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(Dix heures quatre minutes)
La Présidente (Mme Hovington): Je constate que nous avons
quorum. Je déclare donc la séance de la commission de
l'éducation ouverte. Je rappelle le mandat de la commission pour cette
séance qui est de procéder à des auditions publiques sur
l'avant-projet de loi, Loi modifiant le Code des professions et d'autres lois
professionnelles.
Est-ce que nous avons des remplacements, M. le secrétaire?
Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente: M. Bra-det
(Charlevoix) par M. Williams (Nelligan) et M. Parent (Sauvé) par M.
Philibert (Trois-Rivières).
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Alors, aujourd'hui,
dès ce matin, nous entendrons le Protecteur du citoyen qui est ici,
d'ailleurs, face à nous bonjour à 11 heures, le
Barreau du Québec; à 12 heures, l'Association des archivistes du
Québec inc; à 12 h 30, l'Association professionnelle des
informaticiens et informaticiennes du Québec; à 13 heures, la
suspension; à 15 heures, l'Ordre des dentistes du Québec;
à 16 heures, la Corporation professionnelle des hygiénistes
dentaires du Québec; à 17 heures, la Corporation professionnelle
des travailleurs sociaux du Québec, pour ajourner à 18 heures.
Est-ce que l'ordre du jour est adopté? Adopté à
l'unanimité.
Alors, nous commençons donc ce matin en recevant M. Daniel
Jacoby, Protecteur du citoyen. Bonjour et bienvenue à la commission de
l'éducation, M. Jacoby. Vous avez donc 20 minutes pour nous
présenter votre mémoire. Nous vous écoutons.
Protecteur du citoyen
M. Jacoby (Daniel): Merci, Mme la Présidente. Alors, je
remercie la commission et ses membres de m'offrir la possibilité
d'exposer le point de vue du Protecteur du citoyen sur les projets de
modifications qui seront apportées au Code des professions. Je voudrais
tout de suite vous aviser que mon discours ou mon exposé va porter
principalement sur le processus disciplinaire. Je n'entrerai pas, parce que je
ne les ai pas étudiées, sur les questions plus techniques
relatives à l'organisation des professions, mais essentiellement sur le
régime disciplinaire et la représentation des
intérêts de tous dans ce régime disciplinaire.
Le concept de protection du public est un concept qui est à la
mode depuis une trentaine d'années dans tout l'hémisphère
occidental. C'est une notion relative- ment nouvelle qui s'explique pour une
foule de raisons qui découlent principalement de la production de masse
de biens et de services, de la consommation de masse, du
déséquilibre des forces qui peut exister entre les
différents organes, organismes ou entreprises qui livrent des produits
ou des services et l'ensemble des consommateurs qui, d'une manière
générale, n'ont pas les moyens ou les outils pour assurer
eux-mêmes leur protection quand il s'agit de biens ou de services. Ce
phénomène, au Québec, est particulièrement
signifiant puisque, quand on regarde l'ensemble des secteurs de
l'activité, on réalise que, depuis de nombreuses années,
le législateur du Québec a adopté des législations
et des réglementations pour faire en sorte que les citoyens soient
protégés contre, à toutes fins pratiques, les abus, les
erreurs et contre les comportements de certains types de personnes ou de
certains types d'organismes. On retrouve la protection du public,
évidemment, dans le domaine de la protection du consommateur depuis les
années soixante-dix, au fédéral comme au provincial, on
retrouve de la protection du public au niveau des entreprises de construction
avec la Régie des entreprises de construction. On en retrouve dans le
domaine de la police, dans le domaine des autorités publiques. On en
retrouve également dans le domaine professionnel, le domaine des
professions. Ce qu'il est important de réaliser, c'est que, d'une
manière générale, la protection publique pour laquelle on
pourrait donner de maintes définitions n'est pas autre chose pour moi
que d'être assuré que le consommateur de services ou de biens
reçoive un service de qualité de la part de celui qui dispense le
service ou qui livre une marchandise.
La protection du public, ce n'est pas autre chose, finalement, qu'un
instrument qui permet d'équilibrer les forces. Dans ce domaine,
l'État est toujours intervenu. Il est intervenu d'une manière
drastique, avec beaucoup d'ingérence dans certains secteurs, et d'une
manière tempérée dans d'autres secteurs. La protection du
public, c'est un ensemble de choses. Ce n'est pas que la discipline. Il est
certain que, pour assurer une excellente protection du public, il faut voir,
notamment, à fournir au professionnel une formation qui réponde
aux exigences de compétence et de qualité. Il faut une
diplomation. Il faut une foule de mécanismes qui, à toutes fins
pratiques, vont converger vers un seul but, qui est la protection du public, de
l'ensemble de la population. (10 h 10)
Dans le domaine des professions, selon le Code des professions, la
protection du public est d'abord assurée, en première ligne, par
les professions elles-mêmes. Cela signifie que les professions ont le
mandat de protéger le public et les membres des corporations
professionnelles ont ce mandat dans leur prestation quotidienne. Cette
protection, elle prend plusieurs formes, sur le plan disciplinaire, par
l'adoption d'un code de déontologie qui est normatif, qui n'est pas
qu'incitatif mais normatif. Le droit disciplinaire ou le droit professionnel,
contrairement à ce que plusieurs pensent, je crois, est d'abord un droit
qui est un droit à la fois curatif, permettant de sanctionner le
professionnel ou la personne visée pour des actes qui sont
dérogatoires au code de déontologie et à des lois
contraignantes, et, aussi, préventif en ce sens que c'est pour
éviter la répétition d'erreurs, la
répétition d'abus, la répétition de comportements
abusifs. C'est donc un droit qui est un droit qui relève du droit
administratif et qui vise, dans un premier temps, à sanctionner la faute
disciplinaire et, dans un deuxième temps, à prévenir la
récurrence de situations analogues. C'est dans le domaine de la
discipline, véritablement, qu'il y a une différence entre la
discipline comme moyen d'assurer la qualité d'un service et la
formation, par exemple. Au niveau de la discipline, c'est véritablement
le lieu où le citoyen entre en contact avec les actes
professionnels.
Dans le fond, c'est le lieu de rencontre, la discipline, entre les
attentes des citoyens, les exigences des citoyens et le niveau de
qualité fourni par le professionnel dans l'exécution de ses
responsabilités. C'est donc le point de contact direct avec la
population. Ce que je peux remarquer, c'est que, dans le domaine disciplinaire,
le Code des professions est un des rares qui ne mette pas en cause ou qui
n'interpelle pas comme intervenants les représentants du public. Il
s'est passé beaucoup de choses, au Québec, depuis 1975. Il faut
se rappeler que notre Charte des droits du Québec, adoptée en
1975, a, dans un article 23, consacré le principe de
l'indépendance des tribunaux administratifs et le droit pour toute
personne d'être entendue par une instance impartiale, sans
préjugés, sans pressions extérieures. Ces
dispositions-là ne sont pas autre chose que les effets de siècles
et de siècles de luttes et de combats, si j'ose dire, contre
l'arbitraire des pouvoirs, quels qu'ils soient.
La Charte de 1975 au Québec, comme la Charte canadienne, à
l'article 7, de 1982, n'a fait que consacrer des droits fondamentaux pour
l'individu d'être entendu par une instance impartiale. À cet
égard, l'on constate que le Code des professions n'a pas atteint, je
n'emploierai pas le mot «respecté», mais n'a pas atteint, en
ce qui touche le droit disciplinaire, les objectifs et la lettre de la Charte
québécoise et de la Charte canadienne des droits parce que, et je
le démontrais tout à l'heure, les instances appelées
à gérer le processus disciplinaire ne sont marquées en
aucune manière par l'indépendance, même si l'on pourra
parler d'autonomie opérationnelle.
Si on regarde l'évolution depuis 1975, que s'est-il passé
dans le monde des professionnels au sens large? On se rappellera que le Code
des professions date de 1974. On peut comprendre que la Charte
québécoise n'existait pas à ce moment-là. Elle
était en préparation.
En 1978, le gouvernement a modifié la Loi sur les tribunaux
judiciaires pour créer un Conseil de la magistrature. Ce Conseil de la
magistrature a, entre autres fonctions, celle de voir à la discipline et
l'application du code de déontologie des juges de nomination provinciale
et des juges municipaux. Ce Conseil est formé de 15 personnes, dont deux
représentants du public. À chaque étape du processus
disciplinaire, lorsque quelqu'un se plaint, à tort ou à raison,
du comportement d'un juge, l'ensemble du Conseil est interpellé. Il y a
trois phases qui sont prévues sur un plan administratif et, à
chacune des phases, le public est appelé à se prononcer et
à donner son avis sur la nécessité de tenir une
enquête, sur la nécessité ou l'opportunité de
sanctionner ou non le juge qui a été mis en cause. On est en
1978.
En 1982, autre évolution dans le droit disciplinaire
découlant de notre Charte du Québec: les huissiers. Les
huissiers, ce sont des professionnels de l'administration de la justice. Les
huissiers, dès 1982, non seulement ont-ils fait l'objet d'un code de
déontologie, mais, par surcroît, il y a un comité de
discipline qui a été mis sur pied. Le législateur du
Québec, en 1982, reconnaissant la nécessité de la
présence du public, parce que c'est le public qui est d'abord
concerné, a formé un comité dont le président est
un membre du Barreau, dont l'autre membre est un représentant des
huissiers et dont le troisième membre n'est ni un avocat ni un huissier.
Donc, représentation du public. Deuxième marque du
législateur québécois depuis 1975.
En 1988, on parle encore de discipline. Dans le domaine de la
sécurité publique, les policiers sont des professionnels de la
sécurité publique. Et qu'est-ce qu'on a fait, en 1988? Toujours,
le législateur québécois a décidé de
poursuivre dans cette ligne. Il a créé un système, un
processus disciplinaire marqué au coin de la transparence, de
l'accessibilité et où on retrouve, d'une part, un commissaire qui
fait enquête, qui ne relève pas des corps de police et qui est
nommé par le gouvernement, et un tribunal de la déontologie
policière où se retrouvent un président membre du Barreau,
un représentant du public nommé par le gouvernement et,
évidemment, un représentant des corps policiers. Il existe trois
tribunaux de la déontologie policière, un pour la
Sûreté du Québec, un pour la SPCUM et un pour l'ensemble
des autres corps de police du Québec. Mais, partout, on retrouve
l'indépendance, on retrouve l'accessibilité, la
représentation publique. Partout. Et, ça, depuis 1975.
Alors, on peut aujourd'hui se poser la question quand il s'agit de la
discipline des 41 corporations ou ordres professionnels qui représentent
240 000 membres au Québec: Pourquoi le législateur
québécois n'est pas logique avec ce qui s'est passé depuis
1975? Parce que ce qui s'est passé depuis 1975, c'est important dans
l'évolution du Québec et le Québec, là-dessus, est
à la fine pointe, à la fine pointe du droit disciplinaire dans
les trois secteurs que j'ai mentionnés. Ça, c'est un
élément, je crois, qu'il était important que je vous
souli-
gne.
L'autre élément, c'est la question de
l'accessibilité à la justice. L'accessibilité à la
justice est un élément des plus importants. Vous devez partager
avec moi la conviction que d'avoir des droits, si on ne peut avoir les moyens
de les exercer ou les outils ou les mécanismes pour les exercer, c'est
comme ne pas avoir de droits. L'exercice d'un droit est aussi fondamental pour
tous que le droit lui-même. Or, en termes d'accessibilité, que se
passe-t-il dans le monde entier du Québec, sauf dans le domaine des
professions? Eh bien, partout la justice est accessible. La justice est
accessible. Il suffit de penser aux nombreux tribunaux administratifs pour les
législations sociales ou législations de type économique
qui ont été mises sur pied par les gouvernements qui se sont
succédé, toujours dans cette ligne de donner aux citoyens des
instances neutres et impartiales pour décider de leurs droits et des
responsabilités des autres. (10 h 20)
Le Québec peut s'enorgueillir d'avoir formé des tribunaux
administratifs et tout autre mécanisme qui permette au citoyen qui se
sent lésé, à tort ou à raison, de s'adresser
à d'autres instances que ses pairs, de s'adresser à des gens qui
n'ont pas de parti pris, des gens qui ne défendent pas des situations
diamétralement opposées. C'est ce que le Québec a fait
depuis les années soixante-dix: créer des instances, soit des
tribunaux quasi judiciaires, soit des mécanismes de recours
léger, comme le Protecteur du citoyen, pour permettre aux usagers des
services gouvernementaux et d'autres services de défendre leurs droits
et leurs intérêts. Ça, c'est encore l'évolution du
Québec. Et on se pose la question. Comment se fait-il que, en
matière professionnelle, le Québec, malgré la
réforme de 1974 qui était une excellente réforme,
qui a mis de l'ordre dans les professions, qui a permis, entre autres choses,
à l'Office des professions de supporter, d'encadrer, de surveiller les
professions pour que, d'une manière générale, elles
puissent chasser hors de leur territoire les charlatans et, aussi, pour faire
en sorte qu'on développe l'autogestion, l'autogestion
tempérée, devrais-je dire, mais l'autogestion...
Le principe de l'autogestion est excellent en soi parce qu'il permet de
responsabiliser les corporations professionnelles comme il permet de
responsabiliser les membres de ces ordres professionnels. L'autogestion,
à mon point de vue, doit demeurer comme principe de base. Mais
déjà, dans la réforme de 1974, l'autogestion était
tempérée, puisqu'on avait un Office qui avait un pouvoir de
surveillance et qui a un pouvoir de surveillance, mais avec très peu de
pouvoirs, ce qui est un peu paradoxal: avoir un pouvoir de surveillance sans
pouvoirs. Mais c'était là. Ça a permis aussi au
gouvernement de s'immiscer un peu dans la réglementation, et
c'était nécessaire. Quand on parle de protection du public, on ne
peut pas laisser à qui que ce soit le rôle d'être à
la fois le protecteur et le protégé, parce que ça nous
emmène dans une situation de conflit d'intérêts, et c'est
dans le domaine de la discipline que ça se fait vraiment sentir. En
termes de principe, en termes de valeur et d'éthique, c'est dans ce
domaine que le conflit d'intérêts, apparent ou réel,
existe. S'il est un domaine où l'autogestion devrait être
tempérée, c'est bien celui-là parce qu'on ne peut pas, du
même coup, défendre les intérêts de ses membres et
défendre les intérêts du public qui vivent de ces membres
et qui sont la raison d'être de toute cette organisation
législative.
Dans les faits, il est possible que, dans bien des situations, il n'y
ait pas de conflit d'intérêts, mais on ne peut pas se baser
strictement sur des statistiques pour démontrer une position, surtout
lorsque le traitement de données peut être mis en cause. Alors,
quand on regarde le système disciplinaire des ordres professionnels, on
réalise une chose: jamais le citoyen n'a affaire et c'est le seul
champ, au Québec à une justice accessible, à une
justice indépendante, une justice sans préjugés. Je suis
citoyen et je me présente chez un professionnel. Je ne suis pas
satisfait, à tort ou à raison. Je m'adresse à qui? Je
m'adresse à une personne qui est membre de la corporation
professionnelle, qui est rémunérée par elle, dont les
conditions de travail sont imposées par elle. J'ai affaire à une
personne qui ne possède aucun des ingrédients de
l'indépendance. Et, dans le fond, on peut comprendre pourquoi, à
tort ou à raison on a parlé beaucoup de perception et de
crédibilité les gens ne peuvent pas avoir confiance. C'est
sûr qu'il y aura toujours des chiâleux. C'est sûr qu'on n'est
pas content quand on se fait dire: Non, ça ne justifie pas une
enquête ou je ne porte pas plainte. Et, dans la majorité des cas,
je dois présumer que la décision est bien fondée. Mais que
reste-t-il dans l'esprit du consommateur de services professionnels? Je ne
pense pas que mon dossier ait été examiné
complètement, mur à mur, et je ne pense pas non plus que ce
dossier ait été examiné avec l'objectivité
nécessaire. À tort ou à raison, c'est la perception. Mais
ça se comprend. Il ne faut pas s'étonner. Je m'étonne que
certains s'étonnent que la perception ne soit pas bonne. Mais je dis
qu'il faut avoir la perception que la perception est normale puisque la
première personne à qui on s'adresse, c'est un employé de
la corporation.
Secundo, si je ne suis pas d'accord avec la décision du syndic,
quel droit ai-je? Est-ce que j'ai un mécanisme facile d'accès
où je pourrais demander la révision comme ça existe
dans tous les domaines, dans tous les domaines la révision de la
décision? Non. Le Code des professions ne permet pas, ne me permet pas
de faire en sorte qu'une tierce personne indépendante puisse en aucune
manière réviser la décision d'une personne qui est
employée de la corporation contre laquelle on adresse une plainte. C'est
un peu... À mon point de vue, certains diraient: Le monde à
l'envers. Aucun mécanisme de révision. Que me reste-t-il comme
citoyen si je ne suis pas d'accord, à tort ou à raison? Il me
reste une chose, de prendre à mon compte la protection du public. Moi,
citoyen Daniel Jacoby, je prends
sur mon dos le fardeau de défendre le public, c'est plus de 6 000
000 de personnes, sans aucune assistance, à mes frais, à mes
risques et périls. Est-ce qu'on peut parler de justice accessible
lorsqu'on a des situations comme celle-là? Ne nous étonnons pas
si les consommateurs de services ne sont pas satisfaits du régime.
Troisièmement, si jamais je décide de porter une plainte
privée à mes risques et périls comme on a vu dans certains
cas ou encore si le syndic décide de se porter maintenant
dénonciateur, après avoir été l'enquêteur et
devenant le procureur, à qui et devant qui la cause est-elle
portée? Regardons ce qui se passe. Trois professionnels: un
professionnel nommé par le gouvernement, qui préside et qui est
un membre du Barreau, deux professionnels qui viennent de la corporation
concernée et qui sont nommés par la corporation. Et nous voici en
1993, dans un pays où le règne du droit est arrivé depuis
une trentaine d'années, dans un pays très gâté
qu'est le Québec parce qu'il a deux chartes qui s'appliquent à
lui, avec un pauvre justiciable qui n'a pas les garanties d'être entendu
par une instance neutre et impartiale. Mais non, trois professionnels dont deux
représentant la corporation. Et alors...
La Présidente (Mme Hovington): Je m'excuse, Me Jacoby,
votre temps est écoulé. Si j'ai le consentement des deux parties
pour que vous puissiez continuer, on raccourcirait le temps d'intervention du
ministre et de l'Opposition. Est-ce que j'ai le consentement? Vous pouvez
continuer, Me Jacoby.
M. Jacoby: Je vous remercie, mais j'aurais pu terminer tout de
suite et répondre à vos questions, si vous
préférez. Je vais continuer. Donc, à l'ère de
l'État de droit, du règne des chartes, que les professionnels du
droit, le Barreau et la Chambre des notaires, ont défendu et
défendent depuis des décennies, on se retrouve encore dans un
système où il n'y a aucune protection juridique en vertu des
chartes d'être entendu par quelqu'un qui n'était pas
impliqué dans l'affaire. Eh bien, voilà le système. Et
quand on a des plaintes à l'égard d'un avocat, dont je suis, eh
bien, on se retrouve devant trois professionnels de la profession: deux
nommés par la corporation et un nommé par le gouvernement. (10 h
30)
Mais, alors, il faut toujours se poser la question: Comment le public
peut-il être satisfait que justice ait été rendue dans son
cas depuis le moment où il a déposé une plainte, à
tort ou à raison, jusqu'au moment où il va devant le
comité de discipline, à tort ou à raison, s'il
décide d'y aller seul? Jamais, dans le système, le consommateur
ne peut avoir confiance. Jamais! Et je pense qu'on aura beau faire toute
l'information... Je sais que l'Office fait beaucoup d'information. On aura beau
faire de l'information sur les droits et recours, clarifier les situations,
rien ne changera au pays de la discipline professionnelle parce que c'est le
système qui ne répond pas aux exigences contemporaines du respect
des droits et de l'équité procédurale. Alors, changeons.
Quand bien même on dépenserait des millions en termes de
stratégies d'information et de communication, ça ne changerait
rien parce que nulle part on ne retrouve ni les ingrédients de
l'indépendance ni les ingrédients de la participation du public,
de la transparence, de la démocratie, ni les ingrédients,
à toutes fins pratiques, de choses qui sont admises couramment partout,
sauf dans le monde professionnel. C'est pour ça que je pense qu'il faut,
dans le sens de l'avant-projet de loi, atteindre ces objectifs. Je pense que
l'avant-projet de loi contient de nombreuses mesures qui vont clairement dans
le sens de ces concepts et de ces valeurs éthiques sociales et
mêmes économiques, mais on est loin quand même, dans cet
avant-projet et je suis heureux que ce ne soit qu'un avant-projet
de ramener la discipline professionnelle au même niveau que tout le droit
administratif. Serait-ce l'exception qui confirme la règle? Je n'en sais
rien, mais ça vise quand même 240 000 professionnels; ça
vise toute la population du Québec, de la naissance jusqu'à la
mort.
Donc, ce que j'ai suggéré je dis bien
«suggéré» dans un mémoire
présenté au ministre au début de l'année 1992,
c'est un mécanisme qui n'invente rien. C'est un mécanisme qui se
met tout simplement à jour et à date avec tout ce qui se passe
non pas en Australie, non pas en Afrique, non pas en Europe, mais, en termes de
droit administratif et d'instances administratives, avec tout ce qui se passe
couramment au Québec, sauf dans le domaine des professions. Donc, j'ai
proposé et je termine que l'officier chargé de
recevoir des plaintes soit une personne indépendante des corporations
professionnelles, qu'il relève de l'Office des professions, qu'il soit
nommé par lui, qu'il soit payé par lui, par l'Office. Dans un
deuxième temps, j'ai proposé que les comités de
déontologie, plutôt que d'être composés exclusivement
de professionnels, soient, à l'instar des trois autres régimes
dont je parlais tout à l'heure, la police, les juges et les huissiers,
qu'il y ait au moins un représentant du citoyen, au moins un. J'ai
également proposé et suggéré que le plaignant non
satisfait de la décision du syndic, à tort ou à raison,
s'adresse tout simplement devant les nouveaux comités de
déontologie formés du public, pour demander la révision.
Dans le fond, ce que je proposais, ce que je suggère, c'est un
système relativement simple et peu coûteux qui s'ajuste à
tout ce qui existe au Québec. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, Me Jacoby. M. le
ministre.
M. Savoie: Oui.
La Présidente (Mme Hovington): Nous allons donc diviser en
deux, temps égal, le reste du temps, soit
15 minutes chacun ou presque.
M. Savoie: Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord,
remercier le Protecteur du citoyen pour avoir pris le temps de venir nous
rencontrer et participer à nos travaux et de souligner qu'effectivement
il surveille, il travaille dans le dossier des professionnels et de
l'administration de la discipline depuis fort longtemps et qu'on voit
régulièrement ses interventions, comme il l'a clairement
indiqué. Il nous a présenté un survol, pour nous situer
dans le temps et un peu sur une structure évolutive du Québec,
avec panache, comme est son habitude, toujours intéressant et toujours
avec une logique claire et scintillante. Je pense qu'il faut reconnaître
qu'il présente souvent les choses d'une façon originale et que
c'est la première fois que nous avons eu à date, à cette
commission, une espèce de vue d'ensemble sur une
génération, au niveau de l'administration de la discipline.
On a bien apprécié, évidemment, l'approche. C'est
rafraîchissant, ça change un peu le discours et ça nous
ramène, finalement, à nos propos premiers, c'est-à-dire de
voir à la protection du citoyen davantage. C'est ce que vise la
réforme, dans sa structure, au niveau de la discipline. Maintenant, il y
a des changements qui sont proposés, évidemment, qui sont gros.
Le morceau est gros. À moins que je ne me trompe, on propose, par
exemple, la disparition du Tribunal des professions. On propose une
modification substantielle au niveau du comité de discipline, dans un
sens de démocratisation et qui a certainement ses mérites et,
évidemment, au niveau du syndic, une orientation qui a fait l'objet de
discussions, particulièrement au cours des deux derniers jours,
c'est-à-dire de voir si, effectivement, le syndic, sans toutefois oser
aller aussi loin que lui, ne puisse pas avoir un contrôle
extérieur, quant à sa nomination, sa destitution et,
évidemment, des cours de formation.
Là où le problème se situe pour nous et
l'inquiétude se manifeste, c'est qu'on a eu plusieurs corporations qui
nous présentent des situations où il y a, par exemple, 2000
demandes d'information ou demandes d'enquête ou de plaintes,
c'est-à-dire 2000 contacts avec un syndic ou un membre de la corporation
qui est elle-même chargée de la protection du public. Sur ce
nombre très élevé, 2000 on pense par exemple aux
arpenteurs-géomètres qui ont terminé nos travaux hier soir
il y a, finalement, 140 plaintes écrites qui rentrent. Ce qu'on
se demande, c'est que votre structure, comment peut-elle répondre
à cet achalandage qui est souvent causé par des questions,
finalement, qui ne portent pas en tant que tel sur le code de
déontologie ou des manquements au code de déontologie, mais
portent sur des questions relativement communes? Comme, par exemple, le tarif
qui est trop élevé; il a pris trois jours au lieu de deux. C'est
ça, le quotidien, je pense, des corporations professionnelles. C'est
que, dans leur quotidien, la masse est... Finalement, sur les 10 appels qu'on
peut recevoir par jour, 5 vont porter, par exem- ple, sur les montants, sur un
retard de 24 heures ou de 48 heures, et il n'y a pas vraiment,
fondamentalement, une injustice. Si on crée une structure, il va falloir
que cette structure tienne compte de cet élément. C'est pour
ça qu'une structure trop lourde risque, finalement, de traverser les
bornes du raisonnable.
M. Jacoby: D'abord, je voudrais certainement... Je suis d'accord
avec M. le ministre et avec les corporations professionnelles pour dire
qu'à toutes fins pratiques, sur l'ensemble des demandes qui sont
formulées au syndic, il existe une proportion, un certain nombre de
demandes qui touchent exclusivement des questions de discipline,
d'éthique. C'est évident. C'est comme ça dans tous les
systèmes de traitement de plaintes. On n'a rien inventé, ce n'est
pas pire...
La Présidente (Mme Hovington): Je m'excuse, il est
interdit de prendre des photos durant les commissions parlementaires.
Une voix: Ça fait une semaine qu'elle en prend,
puis...
La Présidente (Mme Hovington): À moins que ce ne
soit pour un journal? Ah, bon, excusez-moi! Ça va. C'est que
j'étais absente, la semaine dernière. Alors, allez-y. (10 h
40)
M. Jacoby: Alors, dans tous les systèmes d'examen de
plaintes, c'est la même situation. C'est la même situation partout.
Même avec la réforme ou l'avant-projet de réforme
proposé, rien ne changera. Ce n'est pas parce que le syndic, maintenant,
pourra être entendu avant d'être destitué et ce n'est pas
parce qu'on a un comité d'examen des plaintes que la situation va
changer. Mais une fois cela dit, si je compare avec un système de
traitement de plaintes qui est celui du Protecteur du citoyen et qui se compare
à d'autres, même si c'est toujours la comparaison qui est la forme
la plus vicieuse du raisonnement, sur les 25 000 demandes que nous avons
reçues l'an dernier, il y avait à peu près 2000 demandes
de renseignements, mais il faut faire attention de ne pas confondre une demande
de renseignements avec une plainte. Quand je regarde certaines instances dans
certains corps publics où on transforme des plaintes en demandes de
renseignements, ça vient changer les chiffres.
Donc, j'ai eu 23 000 plaintes. Sur les 23 000, j'en ai un très
grand nombre qui ne sont pas recevables, bien sûr; j'ai même des
plaintes qui vont porter sur la destitution de présidents-directeurs
généraux d'organismes et ainsi de suite, ou des conflits
privés, des chicanes entre voisins, des problèmes familiaux,
conjugaux, j'en rejette. En bout d'année, que reste-t-il? Il reste 11
000 interventions où j'ai compétence. Sur les 11000, je fais
enquête. Ce que je peux constater, c'est que 30 %, en moyenne, des
plaintes sont fondées. Or, il faut faire très
attention quand on compare, parce que le recours au protecteur du
citoyen est un recours de dernière ligne. on a déjà
épuisé tous les moyens partout, en principe, avant de venir au
protecteur. pourtant, il reste 30 % de plaintes fondées. mais est-ce que
le système disciplinaire est un système de première ligne?
alors, il faut faire attention avec les chiffres.
L'autre chose, c'est que la structure que nous suggérons ne
change rien, sauf en termes d'accessibilité et en termes
d'indépendance. Plutôt qu'un syndic relevant de la corporation,
parlons d'un syndic relevant de l'Office des professions, nommé par
l'Office, mais après consultation ou sur recommandation de la
corporation concernée. Alors, ça ne change rien, là, sauf
l'indépendance.
Deuxièmement, au niveau du fameux tribunal de la
déontologie policière, pas policière, je m'excuse, mais de
la déontologie professionnelle que nous évoquons dans notre
mémoire, qu'est-ce que je propose? Je propose de réduire les
coûts, d'améliorer la gestion des greffes des comités de
discpline, de faire en sorte qu'il y ait moins de coûts parce qu'on va
partager des choses, on va partager les greffes; en plus, une certaine
uniformité de pensée et d'action au niveau de la philosophie
quasi judiciaire. Tout ce que je propose, c'est de prendre les 41
comités de discipline, de les garder dans leur indépendance, il y
en aura 41 encore, mais ce seront des divisions qui vont former le tribunal de
la déontologie professionnelle, et à moindre coût que ce
que ça coûte actuellement. Tout le monde sera heureux; les
citoyens seront heureux parce que, dans chaque division, il y aura un citoyen;
les professionnels seront heureux parce que ça va coûter moins
cher et il y aura encore deux professionnels, un avocat et un autre de la
corporation sur la division. Donc, la structure que je propose, ce n'est pas
une structure... Elle ne change rien, elle simplifie les choses tout en
assurant une meilleure politique quasi judiciaire et une diminution des
coûts.
Quant à la suppression du Tribunal des professions, je n'ai rien
inventé; encore une fois, ayant pris connaissance du mémoire
déposé par le ministre des Finances, sachant qu'il s'en venait
à l'époque, je me suis dit: Voici une façon encore de
minimiser les coûts. Le Tribunal des professions est formé de qui?
De juges de la Cour du Québec. C'est trois juges qui siègent
à la Cour du Québec, ils sont désignés et c'est la
Cour du Québec. Alors, on peut se poser cette question: Pourquoi faut-il
nécessairement dans tous les cas trois juges pour une question
disciplinaire en appel? Deuxièmement, puisque ce sont des juges de la
Cour du Québec, on pourrait encore là, bien sûr, faire des
économies d'échelle. Donc, je m'inscris tout à fait dans
la ligne du gouvernement lorsque je fais toutes ces propositions.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Me
Jacoby, je vous remercie de votre présentation et du
mémoire que vous nous aviez déposé. Je pense que lorsque
vous parlez, au niveau des principes, de l'importance de l'indépendance,
de l'accessibilité, de la représentation du public, vous avez
parfaitement raison, mais je souhaite que nous soyons tous bien conscients
ensemble que, partout au Québec où nous avons réussi
à instaurer ces principes, indépendance, accessibilité et
représentation du public, il y a quand même insatisfaction de la
population.
On va prendre uniquement comme exemple le système de justice.
Vous l'avez dit vous-même, Me Jacoby, la justice est accessible, mais,
selon les Québécois et les Québécoises, la justice
au Québec n'est plus accessible. Juste avant cette commission, je
parlais avec le député de Chapleau pour une commission
parlementaire qui va venir sur l'aide juridique. La perception qu'il avait, et
je la partage moi aussi, c'est que, pour les Québécois et les
Québécoises, la justice, elle est accessible aux très,
très pauvres par l'aide juridique ou aux personnes qui sont riches. Mais
les personnes de la classe moyenne, pour elles, la justice, elle n'est plus
accessible. C'est peut-être pour ça qu'on se retrouve avec un taux
d'insatisfaction de 71,4 % au niveau de la justice, taux d'insatisfaction
encore plus haut que du côté des professionnels. Même dans
les instances où on a ajouté des représentants du public
je pense, par exemple, aux CLSC les Québécois et
les Québécoises sont convaincus qu'ils n'ont pas de pouvoirs,
qu'ils ne sont pas entendus parce que, pour eux, dès qu'un
représentant du public est dans une autre instance, il n'est plus des
leurs. Il est déjà avec les autres et il va déjà se
faire influencer par les autres. Ça ne veut pas dire que je ne partage
pas ce besoin de mettre des représentants du public partout. Je pense
que les Québécois et les Québécoises vont avoir
aussi à travailler avec ces instances-là et à retrouver
cette croyance-là.
Pour votre structure comme telle, moi, je vous avoue que je la trouve
facile, accessible, abordable et je vais la prendre par le haut.
Évidemment, lorsque vous nous dites un droit d'appel devant un juge de
la Cour du Québec plutôt qu'un Tribunal des professions où
il y a trois juges de la Cour du Québec, il n'y a pas de
problème. Même au niveau des coûts, c'est
intéressant. Lorsque vous remplacez le comité de discipline par
le tribunal de la déontologie, l'ajout, c'est évidemment le
représentant du public et je pense que c'est très
intéressant. Mon seul problème est à l'officier
responsable de la déontologie professionnelle qui, en fait, occupe le
même rôle que le syndic, sauf qu'il est payé par l'Office.
Dans la situation actuelle, je n'aurais pas de problème, sauf qu'en
même temps, sur la table, le ministre a déposé le projet de
loi 67 qui fait en sorte que l'Office et tout le fonctionnement de l'Office des
professions sera dorénavant payé par les corporations
professionnelles. Donc, cet élément d'indépendance, qui
est capital dans votre structure, la loi 67 vient l'enlever. S'il n'y avait pas
la loi 67 sur la table, je vous avoue que votre structure,
moi, je la trouve très pertinente, mais l'élément
d'autonomie, avec la loi 67, je ne le retrouve pas. Alors, j'aimerais
peut-être vous entendre sur l'importance de maintenir cette autonomie
à l'officier responsable de la déontologie que vous proposez,
parce que tout le système repose sur cette autonomie-là. (10 h
50)
M. Jacoby: Je n'ai pas examiné la loi 67. Je l'ai
examinée à travers les médias, mais je n'ai pas
regardé ses modalités et les modalités de financement
parce que je pense que la question de la plus ou moins grande dépendance
dépend essentiellement de la manière dont les modalités
sont réparties. Mais je ne l'ai pas étudiée. Une chose est
certaine, c'est que les sources de financement peuvent avoir un effet. Si le
financement est tel que l'Office va être obligé de courir
après son argent, il y a comme un problème. Bon! On ne pourra
pas, dans un système comme ça, faire en sorte que ça
fonctionne. Je ne l'ai pas étudiée, mais, une fois que j'ai dit
ça, je peux vous dire que l'Office, quelle que soit sa forme de
financement et sur laquelle éventuellement je me prononcerai, je ne sais
pas, mais va demeurer une agence gouvernementale avec des pouvoirs qui lui sont
conférés par le législateur, avec des pouvoirs de
surveillance accrus si Favant-projet de réforme est mis à
exécution, avec un rôle supplétif de surveillance. Or, moi,
je dis, à ce moment-là, qu'il y a quand même des garanties
au moins sur ce plan. C'est le législateur qui décide. C'est
l'ensemble des députés et le gouvernement qui décident des
règlements qui sont approuvés par le gouvernement et de la loi
telle qu'elle sera modifiée.
Dans ce sens-là, je peux dire que je préfère de
beaucoup un système parce qu'il faut bien penser que l'Office des
professions du Québec... Au Québec, on s'est créé
un Office des professions du Québec, mais ce n'est pas autre chose qu'un
ombudsman sauf qu'il n'a pas les pouvoirs d'un ombudsman. C'est ça qui
est dramatique. L'Office des professions du Québec, pour toute la partie
contrôle et surveillance, est un ombudsman. C'est pour ça que dans
bien des pays, plutôt que l'Office, on a mis des ombudsmans pour
surveiller le travail des syndics dans les corporations professionnelles.
L'Office est un ombudsman, mais c'est un ombudsman qui n'a pas les pouvoirs
nécessaires pour jouer son rôle. Moi, je dis qu'une des choses
importantes d'une institution de type ombudsman comme l'Office, c'est de faire
en sorte, parce que cet Office, cette agence gouvernementale est
indépendante des corporations professionnelles au moins sur le plan
législatif, que les plaintes soient acheminées à des gens
indépendants. Qu'y a-t-il de plus indépendant dans tout ce
secteur disciplinaire que l'Office des professions? Indépendant en
termes de concept. Ce que je dis c'est que l'officier... Quelles que soient les
sources de financement, sous réserve des modalités de
financement, le citoyen sera mieux servi si sa plainte est reçue par un
officier de l'Office, enfin, il sera mieux servi en termes de perception et en
termes d'être assuré que son dossier va être examiné
mur à mur, et ça, c'est important.
Mme Caron: Je suis d'accord avec vous à condition que la
source de financement ne soit pas la même que si c'est le syndic parce
que, à ce moment-là, pour le citoyen, qu'il s'appelle syndic,
qu'il relève de la corpo et qu'il soit payé par la corpo ou qu'il
s'appelle officier responsable de la déontologie professionnelle et
qu'il soit payé par les corporations professionnelles, ce n'est pas
évident que la perception pourra changer.
Vous savez, Me Jacoby, nous avons aussi dans notre système
professionnel, 240 000 professionnels, 41 corporations mais 20 corporations qui
sont à titre réservé, c'est-à-dire 20 corporations
professionnelles où les professionnels ne sont pas obligés
d'être membres de la corporation et, donc, où ces professionnels
ne sont pas assujettis au système disciplinaire. Est-ce que vous croyez
que nous devrons agir à ce chapitre-là pour que la protection du
public soit assurée lorsque des actes sont posés par des
professionnels qui ne sont pas membres de corporations professionnelles?
M. Jacoby: Ma réponse, Mme la députée, sera
oui, pour plusieurs raisons. Il existe des corporations à exercice
exclusif et des corporations à titre réservé. Les
corporations dites réservées n'ont pas encore réussi
à obtenir l'exercice exclusif, mais il n'en demeure pas moins que ces
personnes sont assujetties aux grandes règles du Code des professions.
Il y en a 41 aujourd'hui, il y en a une vingtaine qui sont à titre
réservé. Ces professionnels à titre réservé
posent des gestes qui peuvent aller à rencontre des codes de
déontologie. Ce qui change un peu les règles du jeu dans ce
secteur, c'est que plusieurs des professions à titre
réservé, plusieurs de leurs membres n'agissent pas de
manière autonome et travaillent comme employés dans plusieurs
organisations. Et la discipline se fait autrement, elle se fait par le droit de
gérance et ainsi de suite, ce qui fait qu'on n'a pas exactement les
mêmes problématiques. Mais, vous savez, je me dis qu'il ne faut
pas... Quand on parle de discipline, on parle de protection du public et la
meilleure garantie ultime, je dis bien ultime, de protection du public, c'est
un bon régime disciplinaire pour l'intérêt public de la
profession et l'intérêt du public en général. Je
pense que ces professions devraient être assujetties aux mêmes
normes que les autres.
Mme Caron: Est-ce que vous croyez que les personnes, les
professionnels qui ne sont membres d'aucune corporation devraient être
assujettis au même système que vous proposez, à la
même structure? C'est-à-dire que, si, comme citoyen, j'ai une
plainte à déposer, que j'ai eu recours au service d'un
professionnel qui ne fait partie d'aucune corporation professionnelle, est-ce
que je pourrais, de la même façon, avoir recours à
l'officier responsable de la déontologie professionnelle?
M. Jacoby: À première vue, ma réponse de
principe serait oui, mais encore faudrait-il examiner chaque secteur
professionnel auquel vous vous référez. Il faudrait l'examiner ad
hoc parce qu'il faut bien vérifier s'il s'agit de services
professionnels qui devraient être régis par ce
mécanisme-là ou de services d'un autre type régis par
d'autres mécanismes, comme la protection du consommateur. Mais ma
réponse de principe serait oui.
Mme Caron: Je vous remercie, Me Jacoby.
La Présidente (Mme Hovington): En conclusion, M. le
ministre.
M. Savoie: En conclusion, Mme la Présidente, le Protecteur
du citoyen nous présente une approche axée sur l'introduction
d'un mécanisme recherché depuis fort longtemps par plusieurs
intervenants, sur lequel on rencontre une forte opposition de la part des
corporations et, deuxièmement, de la part d'autres intervenants
liés au secteur professionnel. On parle d'une structure, par exemple,
d'assurance. Ce qu'on constate, c'est que, finalement, avec la liste des
propositions que vous nous faites, on cherche à rejoindre plusieurs de
ces éléments-là dans la mesure du possible, et la
réalité politique, finalement, nous impose souvent, nous
présente souvent des difficultés, surtout dans des structures
aussi importantes que vous voulez qu'on modifie.
Toutefois, on vous remercie pour votre intervention. Ça a
été rafraîchissant. Je pense qu'il y a eu de très
bonnes recommandations en ce qui concerne le syndic et le renforcement
peut-être même d'autres structures qui sont en marche au niveau
disciplinaire et qui seront certainement reconnues lors du dépôt
du projet de loi.
La Présidente (Mme Hovington): Me Jacoby, au nom des
membres de la commission de l'éducation, merci beaucoup pour votre
excellent mémoire.
M. Jacoby: C'est moi qui vous remercie.
La Présidente (Mme Hovington): Au revoir.
J'inviterais maintenant le Barreau du Québec à bien
vouloir prendre place. Nous allons suspendre quelques minutes pour vous
permettre de vous installer.
(Suspension de la séance à 10 h 57)
(Reprise à 11 heures)
La Présidente (Mme Hovington): La commission va reprendre
ses travaux avec le Barreau du Québec. Bonjour et bienvenue, d'abord,
à la commission de l'éducation. Si vous voulez bien vous
présenter pour qu'on puisse bien vous identifier, pour fins de
transcrip- tion des débats.
Barreau du Québec
M. Gauthier (Pierre): Mme la Présidente, M. le ministre,
Mmes et MM. les députés, mon nom est Pierre Gauthier. Je suis
directeur général du Barreau du Québec. Je suis
accompagné aujourd'hui, à ma gauche, de Me Suzanne Vadboncoeur,
qui est directrice de notre service de recherche et de législation, et
complètement à ma gauche, de Me Mario Dusseault, qui est avocat
au même service. À ma droite, vous verrez Me Pierre-Gabriel
Guimont, qui est syndic adjoint à notre bureau de Québec.
Je voudrais vous remercier, Mme la Présidente, de me fournir
l'occasion d'excuser M. le bâtonnier du Québec, Me Paul
Carrière, qui se faisait un honneur de venir représenter le
Barreau à cette commission parlementaire. Malheureusement, il est retenu
à Montréal pour cause de maladie. Alors, j'essaierai bien
modestement de représenter ici le Barreau.
Il y a 20 ans à peine, le Barreau du Québec se retrouvait
ici pour présenter à une commission spéciale des
corporations professionnelles son mémoire sur ce qui allait devenir le
Code des professions et la nouvelle organisation professionnelle au
Québec. Les projets de loi 250 et 251 avaient alors respectivement pour
objet d'instaurer la loi-cadre devant régir les corporations
professionnelles, c'est-à-dire le Code des professions, et de modifier
la Loi du Barreau de 1967. Vingt ans se sont écoulés depuis, et,
inspiré fortement de ce qui se faisait déjà au Barreau, le
système d'autogestion des corporations professionnelles alors mis en
place a été éprouvé, et l'expérience nous
démontre qu'il demeure, malgré quelques imperfections, l'un des
plus efficaces qui soient.
Il est intéressant de noter que, au début des
années soixante-dix, le Barreau du Québec reprochait à la
commission Castonguay-Nepveu, dont le rapport avait été à
l'origine du projet de loi 250, d'avoir étendu son étude à
l'ensemble des professions, bien que son mandat avait été
limité au domaine de la santé et du bien-être social, sans
en avoir averti le public en général et les corporations
professionnelles et sans leur avoir donné l'opportunité de se
faire entendre. Curieusement, 25 ans plus tard, le Conseil interprofessionnel
du Québec et l'ensemble des corporations professionnelles formulent le
même reproche absence de consultation mais l'adressent
cette fois-ci à l'Office des professions du Québec, d'où
émane la réforme proposée par l'avant-projet de loi.
Prenant pour acquis que les membres de cette commission ont
déjà pris connaissance du mémoire du Barreau, je me
limiterai à vous faire part de la réflexion qu'a suscitée
chez nous l'étude de l'avant-projet de loi sur trois aspects de la
réalité professionnelle telle qu'elle est vécue par notre
corporation professionnelle, soit le rôle de l'Office des professions, le
processus discipli-
naire et la compétence des professionnels.
Il y a 20 ans, dis-je, dans la mise en place d'une nouvelle organisation
professionnelle, le législateur décidait de créer l'Office
des professions et lui confiait le soin de veiller à ce que chaque
corporation professionnelle assume bien sa mission de protéger le
public. À cet égard, l'Office joue un rôle de surveillance
et occasionnellement un rôle supplétif sur le plan
réglementaire. L'Office détient également un rôle de
conseil auprès du gouvernement. Il lui formule des recommandations
concernant les règlements des corporations professionnelles et lui
suggère la constitution ou la fusion de corporations professionnelles.
Le législateur a aussi confié à l'Office la fonction
d'agent de concertation entre des corporations professionnelles qui vivent des
différends ou qui connaissent des problèmes reliés
à la connexité des activités que leurs membres respectifs
exercent. Essentiellement, la création de l'Office avait pour but de
servir de tampon entre l'État et les corporations professionnelles,
évitant ainsi une ingérance de l'État dans les
activités professionnelles et assurant, par le fait même, le
respect du principe fondamental de l'indépendance des professionnels
face à l'État.
Par l'avant-projet de loi sous étude, l'Office des professions
voit son rôle et ses pouvoirs augmenter considérablement. Le
Barreau ne peut qu'exprimer son inquiétude et son scepticisme face
à cette volonté d'obtenir des pouvoirs accrus lorsqu'il constate
l'efficacité parfois mitigée avec laquelle l'Office s'est
acquitté de sa tâche jusqu'à maintenant. À titre
d'exemple, on se serait attendu à une plus grande implication de sa part
auprès des corporations professionnelles sur lesquelles l'arrivée
du libre-échange pouvait avoir un impact.
Pour nous, Barreau du Québec, l'étude, par l'Office, de
nos projets de règlement et de nos projets de modifications
réglementaires ou législatives que nous lui soumettons accuse
à certains égards ou à certains moments des retards
importants. Certains dossiers sont encore pendants à l'Office
après quatre ans d'attente. Pourtant, ils ont tous fait l'objet d'une
étude attentive par un comité du Barreau, puis le Conseil
général de même que le comité administratif et,
enfin, souvent après consultation de notre «membership» par
le biais de notre journal du Barreau, par l'entremise des quinze
bâtonniers de section. Alors, pourquoi tant de retard? L'Office ne
devrait-il pas s'efforcer de faire ce qu'il a à faire de façon
adéquate et efficace avant de demander qu'on étende ses pouvoirs?
Par exemple, s'occuper d'aider les corporations qui légitimement se
sentent inquiètes de l'impact que peuvent avoir la mondialisation des
marchés et la concurrence internationale.
Le processus disciplinaire ne constitue qu'un des outils utilisés
par les corporations professionnelles pour assurer la protection du public. Il
vise à sanctionner un comportement fautif, un accroc à
l'éthique et à la déontologie commis par un professionnel
à l'endroit de sa profession, d'un client ou d'un confrère. Les
raisons qui, en 1973, ont motivé le législateur d'opter pour un
système d'autogestion sont encore valables aujourd'hui. Ce
système assure un sain équilibre entre l'autonomie des
corporations professionnelles et une intervention limitée de
l'État en confiant à celles-ci le soin d'assurer le respect des
règles d'éthique, notamment par le processus disciplinaire. Il
devient évident que les professionnels ont tout intérêt
à maintenir auprès du public des standards élevés
d'intégrité et de professionnalisme. La moindre faute ou
inconduite professionnelle d'un de leurs pairs rejaillit sur la profession tout
entière, et la réputation de celle-ci est donc liée au
degré de sévérité qu'ils doivent démontrer
dans l'application de ces inconduites.
Malheureusement, le public connaît mal le système
disciplinaire au Québec. Il le confond souvent, erronément
d'ailleurs, avec le système judiciaire en l'assimilant à un
système compensatoire ou indemnitaire. Les justiciables sont souvent
déçus par la décision du syndic de ne pas porter plainte
contre le professionnel. Face à une demande d'intervention du public, le
rôle du syndic est assimilable à celui du procureur de la
couronne. Avant de décider de porter plainte, il doit évaluer ses
chances de réussite, notamment par le sérieux du problème
soulevé et par la qualité de la preuve qu'il possède.
À cet égard, il a une lourde responsabilité sur ses
épaules, ce qui explique, sans doute, l'immunité que la loi lui
confère quant à l'éventualité des poursuites
judiciaires contre lui. Il est vrai, toutefois, que les justifications du
syndic ne sont peut-être pas toujours suffisamment étayées
ou accessibles au citoyen moyen. Il existe sûrement des façons de
corriger cela. L'important, c'est que les citoyens réalisent que, dans
le processus disciplinaire, le syndic joue vraiment le rôle de protecteur
du public et son mandat n'est pas de protéger les membres de la
corporation, bien au contraire. (11 h 10)
Au Barreau, près de 40 % des montants des cotisations, soit 3 000
000 $ sur 8 000 000 $, sont consacrés au bureau du syndic et à
l'inspection professionnelle. En outre, toujours au nom de la protection du
public, le syndic demande régulièrement au comité de
discipline l'application de sanctions sévères à
l'égard d'avocats fautifs. Malheureusement, elles sont souvent
cassées en appel. Au Barreau comme ailleurs, le syndic est très
jaloux de son indépendance par rapport à l'administration de la
corporation. Seul le bâtonnier peut avoir accès à ses
dossiers, et ceci s'explique par le rôle de conciliateur qui est
dévolu à ce dernier par la loi.
Au nombre d'actes professionnels qui se font par année, au
Québec on parle sans doute de millions un pourcentage
assez faible d'entre eux donne lieu à une plainte de la part du public
et le processus, bien que perfectible, est relativement rapide et peu
coûteux. Au Barreau, le délai d'audition en matière
disciplinaire se situe à environ trois mois, ce qui nous apparaît,
dans le contexte, fort acceptable. Il faut toute-
fois reconnaître que certains tentent, par tous les moyens, de
retarder le processus: brefs d'évocation, appels ou autres tactiques
judiciaires. C'est en sortant du processus disciplinaire pour entrer dans le
système judiciaire que les coûts et les délais deviennent
un problème. Ces dossiers ne constituent toutefois qu'une
minorité et c'est malheureusement cette minorité qui fait les
manchettes.
Il y a quelques années, dans un souci d'assurer une meilleure
protection du public, le Barreau s'est adressé à l'Office des
professions en vue d'apporter un amendement à notre loi constitutive.
Celui-ci consistait à faire en sorte qu'un avocat reconnu coupable d'un
crime tels la fraude ou le vol par un tribunal de première instance au
Canada devienne, par ce simple fait inhabile à exercer sa profession,
même s'il va en appel, tout comme c'est le cas, actuellement, pour
l'avocat qui fait faillite.
Nous sommes bien conscients de la nécessité d'une plus
grande transparence dans le système disciplinaire. Rappelons-nous que la
justice doit non seulement être rendue, mais elle doit aussi donner
l'apparence d'être rendue. Au Barreau, non seulement les audiences sont
publiques, comme l'exige la charte, mais les rôles d'audience sont
acheminés mensuellement aux différents médias et le public
peut venir les consulter sur place. Nous sommes toutefois conscients qu'une
telle transparence du processus n'existe pas dans toutes les corporations
professionnelles.
En dépit de cela, je ne peux m'empêcher d'entretenir de
sérieux doutes sur l'efficacité, la rapidité et
l'accessibilité, sur le plan des coûts, du mécanisme
suggéré par l'avant-projet de loi. La révision automatique
par un comité d'examen des plaintes de toute décision du syndic
à l'effet de ne pas porter plainte contre un professionnel n'aura-t-elle
pas pour effet de retarder encore davantage le traitement des dossiers?
N'entraîne-ra-t-elle pas une plus grande judiciarisation, non seulement
par l'ajout d'une audition supplémentaire, mais aussi par la
multiplication des risques de contestation au moyen d'une évocation
à la Cour supérieure, entre autres? A-t-on évalué
les coûts financiers et sociaux d'une telle mesure? Quelle garantie ce
palier additionnel donne-t-il sur le plan de la transparence? En quoi les
décisions confirmant celles du syndic de ne pas porter plainte
parce qu'il y en aura seront-elles plus satisfaisantes pour le client?
Pensons-y. Nous sommes à l'heure des compressions et de la consolidation
et non à celle de l'expansion.
La discipline ne représente qu'un des aspects de la protection du
public. Elle touche le volet déontologique de l'activité
professionnelle. Tous les mécanismes mis sur pied par les corporations
professionnelles ne visent qu'à une chose: assurer au public des
services professionnels de qualité dispensés par des
professionnels compétents et intègres. La discipline, c'est
important, mais, si le public ne rencontre sur son chemin que des
professionnels incompétents, on n'est guère plus avancé.
Aussi, le véritable défi qui s'offre aux professionnels, dans les
années quatre-vingt-dix, est celui de pouvoir faire face à la
concurrence professionnelle, tant interne qu'internationale, et à la
mondialisation des marchés, de pouvoir s'ajuster à la situation
économique difficile et aux exigences de plus en plus grandes de la
clientèle. C'est pourquoi le Barreau insiste tant, depuis quelques
années, sur le développement de la formation des avocats, tant au
niveau de l'École du Barreau nous sommes, d'ailleurs, à
revoir le programme de l'École pour y intégrer à nouveau
des cours de droit substantif appliqué que durant la vie
professionnelle de l'avocat.
À cet égard, et compte tenu de l'entrée en vigueur
prochaine du nouveau Code civil, nous avons adopté, tout comme la
Chambre des notaires, un règlement imposant la formation obligatoire des
avocats sur le nouveau Code. Cette formation consistera en 60 heures de cours
dont 36 obligatoires, une opération de quelque 2 500 000 $
assumés par le Barreau. Le sondage fait récemment auprès
des avocats à ce sujet indique que la grande majorité d'entre eux
ont l'intention de suivre la session dans son entier. Cette formation sera
dispensée entre août et décembre 1993 à travers tout
le Québec. En outre, à sa prochaine séance de mars, le
Conseil général se penchera sur un projet de règlement
obligeant les avocats à suivre, à chaque année, un nombre
d'heures minimales de formation, soit environ 12 pour commencer. Le
défaut, pour eux, de ce faire pourra entraîner l'application des
sanctions disciplinaires actuellement prévues à l'article 113 de
la Loi sur le Barreau qui vont de l'imposition d'une amende à la
limitation ou à la suspension du droit d'exercice.
En conclusion, tous les gouvernements se plaisent à nous
rappeler, depuis plusieurs mois, que nous devons vivre selon nos moyens. Le
contexte socio-économique est mouvant. Les citoyens sont
surtaxés. Par contre, l'économie s'ouvre sur le monde. Du
libre-échange canado-américain, on passe maintenant à un
libre-échange à trois. On doit s'ajuster également aux
marchés européens et asiatiques et faire face à la
concurrence internationale.
L'avant-projet de loi ne s'attarde ni aux vrais problèmes ni aux
véritables défis en proposant une réforme du processus
réglementaire et du système disciplinaire. Ce n'est pas en
augmentant son pouvoir d'enquête et d'intervention que l'Office
répondra aux attentes du public et des corporations professionnelles,
mais en développant davantage son rôle de conseiller et
d'informateur. L'Office aurait, en effet, avantage à être plus
présent auprès du public et à l'informer sur le
fonctionnement des corporations professionnelles et sur la façon dont
celles-ci peuvent aider les citoyens. Auprès des corporations, l'Office
y gagnerait à démontrer un certain leadership en rapport avec les
outils dont chacune devrait se doter pour faire face aux défis mondiaux
qui s'annoncent. C'est dans ce sens que devrait s'orienter la
réflexion sur ce que sera la vie professionnelle en l'an 2000.
Avant de multiplier les instances et les pouvoirs d'intervention, utilisons au
maximum les ressources que nous avons déjà. Je vous remercie, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, merci, Me Gauthier.
Je céderai maintenant la parole au ministre responsable.
M. Savoie: Merci, Mme la Présidente. Permettez-moi de
saluer les représentants du Barreau du Québec qui nous ont
présenté, finalement, une synthèse d'un mémoire
très volumineux, un mémoire qui contient plusieurs suggestions,
plusieurs recommandations qui ont fait l'objet de discussions et qui vont
continuer à animer nos discussions au fur et à mesure qu'on
avance au niveau du projet de loi. Il n'y a pas de doute qu'il y a plusieurs
recommandations là-dedans qui sont très valables et qui seront
retenues.
Le Barreau du Québec, Mme la Présidente, est
composé d'environ 14 432 membres. Il a un budget de fonctionnement de
tout près de 8 000 000 $. Au niveau de la discipline, qui est le coeur,
finalement, de notre réforme, enfin, qui est un élément
important de notre réforme, c'est un élément très
actif chez lui. On constate environ les mêmes proportions au niveau des
demandes reçues, des demandes retenues et des plaintes portées
devant le comité de discipline. On parle de 2500 demandes d'information
et d'enquête pour l'année 1991-1992, donc 2400 demandes
reçues, 420 demandes retenues pour enquête et 63 plaintes
portées devant le comité de discipline, ce qui démontre
une activité importante pour, justement, assurer la protection du
citoyen. (11 h 20)
Au niveau des mémoires qui nous ont été
présentés, un des éléments qui a été
touché par un peu tout le monde et un des éléments qu'on
voulait vérifier avec, justement, le Barreau du Québec,
c'était le comité des plaintes. Vous avez soulevé
différents éléments: le coût élevé, la
surveillance accrue, une attitude un peu expansionniste. J'imagine que vous
avez eu le temps d'avoir des échos, qu'on vous a fait rapport sur
l'évolution du dossier, ici, à cette commission dans le sens d'un
développement au niveau de la perception, un développement au
niveau de l'accès direct du citoyen à des non-professionnels,
mais pas uniquement des non-professionnels. Est-ce que ça a
modifié votre position vis-à-vis de ce que vous avez
stipulé dans le mémoire?
M. Gauthier: Pas pour la peine, et voici pourquoi. On a fait,
suite à des interventions, entre autres, d'intervenants, ici, qui ont
passé en commission parlementaire et qui ont eu à répondre
à certaines de vos questions dans des domaines beaucoup plus financiers
que juridiques, et en traitant l'ensemble de nos dossiers et en prenant pour
acquis que peut-être à peine 20 % des dossiers... Supposons qu'on
y allait, là, dans le contexte où le comité de
révision était purement et simplement facultatif. Si on prenait
20 % des dossiers qui étaient susceptibles de revenir devant le
comité, nos coûts se chiffreraient à environ près de
1 000 000 $, dans la mesure où on serait obligé de
rémunérer les trois personnes dont on parle. Évidemment,
si on revient automatiquement, M. le ministre, et qu'à chaque refus les
gens vont devant le comité, vous pouvez bien vous douter que les
chiffres augmentent de façon surprenante, et ça pourrait
même, théoriquement parlant, aller jusqu'à une somme de 5
000 000 $. Pour continuer là-dedans, n'oubliez pas que, si nous avons
à faire face à des auditions, eh bien, on se retrouve aussi avec
des chiffres assez surprenants et beaucoup plus élevés.
Ce que l'on veut dire avec ça, c'est qu'on ne peut pas se
permettre d'avoir, par exemple, un comité de révision, entre
autres par des pairs ou même des personnes du public, si on a affaire
à des sommes de dossiers, peut-être 1000 dossiers par
année, et leur demander d'intervenir ou de travailler
bénévolement. On le fait en matière d'arbitrage de
comptes, et je dois vous avouer que c'est excessivement exigeant pour les
gens.
M. Savoie: Oui, c'est ça. Ce que nous avons
constaté, justement pour démontrer la difficulté de
compréhension qu'il peut exister entre l'avant-projet de loi et les gens
qui en ont fait l'analyse dans différentes corporations
professionnelles, c'est que, lorsqu'ils sont arrivés au comité
des plaintes, ils l'ont chiffré en termes astronomiques pour ne pas dire
astrologiques. Ils ont donné un montant énorme, et on peut vous
assurer tout de suite que ça ne se fera pas si ça coûte ces
montants-là. Ça, c'est bien clair. Ce que nous voyons comme
coût est beaucoup plus raisonnable que ça. Même, on pense
que ça peut facilement s'établir et ne pas coûter, par
exemple, dans les six chiffres, que ça va rester dans les cinq. C'est ce
qui est visé pour les grosses corporations comme le Barreau, les
corporations importantes, et, en conséquence, ça devient
maniable. Ce qu'on sent, c'est qu'on a peur du coût et on a peur de la
paperasse que ça pourrait générer, mais je peux vous
assurer que ces éléments-là seront
contrôlés.
Au niveau du syndic c'est un autre élément qui a
évolué dernièrement à cette commission c'est
justement de voir si on ne pouvait pas exercer davantage, développer une
certaine, je ne voudrais pas dire autonomie, mais un certain contrôle sur
le syndic qui sera nommé par une corporation professionnelle, sa
destitution par une corporation professionnelle et même peut-être,
sans aller aussi loin que, par exemple, rapatrier son salaire, comme le
proposent certains, mais au moins chercher à s'assurer, par exemple,
qu'un syndic ne se ramasse pas en même temps directeur
général d'une corporation professionnelle. Il y a eu ici, pendant
la commission, des déclarations. Je ne sais pas si vous avez
été mis au courant de cela, mais il y a eu des
déclarations claires sur la table comme quoi il y a eu
des interférences. Et on se demandait, à ce
niveau-là, au niveau du syndic, si le Barreau voit ça, pas pour
lui, mais pour l'ensemble du fonctionnement du monde professionnel, comme une
chose qui serait peut-être intéressante pour la protection du
public.
M. Gauthier: À cet effet, M. le ministre, je voulais vous
mentionner d'abord que nous oeuvrons au niveau de la Fédération
des professions juridiques à travers le Canada. Nous rencontrons
régulièrement l'ensemble des Law Societies, et, dans cette
perspective-là, je ne peux que vous parler du monde juridique et non pas
des autres corporations professionnelles. Il se peut, à certains
noments, qu'il soit arrivé des situations telles que vous
dénoncez, mais je peux vous assurer que, entre autres au niveau du
Barreau, et même le président de l'Office peut vous le confirmer,
ce genre de situations est assez, comment je dirais, dans notre concept et dans
notre mode de fonctionnement, dans notre culture, assez difficile à se
répéter, dans la mesure où notre bureau de syndic agit
comme un procureur de la couronne.
Et, évidemment, on a un peu l'habitude de comment fonctionne le
gouvernement. Je pense que le ministre responsable n'intervient pas
quotidiennement dans les dossiers, ni le sous-ministre au niveau des plaintes
qui sont à être portées au niveau criminel contre tel ou
tel individu. Il y a quand même une indépendance qui est
consacrée dans nos structures. Pour être, par exemple,
remercié, un syndic doit passer devant le conseil général.
Alors, au conseil général, il y a peut-être une
cinquantaine de personnes qui y siègent et, dans cette
perspective-là, c'est une démarche très publique. Les gens
peuvent y assister. Il y a quand même, là, à ce
niveau-là, une protection. On ne peut pas remercier un syndic comme
ça, sous prétexte qu'il aurait porté plainte contre un ami
du pouvoir ou autre. Et, dans cette perspective-là, le
développement et la culture qui existent au Barreau nous mettent
à l'abri.
M. Savoie: Oui.
M. Gauthier: Je suis certain que, au niveau de la charte des
notaires et ailleurs, c'est certainement le même
phénomène.
M. Savoie: Effectivement, là, on ne pensait pas tellement
en termes du Barreau, parce qu'on sait que c'est une corporation quand
même qui a beaucoup, beaucoup d'expérience et une longue histoire,
mais, pour l'ensemble du monde professionnel d'une façon
générale, est-ce que...
M. Gauthier: Bien, il y a une différence dans les autres
corporations professionnelles, parce que, règle générale,
le syndic est un membre de la corporation, et celui qui porte plainte ou qui
plaide le dossier est, règle générale aussi, un avocat.
Donc, à ce moment-là, le rôle se joue à deux
niveaux. L'étude de la preuve se fait en présence du procureur
qui est nommé au dossier pour prendre une poursuite disciplinaire. Donc,
dans cette perspective-là, il y a peut-être deux niveaux
d'interventions qui voient peut-être aussi à protéger le
public à ce niveau-là. Mais je ne suis pas en mesure aujourd'hui
de vous dire que ce qui est ou ce que vous devriez proposer devrait
nécessairement s'appliquer à l'ensemble des corporations
professionnelles. Vous pourriez peut-être le faire de façon un peu
comme on retrouve dans notre loi, et que vous voulez rapatrier dans le Code des
professions, avoir une section qui traite particulièrement de pouvoirs
du syndic et qui permettrait, dans certains cas, de les mettres encore plus
à l'abri qu'ils ne le sont actuellement.
M. Savoie: D'accord. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le ministre. Mme
la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Oui, Mme la Présidente. Me Gauthier, Me
Vadboncoeur, Me Dusseault, Me Guimont, je vous remercie de votre
présentation. On sait que le Barreau fait toujours un travail
extrêmement minutieux lorsqu'il y a avant-projet de loi ou projet de loi.
Lorsque je vois Me Vadboncoeur, ça me rappelle, évidemment, tous
nos travaux sur la réforme du Code civil en cette même salle
Mme la présidente et le député de Sherbrooke
étaient là durant cinq mois où nous avons vraiment
travaillé article par article. Pour l'avant-projet de loi, je pense que
vous avez refait exactement ce même travail minutieux pour chacun des
articles, et vos commentaires sont vraiment utiles et seront utiles si
l'avant-projet de loi se traduit au niveau d'un projet de loi.
Vous faites aussi partie des corporations professionnelles qui
possèdent une grande expérience. Vous nous parliez tantôt
au niveau des audiences publiques, et ma première question serait
à cet effet: Depuis l'ajout des audiences publiques et depuis la
publication des rôles, est-ce que vous ressentez, au niveau de la
satisfaction du public, une différence? (11 h 30)
M. Gauthier: Ce n'est pas marqué au point d'être
aussi clair que les résultats qu'on pourrait retrouver dans un sondage,
mais je peux vous dire que les appréhensions que les corporations
professionnelles avaient, le Barreau aussi, au cours peut-être des 10 ou
20 dernières années, à ce sujet-là, se sont
estompées. Pourquoi? Parce qu'en ouvrant comme ça l'ensemble des
auditions au public on a retrouvé exactement le même
phénomène qui a été vécu par d'autres
là, ça, ça a été au Canada dont la
Colombie-Britannique. C'est que les gens et les journalistes ont fait une
différence entre l'institution qui est la corporation professionnelle,
qui voit à la protection du public et, souvent, le professionnel qui a
commis une faute déontologique. Et, ça, je pense que
c'a été là un apport important. Je dois vous dire
aussi qu'elles sont quand même courues, mais on n'assiste pas au
même phénomène qu'on retrouve en matière judiciaire
où beaucoup de gens y assistent ou ces choses-là. Mais c'est
quand même, au niveau des principes, un élément important
et auquel on a souscrit il y a déjà quelques années,
même si à certaines occasions on était quand même en
désaccord. Mais c'a été très positif.
Mme Vadboncoeur (Suzanne): Je peux avoir peut-être un
complément de réponse là-dessus, Mme la Présidente,
si vous permettez. Suzanne Vadboncoeur. Tout à l'heure, M. le directeur
général a mentionné que les rôles d'audience
étaient acheminés aux médias d'information mensuellement.
Le directeur des communications n'est pas ici, mais je sais pertinemment qu'il
a reçu beaucoup de commentaires des médias à ce
sujet-là. Ils étaient très heureux de la collaboration
entre les médias d'information et le Barreau. D'ailleurs, on voit
souvent dans les journaux, dans les quotidiens, certains relevés de
sanctions disciplinaires qui ont été imposées à des
avocats. Je pense qu'on voit le plus souvent des rapports sur les sanctions
disciplinaires imposées aux avocats, non pas parce qu'il y en a plus que
dans les autres corporations professionnelles, mais peut-être que le
mouvement d'information est peut-être plus grand et plus important entre
le Barreau et les médias qu'entre les autres corporations et les
médias.
Mme Caron: Est-ce à dire que, finalement, on retrouve
davantage la présence des médias plutôt que la
présence du public?
M. Gauthier: Règle générale, oui, mais il y
a quand même aussi des gens du public qui viennent y assister. Comme je
vous dis, ce n'est pas aussi couru comme on le voit, sauf pour des
procès particuliers. Il en est arrivé quelques-uns...
Mme Caron: En moyenne, il y combien de personnes, habituellement,
au niveau du public?
M. Gauthier: Si on parle des travaux du comité de
discipline qu'il y a eu à Québec il y a déjà
quelques semaines et qui ont été très prisés par
les médias, je pense que le public était présent. Il y
avait certainement, dans certains cas, plusieurs dizaines de personnes, mais,
règle générale, on peut voir une ou deux personnes qui
sont près du problème qui est discuté à ce
moment-là. Mais il y a effectivement plus de journalistes.
Mme Caron: Le ministre nous disait tantôt, en fait, au
niveau des coûts du comité de plaintes qu'il propose, que, avant
de déposer l'avant-projet de loi, il n'y a pas eu évaluation des
conséquences financières pour les corporations
professionnelles...
M. Savoie: II y a eu une évaluation...
Mme Caron: Bien, s'il y en avait eu, vous n'auriez pas besoin de
la faire. Et il nous dit que, finalement, si on s'aperçoit que c'est
trop cher, c'est évident qu'on ne le fera pas. Bon. J'ai là aussi
un problème, parce que, si notre but premier, c'est la protection du
public, l'argument, ce ne serait normalement pas: Si ce que je propose est trop
cher, on n'ira pas dans le sens de cette protection. Mais je pense que votre
analyse de l'avant-projet était beaucoup plus réaliste lorsque
vous nous dites, en page 6 de votre mémoire: «Alors qu'en vue
d'accroître la protection du public on veut faciliter l'accès au
processus de plainte et diminuer les délais de règlement des
dossiers, on multiplie les instances de façon étonnante.»
Donc, évidemment, on risque d'avoir l'effet contraire par le
comité qui est proposé.
Vous avez aussi fait part de vos commentaires concernant le rôle
de l'Office. Je pense qu'au moment où on touche à la
réforme du Code des professions c'est important de revoir ce
rôle-là, de le fortifier dans certains domaines. Le Protecteur du
citoyen voyait un peu l'Office comme un protecteur du citoyen. Quelle est votre
perception par rapport à ce rôle de l'Office?
M. Gauthier: Je m'en voudrais, évidemment, de critiquer un
aussi célèbre juriste que Me Jacoby là-dessus, mais je ne
vois pas le rôle de l'Office des professions uniquement dans le cadre
d'un rôle de protecteur du citoyen, d'abord, parce que, à la
lecture même de la loi, comme je l'ai mentionné, ce ne sont pas
là, comment je dirais, les mêmes obligations qui sont
formulées par la loi et, en même temps aussi, ce n'est pas du tout
le même type de structure telle qu'il avait été
imaginé et pensé au moment de la commission Castonguay-Nepveu. Il
est évident que, dans le contexte et on l'a déjà
mentionné à M. le ministre, c'est dans le contexte du financement
le rôle de l'Office sera certainement à revoir de
façon beaucoup plus précise, et il est évident que c'est
là un autre débat. On devra certainement se poser la question:
Est-ce qu'on a encore besoin de l'Office ou pas? Moi, je ne le vois pas comme
un rôle de Protecteur du citoyen parce qu'il y a, à ce
sujet-là, beaucoup d'autres éléments qu'on laisse de
côté. La proposition qui est faite par le Protecteur du citoyen de
regrouper l'ensemble des services de syndics à l'intérieur d'une
même structure contrôlée, par exemple, par l'Office des
professions, à notre avis, ferait en sorte que je ne suis pas certain
qu'il y ait des économies d'échelle.
Juste pour vous donner un exemple, nous avons une trentaine de personnes
qui travaillent, à Montréal et à Québec, pour le
bureau du syndic. Pensez-vous que, si c'est rapatrié à l'Office
des professions, il va y en avoir moins? À mon avis, non, on est
déjà encombré. Nos syndics adjoints traitent près
de 400 dossiers par année. Alors, il est bien évident que
ça ne diminuera pas le nombre d'interventions. Je pense que c'est la
même chose à la Chambre des notaires ou à d'autres grandes
corporations professionnelles. Il n'y pas d'économie de
coûts énorme. Je dois vous dire aussi que le fait
d'être, nous, obligés d'assumer certains de ces
coûts-là nous oblige à être très prudents au
niveau des dépenses et de faire bien attention pour essayer de faire
plus avec moins. La même chose que l'État fait. On n'a pas de
convention collective où des choses du genre qui nous obligent, à
un moment donné, au niveau des coûts, à avoir les
mêmes responsabilités que l'État là-dessus.
Alors, moi, je peux vous dire qu'il m'a été donné
de rencontrer des administrateurs, si je ne me trompe pas, là, de la
déontologie policière, et, pour le même nombre de dossiers,
ils arrivaient, en termes de coûts, à des coûts de deux
à trois fois supérieurs aux nôtres en termes
d'enquête. Bon. Je ne dis pas qu'ils administraient mal, ce n'est pas
ça, sauf que les coûts étaient de beaucoup plus
élevés. Et là, encore une fois, on n'a aucune étude
économique qui nous permette de voir à quoi on devrait
s'attendre. Et comme l'État veut plutôt diminuer son intervention
au niveau financier, il est bien évident qu'on ne peut pas assister
à une explosion de coûts telle que celle qui est proposée
à ce moment-là.
Mme Caron: Vous avez mentionné que vous aviez,
effectivement, quelque 400 plaintes par année. On regarde le nombre de
plaintes qui sont transmises au comité de discipline. Pour 420 on se
parlait de 63, pour 350, 37. Vous faites partie des corporations
professionnelles où le public dépose le plus de plaintes,
dû probablement au fait des services professionnels que vous rendez.
Donc, votre expertise là-dedans est sûrement extrêmement
importante. Selon vous, qu'est-ce qui crée le plus d'insatisfaction?
Parce que le nombre de plaintes que vous recevez est très grand. Est-ce
que ce sont des plaintes que vous pouvez régler ou si ce sont des
plaintes qu'aucune instance ne pourrait régler, peu importe qui
recevrait cette plainte-là?
M. Gauthier: Juste avant de répondre à votre
question et avant de passer la parole à Me Guimont là-dessus, sur
ce que j'appellerais le «day-to-day» au niveau de l'administration
de ces dossiers-là, je dois rectifier certains de vos chiffres. Il y a,
au bureau du syndic, environ 5000 dossiers par année, dont entre 2000 et
2500 qui sont de la conciliation de cas. Les 2000 ou 2500 dossiers en
matière de conciliation se règlent à environ 76 %. Donc,
je pense qu'il y a là un succès qui est intéressant. Au
niveau des interventions que j'appellerais plus de l'ordre de la
compétence et de la déontologie, on a environ 2500 dossiers, dont
500 qui sont particulièrement des enquêtes qui demandent un
travail beaucoup plus suivi de la part des syndics, et il y a environ une
centaine de plaintes qui sont déposées annuellement devant le
comité de discipline.
Alors, il est bien évident que, quand c'est géré
par la corporation professionnelle, il y a des liens qui se développent
d'abord avec les avocats. La façon de communiquer avec l'avocat est
beaucoup plus rapide, elle est, règle générale aussi,
beaucoup mieux vue. On essaie, à ce niveau-là, évidemment,
d'améliorer la qualité de la communication avec la
clientèle, mais il nous apparaît bien évident que, dans le
contexte économique actuel, entre autres, en matière de
conciliation, les gens vont plus en conciliation parce qu'ils ont moins
d'argent, puis c'est un processus qui peut retarder, à l'occasion,
l'échéance des comptes. Mais quant à l'insatisfaction que
l'on remarque dans certains cas, suite à des prises de décisions
du bureau du syndic, j'aimerais peut-être que Me Guimont nous fasse part
des types d'insatisfaction qu'on peut retrouver. (11 h 40)
M. Guimont (Pierre-Gabriel): C'est assez difficile à
cerner, Mme la Présidente. Moi, j'attribuerais principalement cette
insatisfaction-là à l'incompréhension du système
juridique. Il y a beaucoup de gens, et c'est mon quotidien... J'ai beau passer
des heures à essayer d'expliquer certaines situations, les gens ne
comprennent pas. Il faut dire aussi que c'est un peu tout le système
juridique que nous... Quand on reçoit des plaintes, c'est souvent des
demandes d'information. C'est que les gens ne savent pas où aboutir.
C'est un problème juridique? Alors, au bureau du Protecteur du citoyen,
on va leur dire: Appelez immédiatement le syndic du Barreau. Au bureau
du directeur des Communications au gouvernement du Québec, c'est la
même chose. Dans un CLSC, on va tout nous référer. Alors,
finalement, ces gens-là arrivent, et ils ne comprennent à peu
près rien du système juridique. Il faudrait se mettre là
et leur expliquer ça de long en large, et ça prend
énormément de temps. Malheureusement, on n'a pas toujours le
temps de le faire. Le problème principal vécu au bureau du
syndic, surtout à Québec et à Montréal, c'est
strictement le nombre de demandes absolument... Quotidiennement, ça nous
étouffe littéralement.
Alors, de façon générale, notre intervention au
bureau du syndic, aussi, c'est ce qui peut un peu expliquer la
différence entre le nombre énorme de plaintes qui sont
déposées et le nombre assez restreint de plaintes qui sont
acheminées au comité de discipline. C'est que nous avons, en
vertu de l'article 75.2, je crois, de notre loi, le pouvoir de concilier les
différends. Et, ça, c'est spécifiquement prévu dans
la Loi sur le Barreau. Ça ne se retrouve pas dans les autres
corporations professionnelles ou au Code des professions, ce qui fait que dans
bon nombre de cas je vais vous donner les exemples les plus
fréquents il s'agit de conflits d'intérêts. Alors,
qu'est-ce qu'on fait en matière de conflits d'intérêts?
Habituellement, les avocats se retrouvent dans des situations de conflits
d'intérêts un peu parce qu'ils ne le soupçonnaient pas. Ils
ne se souvenaient pas que, il y a cinq ans, leur associé avait
déjà agi pour madame dans le même dossier de divorce qui
revient aujourd'hui. Et, étant inconscients... Évidemment, ce
n'est pas un dossier qui va nécessiter une plainte disciplinaire, mais
c'est un dossier qui nécessite quand même une intervention du
syndic pour pacifier un peu tout le monde, concilier le différend,
régler le problème.
Je dois vous dire que sur l'ensemble des dossiers qui sont
confiés au syndic, où on demande au syndic d'intervenir, c'est
très rare qu'il y a de l'insatisfaction marquée. Et, quand il y a
de l'insatisfaction marquée, ça aboutit sur une plainte
privée. Et ça, bon, on en a eu peut-être cinq ou six au
cours de l'année dernière, mais pas davantage, et on
s'aperçoit que sur ces cas-là, il y en a peut-être un ou
deux où vraiment la plainte était fondée. Si le syndic ne
veut pas donner suite immédiatement, c'est parce qu'il se disait: J'aime
mieux attendre que le conflit légal qui est mû devant les
tribunaux à l'heure actuelle soit réglé avant que moi
j'intervienne. Parce que, pour le Barreau aussi, c'est une situation assez
particulière. Au moment où on intervient, il y a
déjà un procès qui est mû devant les tribunaux et on
doit faire extrêmement attention pour ne pas favoriser une partie ou
l'autre par notre intervention. Il faut être assez vigilant, il ne faut
pas se laisser manipuler. Autrement dit, ça prend
énormément de tact et de doigté à ce
niveau-là. Alors, il ne faut pas se surprendre de la différence
énorme qu'il y a entre les demandes d'information qu'on a et le nombre
assez restreint de plaintes qu'on dépose.
Et, puisque l'occasion m'en est donnée, moi, ce que je vous dis,
c'est que je vois mal, avec le système proposé par le
gouvernement, à l'heure actuelle, comment je pourrais être plus
disponible pour donner des services aux citoyens si je passe mon temps devant
des comités, et c'est là mon principal problème. Je suis
d'accord avec le principe et l'objectif mis de l'avant par la loi,
c'est-à-dire que le syndic, bien qu'on doive lui accorder une certaine
autonomie puis une protection, on doit quand même pouvoir aller
au-delà de ses décisions. Il faudrait peut-être
prévoir un mécanisme qui ferait que les syndics seraient quand
même redevables de leurs décisions, parce que c'est sûr que
nous, au Barreau du Québec, on a une formation juridique et on est
aptes, si je peux dire, à livrer la marchandise, à ce
niveau-là, à donner des décisions motivées et qui
font le tour de la question. Je ne suis pas sûr que, dans les autres
corporations professionnelles, les gens sont aussi bien équipés
que nous, professionnellement parlant, je veux dire, pour donner les
décisions. Ils sont peut-être très équipés,
très outillés pour comprendre le geste posé par le
professionnel, mais peut-être pas pour véhiculer une
décision au citoyen. C'est peut-être là que le
problème est.
La Présidente (Mme Hovington): II vous reste quatre
minutes, je pense. Trois et demie. Ha, ha, ha!
Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Disons que, au niveau
du citoyen, souvent, lorsqu'il reçoit une lettre de justification,
peut-être que les termes, du fait qu'ils ne sont peut-être pas
aussi juridiques que de la part d'autres syndics, ils sont peut-être
aussi plus faciles à comprendre pour le citoyen. Il y a ça aussi
qui peut jouer, là, en faveur des citoyens.
Vous savez, au niveau des perceptions, souvent, c'est simplement une
question de termes. Moi, lorsque j'ai eu le dossier des corporations
professionnelles, je vous avoue, j'ai commencé à consulter les
citoyens dans mon comté et, lorsque je disais: Bon, j'ai le dossier des
corporations professionnelles, pour la plupart des gens, corporation
professionnelle ou association professionnelle, c'est exactement la même
chose. Pour eux, c'est comme un syndicat, et lorsqu'on leur dit qu'ils ont
à déposer une plainte au syndic, bien, ça leur confirme
encore plus que, effectivement, ce sont des liens directs avec la corporation
professionnelle. Or, quand vous avez parlé au niveau de l'information,
c'est évident qu'on a du chemin à faire, mais il semble que, en
même temps, on se retrouve dans une situation où il n'y a jamais
eu autant d'information, mais, justement parce qu'il n'y en a jamais eu autant,
de filtrer toute cette information-là et d'aller chercher ce qu'on a
besoin comme information, ça devient de plus en plus difficile pour le
citoyen. Et les structures sont rendues tellement compliquées, le
système bureaucratique est tellement grand que plus personne ne s'y
retrouve. Et je ne pense pas que, avec l'ajout d'autres structures, on vienne
régler ce problème-de perception au niveau du citoyen. Moi,
ça m'inquiète drôlement, en tout cas.
Vous nous avez fait part, aussi, de vos commentaires concernant le
financement de l'Office, et puis, comme il n'y aura sûrement pas de
commission parlementaire là-dessus, j'aimerais peut-être juste,
brièvement, vous entendre un petit peu sur cette indépendance de
l'Office qu'on se doit de préserver.
M. Gauthier: Évidemment, je ne suis pas aussi sûr
que vous, quoiqu'on n'a pas eu, à ce niveau-là, de discussion
avec le ministre responsable de l'Office, mais il est bien certain qu'il devra
y avoir, à ce sujet-là, une discussion publique sur la question
du financement de l'Office, parce que c'est quand même important.
C'est-à-dire que l'organisme qui chapeaute et supervise l'ensemble des
corporations professionnelles, qui elles-mêmes financent l'Office, je ne
suis pas certain que, au niveau du public, on va assister là à
une vue ou au même souci d'indépendance que l'on verrait
normalement.
Il faut aussi vous dire que, puis on l'a répété
régulièrement, l'ensemble des corporations professionnelles
investissent ou, enfin, dépensent près de 100 000 000 $ par
année, entre 70 000 000 $ et 100 000 000 $, dépendant si on y
inclut le travail bénévole ou pas fait à
l'intérieur de ça. Et le coût de contrôle pour le
gouvernement d'environ 3 000 000 $ ne nous apparaît pas
exagéré pour une institution publique comme celle-là. Dans
le contexte ou, évidemment, on nous propose, dans Favant-projet de loi,
des structures multipliées et, en même temps aussi,
évidemment, beaucoup plus de lourdeur administrative, bien, les
coûts de 3 000 000 $, j'ai bien l'impression, vont augmenter de
façon excessivement rapide. Je ne critique pas
en ce sens-là la gestion faite par le président de
l'Office, ce n'est pas ça, mais il est évident que, tels qu'ils
sont proposés là, les coûts vont être de beaucoup
supérieurs, et, à notre avis, ça, ça crée
certainement, au niveau du public, deux niveaux, soit la multiplication de
structures administratives et l'indépendance que doit avoir l'Office
auprès des professionnels. Et une des façons, bien, c'est que le
gouvernement y consacre quand même des sommes minimales. Si on parlait de
centaines de millions de dollars, je serais d'accord avec vous, mais un
problème de 3 000 000 $, si c'est ça qui préserve
l'indépendance de l'Office vis-à-vis les professionnels et les
corporations, on devrait certainement faire l'effort nécessaire.
Mme Caron: Je vous remercie beaucoup. (11 h 50)
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. C'est tout
le temps que vous aviez. M. le ministre, il vous reste quelques minutes. M. le
député de Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): Mme la Présidente, j'ai
déjà fait appel au syndic du Barreau du Québec et je dois
vous dire que j'ai eu une excellente collaboration. Ils m'ont
réglé un cas assez facilement et avec beaucoup de
rapidité. Je dois vous rendre hommage à cet
égard-là. Maintenant, si je comprends bien le contenu...
D'ailleurs, votre mémoire, il est excellent. Je pense que je vais m'en
servir comme référence parce qu'il est très bien fait.
Ça nous permet de tout voir les tenants et aboutissants de chacun des
articles de ce projet de loi. Cependant, en tout cas, ma perception de toute
cette problématique du Code des professions et de l'Office des
professions, c'est que le public sera protégé à travers
des professionnels compétents et en même temps responsables. Et
les corporations professionnelles doivent, à mon sens, protéger
le public à travers des gens qui sont compétents,
c'est-à-dire des professionnels qui sont compétents. Je pense que
les syndics sont là pour le faire.
On a entendu tout à l'heure M. Jacoby, le Protecteur du citoyen,
qui nous a fait une proposition nous disant: Ce ne sont pas les pairs qui
doivent juger. Si je comprends bien, vous, vous êtes complètement
en désaccord avec cette proposition-là parce que, finalement,
ça remettrait en cause toute la démarche ou, en tout cas, ce qui
se fait présentement, à savoir que ce sont les pairs qui jugent
de la pertinence et de la compétence. Alors, vous êtes
plutôt favorable à ça et vous seriez contre le fait que le
syndic soit remplacé, par exemple, par un responsable de la
déontologie professionnelle, tel que proposé dans le rapport de
M. Jacoby.
M. Gauthier: Si vous permettez, d'abord au niveau de la
présentation qui était faite habilement, je pense, par le
Protecteur du citoyen, c'était une excellente analyse juridique,
c'est-à-dire que ses interrogations portaient surtout sur des principes.
On sait que, par exemple, dans d'autres institutions... On a parlé du
Conseil de la magistrature et d'autres choses. On remarque que, là
aussi, il y a une bonne partie de ce travail-là qui est fait par les
pairs. Entre autres, les juges sont jugés par leurs pairs. Il arrive
à l'occasion qu'il y a une personne du public. Mais, pour avoir
été membre du Conseil de la magistrature, déjà,
représentant le Barreau, je peux vous assurer que, des plaintes, on en
recevait, et malgré le fait qu'il y avait des gens du public qui y
siégeaient.
Le Barreau n'est pas nécessairement opposé à
ça. Je pense qu'il va en discuter comme tel plus longtemps avec le
ministre et avec le président de l'Office pour voir si on ne peut pas en
venir à une entente à ce sujet-là. Mais de là
à tout regrouper à l'intérieur d'institutions comme on a
parlé, du commissaire à la déontologie, si vous voulez,
c'est tout simplement rapatrier ce qui existe déjà et le replacer
dans une structure gouvernementale. Ça va avoir exactement le même
type d'effet et, évidemment, là les coûts vont être
encore beaucoup plus multipliés que ce que propose l'Office. J'en
demeure convaincu. Là vous allez assister à une inflation
excessivement rapide et, l'efficacité, je suis loin d'être
convaincu qu'il va y en avoir. Écoutez, quand vous avez 40, par exemple,
comités de discipline qui siègent entre toutes les corporations
professionnelles puis à des dates différentes, puis vous avez un
tribunal, je peux vous dire que vous allez avoir des délais qui vont
être énormes, des coûts, aussi, qui vont être
énormes pour la part des citoyens qui devront le subir, ça. Je ne
dis pas que l'étude qui est proposée par M. le Protecteur du
citoyen n'est pas intéressante, ne mérite pas réflexion,
ne nous aidera pas à avancer dans le dossier. Au contraire, je pense que
c'est une étude qui est bien faite, mais au niveau pratique j'ai
beaucoup de difficulté à l'associer avec la politique
gouvernementale actuelle qui est de couper les coûts, qui est de
rationaliser, qui est de faire performer.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le
député de Rimouski. Alors, en conclusion, M. le ministre. Vous
avez quand même deux, trois minutes pour...
M. Savoie: Merci, Mme la Présidente. On pense que,
effectivement, au niveau des demandes reçues, des demandes retenues pour
enquête, ça suit la tendance générale, sauf que,
comme j'ai mentionné, il y a une activité importante chez vous.
Pourquoi est-ce que vous ne publiez pas les résultats des
enquêtes? Pourquoi est-ce que vous ne publiez pas les résultats,
justement, des conciliations qui se font chez vous?
M. Gauthier: J'ai de la difficulté à comprendre
votre question.
M. Savoie: Les enquêtes qui se règlent chez vous,
par exemple, pourquoi est-ce que ça ne sort pas dans le rapport annuel?
Pourquoi est-ce que vous ne présentez
pas, finalement, le résultat de votre travail? Parce que vous
faites un travail considérable. C'est méconnu. Moi-même, je
n'ai pas accès à ces documents-là. Ce serait
intéressant de le savoir. Ce serait intéressant, je pense, que
ça soit présenté. Je pense qu'il y a une...
Une voix: C'est ce dont M. Guimont parlait.
M. Savoie: Oui, c'est ça, mais... Si M. Guimont veut
répondre.
M. Guimont: C'est parce que c'est très difficile. Quand on
ouvre un dossier, habituellement, on l'intitule «Enquête et
information», mais on ne sait pas exactement ce que le citoyen veut. Il
faut le recontacter. Finalement, c'est tout un problème de gestion et de
qualification de nos dossiers. Alors, en fermant un dossier, on devrait
probablement peut-être le qualifier davantage pour que ça
reflète mieux notre travail et que ce soit des statistiques plus
fiables.
M. Savoie: C'est ça, oui. Ce qu'on constate, c'est que,
souvent, le travail est méconnu de la part du grand public, même
qu'on a de la misère à obtenir les informations. Là, on va
changer ça avec le projet de loi. On va en avoir de l'information pour
justement la présenter au public, pour qu'on puisse constater que,
effectivement, il y a du travail valable qui se fait sur le terrain avec le
mécanisme actuel. Il va également y avoir des modifications
importantes. On ne se contentera pas de publier des chiffres. On va modifier
les structures, vous pouvez être sûr de cela.
M. Gauthier: Oui, mais, M. le ministre, si vous le permettez, je
ne suis pas certain, moi, qu'on a besoin d'amendement à la loi pour
avoir plus d'informations.
M. Savoie: Non, non, mais on va insister, là.
M. Gauthier: Dans cette perspective-là, c'est, je pense,
un travail administratif. M. le président de l'Office sait
l'énergie qu'on y met et, d'année en année, ça
s'améliore. Alors, c'est très perfectible. Le seul autre
problème qu'il faut quand même vous souligner, c'est toute la
notion du secret professionnel. Ça, il faut faire bien attention
à y avoir accès.
M. Savoie: Ah oui, mais on parle de chiffres, là, on ne
demande pas de publier les noms et les résultats. Par exemple, au niveau
des...
M. Tremblay (Rimouski): Quand un avocat est radié, on le
sait.
M. Savoie: ...enquêtes réglées...
M. Gauthier: Oui, mais, quand on ne donne pas suite à une
enquête, on ne le publie pas, ça, que tel avocat a fait l'objet
d'une enquête ou des choses comme ça.
M. Savoie: Ce qu'on demande, essentiellement, c'est d'avoir... Je
pense que ce serait intéressant pour le Barreau de présenter les
données. Vous êtes syndic depuis combien de temps au Barreau?
M. Guimont: Ça va faire 13 ans... M. Savoie: 13 ans
déjà! M. Guimont: ...et je survis.
M. Savoie: Ha, ha, ha! C'est bien, ça. J'imagine que,
à ce niveau-là, la notion, par exemple, d'un comité des
plaintes, ce que je constate, c'est que vous voyez ça comme une
montagne, les coûts élevés, quelque chose
d'élaboré. On a examiné ça assez en détail,
dans les chiffres, et je voudrais que ça soit clair pour la
députée de l'Opposition. Ça fait plusieurs fois qu'on lui
dit, et on va lui répéter encore. On a examiné le
coût du comité des plaintes, et on a dit, d'une façon
très claire, que, si c'est pour coûter des millions, ce n'est pas
ça qu'on cherche à faire. On ne cherche pas à multiplier
les structures. Ce qu'on cherche à faire, c'est d'avoir quelque chose
qui fonctionne bien à un coût raisonnable. Un coût
raisonnable, on vous l'a indiqué, évidemment, il va y avoir des
échanges avec vous sur cet élément-là. Mais on
pense que c'est essentiel pour l'apparence, pour la transparence, pour le
Barreau, pour les corporations professionnelles, que le citoyen puisse avoir un
accès à d'autres choses qu'un avocat, qu'il puisse être
entendu et qu'il puisse échanger. Je pense que c'est fondamental. C'est
quelque chose qui est absolument nécessaire, à ce moment-ci,
à cause des difficultés, et on va certainement établir un
mécanisme qui va être léger dans le sens que les
coûts ne seront pas énormes. On a eu l'occasion, par exemple,
d'échanger avec une corporation professionnelle qui l'évaluait,
comme vous, à 1 000 000 $... non, à plusieurs centaines de
milliers...
M. Gauthier: Oui, mais est-ce que je peux vous faire mon
évaluation très simple?
M. Savoie: Non, ça ne donne rien parce que j'en ai cinq
pages, moi aussi, mais il va certainement y avoir des rencontres et des
échanges là-dessus.
La Présidente (Mme Hovington): C'est parce qu'il reste une
minute.
M. Savoie: Oui, c'est ça. Je ne pourrai pas, à ce
moment-ci... Mais tout simplement pour vous rassurer, en quelque sorte, en vous
disant qu'on n'a pas pu toucher à plusieurs autres
éléments de votre mémoire: la réglementation, les
autres structures, l'impact, par exemple, des articles 45 et 55, tels que
proposés. On
constate, évidemment, que, sur plusieurs éléments,
ça va. On constate que, sur d'autres, il y a des modifications qui sont
demandées. Ce que je peux vous dire, c'est que, évidemment, on va
tenir compte, de façon importante, du mémoire du Barreau. Et ce
qu'on demande au niveau, finalement, de la participation du Barreau, qui est
toujours importante lors de la présentation d'une réforme, c'est
de constater que, effectivement, on doit s'ajuster vis-à-vis l'opinion
publique, que c'est fondamental et qu'il est impossible de voir ou de
prétendre à un maintien du statu quo. (12 heures)
En terminant, Mme la Présidente, c'est que, ce matin, on est
parti un peu sur le financement de l'Office et l'intégrité de
l'Office. Je peux vous dire que les mécanismes vont faire en sorte, dans
le projet de loi, que d'aucune façon l'Office n'aura à courir
après de l'argent. On a laissé sous-entendre peut-être que
ça va être dans une loi fiscale oui, oui et que la
perception se fera probablement par un autre ministère, probablement le
ministère du Revenu, c'est ce qui est proposé à ce
moment-ci, et qu'effectivement le gouvernement va faire un chèque
de...
Mme Caron: Le même ministre.
M. Savoie: Ah! Bien, c'est tout simplement le hasard. Et on
comprend une certaine hésitation de la part de certaines corporations
professionnelles à ce niveau-là mais, avec les changements et une
fois qu'on va avoir présenté les deux côtés de la
médaille, je pense que ça ne présentera pas de
difficultés. Au niveau des consultations, on a fait sortir les
consultations qu'on a effectuées auprès du Barreau...
Mme Caron: Mais ça ne dépasse pas le micro!
M. Savoie: ...entre autres, sur l'ensemble du projet de loi. Je
comprends que, sur une période de trois ans, vous avez peut-être
oublié jusqu'à quel point les corporations professionnelles ont
été consultées pour la présentation de ce projet de
loi. Je vous remercie, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Hovington): C'est bon de le rappeler
parce qu'on dit que la mémoire a six mois; en politique, en tout
cas.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Hovington): Alors, merci aux membres du
Barreau d'avoir bien voulu venir présenter leur point de vue aux membres
de la commission. Bonne journée!
M. Gauthier: Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Hovington): J'inviterais l'Association
des archivistes du Québec inc. à bien vouloir se préparer
à prendre place, s'il vous plaît.
Je ne voudrais bousculer personne, mais j'inviterais tout de suite, s'il
vous plaît, les gens à libérer la place pour que
l'Association des archivistes du Québec puisse...
M. Beaudoin (Marc): Bonjour, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, bonjour. Si vous
voulez bien vous présenter pour les fins du Journal des
débats.
Association des archivistes du Québec inc.
(AAQ)
M. Beaudoin: D'accord. Je suis Marc Beaudoin, je suis
président de l'Association des archivistes du Québec et vous
avez, à ma gauche, Mme Louise Ga-gnon-Arguin, qui est membre de notre
comité des affaires professionnelles, membre émérite de
notre association et qui, outre son titre de professeure à
l'École de bibliothéconomie et des sciences de l'information de
l'Université de Montréal, a été l'auteure d'une
importante étude sur l'évolution de l'archivistique tant au
niveau de la profession que de la discipline au Québec depuis 1960.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, bonjour et bienvenue
à la commission de l'éducation. Vous avez 10 minutes pour nous
résumer votre mémoire.
M. Beaudoin: Mme la Présidente, si vous le permettez,
j'ouvrirai la présentation simplement en présentant l'Association
des archivistes du Québec, et Mme Gagnon-Arguin présentera
l'essentiel des recommandations de notre mémoire. l'association des
archivistes du québec a été fondée en 1967. elle
compte plus de 500 membres qui oeuvrent dans différents secteurs
d'activité. soulignons, au passage, que 34 % de notre membership vient
des secteurs publics, que ce soit le milieu de l'enseignement, hospitalier, de
la fonction publique en général et du secteur privé, 27
%.
Nos membres offrent aux organismes et à leur clientèle des
services liés à la gestion de leur information, qu'elle soit
produite ou reçue dans le cadre du mandat de ces organismes, à
consigner sur un support quel qu'il soit et quelle qu'en soit la valeur
légale, administrative, financière ou permanente de
recherche.
L'Association offre à ses membres des services propres à
assurer le développement, l'enrichissement et la promotion de leur
profession et de leur spécialité. C'est ainsi que, depuis sa
fondation, l'AAQ s'est dotée de moyens pour répondre aux besoins
de ses membres et pour assurer un meilleur service à la
collectivité:
description de tâches, formation, perfectionnement, code
d'éthique, structure adéquate, dont un comité des affaires
professionnelles.
Par ses différentes actions, l'Association s'implique dans la
recherche et le développement de la discipline dans les institutions
d'enseignement. De plus, l'AAQ assure la représentation de la profession
dans la société québécoise et auprès des
corps publics. C'est d'ailleurs à ce titre que nous venons vous
présenter aujourd'hui notre mémoire.
Forts d'une expertise tirant ses fondements dans les plus anciennes
civilisations, les membres de l'AAQ sont passés d'une formation
basée sur l'apprentissage, comme les avocats, à un enseignement
de niveau universitaire. Cinq universités québécoises
dispensent une formation de premier cycle au niveau du certificat et deux
universités donnent une formation au niveau de la maîtrise.
D'ailleurs, ces diplômes sont maintenant nécessaires pour occuper
une fonction d'archiviste ou de gestionnaire de documents. C'est donc dans ce
contexte que l'Association vient présenter son point de vue sur
l'évolution des professions et leurs répercussions sur le Code
des professions.
Mme Gagnon va compléter le dossier.
Mme Gagnon-Arguin (Louise): Notre mémoire, très
modeste par rapport à celui qui nous a précédé,
veut présenter, en fait, trois aspects du sujet qui nous
intéresse. On a d'abord, dans notre mémoire,
présenté les archivistes comme modèle d'évolution
des professions, on aurait pu le faire pour plusieurs autres professions. Et,
ici, j'utilise le terme «profession», mais non dans un contexte du
Code. Aussi, nous voulons rappeler le nouveau contexte d'évolution des
professions et, peut-être un peu en aparté et je me permets
de régler le problème tout de suite souligner le
dépôt d'un autre projet de loi actuellement, le projet de loi sur
la protection des renseignements personnels dans le secteur privé qui
implique, et peut-être pas tout à fait assez explicitement
à notre avis, la protection de ces renseignements dans les bureaux de
professionnels.
Donc, je rappelle le premier point de notre mémoire,
l'évolution des archivistes comme modèle d'évolution de ce
que j'appellerais «les nouvelles professions». D'abord, il y a un
regroupement dans une association, un apprentissage au métier qui se
fait par le travail dans le milieu et qui, ensuite, évolue vers la
reconnaissance de connaissances pour exercer le domaine d'activité, le
code d'éthique et la hiérarchisation des tâches, qui permet
de distinguer les gens qui occupent une tâche de professionnel et
d'autres qui occuperont une tâche dite de technicien, et une
définition du rôle social.
On s'aperçoit, donc, que toutes les nouvelles professions suivent
un chemin qui les conduit à se doter d'à peu près les
mêmes moyens que se donnent les professions reconnues. Le nouveau
contexte d'évolution que nous avons souligné, c'est d'abord une
nouvelle reconnaissance qui est celle du marché du travail qui
reconnaît, elle, un niveau professionnel, et qui le reconnaît par
le biais des syndicats. Il existe, le Syndicat de professionnels du
gouvernement, et vous l'avez dans beaucoup d'autres organisations. Donc, le
marché du travail reconnaît un type de professionnels et, ce type
de professionnels, on le reconnaît sur une base de formation,
généralement une formation de premier cycle universitaire. (12 h
10)
II y a aussi un autre phénomène, c'est les aspirations
dites professionnelles d'un très grand nombre d'occupations qui veulent
assurer un bon service. On peut aussi dire qu'elles aspirent à une
reconnaissance professionnelle parce que, socialement, c'est bien vu, mais je
pense qu'il y a plus que cela. Il y a quand même un désir d'une
reconnaissance, quand même ce serait juste pour se distinguer du
professionnel de la chaussure et du professionnel de la pizza; il y a quelque
part un désir légitime, je pense, d'avoir une certaine
reconnaissance et, d'autre part, cette incapacité et peut-être
aussi la non-volonté, par manque de moyens et par toute la lourdeur que
ça suppose, d'être géré par le Code. Donc, pour
toutes les autres dites professions, il y a un cul-de-sac devant lequel elles
sont acculées. On dit: Oui, on peut utiliser le terme
«professionnel», on le voit bien à différentes
sauces, mais pour plusieurs d'entre nous, plusieurs catégories de ces
nouveaux professionnels, la structure actuelle de l'Office et du Code ne nous
permet pas, donc, d'avoir accès à une reconnaissance, disons, une
reconnaissance sociale, puisqu'on ne peut pas aller, éventuellement,
à la reconnaissance légale.
Donc, notre recommandation veut, demande qu'on libère le terme
«professionnel». Dans ce sens-là, on ne veut pas dire qu'on
l'enlève, mais peut-être que, bon, je pourrai tout à
l'heure, si vous le voulez bien, par vos questions, élaborer un petit
peu plus sur le modèle possible à suivre. On demande que le terme
«profession» ait une autre reconnaissance que celle de la
reconnaissance légale. On est très bien conscients que
l'idée est neuve, qu'elle n'est pas articulée suffisamment
encore, mais, en tout cas, on veut au moins vous exprimer ce nouveau besoin,
cette nouvelle réalité du marché du travail à
côté de laquelle passe la structure actuelle de l'Office et du
Code. Au fond, on cherche un équilibre entre le service des uns et les
aspirations légitimes des autres. C'est, en gros, notre
mémoire.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup.
M. le ministre, vous avez la parole. Vous avez dix minutes pour
échanger avec nos invités.
M. Savoie: Merci, Mme la Présidente. Votre association est
présente au Québec depuis 1967. C'est exact?
Mme Gagnon-Arguin: C'est ça, oui.
M. Savoie: Oui, 500 membres, c'est quand même assez
imposant comme structure. Vous nous dites qu'au niveau du projet de loi vous
voulez avoir des modifications en ce qui concerne, par exemple, la protection
des renseignements. Le titre «professionnel», j'ai de la
misère à saisir exactement comment on pourrait traduire ça
au niveau de la réforme.
Mme Gagnon-Arguin: Bon. Remarquez que, nous, ce qu'on constate,
c'est que, d'un côté, vous avez le Code des professions, l'Office
des professions, des professionnels reconnus selon la loi, reconnus comme tels
par la loi et qui, eux, doivent assurer la protection du public. De l'autre
côté, on se dit: II y a des associations dites
professionnelles.
M. Savoie: Comme la vôtre.
Mme Gagnon-Arguin: Comme la nôtre, mais qui n'ont aucune
reconnaissance. Je regarde combien d'associations se donnent le titre
d'«association professionnelle». Au fond, on s'aperçoit
qu'accrochée au terme «profession» il y a toute une
reconnaissance sociale. Se dire «association professionnelle»,
c'est se dire plus qu'une association tout court. Nous, on n'a pas encore
accolé le terme «professionnelle» à notre
association, mais on se demande s'il n'y aurait pas une possibilité
d'une certaine reconnaissance qui, à mon avis, ne serait quand
même pas dans le Code actuel et l'Office actuel, mais qui serait une
structure; c'est-à-dire à moins qu'on élargisse la mandat
de l'Office.
M. Savoie: Ah! oui, je comprends. Vous comprenez que lorsqu'on
marque «professionnel», de plus en plus, ce que ça veut
dire, à l'exception du «professionnel de la patate frite»,
ce que ça veut dire, en gros, c'est qu'il y a, par exemple, une
assurance-responsabilité, qu'il y a des vérifications
professionnelles effectuées par un syndic, et bientôt, qu'ils
paient le fonctionnement de l'Office des professions. Ha, ha, ha! Tous ces
petits plaisirs de la vie, quoi!
Mme Gagnon-Arguin: On a tout vu ça. Non, ça ne nous
tente pas.
M. Savoie: Finalement, ça lui donne une connotation assez
particulière dans le sens de surveillance. Là, vous dites: Est-ce
qu'il y a moyen que l'expression «professionnel» puisse être
étendue, finalement, à d'autres occupations qui ne sont pas, en
tant que telles, dans l'organigramme du monde professionnel des
corporations?
M. Beaudoin: On est conscients que notre profession, comme
beaucoup d'autres professions je pense aux archéologues qui ont
aussi une formation universitaire qui, de par leur vocation, n'ont pas
la même importance sociale que les avocats, les médecins,
où c'est vous et moi qui sommes affectés si un médecin
fait mal son travail, etc.. Comme citoyens, on doit avoir des mécanismes
de recours, de protection. Ce que le Code des professions a voulu
établir, je pense que c'est bon, et on est tout à fait d'accord
avec ça.
À notre niveau, on est conscients là, je parle
comme archiviste que si on a à conserver les documents ou si on
se rend compte que certains types de documents, en vertu de la Loi sur les
archives, en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels,
qu'ils soient privés ou publics, que ce soit l'accès à
l'information aussi, donc, si, en vertu de ces lois qu'on s'est donnés,
au Québec, pour organiser notre information, il y a des choses qui se
font, ça n'enlèvera pas la vie à quelqu'un, ça ne
lésera peut-être pas les droits collectifs mais, au bout du
compte, oui, ça va léser les droits collectifs à long
terme de nos descendants qui, eux, quand ils vont vouloir faire l'histoire de
ce qu'on a fait de nos jours, ne pourront pas le faire parce que, sciemment, il
y a des personnes qui se seront peut-être arrogé un titre qu'elles
n'avaient pas parce qu'elles n'avaient pas la formation.
Nous autres, notre objectif, sans aller jusqu'à rechercher les
avantages et les inconvénients de l'incorporation au sens du Code des
professions de notre profession d'archiviste, c'est qu'il y ait, pour ce type
de professions qui n'ont peut-être pas de connotation, excusez
l'expression, de danger ou d'importance, mais qu'il y ait une façon de
reconnaître que ce sont des gens qui ont dû avoir une formation
quand même rigoureuse pour appliquer ce travail et que n'importe qui ne
peut pas se dire archiviste simplement parce que, lui, il aime ça
l'histoire, puis ça lui tente de travailler dans les archives.
Il s'agit, à ce moment-là, d'une reconnaissance
professionnelle qui permette que ces professionnels-là, ces gens qui ont
investi dans leur formation au même titre que les avocats, au même
titre que les autres professions, ils puissent dire: Oui, j'ai une profession,
j'ai une formation qui me permet d'aspirer à avoir des emplois reconnus,
et non pas qu'on engage n'importe qui sous prétexte que ça
coûte trop cher, etc. C'est un peu ça, là, l'objectif qu'on
vise. On pourrait peut-être prévoir une espèce de
mécanisme à deux niveaux, à deux structures, qui
permettrait d'être plus souple pour des professions dites plus larges,
qui n'ont peut-être pas la même connotation. Puis, je pense qu'il
faut respecter ce volet-là de connotation de sécurité du
public qui est dans le Code des professions, mais il faut aussi, je pense,
s'assurer que le public, que la collectivité puisse s'assurer que les
autres professionnels...
Je prends sciemment l'exemple des archéologues. Vous savez
très bien qu'un archéologue, qu'un individu qui irait
détruire un site archéologique détruirait l'histoire s'il
faisait mal son travail. Pourtant, ce n'est pas reconnu sur le plan
professionnel; et, à mon avis, sur le plan de l'histoire, il fait pire
qu'un médecin.
M. Savoie: Bon, c'est intéressant. Finalement, ça
touche un peu le débat qu'on avait vu, il y a quelques années, au
niveau de la troisième voie: regrouper les professionnels qui veulent se
structurer et s'articuler autour, non seulement de la reconnaissance du travail
qu'ils font, mais également pour la protection du public. C'est
ça? Ça rejoint un peu ce qu'on avait dit à ce
moment-là. Effectivement, dans le projet de loi actuel, on ne trouve pas
cette orientation-là. Il était de notre intention de la couvrir,
mais il y a des problèmes qui se soulèvent. Mais, écoutez,
tout se corrige. On est capable d'y réfléchir davantage et, si
vous voulez effectivement participer au financement de l'Office, il nous fera
plaisir de vous entendre de nouveau.
Mme Gagnon-Arguin: On pourrait vous proposer des choses.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup.
M. Savoie: Et d'avoir un syndic, bien sûr.
La Présidente (Mme Hovington): Je reconnaîtrai
maintenant Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Comme vous avez vu,
l'aspect qui intéressait le plus le ministre à la fin, c'est
d'avoir plus de professions pour payer le financement de l'Office. Je vais
juste me permettre une petite remarque. Tantôt, le ministre nous a
parlé de ses consultations. Il nous avait bien dit que ça
dépassait le micro. Alors, c'est un petit peu plus bas que le micro,
vous pouvez en rajouter une autre pile, ça va aider, M. le ministre.
Vous allez être obligé de baisser le micro. (12 h 20)
M. Beaudoin et Mme Gagnon-Arguin, vous apportez évidemment un
débat intéressant. Et c'est évident qu'au niveau du nombre
vous avez même plus de membres que beaucoup de corporations
professionnelles reconnues dans le Code. Je pense, par exemple, aux podiatres
qui, en 1991, étaient 95; les audioprothésistes, 142; les
techniciens dentaires, 303, et les urbanistes, 524. Donc, au niveau du nombre,
vous avez effectivement un nombre suffisant au niveau des corporations
professionnelles.
Ça m'amène aussi à la première constatation
que j'avais faite lorsque j'ai eu ce dossier: vous avez des professions qui ne
sont pas seulement des nouvelles professions. Je pense, par exemple, aux
enseignants et enseignantes du Québec. Je suis une ex-enseignante. J'ai
toujours cru que les enseignants et les enseignantes, c'était
effectivement une profession. C'est une profession, mais on ne retrouve pas les
enseignants et les enseignantes parmi les 41 corporations professionnelles au
Québec. Et, pourtant, les actes qui sont posés ont des
répercussions sur tout l'avenir, puisque c'est la formation des jeunes
du Québec. On a, comme société, à s'interroger sur
cette notion de «professionnel» et je pense que votre
mémoire est intéressant à ce chapitre-là.
Vous disiez tantôt, Mme Gagnon-Arguin, qu'il était minime,
votre mémoire, mais ce n'est pas juste une question de volume, c'est une
grande question, une question extrêmement importante. Et, au niveau du
modèle à suivre, il va falloir dégager des pistes de
solution.
Vous abordez aussi dans votre mémoire un autre
élément extrêmement important: la protection des
renseignements personnels. Les craintes de certaines corporations
professionnelles sont à l'effet que la loi 68 ne sera peut-être
pas en harmonie, et il va falloir que ça soit en harmonie avec ce qui va
être proposé au niveau de la réforme du Code des
professions. Là-dessus, je pense que ça va être important
de retenir ce que vous nous avez dit.
Au niveau du modèle à suivre, vous nous avez dit: Si vous
avez des questions un peu plus précises sur le modèle à
suivre... Pour vous, selon les premières pistes de solution qu'on
pourrait dégager, qu'est-ce que vous souhaiteriez?
Mme Gagnon-Arguin: Est-ce qu'on est autorisés à
poser des questions, nous aussi?
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Gagnon-Arguin: Est-ce qu'on peut imaginer changer le nom ou
ajouter au nom du Code et au nom de l'Office un terme qui pourrait être
«agréé»? Le terme qui me vient, c'est toujours
«profession reconnue». Je pense que ce n'est peut-être pas
très élégant dans un titre; donc, il faudrait trouver
autre chose. «Agréé», on a déjà les
comptables agréés. Mais si, déjà, on avait une
appellation qui distinguait vraiment les professionnels qui sont reconnus par
la loi de ceux qui sont reconnus par le marché du travail...
L'autre jour, j'étais appelée comme témoin expert
dans une cause qui opposait à la ville de Montréal l'appartenance
syndicale d'un groupe d'archivistes. On devait soutenir que les gens qui
étaient là étaient des professionnels. Eh bien, toute
notre argumentation et je pense que même la défense
était un peu d'accord avec nous était: Pour que ce soit un
professionnel, dans ce cas-là, c'était quelqu'un qui avait une
formation de premier cycle dans un domaine x, donc dans le domaine pour lequel
on l'engageait. Donc, le marché du travail reconnaît
déjà un niveau.
L'important dans ça, je pense, c'est d'avoir des balises claires
comme celles que le Code nous donne pour les professions reconnues. Je pense
que ça pourrait être une des possibilités et, à ce
moment-là, on irait avec cette autre réalité du
marché actuel, qui n'était pas là en 1973, parce que tout
l'éclatement, évidemment, de la formation et de l'enseignement
universitaire, entre autres, a fait qu'on arrive avec une quantité de
diplômes.
On me disait qu'à Montréal, pour ne donner qu'un exemple
de Montréal, je pense qu'il y avait 80 professions qui faisaient
partie... mais professions qui sont là à cause de leurs
connaissances. «Connaissances reconnues» étant une
reconnaissance de premier cycle. Donc, pour moi, ce n'est pas
nécessairement beaucoup plus que ça, dans un premier temps. C'est
peut-être de définir, si vous voulez, dans le titre, ces
professions reconnues qui pourraient être éventuellement des
professions dites agréées. Et, ensuite, il y aurait place
que ce soit soumis, à ce moment-là, à une loi ou pas, il
faudrait voir pour cette reconnaissance des autres professionnels qui
sont peut-être, actuellement, en plus grand nombre que ceux qui sont
reconnus effectivement.
Mme Caron: Oui. L'élément que vous apportez, au
niveau de la reconnaissance générale qui se fait habituellement,
parce que c'est un diplôme de premier cycle universitaire, nous avons des
corporations professionnelles où il y a des études
collégiales...
Mme Gagnon-Arguin: Oui.
Mme Caron: Alors, ce n'est pas évident, non plus.
Mme Gagnon-Arguin: Oui. Mais, pour celles-là, c'est
souvent le bien du public qui... Ce sont des corporations qui touchent au
domaine de la santé; donc, je pense que là aussi ça se
définit bien.
Mme Caron: Est-ce que vous croyez, un petit peu comme le ministre
le disait tantôt, qu'il pourrait y avoir finalement trois voies, trois
sortes de professions qui seraient régies et que la base, en tout cas,
ça devrait être au moins, lorsqu'il y a profession et
là je ne dis pas corporation, lorsqu'il y a profession il y a
automatiquement code de déontologie et on s'assure aussi d'une certaine
protection du public?
Mme Gagnon-Arguin: Je pense qu'il faut avoir absolument la
formation, qu'il faut une association suffisamment forte, qu'il y ait un code
de déontologie, parce que ce sont les conditions, et que la profession
soit bien définie, son rôle social. C'est aussi important d'avoir
bien défini quel bien du public on défend ou on sert. Et on
réalise que tous les domaines d'activité qui s'en vont vers la
profession ont fait ça, mais ils arrivent toujours dans un cul-de-sac.
Je pense que la quantité de demandes qui se rendent à l'Office,
c'est la preuve qu'il y a des aspirations, mais comme c'est la seule voie,
bien, on se dit: S'il n'y a pas ça, il n'y a plus rien d'autre. Il y a
vraiment, là, un problème. Le marché du travail a
changé depuis 1973, mais on reste avec la même structure qu'on
avait en 1973 pour ce marché x.
Mme Caron: Je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. le ministre, en
conclusion.
M. Savoie: En conclusion, Mme la Présidente, c'est qu'ils
ont touché un problème, là, qui, je pense, mérite
toute notre attention, qu'on a dû mettre de côté dans cette
réforme parce qu'on avait de la misère à évaluer le
concept, dans le sens que... C'est-à-dire, c'est la fameuse
troisième voie. Alors, c'était de dire: Bon, bien, les organismes
qui sont reliés à la protection du public, comme les
archivistes... Les archivistes, finalement, ont très peu de relations
avec le grand public, travaillent avec des organismes, sont souvent à
l'emploi d'un autre... On n'affiche pas qu'on est archiviste, puis quelqu'un...
Ils jouent un rôle social, sentent le besoin de se protéger entre
eux, de développer une infrastructure.
Ce qu'on cherche, c'est quelque chose de léger parce que,
finalement, on n'a pas le même problème avec les archivistes, par
exemple, au niveau des échanges du public, qu'on a, par exemple, avec
les infirmiers et infirmières, les médecins, le Barreau, la
Chambre des notaires, des choses comme ça. Il n'y a pas cette même
relation, mais ce qu'ils veulent, finalement, ils veulent une reconnaissance
pour le rôle social qu'ils jouent, d'une part; d'autre part, ils veulent
également être reconnus comme professionnels, parce que ce sont
des professionnels en grande partie et, troisièmement, ils veulent
s'assurer que cette reconnaissance se traduise par l'imposition de certaines
obligations sur les membres de leur association. D'eux-mêmes, ils ne
peuvent pas arriver, puis commencer à faire des vérifications,
puis dire à un tel: Tu exécutes mal ton emploi au niveau
professionnel; tu n'as pas, par exemple, les qualifications qui s'imposent pour
exécuter ton mandat et, en conséquence, tu n'as pas le droit de
participer à cette corporation.
Finalement, ce qu'ils disent, c'est: On est tout à fait
prêts à assumer les obligations en autant que nous avons certains
droits également. On avait examiné ça et, malheureusement,
on n'a pas pu le retenir dans notre réforme, mais on va certainement y
revenir. Et puis, c'est comme je vous l'ai dit, Mme la Présidente,
là, on a du monde qui veut, qui insiste pour payer de l'argent
ha, ha, ha! pour voir au fonctionnement de l'Office des professions, ce
qui n'est pas méchant.
Mme Gagnon-Arguin: II me semble qu'on n'a pas dit ça dans
notre mémoire. Ha, ha, ha! (12 h 30)
M. Savoie: Et cette troisième orientation... Parce que,
finalement, notre structure va avec des gens qui ont des actes
réservés, il y en a un autre groupe qui ont des titres
réservés et là, finalement, on a un groupe qui veut tout
simplement avoir une structure beaucoup plus légère que ce qui
existe ailleurs pour être capable, finalement, de développer un
code de déontologie, un syndic, mais avoir une surveillance pour savoir
que ce n'est pas
n'importe qui qui pourra se lever puis se dire archiviste. C'est
ça, le problème... lorsqu'ils n'ont pas de contrôle, par
exemple. Ça a bien du bon sens et on partage avec eux leur souci.
Je peux vous dire qu'au début il était de mon intention de
voir à créer quelque chose. C'est parce que le mécanisme
est difficile et peut-être qu'on sera en mesure, à ce
moment-là... Je ne dis pas que c'est exclu du projet de loi, ce n'est
pas ça que je suis en train de vous dire. Si on est capable de trouver
quelque chose de rapide à ce moment-ci, sans s'embarquer dans une longue
consultation, parce que c'est quelque chose de majeur, le Conseil
interprofessionnel va être là-dedans, l'Office, toutes sortes de
monde... Mais, certainement, il y a quelque chose qui va venir. On sent le
besoin se dessiner de plus en plus.
La Présidente (Mme Hovington): D'accord.
M. Beaudoin: Soyez assuré, M. le ministre, que
l'Association des archivistes serait tout à fait disponible pour
travailler avec vous à la création de cette troisième
voie.
M. Savoie: Parfait. Alors, je dépose ça dans ma
mémoire.
La Présidente (Mme Hovington): Et c'est enregistré.
Alors, merci d'être venus nous présenter votre mémoire
à la commission de l'éducation. Bonne journée!
J'inviterais maintenant l'Association professionnelle des informaticiens
et informaticiennes du Québec à bien vouloir venir prendre
place.
Nous allons suspendre quelques secondes pour vous laisser le temps de
vous installer.
(Suspension de la séance à 12 h 32)
(Reprise à 12 h 33)
La Présidente (Mme Hovington): Nous recevons l'Association
professionnelle des informaticiens et informaticiennes du Québec.
Bienvenue à la commission de l'éducation. Si vous voulez bien
vous présenter pour fins de transcription des débats.
Association professionnelle des informaticiens et
informaticiennes du Québec (APIIQ)
M. Dupuis (Clermont): Je voudrais vous présenter, à
mon extrême gauche, Mme Esther Ross, qui est administratrice de notre
association, qui est aussi conseillère au directeur des technologies de
l'information à la Société de l'assurance automobile du
Québec; M. Roger Robert, ici, à ma gauche, qui est aussi
administrateur de l'Association et conseiller en gestion et systèmes
informatiques au ministère du Revenu du gouvernement du Québec;
à ma droite, ici, M. Claude Isabelle, qui est président sortant
de l'Association, qui travaille au ministère de la Santé et des
Services sociaux au gouvernement du Québec, et, enfin, moi-même,
Clermont Dupuis, président de l'Association, je suis professeur au
Département d'informatique à l'Université Laval.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, vous avez 10 minutes
pour nous résumer votre mémoire.
M. Dupuis: D'accord. Peut-être la première chose, je
voudrais vous présenter très, très brièvement
l'Association; dans un premier temps, la mission de l'Association. Je me
permets de lire rapidement, ici. Le premier élément, c'est
d'intervenir dans notre champ de compétence pour que l'informatique
contribue de façon efficace et sécuritaire au
développement social, économique et culturel de notre
société, la société québécoise; de
veiller aussi à la formation d'informaticiens professionnels
compétents, responsables; promouvoir une pratique selon des
règles d'éthique professionnelle et, enfin, réaliser dans
cet esprit une corporation professionnelle des informaticiens et
informaticiennes du Québec.
Comme bref historique de l'Association, notre association a
été fondée en 1986. Présentement, on compte environ
1100 membres professionnels. Ce que je pourrais ajouter, c'est qu'on a fait, au
printemps de 1992, une demande formelle de constitution en corporation
professionnelle. Présentement, l'Office des professions étudie
notre dossier.
Je voudrais tout de suite faire une mise en garde avant d'aller plus
loin au niveau du mémoire. Je voudrais vous indiquer que, dans le fond,
notre réflexion a porté beaucoup plus sur les grands principes
plutôt que sur les modalités, au niveau de l'avant-projet de loi.
Alors, les principes généraux qui ont guidé notre
réflexion sont les suivants. C'est d'abord, d'une part, et c'est
extrêmement important, que la protection du public doit demeurer
l'objectif fondamental; tantôt, on pourra en discuter. On voudrait
peut-être élargir ce concept de protection du public.
On veut aussi un système professionnel québécois
capable d'évoluer et de s'adapter à la réalité de
la société québécoise; une plus grande transparence
de la part des corporations professionnelles; une implication plus grande aussi
de la part du public ça, au niveau de l'avant-projet de loi, on
en parle et je dirais une plus grande efficacité du
système professionnel.
Au niveau des caractéristiques du système professionnel
québécois actuel, de notre chaise à nous, il nous semble
que notre système est plutôt fermé. On a beaucoup de
difficulté, on a l'impression qu'on y retrouve des chasses
gardées et on a un peu de misère à vivre avec ça.
D'un autre côté, on veut et on a fait une demande pour constituer
une corporation professionnelle.
On se dit qu'en tant qu'informaticiens on a de la misère à
fonctionner sans qu'il y ait constitution d'une telle corporation.
Au niveau du système professionnel québécois, on a
l'impression qu'il y a des difficultés d'adaptation. On a l'impression
que ça ne va pas au même rythme que la société
québécoise évolue.
Et un dernier élément, c'est concernant la portée
illimitée du concept de protection du public. Là, je voudrais
juste, très rapidement, vous donner un petit exemple qu'on me
présentait dernièrement. Imaginons le système
professionnel québécois comme étant une maison, la
nôtre, celle à laquelle on tient beaucoup, on voudrait la
protéger. Une première façon de le faire, c'est
peut-être d'avoir un système d'alarme. Si jamais le feu prend, on
aura au moins l'indicateur pour nous dire que notre maison est en péril.
Mais il y a aussi d'autres façons de protéger cette
maison-là, entre autres, d'avoir un système de chauffage, un
système électrique, etc., qui sont au point et corrects. Vous
voyez, ce concept de protection du public, on a l'impression qu'on pourrait le
développer davantage.
Rapidement, je voudrais, comme dernier élément de
réflexion, vous parler des catégories de corporations
professionnelles. Comme vous le savez sûrement, une première
catégorie que l'on retrouve, c'est à titre réservé
et exercice exclusif. Lorsque, nous, on a fait notre demande à l'Office
des professions pour former une corporation, on a exclu automatiquement cette
catégorie professionnelle pour plusieurs raisons. Vous savez comme moi
que l'informatique, c'est une discipline très, très jeune. Les
premiers diplômes universitaires sont... Je prends l'Université
Laval que je connais un peu plus, il y a 25 ans, aux environs. C'est une
discipline qui, je dirais, a évolué avec l'aide d'autres
disciplines et je pense qu'avec une telle catégorie de corporation
professionnelle on aurait beaucoup de difficultés. On ne pourrait plus,
dans le fond, autant partager avec les autres disciplines comme on le fait un
peu présentement. Donc, l'exercice exclusif pour nous, c'est une
rigidité et un cloisonnement qui est contraire à
l'évolution de notre discipline.
Autre élément. Il faut voir aussi qu'on subit des
pressions énormes, soit au niveau de la discipline, au niveau de notre
association, de la part d'autres corporations professionnelles ou de la part
d'autres associations professionnelles. Donc, lorsqu'on est une association
professionnelle comme la nôtre, c'est dur de... je dirais... je vais
utiliser le mot «lutter» pour définir notre champ de
pratique et, dans le fond, de le faire évoluer.
Si je regarde maintenant le titre réservé seulement, il a
un avantage, ça nous accorde une reconnaissance professionnelle. Et,
ça, on rejoint un petit peu la présentation qui a
été faite tantôt, ça permet de définir un
champ de pratique professionnelle. Ça, c'est très positif, sauf
que ça n'empêche personne de pratiquer la profession. Donc, si
notre objectif, c'est de protéger le public, même avec un titre
réservé, il n'en restera pas moins qu'un peu M. Tout-le-Monde,
Mme Tout-le-Monde pourra pratiquer dans le domaine de l'informatique sans
nécessairement avoir les compétences.
Une autre interrogation qu'on a face au titre réservé
seulement, c'est un peu la viabilité. On regarde un peu les corporations
professionnelles existantes qui ont le titre réservé seulement et
il y a des difficultés au niveau, par exemple, de la rentabilité,
de la viabilité de ces corporations. (12 h 40)
Donc, à notre sens à nous, ces deux catégories de
corporations professionnelles sont appelées à disparaître,
ou à tout le moins dans leur façon d'être aujourd'hui. Et
on propose une nouvelle catégorie on n'est pas les premiers
à proposer cette nouvelle catégorie de corporation
professionnelle c'est une corporation à titre
réservé et actes exclusifs. Pour nous, c'est, dans le fond, une
façon d'aller réfléchir davantage sur ce qu'on entend par
la pratique professionnelle, aller beaucoup plus dans le détail et
définir quels sont les actes qui sont vraiment exclusifs et quels sont
les actes qui, dans le fond, pourraient être posés par des
professionnels de différentes disciplines qui peuvent être
connexes à l'informatique, par exemple.
Moi, je suis professeur à l'université et j'ai à
collaborer avec des professionnels de bien des disciplines, et la collaboration
interdisciplinaire, pour moi, c'est essentiel. L'informatique est
peut-être une des disciplines, justement, où on collabore beaucoup
avec des gens d'autres professions.
Autre élément qui vient militer en faveur de cette
nouvelle catégorie: ça nous permettrait, dans le fond,
d'alléger, à mon sens, la gestion du système professionnel
actuel parce qu'on a l'impression qu'on a, j'allais dire, un gâteau, et
puis, le gâteau, c'est l'ensemble des champs de pratique, dans le fond,
les différentes corporations professionnelles. On a l'impression qu'il y
a toujours des luttes pour essayer d'agrandir le champ de pratique de chacun,
alors que, si on définissait des actes exclusifs, ça nous
permettrait, dans le fond, aussi, de pouvoir travailler, nous, en tant
qu'informaticiens, avec des ingénieurs, avec des médecins, avec
des gens de différentes disciplines. Il y aurait peut-être moins
de luttes fratricides, je dirais. Ha, ha, ha!
Autre chose: Ça nous permettrait aussi de faciliter la
redéfinition des champs de pratique des professions. Je pense que,
ça, c'est extrêmement majeur, parce que les professions
évoluent très rapidement et il faudrait être capable de
redéfinir, et ce, très facilement, ces champs de pratique. Donc,
si on poussait davantage sur cette réflexion-là, j'ai
l'impression qu'on aurait plus de facilité.
En conclusion, nous, les recommandations qu'on fait, c'est qu'il
faudrait, je pense, un système professionnel québécois
avec une capacité accrue d'adaptation à notre
société. On voudrait aussi une nouvelle charte des professions
qui est redessinée sur la base des actes posés et sur la base
d'une nouvelle catégorie de corpora-
tion professionnelle, celle qu'on vous a présentée; une
redéfinition aussi du concept de protection du public. Et, enfin, dans
le fond, les enjeux économiques, sociaux et culturels qui sont
inhérents à notre discipline sont majeurs et je pense qu'il faut
poursuivre la réflexion à ce niveau-là. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Dupuis.
M. le ministre, vous avez la parole.
M. Savoie: Oui, merci, Mme la Présidente. Alors,
finalement, c'est un peu la même orientation que le mémoire
précédent, c'est-à-dire: on a une formation universitaire,
on occupe une partie importante au niveau de notre fonction économique,
on a un rôle social, également, à jouer et ce qu'on
constate, c'est qu'avec un peu plus d'attention on serait en mesure d'avoir une
structure professionnelle au Québec qui représente plus la
réalité si on était capables de faire des
aménagements en conséquence. Ça va un peu, comme je
l'expliquais... J'imagine que vous avez su, au travers des explications qu'on a
fournies au niveau des archivistes, voir l'élément qui est
fondamental.
Donc, c'est ça! une autre gang pour l'Office ha, ha, ha!
et les frais de fonctionnement de l'Office, le CIQ. On recherche
ça parce que, finalement... Ce n'est pas le statut social. En tout cas,
je ne le vois pas comme ça. Il y en a qui pensent que, bon, c'est
relatif au statut social; je ne crois pas, c'est au niveau de son statut
professionnel. C'est ça qu'on veut, on veut protéger davantage le
titre. On veut, par exemple, qu'une personne qui s'appelle informaticien,
informaticienne puisse avoir un minimum d'assurance, bon, au niveau de la
protection du public, au niveau de son intégrité, qu'il y a une
vérification qui se fasse, que ce ne soit pas laissé au large et
que n'importe qui puisse s'appeler «informaticien». C'est ça
qu'on veut protéger, on veut protéger l'intégrité
de son emploi, et c'est louable. C'est louable, c'est tout à fait
louable.
Une question que je me posais dans ce sens-là, c'est que vous
êtes un peu, par exemple, comme certaines corporations professionnelles
qui travaillent, en emploi, qui étaient là en 1973... Vous n'y
étiez pas, pour une raison quelconque, en 1973. S'il y avait la
reconnaissance professionnelle, évidemment, on ne demande pas que tous
les informaticiens et informaticiennes fassent partie de votre corporation
professionnelle. Ça serait finalement une corporation professionnelle
à titre réservé, essentiellement, avec peut-être
certains actes. Je ne sais pas là. C'est ça?
M. Dupuis: Dans le fond, c'est qu'il y a certains actes que
l'informaticien est à même de poser, où là,
vraiment, c'est des actes exclusifs. À notre avis, là, on
devrait... Ce qu'on a aujourd'hui, là, une pratique exclusive. Par
contre, il y a beaucoup d'autres actes, par exemple, que l'ingénieur,
que le gestionnaire, que les gens d'autres professions ont à poser; ils
peuvent aussi poser ces actes-là dans l'interdisciplinarité.
M. Savoie: II y a une affaire que je voudrais que ce soit bien
clair pour tout le monde. Ça veut dire que, par exemple, IBM serait
obligée d'utiliser des membres de la corporation des informaticiens?
M. Dupuis: Si, dans son entreprise, elle a besoin, je dirais, de
gens qui ont à poser des actes exclusifs, par exemple, de
développer des systèmes informatiques parce que c'est un
peu ça notre pratique professionnelle des systèmes
informatiques qui engagent, par exemple, la vie du public, etc., bien, je pense
qu'il va falloir faire une réflexion approfondie là-dessus; et,
là, IBM devrait engager des membres d'une corporation
professionnelle.
M. Savoie: Elle serait obligée par la loi. M. Dupuis:
Oui.
M. Savoie: Oui, d'embaucher du monde de votre corporation
professionnelle. Le morceau est gros pas mal. Mais disons que, si on se rabat
au moins sur la notion de «corporation professionnelle»
existante... Je pense, par exemple, aux conseillers en relations industrielles,
aux conseillers en management; ça existe, ces corporations-là
où on cherche à développer, tout simplement par souci
professionnel, une vérification, des contrôles sur les membres qui
exercent dans une corporation, à développer des cours de
formation continue, finalement, de voir à ses occupations
professionnelles. Ça rencontre exactement, par exemple, l'orientation
qui a été donnée par les archivistes. Et, là
encore, c'est...
M. Dupuis: La difficulté là-dedans, c'est qu'en
informatique, vous savez, jusqu'à maintenant, les informaticiens n'ont
jamais eu de difficulté pour se trouver de l'emploi. Je pense qu'ils
n'attendent pas après la formation d'une corporation
professionnelle.
M. Savoie: Non, c'est ça.
M. Dupuis: Et, pour eux, c'est très difficile, pour une
association comme la nôtre, de fonctionner puis d'agir comme une
corporation professionnelle avec les moyens qu'on a. C'est très dur, par
exemple, de mobiliser nos gens, parce qu'ils ont bien d'autres
préoccupations. Par contre, quand on regarde l'intérêt du
public, il y a plusieurs études qu'on a examinées, et, entre
autres, on dit: Une personne qui reçoit un baccalauréat en
informatique, par exemple, de trois ans, au bout de quatre ou cinq ans, ce
baccalauréat est désuet. Alors, une de nos préoccupations
à nous, c'est des programmes de formation continue. En informatique, c'a
son intérêt peut-être encore plus que dans bien d'autres
disciplines, ça évolue à un rythme très rapide.
Mais comment moti-
ver, sensibiliser, je dirais même imposer des programmes de
formation continue à nos membres? Ce n'est vraiment pas évident.
Et c'est pour ça que, sans avoir une corporation professionnelle, on a
de la difficulté pour aller chercher tout ce monde-là.
M. Savoie: C'est ça. Vous aviez une intervention
aussi?
M. Robert (Roger): Ça allait un petit peu dans le
même sens que M. Dupuis. Je pense que sa grande humilité l'a
empêché, jusqu'à maintenant, de vous dire que les
informaticiens, entre nous, on peut se dire qu'on n'a pas besoin d'une
corporation professionnelle d'informaticiens. Malgré qu'on ait
déposé une demande à l'Office l'an dernier, si on regarde
comme il faut la question, effectivement, les informaticiens n'ont pas de
problèmes chacun dans leur coin. Mais par exemple, lors de l'examen d'un
projet de loi sur la protection des renseignements personnels au niveau du
secteur privé, là on voit tous les transferts d'information,
toutes les manipulations qui peuvent se faire à l'aide de
l'informatique. (12 h 50)
L'informatique est un outil puissant, l'information est devenue une
ressource stratégique, les informaticiens sont spécialisés
dans ce domaine-là. La demande est très forte. Non seulement il
n'y a pas de problème d'emploi, mais il y a une étude qui a
été publiée récemment par Emploi et Immigration
Canada sur la capacité concurrentielle du Canada dans le domaine du
logiciel. On sait que, le domaine du logiciel, c'est un domaine
économique important, ça fait partie des grappes industrielles du
ministre de l'Industrie et du Commerce.
M. Savoie: C'est ça, oui.
M. Robert: Nous autres, on se dit: On le demande, on le veut, le
statut de corporation professionnelle, mais c'est bien plus la
société qui en a besoin. Ce qu'on dit là-dedans, c'est
que, actuellement, il y a une certaine pénurie de ressources
compétentes et, de plus en plus, il va y avoir une pénurie
majeure. On prévoit que d'ici 1995 on va passer de 150 000 à 270
000 employés du logiciel au Canada. Les compétences sont remises
en question, les compétences plafonnent, on n'a pas de programme de
formation continue. Je pense qu'on a au Québec, dans le système
professionnel, des outils qui sont développés: on a le Code des
professions, l'Office des professions et tous les intervenants dans ce
domaine-là. Je pense qu'on devrait utiliser le système qu'on a
avec son efficacité actuelle et dire: On a une profession où il y
a des besoins de normalisation, où il y a des besoins d'établir
les compétences, où il y a des besoins de faire progresser les
connaissances et on a justement un groupe qui veut s'occuper de ça. Bon,
eh bien, bravo! Allons-y!
Il y a des problèmes économiques et sociaux, aussi, qui
sont rattachés à ça et le gouvernement ne sera pas
obligé d'investir des sommes beaucoup plus importantes que le
fonctionnement de l'Office pour, finalement, faire tout ce travail-là
que les professionnels du domaine vous proposent de faire eux-mêmes. On a
les outils pour le faire, c'était ça mon intervention.
M. Savoie: C'est ça. C'est justement ça
l'orientation de cette troisième possibilité qui existe ici et
là aux États-Unis, ce genre de structure dans certains
États, et c'est quelque chose qui doit se faire, comme je l'ai
mentionné aux archivistes. Il va falloir, un jour, s'asseoir et
créer cette infrastructure-là pour vous permettre, justement, de
développer une reconnaissance et des mécanismes de surveillance
pour vos membres. Je pense que c'est ça qui est recherché par
plusieurs et il va falloir y répondre parce que, si on n'y répond
pas, il va se développer une autre chose, et cette autre chose risque de
ne pas satisfaire des critères comme la protection du public, et on
risque de se ramasser dans des histoires assez difficiles, comme on en a vu
dans d'autres secteurs, pour éviter de les nommer.
Alors, content de savoir que vous voulez participer au financement de
l'Office et du Conseil interprofessionnel dans tout ça, et que ça
ne constitue pas un souci.
La Présidente (Mme Hovington): Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, Mme la Présidente.
Alors, M. Dupuis, M. Isabelle, M. Robert, Mme Ross, bienvenue. Moi,
à la lecture de votre mémoire, j'ai eu une perception
passablement différente de la demande précédente de
l'Association des archivistes. Je pense que la demande de l'Association des
archivistes se situait beaucoup plus au niveau d'une reconnaissance, alors que
votre demande est beaucoup plus à l'effet d'être une corporation
professionnelle. Et vos objectifs premiers, qu'on retrouve dans le
mémoire, c'est surtout au niveau de la sécurité, au niveau
de l'éthique et au niveau de la formation continue, donc, comme pour
l'ensemble des corporations professionnelles.
Je vais me permettre de vous citer parce que je pense que c'est cette
partie-là du mémoire qui définit le mieux la raison d'une
corporation professionnelle dans votre cas: «Les informaticiens ont, en
fait, des responsabilités de premier plan dans le processus de
conception et de mise en place des systèmes. Il est difficilement
acceptable pour la société que le traitement d'une ressource
stratégique, telle l'information, soit réalisé par des
intervenants qui ne sont pas toujours conscients des conséquences des
actes qu'ils posent.» Et un peu plus loin: «Quand on
considère l'importance stratégique du traitement de
l'information, il ressort clairement que le niveau de risque est beaucoup trop
élevé pour que personne ne s'en préoccupe vraiment.»
Je pense que, votre souci, c'est surtout à ce niveau-là, au
niveau des risques, au niveau de la protection. Alors, c'est pour ça
que vous avez déposé une demande de corporation
professionnelle au printemps.
Dans les explications que vous donnez à partir des
catégories qui existent actuellement, au niveau... En fait, vous auriez
tous les éléments pour être une corporation à titre
réservé, mais vous le notez très bien, et je pense que
c'est le problème de toutes les corporations à titre
réservé, le principal inconvénient, c'est l'absence d'une
obligation d'adhérer à cette corporation. En cela, la
constitution d'une telle corporation ne répond pas complètement
à l'objectif visé, c'est-à-dire celui de la protection du
public. Et c'est ce qui fait que vous ne choisissez pas cette
catégorie-là. Donc, vous proposez une nouvelle catégorie:
À titre réservé et actes exclusifs.
Ma question: Les corporations à titre réservé, si
tous les professionnels étaient obligés d'y adhérer
à partir du moment où elles sont reconnues comme corporation
à titre réservé, est-ce que ce serait satisfaisant pour
vous? Est-ce que le titre réservé vous conviendrait à ce
moment-là, si on enlevait le principal inconvénient qui est
l'absence d'adhérer à cette corpo?
M. Dupuis: Je pourrais vous dire: On a deux
préoccupations. Il y a, bien entendu, la protection du public, d'une
part, mais aussi la protection de la discipline, d'autre part. Et c'est pour
ça qu'on excluait la pratique exclusive, parce qu'on veut... Notre
discipline, je l'ai dit tantôt, elle évolue rapidement, et on veut
continuer. On veut que ça se poursuivre. Et cette
interdisciplinarité, on veut aussi que ça se poursuivre. Donc, on
a exclu automatiquement la première catégorie.
L'avantage d'avoir une corporation à titre réservé
c'est, dans le fond, la reconnaissance de la profession, aussi un outil pour
définir le champ de pratique et aussi un moyen d'attirer les
informaticiens, de les regrouper ensemble, de les sensibiliser à la
formation continue, etc. Mais, à notre sens, ce n'est pas suffisant, au
niveau de la protection du public parce que, nous, on est convaincus qu'il y a
des actes qu'un informaticien pose et que personne d'autre ne peut poser sans
mettre en péril, dans le fond, la protection du public. Et c'est dans
cet esprit qu'on propose une troisième catégorie.
M. Robert: Si je peux rajouter à ça, c'est que la
question que vous nous posez, à savoir, à titre
réservé avec obligation d'adhérer, c'est à peu
près la troisième voie qu'on vous propose. Parce que, strictement
à titre réservé avec une obligation, je ne vois pas
comment on pourrait matérialiser ça, concrétiser
ça. Mais, si on ajoute l'acte exclusif, ça veut dire qu'à
ce moment-là, pour poser un certain nombre d'actes importants, il faut
faire partie de la corporation, comme dans les corporations à exercice
exclusif, mais ça nous prend au moins cet
élément-là pour amener les informaticiens professionnels
compétents, ou qui peuvent le démontrer, à participer
à la corporation et à faire ces actes-là. Les autres, ils
seraient limités à d'autres actes moins importants et non
exclusifs.
Mme Caron: Parce que, actuellement, au niveau des corporations
à titre réservé, ces corporations ont finalement des actes
aussi bien définis. Et le seul problème, c'est que, finalement,
ils ne sont pas obligés d'y adhérer. Alors, ce que vous nous
amenez, en fait, c'est qu'il y a peut-être une catégorie qui ne
devrait peut-être plus exister, et c'est celle du titre
réservé. Il devrait peut-être y avoir deux corporations
professionnelles: celle qui existe déjà, à exercice
exclusif, et celle que vous proposez, une corporation à titre
réservé et à actes exclusifs.
M. Robert: On n'est pas aussi drastiques que ça. On est
bien conscients qu'on ne peut pas changer le système comme ça, du
jour au lendemain, c'est un système qui date de plusieurs années.
On pense que, progressivement, avec les réformes qui sont sur la table
puis les prochaines réformes on ne rêve pas en couleur non
plus il va falloir avoir une réflexion plus en profondeur par
rapport à ça.
Je pense qu'à titre réservé ça peut servir
un certain nombre de professions. Si on regarde ceux qui nous ont
précédés, moi, je ne les vois pas du tout dans la
même situation que les informaticiens. Puis peut-être qu'eux autres
seraient très, très heureux de se satisfaire d'un titre
réservé avec les choses qu'ils ont à accomplir; je ne veux
pas faire de jugement à leur place. Ce qu'on veut, c'est que le
système puisse progresser et s'adapter. On le sent actuellement trop
fermé et trop bloqué et on voudrait que dans Favant-projet de loi
il puisse y avoir des considérations qui fassent qu'on injecte
pour prendre un terme médical dans le système
professionnel québécois des éléments qui vont faire
qu'il y aura la possibilité de s'adapter dans l'avenir beaucoup plus
facilement qu'actuellement. C'est un petit peu ça. (13 heures)
Mme Caron: Vous savez, au niveau des corporations à titre
réservé, présentement, on exige d'elles les mêmes
obligations que les corporations à exercice exclusif, sans leur donner
vraiment tous les pouvoirs et tous les moyens financiers aussi d'y arriver.
Comme le ministre semblait être très pressé de vous
recevoir au niveau du financement de l'Office, alors, au niveau de la
réflexion ça va sûrement accélérer la
réflexion du gouvernement.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Merci
d'être venus nous présenter votre mémoire aujourd'hui
à la commission de l'éducation. Je vous souhaite une bonne
journée.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures cet
après-midi.
(Suspension de la séance à 13 h 1)
(Reprise à 15 h 3)
La Présidente (Mme Hovington): La commission de
l'éducation va poursuivre ses travaux en recevant, cet
après-midi, l'Ordre des dentistes du Québec. Bonjour, messieurs.
Bienvenue à la commission de l'éducation. Si vous voulez bien
vous présenter et présenter vos collègues, pour fins
d'enregistrement des débats.
Ordre des dentistes du Québec (ODQ)
M. Boucher (Marc): Avec plaisir, Mme la Présidente. Alors,
je suis Marc Boucher, le président de l'Ordre des dentistes du
Québec. M'accompagnent, à mon extrême gauche, Me
André Poupart, le conseiller juridique de l'Ordre; Dr Pierre-Yves
Lamarche, directeur général et secrétaire de l'Ordre;
à ma gauche, Dr Robert Salois, vice-président de l'Ordre, et,
à ma droite, comme il sied, le syndic de l'Ordre, Dr Paul Morin.
La Présidente (Mme Hovington): Est-ce que c'est vous qui
êtes le porte-parole, cet après-midi?
M. Boucher: Malheureusement oui.
La Présidente (Mme Hovington): Vous commencez à
avoir de l'expérience dans les commissions parlementaires, M.
Boucher.
M. Boucher: Oui.
La Présidente (Mme Hovington): Vous avez 20 minutes pour
nous présenter votre mémoire.
M. Boucher: Je vous remercie, Mme la Présidente. Alors,
Mme la Présidente, Mmes et MM. les membres de la commission, l'Ordre des
dentistes est heureux d'avoir l'occasion, en soumettant un mémoire
à cette commission parlementaire, de participer à une
éventuelle amélioration du système professionnel. De cette
occasion, Mme la Présidente, nous voulons en remercier le ministre
responsable et tous les membres de cette commission. Nous espérons que
cette rencontre n'est que le début d'un dialogue constructif qui
conduira, nous l'espérons, éventuellement, à la mise en
place de solutions viables et durables.
Je ne vous apprendrai rien si je vous dis qu'au cours des 20
dernières années le contexte a changé. Bien des facteurs
sont venus modifier ce qui était, de là la
nécessité d'une réévaluation du système. Si
le contexte a évolué, il n'en demeure pas moins que la valeur des
principes sur lesquels repose le système professionnel demeure
l'autogestion des corporations professionnelles en vue d'assurer la protection
du public. Cette fonction principale de protection du public, non seulement les
corporations professionnelles l'ont bien assumée, mais le public l'a
reconnu et a apprécié la qualité du travail accompli.
Toutefois, même si la population, dans son ensemble, est satisfaite de la
manière avec laquelle les corporations se sont acquittées de leur
tâche, il n'en demeure pas moins que tout est perfectible et qu'on doit
accorder plus d'importance à cette amélioration du
système, qu'il s'agit ici d'assurer un meilleur équilibre entre
les différents intervenants qui ont tous comme mission commune la
protection du public.
Dans cette perspective, Mme la Présidente, l'Ordre des dentistes
appuie sans réserve le mémoire du Conseil interprofessionnel du
Québec auquel il s'associe. L'Ordre, tout comme le Conseil
interprofessionnel, partage le souci du ministre et de tous les membres de
cette commission de rendre le système plus transparent, plus souple,
plus accessible et moins coûteux. Vous admettrez que vouloir rendre le
système plus transparent, plus souple, plus accessible et moins
coûteux, c'est là un projet qui demande une analyse en profondeur
du fonctionnement du système ainsi qu'une large consultation des
corporations professionnelles. Il nous apparaît, à ce moment-ci,
tout à fait inapproprié de modifier l'équilibre
fondamental d'un système qui remplit efficacement sa mission tout
simplement parce qu'à la suite d'événements conjoncturels
on a provoqué, chez certains, certaines réactions
épidermiques.
Toutefois, des améliorations ponctuelles peuvent être
apportées au Code des professions. Cela permettrait aux corporations de
mieux assumer leur mandat. Certaines propositions faites dans l'avant-projet de
loi vont dans ce sens et nous semblent souhaitables. Parmi celles-là,
l'Ordre désire souligner les dispositions de Favant-projet de loi qui
faciliteront la réalisation de notre mandat de protection du public
à l'égard des personnes qui ont exercé leur profession
hors du Québec; les dispositions de l'article 47 de Favant-projet de
loi, qui modifient l'article 117 du Code, dispositions qui rendraient
incompatibles les fonctions de président d'un comité de
discipline et de procureur des parties dans une autre instance disciplinaire;
les dispositions de l'article 149 qui, elles, modifieraient l'article 118 et
qui obligeraient les secrétaires des comités de discipline
à tenir un rôle d'audiences publiques et accessibles.
Légère parenthèse pour vous faire remarquer que l'Ordre,
comme bien d'autres corporations, a quelques réticences à ce que
le dossier du comité soit accessible et rendu public, même si vous
dites, à l'article 118.3, si ma mémoire est bonne: Toutefois, le
comité peut faire en sorte que ces documents-là ne soient pas
accessibles. Compte tenu de ce qui est contenu dans les dossiers du
comité, compte tenu des renseignements nominatifs qui y sont, nous
aimerions mieux que ces dossiers-là, le dossier du comité en
particulier, ne soient pas accessibles comme vous le proposez.
Nous voulons, de plus, faire remarquer à cette commission que
l'Ordre des dentistes du Québec est tout à fait d'accord avec la
proposition faite par le Conseil interprofessionnel du Québec
relativement à la création d'un comité aviseur au syndic.
Ce comité sur lequel siégeraient des gens du public pourrait
être consulté par
le syndic dans les affaires difficiles et donner son avis sur la
conduite à suivre. (15 h 10)
Par ailleurs, l'Ordre des dentistes exprime son opposition
catégorique à des propositions de l'avant-projet de loi qui
déséquilibreraient, quant à nous, le système
professionnel qui, de l'aveu même de l'Office, donne des résultats
plus que satisfaisants. Nos commentaires porteront sur quatre points bien
particuliers au sujet desquels l'Office a fait des propositions qui nous
inquiètent, et ce sont les propositions au niveau de la composition de
l'Office, les propositions qui feraient que les pouvoirs de l'Office seraient
accrus, les propositions relatives à l'encadrement obligatoire du
syndic. Nous ferons des commentaires sur certaines recommandations bien
spécifiques et, finalement, quelques commentaires sur notre loi
organique. Cependant, avant d'aborder ces questions, il nous apparaît
nécessaire de revoir une décision qui a fait la manchette et qui
semble avoir été l'élément déclencheur de
cet avant-projet de loi, du moins en ce qui a trait à l'administration
de la discipline. Nous voulons parler de l'affaire Samson-Bisson.
Je résume brièvement. Tout le monde la connaît,
l'affaire Samson-Bisson, mais il n'en reste pas moins qu'en toute
dernière instance le Tribunal des professions, sur lequel siègent
trois juges membres d'un tribunal de droit commun et sur lequel, j'imagine, les
syndics n'ont pas trop d'influence, ces juges de la Cour du Québec ont,
pour l'essentiel, rétabli l'évaluation des faits que le syndic de
la Corporation des médecins avait faite. Ce résultat, bien
sûr, déplorable pour la plaignante, tant au point de vue du droit
que sur le plan financier, justifie-t-il la transformation du rôle du
syndic et la modification de la règle de droit commun relative aux
débours pour l'Ordre des dentistes? La réponse est clairement
non. Les syndics peuvent se tromper. C'est la raison pour laquelle il existe
deux niveaux d'appel de leurs décisions. Par contre, tout indique que
les syndics n'agissent pas de façon arbitraire, mais qu'ils exercent
leur discrétion de façon judicieuse et à la satisfaction
des instances d'appel. Malgré cela, l'Office a fait au ministre
responsable toute une série de recommandations touchant l'administration
de la discipline et bien d'autres qui modifient de façon substantielle
l'économie du Code. Ce sont justement quelques-unes de ces
recommandations que l'Ordre veut commenter.
Parmi celles-là, certaines propositions portent sur des
modifications qui pourraient être apportées à la
composition du conseil de l'Office des professions et, aussi, sur le rôle
que veut se voir attribuer l'Office des professions. L'avant-projet de loi
propose, en effet, que des membres du public puissent siéger sur le
conseil d'administration de l'Office. Vous comprendrez, Mme la
Présidente, que, compte tenu de la présence acquise du public sur
notre conseil d'administration, sur notre bureau et sur tous les comités
de l'Ordre, nous aurions mauvaise grâce à ne pas accepter la
présence du public sur le conseil d'administration de l'Office. Combien
de personnes devront y siéger? Si on tient compte du discours
gouvernemental sur la rationalisation des dépenses publiques et de ce
que nous a dit dernièrement le président du Conseil du
trésor, il y a tout lieu de croire que toute augmentation à ce
niveau ne serait pas souhaitable. Qui devra céder sa place? Je laisse la
réponse au ministre. Par contre, si l'Office devait être
entièrement financé par les professionnels, comme le
prévoit le projet de loi 67, il serait irresponsable que des
professionnels ne siègent pas sur ce conseil, d'autant que le projet de
loi 67 ne prévoit, en aucune manière, quelque contrôle que
ce soit sur les dépenses de l'Office.
En outre de sanctionner un changement au niveau du conseil de l'Office,
l'avant-projet, s'il était adopté comme tel, permettrait
d'accentuer la mainmise de l'Office sur les corporations. Cela est manifeste et
de façon on ne peut plus claire lorsque l'on constate, à la
lecture de l'article 4 de l'avant-projet, les amendements proposés
à l'article 12 du Code. L'Office, non content d'avoir la
possibilité de se substituer aux corporations qui font défaut
d'adopter des règlements obligatoires, voudrait pouvoir formuler des
commentaires sur les règlements facultatifs et pouvoir, si on refuse
d'obtempérer à ses recommandations d'amendements, les faire
à notre place. Cela, pour l'Ordre des dentistes, c'est inadmissible. De
la même manière, l'avant-projet de loi, par son article 27 qui
modifie l'article 85 du Code, voudrait permettre à l'Office de
s'ingérer dans l'administration interne d'une corporation. Non seulement
la fonction du syndic est-elle protégée par l'exigence d'un vote
des deux tiers des membres du bureau, mais les amendements proposés
exigeraient que la corporation avise l'Office de son intention et de sa
décision. La protection du statut du syndic par l'exigence d'un vote
qualifié et le respect des principes de la justice naturelle ne
justifient, quant à nous, d'aucune façon l'intrusion de l'Office
dans une affaire de régie interne. À cela aussi, l'Ordre des
dentistes s'oppose.
Finalement, l'Office voudrait se voir attribuer des pouvoirs
d'enquête et voir les possibilités de mise en tutelle
élargies. En effet, l'Office voudrait pouvoir enquêter de son
propre chef, et cela, non seulement sur les activités d'une corporation,
mais également directement chez un professionnel. On n'a qu'à
lire le paragraphe 3 de l'article 15.2 de l'avant-projet de loi. Quant à
nous, le pouvoir d'enquête appartient au gouvernement et c'est seulement
le gouvernement qui devrait décider s'il doit y avoir enquête ou
pas. Quant au pouvoir de tutelle qu'on voudrait pouvoir élargir, l'Ordre
des dentistes n'y voit aucune espèce d'objection, mais y apporte des
conditions seulement si le rapport que l'Office fait au ministre responsable
est soumis, aussi, à la corporation qui pourrait avoir l'occasion de
réagir à ce même rapport.
Non content de se voir attribuer plus de pouvoirs, l'Office propose
l'atténuation, sinon la disparition de la discrétion du syndic,
si ce n'est du syndic lui-même, et
cela par la création d'un comité des plaintes. Nous
aurons, l'espérons-nous, l'occasion d'en discuter davantage avec tous
les membres de cette commission. Nous voulons faire remarquer à cette
commission, Mme la Présidente, que, s'il s'est avéré
jusqu'à maintenant impossible de définir la protection du public,
le Code des professions n'en contient pas moins de nombreux mécanismes
qui facilitent la réalisation du principal objectif des corporations,
c'est-à-dire la protection du public. Et je ne veux mentionner que la
formation professionnelle, le contrôle de l'admission, les
équivalences de diplômes et de formation, la formation continue,
l'assurance-responsabilité professionnelle, le fonds d'indemnisation,
l'inspection professionnelle, la publicité.
L'Ordre des dentistes l'a déjà dit, il est favorable
à la création d'un comité aviseur pour le syndic, mais il
s'oppose à la formation d'un comité d'examen des plaintes. Nous
espérons que nous aurons l'occasion de nous expliquer davantage
là-dessus. L'Ordre s'y oppose pour plusieurs raisons. Les principaux
arguments sont les suivants. Quant à nous, le syndic doit conserver
toute sa discrétion, le comité des plaintes, tel que
proposé, retarderait inutilement la solution des conflits et ne ferait
pas résoudre ce problème de transparence dont le ministre et le
gouvernement et, probablement aussi, le président de l'Office se
plaignent et le comité proposé coûterait très cher.
L'adoption du comité d'examen des plaintes, tel que proposé,
ajouterait un troisième palier d'appel en matière
professionnelle. Ce processus d'une incroyable lourdeur retiendra les services
à plein temps ou presque d'au moins cinq personnes et retardera, quant
à nous, sérieusement, la solution des litiges, sans compter la
judiciarisation des travaux de ce comité et les possibilités
d'évocation en Cour supérieure et ailleurs. Pour nous, la
solution ne demeure pas et n'est pas dans la création d'un tel
comité. Pour l'Ordre, il faudrait pouvoir investir le syndic de plus de
pouvoirs et lui donner différents moyens d'agir, dépendamment du
problème qu'il a à résoudre. (15 h 20)
L'Ordre suggère humblement à cette commission que les
comités de discipline ne puissent que servir aux fautes lourdes. L'Ordre
suggère à cette commission la création d'un comité
aviseur au syndic qui pourrait l'aider dans les cas difficiles et lui indiquer
la marche à suivre. L'Ordre propose humblement à cette commission
la création d'un comité des normes auquel on pourrait
référer les cas de compétence, lequel comité
pourrait faire une recommandation au bureau et condamner, en fait,
suggérer que le professionnel qui y comparaît puisse être
soumis à un recyclage, et, enfin, un comité d'examen des
différends. Vous n'êtes pas sans savoir que la majorité des
problèmes que vivent les consommateurs ou les clients ou les patients
avec les corporations ou les syndics, c'est: Je ne peux pas me faire rembourser
mon fric. On va vous proposer tantôt, on en discutera, un moyen d'arriver
à ce que la transparence tant souhaitée s'établisse et
que, finalement, cette malheureuse impression que l'on a que l'on s'entend chez
nous comme larrons en foire disparaisse. Bien sûr, l'Office devra faire
sa job là-dessus; le gouvernement devra faire sa job. On devra dire au
public de quoi il retourne quand on fait appel à un syndic d'un ordre
quel qu'il soit.
D'autres propositions d'amendements ont aussi été soumises
par l'Office des professions. On demande que le syndic puisse prendre une
décision dans les 60 jours. Pour nous, il nous apparaît tout
à fait incongru de substituer la qualité à la
rapidité. Comment peut-on espérer qu'un syndic puisse, dans des
cas difficiles, prendre et rendre sa décision dans les 60 jours alors
qu'on sait fort bien que, dans les cas compliqués, puisqu'on le demande,
peut-être devra-t-il faire affaire à un comité aviseur,
peut-être devra-t-il aller devant d'autres comités, comité
des normes ou autrement? De grâce! laissons les syndics faire une bonne
job. Que le comité de discipline, cependant, puisse être tenu de
rendre sa décision dans les 90 jours après la fin des auditions,
cela nous apparaît une excellente suggestion, mais, s'il vous
plaît, si vous demandez à l'Ordre et à nos comités
de discipline de prendre des décisions dans les 90 jours, pourrais-je
vous demander bien humblement de demander aussi à l'Office de rendre des
décisions dans les mêmes délais de sorte que
peut-être pourrions-nous avoir des règlements dans les 90 jours
qui suivent les dépôts à l'Office des professions? Je peux
vous dire que, chez nous, il y a des règlements pour lesquels on a
attendu. Il y a un règlement sur les spécialistes et les
spécialités. Je pense que la première version a
été transmise à l'Office dans les années
soixante-dix. On est patient, on est habitué à cela. On travaille
à la journée longue avec des patients.
Quelques considérations d'ordre spécifique, plus
particulièrement sur l'adoption des règlements telle que
proposée par l'Office des professions...
La Présidente (Mme Hovington): M. Boucher, je m'excuse. Il
vous reste à peine une demi-minute.
M. Boucher: Alors, je vais essayer de faire vite.
Étendez-moi ça.
La Présidente (Mme Hovington): Si j'ai le consentement des
deux partis, vous pouvez prendre plus de temps, mais on aura moins de temps
pour les échanges.
M. Boucher: Trois minutes de plus. J'achève. La
Présidente (Mme Hovington): D'accord.
M. Boucher: Quant à l'adoption des règlements, on a
proposé, dans l'avant-projet, un mode général d'adoption
identique à celui actuellement en vigueur. L'Ordre des dentistes est
d'accord pour que l'on conserve un processus général d'adoption
des règle-
ments. Cependant, l'intervention de l'Office dans ce processus
réglementaire devrait être limitée à la seule
question de la conformité du règlement à la loi
habilitante, tout comme, d'ailleurs, le Conseil interprofessionnel vous l'a
dit. Un deuxième mode a été proposé par l'Office
des professions. Dans ce deuxième mode d'approbation, l'Office se
substitue au gouvernement et, quant à nous, c'est inadmissible. Enfin,
un mode d'adoption qui ne prévoit ni l'approbation ni par le
gouvernement mais par l'Office, mais l'Office s'est, comme par hasard,
conservé un droit de veto et, quant à nous, c'est
inadmissible.
Quelques considérations d'ordre plus particulier sur la Loi sur
les dentistes. L'avant-projet de loi abroge les articles 23 à 25 de
notre loi relatifs à l'immatriculation. Pour nous, c'est très
important que l'immatriculation demeure. Ça nous permet de mieux
contrôler les allées et venues de ceux qui vont en
spécialité ou de ceux qui entrent dans la profession on
parle ici des étudiants et ça nous donne la
possibilité d'agir. L'avant-projet de loi, on n'y retrouve pas ce que
nous avions chez nous, la possibilité d'imposer des conditions
supplémentaires. Nous aimerions bien que cette
possibilité-là demeure.
Je remercie tous les membres de cette commission et vous, Mme la
Présidente, de votre bienveillance, d'avoir bien voulu nous
écouter. Tous ceux qui m'accompagnent sont, je l'espère bien,
à votre disposition et tout disposés à répondre
à toutes les questions que vous pourriez avoir.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup, M. Boucher.
M. le ministre, vous avez le droit de parole.
M. Savoie: Merci, Mme la Présidente. Alors, saluer l'Ordre
des dentistes, ses représentants et son président, les membres de
l'Ordre qui l'accompagnent ici aujourd'hui pour la présentation d'un
mémoire qui, je suis heureux de le constater, souscrit sans
réserve aux objectifs du projet, mais qui nous pose quand même,
d'une part, quelques critiques constructives en disant: On pourrait prendre
telle orientation plutôt que telle autre. Il nous présente
également des éléments concernant la loi en tant que
telle, en ce qui concerne les dentistes spécifiquement, et avec des
recommandations qu'on va certainement examiner.
Le gros des commentaires, si vous me le permettez, a porté sur la
discipline. Ça a fait l'objet de plusieurs interventions de la part de
plusieurs ici. On constate finalement une certaine volonté de
participer, de donner ce qu'on peut dans le principe d'indépendance de
la corporation au niveau de l'orientation du projet de loi. La tutelle, oui,
mais si elle est balisée. Je pense que c'est une bonne orientation parce
que c'est l'orientation que ça semble prendre, la baliser par le
gouvernement.
Il y a quelques commentaires au niveau du projet qui ont
été soulevés, qui peut-être pourraient faire l'ob-
jet d'interventions additionnelles. On n'a pas le temps de corriger ces
éléments-là ici. On pourrait vous en faire part. À
titre d'information, la commission pourrait être intéressée
de savoir que l'Ordre est composé de 3294 membres, qu'il a un budget de
fonctionnement de quelque 3 800 000 $. Au niveau des demandes retenues pour
enquête, bien, il y en a 160; 148 ont été
réglées et 22 ont été portées devant le
comité de discipline. L'Ordre, évidemment, est assez actif,
depuis longtemps aussi, au niveau de l'administration et de la discipline. On
va revenir là-dessus un petit peu plus tard.
Vous avez souligné qu'effectivement il faut maintenir une
certaine indépendance au niveau des corporations. C'est partagé.
Vous avez également abordé l'importance de s'assurer que la
discipline fonctionne; ça aussi, on va s'en occuper. On est très
préoccupé par le fait qu'il y a un problème et qu'il faut
s'adresser à ce problème-là et trouver des solutions. Ce
n'est pas nécessairement à cause du cas Bisson. Ça n'a pas
été vraiment l'élément déclencheur. Il y
avait des craintes, on avait déjà eu des discussions, en 1990,
sur certains problèmes du monde professionnel, entre autres la
discipline. C'est sûr que l'élément Bisson a
été un élément déclencheur. Ce qui est
intéressant dans l'affaire de Mme Bisson, ce n'est pas qu'elle avait
raison. Effectivement, lorsque ça s'est rendu en bout de piste, on a
dit: Non, non, non, ce n'est pas fondé. Ce qui est intéressant,
c'est qu'elle a pu se rendre jusque-là avant d'être
corrigée. C'est ça, l'élément qui m'a irrité
le plus dans ce dossier-là et, je pense, qui a irrité le plus le
grand public. C'est qu'il n'y avait pas de mécanisme pour l'orienter. Si
je me rappelle bien de la démarche, elle s'est rendue au syndic, le
syndic a refusé, elle s'est tapé un avocat puis elle est
allée plus haut. On a multiplié les erreurs dans ce
dossier-là de façon à ce que, finalement, elle a
supporté elle-même financièrement des coûts
importants. C'est ça qu'on veut régler avec le comité des
plaintes. C'est justement ça, l'orientation qui est donnée.
Évidemment, certaines corporations nous arrivent: Ça va
coûter très cher, c'est très lourd. Ce n'est pas le cas. Ce
n'est pas le cas du tout. Ça ne coûtera pas très cher. Si
ça coûtait très cher, on trouverait une autre solution. On
vise quelque chose qui va fonctionner à un prix très modeste. On
connaît les difficultés que vous avez au niveau des
dépenses concernant l'administration de la discipline. On est au courant
qu'effectivement on ne veut pas vous arriver puis vous imposer plusieurs
centaines de milliers de dollars de frais. C'est bien sûr. Mais on est
capable de trouver quelque chose qui est acceptable, qui va donner satisfaction
et qui va permettre aux citoyens d'intervenir directement avec d'autres
citoyens. C'est ça qu'on veut, pour éviter des
répétitions comme ça et pour satisfaire le public. Ils
l'exigent, ils ont droit le l'exiger et je pense qu'on a l'obligation de leur
rendre ce service-là.
Au niveau de l'administration, chez vous, au niveau de la discipline, on
constate effectivement qu'il y a plusieurs plaintes, mais on n'a pas les
demandes re-
çues. Est-ce que vous avez une idée du nombre de plaintes
reçues? (15 h 30)
M. Boucher: Oui. Je peux vous dire qu'à l'heure actuelle,
M. le ministre, et par vous, bien sûr, Mme la Présidente, chez
nous, maintenant, enfin, je ne vous dirai pas que ça date...
M. Savoie: Oui.
M. Boucher: ...mais on a quand même chez nous un programme
informatique qui nous permet, au jour le jour, de savoir combien de plaintes
ont été reçues...
M. Savoie: Oui.
M. Boucher: ...où elles sont rendues...
M. Savoie: Combien?
M. Boucher: ...ce qu'on a fait avec et ce qu'il en est
advenu.
M. Savoie: D'accord.
M. Boucher: Finalement, si vous vous adressiez chez nous demain
matin...
M. Savoie: Oui.
M. Boucher: ...nous pourrions vous dire: Voici: au mois de
janvier, on a eu 42 plaintes, je crois je vous donne un nombre
hypothétique...
M. Savoie: Oui. C'est ça.
M. Boucher: ...il y en a tant d'entre elles pour lesquelles un
dossier a été ouvert.
M. Savoie: Oui, oui. Mais, je veux dire, sur une base d'une
année, à peu près, combien vous en avez? 2000?
M. Boucher: Quelque... M. le syndic... À peu
près...
M. Savoie: 3000?
M. Boucher: Non, non.
M. Savoie: 1500? Des demandes d'information...
M. Boucher: Ah bien, là...
M. Savoie: ...et de plaintes en même temps sur lesquelles
vous faites un tri préliminaire.
M. Boucher: Des demandes, des griefs, parce que les demandes
d'information...
M. Savoie: Les demandes écrites, on les a, là.
Ça, ça va.
M. Boucher: Oui, mais, les demandes, je ne sais pas combien de
fois le téléphone sonne chez le syndic. Il est plus en mesure que
moi de vous le dire.
M. Savoie: Oui.
M. Morin (Paul): II y a énormément de demandes
d'information. On aide beaucoup de gens.
M. Savoie: Oui.
M. Morin (Paul): On intervient dans certains litiges, des
malentendus. On ne fait pas une comptabilité de tout ça.
M. Savoie: À peu près?
M. Morin (Paul): J'ai deux personnes qui reçoivent
sûrement en moyenne une dizaine de téléphones par jour.
M. Savoie: Donc, à peu près 2000, 2500, 250
journées de travail. C'est à peu près...
M. Morin (Paul): Oui. Mais ce n'est pas des plaintes. Il
faut...
M. Savoie: Non, non. Mais c'est des demandes d'information, si le
tarif a été trop cher, si telle chose relève de la
responsabilité d'un dentiste, si le fait qu'on est obligé
d'attendre deux mois, des fois, pour aller voir tel dentiste plutôt que
tel autre, des choses comme ça. Finalement, c'est l'interface que vous
avez avec le public sur une base de plaintes et demandes d'information qui
pourraient donner naissance à une plainte. Je parle de 2500 à peu
près, de 2000.
M. Morin (Paul): C'est-à-dire qu'on reçoit... Au
bureau du syndic, on reçoit à peu près tout ce qui ne va
pas ailleurs.
M. Savoie: C'est ça.
M. Morin (Paul): Tous les appels du public sont dirigés
vers le bureau du syndic. Alors, on essaie d'aider les gens. On écoute
les problèmes...
M. Savoie: Ça donne à peu près
ça.
M. Morin (Paul): ...sauf que, ce qui donne ouverture à une
plainte, quand les gens nous donnent une information à l'effet qu'il
peut se passer une situation anormale, à ce moment-là, on la
considère comme une information qui peut donner ouverture à une
enquête.
M. Savoie: D'accord. Alors, 2000? À peu près.
M. Boucher: Je n'ai pas...
M. Savoie: Un chiffre, un chiffre rond, là?
M. Boucher: Je ne voudrais pas vous donner un chiffre qui ferait
votre affaire pour prouver l'hypothèse que vous avez envie d'avancer par
après, pour dire: Eh bien, là, tu sais...
M. Savoie: Ça n'a rien à voir avec
l'hypothèse que je veux avancer par après.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boucher: Je vous vois venir avec vos gros sabots, là.
Ha, ha, ha!
M. Savoie: Non, non. C'est un échange qu'on a constamment
avec les différentes corporations. On essaie d'évaluer,
finalement, les demandes d'information. C'est toujours la même chose, je
veux dire, vous ne faites pas exception dans ce milieu-là...
M. Boucher: Non, non.
M. Savoie: ...c'est toujours la même chose. Il y a 2000
personnes, 2500, qui peuvent appeler dans une année, qui peuvent avoir
un échange. Vos chiffres de 160 demandes retenues pour enquête,
c'est-à-dire des plaintes écrites...
M. Boucher: Oui, mais, M. le ministre... M. Savoie:
...c'est normal, ça aussi.
M. Boucher: M. le ministre, il ne faudrait pas que vous
confondiez entre des demandes de renseignements et que vous concluiez, à
partir des demandes de renseignements, que ce sont là des demandes de
renseignements qui pourraient peut-être éventuellement aboutir
vers une plainte. Ça, ce serait trop facile. Quand on veut savoir si le
dentiste je-ne-sais-pas-qui est disponible, est-ce qu'il y a un
spécialiste à telle place...
M. Savoie: Oui, oui, on a...
M. Boucher: Comme l'a dit le syndic, tous les
téléphones d'information aboutissent chez lui.
M. Savoie: C'est ça. On n'appelle pas le syndic, dans ce
temps-là.
M. Boucher: Oui, mais ça... Il faudrait peut-être
avoir une meilleure répartition, un meilleur... comment dire...
M. Savoie: Oui. Mais là, ce qu'on cherche finalement,
c'est à peu près ça, une dizaine... Ça va,
ça, dans le cadre de l'ensemble des corporations professionnelles. On a
eu les arpenteurs-géomètres qui, eux, comptabilisent ces
données-là, je crois, si ma mémoire est fidèle.
C'est arrivé à peu près à ça. Le monde joue
là-dedans. Le monde appelle et le nombre de personnes, ça joue
dans ces chiffres-là. Ça nous donne une constante pour l'ensemble
des corporations professionnelles. Vous ne faites pas figure à part et
je ne voudrais pas que vous vous sentiez sur la défensive avec cette
donnée-là.
M. Boucher: Loin de là. Je vous assure qu'on n'est pas
habitués à ça, nous autres, la défensive.
M. Savoie: Alors, on parle à peu près de ça,
2000, 160 retenues pour enquête, vous en réglez 148. C'est
beaucoup, 148 de réglées et 22 portées devant le
comité de discipline. Alors, ça donne ce que ça donne.
Ça veut dire que, finalement, le syndic, chez vous, est une personne qui
est assez...
M. Boucher: Pardon?
M. Savoie: ...une personne qui est assez active.
M. Boucher: Oui.
M. Savoie: Oui. Quelqu'un qui fonctionne. Au niveau du syndic,
vous savez qu'on est en train d'examiner des mécanismes pour assurer un
peu l'indépendance du syndic vis-à-vis de la corporation. On est
en train d'examiner ou de voir si la corporation peut, par exemple,
établir son mécanisme pour le choisir, l'identifier et,
après ça, il pourrait y avoir un mécanisme de
ratification. En cas de destitution, également, en cas de formation, on
voudrait une espèce de prise en charge. Je me demande si le syndic est
d'accord avec cette orientation ou si...
M. Morin (Paul): Qu'il y ait un mécanisme de ratification
vis-à-vis de l'engagement ou...
M. Savoie: Oui.
M. Morin (Paul): ...des conditions de travail?
M. Savoie: Pas nécessairement à l'Office, mais
ça pourrait être l'Office. Ça pourrait être aussi
comme ça, rapidement, sans trop de réflexion, par exemple
peut-être le Tribunal des professions qui pourrait faire cette
démarche, peut-être quelqu'un d'autre, pour, justement, s'assurer
que le syndic maintienne une certaine impartialité
vis-à-vis...
M. Morin (Paul): On ne peut pas être contre cette
idée, définitivement. C'est la vertu.
M. Savoie: Vous seriez en faveur de ça?
M. Morin (Paul): Bien oui.
M. Savoie: L'Ordre aussi, je suppose?
M. Boucher: Oui. Mais j'imagine, M. le ministre, que vous ne
pensez pas résoudre le problème de la transparence en nommant un
syndic qui soit dentiste et que, de ce fait...
M. Savoie: Non, non.
M. Boucher: ...les gens ne disent pas: Ils sont en train de
s'arranger ça entre eux autres. Ce sera toujours un dentiste.
Malheureusement, je ne pense pas qu'on puisse avoir un
vétérinaire pour entendre des problèmes de dentistes. Que
vous vouliez faire ratifier la nomination du syndic par le Tribunal des
professions, par qui vous voudrez, peu nous importe. L'important, c'est qu'on
veut que les gens, lorsqu'ils ont une plainte à porter chez nous,
qu'elle soit examinée avec tout le sérieux possible, mais qu'ils
ne s'imaginent pas, une fois que le syndic a rendu sa décision, qu'il a
pris ça au hasard, en tirant les cartes sur le bord de la table et il
dit: C'est le 10 qui est en avant; aujourd'hui, c'est le dentiste qui est
coupable! Ce n'est pas de même que ça marche. Il examine ça
sérieusement puis il fait sa job judicieusement.
M. Savoie: Ça marche. C'est beau. Là-dessus, je
pense que ça va, je pense qu'il y a une volonté
d'améliorer le rendement et la perception vis-à-vis du public est
généralisée. Je pense que la majorité des
corporations étaient d'accord pour dire qu'il faut s'assurer que le
public soit sensible aux efforts qui se font.
Vous avez été syndic combien de temps, à l'Ordre
des dentistes?
M. Morin (Paul): Deux ans et demi. M. Savoie: Deux ans et
demi? M. Morin (Paul): Oui.
M. Savoie: Deux ans et demi. Est-ce que vous êtes satisfait
du fonctionnement chez vous?
M. Morin (Paul): Je pense que oui. M. Savoie: Vous pensez
que oui.
M. Morin (Paul): Tout étant à considérer. Je
suis peut-être mauvais juge de mon propre travail. Je pense qu'on essaie
de faire... on fait le mieux possible avec les outils qu'on a,
évidemment, les outils légaux, les outils financiers.
Écoutez...
M. Savoie: Qu'est-ce qui vous empêche, finalement, d'avoir
un bon rendement, par exemple?
M. Morin (Paul): Un meilleur rendement... M. Savoie: Un
meilleur rendement.
M. Morin (Paul): C'est qu'on ne s'entend pas, je pense, avec le
public ou avec les gens qui nous regardent travailler quant à
l'opportunité de faire la discipline, d'apprêter la discipline
à toutes les sauces. Nous, on voit la discipline comme étant un
moyen de faire notre travail. On voit que les gens ont une mauvaise perception.
Les gens qui s'adressent à nous autres ont l'impression qu'on a un
comité de discipline qui est une espèce de tribunal qui va les
entendre, qui va régler leur problème, qui va régler leur
conflit.
Nous, on prend ça... La discipline, on sait ce que c'est. C'est
très, très sérieux, c'est très lourd, comme
procédure. On essaie d'assurer une certaine protection du public avec
ça. Ce n'est pas toujours... Ça nous échappe, la
discipline. Une fois qu'on est embarqué dans la procédure, on
doit permettre au professionnel, évidemment, de se défendre et
c'est eux autres... Rendu là, le syndic est au même point que le
dentiste intimé ou le professionnel qui est de l'autre
côté. On constate qu'il y a une mauvaise perception des
corporations à cause de la discipline. On est ici pour ça, on
voudrait que la discipline fonctionne mieux, sauf que ce n'est pas de notre
contrôle. C'est une procédure judiciaire qui est supervisée
par la Cour supérieure. Il y a un tribunal d'appel. Tout est bien mis en
place, mais c'est le système judiciaire. Ce n'est pas les corporations
qui font la discipline, ce n'est pas nous qui judiciarisons. C'est
judiciarisé. On a d'autres... Évidemment, pour faire progresser
le débat, Dr Boucher vous parlait de certaines propositions qu'on peut
vous faire, qu'on voit, nous, qui peuvent nous aider à exécuter
notre mandat si les lois sont un petit peu amendées pour nous donner un
petit peu de chances à ce niveau-là.
M. Savoie: D'accord. Alors, au niveau du fonctionnement, selon
vous, c'est suffisant. Vous avez les budgets, vous avez le personnel, vous
êtes capables de...
M. Morin (Paul): Oui.
M. Savoie: ...bien fonctionner au sein de l'Ordre. (15 h 40)
M. Morin (Paul): Oui, mais il faut considérer... Je peux
vous dire un chiffre. Vous savez ce que ça a coûté au
syndic, les dernières années. Le syndic dépense, en
experts et en avocats, 250 000 $ par année. Il faut quand même
accepter le fait que c'est beaucoup d'argent et il faut accepter le fait qu'il
y a une administration et il y a quand même des contraintes à
respecter de ce côté-là, ou une certaine
réalité. Mais, pour ce qui
est des finances...
M. Savoie: M. Boucher, finalement, pour les dépenses,
syndic, discipline, conciliation et arbitrage, 400 000$?
M. Boucher: Encore, tout dernièrement, je ne dis pas qu'on
s'attendait à cette question-là de votre part, mais, comme par
hasard, on se préparait. Vaut mieux aller à la guerre bien
préparés. On faisait une étude de coût par secteur.
Grosso modo, la discipline, quand on compte la secrétaire du
comité de discipline, les salaires du syndic, des personnes qui y
travaillent, les frais d'avocats pour qui «the sky is the limit»,
c'est 600 000 $ chez nous, par année, qui sont dépensés
à ce niveau-là, pour ne pas entendre beaucoup de plaintes et,
finalement, avancer à pas de tortue. C'est pour ça que, de bonne
foi, nous vous proposons des mécanismes qui feraient que les griefs qui
nous sont soumis, qui se transforment en plaintes, seraient entendus beaucoup
plus rapidement. Comme le soulignait le syndic, je pense qu'il ne faut pas
être grand clerc pour s'imaginer que, lorsque vous amenez un cas devant
le comité de discipline, vous savez quand vous commencez mais vous ne
savez jamais quand vous allez finir.
On vient d'avoir, chez nous, le cas d'un dentiste dont nous avions
reconnu l'incompétence. La cause avait été entendue et la
sanction prononcée chez nous, au tribunal de discipline, en 1984 ou
1985. On va recommencer, là, parce qu'il a perdu en Cour
supérieure, au Tribunal et en Cour d'appel. Et là, on va le
réentendre, évidemment en essayant de récupérer les
gens qui étaient là à ce moment-là parce qu'il faut
l'entendre avec les mêmes personnes qui y siégeaient. Pendant sept
ans, il a oeuvré dans La Prairie, distribuant à gauche et
à droite le même genre de services pour lesquels le comité
de discipline ne l'avait pas jugé trop, trop compétent. Alors, M.
le ministre, si cette personne-là avait pu, comme nous vous le
proposons, être déférée à un comité
qui aurait jugé de sa compétence et qui lui aurait dit: Vous, le
docteur, c'est un cas de recyclage et ça presse; et, si vous n'y allez
pas, votre licence, bingo, il n'y en a plus, là, on agirait, là,
le public serait protégé. Le restant, c'est de la bouillie pour
les chats.
Et votre comité des plaintes, en passant, c'est bien pire que de
la bouillie pour les chats. Il n'y a même pas un chat qui se respecte qui
voudrait de ça. Vous dites que ça ne coûtera pas cher? Vous
faites partie d'une corporation dont vous n'avez eu que des éloges au
sujet du mémoire. Ces gens-là sont venus vous dire: Chez nous, on
reçoit 1200 plaintes par année. Ils vous ont également
dit: 60 d'entre elles se ramassent au comité de discipline. Si on suit
ce qui est dit dans l'avant-pro-jet, il y a donc 1140 de ces mêmes
demandes d'enquête qui auraient dû être soumises à ce
comité d'examen des plaintes. Y avez-vous pensé
sérieusement? Je ne sais pas c'est qui, la personne qui vous a
suggéré pareil moyen, mais, je vais vous dire une affaire, il
n'est pas pressé et il ne sait pas compter trop, trop. Il ne faut pas
être grand clerc et il ne faut pas avoir pris un cours des HEC pour
comprendre que ça va coûter les yeux de la tête.
M. Savoie: II y a des corporations professionnelles qui ont
appuyé le comité des plaintes. Le mécanisme n'est pas si
lourd que ça. Il faudrait avoir un mécanisme beaucoup plus
léger et qui va donner satisfaction, finalement, à quelqu'un qui
se plaint contre un professionnel, de n'avoir affaire qu'à un
professionnel et il va être capable, en plus, si la réponse est
négative... S'il ne croit pas ou comprend mal sa question, il va
être capable de s'adresser à un autre groupe qui va être
capable de lui formuler une réponse...
M. Boucher: M. le ministre...
M. Savoie: ...qui ne sont pas professionnels.
M. Boucher: ...à moins que je ne lise mal, avant de
conclure qu'une demande d'enquête ne justifie pas de porter une plainte
devant le comité de discipline, le syndic ou le syndic adjoint doit,
dans les cinq jours de la fin de son enquête, demander l'avis du
comité des plaintes. Ça n'exclut pas grand-chose envers les
demandes d'enquête au sujet desquelles le syndic dit: Je pense qu'il n'y
en a pas. Il ne le sait pas, mais il dit: Oups! Avant de dire ça, cinq
jours avant, comité des plaintes, dites-moi donc ce que vous en pensez.
Et le deuxième paragraphe dit: Dans les 60 jours, ils se
réunissent, tout ce beau monde, ils peuvent faire témoigner le
syndic, le syndic adjoint; autrement dit, ils font la job de Paul Morin.
M. Savoie: Ah bien non!
M. Boucher: Bien, M. le ministre...
La Présidente (Mme Hovington): Votre temps est
écoulé, M. le ministre.
M. Savoie: Oui, c'est ça. Il faudrait voir ça comme
un avant-projet, et on a fait une certaine évolution au cours de la
présente commission. Malheureusement... On aura l'occasion de reprendre
parce que j'ai l'intention d'échanger avec l'Ordre des dentistes
spécifiquement là-dessus.
M. Boucher: Ça, c'est une suggestion que je retiens. Mme
la Présidente, permettez-moi de dire que j'espère grandement que
le ministre nous recevra pour examiner les propositions que l'on a faites.
M. Savoie: Parfait!
La Présidente (Mme Hovington): Son engagement est
même inscrit, enregistré et tout.
M. Savoie: Enregistré.
La Présidente (Mme Hovington): On fera sortir les
galées...
M. Boucher: Je vais le lire avec plaisir. Des voix: Ha,
ha, ha!
La Présidente (Mme Hovington): Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Boucher,
MM. de l'Ordre des dentistes, vous nous faites effectivement certaines
propositions intéressantes pour améliorer le système
actuel. Vous voulez donner davantage de pouvoirs au syndic, de moyens. Le fait
d'avoir un système peut-être un peu différent au niveau des
fautes lourdes et au niveau des fautes légères, puisqu'il
semblerait qu'il y a effectivement beaucoup plus de demandes au niveau des
fautes légères qu'au niveau des fautes lourdes... Vous nous avez
parlé aussi... Chez vous, souvent, il peut y avoir des problèmes
au niveau, peut-être, des... Vous avez abordé le problème
de l'argent, peut-être, au niveau des honoraires. Donc, est-ce qu'il y
a... Au niveau du mécanisme d'arbitrage des comptes, au niveau de la
conciliation, est-ce qu'il y a des efforts qui sont faits de ce
côté-là?
M. Boucher: Oui, mais, voyez-vous, Mme la députée,
le comité de conciliation et d'arbitrage des comptes, dans son
état actuel, ne permet qu'une conciliation se fasse qu'au sujet des
honoraires. Ce que nous proposons en ajout à cela, c'est qu'il puisse y
avoir médiation entre le syndic, la plaignante ou le plaignant et le
professionnel responsable, qu'on puisse voir si, finalement, au sujet de
l'argent qui a été servi et demandé et d'un service qui ne
fait pas tout à fait l'affaire du plaignant ou de la plaignante, que le
syndic puisse faire des recommandations et que, si ça ne devait pas
aboutir, ce cas-là soit référé justement au
comité de conciliation et d'arbitrage des comptes qui, lui, devra rendre
une décision finale. Il faut arrêter que ces
problèmes-là se promènent d'un à l'autre. Il faut,
à un moment donné, que quelqu'un prenne une décision et
dise: Vous avez raison, monsieur ou madame, ou vous avez tort ou raison,
monsieur ou madame le ou la professionnelle. C'est dans ce sens-là que
l'on dit que, si on pouvait avoir ce genre de mécanisme à notre
disposition, il est clair et net que la perception qu'a le public de la
manière dont ces plaintes sont traitées ne serait plus la
même. Je le dis et je le redis, l'Office des professions et le
gouvernement devront faire ce qui doit être fait pour informer le public
de la manière dont les choses fonctionnent au niveau d'un tribunal de
discipline. Le tribunal de discipline, ce n'est pas la Cour des petites
créances, ce n'est pas la Cour supérieure, ça n'accorde
pas des dommages civils, ça ne fait rien de ça, mais ça
aide, ça veut aider et ça va aider le public qui fait appel
à nos soins.
Mme Caron: Concernant le comité des plaintes qui est
proposé dans l'avant-projet de loi, évidemment, vous n'êtes
pas les seuls à vous y opposer. Toutes les corporations professionnelles
ont mentionné qu'elles s'y opposaient. Elles parlent toutes plutôt
d'un comité avi-seur ou consultatif. On a le Protecteur du citoyen aussi
qui est venu ce matin et qui n'appuie pas un comité des plaintes tel
qu'il est proposé dans l'avant-projet de loi puisque ce ne serait
qu'alourdir la procédure.
On se parle évidemment d'un comité qui pourrait consulter,
un comité consultatif. L'Ordre des optomé-tristes a fait une
autre suggestion. En maintenant le comité consultatif, il disait: II
faut aussi donner une tribune pour la personne qui est insatisfaite d'une
décision et qui ne voudrait pas faire une plainte privée avec
toutes les conséquences financières possibles d'une plainte
privée. Alors, ils nous proposaient, eux, un ombudsman, un protecteur
qui serait limité uniquement aux cas où le plaignant veut une
vérification extérieure, externe. Qu'est-ce que vous en pensez?
(15 h 50)
M. Boucher: À première vue, moi, je n'ai pas
d'objection à ça. Il y a une autre suggestion au sujet de
laquelle on m'a entretenu. Ce serait une espèce d'enquête
préliminaire qui pourrait être faite par le président du
tribunal de discipline et par les gens qui l'accompagnent et qui servent de
juges, et qu'ils puissent entendre sans qu'une demande d'enquête
ait été déposée formellement la personne qui
a un grief à l'endroit d'un professionnel, qu'elle puisse se faire
entendre par ces gens-là, le tribunal de discipline, mais qui
formeraient une espèce de tribunal d'enquête préliminaire.
Le président entend ça, les deux membres qui l'accompagnent. Il
dit: Oui, madame, vous avez raison ou: Madame, vous avez tort. Que leur
décision là-dessus soit finale.
S'ils pensent qu'elle pourrait même avoir raison, ils lui
permettront d'être entendue au niveau du tribunal de discipline. C'est
autant d'avenues qui doivent, en tout cas, être explorées pour
assurer un exutoire. Vous savez, quand on porte une plainte, quand on a mal,
quand on a un bobo, il n'y a pas de plainte et de bobo plus important que celui
que l'on a et le seul fait de se faire dire: Bien non, madame ou monsieur, je
pense que vous avez tort, tout de suite, ça te hérisse le poil
sur le mauvais sens et de ça, nous, chez nous, on ne veut pas. Ce que
l'on veutje ne vois pas pourquoi ce serait contraire à la
perception qu'ont les gens faites un sondage de la population et
demandez-lui: Quels sont les gens en qui vous avez la plus grande confiance? Je
regrette pour les politiciens, étant moi-même marié avec
une, mais votre cote d'amour n'est pas très haute de ce temps-là.
Mais les professionnels, que ce soient surtout les médecins, les
dentistes, on est dans le haut du «hit parade». Alors, je ne vois
pas pourquoi ce serait diffé-
rent lorsqu'il s'agit de traiter avec le public. On veut le traiter avec
aménité, avec bonté, avec justice et on veut toujours que
ces gens-là soient satisfaits. Dois-je vous dire que ce n'est pas
à notre avantage que de repousser en dessous du tapis les plaintes qui
nous sont transmises? Ce ne serait que faire et promouvoir une plus mauvaise
image de l'Ordre des dentistes du Québec. À ça, là,
on n'y tient pas du tout.
Mme Caron: au niveau de l'insatisfaction, je pense que vous avez
parfaitement raison. j'ai d'ailleurs moi-même cité certains
chiffres au cours de cette commission, incluant les politiciens. le
système de justice, je vous avoue que c'est à 71,4 % que les
québécois n'y ont pas confiance. alors...
M. Boucher: Ça n'en fait pas beaucoup qui ont
confiance.
Mme Caron: pas vraiment. alors, le système professionnel,
avec 48 % de confiance, c'était un petit peu mieux que le système
de justice. vous nous avez parlé, également, de
l'accessibilité au dossier. là-dessus, vous aviez
certaines...
M. Boucher: Réserves.
Mme Caron: ...réserves. C'est sûrement en fonction
de la protection de la vie privée?
M. Boucher: Oui, et si vous avez pu prendre... Évidemment,
vous connaissez sûrement les propositions faites dans l'avant-projet de
loi. On lit, à l'article 118.1: Sous réserve de 118.3 qui dit que
le comité peut, en tout temps, d'office, demander d'interdire
l'accès aux renseignements... Vous savez, le comité oublie
ça, n'oublie pas ça, et il n'y pense pas et, là, il
t'arrive un quidam et il dit: Je veux avoir le dossier du comité. Dans
le dossier du comité de discipline, il y a là un paquet de
renseignements dont le syndic ne va pas nécessairement se servir pour
faire valoir sa cause. Le syndic prend fait et cause, pour le public, dans
cette histoire-là, il ne faut jamais l'oublier.
Je pense qu'il n'y a pas d'avantage pour qui que ce soit à ce que
le dossier du comité soit rendu accessible et public, à moins
qu'on ne puisse l'épurer et, à ce moment-là, je pense que
ce ne serait pas jouer la «game» de la bonne manière.
Mme Caron: Pour revenir brièvement au niveau des plaintes,
est-ce que, à votre Ordre, il y a des plaintes privées qui se
sont rendues au comité de discipline?
M. Boucher: Écoutez, moi, ça fait... bientôt,
ça fera 12 ans que je suis président je suis quasiment
mieux que Duvalier, je suis quasiment président à vie et,
à ma connaissance, je pense que je n'ai pas vu ça. Il y en a
peut-être eu, quoi, combien? Peut-être une.
Bon, M. le syndic m'a dit qu'il en a eu deux. Vous voyez que je ne me
mêle pas des affaires du syndic. Je le laisse agir en toute
indépendance. Loin de moi le syndic. Je n'aime pas le rire du ministre.
J'aimerais qu'il s'explique là-dessus. Je lui ferai la preuve par a plus
b, noir sur blanc, que le président de l'Ordre a toujours demandé
à tout le monde de ne jamais mettre ses gros sabots dans les dossiers du
syndic. Si on vous a avisé du contraire, M. le ministre, j'aimerais
pouvoir vous en parler, et publiquement, et pas plus loin qu'ici. Le restant,
ce ne sont que des racontars. Vous savez, les ragots de cuisine et les
commérages de corde à linge, il ne faut jamais se fier à
ça. Vous savez, les renseignements, demandez-moi ça à moi,
la bouche du cheval est là, je vais vous les donner. Oui, Mme la
députée.
Mme Caron: Les ragots à l'extérieur de la cuisine
aussi, là, dans d'autres pièces...
M. Boucher: N'importe quelle, n'importe où, oui.
Mme Caron: Je ne voulais pas qu'on limite ça aux cordes
à linge...
La Présidente (Mme Hovington): Vous vous sentez
accusée quand on parle de cuisine? Ha, ha, ha!
Mme Caron: ...les cordes à linge, les cuisines. Ha, ha,
ha!
M. Boucher: Ah! mais, c'est moi, chez nous, qui fais la cuisine.
Il n'y a pas de problème, on peut en parler, de la cuisine.
Mme Caron: Alors, Mme la Présidente, je voudrais revenir
sur un élément que j'ai retrouvé dans votre mémoire
et que je n'ai pas vu dans les autres mémoires, et ça allait un
petit peu plus loin que la loi 67, c'est en page 8, lorsque vous nous dites, et
je vais vous citer: «L'Office devrait également, puisque le projet
de loi 67 propose une privatisation d'une mission de service public, se
soumettre aux lois du marché.» Et là vous nous
suggérez: «Pour les dépenses prévues, l'Office
devrait recourir à des appels d'offres pour des consultations, des
recherches ou des analyses, la soumission la plus basse devant être
retenue.» Je vous avoue, là, que c'est la seule corporation
professionnelle qui nous a fait cette proposition-là. J'aimerais vous
entendre un peu là-dessus.
M. Boucher: Bien, écoutez, si on se fie à ce que
dit le projet de loi 67, les dépenses encourues par l'Office nous seront
refilées. Alors, ce qui était, comment dire, à la charge
du gouvernement deviendra à la charge des corporations. À partir
de ce moment-là, pour nous, le meilleur... un des moyens pour
contrôler les coûts, c'est lorsque vous devez faire appel à
des gens de l'ex-
térieur pour vous offrir des services; une des façons de
contrôler les coûts, et toutes les administrations publiques le
font, soumises à ce genre de manière de faire, c'est de faire des
appels d'offres. Dans ce sens-là, si les corporations ou les
professionnels comme tels doivent supporter les dépenses de l'Office,
bien, on suggère qu'il se soumette comme tous les autres à des
appels d'offres.
Mme Caron: Vous...
M. Boucher: En fait, si vous comprenez bien le projet de loi 67,
c'est que, à toutes fins utiles, l'Office des professions, on le
laissera aller la queue sur la fesse, bride abattue, et: Dépense ce que
tu voudras. À la fin, on va présenter la facture aux corporations
et: Payez, messieurs dames. On n'est pas tellement d'accord avec ça. Je
ne pense pas qu'il y ait un seul gouvernement qui administre ses deniers de
cette manière. S'il devait le faire, je pense qu'il ne gouvernerait pas
bien, bien longtemps.
Mme Caron: C'est ce que je crois aussi du projet de loi 67, mais
le ministre me dit qu'on ne le saisit pas bien, le projet de loi 67, lorsqu'on
croit ça. Vous nous avez... Ha, ha, ha! Vous nous avez également
parlé des coûts, des prévisions de coûts pour le
comité des plaintes, s'il était en vigueur tel que proposé
dans l'avant-projet de loi. Le ministre disait que les coûts ne devraient
pas être très élevés, et vous nous disiez que oui.
Est-ce que vous avez fait certaines prévisions, chez vous?
M. Boucher: Bien, écoutez, on vous dit, dans notre
mémoire, que, si on devait mettre en place pareil comité,
comité d'examen des plaintes... Chez nous, on reçoit, bon an, mal
an, combien de demandes d'enquête, M. le syndic?
M. Morin (Paul): 160, là...
M. Boucher: Non. Des demandes d'enquête, on en
reçoit combien?
Une voix: 2000.
Mme Caron: 2000?
M. Boucher: Non. Ça, c'est les
téléphones.
Mme Caron: C'est les téléphones, ça.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Boucher: En tout cas, qu'on en reçoive, peu importe le
nombre, toutes celles au sujet desquelles le syndic décide... Même
avant ça; il ne peut pas décider sans avoir l'avis du
comité des plaintes. Celles sur lesquelles il décide d'aller en
discipline chez nous, à peu près une vingtaine
toutes les autres devront passer par le moulin du comité des plaintes.
Pour en administrer chez nous une vingtaine, ça coûte 600 000 $.
Pour en administrer 400, faites le calcul. C'est aussi simple que ça. Je
pense que... Écoutez, les murs ont des oreilles. Semble-t-il que, ce
matin, vous aviez les gens du Barreau et qu'on vous a dit que si, finalement...
Je ne sais pas quel pourcentage de leurs plaintes devait passer par ce
mécanisme-là, que, chez eux, ils ont évalué le
coût à quelques... combien de millions? (16 heures)
Mme Caron: Le Barreau nous parlait de 1 000 000 $ alors que, du
côté des infirmières, on nous parlait de 100 000 $. C'est
pour ça que j'essayais d'avoir votre évaluation pour se donner
une idée.
M. Boucher: Alors, faites un coût moyen de 600 000$.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boucher: mais il n'en reste pas moins vrai que... bon,
écoutez, il ne faut pas être comptable agréé pour
savoir que ça va coûter les deux yeux et les deux bras et le
restant avec, alors que, chez nous, on vous propose des moyens tellement plus
efficaces, moins coûteux et qui vont assurer cette transparence tellement
souhaitée. on le sait bien que le comité des plaintes, dans
l'esprit de l'office des professions, c'est pour permettre à jos public
de venir dire: ah oui! je pense que le syndic avait raison. c'est: ou on fait
confiance à ces gens-là, nommés en toute
indépendance, par la cour suprême, si vous voulez, mais, à
un moment donné, il va falloir arrêter... c'est: ou ces
gens-là ont quelqu'un, quelque chose quelque part en haut des deux
oreilles, ou, finalement, ils ne sont pas dignes de confiance. pour nous, tout
le monde peut se tromper. et tout le monde peut tellement se tromper que l'on
sait qu'au niveau de la cour supérieure 70 % des jugements rendus par
les savants magistrats qui, pourtant, sont des hommes de loi, nommés par
les gouvernements, mais pourtant tout à fait indépendants, dieu
l'espère! ces gens-là, 70 % de leurs jugements sont portés
en appel. si les juges de la cour supérieure peuvent se tromper à
ce point-là, moi, je n'ai pas d'objection à ce que nos syndics se
trompent, mais je pense qu'ils font leur travail honnêtement et c'est
ça qui compte. ce n'est pas qu'ils se trompent, ce n'est pas qu'ils ne
se trompent pas, c'est qu'ils le fassent honnêtement.
Et je répète, Mme la députée, qu'il va
falloir qu'on arrête de répandre à tout vent, comme le fait
le «Petit Larousse», cette fausse impression je ne sais pas
d'où ça vient, et j'espère que toutes les corporations
vous l'ont dit que, chez nous, on se protège entre nous.
Ça n'existe pas, c'est un mythe. Ça n'existe pas, et je
défie n'importe qui autour de cette table de venir
chez nous au comité de discipline et de voir ce qui s'y passe.
Mais je sais bien, moi et je vois le sourire du président de
l'Office que c'est au moment où la décision se prend, au
moment où le syndic enquête sur un dossier... bien, que l'Office
fasse sa job et qu'il vienne dans le bureau du syndic, de la même
manière que l'on fait de l'inspection chez nous, qu'il vienne une fois
de temps en temps, qu'il sorte sa petite valise et qu'il vienne voir à
la Corporation des dentistes pour voir si, le syndic, il fait ça comme
il faut ou pas. Puis, après, tout le monde va arrêter de jacasser.
Quand l'Office va retourner et va dire: Oui, ce n'est pas pire chez l'Ordre des
dentistes, bien, le ministre pourra dire la même chose. C'est de
ça, nous autres, qu'on se soucie.
La Présidente (Mme Hovington): Le temps est
écoulé. Vous aviez chacun 18 minutes. Il est déjà
16 h 5. Alors, le temps est écoulé.
M. Savoie: On peut continuer, si on veut. Ça marche sur
consentement, cette affaire-là.
La Présidente (Mme Hovington): Bien, c'est-à-dire
que ça me prend un consentement unanime pour passer 6 heures ce soir,
pour passer 18 heures. Pour ce groupe-là, le temps alloué est
terminé.
M. Boucher: Moi, je peux vous dire que j'aime ça, si vous
voulez continuer.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boucher: Je vous l'ai dit, on n'a rien à cacher chez
nous. On n'a pas de cadavre dans les tiroirs, puis encore moins dans les
placards.
M. Savoie: Non, mais ce qu'on pourrait peut-être faire,
étant donné que l'Oppostion refuse, ce qu'on pourrait
faire...
Mme Caron: Plutôt, Mme la Présidente, c'est parce
que, si on veut être juste...
M. Savoie: Oui, oui. Ça va.
Mme Caron: ...avec l'ensemble des groupes qui sont venus...
La Présidente (Mme Hovington): C'est ça,
l'équité.
Mme Caron: ...c'est une question d'équité... M.
Savoie: D'accord.
Mme Caron: ...pourquoi on donnerait plus de temps à un
groupe qu'à un autre? Ça, je trouve ça plus
délicat.
M. Savoie: C'est ça. C'est beau. Étant
donné, donc, qu'il n'y a pas consentement pour ce faire, je pense qu'il
serait quand même valable qu'on puisse, ce soir, examiner ensemble le
mémoire... la semaine prochaine, si cela vous convient...
Une voix: Pas de problème. Une voix: L'ensemble du
dossier.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, il me reste à
vous remercier au nom des parlementaires. Est-ce que vous avez quelque chose
à ajouter pour la semaine prochaine? Vous étiez consentant?
M. Boucher: Oui. Bien, écoutez, M. le ministre, avec
lequel, dois-je le dire, j'ai toujours eu des relations plus que cordiales, je
pense que, ça, je veux bien que tout le monde le sache, le ministre
Savoie m'a toujours reçu avec civilité et a toujours
écouté les propos que l'on avait, mais je pourrais lui demander
une faveur, cependant. La semaine prochaine, j'aurais de la difficulté
à être à Québec.
M. Savoie: La semaine d'après.
M. Boucher: Mais, si vous êtes dans votre château
fort de Montréal, ça me fera plaisir de vous rencontrer dans vos
bureaux de Montréal, ou la semaine après, on arrangera ça
pour...
M. Savoie: La semaine d'après, je pense qu'on pourra
s'organiser.
M. Boucher: D'autant que vos bureaux sont dans une si belle
ville. Alors, j'y serai avec plaisir, M. le ministre.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, au nom des
parlementaires de la commission de l'éducation, permettez-moi de vous
remercier de nous avoir présenté votre mémoire.
J'inviterais dès maintenant la Corporation professionnelle des
hygiénistes dentaires du Québec à se préparer pour
prendre place.
Des voix: ...
La Présidente (Mme Hovington): Alors, messieurs, s'il vous
plaît, il ne faudrait pas recommencer les discussions d'une façon
informelle. Je ne voudrais pas vous bousculer non plus, mais nous sommes
déjà en retard.
Corporation professionnelle des hygiénistes
dentaires du Québec (CPHDQ)
Alors, la Corporation professionnelle des hygiénistes dentaires
du Québec, veuillez prendre place, s'il
vous plaît. Bonjour, mesdames. Des voix: Bonjour.
La Présidente (Mme Hovington): Enfin, des dames. Elles se
font rares dans toutes les corporations. Il s'agit de Mme France McKenzie,
présidente. C'est vous?
Mme McKenzie (France): C'est bien ça, oui.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour et bienvenue
à la commission. Et Mme Monique Gou-dreault, directrice
générale.
Mme Goudreault (Monique): C'est ça.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour et bienvenue
à la commission. Alors, Mme McKenzie, vous êtes la
porte-parole...
Mme McKenzie: Oui.
La Présidente (Mme Hovington): ...j'imagine, en tant que
présidente. Alors, vous avez 20 minutes pour présenter votre
mémoire aux membres de la commission.
Mme McKenzie: Ça va. Merci. Mme la Présidente, M.
le ministre, Mmes et MM. de la commission de l'éducation, permettez-moi,
au nom de la Corporation professionnelle des hygiénistes dentaires du
Québec, de vous remercier pour cette opportunité que vous nous
offrez.
C'est en considération de l'importance du sujet sur le
fonctionnement général du système professionnel existant
et sur l'avenir des parties le constituant que notre Corporation désire
s'exprimer sur les changements proposés au Code des professions du
Québec. Comme plusieurs, nous trouvons regrettable l'absence de
consultation préalable à la préparation de l'avant-projet
de loi. Nous trouvons encore plus regrettable que la perception publique
associe à ce commentaire une volonté de la part des corporations
de refuser une réflexion ou des améliorations aux
mécanismes de protection du public. Pour notre part, nous croyons
honnêtement qu'une consultation préalable aurait permis une
meilleure contribution de chacune des instances directement concernées,
apportant une valeur ajoutée à cette réflexion.
Rappelons que les instances politiques changent au niveau des
corporations, et l'on s'interroge à savoir s'il est vraiment
réaliste de procéder à une évaluation du
système en offrant aux intervenants concernés à peine deux
mois pour formuler leur avis. Peut-être que certains ont le
privilège d'avoir oeuvré au sein des corporations pendant de
nombreuses années, mais rappelons que ce n'est pas le cas de tous. Je
peux vous dire que, per- sonnellement en poste depuis une année,
l'exercice de réflexion et d'analyse de l'avant-projet de loi s'est
avéré considérablement ardu. Notre présence se veut
tout de même une démonstration de notre volonté de
participer au processus, car le résultat pourrait avoir un impact
considérable sur le fonctionnement général du
système professionnel existant et dont les hygiénistes dentaires
font partie.
De fait, nous pouvons avancer que le système professionnel
québécois a fait ses marques, considérant qu'il est
reconnu hors des limites provinciale et nationale. Après 20 ans
d'existence, que certaines améliorations et modifications y soient
apportées nous paraît tout à fait justifié. En ce
qui regarde les activités disciplinaires, le peu d'expérience
vécue par notre Corporation en ce sens ne nous permet pas
d'évaluer adéquatement les modifications proposées. Nous
laisserons donc aux organismes qui l'administrent quotidiennement le soin d'en
évaluer la pertinence et de suggérer des alternatives. À
première vue, les modifications proposées semblent s'orienter
vers un alourdissement du système disciplinaire, tant au niveau
bureaucratique que juridique. Ces tendances se devraient, quant à nous,
d'être considérées en fonction des coûts qu'elles
pourraient occasionner pour la société. (16 h 10)
Quant au processus réglementaire, un assouplissement est certes
devenu nécessaire, compte tenu de l'expérience et de la
maturité qu'a acquises le système professionnel. En ce sens, il
ressort une certaine volonté que les règlements de nature plus
administrative relèvent des corporations. Que l'Office en soit
avisé pour s'assurer de leur concordance et du respect des lois est
justifiable, mais le rôle de l'Office des professions, à cet
égard, devrait s'arrêter là. Quant aux règlements
s'adressant directement à la protection du public, tels la
déontologie, la conciliation et l'arbitrage des comptes,
l'indemnisation, ceux-ci se devraient d'être sanctionnés par le
gouvernement afin de conserver à ce dernier le devoir qui lui incombe de
s'assurer du mieux-être public. Dans le même sens, nous nous
interrogeons sur quoi se fonde le glissement de la partie du pouvoir
réglementaire relevant jusqu'à maintenant de l'État et qui
serait rempli par l'Office des professions concernant les comités
d'inspection professionnelle et les stages de perfectionnement, lesquels
s'adressent également à la protection publique.
Que les devoirs et obligations de l'Office des professions soient
précisés, que les mesures et les mécanismes lui permettant
d'assurer convenablement son rôle de surveillance et de conseil soient
clarifiés, voire même ajoutés, s'inscrivent bien dans le
cadre d'une réforme en profondeur. Cependant, le présent
avant-projet de loi propose certains changements majeurs principalement en ce
qui a trait au rôle de l'Office des professions du Québec. Encore
une fois, nous aimerions connaître sur quoi est fondé un
changement aussi substantiel.
Supposons que le pouvoir d'enquête proposé soit
démontré comme étant un moyen pertinent pour
l'Office des professions de remplir son rôle à la faveur d'une
meilleure protection du public; à notre avis, il serait très
imprudent de l'introduire sans en identifier clairement les jalons et les
limites. D'ailleurs, cette démonstration reste encore à faire.
Nous pouvons deviner ce qui a inspiré l'introduction de cette
modification. Depuis l'avènement du Code des professions, plusieurs
corporations se sont tournées vers l'Office pour prendre conseil et
recevoir avis. Cette façon de faire devenue sûrement à tort
un peu trop automatique peut laisser croire à l'Office qu'il a un devoir
de répondre aux demandes nécessitant des moyens additionnels pour
remédier à certains problèmes. À cet égard,
il importe toutefois de préciser que les dispositions actuellement
contenues au Code des professions ont permis aux corporations, même en
moment de crise ou de situation difficile, de relever le défi et de
remplir leur mandat premier à l'avantage de la protection du public. Le
principe d'autogestion des corporations ne devrait donc pas être mis en
doute en proposant une alternative qui donnerait ouverture à une
ingérence de la part de l'Office des professions. Les corporations
auraient aussi avantage à doser leur réflexe de recourir aux
services de l'Office à tous égards.
Enfin, quant au recours pour une corporation pouvant être l'objet
d'une enquête, il est totalement absent des modifications
proposées. Alors qu'une révision réglementaire a fait
l'objet d'une préoccupation particulière de la part de l'Office
des professions pour y prévoir le droit de se faire entendre, le pouvoir
d'enquête qu'il s'accorde, basé sur une notion vague de motif
raisonnable, apparaît s'exécuter d'une manière
unilatérale en plus de le placer en position flagrante de juge et
partie, ce qui s'avère totalement inacceptable, d'autant plus que toute
la notion du secret professionnel y serait également mise en cause. Les
enjeux et les implications sont donc beaucoup trop importants pour en disposer
de façon aussi abrupte. Quant au qualificatif «raisonnable»
utilisé dans Pavant-projet de loi, il nécessiterait
également des précisions. Cette notion laisse beaucoup trop de
place à la subjectivité et à l'arbitraire pour être
efficace en termes de résultat.
L'esprit du présent exercice et les différents discours
recherchent la transparence. Mais qu'entend-on réellement par cette
notion? Pouvons-nous prédire que la présence de deux
représentants du public à l'Office des professions ou encore la
mise en place d'un comité d'examen des plaintes avec des
représentants publics seront garants de la transparence
recherchée? Qu'en est-il de la représentativité du public
à tous les bureaux d'administrateurs des corporations depuis 1974?
Remettons-nous en doute le niveau de transparence visé par leur
présence ou sommes-nous convaincus que la transparence se doit
absolument de passer par une présence accrue du public? Cette
présence pourra-t-elle modifier la perception du public envers le
système professionnel? Qu'entend le public par transparence? N'est-ce
pas de recevoir des réponses à ses questions? N'est-ce pas un
besoin de mieux comprendre? À quoi est-il en droit de s'attendre en
termes de qualité? À quoi est-il en droit de s'attendre en termes
de recours? Quelles sont les limites du système professionnel?
Voilà autant de questions et si peu de réponses.
En ce qui concerne les professionnels, l'avant-projet de loi comporte
certaines modifications laissant transparaître plus clairement leurs
obligations au sein du système. Ainsi, les ajouts visant l'application
du Code aux membres et l'obligation de prêter serment permettraient de
conscientiser et responsabiliser plus directement chaque professionnel au
rôle individuel qui lui incombe, surtout dans un contexte
économique difficile et de plus en plus compétitif. Quant
à nous, ces précisions au Code des professions ne modifient en
rien l'intention initiale du législateur, mais elles associent plus
directement chaque professionnel au système.
Les corporations professionnelles, pour leur part, à moins d'une
démonstration contraire, se sont bien acquittées des devoirs et
responsabilités implicites au droit à l'autogestion qui leur a
été attribué. Par ailleurs, afin d'assurer la protection
du public, chaque corporation professionnelle est tenue de rencontrer certaines
obligations. Les modifications proposées dans Pavant-projet de loi en
ajouteraient de nouvelles. Sans vouloir en contester les mérites pour
une meilleure protection du public, il importerait, néanmoins, de bien
évaluer et nuancer le degré d'imposition impliqué, et ce,
en fonction des caractéristiques particulières des groupes
concernés.
Plus particulièrement, en ce qui concerne les corporations
à titre réservé, dont nous sommes, la modification
prévue visant l'adoption d'un règlement pour réserver des
titres serait un premier pas, mais ne réglerait aucunement les
problèmes fondamentaux auxquels elles sont confrontées. Notons,
entre autres, que les corporations à titre réservé ont les
mêmes obligations à assumer que celles à exercice exclusif.
Pourtant, leur pouvoir d'influence diffère considérablement.
Pour notre corporation, deux aspects plus spécifiques retiennent
aussi notre attention. Premièrement, la suppression de l'article 12o,
lequel assurait une surveillance quant à l'obligation de
déterminer les actes pouvant être posés par des classes de
personnes autres que celles appartenant à un exercice exclusif, est,
pour le moins, inquiétante. Peut-être le principe a-t-il
été maintenu à l'intérieur d'une autre
modification, mais il ne l'est pas de manière assez claire et,
conséquemment, soulève l'interrogation.
Indiquons qu'il nous apparaît impératif que ce principe
soit maintenu à l'intérieur d'une disposition claire du Code des
professions. Cette disposition devrait, de plus, préciser les
modalités et les délais associés à la
réalisation de cette obligation pour éviter des rapports indus.
Notre organisme parle d'expérience et considère que le
mécanisme tel qu'il existe souffre d'un manque d'efficience, car ce
n'est qu'au terme de plus de
15 ans d'existence que les actes pouvant être posés par les
hygiénistes dentaires se sont vus consolidés à
l'intérieur d'un règlement adopté en vertu du Code des
professions, actes, par ailleurs, pour lesquels les hygiénistes
dentaires avaient été formés.
Deuxièmement, le contenu de la modification prévue
à l'article 34 permettant à des non-membres de corporations de
poser des actes d'exercice exclusif suscite plusieurs interrogations. Entre
autres, est-ce que les étudiants inscrits à un programme de
formation conduisant à un permis délivré par une
profession à titre réservé avec actes
réservés par règlement seraient couverts par ce nouvel
article 34, et qu'adviendrait-il de leurs enseignants?
Cette question avait été soulevée par notre
organisme à l'Office des professions qui nous avait indiqué que
la problématique nécessitait un examen élargi à
l'ensemble des professions. Pouvons-nous supposer que la modification ainsi
prévue à l'article 34 vise à y répondre? À
notre avis, le libellé est beaucoup trop obscur pour en permettre une
interprétation claire. Qui plus est, la référence à
l'article 94g et g.l ne clarifie pas plus la problématique des titres
réservés à cet égard, où la
détermination des conditions pour la pose des actes
réservés y serait prévue de façon facultative sans
mécanisme de consultation. Les titres réservés
seraient-ils encore placés en position d'attente, à la merci de
la volonté ou des priorités des exercices exclusifs? Pour nous,
il y va de l'intérêt et de la protection du public que de
régulariser cette situation nébuleuse, laquelle soulève,
notamment, un problème de détermination de la
responsabilité professionnelle et des services assurés qui en
découlent.
En conclusion, nous considérons que trop d'éléments
ont été escamotés qui, pourtant, mériteraient une
réflexion plus approfondie pour en dégager les
améliorations appropriées. Aussi, nous suggérons qu'une
démarche rigoureuse soit entreprise pour conduire à une
réforme globale solide. La réflexion est déjà bien
engagée, comme l'ont démontré assurément les
commentaires sur Favant-projet de loi des différents groupes
concernés. Pour l'avenir, l'évolution des notions
d'éthique et de déontologie, la multidisciplinarité, la
multiplication des intervenants versus le statut juridique des titres
réservés et la mobilité des professionnels sont autant
d'éléments qu'il conviendrait d'examiner dans la perspective
d'une réforme sérieuse et évolutive. (16 h 20)
Finalement, face à des enjeux tels l'avenir des professions et
l'intérêt du public, nul ne peut rester indifférent.
Agissons donc en citoyens responsables et consciencieux en s'accordant le temps
requis pour réaliser une évaluation honnête et prospective
du système professionnel québécois qui, rappelons-le, est
certainement, non sans raison, considéré comme l'un des meilleurs
au monde. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beau- coup, madame.
M. le ministre, vous avez la parole.
M. Savoie: Merci, Mme la Présidente. Il est très
agréable de saluer les représentantes de la Corporation
professionnelle des hygiénistes dentaires du Québec qui sont
venues nous présenter un mémoire qui soulève des points
qu'on n'avait pas vus ailleurs et sur lesquels nous aurons l'occasion de poser
des questions dans quelques secondes. Tout simplement pour souligner aux
membres de la commission qu'ils sont 2300, un budget de fonctionnement de 750
000 $ et qu'ils ont très peu, finalement, de cas de discipline, compte
tenu des spécificités de leur exercice. Mais il y a quand
même eu trois demandes retenues pour enquête avec trois
règlements en 1990-1991 et il n'y en a pas eu en 1991-1992. Est-ce qu'on
peut savoir sur quoi portaient les demandes retenues pour enquête?
Mme McKenzie: Vous dites 1990...
M. Savoie: 1991.
Mme McKenzie: ...1991?
M. Savoie: Oui. Est-ce que vous avez une idée?
Mme McKenzie: En fait, je n'étais pas en poste à ce
moment-là, j'étais en poste pour l'exercice 1991-1992. J'aurais
de la difficulté à vous répondre à
brûle-pourpoint, comme ça. Il faudrait se référer...
Je m'excuse là. Mais je pourrais vous dire...
M. Savoie: Non, ce n'est pas grave. Ça pourrait porter sur
quoi?
Mme McKenzie: En fait, des demandes qu'on peut recevoir du public
portent souvent, entre autres, sur l'usurpation de titre. Effectivement,
à titre réservé, il y a souvent des demandes ou des
plaintes concernant l'usurpation de titre. Il y a plusieurs demandes qui
arrivent à la Corporation aussi pour des choses dont on n'a pas la
juridiction. Quand on pense au milieu dentaire, les gens associent souvent la
Corporation des hygiénistes à tous les processus ou à tous
les intervenants du bureau privé en dentisterie et ils font souvent des
demandes pour une dénonciation de l'assistante qui ferait des actes
illégaux. On peut recevoir les plaintes, mais on ne peut pas les
traiter, on n'a pas juridiction. Alors, ce sont des choses qu'on reçoit,
on en prend bonne note et on répond aux personnes concernées
qu'on ne peut pas, nous, de notre propre chef, traiter la plainte, mais on la
réfère, à ce moment-là, à l'Ordre des
dentistes, qui a juridiction. Alors, c'est plus souvent qu'autrement des choses
comme ça.
Des gestes que les membres pourraient poser et dont le public ne serait
pas satisfait, c'est effectivement assez rare, comme vous voyez dans notre
dossier. J'ai déjà été syndic. Il est
déjà arrivé que quelqu'un écrive
pour se plaindre de non-professionnalisme, ou quelque chose sur des
frais. Mais, finalement, quand on discute avec les gens, on se rend compte
qu'il y a eu une mauvaise interprétation. Alors, sans pouvoir
répondre précisément à votre question, je peux dire
que, de façon générale, c'est le type de plaintes que nous
recevons à la Corporation.
M. Savoie: Alors, ça clarifie un peu les
présentations. Au niveau, justement, du rapport annuel, dans votre
mémoire, vous nous dites: Ah! bon, bien, que les règles pour la
confection du rapport annuel soient adaptées pour les corporations de
petite taille.
Mme McKenzie: En fait, c'était dans la visée qu'on
dit: On veut uniformiser, on veut rendre les systèmes beaucoup plus
uniformes, plus facilement gérables ou accessibles pour tout le monde,
toutes les corporations sur le même pied. Il faut voir les
difficultés que ça peut imposer. Si on prend comme standard une
corporation de grande envergure, avec beaucoup de membres et beaucoup de
ressources financières et humaines, et qu'on établit le standard
à ce niveau-là, ça demande, pour les petites corporations,
des ajustements qui sont beaucoup plus importants. Alors, que les
données soient encore mieux ajustées dans les rapports annuels,
bien qu'il existe les règlements, mais qu'il y ait d'autres
données, ou des modifications, ou des précisions à
apporter dans les rapports annuels, je pense que tout le monde est d'accord
avec ça. Mais de ne pas moduler ou de ne pas prendre comme modèle
une structure qui est trop lourde où les petites corporations ne
pourraient pas avoir accès, ou difficilement, d'être capables
d'avoir certaines données de base nécessaires, mais que chacune
des corporations puissent s'y adapter. C'est en vertu de ça qu'on
écrit nos remarques dans le mémoire.
M. Savoie: O.K. Finalement, le dossier discipline. Vous
participez quand même au processus de l'ensemble des corporations membres
du CIQ. Le comité des plaintes, je pense, a fait l'objet de plusieurs
interventions. C'est un point assez épineux, là. On
présente des coûts gigantesques, on dit que c'est une lourdeur. Si
je comprends bien, c'est que vous aussi, vous avez de la difficulté avec
le fonctionnement du comité des plaintes.
Mme McKenzie: En fait, comme je le disais dans la
présentation orale, on a très peu d'expérience à ce
niveau-là, beaucoup moins en tout cas que plusieurs autres corporations.
À la lecture de l'avant-projet de loi, ce qu'on trouve, c'est que
ça ajoute une lourdeur administrative et, quand on regarde ce que les
autres corporations vivent et qu'on s'inscrit... On a toujours dit: On
s'inscrit, on appuie les orientations du CIQ à cet effet-là,
quand c'est des gens qui ont été beaucoup impliqués. On
pense, nous autres aussi, que ça créerait une lourdeur. On peut
regarder seulement le peu de plaintes, malgré tout, qu'on reçoit.
Même s'il existait un comité des plaintes, ça devrait
automatiquement passer par le comité des plaintes. Nous, on calcule que
ça occasionnerait des délais et ça nous demanderait des
ressources humaines et financières. Même à l'analyse des
données, à ce stade-ci, comme corporation on a un syndic à
une journée-semaine et on est en train de se poser la question, si
ça vaut la peine de garder un syndic une journée-semaine. Alors,
si on a un comité des plaintes et des obligations de faire des suivis de
comité, peut-être qu'à ce moment-là il faudrait
l'augmenter à deux jours. Quand on regarde le travail accompli par
rapport à ce que ça nous coûte, peut-être une
demi-journée-semaine, ce serait assez. Là, ça nous
obligerait à avoir une structure beaucoup plus importante pour le faire;
peut-être un syndic deux jours-semaine. C'est pour ça qu'on trouve
que c'est gros comme structure. C'est un peu lourd.
Il y aurait peut-être moyen de changer les choses. On n'a pas de
solution précise à proposer, non plus. On n'a pas, comme l'Ordre
des dentistes, évalué combien ça coûterait s'il y
avait un comité des plaintes. Déjà, on trouvait ça
très lourd sur nos épaules, mais on ne s'est pas mis à
faire d'évaluation. On voulait aussi dire qu'on avait des ressources
restreintes. On les a à tous les niveaux.
M. Savoie: S'il y avait un comité des plaintes
réservé au secteur santé, par exemple, pour les
différentes corporations, géré par elles, payé par
elles, mais qui serait, par exemple, disponible pour le travail de votre
Corporation?
Mme McKenzie: Écoutez, on ne peut pas toujours dire non,
non, non, ou oui, oui, oui, d'emblée. C'est juste qu'il faut
évaluer sa pertinence. Nous autres, on ne calcule pas que ce serait si
important. Je pense que ce comité des plaintes là veut changer la
perception qu'a le public des plaintes qu'il porte. Ce sera suffisant pour
changer la perception qu'ont les gens. On s'est posé beaucoup de
questions à la Corporation avec toute cette idée de transparence
et de perception. On n'a rien contre la transparence, je pense que tout le
monde veut ça, que ce soit plus clair. Mais la question qui doit
revenir, c'est: Est-ce que le comité des plaintes, par le fait qu'il y
ait des gens du public, va suffire à changer la perception? C'est une
grosse question. On croit bien que non, là, mais...
M. Savoie: C'est ça. Moi aussi, je crois bien que non,
sauf qu'on constate que c'est un impact positif et, si on a suffisamment
d'impacts positifs... O.K. Finalement, il n'y a pas d'objection
viscérale à participer à l'examen de la question avec
d'autres corporations dans une espèce d'effort commun. Il est
très clair qu'on ne peut pas avoir un comité des plaintes pour
votre Corporation seulement. Ça ne présente pas de
difficultés, non seulement pour la vôtre, mais, pour d'autres
aussi, il n'y en a pas du tout. Il y en a qui font leurs vérifica-
tions. Ils n'en ont pas de plaintes.
Mme McKenzie: En tout cas, moi, je pense qu'entre autres, pour
tout ce qui est du public, ce qui est important, c'est de lui expliquer ce que
c'est. Je pense que, quand on parle de transparence, c'est peut-être
ça, dire au public quelles sont les limites et ce qu'elle fait votre
plainte, dans un cas comme le nôtre. Ce n'est pas majeur. Même les
corporations, c'est très gros. Je pense que les suggestions du CIQ
à cet effet-là sont un comité aviseur où d'autres
types de changements pourraient peut-être être beaucoup plus
appropriés. Mais, comme je vous le dis, il faut l'analyser dans toute la
perspective de toutes les corporations professionnelles aussi.
M. Savoie: D'accord. Je vais peut-être revenir à la
fin, à ce moment-là, à moins que...
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le ministre. Mme
la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Mme McKenzie, Mme
Goudreault, je vous remercie de votre présentation. Votre mémoire
exprime bien, je pense, la réalité vécue par les petites
corporations professionnelles à titre réservé et tous les
obstacles, finalement, pour arriver à maintenir la même
qualité, les mêmes devoirs, la même protection envers le
public, mais avec des moyens beaucoup plus restreints. Je pense que vous le
présentez bien. Votre mémoire a aussi l'avantage de soulever
beaucoup de questions. Il est à la forme inter-rogative à
plusieurs égards, je pense que vous posez les bonnes questions. (16 h
30)
Lorsque vous parlez de protection du public et que vous la situez
à deux paliers, c'est-à-dire au niveau de la qualité
évidemment, la qualité des soins, c'est la première
protection du public donc la qualité de la formation, la
qualité des services rendus, et une possibilité de recours aussi,
parce que, si on veut déposer une plainte, il faut avoir une
possibilité de recours, et, ça, c'est bien établi... Vous
nous avez dit qu'il y avait chez vous, et j'ai retenu deux aspects
intéressants, particulièrement au niveau de la prévention
pour assurer cette qualité... Lorsque vous nous parlez d'inspection
professionnelle et de stages de perfectionnement, j'aimerais que vous
élaboriez un petit peu. Comment ça se fait, au niveau de votre
corporation professionnelle, au niveau de l'inspection professionnelle et
comment vous développez au niveau des stages de perfectionnement?
Mme McKenzie: En fait, ce qui est écrit dans le
mémoire, c'est au niveau de la réglementation. Nous, on pense
que, tel qu'il est proposé dans l'avant-projet de loi, le processus
réglementaire ne devrait pas aller de soi, comme celui-là, au
sens où l'inspection professionnelle et les stages de perfectionnement
relèvent ou tou- chent tout le domaine de la protection du public. C'est
à cet effet-là qu'on l'a traité dans le mémoire. Et
l'inspection professionnelle, si on se souvient bien, on nous a toujours dit
que c'est comme ça que l'Office pouvait surveiller si une corporation
professionnelle faisait bien son travail, de s'assurer des compétences
des gens. Je pense que, ça, c'est une des choses qu'il faut maintenir.
C'est sûr que les règlements existent déjà, mais
c'est dans le processus de continuer cette démarche-là.
Je peux vous dire qu'à l'heure actuelle on a beaucoup
insisté pour le maintien et l'avancement de ces
comités-là, car on les juge très importants pour la
protection du public, pour s'assurer que nos membres offrent des services de
qualité. Quelqu'un disait tantôt: Quand on n'a pas de plaintes
dans une corporation, est-ce que ça veut dire que le travail est bien
fait, ou bien il est trop mal fait, ou est-ce qu'ils en font? Je pense que ce
dont il faut s'assurer, comme corporation, pour assurer la protection du
public, c'est que les professionnels, nos membres, aient tout ce qu'il faut
pour assurer au public cette protection-là et qu'ils donnent des
services de qualité. Alors, par l'inspection professionnelle, on peut
très bien les surveiller... en tout cas, les surveiller, du moins les
aider. On veut surtout s'assurer de leur niveau de connaissances et que tout ce
qu'ils font est bien fait, les aider pour que ça rejaillisse sur les
membres.
Effectivement, comme corporation à titre réservé,
l'inspection professionnelle pose certains problèmes de juridiction au
sens où les membres sont à titre réservé et
employés d'employeurs à exercice exclusif. Ce n'est pas toujours
très évident, comme on le voit selon le Code. Dans le Code, c'est
très évident de faire de l'inspection et, dans le
règlement, c'est très évident de faire de l'inspection
professionnelle. Mais, dans les faits, faire l'inspection professionnelle d'un
membre à titre réservé qui est employé d'un
employeur qui, lui-même, comme employeur, est inspecté par l'ordre
professionnel, ça cause certains problèmes. On tente
d'améliorer la situation. On a fait déjà d'autres ententes
avec l'autre corporation intéressée pour essayer
d'améliorer ou de faciliter, pour que les deux professionnels d'un
même bureau de corporations différentes soient inspectés de
façon peut-être conjointe. Ce sont des choses qu'on peut penser,
mais il reste qu'il faut, comme corporation, faire l'inspection professionnelle
de nos membres. Ça s'avère parfois difficile, mais il faut le
maintenir malgré les difficultés que ça pourrait soulever
éventuellement, ou que ça a déjà soulevées.
Mais il faut maintenir ça pour assurer la compétence envers le
public.
Mme Caron: C'est pour ça, Mme McKenzie, que je vous posais
la question, parce que ça m'apparaissait beaucoup plus complexe pour
votre corporation, compte tenu de tout ce que vous venez de nous dire. Comment
vous le vivez au quotidien? Comment vous arrivez à la faire, cette
inspection professionnelle là? Il me semble qu'il y a beaucoup
d'obstacles.
Mme McKenzie: À l'heure actuelle, malgré les
obstacles, on réussit à faire l'inspection professionnelle,
à faire des ententes. On peut dire en tout cas, je vous l'ai dit
au tout début, je suis en poste depuis un an on peut dire que,
pour l'année en cours, entre autres, ça va bien, les programmes
ont été établis. On tente du mieux qu'on peut et on a
convenu, avec l'Ordre des dentistes, de certaines choses. Je pense que, pour
ça, on peut dire que, cette année, le programme va bien.
Ça n'a pas toujours été le cas. On tente
d'améliorer notre sort à chaque fois. Je pense qu'il ne faut pas,
non plus, se laisser décourager par ça. C'est comme à
chaque médaille, il y a deux côtés. Il faut essayer quand
même de maintenir ce service-là et de s'assurer de la
qualité des services rendus.
Mme Caron: Vous avez 2300 membres et quelques. Vous pouvez voir
combien de membres dans une année à peu près?
Mme McKenzie: À l'heure actuelle, il n'y en a pas beaucoup
qui sont vus à notre... En tout cas, pour l'année en cours, on
avait prévu moins de 100 inspections, visites d'inspection
professionnelle. Dans nos objectifs pour la prochaine année, on compte,
en tout cas, en faire beaucoup plus, mais il faut aussi développer les
mécanismes pour être capables d'en faire. Il y a toute la
difficulté de ressources. On l'a dit, souvent les petites corporations
n'ont pas les ressources. On n'a pas des gens à temps plein, on ne paie
pas des gens juste pour faire ça. Il y a toute la difficulté
d'avoir des gens aussi pour le faire. Alors, on essaie de conjuguer avec tout
ça pour avoir un programme qui va faire en sorte que nos membres seront
inspectés dans un nombre d'années x.
Mme Caron: Je trouvais ça important de vous faire parler
sur ce sujet-là parce que, au cours des différentes audiences, on
a insisté beaucoup sur l'importance de l'inspection professionnelle et
d'essayer peut-être de resserrer les critères. Mais, en vous
écoutant, je m'aperçois qu'il va falloir aussi tenir compte de
cette réalité-là dans le cas de certaines corporations
professionnelles où c'est beaucoup plus difficile au niveau de
l'application.
Mme McKenzie: D'autant plus que nos membres ne sont pas tous dans
les établissements. Je pense qu'il y a différents facteurs qui
font en sorte que ça peut ralentir. Quand les gens sont tous en
établissement, il y a peut-être des mécanismes qui sont
plus faciles, mais, pour nous, il faut user d'imagination pour
développer les outils nécessaires.
Mme Caron: Vous nous avez parlé aussi, dans votre
mémoire, de deux articles principalement qui vous posaient des
interrogations et qui touchent plus particulièrement votre Corporation.
Alors, je souhaiterais vous entendre davantage sur ces deux articles-là,
c'est-à-dire l'article 12o... On peut commencer par celui-là.
Mme McKenzie: O.K. En fait, dans le Code actuel, l'article 12o
prévoit que l'Office doit veiller à ce qu'une corporation qui
doit déléguer délègue dans un... En fait, l'Office
surveille et respecte, voit à ce que la corporation fasse son travail de
délégation comme il est prévu, sauf que, dans
Pavant-projet de loi, on ne le retrouve pas. On a beau lire tous les autres
articles sur les règlements, et tout ça. Bon, on peut
peut-être déduire que, peut-être, ça va arriver,
comme le rôle supplétif de l'Office à ce niveau-là,
mais, pour nous, ça pose des interrogations. Par expérience,
à la Corporation, on peut dire qu'en tout et partout ça a quand
même pris 15 ans avant qu'il y ait... en tout cas, que tous les actes
soient consolidés dans un règlement pour la
délégation des actes aux hygiénistes qui est prévue
effectivement à la Loi sur les dentistes. Alors, il n'y a pas de
mécanisme... en tout cas, il ne nous semble pas qu'il y ait des
mécanismes de surveillance à ce niveau-là. On ne parle pas
juste pour la Corporation des hygiénistes, on parle de façon
générale, pour toutes les corporations à titre
réservé qui se voient déléguer des actes. Est-ce
qu'à un moment donné ça ne causera pas de
problèmes? Le libellé, en tout cas à l'heure actuelle,
dans l'avant-projet de loi, des autres articles ne nous semble pas
évident à ce niveau-là. Mais c'était comme, il me
semble, un devoir important de l'Office et ça rassurait peut-être
aussi les autres corporations de voir que... Parce que, souvent, on n'a pas
toujours le pouvoir là où il y a des difficultés.
C'était quand même bon pour... sécurisant, peut-être
même pas sécurisant, mais, au moins, il y avait quelqu'un qui
pouvait nous aider ou veiller à ce que les actes soient
délégués ou que les règlements et les lois soient
appliqués.
Mme Caron: Je pense que c'est important que le ministre ou
l'Office vous rassure sur ces mécanismes. Et l'article 34?
Mme McKenzie: L'article 34, en fait, touche... En fait, on
imagine que l'article 34 est bon pour les corporations à exercice
exclusif, mais on parle de tout ce qui est des actes pour des gens non membres
de corporations. En tout cas, nous autres, on trouve que c'est un peu
mêlé toute cette histoire-là, avec tous les paragraphes
pour les stages... Et, nous, on avait des questions particulières
à cet effet-là. On en a déjà parlé, avec le
règlement délégué aux hygiénistes, on avait
eu des questions qui avaient été suscitées par les maisons
d'enseignement: Quelles sont les responsabilités
dentiste-hygiéniste, par le règlement, en maison d'enseignement?
Est-ce que les étudiants peuvent être poursuivis pour pratique
illégale dans le cadre de leur formation? Quelle est la relation
dentiste-hygiéniste... qui surveille une étudiante en
hygiène dentaire? Alors, c'était le genre de questions que les
enseignants et le monde professionnel avaient posées à cet
égard-là.
On avait posé la question à l'Office. L'Office nous avait
dit: Les étudiants ne peuvent pas être poursuivis pour pratique
illégale dans le cadre de leur formation, mais, pour tout ce qui touche
les enseignants, on verra à étudier le dossier et ça fera
l'objet de consultations ou, en tout cas, d'études beaucoup plus
avancées. Sauf que, là, on ne retrouve rien d'autre que l'article
34, on a de la misère à saisir et on n'est pas la seule
corporation. Les corporations à exercice exclusif et nous, on s'est
posé des questions. En réunion, il n'y a personne qui
interprétait la même chose, et on a peur que notre problème
soit dilué puis qu'on ne trouve pas réponse à ça
dans l'article 34. On ne sait pas tout à fait si ça nous touche
ou pas, mais on n'a pas de réponse, puis on aimerait ça savoir
comment on peut travailler avec notre règlement en fonction des
enseignants, des stages, des gens qui... C'est très nébuleux
à cet égard. (16 h 40)
Même, on peut pousser plus loin. Les enseignants qui travaillent
dans les cégeps, comment ça fonctionne au niveau de la
responsabilité? On peut parler d'un enseignant qui enseigne, bon, on
peut enseigner ce qu'on veut, puis il n'y a pas de problème. Quand on
arrive à la partie clinique, pratique, pour ce qui est d'une corporation
à titre réservé, est-ce qu'un enseignant pourrait
décider de ne pas être membre de la corporation, mais enseigner et
poser des gestes cliniques? Quelle est la responsabilité, la juridiction
d'un dentiste en fonction du règlement sur les actes? Disons que ce
n'est pas tout à fait clair, l'article 34, à cet égard. En
fait, on n'a pas la solution. On attendait quelque chose qui nous aiderait,
mais le libellé, à savoir: Est-ce que ça nous touche ou
pas? c'est comme...
Mme Caron: C'est parce que votre corporation, non seulement c'est
une corporation à titre réservé, mais il y a aussi des
actes délégués, en plus, qui s'ajoutent. Donc, vous avez
à peu près tout ce qu'il peut y avoir comme problèmes
possibles au niveau des corporations professionnelles, avec les mêmes
responsabilités et les mêmes devoirs. Je pense que vous nous
présentez bien cette difficile réalité.
Mme la Présidente, ma collègue des
Chutes-de-la-Chaudière aurait quelques questions, si vous permettez.
La Présidente (Mme Hovington): Je vous en prie.
Allez-y.
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, Mme la
Présidente. Moi, je voudrais revenir à l'article 34 et à
toute la notion de corporation à titre réservé. Vous avez
2300 membres sur une possibilité d'à peu près combien?
Est-ce que vous avez une idée de ça? Votre
«membership» représente quel pourcentage de l'ensemble des
hygiénistes dentaires au Québec?
Mme McKenzie: On n'a pas de chiffres précis à
l'appui. Ce qu'on peut dire, c'est qu'on a quand même un tableau des
dernières années de finissants... en tout cas, de nouveaux
diplômés en hygiène dentaire des différents
collèges. On peut dire que la majorité des étudiants, des
nouveaux diplômés en hygiène dentaire deviennent membres de
la Corporation, mais on n'a pas de données, à savoir le nombre
possible d'hygiénistes au Québec depuis les 15 dernières
années. Ça, je ne peux pas vous le dire. Mais, de façon
générale, on peut dire que la majorité des
diplômés sont membres de la Corporation. Effectivement, on
travaille aussi pour ça. On explique très bien ce qui se vit, le
sens de la loi et des règlements et, finalement, qu'on a un titre
réservé. Le fait d'avoir des actes qui sont
réservés aux hygiénistes, ça nous permet de faire
très bien comprendre qu'il faut respecter le règlement et que,
pour poser les actes, il faut être hygiéniste. Alors, on a quand
même peut-être plus de facilité qu'une autre corporation
à titre réservé à faire comprendre toute
l'importance de cette obligation avec les actes réservés. Mais on
peut dire, de façon générale, que les nouveaux
diplômés de chacune des années deviennent membres de la
Corporation.
Mme Carrier-Perreault: Dans ce sens-là, chez vous, il y a
plus de possibilité que les gens deviennent membres. On a vu d'autres
corporations de même titre, si on veut, que la vôtre, qui ont quand
même une certaine difficulté, en tout cas, à ce qu'on a pu
constater, à garder leur «membership» ou à aller
chercher des membres.
Mme McKenzie: C'est quand même au niveau de la
rétention, quand même, difficile. C'est sûr que, même
dans tout le processus dont on parle aujourd'hui, de réforme et de
commission parlementaire, je pense que chaque intervenant doit faire son propre
examen de conscience. Je pense bien, par contre, que, malgré tout,
malgré qu'on ait peut-être un ou deux avantages de plus qu'une
autre corporation, il y a quand même un problème de
rétention du membre. Les gens, ils ne comprennent pas très bien.
On s'efforce de bien expliquer ce que c'est. Mais c'est quand même
difficile de faire la rétention, d'autant plus qu'on parle de
multiplication des intervenants. Les conventions collectives laissent toujours,
dans leur libellé de convention, deux titres: l'hygiéniste
dentaire bien, en tout cas, on va prendre notre exemple
l'hygiéniste dentaire ou l'auxiliaire dentaire. Ça crée
aussi de la confusion. On dit: L'employeur, c'est l'État, puis dans les
conventions, on dit bien qu'il y a deux titres. Alors, ça devient
embêtant pour nous. La personne dit: Bien, je réponds aux
critères d'auxiliaire dentaire qui demande un diplôme
d'études collégiales en hygiène dentaire, mais sans
nécessairement porter le titre. Ça crée des
problèmes de rétention et ça crée de la confusion,
ça aussi.
Mme Carrier-Perreault: Est-ce que vous recevez des plaintes,
à l'occasion, pour des hygiénistes dentaires qui ne sont pas
membres de votre Corporation? Parce
que ça arrive aussi de temps en temps dans des corporations comme
la vôtre où il y a des plaintes qui arrivent, puis la personne de
qui le public ou le client se plaint n'est pas membre de votre corporation, mis
à part les assistantes, et ce que vous nous décrivez.
Mme McKenzie: On a déjà eu... Je pense qu'encore
là, quand on parlait des plaintes au syndic, c'est souvent des cas
d'usurpation de titre. Il arrive, évidemment, qu'on trouve des
diplômés en hygiène dentaire qui, dans le cadre de leur
travail, soit selon un cadre de convention collective ou par
méconnaissance, ne se sentent pas liés par la Corporation et
disent: Je suis diplômé en hygiène dentaire et j'ai la
formation, et ils utilisent quand même le titre, ne le sachant pas. Nous,
on dit: Le titre, être hygiéniste dentaire au Québec, c'est
être membre de sa Corporation, c'est clair dans le Code. Alors, il y a
des gens qui ne le comprennent pas toujours. Alors, il y en a qui peuvent
utiliser le titre d'hygiéniste dentaire. À cet effet-là,
on peut avoir des plaintes, avec les autres titres qui laissent croire,
là... Est-ce qu'utiliser «technicien en hygiène
dentaire», ça laisse croire qu'on est hygiéniste dentaire?
Je pense que oui, là. Alors, il y a...
Mme Carrier-Perreault: Quand on dit que le public est inquiet ou
se pose des questions, qu'il y a non-transparence, et tout ça, quand on
regarde ce genre de situation là avec les corporations à titre
réservé et que le public fait des appels, en tout cas
vis-à-vis de certaines corporations, et qu'il se rend compte que, bon,
il n'a aucune prise, le public, quand la personne n'est pas membre de la
corporation, comme la vôtre ou d'autres de même type, ça
contribue sûrement aussi à donner un effet de non-transparence ou
de non-protection par rapport aux gens qui font des plaintes. Est-ce que vous
seriez d'accord pour, disons, obliger les gens à être membres de
la Corporation ou, à tout le moins, est-ce que ce serait possible
d'obliger les gens à suivre, si on veut, le Code de déontologie?
On pourrait, par exemple, penser qu'il y aurait un mécanisme quelque
part qui pourrait s'appliquer où on pourrait porter plainte contre
quelqu'un de la profession même s'il n'est pas membre, parce qu'il aurait
à respecter le Code de déontologie de sa profession?
Mme McKenzie: Enfin, moi, je pense que, tout ça, ça
relève du libellé et de la constitution de corporation à
exercice exclusif et à titre réservé.
Mme Carrier-Perreault: C'est toujours ça.
Mme McKenzie: Je pense que le problème réside aussi
là. On l'a déjà dit, on n'a pas juridiction sur des
non-membres, on n'a pas vraiment de moyen d'aller contrer ça. C'est
sûr qu'on veut faire bien comprendre que, pour être
hygiéniste, il faut être membre de sa corporation, et le faire
comprendre au public et faire la différenciation auprès du public
des différents intervenants. Mais il faut aussi conscientiser les
membres et faire appel à leur jugement. C'est pour ça que, quand
on dit qu'il faut faire une prise de conscience, je pense que c'est de part et
d'autre. On veut bien faire comprendre au public que les hygiénistes, ce
sont des professionnels prévus par la loi, qu'ils sont reconnus et
qu'ils existent. Il faut faire appel à des professionnels que sont les
hygiénistes dentaires, et on veut aussi créer le
réflexe... Quand les gens appellent et disent: Est-ce que c'est une
hygiéniste dentaire? on est capables, ça, de le dire. Quelqu'un
appelle: Est-ce que vous êtes hygiéniste... est-ce que cette
personne-là est hygiéniste dentaire?, oui, on est capables de le
vérifier. C'est surtout cette mécanique-là qu'il faut
faire comprendre, parce que, par la loi, on ne peut pas faire autrement. On n'a
pas les mêmes mécanismes qu'une corporation à exercice
exclusif à ce niveau-là; c'est beaucoup plus difficile.
Évidemment, ce serait à l'avantage de toutes les corporations
à titre réservé; elles aimeraient ça avoir au moins
cette possibilité-là, mais, à l'heure actuelle, ce n'est
pas tout à fait comme ça.
Mme Carrier-Perreault: Non. C'est parce que le Protecteur du
citoyen est venu suggérer des choses ce matin, puis, je ne sais pas,
c'est une interrogation, comme ça, qui me venait: Est-ce que c'est
possible qu'il y ait un mécanisme quelque part qui dise: Bon, on prend
toutes les plaintes à ce niveau-là... si c'est situé
à l'Office, par exemple? En tout cas, disons que c'est une
réflexion que je me faisais et je voulais connaître vos
commentaires. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Hovington): Ça va? Mme
Carrier-Perreault: Oui.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. le ministre, il
reste quelques minutes.
M. Savoie: Merci, Mme la Présidente. On a eu droit, au
niveau de votre mémoire, à plusieurs recommandations, à
plusieurs commentaires. On ne peut pas tout adresser à ce moment-ci. Au
niveau de l'Office des professions, on me dit que Me Belisle va échanger
avec vous. Il y a une évolution dans certains éléments;
par exemple, auxiliaire dentaire, également, ça va être
abordé, et on va répondre à quelques-unes de vos
inquiétudes, questionnements que vous nous avez soulevés, de
façon à y donner le plus de suivi possible.
Vous avez soulevé à quelques reprises la participation des
citoyens, comme quoi ça... c'est un élément de
transparence, mais ce n'est pas déterminant, comme quoi ce ne serait
pas... Je me demandais, si vous me le permettez, Mme Goudreault, est-ce que
ça fait longtemps que vous êtes au niveau du monde professionnel?
Est-ce que ça fait longtemps que vous circulez dans le milieu? Une
dizaine d'années?
Mme Goudreault: Depuis 1977. M. Savoie: Je ne vous entends
pas.
Mme Goudreault: Depuis 1977.
(16 h 50)
M. Savoie: Ça fait 10 ans. Et c'est un
phénomène, finalement, qui est relativement nouveau, nommer des
gens, au niveau de l'Office des professions, qui sont citoyens. On va
s'adresser à votre questionnement, au fait que c'est deux citoyens. Les
mécanismes de nomination, on va tâcher de faire le suivi
là-dessus. Mais pensez-vous que, par exemple, l'introduction de citoyens
au niveau des plaintes, de façon générale, dans le
mécanisme, va satisfaire des attentes, par exemple au niveau des ACEF,
au niveau de Fombudsman, au niveau des organismes sociaux, qui, finalement, ont
comme préoccupation la surveillance de l'administration dans les
disciplines par les corporations professionnelles?
Mme Goudreault: Je pense que le principal questionnement qu'il
faut avoir à ce niveau-là, c'est: Est-ce que le public va
être satisfait de cette solution-là?
M. Savoie: C'est ça, oui.
Mme Goudreault: Parce que la question, comme on l'a
soulevée, c'est... Au niveau des bureaux d'administration des
corporations, les administrateurs nommés, les membres externes, les
citoyens sont déjà là. Est-ce que c'est parce que ces
personnes-là...
M. Savoie: Oui, c'est ça.
Mme Goudreault: ...ont tellement bien fait leur travail que c'est
ça, la solution?
M. Savoie: Ils sont combien, sur un conseil? Vous avez combien de
membres sur votre conseil d'administration?
Mme Goudreault: Nous, c'est quatre.
M. Savoie: Pardon?
Une voix: Trois.
Mme Goudreault: Trois?
M. Savoie: Non, non. Combien de personnes en tout au niveau du
C.A.?
Mme Goudreault: Seize administrateurs.
M. Savoie: Seize. Il y a combien de citoyens
là-dessus?
Mme Goudreault: Trois.
M. Savoie: Trois. Au niveau du comité des plaintes, ce qui
est proposé, c'est cinq personnes, dont deux citoyens. On voit que,
oups! ce n'est plus les mêmes proportions. Il y a beaucoup de monde qui
pense que les deux ou trois personnes nommées sur les conseils
d'administration, ce n'est pas suffisant, qu'elles n'ont pas de poids, qu'elles
ne sont pas assez nombreuses. Au niveau de l'Office, ce qui est proposé,
c'est deux sur sept. Ça non plus, ce n'est pas beaucoup. Il y en a qui
me disent même qu'on devrait avoir trois citoyens et seulement quatre
professionnels, d'accroître cette participation du public. Quand vous
dites que les citoyens c'est quelque chose d'assez large, là...
Est-ce que vous pensez, par exemple, que l'Association des consommateurs, les
ACEF, ces intervenants-là, ça constitue, en quelque sorte, les
représentants, les porte-parole pour les citoyens?
Mme Goudreault: Très certainement. Ce qu'on a
souligné, c'est que peut-être qu'il va falloir des critères
de sélection qui soient quand même préétablis.
M. Savoie: Oui, ça, j'ai trouvé ça
intéressant...
Mme Goudreault: C'est à ce niveau-là que
c'est...
M. Savoie: .. .puis ça a allumé une
lumière.
Mme Goudreault: Parce que, quand il n'y en a pas, à ce
moment-là, je veux dire, et surtout... Là, on parle de
nominations, ça semble être des nominations qui vont être
gouvernementales et non pas sur suggestion de groupes particuliers. Alors,
à ce niveau-là, encore une fois, comme on a dit, il va y avoir
des forces politiques, il va y avoir le jeu qui va... Est-ce qu'à ce
moment-là ça va vraiment être des représentants du
public à l'Office? C'est ça, le questionnement.
M. Savoie: Oui. Comme je vous dis, dans votre mémoire, je
l'ai vue, la recommandation, et on en a pris bonne note. C'est une
recommandation positive. Je pense que, justement, on va s'assurer que...
empêcher, par exemple, de tout simplement envoyer quelqu'un pour boucher
un trou. On va s'organiser pour que ça vienne de sources
intéressées puis par des personnes qui connaissent le monde
professionnel.
Finalement, cette démocratisation, entre guillemets, ça
vous va, dans son ensemble?
Mme McKenzie: Enfin, on a dit qu'on ne peut pas, non plus,
être contre, ce n'est pas pour mettre des bâtons dans les roues,
mais il faut quand même faire très bien comprendre, il faut faire
comprendre aux gens ce que c'est que le système professionnel. Je pense
qu'à cet effet le Dr Boucher aussi en parlait il faut
faire comprendre ce que c'est, il faut informer les gens. On
lit les journaux des derniers jours et on parle des corporations, on
parle toujours des mêmes. Les gens ne les connaissent même pas.
Est-ce que les inhalothérapeutes sont des professionnels au sens du
Code? Les gens ne le savent pas. Les hygiénistes dentaires? Bon. Les
gens ont déjà de la difficulté à
démêler ça. Je pense qu'il y a un besoin d'information. Que
les gens soient plus impliqués et qu'ils se sentent bien
impliqués, on ne peut pas avoir quelque chose contre ça, mais il
faut quand même voir les limites à ces choses-là.
Je lisais aussi un article dans lequel vous parlez de la présente
réforme et de la commission. Vous dites: On veut que les gens changent
leur perception. Mais il faut bien voir qu'il faut leur donner les outils. Ce
n'est pas sûr qu'ils comprennent toujours tous les mécanismes. Il
faut qu'ils apprennent ça. Vous disiez dans l'article: Les gens, quand
ils se font évaluer ou qu'ils portent plainte et qu'ils ont l'impression
que les professionnels se font juger par leurs pairs, s'ils vont à un
comité des plaintes où il y a des membres du public, ils vont se
sentir plus valorisés et ils vont avoir l'impression que ça va
aboutir quelque part. Mais on peut se poser des interrogations
là-dessus, à l'effet qu'il y ait plus de gens, que les gens
s'impliquent plus et le veuillent plus. Si ça répond à
leurs demandes, oui, mais il faut quand même voir que ça peut
porter, de toute façon, à confusion. Ça ne réglera
peut-être pas les problèmes du monde juste à ce
niveau-là. Alors, peut-être de faire mieux expliquer, mettre des
balises, je ne sais pas, il y a sûrement d'autres moyens, mais pas juste
dire: On met plus de monde à ce comité-là puis on
règle notre problème. Je ne pense pas qu'on règle le
fondamental de ça. Mais de les inviter à participer, oui, si les
gens le veulent bien, et il va falloir qu'ils s'impliquent et qu'ils
comprennent quelles sont les obligations que ça a aussi de
s'impliquer.
M. Savoie: D'accord. Je vous remercie pour votre mémoire,
je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous présenter ça
par un beau, semi-beau mardi après-midi.
Mme McKenzie: Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Mme McKenzie, Mme
Goudreault, merci beaucoup d'être venues devant la commission de
l'éducation.
Mme Goudreault: C'est nous qui vous remercions.
La Présidente (Mme Hovington): La commission va suspendre
deux minutes, le temps à la Corporation professionnelle des travailleurs
sociaux du Québec de prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 56)
(Reprise à 16 h 58)
La Présidente (Mme Hovington): La commission va poursuivre
ses travaux avec la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du
Québec, représentée par... Voulez-vous vous
présenter, s'il vous plaît?
Corporation professionnelle des travailleurs sociaux
du Québec (CPTSQ)
Mme Dauphinais (Renée): Je suis la présidente de la
Corporation, Renée Dauphinais, et je suis accompagnée du
directeur général de la Corporation, M. René
Pagé.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, Mme Jocelyne Girard
n'est pas avec vous.
Mme Dauphinais: Non, elle a dû se désister pour
cause de maladie.
La Présidente (Mme Hovington): D'accord. Alors, c'est
vous, en tant que présidente, qui êtes la porte-parole?
Mme Dauphinais: Oui, madame.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, allez-y, nous vous
écoutons.
Mme Dauphinais: Mme la Présidente, M. le ministre, Mme la
députée de l'Opposition, Mmes et MM. les membres de la
commission, la Corporation des travailleurs sociaux, comme vous l'avez vu, n'a
pas préparé un mémoire exhaustif sur l'avant-projet de
loi, point par point. Nous sommes contents de profiter de l'occasion pour venir
échanger avec les membres du gouvernement, qui décide de ce qui
va arriver au niveau de l'univers professionnel, sur quelques points qui nous
semblent très importants.
Depuis un certain temps, divers documents et avis ont été
rendus publics au sujet du système professionnel par l'Office des
professions et d'autres instances gouvernementales. Selon notre Corporation, il
semblait évident qu'à l'approche du 20e anniversaire je
pense qu'on n'est pas les seuls à le dire du système
professionnel québécois une vaste consultation permettrait de
soulever les problèmes et les carences, de réfléchir sur
l'efficacité du système et d'y apporter des solutions
créatives et novatrices. Notre Corporation est déçue que
ce ne soit pas le cas. (17 heures)
J'aimerais d'abord vous faire un tableau, parce que les travailleurs
sociaux, vous savez, ça a l'air très connu, le service social,
mais, quand on parle aux gens, ce n'est pas connu beaucoup. Je ne pense pas
qu'il y ait beaucoup de gens au Québec qui savent que l'association des
travailleurs sociaux existe, au niveau canadien,
depuis 1926. Alors, ce n'est pas une jeune profession. Lors de la
création de la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du
Québec elle a été créée par un bill
privé le 12 février 1960 notre profession s'était
vu alors accorder par le législateur une reconnaissance légale.
Ces précisions sont utiles, car elles démontrent qu'il y a plus
de 67 ans que les travailleurs sociaux ont la préoccupation d'offrir des
services de qualité au public et de respecter un code de
déontologie.
Depuis l'implantation du Code des professions, la CPTSQ a
travaillé à bâtir une réglementation qui lui permet
d'encadrer la pratique professionnelle de ses membres et d'assurer ainsi son
mandat de protection du public. Malheureusement, l'avant-projet de loi ne
semble pas reconnaître ce travail de notre Corporation, car il
préconise un processus de contrôle, à notre point de vue,
nettement exagéré.
Lors d'une entrevue avec le journal La Presse le 18 septembre dernier,
M. le ministre, vous avez dit et affirmé que la protection du public
passe par une délimitation claire du champ de compétence, une
déontologie adéquate, des garanties absolues de compétence
et la compréhension constante des besoins du public. Notre Corporation
est entièrement en accord avec cette affirmation qui résume fort
bien le rôle des corporations professionnelles.
Nous nous limiterons à affirmer que l'avant-projet de loi propose
un grand nombre de changements qui auraient des impacts majeurs sur la
façon dont notre Corporation assumerait son mandat. Nous tenons à
préciser que notre Corporation adhère entièrement à
l'étude de l'avant-projet de loi qu'a faite le Conseil
interprofessionnel du Québec dans son mémoire. C'est pourquoi
nous n'avons pas fait une analyse des choses article par article. Nous jugeons
que les arguments développés dans la position du CIQ
résument bien l'analyse que nous en faisons nous-mêmes, c'est
pourquoi la CPTSQ demande le retrait de l'avant-projet de loi et insiste sur la
nécessité que soit tenue une consultation impliquant toutes les
parties. Alors, je pense que nous ne sommes pas les premières
corporations à dire ceci, mais nous l'ajoutons à la voix des
autres.
J'aimerais profiter de notre présence ici pour vous parler du
fonctionnement d'une corporation comme la nôtre qui utilise beaucoup le
travail bénévole. Quand on parle de donner plus aux
professionnels, l'imputabilité financière de la protection du
public, je voudrais juste vous souligner que notre corporation utilise le
travail bénévole depuis toujours. Elle sait que ses membres
croient au système professionnel basé sur l'autocritique et
l'autocontrôlé de la pratique. L'implication des travailleurs
sociaux dans leur corporation est bénévole, et ce, à tous
les niveaux, en dehors du personnel de la permanence.
En effet, la participation des membres à la gestion de la
corporation, à ses divers comités et groupes de travail est
entièrement faite de façon bénévole. Cela
représente, en fait, plus de 7350 heures de travail
bénévole par année, ce qui aurait à augmenter notre
budget d'un montant d'à peu près 100 000 $ par année.
Alors, sur notre budget annuel, ça serait beaucoup. De plus, nous savons
que la plupart utilisent leur temps personnel pour participer à ces
activités. Nous croyons que ce constat parle de lui-même de la
motivation de nos membres à maintenir chez leurs collègues le
plus haut niveau de compétence et à assurer la protection du
public.
Elle investit beaucoup dans la formation continue de ses membres. Une
revue professionnelle est publiée trois fois l'an. Plusieurs sessions de
formation continue sont offertes dans toutes les régions du
Québec et traitent de sujets tels que la déontologie et le
perfectionnement des connaissances nécessaires au maintien des plus
hauts standards de notre profession. Notre corporation produit des avis
professionnels à ses membres afin de les guider dans l'accomplissement
d'actes professionnels particulièrement complexes, tant par la nature
des problèmes traités que par le contexte d'application de la
loi. De plus, un guide pour la pratique professionnelle en CLSC a
été produit et d'autres sont en préparation. Ce document,
par sa popularité tant auprès de nos membres que de leurs
employeurs, confirme le rôle de partenaire qu'assume notre corporation
pour assurer les meilleurs services au public. En conséquence, nous
pouvons affirmer que les membres de notre corporation, par leur implication,
croient au système qui régit leur profession.
La deuxième question que je veux aborder, et qui a
été abordée par d'autres corporations à titre
réservé aussi, et qui est très importante quand on pense
à l'augmentation des mécanismes de contrôle qui va
impliquer beaucoup d'argent, c'est qu'on demande... C'est un système
inégal, le système professionnel. Il y a deux types de
corporation mais un même mandat. Alors, le même mandat de
protection du public est confié aux 41 corporations professionnelles
mais il existe deux types de corporations. La différence majeure est
l'appartenance obligatoire à leur corporation pour certains
professionnels et facultative pour d'autres. Dans un système où
la protection du public est le principal enjeu, les corporations
professionnelles à titre réservé comme la nôtre se
voient contraintes de ne contrôler que la pratique professionnelle de
ceux qui veulent bien y adhérer. C'est donc dire que notre corporation
est à la merci, d'abord, des situations financières
aléatoires, des fluctuations du contexte socio-économique mais,
aussi, d'une mauvaise humeur d'un membre qui n'est pas très content de
comment s'est comporté un inspecteur ou qui sait que s'en vient à
la corporation la plainte d'un de ses clients. Pire encore, la radiation du
tableau des membres par le comité de discipline ne signifie rien pour la
protection du public, car ce même membre peut, en toute
légalité, continuer à exercer sans que personne ne puisse
l'en empêcher car il perd seulement son droit d'utiliser le titre
réservé, non pas son droit d'exercice. Et tout cela peut se
produire même s'il a commis une faute très grave.
Voilà une autre raison majeure pourquoi notre corporation rejette
l'avant-projet de loi car le vrai débat de fond n'a pas eu lieu. La
moitié des corporations pro-
fessionnelles ne peuvent donc assumer convenablement leur mission de
protection du public. L'argument souvent entendu de la complexité de
créer des corporations professionnelles à exercice exclusif ne
tient plus. En effet, au Nouveau-Brunswick et je pense à
l'île-du-Prince-Édouard l'appartenance à leur
association professionnelle est obligatoire pour les travailleurs sociaux et
ce, depuis 1988. Et notre voisine, Terre-Neuve, semble vouloir adopter ce
même règlement; ces mois-ci, la loi va être
promulguée. Et nous savons que dans d'autres provinces canadiennes la
question est posée aussi et débattue.
Notre corporation ne croit pas que ce problème fondamental sera
réglé par un élargissement des textes législatifs
avec des expressions telles que «pouvant laisser croire que» ou
l'ajout de titres semblables à celui de «travailleur
social». Nos collègues et nos collaborateurs sont bien trop
créateurs, ils en trouveront toujours d'autres pour désigner qui
ils veulent désigner sans l'obligation d'appartenir à une
corporation professionnelle. Ce point-là, probablement, reviendra
peut-être plus tard dans nos échanges.
Notre corporation est persuadée que le système
professionnel a fait ses preuves. Cependant, après 20 ans d'existence,
des changements et des ajustements sont nécessaires. Des sujets majeurs
sont traités dans l'avant-projet de loi, comme le système
disciplinaire, la réglementation, le rôle des corporations, de
l'Office des professions et du gouvernement. Nous demandons au gouvernement de
faire une vaste consultation publique et, par la suite, de revenir avec un
projet de loi. Le succès du système professionnel du
Québec repose sur le maintien d'un équilibre des
responsabilités entre les diverses instances concernées. Notre
corporation est persuadée qu'il existe une volonté chez
l'ensemble de ses membres pour que le système soit
amélioré et qu'il y ait moyen de trouver des solutions pour
réajuster le système professionnel pour qu'il assume la
protection du public, et surtout qu'il soit crédible pour le public. Je
vous remercie.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup, Mme
Dauphinais.
M. le ministre, vous avez la parole.
M. Savoie: Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, nos
salutations et nos remerciements pour avoir pris le temps de préparer un
mémoire et de nous le présenter cet après-midi. Les
travailleurs sociaux sont...
Mme Dauphinais: Ils sont 3350 membres, M. le ministre.
M. Savoie: J'ai 3061 en 1991-1992. Ça veut dire qu'il y a
eu une croissance, là, en 1992-1993?
Mme Dauphinais: II y a une croissance constante depuis 1985.
M. Savoie: Vous êtes combien, là?
Mme Dauphinais: Nous sommes 3350. M. Savoie: Oui, 3350.
Mme Dauphinais: Oui.
M. Savoie: C'est ça. Et des revenus de l'ordre de 700 000
$, ce qui est appréciable pour une corporation au Québec qui,
finalement, là, gère avec assiduité, je pense, ses
obligations, par exemple, au niveau disciplinaire. Bien qu'il n'y ait pas de
plainte portée devant le comité de discipline, il y en a
déjà eu, je crois.
Mme Dauphinais: Oui. M. Savoie: Oui.
Mme Dauphinais: II y en a en ce moment et il s'en en vient
aussi.
M. Savoie: II s'en en vient aussi?
Mme Dauphinais: Oui.
M. Savoie: Bon, ça nous fait plaisir. Ha, ha, ha!
Mme Dauphinais: Ça vous fait plaisir. Ha, ha, ha! Bien,
enfin, on aimerait que nos professionnels ne fassent pas d'erreur et aient de
bons comportements.
M. Savoie: C'est ça.
Mme Dauphinais: Mais, oui, il s'en en vient. (17 h 10)
M. Savoie: On parle effectivement des demandes reçues: 15,
pour 1991-1992; demandes retenues pour enquête, 8, et des enquêtes
réglées, également, 8. Ça fait en sorte,
malgré le fait que c'est à titre réservé,
malgré le fait que vous êtes dans un contexte difficile
vis-à-vis de vos membres, il y a quand même une volonté
d'administrer la discipline et de faire un suivi du dossier.
Comme vous l'avez si bien souligné, un des problèmes qui
existent particulièrement chez les travailleurs sociaux, c'est cette
injustice, finalement, qui existe où on peut ou on ne peut pas
être membre de la corporation professionnelle, et c'est
problématique. Je suis également au courant du fait qu'il y a
là un secteur où, effectivement, il pourrait y avoir obligation
de faire partie de la corporation.
Mme Dauphinais: Beaucoup d'actes pourraient être
réservés, oui, exclusifs.
M. Savoie: Oui, et l'obligation d'être membre,
également, je pense que ça présente des avantages. Je
ne
veux pas m'embarquer dans les actes réservés, là...
Mme Dauphinois: Ha, ha, ha!
M. Savoie: ...mais, certainement au niveau du fait d'être
membre, je pense que ça réglerait une bonne partie du
problème. Je pense que l'évolution, de toute façon, est
dans ce chemin-là.
Vous nous avez fait part, évidemment, de votre position au niveau
des différentes modifications proposées au projet de loi. Notre
réforme, évidemment, comme vous le savez, suscite beaucoup
d'intérêt. On a eu des réactions parfois assez violentes,
on en a eu d'assez classiques, on en a eu également, évidemment,
qui cherchaient à voir ce qui pourrait être fait. Je pense que ce
que j'ai senti de votre côté, c'est une plus grande
sensibilisation au niveau, justement, de la perception du public. J'ai
constaté également une volonté de votre part de quand
même donner un suivi sur le processus de démocratisation que l'on
aborde. J'ai trouvé ça particulièrement
intéressant.
La question: Est-ce que vous suivez un peu ce qui se fait en Ontario au
niveau des travailleurs sociaux?
Mme Dauphinais: L'Ontario, pas depuis un an. Il y a un an
passé, quand on a débattu d'autres sujets, on a eu à aller
voir ce qui se passait dans les autres provinces, et l'Ontario est la seule
province où il n'y a pas encore de réglementation, ni pour le
titre, ni pour l'acte, rien du tout. Ils travaillent depuis très
longtemps, ça semble très complexe. Ils espéraient que
ça change avec l'avènement du Parti néo-démocrate,
mais je ne pense pas que ça l'ait fait.
M. Savoie: On me dit, moi, que c'a échoué,
d'ailleurs.
Mme Dauphinais: C'est la seule province au Canada...
M. Savoie: Oui.
Mme Dauphinais: ...où le service social n'a aucune
législation.
M. Savoie: C'est ça, on me dit que c'a
échoué il n'y a pas tellement longtemps, là, il y a un
mois ou deux, après Noël, en fait, que le consensus qui existait
pour aller de l'avant a échoué.
Mme Dauphinais: Chez les travailleurs sociaux ou du
côté du gouvernement?
M. Savoie: Bien, enfin, chez le gouvernement...
Mme Dauphinais: Chez le gouvernement.
M. Savoie: ...bien, suite à une division à
l'inté- rieur des travailleurs sociaux, là. M. Pagé
(René): Bien... M. Savoie: Oui.
M. Pagé: ...si vous permettez, M. le ministre, une
information. À l'époque où le lobby était
excessivement fort et que ça allait dans ce sens-là c'est
avant même le gouvernement néo-démocrate il y avait
des protestations qui se faisaient devant le siège social pour qu'il n'y
ait pas cette reconnaissance-là, et c'étaient des gens
diplômés en service social qui ne voulaient pas de cette
obligation-là de protection du public, finalement. Il faut bien faire
attention entre ceux qui sont membres et ceux qui ne le sont pas, et c'est
toujours la situation que bien des gens ne comprennent pas par rapport à
une corporation à titre réservé, et il faut, 365 jours par
année, le rappeler. Les gens, souvent, qui parlent des corporations
professionnelles et qui sont là-dedans ont dans leur tête le
modèle des corporations à exercice exclusif, et les corporations
à titre réservé sont oubliées là-dedans.
La précision est la suivante: II y a eu des protestations, mais
qui venaient de gens qui ne voulaient pas de cette législation de
protection du public, alors que vous avez plus de 4200 membres c'est les
derniers chiffres que j'ai, ils sont peut-être plus à l'heure
actuelle qui font partie de l'Association des travailleurs sociaux de
l'Ontario. Alors, il y a une minorité, mais qui faisait beaucoup de
bruit avec des pancartes devant le siège social, sur la rue où
ils sont installés. Alors, c'est assez complexe, comme situation, ce qui
se passe en Ontario...
M. Savoie: C'est ça.
M. Pagé: ...mais je ne pense pas que ça
préjuge d'aucune façon de la volonté de nos
collègues de l'Ontario qu'il y ait une législation de protection
du public, au contraire. Ils ont mis beaucoup d'énergie à ce
niveau-là.
Mme Dauphinais: Oui.
M. Savoie: Oui. Alors, finalement, on a un avantage très
net, là, et une avance aussi très nette sur l'Ontario avec nos
structures, les orientations qu'on se donne. J'imagine que vous avez suivi,
est-ce que vous avez eu l'occasion d'entendre des commentaires d'autres
corporations qui ont présenté des mémoires, ou
d'échanger avec eux sur le déroulement de la commission à
date?
M. Pagé: Un peu, oui.
M. Savoie: Un peu, oui? J'imagine que la grande
inquiétude, c'est évidemment la réforme au niveau
disciplinaire. Est-ce que vous partagez d'une façon
profonde cette inquiétude, par exemple, au niveau des coûts
additionnels que ça pourrait générer?
M. Pagé: Forcément, il y a une question de
coûts. Aussitôt qu'on touche à la discipline de près
ou de loin, il y a des coûts importants parce que c'est un système
quasi judiciaire. Nous, on a vu, par exemple, à notre corporation, en
l'espace de six ans, les coûts augmenter de façon excessivement
importante, non seulement au niveau du bureau du syndic, mais également
de la discipline en soi. Les coûts de procureur vont certainement doubler
cette année, puis, l'année prochaine, on s'attend à ce
qu'ils augmentent encore. On a fait des prévisions à ce
niveau-là. Naturellement, c'est le premier principe de base de
protection du public et ça va à ce niveau-là.
Dans la nature des mécanismes qu'on pourrait mettre en place,
nous, on est loin d'être sûrs que le comité qui est
avancé dans l'avant-projet de loi serait la panacée. Les
travailleurs sociaux... je devrais dire les travailleuses sociales ont
été celles qui ont introduit le principe de la médiation,
et c'était la médiation familiale au Québec dans les
années soixante-dix. Ça fonctionne, aujourd'hui. Le gouvernement
est en train de légiférer; si ça peut aller de l'avant, on
le souhaite ardemment. Il est en train de légiférer
là-dessus. Tous les groupements sociaux-économiques, les
compagnies puis les entreprises sont en train de découvrir le principe
de la médiation, que ça coûte beaucoup moins cher que
d'aller devant un grand comité puis des procureurs dont le
métier, c'est de s'opposer puis de tomber dans la procé-durite
aiguë. Bon. C'est ça, le système.
M. Savoie: On a déjà entendu ce discours-là
un peu.
M. Pagé: Pardon?
M. Savoie: On a déjà entendu le discours de la
judiciarisation.
M. Pagé: Non, mais c'est parce que la médiation
peut éviter justement...
M. Savoie: Vous avez absolument raison. Je disais ça parce
que...
M. Pagé: Oui.
M. Savoie: ...effectivement, on...
M. Pagé: On pense, nous, que ça pourrait être
une solution. C'est que la crédibilité... On est très
préoccupés, je pense que notre présidente l'a dit tout
à l'heure, on est excessivement préoccupés par l'opinion
du public. Nous, on pense qu'on fait un bon travail. Quand on lit dans les
journaux que le système professionnel défend ses membres et qu'on
voit le travail que nos syndics font, on voit les comités de discipline,
on voit nos inspections, on voit nos membres qui nous quittent parce qu'on fait
bien notre boulot... Il ne faut pas l'oublier, parce qu'ils le font, n'est-ce
pas, quand ils ne sont pas contents. On en a, des membres qui quittent, on en a
250 par année qui se laissent radier pour défaut de paiement ou
qui donnent leur démission. Ils ne s'en vont pas tous parce qu'ils sont
mécontents, mais on sait qu'il y en a là-dedans qui, à un
moment donné, craignent ça. On a actuellement une inspection par
point de service qu'on va faire ici même, à Québec, puis on
a un membre qui ne veut pas se faire inspecter. Alors, écoutez, on est
confrontés à des choses.
On le fait, notre boulot, mais on pense qu'on le fait bien. Avec les
moyens financiers, naturellement, qu'on a, on pense qu'on l'assume dans la
mesure du possible à ce niveau-là; on pense que c'est à
améliorer. La perception du public sur un mécanisme qui est
simple... et la médiation, le public y croit, je pense. Et s'il y a un
domaine qui est difficile, dans notre société, c'est lorsqu'il y
a bien des séparations et des divorces; c'est extrêmement
pénible et difficile et ça amène des émotions
incroyables. C'est un phénomène qui marche bien dans beaucoup de
cas. Pas dans tous les cas, on ne dit pas que c'est une panacée, mais on
n'en a pas parlé, de ça. Et c'est pour ça que nous, on
pense qu'une consultation plus large... Les corporations, on serait
prêtes à essayer des choses, à essayer des projets-pilotes,
à tenter de trouver des mécanismes.
Mme Dauphinais: Je pense aussi que la médiation
permettrait... Nous, comme corporation et comme professionnels, les plaintes ne
sont pas faites sur des causes concrètes et facilement mesurables. Si un
professionnel a détourné de l'argent, je veux dire, ça se
prouve. S'il y a eu un malentendu dans la relation affective qu'établit
un client avec un travailleur social, c'est beaucoup plus complexe à
cerner et la déception ou l'insatisfaction du client peut être
liée à un malentendu, peut être liée à une
souffrance importante et souvent, à ce moment-là, une approche de
médiation serait beaucoup plus adaptée, beaucoup plus
pertinente.
C'est sûr que, si on se retrouve avec des fautes d'abus à
caractère sexuel, on est dans des limites extrêmement
précises aussi, et assez claires à cerner, mais toute la relation
d'aide et la relation de confiance qu'impliquent nos professions on
n'est pas les seuls, mais on en est une... Les problèmes de plaintes
sont des problèmes très complexes et probablement que la
médiation... Nous, on y pense depuis un certain temps avec notre syndic.
Il y a souvent des plaintes qui arrivent de personnes en détresse ou
insatisfaites du temps que ça a pris ou de la difficulté, ou qui
n'ont pas le service qu'ils voudraient. Et c'est presque une réponse
thérapeutique qu'il y a à donner autant qu'une réponse
législative, si on peut dire. Alors, ça, c'est quelque chose qui
est à mentionner aussi pour un type de profession comme la
nôtre.
M. Savoie: Finalement... (17 h 20)
Mme Dauphinais: L'autre chose, aussi, M. le ministre, que je
pensais quand vous parliez du mécanisme de plainte, c'est que nous, pour
nos membres, il y a la moitié des professionnels, qu'on peut dire
à peu près, les gens qui font du service social, qui paient pour
que le public soit protégé: ils ont une cotisation, la plupart se
paient une assurance-responsabilité. Si on augmente les coûts sans
que le filet soit vraiment un filet de sécurité, même si on
investissait dans un comité d'étude des plaintes, qu'on mettait
beaucoup d'argent, beaucoup de temps là-dedans, si nos membres, à
qui ça coûte beaucoup plus cher, disent: Nous autres, pourquoi
est-ce qu'on va être encore membres de cette corporation-là? on ne
paiera plus; tant pis, on va travailler pareil, il n'y a personne qui va les
empêcher d'exercer, même dans des milieux qui demandent autant de
compétence que la protection de la jeunesse.
M. Savoie: Je pense, par exemple, à l'autofinancement.
J'imagine que vous sentez que vous allez perdre des membres à cause de
l'autofinancement?
Mme Dauphinais: Ce serait possible, M. le ministre.
M. Savoie: C'est possible?
Mme Dauphinais: Oui. On est la corporation qui a, je pense, la
cotisation la moins élevée. Malgré tout, on a la
moitié à peu près de notre «membership»
potentiel. Les employeurs et les syndicats, au fond... Les gens pour travailler
dans le système... L'État employeur et l'État
législateur ne se sont pas donné la main toujours, parce que,
l'État employeur, ça fait un peu son affaire de ne pas avoir les
titres professionnels et l'État législateur demande aux
corporations de protéger les actes professionnels. Alors, bon...
M. Savoie: Ça va bien?
Mme Dauphinais: Oui. Ça va bien. Ha, ha, ha!
M. Savoie: Quand on est l'État, ça va bien. Ha, ha,
ha!
Mme Dauphinais: Quand on est des travailleurs sociaux aussi.
M. Savoie: Je vais demander peut-être à Mme la
présidente de passer...
La Présidente (Mme Hovington): Mme la
députée de Terrebonne, vous avez la parole.
Mme Caron: Merci, Mme la Présidente.
Alors, Mme Dauphinais, M. Pagé, je vous remer- cie de votre
présentation. Évidemment, du côté de l'Ontario, si
on se compare à l'Ontario, comme le disait le ministre, nous sommes en
avance. Mais si on se compare aux autres provinces, comme vous nous l'avez dit,
nous sommes en retard. Et c'est effectivement «le» gros
problème, et c'est un problème qui touche la moitié des
corporations professionnelles. Vous l'avez dit vous-même, vous allez
chercher à peu près la moitié du potentiel de membres. Les
autres corporations, à titre réservé, nous ont
donné à peu près les mêmes chiffres. Donc, au niveau
des professionnels, on perd de nombreux professionnels et la protection du
public n'est pas assurée.
Quand vous nous parliez des conséquences de l'avant-projet, les
conséquences sont doubles. Si on additionne les conséquences de
l'avant-projet avec des coûts pour un comité des plaintes, si on
ajoute les conséquences financières de la loi 67, c'est
évident que les conséquences vont être majeures au niveau
des corporations à titre réservé; conséquences
majeures au niveau du nombre de membres, et, donc, conséquences majeures
sur la protection du public. Ceux et celles qui vont décider de
continuer à être membres des corporations, le bassin qu'il va vous
rester et les montants que vous allez avoir, c'est évident que vous
allez avoir des conséquences sur les moyens de prévention que
vous avez. Si vous avez moins de moyens financiers, si vous dépensez de
l'argent dans une structure de comité des plaintes, si vous avez de
l'argent pour financer l'Office, donc, il va vous rester moins d'argent
et même moins de membres pour faire de la formation continue,
moins d'argent pour faire de l'inspection professionnelle. C'est
évident, je pense, qu'on se dirige vers le contraire de l'objectif qui
était, au point de départ, d'améliorer la protection du
public.
Vous nous avez dit que vous répétiez peut-être
certaines choses qui avaient déjà été
présentées. Je pense, comme ex-enseignante, que la seule
façon de faire comprendre à un moment donné, de faire
passer des messages, c'est de les répéter; s'ils n'entrent pas
par le conscient, ils entrent par l'inconscient et, finalement, ça peut
amener des résultats.
Vous avez donné un exemple bien précis. Plusieurs ont
parlé des conséquences au niveau des titres
réservés, mais sans donner d'exemple précis. L'exemple que
vous avez donné en page 8, lorsque j'ai lu votre mémoire, je
trouvais qu'il donnait vraiment un beau portrait de la réalité
quand vous dites que quelqu'un peut être radié pour une faute
très grave et continuer à exercer tout simplement, sans qu'il y
ait aucune incidence; et le public, lui, ne s'en aperçoit pas. Au niveau
de la perception qu'ils ont de la protection, je pense que ça joue
beaucoup, le fait qu'il y ait une partie des professionnels qui ne soient pas
tenus de respecter un code de déontologie, puis de se soumettre à
un système de discipline. Et je pense que, si on ne touche pas à
ce problème-là au niveau du projet de loi qui va être
déposé, après, on fait carrément fausse route, tant
qu'à moi.
Vous avez, bien évidemment, suivi les travaux de la commission.
Vous avez sûrement entendu les commentaires aussi au niveau des
consommateurs, au niveau du Protecteur du citoyen. Lorsque j'entendais M.
Pagé nous parler de la perception des gens au niveau des corporations
professionnelles, c'est évident. Lorsque, dans le public en
général, vous parlez de corporations professionnelles, il en
existe à peu près six, il n'en existe pas quarante-et-une. Il
existe les médecins, les avocats, les notaires, les dentistes, les
ingénieurs, peut-être, les infirmières. Mais c'est
très limité, et, le jugement qu'on se fait sur le système
professionnel, on le fait uniquement sur ces corporations-là, et ce sont
toujours des corporations à exercice exclusif. Le jugement, vous le
subissez pareil, alors que vous n'avez absolument pas les mêmes
conditions.
L'Ordre des optométristes a fait une proposition de maintenir le
syndic, évidemment, un comité consultatif, un comité
aviseur, comme le proposait le Conseil interprofessionnel, et il faisait la
suggestion de peut-être une autre instance, un protecteur du citoyen, un
om-budsman, qui pourrait apporter réponse aux personnes, aux plaignants
qui considèrent qu'ils ont eu un rejet de leur demande et que
c'était injustifié. Et cet ombudsman ne serait peut-être
pas nécessaire dans chacune des corporations professionnelles. Est-ce
que cette idée-là, de regarder pour offrir une tribune externe,
ça vous apparaît une solution possible?
Mme Dauphinais: C'est certainement envisageable et
étudiable. Nous, on est prêts à regarder avec le
gouvernement, l'Office des professions et le CIQ comment arriver à des
mécanismes qui puissent redonner confiance au public. C'est certain que
redonner confiance au public est un objectif très important.
Tantôt, j'entendais celle qui m'a précédée. Dans les
faits, par rapport à notre corporation, je ne vois pas comment le public
a été lésé tellement qu'il aurait eu besoin d'un
ombudsman. Alors, qu'il soit là, qu'il puisse être utilisé,
qu'on puisse regarder les corporations avec toutes les instances, quel genre de
suggestions on pourrait faire pour que le public sente qu'il peut s'adresser
à un endroit où il est sûr d'être entendu, ça,
il me semble qu'on ne peut pas aller à rencontre d'une recherche de
cette nature-là.
Mme Caron: Compte tenu que les corporations professionnelles ne
vivent pas du tout les mêmes réalités et n'ont pas du tout
le même genre de plaintes... Vous l'avez dit vous-même, Mme
Dauphinais, les plaintes, chez vous, souvent, finalement, il s'agit de faire un
peu de thérapie même, et c'est beaucoup plus près de la
médiation, de la conciliation que d'une plainte au niveau de la
discipline. Est-ce que vous pensez que le système pourrait ne pas
être uniforme, au niveau de la discipline, pour l'ensemble des
corporations professionnelles?
Mme Dauphinais: C'est peut-être envisageable.
Déjà, les corporations qui sont susceptibles d'être
vulnérables, où les professionnels sont vulnérables de
fautes à caractère sexuel, par exemple, volontairement ont mis
sur pied un groupe de travail à l'intérieur du CIQ et ont
demandé que quelqu'un de l'Office des professions vienne travailler avec
eux pour arriver à faire un tableau le plus... des balises, une
réglementation et une façon de fonctionner la plus aidante et
pour les corporations et pour la protection du public. Et je pense qu'il y a
des corporations qui sont très proches dans le type de plaintes
auxquelles elles ont à faire face ou de risques de fautes
professionnelles auxquels elles ont à faire face et il y aurait avantage
certainement à plus de concertation et de mise sur pied, même
volontaire, de mécanismes de collaboration. (17 h 30)
Mme Caron: Vous faites partie des corporations professionnelles
qui touchez directement aux relations humaines. Dans l'avant-projet de loi, on
parle d'un délai de 60 jours pour une décision au niveau du
syndic. Moi, ça m'apparaissait extrêmement pénalisant,
surtout lorsqu'il y a des fautes graves. Parce qu'une faute grave et
vous en avez fait part de quelques-unes ça m'apparaît que
c'est extrêmement difficile de prendre une décision en 60 jours,
surtout lorsqu'on prend connaissance de certains cas particuliers et,
demain, nous en entendrons lorsque des citoyens ou des citoyennes
décident de déposer des plaintes parfois quelques années
après un événement; ça peut remonter à
quatre ans, cinq ans, sept ans après un événement. Alors,
ça m'apparaît extrêmement difficile, à ce
moment-là, d'arriver à établir des preuves en 60 jours.
Humainement parlant, je pense que ça pose un certain problème.
Vous, comme spécialiste, comme professionnelle au niveau des relations
humaines, est-ce que ça vous apparaît un problème?
Mme Dauphinais: Bien, d'abord, je dirais que deux mois pour
qu'une décision soit prise n'est pas long pour moi. Je vais vous
expliquer comment. Quand la personne fait une plainte, si elle a des nouvelles
du syndic en-dedans d'un délai beaucoup plus court et qu'elle sait que
la plainte est traitée, qu'elle est interviewée, qu'elle sait que
l'enquête est faite, elle sait qu'on s'occupe d'elle... Alors, deux mois
pour avoir le résultat de cette étude-là, non, ça
ne m'apparaît pas très long. Il y a trois, quatre ans, on prenait
plus de temps que ça. On s'est améliorés. Je dirais que
les choix de traitement de plaintes ne sont pas seulement sur la date
d'entrée de la plainte. Si, dans le cours normal, on a des délais
de trois à six mois, pour une plainte sur un comportement grave ou si on
peut supposer que la personne a été très
lésée ou est très anxieuse, la plainte va passer en
priorité, selon le type de plainte qui est présentée. Une
plainte qui touche vraiment des choses graves, le plaignant, je ne pense pas
qu'il se passe beaucoup plus de deux à trois semaines, même moins
que ça, des fois une semaine, pour qu'il soit appelé pour lui
dire que sa
plainte est arrivée, qu'on s'en occupe et qu'il commence à
pouvoir dire ce qui lui est arrivé.
Mme Caron: II n'y a pas beaucoup de plaintes au niveau de votre
corporation professionnelle. Est-ce que vous pouvez nous donner... Moi, j'ai
comme chiffres, en 1990-1991, sept demandes d'enquêtes seulement, avec
aucune qui se retrouve au niveau du comité de discipline. Est-ce que
c'est significatif comme...
Mme Dauphinais: Je ne le sais pas, ce qui s'est passé.
Peut-être que d'en parler dans le public a fait plus de... je dirais plus
de promotion des droits du public. L'an dernier, il y a eu 15 plaintes qui sont
entrées et, cette année, il va y en avoir plus. Et les plaintes
qui rentrent concernent des manquements plus graves qu'auparavant. Des
manquements, par exemple, des abus de confiance et des abus sexuels; on a une
plainte qui vient d'entrer, on n'en avait jamais eu. Des plaintes concernant
des rapports d'expertise ou seulement la lecture du rapport d'expertise nous
faisait un très gros problème; des gens avaient été
vraiment lésés dans des rapports d'expertise avec une
partialité inadmissible. Alors, il y a des plaintes plus graves qui
rentrent, je dirais, depuis une couple d'années.
Mme Caron: Je pense qu'on retrouve exactement la même chose
au niveau du système de justice. Il y a eu des augmentations assez
fortes au niveau des plaintes beaucoup plus graves.
Mme Dauphinais: Nous, parce qu'un syndic est bien seul et
malgré le fait que ce n'est pas un poste à plein temps, on a
fonctionné, depuis un an et demi, avec un syndic évidemment
majeur et deux syndics adjoints qui ne sont pas là seulement quand le
syndic ne peut pas travailler, mais qui prennent aussi des cas un peu tout le
temps et qui constituent, si on veut, un comité aviseur, tous les trois,
de partage de difficultés décisionnelles, par exemple, au niveau
du syndic.
Et moi, je ne vois pas, en tout cas pour le moment, comment les syndics
ont fait la preuve qu'ils n'avaient pas accompli comme il faut leur boulot. Je
ne le sais pas. Évidemment, je ne vais pas à l'intérieur
des autres corporations, mais, chez nous, je dirais, comme présidente et
comme personne qui a vu de très près à l'engagement puis
à l'évaluation des syndics et à comment ça se passe
je suis là depuis un an et demi il me semble que le syndic
ne m'a pas démontré encore qu'il ne faisait pas bien son boulot.
Vraiment, le boulot est pris au sérieux et les gens qui appellent pour
se plaindre sont pris très au sérieux, chez nous. J'affirme
ça, vraiment.
Mme Caron: Vous nous avez parlé un peu de votre inspection
professionnelle qui même, parfois, inquiétait avant que vous
passiez. Vous avez 3350 membres. Est-ce que vous arrivez à voir
l'ensemble des membres sur un certain nombre d'années?
Mme Dauphinais: Non, pour l'ensemble... Non, si on regarde les 10
dernières années, pour l'ensemble de la corporation, mais, pour
les gens qui pratiquent en exercice privé, oui. Sur une période
de cinq ans, on s'est donné des balises pour que tout le monde soit vu
dans une période de cinq ans. Avec l'augmentation des membres et avec
peut-être aussi la possibilité financière d'avoir un
inspecteur salarié, payé par nous, pas seulement à la
pige... des inspecteurs à la pige, on a commencé à avoir
un inspecteur à temps partiel et on a préparé des
projets-pilotes d'inspection par point de service. Ça, c'est nouveau,
mais ça va rejoindre beaucoup plus de membres à la fois, on va
pouvoir inspecter plus de monde cette année, et je pense que ça
va aller en augmentant.
Mme Caron: Est-ce que ça vous permet, ce
système-là, d'assurer aussi un suivi? Disons, par exemple,
là où vous voyez qu'il y aurait lieu d'améliorer, est-ce
que vous pouvez revenir, après quelques mois, pour vous assurer que les
corrections sont apportées?
Mme Dauphinais: Ça peut être la recommandation d'une
inspection professionnelle, oui, un suivi, mais les suivis se font de
différentes manières: Quand le comité d'inspection, par
exemple, se rend compte d'une faiblesse qui se retrouve à plus qu'un
endroit ou à plus qu'une inspection, il va proposer au comité de
formation continue de mettre sur pied un programme de formation qui correspond
à essayer de diminuer cette faiblesse-là.
Mme Caron: Ah oui!
Mme Dauphinais: Ça, c'est un genre de suivi qu'on fait
aussi, chez nous.
M. Pagé: Tous les programmes de formation continue
actuels, sauf les deux derniers, sont issus des recommandations du
comité d'inspection professionnelle. Depuis 1984, il y a des cours de
formation qui se donnent sur la déontologie, il y a des cours sur la
tenue de dossiers, en lien avec le règlement, il y a des cours sur
l'évaluation psychosociale, sur le plan d'intervention, et ces
cours-là sont donnés dans toutes les régions du
Québec, en passant. Alors, c'est à partir de Baie-Comeau,
Rouyn-Noranda, Bonaventure et partout; on déplace nos formateurs et non
l'inverse. C'est un choix politique du bureau dans le sens de dire que nos
membres qui étaient à l'extérieur des grands centres,
où, souvent, il n'y a pas autant de formation de disponible, on pensait
que, comme rôle de protection du public, la première chose, c'est
que, si nos membres avaient les compétences nécessaires pour
poser des actes professionnels, c'est certainement la meilleure façon de
protéger le public; c'est en termes d'une prévention et d'un
développement des connaissances.
Mme Caron: Oui. Je pense que là-dessus vous avez raison.
L'idéal, ce serait qu'on arrive à ce qu'il n'y ait plus de
plaintes parce que, justement, les professionnels, partout, offrent des
services de tellement grande qualité qu'il n'y a plus lieu de se
plaindre. Alors, moi, contrairement au ministre, je ne recherche pas qu'il y
ait une augmentation des plaintes au niveau des corporations professionnelles;
je pense que c'est plutôt inquiétant, à ce
moment-là. Ça serait dire que, finalement, la qualité
diminue et il ne le faudrait surtout pas.
Je n'ai pas posé beaucoup de questions à aucun groupe
là-dessus, mais comme la plupart en ont parlé et que vous avez
commencé votre introduction avec ça... Il vous semblait
évident, à l'approche du vingtième anniversaire, qu'il
fallait une vaste consultation pour soulever l'ensemble des problèmes,
des carences, réfléchir sur l'efficacité du
système, apporter des solutions créatives, innovatrices, et puis
vous êtes déçus. À quelle forme vous vous attendiez?
Qu'est-ce que vous souhaitiez comme consultation? Le ministre nous a dit, nous
a montré des consultations qui avaient été faites par le
Conseil interprofessionnel. Alors, qu'est-ce que vous souhaitiez comme
véritable consultation vaste, là?
Mme Dauphinais: Nous, d'abord, quand on a vu, dans Favant-projet
de loi, l'institution de responsabilités à l'Office des
professions qui étaient illimitées, on a été
très étonnés. On n'avait jamais entendu parler de la
possibilité même que ce choix-là soit sur la table. On n'a
pas du tout été consultés et on a été
surpris parce qu'à plusieurs moments on a eu l'occasion de voir,
et au CIQ et avec l'Office, tous les enjeux et les débats dans le
système professionnel du contrôle illimité qu'on
voulait imputer à l'Office des professions. Disons que l'absence de
consultation a été surtout sur ce point-là, dans
l'avant-projet de loi; ça nous a complètement pris par surprise,
cette recommandation-là.
Mme Caron: Donc, c'est qu'il y a une partie du projet de loi qui,
finalement, n'avait jamais été abordée au niveau des
différentes consultations?
Mme Dauphinais: Oui.
(17 h 40)
M. Pagé: Oui, mais il y a d'autres parties qui l'ont
été. La réglementation et là je pense que le
CIQ a été clair, c'est pour ça qu'on ne l'a pas repris.
C'est évident que dans le projet de loi il y a des items qui doivent
être traités même assez rapidement, parce qu'il y va de la
protection du public, et, là-dessus, il y a un accord parfait. Il y a
peut-être certaines petites modalités, mais ça pourrait
aller assez rapidement parce que c'est la protection du public qui est
là. Là-dessus, il faudrait aller de l'avant. Mais, je dirais, sur
les prémisses, les fondements du système professionnel qui sont
remis en question dans l'avant-projet de loi, si on regarde le rôle
imputé à chacun des acteurs, le gouvernement, l'Office, le CIQ et
les corporations, il y a des choses qui changent beaucoup, et c'est
là-dessus que, nous, on dit: Est-ce que c'est un peu comme de dire: les
corporations n'ont pas bien fait leur travail? Que de dire: les
règlements ou les propositions de règlement qu'on en fait... Et
c'est là-dessus que, nous, on dit... Enfin, comme corporation, nous, on
pense qu'on l'a fait, notre travail, et on sait qu'il y a des
améliorations à apporter, on y travaille actuellement: que ce
soit au niveau de l'inspection, que ce soit au niveau de la discipline, de la
formation continue, on est en mouvement d'amélioration.
Après 20 ans, c'est, somme toute, jeune pour un système
qui était avant-gardiste, à l'époque. On pense qu'il y a,
oui, du travail qui devrait être fait pour trouver des moyens. Est-ce
qu'il n'y a pas lieu de garder, peut-être, une souplesse qui, nous
semble-t-il, existe dans le système actuel où il y aurait lieu de
faire des projets-pilotes? L'exemple qu'on donnait tout à l'heure du
groupe de travail sur les fautes à caractère sexuel des
professionnels, où il y a un regroupement des corporations qui a une
volonté d'information du public de la façon dont les plaintes...
Et c'est de ça qu'on discute dans ce groupe de travail. L'Office est
d'ailleurs là parce que, nous, on est une des corporations à
insister en disant: L'Office va être de son côté, le CIQ de
son bord, puis, nous, on va être là, puis on va se redire des
choses, puis on va s'envoyer des fax. On a dit: Non, on veut l'Office
là. On va arrêter de chacun de son côté faire les
choses, ça prend de la concertation. Tout le monde a le même
objectif, faisons-le ensemble.
Il y a quelqu'un de l'Office qui est maintenant sur ce groupe de
travail, la prochaine réunion est lundi. Pourquoi il n'y aurait pas un
travail de fait dans ce sens-là? Les corporations, je pense, en font la
preuve, que, en tout cas, dans beaucoup de domaines, il y aurait une
possibilité de concertation. C'est léger comme système,
ça. Vous dites aux gens volontairement: Assoyez-vous autour de la table.
Si on s'aperçoit, après ça, qu'il y a des problèmes
majeurs, bien là, l'État prendra ses responsabilités. Mais
sur des choses où le système peut avancer rapidement, parce que
les gens y vont volontairement, puis ils découvrent, puis ils font des
choses, puis ils font des échanges, puis l'idée du formulaire...
Ça fait longtemps qu'on en parle, dans ce groupe de travail, d'avoir un
formulaire qui permette au public de porter la plainte avec toutes les
indications.
Le même formulaire pour tout le monde, est-ce que c'est la
bonne... Pourquoi uniformiser? L'uniformisation, là, ce n'est pas la
panacée de tous les problèmes. Parce qu'une plainte qui est
portée contre un ingénieur, un optométriste puis un
travailleur social, ce n'est pas la même chose. Alors, est-ce que,
ça, on pourrait comprendre ça à la base d'un projet de
loi, puis de dire qu'il y a une souplesse dans le système? C'est ce
qu'on dit. Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir une souplesse qui s'adapte? Parce
que les réalités des professionnels et des actes professionnels
posés sont différentes. Et, si le système professionnel
québécois peut respecter cette
souplesse-là, je pense qu'on va continuer d'être à
l'avant-garde, mais pas dans une structure qui nous semblerait trop rigide,
à certains moments donnés, du moins.
Mme Caron: Je vous écoute, puis je me dis que, si on ne
reconnaît même pas, effectivement, que le formulaire doit
être différent parce que les 40 corporations professionnelles sont
différentes, c'est évident que ça implique que plus
globalement on ne comprenne pas ces différences non plus. Je vous
remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): C'était votre
conclusion? Merci. M. le ministre.
M. Savoie: Merci, Mme la Présidente. Effectivement,
là, vous nous avez indiqué que, bon, il y a des
différences. Je pense qu'on en est bien conscients. Effectivement, il
n'y a pas eu de consultation sur la notion de tutelle, là. Elle a
été présentée comme ça parce que,
finalement, c'était déjà inclus dans la loi existante sous
forme de contrôle financier. Là, on retendait pour couvrir les
récalcitrants au niveau de l'application de la loi. Je pense qu'il n'y a
personne qui conteste ça vraiment. Ils contestent les modalités
mais, sur le fond, là... Il y a de temps en temps un petit critiqueur,
mais rien de bien sérieux, ni de bien bien profond.
Effectivement, on constate... Vous avez mentionné qu'au niveau de
la loi familiale, que ça puisse se réaliser, qu'à ce
moment-là vous auriez... Je pense que, à ma connaissance, en tout
cas, il n'y a pas de difficulté, ça devrait se maintenir; on le
souhaite ardemment, ce serait quelque chose de majeur pour votre corporation.
L'Office m'indique que depuis plusieurs années il y a un
développement de quasiment 10 % par année et que cette
croissance-là devrait normalement se maintenir jusqu'à temps que
vous ayez presque la totalité des gens en pratique. Ça fait deux
lois en peu de temps, finalement, qui vous permettent de vous affirmer en tant
que corporation professionnelle. Vous avez eu également la Loi sur
l'adoption et...
Mme Dauphinais: Internationale.
M. Savoie: C'est ça. Et également la loi sur la
médiation familiale. Alors, ce sont des pas dans la bonne direction qui
devraient vous aider à digérer l'autofinancement avec moins de
douleur qu'auparavant. Je pense que ce serait excellent.
Il ne me reste plus qu'à vous remercier pour votre
présence, vous dire qu'il y a des éléments dans votre
présentation qui me font réfléchir sur la notion, le
rôle... Effectivement, est-ce qu'on doit intervenir davantage
auprès des corporations à titre réservé en
forçant la note dans certains cas pour assurer la protection du public?
Je suis très au courant qu'il va y avoir... surtout au cours des deux ou
trois prochaines années, on va sentir une grande pression de
responsabilisation auprès de certaines corporations à cause de
plaintes. Vous avez soulevé qu'il y a quelques plaintes qu'on risque de
voir davantage: abus sexuel, incompétence. Vous n'êtes à
l'abri de cela d'aucune façon, vous êtes comme toutes les autres
corporations professionnelles. Je peux vous dire une affaire, c'est que si on
en poigne un ou deux cas qui, sur accusation d'abus sexuel, traversent, s'en
vont dans l'autre camp, il n'y en aura pas trois. Il n'y en aura pas trois, on
va régler cette approche-là très rapidement. Est-ce que
vous me suivez?
Mme Dauphinais: Vous voulez dire dans le camp de ceux qui n'ont
pas besoin de faire partie de la corporation?
M. Savoie: C'est ça, oui.
Mme Dauphinais: Si ça se passait en Ontario, quelqu'un qui
fait du service social en Ontario ou dans une autre province, au
Nouveau-Brunswick, par exemple, qui est reconnu comme coupable et qu'il vient
travailler chez nous, il n'est même pas obligé de faire partie de
notre corporation, bien sûr, et il peut travailler.
M. Savoie: Effectivement. Comme public, le public n'accepterait
pas ça. Pas plus que pour d'autres abus: vol ou...
Mme Dauphinais: L'incompétence... Imaginez-vous, aider des
familles dans des secteurs de protection où la décision qui va
être prise ou la recommandation faite a des implications affectives
extrêmement graves. C'est important que les gens soient compétents
et qu'il y ait une surveillance de leurs compétences.
M. Savoie: Effectivement. Alors, comme je vous l'ai
mentionné, ça va être surveillé de très
près et ça pourrait être finalement l'élément
déclencheur d'une obligation, lorsqu'on sent qu'il y a des abus. Et on
peut s'y attendre; moi, je ne m'attends à rien d'autre. Finalement, si
je regarde l'évolution, je m'attends à ce que, au cours des trois
ou quatre prochaines années, ou cinq ans, avec la facilitation qu'on va
avoir avec le formulaire uniforme, standard, très facile à
remplir, ça va augmenter le nombre de plaintes. Ça va augmenter
et on va commencer à découvrir des bibites et des
problèmes de taille. C'est pour ça qu'on se prépare
à une espèce de ruée, en termes d'activité, dans
plusieurs secteurs avec l'ouverture au public.
Mme Dauphinais: Alors, Mme la Présidente, je me
permettrais, même si ce n'est pas l'objet de notre présence, de
souligner au ministre Savoie qu'à l'occasion de notre semaine nationale
du service social ce serait un très bon temps pour avoir votre
réponse sur la possibilité de féminiser notre titre pour
notre corpora-
tion professionnelle.
M. Savoie: Ah oui? C'est ça... Ha, ha, ha! Vous
comprendrez que c'est...
Mme Dauphinois: C'est hors d'ordre, je le sais.
M. Savoie: Non, non, ce n'est pas hors d'ordre, c'est hors de mon
contrôle; ce n'est pas la même chose.
Mme Dauphinais: Ah, non. D'accord, ce n'est pas la même
chose.
M. Savoie: Vous le saviez, que ce ne n'était pas de mon
contrôle, également.
M. Pagé: Oui, oui, on le sait. On voudrait bien travailler
à ce que vos collègues ministres travaillent dans le même
sens aussi. On essaie de travailler dans ce sens-là: sensibiliser les
gens.
M. Savoie: C'est un débat qui soulève beaucoup
d'opposition de l'Office de la langue française, par exemple, et
d'autres intervenants qui disent: On n'est pas pour commencer à tout
féminiser.
La Présidente (Mme Hovington): Pourquoi pas? Des voix:
Ha, ha, ha!
M. Savoie: Parce que le masculin l'emporte sur le
féminin.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Hovington): II me reste à vous
remercier, au nom des membres de la commission, d'être venus nous
présenter votre excellent mémoire. Je vous souhaite une bonne
soirée.
La commission ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 17 h 50)