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(Dix heures quatre minutes)
Le Président (M. Gautrin): On constate qu'il y a quorum et
nous allons commencer nos travaux. Je déclare donc la séance
ouverte. Permettez-moi de rappeler d'abord le mandat de la commission. Le
mandat de la commission pour cette séance, c'est de procéder
à des auditions publiques sur l'avant-projet de loi, Loi modifiant le
Code des professions et d'autres lois professionnelles.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements, s'il vous
plaît?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme
Boucher-Bacon (Bourget) remplacée par M. Forget (Prévost); M.
Gendron (Abitibi-Ouest) par M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témiscamingue) et
M. Gobé (Lafontaine) par M. Richard (Nicolet-Yamaska).
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie. Vous avez
devant vous un projet d'ordre du jour qui est... J'imagine que vous ne voulez
pas que j'en fasse lecture. A 10 heures, les remarques préliminaires, M.
le député de Rimouski. À 11 heures, la
Fédération nationale des associations de consommateurs; à
14 heures, le Conseil interprofessionnel du Québec; à 15 h 30, la
Corporation professionnelle des médecins du Québec; à 16 h
30, l'Association des groupes d'intervention en défense de droits -
Santé mentale du Québec et le Regroupement des ressources
alternatives en santé mentale du Québec; à 17 h 30, la
Centrale des professionnelles et des professionnels de la santé;
à 20 heures, l'Ordre des denturologistes du Québec; à 21
heures, la Corporation professionnelle des administrateurs agréés
du Québec. Est-ce' que cet ordre du jour est agréé?
Des voix: Oui.
Déclarations d'ouverture
Le Président (M. Gautrin): Je le considère comme
étant agréé. Alors, nous allons procéder aux
remarques préliminaires. Suite à entente entre les leaders, le
temps se partagera de la manière suivante: 20 minutes pour le ministre
proposeur de la loi; 20 minutes pour le critique de l'Opposition officielle en
la matière; 20 minutes pour un éventuel député
indépendant et 30 minutes pour les autres députés qui
auraient des remarques préliminaires à faire. M. le ministre,
pour 20 minutes.
M. Raymond Savoie
M. Savoie: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. le
Président, nous débutons plusieurs semaines de travail.
J'espère que le tout va se dérouler dans la plus grande harmonie
et l'esprit le plus positif. Je voudrais saluer mes collègues de
l'Assemblée nationale, Mme Caron également. Je voudrais
également souhaiter la plus cordiale des bienvenues à ceux et
à celles qui se sont présentés pour aujourd'hui et
j'espère qu'ils vont maintenir une bonne présence pour assurer
une bonne connaissance de l'avant-projet qui est devant nous pour étude.
Je voudrais également souligner la présence de certains officiers
de l'Office des professions, à ma gauche, M. Mulcair et, derrière
moi, M. Roy, Me Beaumont, M. Sparer et mon attachée politique Edith
Lorquet et de même que Me Lambert qui va nous assister tout au long de
cette démarche.
Le texte en gros, M. le Président, que j'ai à vous
présenter va chercher à présenter, en quelque sorte, notre
position vis-à-vis l'avant-projet de loi. L'utilisation d'un
avant-projet de loi est déjà chose peu commune. À ma
connaissance et sauf erreur, ce mécanisme a été
utilisé à peine six fois depuis treize ans. Si nous l'avons
retenu, c'est que nous voulions atteindre certains objectifs. Tout d'abord,
clairement et sans ambiguïté, nous voulons démontrer une
volonté ferme de travailler ensemble avec l'ensemble des intervenants
dans un esprit d'ouverture et de collaboration. Il faut, deuxièmement,
dire et redire que nous sommes spécifiquement à la recherche de
critiques constructives et - pour dire le fond de ma pensée - de vos
suggestions qui, du moins, je l'espère, vont bénéficier
à cet avant-projet. Mais, avant tout et surtout, l'objectif visé
est une opération transparente et publique pour rajeunir, renforcer,
améliorer les services et la protection que le public a le droit
d'exiger et, effectivement, exige de chacun de nous.
Cet avant-projet est le premier rajeunissement envisagé au Code
des professions. Il se situe dans un contexte de modification au système
disciplinaire, d'allégement aux lourdes structures réglementaires
et d'une volonté politique de voir le Conseil interprofessionnel jouer
un rôle plus musclé, plus structurant et, finalement, de
démocratiser - si vous m'en accordez l'usage - et de rendre davantage
conformes à la réalité le fonctionnement et
l'«interchange» des corporations et de l'Office.
Fait indiscutable, l'avant-projet fera l'objet de nombreuses
discussions. Nous avons en effet reçu plus de 60 mémoires de
valeur fort inégale,
mais dont chacun recherche le même but. L'Office travaille
à ce projet depuis 1990. Il m'avise que les aménagements qui vous
sont présentés ont fait l'objet de nombreuses consultations
depuis 1990. Ce qui vous est présenté a subi une première
consultation en mai 1990, lorsque l'Office a consulté le Conseil
interprofessionnel du Québec et chacune des corporations
professionnelles sur l'exigence de la citoyenneté canadienne. En
septembre 1990, il consultait le Conseil interprofessionnel du Québec
sur les hypothèses relatives au mécanisme disciplinaire. En
novembre 1990, le Conseil interprofessionnel du Québec et chacune des
corporations professionnelles ont été consultés sur la
base de l'avis que l'Office me remettait sur la discipline. À la
même époque, l'Office consultait, sur le même projet, le
Protecteur du citoyen et certains groupes, telle la Fédération
nationale des associations de consommateurs du Québec. (10 h 10)
En mars 1991, l'Office a consulté, toujours sur le même
sujet, les présidents des comités de discipline et le Tribunal
des professions. Une consultation a également eu lieu auprès des
secrétaires de comités de discipline des corporations des plus
actives en discipline. En juillet 1991, l'Office consultait le Conseil
interprofessionnel du Québec et chacune des corporations
professionnelles sur l'assouplissement du processus réglementaire. En
octobre 1991, l'Office consultait le Conseil interprofessionnel du
Québec et chacune des corporations professionnelles sur la
réglementation relative à l'assurance-responsabilité
professionnelle. Par ailleurs, pour chaque loi professionnelle dont une
modification est prévue par l'avant-projet, la corporation
professionnelle concernée a été consultée.
Nous avons devant nous, donc, un projet qui a tiré profit des
commentaires formulés par les milieux concernés. Les travaux de
cette commission sont donc une consultation supplémentaire et
élargie sur l'ensemble. En touchant à la discipline et à
la réglementation, la législation que l'Office a
préparée maintient l'objectif général de protection
du public mais ne remet pas en cause ces deux caractéristiques du
système professionnel que sont le jugement par les pairs et
l'autogestion. De même que l'autonomie participe à la
définition de ce que c'est l'activité professionnelle,
l'autogestion des professions reste, avec cet avant-projet de loi, une des
caractéristiques essentielles de notre système.
Pour bien cerner la finalité, la portée et les limites de
ce qui nous est proposé, il faut se rappeler que, voilà 20 ans,
l'Assemblée nationale innovait en créant un système
voué tout entier à la protection du public et qui, en même
temps, laissait aux corporations professionnelles le soin d'organiser
elles-mêmes les aspects esssentiels de leur profession et de veiller
à la déontologie et à la discipline en vue de la
protection du public. Les professions constituées en corporations
professionnelles héritaient donc du mandat clair de protéger le
public et de pouvoirs étendus pour s'autogérer. Le
législateur leur donnait des structures claires et homogènes pour
surveiller et discipliner la pratique professionnelle.
Le système mis en place alors représentait un
véritable pari pour le gouvernement. En invitant le monde professionnel
à faire sien l'objectif de protection du public, le gouvernement
laissait aux professionnels la gestion de leur profession et, par là
même, le soin de faire la preuve que les corporations professionnelles
sont un outil valable pour cette protection.
Vingt ans plus tard, peut-on dire que le pari a été tenu?
que le système mis en place par le Code des professions est le cadre
adapté à l'objectif de protection du public? que l'autogestion et
le jugement par les pairs sont finalement compatibles avec cet objectif de
protection? Bref, sommes-nous au rendez-vous que nous fixaient alors le
gouvernement et le législateur?
C'est, en tout cas, ce que conclut l'Office des professions, puisque
l'avant-projet qu'il a préparé et que je vous soumets n'est ni
une abolition des structures ni un rapatriement des prérogatives de
puissance publique déléguées au corporations
professionnelles.
Constatant, dans l'ensemble, le succès de la formule et la
maturité des structures, l'Office nous propose néanmoins une
importante mise à jour: plus de 300 articles. Comme vous pouvez le
constater, le système conserve sa structure largement
décentralisée. Les corporations professionnelles conservent le
contrôle de la compétence et du comportement professionnels. Elles
continuent de régir bien d'autres aspects de la vie professionnelle et
ce sont elles qui, en première ligne, gardent la responsabilité
de protéger le public.
Toutefois, l'expérience nous a permis de constater
l'efficacité et les lacunes de ce vaste réseau de règles
et d'institutions. Le bilan est, dans l'ensemble, positif. Et la mise à
jour qui nous est proposée vise à parfaire une formule gagnante.
S'agissant du mécanisme disciplinaire, l'avant-projet de loi vise
à apporter des solutions concrètes à des problèmes
réels, c'est-à-dire à changer certaines règles
là où leur application a produit des effets sans rapport avec
l'objectif de la protection du public.
L'avant-projet de loi vise également à faciliter le
traitement disciplinaire des actes dérogatoires commis hors du
Québec. Dans le cas où une corporation professionnelle a
connaissance d'un acte dérogatoire commis par l'un de ses membres hors
du Québec, elle a déjà, en vertu du Code des professions,
des moyens de faire enquête, de soumettre le membre à un examen
médical, de faire une inspection professionnelle et, enfin,
d'entreprendre une procédure disciplinaire de la même
manière, d'ailleurs, que si
l'acte avait été commis au Québec.
Toutefois, dans le but de rendre l'intervention plus rapide, le projet
de loi prévoit qu'il sera permis à une corporation professionelle
d'utiliser, s'il en est, une décision disciplinaire d'un organisme
similaire d'une province ou d'un autre pays pour refuser l'admission ou
l'inscription au tableau ou encore comme preuve de culpabilité et de
sanction pour fonder une plainte disciplinaire contre un de ses membres.
Comme on le voit, il s'agit d'une mise à jour importante qui aura
pour effet de rendre le mécanisme disciplinaire plus performant, mais
aussi, et surtout, qui lui donnera ou lui rendra la crédibilité
qui est une condition de son efficacité.
L'avant-projet de loi comporte également un certain nombre
d'autres dispositions touchant l'Office des professions. Il est prévu,
par exemple, que, dans le but d'accroître la représentation du
public dans le système professionnel, les cinq membres composant
actuellement l'Office et qui sont tous professionnels, ainsi que le veut la
loi, seront rejoints par deux non-professionnels, également
nommés par le gouvernement.
L'Office prévoit explicitement, dans l'avant-projet, un pouvoir
d'enquête de l'Office à l'égard des corporations
professionnelles qui n'exercent pas leur fonction, ne s'acquittent pas de leur
devoir et qui sont dans une situation financière ne leur permettant pas
de remplir leurs obligations ou encore qui n'assurent pas une protection
adéquate du public. L'expérience montre en effet que le devoir de
surveillance que la loi confère à l'Office ne peut s'exercer
valablement si ce dernier n'a pas de moyens efficaces de requérir les
renseignements sur la situation qu'il doit surveiller ou de faire
lui-même les constats nécessaires. Le processus d'adoption et
d'approbation des 534 règlements que compte le système
apparaît à tous comme lourd et lent. Pour des raisons de
procédure et de cheminement qui comportent des étapes à
l'extérieur même de l'Office, certaines améliorations
peuvent encore être apportées. C'est pourquoi l'Office ~ propose,
par l'avant-projet de loi qu'il m'a soumis, une simplification ou un
allégement du processus d'approbation d'une bonne partie de la
réglementation. Certains pouvoirs réglementaires dévolus
au gouvernement le seront désormais à l'Office ou aux
corporations professionnelles elles-mêmes, supprimant ainsi certaines
étapes prévues par la Loi sur les règlements. De plus,
certaines dispositions actuellement prises par règlement pourront
à l'avenir l'être par simple résolution des corporations
professionnelles. Ce sera le cas, par exemple, pour les règles de
régie interne des corporations professionnelles. Il s'agit là
d'une rationalisation dont personne ne se plaindra. Elle va également
dans le sens d'une plus grande autonomie des corporations professionnelles et
vise en fait à ne soumettre au gouvernement ou à l'Office que ce
qui requiert l'attention du gouvernement ou de l'Office.
L'avant-projet que nous étudions ce matin comporte
également plusieurs autres modifications visant à renforcer la
protection du public dans certains domaines. Ainsi, il sera obligatoire pour
chaque corporation professionnelle d'adopter un règlement sur
l'assurance-responsabilité professionnelle souscrite par les membres
individuellement. De même, les corporations professionnelles dont les
membres sont appelés a détenir les sommes d'argent ou autres
valeurs seront tenues de déterminer les modalités et les normes
de réception, de garde et de disposition de ces sommes et valeurs.
L'avant-projet comporte également nombre de dispositions d'ordre
technique visant la cohérence ou la concordance au sein de la
législation professionnelle. Ainsi, afin d'étendre à tout
le système des règles particulières à certaines
corporations, des dispositions de certaines lois professionnelles seront
rapatriées dans le Code des professions. Enfin, des dispositions de lois
particulières faisant double emploi avec des articles du Code des
professions seront abrogées.
Il va sans dire que le présent avant-projet ne contient pas non
plus des dispositions sur le rôle accru du Conseil interprofessionnel. Ce
rôle consultatif sera certainement l'objet de discussions lors de la
présentation du mémoire par le Conseil interprofessionnel.
Et voilà! Des problèmes existent. Eh bien, nous saurons,
j'en suis sûr, M. le Président, bien les résoudre.
J'espère recevoir des propositions constructives. Je veux croire que ces
débats nous montreront que les uns et les autres ont, au fil des ans,
bien compris leur rôle au sein du système professionnel et
qu'ainsi nous aurons tenu le pari que formulait le gouvernement de M. Bourassa
voilà maintenant 20 ans.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gautrin): Merci, M. le
député d'Abitibi-Est et ministre délégué
à la réforme au Code des professions.
M. Savoie: Ministre responsable.
Le Président (M. Gautrin): ...responsable. Mme la
députée de Terrebonne et critique de l'Opposition en la
matière.
Mme Jocelyne Caron
Mme Caron: Merci, M. le Président. Évidemment, M.
le Président, je désire saluer les membres de cette commission
parlementaire. Nous serons ensemble pour plusieurs jours et nous aurons
à entendre les différentes personnes qui ont
présenté des mémoires sur ce sujet qui est
extrêmement important, la réforme du Code des professions. Sujet
important puisque cette réforme doit toucher l'ensemble du public,
puisque le public reçoit des services des professionnels et
touche évidemment les 220 000 professionnels du Québec. (10 h
20)
M. le président, je désire évidemment profiter de
cette occasion pour vous présenter ma recherchiste qui est à ma
droite, Me France Thériault, qui va m'assister tout au long de ces
travaux. M. le Président, je désire évidemment souhaiter
la bienvenue à toutes les corporations professionnelles, aux
associations, associations de consommateurs ou autres associations, organismes
et particuliers qui nous présenteront leur mémoire au cours des
audiences publiques. M. le Président, j'en profiterai évidemment
pour déplorer qu'on n'entende pas tous ceux et celles qui avaient pris
le temps de préparer des mémoires puisque je considère que
nous n'avons pas à juger de la valeur égale ou inégale des
mémoires, mais bien à entendre le point de vue de chaque personne
et de chaque groupe qui désire s'exprimer sur ce sujet qui touche,
finalement, tout le monde.
J'aimerais préciser dès le début, M. le
Président, qu'à titre de porte-parole de l'Opposition officielle
pour les dossiers concernant la protection du consommateur et les dossiers sur
les lois professionnelles je me préoccupe évidemment
principalement de la protection du public, puisque c'est évidemment
aussi le mandat des corporations professionnelles. Les audiences que nous
allons tenir devront nous inciter à définir ce que
représente exactement la notion de la protection du public. Ce terme est
utilisé régulièrement dans le Code des professions mais
jamais - comme nous l'ont bien souligné un des mémoires et une
des personnes que nous entendrons en audience - jamais nous n'avons vraiment
défini cette notion de protection du public. M. le Président, il
m'apparaît souhaitable que les présents travaux puissent donc nous
conduire à une définition beaucoup plus pointue et
arrêtée du concept de la protection du public. Nous devons donc
tendre à cet objectif ultime. De plus, cet exercice devra être
effectué en gardant constamment à l'esprit l'importance d'une
vision globale équilibrée du système professionnel. Il ne
faudrait surtout pas - et c'est là ma crainte, M. le Président -
que nos travaux nous conduisent à retenir une proposition qui ne
protégerait le public qu'en apparence et le danger est là, M. le
Président. Lorsqu'on ne touche qu'à des structures et lorsqu'on
ne s'assure pas que ces nouvelles structures assurent véritablement une
protection du public, on risque de ne toucher qu'à l'apparence, donc
qu'à la crédibilité et ne pas assurer effectivement une
meilleure protection du public.
Vous le savez, M. le Président, le 6 juillet 1973, le
gouvernement de l'époque procédait à l'adoption du Code
des professions et instituait l'Office des professions, dont le mandat
consistait principalement à veiller à ce que chaque corporation
professionnelle assure adéquatement la protection du public. Cette loi
est entrée en vigueur le 2 février 1974, donc il y aura
bientôt 20 ans que le système des corporations professionnelles a
été institué et cela ne s'est fait qu'après un long
processus de consultation. Il s'avère aussi important de prendre le
temps pour apporter des modifications majeures à ce système.
Le système nécessite, sans contredit, après 20 ans,
une réforme. Il faut savoir que, depuis l'adoption du Code des
professions, aucun changement majeur n'a été entrepris. Cette
révision complète est rendue essentielle afin que, notamment,
l'application des lois professionnelles se fasse en harmonie avec
l'évolution qu'a connue le système des corporations
professionnelles.
Ce système requiert plus qu'un simple rajeunissement,
contrairement aux propos tenus par le ministre responsable au printemps dernier
et rapportés dans la presse. M. le Président, la réforme
que tente, à mon avis, sans succès, d'instituer l'actuel
avant-projet de loi est promise depuis 1991. À noter que, dès ce
moment, le ministre se prononçait sur un point particulier auquel il
tenait beaucoup et qu'on ne retrouve pas dans l'avant-projet, mais qu'on
retrouve dans le projet de loi 67, c'est-à-dire de transférer aux
corporations professionelles la responsabilité des coûts
d'opération de l'Office. Cette intention était bien
arrêtée et c'est pourquoi on ne la retrouve pas dans un
avant-projet, mais bien dans un projet de loi.
L'intention du ministre était aussi d'alléger le
système actuel, de le rendre plus cohérent, plus transparent et,
enfin, moins coûteux. Également, le ministre entendait tenir
compte de la libéralisation des marchés afin de ne pas
défavoriser les membres de corporations professionelles
québécoises au détriment des professionnels provenant de
l'extérieur. L'avant-projet de loi, est-ce qu'il répond à
ces critères? M. le Président, c'est la question que nous devrons
poser à tous ceux et celles que nous entendrons au cours de ces
audiences.
Le ministre nous avait également mentionné, et je cite:
«Lorsqu'il y aura consensus, cette volonté sera traduite dans un
projet de loi.» Est-ce que le retard de l'avant-projet de loi signifie
qu'il y a eu consensus? Je crois que non, M. le Président, puisque nous
nous trouvons encore devant un avant-projet de loi et non un projet de loi.
Le dépôt de cet avant-projet de loi aura eu l'avantage de
permettre au ministre au moins de faire l'unanimité sur un aspect. En
effet, les corporations professionnelles, soit par leur propre corporation ou
par le Conseil interprofessionnel du Québec et les associations de
consommateurs ainsi que les différents intervenants qui ont
présenté des mémoires, considèrent l'avant-projet
de loi comme insatisfaisant.
Je ne peux passer sous silence le fait, M. le Président, que la
rédaction de ce projet de loi provient, évidemment, de l'Office
des professions. Il m'apparait de plus en plus que c'est la
responsabilité du gouvernement de légiférer dans les
secteurs où il exerce le contrôle et octroie les budgets de
fonctionnement. Cet état de fait conduit à certaines aberrations,
M. le Président, et on se retrouve devant un avant-projet de loi
où le président de l'Office des professions confère des
pouvoirs, par cet avant-projet de loi, à l'Office des professions que
même le ministre responsable de l'application des lois professionnelles
ne peut exercer actuellement. Ce désengagement de l'État, s'il
est réellement souhaité, à notre avis, est blâmable.
De plus, il s'effectuera sur deux plans en même temps, soit au niveau de
l'exercice des pouvoirs, puisque de nombreux pouvoirs appartenant au
gouvernement sont transférés à l'Office des professions,
ainsi qu'au niveau de l'injection des crédits pour assurer le
fonctionnement de l'Office. Si je veux comparer l'Office des professions avec
l'Office de la protection du consommateur, je dois dire que cette situation est
un peu particulière. Lorsque le ministre de la Justice, responsable de
la protection du consommateur, prépare un projet de loi, le projet de
loi est préparé par le ministère de la Justice et l'Office
de la protection du consommateur est consulté, mais l'Office de la
protection du consommateur ne pilote pas du début à la fin les
travaux d'un projet de loi.
Il faudrait aussi, M. le Président, parler du peu de temps qui a
été consacré pour que les corporations professionnelles,
les associations de consommateurs et les autres organismes qui souhaitaient se
faire entendre en audience ont eu pour préparer leur mémoire. En
effet, tous se sont sentis un peu bousculés pour produire leur
mémoire qui coïncidait avec la période des fêtes. M.
le Président, nous jugeons essentiel qu'une réflexion plus
poussée, dans le cadre d'une discussion plus ouverte, ait lieu afin
qu'une véritable réforme du système des corporations
professionnelles vienne corriger les lacunes identifiées par tous les
intervenants, ce que l'avant-projet de loi ne fait aucunement. En effet,
l'avant-projet de loi n'aborde pas les principaux problèmes que vivent
les petites corporations professionnelles de même que le problème
spécifique que posent les corporations à titre
réservé quant à la protection du public. En effet, ces
corporations ne peuvent assurer complètement la protection du public
puisque plusieurs actes professionnels se rapportant à eux peuvent
être posés sans toutefois que le professionnel ou la
professionnelle soit membre de la corporation. Donc, une étude plus
approfondie est nécessaire pour couvrir ces problèmes de manque
de protection du public.
Il est donc à souhaiter que le ministre acceptera, à la
lumière des propos qui seront tenus devant cette commission, de retirer
l'avant-projet de loi afin d'apporter les solutions les plus pertinentes
à la protection du public et de poursuivre la discussion. Une
réforme en profondeur doit également tenir compte de plusieurs
aspects qui ne sont pas actuellement dans le projet de loi: le financement du
système des corporations professionnelles, le financement de l'Office
des professions, évidemment, puisque tout le projet est relié
à ces nouveaux pouvoirs de l'Office des professions, et au nouveau
financement qui est proposé par le projet de loi 67. Il est important,
également, de prendre le temps d'examiner et de peut-être modifier
le mandat confié à l'Office des professions, tel que
proposé dans l'avant-projet de loi. Nous devons également
étudier le mandat du Conseil interprofessionnel du Québec, le
système disciplinaire, ainsi que la publicité, la
libéralisation des marchés, les corporations à titre
réservé et l'arrivée des nouvelles corporations. (10 h
30)
Pour le financement, nous croyons que le gouvernement doit le maintenir
à partir de ses crédits budgétaires et non en confier la
responsabilité aux corporations professionnelles qui, il faut le
rappeler, actuellement assument 72 000 000 $ pour la protection du public et le
gouvernement 3 500 000 $ pour le fonctionnement de l'Office des professions. Ce
3 500 000 $ est extrêmement important parce qu'il permet de
préserver l'indépendance de l'Office et conserver son autonomie.
Il s'agit d'un principe fondamental auquel le ministre ne peut toucher. Dans le
contexte actuel de contrôle des dépenses publiques, l'Office doit
être réformé d'abord de l'intérieur et nous devons
procéder à l'examen de ses dépenses, à l'exercice
de son mandat qui est principalement, il faut le rappeler, la surveillance et
le processus réglementaire. Il serait sûrement possible, avec cet
examen, de restreindre les dépenses de fonctionnement.
Il faut rappeler également que l'Office des professions, depuis
plusieurs années, s'est vu ajouter un nouveau rôle, celui de
donner des avis auprès de différents ministères du
gouvernement. Il faut souligner que ce travail représente environ 33 %
du travail effectué par l'Office. Est-ce bien là son rôle?
Est-il nécessaire ou doit-on trouver une source de financement
différente pour assumer ce rôle?
Le ministre ne peut permettre à l'Office de se créer, avec
tous les nouveaux pouvoirs que lui confère l'avant-projet de loi, une
superstructure et refiler la facture aux corporations professionnelles qui,
sans nul doute, la refileront aussi rapidement aux consommateurs. Le
gouvernement accepte déjà d'investir, il faut le rappeler, 14 000
000 $ pour voir à ce que la protection des consommateurs soit
assurée par l'entremise du financement de l'Office de la protection du
consommateur. Alors, pourquoi se refuserait-il à garantir cette
même protection qui ne coûte que 3 500 000 $, comparativement
à 14 000 000 $,
pour des services professionnels, en acceptant de continuer ses
crédits essentiels?
M. le Président, compte tenu que le rôle de l'Office
pourrait être modifié, qu'on pourrait alléger son
fonctionnement, et donc réduire de beaucoup les dépenses, je
pense que le montant qu'il resterait à assumer par le gouvernement est
le montant essentiel pour qu'on s'assure que les services professionnels
offrent la même protection que l'achat de biens pour les
consommateurs.
Il est à craindre, M. le Président, que l'on assiste aussi
à un phénomène de retrait des membres des corporations
à titre réservé puisque leurs cotisations augmenteront et
qu'il ne leur est pas nécessaire de faire partie d'une corporation pour
pratiquer leur profession. De plus, les risques sont grands que les
corporations les plus grandes exercent des pressions indues à
l'égard de l'Office, afin qu'il favorise d'abord leurs
intérêts particuliers et ce, à rencontre des corporations
les plus petites, et évidemment, à rencontre d'une meilleure
protection du public.
Donc, cette philosophie du transfert de l'État vers l'Office fait
dévier l'équilibre à l'origine de l'institution du
système et il ne faut pas croire que la protection du public en sera
mieux circonscrite. Nous allons assister, entre autres, à une
bureaucratisation des structures de l'Office, ce qui conduira,
inévitablement à une augmentation des délais qui ne
saurait que nuire considérablement au public. Le système
bureaucratique déjà très lourd de l'Office doit
être, au contraire, allégé. La lenteur administrative
inacceptable des dernières années doit être
corrigée. À cet égard, certaines propositions de
l'avant-projet sont intéressantes, mais à notre avis il faut
aller beaucoup plus loin. Le Conseil interprofessionnel du Québec,
regroupant l'ensemble des corporations professionnelles, devrait constituer une
tribune de consultation et d'information des plus appréciables, tant
pour l'Office des professions que pour le ministre responsable.
Le système disciplinaire représente, évidemment, le
sujet le plus difficile à traiter. Plusieurs corporations
considèrent que le système actuel permet au public de faire
valoir ses droits. Par contre, certaines corporations professionnelles estiment
que celui-ci pourrait être assuré d'une manière beaucoup
plus adéquate et, enfin, le public en général
s'inquiète de la transparence et de l'impartialité du
système.
Concernant la publicité, il faut rappeler qu'à l'occasion
de l'étude du projet de loi 102 notre formation politique s'opposait
à ce projet de loi, car nous considérions alors que le public
était en droit de recevoir, à tout le moins, la même
protection pour l'obtention de services que pour l'achat de biens à la
consommation. En réalité, compte tenu de l'importance des
services professionnels sur la vie des citoyennes et des citoyens, la
protection devrait même être supé- rieure.
Il faut se rendre à l'évidence, M. le Président, et
constater que cet avant-projet de loi n'opère d'aucune façon la
réforme en profondeur du système des corporations
professionnelles que nous étions en droit de nous attendre. D'ailleurs,
le ministre lui-même en convient puisqu'il déclare au journal de
la Chambre des notaires «Entracte» tout récemment, et je le
cite: «Vous savez, on ne parle pas d'une réforme en profondeur
puisqu'on a maintenu l'ensemble des infrastructures. L'Office des professions
demeure en place de même que le Conseil interprofessionnel du
Québec.» Fin de la citation. Il ne faudrait surtout pas confondre,
M. le Président, changements majeurs et structures. On peut maintenir
des structures, on peut maintenir l'Office des professions, maintenir le
Conseil interprofessionnel du Québec, maintenir les corporations
professionnelles et apporter des changements majeurs essentiels à partir
des lacunes qui ont été identifiées.
Si le ministre souhaite sérieusement corriger le système
actuel, nous devons considérer ces audiences comme une consultation qui
devra se poursuivre dans les mois à venir, comme une première
étape vers la préparation d'un système adéquat pour
la protection du public. Le ministre devra évidemment refaire ses
devoirs, mais avec l'aide, cette fois-ci, non seulement de l'Office des
professions mais des associations de consommateurs, des corporations
professionnelles, du Conseil interprofessionnel, des organismes et associations
intéressés à cette réforme. Et je considère
que nous ne pouvons travailler à partir uniquement de l'avant-projet de
loi présenté par l'Office des professions que je considère
comme juge et partie dans ce dossier.
Cet avant-projet de loi nous apparaît extrêmement incomplet
puisqu'il ne touche que trois des points, c'est-à-dire: processus
réglementaire avec des modifications qui sont intéressantes, mais
modifications tout à fait insuffisantes; système disciplinaire
qui présente des points intéressants, dont les actes
dérogatoires hors Québec, mais qui doit être revu et
modifié à nouveau; et surtout, surtout, et le ministre en a fait
peu mention, ce projet de loi contient un transfert massif des pouvoirs du
gouvernement et des corporations professionnelles vers l'Office des
professions.
Cet avant-projet de loi compte évidemment plus de 300 articles,
sauf qu'il faut préciser, M. le Président, que seulement les
articles 1 à 103 touchent vraiment à des modifications du
système professionnel puisque les autres articles ne touchent que des
aspects techniques et de concordance.
M. le Président, nous aurons donc, au cours des prochains jours,
la chance d'entendre les différents intervenants et je pense que, suite
à la lecture des mémoires que nous avons eu l'occasion de faire
jusqu'à ce jour, les proposi-
tions que nous allons entendre devraient sûrement éclairer
le gouvernement. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gautrin): Merci, Mme la
députée de Terrebonne. Il reste une période de 20 minutes
pour un député indépendant, qui ne semble pas être
présent. Je vais donc passer à l'enveloppe de temps qui est
réservée aux autres députés pour des remarques
préliminaires, chacun ayant une période de dix minutes pour
intervenir.
Est-ce que vous avez, et je m'adresse aux députés
ministériels, des remarques préliminaires? Les
députés de l'Opposition, vous n'avez pas de remarques
préliminaires?
Auditions
Alors, étant donné qu'on n'a pas de remarques
préliminaires, je vais considérer que la période de temps
allouée aux remarques préliminaires est terminée. On est,
donc, en avance sur notre horaire, ce qui est rare dans une commission et on va
donc passer tout de suite à l'audition de la Fédération
nationale des associations de consommateurs et je leur demanderais de bien
vouloir s'approcher, s'il vous plaît. Il s'agit de M. Beaudoin, de l'ACEF
de Québec, si je comprends bien, de Mme Dupré, du groupe Auto-psy
et de Mme Ouellette, du Comité santé et services professionnels.
Mme Ouellette n'est pas là.
M. Beaudoin (Roger): Elle est absente, finalement.
Le Président (M. Gautrin): Très bien. Est-ce que
c'est votre groupe qui a demandé de pouvoir utiliser un vidéo
dans la présentation? Alors, je dois vous dire que ça a
été agréé par la présidente de la
commission. Je ne sais pas si vous voulez commencer à projeter votre
vidéo, à quel moment vous voulez mettre votre vidéo? On
vous a amené ici une télévision mais j'imagine qu'il
faudra l'avancer à ce moment. Alors, "comment vous comptez
procéder?
M. Beaudoin: Pour ce qui est du vidéo? Le
Président (M. Gautrin): Oui.
M. Beaudoin: Alors, après une courte présentation,
pendant à peu près trois minutes, on va vous parler un peu.
Ensuite, le vidéo, ça va prendre trois minutes aussi et on va
continuer après.
Le Président (M. Gautrin): Alors, je voudrais quand
même vous rappeler les règles de procédure dans...
M. Beaudoin: Oui.
(10 h 40)
Le Président (M. Gautrin): J'imagine que vous êtes
familier. Vous avez une enveloppe de temps de 20 minutes pour présenter
votre point de vue. Le parti ministériel a 20 minutes pour vous
questionner et l'Opposition a 20 minutes aussi pour vous questionner.
Alors, vous avez la parole. Peut-être vous pouvez commencer aussi
à présenter les personnes. J'ai commencé à vous
présenter mais je ne sais pas la personne qui est là... C'est Mme
Ouellette qui n'est pas là, c'est ça?
Fédération nationale des associations de
consommateurs du Québec (FNACQ)
M. Beaudoin: Finalement, M. le Président, Mmes et MM. de
la commission, Mme Ouellette qui est une membre bénévole du
Comité santé et services professionnels a dû s'absenter
pour des motifs de travail. Elle devait pouvoir venir et elle ne l'a pas pu
finalement. Ce qui fait que nous sommes représentés donc,
à ma gauche, par Mme Lucie Dupré, qui est du groupe Auto-psy de
Québec, qui est un des groupes membres de la Fédération
nationale des associations de consommateurs, ainsi que par moi-même qui
suis Roger Beaudoin, coordonnateur de l'ACEF de Québec, un autre groupe
membre de la Fédération. Moi, je suis coordonnateur du
Comité santé et services professionnels de notre
Fédération.
Le Président (M. Gautrin): Merci.
M. Savoie: Juste une seconde, M. le Président.
Étant donné qu'ils vont passer une cassette, est-ce qu'on peut
savoir le contenu de la cassette si ça doit passer, avant que ça
passe? Parce que normalement on n'est pas...
Le Président (M. Gautrin): Si j'ai compris la
décision qui a été déjà accordée,
dans leur témoignage, ils veulent faire un témoignage qui est une
partie du témoignage, disons, purement verbale et une autre partie du
témoignage qui a déjà été enregistrée
sur cassette.
M. Savoie: Oui, j'ai compris ça.
Le Président (M. Gautrin): Donc, c'est une partie
intégrante de leur témoignage et, si j'ai bien compris, c'est un
vidéo d'environ quatre minutes qui est l'enregistrement d'un reportage
aux informations nationales de Radio-Canada du 9 mars 1990 durant... Si j'ai
compris ça peut être... quoique c'est un peu inusité. Oui,
M. le député de Sauvé.
M. Parent: M. le Président, vous nous avez
mentionné tout à l'heure qu'il y avait eu entente pour que nous
entendions la cassette qui est amenée ici par nos invités.
L'entente a eu lieu quand, où, entre quelles parties?
Le Président (M. Gautrin): Je crois que l'entente avait eu
lieu entre la présidente et la vice-présidente de la commission
et le secrétaire de la commission à cet effet. Moi, je
préside les travaux, je ne suis pas le président de la
commission, comme vous le savez.
M. Parent: Est-ce que le secrétaire peut nous informer si
c'est le comité, ce qu'on appelle communément le comité de
direction de la commission de l'éducation...
Le Président (M. Gautrin): M. le secrétaire.
M. Parent: ...qui a pris cette décision au nom des deux
formations politiques?
Le Secrétaire: J'ai eu l'autorisation de la
présidente de la commission. Il m'a été impossible de
rejoindre la vice-présidente qui était absente...
M. Parent: Autrement dit, il n'y a pas eu de réunion du
comité de direction pour décider si la commission se devait
d'entendre ou de ne pas entendre la cassette présentée par nos
invités. C'est bien ça?
Le Secrétaire: C'est la présidence qui organise les
travaux et voit au bon ordre, au bon déroulement de la
séance.
M. Parent: Non, ce n'est pas la présidence - M. le
secrétaire, ce n'est pas exact - qui organise les travaux. C'est le
comité de direction qui organise les travaux composé du
président et de la présidente et du secrétaire. Est-ce
qu'il y a eu une réunion formelle? C'est assez inusité que nous
l'entendions.
Le Président (M. Gautrin): Si je comprends l'information
que me souffle à l'oreille le secrétaire, il n'y a pas eu
réunion formelle du comité directeur. En l'occurence on peut
reprendre la décision ici.
M. Parent: Alors, je vous remercie, M. le Président. Mais
par contre, si la porte-parole de l'Opposition officielle et si le ministre
sont consentants, moi, je n'ai pas d'objection, je me rallie.
Le Président (M. Gautrin): C'est bien ce que je comprends
qu'il y...
M. Savoie: C'est justement. Je présumais qu'on
fonctionnait, étant donné qu'il n'y avait pas de structure
complète, sur consentement. Maintenant, il n'y a pas de
difficulté avec ce consentement. On est d'accord en principe pour autant
qu'on...
Le Président (M. Gautrin): Qu'on respecte le laps de temps
de 20 minutes.
M. Savoie: Oui. C'est-à-dire pour autant qu'on est au
courant exactement du contenu du...
Le Président (M. Gautrin): Alors, je tiens à vous
dire qu'il s'agit, dans la cassette, des informations nationales de
Radio-Canada du 9 mars 1990. C'est bien ça. M. Beaudoin?
M. Beaudoin: Je peux ajouter, pour que ce soit plus complet, que
c'est un reportage qui traite d'un cas, d'une consommatrice, Mme Patricia
Bisson d'une ville de la Beauce qui, à l'époque, a fait beaucoup
parler d'elle par rapport au cheminement d'une plainte qu'elle a faite dans le
système disciplinaire de la Corporation professionnelle des
médecins.
Le Président (M. Gautrin): Alors, formellement, est-ce
qu'il y a accord de la commission pour entendre ce vidéo?
M. Savoie: Oui, oui.
Le Président (M. Gautrin): II y a accord de la commission.
Alors, bien qu'il n'y ait pas eu réunion du comité directeur, la
commission va entendre dans votre témoignage ces quatre minutes de
présentation. Alors, M. Beaudoin, vous pouvez commencer, et vous avez 20
minutes. Dans vos 20 minutes de présentation, le vidéo sera
inclus.
M. Beaudoin: Oui, merci beaucoup, M. le Président.
Bonjour, Mmes et MM. de la commission. Alors, très brièvement
pour commencer, je voudrais vous présenter notre
Fédération. Notre Fédération est née en
1978. C'est une Fédération qui a à coeur la défense
des intérêts des consommateurs et des consommatrices du
Québec, particulièrement les gens à faibles et modestes
revenus quoique, dans nos membres, il y a aussi des gens qu'on peut dire
à revenus moyens.
Dans notre association, il y a l'Association coopérative
d'économie familiale de l'Estrie, l'ACEF de Granby, l'ACEF de
Québec et l'ACEF Rive- Sud de Montréal, c'est-à-dire
l'ACEF de Longueuil, ainsi que le groupe Auto-psy de Québec. On
intervient dans différents domaines comme, par exemple,
l'agro-alimentation, la téléphonie, l'électricité,
l'endettement et le crédit, la fiscalité et les budgets
gouvernementaux, la santé et les services professionnels et aussi
d'autres dossiers qui touchent les pratiques commerciales.
Pour ce qui est du domaine de la santé et des services
professionnels, depuis plusieurs années, on s'est impliqué dans
ce dossier-là, entre autres sur la question du système
disciplinaire des corporations professionnelles, bien sûr, mais aussi on
a présenté, à différentes
reprises, des revendications, recommandations par rapport, par exemple,
à la défense des droits des usagers et des usagères dans
le cadre de la Loi sur les services de santé et les services sociaux ou
encore par rapport à la confidentialité des renseignements
personnels dans le cadre du système public de la santé et des
services sociaux. On est intervenu aussi également sur la question de la
protection des brevets pharmaceutiques au niveau fédéral, en
1987, et même dernièrement cet automne.
En ce qui a trait au domaine des actes professionnels, depuis plusieurs
années, la FNACQ a fait des études, des revendications, aussi,
des approches auprès de certaines corporations professionnelles, des
consultations aussi pour essayer d'en arriver à un système qui
soit davantage orienté vers la protection du public,
c'est-à-dire, pour nous, la protection des consommateurs et
consommatricas. Pour travailler là-dedans, bien sûr, il y a
quelques personnes qui sont rémunérées, mais il y a des
membres bénévoles du Comité santé et services
professionnels qui, malheureusement, n'ont pu être ici aujourd'hui, ce
qu'on aurait bien aimé, mais qui avaient des empêchements au
niveau du travail.
Pour nous, ça fait déjà depuis 1985-1986 qu'on fait
des interventions concernant le système disciplinaire
particulièrement, mais aussi le rôle de l'Office des professions
du Québec et, par contre, on peut dire qu'au niveau du grand public
c'est un cas malheureux d'une consommatrice, Mme Patricia Bisson, qu'on va vous
présenter brièvement tout à l'heure, qui a
été rendu public de façon plus large, en mars 1990. Parce
qu'auparavant on avait déjà parié de ça dans des
conférences de presse mais ça avait eu un impact, on pourrait
dire, plus régional ou local. Mais, en mars 1990, il y a eu une
couverture panquébécoise de la question et c'a comme ému
une grande partie de la population et on a l'impression que c'est un peu suite
à ce cas-là que le ministre Savoie et le gouvernement ont
décidé d'entreprendre une consultation, ~ quoiqu'il y avait
déjà des éléments qui allaient dans le sens de
remettre à jour, si on peut dire, le système disciplinaire et les
autres aspects de la loi touchant les codes de professions.
Alors, on va vous parier, nous, brièvement, du cas de Mme Bisson,
entre autres, avec le vidéo de trois ou quatre minutes. On va aussi se
pencher sur l'avant-projet de loi, les parties qui nous intéressent plus
particulièrement, mais de même on devra aussi, compte tenu du fait
qu'il y a eu une proposition rendue publique par le Protecteur du citoyen
concernant le système disciplinaire, vous dire ce qu'on pense de cette
proposition-là parce que ça éclaire notre position par
rapport à l'avant-projet de loi.
Alors, pour ce qui est de maintenant, je demanderais à ce qu'on
actionne l'appareil vidéo pendant trois minutes, environ.
Le Président (M. Gautrin): Est-ce qu'on peut l'avancer
pour que les gens puissent le voir?
(Présentation audiovisuelle) (10 h 50 - 10 h 53)
M. Beaudoin: Alors, bien sûr, mesdames, messieurs, et M. le
Président, dans notre mémoire, vous avez des précisions
davantage sur le cas de Mme Patricia Bisson et, en annexe, vous avez une
chronologie plus précise des événements.
Je vais conclure, brièvement, ajouter deux ou trois
précisions par rapport à ce cas-là. D'abord, il faut bien
dire que Mme Bisson, avant de passer devant le comité de discipline,
avait demandé au comité de discipline de se désister de sa
plainte parce qu'elle voyait les ennuis et les coûts venir et le
comité de discipline a refusé de lui accorder ce
désistement-là. Et on voit ça en page 8.
D'autre part, même si les deux plaintes n'avaient pas
été portées au niveau du comité de discipline,
quand même, le comité d'examen des plaintes qui existe à la
Corporation professionnelle des médecins avait dit, avait indiqué
qu'il n'était pas d'accord avec le fait que les médecins aient
interdit l'accès à la clinique à Mme Bisson et que ceux-ci
en étaient avisés.
D'autre part, depuis ce temps-là, Mme Bisson n'a pas pu aller
plus loin, c'est-à-dire que ce n'était pas faisable d'aller en
Cour supérieure compte tenu d'un avis juridique qu'on a eu à
l'effet qu'il n'y avait pas eu légalement de problème au niveau
juridique dans la décision du Tribunal des professions, même si
beaucoup de gens considéraient qu'il y avait une erreur, mais qu'il n'y
avait pas matière à aller plus loin. Et, donc, Mme Bisson a
dû, finalement, même, faire faillite. Et depuis ce temps, elle
l'avait dit aussi publiquement, elle voulait retourner à la vie
ordinaire de M. et Mme Tout-le-Monde et elle ne voulait plus intervenir
médiatiquement, elle ne voulait plus intervenir publiquement. Encore
aujourd'hui, c'est toujours la même chose, Mme Bisson ne veut pas
intervenir publiquement sur cette question-là parce qu'elle a
été bouleversée profondément par toute cette
histoire ainsi que sa famille.
En ce qui nous concerne, Mme Bisson n'est pas, contrairement à ce
que dit M. Augustin Roy, une fauteuse de troubles, compte tenu qu'elle a
utilisé des mécanismes qui existent pour tout le monde, compte
tenu qu'elle a essayé de sortir de ce système-là mais
qu'on le lui a interdit, compte tenu qu'on lui a dit qu'il fallait, on lui a
même dit à la Corporation professionnelle des médecins,
qu'il fallait qu'elle prenne un avocat, etc. Alors, cette personne-là a
fait le tout, à notre avis, de bonne foi, mais elle s'est
retrouvée dans une situation très difficile et, selon nous, on
considère qu'elle a été victime du
système en tant que tel et, si elle n'a pas été
victime du système, elle a été victime des failles du
système ou des maladresses d'un certain nombre d'acteurs mais, pour
nous, ça révèle qu'il y a une espèce de biais
structurel en faveur des professionnels dans ce système-là, en
tout cas au moins dans la Corporation professionnelle des médecins. On
pourrait penser que le biais structurel a fait qu'il y ait jugement par les
pairs; le fart que ce soit vraiment la Corporation professionnelle en tant que
telle qui soit juge et partie, à toutes fins pratiques, a causé
fondamentalement les problèmes de Mme Bisson et d'autres
problèmes pour d'autres consommateurs.
Pour nous, il ne faut pas que la commission siège sans parler de
ce cas-là. À notre avis, d'abord, j il faudrait que le
gouvernement s'organise pour qu'il y ait des dispositions dans la loi,
possiblement la Loi sur les services de santé et les services sociaux,
pour que ce soit impossible pour une clinique privée de médecins
d'interdire son accès à des gens, surtout dans une ville ou un
village où il y a carrément un monopole. Et, bien sûr,
ça dépasse la question du Code des professions, tout ça,
mais il faudrait qu'il y ait des dispositions, que ce soit dans cette loi-ci ou
ailleurs, parce qu'on pourrait imaginer d'autres situations où il se
reproduirait la même chose parce qu'actuellement, dans le code de
déontologie, ça peut être possible. Ça peut
être contestable, mais ça peut être possible.
D'autre part, à notre avis, le gouvernement, que ce soit par
l'entreprise de l'Office des professions du Québec ou d'une autre
manière, devrait consentir une compensation financière
extraordinaire à Mme Bisson pour les ennuis qu'elle a assumés et,
d'autre part, nous espérerions des excuses ou une reconnaissance des
problèmes vécus par Mme Bisson de la part de la Corporation
professionnelle des médecins.
Et maintenant, je vais céder la parole à Mme Lucie
Dupré sur l'avant-projet de loi sur les corporations
professionnelles.
Mme Dupré (Lucie): Oui. Alors, nous nous sommes
penchés sur l'avant-projet de loi modifiant le Code des professions et
d'autres lois professionnelles. Ce que nous avons constaté c'est que
l'avant-projet de loi propose peu de changements en ce qui concerne le
système disciplinaire des corporations professionnelles. Le traitement
des plaintes continue de s'effectuer par des pairs au sein des corporations
professionnelles.
Tout d'abord, en ce qui concerne le syndic, on s'aperçoit que le
syndic conserve son rôle de porte d'entrée de la Corporation pour
toute personne qui désire déposer une plainte contre un
professionnel. Le syndic demeure un membre de la Corporation nommé dans
ses fonctions par le bureau de la Corporation et payé par la
Corporation.
L'avant-projet de loi propose l'imposition d'un délai de 60 jours
au syndic pour compléter l'étude de la plainte et pour rendre sa
décision. Ce délai est intéressant puisqu'il pourrait
éviter que des enquêtes traînent en longueur et que des
plaignants restent sans nouvelle du cheminement de leur plainte. Par ailleurs,
l'obligation pour le syndic de faire rapport à l'Office des professions
de toute plainte dont l'examen n'aurait pas été
complété dans les 60 jours, c'est un élément
intéressant qui peut permettre d'encadrer le travail du syndic.
Toutefois, nous jugeons que les modifications qui sont proposées
dans l'avant-projet de loi quant au rôle du syndic sont minimes et ne
permettraient pas une amélioration suffisante du système
disciplinaire. Selon nous, le syndic ne devrait pas être rattaché
à la Corporation, mais plutôt à une structure externe,
telle que l'Office des professions.
L'avant-projet de loi propose la création d'un comité
d'examen des plaintes au sein de chaque corporation. Ce comité aurait
pour fonction de conseiller le syndic en matière disciplinaire. Dans son
avis, le comité d'examen des plaintes pourrait demander au syndic soit
de compléter son enquête, de porter une plainte devant le
comité de discipline ou de donner un avertissement au professionnel. Le
comité d'examen des plaintes aurait donc certains pouvoirs. On pourrait
ainsi espérer que des plaintes qui, actuellement, ne sont pas retenues
par le syndic, pourraient, grâce aux recommandations de ce comité,
se rendre jusqu'au comité de discipline. (11 heures)
Toutefois, la situation se gâche lorsqu'on regarde la composition
du comité d'examen des plaintes. Chaque comité serait
composé d'une majorité de membres de la corporation
professionnelle. Il s'agirait donc d'une autre instance décisionnelle
qui favoriserait le jugement par les pairs. On peut douter de
l'impartialité des décisions d'un tel comité. La
création d'une telle instance au sein de chaque corporation
professionnelle, telle que proposée dans l'avant-projet de loi, ne
constituerait pas une garantie pour les citoyens et les citoyennes que le
système de traitement des plaintes des corporations professionnelles
serait crédible et impartial. Il faudrait que le comité d'examen
des plaintes soit composé d'une majorité de représentants
du public, qu'il soit nommé à partir d'une liste de noms
proposés par des associations de consommateurs ou des groupes d'usagers,
qu'il soit décisionnel et rattaché, d'une façon
organisée, à l'Office des professions.
Par ailleurs, il est extrêmement déplorable de constater
que l'avant-projet de loi ne prévoit pas de représentant du
public au sein du comité de discipline de la Corporation
professionnelle. Pourtant, les recommandations initiales de l'Office des
professions, sur lesquelles nous avons été consultés,
comportaient l'ajout d'un membre extérieur à la Corporation
à la composi-
tion actuelle du comité de discipline. Cette proposition n'a pas
été retenue bien qu'elle répondait à une des
principales revendications de la FNACQ.
Afin de garantir plus de crédibilité et de transparence
dans le fonctionnement du comité de discipline, nous proposions, depuis
plusieurs années, qu'il y ait un représentant du public
nommé à partir d'une liste de noms proposés par les
associations de consommateurs et des groupes d'usagers et que le comité
de discipline soit composé d'au plus trois personnes, mais, selon
l'avant-projet de loi, le comité de discipline serait composé
d'un avocat et de deux professionnels. Toute plainte serait ainsi jugée
par une majorité de pairs, ce qui signifie qu'il n'y aurait aucun
changement par rapport à la situation actuelle. À ce chapitre,
l'avant-projet de loi s'avère très décevant.
D'autres éléments sont à souligner dans
l'avant-projet de loi. Parmi les sanctions que le comité de discipline
pourrait imposer à un professionnel déclaré coupable d'une
infraction se trouveraient l'obligation de communiquer un document ou tout
renseignement qui y est contenu et l'obligation de compléter, de
supprimer, de mettre à jour ou de rectifier un tel document ou
renseignement. L'ajout de cet article pourrait s'avérer très
utile, par exemple dans les cas de demandes pour faire rectifier ou supprimer
un commentaire ou une note dans un dossier médical. Actuellement,
lorsqu'une personne se sent lésée dans ses droits ou souffre de
certains éléments qui sont inscrits dans son dossier
médical, elle n'a que peu de recours à sa portée. Les
professionnels de la santé invoquent, la plupart du temps, leur droit
à leur opinion professionnelle pour justifier les notes qui sont
consignées dans le dossier. À moins qu'il s'agisse de faits qui
soient inexacts et facilement véri-fiables, il est pratiquement
impossible, pour une personne, de voir des éléments de son
dossier modifiés.
Par ailleurs, nous sommes heureux de constater que l'avant-projet de loi
prévoir que le comité de discipline puisse exiger qu'une amende
imposée à un professionnel soit versée à la
personne qui a porté plainte. Cette amende versée au plaignant
servira alors de compensation pour les pertes subies et les démarches
encourues par la personne. Cette amende serait, dans plusieurs cas, davantage
satisfaisante pour le plaignant que de savoir qu'une réprimande a
été adressée au professionnel fautif et beaucoup plus
significative également pour le professionnel.
L'autre élément intéressant apporté par
l'avant-projet de loi concerne un plaignant qui décide de porter seul sa
plainte devant le comité de discipline. Celui-ci ne pourrait se voir
condamné au déboursé que si le professionnel a
été acquitté sur chacun des chefs contenus dans la plainte
et que la plainte a été faite de mauvaise coi. Il
serait toutefois nécessaire d'évaluer ce qu'une plainte faite de
mauvaise foi signifie exactement. Une définition précise aurait
ainsi avantage à être apportée pour clarifier l'analyse de
l'interprétation que les membres des comités de discipline
pourraient en faire.
En ce qui concerne l'Office des professions, l'avant-projet de loi
propose de lui confier davantage de pouvoirs, notamment le pouvoir
d'enquête sur les corporations professionnelles. Cependant, des doutes
subsistent quant à l'usage réel que l'Office pourrait faire de
ces nouveaux pouvoirs face aux corporations professionnelles. En effet,
lorsqu'on regarde la composition du conseil d'administration de l'Office des
professions, on s'aperçoit que même l'ajout de deux membres
extérieurs conserve cependant une majorité des sièges
à des membres des corporations professionnelles. Même s'il s'agit
d'un gain intéressant, nous croyons que pour que l'Office puisse
s'acquitter efficacement et librement de ces nouveaux pouvoirs, il doit
posséder une plus grande indépendance face aux corporations
professionnelles.
Or, on peut mettre en doute les orientations et les décisions que
les membres des corporations, siégeant a l'Office, pourraient prendre.
Ils seraient liés, d'une part, aux corporations et, d'autre part,
à l'Office. Sans remettre en question la place réservée
à des membres des corporations au sein du conseil d'administration de
l'Office, nous recommandons qu'une majorité des sièges soient
occupés par des représentants du public, choisis à partir
d'une liste de noms proposés par des associations de consommateurs et
des groupes d'usagers.
En résumé, l'analyse de l'avant-projet de loi a permis de
faire ressortir des propositions intéressantes afin d'améliorer
le système de traitement des plaintes des corporations professionnelles.
Toutefois, ces propositions ont pour effet de maintenir en place la structure
actuelle, sans en changer profondément le fonctionnement et la
composition. La FNACQ aurait souhaité une réforme en profondeur
du système disciplinaire des corporations professionnelles qui
garantirait une indépendance face aux corporations, un jugement
impartial et une forte représentation du public.
C'est pourquoi la FNACQ considère qu'à moins de
modifications majeures la proposition de l'avant-projet de loi soumise à
la consultation n'est pas satisfaisante. À ce niveau, la proposition
d'un mécanisme de traitement des plaintes indépendant et
impartial par le Protecteur du citoyen nous intéresse davantage.
M. Beaudoin: M. le Président, combien de temps nous
reste-t-il pour la présentation? Deux minutes?
Le Président (M. Richard): Une minute. Mais, ça,
vous n'êtes pas obligé de le prendre.
M. Beaudoin: Non, non, ça va. Non, ça me situe.
Ça me situe. Alors, il faut bien s'entendre au niveau...
Le Président (M. Richard): Toute farce à part!
M. Beaudoin: D'accord. Alors, au niveau de la dernière
phrase, il faut bien comprendre qu'on parle de la proposition par le Protecteur
du citoyen d'un mécanisme indépendant. Ce n'est pas
nécessairement le Protecteur du citoyen qui assumerait ça. Alors,
pour finir en une minute environ, effectivement, dans l'avant-dernière
partie de notre mémoire, on trouve quelques commentaires sur la
proposition du Protecteur du citoyen, rendue publique en mars 1992. Mais, en
fait, le Protecteur du citoyen était déjà intervenu
auparavant dans l'opinion publique sur certains critères qu'il
souhaitait voir au niveau du système disciplinaire. Je n'entrerai pas
dans les détails mais, fondamentalement, c'est une proposition qui remet
en question le fait que le système disciplinaire appartient, à
toutes fins pratiques, aux corporations professionnelles en tant que telles et
qu'il vise à instituer un tribunal de la déontologie
professionnelle.
Ceci dit, pour nous, que ce soit un tribunal, une commission ou que ce
soit rattaché à l'Office des professions du Québec, ce
n'est pas ça la question. L'important, c'est que ce soit
indépendant des corporations professionnelles en tant que telles et
qu'effectivement le jugement strictement par les pairs ne puisse pas
s'appliquer et qu'il y ait nécessairement des représentants du
public, que ce soit au niveau d'une commission, que ce soit au niveau d'un
comité de discipline. Il faut qu'il y ait ça et que l'ensemble du
système ne soit pas contrôlé par les corporations
professionnelles, même si des membres des corporations professionnelles
puissent être impliqués à différents niveaux.
Et, donc, voilà, grosso modo, nos recommandations. Il y a, par
contre... Lucie va présenter quelques autres recommandations qui sont
importantes pour nous, et je vais conclure rapidement. Alors, écoutez,
de toute façon, on aura des questions, si vous le voulez, sur nos autres
préoccupations. Et j'attire votre attention sur le fait que l'annexe 1
donne plus de précisions sur l'historique du dossier Patricia Bisson et,
également, on avait prévu inclure des coupures de presse à
notre mémoire. Elle ne sont pas incluses actuellement. J'ai fait une
courte revue de presse ici et, si vous le désirez, je peux vous la
distribuer ou la faire distribuer. Merci bien, M. le Président, mesdames
et messieurs de la commission.
Le Président (M. Richard): Merci et vos copies de presse,
si vous voulez les donner au secrétariat, s'il vous plaît,
à madame, et on va en faire des copies pour l'ensemble des membres de la
commission. Maintenant, M. le ministre, vous voulez débuter par la
période de questions.
M. Savoie: Oui, M. le Président. Je voudrais, tout
d'abord, remercier la Fédération nationale des associations de
consommateurs d'avoir pris le temps de procéder à la
rédaction d'un mémoire et à la présentation, ce
matin. Je voudrais remercier tout particulièrement M. Beaudoin et Mme
Dupré pour la présentation qu'ils en ont faite et,
évidemment, si nous débutons nos travaux avec la
Fédération, ce n'est pas l'effet du hasard. J'imagine que vous
vous en doutiez.
Ce que nous voulons faire surtout et avant tout, c'est de constater avec
vous, finalement, les points positifs et les points qui soulèvent encore
une interrogation chez vous ou une critique qui tient compte des orientations
dans votre organisation.
En gros, ce qu'on constate, c'est que, d'une façon
générale, c'est un pas dans la bonne direction, quoique vous
aimeriez avoir plus d'interventions dans certains secteurs, que vous vouliez
avoir un petit peu plus de modifications au niveau de certains principes que
nous avons jugé bon de ne pas toucher. Je pense qu'on peut s'entendre
pour dire que vous avez une position très claire, très ferme
à défendre, que nous, nous avons également une orientation
à donner au dossier et qu'il est impossible, peut-être, d'en
donner autant que vous en voulez. Mais je pense que, de façon
générale, il y a une reconnaissance que c'est un pas dans la
bonne direction. (11 h 10)
Je voudrais apporter quelques correctifs tout de suite pour les fins du
dossier. Tout d'abord, c'est que nous entendons tout le monde qui a
demandé d'être entendu, sans exception. La CSN s'est
désistée proprio motu. Il y a trois mémoires qui n'ont,
finalement, là... l'Association des usagers de la langue
française, par exemple, dont le mémoire ne porte d'aucune
façon sur les travaux de cette commission, et deux autres,
évidemment, qui n'ont pas été retenus, sur consentement.
Alors, on ne peut pas, on ne peut pas... Moi, je pense que, d'une façon
générale, là, quiconque a demandé d'être
entendu et qui avait un commentaire positif sera entendu. La porte est toujours
ouverte.
Pour ce qui est de Mme Bisson, évidemment, il faut bien... Je
voudrais mettre ça un peu en perspective, là. Il est sûr
que c'a attiré l'attention de plusieurs sur le cas de Mme Bisson; il est
sûr également que son cas a fait soulever des
inégalités. Mais il faut aussi souligner que c'est un dossier
dont la présentation sur la place publique, d'une façon
générale, démontre plutôt un malaise, et ne
s'attaque pas vraiment au problème de fond. La présentation, par
exemple, que nous avons vue à la télévision,
démontre un malaise. Les faits, les données, sont
en grande partie faux, hein? Lorsqu'on parle de 40 000 $, ça n'a
coûté 40 000 $ à personne là-dedans, surtout pas
à Mme Bisson. On sait qu'elle a eu des difficultés
financières et on a voulu l'assister. Par contre, ce qu'elle a fait,
c'est qu'effectivement, effectivement, elle a attiré, finalement,
l'attention de plusieurs sur sa situation, et que, finalement, le public a
toujours une sympathie naturelle vers ce genre de cas mais que, en bout de
piste, en analyse serrée des faits, des détails, là, en
profondeur au niveau du dossier, c'est qu'il y avait finalement des anomalies
quant à la présentation publique des faits.
Il fallait faire un effort au niveau de la discipline, au niveau du
fonctionnement. Vous l'avez constaté, vous avez eu l'occasion à
plusieurs reprises de le souligner, et on vous en remercie. Vous soulignez
à la page 25 de votre mémoire, en conclusion: «La
protection du public commence à partir du moment où l'usager
dépose une plainte». C'est-à-dire que, bien sûr,
là, vous prévoyez des éléments curatifs - il n'y a
personne qui met ça en doute, là - mais vous ne sentez pas que le
projet de loi, ce qu'il vise effectivement, ce qu'il vise effectivement, c'est
surtout du curatif, c'est-à-dire établir des mécanismes
qui vont changer la perception, surtout au niveau des fautes
légères, surtout au niveau des fautes légères, et
qu'en conséquence il va y avoir moins de représentations suite
à la réforme, à la proposition qui est contenue dans le
projet de loi, et qu'en conséquence la perception du public va
être améliorée, suite à ces modifications-là,
et qu'en conséquence le fonctionnement sera mieux reconnu par le
public?
M. Beaudoin: D'abord, M. le ministre... Non, je pense
qu'officiellement il faut parler à M. le président, je pense?
M. Savoie: C'est ça, il faut s'adresser au
président.
M. Beaudoin: Non, je ne sais pas, en tout cas. Alors, M. le
Président, je voudrais'souligner quand même deux choses. D'abord,
en ce qui a trait à la présentation des faits dans la
présentation qu'on a eue tout à l'heure, ou de ce qui a
été dit par mon entremise ou ce qu'il y a dans le document au
niveau de la chronologie, en fait, M. le ministre a soulevé seulement un
point où il y avait une anomalie, c'est-à-dire le montant de 40
000 $. Pour ce qui est du reste des faits, les plaintes déposées
non retenues, la décision des médecins d'expulsion, à
toutes fins pratiques, de la famille de Mme Bisson, etc., le fait que le
comité de discipline ait donné raison en partie à Mme
Bisson, le fait que le Tribunal des professions, finalement, ait donné
raison plutôt aux médecins, etc., ce sont tous des faits qui font
partie du dossier et qui ont été effectivement
présentés tels quels et de façon complète et
objective à l'ensemble de la population et des médias.
Pour ce qui est du chiffre de 40 000 $, le problème vient surtout
du fait que Mme Bisson, quand elle parlait de 40 000 $, elle parlait de
l'ensemble des coûts qu'elle avait assumés, et non pas seulement
des coûts auxquels elle a été condamnée par le
comité de discipline ou par le Tribunal des professions. Mme Bisson,
dans les faits, a dû, s'est ramassée avec une facture, au niveau
d'avocats, de l'ordre de 30 000 $, qui a été, par les avocats,
diminuée de 10 000 $, après le mois de mars 1990, après la
conférence de presse qu'il y a eu là; d'autre part, elle ne
savait pas exactement, et nous non plus, exactement les montants qu'elle devait
payer. C'était difficile à évaluer. Il y avait très
peu de cas auparavant où ça avait été ça qui
avait été déclaré. Finalement, elle a eu une dette
vis-à-vis de la Corporation professionnelle des médecins de plus
de 3000 $. Et, elle, quand elle parlait de 40 000 $ elle incluait aussi ses
dépenses personnelles de déplacement quand elle est allée
témoigner au comité de discipline par exemple, etc. Au total,
dans les faits, on s'est ramassé finalement avec, pour ses
dépenses à elle, 35 000 $. Le problème effectivement a
été qu'il y a eu, soit de la part des médias, soit de
notre part, soit de Mme Bisson, une surévaluation relative des
coûts directs qui ne relève pas de ses coûts d'avocats, mais
ce n'est pas nécessairement des gigantesques montants. Il y a une
différence très importante. En fait, elle a eu à assumer,
en gros, environ 35 000 $ de coûts facturés et elle n'était
plus capable de les payer à la fin de tout ce processus-là.
D'autre part, pour ce qui est des améliorations qui ont
été apportées au niveau de l'avant-projet de loi, vous
avez raison, effectivement, nous, on considère qu'il y a quelques
éléments positifs. On les a relevés. Mais à notre
avis, par rapport même à ce qui avait été
présenté par l'Office des professions du Québec,
même l'Office des professions du Québec, au début, quand
elle a proposé certaines choses en consultation, par exemple la
possibilité qu'il y ait un membre, un représentant du public sur
le comité de discipline, et ça, on ne retrouve pas ça dans
l'avant-projet de loi... Je vais laisser peut-être Mme Dupré
continuer.
Mme Dupré: Juste pour compléter. M. le ministre
parlait que l'avant-projet de loi avec ses propositions pouvait changer la
perception du public face au système de traitement des plaintes. Nous,
on n'est pas du tout convaincus de ça quand on regarde l'ensemble de la
structure, qui va rester la même. Effectivement, si l'on prend la
structure actuelle, l'avant-projet de loi apporte des améliorations,
sauf que tout le système de traitement des plaintes va demeurer au sein
des corporations et être géré par les corporations. Donc,
aux yeux du public, aux yeux de M. et Mme Tout-le-Monde, ça ne changera
pas grand-
chose de savoir que les plaintes sont encore traitées par des
pairs au sein des corporations professionnelles. Alors, nous, c'est pour
ça qu'on dit qu'au niveau de la crédibilité, aux yeux du
public et de l'impartialité du système l'avant-projet de loi
n'apporte pas suffisamment d'améliorations. Il faudrait que ce soit un
système qui soit complètement indépendant et, nous, on
propose qu'il soit rattaché à l'Office des professions.
Le Président (M. Richard): M. le ministre.
M. Savoie: Tout simplement une dernière question avant de
permettre à l'Opposition d'intervenir. Est-ce que vous connaissez un
autre cas semblable au cas de Mme Bisson? Est-ce qu'il y a d'autres cas qui
sont documentés là-dessus?
M. Beaudoin: D'abord, disons tout de suite que le cas de Mme
Bisson est un cas très particulier. Il y a une chose importante, c'est
que d'abord, même si c'est prévu dans la loi qu'on puisse aller
comme individu, comme plaignant privé au comité de discipline...
Alors, une fois que le syndic d'une corporation, disons, a refusé de
porter une plainte au comité de discipline, une personne qui a vu cette
plainte refusée, même s'il peut y avoir un avertissement qui a
été indiqué ou une information qui a été
communiquée au professionnel, la personne qui reçoit cette
information-là, elle, elle considère que c'est un cas important
et que ça doit aller au comité de discipline, et elle est
prête, elle, comme plaignante privée, à y aller. Il faut
dire que c'est rare, dès le départ. Alors, on n'a pas vraiment
beaucoup d'exemples dans notre société québécoise
depuis 10 ans, depuis 20 ans de cas de cet ordre-là. D'ailleurs, si je
ne m'abuse, c'est à partir de 1986 que c'est devenu possible pour un
plaignant privé d'y aller.
Deuxièmement, dans la revue Consommation de l'ACEF-Centre
de Montréal, il est question en novembre ou en octobre dernier d'une
personne qui est allée devant un comité de discipline parce
qu'elle était insatisfaite de la plainte qu'elle avait
déposée concernant un avocat. Cette personne-là,
d'après elle, aurait été enfin, à toutes fins
pratiques, escroquée, en tout cas, il y aurait eu un problème de
cet ordre-là. Cette personne est allée devant le comité de
discipline, a eu à payer des frais d'avocats principalement de l'ordre
de 40 000 $. Elle s'est fait donner raison, au moins en partie par le
comité de discipline. Par contre, ça n'a pas fait
nécessairement les grandes manchettes. (11 h 20)
Nous, ce qu'on a de plus, c'est ce qu'on pourrait appeler des fautes
légères ou des cas de fautes légères, soit des gens
qui ont eu de la difficulté à avoir leur dossier médical
dans une clinique privée, par exemple. Des fois ce n'est pas des fautes
légères. Des fois, à notre avis, c'est des choses
très sérieuses mais qui sont rejetées, à la
première partie, par le syndic pour aller au comité de
discipline, soit qu'il y a un avertissement plus ou moins qui a
été donné au professionnel, soit que ce n'est pas clair
exactement, ce qui s'est passé avec la plainte, mais ce qui est
sûr, c'est qu'elle ne va pas devant le comité de discipline. Dans
la plupart des cas, les consommateurs et les consommatrices sont insatisfaits
de deux ou trois choses fondamentalement: du degré de communication et
d'ouverture qu'ils ont perçu de la part du syndic, sauf exception, parce
qu'il y a des exceptions, aussi du degré de communication, d'information
sur le déroulement du dossier, ce qui est arrivé exactement avec
le dossier, ce qui a été dit aux professionnels finalement si ce
n'est pas allé au comité de discipline, et, troisièmement,
de l'avis de plusieurs, du manque de sérieux avec lequel on a
traité leur plainte parce que, des fois, c'est des affaires
sérieuses quand même. Mais ces gens-là, la plupart du
temps, ne veulent pas, eux, prendre la peine d'aller devant le comité de
discipline seuls parce qu'ils savent que c'est compliqué et possiblement
coûteux. Lucie.
Mme Dupré: Non, mais juste pour compléter aussi.
C'est ce qu'on voit, je dirais, quotidiennement, que ce soit à l'ACEF ou
à Auto-psy, les gens qui viennent nous voir parce qu'ils aimeraient
porter plainte contre des professionnels, ce qu'ils nous disent, c'est qu'ils
n'ont pas confiance dans le système. Ils disent: Bien, j'aimerais
ça me plaindre, mais, dans le fond, je sais bien que ça ne
donnera rien, ça ne réglera pas mon problème, on sait bien
qu'ils se tiennent ensemble. Donc, les gens, à la base, ils n'ont pas
confiance et je pense qu'à maintes reprises ça a
été révélé, ça a même pu
être prouvé. Les gens n'ont pas confiance actuellement dans le
système disciplinaire et on ne pense pas qu'avec les
améliorations qui sont proposées par l'avant-projet de loi
ça va régler, à la base, ne serait-ce que la perception
des gens qu'ils ont effectivement le droit de se plaindre et que ça peut
donner quelque chose. Ça, par exemple, on le voit très souvent
dans nos organismes.
Le Président (M. Richard): Je m'excuse, j'aurais
personnellement un questionnement. Vous avez sous-tendu tout à l'heure
que c'était seulement depuis 1986 qu'on pouvait aller au comité
de discipline. Est-ce que c'est le cas?
M. Beaudoin: Je peux me tromper, mais il me semble que j'ai lu
ça dernièrement dans toute la montagne de papiers que j'ai
consultés.
Le Président (M. Richard): Écoutez, je m'interroge,
je ne connais pas la réponse, mais est-ce que c'est depuis 1986 ou si,
auparavant, on avait quand même le droit d'aller au comité de
discipline?
M. Savoie: Auparavant. Depuis 1973.
Le Président (M. Richard): Donc, c'est depuis le
début.
M. Beaudoin: Alors, c'est une erreur de ma part.
Le Président (M. Richard): Écoutez, je ne voulais
pas vous...
M. Beaudoin: Non. Ce qui est une erreur, c'est la date; ce qui
n'est pas une erreur c'est de dire que c'est rare que des consommateurs ou des
consommatrices vont aller devant le comité de discipline seuls.
Le Président (M. Richard): Faire une erreur n'est pas un
problème, c'est faire deux fois la même qui est un
problème.
M. Beaudoin: D'accord.
Le Président (M. Richard): Est-ce que vous avez une autre
question, M. le ministre?
M. Savoie: On va revenir plus tard.
Le Président (M. Richard): Mme la députée de
Terrebonne, vous avez la parole.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci, Mme
Dupré, merci M. Beaudoin. Puisque je veux vraiment profiter de votre
passage pour vous donner la chance de vous exprimer beaucoup, donc, je ne ferai
pas beaucoup de commentaires.
Vous avez choisi de nous exprimer vos commentaires à partir d'un
cas particulier qui démontre certaines lacunes du système
disciplinaire. À votre avis, est-ce qu'il y a manque de connaissances et
manque d'information pour le public en général, concernant le
système professionnel en général et le système
disciplinaire en particulier? Est-ce que, à votre connaissance, le
public manque d'information sur ce système?
M. Beaudoin: Bien écoutez, je pense que c'est clair et net
que la plupart des gens ne savent pas tellement que ça existe,
c'est-à-dire que je pense que la plupart des gens savent que ça
existe, une loi de la protection du consommateur, que ça existe,
l'Office de la protection du consommateur, que la Cour des petites
créances existe, par exemple, qu'ils ont des recours en matière
de consommation dans le cadre qu'on pourrait dire des pratiques commerciales,
marchandes ou courantes, mais il y a énormément de gens qui ne
sont pas au courant de comment ça fonctionne, les corporations
professionnelles, et aussi, effectivement, du système de traitement des
plaintes ou du système disciplinaire, appelons-le, disons,
système disci- plinaire. Il y a différentes raisons à
ça. Je pense qu'il y a insuffisamment d'information publique sur le
sujet et ce n'est pas nécessairement par l'entremise de deux ou trois
cas spéciaux ou particulièrement extraordinaires à chaque
année que ça va se faire connaître tellement bien pour M.
et Mme Tout-le-Monde. Il faudrait effectivement, peu importe ce qui advient du
système disciplinaire, peu importe la forme qu'il va prendre, il
faudrait faire un effort d'information publique davantage.
Deuxièmement, il faut dire aussi qu'une partie du fait que les
gens ne sont pas au courant, c'est peut-être parce que c'est moins
courant que d'acheter certains produits régulièrement, bon, dans
différents commerces que de se dire dans sa tête: Bien, il me
semble que ça n'a pas tellement bien été, chez le
dentiste. Je ne suis pas satisfait au niveau du médecin, ça ne va
pas trop. Ou bien: L'arpenteur-géomètre... C'est parce qu'il faut
dire aussi que, certains types d'actes professionnels, ce n'est pas tout le
monde qui va avoir affaire à ça régulièrement.
Exemple, arpenteur-géomètre. Des services
d'arpenteur-géomètre, on n'a pas affaire à ça
chaque semaine, bien sûr, et il y a même des gens qui,
probablement, dans leur vie, à part de consulter pour un contrat
éventuellement, ils n'en auront peut-être pas besoin. Il y en a
pas mal de monde, mais pas tous les jours. Alors, il y a ça qui est
important aussi.
Du côté des actes professionnels dans le domaine de la
santé, il y a beaucoup de satisfaction, fondamentalement, par rapport
à l'accès des soins, mais il y a beaucoup de personnes qui ne
sont pas toujours tellement satisfaites des soins mais elles ne savent pas
exactement comment faire pour agir là-dedans et, dans certains cas qui
peuvent même être graves, les gens ne savent pas quoi faire, d'une
part, et, deuxièmement, ont peur de s'embarquer dans un processus un peu
compliqué. Ce qui fait que, quelque part, avant même de penser a
faire quelque chose, ils ne feront pas l'effort de s'informer non plus. Alors,
vraiment, oui, il y a un problème, à la base, d'information et de
connaissance du système.
Mme Caron: Je vous remercie, M. Beaudoin. Vous avez fait mention,
et je pense que c'est intéressant, que le syndic devrait davantage faire
part des conclusions de son enquête d'une façon claire et
précise lorsqu'il répond à une plainte, puisque vous avez
dénoté un problème du côté du degré de
l'ouverture ou de l'information du syndic. Les gens sentent un manque de
sérieux. Donc, lorsqu'ils reçoivent la décision du syndic,
si on l'exprimait d'une façon claire et précise et si
c'était vraiment détaillé, peut-être que ça
viendrait corriger cet aspect-là.
Par contre, est-ce que vous ne croyez pas que par le délai de 60
jours, justement dans les cas où la plainte est sérieuse, on ne
vient pas
nuire à l'enquête et qu'on ne risque pas que, justement,
cette plainte soit traitée avec peu de sérieux, puisqu'on doit se
dépêcher pour y donner réponse dans les 60 jours? Alors,
ça favoriserait davantage les plaintes légères; bien
sûr qu'il y aurait une réponse, mais la plainte sérieuse,
elle, serait moins bien traitée.
Mme Dupré: Nous, on était un peu partagés
face au délai de 60 jours imposé au syndic. On se disait que,
d'une part, ça va être bien parce que, personnellement, moi, je
connais des gens qui ont déposé des plaintes à des
corporations professionnelles et qui attendent depuis déjà quatre
mois, ne serait-ce qu'une réponse du syndic. Alors, le fait qu'il y a un
délai de 60 jours, ça va venir clarifier ces situations où
les plaintes traînent en longueur. D'une autre part, c'est vrai que, dans
certains cas où les plaintes sont sérieuses, ça pourrait
faire en sorte que l'enquête soit beaucoup plus rapide et ne couvre pas
tous les éléments. Par contre, avec ce qui est proposé
là, aussi, c'est que, si le syndic, en dedans de 60 jours, n'avait pas
suffisamment de temps pour examiner tous les aspects de la plainte, il pourrait
faire rapport à l'Office et peut-être obtenir un délai
supplémentaire.
Il y avait aussi l'aspect que, si le syndic prend 60 jours et rejette la
plainte, c'est envoyé au comité d'examen des plaintes qui, lui
aussi, a 60 jours. Le plaignant qui, en bout de ligne, se ferait signifier un
refus, au niveau de sa plainte, il a déjà attendu 120 jours;
alors, à ce moment-là, c'est long. Ça peut être bien
qu'il y ait des délais dans certains cas; dans d'autres cas, ça
peut peut-être nuire.
Mme Caron: Je vous remercie. À plusieurs reprises, dans
votre mémoire, vous rappelez l'importance d'une structure externe et
vous spécifiez «une structure externe telle que l'Office des
professions» et ça revient à plusieurs reprises dans votre
mémoire. Compte tenu du fait que le gouvernement a déposé,
en même temps, un projet de loi, le projet de loi 67, qui, à ce
moment-là, transmet complètement le financement de l'Office des
professions aux corporations professionnelles, est-ce que vous
considérez toujours que l'Office des professions est, à ce
moment-là, une structure externe complètement indépendante
et autonome des corporations professionnelles? (11 h 30)
Mme Dupré: C'est sûr qu'au niveau du financement on
a su qu'il y avait un projet de loi 67, qui n'était pas inclus dans
l'avant-projet de loi, c'était une surprise parce qu'on pensait que
c'était la même chose. Bon! Au niveau du financement, on n'a pas
beaucoup approfondi la question parce qu'on trouvait que c'était
compliqué et on n'avait peut-être pas d'idées très
originales à ce niveau-là, sauf qu'on avait des craintes et on
avait des questionnements. C'est sûr qu'avec la structure que, nous, on
propose, enfin, on appuie la proposition du Protecteur du citoyen, c'est que,
si ça devient une structure qui est complètement
indépendante, rattachée à l'Office des professions, mais
qu'en même temps l'Office des professions serait financé à
même les corporations professionnelles, là, ça vient poser
un problème au niveau de son indépendance parce qu'il serait
lié sur le plan financier aux corporations professionnelles. C'est un
problème. Mais le problème se pose aussi avec la structure qui
est proposée dans l'avant-projet de loi, c'est-à-dire que, si
l'Office des professions obtient plus de pouvoir de sévir auprès
des corporations mais, d'un autre côté, il est financé
à même . ces corporations, on peut douter s'il va vraiment pouvoir
s'en servir et appliquer ces nouveaux pouvoirs. Donc, toute la question du
financement, nous, on n'avait pas de réponse. On n'avait pas de
solution, mais on avait des craintes. Et une autre crainte qu'on avait,
c'était que les corporations, si elles doivent financer l'Office, les
corporations vont, on peut penser, refiler ces montants à leurs membres
qui eux, vont les refiler en bout de ligne aux citoyens, aux consommateurs. Et
ça, ça serait un risque énorme à prendre. Donc,
c'est un peu les craintes et les questionnements qu'on avait. Je ne sais pas si
tu avais autre chose.
M. Beaudoin: Juste pour préciser. C'est que, si je ne
m'abuse, les cotisations des membres des corporations professionnelles sont
déductibles d'impôt. Si on augmente les cotisations, on augmente
ce qu'on pourrait appeler des dépenses fiscales de l'ensemble des
contribuables. Si les cotisations augmentent, d'un autre côté, sur
le marché privé, dans le cas des services qui sont
facturés directement aux consommateurs, bien, les professionnels,
évidemment, vont augmenter légèrement leurs prix pour
compenser, parce qu'il n'y a personne qui... Que ce soit un travailleur ou une
travailleuse non syndiqué ou syndiqué ou que ce soit n'importe
qui, on essaie toujours de garder, au moins, son niveau de vie, grosso modo. Ou
encore, si on pense au niveau des médecins, par exemple, bon, bien,
enfin, ça va être la même chose. Dans les
négociations versus les ententes avec l'État, il va y avoir aussi
une poussée légère, légère. Pas
nécessairement... Ce ne sera pas un gros morceau, mais, quand
même... Écoutez, bon. Il faudrait un peu plus, parce qu'il faut
tenir compte du fait que maintenant on finance un peu plus le système
des corporations ou de l'Office des professions qu'avant, un peu plus. Bon.
Etc. Ça fait que rien ne se perd, rien ne se crée. Finalement, la
manière de payer n'empêche pas que bien du monde va payer dans
tout ça. Alors donc, encore effectivement, pas tout à fait de
réponse, mais on essaie de ne pas être naïfs par rapport
à ça.
Mme Caron: Je vous remercie. Il reste
encore du temps, M. le Président? Vous avez fait part aussi, en
page 21, d'une possibilité que le Tribunal puisse condamner un
professionnel à une amende et que cette amende puisse être
versée au plaignant. J'aimerais que vous me fassiez la comparaison avec
un système que vous connaissez bien, celui de l'Office de la protection
du consommateur. Lorsqu'il y a plainte de la part d'un consommateur par rapport
à une entreprise et qu'il y a amende à payer, est-ce que cette
amende est versée au plaignant ou si l'amende est versée à
un organisme?
M. Beaudoin: Écoutez, je m'excuse, j'ai perdu un petit peu
ce que vous m'avez dit les 10 dernières secondes, mais en tout cas,
bref, grosso modo... D'ailleurs, c'est dans l'avant-projet de loi aussi au
niveau de ce qui est présenté par rapport au comité de
discipline. Nous, que le système disciplinaire soit à
l'intérieur des corporations professionnelles comme l'actuel
avant-projet de loi veut le maintenir ou qu'il soit indépendant, on
pense que c'est une bonne chose que les plaignants ou les plaignantes puissent
avoir, possiblement, une compensation financière relative, compte tenu
du temps qu'ils prennent, compte tenu des problèmes qu'ils ont eus, etc.
Il faut bien s'entendre. C'est sûr qu'une personne qui dépose une
plainte dans le cadre du système disciplinaire, ce n'est pas pour faire
de l'argent avec ça, parce que c'est clair et net que ce n'est pas du
tout, ça ne remplace pas du tout une éventuelle poursuite en
dommages et intérêts, si nécessaire, dans les cas
graves.
Ceci dit, d'avoir la possibilité d'un certain montant directement
à la personne qui a eu, finalement, le problème directement,
elle-même, bien, on trouve que c'est un point positif. Et cette personne,
même si, pour elle, ce ne sont pas nécessairement des montants
importants, ça fait partie de la reconnaissance de l'ensemble du
système que, oui, cette personne a eu un problème et, même
si ce n'est peut-être pas nécessairement suffisant, le montant qui
lui est versé, il y a vraiment une reconnaissance de ce problème
et le fait que ça vienne du professionnel, à toutes fins
pratiques, l'amende, ça veut dire aussi: Bien coudon, ça veut
dire qu'il y a un système qui a dit: Oui, il y avait un tort, il y avait
un problème et la personne qui a déposé la plainte,
finalement, en retire un bénéfice symbolique et
légèrement monétaire, mais enfin. C'est une
reconnaissance, en fait.
Mme Caron: Ma question était à l'effet: Au niveau
des plaintes à l'Office de la protection du consommateur, lorsque,
effectivement, on condamne une compagnie à verser une amende, est-ce que
cette amende est donnée au consommateur?
M. Beaudoin: À ma connaissance, elle est donnée au
consommateur. Mais je peux me tromper.
Mme Caron: Moi, je croyais que non, là. Alors, je voulais,
c'est ce que je voulais vérifier. Vous avez également
parlé de la possibilité de plaintes déposées par un
tiers. J'aimerais vous entendre là-dessus. Vous en parlez en page 23.
Vous démontrez un petit peu que les démarches sont
peut-être difficiles pour plusieurs personnes, qu'elles n'osent pas
déposer cette plainte-là. Est-ce que vous croyez que la mesure
qui est proposée dans l'avant-projet de loi, à savoir que le
secrétaire de la corporation devrait participer à aider le
plaignant à formuler sa plainte, est-ce que vous pensez que c'est une
façon, ou vous souhaitez vraiment que ce soit un tiers
complètement indépendant?
Mme Dupré: Je pense que notre proposition se maintient;
même s'il est mentionné que le secrétaire du comité
de discipline pourrait aider le plaignant à formuler sa plainte, il
demeure quand même que le secrétaire est encore lié,
là, à la corporation. Souvent, ce qu'on voit, c'est qu'il y a des
gens qui, une fois qu'on les informe qu'ils pourraient porter plainte, ils ont
besoin d'un certain support dans toute la démarche, ne serait-ce que
pour rédiger la plainte, pour savoir que c'est une bonne
démarche, que, bon, juste pour être rassurés et savoir que
ce qu'ils font, c'est correct, et, ça, il y a déjà des
organismes qui existent, que ce soit l'ACEF ou Auto-psy, qui peuvent jouer ce
rôle-là, étant donné qu'on est près des gens
et que, bon, on est complètement indépendants, donc, ils peuvent
avoir confiance en nous, et ça peut devenir très important dans
le cas de gens qui, autrement, ne porteraient pas plainte. Alors, c'est pour
ça qu'on maintient quand même cette proposition-là, qui...
c'est un ajout qu'on a fait, parce qu'on ne le retrouvait pas dans
l'avant-projet de loi, mais c'est quelque chose auquel on tient beaucoup.
Mme Caron: Compte tenu que, justement, ce n'est pas toujours
facile de porter plainte, on nous parle de la possibilité, dans
l'avant-projet de loi, d'un formulaire unique préparé par
l'Office. Pour permettre et faciliter, justement, les plaintes de la part du
public, est-ce que ce ne serait pas mieux de maintenir plusieurs
possibilités, c'est-à-dire que le public puisse, comme il le fait
déjà, déposer une plainte selon les critères que,
lui, juge intéressants, c'est-à-dire la déposer
lui-même, à partir d'un texte qu'il écrit, comme ça
se fait, qu'il puisse avoir le choix entre ce procédé et un
formulaire, et, compte tenu du fait que les corporations professionnelles sont
extrêmement différentes - il y en a 41 - et qu'elles ont donc des
champs d'action tout à fait différents, qu'il puisse y avoir des
formulaires différents?
Mme Dupré: Bon. On n'avait pas vraiment
pensé à la possibilité qu'il pourrait exister
plusieurs formulaires; déjà, qu'il en existe un qui soit unique,
par l'Office des professions, c'était déjà une
amélioration en soi, parce qu'il y a des corporations qui n'en ont pas,
et habituellement c'est toujours un peu la même procédure
où la personne a à décrire les faits au sujet de sa
plainte. Je pense aussi qu'il faudrait quand même qu'il y ait une
certaine souplesse, si des gens veulent ne pas utiliser le formulaire mais
procéder plus par lettre ou par document. Je pense qu'il y aurait une
souplesse à y avoir, mais le fait qu'il y a un formulaire,
déjà là, ça va être une amélioration,
et ça peut même inciter des gens à porter plainte,
plutôt que, s'ils appellent à la corporation et qu'on leur dit:
Bien, écoutez, envoyez-nous une lettre, tout ça,
déjà, écrire une lettre, ça peut être plus
compliqué que remplir un formulaire; et l'Office, également,
pourrait nommer une personne qui pourrait aider les gens à remplir le
formulaire, avoir une espèce d'aide technique, ça pourrait bien
être aussi les groupes d'aide et d'accompagnement au niveau de la
défense des droits.
Mme Caron: Je vous remercie. J'aimerais vous entendre
également concernant le traitement des plaintes, par rapport au
système qui existe avec la réforme de la loi 120,
c'est-à-dire le traitement des plaintes qui peut se faire directement
dans les établissements, les régies régionales; comment
vous concevez ce type de plaintes là par rapport au système
disciplinaire du Code des professions. (11 h 40)
Mme Dupré: Bon. Nous, on est assez familiers avec le
système de traitement des plaintes, que ce soit au niveau des
établissements ou, bon, actuellement des CRSSS ou des régies
régionales; sauf qu'à ce moment-là ça concerne
plus, je dirais, la qualité des services ou, en tout cas, tout ce qui
touche les établissements. Quand c'est des actes professionnels,
à ce moment-là, c'est retourné aux corporations
professionnelles, et on se dit que ça pourrait être
intéressant que ça puisse également... que ces
plaintes-là puissent également être déposées
au niveau des établissements et de la régie régionale.
Parce que tout ce qui est acte professionnel s'en va à la corporation,
et si c'est le système actuel qui est en place, donc, le jugement se
fait par les pairs au niveau des corporations professionnelles. On trouverait
ça intéressant que ça puisse aussi passer par le biais,
là, du nouveau système de traitement des plaintes, dans le
réseau de la santé et des services sociaux. Je ne sais pas si tu
as autre chose.
M. Beaudoin: Bien, en fait, je voudrais renchérir sur le
fait qu'on a plusieurs fois abordé cette question-là, qu'on ne
voulait pas que, aux niveaux local et régional, dans les
établissements, au niveau des régies régionales, il y ait
la continuation de ce qu'on a pu constater dans certains cas, et de ce qui a
été, entre autres, constaté par Me Jean-Pierre
Ménard, qui a déjà fait une étude sur la question,
c'est-à-dire comment c'est traité, les plaintes, au niveau des
régies régionales et au niveau des établissements, dans
une publication aux Presses de l'Université de Montréal dont je
ne me souviens pas du nom, malheureusement. Il y disait qu'effectivement,
presque systématiquement, quand ça touchait un acte
professionnel, c'était pratiquement toujours référé
dans le système disciplinaire des corporations professionnelles. Dans
certains cas, il y avait, au niveau des établissements, le Conseil des
médecins, dentistes et pharmaciens, qui en .était saisi, mais
encore là, souvent, ça prenait plus la direction du
système disciplinaire; alors que, nous, on pense quand même qu'il
faut responsabiliser au niveau local, au niveau du système public aussi,
pour la qualité des services, et il est possible que ce soit difficile
de juger d'un acte professionnel dans certains cas, au niveau local, au niveau
d'une administration, si on peut dire, mais on doit prendre acte du fait qu'il
peut y avoir un problème avec certains types de comportements ou de
professionnels, possiblement, et essayer d'agir. Ça se fait dans
certains cas et, dans d'autres cas, il y a vraiment un laisser-aller,
c'est-à-dire qu'on dit: Ça va être les corporations
professionnelles.
D'autre part, Mme Caron, je voudrais dire que personnellement, tout
à l'heure, sur les questions de la Cour des petites créances et
des amendes, c'est que je voudrais vous dire qu'en termes de division du
travail, moi, à l'ACEF de Québec, je ne m'occupe pas de la
question des pratiques commerciales dans le sens de la Loi sur la protection du
consommateur, ce qui explique mon flottement, si vous voulez, mais, en fait, je
pense que vous avez raison. C'est que les amendes, en tant que telles, qui sont
attribuées aux compagnies qui n'ont pas respecté la Loi sur la
protection du consommateur ne vont pas aux individus victimes, vont
plutôt au fonds consolidé de la province, ou quelque chose
d'équivalent, et aussi je me rappelle qu'à un moment donné
plusieurs associations de consommateurs ont demandé que ces
amendes-là soient versées aux associations de consommateurs, pour
les aider dans leur financement. Alors, voilà. Alors, je m'excuse de mon
ignorance relative là-dessus.
Mme Caron: Pas du tout. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Richard): Merci, Mme la
députée de Terrebonne. Je cède maintenant la parole
à M. le député de Sherbrooke.
M. Hamel: Merci, M. le Président. Peut-être une
simple question concernant - et ça prolonge peut-être un petit peu
les discussions ou les échanges que vous avez eus avec la
députée de
Terrebonne - l'aide et l'accompagnement. Dans une de vos
recommandations, vous dites qu'il serait important de reconnaître le
droit pour toute personne d'être accompagnée par la personne de
son choix dans toutes les démarches du système de traitement des
plaintes, et vous faites référence, évidemment, au
système, à la réforme qu'on est en train de mettre en
place. Pourriez-vous élaborer davantage, et est-ce que vous avez
d'autres suggestions, est-ce qu'il y aurait d'autres balises que
celles-là?
Mme Dupré: Bon. C'est ça, c'est... j'en ai un peu
parlé tantôt. Nous, on pense que ça serait important que
ça soit reconnu, là, au niveau de tout le système de
traitement de plaintes, au niveau des corporations professionnelles, parce que
ça existe déjà actuellement dans le milieu de la
santé mentale, où, par exemple, Auto-psy, où je travaille,
est reconnu un organisme d'aide et d'accompagnement en matière de
défense des droits. Donc, on informe les gens de leurs droits, on leur
indique les recours qui sont possibles et on les accompagne dans leur
démarche. Ce même système là va se mettre en place
au niveau régional pour le système de la santé et des
services sociaux. Donc, on pense que ça, c'est... il y a
déjà des organismes qui sont là, qui sont en place.
Malheureusement, c'est juste dans le secteur de la santé, mais on pense
que ça pourrait être généralisé, et s'il n'y
a pas d'org...
M. Hamel: II n'y en pas d'autre que celui-là, là,
dans le fond, que vous avez...
Mme Dupré: À ma connaissance...
M. Hamel: ...que vous avez ou que vous souhaitez voir
réaliser?
Mme Dupré: C'est-à-dire que, moi, je n'en connais
pas d'autres dans d'autres secteurs, sauf que ça peut être toute
personne qui est intéressée, que ce soit un proche parent ou urr
ami qui veut accompagner la personne dans sa démarche, c'est tout
à fait possible également, là.
M. Beaudoin: Peut-être une précision: C'est que...
à certains endroits dans le mémoire - on en parle très
peu, par contre, malheureusement; on en parlait davantage quand on a
déposé un document à l'Office des professions en juin 1991
- deux choses: D'abord, nous, on pense que l'Office des professions du
Québec aurait aussi le rôle, peut-être pas
nécessairement de l'accompagnement, mais d'aider concrètement les
gens à rédiger des plaintes, par exemple. Alors, ça, c'est
une aide que l'Office pourrait concrètement apporter à des gens.
D'autre part, on a déjà parlé par le passé, et on
pourrait aussi l'indiquer encore aujourd'hui, qu'il serait possible que
l'Office des professions du Québec attribue des montants d'argent
à des associations de consommateurs, particulièrement dans les
secteurs où il n'y a pas d'organisation structurée,
c'est-à-dire qu'il peut y avoir des associations de consommateurs qui
sont structurées, mais qui ne feront pas beaucoup d'aide aux gens dans
le cadre du système disciplinaire des corporations professionnelles pour
toutes sortes de raisons: parce que c'est compliqué, parce que ça
prend beaucoup de temps, parce que ce n'est peut-être pas tout à
fait, comment dirais-je, reconnu par l'Office de la protection du consommateur,
cette aide-là. Alors, on avait déjà, par le passé,
indiqué et on pourrait le faire actuellement, qu'il pourrait y avoir des
montants prévus pour aider des associations de consommateurs ou
d'usagers à aider les gens à faire de l'aide, de
l'accompagnement, compte tenu que, dans les secteurs autres que la santé
et les services sociaux, il n'y a pas nécessairement de structure
prévue là-dessus.
M. Hamel: Merci, M. Beaudoin. C'était le sens de ma
question.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le
député de Sherbrooke. M. le ministre, vous avez la parole.
M. Savoie: Oui. Tout simplement, M. le Président, pour
remercier l'Association d'avoir pris le temps de venir présenter un
mémoire. Je pense qu'il faut reconnaître qu'ils ont fait un
travail fort louable, qu'ils ont cherché à défendre les
intérêts des gens qu'ils doivent défendre et la position,
évidemment, qu'ils véhiculent depuis fort longtemps. Je pense
qu'on a pu constater que la FNACQ, de même que les ACEF sont
présents sur la scène, voient à la protection et à
la défense des citoyens et citoyennes du Québec et le
sérieux du mémoire, M. le Président, nonobstant les
lacunes ici et là, le sérieux du mémoire, je pense,
mérite une attention toute particulière.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Terrebonne, vous avez des remerciements.
Mme Caron: Oui, M. le Président. Évidemment, je
vais remercier la FNACQ pour sa contribution, sa présentation, mais
aussi la qualité des réponses. Je pense qu'on a pu aller beaucoup
plus loin grâce à votre présence et je vous en remercie
beaucoup.
Le Président (M. Richard): Mesdames, messieurs, à
14 heures, nous aurons le Conseil interprofessionnel du Québec, à
15 h 30, la Corporation professionnelle des médecins du Québec.
Nous suspendons pour un retour à 14 heures. Merci, mesdames, messieurs
et bon appétit.
(Suspension de la séance à 11 h 48)
(Reprise à 14 h 5)
Le Président (M. Richard): Mesdames et messieurs, je
déclare la séance de la commission de l'éducation ouverte.
Nous reprenons les travaux. Je vous rappelle, évidemment, le mandat de
notre commission pour cette séance, qui est de procéder à
des auditions publiques sur l'avant-projet de loi qui est la Loi modifiant le
Code des professions et d'autres lois professionnelles au Québec. Mme
Sylvie de Grandmont, qui êtes la présidente, je vous laisserai
s'il vous plaît, madame, en vous ayant souhaité la bienvenue
à vous et aux gens qui vous accompagnent, les présenter.
Maintenant, nous avons trois blocs. Vous avez un bloc de 30 minutes pour
la présentation et deux autres de 30 minutes qui se répartissent
à parts égales entre le parti ministériel et l'Opposition
officielle. Madame, sans plus tarder, vous avez la parole et on vous souhaite
la bienvenue.
Conseil interprofessionnel du Québec
(CIQ)
Mme de Grandmont (Sylvie): Alors, M. le Président, M. le
ministre responsable de l'application des lois professionnelles, Mmes et MM.
membres de la commission, il me fait plaisir, à titre de
présidente du Conseil interprofessionnel du Québec, de vous faire
connaître le point de vue de nos 41 corporations membres sur
l'avant-projet de loi qui fait l'objet de cette commission. À cette fin,
je suis accompagnée de M. Claude Castonguay, associé-conseil du
groupe Secor, de M. Paul Morin, syndic de l'une de nos corporations membres, de
M. Errol Fréchette, directeur administratif du Conseil, et de Me Bernard
Godbout.
Malgré les délais impartis, le Conseil interprofessionnel
a effectué une vaste consultation auprès de l'ensemble de ses
membres, qui regroupent, il convient de le rappeler, plus de 240 000
professionnels au Québec. Dès le dépôt de
l'avant-projet de loi, différents groupes au sein du Conseil et des
corporations se sont réunis à plusieurs reprises pour partager
ensemble, mettre en commun leur expérience, faire l'analyse du processus
réglementaire, du mécanisme disciplinaire, de tracer les forces,
les faiblesses du système, tout cela en vue de proposer des solutions
réalistes et efficaces pour l'actualisation de la législation. Je
tiens à signaler la magnifique collaboration des corporations à
la démarche entreprise par le Conseil. Nous tenons aussi à
remercier les membres de la commission d'avoir accepté d'étendre
les délais pour le dépôt des mémoires, en plus de
reporter d'une semaine le début des audiences. Ces quelques jours
additionnels ont été fort appréciés pour la
préparation de cette intervention et celle de nos membres; une
intervention, je tiens à le préciser, qui repose sur un consensus
très clair qui s'est dégagé de notre ronde de
consultations. Cette présentation reflète la position de
l'ensemble de nos membres sur l'avant-projet de loi.
Comme la nature des activités et de l'exercice des professions
varie énormément d'une corporation à l'autre, ceci
explique que la plupart des corporations aient jugé nécessaire de
présenter leurs points de vue particuliers sur l'avant-projet de loi.
Ces mémoires viennent, en quelque sorte, compléter et renforcer
le mémoire du Conseil.
Le Conseil et les corporations déplorent unanimement qu'ils
n'aient pas été consultés dans la préparation de
l'avant-projet de loi, et ce, malgré les offres et les invitations
répétées de la part des. corporations et de leurs
dirigeants. Le Conseil y voit une illustration du glissement inquiétant
de la façon dont l'Office interprète son rôle et du manque
de concertation évident entre tous les intervenants du système
professionnel. Le Conseil tient à rappeler qu'il a contribué,
à plusieurs reprises dans le passé, à la mise à
jour et à l'amélioration du Code des professions et des lois
professionnelles. Cette fois-ci, sa contribution n'a pas été
jugée utile et nécessaire pour les auteurs de l'avant-projet de
loi. Nous le déplorons. Malgré tout, le Conseil veut pleinement
participer à cet exercice, et offre sa plus grande collaboration au
ministre et aux membres de cette commission.
Avant de commenter l'avant-projet de loi, j'aimerais céder la
parole à M. Claude Castonguay, qui fut, comme chacun se souvient,
président de la Commission d'enquête sur la santé et le
bien-être social, commission qui a eu comme mandat de préciser et
d'examiner l'organisation professionnelle au Québec. C'est à
cette expérience que nous avons voulu faire appel en sollicitant la
collaboration de M. Castonguay lors de la préparation de cette
intervention. Je crois qu'il est fort à propos de l'entendre avant
d'exposer nos vues sur l'avant-projet de loi. Alors, M. Castonguay.
M. Castonguay (Claude): Merci. Alors, M. le Président, MM.
et Mmes les membres de cette commission, je voudrais simplement faire un bref
rappel de ce qui a conduit au système tel que nous le connaissons
aujourd'hui. Avant 1970, ou avant 1966, le rôle des corporations portait
à confusion. Certaines avaient la protection de leurs membres à
l'esprit autant que la protection du public. Le gouvernement, de son
côté, était inondé de demandes de groupes qui
voulaient être reconnus comme corporations professionnelles, et il
était démuni des éléments qui pouvaient lui
permettre de juger du bien-fondé de ces demandes; et, au niveau de la
population, des questions se posaient quant au rôle que jouaient les
corporations professionnelles. (14 h 10)
Devant cette situation, le gouvernement confiait, en 1966, à la
commission d'enquête que
j'ai présidée le mandat d'étudier toute cette
question. La commission a procédé à une évaluation
en profondeur, une étude très vaste de ce qui existait ici au
Québec et également a procédé à une
étude de ce qui existait dans bien d'autres juridictions. En 1970, la
commission présente son rapport et recommande sans hésitation
l'autogestion des corporations et, en d'autres termes, le contrôle par
les pairs et rejette du même coup tout système de régie
d'État ou d'assujettissement des professions à l'État.
À l'automne de 1971, le projet de code des professions et les lois
connexes était déposé et, en 1972, une large consultation
avait lieu. enfin, à l'époque, c'était le projet de loi
qui avait donné lieu au plus grand nombre de mémoires. et,
à l'automne de 1972, un nouveau projet de loi fut déposé
et, finalement, après une autre ronde de discussions, de consultations,
adoption en juin 1973 et entrée en vigueur au début de 1974.
Si je mentionne ces étapes, c'est pour montrer la
complexité des questions en cause, la nécessité
d'établir un équilibre et de maintenir un équilibre qui
s'est avéré, je crois, efficace, et aussi afin de tenir compte du
fait que les corporations professionnelles se distinguent les unes des autres
et ont des problèmes qui varient selon les cas.
Le Code des professions est donc fondé sur le principe de
l'autogestion des professions. La mission des corporations professionnelles qui
leur fut confiée à cette époque est très claire,
c'est la protection du public. Et, en optant pour l'autogestion des
professions, le gouvernement à l'époque voulait établir
aussi une certaine distance entre l'État et les professionnels pour
éviter l'ingérence de l'État dans des questions qui
peuvent s'avérer fort délicates. Le gouvernement reconnaissait
également que les professionnels, de façon
générale, ont intérêt à ce que leurs membres
fonctionnent de façon compétente, honnête et ont
intérêt également, contrairement à ce que l'on pense
dans la population, à ce que, si un membre de leur propre profession
agit d'une façon inacceptable, la situation 'soit corrigée afin
que la réputation de la profession ne soit pas entachée. Alors,
c'est ce qui fait d'ailleurs que ce système d'autogestion, où les
membres des professions ont intérêt à maintenir de hauts
standards, a fait ses preuves ici comme ailleurs.
Pour s'assurer, en plus, que les corporations professionnelles assument
leur rôle, le Code des professions créait l'Office des
professions. Et le rôle de l'Office est clair, c'est de veiller à
ce que les corporations assument leurs responsabilités et,
évidemment, l'Office peut et doit agir comme conseiller auprès du
gouvernement ou du ministre responsable de l'application de ces lois. Et, dans
la conception du Code des professions, il n'appartient pas à l'Office
d'assumer des fonctions analogues à celles des corporations ou de
s'immiscer dans la gestion de leurs propres affaires.
Enfin, le Code des professions reconnaissait l'existence du Conseil qui
avait été créé quelques années auparavant et
le voyait comme étant un porte-parole des corporations, au besoin, un
conseiller auprès du ministre, un organisme susceptible d'examiner les
questions qui se posent avec l'évolution du système
professionnel. C'est ce système qui est encore essentiellement en place
aujourd'hui. Le Conseil croit qu'il continue de jouer efficacement son
rôle mais, évidemment, après 20 ans, il est clair qu'une
mise à jour de la législation est nécessaire, sans
cependant que les fondements et l'équilibre du système ne soient
modifiés.
Mme de Grandmont: Alors, merci beaucoup. J'aimerais
préciser que, depuis la mise en place du système en 1973, les
corporations professionnelles se sont dotées aussi de toute une gamme
d'instrumentations nécessaires pour répondre à l'exercice
de leurs responsabilités. Que l'on pense, par exemple, à la mise
en place des codes de déontologie, comités de discipline,
comités d'inspection professionnelle, programmes de formation continue.
Pas moins de 534 règlements ont été adoptés, et
vous l'avez mentionné ce matin. On peut aussi mesurer l'ampleur des
moyens qui sont mobilisés et le sérieux avec lequel les
corporations remplissent leur mission en signalant que le total des budgets
d'exploitation s'élève à plus de 70 000 000 $ par
année.
Le Conseil veut aussi rappeler que ce sont les membres des corporations
qui assument ce financement. De plus, les professionnels consacrent
bénévolement, chaque année, une somme considérable
de travail pour assurer le fonctionnement efficace des corporations. Le Conseil
affirme sans hésiter que l'organisation professionnelle mise en place
pour assurer la protection du public continue, après 20 ans d'existence,
de remplir efficacement sa mission. En réalité, les
Québécois reçoivent, chaque année, un nombre
difficile à évaluer de services de qualité de la part de
professionnels compétents et responsables. On peut s'imaginer que ces
240 000 professionnels posent, au moins, un minimum de 200 000 000 d'actes par
année au Québec. Évidemment la loi des grands nombres
n'épargne pas le monde professionnel et l'on doit périodiquement
déplorer certains accrocs de nature et de gravité variables. Et
je pense qu'il serait extraordinaire et impensable qu'il en soit autrement.
Mais faut-il pour autant remettre en cause le système professionnel?
Doit-on faire table rase d'une structure qui a fait ses preuves et recommencer
à zéro? Le Conseil croit que non. L'ensemble des corporations
professionnelles partagent pleinement cette conclusion et pensent qu'il serait
tout à fait néfaste, surtout en l'absence d'une évaluation
adéquate, de modifier le rôle de l'Office et l'équilibre du
système. C'est pourtant ce que l'on propose dans l'avant-
projet de loi.
Ceci dit, le Conseil reconnaît toutefois la
nécessité d'une mise à jour et d'une actualisation de la
législation professionnelle par une évaluation véritable
de l'organisation professionnelle. Nous croyons également que certains
amendements devraient être apportés en priorité pour
régler des problèmes spécifiques et que l'on devrait
accélérer et améliorer le processus disciplinaire. Mais
cela ne peut pas se faire, selon nous, en modifiant et l'équilibre et
les fondements du système. Et toute cette démarche d'envergure
devrait être le fruit d'une évaluation véritable de
l'organisation professionnelle.
Si on regarde les attentes des différents intervenants
vis-à-vis cette actualisation de la législation professionnelle,
on sait que le gouvernement souhaite que le système professionnel soit
plus transparent, plus souple, plus accessible et moins coûteux.
D'emblée, nous tenons à affirmer que nous sommes pleinement
d'accord avec les objectifs poursuivis par le ministre. Tous les intervenants y
trouveraient leur compte. En effet, un système plus transparent ferait
connaître la fonction essentielle remplie par les syndics. Une
organisation plus souple et plus accessible avantagerait le public. Quant au
système moins coûteux, il serait évidemment selon nous le
bienvenu, sachant qui assume les coûts de l'organisation professionnelle
au Québec.
Les corporations ont aussi des attentes. Elles ont besoin de
mécanismes efficaces de protection du public et elles désirent
que soit assoupli leur rapport avec l'Office des professions. Le public, quant
à lui, a besoin d'avoir accès à des services
professionnels de haute qualité. Est-ce que l'avant-projet de loi
répond à ces attentes? A cette question, il nous faut
répondre non. Le Conseil et ses membres s'opposent unanimement à
l'avant-projet de loi. Nous voyons dans cet avant-projet un ensemble
hétéroclite de dispositions visant à résoudre des
problèmes ponctuels. On ne semble pas s'être soucié de
l'équilibre du système. On ne semble pas s'être
préoccupé non plus des implications financières et
juridiques graves qui pourraient découler de certaines propositions
contenues dans l'avant-projet de loi. Par exemple, la création d'un
comité d'examen des plaintes dans chacune des corporations comporterait
des incidences lourdes de conséquences. L'avant-projet reste
malheureusement muet sur cette question.
Le Conseil perçoit même des contradictions dans
l'avant-projet. Ainsi, l'article 12 maintient intégralement le
rôle de surveillance de l'Office bien que, plus loin, l'Office se voit
confier des rôles d'intervention directe. L'avant-projet de loi semble
ignorer qu'il n'est pas possible d'être à la fois juge et partie.
Les corporations jugent l'avant-projet de loi comme une illustration de
l'absence de concertation entre les différents intervenants du
système. Elles désapprouvent le climat de confrontation
créé par l'Office. Elles voient dans cet avant-projet de loi une
tentative de l'Office de se donner une nouvelle mission qui irait
au-delà de son rôle de surveillance et cela, malgré la
contradiction inhérente d'une telle démarche. (14 h 20)
Dans la perspective d'une révision plus en profondeur de la
législation professionnelle, le Conseil a cru utile de présenter
de nouvelles voies de solution. Ces propositions - nous en sommes convaincus -
respectent les objectifs du ministre que nous avons mentionnés plus
haut. Dans cette démarche, il faut tenir compte de deux facteurs. En
premier lieu, l'organisation professionnelle a atteint un stade de
maturité. L'étape de mise en place de la réglementation
est terminée et le fardeau de travail de l'Office devrait être
considérablement réduit. En second lieu, nous devons tenir compte
de la crise des finances publiques que vit le Québec. À ce sujet,
les corporations répondent que l'office devrait d'abord apprendre
à mieux contrôler les dépenses inhérentes à
sa fonction de surveillance et qu'il ne faut pas perdre de vue que la fonction
de surveillance relève en priorité du gouvernement. C'est pour
cette raison que les corporations s'opposent si vigoureusement au projet
voulant qu'elles financent dorénavant, sans aucune forme de
contrôle, l'ensemble des activités de l'Office des professions.
Par ailleurs, nous croyons que les clients qui s'adressent à l'Office
pour lui confier certaines tâches devraient en assumer les coûts.
Il s'agit d'une tendance normale vers la tarification des usagers.
Avec ces facteurs à l'esprit et sous cet éclairage, voici
maintenant nos commentaires sur l'organisation professionnelle, la protection
du public et le pouvoir réglementaire. Sur le plan de l'organisation
professionnelle, nous sommes d'avis que l'Office devrait revoir la façon
d'assumer sa fonction de surveillance. Au lieu de considérer son
rôle de surveillance comme se limitant à des contrôles sur
la réglementation adoptée par les corporations, l'Office devrait
développer des façons plus diversifiées et plus efficaces
d'assumer ce rôle fondamental. Les corporations s'opposent unanimement
à l'avant-projet de loi, parce qu'il ne respecte pas la philosophie
à l'origine de l'organisation professionnelle. Le législateur
avait de bonnes raisons de ne pas octroyer d'autres pouvoirs à l'Office
que celui de veiller à ce que chaque corporation assure la protection du
public. Or, l'avant-projet de loi accorde à l'Office des pouvoirs
d'approbation, de tutelle, d'exécution. Il lui accorde également
des pouvoirs d'enquête de son propre chef et le pouvoir d'imposer aux
corporations des règlements dont l'adoption doit clairement relever des
corporations. Dans tous les cas, il s'agit de pouvoirs qui appartiennent
actuellement, sort au gouvernement, soit aux corporations. L'avant-projet de
loi compromet ainsi la neutralité de l'Office en lui accordant des
fonctions d'inter-
vention directe. Il y a là menace d'exagérer le rôle
de l'Office en allant à l'encontre des principes de base de
l'autogestion.
Voici maintenant les incidences de l'avant-projet de loi sur les
structures. D'abord, il y a une volonté très claire
d'uniformisation. L'avant-projet de loi tente clairement d'uniformiser les
pratiques du milieu professionnel et il s'agit là d'une attaque non
justifiée aux principes de l'autogestion. L'avant-projet de loi vise
l'abolition de plusieurs distinctions découlant des lois
particulières et l'Office se refuse à reconnaître que les
corporations professionnelles sont différentes les unes des autres. Pour
le Conseil interprofessionnel, l'uniformité n'est ni une qualité,
ni une fin en soi. Dans un deuxième temps, l'avant-projet de loi vise
à conférer à l'Office de nouveaux et larges pouvoirs
d'enquête. Selon nous, le pouvoir d'enquête devrait être
exercé exclusivement par le gouvernement et à l'initiative de ce
dernier. En troisième lieu, l'avant-projet de loi élargit
considérablement les possibilités de mise sous tutelle. Le
Conseil reconnaît l'opportunité d'une telle disposition
exceptionnelle en autant qu'elle soit assortie d'un mécanisme
d'intervention préalable de la corporation auprès du gouvernement
et seulement dans la mesure où l'enquête est exigée par
celui-ci.
En ce qui concerne la protection du public, ce sont les corporations qui
doivent assurer ce rôle. À cette fin, elles ont mis en place et
gèrent maintenant toute une série de mécanismes et de
mesures qui permettent de s'assurer que les professionnels sont
compétents et responsables de leurs actes vis-à-vis du public.
Vous connaissez ces mécanismes et ces mesures. Qu'on ne pense
qu'à la formation continue, à l'inspection professionnelle, au
professionnalisme et au contrôle par le milieu, à la
présence du public au sein des corporations professionnelles, à
la présence d'avocats nommés présidents de comités
de discipline. Alors, toutes ces mesures et ces mécanismes sont
déjà mis en place pour la protection du public. C'est sûr
que dans ses rapports avec les professionnels le public fait face à des
problèmes de différentes natures et de gravité variable.
Ces problèmes portent-ils atteinte ou non au public? Sont-ils
réels ou sont-ils le fait d'une mauvaise perception ou d'une
incompréhension? À l'évidence, ces problèmes ne
méritent pas tous d'être traités de la même
façon par les mêmes mécanismes ou les mêmes
procédures.
Le Conseil croit toutefois qu'il y a place à amélioration.
Il préconise le développement d'un mécanisme
d'intervention capable de répondre encore plus efficacement aux attentes
du public. Nous insistons cependant sur le fait que la nature fort
différente des activités professionnelles d'une corporation
à l'autre exige vraisemblablement des solutions adaptées à
chaque situation.
Enfin, le Conseil est d'avis que le système professionnel
québécois a tout avantage à mettre sur pied des
mécanismes de résolution de conflit flexibles et moins
coûteux. Autrement, nous risquons d'introduire une plus grande
judiciarisa-tion des conflits à des coûts financiers et sociaux
élevés que ni la population ni le gouvernement ne sont
prêts à payer. Le Conseil affirme que la tendance à la
judiciarisation des conflits serait amplifiée de façon majeure et
fort coûteuse par les propositions de l'avant-projet de loi.
Voici ce que nous suggérons en plus des mécanismes
existants. Deux mécanismes dont les objectifs visent à
alléger le système. Alléger le système pour ce qui
est de la diminution des coûts, diminution des délais, en plus de
le rendre plus transparent. Nous proposons, premièrement, qu'on examine
la mise en place d'un mécanisme de règlement des
différends. Il s'agit d'un mécanisme de médiation
inédit au Québec, mais qui existe ailleurs et qui semble
connaître un certain succès. L'expérience menée par
le Collège des médecins et chirurgiens de l'Ontario
démontre que ce mécanisme a permis de régler
au-delà de 90 % des cas traités. Un second mécanisme que
nous proposons consiste en un comité consultatif auprès du
syndic. Ce comité remplacerait le comité d'examen des plaintes
proposé dans l'avant-projet de loi. Il aurait l'avantage d'être
plus souple et moins coûteux.
Puisque je viens d'évoquer les comités d'examen des
plaintes, il faut rappeler que l'avant-projet de loi en propose la
création dans chacune des corporations. Selon nous, il s'agit d'une voie
à caractère exclusivement disciplinaire pour traiter l'ensemble
des problèmes. Nous nous opposons à cette proposition en raison
du risque de judiciarisation accrue qu'elle comporte. Or, qui dit
judiciarisation dit plus de coûts, plus de délais, plus de
tactiques dilatoires. Dans le même ordre d'idées, nous nous
opposons à la proposition qui introduit un principe indésirable
dans le système. Il s'agit de l'obligation qui serait faite au syndic
d'informer l'Office des professions, par un rapport détaillé, du
progrès d'une enquête non terminée après 60 jours.
Cette obligation porte gravement atteinte à l'autonomie du syndic. Il
s'agit, selon nous, d'une immixtion injustifiée. De plus, ce
délai est irréaliste d'application dans la plupart des cas
complexes. À ces propositions de nature corrective axées sur la
non-confiance, la méfiance, la mise en place de structures voulant
davantage encadrer et bureaucratiser la fonction du syndic, nous nous opposons
fermement. Le Conseil privilégie plutôt des avenues de
prévention. Les syndics ont besoin d'outils efficaces. Ils ont besoin
d'améliorer leur efficacité et nous allons donner...nous avons
l'intention d'offrir éventuellement, dès cet été,
aux membres des comités de discipline, aux syndics des sessions
d'actualisation. Et c'est une avenue qui doit être explorée. Les
syndics ont besoin d'améliorer...de pouvoir être de plus en
plus performants. Et je pense que c'est une avenue beaucoup plus
positive que de les encadrer dans un mécanisme très
bureaucratique.
Concernant les modifications ayant trait à la
réglementation, c'est sans doute l'aspect le plus positif de
l'avant-projet de loi. Le Conseil croit que l'avant-projet de loi constitue, en
y apportant certaines modifications, une réponse positive aux
corporations qui réclament des correctifs nécessaires au bon
fonctionnement du processus réglementaire. En effet, l'avant-projet de
loi confirme le rôle essentiel des corporations et suggère
certaines solutions pour assouplir le processus réglementaire.
Toutefois, l'avant-projet réserve encore une fois à l'Office trop
de latitude dans l'application de ses pouvoirs d'examen d'avis.
L'efficacité des propositions de l'avant-projet de loi pourrait en
être grandement compromise. (14 h 30)
Essentiellement, l'avant-projet de loi propose trois modes d'adoption
des règlements. Un mode général d'adoption identique
à celui actuellement en vigueur. Le Conseil est d'accord pour que l'on
conserve un processus général d'adoption des règlements.
Cependant, l'intervention de l'Office dans ce processus réglementaire
devrait être limitée à la seule question de la
conformité du règlement à la loi habilitante. L'Office
devrait aussi être contraint de motiver par écrit son avis et d'en
faire part tant au gouvernement qu'à la corporation concernée et
ce, dans un délai spécifié.
Deuxième mode d'adoption proposé où l'approbation
de l'Office est substituée à celle du gouvernement. Le Conseil
s'oppose vigoureusement à ce mode d'approbation. Le Conseil est d'avis
qu'il ne revient aucunement à l'Office, compte tenu du rôle qui
lui est conféré par le législateur, d'approuver les
règlements des corporations professionnelles et de se substituer ainsi
au gouvernement.
Enfin, un mode d'adoption ne prévoyant pas d'approbation ni par
le gouvernement, ni par l'Office, mais où l'avis de ce dernier demeure
nécessaire. Ce nouveau processus d'adoption concerne essentiellement les
questions d'ordre administratif des corporations professionnelles. Il pourrait
réduire les délais encourus, ce qui est une chose souhaitable.
Par contre, si l'office ne s'est pas réservé, avec ce
troisième mode d'adoption, le pouvoir d'approuver la
réglementation, il se réserve le pouvoir de formuler un avis
contraire. Un tel pouvoir est nettement excessif; nous l'assimilons à un
véritable droit de veto.
En résumé, au niveau de l'organisation professionnelle,
nous nous opposons à l'élargissement du rôle et des
pouvoirs de l'Office. En ce qui concerne la réglementation, le Conseil
reconnaît que cet avant-projet de loi propose certains
éléments de solution à des problèmes majeurs
vécus par l'ensemble des corporations professionnelles. Ces
éléments pourraient faire l'objet d'un projet de loi si on leur
apportait les modifications suggérées précédemment.
Toutefois, nous tenons à le rappeler, l'avant-projet de loi
confère, selon nous, à l'Office trop de latitude dans
l'application de ses pouvoirs d'examen et d'avis. De plus, nous sommes d'accord
pour améliorer le processus disciplinaire en trouvant des
mécanismes plus souples et plus flexibles.
J'aimerais conclure cette intervention en ouvrant la discussion sur
l'avenir. Dans l'exercice de consultation et de concertation que le Conseil a
tenu en janvier 1993, il est clairement ressorti un besoin évident, une
volonté déterminée de poursuivre la réflexion et la
discussion afin de favoriser l'atteinte des objectifs d'une véritable
actualisation de la législation professionnelle dans le respect des
objectifs du ministre. Compte tenu de l'évolution de l'activité
professionnelle dans plusieurs domaines, une réflexion plus
poussée et une discussion plus ouverte, dans un climat de confiance et
de franchise s'imposent si on veut profiter pleinement des efforts
déployés au cours des dernières semaines. Devraient, selon
nous, être intégrés à cette réflexion des
sujets qui, depuis plusieurs années, commandent un examen attentif.
Commençons par un besoin qui nous concerne plus
particulièrement, c'est-à-dire le rôle du Conseil
interprofessionnel. Avec la maturation du sytème et le nouveau contexte
de financement, le Conseil interprofessionnel pourrait et entend jouer un
rôle plus dynamique sur un ensemble de questions plus vaste, portant
notamment sur un élargissement de sa fonction de conseil auprès
du gouvernement. Une meilleure concertation et coopération entre
corporations professionnelles. La réalisation d'études et de
recherches sur l'évolution du système d'autogestion ou sur toute
autre question d'intérêt commun aux professionnels, à la
demande de ses membres. Et aussi une contribution [...] sur
l'amélioration qu'on devrait apporter à l'information du
public.
Nous croyons que le Code des professions doit refléter davantage
ce rôle d'avenir et cette nouvelle réalité.
Un second élément important concerne les
difficultés rencontrées par les corporations professionnelles
à titre réservé. À ce sujet, nous devons noter que
la modification proposée au Code des professions ne solutionne pas les
problèmes que vivent ces corporations. Que l'on pense notamment à
l'utilisation fréquente ou à la substitution du titre
réservé dans l'utilisation des différentes conventions
collectives. Cette question mérite réflexion si l'on veut que ces
20 corporations puissent remplir efficacement leur mandat et bien servir le
public.
Un troisième élément important dont nous voulons
toucher un mot est l'information du public. Selon nous, plusieurs des
problèmes que vit le monde professionnel sont dus à une
méconnaissance du système et de ses limites. Par
exemple, on confond souvent les notions de poursuite disciplinaire et de
poursuite pour dommages et intérêts. L'ambiguïté doit
être dissipée. Il nous revient, de concert avec l'Office, avec les
associations de consommateurs, sans doute, de réfléchir à
des instruments efficaces d'information du public. D'autres sujets
d'intérêt pour l'avenir du monde professionnel méritent
aussi d'être étudiés. En voici, à titre
d'information, une liste non exhaustive; on devrait se pencher sur la
prolifération des groupes qui désirent accéder à un
statut professionnel, l'évolution des notions d'éthique et de
déontologie, le phénomène de multidisciplinarité,
la libéralisation des échanges commerciaux et l'impact de la
mobilité interprovinciale et internationale.
En résumé, afin que la mise à jour de la
législation professionnelle soit vraiment adéquate, toutes ces
nouvelles données exigent, de la part de tous les intervenants, une
réflexion en profondeur et l'assurance de consultations
véritables de la part du gouvernement. À cet égard, le
Conseil réitère sa complète disponibilité afin de
participer à cette réflexion. Nous sommes prêts à
offrir notre entière collaboration, collaboration pour aider le
gouvernement à cerner les amendements à la loi à
être adoptés en priorité, collaboration à la
réflexion plus large qui s'impose. Merci de votre attention.
Le Président (M. Richard): Merci, madame. Et merci d'avoir
respecté sensiblement votre temps. M. le ministre, vous avez la
parole.
M. Savoie: Merci, M. le Président. Alors, vous me
permettrez tout d'abord, certainement, de saluer d'abord la présidente
du Conseil interprofessionnel, Mme de Grandmont, avec qui nous travaillons sur
l'ensemble des dossiers que : nous devons traiter avec beaucoup
d'assiduité depuis plusieurs années. Mme de Grandmont est
certainement très active au niveau de l'ensemble des dossiers. Je
voulais souligner également la présence de M. Fréchette,
de M. Morirïf de Me Godbout et tout particulièrement de M.
Caston-guay, dont la présence ici, cet après-midi, est tout
à fait remarquable. On est heureux de le voir avec nous. On constate
qu'il a été, finalement, à la source de cette structure au
Québec, qui a fait ses jaloux dans les autres provinces et ailleurs. Et,
évidemment, ses recommandations et ses considérations seront
certainement retenues par les membres de la commission.
Je vais, si vous me le permettez, faire quelques commentaires d'ordre
général avant d'aborder quelques questions, avant de céder
la parole à la députée de l'Opposition.
Vous avez tout d'abord parlé d'un manque de consultation et, si
je comprends bien ce que vous nous dites, c'est que, oui, il y a eu
consultation sur chacun des éléments, mais qu'au niveau de
l'ensemble, lorsque le projet de loi était terminé, avant de le
déposer comme avant-projet de loi, il n'y a pas eu consultation.
Il faut comprendre que j'ai ici les rapports de la consultation sur la
révision du système disciplinaire, M. le Président, en
trois volumes. Il ne s'agit pas de l'étude, il s'agit des consultations
sur la révision. Trois volumes, consultation du 9 octobre 1991 sur
l'assurance-responsabilité professionnelle, consultation du 24 mai 1990
sur les propositions de modification législatives concernant la
citoyenneté et, une année plus tard, la consultation du 30
juillet sur l'assouplissement du processus réglementaire.
C'est-à-dire qu'il y a eu consultation sur chacun des
éléments qu'on vous présente et finalement, ce qu'on nous
dit, c'est que sur le tout, il n'y a pas eu consultation. Ce qu'on voudrait
souligner, M. le Président, c'est: lorsqu'on procède par
avant-projet, c'est que là on a un document et là on veut
consulter. Et c'est un peu cet exercice. Je ne voudrais pas que les gens qui
peuvent consulter les documents de cette commission puissent penser qu'on n'a
pas consulté. Je pense qu'il faudrait que ce soit bien clair.
L'avant-projet a pour but de consulter et on en viendra un petit peu plus tard,
on y reviendra d'une façon un petit peu plus précise un peu plus
tard. Loin de moi l'idée de déposer un projet de loi, et vous le
savez fort bien, même signer un règlement sans consultation. (14 h
40)
Donc, l'avant-projet de loi... Malgré un différend, je
pense qu'on s'entend qu'il y a consultation et que la consultation va continuer
jusqu'au dépôt, évidemment, du projet de loi, et même
après. La porte est toujours ouverte. On est toujours ouverts au
changement. Je pense que tous ceux et celles qui ont vu des projets de loi
passer dernièrement, au niveau de l'Office, ont certainement - en tout
cas, pour la durée de mon mandat - pu constater l'étendue des
consultations et le souci qu'on apporte lorsque c'est
présenté.
Document déposé
Au niveau de la discipline, M. le Président, pour les fins de la
commission, je voudrais déposer - on pourra peut-être en faire des
copies - il s'agit d'un document concernant les matières sur lesquelles
il y a des pouvoirs d'enquête qui sont accordés au Québec
dans les différentes lois. On parle finalement d'une vingtaine de lois
où le gouvernement accorde pouvoir d'enquête à un
organisme, que ce soit la CSST, ou que ce soit les producteurs agricoles,
l'organisation policière, les maîtres électriciens,
l'ensemble des projets de loi sur lesquels, évidemment, il y a un
pouvoir d'enquête, assez étendu dans certains cas, moins dans
d'autres.
Certainement que ça pourra, je pense, apporter certains
éclaircissements quant aux membres de la commission sur le pouvoir
d'en-
quête que se propose l'Office.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre. On va
faire la distribution aux membres de la commission, si vous permettez.
M. Savoie: Au niveau du comité des plaintes, votre
suggestion - au lieu d'avoir un comité des plaintes, vous avez
parlé d'un comité consultatif à l'intérieur -
ça aussi nous allons l'examiner. Vous comprendrez toutefois - et je
pense que tout le monde est d'accord pour reconnaître qu'au niveau des
fautes lourdes il y a eu et il va y avoir des modifications d'assouplissement,
de meilleurs traitements pour l'ensemble du public parce que ce qu'on cherche
à faire spécifiquement, ici, c'est s'occuper des fautes
légères, et on trouvait que le comité des plaintes
présentait des avantages.
Vous avez souligné un cas, qui est l'argent. Vous dites que c'est
coûteux. On a déjà eu l'occasion d'échanger
là-dessus. L'Office m'avise que, non, tout se fait à un prix
très peu coûteux, très abordable pour l'ensemble des
corporations professionnelles. Je ne pense pas qu'on veut discuter de ça
ici en commission. Ce que je peux vous dire, toutefois, c'est qu'au niveau des
coûts, après cette commission, on va s'asseoir et ensemble,
l'Office, le Conseil, nous-mêmes, pour déterminer effectivement
exactement combien ça va coûter le fonctionnement pour s'assurer
qu'effectivement on ne décharge pas sur les corporations des coûts
qui seraient trop difficiles à gérer.
Vous avez touché à plusieurs points au niveau des
comités disciplinaires. Je ne pense pas que je voudrais commenter
chacun. Je ne pense pas que c'est le but qu'on vise ici. Tout ce que je peux
vous dire, par exemple, c'est que, pour chaque élément que vous
avez soulevé, nous allons ouvrir une page dans un grand livre. Et
chacune de vos recommandations sera traitée. Chacun va faire l'objet de
commentaires et d'analyses et chacun, évidemment, fera l'objet d'une
discussion entre vous et moi, le Conseil et l'Office et mon personnel, et que
ça vous sera remis bien d'avance pour que les discussions soient les
plus claires possible.
Donc, le travail que vous avez fait, parce que vous avez fait du travail
là-dedans, ce qu'on voit c'est un survol, finalement, de la
présentation. Le mémoire et la recherche que l'Office a faite
dans le temps que vous avez eu, je pense, a quand même été
bien réussi. Au niveau de la réglementation, un questionnement au
niveau d'un transfert du pouvoir du gouvernement vers l'Office, que ça
pourrait créer des problèmes. Ça aussi ça va
être regardé. Ça ne tombe pas dans les oreilles d'un sourd.
Ça sera analysé et je suis certain, je suis confiant que le
résultat final, après avoir entendu l'ensemble des
mémoires, nous sera satisfaisant.
Les autres éléments, je pense, d'une façon globale,
sont assez bien reçus, ici et là quelques épines, mais
d'une façon générale, pour les autres
éléments, je pense qu'on peut constater que c'est du moins
intéressant, sinon acceptable, et que donc l'orientation est assez
valable. Les questions, évidemment, il faut comprendre le positionnement
du public. Est-ce que vous ne sentez pas que dans l'ensemble de vos
recommandations, lorsque vous parlez de maturité, lorsque vous parlez
d'une évolution positive, vous ne sentez pas qu'effectivement, au niveau
du public, il y a une certaine volonté qui existe pour, justement, voir
renforcer les mécanismes disciplinaires, donner un petit peu plus de
transparence, une présence accrue des citoyens? Je pense par exemple que
tous les intervenants non professionnels qui vont se présenter ici vont
tous plaider en faveur, soit de l'abolition du jugement par les pairs, soit en
faveur de structures composées de non-professionnels. Ici, tout ce que
nous avons fait, c'est que nous avons introduit des professionnels dans le
mécanisme, dans le but, justement, de respecter ce qui fonctionnait
bien; nous croyons l'améliorer, le rajeunir un peu, le rendre plus
effectif, mais on n'a pas, finalement, mis en question le fonctionnement du
jugement par les pairs, la gestion des corporations professionnelles,
l'intégrité générale du fonctionnement des
corporations professionnelles. Tout ce que nous avons dit, c'est qu'il faudrait
démocratiser davantage, et on pense qu'il y a là une
volonté, et, si on regarde ce qui se fait un peu ailleurs, c'est ce qui
semble être l'orientation générale. Alors, vous nous
arrivez et vous dites: Pas d'accord. Je me demande comment vous faites pour,
finalement, concilier ça avec l'opinion générale qui
existe dans la population, comme de quoi qu'il doit y avoir ces
assouplissements-là.
Mme de Graudmont: Je crois que la façon d'envisager le
problème, les demandes d'intervention du public sont de
différents ordres. La nature et les problèmes à traiter
sont de gravité différente. Actuellement, la seule façon
de traiter les interventions du public, c'est par la voie directe du processus
disciplinaire. C'est un processus qui est long, qui est coûteux, et
souvent les délais, à cause de toutes les tactiques dilatoires,
font que et la corporation et le plaignant ont de la difficulté avec ce
fonctionnement-là. Je pense que, pour améliorer la perception du
public, pour améliorer l'efficacité du système, on doit
penser à un mécanisme intermédiaire, donner des outils au
syndic pour lui permettre, d'une part, de pouvoir se référer
à un comité aviseur consultatif pour prendre conseil; parce que,
souvent, le syndic se retrouve seul et a besoin de confronter ses
décisions avec un comité de cette nature.
Deuxièmement, les plaignants ont souvent l'impression qu'ils
n'ont pas satisfaction au niveau du traitement de leurs plaintes, parce que
le système disciplinaire est mal connu, c'est un système
qui est punitif, qui vise à empêcher le professionnel à
exercer, a reproduire une faute dans le futur. Souvent, ce que le plaignant
aimerait avoir, c'est une compensation des dommages ou une compensation
monétaire. Je pense que, dans l'avant-projet de loi, on parie d'un
règlement de conciliation des différends. Bon, dans les deux
pages de notes explicatives de l'avant-projet de loi, on n'a pas eu, là,
la définition de ce que pouvait être ce comité-là,
mais on pense que c'est un comité qui veut concilier les
différends au niveau des produits, et je pense que c'est une avenue qui
doit être explorée et mûrie. Par contre, au niveau de la
médiation des différends - et c'est là que notre piste est
à exploiter - c'est que, contrairement à la conciliation, c'est
un mécanisme de médiation qui pourrait permettre - et, ça,
je vous dis, c'est une piste à explorer - d'envisager que la
corporation, le plaignant et le professionnel puissent faire appel à un
médiateur neutre qui amène les parties à une solution. Si
la solution n'est pas retenue, le processus s'enclenche au niveau de la voie
disciplinaire. C'est peut-être un mécanisme qui pourrait
être utilisé par certaines corporations.
Je pense qu'on doit voir le traitement des plaintes d'une façon
souple, c'est-à-dire qu'on doit envisager plusieurs mécanismes,
et permettre aux corporations de juger quels sont les mécanismes qui
leur sont les plus utiles pour traiter le contrôle de la
compétence de leurs membres avec les moyens les plus appropriés.
Je ne pense pas que c'est en remettant en cause la confiance du jugement du
syndic à un comité d'examen des plaintes qui finalement va
refaire la procédure du syndic en réexaminant la plainte, en
réécoutant le plaignant, le professionnel, que l'on va arriver
à une solution dynamique dans ce dossier. Je pense que c'est en
permettant au syndic d'avoir des outils flexibles, c'est-à-dire beaucoup
d'interventions concernent la conciliation et l'arbitrage des comptes. On
pourrait avoir une avenue où on pourrait traiter de la conciliation et
de l'arbitrage des différends en matière de produits. On pourrait
avoir un comité aviseur pour aider le syndic. On pourrait avoir un
mécanisme, à définir, de médiation. Et ça
devrait être rendu possible aux corporations selon les besoins de
chacune. Et je pense qu'à ce moment-là le public aurait
l'impression, en n'étant pas nécessairement juste dirigé
vers l'entonnoir de la discipline, qui est souvent un processus qui est long,
qui est compliqué... probablement qu'on pourrait répondre
davantage aux attentes de ces gens-là. (14 h 50)
Le Président (M. Richard): Vous avez quelque chose
à ajouter, M. Castonguay?
M. Castonguay: J'aimerais faire quelques observations pour
répondre aussi au point fait par le ministre. Le comité de
discipline est présidé par un avocat; c'est un membre externe, un
avocat nommé par le gouvernement, approuvé par le Barreau et,
donc, il y a déjà une présence externe à ce
niveau-là. Le comité aviseur dont il est question dans le
mémoire qui aiderait et conseillerait le syndic dans son travail
pourrait, sans hésitation, comporter un membre externe, de telle sorte
qu'il puisse voir comment le syndic effectue son travail. J'ajoute aussi que,
s'il y a des doutes quant au fonctionnement d'un comité de discipline,
il me semble qu'il appartiendrait à l'Office d'aller voir sur place
comment les comités de discipline fonctionnent et au besoin, s'il
constate qu'un comité ne fonctionne pas bien, faire rapport. Il y a
enfin, et vous avez raison, un besoin d'information auprès du public. Le
public, à cause des délais, pour différentes raisons, le
fait que les mécanismes ne sont pas tout à fait appropriés
au traitement de tous les cas, croit bien souvent qu'il n'obtient pas toujours
justice ou satisfaction. Et je pense que l'exercice que nous traversons tous
démontre qu'il y a un besoin d'information du public, comme le signalait
Mme de Grandmont dans son intervention au début.
M. Savoie: C'est ça, c'est que, finalement, au niveau de
l'introduction de citoyens non professionnels, qui est l'élément
essentiel au niveau de la perception du public, vous n'avez pas d'objection sur
le fond.
Mme de Grandmont: Le comité aviseur propose d'avoir en son
sein un membre du public.
M. Savoie: Un membre du public.
Mme de Grandmont: Oui, ou... C'est des choses qu'on pourra
discuter par la suite, mais je veux dire, le principe d'avoir un membre du
public au sein des comités aviseurs, c'est quelque chose qui ne semble
pas créer d'objection chez nos membres.
M. Savoie: Je pense que c'est ça. Je pense que finalement
l'introduction de non-professionnels - parce que c'est ça souvent la
plainte -c'est ce que nous entendons avec une certaine récurrence. Il me
semble, tout au moins, que vous êtes d'accord avec le principe de ce
qu'on appelle, entre guillemets, une espèce de démocratisation,
c'est-à-dire l'introduction de deux membres au niveau du Conseil, non
professionnels, transparence, une approche, un pas dans cette
direction-là qui semble acceptable. Au niveau du comité des
plaintes, bien là vous dites: si on pouvait en faire un
comité...
Mme de Grandmont: Aviseur.
M. Savoie: ...aviseur. Est-ce qu'on pourrait dire
édenté? Il pourrait à ce moment-là avoir
également un citoyen ou deux, mais finalement le principe est
là, ce n'est que le mécanisme qui sera certainement
étudié. Les syndics, de quelle façon voient-ils ça,
le comité des plaintes?
Mme de Grandmont: Le comité des plaintes pour les syndics,
je pourrais peut-être laisser M. Morin y répondre. Il m'a
tellement entretenue sur le sujet qu'il va le faire de façon, je pense,
très efficace.
Le Président (M. Richard): Vous avez la parole, M.
Morin.
M. Morin (Paul): Le comité d'analyse des plaintes devient
une instance additionnelle. Je pense que le syndic fait déjà en
grande partie ce travaH-là. Le comité, tel qu'il est
suggéré, sa seule fonction, c'est de vraiment déterminer
si le syndic devrait aller en discipline. Il n'a pas d'autre fonction qu'une
mission strictement disciplinaire, c'est-à-dire qu'il suggère,
par exemple, au syndic ou d'aller en discipline ou de continuer son
enquête parce que, supposément, elle ne serait pas complète
ou enfin de donner un avis aux professionnels. Alors, il n'y a pas d'autre
avenue, pour ce comité-là, que de faire de la discipline ou que
de viser la discipline. C'est-à-dire que ce comité-là
remplace le syndic. À ce moment-là, il y a peut-être moins
besoin d'avoir un syndic qui est déjà chargé de faire ce
travail-là. Le comité aviseur, en autant qu'on le
définisse comme il faut, pourrait non seulement analyser des situations
mais faire des recommandations, intervenir de façon un petit peu plus
positive dans des situations précises. C'est pour ça, j'imagine,
que le public pourrait être intéressé à participer
aux activités d'un comité comme ça dans certaines
situations où on rencontre... On ne cherche pas la confrontation mais on
peut chercher à régler des situations en dehors de la
discipline.
M. Savoie: Ha, ha, ha! Non.
M. Morin (Paul): Non. Vous n'avez pas assez...
M. Savoie: Bien non puis oui, là.
Mme de Grandmont: Je pense que la présence du public est
importante mais il ne faudrait pas nécessairement axer le débat
seulement sur ce point de vue là. Je pense qu'on doit donner au syndic
des avenues, des possibilités de conciliation de différends qui
peuvent être adaptées à chacune des corporations. Alors, je
pense que le comité aviseur est un comité que l'on voit souple et
flexible, qui peut être utilisé ou non par les corporations
professionnelles. Comme le comité de conciliation des différends,
certaines corporations ont à concilier des produits. Et, souvent, le
plaignant ne veut pas de remboursement d'honoraires mais veut avoir un produit
satisfaisant. Alors, ça c'est une autre avenue qui est
énoncée dans l'avant-projet de loi. C'est une avenue positive
mais ça doit être utilisé, exploré par les
corporations qui en sentent le besoin.
Pour d'autres corporations, au niveau de la qualité des services,
au niveau du comportement, de la compétence, l'avenue de la
médiation peut être une avenue intéressante. C'est une
expérience nouvelle en Ontario. Le Collège des médecins,
actuellement, en fait l'expérience. On peut vous dire que, sur 70 cas
qui ont été identifiés pour fins de médiation, 64
ont accepté et seulement quatre cas n'ont pas été conclus
à la satisfaction des parties. Et ça, je pense que si on y
réfléchit et si on explore cette avenue-là... Et c'est une
avenue qui devra être approfondie... pas nécessairement utile
à toutes les corporations mais c'est un autre mécanisme. Le
message, c'est: Développons des outils de nature différente pour
répondre à des problèmes de nature différente et
des outils qui doivent s'adapter à la particularité de chacune
des corporations. Et là je pense que, déjà, on aura fait
un pas en avant dans la perception qu'a le public que ses plaintes ou ses
problèmes ne sont pas bien traités.
Pensons aussi prévention. Alors, je pense que les syndics nous
l'ont démontré, ils ont une énergie, une volonté de
se regrouper et de partager leur expertise. Et je pense que ces gens-là,
qui sont compétents, ont besoin aussi de support pour améliorer,
d'année en année, leur performance, qu'on leur donne des cours
sur l'actualisation des lois, sur les techniques d'entrevue, techniques
d'enquête. Et, ça, c'est quelque chose de positif, c'est quelque
chose qui n'est pas coûteux, qui est flexible et, éventuellement,
qui ne va que faire progresser le système disciplinaire au
Québec.
Le Président (M. Richard): M. Castonguay. (15 heures)
M. Castonguay: Sur le comité d'examen des plaintes, M. le
ministre, présentement, un des problèmes ou une des raisons pour
lesquelles il y a des gens qui ont plus ou moins confiance dans le
fonctionnement du système, c'est qu'on a introduit toutes sortes de
tactiques dilatoires pour reporter ou faire traîner en longueur le
travail des comités de discipline. Il faut évidemment essayer de
resserrer ça pour que les comités puissent fonctionner et ne
soient pas toujours paralysés dans leur travail.
Si on ajoute un comité d'examen des plaintes, tel que
proposé dans i'avant-projet de loi, une des craintes que nous avons,
comme ce comité-là va devoir faire un certain travail
d'enquête, peut convoquer des témoins, on va reprendre encore les
mêmes tactiques, et c'est là où on voit un danger de rendre
le système encore plus lourd, plus long, plus complexe, et ne pas
atteindre l'objectif visé vraiment, qui est
de le rendre plus efficace, plus rapide et plus ouvert; ça, on
n'a pas d'objection à ce qu'il soit plus visible, pour que les gens
puissent voir vraiment ce qui se passe. il y a un danger réel
là.
Le Président (M. Richard): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Mme de
Grandmont, M. Castonguay, M. Fréchet-te, M. Morin, M. Godbout, je vous
remercie pour votre présentation et, évidemment, pour le
mémoire, qui est extrêmement étoffé, qui touche
à l'ensemble des sujets, qui présente une vision globale, et qui
ouvre aussi sur des pistes de solution nouvelles, intéressantes.
J'aimerais clarifier peut-être un petit point avant de poursuivre
mes questions. Vous nous avez mentionné dans votre avant-propos que vous
n'aviez pas été consultés pour la préparation de
l'avant-projet de loi. Le ministre nous a fait une démonstration
concernant les consultations qui ont précédé
l'avant-projet de loi. J'aimerais vous entendre, parce que vous n'avez pas eu
la chance de donner votre point de vue là-dessus. Pourquoi ne vous
êtes-vous pas sentis consultés, même s'il y avait eu
consultation avant l'avant-projet de loi?
Mme de Grandmont: C'est sûr qu'il y a eu un effort certain
de consultation de la part de l'Office sur les différents volets qui ont
été traités. Ce que l'on déplore, ce n'est pas la
consultation qui a eu lieu depuis les deux dernières années. Il y
a un point où il n'y a pas eu de consultation, c'est sur le rôle
de l'Office, les pouvoirs qu'il se donne et sa façon qu'il
interprète sa nouvelle mission ou sa mission de surveillance. Ça,
je pense qu'on peut dire qu'il n'y a pas eu de consultation là-dessus.
Il y a eu de la consultation sur le processus d'assouplissement
réglementaire, sur l'amélioration de la discipline, mais, sur le
rôle que l'Office se donne dans l'avant-projet de loi, il n'y a pas eu de
consultation; et ce glissement du rôle que l'Office se donne dans
l'avant-projet de loi teinte toute la nature de l'avant-projet de loi. On y
voit une façon de concevoir son rôle qui revient dans tous les
articles ou dans la majorité des amendements proposés, que ce
soit au niveau du syndic qui doit rendre compte à l'Office, de la
façon que l'Office envisage la surveillance de la réglementation,
et c'est là-dessus que les corporations n'ont pas été
consultées et ne se retrouvent pas.
Deuxièmement, les corporations ont demandé beaucoup de
changements, et elles auront l'occasion de vous en faire part, qui ne se
retrouvent pas dans l'avant-projet de loi, ou ont demandé des
changements qui se sont transformés et qui ne reflètent pas ce
qu'elles demandaient. Les gens ne se retrouvent pas dans ce projet de loi
là. Il y a eu aussi des modifications aux lois particulières, et
les corporations - en tout cas, ce que j'ai entendu lors de notre consultation
de janvier, c'est qu'elles ne s'y retrouvent pas non plus. Je pense qu'il y a
eu une volonté, c'est clair, de l'Office, de vouloir se saisir de la
réalité des corporations. Il y a quand même eu un moment
clé qui a manqué dans cette étape-là, et c'est
cette concertation qu'on aurait dû faire entre tous les intervenants, et
non pas voir l'Office, en vase clos, cueillir toute l'information et la
retransmettre et la retranscrire dans sa façon à elle de voir les
choses. Je suis contente que le ministre nous permette de faire cette
consultation et ces audiences, mais je pense qu'on aurait pu être encore
plus performants aujourd'hui si, déjà, on avait eu la chance de
s'approprier certaines notions, de les améliorer, et, aujourd'hui,
d'aller de l'avant vers des... et non pas être en réaction, mais
aller de l'avant vers des suggestions et des propositions beaucoup plus
constructives.
Le Président (M. Richard): Madame.
Mme Caron: Je vous remercie de ces clarifications. Je pense que,
lorsqu'on prend connaissance de l'avant-projet de loi, effectivement, pour
avoir, moi aussi, consulté la presque totalité des corporations
professionnelles au cours de la dernière année, je vous avoue que
c'est un élément qu'on n'attendait pas dans l'avant-projet de
loi, de retrouver ces pouvoirs, que j'oserais parfois qualifier d'abusifs de
l'Office des professions, et ce n'est pas un élément qui faisait
partie, je pense, effectivement, des consultations.
Vous nous avez parlé, M. Castonguay, très
brièvement - et j'ai trouvé cet élément-là
intéressant - de l'intérêt des corporations à
assurer la protection du public. Une corporation qui sévit contre des
membres qui posent des actes non professionnels, finalement, se protège
davantage à ce moment-là. Est-ce que vous pouvez nous expliquer
pourquoi ce principe, qui est pourtant fondamental, n'est pas perçu par
la population et n'arrive pas à passer?
M. Castonguay: J'aimerais avoir la réponse à cette
question. Il y a évidemment un manque d'information. C'est un sujet
complexe qui est devant nous et ce n'est pas facile de retenir l'attention des
gens et de leur faire comprendre que les corporations professionnelles ont un
code de déontologie, ont un comité d'inspection professionnelle,
ont des programmes de formation, obligent leurs membres à reprendre,
à mettre à jour leurs connaissances par la formation continue,
qu'ils doivent détenir de l'as-surance-responsabilité
professionnelle. Les gens oublient ça un peu. Et ce qui ressort,
malheureusement, c'est que s'il y a un cas, une personne qui a subi un
préjudice, mais il a de fortes
chances de trouver son chemin dans les médias et d'être mis
en évidence. C'est ça le grand problème: Comment faire en
sorte que les deux côtés de cette histoire-là soient
connus? Ce n'est pas facile, évidemment. Moi je dirais que c'est
là le problème. La tendance des gens, c'est de dire: Les
professionnels se protègent entre eux. Bon! C'est ce qu'on entend. Mais
ils oublient que les professionnels ont aussi intérêt à ce
que leur réputation soit maintenue, que la très grande
majorité des professionnels, je dirais à part quelques
exceptions, sont des gens honnêtes, sont des gens compétents, des
gens consciencieux et qui acceptent mal qu'un de leurs membres ne respecte pas
ces standards. Lorsqu'ils en identifient un, moi je suis, en tous les cas,
convaincu qu'ils posent les gestes, de façon générale,
pour corriger la situation. Je n'ai pas de doute, moi, sur ce plan-là.
Évidemment, le message passe difficilement.
Mme Caron: En fait, ce que vous nous dites, c'est que ce n'est
vraiment pas à l'avantage d'une corporation de ne pas s'assurer de la
protection du public. C'est contre sa propre réputation.
Est-ce que vous avez des informations concernant les causes qui se
retrouvent au Tribunal des professions? Vu qu'on parle du jugement des pairs,
est-ce que, au niveau du Tribunal des professions, les sanctions sont plus
sévères lorsqu'une cause se rend au Tribunal des professions ou
si les sanctions sont sensiblement les mêmes?
Mme de Grandmont: Ce que j'ai entendu, moi, des syndics et des
gens des corporations professionnelles, c'est souvent que les corporations
professionnelles déplorent que les jugements qui sont donnés par
le Tribunal des professions sont beaucoup moins sévères que le
jugement qui est donné par les pairs au niveau des comités de
discipline. C'est quand même surprenant et, semble-t-il que c'est de
façon assez systématique.
Mme Caron: Vous nous avez parlé, Mme de Grandmont, d'un
besoin d'une évaluation adéquate, finalement, du système
actuel pour pouvoir pousser la réflexion davantage vers d'autres pistes
de solution. Vous la voyez comment cette évaluation? (15 h 10)
Mme de Grandmont: Je vous ai fait remarquer que l'ensemble de
l'avant-projet de loi ne traitait que de certains volets ou aspects pour
répondre, probablement, à des problèmes ponctuels. Je
crois que nous devons, et ce qui est un peu, en tout cas, ce sur quoi il faut
attirer votre attention, c'est qu'on a cet avant-projet de loi, on a un projet
de loi 72 qui a été déposé, on a un projet de loi
67 qui est en attente, on a un projet de loi sur la société par
actions qui s'en vient, et ça touche l'ensemble de l'organisation
professionnelle. On a les problèmes des titres réservés
qui ne sont pas réglés.
On a tout l'impact du libre-échange et de la libre circulation,
de la mondialisation des marchés qui amènent une
évaluation au niveau de notre seuil d'accueil, de nos normes
d'admission. On a l'actualisation des codes de déontologie, des codes
d'éthique, toutes les fautes à caractère sexuel - c'est un
problème, en tout cas, assez d'actualité - on n'en traite pas. En
tout cas, il y a une série d'ensembles qui devraient être
traités en même temps que les problèmes au niveau de la
discipline. Les mécanismes que l'on propose ne pourront pas être
adoptés demain. Ça demande quand même que tous les
intervenants se concertent. Ce que l'on propose, c'est que, dans un court laps
de temps, le Conseil, avec l'Office, avec le gouvernement, s'asseoient pour
trouver les amendements qu'on peut régler de façon prioritaire
pour permettre, l'adéquation de certaines... et de trouver des solutions
à certains problèmes. On propose, dans un deuxième temps,
un «task force», un groupe-conseil au ministre sur lequel
siégeraient les gens du Conseil, les corporations, du gouvernement, de
l'Office, des groupes de pression, des groupes d'associations de consommateurs
et qu'on fasse une table ronde et que là, d'ici la fin janvier 1993, il
y ait une véritable... ou 1994, ça prendra le temps, M.
Castonguay l'a dit, à un moment donné, si on veut vraiment
actualiser et donner un souffle nouveau au Code pour les 20 prochaines
années, une concertation véritable, une réflexion en
profondeur sur l'ensemble de ces sujets qui ne sont soit qu'abordés
partiellement ou complètement évacués par l'avant-projet
de loi pour arriver à une actualisation confortable, fonctionnelle du
système professionnel.
Mme Caron: J'avoue, Mme de Grandmont, que notre formation
politique partage vos inquiétudes sur des projets de loi qui
arriveraient à la pièce et qui n'amèneraient pas une
vision globale, nouvelle, par rapport au Code des professions et les
différents éléments qui ne sont pas touchés par
l'avant-projet de loi sont évidemment des éléments qu'il
nous apparaît important de traiter en faisant cette réforme. Et
vous avez fait mention, autant dans votre mémoire que dans vos
présentations, de l'importance de distinguer les corporations les unes
des autres et, pour les avoir rencontrées, je partage aussi cet avis. On
ne peut pas traiter toutes les corporations professionnelles de la même
façon, elles ont des réalités vraiment très
différentes. Près de la moitié des corporations soient
à titre réservé. C'est un problème qui n'est pas
abordé au niveau de l'avant-projet et je pense qu'il va falloir qu'on
puisse pousser la réflexion sur ce problème particulier.
Ce matin, la Fédération nationale des associations de
consommateurs nous avait relevé
trois points importants, trois problèmes majeurs. Le premier,
nous en avons parlé, la crédibilité par rapport aux pairs
et les deux autres points touchaient davantage les syndics. C'est qu'on nous
disait qu'il semblait y avoir un manque d'ouverture, un manque d'information de
la part des syndics et on allait jusqu'à dire: même un manque de
sérieux. Vous avez évidemment présenté certaines
pistes de solution. Bon! La session d'actualisation pour la formation du
côté des syndics, mais j'aimerais peut-être entendre un des
syndics nous dire: Est-ce que vous voyez des pistes de solution pour que,
justement, la personne qui porte plainte sente qu'on s'occupe d'elle, qu'elle
ait une communication peut-être plus rapide, parce que, les
délais, on dénote souvent que les délais sont beaucoup
trop longs, et qu'elle sente vraiment qu'on est prêt à
l'informer?
M. Morin (Paul): Je pense que la volonté est là. Je
pense que les syndics, en général, sont assez rapides dans la
réception des plaintes. Je pense que les situations qui nous sont
soumises, quand elles sont sérieuses, généralement, on ne
tire pas des conclusions a priori. On fait toujours enquête. La minute
qu'on nous signale une situation, il y a une enquête qui est faite. Les
gens ont tendance à oublier qu'ils nous confient une information, qu'ils
nous confient une mission de faire une vérification. Il s'agit de
déterminer si notre travail est un travail au niveau de la protection du
public. Est-ce qu'on doit assurer une permanence ou si on doit toujours
intervenir dans une situation ponctuelle? Nous, on considère que les
informations ou les plaintes qui nous sont soumises doivent être
interprétées en fonction de la protection à long terme. Je
pense que, la plupart des gens qui font appel à nous, qui nous signalent
des situations, on les informe assez bien. Je pense que le défaut de
l'information au niveau du public, c'est de croire que, la discipline, c'est
notre seule avenue. La discipline, c'est le bras judiciaire de notre
activité. La minute qu'on embarque en discipline,'~ il faut s'attendre
à ce que ça soit judiciaire. C'est une structure qui ne nous
appartient plus. Le syndic dépose devant un comité de discipline
qui est formé de gens sérieux, sous la surveillance de la Cour
supérieure, une plainte, après une enquête qu'il a faite.
Rendu là, rendu en discipline, il doit suivre le processus. On ne peut
pas nier aux gens qui sont accusés le droit de se défendre.
Alors, rendu là, c'est ça. Il ne faut pas faire croire aux gens
ou les encourager à ce que la Corporation fasse de la discipline. Il
s'agit de les encourager peut-être à nous signaler des situations.
On disait, ce matin, les gens nous disent: Ça ne vaut pas la peine de
signaler la situation, ils ne feront rien pour régler mon cas. Alors, on
ne fera peut-être rien pour régler son cas, mais on peut faire
quelque chose pour régler une situation. Alors, on l'interprète
comme ça, nous. Les gens ont tendance à penser que c'est simple,
qu'on va prendre le téléphone ou qu'on va régler ça
vite. Les enquêtes, c'est complexe. Les gens nous signalent une situation
où, souvent, ils ne se rendent pas compte jusqu'à quel point
ça peut impliquer, au niveau du comportement du professionnel, sa
compétence. Alors, ils doivent quand même nous faire confiance. Et
puis, si on nous donne la discipline ou les moyens qu'on demande, ce n'est pas
juste pour les syndics, c'est pour la Corporation, le moyen de régler
les situations en dehors de la discipline. La discipline, ça ne nous
appartient pas.
Mme Caron: Dans le mémoire de la FNACQ, M. Morin, on
précisait qu'il faudrait que le syndic fasse part au plaignant des
conclusions de son enquête de façon claire et précise, en
réponse aux éléments d'une plainte. Il semblerait que, du
côté du public, on considère que les conclusions
d'enquête sont souvent trop brèves, pas suffisamment explicites et
que, finalement, c'est ce qui fait que le citoyen ne se sent pas satisfait
devant les décisions.
M. Morin (Paul): Est-ce qu'il peut être satisfait d'une
décision... de nous faire confiance de régler une situation qu'il
nous a signalée? Est-ce qu'il doit être satisfait seulement parce
qu'on va en discipline? N'oubliez pas que les gens qui nous signalent des
situations qui finissent en discipline sont obligés de continuer, aussi,
à nous aider.
Mme Caron: Mais, lorsque vous refusez, par exemple, d'accepter
une plainte, est-ce que les conclusions de votre enquête sont
suffisamment claires, précises, détaillées?
M. Morin (Paul): Je pense que oui. , On essaie autant que
possible de bien expliquer aux gens pourquoi on ne va pas en discipline. Parce
que notre seule décision est là: aller en discipline ou ne pas y
aller. Alors, on doit expliquer aux gens. On essaie, je pense que la plupart
des syndics essaient d'aider les gens, souvent, à régler des
situations. Les gens nous rappellent quand ils ne sont pas satisfaits. Alors,
je pense que les syndics ne se cachent pas. Ils vivent avec leur
décision puis ils n'ont pas à en avoir honte. Sauf qu'il y a
souvent des critères qui échappent aux gens du public, les gens
qui voudraient... Ce n'est pas que les gens cherchent vengeance, mais ils
voudraient qu'on règle leur dossier ou leurs problèmes, ce qui
leur est arrivé. Souvent, on ne peut pas. Il n'y a pas de situation...
On ne peut pas intervenir directement. Sauf que je pense que, dans l'ensemble
de nos opérations ou nos activités, on s'occupe de tout
ça.
Mme de Grandmont: J'aimerais peut-être
réagir. Le mécanisme... Justement, les avenues de
solution, les mécanismes intermédiaires plus souples, plus
flexibles de médiation, de conciliation des différends vont
probablement régler ce problème de perception, ce problème
de doute ou de... dans l'efficacité du syndic. Je pense que le syndic
met tout en oeuvre pour régler la plainte, mais qu'actuellement la voie
disciplinaire est tellement lourde et complexe, c'est ce qui donne l'impression
au plaignant que sa plainte n'a pas bien cheminé. Et je pense qu'il y a
un effort à faire, effectivement, pour bien informer le plaignant du
déroulement de l'enquête. Mais cette information doit être
dirigée beaucoup plus au plaignant qu'à l'Office des professions
qui, après avoir eu l'information, va faire quoi avec ça?
Mme Caron: C'est que, finalement, il faut avoir d'autres voies
que cette seule voie disciplinaire. (15 h 20)
Mme de Grandmont: Je pense qu'il faut voir des voies
différentes, flexibles, souples pour régler les plaintes qui sont
de nature différente, de gravité différente, et qui ne
sont pas de même nature, dépendamment des types d'exercices, des
types de professions.
Mme Caron: Au niveau de la médiation, c'est un petit peu
le même principe, du côté de la médiation familiale,
qui amène concrètement une déjudiciarisation et un plus
grand taux de satisfaction par rapport au système de justice.
Mme de Grandmont: C'est des avenues à explorer. Je pense
qu'on est ouvert à en discuter avec...
Mme Caron: La protection du public est souvent perçue
comme un seul élément, c'est-à-dire le système
disciplinaire. Je pense que vous nous avez fait part, autant Mme de Grandmont
que M. Castonguay, que finalement, votre vision de la protection du public est
beaucoup plus large. Elle touche également la formation, le Code de
déontologie et la formation continue.
Mme de Grandmont: Effectivement, si on regarde 240 000
professionnels, c'est des gens qui sont compétents, qui ont des
diplômes qui sont approuvés par le gouvernement. Tous les
mécanismes de formation continue qui sont mis en oeuvre dans les
corporations, les mécanismes d'inspection professionnelle, où on
va vérifier, où on fait de la prévention, où on
informe le professionnel sur ses forces, sur ses faiblesses, ce sont des
éléments qui sont méconnus du public. Tous les stages
d'actualisation qui sont exigés. Alors, il y a beaucoup d'autres
mécanismes que la discipline, qui permettent, justement, aux
professionnels de demeurer compétents, et c'est ce qui sûrement
justifie le peu de plaintes. Alors souvent, on a tendance à penser que,
parce qu'il y a beaucoup de professionnels et qu'il y a des millions d'actes
qui sont posés à tous les jours, c'est qu'il y a un
problème, compte tenu qu'il n'y a pas suffisamment de plaintes. Mais je
pense qu'il y a beaucoup d'autres mécanismes qui sont des
mécanismes qui vont permettre d'encadrer la pratique, la
compétence des professionnels, et faire en sorte qu'on ait le moins de
plaintes, d'erreurs de parcours. Il y en aura toujours, mais je pense que le
système professionnel a quand même des mécanismes qui sont
très diversifiés et qui auraient avantage à être
mieux connus du public.
Mme Caron: Justement, puisque malgré que le Code .des
professions existe depuis bientôt 20 ans, malgré que de nombreux
moyens pour assurer la protection du public soient mis en place, que
l'information ne se rend toujours pas, est-ce que le Conseil interprofessionnel
a l'intention de mettre en place des moyens d'information ou si les
corporations professionnelles elles-mêmes comptent faire davantage
d'information parce que ça fait quand même 20 ans que le
système est là?
Mme de Grandmont: Je pense qu'il y aura un travail de discussion
à faire entre nous et je pense aussi qu'on aura à demander la
collaboration des associations de protection du consommateur, parce que, moi
aussi, quand je lis ce qu'ils écrivent, des fois, je pense qu'on aurait
avantage à se parier, à mieux s'informer. Donc, je pense qu'il y
a un effort des deux côtés, et de la part des associations de
consommateurs, et je pense qu'on aurait avantage à s'asseoir et à
discuter.
Mme Caron: M. Castonguay, j'aimerais connaître, puisque
vous étiez là à ce moment-là, la structure qui
existait pour l'adoption de la législation qui touchait les corporations
professionnelles avant l'existence de l'Office des professions.
M. Castonguay: D'abord, il n'y avait pas de Code des professions,
il n'y avait pas d'Office et il y avait un certain nombre de lois. La loi du
Collège des médecins, à l'époque, l'Ordre des
dentistes, des architectes, des avocats. Et, si ma mémoire est bonne, de
façon générale, ce qui était santé, on
s'adressait au ministre de la Santé, on s'adressait au ministre de la
Justice pour la loi touchant le Barreau, on s'adressait au ministre de
l'Industrie, du Commerce et de la Science pour les architectes, les
ingénieurs et, j'imagine, le ministre de l'Industrie et du Commerce pour
les comptables. Alors, c'était réparti un peu comme ça, ce
qui faisait que les projets étaient modifiés sans qu'il y ait une
vue d'ensemble et sans même qu'on voie clairement quel devait être
le rôle des corporations professionnelles.
alors, elles jouaient un rôle utile, mais il n'y avait pas
d'uniformité ou plutôt il n'y avait pas de vue d'ensemble de ce
que devait être leur rôle et leur façon de fonctionner.
Mme Caron: Est-ce que vous croyez - ma question s'adresse
à tous les membres qui sont là - qu'au niveau de la
législation il serait plus normal que la législation parte du
ministre responsable de l'application des lois professionnelles, comme cela se
fait dans la plupart des ministères, plutôt que d'un office en
particulier, au niveau de la législation comme telle?
M. Castonguay: Si vous me permettez, Mme la Présidente, je
pense que la législation doit toujours demeurer sous le contrôle
du gouvernement, du Conseil des ministres, du ministre responsable. L'Office,
normalement, devrait jouer un rôle de conseiller auprès du
ministre, de même que le Conseil. Je ne sais pas si je réponds a
votre question, mais il m'apparaît, que c'est assez clair comment les
choses devraient se dérouler à ce niveau-là.
Mme Caron: Oui, c'est suffisamment clair. Je peux peut-être
un petit peu préciser ma pensée. C'est que, pour avoir eu
à travailler sur certaines lois touchant l'application des lois
professionnelles au cours des derniers mois, je me suis rendu compte que,
finalement, il semblait extrêmement difficile, lorsqu'on voulait
l'adoption d'un projet de loi, si la volonté du ministre par exemple
était autre que celle de l'Office des professions, eh bien, il fallait
accepter un projet de loi qui ne correspondait pas nécessairement
à la volonté et le modifier en commission parlementaire.
Ça m'apparaissait une façon de légiférer
très différente de ce qu'on retrouve au niveau des
différents ministères et j'avoue que j'avais et j'ai toujours un
peu de difficulté avec ce procédé. On se retrouve devant
le même phénomène pour l'avant-projet de loi qui a
été préparé par l'Office des professions et le
président de l'Office agit aussi à titre de 'conseiller du
ministre au niveau des audiences et ça m'apparaît un petit peu
difficile, c'est un petit peu être juge et partie en même temps.
C'est pour ça que je vous questionnais sur cet élément
précis.
Vous nous avez donc suggéré différentes pistes, je
pense. Vous nous proposez de poursuivre la réflexion à partir
d'une évaluation adéquate de la situation qui existe
actuellement. Parmi les pistes de solutions nouvelles, il y a
évidemment, je retiens, la médiation qui m'apparaît un
élément intéressant. On parle aussi dans l'avant-projet de
conciliation au niveau des produits, ce qui peut être un
élément aussi très positif, on a parlé d'arbitrage
des comptes, sessions d'actualisation du côté des syndics et la
possibilité d'un comité aviseur avec des membres du public qui
pourraient faire partie de ce comité aviseur. Est-ce que vous souhaitez
que cet élément de présence du public se reflète
vraiment dans les structures? Présentement, la présence du
public, on la retrouve au niveau du bureau des corporations et est-ce que vous
avez des exemples de corporations professionnelles qui ont un comité
aviseur qui est en opération et où il y a déjà des
membres du public et est-ce que c'est positif?
Mme de Grandmont: La présence du public, je pense que
cette notion-là est acquise au sein des corporations professionnelles et
on n'a aucun problème avec ça. Alors, je crois que, dans les
discussions qui auront lieu dans les semaines à venir, les avenues de
solutions qu'on vous propose sont des pistes. Vous allez avoir l'occasion aussi
d'entendre nos membres pendant les prochains jours. Je sais que ces
gens-là ont aussi des pistes qui vont compléter les orientations
du Conseil et je suis certaine que vous allez voir dans les interventions de
nos membres beaucoup d'ouverture et une volonté de servir
adéquatement la population et de bien protéger le public.
Mme Caron: Puisque mon temps est écoulé, je vous
remercie beaucoup de votre participation.
Le Président (M. Gautrin): M. le député de
Sherbrooke.
M. Hamel: Merci, M. le Président. Au chapitre 5,
intitulé «La prochaine étape», vous dites: «Le
Conseil interprofessionnel entend jouer un rôle dynamique auprès
des intervenants du monde professionnel», et vous énumérez
un certain nombre d'éléments fort intéressants mais que je
qualifierais d'un peu généraux. Qu'est-ce que vous proposez plus
concrètement puisque vous dites que le Code des professions doit
refléter davantage ce rôle d'avenir et cette nouvelle
réalité?
Mme de Grandmont: C'est sûr que les membres du Conseil se
penchent et discutent régulièrement du rôle que le Conseil
devrait jouer. Je crois que l'avant-projet de loi qui est déposé
va être discuté au cours des prochaines journées. Je crois
qu'on ne devrait pas entrer dans le... Les corporations, lors de notre
consultation de janvier, ont émis le souhait que le Conseil soit plus
présent sur la place publique, les représente
adéquatement. Je pense qu'il est prudent d'écouter nos membres,
dans un premier temps, lors de cette commission et d'engager le Conseil dans un
«task force» après, pour rapidement cerner... suite aux
enjeux, à la mission qu'on voudra donner à l'Office des
professions, au Conseil, et faire participer les différents intervenants
qui sont nos membres, l'Office, le gouvernement, à cette
discussion-là.
Alors, je pense que le Conseil veut élargir son rôle de
conseiller auprès du ministre, veut
améliorer encore ses actions de concertation, d'aide au niveau
des corporations pour les aider à mieux accomplir leur rôle de
protection du public. On pense que, à la demande de nos corporations, on
devrait être à même d'effectuer et d'être plus
proactifs au niveau de la recherche, de la prospective, pour trouver des
solutions aux problèmes de l'organisation professionnelle. À leur
demande, je pense qu'on a un travail à faire pour améliorer
l'information publique mais je pense qu'avant tout on devrait écouter
l'ensemble des intervenants qui vont s'exprimer à cette commission et
par la suite, rapidement, regrouper les intervenants et ensemble définir
ce que devrait être la mission actualisée de l'Office, ce que
devrait être la mission du Conseil et comment les corporations auront des
outils adéquats pour assumer la protection du public.
M. Hamel: Merci, madame.
Le Président (M. Gautrin): M. le ministre et
député d'Abitibi-Est.
M. Savoie: Merci, M. le Président. Alors, je crois
effectivement que nous avons épuisé le temps qui nous
était alloué. Tout simplement pour vous dire qu'il y a eu une
invitation de votre part pour des consultations spécifiques au niveau du
projet de loi. Ça se fera avant de déposer le projet de loi
à l'Assemblée nationale. Nous aurons l'occasion de nous
rencontrer à plusieurs reprises, j'en suis sûr, pour justement
faire valoir les points que vous avez soulevés dans votre
mémoire. Et nous en ferons autant, de notre côté, sur
certains éléments que nous voulons protéger.
Vos commentaires, comme je vous l'ai dit, ont été
finalement très bien reçus. On constate que vous avez mis du
temps, de l'effort, que vous avez cherché à maintenir un
équilibre du côté des professions que vous avez le
rôle, le mandat, justement, de devancer mais également avec un
souci du public. Il y avait une ouverture, quand même, au niveau
d'interventions de citoyens. Il y avait aussi une reconnaissance, je pense, de
façon générale, qu'effectivement des changements peuvent
se faire dans une certaine harmonie. Et on est prêt à regarder
certaines des positions qui suscitent plus d'intérêt que
d'autres.
Troisièmement, c'est que vous savez fort bien que je ne peux pas
faire un ramassis de tout et tout mettre dans un projet de loi. On ne peut pas
mettre tous nos oeufs dans le même panier. Vous savez qu'il y a... C'est
très difficile, évidemment, de donner une suite à cette
orientation-là mais on va chercher, à l'avenir, une fois que les
deux trois principaux dossiers qui sont sur la table actuellement seront
réglés, à aller dans le sens de votre proposition.
Je vous remercie tous et chacun pour avoir pris le temps de venir
présenter votre mémoire.
La qualité des interventions a été fort
appréciée. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Gautrin): Mme de Grand-mont, M.
Fréchette, M. Godbout, M. Castonguay, M. Morin, la commission vous
remercie et je suspends les travaux pour cinq minutes en attendant la
Corporation professionnelle des médecins du Québec.
(Suspension de la séance à 15 h 30)
(Reprise à 15 h 39)
Le Président (M. Gautrin): La commission reprend ses
travaux. J'inviterais la Corporation professionnelle des médecins du
Québec à se présenter. Dr Augustin Roy, vous pouvez
présenter les personnes qui vous accompagnent.
Corporation professionnelle des médecins du
Québec (CPMQ)
M. Roy (Augustin): Alors, M. le Président, M. le ministre,
MM. les membres de la commission, mesdames, messieurs, je vais vous
présenter d'abord les gens qui m'accompagnent. À l'extrême
droite, le Dr Jacques Brière, secrétaire général
adjoint de la Corporation; Dr André Lapierre, également
secrétaire adjoint à la Corporation; Dr Rémi Lair, syndic
de la Corporation; Me Jacques Prévost, conseiller juridique de la
Corporation.
Le Président (M. Gautrin): Alors, vous connaissez
parfaitement les règles des commissions parlementaires. J'imagine que ce
n'est pas à vous qu'il faut les exposer. Mais, pour les fins, je vous
les rappellerai. Nous avons une heure qui se partage en trois fractions de
temps de 20 minutes: 20 minutes pour vous, votre exposé, 20 minutes pour
les ministériels et 20 minutes pour l'Opposition.
M. Roy: La Corporation professionnelle des médecins du
Québec remercie la Commission de l'éducation et M. le ministre
responsable de l'application du Code des professions et des lois
professionnelles de lui donner l'opportunité de présenter un
mémoire sur l'avant-projet de loi modifiant le Code des professions et
d'autres lois professionnelles. (15 h 40)
Avant de continuer plus loin, M. le Président, je voudrais
attirer votre attention sur le fait que ce matin un groupe a passé la
moitié de son temps à parler d'un cas spécifique à
la Corporation des médecins. Je ne veux pas perdre mon temps, qui est
très limité, pour discuter de ce cas. Mais je voudrais, comme
question de privilège, parce que la Corporation est directement
attaquée et moi-même, avoir l'occasion d'avoir au moins 10 minutes
pour, au moins,
rectifier certains faits et, ensuite, vous proposer à ceux qui
sont intéressés, de venir nous rencontrer et discuter de ce
dossier...
Le Président (M. Gautrin): Monsieur...
M. Roy: ...de façon à comprendre ce qui se passe.
Le dossier qui a été mis sur la place publique
incorrectement...
Le Président (M. Gautrin): M. Roy, si je comprends bien la
demande que vous faites à la commission, c'est qu'on étende votre
temps de parole de 10 minutes de manière à ce que 10 minutes vous
soient accordées pour pouvoir répondre au cas de Mme Bisson.
C'est bien cela?
M. Roy: D'accord.
Le Président (M. Gautrin): Pour cela, je crois que c'est
une modification à l'ordre du jour et ça demanderait le
consentement des deux partis. Est-ce que j'ai le consentement des deux partis?
Est-ce que j'ai le consentement des partis sur cette question?
M. Savoie: M. le Président, nous avons eu l'occasion lors
de la présentation du mémoire de la Fédération de
commenter certains des faits qui ont été présentés.
Si on ouvre la porte, je pense qu'on risque de voir plusieurs autres
présentations de mémoires de la part de certaines corporations
qui vont corriger ce qui a été dit auparavant. Et on s'embarque
dans un glissement de temps que nous ne possédons pas. Je pense que tout
le monde est bien au courant de l'intégrité du Collège, du
travail assidu que font ses défenseurs. Je ne pense pas qu'il est
nécessaire de donner 10 minutes additionnelles, malgré que je
suis toujours intéressé d'entendre le Collège sur le cas.
Mais je pense que je dois refuser.
Le Président (M. Gautrin): Vous ne donnez pas votre
consentement. Je m'excusef à ce moment-là, l'Opposition n'a pas
à... Un consentement devrait être unanime. Dans ces
conditions-là, vous êtes obligé de vous limiter à la
période de 20 minutes tel qu'il avait été
décidé.
M. Roy: On sera malheureusement obligé de trouver une
autre tribune. Je m'excuse mais je pensais que c'était la maison du
peuple ici.
Le Président (M. Gautrin): Cher ami, je suis sûr que
vous auriez trouvé des...
Vos 20 minutes commencent à partir de maintenant.
M. Roy: La Corporation reconnaît le mérite et
l'avant-propos de plusieurs modifications proposées par ce projet de loi
et n'hésite pas à les appuyer en souhaitant que
l'Assemblée nationale les sanctionne. Pour ne pas allonger inutilement
le texte de ce mémoire, il ne sera pas question dans celui-ci de ces
modifications considérées comme appropriées. Et c'est
vrai, je pense, qu'au niveau de la rédaction de certains articles du
projet de loi il y a des améliorations de la concordance de plusieurs
articles, il y a amélioration sur la loi actuelle.
La Corporation s'efforcera plutôt d'attirer l'attention de la
commission et de la mettre en garde contre un certain nombre de modifications
proposées par cet avant-projet de loi, qui, si elles étaient
sanctionnées, accorderaient de façon injustifiée des
pouvoirs excessifs à l'Office des professions, augmenteraient
considérablement les coûts d'administration du système
professionnel, en alourdiraient le fonctionnement, et pourraient aller
jusqu'à le paralyser. Les commentaires de la Corporation porteront sur
les fonctions et les pouvoirs de l'Office des professions, la
réglementation professionnelle, l'inspection professionnelle, le syndic
et le comité d'examen des plaintes - entre parenthèses, la
Corporation professionnelle des médecins a un comité d'examen des
plaintes depuis très longtemps; en fait, depuis 1962, nous avons un
comité de conciliation qui est devenu un comité d'examen des
plaintes en 1971, avec des membres du public, avant que le Code des professions
soit institué et avant qu'on puisse avoir des membres du public à
notre corporation professionnelle - le comité de discipline, la
procédure de destitution et d'immunité rattachée à
certaines fonctions.
Oui. Alors, premier chapitre, les fonctions et les pouvoirs de l'Office
des professions. En 1974, le Code des professions instituait l'Office des
professions, lui donnant pour fonction de veiller à ce que chaque
corporation professionnelle assure la protection du public. Les pouvoirs de
l'Office comportaient celui de faire des recommandations au gouvernement
concernant la réglementation professionnelle adoptée par les
corporations, et celui de faire enquête sur l'administration
financière d'une corporation présentant une situation
financière déficitaire, ou dont les revenus semblaient
insuffisants pour remplir ses obligations, et d'en faire rapport au
gouvernement qui pouvait alors placer cette corporation sous le contrôle
de l'Office. Le Code donnait également à l'Office un pouvoir
supplétif concernant certains règlements, en
général ceux qui avaient une importance plus immédiate
pour le public. Les corporations professionnelles passaient donc d'un
régime d'autogestion qu'elles connaissaient avant 1974 à un
régime d'autogestion tempérée par ces pouvoirs de
surveillance et de suppléance partielle de l'Office des professions.
Nul n'avait prévu, en 1974, que l'Office des professions
exercerait ses fonctions de façon très normative et autoritaire,
tentant d'imposer un modèle réglementaire uniforme à
toutes les corporations professionnelles, pourtant fort dit-
férentes les unes par rapport aux autres, étudiant avec
une extrême minutie, et allant même jusqu'à provoquer des
commentaires et susciter des réactions non demandées sur tout
projet de règlement en provenance des corporations professionnelles,
effectuant de nombreuses études et recherches à tendance souvent
idéologique, par exemple dans le domaine de l'immatriculation et des
conditions supplémentaires aux diplômes donnant ouverture à
un permis. C'est malheureux, mais pour la vérité, je dois le
dire, l'Office a mal joué son rôle, et maintenant l'Office veut
plus de pouvoirs. Sauf pour les deux premières années de
fonctionnement de l'Office, et sauf pour le début des mandats de chacun
des deux présidents ultérieurs, l'Office a institué un
système professionnel basé sur la confrontation, sur
l'affrontement, un système, en anglais, qu'on dit
«adversarial», au lieu de miser sur la concertation et la
collaboration entre l'Office et les corporations; et c'est ça, le
problème fondamental qu'on a aujourd'hui entre l'Office et les
corporations professionnelles.
Cette façon de concevoir son rôle a entraîné,
de la part de l'Office, une dépense de ressources humaines et
matérielles considérable qui se reflète sur son budget et,
de la part du personnel des corporations, une semblable dépense
d'énergie et de temps pour faire face aux exigences, études et
consultations de l'Office. Là encore, il y a répercussion sur les
budgets des corporations. Quelques exemples: avant 1974, un règlement
important comme le Code de déontologie des médecins avait
été approuvé par le gouvernement, en 1952, un mois
après son adoption par le Bureau provincial de médecine. En 1971,
un nouveau Code de déontologie fut adopté par le Bureau
provincial de médecine, le 19 mai, et approuvé par le
gouvernement le 6 octobre de la même année. Très bien.
Depuis 1974, il faut calculer les délais en années. Par exemple,
le Règlement sur les conditions et modalités de délivrance
des permis a été adopté par le Bureau de la Corporation
professionnelle des médecins du Québec en 1975 et approuvé
12 ans plus tard par le gouvernement, soit en 1987. Pendant toutes ces
années, la Corporation professionnelle des médecins du
Québec n'avait aucun règlement sur les conditions et
modalités de délivrance des permis et devait fonctionner sur la
foi d'habitudes acquises du passé.
La Loi médicale fut modifiée en 1977 pour prévoir -
c'est un autre exemple - la réglementation permettant l'exercice de
l'acupuncture par des personnes autres que des médecins. La Corporation
professionnelle des médecins du Québec a adopté un
règlement en 1979, qui avait été
précédé d'un prérèglement approuvé
par l'Office, mais il fallait des consultations mais, finalement, elle avait
adopté, en 1979, un règlement qui ne fut approuvé qu'en
1985, six ans plus tard. Et c'a été la cause de nombreux
problèmes qui sont dus à ce délai dans l'approba- tion du
règlement. Le nouveau Code de déontologie fut adopté par
le Bureau de la Corporation professionnelle des médecins du
Québec le 24 mars 1976 mais ne fut approuvé par le gouvernement
que le 20 mars 1980, soit quatre ans plus tard. Et on a de nombreux autres
exemples.
La moindre modification réglementaire, qui ne fait l'objet
d'aucune contestation, peut prendre un an avant d'être approuvée
par le gouvernement. Par exemple, l'addition de quelques nouveaux vaccins au
règlement de délégation d'actes approuvée par le
Bureau de la Corporation en mars 1989 ne fut approuvée par le
gouvernement et n'entrait en vigueur qu'en février 1990. Une telle
lenteur administrative n'est certainement pas à l'avantage du public. La
Corporation professionnelle des médecins du Québec, qui a connu
les deux régimes, souhaiterait certainement revenir à
l'époque antérieure à 1974 et ne croit pas essentielle la
structure de l'Office des professions. Je vais passer les commentaires que
j'avais mis de côté.
Le Collège des médecins et chirurgiens existe dans la
province de Québec depuis 1847. Il a très bien fonctionné
depuis ce temps jusqu'en 1974, sans surveillance d'un organisme
intermédiaire comme l'Office des professions. Il avait même obtenu
des pouvoirs d'enquête suffisants pour commencer ses visites d'inspection
professionnelle vers le milieu de la décennie 1960, bien avant
l'adoption du Code, et créer un comité d'examen des plaintes en
1971, comme je vous l'ai dit, avec des membres du public, plusieurs
années avant l'adoption du Code des professions et avant qu'if y ait des
représentants du public sur le Bureau des corporations. (15 h 50)
Voici que l'avant-projet de loi dont nous discutons aujourd'hui veut
accroître, de façon exorbitante, les fonctions et les pouvoirs de
l'Office. Par exemple, à la suite d'un rapport de l'Office, non
seulement sur une situation financière déficitaire mais sur tout
autre objet, le gouvernement peut mettre sous le contrôle de l'Office
toute corporation. Et l'Office peut alors se substituer, non seulement au
bureau et au comité administratif, mais aussi au comité
d'inspection professionnelle et au syndic. Où l'Office prendra-t-il le
personnel ayant l'expertise pour se substituer au comité d'inspection
professionnelle et au syndic de 41 corporations professionnelles fort
différentes? Faudra-t-il décupler le budget de l'Office pour
recruter le personnel apte à accomplir toutes ces tâches? Avec
toutes les fonctions et tous les pouvoirs demandés, l'Office ne demeure
plus un organisme de surveillance, il devient une supercorporation. Il ne
s'agit plus d'autogestion tempérée mais plutôt de 41
corporations fantoches sous la férule de l'Office. La Corporation des
médecins croit que, si c'est là l'intention du gouvernement, il
devrait avoir le courage de faire dispa-
raître les corporations et de laisser à l'Office le soin de
faire le travail de toutes les corporations. Le principe du jugement par les
pairs aura été alors sérieusement erroné, parce que
le problème, c'est que le rôle de l'Office est un rôle de
surveillance des activités des corporations pour s'assurer qu'elles
rendent bien service au public. Or, depuis 18 ans, c'est ça que l'Office
n'a pas joué comme rôle. Jamais l'Office n'est venu nous voir pour
nous demander comment on fonctionnait, vérifier comment fonctionnait le
système des plaintes, le système disciplinaire, l'inscription des
permis, le système d'inspection professionnelle, comment on fonctionnait
au niveau des poursuites de pratique illégale de la médecine. Nos
livres sont ouverts. Ils sont ouverts aux autorités compétentes
pour vérifier si ce qu'on fait est bien et on n'a pas peur de les
ouvrir, les livres, confidentiellement, à ceux qui ont l'autorité
pour les observer. Mais quand on ne vient pas nous le demander, à ce
moment-là, on n'accepte pas les blâmes.
Pourquoi risquer de détruire un système professionnel
cité en exemple en Amérique du Nord et envié par certains
pays européens? La Corporation professionnelle des médecins croit
que, pour améliorer l'efficacité du système professionnel
et en réduire les coûts, les fonctions et pouvoirs de l'Office
devraient plutôt être restreints. Le pouvoir supplétif de
l'Office en matière réglementaire ne devrait exister que dans le
cas d'une Corporation professionnelle mise par le gouvernement sous la tutelle
ou sous le contrôle du ministre ou d'une personne qu'il désigne
lorsqu'elle est en situation financière déficitaire ou qu'elle ne
peut remplir ses fonctions. Il ne semble pas normal qu'une corporation,
à la suite d'une enquête ou d'un rapport de l'Office, soit
placée par le gouvernement sous le contrôle de l'Office, organisme
qui a fait l'enquête et rédigé le rapport. Le Code des
professions devrait plutôt prévoir, comme pour les
établissements de santé en vertu de la Loi sur les services de
santé et les services sociaux, comme pour les institutions
d'éducation également et au niveau des municipalités, que
l'administration provisoire d'une corporation puisse être assumée
par le ministre responsable ou une personne qu'il désigne. De plus, cet
article devrait prévoir la nécessité d'aviser, dans un cas
semblable, la corporation intéressée du rapport fait par l'Office
et la possibilité pour cette corporation de faire des
représentations au gouvernement. Les pouvoirs accordés à
l'Office par l'article 15 actuel ne sont pas suffisants compte tenu des
fonctions de l'Office qui ne doit pas se transformer... sont suffisants,
excusez, compte tenu des fonctions de l'Office qui ne doit pas se transformer
en supercorporation.
Les modifications que la Corporation professionnelle des médecins
vient de suggérer, jointes à celles qui seront
suggérées au chapitre suivant et appuyées par une
intervention du ministre responsable auprès de l'Office pour l'inciter
à exercer ses fonctions avec sobriété, devraient conduire
à une réduction appréciable du budget consacré par
le gouvernement, l'Office des professions et les corporations à
l'administration du système professionnel tout en le rendant plus
efficace et plus expéditif. Dr Brière.
M. Brière (Jacques): La Corporation des médecins
est souvent envieuse du Collège royal des médecins et chirurgiens
du Canada. Nous procédons avec cet organisme aux visites
d'agrément des milieux de formation et également à
l'agrément des programmes de formation en spécialité et
nous administrons dans certaines spécialités des examens
conjoints écrits avec le Collège royal. Or, le Collège
royal peut modifier, de sa propre autorité et à sa guise, ses
méthodes d'examen selon l'évolution de la docimologie. Le
Collège royal peut également créer des
spécialités, à sa guise, de sa propre autorité,
sans requérir l'approbation de personne et selon l'évolution de
la science médicale. Nous avons tenté, nous, de modifier notre
règlement sur les spécialités pour modifier
précisément les techniques d'examen pour tenir compte de
l'évolution de la docimologie. Le règlement a été
adopté par la Corporation et envoyé à l'Office en novembre
1990 et j'ai appris récemment, donc, en février 1993, que
l'Office s'apprête à envoyer son avis au ministre. De la
même façon, nous avons tenté de créer une nouvelle
spécialité, en oncologie médicale, Le règlement de
modification pour créer cette spécialité a
été adopté par le Bureau en novembre 1991 et, là
encore, on me dit que l'Office s'apprête à envoyer son avis au
ministre. Alors, vous voyez que nous n'avons pas tout à fait la
même latitude et la même rapidité d'évolution que le
Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Et pourtant,
les certificats de spécialistes et les titres d'associés
émis par le Collège royal sont reconnus mondialement et, donc,
ont beaucoup de prestige, malgré que cet organisme n'a pas
d'autorité au-dessus de lui. En somme, pour accélérer le
processus réglementaire, vous allez voir que notre mémoire fait
une suggestion de conserver le processus actuel pour les règlements les
plus importants, qui ont un impact direct sur le public ou sur des personnes
qui ne sont pas membres de la Corporation, en espérant toutefois que le
processus soit accéléré. Pour les autres règlements
qui visent surtout la régie interne d'une corporation ou encore les
normes plus particulières à une profession et qui sont donc plus
difficiles à apprécier pour des gens qui ne sont pas membres de
cette profession, nous croyons que les règlements ne devraient pas
requérir d'approbation gouvernementale. Ils devraient entrer en vigueur
sur simple adoption par le Bureau après qu'un avis a été
envoyé à l'Office, donnant à l'Office un certain temps
pour y répondre. Et cette réponse de l'Office, comme le
suggérait le Conseil inter-
professionnel dans son mémoire, devrait se borner à dire
si le règlement est conforme ou non à la loi habilitante. De
cette façon, je pense que l'on pourrait ainsi épargner beaucoup
de travail et à l'Office des professions et au Bureau des
règlements, ce qui éviterait parfois au Bureau des
règlements de trouver toujours de la sous-délégation.
Un mot de l'inspection professionnelle. Le projet de loi fait
apparaître une nouvelle catégorie de personnes qui peuvent
assister le comité d'inspection professionnelle dans ses fonctions. Ce
sont les inspecteurs. Sur le plan purement théorique, il est
peut-être possible de départager les fonctions de l'inspecteur de
celles de l'enquêteur. Mais, sur le plan pratique, ça me semble
beaucoup plus difficile. En effet, l'inspecteur, évidemment, peut
procéder à l'inspection systématique des registres,
dossiers et livres d'un professionnel, mais, évidemment, ceci peut
l'amener à conclure qu'il y a un problème d'incompétence
sur ce professionnel. L'inspecteur devrait-il alors se retirer et demander
l'enquêteur pour poursuivre l'enquête? Ça me semble un peu
superflu. Par ailleurs, l'enquêteur, dans sa procédure
d'enquête, va nécessairement examiner les livres, registres et
dossiers d'un professionnel parce que là se trouvent souvent les
éléments qui vont permettre de conclure à une
incompétence. Et, de toute façon, les deux fonctions
possèdent les mêmes pouvoirs d'enquête et les deux assistent
le comité dans ses fonctions. Alors, c'est une distinction qui nous
parait plus factice que réelle.
Enfin, nous voudrions aussi insister sur un point de l'avant-projet de
loi qui semble faire obligation au comité d'inspection professionnelle
d'aviser le syndic chaque fois que son enquête révèle une
infraction à une disposition quelconque des lois et des
règlements. Ceci nous semble excessif. En effet, si le comité
d'inspection professionnelle note que le professionnel a oublié
d'afficher le permis sur son mur ou, encore, ne tient pas ses dossiers de
façon tout à fait correcte, il peut très bien lui faire
des recommandations et procéder à une visite de contrôle.
Il ne sert à rien d'aviser le syndic, de faire faire une nouvelle
enquête et d'aller en discipline pour une chose aussi banale. Nous
pensons que le comité d'inspection professionnelle devrait pouvoir
utiliser son discernement pour référer au syndic les cas
d'infraction grave ou, encore, d'incompétence manifeste ou, encore, de
refus d'obtempérer aux recommandations du comité d'inspection.
C'est d'ailleurs ce qui se fait en pratique actuellement à la
Corporation des médecins. C'est à peu près tout ce que
j'avais à dire.
M. Roy: Le Dr Lair va vous parler du comité des plaintes
et du syndic.
M. Lair (Rémi H.): M. le Président et M mes et MM.
de la commission, je parlerai rapidement du comité d'examen des
plaintes, du rôle du syndic et des syndics adjoints et aussi du
comité de discipline. Quand on regarde l'avant-projet de loi, on
constate que cet avant-projet de loi transforme ou propose la formation d'un
comité d'examen des plaintes qui aurait en fait des pouvoirs quasi
judiciaires en ce sens qu'on entendait, devant ce comité d'examen des
plaintes, le syndic ou les syndics adjoints et, en plus, le professionnel qui
est intimé, qui est visé par une plainte ainsi que la personne
qui a demandé l'enquête et aussi tout autre témoin. Je
soumets que ce genre de comité risque de fonctionner en parallèle
avec le comité de discipline... et n'aura comme conséquence que
d'alourdir le processus actuel qui, je vous le soumets, est déjà
très lourd et qui permet toutes sortes de requêtes dilatoires de
nature à retarder la procédure et non pas à
protéger le public. (16 heures)
Mon expérience avec un comité d'examen des plaintes qui
existe à la Corporation des médecins depuis déjà
plus de 20 ans est la suivante: Nous soumettons que, si on est pour proposer
aux corporations un comité examen des plaintes, il soit facultatif et
qu'il regroupe un nombre suffisant de personnes pour émettre une opinion
dépendant des questions qui sont abordées, et à la
Corporation des médecins on n'a aucune objection à ce que des
membres du public soient présents sur ce comité et, d'ailleurs,
depuis toujours, on a deux personnes qui sont membres du comité. Chez
nous, il y a huit médecins, et deux personnes du public, et ces deux
personnes ne sont pas nécessairement des professionnels.
Et notre expérience est que ce comité d'examen des
plaintes a souvent aidé à régler des problèmes
beaucoup plus rapidement et de façon beaucoup plus juste que le
processus disciplinaire. Il faut comprendre que la discipline, c'est un
procès, c'est lourd, et mon opinion, c'est qu'on doit garder pour le
processus disciplinaire, tel qu'il existe actuellement, les cas lourds. Il y a
beaucoup de cas légers ou de fautes légères qu'on peut
régler autrement que par le processus disciplinaire.
Si on regarde l'avant-projet, on constate également qu'on propose
que l'Office établisse un formulaire de demande d'enquête. Nous,
on croit que ce formulaire risque de causer plus de problèmes que de
bienfaits. On pense que c'est un geste plutôt bureaucratique. Ça
peut être compliqué pour une personne de remplir un formulaire.
Ça peut également amener cette personne à laisser de
côté les informations valables. Nous, on pense que ça
serait beaucoup plus simple que la personne décrive, dans ses mots, dans
ses termes, le problème qu'elle a pu vivre avec un médecin.
De toute façon, je suis convaincu qu'avec un tel formulaire la
personne devra à nouveau
écrire d'autres données. Ça va juste retarder,
à notre avis, la formulation de sa plainte. Quant au fait que l'Office
des professions pourrait aussi établir un formulaire de plaintes
à être adressé au comité de discipline, je pense
qu'il faut faire confiance aux avocats qui travaillent pour les syndics au
niveau des diverses corporations. Ces avocats ont réellement assez de
connaissances et de compétence pour rédiger correctement une
plainte disciplinaire.
Je pourrais, à la rigueur, comprendre que ce genre de formulaire
pourrait aider les plaintes privées. Les plaintes privées, il n'y
en a pas tant que ça, et notre expérience à la Corporation
est la suivante: Les comités de discipline ont toujours aidé les
plaignants privés à formuler correctement leurs plaintes. On
constate également...
Le Président (M. Gautrin): M. Lair, je suis obligé
de vous demander peut-être d'envisager de conclure parce que le temps qui
vous était imparti arrive à terme; je ne veux pas être trop
restrictif, mais je voudrais simplement vous le rappeler. Non? Alors,
écoutez, par consentement, ce qui vous avait été
refusé au début vous est accordé maintenant.
M. Lair: Me donnez-vous cinq minutes? Le Président (M.
Gautrin): Bien sûr.
M. Lair: Alors, j'ai perdu un peu le fil. Je m'excuse.
Le Président (M. Gautrin): Prenez votre temps. Ce n'est
pas...
M. Lair: On constate également que dans l'avant-projet...
Si on est pour mettre sur pied un comité d'examen des plaintes dans les
corporations, on suggère que les conclusions ou les avis transmis au
syndic soient communiqués à la personne qui a porté la
plainte ou qui a demandé qu'une enquête soit tenue. Il faut
comprendre que dans ce genre de conclusion on peut trouver beaucoup de choses
telles que des commentaires ou des recommandations qui soient faites à
un médecin dans un but préventif et éducatif. Nous, on ne
pense pas que ça servirait réellement la cause de la protection
du public de rendre toutes ces recommandations-là et tous ces
commentaires à la connaissance des parties impliquées. Il faut
comprendre également que souvent ces décisions, ces conclusions
sont prises sans que le médecin ait lui-même l'occasion de
présenter une défense pleine et entière, de
contre-interroger lui-même la personne qui présente des faits.
Ici, il y a un problème et, pour cette raison-là, la Corporation
n'est pas d'accord à communiquer aux plaignants ce genre de
recommandation.
Il faut comprendre également qu'il y a des choses qui surprennent
dans l'avant-projet. Qu'on demande au syndic de produire un rapport
circonstancié 60 jours après le début de l'enquête,
je trouve ça inutile pour la simple raison que, ou bien c'est un cas
simple et ça ne prendra pas 60 jours, ou c'est un cas complexe et
ça va prendre beaucoup plus que 60 jours, compte tenu qu'il faut obtenir
des informations, il faut souvent obtenir des expertises et ces
informations-là sont parfois difficiles à recueillir.
Je pense que cette demande ou cette proposition constitue une
espèce de procédure bureaucratique inutile. On demande
également au syndic ou on semble vouloir lui imposer de porter des
plaintes et sans lui laisser à lui la discrétion de
décider si ces plaintes sont justifiées. À ce
moment-là, vous allez avoir un syndic qui ne sera qu'un simple
enquêteur et qui ne pourra pas réellement signer les plaintes de
la façon qu'il les signe actuellement. Si vous exigez qu'un syndic
dépose une plainte à laquelle lui ne croit pas - il peut avoir
des motifs sérieux pour ne pas y croire - à ce moment-là,
ça ne donne absolument rien, il faut trouver une autre procédure.
On a souvent dit également qu'un syndic ne peut être objectif
parce qu'il est un employé d'une corporation. Il faut comprendre
qu'actuellement les corporations qui ont beaucoup de plaintes ont des syndics
et des syndics adjoints qui sont permanents et ces personnes-là ne
peuvent être destituées qu'après un vote des deux tiers des
membres du Bureau. Et je pense que cette garantie-là est une garantie
d'indépendance, d'objectivité et d'impartialité.
Il faut également regarder certains autres points de
l'avant-projet. On mentionne, entre autres, que les dossiers du comité
de discipline devraient être accessibles. Je pense qu'il faut faire
attention. Si on regarde les dossiers de discipline à notre Corporation,
on retrouve là-dedans des informations de nature confidentielle, des
dossiers médicaux, des profils de consommation de médicaments,
des profils de facturation à la RAMQ, des rapports d'expertise et il y a
beaucoup de ces éléments-là, si on prend par exemple le
dossier médical, qui concernent des renseignements nominatifs et ils ne
seront peut-être pas tous utilisés ou révélés
au comité. Cependant, ils sont dans les dossiers. Et il faut faire
attention avant de rendre tous ces documents-là accessibles. Il y a
également une question qui est de remplacer l'enregistrement des
dépositions par un sténographe, de remplacer ça par un
enregistrement mécanique. Ici, je pense qu'on va faire face à des
problèmes. C'est beaucoup plus facile de contester un enregistrement
mécanique qu'un enregistrement par sténographe officiel. Et,
comme beaucoup de nos causes, de plus en plus, se ramassent devant des
instances de paix, le Tribunal des professions, la Cour supérieure et la
Cour d'appel, on va avoir des problèmes à ce niveau-là, je
pense, si on laisse de côté les dépositions par
sténographe officiel.
On a également mis deux conditions pour condamner le plaignant
privé aux déboursés. Il y en a une qu'on est prêts
à accepter. C'est celle où effectivement tous les chefs seraient
retenus, où le médecin serait trouvé non coupable sur tous
les chefs. Mais l'autre condition qu'on met et qui est celle de la mauvaise
foi, ça, je ne comprends pas, la mauvaise foi, c'est difficile à
présumer, à démontrer. On présume plutôt la
bonne foi et, ici, je pense que cette histoire de bonne ou de mauvaise foi,
ça ne devrait pas figurer comme condition. Et il y a une chose sur
laquelle je veux insister finalement, c'est qu'il m'est arrivé à
plusieurs reprises comme syndic de faire face à des situations où
un professionnel, un médecin avait eu un comportement tout à fait
inacceptable, non professionnel, mais il n'y avait absolument rien dans la loi
qui me permettait de conclure que ce professionnel avait commis une infraction.
Il peut y avoir effectivement des situations où le comportement d'un
professionnel peut s'avérer dérogatoire, mais il n'y a aucune
infraction qui a été commise. Et, nous, à la Corporation,
on recommande de revenir à ce qu'on appelle une clause omnibus
où, et je lis: «En l'absence d'une disposition de la
présente loi ou d'un règlement applicable aux cas particuliers,
le comité de discipline décide, privativement à tout
tribunal en première instance, si l'acte reproché est
dérogatoire à l'honneur et la dignité de la
profession.» Il faut comprendre que cette clause existe actuellement pour
une seule corporation, qui est celle du Barreau, et ça peut rendre
service dans certains cas. Et on l'a déjà eue à la
Corporation, au Collège des médecins, avant 1973, et c'est une
clause qui nous a permis de régler un certain nombre de
problèmes.
Finalement, je voudrais également terminer par ceci. C'est qu'on
veut donner au comité de discipline le pouvoir, d'une part, de rectifier
sa décision - la Corporation est tout à fait d'accord avec
ça parce qu'il peut y avoir des erreurs, effectivement - mais, où
la Corporatioin n'est pas d'accord, c'est de donner au comité de
discipline un pouvoir de rétractation lorsqu'on pourrait, à ce
moment-là, évoquer, le procureur de l'intimé ou
l'intimé lui-même pourrait évoquer un fait nouveau qui n'a
pas été révélé pour x raison lors de
l'audition en discipline et, à ce moment-là, on pourrait
également invoquer un vice de fond et de procédure pour demander
une réouverture d'enquête. Ce qui veut dire que, si on accepte
ça, on amène encore de nouveaux délais, on va recommencer,
on peut recommencer ad infinitum des causes devant le comité de
discipline. Et, pour cette raison-là, on n'est pas d'accord avec ce
pouvoir. Je vous remercie.
Le Président (M. Gautrin): En conclusion, monsieur...
M. Roy: Plusieurs modifications... (16 h 10)
Le Président (M. Gautrin): Brièvement, parce qu'on
dépasse le temps, vous savez.
M. Roy: C'est important, ce projet-là,
j'espère...
Le Président (M. Gautrin): Je comprends.
M. Roy: Plusieurs modifications au Code des professions
proposées par l'avant-projet de loi sont de nature à
préciser et à améliorer le fonctionnement du
système professionnel au Québec. La Corporation professionnelle
des médecins du Québec s'objecte toutefois à
l'augmentation considérable des fonctions et des pouvoirs _. de l'Office
proposée par cet avant-projet de loi. La preuve de la
nécessité d'un tel accroissement des fonctions et pouvoirs de
l'Office n'est pas faite. De telles modifications conduiraient à
transformer l'Office en supercorporation, les corporations professionnelles
devenant des organismes fantoches. Le budget de l'Office connaîtrait une
augmentation considérable, entre parenthèses, les professionnels
ne seront pas prêts à le financer, alors que le résultat
serait une confusion des rôles, un alourdissement et un ralentissement du
système professionnel pouvant aller jusqu'à la paralysie, surtout
si l'on maintient le rôle et le fonctionnement du comité d'examen
des plaintes tels que conçus dans l'avant-projet de loi.
La Corporation propose au contraire, à défaut de
l'abolition de l'Office - ce qui serait peut-être un traitement
chirurgical idéal dans le cas d'un cancer, on abolit la tumeur - de
rendre l'Office des professions plus sobre dans l'exercice de ses fonctions et
propose un assouplissement des mécanismes de réglementation
professionnelle pour rendre le système professionnel plus efficace, plus
adapté à l'évolution de la société, moins
lourd et moins coûteux. La Corporation ne croit pas non plus que la
transparence du système disciplinaire doive aller jusqu'à donner
accès à toute personne aux documents produits devant le
comité de discipline. Dans le cas de la Corporation des médecins,
il s'agit habituellement de dossiers médicaux qui, par
définition, contiennent des renseignements nominatifs et confidentiels.
Le fait que les audiences soient publiques devrait suffire à l'exigence
de transparence. Le système professionnel actuel comporte de nombreuses
dispositions garantissant l'impartialité et la transparence de son
fonctionnement, et je cite: Un organisme de surveillance de l'Office des
professions, l'approbation de la réglementation par l'Office des
professions au gouvernement, des administrateurs externes nommés par
l'Office des professions siégeant au Bureau, au comité
administratif sur les comités y compris le comité d'examen des
plaintes, la présidence des comités de discipline assumée
par un avocat nommé par le gouvernement, la possibilité pour une
personne de porter plainte directement
devant le comité de discipline, l'appel devant une division de la
Cour du Québec et le Tribunal des professions composé de trois
juges, les audiences publiques du comité de discipline et du Tribunal
des professions, la publication d'avis des décisions du comité de
discipline et du Tribunal des professions. Jusqu'où doit-on aller dans
l'ouverture au public sans risquer de détruire un système
professionnel souvent cité en exemple dans les autres provinces ou
à l'étranger? Comme on est les premiers à passer, M. le
Président, et il se dit trop d'inexactitudes, de grossières
erreurs, de fausses interprétations et de con-neries, j'aimerais avoir
l'occasion de revenir devant vous à la fin de vos audiences.
Le Président (M. Gautrin): Attendez, ça, la liste
des gens, ça viendra... Je prends note de votre demande et elle sera
traitée par le comité directeur de la commission, j'imagine.
Maintenant, il nous reste combien de temps? Vous avez pris combien de temps?
Vous avez pris 30 minutes. Si je partageais le temps qui reste en 15-15,
ça serait correct pour vous et pour vous?
M. Savoie: Ça va, ça.
Le Président (M. Gautrin): Ce serait correct... Non, non,
le temps, il est minuté à la seconde. Alors, 15 minutes...
M. Savoie: Oui, d'accord. Je vous remercie-Le Président
(M. Gautrin): ...et 15 minutes. M. le ministre.
M. Savoie: Je vous remercie, M. te Président. Alors, tout
simplement, saluer évidemment le Dr Roy, M. Brière, M. Lair et M.
Lapierre de même que Me Prévost, conseiller de... On a bien
apprécié votre laïus sur 1847 et le Collège des
médecins. On sait que vous n'étiez pas président à
ce moment-là, malgré la rumeur a l'effet contraire.
Des voix: Ha, Ha, Ha!
M. Savoie: On apprécie également la
présentation de votre mémoire très coloré, Dr Roy -
il faut qu'il soit fidèle à lui-même - mais, malgré
évidemment quelques commentaires désobligeants, je pense que
l'ensemble du mémoire va certainement être regardé de
près, surtout au niveau des recommandations du syndic. Je pense que tout
le monde reconnaît qu'il y a des recommandations qui sont fort valables
et des approches qui sont très intéressantes. Je voudrais tout
simplement souligner un élément. Au niveau de la plainte, il y a
une ambiguïté. Le comité des plaintes, vous dites: Bon, oui,
ça devrait être finalement facultatif; si on veut le créer,
on peut le créer; si on ne veut pas le créer, évidemment
on ne devrait pas être tenu de le faire.
Puis, il me semblait qu'on a en vue également dans le document
qu'on ne devrait pas l'avoir.
M. Lair: Non, si vous permettez, j'ai été un peu
poussé par le temps. Voici ce que, nous, on recommande. C'est que les
corporations qui veulent en faire un et qui ont le besoin d'en avoir un s'en
créent un.
M. Savoie: Un comité des plaintes.
M. Lair: Des plaintes. Et c'est un comité qui devrait
aviser le syndic sur la justification de citer un médecin en discipline
ou non. Par ailleurs, si on regarde ce qui se fait chez nous actuellement,
c'est un comité qui a également des pouvoirs de recommander et de
servir des commentaires et, jusque dans un certain sens, même des
réprimandes.
M. Savoie: Oui. Je comprends ça. C'est parce que ça
ne suit pas exactement l'orientation que tenait le Conseil tout à
l'heure dans le sens qu'on ne devrait pas avoir de comité des plaintes
mais un comité de surveillance. Ça se ressemble un peu, vous
allez dire...
M. Lair: II faut dire que le Conseil a voulu reprendre l'ensemble
des propositions qui viennent des corporations.
M. Savoie: D'accord, oui, c'est ça. Alors, c'est un peu
à part.
M. Roy: M. le ministre, c'est aussi un comité qui peut
recevoir des intimés, des médecins à l'occasion pour leur
faire des recommandations sur place.
M. Savoie: D'accord. Dites-moi donc, au niveau des plaintes pour
fautes légères, on me dit que vous en réglez plusieurs
assez rapidement aussi. Oui?
M. Lair: Oui. Effectivement... Vous savez, moi, quand j'ai une
plainte, ce que je regarde, c'est quelle est la meilleure façon pour moi
de protéger le public. Et ce n'est pas nécessairement en
déposant une plainte, même si la plainte est fondée. Ce
n'est pas nécessairement en déposant cette plainte-là
devant le comité de discipline. Si c'est une faute légère,
je perds mon temps devant le comité de discipline. Ça risque de
durer un an, deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans.
M. Savoie: Oui. D'accord.
M. Lair: Et j'aime mieux rencontrer le médecin, le faire
venir au comité des plaintes, s'il le faut, et lui dire c'est où
son problème et trouver d'autres mécanismes pour régler ce
problème. On réfère un certain nombre de
cas - environ 40 à 50 par année - à l'inspection
professionnelle. On en réfère également à
l'éducation médicale continue. On a aussi des médecins qui
ont des problèmes de santé. On les réfère en
thérapie. On réfère aussi certains médecins au
niveau du comité administratif. Il y a d'autres solutions que de la
discipline pour régler des problèmes de médecins.
M. Savoie: Vous comprendrez qu'on cherche des réponses
plus courtes parce que vous mangez mon temps d'une façon additionnelle.
Ça rentre dans mon temps, vos réponses.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gautrin): Attendez! C'est moi qui
gère le temps.
Des voix: Ha, ha, ha! M. Savoie: Oui, Dr Roy.
M. Roy: M. le ministre, il y a une très grande
méconnaissance du public et de bien des personnes sur le rôle d'un
comité de discipline. Un comité de discipline, ce n'est pas un
tribunal civil, ça ne donne pas des indemnités et ce n'est pas un
tribunal qui fait des réparations, qui fait de l'indemnisation. C'est un
tribunal qui fait de la prévention, de l'éducation pour
empêcher la récidive, pour empêcher que des actes semblables
soient posés par un professionnel. Ce n'est pas du tout le but poursuivi
par un tribunal civil et les gens confondent ça. Souvent, les gens
veulent avoir réparation, veulent avoir un montant d'argent pour parer
à des erreurs qui ont été commises. Ce n'est pas la bonne
place, un tribunal de discipline.
M. Savoie: Mme la députée...
Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de
Terrebonne.
M. Savoie: Vous, il vous en reste 15.
Le Président (M. Gautrin): Vous avez 15 minutes.
Mme Caron: Merci, M. le Président. M. Savoie: C'est
ça?
Le Président (M. Gautrin): Oui et établir... Que
vous pourrez prendre par tranches de 10.
Mme Caron: Alors, M. Roy, M. Brière, M. Lapierre, M. Lair,
M. Prévost, bienvenue à notre commission. J'ai lu attentivement
votre mémoire et j'aurais évidemment quelques questions à
vous poser. Parmi les éléments intéressants, nouveaux,
positifs, peut-être, que je voudrais soulever, qui touchent plus
particulièrement la protection du public, je pense qu'il y a
peut-être lieu de souligner la clause omnibus à laquelle vous
faisiez référence à la fin de votre intervention et qui
permettrait peut-être de vous permettre d'intervenir lorsqu'il y a
effectivement une faute mais qui n'est pas incluse dans votre Code de
déontologie.
Vous avez aussi fait part de la difficulté à
démontrer la mauvaise foi d'une personne. En fait, lorsque quelqu'un
dépose une plainte, on devrait peut-être normalement prendre pour
acquis qu'elle le fait de bonne foi. Et vous avez également, dans votre
mémoire, en page 20, précisé votre accord au niveau de
l'article 155 du Code des professions, proposé par l'article 69 de
l'avant-projet, où la Corporation voudrait aller plus loin.
C'est-à-dire que la Corporation croit que les paragraphes premier et
deuxième du premier alinéa du nouvel article 155 devraient
être modifiés pour en faire disparaître les mots «sauf
s'il a purgé sa sentence ou qu'il a obtenu le pardon». Et je pense
que j'aimerais peut-être vous entendre un petit peu plus sur ce point
particulier.
M. Lair: On peut bien en parler. Vous savez, quand on fait face
à ce genre de situation, ce sont des cas qui sont publics, qui ont fait
la manchette des médias et c'est évident que le comportement d'un
médecin dans une telle situation est une atteinte grave à
l'honneur et à la dignité de la profession. Et ça met
aussi en danger la relation de confiance qui doit exister entre un
professionnel et son client. Comment voulez-vous qu'un client fasse confiance
à quelqu'un qui a fait l'objet d'une condamnation de cette
nature-là? On a actuellement un article 155 qui ne prévoit pas
ces exceptions et ça fonctionne relativement bien. Il a pu y avoir, je
concède, quelques cas où on a amené un médecin en
discipline puis peut-être que ce n'était pas absolument
nécessaire. Mais la loi l'imposait. Moi, je pense que si on met cette
exception-là on risque d'avoir, dans nos corporations, des gens qui ne
méritent pas la confiance du public. C'est juste ça.
Mme Caron: Donc, vous souhaitez aller plus loin. (16 h 20)
M. Lair: Je souhaite garder ce qu'on a actuellement. On a un
article qui nous permet, qui nous oblige même à déposer
automatiquement une plainte contre tout professionnel trouvé coupable
par un tribunal canadien d'un acte criminel par voie de mise en accusation, et
c'est ce que je souhaite garder, et non pas mettre des exceptions qui vont
faire qu'il suffirait qu'il ait purgé sa sentence de quelques mois -
parce qu'il peut être condamné à deux ans et purger deux,
trois mois. Si, nous, on apprend après deux, trois mois qu'il a fait
cette chose-là, on ne peut rien
faire? Ça n'a pas de sens.
M. Roy: II semble qu'on ne peut jamais être gagnants. Si on
suit la loi et que, après que quelqu'un a purgé sa peine, il est
réintégré, à ce moment-là, on se fait
critiquer. Si, par ailleurs, ça prend du temps, ou, apparemment,
quelqu'un est trouvé innocent, on se fait encore critiquer. Alors, un
moment donné, il faut savoir sur quel pied danser. Il ne peut pas y
avoir trois, quatre sortes de régimes de justice au Canada. Encore
aujourd'hui, on parle vraiment de médecins qui ont déjà
été condamnés, et là on voudrait que les
médecins qui ont déjà été condamnés,
qui ont subi leur peine soient obligés d'avoir une affiche dans leur dos
en disant: J'ai déjà été suspendu pour deux ans, ou
trois ans, ou quatre ans, ou cinq ans par ma profession. Est-ce qu'on fait
ça dans le système ordinaire de la société? Est-ce
que les chartes des droits s'appliquent aux professionnels comme aux citoyens
ordinaires? Où est-ce qu'est la réhabilitation? Il faut, un
moment donné, que les gens sachent qu'il y a des lois, qu'on bonifie les
lois pour protéger le public, protéger les citoyens partout,
partout, dans tous les domaines. Mais, un moment donné, qu'on ne chiale
pas lorsque les lois sont appliquées, et qu'on n'est pas satisfait, par
ailleurs, des lois.
Mme Caron: M. Roy, vous avez parlé, et j'avoue que vous
m'avez particulièrement surprise lorsque vous nous avez dit que jamais
l'Office, en 18 ans, n'avait fait de surveillance ou ne vous avait... n'avait
demandé de comptes à la Corporation des médecins
concernant le système disciplinaire.
M. Roy: Les seuls moments où on a rencontré
l'Office - c'a été très rare qu'on a rencontré
l'Office dans son ensemble - c'a été généralement
pour discuter de projets de règlement, de projets de règlement,
mais pas pour analyser, par exemple, le rapport annuel, la structure; c'est
ça qu'on pense qui devrait être le rôle de l'Office:
s'asseoir - pas, évidemment, tous les ans avec toutes les corporations:
peut-être que ça serait trop fastidieux, trop long -mais une fois
de temps en temps, faire ce qu'on appelle une inspection professionnelle, un
agrément, comme nous on fait dans les hôpitaux et dans les
cabinets de médecins, et dire: Écoutez, on prend la
journée, ou on peut prendre deux jours, et on regarde comment ça
se passe. On a les rapports annuels, on a les statistiques. Mais au lieu de
faire ça, l'Office a pondu récemment une espèce de patente
administrative qui n'a ni queue ni tête qui s'appelle les indices de
performance, pour mesurer les façons des corporations d'accomplir leur
tâche en les comparant les unes aux autres. C'est du vrai charabia,
incompréhensible. Je comprends que ça puisse coûter cher,
faire fonctionner l'Office, si on passe des mois et des mois à
préparer des documents semblables.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Caron: M. Roy, dans le mémoire de la
Fédération nationale des associations de consommateurs, ce matin,
on faisait référence, en page 13, à votre corporation
professionnelle; alors, je voudrais vérifier avec vous si, selon vous,
ces chiffres sont exacts, et comment, peut-être, on peut les
expliquer.
Alors, «si on prend - et je les cite -l'exemple de la Corporation
professionnelle des médecins où un comité d'examen des
plaintes existe depuis 1970, il y a quand même 96 % des plaintes qui ne
se rendent pas au comité de discipline. L'efficacité et le
rendement de ce comité au niveau du traitement des plaintes est
plutôt faible. La création d'une telle instance au sein de chaque
corporation professionnelle, telle que proposée dans l'avant-projet de
loi, ne constituerait pas une garantie pour les citoyens et citoyennes que le
système de traitement des plaintes des corporations professionnelles
serait crédible et impartial.» Est-ce que, selon vous, ces
données sont justes, que 96 % des plaintes ne se rendent pas au
comité de discipline dans votre Corporation?
M. Lair: C'est vrai, mais ce qu'est... C'est vrai, effectivement,
grosso modo, parce qu'il faut comprendre qu'il faut faire une distinction entre
une plainte formelle, assermentée devant un comité de discipline,
et une plainte qui vient d'un patient. On peut regrouper plusieurs plaintes
d'un patient et en faire une seule plainte. Ceci étant dit, les
statistiques dont vous mentionnez sont à peu près vraies, sauf
que, même si ça ne se rend pas au comité de discipline,
ça ne veut pas dire que, comme on a dit ce matin, que la plainte est
rejetée. Elle n'est pas nécessairement rejetée. On retient
à peu près, grosso modo, 45 % à 50 % des plaintes. Le fait
de retenir une plainte, ça ne veut pas dire qu'il faut aller en
discipline; ça veut dire qu'il faut faire quelque chose, et là on
peut prendre des mesures préventives, on peut mettre en place des
mécanismes, des rencontres, ou encore des inspections ou des
séances d'éducation pour régler un problème. Alors,
quand on dit que 96 % des plaintes sont rejetées, ce n'est pas la
vérité.
M. Roy: En fait...
M. Lair: On les retient et on regarde ce qu'il faut faire. Est-ce
qu'il faut aller en discipline? Quand il faut y aller pour les fautes lourdes,
on y va. Mais on ne s'amuse pas à aller en discipline pour des fautes
légères, ce qui ne règle absolument rien. Il faut regarder
c'est quoi, le meilleur mécanisme pour protéger le public, et
c'est ce qu'on fait, mais c'est mal compris.
M. Roy: Mme la députée de Terrebonne, en fait, je
le dis souvent, c'est comme les gens qui se plaignent à un poste de
police. Durant la journée, la police peut recevoir 100 plaintes. Combien
de ces plaintes-là vont aller, effectivement, devant le tribunal
pénal ou criminel? Très, très, très peu. Il peut
n'y en avoir aucune. En fait, quand on analyse les plaintes qui sont
portées ici, le traitement qui y est fait, on compare ça avec le
rapport du Protecteur du citoyen. J'ai apporté, effectivement, pour
laisser à la commission, des réponses au rapport du Protecteur du
citoyen. Quand on regarde le rapport du Protecteur de 1990-1991, le Protecteur
a refusé 11 136 des 20 178 plaintes, demandes d'intervention, soit 54 %
de ces demandes qui ont été refusées d'emblée. De
plus, 935 demandes ont été retirées par les demandeurs,
soit 4,5 %. En fait, à la fin, il y a seulement eu 2468 demandes qui ont
été acceptées, mais en traitement. Qu'est-ce que vous
voulez? Les plaintes, ça veut dire que n'importe qui peut se plaindre de
n'importe quoi, mais il y a toutes sortes de gravité à
l'intérieur d'une plainte. Quand on parle de 4 %, c'est 4 % qui vont
devant le comité de discipline. Comme le dit le syndic, le Dr Lair, il y
a 50 % des autres plaintes et plus qui sont étudiées par les
syndics, par le comité d'examen des plaintes et pour qui il y a des
recommandations qui sont faites.
Mme Caron: Merci, M. Roy. Comme ma collègue des
Chutes-de-la-Chaudière voulait poser une petite question...
Le Président (M. Gautrin): J'ai bien compris, là.
Par règle d'alternance, je vais demander aux ministériels s'ils
ont une question. Il vous reste encore 10 minutes. Après, je reviendrai
à la députée des Chutes-de-la-Chaudière et,
éventuellement, au ministre, par règle d'alternance.
Mme Caron: Merci.
M. Savoie: II ne leur reste plus de temps, M. le
Président.
Le Président (M. Gautrin): non, non, ce n'est pas vrai. il
reste du temps à la députée des
chutes-de-la-chaudière pour pouvoir poser sa question.
M. Savoie: Je vais lui permettre de poser sa question, M. le
Président.
Le Président (M. Gautrin): Alors, Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière, vous avez la
parole.
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président.
Dans votre mémoire, vous déplorez les lenteurs administratives.
Vous en avez d'ailleurs fait allusion dans votre exposé de
départ. À la page 4, j'ai été surprise moi aussi de
voir qu'il pouvait y avoir des délais de quatre ans ou six ans pour
adopter des règlements. Par ailleurs, et sans vouloir être
méchante, je pense que vous allez comprendre mon franc-parier, je sais
que, parfois, il peut arriver qu'il y ait des lenteurs aussi du
côté des corporations. Je voulais faire référence un
petit peu au dossier des sages-femmes où le gouvernement a
légiféré depuis trois ans, voyez-vous, et où il y a
mésentente. Le dossier est bloqué et on n'a pas de projet de
réalisé.
De toute façon, ceci étant dit, ce que je voulais savoir
en clair, vous avez parlé un petit peu, tout à l'heure, des
charabias administratifs qui se passent à l'Office. J'imagine que c'est
en partie à ça que vous attribuez ces lenteurs-là.
À quoi attribuez-vous ces lenteurs-ià? Parce que je trouve que
c'est beaucoup aussi. Ce serait quoi, pour vous autres, un délai
acceptable? Comment on peut corriger cette situation-là?
Le Président (M. Gautrin): M. Brière.
M. Brière: Je pense que la réponse réside
beaucoup plus au niveau de l'Office et probablement du Bureau des
règlements qu'à notre niveau à nous. Je pense que l'Office
peut mieux que nous répondre à cette question-là parce que
c'est lui qui étudie nos règlements avec minutie, dans les
détails, qui nous rencontre, qui en discute encore, qui fait des
recommandations. Il y a des moments, par exemple, où il y a eu un
blocage systématique, et c'est dans le cas particulièrement du
règlement sur les conditions d'émission du permis, parce que
même si les élus du peuple avaient décidé, en 1974,
que les corporations pouvaient imposer des examens et des stages, quelques
années après l'entrée en vigueur du Code des professions,
l'Office contestait l'immatriculation et les conditions supplémentaires.
Je me souviens même des auditions publiques qui ont été
tenues sur les conditions supplémentaires et, pendant tout ce
temps-là, notre règlement a été bloqué
jusqu'à ce qu'on finisse par admettre que, oui, les conditions
supplémentaires pouvaient exister. Ça a pris 12 ans. Il y a des
choses comme ça.
M. Roy: C'est ce qu'on voulait dire quand on parlait
d'idéologie dans notre mémoire. Pour des motifs
idéologiques, l'Office, à un moment donné, a bloqué
des règlements. Qu'est-ce que vous voulez? Ça pourrait être
beaucoup plus rapide, beaucoup plus efficace. Évidemment, je ne peux pas
laisser passer l'allusion que vous avez faite au sujet des sages-femmes parce
que vous allez en entendre parler dans les jours qui viennent. Il va y avoir
des communiqués de presse.
Mme Carrier-Perreault: Même chose dans votre cas.
M. Roy: Faites la différence entre les corporations
professionnelles et les syndicats professionnels, les associations
professionnelles, une très grande différence. J'aimerais
ça avoir plus de temps pour vous donner... Je ne parle pas de vous
instruire. J'avais envie de dire de vous instruire, mais de vous donner plus
d'information sur ce qui se passe en réalité. Vous manquez vous
autres aussi d'information. Si je vous en donnais, vous seriez peut-être
éclairée et vous penseriez différemment. Le dossier des
sages-femmes est un dossier pourri. Ça va éclater dans les jours
qui viennent. Ça ne marchera pas. Je sais qu'il y a un projet-pilote
dans votre coin, je le sais très, très bien. Je connais
ça, les Chutes-de-la-Chaudière, mais écoutez...
Mme Carrier-Perreault: II y en a plusieurs au Québec.
M. Roy: ...je sais qu'il y a des problèmes parce que
ça se fait en opposition avec les médecins.
Le Président (M. Gautrin): Veuillez vous adresser à
la présidence dans la commission qui, elle, transmet les remarques aux
membres.
Mme Carrier-Perreault: II y en a plusieurs projets-pilotes.
Le Président (M. Gautrin): C'est le décorum, vous
le savez bien. Mme la députée.
Mme Carrier-Perreault: Disons que j'irai rencontrer le Dr Roy
après la rencontre ici. (16 h 30)
Le Président (M. Gautrin): Merci. Vous avez
terminé? M. le ministre et député d'Abitibi-Est.
M. Savoie: Est-ce qu'ils ont terminé leur temps, M. le
Président?
Le Président (M. Gautrin): Vous avez terminé votre
temps, vos questions? Merci. Alors, M. le député
d'Abitibi-Est.
M. Savoie: Ah, il ne leur reste plus de temps?
Le Président (M. Gautrin): Non.
M. Savoie: Non, c'est fini pour eux autres?
Le Président (M. Gautrin): C'est ça, oui.
M. Savoie: Merci, M. le Président. Alors, pour revenir
finalement à la liste, est-ce qu'on serait capables d'avoir une liste
rien que pour nous donner une idée de l'ordre de grandeur?
Une voix: Liste de?
M. Savoie: Une liste sur les plaintes que vous traitez d'une
façon sommaire et les fautes vénielles que vous traitez
finalement à l'interne?
M. Lair: Ah, une liste de grandeur. M. Savoie: Oui.
M. Lair: Je dirais peut-être quelque chose comme 40 %. Vous
savez, il faut comprendre aussi que les plaintes ne sont pas toutes des
plaintes de patients. Nous, dans nos statistiques qu'on appelle plaintes, on a
des problèmes qui nous sont soumis sous forme de demande d'intervention
sans que ce soit réellement des plaintes. Et les statistiques, on peut
leur faire dire n'importe quoi. Alors, c'est pour ça que je suis un
petit peu prudent quand je vous soumets des chiffres en pourcentage.
M. Savoie: On serait capables d'examiner ça, cette
liste-là, oui?
M. Lair: Oui, on pourrait sûrement vous donner le nombre de
cas où on a soumis des recommandations et les commentaires où on
a fait des interventions autres que la discipline pour des cas qu'on
considère, nous, comme pas graves.
M. Savoie: D'accord.
M. Roy: M. le ministre, juste pour ajouter là...
M. Savoie: Non. Je voudrais passer à d'autre chose, si
vous me permettez. C'est rien que pour avoir une idée de la .liste.
C'est parce que vous allez manger tout mon temps encore, là, Dr Roy!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Roy: Mais sur le même sujet, M. le ministre, je veux le
dire quand même. Sur plus que 10 000 plaintes - on en a fait la
compilation depuis les 18 dernières années - on en a entendu
parler d'une couple, le cas Bisson, le cas anchet-tin dans les journaux, les
affaires évidemment à sensation. Et vous m'avez
empêché de parler du cas Bisson qui est un cas que je connais
parce que, moi aussi, j'ai des parents à Saint-Joseph-de-Beauce, moi
aussi je savais ce que cette femme-là faisait. Moi aussi je sais ce
qu'elle a eu comme condamnation ailleurs. Alors, qu'est-ce que vous voulez? Le
seul endroit où elle a eu de la sympathie, c'est au comité de
discipline de la Corporation des médecins. Et quand elle a
été trouvée... que le médecin a été
trouvé non coupable, c'est au Tribunal des professions formé de
juges et non pas de médecins.
Le Président (M. Gautrin): M. Roy, je vous remercie.
M. Roy: II y a plein d'inexactitudes.
Le Président (M. Gautrin): Merci. Alors, M. le ministre,
sur une autre question.
M. Savoie: On devrait lui poser une «switch», M. le
Président. Ça irait... Je pense que...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gautrin): Je vous demande de respecter
nos invités dans leurs interventions.
M. Savoie: Alors, quelques commentaires très rapides au
niveau de votre mémoire, au niveau de la corporation fantôme. Je
pense qu'il voudrait que ce soit... On ne peut pas laisser ça sous
aucune ambiguïté. On ne peut laisser personne faire une
intervention dans ce sens-là, en laissant croire, même de la part
du Dr Roy, pour aucune considération, qu'on veut créer, qu'on
veut réduire l'indépendance des corporations professionnelles,
qu'on veut, par exemple, créer des corporations fantômes.
On comprend le sens de votre intervention. À votre façon,
vous nous dites: Si vous continuez comme ça, on n'a plus cette
indépendance et on va être des corporations fantômes. Mais
ce que je peux vous dire, c'est que le résultat ne vise d'aucune
façon et le résultat ne sera pas là... Ce qu'on veut,
c'est des corporations professionnelles en pleine santé, capables de
critiquer, comme vous le faites, le travail du gouvernement, le travail de
l'Office. C'est peut-être un petit peu moins dur, un petit peu plus
équilibré...
M. Roy: Oui, parce que...
M. Savoie: Mais c'est ce qu'on recherche, et le système a
été conçu comme ça, et c'est ça qu'on veut,
on ne veut, d'aucune façon, créer une supercorporation. L'Office
a un rôle à jouer et bien identifié. Il veut être en
mesure de le jouer; les corporations doivent le faire aussi, et le
Collège des médecins, malgré beaucoup de
difficultés, fait un effort de façon constante, dans un milieu
particulièrement difficile, de voir au développement de
mécanismes de protection assurée.
Je pense que l'ouverture que vous avez faite au niveau des plaintes est
louable. Je pense que ça, c'est très intéressant. On
l'apprécie et, évidemment, d'autres interventions que vous faites
au niveau des mécanismes, des suggestions que vous avez faites, c'est
également louable. Ce qu'on constate, par exemple, c'est qu'il y a des
efforts additionnels à faire. Le public n'est pas content et vous le
savez fort bien, il n'est pas content du Collège des médecins. Je
pense qu'à ce niveau-là l'image est très claire. Je pense
qu'on a eu des incidents dernièrement et ça nous demande des
interventions.
Maintenant, je ne dis pas que vous êtes à blâmer et
je ne lance pas la pierre. On est tous dans le même bateau. On fait tous
face à la même réalité et on doit tous
réagir. Tout ce que je peux faire, à ce moment-ci, c'est
finalement de dire qu'au moins, dans votre mémoire, il y a un
réalisme, il y a une approche. Les interventions du Dr Lair ont
été excellentes. L'approche est très viable et je suis
certain que, Dr Roy, vous allez reconnaître qu'il faut maintenir nos
efforts de ce côté-là. Ça fait partie de notre
travail et ça fait partie du vôtre de collaborer dans cette
orientation pour le bien de la protection du public.
M. Roy: Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Gautrin): Dr Roy.
M. Roy: On ne veut pas vous forcer à nous aimer. On veut
simplement que vous appréciiez ce qu'on fait et nous traiter justement.
Ce qu'on n'apprécie pas, c'est quand l'Office des professions se
substitue à son pouvoir et vient critiquer injustement le travail de
certaines corporations, dont la nôtre. Ça, on ne peut pas
l'accepter. On accepte que l'Office contrôle ce qu'on fait, il est le
bienvenu chez nous mais on n'accepte pas qu'il prenne des positions publiques
irresponsables, illégales sur des sujets qu'il ne connaît pas du
tout. Ça, on ne peut pas l'accepter. Et, s'il y a des mauvaises
perceptions dans le public, c'est dû à ces choses-là. C'est
bien sûr, on juge une corporation sur deux ou trois petites affaires et
on ne nous laisse même pas la chance de l'expliquer et quand on
l'explique, évidemment, c'est tout rapporté faussement et de
façon partielle, parcellaire par les médias qui ne cherchent que
la sensation. Je dois vous dire moi que la Corporation fait très bien
son travail et je vous défie de prouver le contraire. Je vous invite
à venir la voir, j'invite l'Opposition également à venir
nous visiter. On vous ouvre les portes. Je l'ai dit à des journalistes
souvent, mais ils ne viennent jamais. Ils critiquent des fois mais ils ne
viennent jamais. Alors, je vous invite, venez voir ce qu'on fait et je peux
vous assurer qu'on fait le travail que vous nous avez demande-Le
Président (M. Gautrin): Merci.
M. Roy: ...dans le Code des professions et notre loi
professionnelle.
Le Président (M. Gautrin): il reste deux minutes aux
députés de l'Opposition.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors,
évidemment nous allons prendre ce temps pour vous remercier de votre
collaboration. Vous nous
avez donné des éléments nouveaux, des
éléments intéressants. Je pense qu'il apparaît
très clairement que la Corporation professionnelle des médecins
est une des corporations que le public connaît le mieux. Donc, c'est
sûr qu'au niveau du système disciplinaire nous avions davantage de
questions à vous poser puisque les cas particuliers qui ont
été soulevés relevaient de la Corporation professionnelle
des médecins. Moi, M. Roy, j'aimerais que vous puissiez déposer
le document dont vous nous avez parlé concernant le Protecteur du
citoyen et je vous remercie de votre participation.
Le Président (M. Gautrin): Merci, M. le ministre. Les
ministériels ont encore quatre minutes, est-ce que vous les prenez?
M. Savoie: Oui, merci, M. le Président, alors compte tenu
du retard que nous avons, je pense qu'il est entendu que nous allons nous
revoir sur ce dossier. Alors, au fur et à mesure qu'on avance au niveau
du projet de loi, suite à ces consultations, vous pouvez être
certain qu'on va communiquer avec les représentants du Collège.
Je vous remercie beaucoup pour votre mémoire.
Le Président (M. Gautrin): Dr Brière, Dr Lapierre,
Dr Roy, Dr Lair, Dr Prévost, la commission vous remercie pour votre
présentation. Je suspends les travaux pour trois minutes de
manière à permettre à l'Association des groupes
d'intervention en défense de droit - Santé mentale du
Québec et au Regroupement des ressources alternatives en santé
mentale de venir se présenter.
(Suspension de la séance à 16 h 38)
(Reprise à 16 h 42)
Le Président (M. Gautrin): La commission de
l'éducation va reprendre ses travaux. Avant de vous donner la parole,
Mme Ménard et M. Bousquet, je crois comprendre que j'ai une demande de
dépôt de document.
Alors, Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Oui, M. le Président. J'aimerais que soit
déposé le document du Dr Augustin Roy concernant le Protecteur du
citoyen.
Document déposé
Le Président (M. Gautrin): Je crois que le document est
pertinent. Le document est déposé à la commission.
Mme Caron: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gautrin): Mme Ménard et
M. Bousquet, vous connaissez les règles habituelles dans nos
commissions. Vous avez une période de temps d'une heure qui est
partagée en trois périodes de 20 minutes: 20 minutes pour vous
permettre de présenter votre mémoire, 20 minutes au parti
ministériel pour vous poser des questions - il peut être
fractionné en partie - et 20 minutes à l'Opposition pour aussi
faire le même travail. Alors, vous avez la parole.
Association des groupes d'intervention
en défense de droits - Santé
mentale
du Québec et Regroupement des
ressources
alternatives en santé mentale du
Québec
(AGIDD-SMQ et RRASMQ)
Mme Ménard (Fernande): Oui. Alors, si vous voulez bien, je
vais commencer. Étant donné que nous ne sommes sûrement pas
des vedettes ici aujourd'hui - on en a vu avant nous - si vous voulez bien, on
va...
Le Président (M. Gautrin): Les gens les plus humbles sont
souvent des vedettes.
Mme Ménard: ...nous allons présenter nos
associations, parce qu'on pense que c'est important que vous sachiez qui nous
sommes.
Alors, le Regroupement des ressources alternatives en santé
mentale du Québec - je représente ce groupe aujourd'hui - est
né dans les débuts des années 1980. Le Regroupement est
à la fois regroupement et mouvement. Il constitue un lieu de parole et
d'action pour des personnes qui, en raison de problèmes de santé
mentale, sont considérées et traitées comme des exclues au
sein de notre société. Il existe très peu de lieux
démocratiques qui permettent une telle expression dans nos structures
actuelles. Le Regroupement est composé de 90 groupes membres
répartis dans toutes les régions administratives du
Québec. Ces groupes sont variés quant à leurs objectifs et
à leurs activités: entraide, hébergement, défense
de droits, insertion au travail, milieu de jour, écoute, intervention de
crise, et j'en passe. Usagers et usagères, intervenants et intervenantes
partagent la même volonté d'offrir aux personnes aux prises avec
des problèmes de santé mentale le droit à l'alternative,
c'est-à-dire à une façon autre que celle
préconisée par le réseau public de psychiatrie ou par le
secteur privé, de faire face à la souffrance
émotionnelle.
Un des objectifs du Regroupement est de faire en sorte que la personne
aux prises avec des problèmes de santé mentale redevienne partie
prenante de son histoire et partie prenante de la société. Le
Regroupement favorise donc l'association entre psychiatrisés,
l'implication des psy-chiatrisés dans toutes les étapes et les
structures de fonctionnement des ressources, c'est-à-dire c.a.,
planification des activités, représentation à
l'extérieur, travail thérapeutique d'accompagné-
ment de pairs, etc. Cela s'avère impossible dans le réseau
public. Les services, même très personnalisés, très
humains, très corrects maintiennent l'individu dans une relation de
dépendance où il n'est que consommateur de services. Le
Regroupement vise à briser ce modèle et à proposer une
façon différente de concevoir la personne au centre du
système.
Nous savons que l'appellation «psychiatrisé» en
choque plusieurs, à commencer par les psychiatres. Elle dérange
aussi ceux et celles qui disent que ce mot entretient les
préjugés dans la population. Or, ce terme, que nombre de
psychia-trisés eux-mêmes ont choisi de se donner et de projeter
sur la place publique, ne fait que renvoyer à la société
elle-même cette évidence qu'il existe bel et bien chez nous un
pouvoir psychiatrique qui opprime et que la première forme de
préjugé consiste à ne pas le reconnaître.
Historiquement, le Regroupement a été le premier organisme
au Québec à se préoccuper activement de la défense
des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale. Ce
faisant, il renouait avec le fameux «Les fous crient au secours» de
Jean-Charles Pagé, un psychiatrisé interné à
Saint-Jean-de-Dieu et dont le livre, plus que les recours juridiques existants
à l'époque, allait lever le voile sur les conditions de vie
dégradantes des personnes internées et sur la violation
systématique de plusieurs de leurs droits fondamentaux. Il est
significatif, en effet, que, parmi les groupes à l'origine du
Regroupement, les ressources axées résolument sur la
défense de droits aient pris une importance capitale. Les
premières sorties publiques du Regroupement ont remis en cause le
système asilaire, le pouvoir psychiatrique et les préjugés
de la société face a tous ceux et celles qu'on appelle les
«fous». À travers ses préoccupations, le regroupement
a questionné la curatelle, remis en cause également la Loi sur la
protection du malade mental, contesté l'inefficacité des recours
pour les personnes aux prises avec des problèmes de santé
mentale. On s'est aussi prononcé à maintes reprises pour
réclamer un système efficace de défense des droits des
personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale; 90
groupes membres, ça veut dire que c'est des milliers et des milliers de
personnes dont la plupart ont été victimes de la psychiatrie et
qui ont très peur du système et qui jamais ne porteraient plainte
parce qu'ils auraient peur. C'est au nom de ces personnes-là qu'on vient
parler aujourd'hui.
M. Bousquet (Mario): L'Association des groupes d'intervention en
défense de droits-Santé mentale du Québec, l'AGIDD-SMQ,
que je représente aujourd'hui, a été fondée lors de
son assemblée générale le 7 décembre 1990. Il
s'agit en fait d'une transformation du groupe Auto-psy provincial
(Autonomie-Psychiatrisés). Des groupes de promotion et de défense
de droits en santé mentale se sont alors joints aux cinq Auto-psy pour
former cette association. Auto-psy a été créé en
1980 et s'est donné comme mandat la promotion et la défense des
droits des personnes ayant ou ayant eu des problèmes de santé
mentale. En plus d'avoir développé une expertise dans la
défense de droits individuels et collectifs, Auto-psy s'est
impliqué dans plusieurs dossiers politiques, présentation des
mémoires à la commission de la culture, étude de la loi
d'accès aux documents; commission des affaires sociales, étude du
projet de la politique de santé mentale.
Auto-psy provincial a également produit des vidéos
relatant notamment les conditions de vie des personnes ayant un vécu
psychiatrique, dont «De la matrice à l'asile» en 1982,
«La psychiatrie va mourir» en 1982, «Salaire de rien»
en 1984, «Les gens qui doutent» en 1984. Comme autre document de
vulgarisation, Auto-psy a produit un guide des droits ainsi qu'un guide des
médicaments du système nerveux central.
En 1989, la politique de santé mentale vient mettre sur pied des
groupes de promotion et de défense des droits. Auto-psy sent alors le
besoin de se rallier à ces groupes au sein d'une nouvelle association,
AGIDD-SMQ, dans un but de soutenir à un niveau provincial le
développement de la promotion et la défense des droits par un
regroupement d'usagers et usagères. Plus de 37 groupes sont membres de
l'AGIDD-SMQ. Ils se sub... Ils se sub... En tout cas, ils se divisent en trois
catégories.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gautrin): Ce n'est pas grave.
M. Bousquet: Les groupes d'entraide et d'accompagnement - faisant
exclusivement la défense de droits - des groupes de promotion-vigilance
- avec volet droits - et les comités de bénéficiaires des
institutions psychiatriques.
Pourquoi nous présenter devant la commission parlementaire
chargée d'étudier l'avant-projet de loi concernant le Code des
professions? En tant qu'organismes provinciaux regroupant des usagers et
usagères des services de santé et des services sociaux et plus
particulièrement dans le champ de la santé mentale, nous nous
réjouissons de voir au menu législatif la réforme des
corporations. La société québécoise est en droit de
s'attendre à un véritable débat sur le fonctionnement et
le rôle que l'on confie à ces corporations, principalement au
niveau des syndics et des comités de discipline.
Notre expérience au niveau des corporations se situe davantage au
niveau des psychologues, des médecins, des psychiatres, des travailleurs
sociaux. Notre position en tant que regroupements provinciaux nous amène
très souvent et
malheureusement à faire face à un constat d'impuissance et
d'indignation en ce qui a trait aux droits de l'usager et l'usagère d'en
appeler d'une corporation.
Un système qui a perdu toute sa crédibilité. Afin
de mieux illustrer l'inefficacité des corporations en matière
disciplinaire, point n'est besoin de citer de noms, quelques chiffres
suffisent. Ainsi, pour un total de 80 625 182 actes médicaux dont 3 698
402 en psychiatrie, 467 demandes d'enquête ont été retenues
par le syndic, dont seulement 15 furent transmises au comité de
discipline. Cette même corporation, rappelons-le, regroupe plus de 16 557
membres. Le nombre d'enquêtes totalise à peine 005 % des actes et
ne touche que 2,2 % des membres. (16 h 50)
Que faut-il en conclure? Que notre système de santé est
excellent? Que les professionnels sont vraiment au-dessus de tout
soupçon? Comment peut-on prétendre avoir un système de
défense des intérêts du public crédible avec de tels
chiffres? Aucune unité de production n'a la prétention d'une
telle perfection. Pour leur part, l'ensemble de nos membres ont fait le deuil
de leurs attentes face à ces supposés mécanismes de
recours. D'ailleurs, l'Office lui-même admet n'avoir reçu, en
1989-1990, que 31 plaintes relatives au système disciplinaire. En
1988-1989, le rapport annuel ne mentionnait que 40 plaintes concernant les
mécanismes disciplinaires, et ce, face à 12 corporations
différentes. Si l'on considère le peu de
crédibilité dont jouissent les syndics, si l'on considère
également que le recours à l'Office lui-même est peu connu
du public, le nombre de plaintes peut être considéré comme
énorme. Il est surtout significatif de l'ampleur du problème. Il
nous faut donc revoir ces mécanismes de toute urgence.
Mme Ménard: Les principes généraux en
contradiction avec les rôles dévolus aux corporations. La Charte
canadienne des droits et libertés et la Charte des droits et
libertés de la personne du Québec ont pour effet de renforcer Tes
droits des citoyens et citoyennes en reconnaissant plusieurs droits
fondamentaux. Ces chartes imposent l'obligation d'agir et de prendre des
décisions avec objectivité, impartialité, sans
intérêt personnel, préjugé ou parti pris et sans
tenir compte des pressions extérieures. Les tribunaux administratifs
sont généralement régis par ces grands principes.
D'ailleurs, l'article 4 de la Loi sur la fonction publique reconnaît le
principe qu'un tribunal administratif doit jouir d'un haut degré
d'indépendance afin d'offrir les meilleures garanties
d'impartialité. Or, comment parler d'impartialité,
d'objectivité, lorsque la loi confie aux corporations deux mandats, soit
la protection du public et la protection de leurs membres? Ceci constitue pour
nous ce que nous appelons un conflit de rôles. Les intérêts
des deux clientèles visées par les mécanismes de plaintes
ne sont pas nécessairement compatibles ni convergents. Il s'agit
là d'une position insoutenable pour les uns et les autres et qui se doit
de disparaître. Malheureusement, rien dans la réforme ne nous
permet d'envisager une évolution en ce sens.
Un autre principe nous anime visant un meilleur équilibre entre
le citoyen-citoyenne et le ou la professionnelle: la transparence absolue dont
doivent faire preuve les comités de discipline. Ces principes et ces
constats nous amènent donc à proposer au législateur la
mise en place d'une structure indépendante dont la seule mission serait
la prise en compte des intérêts du public. Avec le Protecteur du
citoyen, nous réaffirmons: II faut éviter de donner au citoyen
l'impression que ces organismes ne sont que des bureaucraties comme les autres.
Les tribunaux administratifs autonomes doivent être et apparaître
indépendants et impartiaux. Il en va de la confiance du citoyen.
Malheureusement pour nous, déjà, la notion de confiance en ces
structures est perdue et ça, depuis bien longtemps. Il nous faudra donc
redonner à la personne un véritable lieu où elle pourra
faire valoir ses droits sans que ce lieu serve en même temps à
protéger les intérêts du professionnel. Ce lieu devra
garantir un maximum d'objectivité et d'impartialité.
Or, l'objectivité ne peut exister lorsque nous considérons
les trois niveaux de structure actuels et le rôle des syndics et des
corporations, soit l'enquêteur, le dénonciateur et finalement le
procureur. Nous pourrions parler de conflit d'intérêts, mais ce
terme ne situe pas véritablement le rôle que la corporation est
appelée à jouer. Comment peut-on juger des faits qui constituent
la preuve sur laquelle repose la plainte lorsqu'on est soi-même
appelé à recueillir les éléments de cette preuve?
Les corporations peuvent très bien assumer le mandat de protéger
leurs membres, et ce, tout en surveillant la qualité de l'acte, mais non
sous le couvert de la protection du public. En effet, les corporations
professionnelles ont tout intérêt à maintenir un haut
niveau de qualité de pratique chez leurs membres. Une telle intervention
est d'ailleurs pratique courante et c'est dans ce sens que le système
disciplinaire s'applique, c'est-à-dire à l'intérieur des
professions elles-mêmes, en tant que mécanisme
d'autorégulation pour la corporation. Ceci ne saurait constituer
d'aucune façon un mécanisme de recours pour le citoyen et la
citoyenne.
Il nous faut une structure qui n'aura pas à vivre avec
l'ambivalence et parfois l'antagonisme de la défense et de la couronne.
En effet, notre système judiciaire a bien clarifié ces deux
champs d'intervention. Une même personne ne peut être à la
fois couronne et défense. Or, la réforme proposée
s'entête à tenter d'améliorer le système
disciplinaire existant à l'intérieur même des corporations,
sans en remettre en cause les
fondements. En proposant de nommer un avocat comme président et
deux autres pairs, elle ne règle en rien le conflit de rôles. De
plus, il nous faut tenir compte du pouvoir discrétionnaire du syndic, et
ce, dans la majorité des cas. En effet, ce dernier a à
déclarer s'il réclame une enquête ou s'il en appelle du
comité de discipline. La réforme ne modifie en rien ce rôle
de syndic. Le syndic demeure tout à fait libre du choix de la
procédure utilisée et, qui plus est, il peut traiter
l'information à sa discrétion, et ce, sans obligation de tenir la
personne concernée au courant des suites sauf, bien entendu, si cette
dernière demande enquête. Le syndic aura alors à justifier
sa décision de ne pas porter plainte.
Là où nous retrouvons une modification importante
réside dans ce que le Protecteur du citoyen qualifie de «pouvoir
lié». Dorénavant, l'article 155 rendrait impossible la
répétition d'une situation qui a prévalu
dernièrement face à un psychiatre ayant à son compte des
accusations criminelles dans une autre province et qui pratiquait au
Québec. Nous avons là un exemple frappant de la
non-partialité des corporations. Nous ne pouvons en effet passer sous
silence la réaction de M. Augustin Roy de la Corporation des
médecins déclarant qu'il n'avait pas à juger l'homme deux
fois. Le rôle de M. Roy se situait-il au niveau de la protection du
public ou de celle de ses membres? C'était probablement un cas
léger comme on en parlait tantôt, n'est-ce pas!
Quant à nous, une évidence s'impose. Si on veut
réellement se doter d'un système garant de la protection des
droits du public, il nous faudra sortir du giron des corporations. Me
Jean-Pierre Ménard, éminent avocat en matière de droit de
la santé, déclarait justement: Le syndic ne se présente
devant le comité de discipline qu'avec des preuves absolument
écrasantes. Par ailleurs, si un individu décide, malgré le
syndic, d'en appeler de la décision de ce dernier, il s'agira alors
d'une plainte privée. Cette personne sera donc placée dans la
situation d'avoir à se défendre non seulement contre le
professionnel mais également contre la Corporation. Ce système
devient donc inaccesible tant humainement que financièrement pour
l'ensemble des citoyens et citoyennes, doublement évidemment pour les
psy-chiatrisés et psychiatrisées. Il s'agit concrètement
pour la personne de faire le travail du syndic, soit protéger le public.
De plus, un plaignant privé risque également d'engloutir une
fortune financière et toute sa crédibilité. Rappelons-nous
simplement de l'affaire Patricia Bis-son de la Beauce - on en a parlé
tantôt - pour constater l'immense dégât qu'une telle
démarche risque de provoquer.
M. Bousquet: Si nous voulons un système de justice douce,
il nous faut sortir des corporations. La Corporation des médecins vit
présentement une situation que l'on pourrait qualifier ironiquement de
névrose de la poursuite. Lorsqu'un syndic décide de ne pas porter
plainte au comité de discipline, la personne concernée
reçoit comme unique réponse la formule suivante: Après
enquête, le syndic a décidé de ne pas porter votre plainte
devant le comité de discipline. Toutefois, des recommandations ont
été faites au médecin. Le syndic Rémi H. Lair
déclarait: On hésite à donner trop d'informations. On ne
veut pas que les lettres envoyées aux plaignants soient utilisées
contre les médecins devant les cours civiles. Or, cette phobie des
poursuites face aux tribunaux civils et ce mutisme du syndic poussent les
consommateurs devant un choix unique. Des poursuites en matière civile.
En effet, ne pouvant compter sur les syndics et les comités
disciplinaires des corporations, l'individu pour qui il y a eu préjudice
n'a d'autre choix que de se retourner vers le recours au civil.
Pour une structure garantissant un meilleur respect des droits. Nous
proposons donc que soit retiré aux corporations le mandat de la
protection du public et que soit mise sur pied une nouvelle structure; que
l'Office des professions engage un commissaire spécifique à la
déontologie, ce dernier relevant également adminis-trativement de
l'Office. Tout comme le Protecteur du citoyen, nous jugeons important qu'il y
ait un commissaire à la déontologie professionnelle par
profession. Ce dernier devrait être choisi par un comité de
sélection formé d'un représentant de la corporation
visée et d'un représentant de l'Office et également d'un
représentant du public non membre d'une corporation professionnelle. Ce
commissaire à la déontologie devrait également ne pas
être membre de la corporation qu'il représente. Les commissaires
seraient appelés à jouer le rôle du syndic, soit recevoir
la plainte, évaluer sa pertinence, rejeter ou porter plainte devant le
tribunal de la déontologie professionnelle et ce, sous le chapeau de la
poursuite. Il faudra donc donner aux commissaires des pouvoirs
d'immunité et des pouvoirs d'enquête et ce, en vertu de la Loi sur
les commissions d'enquête. Ces mêmes commissaires devraient, dans
un délai de 60 jours, informer les personnes concernées de leur
décision et de leur motivation.
Un droit d'appel. Toute personne non satisfaite de la décision du
commissaire pourrait en appeler directement via le président du
tribunal. Ce processus d'appel devrait permettre la révision du dossier
de même que l'ajout de preuves nouvelles, la poursuite de
l'enquête. L'obtention d'une réponse à la personne devrait
également se faire dans un délai de 60 jours. Une telle structure
demande également qu'il y ait autant de divisions qu'il existe de
corporations. Le tribunal serait formé de trois membres: le
président serait membre du Barreau, un membre recommandé par la
corporation professionnelle visée et un membre choisi après
consultation
auprès des groupes de base et des associations de consommateurs
visés particulièrement par la pratique.
Ce tribunal s'assurerait de garder un caractère public qui ajoute
une garantie supplémentaire à l'impartialité. Une personne
ou tout groupe pourrait en appeler de ce tribunal. Nous revendiquons
également le droit pour une personne qui le désire d'être
accompagnée par une personne de son choix lors de toutes ses
démarches concernant une plainte contre un professionnel. Nous
précisons que ce droit s'appliquerait également lors d'expertises
ou de contre-expertises médicales. Nous connaissons bien les enjeux
importants pour les personnes lorsqu'elles doivent déposer une plainte
contre un professionnel. Cela implique souvent plusieurs étapes à
franchir et parfois, pour certaines personnes, ces étapes sont les lieux
qui permettent à des gens de faire de l'intimidation ou d'acheter tout
simplement le silence.
L'article 11 de la loi 120, loi sur la santé et les services
sociaux, reconnaît ce droit. Cependant, l'interprétation de
l'article 11 ne permet pas, pour l'instant, à une personne d'être
accompagnée lors d'un examen médical ce qui, à notre sens,
s'il ne s'y retrouve pas spécifiquement nommé pour cette
démarche, ne pourrait être appliqué. Et, finalement, nous
demandons également qu'une plainte faite par un tiers soit jugée
comme recevable. L'article 70 de la Charte des droits et libertés de la
personne du Québec donne le pouvoir à un organisme voué
à la défense des droits et libertés de la personne de
porter plainte au nom de cette dernière en autant que celle-ci y ait
consenti par écrit. Nous réclamons que le tribunal puisse
également entendre ces groupes.
Au niveau du conseil d'administration de l'Office, il faut
également garantir que le conseil d'administration de l'Office puisse
être porteur des principes généraux qui sont
l'impartialité et la garantie de l'objectivité dans le respect
des droits fondamentaux. Ceci ne peut se faire en vase clos où l'on ne
retrouverait que des pairs. Aussi, la composition du conseil d'administration
devrait être la suivante: un tiers, membres du public non-membre des
corporations professionnelles, un tiers, membres des corporations et un tiers,
membres des groupes de défense des droits des consommateurs. (17
heures)
Mme Ménard: L'équité hommes-femmes. Nous
aimerions porter à votre attention un principe qui, selon nous, devrait
également être inclus, soit l'équité dans la
représentation hommes-femmes. En effet, il nous faudrait mettre l'accent
sur la présence équitable des femmes dans les nouvelles
structures. La réalité démontre que ce sont les femmes qui
consultent le plus et qui utilisent davantage les services de santé et
les services sociaux et ce, d'une façon beaucoup plus marquée que
les hommes. Il est donc primordial pour nous de retrouver une place
égalitaire pour la représentation sur le conseil d'administration
de l'Office.
Garantir au public un examen crédible des plaintes par un
mécanisme externe et indépendant des différentes
corporations qui relèverait de l'Office des professions est, à
notre avis, un pas de plus vers une plus grande impartialité et une
meilleure justice sociale. En plus d'offrir un mécanisme crédible
et transparent, il faut également le rendre accessible et à la
portée de main de toute la population. À notre avis, un
système comme celui proposé par le Protecteur du citoyen, avec
nos recommandations, devient le lieu d'un véritable recours pour le
citoyen. De plus, il en va de l'intérêt même des
professionnels que la société québécoise soit
dotée d'un mécanisme indépendant garantissant
impartialité, objectivité et transparence.
En terminant... Oh! Excuse-moi. O.K. Excusez-moi. Merci.
Le Président (M. Gautrin): Merci. Alors, M. le ministre et
député d'Abitibi-Est, vous avez la parole.
M. Savoie: Merci beaucoup, M. le Président. Alors je
voudrais souhaiter la bienvenue à cette commission à
l'Association des groupes d'intervention en défense de droits -
Santé mentale. Vous avez soulevé à juste titre le fait
qu'il y a effectivement 3 698 402 actes en santé mentale, en
psychiatrie. Il y a là-dessus 467 demandes d'enquête. Ce n'est pas
beaucoup. Est-ce que vous pensez que la majorité des infractions passent
inaperçues ou est-ce que vous pensez que le chiffre est à peu
près exact, là?
M. Bousquet: II faut comprendre, au niveau de la psychiatrie, que
les usagers et usagères qui sont dans les réseaux, qui sont dans
les institutions, sont très fragiles et très vulnérables
et que la confiance avec le professionnel qui lui donne des services est comme
primordiale pour lui; il n'ira pas porter plainte facilement. Donc, il a
à surmonter cette difficulté supplémentaire qu'un citoyen
qui possède toutes ses facultés ou qui possède tous ses
éléments n'a pas pour porter plainte. Alors le chiffre,
effectivement, est très bas.
Mme Ménard: Moi, je voudrais ajouter un autre
élément. Moi, ma connaissance du milieu - alternatif, en tout cas
- nous démontre que les personnes qui ont été
psychiatrisées sont très, très, très
médicamentées, donc, rendues très passives. Pour eux
autres c'est beaucoup plus difficile. Vous savez, quand on prend jusqu'à
17 médicaments par jour, je pense que c'est difficile de très
bien organiser sa pensée pour pouvoir porter plainte.
M. Bousquet: C'est d'ailleurs pour ça que la
politique de santé mentale visait à mettre sur pied des
organisations de défense de droits pour ces personnes-là, pour
aider à acheminer les différents recours. Pas juste au niveau des
corporations, mais à bien d'autres niveaux. Mais le constat, au niveau
des corporations professionnelles, de par mon expertise et de par
l'expérience que j'ai vécue dernièrement en
Montérégie, me laisse croire que quelqu'un qui fait plainte
contre son médecin, il se fart vite rabrouer parce qu'il est très
dépendant de son médecin et on lui fait des menaces
voilées déjà de par son éducation. On lui dit:
Écoute, si tu portes plainte contre moi, moi je ne suis plus ton
professionnel. Je m'en vais et trouve-toi-zen un autre. Donc, c'est trop pour
quelqu'un qui a des problèmes de santé mentale.
Mme Ménard: Et peut-être qu'un dernier
élément qu'on peut ajouter à ça, c'est que ce sont
des gens qui ont une estime de soi à zéro. Ce sont des gens qui
se pensent responsables de leur maladie. C'est des gens qui se sentent
coupables. Alors, à ce moment-là, il y a aussi un esprit critique
qui est très fort par rapport à eux-mêmes, mais qui est
peut-être beaucoup moins fort par rapport aux services qu'ils
reçoivent.
M. Savoie: Bon, alors, finalement, c'est 467, c'est très
bas...
Mme Ménard: C'est bien possible.
M. Savoie: On ne parle pas de 900 là. On parle de quoi,
700, 600 dans votre évaluation, 200,300 de plus?
M. Bousquet: Mais le 467 est un chiffre statistique. C'est le
chiffre qui est public actuellement. C'est le chiffre que la Corporation nous a
transmis. Alors, c'est 467 demandes d'enquête, dont seulement 15 ont
été retenues devant le syndic.
M. Savoie: Oui, c'est ça. On va arriver aux 15
tantôt. Là vous dites que c'est beaucoup plus élevé,
le 467. J'essaie d'avoir un ordre de grandeur. Pensez-vous que c'est 1467 ou
900?
M. Bousquet: C'est-à-dire que ce n'est pas plus
élevé, le nombre de plaintes officielles. Ce que je voulais dire
tantôt, c'est qu'il y a probablement plus de gens qui pourraient porter
plainte, mais compte tenu de la situation, il n'y en a que 467 qui ont fait des
demandes.
M. Savoie: Alors, vous pensez, combien de gens pourraient...
Mme Ménard: C'est très difficile à
évaluer, vous savez. Ça fait très peu de temps que les
associations de défense de droits ont été mises sur pied
avec mandat. Donc, on n'a pas vraiment... je pense que ces
associations-là n'ont pas vraiment eu le temps de bâtir des
statistiques à partir des plaintes qu'elles reçoivent pour dire
que nous autres on puisse donner un chiffre crédible.
M. Savoie: Oui, je sais. Votre sentiment, votre impression, votre
«feeling», est-ce qu'on parle d'une fraction ou est-ce qu'on parle
de...
Mme Ménard: moi je dirais qu'on parlait d'un pourcentage.
lequel? ah mon dieu! je pense que ce ne serait pas sérieux de notre part
si on en donnait.
M. Savoie: Vous n'avez pas d'idée. D'accord. Alors,
finalement, 467 c'est un chiffre officiel. Vous dites que c'est probablement
beaucoup plus élevé. Mais on ne sait pas ce que beaucoup plus
élevé veut dire.
M. Bousquet: C'est un peu comme les plaintes
légères pas définies.
M. Savoie: D'accord.
M. Bousquet: On ne peut pas...
M. Savoie: Non, mais c'est parce que c'est important dans notre
évaluation. Les 15, évidemment, c'est un élément,
mais quand même sur 3 700 000 plaintes, finalement. Actes,
plutôt.
M. Bousquet: Actes.
M. Savoie: II y a 467 plaintes. C'est quand même indicatif.
Vous avez, bon, présenté l'option du commissaire, ce qui est
intéressant, et il y a une autre chose, c'est que vous proposez que les
deux tiers du conseil d'administration de l'Office... Plusieurs de vos
recommandations, finalement, rejoignent un peu le Protecteur du citoyen. Vous
dites: Que les deux tiers du conseil d'administration de l'Office soient
composés de personnes... Là on a mis ce qu'on a pensé
valable, c'est d'introduire deux membres. Et pour maintenir quand même,
on parle quand même d'une structure qui régit les corporations
professionnelles, donc, ça demande une connaissance assez intime du
fonctionnement et des structures. Vous ne trouvez pas que c'est trop?
M. Bousquet: Non, et si on veut vraiment tenir l'objectif de
défendre l'intérêt du public, à mon avis il faut
donner la place au public et dans toutes les instances. Sinon, on ne cautionne
pas le jugement entre pairs. Donc, on dit: L'objectif c'est que ça vise
la protection du public. Alors, à notre avis, il faut donc laisser le
plus de place possible aux gens du public. Alors, on dit un tiers des membres
de la population et un tiers des organisations qui s'occupent de la
défense des droits des consommateurs.
Alors on dit: Eux, ils ont l'expertise. Et ils vont avoir le souci de
protéger véritablement le public. Or, c'est pour ça qu'on
donne davantage actuellement, même si on ajoutait deux autres membres
venant du public sur la proposition qui est faite sur la table, à notre
avis, il y a toujours une majorité de professionnels et on ne va pas
vers une réelle volonté de vouloir défendre les
intérêts du public. (17 h 10)
M. Savoie: D'accord.
Mme Ménard: Est-ce que je peux rajouter juste une toute
petite chose sur ça?
M. Savoie: Certainement, oui.
Mme Ménard: Je pense que, quand on travaille dans les
milieux communautaires, on se bute très souvent...
M. Savoie: Ça, ça a été
accordé ça.
Mme Ménard: ...justement à cette espèce
d'expertise où on dit que c'est difficile que les citoyens ordinaires
participent. Mais, moi, je trouve qu'on se bute aussi à un
problème où, dans les professions, on s'acharne sur un langage
qui est très hermétique et qui ne permet pas à d'autres
personnes... Alors, il y aurait peut-être un ajustement à faire au
niveau du langage aussi pour permettre aux personnes qui n'ont pas
nécessairement une formation, mais beaucoup de jugement, de participer
à ces décisions-là.
M. Savoie: merci. au niveau de l'article 155, est-ce que
ça rencontre finalement l'orientation que vous voulez donner au niveau
des abus?
M. Bousquet: Oui. Je pense que... Si je le retrouve dans le
mémoire.
M. Savoie: Vous en avez fait mention, de l'article 155, dans
votre présentation. Vous avez dit: Bien, ça couvre
déjà une bonne partie de la distance, mais... Alors, si je
comprends bien, c'est que, finalement, vous êtes les premiers
préoccupés par l'article 155, surtout avec ce qui s'est
passé dans l'affaire Warnes, il n'y a pas tellement longtemps. 155,
ça vous va?
M. Bousquet: Oui. Je pense que dans le texte... Je vais juste le
retrouver dans le texte, pour bien resituer...
M. Savoie: D'accord. C'est vers la fin. Ça, ça ne
compte pas sur mon temps, M. le Président.
Le Président (M. Gautrin): Non, non, non, non.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Ménard: Non, non. Ça compte sur le
nôtre.
M. Bousquet: C'est nous.
Le Président (M. Gautrin): Non, non. Ce n'est pas sur le
vôtre non plus, chère madame.
M. Savoie: Non, non. Vous n'en avez plus de temps. Vous
êtes sur mon temps.
Le Président (M. Gautrin): Est-ce que vous voulez que je
suspende pendant une minute pendant le temps que vous cherchez?
M. Savoie: S'il vous plaît, M. le Président. M.
Bousquet: Oui, une minute. Oui.
Le Président (M. Gautrin): Alors, je suspends pendant une
minute les travaux de cette commission. Les travaux sont suspendus.
(Suspension de la séance à 17 h 13)
(Reprise à 17 h 14)
Le Président (M. Gautrin): Alors, est-ce que vous
êtes prêt à répondre?
M. Bousquet: Oui, oui.
Le Président (M. Gautrin): La commission est prête
à reprendre ses travaux et M. Bousquet, vous êtes prêt
à répondre à la question de M. le ministre.
M. Bousquet: Oui. D'ailleurs, au niveau du pouvoir lié,
effectivement, l'article 155 viendrait empêcher la
répétition de ce qui venait de se produire dernièrement au
niveau du psychiatre qui avait eu des accusations d'agression sexuelle et qui
voulait pratiquer ici. Donc, l'article 155 répond bien,
empêcherait, en fait, des gestes comme celui-là et on est d'accord
avec.
M. Savoie: D'accord. Une dernière intervention pour le
moment. Une notion qui demande qu'un organisme puisse, au nom d'une personne,
porter plainte, oui, ça, je peux vous dire que ça attire beaucoup
mon attention et je trouve ça intéressant, surtout dans les cas
de santé mentale.
M. Bousquet: Oui.
M. Savoie: Oui. On vous remercie beaucoup pour la recommandation.
Peut-être que Mme la députée de...
Le Président (M. Gautrin): Attendez un instant. Vous avez
terminé votre intervention?
M. Savoie: Oui, oui.
Le Président (M. Gautrin): Bon! Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gautrin): De Terrebonne, c'est ça,
oui.
Mme Caron: II va falloir l'apprendre, hein! Ça fait
déjà plus d'un an là!
Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de
Terrebonne!
Mme Caron: Alors, Mme Ménard, M. Bousquet, je tiens
à vous remercier parce que je pense que vous représentez un
groupe particulier et je pense que vous avez bien défini à quel
point ces personnes sont vulnérables et à quel point le manque de
confiance, à quel point aussi, parfois, l'utilisation de
médicaments peut rendre l'accès à une plainte
extrêmement difficile. À ce chapitre-là, il semble
extrêmement important, comme le donnait en dernier le ministre, qu'on
puisse utiliser dans ces cas-là une personne ou un groupe qui pourrait
aider la personne à déposer une plainte et à formuler une
demande. Parce que je pense que, comme vous nous l'avez présenté,
peu importe le système, aussi bon le système sort-il, le
système sera le plus impartial, le plus transparent, le plus efficace,
cela n'enlèvera pas le problème pour la personne qui a
vécu des difficultés en santé mentale de déposer
une plainte. Je pense qu'à cet égard-là c'est
sûrement une de vos priorités.
M. Bousquet: Oui, effectivement, on a ce
problème-là. D'ailleurs, nos organisations s'occupent, en fait,
de défense de droits en général et on s'aperçoit
que, lorsqu'on aide et qu'on accompagne ces personnes-là dans l'exercice
de leurs recours, on voit que, de plus en plus, un, ça permet à
la personne de prendre du pouvoir sur lui et d'avoir une certaine confiance et,
de deux, de vraiment exercer son droit. Je pense qu'intégrer, surtout au
niveau des plaintes, au niveau de la corporation, ce qu'on vit actuellement,
c'est très lourd au niveau des personnes, elles doivent affronter
ça seules... Alors, si on pouvait légaliser cet
article-là, toujours en s'inspirant de l'article 70 de la Charte
québécoise, je pense que ce serait un outil drôlement
intéressant pour ces personnes. Je pense qu'on pourrait donner un
support important et permettre à ces gens-là de vraiment recourir
à leurs droits.
Mme Caron: Lorsqu'on parle de protection du public, on parle,
évidemment, du système disciplinaire. Mais les corporations
professionnelles nous ont fait valoir que la protection du public avait une
base beaucoup plus large et on faisait principalement mention de l'importance
de la formation de base des professionnels, de la formation continue, des
modalités de délivrance de permis, du Code de déontologie
comme tel, de l'inspection professionnelle qui amenait une certaine
prévention, de l'assurance-responsabilité et du fonds
d'indemnisation. Est-ce que, pour vous, ces mesures-là sont aussi des
mesures de protection du public et doivent être maintenues de la part de
corporations professionnelles?
M. .Bousquet: Je pense que les corporations professionnelles
doivent avoir un rôle administratif et un peu ce rôle de
prévention, donner la formation. On ne peut pas être contre, on ne
peut pas être contre ça. Là où le bât blesse,
c'est vraiment au niveau du traitement des plaintes. Ça, ça
devrait être carrément retiré. Tant qu'aux autres aspects
qui, en fait, sont une certaine protection, si vous voulez, ou une
prévention des abus ou des situations qui peuvent arriver, je pense,
effectivement, qu'on ne peut pas être contre ça, la
prévention, mais je pense que tout le traitement de plaintes, la
structure même devrait être indépendante et
transparente.
Mme Ménard: Je voudrais peut-être ajouter juste une
petite chose. On pourrait... Je ne sais pas, je suis peut-être hors
d'ordre, mais ça va être 30 petites secondes. Je pense qu'il
faudrait aussi quand même, dans tout le processus d'éducation,
mettre un peu plus l'accent aussi sur l'éducation du public. Je pense
que notre clientèle a besoin de formation beaucoup et les moyens qu'on
a, évidemment, sont très, très, très restreints, et
je pense que c'est un ensemble. Il y a besoin d'information des deux
côtés.
Mme Caron: Je pense, Mme Ménard, que vous n'êtes
absolument pas hors d'ordre. De toute façon, lorsqu'on fait des
audiences publiques sur un sujet, tous les éléments sont
importants et ce n'est absolument pas d'être hors d'ordre. Et ce
côté d'information, je pense que... Évidemment, au niveau
des gens que vous représentez, c'est doublement important, mais il ne
faudrait pas croire que l'information sur le système professionnel est
une information que possède très bien la population.
Mme Ménard: Non.
Mme Caron: Je pense que...
Mme Ménard: Je pense que non.
Mme Caron: ...vous êtes loin de faire... Vos membres sont
loin de faire exception. Je pense que c'est une des caractéristiques, un
des
problèmes aussi auxquels on doit faire face. Moi, je vous avoue
bien humblement qu'avant de prendre ce dossier sous ma responsabilité,
j'aurais été très embêtée de vous parier de
notre système professionnel.
Vous nous avez parlé d'un élément et vous
êtes les seuls, je pense, à avoir touché cet
élément-là. Vous nous avez parlé de
l'équité au niveau de la représentation.
Mme Ménard: Oui.
Mme Caron: Et j'aimerais peut-être un petit peu vous
entendre davantage. Vous semblez relier cette équité-là au
fait que, finalement, beaucoup plus de femmes sont touchées par... (17 h
20)
Mme Ménard: Oui. Je pense que ça, si vous... On va
dans, par exemple, la politique santé et bien-être. Je pense que
c'est bien démontré, entre autres en santé mentale, que...
Il y a des chiffres à l'appui - je ne les ai pas, malheureusement - qui
démontrent que oui, au niveau de la psychiatrie, au niveau des services
en santé mentale, les femmes sont de grandes consommatrices. Elles sont
consommatrices de services, elles sont consommatrices de médicaments.
Mais, moi, je rajouterais quand même qu'elles sont aussi 53 % de la
population. Donc, en soi, ça pourrait aussi justifier... J'ai
été un peu frappée par la brochette qui était avant
nous et qui était décidément très 100 % mâle.
Et ça, moi, je trouve ça un peu inquiétant. Il me semble
qu'il y aurait encore des efforts à faire à ce niveau-là,
oui.
Mme Caron: Là-dessus, Mme Ménard, je vais
sûrement partager votre avis, évidemment.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Caron: Si vous regardez l'Assemblée nationale, avec 23
femmes sur 125, évidemment la brochette est extrêmement forte. On
ne peut pas parler non plus d'équité et on maintient les chiffres
de 53 %...
M. Bousquet: Exact.
Mme Caron: ...de la population, et je pense que là-dessus
vous avez parfaitement raison.
Mme Ménard, vous êtes revenue à quelques reprises
sur l'importance de la participation du public. Moi, j'aimerais un petit peu
faire la distinction. Lorsque vous nous parlez du tiers de membres public,
non-membres de corporations professionnelles, et le tiers de groupes de
défense des droits des consommateurs, pourquoi faire cette
distinction?
Mme Ménard: Si vous voulez, je vais laisser M. Bousquet
quand même répondre à cette question-là. Il s'y
connaît plus que moi.
M. Bousquet: Je pense que... Je vais donner l'exemple des
associations... bon, des ACEF, qui sont quand même très
près des diverses situations qui arrivent, et je pense... Au niveau de
la santé et des services sociaux aussi, elles s'impliquent beaucoup. Je
pense que ces groupes-là ont une expertise et je pense qu'ils seraient
habilités davantage à être membres de l'Office et
défendraient davantage le côté plus défense de
droits et de consommateurs. Les questions viendraient plus facilement parce
qu'ils font de l'accompagnement déjà, ils font déjà
de la défense de droits. Ils représentent aussi des consommateurs
de services. Donc, à notre avis, ils ont une expertise qui est
intéressante. C'est pour ça qu'on fait une distinction entre les
membres public en général et les membres d'associations de
protection des consommateurs. C'est vraiment parce qu'ils ont une expertise et
ils sont habitués aussi à traiter ce genre de dossier là.
Donc, ce ne serait pas nouveau et je pense qu'ils prendraient davantage partie
pour le public à ce moment-là, mais aussi avec quand même
une objectivité au niveau des faits, je pense, compte tenu
qu'eux-mêmes ils traitent déjà des cas et des plaintes
actuellement.
Mme Caron: Alors, M. le Président, ma collègue des
Chutes-de-la-Chaudière souhaiterait poser une question.
Le Président (M. Gautrin): Mme la députée
des Chutes-de-la-Chaudière, bien sûr.
Mme Carrier-Perreault: Une toute petite question effectivement.
Je partage, moi aussi, les commentaires de ma collègue concernant le
manque d'équité par rapport aux représentations
féminines-masculines.
Moi, cependant, je voulais vous demander, toujours par rapport à
la possibilité de nommer un conseil d'administration, d'aller chercher
un tiers de membres du public, non-membres des corporations, un tiers des
membres des corporations et un tiers des groupes de défense des droits
des consommateurs, je veux savoir: Est-ce que vous voyez un processus
différent quant à l'accession de ces membres-là au conseil
d'administration, parce que, présentement, ces membres-là
proviennent d'une liste... En fait, il y a deux membres, le
vice-président et le président, qui sont nommés par le
gouvernement; il y a une liste qui est fournie par le comité
interprofessionnel. Comment est-ce que vous voyez l'accession, si on veut,
à ce comité, au conseil d'administration?
M. Bousquet: Je pense que, un peu comme nos modèles, on
peut prendre le modèle des assesseurs dans les tribunaux administratifs
où les syndicats nomment des personnes qui peuvent aller siéger
sur les tribunaux administratifs, un peu comme les patrons au niveau du Conseil
du
patronat qui nomment des personnes. Ce serait un peu peut-être
inspiré... On n'a pas réfléchi en profondeur sur cette
question-là, mais on pourrait s'inspirer de ce modèle-là.
Il y a des associations, il y a des fédérations, des groupes qui
pourraient soumettre une liste au comité de sélection qui, eux,
pourraient faire à ce moment-là le choix parmi une liste qui a
été proposée par les fédérations.
Mme Carrier-Perreault: Autrement dit, vous conserveriez le
même groupe pour faire la liste, comité interprofessionnel mais,
par ailleurs, il serait obligé de tenir compte de certains
éléments dont vous venez de...
M. Bousquet: Oui. Moi, à mon avis, oui.
Mme Carrier-Perreault: D'accord. Je vous remercie.
M. Bousquet: On n'a pas réfléchi plus en profondeur
sur cette question-là, bien honnêtement.
Mme Ménard: On peut penser entre autres à un groupe
actuellement. Il y a une coalition de 25 fédérations au
Québec qui se réunit très, très
régulièrement et qui pourrait, je pense, assez facilement se
concerter. Cette coalition est très connue du ministère de la
Santé et des Services sociaux et pourrait être consultée
à ce niveau-là très rapidement.
Mme Carrier-Perreault: Merci.
Le Président (M. Gautrin): Merci. En faisant la
règle d'alternance, est-ce qu'un député ministériel
voudrait poser une question?
M. Savoie: II nous reste combien de temps, M. le
Président?
Le Président (M. Gautrin): 10 minutes pour les
ministériels, 9 pour l'Opposition.
M. Savoie: Oui. On mène 10 à 9, hein? C'est
ça que vous alliez dire. On mène plus que 10 à 9 à
part de ça. C'est une «game» qui se prend au sérieux.
Écoutez, je vais être très bref parce que, finalement, les
éléments que vous soulevez, par exemple, au niveau de
commissaires, les éléments que vous avez soulevés
également au niveau de la représentation des deux tiers,
évidemment, la représentation des femmes, ça va de soi, je
pense qu'il y a une volonté constante pour prendre ce chemin-là.
Ce sont des choses qui ont été examinées: commissaires,
deux tiers des citoyens et des choses comme ça. Évidemment, il
est difficile, pour nous, de prendre ce chemin à ce moment-ci de
l'évolution, je pense, des corporations professionnelles au
Québec mais, comme je vous l'ai mentionné tout à l'heure,
il y a certainement des recommandations dans votre mémoire,
particulièrement le droit d'intenter pour et au nom de, ça
m'intéresse. Au niveau de la santé mentale, je pense que c'est un
élément qui est intéressant. C'est une route qui promet
une certaine richesse et dont je suis certain que la majorité des
citoyens et citoyennes du Québec vont voir d'un oeil favorable.
Ce qui est intéressant, c'est les chiffres, quand on a des
chiffres, et je vous ai souligné ça. Je pense que si je pouvais
vous faire une recommandation, si vous voulez vraiment nous aider dans notre
démarche, la Corporation, le Collège des médecins,
l'Office des professions, c'est de _ développer des chiffres, parce que
vous n'avez pas répondu à ma question. Je pense que vous avez
développé un petit peu plus de crédibilité, mais
vous n'avez pas osé vous embarquer à savoir si c'est 467 ou 1000.
Je pense que c'est de valeur, mais on serait intéressés à
cerner ça davantage, parce que s'il y a bobo, là, ça va se
traduire par des chiffres.
Actuellement, ce qu'on constate, c'est qu'effectivement, comme vous, on
partage votre inquiétude au niveau du 467, du 15, du 2,2 %. Ce sont des
éléments qui sont des plus valables, mais...
Mme Ménard: Si je vous disais, monsieur, que dans la
ressource, parce que je suis présidente du Regrouprement, mais,
évidemment, je suis directrice de ressources où on reçoit
chaque année une centaine de femmes qui ont des problèmes
sérieux de santé mentale. L'organisme a 10 ans. Donc, ça
fait à peu près 1000 femmes. Si je vous disais que chaque
année, bon an mal an - moi, je fais toutes les entrevues
d'évaluation, chez nous - il y a au moins quatre ou cinq femmes qui
pourraient porter plainte...
M. Savoie: Qui ne l'ont pas fait.
Mme Ménard: ...et qui ne le font jamais.
M. Savoie: C'est ça.
Mme Ménard: Ça, c'est bon an mal an. C'est à
peu près ça. C'est un petit chiffre d'une petite ressource et
ça vaut ce que ça vaut.
M. Bousquet: Peut-être pour renchérir, je veux juste
donner un peu de l'expérience que j'ai vécue. En
Montérégie, j'étais conseiller pour le collectif de
défense des droits de la Montérégie jusqu'en janvier 1993
et, au nombre de plaintes qu'on recevait à tous les niveaux, toutes
proportions gardées, à tous les niveaux, sur 100 plaintes, il y
avait facilement entre 25 et 30 plaintes qui étaient toujours au niveau
de la relation avec le médecin, soit la baisse de médicaments, la
relation de confiance. On voulait changer de médecin; il n'était
pas d'accord. Le
médecin n'était pas courtois avec le client. Il voulait
qu'on négocie ses conditions de vie. Alors, c'était environ 30 %.
Je ne dis pas que c'est des plaintes qui auraient toutes été
à la Corporation, mais c'est des plaintes qui impliquent les psychiatres
versus le client. Donc, là-dessus, on aurait pu faire des plaintes si
les gens avaient voulu faire des plaintes, évidemment, au niveau de la
Corporation. Ce sera probablement qualifié comme des plaintes
peut-être légères, sauf qu'il y a aussi des cas ou des
situations qui pourraient être plus graves, dont on a peut-être eu
connaissance, mais les gens ne voulaient pas, spontanément, entraver
leur relation de confiance entre les professionnels et eux. Mais au niveau des
statistiques locales en Montérégie, je dis la région de
Longueuil, qui est quand même une très, très grande
région, sur 100 plaintes qu'on recevait, c'est environ 25 à 30
plaintes qui reliaient l'établissement, c'est à-dire le
professionnel et le client, l'usager.
M. Savoie: C'est ça. Est-ce que vous avez consulté
le Protecteur du citoyen pour la préparation de votre mémoire?
Est-ce qu'il y a eu des échanges?
M. Bousquet: Non, on n'a pas eu d'échanges avec le
Protecteur du citoyen. On a eu le document. On leur a demandé de nous
fournir le document. On avait aussi la position de l'ACEF-Centre de
Montréal, seulement une communication pour nous envoyer le document,
compte tenu qu'au niveau santé et services sociaux le Protecteur du
citoyen ne peut pas intervenir. Actuellement, la loi ne le permet pas.
M. Savoie: D'accord. Et vos relations avec l'Office des
professions?
M. Bousquet: On n'en a presque pas. On aimerait aussi rencontrer
l'Office des professions. On est toujours très disposés,
provincialement parlant, de les rencontrer. C'est pour ça qu'un
début c'était au moins de déposer un mémoire pour
nous dire qu'il faut absolument qu'il y ait de la transparence puis de mettre
fin à ce qu'on appelle cet «inceste» entre pairs, qu'un
professionnel puisse juger nos professionnels. Je pense que si on se reporte au
niveau des électriciens, si un électricien fait un geste, il
n'est pas protégé par sa corporation.
Alors, moi, qu'un professionnel puisse juger un professionnel à
cause de la formation et du degré de formation, à mon avis,
ça ne tient pas, compte tenu qu'un juge peut toujours demander une
expertise ou éclairer le dossier s'il y a des éléments
qu'il ne peut pas juger. D'ailleurs, ça se fait couramment au niveau de
toutes les cours, au niveau du- droit commun où, tout le monde le sait,
aussitôt que le juge veut se faire éclairer, il peut très
bien demander un avis à un tiers. (17 h 30)
Le Président (M. Gautrin): Merci. Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Vous devez
sûrement faire face à un autre problème lorsque... Je vous
écoutais répondre au ministre tantôt. Le fait qu'il y a une
personne psychiatri-sée, non seulement il y a le problème de
confiance en elle et puis de volonté de déposer une plainte, mais
la personne doit également faire face à un problème de
crédibilité.
M. Bousquet: Oui, évidemment. Mme Ménard:
Elle est folle.
M. Bousquet: Elle est folle ou bien quel âge mental a ton
client? C'est souvent ce problème de crédibilité qui fait
qu'elles ne sont pas écoutées ou pratiquement pas. Donc,
tantôt, j'écoutais le Dr Roy nous dire qu'on était contre
le fameux formulaire pour porter plainte, que les gens peuvent simplement
écrire une lettre. À notre avis, le formulaire est essentiel.
C'est un premier outil pour dire: On va partir une plainte à partir de
ça, et, si on laisse un usager écrire une plainte, je vous
garantis que ça n'ira pas loin. On sait très bien que les
personnes psy-chiatrisées, c'est souvent des personnes les plus
démunies de la société. On les retrouve souvent sur l'aide
sociale et, de plus, le taux d'analphabétisme est très
élevé.
Donc, si on a un formulaire, au moins, il peut contacter une personne,
et il peut dire: Je voudrais me faire aider à remplir le formulaire, ne
pas le laisser sans adresse, rien, pour qu'il porte plainte. Je pense que c'est
aller un peu fort; tantôt, la remarque, je la trouvais un peu...
Mme Caron: Ça m'amène à vous poser une autre
question. Comme il y a ce problème au niveau de la
crédibilité, est-ce que c'est facile ou possible pour un membre
du public... Moi, je me pose la question personnellement. Si j'avais à
juger, n'ayant pas de connaissances au niveau de la psychiatrie, au niveau de
la médecine, au niveau de la santé mentale, par rapport à
une plainte, est-ce que ça ne pose pas un problème non plus?
Mme Ménard: Mais c'est aussi peut-être pour
ça qu'on demande que les personnes puissent être
accompagnées, n'est-ce pas?
Mme Caron: Non, mais pour ceux qui ont à juger...
Mme Ménard: Bien, ça, c'est une éducation
à faire. Vous savez, on dit: Fou des fois puis pas fou tout le temps. Et
je pense qu'il faut apprendre à se convaincre de ça, qu'il y a
des personnes qui peuvent avoir des problèmes de santé mentale,
mais qui peuvent avoir leur tête aussi
quand ils parient, puis quand ils parient d'eux. Et je pense que
ça, c'est vrai que c'est une difficulté. Mais, si on
s'arrête à cette difficulté-là, on n'avancera jamais
socialement. Il faut apprendre à dépasser ce
préjugé. C'est un préjugé. Et je pense que nos
groupes, en tout cas, on travaille énormément à ce
niveau-là. Et, moi, je pense que, si, par exemple, on accompagne, dans
les premières démarches, à un moment donné, la
personne, on l'aide à articuler son affaire... Je vous prie de croire
qu'il y a des gens qui, il y a 10 ans, n'étaient pas capables de
s'exprimer et, aujourd'hui, on les voit à la télévision
qui disent: Je suis schizophrène, avez-vous peur de moi? Bien, vous
savez, à un moment donné, ils prennent aussi conscience puis ils
deviennent plus articulés par rapport à leurs
problèmes.
M. Bousquet: II ne faut pas non plus... Il ne faut pas...
Mme Caron: C'était plus - je vais vous préciser ma
pensée - plus dans le sens si, par exemple, vous nous dites: Une
personne considère que son médecin lui donne trop de
médicaments. Moi, comme personne du public, je me vois mal essayer de
juger si effectivement le médecin lui donne trop de médicaments
ou pas.
M. Bousquet: Mais il s'agit... Moi, je pense qu'il y a beaucoup
plus d'objectivité si c'est un membre du public qu'un médecin,
parce que, moi, je me fais répondre souvent, lorsque j'accompagne des
gens avec le médecin: M. Bousquet, ne croyez pas tout ce que le patient
vous dit, vous êtes donc bien naïf, le médicament est bon
pour lui, qu'il le prenne, je suis le professionnel. Et ce pouvoir-là,
il faut qu'il cesse également. Je pense qu'une personne du public peut
au moins permettre à cette personne de s'exprimer; qu'est-ce que les
médicaments? Souvent, on a des problèmes au niveau de
l'information. Les médecins ne donnent pas toujours toute l'information
concernant le médicament et tout ça. Au moins, la
préoccupation de dire: Mais on va au moins l'écouter. On va dire:
Pourquoi il ne veut pas les médicaments? Il ne faut pas oublier que tu
as une règle de consentement aux soins, également, au niveau des
articles 19.1, 19.2, 19.3 et 19.4 du Code civil qui peuvent permettre un
consentement. Des fois, même le consentement n'a pas été
demandé et on médica-mente. Je pense que le public aurait
peut-être plus des questions à poser, des informations, et de
dire, de protéger, au moins de permettre à la personne de
s'exprimer, tandis qu'au niveau du médecin psychiatre qui peut
être la personne qui dit qu'il peut avoir la compétence de juger
s'il doit avoir ou pas des médicaments - et ça je lui accorde -
il peut aussi bien dire: II se plaint pour rien, il est malade, c'est pour
ça qu'on le soigne, d'ailleurs. Et on se fait répondre souvent
ça par le médecin, sauf que, des fois, ils veulent seulement
avoir une question d'information sur le médicament, sur les effets
secondaires, sur: Est-ce que je vais en prendre toute ma vie, c'est quoi mon
plan de traitement, mon plan de soin, etc?
Mme Ménard: Vous savez, il y en a de l'information
alternative sur la médication et ça serait probablement
très intéressant que des personnes du public puissent poser des
questions pour qu'on puisse, nous, diffuser cette information-là qu'on
a. Je pense que ça pourrait être des décisions plus
éclairées, à ce moment-là.
Mme Caron: Une dernière question, Mme Ménard et M.
Bousquet. En page 13, vous nous dites que le syndic, lorsqu'il décide de
ne pas porter plainte au comité de discipline, la personne
concernée reçoit comme unique réponse la formule suivante:
«Après enquête, le syndic a décidé de ne pas
porter votre plainte devant le comité de discipline. Toutefois, des
recommandations ont été faites au médecin.» Nous
avons parié à certains syndics cet avant-midi et il semble que,
normalement, la réponse est beaucoup plus explicite. Est-ce que vous
avez des données là-dessus? Est-ce que vous avez plusieurs
personnes qui ont porté plainte et qui ont reçu ce type de
réponse?
M. Bousquet: Ça c'est la réponse type. Je ne sais
pas qui a nié ça, la réponse type. D'ailleurs, le syndic
Rémi H. Lair l'avait déclaré, il avait même
confirmé ça, il avait dit: II ne faut pas trop donner
d'information sur les raisons; on a peur aux recours judiciaires, aux recours
civils. Alors, oui, effectivement, c'est toujours très vague la
réponse et on a reproduit exactement ce que comportaient la
majorité des réponses quand la plainte n'était pas
retenue. Alors, des recommandations, c'est lesquelles? On aimerait ça
savoir quelles recommandations on a portées au médecin et
pourquoi, sauf qu'on n'a pas le droit de voir ça, ces
informations-là, c'est confidentiel et puis, bon, la plainte n'a pas
été retenue, les recommandations ont été faites,
mais on ne sait pas pourquoi. On ne pourra jamais réévaluer,
à moins de porter une plainte plus tard, je veux dire. Et même,
est-ce qu'il y a des récidives? Est-ce d'autres personnes se plaignent
du même problème, par exemple? Est-ce qu'il y a déjà
eu des recommandations de faites à ce professionnel-là?
Ça, on ne peut pas avoir accès à ça.
Mme Caron: À votre connaissance, est-ce que ça
serait seulement du côté de la Corporation des médecins ou
si ça serait une règle générale?
M. Bousquet: Je ne peux pas parier des autres, parce que je n'ai
pas d'expertise à ce niveau-là. Au niveau des médecins et
des psy-
chiatres, plus précisément, c'est souvent cette
réponse qui a été fournie. Il ne faut pas oublier que
toute la proposition qu'on fait pour l'impartialité et tout, je pense
que ce qui est important de comprendre, c'est que c'est beaucoup plus pour le
médecin; avoir un tribunal neutre, objectif est beaucoup plus sain pour
les corporations, à notre avis. Il en va de la crédibilité
du public. Le public va juger plus facilement et plus correctement si c'a
été un tribunal neutre qui a jugé ou acquitté un
médecin, tandis que, quand il est acquitté par ses pairs, le
public réagit très négativement en disant: Ah bien! Ils se
sont couverts entre eux. Donc, je pense qu'ils ont tout à gagner dans un
tribunal neutre et objectif, et indépendant surtout.
Mme Caron: Je vous remercie beaucoup et bon retour.
Le Président (M. Gautrin): Merci, Mme la
députée de Terrebonne. M. le ministre, député
d'Abitibi-Est.
M. Savoie: Merci beaucoup, également. On a grandement
apprécié la présentation de votre mémoire.
Le Président (M. Gautrin): Mme Ménard et M.
Bousquet, je vous remercie, au nom de la commission, de votre
présentation.
Je vais demander à la Centrale des professionnelles et des
professionnels de la santé de bien vouloir se présenter.
Je suspends les travaux pour trois minutes de manière qu'il
puisse y avoir les circulations d'usage.
(Suspension de la séance à 17 h 40)
(Reprise à 17 h 41)
Le Président (M. Gautrin): La commission reprend ses
travaux et a le plaisir d'accueillir la Centrale des professionnelles et des
professionnels de la santé. J'imagine que c'est Mme Leroux qui est leur
porte-parole, c'est bien ça?
Centrale des professionnelles et des professionnels de
la santé (CPS)
Mme Leroux (Marie Josée): Qui va débuter, oui, la
présentation.
Le Président (M. Gautrin): Bon, alors, Mme Leroux, c'est
à vous de... Si vous voulez présenter les gens qui vous
accompagnent.
Mme Leroux: Oui. M. le Président, mesdames et messieurs
les membres de la commission, c'est avec plaisir que la Centrale des
professionnelles et des professionnels de la santé vous soumet
aujourd'hui le mémoire qu'elle a formulé dans le cadre de la
consultation portant sur l'avant-projet de loi modifiant le Code des
professions et d'autres lois professionnelles. Pour ce faire, elle a
désigné Mme Dominique Ver-reault, technologue en radiologie et
secrétaire adjointe à la Centrale, Me Denis Bradet, procureur, et
moi-même Marie Josée Leroux, physio-thérapeute et
vice-présidente de la Centrale.
Permettez-moi d'abord de vous rappeler que la Centrale des
professionnelles et des professionnels de la santé, que nous appellerons
la CPS pour le reste de la présentation, est composée de sept
syndicats dont les 7000 membres au total sont exclusivement des professionnels
salariés d'établissements du réseau public de santé
du Québec. Nous voudrions souligner ici que ces personnes
salariées travaillent dans un milieu où l'encadrement
législatif est très important - on n'a qu'à penser
à la Loi sur les services de santé et les services sociaux avec,
entre autres, son propre processus de plaintes, à la Loi médicale
et à toutes les autres lois ou réglementations régissant
les nombreuses professions et les relations employeurs-salariés. Ces
personnes ne sont pas touchées par les réglementations
professionnelles touchant la vente de services, par exemple la publicité
et l'arbitrage de comptes.
Ces professionnels, et le terme «professionnel» étant
utilisé ici dans son sens générique, sont de formation
universitaire ou collégiale et se répartissent en trois
catégories en regard du Code des professions. La première
catégorie: membres d'une corporation reconnue à exercice
exclusif, et, au sein de la Centrale, on compte les technologues en radiologie
dans cette catégorie. La deuxième: membres, s'ils adhèrent
volontairement, de corporations dont la profession est dite à titre
réservé; par exemple, les physiothé-rapeutes,
ergothérapeutes, travailleuses sociales, psychologues, audiologistes,
orthophonistes, hygiénistes dentaires. La troisième
catégorie: des titres d'emplois n'ayant pas de statut professionnel
reconnu en regard du Code; par exemple, les techniciennes en
diététique, les thérapeutes en réadaptation
physique, les archivistes médicales, les génagogues, les
psychoéducateurs, éducateurs spécialisés, etc.
Nous aurions pu, bien sûr, de par le fait que nos membres sont des
observateurs privilégiés du système de santé, nous
prononcer sur l'état du système professionnel au Québec;
par exemple, sur le fait qu'il leur semble souvent que les corporations
professionnelles se comportent comme des leviers de défense
d'intérêts professionnels plutôt que d'être des
instruments de protection du public; par exemple - et ça a
été remarqué par des intervenants aujourd'hui - tant la
population que nos membres, doutent parfois de l'objectivité de pairs
jugeant l'un des leurs.
Compte tenu du peu de temps dont nous disposions, nous avons
plutôt choisi d'élaborer
sur quelques amendements de l'avant-projet de loi à la
lumière d'expériences vécues par nos membres et en
étudiant l'impact des modifications proposées sur les
professionnels que nous représentons qui sont aussi membres de
corporations professionnelles. C'est donc dans cette perspective, vous
comprendrez, fort différente de celle des corporations professionnelles,
que nous vous présentons ce mémoire portant sur cinq points
principaux: la notion de maître de stage, les déboursés
imposés aux professionnels, l'élection de domicile, l'avis aux
professionnels en matière de plaintes, le délai pour rendre une
décision. Je vais laisser le soin à Me Bradet de présenter
succinctement le contenu du mémoire qui, vous l'avez sûrement
constaté, ne porte pas sur des éléments majeurs de
l'avant-projet de loi mais sur des éléments qu'il nous paraissait
utile de porter à votre attention.
Le Président (M. Gautrin): Merci, Mme Leroux. Alors, Me
Bradet.
M. Bradet (Denis): M. le Président. Rapidement, d'abord
nos représentations sur la notion de maître de stage. Nous avons
constaté qu'auparavant la loi ne permettait qu'à la personne qui
effectuait un stage en vue de devenir un professionnel d'effectuer et d'exercer
certaines fonctions normalement réservées à ce
professionnel. Il nous semble que le projet de loi va beaucoup plus loin que
ça, particulièrement en permettant au maître de stage
d'exercer certaines fonctions qui sont normalement exercées par le
professionnel.
Lorsqu'on regarde la réglementation, entre autres, l'article
94g), nous avons nettement l'impression que les corporations professionnelles
n'ont pas le pouvoir, à l'inverse, d'encadrer le maître de stage
jusqu'au point où elles pourraient exiger que ce maître de stage
soit lui-même un professionnel, donc pouvant exercer toutes les
fonctions. Donc, dans le secteur particulier où oeuvre la Centrale des
professionnels de la santé, dans le secteur de la santé et des
services sociaux, notre crainte est à l'effet que l'organisation du
travail, une organisation particulière, pourrait conduire à
retrouver des situations où les maîtres de stage, dans plusieurs
cas - nous pensons à certaines corporations professionnelles - ne
seraient pas des membres, eux-mêmes, de la corporation à titre
réservé ou à exercice exclusif.
Nous nous demandons si c'est une modification souhaitable et si c'est
vraiment assurer la protection du public que de permettre que des maîtres
de stage soient des personnes qui ne sont pas elles-mêmes membres de la
corporation en regard du stage qu'elles supervisent. Ça nous semble
difficilement justifiable.
En regard des déboursés imposés aux professionnels,
qui est le deuxième point, l'article 49 du Code des professions serait
modifié pour imposer aux professionnels au moins la moitié des
frais relatifs à l'examen médical qu'une corporation peut exiger
dans certains cas, examen médical qui est fait par trois
médecins. Cet examen médical est imposé dans certaines
circonstances particulières et le fait qu'il soit fait par trois
médecins implique, vous le comprenez bien, des frais qui peuvent
être assez importants. Il faut comprendre que l'une des circonstances
où un professionnel peut être appelé à subir un
examen médical est celle où il a certaines difficultés
avec son travail, c'est le moins qu'on puisse dire, et où il peut
être suspendu de son travail ou même congédié, donc,
une situation où le professionnel est déjà en situation .
financière difficile. Il nous semble difficile d'envisager qu'on puisse
lui imposer la moitié des frais de l'expertise médicale ou de
l'examen médical qui est ordonné par la corporation, par
ailleurs, unilatéralement.
Dans le même sens, nous avons noté que l'article 151 du
Code des professions pourrait être modifié pour que les
déboursés changent de forme selon le fait qu'il y ait une
condamnation ou non.
L'article prévoit qu'en cas de condamnation les frais de
déplacement et de séjour du comité de discipline
pourraient être à la charge du professionnel qui est
condamné. D'une part, ça nous semble aller à l'encontre
d'une notion qui est bien connue dans ces matières disciplinaires,
c'est-à-dire la notion de double sanction. Un comité de
discipline peut déjà, en vertu du Code des professions, imposer
une amende de 500 $ et plus.
Ce que l'avant-projet de loi semble dire, c'est qu'en plus le
comité de discipline peut imposer des frais de déplacement et de
séjour des membres. Un comité de discipline, on le sait,
ça peut être formé de membres d'une corporation qui
viennent de n'importe où au Québec. Une situation que nous avons
vécue, comité de discipline qui siège à
Montréal et qui est formé de membres qui ne proviennent que de la
région du Saguenay. Je vous donne cet exemple-là parce que
c'était bien celui-là. Bien sûr, ils sont allés en
avion et, bien sûr, ils ont des frais de séjour. Il nous semble
pour le moins excessif de dire à la personne qui sera condamnée,
en plus de payer l'amende, tu devras payer les frais de déplacement de
ces gens.
À notre avis, c'est comme dire au citoyen de Gaspé qui est
jugé par un juge de la Cour supérieure, toujours de
Québec, c'est ça notre système, si toi, tu es
condamné pour une infraction, ça te coûte l'avion et le
voyage du juge alors que le citoyen de Québec qui est jugé par le
même juge, mais qui a la chance d'être jugé à
Québec, n'a pas ces frais à payer. (17 h 50)
II me semble que ça risque donc de créer une situation
disproportionnée et d'imposer aux professionnels, fussent-ils
condamnés, un fardeau
financier qui viole la règle de la double pénalité
et qui ne rend pas, je pense, justice à l'ensemble des professionnels,
en regard de la situation que nous avons mentionnée.
Encore une fois, je répète que, lorsqu'un professionnel
passe devant un comité de discipline, il subit aussi vis-à-vis de
son employeur une perte d'emploi ou une suspension sans solde, d'où une
situation financière aussi plus difficile. Nous avons
suggéré et nous suggérons que les déboursés
qu'on peut imposer aux professionnels, ce qui n'est pas contraire aux
règles que nous connaissons, en cas de condamnation... il n'est pas
anormal que certains déboursés soient imposés aux
professionnels, nous suggérons que ces déboursés-là
soient identifiés et que le montant qu'on peut imposer aux
professionnels, à titre de déboursés, comporte un maximum
ou soit bien identifié. Comme devant tout tribunal, ce sont les
règles normales d'un tribunal que d'identifier les
déboursés et de les fixer à un montant qui ne varie pas en
fonction de la composition de ceux qui rendent justice ou de leur
provenance.
Troisième point, l'élection de domicile. Peut-être
une situation particulière aux salariés du secteur de la
santé, mais certainement à d'autres. Pour le professionnel de la
santé qui est dans une situation de statut précaire, qui est
occasionnel - on vit fréquemment, j'en ai vu moi récemment, la
situation où le technicien ou le professionnel, je pense à un
technicien en radiologie qui, dans une région éloignée,
travaille dans quatre établissements différents, et cela au
gré de la disponibilité du travail et qui peut être
appelé à travailler dans d'autres établissements, encore
une fois au gré de la disponibilité du travail - il me semble
curieux qu'on lui impose, à chaque fois, de par le manque de travail et
la disponibilité du travail, d'aviser sa corporation, par écrit,
qu'il travaille maintenant à temps partiel dans un établissement
plutôt que dans un autre. Nous croyons qu'il suffirait, dans ces
cas-là et probablement de façon plus générale, de
maintenir la loi telle qu'elle existait, c'est-à-dire l'identification
du lieu où le professionnel exerce principalement son occupation. Ce
qui, en tout cas pour les personnes qui ont un statut précaire,
correspondrait à une obligation plus raisonnable.
Au niveau de l'avis au professionnel en matière de plainte -
c'est notre quatrième sujet - nous devons noter que le Code des
professions ne comporte pas d'obligation pour la corporation professionnelle
d'aviser le professionnel qu'il fait l'objet d'une plainte ou qu'il fait
l'objet d'une enquête. Bien sûr qu'à une certaine
étape cet avis ou l'obligation d'aviser le professionnel existe, nous
croyons que c'est une question de justice naturelle, question fondamentale,
tout simplement de justice, qu'une personne qui fait l'objet d'une
enquête ou qui fait l'objet d'une plainte le sache pour qu'elle
prépare son dossier ou qu'elle agisse en conséquence.
Et dernier élément, les délais pour rendre une
décision, encore une fois dans le contexte des salariés que nous
représentons, nous vivons fréquemment les situations où
les salariés sont suspendus ou même congédiés parce
qu'ils font l'objet d'une plainte à leur corporation professionnelle.
Or, un délai... Il n'y avait pas de délai auparavant. Alors, le
délai de 90 jours, nous avouons que c'est mieux que rien, mais, dans le
contexte de la catégorie de professionnels dont je viens de vous
mentionner, 90 jours, ça nous apparaît un délai trop long.
C'est pourquoi nous proposons un délai de 45 jours pour rendre
décision dans les cas qui sont devant un comité de discipline.
J'ajouterais que l'une des modifications au Code des professions dont nous
n'avons pas discuté nous apparaît, dans la même
foulée, tout à fait appropriée, c'est-à-dire la
modification qui obligerait le syndic à aviser l'Office des professions
lorsqu'il ne peut compléter son enquête dans les 60 jours. C'est
une roue qui tourne, c'est un délai parmi d'autres et il nous semble
essentiel que des délais soient imposés au syndic, au
comité de discipline pour éviter que les professionnels qui font
l'objet d'une plainte ou d'une enquête ne subissent un préjudice
qui lui aussi pourrait être théoriquement disproportionné.
Je vous remercie.
Le Président (M. Gautrin): Merci, M. Bradet, Mme Leroux,
Mme Verreault. Vous avez terminé? Alors, M. le ministre et
député d'Abiti-bi-Est.
M. Savoie: Merci. Il me fait plaisir de recevoir Mme Bradet, Mme
Verreault, de même que Me Leroux.
Le Président (M. Gautrin): Me Bradet. M. Savoie:
Excusez-moi, Me Bradet. Le Président (M. Gautrin):...
M. Savoie: Oui, c'est ça. La journée que j'ai dans
le corps probablement.
M. Bradet (Denis): C'est Mme Leroux qui a
présenté.
M. Savoie: Oui, c'est ça. Me Bradet... Le
Président (M. Gautrin): C'est ça.
M. Savoie: ...vous êtes conseiller pour la Centrale...
Le Président (M. Gautrin): La Centrale.
M. Savoie: ...des professionnels?
M. Bradet (Denis): Je représente depuis
plusieurs années la Centrale des professionnels de la
santé.
M. Savoie: O.K. C'est curieux. Oui, c'est correct. Ça
crée un peu que, finalement... Finalement, on a constaté
plusieurs recommandations. Bon, le comité de discipline devrait rendre
une décision dans les 45 jours. On avait proposé 90. Vous savez
qu'il y a... On a évalué 45; on ne l'a pas retenu. On pensait que
c'était comprimé d'une façon considérable, compte
tenu aussi qu'il peut y avoir souvent des maladies, des déplacements qui
sont impliqués de la part du comité, des membres du
comité. 45 jours, ça nous semblait un peu serré. On a
maintenu les 90 jours. On prend quand même en note votre
recommandation.
Au niveau de l'enregistrement - vous en avez parlé assez
longuement - vous préconisez que l'enregistrement se fasse d'une
façon générale et non pas par institution. Je crois
comprendre que c'est ce qui est visé et on pense que c'est tout
simplement peut-être soit revoir de nouveau la lecture de notre texte
pour éliminer tout doute. On ne vise pas, évidemment, à ce
que, par exemple, une infirmière auxiliaire doit s'enregistrer
lorsqu'elle travaille auprès de deux ou trois centres hospitaliers ou
deux ou trois régions. Je ne pense pas que c'est ça qui est
visé.
Finalement, vous avez soulevé également que le Code
devrait fixer le montant maximum des déboursés qu'un
professionnel peut être condamné à payer. Vous comprendrez
qu'on ne peut pas retenir ça non plus parce que ça... Comment
est-ce qu'on fait pour l'évaluer? Ça représente des
grandes difficultés.
Mais je serais intéressé d'entendre, je serais très
intéressé d'entendre Mme Leroux ou Mme Verreault sur les points
majeurs du mémoire, c'est-à-dire comment est-ce que vous voyez
ça, vous, les modifications qu'on est en train d'apporter au Code des
professions? Comment ça peut vous affecter, vous, le fait qu'il y ait un
comité des plaintes maintenant? Comment ça peut vous affecter que
l'Office se propose de se doter d'un pouvoir d'enquête auprès
d'une corporation professionnelle avec des retombées, finalement,
importantes sur l'orientation qu'on connaît au niveau de ce
dossier-là? C'est quoi votre évaluation de ça vraiment,
mais les points majeurs de la réforme?
Mme Leroux: Peut-être un tout premier commentaire. C'est
que, bon, Mme Verreault et moi venons effectivement de milieux syndiqués
du secteur public, comme tous nos membres. On réalise aujourd'hui
à quel point l'avant-projet de loi est, en fait, une manifestation
complexe d'intérêts complexes et de pouvoirs complexes entre les
différents organismes; peut-être, dans nos établissements,
nous, les professionnels membres de corporations ou non-membres, on ne
réa- lise pas jusqu'à quel point ces interrelations-là
sont grandes et compliquées, je le répète. (18 heures)
Ce qu'on en a saisi. D'abord... Évidemment, ça a
été mentionné ce matin que, de la part des professionnels
qu'on représente, le fait d'assumer le financement de -
dorénavant, en tout cas, ce qui est présenté dans le
projet de loi - l'Office des professions semble être le point de
débat majeur parmi nos membres, en tout cas ce qu'ils en connaissent. En
général, on trouve que les frais qui sont... Bon. C'est sûr
qu'ils sont adoptés par les corporations et charges aux membres
adhérant à ces corporations-là ou adhérant
volontairement ou nécessairement selon le type de corporation. En
général, on trouve ces montants-là assez
élevés, peut-être parce que les gens connaissent mal le
rôle des corporations en général, connaissent mal leur
fonctionnement, connaissent mal leurs obligations. Bon, ça, c'est un
premier commentaire et c'est peut-être pour ça qu'on a axé
sur la question des frais dans le mémoire aussi. C'est que, de
façon générale, nos membres trouvent que
déjà le fardeau de support des corporations au niveau financier
est assez élevé.
M. Savoie: On vous parle de quel montant ça pourrait
coûter à un professionnel? Vous, vous avez dans votre
association... Vous avez dans votre association, dans votre Centrale, par
exemple, les ergothérapeutes, le syndicat des
physiothérapeutes?
Mme Leroux: Vous parlez de ma corporation professionnelle?
M. Savoie: C'est laquelle?
Mme Leroux: La mienne impose, je pense, 350 $ ou 360 $
annuellement, maintenant.
M. Savoie: Oui, on parle de quelle corporation?
Mme Leroux: Les physiothérapeutes. M. Savoie: Les
physiothérapeutes. Mme Leroux: Oui.
M. Savoie: Et vous pensez que ça va vous coûter
combien, l'autofinancement?
Mme Leroux: On peut estimer jusqu'à un maximum, comme il
est mentionné dans le projet de loi, je pense que c'était 25 $
par membre; c'est évident que les corporations, actuellement, n'ont pas
de fonds de financement qui est créé pour l'Office, donc,
ça va être automatiquement reporté à la charge des
membres...
M. Savoie: Les physiothérapeutes, je pense...
Mme Leroux: ...qui cotisent.
M. Savoie: Oui, c'est ça. Ça, c'est un
maximum...
Mme Leroux: Oui, mais étant donné... M. Savoie:
...avant impôt.
Mme Leroux: C'est sûr que sur certains aspects on
était partagés par rapport aux pouvoirs de l'Office, la question
que vous me posiez tantôt, à savoir si on devait applaudir
à ça, au fait que l'Office aurait des pouvoirs de plus en plus
élevés par rapport à la surveillance des corporations. Sur
certains aspects, il nous arrive, effectivement, d'espérer que l'Office
puisse avoir plus de pouvoirs. Par contre, c'est un fait que, de la
façon dont c'est libellé dans l'avant-projet de loi, ça
laisse la porte ouverte à l'Office pour que, dans le fond, les
corporations n'aient pas droit de regard sur les activités de l'Office
et la façon de faire ces activités-là, donc, ouvre la
porte aussi à toute la question de la cotisation maximum de chacune des
corporations à l'Office qui va être potentielle à tous les
ans, dans le fond. Je pense que l'Office doit faire un rapport et, s'il n'a pas
de financement suffisant avec la première cotisation qui est
versée par les corporations, il a le droit d'aller chercher une
cotisation supplémentaire. Donc, c'est évident que les gens
s'attendent, tant mieux si c'est moins, à cotiser 25 $ par personne pour
le financement des corporations, de l'Office des professions, pardon.
Le Président (M. Gautrin): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Mme Leroux, Me
Bradet, Mme Verreault, je vous remercie de votre participation. Je pense que
vous nous faites prendre conscience du rôle de professionnels qui vivent
une autre situation, c'est-à-dire de professionnels qui, soit sont
membres d'une corporation à exercice exclusif, soit membres d'une
corporation à titre réservé ou n'ont pas de statut de
corporation professionnelle, mais sont tous des professionnels qui travaillent
dans le secteur public. C'est évident qu'au niveau de la réforme
et, principalement, au niveau du financement, ça pose un problème
particulier parce que, ce matin, on disait que, évidemment, la facture
de la nouvelle charge, au niveau du financement de l'Office des professions,
qui va être assumée par les professionnels, pourra, dans le cas de
ceux qui travaillent au secteur privé, être
transférée aux consommateurs. Mais, au niveau des professionnels
qui travaillent au secteur public, il n'y a pas de possibilité, c'est
directement les membres qui vont devoir assumer cette augmentation.
Probablement que vous n'avez pas non plus tout à fait les
mêmes services au niveau des corporations professionnelles que ceux et
celles qui travaillent au niveau du secteur privé. Le fait d'avoir trois
groupes à statuts différents, ça doit poser un certain
problème par rapport aux corporations professionnelles?
Mme Leroux: Le fait d'avoir trois groupes
différents...
Mme Caron: Oui.
Mme Leroux: ...nous cause des problèmes?
Mme Caron: Puisque vous en avez qui, effectivement, ont un statut
de membres de corporations professionnelles à exercice exclusif; vous en
avez qui sont à titre réservé, donc ce n'est pas du tout
la même situation, et vous en avez aussi qui n'ont pas de statut reconnu
comme corporations professionnelles. Donc, ceux-là n'auront pas à
assumer les frais de l'Office des professions puisqu'ils ne sont pas membres de
corporations professionnelles alors que les deux autres catégories
professionnelles auront à assumer cette facture et ne pourront pas la
transmettre aux consommateurs puisque vous ne travaillez pas au niveau du
privé.
Mme Leroux: Effectivement. Je pense cependant que le fait d'avoir
des statuts différents en regard de la reconnaissance ou non par le Code
des professions de certaines de nos professions, bon, je pense que le premier
principe c'est que tous nos membres sont défendus de la même
façon, qu'ils soient membres ou non d'une corporation professionnelle.
Ce n'est pas...
Mme Caron: Mais ils n'obtiennent pas les mêmes services,
là.
Mme Leroux: Je veux dire... Individuellement, je pense que
oui.
Mme Caron: C'est ça.
Mme Leroux: À nos membres, ça va poser des
problèmes. À nous, bon, on est plus ou moins touchés,
à part de circonstances exceptionnelles, du fait que nos membres ne
soient pas tous membres de corporations.
Mme Caron: Vous avez...
Mme Verreault (Dominique): Peut-être pour rajouter un petit
peu, je pense que...
Le Président (M. Gautrin): Mme Verreault.
Mme Verreault: Oui, Mme Verreault, c'est ça. Pour
rajouter, bon, je vois des situations, une situation qui me vient à
l'idée quand on parle de ces trois groupes distincts là,
c'est
peut-être dans l'exercice de certains actes qui, dans le cas de
corporations à titre réservé, fait en sorte que certaines
corporations essaient parfois de s'approprier des actes et de les encadrer, ce
qui fait que d'autres professionnels ne peuvent à ce moment-là ou
sont obligés, finalement, de lutter pour être capables de poser
ces actes-là qui ne sont pas finalement réservés de par la
loi des corporations à titre exclusif. On voit un problème
là.
Peut-être pour en rajouter un petit peu au niveau des corporations
à titre exclusif, je pense que dans le cas de ces corporations-là
qui sont, pour nos groupes à nous, des petits nombres versus la
corporation des médecins ou des infirmières, ces
corporations-là sont quand même tenues, de par la loi, d'avoir
certains comités qui sont mis en place. On voit qu'avec l'avant-projet
de loi on augmente encore, en termes de comités, la charge des
corporations et on comprend qu'en bout de ligne ça va vouloir dire pour
nos membres des coûts supplémentaires. Est-ce que ça fera
en sorte que le public sera mieux protégé? C'est peut-être
l'interrogation qu'on a. Puis, est-ce que ça fera aussi en sorte que nos
membres pourront poser des actes de qualité ou de meilleure
qualité dans l'application de cet avant-projet de loi là s'il
était mis en force? C'est des interrogations qu'on a et qui ne sont pas
claires pour nous.
Mme Caron: Je comprends très bien, Mme Verreault, d'autant
plus que c'est évident qu'une corporation à titre
réservé, vous l'avez dit vous-même, il y a peu de membres
souvent et elle devra assumer le même système disciplinaire et la
même complexité de système, ce qui pose effectivement
problème pour les petites corporations.
Votre mémoire est vraiment très clair. Vous posez vos
commentaires sur cinq points particuliers, bien précis. Le premier
concernant les maîtres de stage. Est-ce que, à votre connaissance,
il y a beaucoup de maîtres de stage dans des corporations précises
qui ne sont pas membres de corporations professionnelles ou si c'est
exceptionnel?
Mme Verreault: Bon, pour vous parler de la corporation de mon
groupe, présentement il n'y a pas cette problématique-la parce
que les maîtres de stage doivent être des membres de la corporation
professionnelle pour pouvoir poser les actes qui nous sont exclusifs. Alors, on
ne retrouve pas ce problème présentement. (18 h 10)
L'ouverture que l'avant-projet de loi fait, c'est qu'il permettrait aux
maîtres de stage de ne pas être membres de notre corporation pour
pouvoir poser des gestes qui nous sont réservés. Alors, pour
prendre un exemple, des étudiants, des stagiaires en techniques
radiologiques qui ont à travailler dans le milieu clinique pendant 48
semaines, ces étudiants-là pourraient être, à la
rigueur, supervisés par quelqu'un qui n'est pas un technicien en
radiologie, donc qui n'a peut-être pas toutes les compétences et
toutes les connaissances pour, dans un premier temps, protéger le public
qui serait en contact avec les stagiaires et, dans un deuxième temps,
montrer aussi aux étudiants, aux futurs techniciens et techniciennes la
façon de travailler. On comprend aussi que, dans notre cas, on travaille
sous rayonnement, ce qui amène une problématique
supérieure encore dans tout ce contexte-là.
L'avant-projet de loi, ce qu'il dit, c'est qu'il permettrait au
maître de stage de ne pas être membre de la Corporation. Alors,
à la rigueur, on pourrait retrouver quelqu'un d'autre qu'un technicien
en radiologie qui serait en contact avec les stagiaires dans le milieu
clinique. Pour nous, c'est quelque chose qui est très important. Moi, ma
perception, c'est que pour les corporations du domaine de la santé et
des services sociaux, qui sont des corporations à titre exclusif, je
vois le même problème pour toutes ces corporations. Je n'ai pas
entendu de commentaires à ce sujet-là dans le cours de la
journée, mais, pour moi, cette problématique-là, elle
existe pour toutes les corporations à titre exclusif.
Mme Caron: Le deuxième point concerne les
déboursés imposés aux professionnels. Vous avez
parlé, dans le premier point concernant l'article 49, que, dans certains
cas, on peut avoir à demander un examen, des frais d'expertise de trois
médecins.
Mme Verreault: Oui, c'est ce que prévoit l'avant-projet de
loi. Pour devenir membre d'une corporation ou, en cours de route, si la
corporation juge qu'il est nécessaire d'avoir l'expertise
médicale, on devra avoir un comité médical formé de
trois médecins: un dont les déboursés sont à la
charge de la corporation, un qui est à la charge de la personne qui
devra être expertisée et le troisième qui est à
moitié-moitié en termes de frais à couvrir. L'avant-projet
de loi est assez large à l'effet que ça peut être
même quelqu'un qui demande à devenir membre de la corporation qui
pourrait avoir à subir cette expertise médicale. Alors, on trouve
que c'est quand même très large comme possibilité pour la
corporation professionnelle.
Mme Caron: Au niveau des coûts, ça peut
s'évaluer à combien?
Mme Verreault: En tant qu'organisation syndicale ayant eu
à défrayer des coûts de ce type-là dans certaines
causes, on sait qu'une expertise médicale, pour une journée
d'audition, peut aller de 5000 $, 6000 $ à 8000 $, ce qui peut
être quand même très important, dépendant des
médecins experts qui sont appelés à venir se prononcer
face à la personne ou à la pertinence
pour cette personne-là d'être admise ou de pouvoir
continuer à travailler dans son champ d'action.
Mme Caron: Donc, on se parle de coûts qui peuvent
être très élevés, là.
Mme Verreault: Oui. Effectivement, c'est des coûts qu'on
considère, en tout cas, qu'on évalue, nous, comme quelque chose
qui pourrait être élevé pour une personne qui est soit sans
emploi et veut devenir membre d'une corporation ou peut-être même
suspendue dans le cas où on doute de ses capacités de poursuivre
son travail.
Mme Caron: Au niveau de l'article 151, je pense que vous avez
bien relevé que, finalement, on crée deux catégories de
frais, c'est-à-dire ceux qui ont la chance d'avoir un comité qui
n'a pas de frais de déplacement et de séjour et ceux qui n'ont
pas cette chance. Donc, dépendamment de la provenance des
régions, je pense que c'est un élément important que vous
soulevez là-dessus. Là aussi on doit se parler de frais quand
même très élevés.
Mme Verreault: Oui. On pense aux régions
éloignées. Je pense que ça défavorise les membres
de corporations qui vivent en région éloignée et qui
travaillent en région éloignée dans ce cas-là.
Mme Caron: J'aimerais peut-être aborder, comme dernier
point, les délais, les délais pour rendre une décision.
Est-ce que vous n'avez pas de crainte, dans les cas où la plainte touche
une faute grave, que le fait de limiter le délai ça puisse nuire
à la personne si le syndic n'a pas le temps de faire une
véritable enquête complète et qu'il décide,
finalement, peut-être d'un peu bâcler l'enquête? Ça
pourrait nuire à la personne.
Mme Verreault: Vas-y, Denis.
M. Bradet (Denis): Ce qu'on estime - on en a quand même
discuté pas mal - c'est que, effectivement, dans les cas comme ceux dont
vous parlez, les corporations doivent prendre les moyens pour rendre une
justice expéditive. Je comprends très bien qu'il y a des
contraintes administratives, mais, à l'inverse, de laisser le syndic
procéder à son enquête avec le temps qu'il désire,
ça a créé, dans le passé, pour les groupes qui sont
ici, de longs délais, de très longs délais.
Mme Caron: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'établir des
délais différents selon les fautes légères et les
fautes plus graves? Je pense, par exemple, lorsqu'une personne décide de
déposer une plainte sept ans après l'acte
répréhensible commis, c'est évident que, au niveau de la
recherche de preuves, ce n'est pas évident que ça peut se faire
dans un délai très court.
M. Bradet (Denis): II est certain qu'il y a des
différences qu'on peut faire entre les situations. Il faut toujours
tenir compte de la réalité du salarié qui est sous
enquête; plus la plainte dont il fait l'objet est grave, plus il est
susceptible d'être un salarié suspendu sans solde ou
congédié. Donc, il n'a pas un sou. Je comprends que le syndic,
lui aussi, il faut qu'il ait le temps de travailler, mais, le salarié,
il faut qu'il retrouve son travail si la plainte dont il fait l'objet n'est pas
bien fondée. Alors, c'est dans ce sens que nous croyons qu'il faut
imposer des délais au syndic pour qu'il agisse rapidement.
Mme Verreault: Peut-être pour rajouter... Si je lis dans
l'avant-projet de loi ce qu'on nous dit, c'est qu'on parte de 90 jours pour le
délibéré. Alors, moi, ce que je comprends dans ça,
c'est que l'enquête est déjà faite et c'est le temps
où le comité de plainte ou le comité en question se
rencontre pour, finalement, discuter du cas et mettre sur papier les
décisions qu'ils ont à rendre. Alors, je pense qu'à ce
niveau-là on peut essayer de diminuer le temps et ce, sans que ça
ait d'impact sur un cas tel que celui que vous nous présentez où
je pense que l'idée, nous, ce n'est pas justement de presser
l'enquête et de faire en sorte que l'enquête serait faite de
façon non conforme ou en tout cas non complète, mais dans ce qui
s'appelle donner la décision, de rendre la décision de la part du
comité, je pense qu'on apprécierait que le délai soit le
plus court possible, comme Me Bradet le disait, pour faire en sorte que notre
salarié puisse le plus rapidement possible retrouver un emploi dans le
cas où il a été suspendu ou congédié.
Mme Caron: Alors, je vous remercie beaucoup de votre
participation. Je pense que c'était important aussi qu'on puisse
entendre des professionnels salariés au niveau du secteur public parce
que vous vivez une situation fort différente des professionnels qu'on a
entendus jusqu'à maintenant. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Gautrin): Sur le temps des
ministériels, je vais poser une question. J'ai du mal à
comprendre votre règlement sur la question des maîtrises de stage.
Si je comprends bien, vous faites référence à
l'avant-projet de loi à la page 10, l'article 12, qui vient introduire
le nouvel article 34 qui modifie l'article 32. Votre problème est avec
le 3e, si je comprends bien, le 3° qui vient élargir la
portée de l'article 34, qui, jusqu'à maintenant, était
strictement limité aux étudiants, va l'étendre aux
personnes qui sont des enseignants. Et les maîtrises de stage, bon, je
comprends que ça peut exister, néanmoins je ne comprends pas le
problème que vous soulevez
alors que l'article 34. 3° limite cette possibilité dans les
cas où - et je lis l'article 34. 3°: «l'enseignant ou le
maître de stage de poser, suivant les conditions
déterminées par règlement pris en application du
paragraphe g de l'article 94...» Alors, l'article g de l'article 94
permet au bureau de la corporation de «fixer des normes permettant de
reconnaître, aux fins de la délivrance d'un permis et d'un
certificat de spécialiste, l'équivalence de la formation d'une
personne qui ne détient pas un diplôme autrement requis à
cette fin». Ma compréhension de l'article 34. 3°, c'est que le
bureau de la corporation a la possibilité d'accorder à certaines
personnes qu'elle considère comme étant par-faitements aptes,
parce qu'elles sont déjà des enseignants, de pouvoir, dans le
cadre de la formation, poser un acte professionnel. Je ne comprends pas, alors
qu'il y a, donc, ces balises dont je viens de vous rappeler, quel est le
problème que vous avez.
Mme Verreault: Ce qu'on en comprend, nous, c'est qu'à
l'article 94g cette disposition-là fait en sorte de permettre à
la corporation professionnelle de déterminer les conditions suivant
lesquelles le maître de stage pourra poser des actes et ne permettrait
pas, d'autre part, d'aller à rencontre de l'article 34 de l'avant-projet
de loi. Alors, pour nous, il n'est pas clair qu'une corporation
professionnelle, de par ses règlements, pourrait limiter l'application
de l'article 34 de l'avant-projet de loi. (18 h 20)
Le Président (M. Gautrin): Écoutez, peut-être
que c'est une question de rédaction, on pourrait consulter, mais je
crois l'esprit n'est pas du tout d'aller dans la direction que vous dites
là parce que si je relis l'article 34. 3°, c'est: «L'article
32 n'empêche pas l'enseignant ou le maître de stage de poser,
suivant les conditions...» et les conditions sont
déterminées par la corporation, l'application de l'article 94g.
Enfin, c'est bon que vous nous souleviez ici les craintes, mais je dois vous
dire que les rédacteurs de cette loi-là avaient les mêmes
préoccupations et pensaient - on pourra vérifier du
côté des juristes - que, par ce biais-là, la corporation
avait les pleins pouvoirs, le cas échéant, d'accorder un droit de
pratique ou une possibilité à certains enseignants ou
maîtres de stage.
Mme Verreault: Alors, si c'est le cas, vous nous rassurez.
Le Président (M. Gautrin): Merci. Est-ce que, règle
d'alternance, parce que j'ai pris du temps sur les ministériels... Non?
Est-ce que d'autres ministériels ont des... Alors, peut-être en
conclusion. Est-ce que vous avez d'autres questions?
Mme Caron: M. le Président, moi, j'ai fait mes
remerciements, alors je vous remercie à nouveau pour votre
participation.
Le Président (M. Gautrin): M. le ministre, en
conclusion.
M. Savoie: Oui, effectivement, il y a des éléments
là qui méritent d'être regardés de plus près.
Comme je vous l'ai dit, il y en a sur lesquels vous tranchiez franchement, il
faudrait y voir finalement une réflexion, il y a toujours un
élément d'arbitraire dans une décision, même si, des
fois, on a tendance à habiller ça autrement. C'est toujours
difficile. On fait ce qu'on peut le mieux.
Au . niveau de l'autre projet de loi, au niveau du financement,
évidemment, on aura l'occasion de s'en reparler.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Gautrin): Alors, je vous remercie de
votre participation. Je suspends les travaux de cette commission jusqu'à
20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 22)
(Reprise à 20 h 3)
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mesdames, messieurs
de la commission, nous allons repartir cette commission et entendre dans un
premier temps l'Ordre des denturologistes du Québec,
représenté ici par M. Denis Provencher, président, Mme
Monique Bouchard, directrice générale, MM. Arsenault et
Dubé. Alors, M. le président, je vous demanderais s'il vous
plaît de nous présenter votre mémoire dans un premier
temps, vous avez 20 minutes pour le faire, et après nous entendrons la
partie ministérielle et la partie de l'Opposition. Alors, M. le
président.
Ordre des denturologistes du Québec
(ODQ)
M. Provencher (Denis M.): Merci, M. le Président, membres
de la commission, je voudrais en premier lieu mentionner que l'Ordre des
denturologistes du Québec a participé activement aux
consultations tenues par le Conseil interprofessionnel du Québec et a
approuvé, à l'instar des autres corporations professionnelles, le
mémoire du CIQ. Nous avons été fort surpris de constater
que cet avant-projet de loi modifiait sensiblement l'équilibre des
pouvoirs entre les divers intervenants, sans qu'aucune consultation
préalable ne soit effectuée et sans qu'aucune étude
sérieuse ne soit déposée par l'Office des professions
prouvant la nécessité de telles mesures.
Le ministre avait bien raison de mentionner, lors de sa rencontre avec
les responsables des corporations professionnelles, que les cheveux allaient
peut-être nous dresser sur la tête. Il y
en a certains que ça a dressé... À preuve, nous
sommes ici réunis pour examiner un avant-projet de loi dont les
changements sont apportés unilatéralement par l'Office, sans
motifs pour étayer sa position, et pour notre corporation c'est la
deuxième fois que nous vivons ce type d'expérience en commission
parlementaire. Cette remise en cause de notre système professionnel,
ainsi que certaines mesures qui sont apportées dans cet avant-projet de
loi vont à contre-courant de ce qui est véhiculé
aujourd'hui dans l'industrie et dans d'autres domaines. De façon
générale, les termes couramment employés pour qualifier
cette philosophie s'énoncent comme suit: le principe de la
qualité totale. Ce principe ne consiste pas à ajouter du
personnel supplémentaire pour multiplier les mesures de contrôle,
il fait surtout appel à la responsabilisation des individus composant
tout le système. Cette responsabilisation s'obtient en
définissant clairement le rôle de chacun à
l'intérieur de son champ d'activité, en établissant qu'il
est le seul responsable et qu'il ne peut pas se décharger de cette
responsabilité sur un autre. Pour ce faire, on se doit de lui donner
toute la latitude nécessaire à l'exécution de son mandat
et être très, très sensible aux suggestions qu'il
émet pour améliorer l'efficacité de sa
responsabilité. Cette responsabilisation rend superflus les doubles et
triples contrôles. Elle décentralise les pouvoirs
décisionnels et rentabilise au maximum chaque fonction. Elle
évite aussi les pertes de temps, d'énergie et de
productivité. Il n'est pas étonnant que le système
professionnel actuel soit cité en exemple un peu partout dans le monde,
car il est basé sur ces principes d'avant-garde que l'industrie commence
tout juste à appliquer et à en recevoir les bienfaits. Le
système professionnel est basé sur la responsabilisation de
chacun des professionnels concernés. Il est aussi basé sur la
responsabilisation de chaque corporation professionnelle en ce qui concerne la
protection du public.
Quelles sont les raisons sérieuses qui motivent ce changement de
cap? Nous fignorons. Il y a des lacunes à notre système, c'est
évident et toute les parties le reconnaissent. Mais est-ce en
déresponsabilisant les corporations professionnelles et en les jetant
pieds et poings liés à la merci de l'Office des professions que
nous obtiendrons des résultats? Nous en doutons. Si le passé est
garant de l'avenir, et notre corporation est très bien placée
pour vous en faire part, nous assisterons bientôt à un office
totalitaire qui rendra inutile les bureaux d'administration des corporations
professionnelles. Souvenons-nous de l'adoption de la loi 17 et de ses
interdictions. Et je prends à témoin la quasi-totalité des
membres actuels de cette commission qui avaient participé, à
l'époque, à cette étude.
C'est exactement ce qui arrive lorsqu'on devient à la fois juge
et partie. Je ne voudrais cependant pas qu'on interprète mes propos
comme désirant l'abolition de l'Office et l'abolition de son mandat de
surveillance. Je crois plutôt qu'on devrait le renforcer si le besoin
était démontré, ce qui n'a pas été fait
jusqu'ici. Il faut toujours garder en tête que notre fonction, et la
vôtre, en tant que législateur, est le bien du public. Il est
peut-être facile de vouloir multiplier les contrôles et les
enquêtes, mais, avant de les installer, il faut toujours se demander la
nécessité et, aussi, qui paie la note. En bout de ligne, que ce
soit le gouvernement qui paierait pour l'Office ou les corporations
professionnelles, comme c'est le cas pour le projet de loi sur le financement
de l'Office, c'est toujours le consommateur qui, en bout de ligne, en paiera la
note. C'est pourquoi nous nous opposons à tout pouvoir
supplémentaire accordé à l'Office, autres que ceux qui
renforceraient son mandat actuel de surveillance si le besoin était
démontré.
L'Ordre des denturologistes a toujours eu à coeur son mandat, et
je crois qu'il a été bien rempli. À titre d'exemple,
depuis près de 20 ans, nous avons mis en place une procédure de
conciliation des différends qui, de 30 % d'efficacité qu'elle
était dans les premières années, atteint maintenant
près de 80 %, le tout sur une base strictement volontaire puisque la
réglementation n'existait pas dans le Code des professions. C'est
pourquoi nous voyons d'un très bon oeil son introduction légale
dans le Code. Les plaintes du public à notre corporation, étant
donné la nature des services rendus, sont en grande partie
reliées à une notion de différend entre le professionnel
et le consommateur. Vous trouverez d'ailleurs, en page 26 de notre
mémoire, des statistiques que nous avons recueillies à votre
intention afin de démontrer le bien-fondé de ce règlement
sur les différends. (20 h 10)
J'inviterais M. Arsenault, notre syndic, à vous expliquer un peu
plus en détail ce tableau.
Le Président (M. Gautrin): M. Arsenault.
M. Arsenault (Richard): Oui, bonsoir. Nous avons tous entendu,
cet après-midi, quelques-uns de mes confrères syndics venir
expliquer ici la façon dont ils géraient les plaintes
reçues du public. Certains nous disaient que 96 % de ces
plaintes-là ne se rendaient pas en comité de discipline, mais
elles n'étaient pas pour autant mises carrément à la
poubelle. Ces plaintes-là étaient gérées d'une
autre façon. Ils employaient des façons plus souples d'arriver
à leurs fins. Alors, nous avons pensé ici vous démontrer
clairement, chiffres à l'appui, ce qui arrive de ces plaintes. Alors, le
tableau, à la page 26, nous indique que, sur approximativement 275 000
prothèses dentaires fabriquées annuellement par les
denturologistes, le syndic a enregistré 125 plaintes officielles. De ces
125 plaintes, quatre seulement se sont rendues, durant la dernière
année, en comité de discipline. Qu'est-ce qui est
arrivé des autres? Alors, le tableau de la page 26 vous l'indique. Le
syndic, comme l'expliquait M. Provencher, depuis longtemps, se sert d'une
médiation volontaire pour régler les problèmes. Alors, sur
les 125 plaintes, 70,4 % de ces plaintes ont reçu un remboursement,
autrement dit, ont été gérées, ont
été terminées de la façon que le client qui se
plaignait ait satisfaction, parce que ça reposait finalement sur un
différend, une insatisfaction des prothèses, des travaux
réalisés. Alors, 70 % de ces plaintes ont reçu
satisfaction. Le client était content, il est reparti satisfait des
travaux du syndic.
Parmi les plaintes qui ont été, celles-là, vraiment
rejetées, 11,2 % ont été vraiment rejetées pour
différentes raisons qu'on vous a détaillées. Plaintes trop
tardives, après analyse des prothèses dentaires, après
examen, après expertise, rien n'avait été trouvé de
dérogatoire. Donc, nous avons rejeté la plainte. D'autres
plaintes ont été rejetées pour d'autres motifs aussi. Il y
avait des plaintes non fondées. Il y avait des plaintes qui ont
été retirées par le patient en cours d'analyse.
Alors, seulement 11 % des plaintes ont dû vraiment être
rejetées par le syndic. Il y a le dernier pourcentage. Celui-là
ici est intéressant, surtout dans la demande qu'on va vous faire. On
s'aperçoit que 10,4 % des plaintes, finalement, le syndic, par
médiation volontaire, n'est pas arrivé à quelque chose de
satisfaisant pour les deux parties, et nous avons dû aussi diriger,
à cause d'une médiation qui n'a pas pu aboutir, vers les
tribunaux, 8 %. Donc, un total de 18,4 % de ces plaintes-là que le
syndic n'a pu régler par médiation volontaire ou n'a pas
réglé à l'intérieur de la Corporation, à la
satisfaction des clients. Alors, ceci nous amène à dire que si on
pouvait... Si la Corporation avait l'outil qui s'appelle un comité
d'arbitrage des comptes et des différends, si on avait cet
outil-là pour régler les dossiers à l'intérieur de
la Corporation, on pourrait, chiffres à l'appui, régler 18,4 % de
plus de plaintes.
Vous savez, après une négociation qui n'a pas
réussi, c'est très frustrant pour le syndic de dire au plaignant:
Madame ou monsieur, je ne peux pas régler votre cas, je n'ai pas le
pouvoir de le régler. Vous devrez vous référer à un
tribunal ordinaire. Alors, c'est là qu'on se fait dire: Écoutez,
vous autres, qu'est-ce que vous êtes de bon? À quoi vous servez?
Vous n'êtes même pas capables de régler, de
régimenter vos membres ici. Alors, ça, ça nous donne une
très mauvaise image. D'accord? Et, lorsqu'on parle de prothèses
dentaires, imaginez-vous une personne qui a des prothèses dentaires en
bouche et qui se voit référée à une Cour des
petites créances dont les délais sont de trois, quatre, six mois,
tout dépendant des régions, avec des prothèses dentaires
en bouche qui ne sont pas satisfaisantes, qui sont douloureuses, alors, ce
n'est vraiment pas un bon service à leur rendre. Ça engorge les
tribunaux ordinaires. Alors, si on pouvait, nous, à l'intérieur
de notre corporation, régler ces cas-là, on aurait un taux de
satisfaction de 20 % supérieur.
Quant au comité d'examen des plaintes, nous nous opposons
à son introduction car il ne viendrait qu'alourdir le système et
que son efficacité n'en serait que mitigée. De plus, n'oublions
pas que cela viendrait restreindre l'autonomie et l'indépendance
nécessaires à un syndic dans l'exercice de ses fonctions. Par
contre, nous ne verrions pas d'objection à ce que le comité soit
transformé en un comité aviseur pour le syndic, tel que
décrit dans le mémoire du Conseil interprofessionnel. Bien que ce
comité aviseur serait très peu utile à notre corporation,
étant donné la nature des plaintes chez nous et les moyens dont
dispose actuellement le syndic avant de rendre sa décision, le
législateur pourrait cependant étudier la possibilité de
demander au comité aviseur de réexaminer un dossier, à la
demande expresse d'un consommateur, mais non pas d'une façon
systématique. Ceci aurait pour effet de créer un moyen d'appel
pour le consommateur avant qu'il décide d'aller plus loin dans sa
démarche. Mais, comme M. Provencher l'a dit précédemment,
ce type de cas serait, à notre expérience, très rare chez
les denturologistes, étant donné les litiges en cause.
Merci.
M. Provencher: Les modifications proposées au processus
réglementaire dans l'avant-projet de loi sont, dans l'ensemble,
très positives. Par contre, nous sommes en désaccord avec les
modifications concernant l'intervention de l'Office dans tous les
règlements, même ceux dits à caractère
administratif. En cela, nous sommes d'accord avec le Conseil interprofessionnel
qui craint que l'Office perçoive son rôle d'une façon trop
rigide ou autoritaire, ou retarde, pour des motifs incompréhensibles ou
philosophiques, l'adoption des règlements. Nous ne comprenons pas,
d'ailleurs, pourquoi l'Office tient tant à obtenir ce pouvoir
supplétif. Quelles en sont les raisons? Nous pensons que c'est un
pouvoir d'ingérence, encore une fois, et de non-confiance aux
corporations professionnelles.
J'aimerais aussi vous sensibiliser sur un aspect de la protection du
public qui a été omis dans cet avant-projet de loi et qui
demanderait à être examiné, soit la pratique
illégale de la profession. En effet, nous pensons qu'en modifiant la
juridiction du Tribunal des professions, afin que celui-ci devienne un tribunal
en première instance en matière de pratique illégale, vous
rendriez service à la population et aux corporations. Il ne fait pas de
doute qu'un tribunal spécialisé en droit professionnel serait
beaucoup plus qualifié et que les corporations professionnelles
n'auraient pas à expliquer constamment comment interpréter les
dispositions qui définis-
sent l'exercice d'une profession.
L'Ordre des denturologistes est conscient de la volonté du
législateur et des problèmes auxquels ce dernier fait face. Nous
souscrivons pleinement aux objectifs du ministre de rendre le système
plus transparent, plus souple, plus accessible et moins coûteux. De tels
objectifs sont constamment recherchés par notre corporation
professionnelle et c'est pourquoi, dans le plus grand respect de chacun, nous
déplorons le manque de consultation de la part de l'Office dans cette
préparation de l'avant-projet de loi. Nous considérons que, pour
qu'un système soit efficace, chacun doit l'être aussi. Et,
lorsqu'on désire modifier le rôle de ceux-ci, on se doit de les
impliquer dans le changement souhaité. C'est la première
règle à suivre pour atteindre la responsabilisation des individus
ou des groupes dont nous parlions en introduction.
D'autre part, nous croyons aussi que la transparence, souvent
souhaitée, passe par l'éducation. Nous constatons que les
rôles de l'Office et des corporations professionnelles sont peu ou mal
compris par le commun des mortels. On associe, par exemple, trop souvent une
corporation professionnelle à un syndicat, dont le syndic est le digne
représentant. Nous suggérons au législateur ainsi
qu'à l'Office, en collaboration avec les corporations professionnelles,
d'intensifier l'information du public et ce, avant, pendant et après les
discussions sur d'éventuelles modifications. Les préjugés
envers les corporations sont déclenchés, parfois, par quelques
cas d'exception, mais qui circulent, persistent et s'amplifient à cause
du peu de compréhension du public du rôle des corporations
professionnelles. N'oublions pas qu'une hirondelle ne fait pas le printemps. Il
y a lieu que le public connaisse davantage le système professionnel,
dont particulièrement le rôle premier de son protecteur,
c'est-à-dire le syndic, ce qui effacerait peut-être cette croyance
populaire que les professionnels se protègent tous entre eux. (20 h
20)
Bien que certains éléments de l'avant-projet de loi soient
valables, nous sommes en désaccord avec le principe profond de cet
avant-projet de loi. C'est pourquoi l'Ordre des denturologistes a
recommandé dans son mémoire que ce projet soit rejeté dans
sa forme actuelle, mais que le législateur procède à une
réforme complète, en profondeur, du Code des professions
après les consultations de tous et chacun dans le système.
L'Ordre des denturologistes tient à assurer le législateur et
l'Office de son entière collaboration dans d'éventuelles
consultations visant à faire en sorte que notre système soit l'un
des meilleurs et l'un des plus avant-gardistes. Je vous remercie.
Le Président (M. Gautrin): Merci, M. Provencher. Alors,
pour la période de questions, je donnerai maintenant la parole à
M. le ministre responsable et député d'Abitibi-Est.
M. Savoie: Merci, M. le Président. Effectivement, il y a,
dans la présentation que fait l'Ordre des denturologistes du
Québec, des éléments qui méritent d'être
retenus. On est heureux de voir qu'effectivement vous avez pris le temps de
préparer un mémoire et également d'examiner certains
éléments qu'on n'a pas encore vu présenter devant nous,
mais on sait qu'ils vont venir, et on constate qu'il se développe un
certain consensus. Je parle, par exemple, de l'utilisation du tribunal pour des
cas de pratique illégale. On trouve qu'il y a là une avenue et on
vous remercie pour la recommandation. On va certainement regarder ça de
très près et échanger sur ça avec la justice. Il y
a là un pas, je pense, une recommandation positive pour bonifier le
projet de loi.
Il y a, à travers l'ensemble de votre mémoire, une
inquiétude de la création d'un déséquilibre en
faveur de l'Office où on parle effectivement des mesures... On souligne
que les mesures de tutelle, par exemple, les mesures d'enquête qui sont
proposées... On parie également de mesures coercitives d'une
façon générale au niveau du projet, du mémoire,
plutôt, et on a de la difficulté à concilier ça,
finalement, avec les grandes orientations du projet de loi. On se demande si,
effectivement, on ne cherche pas à rempirer l'orientation qui est
donnée dans le projet de loi en disant: Un pouvoir de tutelle,
nécessairement, ça vient du gouvernement et,
nécessairement, un pouvoir d'enquête va devoir être
contrôlé. Il ne pourra pas être libre d'intervention. On se
demande, dans un contexte comme ça, pourquoi, finalement, demander le
retrait du projet de loi en ce qui concerne, justement, ces pouvoirs de tutelle
et d'enquête parce qu'on a déposé ce matin un ensemble de
documents concernant une trentaine de lois qui accordaient un pouvoir
d'enguête à différentes instances gouvernementales et*
ça ne semblait pas créer de difficultés majeures à
ce moment-ci. On se demandait, étant donné le rôle de
l'Office, étant donné les possibilités d'intervention de
l'Office lorsque c'était nécessaire, pourquoi cette crainte de
déséquilibre constant, là?
M. Provencher: Cette crainte vient un peu du passé ou des
façons de procéder. On a relevé aujourd'hui, tant au
niveau du Conseil interprofessionnel que des médecins, un état
assez souvent de confrontation qu'il y a eu entre l'Office et les corporations
professionnelles. J'en ai discuté avec plusieurs de mes collègues
et ça semble être très largement un état de fait.
Chez nous, particulièrement chez les denturologistes, on a vécu
des expériences, il y a environ deux ans, qui nous font avoir crainte
que, quand tu es à la fois juge et partie, tu ne puisses pas te
défendre adéquatement ou de ne pas avoir le temps de le faire,
parce que, sur simple soupçon,
l'Office pourrait à ce moment-là, de son propre chef,
engager des procédures, et il y a une crainte à ce
niveau-là. On se dit que, s'il y a effectivement des soupçons qui
sont vérifiés, le législateur pourrait en prendre
connaissance et les corporations professionnelles pourraient, à ce
moment-là, avoir droit au chapitre et faire entendre leur version des
faits avant de décider ou de décréter des enquêtes
sur les corporations ou une tutelle quelconque.
M. Savoie: c'est ça. vous ne voyez pas dans le pouvoir
d'enquête, par exemple, une force positive qui permettrait justement
à contrôler certaines corporations professionnelles qui pourraient
outrepasser leur mandat.
M. Provencher: Comme je l'ai mentionné dans le
début du mémoire, si on avait des preuves de ça, s'il y
avait des courbes où on dit: Avoir eu ça, ces mandats-là,
j'aurais pu éviter tel ou tel problème... Ça n'a pas
été discuté avant. C'est ce qui a fait aussi que les
corporations professionnelles, quand on dit le manque de consultation de
l'Office, à ce niveau-là, on n'a pas pu prendre connaissance,
dire, on a eu tel problème et il devrait être réglé
par telle solution. Je ne crois pas qu'il y en ait eu réellement de
problème. C'est à cause de ça qu'on dit: Pourquoi on
change un système, on change la façon de fonctionner, alors qu'il
n'y a pas de base d'établie, de problème évident? Pourquoi
changer ce qui fonctionne bien?
M. Savoie: Oui, mais, le sondage, je pense qu'on a pu constater
que ça ne fonctionne pas si bien que ça. Il y a un
problème là.
M. Provencher: Effectivement, un problème au niveau du
règlement de la population. Comment les servir mieux? On a fait mention,
tout à l'heure, au niveau de la discipline, au niveau de la connaissance
du public, qu'il y a un problème là. Quand un public
dépose une plainte, il s'attend lui à avoir satisfaction, et la
discipline ne lui donne pas, jamais, satisfaction. Parce que même si elle
passe à travers tout le processus, elle qui voulait peut-être un
remboursement ou un ajustement, se ramasse à la fin du processus, elle
n'a pas eu ce qu'elle est venue chercher. Le professionnel a probablement
été condamné, mais la personne en elle-même sort un
peu frustrée, surtout dans le problème de judiciarisation qui
existe. Quand deux bons avocats se confrontent dans un comité de
discipline, le patient, des fois, se demande ce qu'il fait là.
M. Savoie: ...combien ça va coûter.
M. Provencher: Ça c'est quand il est avec la
corporation.
M. Savoie: Oui.
M. Provencher: Veux, veux pas...
M. Savoie: À la page 26, vous soulignez qu'il y a eu - et
vous faites une démonstration au niveau des 125 plaintes qui ont
été déposées sur les 275 actes, finalement, que
vous avez posés. Ça c'est au cours de l'année 1992, je
présume?
M. Provencher: La dernière année financière
qui est dans le rapport annuel de la corporation.
M. Savoie: D'accord, 1991-1992. M. Provencher: Exact,
1991-1992.
M. Savoie: Si on donnait suite à la recommandation de
l'utilisation d'un formulaire, le citoyen pourrait, par exemple, prendre,
développer un accès à un formulaire par le biais, disons,
de l'institution bancaire ou une caisse populaire de quelque sorte; pensez-vous
que ça va augmenter sensiblement le nombre de plaintes que vous allez
recevoir?
M. Arsenautt: Dois-je répondre? Écoutez, le
formulaire par lui-même n'augmenterait peut-être pas le nombre de
plaintes. Par contre, l'éducation, si ce formulaire-là est
envoyé avec une formule explicative du rôle du syndic, du
rôle des corporations professionnelles, alors là je croirais
peut-être que ça pourrait effectivement augmenter le nombre de
plaintes parce que moi, tous les jours, je reçois des coups de
téléphone de gens qui ne connaissaient même pas mon
existence, qui sont référées souvent par l'Office de la
protection du consommateur. Ils se sont adressés là. Et l'Office
me les réfère chez moi.
Ils ne connaissaient même pas mon existence. Ça me prend,
bien souvent, 10 minutes de discussion avec eux autres pour seulement les
mettre en confiance parce que leur première attitude c'est de croire que
moi je suis là pour défendre le denturologiste. Alors, un
formulaire en plus des explications expliquant clairement ce que c'est que
notre rôle, peut-être que ça pourrait aider, ça
serait bienvenu. Un formulaire, là vous parlez pour la rédaction
d'une plainte, c'est ça? Je pense qu'on devrait aussi autoriser
n'importe qui à écrire comme bon lui semble sur une simple
feuille. Ça peut être bien dans un cas, mauvais dans l'autre,
alors, qu'on laisse une latitude assez large aux gens de s'exprimer comme ils
le veulent. (20 h 30)
M. Savoie: Ah oui, un n'exclut pas l'autre, là.
M. Arsenautt: Ah, non, absolument.
M. Savoie: Tout simplement que le formulaire devrait faciliter la
tâche. Alors, vous pensez de rester là, à 125 plaintes,
grosso modo,
par année? Vous ne pensez pas, là, que...
M. Provencher: Si on regarde les différents rapports
annuels, vous allez constater qu'il y a une diminution de plaintes à
travers les années. Il y a moins de plaintes, si on regarde voilà
dix ans, comparativement à aujourd'hui.
M. Savoie: C'est ça.
M. Provencher: La tendance est à la baisse au lieu
d'être à la hausse.
M. Savoie: Oui, et vous attribuez ça, finalement, à
la formation continue, des éléments comme ça?
M. Provencher: On attribue ça aussi à ce que
j'appellerais la responsabilisation des professionnels. C'est clair que, quand
ils font face au syndic, qu'ils font face à une évaluation de
leur travail, j'ai comme l'impression que maintenant, ceux qui ont passé
à travers le processus font beaucoup plus attention et évitent de
leur propre chef ce genre de démarche-là, parce qu'il n'est
jamais agréable pour un professionnel de dire: Ici le syndic de l'Ordre,
j'ai un problème. Tout le monde, là, les épaules leur
dressent un peu, là. Ils sont inquiets.
M. Savoie: D'accord. Et finalement, si je comprends bien,
là, c'est que vous êtes d'accord avec la réforme
proposée pour plusieurs éléments, mais par contre, sur
certains éléments, là, vous demandez tout simplement le
retrait de certains mécanismes en ce ', qui concerne la tutelle et
l'enquête. Par exemple, l'examen des plaintes, vous demandez un registre
de ça. Mais vous voulez quand même que le processus - c'est
à la page 34 de votre mémoire, hein - vous affirmez toujours que
bon, effectivement, c'est la bonne orientation, qu'il faut réformer en
profondeur...
M. Provencher: C'est ça, il y a certains
éléments dont on trouve qu'ils sont inadéquats, mais il y
en a d'autres qui sont très importants.
M. Savoie: D'accord. Et le comité des plaintes,
évidemment, vous prenez la même position que le Conseil
interprofessionnel, vous voulez un comité...
M. Provencher: ...aviseur.
M. Savoie: ...consultatif, sur une base volontaire, ou
obligatoire?
M. Provencher: Parce que, chez nous, un comité des
plaintes, de la façon que ça peut se travailler, c'est que,
quelle utilité il va avoir, puisque le syndic règle
déjà les problèmes, mais il ne les amène pas en
discipline dans 90 % des cas. Si on considère que chacun de ces
cas-là est une plainte, étant donné qu'ils n'ont pas
été en discipline, le comité devrait se repencher sur ce
que le syndic a fait. On trouve que c'est un dédoublement, c'est de
l'argent qui, veux, veux pas, est gaspillé, et un processus qui est
alourdi pour rien. Mais par contre, si une personne est insatisfaite du syndic,
si on donnait une piste, peut-être que ce comité-là,
à la demande du consommateur, pourrait servir; ou encore, dans des cas
compliqués, le syndic pourrait l'utiliser pour avoir un avis. Dans les
deux cas, ça pourrait rendre certains services. On disait que chez nous
il y a moins d'efficacité, ou... parce que le syndic a
déjà tous les moyens à sa disposition pour avoir des avis.
C'est clair que, quand il a des problèmes, il va aller chercher des
experts ou des personnes pour s'entourer; quand je dis «experts»,
on ne se limite pas strictement à des denturologistes, ça peut
être des gens en marketing, si on parle de publicité; il va
s'entourer des personnes pour être capable de donner une réponse
éclairée.
M. Savoie: D'accord. Ça fait que, finalement, au niveau du
comité, ce serait finalement sur une base volontaire.
M. Provencher: Volontaire.
M. Savoie: Alors, vous, finalement, vous direz: Non, nos
structures sont suffisantes pour répondre à nos attentes au
niveau...
M. Provencher: C'est ça, parce que les besoins des
consommateurs vont être remplis, à ce moment-là...
M. Savoie: Oui, c'est ça.
M. Provencher: ...sans ça.
Le Président (M. Gautrin): M. Arsenault.
M. Arsenault: Vous allez juste comprendre que, d'après la
nature des services qu'on offre, des prothèses dentaires, il est
absolument essentiel que, moi, je me doive d'offrir un service rapide de
négociation et de règlement des conflits.
Le Président (M. Gautrin): Merci, M. Arsenault. Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, M. Provencher,
Mme Bouchard, M. Arsenault et M. Dubé, bienvenue. Votre mémoire
est intéressant à plusieurs égards. Lorsque vous expliquez
la situation économique difficile, et que vous répétez,
finalement, que la confiance des citoyens envers les institutions en
général est fortement ébranlée, je pense que c'est
une réalité. Ça ne s'applique pas uniquement aux
professions, ça s'applique aux gouvernements, ça
s'applique aux commissions scolaires, aux autorités religieuses,
aux municipalités, et on aurait pu faire la liste encore plus longue, et
la réaction, évidemment, est toujours d'ajouter au
système. Donc, plus le système est complexe, plus le
système est bureaucratique, moins les gens sont satisfaits et moins le
système est efficace. On a eu un exemple avec le problème des
taxes des cigarettes et l'ajout d'une police verte qui n'a pas
nécessairement solutionne le problème. Mais on ajoutait un autre
palier et c'était beaucoup plus difficile.
Le Président (M. Gautrin): Restons dans les
denturdogistes.
Mme Caron: Oui, oui, c'est à la page 6, la situation
économique difficile. C'est en plein dans le sujet, M. le
Président. Donc, vous nous dites que, finalement, l'important c'est
d'avoir un système qui soit simple, efficace et qui donne satisfaction.
À la page 26, à cet égard-là, votre tableau est
très révélateur et je pense que vous démontrez que
dépendamment des sercices qui sont offerts par les professionnels, les
solutions peuvent en fait être très différentes. C'est
évident que, dans le cas d'un denturologiste ou d'un dentiste qui offre
des services dentaires, la personne, ce qu'elle souhaite, c'est sa
satisfaction. Même si le professionnel a une sanction, ça ne lui
donne pas satisfaction si on ne règle pas son problème. Je pense
que, dans des corporations comme les optométristes ou les opticiens, on
peut retrouver sensiblement le même type de problème.
J'aurais une question sur votre tableau. Lorsque vous nous dites: parmi
les 18,4 %, pour 13, aucune conciliation, est-ce que qu'on peut nous donner des
exemples, des raisons? Vous nous disiez tantôt: Bon, si la personne a un
problème avec ses prothèses dentaires et qu'elle doit attendre
aux petites créances, est-ce qu'on a des raisons pour que la
conciliation ait échoué?
Le Président (M. Gautrin): M. Arsenault.
M. Arsenault: Oui. Les raisons peuvent être diverses, mais
c'est qu'habituellement le denturologiste se refuse de reconnaître,
j'allais dire le jugement, mais enfin l'examen, l'expertise qui a
été pratiquée sur ses prothèses, se refuse de se
soumettre à notre recommandation. Alors, c'est ça. Si on a fait
une distinction vis-à-vis les dix plaintes qui étaient
dirigées vers les tribunaux, c'est parce qu'on sait que celles-là
ont été effectivement dirigées, la personne a poursuivi et
nous lui avons donné assistance, nous avons envoyé la personne
qui avait fait l'examen des prothèses pour expliquer au juge
c'était quoi le problème. On offre ça, mais ça
n'empêche pas que le délai est extrêmement long. Souvent,
parmi ces gens-là qui refusent une conciliation, ils connaissent
très bien le système, ils se disent que s'ils laissent courir
vers les petites créances, eh bien alors là ils vont retarder le
paiement final de trois mois, quatre mois, six mois. Alors, souvent on
s'aperçoit que c'est ça, c'est juste pour retarder
l'échéance.
Le Président (M. Gautrin): Merci. M. Provencher: Si
je peux compléter. Le Président (M. Gautrin): Bien
sûr.
M. Provencher: II y a aussi l'autre aspect où c'est le
consommateur auquel on dit qu'il peut avoir un. règlement qui n'est pas
tout à fait complet et qui veut plus que ce qui lui est offert ou le
genre de conciliation qui est amenée. À partir de ce
moment-là, c'est le consommateur lui-même qui refuse. C'est pour
ça qu'on a aussi séparé entre deux parties, parce que...
aucune conciliation, c'est autant le consommateur ou le professionnel qui
peuvent refuser. Diriger vers les tribunaux, c'est un petit peu ce que M.
Arsenault vous a dit, c'est qu'à ce moment-là ça s'est
effectivement dirigé vers les tribunaux et on a fourni assistance au
patient.
Mme Caron: Est-ce que vous avez une idée des
résultats sur les plaintes qui sont dirigées vers les
tribunaux?
M. Arsenault: Sur une bonne partie, oui, effectivement, le
patient souvent nous rappelle et nous dit: Merci beaucoup de votre assistance.
Je viens de recevoir mon jugement quelques semaines après et
c'était positif. Parce qu'il faut dire que, lorsqu'on envoie soit un
expert ou soit un autre denturologiste qui a procédé à un
examen, ça met du poids dans la balance, effectivement. Mais,
malheureusement, c'est trois mois après.
Mme Caron: Dans votre mémoire, page 32, vous nous parlez
brièvement des règles de conservation des dossiers disciplinaires
et des autres dossiers détenus par la Corporation. On sait
qu'actuellement il y a des audiences concernant le projet de loi 68 sur la
protection de la vie privée. Est-ce que vous croyez que le Code des
professions devra s'ajuster avec ce projet de loi qui va également
toucher les professionnels?
Le Président (M. Gautrin): Bien sûr. M.
Arsenault.
Mme Caron: Bien sûr. M. Dubé... M. Arsenault:
Ah, non, ça va être... Le Président (M. Gautrin):
M. Dubé.
M. Arsenault: M. Dubé. (20 h 40)
Le Président (M. Gautrin): M. Dubé, c'est
vous-même qui êtes concerné.
M. Dubé (Jean-Claude): Ça va. Alors,
définitivement, il va y avoir des ajustements à faire dans ce
sens-là. Il faut bien comprendre qu'il y a une certaine
réalité qui existe au niveau professionnel dans la nature des
renseignements qu'on peut détenir - je parle particulièrement en
milieu médical - sur la nature des renseignements qui sont
nécessaires au professionnel, à l'exercice de ses actes. Je vous
donne comme exemple, on a eu un cas comme ça, là, pas
nécessairement l'Ordre des denturologistes, mais qui a été
exposé dans une séance, dans une plénière, on
parie, entre autres, de renseignements sur des gens, de nature médicale,
entre autres, des gens qui sont sidatiques. Or, on a eu la question qui a
été posée: Est-ce que le professionnel qui reçoit,
exemple, le coup de téléphone de l'épouse de l'individu,
est tenu, effectivement, de dévoiler des renseignements sur la nature de
la maladie de son mari? Parce qu'elle voit bien qu'il a une maladie, et elle
pense que c'est ça. Alors, il y a un paquet, une foule d'exemples qu'on
peut donner comme ça, qui vont faire en soi que, nécessairement,
les dossiers médicaux doivent avoir un caractère confidentiel, et
qu'on ne peut pas révéler, et je pense que le projet de loi 68 va
avoir un effet là-dessus.
Mme Caron: Vous nous avez parié, M. Provencher, de
l'importance de l'information, et je pense que c'est un des points majeurs
concernant cette réforme, puisque après 20 ans le public en
général nia pas endossé le système professionnel
comme tel et le trouve non transparent. Du côté de l'information,
est-ce que vous voyez des pistes de solution?
M. Provencher: Du côté de l'information, il faudrait
qu'il y ait un consensus de toutes les parties. C'est clair que l'Ordre des
denturologistes a sa part à faire, qu'il n'a peut-être pas faite
aussi adéquatement qu'il devrait le faire. Les autres corporations aussi
devraient mettre la main à la pâte et le faire, aussi. S'il y
avait un consensus de toutes les corporations, ajoutez à ça le
poids de l'Office et la caution du gouvernement, il est certain qu'on peut
rejoindre beaucoup de consommateurs et, tranquillement, faire changer une
mentalité. Ça ne se fera pas du jour au lendemain, mais, si on
demande à strictement un intervenant de tout faire, ça peut
prendre du temps. On l'a vu, ça fait 20 ans, et chacun a attendu que le
voisin règle le problème, et il ne s'est pas
réglé.
Mme Caron: Le ministre soulevait tantôt qu'il semblait
trouver dans votre mémoire une certaine méfiance pour le
rôle de l'Office des professions. Pour avoir participé aux travaux
du projet de loi 17, j'avoue que je me souviens très bien de ce projet
de loi 17 - j'en pariais justement au souper avec mon collègue de
Laviolette qui était présent à ce moment-là, notre
députée collègue des Chutes-de-la-Chaudière, qui,
elle, n'était pas présente, et à ce moment-là je
n'étais pas porte-parole, je faisais partie des membres de la
commission, moi, et c'était la députée de Chicoutimi qui
était porte-parole - et je me souviens très bien qu'à une
question très précise concernant une possibilité de
règlement de compte, finalement, parfois, de l'Office par rapport
à une corporation professionnelle, je pense que le président nous
avait candidement avoué qu'effectivement, oui, il avait
décidé, par le projet de loi 17, de mettre une corporation au pas
et que c'était ce qu'il avait décidé de faire. Est-ce que
cet élément-là, qui, bon, finalement, avec un processus
réglementaire, peut toujours jouer contre ou pour une corporation
professionnelle, compte tenu de tout ce processus réglementaire qui
demeure dans les mains de l'Office, et avec l'avant-projet de loi qui augmente
les pouvoirs de l'Office, est-ce que c'est cette méfiance, c'est cette
inquiétude qu'on sent du côté des corporations
professionnelles?
M. Provencher: C'est effectivement une inquiétude que l'on
a. Il est clair que dans le passé, il y a eu des gestes posés par
l'Office, et je fais référence à... pas juste le
président actuel et l'Office actuel. Même dans le passé, on
a eu des problèmes de cet ordre-là, où il y avait des
niveaux de philosophie qui accrochaient d'un bord et de l'autre, et le pouvoir
de l'Office, à ce moment-là, était de mettre des
règlements sur la... sur la table d'attente. C'est clair qu'au niveau de
la loi 17 on a eu une lutte épique, qui s'est déroulée
à ce niveau-là. Mais je me rappelle aussi de la publicité
chez les professionnels où l'Office avait décidé qu'il
imposerait, veux veux pas, et qu'il y avait même des communiqués
de presse qui étaient prêts avant même que les
décisions sortent. C'est un ensemble de passé et de
présent qui fait en sorte qu'il y a des réticences pour l'avenir.
C'est clair que ça s'appuie, c'est diffus, on ne sait pas... Pour moi,
l'Office des professions devrait avoir le même degré de
collaboration que nous on l'a avec nos membres. C'est clair que tu sévis
si un membre ne fait pas correctement, mais, pour tous les autres, tu cherches
à lui aider. S'il y a de quoi qui ne fonctionne pas, tu vas lui donner
l'aide, le support qu'il lui faut pour qu'il accomplisse bien son travail. Mais
on essaie autant que possible d'éviter la confrontation entre nos
membres. Il devrait exister, selon moi, le même genre de
complicité entre les corporations professionnelles et l'Office des
professions, ce qu'on n'a pas vécu jusqu'à date.
Mme Caron: Écoutez, si j'ai abordé le point, je
pense que, pour avoir rencontré la très grande
majorité des corporations professionnelles, j'ai toujours senti
ce malaise, cette espèce de pouvoir discrétionnaire, dans le
fond, au niveau du processus réglementaire qui, humainement parlant,
joue toujours évidemment et peut avoir un poids par rapport aux
corporations professionnelles. Je pense que c'est important qu'on se le dise
aussi parce que ça fait partie des problèmes qui sont
vécus au niveau du système professionnel. Je vous remercie.
Le Président (M. Gautrin): merci. est-ce qu'il y a un
autre député ministériel qui a des questions? non. est-ce
que m. le député d'abiti-bi-est et ministre responsable...
M. Savoie: Oui. Merci, M. le Président. Effectivement, on
a abordé plusieurs des points qu'ils ont soulevés dans leur
mémoire. Je pense que l'élément fondamental, c'est
effectivement leur réticence vis-à-vis du comité des
plaintes, tutelle, pouvoir d'enquête, mais que, pour l'ensemble
finalement, il n'y a pas de problème majeur, dans le sens qu'il y a des
points qui doivent se discuter. Ils nous demandent des consultations sur tel
élément une fois qu'une décision sera prise.
Et ça nous ramène au coeur finalement du projet,
c'est-à-dire, justement, ce rôle que l'Office doit jouer des fois.
Vous dites finalement, à la page 15 de votre mémoire, que
l'Office doit exercer un pouvoir de surveillance qui devrait s'exercer non pas
sous forme de, finalement, régence, mais bien dans un rapport de
collaboration. On a constaté que, des fois, cette
collaboration-là était assez difficile. On a vu, avec certaines
corporations professionnelles, par exemple, un refus d'appliquer telle partie
de leur code de déontologie ou d'appliquer tel aspect de la loi, prendre
des positions assez militantes. C'est assez difficile à ce
moment-là pour l'Office de voir au grain si elle n'a pas un
«bat» de baseball.
M. Provencher: Je pense que, sans avoir ça, il serait
assez facile, et chez nous comme ailleurs ça a été
discuté, de venir et de voir. Je ne sais pas combien de fois on a
invité les procureurs de l'Office à venir assister à un
comité de discipline. On leur expliquait la difficulté qu'on
avait, qu'on rencontrait et jamais ils ne se sont déplacés pour
ça. Quand on parle de pouvoir de surveillance, je verrais le rôle
autrement de ce qu'il est aujourd'hui. J'irais réellement dans la
corporation voir ce qui se passe et en discuter en profondeur. Mais, ça,
c'est des philosophies qui... ça ne s'est pas passé à
travers les années.
M. Savoie: Mais vous avez vu les groupes de consommateurs nous
dire: Ah! ça ne va pas assez loin, il n'y a pas assez de ci, il n'y a
pas assez de ça, ça prend... Enlevez, par exemple, le jugement
par les pairs et bon... Alors, finalement, on se demande... Vous comprendrez
qu'on est à la recherche d'un équilibre. Bien sûr, les
corporations professionnelles ont notre confiance. Bien sûr, on veut que
les corporations professionnelles se développent, jouent un rôle
actif, mais on n'est pas au paradis, ça ne fonctionne pas toujours. Des
fois, évidemment, il y en a un qui part de travers suite à une
élection... Ha, ha, ha! Et, à ce moment-là, il faut le
ramener et souvent les paroles, non. Le bon sens n'a pas toujours son
rôle et c'est pour ça que finalement on est d'accord pour le
baliser. Je pense qu'il ne faudrait pas jouer sur le concept d'abus. Je pense
que tout simplement il y a un problème, il se présente, par
exemple, au gouvernement, au ministre, et on dit: Bon bien, effectivement, on
demande un pouvoir d'enquête parce qu'il y a une transgression, ou bien,
carrément, on recommande au gouvernement une tutelle. À ce
moment-là, il y a un «bat» de baseball et souvent les choses
ont... Pensez-vous qu'il va y avoir un abus de la part du gouvernement avec un
pouvoir d'enquête, un pouvoir de tutelle? (20 h 50)
Le Président (M. Gautrin): C'est M. Dubé ou M.
Provencher?
M. Dubé: Vous permettez.
Le Président (M. Gautrin): M. Dubé.
M. Dubé: Si vous me permettez, M. le ministre, simplement
de souligner la chose suivante. Il y a une différence entre un pouvoir
de surveillance et être un gardien des choses lorsqu'on travaille avec
une épée de Damoclès parce que, finalement, on a
accordé des pouvoirs à un organisme qui a ce pouvoir de
surveiller des choses. Ce qu'on dit dans le mémoire, c'est qu'il a un
pouvoir de surveiller, nous en sommes tout à fait conscients et nous
voulons que ce pouvoir-là s'exerce par l'Office dans un système
de collaboration.
Là où est la problématique matérielle et
l'expérience du passé, c'est qu'il s'est avéré que
ce n'est que par la suite, au moment où nous sommes arrivés
à faire face à des situations de fait, qu'ils ont
été opposés à l'Ordre des dentu-rologistes en
disant: Voici la situation. Et tout ça s'est fait en catimini, sur des
croyances, sur des adages, peut-être pour d'autres convictions, d'autres
personnes, alors que nous on n'en était pas au courant de ces
situations-là. Alors, comment faire pour avoir cette confiance en notre
organisme de surveillance, de savoir qu'il agit, dans certaines façons,
en catimini, et d'arriver devant cet organisme qui a eu la possibilité
d'être partie, d'instituer lui-même son enquête, qui peut
être à notre insu, d'en tirer des conclusions, de faire une
recommandation auprès du gouvernement? Tout ça, on va être
pris dans un état de fait et on n'aura pas à se
faire valoir.
M. Savoie: Oui. C'est sûr que...
M. Dubé: Et c'est ce qu'on veut enlever de cette
portion...
M. Savoie: Oui.
M. Dubé: ...dans le cadre des modifications qui sont
apportées dans le sens que l'Office procède à son pouvoir
de surveillance, définitivement; qu'il y ait des moyens, oui, mais pas
avec les mécanismes qui sont prévus à l'avant-projet de
loi.
M. Savoie: C'est ça.
M. Dubé: C'est ça qu'est le problème.
M. Savoie: Évidemment, la règle fondamentale de
droit, audi alteram partem, des choses comme ça, ça va être
respecté. Ce n'est pas mis en jeu et, évidemment, on ne vise pas
les denturologistes parce qu'on pense bien que depuis plusieurs années,
quelques années tout au moins, les choses ont pris du pic et on sent
qu'on a un partenaire actif et dynamique au sein du monde professionnel. La
bonne volonté des denturologistes n'est aucunement mise en jeu.
Finalement, la question, si je comprends bien, ça vient d'une
évaluation qui vous fait croire que, si on leur donne un
«bat» de baseball, ils vont nous taper dessus. C'est un peu
ça.
M. Dubé: On voudrait bien savoir quand est-ce qu'on va
être frappés, en tout cas.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dubé: Disons que l'audi alteram partem n'est pas si
évident aux modifications du projet de loi.
M. Savoie: Oui, c'est ça.
M. Dubé: C'est ça peut-être le
problème.
M. Savoie: Mais enfin...
Le Président (M. Gautrin): II vous reste une minute pour
conclure.
M. Savoie: Merci, M. le Président. Enfin, on constate
qu'il y a là, finalement, une volonté de maintenir et de
développer un équilibre malgré tout. On comprend,
finalement, votre position au niveau du comité des plaintes: 125, les
éléments comme ça. On comprend également vos
craintes vis-à-vis... à cause de toutes sortes
d'éléments au niveau des pouvoirs de tutelle et d'enquête
qui sont proposés dans le projet de loi, que vous nous dites:
Écoutez, pensez-y deux fois et si vous devez y aller, bien, balisez-les
comme il faut si ça devait être retenu. Vous savez fort bien aussi
que si on revient avec un projet de loi il n'y aura pas de commission
parlementaire, mais certainement que les corporations vont être
consultées sur le texte final avant que ce soit déposé
pour vos commentaires.
Le Président (M. Gautrin): Merci. Mme la
députée de Terrebonne, vous avez quelques minutes encore pour
poser quelques questions.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Vous nous en avez
parlé brièvement, et j'aimerais vous entendre un peu plus
longtemps sur le problème de la pratique illégale de la
profession. Alors, je ne sais pas lequel ou laquelle veut nous répondre
là-dessus.
M. Provencher: Notre procureur va vous donner...
Le Président (M. Gautrin): M. Dubé, encore.
M. Provencher: II les vit à chaque jour, on va le laisser
répondre.
Le Président (M. Gautrin): Ah! M. Dubé, vous
devenez un professionnel de la réponse.
M. Dubé: Ce qui était remarquable, c'est cette
absence de modifications apportées au Code et qui pourraient permettre
des mécanismes beaucoup plus tangibles, flexibles pour la corporation
parce que vous savez qu'au niveau de la pratique illégale, s'il y a bien
quelque chose qui met en péril la sécurité du public,
c'est bien une des premières choses auxquelles une corporation fait face
et doit avoir pour la protection de son public.
Maintenant, on est pris dans un système dans lequel le
dépôt de ces plaintes-là se fait devant les tribunaux de
droit commun. On est pris dans un système qui est lourd
administra-tivement, qui est long dans le temps, qui est mal perçu, mal
compris aussi par les tribunaux de droit commun. Je vous dirais, par
expérience - ça fait plus de 10 ans que je suis procureur
à l'Ordre des denturologistes, qui sont mes clients et que je
«fais» de la pratique illégale devant les tribunaux de droit
commun - de me faire dire par des juges: Écoutez, 500 $ pour un chef de
pratique illégale, vous n'y allez pas de main morte. Mais oui, c'est le
minimum. Et c'est à rebrousse-poil que le juge prononce la sentence de
500 $ pour un chef. Alors, je vous dis qu'on fait face à un paquet de
problématiques dans ce milieu de la pratique illégale, pour
lesquelles on dit: L'avant-projet devrait prévoir quelque chose, au
moins du côté de la pratique illégale. En tout cas, je
regarde au niveau de la denturdogie, c'est quelque chose qui est crucial, qui
est important pour la protection du public. On a vu
des cas extraordinaires là-dedans, de gens qui ne sont pas
habilités à pratiquer et qui ont causé à des gens
des dommages importants à leur santé buccale.
Alors, il y a des mécanismes qui doivent être
envisagés de ce côté-là, qui faciliteraient... On
vous a lancé l'exemple comme terrain à exploiter. Est-ce que le
Tribunal des professions ne serait pas déjà une première
instance qu'il serait beaucoup plus facile, en fin de compte, de voir à
cette compréhension qu'est l'exercice d'une profession et de ceux qui
n'y ont pas le droit? Alors, je pense qu'il faut voir ce
côté-là et ça, c'est une partie drôlement
importante et, pourtant, on n'en a presque pas entendu parler, tout au moins
aujourd'hui. C'est une phase où il y a tout à voir et tout
à gagner lorsqu'on prend le mandat qu'on a, de protection du public.
Mme Caron: Oui, je pense que vous avez parfaitement raison, M.
Dubé. C'est, évidemment, un des points importants si on veut
vraiment assurer la protection du public, d'autant plus lorsqu'on touche,
finalement, à la santé des citoyens et des citoyennes. Je pense
que, ça, vous l'avez clairement démontré.
M. Dubé: Et des pertes financières que les gens
ont...
Mme Caron: Oui.
M. Dubé: ...parce qu'ils ont payé quand même
de gros prix pour avoir des prothèses qui sont tout à fait
inadéquates et qu'ils ont des problèmes de santé
après.
Mme Caron: Eh bien, il me reste à vous remercier,
principalement pour nous avoir présenté un modèle
précis. Je pense que c'était une excellente idée de nous
ajouter votre tableau, parce qu'on a parlé, au cours de la
journée, de conciliation et on n'avait pas de chiffres, on n'avait pas
d'exemples précis. Je pense que c'est très concluant, je vous en
remercie beaucoup.
Le Président (M. Gautrin): Je tiens à vous
remercier, M. Dubé, M. Provencher, M. Arse-neault, Mme Bouchard, pour
votre contribution ici, à la commission.
Je vais demander, maintenant, à la Corporation professionnelle
des administrateurs agréés du Québec, de bien vouloir
s'avancer. Je vais suspendre les travaux pour trois minutes.
(Suspension de la séance à 20 h 59)
(Reprise à 21 hi)
Le Président (M. Gautrin): La commission va reprendre ses
travaux. Alors, M. Gagnon et M.
Plante, on vous souhaite la bienvenue ici à notre commission.
Vous connaissez les règles puisque vous y avez assisté depuis un
bout de temps. On a une heure pour nos échanges qui va se partager de la
manière suivante: 20 minutes pour votre présentation, 20 minutes
pour les questions des députés ministériels et 20 minutes
pour les questions des députés de l'Opposition. Alors, je ne sais
si c'est M. Gagnon ou M. Plante? M. Gagnon.
Corporation professionnelle des administrateurs
agréés du Québec (CPAAQ)
M. Gagnon (Richard): M. le Président, M. le ministre, M
mes et MM. les députés, mon nom est Richard Gagnon. Je suis le
directeur général de la Corporation professionnelle des
administrateurs agréés. Je suis accompagné de M. Fernand
Plante, qui est membre du bureau de direction et membre du comité
administratif de notre corporation professionnelle.
Alors, le système professionnel québécois aura
bientôt 20 ans. C'est beaucoup et c'est peu à la fois. C'est
beaucoup si l'on considère les progrès marqués que cette
réforme a permis d'accomplir, particulièrement pour ce qui touche
la protection du public et le développement des compétences
professionnelles. C'est peu lorsqu'on tient compte de l'envergure de la mission
confiée aux corporations professionnelles et aux instances mises en
place et du temps qu'il a fallu pour en quelque sorte roder la machine.
La Corporation professionnelle des administrateurs agréés
a participé activement à cette réforme. De notre point de
vue, le système professionnel québécois fonctionne bien et
globalement il atteint les objectifs visés au départ. La
principale raison de ce succès tient à l'équilibre entre
les divers intervenants au sein du système. C'est pourquoi nous nous
inquiétons de voir cet équilibre remis en cause par
l'avant-projet de loi soumis pour l'étude à cette commission.
Plus précisément, nous sommes en désaccord avec les
dispositions de l'avant-projet de loi qui s'éloignent de la philosophie
de base qui a présidé à l'adoption du Code des
professions, notamment l'autogestion des corporations professionnelles. Tout en
reconnaissant qu'il y a place pour des améliorations en vue
d'accroître l'efficacité du sytème, particulièrement
pour ce qui est de la réglementation, nous considérons que
l'ampleur de la démarche proposée est injustifiée. C'est
le message que je viens livrer aujourd'hui à cette commission. De
façon générale, le mémoire que vous a
présenté le Conseil interprofessionnel du Québec cet
après-midi reflète bien notre position. Malgré cela, nous
avons jugé bon, compte tenu de l'importance des enjeux, de nous adresser
directement à la commission pour faire état de nos principales
réflexions sur ce plan à la lumière de l'expérience
qui nous est propre.
La Corporation des administrateurs agréés compte environ
4000 membres qui oeuvrent à titre de gestionnaires dans les entreprises
québécoises ou qui exercent dans des domaines
spécialisés tels: le conseil en management, la gestion
immobilière ou la planification financière. Les administrateurs
agréés sont présents tant dans le secteur public et
parapublic que dans le secteur privé au sein d'organismes de toutes
tailles.
Au cours des dernières années, notre corporation a
consacré des efforts importants à la modernisation des normes
professionnelles proposées à ses membres ainsi qu'au maintien et
au développement de leurs compétences professionnelles. Elle a
également porté une grande attention au bon fonctionnement des
mécanismes de contrôle établis par le Code des professions.
Pendant cette période, nous avons doublé le nombre de nos
membres. Des alliances stratégiques nous ont permis d'accueillir dans
nos rangs les administrateurs immobiliers et, plus récemment, les
conseillers en management et les planificateurs financiers.
C'est donc forte d'une expertise et d'un membership élargis que
notre corporation professionnelle vous soumet ses commentaires sur cet
avant-projet de loi. Notre position à ce sujet est claire. Nous appuyons
les changements qui permettront d'améliorer l'efficacité du
système actuel, mais nous sommes en désaccord avec toute remise
en question des principes de base sur lesquels repose le système.
Lors de la réforme des professions au début des
années soixante-dix, c'est aux corporations professionnelles que la loi
a confié la responsabilité de protéger le public dans ses
rapports avec leurs membres. Ce faisant, le législateur a
confirmé que les membres d'une profession sont les mieux placés
pour assurer entre pairs le contrôle de la qualité des actes
professionnels posés. De même, il a reconnu qu'ils sont les
premiers intéressés à voir leur profession se gagner la
confiance du public et se tailler une solide réputation grâce
à la mise en place de standards élevés. C'est encore vrai
aujourd'hui et les corporations professionnelles ont largement
démontré, quant à nous, leur capacité à
s'auto-contrôler et à s'autodiscipliner. Pour assurer le bon
fonctionnement de ce système, le législateur a
créé, dans la même foulée, l'Office des professions
du Québec et le Conseil interprofessionnel du Québec, deux
organismes appelés à intervenir auprès des corporations ou
en leur nom selon le cas.
Les corporations professionnelles constituent donc la pierre angulaire
du système et nous sommes en mesure de témoigner qu'elles
atteignent les objectifs qui leur ont été fixés. Tout en
reconnaissant la pertinence de mettre à jour la législation
professionnelle pour rendre le système plus transparent, plus souple,
plus accessible, moins coûteux, comme le souhaite le ministre, nous
estimons inopportun de procéder à une nouvelle réforme en
profondeur du système en lui apportant des changements aussi
substantiels que ceux que propose l'avant-projet de loi. Comme le souligne le
Conseil interprofessionnel dans le mémoire qu'il présente au nom
des corporations, il importe, au moment de considérer des changements
à l'organisation professionnelle, de reconnaître que celle-ci a
atteint un stade de maturité. L'époque où l'Office des
professions était appelé à fournir un soutien important
à la mise en place des structures et à l'élaboration de
règlements dans les corporations professionnelles est plutôt
révolue.
Dans ce contexte, nous tenons à exprimer notre désaccord
avec les dispositions de l'avant-projet de loi qui accorderaient à
l'Office des professions des pouvoirs d'intervention directe ainsi que des
pouvoirs d'enquête à sa propre initiative et le pouvoir d'imposer
aux corporations des règlements dont l'adoption leur revient. Nous
considérons aussi que le rôle des corporations professionnelles
devrait être préservé, ce qui permettra de maintenir un
équilibre dont les résultats sont largement probants. Cet
équilibre repose sur un partage de responsabilités entre quatre
grands intervenants. D'une part, l'État, qui adopte les lois en vue de
donner accès à des services professionnels de qualité et
qui voit à leur application, d'autre part, les corporations qui assurent
la protection du public grâce au contrôle de l'admission dans leurs
rangs, l'évaluation des compétences de leurs membres, la
surveillance de la pratique des professions et l'offre de recours aux usagers
qui auraient à se plaindre de services professionnels. Cette autogestion
constitue la base même du système. De son côté,
l'Office des professions veille à ce que chaque corporation assure la
protection du public. Il est appelé à suggérer, au besoin,
la création, la fusion, la dissolution de corporations et des
modifications aux lois qui les régissent. Enfin, le CIQ assure un
ensemble de mandats touchant les liens entre les corporations et leur
représentation ainsi que l'étude de leurs problèmes
communs.
L'avant-projet de loi vient, à notre avis, bouleverser cet
équilibre entre les intervenants en renforçant la présence
de l'Office des professions et en l'autorisant à intervenir trop
directement dans les corporations professionnelles, à l'encontre des
principes fondamentaux d'autogestion. Notre corporation s'objecte donc à
l'élargissement du rôle et des pouvoirs de l'Office, notamment
à ce que lui soit conférés des pouvoirs d'imposition,
d'approbation, d'exécution d'enquête et de tutelle qui
appartiennent actuellement soit au gouvernement, soit aux corporations
elles-mêmes. Selon nous, l'ajout de ces pouvoirs entre en contradiction
avec la mission fondamentale de l'Office qui est d'abord de veiller à ce
que chaque corporation assure la protection du public. Nous sommes aussi
préoc-
cupés par les dispositions qui visent à conférer
à l'Office de nouveaux pouvoirs d'enquête, beaucoup plus
étendus et permanents. À notre avis, ces pouvoirs doivent
continuer à être réservés au gouvernement
lui-même et n'être délégués que dans des
situations où il s'en réserve l'évaluation. Dans la
même logique, nous récusons le bien-fondé de la
reconnaissance d'un pouvoir de tutelle à l'Office des professions.
Là aussi, selon nous, c'est au gouvernement qu'il revient de fixer les
conditions précises d'intervention et l'Office ne devrait intervenir
qu'à sa demande.
En résumé, nous croyons que le rôle de l'Office doit
être limité aux fonctions qui lui sont présentement
dévolues dans le Code des professions. Lui conférer de nouveaux
pouvoirs qui lui permettraient de se substituer au gouvernement ou aux
corporations menacerait les fondements du système et l'alourdirait
considérablement. À notre avis, les modifications
proposées au système professionnel vont trop loin et
débordent les besoins exprimés par les principaux
intéressés au bon fonctionnement du système, soit le
public, le gouvernement et les professionnels. Quels sont ces besoins pour le
public? Avoir accès à des services professionnels de haute
qualité et être protégé sur ce plan.
Malheureusement, la méconnaissance du système professionnel par
le public pose un problème particulier à ce niveau et le
débat quant au partage des responsabilités en cette
matière, à l'intérieur du système professionnel,
n'a jamais véritablement eu lieu, malgré qu'il soit de
première importance. (21 h 10)
Le ministre responsable de l'application des lois professionnelles a
pour sa part exprimé clairement les besoins du gouvernement que le
système soit plus transparent, plus souple, plus accessible et moins
coûteux. La protection du public, ne l'oublions pas, est la raison
d'être et l'objectif prioritaire du système professionnel
québécois. Cette préoccupation qui a orienté la
réforme des professions au début des années soixante-dix
doit, selon nous, continuer à être le critère fondamental
de toute décision d'apporter des modifications à l'organisation
professionnelle. Sur ce plan, les corporations professionnelles, quant à
nous, ont fait leurs preuves. Pour la plupart, elles vont même
au-delà des exigences minimales prescrites par la loi et les
règlements. Loin de se limiter à des mesures disciplinaires, les
mécanismes qu'elles ont mis en place au fil des ans pour assurer la
protection du public englobent toute une série d'interventions
résolument proactives notamment en ce qui concerne la formation,
l'information ou même la déontologie.
En fait, nous constatons que non seulement le système
professionnel fonctionne bien, mais que les moyens qu'il a mis en place pour
assurer la protection du public vont souvent au-delà des objectifs qui
lui étaient fixés sur ce plan. Nous sommes convaincus que ces
mécanismes assurent au public le haut niveau de qualité des
services recherché. Les professionnels ont toujours été
les premiers à exiger des standards de qualité
élevés et ils ont démontré qu'ils sont les mieux
placés pour les mettre en oeuvre efficacement selon des principes
d'autogestion. Ce constat doit être pris en considération lors de
l'étude des changements proposés à la législation
en vigueur.
Dans cette optique, nous sommes en désaccord avec la mise en
place du comité d'examen des plaintes proposé dans l'avant-projet
de loi et nous cautionnons plutôt la proposition du Conseil
interprofessionnel de créer un comité aviseur auprès du
syndic. Ce comité aviseur aurait l'avantage d'alléger le
système et de réduire les coûts reliés à ce
type d'intervention. Nous considérons par ailleurs que l'obligation,
pour le syndic d'une corporation, d'informer l'Office des professions d'une
enquête non terminée après 60 jours est quelque peu
irréaliste.
La Corporation professionnelle des administrateurs agréés
reconnaît par contre le caractère positif de plusieurs
dispositions de l'avant-projet de loi en matière de
réglementation. Nous considérons qu'il s'agit là
globalement d'une réponse satisfaisante aux demandes des corporations en
vue d'obtenir les correctifs nécessaires au bon fonctionnement du
processus réglementaire.
Pour ce qui est de l'adoption des règlements des corporations
professionnelles, nous sommes d'accord pour que le processus
général soit conservé en ce qui concerne les
règlements qui gouvernent et encadrent l'exercice d'une profession, pour
autant que l'intervention de l'Office soit limitée à la
conformité à la loi habilitante et qu'elle fasse l'objet d'un
avis écrit transmis dans des délais précisés. Dans
cette logique, nous nous objectons au mode d'approbation des règlements
des corporations défini à l'article 95.1 qui permettrait, selon
nous, à l'Office, de se substituer au gouvernement pour l'approbation
des règlements sur les comités d'inspection professionnelle, les
stages ou les cours de perfectionnement. Par contre, pour les questions d'ordre
administratif, le processus d'adoption de règlements décrit
à l'article 95.2 nous apparaît intéressant sous
réserve, encore là, du pouvoir de formuler un avis contraire
conféré à l'Office des professions.
Notre corporation professionnelle est d'accord avec les modifications
proposées par l'avant-projet de loi à certains règlements
spécifiques, notamment le règlement sur
l'assu-rance-responsabilité professionnelle, le règlement sur le
fonds d'indemnisation et le règlement délimitant le territoire du
Québec en région. Dans ce dernier cas, d'ailleurs, nous nous
réjouissons de constater que l'Office et le ministre ont accueilli
favorablement nos demandes en vue de permettre à des
représentants de secteurs professionnels d'être élus au
bureau de direction d'une corporation aux côtés des
repré-
sentants des régions.
Nous approuvons par ailleurs le principe énoncé dans
l'avant-projet de loi à l'effet de rendre obligatoire l'adoption de
règlements sur la tenue de dossiers des professionnels et sur la tenue
des cabinets de consultation. Pour ce qui est du devoir de fixer par
règlement des règles de conservation des dossiers disciplinaires
et autres dossiers détenus par une corporation, nous croyons qu'il
serait pertinent d'analyser cette disposition en regard du projet de loi sur la
protection des renseignements personnels dans le secteur privé.
De façon générale, l'avant-projet de loi nous
semble donc constituer un effort valable en vue d'augmenter l'efficacité
du processus réglementaire et d'en réduire les délais.
Toutefois, le pouvoir supplétif de l'Office des professions en
matière d'adoption de règlements ne devrait être
exercé que lorsqu'une corporation professionnelle persiste vraiment
à vouloir adopter un règlement non conforme à la loi
habilitante et qu'elle refuse de donner suite à un avis de l'Office des
professions en ce sens.
En terminant, la Corporation des administrateurs agréés
insiste auprès des membres de la commission pour que la réflexion
en cours soit poussée plus avant et inclue certains
éléments qui seront déterminants pour l'avenir du
système professionnel québécois. Notre Corporation se sent
particulièrement concernée par les difficultés que vivent
les corporations à titre réservé dans leurs efforts pour
protéger le public. Bien que leurs obligations soient les mêmes
que celles des corporations qui encadrent des champs d'exercice exclusif, leur
autorité ne s'étend pas à l'ensemble des actes
posés dans le domaine de l'exercice de leur profession, mais seulement
aux activités de leurs propres membres et, encore là, elles ne
disposent pas de la même influence pour remplir leur mandat. D'autre
part, l'expérience que vit notre corporation confirme le défi
lié à l'impact de la libéralisation des échanges et
de la mobilité interprovinciale. Ces nouvelles réalités
nous imposent une adaptation, notamment pour accueillir les professionnels
venus de l'étranger, faire reconnaître nos titres professionnels
à l'échelle internationale et nous assurer que nos standards
professionnels répondent aux exigences de ce nouvel environnement. Notre
corporation professionnelle a déjà commencé à se
positionner sur ce plan. Les administrateurs agréés en
planification financière sont ainsi reconnus à l'échelle
nationale et soumis à des normes établies à ce niveau. Il
en est de même pour les conseillers en management. Il apparaît
important, donc, que la réflexion se poursuive à ce sujet au
niveau de l'ensemble du système professionnel.
Les défis qui attendent notre système professionnel sont
majeurs. Plutôt que de changer les principes de base qui ont fait leurs
preuves, nous souhaitons que la démarche en cours nous permette
d'être encore plus efficaces et de nous préparer à relever
ces nouveaux défis. Je vous remercie.
Le Président (M. Gautrin): Merci, M. Gagnon, et je vais
passer la parole à M. le ministre responsable et député
d'Abitibi-Est.
M. Savoie: Merci, M. le Président. Alors, permettez-moi
tout d'abord de saluer les gens de la Corporation des administrateurs
agréés. Évidemment ils ont présenté un
mémoire - je ne veux pas dire le mot «substantiel» - puisque
effectivement, ce qu'ils font, c'est qu'ils donnent un survol des orientations.
Ils disent bon, peut-être, à ce moment-ci c'est injustifié,
il faudrait peut-être attendre un peu plus tard pour aller à des
modifications plus importantes. Il faut savoir aussi qu'ils se sont
prononcés en grande partie en faveur de certaines orientations
déjà données par le Conseil interprofessionnel, et,
évidemment, il faut tenir compte de leur évaluation de la
situation. Les administrateurs agréés sont avec nous depuis fort
longtemps, et tout dernièrement on a constaté qu'il y a une
volonté de s'immiscer davantage. Par exemple, on a constaté que
depuis 1978, au niveau des décisions disciplinaires, tout
dernièrement là, on a fait des interventions à ce
niveau-là pour justement atteindre un plus haut niveau de
compétence pour les membres et une surveillance plus accrue,
particulièrement pour les comptes, les comptes en comptabilité
publique qui doivent se faire pour la protection du public.
Quelques questions, et évidemment je ne partage pas leurs vues
quant à la justification, à ce moment-ci, ils vont comprendre
pourquoi et leur sourire en dit long, mais...
Le Président (M. Gautrin): Ils s'en doutaient.
M. Savoie: Ils s'en doutaient, oui. Et tout en respectant
l'opinion contraire, M. le Président, au niveau de l'article 155, vous
ne l'avez pas abordé mais j'ai toujours pensé que ça
pouvait avoir un impact chez vous, c'est-à-dire l'article 169 du projet
de loi, là, qui touche à l'article 155 où on dit bon... ce
n'est pas seulement un cas réservé à une corporation
professionnelle comme par exemple, les médecins où on a eu un cas
tout dernièrement qui a fait les manchettes; on parle
spécifiquement là, par exemple de quelqu'un qui est membre de
votre corporation, corporation dont les membres sont très mobiles, qui
finalement ont des rayons d'action bien à l'extérieur de la
province de Québec, un type, par exemple qui exerce, en participant ou
non a une corporation professionnelle mais qui se fait accuser, par exemple, de
détournement de fonds ou bien justement de harcèlement sexuel et
qui est également membre de votre corporation. J'imagine que ça a
dû faire l'objet d'une réflexion chez vous, l'article 155,
c'est-à-dire l'article 169 qui modifie l'article 155?
M. Gagnon: En fait, M. le ministre, on ne s'objecte absolument
pas à cette disposition qui facilite effectivement, pour les
corporations professionnelles, l'importation ou l'application de jugements
réalisés à l'extérieur et les commentaires que nous
avons exprimés dans le mémoire qu'on vous présente ne
s'objectent aucunement à cette disposition-là.
M. Savoie: Non. Est-ce que vous voyez ça comme un pas dans
la bonne direction?
M. Gagnon: Oui, tout à fait, absolument. On pense qu'il
faut, notamment, travailler à «désa-lourdir» le
système. Pourquoi on serait obligé, au Québec, de
reprendre une procédure qui a déjà été
appliquée à l'extérieur et qui, par contre là,
colle relativement bien aux dispositions qui sont celles du Québec? (21
h 20)
M. Savoie: D'accord.
M. Gagnon: Je ne suis pas sûr qu'une importation, ou que
l'application automatique d'un jugement serait aussi simple que ça. Par
contre, qu'on puisse s'en inspirer ou que les corporations aient la
possibilité de le faire, je pense que c'est effectivement un pas dans la
bonne direction.
M. Savoie: J'imagine, par exemple, que les trois décisions
disciplinaires, sans connaître là... j'imagine que ça
portait sur de la comptabilité en fidéicommis pour plusieurs?
M. Gagnon: Pas vraiment, M. le ministre. Ça portait
notamment, le dernier tout au moins, sur le fait que les services
livrés, la façon de livrer ces services dans un contexte de
conseils en management, de conseils en administration, n'ont pas
été livrés selon les règles de l'art, les services
n'ont pas été livrés selon les règles de l'art, et
les informations non plus. Alors, c'est surtout à cet
égard-là. C'était des dérogations au code de
déontologie.
M. Savoie: C'est surtout au niveau de la qualité des
conseils.
M. Gagnon: Tout à fait, la qualité du service rendu
par le professionnel et la façon dont ça a été
fait.
M. Savoie: D'accord. Mais, s'il y avait un cas, par exemple un
membre des administrateurs agréés ici, qui a également des
activités à l'extérieur...
M. Gagnon: Tout à fait, on en a de plus en plus...
M. Savoie: Oui, de plus en plus, j'imagine. Mais si, à ce
moment-là, il y avait des accusa- tions portées contre lui, pas
au criminel, mais je parle, par exemple, d'une autre structure là, au
criminel ça serait trop facile, j'imagine que l'orientation de 155 ne
présente aucune difficulté là.
M. Gagnon: Ah! Pour nous elle est même souhaitable.
M. Savoie: Même souhaitable.
M. Gagnon: Ah! oui, oui. Tout à fait.
M. Savoie: Justifiable.
M. Gagnon: Oui, tout au moins.
M. Savoie: Ha, ha, ha! merci, c'est ce que je pensais. Au niveau
du comité des plaintes justement, l'utilisation d'un comité des
plaintes, le mécanisme c'est pour les fautes légères,
ça vous concerne beaucoup moins parce que vous n'avez pas beaucoup de
plaintes pour fautes légères?
M. Gagnon: Vous avez tout à fait raison. Notre Corporation
professionnelle n'est pas une corporation là - je ne veux pas dire de la
santé, parce qu'on sait que c'est plus facile, il y a plus de plaintes
dans ce type de corporations -nous ne sommes pas une corporation qui
génère beaucoup de plaintes. Celles que nous avons, il va sans
dire qu'on fait tout ce qu'il faut pour les traiter correctement, et c'est une
raison supplémentaire, M. le ministre, qui fait en sorte que le
comité d'examen des plaintes, tel que proposé, ne serait pas
vraiment pertinent pour nous. Ce dont notre syndic pourrait beaucoup plus avoir
besoin, dans le contexte où il a à examiner une plainte et
à prendre des décisions, c'est plus de recourir à des
ressources qui pourraient bien le conseiller et qui pourraient l'orienter
sur... ou lui faciliter la prise de décision. Mais de lui imposer un
comité de plaintes qui, de toute façon, deviendrait une instance
presque automatique, parce que le plaignant y référerait
automatiquement si le syndic ne porte pas plainte, viendrait tout simplement
alourdir la démarche parce que là il y aurait un deuxième
processus d'enquête, et au-delà d'alourdir la démarche,
honnêtement, il me semble, viendrait démotiver de façon
importante le syndic. Parce que, là, le comité des plaintes, en
plus, a le pouvoir de... presque un pouvoir de tutelle au syndic en lui disant
bien, tu vas maintenant prendre telle ou telle décision. Pour nous c'est
vraiment exagéré ou abusif comme mécanisme.
M. Savoie: S'il y avait un comité des plaintes sur
désignation, c'est-à-dire que le gouvernement pourrait demander
à telle corporation de développer un comité des plaintes
qui,
effectivement, devrait normalement vous exclure, parce que, comme vous
l'avez souligné, la Commission des valeurs mobilières ne
dépose pas des plaintes pour péchés véniels chez
vous souvent là, mais effectivement, s'il devait, sur recommandation
pour certaines corporations là où il y a du volume, il y a des
«interchanges» constants avec un grand public, à ce
moment-là ça modifierait votre opposition au niveau du
comité des plaintes?
M. Gagnon: Pas vraiment parce que, d'une part, on ne serait pas
concernés par le comité des plaintes mais, malgré cela,
moi je vous dirais que je ne vois pas comment le public serait
nécessairement mieux protégé de se resoumettre à un
deuxième processus d'analyse de la plainte en question.
Déjà le processus est lourd, alors il vient s'alourdir encore et
il n'y a rien qui garantit qu'une décision du comité des plaintes
viendrait changer la décision du syndic ou quoi que ce soit. Puis
d'autant plus que, dans une corporation professionnelle qui a un volume de
plaintes important, ce mécanisme de comité des plaintes
deviendrait presque un automatisme et ferait en sorte que cette pauvre
corporation professionnelle, entre nous, se ramasserait avec un système
de gestion des plaintes extrêmement compliqué. En tout cas, c'est
ce qui m'apparaît, là. Maintenant, pourquoi ne pas proposer au
syndic de ces corporations un mécanisme notamment comme le comité
aviseur qui est beaucoup plus léger et qui permettrait au public, tout
au moins, d'avoir des garanties supplémentaires que la décision
du syndic est éclairée par des apports externes, des conseillers
externes, des aviseurs externes? On l'appelle comité aviseur dans ce
sens-là, d'ailleurs.
Le Président (M. Gautrin): Merci. Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Page 1 de votre
mémoire, vous nous dites que, bon, malgré que de façon
générale vous endossez les recommandations du mémoire du
Conseil interprofessionnel, compte tenu des enjeux, vous avez jugé bon
de vous adresser directement. Je pense que vous avez bien fait puisque la
réforme du Code des professions va non seulement toucher l'ensemble des
professionnels - et on se parle de quelque 240 000 - mais aussi l'ensemble des
citoyens et des citoyennes qui bénéficient de ces services de
professionnels dans les différents domaines. Vous faites la
constatation, autant en page 2 qu'en page 7, et là je vous cite:
«Nous sommes en mesure de témoigner que les mécanismes et
les outils qu'elles ont mis en place pour assumer leur mission atteignent les
objectifs», c'est en page 2, et en page 7: «Les corporations
professionnelles ont fait leurs preuves», mais malgré tout
ça le public ne partage pas cet avis, et, parmi les principales
remarques de la Fédéra- tion nationale des consommateurs, on nous
parle beaucoup du rôle du syndic, du manque d'information, et on nous a
parlé également du... lorsqu'il y a une plainte qui est
rejetée, que, finalement, la personne qui a déposé... le
plaignant n'a pas de raisons, on lui dit tout simplement que sa plainte a
été rejetée tout simplement. Est-ce que c'est la
même chose chez vous? Le syndic, lorsqu'il rejette une plainte, est-ce
qu'on explique au plaignant les raisons qui motivent ce rejet?
M. Gagnon: Certainement. D'abord, quand on signale, Mme la
députée, que nous avons l'impression que le système
professionnel remplit bien son mandat, on s'appuie de façon assez simple
sur le nombre de plaintes, par exemple, générées par le
système professionnel et, si on le met en perspective avec le nombre
d'actes professionnels posés au Québec à chaque
année, les plaintes sont vraiment une portion très, très
minime. Maintenant ce n'est pas une justification pour dire que ces
plaintes-là ne doivent pas être bien traitées, il va sans
dire. Chez nous il est clair que, d'autant plus que nous ne recevons pas
beaucoup de plaintes, quand on en reçoit, il y a un échange, une
discussion avec le plaignant qui est très intense et avant d'arriver -
d'ailleurs le syndic, dans le type de corporations comme nous, va aussi
déborder son rôle, va faire du travail de conciliation, va essayer
de... - même si on a le sentiment que la plainte n'est peut-être
pas justifiée, si le syndic arrive à cette conclusion, il va
quand même s'assurer que le client ou le plaignant comprend bien la
situation et le syndic va être satisfait dans la mesure où le
plaignant a bien compris que la plainte est rejetée pour tel ou tel
motif. Souvent aussi, la plainte va être rejetée parce que le
plaignant lui-même, en cours de route, va cesser le processus ou il va
avoir des discussions qui vont faire en sorte qu'il va cesser son processus de
plainte ou on va lui demander de creuser un peu dans le processus de
l'enquête les motifs justifiant la plainte, et le processus
s'arrête assez rapidement. Donc, il faut bien démêler les
plaintes sérieuses qui entrent dans le système, qui sont
traitées et qui, soit aboutissent au comité de discipline, les
plaintes qui, compte tenu de l'opinion du syndic, n'y aboutissent pas mais font
l'objet de bonnes discussions entre le syndic et le plaignant et où on
s'assure que le plaignant a satisfaction, au moins dans les réponses
qu'il reçoit, et il y a les plaintes qui, au bout du compte, ne
franchissent pas tout le processus parce que le plaignant lui-même
cesse.
Mme Caron: Deux brèves questions au niveau des plaintes.
Vous avez fait allusion évidemment au fait que vous n'aviez pas beaucoup
de plaintes, est-ce qu'on peut avoir une idée du nombre de plaintes dans
une année? Lorsque vous nous dites qu'il y a discussion, que
vous rejetez et que le syndic explique bien au plaignant, est-ce que
cette décision et ces explications, vous les faites par écrit ou
vous évitez de les faire par écrit pour que le plaignant ne
l'utilise pas au niveau d'un recours civil? (21 h 30)
M. Gagnon: Non. Souvent les correspondances entre le syndic et le
plaignant sont écrites, et là-dessus on est plutôt
libéral. Pourquoi on n'a pas plus de plaintes que ça, madame?
Mme Caron: Vous en avez combien?
M. Gagnon: Ah! C'est moins de 10 par année, pour
être honnête. Pourquoi on en n'a pas plus que ça? On a bien
l'impression que c'est une question d'information. Vous savez, on en fait un
petit peu allusion dans notre mémoire, on pense qu'il y a vraiment un
problème d'information de la part du système en
général, sur ce qu'est le système professionnel et
pourquoi un citoyen devrait faire affaire avec un professionnel plus qu'avec un
non-professionnel. Il faut commencer à expliquer les choses au public.
On discute là, et on va en discuter pendant une dizaine de jours, d'un
système professionnel qu'au fond bien peu de gens connaissent, qui a
généré chez le public des attentes qui ne sont pas
toujours les bonnes et, au bout du compte, on entend des groupes de
consommateurs déçus de la performance du système
professionnel mais souvent un peu injustement, à l'égard du
système comme tel. Parce que, comme on l'a dit dans notre
mémoire, nous on pense que le système fait bien son travail. Il y
a des ajustements à y apporter mais des ajustements qui doivent
être intelligents, qui doivent tenir compte du fait que le système
se comporte assez bien. Maintenant, quand je dis: le contribuable n'est pas
assez informé des raisons d'être et de la mission du
système professionnel, bien c'est un peu de notre faute à tout le
monde. Un des éléments c'est qu'il faudra, notamment, en en
discutant, l'Office, le Conseil interprofessionnel, les corporations, le
ministère, déterminer qui a le principal mandat de faire valoir
c'est quoi le système professionnel et qu'est-ce qu'on promet au public
par le système professionnel et s'assurer que les attentes qu'on
génère sont des attentes réalistes et auxquelles on est
capable d'apporter des réponses. Et une grande partie des
problèmes qu'on vit et qu'on entend des groupes de consommateurs
découlent de cet état de fait, du manque d'information sur ce
qu'est le système.
Mme Caron: Est-ce que vous n'avez pas l'impression, toujours dans
le même sens, qu'effectivement, pour le public en général,
il y a très peu de corporations de professionnels? Ils seraient
très étonnés de savoir qu'il y en a 41; pour la plupart,
le nombre se limite à cinq ou six corporations plus connues soit par le
nombre de membres, soit par leur rôle.
M. Gagnon: Vous avez absolument raison. La notion de profession
au Québec n'est même pas protégée en soi. On a, au
Québec, un système professionnel qui est un des plus
avant-gardistes au monde alors que l'appellation «profession» n'est
même pas protégée. Alors, dans l'esprit du public, tout le
monde qui gagne sa croûte à faire quelque chose de précis
occupe une profession mais en même temps, historiquement, il y a cinq ou
six vraies professions au Québec qu'on connaît tous et qu'on n'a
pas besoin d'identifier ce soir. Alors ça vient ajouter encore, Mme
Caron, à la problématique d'informer le public correctement.
Mme Caron: À deux reprises, page 6 et page 9, vous
soulignez un peu le désengagement du gouvernement, et là je vous
cite: «II nous apparaît que ces pouvoirs - au niveau de
l'enquête - doivent être réservés au gouvernement
lui-même et n'être délégués, le cas
échéant, que dans des situations dont il se réserve
l'évaluation» et, en page 9, au niveau du processus
réglementaire, vous faites à nouveau allusion à
l'importance du gouvernement finalement, à prendre son rôle.
Est-ce que ce désengagement, qui revient à deux reprises au
niveau du processus réglementaire, peut se lier aussi au
désengagement que la loi 67, au niveau du financement, viendrait
confirmer?
M. Gagnon: En fait, quand on parle de désengagement, nous,
on va toujours privilégier des mécanismes qui vont permettre aux
corporations professionnelles de plus se responsabiliser entre elles, de mieux
s'autocontrôler entre elles, et même entre elles comme corporations
professionnelles. Et on a le sentiment que plus le système professionnel
mature, plus il mûrit, comme on a l'impression, nous, que c'est ce qui se
passe, malgré certaines difficultés de parcours, plus on pense
que les corporations professionnelles devraient être
responsabilisées dans le système, beaucoup plus que l'effet
inverse d'ajouter des pouvoirs ou des responsabilités à l'Office
des professions. L'Office a un rôle, quant à nous, de
collaboration avec les corporations professionnelles beaucoup plus que de
discipline, contrôle, et de lui donner des pouvoirs
supplémentaires, quant à nous, va totalement à l'inverse
de la logique du système qui fait que plus le système se
développe et se consolide, plus l'Office doit s'alléger, alors
que ce qu'on préconise, dans l'avant-projet de loi, c'est exactement
l'inverse.
Mme Caron: Oui, finalement, en page 3, vous souhaitez une
réduction au niveau des dépenses, au niveau de l'Office, donc une
réduction peut-être au niveau de certaines tâches aussi et
vous souhaitez un élargissement du rôle
du Conseil interprofessionnel comme porte-parole des corpos et aussi
comme conseiller du gouvernement.
M. Gagnon: Oui, bien en fait, au plan des dépenses, il est
clair que si l'Office des professions, dans ses responsabilités,
s'allège, parce que le système professionnel mature, mûrit,
et parce qu'on pense honnêtement que c'est en se responsabilisant comme
corporation professionnelle et en s'auto-contrôlant entre nous de plus en
plus que le système va continuer de se développer efficacement,
ça a des incidences sur le financement, bien entendu, de l'Office des
professions. D'autre part, le projet de loi 67, là, j'imagine, on aura
l'occasion d'en discuter à d'autres moments, mais, avant, quant à
nous...
Mme Caron: Ne prenez pas de chances! Ha, ha!
M. Gagnon: ...de se lancer dans un autofinancement tel que
proposé dans le projet de loi 67, on pense que l'exercice en cours sur
les responsabilités de l'Office et de l'ensemble du système doit
d'abord se compléter. Disons qu'on a d'autres devoirs à faire, il
nous semble, avant. Maintenant, il est clair que nos membres sont des
gestionnaires et moi je vous assure que les administrateurs
agréés vont avoir comme premier réflexe, que, si on a
à assumer les dépenses d'une organisation, il faut s'assurer
qu'on a un certain contrôle dessus, sinon ça ne marche pas. En
tout cas, ça va aller à rencontre de notre logique de
gestionnaires.
Mme Caron: Et, donc, ça va aller à rencontre des
propositions au niveau des associations de consommateurs qui voient l'Office
comme une instance externe, vu qu'elle n'est pas financée par les
corporations professionnelles.
M. Gagnon: Oui.
Mme Caron: Peu de...
M. Gagnon: Excusez-moi. Oui, Fernand...
Le Président (M. Gautrin): Oui monsieur, allez-y.
M. Plante (Fernand R.): Je voudrais rajouter un point. C'est que,
actuellement, on a, dans notre mémoire, présenté disons
des points où on dit que le ministre a ses besoins, on dit: que le
système professionnel soit plus transparent, plus souple, plus
accessible et moins coûteux. Je pense que, du point de vue
stratégique, on devrait plutôt commencer par la base, aller voir
les besoins de la base. Si on veut réformer l'Office, si on veut changer
des choses au niveau de l'Office, il faudrait commencer par aller voir les
besoins en bas et monter en haut plutôt que de partir du haut et
descendre en bas. Et, pour répondre à votre question plus
exactement, c'est que je pense que les corporations professionnelles n'ont pas
besoin d'une compagnie mère, entre guillemets, et des filiales en
dessous.
Mme Caron: Ça répond bien. Vous nous avez
parlé, et peu de corporations ont parlé de ce problème -
mais je pense que nous allons avoir à le vivre de plus en plus -
concernant l'impact de la libéralisation des échanges et de la
mobilité évidemment, et dans votre cas c'est important. Est-ce
que vous pensez que le gouvernement ou l'Office devra intervenir et qu'est-ce
que vous prévoyez, qu'est-ce que vous souhaitez comme mécanisme
à ce niveau-là?
Le Président (M. Gautrin): M. Plante.
M. Plante: Bien, au niveau de la mobilité des personnes,
nous pensons que, avec aussi les lois qui s'en viennent au niveau de la
corporation, c'est qu'il faudrait être extrêmement prudent et,
étant donné que vous allez avoir des professionnels qui vont
exercer à l'intérieur d'entreprises qui pourraient être
autres que des... tenant compte du pourcentage requis à
l'intérieur d'une compagnie de services professionnels, si nous voulons
permettre aux Québécois, premièrement, d'exercer leur
profession au Québec, il faudrait être prudent puis laisser la
place aux gens du Québec de pouvoir pratiquer leur profession librement
avant que des gens de l'extérieur viennent le faire pour nous, à
notre place, je veux dire, au Québec. Je ne sais pas si je suis clair.
C'est que, à l'intérieur des compagnies de services
professionnels, on va retrouver des gens de l'extérieur qui vont
détenir les actions, sans être majoritaires, ils vont aller
chercher le profit dans l'entreprise et, nous, nous allons laisser aller cet
argent-là à l'extérieur.
Mme Caron: Au niveau de la pratique, je sais que pour certaines
corporations professionnelles ça pose aussi un problème dans le
sens que certains professionnels ont le droit d'exercer, à partir de
certaines conditions, à l'extérieur et ont donc le droit
d'exercer, avec ces mêmes conditions, ici, alors que les nôtres ne
peuvent pas exercer pour les mêmes conditions. (21 h 40)
M. Plante: Et vous allez avoir des gens qui vont s'installer dans
une province voisine et qui vont pouvoir exercer leur profession de
l'extérieur et pratiquer alors que les professionnels du Québec
ne pourront pas exercer leur droit de pratique au Québec.
Mme Caron: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Gautrin): Merci, Mme la
députée de Terrebonne. Alors, brièvement maintenant, M. le
ministre, il vous reste bien du
temps mais santé et sobriété...
M. Savoie: Non, mais il faut comprendre qu'on n'a pas l'occasion
de... on n'a pas autant l'occasion qu'on voudrait pour échanger avec les
administrateurs agréés sur un projet de loi. Finalement,
lorsqu'ils nous arrivent avec des réponses assez claires, je pense,
assez brèves, assez concises qui démontrent, finalement, une
certaine vision du monde professionnel au Québec, qu'on a de la
misère à accepter puisqu'il y a apparence là de... Une
façon franche, directe de dire une grande vérité,
là. Souvent, ça camoufle une autre réalité qui
bouge en dessous là et qui est très importante comme le fait que
de passer d'en haut et de descendre vers le bas.
Alors, je pense que, pour nous autres, il est très, très
clair qu'on part au niveau de l'évaluation du public
québécois qui nous dit que ça ne marche pas. Ils ne sont
pas contents et ils veulent que ça monte et que les gens en haut
écoutent et que ça change là. C'est un peu ça
l'orientation qui est donnée quand on parie, par exemple, au niveau...
Et je suis d'accord que ça concerne peu ou pas votre corporation
professionnelle, là, mais c'est dans le sens où, ultime-ment,
ça vous concerne. Ultimement, vous avez un rôle à jouer au
sein du Conseil, auprès des autres corporations et c'est dans ce
sens-là que je me dis: Bon, bien, effectivement, il y a un malaise. Je
pense que, celui ou celle qui ne reconnaît pas qu'il y a un malaise
là, on va avoir de la misère à se parler là. Le
malaise est tangible, les sondages le démontrent de façon
constante, il y a, au niveau de la population là, une difficulté
de perception du fonctionnement de notre système disciplinaire,
traitement par les pairs; je pense que les seules, les seules qui
défendent l'utilisation de systèmes disciplinaires par les pairs,
c'est les corporations professionnelles. La minute que tu sors de ce
milieu-là, c'est fini, ça n'existe plus ce discours-là, tu
ne le trouveras nulle part. Ce qu'on dit, c'est le contraire, et ailleurs,
souvent, on n'utilise pas ce mécanisme-là. Si on regarde
ailleurs, on a tendance à éloigner des situations conflictuelles,
c'est-à-dire qu'on dit que, bon...
Alors c'est un peu ça. Il y a actuellement au Québec 41
corporations professionnelles et il y a une demande pour à peu
près 6 autres en attente. Certains sont très avancés,
d'autres débutent là, mais il y en a d'autres qui s'en viennent,
qui cognent à la porte là, qui veulent rentrer et on a
rentré, par exemple, les traducteurs et traductrices, il n'y a pas
tellement longtemps. Évidemment il y a une volonté, il y a une
poussée, alors j'ai de la misère, finalement, à concevoir
une vision qu'on pourrait appeler arrêtée du monde professionnel
au Québec, classique. J'admire beaucoup les choses classiques, mais
quand même, là, choisissez votre adjectif là. Ha, ha,
ha!
M. Gagnon: Tout, M. le ministre, tout part de la perception qu'on
en a du système professionnel et de son efficacité ou sa
non-efficacité. Puis, c'est vrai qu'il y a des corporations
professionnelles qui ont peut-être plus de difficultés que
d'autres. De là à dire que l'ensemble du système
professionnel, aux yeux du public, ne fonctionne pas ou est inefficace, moi, je
ne suis pas aussi convaincu que... même les sondages peuvent le
refléter. Au fond, c'est souvent parce que le citoyen s'attend à
autre chose du système professionnel que ce que le système est en
mesure de lui offrir. Et, souvent, l'insatisfaction des contribuables, des
citoyens, vient du fait qu'ils n'attendent pas les bons services ..du
système professionnel. D'autre part, même si c'est vrai qu'il y a
des problèmes dans le système, parce que Dieu sait qu'il n'est
pas parfait et on ne prétend pas du tout qu'il est parfait non plus,
maintenant, il reste à voir qui est le garant, ou qui doit être le
garant de l'efficacité et de la qualité du système
professionnel. Est-ce que c'est l'Office des professions ou est-ce que ce sont
les corporations professionnelles elles-mêmes, ou est-ce que c'est le
ministre responsable de l'application des lois professionnelles? Ultimement
là, c'est le ministre mais dans l'opération du système...
Et ça vient mettre en cause la vision qu'on doit avoir d'une
réforme ou d'une réorganisation du système professionnel.
Si on convient que c'est l'Office des professions, moi je comprends très
bien les gens de l'Office qui veulent bien faire leur travail, se donner le
plus de poignées possible, le plus d'instruments, le plus d'outils
possible pour pouvoir intervenir et faire leur travail correctement, parce
qu'ils ont le sentiment que c'est l'Office des professions qui doit être
garant de l'efficacité du système.
Nous, on prétend que ce sont les corporations professionnelles
elles-mêmes, et on croit que les solutions pour améliorer
l'efficacité du système et même la perception du
système par rapport aux citoyens doivent venir beaucoup plus des
corporations professionnelles et les correctifs doivent venir beaucoup plus de
mécanismes qui vont aider les corporations à se responsabiliser
entre elles et par rapport à elles-mêmes comme corporations
individuelles. On est plus tenants de cette vision-là du système
professionnel, et on n'est pas convaincus que d'ajouter des pouvoirs à
l'Office des professions - et Dieu sait qu'on n'a rien contre l'Office des
professions, au contraire, c'est pour nous un partenaire précieux,
l'Office -on n'est pas convaincus que d'y ajouter des pouvoirs d'intervention,
des pouvoirs d'action sur les corporations, ça va vraiment régler
le problème. Ça risque, au début, peut-être de faire
plaisir à des groupes de consommateurs qui vont avoir l'impression que
le système est plus impartial ou... mais ça ne changera rien
à la façon de faire du syndic chez nous qui fait bien son
travail, de toute façon, mais, quand il arrive
à la conclusion qu'une plainte ne doit pas être
portée, qu'est-ce que le contribuable tire comme conclusion? C'est bien
clair, c'est entre pairs, alors résultat: le système fonctionne
mal. Je pense qu'il faut aller un peu au-delà de ça.
Prenons l'exemple du système judiciaire au Québec. On a
plusieurs concitoyens et concitoyennes qui considèrent que le
système judiciaire est tout croche, qu'il n'y a pas justice et que,
souvent, il n'y a même pas apparence de justice. Quand le juge Untel rend
tel jugement, on crie à l'injustice mais le juge Untel s'est
appuyé sur des règles de droit et sur des procédures de
droit. Le système professionnel, il juge les plaintes, M. le ministre,
de la même manière. Alors, on n'est pas convaincus qu'en ajoutant
des pouvoirs à l'Office, d'intervention, d'enquête, de mise en
tutelle, ça va vraiment permettre de régler ces problèmes
de fond là, puis on pense plus que demander aux corporations
professionnelles de se grouiller les puces peut-être un peu plus, pour
retravailler certaines de leurs façons de faire, certaines
manières de se projeter dans le public, ça serait peut-être
plus efficace.
M. Savoie: D'accord. Alors je pense que vos explications ont
certainement clarifié, pour moi en tout cas, la nature de votre position
et ça ne vous avance pas beaucoup, Ha, ha, ha!
M. Gagnon: On ne vous a pas fait changer d'idée, non?
M. Savoie: Même, je vous vois exactement où certains
étaient l'an passé là. Il est clair qu'il y a un
problème de perception au niveau du public, surtout au niveau des
péchés véniels là, les fautes
légères, ça, là-dessus, et je pense que ça
demande un mouvement... Maintenant vous nous dites: Laissez ça aux
corporations professionnelles. Bien, mon Dieu, c'est ce qu'on a fait pendant 20
ans et ça n'a pas réglé le dossier. On pense que l'ajout
d'un mécanisme léger, pour justement traiter ces cas-là
où il y a... Moi, je pense que vous avez raison: sur le fond, il n'y a
pas de problème, mais on a toujours tenu ce discours-là; au
niveau du fond, l'administration de la justice, de la discipline au niveau des
corporations, il n'y a jamais eu de difficultés. C'est que l'apparence
n'est pas là, c'est ça le problème et c'est là
qu'on cherche à intervenir pour que le citoyen - se faire dire non par
un syndic et au lieu de s'embarquer, par exemple, dans des structures beaucoup
plus lourdes au niveau, par exemple, comité de discipline ou se taper
sur un mur là - pourrait se retourner vers un comité des
plaintes, s'adresser à eux, et là il y a deux citoyens, pas deux
administrateurs agréés mais deux citoyens avec un administrateur
agréé qui vont lui dire: Ton affaire là, ça ne
marche pas. Je pense qu'il va sentir qu'effectivement il va avoir de la
misère à se lever contre cette orientation-là en disant:
Bon, bien, effectivement, des citoyens étant présents...
l'apparence de justice y est pour quelque chose, il y a un appel d'une
décision qu'il ne comprend pas. On ne cherche pas à lui donner
raison, au citoyen qui se trompe, ce qu'on cherche à faire, par exemple,
c'est lui démontrer qu'on s'est plié en quatre pour lui faire
comprendre le refus de la part du syndic et pourquoi, finalement, son
orientation est peut-être mal fondée. On pourrait en discuter
longtemps, je pense, et je suis certain qu'au bout de quelques heures vous
comprendriez rapidement l'orientation qu'on a prise et vous l'appuyerez
à 100 % à ce moment-là, mais... Ha, ha, ha!
M. Gagnon: Si je pouvais me permettre, j'ajouterais un
commentaire... (21 h 50)
Le Président (M. Gautrin): Brièvement, parce que le
temps des ministériels a été écoulé et que
vous prenez sur le temps des ministériels. Alors, très
brièvement...
M. Gagnon: Je vais y aller brièvement pour vous dire que
j'ajoute à ce que je vous disais précédemment sur l'ajout
des pouvoirs de l'Office, que déjà le rôle de l'Office des
professions est assez compliqué comme il l'est. D'y ajouter encore
risquerait de compliquer encore plus son mandat envers les corporations
professionnelles et, quand on parle d'équilibre, il faut qu'il y ait un
équilibre dans les pouvoirs et dans les autorités. Si cet
équilibre-là est remis en cause, les relations risquent de
devenir encore beaucoup plus difficiles que ce qu'elles sont actuellement.
Le Président (M. Gautrin): Merci, M. Gagnon. Alors pour le
reste du temps qui est imparti à l'Opposition, Mme la
députée de Terrebonne ou Mme la députée des
Chutes-de-la-Chaudière? Mme la députée de Terrebonne,
brièvement.
Mme Caron: J'aurais peut-être une dernière question
concernant les corporations à titre réservé qui,
effectivement, éprouvent plus de difficultés puisque,
effectivement, elles doivent assurer une protection du public et que les gens
ne sont pas obligés d'être membres de votre corporation. Est-ce
que vous avez des pistes de solution pour ce problème?
M. Gagnon: Bien, la première piste de solution c'est de
contribuer, encore une fois, à expliquer aux contribuables, à M.
et Mme Tout-le-Monde, quel avantage elle a de faire affaire avec un
administrateur quelconque qui n'est aucunement encadré par une
corporation professionnelle et un administrateur agréé qui, lui,
a pris la peine de s'intégrer au système professionnel et de se
soumettre à des mécanismes de contrôle, des
mécanismes de discipline. Donc, premier élément pour aider
les corporations à
titre réservé: bien informer le public sur l'avantage de
faire affaire avec un professionnel qui a pris la peine, même s'il n'y
était pas obligé pour gagner sa croûte, de
s'intégrer à système professionnel qui va l'encadrer, qui
va le vérifier et qui va même le soumettre à des
mécanismes de discipline. Deuxième élément:
Pourquoi l'État, Mme Caron, ne prêcherait-il pas par
l'exemple...
Le Président (M. Gautrin): Vous parlez au
président, monsieur.
M. Gagnon: M. le Président, je m'excuse. Le
Président (M. Gautrin): Merci.
Mme Caron: Oui, je pense qu'il y a effectivement un
problème au niveau de l'engagement de l'État, parfois, de
professionnels qui ne sont pas nécessairement membres de
corporations.
M. Gagnon: Tout à fait.
Mme Caron: L'autre question, toujours sur le même sujet:
Oui, il faut convaincre les gens qu'ils ont avantage à faire appel
à un professionnel mais est-ce que vous ne croyez pas que, si on met en
place le système de l'avant-projet tel que suggéré et
qu'on y ajoute la loi 67 sur le financement, justement, les professionnels qui
font partie des corporations à titre réservé vont tout
simplement se retirer de leur corporation?
M. Gagnon: Bien, vous savez, il y a un risque énorme,
effectivement. Et on a beau dire que les professionnels, déjà,
font partie des bien nantis de la société et sont capables
d'assumer un peu plus leur part pour faire fonctionner le système -
d'ailleurs notre corporation, il y a quelques semaines, était
présente devant une autre commission parlementaire pour faire valoir
qu'effectivement le gouvernement devait resserrer ses dépenses, faire
attention dans sa façon de gérer les finances publiques - sauf
que les professionnels contribuent déjà, qu'on le veuille ou non
- et il faut éviter de tomber dans la démagogie - de façon
très importante au financement de la société par leurs
impôts, par leurs contributions à la corporation professionnelle
-nos cotisations augmentent de plus en plus, on a des responsabilités
qu'on veut assumer correctement, alors il faut que le professionnel assume des
cotisations de plus en plus importantes et souvent, bon, il y a deux ans on a
ajouté la TPS, l'an passé on a ajouté la TVQ et l'an
prochain on va ajouter une autre portion...
Le Président (M. Gautrin): C'est ce que le budget vous
réserve...
M. Gagnon: Bon. Alors, résultat, effectivement,
l'assurance-responsabilité qu'on exige de nos membres également,
tout ça, celui qui décide, lui, de demeurer exclu du
système professionnel est totalement à l'abri de ces
dépenses supplémentaires. ça risque de faire
réfléchir beaucoup de personnes.
M. Plante: Et ça devient de la pratique illégale et
qui dit pratique illégale demande d'autres coûts aux corporations
professionnelles pour protéger leurs droits, surtout au niveau des
corporations à titre réservé.
Le Président (M. Gautrin): En conclusion, Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Je vous remercie beaucoup pour vos
précisions.
Le Président (M. Gautrin): Alors, M. Gagnon, M. Plante, la
commission vous remercie de votre témoignage et la commission ajourne
à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 55)