dont vous
avez parlé tout à l'heure, à savoir: Est-ce que la
philosophie est peut-être la seule discipline à avoir le monopole
de ce genre de compétences ou du type d'objectifs que l'on vise dans la
formation générale? Dans la formation collégiale, comme
vous l'avez retenu comme principe, du moins, dans le projet de réforme,
il y a des composantes de formation générale, il y a des
composantes de formation spécialisée et il y a des composantes de
formation complémentaire à la formation générale.
Par conséquent, il ne faut pas, d'autre part et c'est ce qui est
le principe de l'approche programme compartimenter aussi, à
l'intérieur de chacun de ces éléments-là, tout ce
qui est relatif aux compétences intellectuelles ou aux objectifs que les
gens visent.
Et c'est pourquoi ce qui est avantageux dans l'approche programme, c'est
la concertation entre les divers intervenants autour, évidemment, de la
progression que l'élève peut suivre à l'intérieur
de son cours collégial. Et dans les programmes existants et dans ceux
qui se préparent à exister à très court terme
je pense, notamment, au programme de sciences de la nature, où il
y a une entente conjointe ou un travail conjoint entre, au moins, le
collège de Michel Paquette et le mien, et d'autres aussi et dans
les programmes existants qui ont un contenu qui est assez contraignant, il y a
cette approche-là. Et c'est ce qui, à notre sens, est le plus
bénéfique pour l'élève et pour les gens qui lui
enseignent. Et c'est pourquoi la coordination a adopté cette dimension
pédagogique qui apparaît, pour certains, nouvelle, mais qui, en
fait à moins qu'on ne se trompe existait aussi
antérieurement, mais s'était un peu relâchée avec le
temps, disons.
M. Therrien (Jean-Marie): Mme la ministre, au sujet de la
séquence, j'aimerais juste ajouter deux points. Des étudiants ont
fait remarquer, lors d'une émission à Radio-Canada au mois de
février c'étaient des étudiants du collège
Édouard-Montpetit que la séquence, telle qu'on l'avait
organisée, elle leur parlait, d'une certaine façon, enfin, d'une
façon très précise. Le premier cours, c'est un cours
d'introduction où l'étudiant apprend surtout, enfin, les grands
penseurs, l'origine de la philosophie, certains processus de connaissance. Le
deuxième, l'étudiant dit: Bien, j'apprends à
connaître un peu la nature, la science, la technique. Est-ce qu'il y a
des limites, finalement, au progrès technique? Est-ce que le
progrès, c'est quelque chose, finalement, de toujours positif? On peut
examiner cette notion-là qui est apparue en philosophie, enfin, on
pourrait dire autour du XVIIe, XVIIIe siècle.
Ensuite, l'étudiant dit: Bien, dans le 301, Conception de
l'être humain, bien, là, j'apprends un peu à
connaître, à travers l'histoire, quelles ont été les
conceptions de la personne humaine et aussi l'actualité de cette
problématique aujourd'hui; il y a des interrogations pour savoir c'est
quoi le statut d'une personne au début de la vie ou à la fin de
la vie. Et le dernier cours, c'est le
cours qui se réfère beaucoup plus à l'action,
l'action politique, les réflexions, finalement, éthiques que les
grands penseurs ont élaborées. Et aussi, je pense que les
étudiants sont confrontés à des problèmes
éthiques, même à leur âge. Ça, c'était
le premier point.
Le deuxième, c'est que la séquence, elle permet aussi,
entre les cours, d'avoir des contenus vraiment spécifiques, de sorte que
l'étudiant voit que, quand il a compris des éléments du
101, il a du bagage intellectuel pour passer au deuxième cours. Et,
même nous, on pourrait même souhaiter que le premier soit un
prérequis au deuxième et le deuxième un prérequis
au troisième, un peu comme certains cours de mathématiques. Notre
discipline, je pense qu'elle a intérêt à être
reconnue pour son apport, finalement, dans le progrès, dans la
réflexion, tant thématique qu'intellectuelle. Donc,
c'étaient les deux points que je voulais ajouter.
Mme Robillard: Vous avez soulevé aussi à
l'intérieur de votre mémoire, M. Therrien, que vous étiez
heureux que, malgré l'identification de trois insistances très
spécifiques, je pense, qu'on indiquait à l'intérieur des
cours de philosophie, on n'ait pas conclu que ces insistances-là se
traduiraient mécaniquement par un cours. Mais vous avez dit: II faudrait
ajouter une quatrième insistance qui est l'approche du réel
très spécifique. Est-ce qu'on ne pourrait pas, donc, ajouter
cette quatrième insistance, avec raison, mais sans nécessairement
ajouter un quatrième cours?
M. Cohen-Bacrie: Si vous ne faisiez pas droit à nos
arguments concernant le développement des compétences
intellectuelles, pourquoi pas?
Mme Robillard: Ça vous a...
M. Cohen-Bacrie: Mais il me semble qu'on y perdrait.
Mme Robillard: Ça vous apparaîtrait possible?
M. Cohen-Bacrie: Au niveau purement des contenus, oui. Mais,
à ce moment-là, on y perdrait forcément. Si on
décidait d'assigner à la philosophie une responsabilité
particulière au niveau du développement des compétences
intellectuelles, à ce moment-là, on perdrait un
élément important, surtout si on envisageait un examen à
la fin des études...
Mme Robillard: Oui.
M. Cohen-Bacrie: ...à ce niveau-là.
Mme Robillard: Est-ce que je peux encore? Non?
Le Président (M. Bradet): Trente secondes.
Mme Robillard: Une toute dernière question, M. le
Président.
Le Président (M.Bradet): Allez-y.
Mme Robillard: Hier, nous avons reçu je pense que
c'était hier la Fédération autonome du
collégial qui nous a présenté une nouvelle
pondération des cours de philosophie; donc, avoir trois cours de philo,
mais avec une pondération différente. Est-ce que vous avez pris
connaissance de cette proposition, et comment se situe l'association des
professeurs de philosophie par rapport à cette proposition?
M. Cohen-Bacrie: Absolument, nous avons, bien sûr, pris
connaissance de cette proposition. Nous pensons qu'il est intéressant,
dans la formation générale, de regarder de près les
modalités d'encadrement supplémentaires qui pourraient être
développées, peut-être à l'intérieur du
Règlement, d'ailleurs. Lorsque nous avons parlé de
différents moyens existants pour arriver à un résultat
semblable, c'est sûr qu'un élément comme celui-là
fait partie de ces moyens aussi. Mais, de toute manière, il est
intéressant en soi, surtout si on pense à la première
année, d'ailleurs, au niveau de la formation générale.
Mme Robillard: Merci.
Le Président (M. Bradet): Merci. M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Bon! Il y a une chose que vous faites
ressortir, je pense, tout à fait à propos, c'est que, dans tout
le système d'éducation québécois, la philosophie
est une discipline proprement collégiale. Elle n'existe que dans cet
ordre d'enseignement.
Une voix: Et universitaire
M. Brassard: Universitaire si vous voulez vous
spécialiser. Si vous voulez vous spécialiser, là, c'est
clair; sinon, vous ne fréquentez plus cette discipline-là. Si
vous allez en génie ou ailleurs, c'est terminé. C'est au
collégial que vous abordez cette discipline. Juste ça, ça
me semble essentiel. Il faut mettre ça en exergue, parce qu'à
partir de ce moment-là ça a de l'importance et ça a aussi
des conséquences puisque c'est le seul ordre d'enseignement où
cette discipline se trouve.
D'autre part, il a été signalé qu'il y a quelques
années, bon, cet enseignement a comporté bien des lacunes,
parfois même, admettons-le, quelques dérapages, des erreurs
pédagogiques même. Sauf que ce qu'on doit constater actuellement
et vous en êtes la preuve vivante c'est que les professeurs
de philosophie eux-mêmes ont pris conscience des faiblesses, des lacunes,
des erreurs qui se sont commises, ils se sont mis à la tâche et
ils ont accompli, à mon point de vue, un travail tout à fait
remarquable, exceptionnel. (10 h 50)
Vous avez pris la peine, d'ailleurs, de payer une page de
publicité dans Le Devoir pour faire connaître à
l'ensemble de la population, enfin au plus grand nombre possible de
personnes, cette fameuse séquence progressive de quatre cours.
Ça, ça a été fait par les professeurs de
philosophie dans tout le réseau. Ça a été
discuté, examiné, réexaminé, adopté. Et je
comprends bien que l'ensemble des départements de philosophie des
collèges s'est prononcé là-dessus, puis qu'il y a, sinon
une unanimité, une quasi-unanimité là-dessus.
Ça m'apparaît important, parce que vous répondez aux
objections qui avaient été exprimées par beaucoup
d'intervenants. Vous resserrez les contenus, vous précisez les
objectifs, vous identifiez les méthodologies et vous désignez
aussi les compétences intellectuelles à acquérir pour
l'étudiant, tout cela de façon progressive. Moi, je vous le dis,
c'est un travail tout à fait exceptionnel, et je ne comprends pas que le
ministère de l'Enseignement supérieur n'ait pas
immédiatement assumé ce travail-là pour l'imposer dans
tout le réseau. Je ne comprends pas. Plutôt que d'essayer
d'imaginer ou de concevoir autre chose, il n'avait qu'à prendre en
compte ce travail-là. Le travail était fait.
Première question. Quand on dit que l'acquisition des
compétences intellectuelles, dans une perspective de formation
fondamentale, ça peut être poursuivi pas uniquement dans la
discipline philosophique, c'est vrai, c'est juste. Et vous l'avez
signalé: avec l'approche programme, il faut justement que ces
compétences intellectuelles soient la préoccupation de toutes les
disciplines, y compris dans les spécialisations, les programmes
spécialisés.
C'est la même chose pour les compétences
langagières. Moi, j'aime beaucoup votre comparaison. Le souci, la
préoccupation du français ne doit pas être exclusive aux
professeurs de français. Ça doit être la vôtre aussi,
comme professeurs de philosophie. Ça doit être celle des
professeurs d'histoire. Ça doit être celle, même, des
professeurs de mathématiques. Ça doit être celle de
l'ensemble du corps professoral, le souci du français comme outil de
communication et de pensée. Mais, est-ce que c'est une raison, à
ce moment-là, pour diminuer le nombre de cours de français? Non!
Au contraire, on ajoute des heures. Alors, je vous comprends bien quand vous
dites que les compétences intellectuelles doivent être la
préoccupation de toutes les disciplines qui s'enseignent au
collège, mais ça ne doit pas être une raison ou un motif
pour réduire le nombre des cours de philosophie. C'est ça?
M. Cohen-Bacrie: Je pense, M. le député, que vous
nous avez très, très bien compris. Et il faut, de plus, penser
qu'au niveau structurel nous avons le maintien, actuellement, des
cégeps. C'est clair. Et nous avons le maintien de la formation
générale. C'est clair. Il faut qu'elle serve à quelque
chose! On ne peut pas, structurellement, confier à la formation
spécifique le mandat exclusif de développer les
compétences langagières et intellectuelles sous prétexte
que tout le monde peut le faire. Il est bien sage, puisqu'il y a une formation
générale commune, d'accorder, je dirais, le primat du
développement de ces compétences aux disciplines majeures de la
formation générale et, si elles peuvent le faire en
séquence, c'est encore mieux.
Dans les disciplines du secteur technique, il faut se rendre compte des
limitations inhérentes à la discipline elle-même, aux
manuels existants, à la formation des enseignants, enfin. Donc, on peut
attendre de l'ensemble de ces disciplines du secteur techniqué^un appui
au développement de l'argumentation, mais on ne peut pas attendre
d'elles un développement complet de l'argumentation.
À cet égard, il serait intéressant de remarquer ce
qui se passe dans différents pays occidentaux qui sont confrontés
exactement au même problème d'avoir à développer les
compétences intellectuelles de base de tous leurs étudiants. Et
ces pays occidentaux, qui ont beaucoup moins de philosophie dans leurs
programmes ou, parfois, qui n'en ont pas, sont en train d'imaginer des moyens
pour demander à leurs enseignants du secteur technique de
développer des compétences en maîtrise de la pensée
formelle, ce qui cause des difficultés inouies. Nous avons au
Québec une chance, c'est que nous avons un réseau de
collèges qui est presque unique au monde, dans lequel nous avons une
formation générale commune qui est prête à remplir
cette mission de développer des compétences de base. Il suffirait
qu'on la lui donne.
M. Brassard: Maintenant, ce qui se passe présentement dans
les cégeps, j'aimerais avoir quelques données là-dessus.
Est-ce que, à la suite de ce travail que vous avez accompli, les
professeurs de philosophie, les départements de philosophie ont attendu
la caution ou le signal d'en haut pour mettre en vigueur, mettre en oeuvre le
travail que vous avez accompli et qu'on retrouve dans Le Devoir
d'hier?
M. Therrien (Jean-Marie): Serge Saint-Laurent va vous
répondre.
M. Saint-Laurent: Ma conviction profonde, c'est que, s'il y a
dans ce qui est envisageable dans la réforme actuelle un lieu où
il y a une garantie quant à ce qui pourrait être une contribution
de discipline je dis bien de discipline, ici c'est bien en
philosophie, puisque tout ce qui est avancé dans le premier
mémoire et dans celui-ci, et qui existe depuis au-delà de deux
ans dans les réunions de coordination, qui n'ont pas toujours
été subventionnées à leur juste mesure, il faut
l'avouer... Bon. Alors, tout ce qui s'est produit à l'intérieur
de ça comme documents, comme discussions dans les départements et
ainsi de suite... Il y a une chose qui est sûre, c'est que tout ce qui
est là est l'émanation des professeurs de philosophie du
collégial de la province de Québec. Ça, c'est clair. Et,
par conséquent, dans la mesure où, nous, nous pensons que ce qui
est contenu ici est en conformité et est susceptible de contribuer de
manière considérable à ce qui est envisagé dans la
réforme, s'il y a une garantie au moins dans tout ce qui est le
reste par rapport à ça, elle est là. O.K.?
Maintenant, je crois que, dans l'interprétation que vous avez
faite tout à l'heure qui, à mon sens, nous sert bien et je
vous en remercie il y a aussi une chose. C'est que, lorsque vous dites:
Comment se fait-il qu'on n'ait pas reconnu ce travail-là? je crois
qu'une des raisons premières, c'est qu'en partie il était
peut-être un peu méconnu. Mais ce n'est probablement pas la
raison. La raison peut-être la plus acceptable, c'est qu'on questionnait.
..
M. Brassard: Vous l'avez fait sans mandat, probablement.
M. Saint-Laurent: Oui, mais aussi c'est qu'on questionnait
peut-être soit le retard, soit une sincérité un peu feinte.
Et là, il ne faut pas se cacher la réalité. Tout ça
a existé, nous a été présenté. Mais, en
fait, ce qu'il faut bien comprendre, c'est que tout ce qui émane de la
séquence de contenu de cours, de compétences intellectuelles
envisagées en fonction d'une évaluation et tout ça, c'est
la suite de ce qu'est l'expérience pratique des gens dans une salle de
cours dans tous les collèges de la province de Québec, tant du
point de vue général que du point de vue professionnel.
Eux-mêmes ont senti depuis un certain nombre d'années, ce qui,
évidemment, n'est pas exclusif à notre discipline
peut-être, le besoin de se resserrer, d'organiser au moins une
séquence. Et, quand on questionnait tantôt la séquence, on
se disait: Oui, mais ce serait peut-être une
«administrabilité» un peu compliquée que de se dire:
Oui, mais si on doit avoir un prérequis, bon, tout ça, c'est des
questions qui sont toujours l'objet d'une discussion dans les collèges,
en permanence. C'est peut-être plus du côté de cette
avenue-là qu'il y a eu une sorte d'écart, au moins apparent, en
tout cas au début, entre ce qui semblait être le projet de la
réforme et ce qui était présenté comme
émanant des professeurs de philosophie du collégial.
M. Brassard: Mais ma question, c'était: Est-ce
qu'actuellement, dans les cégeps, cette séquence-là est
mise en oeuvre?
M. Therrien (Jean-Marie): Michel Paquette va vous
répondre.
M. Paquette (Michel): Aussi, on a bien insisté sur le fait
que la séquence comme telle ne fait pas partie du programme, du cahier
de l'enseignement collégial.
M. Brassard: Je sais, je sais. (11 heures)
M. Paquette: Alors, ce qui arrive, c'est que, formellement, il y
a eu un vote de la coordination provinciale de philosophie, qui est
l'assemblée des délégués de chacun des
départements, qui a recommandé la mise en oeuvre, dès
cette année, des habiletés intellectuelles, donc d'ajouter
à chacun des cours des habiletés intellectuelles,
d'intégrer dans les cours comme tels les conte- nus minimaux communs et
d'essayer d'expérimenter une forme d'évaluation de ces contenus
communs pour s'assurer que ce soit fait dans les cours. C'était la
recommandation de la coordination provinciale.
J'espère et je crois que ça se fait dans les
collèges, avec toute la bonne volonté des gens, mais je dois dire
que, quand même, la commission parlementaire... Enfin, depuis la
publication du rapport du Conseil des collèges qui recommandait la
réduction à deux cours de philosophie, il y a eu une grande
inquiétude dans le milieu et il subsiste présentement une
très grande inquiétude puisque, même si la réduction
de quatre à trois est formelle, les enseignants de philosophie tiennent
à leurs objectifs, tiennent à leurs thématiques,
connaissent l'arsenal dont ils disposent pour être capables de faire
passer tout ça dans les classes. Et on a beau dire: Bien, telle
thématique de philosophie des sciences, par exemple, peut-être que
ça pourrait trouver sa place dans les trois cours qui restent, mais,
très certainement, on joue à une chaise musicale, là. Il y
a des contenus qui ne pourront pas être assis sur les trois chaises qui
restent puisqu'il y en aura trois au lieu de quatre.
M. Saint-Laurent: Je voudrais peut-être ajouter quelque
chose.
M. Therrien (Jean-Marie): Oui. Serge Saint-Laurent voudrait
préciser une réponse.
M. Saint-Laurent: À propos de l'inquiétude, vous
savez que la discipline philosophie, à chaque fois que l'on se pose des
questions sur l'enseignement collégial et sur ce qui devrait en
constituer parfois une réorientation plus ou moins grande ou plus ou
moins partielle, elle est toujours celle qui s'inquiète le plus, c'est
bien connu. Mais il faut voir aussi que ce qui a été
peut-être mésestimé jusqu'à un certain point, c'est
l'apport qu'elle a amené et elle va continuer à y
contribuer, sans doute à la formation générale au
collégial. Il y aurait peut-être intérêt,
jusqu'à un certain point, à ce que l'on change un peu de
discipline quant à l'inquiétude profonde...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Saint-Laurent: ...du moins dans les années à
venir. Et c'est pourquoi une des certitudes, à mon avis, c'est qu'il
doit y avoir en ce moment et c'est, je pense, ce qui est l'objectif
final de ce mémoire-là une position politique à cet
effet-là parce que, en réalité, c'est de ça
qu'il s'agit une position politique qui réaffirme sur des bases
qui sont maintenant, sans doute, nouvelles ou envisagées avec des
partenaires aussi un peu différents, et tout ça, mais qui sont
des bases concernant un avenir... Et je crois que la philosophie, du moins dans
sa dimension pédagogique, a besoin de ça, et que cette
inquiétude-là qu'on a partagée de façon
extrêmement solitaire pendant très longtemps, elle devrait
peut-être maintenant être partagée aussi par d'autres.
M. Brassard: Maintenant, je voudrais bien comprendre votre
mémoire, puis la séquence de quatre cours dont l'essentiel a paru
hier dans Le Devoir, parce que j'ai des petits problèmes de
compréhension. Est-ce que vous proposez des alternatives? Il y a ce
travail-là qui a été fait: quatre cours, séquence
progressive; tout est bien identifié, les contenus, les
compétences à acquérir, les objectifs. Par contre, dans
votre mémoire, vous dites: Le quatrième cours, on pourrait
peut-être l'introduire dans le bloc adapté aux programmes.
Ça, c'est le quatrième cours. Mais il y aurait quatre cours quand
même, 180 heures; ça resterait comme tel. Et les objectifs et les
compétences à acquérir, ça ne changerait pas, non
plus. Je comprends? C'est ça? Bon.
Maintenant, après ça, quand vous abordez des cours
complémentaires dans des champs précis, par exemple, dans le
domaine des arts, la philosophie des arts ou la philosophie des sciences pour
ceux qui sont orientés dans cette direction-là, ces
cours-là, si je vous comprends bien, ça vient s'ajouter aux
quatre cours. Ça vient s'ajouter. Ça ne vient pas se substituer
à un des quatre cours.
M. Cohen-Bacrie: Est-ce que je peux répondre à
ça?
M. Brassard: Bien oui.
M. Cohen-Bacrie: Bon. Bien, très directement, les cours
complémentaires, en tant que complémentaires à
l'extérieur du champ d'étude de l'étudiant, bien
sûr, viennent s'ajouter. Par contre, nous avons parlé
effectivement de la substitution de l'un des quatre cours de philosophie, et
probablement là, il faudrait voir de plus près au niveau
des contenus avec un cours qui porterait davantage, qui serait
adapté aux niveaux philo des sciences, philo de l'art, philo des
sciences humaines.
Ce qu'il faut bien remarquer, c'est que, quand on parle d'adaptation, on
parle quand même de formation générale, de tronc commun, de
cours obligatoires et de compétences intellectuelles de base pour tous.
À cet égard, il est absolument essentiel, à notre avis,
que la ministre se penche de près sur la recommandation qui consiste
à lui demander pourquoi elle restreint ses pouvoirs d'imposer une
épreuve uniforme dans l'article 26 du Règlement
simplement à l'application de l'article 7 qui concerne la formation
générale entièrement commune.
Justement, ce qui est en jeu, c'est la notion de séquence.
Lorsque la ministre se réserve le pouvoir d'imposer une épreuve
uniforme de français, il faut qu'elle comprenne que le cours de
français je pense qu'elle le comprend, mais il faut que ce soit
clair dans le Règlement qui est dans la formation
générale particulière au programme et dont elle
définit elle-même les objectifs et les standards fait partie du
développement des compétences qui vont être
évaluées par l'épreuve uniforme de français.
De la même façon, en ce qui a trait au cours de
philosophie, dans la mesure où nous recommandons une épreuve de
vérification des compétences intellectuelles, il ne faudrait pas
qu'elle ne porte que sur deux cours de philosophie, c'est-à-dire les
deux qui sont à l'article 7. C'est pourquoi il faudrait peut-être
penser à inclure l'article 8 dans les pouvoirs que la ministre se
réserve à l'article 26 du Règlement.
M. Brassard: Là, vous allez avoir besoin de
comparaître à nouveau, parce que j'ai de la misère à
vous suivre et je comprends mal...
Une voix: C'est ça.
M. Brassard: ...que vous puissiez souhaiter, comme alternative...
Je comprends que vous voulez faire des compromis, là, mais je comprends
mal qu'un cours de philosophie des arts ou de philosophie des sciences, ou je
ne sais pas trop quoi donc, des cours de philosophie quand même
relativement spécialisés puisse venir se substituer
à un des quatre cours dont les thèmes sont pas mal plus
généraux, qu'il vienne s'y substituer et que vous puissiez quand
même atteindre les objectifs prévus. C'est pour ça que,
moi, dans votre mémoire, j'ai de la misère à comprendre
ça et j'ai des problèmes de compréhension.
Le Président (M. Bradet): Brièvement, M. le
président.
M. Therrien (Jean-Marie): Oui, Michel Paquette pourra essayer de
vous éclairer.
M. Paquette: Oui. Ce n'est pas sur la technicalité qui
consiste à inclure les cours du bloc 2 dans la portée d'un examen
d'évaluation. Je vais parler de ça juste deux minutes. C'est que
la philosophie est un peu à part quand il s'agit de l'évaluer.
Les professeurs de philosophie regrettent qu'une partie de l'évaluation
de l'enseignement de la philosophie qui a été faite cette fois-ci
se soit faite sur la base de préjugés ou, en tout cas, de rumeurs
qui circulent dans le milieu, enfin, certainement pas sur la base d'une
évaluation de cette entité qu'est la philosophie et comment elle
contribue à la formation générale.
La philosophie n'est pas, au sens technique, dans l'enseignement
collégial un programme, comme le français n'est pas un programme.
Alors, c'est facile d'identifier si les étudiants ont réussi ou
non à atteindre un certain niveau de compétence en
français puisque l'examen de français est obligatoire. Quand les
enseignants de français auront bonifié les compétences
langagières des étudiants, enfin, ça se saura. Maintenant,
du point de vue des compétences intellectuelles que nous
développons en philosophie, nous disons que celles-ci doivent aussi
être évaluées. Voilà pourquoi on veut inclure le
cours du bloc 2 dans la portée d'un examen, d'une évaluation des
compétences pour qu'on puisse à la
fois gérer, mais aussi reconnaître la contribution de la
philosophie à ces compétences générales. Pour nous,
c'est très important.
Je veux bien comprendre qu'il y a beaucoup de choses qui sont
prévues pour les programmes. Par exemple, la commission
d'évaluation va se pencher pour évaluer des* programmes, mais la
philosophie n'est pas un programme; alors, ça la laisse, si vous voulez,
dans le néant pour ce qui est de ces questions-là. Et, pour nous,
c'est très, très important que nous n'y restions pas trop
longtemps.
Sur l'autre question du cours de réflexion, il y a
déjà dans la réforme, comme objectif de la formation
générale qui est retenu: comprendre les
spécificités des approches du réel qui sous-tendent les
grands domaines du savoir, l'art, la science, la technologie, les
mathématiques, les sciences humaines. Ça peut être fait par
un cours complémentaire, sauf que ce n'est pas... Il faut bien
comprendre que le cours complémentaire, par définition, il est
hors champ. Alors, ça, c'est quand même important.
C'est-à-dire que, si c'est un étudiant de sciences humaines qui
va suivre un cours sur la thématique science et technologie, ce n'est
pas un étudiant de sciences qui réfléchit, qui porte un
regard second ce qui est caractéristique de la philosophie
sur les contenus et la méthode de la science. (11 h 10)
Et c'est la différence qui existe entre le cours
thématique de science et technologie, dont on comprend qu'il a
été réclamé par plusieurs études sur la
formation générale. Il y a plusieurs personnes qui disent que la
formation générale doit être plus équilibrée,
mais ça ne correspond pas à ce regard, à cette
réflexion sur les fondements*du savoir que fait la philosophie.
Le Président (M. Bradet): M. Paquette, je me dois de vous
interrompre. Le temps qui nous est alloué est malheureusement
dépassé. Je voudrais vous remercier, M. le président,
ainsi que les gens qui vous accompagnent, de l'éclairage de sagesse que
vous avez su apporter à nos travaux. Permettez-moi... Nous avons le
consentement... O.K. Nous allons suspendre pour deux minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 11)
(Reprise à 11 h 13)
Le Président (M. Bradet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je vous demanderais de respecter le silence. La commission n'est pas
terminée. Merci beaucoup.
Avec le consentement des deux partis, nous dépassons l'ordre de
la Chambre de 10 minutes pour permettre des remarques finales, et les
premières 5 minutes seront au critique de l'Opposition officielle en
matière d'éducation, M. le député de
Lac-Saint-Jean.
Remarques finales M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, d'entrée de jeu,
j'aimerais souligner le travail remarquable des groupes qui, en très peu
de temps, ont su produire des mémoires de qualité, ne se
contentant pas simplement de critiquer, pour la plupart, mais également
apportant des solutions concrètes aux principaux irritants
observés. C'est un esprit constructif, il faut le dire, qui a
animé cette commission où des alternatives tout à fait
pertinentes ont été proposées à plusieurs des
éléments du renouveau auquel nous convie le gouvernement
libéral. La balle est maintenant dans le camp de la ministre.
La ministre a indiqué, dès le début de nos travaux,
que sa réforme n'était pas un château de cartes, qu'elle ne
ferait pas d'ajustements à la pièce. Là-dessus, je lui
dirais qu'il ne faudrait pas, non plus, que ça devienne un château
en Espagne construit sur du sable mouvant. Et, pour ne pas que ça
devienne un château en Espagne construit sur de mauvaises bases, on doit
réunir des conditions essentielles pour une implantation réussie
d'une telle réforme, et d'abord l'engagement des principaux acteurs et
la disponibilité des ressources financières; sinon, le
château en Espagne va s'écrouler.
L'engagement des divers personnels et des élèves ne pourra
se manifester que dans la mesure où la ministre acceptera de donner
suite aux irritants majeurs qui lui ont été signalés,
irritants qui viennent du fait qu'il y a eu dérapage, à mon avis,
par rapport aux consensus dégagés en commission parlementaire
l'automne dernier, consensus qui ont été, de mon point de vue,
mal incarnés dans les propositions.
Voici quelques exemples: accroître et favoriser la réussite
et la persévérance aux études; ce n'est pas par une taxe
à l'échec, de nouvelles exigences d'entrée au
collégial et l'insuffisance de mesures concrètes pour venir en
aide aux étudiants qu'on va atteindre un tel objectif. On parlait de
renforcer, d'enrichir la formation générale commune; le jeu de
blocs que nous propose la ministre comporte plusieurs éléments
qui ont été contestés, comme la diminution, on l'a vu
tantôt, des cours de philosophie et d'éducation physique, de
même que le bloc des cours adaptés et aussi l'ajout de deux cours
d'anglais.
On parlait de mettre l'accent sur les compétences
pédagogiques, la fonction d'enseignement et la place majeure de
l'enseignant dans la réforme; on constate une diminution de la
représentativité des personnels au sein des instances
décisionnelles, l'insuffisance également de ressources consenties
au perfectionnement des maîtres et au ressourcement professionnel. Il
s'agissait d'améliorer l'accès, l'organisation scolaire et le
financement du secteur de l'éducation des adultes; là-dessus,
c'est le silence presque complet dans les propositions ministérielles,
et plusieurs ont signalé qu'il fallait absolument prendre en compte
cette dimension majeure de
l'enseignement collégial. On voulait accroître l'autonomie
des collèges; on a, dans bien des cas, accru les contrôles
ministériels, particulièrement en matière de gestion du
personnel.
Par ailleurs, ce qui est inquiétant, c'est l'absence de
ressources, non pas seulement financières, mais également
humaines, en termes d'aide à apporter aux cégeps pour faire face
à leurs nouvelles responsabilités. On n'a qu'à penser au
mandat confié aux cégeps en matière d'évaluation et
de gestion de programmes, à l'implantation également de
l'approche programme avec laquelle tout le monde est d'accord.
La ministre pourrait donc aller de l'avant avec les
éléments qui ont reçu l'aval de la majorité des
intervenants, et ils sont nombreux. Je pense, notamment, aux modifications
apportées au secteur de la formation technique et
préuniversitaire, à l'implantation des sessions d'accueil et
d'intégration, à la création d'une commission
d'évaluation, à l'implantation de l'approche programme, au
transfert de nouvelles responsabilités académiques pour les
cégeps, à la création d'une commission des études.
Il y a des consensus, et on peut aller de l'avant à ce
sujet-là.
D'autres aspects pourraient être pris en compte très
rapidement et donner lieu à des amendements au projet de loi et au
régime des études collégiales. Je pense, en particulier,
à la composition du conseil d'administration, à la composition de
la commission des études, à l'enrichissement de la mission des
cégeps, à l'élargissement du mandat de la commission
d'évaluation, à l'ajout de certaines dimensions au mandat
confié au Conseil supérieur de l'éducation, au retrait de
la taxe à l'échec, au retrait des contrôles abusifs. Et je
vais conclure dans un paragraphe, monsieur. Un peu de souplesse!
Il serait sage que la ministre reporte à plus tard l'application
d'autres mesures en se donnant la peine d'examiner plus à fond certains
éléments. Et là, je pense au contenu de la formation
générale. À cet égard, nous accueillons, pour notre
part, avec beaucoup d'intérêt la recommandation de la Centrale de
l'enseignement du Québec qui suggère l'instauration d'un
moratoire sur cette question, en confiant au Conseil supérieur de
l'éducation le mandat d'examiner l'ensemble du curriculum secondaire,
collégial et universitaire et ajoutons même primaire
en vue d'assurer une cohérence de la formation. La sanction des
études secondaires pourrait également être portée
à l'attention du Conseil.
Et je conclus, M. le Président. Le sort réservé
à la réforme dépendra en grande partie des suites que la
ministre entend donner à cette commission parlementaire et aux
recommandations que vous ont faites les groupes qui sont intervenus devant
nous. Merci.
Le Président (M. Bradet): Alors, merci. Mme la ministre,
pour vos remarques finales, vous avez cinq minutes.
Mme Lucienne Robillard
Mme Robillard: Merci, M. le Président. Mes premiers mots
seront pour remercier tous les groupes qui sont venus en commission
parlementaire, que ce soit les étudiants, les parents, les
éducateurs, tous les professionnels qui oeuvrent dans les cégeps,
les centrales syndicales, les représentants du monde
socio-économique. Je pense que nous avons eu une très bonne
représentation de tous ces groupes-là. Je voudrais vous faire
remarquer aussi, M. le Président, qu'il s'agit de la fin de la
deuxième étape des consultations publiques, ce qui veut dire, en
incluant les consultations de l'automne dernier, 125 heures d'audiences
publiques, 7 semaines d'audiences publiques. (11 h 20)
Et je pense que cette semaine a été
particulièrement fructueuse. Tous les groupes de cette semaine ont
démontré que le renouveau collégial n'était pas un
château de cartes, que les fondements étaient bons et solides. Il
y a eu plusieurs propositions et je dois dire d'excellentes propositions, et il
y aura sûrement des ajustements et des modifications. Et nous trouverons
le moyen d'impliquer encore davantage les personnels des cégeps dans ce
renouveau collégial. C'est très clair.
Je vais maintenant prendre le temps de réfléchir à
ces modifications-là, de les regarder dans l'ensemble du renouveau
collégial pour maintenir un système cohérent. Et
ça, je pense que c'est très clair. Je ferai connaître les
modifications au renouveau collégial dans le cadre du processus
législatif, en toute transparence. Mais ce qui est très clair,
c'est que, si l'Opposition est partisane du statu quo en formation
générale, le gouvernement, lui, choisit le renouveau. Et nous
allons passer à l'action d'ici la fin de la session. Merci bien, M. le
Président.
Le Président (M. Bradet): Alors, merci, Mme la ministre.
Merci aux parlementaires, à tous ceux qui se sont
présentés ici. Ceci étant dit, la commission, ayant
accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 11 h 21)