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(Dix heures)
La Présidente (Mme Hovington): Je déclare donc la
séance ouverte et je rappelle le mandat de la commission pour cette
séance qui est de procéder à des auditions publiques sur
Favant-projet de loi, Loi modifiant le Code des professions et d'autres lois
professionnelles.
M. le secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Bra-det
(Charlevoix) est remplacé par M. Bergeron (Deux-Montagnes); M. Parent
(Sauvé) est remplacé par M. Philibert
(Trois-Rivières).
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Alors, je vous
donnerai lecture de l'ordre du jour d'aujourd'hui, le jeudi 4 mars. Alors,
dès ce matin, 10 heures, nous entendons Mme Christiane Barnabe, avocate,
et Mme Lyse Frenette, psychologue; 11 heures, Corporation professionnelle des
psychologues du Québec; midi, Conseil du statut de la femme; 12 h 30,
suspension; 14 heures, Regroupement québécois des centres d'aide
et de lutte contre les agressions à caractère sexuel; 15 heures,
Corporation professionnelle des médecins vétérinaires du
Québec; 16 heures, Corporation professionnelle des
diététistes du Québec; 17 heures, Corporation
professionnelle des physiothérapeutes du Québec; 18 heures,
suspension, pour reprendre à 20 heures avec la Corporation
professionnelle des orthophonistes et audiologistes du Québec; 21
heures, Ordre des agronomes du Québec; 22 heures, ajournement.
Est-ce que l'ordre du jour est adopté? Adopté.
Est-ce qu'il y a des membres qui ont des déclarations à
faire, ce matin? Non.
Mmes Christiane Barnabe, Lyse Frenette et Louise
Delorme
Alors, nous avons donc devant nous Mme Christiane Barnabe, avocate.
C'est laquelle?
Mme Barnabe (Christiane): Bonjour. Ici.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour. C'est pour fins de
transcription des débats. Bonjour, Me Barnabe. Mme Lyse Frenette,
psychologue.
Mme Frenette (Lyse): C'est moi.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour, madame. Il nous
manque un nom sur la liste.
Mme Delorme (Louise): Louise Delorme.
La Présidente (Mme Hovington): Louise Delorme. Alors, qui
sera la porte-parole du groupe?
Mme Frenette: Je présenterai la première partie et
Me Barnabe présentera la deuxième partie.
La Présidente (Mme Hovington): D'accord. Alors, vous avez
donc 20 minutes pour nous présenter votre mémoire.
Mme Frenette: D'accord.
La Présidente (Mme Hovington): Allez-y.
Mme Frenette: Alors, Mme la Présidente, M. le ministre,
Mmes et MM. les députés, la première partie de notre
mémoire a pour but de vous informer de la façon dont ma plainte
et celle de Mme Delorme ont été traitées dans l'actuel
système disciplinaire de la Corporation professionnelle des psychologues
du Québec. Ces plaintes sont relatives à une offense majeure au
code de déontologie puisqu'elles sont à l'effet que deux
psychologues ont eu des relations sexuelles thérapeute-client à
l'intérieur d'une démarche psychothérapeutique, offense
dont les effets ont été dévastateurs pour nous deux. J'ai
logé ma plainte en septembre 1986 et Mme Delorme a logé la sienne
en mars 1992.
La deuxième partie de notre mémoire,
présentée par Me Barnabe, soulignera, à la lumière
de nos deux expériences, les lacunes les plus flagrantes de l'actuel
système disciplinaire et contiendra nos propositions sur l'avant-projet
de loi. Alors, je vous résumerai le plus brièvement possible mon
expérience.
En mai 1986, 9 ans après l'abus sexuel du psychologue, alors que
je suis encore en psychothérapie avec un autre psychologue, je
décide de porter une plainte à la Corporation professionnelle des
psychologues du Québec. Je téléphone donc à la
syndic qui m'informe qu'il n'y a aucune prescription pour ce genre de plainte
et que le délai de traitement est de sept ou huit mois. Alors, je
prépare mon dossier et je rédige la lettre datée du 30
septembre 1986.
Après le dépôt de ma plainte, il y a deux rencontres
avec la syndic. La première, le 15 janvier 1987, et la seconde, le 4
mars 1987. À l'automne 1987, je m'inquiète. Je me demande
pourquoi l'enquête se prolonge au-delà des sept, huit mois
prévus et pourquoi la syndic n'a rencontré qu'un seul des trois
psychologues pour lequel j'ai signé des autorisations. Lorsque je
téléphone à la syndic pour avoir de l'information, elle me
répond
que l'enquête poursuit son cours, que ce genre de plainte est long
à traiter, qu'il y a plusieurs plaintes, beaucoup de travail, les
journées n'ont que 24 heures et, si je ne suis pas contente, je n'ai
qu'à téléphoner au président pour lui demander
d'engager un autre syndic ou, du moins, un syndic adjoint.
Alors, je suis son conseil et je téléphone au
président le 3 novembre 1987. Ce dernier, après consultation de
mon dossier, me dit que, en effet, ma plainte doit être
déposée au comité de discipline au début de
décembre 1987. Décembre arrive, je n'ai aucune nouvelle de la
Corporation. Je réalise qu'on m'a encore une fois bernée.
En janvier 1988, je décide d'écrire un livre pour
dénoncer cette pratique d'abus de pouvoir. À partir de cette
période, la syndic commence à reporter le traitement de ma
plainte de saison en saison. À l'automne 1988, après deux ans du
dépôt de ma plainte, après deux téléphones
sans retour d'appel, je lui fais le message de faire des photocopies de tous
les documents originaux que je lui ai donnés et que je m'occuperai de
récupérer les originaux.
En mai 1989, comme la rédaction de mon livre est assez
avancée, je dois me trouver un avocat pour un avis juridique. Par
l'entremise du Dr Marie Valiquette, j'obtiens le nom d'un avocat en
Colombie-Britannique, je lui écris et ce dernier me réfère
à un avocat de la firme montréalaise Clarkson Tétrault.
Après quelques rencontres, cet avocat est étonné du
très long délai encouru depuis le dépôt de ma
plainte et il me demande l'autorisation d'entreprendre des démarches
auprès de la syndic afin de savoir ce qui se passe. Dans une lettre
datée de juillet 1989, la syndic lui écrit: «II n'est pas
inusité [...] que le travail pour éclaircir une
dénonciation puisse s'étaler sur une période
dépassant deux ans.» Et elle ajoute: «Je vous serai
reconnaissante de faire montre de respect et d'attente».
Mon avocat décide donc de faire appel à l'Office des
professions. L'avocat chargé de suivre les dossiers à la
Corporation professionnelle des psychologues du Québec
téléphone, à l'automne, à la syndic de la
Corporation et, dans une lettre, mon avocat me résume leur
conversation.
L'enquête avait été longue compte tenu de
l'importance du dossier. Comme une plainte logée par la syndic ferait
une mini-bombe dans le milieu, elle a préféré agir avec
beaucoup de précaution. Elle a informé l'avocat qu'elle prendrait
sa décision sous peu, cet automne, mais qu'elle considère notre
attitude comme étant du harcèlement, ce qui fit sourire mon
avocat.
En décembre 1989, elle envoie une autre lettre disant:
«...nous faisons notre possible pour être en mesure de
répondre à Mme Frenette suivant ce que prescrit l'article 123 du
Code des profession», c'est-à-dire un délai raisonnable, 3
ans et 3 mois après le dépôt de ma plainte.
Au printemps 1990, la syndic nous convoque, mon avocat et moi, afin de
réviser toutes les informations, la revue des règles de preuve et
s'assurer que son dossier est bien complet. Au cours de cette rencontre, je
sens que sa décision de ne pas porter ma plainte aii comité de
discipline est déjà prise et que cette rencontre n'a pour but que
de me faire accepter sa décision en essayant de m'intimider.
Le 22 février, une dernière rencontre, où je lui
rappelle à nouveau tous les événements qui ont conduit
à la première relation sexuelle en thérapie.
À l'automne 1990, après quatre ans d'enquête, je
reçois un rapport daté du 31 août 1990 et, à la
première page, ce que je lis: «Nous ne pouvons retenir votre
plainte pour la porter devant le comité de discipline et sommes
obligés de fermer ce dossier bien que pouvant être moralement
convaincus de la véridicité de vos dires.»
Quelles sont les raisons majeures invoquées pour ne pas porter ma
plainte devant le comité de discipline? Premièrement, «le
code d'éthique du psychologue ne contient pas une mention claire et
distincte pour la prohibition d'avoir des relations sexuelles avec son
client». Deuxièmement, il n'y a pas de matériel pouvant
appuyer ma version des faits, pas de cassettes des sessions de
psychothérapie, pas de cadeau pouvant indiquer l'existence d'un
degré d'intimité suspect, pas de photographie du psychologue
prise entre décembre 1976 et juin 1977 avec moi.
J'ai été bouleversée et révoltée par
un tel rapport. Fallait-il mettre quatre ans d'enquête pour
réaliser que le code d'éthique en vigueur à
l'époque ne contenait pas une mention claire pour la prohibition d'avoir
des relations sexuelles avec son client? Lors des rencontres du 15 janvier et
du 24 mars 1987, la syndic n'avait-elle pas constaté que je n'avais pas
de cassettes de sessions d'entrevue, pas de photographie du psychologue prise
entre décembre 1976 et juin 1977? J'ai mis deux mois avant de pouvoir
assembler mes forces et de répondre à ce rapport erroné et
corriger tous les biais, toutes les erreurs et toutes les faussetés.
J'ai alors envoyé une copie de ma réponse à la syndic, au
président de la Corporation et au président de l'Office des
professions.
Comme il se doit, la syndic et le président m'ont rappelé
que, étant donné mon insatisfaction, le recours alors
prévu consiste à déposer une plainte privée au sens
de l'article 128 du Code des professions, deuxième alinéa. Quant
à l'Office des professions, il m'a fait connaître le
résultat de l'examen du rapport de la syndic et de ma réponse au
rapport de la syndic et ils ont clairement dit dans la lettre: Ne sont pas
retenues comme étant un obstacle au dépôt d'une plainte
devant le comité de discipline les deux raisons invoquées par la
syndic. Le président de l'Office des professions a alors envoyé
une première lettre au président de la Corporation lui disant
qu'il pourrait être opportun qu'un comité de discipline soit saisi
de ce cas. Devant le refus du président de la Corporation d'avertir son
bureau, le président de l'Office lui a envoyé une deuxième
lettre, datée de
juin 1991, lui rappelant que ce n'était pas à la
légère que les membres de l'Office avaient formulé leur
demande de reconsidération. (10 h 10)
Devant la fermeture de la Corporation professionnelle des psychologues
et le manque de pouvoir de l'Office des professions du Québec pour faire
agir la Corporation, j'ai alors décidé d'intenter une poursuite
en dommages-intérêts contre le Dr X, psychologue. Le
président de la Corporation n'a pas tardé à envoyer une
lettre ouverte au journal Le Soleil pour souligner que, à la
Corporation professionnelle des psychologues du Québec, les statistiques
démontrent que les plaintes pour abus sexuel ne sont pas
négligées et que, dans le cas d'allégations d'abus sexuel,
la règle s'apparente à celle de la cour criminelle, où une
preuve doit être établie hors de tout doute raisonnable. Ce
à quoi j'ai répondu qu'il serait grand temps que la Corporation
professionnelle des psychologues informe le public de ses exigences
particulières en matière de preuves.
Je vous ferai un résumé de l'expérience de Mme
Delorme. Mme Delorme s'adresse au syndic de la Corporation professionnelle des
psychologues du Québec afin que celle-ci fasse enquête concernant
un membre de la Corporation ayant commis de multiples contraventions au code de
déontologie: avoir eu des relations sexuelles avec une cliente,
entretenir fréquemment des relations intimes avec des clients, utiliser
dans le cadre de sa profession des pratiques et des croyances
ésotériques, faire de la fausse publicité concernant ses
années de pratique, faire du harcèlement financier auprès
de sa clientèle, avoir une pratique non conforme avec les principes
scientifiques généralement reconnus, finalement avoir
violé le secret professionnel.
Au soutien de sa demande d'enquête, elle remet à la syndic
une liasse de documents constitués d'une chronologie des
événements, de lettres du membre impliqué confirmant ses
dires, de brochures publicitaires faisant mention de pratiques
ésotériques et de fausses allégations concernant ses
années de pratique. À la suite de la rencontre avec la syndic,
celle-ci affirme à Mme Delorme que son dossier sera traité en
priorité et qu'une radiation permanente sera demandée.
Les semaines passent sans qu'elle n'obtienne aucune nouvelle de la
syndic. Ses nombreux appels ne sont pas retournés. Commençant
à s'inquiéter, Mme Delorme s'adresse, au mois de juin, à
l'Office des professions. L'Office se fait également confirmer que ce
dossier est prioritaire, qu'une décision sera rendue sous peu. La syndic
affirme également à son avocate, Me Barnabe, qu'une
décision sera rendue au courant de l'été. À la fin
de l'été, aucune décision n'est rendue. Au début du
mois de septembre, le président actuel de la Corporation professionnelle
des psychologues du Québec, M. Sabourin, mentionne que le délai
de cinq mois n'a rien de particulier et que Mme Delorme sera en droit de se
plaindre lorsque ça fera neuf mois.
Suite à l'intervention de l'Office, Mme Delorme reçoit, le
24 septembre, l'unique lettre que lui adresse la syndic, lettre à
l'effet qu'une décision devrait être rendue à la fin du
mois de novembre, et tout dernièrement, à la fin de
février. Depuis, aucune décision, aucune information n'a
été donnée. Par contre, se sont ajoutés des
éléments nouveaux. Cinq autres plaintes ont été
portées à l'égard de ce même membre concernant
plusieurs contraventions qu'elle avait déjà rapportées
lors du dépôt de sa plainte. Quelques-unes de ces personnes ont
été interrogées devant sténographe par la syndic.
Des affidavits établissant les faits et contraventions ont
été remis au membre faisant l'objet de ces plaintes sans qu'une
plainte n'ait été déposée devant le comité
de discipline.
Mme Delorme considère qu'elle est bien loin du traitement
prioritaire qu'on lui a promis au départ. Les délais
invoqués par la syndic ne sont jamais respectés, ils sont sans
cesse reportés. Enfin, la syndic crie à l'ingérence
lorsque, impuissante, Mme Delorme s'adresse à d'autres instances.
Actuellement, Mme Delorme a le sentiment profond de s'être fait
berner par une corporation qu'elle croyait pourtant bien naïvement avoir
vraiment à coeur de protéger le public. Elle trouve tout à
fait inacceptable cette manière cavalière de traiter ce genre de
dossiers et inhumaine la dose de courage et de combativité
demandée aux victimes. Ce qu'elle ressent, c'est comme si, à la
suite de l'abus dont elle a été victime, elle est une
deuxième fois victime d'un système qui, pourtant, est
censé être là pour protéger le public contre ces
professionnels sans scrupules.
Alors, je cède la parole à Mme Barnabe.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, Mme Frenette.
Allez-y.
Mme Barnabe: Alors, selon nous, les principaux problèmes
qui affectent le système disciplinaire actuel, et plus
particulièrement l'enquête du syndic, sont:
l'interprétation déraisonnable, selon nous, du délai
raisonnable qui est prévu à l'article 123 du Code des
professions, en vertu duquel le syndic doit rendre une décision;
l'absence totale de suivi, durant l'enquête, et d'information; le fardeau
de preuve beaucoup trop lourd. Ce sont tous des problèmes qui trouvent
leur source dans le fait qu'un vice majeur affecte le système
disciplinaire, soit son manque flagrant d'impartialité.
Les expériences de Mmes Delorme et Frenette témoignent
avec éloquence de ce manque d'impartialité. Peu importent les
raisons qui puissent être soulevées par la Corporation, rien ne
justifie qu'on ait pris quatre ans, dans le cas de Mme Frenette, afin de rendre
une décision négative, faute de témoins et de photos, et
qu'une décision ne soit pas encore rendue dans le dossier de Mme Delorme
j'aimerais tout simplement spécifier que la plainte a
été déposée le 31 mars 1992, donc ça fera un
an à la fin du mois après bientôt un an,
malgré la remise par celle-ci d'une liasse de preuves et que
cinq autres personnes aient également demandé
enquête contre le même professionnel, et cela, sans compter le
manque total d'information durant cette période et le fossé qui
sépare les promesses de départ et le traitement de ces plaintes.
Ces expériences témoignent, selon nous, de l'échec du
système actuel et de l'urgence qu'il y a de procéder à des
réformes majeures afin de ramener celui-ci à sa vocation
première qui est de protéger le public.
Il ne faut pas perdre de vue qu'il existe actuellement un consensus au
sein de toutes les organisations regroupant des professionnels impliqués
dans une relation d'aide thérapeutique à l'effet que les
relations sexuelles thérapeute-client constituent une faute lourde
extrêmement dommageable pour le client ou la cliente. Dans cet esprit, il
est plus qu'inquiétant que la seule corporation professionnelle qui
prohibe expressément cet acte ce qui est le cas à l'heure
actuelle dans son code de déontologie, traite ces plaintes avec
autant d'obscurantisme et à l'intérieur de délais qui sont
nettement injustifiés. Le traitement actuel de ces plaintes est
assurément un élément désincitatif pour les
victimes pour lesquelles, faut-il le rappeler, le dépôt d'une
plainte ou une demande d'enquête auprès du syndic constitue une
démarche très difficile à effectuer.
Si le système veut retrouver une quelconque
crédibilité auprès du public, il est essentiel que des
garanties d'indépendance soient prévues. Afin de garantir cette
indépendance, nous suggérons donc que le système
disciplinaire relève de l'Office des professions plutôt que des
corporations. De plus, nous croyons qu'il est fondamental qu'à chaque
étape du système disciplinaire d'autres personnes que celles des
membres de la corporation interviennent afin d'assurer des garanties
d'indépendance.
Nous sommes d'accord avec le fait que le syndic soit un membre de la
corporation, mais il nous apparaît fondamental que sa nomination et sa
rémunération assurent son indépendance auprès de
cette même corporation. Le syndic devrait donc être nommé
par un comité formé d'un représentant de la corporation,
d'un membre de l'Office des professions et d'un représentant du public.
Le syndic devrait être payé par l'Office des professions suite
à la perception d'une taxe spéciale prélevée
auprès de la corporation. Nous proposons également qu'un
représentant du public siège également devant le
comité de discipline.
Rien ne justifie la situation actuelle qui fait en sorte que le syndic,
durant son enquête, n'a de comptes à rendre à personne, ni
pendant, ni après celle-ci. Nous croyons qu'il est indispensable que des
balises claires entourent l'enquête du syndic, tant à
l'égard de ses fonctions que de la procédure à suivre et
du fardeau de preuve à rencontrer. Les expériences de Mmes
Frenette et Delorme démontrent, de toute évidence, que la
situation actuelle fait en sorte que tout semble se passer au niveau de
l'enquête du syndic sans que personne ne sache exactement ce qui s'y
passe et sans que personne ne puisse intervenir.
Selon nous, le rôle du syndic se limite à évaluer et
non pas à décider de la demande d'enquête qui lui est
soumise. Pour ce faire, le syndic doit se contenter d'une preuve de motif
raisonnable et, lorsqu'il constate celle-ci, il doit soumettre le dossier
devant le comité de discipline où des auditions publiques sont
prévues, où des règles de preuve doivent être
suivies et où chaque partie a le droit de se faire
représenter.
Il n'y a pas lieu, comme c'est le cas actuellement, de tenter d'obtenir
une preuve hors de tout doute raisonnable dans ces cas afin de porter le
dossier devant le comité de discipline. Nous soumettons que ce fardeau
de preuve a pour effet de favoriser davantage le professionnel que le plaignant
puisqu'il est manifeste qu'il soit très difficile à rencontrer.
Le seul objectif qui doit être poursuivi par le syndic est
l'intérêt du public. Compte tenu que, de toute évidence,
dans ce type de plainte, tout repose sur l'évaluation de versions
contradictoires où il faut compter sur une grande part
d'émotivité, il n'appartient pas, selon nous, au syndic de
s'arroger seul le rôle du comité de discipline afin, encore une
fois, de décider de la crédibilité des parties. Il y
aurait donc lieu de spécifier clairement que celui-ci,
c'est-à-dire le syndic, doive se satisfaire d'une preuve de motif
raisonnable. De plus, il est inconcevable que des affidavits remis au syndic
par des victimes soient transmis par le syndic au professionnel avant qu'une
plainte ne soit déposée devant le comité de discipline ou
même qu'on sache si une telle plainte sera déposée. (10 h
20)
II est également inadmissible, et surtout dans le cas de plainte
d'abus sexuel, qu'on refuse à une victime d'être
accompagnée par un ami ou un conjoint lors de l'interrogatoire tenu
devant le syndic. Il est donc essentiel que des règles de preuve et de
procédure soient adoptées afin de régir l'enquête du
syndic. L'exigence d'impartialité que se doit de rencontrer le syndic
l'oblige également à se soumettre à un processus de
révision de ses décisions, comme c'est le cas pour la plupart des
tribunaux quasi judiciaires. Rien ne justifie que le système
disciplinaire explique son fonctionnement actuel en se comparant
continuellement au système pénal. À sa face même,
des différences majeures caractérisent ces deux systèmes,
la plus évidente étant que le procureur de la couronne n'est pas
placé dans la même position de conflit d'intérêts que
les membres de la Corporation qui sont payés et nommés par
celle-ci, et qui doivent, en même temps, juger de plaintes
déposées par le public, et qui risquent, en bout de ligne,
d'entacher l'image des membres de leur corporation.
Nous sommes d'accord avec l'avant-projet de loi quant à la
création du comité d'examen en tant que mécanisme de
révision des décisions du syndic. On devrait également
ajouter que le comité d'examen puisse intervenir, lorsque le syndic ne
respecte pas les délais, afin de rendre une décision. Nous
proposons également que la composition de ce comité soit de trois
membres, soit un membre de la corporation, un membre de l'Office des
professions et un représentant du public.
Compte tenu que, essentiellement, le traitement de ce type de plainte
repose sur une question de crédibilité, opposant les versions
contradictoires du plaignant et du professionnel, et qu'on ne retrouve aucun
aspect technique dont la complexité puisse expliquer des délais
plus longs, aucun motif ne justifie le report continuel de ces délais.
Le délai de 60 jours prévu par l'avant-projet de loi à
l'article 52 ne corrigera pas les problèmes actuels des délais
puisqu'il n'oblige le syndic qu'à se justifier auprès de l'Office
des professions si une décision n'est pas rendue dans les 60 jours. Il
est indispensable qu'après 60 jours l'Office puisse imposer au syndic un
délai afin de rendre sa décision et que, à défaut,
le comité d'examen rende une décision à la place du
syndic. Les expériences de Mmes Delorme et Frenette démontrent
l'urgence d'imposer un délai clair au syndic.
Afin de pouvoir procéder rapidement et efficacement, nous croyons
qu'il est essentiel qu'un professionnel ayant de l'expérience avec cette
problématique agisse comme syndic lors du dépôt d'une
demande d'enquête. Le rôle du syndic est alors de se satisfaire
d'une preuve de motif raisonnable afin de porter le dossier devant le
comité de discipline.
Entre-temps, une radiation provisoire devrait être
prononcée contre le professionnel afin de préserver
l'intérêt du public. Il est très surprenant d'ailleurs que
ce pouvoir, qui est actuellement prévu par le Code des professions
actuel, ne soit pas exercé dans de tels cas. Les garanties d'audition
rapide qui sont déjà prévues dans le Code des professions
représentent également des garanties à l'effet que ces
plaintes soient entendues rapidement devant le comité de discipline, ce
qui ne peut qu'avantager les deux parties.
En terminant, nous espérons que ces témoignages et
commentaires éclaireront davantage les membres de la commission et
convaincront ceux-ci des réformes majeures qui doivent être
apportées au système actuel. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup, Me
Barnabe.
M. le ministre, vous avez la parole.
M. Savoie: Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, j'ai
manqué le nom de madame qui accompagne Me Barnabe et Mme Frenette.
Une voix: Mme Delorme.
M. Savoie: Mme Delorme, d'accord, je m'excuse. Alors, je vous
remercie d'avoir pris le temps de rédiger un mémoire et de vous
être présentées devant cette commission pour, justement,
nous encourager dans la réforme que nous avons déposée
à l'Assemblée nationale sous forme de projet de loi, qui a
été en préparation, comme vous le savez, pendant plus de
deux ans et qui est grandement attendue, je pense, par l'ensemble des
intervenants oeuvrant dans le secteur professionnel de même que par la
grande partie de la population du
Québec.
Il y a, dans vos propos, je pense, un constat qui, finalement, nous
rejoint dans le sens que c'est ici qu'on cherche justement à clarifier
ces points-là, à mettre, finalement, devant la commission toute
l'urgence et la nécessité de procéder à cette
réforme. Des interventions comme nous venons d'entendre nous
démontrent, effectivement, que nous sommes sur la bonne voie.
Il y a une grande complexité dans le monde professionnel. Hier
soir, nous avons eu l'occasion d'entendre une corporation qui, par exemple, est
une corporation à titre réservé, et, lorsqu'elle voulait
intervenir auprès de certains de ses membres, certains de ses membres ne
faisaient que changer leur statut en débarquant de la corporation
professionnelle et en allant oeuvrer dans le public. Ça, c'est une
affaire qu'on a clairement indiqué qu'on ne tolérerait pas. On a
clairement indiqué qu'il pouvait y en avoir un cas sur lequel on n'avait
pas de contrôle, qu'il y a un cas, actuellement, qui est en train de se
traiter, mais j'ai bien indiqué qu'il n'y en aurait pas trois, qu'on
allait s'assurer de développer des mécanismes pour mettre fin
à ces genres d'abus là. Lorsqu'on arrive avec d'autres
situations, mais pas semblables, dans le sens que les psychologues ne sont pas
dans cette situation ou d'autres corporations semblables ne sont pas dans la
même situation qu'uniquement à titre réservé, il
devient, là aussi, important d'établir des mécanismes et
des protections.
Le projet présente, par exemple, des modifications importantes au
niveau des articles 45 et 155. Et là on indique très clairement
notre volonté, d'une part, de standardiser la pratique au Canada.
C'est-à-dire que ce qui va se passer dans une autre province va suivre
également chez nous, tant du côté de l'admission que pour,
également, une intervention lorsque le professionnel est en pratique.
Pour régler le cas au Québec, est-ce que vous avez pensé
à une disposition spécifique dans l'avant-projet de loi en ce qui
concerne des délits de nature sexuelle?
Mme Frenette: Ce serait important de faire une distinction entre
certains autres délits et des délits majeurs comme l'abus sexuel.
Il s'agit d'une offense majeure, compte tenu de l'impact que ça a sur la
victime. Si je vous disais, par exemple, que, aux États-Unis, dans les
cas de poursuites au civil, on ne demande même plus d'experts, parce que
c'est reconnu que c'est néfaste pour une cliente ou un client, et il y a
même des États qui ont criminalisé cet acte-là. Il
s'agit là d'une offense lourde qui n'est pas la même que lorsque
ce professionnel-là me réclame un montant d'argent que je ne lui
dois pas. Ça n'a aucune commune mesure. Il faudrait faire des
distinctions entre ce genre d'offense là et des offenses mineures.
Quand on parle, par exemple, d'inclure un membre du public sur le
comité de discipline, je pense que ça ne pourrait pas se faire
dans d'autres genres de plaintes, mais, dans le cas d'abus sexuels, le populo a
assez
de bon sens pour savoir ce qui en est puis de juger. Mais
évidemment, quand il s'agit d'un délit très technique,
c'est sûr que quelqu'un du peuple, du public, ne pourrait pas être
utile. Alors, c'est pour ça que ça serait important, dans un
premier temps, de faire une distinction. Il y a certaines recommandations qu'on
fait, mais qui sont plus spécifiques à ce genre d'offense
là, qui est une offense majeure.
M. Savoie: II y a des recommandations que vous faites de
façon générale qui sont, actuellement, sous étude,
ici. Je pense, par exemple, bon, à votre intervention au niveau des
comités des plaintes, le syndic, le rôle du syndic, voir s'il n'y
aurait pas moyen d'assurer plus d'indépendance du syndic
vis-à-vis de la corporation, tout en étant membre de la
corporation, comme vous l'avez recommandé. On pense que l'orientation
est valable, mais...
Mme Barnabe: II y a effectivement... Si vous me permettez.
M. Savoie: Oui, oui. Je vous permets.
Mme Barnabe: II y a, effectivement, des propositions ou des
commentaires qui sont d'ordre plus général et qui visent
l'ensemble du système. Dans le fond, nos témoignages ont pour but
de démontrer que, selon nous, il y a un problème majeur, il y a
un problème, vraiment, d'indépendance, que ça n'a pas de
sens, et il faut trouver des mécanismes qui assurent cette
indépendance-là. Là, en ce moment, ça n'a pas de
sens que les membres traitent des actes de leurs collègues.
M. Savoie: C'est ça.
Mme Barnabe: II y a des commentaires dans ce sens-là.
Mais, au niveau de l'abus sexuel, du traitement des plaintes d'abus sexuel
aussi, ce qu'on dit, par exemple, au niveau du fardeau de preuve, c'est que
c'est une aberration, même, qu'on exige, dans des cas comme ça, un
fardeau de preuve très lourd, un fardeau de preuve qui s'apparente sinon
qui est celui qui est exigé au niveau du système criminel et qui
fait en sorte et qui a pour effet de favoriser le professionnel au lieu de la
victime.
M. Savoie: C'est ça. Me Barnabe, vous, vous êtes le
procureur. Vous avez travaillé sur des cas semblables au cours des
dernières années. Dans votre évaluation, il y en aurait
combien, actuellement, de cas, au niveau des différentes corporations
professionnelles? Est-ce que vous avez une évaluation de ça?
Mme Barnabe: Ça, je ne peux pas vous répondre avec
assurance là-dessus. Peut-être que Mme Frenette...
Mme Frenette: Bon.
Mme Barnabe: .. .pourrait plus répondre, comme ancienne
présidente du RAPT.
Mme Frenette: C'est ça, de... Actuellement, il y a des
études qui ont été faites aux États-Unis et dans
d'autres provinces. Ici, au Québec...
M. Savoie: J'ai manqué le début, là, je
m'excuse. (10 h 30)
Mme Frenette: II y a des études qui ont été
faites...
M. Savoie: Oui.
Mme Frenette: ...aux États-Unis et dans d'autres provinces
pour établir, avoir une idée de la prévalence. Ces
études-là sont faites soit par des professeurs
d'université, soit par des gens qui sont payés pour le faire, ou
des corporations, comme c'est le cas par exemple en Ontario, où la
Corporation des médecins a mis sur pied un comité d'étude
pour évaluer la prévalence. Il n'y a personne qui s'est
occupé d'en faire, d'enquêtes semblables, ici même, au
Québec. Partout ailleurs, ça tourne autour de 10 %. On dit qu'il
y aurait 10 % des professionnels qui auraient une telle pratique. Je peux vous
dire que, à titre d'ex-présidente de RAPT... J'ai écrit un
livre, je continue de recevoir des téléphones et d'avoir des
lettres, et je peux vous dire qu'on n'a aucune raison de croire qu'il y en a
moins au Québec.
M. Savoie: 10 %? Mme Frenette: Oui. M. Savoie: 10 %
de...
Mme Frenette: quand on pense que le taux de récidive est
de 80 % chez ces gens-là, ces abuseurs-là, ça fait des
victimes.
M. Savoie: vous êtes en train de nous dire que 10 % des
professionnels au québec se livrent à des pratiques de
harcèlement sexuel.
Mme Frenette: Oui.
M. Savoie: 10 %?
Mme Frenette: Oui.
M. Savoie: Ça veut dire, sur 250 000 professionnels...
Une voix: Professionnels de la santé.
M. Savoie: Uniquement au niveau de la santé...
Mme Frenette: Oui.
M. Savoie: ...ou en général? Elle n'avait pas fait
la distinction.
Mme Frenette: Les enquêtes qui ont été faites
sont auprès des psychologues, des travailleurs sociaux, des psychiatres,
actuellement, mais c'est sûr que c'est... Aux États-Unis, on
regroupe aussi les membres du clergé et les avocats là-dedans,
mais les enquêtes qui ont été faites pour établir la
prévalence...
M. Savoie: Les avocats?
Mme Frenette: Oui, oui, oui. Aux États-Unis... Je suis
allée dernièrement à un colloque qui se tenait...
M. Savoie: finalement, c'est 10 % de l'ensemble du corps
professionnel, c'est ça que vous êtes en train de nous dire,
là.
Mme Frenette: En fait, ce qu'on regarde, c'est les corporations,
les professionnels, les situations dans lesquelles il y a quelqu'un qui est en
relation de pouvoir et il y a un client qui arrive et qui doit mettre sa
confiance dans quelqu'un. Par exemple, les avocats, quand une femme divorce et
va rencontrer un avocat, l'avocat est en position de pouvoir, la femme lui fait
confiance. Je pense que je ne vous apprendrai rien si je vous dis qu'il y a
bien des avocats qui se font payer en nature par leurs clientes.
M. Savoie: Vous m'apprenez quelque chose, madame, qu'il y a bien
des avocats, là...
Mme Frenette: Alors...
M. Savoie: Je ne suis pas avocat, là.
Mme Frenette: O.K.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Barnabe: Moi, ce que j'aimerais...
M. Savoie: Je voudrais que ça soit clair.
Mme Barnabe: On n'attaquait personne personnellement.
Mme Frenette: Non, non.
Mme Barnabe: Écoutez, moi, ce que j'aimerais
peut-être soulever, c'est que, dans le fond, le but... Les chiffres ne
sont peut-être pas vraiment pertinents ou, en tout cas, ils sont
difficiles à appliquer parce que ce sont des études qui ont
été faites surtout aux États-Unis, etc., mais je pense que
le sens de notre démarche et de nos témoignages, ce n'est pas de
dire combien il y a de cas, parce que ça, on n'est pas en mesure de le
dire...
M. Savoie: Non, mais ça nous donne un ordre de...
Mme Barnabe: ...à l'heure actuelle. Oui, je comprends
très bien votre question.
M. Savoie: Oui, oui.
Mme Barnabe: C'est plus de montrer aussi que la façon que
ça se passe ou la façon que ça s'est passé dans ces
deux cas-là fait en sorte que ça «désincite»
les victimes à porter plainte. Et c'est ça qui est important.
C'est ça, dans le fond, le but de nos témoignages. C'est de
montrer que le fonctionnement actuel fait en sorte qu'il y a beaucoup de
victimes qui ne veulent pas porter plainte...
M. Savoie: Ah oui! Ça, je comprends ça.
Mme Barnabe: ...parce qu'elles ne croient pas au système
actuel et qui se disent: Moi, je viens de subir déjà un abus,
j'ai été victime. Elles se sentent
«revictimisées» une deuxième fois, elles se sentent
trahies.
M. Savoie: Au niveau des psychologues, la modification a
été introduite, je pense, en 1983. C'est exact? C'est
ça?
Mme Frenette: C'est ça, oui.
M. Savoie: II n'y en a pas d'autres corporations qui ont
modifié...
Mme Barnabe: À l'heure actuelle, c'est la seule
corporation qui interdit spécifiquement les relations sexuelles dans
leur code de déontologie. Mais, comme je l'ai dit tout à l'heure,
même si les psychologues sont les seuls, il y a quand même un
consensus au sein des autres corporations ou des autres organisations,
associations qui regroupent des professionnels qui font de l'intervention
thérapeutique, à l'effet que il y a vraiment un consensus
social, là, à l'heure actuelle; ça, je ne pense pas que
personne puisse venir contredire ça aujourd'hui c'est un acte,
c'est une faute lourde, c'est une faute grave et que cette faute-là
entraîne des dommages très considérables pour la
victime.
Alors, dans ce sens-là, on se dit: Bon. Il y a un problème
majeur au niveau du système et il y en a un encore plus majeur dans ce
type de plaintes là, parce que c'est très difficile... C'est bien
évident que ce n'est pas... Une personne qui fait une demande
d'enquête ou qui dépose une plainte contre le psychologue X, dans
des cas comme ça, dans cette situation-là, n'est pas dans la
même situation qu'une autre personne qui conteste le compte d'honoraires
de son avocat. C'est évident que ce n'est pas du tout la même
chose. Alors, il doit y avoir des mécanismes qui font en sorte que ces
plaintes-là sont
jugées rapidement...
M. Savoie: D'accord.
Mme Barnabe: ...par quelqu'un de compétent et qu'il y a un
fardeau de preuve, aussi, qui fasse en sorte qu'il puisse donner un sens, dans
le fond, au traitement.
M. Savoie: C'est ça. Est-ce que vous avez des
recommandations précises en ce qui concerne, par exemple, le cas de
corporations à titre réservé? On fait partie d'une
corporation professionnelle à titre réservé seulement et,
lorsqu'il y a une plainte de déposée ou lorsqu'on sent qu'il va y
avoir une plainte, on change de corporation, on quitte la corporation.
Mme Barnabe: Comme vous le disiez tout à l'heure, on cesse
de porter le titre de psychologue...
M. Savoie: C'est ça.
Mme Frenette: ...et on continue.
M. Savoie: Bien, un psychologue, c'est un peu
différent.
Mme Frenette: C'est-à-dire que... On va vous donner un
exemple concret, là. Un professeur d'université qui porterait le
titre de psychologue et qui, disons, est condamné.
M. Savoie: C'est ça, oui.
Mme Frenette: II s'appelle professeur de psychologie...
M. Savoie: Oui, c'est ça.
Mme Frenette: ...et ça vient de régler le
problème.
M. Savoie: Bien, il n'a plus le droit de porter le titre de
psychologue.
Mme Frenette: C'est ça, mais il s'appelle professeur de
psychologie.
M. Savoie: D'autres, par exemple, peuvent quand même
continuer à porter le titre mais ne pas faire partie de la corporation
tout simplement. Est-ce que vous avez fait des recommandations dans ce
sens-là? Est-ce que vous pouvez nous faire des recommandations
précises pour ces corporations-là?
Mme Barnabe: On n'a pas vraiment fait de recommandations.
M. Savoie: Parce qu'ils y échappent, finalement, à
notre système. Ils échappent, ils nous échappent.
Mme Barnabe: Vous voulez dire continuer à pratiquer, en
portant un autre chapeau...
M. Savoie: C'est ça.
Mme Barnabe: ...mais en faisant exactement la même
chose.
M. Savoie: C'est ça, oui.
Mme Barnabe: On ne s'est pas vraiment penchées
là-dessus au niveau de notre mémoire. On en a déjà
discuté, par contre, et je pense que, effectivement, il y aurait lieu
qu'il y ait des mesures qui soient prévues dans ce sens-là, sinon
l'effet est complètement...
Mme Frenette: C'est ça.
M. Savoie: Est-ce que vous avez des mécanismes? Non?
Mme Barnabe: Comme je vous le disais, on n'a pas de
recommandations, malheureusement, à faire comme telles, ce matin, devant
la commission, dans ce sens-là, mais je pense que, effectivement, il
faut qu'il y ait des mécanismes de sanction. Comme vous disiez,
quelqu'un qui se fait radier, par exemple, de sa corporation mais, parce que
c'est juste à titre réservé, continue à...
M. Savoie: Je voudrais vous assurer qu'on va s'y pencher.
Mme Barnabe: Absolument.
M. Savoie: On va s'y pencher et on va chercher à en
trouver, parce que j'ai été très surpris de cet
état de fait à l'effet que... Effectivement, on ne parle pas de
violence en tant que telle, donc ils ne sont pas soumis au Code criminel,
à des mesures pénales. Alors, tout ce qu'ils font, c'est qu'ils
se soustraient à leur corporation professionnelle. On s'en va ailleurs
et on continue, évidemment, à porter le titre ou un titre
semblable.
Mme Frenette: Oui. J'ai eu connaissance de quelqu'un qui a
été radié, à Montréal, qui est venu à
Québec et qui a continué à pratiquer. Il ne s'appelait pas
psychologue, il s'appelait psychothérapeute.
M. Savoie: C'est ça qu'on trouve inacceptable et qu'on
a... Je pense qu'on doit demander des mesures appropriées.
La Présidente (Mme Hovington): Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, Mme la Présidente.
Alors, Me Barnabe, Mme Frenette, Mme Delor-me, je vous remercie pour
votre présentation. Je pense que le problème touche trois grands
points. Votre présentation nous permet de l'examiner, de l'analyser
à partir de cas particuliers. Ce matin, plus tard, nous entendrons le
Conseil du statut de la femme qui fait des propositions très
concrètes également et qui touchent les obligations au niveau des
codes de déontologie, les obligations aussi au niveau de l'information,
autant de la population que des professionnels, qui touchent aussi l'importance
d'aborder ce problème particulier au niveau de la formation des
professionnels, au niveau de la formation continue. Ça m'apparaît,
tout cet aspect de règles précises, pour mieux venir encadrer.
C'est déjà un premier aspect.
On a aussi l'autre problème qu'on vient d'aborder, celui des
titres réservés. Effectivement, que ce soit pour ce type de faute
ou autres fautes, les corporations professionnelles à titre
réservé ne peuvent pas accomplir leur mandat de protection du
public puisque les professionnels ne sont pas obligés d'être
membres de cette corporation-là ou s'en retirent au moment où il
y a enquête, etc. On ajoute maintenant non seulement les professionnels
qui sont dans des corporations à titre réservé, mais tous
les nouveaux thérapeutes, toutes les thérapies alternatives. Vous
l'avez dit vous-même, Mme Frenette. On s'ajoute un titre et, à ce
moment-là, ce n'est pas couvert, mais pas du tout, par aucune mesure de
protection du public.
Le troisième aspect que je vois, c'est celui plus particulier au
moment où il y a une plainte. Alors, même s'il y a un code de
déontologie, au moment où il y a une plainte, comment on va
traiter cette plainte-là? (10 h 40)
Vous avez bien fait ressortir les principaux éléments, les
problèmes au niveau des délais, le suivi, qui est
extrêmement difficile, le fardeau de preuve, qui, évidemment, ne
doit pas toujours être facile, surtout s'il s'agit
d'événements qui remontent dans le temps à quelques
années. Ça remonte à neuf ans dans votre cas, Mme
Frenette. C'est évident que ce n'est pas toujours facile de remonter, de
refaire, de présenter un dossier.
Moi, dans vos recommandations, je vous écoutais et je me disais:
Plutôt que d'alourdir puis d'étirer le processus, que la plainte
soit déposée au syndic, que, s'il y a refus, cette
plainte-là se retrouve, comme dans l'avant-projet de loi, dans un
comité des plaintes qui va aussi avoir d'autres délais, lorsqu'on
considère que c'est une faute grave, et je pense qu'on va s'entendre
pour se dire que les types de problèmes que vous posez, ce sont des
fautes lourdes, pourquoi ces fautes lourdes là ne se retrouveraient pas
immédiatement au comité de discipline où la
véritable enquête se ferait, en gardant la proposition que vous
avez, que le comité de discipline devrait être formé d'un
membre du Barreau, d'un membre de la corporation et d'un membre du public? Je
me dis, à ce moment-là, qu'on éviterait tout le processus
de délais, d'attente, de suivi. Puisque c'est une faute lourde, pourquoi
on ne la traiterait pas immédiatement au comité de
discipline?
Mme Frenette: Je pense qu'il y a une précaution qu'il faut
toujours avoir en tête. Au cas où il y aurait des plaignantes qui
feraient des fausses plaintes, il faut qu'il y ait quelqu'un pour les recevoir,
quelqu'un qui serait assez compétent, moi, je dirais, quelqu'un qui a
une expérience clinique de plusieurs années et qui est capable
d'évaluer si une personne ment ou si elle ne ment pas. Comprenez-vous?
C'est minime, les fausses plaintes, mais ça existe. Et je sais qu'aux
États-Unis ils sont conscients qu'il peut y en avoir, des fausses
plaintes. Alors, c'est pour ça qu'on dit que ça prendrait
quelqu'un qui a une expérience et qui est capable d'évaluer, dans
la mesure du possible, ce qui en est.
Mme Caron: Oui, c'est évident qu'il peut toujours y avoir
des fausses plaintes, comme dans n'importe quel domaine. Je suis parfaitement
d'accord avec vous. Mais, au comité de discipline, on va sûrement
se rendre compte, à ce moment-là, que c'est une fausse plainte,
et ça va se traiter d'une manière probablement plus rapide que si
on trouve qu'il y a des véritables preuves.
Mme Barnabe: Ce que je voulais ajouter, c'est que notre
recommandation, qui est la radiation provisoire automatiquement dans des cas
comme ça, va justement aussi dans ce sens-là. Ce qu'on dit, c'est
que, si, au départ, la plainte ou la demande d'enquête est
effectuée par un syndic compétent, qui a de l'expérience
et tout ça, automatiquement, il y a un filtrage qui pourrait se faire
très, très rapidement. Ça ne prend pas quatre ans pour
savoir. C'est bien évident que, dans la majorité de ces
dossiers-là, il n'y en a pas de preuve autre que la version d'une partie
contre celle du professionnel, évidemment. Alors, une personne qui a
beaucoup d'expérience pourrait tout de suite faire un premier
filtrage.
Et c'est pour ça qu'on demande que, tout de suite après le
délai de 60 jours, le délai qui sera prescrit, tout de suite
après le dépôt de la plainte, il y ait une radiation
provisoire qui soit automatiquement prononcée. Ce n'est même pas
un amendement, ça. Ça existe à l'heure actuelle. Le Code
des professions actuel propose ce genre de fonctionnement là
malheureusement, ça ne semble pas être appliqué
qu'il y ait une radiation provisoire, et, quand il y a une radiation
provisoire, le Code des professions actuel exige que l'audition soit tenue dans
les 10 jours de la signification de la plainte.
Alors, ça, je pense, que c'est à l'avantage vraiment des
deux parties, autant le professionnel, évidemment, qui a tout
intérêt à ce que sa plainte soit jugée et entendue
rapidement devant le comité de discipline surtout dans un cas de
radiation provisoire, évidemment que la personne qui a
déposé la plainte, que ce soit fait aussi rapidement puis qu'il
n'y ait pas de
délais d'années avant que ça passe. Parce que,
là, présentement, il y a déjà un problème
majeur. C'est que, même au niveau de l'enquête du syndic on
n'est pas rendu au niveau du comité de discipline ça prend
des mois, des années avant qu'une décision soit rendue.
Mme Caron: C'est pour ça que je vous propose i
d'éliminer toute cette partie-là, parce que je me dis...
Mme Barnabe: Oui, ça pourrait être ça
aussi.
Mme Caron: ...que, effectivement, bon... Souvent, c'est le
témoignage d'une personne contre l'autre i personne, et une seule
personne pour juger de ça, ça m'apparaît extrêmement
difficile. Alors, je me dis, pourquoi pas tout de suite le comité de
discipline où il y a un membre du Barreau, où il y a un membre de
la corporation professionnelle, un membre du public, comme vous le souhaitez.
Et là il y a au moins trois personnes qui peuvent juger rapidement,
à ce moment-là. On évite tous les délais du syndic,
l'attente, le suivi. Puis, si la plainte est fausse, comme vous le dites, Mme
Frenette, à ce moment-là, à trois personnes, il y a plus
de chances de le trouver rapidement.
J'ai une seule inquiétude par rapport à la radiation
provisoire. Si, effectivement, c'est une fausse plainte, bon, le professionnel
qui a été radié, on ne peut pas revenir là-dessus.
Alors, je me dis, si ça passe immédiatement au comité de
discipline, on évite toutes ces années de délais, et
là les sanctions peuvent être tout de suite mises en application.
Au niveau du Conseil du statut de la femme, je pense qu'on propose aussi que
les sanctions soient plus sévères puisqu'on se parle de faute
lourde. Dans ce sens-là, je pense que c'est le quatrième aspect
qu'il faut aussi toucher au niveau des sanctions.
Mme Barnabe: Évidemment, on pourrait souscrire à
des recommandations qui vont dans ce sens-là, sauf que je me ferais
l'avocate du diable. On risque peut-être de se faire opposer, de se faire
dire que ça créerait une lourdeur bureaucratique, même au
niveau des frais, que le comité de discipline siège tout de
suite, immédiatement et à chaque fois dans des cas comme
ça.
Mme Caron: Bien, vous évitez les frais du syndic...
Mme Barnabe: Évidemment, on ne peut pas être contre
ça, nous.
Mme Caron: ...vous évitez les frais du nouveau
comité des plaintes. Vous allez directement au comité de
discipline. Je ne sais pas, mais, selon vos chiffres, le pourcentage de
plaintes est-il très, très élevé?
Mme Frenette: Je m'excuse si je vous parle souvent des
États-Unis, mais là je fais un doctorat aux
États-Unis.
Mme Caron: Je pense que l'expertise est surtout là.
Mme Frenette: Aux États-Unis, actuellement, c'est la
première source de plaintes. C'est la source de plaintes majeures dans
les comités de discipline des corporations professionnelles, les abus
sexuels. Plus c'est ouvert, plus les médias en parlent, plus c'est su.
C'est qu'à un moment donné ça incite des gens qui se sont
tus jusque-là à en parler, parce qu'il y a des
préjugés qui tombent.
Parce qu'il ne faut pas oublier que, quand on rend ça public,
c'est... Il faut penser au conjoint des fois qui est impliqué
là-dedans. Il faut penser qu'il y a des enfants qui sont
impliqués là-dedans. Dans des cas de thérapie familiale,
où le thérapeute avait des relations sexuelles avec la femme
pendant que les enfants et le mari étaient traités, qu'est-ce que
vous pensez que ça peut avoir comme impact sur les enfants? Puis il y a
aussi la question des emplois. Combien il y a de victimes qui ne veulent pas
porter plainte puis rendre ça public parce qu'elles ont peur de perdre
leur emploi, de se faire congédier parce qu'il y a des
préjugés là-dessus? Il y a 10 ans, on avait des
préjugés sur les viols et les incestes. Maintenant, c'est sur les
relations sexuelles thérapeute-client. On est dans le même
état d'esprit, là.
Mme Caron: On sait que les audiences des comités de
discipline sont publiques. Est-ce que, pour ce type de faute, vous souhaiteriez
que ces audiences se tiennent à huis clos, justement, là, pour
les éléments que vous nous donnez, à la demande de la
victime?
Mme Frenette: Ça pourrait être à la demande
de la victime; pas à la demande du professionnel, à la demande de
la victime.
Mme Caron: Vous nous avez fait part de la difficulté au
niveau du fardeau de preuve. Est-ce que vous avez des pistes de solution
à nous donner par rapport à ce fardeau de preuve?
Mme Barnabe: Ce qu'on proposait dans notre mémoire, c'est
une preuve de motif raisonnable. C'est évident qu'il y a toujours une
part de discrétionnaire. Et qu'est-ce que c'est un motif raisonnable?
Parce qu'on est pris, dans le fond, à l'heure actuelle, avec le fameux
délai raisonnable, l'article 123 du Code, qui est
interprété à sa face même, malheureusement dans
beaucoup de cas, de façon déraisonnable.
C'est parce que là, à un moment donné, c'est
difficile aussi, dans un cas comme ça, mais, quand je dis motif
raisonnable, en fait, ça s'apparente un peu à une preuve prima
facie je m'excuse du langage juridique, mais il n'y a rien d'autre qui
me vienne à l'esprit c'est-à-dire une preuve à sa
face même, et c'est pour ça que, pour nous, c'est important si ces
plaintes-là sont traitées par un syndic... Si on garde le
syndic
comme première étape, dans le fond, c'est
extrêmement important que ces plaintes-là soient traitées
par un syndic qui a énormément d'expérience dans le
domaine. Ça prend quelqu'un qui est capable de juger efficacement, sans
se tromper et rapidement si oui ou non il y a matière, il y a motif
raisonnable, sans entendre toute la preuve, sans faire une enquête, dans
le fond, à huis clos où personne n'est là, etc., et
pouvoir l'amener devant le comité de discipline. (10 h 50)
Je sais qu'il y a le Tribunal des professions, qui est la
dernière instance, qui entend les plaintes. Et il y a aussi des auteurs
de doctrine qui ont parlé d'une preuve de qualité. Bon, preuve de
qualité, preuve de motif raisonnable, ça s'apparente, dans le
fond, jusqu'à un certain point, là, mais motif raisonnable,
preuve de motif raisonnable, c'est dans le sens d'une preuve à sa face
même, que rapidement et efficacement... Et, encore une fois, ce ne sont
pas des cas où il y a un aspect technique très, très
grand, où il y a beaucoup de complexité, où il faut faire
appel à des experts ou quoi que ce soit qui, dans d'autres cas, peut
justifier des délais plus longs, sans que ça soit
nécessairement de la mauvaise foi de la part de la corporation. Mais,
dans des cas comme ça, je pense qu'un professionnel qui est
expérimenté peut rapidement, mais très rapidement, dans un
délai très court, évaluer s'il y a des motifs raisonnables
qui font en sorte qu'une preuve hors de tout doute raisonnable, c'est
évident, à sa face même, dans des cas comme ça.
Encore une fois, comme je l'ai dit dans la présentation du
mémoire, il faut compter avec une grande part d'émotivité
très souvent. Alors, la victime, malheureusement, souvent risque
d'être un peu moins, entre guillemets, crédible que le
professionnel. Alors, c'est pour ça que c'est très, très
important que ce soit des personnes expérimentées qui entendent
ça pour pouvoir évaluer avec le plus de justesse possible,
à la satisfaction de tout le monde, dans le fond. Alors, une preuve hors
de tout doute raisonnable, c'est évident que ça fait en sorte
presque d'invalider le dépôt, le traitement de ces
plaintes-là et, encore une fois, ça
«désincite» les victimes à porter plainte.
Mme Caron: Mme Frenette, vous voulez ajouter.
Mme Frenette: Oui. C'est que, s'il y a confrontation des deux
parties en présence de gens qui ont une expertise, je peux vous dire que
c'est très aidant habituellement pour savoir ce qui en est.
Mme Caron: Si on regarde on revient au premier sujet
d'une manière plus globale telle que proposée au niveau du
Conseil du statut de la femme, est-ce que vous croyez que, au niveau du code de
déontologie on le retrouve au niveau de la Corporation
professionnelle des psychologues ça doit se retrouver au code de
déontologie de tous les professionnels ou vous le souhaitez directement
dans le Code des professions d'abord et, ensuite, dans les codes de
déontologie des différentes professions?
Mme Barnabe: Là, vous parlez du fardeau de preuve?
Mme Caron: Non, au niveau de l'éthique, que ce soit
considéré...
Mme Barnabe: De l'interdiction. Mme Caron: Oui.
Mme Barnabe: À l'heure actuelle, entre autres pour les
psychologues, c'est au niveau de leur code de déontologie, alors tous
les professionnels qui font de la thérapie, donc travailleurs
sociaux...
Mme Caron: J'explique un petit peu mieux ma question. Dans le
Conseil du statut de la femme, on veut le mettre dans chacune des professions
qui peuvent être touchées, mais, pour montrer à quel point
c'est important, on voudrait que ça se retrouve aussi au niveau du Code
des professions...
Mme Barnabe: Oui.
Mme Caron: ...de la loi générale de base, pour
englober l'ensemble.
Mme Barnabe: Évidemment, on ne peut pas être en
désaccord avec ça, ça va de soi, parce que c'est la loi
générale, oui, qui s'appliquerait, à ce moment-là,
à toutes les corporations sans que ce soit spécifié.
Mme Caron: Oui, et on demande aussi que chacune des corporations
professionnelles plus touchées puisse l'inscrire dans son code de
déontologie. Or, est-ce que vous adhérez à cette
proposition-là?
Mme Barnabe: Oui. Mme Frenette: Oui.
Mme Caron: Du côté de l'information, le Conseil du
statut de la femme fait bien ressortir que, souvent et vous l'avez dit
vous aussi, Mme Frenette les victimes peuvent hésiter à
porter plainte, ne sont pas nécessairement informées sur la
façon de le faire, et on propose des moyens très, très
concrets au niveau de l'information. C'est-à-dire que, si ça fait
partie d'un code de déontologie, ça pourrait être
affiché au bureau et il pourrait y avoir des dépliants
explicatifs aussi. Tout ça pour faciliter les plaintes pour la personne
qui désire porter plainte.
Mme Barnabe: Vous parlez d'afficher le code de
déontologie? Actuellement, il y a un règlement qui oblige
les psychologues à afficher ou à présenter leur code de
déontologie à leurs clients et clientes dans leur salle
d'attente.
Mme Caron: C'est pour l'ensemble des professionnels...
Mme Barnabe: Oui.
Mme Caron: ...la proposition du Conseil du statut de la
femme.
Mme Barnabe: Oui. Bien, c'est ça, bien oui. Ça
aussi, on ne peut pas...
Mme Caron: Mais, au niveau des moyens d'information et de
prévention...
Mme Barnabe: Oui, c'est ce que j'allais dire. C'est que,
malheureusement, on ne peut pas tout dire en l'espace de 20 minutes, compte
tenu de la limite de temps. Dans notre mémoire, on trouvait aussi
important et ça, c'est important, je pense, de le soulever
pour la personne, dans le fond, qui s'apprête à entrer en contact
avec un professionnel qui fait de la thérapie, qu'elle obtienne de
l'information auprès de la Corporation, à savoir si ce
professionnel-là a déjà fait l'objet d'une condamnation et
quelles sanctions ont été apportées. Ça, pour nous,
c'est extrêmement important que cette information-là soit
accessible au public et qu'elle soit donnée par la Corporation.
Mme Frenette: Par rapport à cette recommandation-là
qu'on fait de façon très claire dans notre mémoire, c'est
que... J'ai perdu le fil de ce que j'allais dire. Ça va me revenir
à un moment donné.
Mme Caron: Si ça revient, vous nous faites signe. Ha, ha,
ha!
Mme Frenette: Oui, oui, ça va revenir. Je vais me mettre
une note.
Mme Caron: Au niveau des propositions...
Mme Frenette: Ah oui!
Mme Caron: C'est revenu?
Mme Frenette: Oui, c'est revenu. Ha, ha, ha!
Mme Caron: O.K.
Mme Frenette: C'est que, actuellement, il y a des gens, aux
États-Unis, qui ont tenté de réhabiliter des
professionnels qui avaient été condamnés comme ça.
Il y a quelqu'un, dans un article, qui a publié... C'est quel- qu'un qui
a déjà été directeur du comité
d'éthique de l'American Psychological Association et qui dit que le taux
de réhabilitation est très minime. Il en vient à la
conclusion que ces professionnels-là n'auraient jamais dû
être admis dans des professions d'aide. Ils auraient pu s'ouvrir un
«pet shop» ou un magasin de fleurs, mais ils n'auraient jamais
dû rentrer dans des professions de relation d'aide parce que ça
prend des années avant d'être capables de réhabiliter ces
professionnels-là. Alors, quand on dit que la Corporation devrait
informer quand il y a eu condamnation, c'est justement dans le but de
protéger le public.
Mme Barnabe: Pour revenir à M. le ministre, tout à
l'heure, au début, à un moment donné, vous avez
parlé de formation. Je pense que, ça aussi, c'est
extrêmement important à l'égard des personnes, entre
autres, qui font de la thérapie, qu'il y ait des propositions
concrètes au niveau de la formation, du suivi, même, après,
qu'il y ait des obligations peut-être de supervision ou que ces
gens-là suivent eux-mêmes des thérapies ou quelque chose
comme ça. Au niveau du suivi, au niveau de leur travail, ça,
c'est une autre...
Mme Caron: Me Barnabe, disons que, au niveau de la formation,
c'est moi qui avait parlé de la formation. Ha, ha, ha!
Mme Barnabe: Je m'excuse.
Mme Caron: Ce n'est pas grave. Au niveau des titres
réservés ça, M. le ministre en avait parlé
beaucoup c'est sûr qu'on peut apporter des pistes de solution,
mais tous les thérapeutes, toutes les thérapies alternatives,
toutes les nouvelles thérapies qui existent, ces gens-là ne font
pas partie du Code des professions. Est-ce que vous voyez une façon de
pouvoir régir les services qui sont rendus par ces thérapeutes
des nouvelles thérapies alternatives?
Mme Barnabe: Ça, il pourrait y avoir de la
réglementation qui régisse, justement, ces thérapies ou
ces formes de thérapies qui ne sont pas, en fait, incorporées.
Oui, je pense que c'est nécessaire qu'il y ait une certaine
réglementation à l'égard de ces
thérapies-là, mais je pense que les expériences de ce
matin, malheureusement, témoignent que ce n'est pas parce qu'on fait
partie d'une corporation que c'est un gage de compétence, bien loin de
là. Alors, je ne voudrais pas que nos propos soient
interprétés dans le sens que les autres intervenants qui font de
la thérapie et qui ne sont pas incorporés sont, de facto,
synonymes d'incompétence, bien au contraire, selon nous. En tout cas, ce
n'est pas un gage.
Mme Caron: Le pourcentage devrait être à peu
près le même, en tout cas, je suppose.
Mme Barnabe: Bien, ce n'est pas un gage de compétence.
Ceci dit, oui, il devrait y avoir une réglementation qui les
régisse, mais non pas dans un sens de restriction. C'est ce que je veux
dire. Oui, dans un sens toujours... Parce que, dans le fond, tout le
système disciplinaire est là il ne faut pas l'oublier
pour protéger le public et rien d'autre.
Mme Caron: C'est ça.
Mme Barnabe: Alors, cette réglementation-là
devrait, selon moi, aller exactement dans le même sens, de
protéger le public, et non pas dans le sens de restreindre leur
intervention.
Mme Caron: Non, non, moi, ce n'était pas à cet
effet-là non plus. C'est de se dire qu'on a un système
disciplinaire qui touche une partie des professionnels et qu'il n'est pas
suffisamment efficace, il y a des choses à corriger, mais qu'on a aussi
un grand nombre de professionnels qui n'ont pas du tout de système
disciplinaire. Là aussi, il faut agir, je pense.
Mme Barnabe: Oui.
Mme Caron: Je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): M. le ministre, il vous
reste quelques minutes.
M. Savoie: Merci, Mme la Présidente.
Est-ce que, finalement, Me Barnabe, on a déposé une
plainte contre vous en vertu du code de déontologie du Barreau parce que
vous avez harcelé le syndic?
Des voix: Ha, ha, ha! Mme Barnabe: Pardon?
Mme Frenette: Si on a porté plainte contre toi au Barreau
parce que tu aurais harcelé le syndic.
Mme Barnabe: Non. Ha, ha, ha! M. Savoie: Non?
Malgré les menaces?
Mme Barnabe: Je ne suis pas au courant. Ha, ha, ha!
M. Savoie: Non? C'est parce qu'on vous menaçait de
ça dans une lettre du 26 novembre. Je me demandais... (11 heures)
Mme Barnabe: Oui. Je ne suis pas au courant, non. Ce
n'était que des menaces verbales...
M. Savoie: Ce n'était que des
«avocasseries».
Mme Barnabe: ...qui n'ont pas eu de suite.
M. Savoie: oui, hein! c'est assez... écoutez, la
situation, comme vous le savez, est complexe. d'un côté, on
présente des données; 10 %, c'est important. c'est beaucoup plus
important... je ne pensais pas que ça s'étendait jusqu'à
10 %, là. on avait des... on m'affirme que oui, là, il y a
certaines données qui tournent autour de 10 %. 10 %, c'est un chiffre
énorme.
Mme Frenette: Mais ce qu'il arrive, c'est qu'il y a plusieurs
études qui sont faites et qui sont faites de façon
différente. Alors, c'est ça.
M. Savoie: Oui, oui. Non, non. Ce que je suis en train de vous
dire, c'est que ça semble crédible...
Mme Frenette: Oui.
M. Savoie: ...malgré le fait que ce soit un chiffre aussi
élevé. Ce que je peux vous dire et ça ne donne rien
de poursuivre nos échanges davantage à ce moment-ci c'est
que, dans le projet de loi qui sera déposé nous sommes ici
au niveau d'un avant-projet de loi, on est en train d'examiner les
différentes possibilités qui s'offrent pour effectuer cette
réforme vous allez reconnaître que vos efforts ont
porté fruit on n'a pas du tout l'intention d'assister à
ces situations-là pour le monde professionnel dans son ensemble,
qu'il va y avoir des choses spécifiques, et, là-dessus, on compte
évidemment sur la collaboration de la part des corporations,
également, comme de la part de l'Office et comme du côté du
Conseil interprofessionnel.
Je pense, je suis certain que les membres de la commission vont avoir
des recommandations spécifiques et je ne m'attends à rien de
moins. Il va y avoir des échanges spécifiques au niveau de la
commission sur votre mémoire et les réflexions que ça
pourra avoir au niveau du projet de loi.
Je vous remercie.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, je veux, à
mon tour, en tant que présidente de cette commission, vous
féliciter d'abord du courage et surtout de la ténacité
dont vous avez fait preuve tout le long de vos démarches. Je veux vous
remercier spécifiquement, ce matin, d'avoir eu le courage de venir nous
présenter votre mémoire qui va apporter un éclairage
extrêmement important pour les travaux de la commission et pour le projet
de loi du ministre responsable. Merci beaucoup d'être venues ce matin,
mesdames. Au revoir.
J'inviterais la Corporation professionnelle des psychologues du
Québec à se préparer à prendre place. Nous allons
suspendre quelques minutes pour vous laisser le temps de vous
préparer.
(Suspension de la séance à 11 h 3)
(Reprise à 11 h 5)
La Présidente (Mme Hovington): J'inviterais dès
maintenant la Corporation professionnelle des psychologues du Québec
à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.
Alors, si vous voulez bien vous présenter, pour fins de
transcription des débats, ou bien vous identifier. Oui. Allez-y.
Corporation professionnelle des psychologues du
Québec (CPPQ)
M. Sabourin (Michel): Mon nom est Michel Sabourin. Je suis le
président de la Corporation professionnelle des psychologues du
Québec. Je vous remercie de nous accueillir et de nous permettre de vous
faire part de notre réflexion sur l'avant-projet de loi.
Mais, avant de commencer, je vais vous indiquer qu'à mon
extrême gauche je suis accompagné du vice-président de la
Corporation, le Dr Paul Maurice...
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.
M. Sabourin: ...à ma gauche immédiate, du
secrétaire général de la Corporation, M. René
Corri-veau, et, à ma droite, de mon adjoint et conseiller juridique.
Bon, je ne désire pas reprendre ici le contenu de notre
mémoire. Je pense que vous avez eu le temps de le lire, de l'analyser,
et tout ça. Je vais préférer, donc, aborder d'une
façon plus directe ce que je considère comme des sujets
importants ou les enjeux, au moment où nous nous rencontrons et suite
à toutes les présentations qui ont été faites au
cours de la dernière semaine.
L'avant-projet de loi touche trois domaines principalement. Il touche au
système disciplinaire, il touche aux pouvoirs de l'Office des
professions et il touche à l'adoption des règlements. Au niveau
du système disciplinaire, une lecture de l'avant-projet de loi nous
indique qu'un certain nombre de problèmes ont été
identifiés, et ces problèmes, je pense qu'on peut peut-être
les résumer en deux catégories. La première
catégorie, c'est que les délais sont trop longs et la
deuxième catégorie, c'est que le nombre de plaintes retenues est
trop faible.
Parlons d'abord des délais trop longs. Les délais trop
longs, on les retrouve à deux niveaux. On vient de vous faire part, dans
la présentation qui a précédé, des délais
d'enquête du syndic. Je vais parler également des délais
lors des auditions disciplinaires.
D'abord, les délais d'enquête par le syndic. Bon. Quels
sont les facteurs qui sont responsables des délais encourus lors de
l'enquête par le syndic? Je pense qu'avant toute chose il faut qu'on
précise une chose importante, c'est que, depuis que le système
disciplinaire est en place, et surtout depuis 1988, où il y a eu des
changements majeurs au niveau du fait que les auditions sont publiques, il y a
toute une série de facteurs qui nous apparaissent responsables de la
complexité du dossier, dont le principal est la judiciarisation du
système.
Quand on accepte de vivre avec un système judiciaire, il faut
accepter de vivre avec ce que ça implique. Ce que ça implique,
entre autres, c'est de nombreuses remises, c'est de l'obstruction, c'est des
délais très longs avant de fournir des éléments, et
tout ça alors que le Code des professions ne prévoit pas de
pouvoirs pour le syndic au niveau de ce qu'il peut exiger en tant que
collaboration du professionnel, parce que ça aussi, c'est un
problème qui, à notre avis, découle de la
judiciarisation.
C'est que le professionnel qui est sous enquête, bien, n'a pas
tellement avantage, si on regarde ça froidement, à collaborer
rapidement avec le syndic. Dans bien des cas, il va remettre et remettre et
remettre. Bon. Évidemment, le syndic, qui n'a pas de pouvoir pour exiger
des choses à ce niveau-là et qui ne peut qu'invoquer l'article
qui traite de l'entrave au travail du professionnel ce n'est pas
très fort, mais c'est tout ce qu'il y a va, à ce
moment-là, devoir en subir les conséquences.
Dans les autres facteurs ça, c'est, à mon avis, un
facteur comme général qui recouvre l'ensemble des autres facteurs
que je vais identifier un autre facteur, c'est la complexité du
dossier. Il est clair je vais vous le démontrer tantôt par
les données qu'on vous a remises que plus le dossier est
complexe, bien sûr, plus ça peut prendre du temps pour le
traiter.
Un facteur aussi qui est relié à la complexité,
c'est la notion des plaintes que j'appelle à étapes multiples,
c'est-à-dire qu'il y a une plainte qui est déposée,
quelques mois après il y a d'autres éléments qui
surgissent, quelques mois après encore d'autres éléments,
une autre plainte dans le même dossier. Bref, on peut être
traînés pendant un long bout de temps avec une multiplicité
d'événements nouveaux, de choses nouvelles qui s'ajoutent.
Ça fait que là, le syndic, évidemment, à ce
moment-là, se doit de considérer les nouveaux
éléments avant de prendre sa décision. (11 h 10)
La quantité d'éléments, donc, et de preuves
matérielles à analyser est également un facteur qui va
avoir une influence sur les délais. Aussi, il y a le fait que, souvent,
il y a des plaintes qui portent sur des faits qui remontent à plusieurs
années. Bien là, c'est compliqué, des fois, de retrouver
les témoins. Les témoins, si on les retrouve, ont souvent une
mémoire défaillante. Retrouver les dossiers, ça peut
être compliqué. Des fois, les dossiers sont détruits parce
que les délais de cinq ans que le règlement sur la tenue de
dossier qu'on a fini par avoir, c'est ce que ça invoque comme
obligation.
On l'a vu, dans le cas qui nous a précédés, le cas
de Mme Frenette, que les faits remontaient à plusieurs années et
que, bien sûr, c'a été compliqué pour le syndic, qui
avait une quantité innombrable de témoins. Il fallait rencontrer
tout ce monde-là et, souvent, les gens n'étaient pas disponibles,
pas collaborateurs, et c'est ce
qui résulte souvent en des délais.
Il y a aussi le problème, je le mentionnais tantôt, de la
collaboration, entre guillemets, du professionnel qui est sous enquête.
Évidemment, les avocats invoquent sa
«non-contraignabilité». Souvent, il va y avoir des
manoeuvres d'obstruction et, souvent, les avocats, comme on le sait, sont des
gens très occupés. Ils sont occupés dans d'autres causes
et, donc, ils remettent constamment ce qui doit arriver, c'est-à-dire
l'interrogatoire, pendant l'enquête, de leur client. Parce que, de plus
en plus ce qu'on n'observait pas avant 1988 les gens se font
accompagner par leur avocat au niveau de l'enquête. Auparavant,
c'était une fois que la décision était prise; maintenant,
c'est au niveau de l'enquête, et ça fait partie des droits,
ça, c'est dans la Charte, on ne peut rien y faire et, évidemment,
ça occasionne des problèmes de temps.
Bon. Dans le cas de Mme Frenette, qui nous a
précédés, évidemment, le délai total est de
près de quatre ans avant la remise d'une décision. Mais ce qu'on
ne nous a pas dit, c'est que c'a pris trois ans avant de pouvoir rencontrer le
professionnel en cause dans cette poursuite-là, dans cette
enquête-là, parce que le professionnel en cause était en
sabbatique, la première année; après ça, bien, il
était en voyage; après ça, son avocat s'opposait au fait
qu'il soit sous enquête, invoquant la Charte et toutes sortes d'autres
choses. Donc, ça explique, je pense, en partie importante le fait que le
délai ait été plus long.
Notre proposition, à ce sujet-là et on aimerait en
faire une, et on la retrouve d'ailleurs dans notre mémoire c'est
qu'on aimerait que le syndic ait des pouvoirs de contraindre au niveau de son
enquête, qu'il puisse contraindre le professionnel à venir
témoigner et à collaborer, et ça, d'une façon plus
claire que l'article qui existe présentement dans le Code.
Il y a aussi, au niveau des délais, bien sûr, le
problème de perception du public. Bon. Le public, dans le fond, le
problème majeur, dans les causes que l'on connaît, ce n'est pas
tellement le temps que ça prend qui va poser problème. Dans la
majorité des cas, ça peut arriver que ça soit ça,
mais dans la majorité des cas, ce n'est pas tellement le temps, mais
c'est plutôt le fait qu'il n'y ait pas d'information sur ce qui se passe
dans le dossier. Bien, ça, on est prêts à admettre qu'il y
a quelque chose à changer à ce niveau-là et,
déjà, au niveau du bureau de notre syndic, on est en train de
mettre en place un système pour assurer un suivi régulier au
niveau des plaintes qui sont reçues de la part du public, de
façon à ce qu'un membre du public, bien, sache, après un
délai x, qu'est-ce qui se passe, pas d'une façon précise,
là, pas en lui disant: Bien, là, on a rencontré telle
personne qui a dit telle chose, et tout ça ça, on ne peut
pas rentrer dans le vif du sujet, ça, vous comprendrez pourquoi
mais sauf que ça prend au public des informations sur où en est
sa plainte, surtout si, dans des cas d'allégation d'abus sexuel, il se
passe quand même un certain temps avant qu'il n'y ait une réponse
finale, donc une décision prise par le syndic.
Bon. En conclusion, on pense qu'il y a donc plusieurs facteurs
responsables des délais, le principal étant la judiciarisation et
aussi le fait que le syndic n'a pas de pouvoirs au niveau de l'enquête.
L'avant-projet de loi désire imposer un délai de 60 jours pour
rendre une décision. À notre avis, c'est totalement
irréaliste et vous allez le voir tantôt par les
données que je vais vous remettre parce que ça ne
représente la réalité que dans une faible proportion de
cas. Puis, d'ailleurs, je pense qu'il n'y a aucune autre instance
d'enquête au Québec qui se voit imposer ainsi des délais
fixes.
La proposition qu'on peut faire, à ce moment-ci, ça serait
qu'il faudrait plutôt un délai d'information sur l'état de
l'enquête, au niveau du projet de loi éventuel, et, comme exemple,
on pourrait peut-être suivre l'exemple de la loi sur l'organisation
policière qui, dans son article 72, prévoit un avis à
intervalles réguliers. Ça, c'est quelque chose qu'on croit qui
aiderait énormément au moins la perception qu'a le public du
travail du bureau du syndic.
Bon. Je vais simplement vous donner de l'information concernant des
délais. Depuis 1992 et au cours de la dernière année, donc
depuis 1992 et jusqu'à maintenant, on a présentement 13 dossiers
actifs au niveau des allégations d'inconduite à caractère
sexuel. Bon. Depuis le début de 1992, l'enquête est
terminée dans 8 dossiers. Le temps requis dans ces 8 dossiers-là,
je vais simplement vous le mentionner, c'a été de 6 mois, 8 mois,
10 mois, 7 mois, 8 mois, 6 mois, 11 mois et 6 mois. Donc, on voit qu'il y a un
minimum de 6 mois; il n'y a aucune décision qui a été
prise dans ce type de cause là avant un délai minimal de 6 mois.
Bon. Il reste 5 autres causes à compléter, la raison étant
que ce sont des causes plus complexes qui impliquent plusieurs personnes ou qui
remontent à plusieurs années.
Il y a un autre tableau, aussi, peut-être, qu'il serait
intéressant de regarder à la lumière de la
présentation qui a été faite précédemment.
C'est le tableau qui s'intitule «Allégations d'abus sexuel au
cours des six dernières années». Vous l'avez, je pense,
entre les mains. Ce tableau vous donne le sort qui a été
réservé aux 18 allégations que la Corporation a
reçues au cours des 6 dernières années. Comme vous pouvez
le voir, il y a 13 plaintes sur les 18 qui ont été
déposées. Donc, le fardeau de la preuve claire et convaincante
n'est pas si lourd que ça. la preuve, ii y a 13 plaintes qui ont
été déposées. il y a eu 12 verdicts de
culpabilité. il y a une audition qui est en cours. on ne sait pas ce qui
va se passer. enquêtes en cours, il y en a 3 et plaintes non retenues, il
y en a 2. si vous regardez dans les notes infrapagina-les de ce tableau, vous
vous rendez compte que, dans 13 des 15 enquêtes terminées, soit
dans 87 % des cas, ce n'est pas si mauvais que ça. la valeur et
l'admissibilité de la preuve recueillie ont convaincu le syndic de
porter
plainte auprès du comité de discipline. Puis les 2
dossiers qui ont été fermés et qui font partie de ces
statistiques-ci, bien, dans un cas, l'enquête a démontré
qu'il s'agissait d'une fabrication mensongère et, dans l'autre cas,
c'est le dossier Frenette. Il n'y avait pas suffisamment de preuves pour
démontrer d'une façon claire et convaincante qu'il y avait eu
faute. Ça fait qu'on voit donc que, dans l'ensemble, ce qu'on retrouve
comme situation est loin d'être aussi tragique que ce qu'on pourrait
croire en écoutant des cas particuliers.
Bon, au niveau de l'audition disciplinaire, je mentionnais tantôt
que, depuis que les auditions sont publiques, bien, on a observé chez
nous, en tout cas, une recrudescence ou une utilisation importante de
procédures dilatoires. Il y a une multiplication indue de requêtes
avant l'audition proprement dite. Par exemple, avant d'être
président, j'ai été syndic ad hoc dans un dossier. Je peux
vous dire que c'a pris trois ans et demi, là, la plainte
déposée, avant qu'on puisse procéder à l'audition
sur le fond. On a été deux fois au Tribunal des professions, une
fois en Cour supérieure, deux fois en Cour d'appel du Québec,
chaque fois sur des permissions pour demande d'en appeler qui étaient
refusées systématiquement. Mais c'a pris trois et demi pour faire
tout ça. Ça fait que je pense qu'au niveau de l'audition
disciplinaire il y a un problème majeur.
Le temps des délibérés qui est associé aux
décisions du comité de discipline, bien, nous sommes favorables
à ce qui est présenté dans l'avant-projet de loi, mais en
ce qui concerne uniquement les décisions finales. Nous pensons, par
ailleurs, que les requêtes et les décisions interlocutoires, donc
les décisions qui ne sont pas des décisions finales, sont
beaucoup plus simples à prendre par un comité de discipline, et
ça ne devrait pas demander un temps de délibéré
aussi long que ce qui est prévu pour une décision finale. Nous
proposons donc de réduire, pour les décisions interlocutoires, de
90 jours à 10 jours le temps exigé pour les
délibérés.
En ce qui concerne maintenant l'appel sur des requêtes et des
décisions interlocutoires, ceci, pour nous, est un problème
majeur. Ce que j'entends par ça, c'est qu'à tout bout de champ,
avant même qu'on procède sur le fond, comme dans l'exemple que je
viens de donner, il y a des gens qui vont aller faire des demandes d'appel sur
des décisions très, très limitées en termes de
toutes sortes de choses. La limite, c'est l'imagination de l'avocat qui les
fait. On pense que ce sont des tactiques clairement dilatoires.
D'ailleurs, dans certains jugements qu'on a, le juge l'a indiqué
que c'était dilatoire. On pense qu'on ne devrait pas accorder de
permission. On devrait retirer le droit d'appel sur les requêtes et
décisions interlocutoires et que l'appel soit réservé
seulement lors de la décision finale, comme ça se fait,
d'ailleurs, dans le système pénal, dans le droit pénal. On
n'arrête pas un procès au criminel pour plusieurs années
parce qu'il y a une petite requête à être entendue. On
procède plutôt et, à la fin, suivant la décision, la
personne peut aller en appel.
Mais ceci j'ai une feuille avec des coûts nous
coûte une fortune. Évidemment, vu que ça nous coûte
très cher, tout cet argent qu'on pourrait consacrer peut-être
à engager d'autre syndics, à accélérer le
traitement des plaintes, on doit le consacrer à suivre les règles
du jeu, parce que, une fois qu'on a déposé une plainte, vous
comprendrez qu'une corporation ne peut pas, à un moment donné, se
dire: Bien là, ça commence à coûter un peu cher, on
va se retirer. On ne peut pas faire ça. Une fois que la plainte est
déposée, on en assume les conséquences jusqu'au bout. Ce
qu'on vous dit, c'est: Examinez la question attentivement, il y a un
problème à ce niveau-là. Nous, en tout cas, on peut
collaborer avec vous et vous indiquer comment le problème est
vécu. Vérifiez auprès d'autres corporations. Je suis
certain qu'on n'est pas les seuls. concernant maintenant le deuxième
point, à savoir que le nombre de plaintes retenues est faible, bon,
d'après certaines analyses, dont une qui a été
présentée ici, en commission parlementaire, par l'acef je
pense que c'était la première journée des audiences
il y aurait, pour l'année 1990-1991, sur 3230 plaintes reçues,
222 qui ont été retenues, soit le montant très faible de 7
%. (11 h 20)
L'analyse qu'on fait, nous, des types de dossiers qu'on reçoit
nous démontre clairement que ce genre d'analyses et ce genre de
données qu'on obtient en les faisant, ces analyses-là, ça
produit des résultats totalement fallacieux.
Si on classifie correctement les types de dossiers ou les types de
dossiers qu'on ouvre, les demandes qu'on reçoit de la part du public, si
on les classifie correctement et c'est ce qu'on a fait dans le
deuxième tableau qu'on vous a distribué, celui qui s'intitule
«Revue annuelle des demandes», entre guillemets, «plaintes
adressées au bureau du syndic» on s'aperçoit que les
chiffres qu'on obtient ne sont plus du tout les mêmes.
On a fait une subdivision en quatre catégories des types de
demandes qu'on reçoit. On a d'abord des demandes non recevables
je vais vous donner un exemple tantôt de ce qu'est une demande non
receva-ble des demandes qu'on traite par arbitrage et conciliation de
comptes ça touche les honoraires des demandes qu'on pense
qu'elles devraient être traitées par médiation ou qu'on
essaie, même, de traiter par médiation et ceci va
exactement dans le sens d'une des propositions de l'avant-projet concernant le
règlement des différends et, enfin, on a les
véritables demandes, qui vont exiger une enquête de la part du
syndic.
Ça fait que, si on regarde ces chiffres-là, on voit que,
dans le total des demandes, quand on arrive à la catégorie
enquêtes, ça diminue de beaucoup, parce qu'il y a plusieurs types
de demandes qui n'ont rien à voir avec la déontologie, rien
à voir avec l'observation des règlements, sauf que c'est
comptabilisé dans les rapports
qu'on fait chaque année à l'Office des professions, dans
notre rapport annuel. ça fait que, si on prend la façon acef de
calculer le nombre de plaintes qu'on retient, on regarde le ratio 1, qui est
dans le bas de notre tableau: plaintes déposées sur le total des
demandes, on en arrive à 12 %. on est un petit peu mieux que 7 %; on a
12 % quand même. si on regarde maintenant, on fait un autre ratio
à partir des plaintes déposées sur les enquêtes
effectuées, ce qui est, à mon avis, beaucoup plus valable, on en
arrive à 42 %. ce n'est pas si mauvais que ça, considérant
toutes les circonstances, toute la difficulté et la complexité du
rôle du syndic. je pense que 42 %, c'est vraiment un chiffre
impressionnant.
Concernant maintenant un exemple, peut-être, de demande non
recevable, je peux simplement vous lire, pour le bénéfice de
votre compréhension, un genre de plainte qu'on peut recevoir. Vous allez
voir tout de suite que ça ne peut pas mener à une enquête.
«Je porte également plainte contre M. X, psychologue, ami, pour
avoir tenté de faire disparaître toutes ses preuves de la
transformation cellulaire, constituant la méthode par excellence pour me
libérer de ces poids pour assurer ma survie, mais surtout pour
sensibiliser les pouvoirs en place à la nécessité de
revoir les bases de la psychologie et trouver les vraies manières
d'aider l'autre à s'aider, et de faire disparaître ainsi, par le
fait même, la preuve écrite de l'accès à la survie
pour tous, voire même à l'immortalité pour les enfants de
Dieu.» Ça, c'est un exemple de plainte qu'on reçoit, qu'on
catégorise dans la catégorie non recevable.
O.K. Bon. En conclusion de cette section sur les plaintes qui sont en
nombre trop faible, nous, on pense qu'il y a place à de
l'amélioration. On ne vient pas ici vous dire: Nous sommes parfaits,
nous ne faisons aucune erreur, nous n'avons aucun défaut. Loin de moi
cette pensée. On pense qu'il y a place à amélioration.
L'amélioration, à la Corporation, on s'est déjà
attelés à la tâche et on a commencé
déjà à essayer de modifier des choses dans notre
fonctionnement.
D'un syndic à temps plein qu'on avait, il y a trois ans, on est
passé maintenant à l'équivalent de deux syndics et demi
à temps plein, et on a cinq ou six syndics ad hoc. On voit qu'il y a un
changement majeur. On a mis en place, d'une façon volontaire, un
système de suivi qui commence, qui est dans ses premiers balbutiements,
mais qu'on a l'intention de suivre, quels que soient les articles, quel que
soit ce que le projet de loi va éventuellement nous demander de faire,
et on a créé un comité aviseur du syndic, avec deux
membres du public. Ce comité-là est déjà
créé depuis quelques mois et, demain, lors de la réunion
du bureau, nous nommerons les membres de ce comité pour aviser le
syndic.
On a aussi demandé à nos membres une obligation de cours
de déontologie, tous les membres, parce qu'on ne peut pas imposer de
conditions supplémentaires à l'admission à la profession,
mais, avec une obligation de cours de déontologie qui, pour l'instant,
est volontaire, mais qu'on espère devenir plus obligatoire un peu plus
tard, bien, on pense que ça peut régler beaucoup de
problèmes. On ne consacre, actuellement, comme c'est dans les
données qui nous sont fournies par l'Office des professions, que 20 % de
notre budget à la fonction disciplinaire, alors que, si on regarde la
moyenne...
Vous voulez que j'aille plus rapidement? Bien, je...
La Présidente (Mme Hovington): Votre temps est
terminé.
M. Sabourin: Trois, quatre minutes? Me donnez-vous trois, quatre
minutes?
La Présidente (Mme Hovington): Avec le consentement des
deux côtés de la Chambre. On aura moins de temps pour les
échanges, hein.
M. Sabourin: O.K. Deux minutes?
La Présidente (Mme Hovington): Deux minutes.
M. Sabourin: Parfait, M. le ministre, je vais faire ça.
O.K. Donc, je pense... Bon, au niveau des pouvoirs de l'Office des professions,
plein de choses ont été dites avant moi, et je pense que
ça, c'est inutile de répéter qu'on pense que ces
pouvoirs-là, ça constitue un changement fondamental du
système et qu'avant de les mettre en place ça nécessite
une étude approfondie.
Je vais terminer par l'adoption réglementaire. Bon. Nous sommes
très favorables aux dispositions de Favant-projet de loi à ce
sujet-là parce qu'on pense qu'il y a vraiment une
nécessité d'accélérer le processus. Ça va
donner une plus grande protection du public, et c'est sûr que les normes
professionnelles sont en constant changement et que ces normes-là ont
besoin d'être modifiées, et que...
Bien, si on regarde le tableau et c'est le dernier tableau que je
vais vous demander de regarder qui s'intitule «Suivi de la
réglementation», vous allez vous rendre compte que, pour toutes
sortes de raisons, sans doute très valables, ça prend beaucoup de
temps avant que nous ayons des règlements en vigueur, à partir du
moment où ils ont été déposés. Je ne
regarderai pas une à une les différentes catégories, mais
je peux vous dire que le temps requis pour l'adoption d'un règlement,
présentement, varie entre trois ans et neuf ans et quatre mois, la
moyenne se situant à environ cinq ans et cinq mois.
C'est donc pour cela que nous sommes favorables à ce qu'il y ait
des délais plus courts au niveau de l'adoption réglementaire, et
nous sommes disposés à répondre à toutes vos
questions. Je m'excuse d'avoir pris un peu trop de temps.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. le ministre, vous
avez la parole.
M. Savoie: Merci, Mme la Présidente.
Alors, tout d'abord, de saluer les gens de la Corporation
professionnelle des psychologues qui sont venus nous présenter un
mémoire et, évidemment, nous présenter quelques documents
concernant le traitement des plaintes chez eux, qu'on aura l'occasion d'aborder
dans quelques instants. Souligner à la commission, pour les fins du
dossier, qu'en 1973, lors de la constitution des corporations professionnelles
ils étaient à peu près 600. Aujourd'hui, ils sont 5217,
c'est-à-dire en 1991-1992, dans votre dernier rapport annuel, 5217.
J'imagine que ça a augmenté un petit peu.
M. Sabourin: 5500, à peu près.
M. Savoie: 5500, oui. Une bonne croissance chez eux. Des revenus
de l'ordre d'à peu près 1 700 000 $, et on n'a pas le nombre de
demandes reçues, là, de plaintes, de la part de la Corporation,
pour 1991-1992, mais, en 1990-1991, on parle de 2141 demandes d'information ou
d'enquête auprès du syndic; des demandes retenues pour
enquêtes, 54; des enquêtes réglées, 30, et les
plaintes portées devant le comité de discipline, 5. Les
données pour 1991-1992 sont sensiblement les mêmes, sauf que, pour
les plaintes portées, il y en a 10.
Évidemment, on constate que ces chiffres-là sont
constants, il n'y a pas de... Qu'on soit 5000, 2000 ou 560, dépendant de
la corporation, on joue toujours dans 2000 demandes d'information ou
d'enquête, il y a toujours... Bien, des fois, il y en a plus que... Il y
en a, des fois, 100, 150, 200 qui sont retenues pour enquête, mais des
enquêtes réglées et des enquêtes portées
devant le comité de discipline, sauf pour trois ou quatre corporations
professionnelles, ça demeure dans les chiffres en bas de la
douzaine.
Il y a toute la question du mémoire. Je pense qu'au niveau du
comité des plaintes vous comprendrez que, pendant les travaux de la
commission, il y a une forte évolution au niveau du comité des
plaintes. Je pense que ça commence à s'accepter de plus en plus,
là, sauf pour la question des coûts, mais on a déjà
une opinion assez arrêtée, là, au niveau des coûts,
dans le sens qu'on est capable de trouver quelque chose qui est vivable pour
les corporations professionnelles.
Au niveau, bon, bien, du pouvoir de tutelle, ça aussi,
là... Il y a même plusieurs corporations qui, bon, l'ont
appuyé ouvertement ou pour qui, avec peut-être une balise ou deux,
c'est acceptable. Pouvoir d'enquête, évidemment, là, on ne
cherche pas à abuser des corporations professionnelles, mais on cherche
à avoir un pouvoir d'enquête, et ça non plus, ça ne
semble pas vouloir créer de problèmes majeurs.
Si vous le permettez, je laisserai ça de côté
à cause, justement, de la nature du mémoire qui a
été déposé avant vous. On a soulevé un
chiffre de 10 % pas seulement pour les psychologues, mais on parle de plusieurs
corporations professionnelles. Le chiffre est très élevé,
mais il semble être fondé en partie, parce qu'on nous dit qu'en
Californie, oui, effectivement, il y a des études, tu sais. On joue
là dans des à-peu-près, là, comme ça, pour
certaines corporations professionnelles. On a eu également... On est au
courant d'autres corporations professionnelles, évidemment, elles sont
probablement moins nombreuses, là, mais où, effectivement, on a
eu des données importantes, et je me demandais si, effectivement, les 10
%, là... Vous devez être au courant de ce qui se passe dans
d'autres corporations semblables, là, à l'extérieur du
Québec. J'imagine qu'il y a des chiffres qui circulent, là
aussi.
M. Sabourin: Bien, écoutez, je n'ai pas d'opinion ferme
à ce sujet-là parce que je ne connais pas d'une façon
précise...
M. Savoie: Précise, oui. (11 h 30)
M. Sabourin: ...les chiffres des études les plus
récentes, sauf que ce que je peux dire, je pense que, dans la
méthode d'en arriver à ces 10 %, il arrive fréquemment
qu'on fasse des extrapolations et, bien sûr, des extrapolations
présument, a priori, que tous les facteurs qu'on utilise pour faire de
l'extrapolation vont progresser de la même façon...
M. Savoie: Oui, d'accord.
M. Sabourin: ...ce qui n'est pas nécessairement le cas. Je
pense que des actuaires pourraient nous donner des exemples de cas où
ça ne progresse pas de la façon prévue au départ.
Bon, que ce soit aussi élevé que ça, peut-être, pour
certaines professions, peut-être à certaines époques, mais
je n'ai pas vraiment d'opinion précise. Je ne connais pas les chiffres
les plus récents.
M. Savoie: D'accord. Mais, lorsque vous dites
«peut-être», c'est dans le sens que ça serait
plausible ou probable, là?
M. Sabourin: Bof! Je dirais davantage plausible que probable,
mais, si je me base sur les plaintes qu'on reçoit, nous,
évidemment, je pense que les arguments que ceux qui nous ont
précédés ont apportés, à savoir que les gens
sont mal à faire ce genre de plaintes et que ce qu'on reçoit
comme plainte ne représente pas la réalité, je suis
également prêt à accepter ça. Je pense que c'est
également vrai.
Par ailleurs, on en reçoit, comme on l'a vu dans les derniers 6
ans, on avait 18 allégations d'abus sexuel pour une population de
5000... Disons que, dans les derniers 6 ans, on a progressé de 3500,
à peu près, jusqu'au nombre où on se situe aujourd'hui.
Donc, on est loin, on est très loin des chiffres évoqués
tantôt.
Si on prenait les chiffres évoqués et qu'on les mettait en
fonction du nombre de membres qu'on a, je serais étonné qu'on en
arrive à un nombre si élevé. Ça, je serais quand
même étonné, mais ce sont des domaines
où, que voulez-vous, c'est très difficile de faire des
enquêtes sur des sujets aussi intimes et pour lesquels les gens ne sont
pas portés spontanément et facilement à se confier.
Ça fait qu'on doit se contenter d'extrapolations et espérer
qu'elles ne sont pas aussi élevées qu'elles n'en ont l'air.
M. Savoie: D'accord. Est-ce que vous êtes familier avec des
cas, par exemple, au niveau de... Hier, on a eu un mémoire où,
effectivement, vous le savez, bon, le titre réservé... Il y
avait, bon, une corporation professionnelle qui nous a dit: Puisque ce n'est
pas obligatoire de faire partie d'une corporation professionnelle, la minute
que le syndic s'approche d'un membre de cette corporation qui a
évidemment commis une faute, il va démissionner de la corporation
professionnelle et va continuer à pratiquer, mais, évidemment,
même sous le même nom...
M. Sabourin: Oui.
M. Savoie: Oui, parce que, en changeant quelques détails,
là, ça suffit.
M. Sabourin: C'est déjà arrivé chez
nous.
M. Savoie: Oui, c'est ça. Il y en a combien de cas comme
ça, par exemple, des gens qui ne s'appellent plus psychiatres...
psychologues, plutôt, mais qui vont s'appeler, je ne sais pas,
psychothérapeutes.
M. Sabourin: C'est très difficile à évaluer
parce que...
M. Savoie: Non, mais à peu près, là.
M. Sabourin: Oui, mais je pense qu'au niveau de la discipline
ça nous est arrivé, dans le passé, d'avoir des gens qui
démissionnent. Ça ne nous a quand même pas
empêchés de les poursuivre au disciplinaire, parce qu'il ne faut
pas oublier qu'un acte commis alors qu'ils étaient des professionnels en
bonne et due forme de notre corporation, bien, même s'ils
démissionnent, on les poursuit quand même, et c'est arrivé
qu'on poursuive des gens et que, ex parte, ils soient condamnés ou
radiés, même s'ils n'étaient pas là, s'ils avaient
démissionné et étaient partis depuis longtemps.
Dans le domaine de la psychologie, c'est compliqué, bien, en
faisant le calcul de tous ceux qui ont des titres qui ressemblent aux
nôtres, de calculer si ce sont tous des gens qui pourraient être
partie de la corporation et qui ne le sont pas. Il y en a tellement de gens qui
s'appellent psychothérapeutes et qui ont des formations de tout ordre.
Mais on en connaît quand même un certain nombre de personnes qui
ont été radiées ou qui ont démissionné de la
corporation et qui pratiquent à titre de consultant en psychologie.
C'est pour ça qu'évidemment, au niveau du titre
réservé, on pense que, n'ayant que ça, soit pour
intéresser nos membres à la participation à la corporation
ou pour protéger le public, on a des problèmes à ce
niveau-là. C'est qu'on a les mêmes obligations, les mêmes
devoirs que les autres corporations à exercice exclusif, mais les moyens
dont on dispose sont vraiment très limités.
M. Savoie: D'accord. Mais, s'il y avait des dispositions
prévues dans la réforme, vous seriez très favorable?
M. Sabourin: Absolument.
M. Savoie: Oui. Ça serait appliqué, là?
M. Sabourin: Ah oui! Tout à fait.
M. Savoie: Oui, d'accord. Dernière chose. Si,
effectivement, il y avait des accusations de déposées devant
votre corporation, devant le syndic on parle de 18, par exemple, pour
agression sexuelle s'il devait y avoir des mécanismes pour
faciliter le dépôt des plaintes, processus, par exemple, qui
pourrait être examiné pour le projet de loi, ce
processus-là pourrait, j'imagine, être mis en application
immédiatement par la corporation et par le syndic et les syndics
adjoints, là.
M. Sabourin: Écoutez, je pense que, malgré les
perceptions qui sont véhiculées concernant l'efficacité du
travail des syndics des corporations, ça va quand même
relativement bien. Je pense qu'il faut, bien sûr, conserver... Je ne suis
pas sûr qu'on ait le choix de ne pas conserver toutes les
procédures actuelles d'évaluation de dossiers avant d'envoyer
quelque chose directement au niveau du bureau du syndic, de par le fait que la
jurisprudence est là pour nous dire que, pour ce genre de plainte,
ça prend une preuve claire et convaincante. Bon. Je pense, par ailleurs,
qu'avec des mécanismes comme celui du comité aviseur du syndic
ça peut aider beaucoup.
Je pense aussi que, si on peut sauver les sommes d'argent fabuleuses que
l'on consacre à aller en appel sur des décisions interlocutoires
et qu'on peut consacrer ça à engager davantage de syndics, c'est
certain que ça va aller plus rapidement. Déjà, à la
Corporation, et malgré encore une fois les perceptions du public, on les
traite d'une façon prioritaire, ces causes-là, mais, vu leur
complexité, prioritaire ne veut pas dire que, le mois suivant, la
réponse va être donnée. Il faut comprendre que ce ne sont
pas des plaintes simples et surtout quand elles remontent à un long bout
de temps.
M. Savoie: Non, non, c'est des plaintes complexes. Je vais
revenir un petit peu à la fin, madame.
La Présidente (Mme Hovington): D'accord. Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, Mme la Présidente.
Alors, M. Sabourin, M. Maurice, M. Corriveau, M. Gariépy, merci
de votre présentation.
Effectivement, au niveau des chiffres, les fameux 10 %, j'avoue que
c'est un peu difficile à déterminer, puisque tout ce qu'on a
comme chiffres, ce sont des chiffres aux États-Unis ou dans les
provinces canadiennes extérieures au Québec. Donc, les recherches
précises ici ne sont pas encore faites. Ça pourrait
peut-être être un des mandats qui pourrait être confié
à l'Office des professions pour qu'on essaie d'avoir des données
extrêmement précises au niveau du Québec. Je pense que
ça vaudrait la peine de le faire, en tout cas. vous nous avez
présenté un tableau qui nous dit que, finalement, dans 87 % des
cas, le syndic a jugé bon de porter plainte devant le comité de
discipline. donc, 87 % des cas, je pense que ma proposition de tantôt, de
présenter presque automatiquement les plaintes, ces fautes lourdes
là au comité de discipline, ne poserait pas grand
problème, puiqu'il y a très peu de ces plaintes-là qui
n'ont pas été jugées recevables par le syndic. ça
amènerait peut-être une plus grande confiance dans le
système professionnel.
Dans ces tableaux, vous nous parlez aussi des demandes non recevables et
vous précisez des demandes qui concernent des non-membres. Donc, si vous
avez déjà un échantillonnage des demandes non recevables,
est-ce que vous pouvez nous donner un pourcentage des demandes non recevables
qui seraient des demandes sur des non-membres?
M. Sabourin: Bon, écoutez, ça arrive d'une
façon un peu aléatoire. C'est qu'il y a des gens qui
téléphonent à la Corporation pour se plaindre de telle
personne psychologue. Nous, on vérifie dans nos dossiers, dans notre
tableau; cette personne-là ne l'est pas. Ça arrive plusieurs fois
par année, je dois dire, sauf que, la plupart du temps, c'est
habituellement relié au fait que les compagnies d'assurances
privées remboursent les soins de santé psychologique qui sont
offerts par des psychologues. Ce qui fait que, évidemment, les gens
veulent souvent vérifier aussi ou se sont fait dire par quelqu'un, dans
le but de les inciter à requérir leurs services, qu'ils sont
psychologues.
Il y en a quand même comme ça un nombre important. Je n'ai
pas une idée précise de niveau, mais ça arrive quand
même assez fréquemment, chaque année, qu'on reçoive
des demandes concernant des plaintes faites sur des non-membres, en tout cas
suffisamment pour qu'on pense qu'il faille faire un certain ménage au
niveau des thérapies alternatives, médecines douces, et tout
ça, conçu un peu dans le sens du travail assez remarquable que
l'Office a fait à ce sujet-là dans les très nombreux
documents de recherche qui ont été produits.
Mme Caron: Je pense que certaines corporations professionnelles
nous ont proposé d'avoir un registre des plaintes beaucoup plus
précis, parce que, si on regarde le rapport annuel que les corporations
professionnelles ont à fournir, finalement, c'est très peu
significatif. On a uniquement: demandes d'enquête retenues et plaintes
déposées au comité de discipline. Finalement, ça ne
nous donne absolument pas le portrait réel de ce qui s'est passé.
Je pense qu'il faudrait, dans les rapports annuels, obliger les corporations
professionnelles à nous donner un tableau un peu plus précis, un
petit peu ce que vous nous avez fait ce matin, là, qui nous permette de
saisir votre réalité.
M. Sabourin: C'est exactement la même remarque que je me
faisais quand on a préparé ces tableaux-là. Mon Dieu qu'il
faudrait donc qu'on présente ça d'une façon plus claire!
C'est vrai que les rapports annuels ne sont pas clairs à ce
sujet-là. (11 h 40)
Mme Caron: Vous avez fait plusieurs propositions concrètes
je les notais à la lecture de votre mémoire pour
tenter d'apporter des solutions aux problèmes qui sont vécus au
niveau des dépôts des plaintes. Si je les résume:
accusé réception du syndic au moment de la plainte avant 60
jours, ça pourrait peut-être même être réduit
un peu; un suivi mensuel tant et aussi longtemps que la plainte n'a pas eu de
décision; pouvoir d'assignation du syndic, parce que ça semble
effectivement poser un sérieux problème pour prendre des
décisions; le mécanisme de règlement des différents
qui est proposé en avant-projet de loi ou ce que vous appelez
médiation; retrait du droit d'appel, sauf pour radiation provisoire
puisque, là aussi, il y a des problèmes; réduire le temps
des délibérés pour les requêtes et décisions
interlocutives; puis vous avez l'ajout d'un comité aviseur.
Ce comité aviseur là, est-ce que vous pouvez
déjà nous en dire un petit peu la portée?
M. Sabourin: Je vais peut-être céder la parole au
secrétaire général qui a été responsable de
cette création-là récente.
M. Corriveau (René): Oui. Alors, effectivement, le bureau
de notre corporation a mis sur pied un comité comme celui-là qui
est composé de façon assez similaire au comité d'examen
des plaintes qui est proposé dans l'avant-projet de loi. Ce
comité-là va être saisi... Bien, évidemment, pour le
moment, il n'y a pas de dispositions habilitantes dans le Code, mais ce que le
bureau chez nous a décidé de faire, c'est qu'il invite les
syndics à présenter leur dossier, au terme de leur enquête,
au comité aviseur de façon à ce que, surtout
évidemment dans les dossiers plus complexes, les membres du
comité aviseur puissent fournir des avis aux syndics sur
l'à-propos ou non de porter une plainte formelle devant le comité
de discipline ou d'envisager d'autres moyens peut-être plus efficaces de
régler le différend si jamais il s'agit d'un dossier qui implique
un différend.
Mme Caron: Dans les dossiers où il y a faute à
caractère sexuel, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu automatiquement
d'envoyer le dossier au comité aviseur plutôt que de laisser le
syndic seul dans cette décision-là?
M. Corriveau: Bien, je veux dire, chez nous, si on regarde
l'expérience avec les statistiques qu'on vous a données, la
presque totalité de plaintes formulées dans ce sens-là
sont acheminées par le syndic au comité de discipline. Des fois,
je pense que, selon l'analyse de la situation qui se présente, il y a
des dossiers qui sont peut-être plus simples, même dans ces
cas-là, et le syndic est capable de prendre une décision, de
s'apercevoir qu'effectivement il y a faute et il y a lieu de porter ça
devant le comité de discipline.
Le comité aviseur, chez nous, on veut l'utiliser plus au niveau
des dossiers qui sont plus complexes, où il y a plus
d'éléments, où il y a plus d'éléments qui
entrent en jeu, peut-être plusieurs plaintes, plusieurs
allégations de faute professionnelle, et les preuves sont
peut-être insuffisantes ou, en tout cas, lacunaires d'une façon ou
d'une autre. Le comité pourrait, à ce moment-là,
émettre un avis au syndic sur l'à-propos de porter la plainte
officiellement ou non.
M. Sabourin: Je me permets simplement de compléter ce que
vient de dire mon collègue par le fait que le comité aviseur, tel
qu'on le conçoit, n'est pas là simplement au cas où la
plainte est rejetée. Le syndic peut consulter le comité aviseur
même si la plainte n'est pas rejetée. Parce que, dans le
passé, vous n'êtes pas sans le savoir, à la Corporation, on
a eu des problèmes de la part de nos membres qui trouvaient qu'on
poursuivait un peu trop allègrement. Ça fait qu'on est un peu
comme entre l'arbre et l'écorce et on pense qu'il y aurait lieu, pas
nécessairement dans le cas uniquement où la plainte est
rejetée, même dans le cas où la plainte est
acceptée, d'avoir, dans certains cas, pas d'une façon automatique
et constante, l'avis du comité aviseur, à savoir est-ce qu'il y a
lieu vraiment de porter plainte.
Mme Caron: C'est dans ce sens-là que je faisais la
proposition à savoir que, pour les fautes à caractère
sexuel, puisque ça pose un problème particulier, il y aurait
peut-être lieu, là, avant même de rejeter, d'avoir un avis
de ce conseil. Alors, le syndic serait moins seul dans sa décision, je
pense.
M. Sabourin: Exactement.
Mme Caron: Dans le mémoire de ceux qui vous ont
précédés, on nous disait, en page 18 je veux juste
vous questionner un peu là-dessus: «Actuellement, l'absence de
règles de procédure laisse place à des situations
inquiétantes, tel le dépôt d'affidavits des plaignants au
professionnel intimé avant le dépôt de la plainte devant le
comité de discipline.» Est-ce effectivement une prati- que qui est
utilisée par votre corporation professionnelle?
M. Sabourin: Bon, écoutez, je pense que l'accusé ou
la personne sous enquête a le droit de savoir de quoi elle est
accusée. Elle a le droit qu'on le lui transmette au moins pour qu'elle
puisse assurer sa défense pleine et entière. On oublie toujours,
dans ces circonstances-là, qu'il y a deux parties et que les deux ont
des droits et responsabilités. Ça fait qu'au niveau de la
transmission des affidavits je ne pense pas qu'il y ait de problème
particulier, dans le sens que ça donne de l'information. Dans d'autres
instances juridiques, c'est courant de transmettre de l'information à ce
sujet-là. Personnellement, je n'y vois pas de problème.
Mme Caron: Est-ce qu'on ne retrouve pas ça plutôt
dans le système pénal?
M. Sabourin: Écoutez, je ne suis pas avocat ni expert dans
le domaine. J'aurais de la difficulté à répondre à
votre question, mais je pense que le leitmotiv ou la raison principale qui est
derrière le fait de transmettre l'affidavit, c'est de dire à la
personne qui fait l'objet d'une enquête de quoi au juste on l'accuse
parce que, sinon, on va avoir une requête pour production de
détails ou pour avoir plus d'informations, et on va se retrouver encore
une fois au Tribunal des professions ou en Cour d'appel. Il y a des
règles à respecter qui me semblent être...
Mme Caron: Parce que, dans la plupart des dépôts de
plaintes, on ne demandera pas d'affidavit. Ça va se retrouver seulement
au moment où il va y avoir enquête, effectivement, au
comité de discipline. Alors, ça nous paraissait une mesure qui
était plutôt d'exception dans votre corporation
professionnelle.
M. Gariépy (André): Bien moi, la seule chose que je
pourrais rajouter, c'est qu'il y a un principe fondamental pour tout individu,
c'est qu'il a le droit d'être confronté à ses accusateurs,
donc aux allégations de ces personnes-là. Ça va participer
à son droit d'une défense pleine et entière. Bon. C'est
une question de régime fondamental sur le plan moral et philosophique
à l'égard du droit. Il me semble que ça tombe sous le
sens.
Mme Caron: Votre intervention m'amène une autre question.
Plusieurs corporations professionnelles nous ont dit et surtout, plutôt
des associations de consommateurs nous disaient que, finalement, lorsqu'il y
avait le dépôt d'une plainte, le plaignant considérait
qu'on ne le rappelait pas pour lui demander sa propre version des faits, que,
souvent, le syndic demandait plutôt la version du professionnel, peu
importe le type de plainte, et n'allait pas vérifier du
côté du plaignant. Est-ce que, chez vous, c'est une mesure qui se
fait
automatiquement de questionner d'un côté et de l'autre?
M. Sabourin: Je n'ai pas vraiment très bien compris votre
question.
Mme Caron: Je répète. Les associations de
consommateurs, dans les plaintes que les citoyens et les citoyennes font le
plus souvent au niveau du système disciplinaire, c'est qu'on dit que,
lorsque le syndic reçoit une plainte, avant de prendre sa
décision, il ne questionne que le professionnel...
M. Sabourin: Non.
Mme Caron: ...et utilise uniquement le texte de plainte du
plaignant et ne vient pas vérifier avec le plaignant, par rencontre ou
par téléphone, sur les faits.
M. Sabourin: Non. J'ai maintenant très bien compris votre
question. Je m'excuse. Non, chez nous, le plaignant va d'abord être
reçu par le syndic et il va avoir amplement l'occasion de donner sa
version des faits avant même que le professionnel concerné soit
lui-même interviewé. Ça se fait d'une façon... C'est
une pratique standard, et ce n'est jamais arrivé, à ma
connaissance, qu'il y ait eu des gens qui aient simplement envoyé...
Parce que le problème qui se pose, normalement, c'est que les gens, dans
leur façon de rédiger leur plainte, ce ne sont pas des avocats.
Ils ne connaissent pas le code de déontologie d'une façon
particulière. Eux autres, ils écrivent ce qui vient de leur
coeur, bon, qu'ils ont été abusés de telle et telle
façon. Souvent, c'est important pour le syndic de connaître
l'envergure de la plainte, donc de discuter avec cette personne-là de
façon à préciser l'étendue ou la gravité de
l'offense qui est présumée.
Mme Caron: Puisque, par l'affïdavit, le professionnel peut
connaître exactement, là, les fautes qui lui sont
reprochées, est-ce que le plaignant, lui, peut aussi connaître la
version du professionnel sur les faits qui ont été
reprochés?
M. Sabourin: Bon! Habituellement, lorsque la plainte est
déposée et que le plaignant devient non plus plaignant, parce que
c'est la Corporation qui est plaignante, à ce moment, mais devient le
témoin important, il y a, bien sûr, des rencontres avec le
témoin, en quelque sorte, pour préparer le comité, les
auditions du comité de discipline. Donc, à ce moment-là,
c'est certain qu'il est discuté avec le témoin, et je l'ai fait,
moi, antérieurement, comme syndic ad hoc, sur le genre de questions, sur
le genre de défense que l'autre partie va utiliser de façon
à essayer de prévoir les coups, s'il y a lieu.
Mme Caron: Ma question était avant le comité de
discipline, avant que la décision soit prise par le syndic.
M. Sabourin: De porter plainte?
Mme Caron: Oui, de porter plainte. Puisque le professionnel
connaît exactement la position du plaignant, c'est-à-dire ce qu'il
compte reprocher au professionnel, est-ce que le plaignant a aussi la
possibilité de connaître, avant que la décision du syndic
soit prise, la version du professionnel?
M. Sabourin: Ça, écoutez, c'est une question
intéressante. Je peux peut-être consulter mes collègues. Je
n'ai pas vraiment de... (11 h 50)
M. Gariépy: Peut-être, dans un processus interactif,
pour poursuivre l'enquête, puisqu'à chaque fois qu'on rencontre
quelqu'un, un témoin, que ce soit le plaignant ou même le
professionnel, il y a toutes sortes d'autres éléments qui
ressortent, une nouvelle façon de les voir, ces
éléments-là. Alors, je crois que, dans un processus
interactif d'enquête, on va repousser telle piste un petit peu plus, on
va la recreuser, etc., mais, en soi, de connaître des versions, on ne
peut pas dire que, formellement, on transmet des versions, mais je ne crois pas
peut-être que ce soit quelque chose qui se fasse de façon
formelle, parce que ce n'est pas un débat contradictoire qui va se faire
devant le syndic. C'est une enquête. Le syndic creuse certains
éléments, certains faits. Il va aller voir les choses. Il y a
peut-être des versions contradictoires ou variées. Bon, bien, il
va recreuser ce point-là, etc. C'est un processus interactif, mais on ne
peut pas dire qu'il y a une transmission formelle des versions.
Mme Caron: Bien, c'est que, lorsque vous déposez un
affidavit des plaignants, il y a une version formelle qui est donnée au
professionnel. Il a cette version formelle là du plaignant entre les
mains. Donc, il connaît exactement la version du plaignant, et ça
m'ap-paraît dans un simple principe d'équité que le
plaignant ait, lui aussi, une version officielle du professionnel. Je pense
que, sinon, il y a vraiment deux poids, deux mesures là-dessus et...
M. Sabourin: Remarquez, on ne vous dit pas que ce n'est pas fait.
On vous dit que, formellement, il n'y a pas de mécanismes prévus
à ce sujet-là. Comme l'alléguait mon collègue,
probablement qu'au cours des interactions qui ont lieu il y a sûrement de
l'information qui est transmise. Moi, je ne peux vous parler que de ce que je
connais comme syndic ad hoc. Dans l'enquête que j'avais faite comme
syndic, c'est certain que j'avais constamment référé avec
les deux parties. Avant de prendre ma décision, les deux parties
étaient très au courant de ce qui se passait, de quels
étaient les arguments retenus par l'autre partie, sauf que le syndic,
c'est une personne neutre, objective et impartiale et qui doit être
perçue comme tel, à la fois par les membres de la corporation et
par les membres du public. Donc, il doit
comme exercer je pense que ça va exactement dans le sens
de vos préoccupations sa tâche d'une façon
totalement à l'abri de tout soupçon de favoritisme de part et
d'autre.
Mme Caron: C'est parce que, vu que l'utilisation des affidavits,
c'est une utilisation qui se fait uniquement à votre corporation
professionnelle, je me dis: II faut que, si vous maintenez cette
utilisation-là, qui est exceptionnelle, du côté des
plaignants aussi, ils aient une version, aussi, formelle. Ou vous ne l'utilisez
pas pour le plaignant, comme dans les autres corporations professionnelles, ou
vous l'utilisez pour que le professionnel et le plaignant soient traités
de la même façon. C'est simplement à ce niveau-là.
Je pense que c'est...
M. Sabourin: Bien, écoutez, on pourra reconsidérer
la question. Comme je vous le dis, je ne suis pas un expert de cette
question-là. Je vais voir avec le bureau du syndic s'il y a lieu,
éventuellement, de modifier notre position, mais, comme je vous le dis,
le principe de base, c'est que le tout se déroule dans l'harmonie et que
l'information se transmette de part et d'autre.
M. Gariépy: J'aurais peut-être une information
à vous transmettre. Dans le mémoire qui vous a été
présenté précédemment, on parle d'une rencontre,
avant une plainte ou pendant l'enquête, où, justement, le syndic
m'explique tout ce que l'avocat du psychologue accusé tentera de faire
pour défendre la cause de son client. Le processus interactif, je pense
que, là, on a la preuve, les personnes l'admettent qu'elles se font
transmettre certaines informations dans le cadre du processus
d'enquête.
Mme Caron: Oui. C'est que, d'un côté, il y a une
version très formelle, très officielle, puis, de l'autre
côté, on ne l'a pas. Et, comme c'est un procédé qui
est particulier à votre corporation professionnelle, je pense qu'il y
aurait peut-être lieu, là, de fouiller un petit peu plus, puis de
regarder un petit peu de ce côté-là.
M. Sabourin: On va regarder ça de plus près.
La Présidente (Mme Hovington): Votre temps est
écoulé, madame.
Mme Caron: Déjà, Mme la Présidente? La
Présidente (Mme Hovington): Oui. Mme Caron: Je vous remercie
beaucoup. Une voix: Merci, madame.
La Présidente (Mme Hovington): M. le député
de Rimouski.
M. Savoie: Je vais y aller avant, deux secondes, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Hovington): Ah! M. le ministre
avant.
M. Savoie: Oui. C'est plus plausible, là. C'est devenu une
probabilité presque certaine.
M. Sabourin: Les 10 %?
M. Savoie: Oui.
M. Sabourin: Bon! Vous avez trouvé ça dans quelle
source, vous?
M. Savoie: J'ai trouvé ça dans une espèce de
bible qui s'appelle «Psychotherapist Sexual Involvment with Client:
Intervention and Prévention», 1989. On fait le
résumé de toutes les études existantes, et les
données sont assez claires.
M. Sabourin: Oui?
M. Savoie: Oui. Les résultats sont, je pense, assez
précis pour dire que la notion de plausibilité, elle ne peut plus
être retenue, là. Je pense qu'on doit...
M. Sabourin: On doit y voir sérieusement. M. Savoie:
Oui.
M. Sabourin: Je pense que la question des cours de
déontologie obligatoires, pour nous, ça nous apparaît comme
une mesure d'information auprès des membres futurs. C'est qu'on veut
l'imposer. On a commencé, d'ailleurs, depuis le 1er janvier, à
l'imposer d'une façon volontaire aux nouveaux membres de la Corporation.
Et, dans les universités, malheureusement, ce n'est pas partout
où il y a des cours de déontologie. Dans certaines
universités, il y en a, il y a même des cours de pratique
professionnelle, mais je pense qu'il faudrait faire un très
sérieux effort pour qu'éventuellement on puisse avoir des
exigences très concrètes à ce niveau-là.
M. Savoie: Oui. Vous comprendrez qu'on va y voir et, je pense,
d'une façon importante.
Madame, je voudrais déposer, pour les fins de la commission, un
avis de la part de l'Office des professions adressé à
moi-même sur l'opportunité de constituer une corporation
professionnelle dans le domaine des psychothérapies, pour fins de nos
délibérations. Et, peut-être, avant de...
Document déposé
La Présidente (Mme Hovington): Alors, votre
dépôt est recevable...
M. Savoie: Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Hovington): ...et je le ferai
distribuer aux membres de la commission.
M. Savoie: Merci. Avant de terminer et de laisser la parole au
député de Rimouski, peut-être souligner qu'effectivement il
faudrait que ça soit clair. Ce n'est pas un problème qui vise
spécifiquement les psychologues. L'ensemble des études sur le
secteur impliquant, par exemple... Parce que les chiffres varient
énormément sur le fait que ce soit un mâle ou une femme qui
applique le traitement, ça donne un impact très sensible au
niveau des pourcentages. Mais il y a, sans aucun doute, des gestes importants
à poser dans le secteur.
M. Sabourin: À ce sujet-là, M. le ministre, on
partage entièrement les propositions qui ont été faites
par nos prédécesseures, à savoir que nous, étant la
seule corporation, actuellement, au Québec à avoir cette
restriction-là, on pense que ça devrait s'étendre
davantage et que les autres corporations devraient être soumises sans
aucun doute à quelque chose de semblable. J'ai l'impression que c'est un
peu ça qui vous préoccupe.
M. Savoie: Ah! Et beaucoup plus, je pense. M. Sabourin:
Ah!
M. Savoie: Oui. Je pense qu'on va aller... On va s'assurer que
des mécanismes puissent, d'une part, je pense, rendre évident le
fait qu'il y a un problème, qu'il faut s'adresser au problème et
qu'on ne peut plus continuer à fonctionner sur le statu quo.
M. le député de Rimouski, je pense, avait une
intervention.
M. Tremblay (Rimouski): Oui, une très brève
intervention au sujet des délais d'enquête. Vous semblez vous
opposer à ce que le syndic complète son enquête dans le
délai maximal de 60 jours. Dans le cas de Mme Frenette, si on avait eu
ce cran d'arrêt, à savoir que votre corporation professionnelle
aurait dû faire rapport à l'Office des professions, à
savoir que ça prendrait plus que 60 jours pour compléter le
dossier de Mme Frenette, est-ce que, à ce moment-là, ça
n'aurait pas aidé votre corporation et ça n'aurait pas
aidé Mme Frenette aussi à avoir une réponse plus
rapide?
Parce que, dans l'avant-projet de loi, il est dit que vous auriez un
délai de 60 jours pour rendre jugement ou encore compléter votre
enquête, mais vous pouvez demander un délai. Il est dit, dans
l'avant-projet de loi, qu'on peut demander un délai. Alors, à ce
moment-là, le fait qu'on demande un délai à l'Office des
professions aurait, en tout cas, sensibilisé déjà l'Office
des professions à ce que ça prend plus de temps que ça,
mais, en même temps, que ça supposait une autre demande de
délai dans l'éventualité où Mme Frenette n'aurait
pas été, je ne sais pas, correctement entendue.
À ce moment-là, je pense que ça aurait aidé
peut-être la Corporation et votre syndic en même temps de mettre de
la pression davantage pour pouvoir accélérer ce
dossier-là. Ce qui est déraisonnable, à mon sens, c'est
quatre ans d'attente pour Mme Frenette pour avoir un jugement, dans son cas. Je
trouve ça vraiment déraisonnable. Alors, si, par le fait des 60
jours... Pour la majorité des cas, ça peut se régler dans
les 60 jours qui sont là; dans des cas où c'est plus grave ou
encore que ça demande plus de temps, à ce moment-là, on
demande à l'Office, et l'Office statue et dit: O.K., très bien,
on vous donne un autre 60 jours, et ainsi de suite. Au moins, on aurait une
personne qui pourrait suivre ce dossier-là.
M. Sabourin: Écoutez, je pense que ce que vous dites a
plein de bon sens, mais en autant que le syndic a des pouvoirs de contrainte et
qu'il peut forcer le professionnel à collaborer. Dans le cas de Mme
Frenette, où on mentionne quatre ans, je vous ai mentionné
tantôt que, avant de pouvoir interviewer le psychologue, c'a pris trois
ans. Ça fait évidemment que la question de 60 jours pourrait
avoir un impact ou pourrait être valable, mais en autant que le syndic a
les pouvoirs pour les faire respecter. Sinon, bien là, on va se
retrouver avec une ronde des 60 jours et on n'avancera pas...
M. Tremblay (Rimouski): On va regarder ça. O.K.
M. Sabourin: ...on ne fera plus avancer le problème.
La Présidente (Mme Hovington): Ça va, M. le
député de Rimouski?
Alors, il me reste à vous remercier, au nom des membres de la
commission, d'être venus nous présenter votre mémoire, ce
matin. Merci et au revoir.
J'inviterais le Conseil du statut de la femme à se
préparer à prendre place. Nous allons suspendre une minute.
(Suspension de la séance à 12 heures)
(Reprise à 12 h 1)
La Présidente (Mme Hovington): Je vous demanderais, s'il
vous plaît, de bien vouloir libérer pour le Conseil du statut de
la femme, afin qu'on puisse reprendre les travaux. Je m'excuse.
La commission poursuit ses travaux avec le Conseil du statut de la femme
représenté par Mme Marie Lavigne, présidente. Bonjour
madame. Voulez-vous nous présenter vos collègues pour fins de
transcription des débats?
Conseil du statut de la femme (CSF)
Mme Lavigne (Marie): D'accord. Merci, madame. Tout d'abord, je
vais vous présenter, à ma droite, Me Guylaine
Bérubé, qui est avocate au Conseil du statut de la femme.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.
Mme Lavigne: À ma gauche, Mme Marie Moi-san, qui est
chercheuse au Conseil.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour, bienvenue à
la commission. Alors, vous aurez 10 minutes pour nous résumer votre
mémoire.
Mme Lavigne: D'accord. Je vous remercie beaucoup, Mme la
Présidente.
Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la
commission parlementaire, nous remercions les membres de cette commission de
nous avoir invité, comme Conseil, à présenter notre point
de vue à l'occasion de cette révision du Code des professions et
aussi d'autres lois professionnelles. Notre intervention, comme avez dû
le voir dans notre mémoire, ne portera pas sur l'ensemble de la
révision, elle va se limiter essentiellement à vous faire part de
l'importance que le gouvernement du Québec prenne un engagement clair
afin que les contacts sexuels entre thérapeutes et clientes soient
interdits par la loi.
Nous avons été fort étonnées de l'absence de
dispositions à cet égard dans l'avant-projet de loi. Cette
absence étonne d'autant plus que la réflexion sur le sujet est
fort avancée, que des provinces canadiennes, que des États
américains et que certaines corporations professionnelles dans d'autres
provinces ont déjà pris à ce chapitre un certain nombre
d'actions et, de plus, au Québec, nous avons eu, lors du Sommet de la
justice l'an dernier, des débats sur cette question. C'est donc dans la
foulée de cette réflexion et dans la foulée de l'ensemble
des actions qui sont prises actuellement en Amérique du Nord, et aussi
dans le contexte d'une prise de conscience de plus en plus grande dans la
société québécoise du caractère tout
à fait inadmissible des actes sexuels entre thérapeutes et
clientes, que nous situons notre propos.
D'abord, je vais vous livrer quelques constats du
phénomène lui-même et, en second lieu, je vais vous faire
part des modifications que nous souhaitons en termes législatifs et
réglementaires. Je ne m'étendrai pas très longtemps sur la
description du phénomène, je pense que le mémoire est
assez explicite là-dessus et vous avez eu des témoignages
à cet égard déjà. Je vous préciserai
néanmoins que le Conseil considère que les actes sexuels entre
thérapeutes et clientes sont inacceptables, car ils constituent des abus
de pouvoir et de confiance de la part d'une personne, presque toujours un
homme, qui profite de sa situation d'autorité pour obte- nir des
gratifications sexuelles de la part d'une autre personne. Ces actes
constituent, selon nous, une violation du contrat thérapeutique. Le fait
que la satisfaction des besoins sexuels du thérapeute devienne partie de
la relation professionnelle est tout à fait contraire à
l'éthique des professions dont les membres offrent des soins.
Comme, d'ailleurs, le souligne l'Association médicale
américaine, il n'est évident pas inhabituel qu'une attirance
sexuelle se développe entre un thérapeute et une cliente dans un
contexte où l'admiration, l'empathie et le souci de l'autre sont
omniprésents. Il arrive aussi il faut se le dire que des
clientes ou patientes cherchent à amorcer une relation romantique ou
sexuelle avec un thérapeute. Mais, à cause de
l'inégalité qui caractérise les rapports entre les
professionnels de l'aide et les clientes, il appartient au seul
thérapeute de faire en sorte que les frontières
thérapeutiques soient préservées.
Le phénomène des abus sexuels par des thérapeutes
à l'égard des clientes commence à sortir de l'ombre. Le
fait que peu de cas soient portés à l'attention du public ne doit
pas nous leurrer car les plaintes portées par les clientes
abusées ne représentent que la pointe de l'iceberg. Ainsi, des
études montrent que de 4 % à 8 % des clientes victimes d'actes
sexuels en psychothérapie, seulement ce pourcentage a
dénoncé l'abuseur. des études américaines
réalisées auprès de thérapeutes masculins
révèlent que 5 % à 12 % de ceux-ci admettent avoir eu une
intimité sexuelle avec une ou plusieurs clientes. des études
ontariennes ou des études en colombie-britannique vont dans le
même sens. de plus, on ne peut minimiser l'effet de tels abus, et cette
question est d'ailleurs très bien documentée.
Donc, compte tenu du caractère inacceptable de ces actes sexuels
entre thérapeutes et clientes et de leurs conséquences
néfastes pour les femmes qui sont victimes de cette forme d'abus de
confiance, nous croyons qu'il faut une intervention législative.
À l'heure actuelle, et même si une obligation de conduite
irréprochable ou de respect des clientes et clients fait
généralememt partie des codes de déontologie
professionnelle, seule la Corporation professionnelle des psychologues interdit
explicitement les abus sexuels entre thérapeutes et clientes. Mais je ne
m'étendrai pas là-dessus, c'a été un débat
au cours de l'heure précédente.
Nous recommandons, comme conseil, une approche générale
ferme et uniforme pour contrer les actes sexuels entre professionnels et
clientes et nous demandons que le Code des professions soit modifié dans
ce sens. L'inclusion de règles claires dans le Code des professions
devrait favoriser une uniformité minimale dans le traitement des cas
d'abus. Les Québécoises qui portent plainte pour abus sexuels
doivent pouvoir s'attendre à un traitement juste et
équivalent.
Les dispositions qui devraient être ajoutées au Code des
professions devraient être formulées de manière à
toucher seulement les professions dont les membres offrent des soins physiques,
psychosociaux ou de
soutien émotif. Il semble en effet peu pertinent de proscrire
tout contact sexuel entre, par exemple, des architectes et des
ingénieurs et des clientes qui sont des femmes adultes et en mesure de
consentir librement à une relation intime. Par contre, des
professionnels comme des avocats ou des notaires pourraient être
visés par l'interdiction quand ils sont appelés à fournir
non seulement des avis juridiques, mais aussi du soutien dans des circonstances
impliquant émotivement la clientèle. L'interdiction de contacts
sexuels avec les clientèles et les clients devrait s'appliquer cependant
de façon très claire à l'ensemble des professionnels de la
santé et du domaine des services phychosociaux.
Le Conseil suggère donc, en premier lieu, que l'obligation
générale de respect des professionnels à l'endroit des
clients et clientes soit inscrite dans le Code, ainsi que l'interdiction de
paroles et d'actes de nature sexuelle entre professionnels et clientes quand le
rôle des premiers est de donner des soins psychiques, psychologiques et
de soutien émotif.
En second lieu, nous croyons que le Code des professions doit aussi
prévoir des sanctions sévères pour les professionnels
abuseurs. Or, l'avant-projet de loi prévoit des amendes allant de 600 $
à 6000 $ pour les contrevenants, ce qui paraît faible pour
décourager les pratiques d'abus sexuels. Rappelons, à titre
d'exemple, que le projet de loi ontarien pour les professionnels coupables de
faute sexuelle est de 35 000 $. D'ailleurs, cette amende s'applique de plus
avec la révocation du permis de pratique dans certaines circonstances.
(12 h 10)
Troisièmement, nous proposons qu'on ajoute un article qui stipule
que le bureau de chaque corporation professionnelle, dont les membres offrent
des services physiques, psychologiques ou de soutien émotif, soit tenu
d'adopter un règlement particulier qui interdise les actes sexuels entre
professionnels et clientes. Le Code devrait préciser, de façon
à ce que ne soit pas un voeu pieux, que les corporation visées
doivent avoir un règlement qui comprenne des dispositions portant
notamment sur la nature des actes qui sont interdits; deuxièmement, qui
précise à quel moment prend fin la relation professionnel-cliente
et prévoie aussi la durée post-traitement pendant laquelle les
traitements sont interdits; troisièmement, ce règlement devrait
aussi prévoir des modalités d'information générale
du public et, quatrièmement, ce règlement devrait aussi
prévoir des dispositions qui établissent la ligne de conduite
à tenir par des professionnels à qui une cliente
révèle avoir été victime, par ailleurs, d'abus
sexuels de la part d'un autre professionnel.
Le texte de notre mémoire donne d'ailleurs une série de
précisions sur chacun des ordres de dispositions. Ainsi, nous
recommandons que le pouvoir de déterminer le contenu des dispositions du
règlement interdisant les actes sexuels entre professionnels et clientes
soit laissé aux corporations professionnelles. Cependant, des mesures
doivent être instaurées pour assurer une cohérence d'une
corporation à l'autre. Le Conseil suggère donc que l'Office des
professions communique aux corporations professionnelles des lignes directrices
qui les guideront dans la rédaction de leurs documents. De plus, nous
croyons que l'Office doit s'assurer que chaque corporation soit dotée,
au plus tard un an après l'entrée en vigueur de la loi qui
modifie le Code des professions, de son règlement qui régira les
actes sexuels dans le cadre d'une relation professionnelle.
Donc, en terminant, rappelons que, dans une relation
thérapeutique, le professionnel ou la professionnelle ont la
responsabilité absolue de maintenir les frontières
thérapeutiques. Le Code des professions doit faire en sorte de
clairement situer à l'extérieur de ses frontières les
actes sexuels entre thérapeutes et clientes. Les corporations
professionnelles doivent, pour leur part, adopter un règlement
précisant les modalités pour appliquer la prohibition de tels
contacts sexuels. De plus, des mesures visant à informer clairement le
public sur les actes défendus et des mesures visant à soutenir
les femmes victimes doivent être développées.
L'éducation et la sensibilisation des professionnels, même
si elles constituent des activités extérieures au champ du Code
des professions, sont aussi primordiales pour prévenir de tels abus.
À l'heure où la tolérance sociale face aux diverses
manifestations de violence contre les femmes fait de plus en plus l'objet de
critiques, à l'heure aussi où plusieurs États
américains ont déjà légiféré sur la
question des abus sexuels par les thérapeutes, à l'heure
où des corporations professionnelles, autant aux États-Unis qu'au
Canada, se dotent de règles strictes en la matière, la
présente révision du Code des professions doit donner au
Québec l'occasion de s'attaquer sérieusement à ce
problème. Je vous remercie de votre attention.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup, Mme
Lavigne.
M. le ministre, vous avez la parole.
M. Savoie: Merci, Mme la Présidente.
Vous me permettrez certainement de saluer tout d'abord le Conseil du
statut de la femme et la présidente, Mme Lavigne, et les gens qui
l'accompagnent, Me Bérubé et Mme Marie Moisan, et de vous
souligner que j'ai l'intention ferme, là, de déposer votre
rapport, de le transmettre, bien sûr, au ministère de la Justice.
Je pense que ce serait intéressant d'avoir une sensibilité
certaine en ce qui concerne votre rapport au niveau du ministère de la
Justice, de même qu'au comité ministériel permanent sur les
affaires culturelles et sociales et au Comité de législation,
parce que, effectivement, les recommandations sont très larges et,
certainement, méritent attention.
On vous remercie essentiellement pour les deux recommandations
très précises que vous faites au niveau du travail de cette
commission, et on a été heureux de constater que vous
débordez le cap, uniquement, des
thérapies, c'est-à-dire qu'on va voir du côté
des autres corporations professionnelles au Québec qui travaillent avec
le public.
Ma première question, c'est: Est-ce que c'est la première
fois que vous présentez un mémoire sur ce sujet au niveau de
l'Assemblée nationale, disons, au cours des 10 dernières
années ou des 8 dernières années? Est-ce que c'a
déjà fait l'objet de quelques interventions, là?
Mme Lavigne: Non. Je dois vous dire que ça n'a pas fait
l'objet de présentation. Par ailleurs, nous avons amené une
proposition semblable dans le cadre du Sommet de la justice l'an dernier, et
plusieurs organismes étaient allés dans le même sens. Sauf
que je dois vous dire que c'est un dossier relativement nouveau, et nous avons
été amenées à travailler sur cette question,
notamment, dans le cadre de nos travaux sur la violence à l'égard
des femmes.
M. Savoie: Est-ce qu'il y a des motifs précis qui feraient
en sorte que, bon, c'est la première fois qu'on aborde cette
question-là à une commission parlementaire, le Conseil du statut
de la femme?
Mme Lavigne: Oui. Je pense que ça fait partie de
l'ensemble général du phénomène de la violence
à l'égard des femmes, qui était un phénomène
tout à fait caché, et aussi du phénomène des abus
sexuels où les femmes... Bon! On connaît les conséquences
de ces phénomènes où il y a un fort sentiment de
culpabilité, un fort sentiment de honte et où les femmes ne
dénonçaient pas ce phénomène. Donc, de la
même façon que la violence conjugale était un
phénomène qui était totalement occulté et
caché, que les agressions sexuelles l'étaient elles
continuent toujours, de toute façon, à faire l'objet d'une
sous-dénonciation, d'une sous-révélation les abus
sexuels dans le cadre d'une relation thérapeutique s'inscrivaient dans
la même logique. Donc, c'est quand même assez récent que des
femmes ont, sur la place publique, émis des témoignages et c'est
une réalité à laquelle, comme société, on
est confronté, mais c'est un phénomène qui est quand
même, comme dénonciation et comme étude, relativement
récent partout en Amérique du Nord, comme connaissance du
phénomène, même si, depuis une dizaine d'années, il
y a une série d'études qui le documentent. Je dois vous dire que
l'occasion ne s'est pas présentée dans la mesure où on
s'inscrit vraiment dans un véritable processus de révision du
Code, et ça nous semblait une occasion appropriée de le
faire.
M. Savoie: Est-ce que vous avez échangé sur ce
sujet avec des structures semblables au niveau des autres provinces? L'Ontario,
par exemple.
Mme Lavigne: Oui. Je vais peut-être laisser ma
collègue vous faire part de la documentation qui a été vue
à cet égard.
Mme Moisan (Marie): En fait, on n'a pas eu d'échange
direct, verbal sur le sujet avec des gens d'autres provinces, mais on a eu
beaucoup de documentation provenant de l'Ontario, de la Colombie-Britannique,
de l'Alberta et de différents États américains
également, là, et qui nous ont donné quand même une
bonne connaissance de ce qui se faisait ailleurs.
M. Savoie: D'accord. Si vous avez des documents ou des
études pertinentes et que vous croyez qu'on devrait prendre connaissance
de ces documents-là avant de déposer notre projet de loi, on vous
demanderait de nous les transmettre le plus rapidement possible, si vous avez
accès à des informations que vous jugez utiles et
nécessaires à cette commission. Il me fera plaisir d'en prendre
connaissance.
Je vous remercie d'avoir pris le temps de déposer un
mémoire. Je puis vous assurer qu'on a pris note de vos recommandations,
il y a déjà plus d'une semaine, et il y en a certaines qui font
déjà l'objet d'interventions et de préparation. On
l'apprécie grandement. Merci.
Mme Lavigne: Je vous remercie.
La Présidente (Mme Hovington): Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, Mme la Présidente.
Mme Lavigne, Me Bérubé, Mme Moisan, bienvenue. Votre
mémoire est extrêmement éclairant au niveau d'une vision
plus globale du problème, je dirais. Le mémoire de Me Barnabe, de
Mme Frenette et de Mme Delorme nous permettait de toucher plus
spécifiquement au système disciplinaire comme tel et les
problèmes qu'il peut poser pour le plaignant. Votre mémoire nous
apporte des propositions extrêmement précises pour une vision
globale de règlement du problème, plus que pour un système
disciplinaire précis.
J'ai classé vos recommandations dans cinq principales
catégories, je pense: l'obligation générale du respect de
l'interdiction des actes sexuels entre thérapeutes-clients, que
ça soit interdit au niveau du Code des professions comme tel pour amener
une certaine uniformité; des règlements particuliers pour les
corporations visées pour permettre une cohérence, pour ne pas que
ces règlements particuliers soient très incohérents, donc
on demande une ligne directrice à partir de l'Office; une
réaction aussi au niveau des sanctions, pour que les sanctions soient
beaucoup plus sévères, ce qui serait une mesure
préventive. (12 h 20)
Vous nous faites des propositions aussi concernant les thérapies
alternatives qui ne sont aucunement couvertes présentement pour le Code
des professions, et il faudrait peut-être ajouter à ça les
corporations à titre réservé puisqu'une partie des
professionnels qui ne sont
pas membres des corporations à titre réservé ne
sont pas couverts, même s'ils ne font pas partie des thérapies
alternatives. Et la cinquième proposition est surtout au niveau de
l'information, information, je dirais, au niveau des plaignants, mais
information aussi au niveau de la population en général, et
formation continue au niveau des professionnels. Alors, je pense que vous avez
vraiment tracé un portrait extrêmement précis et global des
lacunes du système puis des pistes de solution qu'on pourrait
aborder.
Au niveau des questions, Mme la Présidente, si vous le permettez,
puisque ma collègue des Chutes-de-la-Chaudière est la responsable
pour notre formation politique de la condition féminine et de la
politique familiale, je lui laisserais la parole pour les questions.
La Présidente (Mme Hovington): D'accord. Allez-y, Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, Mme la
Présidente.
Effectivement, je m'y connais un peu plus au niveau des dossiers
concernant les femmes que dans ceux des corporations professionnelles, mais
quoique je peux vous dire que je commence à en savoir plus long
maintenant. Moi, j'ai vu des choses très précises dans votre
mémoire. Je suis très contente que vous soyez venues
témoigner ici, ce matin, puis que vous ayez des recommandations à
faire. Moi, je vois ça d'une façon un petit peu
différente. Ma collègue vous a fait un peu l'ensemble. Moi, je
dis: II y a des choses qui sont proposées au ministre et à
l'Office, des choses très précises dont ils peuvent tenir compte
immédiatement, dans un premier temps. Je pense, entre autres, quand vous
suggérez qu'il y ait un article très précis inscrit au
niveau du Code des professions; ça, c'est quelque chose qui peut se
faire rapidement. Sur l'ensemble, généralement, un article
général dans le Code des professions, c'est quelque chose qui se
fait rapidement.
L'autre chose qui peut se faire rapidement et que je trouve
intéressante aussi, c'est l'augmentation des sanctions par rapport aux
amendes. Vous étiez, je pense, présentes ce matin, et on voit
qu'il y a un problème au niveau des corporations à titre
réservé, par exemple, où les gens n'ont pas besoin de
s'appeler «psychologues» ou peu importe, ils peuvent changer leur
nom pour pouvoir continuer de pratiquer. Alors, qu'ils soient radiés ou
pas, il y en a pour qui ça n'a pas l'air de déranger grand-chose,
on a entendu des commentaires là-dessus. Alors, peut-être qu'au
niveau de l'augmentation des sanctions par rapport aux amendes, ça,
c'est quelque chose qui peut se faire aussi rapidement, qui peut aider.
Par rapport à l'obligation, en tout cas, au niveau de l'Office
des professions, de produire des lignes directrices et que chacune des
corporations soit tenue d'adopter un règlement, je trouve que c'est
fantastique, c'est très bien comme recommandation. Je n'ai rien contre
la recommandation, mais je peux vous dire que, là-dessus, j'ai certaines
inquiétudes quant à la rapidité dans l'adoption de ces
règlements parce que j'ai appris, depuis quelques jours ici, que, quand
on parle d'adoption de règlements quand on est dans une corporation,
à partir du moment où on dépose le règlement et
avant que le processus se termine, ça peut prendre plusieurs
années.
Alors, disons deux recommandations précises qui peuvent se
retrouver dans le projet de loi qu'on aura à débattre
éventuellement, et j'espère qu'on pourra les retrouver, d'autres
qui sont intéressantes, mais que je ne pense pas qu'on retrouve
très rapidement, en tout cas, à moins qu'il y ait des changements
importants qui ad-viennent au niveau du processus d'adoption de ces
règlements-là.
Par rapport à ces règlements-là, ce qui, à
mon sens écoutez, j'aimerais que vous m'en parliez un petit peu
peut contribuer aussi à allonger le processus, c'est qu'on arrive
dans un domaine qui n'est pas précis; on n'est pas en science exacte,
là. Quand on parle de mettre des dispositions précisant à
quel moment prend fin la relation professionnel-cliente et prévoyant la
durée, etc., comment vous pensez qu'on peut en arriver à mettre
un cadre précis du genre de dispositions dont vous nous faites
état dans votre mémoire? Est-ce que c'est possible d'en arriver
à tirer précisément un cadre?
Mme Lavigne: Écoutez, je pense que, dans votre question,
il y a presque un élément de réponse. Ce pourquoi nous
avons privilégié une approche qui soit via une
réglementation, c'est justement à cause de la difficulté
d'identifier très précisément, notamment, la question des
délais. Évidemment, la relation avec un médecin qui vous
prescrit quelque chose pour un mal de gorge est de nature différente
qu'avec un psychiatre. Et les délais, dans un cas comme dans l'autre, ne
sont peut-être pas les mêmes. Il devenait extrêmement
complexe, compte tenu qu'il y a des situations différentes et que
chacune des disciplines a développé une expertise aussi
différente, d'avoir, dans une loi elle-même, l'ensemble des
dispositions où on prévoit des délais qui, dans les faits,
deviendraient à toutes fins utiles, presque inapplicables, parce qu'on
les formulerait de façon tellement générale que ça
frôlerait l'angélisme.
Alors, c'est la raison pour laquelle on se disait: L'Office peut, compte
tenu de l'expertise extrêmement développée qu'on retrouve
ailleurs en Amérique du Nord, fournir à chacune des corporations
professionnelles visées des modèles. Et les gens en comité
de travail peuvent identifier, pour leur profession, les délais, les
différents mécanismes, rappelant les quatre ordres de
dispositions dont on a fait état et qui doivent se retrouver, nous
semble-t-il, nécessairement dans tout règlement.
On doit avoir ces quatre ordres de dispositions là. Mais on se
disait: C'est mieux que ça soit les corporations professionnelles qui le
fassent avec un soutien très clair de la part de l'Office qui leur donne
des lignes
directrices et où l'Office, en contrepartie, peut exercer, comme
dans les autres cas, son pouvoir d'analyse et son pouvoir de recommandation
avant de faire une recommandation favorable au gouvernement pour l'adoption
d'un règlement. Donc, c'est pour éviter de passer des
années dans un grand débat social où on établit si
le délai dans telle profession vaut pour le délai dans une autre
profession, et on se dit: Qu'on les identifie par profession.
Dans votre intervention, vous avez aussi fait part de
l'inquiétude que vous aviez quant aux délais. Nous avons, je
pense, le même type d'inquiétude et c'est ce pourquoi nous
souhaitons et remarquez que notre recommandation pourrait être
plus ferme parce que je pense qu'on l'a mise sous le terme
«pourrait» que ce soit dans l'espace d'un an. Ceci pourrait
très bien, je pense, lors de discussions, s'intégrer dans un
projet de loi où il y aurait effectivement l'obligation de remettre au
bout d'un an un projet de réglementation d'une profession. Mais l'esprit
de notre mémoire est très clair: ça doit se faire
rapidement et il doit y avoir un échéancier d'un an ou on se
retrouve, à ce moment-là... Si la corporation n'a pas
réussi à identifier les quatre ordres de dispositions, bien
l'Office doit exercer son rôle qui est, d'abord et avant tout, un
rôle de protection du public à cet égard-là, et
ça sera, à ce moment-là, l'Office qui le fera. Je pense
qu'on a donné, à cet égard-là, des pistes, mais il
y a possibilités, nous semble-t-il, de travailler dans ce sens-là
et de prévoir différentes modalités.
Mme Carrier-Perreault: Quand vous parlez du délai d'un an,
c'est le délai que vous pensez raisonnable pour que la corporation
produise le règlement ou dépose un règlement. Est-ce que
c'est de ça qu'il s'agit?
Mme Lavigne: Oui.
Mme Carrier-Perreault: Parce qu'il y a bien d'autres
délais, par après, quand on parle d'adoption d'un
règlement. Comprenez-vous? C'est dans ce sens-là que j'avais
aussi des inquiétudes.
Mme Lavigne: Oui, d'accord. C'est ça. Mme
Carrier-Perreault: Par rapport à...
La Présidente (Mme Hovington): II vous reste une
demi-minute.
Mme Carrier-Perreault: Une demi-minute!
La Présidente (Mme Hovington): Mais je peux vous en passer
une sur mon temps.
Mme Carrier-Perreault: Vous allez m'en passer une? Vous
êtes aimable, Mme la Présidente.
Par rapport aux médecines alternatives vous allez
probablement venir en commission parlementaire aussi en discuter, je ne le sais
pas, mais, de toute façon, on pourrait essayer de faire passer le
message aussi, là qu'est-ce que vous voulez dire quand vous
parlez de «mécanismes de contrôle», à ce
moment-là? Je ne suis pas sûre d'avoir bien saisi. À la
page 12 de votre mémoire.
Mme Bérubé (Guylaine): En fait, on pense que
certaines personnes qui, effectivement, font des thérapies alternatives
devraient être visées, sauf qu'on se disait: Mais comment les
viser? Si ce ne sont pas des professions reconnues, c'est difficile de les
viser. C'est pour ça qu'on disait: Peut-être qu'il devrait y avoir
quelque chose. Et, si jamais on les reconnaissait, il devrait y avoir une
interdiction qui s'applique à eux aussi.
Mme Carrier-Perreault: En fait, on a le même
problème au niveau des corporations non reconnues, comme vous dites,
qu'on peut avoir, par exemple, au niveau de professionnels qui exercent mais
qui ne font pas partie d'une corporation, vous savez.
Mme Bérubé: Oui.
Mme Carrier-Perreault: Mais ça, le ministre nous a
assuré qu'il ferait quelque chose là-dessus.
Mme Bérubé: Effectivement.
Mme Carrier-Perreault: Alors, je vous remercie.
La Présidente (Mme Hovington): S'il n'y a plus
d'intervenants, il est 12 h 30, il me reste à vous remercier du
mémoire que vous êtes venues nous présenter ce matin et qui
apporte un bon éclairage pour le futur de nos travaux. Je vous souhaite
une bonne journée.
La commission va suspendre ses travaux jusqu'à 14 heures, cet
après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 30)
(Reprise à 14 h 3)
La Présidente (Mme Hovington): J'inviterais le
Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les
agressions à caractère sexuel à bien vouloir prendre
place, s'il vous plaît.
Nous avons Mme Diane Lemieux qui est la porte-parole.
Regroupement québécois des
centres
d'aide et de lutte contre les agressions
à caractère sexuel (CALACS)
Mme Lemieux (Diane): Oui.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour, madame. Vous
êtes accompagnée de Mme Christine Pruneau, intervenante. Bonjour,
Mme Pruneau.
Mme Pruneau (Christine): Oui. Bonjour.
La Présidente (Mme Hovington): Vous avez donc 20 minutes
pour nous présenter votre mémoire.
Mme Lemieux: Je voudrais, premièrement, vous remercier
d'avoir bien voulu nous accueillir.
Je voudrais situer le contexte de notre réflexion aujourd'hui.
Peut-être que certains d'entre vous ont déjà eu l'occasion
de jeter un coup d'oeil à notre mémoire. Nous ne
prétendons pas être des spécialistes de toute la question
de l'encadrement du système des professionnels au Québec. Vous
allez remarquer qu'on pose plus souvent des questions que des réponses.
Nous n'avons pas fait une analyse article par article.
Nous sommes d'autres spécialistes, des spécialistes de la
problématique de la violence sexuelle, et nous avons la
prétention que nous pouvons contribuer aux travaux de la commission. En
ce sens-là, il est bien évident qu'on ne pourra pas avoir un
échange sur l'article 23.4, alinéa deux, parce qu'il va falloir
que je le trouve, mais il reste que l'expérience qu'on a dans ce
dossier-là à différents niveaux, notamment au niveau
criminel, nous inspire beaucoup dans le cadre de votre réflexion.
Pour commencer, je vous dirais simplement que le Regroupement
québécois des CALACS, Centres d'aide et de lutte contre les
agressions à caractère sexuel, est un réseau d'une
vingtaine de ressources au Québec. On vient en aide plus
particulièrement aux femmes et aux jeunes qui sont victimes de toutes
les formes d'agression sexuelle à chaque année.
Pour nous, la question des abus sexuels c'est vraiment de ce
point de vue qu'on veut vous parler aujourd'hui s'inscrit dans la
réalité beaucoup plus globale des agressions à
caractère sexuel. Peut-être en avez-vous eu connaissance, ces
derniers mois, il y a eu des amendements assez intéressants au Code
criminel canadien qui ont fait d'ailleurs la manchette de bien des journaux,
où on a précisé la notion de consentement en ce qui a
trait à l'agression sexuelle définie dans le Code criminel
canadien. On a vraiment situé la question de l'abus de pouvoir et de
confiance dans le créneau des crimes à caractère sexuel.
C'est pour nous, donc, une excellente occasion, l'avant-projet de loi qui est
devant nous, de faire aussi un pas qui pourrait être un pas significatif
comme celui qui a été fait dans le domaine criminel.
La première chose qu'on doit dire, c'est que la question des abus
sexuels de la part des professionnels de la santé et des services
sociaux ne peut plus être ignorée. C'est bien évident que
ce ne sont pas tous les professionnels qui abusent de leur pouvoir, qui ont des
comportements abusifs, sauf qu'il y a un certain nombre d'entre eux qui
transgressent ces règles élémentaires de l'éthique
et du respect des personnes qui s'adressent à eux. Il est très
difficile d'évaluer le nombre exact de victimes de ces comportements, et
c'est bien évident que les statistiques officielles ne peuvent pas
être la seule source, par exemple, dans ce cas-ci, le nombre de plaintes
aux corporations professionnelles. C'est même souvent des piètres
indicateurs.
On le voit aussi en matière criminelle. Il y a au Québec,
par exemple, 3000 agressions sexuelles qui sont signalées aux
autorités policières à chaque année, mais ça
ne veut absolument pas dire qu'il n'y a que 3000 agressions sexuelles qui se
commettent au Québec. Et ça, c'est une caractéristique de
crimes qui sont liés à la violence sexuelle, c'est des crimes qui
sont sous-dénon-cés, donc c'est très difficile d'en
mesurer l'ampleur. En matière criminelle, les sondages nous indiquent
qu'entre une victime sur trois et une sur cinq signale le crime dont elle a
été victime. On peut supposer que ça pourrait être
à peu près la même proportion dans les cas d'abus sexuels
de la part des thérapeutes.
Mais, encore là, même si on n'a pas de données
hautement précises, ça ne doit pas nous empêcher d'agir, et
on donne souvent le même exemple: on n'a pas attendu d'avoir le nombre
exact de personnes qui conduisent en état d'ébriété
pour mettre en place, par exemple, des campagnes d'éducation. On ne le
sait pas, le nombre exact, on sait que c'est suffisamment important et on a mis
un certain nombre de moyens pour agir par rapport à ce
phénomène. Et je pense qu'on doit avoir un peu la même
attitude.
D reste quand même, quand on regarde toutes les sources de
références disponibles, notamment... Vous savez qu'il y a eu
certains rapports d'enquête dans d'autres provinces: l'Alberta, la
Colombie-Britannique et l'Ontario. L'Ontario a déposé un rapport
dont il a été beaucoup question dans les médias. Donc, si
on regarde ces différentes sources, on pourrait évaluer à
peu près un taux de 10 % de relations professionnel-cliente ou patiente
qui sont contaminées par l'abus sexuel, qui peuvent varier,
évidemment, d'intensité. Là-dessus, je vous
référerais au Conseil du statut de la femme qui a fait un
état assez juste des travaux qui ont été faits ces
dernières années dans d'autres provinces.
Je vous rappelle aussi... Et on m'a indiquée que, ce matin, vous
avez eu des présentations en ce sens-là très, très
significatives. Je n'aurai pas besoin de vous convaincre des effets, des
conséquences de ces gestes-là, elles sont catastrophiques, et que
l'abus sexuel représente une des trahisons les plus significatives de la
confiance. (14 h 10)
Pour nous, la première stratégie, c'est de nommer le
problème. On a vu, si on fait un parallèle avec toute la question
du viol... Il y a 15 ans, lorsqu'on parlait de viol, les gens disaient qu'on
était des vraies folles. Excusez l'expression, mais on ne s'imaginait
pas que ce problème-là existait avec l'ampleur qu'on
connaît au-
jourd'hui. Le problème des abus sexuels commis par des
professionnels, finalement, ça ne fait pas si longtemps qu'il est dans
le domaine public et ça se peut bien qu'on rencontre les mêmes
résistances qu'on a rencontrées, par exemple, dans le cas de viol
ou de violence conjugale. Et, pour contrer ça, le premier pas à
franchir est vraiment de nommer spécifiquement ce problème. En ce
sens-là, à la page 5 de notre mémoire, une des suggestions
qu'on fait, c'est de reconnaître de façon spécifique les
gestes d'abus sexuels comme des actes dérogatoires, les nommer noir sur
blanc. Dans l'esprit des articles 57 et suivants du Code des professions,
ça pourrait très bien s'inscrire dans la lignée de ces
articles-là.
Évidemment, en conséquence, pour nous, c'est clair que les
codes de déontologie doivent prévoir spécifiquement des
mesures qui concernent les abus sexuels et qui peuvent être plus ou moins
adaptables, dépendam-ment des professions. Dans le même sens
aussi, on pense que l'Office des professions peut servir de guide aux
corporations professionnelles, peut soutenir les corporations professionnelles
dans la recherche des mesures les plus adaptées à leur
profession.
Vous allez voir que, au cours de notre mémoire, on fait souvent
allusion à certains principes. Comme je vous le dis, on ne vous fera pas
des suggestions à tous les articles, mais les modifications, comme
celles que vous avez présentées, doivent s'inspirer d'une vision
d'un problème. On s'est permis de rappeler certaines propositions qui
ont reçu, quand même, un accueil assez favorable lors du dernier
Sommet de la justice, en février dernier. Et ces propositions, grosso
modo, visaient notamment à accorder beaucoup de leadership à
l'Office des professions dans la révision des règles
déontologiques, dans la réflexion et la mise en place d'un
mécanisme adéquat pour contrer ce problème, dans la
concertation des efforts ça, je pourrai y revenir, mais je pense
que c'est important qu'on travaille un peu plus ensemble et que l'Office
aussi réfléchisse aux limites du système professionnel qui
n'assure pas toujours la protection du public.
En ce sens-là, en repartant des principes que nous avions
énoncés au Sommet de la justice, finalement, on s'est dit qu'il y
a peut-être une relecture du Code des professions qui doit être
faite à la lumière de ces principes-là. Et j'ai lu ou j'ai
entendu M. le ministre parler de cette commission en disant: II faut aller
à la recherche de compromis. Effectivement, il faut aller à la
recherche de compromis, mais ces compromis doivent être basés sur
une vision et un objectif clair, qu'est la protection du public, qui doit
être la priorité.
Donc, cette relecture devrait être basée sur des principes
fort simples, mais on pense important de rappeler que: premièrement,
l'utilisation abusive du pouvoir des professionnels ne peut être
tolérée, point à la ligne; deuxièmement,
l'élimination de ces comportements doit être une priorité;
troisièmement, les personnes et les organismes responsables de la
protection et de la sécurité du public ont l'obligation de mettre
en place les actions les plus complètes et les plus efficaces afin
d'empêcher la violence et de réduire les effets néfastes
lorsqu'elle se produit.
Un autre principe je sais que ça, ça soulève
bien des passions toute la question des droits des victimes versus ceux
des professionnels en question. Pour nous, c'est clair qu'on doit chercher
à atteindre un équilibre et que les droits des victimes ont tout
autant de valeur et d'importance que ceux des personnes qui sont
accusées.
J'ai eu l'occasion, dernièrement, de discuter avec le Dr Roy,
président de la Corporation professionnelle des médecins, qui me
rappelait sans cesse que le système disciplinaire est un système
assez exceptionnel au Québec enfin, là, je ne le cite pas
mot à mot, quand même, mais c'est ce que j'en ai compris
où on a des règles de procédure qui sont finalement
très compromettantes. Je demeure convaincue que, malgré ce
système de protection, il faut absolument viser l'équilibre des
droits des victimes et des personnes qui sont concernées.
L'autre principe extrêmement important: je pense que les
gouvernements et les institutions doivent user de leur influence. Et, en ce
sens-là, le rôle de l'Office pourrait être très
important.
En écrivant ce mémoire, en discutant, en
réfléchissant et en partageant l'expérience qu'on avait
aussi sur le terrain, on a identifié un certain nombre de questions fort
controversées, pour lesquelles on n'a pas nécessairement de
réponses, mais on trouvait important de les soumettre dans l'espoir
qu'il y ait une progression dans notre réflexion par rapport à
ces questions plus litigieuses. Une des questions importantes... Et on est
très conscientes qu'il y a là des enjeux qui nous
dépassent probablement. Mais le fait que tous les professionnels, au
sens large du terme, ne soient pas regroupés pose un problème
lorsqu'on pense à contrer un phénomène comme la question
des abus sexuels. Évidemment, la façon simple pour nous serait de
dire: Regroupez-les en corporations, c'est fini, c'est réglé. On
nous a expliqué que ce n'était pas aussi simple que ça, on
peut en convenir, sauf que c'est un problème.
À partir du moment où un professionnel n'est pas
régi par une corporation professionnelle, ça enlève un
certain nombre de recours possibles. Alors, on veut bien que ce soit
compliqué, mais le problème est trop important pour qu'on ne
fasse pas une tentative de rechercher des solutions qui ne seraient
peut-être pas les solutions auxquelles on penserait immédiatement,
mais ça vaudrait la peine d'investiguer.
Évidemment, la question des sanctions dans les cas d'inconduite
mérite une attention particulière. On est conscientes que les
sanctions ont des limites, on ne corrige pas tout par des sanctions. Par
contre, on est aussi conscientes que la réprobation des milieux
professionnels doit être sans équivoque. Alors, en ce
sens-là, il y a peut-être une révision des règles
qui régissent les sanctions qui seraient appropriées.
On s'interroge beaucoup sur ce qu'on a appelé,
nous, les processus de suivi. C'est que, à partir du moment
où il y a une plainte contre un professionnel, il y a des mesures
disciplinaires, etc. Quels moyens on prend pour s'assurer qu'un professionnel a
corrigé ses comportements? C'a l'air d'une façon simpliste de le
dire, mais est-ce qu'on a des moyens à notre disposition? Est-ce qu'on
réintègre ces gens-là sans se poser des questions? Pour
nous, une opération qui voudrait véritablement dire s'attaquer
aux sources des abus sexuels voudrait aussi dire qu'on examine mieux ces
processus de suivi.
L'autre question qu'on s'est également posée, c'est tout
l'équilibre entre le secret professionnel et la protection du public. Le
secret professionnel est une notion un peu taboue, c'est-à-dire que je
pense que, très justement, on tente partout de protéger ce
concept-là; là n'est pas le problème. Mais la question
qu'on s'est posée, c'est: Qu'est-ce que le secret professionnel nous
empêche de dire, de faire et de résoudre?
Il nous arrive dans nos communautés... Il y a eu une situation
dernièrement à Val-d'Or je le souligne, M. le ministre,
parce que je sais que c'est votre région où il y a eu des
accusations contre certains professionnels qui avaient énormément
de crédibilité dans la communauté, et ces
comportements-là étaient connus d'autres professionnels. Et on
sait qu'il existe des règles où les professionnels doivent et
peuvent signaler des comportements fautifs de leurs collègues, mais,
dans les faits, c'est difficile. On pense que cette notion-là de secret
professionnel est peut-être un piège. On n'est pas en train de
dire qu'il faut abolir tout ça, on est en train de se demander: Est-ce
qu'il y a d'autres choses auxquelles on peut penser? Est-ce qu'il n'y a pas des
effets pervers à ce secret professionnel et de quels moyens on dispose
véritablement pour faire en sorte que l'entourage professionnel d'un
professionnel puisse avoir de la prise pour agir lorsqu'ils ont connaissance de
comportements inadéquats?
Évidemment, on a énormément de questions sur toute
la question des processus de plaintes. J'ai lu les journaux et je sais que c'a
été largement abordé ici. On n'est pas
nécessairement des spécialistes des processus de plaintes, mais
ce qu'on en connaît et l'expérience qu'on a, c'est
l'élément de la transparence qui vient immédiatement
à notre esprit, le sentiment que les processus de plaintes sont
fermés, que c'est une dynamique de vase clos. On ne peut pas
prétendre représenter toutes les femmes agressées
sexuellement du Québec, mais il reste que les femmes qui s'adressent
à nous nous projettent ça aussi.
Le principe d'être jugé par ses pairs a des effets
positifs, mais, là aussi, il y a des risques qui pourraient être
minimisés si on ajoutait de l'input passez-moi l'expression
extérieur. Je sais que c'est un débat qui est très
présent et on tenait à le reporter à votre attention.
L'autre situation très litigieuse et je ne sais pas si
ça vous a été indiqué jusqu'à maintenant
est qu'on a été confrontées à des situations
où des professionnels ont eu des comportements en dehors de leur
pratique, mais des comportements profondément incompatibles avec leur
profession, donc où il n'est pas question de penser à une plainte
dans le cadre de leur pratique, parce que c'est un comportement du domaine de
la vie privée. Mais il faut répondre à cette
question-là: Qu'est-ce qu'on fait quand quelqu'un a un statut, un
pouvoir et un rôle social extrêmement important, quand cette
personne-là, dans sa vie privée, a des comportements hautement
condamnables? Il va falloir résoudre cette question-là.
Pour terminer ma présentation après, je vais passer
la parole quelques minutes à ma collègue il y a des mots
clés, je pense, qui doivent revenir de plus en plus fortement, c'est:
l'éducation, la formation, la sensa-bilisation, l'information. On ne le
répétera jamais assez. Oui, c'est important d'agir après
coup, de bien agir après coup, mais il faut absolument avoir de la prise
sur les causes de ces problèmes. (14 h 20)
En ce sens-là, on avait déjà présenté
des propositions dans le cadre du Sommet de la justice finalement, c'a
été fort utile pour nous, le Sommet, c'a été une
répétition générale de cet après-midi
dans le sens que, entre autres, l'Office devait inviter les corporations
à accélérer leur réflexion, qu'on devait penser
à une révision, par exemple, de tous les programmes de formation
de base ou de formation continue des différentes disciplines qui sont
particulièrement à risque, qu'il fallait continuer et accentuer
les mesures de sensibilisation, qu'il fallait s'allier aussi la présence
de personnes qui connaissent bien ce dossier et, donc, que la prévention
présente des avenues prometteuses. En ce sens-là, l'Office
pourrait avoir un rôle beaucoup plus important.
Moi, ce que j'ai compris dans ce que j'ai vu, ce que j'ai lu et les
contacts qu'on a pu avoir avec l'Office des professions, c'est un rôle
qui est lié avec la protection du public, mais je sens que c'est une
conception peut-être un peu restrictive et que l'aspect de
l'éducation du public devrait prendre beaucoup plus d'importance.
Alors, je complète mon intervention là-dessus. Je vais
passer la parole à ma collègue, Christine, qui intervient
directement, quotidiennement, avec des victimes d'agressions sexuelles et qui
va rapidement un peu partager son expérience.
Mme Pruneau: Merci. Alors, bonjour. C'est ça, moi, je
viens surtout en tant qu'intervenante. On entend des choses dans les bureaux de
la part des femmes, parce qu'on rencontre les femmes et les adolescentes, et ce
que je voudrais surtout dire, c'est que de plus en plus... On ne peut pas
noter, on ne peut pas «statistiquer» les demandes face à ces
formes d'abus. Par contre, ce qu'on peut dire, c'est qu'il y a de plus en plus
de dénonciations qui sont faites dans nos bureaux, et ça,
toujours en toute confidentialité.
Ce qu'on voit, ce qu'on entend de la part des femmes, c'est beaucoup de
l'hésitation face à porter plainte ou pas. Le fait que les
démarches, pour elles, ne sont pas claires non plus, à savoir:
Par où je commence? Est-ce que c'est mieux d'aller au criminel, est-ce
que c'est mieux d'aller à la corporation, est-ce que c'est mieux d'aller
à l'Office? Alors, tout ça, ce n'est pas clair pour les
personnes. Elles ont peur, aussi, de ne pas être crues, elles ont peur de
ne pas être crédibles aux yeux de l'Office ou aux yeux de la
corporation. Elles sentent que c'est leur parole contre la parole du
professionnel qui est en jeu.
Souvent, on entend: Bon, elle a été victime. Puis la
photographie d'une femme victime ou d'une adolescente victime, je trouve que
c'est très... je la sens très péjorative comme
photographie, et j'ai comme le goût de remettre un peu une meilleure
note, c'est-à-dire que, lorsque la personne se fait agresser, elle se
fait agresser dans un contexte de vulnérabilité. Ce n'est pas
toute sa personne qui est victime et c'est ça que j'aimerais qu'on
comprenne, parce que les personnes qui viennent aux centres, oui, elles vivent
une période difficile, elles vivent une période de
vulnérabilité, mais ce n'est pas toute leur personne, et je crois
que le fait de changer cette photographie aiderait davantage à une
meilleure crédibilité, entre autres, pour la personne qui est
victime.
Ce qu'on remarque aussi dans les centres moi, ça fait
depuis 1987 que je suis là c'est, des années 1987, 1990,
toute la recherche de soi, la profondeur. Il y a quelque chose qui m'est
arrivé dans ma vie, alors je veux aller vérifier des choses, ce
qui fait qu'elles vont consulter. La population, en général, va
consulter différentes professions, différents professionnels.
Certains professionnels ont une corpo, d'autres n'en ont pas.
Je ne veux pas faire un débat sur qu'est-ce qui doit ou qu'est-ce
qui ne doit pas, sauf que je veux dire que les professionnels qui n'ont pas de
corporation n'aident pas du tout les personnes, c'est-à-dire que les
personnes n'ont aucune protection face à ces professionnels. Vers quoi
elles peuvent aller si jamais il n'y a pas de corporation ou une autre
façon de procéder? Je ne veux pas non plus partir de débat
là-dessus, mais j'aimerais aussi qu'il y ait des questions qui se
posent. Qu'est-ce qu'on fait avec les personnes qui vont consulter, par
exemple, des psychothérapeutes, par exemple, des centres de santé
où c'est différentes philosophies, où est-ce qu'il n'y a
rien qui est régi par ces centres?
Nous, aux centres, bon, c'est sûr qu'il y a la relation d'aide, il
y a toutes les dénonciations, les luttes et tout le niveau
prévention aussi. Ce qu'on fait au niveau préventif,
auprès des gens, bon, auprès des femmes entre autres, parce que
c'est elles qu'on rencontre, c'est qu'on leur dit: Oui, tu as le droit de dire
non. Oui, c'est important que tu écoutes tes feelings, que tu
écoutes tes intuitions, donc de te faire confiance là-dedans.
Bon. On a beaucoup ce discours-là. Notre prévention, aussi,
auprès de la population, c'est de dire:
Oui, ça existe. Mais on a des limites au niveau de notre
prévention, et c'est là, à partir du fait que, nous, on ne
peut plus intervenir, c'est qui qui intervient auprès, entre autres, de
ces professionnels-là? Et là, nous, on n'a plus de pouvoir
là-dessus. C'est pour ça qu'on trouverait important qu'il y ait
une réflexion à ce niveau-là.
Quand on parle de prévention, c'est comme ce qu'on peut demander
auprès d'une corpo ou de l'Office, auprès de la population, c'est
vraiment de donner de l'information. Et, quand je dis
«information», l'exemple que j'ai, c'est que, cette semaine, j'ai
rencontré une jeune femme qui a porté plainte il y a trois ans;
ça n'a pas passé, bon. Maintenant, elle veut retourner en appel.
Moi, j'ai appelé Diane et je lui ai dit: Envoie-moi de la documentation,
je n'en ai pas. Alors, elle m'a envoyé un dépliant fait par
l'Office, je crois. C'est mercredi. Je donne ça à la jeune femme
et là, quand elle a vu toutes les étapes, elle a dit: Ah! c'est
là où je suis rendue. Puis là, ça a fait comme:
Fiou! au moins, je suis contente, j'ai l'information. Alors, déjà
là, on venait de lui donner un pouvoir, à cette
personne-là. Ça ne sera pas long.
Donc, de l'information auprès de la population, auprès des
différents intervenants aussi, parce que, nous, on a à intervenir
et, donc, c'est comme important aussi d'avoir une certaine concertation avec
les professionnels de la santé, et auprès des gens
concernés, c'est-à-dire des membres, de donner de l'information,
nommer la réalité des abus sexuels et la mettre à
l'intérieur du Code de déontologie. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup, c'est tout
le temps que vous aviez. M. le ministre, vous avez la parole.
M. Savoie: Oui, merci, Mme la Présidente.
Alors, remercier Mme Lemieux et Mme Pruneau pour la présentation
qu'elles ont faite et le mémoire qu'elles ont préparé,
qui, évidemment, comme vous l'avez mentionné, ne touche pas
à des points spécifiques en tant que tels mais vise plutôt
une orientation générale et des éléments de
solution.
Vous avez souligné, tout à l'heure, que j'ai
mentionné qu'on était à la recherche de compromis;
effectivement, c'est ce que nous faisons. Pas, par exemple, des compromis au
niveau, par exemple, du redressement qui s'impose au niveau de certains abus,
dont ceux à caractère sexuel, mais plutôt de voir à
ce que les structures en place puissent être bien placées pour
répondre à la demande. Et c'est ça, l'essentiel.
Dans le mémoire, on constate que vous mettez
énormément d'emphase sur le rôle accru que pourrait jouer
l'Office. Vous voyez finalement l'Office comme une espèce d'organisme de
surveillance et d'intervention qui pourrait mettre l'emphase sur des
problèmes, des interventions d'ordre juridique et légal pour en
faciliter l'accès. Et là-dessus je pense que la réforme
reprend ça
en partie, c'est l'orientation qui est donnée certainement en
partie.
Je pense qu'une chose est claire, c'est qu'il faut que ça passe
également par les corporations. Il faut développer les structures
des deux côtés de la clôture et il faut s'assurer que les
structures en place puissent, de part et d'autre, répondre à
l'attente de la population. Il ne faudrait pas voir non plus dans le compromis
une compromission. Ce qu'il faut chercher, c'est finalement un juste
équilibre entre les structures qui sont en place pour répondre
aux attentes du public. Et on constate, au fur et à mesure que la
commission avance, que les lacunes sont de plus en plus importantes et
demandent une intervention majeure. (14 h 30)
On a souligné, dans l'évolution qui s'est faite au niveau
de la commission je pense que vous-mêmes l'avez souligné
le fait qu'il y a toujours... Je pense que, si on prend ce qui s'est dit
la première journée, au niveau de certaines modifications
proposées, comme la tutelle, l'enquête, qui va justement permettre
à l'Office d'intervenir, il y a eu, je pense, un progrès
considérable de la part des corporations professionnelles. Je pense que
le résultat final va faire en sorte que le but que vous recherchez va
être atteint, certainement pas à la perfection, mais on a
certainement fait un pas majeur, là. On a déjà, au
Québec, je pense, dans plusieurs secteurs au niveau du monde des
professions, une bonne avance, et je pense que cette démarche va
certainement nous permettre d'avancer encore davantage.
Mais je pense qu'il y a des problèmes, des choses que vous
soulevez dont l'impact est limité au niveau du monde professionnel, dans
ce sens que... On l'a constaté hier, le fait que, par exemple, pour une
certaine corporation on ne soit pas obligé d'être membre;
lorsqu'on devient membre et lorsque ça chauffe, on quitte la corporation
professionnelle. Et, étant donné que ce n'est pas couvert, par
exemple, par le Code criminel, ou que ça devient trop complexe à
l'extérieur de la structure de l'Office des professions, à ce
moment-là, évidemment, on s'esquive. Et on a l'intention de
corriger ces éléments-là dans la mesure où on est
capable de le faire. Et on pense que ça va être un
élément important de notre intervention de chercher à
déterminer ceux et celles qui se soustraient à une correction et
continuent à occuper, sur la place publique, un rôle d'intervenant
professionnel, entre guillemets.
On reconnaît bien votre intervention, vos interventions. Vous avez
eu l'honneur d'être récipiendaire du prix de la Justice. On sait
également que vous n'êtes pas nouveaux à ce genre de
commission, ni aux problèmes spécifiques auxquels fait face
actuellement le monde professionnel au Québec dans ce rajustement au
niveau de cette réforme. On se demande si vous n'êtes pas en
mesure de nous donner un endroit où il devrait y avoir une intervention
précise pour, justement, faciliter la tâche à des femmes
qui pourraient effectivement déposer des plaintes. Si vous aviez une
recommandation spécifi- que à ce sujet-là...
Mme Lemieux: Enfin, quand vous posez cette question-là
à moins que je ne comprenne mal ce n'est pas juste en lien
avec vous. Je pense qu'en général quand on se dit, quand on se
pose la question: Comment on peut faire pour que les gens soient plus à
l'aise de déposer des plaintes? notre postulat, c'est de dire: Le fait
qu'il y ait plus de plaintes va nous permettre de résoudre un
problème. Et c'est peut-être le postulat avec lequel, des fois,
j'ai un petit peu de difficultés. C'est-à-dire que je pense qu'on
est dans une dynamique de poule ou d'oeuf excusez l'image. D'un point de
vue, c'est vrai, on l'a vu dans le domaine criminel: plus les gens ont
dénoncé, plus ça nous a permis d'exposer au public ce
problème-là, plus on a saisi les autorités de leurs
responsabilités, etc. D'un autre côté, ce n'est pas la
clé de tous les maux et ce n'est pas la clé de toutes les
solutions.
Je pense que ce qu'il faut comprendre dans la problématique des
abus sexuels de la part des professionnels, il y a vraiment... L'abus sexuel se
situe, comme Christine le disait, dans un contexte où une personne est
déstabilisée et vulnérable et où elle a
accordé et presque donné sa confiance presque entière
à une autre personne. C'est peut-être une erreur, mais c'est
ça, la dynamique. Alors, donc, de déposer une plainte, ça
demande un courage je ne trouve pas de qualificatif monstre. Et,
d'un côté, je dirais: Oui, plus il va y avoir de plaintes, plus
les corporations vont être saisies, plus elles vont être
confrontées, plus elles vont être obligées de faire des
ajustements. De l'autre côté, je dirais: Un instant! Je veux bien
que nous soyons courageuses, mais on ne peut pas être courageuses 24
heures par jour, 7 jours par semaine. C'est-à-dire qu'il ne faut pas non
plus qu'on s'attende des victimes qu'elles portent le fardeau toutes seules et,
en ce sens-là je reviens toujours; c'est toujours la même
dynamique de la poule ou de l'oeuf plus les procédures vont
être aidantes, facilitantes, plus on aura de chances que des gens aient
suffisamment confiance pour déposer des plaintes.
Dans le domaine criminel, une des choses qu'on a vues je fais
souvent le parallèle, parce qu'il y a des points de comparaison
c'est qu'une des premières règles, c'est l'information.
L'information, je le sais, on l'a déjà dit avant moi, c'est le
pouvoir. C'est un peu cliché, mais une personne bien informée,
qui sait ce qu'elle doit faire, à quel moment, qu'est-ce qui va se
passer après, dans quel délai, risque d'être beaucoup plus
confortable dans ce processus-là. Nous, on accompagne beaucoup de
femmes, par exemple, devant les tribunaux. On les accompagne de la plainte
à la police jusqu'à la sentence. Et le fait d'être
informées peut faire toute la différence du monde; le fait
d'être soutenues là-dedans, de ne pas être isolées
dans cette démarche-là, alors, ça, c'est une clé
qui pourrait être importante, qui n'appartient pas nécessairement
totalement aux corpora-
tions professionnelles, mais en partie.
On a entendu aussi beaucoup de situations où des gens nous
disent: Bien, là, j'ai déposé une plainte, mais j'ai eu
une réponse six semaines plus tard. Il va falloir resserrer ces
choses-là pour que les gens n'aient pas juste le sentiment, mais que ce
soit vraiment ce qui se passe, que leur plainte est considérée,
qu'elle est prise au sérieux, qu'elle est bien traitée, etc.
Alors, la clé de l'information et du soutien des personnes qui
déposent une plainte est une clé incontournable.
Mais, encore là, je pense que ça va prendre un certain
nombre d'années avant qu'on ne dépasse ce mur-là, comme il
y a eu dans le domaine criminel. La comparaison est excellente, parce que les
obstacles sont similaires. Il y a eu, par exemple, en 1983, des amendements
substantiels au Code criminel, et on mesure maintenant une augmentation de
quatre à cinq fois plus importante des plaintes qu'il y a eu en à
peu près 10 ans. Mais ça a pris 10 ans pour faire ça. Mais
il faut que le système qui est questionné démontre qu'on
peut avoir confiance en lui. On peut investiguer aussi d'autres choses encore
plus précises. J'avoue qu'on ne l'a peut-être pas fait dans les
détails, mais la base, je pense que c'est de jouer avec la question de
l'information.
L'autre suggestion... Et je pense qu'il y a beaucoup de
résistance de la part de plusieurs corporations professionnelles, pas
toutes. On en connaît qui ont amorcé, qui ont pris les devants par
rapport à ce problème-là, d'autres résistent. Puis,
à la limite, on peut les comprendre, ces résistances-là.
Ce n'est pas drôle qu'on dise à certains systèmes qui
marchent assez bien, depuis un certain nombre d'années: Ça ne va
pas. Il y a un certain nombre de situations, pas toutes, mais il y a un certain
nombre de situations qui sont extrêmement problématiques. C'est
très «questionnant». On questionne des privilèges, on
questionne le pouvoir. Donc, il y a beaucoup de résistance à
admettre que le problème existe. Et, moi, j'ai entendu et je ne
vous apprends rien des gens qui représentent des corporations,
qui disent: Bien, écoutez, nous, on a eu 30 plaintes, ou 10 plaintes la
dernière année, donc ne venez pas nous énerver avec
ça. Ça, c'est une vision très étroite, comme je le
signalais. On ne mesure pas des phénomènes comme ça
uniquement à partir de nos propres grilles; il faut regarder plus
largement.
Et si bien que je pense qu'il faudrait peut-être trouver un moyen
d'accélérer la chute de ces résistances-là des
corporations, c'est-à-dire d'être conscient qu'il y a là
une menace. On questionne fortement les assises du pouvoir des professionnels,
mais, en même temps, ce n'est pas la fin du monde, ce n'est pas
dramatique de se préoccuper de ce genre de problème là et,
au . contraire, on risque de faire des apprentissages très
intéressants.
Je sais qu'il y a une réflexion entre certains ministères
sur... Je ne suis pas sûre de l'état de l'idée d'un groupe
de travail, ou enfin je sais que ça s'était dit au Sommet de la
justice, mais ça m'échappe, ce qu'on a dit à ce
moment-là. Mais peut-être d'initier par un groupe de travail comme
il y en a eu en Ontario ou ailleurs... On est capable de trouver une formule
souple et simple qui corresponde plus à notre réalité.
Mais je pense que ça vaudrait la peine d'investiguer un mécanisme
où les corporations qui sont le plus à risque, entre guillemets,
peuvent partager des stratégies et une compréhension de ce
problème-là. Et peut-être qu'on arriverait à
dépasser les résistances habituelles. En tout cas, sans vous en
faire une proposition formelle, je pense que ça vaudrait la peine
d'investiguer ça, parce que ce n'est pas magique, ce n'est pas simple.
Ça fait appel, comme je le disais, à beaucoup de
résistance. Et peut-être avoir un échange, mieux
documenter, au Québec, ce problème-là parce que,
finalement, il n'est pas si documenté. Peut-être que ça
permettrait d'aller plus loin, et que les corporations seraient peut-être
plus ouvertes à revoir leur processus. Je ne sais pas si je
réponds à votre question.
M. Savoie: Bien, finalement, ce que... Ha, ha, ha!
Mme Lemieux: J'en relance d'autres. (14 h 40)
M. Savoie: Ha, ha, ha! C'est ça, oui. Finalement, ce que
vous dites, c'est que, bon, bien, pour faciliter, finalement, la tâche
qu'il puisse y avoir dépôt de plaintes, il faut deux choses:
d'abord l'information et, deuxièmement, une sensibilisation
également entre les intervenants, les corporations professionnelles, le
ministère de la Justice et des choses comme ça, une espèce
d'étude et d'échange, une espèce de cristallisation plus
précise du problème.
Quand vous parlez d'information, vous parlez de quoi exactement? Vous
avez parlé tout à l'heure d'un dépliant qui aide
déjà, parce que ça fait quelque chose...
Mme Pruneau: Ça peut être différentes...
M. Savoie: Vous savez qu'on est en train de regarder un
formulaire, dans le projet de loi, qui devrait aussi... Parce que c'est moins
complexe; on n'est pas obligé, finalement, de s'embarquer dans une
lettre de sept ou huit pages difficile à faire, souvent, dans des
études complexes.
Mme Pruneau: J'aimerais faire un parallèle entre cette
question de l'information avec la démarche qu'on a eue au Québec.
Vous allez peut-être trouver ce parallèle-là curieux, mais
je pense qu'il est assez bon.
La démarche qu'on a eue au Québec par rapport à la
protection du consommateur: on a installé, il y a je ne sais plus
combien d'années, une loi de protection du consommateur et on a mis en
place beaucoup de mécanismes pour que les consommateurs soient mieux
informés. Je crois qu'on se souvient du contexte à
l'époque; ce n'est pas pour rien que cette loi-là est
arrivée. Il y avait vraiment l'impression que les gens se faisaient
rouler par certains commerçants. On a mis sur pied une revue, on
a mis sur pied différentes mécaniques pour que les consommateurs
aient plus de droits. Et je ne sais pas si ça se mesure, mais, moi, j'ai
quand même le sentiment que les gens au Québec, comme
consommateurs, sont un peu plus informés ou, en tout cas, mini-malement,
savent un peu plus où aller lorsqu'ils ne se sentent pas
informés. Et je regarde je ne sais pas s'il va être content
que je parle de lui mon père qui est garagiste; il a une grande
affiche dans son garage, où il est écrit: Avis aux consommateurs,
où il est indiqué son taux horaire et un certain nombre... Il y a
une dizaine d'items que je ne lis jamais parce que je lui fais confiance. Et
ça, c'est une obligation. Chaque propriétaire, par exemple, de
garage est obligé de donner ces informations minimales aux gens qui se
présentent dans le commerce. Bon. Je ne dis pas qu'on doit
nécessairement appliquer ça à la lettre, mais je dis que
c'est très inspirant.
M. Savoie: On parlait d'un formulaire qui devrait faciliter la
tâche. Le formulaire pourrait contenir un texte en arrière, et on
pourrait viser spécifiquement des gens... Ce n'est pas suffisant,
à ce moment-là...
Mme Lemieux: Mais votre formulaire s'adresserait à qui? Et
à quel moment?
M. Savoie: À tout le monde, et il serait disponible en
tout temps, un peu comme l'accessibilité à un rapport
d'impôt à la caisse populaire. Le formulaire serait disponible.
J'imagine que certains bureaux de professionnels également vont en avoir
pour leurs clients, à leur disposition. Mais ce qu'on vise surtout,
c'est les endroits publics où on pourrait ramasser un formulaire
relativement simple, sans trop... À l'arrière, il pourrait y
avoir un texte. Ce n'est pas suffisant... Finalement, j'ai l'impression que, si
on arrive avec un mouvement réel au niveau de la réforme, si on
cherche justement à présenter à la lumière... Moi,
je ne peux pas m'attacher à des problèmes d'ordre philosophique
ou à des problèmes sociaux fondamentaux. C'est quelque chose qui,
finalement, échappe un peu au travail qu'on veut faire. Ce qu'on veut
faire, c'est améliorer un système qui est en place et permettre
aux gens qui sont lésés d'intervenir rapidement. C'est sûr
que des études et des échanges structurants à un niveau,
ça donne des résultats.
Mme Lemieux: Mais vos moyens concrets et pratiques doivent se
baser quand même sur une vision.
M. Savoie: C'est ça que je vous demande. Oui, oui. Et on
l'a, la vision, là.
Mme Lemieux: Oui?
M. Savoie: Oui. En tout cas, ici...
Mme Lemieux: II faut que je vous croie, là, hein.
M. Savoie: Bien, c'est-à-dire qu'on veut que les gens se
servent du système et on veut que le système fonctionne et qu'il
réponde rapidement à leurs attentes. C'est ça qu'on
cherche à faire, dans le concret. C'est ça, la vision. C'est
vraiment terre à terre. Ce qu'on veut, c'est que quelqu'un, par exemple,
qui fait l'objet d'un harcèlement sexuel puisse déposer une
plainte. C'est ça qu'on cherche.
Vous nous dites l'information, et j'y crois moi aussi, je pense que
ça fait partie... Il y a des structures, mais on ne veut pas aborder les
structures parce que, dans votre mémoire, vous dites que vous aimez
mieux regarder... Il y a l'information. Si je veux rejoindre ces
gens-là, il faut de l'information en dehors du formulaire. Qu'est-ce que
j'utilise? Qu'est-ce qu'on utilise, comme gouvernement, pour aller rejoindre
ces gens-là par le biais de l'information?
Mme Lemieux: En tout cas, il faut certainement les rejoindre
là où ils sont. Et, quand vous disiez, par exemple, de
développer un formulaire disponible dans certains endroits publics,
peut-être qu'il faut aller plus loin que ça: qu'il soit disponible
dans les lieux où les gens vont pour consulter, par exemple. Alors,
qu'il y ait un caractère obligatoire à ce que cette
information-là soit disponible dans les bureaux de médecins ou
dans les bureaux de psychologues, etc. À voir votre réaction,
j'ai l'impression que c'est ça que vous aviez aussi en tête?
M. Savoie: Bien, c'est-à-dire que ce que j'ai... Il faut
poser un geste, là, définitif, et ce que je veux, c'est que,
vous, vous nous donniez votre input.
Mme Lemieux: Oui.
M. Savoie: Oui, dans votre vocabulaire, là.
Mme Lemieux: Alors, moi, je pense que l'information doit
être là où les gens vont.
M. Savoie: Oui, ça, on veut le faire, ça. Et
ensuite?
Mme Lemieux: Et ce n'est pas à trois, quatre endroits,
mais vraiment...
M. Savoie: Oui, mais le formulaire a ses limites, hein. Ça
a des limites pour la majorité des gens qui...
Mme Lemieux: Ah oui, oui! Absolument, oui. M. Savoie:
...bon, lisent peu ou pas.
Mme Lemieux: Deuxièmement, il y a la question, comme on
l'abordait, de la transparence, c'est-à-dire qu'il faut que les gens
aient le sentiment qu'après la
plainte il y a des chances qu'il se passe quelque chose. Et, ça,
pour moi... Moi, je veux bien qu'on invite les gens à déposer des
plaintes, mais, en même temps, il faut que, de l'autre
côté... Vous dites: Le système doit marcher. Il faut qu'il
fasse son bout de chemin et il faut qu'il fasse ses preuves aussi. Alors, pour
moi, à mon avis, on doit résoudre la question de la transparence,
c'est-à-dire qu'il y a eu beaucoup de questions autour des processus
actuels. Est-ce qu'il n'y a pas un danger que ça soit trop en vase clos?
Je pense qu'il faut résoudre ça. Il faut prendre le risque, en
tout cas, de le résoudre dans l'espoir que les gens,
éventuellement, vont faire plus confiance. Mais il faut que le
système fasse ses preuves, là, parce qu'il ne faut pas juste
compter sur un plus grand nombre de plaintes pour que ça aille mieux.
Ça va aider, mais ce n'est pas ça qui va tout
résoudre.
Puis l'autre chose aussi, je veux revenir... Vous me dites des moyens
concrets, mais je veux revenir sur la question de la prévention, parce
qu'on est toujours après coup, là. On est toujours après
qu'il y ait eu une situation abusive, un comportement non professionnel, bon,
etc. Il va falloir examiner les programmes de formation actuels. Il y a des
professionnels qui, vraiment, aimeraient qu'on revoie la formation continue,
par exemple, de certaines disciplines. Ce n'est plus vrai que certains
problèmes comme la vie sexuelle peuvent être abordés deux
heures sur quatre années de cours. Ce n'est plus vrai, ça. Il
faut développer quelque chose d'un peu plus approfondi, un peu plus
intense que deux heures sur des problématiques comme ça. Il faut
agir sur la prévention. Pardon?
La Présidente (Mme Hovington): Votre temps est
écoulé- M. le ministre. Peut-être que vous pourriez
continuer avec l'Opposition dans le même... Il est même
dépassé de beaucoup. Je m'excuse.
Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, Mme la Présidente.
Alors, Mme Lemieux, Mme Pruneau, nous avons bien apprécié
votre mémoire et votre présentation. Je vais me permettre de
revenir, là, très brièvement sur le formulaire. Le
formulaire^ ce n'est pas de l'information. Le formulaire, c'est un formulaire
pour porter plainte. Alors, ce n'est absolument pas de l'information. Ce n'est
pas un dépliant d'information. C'est comment porter plainte. Mais,
lorsque vous dites que ce n'est pas juste une question du nombre de plaintes,
c'est sûr qu'on ne peut pas... Il faut avoir une vision globale. Oui, il
faut que ça soit performant. Oui, il faut que ça soit efficace,
mais, pour prendre des décisions pour que ça soit efficace, il
faut avoir une vision, avant, de ce qu'on veut corriger. Et, ça,
ça m'apparaît très important.
Dans votre mémoire, page 13 et j'inviterais le ministre
à relire, là vous dites: «Des mots clés:
édu- cation, formation, sensibilisation, information», et vous
avez plusieurs propositions pour cette information, pour cette formation, pour
cette sensibilisation et cette éducation. Et ça relève
effectivement des corporations professionnelles, de l'Office des professions,
du gouvernement; et c'est là que plusieurs ministères sont
évidemment aussi impliqués. Et, dans toutes ces
démarches-là, vous nous rappelez qu'il est important d'associer
la présence de femmes qui possèdent l'expertise dans ce
domaine-là, et donc aussi des groupes qui travaillent auprès de
ces femmes, et aussi des associations de consommateurs. (14 h 50)
Quand vous faites le parallèle avec l'Office de la protection du
consommateur, vous avez raison. L'Office de la protection du consommateur a
célébré ses 20 ans l'an dernier. L'Office des professions,
on se parle de 20 ans cette année. Et pourtant, au niveau de
l'information du public, c'est vrai qu'il y a une grande différence. Et
ça a pris du temps aussi, mais il y a une grande différence. Et
on ne se parle pas des mêmes budgets. L'Office de la protection du
consommateur, pour protéger au niveau des biens, a 14 000 000 $
donnés par l'État. L'Office des professions, donnés par
l'État, on se parle de 3 500 000 $. Et, selon le projet de loi 67 qui
est sur la table, l'État ne donnera plus un sou pour la protection des
services professionnels. C'est remis complètement aux corporations
professionnelles. Quand on se dit qu'il faut, pour prendre des
décisions, avoir une vision, oui, il faut qu'un gouvernement commence
par reconnaître qu'on a effectivement une responsabilité
là-dedans et qu'on doit se donner les moyens financiers et légaux
de cette vision et pour prendre nos décisions.
Vous avez mentionné, et avec raison, je pense, que souvent, pour
les victimes, la démarche, elle n'est pas claire. On ne sait pas
où s'adresser, on se dit, évidemment, que c'est parole contre
parole. À ce chapitre-là, moi, je vous avoue que, selon les
chiffres que la Corporation professionnelle des psychologues nous a
donnés ce matin, on nous parle, du 1er avril 1986 au 31 mars 1992, de 18
allégations d'abus sexuels, 2 plaintes non retenues. Alors, je pense
qu'il va falloir aussi qu'on dise aux gens qu'il faut porter plainte. Au niveau
des plaintes déposées: 13; 12 verdicts de culpabilité.
Alors, il faut que les plaignants sachent qu'ils peuvent aussi avoir gain de
cause, et dans beaucoup de cas, là. Il ne faut pas seulement dire qu'on
n'a pas toujours gain de cause; il va falloir aussi qu'on le dise,
ça.
Il faut faire une grosse différence. Vous posez une question,
à un moment donné, sur les comportements de la vie privée
et personnelle. Et là c'est vrai qu'elle est là, la question.
Jusqu'où on fait la différence? Où on trace la ligne? Et
faire la différence, aussi, entre les agressions sexuelles, qui peuvent
toujours être couvertes au niveau criminel, et les abus sexuels. Et c'est
là que c'est différent, et c'est là que vous dites que
ça demande beaucoup plus de courage et que c'est plus difficile parce
que, effectivement, ce sont des actes sexuels qui
sont entre thérapeute et client et qu'il y a un lien qui s'est
créé, et que ce n'est pas, évidemment, facile à
définir. Et je pense que vous posez vraiment exactement les bonnes
questions et que vous donnez, dans votre document, des solutions très
concrètes.
Quand on dit d'inscrire que ces actes sexuels entre thérapeute et
client sont interdits, de l'inscrire dans le Code des professions, c'est une
mesure très précise. Quand on dit qu'il faut augmenter les
sanctions pour démontrer qu'effectivement on considère que ce
sont des fautes lourdes, ce sont des mesures très concrètes,
très précises. Lorsqu'on demande aux différentes
corporations professionnelles, entre guillemets, que vous qualifiez à
risque, d'avoir une réglementation plus précise, ce sont des
mesures. Lorsque vous parlez de l'information, de la formation continue au
niveau des professionnels, ce sont des mesures précises. Et je pense
que, si on reprend votre mémoire point par point, il y a là, je
pense, suffisamment pour partir, en tout cas, de pistes si on ajoute
ça au Conseil du statut de la femme pour qu'il y ait des
décisions qui se prennent et que ces décisions-là se
prennent très rapidement.
En question, j'aimerais peut-être vous demander, au niveau du
système disciplinaire: Est-ce que le fait de déposer une plainte
au syndic... Est-ce que vous préféreriez que, lorsqu'il y a abus
sexuel, cette plainte-là soit directement déposée au
comité de discipline ou si vous souhaitez, si elle est
déposée au syndic, qu'il y ait automatiquement demande à
un comité consultatif, à un comité aviseur pour que,
finalement, il n'y ait pas une seule personne qui ait à juger de cette
plainte-là?
Mme Lemieux: C'est une bonne question, et je n'ai pas vraiment la
réponse, alors je vais patiner pendant deux minutes. Mais je sais que
ça a été une suggestion de plusieurs, là, dans les
dernières semaines. Ce dont je suis sûre, c'est que je pense qu'il
faut effectivement investiguer des moyens quelquefois différents dans
les cas d'abus sexuels. Je ne dis pas que ça doit être
traité complètement en dehors du système habituel de
traitement de plaintes, mais il y a peut-être certaines procédures
et... Bon, là, vous le suggérez, le... J'imagine qu'il y a eu des
suggestions dans ce sens-là, de comité consultatif ou autre
mécanisme. Ça se pourrait qu'il soit préférable,
effectivement, qu'on ait des mesures, enfin pas totalement différentes,
mais des mesures un peu plus particulières, parce que «abus
sexuel», ça fait appel à beaucoup de
préjugés, je n'ai pas besoin de vous en convaincre. Il y a des
enjeux très grands. Et, comme, en plus de ça, actuellement, c'est
quand même un petit peu plus sur la place publique, il y a beaucoup de
questions, et ça pourrait être souhaitable. Mais j'avoue que je
n'ai pas de réponse ferme, là, sur cette question-là, mais
ça demeurerait à envisager.
Et je vais me permettre, peut-être, de revenir sur un des
éléments que vous avez abordés. Vous avez fait une
comparaison des coûts, des moyens financiers mis à la disposition,
par exemple, de l'Office des professions.
Or, je sais aussi qu'on est dans une réflexion sur nos finances
publiques actuellement. Sans vouloir faire de débat là-dessus, je
pense qu'il ne faut pas négliger qu'il y a un coût à ces
problèmes sociaux là. Évidemment, on n'est pas capable de
dire, des situations d'abus sexuels, ça engendre x milliers de
dollars par personne de coûts sociaux, d'utilisation des services
sociaux, etc., mais on sait un certain nombre de choses.
On sait, par exemple, que le risque de tentative de suicide est plus
grand, le risque de consommation d'alcool et de médicaments est plus
grand, bon. Il y a un coût social à ces gestes-là. Et donc,
quelque part, je n'avancerai pas de chiffres combien il faudrait de millions,
mais ce serait bénéfique pour tout le système le
système de la santé et des services sociaux n'arrête pas de
nous dire qu'il est engorgé donc, d'investir rapidement, parce
que plus une situation est résorbée rapidement, moins on a de
chances que, socialement, ça coûte cher. Je m'excuse de l'apporter
de façon aussi mathématique, mais on n'a qu'à regarder,
par exemple, les enfants d'aujourd'hui ont plus de chances d'être crus,
d'être entendus, d'être aidés par les parents, les
professeurs, etc., face, par exemple, à des abus sexuels que ce que,
nous, comme enfants, on avait comme chances. Et on le voit aujourd'hui;
maintenant, ce sont des hommes et des femmes de 40, 45 ans, 50 ans qui parlent
maintenant, aujourd'hui, en 1993, de ce qu'ils ont vécu il y a 25 ans.
Et ça a coûté cher à notre système qu'ils
aient juste cette opportunité-là d'en parler, 20 ou 25 ans plus
tard. Or, plus on agit vite, plus on arrête la machine aux
conséquences. Alors, en ce sens-là, étant consciente de
tout le débat sur les finances publiques, il y a des choix,
effectivement, qu'on aura à faire. Je ne sais pas si j'ai répondu
à votre question mais...
Mme Caron: Oui, vous avez répondu à ma question.
Vous avez même ajouté...
Mme Lemieux: Débordé. Ha, ha, ha!
Mme Caron: ...et c'était très bien de le faire.
J'ai le goût de vous faire partager une réflexion, là, qui
n'est pas hors contexte mais, je pense, qui est reliée un petit peu
à ces problèmes-là, au niveau du temps de réaction
d'un gouvernement pour réagir, finalement, sur certains
problèmes.
Je ne sais pas si vous avez regardé, mais, au cours des derniers
mois, à un moment donné, on a fait une certaine compilation au
niveau de la violence qui augmentait du côté de la
communauté homosexuelle. Il y avait eu 13, si ma mémoire est
bonne, agressions; il y avait eu des meurtres. Et je me disais: II y a eu une
réaction très vive; les gens se sont mobilisés, tout
ça. Et je regarde au niveau de la violence faite aux femmes, et
ça fait combien d'années puis on se parle d'un nombre
incroyable d'agressions par année et c'est beaucoup plus
long.
On voit exactement la même chose au niveau des
maladies. Lorsqu'une maladie touche principalement des femmes, c'est
toujours beaucoup plus long pour mobiliser, pour réagir. Alors que,
lorsque ça touche plus particulièrement les hommes, on dirait que
ça va un petit peu plus vite au niveau de la recherche. Et c'est
très relié à ce que vous disiez tantôt, à
cette vulnérabilité des femmes, finalement, qui éprouvent
de la difficulté à aller déposer une plainte, parce que
tout ce contexte-là, il est là, et elles le sentent aussi quand
elles disent: Bon, ma parole contre l'autre parole. Et tout ça, c'est
toujours là. C'est évident qu'on n'en parle pas souvent, mais
ça fait partie, c'est une partie du problème et elle est vraiment
là. (15 heures)
Alors, je pense que, suite au Sommet de la justice, les recommandations
que vous avez faites sont extrêmement pertinentes. Et je pense qu'il y a
lieu, si le gouvernement est prêt à agir, de mettre en application
plusieurs de ces mesures-là, puis très rapidement. Je vous
remercie.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup.
Alors, au nom des membres de la commission, je vous remercie
d'être venues nous présenter votre mémoire aujourd'hui. Je
vous souhaite une bonne journée, Mme Lemieux, Mme Pruneau, et
j'inviterais la Corporation professionnelle des médecins
vétérinaires du Québec à se présenter devant
la commission, s'il vous plaît.
Je ne voudrais pas vous bousculer, mais j'aimerais bien que vous
laissiez la place à...
Alors, si vous voulez bien vous présenter, pour fins de
transcription des débats.
Corporation professionnelle des médecins
vétérinaires du Québec (CPMVQ)
M. Piérard (Jean): Ici, j'ai le Dr André Saucier,
qui est syndic de la Corporation professionnelle des médecins
vétérinaires du Québec.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.
M. Piérard: Et je suis Jean Piérard,
président de la même Corporation.
La Présidente (Mme Hovington): Excusez-moi. Je demanderais
un petit peu de silence en arrière, s'il vous plaît!
M. Piérard: Nous devions avoir un troisième
représentant qui n'a malheureusement pas pu se joindre à
nous.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, vous avez 20 minutes
pour nous faire part de votre mémoire, M. Piérard.
M. Piérard: Je vous remercie.
Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames et messieurs
de la commission, je voudrais commencer par vous remercier de nous avoir
donné la possibilité de présenter nos vues devant la
commission de l'éducation sur Favant-projet de loi qui est
destiné à modifier le Code des professions et les lois
professionnelles.
Alors, la Corporation professionnelle des médecins
vétérinaires du Québec est une ancienne corporation. Nous
existons comme structure professionnelle organisée depuis 1902.
Malgré tout, nous regroupons un faible nombre de membres qui exercent
leur profession à titre exclusif, donc à adhésion
obligatoire. Nous sommes 1500 au Québec. Mais, malgré les moyens
limités que notre petit nombre nous donne, nous avons les mêmes
obligations que toutes les autres corporations et nous avons le sentiment
intime et profond que nous avons effectivement accompli jusqu'à
présent notre rôle, qui est un rôle de protection du public,
évidemment. Et que ce soit au niveau de l'activité du bureau du
syndic, de l'inspection professionnelle, de la formation continue ou de
Fassurance-responsabilité professionnelle, nous avons investi beaucoup,
tant en ressources matérielles et financières qu'en ressources
humaines.
Nous avons donc été assez surpris de voir un projet de loi
qui était déposé, qui ne tenait pas compte, il nous a
semblé, de la maturité atteinte par le système et par les
corporations et qui, en fait, allait un peu à l'encontre de
l'autogestion des professions. Enfin, c'est ce qui nous semble. Nous notons
toutefois qu'il s'agit d'un avant-projet de loi. Donc, on prend pour acquis
qu'il y a encore beaucoup d'améliorations possibles.
Le principe de l'autogestion des professionnels par leurs pairs a
constitué la base même du Code et de la gestion des affaires
professionnelles depuis 1973, et nous pensons que ce mode de gestion de
l'activité professionnelle est tout à fait convergent avec
l'objectif des corporations, qui est la protection du public. En effet, il
serait tout à fait contreproductif pour une profession de mal
protéger le public. Les intérêts sont tout à fait
convergents.
Nous acceptons très facilement le rôle que l'Office des
professions a de par la loi, et doit continuer à avoir, qui est un
rôle de veiller à ce que les corporations professionnelles
respectent le Code et assument efficacement leur mission. Cependant, ce qui
nous a surpris dans le projet de loi ou dans l'avant-projet de loi qui est
proposé, c'est qu'en fait le gouvernement comme tel serait exclu; c'est
l'Office qui aurait le pouvoir. Le gouvernement serait exclu du processus
décisionnel et l'Office agirait un petit peu comme juge et partie dans
la gestion des corporations. C'est ce qui nous a semblé.
Évidemment, ceci ne veut pas dire que nous sommes fermés,
et nous restons conscients que des améliorations sont possibles, des
améliorations au système sont toujours possibles, qu'il s'agisse
de simplifications, qu'il s'agisse de formation continue. Par exemple, nous
avons
envisagé, dans notre corporation, de rendre la formation continue
obligatoire pour nos membres, et nous avons été très
surpris d'apprendre que les règlements mêmes de l'Office nous
interdisaient de le faire. On peut le faire par des moyens qui ne sont pas des
moyens directs, mais on ne peut pas obliger les membres des corporations
professionnelles à s'astreindre à un certain nombre d'heures de
formation continue par année sous peine de sanctions quelconques. Donc,
nous pensons que, là, il y a des améliorations à faire. On
pourrait nous donner ce pouvoir-là, et nous en serions très
heureux. Je ne dis pas que toutes les professions ont besoin de ce
pouvoir-là, mais je pense que toutes pourraient en
bénéficier. Mais, en tout cas, dans notre cas, nous serions
heureux de pouvoir disposer de cette possibilité-là.
Les modifications au Code, nous en sommes, mais nous considérons
que ces modifications devraient procéder d'un travail de consultation,
d'évaluation d'impact très approfondie, ce qui nous permettrait
d'atteindre les objectifs auxquels nous participons: les objectifs de
transparence, d'accessibilité, de réduction des coûts.
D'ailleurs, tous ces objectifs-là, nous les poursuivons
également.
Donc, c'est pour ces raisons que la Corporation professionnelle
il y en a d'autres sur lesquelles je reviendrai tout à l'heure
des médecins vétérinaires se joint à d'autres
corporations, à l'ensemble des autres corporations, à ce que je
sache, et au CIQ pour s'opposer à l'avant-projet de loi tel que
proposé et également, évidemment, au financement des
corporations tel que proposé dans un projet de loi.
Une autre dimension que nous trouvons un peu difficile à
accepter, c'est l'uniformisation que semble donner l'avant-projet de loi,
l'uniformisation dans la gestion des corporations professionnelles; que ce soit
à l'article 95.2 ou à l'article 12, l'Office uniformise. L'Office
pourrait fixer les modalités de collaboration entre la corporation et
les établissements d'enseignement. C'est là un exemple, par
exemple, de situation qui ne nous convient pas du tout. C'est une
uniformisation qui ne colle pas à la réalité de notre
corporation. Nous avons une faculté de médecine
vétérinaire au Québec, une corporation. La collaboration
entre les deux organismes est excellente. Les rencontres sont
fréquentes. Qu'on vienne fixer des modalités de collaboration
entre les deux organismes, ça dépend évidemment des
modalités, mais ça risque de poser plus de problèmes que
ça n'apporterait de solutions.
Nous sommes, par contre, heureux de constater que l'Office désire
s'impliquer et ceci, nous sommes tout à fait d'accord avec
ça dans le dossier des spécialistes. Nous avons, au niveau
de notre corporation, un dossier de reconnaissance des spécialistes qui
date déjà de plusieurs années, qui n'a pas
été adopté encore, et nous sommes heureux de constater que
ce dossier-là semble maintenant vouloir évoluer et va
vraisemblablement évoluer de toute façon. Et, ça, c'est un
élément très positif.
Nous ne sommes pas contre tout dans l'avant-projet de loi, c'est clair.
On voit, au niveau des pouvoirs du bureau, que l'avant-projet de loi
présente des mesures d'assouplissement qui permettraient au bureau
d'agir avec plus de rapidité, plus de souplesse dans des
décisions comme l'attribution des permis, l'inscription au tableau, la
détermination de ce qu'on appelle le domicile professionnel,
l'établissement de la carte électorale, l'adoption de
résolutions pour gérer les affaires corporatives. Tout ceci
serait simplifié avec l'avant-projet de loi, et, ceci, nous sommes tout
à fait d'accord avec ça.
On est moins d'accord avec l'obligation de réglementer
l'équivalence de formation. Dans notre cas, la formation est
structurée à l'échelle nord-américaine
complète, et il y aurait beaucoup de nuances à apporter et un
gros surplus de travail si on devait adopter une réglementation dans ce
domaine-là. (15 h 10)
En ce qui concerne l'activité du syndic, je voudrais faire
remarquer que notre corporation a attribué à l'activité du
bureau du syndic 20 % du budget annuel de la Corporation. Le budget de notre
syndic est un budget très élevé. Le public a accès
aux services de notre syndic de façon très facile. Nous
considérons que le système fonctionne de façon très
valable. Nous pensons qu'un comité d'examen des plaintes qui viendrait
s'intégrer dans l'ensemble du système constituerait un
élément d'abord coûteux à faire fonctionner et un
élément qui alourdirait le système. Un comité
aviseur, tel qu'il a été proposé dans le contexte du
rapport qui a été fait par le Conseil interprofessionnel, un
comité aviseur qui interviendrait dans certains cas et qui
interviendrait sur des politiques générales nous paraît
beaucoup plus adéquat dans notre situation, encore une fois.
Une dimension qui est proposée dans l'avant-projet de loi et qui,
pour nous, pose des problèmes majeurs, est la relation directe que
l'avant-projet de loi veut établir entre le syndic et le comité
d'inspection professionnelle. Nous avons depuis longtemps mais ça
a été accentué récemment
considéré l'inspection professionnelle comme étant une
inspection, une véritable inspection, d'une part, mais aussi et surtout
ayant une valeur formative. Nous considérons que l'inspection
professionnelle doit apporter des conseils au professionnel, l'aider à
s'améliorer, et nous ne voulons pas établir de lien direct entre
l'inspection professionnelle et le syndic.
Il est évident que, dans certaines situations, les
enquêteurs d'inspection professionnelle constatent des situations qui ne
sont pas adéquates et qu'il est avantageux que, dans ces cas-là,
le syndic en soit avisé. Néanmoins, nous considérons qu'il
ne faut pas qu'il y ait de relation directe entre les deux fonctions de la
corporation, et nous voulons que ça passe par le bureau de la
corporation de façon que la chaîne soit brisée entre les
deux fonctions de la corporation. Et l'avant-projet de
loi, comme je l'indiquais à l'instant, propose une relation
directe entre les deux fonctions, ce qui nous apparaît
contreproductif.
Le délai fixe de 60 jours dévolu au syndic pour mener une
enquête à terme ne nous apparaît pas non plus
réaliste. Tout dépend de la nature des enquêtes, tout
dépend des cas traités. Il est certain que certaines
enquêtes doivent pouvoir se régler dans le délai de 60
jours qui est prévu, mais l'étendre à tous les cas,
ça nous semble impossible de façon pratique, à moins,
évidemment, qu'on n'augmente le personnel de façon très
importante, ce qui entraîne des coûts, évidemment.
Nous ne sommes pas non plus d'avis que le plaignant devrait recevoir une
partie des amendes qui seraient imposées par le comité de
discipline. Ce n'est peut-être pas là le rôle d'un
comité de discipline qui est, évidemment, d'assurer la bonne
gestion de la profession. Peut-être qu'on pourrait envisager d'autres
modalités pour que les personnes ne soient pas refrénées
de faire des plaintes. On pourrait peut-être envisager un remboursement
d'une partie des dépenses, mais on ne devrait pas laisser planer
l'impression qu'il est payant de poursuivre un professionnel, sans ça,
on aboutirait rapidement à un engorgement complet du système. Il
ne faut pas non plus décourager les gens pour des considérations
financières. C'est pour ça qu'un remboursement des
dépenses, par exemple, pourrait peut-être être la solution
à ce problème-là.
Le pouvoir de rétractation du comité de discipline qui est
proposé ne nous apparaît pas non plus quelque chose
d'extrêmement efficace. Ça s'apparente un peu à un second
niveau d'appel et, déjà, le droit d'appel nous pose des
problèmes. Le fait que, dans des cas de radiation, par exemple, l'appel
suspende l'exécution de la décision du comité de
discipline peut occasionner des problèmes et nous a occasionné
des problèmes parce que, à cause de ce droit d'appel qui suspend
l'exécution de la sentence, on est obligé de laisser les
professionnels pratiquer alors qu'on sait pertinemment qu'ils ne devraient pas
pratiquer. Donc, on a déjà ce droit d'appel, et je sais qu'il y a
d'autres considérations juridiques qui sont peut-être en faveur de
la suspension de la sentence, mais il reste que, si on ajoutait encore un
pouvoir de rétractation au droit d'appel, en plus, ça
compliquerait les choses et ça accentuerait le problème qui
existe déjà.
Nous considérons que, de façon précise, nous
accomplissons bien notre rôle de protecteur du public et nous le faisons
de façon très scrupuleuse. En fait, comme on l'indique dans notre
mémoire, plusieurs de nos membres nous considèrent davantage
comme des représentants du gouvernement et du public ce que nous
sommes peut-être, évidemment que comme des membres
intégrés de la profession. Nous avons investi beaucoup en
discipline, en inspection professionnelle, en admission, en formation continue,
en assurance-responsabilité professionnelle. Nous considérons
toujours que la synergie avec les intérêts du public est
là, nous consi- dérons que ça doit se poursuivre, mais
nous considérons que l'avant-projet de loi, tel que
présenté, ne constitue pas l'outil qui nous permettra
d'améliorer encore la situation et nous souhaiterions que la
réflexion, la consultation et surtout la concertation soient poursuivies
avant que l'avant-projet de loi ne devienne un projet de loi.
En résumé, nous sommes contre l'avant-projet en ce qui
concerne les pouvoirs de tutelle, les articles 95.2 et 12, essentiellement.
Nous sommes contre le projet en ce qu'il établit un lien entre le syndic
et l'inspection professionnelle, mais nous sommes cependant pour des
améliorations qui amélioreraient encore la responsabilisation des
corporations et des professions par un assouplissement réglementaire,
toujours dans l'esprit du contrôle de la profession par ses pairs. Et
nous sommes également pour des améliorations ponctuelles au
système disciplinaire qui amélioreraient son efficacité,
sa transparence, son accessibilité. On est d'accord avec ça, mais
toujours dans le contexte du contrôle par les pairs et dans le contexte
particulier de chaque corporation qui est, évidemment, très
différent dans plusieurs cas.
Alors voilà, en résumé, ce que j'avais à
apporter.
Le Président (M. Gobé): M. le ministre, vous avez
donc maintenant la parole.
M. Savoie: Merci, M. le Président.
Je veux tout d'abord saluer le président de la Corporation
professionnelle des médecins vétérinaires, M.
Piérard, de même que le syndic, M. Saucier, et les remercier,
comme on doit le faire, d'avoir pris le temps de venir présenter un
mémoire, de rédiger un mémoire, d'y avoir mis des efforts.
Et on est heureux de voir la participation des corporations professionnelles
qui prennent le temps et l'effort pour venir échanger avec nous.
Pour les fins du dossier et pour les membres de la commission, il est
intéressant de noter que la Corporation professionnelle a 1471 membres.
Ils ont un budget de fonctionnement, des revenus bruts de l'ordre de 1 100 000
$ sur une base annuelle. On parle évidemment de demandes retenues pour
enquête; on parle de 144 en 1990-1991 et de 115 en 1991-1992. On n'a pas
de chiffres pour les enquêtes réglées ni pour les demandes
reçues, mais, pour les plaintes portées devant le comité
de discipline, on en constate 25 en 1991-1992 et 19 en 1990-1991. Et, à
l'examen sommaire du tableau des décisions disciplinaires rendues soit
par le comité de discipline ou par le Tribunal des professions, on
constate une bonne activité, une activité assez
intéressante, surtout au niveau du comité de discipline, beaucoup
moins au niveau du Tribunal des professions, mais certainement au niveau du
comité de discipline, ce qui démontre une activité
certaine par le syndic et une volonté d'administrer une discipline chez
eux.
Vous dites que vous dépensez beaucoup d'argent pour la protection
du public. On parle de combien, à peu près?
M. Piérard: Si ob se limite au bureau du syndic, l'an
dernier, le budget qui était accordé à cette
fonction-là était de l'ordre de 200 000 $.
M. Savoie: 200 000 $.
M. Piérard: cette année-ci, c'est de l'ordre de 180
000 $. maintenant, quand on parle de protection du pubiic, évidemment,
ça va plus loin que ça. la formation continue, c'est de la
protection du public aussi, l'inspection professionnelle aussi. je n'ai pas les
chiffres précis en tête pour vous dire combien on attribue
à chacune de ces fonctions-là. il reste que, dans le rapport
annuel, vous avez des chiffres qui concernent la formation continue, mais ces
chiffres sont incomplets dans le sens que je crois que, dans le budget, les
montants consacrés à la formation continue sont de l'ordre de 3,5
%, ou quelque chose comme ça.
M. Savoie: D'accord. Je vous remercie. M. Piérard:
Pardon?
M. Savoie: Parce que vous êtes sur mon temps, là.
Ha, ha, ha!
M. Piérard: Je voulais expliquer que le montant
était plus, en réalité.
M. Savoie: Je m'excuse, c'est parce que j'ai seulement 20
minutes, puis, mon Dieu, ça passe vite, hein?
M. Piérard: Excusez-moi. Ha, ha, ha! (15 h 20)
M. Savoie: Ce n'est pas grave, je ne vous en veux pas. Je sais
que vous voulez rendre service à la commission.
Je voudrais aborder avec vous vos commentaires, certains des
commentaires concernant le mémoire que vous avez déposé,
le projet de loi. Écoutez, tout simplement pour dissiper certaines
craintes, d'abord au niveau du pouvoir de tutelle, il est clair que le
gouvernement va établir des balises très serrées, qu'on ne
pourra pas et on ne veut pas, par exemple, prendre une corporation
professionnelle et la mettre sous la tutelle directe et immédiate de
l'Office. Ce qu'on veut, c'est un mécanisme qui puisse fonctionner
lorsqu'une corporation ne respecte plus, par exemple, ses lois, ne respecte
plus ses obligations et, en conséquence, doit être
gérée, mais toujours par les professionnels, dans la mesure du
possible. Sauf exception incroyable, on vise une continuation, mais on vise
également un pouvoir d'intervention musclé, il n'y a pas de doute
là-dessus, et on pense que, bien que, pour plusieurs professions, ce ne
soit pas du tout nécessaire, pour d'autres, ça devient une option
qui se met sur la table. Et on a vécu des choses.
Et, au niveau du pouvoir d'enquête, bien, évidem- ment,
là aussi des balises, mais là aussi une possibilité. Je
pense qu'il ne faudrait pas voir ça de mauvaise foi de la part du
gouvernement d'accorder à l'Office un pouvoir d'enquête. Il faut
le voir comme un mécanisme de bonne foi, nécessaire, parce qu'il
y a des fois que les circonstances l'exigent et que la protection du public
peut facilement exiger des conditions.
Le comité des plaintes, ça a évolué,
ça aussi, au cours des échanges. Il y a eu du mouvement, hein, de
la part de la plupart des corporations professionnelles. Je présume
qu'avec les explications, avec les échanges... Et l'avant-projet de loi
est là pour ça, hein. C'est là pour échanger et
voir, s'ajuster en conséquence en tenant compte de certains
éléments. Au niveau du comité des plaintes, là
aussi je peux vous dire que, depuis qu'on parle du comité des
plaintes... Je pense qu'au début, évidemment, il y a un refus
catégorique, et là on constate que, finalement, l'approche n'est
pas si pire. Les seules craintes maintenant, c'est au niveau... Bien, on ne
veut pas trop s'embarquer dans une bureaucratie lourde et on ne veut pas que
ça coûte non plus des sommes astronomiques. Et, sur ça, on
veut vous rassurer encore: ce qui sera retenu ne pourra être astronomique
en coûts ni en termes de paperasse. Ce n'est pas ça qu'on vise. On
vise autre chose, et je suis certain qu'ensemble on va y arriver.
Au niveau de la réglementation, vous dites: On est inquiets
là aussi, on ne veut pas que l'Office ait un droit de veto et l'utilise
comme levier pour nous forcer à faire d'autres choses. Ça, je
veux vous assurer qu'il n'y aura pas non plus un droit de veto de la part de
l'Office sur la réglementation. On ne veut pas créer de
déséquilibre, finalement, entre les obligations des professions
et le rôle de l'Office. On veut que l'Office puisse jouer son rôle
pleinement dans l'orientation qui a été prévue il y a
déjà 20 ans et ajustée pour tenir compte d'une certaine
réalité où il devra avoir un petit peu plus de prise pour
les récalcitrants ou ceux qui dévient du vrai chemin, et
également s'assurer que le leadership et, finalement, les consultations
puissent se faire effectivement par le Conseil interprofessionnel pour toujours
maintenir un équililbre, mais s'assurer qu'essentiellement la protection
du public puisse se faire. Et, à date, notre constatation... Et je pense
que, si vous faites le tour des membres de la commission, tout le monde va
être d'accord pour dire qu'il y a une lacune importante à ce
niveau-là, au niveau de la protection du public, et qu'il y a eu un
glissement dans le temps.
Sans viser, bien sûr, spécifiquement une corporation ou une
autre, je pense qu'on constate qu'il y en a quand même qui font des
efforts, mais qui... Et on a constaté chez vous une augmentation... Par
exemple, au cours des sept ou huit dernières années, on parle
d'un effort assez louable, d'une volonté d'intervenir davantage, mais on
se demande si, effectivement, dans ce contexte-là, dans un contexte de
dire qu'on est prêt à baliser, dans un contexte où on dit
qu'il n'est pas question de briser l'équilibre qui doit exister pour que
les
corporations puissent faire leur rôle et l'Office des professions
aussi, si effectivement ça ne modifie pas votre position un peu en
disant... Le gros du mémoire que vous avez déposé semble
nous dire: Oui, on est d'accord avec certaines choses, mais, en gros, c'est le
statu quo. En gros, c'est ça. Oui.
M. Piérard: C'est plus que le statu quo, en fait. On est
d'accord pour des mesures qui viseraient à rendre le système
disciplinaire plus transparent, plus efficace il n'y a aucun
problème mais on ne voudrait pas que ça le rende plus
lourd, plus inefficace. Quand on parle d'un délai de 60 jours, par
exemple, dans toute enquête, ça nous paraît, à nous,
irréaliste, compte tenu... Dans certains cas, ça peut être
vrai, mais, compte tenu de la difficulté de certaines enquêtes,
non, ça ne peut pas toujours fonctionner. On n'est pas du tout, comme je
l'indiquais tout à l'heure, contre la présence d'un comité
aviseur qui comprendrait des membres du public. Et ce comité pourrait
être chargé d'analyser des situations particulières, ou
encore d'établir des directives générales. On n'est pas
contre ça. On n'est pas du tout contre la transparence, et on l'a au
niveau du bureau des corporations, avec des membres du public qui
fonctionnent... En tout cas, dans notre situation, ça fonctionne
très bien. On a même des membres du public sur des comités
internes de la Corporation, et ça fonctionne très bien. Notre
perspective, en tout cas, est celle-là.
M. Savoie: Bon. Ce qu'on sent, c'est que ça... Le
délai de 60 jours, là encore, il est très clair qu'on ne
veut pas créer une structure lourde. Ce n'est pas du tout notre
objectif, et je suis conscient que ça ne sera pas le résultat
puisque, finalement, l'échange est favorisé, l'échange est
développé. Est-ce que vous avez suivi un peu les travaux de la
commission? Est-ce que vous avez eu l'occasion de regarder un peu les...
M. Piérard: Nous avons reçu certains
mémoires d'autres corporations. Nous n'avons pas suivi les débats
de la commission jusqu'à présent.
M. Savoie: Vous n'avez pas suivi. Il s'est
développé une espèce de bruit de fond à l'effet
qu'il fallait que ça change et je pense que, ça, ça
a été très clair et que les changements devaient
tenir compte des limites des corporations, devaient tenir compte
également d'une réduction importante. On ne voulait pas tout
simplement développer des postes et développer des services, on
voulait tenir compte de certaines réalités.
L'autre réalité, c'est qu'effectivement, au niveau du
public, il y a des lacunes. On s'est fait dire devant cette commission
et je pense que, la semaine passée, ça a été
très clair que, par exemple, au niveau de certaines corporations,
quelques-unes tout au moins, il y avait de l'ingérence au niveau du
travail du syndic. On s'est laissé dire que les processus de recueil de
plaintes ne répondaient plus aux attentes. On s'est fait dire
éga- lement que, finalement, l'objectif premier de la protection du
public était souvent soumis à d'autres considérations tout
à fait secondaires. Alors, ça a été ça, un
peu, l'évolution.
M. Piérard: Le syndic de notre corporation est avec
moi...
M. Savoie: Oui.
M. Piérard: ...et il peut vous parler comme si je
n'étais pas là. Ha, ha, ha!
M. Savoie: Ha, ha, ha!
M. Piérard: Mais il est certain qu'il n'y a aucune
ingérence dans son travail.
M. Saucier (André): Bon, M. le ministre, d'abord,
ça peut être bon de vous expliquer un peu la gestion du bureau du
syndic.
M. Savoie: Non, M. Saucier. M. Saucier: Non?
M. Savoie: Je vous remercie. On est familiers avec des
fonctionnements, des variations avec tout le respect qu'on vous doit
l'ensemble des membres de la commission. Vous êtes en fonction
depuis combien de temps, M. Saucier?
M. Saucier: Trois ans.
M. Savoie: Depuis trois ans. Et j'imagine que... C'est ça,
c'est que vous avez maintenu le travail de votre...
M. Saucier: Non. Il y a eu une modification. C'est
ça que...
M. Savoie: Oui.
M. Saucier: Pas des modifications...
M. Savoie: Non, mais au niveau des résultats...
M. Saucier: ...mais il y a eu des changements.
M. Savoie: ...on constate quand même, là... Enfin,
on constate qu'il y a eu un maintien au niveau des interventions. Si on regarde
les résumés sur une base annuelle, il y a une volonté,
quand même, de votre corporation, certainement depuis 1988, de faire des
efforts considérables.
M. Saucier: Mais c'est parce que... Si vous me le permettez,
encore.
M. Savoie: Oui, oui. Allez-y, oui. (15 h 30)
M. Saucier: C'est que, pour nous, il y a une
différenciation dès le départ. Quand quelqu'un s'adresse
au bureau du syndic, il est dit immédiatement que le syndic est
là pour défendre le public. Et ça, c'est la
différenciation qui se fait au départ pour éviter qu'il
s'adresse à un autre membre de la Corporation ou autrement. Et
là, bien, le syndic, deux, aide, chemine avec le plaignant pour conduire
sa plainte jusqu'au bout et, si elle est retenue, il va jusqu'au comité
de discipline.
Et vous remarquerez que nous avons quand même, pour une profession
qui est quand même peu nombreuse, passablement retenu d'enquêtes.
Nos enquêtes demandent énormément de temps, parce que nous
avons des enquêtes qui vont même avec différents corps
policiers, à cause des médicaments, et ça peut demander...
Je vous assure que ça demande beaucoup de recherche et de temps pour
certaines enquêtes; pour d'autres, ça peut être plus rapide.
Maintenant, quand on me dit qu'on ouvre 100 dossiers d'enquête, c'est des
dossiers ouverts qui vont aller jusqu'au bout. Là-dessus, si on en
retient... Dans ce cas-ci, en 1989, nous en avons retenu 30 qui ont
été déposés au comité de discipline, et les
30, ce sont des professionnels qui ont été déclarés
coupables. L'année suivante, il y a eu 19 professionnels qui ont
été déclarés coupables, 19 présentés.
Alors, disons que notre moyenne est bonne, à ce moment-ci.
Mais ce n'est pas surtout ça que je veux signifier, c'est que
nous sommes allés plus loin là-dessus. Au niveau des amendes, et
vu que les cas, nous les considérons comme très sérieux,
il y a eu des amendes qui se sont échelonnées de 500 $ à
20 000 $, dans certains cas, avec radiation et radiation permanente. Vous allez
me dire: C'étaient des cas très sérieux? Oui. Mais nous
voulions absolument que le public soit protégé et que, quand sa
plainte se rendait chez nous, il sache que c'était pour aller jusqu'au
bout et que, si c'était grave, bien, le professionnel était
retiré. C'était le point de vue que je voulais vous souligner,
c'est que le public sait au départ que le bureau du syndic et le syndic
le représentent pour défendre sa plainte.
M. Savoie: D'accord. Là, sans faire
référence à votre corporation d'aucune façon,
est-ce que vous sentez, par contre, si le comité des plaintes, en
mettant de côté la question financière, parce qu'on ne veut
pas créer un mécanisme qui va coûter des centaines de
milliers de dollars de fonctionnement, ce n'est pas du tout ça... Mais
un comité des plaintes, avec des citoyens, est-ce que vous pensez que,
pour l'ensemble des corporations professionnelles, ça pourrait avoir des
résultats bénéfiques?
M. Saucier: Là, vous me demandez de répondre pour
l'ensemble.
M. Savoie: Oui, oui. Bien, vous avez de l'expé- rience
quand même, trois ans.
M. Saucier: L'expérience que je pourrais vous dire, c'est
un comité aviseur...
M. Savoie: Oui.
M. Saucier: ...et là le syndic pourrait s'en servir dans
énormément de plaintes ou de discussions, et là je pense
que c'est vrai, ça pourrait servir. Mais remarquez bien, c'est un
comité aviseur...
M. Savoie: Oui, oui.
M. Saucier: ...et non pas un comité des plaintes.
M. Savoie: Oui, ne vous inquiétez pas, j'ai bien
compris.
M. Saucier: Parce qu'un comité des plaintes... Et
remarquez, sur les 144 plaintes que nous avons eues en 1990...
M. Savoie: Oui.
M. Saucier: ...là-dessus, on en a retenu 19 ou 20, si vous
voulez. Il y en a beaucoup qui ne sont pas passées au comité de
discipline.
M. Savoie: Oui, c'est ça.
M. Saucier: Et eux auraient été obligés de
se présenter devant le comité des plaintes avec toute la
paperasse, les dossiers et tout.
M. Savoie: Bien oui, mais, disons, la question de l'obligation,
ça fait l'objet d'un certain questionnement. Ça pourrait
être sur demande pour certaines corporations. Mais combien
d'enquêtes ont été réglées chez vous, disons,
sur les 115? Sur les 115 demandes retenues, il y en a combien qui ont
été réglées?
M. Saucier: Qui ont été réglées,
c'est-à-dire, sur les 115 qui ont été passées
devant le comité de discipline, il y en a eu 30. Alors, des 115, il y en
a un nombre qui a été éliminé puisque... Il y en a
21 % qui ont été éliminées.
M. Savoie: C'est ça. C'est quoi les chiffres
là-dessus?
M. Saucier: 115 moins 30.
M. Savoie: Bon.
M. Saucier: C'est la différence.
M. Savoie: Oui, oui, mais c'est ça. Comment est-
ce que vous divisez la balance? Les 80?
M. Saucier: Ah! Pourquoi elles n'ont pas été...
M. Savoie: Oui.
M. Saucier: Alors, c'est qu'à la suite de l'enquête
très approfondie nous avons constaté qu'on ne pouvait pas les
retenir pour qu'elles soient présentées au comité de
discipline parce qu'il n'y avait pas les éléments, on n'avait pas
décelé les infractions nécessaires pour les
présenter au comité de discipline.
M. Savoie: Alors, les 80 en question?
M. Saucier: Oui.
M. Savoie: II y en a 80 que vous avez refusées?
M. Saucier: Apres une enquête. Comme je vous dis,
l'enquête est très approfondie, puis ça n'a pas
été retenu pour être présenté au
comité de discipline. Quand même, il faut penser que, quand une
enquête...
M. Savoie: Alors, ça, c'est 80... Excusez-moi, c'est 80
par année, ça?
M. Saucier: Oui, par année.
M. Savoie: Alors, supposons qu'il y en a la moitié qui
veulent porter en appel la décision, 40. 40 sur 12 mois, supposons qu'on
fait une rencontre par mois, ça en fait combien que vous allez
étudier une fois par mois? Trois, quatre?
M. Saucier: Oui, je suis d'accord avec vous, c'est à peu
près trois, quatre par mois, si vous voulez.
M. Savoie: C'est ça, avec deux citoyens qui pourraient
échanger. Vous ne pensez pas, là, comme image d'échange
avec le public, que ça a des résultats tangibles?
M. Saucier: Là, vous dites: La moitié qu'on
présente. L'autre moitié, qu'est-ce qu'on fait avec?
M. Savoie: Bien, supposons que la moitié constate que les
explications fournies ont été satisfaisantes... On ne peut pas
présumer que tout le monde va aller en appel, mais supposons que tout le
monde va en appel, supposons que les 80 décident de porter en appel
votre décision, ça en fait combien, ça, par journée
d'étude, par mois, pour une rencontre par mois? Ça en fait six,
sept. Ce n'est pas beaucoup, finalement. Les données ne sont pas...
M. Saucier: Oui, je suis d'accord avec vous que c'est six ou
sept, mais il y a quand même tous les dos- siers à
présenter à ce comité-là. M. Savoie: Ah
oui!
M. Saucier: II y a toutes les études à
présenter à ce comité-là.
M. Savoie: C'est ça, un résumé, une
présentation. Le citoyen pourrait être là et se faire
entendre.
M. Saucier: II faut aller chercher les citoyens. Il faut les
emmener. Ça se trouve à être un genre de tribunal qu'on
place.
M. Savoie: Bien, oui... pas vraiment une espèce de
tribunal, mais...
M. Saucier: Pour arriver en disant: Bien, est-ce que le syndic
avait, disons, mal interprété les plaintes qui avaient
été soumises?
M. Savoie: C'est ça. On voit que ce n'est pas si lourd que
ça, finalement, une journée par mois, pour répondre
à ceux à qui on a dit: Non, vous n'avez pas de motif pour passer
chez nous, et qui ne vous croient pas. Évidemment, le problème
chez vous est beaucoup moins substantiel parce que j'imagine que vous traitez
beaucoup avec des professionnels de la santé. Vous traitez beaucoup avec
des agriculteurs qui ont une certaine compétence en la matière
également. Alors, la clientèle est moins étendue que
d'autres, là.
M. Saucier: Mais je pourrais peut-être ajouter aussi qu'il
faut nécessairement signifier à la plaignante ou au plaignant
pourquoi on ne retient pas la plainte, et, à venir jusqu'ici, il n'y a
jamais eu un plaignant ou une plaignante qui nous a dit: Bien, écoutez,
vous n'avez pas raison, il faudrait aller plus loin que ça. On n'a pas
eu, nous, aucune personne qui a dit: Je vais y aller, même en
privé. Ce n'est pas arrivé chez nous non plus.
M. Savoie: Alors, ça veut dire que, finalement, c'est
ça, le comité des plaintes n'aurait pas beaucoup de travail chez
vous.
M. Saucier: C'est peut-être ça aussi. Des voix:
Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gobé): M. le ministre, c'est
là tout le temps qui vous était alloué.
M. Savoie: C'est ça. Mais est-ce que vous pouvez concevoir
que, pour d'autres, ça pourrait être intéressant ou,
effectivement, que ça pourrait être utile?
M. Saucier: II faudrait voir.
M. Savoie: Peut-être, oui. D'accord.
Le Président (M. Gobé): Là, c'est le temps
de l'Opposition, M. le ministre.
Mme la députée de Terrebonne, vous avez la parole.
Mme Caron: Merci, M. le Président.
Alors, bienvenue à la Corporation professionnelle des
médecins vétérinaires du Québec. Vous savez,
lorsqu'on regarde ce dossier-là et lorsqu'on fait des audiences
publiques, il faut véritablement écouter ce que les gens viennent
dire et surtout ne pas essayer de leur faire dire ce qu'on voudrait qu'ils
disent, et essayer de dire qu'après ça tout le monde a eu un
consensus. Moi, j'avoue que je ne suis peut-être pas dans la même
salle que le ministre, mais, au niveau du comité des plaintes, je vous
avoue que je n'ai entendu encore personne qui était en accord, pas plus
du côté des corporations professionnelles, pas plus du
côté des associations de consommateurs, pas plus que le Protecteur
du citoyen. Les gens sont venus dire que le comité des plaintes,
finalement, tel que proposé, c'est une structure qui vient alourdir et
qui, selon le Protecteur du citoyen et selon les consommateurs, ne donne pas
plus de transparence. Ce qu'on a à décider, finalement, dans une
structure, c'est pourquoi les citoyens et les citoyennes sont insatisfaits.
En 1990-1991, sur vos 144 plaintes, il y en a 19 qui se sont
retrouvées au comité de discipline. Si toutes celles qui ne se
sont pas retrouvées au comité de discipline se rendaient au
comité des plaintes et qu'on leur disait exactement la même chose,
que, finalement, il n'y avait pas faute au code de déontologie, les gens
ressorti-raient, même s'il y avait deux citoyens qui faisaient partie du
comité des plaintes, aussi insatisfaits, encore plus parce qu'ils
diraient: Je me suis présenté à deux instances et, les
deux fois, on ne m'a pas donné satisfaction. (15 h 40)
Je pense qu'il faut plus qu'on regarde dans chacune des corporations ce
qui fait que les plaintes sont rejetées. Là, il va falloir
être extrêmement précis dans les registres, autant pour les
demandes téléphoniques, à savoir pourquoi on n'accepte pas
une plainte. Peut-être que, dans le code de déontologie de
certaines corporations, à un moment donné, il y a des points
qu'il va falloir ajouter parce qu'il y a un petit problème qu'on n'a pas
identifié au début, mais qui est maintenant devenu un
problème plus particulier dans cette corporation professionnelle
là. Certains nous ont parlé de se donner peut-être une
clause omnibus, se donner des mécanismes de conciliation, de
règlement des différends, parfois.
On parlait des amendes. Même au niveau de la protection du
consommateur, lorsqu'il y a un jugement, l'amende n'est pas donnée au
consommateur. On peut, par exemple, penser à un règlement des
différends pour certaines corporations professionnelles qui ont aussi un
service de biens. Je pense, par exemple, aux opticiens, dans le cas où
la personne est insatisfaite, par exemple, de ses lunettes. Ce n'est pas parce
qu'on va venir lui dire au comité des plaintes qu'effectivement on ne
peut pas rien faire et qu'elle est insatisfaite de ses lunettes... Si c'est un
règlement, s'il y a une conciliation, puis qu'on peut, finalement,
ajuster, puis corriger, puis modifier, là elle va être
satisfaite.
Ça m'amène à ma première question. Dans
votre page 5, sur le règlement des différends, vous nous dites:
«...règlement de différends entre les membres et leurs
clients. Ce dernier point mériterait cependant d'être approfondi
et plus précis. Actuellement, cette obligation entraînerait une
charge additionnelle à laquelle nous ne voyons aucune urgence à
nous soumettre.» Est-ce à dire que, dans votre corporation
professionnelle précise, il n'y a jamais de plaintes qui pourraient se
résoudre par un règlement des différends?
M. Piérard: Ça doit certainement pouvoir arriver.
Maintenant, ici, il s'agit d'un règlement de différends sur des
factures. C'est de ça qu'on parle.
Mme Caron: Oui. Chez vous, est-ce que ça n'arrive
jamais?
M. Piérard: C'est rare. Il y a eu très peu de
situations dans lesquelles on a été confronté à ce
problème-là.
Mme Caron: Les plaintes, chez vous, elles sont de quelle nature,
celles que vous devez rejeter, qui ne touchent pas votre code ou...
M. Saucier: Bien, écoutez, nous, ça touche
très souvent. Il y a des exemples que vous connaissez. Une personne perd
son chien ou son chiot. Nécessairement, sur le choc de l'avoir perdu,
elle a une réaction et la première réaction, c'est d'en
parler, et, souvent, elle va appeler au bureau du syndic pour en parler. C'est
normal. Là, bien, elle dit: II y a certainement eu une erreur, il s'est
passé quelque chose, il n'aurait pas dû mourir. En tout cas, vous
savez. Et, à un moment donné, elle comprend très bien,
après avoir parlé un certain temps, que c'est possible que ce
soit arrivé.
Puis d'autres fois, elle dit: Je ne suis pas satisfaite; je voudrais
aller plus loin. On va lui dire: Écoutez, nous, c'est facile; vous allez
nous écrire tout simplement, puis on vous le dit, le syndic va continuer
l'enquête, il va vous dire exactement ce qui s'est passé, parce
que la loi permet, justement, au syndic de s'informer auprès du
professionnel de ce qui s'est passé. On fait venir les dossiers, et
tout, et tout. Et là, ça la satisfait davantage, puis elle se
dit: II y a quelqu'un qui va aller plus loin maintenant; il va savoir ce qui se
passe. Et, après s'être informés, nous avons les preuves
comme quoi il n'y a pas eu d'erreur selon l'art ou selon la médication,
et tout, et nous lui répondons par lettre
qu'il n'y a pas eu d'erreur, que nous considérons qu'il n'y a pas
eu infraction et que sa plainte ne sera pas retenue. Et la personne est
satisfaite parce qu'elle sait qu'on est allé jusqu'au bout, qu'on a
contacté le professionnel, et tout, et que nous lui donnons une
réponse par écrit.
Mme Caron: Est-ce que les plaintes chez vous, c'est surtout des
particuliers qui ont des animaux domestiques, je dirais, ou si ça touche
plus particulièrement les agriculteurs ou...
M. Saucier: Ça touche à tous les niveaux. Mme
Caron: II n'y a pas de pourcentage...
M. Saucier: Alors, il y a les petits animaux, les grands animaux,
puis, ensuite, bien, entre professionnels aussi. Alors, ça touche tous
les niveaux.
Mme Caron: Mais les pourcentages?
M. Saucier: Écoutez, les pourcentages... Les demandes du
public, c'est autour de 50 %.
Mme Caron: La moitié.
M. Saucier: ...vis-à-vis du public; une enquête
entreprise directement par le syndic à la suite d'une
dénonciation, c'est environ 40 % ; les requêtes des membres ou
dénonciations des membres, c'est 10 % et déposées au
syndic, environ entre 20 % et 30 % du nombre d'enquêtes qui sont
faites.
Mme Caron: Au niveau des dénonciations entre pairs, je
remarque que, dans plusieurs corporations professionnelles, le pourcentage
tourne toujours autour de 10 % à 15 %...
M. Saucier: C'est à peu près ce que j'ai.
Mme Caron: ...donc, il y en a, effectivement. Lorsqu'on dit que
jamais entre pairs les gens ne se dénoncent, ce n'est pas ce qu'on
retrouve dans la réalité chez vous.
M. Saucier: C'est parce qu'ils sont en pratique privée.
Alors, imaginez-vous que...
Mme Caron: Donc, en compétition.
M. Saucier: ...ils sont en compétition directe. Alors, il
y a toujours quelque chose qui se passe qu'ils n'aiment pas chez le voisin.
Mme Caron: Vous avez parlé dans votre mémoire, et
très peu de corporations professionnelles en ont fait mention, des
spécialistes, parce que vous avez une demande extrêmement
précise et vous nous en parlez en page 4. Alors, vous êtes heureux
de voir que l'Office va s'impliquer dans le dossier des spécialistes.
Vous avez une demande, au niveau de cette réglementation-là, qui
remonte à combien de temps?
M. Piérard: La demande remonte à une quinzaine
d'années.
Mme Caron: Mais y a-t-il eu évolution?
M. Piérard: II y a eu divers épisodes à
travers tout ça, il y a plusieurs raisons qui ont fait... Et je ne veux
pas jeter la pierre à l'Office, ce n'est pas du tout l'objectif. Il y a
eu différentes considérations qui ont fait que le dossier a
cheminé lentement à certaines périodes alors qu'il aurait
dû aller plus vite, il n'y a pas de doute.
Mme Caron: À l'extérieur du Québec, est-ce
qu'on accorde des spécialités?
M. Piérard: Oui, et il y a un besoin, il y a des demandes
du public pour qu'on reconnaisse les spécialistes. Il y a des gens qui
ont la formation actuellement. Cette formation peut être soit prise
à l'étranger, soit prise au Québec, et dans certaines
disciplines. On ne donne pas la formation à la faculté de
Saint-Hyacinthe dans toutes les disciplines, mais, dans certaines disciplines,
elle est donnée. Mais la formation est disponible aux États-Unis
et à d'autres endroits.
Alors, nous avons, de fait, des gens qui sont spécialisés
actuellement, qui ont une reconnaissance valable, mais nous n'avons pas le
pouvoir légal de les reconnaître comme spécialistes. Alors,
ici, on peut parler d'anesthésiologie, d'ophtalmologie, enfin de
beaucoup de «logies», et ces gens-là souffrent actuellement
de ne pas pouvoir être différenciés d'un médecin
vétérinaire normal je ne sais pas si le terme est bon
d'un médecin vétérinaire ordinaire, alors que le
public demande ces gens-là, a besoin de pouvoir reconnaître ces
gens-là parmi les autres. Pour nous, c'est un dossier qui est
très prioritaire, et je suis d'ailleurs convaincu que le dossier chemine
actuellement à l'Office assez rapidement et qu'on devrait en voir
l'aboutissement prochainement.
Mme Caron: On a vu un petit hochement de tête. Ha, ha,
ha!
M. Piérard: Mais disons que c'est un dossier qui est
ancien.
Mme Caron: On a vu un hochement de tête, ça peut
être un bon signe pour vous.
M. Piérard: J'ai toute raison de croire que ça va
évoluer rapidement.
Mme Caron: Côté formation continue, vous avez
souligné l'importance de la formation continue en soulevant la question
que ce n'était peut-être pas nécessaire du
côté de toutes les professions. Lorsqu'on regarde l'ensemble des
41 corporations professionnelles, je pense que, si on se dit un professionnel,
si on a une formation de professionnel, c'est évident que c'est dans des
secteurs où il y a de l'avancement. C'est des secteurs où il faut
toujours continuer de se parfaire et de s'améliorer. Je pense que
l'accent doit vraiment être mis du côté de la formation
continue.
Vous nous avez parlé de l'inspection professionnelle comme valeur
formative et vous sembliez hésiter à avoir une relation directe
entre le syndic et l'inspection professionnelle. Je voudrais que vous
élaboriez davantage là-dessus. Est-ce que ce ne serait pas
justement pratique et préventif si, lors des inspections
professionnelles, automatiquement on pouvait déposer une plainte et
essayer d'aller un petit peu plus loin?
M. Piérard: Bon. Nous avons toujours tenu à
discriminer entre les deux fonctions de la Corporation que sont l'inspection
professionnelle et la formation continue... et l'activité de la
discipline, pardon, pas la formation continue, mais la discipline. Nous
considérons que l'inspecteur professionnel a deux fins. Il va visiter un
confrère, il évalue sa façon de procéder, son
installation, son activité professionnelle, et une de ses fonctions
importantes est de lui faire voir ce qu'il pourrait améliorer, l'aider
à améliorer. Dans ce sens-là, la relation qui existe entre
les deux personnes doit être une relation de confiance. (15 h 50)
L'autre volet de sa fonction, à l'inspecteur professionnel, est
évidemment de souligner les situations anormales qui doivent être
corrigées obligatoirement. Mais les deux fonctions sont là, et
nous considérons que les deux fonctions doivent être
présentes et exigent un minimum de confiance entre l'inspecteur et le
praticien qu'il inspecte. Nous ne voulons pas que l'inspecteur professionnel
arrive chez un confrère et soit perçu comme le bras armé
du syndic, ce qui, évidemment, annihilerait la relation de confiance.
Donc, nous voulons distinguer nettement entre les deux fonctions.
Par contre, il est certain que l'inspecteur professionnel peut, au cours
de son travail, déceler des situations anormales qui nécessitent
une intervention du syndic, ça arrive. Ce que nous voulons à ce
moment-là, c'est que la relation se fasse par le bureau de la
Corporation. À ce moment-là, c'est le bureau qui demande au
syndic d'intervenir et non pas l'inspection professionnelle. De cette
façon-là, le bureau filtre, premièrement.
Deuxièmement, la personne qui reçoit, à la suite d'une
demande du bureau, la visite du syndic ou d'un enquêteur du syndic, elle
ne fait pas un lien automatique, ce qui nous paraît important, pour les
raisons indiquées.
En ce qui concerne la formation continue à laquelle vous avez
fait allusion tout à l'heure, le problème est un peu
différent. On sait qu'actuellement la somme des connaissances double
à peu près tous les trois ou cinq ans, selon les disciplines. Il
est certain qu'un professionnel doit se tenir à jour. Quand j'ai dit
tout à l'heure que ça ne concernait pas les autres professions,
je ne voulais pas dire que ça ne les concernait pas, mais ce que je
voulais dire, c'est que je ne me prononçais pas pour les autres
professions. Mais je sais que, dans notre situation, il est indispensable qu'il
y ait une activité de formation continue minimale qui soit poursuivie
par les professionnels. On ne peut pas avoir quelqu'un qui reste, pendant des
années, sans mettre ses connaissances à jour quand il a fini,
parfois, depuis 5, 10, 15, 20 ans, 30 ans ou 35 ans. Donc, on veut que cette
formation continue soit obligatoire, mais la réglementation actuelle ne
nous le permet pas, de le faire directement.
On peut le faire, et nous avons actuellement une disposition que notre
bureau vient d'approuver, par laquelle on soumet les personnes qui n'ont pas
fait, à notre point de vue, suffisamment de formation continue à
des inspections professionnelles supplémentaires. C'est le chemin que
nous avons trouvé. Mais nous estimons qu'il serait de loin
préférable qu'on puisse exiger de nos membres qu'ils
s'inscrivent, qu'ils subissent, qu'ils fassent un minimum de formation continue
de façon régulière. Ce serait la façon, il nous
semble, la plus appropriée de nous assurer que le public est bien
protégé et que les professionnels qui sont à son service
sont à la fine pointe des connaissances dans leur discipline.
Mme Caron: J'espère que la Corporation professionnelle des
médecins partage cet avis-là.
M. Piérard: J'en suis convaincu.
Mme Caron: Je nous le souhaite à tous, parce que nous
n'avons pas eu le temps de les questionner sur la formation continue au moment
de leur passage.
Vous avez parlé, sur l'inspection professionnelle, que, parfois,
il y avait des éléments à corriger, obligatoirement.
Est-ce qu'à ce moment-là vous faites un suivi lorsqu'il y a des
choses à corriger...
M. Piérard: Oui. La personne qui subit une inspection, on
lui donne un certain délai, je crois que c'est 60 jours, pour se
conformer aux exigences qu'on lui signifie. Donc, le suivi est fait. On
vérifie après.
Mme Caron: Lorsque des plaintes sont déposées chez
vous et que vous rejetez une plainte, qu'elle ne se rend pas au comité
de discipline, comme syndic, lorsque vous faites parvenir la décision
écrite c'est toujours, selon l'article 123, une décision
écrite que vous faites parvenir, avec toutes les justifications
est-ce que ça vous apparaît suffisamment clair comme texte,
suffisamment précis? Est-ce que vous avez des plaintes là-dessus,
que les plaignants trouvent que les raisons indiquées sur la
décision, ce n'est pas suffisamment étayé?
M. Saucier: Non. Justement, nous appuyons beaucoup pour expliquer
les raisons pourquoi nous ne retenons pas la plainte, pourquoi nous n'avons pas
retenu d'infraction comme telle. Je répète, nous n'avons pas eu
de plaignants qui ont dit: Ce n'est pas suffisant, nous allons nous
présenter à une instance. Non. Ils ont accepté la
décision comme telle.
Mme Caron: Est-ce que, comme syndic, vous vous opposeriez
à la tenue d'un registre beaucoup plus précis, beaucoup plus
serré au niveau des demandes des plaignants, lorsque vous avez à
faire rapport, dans le rapport annuel, à l'Office des professions?
Est-ce que vous vous opposeriez à ça? Et est-ce que vous sentez
le besoin de formation au niveau de votre travail de syndic, que vous auriez
besoin, parfois, parce que c'est un travail où vous êtes bien
seul, de rencontrer d'autres syndics et d'essayer d'améliorer la
façon de faire?
M. Saucier: Disons, d'abord, pour la première question, au
niveau des registres, oui, nous ne nous opposons pas du tout à ce qu'il
y ait un registre suivi. C'est sûr que ça peut, d'abord, nous
renseigner et renseigner d'autres là-dessus.
Concernant aussi la formation, vous savez que le syndic, c'est
certainement une personne qui est appelée à vivre avec des
décisions, mais ça prend plusieurs... Je ne peux pas vous
élaborer ce que ça prendrait pour être un bon syndic, comme
tel, mais disons tout de suite qu'il y a un bagage d'expérience qui est
nécessaire. Nous, ce que nous voyons pour mieux former, ce qui s'en
vient, c'est que nous prenons ce que nous appelons un syndic correspondant, qui
devient un syndic adjoint, et là, avec la formation, bien, avec le
temps, il nous remplace, tout simplement. Vous savez, il y a des
décisions... faire des enquêtes approfondies, arriver à des
bonnes décisions et les meilleures possible, ça prend beaucoup
d'expérience.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Mme
Caron: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Gobé): Merci, messieurs. Alors,
ceci met donc fin à votre intervention. Vous pouvez donc maintenant vous
retirer.
Je vais appeler le groupe suivant, les représentants du groupe
suivant, soit ceux de la Corporation professionnelle des
diététistes du Québec, et, pour ce faire, je vais
suspendre deux minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 57)
(Reprise à 16 h 6)
Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, la
commission de l'éducation reprend maintenant ses travaux. Nous avons le
plaisir d'accueillir maintenant les représentants de la Corporation
professionnelle des diététistes du Québec. Alors, je
demanderais au porte-parole ou à la porte-parole du groupe de bien
vouloir se présenter ainsi que les personnes qui l'accompagnent et, par
la suite, je vous donnerai la parole pour commencer votre
présentation.
Corporation professionnelle des
diététistes du Québec (CPDQ)
Mme Saint-Jean-Demers (Nicole): Merci. Je suis Nicole
Saint-Jean-Demers, présidente de la Corporation. Je suis
accompagnée aujourd'hui de Me Sylvain Poirier, de Heenan Blaikie,
cabinet Heenan Blaikie; de Mme Jocelyne Chrétien, directrice
générale à la Corporation des diététistes,
et de M. Pierre Faguy, premier vice-président au conseil.
Le Président (M. Gobé): Mesdames, messieurs,
bonjour et bienvenue parmi nous. Je vous avertis que vous avez maintenant 20
minutes pour faire votre présentation. Par la suite, vous pourrez
engager la discussion avec M. le ministre ou ses représentants pour une
période approximative de 20 minutes, et de même avec la
représentante de l'Opposition officielle, Mme la députée
de Terrebonne, pour une période aussi de 20 minutes. Alors, vous avez la
parole.
Mme Saint-Jean-Demers: Merci, monsieur.
D'abord, on voudrait vous souligner notre appréciation d'avoir
l'opportunité d'être entendus. Nous avons transmis un document, et
je suis assurée que vous avez pu en prendre connaissance, ce qui fait
que nous ne reviendrons pas sur son contenu de façon
détaillée, mais, peut-être, on voudrait profiter des
instants qui nous sont donnés aujourd'hui pour faire valoir un peu les
préoccupations que nous avons face à cet avant-projet.
Si on fait un retour sur la Corporation que nous représentons,
bien, elle est là depuis le début, elle s'est organisée
pour fonctionner de façon autonome, elle a mis en place les
mécanismes qu'on lui demande d'avoir et elle a, je pense, joué le
rôle qu'elle devait jouer tant au plan des gestes à poser pour
s'assurer de la compétence de ses membres que pour servir le public
adéquatement. Et, un peu à cause de ça, on se demande, ou
on est inconfortable, ou on trouve difficile à accepter ce qu'on voit
comme une nouvelle façon d'aborder les choses et une certaine
ingérence dans le mode de fonctionnement ou l'administration interne. On
a, en lisant l'avant-projet, en tout cas cette impression qu'on ira vers un
droit de regard accru de l'Office et, pour nous, ce n'est pas quelque chose
avec laquelle on est très à l'aise. Également, on se dit
que, du côté de l'aspect du rôle et des pouvoirs du syndic,
sur cette question-là, on va tout simplement s'en remettre au
mémoire qui est présenté par le Conseil interprofessionnel
du Québec,
étant donné que ce n'est pas quelque chose qui est
extrêmement quotidien à la Corporation professionnelle des
diététistes. (16 h 10)
Et justement, pourquoi ce n'est pas quelque chose de si quotidien
à la Corporation professionnelle des diététistes? On sait
que, depuis toujours, il y a deux types de corporations, c'est-à-dire
une qui a l'acte ou l'exercice exclusif et les titres réservés et
l'autre qui a les titres réservés et dont nous sommes. Par
contre, à ce jour, les mécanismes, les devoirs, les obligations
pour les deux groupes étaient les mêmes. Quand on regarde
l'avant-projet de loi, on s'étonne ou on se désappointe de ne pas
voir quoi que ce soit qui améliore un peu notre situation en termes de
corporation à titre réservé, parce que, au fil des
années, il y a des grandes préoccupations qui se sont
exprimées de façon très évidente devant cette
situation. On sait que la préoccupation en santé et en nutrition,
qui est notre élément, et les attentes, les préoccupations
et l'approche du public en cette matière ont grandement
évolué. Lorsqu'on voit les difficultés qui se rattachent
à la corporation à titre réservé qui est la
Corporation professionnelle des diététistes, il se
présente une certaine difficulté à ce que beaucoup de gens
puissent être dans ce secteur sans nécessairement être des
membres de la Corporation et nous apporter, comme membres c'est
peut-être terre-à-terre à dire des ressources
financières qui nous permettraient de mieux exercer notre mandat en
termes de protection du public.
Également, on trouve de plus en plus difficile le recrutement
parce que ce thème de nutrition et d'alimentation étant un
thème extrêmement intéressant pour beaucoup, il n'est
toutefois pas, en termes de gestes, une participation à titre de membre
de la Corporation. Les personnes peuvent très facilement exercer des
fonctions très semblables sous des titres ou, comment dire, sous des
profils ou des interactions avec d'autres qui rendent tout à fait
justifié qu'elles ne soient pas membres de la Corporation.
Finalement, pour prendre quelque chose qui nous est très
particulier parce que la majorité de nos membres oeuvrent dans le
domaine de la santé et travaillent pour le même gouvernement que
celui qu'on rencontre aujourd'hui, on s'aperçoit qu'il y a une
harmonisation qui est vraiment très difficile pour les
diététistes et le public à saisir. C'est-à-dire, si
on implante dans le réseau de la santé certains mécanismes
en termes de discipline, à l'intérieur du système, et que,
parallèlement, on a les mécanismes qui existent et qui demeurent
et qui vont possiblement évoluer au niveau de la Corporation, on arrive
avec un double système et on se dit: Bien, il y a peut-être une
harmonisation, en tout cas qu'on n'a pas vue ou, du moins, qui n'est pas
évidente dans cet avant-projet. Ça nous paraît plutôt
des systèmes parallèles qui s'implantent.
Une chose également qui nous paraît, du fait d'être
à titre réservé seulement et de ne rien voir de plus qui
s'ajoute pour ce groupe de corporations, c'est ce grand nombre de personnes qui
ont la latitude de ne pas être membres de la Corporation, de ne pas
porter ce titre, et même lorsqu'elles sont à l'emploi d'un milieu
où il y aurait un grand avantage si on pense toujours à la
protection du public, qui n'ont pas à participer, en tout cas, ou
à se soumettre aux obligations des membres de la Corporation. Et
à ceci, je réfère comme exemple la clause 25 dans les
conventions collectives.
Quant à l'usage du titre, on sait qu'il y a une démarche
actuellement qui se fait, et on espère beaucoup qu'elle sera finale
bientôt en termes de résultat, pour augmenter la liste des titres
qui devraient être des titres réservés et réduire,
évidemment, chez le public cette impression de «laisse
croire». Mais on s'inquiète parce que l'ingéniosité
du vocabulaire va certainement avec différentes façons de parler
de nutrition ou d'aborder la nutrition, amenées à un rythme qu'on
ne pourra même pas rattraper avec des modifications en termes de la loi
pour réussir à protéger le public. Et c'est
peut-être pour ça que, tout à l'heure, je mentionnais que
l'aspect des plaintes n'est pas une chose qui soit une grosse part de nos
activités, parce que le public peut peut-être, de temps en temps,
nous apporter de ces plaintes qui pourraient être une usurpation de
titre, mais, généralement, le vocabulaire avec le titre de
«diététiste» reste encore une expression qui est un
peu mystérieuse en francophonie nord-américaine, à partir
du mot «diététique» jusqu'à l'expression
«diététiste». Et peut-être qu'avec un
enrichissement de la liste on pourra faire un peu mieux, mais je pense qu'on ne
pourra jamais rattraper le rythme de l'imagination de tous ces titres. Et on
n'a pas vraiment de réponse si on regarde l'article 183, et on dit: II y
a peut-être une piste de solution. Mais notre vrai rôle, en termes
de protection du public, il est très, très difficile de l'assumer
puisqu'il n'y a rien, en termes de champ de pratique ou d'exercice, qui nous
donne la possibilité d'assumer pleinement cette obligation
vis-à-vis du public.
Si, finalement, on nous demandait, en termes de cet avant-projet, ce qui
nous aurait plu vraiment ou aurait contribué à nous rendre plus
confortables pour exercer notre rôle, bien, c'est toute cette partie des
titres réservés où on trouve qu'il n'y a rien de plus et
ce qu'il y a là n'est définitivement pas assez ni pour stimuler
les gens à être membres d'une corporation et se soumettre à
tout ça, ni pour expliquer un duplicata de contrôle qui va
éventuellement se faire et encore moins pour s'assurer qu'on puisse
être très près du public et éviter toute cette
confusion qui se bâtit au fil des jours.
Évidemment, si ce côté-là avait pu être
un peu plus articulé pour nous aider à voir une
amélioration, on aurait pensé forcément qu'avec ça
serait venue peut-être une certaine forme du fonctionnement de l'Office
qui nous aurait aidés à voir ce rôle, que l'Office pouvait
nous aider, comment dire, d'une part, à mieux jouer et,
également, à contrôler. Quant aux coûts qui se
rattacheraient à cette éventuelle possibilité, bien,
évidemment,
comme on ne voit pas de changement se rattachant à la chose qui
nous intéresserait en termes de la loi, il est difficile de voir le
côté du fonctionnement de l'Office et de ses coûts et de ses
structures.
Pour clore ce qu'on voudrait soumettre, on trouve que cette appartenance
à un groupe de professionnels à titre réservé,
après 20 ans dans une matière aussi importante au plan
santé, que ce soient les coûts de la santé, que ce soit le
fonctionnement des individus, que ce soit le commerce de la santé et de
la nutrition, la protection du public, elle nous paraît bien difficile,
comment dire, à exercer avec les moyens qu'on nous donne dans le
moment.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme
Saint-Jean-Demers.
Maintenant, je passerai donc la parole à M. le ministre.
M. Savoie: Oui, M. le Président. Tout d'abord, je
m'excuse pour le retard. Je devais faire des téléphones
importants suite à un communiqué que j'ai reçu. Je
m'excuse. Je voudrais tout simplement saluer les gens de la Corporation
professionnelle des diététistes, des nutritionnistes, c'est
ça, là?
Mme Saint-Jean-Demers: Diététistes, pour le
moment.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Savoie: Ça s'en vient. On a à dire qu'on a
apprécié le mémoire. Évidemment, j'imagine que vous
prenez le temps de vous renseigner sur l'évolution des travaux de la
commission parlementaire j'ai eu l'occasion de mentionner ça aux
médecins vétérinaires je pense que c'est important
parce qu'il y a une évolution, et on pourra proférer toutes
sortes de critiques au niveau de la commission, mais, certainement, personne ne
pourra accuser cette commission d'être bidon. Ça se passe ici, les
mémoires sont lus, ils sont étudiés, on bouge en vertu de
ces mémoires et on bouge en vertu des informations qui nous sont
présentées.
Pour l'information de la commission je vais me retrouver dans mes
papiers, ce ne sera pas long de même que pour l'Opposition, je
cherche... Ah! il est là, je l'avais serré là. Oui, c'est
ça, une fiche synthèse du rapport annuel. C'est toujours bon de
l'avoir au dossier. On parle de 1748 membres en 1991-1992. Je présume
que vous devez être autour de 1800 en 1992-1993. Un revenu brut de 1 154
000 $, c'est quand même une corporation qui a un bon budget de
fonctionnement. Par contre, évidemment, à cause de la nature de
la fonction, il y a très peu de plaintes on va examiner ça
tout à l'heure très peu de plaintes retenues pour
enquête ou plaintes portées devant le comité de discipline;
d'ailleurs, je pense qu'il y en a eu quatre dans votre histoire, dans les
années 1987-1988, c'est ça. C'est tout.
Des commentaires d'ordre général. Vous appuyez le CIQ,
comme si vous aviez un choix, au moins il y a quelques semaines. Aujourd'hui,
les choses ont changé considérablement, je pense, et je suis
certain qu'on aurait eu droit à un mémoire différent. Il
faut le constater et il faut le noter. On ne cherche pas à faire dire
des choses aux gens qui se présentent devant la commission, mais on
cherche à les excuser d'un certain retard sur l'évolution de nos
travaux. Oui, parce que nos travaux ont évolué beaucoup, et je
suis certain que l'ensemble des intervenants professionnels en prennent
connaissance aussi, constatent qu'effectivement ça glisse vers une
situation, je pense, de plus en plus acceptable pour le grand public. Et je
pense que, là-dessus, c'est souhaitable. (16 h 20)
Des corporations à titre réservé, on l'a entendu
à plusieurs reprises, elles font face à un problème
intéressant pour le public, c'est-à-dire qu'à la minute
où vous cherchez à bouger sur un professionnel qui ne
répond plus aux normes de votre code de déontologie, il a
l'option de se retirer de la corporation professionnelle et il continue
à exercer ses fonctions. Au niveau de votre expérience
récente on parle de deux, trois années est-ce que
vous avez des cas? Est-ce que ça s'est produit chez vous?
Mme Saint-Jean-Demers: Je dirais que, à mon arrivée
à la Corporation, peut-être la chose qui m'a le plus surprise,
c'est d'apprendre que toute personne qui fait une intervention dans le
réseau de la santé comme salarié du réseau de la
santé n'était pas obligatoirement membre de la Corporation,
n'assurait pas cette garantie à son employeur ou au public de se
soumettre autant à la formation continue qu'à l'inspection
professionnelle, etc.
Je dois dire que c'est une chose de plus en plus répandue que les
gens remettent en question leur appartenance à la Corporation et surtout
la sophistication des titres qui, des fois, méritent d'être
changés quand les structures changent. Je pense avoir assez de souplesse
pour être capable de saisir ça. Je pense que tout cet ensemble de
mesures a fait en sorte que ça devient presque surprenant de voir que,
pour un traitement en nutrition clinique pour un diabétique, si on va
à tel hôpital, on a quelqu'un qui est un membre en règle de
la Corporation, puis on va aller à tel autre établissement et ce
n'est pas le cas. D'ailleurs, j'ai découvert bien des choses
surprenantes pour les diététistes qui pourraient s'ajouter
à la réponse que je vous ferais. Disons que je me limite à
ça, c'est une chose très répandue.
Autre chose aussi qui fait que les gens ont cette tentation et
cèdent à se soustraire de leur «membership» de la
Corporation avec ce qui va avec, c'est que les gens peuvent être absents
comme membres. Ils pouvaient être absents jusqu'à une
période de cinq ans et, en la réintégrant, n'être
soumis à aucune inspection, ce qu'on a fait modifier au cours de
l'année dernière parce
qu'on se disait: C'est une science qui évolue tellement
rapidement, les connaissances en nutrition et l'approche dans le traitement de
la maladie, incluant la nutrition comme curatif. On s'est dit: II faut
absolument raccourcir... Mais il n'en reste pas moins qu'il y a des postes
extrêmement importants qui sont présentement comblés dans
le réseau de la santé par des personnes qui ne sont pas membres
de la Corporation et qui n'envisagent pas, non plus, le redevenir, parce
qu'elles trouvent qu'il y a des mécanismes de plus en plus, entre autres
ceux qui s'annoncent dans la réforme du réseau de la santé
qui permettra une autodiscipline à l'intérieur des
établissements. Je ne l'écrirais pas ou je ne le dirais pas
publiquement à mes membres, mais je me dis: Au fond, si c'est
parallèle, c'est peut-être une bonne question. Je me la pose, moi
aussi.
M. Savoie: Une seconde, s'il vous plaît...
Le Président (M. Gobé): Nous allons suspendre une
minute, s'il vous plaît. La commission est suspendue une minute.
M. Savoie: Je m'excuse. (Suspension de la séance à
16 h 22)
(Reprise à 16 h 23)
Le Président (M. Gobé): La commission reprend ses
travaux.
M. Savoie: Finalement, c'est qu'au niveau des corporations
à titre réservé on a un problème qui est constant
pour l'ensemble. Vous nous arrivez avec une constatation des gestes que vous
avez posés. Si on devait le régler d'une façon
définitive pour empêcher, justement, ce flottement, vous
recommanderiez quoi comme procédure?
Mme Saint-Jean-Demers: Bien, je pense qu'avec
l'évolution... Je ne vais peut-être pas parler de toutes les
spécialités, parce que, malheureusement...
M. Savoie: Non, non. Mais chez vous.
Mme Saint-Jean-Demers: J'ai essayé d'être active
avec mes collègues des autres corporations, mais je n'ai pas... C'est
quand même un premier mandat, donc je ne connais pas toutes les autres
spécialités. Si je pense à la nutrition, c'est une science
qui évolue tellement vite que le manuel de nutrition clinique à
l'usage de tous les cliniciens à la grandeur du Québec doit
être révisé au moins à tous les trois ans. Alors,
c'est un exemple que la chose bouge rapidement. Ce que je pense, c'est qu'il
faut, de toute urgence, autant pour protéger le public, qui est vraiment
l'objectif ultime, que pour s'assurer de l'abus de la pratique dans un champ
qui a un impact important sur la santé, se hâter de
déterminer des actes exclusifs ou des actes
délégués, parce que, si on ne fait pas ça, je pense
que, par d'autres professionnels qui ont, bien sûr, parfois, une petite
formation en nutrition et qui peuvent, en tout cas, saisir certains volets, par
des personnes qui n'ont aucune formation et qui s'improvisent... Je pense que
la santé publique, si on parle de protection du public, doit être
traitée de façon à modifier ce statut des
diététistes pour que ça demeure logique pour le public, ce
regroupement.
M. Savoie: Un pouvoir de poursuite d'un professionnel qui, par
exemple, quitte votre corporation, s'installe à côté,
continue à pratiquer sous un titre similaire, semblable, qui,
finalement, a déménagé de votre corporation uniquement
dans le but d'échapper à un contrôle déontologique
important, est-ce que ça vous intéresse, ça?
Mme Saint-Jean-Demers: Je vais vous dire, le problème est
encore plus aigu, M. le ministre, à moins que j'aie mal saisi votre
question. C'est que les gens ne déménagent même pas
d'emploi. Ils sont membres de la Corporation à l'embauche
admettons que c'est un critère quand on affiche le poste ils vont
le rester jusqu'à temps que quelqu'un leur fasse penser: Pourquoi tu
dépenses comme ça? ce n'est pas nécessaire. Ils restent
dans la même fonction, ils continuent à exécuter la
même tâche avec, peut-être, des petites modifications, parce
qu'il y a quand même une évolution dans le réseau de la
santé en termes de tâches et de services. Et, un jour, on se rend
compte que telle personne n'y est plus depuis un certain temps, ou telle
personne ne s'appelle plus diététiste, s'appelle conseiller en
nutrition, clinicien en nutrition, conseiller responsable du service à
la clientèle, ce à quoi je n'ai pas d'objection, si ça
fait plus actif dans le réseau de la santé...
M. Savoie: On parle d'un problème de code de
déontologie spécifiquement, là.
Mme Saint-Jean-Demers: Le code de déontologie. De fait, je
ne pense pas que les gens s'éloignent de leur participation ou de leur
appartenance à la Corporation pour nécessairement commettre des
écarts. Et ces gens-là, on ne les revoit pas en ayant
causé un problème. Ils s'abstiennent tout simplement d'être
membres de la Corporation. Ils font une économie de cotisation,
puisqu'il faut appeler les choses par leur nom. Et, au niveau de
l'établissement ou du réseau dans lequel ils travaillent, ils
vont effectuer tout aussi consciencieusement ce qu'ils font.
M. Savoie: D'accord. Merci.
Le Président (M. Gobé): Mme la député
de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président.
Mme Saint-Jean-Demers, M. Faguy, Me Poirier, Mme Chrétien, merci
de votre présentation. Je pense que vous avez soulevé le
problème des titres réservés, mais sous l'angle aussi du
problème État-employeur. Et je me souviens, lorsque j'avais
rencontré votre corporation professionnelle, c'était la
première corporation qui me faisait part de ce
problème-là. Et ce n'est pas toujours facile de saisir toutes les
nuances qui découlent de ça. Effectivement, ça ne veut pas
dire que les gens vont être moins respectueux ou vont poser des actes
contre le code de déontologie, sauf qu'ils peuvent le faire, comme ceux
qui sont membres de la Corporation peuvent le faire, et ils ne sont pas,
à ce moment-là, soumis à un système disciplinaire
comme une autre corporation professionnelle.
Le ministre nous disait tantôt qu'on était porté...
bon, qu'il ne fallait pas philosopher, puis qu'il faut des décisions.
Mais ça fait partie du problème. Si, comme État, on
considère que la protection du public, c'est important, ça veut
dire que, comme État-employeur, on va s'obliger à maintenir
l'obligation pour nos professionnels d'être membres d'une corporation
professionnelle. Sinon, ça veut dire que, comme État, la
protection du public, on n'y croit pas. Les gestes doivent aller
jusque-là si on y croit. Et, si on se dit: On fait une grosse
réforme pour assurer la protection du public, il faut que
l'État-employeur pose les gestes aussi. (16 h 30)
Dans votre corporation professionnelle, vous avez un pourcentage de vos
membres qui travaillent au niveau du public, dans le réseau public, et
vous en avez qui travaillent dans le réseau privé. Est-ce que
vous pouvez nous donner la proportion?
Mme Saint-Jean-Demers: La proportion, dans le réseau
privé, est faible et les personnes qui ont ce type d'activité
à temps plein sont encore moins nombreuses, pour une raison
peut-être bien simple, c'est que cette intervention n'étant pas
considérée comme un service de santé à même
les structures et les compagnies d'assurances, pour le moment, n'ayant pas
été sollicitées en vue d'offrir ces services, ça ne
fait que commencer, c'est évident que c'est une minorité.
On a beaucoup de gens qui font de la pratique privée, en cabinet,
avec une équipe multidisciplinaire ou seuls, qui sont souvent des
personnes qui sont embauchées à temps partiel ou pour une
période temporaire dans le réseau. Ces personnes,
évidemment, nous paraissent des membres à part entière.
Et, pourquoi elles nous paraissent des membres à part entière et
sont des membres à part entière? C'est que, souvent, elles
effectuent des tâches très importantes, c'est-à-dire
qu'elles prennent un débordement des cliniques externes des
établissements et, quand on a envie de perdre un kilo ou deux, on peut
peut-être attendre que la liste d'attente nous appelle dans un mois,
mais, si on a à diagnostiquer un problème de cholestérol
ou de diabète, on ne peut pas attendre de faire une hypoglycémie
et d'entrer à l'hôpital d'urgence parce qu'on est sur la liste
d'attente de la clinique externe.
Alors, ces professionnels, membres à part entière chez
nous, commencent à être de plus en plus nombreux, en pratique
privée, pour différentes raisons ou contingentement
peut-être de postes existants et des besoins grandissants.
Mme Caron: Au niveau des plaintes, compte tenu de toutes ces
raisons, chez vous, il y a très peu de plaintes. Est-ce que vous pouvez
nous parler un petit peu de votre système disciplinaire?
Mme Saint-Jean-Demers: II y a tellement peu de plaintes que je
pense que mon propos va être très court parce que de quoi les gens
peuvent-ils tellement se plaindre si ce n'est, à un moment donné,
de voir la signature de quelqu'un qui utiliserait l'abréviation ou un
titre ? Et les gens vont communiquer avec la Corporation, ce qui est encore une
fois assez rare parce que ce n'est pas un terme qu'on envie beaucoup, le terme
de diététiste. Si un jour, était réservé le
titre de nutritionniste, qui est déjà très occupé
et très utilisé, on aurait peut-être plus de gens. Alors,
aussi verbale que je puisse l'être, j'ai beaucoup de difficultés
à vous dire... Ce n'est vraiment pas une chose... C'est une chose si peu
courante qu'on suit la filière normale et on est prêt, mais les
dossiers ne sont pas là.
Mme Caron: Ce qui ne fait qu'alourdir la structure. Chez vous,
pour le système disciplinaire, ce serait tout à fait inutile.
Mme Saint-Jean-Demers: Remarquez que, si on avait vraiment la
possibilité d'exercer un rôle auprès du public en cette
matière par des dispositions, en termes de statut ou de
responsabilité, je dois vous dire que vous touchez un point sensible
dans mon raisonnement. Je trouve que le public a un grand besoin d'être
protégé en nutrition, mais, dans le moment, on n'a pas ce qu'il
faut, nous, pour le faire.
Mme Caron: Vous nous avez fait part que, finalement, il y a
différents titres qui sont utilisés, des titres semblables. Il y
en a toute une série. Pouvez-vous nous en donner quelques-uns?
Mme Saint-Jean-Demers: Oui, tout à l'heure, je disais:
conseiller en nutrition, conseiller en alimentation, responsable des services
à la clientèle, directeur du service alimentaire, responsable du
service alimentaire, coordonnâtes du service alimentaire. Enfin, vous
savez, le vocabulaire... Avec les nouveaux dictionnaires, il y aura sans doute
d'autres mots qui sortiront bientôt.
L'imagination des gens foisonne parce qu'il y a aussi un
côté marketing du service de l'établissement, et ça,
je trouve ça intéressant. Et je trouverais plus
intéressant peut-être qu'on réglemente des gestes et une
pratique au lieu de passer trop de temps à réglementer des titres
parce que, si on pouvait réglementer des gestes ou une pratique,
à ce moment-là, on aurait, je pense, une solution beaucoup plus
facile pour ne pas passer à côté du problème, mais,
vraiment, quand quelqu'un exécuterait telle fonction ou poserait tel
geste, qu'il s'appelle n'importe comment, même s'il est sans nom, sans
titre, qu'on aurait une possibilité d'exercer.
Mme Caron: C'est pour ça que vous nous parliez
tantôt d'actes exclusifs, finalement.
Mme Saint-Jean-Demers: Ou réservés, je ne sais
pas.
Mme Caron: Je me souviens que, lorsque je vous avais
rencontrée, j'avais pris conscience à quel point, comme
État, on sous-utilise nos professionnels, à quel point il
faudrait davantage être à l'écoute des connaissances de nos
professionnels lorsqu'on a des changements à faire. Je me souviens qu'on
s'était parlé que, même au niveau du réseau
scolaire, même au niveau de notre système d'éducation,
souvent, à la base, au niveau de nos jeunes, il y a un problème
de nutrition, un problème d'alimentation et à quel point on ne
demandait pas conseil aux professionnels que vous êtes pour
élaborer des programmes, pour apporter des modifications et des
corrections. Même chose au niveau du ministère de la Santé
et des Services sociaux. Je pense que, si on regardait l'ensemble des
corporations professionnelles, je suis sûre qu'on pourrait aussi trouver
dans d'autres domaines et d'autres ministères une meilleure utilisation
de cette ressource précieuse là que sont les professionnels. Et
je pense que là-dessus aussi notre réflexion devrait se
poursuivre.
Mme Saint-Jean-Demers: Peut-être si je peux tenter
brièvement un commentaire. Comme on sait que l'aspect financier est
extrêmement important dans la gestion publique présentement et que
le coût du traitement de la maladie pourrait peut-être, à
moyen terme, être traité par une meilleure prévention,
définitivement, je pense que l'intervention nutrition, que ce soit pour
les femmes enceintes, que ce soit pour les jeunes enfants... Mais, encore une
fois, nous avons beaucoup de gens que j'appelle, moi, les marchands de bonheur
et qui, en vendant des gélules, ou en s'improvisant sur le coin d'une
rue, ou en ayant lu un ouvrage un week-end sont à la radio où on
les entend dire aux gens: Ne donnez pas de lait à votre enfant, il fera
une otite, ne donnez pas... C'est une chose absolument aberrante. Et là
les jeunes mamans s'énervent. Les femmes vieillissent, il faut que leur
qualité de vie demeure. Elles vont faire quoi? Elles vont prendre du
lait ou elles vont acheter du calcium? Celui qui vend des produits
pharmaceutiques a des plus gros budgets que celui qui vend du lait. En tout
cas, je ne veux pas entrer là-dedans, mais qui va donner les conseils?
Et c'est vraiment un problème et nous n'avons aucun moyen
d'intervenir.
Nous avions, dans un journal de Trois-Rivières il y a quelques
mois, une chronique par quelqu'un qui expliquait aux gens de consommer un
produit qui s'appelle kombucha. À Montréal, on n'a pas une grosse
consommation de ça. Et, quand la diététiste de la
région, dans une lettre à l'éditeur, a dit: Pourriez-vous,
s'il vous plaît, ne pas encourager les gens à prendre ça
parce que tous les diabétiques auront un effet, parmi, en tout cas, les
gens qui auront un effet, l'autre chronique a dit: Écoutez, les
diététistes s'énervent. Mais, vous savez, si on les prend
tous... Qui est cette personne-là? Un chroniqueur obscur qui signe sous
un nom de plume. Et le public qui lit ça... Je pense que ce n'est plus
tellement le titre qui pose un problème, c'est l'intervention et le
geste. Et la santé, elle se soigne avec des médicaments, mais
elle se prévient en éduquant les enfants, elle se prévient
par une femme enceinte en forme, elle se prévient par une jeune fille
pubère qui ne devient pas anémique et elle se prévient par
une femme du troisième âge qui n'a pas toujours les hanches
cassées. Mais qui va dispenser ces conseils? Tout le monde en dispense.
Et, parmi tous ces gens-là, il y a une foule de gens non formés
et il y en aura de plus en plus. Et on ramassera les conséquences de
ça.
Alors nous, ce que nous vous demandons en regardant cet avant-projet et
en voyant toute la blancheur de la colonne à côté de la
section «à titre réservé», s'il vous
plaît, on voudrait des modifications pour que cette catégorie de
membres que nous sommes soit des membres plus à part entière et,
si vraiment l'objectif de la protection du public est un objectif auquel on
veut participer et on doit participer, qu'on soit capable d'apporter ça
à nos membres et de ramener les gens à ce sentiment.
Ce n'est pas tout de ne pas payer sa cotisation et de ne rien faire de
mauvais, mais, si on n'est pas soumis à de la formation continue, on
n'est pas soumis à de l'inspection professionnelle... L'inspection
professionnelle, ce n'est pas juste un rôle de police pour prendre les
gens en défaut. C'est un rôle aussi pour aider les gens à
réaliser qu'ils sont un petit peu en arrière. Moi, j'ai fait un
cours de diététique il y a 30 ans et on ne parlait pas beaucoup
de vitamine E. Après, on en a parlé pour des qualités,
bon, qui faisaient sourire les gens et, aujourd'hui, on en parle pour la peau.
Mais il faut avoir continué à se former et c'est une chose...
Pour nous, la pratique, les gestes sont encore plus importants que les
titres.
Mme Caron: Et, au niveau de vos connaissances, je pense que ce
serait utile, pour un gouvernement qui veut économiser justement au
niveau de la santé et dans un budget gouvernemental, de tenir compte de
ces
moyens de prévention qu'il faudrait apporter à la
population. (16 h 40)
Je pense que votre message est passé là-dessus, au niveau
des actes. C'est une réalité, puis il va falloir en tenir compte.
Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la
députée de Terrebonne.
J'aurais peut-être une question à vous poser, Mme
Saint-Jean-Demers. Il y a certains produits qu'on trouve sur le marché,
des produits amaigrissants, en particulier. On se rend compte que les personnes
qui peuvent prendre ces produits peuvent avoir des problèmes assez
importants qui arrivent par la suite au niveau de la santé, au niveau de
leur équilibre nerveux, enfin toutes sortes de dérangements qui
peuvent se produire. Et, aussi, on se rend compte qu'un certain nombre de
jeunes enfants, surtout des jeunes filles, prennent ces produits-là pour
ressembler au stéréotype de la dernière star à
Hollywood ou je ne sais pas trop dans quel magazine américain elles ont
pu la voir. Je n'ai jamais entendu l'ordre des diététistes faire
valoir des points là-dessus, sortir des rapports, ou présenter
des rapports, ou même demander au gouvernement d'intervenir ou d'intenter
des poursuites même. Je n'ai jamais vu... Cette question de
responsabilité publique...
Là, vous nous avez parlé des actes réservés,
un peu de la protection des membres de l'ordre ou de la Corporation dans les
hôpitaux, je comprends très bien, c'est très
légitime et c'est normal, mais, ce qui importe vraiment, il ne faut pas
oublier que la santé publique c'est le grand public. Je suis sûr
que, dans les hôpitaux, il ne doit pas y avoir de gros problèmes
parce que, même si on changeait le jus d'orange ou le jus de tomate pour
un diététique, à un moment donné, le médecin
va voir ça rapidement en prenant ses examens; le lendemain il va voir
que le diabète a augmenté ou que quelque chose s'est produit et
il va regarder le menu avec la diététiste. Mais, au niveau de
tous ces produits de super-consommation qu'on voit à la
télévision, dans les revues, partout, plein les
supermarchés... J'ai été aux États-Unis, j'en
voyais, je vois que maintenant c'est rendu au Québec, un peu partout.
Qu'attendez-vous pour informer la population de la véracité de la
réalité de ces produits-là? Et, comme on l'a
mentionné, s'il y a là imposture, exagération ou abus de
qualité réelle pour l'objectif visé par la
publicité et si, en plus, il y a danger potentiel ou réel pour la
santé, qu'attendez-vous pour prendre des mesures qui peuvent être
jusqu'à des poursuites envers le public?
Mme Saint-Jean-Demers: J'aime beaucoup votre question parce que
je n'aurais peut-être pas osé l'aborder dans le contexte, mais,
puisque vous m'y obligez, je vais vous répondre. Je vous dirais que les
produits qui se vendent en vente libre en pharmacies, ou en épiceries,
ou en clubs à prix rabais, il est assez rare que ces produits causent
des dommages très importants parce que, un, selon les statistiques, les
gens, après les avoir consommés pendant 1 semaine ou pendant 10
jours, s'en fatiguent ou ont obtenu ce qu'ils voulaient, soit de perdre un
kilo. Et ce sont des produits qui ne sont pas vendus ou offerts comme
étant une habitude de se nourrir. La publicité qui est faite ne
dit pas: Mangez ça pour de bon, vous aurez moins de temps à
passer à la cuisinière, et ça coûtera moins cher, et
vous serez plus minces. Ce ne sont pas ces produits-là qui sont
peut-être les plus dangereux pour la santé, mais bien des produits
qui sont vendus par d'autres professionnels qui sont régis par le
gouvernement...
Le Président (M. Gobé): Allez-y, madame.
Mme Saint-Jean-Demers: ...et qui sont offerts par des
professionnels qui, bien souvent et pour la plupart, ont accès au
système de santé.
Le Président (M. Gobé): Avez-vous des exemples?
Mme Saint-Jean-Demers: Bon, bien, voilà! Si vous avez
écouté CJMS, il y a deux semaines, vous avez peut-être
entendu une déclaration du Dr Albert qui se faisait sur les ondes en
expliquant aux gens que telle et telle chose était grave, telle et telle
chose n'était pas à faire en nutrition. Moi, j'ai
été un peu surprise d'entendre ça sur les ondes parce que,
oui, la Corporation professionnelle des diététistes a posé
une plainte officielle.
Le Président (M. Gobé): Sur quel produit? Vous avez
le droit d'en parler.
Mme Saint-Jean-Demers: Sur le professionnel.
Le Président (M. Gobé): Mais il vendait quel
produit?
Mme Saint-Jean-Demers: Ça, c'est difficile à dire
quel produit il vend parce que nous n'avons pas la possibilité de voir
la personne à l'action en train de vendre et peut-être que la
personne ne vend pas, mais disons que les conseils qu'on entendait nous ont
beaucoup surpris, à un point tel qu'il y a quelques années nous
avons ramassé toute l'information sur vidéo et sur cassettes et
le problème est là. Et j'entendais encore à la radio la
semaine passée... Je suis un peu embarrassée de parler de
ça parce que je ne souhaitais pas parler de ça. Par contre, nous
avons également des gens qui vendent des produits en cabinet et qui sont
des professionnels de la santé et nous n'avons aucune exclusivité
dans l'acte ou dans le... Que pouvons-nous dire? Nous ne pouvons rien dire.
Le Président (M. Gobé): On est conscient qu'il
y
a des problèmes importants. On voit aussi que beaucoup de nos
jeunes filles, actuellement, souffrent d'anorexie. J'ai vu un reportage
à Radio-Canada il y a quelque temps et j'ai été vraiment
surpris de voir qu'on ne puisse pas sensibiliser ou enseigner à tous ces
jeunes-là qu'il y a un problème majeur qu'ils vont
développer plus tard, certainement des séquelles importantes et
pour lesquelles la société va devoir alors financièrement
défrayer les coûts, premièrement. Deuxièmement, ils
nuisent à leur formation scolaire, à leur santé, enfin
à toutes sortes de choses.
Mme Saint-Jean-Demers: Moi, je suis celle qui a
démarré les activités en nutrition en milieu scolaire dans
les années soixante j'étais jeune. Je suis celle aussi qui
a participé à l'organisation du programme de Lait-école et
je suis celle aussi qui a participé à étendre cette
conscientisation en milieu scolaire à la grandeur du Québec. Vous
savez, quand, il y a deux ans, j'ai su qu'on allait investir beaucoup, beaucoup
d'argent pour des mesures en milieu scolaire, je me suis empressée
d'appeler pour dire: Y a-t-il des conseils de diététistes, parce
que je préférerais ça à des gens qui veulent tout
simplement nourrir et bien faire? Et on m'a répondu: «Do not call
us, we will call you». Je n'ai pas de possibilités, je n'ai pas de
pouvoir.
Le Président (M. Gobé): On vous a répondu
ça en anglais?
Mme Saint-Jean-Demers: Pardon?
Le Président (M. Gobé): On vous a répondu
ça en anglais?
Mme Saint-Jean-Demers: Non, non, c'est une blague que je
fais.
Le Président (M. Gobé): Je m'excuse.
Mme Saint-Jean-Demers: On nous a répondu: Écoutez,
quand on aura besoin des conseils des diététistes et
ça, c'était au cabinet d'un ministre on vous appellera. On
ne nous a pas appelés et les programmes sont allés... Et les
programmes sont sans doute très bien, il y a eu des
diététistes qui sont entrés là-dedans, bien
sûr, et qui font certainement un boulot, mais, officiellement, il n'y a
pas eu d'intervention au départ et on ne peut rien revendiquer. Nous
n'avons pas droit de regard sur la pratique de l'enseignement de la nutrition,
du traitement par la nutrition, de la composition d'une approche en nutrition
pour le plan curatif. Alors, nous ne pouvons pas.
Le Président (M. Gobé): Quand on sait que la
protection commence par la prévention, est-ce que vous seriez en mesure
d'expliquer à la commission quel genre d'information se donne dans les
écoles primaires ou quel genre d'enseignement, ou s'il s'en donne, en ce
qui concerne la nutrition auprès des enfants? J'aurai une autre
sous-question après et j'aurai terminé.
Mme Saint-Jean-Demers: Alors, pour répondre à la
première partie de votre question, c'est oui, il se fait du travail en
milieu scolaire, et ce, à la grandeur de la province et grâce
à de l'argent ou à des subventions de la Fédération
des producteurs de lait du Québec. Ces programmes s'étendaient au
niveau secondaire dans le cadre du programme de formation personnelle et
sociale qui, malheureusement, a été mis en «phasing
out», en tout cas, il y avait trop de matière, pas assez d'heures,
etc. Mais je vous dirais et je suis fière de dire qu'à peu
près tous les petits Québécois aujourd'hui, par rapport
à il y a 15 ans, peuvent nous dire quels sont les quatre groupes
d'aliments. À peu près la majorité des enseignants qui
sont dans le réseau depuis plus d'une saison sont capables
également de conseiller les enfants en termes de contenu de boîte
à lunch.
Je dirais que la plupart des traiteurs dans les commissions scolaires se
soumettent à une politique alimentaire que les commissaires, le public
ou les comités de parents ont poussée grâce au travail soit
des DSC ou des CLSC ou à des mesures d'implantation des nouvelles normes
de nutrition du ministère de la Santé et des Services sociaux. Je
pense qu'au Québec on se trouve pas avancé, mais on est plus
avancé que le reste du Canada au plan de mesures de ce genre. Mais elles
restent encore des mesures, comment dire, qui sont à la bonne
volonté d'un personnel qui doit les faire sauter, les laver, les faire
manger, et je dis les enseignants.
Donc, il se fait des choses en termes d'éducation. Maintenant, on
donne des collations ou des suppléments alimentaires au secondaire dans
l'espoir de réduire l'abandon scolaire ou d'améliorer la
performance scolaire. C'est déjà un grand pas, mais je ne suis
pas certaine que toutes ces mesures, en fait, puissent être maintenues
pour des raisons d'économie, comme vous savez. Il y a des grandes
exigences présentement dans le public et on ne sait pas. Ce qui
m'inquiète davantage présentement, ce n'est pas ce qui se fait ou
ce qui ne se fait pas en milieu scolaire parce que c'est démarré,
la même chose au secondaire. Ce qui m'inquiète beaucoup plus, moi,
c'est des gens qui fréquentent des professionnels de la santé,
qui sont soumis à des diètes amaigrissantes aux protéines
et qui paient un fort prix pour acheter ces produits au détriment de
leur santé. Ça, ça m'inquiète beaucoup. (16 h
50)
Le Président (M. Gobé): Est-ce que vous entendez
faire une campagne de sensibilisation auprès des Québécois
dans les prochains mois? Est-ce que ça vous inquiète à ce
point-là, comme corporation? Et allez-vous peut-être
requérir des aides auprès de certains ministères, je ne
sais pas?
Mme Saint-Jean-Demers: Oui. Nous sommes
justement au début de la campagne annuelle du Mois de la
nutrition, qui est une tradition au Québec et dans le Canada, mais, au
Québec, c'est peut-être la plus grosse campagne. Au plan des
autres provinces, on se compare avantageusement. On a lancé cette
campagne jeudi dernier et, cette année, on a voulu s'adjoindre un
partenaire, contrairement à d'habitude, c'est-à-dire la
Fédération des CLSC, parce que, avec l'orientation des mesures en
santé, ça nous paraît logique qu'une équipe
multi-disciplinaire se penche sur ces choses. Quels en seront les
résultats? J'espère qu'on aura les sous pour
l'évaluer.
Oui, nous avons de l'aide du ministère de la Santé et des
Services sociaux, une aide, cette année, qui est nettement plus grande,
en termes de ressources financières et qui avait commencé
à s'exprimer l'année dernière par un support technique
plus grand que dans le passé. Nous n'avons malheureusement pas eu la
même réponse au niveau fédéral, mais ça, je
l'ai dit à la conférence de presse, bon. Nous n'avons pas eu de
succès du côté du statut de la femme, malgré que le
thème soit la femme. Nous n'avons pas eu non plus la possibilité,
au niveau d'autres ministères, et on le comprend, peut-être la
conjoncture l'empêchait. Mais, le ministère de la Santé et
des Services sociaux est définitivement là cette
année.
Durant ce mois, on ira, par des capsules, à la radio; nous irons,
par des interventions, dans des carrefours où les gens se trouvent, des
lieux publics et nous voulons sortir du milieu privilégié qu'est
l'hôpital pour aller vers des endroits où les gens se trouvent et
veulent apprendre. Alors, milieux scolaires, milieux de travail,
cafétérias d'entreprises, cantines mobiles, etc.
Le Président (M. Gobé): Et je présume que
vous allez mettre l'impact sur le danger qu'il peut y avoir de suivre certaines
cures amaigrissantes ou de consommer certains produits soi-disant miracles? Je
présume.
Mme Saint-Jean-Demers: Nous le ferons, mais, encore une fois,
ça devient très délicat parce que nous n'avons pas la main
haute sur ce thème qu'est la nutrition et beaucoup d'autres
professionnels en parlent et d'une façon, je dirais, peut-être
plus attirante parce que ces gens-là peuvent recevoir en cabinet par la
carte de santé, ce que nous ne pouvons pas faire.
Le Président (M. Gobé): M. le ministre, vous
avez...
M. Savoie: Non, ça va.
Le Président (M. Gobé): Alors, madame, au nom des
membres de cette commission, je vous remercie. Ce fut fort plaisant et je
souhaite que votre campagne marche bien dans les prochains mois. On la suivra
avec plaisir. Ceci met fin à votre intervention. Merci à vous et
aux gens qui vous accompagnent.
Je demanderais maintenant au groupe suivant, soit les
représentants de la Corporation professionnelle des
physiothérapeutes du Québec, de bien vouloir venir prendre place,
et, pour permettre ceci, je vais suspendre les travaux pour deux minutes. La
commission est donc maintenant suspendue.
(Suspension de la séance à 16 h 53)
(Reprise à 17 h 1)
Le Président (M. Gobé): La commission de
l'Éducation reprend donc maintenant ses travaux. Il nous fait plaisir
d'accueillir les représentants de la Corporation professionnelle des
physiothérapeutes du Québec. Je demanderai donc au porte-parole
de cette Corporation de bien vouloir se présenter ainsi que les
personnes qui l'accompagnent.
Corporation professionnelle des
physiothérapeutes du Québec
Mme Hétu (France): M. le Président, mesdames et
messieurs de la commission, je suis France Hétu, présidente de la
Corporation depuis 1989. À côté de moi, à ma gauche,
M. Paul Marcoux, qui est syndic de notre corporation depuis juin 1992, et aussi
Mme Liliane Asseraf, qui est à ma droite, qui est inspecteur
professionnel depuis avril 1988.
Le Président (M. Gobé): Alors, mesdames, monsieur,
bonjour. Vous pouvez donc commencer votre présentation. Vous avez 20
minutes pour ce faire. Vous n'êtes pas obligés de les prendre. A
ce moment-là, le temps sera partagé à parts égales
entre les intervenants autour de la table pour discussion. La base est de 20
minutes pour le gouvernement et 20 minutes pour l'Opposition. Vous avez donc
maintenant la parole.
Mme Hétu: Merci, M. le Président.
Alors, nous vous remercions de nous donner l'opportunité de vous
présenter nos commentaires sur l'avant-projet de loi modifiant le Code
des professions et d'autres lois professionnelles. D'abord, notre corporation
appuie sans réserve le mémoire du Conseil interprofessionnel du
Québec et ses recommandations présentées au tout
début des activités de cette commission parlementaire. Nous nous
limiterons donc aux éléments de l'avant-projet de loi qui
touchent spécifiquement la protection du public et notre corporation.
Nous aborderons les points suivants: une brève présentation de
notre corporation; un point de vue général sur l'avant-projet de
loi; les moyens mis en oeuvre à notre corporation pour assurer la
protection du public; nos commentaires quant au comité des plaintes et
les délais proposés; de brefs commentaires sur le processus
réglementaire et, enfin, la situation des physiothérapeutes et la
question des titres réservés.
Notre corporation. Alors, pour mieux saisir le contexte dans lequel nous
sommes, une brève description de notre corporation et de ses membres.
Peut-être que certains d'entre vous n'étiez pas au courant que
nous étions parmi les 41 corporations professionnelles inscrites au
Code. Alors, nous figurons parmi les 21 corporations à titre
réservé, nous existons depuis 1974 et, aujourd'hui, nous comptons
plus de 2500 membres. À titre d'information, évidemment, il y a
27 corporations qui font partie du club des petites corporations et qui
comptent en fait 5000 membres et moins. Alors, c'est plus de la moitié
des corporations qui sont moins de 5000 membres. Nous sommes une profession
à majorité féminine, soit plus de 80 %. Vous voyez, on a
une bonne représentation, les deux tiers ici à l'avant. Et nous
sommes une profession jeune: 45 % ont moins de 35 ans et 75 % ont moins de 45
ans.
Une formation universitaire: trois universités au Québec
offrent la formation; 65 % de nos membres pratiquent principalement leur
profession dans les établissements du réseau public tandis que
les autres 35 % exercent en cabinet privé. D'ailleurs, ce dernier
secteur a connu une évolution très importante au cours de la
dernière décennie. En 1980, on comptait une trentaine de
cliniques de psysiothérapie, aujourd'hui, on en compte plus de 300 qui
regroupent 700 physiothérapeu-tes. Cette évolution a eu des
répercussions à bien des niveaux, dont celui des plaintes dont
nous parlerons un peu plus loin dans notre présentation.
Point de vue général sur l'avant-projet de loi. Nous avons
suivi, M. le Président, plusieurs audiences de cette commission. Alors,
on a pu voir l'évolution dont faisait mention le ministre, aujourd'hui.
Par contre, nous, nous avions interprété et vous le voyez
dans le mémoire que les pouvoirs accrus de l'Office mettaient en
cause le système que nous avons actuellement. Alors, si j'ai bien
compris en suivant les audiences, il semble que ce n'est pas la volonté
du ministre. Alors, j'espère que cette fois-ci j'ai la bonne
interprétation. Et je suis heureuse de constater que cette commission se
préoccupe de sujets qui n'avaient pas été vraiment mis sur
la table, ou, en tout cas, moins discutés. On parle des titres
réservés, on parle de l'importance d'actualiser les codes de
déontologie en fonction des abus sexuels dont on a parlé ce
matin. Et c'étaient des points qui avaient été
soulevés, entre autres, dans le mémoire du Conseil
interprofessionnel du Québec et on est content de voir que nous en
sommes à ce point.
On rejoint le ministre sur la nécessité d'un
système plus transparent, plus souple, plus accessible et moins
coûteux, et je pense que tout le monde est pour la vertu. Nous
reconnaissons qu'il existe des failles au système et que c'est le
moment, qu'après 20 ans une petite cure de rajeunissement pour tout le
monde ferait du bien. Un système ayant fait ses preuves, alors nous
croyons qu'il s'avère prudent de penser à garder le même
système, mais amélioré.
Comme l'a si bien dit un collègue d'une corpora- tion hier, c'est
sûr qu'il peut se glisser des erreurs dans les corporations
professionnelles, mais on en voit aussi au niveau des tribunaux. L'importance,
c'est de s'assurer qu'elles ne se répètent pas.
Enfin, pour ne pas m'éterniser sur la question qui a fait l'objet
de nombreuses discussions jusqu'à maintenant et éviter,
évidemment, de vous couper la faim avant le souper, je voudrais juste
souligner notre inquiétude de voir une double structure avec
l'avant-projet de loi qui est présenté et aussi l'importance de
voir à la question des titres réservés. Vous venez
d'avoir, juste précédemment, les commentaires à cet effet,
à savoir que les titres réservés, il y a vraiment un
malaise qui est là.
Les moyens mis en oeuvre à notre corporation pour s'acquitter de
notre mandat de protection du public. Alors, comme nous vous l'avons
mentionné, 2527 physiothérapeutes, précisément.
Malgré des effectifs qui sont plus restreints que les plus grosses
corporations, notre corporation s'est dotée de mécanismes
obligatoires prévus par la loi pour assurer la protection du public.
Comme plusieurs l'ont souligné au cours de ces audiences, la protection
du public dépasse largement la discipline. On parle d'inspection,
contrôle à l'admission, formation continue, information publique,
information aux membres et aux étudiants qui sont des compléments
essentiels au succès et à la réalisation de notre
mandat.
Au niveau de l'inspection professionnelle, si on veut aller
concrètement, on a consacré beaucoup d'efforts depuis 1976.
Aujourd'hui, on parle d'une moyenne de 300 physiothérapeutes qui sont
visités individuellement, chaque année. Nous avons à notre
emploi un inspecteur à temps complet et nous explorons la
possibilité de former des enquêteurs régionaux. En mai
dernier, nous étions une des seules corporations au Québec
à envoyer notre inspecteur à une formation très
spécialisée aux États-Unis, dont le président de
l'Office connaît très bien l'organisme et qui est très
reconnue pour la question de la formation au niveau des inspecteurs et des
syndics. D'ailleurs, le Conseil interprofessionnel a avancé lors de la
commission qu'il était pour mettre sur pied un programme, en août
prochain, au niveau de cette formation.
Quant au nombre de visites effectuées annuellement, en 1991, lors
de l'élaboration de nos programmes et de nos budgets à la
Corporation, nous avions contacté l'Office pour savoir s'il existait des
normes en tant que nombre de visites, ou s'il y avait des choses
concrètes, soit dans la loi ou même au niveau de l'Office, pour
nous guider à ce niveau, à savoir si on n'en fait pas assez,
est-ce qu'on est dans la bonne voie. En fait, il n'y en avait pas. Ce qu'on a
fait, c'est que nous avons fait notre propre enquête afin de savoir ce
qui existait dans d'autres corporations au niveau de l'inspection
professionnelle. Et c'est ce qui nous a guidés en termes de nombre,
à savoir si oui, effectivement, on faisait assez d'inspections.
Pour nous, l'inspection professionnelle, c'est un
moyen qui est efficace du contrôle de la qualité et c'est
un agent préventif. En plus, nous effectuons des enquêtes
particulières, suite aux recommandations du syndic, et on assure le
suivi des inspections.
Au niveau de la formation continue, nos physio-thérapeutes sont
très friands, mais il est difficile de dire que tous les
physiothérapeutes suivent la formation continue. En fait, on parle de
plus de 700 physiothérapeutes qui auraient suivi de la formation, en
1992-1993, sans compter les congrès et les colloques, qui ne sont pas
nécessairement de la formation continue. Nous avons une personne qui
s'occupe à temps complet, évidemment, de la formation.
Nous souhaiterions, par contre, avoir le pouvoir d'exiger à tous
les physiothérapeutes un minimum d'heures ou d'unités
d'éducation continue à poursuivre, comme c'est le cas dans
d'autres provinces canadiennes, en physiothérapie.
Quant à la discipline, nous avons connu, au cours des
dernières années, une augmentation des plaintes, comme vous avez
pu le constater. L'évolution de notre profession dans le secteur
privé peut, en partie, expliquer cette tendance, non pas que nos
cliniciens en privé soient moins bons ou plus indisciplinés,
c'est tout simplement que, jusqu'à tout récemment, les
établissements du réseau public, où exercent la
majorité de nos membres, traitent les plaintes à l'interne. Mais,
avec la venue de la loi 120 obligeant les établissements à
retourner aux corporations les plaintes qui ont été
acheminées, je pense qu'on devrait avoir un équilibre. En fait,
c'est important que les corporations puissent avoir les plaintes qui sont au
sein des établissements publics.
Par ailleurs, il ne faudrait pas sous-estimer non plus la conscience
accrue du consommateur, de plus en plus exigeant, même si on a
signalé, à plusieurs occasions, la méconnaissance du
système professionnel de la part du consommateur. (17 h 10)
Alors, pour répondre à la tendance de l'augmentation des
plaintes, on n'a pas hésité, en juin dernier, à se
mouiller, c'est-à-dire à engager, à temps complet, un
syndic, malgré notre petitesse ou notre petite taille. Même
réalité pour l'inspecteur professionnel. Il n'avait aucune
formation au niveau du syndic et on s'attend évidemment, avec la
formation qui sera faite par le Conseil, de pouvoir encore améliorer la
formation.
Évidemment, l'initiative du Conseil à ce niveau va
favoriser les échanges entre corporations, mais, en plus, une certaine
uniformité dans le traitement des plaintes, si l'ensemble des syndics et
inspecteurs-enquêteurs suivent une telle formation.
Et, comme je le disais, l'embauche d'un syndic a permis, chez nous,
d'instaurer des procédures claires plus rapides pour répondre aux
plaignants. Non seulement répondons-nous aux plaintes formelles
écrites, mais, également, aux plaintes verbales auxquelles le
plaignant ne veut donner suite. Et la liste des plaintes tant verbales
qu'écrites est toujours déposée à chaque
réunion du bureau. Ainsi, les administrateurs sont en mesure de suivre
l'évolution du traitement des plaintes et de questionner au besoin le
syndic. De plus, ceci nous amène a prendre des mesures
préventives. D'ailleurs, des rappels et des avis sont fréquemment
diffusés à nos membres afin de tuer dans l'oeuf des pratiques non
souhaitables.
Les plaintes verbales qui ne peuvent faire l'objet d'enquêtes sont
référées à l'inspection. Dans cette même
ligne de pensée, nous sommes donc d'accord avec l'article 123 quant au
transfert d'informations du syndic à l'inspection, puisque ceci est
déjà une pratique courante et s'avère très
efficace. Souvent on a des plaintes qu'on ne peut pas traiter, compte tenu que
ce n'est pas écrit. Alors, l'inspecteur va se promener dans ces
milieux-là.
Les plaintes que nous recevons sont de nature et de gravité
variables, allant de la simple infraction au règlement de
publicité à la dispensation de traitements douloureux ou
même de mauvais traitements. À cet effet, nous sommes d'avis que
le syndic devrait avoir des pouvoirs de réprimande contre un
physiothérapeute fautif de péché dit véniel et qui
pourrait être inscrit à son dossier. Ainsi, ce serait beaucoup
plus facile pour le syndic d'amener en discipline un professionnel en cas de
récidive. En 1991-1992, vous pouvez constater que 33 plaintes formelles
ont été déposées à la Corporation et autant
de plaintes non formelles.
Quant à l'impartialité du syndic, nous sommes très
surpris d'une telle méfiance. Chez nous, le rôle du syndic est
clair et bien compris. Il est essentiel de préserver
l'indépendance du syndic et d'éviter toute ingérence de la
part des élus. Évidemment, c'est pour ça qu'on a un syndic
adjoint en cas, éventuellement, de conflit d'intérêts entre
le syndic et un membre qui serait poursuivi.
Mais l'idée du Protecteur du citoyen d'un syndic pour nos membres
n'élimine aucunement, à notre avis, cette notion
d'ingérence qui peut exister n'importe où. Alors, qu'il soit
membre ou non, elle pourra toujours exister, cette notion. D'autant plus que,
pour nous, il nous apparaît impensable de voir un
non-physiothéra-peute évaluer un acte physiothérapique.
Comme l'ont souligné plusieurs, le syndic a tout avantage, pour la
profession, de s'assurer que les physiothérapeutes respectent les
règlements et de sévir contre ceux qui en dérogent et qui
nuisent tant au public qu'à la profession.
Au risque de me répéter, nous n'avons aucun avantage, les
corporations, à garder des pommes pourries dans notre panier. Si la
fédération nationale des ACEF faisait état, la semaine
dernière, de la méconnaissance des consommateurs à
l'égard du système professionnel et de la non-confiance en ce
dernier, de notre part, nous avons noté, au fil des ans, une grande
réticence du consommateur à se mouiller, c'est-à-dire
à porter plainte. La crainte de causer un préjudice aux
professionnels, les inconvénients encourus à entreprendre de
telles démarches et l'absence, évidemment, de compensation
monétaire sont les raisons le plus souvent
invoquées pour ne pas porter plainte.
Nous devons les inciter à loger formellement la plainte en leur
spécifiant que c'est leur rôle en tant que consommateurs. Je
souhaite que les associations de consommateurs collaborent au système
professionnel pour une meilleure protection du public en orientant les gens qui
les appellent aux corporations concernées pour donner la chance aux
corporations de faire leur travail, puis surtout éviter de propager la
perception, justement, que les corporations ne font pas leur job.
Enfin, si certains persistent à croire au favoritisme
accordé à nos membres par l'évaluation par les pairs,
voici quelques chiffres révélateurs. Chez nous, au cours de la
dernière année, 18 % des plaintes logées à la
Corporation provenaient de nos propres membres. Enfin, il apparaît que
les physiothérapeutes sont intolérants face aux écarts de
conduite de leurs collègues. Et je ne parle pas des règlements de
publicité et des choses pour lesquelles on me dirait: Oui, c'est de la
concurrence. Non, on parle de pratique de la physiothérapie.
Commentaires sur la création du comité des plaintes.
Enfin, je ne vous étonnerai pas, M. le Président, si je vous dis
que le comité des plaintes, tel que stipulé dans l'avant-projet
de loi, ne nous convient pas. Nous sommes opposés à
celui-là. Sauf que je ne répéterai pas la rengaine
évidemment en suivant l'évolution des auditions, on parle
d'un comité consultatif, d'un comité aviseur. Nous
privilégions, effectivement, un comité consultatif qui aurait un
rôle de conseiller dans les cas plus complexes parce qu'il est
arrivé, chez nous, d'avoir des cas plus complexes et que le syndic
aurait souhaité pouvoir être conseillé. Ce n'est pas une
question de coûts. Pour nous, c'est une question d'efficacité, de
rendre le système efficace, transparent et le comité des
plaintes, pour toutes les plaintes, ne semble pas la solution.
Délai maximal. Je ne m'étendrai pas. Ce sont les
mêmes commentaires que mes collègues des autres corporations.
Souvent, il y a des causes externes qui empêchent de compléter les
enquêtes. Et, ce matin, les psychologues ont justement fait état
de ces facteurs dont on n'est pas responsable.
Le secrétaire du comité de discipline, même chose.
Commentaires: on considère que cette personne-là ne devrait pas
être la personne aidant à écrire la plainte et on dit que
ça devrait être une personne neutre et qui chapeaute les 41
corporations. Alors, pourquoi pas l'Office des professions pour, justement,
pouvoir aider à la rédaction de la plainte au niveau du
consommateur?
Processus réglementaire. Très brièvement, pour
nous, évidemment, l'adoption des règlements est souvent lourde,
c'est long, ça prend du temps. En fait, ce que nous voulons mentionner,
c'est que, lorsque nous demandons des modifications à des
règlements, entre autres le règlement sur le code de
déontologie, l'assu-rance-responsabilité professionnelle, on
parle des changements vraiment pour la protection du public, pas pour
élargir le champ de pratique, mais bien s'assurer que les gens sont
protégés.
Vous avez vu, on vous a parlé de l'évolution de la
pratique de la physiothérapie au Québec, depuis les 10
dernières années. Il y a eu des changements importants qu'on a
dû apporter à notre code de déontologie et, quand on
décide de les faire, ce n'est certainement pas un caprice ou simplement
pour enrichir les avocats qui travaillent pour nous mais bien plutôt pour
protéger le public. À cet effet, on se dit que, s'il y a des
délais qui sont demandés pour les corporations professionnelles,
pourquoi ne pas imposer certains délais pour l'adoption des
règlements à l'Office des professions?
Le malaise des titres réservés, dernier chapitre mais non
le moindre. Évidemment, on a évolué au cours de ces
audiences, M. le Président, vers les titres réservés.
C'est intéressant de voir l'introduction, à l'article 683, avec
la question que, par règlement, les corporations pourraient ajouter des
titres, etc., mais c'est nettement insuffisant quand on voit les
problèmes des titres réservés, dont vous avez entendu
parler tout au long, et je ne le répéterai pas encore
aujourd'hui.
Le cas de notre profession est un exemple de confusion entourant le
titre réservé. Actuellement, vous savez que
«physiothérapeute» et les initiales «pht» sont
réservés à nos membres, mais que le terme
«physiothérapie» n'en est pas un. Je pourrais faire le tour
de la table et demander aux gens: Qu'est-ce que ça égale,
clinique de physiothérapie? Les gens me diraient:
Physiothérapeutes. Et, quand on a fait un sondage avec Léger
& Léger, c'est exactement ce qu'ils nous ont dit, que, pour les
gens, eux autres, physiothérapie, ça égale
physiothérapeutes.
Alors, à maintes reprises, la Corporation n'a pu donner suite
à des plaintes qui étaient formulées chez nous par le
public parce que l'individu n'était pas membre. Et les gens nous disent
tout le temps: C'est ça, vous vous protégez encore entre vous
autres. Mais on leur dit: Ce n'est pas qu'on veuille se protéger,
écoutez, on n'a aucun contrôle sur des gens qui ne sont pas
membres chez nous. Et je ne parle pas, encore là, des questions de
simples plaintes. Les gens voulaient se plaindre pour de mauvais traitements.
Et on ne pouvait rien faire à ce niveau-là.
Évidemment, c'est une source de frustration et ça ne donne
pas une bonne presse encore aux corporations professionnelles. Des exemples: au
cours de la dernière année, il y a eu deux membres du public qui
ont eu gain de cause contre des cliniques qui donnaient des traitements de
physiothérapie, pas par des physiothérapeutes, mais qui
étaient convaincus, eux, que c'était des
physiothérapeutes, et, à ce moment-là, ils ont eu gain de
cause au niveau de la loi, effectivement. On laissait croire que
c'étaient des soins donnés par des physiothérapeutes.
En fait, ce sont des exemples concrets du problème et dont le
public est victime. En juin dernier, nous demandions à l'Office de
porter une attention particulière à ce dossier en
considérant sérieusement la possibilité de réserver
le générique «physiothérapie» aux
membres de notre corporation, comme c'est le cas dans d'autres provinces
canadiennes et les États américains. Pour nous, ce n'est qu'une
solution temporaire ou une des solutions au titre réservé, le
problème est beaucoup plus profond, comme vous avez pu le constater lors
de cette commission.
Un point important, c'est que les corporations à titre
réservé je vous disais qu'on a 65 % de notre
«membership» qui sont dans les établissements du
réseau sont confrontées à une réalité
pas très reluisante, dans le sens que le gouvernement mettait en place
des corporations professionnelles en 1973 et c'est le même gouvernement
qui permet à ses employés, de son réseau, de s'y
soustraire. Il nous apparaît incohérent que, d'une part, le
gouvernement oblige la corporation à remplir son rôle et, d'un
autre côté, embauche des non-membres. fort heureusement,
l'adhésion à notre groupement est bonne, 95 %, sauf que ce n'est
pas garanti à vie et il peut arriver, quand arrivent des hausses de
cotisations et, à ce que je sache, on devrait peut-être en avoir
bientôt... nos membres décideront peut-être mais,
même à ça, les petits montants sont toujours de gros
montants de ne plus payer et, en fin de compte, de dire de ne plus
être surveillés et inspectés. on a déjà connu
des moments difficiles pour à 5 $ ou 10 $ quand on parlait de
l'assurance-responsabilité professionnelle. (17 h 20)
Alors, quels sont donc les avantages pour un membre de rester
fidèle à sa corporation si d'autres peuvent pratiquer la
profession sans frais, sans inspection, sans discipline, sans obligations et,
surtout, au même salaire?
En fin de compte, la question du titre réservé, vous voyez
que c'est un problème qui existe dans les corporations à titre
réservé et nous demandons au ministre de profiter de l'ouverture
du Code des professions, qui n'arrive pas à tous les ans mais presque
à tous les 20 ans, pour revoir vraiment cette question-là et, une
fois pour toutes, de s'engager et aussi, comme c'est le gouvernement, en fait,
qui signe les conventions collectives, de décider de ne plus les signer,
ces conventions collectives, pour permettre les doubles appellations. En fait,
ce serait un geste concret dans la voie des titres réservés.
Dans notre mémoire, on a fait référence à
des points beaucoup plus spécifiques à la physiothérapie.
On parle des articles 36n, 37n. Je ne pense pas que ce soit l'endroit pour...
Ce sont des technicalités au niveau du Code, mais qui sont importantes
à modifier pour être compatibles avec notre propre code de
déontologie. On espère que le ministre y donnera suite et que des
rencontres éventuelles permettront d'ajuster nos tirs.
En conclusion, la méconnaissance du système professionnel
est évidemment un problème majeur, mais, nous, comme corporation,
évidemment, on a des moyens restreints et on les investit dans la
protection du public. On n'a pas toujours les moyens d'investir dans des
campagnes de promotion pour faire connaître, évidemment, la
profession.
Le Président (M. Gobé): Mme Hétu, je vous
demanderais de bien vouloir conclure parce que le temps est maintenant...
Mme Hétu: Deux paragraphes qui sont de 10 secondes.
Le Président (M. Gobé): Allez-y, madame, allez-y.
Oui, oui.
Mme Hétu: Alors, en fait, pourquoi mettre un
système en péril si le système a fait ses preuves?
Malgré les modifications préconisées pour répondre
aux préoccupations du ministre et du public, nous demandons de revoir en
profondeur l'avant-projet de loi et de profiter de l'occasion pour traiter la
question des titres réservés. Oui à une meilleure
transparence, oui à la bonification du système, oui à
l'information du public, des consommateurs, des professionnels, des employeurs,
oui à une meilleure collaboration avec les associations de
consommateurs, à condition qu'eux collaborent aussi avec nous, mais non
à un double système et non à la méfiance.
M. le Président, messieurs, mesdames, merci.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup,
madame. Vous étiez exactement très bien dans le temps, vous avez
terminé à 10 secondes près.
Alors, maintenant, M. le ministre, la parole vous appartient.
M. Savoie: Merci, M. le Président.
Alors, je veux remercier la Corporation professionnelle des
physiothérapeutes d'avoir préparé un mémoire, de
s'être présentée ici. Il faut le souligner, je sais que
ça demande un effort, des sacrifices et de l'organisation pour ce faire.
Un mémoire aussi qui touche à tout. On a fait le tour de tous les
buts. C'est un véritable «home run». On a touché
à tout et c'est bien, c'est très bien, c'est ça qu'il
fallait faire en partie et ça a été
apprécié.
Pour les fins du dossier, on est en train de développer un petit
rituel, et je pense que c'est intéressant de l'avoir au dossier,
ça permet de mieux l'évaluer. Je suis certain que, pour les gens
de l'Opposition et les autres membres de la commission qui n'ont pas cette
information, c'est toujours bon de faire le petit survol. On parle, comme on
l'a mentionné, de 2247 membres, en tout cas au rapport annuel de
1991-1992, d'un budget de 1 100 000 $ et, évidemment, des frais annuels,
des cotisations régulières de 350 $ par année pour les
membres.
Alors, au niveau des demandes reçues, des informations et des
enquêtes, ici, évidemment, on ne donne pas l'information au niveau
du rapport annuel, mais vous dites que c'est à peu près le
double. Dans votre
présentation, vous avez dit que c'est à peu près le
double. On pourrait parler peut-être de 70 demandes d'information et
d'enquête auprès des membres, à peu près, en
gros?
Mme Hétu: C'est ça. Une voix: C'est exact.
M. Savoie: Là-dessus, on en a retenu la moitié: des
demandes retenues pour enquête, 33, des enquêtes
réglées, 23, et des plaintes portées devant le
comité de discipline, 2. Et, si on regarde le long terme, au niveau des
décisions disciplinaires, au niveau du comité de discipline et du
tribunal, il y en a eu, mais pas beaucoup. On parle de 2 ou 3, 3 sur une
période de 20 ans, au niveau du comité de discipline. Et la
présidente a expliqué la nature du travail et des choses comme
ça qui font en sorte que, finalement, il y en a moins qu'ailleurs. Oui,
c'est comme ça, on ne peut pas avoir... Et ce n'est pas ça qu'on
recherche non plus. On recherche quelque chose qui fonctionne et ce n'est pas
pour être la même chose dans chaque corporation professionnelle,
c'est bien sûr.
Bon. Les commentaires, finalement, c'est le credo du CIQ qu'on
répète en partie au niveau de certains éléments. Je
pense qu'on a eu l'occasion... Ceux qui nous présentaient des points
très spécifiques au niveau de certains éléments, au
niveau de la discipline, au niveau de l'avant-projet de loi ont certainement
présenté des explications au niveau des oppositions, d'une
façon correcte, je pense. Je comprends que vous ne changez pas de
position et c'est votre droit le plus strict. Vous comprendrez que je ne peux
plus tenir compte de ces éléments-là, compte tenu des
présentations qui ont été faites. Je pense que cette
discussion-là est close. Là, ce qu'on est en train de regarder,
c'est les modalités, de quelle façon on peut s'ajuster. Et,
lorsqu'il y a des gens qui nous présentent des points précis,
là, on va en tenir compte et on va chercher à s'ajuster.
Mais il n'est plus question, par exemple, de rejeter d'emblée un
pouvoir d'enquête à l'Office. C'est mort, ça, c'est raide
mort. Et non plus de rejeter d'emblée des mécanismes
nécessaires au niveau de la discipline, des échanges avec les
syndics, des choses comme ça. Ce n'est pas nécessaire...
Mme Hétu: De toute façon, on était d'accord,
M. le ministre, avec ça.
M. Savoie: Oui, c'est ça. Ça comprend
également un comité des plaintes et non pas un comité
aviseur. Pas parce que c'est terminé ou tranché, on est
arrivé à une conclusion finale. Ce que je peux vous dire, c'est
que l'évolution est dans ce sens-là. Un comité aviseur,
vous comprendrez que, pour nous autres, ça soulève des
difficultés comme législateurs. Je ne parle pas de l'Office des
professions, c'est un autre problème, mais je parle pour nous. Des
comités aviseurs pour aider et conseiller le syndic, on n'a pas besoin
de ça. C'est-à-dire que, si vous voulez le faire, libre à
vous et on va vous encourager, mais, ce qu'on veut faire, c'est viser le
citoyen, c'est ça qu'on veut. On veut quelque chose pour le citoyen
vis-à-vis du syndic et non pas un comité pour conseiller le
syndic. L'orientation est différente et...
Je dois commenter. On partage votre position au niveau de la
réglementation. Il y a là, bien sûr, un souci qui va
être respecté, particulièrement au niveau de l'article 94.
On va s'organiser pour se rencontrer. Et ce n'est pas qu'on rejette du revers
de la main vos recommandations concernant le comité des plaintes ou
tutelle d'enquête, ce n'est pas ça du tout. C'est parce qu'on a
déjà examiné l'ensemble des recommandations et on constate
qu'il commence à se dégager un consensus, c'est-à-dire du
mouvement. Et je ne dis pas que les corporations vont dire: Oui, on est
d'accord avec le comité de plaintes, ce n'est pas ça du tout.
Elles sont d'accord pour dire qu'il faut poser des gestes. Le comité
aviseur, finalement, passe en dessous de la barre et pas par-dessus. C'est un
peu ça qui est la base.
Au niveau de la physiothérapie, je crois que vous étiez
ici ce matin, vous avez pu assister aux échanges. Ça vous
concerne. Je ne sais pas si vous avez senti que ça vous concernait.
Mme Hétu: Évidemment. Vous savez qu'il existe, au
niveau du conseil, un groupe sur lequel on siège par rapport à
ça. Il n'y a jamais eu de plainte jusqu'à date par rapport
à... Vous faites références aux abus sexuels?
M. Savoie: Oui. Et ça, vous attribuez ça à quoi?
Mme Hétu: Qu'on n'ait jamais eu de plainte? M. Savoie: Oui.
Mme Hétu: Les plaintes qu'on a pu avoir qui auraient eu
une connotation sexuelle étaient plutôt... C'est-à-dire
qu'un client va se plaindre, dire: Comment ça se fait que le
physiothérapeute va placer ses mains à tel endroit quand, en
fait, j'ai mal aux genoux? Il y a des questionnements, mais directement d'avoir
fait un lien au niveau d'abus sexuels, non. Sauf qu'on est très
conscient qu'au niveau américain et sur le plan canadien, on discute,
quand on rencontre les autres corporations de physiothérapeutes à
travers le Canada, que c'est une préoccupation et que ça s'en
vient. Et, dans notre code de déontologie que nous avons
déposé à l'Office, on a plusieurs articles qui font
référence à la question des abus sexuels, justement pour
prévenir et ne pas attendre qu'on ait un cas.
M. Savoie: C'est-à-dire que vous sentez le besoin de faire
de l'information, de la formation... (17 h 30)
Mme Hétu: De par la nature de notre emploi, on travaille
avec nos mains et puis on est partout sur le corps. Il est évident que
c'est quelque chose qu'il faut prévenir d'emblée et non attendre
d'avoir un premier cas puis dire: Oh, oh! qu'est-ce qu'on fait?
M. Savoie: C'est ça. Vous avez dit que la majorité
de vos membres sont des femmes et on sait que, pour des occupations
occupées par des femmes, en tout cas les tableaux qu'on a eus et
auxquels je porte beaucoup de foi, par exemple le nombre de harcèlements
sexuels baisse de beaucoup; il y en a beaucoup, beaucoup moins. Je n'ai pas le
document devant moi, mais, si ma mémoire est fidèle, je pense que
les infirmières, c'est 2 %. Et on dit que, quand c'est des infirmiers,
on retourne à 10 %. Alors, ça vous donne...
Mme Hétu: nous, on a une petite évolution,
c'est-à-dire qu'il y a peut-être à peu près 10 ans,
on avait 88 % de femmes. on a un petit peu plus d'hommes à chaque fois.
alors, c'est pour ça qu'on a une préoccupation, comme vous
voyez.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Hétu: Mais on est prévenants.
M. Savoie: je partage ce point de vue là, je pense que
c'est vrai, mais, par contre, même si on est à 2 %, quand on est
à 2247, ça fait quand même 40 personnes qui... normalement,
c'est des statistiques qui s'appliquent bêtement. je ne sais pas si c'est
le cas, je ne suis pas spécialiste de ces questions-là, mais, si,
effectivement, il y en a 2 %, ça veut dire qu'il devrait y avoir une
certaine activité, il y aurait des abus qui, finalement, ne sont pas
rapportés chez vous.
Mme Hétu: C'est possible, oui.
M. Savoie: C'est ce qu'on pense. C'est très difficile,
à ce moment-ci, parce que je pense qu'il y a un problème social
associé à ça, c'est-à-dire la volonté de
déposer. On a jasé de ça au tout début de nos
travaux, cet après-midi, il y a un problème de se
présenter et de déposer. Il y a des stigmates qui s'attachent
à ça, il y a des problèmes d'interprétation.
Finalement, la question qui vous touche et qui nous touche et qu'on a
abordée beaucoup aujourd'hui, c'est toute la question des sans titre et
le fait que le gouvernement, comme vous le dites, exige, d'un
côté, des obligations. On vous oblige, dans la mesure du possible,
à participer à une corporation professionnelle, pas vraiment
d'obligation, mais, disons, on pousse dans ce sens-là, et, d'un autre
côté, évidemment, lorsque vient le temps, refuse une
reconnaissance officielle de la corporation au sein de ses fonctions et de ses
titres.
Est-ce que vous avez des cas actuellement où, par exemple, vous
intentez des procédures contre une phy-siothérapeute et qu'elle
disparaisse de la Corporation mais qu'elle continue à exercer?
Mme Hétu: Peut-être que notre syndic peut
répondre.
M. Marcoux (Paul): Pas présentement. Ce n'est pas
arrivé encore, mais disons que ça s'est discuté lors des
rencontres. Les physiothérapeutes parlaient de sortir de la Corporation.
Moi, ce que je faisais valoir, c'est qu'on devait porter cet acte-là en
étant physiothérapeute et que, moi, j'étais pour continuer
le plus loin possible pour avoir un recours pour le client qui a
été abusé ou qui a eu une plainte.
M. Savoie: Est-ce que vous avez des échanges avec le
ministère de la Santé et des Services sociaux là-dessus?
Est-ce que vous avez des portes ouvertes là-dessus?
M. Marcoux: Non, malheureusement pas.
M. Savoie: S'il y en avait, ce serait intéressant parce
que 65 % de vos membres travaillent dans un établissement de
santé. L'autre 35 %, c'est encore dans des établissements
gouvernementaux, j'imagine.
M. Marcoux: Non. C'est des cliniques privées.
M. Savoie: Oui, il y en a, mais est-ce que c'est l'autre 35 % qui
est en cabinet privé?
M. Marcoux: Oui.
M. Savoie: 35 %? C'est beaucoup. C'est beaucoup plus que je ne
pensais. Et là, finalement, en pratique privée, c'est encore
moins intéressant de faire partie de la Corporation.
M. Marcoux: Non...
Mme Hétu: Non. C'est beaucoup plus intéressant.
M. Marcoux: Parce que, présentement, pour avoir la
reconnaissance au niveau des assurances, ils doivent être membres de
notre corporation.
M. Savoie: Oui, mais il doit y en avoir qui pratiquent sans
assurance.
Mme Hétu: Presque impossible.
M. Marcoux: Presque impossible, présentement.
M. Savoie: Presque impossible?
M. Marcoux: Oui.
Mme Hétu: Ce qui est intéressant, c'est que, pour
les assurances, ils se disent: II y a une corporation professionnelle, elle est
là pour assurer la protection du public. Donc, elle inspecte puis il y a
des recours. Alors, pour eux, c'est automatique que, s'il y a des soins de
physiothérapie, ils doivent être donnés par un
physiothérapeute membre de la Corporation. On a constamment des appels
des compagnies d'assurances pour vérifier effectivement s'ils sont bel
et bien membres.
M. Savoie: D'accord. Ceux qui sont en pratique, mais qui n'ont
pas d'assurance, quel sorte de geste pouvez-vous poser vis-à-vis de ces
gens-là, qui ne sont pas membres de la Corporation?
Mme Hétu: On a essayé...
M. Marcoux: On a plusieurs plaintes qui sont arrivées. Il
y a des fraudes fiscales qui ont été faites au niveau de la CSST,
il y a des patients qui ont été traités dans des cliniques
de professionnels et non-physiothéra-peutes qui ont porté plainte
chez nous. On essaie de les diriger vers des organismes pour essayer de
répondre à leurs questions, mais on n'a aucun moyen, nous, en
tant que corporation, présentement de les aider.
M. Savoie: D'accord. Ils s'appellent comment, ces gens-là?
Ils s'affichent comme?
M. Marcoux: Clinique de physiothérapie.
M. Savoie: Clinique de physiothérapie, c'est ça. Je
me rappelle avoir examiné ça. Clinique de physiothérapie.
Ils ne s'appellent pas physiothérapeutes officiellement,
c'est-à-dire pas sur la place publique.
M. Marcoux: Ce n'est pas des physiothérapeutes membres de
la Corporation. C'est qu'ils laissent croire, parce qu'ils utilisent le nom
physiothérapie, qu'ils sont physiothérapeutes. Les gens vont
là, ils envoient leur réclamation au niveau de leurs assurances
et, après ça, les assurances ne paient pas parce que la personne
n'est pas physiothérapeute. Des fois, il y a des problèmes aussi,
des douleurs, des traitements qui ne sont pas adéquats et, nous, on n'a
pas de recours et la population comme telle n'est pas
protégée.
M. Savoie: C'est ça qui demande, justement, une
intervention. Par exemple, on a eu le même problème un peu avec
d'autres corporations et c'est là-dessus qu'on va chercher... Compte
tenu du fait qu'on a ouvert le Code, on va chercher à intervenir dans ce
sens-là pour justement boucher ces portes-là.
Au niveau du gouvernement du Québec, évidemment, c'est un
petit peu plus complexe d'intervenir au niveau du Conseil du trésor
là-dessus, mais il y a une approche qui vise d'autres buts. Maintenant,
il reste quand même qu'il doit y avoir une meilleure harmonisation entre
ces différents gestes; évidemment, le gouvernement ne peut pas
prétendre ne pas savoir ce que sa main gauche fait quand la main droite
intervient. À date, en tout cas, tout au moins, il semble que, du
côté des physiothérapeutes, il y a une bonne collaboration
certainement avec l'ensemble des intervenants gouvernementaux. C'a en dit
long.
Je suis content de savoir que vous réalisez que, finalement, le
nombre de plaintes qui se déposent ne reflète pas
nécessairement la réalité. Je suis content de savoir
également que vous constatez qu'il y a des efforts additionnels à
faire au niveau de la formation et que vous allez poser des gestes d'une
façon très concrète. Est-ce que vous avez des
données comparables avec les autres provinces pour voir s'il y a une
anomalie dans ce qui se passe peut-être ailleurs et chez nous?
Mme Hétu: Par rapport à la pratique? M. Savoie:
Par rapport aux plaintes.
Mme Hétu: Par rapport aux plaintes. On est la
deuxième province probablement la plus grosse ensuite... La
première, c'est l'Ontario; ensuite, c'est nous. On est une province
où le système est très développé. Dans
d'autres provinces, ils n'ont pas une inspection professionnelle. Donc, on est
pas mal en avance du reste des... En tout cas, par rapport à la physio,
que les autres provinces.
M. Savoie: C'est ça. Mais, au niveau des plaintes,
j'imagine qu'en Ontario...
Mme Hétu: C'est semblable et eux ont la
préoccupation par rapport aux abus sexuels. Comme je vous disais, il y a
une tendance qu'on sent, qui est là, et l'Ontario a eu des plaintes
à ce niveau-là.
M. Savoie: D'accord. Je vais revenir un petit peu plus tard.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre. Mme
la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président.
Alors, Mme Hétu, les personnes qui l'accompagnent, de la
Corporation professionnelle des physiothé-rapeutes, je vous remercie de
votre présentation très dynamique et du mémoire qui est
extrêmement complet et qui nous donne des données très
intéressantes, qui vont beaucoup plus loin que ce qu'on a pu avoir dans
certains mémoires.
Puisqu'on terminait avec le dossier des abus sexuels, si on se parle
d'environ 10 % au niveau des professionnels, c'est évident qu'il y a
sûrement des professions où le pourcentage peut être plus
élevé. C'est une moyenne. Il y a des professions où le
pourcentage
va être beaucoup plus bas. Évidemment, si vous êtes
une corporation professionnelle avec une grande majorité de femmes,
c'est sûr que ce pourcentage-là est encore plus bas. Au niveau des
plaintes, on a dit que ce n'était pas évidemment facile pour les
femmes de déposer des plaintes, mais je suis loin d'être
convaincue que c'est plus facile pour un homme de déposer une plainte
d'abus sexuel de la part d'une physiothérapeute. J'avoue que ce n'est
pas évident que le nombre de plaintes peut être très,
très, très élevé. J'avoue que...
Le Président (M. Gobé): De la part de la physio ou
du physio?
Mme Caron: Du plaignant.
Le Président (M. Gobé): Ah oui! Ah oui! O.K. Parce
que le contraire peut arriver aussi.
Mme Caron: Oui, oui. C'est pour ça que je disais que le
nombre de plaintes, ce n'est pas évident qu'il va être très
élevé.
Le Président (M. Gobé): Physio.
Mme Caron: Alors, c'est évident qu'il vaut mieux
prévenir. Donc, je pense que tout ce sur quoi vous avez axé dans
votre mémoire, c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup au niveau de la
prévention. Vous avez clairement démontré que vous avez un
programme de prévention pour vos membres et pour les consommateurs. Et
ça, c'est important.
J'ai retenu des points intéressants qu'il serait peut-être
bon d'ajouter aux autres corporations professionnelles. Je pense, par exemple,
quand, en page 4, vous nous faites part de votre tenue à jour de chaque
plainte, le développement de chaque plainte, toutes les statistiques,
non seulement écrites mais verbales, je pense que c'est important et que
ce serait extrêmement intéressant de l'étendre aux autres
corporations professionnelles. On aurait un portrait beaucoup plus
précis de la réalité actuelle. Et aussi d'utiliser les
plaintes verbales, vous nous dites, pour aller faire de l'inspection
professionnelle. Ça aussi, c'est de la prévention
extrêmement active.
J'ai trouvé intéressant aussi que vous spécifiiez
qu'effectivement 18 % des plaintes originent directement de
physiothérapeutes par rapport à leurs collègues, et non
seulement à cause de la concurrence, mais bien pour des actes. Et
ça, c'est important de le préciser aussi.
Là où je vous ai trouvés extrêmement,
peut-être, sévères, c'est concernant les délais,
lorsque vous nous dites, en page 6: C'est sûr que, le délai de 60
jours, ça peut être difficile pour terminer une enquête,
mais, à notre avis, il serait plus sage d'imposer un délai
maximal de 5 jours pour accuser réception d'une plainte. Alors,
là, je vous avoue...
Mme Hétu: Accuser réception dans le sens qu'au
moins on a reçu la plainte. Je ne dis pas de la traiter, mais, au moins
d'accuser réception parce que, pour avoir entendu des choses
qu'effectivement quelqu'un pouvait juste avoir un accusé de
réception après trois ou quatre mois... C'est tard.
Mme Caron: Un accusé de réception écrit de
cinq jours, là, c'est notre système de poste qui
m'inquiète.
M. Marcoux: Du moins, libellé dans les cinq jours. Que le
sceau postal soit dans les cinq jours ouvrables. Donc, ça nous donne une
chance avec les fins de semaine, si la poste peut travailler les fins de
semaine, que ça va arriver...
Mme Caron: Là-dessus, je vous trouvais peut-être un
petit peu sévères. Je trouvais ça peut-être un petit
peu serré. Au niveau de l'assistance, au niveau des formulaires, je
pense que c'est intéressant, ce que vous précisez. Très
peu de corporations ont pensé à parler des citoyens qui peuvent
difficilement s'exprimer par écrit. On sait que c'est une
réalité, au Québec. On parle de 25 % de personnes
analphabètes. Alors, il y a un besoin d'une assistance
précise.
L'usurpation du titre, évidemment, est un problème majeur.
On l'a souligné. L'importance au niveau des titres
réservés, j'avais une question. En page 10, je ne sais pas si
c'est le chiffre qui est manquant, dans l'usurpation du titre, vous nous dites:
«Ces poursuites s'étant avérées désastreuses
en 1975...», et là on a une parenthèse puis je n'ai pas le
nombre d'inculpations. Il y a 158 accusations. Est-ce que c'est le nombre
manquant ou si c'est zéro?
Mme Hétu: Non. Il y en avait 53 qui ont pu être...
Je pense qu'il en est résulté comme 6 ou 7 où il a pu
arriver quelque chose. Ça, c'était au tout début où
on testait, en fait, le titre réservé et où on s'est
aperçu qu'il n'y avait pas grand-chose à faire.
Mme Caron: À la page 11, vous nous dites également
que, finalement, en 1991, 5 plaintes sur 21 plaintes étaient de cette
nature, où l'individu, finalement, n'était pas membre de votre
corporation professionnelle. Je pense que ça compte pour beaucoup au
niveau de la frustration des gens. Avec 21 corporations à titre
réservé, c'est évident que, si on les additionne toutes,
il y a un grand nombre de plaintes qui sont portées, qui ne sont pas
recevables et qui ne seront pas plus recevables au niveau d'un autre
comité.
Vous avez souligné aussi l'importance de la formation, autant du
syndic que de l'inspecteur, pour l'inspection professionnelle, le manque de
pouvoirs, parfois, des syndics pour agir... Si on regarde le type de plaintes
que vous avez, on se rend compte que, souvent, le syndic ne peut pas agir sur
plusieurs plaintes et que ce serait peut-être important qu'on retouche
à ça.
J'ai vraiment apprécié et là je ne sais pas
si le ministre en a pris connaissance votre dernier tableau sur les
statistiques de la Corporation, où, à partir de 1976-1977
jusqu'à 1991-1992, vous nous détaillez le nombre de
physiothérapeutes, la pratique illégale et là on
s'aperçoit que c'est vraiment là qu'il y a beaucoup de dossiers
les arbitrages des comptes, le comité de discipline. Vous nous
ajoutez le nombre d'inspections, les surveillances, les visites
particulières, les enquêtes, le suivi. Ça, je pense que ce
serait un des modèles à suivre pour l'ensemble des corporations
professionnelles. (17 h 40)
L'importance de donner au public une tribune externe pour... Même
si on améliore, disons, on redonne plus de pouvoirs au syndic, on va
chercher des outils additionnels, on se donne même une clause omnibus
pour couvrir davantage le type de plaintes qu'on pourrait avoir, est-ce qu'il
n'y aurait pas lieu de donner quand même une tribune externe? Je pense,
à ce moment-là, à la structure qui était
proposée par les optomé-tristes, où on a le syndic et on
lui redonne, effectivement, plus de pouvoirs, plus d'outils, un comité
aviseur lorsque le syndic a besoin de pouvoir consulter, mais aussi un
ombudsman, un protecteur à qui le plaignant peut se
référer et avoir une vision externe s'il est insatisfait.
Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Hétu: Avoir un comité aviseur et, ensuite,
l'ombudsman, dans le fond, c'est une espèce d'étape de plus. Je
ne suis pas convaincue... En tout cas, moi, je ne peux pas dire que je trouvais
que c'était alléger le système. D'aller voir une personne
comme l'ombudsman, je ne voyais pas vraiment comment ça allégeait
le système. La transparence, si c'est pour la question du public, moi,
je n'ai aucun problème qu'il y ait des membres du public qui
siègent au, appelons-le, comité consultatif, le comité des
plaintes. Selon moi, c'est suffisant. Je ne vois pas une autre instance. Il
existe le Tribunal des professions ensuite. Je ne voyais pas l'utilité
d'avoir une tierce... un tiers dans ça.
M. Marcoux: Aussi, c'est que le plaignant peut faire une plainte
directe au comité de discipline. Si la réponse du syndic n'est
pas à son goût, à ce moment-là, il peut aller
directement au comité de discipline et porter plainte.
Mme Caron: Sauf que la plainte directe, elle pose certains
problèmes au niveau financier...
M. Marcoux: Oui.
Mme Caron: ...qui ne sont pas tous éclaircis dans
l'avant-projet de loi. Plusieurs ont demandé qu'un membre du public
puisse siéger sur le comité de discipline. Bon. Ça,
ça pourrait être l'élément externe qu'on souhaite.
Est-ce que vous avez des objections là-dessus?
Mme Hétu: Aucun problème. Même, ça
peut avoir une contribution très importante, avoir un certain recul,
aucun problème pour ça.
Mme Caron: Du côté de la formation continue, est-ce
que vous seriez prêts à ce que ça devienne
peut-être... je n'ose pas dire obligatoire, mais qu'on oblige au moins
à faire de la formation continue, même si tous les membres ne sont
pas obligés de suivre la formation continue? Est-ce que vous seriez
prêts à aller dans ce sens-là?
Mme Hétu: D'obliger la formation continue?
Mme Caron: D'obliger, finalement, chaque corporation
professionnelle à offrir de la formation continue, même si elle ne
s'étend pas à chacun des membres.
Mme Hétu: D'obliger d'offrir la formation continue,
ça peut être intéressant, mais je sais qu'il y a des
corporations professionnelles dont la formation est offerte à
l'extérieur. Donc, elle existe, cette formation, mais elle est offerte
par un organisme externe. Donc, là, de les obliger qu'elles
l'organisent, je ne vois pas vraiment... L'important, c'est qu'il y en ait.
Même, l'idéal, c'est d'obliger les membres à suivre un
minimum d'heures de formation.
Ce qui est intéressant... Ce matin, les psychologues
mentionnaient la question du code de déontologie, d'obliger les membres
à suivre ça. Ce serait extra. Nous, on le fait par le biais des
universités, c'est-à-dire qu'on réussit à
s'immiscer dans les cours et à donner de la formation sur la
déontologie. Mais le jour où les universités vont dire:
Là, on veut ce cours-là pour faire autre chose, on ne pourra plus
renseigner les étudiants sur ça.
Mme Caron: Donc, vous seriez même prêts à
aller jusqu'à l'obligation, au niveau des membres.
Mme Hétu: Oui.
Mme Caron: Du côté de la formation comme telle,
est-ce qu'il y a des problèmes particuliers, chez vous? On ne l'a pas
abordé. On sait qu'au niveau de l'avant-projet de loi on propose une
structure différente, un peu, au niveau de la formation, au niveau des
liens entre les universités et les corporations professionnelles et
l'Office. Est-ce que cette structure, vous avez des objections? Elle vous
apparaît plus satisfaisante?
Mme Hétu: Vous faites référence au
comité de la formation et les liens... Pas vraiment. Il peut exister
d'autres moyens d'avoir des liens avec les universités, mais... Je n'ai
pas vraiment de...
Mme Caron: Chez vous, au niveau de la formation, est-ce qu'il y a
des difficultés majeures ou non?
Mme Hétu: Majeures? Non. Des ajustements qui doivent se
faire, mais, ça, c'est normal, je pense. Mais, avec les
universités, ça va, au niveau de la formation.
Mme Caron: Pour le moment, moi, ça va. Le
Président (M. Gobé): Ça va?
Mme Caron: Ma collègue des Chutes-de-la-Chaudière,
M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Oui, oui, certainement.
Vous avez le temps, madame. (17 h 50)
Mme Carrier-Perreault: Votre mémoire est très,
très précis. Vous êtes même allés au-devant
des questions qu'on a posées à plusieurs reprises aux
différentes corporations qui sont venues ici devant nous. Par ailleurs,
j'imagine que vous avez pu assister, cet avant-midi, au mémoire du
Conseil du statut de la femme, par exemple. Vous en avez fait état un
petit peu, par rapport aux abus sexuels, de votre préoccupation, et tout
ça. Compte tenu des recommandations du Conseil du statut de la femme,
qui ont été faites par le Conseil du statut de la femme, qui ont
été reprises, à toute fin pratique, par les CALACS, cet
après-midi, est-ce que vous croyez que c'est possible, si le
gouvernement en tenait compte, par exemple, d'ajouter un article au Code des
professions obligeant l'Ordre à donner des lignes directrices aux
différentes corporations pour que, dans un an, les corporations aient
à insérer, si on veut, au niveau de leur code de
déontologie, des dispositions précises avec des barèmes?
Est-ce que vous croyez que c'est réaliste de penser que, dans un an, les
corporations visées pourraient arriver à produire un
règlement?
Mme Hétu: Réaliste, sûrement. Il existe un
groupe de travail, donc je ne vois pas pourquoi ça ne serait pas
réaliste. Je pense que c'est une question de se sensibiliser, de dire:
Oui, ça existe chez nous. Chez nous, on l'a fait, cet examen de
conscience là, et on est allé au-devant dans le sens qu'on a
déjà déposé notre code de déontologie
modifié avec des points concernant les abus sexuels. Je suis
convaincue... Je ne peux pas croire qu'à l'intérieur de 12 mois
les corporations qui sont concernées ne puissent pas arriver avec un
projet de règlement ou avec certaines modifications.
On ne peut pas attendre que des abus sexuels soient arrivés pour
décider que, oui, c'est important de le faire.
Mme Carrier-Perreault: Vous avez déjà
déposé votre code avec modifications?
Mme Hétu: Oui.
Mme Carrier-Perreault: Ça fait combien de temps que vous
l'avez déposé?
Mme Hétu: Novembre, décembre. À l'automne.
Fin de l'automne.
Mme Carrier-Perreault: Autre petite question, pendant qu'on a un
inspecteur avec nous. Vous visitez plus de 300 membres annuellement,
dites-vous, et j'ai remarqué que, bon, c'est assez clair quand
même, ce que vous nous décrivez dans le mémoire comme tel.
Mais, compte tenu des visites que vous faites, est-ce que vous avez souvent des
suivis à faire? Comment vous procédez? J'aimerais ça que
vous précisiez un petit peu votre travail en tant qu'inspecteur?
Mme Asseraf-Pasin (Liliane): Premièrement, c'est un
comité d'inspection professionnelle qui décide un peu de
l'orientation du programme d'inspection annuelle qu'on prépare en
début d'année. Selon les régions géographiques,
selon les pratiques, les types de pratiques des individus, je fais un programme
sur toute une année. Lorsqu'on arrive dans un milieu, par exemple,
où on retrouve des problèmes au niveau de la tenue de dossier ou
un autre problème concernant la compétence d'un membre, ça
va au comité d'inspection professionnelle. Les résultats du
comité sont envoyés, à ce moment-là, à ce
membre avec les recommandations qui sont passées d'abord au bureau. Si
c'est assez sérieux pour qu'il y ait un suivi, le nom de cette
personne-là est remis sur une liste à peu près... Bon,
c'est trois mois plus tard ou six mois plus tard, selon la recommandation qui a
été effectuée. On laisse le temps au membre de s'ajuster,
surtout quand ça concerne la tenue de dossier en particulier.
Souvent, même si on n'effectue pas une visite sur place dans le
même milieu pour ce membre, on va demander de nous envoyer des dossiers
non identifiés pour vérifier la tenue de dossier à
nouveau.
Mme Carrier-Perreault: Est-ce que, par rapport aux 300 membres
que vous inspectez annuellement, vous en «priorisez» certains plus
que d'autres? J'entends par là est-ce que vous visitez plutôt plus
du côté des cliniques privées parce que, compte tenu qu'en
milieu... En établissement, par exemple, il y a déjà quand
même un certain encadrement. Comment vous procédez?
Mme Asseraf-Pasin: En fait, on s'est ajusté, il y a
à peu près trois ans, à la croissance des cliniques
privées. Étant donné qu'au début il n'y en avait
pas tant que ça, c'est vrai que notre programme était
concentré plus dans le milieu public, il y a à peu près 10
ans. Suite à l'évolution des cliniques privées, depuis
trois ans, on essaie de faire le partage selon le pourcentage des membres,
alors de visiter et le milieu public et le milieu privé.
Mme Carrier-Perreault: Ça va. Je vous remercie.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la
députée.
M. le ministre, il vous reste trois minutes.
M. Savoie: M. le Président, je pense qu'on a eu un
échange qui a porté sur les éléments essentiels du
mémoire, les préoccupations principales de la Corporation des
physiothérapeutes. Ils nous ont dit ce qu'ils voulaient. Nous autres, on
leur a dit ce qu'on pouvait faire et ce qu'on devrait faire aussi dans
l'intérêt de la protection du public. Je suis certain qu'on aura
l'occasion de se voir. D'ailleurs, vous êtes également sur le
Conseil interprofessionnel. On va avoir l'occasion de se voir en masse.
Le Président (M. Gobé): Mesdames et monsieur, merci
beaucoup. Ceci met fin à votre présentation. Vous allez pouvoir
vous retirer.
Cela met fin également à notre ordre du jour pour
l'après-midi. Donc, je vais suspendre les travaux jusqu'à 20
heures ce soir. La commission est donc maintenant suspendue.
(Suspension de la séance à 17 h 55)
(Reprise à 20 h 6)
Le Président (M. Gobé): La commission de
l'éducation reprend ses travaux, et je vous ferai lecture de notre ordre
du jour pour cette soirée. Alors, dès 20 heures donc,
très bientôt nous allons entendre les représentants
de la Corporation professionnelle des orthophonistes et audiologistes du
Québec; par la suite, vers 21 heures, nous entendrons les
représentants de l'Ordre des agronomes du Québec et nous mettrons
fin à notre séance, et à notre journée d'ailleurs,
aux environs de 22 heures.
Alors, sans plus attendre je vois que les gens de la Corporation
professionnelle des orthophonistes et audiologistes du Québec sont
déjà arrivés je vous demanderais de bien vouloir
présenter votre porte-parole et la personne qui vous accompagne.
Corporation professionnelle des
orthophonistes et audiologistes
du Québec (CPOAQ)
Mme Boisclair-Papillon (Renée): Je vous présente
Mme Dominique Aubertin, qui est directrice générale, et, moi, je
suis Renée Boisclair-Papillon, la présidente.
Le Président (M. Gobé): Bonsoir, mesdames. Vous
pouvez donc maintenant commencer votre intervention. Je vous rappelle que vous
avez 20 minutes pour ce faire. Par la suite, le côté
ministériel aura, lui aussi, 20 minutes ainsi que le côté
de l'Opposition qui est représenté, comme chacun le sait, par Mme
la députée de Terrebonne. Et voilà! Alors, vous pouvez
commencer maintenant votre intervention.
Mme Boisclair-Papillon: La Corporation professionnelle des
orthophonistes et audiologistes du Québec remercie la commission de
l'éducation de lui permettre de présenter son point de vue sur
l'avant-projet de loi modifiant le Code des professions et d'autres lois
professionnelles. Étant donné les impacts sur la
réalisation de sa mission que les différentes modifications
proposées risquent d'avoir sur notre corporation, nous trouvons
important ici d'exprimer nos préoccupations. Nous allons faire porter
nos commentaires uniquement sur les modifications d'importance capitale, tout
en espérant par la suite que le gouvernement poursuive sa
réflexion sur le système professionnel et, plus
particulièrement, sur le statut des corporations à titre
réservé.
Nos commentaires porteront successivement sur le pouvoir de l'Office, la
réglementation professionnelle, le processus disciplinaire et les
impacts de ces changements sur notre corporation à titre
réservé. Notre mémoire vient renforcer la position prise
par le Conseil interprofessionnel du Québec, position que nous appuyons
d'ailleurs entièrement.
Permettez-moi d'abord de nous présenter. Nous sommes une petite
corporation à titre réservé. Si les
physiothérapeutes sont une petite corporation, je dirais que nous sommes
une corporation minuscule. En fait, nous sommes une des plus petites
corporations du système professionnel, quant au nombre de membres. Nous
sommes 700 membres, dont 570 orthophonistes et 130 audiologistes,
principalement des femmes, travaillant essentiellement dans les
établissements de santé et de services sociaux et dans les
établissements scolaires. De ce fait, nous sommes, en grande
majorité, des salariés de l'État. Une faible proportion
travaille en cabinet privé.
Notre mission de protection du public s'impose, d'autant plus que la
population qui requiert nos services présente précisément
un trouble de parole, de langage et d'audition, limitant ainsi son aptitude
à faire valoir ses besoins et ses droits. Notre statut de corporation
professionnelle à titre réservé constitue donc un obstacle
majeur à la réalisation de cette mission dans la mesure où
il limite notre champ d'action et rend l'adhésion facultative. (20 h
10)
Nous constatons qu'à travers les propositions de modification au
Code, l'Office des professions veut répondre aux difficultés
particulières qu'ont vécues quelques corporations au cours des
dernières années. Pour ce faire, elle a choisi d'étendre
ses pouvoirs et d'imposer à toutes les corporations des changements
majeurs, sans prendre en considération les particularités de
chacune quant à la nature de leur activité professionnelle, de
leur vécu particulier et sans faire l'évaluation des implications
financières. Nous ne pouvons que
demander ou répéter au ministre de le retirer, cet
avant-projet de loi, et de poursuivre la consultation avec les
différents intervenants afin de faire des ajustements requis au
système professionnel en tenant compte des particularités des
différentes corporations et en regard des différents statuts des
corporations.
Mme Aubertin (Dominique): Nous constatons que l'Office des
professions s'éloigne sensiblement du rôle premier qui lui avait
été confié par la législation de 1973. Celle-ci, en
créant l'Office des professions, la mandatait tout
particulièrement pour veiller à ce que chaque corporation assure
adéquatement la protection du public. Elle devait voir à ce que
chaque corporation établisse des règlements en conformité
avec la loi habilitante et disposait, notamment, du pouvoir de faire
enquête au nom du gouvernement sur toute corporation présentant
une situation financière déficitaire ou ayant des revenus
insuffisants pour remplir ses obligations.
Nous sommes tout à fait d'accord avec ce rôle et ce pouvoir
de l'Office. Cependant, nous contestons les modalités associées
au nouveau pouvoir d'enquête que l'Office souhaite se donner, telles que
définies aux articles 15.1, 15.3 et 15.4, qui permettent
l'ingérence dans les affaires internes des corporations et peuvent
menacer le principe d'autogestion. Nous convenons qu'une enquête plus
étendue puisse devenir nécessaire lorsqu'une corporation ne
s'acquitte pas de ses fonctions, mais il nous paraît abusif que l'Office
puisse mener de son propre chef une enquête de ce genre sur une
corporation.
Nous croyons que c'est au gouvernement que revient la décision de
faire enquête, sur recommandation de l'Office. Le rôle de ce
dernier devrait se limiter à faire rapport au gouvernement qui, lui,
pourra, par la suite, demander qu'une enquête soit instituée et en
nommer l'enquêteur.
Il en va de même du pouvoir de tutelle que l'article 14 attribue
à l'Office. Tout comme pour l'enquête, nous croyons que c'est le
gouvernement qui doit décider de mettre une corporation sous tutelle et
qui doit décider des modalités de cette tutelle. Ces articles 14,
15.1, 15.3 e 15.4 ne peuvent qu'inquiéter les corporations qui verront
dorénavant l'Office comme un agent externe qui pourra, selon son
gré, s'immiscer dans les affaires internes et se substituer à
toute instance.
Au chapitre de la réglementation, Favant-projet de loi apporte
des modifications qui répondent en partie seulement aux demandes des
corporations professionnelles qui souhaitent un allégement du processus
réglementaire, principalement au niveau des délais encourus
relatifs à l'approbation des règlements. L'avant-projet de loi
propose trois modes d'adoption. La Corporation professionnelle des
orthophonistes et audiologistes du Québec est d'accord avec le mode
général d'adoption identique à celui actuellement en
vigueur et tel que défini à l'article 95. En effet, certains
règlements, particulièrement ce qui encadre l'exercice d'une
profession, par exemple le code de déontologie, le règlement sur
la conciliation et l'arbitrage des comptes, le règlement sur le fonds
d'indemnisation, doivent être approuvés par le gouvernement.
Nous croyons cependant que le règlement sur le comité
d'inspection professionnelle et celui sur les stages et cours de
perfectionnement ne devraient pas être approuvés par l'Office mais
bien par le gouvernement, étant donné l'importance de ces deux
règlements dans l'exercice du contrôle d'une profession et leur
impact sur la protection du public.
Finalement, l'avant-projet de loi prévoit un autre mode
d'adoption ne prévoyant pas d'approbation. Ce troisième mode
d'adoption devrait, en effet, permettre de réduire les délais
encourus jusqu'à maintenant dans le processus réglementaire.
Étant donné la nature des règlements en cause qui sont
essentiellement d'ordre administratif, il apparaît justifié de ne
pas faire référence à la notion d'approbation soit par le
gouvernement, soit par l'Office.
Malgré ce fait, l'avant-projet de loi stipule que l'Office se
réserve le pouvoir de formuler un avis contraire. Selon nous, l'Office
n'a pas à se donner autant de pouvoirs sur le contenu et
l'uniformité des textes réglementaires. Le pouvoir de
désaveu que s'accorde l'Office dans le processus réglementaire va
à rencontre du mandat de surveillance générale que lui a
accordé le législateur. Ce pouvoir ne devrait être effectif
que pour s'assurer que les règlements proposés par les
corporations professionnelles soient conformes à la loi habilitante.
Cette remarque apparaît également justifiée pour l'ensemble
des règlements que le gouvernement doit approuver sur recommandation de
l'Office. Ce processus proposé par l'Office ne résout en rien les
lacunes identifiées par les corporations professionnelles relatives
à la lourdeur et aux délais occasionnés par le processus
réglementaire actuel.
Finalement, nous aimerions émettre quelques commentaires sur les
ajouts ou changements à certains règlements proposés dans
l'avant-projet de loi. Tout d'abord, le règlement concernant une
procédure de conciliation des différends. Cette notion de
règlement est un ajout au code actuel et il apparaît judicieux de
prévoir des mécanismes de conciliation des différends sur
des questions qui ne relèvent pas nécessairement de la
discipline. Cependant, cet article manque de précisions au niveau du
contenu. La Corporation professionnelle des orthophonistes et audiologistes du
Québec supporte cette nouveauté, mais demande que l'article soit
plus explicite.
Un autre règlement sur lequel nous nous sommes
arrêtés est le règlement relatif à la tenue de
dossier, à la tenue des cabinets de consultation et à la
cessation d'exercice. L'avant-projet de loi propose de jumeler ces trois
règlements en un seul et de le rendre obligatoire. L'importance de ce
règlement en regard du pouvoir de surveillance générale de
la profession et de la protection du public justifie de rendre obligatoire
l'adoption de celui-ci.
Finalement, nous sommes d'accord avec des modifications apportées
à quelques règlements, notamment le règlement sur
l'assurance-responsabilité professionnelle qui s'inscrit bien dans le
principe de mieux assurer la protection du public. Finalement, le
règlement délimitant le territoire du Québec en
régions, particulièrement la possibilité pour le bureau de
prévoir une représentation par secteur d'activité
professionnelle, constitue une avenue intéressante pour la Corporation
professionnelle des orthophonistes et audiologistes du Québec.
Mme Boisclair-Papillon: Au niveau du processus disciplinaire, il
semble que la notion de transparence soit à l'origine de la
réforme du processus disciplinaire proposée dans l'avant-projet
de loi. Le Code des professions doit être précis puisqu'il accorde
un pouvoir quasi judiciaire au comité de discipline. Par ailleurs, il
doit être aussi assez souple pour respecter les particularités de
chacune des professions. Nous comprenons que des difficultés
vécues récemment par certaines corporations de grande taille et
bien en vue du public puissent demander des modifications de procédure
et de structure du système disciplinaire, mais faut-il imposer des
mécanismes lourds et coûteux indifféremment à toutes
les corporations professionnelles?
Nous nous prononçons carrément contre la formation d'un
comité des plaintes, tant dans sa structure que dans son rôle.
À notre avis, la constitution, au sein de chaque corporation, d'un
comité des plaintes chargé de revoir la décision du syndic
de ne pas porter plainte viendrait alourdir le fonctionnement du système
disciplinaire. L'ajout d'un intermédiaire supplémentaire et la
multiplication des intervenants ne feront qu'accroître les délais
dans le processus de règlement. Pour nous qui avons un bureau
formé de huit administrateurs, dont deux nommés, la constitution
d'un tel comité signifierait l'obligation pour ces deux administrateurs
externes de siéger d'office sur ce comité. La tâche de
ceux-ci vient de s'alourdir considérablement.
À l'instar du Conseil interprofessionnel du Québec, nous
croyons que la formation d'un comité consultatif facultatif et
adapté aux particularités de chacune des corporations serait la
solution à privilégier. Un tel comité pourrait
effectivement aider le syndic dans ses prises de décisions difficiles.
On constate aussi que certaines plaintes que le syndic désire porter
devant le comité de discipline échouent parce que le plaignant se
désiste. Nous croyons que ces plaintes pourraient quand même
être acheminées au moins devant un comité de pairs. Ce
comité pourra être le comité consultatif au syndic qui
aurait un pouvoir de recommandation. Dans les cas graves, il pourrait demander
au syndic de porter plainte en l'absence du plaignant. Dans les cas plus
légers où l'infraction au code de déontologie est
évidente sans toutefois mettre en péril la protection du public,
il pourrait être recommandé au syndic de faire une
réprimande, laquelle serait versée au dossier du
professionnel.
Le dernier paragraphe de l'article 123 nous laisse perplexes quant
à sa pertinence. Nous ne pouvons que nous opposer catégoriquement
à cette mesure qui obligerait le syndic à informer l'Office
lorsque le délai de 60 jours arrive à sa fin. Il n'y a pas lieu
que le syndic fasse part à l'Office du cheminement de la plainte pour
faire valoir le sérieux de son travail. Encore une fois, cette mesure
vient alourdir le système disciplinaire. Un registre de plaintes tenu
par le syndic, accessible au président de la corporation et, sur
demande, à l'Office devrait assurer un contrôle suffisant.
Mme Aubertin: La Corporation professionnelle des orthophonistes
et audiologistes du Québec ne compte que 700 membres et dispose donc
d'un budget très limité. Les propositions de l'avant-projet de
loi ne tiennent pas compte de cette réalité en imposant une
série de mesures qui, au niveau financier, aura des conséquences
importantes pour une corporation de petite taille. Ainsi, la création
obligatoire d'un comité d'examen des plaintes entraînera
sûrement des coûts supplémentaires.
D'autre part, l'avant-projet de loi accorde à l'Office un pouvoir
d'ingérence qui, par les mécanismes prévus pour les
opérationaliser, entraînera aussi des coûts
supplémentaires pour l'Office, mais qui seront éventuellement
repartagés entre les corporations puisque le projet de loi sur le
financement prévoit que ce seront dorénavant les membres des
corporations professionnelles qui assumeront les frais de fonctionnement de
l'Office. (20 h 20)
Nous tenons à préciser que la Corporation professionnelle
des orthophonistes et audiologistes du Québec s'oppose au mode de
financement proposé dans le projet de loi, et ce, pour plusieurs
raisons. Il faut se rappeler, dans un premier temps, que les coûts
reliés au système professionnel sont déjà
entièrement assumés par l'ensemble des corporations
professionnelles. Une corporation de petite taille comme la nôtre doit,
plus que quiconque, compter sur le bénévolat de ses membres afin
de s'acquitter de ses responsabilités car elle ne dispose pas des moyens
de créer des postes rémunérés de syndics, de
chargés d'affaires professionelles et de conseillers juridiques.
Il apparaît aussi évident que certaines corporations
utilisent beaucoup plus fréquemment que nous les services de l'Office.
Cependant, tous les membres des corporations sans distinction devront assumer
les coûts reliés à l'utilisation de ces services. De plus,
le mode de calcul utilisé pour déterminer le montant individuel
de la contribution au financement de l'Office nous apparaît injuste et
inéquitable car il défavorise, d'une part, les petites
corporations.
Les corporations exigeant une cotisation élevée ne
reflètent pas la capacité de payer des membres ni l'utilisation
qui est faite des services de l'Office. Certains groupes de consommateurs ont
soulevé que faire payer
les coûts de l'office par les membres des corporations ne poserait
pas de problème puisque ces derniers refileront la facture à
leurs clients. faut-il rappeler que les orthophonistes et les audiologistes
sont, dans une proportion de 90 %, employés de l'état et qu'ils
ne pourront augmenter leur tarification? ils devront donc entièrement
assumer ce coût supplémentaire.
Nous croyons que l'Office doit d'abord mieux contrôler les
dépenses inhérentes à sa principale fonction qui en est
une de surveillance et qu'il faut rendre opérationnel le principe de
l'utilisateur-payeur. La majorité des organismes gouvernementaux se
voient contraints, dans un contexte de crise des finances publiques, d'exercer
un contrôle beaucoup plus grand sur leurs dépenses et d'adopter
une série de mesures visant à réduire leur budget. Les
propositions contenues dans l'avant-projet de loi laissent entrevoir que les
dépenses de l'Office devraient connaître une croissance, ce qui va
à l'encon-tre des volontés gouvernementales.
Finalement, il est important de souligner que la Corporation
professionnelle des orthophonistes et audiologistes du Québec doit, afin
de remplir ses obligations minimales, imposer une cotisation
élevée à ses membres. Les coûts
supplémentaires qu'engendrerait l'adoption des mesures
mentionnées précédemment auraient comme effet d'augmenter
probablement, mais sûrement, la cotisation exigée aux membres.
Faut-il se rappeler qu'une corporation à titre réservé
peut être facilement soumise à une fluctuation importante de son
«membership» si la cotisation demandée dépasse un
seuil acceptable pour ces derniers? Dans ce contexte, nous prévoyons une
diminution des membres qui aurait des effets importants sur la capacité
financière de la Corporation de s'acquitter de sa mission et de ses
responsabilités.
Mme Boisclair-Papillon: Le titre réservé. Le
pouvoir des corporations à titre réservé envers leurs
membres est bien mince puisque ne pas porter le titre ne les empêche
aucunement d'exercer leur profession. La réalité nous
démontre que ces professionnels peuvent participer à des sessions
de formation, sont soumis par diverses mesures à effectuer leur tenue de
dossier au même titre qu'un membre.
Bien que les employeurs exigent comme critère d'embauché
pour les professionels qu'ils soient membres de leur corporation, ceux-ci
peuvent facilement, par la suite, se désaffilier puisque le syndicat
n'exige pas cette règle. Les conventions collectives créent
même des titres d'emploi qui s'apparentent aux titres de professionnels.
Le public peut-il faire la distinction entre un orthophoniste et un
thérapeute du langage et de la parole, une thérapeute de la
communication?
Sur ce, nous souhaiterions que le gouvernement intervienne. Tous ces
facteurs favorisent la non-adhésion d'un professionnel à la
corporation professionnelle. Dans ce contexte, comment peut-on parler de
protection du public, s'il s'avère si facile de ne pas être membre
d'une corporation professionnelle à titre réservé?
La réalité nous démontre également que le
membre à qui le bureau impose un cours ou un stage de formation, suite
à une inspection particulière, choisit tout simplement de ne pas
renouveler sa cotisation. Malgré son incompétence
démontrée, il continue de pratiquer sa profession sous le nom de
thérapeute du langage. Encore une fois, le public n'a aucun recours.
Voilà un endroit où le pouvoir de contrôle d'une
corporation à titre réservé n'est qu'artificiel.
Un autre élément qui rend difficile la protection du
public pour notre corporation se retrouve à la définition des
activités professionnelles que peuvent exercer les orthophonistes et
audiologistes, tel que stipulé à l'article 37m du Code des
professions. Cette définition s'avère imprécise et
incomplète, de sorte qu'elle ouvre la porte à toute appropriation
d'actes et d'activités de la part des autres intervenants agissant
à l'intérieur et à l'extérieur du système.
Qui ne sait pas que certains professionnels pratiquent des évaluations
en audiologie, champ de pratique pourtant spécifique aux audiologistes?
Le gouvernement sait très bien que les commissions scolaires ouvrent des
postes pour des agents de communication orale dont les fonctions sont
essentiellement les mêmes que celles des orthophonistes. Peut-on dire que
la population reçoit les services auxquels elle a droit?
Dans ce contexte, nous demandons au gouvernement d'entamer une
réflexion approfondie sur le statut des corporations à titre
réservé. Seule une analyse exhaustive de cette
problématique permettra de résoudre la contradiction qui existe
présentement entre le devoir de protéger le public et les moyens
qu'accorde le statut de corporation à titre réservé.
Alors, tout en étant bien d'accord pour trouver des mécanismes
pour donner plus de transparence au système de discipline, faut-il
donner aux corporations à titre réservé les pouvoirs de
bien s'acquitter de leur mission.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, madame. Cela
va mettre fin à votre temps qui vous était imparti. M. le
ministre, vous avez maintenant la parole.
M. Savoie: Merci, M. le Président.
Tout d'abord, souhaiter la bienvenue à Mme Boisclair-Papillon de
même qu'à Mme Aubertin et les remercier d'avoir tâché
à la présentation du mémoire à la commission de ce
soir.
Effectivement, pour les fins des dossiers, pour maintenir nos traditions
et pour l'information des membres de la commission, souligner qu'effectivement,
comme elles l'ont mentionné, ils sont à peu près 700
membres, ils ont un budget de fonctionnement d'à peu près 304 000
$. Au niveau des demandes retenues pour enquête, en 1991-1992, on en a 3
et, pour les demandes retenues pour enquête également, pour
1990-1991, il y en a 5. Les demandes reçues, on parle de 14 pour les 650
membres de 1990-1991 et il n'y a pas de plainte portée devant le
comité de discipline. Enfin, pour le
dossier à plus long terme, évidemment, ça se
maintient, il n'y a pas de plainte. On a eu une décision du
comité de discipline en 1990 pour des raisons qui, j'imagine, peuvent
s'expliquer relativement facilement. Ils ont à vivre avec les
obligations juridiques et, évidemment, ont très peu de temps dans
leur organisation pour faire le suivi au niveau des différents
dossiers.
Je vous ai vues, je crois, pendant la journée. Alors, vous avez
assisté à notre récital au niveau des mécanismes
concernant tutelle, enquêtes, comité des plaintes. Vous connaissez
fort bien, je pense, notre réplique à ce
positionnement-là, l'échange qu'on doit faire avec vous à
ce moment-ci de la commission. J'ai quelques questions qui sont importantes,
toutefois, avant d'embarquer dans la notion de titre réservé et
votre champ d'exercice.
Dans le rapport annuel de 1990-1991, vous chiffrez à 4323 $ les
frais des dépenses concernant syndic, discipline, conciliation et
arbitrage; ensuite, 358 $ en 1991-1992. Je me demandais s'il y avait des
explications sommaires pour expliquer la réduction de 4000 $.
Mme Aubertin: Je vous répondrai que c'est plus un exercice
de comptabilité, dans le sens où la syndic avait oublié de
demander ses honoraires pour une année, alors ils ont été
reportés sur l'autre année. C'est uniquement à ce
chapitre-là...
M. Savoie: Ah! Uniquement à cause de ça.
Mme Aubertin: ...parce que, en termes de nombre de plaintes
reçues ou de travail, ça a été sensiblement la
même chose.
M. Savoie: Alors, vous présentez des honoraires...
Mme Aubertin: Oui, on avait comme oublié de se faire
payer.
M. Savoie: Alors, pour 1992-1993, on va voir un montant de 8000
$.
Mme Aubertin: Ha, ha, ha! Non, non, non.
Mme Boisclair-Papillon: Un peu plus élevé,
sûrement.
M. Savoie: Un peu plus élevé. Bon, on va lui
souhaiter bonne chance. Évidemment, ce n'est pas beaucoup,
comparativement... Je pense que si on prend ça... Et j'imagine que c'est
relié à vos activités de discipline qui sont très
difficiles. (20 h 30)
Mme Boisclair-Papillon: Sur les 14 demandes qu'il y a, il y a des
demandes téléphoniques qui ne sont pas nécessairement
recevables. Aussi, il y a des informations qui sont demandées
là-dessus, il y a des plaintes sur les non-membres aussi, sur les
téléphones. On a beaucoup de gens qui téléphonent.
Il y a un certain nombre de téléphones de gens qui voudraient se
plaindre, mais, malheureusement, ils se plaignent sur des non-membres, des gens
qui ne font pas partie de la Corporation. Alors, à ce moment-là,
on ne peut pas les retenir. Des fois, c'est des cas d'usurpation de titre, mais
des plaintes comme telles qu'elle retient, elle n'en retient pas 14.
M. Savoie: D'accord.
Mme Boisclair-Papillon: C'est à peu près 3 ou
4.
M. Savoie: Bien oui, c'est ça. C'est-à-dire qu'il y
a eu 5 demandes lorsque vous en avez eu 14. Pour l'année 1991-1992, on
n'a pas les données sur les demandes reçues pour enquête,
mais on présume que c'est à peu près la même
chose.
Mme Aubertin: C'est à peu près la même
chose.
Mme Boisclair-Papillon: Bien, trois ou quatre, elle ne...
M. Savoie: On ne devrait pas se rendre à 2000.
Mme Boisclair-Papillon: Elle ne siège pas à tous
les jours, trois ou quatre plaintes.
M. Savoie: Est-ce que vous avez des cas où vous avez
effectivement déposé des plaintes contre un professionnel et que,
en cours de route, soit avant que la plainte soit déposée ou
pendant que la plainte était en traitement, il s'est tout simplement
désisté de votre corporation?
Mme Boisclair-Papillon: Habituellement... De professionnel?
M. Savoie: De la Corporation.
Mme Boisclair-Papillon: De la Corporation?
M. Savoie: Oui.
Mme Boisclair-Papillon: II n'y a pas de plaintes qui ont
été déposées au comité de discipline
dernièrement. Ce qu'on retrouve beaucoup, c'est des gens, après
enquête particulière, à qui on demande d'aller suivre des
cours, des stages de perfectionnement, et qui s'en vont, qui ne renouvellent
pas leur cotisation. Ça, ça nous est arrivé cette
année. À chaque fois qu'on fait des inspections
particulières, il nous arrive des gens qui ne renouvellent plus leur
cotisation, mais ils continuent à travailler sous un autre titre.
M. Savoie: Sous quel titre?
Mme Boisclair-Papillon: Alors, ça limite drôlement
le pouvoir même de l'inspection particulière.
M. Savoie: Sous quel titre ils travaillent?
Mme Boisclair-Papillon: Bien, thérapeute du langage,
thérapeute de la parole...
Mme Aubertin: Agent de correction du langage.
Mme Boisclair-Papillon: ...agent de correction, intervenante en
communication. Tout ça, c'est des titres qui sont quand même assez
semblables mais sur lesquels on n'a aucun pouvoir.
M. Savoie: II y en a combien qui oeuvrent dans ce secteur, les
gens qui ont leur maîtrise...
Mme Boisclair-Papillon: Oui.
M. Savoie: ...et qui interviennent sur le territoire du
Québec, qui ne font pas partie de votre corporation?
Mme Boisclair-Papillon: Bien, ce n'est pas facile pour nous de
savoir exactement combien il y en a.
M. Savoie: Oui.
Mme Boisclair-Papillon: On ne les rejoint pas, ces
gens-là.
M. Savoie: Non, mais à peu près, là?
Mme Boisclair-Papillon: Ils ne se manifestent pas ces
gens-là. Moi, je pense qu'il doit y en avoir 10 %, à peu
près.
M. Savoie: 10 %?
Mme Boisclair-Papillon: Mais ce n'est pas des chiffres que je
peux affirmer, là.
Mme Aubertin: On sait que certains milieux de travail, que ce
soit en milieu scolaire ou en milieu hospitalier, certains qui sont assez
importants, ont à l'intérieur de leur équipe des gens qui
ne sont pas membres mais qui ont leur maîtrise en orthophonie-audiologie.
On sait aussi que certains étrangers qui arrivent à la
Corporation, qui, en fait, font une demande à la Corporation, qui ne
sont pas nécessairement admis à la Corporation parce qu'ils ne
répondent pas aux normes d'équivalence peuvent quand même
aller se trouver un emploi, particulièrement en régions
éloignées, puisqu'il y a une pénurie
d'orthophonistes-audiologistes sur le marché présentement. Donc,
ces gens-là, une fois qu'on a refusé leur demande d'admission
parce qu'on considère que leur formation ne correspond pas aux normes
d'équivalence, peuvent aller travailler ailleurs. Mais combien y en
a-t-il? C'est difficile pour nous de l'évaluer.
M. Savoie: Est-ce que vous avez... La nature des plaintes,
évidemment, porte sur...
Mme Boisclair-Papillon: La nature des plaintes, souvent ça
porte sur le comportement du thérapeute, le thérapeute qui
manquerait de patience ou qui a une attitude un peu autoritaire avec l'enfant
qu'il traite. Souvent, il y a des parents qui se plaignent de ça. Des
fois ils peuvent se plaindre sur le temps d'attente. Aussi, les parents peuvent
se plaindre s'ils croient que leur enfant n'a pas fait le progrès auquel
ils s'attendaient. Alors, souvent c'est des différends ou des attentes
non satisfaites.
M. Savoie: D'accord. Des plaintes à
caractère...
Mme Boisclair-Papillon: Ça ne porte pas beaucoup sur le
code de déontologie. Les plaintes ne sont pas de fautes
professionnelles.
M. Savoie: Est-ce que vous avez des plaintes à
caractère, par exemple, financier ou...
Mme Boisclair-Papillon: À caractère financier, le
secteur privé se développe actuellement. Actuellement, on n'en a
pas. On n'a pas eu encore de plaintes à ce niveau-là.
Peut-être qu'éventuellement on pourrait en avoir, mais pas
actuellement.
M. Savoie: On va tâcher d'aborder rapidement la question de
titre réservé, parce qu'on n'a pas beaucoup de temps. On a
seulement 20 minutes pour échanger. On va être obligé de
passer la rondelle, là. Au niveau des titres réservés,
justement concernant cette situation où il y en a qui traversent de
l'autre côté de la clôture, est-ce que vous avez des
recommandations précises?
Mme Boisclair-Papillon: C'est sûr que, si on avait des
actes réservés, ça nous permettrait de faire des pressions
sur les gens qui font des actes qui sont réservés pour les
orthophonistes. Actuellement, on a deux catégories de gens qui font les
activités professionnelles des orthophonistes. Il y a une
catégorie de gens qui n'ont pas suivi de formation en orthophonie, qui
ont d'autres formations, qui, à cause de la pénurie
d'orthophonistes et d'audiologistes au Québec actuellement... Il y a
plusieurs postes d'ouverts qui ne sont pas comblés. Alors, ce qui
arrive, c'est que d'autres gens s'imaginent qu'ils sont capables de faire ces
actes-là et ils le font sous un autre titre.
M. Savoie: Vous parlez des audioprothésistes,
là.
Mme Boisclair-Papillon: Non, non, je ne parle pas des
audioprothésistes.
M. Savoie: Non.
Mme Boisclair-Papillon: Pas encore.
Mme Aubertin: Pas encore. Ha, ha, ha!
M. Savoie: Pas encore. Ha, ha, ha! Ça s'en vient
là.
Mme Boisclair-Papillon: Non, je parle beaucoup dans le milieu
scolaire. Il y a des commissions scolaires qui ouvrent des postes d'agents de
communication ou d'intervenants de communication. C'est des gens qui n'ont pas
de formation en orthophonie et qui, avec la bénédiction de leur
patron, font de l'orthophonie.
M. Savoie: Lorsqu'on dit qu'il y a un orthophoniste dans une
école, normalement, ça veut dire qu'il y a quelqu'un de...
Mme Boisclair-Papillon: Mais, s'ils s'appellent orthophonistes,
à ce moment-là...
M. Savoie: Nécessairement, oui.
Mme Boisclair-Papillon: ...ils sont vraiment des orthophonistes.
Mais il y a d'autres titres qui sont portés. Il y a des
thérapeutes du langage, il y a des agents de communication, et ces
gens-là ne sont pas orthophonistes.
M. Savoie: Est-ce que c'est assez répandu comme
situation?
Mme Boisclair-Papillon: La pénurie est quand même
grande et ça se répand.
Mme Aubertin: Dans les régions
particulièrement.
Mme Boisclair-Papillon: Dans les régions
éloignées, quand il n'y a pas d'orthophonistes, on compense par
d'autres choses.
M. Savoie: Ah! Ah!
Mme Boisclair-Papillon: Ces gens-là font de la stimulation
du langage, mais ils ne font pas de l'intervention. L'acte professionnel de
l'orthophoniste, c'est un acte thérapeutique. Il y a un retard. Il y a
une problématique de langage. Il faut la formation d'orthophoniste.
C'est une chose faire de la stimulation du langage et c'est une autre chose
faire de la thérapie, faire de l'intervention.
M. Savoie: C'est vraiment relié à un champ
d'exercice pour régler votre problème.
Mme Boisclair-Papillon: Ça en réglerait une grande
partie et aussi le public serait plus en mesure de recevoir des services
auxquels il devrait s'attendre et auxquels il s'attend.
M. Savoie: Et l'opposition viendrait des audioprothésistes
en bonne partie.
Mme Boisclair-Papillon: L'opposition viendrait des?
M. Savoie: Des audioprothésistes.
Mme Boisclair-Papillon: Bien, si on a un acte
réservé, ça réserve notre acte en audiologie.
Ça confinerait l'acte audiologique à nous autres aussi. Les
audioprothésistes n'auraient plus le droit de le faire. Eux, ils ont le
droit. Ils peuvent se permettre de le faire étant donné qu'ils
ont...
M. Savoie: Est-ce qu'ils ont le droit de le faire?
Mme Boisclair-Papillon: Ils n'ont pas le droit... Bien, ils ont
un acte exclusif. Nous, on n'a pas le droit de leur défendre. Eux
peuvent le faire, eux se permettent de le faire...
Mme Aubertin: Nous, on ne peut pas les empêcher de le
faire.
Mme Boisclair-Papillon: ...parce qu'il n'y a rien qui le
défend. Nous autres, on ne peut pas leur défendre. C'est
ça, le problème, comme n'importe qui peut faire un acte
orthophonique ou un acte radiologique, puisque, nous, on ne peut rien faire
pour leur défendre. C'est ça, le titre réservé.
M. Savoie: En partie, oui.
Mme Boisclair-Papillon: C'est le problème du titre
réservé.
M. Savoie: C'est ça.
Mme Boisclair-Papillon: On a le titre de réservé
mais rien d'autre.
M. Savoie: Oui puis non là. Enfin, on va revenir
là-dessus peut-être tout à l'heure. On va passer la
rondelle, là.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre. Mme
la députée de Terrebonne, vous avez maintenant la parole.
Mme Caron: Merci, M. le Président.
Alors, Mme Boisclair-Papillon, Mme Aubertin,
bienvenue. Vous soulevez, effectivement, tout le problème des
titres réservés. Je pense que, à force de le ramener et de
le rappeler, peut-être qu'on va finir par convaincre le ministre de
l'importance de ce problème. Dès qu'on parle de la protection du
public, si on ne règle pas le problème des titres
réservés, on ne peut pas régler le problème de la
protection du public, c'est évident. Je lisais la définition,
puis, effectivement, lorsqu'on dit étudier, examiner, évaluer et
traiter les troubles de l'audition, de la voix, de la parole et du langage et
utiliser les moyens de suppléance requis, c'est évident qu'il n'y
a pas de précision, puis c'est évident qu'il y a d'autres
personnes, aussi, qui peuvent faire le même type de travail, mais en
portant un autre nom. (20 h 40)
Vous nous avez mentionné que chez vous, effectivement, il y a
beaucoup de salariés dans votre corporation professionnelle,
c'est principalement des salariés et que la cotisation
était parmi les plus élevées. C'est combien, la cotisation
chez vous?
Mme Aubertin: C'est 420 $.
Mme Caron: Alors, 420 $, si vous devez ajouter un comité
des plaintes, si vous devez ajouter une augmentation avec le financement de
l'Office par la loi 67, c'est évident...
Mme Aubertin: Les 24 $ sur 25 $ maximum.
Mme Caron: C'est ça. Alors, c'est évident que la
personne qui est membre chez vous va se poser la question si ça vaut
toujours la peine d'être membre de la Corporation. Dans les cas, comme
vous faisiez mention tantôt, Mme Aubertin, comme disaient les ACEF,
où on peut refiler la facture aux consommateurs, probablement que les
membres vont demeurer en refilant le surplus aux consommateurs de services,
mais là où les corporations à titre réservé
sont composées surtout de salariés, bien, il va y avoir une
diminution assez importante des membres, j'ai l'impression. À ce
moment-là, on n'atteint pas l'objectif de protection du public qu'on
s'était fixé.
Vous travaillez dans le réseau de la santé,
principalement, et on sait que, dans ce réseau, les listes d'attente,
pour avoir eu à faire certaines vérifications sur le sujet, sont
extrêmement longues. On sait que, à ce niveau-là... Je ne
suis pas une spécialiste, là, mais pour avoir enseigné, je
sais qu'il faut intervenir très tôt chez les enfants, et, souvent,
le délai d'attente est tellement long que les troubles du langage sont
accentués et c'est beaucoup plus difficile d'arriver à avoir une
thérapie adéquate. Au niveau scolaire, pour avoir
été dans le réseau de l'enseignement... On avait une
orthophoniste pour trois, quatre, cinq écoles parfois, alors c'est
évident qu'on ne pouvait pas donner un service adéquat. Au niveau
du privé, bien, c'est sûr que vous nous avez dit que le nombre de
membres est beaucoup plus restreint. je vais parler un petit peu d'un sujet que
je n'aborde presque plus parce que le ministre l'aborde presque toujours, mais
je le résume très vite. au niveau de l'enquête, de la
tutelle et de la réglementation, je pense qu'il y a unanimité du
côté des corporations professionnelles. le message qu'on passe au
gouvernement, que ce soit enquête, tutelle ou réglementation,
particulièrement au niveau des stages, des cours de perfectionnement, du
comité d'inspection professionnelle, c'est: conservez vos pouvoirs, ne
vous désengagez pas et maintenez votre juridiction plutôt que de
refiler le pouvoir à l'office des professions. ça, je pense que
le message a été suffisamment clair pour qu'il soit entendu.
Du côté de votre mémoire, j'aurais quelques petites
questions simplement pour que vous puissiez nous donner des précisions
sur vos petites explications ici. À la page 9, vous nous dites,
concernant la procédure de conciliation des différends, que c'est
judicieux de prévoir des mécanismes de conciliation, mais que
vous trouvez que l'article manque de précision au niveau du contenu et
que vous souhaitez un article plus explicite. Comme ça m'apparaît
une mesure extrêmement importante, le règlement des
différends, qu'est-ce que vous voulez comme précision?
Mme Aubertin: Bien, ce qu'on ne savait pas, dans le fond, c'est
ce que ça englobait, la notion de différend, jusqu'où
ça allait. En fait, c'était plus à ce niveau-là. Tu
peux avoir des différends en termes monétaires entre un client et
un professionnel, mais il y a peut-être d'autres types de
différends aussi qui existent, qui ne sont pas de nature disciplinaire,
mais qui pourraient, effectivement, se régler par cette
voie-là.
Mme Caron: Est-ce que vous souhaitez qu'on les limite?
Mme Aubertin: Non, pas nécessairement. Mme Caron:
Pas nécessairement.
Mme Boisclair-Papillon: Au niveau disciplinaire, je pense que,
nous, dans notre idée, en demandant un comité consultatif, on
voyait ce mécanisme-là pour régler les différends
au niveau de la déontologie ou au niveau d'autres questions qui ne sont
pas d'ordre monétaire.
Mme Caron: Oui, il semble que c'est un mécanisme qui
serait, en tout cas, très utilisé et qui pourrait être
beaucoup plus efficace que toute la procédure au niveau du comité
des plaintes. Dans la même page 9, vous avez parlé concernant le
règlement sur les conditions, les modalités de délivrance
des permis, les normes d'équivalence des diplômes, les normes
d'équiva-
lence de la formation et vous semblez hésiter à les rendre
obligatoires. Vous dites bien que ces règlements ont une importance pour
la protection du public et que les rendre obligatoires peut avoir des
conséquences qui n'ont pas encore été
évaluées, et vous souhaitez une analyse plus approfondie. Est-ce
que c'est plus particulièrement dans le cadre de votre corporation
professionnelle que vous avez des inquiétudes, ou si c'est plutôt
au niveau de l'ensemble des corporations?
Mme Boisclair-Papillon: Au niveau de notre corporation, les
normes d'équivalence ne poseraient pas de problème. C'est
l'équivalence de formation qui serait nouveau, là. Je pense que,
nous, dans notre corporation, il faudrait réfléchir plus,
à savoir ce qui serait acceptable ou non.
Mme Caron: Mme Aubertin a parlé tantôt de
professionnels qui arrivent de l'extérieur et que, souvent, ça ne
répond pas aux normes. Est-ce qu'il y a un pourcentage de plus en plus
élevé?
Mme Aubertin: II y a de plus en plus de demandes de personnes, de
professionnels, là, qu'on appelle logopède en Belgique, entre
autres, là, orthophonistes, en France, qui acheminent des demandes
à la Corporation. En tout cas, moi, je suis là depuis près
de deux ans, là, et il y a quand même beaucoup plus de demandes.
Maintenant, on sait à peu près le profil, c'est-à-dire
qu'on sait que les gens qui proviennent de certaines écoles en Belgique
répondent aux normes d'équivalence. On sait, par contre, que les
gens qui ont étudié en France avant... Celles qui vont sortir,
là, vont être prêtes à être admises presque
tout de suite, mais celles qui ont un diplôme antérieur à
cette année, ça demande un peu plus de recherche. Ce n'est pas
nécessairement évident que ces gens-là vont être
admis à la Corporation. Mais je ne pourrais pas vous dire le pourcentage
de gens qui sont refusés, là. Ce n'est pas énorme, mais,
quand même, il y en a un certain nombre.
Mme Caron: À la page 12, j'avais deux petites questions.
Vous nous dites que, finalement, il y a toujours la possibilité pour un
plaignant de porter lui-même sa plainte devant le comité de
discipline lorsque le syndic l'a jugée non pertinente, puis vous ajoutez
qu'il y aurait peut-être lieu de favoriser cette mesure-là. Parce
que vous savez que, actuellement, le plus gros problème, pour le
plaignant, de porter une plainte privée, c'est que, finalement, il y a
des risques financiers importants. Comment voyez-vous la possibilité de
favoriser cette mesure-là?
Mme Boisclair-Papillon: Bien, c'est sûr que, d'une part, le
secrétaire de la Corporation pourrait apporter une aide à ce
plaignant-là. C'est sûr que, comme les plaignants qui
habituellement portent des plaintes chez nous, ce sont des gens qui ont des
problèmes de langage, souvent, ou sinon c'est les parents des enfants,
mais l'adulte, si c'est lui-même qui a un problème de langage, ce
n'est pas toujours facile de faire valoir son point de vue. C'est
peut-être une des raisons, aussi, pour lesquelles il n'y a pas beaucoup
de plaintes, aussi. Il est déjà limité à ce
niveau-là. D'une part, je crois que le secrétaire de la
Corporation pourrait assister le plaignant, et l'idée d'un formulaire,
aussi, n'est pas à négliger. Ça pourrait être une
idée intéressante à explorer.
Mme Caron: Mais, compte tenu des personnes que vous traitez,
finalement, au niveau de l'assistance, dès que la personne doit passer
devant le comité de discipline ou autre, je pense que ça serait
important qu'il y ait une assistance. Ça serait même requis,
là, presque obligatoire.
Dans cette même page, j'ai trouvé l'élément
intéressant, lorsque vous proposez que, finalement, même lorsque
le plaignant se désiste parce qu'il semble que ça arrive
quand même à quelques reprises que le plaignant se désiste,
ne veut pas porter sa plainte jusqu'au comité de discipline le
syndic puisse quand même amener la plainte au comité de discipline
et que, dans les cas graves, là, et dans les cas légers, il
pourrait y avoir inscription au dossier du professionnel. Ça
m'apparaît un élément intéressant. (20 h 50)
Mme Boisclair-Papillon: Cet élément-là, je
pense que le rôle du syndic, il n'est pas très bien défini
dans le Code. Il peut faire des recommandations, une réprimande, le
syndic, mais jusqu'où il peut aller dans ses réprimandes? Ce
n'est pas clair. Alors, souvent, nous, on se dit que le plaignant se
désiste quand il voit que sa plainte peut l'amener un peu plus loin et
qu'il y a d'autres démarches. Il va se désister, mais il reste
que, fort probablement, il peut y avoir quelque chose à porter au
dossier du professionnel. Il y aurait lieu d'intervenir au niveau du
professionnel, de lui faire une réprimande et aussi de le mettre
à son dossier. Actuellement, c'est vrai, le syndic fait une certaine
réprimande, il peut faire un suivi, mais, après ça, le
membre, il peut l'oublier tout simplement, puis s'en aller avec sa petite
réprimande, puis continuer par la suite.
Mme Aubertin: Ça n'a pas beaucoup de poids, en fait, faire
une réprimande sans qu'il se ne passe rien après. Je veux dire,
quelqu'un peut très bien dire: Merci beaucoup, et puis on oublie le
reste, alors que, si c'est versé au dossier du professionnel, bon,
ça a quand même un impact. S'il y a une inspection
professionnelle, il peut y avoir un certain contrôle, aussi, par rapport
à ce qui avait été versé au dossier, ce qui ne peut
pas être fait présentement. Là, ça reste verbal.
Mme Caron: Je trouve que c'est un élément important
parce que, même si c'est un comité externe qui prend des
décisions, une réprimande, ça n'a pas plus de
valeur...
Mme Boisclair-Papillon: Ça n'a pas plus de poids.
Mme Aubertin: Non.
Mme Caron: ...que ça vienne d'un comité externe ou
du syndic. Donc, s'il n'a pas plus de pouvoir puis de suivi, on ne règle
pas davantage le problème. Ça m'apparaît
intéressant, ça.
Ma dernière question était sur le pouvoir de
désaveu. En page 8, vous nous dites: «Le pouvoir de désaveu
que s'accorde l'Office dans le processus réglementaire va à
rencontre du mandat de surveillance générale que lui a
accordé le législateur. Ce pouvoir ne devrait être effectif
que pour s'assurer que les règlements proposés par les
corporations professionnelles soient conformes à la loi
habilitante.» Plusieurs corporations sont allées dans ce
sens-là, mais on n'a jamais insisté beaucoup au niveau des
commentaires. Est-ce que vous avez déjà* eu des problèmes
à ce niveau-là ou au niveau de la réglementation, ou si
c'est par mesure de précaution?
Mme Aubertin: C'est plus par mesure de précaution parce
qu'il n'y a jamais vraiment eu de problème. En plus, l'expérience
de la Corporation démontre qu'il y a eu une série de
règlements adoptés en 1981, et puis là, depuis un an et
demi, on est en train de les revoir un après l'autre. Les premiers qui
ont été acheminés à l'Office des professions et au
ministre, semble-t-il qu'il les a toujours sur son bureau. Ha, ha, ha! Ils
n'ont toujours pas été adoptés à l'Assemblée
nationale. Donc, on n'a pas... C'est peut-être plus en termes de
délais que de problèmes, disons, avec l'Office, sur la nature, ou
il y a mésentente entre les termes. À ce niveau-là, le
support de l'Office, en tout cas, dans notre cas, a été
adéquat.
Mme Caron: Je vais commencer à m'inquiéter de son
bureau, parce que, avec ce qu'il y a sur son bureau puis dans le tiroir gauche,
ça devrait commencer à se remplir pas mal, là, au niveau
du processus réglementaire. Ha, ha, ha! Mais il semble que ça
peut aussi arrêter ailleurs, ça peut arrêter à un
autre ministère, et que c'est très, très long. Ce n'est
pas nécessairement toujours au ministère qu'on pense.
Alors, moi, pour le moment, j'aimerais peut-être juste vous
entendre sur le bénévolat. Parce qu'il y a plusieurs corporations
à titre réservé qui nous ont fait part de ce
bénévolat qui doit être accompli par les membres pour
arriver à maintenir la Corporation, alors qu'on sait qu'il y a des
corporations professionnelles qui fonctionnent avec de très gros
budgets, où le bénévolat est pratiquement inexistant. Chez
vous, le bénévolat, ça peut représenter combien, en
termes de personnes ou de temps?
Mme Boisclair-Papillon: On peut dire que tout le monde qui
travaille fait un peu de bénévolat, fait beaucoup de
bénévolat. Tantôt, on parlait du syndic, qui n'avait pas eu
beaucoup de budget l'autre année. Bien, ça fait partie du
bénévolat, aussi, le syndic qui venait puis qui ne se faisait pas
payer. À un moment donné, il y a des fonctions obligatoires. Moi,
j'ai dit: II faut qu'il soit rémunéré. Au moins, le syndic
doit être rémunéré. Avant, il ne l'était pas
nécessairement. Tous les comités ne sont pas
rémunérés. Ce qu'on donne actuellement, on paie le souper
quand les gens viennent travailler et passer toute la soirée à la
Corporation. Il n'y a aucun comité rémunéré. Pour
une inspection professionnelle, l'inspecteur est rémunéré.
Le comité de formation continue et les autres, tous les comités
d'intérêts, aucun n'est rémunéré. Avec un
budget de 300 000 $, on ne peut pas se permettre de payer tout le monde, alors
on compte sur le bénévolat, c'est sûr.
Mme Aubertin: Ce qu'il faut souligner, aussi, c'est que, dans le
fond, comme on disait, avec un si petit budget, même au niveau de la
structure administrative, il n'y a personne qui est employé à
temps plein à la Corporation, donc ni la présidente, ni la D.G.,
ni les secrétaires. Quand on parlait, cet après-midi, de
promotion de la profession, de campagne de sensibilisation, bien, pour nous,
c'est hors de question, bien que les gens en auraient besoin, mais on n'a ni
les personnes en place pour le faire ni les moyens financiers de penser
à ça. On n'a même pas, présentement, les moyens de
penser à des postes d'inspection, d'inspecteur à demi-temps. Pour
l'instant, on n'en est même pas rendu là.
Donc, c'est difficile, aussi, parce que, finalement, ça demande
une implication importante de la part des gens qui vont, par exemple, sur le
comité d'inspection professionnelle, de formation, d'admission. C'est
quand même un comité très important aussi. Donc, ça
suppose, de leur part, une très grande motivation à vouloir faire
progresser la Corporation à des rôles qui ne sont pas
nécessairement toujours faciles, et, bon, ce qui arrive, c'est que les
gens s'épuisent et on vit des problèmes de recrutement. Parce
qu'on se dit: Bon, comment peut-on développer l'inspection
professionnelle pour qu'on puisse inspecter encore plus de personnes, pour
qu'on puisse faire un suivi encore plus grand, sauf que les gens qui le font,
ce sont des gens qui travaillent déjà ailleurs, qui ont un poste
dans un établissement. Alors, pour eux, ça devient difficile,
là, après deux, trois ans, de dire: Est-ce que je poursuis? Et
puis là, on a l'impression qu'on recommence, parce que, là, les
gens s'en vont et on reprend avec d'autres. On n'a pas l'impression de
progresser nécessairement, là. Alors, ça, c'est...
Mme Boisclair-Papillon: Alors, vous comprendrez...
Mme Aubertin: ...le problème des très, très,
très petites corporations. Ha, ha, ha!
Mme Boisclair-Papillon: Vous comprendrez, quand on a une
augmentation de 24 $ par professionnel et qu'on voit venir d'autres
augmentations par les autres mécanismes qui vont s'en venir, qu'on est
inquiet. On est inquiet parce que, à un moment donné, on ne peut
plus demander des augmentations aux membres. La conséquence de
ça, c'est qu'il va y avoir une désaffilia-tion. On est des
professionnels, puis l'âge moyen de nos professionnels, c'est à
peu près 34, 35 ans. On gagne la moyenne de ce que gagne un
fonctionnaire à cet âge-là. Alors, on ne peut pas augmenter
indéfiniment la cotisation quand on sait qu'ils peuvent très bien
travailler sans être membres de la Corporation. Alors, ça
crée un problème.
Mme Caron: Je pense que vous avez parfaitement raison
d'être inquiète, et, comme mon temps a l'air écoulé,
je vais doublement vous féliciter, compte tenu, effectivement, que c'est
surtout du travail de bénévolat, d'être arrivés
à nous présenter un mémoire excellent, bien fait, puis en
très peu de temps, aussi, il faut bien le dire. Merci beaucoup.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme la
députée de Terrebonne.
M. le ministre, il vous restait une minute et demie, à peu
près.
M. Savoie: Oui. Cinq minutes, pour être exact, M. le
Président. Ha, ha, ha! Je vous remercie. Bien, c'est ça, il n'y a
pas de dossier des orthophonistes-au-diologistes en attente chez nous. Il n'y
en a aucun.
Mme Aubertin: C'est parti de chez vous. On est heureuses
d'apprendre ça.
M. Savoie: Non, il n'y en a aucun en attente chez nous. Il faut
savoir, par contre, que le processus peut être long, dans certains cas,
dans certains dossiers. Ils peuvent être refusés, par exemple, au
niveau du ministère de la Justice pour d'autres considérations.
Normalement, il y a des échanges, à ce moment-là. Je
sympathise, un peu, pour l'histoire de l'autofinancement. Je comprends que
ça met une pression sur les sociétés, les corporations
à but non lucratif.
Mme Boisclair-Papillon: Est-ce que votre sympathie peut aller
jusqu'à changer...
M. Savoie: Pardon?
Mme Boisclair-Papillon: Est-ce que votre sympathie peut aller
jusqu'à permettre de changer le mode de financement?
M. Savoie: Non, d'aucune façon, non. Ha, ha, ha!
Mme Aubertin: Du moins, le mode de calcul. Ha, ha, ha!
Mme Boisclair-Papillon: Vous pourriez peut-être faire de
petites exceptions dans le calcul. Ha, ha, ha! (21 heures)
M. Savoie: Pour les corporations professionnelles, finalement
j'ai dit les organismes à but non lucratif, ça commence
à être long à titre réservé,
là, qui vont devoir, évidemment, supporter... Je ne me rappelle
pas des coûts des mécanismes qui étaient prévus dans
le projet de loi. Mais je regarde chez vous, là, on parle quand
même de 400 $ de frais annuels. On est conscient, je tiens à le
répéter, et on a l'intention, entre la fin de ces travaux et le
dépôt du projet de loi, de faire des interventions pour,
justement, s'assurer, s'il y a possibilité, de pouvoir vous donner une
intervention dans la zone que vous désirez occuper. S'embarquer dans le
dossier, à ce moment-ci, là, ce que vous demandez, au niveau de
l'exercice, bien que, à première vue, on est sympathique à
cette approche-là puis qu'on réalise que ça doit se faire,
je pense que le laps de temps que nous avons à notre disposition est
quasiment...
Mme Boisclair-Papillon: Mais croyez-moi, M. le ministre, les 400
$ qu'on donne, qui est demandé comme cotisation, ça ne
reflète pas la capacité de payer des membres. Ce n'est pas parce
qu'on paie 400 $, 420 $ de cotisation que ça dit qu'on est capable de
payer ça. C'est le minimum. On a des frais minimum de fonctionnement.
Ça couvre à peine ça.
M. Savoie: Oui, oui, je comprends ça, mais...
Mme Boisclair-Papillon: Et on est des salariés, des
fonctionnaires. Vous savez ce que ça gagne des fonctionnaires à
30 ans, ce n'est pas 50 000 $.
M. Savoie: Oui, mais là on parle de quoi pour vous?
Peut-être un 6 $ par année, après impôt,
là?
Mme Boisclair-Papillon: Comment un 6 $ par année?
M. Savoie: Oui, mais, après impôt, ça fait
quoi? Ah! c'est 24 $.
Mme Boisclair-Papillon: Nous c'est 24 $ sur le maximum de 25
$.
M. Savoie: Oui, avant impôt, donc un 12 $, 13 $, 14 $
après impôt.
Mme Boisclair-Papillon: Moi, je n'en retire pas
d'impôt.
M. Savoie: Vous ne retirez pas d'impôt?
Mme Boisclair-Papillon: Je n'en retire jamais d'impôt.
Alors, même si vous me dites... Ce n'est pas un argument. Même si
vous me dites que c'est avant impôt, que ça fait 12 $...
M. Savoie: Après impôt.
Mme Boisclair-Papillon: ...après impôt...
M. Savoie: C'est ça.
Mme Boisclair-Papillon: ...moi, je paie mon maximum d'impôt
et je n'ai jamais de retour d'impôt.
M. Savoie: Non, je sais, mais ça n'a rien à faire,
là. Ha, ha, ha!
Mme Boisclair-Papillon: Moi, je considère payer 24 $. Ha,
ha, ha! C'est ça, la réalité.
M. Savoie: Oui, c'est ça. C'est comme ça qu'il faut
compter, sauf que l'impact net est moins important, là. On parle d'une
douzaine de dollars par année là, 1 $ par mois.
Mme Aubertin: Mais outre l'argent, je pense que ça va plus
loin que ça, dans le fond. Ce qu'on veut dire, c'est: Oui, il y a le
coût, 24 $, peu importe; on sait que c'est près du maximum, de
toute façon, par rapport au calcul. Chez les membres, en tout cas, chez
les orthophonistes et audiologistes, pourquoi aurions-nous à payer pour
quelque chose qu'on paie déjà. On paie déjà 420 $
pour s'assurer de protéger le public, puis là on va payer pour un
organisme. Je veux dire, je comprends que, pour les gens qui travaillent, comme
nous, au siège social d'une corporation, on saisit beaucoup plus le
rôle de l'Office puis ce qu'il peut apporter, mais les membres des
corporations professionnelles, l'Office des professions, ce n'est pas dans
leurs préoccupations, puis ils ne vont pas comprendre pourquoi ils
doivent payer pour ça. Je pense que c'est là.
Nous, on peut peut-être comprendre, mais les membres, pour eux,
c'est très, très loin d'eux, puis ils se disent: Écoutez,
je paie déjà 420 $, ça suffit là. Puis je paie
l'assurance-responsabilité, puis le syndicat. En tout cas, bref...
Alors, je pense que c'est plus à ce niveau-là. On peut se mettre
à faire toutes sortes de calculs. C'est vrai que, en soit, 24 $, ce
n'est pas énorme, je suis d'accord avec vous, mais c'est plus à
ce niveau-là que les gens vont dire: Pourquoi? Ça va servir
à quoi, là?
Mme Boisclair-Papillon: Puis pourquoi nous, parce qu'on est une
petite corporation...
Mme Aubertin: Allons-nous payer 24 $ alors que les
infirmières vont en payer 5 $?
Mme Boisclair-Papillon: Est-ce qu'on utilise plus les services de
l'Office parce qu'on est petits?
Mme Aubertin: Qu'est-ce qui différencie
l'infirmière de l'orthophoniste par rapport à la protection du
public? Rien du tout.
M. Savoie: Je sais. Ce n'est pas drôle.
Mme Aubertin: Non, c'est ça. Ça, c'est les
commentaires des membres qui vont nous arriver. Ha, ha, ha!
M. Savoie: C'est ça. Ha, ha, ha!
Mme Boisclair-Papillon: Si vous avez des arguments pour
convaincre nos membres, vous nous les enverrez.
Le Président (M. Gobé): Alors, cela met fin
à nos délibérations.
M. Savoie: Tout simplement un dernier commentaire, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): Oui, allez-y.
M. Savoie: Je ne voudrais pas laisser penser ça, qu'on
prend ça à la légère, d'aucune façon. On
sait que ce n'est pas particulièrement agréable, mais c'est parce
qu'il y a quand même un discours à tenir là-dessus. Ce
n'est pas quelque chose qu'on fait de gaieté de coeur, c'est que c'est
là que ça va. C'est comme ça que ça va marcher, et
je suis certain que vous êtes capables de développer un discours
pour votre corporation professionnelle.
Mme Aubertin: On peut peut-être développer un
discours, mais les gens peuvent aussi décider de ne plus être
membres.
M. Savoie: On va vous aider là-dedans, puis ça va
aller, vous allez voir.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre. Vos
cinq minutes sont maintenant passées à cinq minutes et demie.
M. Savoie: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Ceci met fin à votre
intervention. Nous vous remercions beaucoup au nom des membres de la
commission. Vous pouvez donc maintenant vous retirer.
Je demanderais au groupe suivant, l'Ordre des agronomes du
Québec, du moins à ses représentants, de bien vouloir
venir se présenter en avant. Je vais donc suspendre deux minutes, le
temps que ça se fasse. La
commission est suspendue. (Suspension de la séance à 21 h
4)
(Reprise à 21 h 6)
Le Président (M. Gobé): À l'ordre, s'il vous
plaît. La commission va maintenant reprendre ses audiences, et nous
allons entendre les représentants de l'Ordre des agronomes du
Québec. Je demanderais au porte-parole de l'Ordre de bien vouloir se
présenter et de présenter les personnes qui l'accompagnent.
Ordre des agronomes du Québec (OAQ)
M. Paquet (Jean-Marc): Merci, M. le Président.
Mon nom est Jean-Marc Paquet, président de l'Ordre des agronomes.
J'ai ici, à ma droite, le directeur général et
secrétaire général de l'Ordre, M. Robert LeMay; à
ma gauche, ici, M. François Bertrand, qui est notre ex-directeur et
maintenant un enquêteur à temps partiel, et le
vice-président, M. Claude Marchand, à l'extrême gauche.
Le Président (M. Gobé): Alors, bonjour, messieurs.
Vous avez maintenant la parole pour présenter votre mémoire. Pour
ce faire, vous avez environ une vingtaine de minutes. Par la suite, 20 minutes
de chaque côté, Opposition, gouvernement ou gouvernement,
Opposition, et ceci mettra fin à votre témoignage. Vous avez donc
la parole.
M. Paquet: Merci, M. le Président.
M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, on vous
remercie de nous permettre de présenter un mémoire et de faire
valoir notre point de vue dans la réforme du Code des professions. Nous
sommes aussi touchés un peu par notre loi qui se trouve un petit peu
amendée et on va vous faire quelques commentaires à ce
sujet-là.
Je n'ai pas l'intention de lire le mémoire. Il était quand
même assez court. Ça résume ou ça fait ressortir les
principaux points sur lesquels à peu près toutes les corporations
ont fait valoir des points de vue. Nous sommes solidaires en grande partie avec
ces positions. Vu l'heure tardive et pour avoir assisté à une
bonne partie de l'audition d'aujourd'hui, je ne pense pas que ce soit
nécessaire de le faire, mais j'aimerais quand même
réitérer une position peut-être un peu plus ferme et
défendre la partie, justement, qui traite de l'autogestion.
On maintient que le système d'autogestion des corporations est
fondamental et ne doit pas faire l'objet d'une grande réforme ou d'une
grande modification, et ceci dans le sens que je pense qu'on doit, dans la
mesure du possible, fonctionner avec des lois qui sont peut-être plus
cadres pour favoriser les gens ou les corpora- tions à
l'intérieur de ça à une plus grande responsabilisation. Je
pense que c'est la meilleure façon, en tout cas à notre point de
vue, de minimiser les coûts d'opération et de restreindre aussi
les frictions qu'il peut y avoir, parce que je pense qu'entre individus ou
entre corporations, aussi, s'il y a des champs de pratique qui peuvent des fois
se chevaucher ou être très près, on doit être
capables de s'entendre entre nous autres sans toujours être devant les
tribunaux ou devant les instances.
D'ailleurs, nos collègues qui ont passé cet
après-midi, les médecins vétérinaires, on a un
champ de pratique qui se ressemble et on a les mêmes clients aussi, pour
une grande partie de nos membres. Face à ça, on a fait quand
même un comité conjoint qui est composé de deux
vice-présidents et de deux directeurs généraux et qui va
faire le lien entre les problèmes qu'il peut y avoir entre les deux
champs de pratique. On croit que cette façon de faire va éviter
beaucoup de frictions et beaucoup de problèmes et peut-être aussi
éventuellement des poursuites ou des cheminements qui ne mènent
à rien, finalement.
Par rapport à ça, j'aimerais passer la parole, ici,
à notre directeur général, M. Robert LeMay, qui va
plutôt parler de notre partie de règlement qui est peut-être
un peu plus problématique, qui concerne notre loi principalement.
Robert. (21 h 10)
M. LeMay (Robert): Disons que, dans la partie du mémoire
en page 7, on parlait des commentaires particuliers à la Loi sur les
agronomes. On mentionnait que l'avant-projet de loi apporte certaines
modifications de nature plus technique à différentes lois
professionnelles, dont la Loi sur les agronomes, et que ces modifications se
retrouvent aux articles 104 et 113 de l'avant-projet de loi. Elles ont pour
objet de modifier ou d'abroger certaines dispositions rendues
désuètes et, d'autre part, elles visent à assurer une
concordance entre le Code des professions et la loi des agronomes. Dans
l'ensemble, l'Ordre est d'accord avec les modifications
suggérées, à l'exception de celles relatives à
l'article 11 de la loi des agronomes.
J'aimerais faire un aparté sur l'article. C'est que les
communications récentes avec l'Office nous ont permis de constater que
notre interprétation du deuxième paragraphe de l'article 11 ne
modifiait pas l'organisation particulière de l'Ordre et de ses 11
sections, et nous comprenons que le règlement sur les limites
territoriales des sections de l'Ordre ne deviendrait pas nécessairement
caduc, comme on croyait l'être dans notre première
interprétation. Alors, sûrement que nous aurons d'autres
conversations et d'autres rencontres avec l'Office afin de bien comprendre la
portée de cet article-là.
Alors, dans l'ensemble, l'Ordre serait d'accord avec les modifications
suggérées pour concorder notre loi avec les dernières
modifications du Code.
M. Paquet: Maintenant, j'aimerais peut-être situer un peu
plus ce que sont les agronomes, comment on
fonctionne aussi et quels sont, justement, peut-être les petits
problèmes qu'on peut vivre dans notre fonctionnement.
Les agronomes existent depuis 1912, les premières graduations ont
eu lieu à La Pocatière en 1912, et les agronomes sont
établis en corporation depuis 1937. Donc, c'était une des
premières corporations à faire partie de la nouvelle
législation en 1974. Les agronomes ont surtout oeuvré et ont eu
une influence, je pense, au niveau des techniques aussi, mais beaucoup au
niveau du développement rural et de l'organisation de toute la structure
de l'agriculture qui s'est faite dans les régions et un peu partout au
Québec. Ils ont participé beaucoup et ils sont à l'origine
de beaucoup d'organisations qui d'ailleurs continuent d'opérer.
D'ailleurs, ça fait partie d'une bonne partie de nos champs de pratique
dans les formations des caisses populaires, dans les formations des
coopératives et des organismes peut-être un peu plus à
caractère social. Ce sont des agronomes qui ont fondé les Cercles
de fermières, par exemple, qui ont dépassé les 75 ans. Et
on a été présent aussi au niveau de beaucoup de
l'électrification rurale.
Comme le mentionnait Robert tantôt, on est une structure aussi qui
est déjà décentralisée depuis un bon bout de temps,
avec 11 corporations régionales qui représentent à peu
près tout le territoire du Québec pour un peu mieux
répartir tout le monde. Et, comme avantage, je pense que ça
permet des organisations d'activités professionnelles beaucoup plus
à l'échelle provinciale, parce que la province, c'est grand, et
de la formation aussi qui est un peu plus spécifique par rapport aux
gens qui sont situés dans les régions. En même temps,
étant donné que notre secrétariat est à
Montréal, quand il y a des gens un peu plus structurés dans les
régions, ça permet, je pense, une surveillance des membres un peu
plus facile aussi. Puis un facteur qui n'est certainement pas à
négliger, c'est que ça augmente aussi la participation des
membres à la vie professionnelle, ce qui est très important. Je
pense que beaucoup de corporations se plaignent de ça, mais, nous
autres, cette partie-là, je crois, va assez bien par rapport à
notre déconcentration des corporations. En plus, chaque année
l'Ordre tient son congrès et son assemblée générale
dans chacune des sections. Ça veut dire qu'on fait le tour de la
province à tous les 10 ans, si on veut. Ça permet justement aux
gens de participer un peu plus activement à la vie ou à
l'activité qui se fait à cet
événement-là.
Au niveau de la protection du public, c'est sûr qu'on n'est pas
une corporation qui peut-être... Étant donné que les
membres oeuvrent dans un domaine un peu plus spécialisé, on a
relativement peu de plaintes de ce côté-là. Principalement,
ce qu'on reçoit du public, c'est des appels pour savoir si quelqu'un est
membre. Ça, c'est assez fréquent. C'est quelque chose qui revient
assez souvent. Ensuite, il y a beaucoup d'appels aussi pour des gens qui ont
affaire à des agronomes, qui veulent faire monter un dossier, par
exemple, pour voir quel... On a d'ailleurs une banque de personnes-ressour-
ces. On facilite, à ce moment-là, le travail en donnant les noms
des personnes. Exemple, si quelqu'un veut se faire monter un dossier en
évaluation par rapport à un dossier de la Commission de
protection du territoire, etc., on a toute une banque de personnes qui font ce
travail-là et on les réfère, à ce moment-là.
Donc, les appels sont relativement dans ce domaine-là.
Au niveau des plaintes, je pense qu'on est quand même relativement
choyés de ce côté-là, c'est deux à trois par
année. Ce n'est quand même pas excessif et c'est
généralement des plaintes de membre à membre. Par exemple,
si quelqu'un constate qu'un de ses confrères peut manquer
d'éthique ou ne fonctionne pas très, très bien dans son
domaine, bien, on reçoit une plainte. Généralement, c'est
des plaintes qui sont étudiées par le syndic mais qui font
rarement l'objet de réprimandes ou de discipline, pour ainsi dire, parce
que, des fois, elles ne sont pas basées sur des choses valables.
Au niveau de l'inspection professionnelle, on maintient une
activité relativement active, dans ce domaine-là, avec un
objectif de 240 membres qu'on veut inspecter à chaque année.
Alors, effectivement, les rapports vont vous donner aux environs de 200 qui
sont faites, parce que, généralement, il y a certains contretemps
ou il y a des gens qui ne sont plus là ou des gens qui ont
abandonné. L'inspection est faite d'abord pour vérifier la
pratique de l'agronome, et un questionnaire lui est fourni pour faire le point
sur sa carrière: comment il a fonctionné, quels sont un peu ses
objectifs puis un peu comment il s'en va. Aussi, l'inspecteur essaie de
déterminer avec lui ses besoins de formation continue. Dans certains
cas, justement parce qu'on a quand même des domaines assez
spécialisés et les enquêteurs ne sont peut-être pas
spécialisés dans toutes les branches où il pourrait
y avoir un problème de manque d'information par rapport à la
spécialité, si l'inspecteur le juge à propos, on
réfère une inspection supplémentaire avec une personne un
peu plus spécialisée.
Au niveau de la formation, c'est sûr que, un peu comme tout le
monde, on essaie de faire tout ce qu'on peut de ce côté-là,
avec les moyens qu'on a* principalement, et ce n'est pas toujours facile, parce
que, aussi, comme je le mentionnais tout à l'heure, on a quand
même plusieurs spécialités. On a aussi, à
l'intérieur de l'Ordre des agronomes, deux associations de
professionnels: une s'occupe des agronomes qui sont plus
spécialisés en zootechnie et l'autre est l'Association des
agronomes en sol-plante. Ces deux associations font beaucoup d'organisation de
formation pour les gens qui sont spécialisés dans ce
domaine-là. Alors, on endosse ces activités avec grand plaisir.
Il y a, bien sûr, les universités, qui organisent aussi des cours
qu'on encourage tout le monde à suivre au niveau de la formation
continue. Il y a beaucoup de colloques et de symposiums qui sont
organisés dans le milieu agricole et autres. Généralement,
ils sont organisés par des agronomes et beaucoup y participent. On
considère que c'est une partie de la formation, du
rafraîchissement des connaissances qui va
assez bien de ce côté-là.
Depuis l'automne, on a mandaté notre comité de formation
à élaborer ou à définir une politique qui serait
beaucoup plus adaptée à la formation continue. Or, le
comité est en train de travailler sur cette politique. On croit que,
normalement, elle devrait être acceptée par le bureau au cours de
l'automne 1993. Principalement, cette politique va être axée sur
le... Parce que, moi, en tout cas, je crois beaucoup que les gens doivent
«s'autogestionner» ou se responsabiliser. La formation, dans mon
sens le comité part avec cet objectif-là ça
doit être la responsabilité de chacun des membres. Parce que je
pense qu'on ne peut pas définir un cadre de formation qui va être
spécifique à des gens qui sont spécialisés en
zootechnie. Ce n'est pas la même chose que les gens qui sont en
sol-plante et ce n'est pas la même chose que les gens qui sont en
génie rural. Donc, je pense que ça devient la
responsabilité de chacun de définir son plan de formation
continue. (21 h 20)
En plus, depuis un certain nombre d'années, peut-être trois
ou quatre ans, l'Ordre va beaucoup plus faire des dossiers pour donner des
positions au niveau provincial. Récemment, on a fait un dossier, par
rapport au ministère de l'Environnement, sur la modification du
règlement sur les déjections animales. On veut en faire, quand
même, une action qui va être bien spécifique pour nos
agronomes. Cette position se veut un plan global de fertilisation
intégrée. En plus, l'Ordre, dans sa revue... On a une revue qui
est à caractère professionnel et qui paraît quatre fois par
année. Ça s'appelle la revue Agriculture. Dans la revue du
mois de mars, qui devrait sortir le 15 mars, on est dedans, on a fait cette
revue en fonction de préparer un document de référence
pour démontrer une méthodologie, comment l'agronome doit
travailler pour monter un plan de fertilisation intégrée. En
même temps, on en a profité pour faire une section, un chapitre
complet pour vulgariser notre code de déontologie.
Alors, c'est quelque chose qu'on trouve fondamental. Dans un contexte
où les agronomes oeuvrant dans un domaine plus spécifique ou
à titre privé vont devoir monter des plans de fertilisation,
c'est important de leur démontrer la méthodologie. Il n'y a pas
de recette dans ça. C'est la procédure, comment s'y prendre pour
faire un plan de fertilisation, et, en même temps, il ne faut pas oublier
les articles ou le code de déontologie. C'est très important dans
ce domaine-là.
En gros, je pense que ça fait le tour. Je ne sais pas si j'ai
dépassé mon temps. Nous serions prêts à recevoir des
questions.
Le Président (M. Gobé): O.K. Alors, je vous
remercie beaucoup.
M. le ministre, vous avez la parole.
M. Savoie: Merci, M. le Président.
Vous me permettrez certainement de souhaiter la plus grande des
bienvenues à l'Ordre des agronomes du Québec, avec les quatre
membres qui sont ici pour le représenter, là, et présenter
le mémoire. On a bien apprécié que vous n'ayez pas lu
votre mémoire et que vous nous avez présenté un topo. Ha,
ha, ha! Je pense que c'est excellent.
Donner, par exemple, l'intérêt que vous portez pour la
formation continue auprès de vos membres et les efforts que vous
déployez dans ce sens-là, je pense que c'est un
élément important pour la protection du public. 3226 membres en
1991-1992, selon votre rapport annuel, un budget d'à peu près 730
000 $, avec une cotisation annuelle de 240 $ et une demande retenue pour
enquête. Plaintes portées devant le comité de discipline,
c'est zéro. Alors, on présume que c'est une enquête
réglée. C'est la même chose pour l'année
précédente.
Comme vous l'avez souligné, il y a des plaintes qui sont assez
limitées, soit parce que, effectivement, vous transigez dans
l'information. Et c'est surtout dans ce sens-là que vous intervenez
auprès du public. C'est de l'information et c'est des renseignements.
D'ailleurs, votre loi constituante est assez spéciale. Je regardais
ça, là. Je vous dis que...
M. Paquet: L'article 24?
M. Savoie: Vous avez joué dur dans les coins de bande
parce que le morceau est gros: «Constitue l'exercice de la profession
d'agronome tout acte posé moyennant rémunération, qui a
pour objet de communiquer, de vulgariser ou d'expérimenter les
principes, les lois et les procédés, soit de la culture des
plantes agricoles, soit de l'élevage des animaux de ferme, soit de
l'aménagement et de l'exploitation générale des sols
arables». C'est rare qu'on voit ça, l'histoire de vulgarisation.
Ça vous donne le haut du pavé d'une façon
considérable, et j'imagine que vous l'utilisez seulement pour
éviter les abus de certains...
M. Paquet: Je pense que c'est large comme champ, mais, comme je
le mentionnais tout à l'heure, on est courtisé par d'autres
personnes aussi. Il faut dire que, depuis l'avènement des technologistes
agricoles, il y a une espèce de permission qui leur est donnée
d'oeuvrer. Ils oeuvrent, en fait, dans notre champ de pratique, encadrés
par un agronome. Je pense que c'est la solution qui avait été
trouvée à cette période-là. C'est sûr que
ça fait toujours des frictions. On essaie quand même de
fonctionner dans tout ça.
Il y a aussi, bien entendu, comme je le mentionnais tout à
l'heure, les médecins vétérinaires qui se rapprochent
aussi. Parce que, quand on parle de zootechnie, c'est évident qu'on est
proche du champ de pratique. M. Piérard et moi, on en a discuté
longuement, depuis peut-être une couple d'années, et on en
était venus à la conclusion que, finalement, ça ne donnait
rien d'essayer d'oeuvrer d'un bord et de l'autre puis d'essayer de
départager un par rapport à l'autre. On est
mieux, je pense, de fonctionner sur un terrain de bonne entente.
Moi, je pense que la solution, aujourd'hui, dans le modèle qu'on
a des années quatre-vingt-dix, est beaucoup plus d'avoir des bureaux de
professionnels interdisciplinaires qui vont, je pense, éviter de marcher
sur le champ de pratique de l'autre et qui, finalement, vont donner un meilleur
service à leur public. Parce que l'agriculteur, par exemple, qui vient
rencontrer l'agronome peut très bien avoir une partie de sa visite qui
concerne le médecin vétérinaire. Il peut y avoir une
partie de sa visite, par exemple, qui concerne un comptable au niveau des
structures de ferme, mais il peut aussi rencontrer son notaire. Le bureau qui
serait assez complet au niveau des professionnels donnerait, je pense, un
meilleur service. C'est sûr qu'on a bien des gens qui pratiquent à
l'intérieur de ce champ-là aussi et on a de la misère
à les accrocher. On a quelques membres qui ne font pas partie, comme
bien d'autres. Je pense que, ça, on n'a pas à se le cacher.
M. Savoie: Maintenant, il y en a combien qui sont à
l'emploi du gouvernement du Québec?
M. Paquet: Sur les 3000... D'ailleurs, je voudrais réviser
un petit peu parce qu'à date on est 3205, les dernières
statistiques. Il en est mort quelques-uns le mois passé. Je dois vous
dire qu'on est rendu à 290 $. C'est la deuxième année
qu'on paie 290 $ de cotisation. On a 10 % de retraités, dans les 3200.
On a environ un tiers des membres qui est à l'emploi des gouvernements
provincial et fédéral, ou des ITA, ou des choses comme ça.
C'est environ le tiers des membres qui, actuellement, est salarié de
l'État.
M. Savoie: J'imagine qu'il y en a plusieurs aussi qui se livrent
à leurs propres activités agricoles.
M. Paquet: Pardon?
M. Savoie: J'imagine qu'il y en a plusieurs qui se livrent
à leurs propres activités agricoles.
M. Paquet: Oui, oui. Oui, parce que, après ça,
disons que l'autre grande partie, peut-être 40 % environ, est à
l'entreprise privée: coops, meuneries, un paquet d'autres endroits qui
sont plus privés. Et on a environ 17 % de nos membres qui sont dans des
activités diverses: le parapublic, les villes, les corporations de
développement, la coopération. On a beaucoup de membres aussi qui
font de la coopération à l'étranger. Ça, on n'a
jamais fait le calcul exact, mais, quand même, on a une bonne proportion.
Des fois, c'est des gens dont on perd la cotisation pendant deux, trois
ans.
M. Savoie: Les cas de discipline que vous avez, ce sont des cas,
par exemple, de manquement dans la présentation de rapports ou...
M. Paquet: Généralement, oui. C'est des gens qui,
par exemple... Si je me rappelle bien, un des derniers qu'on a reçu,
c'est une présentation en cour, par exemple, sur un dossier... En fait,
la partie demanderesse et la partie défenderesse, c'étaient deux
agronomes qui montaient chacun un dossier, et il y en a un qui a trouvé
que l'autre manquait de professionnalisme dans son dossier. Maintenant, c'est
toujours des dossiers qui sont peut-être assez délicats à
l'approche, mais, quand on va un peu plus loin, qu'on recueille les
documentations, finalement, on se retrouve devant un fait que c'était
peut-être superflu, cette demande-là. Alors, c'est la grande
majorité. Des plaintes directement du public, c'est très rare
qu'on en a, très, très rare.
M. Savoie: Oui, c'est ça, là. J'imagine que vous
avez quatre, cinq appels par année. C'est ça?
M. Paquet: Oui, ça peut arriver.
M. Savoie: Ça peut arriver, oui? Et vous en retenez un, et
puis... (21 h 30)
M. Paquet: Bien, parce que, finalement, des fois, c'est... De
prime abord, un peu comme les autres le mentionnaient aujourd'hui, il y a
beaucoup de gens qui se sentent rapidement lésés, des fois, mais,
en réalité, ce n'est pas le cas. La personne a fait son travail,
le professionnel a fait son travail, mais, des fois, on n'a pas demandé
plus que... Je pense que, souvent, tout réside dans la façon dont
le mandat est confié, et c'est pourquoi, dans notre revue
Agriculture, dans le cas du plan global de fertilisation, on revient
beaucoup et on insiste beaucoup sur la prise de mandat, à définir
avec le client la façon dont ça doit se passer, parce que,
finalement, si ça, cette partie-là, n'est pas claire, on s'expose
à avoir beaucoup plus de plaintes ou de réactions.
Alors, on a insisté beaucoup sur cette partie-là. On a un
chapitre complet là-dessus. Sur une quarantaine de pages, là, on
a certainement une dizaine de pages pour inciter les gens à vraiment
bien ne rien oublier pour prendre le mandat. Moi, je suis convaincu qu'une
grande partie des problèmes ont des interrelations, et les mauvaises
compréhensions au niveau du public viennent du fait que le mandat n'est
pas assez bien défini au départ.
M. Savoie: D'où toute l'importance des cours de formation
et des cours... Pensez-vous qu'avez l'utilisa-ton d'un formulaire qui va
être disponible maintenant pour l'ensemble de la population, ça va
augmenter le nombre de plaintes chez vous?
M. Paquet: Je ne croirais pas. De par la pratique que les
agronomes font, je ne croirais pas, parce qu'on a environ 10 % des membres qui
sont à leur propre compte. Maintenant, comme je l'ai mentionné,
on essaie d'outiller beaucoup plus ces gens-là puis de les mettre
en garde contre certaines possibilités. Donc, si les gens sont
consciencieux et on le croit aussi ils ne feront pas de faux pas
de ce côté-là. Mais je ne croirais pas que ce sera une
augmentation aiguë; je ne croirais pas, non.
M. Savoie: Vous pensez que la structure actuelle
représente la réalité vis-à-vis de la
population?
M. Paquet: Je le croirais, oui.
M. Savoie: Je vais revenir un petit peu plus tard. Je vais
laisser passer.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre. Mme
la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président.
Alors, M. Paquet, M. Marchand, M. LeMay, M. Bertrand, je vous remercie
de votre mémoire et de votre présentation.
Vous nous démontrez, finalement, à nouveau que chaque
corporation professionnelle est très différente. Les 41
corporations sont très différentes les unes des autres et les
réalités vécues par chacune sont très
différentes, le type de problèmes aussi et le type de solutions,
parce que vous avez une organisation décentralisée qu'on ne
retrouve pas dans toutes les corporations professionnelles. Vous avez aussi, au
niveau de l'inspection professionnelle, axé davantage sur la
responsabilisation de chacun, donc en essayant de faire de la formation
continue selon les différences de vos différents membres de la
Corporation. Vous prenez, vous nous avez dit, de plus en plus de place aussi
pour donner des avis, et je pense que, ça, c'est aussi le rôle
d'une corporation professionnelle. Et c'est peut-être plus facile au
niveau des corporations professionnelles à exercice exclusif de pouvoir
arriver à donner des avis sur des dossiers importants au niveau du
gouvernement.
Ce que j'ai retenu de formule intéressante, je pense que c'est
vos comités conjoints. Parce que, au niveau des corporations
professionnelles à exercice exclusif, il y a aussi le problème
des champs de pratique qui se retrouve très souvent, et la mise sur pied
de comités conjoints, c'est une formule qui m'apparaît
intéressante. Alors, j'aimerais vous entendre un petit peu plus sur les
comités conjoints. Est-ce que c'est une initiative de votre part ou
de... Comment c'est venu et comment ça fonctionne au niveau des
rencontres? Comment vous procédez?
M. Paquet: Bon. C'est une initiative que... Je pense qu'il y a eu
toujours une bonne relation entre le président des médecins
vétérinaires, qui est M. Piérard, et moi-même.
Ça avait commencé peut-être avec la présidente
antérieure aussi. Et, à discuter, je pense qu'on s'est
aperçu qu'on n'avait rien à gagner à se chamailler dans
notre champ de pratique et à essayer d'en voler un par rapport à
l'autre.
C'est assez récent quand même, la création du
comité. Au mois de janvier, les deux comités administratifs se
sont réunis. On a fait une séance puis on a donné nos
points de vue. Ça a été une discussion très,
très ouverte et sans restrictions. Justement à la suite de cette
rencontre, on a convenu de former un comité qui va être à
caractère permanent, dans le sens que ça va toujours être
les deux vice-présidents et toujours les deux directeurs
généraux qui vont en faire partie, et ils pourront s'adjoindre
toute autre personne qu'ils jugeront opportun pour régler les cas qu'ils
ont à régler en particulier. Alors, je pense que c'est sûr
que c'est récent, mais, moi, je fonde beaucoup d'espoirs à ce
sujet-là.
Et aussi, on s'est entendus que, assez fréquemment, on va
échanger de l'information entre les deux corporations. Par exemple, si
on a des bulletins d'information chacune et, par exemple, qu'on a fait chacun
un éditorial, on l'échange dans nos revues pour que les membres
en général soient informés de la procédure. Moi,
j'en ai fait un. Mon résumé que j'ai fait, ma perception que j'ai
faite à partir de cette rencontre-là, et M. Piérard en a
fait un, et on va les publier dans chacune de nos revues.
Alors, moi, j'informe mes membres, et lui informe les siens, mais, en
même temps, il voit l'information qui est donnée par l'autre.
Puis, à date, le résumé de la rencontre est assez
concordant. Moi, je crois beaucoup à ce... Je ne pense pas qu'on ait
besoin de toujours réglementer ou légiférer. Si on peut,
dans notre fonctionnement de tous les jours, réussir à comprendre
ce qui se passe autour de nous autres et être capables d'agir, bien, je
pense que les gens vont réussir à mieux fonctionner aussi.
Puis, vous l'avez mentionné tantôt, c'est un item que je
voulais mentionner, je pense qu'il faut toujours respecter les
caractères particuliers de chacun, puis les activités aussi.
C'est énormément différent, puis le même habit ne
peut pas faire à tout le monde. Ça, je pense que c'est
fondamental.
Mme Caron: Oui, parce que, si c'était exactement pareil,
il y aurait une seule corporation professionnelle, puis on aurait tous le
même modèle...
M. Paquet: Exactement. Puis on ne serait pas ici ce soir.
Mme Caron: ...le même formulaire, mur-à-mur, on
aurait la même réglementation, la même façon de
procéder. Mais les corporations sont vraiment très
différentes. Et puis je trouvais ça important de vous entendre
sur votre comité conjoint, parce qu'un des problèmes qu'on n'a
pas abordé parce qu'on en a abordé beaucoup mais,
celui-là, on ne l'a pas abordé beaucoup c'est le
problème des champs de pratique. Alors, c'est pour ça que je
trouvais ça intéressant, cette piste de solution là, parce
que, lorsqu'on rencontre les
différentes corporations professionnelles, les deux premiers
problèmes qui viennent, c'est, bon, premièrement, le
problème pour les titres réservés et, le deuxième
problème qui arrive après, c'est les champs de pratique. Et
là aussi il n'y a pas de solution miracle, mais je pense que vous avez
une piste extrêmement intéressante, et on va suivre
l'évolution de votre comité conjoint.
M. le Président, si vous me le permettiez, je donnerais la parole
à ma collègue des Chutes-de-la-Chaudière.
Le Président (M. Gobé): Avec plaisir, madame.
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le
Président.
Une toute petite question. Je sais que, dans votre mémoire, c'est
très clair, vous appuyez totalement la position du comité
interprofessionnel. Maintenant, il semble que, chez vous, vous avez très
peu de plaintes en tout cas, à ce qu'on a vu. Zéro au
comité disciplinaire; une qui s'était rendue, en tout cas, en
1990-1991. Quand vous dites, dans votre mémoire, que ça va
alourdir de façon particulièrement importante le système
disciplinaire, que ça va engendrer des coûts et des délais
supplémentaires, c'est effectivement ce que les gens, en tout cas la
majorité, l'ensemble des corporations sont venues nous dire
là-dessus par rapport au comité des plaintes, et tout ça.
Mais, quand vous dites: «Sans compter que ces nouvelles dispositions
engendreront des procédures judiciaires futiles et dilatoires»,
j'aimerais ça... Concrètement, qu'est-ce que vous craignez chez
vous, particulièrement, par rapport au comité, compte tenu du
petit nombre, si on veut, de plaintes, d'après ce dont j'ai pu me rendre
compte?
M. Paquet: O.K. Je pense que c'est beaucoup plus dans le sens
de...
C'est sûr que, nous autres, on n'est pas vraiment touchés
dans ça. Maintenant, dans cet esprit-là je suis content
que vous l'abordiez aussi, cet aspect-là c'est que, comme je le
mentionnais tout à l'heure, à chaque fois qu'on veut rajouter des
méthodes de contrôle ou des façons de vouloir
réglementer, bien, c'est sûr que ça augmente toujours les
coûts. Maintenant, c'est évident qu'on n'est pas à l'abri
de ça, nous autres non plus. On peut bien se vanter actuellement de ne
pas en avoir trop, mais il n'y a rien qui nous dit que, dans quatre ou cinq
ans, on n'en aura pas plus.
Maintenant, on essaie, dans la mesure du possible, d'éviter ces
choses-là en allant ou en devançant, jusqu'à un certain
point, parce que, comme je le mentionnais tout à l'heure, le travail des
agronomes se modifie. Alors, quand on parle d'un dossier, actuellement,
où le ministère de l'Environnement va reconnaître l'acte
agronomique dans un plan de fertilisation puis ça va être la
grande partie du règlement, je pense que l'acte agronomique prend une
grande importance à ce moment-là. Et, face à ça, je
pense qu'on n'a pas à rester en arrière.
Il faut devancer. C'est pourquoi on a actuellement monté de la
documentation pour que les agronomes soient à la fine pointe.
Maintenant, c'est évident que, peut-être demain matin... On
a 10 % actuellement, qui travaillent à leur compte. On est convaincu que
ce règlement, lorsqu'il va être mis en force, va faire qu'on va
peut-être monter à 25 % ou 30 % des membres qui vont être
plus à leur compte ou vont faire du travail... Alors, c'est pour
ça que, finalement, par rapport à ça, on ne peut
qu'être solidaires par rapport aux autres corporations dans ce
côté-là. (21 h 40)
Mme Carrier-Perreault: Oui, je vois. C'est parce que, là,
vous allez avoir une quantité de membres plus importante qui va faire de
la pratique privée...
M. Paquet: Exactement.
Mme Carrier-Perreault: ...dans ce sens-là.
M. Paquet: Oui.
Mme Carrier-Perreault: Donc, à ce moment-là,
vous...
M. Paquet: Ah! je pense qu'on est plus exposés. Mais, je
veux dire, comme je le mentionnais tantôt, qu'on essaie d'être
assez prudents de ce côté-là pour que les membres soient
bien informés et puis qu'on vulgarise beaucoup plus aussi notre code de
déontologie. Je pense que, ça, c'est une lacune, que ça
manque dans bien des cas. Nous autres, on en est conscients et on a
commencé à le faire, là, dans cette revue qui
paraît, pour tous les membres, et on va continuer certainement d'aller
plus loin de ce côté-là aussi.
Mme Carrier-Perreault: O.K. Je comprends votre
préoccupation. Quand vous dites que ça va engendrer des
procédures judiciaires futiles et dilatoires, ça veut dire que
vous avez...
M. Paquet: Bien...
Mme Carrier-Perreault: ...peur que ce ne soient des
procédures qui seront inutiles ou...
M. Paquet: Bien, je pense que, dans un esprit de
responsabilisation des gens, on devrait être capable de régler ces
différends-là autrement qu'en allant devant les tribunaux.
Déjà, je pense que, quand on essaie de régler, nous
autres, par le comité qu'on a fait avec les médecins
vétérinaires par rapport à notre champ de pratique, il y a
bien des causes qui pourraient peut-être, éventuellement, aller
devant les tribunaux. Maintenant, moi, je crois beaucoup qu'en essayant de bien
informer et de bien former nos membres on n'a pas besoin de toujours, je pense,
aller vers la justice pour régler les
différends. Et plus on va pouvoir les régler autrement,
mieux ça va fonctionner aussi.
Mme Carrier-Perreault: Une petite précision par rapport
à l'inspection, c'est-à-dire l'inspection professionnelle,
là. Vous dites que vous rencontrez environ 200 membres par an. Vous avez
quand même vous l'avez expliqué tout à l'heure au
ministre un certain nombre de membres soit au niveau privé ou
soit aux niveaux gouvernemental, paragouvernemental; et j'imagine que vous avez
des professeurs aussi, des universitaires, etc., des gens dans ces
milieux-là. Quand vous faites votre inspection 200 par an
est-ce que vous avez une «priorisation» de vos clientèles?
Est-ce que vous commencez...
M. Paquet: Non.
Mme Carrier-Perreault: ...par les gens de...
M. Paquet: Non.
Mme Carrier-Perreault: ...telle catégorie, compte tenu que
vous en avez quand même une certaine quantité qui a
déjà un encadrement, là, si on veut, au niveau de leur
entreprise...
M. Paquet: Mais...
Mme Carrier-Perreault: ...ou de...
M. Paquet: ...on essaie d'inspecter tout le monde, quand
même. C'est pigé au hasard, et on essaie de fonctionner à
tous les cinq ans pour revenir...
Mme Carrier-Perreault: Vous avez cinq ans, vous autres aussi.
M. Paquet: ...excepté qu'on s'est aperçu qu'il y en
avait qui ne sortaient pas souvent.
Mme Carrier-Perreault: Ah?
M. Paquet: II y en a qui, à tous les 5 ans, étaient
inspectés. Alors, depuis un an ou deux, on a changé un petit peu
le hasard, dans le sens qu'on a repris, on a remis dans la même... Tous
ceux qui étaient à plus que 10 ans, par exemple, on les a
ressortis pour éviter de revenir à tous les 5 ans avec les
mêmes personnes. Il y en a, ça faisait 10 ans qu'ils ne l'avaient
pas été. Je pense qu'on marchait avec le fonctionnement du
hasard. Et, même si les gens travaillent au niveau gouvernemental ou
s'ils enseignent à l'université, on les inspecte quand même
aussi.
Mme Carrier-Perreault: Quand même. M. Paquet:
Oui.
Mme Carrier-Perreault: Par rapport au suivi que vous faites de
ces vérifications-là... C'est parce qu'on se rend compte de
certaines nuances, quand même, d'une corporation ou d'un ordre à
l'autre, là. Est-ce que vous effectuez des suivis? Est-ce que ça
arrive souvent que vous avez des corrections à apporter?
M. Bertrand (François): Si vous me le permettez...
Mme Carrier-Perreault: J'aimerais que vous m'en parliez un petit
peu.
M. Bertrand: Oui, si vous me le permettez, au niveau de
l'inspection, la procédure est un peu semblable à celle d'une
corporation qu'on a vue aujourd'hui, où on n'essaie pas de faire la
police, on essaie d'impliquer l'agronome dans le cheminement. Donc, il y a un
questionnaire d'à peu près une douzaine de pages à
remplir, où on reprend, dans le fond, tout son cheminement de
carrière, ce qu'il a fait, ses forces, ses faiblesses, qu'est-ce qu'il a
fait comme formation. Et, en bout de ligne, il détermine ses forces, il
détermine aussi ses faiblesses. Et lui-même, avec l'aide de
l'enquêteur, détermine ses besoins de formation. Ce n'est pas
toujours des besoins de formation en agronomie; ça peut être des
besoins de formation dans d'autres domaines qui l'aideraient à mieux
faire son agronomie.
On avait pensé, à un moment donné, revenir au bout
d'un an. Mais, à cause du nombre qu'on fait, on aimerait bien passer au
travers tous nos membres au moins une fois, à travers l'inspection
professionnelle. On s'est dit: Si on revient au bout d'un an, ça va nous
empêcher d'aller inspecter des gens, parce que 200 sur un total de 2800
membres, c'est quand même beaucoup par année. Donc, on s'est dit:
On va faire ça. Quand même, on la change
régulièrement, cette procédure-là. On a dit: On va
le faire quand même quelques années et on verra de quelle
façon ça fonctionne. Mais, la différence, c'est qu'on
s'est dit: On n'a peut-être pas besoin de revenir à l'agronome
l'année suivante pour voir s'il a suivi ses besoins de formation, parce
que, en réalité, ces besoins de formation là, c'est les
besoins que lui-même a établis. Donc, c'est beaucoup plus facile
pour quelqu'un qui choisit ses propres besoins de les suivre. Et, en plus, on
lui demande son échéancier et quelles seraient les contraintes
qu'il pourrait rencontrer vis-à-vis, justement, de ses besoins de
formation.
Moi, je vous mentionnais que c'est rarement en agronomie, parce que les
besoins en agronomie sont rapidement, normalement, comblés dans le
milieu, par rapport aux compagnies, par rapport aux colloques,
conférences et aux cours. Parce qu'on a des bonnes relations avec les
universités, donc il y a des cours, rapidement, qui se donnent. C'est
plus des besoins de formation, comme je vous disais, qui l'aiderait. Ça
peut être aussi bien gestion de personnel ou gestion de projet, des
choses comme ça qui pourraient l'aider dans son
travail de tous les jours.
Donc, on s'aperçoit que ce n'était peut-être pas
aussi pertinent de revenir dans un an, de vérifier s'il avait suivi son
cours de gestion de personnel, par exemple. Parce que, bon, à la limite,
au niveau agronomique, ça ne posait pas nécessairement de
problème.
Mme Carrier-Perreault: Vous faites faire comme une forme
d'auto-évaluation, donc ça force un peu plus l'implication. C'est
un peu ça.
M. Bertrand: Mais oui. C'est la personne elle-même qui
choisit, dans le fond, ses besoins de formation. Ce n'est pas nous qui lui
disons. Mais, avec le questionnaire et avec notre aide, la personne ne peut pas
faire autrement que d'arriver, justement, en voyant ses faiblesses, parce que
le questionnaire l'amène à ça, à dire: Oui, j'ai
des faiblesses là-dedans, donc il faut que j'aille chercher la formation
dans ce domaine. Donc, c'est elle-même qui a choisi.
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie.
Le Président (M. Gobé): Vous avez fini, madame?
Merci.
M. le ministre.
M. Savoie: Oui. Merci, M. le Président.
Alors, je suis content de savoir que, finalement, l'article 11, pour la
Loi sur les agronomes, ça s'est clarifié, les
difficultés.
M. Paquet: Pas tout à fait, tout à fait, mais c'est
proche.
M. Savoie: C'est proche. Ah bien, en tout cas, je pense que c'est
un pas dans la bonne direction, parce que vous avez soulevé des
éléments. Bien sûr que, au niveau de 95.2, on va tenir
compte de vos recommandations. On a déjà adressé à
plusieurs reprises des interrogations à ce sujet-là. On ne veut
pas voir se développer d'autres processus qu'un processus où il y
a, effectivement, des contrôles, pour empêcher un groupe, l'Office,
par exemple, de développer une espèce de contrôle absolu
sur la réglementation pour maintenir l'équilibre.
Si vous aviez une recommandation à faire en ce qui concerne la
réforme je pense que vous en avez pris connaissance
à l'extérieur de ce qui a déjà été
dit et le «Je crois en Dieu» du CIQ, est-ce que vous avez d'autres
recommandations?
M. Paquet: Vous voulez mon opinion bien personnelle?
M. Savoie: Oui, oui, bien personnelle, oui.
M. Paquet: Je vais vous la donner, et ça me fait plaisir
de le faire aussi. Moi, je pense qu'on est dans un contexte, aujourd'hui,
où tout le monde essaie de courir après la dernière cent
pour essayer de régler ses problèmes. Et, moi, je trouve un petit
peu aberrant, par exemple, qu'au Québec on réussisse à
fonctionner, quasiment à chaque session faire 50, 60 lois, puis des
réglementations en plus. Il me semble que, si les 230 000 professionnels
du Québec, qui sont quand même des gens, supposément, avec
une bonne formation, ne sont pas capables de se «gestionner» et de
«s'autogestionner», comment le reste de la population doit
être? Moi, dans mon esprit, si on ne réglemente pas ou on ne
légifère pas en fonction de responsabiliser les individus, bien,
on va toujours être en déficit, puis il va être grand encore
plus. Plus on va aller, plus on tourne en rond.
Moi, je pense que ce dont on a besoin... C'est sûr que les gens
ont besoin d'un encadrement, mais l'encadrement, il doit être genre
loi-cadre. Exemple, le Code des professions, moi, je le vois comme un
encadrement cadre, puis je pense que les gens peuvent fonctionner à
l'intérieur de ça. Peut-être qu'il peut y avoir des
accrochages, mais on ne doit jamais, à mon sens, prendre un cas
particulier pour faire une législation pour régler ce
problème-là, parce que ça vient compliquer la vie de tous
les autres. Alors, je pense qu'à ce niveau-là, si on garde cet
esprit-là, le fonctionnement va aussi être beaucoup moins
dispendieux et on va pouvoir aussi être capable de fonctionner.
Je ne peux pas concevoir que... Actuellement, c'est sûr que les
gens sont peut-être, au niveau de leur champ de pratique, quand on
regarde les titres réservés... Vous avez fait allusion... On a
quand même un champ qui est assez large. Ça origine, justement, de
nos pairs qui ont pensé à ça en 1937; alors, le champ de
pratique n'a pas été modifié en 1974, il était
là en 1937. Alors, c'est des gens qui avaient quand même une
clairvoyance pour donner un cadre beaucoup plus général, puis
tout le monde a fonctionné avec ça. Je pense que c'est dans cet
esprit qu'on doit fonctionner. Moi, je suis prêt, puis je pense qu'on va
être capable de fonctionner. On a toujours, je pense, bien
fonctionné avec l'Office, puis on n'a jamais eu de problème, puis
on est encore capable de fonctionner, je pense, avec le code actuel.
Maintenant, je pense que la facilité ou la façon dont
ça va être dans l'avenir, si on reste dans ce sens-là, moi,
je suis d'accord que ça va bien aller encore. Mais, si on veut essayer
de régler des problèmes particuliers dans un encadrement, dans
une loi, on fait fausse route. On fait fausse route, puis on s'engendre des
coûts supplémentaires tout le temps. En tout cas, c'est mon point
de vue. (21 h 50)
M. Savoie: Non, non. C'est ça que je veux entendre. Oui.
C'est ça. Et c'est une préoccupation des plus valables, et c'est
à suivre, comme conseil. Je pense que c'est valable, et c'est ce qu'on
va tâcher de faire aussi, c'est de tenir compte de cet
élément-là.
Le Président (M. Gobé): Mme la
députée de
Terrebonne, vous avez fait signe. Vous voulez parler?
Mme Caron: Oui, M. le Président.
C'est que, lorsque le ministre vous a dit qu'il était très
heureux, que c'était réglé par rapport à l'article
11, vous nous avez dit: Pas tout à fait. Qu'est-ce qui reste à
régler au niveau de l'article 11? Elle est où,
l'insatisfaction?
M. Paquet: Je pense que celui qui en a discuté, j'aime
autant qu'il lui donne la réponse.
M. LeMay: Quand je dis «pas tout à fait»,
c'est que je vous ai dit aussi qu'il y avait encore quelques conversations
à faire avec l'Office et que, en général, ça va,
mais lorsqu'on est allé vraiment dans le détail technique par
rapport au règlement, aux limites territoriales avec les deux autres
règlements, la compréhension n'était peut-être pas
encore tout à fait là. Alors, lorsque ce doute sera
dissipé, il ne devrait pas y avoir d'autres problèmes. Mais, en
général, il n'y a pas de trouble.
Mme Caron: Oui, bien, c'est important qu'il n'y ait pas seulement
un doute mais qu'au niveau de l'écriture vous soyez assuré que
ça correspond exactement à ce dont vous avez besoin. Alors, je
vous invite à nous faire part de vos commentaires avant que ce ne soit
adopté.
M. LeMay: Merci.
Le Président (M. Gobé): Alors, d'après ce
que je vois, les interventions sont maintenant terminées. Alors, ceci va
donc mettre fin à votre intervention. Au nom des membres de cette
commission, je tiens à vous remercier.
Et ceci met fin aussi aux travaux de la commission pour cette
journée. Je vais donc ajourner les travaux à demain matin, 10
heures, en cette salle. La commission est ajournée.
(Fin de la séance à 21 h 52)