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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mercredi 3 mars 1993 - Vol. 32 N° 36

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'avant-projet de loi modifiant le Code des professions et d'autres loi professionnelles


Journal des débats

 

(Dix heures quatre minutes)

La Présidente (Mme Hovington): Je constate que nous avons quorum. Je déclare donc la séance de la commission de l'éducation ouverte. Je rappelle le mandat de la commission pour cette séance qui est de procéder à des auditions publiques sur l'avant-projet de loi, Loi modifiant le Code des professions et d'autres lois professionnelles.

Est-ce que nous avons des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente: M. Bra-det (Charlevoix) par M. Williams (Nelligan) et M. Parent (Sauvé) par M. Philibert (Trois-Rivières).

La Présidente (Mme Hovington): Merci. Alors, aujourd'hui, dès ce matin, nous entendrons le Protecteur du citoyen qui est ici, d'ailleurs, face à nous — bonjour — à 11 heures, le Barreau du Québec; à 12 heures, l'Association des archivistes du Québec inc; à 12 h 30, l'Association professionnelle des informaticiens et informaticiennes du Québec; à 13 heures, la suspension; à 15 heures, l'Ordre des dentistes du Québec; à 16 heures, la Corporation professionnelle des hygiénistes dentaires du Québec; à 17 heures, la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec, pour ajourner à 18 heures. Est-ce que l'ordre du jour est adopté? Adopté à l'unanimité.

Alors, nous commençons donc ce matin en recevant M. Daniel Jacoby, Protecteur du citoyen. Bonjour et bienvenue à la commission de l'éducation, M. Jacoby. Vous avez donc 20 minutes pour nous présenter votre mémoire. Nous vous écoutons.

Protecteur du citoyen

M. Jacoby (Daniel): Merci, Mme la Présidente. Alors, je remercie la commission et ses membres de m'offrir la possibilité d'exposer le point de vue du Protecteur du citoyen sur les projets de modifications qui seront apportées au Code des professions. Je voudrais tout de suite vous aviser que mon discours ou mon exposé va porter principalement sur le processus disciplinaire. Je n'entrerai pas, parce que je ne les ai pas étudiées, sur les questions plus techniques relatives à l'organisation des professions, mais essentiellement sur le régime disciplinaire et la représentation des intérêts de tous dans ce régime disciplinaire.

Le concept de protection du public est un concept qui est à la mode depuis une trentaine d'années dans tout l'hémisphère occidental. C'est une notion relative- ment nouvelle qui s'explique pour une foule de raisons qui découlent principalement de la production de masse de biens et de services, de la consommation de masse, du déséquilibre des forces qui peut exister entre les différents organes, organismes ou entreprises qui livrent des produits ou des services et l'ensemble des consommateurs qui, d'une manière générale, n'ont pas les moyens ou les outils pour assurer eux-mêmes leur protection quand il s'agit de biens ou de services. Ce phénomène, au Québec, est particulièrement signifiant puisque, quand on regarde l'ensemble des secteurs de l'activité, on réalise que, depuis de nombreuses années, le législateur du Québec a adopté des législations et des réglementations pour faire en sorte que les citoyens soient protégés contre, à toutes fins pratiques, les abus, les erreurs et contre les comportements de certains types de personnes ou de certains types d'organismes. On retrouve la protection du public, évidemment, dans le domaine de la protection du consommateur depuis les années soixante-dix, au fédéral comme au provincial, on retrouve de la protection du public au niveau des entreprises de construction avec la Régie des entreprises de construction. On en retrouve dans le domaine de la police, dans le domaine des autorités publiques. On en retrouve également dans le domaine professionnel, le domaine des professions. Ce qu'il est important de réaliser, c'est que, d'une manière générale, la protection publique pour laquelle on pourrait donner de maintes définitions n'est pas autre chose pour moi que d'être assuré que le consommateur de services ou de biens reçoive un service de qualité de la part de celui qui dispense le service ou qui livre une marchandise.

La protection du public, ce n'est pas autre chose, finalement, qu'un instrument qui permet d'équilibrer les forces. Dans ce domaine, l'État est toujours intervenu. Il est intervenu d'une manière drastique, avec beaucoup d'ingérence dans certains secteurs, et d'une manière tempérée dans d'autres secteurs. La protection du public, c'est un ensemble de choses. Ce n'est pas que la discipline. Il est certain que, pour assurer une excellente protection du public, il faut voir, notamment, à fournir au professionnel une formation qui réponde aux exigences de compétence et de qualité. Il faut une diplomation. Il faut une foule de mécanismes qui, à toutes fins pratiques, vont converger vers un seul but, qui est la protection du public, de l'ensemble de la population. (10 h 10)

Dans le domaine des professions, selon le Code des professions, la protection du public est d'abord assurée, en première ligne, par les professions elles-mêmes. Cela signifie que les professions ont le mandat de protéger le public et les membres des corporations

professionnelles ont ce mandat dans leur prestation quotidienne. Cette protection, elle prend plusieurs formes, sur le plan disciplinaire, par l'adoption d'un code de déontologie qui est normatif, qui n'est pas qu'incitatif mais normatif. Le droit disciplinaire ou le droit professionnel, contrairement à ce que plusieurs pensent, je crois, est d'abord un droit qui est un droit à la fois curatif, permettant de sanctionner le professionnel ou la personne visée pour des actes qui sont dérogatoires au code de déontologie et à des lois contraignantes, et, aussi, préventif en ce sens que c'est pour éviter la répétition d'erreurs, la répétition d'abus, la répétition de comportements abusifs. C'est donc un droit qui est un droit qui relève du droit administratif et qui vise, dans un premier temps, à sanctionner la faute disciplinaire et, dans un deuxième temps, à prévenir la récurrence de situations analogues. C'est dans le domaine de la discipline, véritablement, qu'il y a une différence entre la discipline comme moyen d'assurer la qualité d'un service et la formation, par exemple. Au niveau de la discipline, c'est véritablement le lieu où le citoyen entre en contact avec les actes professionnels.

Dans le fond, c'est le lieu de rencontre, la discipline, entre les attentes des citoyens, les exigences des citoyens et le niveau de qualité fourni par le professionnel dans l'exécution de ses responsabilités. C'est donc le point de contact direct avec la population. Ce que je peux remarquer, c'est que, dans le domaine disciplinaire, le Code des professions est un des rares qui ne mette pas en cause ou qui n'interpelle pas comme intervenants les représentants du public. Il s'est passé beaucoup de choses, au Québec, depuis 1975. Il faut se rappeler que notre Charte des droits du Québec, adoptée en 1975, a, dans un article 23, consacré le principe de l'indépendance des tribunaux administratifs et le droit pour toute personne d'être entendue par une instance impartiale, sans préjugés, sans pressions extérieures. Ces dispositions-là ne sont pas autre chose que les effets de siècles et de siècles de luttes et de combats, si j'ose dire, contre l'arbitraire des pouvoirs, quels qu'ils soient.

La Charte de 1975 au Québec, comme la Charte canadienne, à l'article 7, de 1982, n'a fait que consacrer des droits fondamentaux pour l'individu d'être entendu par une instance impartiale. À cet égard, l'on constate que le Code des professions n'a pas atteint, je n'emploierai pas le mot «respecté», mais n'a pas atteint, en ce qui touche le droit disciplinaire, les objectifs et la lettre de la Charte québécoise et de la Charte canadienne des droits parce que, et je le démontrais tout à l'heure, les instances appelées à gérer le processus disciplinaire ne sont marquées en aucune manière par l'indépendance, même si l'on pourra parler d'autonomie opérationnelle.

Si on regarde l'évolution depuis 1975, que s'est-il passé dans le monde des professionnels au sens large? On se rappellera que le Code des professions date de 1974. On peut comprendre que la Charte québécoise n'existait pas à ce moment-là. Elle était en préparation.

En 1978, le gouvernement a modifié la Loi sur les tribunaux judiciaires pour créer un Conseil de la magistrature. Ce Conseil de la magistrature a, entre autres fonctions, celle de voir à la discipline et l'application du code de déontologie des juges de nomination provinciale et des juges municipaux. Ce Conseil est formé de 15 personnes, dont deux représentants du public. À chaque étape du processus disciplinaire, lorsque quelqu'un se plaint, à tort ou à raison, du comportement d'un juge, l'ensemble du Conseil est interpellé. Il y a trois phases qui sont prévues sur un plan administratif et, à chacune des phases, le public est appelé à se prononcer et à donner son avis sur la nécessité de tenir une enquête, sur la nécessité ou l'opportunité de sanctionner ou non le juge qui a été mis en cause. On est en 1978.

En 1982, autre évolution dans le droit disciplinaire découlant de notre Charte du Québec: les huissiers. Les huissiers, ce sont des professionnels de l'administration de la justice. Les huissiers, dès 1982, non seulement ont-ils fait l'objet d'un code de déontologie, mais, par surcroît, il y a un comité de discipline qui a été mis sur pied. Le législateur du Québec, en 1982, reconnaissant la nécessité de la présence du public, parce que c'est le public qui est d'abord concerné, a formé un comité dont le président est un membre du Barreau, dont l'autre membre est un représentant des huissiers et dont le troisième membre n'est ni un avocat ni un huissier. Donc, représentation du public. Deuxième marque du législateur québécois depuis 1975.

En 1988, on parle encore de discipline. Dans le domaine de la sécurité publique, les policiers sont des professionnels de la sécurité publique. Et qu'est-ce qu'on a fait, en 1988? Toujours, le législateur québécois a décidé de poursuivre dans cette ligne. Il a créé un système, un processus disciplinaire marqué au coin de la transparence, de l'accessibilité et où on retrouve, d'une part, un commissaire qui fait enquête, qui ne relève pas des corps de police et qui est nommé par le gouvernement, et un tribunal de la déontologie policière où se retrouvent un président membre du Barreau, un représentant du public nommé par le gouvernement et, évidemment, un représentant des corps policiers. Il existe trois tribunaux de la déontologie policière, un pour la Sûreté du Québec, un pour la SPCUM et un pour l'ensemble des autres corps de police du Québec. Mais, partout, on retrouve l'indépendance, on retrouve l'accessibilité, la représentation publique. Partout. Et, ça, depuis 1975.

Alors, on peut aujourd'hui se poser la question quand il s'agit de la discipline des 41 corporations ou ordres professionnels qui représentent 240 000 membres au Québec: Pourquoi le législateur québécois n'est pas logique avec ce qui s'est passé depuis 1975? Parce que ce qui s'est passé depuis 1975, c'est important dans l'évolution du Québec et le Québec, là-dessus, est à la fine pointe, à la fine pointe du droit disciplinaire dans les trois secteurs que j'ai mentionnés. Ça, c'est un élément, je crois, qu'il était important que je vous souli-

gne.

L'autre élément, c'est la question de l'accessibilité à la justice. L'accessibilité à la justice est un élément des plus importants. Vous devez partager avec moi la conviction que d'avoir des droits, si on ne peut avoir les moyens de les exercer ou les outils ou les mécanismes pour les exercer, c'est comme ne pas avoir de droits. L'exercice d'un droit est aussi fondamental pour tous que le droit lui-même. Or, en termes d'accessibilité, que se passe-t-il dans le monde entier du Québec, sauf dans le domaine des professions? Eh bien, partout la justice est accessible. La justice est accessible. Il suffit de penser aux nombreux tribunaux administratifs pour les législations sociales ou législations de type économique qui ont été mises sur pied par les gouvernements qui se sont succédé, toujours dans cette ligne de donner aux citoyens des instances neutres et impartiales pour décider de leurs droits et des responsabilités des autres. (10 h 20)

Le Québec peut s'enorgueillir d'avoir formé des tribunaux administratifs et tout autre mécanisme qui permette au citoyen qui se sent lésé, à tort ou à raison, de s'adresser à d'autres instances que ses pairs, de s'adresser à des gens qui n'ont pas de parti pris, des gens qui ne défendent pas des situations diamétralement opposées. C'est ce que le Québec a fait depuis les années soixante-dix: créer des instances, soit des tribunaux quasi judiciaires, soit des mécanismes de recours léger, comme le Protecteur du citoyen, pour permettre aux usagers des services gouvernementaux et d'autres services de défendre leurs droits et leurs intérêts. Ça, c'est encore l'évolution du Québec. Et on se pose la question. Comment se fait-il que, en matière professionnelle, le Québec, malgré la réforme de 1974 — qui était une excellente réforme, qui a mis de l'ordre dans les professions, qui a permis, entre autres choses, à l'Office des professions de supporter, d'encadrer, de surveiller les professions pour que, d'une manière générale, elles puissent chasser hors de leur territoire les charlatans et, aussi, pour faire en sorte qu'on développe l'autogestion, l'autogestion tempérée, devrais-je dire, mais l'autogestion...

Le principe de l'autogestion est excellent en soi parce qu'il permet de responsabiliser les corporations professionnelles comme il permet de responsabiliser les membres de ces ordres professionnels. L'autogestion, à mon point de vue, doit demeurer comme principe de base. Mais déjà, dans la réforme de 1974, l'autogestion était tempérée, puisqu'on avait un Office qui avait un pouvoir de surveillance et qui a un pouvoir de surveillance, mais avec très peu de pouvoirs, ce qui est un peu paradoxal: avoir un pouvoir de surveillance sans pouvoirs. Mais c'était là. Ça a permis aussi au gouvernement de s'immiscer un peu dans la réglementation, et c'était nécessaire. Quand on parle de protection du public, on ne peut pas laisser à qui que ce soit le rôle d'être à la fois le protecteur et le protégé, parce que ça nous emmène dans une situation de conflit d'intérêts, et c'est dans le domaine de la discipline que ça se fait vraiment sentir. En termes de principe, en termes de valeur et d'éthique, c'est dans ce domaine que le conflit d'intérêts, apparent ou réel, existe. S'il est un domaine où l'autogestion devrait être tempérée, c'est bien celui-là parce qu'on ne peut pas, du même coup, défendre les intérêts de ses membres et défendre les intérêts du public qui vivent de ces membres et qui sont la raison d'être de toute cette organisation législative.

Dans les faits, il est possible que, dans bien des situations, il n'y ait pas de conflit d'intérêts, mais on ne peut pas se baser strictement sur des statistiques pour démontrer une position, surtout lorsque le traitement de données peut être mis en cause. Alors, quand on regarde le système disciplinaire des ordres professionnels, on réalise une chose: jamais le citoyen n'a affaire — et c'est le seul champ, au Québec — à une justice accessible, à une justice indépendante, une justice sans préjugés. Je suis citoyen et je me présente chez un professionnel. Je ne suis pas satisfait, à tort ou à raison. Je m'adresse à qui? Je m'adresse à une personne qui est membre de la corporation professionnelle, qui est rémunérée par elle, dont les conditions de travail sont imposées par elle. J'ai affaire à une personne qui ne possède aucun des ingrédients de l'indépendance. Et, dans le fond, on peut comprendre pourquoi, à tort ou à raison — on a parlé beaucoup de perception et de crédibilité — les gens ne peuvent pas avoir confiance. C'est sûr qu'il y aura toujours des chiâleux. C'est sûr qu'on n'est pas content quand on se fait dire: Non, ça ne justifie pas une enquête ou je ne porte pas plainte. Et, dans la majorité des cas, je dois présumer que la décision est bien fondée. Mais que reste-t-il dans l'esprit du consommateur de services professionnels? Je ne pense pas que mon dossier ait été examiné complètement, mur à mur, et je ne pense pas non plus que ce dossier ait été examiné avec l'objectivité nécessaire. À tort ou à raison, c'est la perception. Mais ça se comprend. Il ne faut pas s'étonner. Je m'étonne que certains s'étonnent que la perception ne soit pas bonne. Mais je dis qu'il faut avoir la perception que la perception est normale puisque la première personne à qui on s'adresse, c'est un employé de la corporation.

Secundo, si je ne suis pas d'accord avec la décision du syndic, quel droit ai-je? Est-ce que j'ai un mécanisme facile d'accès où je pourrais demander la révision — comme ça existe dans tous les domaines, dans tous les domaines — la révision de la décision? Non. Le Code des professions ne permet pas, ne me permet pas de faire en sorte qu'une tierce personne indépendante puisse en aucune manière réviser la décision d'une personne qui est employée de la corporation contre laquelle on adresse une plainte. C'est un peu... À mon point de vue, certains diraient: Le monde à l'envers. Aucun mécanisme de révision. Que me reste-t-il comme citoyen si je ne suis pas d'accord, à tort ou à raison? Il me reste une chose, de prendre à mon compte la protection du public. Moi, citoyen Daniel Jacoby, je prends

sur mon dos le fardeau de défendre le public, c'est plus de 6 000 000 de personnes, sans aucune assistance, à mes frais, à mes risques et périls. Est-ce qu'on peut parler de justice accessible lorsqu'on a des situations comme celle-là? Ne nous étonnons pas si les consommateurs de services ne sont pas satisfaits du régime.

Troisièmement, si jamais je décide de porter une plainte privée à mes risques et périls comme on a vu dans certains cas ou encore si le syndic décide de se porter maintenant dénonciateur, après avoir été l'enquêteur et devenant le procureur, à qui et devant qui la cause est-elle portée? Regardons ce qui se passe. Trois professionnels: un professionnel nommé par le gouvernement, qui préside et qui est un membre du Barreau, deux professionnels qui viennent de la corporation concernée et qui sont nommés par la corporation. Et nous voici en 1993, dans un pays où le règne du droit est arrivé depuis une trentaine d'années, dans un pays très gâté qu'est le Québec parce qu'il a deux chartes qui s'appliquent à lui, avec un pauvre justiciable qui n'a pas les garanties d'être entendu par une instance neutre et impartiale. Mais non, trois professionnels dont deux représentant la corporation. Et alors...

La Présidente (Mme Hovington): Je m'excuse, Me Jacoby, votre temps est écoulé. Si j'ai le consentement des deux parties pour que vous puissiez continuer, on raccourcirait le temps d'intervention du ministre et de l'Opposition. Est-ce que j'ai le consentement? Vous pouvez continuer, Me Jacoby.

M. Jacoby: Je vous remercie, mais j'aurais pu terminer tout de suite et répondre à vos questions, si vous préférez. Je vais continuer. Donc, à l'ère de l'État de droit, du règne des chartes, que les professionnels du droit, le Barreau et la Chambre des notaires, ont défendu et défendent depuis des décennies, on se retrouve encore dans un système où il n'y a aucune protection juridique en vertu des chartes d'être entendu par quelqu'un qui n'était pas impliqué dans l'affaire. Eh bien, voilà le système. Et quand on a des plaintes à l'égard d'un avocat, dont je suis, eh bien, on se retrouve devant trois professionnels de la profession: deux nommés par la corporation et un nommé par le gouvernement. (10 h 30)

Mais, alors, il faut toujours se poser la question: Comment le public peut-il être satisfait que justice ait été rendue dans son cas depuis le moment où il a déposé une plainte, à tort ou à raison, jusqu'au moment où il va devant le comité de discipline, à tort ou à raison, s'il décide d'y aller seul? Jamais, dans le système, le consommateur ne peut avoir confiance. Jamais! Et je pense qu'on aura beau faire toute l'information... Je sais que l'Office fait beaucoup d'information. On aura beau faire de l'information sur les droits et recours, clarifier les situations, rien ne changera au pays de la discipline professionnelle parce que c'est le système qui ne répond pas aux exigences contemporaines du respect des droits et de l'équité procédurale. Alors, changeons. Quand bien même on dépenserait des millions en termes de stratégies d'information et de communication, ça ne changerait rien parce que nulle part on ne retrouve ni les ingrédients de l'indépendance ni les ingrédients de la participation du public, de la transparence, de la démocratie, ni les ingrédients, à toutes fins pratiques, de choses qui sont admises couramment partout, sauf dans le monde professionnel. C'est pour ça que je pense qu'il faut, dans le sens de l'avant-projet de loi, atteindre ces objectifs. Je pense que l'avant-projet de loi contient de nombreuses mesures qui vont clairement dans le sens de ces concepts et de ces valeurs éthiques sociales et mêmes économiques, mais on est loin quand même, dans cet avant-projet — et je suis heureux que ce ne soit qu'un avant-projet — de ramener la discipline professionnelle au même niveau que tout le droit administratif. Serait-ce l'exception qui confirme la règle? Je n'en sais rien, mais ça vise quand même 240 000 professionnels; ça vise toute la population du Québec, de la naissance jusqu'à la mort.

Donc, ce que j'ai suggéré — je dis bien «suggéré» — dans un mémoire présenté au ministre au début de l'année 1992, c'est un mécanisme qui n'invente rien. C'est un mécanisme qui se met tout simplement à jour et à date avec tout ce qui se passe non pas en Australie, non pas en Afrique, non pas en Europe, mais, en termes de droit administratif et d'instances administratives, avec tout ce qui se passe couramment au Québec, sauf dans le domaine des professions. Donc, j'ai proposé — et je termine — que l'officier chargé de recevoir des plaintes soit une personne indépendante des corporations professionnelles, qu'il relève de l'Office des professions, qu'il soit nommé par lui, qu'il soit payé par lui, par l'Office. Dans un deuxième temps, j'ai proposé que les comités de déontologie, plutôt que d'être composés exclusivement de professionnels, soient, à l'instar des trois autres régimes dont je parlais tout à l'heure, la police, les juges et les huissiers, qu'il y ait au moins un représentant du citoyen, au moins un. J'ai également proposé et suggéré que le plaignant non satisfait de la décision du syndic, à tort ou à raison, s'adresse tout simplement devant les nouveaux comités de déontologie formés du public, pour demander la révision. Dans le fond, ce que je proposais, ce que je suggère, c'est un système relativement simple et peu coûteux qui s'ajuste à tout ce qui existe au Québec. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, Me Jacoby. M. le ministre.

M. Savoie: Oui.

La Présidente (Mme Hovington): Nous allons donc diviser en deux, temps égal, le reste du temps, soit

15 minutes chacun ou presque.

M. Savoie: Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, remercier le Protecteur du citoyen pour avoir pris le temps de venir nous rencontrer et participer à nos travaux et de souligner qu'effectivement il surveille, il travaille dans le dossier des professionnels et de l'administration de la discipline depuis fort longtemps et qu'on voit régulièrement ses interventions, comme il l'a clairement indiqué. Il nous a présenté un survol, pour nous situer dans le temps et un peu sur une structure évolutive du Québec, avec panache, comme est son habitude, toujours intéressant et toujours avec une logique claire et scintillante. Je pense qu'il faut reconnaître qu'il présente souvent les choses d'une façon originale et que c'est la première fois que nous avons eu à date, à cette commission, une espèce de vue d'ensemble sur une génération, au niveau de l'administration de la discipline.

On a bien apprécié, évidemment, l'approche. C'est rafraîchissant, ça change un peu le discours et ça nous ramène, finalement, à nos propos premiers, c'est-à-dire de voir à la protection du citoyen davantage. C'est ce que vise la réforme, dans sa structure, au niveau de la discipline. Maintenant, il y a des changements qui sont proposés, évidemment, qui sont gros. Le morceau est gros. À moins que je ne me trompe, on propose, par exemple, la disparition du Tribunal des professions. On propose une modification substantielle au niveau du comité de discipline, dans un sens de démocratisation et qui a certainement ses mérites et, évidemment, au niveau du syndic, une orientation qui a fait l'objet de discussions, particulièrement au cours des deux derniers jours, c'est-à-dire de voir si, effectivement, le syndic, sans toutefois oser aller aussi loin que lui, ne puisse pas avoir un contrôle extérieur, quant à sa nomination, sa destitution et, évidemment, des cours de formation.

Là où le problème se situe pour nous et l'inquiétude se manifeste, c'est qu'on a eu plusieurs corporations qui nous présentent des situations où il y a, par exemple, 2000 demandes d'information ou demandes d'enquête ou de plaintes, c'est-à-dire 2000 contacts avec un syndic ou un membre de la corporation qui est elle-même chargée de la protection du public. Sur ce nombre très élevé, 2000 — on pense par exemple aux arpenteurs-géomètres qui ont terminé nos travaux hier soir — il y a, finalement, 140 plaintes écrites qui rentrent. Ce qu'on se demande, c'est que votre structure, comment peut-elle répondre à cet achalandage qui est souvent causé par des questions, finalement, qui ne portent pas en tant que tel sur le code de déontologie ou des manquements au code de déontologie, mais portent sur des questions relativement communes? Comme, par exemple, le tarif qui est trop élevé; il a pris trois jours au lieu de deux. C'est ça, le quotidien, je pense, des corporations professionnelles. C'est que, dans leur quotidien, la masse est... Finalement, sur les 10 appels qu'on peut recevoir par jour, 5 vont porter, par exem- ple, sur les montants, sur un retard de 24 heures ou de 48 heures, et il n'y a pas vraiment, fondamentalement, une injustice. Si on crée une structure, il va falloir que cette structure tienne compte de cet élément. C'est pour ça qu'une structure trop lourde risque, finalement, de traverser les bornes du raisonnable.

M. Jacoby: D'abord, je voudrais certainement... Je suis d'accord avec M. le ministre et avec les corporations professionnelles pour dire qu'à toutes fins pratiques, sur l'ensemble des demandes qui sont formulées au syndic, il existe une proportion, un certain nombre de demandes qui touchent exclusivement des questions de discipline, d'éthique. C'est évident. C'est comme ça dans tous les systèmes de traitement de plaintes. On n'a rien inventé, ce n'est pas pire...

La Présidente (Mme Hovington): Je m'excuse, il est interdit de prendre des photos durant les commissions parlementaires.

Une voix: Ça fait une semaine qu'elle en prend, puis...

La Présidente (Mme Hovington): À moins que ce ne soit pour un journal? Ah, bon, excusez-moi! Ça va. C'est que j'étais absente, la semaine dernière. Alors, allez-y. (10 h 40)

M. Jacoby: Alors, dans tous les systèmes d'examen de plaintes, c'est la même situation. C'est la même situation partout. Même avec la réforme ou l'avant-projet de réforme proposé, rien ne changera. Ce n'est pas parce que le syndic, maintenant, pourra être entendu avant d'être destitué et ce n'est pas parce qu'on a un comité d'examen des plaintes que la situation va changer. Mais une fois cela dit, si je compare avec un système de traitement de plaintes qui est celui du Protecteur du citoyen et qui se compare à d'autres, même si c'est toujours la comparaison qui est la forme la plus vicieuse du raisonnement, sur les 25 000 demandes que nous avons reçues l'an dernier, il y avait à peu près 2000 demandes de renseignements, mais il faut faire attention de ne pas confondre une demande de renseignements avec une plainte. Quand je regarde certaines instances dans certains corps publics où on transforme des plaintes en demandes de renseignements, ça vient changer les chiffres.

Donc, j'ai eu 23 000 plaintes. Sur les 23 000, j'en ai un très grand nombre qui ne sont pas recevables, bien sûr; j'ai même des plaintes qui vont porter sur la destitution de présidents-directeurs généraux d'organismes et ainsi de suite, ou des conflits privés, des chicanes entre voisins, des problèmes familiaux, conjugaux, j'en rejette. En bout d'année, que reste-t-il? Il reste 11 000 interventions où j'ai compétence. Sur les 11000, je fais enquête. Ce que je peux constater, c'est que 30 %, en moyenne, des plaintes sont fondées. Or, il faut faire très

attention quand on compare, parce que le recours au protecteur du citoyen est un recours de dernière ligne. on a déjà épuisé tous les moyens partout, en principe, avant de venir au protecteur. pourtant, il reste 30 % de plaintes fondées. mais est-ce que le système disciplinaire est un système de première ligne? alors, il faut faire attention avec les chiffres.

L'autre chose, c'est que la structure que nous suggérons ne change rien, sauf en termes d'accessibilité et en termes d'indépendance. Plutôt qu'un syndic relevant de la corporation, parlons d'un syndic relevant de l'Office des professions, nommé par l'Office, mais après consultation ou sur recommandation de la corporation concernée. Alors, ça ne change rien, là, sauf l'indépendance.

Deuxièmement, au niveau du fameux tribunal de la déontologie policière, pas policière, je m'excuse, mais de la déontologie professionnelle que nous évoquons dans notre mémoire, qu'est-ce que je propose? Je propose de réduire les coûts, d'améliorer la gestion des greffes des comités de discpline, de faire en sorte qu'il y ait moins de coûts parce qu'on va partager des choses, on va partager les greffes; en plus, une certaine uniformité de pensée et d'action au niveau de la philosophie quasi judiciaire. Tout ce que je propose, c'est de prendre les 41 comités de discipline, de les garder dans leur indépendance, il y en aura 41 encore, mais ce seront des divisions qui vont former le tribunal de la déontologie professionnelle, et à moindre coût que ce que ça coûte actuellement. Tout le monde sera heureux; les citoyens seront heureux parce que, dans chaque division, il y aura un citoyen; les professionnels seront heureux parce que ça va coûter moins cher et il y aura encore deux professionnels, un avocat et un autre de la corporation sur la division. Donc, la structure que je propose, ce n'est pas une structure... Elle ne change rien, elle simplifie les choses tout en assurant une meilleure politique quasi judiciaire et une diminution des coûts.

Quant à la suppression du Tribunal des professions, je n'ai rien inventé; encore une fois, ayant pris connaissance du mémoire déposé par le ministre des Finances, sachant qu'il s'en venait à l'époque, je me suis dit: Voici une façon encore de minimiser les coûts. Le Tribunal des professions est formé de qui? De juges de la Cour du Québec. C'est trois juges qui siègent à la Cour du Québec, ils sont désignés et c'est la Cour du Québec. Alors, on peut se poser cette question: Pourquoi faut-il nécessairement dans tous les cas trois juges pour une question disciplinaire en appel? Deuxièmement, puisque ce sont des juges de la Cour du Québec, on pourrait encore là, bien sûr, faire des économies d'échelle. Donc, je m'inscris tout à fait dans la ligne du gouvernement lorsque je fais toutes ces propositions.

La Présidente (Mme Hovington): Merci. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Me

Jacoby, je vous remercie de votre présentation et du mémoire que vous nous aviez déposé. Je pense que lorsque vous parlez, au niveau des principes, de l'importance de l'indépendance, de l'accessibilité, de la représentation du public, vous avez parfaitement raison, mais je souhaite que nous soyons tous bien conscients ensemble que, partout au Québec où nous avons réussi à instaurer ces principes, indépendance, accessibilité et représentation du public, il y a quand même insatisfaction de la population.

On va prendre uniquement comme exemple le système de justice. Vous l'avez dit vous-même, Me Jacoby, la justice est accessible, mais, selon les Québécois et les Québécoises, la justice au Québec n'est plus accessible. Juste avant cette commission, je parlais avec le député de Chapleau pour une commission parlementaire qui va venir sur l'aide juridique. La perception qu'il avait, et je la partage moi aussi, c'est que, pour les Québécois et les Québécoises, la justice, elle est accessible aux très, très pauvres par l'aide juridique ou aux personnes qui sont riches. Mais les personnes de la classe moyenne, pour elles, la justice, elle n'est plus accessible. C'est peut-être pour ça qu'on se retrouve avec un taux d'insatisfaction de 71,4 % au niveau de la justice, taux d'insatisfaction encore plus haut que du côté des professionnels. Même dans les instances où on a ajouté des représentants du public — je pense, par exemple, aux CLSC — les Québécois et les Québécoises sont convaincus qu'ils n'ont pas de pouvoirs, qu'ils ne sont pas entendus parce que, pour eux, dès qu'un représentant du public est dans une autre instance, il n'est plus des leurs. Il est déjà avec les autres et il va déjà se faire influencer par les autres. Ça ne veut pas dire que je ne partage pas ce besoin de mettre des représentants du public partout. Je pense que les Québécois et les Québécoises vont avoir aussi à travailler avec ces instances-là et à retrouver cette croyance-là.

Pour votre structure comme telle, moi, je vous avoue que je la trouve facile, accessible, abordable et je vais la prendre par le haut. Évidemment, lorsque vous nous dites un droit d'appel devant un juge de la Cour du Québec plutôt qu'un Tribunal des professions où il y a trois juges de la Cour du Québec, il n'y a pas de problème. Même au niveau des coûts, c'est intéressant. Lorsque vous remplacez le comité de discipline par le tribunal de la déontologie, l'ajout, c'est évidemment le représentant du public et je pense que c'est très intéressant. Mon seul problème est à l'officier responsable de la déontologie professionnelle qui, en fait, occupe le même rôle que le syndic, sauf qu'il est payé par l'Office. Dans la situation actuelle, je n'aurais pas de problème, sauf qu'en même temps, sur la table, le ministre a déposé le projet de loi 67 qui fait en sorte que l'Office et tout le fonctionnement de l'Office des professions sera dorénavant payé par les corporations professionnelles. Donc, cet élément d'indépendance, qui est capital dans votre structure, la loi 67 vient l'enlever. S'il n'y avait pas la loi 67 sur la table, je vous avoue que votre structure,

moi, je la trouve très pertinente, mais l'élément d'autonomie, avec la loi 67, je ne le retrouve pas. Alors, j'aimerais peut-être vous entendre sur l'importance de maintenir cette autonomie à l'officier responsable de la déontologie que vous proposez, parce que tout le système repose sur cette autonomie-là. (10 h 50)

M. Jacoby: Je n'ai pas examiné la loi 67. Je l'ai examinée à travers les médias, mais je n'ai pas regardé ses modalités et les modalités de financement parce que je pense que la question de la plus ou moins grande dépendance dépend essentiellement de la manière dont les modalités sont réparties. Mais je ne l'ai pas étudiée. Une chose est certaine, c'est que les sources de financement peuvent avoir un effet. Si le financement est tel que l'Office va être obligé de courir après son argent, il y a comme un problème. Bon! On ne pourra pas, dans un système comme ça, faire en sorte que ça fonctionne. Je ne l'ai pas étudiée, mais, une fois que j'ai dit ça, je peux vous dire que l'Office, quelle que soit sa forme de financement et sur laquelle éventuellement je me prononcerai, je ne sais pas, mais va demeurer une agence gouvernementale avec des pouvoirs qui lui sont conférés par le législateur, avec des pouvoirs de surveillance accrus si Favant-projet de réforme est mis à exécution, avec un rôle supplétif de surveillance. Or, moi, je dis, à ce moment-là, qu'il y a quand même des garanties au moins sur ce plan. C'est le législateur qui décide. C'est l'ensemble des députés et le gouvernement qui décident des règlements qui sont approuvés par le gouvernement et de la loi telle qu'elle sera modifiée.

Dans ce sens-là, je peux dire que je préfère de beaucoup un système parce qu'il faut bien penser que l'Office des professions du Québec... Au Québec, on s'est créé un Office des professions du Québec, mais ce n'est pas autre chose qu'un ombudsman sauf qu'il n'a pas les pouvoirs d'un ombudsman. C'est ça qui est dramatique. L'Office des professions du Québec, pour toute la partie contrôle et surveillance, est un ombudsman. C'est pour ça que dans bien des pays, plutôt que l'Office, on a mis des ombudsmans pour surveiller le travail des syndics dans les corporations professionnelles. L'Office est un ombudsman, mais c'est un ombudsman qui n'a pas les pouvoirs nécessaires pour jouer son rôle. Moi, je dis qu'une des choses importantes d'une institution de type ombudsman comme l'Office, c'est de faire en sorte, parce que cet Office, cette agence gouvernementale est indépendante des corporations professionnelles au moins sur le plan législatif, que les plaintes soient acheminées à des gens indépendants. Qu'y a-t-il de plus indépendant dans tout ce secteur disciplinaire que l'Office des professions? Indépendant en termes de concept. Ce que je dis c'est que l'officier... Quelles que soient les sources de financement, sous réserve des modalités de financement, le citoyen sera mieux servi si sa plainte est reçue par un officier de l'Office, enfin, il sera mieux servi en termes de perception et en termes d'être assuré que son dossier va être examiné mur à mur, et ça, c'est important.

Mme Caron: Je suis d'accord avec vous à condition que la source de financement ne soit pas la même que si c'est le syndic parce que, à ce moment-là, pour le citoyen, qu'il s'appelle syndic, qu'il relève de la corpo et qu'il soit payé par la corpo ou qu'il s'appelle officier responsable de la déontologie professionnelle et qu'il soit payé par les corporations professionnelles, ce n'est pas évident que la perception pourra changer.

Vous savez, Me Jacoby, nous avons aussi dans notre système professionnel, 240 000 professionnels, 41 corporations mais 20 corporations qui sont à titre réservé, c'est-à-dire 20 corporations professionnelles où les professionnels ne sont pas obligés d'être membres de la corporation et, donc, où ces professionnels ne sont pas assujettis au système disciplinaire. Est-ce que vous croyez que nous devrons agir à ce chapitre-là pour que la protection du public soit assurée lorsque des actes sont posés par des professionnels qui ne sont pas membres de corporations professionnelles?

M. Jacoby: Ma réponse, Mme la députée, sera oui, pour plusieurs raisons. Il existe des corporations à exercice exclusif et des corporations à titre réservé. Les corporations dites réservées n'ont pas encore réussi à obtenir l'exercice exclusif, mais il n'en demeure pas moins que ces personnes sont assujetties aux grandes règles du Code des professions. Il y en a 41 aujourd'hui, il y en a une vingtaine qui sont à titre réservé. Ces professionnels à titre réservé posent des gestes qui peuvent aller à rencontre des codes de déontologie. Ce qui change un peu les règles du jeu dans ce secteur, c'est que plusieurs des professions à titre réservé, plusieurs de leurs membres n'agissent pas de manière autonome et travaillent comme employés dans plusieurs organisations. Et la discipline se fait autrement, elle se fait par le droit de gérance et ainsi de suite, ce qui fait qu'on n'a pas exactement les mêmes problématiques. Mais, vous savez, je me dis qu'il ne faut pas... Quand on parle de discipline, on parle de protection du public et la meilleure garantie ultime, je dis bien ultime, de protection du public, c'est un bon régime disciplinaire pour l'intérêt public de la profession et l'intérêt du public en général. Je pense que ces professions devraient être assujetties aux mêmes normes que les autres.

Mme Caron: Est-ce que vous croyez que les personnes, les professionnels qui ne sont membres d'aucune corporation devraient être assujettis au même système que vous proposez, à la même structure? C'est-à-dire que, si, comme citoyen, j'ai une plainte à déposer, que j'ai eu recours au service d'un professionnel qui ne fait partie d'aucune corporation professionnelle, est-ce que je pourrais, de la même façon, avoir recours à l'officier responsable de la déontologie professionnelle?

M. Jacoby: À première vue, ma réponse de principe serait oui, mais encore faudrait-il examiner chaque secteur professionnel auquel vous vous référez. Il faudrait l'examiner ad hoc parce qu'il faut bien vérifier s'il s'agit de services professionnels qui devraient être régis par ce mécanisme-là ou de services d'un autre type régis par d'autres mécanismes, comme la protection du consommateur. Mais ma réponse de principe serait oui.

Mme Caron: Je vous remercie, Me Jacoby.

La Présidente (Mme Hovington): En conclusion, M. le ministre.

M. Savoie: En conclusion, Mme la Présidente, le Protecteur du citoyen nous présente une approche axée sur l'introduction d'un mécanisme recherché depuis fort longtemps par plusieurs intervenants, sur lequel on rencontre une forte opposition de la part des corporations et, deuxièmement, de la part d'autres intervenants liés au secteur professionnel. On parle d'une structure, par exemple, d'assurance. Ce qu'on constate, c'est que, finalement, avec la liste des propositions que vous nous faites, on cherche à rejoindre plusieurs de ces éléments-là dans la mesure du possible, et la réalité politique, finalement, nous impose souvent, nous présente souvent des difficultés, surtout dans des structures aussi importantes que vous voulez qu'on modifie.

Toutefois, on vous remercie pour votre intervention. Ça a été rafraîchissant. Je pense qu'il y a eu de très bonnes recommandations en ce qui concerne le syndic et le renforcement peut-être même d'autres structures qui sont en marche au niveau disciplinaire et qui seront certainement reconnues lors du dépôt du projet de loi.

La Présidente (Mme Hovington): Me Jacoby, au nom des membres de la commission de l'éducation, merci beaucoup pour votre excellent mémoire.

M. Jacoby: C'est moi qui vous remercie.

La Présidente (Mme Hovington): Au revoir.

J'inviterais maintenant le Barreau du Québec à bien vouloir prendre place. Nous allons suspendre quelques minutes pour vous permettre de vous installer.

(Suspension de la séance à 10 h 57)

(Reprise à 11 heures)

La Présidente (Mme Hovington): La commission va reprendre ses travaux avec le Barreau du Québec. Bonjour et bienvenue, d'abord, à la commission de l'éducation. Si vous voulez bien vous présenter pour qu'on puisse bien vous identifier, pour fins de transcrip- tion des débats.

Barreau du Québec

M. Gauthier (Pierre): Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, mon nom est Pierre Gauthier. Je suis directeur général du Barreau du Québec. Je suis accompagné aujourd'hui, à ma gauche, de Me Suzanne Vadboncoeur, qui est directrice de notre service de recherche et de législation, et complètement à ma gauche, de Me Mario Dusseault, qui est avocat au même service. À ma droite, vous verrez Me Pierre-Gabriel Guimont, qui est syndic adjoint à notre bureau de Québec.

Je voudrais vous remercier, Mme la Présidente, de me fournir l'occasion d'excuser M. le bâtonnier du Québec, Me Paul Carrière, qui se faisait un honneur de venir représenter le Barreau à cette commission parlementaire. Malheureusement, il est retenu à Montréal pour cause de maladie. Alors, j'essaierai bien modestement de représenter ici le Barreau.

Il y a 20 ans à peine, le Barreau du Québec se retrouvait ici pour présenter à une commission spéciale des corporations professionnelles son mémoire sur ce qui allait devenir le Code des professions et la nouvelle organisation professionnelle au Québec. Les projets de loi 250 et 251 avaient alors respectivement pour objet d'instaurer la loi-cadre devant régir les corporations professionnelles, c'est-à-dire le Code des professions, et de modifier la Loi du Barreau de 1967. Vingt ans se sont écoulés depuis, et, inspiré fortement de ce qui se faisait déjà au Barreau, le système d'autogestion des corporations professionnelles alors mis en place a été éprouvé, et l'expérience nous démontre qu'il demeure, malgré quelques imperfections, l'un des plus efficaces qui soient.

Il est intéressant de noter que, au début des années soixante-dix, le Barreau du Québec reprochait à la commission Castonguay-Nepveu, dont le rapport avait été à l'origine du projet de loi 250, d'avoir étendu son étude à l'ensemble des professions, bien que son mandat avait été limité au domaine de la santé et du bien-être social, sans en avoir averti le public en général et les corporations professionnelles et sans leur avoir donné l'opportunité de se faire entendre. Curieusement, 25 ans plus tard, le Conseil interprofessionnel du Québec et l'ensemble des corporations professionnelles formulent le même reproche — absence de consultation — mais l'adressent cette fois-ci à l'Office des professions du Québec, d'où émane la réforme proposée par l'avant-projet de loi.

Prenant pour acquis que les membres de cette commission ont déjà pris connaissance du mémoire du Barreau, je me limiterai à vous faire part de la réflexion qu'a suscitée chez nous l'étude de l'avant-projet de loi sur trois aspects de la réalité professionnelle telle qu'elle est vécue par notre corporation professionnelle, soit le rôle de l'Office des professions, le processus discipli-

naire et la compétence des professionnels.

Il y a 20 ans, dis-je, dans la mise en place d'une nouvelle organisation professionnelle, le législateur décidait de créer l'Office des professions et lui confiait le soin de veiller à ce que chaque corporation professionnelle assume bien sa mission de protéger le public. À cet égard, l'Office joue un rôle de surveillance et occasionnellement un rôle supplétif sur le plan réglementaire. L'Office détient également un rôle de conseil auprès du gouvernement. Il lui formule des recommandations concernant les règlements des corporations professionnelles et lui suggère la constitution ou la fusion de corporations professionnelles. Le législateur a aussi confié à l'Office la fonction d'agent de concertation entre des corporations professionnelles qui vivent des différends ou qui connaissent des problèmes reliés à la connexité des activités que leurs membres respectifs exercent. Essentiellement, la création de l'Office avait pour but de servir de tampon entre l'État et les corporations professionnelles, évitant ainsi une ingérance de l'État dans les activités professionnelles et assurant, par le fait même, le respect du principe fondamental de l'indépendance des professionnels face à l'État.

Par l'avant-projet de loi sous étude, l'Office des professions voit son rôle et ses pouvoirs augmenter considérablement. Le Barreau ne peut qu'exprimer son inquiétude et son scepticisme face à cette volonté d'obtenir des pouvoirs accrus lorsqu'il constate l'efficacité parfois mitigée avec laquelle l'Office s'est acquitté de sa tâche jusqu'à maintenant. À titre d'exemple, on se serait attendu à une plus grande implication de sa part auprès des corporations professionnelles sur lesquelles l'arrivée du libre-échange pouvait avoir un impact.

Pour nous, Barreau du Québec, l'étude, par l'Office, de nos projets de règlement et de nos projets de modifications réglementaires ou législatives que nous lui soumettons accuse à certains égards ou à certains moments des retards importants. Certains dossiers sont encore pendants à l'Office après quatre ans d'attente. Pourtant, ils ont tous fait l'objet d'une étude attentive par un comité du Barreau, puis le Conseil général de même que le comité administratif et, enfin, souvent après consultation de notre «membership» par le biais de notre journal du Barreau, par l'entremise des quinze bâtonniers de section. Alors, pourquoi tant de retard? L'Office ne devrait-il pas s'efforcer de faire ce qu'il a à faire de façon adéquate et efficace avant de demander qu'on étende ses pouvoirs? Par exemple, s'occuper d'aider les corporations qui légitimement se sentent inquiètes de l'impact que peuvent avoir la mondialisation des marchés et la concurrence internationale.

Le processus disciplinaire ne constitue qu'un des outils utilisés par les corporations professionnelles pour assurer la protection du public. Il vise à sanctionner un comportement fautif, un accroc à l'éthique et à la déontologie commis par un professionnel à l'endroit de sa profession, d'un client ou d'un confrère. Les raisons qui, en 1973, ont motivé le législateur d'opter pour un système d'autogestion sont encore valables aujourd'hui. Ce système assure un sain équilibre entre l'autonomie des corporations professionnelles et une intervention limitée de l'État en confiant à celles-ci le soin d'assurer le respect des règles d'éthique, notamment par le processus disciplinaire. Il devient évident que les professionnels ont tout intérêt à maintenir auprès du public des standards élevés d'intégrité et de professionnalisme. La moindre faute ou inconduite professionnelle d'un de leurs pairs rejaillit sur la profession tout entière, et la réputation de celle-ci est donc liée au degré de sévérité qu'ils doivent démontrer dans l'application de ces inconduites.

Malheureusement, le public connaît mal le système disciplinaire au Québec. Il le confond souvent, erronément d'ailleurs, avec le système judiciaire en l'assimilant à un système compensatoire ou indemnitaire. Les justiciables sont souvent déçus par la décision du syndic de ne pas porter plainte contre le professionnel. Face à une demande d'intervention du public, le rôle du syndic est assimilable à celui du procureur de la couronne. Avant de décider de porter plainte, il doit évaluer ses chances de réussite, notamment par le sérieux du problème soulevé et par la qualité de la preuve qu'il possède. À cet égard, il a une lourde responsabilité sur ses épaules, ce qui explique, sans doute, l'immunité que la loi lui confère quant à l'éventualité des poursuites judiciaires contre lui. Il est vrai, toutefois, que les justifications du syndic ne sont peut-être pas toujours suffisamment étayées ou accessibles au citoyen moyen. Il existe sûrement des façons de corriger cela. L'important, c'est que les citoyens réalisent que, dans le processus disciplinaire, le syndic joue vraiment le rôle de protecteur du public et son mandat n'est pas de protéger les membres de la corporation, bien au contraire. (11 h 10)

Au Barreau, près de 40 % des montants des cotisations, soit 3 000 000 $ sur 8 000 000 $, sont consacrés au bureau du syndic et à l'inspection professionnelle. En outre, toujours au nom de la protection du public, le syndic demande régulièrement au comité de discipline l'application de sanctions sévères à l'égard d'avocats fautifs. Malheureusement, elles sont souvent cassées en appel. Au Barreau comme ailleurs, le syndic est très jaloux de son indépendance par rapport à l'administration de la corporation. Seul le bâtonnier peut avoir accès à ses dossiers, et ceci s'explique par le rôle de conciliateur qui est dévolu à ce dernier par la loi.

Au nombre d'actes professionnels qui se font par année, au Québec — on parle sans doute de millions — un pourcentage assez faible d'entre eux donne lieu à une plainte de la part du public et le processus, bien que perfectible, est relativement rapide et peu coûteux. Au Barreau, le délai d'audition en matière disciplinaire se situe à environ trois mois, ce qui nous apparaît, dans le contexte, fort acceptable. Il faut toute-

fois reconnaître que certains tentent, par tous les moyens, de retarder le processus: brefs d'évocation, appels ou autres tactiques judiciaires. C'est en sortant du processus disciplinaire pour entrer dans le système judiciaire que les coûts et les délais deviennent un problème. Ces dossiers ne constituent toutefois qu'une minorité et c'est malheureusement cette minorité qui fait les manchettes.

Il y a quelques années, dans un souci d'assurer une meilleure protection du public, le Barreau s'est adressé à l'Office des professions en vue d'apporter un amendement à notre loi constitutive. Celui-ci consistait à faire en sorte qu'un avocat reconnu coupable d'un crime tels la fraude ou le vol par un tribunal de première instance au Canada devienne, par ce simple fait inhabile à exercer sa profession, même s'il va en appel, tout comme c'est le cas, actuellement, pour l'avocat qui fait faillite.

Nous sommes bien conscients de la nécessité d'une plus grande transparence dans le système disciplinaire. Rappelons-nous que la justice doit non seulement être rendue, mais elle doit aussi donner l'apparence d'être rendue. Au Barreau, non seulement les audiences sont publiques, comme l'exige la charte, mais les rôles d'audience sont acheminés mensuellement aux différents médias et le public peut venir les consulter sur place. Nous sommes toutefois conscients qu'une telle transparence du processus n'existe pas dans toutes les corporations professionnelles.

En dépit de cela, je ne peux m'empêcher d'entretenir de sérieux doutes sur l'efficacité, la rapidité et l'accessibilité, sur le plan des coûts, du mécanisme suggéré par l'avant-projet de loi. La révision automatique par un comité d'examen des plaintes de toute décision du syndic à l'effet de ne pas porter plainte contre un professionnel n'aura-t-elle pas pour effet de retarder encore davantage le traitement des dossiers? N'entraîne-ra-t-elle pas une plus grande judiciarisation, non seulement par l'ajout d'une audition supplémentaire, mais aussi par la multiplication des risques de contestation au moyen d'une évocation à la Cour supérieure, entre autres? A-t-on évalué les coûts financiers et sociaux d'une telle mesure? Quelle garantie ce palier additionnel donne-t-il sur le plan de la transparence? En quoi les décisions confirmant celles du syndic de ne pas porter plainte — parce qu'il y en aura — seront-elles plus satisfaisantes pour le client? Pensons-y. Nous sommes à l'heure des compressions et de la consolidation et non à celle de l'expansion.

La discipline ne représente qu'un des aspects de la protection du public. Elle touche le volet déontologique de l'activité professionnelle. Tous les mécanismes mis sur pied par les corporations professionnelles ne visent qu'à une chose: assurer au public des services professionnels de qualité dispensés par des professionnels compétents et intègres. La discipline, c'est important, mais, si le public ne rencontre sur son chemin que des professionnels incompétents, on n'est guère plus avancé. Aussi, le véritable défi qui s'offre aux professionnels, dans les années quatre-vingt-dix, est celui de pouvoir faire face à la concurrence professionnelle, tant interne qu'internationale, et à la mondialisation des marchés, de pouvoir s'ajuster à la situation économique difficile et aux exigences de plus en plus grandes de la clientèle. C'est pourquoi le Barreau insiste tant, depuis quelques années, sur le développement de la formation des avocats, tant au niveau de l'École du Barreau — nous sommes, d'ailleurs, à revoir le programme de l'École pour y intégrer à nouveau des cours de droit substantif appliqué — que durant la vie professionnelle de l'avocat.

À cet égard, et compte tenu de l'entrée en vigueur prochaine du nouveau Code civil, nous avons adopté, tout comme la Chambre des notaires, un règlement imposant la formation obligatoire des avocats sur le nouveau Code. Cette formation consistera en 60 heures de cours dont 36 obligatoires, une opération de quelque 2 500 000 $ assumés par le Barreau. Le sondage fait récemment auprès des avocats à ce sujet indique que la grande majorité d'entre eux ont l'intention de suivre la session dans son entier. Cette formation sera dispensée entre août et décembre 1993 à travers tout le Québec. En outre, à sa prochaine séance de mars, le Conseil général se penchera sur un projet de règlement obligeant les avocats à suivre, à chaque année, un nombre d'heures minimales de formation, soit environ 12 pour commencer. Le défaut, pour eux, de ce faire pourra entraîner l'application des sanctions disciplinaires actuellement prévues à l'article 113 de la Loi sur le Barreau qui vont de l'imposition d'une amende à la limitation ou à la suspension du droit d'exercice.

En conclusion, tous les gouvernements se plaisent à nous rappeler, depuis plusieurs mois, que nous devons vivre selon nos moyens. Le contexte socio-économique est mouvant. Les citoyens sont surtaxés. Par contre, l'économie s'ouvre sur le monde. Du libre-échange canado-américain, on passe maintenant à un libre-échange à trois. On doit s'ajuster également aux marchés européens et asiatiques et faire face à la concurrence internationale.

L'avant-projet de loi ne s'attarde ni aux vrais problèmes ni aux véritables défis en proposant une réforme du processus réglementaire et du système disciplinaire. Ce n'est pas en augmentant son pouvoir d'enquête et d'intervention que l'Office répondra aux attentes du public et des corporations professionnelles, mais en développant davantage son rôle de conseiller et d'informateur. L'Office aurait, en effet, avantage à être plus présent auprès du public et à l'informer sur le fonctionnement des corporations professionnelles et sur la façon dont celles-ci peuvent aider les citoyens. Auprès des corporations, l'Office y gagnerait à démontrer un certain leadership en rapport avec les outils dont chacune devrait se doter pour faire face aux défis mondiaux qui s'annoncent. C'est dans ce sens que devrait s'orienter la

réflexion sur ce que sera la vie professionnelle en l'an 2000. Avant de multiplier les instances et les pouvoirs d'intervention, utilisons au maximum les ressources que nous avons déjà. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Hovington): Alors, merci, Me Gauthier. Je céderai maintenant la parole au ministre responsable.

M. Savoie: Merci, Mme la Présidente. Permettez-moi de saluer les représentants du Barreau du Québec qui nous ont présenté, finalement, une synthèse d'un mémoire très volumineux, un mémoire qui contient plusieurs suggestions, plusieurs recommandations qui ont fait l'objet de discussions et qui vont continuer à animer nos discussions au fur et à mesure qu'on avance au niveau du projet de loi. Il n'y a pas de doute qu'il y a plusieurs recommandations là-dedans qui sont très valables et qui seront retenues.

Le Barreau du Québec, Mme la Présidente, est composé d'environ 14 432 membres. Il a un budget de fonctionnement de tout près de 8 000 000 $. Au niveau de la discipline, qui est le coeur, finalement, de notre réforme, enfin, qui est un élément important de notre réforme, c'est un élément très actif chez lui. On constate environ les mêmes proportions au niveau des demandes reçues, des demandes retenues et des plaintes portées devant le comité de discipline. On parle de 2500 demandes d'information et d'enquête pour l'année 1991-1992, donc 2400 demandes reçues, 420 demandes retenues pour enquête et 63 plaintes portées devant le comité de discipline, ce qui démontre une activité importante pour, justement, assurer la protection du citoyen. (11 h 20)

Au niveau des mémoires qui nous ont été présentés, un des éléments qui a été touché par un peu tout le monde et un des éléments qu'on voulait vérifier avec, justement, le Barreau du Québec, c'était le comité des plaintes. Vous avez soulevé différents éléments: le coût élevé, la surveillance accrue, une attitude un peu expansionniste. J'imagine que vous avez eu le temps d'avoir des échos, qu'on vous a fait rapport sur l'évolution du dossier, ici, à cette commission dans le sens d'un développement au niveau de la perception, un développement au niveau de l'accès direct du citoyen à des non-professionnels, mais pas uniquement des non-professionnels. Est-ce que ça a modifié votre position vis-à-vis de ce que vous avez stipulé dans le mémoire?

M. Gauthier: Pas pour la peine, et voici pourquoi. On a fait, suite à des interventions, entre autres, d'intervenants, ici, qui ont passé en commission parlementaire et qui ont eu à répondre à certaines de vos questions dans des domaines beaucoup plus financiers que juridiques, et en traitant l'ensemble de nos dossiers et en prenant pour acquis que peut-être à peine 20 % des dossiers... Supposons qu'on y allait, là, dans le contexte où le comité de révision était purement et simplement facultatif. Si on prenait 20 % des dossiers qui étaient susceptibles de revenir devant le comité, nos coûts se chiffreraient à environ près de 1 000 000 $, dans la mesure où on serait obligé de rémunérer les trois personnes dont on parle. Évidemment, si on revient automatiquement, M. le ministre, et qu'à chaque refus les gens vont devant le comité, vous pouvez bien vous douter que les chiffres augmentent de façon surprenante, et ça pourrait même, théoriquement parlant, aller jusqu'à une somme de 5 000 000 $. Pour continuer là-dedans, n'oubliez pas que, si nous avons à faire face à des auditions, eh bien, on se retrouve aussi avec des chiffres assez surprenants et beaucoup plus élevés.

Ce que l'on veut dire avec ça, c'est qu'on ne peut pas se permettre d'avoir, par exemple, un comité de révision, entre autres par des pairs ou même des personnes du public, si on a affaire à des sommes de dossiers, peut-être 1000 dossiers par année, et leur demander d'intervenir ou de travailler bénévolement. On le fait en matière d'arbitrage de comptes, et je dois vous avouer que c'est excessivement exigeant pour les gens.

M. Savoie: Oui, c'est ça. Ce que nous avons constaté, justement pour démontrer la difficulté de compréhension qu'il peut exister entre l'avant-projet de loi et les gens qui en ont fait l'analyse dans différentes corporations professionnelles, c'est que, lorsqu'ils sont arrivés au comité des plaintes, ils l'ont chiffré en termes astronomiques pour ne pas dire astrologiques. Ils ont donné un montant énorme, et on peut vous assurer tout de suite que ça ne se fera pas si ça coûte ces montants-là. Ça, c'est bien clair. Ce que nous voyons comme coût est beaucoup plus raisonnable que ça. Même, on pense que ça peut facilement s'établir et ne pas coûter, par exemple, dans les six chiffres, que ça va rester dans les cinq. C'est ce qui est visé pour les grosses corporations comme le Barreau, les corporations importantes, et, en conséquence, ça devient maniable. Ce qu'on sent, c'est qu'on a peur du coût et on a peur de la paperasse que ça pourrait générer, mais je peux vous assurer que ces éléments-là seront contrôlés.

Au niveau du syndic — c'est un autre élément qui a évolué dernièrement à cette commission — c'est justement de voir si on ne pouvait pas exercer davantage, développer une certaine, je ne voudrais pas dire autonomie, mais un certain contrôle sur le syndic qui sera nommé par une corporation professionnelle, sa destitution par une corporation professionnelle et même peut-être, sans aller aussi loin que, par exemple, rapatrier son salaire, comme le proposent certains, mais au moins chercher à s'assurer, par exemple, qu'un syndic ne se ramasse pas en même temps directeur général d'une corporation professionnelle. Il y a eu ici, pendant la commission, des déclarations. Je ne sais pas si vous avez été mis au courant de cela, mais il y a eu des déclarations claires sur la table comme quoi il y a eu

des interférences. Et on se demandait, à ce niveau-là, au niveau du syndic, si le Barreau voit ça, pas pour lui, mais pour l'ensemble du fonctionnement du monde professionnel, comme une chose qui serait peut-être intéressante pour la protection du public.

M. Gauthier: À cet effet, M. le ministre, je voulais vous mentionner d'abord que nous oeuvrons au niveau de la Fédération des professions juridiques à travers le Canada. Nous rencontrons régulièrement l'ensemble des Law Societies, et, dans cette perspective-là, je ne peux que vous parler du monde juridique et non pas des autres corporations professionnelles. Il se peut, à certains noments, qu'il soit arrivé des situations telles que vous dénoncez, mais je peux vous assurer que, entre autres au niveau du Barreau, et même le président de l'Office peut vous le confirmer, ce genre de situations est assez, comment je dirais, dans notre concept et dans notre mode de fonctionnement, dans notre culture, assez difficile à se répéter, dans la mesure où notre bureau de syndic agit comme un procureur de la couronne.

Et, évidemment, on a un peu l'habitude de comment fonctionne le gouvernement. Je pense que le ministre responsable n'intervient pas quotidiennement dans les dossiers, ni le sous-ministre au niveau des plaintes qui sont à être portées au niveau criminel contre tel ou tel individu. Il y a quand même une indépendance qui est consacrée dans nos structures. Pour être, par exemple, remercié, un syndic doit passer devant le conseil général. Alors, au conseil général, il y a peut-être une cinquantaine de personnes qui y siègent et, dans cette perspective-là, c'est une démarche très publique. Les gens peuvent y assister. Il y a quand même, là, à ce niveau-là, une protection. On ne peut pas remercier un syndic comme ça, sous prétexte qu'il aurait porté plainte contre un ami du pouvoir ou autre. Et, dans cette perspective-là, le développement et la culture qui existent au Barreau nous mettent à l'abri.

M. Savoie: Oui.

M. Gauthier: Je suis certain que, au niveau de la charte des notaires et ailleurs, c'est certainement le même phénomène.

M. Savoie: Effectivement, là, on ne pensait pas tellement en termes du Barreau, parce qu'on sait que c'est une corporation quand même qui a beaucoup, beaucoup d'expérience et une longue histoire, mais, pour l'ensemble du monde professionnel d'une façon générale, est-ce que...

M. Gauthier: Bien, il y a une différence dans les autres corporations professionnelles, parce que, règle générale, le syndic est un membre de la corporation, et celui qui porte plainte ou qui plaide le dossier est, règle générale aussi, un avocat. Donc, à ce moment-là, le rôle se joue à deux niveaux. L'étude de la preuve se fait en présence du procureur qui est nommé au dossier pour prendre une poursuite disciplinaire. Donc, dans cette perspective-là, il y a peut-être deux niveaux d'interventions qui voient peut-être aussi à protéger le public à ce niveau-là. Mais je ne suis pas en mesure aujourd'hui de vous dire que ce qui est ou ce que vous devriez proposer devrait nécessairement s'appliquer à l'ensemble des corporations professionnelles. Vous pourriez peut-être le faire de façon un peu comme on retrouve dans notre loi, et que vous voulez rapatrier dans le Code des professions, avoir une section qui traite particulièrement de pouvoirs du syndic et qui permettrait, dans certains cas, de les mettres encore plus à l'abri qu'ils ne le sont actuellement.

M. Savoie: D'accord. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, Mme la Présidente. Me Gauthier, Me Vadboncoeur, Me Dusseault, Me Guimont, je vous remercie de votre présentation. On sait que le Barreau fait toujours un travail extrêmement minutieux lorsqu'il y a avant-projet de loi ou projet de loi. Lorsque je vois Me Vadboncoeur, ça me rappelle, évidemment, tous nos travaux sur la réforme du Code civil en cette même salle — Mme la présidente et le député de Sherbrooke étaient là — durant cinq mois où nous avons vraiment travaillé article par article. Pour l'avant-projet de loi, je pense que vous avez refait exactement ce même travail minutieux pour chacun des articles, et vos commentaires sont vraiment utiles et seront utiles si l'avant-projet de loi se traduit au niveau d'un projet de loi.

Vous faites aussi partie des corporations professionnelles qui possèdent une grande expérience. Vous nous parliez tantôt au niveau des audiences publiques, et ma première question serait à cet effet: Depuis l'ajout des audiences publiques et depuis la publication des rôles, est-ce que vous ressentez, au niveau de la satisfaction du public, une différence? (11 h 30)

M. Gauthier: Ce n'est pas marqué au point d'être aussi clair que les résultats qu'on pourrait retrouver dans un sondage, mais je peux vous dire que les appréhensions que les corporations professionnelles avaient, le Barreau aussi, au cours peut-être des 10 ou 20 dernières années, à ce sujet-là, se sont estompées. Pourquoi? Parce qu'en ouvrant comme ça l'ensemble des auditions au public on a retrouvé exactement le même phénomène qui a été vécu par d'autres — là, ça, ça a été au Canada — dont la Colombie-Britannique. C'est que les gens et les journalistes ont fait une différence entre l'institution qui est la corporation professionnelle, qui voit à la protection du public et, souvent, le professionnel qui a commis une faute déontologique. Et, ça, je pense que

c'a été là un apport important. Je dois vous dire aussi qu'elles sont quand même courues, mais on n'assiste pas au même phénomène qu'on retrouve en matière judiciaire où beaucoup de gens y assistent ou ces choses-là. Mais c'est quand même, au niveau des principes, un élément important et auquel on a souscrit il y a déjà quelques années, même si à certaines occasions on était quand même en désaccord. Mais c'a été très positif.

Mme Vadboncoeur (Suzanne): Je peux avoir peut-être un complément de réponse là-dessus, Mme la Présidente, si vous permettez. Suzanne Vadboncoeur. Tout à l'heure, M. le directeur général a mentionné que les rôles d'audience étaient acheminés aux médias d'information mensuellement. Le directeur des communications n'est pas ici, mais je sais pertinemment qu'il a reçu beaucoup de commentaires des médias à ce sujet-là. Ils étaient très heureux de la collaboration entre les médias d'information et le Barreau. D'ailleurs, on voit souvent dans les journaux, dans les quotidiens, certains relevés de sanctions disciplinaires qui ont été imposées à des avocats. Je pense qu'on voit le plus souvent des rapports sur les sanctions disciplinaires imposées aux avocats, non pas parce qu'il y en a plus que dans les autres corporations professionnelles, mais peut-être que le mouvement d'information est peut-être plus grand et plus important entre le Barreau et les médias qu'entre les autres corporations et les médias.

Mme Caron: Est-ce à dire que, finalement, on retrouve davantage la présence des médias plutôt que la présence du public?

M. Gauthier: Règle générale, oui, mais il y a quand même aussi des gens du public qui viennent y assister. Comme je vous dis, ce n'est pas aussi couru comme on le voit, sauf pour des procès particuliers. Il en est arrivé quelques-uns...

Mme Caron: En moyenne, il y combien de personnes, habituellement, au niveau du public?

M. Gauthier: Si on parle des travaux du comité de discipline qu'il y a eu à Québec il y a déjà quelques semaines et qui ont été très prisés par les médias, je pense que le public était présent. Il y avait certainement, dans certains cas, plusieurs dizaines de personnes, mais, règle générale, on peut voir une ou deux personnes qui sont près du problème qui est discuté à ce moment-là. Mais il y a effectivement plus de journalistes.

Mme Caron: Le ministre nous disait tantôt, en fait, au niveau des coûts du comité de plaintes qu'il propose, que, avant de déposer l'avant-projet de loi, il n'y a pas eu évaluation des conséquences financières pour les corporations professionnelles...

M. Savoie: II y a eu une évaluation...

Mme Caron: Bien, s'il y en avait eu, vous n'auriez pas besoin de la faire. Et il nous dit que, finalement, si on s'aperçoit que c'est trop cher, c'est évident qu'on ne le fera pas. Bon. J'ai là aussi un problème, parce que, si notre but premier, c'est la protection du public, l'argument, ce ne serait normalement pas: Si ce que je propose est trop cher, on n'ira pas dans le sens de cette protection. Mais je pense que votre analyse de l'avant-projet était beaucoup plus réaliste lorsque vous nous dites, en page 6 de votre mémoire: «Alors qu'en vue d'accroître la protection du public on veut faciliter l'accès au processus de plainte et diminuer les délais de règlement des dossiers, on multiplie les instances de façon étonnante.» Donc, évidemment, on risque d'avoir l'effet contraire par le comité qui est proposé.

Vous avez aussi fait part de vos commentaires concernant le rôle de l'Office. Je pense qu'au moment où on touche à la réforme du Code des professions c'est important de revoir ce rôle-là, de le fortifier dans certains domaines. Le Protecteur du citoyen voyait un peu l'Office comme un protecteur du citoyen. Quelle est votre perception par rapport à ce rôle de l'Office?

M. Gauthier: Je m'en voudrais, évidemment, de critiquer un aussi célèbre juriste que Me Jacoby là-dessus, mais je ne vois pas le rôle de l'Office des professions uniquement dans le cadre d'un rôle de protecteur du citoyen, d'abord, parce que, à la lecture même de la loi, comme je l'ai mentionné, ce ne sont pas là, comment je dirais, les mêmes obligations qui sont formulées par la loi et, en même temps aussi, ce n'est pas du tout le même type de structure telle qu'il avait été imaginé et pensé au moment de la commission Castonguay-Nepveu. Il est évident que, dans le contexte — et on l'a déjà mentionné à M. le ministre, c'est dans le contexte du financement — le rôle de l'Office sera certainement à revoir de façon beaucoup plus précise, et il est évident que c'est là un autre débat. On devra certainement se poser la question: Est-ce qu'on a encore besoin de l'Office ou pas? Moi, je ne le vois pas comme un rôle de Protecteur du citoyen parce qu'il y a, à ce sujet-là, beaucoup d'autres éléments qu'on laisse de côté. La proposition qui est faite par le Protecteur du citoyen de regrouper l'ensemble des services de syndics à l'intérieur d'une même structure contrôlée, par exemple, par l'Office des professions, à notre avis, ferait en sorte que je ne suis pas certain qu'il y ait des économies d'échelle.

Juste pour vous donner un exemple, nous avons une trentaine de personnes qui travaillent, à Montréal et à Québec, pour le bureau du syndic. Pensez-vous que, si c'est rapatrié à l'Office des professions, il va y en avoir moins? À mon avis, non, on est déjà encombré. Nos syndics adjoints traitent près de 400 dossiers par année. Alors, il est bien évident que ça ne diminuera pas le nombre d'interventions. Je pense que c'est la même chose à la Chambre des notaires ou à d'autres grandes corporations professionnelles. Il n'y pas d'économie de

coûts énorme. Je dois vous dire aussi que le fait d'être, nous, obligés d'assumer certains de ces coûts-là nous oblige à être très prudents au niveau des dépenses et de faire bien attention pour essayer de faire plus avec moins. La même chose que l'État fait. On n'a pas de convention collective où des choses du genre qui nous obligent, à un moment donné, au niveau des coûts, à avoir les mêmes responsabilités que l'État là-dessus.

Alors, moi, je peux vous dire qu'il m'a été donné de rencontrer des administrateurs, si je ne me trompe pas, là, de la déontologie policière, et, pour le même nombre de dossiers, ils arrivaient, en termes de coûts, à des coûts de deux à trois fois supérieurs aux nôtres en termes d'enquête. Bon. Je ne dis pas qu'ils administraient mal, ce n'est pas ça, sauf que les coûts étaient de beaucoup plus élevés. Et là, encore une fois, on n'a aucune étude économique qui nous permette de voir à quoi on devrait s'attendre. Et comme l'État veut plutôt diminuer son intervention au niveau financier, il est bien évident qu'on ne peut pas assister à une explosion de coûts telle que celle qui est proposée à ce moment-là.

Mme Caron: Vous avez mentionné que vous aviez, effectivement, quelque 400 plaintes par année. On regarde le nombre de plaintes qui sont transmises au comité de discipline. Pour 420 on se parlait de 63, pour 350, 37. Vous faites partie des corporations professionnelles où le public dépose le plus de plaintes, dû probablement au fait des services professionnels que vous rendez. Donc, votre expertise là-dedans est sûrement extrêmement importante. Selon vous, qu'est-ce qui crée le plus d'insatisfaction? Parce que le nombre de plaintes que vous recevez est très grand. Est-ce que ce sont des plaintes que vous pouvez régler ou si ce sont des plaintes qu'aucune instance ne pourrait régler, peu importe qui recevrait cette plainte-là?

M. Gauthier: Juste avant de répondre à votre question et avant de passer la parole à Me Guimont là-dessus, sur ce que j'appellerais le «day-to-day» au niveau de l'administration de ces dossiers-là, je dois rectifier certains de vos chiffres. Il y a, au bureau du syndic, environ 5000 dossiers par année, dont entre 2000 et 2500 qui sont de la conciliation de cas. Les 2000 ou 2500 dossiers en matière de conciliation se règlent à environ 76 %. Donc, je pense qu'il y a là un succès qui est intéressant. Au niveau des interventions que j'appellerais plus de l'ordre de la compétence et de la déontologie, on a environ 2500 dossiers, dont 500 qui sont particulièrement des enquêtes qui demandent un travail beaucoup plus suivi de la part des syndics, et il y a environ une centaine de plaintes qui sont déposées annuellement devant le comité de discipline.

Alors, il est bien évident que, quand c'est géré par la corporation professionnelle, il y a des liens qui se développent d'abord avec les avocats. La façon de communiquer avec l'avocat est beaucoup plus rapide, elle est, règle générale aussi, beaucoup mieux vue. On essaie, à ce niveau-là, évidemment, d'améliorer la qualité de la communication avec la clientèle, mais il nous apparaît bien évident que, dans le contexte économique actuel, entre autres, en matière de conciliation, les gens vont plus en conciliation parce qu'ils ont moins d'argent, puis c'est un processus qui peut retarder, à l'occasion, l'échéance des comptes. Mais quant à l'insatisfaction que l'on remarque dans certains cas, suite à des prises de décisions du bureau du syndic, j'aimerais peut-être que Me Guimont nous fasse part des types d'insatisfaction qu'on peut retrouver. (11 h 40)

M. Guimont (Pierre-Gabriel): C'est assez difficile à cerner, Mme la Présidente. Moi, j'attribuerais principalement cette insatisfaction-là à l'incompréhension du système juridique. Il y a beaucoup de gens, et c'est mon quotidien... J'ai beau passer des heures à essayer d'expliquer certaines situations, les gens ne comprennent pas. Il faut dire aussi que c'est un peu tout le système juridique que nous... Quand on reçoit des plaintes, c'est souvent des demandes d'information. C'est que les gens ne savent pas où aboutir. C'est un problème juridique? Alors, au bureau du Protecteur du citoyen, on va leur dire: Appelez immédiatement le syndic du Barreau. Au bureau du directeur des Communications au gouvernement du Québec, c'est la même chose. Dans un CLSC, on va tout nous référer. Alors, finalement, ces gens-là arrivent, et ils ne comprennent à peu près rien du système juridique. Il faudrait se mettre là et leur expliquer ça de long en large, et ça prend énormément de temps. Malheureusement, on n'a pas toujours le temps de le faire. Le problème principal vécu au bureau du syndic, surtout à Québec et à Montréal, c'est strictement le nombre de demandes absolument... Quotidiennement, ça nous étouffe littéralement.

Alors, de façon générale, notre intervention au bureau du syndic, aussi, c'est ce qui peut un peu expliquer la différence entre le nombre énorme de plaintes qui sont déposées et le nombre assez restreint de plaintes qui sont acheminées au comité de discipline. C'est que nous avons, en vertu de l'article 75.2, je crois, de notre loi, le pouvoir de concilier les différends. Et, ça, c'est spécifiquement prévu dans la Loi sur le Barreau. Ça ne se retrouve pas dans les autres corporations professionnelles ou au Code des professions, ce qui fait que dans bon nombre de cas — je vais vous donner les exemples les plus fréquents — il s'agit de conflits d'intérêts. Alors, qu'est-ce qu'on fait en matière de conflits d'intérêts? Habituellement, les avocats se retrouvent dans des situations de conflits d'intérêts un peu parce qu'ils ne le soupçonnaient pas. Ils ne se souvenaient pas que, il y a cinq ans, leur associé avait déjà agi pour madame dans le même dossier de divorce qui revient aujourd'hui. Et, étant inconscients... Évidemment, ce n'est pas un dossier qui va nécessiter une plainte disciplinaire, mais c'est un dossier qui nécessite quand même une intervention du syndic pour pacifier un peu tout le monde, concilier le différend, régler le problème.

Je dois vous dire que sur l'ensemble des dossiers qui sont confiés au syndic, où on demande au syndic d'intervenir, c'est très rare qu'il y a de l'insatisfaction marquée. Et, quand il y a de l'insatisfaction marquée, ça aboutit sur une plainte privée. Et ça, bon, on en a eu peut-être cinq ou six au cours de l'année dernière, mais pas davantage, et on s'aperçoit que sur ces cas-là, il y en a peut-être un ou deux où vraiment la plainte était fondée. Si le syndic ne veut pas donner suite immédiatement, c'est parce qu'il se disait: J'aime mieux attendre que le conflit légal qui est mû devant les tribunaux à l'heure actuelle soit réglé avant que moi j'intervienne. Parce que, pour le Barreau aussi, c'est une situation assez particulière. Au moment où on intervient, il y a déjà un procès qui est mû devant les tribunaux et on doit faire extrêmement attention pour ne pas favoriser une partie ou l'autre par notre intervention. Il faut être assez vigilant, il ne faut pas se laisser manipuler. Autrement dit, ça prend énormément de tact et de doigté à ce niveau-là. Alors, il ne faut pas se surprendre de la différence énorme qu'il y a entre les demandes d'information qu'on a et le nombre assez restreint de plaintes qu'on dépose.

Et, puisque l'occasion m'en est donnée, moi, ce que je vous dis, c'est que je vois mal, avec le système proposé par le gouvernement, à l'heure actuelle, comment je pourrais être plus disponible pour donner des services aux citoyens si je passe mon temps devant des comités, et c'est là mon principal problème. Je suis d'accord avec le principe et l'objectif mis de l'avant par la loi, c'est-à-dire que le syndic, bien qu'on doive lui accorder une certaine autonomie puis une protection, on doit quand même pouvoir aller au-delà de ses décisions. Il faudrait peut-être prévoir un mécanisme qui ferait que les syndics seraient quand même redevables de leurs décisions, parce que c'est sûr que nous, au Barreau du Québec, on a une formation juridique et on est aptes, si je peux dire, à livrer la marchandise, à ce niveau-là, à donner des décisions motivées et qui font le tour de la question. Je ne suis pas sûr que, dans les autres corporations professionnelles, les gens sont aussi bien équipés que nous, professionnellement parlant, je veux dire, pour donner les décisions. Ils sont peut-être très équipés, très outillés pour comprendre le geste posé par le professionnel, mais peut-être pas pour véhiculer une décision au citoyen. C'est peut-être là que le problème est.

La Présidente (Mme Hovington): II vous reste quatre minutes, je pense. Trois et demie. Ha, ha, ha!

Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Disons que, au niveau du citoyen, souvent, lorsqu'il reçoit une lettre de justification, peut-être que les termes, du fait qu'ils ne sont peut-être pas aussi juridiques que de la part d'autres syndics, ils sont peut-être aussi plus faciles à comprendre pour le citoyen. Il y a ça aussi qui peut jouer, là, en faveur des citoyens.

Vous savez, au niveau des perceptions, souvent, c'est simplement une question de termes. Moi, lorsque j'ai eu le dossier des corporations professionnelles, je vous avoue, j'ai commencé à consulter les citoyens dans mon comté et, lorsque je disais: Bon, j'ai le dossier des corporations professionnelles, pour la plupart des gens, corporation professionnelle ou association professionnelle, c'est exactement la même chose. Pour eux, c'est comme un syndicat, et lorsqu'on leur dit qu'ils ont à déposer une plainte au syndic, bien, ça leur confirme encore plus que, effectivement, ce sont des liens directs avec la corporation professionnelle. Or, quand vous avez parlé au niveau de l'information, c'est évident qu'on a du chemin à faire, mais il semble que, en même temps, on se retrouve dans une situation où il n'y a jamais eu autant d'information, mais, justement parce qu'il n'y en a jamais eu autant, de filtrer toute cette information-là et d'aller chercher ce qu'on a besoin comme information, ça devient de plus en plus difficile pour le citoyen. Et les structures sont rendues tellement compliquées, le système bureaucratique est tellement grand que plus personne ne s'y retrouve. Et je ne pense pas que, avec l'ajout d'autres structures, on vienne régler ce problème-de perception au niveau du citoyen. Moi, ça m'inquiète drôlement, en tout cas.

Vous nous avez fait part, aussi, de vos commentaires concernant le financement de l'Office, et puis, comme il n'y aura sûrement pas de commission parlementaire là-dessus, j'aimerais peut-être juste, brièvement, vous entendre un petit peu sur cette indépendance de l'Office qu'on se doit de préserver.

M. Gauthier: Évidemment, je ne suis pas aussi sûr que vous, quoiqu'on n'a pas eu, à ce niveau-là, de discussion avec le ministre responsable de l'Office, mais il est bien certain qu'il devra y avoir, à ce sujet-là, une discussion publique sur la question du financement de l'Office, parce que c'est quand même important. C'est-à-dire que l'organisme qui chapeaute et supervise l'ensemble des corporations professionnelles, qui elles-mêmes financent l'Office, je ne suis pas certain que, au niveau du public, on va assister là à une vue ou au même souci d'indépendance que l'on verrait normalement.

Il faut aussi vous dire que, puis on l'a répété régulièrement, l'ensemble des corporations professionnelles investissent ou, enfin, dépensent près de 100 000 000 $ par année, entre 70 000 000 $ et 100 000 000 $, dépendant si on y inclut le travail bénévole ou pas fait à l'intérieur de ça. Et le coût de contrôle pour le gouvernement d'environ 3 000 000 $ ne nous apparaît pas exagéré pour une institution publique comme celle-là. Dans le contexte ou, évidemment, on nous propose, dans Favant-projet de loi, des structures multipliées et, en même temps aussi, évidemment, beaucoup plus de lourdeur administrative, bien, les coûts de 3 000 000 $, j'ai bien l'impression, vont augmenter de façon excessivement rapide. Je ne critique pas

en ce sens-là la gestion faite par le président de l'Office, ce n'est pas ça, mais il est évident que, tels qu'ils sont proposés là, les coûts vont être de beaucoup supérieurs, et, à notre avis, ça, ça crée certainement, au niveau du public, deux niveaux, soit la multiplication de structures administratives et l'indépendance que doit avoir l'Office auprès des professionnels. Et une des façons, bien, c'est que le gouvernement y consacre quand même des sommes minimales. Si on parlait de centaines de millions de dollars, je serais d'accord avec vous, mais un problème de 3 000 000 $, si c'est ça qui préserve l'indépendance de l'Office vis-à-vis les professionnels et les corporations, on devrait certainement faire l'effort nécessaire.

Mme Caron: Je vous remercie beaucoup. (11 h 50)

La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. C'est tout le temps que vous aviez. M. le ministre, il vous reste quelques minutes. M. le député de Rimouski.

M. Tremblay (Rimouski): Mme la Présidente, j'ai déjà fait appel au syndic du Barreau du Québec et je dois vous dire que j'ai eu une excellente collaboration. Ils m'ont réglé un cas assez facilement et avec beaucoup de rapidité. Je dois vous rendre hommage à cet égard-là. Maintenant, si je comprends bien le contenu... D'ailleurs, votre mémoire, il est excellent. Je pense que je vais m'en servir comme référence parce qu'il est très bien fait. Ça nous permet de tout voir les tenants et aboutissants de chacun des articles de ce projet de loi. Cependant, en tout cas, ma perception de toute cette problématique du Code des professions et de l'Office des professions, c'est que le public sera protégé à travers des professionnels compétents et en même temps responsables. Et les corporations professionnelles doivent, à mon sens, protéger le public à travers des gens qui sont compétents, c'est-à-dire des professionnels qui sont compétents. Je pense que les syndics sont là pour le faire.

On a entendu tout à l'heure M. Jacoby, le Protecteur du citoyen, qui nous a fait une proposition nous disant: Ce ne sont pas les pairs qui doivent juger. Si je comprends bien, vous, vous êtes complètement en désaccord avec cette proposition-là parce que, finalement, ça remettrait en cause toute la démarche ou, en tout cas, ce qui se fait présentement, à savoir que ce sont les pairs qui jugent de la pertinence et de la compétence. Alors, vous êtes plutôt favorable à ça et vous seriez contre le fait que le syndic soit remplacé, par exemple, par un responsable de la déontologie professionnelle, tel que proposé dans le rapport de M. Jacoby.

M. Gauthier: Si vous permettez, d'abord au niveau de la présentation qui était faite habilement, je pense, par le Protecteur du citoyen, c'était une excellente analyse juridique, c'est-à-dire que ses interrogations portaient surtout sur des principes. On sait que, par exemple, dans d'autres institutions... On a parlé du Conseil de la magistrature et d'autres choses. On remarque que, là aussi, il y a une bonne partie de ce travail-là qui est fait par les pairs. Entre autres, les juges sont jugés par leurs pairs. Il arrive à l'occasion qu'il y a une personne du public. Mais, pour avoir été membre du Conseil de la magistrature, déjà, représentant le Barreau, je peux vous assurer que, des plaintes, on en recevait, et malgré le fait qu'il y avait des gens du public qui y siégeaient.

Le Barreau n'est pas nécessairement opposé à ça. Je pense qu'il va en discuter comme tel plus longtemps avec le ministre et avec le président de l'Office pour voir si on ne peut pas en venir à une entente à ce sujet-là. Mais de là à tout regrouper à l'intérieur d'institutions comme on a parlé, du commissaire à la déontologie, si vous voulez, c'est tout simplement rapatrier ce qui existe déjà et le replacer dans une structure gouvernementale. Ça va avoir exactement le même type d'effet et, évidemment, là les coûts vont être encore beaucoup plus multipliés que ce que propose l'Office. J'en demeure convaincu. Là vous allez assister à une inflation excessivement rapide et, l'efficacité, je suis loin d'être convaincu qu'il va y en avoir. Écoutez, quand vous avez 40, par exemple, comités de discipline qui siègent entre toutes les corporations professionnelles puis à des dates différentes, puis vous avez un tribunal, je peux vous dire que vous allez avoir des délais qui vont être énormes, des coûts, aussi, qui vont être énormes pour la part des citoyens qui devront le subir, ça. Je ne dis pas que l'étude qui est proposée par M. le Protecteur du citoyen n'est pas intéressante, ne mérite pas réflexion, ne nous aidera pas à avancer dans le dossier. Au contraire, je pense que c'est une étude qui est bien faite, mais au niveau pratique j'ai beaucoup de difficulté à l'associer avec la politique gouvernementale actuelle qui est de couper les coûts, qui est de rationaliser, qui est de faire performer.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le député de Rimouski. Alors, en conclusion, M. le ministre. Vous avez quand même deux, trois minutes pour...

M. Savoie: Merci, Mme la Présidente. On pense que, effectivement, au niveau des demandes reçues, des demandes retenues pour enquête, ça suit la tendance générale, sauf que, comme j'ai mentionné, il y a une activité importante chez vous. Pourquoi est-ce que vous ne publiez pas les résultats des enquêtes? Pourquoi est-ce que vous ne publiez pas les résultats, justement, des conciliations qui se font chez vous?

M. Gauthier: J'ai de la difficulté à comprendre votre question.

M. Savoie: Les enquêtes qui se règlent chez vous, par exemple, pourquoi est-ce que ça ne sort pas dans le rapport annuel? Pourquoi est-ce que vous ne présentez

pas, finalement, le résultat de votre travail? Parce que vous faites un travail considérable. C'est méconnu. Moi-même, je n'ai pas accès à ces documents-là. Ce serait intéressant de le savoir. Ce serait intéressant, je pense, que ça soit présenté. Je pense qu'il y a une...

Une voix: C'est ce dont M. Guimont parlait.

M. Savoie: Oui, c'est ça, mais... Si M. Guimont veut répondre.

M. Guimont: C'est parce que c'est très difficile. Quand on ouvre un dossier, habituellement, on l'intitule «Enquête et information», mais on ne sait pas exactement ce que le citoyen veut. Il faut le recontacter. Finalement, c'est tout un problème de gestion et de qualification de nos dossiers. Alors, en fermant un dossier, on devrait probablement peut-être le qualifier davantage pour que ça reflète mieux notre travail et que ce soit des statistiques plus fiables.

M. Savoie: C'est ça, oui. Ce qu'on constate, c'est que, souvent, le travail est méconnu de la part du grand public, même qu'on a de la misère à obtenir les informations. Là, on va changer ça avec le projet de loi. On va en avoir de l'information pour justement la présenter au public, pour qu'on puisse constater que, effectivement, il y a du travail valable qui se fait sur le terrain avec le mécanisme actuel. Il va également y avoir des modifications importantes. On ne se contentera pas de publier des chiffres. On va modifier les structures, vous pouvez être sûr de cela.

M. Gauthier: Oui, mais, M. le ministre, si vous le permettez, je ne suis pas certain, moi, qu'on a besoin d'amendement à la loi pour avoir plus d'informations.

M. Savoie: Non, non, mais on va insister, là.

M. Gauthier: Dans cette perspective-là, c'est, je pense, un travail administratif. M. le président de l'Office sait l'énergie qu'on y met et, d'année en année, ça s'améliore. Alors, c'est très perfectible. Le seul autre problème qu'il faut quand même vous souligner, c'est toute la notion du secret professionnel. Ça, il faut faire bien attention à y avoir accès.

M. Savoie: Ah oui, mais on parle de chiffres, là, on ne demande pas de publier les noms et les résultats. Par exemple, au niveau des...

M. Tremblay (Rimouski): Quand un avocat est radié, on le sait.

M. Savoie: ...enquêtes réglées...

M. Gauthier: Oui, mais, quand on ne donne pas suite à une enquête, on ne le publie pas, ça, que tel avocat a fait l'objet d'une enquête ou des choses comme ça.

M. Savoie: Ce qu'on demande, essentiellement, c'est d'avoir... Je pense que ce serait intéressant pour le Barreau de présenter les données. Vous êtes syndic depuis combien de temps au Barreau?

M. Guimont: Ça va faire 13 ans... M. Savoie: 13 ans déjà! M. Guimont: ...et je survis.

M. Savoie: Ha, ha, ha! C'est bien, ça. J'imagine que, à ce niveau-là, la notion, par exemple, d'un comité des plaintes, ce que je constate, c'est que vous voyez ça comme une montagne, les coûts élevés, quelque chose d'élaboré. On a examiné ça assez en détail, dans les chiffres, et je voudrais que ça soit clair pour la députée de l'Opposition. Ça fait plusieurs fois qu'on lui dit, et on va lui répéter encore. On a examiné le coût du comité des plaintes, et on a dit, d'une façon très claire, que, si c'est pour coûter des millions, ce n'est pas ça qu'on cherche à faire. On ne cherche pas à multiplier les structures. Ce qu'on cherche à faire, c'est d'avoir quelque chose qui fonctionne bien à un coût raisonnable. Un coût raisonnable, on vous l'a indiqué, évidemment, il va y avoir des échanges avec vous sur cet élément-là. Mais on pense que c'est essentiel pour l'apparence, pour la transparence, pour le Barreau, pour les corporations professionnelles, que le citoyen puisse avoir un accès à d'autres choses qu'un avocat, qu'il puisse être entendu et qu'il puisse échanger. Je pense que c'est fondamental. C'est quelque chose qui est absolument nécessaire, à ce moment-ci, à cause des difficultés, et on va certainement établir un mécanisme qui va être léger dans le sens que les coûts ne seront pas énormes. On a eu l'occasion, par exemple, d'échanger avec une corporation professionnelle qui l'évaluait, comme vous, à 1 000 000 $... non, à plusieurs centaines de milliers...

M. Gauthier: Oui, mais est-ce que je peux vous faire mon évaluation très simple?

M. Savoie: Non, ça ne donne rien parce que j'en ai cinq pages, moi aussi, mais il va certainement y avoir des rencontres et des échanges là-dessus.

La Présidente (Mme Hovington): C'est parce qu'il reste une minute.

M. Savoie: Oui, c'est ça. Je ne pourrai pas, à ce moment-ci... Mais tout simplement pour vous rassurer, en quelque sorte, en vous disant qu'on n'a pas pu toucher à plusieurs autres éléments de votre mémoire: la réglementation, les autres structures, l'impact, par exemple, des articles 45 et 55, tels que proposés. On

constate, évidemment, que, sur plusieurs éléments, ça va. On constate que, sur d'autres, il y a des modifications qui sont demandées. Ce que je peux vous dire, c'est que, évidemment, on va tenir compte, de façon importante, du mémoire du Barreau. Et ce qu'on demande au niveau, finalement, de la participation du Barreau, qui est toujours importante lors de la présentation d'une réforme, c'est de constater que, effectivement, on doit s'ajuster vis-à-vis l'opinion publique, que c'est fondamental et qu'il est impossible de voir ou de prétendre à un maintien du statu quo. (12 heures)

En terminant, Mme la Présidente, c'est que, ce matin, on est parti un peu sur le financement de l'Office et l'intégrité de l'Office. Je peux vous dire que les mécanismes vont faire en sorte, dans le projet de loi, que d'aucune façon l'Office n'aura à courir après de l'argent. On a laissé sous-entendre peut-être que ça va être dans une loi fiscale — oui, oui — et que la perception se fera probablement par un autre ministère, probablement le ministère du Revenu, c'est ce qui est proposé à ce moment-ci, et qu'effectivement le gouvernement va faire un chèque de...

Mme Caron: Le même ministre.

M. Savoie: Ah! Bien, c'est tout simplement le hasard. Et on comprend une certaine hésitation de la part de certaines corporations professionnelles à ce niveau-là mais, avec les changements et une fois qu'on va avoir présenté les deux côtés de la médaille, je pense que ça ne présentera pas de difficultés. Au niveau des consultations, on a fait sortir les consultations qu'on a effectuées auprès du Barreau...

Mme Caron: Mais ça ne dépasse pas le micro!

M. Savoie: ...entre autres, sur l'ensemble du projet de loi. Je comprends que, sur une période de trois ans, vous avez peut-être oublié jusqu'à quel point les corporations professionnelles ont été consultées pour la présentation de ce projet de loi. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Hovington): C'est bon de le rappeler parce qu'on dit que la mémoire a six mois; en politique, en tout cas.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Hovington): Alors, merci aux membres du Barreau d'avoir bien voulu venir présenter leur point de vue aux membres de la commission. Bonne journée!

M. Gauthier: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Hovington): J'inviterais l'Association des archivistes du Québec inc. à bien vouloir se préparer à prendre place, s'il vous plaît.

Je ne voudrais bousculer personne, mais j'inviterais tout de suite, s'il vous plaît, les gens à libérer la place pour que l'Association des archivistes du Québec puisse...

M. Beaudoin (Marc): Bonjour, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Hovington): Alors, bonjour. Si vous voulez bien vous présenter pour les fins du Journal des débats.

Association des archivistes du Québec inc. (AAQ)

M. Beaudoin: D'accord. Je suis Marc Beaudoin, je suis président de l'Association des archivistes du Québec et vous avez, à ma gauche, Mme Louise Ga-gnon-Arguin, qui est membre de notre comité des affaires professionnelles, membre émérite de notre association et qui, outre son titre de professeure à l'École de bibliothéconomie et des sciences de l'information de l'Université de Montréal, a été l'auteure d'une importante étude sur l'évolution de l'archivistique tant au niveau de la profession que de la discipline au Québec depuis 1960.

La Présidente (Mme Hovington): Alors, bonjour et bienvenue à la commission de l'éducation. Vous avez 10 minutes pour nous résumer votre mémoire.

M. Beaudoin: Mme la Présidente, si vous le permettez, j'ouvrirai la présentation simplement en présentant l'Association des archivistes du Québec, et Mme Gagnon-Arguin présentera l'essentiel des recommandations de notre mémoire. l'association des archivistes du québec a été fondée en 1967. elle compte plus de 500 membres qui oeuvrent dans différents secteurs d'activité. soulignons, au passage, que 34 % de notre membership vient des secteurs publics, que ce soit le milieu de l'enseignement, hospitalier, de la fonction publique en général et du secteur privé, 27 %.

Nos membres offrent aux organismes et à leur clientèle des services liés à la gestion de leur information, qu'elle soit produite ou reçue dans le cadre du mandat de ces organismes, à consigner sur un support quel qu'il soit et quelle qu'en soit la valeur légale, administrative, financière ou permanente de recherche.

L'Association offre à ses membres des services propres à assurer le développement, l'enrichissement et la promotion de leur profession et de leur spécialité. C'est ainsi que, depuis sa fondation, l'AAQ s'est dotée de moyens pour répondre aux besoins de ses membres et pour assurer un meilleur service à la collectivité:

description de tâches, formation, perfectionnement, code d'éthique, structure adéquate, dont un comité des affaires professionnelles.

Par ses différentes actions, l'Association s'implique dans la recherche et le développement de la discipline dans les institutions d'enseignement. De plus, l'AAQ assure la représentation de la profession dans la société québécoise et auprès des corps publics. C'est d'ailleurs à ce titre que nous venons vous présenter aujourd'hui notre mémoire.

Forts d'une expertise tirant ses fondements dans les plus anciennes civilisations, les membres de l'AAQ sont passés d'une formation basée sur l'apprentissage, comme les avocats, à un enseignement de niveau universitaire. Cinq universités québécoises dispensent une formation de premier cycle au niveau du certificat et deux universités donnent une formation au niveau de la maîtrise. D'ailleurs, ces diplômes sont maintenant nécessaires pour occuper une fonction d'archiviste ou de gestionnaire de documents. C'est donc dans ce contexte que l'Association vient présenter son point de vue sur l'évolution des professions et leurs répercussions sur le Code des professions.

Mme Gagnon va compléter le dossier.

Mme Gagnon-Arguin (Louise): Notre mémoire, très modeste par rapport à celui qui nous a précédé, veut présenter, en fait, trois aspects du sujet qui nous intéresse. On a d'abord, dans notre mémoire, présenté les archivistes comme modèle d'évolution des professions, on aurait pu le faire pour plusieurs autres professions. Et, ici, j'utilise le terme «profession», mais non dans un contexte du Code. Aussi, nous voulons rappeler le nouveau contexte d'évolution des professions et, peut-être un peu en aparté — et je me permets de régler le problème tout de suite — souligner le dépôt d'un autre projet de loi actuellement, le projet de loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé qui implique, et peut-être pas tout à fait assez explicitement à notre avis, la protection de ces renseignements dans les bureaux de professionnels.

Donc, je rappelle le premier point de notre mémoire, l'évolution des archivistes comme modèle d'évolution de ce que j'appellerais «les nouvelles professions». D'abord, il y a un regroupement dans une association, un apprentissage au métier qui se fait par le travail dans le milieu et qui, ensuite, évolue vers la reconnaissance de connaissances pour exercer le domaine d'activité, le code d'éthique et la hiérarchisation des tâches, qui permet de distinguer les gens qui occupent une tâche de professionnel et d'autres qui occuperont une tâche dite de technicien, et une définition du rôle social.

On s'aperçoit, donc, que toutes les nouvelles professions suivent un chemin qui les conduit à se doter d'à peu près les mêmes moyens que se donnent les professions reconnues. Le nouveau contexte d'évolution que nous avons souligné, c'est d'abord une nouvelle reconnaissance qui est celle du marché du travail qui reconnaît, elle, un niveau professionnel, et qui le reconnaît par le biais des syndicats. Il existe, le Syndicat de professionnels du gouvernement, et vous l'avez dans beaucoup d'autres organisations. Donc, le marché du travail reconnaît un type de professionnels et, ce type de professionnels, on le reconnaît sur une base de formation, généralement une formation de premier cycle universitaire. (12 h 10)

II y a aussi un autre phénomène, c'est les aspirations dites professionnelles d'un très grand nombre d'occupations qui veulent assurer un bon service. On peut aussi dire qu'elles aspirent à une reconnaissance professionnelle parce que, socialement, c'est bien vu, mais je pense qu'il y a plus que cela. Il y a quand même un désir d'une reconnaissance, quand même ce serait juste pour se distinguer du professionnel de la chaussure et du professionnel de la pizza; il y a quelque part un désir légitime, je pense, d'avoir une certaine reconnaissance et, d'autre part, cette incapacité et peut-être aussi la non-volonté, par manque de moyens et par toute la lourdeur que ça suppose, d'être géré par le Code. Donc, pour toutes les autres dites professions, il y a un cul-de-sac devant lequel elles sont acculées. On dit: Oui, on peut utiliser le terme «professionnel», on le voit bien à différentes sauces, mais pour plusieurs d'entre nous, plusieurs catégories de ces nouveaux professionnels, la structure actuelle de l'Office et du Code ne nous permet pas, donc, d'avoir accès à une reconnaissance, disons, une reconnaissance sociale, puisqu'on ne peut pas aller, éventuellement, à la reconnaissance légale.

Donc, notre recommandation veut, demande qu'on libère le terme «professionnel». Dans ce sens-là, on ne veut pas dire qu'on l'enlève, mais peut-être que, bon, je pourrai tout à l'heure, si vous le voulez bien, par vos questions, élaborer un petit peu plus sur le modèle possible à suivre. On demande que le terme «profession» ait une autre reconnaissance que celle de la reconnaissance légale. On est très bien conscients que l'idée est neuve, qu'elle n'est pas articulée suffisamment encore, mais, en tout cas, on veut au moins vous exprimer ce nouveau besoin, cette nouvelle réalité du marché du travail à côté de laquelle passe la structure actuelle de l'Office et du Code. Au fond, on cherche un équilibre entre le service des uns et les aspirations légitimes des autres. C'est, en gros, notre mémoire.

La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup.

M. le ministre, vous avez la parole. Vous avez dix minutes pour échanger avec nos invités.

M. Savoie: Merci, Mme la Présidente. Votre association est présente au Québec depuis 1967. C'est exact?

Mme Gagnon-Arguin: C'est ça, oui.

M. Savoie: Oui, 500 membres, c'est quand même assez imposant comme structure. Vous nous dites qu'au niveau du projet de loi vous voulez avoir des modifications en ce qui concerne, par exemple, la protection des renseignements. Le titre «professionnel», j'ai de la misère à saisir exactement comment on pourrait traduire ça au niveau de la réforme.

Mme Gagnon-Arguin: Bon. Remarquez que, nous, ce qu'on constate, c'est que, d'un côté, vous avez le Code des professions, l'Office des professions, des professionnels reconnus selon la loi, reconnus comme tels par la loi et qui, eux, doivent assurer la protection du public. De l'autre côté, on se dit: II y a des associations dites professionnelles.

M. Savoie: Comme la vôtre.

Mme Gagnon-Arguin: Comme la nôtre, mais qui n'ont aucune reconnaissance. Je regarde combien d'associations se donnent le titre d'«association professionnelle». Au fond, on s'aperçoit qu'accrochée au terme «profession» il y a toute une reconnaissance sociale. Se dire «association professionnelle», c'est se dire plus qu'une association tout court. Nous, on n'a pas encore accolé le terme «professionnelle» à notre association, mais on se demande s'il n'y aurait pas une possibilité d'une certaine reconnaissance qui, à mon avis, ne serait quand même pas dans le Code actuel et l'Office actuel, mais qui serait une structure; c'est-à-dire à moins qu'on élargisse la mandat de l'Office.

M. Savoie: Ah! oui, je comprends. Vous comprenez que lorsqu'on marque «professionnel», de plus en plus, ce que ça veut dire, à l'exception du «professionnel de la patate frite», ce que ça veut dire, en gros, c'est qu'il y a, par exemple, une assurance-responsabilité, qu'il y a des vérifications professionnelles effectuées par un syndic, et bientôt, qu'ils paient le fonctionnement de l'Office des professions. Ha, ha, ha! Tous ces petits plaisirs de la vie, quoi!

Mme Gagnon-Arguin: On a tout vu ça. Non, ça ne nous tente pas.

M. Savoie: Finalement, ça lui donne une connotation assez particulière dans le sens de surveillance. Là, vous dites: Est-ce qu'il y a moyen que l'expression «professionnel» puisse être étendue, finalement, à d'autres occupations qui ne sont pas, en tant que telles, dans l'organigramme du monde professionnel des corporations?

M. Beaudoin: On est conscients que notre profession, comme beaucoup d'autres professions — je pense aux archéologues qui ont aussi une formation universitaire — qui, de par leur vocation, n'ont pas la même importance sociale que les avocats, les médecins, où c'est vous et moi qui sommes affectés si un médecin fait mal son travail, etc.. Comme citoyens, on doit avoir des mécanismes de recours, de protection. Ce que le Code des professions a voulu établir, je pense que c'est bon, et on est tout à fait d'accord avec ça.

À notre niveau, on est conscients — là, je parle comme archiviste — que si on a à conserver les documents ou si on se rend compte que certains types de documents, en vertu de la Loi sur les archives, en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qu'ils soient privés ou publics, que ce soit l'accès à l'information aussi, donc, si, en vertu de ces lois qu'on s'est donnés, au Québec, pour organiser notre information, il y a des choses qui se font, ça n'enlèvera pas la vie à quelqu'un, ça ne lésera peut-être pas les droits collectifs mais, au bout du compte, oui, ça va léser les droits collectifs à long terme de nos descendants qui, eux, quand ils vont vouloir faire l'histoire de ce qu'on a fait de nos jours, ne pourront pas le faire parce que, sciemment, il y a des personnes qui se seront peut-être arrogé un titre qu'elles n'avaient pas parce qu'elles n'avaient pas la formation.

Nous autres, notre objectif, sans aller jusqu'à rechercher les avantages et les inconvénients de l'incorporation au sens du Code des professions de notre profession d'archiviste, c'est qu'il y ait, pour ce type de professions qui n'ont peut-être pas de connotation, excusez l'expression, de danger ou d'importance, mais qu'il y ait une façon de reconnaître que ce sont des gens qui ont dû avoir une formation quand même rigoureuse pour appliquer ce travail et que n'importe qui ne peut pas se dire archiviste simplement parce que, lui, il aime ça l'histoire, puis ça lui tente de travailler dans les archives.

Il s'agit, à ce moment-là, d'une reconnaissance professionnelle qui permette que ces professionnels-là, ces gens qui ont investi dans leur formation au même titre que les avocats, au même titre que les autres professions, ils puissent dire: Oui, j'ai une profession, j'ai une formation qui me permet d'aspirer à avoir des emplois reconnus, et non pas qu'on engage n'importe qui sous prétexte que ça coûte trop cher, etc. C'est un peu ça, là, l'objectif qu'on vise. On pourrait peut-être prévoir une espèce de mécanisme à deux niveaux, à deux structures, qui permettrait d'être plus souple pour des professions dites plus larges, qui n'ont peut-être pas la même connotation. Puis, je pense qu'il faut respecter ce volet-là de connotation de sécurité du public qui est dans le Code des professions, mais il faut aussi, je pense, s'assurer que le public, que la collectivité puisse s'assurer que les autres professionnels...

Je prends sciemment l'exemple des archéologues. Vous savez très bien qu'un archéologue, qu'un individu qui irait détruire un site archéologique détruirait l'histoire s'il faisait mal son travail. Pourtant, ce n'est pas reconnu sur le plan professionnel; et, à mon avis, sur le plan de l'histoire, il fait pire qu'un médecin.

M. Savoie: Bon, c'est intéressant. Finalement, ça touche un peu le débat qu'on avait vu, il y a quelques années, au niveau de la troisième voie: regrouper les professionnels qui veulent se structurer et s'articuler autour, non seulement de la reconnaissance du travail qu'ils font, mais également pour la protection du public. C'est ça? Ça rejoint un peu ce qu'on avait dit à ce moment-là. Effectivement, dans le projet de loi actuel, on ne trouve pas cette orientation-là. Il était de notre intention de la couvrir, mais il y a des problèmes qui se soulèvent. Mais, écoutez, tout se corrige. On est capable d'y réfléchir davantage et, si vous voulez effectivement participer au financement de l'Office, il nous fera plaisir de vous entendre de nouveau.

Mme Gagnon-Arguin: On pourrait vous proposer des choses.

La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup.

M. Savoie: Et d'avoir un syndic, bien sûr.

La Présidente (Mme Hovington): Je reconnaîtrai maintenant Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Comme vous avez vu, l'aspect qui intéressait le plus le ministre à la fin, c'est d'avoir plus de professions pour payer le financement de l'Office. Je vais juste me permettre une petite remarque. Tantôt, le ministre nous a parlé de ses consultations. Il nous avait bien dit que ça dépassait le micro. Alors, c'est un petit peu plus bas que le micro, vous pouvez en rajouter une autre pile, ça va aider, M. le ministre. Vous allez être obligé de baisser le micro. (12 h 20)

M. Beaudoin et Mme Gagnon-Arguin, vous apportez évidemment un débat intéressant. Et c'est évident qu'au niveau du nombre vous avez même plus de membres que beaucoup de corporations professionnelles reconnues dans le Code. Je pense, par exemple, aux podiatres qui, en 1991, étaient 95; les audioprothésistes, 142; les techniciens dentaires, 303, et les urbanistes, 524. Donc, au niveau du nombre, vous avez effectivement un nombre suffisant au niveau des corporations professionnelles.

Ça m'amène aussi à la première constatation que j'avais faite lorsque j'ai eu ce dossier: vous avez des professions qui ne sont pas seulement des nouvelles professions. Je pense, par exemple, aux enseignants et enseignantes du Québec. Je suis une ex-enseignante. J'ai toujours cru que les enseignants et les enseignantes, c'était effectivement une profession. C'est une profession, mais on ne retrouve pas les enseignants et les enseignantes parmi les 41 corporations professionnelles au Québec. Et, pourtant, les actes qui sont posés ont des répercussions sur tout l'avenir, puisque c'est la formation des jeunes du Québec. On a, comme société, à s'interroger sur cette notion de «professionnel» et je pense que votre mémoire est intéressant à ce chapitre-là.

Vous disiez tantôt, Mme Gagnon-Arguin, qu'il était minime, votre mémoire, mais ce n'est pas juste une question de volume, c'est une grande question, une question extrêmement importante. Et, au niveau du modèle à suivre, il va falloir dégager des pistes de solution.

Vous abordez aussi dans votre mémoire un autre élément extrêmement important: la protection des renseignements personnels. Les craintes de certaines corporations professionnelles sont à l'effet que la loi 68 ne sera peut-être pas en harmonie, et il va falloir que ça soit en harmonie avec ce qui va être proposé au niveau de la réforme du Code des professions. Là-dessus, je pense que ça va être important de retenir ce que vous nous avez dit.

Au niveau du modèle à suivre, vous nous avez dit: Si vous avez des questions un peu plus précises sur le modèle à suivre... Pour vous, selon les premières pistes de solution qu'on pourrait dégager, qu'est-ce que vous souhaiteriez?

Mme Gagnon-Arguin: Est-ce qu'on est autorisés à poser des questions, nous aussi?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Gagnon-Arguin: Est-ce qu'on peut imaginer changer le nom ou ajouter au nom du Code et au nom de l'Office un terme qui pourrait être «agréé»? Le terme qui me vient, c'est toujours «profession reconnue». Je pense que ce n'est peut-être pas très élégant dans un titre; donc, il faudrait trouver autre chose. «Agréé», on a déjà les comptables agréés. Mais si, déjà, on avait une appellation qui distinguait vraiment les professionnels qui sont reconnus par la loi de ceux qui sont reconnus par le marché du travail...

L'autre jour, j'étais appelée comme témoin expert dans une cause qui opposait à la ville de Montréal l'appartenance syndicale d'un groupe d'archivistes. On devait soutenir que les gens qui étaient là étaient des professionnels. Eh bien, toute notre argumentation — et je pense que même la défense était un peu d'accord avec nous — était: Pour que ce soit un professionnel, dans ce cas-là, c'était quelqu'un qui avait une formation de premier cycle dans un domaine x, donc dans le domaine pour lequel on l'engageait. Donc, le marché du travail reconnaît déjà un niveau.

L'important dans ça, je pense, c'est d'avoir des balises claires comme celles que le Code nous donne pour les professions reconnues. Je pense que ça pourrait être une des possibilités et, à ce moment-là, on irait avec cette autre réalité du marché actuel, qui n'était pas là en 1973, parce que tout l'éclatement, évidemment, de la formation et de l'enseignement universitaire, entre autres, a fait qu'on arrive avec une quantité de diplômes.

On me disait qu'à Montréal, pour ne donner qu'un exemple de Montréal, je pense qu'il y avait 80 professions qui faisaient partie... mais professions qui sont là à cause de leurs connaissances. «Connaissances reconnues» étant une reconnaissance de premier cycle. Donc, pour moi, ce n'est pas nécessairement beaucoup plus que ça, dans un premier temps. C'est peut-être de définir, si vous voulez, dans le titre, ces professions reconnues qui pourraient être éventuellement des professions dites agréées. Et, ensuite, il y aurait place — que ce soit soumis, à ce moment-là, à une loi ou pas, il faudrait voir — pour cette reconnaissance des autres professionnels qui sont peut-être, actuellement, en plus grand nombre que ceux qui sont reconnus effectivement.

Mme Caron: Oui. L'élément que vous apportez, au niveau de la reconnaissance générale qui se fait habituellement, parce que c'est un diplôme de premier cycle universitaire, nous avons des corporations professionnelles où il y a des études collégiales...

Mme Gagnon-Arguin: Oui.

Mme Caron: Alors, ce n'est pas évident, non plus.

Mme Gagnon-Arguin: Oui. Mais, pour celles-là, c'est souvent le bien du public qui... Ce sont des corporations qui touchent au domaine de la santé; donc, je pense que là aussi ça se définit bien.

Mme Caron: Est-ce que vous croyez, un petit peu comme le ministre le disait tantôt, qu'il pourrait y avoir finalement trois voies, trois sortes de professions qui seraient régies et que la base, en tout cas, ça devrait être au moins, lorsqu'il y a profession — et là je ne dis pas corporation, lorsqu'il y a profession — il y a automatiquement code de déontologie et on s'assure aussi d'une certaine protection du public?

Mme Gagnon-Arguin: Je pense qu'il faut avoir absolument la formation, qu'il faut une association suffisamment forte, qu'il y ait un code de déontologie, parce que ce sont les conditions, et que la profession soit bien définie, son rôle social. C'est aussi important d'avoir bien défini quel bien du public on défend ou on sert. Et on réalise que tous les domaines d'activité qui s'en vont vers la profession ont fait ça, mais ils arrivent toujours dans un cul-de-sac. Je pense que la quantité de demandes qui se rendent à l'Office, c'est la preuve qu'il y a des aspirations, mais comme c'est la seule voie, bien, on se dit: S'il n'y a pas ça, il n'y a plus rien d'autre. Il y a vraiment, là, un problème. Le marché du travail a changé depuis 1973, mais on reste avec la même structure qu'on avait en 1973 pour ce marché x.

Mme Caron: Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. le ministre, en conclusion.

M. Savoie: En conclusion, Mme la Présidente, c'est qu'ils ont touché un problème, là, qui, je pense, mérite toute notre attention, qu'on a dû mettre de côté dans cette réforme parce qu'on avait de la misère à évaluer le concept, dans le sens que... C'est-à-dire, c'est la fameuse troisième voie. Alors, c'était de dire: Bon, bien, les organismes qui sont reliés à la protection du public, comme les archivistes... Les archivistes, finalement, ont très peu de relations avec le grand public, travaillent avec des organismes, sont souvent à l'emploi d'un autre... On n'affiche pas qu'on est archiviste, puis quelqu'un... Ils jouent un rôle social, sentent le besoin de se protéger entre eux, de développer une infrastructure.

Ce qu'on cherche, c'est quelque chose de léger parce que, finalement, on n'a pas le même problème avec les archivistes, par exemple, au niveau des échanges du public, qu'on a, par exemple, avec les infirmiers et infirmières, les médecins, le Barreau, la Chambre des notaires, des choses comme ça. Il n'y a pas cette même relation, mais ce qu'ils veulent, finalement, ils veulent une reconnaissance pour le rôle social qu'ils jouent, d'une part; d'autre part, ils veulent également être reconnus comme professionnels, parce que ce sont des professionnels en grande partie et, troisièmement, ils veulent s'assurer que cette reconnaissance se traduise par l'imposition de certaines obligations sur les membres de leur association. D'eux-mêmes, ils ne peuvent pas arriver, puis commencer à faire des vérifications, puis dire à un tel: Tu exécutes mal ton emploi au niveau professionnel; tu n'as pas, par exemple, les qualifications qui s'imposent pour exécuter ton mandat et, en conséquence, tu n'as pas le droit de participer à cette corporation.

Finalement, ce qu'ils disent, c'est: On est tout à fait prêts à assumer les obligations en autant que nous avons certains droits également. On avait examiné ça et, malheureusement, on n'a pas pu le retenir dans notre réforme, mais on va certainement y revenir. Et puis, c'est comme je vous l'ai dit, Mme la Présidente, là, on a du monde qui veut, qui insiste pour payer de l'argent — ha, ha, ha! — pour voir au fonctionnement de l'Office des professions, ce qui n'est pas méchant.

Mme Gagnon-Arguin: II me semble qu'on n'a pas dit ça dans notre mémoire. Ha, ha, ha! (12 h 30)

M. Savoie: Et cette troisième orientation... Parce que, finalement, notre structure va avec des gens qui ont des actes réservés, il y en a un autre groupe qui ont des titres réservés et là, finalement, on a un groupe qui veut tout simplement avoir une structure beaucoup plus légère que ce qui existe ailleurs pour être capable, finalement, de développer un code de déontologie, un syndic, mais avoir une surveillance pour savoir que ce n'est pas

n'importe qui qui pourra se lever puis se dire archiviste. C'est ça, le problème... lorsqu'ils n'ont pas de contrôle, par exemple. Ça a bien du bon sens et on partage avec eux leur souci.

Je peux vous dire qu'au début il était de mon intention de voir à créer quelque chose. C'est parce que le mécanisme est difficile et peut-être qu'on sera en mesure, à ce moment-là... Je ne dis pas que c'est exclu du projet de loi, ce n'est pas ça que je suis en train de vous dire. Si on est capable de trouver quelque chose de rapide à ce moment-ci, sans s'embarquer dans une longue consultation, parce que c'est quelque chose de majeur, le Conseil interprofessionnel va être là-dedans, l'Office, toutes sortes de monde... Mais, certainement, il y a quelque chose qui va venir. On sent le besoin se dessiner de plus en plus.

La Présidente (Mme Hovington): D'accord.

M. Beaudoin: Soyez assuré, M. le ministre, que l'Association des archivistes serait tout à fait disponible pour travailler avec vous à la création de cette troisième voie.

M. Savoie: Parfait. Alors, je dépose ça dans ma mémoire.

La Présidente (Mme Hovington): Et c'est enregistré. Alors, merci d'être venus nous présenter votre mémoire à la commission de l'éducation. Bonne journée!

J'inviterais maintenant l'Association professionnelle des informaticiens et informaticiennes du Québec à bien vouloir venir prendre place.

Nous allons suspendre quelques secondes pour vous laisser le temps de vous installer.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

(Reprise à 12 h 33)

La Présidente (Mme Hovington): Nous recevons l'Association professionnelle des informaticiens et informaticiennes du Québec. Bienvenue à la commission de l'éducation. Si vous voulez bien vous présenter pour fins de transcription des débats.

Association professionnelle des informaticiens et informaticiennes du Québec (APIIQ)

M. Dupuis (Clermont): Je voudrais vous présenter, à mon extrême gauche, Mme Esther Ross, qui est administratrice de notre association, qui est aussi conseillère au directeur des technologies de l'information à la Société de l'assurance automobile du Québec; M. Roger Robert, ici, à ma gauche, qui est aussi administrateur de l'Association et conseiller en gestion et systèmes informatiques au ministère du Revenu du gouvernement du Québec; à ma droite, ici, M. Claude Isabelle, qui est président sortant de l'Association, qui travaille au ministère de la Santé et des Services sociaux au gouvernement du Québec, et, enfin, moi-même, Clermont Dupuis, président de l'Association, je suis professeur au Département d'informatique à l'Université Laval.

La Présidente (Mme Hovington): Alors, vous avez 10 minutes pour nous résumer votre mémoire.

M. Dupuis: D'accord. Peut-être la première chose, je voudrais vous présenter très, très brièvement l'Association; dans un premier temps, la mission de l'Association. Je me permets de lire rapidement, ici. Le premier élément, c'est d'intervenir dans notre champ de compétence pour que l'informatique contribue de façon efficace et sécuritaire au développement social, économique et culturel de notre société, la société québécoise; de veiller aussi à la formation d'informaticiens professionnels compétents, responsables; promouvoir une pratique selon des règles d'éthique professionnelle et, enfin, réaliser dans cet esprit une corporation professionnelle des informaticiens et informaticiennes du Québec.

Comme bref historique de l'Association, notre association a été fondée en 1986. Présentement, on compte environ 1100 membres professionnels. Ce que je pourrais ajouter, c'est qu'on a fait, au printemps de 1992, une demande formelle de constitution en corporation professionnelle. Présentement, l'Office des professions étudie notre dossier.

Je voudrais tout de suite faire une mise en garde avant d'aller plus loin au niveau du mémoire. Je voudrais vous indiquer que, dans le fond, notre réflexion a porté beaucoup plus sur les grands principes plutôt que sur les modalités, au niveau de l'avant-projet de loi. Alors, les principes généraux qui ont guidé notre réflexion sont les suivants. C'est d'abord, d'une part, et c'est extrêmement important, que la protection du public doit demeurer l'objectif fondamental; tantôt, on pourra en discuter. On voudrait peut-être élargir ce concept de protection du public.

On veut aussi un système professionnel québécois capable d'évoluer et de s'adapter à la réalité de la société québécoise; une plus grande transparence de la part des corporations professionnelles; une implication plus grande aussi de la part du public — ça, au niveau de l'avant-projet de loi, on en parle — et je dirais une plus grande efficacité du système professionnel.

Au niveau des caractéristiques du système professionnel québécois actuel, de notre chaise à nous, il nous semble que notre système est plutôt fermé. On a beaucoup de difficulté, on a l'impression qu'on y retrouve des chasses gardées et on a un peu de misère à vivre avec ça. D'un autre côté, on veut et on a fait une demande pour constituer une corporation professionnelle.

On se dit qu'en tant qu'informaticiens on a de la misère à fonctionner sans qu'il y ait constitution d'une telle corporation.

Au niveau du système professionnel québécois, on a l'impression qu'il y a des difficultés d'adaptation. On a l'impression que ça ne va pas au même rythme que la société québécoise évolue.

Et un dernier élément, c'est concernant la portée illimitée du concept de protection du public. Là, je voudrais juste, très rapidement, vous donner un petit exemple qu'on me présentait dernièrement. Imaginons le système professionnel québécois comme étant une maison, la nôtre, celle à laquelle on tient beaucoup, on voudrait la protéger. Une première façon de le faire, c'est peut-être d'avoir un système d'alarme. Si jamais le feu prend, on aura au moins l'indicateur pour nous dire que notre maison est en péril. Mais il y a aussi d'autres façons de protéger cette maison-là, entre autres, d'avoir un système de chauffage, un système électrique, etc., qui sont au point et corrects. Vous voyez, ce concept de protection du public, on a l'impression qu'on pourrait le développer davantage.

Rapidement, je voudrais, comme dernier élément de réflexion, vous parler des catégories de corporations professionnelles. Comme vous le savez sûrement, une première catégorie que l'on retrouve, c'est à titre réservé et exercice exclusif. Lorsque, nous, on a fait notre demande à l'Office des professions pour former une corporation, on a exclu automatiquement cette catégorie professionnelle pour plusieurs raisons. Vous savez comme moi que l'informatique, c'est une discipline très, très jeune. Les premiers diplômes universitaires sont... Je prends l'Université Laval que je connais un peu plus, il y a 25 ans, aux environs. C'est une discipline qui, je dirais, a évolué avec l'aide d'autres disciplines et je pense qu'avec une telle catégorie de corporation professionnelle on aurait beaucoup de difficultés. On ne pourrait plus, dans le fond, autant partager avec les autres disciplines comme on le fait un peu présentement. Donc, l'exercice exclusif pour nous, c'est une rigidité et un cloisonnement qui est contraire à l'évolution de notre discipline.

Autre élément. Il faut voir aussi qu'on subit des pressions énormes, soit au niveau de la discipline, au niveau de notre association, de la part d'autres corporations professionnelles ou de la part d'autres associations professionnelles. Donc, lorsqu'on est une association professionnelle comme la nôtre, c'est dur de... je dirais... je vais utiliser le mot «lutter» pour définir notre champ de pratique et, dans le fond, de le faire évoluer.

Si je regarde maintenant le titre réservé seulement, il a un avantage, ça nous accorde une reconnaissance professionnelle. Et, ça, on rejoint un petit peu la présentation qui a été faite tantôt, ça permet de définir un champ de pratique professionnelle. Ça, c'est très positif, sauf que ça n'empêche personne de pratiquer la profession. Donc, si notre objectif, c'est de protéger le public, même avec un titre réservé, il n'en restera pas moins qu'un peu M. Tout-le-Monde, Mme Tout-le-Monde pourra pratiquer dans le domaine de l'informatique sans nécessairement avoir les compétences.

Une autre interrogation qu'on a face au titre réservé seulement, c'est un peu la viabilité. On regarde un peu les corporations professionnelles existantes qui ont le titre réservé seulement et il y a des difficultés au niveau, par exemple, de la rentabilité, de la viabilité de ces corporations. (12 h 40)

Donc, à notre sens à nous, ces deux catégories de corporations professionnelles sont appelées à disparaître, ou à tout le moins dans leur façon d'être aujourd'hui. Et on propose une nouvelle catégorie — on n'est pas les premiers à proposer cette nouvelle catégorie de corporation professionnelle — c'est une corporation à titre réservé et actes exclusifs. Pour nous, c'est, dans le fond, une façon d'aller réfléchir davantage sur ce qu'on entend par la pratique professionnelle, aller beaucoup plus dans le détail et définir quels sont les actes qui sont vraiment exclusifs et quels sont les actes qui, dans le fond, pourraient être posés par des professionnels de différentes disciplines qui peuvent être connexes à l'informatique, par exemple.

Moi, je suis professeur à l'université et j'ai à collaborer avec des professionnels de bien des disciplines, et la collaboration interdisciplinaire, pour moi, c'est essentiel. L'informatique est peut-être une des disciplines, justement, où on collabore beaucoup avec des gens d'autres professions.

Autre élément qui vient militer en faveur de cette nouvelle catégorie: ça nous permettrait, dans le fond, d'alléger, à mon sens, la gestion du système professionnel actuel parce qu'on a l'impression qu'on a, j'allais dire, un gâteau, et puis, le gâteau, c'est l'ensemble des champs de pratique, dans le fond, les différentes corporations professionnelles. On a l'impression qu'il y a toujours des luttes pour essayer d'agrandir le champ de pratique de chacun, alors que, si on définissait des actes exclusifs, ça nous permettrait, dans le fond, aussi, de pouvoir travailler, nous, en tant qu'informaticiens, avec des ingénieurs, avec des médecins, avec des gens de différentes disciplines. Il y aurait peut-être moins de luttes fratricides, je dirais. Ha, ha, ha!

Autre chose: Ça nous permettrait aussi de faciliter la redéfinition des champs de pratique des professions. Je pense que, ça, c'est extrêmement majeur, parce que les professions évoluent très rapidement et il faudrait être capable de redéfinir, et ce, très facilement, ces champs de pratique. Donc, si on poussait davantage sur cette réflexion-là, j'ai l'impression qu'on aurait plus de facilité.

En conclusion, nous, les recommandations qu'on fait, c'est qu'il faudrait, je pense, un système professionnel québécois avec une capacité accrue d'adaptation à notre société. On voudrait aussi une nouvelle charte des professions qui est redessinée sur la base des actes posés et sur la base d'une nouvelle catégorie de corpora-

tion professionnelle, celle qu'on vous a présentée; une redéfinition aussi du concept de protection du public. Et, enfin, dans le fond, les enjeux économiques, sociaux et culturels qui sont inhérents à notre discipline sont majeurs et je pense qu'il faut poursuivre la réflexion à ce niveau-là. Merci.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Dupuis.

M. le ministre, vous avez la parole.

M. Savoie: Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, finalement, c'est un peu la même orientation que le mémoire précédent, c'est-à-dire: on a une formation universitaire, on occupe une partie importante au niveau de notre fonction économique, on a un rôle social, également, à jouer et ce qu'on constate, c'est qu'avec un peu plus d'attention on serait en mesure d'avoir une structure professionnelle au Québec qui représente plus la réalité si on était capables de faire des aménagements en conséquence. Ça va un peu, comme je l'expliquais... J'imagine que vous avez su, au travers des explications qu'on a fournies au niveau des archivistes, voir l'élément qui est fondamental.

Donc, c'est ça! une autre gang pour l'Office — ha, ha, ha! — et les frais de fonctionnement de l'Office, le CIQ. On recherche ça parce que, finalement... Ce n'est pas le statut social. En tout cas, je ne le vois pas comme ça. Il y en a qui pensent que, bon, c'est relatif au statut social; je ne crois pas, c'est au niveau de son statut professionnel. C'est ça qu'on veut, on veut protéger davantage le titre. On veut, par exemple, qu'une personne qui s'appelle informaticien, informaticienne puisse avoir un minimum d'assurance, bon, au niveau de la protection du public, au niveau de son intégrité, qu'il y a une vérification qui se fasse, que ce ne soit pas laissé au large et que n'importe qui puisse s'appeler «informaticien». C'est ça qu'on veut protéger, on veut protéger l'intégrité de son emploi, et c'est louable. C'est louable, c'est tout à fait louable.

Une question que je me posais dans ce sens-là, c'est que vous êtes un peu, par exemple, comme certaines corporations professionnelles qui travaillent, en emploi, qui étaient là en 1973... Vous n'y étiez pas, pour une raison quelconque, en 1973. S'il y avait la reconnaissance professionnelle, évidemment, on ne demande pas que tous les informaticiens et informaticiennes fassent partie de votre corporation professionnelle. Ça serait finalement une corporation professionnelle à titre réservé, essentiellement, avec peut-être certains actes. Je ne sais pas là. C'est ça?

M. Dupuis: Dans le fond, c'est qu'il y a certains actes que l'informaticien est à même de poser, où là, vraiment, c'est des actes exclusifs. À notre avis, là, on devrait... Ce qu'on a aujourd'hui, là, une pratique exclusive. Par contre, il y a beaucoup d'autres actes, par exemple, que l'ingénieur, que le gestionnaire, que les gens d'autres professions ont à poser; ils peuvent aussi poser ces actes-là dans l'interdisciplinarité.

M. Savoie: II y a une affaire que je voudrais que ce soit bien clair pour tout le monde. Ça veut dire que, par exemple, IBM serait obligée d'utiliser des membres de la corporation des informaticiens?

M. Dupuis: Si, dans son entreprise, elle a besoin, je dirais, de gens qui ont à poser des actes exclusifs, par exemple, de développer des systèmes informatiques — parce que c'est un peu ça notre pratique professionnelle — des systèmes informatiques qui engagent, par exemple, la vie du public, etc., bien, je pense qu'il va falloir faire une réflexion approfondie là-dessus; et, là, IBM devrait engager des membres d'une corporation professionnelle.

M. Savoie: Elle serait obligée par la loi. M. Dupuis: Oui.

M. Savoie: Oui, d'embaucher du monde de votre corporation professionnelle. Le morceau est gros pas mal. Mais disons que, si on se rabat au moins sur la notion de «corporation professionnelle» existante... Je pense, par exemple, aux conseillers en relations industrielles, aux conseillers en management; ça existe, ces corporations-là où on cherche à développer, tout simplement par souci professionnel, une vérification, des contrôles sur les membres qui exercent dans une corporation, à développer des cours de formation continue, finalement, de voir à ses occupations professionnelles. Ça rencontre exactement, par exemple, l'orientation qui a été donnée par les archivistes. Et, là encore, c'est...

M. Dupuis: La difficulté là-dedans, c'est qu'en informatique, vous savez, jusqu'à maintenant, les informaticiens n'ont jamais eu de difficulté pour se trouver de l'emploi. Je pense qu'ils n'attendent pas après la formation d'une corporation professionnelle.

M. Savoie: Non, c'est ça.

M. Dupuis: Et, pour eux, c'est très difficile, pour une association comme la nôtre, de fonctionner puis d'agir comme une corporation professionnelle avec les moyens qu'on a. C'est très dur, par exemple, de mobiliser nos gens, parce qu'ils ont bien d'autres préoccupations. Par contre, quand on regarde l'intérêt du public, il y a plusieurs études qu'on a examinées, et, entre autres, on dit: Une personne qui reçoit un baccalauréat en informatique, par exemple, de trois ans, au bout de quatre ou cinq ans, ce baccalauréat est désuet. Alors, une de nos préoccupations à nous, c'est des programmes de formation continue. En informatique, c'a son intérêt peut-être encore plus que dans bien d'autres disciplines, ça évolue à un rythme très rapide. Mais comment moti-

ver, sensibiliser, je dirais même imposer des programmes de formation continue à nos membres? Ce n'est vraiment pas évident. Et c'est pour ça que, sans avoir une corporation professionnelle, on a de la difficulté pour aller chercher tout ce monde-là.

M. Savoie: C'est ça. Vous aviez une intervention aussi?

M. Robert (Roger): Ça allait un petit peu dans le même sens que M. Dupuis. Je pense que sa grande humilité l'a empêché, jusqu'à maintenant, de vous dire que les informaticiens, entre nous, on peut se dire qu'on n'a pas besoin d'une corporation professionnelle d'informaticiens. Malgré qu'on ait déposé une demande à l'Office l'an dernier, si on regarde comme il faut la question, effectivement, les informaticiens n'ont pas de problèmes chacun dans leur coin. Mais par exemple, lors de l'examen d'un projet de loi sur la protection des renseignements personnels au niveau du secteur privé, là on voit tous les transferts d'information, toutes les manipulations qui peuvent se faire à l'aide de l'informatique. (12 h 50)

L'informatique est un outil puissant, l'information est devenue une ressource stratégique, les informaticiens sont spécialisés dans ce domaine-là. La demande est très forte. Non seulement il n'y a pas de problème d'emploi, mais il y a une étude qui a été publiée récemment par Emploi et Immigration Canada sur la capacité concurrentielle du Canada dans le domaine du logiciel. On sait que, le domaine du logiciel, c'est un domaine économique important, ça fait partie des grappes industrielles du ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Savoie: C'est ça, oui.

M. Robert: Nous autres, on se dit: On le demande, on le veut, le statut de corporation professionnelle, mais c'est bien plus la société qui en a besoin. Ce qu'on dit là-dedans, c'est que, actuellement, il y a une certaine pénurie de ressources compétentes et, de plus en plus, il va y avoir une pénurie majeure. On prévoit que d'ici 1995 on va passer de 150 000 à 270 000 employés du logiciel au Canada. Les compétences sont remises en question, les compétences plafonnent, on n'a pas de programme de formation continue. Je pense qu'on a au Québec, dans le système professionnel, des outils qui sont développés: on a le Code des professions, l'Office des professions et tous les intervenants dans ce domaine-là. Je pense qu'on devrait utiliser le système qu'on a avec son efficacité actuelle et dire: On a une profession où il y a des besoins de normalisation, où il y a des besoins d'établir les compétences, où il y a des besoins de faire progresser les connaissances et on a justement un groupe qui veut s'occuper de ça. Bon, eh bien, bravo! Allons-y!

Il y a des problèmes économiques et sociaux, aussi, qui sont rattachés à ça et le gouvernement ne sera pas obligé d'investir des sommes beaucoup plus importantes que le fonctionnement de l'Office pour, finalement, faire tout ce travail-là que les professionnels du domaine vous proposent de faire eux-mêmes. On a les outils pour le faire, c'était ça mon intervention.

M. Savoie: C'est ça. C'est justement ça l'orientation de cette troisième possibilité qui existe ici et là aux États-Unis, ce genre de structure dans certains États, et c'est quelque chose qui doit se faire, comme je l'ai mentionné aux archivistes. Il va falloir, un jour, s'asseoir et créer cette infrastructure-là pour vous permettre, justement, de développer une reconnaissance et des mécanismes de surveillance pour vos membres. Je pense que c'est ça qui est recherché par plusieurs et il va falloir y répondre parce que, si on n'y répond pas, il va se développer une autre chose, et cette autre chose risque de ne pas satisfaire des critères comme la protection du public, et on risque de se ramasser dans des histoires assez difficiles, comme on en a vu dans d'autres secteurs, pour éviter de les nommer.

Alors, content de savoir que vous voulez participer au financement de l'Office et du Conseil interprofessionnel dans tout ça, et que ça ne constitue pas un souci.

La Présidente (Mme Hovington): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, Mme la Présidente.

Alors, M. Dupuis, M. Isabelle, M. Robert, Mme Ross, bienvenue. Moi, à la lecture de votre mémoire, j'ai eu une perception passablement différente de la demande précédente de l'Association des archivistes. Je pense que la demande de l'Association des archivistes se situait beaucoup plus au niveau d'une reconnaissance, alors que votre demande est beaucoup plus à l'effet d'être une corporation professionnelle. Et vos objectifs premiers, qu'on retrouve dans le mémoire, c'est surtout au niveau de la sécurité, au niveau de l'éthique et au niveau de la formation continue, donc, comme pour l'ensemble des corporations professionnelles.

Je vais me permettre de vous citer parce que je pense que c'est cette partie-là du mémoire qui définit le mieux la raison d'une corporation professionnelle dans votre cas: «Les informaticiens ont, en fait, des responsabilités de premier plan dans le processus de conception et de mise en place des systèmes. Il est difficilement acceptable pour la société que le traitement d'une ressource stratégique, telle l'information, soit réalisé par des intervenants qui ne sont pas toujours conscients des conséquences des actes qu'ils posent.» Et un peu plus loin: «Quand on considère l'importance stratégique du traitement de l'information, il ressort clairement que le niveau de risque est beaucoup trop élevé pour que personne ne s'en préoccupe vraiment.» Je pense que, votre souci, c'est surtout à ce niveau-là, au niveau des risques, au niveau de la protection. Alors, c'est pour ça

que vous avez déposé une demande de corporation professionnelle au printemps.

Dans les explications que vous donnez à partir des catégories qui existent actuellement, au niveau... En fait, vous auriez tous les éléments pour être une corporation à titre réservé, mais vous le notez très bien, et je pense que c'est le problème de toutes les corporations à titre réservé, le principal inconvénient, c'est l'absence d'une obligation d'adhérer à cette corporation. En cela, la constitution d'une telle corporation ne répond pas complètement à l'objectif visé, c'est-à-dire celui de la protection du public. Et c'est ce qui fait que vous ne choisissez pas cette catégorie-là. Donc, vous proposez une nouvelle catégorie: À titre réservé et actes exclusifs.

Ma question: Les corporations à titre réservé, si tous les professionnels étaient obligés d'y adhérer à partir du moment où elles sont reconnues comme corporation à titre réservé, est-ce que ce serait satisfaisant pour vous? Est-ce que le titre réservé vous conviendrait à ce moment-là, si on enlevait le principal inconvénient qui est l'absence d'adhérer à cette corpo?

M. Dupuis: Je pourrais vous dire: On a deux préoccupations. Il y a, bien entendu, la protection du public, d'une part, mais aussi la protection de la discipline, d'autre part. Et c'est pour ça qu'on excluait la pratique exclusive, parce qu'on veut... Notre discipline, je l'ai dit tantôt, elle évolue rapidement, et on veut continuer. On veut que ça se poursuivre. Et cette interdisciplinarité, on veut aussi que ça se poursuivre. Donc, on a exclu automatiquement la première catégorie.

L'avantage d'avoir une corporation à titre réservé c'est, dans le fond, la reconnaissance de la profession, aussi un outil pour définir le champ de pratique et aussi un moyen d'attirer les informaticiens, de les regrouper ensemble, de les sensibiliser à la formation continue, etc. Mais, à notre sens, ce n'est pas suffisant, au niveau de la protection du public parce que, nous, on est convaincus qu'il y a des actes qu'un informaticien pose et que personne d'autre ne peut poser sans mettre en péril, dans le fond, la protection du public. Et c'est dans cet esprit qu'on propose une troisième catégorie.

M. Robert: Si je peux rajouter à ça, c'est que la question que vous nous posez, à savoir, à titre réservé avec obligation d'adhérer, c'est à peu près la troisième voie qu'on vous propose. Parce que, strictement à titre réservé avec une obligation, je ne vois pas comment on pourrait matérialiser ça, concrétiser ça. Mais, si on ajoute l'acte exclusif, ça veut dire qu'à ce moment-là, pour poser un certain nombre d'actes importants, il faut faire partie de la corporation, comme dans les corporations à exercice exclusif, mais ça nous prend au moins cet élément-là pour amener les informaticiens professionnels compétents, ou qui peuvent le démontrer, à participer à la corporation et à faire ces actes-là. Les autres, ils seraient limités à d'autres actes moins importants et non exclusifs.

Mme Caron: Parce que, actuellement, au niveau des corporations à titre réservé, ces corporations ont finalement des actes aussi bien définis. Et le seul problème, c'est que, finalement, ils ne sont pas obligés d'y adhérer. Alors, ce que vous nous amenez, en fait, c'est qu'il y a peut-être une catégorie qui ne devrait peut-être plus exister, et c'est celle du titre réservé. Il devrait peut-être y avoir deux corporations professionnelles: celle qui existe déjà, à exercice exclusif, et celle que vous proposez, une corporation à titre réservé et à actes exclusifs.

M. Robert: On n'est pas aussi drastiques que ça. On est bien conscients qu'on ne peut pas changer le système comme ça, du jour au lendemain, c'est un système qui date de plusieurs années. On pense que, progressivement, avec les réformes qui sont sur la table puis les prochaines réformes — on ne rêve pas en couleur non plus — il va falloir avoir une réflexion plus en profondeur par rapport à ça.

Je pense qu'à titre réservé ça peut servir un certain nombre de professions. Si on regarde ceux qui nous ont précédés, moi, je ne les vois pas du tout dans la même situation que les informaticiens. Puis peut-être qu'eux autres seraient très, très heureux de se satisfaire d'un titre réservé avec les choses qu'ils ont à accomplir; je ne veux pas faire de jugement à leur place. Ce qu'on veut, c'est que le système puisse progresser et s'adapter. On le sent actuellement trop fermé et trop bloqué et on voudrait que dans Favant-projet de loi il puisse y avoir des considérations qui fassent qu'on injecte — pour prendre un terme médical — dans le système professionnel québécois des éléments qui vont faire qu'il y aura la possibilité de s'adapter dans l'avenir beaucoup plus facilement qu'actuellement. C'est un petit peu ça. (13 heures)

Mme Caron: Vous savez, au niveau des corporations à titre réservé, présentement, on exige d'elles les mêmes obligations que les corporations à exercice exclusif, sans leur donner vraiment tous les pouvoirs et tous les moyens financiers aussi d'y arriver.

Comme le ministre semblait être très pressé de vous recevoir au niveau du financement de l'Office, alors, au niveau de la réflexion ça va sûrement accélérer la réflexion du gouvernement.

La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Merci d'être venus nous présenter votre mémoire aujourd'hui à la commission de l'éducation. Je vous souhaite une bonne journée.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise à 15 h 3)

La Présidente (Mme Hovington): La commission de l'éducation va poursuivre ses travaux en recevant, cet après-midi, l'Ordre des dentistes du Québec. Bonjour, messieurs. Bienvenue à la commission de l'éducation. Si vous voulez bien vous présenter et présenter vos collègues, pour fins d'enregistrement des débats.

Ordre des dentistes du Québec (ODQ)

M. Boucher (Marc): Avec plaisir, Mme la Présidente. Alors, je suis Marc Boucher, le président de l'Ordre des dentistes du Québec. M'accompagnent, à mon extrême gauche, Me André Poupart, le conseiller juridique de l'Ordre; Dr Pierre-Yves Lamarche, directeur général et secrétaire de l'Ordre; à ma gauche, Dr Robert Salois, vice-président de l'Ordre, et, à ma droite, comme il sied, le syndic de l'Ordre, Dr Paul Morin.

La Présidente (Mme Hovington): Est-ce que c'est vous qui êtes le porte-parole, cet après-midi?

M. Boucher: Malheureusement oui.

La Présidente (Mme Hovington): Vous commencez à avoir de l'expérience dans les commissions parlementaires, M. Boucher.

M. Boucher: Oui.

La Présidente (Mme Hovington): Vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire.

M. Boucher: Je vous remercie, Mme la Présidente. Alors, Mme la Présidente, Mmes et MM. les membres de la commission, l'Ordre des dentistes est heureux d'avoir l'occasion, en soumettant un mémoire à cette commission parlementaire, de participer à une éventuelle amélioration du système professionnel. De cette occasion, Mme la Présidente, nous voulons en remercier le ministre responsable et tous les membres de cette commission. Nous espérons que cette rencontre n'est que le début d'un dialogue constructif qui conduira, nous l'espérons, éventuellement, à la mise en place de solutions viables et durables.

Je ne vous apprendrai rien si je vous dis qu'au cours des 20 dernières années le contexte a changé. Bien des facteurs sont venus modifier ce qui était, de là la nécessité d'une réévaluation du système. Si le contexte a évolué, il n'en demeure pas moins que la valeur des principes sur lesquels repose le système professionnel demeure l'autogestion des corporations professionnelles en vue d'assurer la protection du public. Cette fonction principale de protection du public, non seulement les corporations professionnelles l'ont bien assumée, mais le public l'a reconnu et a apprécié la qualité du travail accompli. Toutefois, même si la population, dans son ensemble, est satisfaite de la manière avec laquelle les corporations se sont acquittées de leur tâche, il n'en demeure pas moins que tout est perfectible et qu'on doit accorder plus d'importance à cette amélioration du système, qu'il s'agit ici d'assurer un meilleur équilibre entre les différents intervenants qui ont tous comme mission commune la protection du public.

Dans cette perspective, Mme la Présidente, l'Ordre des dentistes appuie sans réserve le mémoire du Conseil interprofessionnel du Québec auquel il s'associe. L'Ordre, tout comme le Conseil interprofessionnel, partage le souci du ministre et de tous les membres de cette commission de rendre le système plus transparent, plus souple, plus accessible et moins coûteux. Vous admettrez que vouloir rendre le système plus transparent, plus souple, plus accessible et moins coûteux, c'est là un projet qui demande une analyse en profondeur du fonctionnement du système ainsi qu'une large consultation des corporations professionnelles. Il nous apparaît, à ce moment-ci, tout à fait inapproprié de modifier l'équilibre fondamental d'un système qui remplit efficacement sa mission tout simplement parce qu'à la suite d'événements conjoncturels on a provoqué, chez certains, certaines réactions épidermiques.

Toutefois, des améliorations ponctuelles peuvent être apportées au Code des professions. Cela permettrait aux corporations de mieux assumer leur mandat. Certaines propositions faites dans l'avant-projet de loi vont dans ce sens et nous semblent souhaitables. Parmi celles-là, l'Ordre désire souligner les dispositions de Favant-projet de loi qui faciliteront la réalisation de notre mandat de protection du public à l'égard des personnes qui ont exercé leur profession hors du Québec; les dispositions de l'article 47 de Favant-projet de loi, qui modifient l'article 117 du Code, dispositions qui rendraient incompatibles les fonctions de président d'un comité de discipline et de procureur des parties dans une autre instance disciplinaire; les dispositions de l'article 149 qui, elles, modifieraient l'article 118 et qui obligeraient les secrétaires des comités de discipline à tenir un rôle d'audiences publiques et accessibles. Légère parenthèse pour vous faire remarquer que l'Ordre, comme bien d'autres corporations, a quelques réticences à ce que le dossier du comité soit accessible et rendu public, même si vous dites, à l'article 118.3, si ma mémoire est bonne: Toutefois, le comité peut faire en sorte que ces documents-là ne soient pas accessibles. Compte tenu de ce qui est contenu dans les dossiers du comité, compte tenu des renseignements nominatifs qui y sont, nous aimerions mieux que ces dossiers-là, le dossier du comité en particulier, ne soient pas accessibles comme vous le proposez.

Nous voulons, de plus, faire remarquer à cette commission que l'Ordre des dentistes du Québec est tout à fait d'accord avec la proposition faite par le Conseil interprofessionnel du Québec relativement à la création d'un comité aviseur au syndic. Ce comité sur lequel siégeraient des gens du public pourrait être consulté par

le syndic dans les affaires difficiles et donner son avis sur la conduite à suivre. (15 h 10)

Par ailleurs, l'Ordre des dentistes exprime son opposition catégorique à des propositions de l'avant-projet de loi qui déséquilibreraient, quant à nous, le système professionnel qui, de l'aveu même de l'Office, donne des résultats plus que satisfaisants. Nos commentaires porteront sur quatre points bien particuliers au sujet desquels l'Office a fait des propositions qui nous inquiètent, et ce sont les propositions au niveau de la composition de l'Office, les propositions qui feraient que les pouvoirs de l'Office seraient accrus, les propositions relatives à l'encadrement obligatoire du syndic. Nous ferons des commentaires sur certaines recommandations bien spécifiques et, finalement, quelques commentaires sur notre loi organique. Cependant, avant d'aborder ces questions, il nous apparaît nécessaire de revoir une décision qui a fait la manchette et qui semble avoir été l'élément déclencheur de cet avant-projet de loi, du moins en ce qui a trait à l'administration de la discipline. Nous voulons parler de l'affaire Samson-Bisson.

Je résume brièvement. Tout le monde la connaît, l'affaire Samson-Bisson, mais il n'en reste pas moins qu'en toute dernière instance le Tribunal des professions, sur lequel siègent trois juges membres d'un tribunal de droit commun et sur lequel, j'imagine, les syndics n'ont pas trop d'influence, ces juges de la Cour du Québec ont, pour l'essentiel, rétabli l'évaluation des faits que le syndic de la Corporation des médecins avait faite. Ce résultat, bien sûr, déplorable pour la plaignante, tant au point de vue du droit que sur le plan financier, justifie-t-il la transformation du rôle du syndic et la modification de la règle de droit commun relative aux débours pour l'Ordre des dentistes? La réponse est clairement non. Les syndics peuvent se tromper. C'est la raison pour laquelle il existe deux niveaux d'appel de leurs décisions. Par contre, tout indique que les syndics n'agissent pas de façon arbitraire, mais qu'ils exercent leur discrétion de façon judicieuse et à la satisfaction des instances d'appel. Malgré cela, l'Office a fait au ministre responsable toute une série de recommandations touchant l'administration de la discipline et bien d'autres qui modifient de façon substantielle l'économie du Code. Ce sont justement quelques-unes de ces recommandations que l'Ordre veut commenter.

Parmi celles-là, certaines propositions portent sur des modifications qui pourraient être apportées à la composition du conseil de l'Office des professions et, aussi, sur le rôle que veut se voir attribuer l'Office des professions. L'avant-projet de loi propose, en effet, que des membres du public puissent siéger sur le conseil d'administration de l'Office. Vous comprendrez, Mme la Présidente, que, compte tenu de la présence acquise du public sur notre conseil d'administration, sur notre bureau et sur tous les comités de l'Ordre, nous aurions mauvaise grâce à ne pas accepter la présence du public sur le conseil d'administration de l'Office. Combien de personnes devront y siéger? Si on tient compte du discours gouvernemental sur la rationalisation des dépenses publiques et de ce que nous a dit dernièrement le président du Conseil du trésor, il y a tout lieu de croire que toute augmentation à ce niveau ne serait pas souhaitable. Qui devra céder sa place? Je laisse la réponse au ministre. Par contre, si l'Office devait être entièrement financé par les professionnels, comme le prévoit le projet de loi 67, il serait irresponsable que des professionnels ne siègent pas sur ce conseil, d'autant que le projet de loi 67 ne prévoit, en aucune manière, quelque contrôle que ce soit sur les dépenses de l'Office.

En outre de sanctionner un changement au niveau du conseil de l'Office, l'avant-projet, s'il était adopté comme tel, permettrait d'accentuer la mainmise de l'Office sur les corporations. Cela est manifeste et de façon on ne peut plus claire lorsque l'on constate, à la lecture de l'article 4 de l'avant-projet, les amendements proposés à l'article 12 du Code. L'Office, non content d'avoir la possibilité de se substituer aux corporations qui font défaut d'adopter des règlements obligatoires, voudrait pouvoir formuler des commentaires sur les règlements facultatifs et pouvoir, si on refuse d'obtempérer à ses recommandations d'amendements, les faire à notre place. Cela, pour l'Ordre des dentistes, c'est inadmissible. De la même manière, l'avant-projet de loi, par son article 27 qui modifie l'article 85 du Code, voudrait permettre à l'Office de s'ingérer dans l'administration interne d'une corporation. Non seulement la fonction du syndic est-elle protégée par l'exigence d'un vote des deux tiers des membres du bureau, mais les amendements proposés exigeraient que la corporation avise l'Office de son intention et de sa décision. La protection du statut du syndic par l'exigence d'un vote qualifié et le respect des principes de la justice naturelle ne justifient, quant à nous, d'aucune façon l'intrusion de l'Office dans une affaire de régie interne. À cela aussi, l'Ordre des dentistes s'oppose.

Finalement, l'Office voudrait se voir attribuer des pouvoirs d'enquête et voir les possibilités de mise en tutelle élargies. En effet, l'Office voudrait pouvoir enquêter de son propre chef, et cela, non seulement sur les activités d'une corporation, mais également directement chez un professionnel. On n'a qu'à lire le paragraphe 3 de l'article 15.2 de l'avant-projet de loi. Quant à nous, le pouvoir d'enquête appartient au gouvernement et c'est seulement le gouvernement qui devrait décider s'il doit y avoir enquête ou pas. Quant au pouvoir de tutelle qu'on voudrait pouvoir élargir, l'Ordre des dentistes n'y voit aucune espèce d'objection, mais y apporte des conditions seulement si le rapport que l'Office fait au ministre responsable est soumis, aussi, à la corporation qui pourrait avoir l'occasion de réagir à ce même rapport.

Non content de se voir attribuer plus de pouvoirs, l'Office propose l'atténuation, sinon la disparition de la discrétion du syndic, si ce n'est du syndic lui-même, et

cela par la création d'un comité des plaintes. Nous aurons, l'espérons-nous, l'occasion d'en discuter davantage avec tous les membres de cette commission. Nous voulons faire remarquer à cette commission, Mme la Présidente, que, s'il s'est avéré jusqu'à maintenant impossible de définir la protection du public, le Code des professions n'en contient pas moins de nombreux mécanismes qui facilitent la réalisation du principal objectif des corporations, c'est-à-dire la protection du public. Et je ne veux mentionner que la formation professionnelle, le contrôle de l'admission, les équivalences de diplômes et de formation, la formation continue, l'assurance-responsabilité professionnelle, le fonds d'indemnisation, l'inspection professionnelle, la publicité.

L'Ordre des dentistes l'a déjà dit, il est favorable à la création d'un comité aviseur pour le syndic, mais il s'oppose à la formation d'un comité d'examen des plaintes. Nous espérons que nous aurons l'occasion de nous expliquer davantage là-dessus. L'Ordre s'y oppose pour plusieurs raisons. Les principaux arguments sont les suivants. Quant à nous, le syndic doit conserver toute sa discrétion, le comité des plaintes, tel que proposé, retarderait inutilement la solution des conflits et ne ferait pas résoudre ce problème de transparence dont le ministre et le gouvernement et, probablement aussi, le président de l'Office se plaignent et le comité proposé coûterait très cher. L'adoption du comité d'examen des plaintes, tel que proposé, ajouterait un troisième palier d'appel en matière professionnelle. Ce processus d'une incroyable lourdeur retiendra les services à plein temps ou presque d'au moins cinq personnes et retardera, quant à nous, sérieusement, la solution des litiges, sans compter la judiciarisation des travaux de ce comité et les possibilités d'évocation en Cour supérieure et ailleurs. Pour nous, la solution ne demeure pas et n'est pas dans la création d'un tel comité. Pour l'Ordre, il faudrait pouvoir investir le syndic de plus de pouvoirs et lui donner différents moyens d'agir, dépendamment du problème qu'il a à résoudre. (15 h 20)

L'Ordre suggère humblement à cette commission que les comités de discipline ne puissent que servir aux fautes lourdes. L'Ordre suggère à cette commission la création d'un comité aviseur au syndic qui pourrait l'aider dans les cas difficiles et lui indiquer la marche à suivre. L'Ordre propose humblement à cette commission la création d'un comité des normes auquel on pourrait référer les cas de compétence, lequel comité pourrait faire une recommandation au bureau et condamner, en fait, suggérer que le professionnel qui y comparaît puisse être soumis à un recyclage, et, enfin, un comité d'examen des différends. Vous n'êtes pas sans savoir que la majorité des problèmes que vivent les consommateurs ou les clients ou les patients avec les corporations ou les syndics, c'est: Je ne peux pas me faire rembourser mon fric. On va vous proposer tantôt, on en discutera, un moyen d'arriver à ce que la transparence tant souhaitée s'établisse et que, finalement, cette malheureuse impression que l'on a que l'on s'entend chez nous comme larrons en foire disparaisse. Bien sûr, l'Office devra faire sa job là-dessus; le gouvernement devra faire sa job. On devra dire au public de quoi il retourne quand on fait appel à un syndic d'un ordre quel qu'il soit.

D'autres propositions d'amendements ont aussi été soumises par l'Office des professions. On demande que le syndic puisse prendre une décision dans les 60 jours. Pour nous, il nous apparaît tout à fait incongru de substituer la qualité à la rapidité. Comment peut-on espérer qu'un syndic puisse, dans des cas difficiles, prendre et rendre sa décision dans les 60 jours alors qu'on sait fort bien que, dans les cas compliqués, puisqu'on le demande, peut-être devra-t-il faire affaire à un comité aviseur, peut-être devra-t-il aller devant d'autres comités, comité des normes ou autrement? De grâce! laissons les syndics faire une bonne job. Que le comité de discipline, cependant, puisse être tenu de rendre sa décision dans les 90 jours après la fin des auditions, cela nous apparaît une excellente suggestion, mais, s'il vous plaît, si vous demandez à l'Ordre et à nos comités de discipline de prendre des décisions dans les 90 jours, pourrais-je vous demander bien humblement de demander aussi à l'Office de rendre des décisions dans les mêmes délais de sorte que peut-être pourrions-nous avoir des règlements dans les 90 jours qui suivent les dépôts à l'Office des professions? Je peux vous dire que, chez nous, il y a des règlements pour lesquels on a attendu. Il y a un règlement sur les spécialistes et les spécialités. Je pense que la première version a été transmise à l'Office dans les années soixante-dix. On est patient, on est habitué à cela. On travaille à la journée longue avec des patients.

Quelques considérations d'ordre spécifique, plus particulièrement sur l'adoption des règlements telle que proposée par l'Office des professions...

La Présidente (Mme Hovington): M. Boucher, je m'excuse. Il vous reste à peine une demi-minute.

M. Boucher: Alors, je vais essayer de faire vite. Étendez-moi ça.

La Présidente (Mme Hovington): Si j'ai le consentement des deux partis, vous pouvez prendre plus de temps, mais on aura moins de temps pour les échanges.

M. Boucher: Trois minutes de plus. J'achève. La Présidente (Mme Hovington): D'accord.

M. Boucher: Quant à l'adoption des règlements, on a proposé, dans l'avant-projet, un mode général d'adoption identique à celui actuellement en vigueur. L'Ordre des dentistes est d'accord pour que l'on conserve un processus général d'adoption des règle-

ments. Cependant, l'intervention de l'Office dans ce processus réglementaire devrait être limitée à la seule question de la conformité du règlement à la loi habilitante, tout comme, d'ailleurs, le Conseil interprofessionnel vous l'a dit. Un deuxième mode a été proposé par l'Office des professions. Dans ce deuxième mode d'approbation, l'Office se substitue au gouvernement et, quant à nous, c'est inadmissible. Enfin, un mode d'adoption qui ne prévoit ni l'approbation ni par le gouvernement mais par l'Office, mais l'Office s'est, comme par hasard, conservé un droit de veto et, quant à nous, c'est inadmissible.

Quelques considérations d'ordre plus particulier sur la Loi sur les dentistes. L'avant-projet de loi abroge les articles 23 à 25 de notre loi relatifs à l'immatriculation. Pour nous, c'est très important que l'immatriculation demeure. Ça nous permet de mieux contrôler les allées et venues de ceux qui vont en spécialité ou de ceux qui entrent dans la profession — on parle ici des étudiants — et ça nous donne la possibilité d'agir. L'avant-projet de loi, on n'y retrouve pas ce que nous avions chez nous, la possibilité d'imposer des conditions supplémentaires. Nous aimerions bien que cette possibilité-là demeure.

Je remercie tous les membres de cette commission et vous, Mme la Présidente, de votre bienveillance, d'avoir bien voulu nous écouter. Tous ceux qui m'accompagnent sont, je l'espère bien, à votre disposition et tout disposés à répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir.

La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup, M. Boucher. M. le ministre, vous avez le droit de parole.

M. Savoie: Merci, Mme la Présidente. Alors, saluer l'Ordre des dentistes, ses représentants et son président, les membres de l'Ordre qui l'accompagnent ici aujourd'hui pour la présentation d'un mémoire qui, je suis heureux de le constater, souscrit sans réserve aux objectifs du projet, mais qui nous pose quand même, d'une part, quelques critiques constructives en disant: On pourrait prendre telle orientation plutôt que telle autre. Il nous présente également des éléments concernant la loi en tant que telle, en ce qui concerne les dentistes spécifiquement, et avec des recommandations qu'on va certainement examiner.

Le gros des commentaires, si vous me le permettez, a porté sur la discipline. Ça a fait l'objet de plusieurs interventions de la part de plusieurs ici. On constate finalement une certaine volonté de participer, de donner ce qu'on peut dans le principe d'indépendance de la corporation au niveau de l'orientation du projet de loi. La tutelle, oui, mais si elle est balisée. Je pense que c'est une bonne orientation parce que c'est l'orientation que ça semble prendre, la baliser par le gouvernement.

Il y a quelques commentaires au niveau du projet qui ont été soulevés, qui peut-être pourraient faire l'ob- jet d'interventions additionnelles. On n'a pas le temps de corriger ces éléments-là ici. On pourrait vous en faire part. À titre d'information, la commission pourrait être intéressée de savoir que l'Ordre est composé de 3294 membres, qu'il a un budget de fonctionnement de quelque 3 800 000 $. Au niveau des demandes retenues pour enquête, bien, il y en a 160; 148 ont été réglées et 22 ont été portées devant le comité de discipline. L'Ordre, évidemment, est assez actif, depuis longtemps aussi, au niveau de l'administration et de la discipline. On va revenir là-dessus un petit peu plus tard.

Vous avez souligné qu'effectivement il faut maintenir une certaine indépendance au niveau des corporations. C'est partagé. Vous avez également abordé l'importance de s'assurer que la discipline fonctionne; ça aussi, on va s'en occuper. On est très préoccupé par le fait qu'il y a un problème et qu'il faut s'adresser à ce problème-là et trouver des solutions. Ce n'est pas nécessairement à cause du cas Bisson. Ça n'a pas été vraiment l'élément déclencheur. Il y avait des craintes, on avait déjà eu des discussions, en 1990, sur certains problèmes du monde professionnel, entre autres la discipline. C'est sûr que l'élément Bisson a été un élément déclencheur. Ce qui est intéressant dans l'affaire de Mme Bisson, ce n'est pas qu'elle avait raison. Effectivement, lorsque ça s'est rendu en bout de piste, on a dit: Non, non, non, ce n'est pas fondé. Ce qui est intéressant, c'est qu'elle a pu se rendre jusque-là avant d'être corrigée. C'est ça, l'élément qui m'a irrité le plus dans ce dossier-là et, je pense, qui a irrité le plus le grand public. C'est qu'il n'y avait pas de mécanisme pour l'orienter. Si je me rappelle bien de la démarche, elle s'est rendue au syndic, le syndic a refusé, elle s'est tapé un avocat puis elle est allée plus haut. On a multiplié les erreurs dans ce dossier-là de façon à ce que, finalement, elle a supporté elle-même financièrement des coûts importants. C'est ça qu'on veut régler avec le comité des plaintes. C'est justement ça, l'orientation qui est donnée. Évidemment, certaines corporations nous arrivent: Ça va coûter très cher, c'est très lourd. Ce n'est pas le cas. Ce n'est pas le cas du tout. Ça ne coûtera pas très cher. Si ça coûtait très cher, on trouverait une autre solution. On vise quelque chose qui va fonctionner à un prix très modeste. On connaît les difficultés que vous avez au niveau des dépenses concernant l'administration de la discipline. On est au courant qu'effectivement on ne veut pas vous arriver puis vous imposer plusieurs centaines de milliers de dollars de frais. C'est bien sûr. Mais on est capable de trouver quelque chose qui est acceptable, qui va donner satisfaction et qui va permettre aux citoyens d'intervenir directement avec d'autres citoyens. C'est ça qu'on veut, pour éviter des répétitions comme ça et pour satisfaire le public. Ils l'exigent, ils ont droit le l'exiger et je pense qu'on a l'obligation de leur rendre ce service-là.

Au niveau de l'administration, chez vous, au niveau de la discipline, on constate effectivement qu'il y a plusieurs plaintes, mais on n'a pas les demandes re-

çues. Est-ce que vous avez une idée du nombre de plaintes reçues? (15 h 30)

M. Boucher: Oui. Je peux vous dire qu'à l'heure actuelle, M. le ministre, et par vous, bien sûr, Mme la Présidente, chez nous, maintenant, enfin, je ne vous dirai pas que ça date...

M. Savoie: Oui.

M. Boucher: ...mais on a quand même chez nous un programme informatique qui nous permet, au jour le jour, de savoir combien de plaintes ont été reçues...

M. Savoie: Oui.

M. Boucher: ...où elles sont rendues...

M. Savoie: Combien?

M. Boucher: ...ce qu'on a fait avec et ce qu'il en est advenu.

M. Savoie: D'accord.

M. Boucher: Finalement, si vous vous adressiez chez nous demain matin...

M. Savoie: Oui.

M. Boucher: ...nous pourrions vous dire: Voici: au mois de janvier, on a eu 42 plaintes, je crois — je vous donne un nombre hypothétique...

M. Savoie: Oui. C'est ça.

M. Boucher: ...il y en a tant d'entre elles pour lesquelles un dossier a été ouvert.

M. Savoie: Oui, oui. Mais, je veux dire, sur une base d'une année, à peu près, combien vous en avez? 2000?

M. Boucher: Quelque... M. le syndic... À peu près...

M. Savoie: 3000?

M. Boucher: Non, non.

M. Savoie: 1500? Des demandes d'information...

M. Boucher: Ah bien, là...

M. Savoie: ...et de plaintes en même temps sur lesquelles vous faites un tri préliminaire.

M. Boucher: Des demandes, des griefs, parce que les demandes d'information...

M. Savoie: Les demandes écrites, on les a, là. Ça, ça va.

M. Boucher: Oui, mais, les demandes, je ne sais pas combien de fois le téléphone sonne chez le syndic. Il est plus en mesure que moi de vous le dire.

M. Savoie: Oui.

M. Morin (Paul): II y a énormément de demandes d'information. On aide beaucoup de gens.

M. Savoie: Oui.

M. Morin (Paul): On intervient dans certains litiges, des malentendus. On ne fait pas une comptabilité de tout ça.

M. Savoie: À peu près?

M. Morin (Paul): J'ai deux personnes qui reçoivent sûrement en moyenne une dizaine de téléphones par jour.

M. Savoie: Donc, à peu près 2000, 2500, 250 journées de travail. C'est à peu près...

M. Morin (Paul): Oui. Mais ce n'est pas des plaintes. Il faut...

M. Savoie: Non, non. Mais c'est des demandes d'information, si le tarif a été trop cher, si telle chose relève de la responsabilité d'un dentiste, si le fait qu'on est obligé d'attendre deux mois, des fois, pour aller voir tel dentiste plutôt que tel autre, des choses comme ça. Finalement, c'est l'interface que vous avez avec le public sur une base de plaintes et demandes d'information qui pourraient donner naissance à une plainte. Je parle de 2500 à peu près, de 2000.

M. Morin (Paul): C'est-à-dire qu'on reçoit... Au bureau du syndic, on reçoit à peu près tout ce qui ne va pas ailleurs.

M. Savoie: C'est ça.

M. Morin (Paul): Tous les appels du public sont dirigés vers le bureau du syndic. Alors, on essaie d'aider les gens. On écoute les problèmes...

M. Savoie: Ça donne à peu près ça.

M. Morin (Paul): ...sauf que, ce qui donne ouverture à une plainte, quand les gens nous donnent une information à l'effet qu'il peut se passer une situation anormale, à ce moment-là, on la considère comme une information qui peut donner ouverture à une enquête.

M. Savoie: D'accord. Alors, 2000? À peu près.

M. Boucher: Je n'ai pas...

M. Savoie: Un chiffre, un chiffre rond, là?

M. Boucher: Je ne voudrais pas vous donner un chiffre qui ferait votre affaire pour prouver l'hypothèse que vous avez envie d'avancer par après, pour dire: Eh bien, là, tu sais...

M. Savoie: Ça n'a rien à voir avec l'hypothèse que je veux avancer par après.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boucher: Je vous vois venir avec vos gros sabots, là. Ha, ha, ha!

M. Savoie: Non, non. C'est un échange qu'on a constamment avec les différentes corporations. On essaie d'évaluer, finalement, les demandes d'information. C'est toujours la même chose, je veux dire, vous ne faites pas exception dans ce milieu-là...

M. Boucher: Non, non.

M. Savoie: ...c'est toujours la même chose. Il y a 2000 personnes, 2500, qui peuvent appeler dans une année, qui peuvent avoir un échange. Vos chiffres de 160 demandes retenues pour enquête, c'est-à-dire des plaintes écrites...

M. Boucher: Oui, mais, M. le ministre... M. Savoie: ...c'est normal, ça aussi.

M. Boucher: M. le ministre, il ne faudrait pas que vous confondiez entre des demandes de renseignements et que vous concluiez, à partir des demandes de renseignements, que ce sont là des demandes de renseignements qui pourraient peut-être éventuellement aboutir vers une plainte. Ça, ce serait trop facile. Quand on veut savoir si le dentiste je-ne-sais-pas-qui est disponible, est-ce qu'il y a un spécialiste à telle place...

M. Savoie: Oui, oui, on a...

M. Boucher: Comme l'a dit le syndic, tous les téléphones d'information aboutissent chez lui.

M. Savoie: C'est ça. On n'appelle pas le syndic, dans ce temps-là.

M. Boucher: Oui, mais ça... Il faudrait peut-être avoir une meilleure répartition, un meilleur... comment dire...

M. Savoie: Oui. Mais là, ce qu'on cherche finalement, c'est à peu près ça, une dizaine... Ça va, ça, dans le cadre de l'ensemble des corporations professionnelles. On a eu les arpenteurs-géomètres qui, eux, comptabilisent ces données-là, je crois, si ma mémoire est fidèle. C'est arrivé à peu près à ça. Le monde joue là-dedans. Le monde appelle et le nombre de personnes, ça joue dans ces chiffres-là. Ça nous donne une constante pour l'ensemble des corporations professionnelles. Vous ne faites pas figure à part et je ne voudrais pas que vous vous sentiez sur la défensive avec cette donnée-là.

M. Boucher: Loin de là. Je vous assure qu'on n'est pas habitués à ça, nous autres, la défensive.

M. Savoie: Alors, on parle à peu près de ça, 2000, 160 retenues pour enquête, vous en réglez 148. C'est beaucoup, 148 de réglées et 22 portées devant le comité de discipline. Alors, ça donne ce que ça donne. Ça veut dire que, finalement, le syndic, chez vous, est une personne qui est assez...

M. Boucher: Pardon?

M. Savoie: ...une personne qui est assez active.

M. Boucher: Oui.

M. Savoie: Oui. Quelqu'un qui fonctionne. Au niveau du syndic, vous savez qu'on est en train d'examiner des mécanismes pour assurer un peu l'indépendance du syndic vis-à-vis de la corporation. On est en train d'examiner ou de voir si la corporation peut, par exemple, établir son mécanisme pour le choisir, l'identifier et, après ça, il pourrait y avoir un mécanisme de ratification. En cas de destitution, également, en cas de formation, on voudrait une espèce de prise en charge. Je me demande si le syndic est d'accord avec cette orientation ou si...

M. Morin (Paul): Qu'il y ait un mécanisme de ratification vis-à-vis de l'engagement ou...

M. Savoie: Oui.

M. Morin (Paul): ...des conditions de travail?

M. Savoie: Pas nécessairement à l'Office, mais ça pourrait être l'Office. Ça pourrait être aussi comme ça, rapidement, sans trop de réflexion, par exemple peut-être le Tribunal des professions qui pourrait faire cette démarche, peut-être quelqu'un d'autre, pour, justement, s'assurer que le syndic maintienne une certaine impartialité vis-à-vis...

M. Morin (Paul): On ne peut pas être contre cette idée, définitivement. C'est la vertu.

M. Savoie: Vous seriez en faveur de ça?

M. Morin (Paul): Bien oui.

M. Savoie: L'Ordre aussi, je suppose?

M. Boucher: Oui. Mais j'imagine, M. le ministre, que vous ne pensez pas résoudre le problème de la transparence en nommant un syndic qui soit dentiste et que, de ce fait...

M. Savoie: Non, non.

M. Boucher: ...les gens ne disent pas: Ils sont en train de s'arranger ça entre eux autres. Ce sera toujours un dentiste. Malheureusement, je ne pense pas qu'on puisse avoir un vétérinaire pour entendre des problèmes de dentistes. Que vous vouliez faire ratifier la nomination du syndic par le Tribunal des professions, par qui vous voudrez, peu nous importe. L'important, c'est qu'on veut que les gens, lorsqu'ils ont une plainte à porter chez nous, qu'elle soit examinée avec tout le sérieux possible, mais qu'ils ne s'imaginent pas, une fois que le syndic a rendu sa décision, qu'il a pris ça au hasard, en tirant les cartes sur le bord de la table et il dit: C'est le 10 qui est en avant; aujourd'hui, c'est le dentiste qui est coupable! Ce n'est pas de même que ça marche. Il examine ça sérieusement puis il fait sa job judicieusement.

M. Savoie: Ça marche. C'est beau. Là-dessus, je pense que ça va, je pense qu'il y a une volonté d'améliorer le rendement et la perception vis-à-vis du public est généralisée. Je pense que la majorité des corporations étaient d'accord pour dire qu'il faut s'assurer que le public soit sensible aux efforts qui se font.

Vous avez été syndic combien de temps, à l'Ordre des dentistes?

M. Morin (Paul): Deux ans et demi. M. Savoie: Deux ans et demi? M. Morin (Paul): Oui.

M. Savoie: Deux ans et demi. Est-ce que vous êtes satisfait du fonctionnement chez vous?

M. Morin (Paul): Je pense que oui. M. Savoie: Vous pensez que oui.

M. Morin (Paul): Tout étant à considérer. Je suis peut-être mauvais juge de mon propre travail. Je pense qu'on essaie de faire... on fait le mieux possible avec les outils qu'on a, évidemment, les outils légaux, les outils financiers. Écoutez...

M. Savoie: Qu'est-ce qui vous empêche, finalement, d'avoir un bon rendement, par exemple?

M. Morin (Paul): Un meilleur rendement... M. Savoie: Un meilleur rendement.

M. Morin (Paul): C'est qu'on ne s'entend pas, je pense, avec le public ou avec les gens qui nous regardent travailler quant à l'opportunité de faire la discipline, d'apprêter la discipline à toutes les sauces. Nous, on voit la discipline comme étant un moyen de faire notre travail. On voit que les gens ont une mauvaise perception. Les gens qui s'adressent à nous autres ont l'impression qu'on a un comité de discipline qui est une espèce de tribunal qui va les entendre, qui va régler leur problème, qui va régler leur conflit.

Nous, on prend ça... La discipline, on sait ce que c'est. C'est très, très sérieux, c'est très lourd, comme procédure. On essaie d'assurer une certaine protection du public avec ça. Ce n'est pas toujours... Ça nous échappe, la discipline. Une fois qu'on est embarqué dans la procédure, on doit permettre au professionnel, évidemment, de se défendre et c'est eux autres... Rendu là, le syndic est au même point que le dentiste intimé ou le professionnel qui est de l'autre côté. On constate qu'il y a une mauvaise perception des corporations à cause de la discipline. On est ici pour ça, on voudrait que la discipline fonctionne mieux, sauf que ce n'est pas de notre contrôle. C'est une procédure judiciaire qui est supervisée par la Cour supérieure. Il y a un tribunal d'appel. Tout est bien mis en place, mais c'est le système judiciaire. Ce n'est pas les corporations qui font la discipline, ce n'est pas nous qui judiciarisons. C'est judiciarisé. On a d'autres... Évidemment, pour faire progresser le débat, Dr Boucher vous parlait de certaines propositions qu'on peut vous faire, qu'on voit, nous, qui peuvent nous aider à exécuter notre mandat si les lois sont un petit peu amendées pour nous donner un petit peu de chances à ce niveau-là.

M. Savoie: D'accord. Alors, au niveau du fonctionnement, selon vous, c'est suffisant. Vous avez les budgets, vous avez le personnel, vous êtes capables de...

M. Morin (Paul): Oui.

M. Savoie: ...bien fonctionner au sein de l'Ordre. (15 h 40)

M. Morin (Paul): Oui, mais il faut considérer... Je peux vous dire un chiffre. Vous savez ce que ça a coûté au syndic, les dernières années. Le syndic dépense, en experts et en avocats, 250 000 $ par année. Il faut quand même accepter le fait que c'est beaucoup d'argent et il faut accepter le fait qu'il y a une administration et il y a quand même des contraintes à respecter de ce côté-là, ou une certaine réalité. Mais, pour ce qui

est des finances...

M. Savoie: M. Boucher, finalement, pour les dépenses, syndic, discipline, conciliation et arbitrage, 400 000$?

M. Boucher: Encore, tout dernièrement, je ne dis pas qu'on s'attendait à cette question-là de votre part, mais, comme par hasard, on se préparait. Vaut mieux aller à la guerre bien préparés. On faisait une étude de coût par secteur. Grosso modo, la discipline, quand on compte la secrétaire du comité de discipline, les salaires du syndic, des personnes qui y travaillent, les frais d'avocats pour qui «the sky is the limit», c'est 600 000 $ chez nous, par année, qui sont dépensés à ce niveau-là, pour ne pas entendre beaucoup de plaintes et, finalement, avancer à pas de tortue. C'est pour ça que, de bonne foi, nous vous proposons des mécanismes qui feraient que les griefs qui nous sont soumis, qui se transforment en plaintes, seraient entendus beaucoup plus rapidement. Comme le soulignait le syndic, je pense qu'il ne faut pas être grand clerc pour s'imaginer que, lorsque vous amenez un cas devant le comité de discipline, vous savez quand vous commencez mais vous ne savez jamais quand vous allez finir.

On vient d'avoir, chez nous, le cas d'un dentiste dont nous avions reconnu l'incompétence. La cause avait été entendue et la sanction prononcée chez nous, au tribunal de discipline, en 1984 ou 1985. On va recommencer, là, parce qu'il a perdu en Cour supérieure, au Tribunal et en Cour d'appel. Et là, on va le réentendre, évidemment en essayant de récupérer les gens qui étaient là à ce moment-là parce qu'il faut l'entendre avec les mêmes personnes qui y siégeaient. Pendant sept ans, il a oeuvré dans La Prairie, distribuant à gauche et à droite le même genre de services pour lesquels le comité de discipline ne l'avait pas jugé trop, trop compétent. Alors, M. le ministre, si cette personne-là avait pu, comme nous vous le proposons, être déférée à un comité qui aurait jugé de sa compétence et qui lui aurait dit: Vous, le docteur, c'est un cas de recyclage et ça presse; et, si vous n'y allez pas, votre licence, bingo, il n'y en a plus, là, on agirait, là, le public serait protégé. Le restant, c'est de la bouillie pour les chats.

Et votre comité des plaintes, en passant, c'est bien pire que de la bouillie pour les chats. Il n'y a même pas un chat qui se respecte qui voudrait de ça. Vous dites que ça ne coûtera pas cher? Vous faites partie d'une corporation dont vous n'avez eu que des éloges au sujet du mémoire. Ces gens-là sont venus vous dire: Chez nous, on reçoit 1200 plaintes par année. Ils vous ont également dit: 60 d'entre elles se ramassent au comité de discipline. Si on suit ce qui est dit dans l'avant-pro-jet, il y a donc 1140 de ces mêmes demandes d'enquête qui auraient dû être soumises à ce comité d'examen des plaintes. Y avez-vous pensé sérieusement? Je ne sais pas c'est qui, la personne qui vous a suggéré pareil moyen, mais, je vais vous dire une affaire, il n'est pas pressé et il ne sait pas compter trop, trop. Il ne faut pas être grand clerc et il ne faut pas avoir pris un cours des HEC pour comprendre que ça va coûter les yeux de la tête.

M. Savoie: II y a des corporations professionnelles qui ont appuyé le comité des plaintes. Le mécanisme n'est pas si lourd que ça. Il faudrait avoir un mécanisme beaucoup plus léger et qui va donner satisfaction, finalement, à quelqu'un qui se plaint contre un professionnel, de n'avoir affaire qu'à un professionnel et il va être capable, en plus, si la réponse est négative... S'il ne croit pas ou comprend mal sa question, il va être capable de s'adresser à un autre groupe qui va être capable de lui formuler une réponse...

M. Boucher: M. le ministre...

M. Savoie: ...qui ne sont pas professionnels.

M. Boucher: ...à moins que je ne lise mal, avant de conclure qu'une demande d'enquête ne justifie pas de porter une plainte devant le comité de discipline, le syndic ou le syndic adjoint doit, dans les cinq jours de la fin de son enquête, demander l'avis du comité des plaintes. Ça n'exclut pas grand-chose envers les demandes d'enquête au sujet desquelles le syndic dit: Je pense qu'il n'y en a pas. Il ne le sait pas, mais il dit: Oups! Avant de dire ça, cinq jours avant, comité des plaintes, dites-moi donc ce que vous en pensez. Et le deuxième paragraphe dit: Dans les 60 jours, ils se réunissent, tout ce beau monde, ils peuvent faire témoigner le syndic, le syndic adjoint; autrement dit, ils font la job de Paul Morin.

M. Savoie: Ah bien non!

M. Boucher: Bien, M. le ministre...

La Présidente (Mme Hovington): Votre temps est écoulé, M. le ministre.

M. Savoie: Oui, c'est ça. Il faudrait voir ça comme un avant-projet, et on a fait une certaine évolution au cours de la présente commission. Malheureusement... On aura l'occasion de reprendre parce que j'ai l'intention d'échanger avec l'Ordre des dentistes spécifiquement là-dessus.

M. Boucher: Ça, c'est une suggestion que je retiens. Mme la Présidente, permettez-moi de dire que j'espère grandement que le ministre nous recevra pour examiner les propositions que l'on a faites.

M. Savoie: Parfait!

La Présidente (Mme Hovington): Son engagement est même inscrit, enregistré et tout.

M. Savoie: Enregistré.

La Présidente (Mme Hovington): On fera sortir les galées...

M. Boucher: Je vais le lire avec plaisir. Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Hovington): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Boucher, MM. de l'Ordre des dentistes, vous nous faites effectivement certaines propositions intéressantes pour améliorer le système actuel. Vous voulez donner davantage de pouvoirs au syndic, de moyens. Le fait d'avoir un système peut-être un peu différent au niveau des fautes lourdes et au niveau des fautes légères, puisqu'il semblerait qu'il y a effectivement beaucoup plus de demandes au niveau des fautes légères qu'au niveau des fautes lourdes... Vous nous avez parlé aussi... Chez vous, souvent, il peut y avoir des problèmes au niveau, peut-être, des... Vous avez abordé le problème de l'argent, peut-être, au niveau des honoraires. Donc, est-ce qu'il y a... Au niveau du mécanisme d'arbitrage des comptes, au niveau de la conciliation, est-ce qu'il y a des efforts qui sont faits de ce côté-là?

M. Boucher: Oui, mais, voyez-vous, Mme la députée, le comité de conciliation et d'arbitrage des comptes, dans son état actuel, ne permet qu'une conciliation se fasse qu'au sujet des honoraires. Ce que nous proposons en ajout à cela, c'est qu'il puisse y avoir médiation entre le syndic, la plaignante ou le plaignant et le professionnel responsable, qu'on puisse voir si, finalement, au sujet de l'argent qui a été servi et demandé et d'un service qui ne fait pas tout à fait l'affaire du plaignant ou de la plaignante, que le syndic puisse faire des recommandations et que, si ça ne devait pas aboutir, ce cas-là soit référé justement au comité de conciliation et d'arbitrage des comptes qui, lui, devra rendre une décision finale. Il faut arrêter que ces problèmes-là se promènent d'un à l'autre. Il faut, à un moment donné, que quelqu'un prenne une décision et dise: Vous avez raison, monsieur ou madame, ou vous avez tort ou raison, monsieur ou madame le ou la professionnelle. C'est dans ce sens-là que l'on dit que, si on pouvait avoir ce genre de mécanisme à notre disposition, il est clair et net que la perception qu'a le public de la manière dont ces plaintes sont traitées ne serait plus la même. Je le dis et je le redis, l'Office des professions et le gouvernement devront faire ce qui doit être fait pour informer le public de la manière dont les choses fonctionnent au niveau d'un tribunal de discipline. Le tribunal de discipline, ce n'est pas la Cour des petites créances, ce n'est pas la Cour supérieure, ça n'accorde pas des dommages civils, ça ne fait rien de ça, mais ça aide, ça veut aider et ça va aider le public qui fait appel à nos soins.

Mme Caron: Concernant le comité des plaintes qui est proposé dans l'avant-projet de loi, évidemment, vous n'êtes pas les seuls à vous y opposer. Toutes les corporations professionnelles ont mentionné qu'elles s'y opposaient. Elles parlent toutes plutôt d'un comité avi-seur ou consultatif. On a le Protecteur du citoyen aussi qui est venu ce matin et qui n'appuie pas un comité des plaintes tel qu'il est proposé dans l'avant-projet de loi puisque ce ne serait qu'alourdir la procédure.

On se parle évidemment d'un comité qui pourrait consulter, un comité consultatif. L'Ordre des optomé-tristes a fait une autre suggestion. En maintenant le comité consultatif, il disait: II faut aussi donner une tribune pour la personne qui est insatisfaite d'une décision et qui ne voudrait pas faire une plainte privée avec toutes les conséquences financières possibles d'une plainte privée. Alors, ils nous proposaient, eux, un ombudsman, un protecteur qui serait limité uniquement aux cas où le plaignant veut une vérification extérieure, externe. Qu'est-ce que vous en pensez? (15 h 50)

M. Boucher: À première vue, moi, je n'ai pas d'objection à ça. Il y a une autre suggestion au sujet de laquelle on m'a entretenu. Ce serait une espèce d'enquête préliminaire qui pourrait être faite par le président du tribunal de discipline et par les gens qui l'accompagnent et qui servent de juges, et qu'ils puissent entendre — sans qu'une demande d'enquête ait été déposée formellement — la personne qui a un grief à l'endroit d'un professionnel, qu'elle puisse se faire entendre par ces gens-là, le tribunal de discipline, mais qui formeraient une espèce de tribunal d'enquête préliminaire. Le président entend ça, les deux membres qui l'accompagnent. Il dit: Oui, madame, vous avez raison ou: Madame, vous avez tort. Que leur décision là-dessus soit finale.

S'ils pensent qu'elle pourrait même avoir raison, ils lui permettront d'être entendue au niveau du tribunal de discipline. C'est autant d'avenues qui doivent, en tout cas, être explorées pour assurer un exutoire. Vous savez, quand on porte une plainte, quand on a mal, quand on a un bobo, il n'y a pas de plainte et de bobo plus important que celui que l'on a et le seul fait de se faire dire: Bien non, madame ou monsieur, je pense que vous avez tort, tout de suite, ça te hérisse le poil sur le mauvais sens et de ça, nous, chez nous, on ne veut pas. Ce que l'on veut—je ne vois pas pourquoi ce serait contraire à la perception qu'ont les gens — faites un sondage de la population et demandez-lui: Quels sont les gens en qui vous avez la plus grande confiance? Je regrette pour les politiciens, étant moi-même marié avec une, mais votre cote d'amour n'est pas très haute de ce temps-là. Mais les professionnels, que ce soient surtout les médecins, les dentistes, on est dans le haut du «hit parade». Alors, je ne vois pas pourquoi ce serait diffé-

rent lorsqu'il s'agit de traiter avec le public. On veut le traiter avec aménité, avec bonté, avec justice et on veut toujours que ces gens-là soient satisfaits. Dois-je vous dire que ce n'est pas à notre avantage que de repousser en dessous du tapis les plaintes qui nous sont transmises? Ce ne serait que faire et promouvoir une plus mauvaise image de l'Ordre des dentistes du Québec. À ça, là, on n'y tient pas du tout.

Mme Caron: au niveau de l'insatisfaction, je pense que vous avez parfaitement raison. j'ai d'ailleurs moi-même cité certains chiffres au cours de cette commission, incluant les politiciens. le système de justice, je vous avoue que c'est à 71,4 % que les québécois n'y ont pas confiance. alors...

M. Boucher: Ça n'en fait pas beaucoup qui ont confiance.

Mme Caron: pas vraiment. alors, le système professionnel, avec 48 % de confiance, c'était un petit peu mieux que le système de justice. vous nous avez parlé, également, de l'accessibilité au dossier. là-dessus, vous aviez certaines...

M. Boucher: Réserves.

Mme Caron: ...réserves. C'est sûrement en fonction de la protection de la vie privée?

M. Boucher: Oui, et si vous avez pu prendre... Évidemment, vous connaissez sûrement les propositions faites dans l'avant-projet de loi. On lit, à l'article 118.1: Sous réserve de 118.3 qui dit que le comité peut, en tout temps, d'office, demander d'interdire l'accès aux renseignements... Vous savez, le comité oublie ça, n'oublie pas ça, et il n'y pense pas et, là, il t'arrive un quidam et il dit: Je veux avoir le dossier du comité. Dans le dossier du comité de discipline, il y a là un paquet de renseignements dont le syndic ne va pas nécessairement se servir pour faire valoir sa cause. Le syndic prend fait et cause, pour le public, dans cette histoire-là, il ne faut jamais l'oublier.

Je pense qu'il n'y a pas d'avantage pour qui que ce soit à ce que le dossier du comité soit rendu accessible et public, à moins qu'on ne puisse l'épurer et, à ce moment-là, je pense que ce ne serait pas jouer la «game» de la bonne manière.

Mme Caron: Pour revenir brièvement au niveau des plaintes, est-ce que, à votre Ordre, il y a des plaintes privées qui se sont rendues au comité de discipline?

M. Boucher: Écoutez, moi, ça fait... bientôt, ça fera 12 ans que je suis président — je suis quasiment mieux que Duvalier, je suis quasiment président à vie — et, à ma connaissance, je pense que je n'ai pas vu ça. Il y en a peut-être eu, quoi, combien? Peut-être une.

Bon, M. le syndic m'a dit qu'il en a eu deux. Vous voyez que je ne me mêle pas des affaires du syndic. Je le laisse agir en toute indépendance. Loin de moi le syndic. Je n'aime pas le rire du ministre. J'aimerais qu'il s'explique là-dessus. Je lui ferai la preuve par a plus b, noir sur blanc, que le président de l'Ordre a toujours demandé à tout le monde de ne jamais mettre ses gros sabots dans les dossiers du syndic. Si on vous a avisé du contraire, M. le ministre, j'aimerais pouvoir vous en parler, et publiquement, et pas plus loin qu'ici. Le restant, ce ne sont que des racontars. Vous savez, les ragots de cuisine et les commérages de corde à linge, il ne faut jamais se fier à ça. Vous savez, les renseignements, demandez-moi ça à moi, la bouche du cheval est là, je vais vous les donner. Oui, Mme la députée.

Mme Caron: Les ragots à l'extérieur de la cuisine aussi, là, dans d'autres pièces...

M. Boucher: N'importe quelle, n'importe où, oui.

Mme Caron: Je ne voulais pas qu'on limite ça aux cordes à linge...

La Présidente (Mme Hovington): Vous vous sentez accusée quand on parle de cuisine? Ha, ha, ha!

Mme Caron: ...les cordes à linge, les cuisines. Ha, ha, ha!

M. Boucher: Ah! mais, c'est moi, chez nous, qui fais la cuisine. Il n'y a pas de problème, on peut en parler, de la cuisine.

Mme Caron: Alors, Mme la Présidente, je voudrais revenir sur un élément que j'ai retrouvé dans votre mémoire et que je n'ai pas vu dans les autres mémoires, et ça allait un petit peu plus loin que la loi 67, c'est en page 8, lorsque vous nous dites, et je vais vous citer: «L'Office devrait également, puisque le projet de loi 67 propose une privatisation d'une mission de service public, se soumettre aux lois du marché.» Et là vous nous suggérez: «Pour les dépenses prévues, l'Office devrait recourir à des appels d'offres pour des consultations, des recherches ou des analyses, la soumission la plus basse devant être retenue.» Je vous avoue, là, que c'est la seule corporation professionnelle qui nous a fait cette proposition-là. J'aimerais vous entendre un peu là-dessus.

M. Boucher: Bien, écoutez, si on se fie à ce que dit le projet de loi 67, les dépenses encourues par l'Office nous seront refilées. Alors, ce qui était, comment dire, à la charge du gouvernement deviendra à la charge des corporations. À partir de ce moment-là, pour nous, le meilleur... un des moyens pour contrôler les coûts, c'est lorsque vous devez faire appel à des gens de l'ex-

térieur pour vous offrir des services; une des façons de contrôler les coûts, et toutes les administrations publiques le font, soumises à ce genre de manière de faire, c'est de faire des appels d'offres. Dans ce sens-là, si les corporations ou les professionnels comme tels doivent supporter les dépenses de l'Office, bien, on suggère qu'il se soumette comme tous les autres à des appels d'offres.

Mme Caron: Vous...

M. Boucher: En fait, si vous comprenez bien le projet de loi 67, c'est que, à toutes fins utiles, l'Office des professions, on le laissera aller la queue sur la fesse, bride abattue, et: Dépense ce que tu voudras. À la fin, on va présenter la facture aux corporations et: Payez, messieurs dames. On n'est pas tellement d'accord avec ça. Je ne pense pas qu'il y ait un seul gouvernement qui administre ses deniers de cette manière. S'il devait le faire, je pense qu'il ne gouvernerait pas bien, bien longtemps.

Mme Caron: C'est ce que je crois aussi du projet de loi 67, mais le ministre me dit qu'on ne le saisit pas bien, le projet de loi 67, lorsqu'on croit ça. Vous nous avez... Ha, ha, ha! Vous nous avez également parlé des coûts, des prévisions de coûts pour le comité des plaintes, s'il était en vigueur tel que proposé dans l'avant-projet de loi. Le ministre disait que les coûts ne devraient pas être très élevés, et vous nous disiez que oui. Est-ce que vous avez fait certaines prévisions, chez vous?

M. Boucher: Bien, écoutez, on vous dit, dans notre mémoire, que, si on devait mettre en place pareil comité, comité d'examen des plaintes... Chez nous, on reçoit, bon an, mal an, combien de demandes d'enquête, M. le syndic?

M. Morin (Paul): 160, là...

M. Boucher: Non. Des demandes d'enquête, on en reçoit combien?

Une voix: 2000.

Mme Caron: 2000?

M. Boucher: Non. Ça, c'est les téléphones.

Mme Caron: C'est les téléphones, ça.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Boucher: En tout cas, qu'on en reçoive, peu importe le nombre, toutes celles au sujet desquelles le syndic décide... Même avant ça; il ne peut pas décider sans avoir l'avis du comité des plaintes. Celles sur lesquelles il décide d'aller en discipline — chez nous, à peu près une vingtaine — toutes les autres devront passer par le moulin du comité des plaintes. Pour en administrer chez nous une vingtaine, ça coûte 600 000 $. Pour en administrer 400, faites le calcul. C'est aussi simple que ça. Je pense que... Écoutez, les murs ont des oreilles. Semble-t-il que, ce matin, vous aviez les gens du Barreau et qu'on vous a dit que si, finalement... Je ne sais pas quel pourcentage de leurs plaintes devait passer par ce mécanisme-là, que, chez eux, ils ont évalué le coût à quelques... combien de millions? (16 heures)

Mme Caron: Le Barreau nous parlait de 1 000 000 $ alors que, du côté des infirmières, on nous parlait de 100 000 $. C'est pour ça que j'essayais d'avoir votre évaluation pour se donner une idée.

M. Boucher: Alors, faites un coût moyen de 600 000$.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boucher: mais il n'en reste pas moins vrai que... bon, écoutez, il ne faut pas être comptable agréé pour savoir que ça va coûter les deux yeux et les deux bras et le restant avec, alors que, chez nous, on vous propose des moyens tellement plus efficaces, moins coûteux et qui vont assurer cette transparence tellement souhaitée. on le sait bien que le comité des plaintes, dans l'esprit de l'office des professions, c'est pour permettre à jos public de venir dire: ah oui! je pense que le syndic avait raison. c'est: ou on fait confiance à ces gens-là, nommés en toute indépendance, par la cour suprême, si vous voulez, mais, à un moment donné, il va falloir arrêter... c'est: ou ces gens-là ont quelqu'un, quelque chose quelque part en haut des deux oreilles, ou, finalement, ils ne sont pas dignes de confiance. pour nous, tout le monde peut se tromper. et tout le monde peut tellement se tromper que l'on sait qu'au niveau de la cour supérieure 70 % des jugements rendus par les savants magistrats qui, pourtant, sont des hommes de loi, nommés par les gouvernements, mais pourtant tout à fait indépendants, dieu l'espère! ces gens-là, 70 % de leurs jugements sont portés en appel. si les juges de la cour supérieure peuvent se tromper à ce point-là, moi, je n'ai pas d'objection à ce que nos syndics se trompent, mais je pense qu'ils font leur travail honnêtement et c'est ça qui compte. ce n'est pas qu'ils se trompent, ce n'est pas qu'ils ne se trompent pas, c'est qu'ils le fassent honnêtement.

Et je répète, Mme la députée, qu'il va falloir qu'on arrête de répandre à tout vent, comme le fait le «Petit Larousse», cette fausse impression —je ne sais pas d'où ça vient, et j'espère que toutes les corporations vous l'ont dit — que, chez nous, on se protège entre nous. Ça n'existe pas, c'est un mythe. Ça n'existe pas, et je défie n'importe qui autour de cette table de venir

chez nous au comité de discipline et de voir ce qui s'y passe. Mais je sais bien, moi — et je vois le sourire du président de l'Office — que c'est au moment où la décision se prend, au moment où le syndic enquête sur un dossier... bien, que l'Office fasse sa job et qu'il vienne dans le bureau du syndic, de la même manière que l'on fait de l'inspection chez nous, qu'il vienne une fois de temps en temps, qu'il sorte sa petite valise et qu'il vienne voir à la Corporation des dentistes pour voir si, le syndic, il fait ça comme il faut ou pas. Puis, après, tout le monde va arrêter de jacasser. Quand l'Office va retourner et va dire: Oui, ce n'est pas pire chez l'Ordre des dentistes, bien, le ministre pourra dire la même chose. C'est de ça, nous autres, qu'on se soucie.

La Présidente (Mme Hovington): Le temps est écoulé. Vous aviez chacun 18 minutes. Il est déjà 16 h 5. Alors, le temps est écoulé.

M. Savoie: On peut continuer, si on veut. Ça marche sur consentement, cette affaire-là.

La Présidente (Mme Hovington): Bien, c'est-à-dire que ça me prend un consentement unanime pour passer 6 heures ce soir, pour passer 18 heures. Pour ce groupe-là, le temps alloué est terminé.

M. Boucher: Moi, je peux vous dire que j'aime ça, si vous voulez continuer.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boucher: Je vous l'ai dit, on n'a rien à cacher chez nous. On n'a pas de cadavre dans les tiroirs, puis encore moins dans les placards.

M. Savoie: Non, mais ce qu'on pourrait peut-être faire, étant donné que l'Oppostion refuse, ce qu'on pourrait faire...

Mme Caron: Plutôt, Mme la Présidente, c'est parce que, si on veut être juste...

M. Savoie: Oui, oui. Ça va.

Mme Caron: ...avec l'ensemble des groupes qui sont venus...

La Présidente (Mme Hovington): C'est ça, l'équité.

Mme Caron: ...c'est une question d'équité... M. Savoie: D'accord.

Mme Caron: ...pourquoi on donnerait plus de temps à un groupe qu'à un autre? Ça, je trouve ça plus délicat.

M. Savoie: C'est ça. C'est beau. Étant donné, donc, qu'il n'y a pas consentement pour ce faire, je pense qu'il serait quand même valable qu'on puisse, ce soir, examiner ensemble le mémoire... la semaine prochaine, si cela vous convient...

Une voix: Pas de problème. Une voix: L'ensemble du dossier.

La Présidente (Mme Hovington): Alors, il me reste à vous remercier au nom des parlementaires. Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter pour la semaine prochaine? Vous étiez consentant?

M. Boucher: Oui. Bien, écoutez, M. le ministre, avec lequel, dois-je le dire, j'ai toujours eu des relations plus que cordiales, je pense que, ça, je veux bien que tout le monde le sache, le ministre Savoie m'a toujours reçu avec civilité et a toujours écouté les propos que l'on avait, mais je pourrais lui demander une faveur, cependant. La semaine prochaine, j'aurais de la difficulté à être à Québec.

M. Savoie: La semaine d'après.

M. Boucher: Mais, si vous êtes dans votre château fort de Montréal, ça me fera plaisir de vous rencontrer dans vos bureaux de Montréal, ou la semaine après, on arrangera ça pour...

M. Savoie: La semaine d'après, je pense qu'on pourra s'organiser.

M. Boucher: D'autant que vos bureaux sont dans une si belle ville. Alors, j'y serai avec plaisir, M. le ministre.

La Présidente (Mme Hovington): Alors, au nom des parlementaires de la commission de l'éducation, permettez-moi de vous remercier de nous avoir présenté votre mémoire. J'inviterais dès maintenant la Corporation professionnelle des hygiénistes dentaires du Québec à se préparer pour prendre place.

Des voix: ...

La Présidente (Mme Hovington): Alors, messieurs, s'il vous plaît, il ne faudrait pas recommencer les discussions d'une façon informelle. Je ne voudrais pas vous bousculer non plus, mais nous sommes déjà en retard.

Corporation professionnelle des hygiénistes dentaires du Québec (CPHDQ)

Alors, la Corporation professionnelle des hygiénistes dentaires du Québec, veuillez prendre place, s'il

vous plaît. Bonjour, mesdames. Des voix: Bonjour.

La Présidente (Mme Hovington): Enfin, des dames. Elles se font rares dans toutes les corporations. Il s'agit de Mme France McKenzie, présidente. C'est vous?

Mme McKenzie (France): C'est bien ça, oui.

La Présidente (Mme Hovington): Bonjour et bienvenue à la commission. Et Mme Monique Gou-dreault, directrice générale.

Mme Goudreault (Monique): C'est ça.

La Présidente (Mme Hovington): Bonjour et bienvenue à la commission. Alors, Mme McKenzie, vous êtes la porte-parole...

Mme McKenzie: Oui.

La Présidente (Mme Hovington): ...j'imagine, en tant que présidente. Alors, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire aux membres de la commission.

Mme McKenzie: Ça va. Merci. Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. de la commission de l'éducation, permettez-moi, au nom de la Corporation professionnelle des hygiénistes dentaires du Québec, de vous remercier pour cette opportunité que vous nous offrez.

C'est en considération de l'importance du sujet sur le fonctionnement général du système professionnel existant et sur l'avenir des parties le constituant que notre Corporation désire s'exprimer sur les changements proposés au Code des professions du Québec. Comme plusieurs, nous trouvons regrettable l'absence de consultation préalable à la préparation de l'avant-projet de loi. Nous trouvons encore plus regrettable que la perception publique associe à ce commentaire une volonté de la part des corporations de refuser une réflexion ou des améliorations aux mécanismes de protection du public. Pour notre part, nous croyons honnêtement qu'une consultation préalable aurait permis une meilleure contribution de chacune des instances directement concernées, apportant une valeur ajoutée à cette réflexion.

Rappelons que les instances politiques changent au niveau des corporations, et l'on s'interroge à savoir s'il est vraiment réaliste de procéder à une évaluation du système en offrant aux intervenants concernés à peine deux mois pour formuler leur avis. Peut-être que certains ont le privilège d'avoir oeuvré au sein des corporations pendant de nombreuses années, mais rappelons que ce n'est pas le cas de tous. Je peux vous dire que, per- sonnellement en poste depuis une année, l'exercice de réflexion et d'analyse de l'avant-projet de loi s'est avéré considérablement ardu. Notre présence se veut tout de même une démonstration de notre volonté de participer au processus, car le résultat pourrait avoir un impact considérable sur le fonctionnement général du système professionnel existant et dont les hygiénistes dentaires font partie.

De fait, nous pouvons avancer que le système professionnel québécois a fait ses marques, considérant qu'il est reconnu hors des limites provinciale et nationale. Après 20 ans d'existence, que certaines améliorations et modifications y soient apportées nous paraît tout à fait justifié. En ce qui regarde les activités disciplinaires, le peu d'expérience vécue par notre Corporation en ce sens ne nous permet pas d'évaluer adéquatement les modifications proposées. Nous laisserons donc aux organismes qui l'administrent quotidiennement le soin d'en évaluer la pertinence et de suggérer des alternatives. À première vue, les modifications proposées semblent s'orienter vers un alourdissement du système disciplinaire, tant au niveau bureaucratique que juridique. Ces tendances se devraient, quant à nous, d'être considérées en fonction des coûts qu'elles pourraient occasionner pour la société. (16 h 10)

Quant au processus réglementaire, un assouplissement est certes devenu nécessaire, compte tenu de l'expérience et de la maturité qu'a acquises le système professionnel. En ce sens, il ressort une certaine volonté que les règlements de nature plus administrative relèvent des corporations. Que l'Office en soit avisé pour s'assurer de leur concordance et du respect des lois est justifiable, mais le rôle de l'Office des professions, à cet égard, devrait s'arrêter là. Quant aux règlements s'adressant directement à la protection du public, tels la déontologie, la conciliation et l'arbitrage des comptes, l'indemnisation, ceux-ci se devraient d'être sanctionnés par le gouvernement afin de conserver à ce dernier le devoir qui lui incombe de s'assurer du mieux-être public. Dans le même sens, nous nous interrogeons sur quoi se fonde le glissement de la partie du pouvoir réglementaire relevant jusqu'à maintenant de l'État et qui serait rempli par l'Office des professions concernant les comités d'inspection professionnelle et les stages de perfectionnement, lesquels s'adressent également à la protection publique.

Que les devoirs et obligations de l'Office des professions soient précisés, que les mesures et les mécanismes lui permettant d'assurer convenablement son rôle de surveillance et de conseil soient clarifiés, voire même ajoutés, s'inscrivent bien dans le cadre d'une réforme en profondeur. Cependant, le présent avant-projet de loi propose certains changements majeurs principalement en ce qui a trait au rôle de l'Office des professions du Québec. Encore une fois, nous aimerions connaître sur quoi est fondé un changement aussi substantiel.

Supposons que le pouvoir d'enquête proposé soit

démontré comme étant un moyen pertinent pour l'Office des professions de remplir son rôle à la faveur d'une meilleure protection du public; à notre avis, il serait très imprudent de l'introduire sans en identifier clairement les jalons et les limites. D'ailleurs, cette démonstration reste encore à faire. Nous pouvons deviner ce qui a inspiré l'introduction de cette modification. Depuis l'avènement du Code des professions, plusieurs corporations se sont tournées vers l'Office pour prendre conseil et recevoir avis. Cette façon de faire devenue sûrement à tort un peu trop automatique peut laisser croire à l'Office qu'il a un devoir de répondre aux demandes nécessitant des moyens additionnels pour remédier à certains problèmes. À cet égard, il importe toutefois de préciser que les dispositions actuellement contenues au Code des professions ont permis aux corporations, même en moment de crise ou de situation difficile, de relever le défi et de remplir leur mandat premier à l'avantage de la protection du public. Le principe d'autogestion des corporations ne devrait donc pas être mis en doute en proposant une alternative qui donnerait ouverture à une ingérence de la part de l'Office des professions. Les corporations auraient aussi avantage à doser leur réflexe de recourir aux services de l'Office à tous égards.

Enfin, quant au recours pour une corporation pouvant être l'objet d'une enquête, il est totalement absent des modifications proposées. Alors qu'une révision réglementaire a fait l'objet d'une préoccupation particulière de la part de l'Office des professions pour y prévoir le droit de se faire entendre, le pouvoir d'enquête qu'il s'accorde, basé sur une notion vague de motif raisonnable, apparaît s'exécuter d'une manière unilatérale en plus de le placer en position flagrante de juge et partie, ce qui s'avère totalement inacceptable, d'autant plus que toute la notion du secret professionnel y serait également mise en cause. Les enjeux et les implications sont donc beaucoup trop importants pour en disposer de façon aussi abrupte. Quant au qualificatif «raisonnable» utilisé dans Pavant-projet de loi, il nécessiterait également des précisions. Cette notion laisse beaucoup trop de place à la subjectivité et à l'arbitraire pour être efficace en termes de résultat.

L'esprit du présent exercice et les différents discours recherchent la transparence. Mais qu'entend-on réellement par cette notion? Pouvons-nous prédire que la présence de deux représentants du public à l'Office des professions ou encore la mise en place d'un comité d'examen des plaintes avec des représentants publics seront garants de la transparence recherchée? Qu'en est-il de la représentativité du public à tous les bureaux d'administrateurs des corporations depuis 1974? Remettons-nous en doute le niveau de transparence visé par leur présence ou sommes-nous convaincus que la transparence se doit absolument de passer par une présence accrue du public? Cette présence pourra-t-elle modifier la perception du public envers le système professionnel? Qu'entend le public par transparence? N'est-ce pas de recevoir des réponses à ses questions? N'est-ce pas un besoin de mieux comprendre? À quoi est-il en droit de s'attendre en termes de qualité? À quoi est-il en droit de s'attendre en termes de recours? Quelles sont les limites du système professionnel? Voilà autant de questions et si peu de réponses.

En ce qui concerne les professionnels, l'avant-projet de loi comporte certaines modifications laissant transparaître plus clairement leurs obligations au sein du système. Ainsi, les ajouts visant l'application du Code aux membres et l'obligation de prêter serment permettraient de conscientiser et responsabiliser plus directement chaque professionnel au rôle individuel qui lui incombe, surtout dans un contexte économique difficile et de plus en plus compétitif. Quant à nous, ces précisions au Code des professions ne modifient en rien l'intention initiale du législateur, mais elles associent plus directement chaque professionnel au système.

Les corporations professionnelles, pour leur part, à moins d'une démonstration contraire, se sont bien acquittées des devoirs et responsabilités implicites au droit à l'autogestion qui leur a été attribué. Par ailleurs, afin d'assurer la protection du public, chaque corporation professionnelle est tenue de rencontrer certaines obligations. Les modifications proposées dans Pavant-projet de loi en ajouteraient de nouvelles. Sans vouloir en contester les mérites pour une meilleure protection du public, il importerait, néanmoins, de bien évaluer et nuancer le degré d'imposition impliqué, et ce, en fonction des caractéristiques particulières des groupes concernés.

Plus particulièrement, en ce qui concerne les corporations à titre réservé, dont nous sommes, la modification prévue visant l'adoption d'un règlement pour réserver des titres serait un premier pas, mais ne réglerait aucunement les problèmes fondamentaux auxquels elles sont confrontées. Notons, entre autres, que les corporations à titre réservé ont les mêmes obligations à assumer que celles à exercice exclusif. Pourtant, leur pouvoir d'influence diffère considérablement.

Pour notre corporation, deux aspects plus spécifiques retiennent aussi notre attention. Premièrement, la suppression de l'article 12o, lequel assurait une surveillance quant à l'obligation de déterminer les actes pouvant être posés par des classes de personnes autres que celles appartenant à un exercice exclusif, est, pour le moins, inquiétante. Peut-être le principe a-t-il été maintenu à l'intérieur d'une autre modification, mais il ne l'est pas de manière assez claire et, conséquemment, soulève l'interrogation.

Indiquons qu'il nous apparaît impératif que ce principe soit maintenu à l'intérieur d'une disposition claire du Code des professions. Cette disposition devrait, de plus, préciser les modalités et les délais associés à la réalisation de cette obligation pour éviter des rapports indus. Notre organisme parle d'expérience et considère que le mécanisme tel qu'il existe souffre d'un manque d'efficience, car ce n'est qu'au terme de plus de

15 ans d'existence que les actes pouvant être posés par les hygiénistes dentaires se sont vus consolidés à l'intérieur d'un règlement adopté en vertu du Code des professions, actes, par ailleurs, pour lesquels les hygiénistes dentaires avaient été formés.

Deuxièmement, le contenu de la modification prévue à l'article 34 permettant à des non-membres de corporations de poser des actes d'exercice exclusif suscite plusieurs interrogations. Entre autres, est-ce que les étudiants inscrits à un programme de formation conduisant à un permis délivré par une profession à titre réservé avec actes réservés par règlement seraient couverts par ce nouvel article 34, et qu'adviendrait-il de leurs enseignants?

Cette question avait été soulevée par notre organisme à l'Office des professions qui nous avait indiqué que la problématique nécessitait un examen élargi à l'ensemble des professions. Pouvons-nous supposer que la modification ainsi prévue à l'article 34 vise à y répondre? À notre avis, le libellé est beaucoup trop obscur pour en permettre une interprétation claire. Qui plus est, la référence à l'article 94g et g.l ne clarifie pas plus la problématique des titres réservés à cet égard, où la détermination des conditions pour la pose des actes réservés y serait prévue de façon facultative sans mécanisme de consultation. Les titres réservés seraient-ils encore placés en position d'attente, à la merci de la volonté ou des priorités des exercices exclusifs? Pour nous, il y va de l'intérêt et de la protection du public que de régulariser cette situation nébuleuse, laquelle soulève, notamment, un problème de détermination de la responsabilité professionnelle et des services assurés qui en découlent.

En conclusion, nous considérons que trop d'éléments ont été escamotés qui, pourtant, mériteraient une réflexion plus approfondie pour en dégager les améliorations appropriées. Aussi, nous suggérons qu'une démarche rigoureuse soit entreprise pour conduire à une réforme globale solide. La réflexion est déjà bien engagée, comme l'ont démontré assurément les commentaires sur Favant-projet de loi des différents groupes concernés. Pour l'avenir, l'évolution des notions d'éthique et de déontologie, la multidisciplinarité, la multiplication des intervenants versus le statut juridique des titres réservés et la mobilité des professionnels sont autant d'éléments qu'il conviendrait d'examiner dans la perspective d'une réforme sérieuse et évolutive. (16 h 20)

Finalement, face à des enjeux tels l'avenir des professions et l'intérêt du public, nul ne peut rester indifférent. Agissons donc en citoyens responsables et consciencieux en s'accordant le temps requis pour réaliser une évaluation honnête et prospective du système professionnel québécois qui, rappelons-le, est certainement, non sans raison, considéré comme l'un des meilleurs au monde. Merci.

La Présidente (Mme Hovington): Merci beau- coup, madame. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Savoie: Merci, Mme la Présidente. Il est très agréable de saluer les représentantes de la Corporation professionnelle des hygiénistes dentaires du Québec qui sont venues nous présenter un mémoire qui soulève des points qu'on n'avait pas vus ailleurs et sur lesquels nous aurons l'occasion de poser des questions dans quelques secondes. Tout simplement pour souligner aux membres de la commission qu'ils sont 2300, un budget de fonctionnement de 750 000 $ et qu'ils ont très peu, finalement, de cas de discipline, compte tenu des spécificités de leur exercice. Mais il y a quand même eu trois demandes retenues pour enquête avec trois règlements en 1990-1991 et il n'y en a pas eu en 1991-1992. Est-ce qu'on peut savoir sur quoi portaient les demandes retenues pour enquête?

Mme McKenzie: Vous dites 1990...

M. Savoie: 1991.

Mme McKenzie: ...1991?

M. Savoie: Oui. Est-ce que vous avez une idée?

Mme McKenzie: En fait, je n'étais pas en poste à ce moment-là, j'étais en poste pour l'exercice 1991-1992. J'aurais de la difficulté à vous répondre à brûle-pourpoint, comme ça. Il faudrait se référer... Je m'excuse là. Mais je pourrais vous dire...

M. Savoie: Non, ce n'est pas grave. Ça pourrait porter sur quoi?

Mme McKenzie: En fait, des demandes qu'on peut recevoir du public portent souvent, entre autres, sur l'usurpation de titre. Effectivement, à titre réservé, il y a souvent des demandes ou des plaintes concernant l'usurpation de titre. Il y a plusieurs demandes qui arrivent à la Corporation aussi pour des choses dont on n'a pas la juridiction. Quand on pense au milieu dentaire, les gens associent souvent la Corporation des hygiénistes à tous les processus ou à tous les intervenants du bureau privé en dentisterie et ils font souvent des demandes pour une dénonciation de l'assistante qui ferait des actes illégaux. On peut recevoir les plaintes, mais on ne peut pas les traiter, on n'a pas juridiction. Alors, ce sont des choses qu'on reçoit, on en prend bonne note et on répond aux personnes concernées qu'on ne peut pas, nous, de notre propre chef, traiter la plainte, mais on la réfère, à ce moment-là, à l'Ordre des dentistes, qui a juridiction. Alors, c'est plus souvent qu'autrement des choses comme ça.

Des gestes que les membres pourraient poser et dont le public ne serait pas satisfait, c'est effectivement assez rare, comme vous voyez dans notre dossier. J'ai déjà été syndic. Il est déjà arrivé que quelqu'un écrive

pour se plaindre de non-professionnalisme, ou quelque chose sur des frais. Mais, finalement, quand on discute avec les gens, on se rend compte qu'il y a eu une mauvaise interprétation. Alors, sans pouvoir répondre précisément à votre question, je peux dire que, de façon générale, c'est le type de plaintes que nous recevons à la Corporation.

M. Savoie: Alors, ça clarifie un peu les présentations. Au niveau, justement, du rapport annuel, dans votre mémoire, vous nous dites: Ah! bon, bien, que les règles pour la confection du rapport annuel soient adaptées pour les corporations de petite taille.

Mme McKenzie: En fait, c'était dans la visée qu'on dit: On veut uniformiser, on veut rendre les systèmes beaucoup plus uniformes, plus facilement gérables ou accessibles pour tout le monde, toutes les corporations sur le même pied. Il faut voir les difficultés que ça peut imposer. Si on prend comme standard une corporation de grande envergure, avec beaucoup de membres et beaucoup de ressources financières et humaines, et qu'on établit le standard à ce niveau-là, ça demande, pour les petites corporations, des ajustements qui sont beaucoup plus importants. Alors, que les données soient encore mieux ajustées dans les rapports annuels, bien qu'il existe les règlements, mais qu'il y ait d'autres données, ou des modifications, ou des précisions à apporter dans les rapports annuels, je pense que tout le monde est d'accord avec ça. Mais de ne pas moduler ou de ne pas prendre comme modèle une structure qui est trop lourde où les petites corporations ne pourraient pas avoir accès, ou difficilement, d'être capables d'avoir certaines données de base nécessaires, mais que chacune des corporations puissent s'y adapter. C'est en vertu de ça qu'on écrit nos remarques dans le mémoire.

M. Savoie: O.K. Finalement, le dossier discipline. Vous participez quand même au processus de l'ensemble des corporations membres du CIQ. Le comité des plaintes, je pense, a fait l'objet de plusieurs interventions. C'est un point assez épineux, là. On présente des coûts gigantesques, on dit que c'est une lourdeur. Si je comprends bien, c'est que vous aussi, vous avez de la difficulté avec le fonctionnement du comité des plaintes.

Mme McKenzie: En fait, comme je le disais dans la présentation orale, on a très peu d'expérience à ce niveau-là, beaucoup moins en tout cas que plusieurs autres corporations. À la lecture de l'avant-projet de loi, ce qu'on trouve, c'est que ça ajoute une lourdeur administrative et, quand on regarde ce que les autres corporations vivent et qu'on s'inscrit... On a toujours dit: On s'inscrit, on appuie les orientations du CIQ à cet effet-là, quand c'est des gens qui ont été beaucoup impliqués. On pense, nous autres aussi, que ça créerait une lourdeur. On peut regarder seulement le peu de plaintes, malgré tout, qu'on reçoit. Même s'il existait un comité des plaintes, ça devrait automatiquement passer par le comité des plaintes. Nous, on calcule que ça occasionnerait des délais et ça nous demanderait des ressources humaines et financières. Même à l'analyse des données, à ce stade-ci, comme corporation on a un syndic à une journée-semaine et on est en train de se poser la question, si ça vaut la peine de garder un syndic une journée-semaine. Alors, si on a un comité des plaintes et des obligations de faire des suivis de comité, peut-être qu'à ce moment-là il faudrait l'augmenter à deux jours. Quand on regarde le travail accompli par rapport à ce que ça nous coûte, peut-être une demi-journée-semaine, ce serait assez. Là, ça nous obligerait à avoir une structure beaucoup plus importante pour le faire; peut-être un syndic deux jours-semaine. C'est pour ça qu'on trouve que c'est gros comme structure. C'est un peu lourd.

Il y aurait peut-être moyen de changer les choses. On n'a pas de solution précise à proposer, non plus. On n'a pas, comme l'Ordre des dentistes, évalué combien ça coûterait s'il y avait un comité des plaintes. Déjà, on trouvait ça très lourd sur nos épaules, mais on ne s'est pas mis à faire d'évaluation. On voulait aussi dire qu'on avait des ressources restreintes. On les a à tous les niveaux.

M. Savoie: S'il y avait un comité des plaintes réservé au secteur santé, par exemple, pour les différentes corporations, géré par elles, payé par elles, mais qui serait, par exemple, disponible pour le travail de votre Corporation?

Mme McKenzie: Écoutez, on ne peut pas toujours dire non, non, non, ou oui, oui, oui, d'emblée. C'est juste qu'il faut évaluer sa pertinence. Nous autres, on ne calcule pas que ce serait si important. Je pense que ce comité des plaintes là veut changer la perception qu'a le public des plaintes qu'il porte. Ce sera suffisant pour changer la perception qu'ont les gens. On s'est posé beaucoup de questions à la Corporation avec toute cette idée de transparence et de perception. On n'a rien contre la transparence, je pense que tout le monde veut ça, que ce soit plus clair. Mais la question qui doit revenir, c'est: Est-ce que le comité des plaintes, par le fait qu'il y ait des gens du public, va suffire à changer la perception? C'est une grosse question. On croit bien que non, là, mais...

M. Savoie: C'est ça. Moi aussi, je crois bien que non, sauf qu'on constate que c'est un impact positif et, si on a suffisamment d'impacts positifs... O.K. Finalement, il n'y a pas d'objection viscérale à participer à l'examen de la question avec d'autres corporations dans une espèce d'effort commun. Il est très clair qu'on ne peut pas avoir un comité des plaintes pour votre Corporation seulement. Ça ne présente pas de difficultés, non seulement pour la vôtre, mais, pour d'autres aussi, il n'y en a pas du tout. Il y en a qui font leurs vérifica-

tions. Ils n'en ont pas de plaintes.

Mme McKenzie: En tout cas, moi, je pense qu'entre autres, pour tout ce qui est du public, ce qui est important, c'est de lui expliquer ce que c'est. Je pense que, quand on parle de transparence, c'est peut-être ça, dire au public quelles sont les limites et ce qu'elle fait votre plainte, dans un cas comme le nôtre. Ce n'est pas majeur. Même les corporations, c'est très gros. Je pense que les suggestions du CIQ à cet effet-là sont un comité aviseur où d'autres types de changements pourraient peut-être être beaucoup plus appropriés. Mais, comme je vous le dis, il faut l'analyser dans toute la perspective de toutes les corporations professionnelles aussi.

M. Savoie: D'accord. Je vais peut-être revenir à la fin, à ce moment-là, à moins que...

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Mme McKenzie, Mme Goudreault, je vous remercie de votre présentation. Votre mémoire exprime bien, je pense, la réalité vécue par les petites corporations professionnelles à titre réservé et tous les obstacles, finalement, pour arriver à maintenir la même qualité, les mêmes devoirs, la même protection envers le public, mais avec des moyens beaucoup plus restreints. Je pense que vous le présentez bien. Votre mémoire a aussi l'avantage de soulever beaucoup de questions. Il est à la forme inter-rogative à plusieurs égards, je pense que vous posez les bonnes questions. (16 h 30)

Lorsque vous parlez de protection du public et que vous la situez à deux paliers, c'est-à-dire au niveau de la qualité — évidemment, la qualité des soins, c'est la première protection du public — donc la qualité de la formation, la qualité des services rendus, et une possibilité de recours aussi, parce que, si on veut déposer une plainte, il faut avoir une possibilité de recours, et, ça, c'est bien établi... Vous nous avez dit qu'il y avait chez vous, et j'ai retenu deux aspects intéressants, particulièrement au niveau de la prévention pour assurer cette qualité... Lorsque vous nous parlez d'inspection professionnelle et de stages de perfectionnement, j'aimerais que vous élaboriez un petit peu. Comment ça se fait, au niveau de votre corporation professionnelle, au niveau de l'inspection professionnelle et comment vous développez au niveau des stages de perfectionnement?

Mme McKenzie: En fait, ce qui est écrit dans le mémoire, c'est au niveau de la réglementation. Nous, on pense que, tel qu'il est proposé dans l'avant-projet de loi, le processus réglementaire ne devrait pas aller de soi, comme celui-là, au sens où l'inspection professionnelle et les stages de perfectionnement relèvent ou tou- chent tout le domaine de la protection du public. C'est à cet effet-là qu'on l'a traité dans le mémoire. Et l'inspection professionnelle, si on se souvient bien, on nous a toujours dit que c'est comme ça que l'Office pouvait surveiller si une corporation professionnelle faisait bien son travail, de s'assurer des compétences des gens. Je pense que, ça, c'est une des choses qu'il faut maintenir. C'est sûr que les règlements existent déjà, mais c'est dans le processus de continuer cette démarche-là.

Je peux vous dire qu'à l'heure actuelle on a beaucoup insisté pour le maintien et l'avancement de ces comités-là, car on les juge très importants pour la protection du public, pour s'assurer que nos membres offrent des services de qualité. Quelqu'un disait tantôt: Quand on n'a pas de plaintes dans une corporation, est-ce que ça veut dire que le travail est bien fait, ou bien il est trop mal fait, ou est-ce qu'ils en font? Je pense que ce dont il faut s'assurer, comme corporation, pour assurer la protection du public, c'est que les professionnels, nos membres, aient tout ce qu'il faut pour assurer au public cette protection-là et qu'ils donnent des services de qualité. Alors, par l'inspection professionnelle, on peut très bien les surveiller... en tout cas, les surveiller, du moins les aider. On veut surtout s'assurer de leur niveau de connaissances et que tout ce qu'ils font est bien fait, les aider pour que ça rejaillisse sur les membres.

Effectivement, comme corporation à titre réservé, l'inspection professionnelle pose certains problèmes de juridiction au sens où les membres sont à titre réservé et employés d'employeurs à exercice exclusif. Ce n'est pas toujours très évident, comme on le voit selon le Code. Dans le Code, c'est très évident de faire de l'inspection et, dans le règlement, c'est très évident de faire de l'inspection professionnelle. Mais, dans les faits, faire l'inspection professionnelle d'un membre à titre réservé qui est employé d'un employeur qui, lui-même, comme employeur, est inspecté par l'ordre professionnel, ça cause certains problèmes. On tente d'améliorer la situation. On a fait déjà d'autres ententes avec l'autre corporation intéressée pour essayer d'améliorer ou de faciliter, pour que les deux professionnels d'un même bureau de corporations différentes soient inspectés de façon peut-être conjointe. Ce sont des choses qu'on peut penser, mais il reste qu'il faut, comme corporation, faire l'inspection professionnelle de nos membres. Ça s'avère parfois difficile, mais il faut le maintenir malgré les difficultés que ça pourrait soulever éventuellement, ou que ça a déjà soulevées. Mais il faut maintenir ça pour assurer la compétence envers le public.

Mme Caron: C'est pour ça, Mme McKenzie, que je vous posais la question, parce que ça m'apparaissait beaucoup plus complexe pour votre corporation, compte tenu de tout ce que vous venez de nous dire. Comment vous le vivez au quotidien? Comment vous arrivez à la faire, cette inspection professionnelle là? Il me semble qu'il y a beaucoup d'obstacles.

Mme McKenzie: À l'heure actuelle, malgré les obstacles, on réussit à faire l'inspection professionnelle, à faire des ententes. On peut dire — en tout cas, je vous l'ai dit au tout début, je suis en poste depuis un an — on peut dire que, pour l'année en cours, entre autres, ça va bien, les programmes ont été établis. On tente du mieux qu'on peut et on a convenu, avec l'Ordre des dentistes, de certaines choses. Je pense que, pour ça, on peut dire que, cette année, le programme va bien. Ça n'a pas toujours été le cas. On tente d'améliorer notre sort à chaque fois. Je pense qu'il ne faut pas, non plus, se laisser décourager par ça. C'est comme à chaque médaille, il y a deux côtés. Il faut essayer quand même de maintenir ce service-là et de s'assurer de la qualité des services rendus.

Mme Caron: Vous avez 2300 membres et quelques. Vous pouvez voir combien de membres dans une année à peu près?

Mme McKenzie: À l'heure actuelle, il n'y en a pas beaucoup qui sont vus à notre... En tout cas, pour l'année en cours, on avait prévu moins de 100 inspections, visites d'inspection professionnelle. Dans nos objectifs pour la prochaine année, on compte, en tout cas, en faire beaucoup plus, mais il faut aussi développer les mécanismes pour être capables d'en faire. Il y a toute la difficulté de ressources. On l'a dit, souvent les petites corporations n'ont pas les ressources. On n'a pas des gens à temps plein, on ne paie pas des gens juste pour faire ça. Il y a toute la difficulté d'avoir des gens aussi pour le faire. Alors, on essaie de conjuguer avec tout ça pour avoir un programme qui va faire en sorte que nos membres seront inspectés dans un nombre d'années x.

Mme Caron: Je trouvais ça important de vous faire parler sur ce sujet-là parce que, au cours des différentes audiences, on a insisté beaucoup sur l'importance de l'inspection professionnelle et d'essayer peut-être de resserrer les critères. Mais, en vous écoutant, je m'aperçois qu'il va falloir aussi tenir compte de cette réalité-là dans le cas de certaines corporations professionnelles où c'est beaucoup plus difficile au niveau de l'application.

Mme McKenzie: D'autant plus que nos membres ne sont pas tous dans les établissements. Je pense qu'il y a différents facteurs qui font en sorte que ça peut ralentir. Quand les gens sont tous en établissement, il y a peut-être des mécanismes qui sont plus faciles, mais, pour nous, il faut user d'imagination pour développer les outils nécessaires.

Mme Caron: Vous nous avez parlé aussi, dans votre mémoire, de deux articles principalement qui vous posaient des interrogations et qui touchent plus particulièrement votre Corporation. Alors, je souhaiterais vous entendre davantage sur ces deux articles-là, c'est-à-dire l'article 12o... On peut commencer par celui-là.

Mme McKenzie: O.K. En fait, dans le Code actuel, l'article 12o prévoit que l'Office doit veiller à ce qu'une corporation qui doit déléguer délègue dans un... En fait, l'Office surveille et respecte, voit à ce que la corporation fasse son travail de délégation comme il est prévu, sauf que, dans Pavant-projet de loi, on ne le retrouve pas. On a beau lire tous les autres articles sur les règlements, et tout ça. Bon, on peut peut-être déduire que, peut-être, ça va arriver, comme le rôle supplétif de l'Office à ce niveau-là, mais, pour nous, ça pose des interrogations. Par expérience, à la Corporation, on peut dire qu'en tout et partout ça a quand même pris 15 ans avant qu'il y ait... en tout cas, que tous les actes soient consolidés dans un règlement pour la délégation des actes aux hygiénistes qui est prévue effectivement à la Loi sur les dentistes. Alors, il n'y a pas de mécanisme... en tout cas, il ne nous semble pas qu'il y ait des mécanismes de surveillance à ce niveau-là. On ne parle pas juste pour la Corporation des hygiénistes, on parle de façon générale, pour toutes les corporations à titre réservé qui se voient déléguer des actes. Est-ce qu'à un moment donné ça ne causera pas de problèmes? Le libellé, en tout cas à l'heure actuelle, dans l'avant-projet de loi, des autres articles ne nous semble pas évident à ce niveau-là. Mais c'était comme, il me semble, un devoir important de l'Office et ça rassurait peut-être aussi les autres corporations de voir que... Parce que, souvent, on n'a pas toujours le pouvoir là où il y a des difficultés. C'était quand même bon pour... sécurisant, peut-être même pas sécurisant, mais, au moins, il y avait quelqu'un qui pouvait nous aider ou veiller à ce que les actes soient délégués ou que les règlements et les lois soient appliqués.

Mme Caron: Je pense que c'est important que le ministre ou l'Office vous rassure sur ces mécanismes. Et l'article 34?

Mme McKenzie: L'article 34, en fait, touche... En fait, on imagine que l'article 34 est bon pour les corporations à exercice exclusif, mais on parle de tout ce qui est des actes pour des gens non membres de corporations. En tout cas, nous autres, on trouve que c'est un peu mêlé toute cette histoire-là, avec tous les paragraphes pour les stages... Et, nous, on avait des questions particulières à cet effet-là. On en a déjà parlé, avec le règlement délégué aux hygiénistes, on avait eu des questions qui avaient été suscitées par les maisons d'enseignement: Quelles sont les responsabilités dentiste-hygiéniste, par le règlement, en maison d'enseignement? Est-ce que les étudiants peuvent être poursuivis pour pratique illégale dans le cadre de leur formation? Quelle est la relation dentiste-hygiéniste... qui surveille une étudiante en hygiène dentaire? Alors, c'était le genre de questions que les enseignants et le monde professionnel avaient posées à cet égard-là.

On avait posé la question à l'Office. L'Office nous avait dit: Les étudiants ne peuvent pas être poursuivis pour pratique illégale dans le cadre de leur formation, mais, pour tout ce qui touche les enseignants, on verra à étudier le dossier et ça fera l'objet de consultations ou, en tout cas, d'études beaucoup plus avancées. Sauf que, là, on ne retrouve rien d'autre que l'article 34, on a de la misère à saisir et on n'est pas la seule corporation. Les corporations à exercice exclusif et nous, on s'est posé des questions. En réunion, il n'y a personne qui interprétait la même chose, et on a peur que notre problème soit dilué puis qu'on ne trouve pas réponse à ça dans l'article 34. On ne sait pas tout à fait si ça nous touche ou pas, mais on n'a pas de réponse, puis on aimerait ça savoir comment on peut travailler avec notre règlement en fonction des enseignants, des stages, des gens qui... C'est très nébuleux à cet égard. (16 h 40)

Même, on peut pousser plus loin. Les enseignants qui travaillent dans les cégeps, comment ça fonctionne au niveau de la responsabilité? On peut parler d'un enseignant qui enseigne, bon, on peut enseigner ce qu'on veut, puis il n'y a pas de problème. Quand on arrive à la partie clinique, pratique, pour ce qui est d'une corporation à titre réservé, est-ce qu'un enseignant pourrait décider de ne pas être membre de la corporation, mais enseigner et poser des gestes cliniques? Quelle est la responsabilité, la juridiction d'un dentiste en fonction du règlement sur les actes? Disons que ce n'est pas tout à fait clair, l'article 34, à cet égard. En fait, on n'a pas la solution. On attendait quelque chose qui nous aiderait, mais le libellé, à savoir: Est-ce que ça nous touche ou pas? c'est comme...

Mme Caron: C'est parce que votre corporation, non seulement c'est une corporation à titre réservé, mais il y a aussi des actes délégués, en plus, qui s'ajoutent. Donc, vous avez à peu près tout ce qu'il peut y avoir comme problèmes possibles au niveau des corporations professionnelles, avec les mêmes responsabilités et les mêmes devoirs. Je pense que vous nous présentez bien cette difficile réalité.

Mme la Présidente, ma collègue des Chutes-de-la-Chaudière aurait quelques questions, si vous permettez.

La Présidente (Mme Hovington): Je vous en prie. Allez-y.

Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, Mme la Présidente. Moi, je voudrais revenir à l'article 34 et à toute la notion de corporation à titre réservé. Vous avez 2300 membres sur une possibilité d'à peu près combien? Est-ce que vous avez une idée de ça? Votre «membership» représente quel pourcentage de l'ensemble des hygiénistes dentaires au Québec?

Mme McKenzie: On n'a pas de chiffres précis à l'appui. Ce qu'on peut dire, c'est qu'on a quand même un tableau des dernières années de finissants... en tout cas, de nouveaux diplômés en hygiène dentaire des différents collèges. On peut dire que la majorité des étudiants, des nouveaux diplômés en hygiène dentaire deviennent membres de la Corporation, mais on n'a pas de données, à savoir le nombre possible d'hygiénistes au Québec depuis les 15 dernières années. Ça, je ne peux pas vous le dire. Mais, de façon générale, on peut dire que la majorité des diplômés sont membres de la Corporation. Effectivement, on travaille aussi pour ça. On explique très bien ce qui se vit, le sens de la loi et des règlements et, finalement, qu'on a un titre réservé. Le fait d'avoir des actes qui sont réservés aux hygiénistes, ça nous permet de faire très bien comprendre qu'il faut respecter le règlement et que, pour poser les actes, il faut être hygiéniste. Alors, on a quand même peut-être plus de facilité qu'une autre corporation à titre réservé à faire comprendre toute l'importance de cette obligation avec les actes réservés. Mais on peut dire, de façon générale, que les nouveaux diplômés de chacune des années deviennent membres de la Corporation.

Mme Carrier-Perreault: Dans ce sens-là, chez vous, il y a plus de possibilité que les gens deviennent membres. On a vu d'autres corporations de même titre, si on veut, que la vôtre, qui ont quand même une certaine difficulté, en tout cas, à ce qu'on a pu constater, à garder leur «membership» ou à aller chercher des membres.

Mme McKenzie: C'est quand même au niveau de la rétention, quand même, difficile. C'est sûr que, même dans tout le processus dont on parle aujourd'hui, de réforme et de commission parlementaire, je pense que chaque intervenant doit faire son propre examen de conscience. Je pense bien, par contre, que, malgré tout, malgré qu'on ait peut-être un ou deux avantages de plus qu'une autre corporation, il y a quand même un problème de rétention du membre. Les gens, ils ne comprennent pas très bien. On s'efforce de bien expliquer ce que c'est. Mais c'est quand même difficile de faire la rétention, d'autant plus qu'on parle de multiplication des intervenants. Les conventions collectives laissent toujours, dans leur libellé de convention, deux titres: l'hygiéniste dentaire — bien, en tout cas, on va prendre notre exemple — l'hygiéniste dentaire ou l'auxiliaire dentaire. Ça crée aussi de la confusion. On dit: L'employeur, c'est l'État, puis dans les conventions, on dit bien qu'il y a deux titres. Alors, ça devient embêtant pour nous. La personne dit: Bien, je réponds aux critères d'auxiliaire dentaire qui demande un diplôme d'études collégiales en hygiène dentaire, mais sans nécessairement porter le titre. Ça crée des problèmes de rétention et ça crée de la confusion, ça aussi.

Mme Carrier-Perreault: Est-ce que vous recevez des plaintes, à l'occasion, pour des hygiénistes dentaires qui ne sont pas membres de votre Corporation? Parce

que ça arrive aussi de temps en temps dans des corporations comme la vôtre où il y a des plaintes qui arrivent, puis la personne de qui le public ou le client se plaint n'est pas membre de votre corporation, mis à part les assistantes, et ce que vous nous décrivez.

Mme McKenzie: On a déjà eu... Je pense qu'encore là, quand on parlait des plaintes au syndic, c'est souvent des cas d'usurpation de titre. Il arrive, évidemment, qu'on trouve des diplômés en hygiène dentaire qui, dans le cadre de leur travail, soit selon un cadre de convention collective ou par méconnaissance, ne se sentent pas liés par la Corporation et disent: Je suis diplômé en hygiène dentaire et j'ai la formation, et ils utilisent quand même le titre, ne le sachant pas. Nous, on dit: Le titre, être hygiéniste dentaire au Québec, c'est être membre de sa Corporation, c'est clair dans le Code. Alors, il y a des gens qui ne le comprennent pas toujours. Alors, il y en a qui peuvent utiliser le titre d'hygiéniste dentaire. À cet effet-là, on peut avoir des plaintes, avec les autres titres qui laissent croire, là... Est-ce qu'utiliser «technicien en hygiène dentaire», ça laisse croire qu'on est hygiéniste dentaire? Je pense que oui, là. Alors, il y a...

Mme Carrier-Perreault: Quand on dit que le public est inquiet ou se pose des questions, qu'il y a non-transparence, et tout ça, quand on regarde ce genre de situation là avec les corporations à titre réservé et que le public fait des appels, en tout cas vis-à-vis de certaines corporations, et qu'il se rend compte que, bon, il n'a aucune prise, le public, quand la personne n'est pas membre de la corporation, comme la vôtre ou d'autres de même type, ça contribue sûrement aussi à donner un effet de non-transparence ou de non-protection par rapport aux gens qui font des plaintes. Est-ce que vous seriez d'accord pour, disons, obliger les gens à être membres de la Corporation ou, à tout le moins, est-ce que ce serait possible d'obliger les gens à suivre, si on veut, le Code de déontologie? On pourrait, par exemple, penser qu'il y aurait un mécanisme quelque part qui pourrait s'appliquer où on pourrait porter plainte contre quelqu'un de la profession même s'il n'est pas membre, parce qu'il aurait à respecter le Code de déontologie de sa profession?

Mme McKenzie: Enfin, moi, je pense que, tout ça, ça relève du libellé et de la constitution de corporation à exercice exclusif et à titre réservé.

Mme Carrier-Perreault: C'est toujours ça.

Mme McKenzie: Je pense que le problème réside aussi là. On l'a déjà dit, on n'a pas juridiction sur des non-membres, on n'a pas vraiment de moyen d'aller contrer ça. C'est sûr qu'on veut faire bien comprendre que, pour être hygiéniste, il faut être membre de sa corporation, et le faire comprendre au public et faire la différenciation auprès du public des différents intervenants. Mais il faut aussi conscientiser les membres et faire appel à leur jugement. C'est pour ça que, quand on dit qu'il faut faire une prise de conscience, je pense que c'est de part et d'autre. On veut bien faire comprendre au public que les hygiénistes, ce sont des professionnels prévus par la loi, qu'ils sont reconnus et qu'ils existent. Il faut faire appel à des professionnels que sont les hygiénistes dentaires, et on veut aussi créer le réflexe... Quand les gens appellent et disent: Est-ce que c'est une hygiéniste dentaire? on est capables, ça, de le dire. Quelqu'un appelle: Est-ce que vous êtes hygiéniste... est-ce que cette personne-là est hygiéniste dentaire?, oui, on est capables de le vérifier. C'est surtout cette mécanique-là qu'il faut faire comprendre, parce que, par la loi, on ne peut pas faire autrement. On n'a pas les mêmes mécanismes qu'une corporation à exercice exclusif à ce niveau-là; c'est beaucoup plus difficile. Évidemment, ce serait à l'avantage de toutes les corporations à titre réservé; elles aimeraient ça avoir au moins cette possibilité-là, mais, à l'heure actuelle, ce n'est pas tout à fait comme ça.

Mme Carrier-Perreault: Non. C'est parce que le Protecteur du citoyen est venu suggérer des choses ce matin, puis, je ne sais pas, c'est une interrogation, comme ça, qui me venait: Est-ce que c'est possible qu'il y ait un mécanisme quelque part qui dise: Bon, on prend toutes les plaintes à ce niveau-là... si c'est situé à l'Office, par exemple? En tout cas, disons que c'est une réflexion que je me faisais et je voulais connaître vos commentaires. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Hovington): Ça va? Mme Carrier-Perreault: Oui.

La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. le ministre, il reste quelques minutes.

M. Savoie: Merci, Mme la Présidente. On a eu droit, au niveau de votre mémoire, à plusieurs recommandations, à plusieurs commentaires. On ne peut pas tout adresser à ce moment-ci. Au niveau de l'Office des professions, on me dit que Me Belisle va échanger avec vous. Il y a une évolution dans certains éléments; par exemple, auxiliaire dentaire, également, ça va être abordé, et on va répondre à quelques-unes de vos inquiétudes, questionnements que vous nous avez soulevés, de façon à y donner le plus de suivi possible.

Vous avez soulevé à quelques reprises la participation des citoyens, comme quoi ça... c'est un élément de transparence, mais ce n'est pas déterminant, comme quoi ce ne serait pas... Je me demandais, si vous me le permettez, Mme Goudreault, est-ce que ça fait longtemps que vous êtes au niveau du monde professionnel? Est-ce que ça fait longtemps que vous circulez dans le milieu? Une dizaine d'années?

Mme Goudreault: Depuis 1977. M. Savoie: Je ne vous entends pas.

Mme Goudreault: Depuis 1977.

(16 h 50)

M. Savoie: Ça fait 10 ans. Et c'est un phénomène, finalement, qui est relativement nouveau, nommer des gens, au niveau de l'Office des professions, qui sont citoyens. On va s'adresser à votre questionnement, au fait que c'est deux citoyens. Les mécanismes de nomination, on va tâcher de faire le suivi là-dessus. Mais pensez-vous que, par exemple, l'introduction de citoyens au niveau des plaintes, de façon générale, dans le mécanisme, va satisfaire des attentes, par exemple au niveau des ACEF, au niveau de Fombudsman, au niveau des organismes sociaux, qui, finalement, ont comme préoccupation la surveillance de l'administration dans les disciplines par les corporations professionnelles?

Mme Goudreault: Je pense que le principal questionnement qu'il faut avoir à ce niveau-là, c'est: Est-ce que le public va être satisfait de cette solution-là?

M. Savoie: C'est ça, oui.

Mme Goudreault: Parce que la question, comme on l'a soulevée, c'est... Au niveau des bureaux d'administration des corporations, les administrateurs nommés, les membres externes, les citoyens sont déjà là. Est-ce que c'est parce que ces personnes-là...

M. Savoie: Oui, c'est ça.

Mme Goudreault: ...ont tellement bien fait leur travail que c'est ça, la solution?

M. Savoie: Ils sont combien, sur un conseil? Vous avez combien de membres sur votre conseil d'administration?

Mme Goudreault: Nous, c'est quatre.

M. Savoie: Pardon?

Une voix: Trois.

Mme Goudreault: Trois?

M. Savoie: Non, non. Combien de personnes en tout au niveau du C.A.?

Mme Goudreault: Seize administrateurs.

M. Savoie: Seize. Il y a combien de citoyens là-dessus?

Mme Goudreault: Trois.

M. Savoie: Trois. Au niveau du comité des plaintes, ce qui est proposé, c'est cinq personnes, dont deux citoyens. On voit que, oups! ce n'est plus les mêmes proportions. Il y a beaucoup de monde qui pense que les deux ou trois personnes nommées sur les conseils d'administration, ce n'est pas suffisant, qu'elles n'ont pas de poids, qu'elles ne sont pas assez nombreuses. Au niveau de l'Office, ce qui est proposé, c'est deux sur sept. Ça non plus, ce n'est pas beaucoup. Il y en a qui me disent même qu'on devrait avoir trois citoyens et seulement quatre professionnels, d'accroître cette participation du public. Quand vous dites que les citoyens — c'est quelque chose d'assez large, là... Est-ce que vous pensez, par exemple, que l'Association des consommateurs, les ACEF, ces intervenants-là, ça constitue, en quelque sorte, les représentants, les porte-parole pour les citoyens?

Mme Goudreault: Très certainement. Ce qu'on a souligné, c'est que peut-être qu'il va falloir des critères de sélection qui soient quand même préétablis.

M. Savoie: Oui, ça, j'ai trouvé ça intéressant...

Mme Goudreault: C'est à ce niveau-là que c'est...

M. Savoie: .. .puis ça a allumé une lumière.

Mme Goudreault: Parce que, quand il n'y en a pas, à ce moment-là, je veux dire, et surtout... Là, on parle de nominations, ça semble être des nominations qui vont être gouvernementales et non pas sur suggestion de groupes particuliers. Alors, à ce niveau-là, encore une fois, comme on a dit, il va y avoir des forces politiques, il va y avoir le jeu qui va... Est-ce qu'à ce moment-là ça va vraiment être des représentants du public à l'Office? C'est ça, le questionnement.

M. Savoie: Oui. Comme je vous dis, dans votre mémoire, je l'ai vue, la recommandation, et on en a pris bonne note. C'est une recommandation positive. Je pense que, justement, on va s'assurer que... empêcher, par exemple, de tout simplement envoyer quelqu'un pour boucher un trou. On va s'organiser pour que ça vienne de sources intéressées puis par des personnes qui connaissent le monde professionnel.

Finalement, cette démocratisation, entre guillemets, ça vous va, dans son ensemble?

Mme McKenzie: Enfin, on a dit qu'on ne peut pas, non plus, être contre, ce n'est pas pour mettre des bâtons dans les roues, mais il faut quand même faire très bien comprendre, il faut faire comprendre aux gens ce que c'est que le système professionnel. Je pense qu'à cet effet — le Dr Boucher aussi en parlait — il faut faire comprendre ce que c'est, il faut informer les gens. On

lit les journaux des derniers jours et on parle des corporations, on parle toujours des mêmes. Les gens ne les connaissent même pas. Est-ce que les inhalothérapeutes sont des professionnels au sens du Code? Les gens ne le savent pas. Les hygiénistes dentaires? Bon. Les gens ont déjà de la difficulté à démêler ça. Je pense qu'il y a un besoin d'information. Que les gens soient plus impliqués et qu'ils se sentent bien impliqués, on ne peut pas avoir quelque chose contre ça, mais il faut quand même voir les limites à ces choses-là.

Je lisais aussi un article dans lequel vous parlez de la présente réforme et de la commission. Vous dites: On veut que les gens changent leur perception. Mais il faut bien voir qu'il faut leur donner les outils. Ce n'est pas sûr qu'ils comprennent toujours tous les mécanismes. Il faut qu'ils apprennent ça. Vous disiez dans l'article: Les gens, quand ils se font évaluer ou qu'ils portent plainte et qu'ils ont l'impression que les professionnels se font juger par leurs pairs, s'ils vont à un comité des plaintes où il y a des membres du public, ils vont se sentir plus valorisés et ils vont avoir l'impression que ça va aboutir quelque part. Mais on peut se poser des interrogations là-dessus, à l'effet qu'il y ait plus de gens, que les gens s'impliquent plus et le veuillent plus. Si ça répond à leurs demandes, oui, mais il faut quand même voir que ça peut porter, de toute façon, à confusion. Ça ne réglera peut-être pas les problèmes du monde juste à ce niveau-là. Alors, peut-être de faire mieux expliquer, mettre des balises, je ne sais pas, il y a sûrement d'autres moyens, mais pas juste dire: On met plus de monde à ce comité-là puis on règle notre problème. Je ne pense pas qu'on règle le fondamental de ça. Mais de les inviter à participer, oui, si les gens le veulent bien, et il va falloir qu'ils s'impliquent et qu'ils comprennent quelles sont les obligations que ça a aussi de s'impliquer.

M. Savoie: D'accord. Je vous remercie pour votre mémoire, je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous présenter ça par un beau, semi-beau mardi après-midi.

Mme McKenzie: Merci.

La Présidente (Mme Hovington): Mme McKenzie, Mme Goudreault, merci beaucoup d'être venues devant la commission de l'éducation.

Mme Goudreault: C'est nous qui vous remercions.

La Présidente (Mme Hovington): La commission va suspendre deux minutes, le temps à la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 56)

(Reprise à 16 h 58)

La Présidente (Mme Hovington): La commission va poursuivre ses travaux avec la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec, représentée par... Voulez-vous vous présenter, s'il vous plaît?

Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec (CPTSQ)

Mme Dauphinais (Renée): Je suis la présidente de la Corporation, Renée Dauphinais, et je suis accompagnée du directeur général de la Corporation, M. René Pagé.

La Présidente (Mme Hovington): Alors, Mme Jocelyne Girard n'est pas avec vous.

Mme Dauphinais: Non, elle a dû se désister pour cause de maladie.

La Présidente (Mme Hovington): D'accord. Alors, c'est vous, en tant que présidente, qui êtes la porte-parole?

Mme Dauphinais: Oui, madame.

La Présidente (Mme Hovington): Alors, allez-y, nous vous écoutons.

Mme Dauphinais: Mme la Présidente, M. le ministre, Mme la députée de l'Opposition, Mmes et MM. les membres de la commission, la Corporation des travailleurs sociaux, comme vous l'avez vu, n'a pas préparé un mémoire exhaustif sur l'avant-projet de loi, point par point. Nous sommes contents de profiter de l'occasion pour venir échanger avec les membres du gouvernement, qui décide de ce qui va arriver au niveau de l'univers professionnel, sur quelques points qui nous semblent très importants.

Depuis un certain temps, divers documents et avis ont été rendus publics au sujet du système professionnel par l'Office des professions et d'autres instances gouvernementales. Selon notre Corporation, il semblait évident qu'à l'approche du 20e anniversaire — je pense qu'on n'est pas les seuls à le dire — du système professionnel québécois une vaste consultation permettrait de soulever les problèmes et les carences, de réfléchir sur l'efficacité du système et d'y apporter des solutions créatives et novatrices. Notre Corporation est déçue que ce ne soit pas le cas. (17 heures)

J'aimerais d'abord vous faire un tableau, parce que les travailleurs sociaux, vous savez, ça a l'air très connu, le service social, mais, quand on parle aux gens, ce n'est pas connu beaucoup. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de gens au Québec qui savent que l'association des travailleurs sociaux existe, au niveau canadien,

depuis 1926. Alors, ce n'est pas une jeune profession. Lors de la création de la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec — elle a été créée par un bill privé le 12 février 1960 — notre profession s'était vu alors accorder par le législateur une reconnaissance légale. Ces précisions sont utiles, car elles démontrent qu'il y a plus de 67 ans que les travailleurs sociaux ont la préoccupation d'offrir des services de qualité au public et de respecter un code de déontologie.

Depuis l'implantation du Code des professions, la CPTSQ a travaillé à bâtir une réglementation qui lui permet d'encadrer la pratique professionnelle de ses membres et d'assurer ainsi son mandat de protection du public. Malheureusement, l'avant-projet de loi ne semble pas reconnaître ce travail de notre Corporation, car il préconise un processus de contrôle, à notre point de vue, nettement exagéré.

Lors d'une entrevue avec le journal La Presse le 18 septembre dernier, M. le ministre, vous avez dit et affirmé que la protection du public passe par une délimitation claire du champ de compétence, une déontologie adéquate, des garanties absolues de compétence et la compréhension constante des besoins du public. Notre Corporation est entièrement en accord avec cette affirmation qui résume fort bien le rôle des corporations professionnelles.

Nous nous limiterons à affirmer que l'avant-projet de loi propose un grand nombre de changements qui auraient des impacts majeurs sur la façon dont notre Corporation assumerait son mandat. Nous tenons à préciser que notre Corporation adhère entièrement à l'étude de l'avant-projet de loi qu'a faite le Conseil interprofessionnel du Québec dans son mémoire. C'est pourquoi nous n'avons pas fait une analyse des choses article par article. Nous jugeons que les arguments développés dans la position du CIQ résument bien l'analyse que nous en faisons nous-mêmes, c'est pourquoi la CPTSQ demande le retrait de l'avant-projet de loi et insiste sur la nécessité que soit tenue une consultation impliquant toutes les parties. Alors, je pense que nous ne sommes pas les premières corporations à dire ceci, mais nous l'ajoutons à la voix des autres.

J'aimerais profiter de notre présence ici pour vous parler du fonctionnement d'une corporation comme la nôtre qui utilise beaucoup le travail bénévole. Quand on parle de donner plus aux professionnels, l'imputabilité financière de la protection du public, je voudrais juste vous souligner que notre corporation utilise le travail bénévole depuis toujours. Elle sait que ses membres croient au système professionnel basé sur l'autocritique et l'autocontrôlé de la pratique. L'implication des travailleurs sociaux dans leur corporation est bénévole, et ce, à tous les niveaux, en dehors du personnel de la permanence.

En effet, la participation des membres à la gestion de la corporation, à ses divers comités et groupes de travail est entièrement faite de façon bénévole. Cela représente, en fait, plus de 7350 heures de travail bénévole par année, ce qui aurait à augmenter notre budget d'un montant d'à peu près 100 000 $ par année. Alors, sur notre budget annuel, ça serait beaucoup. De plus, nous savons que la plupart utilisent leur temps personnel pour participer à ces activités. Nous croyons que ce constat parle de lui-même de la motivation de nos membres à maintenir chez leurs collègues le plus haut niveau de compétence et à assurer la protection du public.

Elle investit beaucoup dans la formation continue de ses membres. Une revue professionnelle est publiée trois fois l'an. Plusieurs sessions de formation continue sont offertes dans toutes les régions du Québec et traitent de sujets tels que la déontologie et le perfectionnement des connaissances nécessaires au maintien des plus hauts standards de notre profession. Notre corporation produit des avis professionnels à ses membres afin de les guider dans l'accomplissement d'actes professionnels particulièrement complexes, tant par la nature des problèmes traités que par le contexte d'application de la loi. De plus, un guide pour la pratique professionnelle en CLSC a été produit et d'autres sont en préparation. Ce document, par sa popularité tant auprès de nos membres que de leurs employeurs, confirme le rôle de partenaire qu'assume notre corporation pour assurer les meilleurs services au public. En conséquence, nous pouvons affirmer que les membres de notre corporation, par leur implication, croient au système qui régit leur profession.

La deuxième question que je veux aborder, et qui a été abordée par d'autres corporations à titre réservé aussi, et qui est très importante quand on pense à l'augmentation des mécanismes de contrôle qui va impliquer beaucoup d'argent, c'est qu'on demande... C'est un système inégal, le système professionnel. Il y a deux types de corporation mais un même mandat. Alors, le même mandat de protection du public est confié aux 41 corporations professionnelles mais il existe deux types de corporations. La différence majeure est l'appartenance obligatoire à leur corporation pour certains professionnels et facultative pour d'autres. Dans un système où la protection du public est le principal enjeu, les corporations professionnelles à titre réservé comme la nôtre se voient contraintes de ne contrôler que la pratique professionnelle de ceux qui veulent bien y adhérer. C'est donc dire que notre corporation est à la merci, d'abord, des situations financières aléatoires, des fluctuations du contexte socio-économique mais, aussi, d'une mauvaise humeur d'un membre qui n'est pas très content de comment s'est comporté un inspecteur ou qui sait que s'en vient à la corporation la plainte d'un de ses clients. Pire encore, la radiation du tableau des membres par le comité de discipline ne signifie rien pour la protection du public, car ce même membre peut, en toute légalité, continuer à exercer sans que personne ne puisse l'en empêcher car il perd seulement son droit d'utiliser le titre réservé, non pas son droit d'exercice. Et tout cela peut se produire même s'il a commis une faute très grave.

Voilà une autre raison majeure pourquoi notre corporation rejette l'avant-projet de loi car le vrai débat de fond n'a pas eu lieu. La moitié des corporations pro-

fessionnelles ne peuvent donc assumer convenablement leur mission de protection du public. L'argument souvent entendu de la complexité de créer des corporations professionnelles à exercice exclusif ne tient plus. En effet, au Nouveau-Brunswick — et je pense à l'île-du-Prince-Édouard — l'appartenance à leur association professionnelle est obligatoire pour les travailleurs sociaux et ce, depuis 1988. Et notre voisine, Terre-Neuve, semble vouloir adopter ce même règlement; ces mois-ci, la loi va être promulguée. Et nous savons que dans d'autres provinces canadiennes la question est posée aussi et débattue.

Notre corporation ne croit pas que ce problème fondamental sera réglé par un élargissement des textes législatifs avec des expressions telles que «pouvant laisser croire que» ou l'ajout de titres semblables à celui de «travailleur social». Nos collègues et nos collaborateurs sont bien trop créateurs, ils en trouveront toujours d'autres pour désigner qui ils veulent désigner sans l'obligation d'appartenir à une corporation professionnelle. Ce point-là, probablement, reviendra peut-être plus tard dans nos échanges.

Notre corporation est persuadée que le système professionnel a fait ses preuves. Cependant, après 20 ans d'existence, des changements et des ajustements sont nécessaires. Des sujets majeurs sont traités dans l'avant-projet de loi, comme le système disciplinaire, la réglementation, le rôle des corporations, de l'Office des professions et du gouvernement. Nous demandons au gouvernement de faire une vaste consultation publique et, par la suite, de revenir avec un projet de loi. Le succès du système professionnel du Québec repose sur le maintien d'un équilibre des responsabilités entre les diverses instances concernées. Notre corporation est persuadée qu'il existe une volonté chez l'ensemble de ses membres pour que le système soit amélioré et qu'il y ait moyen de trouver des solutions pour réajuster le système professionnel pour qu'il assume la protection du public, et surtout qu'il soit crédible pour le public. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup, Mme Dauphinais.

M. le ministre, vous avez la parole.

M. Savoie: Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, nos salutations et nos remerciements pour avoir pris le temps de préparer un mémoire et de nous le présenter cet après-midi. Les travailleurs sociaux sont...

Mme Dauphinais: Ils sont 3350 membres, M. le ministre.

M. Savoie: J'ai 3061 en 1991-1992. Ça veut dire qu'il y a eu une croissance, là, en 1992-1993?

Mme Dauphinais: II y a une croissance constante depuis 1985.

M. Savoie: Vous êtes combien, là?

Mme Dauphinais: Nous sommes 3350. M. Savoie: Oui, 3350.

Mme Dauphinais: Oui.

M. Savoie: C'est ça. Et des revenus de l'ordre de 700 000 $, ce qui est appréciable pour une corporation au Québec qui, finalement, là, gère avec assiduité, je pense, ses obligations, par exemple, au niveau disciplinaire. Bien qu'il n'y ait pas de plainte portée devant le comité de discipline, il y en a déjà eu, je crois.

Mme Dauphinais: Oui. M. Savoie: Oui.

Mme Dauphinais: II y en a en ce moment et il s'en en vient aussi.

M. Savoie: II s'en en vient aussi?

Mme Dauphinais: Oui.

M. Savoie: Bon, ça nous fait plaisir. Ha, ha, ha!

Mme Dauphinais: Ça vous fait plaisir. Ha, ha, ha! Bien, enfin, on aimerait que nos professionnels ne fassent pas d'erreur et aient de bons comportements.

M. Savoie: C'est ça.

Mme Dauphinais: Mais, oui, il s'en en vient. (17 h 10)

M. Savoie: On parle effectivement des demandes reçues: 15, pour 1991-1992; demandes retenues pour enquête, 8, et des enquêtes réglées, également, 8. Ça fait en sorte, malgré le fait que c'est à titre réservé, malgré le fait que vous êtes dans un contexte difficile vis-à-vis de vos membres, il y a quand même une volonté d'administrer la discipline et de faire un suivi du dossier.

Comme vous l'avez si bien souligné, un des problèmes qui existent particulièrement chez les travailleurs sociaux, c'est cette injustice, finalement, qui existe où on peut ou on ne peut pas être membre de la corporation professionnelle, et c'est problématique. Je suis également au courant du fait qu'il y a là un secteur où, effectivement, il pourrait y avoir obligation de faire partie de la corporation.

Mme Dauphinais: Beaucoup d'actes pourraient être réservés, oui, exclusifs.

M. Savoie: Oui, et l'obligation d'être membre, également, je pense que ça présente des avantages. Je ne

veux pas m'embarquer dans les actes réservés, là... Mme Dauphinois: Ha, ha, ha!

M. Savoie: ...mais, certainement au niveau du fait d'être membre, je pense que ça réglerait une bonne partie du problème. Je pense que l'évolution, de toute façon, est dans ce chemin-là.

Vous nous avez fait part, évidemment, de votre position au niveau des différentes modifications proposées au projet de loi. Notre réforme, évidemment, comme vous le savez, suscite beaucoup d'intérêt. On a eu des réactions parfois assez violentes, on en a eu d'assez classiques, on en a eu également, évidemment, qui cherchaient à voir ce qui pourrait être fait. Je pense que ce que j'ai senti de votre côté, c'est une plus grande sensibilisation au niveau, justement, de la perception du public. J'ai constaté également une volonté de votre part de quand même donner un suivi sur le processus de démocratisation que l'on aborde. J'ai trouvé ça particulièrement intéressant.

La question: Est-ce que vous suivez un peu ce qui se fait en Ontario au niveau des travailleurs sociaux?

Mme Dauphinais: L'Ontario, pas depuis un an. Il y a un an passé, quand on a débattu d'autres sujets, on a eu à aller voir ce qui se passait dans les autres provinces, et l'Ontario est la seule province où il n'y a pas encore de réglementation, ni pour le titre, ni pour l'acte, rien du tout. Ils travaillent depuis très longtemps, ça semble très complexe. Ils espéraient que ça change avec l'avènement du Parti néo-démocrate, mais je ne pense pas que ça l'ait fait.

M. Savoie: On me dit, moi, que c'a échoué, d'ailleurs.

Mme Dauphinais: C'est la seule province au Canada...

M. Savoie: Oui.

Mme Dauphinais: ...où le service social n'a aucune législation.

M. Savoie: C'est ça, on me dit que c'a échoué il n'y a pas tellement longtemps, là, il y a un mois ou deux, après Noël, en fait, que le consensus qui existait pour aller de l'avant a échoué.

Mme Dauphinais: Chez les travailleurs sociaux ou du côté du gouvernement?

M. Savoie: Bien, enfin, chez le gouvernement...

Mme Dauphinais: Chez le gouvernement.

M. Savoie: ...bien, suite à une division à l'inté- rieur des travailleurs sociaux, là. M. Pagé (René): Bien... M. Savoie: Oui.

M. Pagé: ...si vous permettez, M. le ministre, une information. À l'époque où le lobby était excessivement fort et que ça allait dans ce sens-là — c'est avant même le gouvernement néo-démocrate — il y avait des protestations qui se faisaient devant le siège social pour qu'il n'y ait pas cette reconnaissance-là, et c'étaient des gens diplômés en service social qui ne voulaient pas de cette obligation-là de protection du public, finalement. Il faut bien faire attention entre ceux qui sont membres et ceux qui ne le sont pas, et c'est toujours la situation que bien des gens ne comprennent pas par rapport à une corporation à titre réservé, et il faut, 365 jours par année, le rappeler. Les gens, souvent, qui parlent des corporations professionnelles et qui sont là-dedans ont dans leur tête le modèle des corporations à exercice exclusif, et les corporations à titre réservé sont oubliées là-dedans.

La précision est la suivante: II y a eu des protestations, mais qui venaient de gens qui ne voulaient pas de cette législation de protection du public, alors que vous avez plus de 4200 membres — c'est les derniers chiffres que j'ai, ils sont peut-être plus à l'heure actuelle — qui font partie de l'Association des travailleurs sociaux de l'Ontario. Alors, il y a une minorité, mais qui faisait beaucoup de bruit avec des pancartes devant le siège social, sur la rue où ils sont installés. Alors, c'est assez complexe, comme situation, ce qui se passe en Ontario...

M. Savoie: C'est ça.

M. Pagé: ...mais je ne pense pas que ça préjuge d'aucune façon de la volonté de nos collègues de l'Ontario qu'il y ait une législation de protection du public, au contraire. Ils ont mis beaucoup d'énergie à ce niveau-là.

Mme Dauphinais: Oui.

M. Savoie: Oui. Alors, finalement, on a un avantage très net, là, et une avance aussi très nette sur l'Ontario avec nos structures, les orientations qu'on se donne. J'imagine que vous avez suivi, est-ce que vous avez eu l'occasion d'entendre des commentaires d'autres corporations qui ont présenté des mémoires, ou d'échanger avec eux sur le déroulement de la commission à date?

M. Pagé: Un peu, oui.

M. Savoie: Un peu, oui? J'imagine que la grande inquiétude, c'est évidemment la réforme au niveau disciplinaire. Est-ce que vous partagez d'une façon

profonde cette inquiétude, par exemple, au niveau des coûts additionnels que ça pourrait générer?

M. Pagé: Forcément, il y a une question de coûts. Aussitôt qu'on touche à la discipline de près ou de loin, il y a des coûts importants parce que c'est un système quasi judiciaire. Nous, on a vu, par exemple, à notre corporation, en l'espace de six ans, les coûts augmenter de façon excessivement importante, non seulement au niveau du bureau du syndic, mais également de la discipline en soi. Les coûts de procureur vont certainement doubler cette année, puis, l'année prochaine, on s'attend à ce qu'ils augmentent encore. On a fait des prévisions à ce niveau-là. Naturellement, c'est le premier principe de base de protection du public et ça va à ce niveau-là.

Dans la nature des mécanismes qu'on pourrait mettre en place, nous, on est loin d'être sûrs que le comité qui est avancé dans l'avant-projet de loi serait la panacée. Les travailleurs sociaux... je devrais dire les travailleuses sociales ont été celles qui ont introduit le principe de la médiation, et c'était la médiation familiale au Québec dans les années soixante-dix. Ça fonctionne, aujourd'hui. Le gouvernement est en train de légiférer; si ça peut aller de l'avant, on le souhaite ardemment. Il est en train de légiférer là-dessus. Tous les groupements sociaux-économiques, les compagnies puis les entreprises sont en train de découvrir le principe de la médiation, que ça coûte beaucoup moins cher que d'aller devant un grand comité puis des procureurs dont le métier, c'est de s'opposer puis de tomber dans la procé-durite aiguë. Bon. C'est ça, le système.

M. Savoie: On a déjà entendu ce discours-là un peu.

M. Pagé: Pardon?

M. Savoie: On a déjà entendu le discours de la judiciarisation.

M. Pagé: Non, mais c'est parce que la médiation peut éviter justement...

M. Savoie: Vous avez absolument raison. Je disais ça parce que...

M. Pagé: Oui.

M. Savoie: ...effectivement, on...

M. Pagé: On pense, nous, que ça pourrait être une solution. C'est que la crédibilité... On est très préoccupés, je pense que notre présidente l'a dit tout à l'heure, on est excessivement préoccupés par l'opinion du public. Nous, on pense qu'on fait un bon travail. Quand on lit dans les journaux que le système professionnel défend ses membres et qu'on voit le travail que nos syndics font, on voit les comités de discipline, on voit nos inspections, on voit nos membres qui nous quittent parce qu'on fait bien notre boulot... Il ne faut pas l'oublier, parce qu'ils le font, n'est-ce pas, quand ils ne sont pas contents. On en a, des membres qui quittent, on en a 250 par année qui se laissent radier pour défaut de paiement ou qui donnent leur démission. Ils ne s'en vont pas tous parce qu'ils sont mécontents, mais on sait qu'il y en a là-dedans qui, à un moment donné, craignent ça. On a actuellement une inspection par point de service qu'on va faire ici même, à Québec, puis on a un membre qui ne veut pas se faire inspecter. Alors, écoutez, on est confrontés à des choses.

On le fait, notre boulot, mais on pense qu'on le fait bien. Avec les moyens financiers, naturellement, qu'on a, on pense qu'on l'assume dans la mesure du possible à ce niveau-là; on pense que c'est à améliorer. La perception du public sur un mécanisme qui est simple... et la médiation, le public y croit, je pense. Et s'il y a un domaine qui est difficile, dans notre société, c'est lorsqu'il y a bien des séparations et des divorces; c'est extrêmement pénible et difficile et ça amène des émotions incroyables. C'est un phénomène qui marche bien dans beaucoup de cas. Pas dans tous les cas, on ne dit pas que c'est une panacée, mais on n'en a pas parlé, de ça. Et c'est pour ça que nous, on pense qu'une consultation plus large... Les corporations, on serait prêtes à essayer des choses, à essayer des projets-pilotes, à tenter de trouver des mécanismes.

Mme Dauphinais: Je pense aussi que la médiation permettrait... Nous, comme corporation et comme professionnels, les plaintes ne sont pas faites sur des causes concrètes et facilement mesurables. Si un professionnel a détourné de l'argent, je veux dire, ça se prouve. S'il y a eu un malentendu dans la relation affective qu'établit un client avec un travailleur social, c'est beaucoup plus complexe à cerner et la déception ou l'insatisfaction du client peut être liée à un malentendu, peut être liée à une souffrance importante et souvent, à ce moment-là, une approche de médiation serait beaucoup plus adaptée, beaucoup plus pertinente.

C'est sûr que, si on se retrouve avec des fautes d'abus à caractère sexuel, on est dans des limites extrêmement précises aussi, et assez claires à cerner, mais toute la relation d'aide et la relation de confiance qu'impliquent nos professions — on n'est pas les seuls, mais on en est une... Les problèmes de plaintes sont des problèmes très complexes et probablement que la médiation... Nous, on y pense depuis un certain temps avec notre syndic. Il y a souvent des plaintes qui arrivent de personnes en détresse ou insatisfaites du temps que ça a pris ou de la difficulté, ou qui n'ont pas le service qu'ils voudraient. Et c'est presque une réponse thérapeutique qu'il y a à donner autant qu'une réponse législative, si on peut dire. Alors, ça, c'est quelque chose qui est à mentionner aussi pour un type de profession comme la nôtre.

M. Savoie: Finalement... (17 h 20)

Mme Dauphinais: L'autre chose, aussi, M. le ministre, que je pensais quand vous parliez du mécanisme de plainte, c'est que nous, pour nos membres, il y a la moitié des professionnels, qu'on peut dire à peu près, les gens qui font du service social, qui paient pour que le public soit protégé: ils ont une cotisation, la plupart se paient une assurance-responsabilité. Si on augmente les coûts sans que le filet soit vraiment un filet de sécurité, même si on investissait dans un comité d'étude des plaintes, qu'on mettait beaucoup d'argent, beaucoup de temps là-dedans, si nos membres, à qui ça coûte beaucoup plus cher, disent: Nous autres, pourquoi est-ce qu'on va être encore membres de cette corporation-là? on ne paiera plus; tant pis, on va travailler pareil, il n'y a personne qui va les empêcher d'exercer, même dans des milieux qui demandent autant de compétence que la protection de la jeunesse.

M. Savoie: Je pense, par exemple, à l'autofinancement. J'imagine que vous sentez que vous allez perdre des membres à cause de l'autofinancement?

Mme Dauphinais: Ce serait possible, M. le ministre.

M. Savoie: C'est possible?

Mme Dauphinais: Oui. On est la corporation qui a, je pense, la cotisation la moins élevée. Malgré tout, on a la moitié à peu près de notre «membership» potentiel. Les employeurs et les syndicats, au fond... Les gens pour travailler dans le système... L'État employeur et l'État législateur ne se sont pas donné la main toujours, parce que, l'État employeur, ça fait un peu son affaire de ne pas avoir les titres professionnels et l'État législateur demande aux corporations de protéger les actes professionnels. Alors, bon...

M. Savoie: Ça va bien?

Mme Dauphinais: Oui. Ça va bien. Ha, ha, ha!

M. Savoie: Quand on est l'État, ça va bien. Ha, ha, ha!

Mme Dauphinais: Quand on est des travailleurs sociaux aussi.

M. Savoie: Je vais demander peut-être à Mme la présidente de passer...

La Présidente (Mme Hovington): Mme la députée de Terrebonne, vous avez la parole.

Mme Caron: Merci, Mme la Présidente.

Alors, Mme Dauphinais, M. Pagé, je vous remer- cie de votre présentation. Évidemment, du côté de l'Ontario, si on se compare à l'Ontario, comme le disait le ministre, nous sommes en avance. Mais si on se compare aux autres provinces, comme vous nous l'avez dit, nous sommes en retard. Et c'est effectivement «le» gros problème, et c'est un problème qui touche la moitié des corporations professionnelles. Vous l'avez dit vous-même, vous allez chercher à peu près la moitié du potentiel de membres. Les autres corporations, à titre réservé, nous ont donné à peu près les mêmes chiffres. Donc, au niveau des professionnels, on perd de nombreux professionnels et la protection du public n'est pas assurée.

Quand vous nous parliez des conséquences de l'avant-projet, les conséquences sont doubles. Si on additionne les conséquences de l'avant-projet avec des coûts pour un comité des plaintes, si on ajoute les conséquences financières de la loi 67, c'est évident que les conséquences vont être majeures au niveau des corporations à titre réservé; conséquences majeures au niveau du nombre de membres, et, donc, conséquences majeures sur la protection du public. Ceux et celles qui vont décider de continuer à être membres des corporations, le bassin qu'il va vous rester et les montants que vous allez avoir, c'est évident que vous allez avoir des conséquences sur les moyens de prévention que vous avez. Si vous avez moins de moyens financiers, si vous dépensez de l'argent dans une structure de comité des plaintes, si vous avez de l'argent pour financer l'Office, donc, il va vous rester moins d'argent — et même moins de membres — pour faire de la formation continue, moins d'argent pour faire de l'inspection professionnelle. C'est évident, je pense, qu'on se dirige vers le contraire de l'objectif qui était, au point de départ, d'améliorer la protection du public.

Vous nous avez dit que vous répétiez peut-être certaines choses qui avaient déjà été présentées. Je pense, comme ex-enseignante, que la seule façon de faire comprendre à un moment donné, de faire passer des messages, c'est de les répéter; s'ils n'entrent pas par le conscient, ils entrent par l'inconscient et, finalement, ça peut amener des résultats.

Vous avez donné un exemple bien précis. Plusieurs ont parlé des conséquences au niveau des titres réservés, mais sans donner d'exemple précis. L'exemple que vous avez donné en page 8, lorsque j'ai lu votre mémoire, je trouvais qu'il donnait vraiment un beau portrait de la réalité quand vous dites que quelqu'un peut être radié pour une faute très grave et continuer à exercer tout simplement, sans qu'il y ait aucune incidence; et le public, lui, ne s'en aperçoit pas. Au niveau de la perception qu'ils ont de la protection, je pense que ça joue beaucoup, le fait qu'il y ait une partie des professionnels qui ne soient pas tenus de respecter un code de déontologie, puis de se soumettre à un système de discipline. Et je pense que, si on ne touche pas à ce problème-là au niveau du projet de loi qui va être déposé, après, on fait carrément fausse route, tant qu'à moi.

Vous avez, bien évidemment, suivi les travaux de la commission. Vous avez sûrement entendu les commentaires aussi au niveau des consommateurs, au niveau du Protecteur du citoyen. Lorsque j'entendais M. Pagé nous parler de la perception des gens au niveau des corporations professionnelles, c'est évident. Lorsque, dans le public en général, vous parlez de corporations professionnelles, il en existe à peu près six, il n'en existe pas quarante-et-une. Il existe les médecins, les avocats, les notaires, les dentistes, les ingénieurs, peut-être, les infirmières. Mais c'est très limité, et, le jugement qu'on se fait sur le système professionnel, on le fait uniquement sur ces corporations-là, et ce sont toujours des corporations à exercice exclusif. Le jugement, vous le subissez pareil, alors que vous n'avez absolument pas les mêmes conditions.

L'Ordre des optométristes a fait une proposition de maintenir le syndic, évidemment, un comité consultatif, un comité aviseur, comme le proposait le Conseil interprofessionnel, et il faisait la suggestion de peut-être une autre instance, un protecteur du citoyen, un om-budsman, qui pourrait apporter réponse aux personnes, aux plaignants qui considèrent qu'ils ont eu un rejet de leur demande et que c'était injustifié. Et cet ombudsman ne serait peut-être pas nécessaire dans chacune des corporations professionnelles. Est-ce que cette idée-là, de regarder pour offrir une tribune externe, ça vous apparaît une solution possible?

Mme Dauphinais: C'est certainement envisageable et étudiable. Nous, on est prêts à regarder avec le gouvernement, l'Office des professions et le CIQ comment arriver à des mécanismes qui puissent redonner confiance au public. C'est certain que redonner confiance au public est un objectif très important. Tantôt, j'entendais celle qui m'a précédée. Dans les faits, par rapport à notre corporation, je ne vois pas comment le public a été lésé tellement qu'il aurait eu besoin d'un ombudsman. Alors, qu'il soit là, qu'il puisse être utilisé, qu'on puisse regarder les corporations avec toutes les instances, quel genre de suggestions on pourrait faire pour que le public sente qu'il peut s'adresser à un endroit où il est sûr d'être entendu, ça, il me semble qu'on ne peut pas aller à rencontre d'une recherche de cette nature-là.

Mme Caron: Compte tenu que les corporations professionnelles ne vivent pas du tout les mêmes réalités et n'ont pas du tout le même genre de plaintes... Vous l'avez dit vous-même, Mme Dauphinais, les plaintes, chez vous, souvent, finalement, il s'agit de faire un peu de thérapie même, et c'est beaucoup plus près de la médiation, de la conciliation que d'une plainte au niveau de la discipline. Est-ce que vous pensez que le système pourrait ne pas être uniforme, au niveau de la discipline, pour l'ensemble des corporations professionnelles?

Mme Dauphinais: C'est peut-être envisageable.

Déjà, les corporations qui sont susceptibles d'être vulnérables, où les professionnels sont vulnérables de fautes à caractère sexuel, par exemple, volontairement ont mis sur pied un groupe de travail à l'intérieur du CIQ et ont demandé que quelqu'un de l'Office des professions vienne travailler avec eux pour arriver à faire un tableau le plus... des balises, une réglementation et une façon de fonctionner la plus aidante et pour les corporations et pour la protection du public. Et je pense qu'il y a des corporations qui sont très proches dans le type de plaintes auxquelles elles ont à faire face ou de risques de fautes professionnelles auxquels elles ont à faire face et il y aurait avantage certainement à plus de concertation et de mise sur pied, même volontaire, de mécanismes de collaboration. (17 h 30)

Mme Caron: Vous faites partie des corporations professionnelles qui touchez directement aux relations humaines. Dans l'avant-projet de loi, on parle d'un délai de 60 jours pour une décision au niveau du syndic. Moi, ça m'apparaissait extrêmement pénalisant, surtout lorsqu'il y a des fautes graves. Parce qu'une faute grave — et vous en avez fait part de quelques-unes — ça m'apparaît que c'est extrêmement difficile de prendre une décision en 60 jours, surtout lorsqu'on prend connaissance de certains cas particuliers — et, demain, nous en entendrons — lorsque des citoyens ou des citoyennes décident de déposer des plaintes parfois quelques années après un événement; ça peut remonter à quatre ans, cinq ans, sept ans après un événement. Alors, ça m'apparaît extrêmement difficile, à ce moment-là, d'arriver à établir des preuves en 60 jours. Humainement parlant, je pense que ça pose un certain problème. Vous, comme spécialiste, comme professionnelle au niveau des relations humaines, est-ce que ça vous apparaît un problème?

Mme Dauphinais: Bien, d'abord, je dirais que deux mois pour qu'une décision soit prise n'est pas long pour moi. Je vais vous expliquer comment. Quand la personne fait une plainte, si elle a des nouvelles du syndic en-dedans d'un délai beaucoup plus court et qu'elle sait que la plainte est traitée, qu'elle est interviewée, qu'elle sait que l'enquête est faite, elle sait qu'on s'occupe d'elle... Alors, deux mois pour avoir le résultat de cette étude-là, non, ça ne m'apparaît pas très long. Il y a trois, quatre ans, on prenait plus de temps que ça. On s'est améliorés. Je dirais que les choix de traitement de plaintes ne sont pas seulement sur la date d'entrée de la plainte. Si, dans le cours normal, on a des délais de trois à six mois, pour une plainte sur un comportement grave ou si on peut supposer que la personne a été très lésée ou est très anxieuse, la plainte va passer en priorité, selon le type de plainte qui est présentée. Une plainte qui touche vraiment des choses graves, le plaignant, je ne pense pas qu'il se passe beaucoup plus de deux à trois semaines, même moins que ça, des fois une semaine, pour qu'il soit appelé pour lui dire que sa

plainte est arrivée, qu'on s'en occupe et qu'il commence à pouvoir dire ce qui lui est arrivé.

Mme Caron: II n'y a pas beaucoup de plaintes au niveau de votre corporation professionnelle. Est-ce que vous pouvez nous donner... Moi, j'ai comme chiffres, en 1990-1991, sept demandes d'enquêtes seulement, avec aucune qui se retrouve au niveau du comité de discipline. Est-ce que c'est significatif comme...

Mme Dauphinais: Je ne le sais pas, ce qui s'est passé. Peut-être que d'en parler dans le public a fait plus de... je dirais plus de promotion des droits du public. L'an dernier, il y a eu 15 plaintes qui sont entrées et, cette année, il va y en avoir plus. Et les plaintes qui rentrent concernent des manquements plus graves qu'auparavant. Des manquements, par exemple, des abus de confiance et des abus sexuels; on a une plainte qui vient d'entrer, on n'en avait jamais eu. Des plaintes concernant des rapports d'expertise ou seulement la lecture du rapport d'expertise nous faisait un très gros problème; des gens avaient été vraiment lésés dans des rapports d'expertise avec une partialité inadmissible. Alors, il y a des plaintes plus graves qui rentrent, je dirais, depuis une couple d'années.

Mme Caron: Je pense qu'on retrouve exactement la même chose au niveau du système de justice. Il y a eu des augmentations assez fortes au niveau des plaintes beaucoup plus graves.

Mme Dauphinais: Nous, parce qu'un syndic est bien seul et malgré le fait que ce n'est pas un poste à plein temps, on a fonctionné, depuis un an et demi, avec un syndic évidemment majeur et deux syndics adjoints qui ne sont pas là seulement quand le syndic ne peut pas travailler, mais qui prennent aussi des cas un peu tout le temps et qui constituent, si on veut, un comité aviseur, tous les trois, de partage de difficultés décisionnelles, par exemple, au niveau du syndic.

Et moi, je ne vois pas, en tout cas pour le moment, comment les syndics ont fait la preuve qu'ils n'avaient pas accompli comme il faut leur boulot. Je ne le sais pas. Évidemment, je ne vais pas à l'intérieur des autres corporations, mais, chez nous, je dirais, comme présidente et comme personne qui a vu de très près à l'engagement puis à l'évaluation des syndics et à comment ça se passe — je suis là depuis un an et demi — il me semble que le syndic ne m'a pas démontré encore qu'il ne faisait pas bien son boulot. Vraiment, le boulot est pris au sérieux et les gens qui appellent pour se plaindre sont pris très au sérieux, chez nous. J'affirme ça, vraiment.

Mme Caron: Vous nous avez parlé un peu de votre inspection professionnelle qui même, parfois, inquiétait avant que vous passiez. Vous avez 3350 membres. Est-ce que vous arrivez à voir l'ensemble des membres sur un certain nombre d'années?

Mme Dauphinais: Non, pour l'ensemble... Non, si on regarde les 10 dernières années, pour l'ensemble de la corporation, mais, pour les gens qui pratiquent en exercice privé, oui. Sur une période de cinq ans, on s'est donné des balises pour que tout le monde soit vu dans une période de cinq ans. Avec l'augmentation des membres et avec peut-être aussi la possibilité financière d'avoir un inspecteur salarié, payé par nous, pas seulement à la pige... des inspecteurs à la pige, on a commencé à avoir un inspecteur à temps partiel et on a préparé des projets-pilotes d'inspection par point de service. Ça, c'est nouveau, mais ça va rejoindre beaucoup plus de membres à la fois, on va pouvoir inspecter plus de monde cette année, et je pense que ça va aller en augmentant.

Mme Caron: Est-ce que ça vous permet, ce système-là, d'assurer aussi un suivi? Disons, par exemple, là où vous voyez qu'il y aurait lieu d'améliorer, est-ce que vous pouvez revenir, après quelques mois, pour vous assurer que les corrections sont apportées?

Mme Dauphinais: Ça peut être la recommandation d'une inspection professionnelle, oui, un suivi, mais les suivis se font de différentes manières: Quand le comité d'inspection, par exemple, se rend compte d'une faiblesse qui se retrouve à plus qu'un endroit ou à plus qu'une inspection, il va proposer au comité de formation continue de mettre sur pied un programme de formation qui correspond à essayer de diminuer cette faiblesse-là.

Mme Caron: Ah oui!

Mme Dauphinais: Ça, c'est un genre de suivi qu'on fait aussi, chez nous.

M. Pagé: Tous les programmes de formation continue actuels, sauf les deux derniers, sont issus des recommandations du comité d'inspection professionnelle. Depuis 1984, il y a des cours de formation qui se donnent sur la déontologie, il y a des cours sur la tenue de dossiers, en lien avec le règlement, il y a des cours sur l'évaluation psychosociale, sur le plan d'intervention, et ces cours-là sont donnés dans toutes les régions du Québec, en passant. Alors, c'est à partir de Baie-Comeau, Rouyn-Noranda, Bonaventure et partout; on déplace nos formateurs et non l'inverse. C'est un choix politique du bureau dans le sens de dire que nos membres qui étaient à l'extérieur des grands centres, où, souvent, il n'y a pas autant de formation de disponible, on pensait que, comme rôle de protection du public, la première chose, c'est que, si nos membres avaient les compétences nécessaires pour poser des actes professionnels, c'est certainement la meilleure façon de protéger le public; c'est en termes d'une prévention et d'un développement des connaissances.

Mme Caron: Oui. Je pense que là-dessus vous avez raison. L'idéal, ce serait qu'on arrive à ce qu'il n'y ait plus de plaintes parce que, justement, les professionnels, partout, offrent des services de tellement grande qualité qu'il n'y a plus lieu de se plaindre. Alors, moi, contrairement au ministre, je ne recherche pas qu'il y ait une augmentation des plaintes au niveau des corporations professionnelles; je pense que c'est plutôt inquiétant, à ce moment-là. Ça serait dire que, finalement, la qualité diminue et il ne le faudrait surtout pas.

Je n'ai pas posé beaucoup de questions à aucun groupe là-dessus, mais comme la plupart en ont parlé et que vous avez commencé votre introduction avec ça... Il vous semblait évident, à l'approche du vingtième anniversaire, qu'il fallait une vaste consultation pour soulever l'ensemble des problèmes, des carences, réfléchir sur l'efficacité du système, apporter des solutions créatives, innovatrices, et puis vous êtes déçus. À quelle forme vous vous attendiez? Qu'est-ce que vous souhaitiez comme consultation? Le ministre nous a dit, nous a montré des consultations qui avaient été faites par le Conseil interprofessionnel. Alors, qu'est-ce que vous souhaitiez comme véritable consultation vaste, là?

Mme Dauphinais: Nous, d'abord, quand on a vu, dans Favant-projet de loi, l'institution de responsabilités à l'Office des professions qui étaient illimitées, on a été très étonnés. On n'avait jamais entendu parler de la possibilité même que ce choix-là soit sur la table. On n'a pas du tout été consultés et on a été surpris — parce qu'à plusieurs moments on a eu l'occasion de voir, et au CIQ et avec l'Office, tous les enjeux et les débats dans le système professionnel — du contrôle illimité qu'on voulait imputer à l'Office des professions. Disons que l'absence de consultation a été surtout sur ce point-là, dans l'avant-projet de loi; ça nous a complètement pris par surprise, cette recommandation-là.

Mme Caron: Donc, c'est qu'il y a une partie du projet de loi qui, finalement, n'avait jamais été abordée au niveau des différentes consultations?

Mme Dauphinais: Oui.

(17 h 40)

M. Pagé: Oui, mais il y a d'autres parties qui l'ont été. La réglementation — et là je pense que le CIQ a été clair, c'est pour ça qu'on ne l'a pas repris. C'est évident que dans le projet de loi il y a des items qui doivent être traités même assez rapidement, parce qu'il y va de la protection du public, et, là-dessus, il y a un accord parfait. Il y a peut-être certaines petites modalités, mais ça pourrait aller assez rapidement parce que c'est la protection du public qui est là. Là-dessus, il faudrait aller de l'avant. Mais, je dirais, sur les prémisses, les fondements du système professionnel qui sont remis en question dans l'avant-projet de loi, si on regarde le rôle imputé à chacun des acteurs, le gouvernement, l'Office, le CIQ et les corporations, il y a des choses qui changent beaucoup, et c'est là-dessus que, nous, on dit: Est-ce que c'est un peu comme de dire: les corporations n'ont pas bien fait leur travail? Que de dire: les règlements ou les propositions de règlement qu'on en fait... Et c'est là-dessus que, nous, on dit... Enfin, comme corporation, nous, on pense qu'on l'a fait, notre travail, et on sait qu'il y a des améliorations à apporter, on y travaille actuellement: que ce soit au niveau de l'inspection, que ce soit au niveau de la discipline, de la formation continue, on est en mouvement d'amélioration.

Après 20 ans, c'est, somme toute, jeune pour un système qui était avant-gardiste, à l'époque. On pense qu'il y a, oui, du travail qui devrait être fait pour trouver des moyens. Est-ce qu'il n'y a pas lieu de garder, peut-être, une souplesse qui, nous semble-t-il, existe dans le système actuel où il y aurait lieu de faire des projets-pilotes? L'exemple qu'on donnait tout à l'heure du groupe de travail sur les fautes à caractère sexuel des professionnels, où il y a un regroupement des corporations qui a une volonté d'information du public de la façon dont les plaintes... Et c'est de ça qu'on discute dans ce groupe de travail. L'Office est d'ailleurs là parce que, nous, on est une des corporations à insister en disant: L'Office va être de son côté, le CIQ de son bord, puis, nous, on va être là, puis on va se redire des choses, puis on va s'envoyer des fax. On a dit: Non, on veut l'Office là. On va arrêter de chacun de son côté faire les choses, ça prend de la concertation. Tout le monde a le même objectif, faisons-le ensemble.

Il y a quelqu'un de l'Office qui est maintenant sur ce groupe de travail, la prochaine réunion est lundi. Pourquoi il n'y aurait pas un travail de fait dans ce sens-là? Les corporations, je pense, en font la preuve, que, en tout cas, dans beaucoup de domaines, il y aurait une possibilité de concertation. C'est léger comme système, ça. Vous dites aux gens volontairement: Assoyez-vous autour de la table. Si on s'aperçoit, après ça, qu'il y a des problèmes majeurs, bien là, l'État prendra ses responsabilités. Mais sur des choses où le système peut avancer rapidement, parce que les gens y vont volontairement, puis ils découvrent, puis ils font des choses, puis ils font des échanges, puis l'idée du formulaire... Ça fait longtemps qu'on en parle, dans ce groupe de travail, d'avoir un formulaire qui permette au public de porter la plainte avec toutes les indications.

Le même formulaire pour tout le monde, est-ce que c'est la bonne... Pourquoi uniformiser? L'uniformisation, là, ce n'est pas la panacée de tous les problèmes. Parce qu'une plainte qui est portée contre un ingénieur, un optométriste puis un travailleur social, ce n'est pas la même chose. Alors, est-ce que, ça, on pourrait comprendre ça à la base d'un projet de loi, puis de dire qu'il y a une souplesse dans le système? C'est ce qu'on dit. Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir une souplesse qui s'adapte? Parce que les réalités des professionnels et des actes professionnels posés sont différentes. Et, si le système professionnel québécois peut respecter cette

souplesse-là, je pense qu'on va continuer d'être à l'avant-garde, mais pas dans une structure qui nous semblerait trop rigide, à certains moments donnés, du moins.

Mme Caron: Je vous écoute, puis je me dis que, si on ne reconnaît même pas, effectivement, que le formulaire doit être différent parce que les 40 corporations professionnelles sont différentes, c'est évident que ça implique que plus globalement on ne comprenne pas ces différences non plus. Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Hovington): C'était votre conclusion? Merci. M. le ministre.

M. Savoie: Merci, Mme la Présidente. Effectivement, là, vous nous avez indiqué que, bon, il y a des différences. Je pense qu'on en est bien conscients. Effectivement, il n'y a pas eu de consultation sur la notion de tutelle, là. Elle a été présentée comme ça parce que, finalement, c'était déjà inclus dans la loi existante sous forme de contrôle financier. Là, on retendait pour couvrir les récalcitrants au niveau de l'application de la loi. Je pense qu'il n'y a personne qui conteste ça vraiment. Ils contestent les modalités mais, sur le fond, là... Il y a de temps en temps un petit critiqueur, mais rien de bien sérieux, ni de bien bien profond.

Effectivement, on constate... Vous avez mentionné qu'au niveau de la loi familiale, que ça puisse se réaliser, qu'à ce moment-là vous auriez... Je pense que, à ma connaissance, en tout cas, il n'y a pas de difficulté, ça devrait se maintenir; on le souhaite ardemment, ce serait quelque chose de majeur pour votre corporation. L'Office m'indique que depuis plusieurs années il y a un développement de quasiment 10 % par année et que cette croissance-là devrait normalement se maintenir jusqu'à temps que vous ayez presque la totalité des gens en pratique. Ça fait deux lois en peu de temps, finalement, qui vous permettent de vous affirmer en tant que corporation professionnelle. Vous avez eu également la Loi sur l'adoption et...

Mme Dauphinais: Internationale.

M. Savoie: C'est ça. Et également la loi sur la médiation familiale. Alors, ce sont des pas dans la bonne direction qui devraient vous aider à digérer l'autofinancement avec moins de douleur qu'auparavant. Je pense que ce serait excellent.

Il ne me reste plus qu'à vous remercier pour votre présence, vous dire qu'il y a des éléments dans votre présentation qui me font réfléchir sur la notion, le rôle... Effectivement, est-ce qu'on doit intervenir davantage auprès des corporations à titre réservé en forçant la note dans certains cas pour assurer la protection du public? Je suis très au courant qu'il va y avoir... surtout au cours des deux ou trois prochaines années, on va sentir une grande pression de responsabilisation auprès de certaines corporations à cause de plaintes. Vous avez soulevé qu'il y a quelques plaintes qu'on risque de voir davantage: abus sexuel, incompétence. Vous n'êtes à l'abri de cela d'aucune façon, vous êtes comme toutes les autres corporations professionnelles. Je peux vous dire une affaire, c'est que si on en poigne un ou deux cas qui, sur accusation d'abus sexuel, traversent, s'en vont dans l'autre camp, il n'y en aura pas trois. Il n'y en aura pas trois, on va régler cette approche-là très rapidement. Est-ce que vous me suivez?

Mme Dauphinais: Vous voulez dire dans le camp de ceux qui n'ont pas besoin de faire partie de la corporation?

M. Savoie: C'est ça, oui.

Mme Dauphinais: Si ça se passait en Ontario, quelqu'un qui fait du service social en Ontario ou dans une autre province, au Nouveau-Brunswick, par exemple, qui est reconnu comme coupable et qu'il vient travailler chez nous, il n'est même pas obligé de faire partie de notre corporation, bien sûr, et il peut travailler.

M. Savoie: Effectivement. Comme public, le public n'accepterait pas ça. Pas plus que pour d'autres abus: vol ou...

Mme Dauphinais: L'incompétence... Imaginez-vous, aider des familles dans des secteurs de protection où la décision qui va être prise ou la recommandation faite a des implications affectives extrêmement graves. C'est important que les gens soient compétents et qu'il y ait une surveillance de leurs compétences.

M. Savoie: Effectivement. Alors, comme je vous l'ai mentionné, ça va être surveillé de très près et ça pourrait être finalement l'élément déclencheur d'une obligation, lorsqu'on sent qu'il y a des abus. Et on peut s'y attendre; moi, je ne m'attends à rien d'autre. Finalement, si je regarde l'évolution, je m'attends à ce que, au cours des trois ou quatre prochaines années, ou cinq ans, avec la facilitation qu'on va avoir avec le formulaire uniforme, standard, très facile à remplir, ça va augmenter le nombre de plaintes. Ça va augmenter et on va commencer à découvrir des bibites et des problèmes de taille. C'est pour ça qu'on se prépare à une espèce de ruée, en termes d'activité, dans plusieurs secteurs avec l'ouverture au public.

Mme Dauphinais: Alors, Mme la Présidente, je me permettrais, même si ce n'est pas l'objet de notre présence, de souligner au ministre Savoie qu'à l'occasion de notre semaine nationale du service social ce serait un très bon temps pour avoir votre réponse sur la possibilité de féminiser notre titre pour notre corpora-

tion professionnelle.

M. Savoie: Ah oui? C'est ça... Ha, ha, ha! Vous comprendrez que c'est...

Mme Dauphinois: C'est hors d'ordre, je le sais.

M. Savoie: Non, non, ce n'est pas hors d'ordre, c'est hors de mon contrôle; ce n'est pas la même chose.

Mme Dauphinais: Ah, non. D'accord, ce n'est pas la même chose.

M. Savoie: Vous le saviez, que ce ne n'était pas de mon contrôle, également.

M. Pagé: Oui, oui, on le sait. On voudrait bien travailler à ce que vos collègues ministres travaillent dans le même sens aussi. On essaie de travailler dans ce sens-là: sensibiliser les gens.

M. Savoie: C'est un débat qui soulève beaucoup d'opposition de l'Office de la langue française, par exemple, et d'autres intervenants qui disent: On n'est pas pour commencer à tout féminiser.

La Présidente (Mme Hovington): Pourquoi pas? Des voix: Ha, ha, ha!

M. Savoie: Parce que le masculin l'emporte sur le féminin.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Hovington): II me reste à vous remercier, au nom des membres de la commission, d'être venus nous présenter votre excellent mémoire. Je vous souhaite une bonne soirée.

La commission ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 50)

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