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(Dix heures cinq minutes)
La Présidente (Mme Hovington): La commission de
l'éducation va débuter ses travaux. Je constate que nous avons
quorum. Alors, je déclare la séance ouverte et je rappelle le
mandat de la commission de l'éducation qui est de procéder
à des auditions publiques sur l'enseignement collégial
québécois. M. le secrétaire, est-ce que nous avons des
remplacements?
Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Mme Boucher
Bacon (Bourget) est remplacée par M. Houde (Berthier).
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup.
Aujourd'hui, ce matin, nous débutons avec le cégep de
Rivière-du-Loup, qui est déjà installé et à
qui je souhaite la bienvenue. À 11 heures, nous aurons
l'université mcgill; 12 heures, union des municipalités
régionales de comté et des municipalités locales du
québec; 13 heures, suspension; 15 heures, fédération des
associations étudiantes du campus de l'université de
montréal; 16 heures, commission scolaire kativik; 17 heures, syndicat
des enseignantes et enseignants du collège montmorency; 18 heures,
suspension, pour reprendre les travaux à 20 heures avec le
département de «humanities» des cégeps anglophones du
québec; 21 heures, corporation professionnelle des technologues des
sciences appliquées du québec; et. 22 heures, association pour
les applications pédagogiques de l'ordinateur au postsecondaire, pour
ajourner à 23 heures. ah! une heure de plus. c'est plus tard ce soir,
mme la ministre. nous ajournons donc à 23 heures ce soir.
Cégep de Rivière-du-Loup
Alors, nous débutons ce matin par le cégep de
Rivière-du-Loup. Je vois qu'il y a des personnages connus dans cette
belle délégation. Bienvenue à la commission de
l'éducation. Et il y a M. Léopold Lavertu, qui est directeur
général.
M. Lavertu (Réginald): Réginald,
Réginald.
La Présidente (Mme Hovington): Léopold...
Excusez-moi, Réginald Lavertu, qui était à Matane avant et
qui est rendu à Rivière-du-Loup maintenant. Bonjour. Ça me
fait plaisir de vous revoir.
M. Lavertu: Bonjour.
La Présidente (Mme Hovington): Et il y a
M. Alain Dubé, président du conseil d'administration.
M. Dubé (Alain): Bonjour.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, qui de vous deux
sera le porte-parole?
M. Dubé: C'est moi.
La Présidente (Mme Hovington): C'est vous, M. Dubé?
Alors, voulez-vous nous présenter toute votre équipe, s'il vous
plaît?
M. Dubé: Sûrement. Vous avez à ma droite,
à l'extrême droite, M. Alonzo Lemay, qui est préfet de la
MRC de Témiscouata.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.
M. Dubé: À ma droite immédiate, Mme Denise
Lévesque, qui est mairesse de Rivière-du-Loup.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour. Mme
Lévesque (Denise): Bonjour.
M. Dubé: À ma gauche, vous avez reconnu M.
Réginald Lavertu, directeur général du cégep.
À l'extrême gauche, vous avez M. André Morin, directeur des
services pédagogiques au cégep de Rivière-du-Loup.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.
M. Dubé: Et vous avez M. Jean-Paul Michaud, qui est
conseiller pédagogique également au cégep de
Rivière-du-Loup.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour. Alors, vous
remarquez que vous avez même votre député ministre qui est
ici ce matin pour vous entendre.
M. Dubé: Oui.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, vous avez 20 minutes
pour nous exposer votre mémoire. Allez-y.
M. Dubé: Mme la Présidente, Mme la ministre de
l'Enseignement supérieur et de la Science, M. le porte-parole de
l'Opposition officielle - je crois qu'il n'est pas là - Mmes et MM. les
députés... On vient de le voir. Ah! excusez-moi, je ne vous avais
pas vu tout à l'heure.
M. Gendron: Oui, je comprends que la lumière est basse,
là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Je faisais le même reproche. Il me semble que
c'est plus clair que ça d'habitude.
La Présidente (Mme Hovington): J'ai demandé qu'on
allume les lumières, s'il vous plaît, spécialement pour le
cégep de Rivière-du-Loup.
M. Gendron: C'est ce qu'on m'a dit. C'est ce qu'on m'a dit. Donc,
je n'ai pas parlé.
La Présidente (Mme Hovington): La lumière s'en
vient pour vous, M. le député.
M. Dubé: C'est très gentil. Alors, le
mémoire du cégep de Rivière-du-Loup se divise en deux
grands volets distincts. Le premier se penche sur la question de la
présence du cégep dans son milieu et de sa contribution au
développement régional. Le deuxième volet, pour sa part,
traite de certaines problématiques davantage reliées à la
mission première des collèges, problématiques qui font
partie du quotidien du cégep.
La plupart des collèges qui ont déjà exprimé
leur point de vue devant cette commission parlementaire ont largement fait
état de leur impact, de leur rôle et de leur contribution au
développement de leur milieu. Nous nous permettons aussi de rappeler que
le cégep de Rivière-du-Loup, fondé en 1969, est un
collège issu de la volonté clairement affirmée du milieu
régional qu'il dessert, soit le Grand-Portage. Depuis ce temps, les
complicités, les collaborations, les liens de partenariat
développés entre le cégep et les forces vives de la
région en ont fait un intervenant privilégié dans la
dynamique régionale.
Si le cégep s'est révélé un agent
indéniable d'accessibilité et de scolarisation auprès de
la population régionale, tant à l'enseignement régulier
qu'à l'éducation des adultes, il a aussi joué un
rôle important comme agent catalyseur d'autonomie et de
développement. Notre cégep se révèle un promoteur
et un partenaire important dans sa communauté, bien au-delà de
l'activité économique, culturelle et sociale qu'il
génère par sa seule présence. Il est étroitement
associé à sa région par son ouverture au milieu, par sa
contribution à l'établissement d'infrastructures
régionales et à la mise en valeur du potentiel
socio-écorsomioue et par sa participation ?lpv instances
régionales de décision (10 h 10)
Le cégep se fait aussi le promoteur des relations interordres
d'enseignement dans sa région, se dote de structures et de services
d'intervention dans le milieu, entretient des relations interactives avec les
intervenants régionaux, suscite, organise ou supporte des
événements qui sont à eux seuls générateurs
de développement et s'implique activement dans le domaine du
développement interculturel.
Conformément à la volonté de ceux qui ont
présidé à son implantation, le cégep de
Rivière-du-Loup a toujours voulu assurer une présence
significative et structurante dans son environnement en suivant de près
l'évolution des besoins et des attentes de sa région. Fort de ses
réalisations passées, le cégep se présente comme le
partenaire de la société de demain dans sa région, un
collège d'avenir capable d'adaptation à son environnement.
Jusqu'à maintenant, la créativité, l'esprit
d'initiative, l'implication des ressources humaines et la concertation avec les
forces vives du milieu ont permis au cégep d'intervenir efficacement
dans sa communauté. Toutefois, les besoins et les attentes de la
population sont de plus en plus importants et demandent des actions qui
requer-reront des moyens et des ressources plus substantielles. Le cégep
a déjà réaffirmé sa volonté de poursuivre
dans la voie qu'il s'est donnée au service de sa région. Cette
même région attend maintenant des instances gouvernementales
concernées qu'elles confirment leur volonté de l'appuyer dans son
développement.
Voilà pourquoi nous recommandons que soit reconnu
concrètement le rôle du cégep de Rivière-du-Loup en
matière de développement régional et que soient
adoptées des orientations et une réglementation cohérente
et conséquente visant à soutenir les interventions
réalisées dans le milieu par les cégeps.
Le deuxième volet de ce mémoire aborde cinq thèmes
jugés significatifs à la lumière de l'expérience
quotidienne. Le traitement de chaque thème a été
confié à un groupe de travail constitué d'enseignants, de
cadres et de professionnels du cégep. L'exercice a consisté
à en décrire la problématique et à proposer
quelques pistes de solution. Le premier de ces thèmes traite de la
problématique des cégeps de région. On parle souvent des
cégeps comme s'il n'y en avait qu'un seul modèle. Or, il en
existe au moins deux: la version ville et la version région.
L'expression «cégep de région» recouvre un
concept plus large que celui de «collège en région»
ou de «collège régional». Être un
collège de région, c'est avoir la «mentalité
région», c'est recruter sa clientèle en région - pas
uniquement dans sa région; c'est préparer de futurs
diplômés à travailler en région; c'est surtout
répondre aux besoins de formation des étudiants ayant cette
"mentalité région». Être un collège de
région, c'est aussi dispenser une formation technique plus polyvalente
parce que les entreprises établies en région ne peuvent engager
plusieurs techniciens très spécialisés. Au plan de
l'enseignement, dynamisme, créativité, ingéniosité
et exploitation maximale des ressources locales, voilà ce que le
personnel doit utiliser pour compenser le petit nombre de milieux de
stages,
la rareté des entreprises où effectuer des visites
industrielles, et l'éloignement des ressources humaines hautement
spécialisées.
Voici quelques pistes de solution que nous identifions en faveur d'une
plus grande reconnaissance de l'importance des cégeps de région.
Si l'État veut que les régions vivent, il doit maintenir dans les
régions des institutions fortes, c'est-à-dire des institutions
qui ont des moyens à la mesure de leurs objectifs. La reconnaissance du
fait que les cégeps ne sont pas tous pareils, c'est le premier pas vers
une façon troisième vague de concevoir les cégeps. C'est
se donner une approche différenciée pour l'examen et la gestion
du réseau collégial. Cette reconnaissance de la diversité
des cégeps doit concrètement s'exprimer sous plusieurs aspects,
mais nous n'en nommerons qu'un seul et il est d'actualité: la
détermination des seuils de viabilité des programmes
d'enseignement technique.
Traitons maintenant de la structure des programmes. Considérant
la structure actuelle des programmes - cours communs obligatoires, cours de
concentration, spécialisation et cours complémentaires - nous
sommes en mesure de proposer des modifications que nous envisageons comme des
améliorations.
Au chapitre des cours complémentaires, il nous apparaît que
ces derniers ont été dénaturés au fil des ans et
des révisions de programmes. Nous suggérons donc de maintenir les
cours complémentaires comme contribution à la formation
générale, de leur redonner leur objectif initial de cours
d'exploration, de sphères de savoir non visées par la formation
spécialisée, d'établir des règles qui assureront
que les cours complémentaires aient des objectifs propres, de
manière à produire des apprentissages spécifiques et un
niveau d'exigences bien établi, de façon à commander
à l'étudiant, d'un cours à l'autre, une charge de travail
équitable.
Au plan des cours de spécialisation-concentration, il appert que
la principale problématique est l'alourdissement des programmes. En
clair, ce que nous proposons, c'est de faire un choix. Ou bien on allonge la
durée de certains programmes, considérant que les exigences de
ceux-ci s'accroissent au fil des ans. Ce faisant, il faut accepter de jouer sur
la variable temps en acceptant d'officialiser le D.E.C. de longueur variable.
Ou bien on réduit les attentes et on redéfinit en
conséquence les éléments de formation contenus dans les
programmes. Il faut alors accepter d'amputer certains de ces
éléments, compte tenu du temps, au lieu de perpétuer
l'illusion qu'il suffit d'en ajouter. Dès lors, il faudra faire
connaître très clairement aux universités et aux employeurs
le niveau qui sera effectivement atteint par le finissant du collégial.
Nous suggérons enfin de revoir le processus de révision de
programme, de façon à mieux définir le rôle et la
responsabilité des intervenants.
En ce qui a trait aux cours obligatoires, nous proposons que soit
maintenu un bloc de cours obligatoires pour tous les étudiants du
collégial, confirmant ainsi au niveau collégial une mission de
formation générale; que les objectifs de cette formation
générale visent l'accroissement de la culture, tout en
contribuant à développer certains aspects de la formation
fondamentale; que les mandats des cours communs obligatoires soient
clarifiés, ce qui permettra de viser et d'obtenir les résultats
attendus.
Nous ne sommes pas opposés au principe d'élargir la
formation générale, comme certains l'ont proposé.
Cependant, cet élargissement doit se traduire par une augmentation du
temps imparti à cette formation. Nous sommes par contre opposés
à la possibilité d'une trop grande dilution de la formation
générale. L'émiettement de cette formation en un trop
grand nombre de disciplines risque de lui faire rater ses objectifs de
formation et d'en faire un fourre-tout.
En ce qui a trait au développement des ressources humaines et
à la condition enseignante, la direction et le personnel du cégep
veulent apporter leur point de vue dans le but d'enrichir la réflexion
collective sur ces deux questions indissociablement liées. La condition
enseignante est abordée dans une perspective de développement des
ressources humaines face aux impératifs actuels de qualité. La
plupart des personnes engagées par les collèges à titre
d'enseignants possèdent une solide formation dans leur discipline, mais
n'ont pas de formation en psychopédagogie. Très souvent, ces
personnes sont engagées à la dernière minute et
héritent de charges d'enseignement particulièrement lourdes. En
conséquence, ils apprennent leur métier à la dure et ont
peu de temps à consacrer au développement de compétences
pédagogiques.
Un autre aspect de la condition enseignante, c'est d'avoir le sentiment
de ne plus progresser au plan de ses conditions de travail. En outre, dans
l'enseignement, on risque d'être rapidement dépassé:
l'écart s'accroît entre ses étudiants et soi-même, sa
discipline de base se transforme et même la psychopédagogie
évolue. D'autre part, l'institution a besoin de pouvoir compter sur des
professeurs doublement compétents, motivateurs parce que motivés,
impliqués, actifs, dynamiques, imaginatifs, mais stables. Nous voulons
soumettre quelques propositions qui permettraient, selon nous, de concilier les
impératifs professionnels et institutionnels dont nous venons de faire
mention.
Nous suggérons de réduire, pour les deux premières
années, la tâche d'enseignement des enseignants débutants
pour leur permettre d'acquérir les compétences
psychopédagogiques minimales prescrites lors de leur engagement; de
réduire, pour les deux premières années, la durée
des vacances de ces enseignants afin que, sous supervision, ils aient plus de
temps pour planifier leurs cours, produire du matériel
pédagogique, élaborer des outils d'évaluation et
développer des
stratégies d'enseignement plus efficaces; de mettre sur pied un
système de «mentoring»; de mettre sur pied un système
obligatoire d'évaluations formatives continues à l'intention de
tous les enseignants; de rendre plus accessibles et plus efficaces encore les
différents programmes de perfectionnement par une
décentralisation des ressources financières; et, enfin, de mettre
sur pied un système de congés de perfectionnement avec solde dont
pourraient se prévaloir, périodiquement, les enseignants.
Toutes ces mesures devraient contribuer, de façon significative,
à l'augmentation de la qualité des apprentissages et à la
valorisation de la profession enseignante. Il est impératif qu'au
collégial les experts disciplinaires engagés deviennent
rapidement de véritables enseignants, fiers de l'être, soucieux de
leur propre perfectionnement et préoccupés d'assurer une
tradition pédagogique par la transmission de leur savoir et de leurs
habiletés à ceux qui sont appelés à les
remplacer.
Examinons maintenant le partage des responsabilités entre la
direction pédagogique et les départements d'enseignement, partage
souvent décidé à la table de négociation. Au coeur
de la vie pédagogique, il y a, d'une part, les départements
d'enseignement qui ont à exercer certaines fonctions et à assumer
certaines responsabilités et, d'autre part, une direction
pédagogique qui doit également assumer ses responsabilités
et rendre des comptes sur la qualité de la formation donnée. (10
h 20)
Nous allons traiter brièvement de deux points: les
responsabilités confiées aux départements et la situation
du responsable de la coordination départementale. Au chapitre des
responsabilités confiées aux départements, nous
identifions les éléments de problématique suivants.
Parfois, par crainte de l'arbitraire des directions, parfois au nom de
l'autonomie professionnelle, les syndicats, aux tables de négociation,
ont réclamé et obtenu que de nombreuses fonctions soient
exercées par les départements. Il s'avère que, dans la
réalité, de nombreux départements ne peuvent exercer
certaines de ces fonctions et assumer les responsabilités qui en
découlent naturellement. D'autre part, la direction, par crainte d'un
grief, par sentiment d'impuissance ou par lassitude, abandonne après
quelques tentatives de persuasion.
À ce niveau, nous suggérons les pistes de solution qui
suivent. Premièrement, clarifier une structure non équivoque de
pouvoir prévoyant l'obligation formelle de rendre des comptes,
plutôt que de simplement rendre compte sur chacune des
responsabilités confiées et un mécanisme de
suppléance pour pallier des responsabilités non assumées
ou des comptes non rendus. Deuxièmement, développer des
systèmes permanents et continus de reddition de comptes dans une
perspective d'amélioration de la qualité. Troisiè- mement,
encourager la création d'un ordre professionnel des enseignants
où le principe d'autonomie professionnelle trouvera son pendant dans un
code d'éthique.
Abordons maintenant le deuxième point, soit la situation du
responsable de la coordination départementale. C'est évidemment
une question qui est étroitement liée à celle que nous
venons d'évoquer. C'est un statut inconfortable. Il est enseignant
à temps complet, mais il remplit des tâches administratives.
Nommé par ses pairs, il rend compte au collège. Dans plusieurs
départements, tout ce qui n'est pas enseignement lui est confié
d'office, et on sait que ces tâches peuvent être nombreuses,
variées et exigeantes. Dans les conditions actuelles, il devient
rapidement ce que plusieurs veulent qu'il devienne, c'est-à-dire
commissionnaire, messager et homme de main. C'est donc un travail ingrat et
sans compensation.
Le coordonnateur joue pourtant un rôle essentiel dans la dynamique
des collèges, tant au plan administratif que pédagogique, mais
encore faut-il lui en donner les moyens. À ce chapitre, nous proposons
de reconnaître l'importance de cette fonction de coordination et de la
mieux définir, de faire reconnaître les pouvoirs
nécessaires à son exercice et d'y associer une
rémunération et une libération adéquate, et ainsi
d'en revaloriser le statut pour intéresser plus de candidats.
Finalement, nous voulons examiner la ques tion de l'intégration
de l'éducation des adultes. Depuis ses tout débuts et
jusqu'à maintenant, le secteur de l'éducation des adultes s'est
développé en parallèle à l'enseignement
régulier. Notre but n'est pas ici de refaire l'historique du
développement de l'éducation des adultes, mais de formuler
quelques réflexions sur un sujet de plus en plus d'actualité,
à savoir l'intégration de l'éducation des adultes.
Ce thème contient plusieurs éléments de
problématique. Premièrement, les changements nombreux et rapides
du marché du travail, le retour en masse des adultes aux études,
l'évolution de la clientèle à l'enseignement
régulier, le courant de rationalisation généralisé
qui touche tous les secteurs de services. Voilà quelques-uns des
facteurs qui donnent un caractère d'actualité à cette
idée de l'intégration de l'éducation des adultes.
Deuxièmement, cet intérêt pour l'intégration semble
partagé à des degrés divers par les partenaires et les
acteurs du réseau collégial, chacun y voyant une façon de
régler un problème ou une manière d'atteindre son
objectif. Troisièmement, dans la perspective de l'intégration,
les besoins de formation des adultes, leur mode d'apprentissage et les
contingences de leur vie professionnelle et personnelle requestionnent tout le
fonctionnement des collèges: de l'entretien ménager à la
confection des horaires, de la vie étudiante aux stratégies
d'enseignement, de l'élaboration des budgets à la gestion des
res-
sources humaines.
Sur cette question, nous suggérons de limiter d'abord
l'intégration à la seule formation créditée;
d'avoir comme objectif premier l'implantation et le développement de la
formation continue au collégial, dans un contexte d'éducation
permanente; d'utiliser le concept d'intégration des enseignements de
préférence à celui d'intégration de
l'éducation des adultes, pour ne pas nier toute une
réalité des adultes en formation au collégial; de n'agir
sur les leviers d'intégration que sont les programmes, le financement et
les ressources humaines que de façon à assurer une
intégration à valeur ajoutée ou, à tout le moins,
qui protège les acquis; de permettre l'éclosion de modèles
de développement et d'expérimentation de la formation continue,
selon les dynamiques de chaque collège, en fixant les grandes lignes
permettant à la créativité de chacun de développer
des modèles originaux et adaptés; en deux mots, de
décentraliser l'intégration.
C'est avec fierté que nous avons soumis le mémoire du
cégep de Rivière-du-Loup. Nous voulons, d'ailleurs, remercier les
membres de la commission d'avoir accepté de nous entendre. Ce document
représente le fruit de réflexions approfondies de plusieurs
intervenants du cégep et du milieu socio-économique
régional sur quelques-uns des thèmes qui rejoignent
particulièrement les préoccupations des membres de la
communauté. Nous espérons que les pistes de solution
élaborées en rapport avec les problématiques que nous
avons choisi de traiter pourront contribuer au développement et à
l'avancement des cégeps et de l'ordre d'enseignement collégial.
Enfin, devant l'ampleur des défis qui les attendent, nous souhaitons
qu'on accorde aux cégeps le temps et les ressources nécessaires
pour franchir cette nouvelle étape. Nous vous remercions.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup, M.
Dubé. Alors, je vais reconnaître la ministre de l'Éducation
et de l'Enseignement supérieur et de la Science. Mme la ministre.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. M. Dubé,
M. le président du conseil d'administration, bienvenue aux travaux de la
commission parlementaire sur l'enseignement collégial. Je pense que le
cégep de Rivière-du-Loup est un exemple d'un cégep qui est
bien implanté dans son milieu, qui se doit de répondre aux
besoins des jeunes, mais aux besoins aussi des autres intervenants et, fort
possiblement, par votre délégation, ce matin, vous nous montrez
un petit peu l'importance que ce cégep peut avoir dans votre milieu.
M. Dubé, je commencerai l'échange avec vous en vous
parlant du partage des responsabilités entre le ministère et les
collèges. Vous l'avez abordé dans votre mémoire, et je
fais référence de façon particulière à la
page 32 où, là, vous me parlez du partage des
responsabilités avec, surtout, les structures départementales.
Mais, dans le paragraphe précédent, vous nous dites qu'il ne faut
pas perdre de vue le partage des responsabilités de façon
particulière avec le conseil d'administration ou la commission
pédagogique. Alors, comme vous êtes président du conseil
d'administration de Rivière-du-Loup, à date, de la façon
dont le conseil assume ses responsabilités, les rôles qu'il a, la
composition de ce conseil, est-ce que vous avez des commentaires particuliers
ou des recommandations à faire aux membres de la commission?
M. Dubé: Je vous avoue que, surtout au niveau de la
formation comme telle du conseil d'administration, je suis d'avis que le
conseil d'administration devrait possiblement être formé
différemment. Un, il devrait, à mon avis - et je vous mentionne
que c'est bien mon avis personnel, puisque ce sujet-là n'a pas
été abordé comme tel au conseil d'administration; c'a
été abordé avec quelques personnes seulement... Les gens
avec qui j'ai discuté, nous sommes à peu près tous d'avis
que le conseil d'administration devrait contenir plus de membres
socio-économiques et que peut-être, au niveau de ce qu'on appelle
la gestion participative, ce soit moins présent comme tel.
Je m'explique. Si on ajoutait peut-être deux ou trois membres
socio-économiques - des gens du milieu, des gens de l'industrie, des
gens du commerce - et si on enlevait peut-être des gens de l'interne pour
en faire, par contre, des ressources qui seraient invitées à se
présenter au conseil d'administration et à donner leur point de
vue, je suis d'avis que cette gestion, justement, serait peut-être plus
axée vers le milieu. Parce que j'ai toujours trouvé une certaine
difficulté... Remarquez que ça ne fait pas tellement de mois que
je suis président du conseil d'administration, mais j'ai toujours
trouvé un peu difficile d'aborder des questions où, bien souvent,
je dirais, presque la moitié des gens n'ont pas le droit de vote, n'ont
pas le droit de prendre part aux délibérations. J'ai toujours eu,
de par formation, une idée à l'effet qu'un conseil
d'administration est là pour décider. Lorsqu'un membre doit
s'abstenir de prendre part aux délibérations et de prendre une
décision, j'ai comme l'impression qu'on ampute le conseil
d'administration d'un membre ou d'un droit de parole important.
C'est la raison pour laquelle j'en viens à la conclusion, moi,
qu'on devrait ajouter plus de membres socio-économiques et en enlever de
l'interne. Exemple, le DSAE et le DSP pourraient être des intervenants,
des personnes-ressources qui seraient invitées à la table, mais
qui, comme les enseignants, pourraient également donner leur point de
vue et agir comme personnes-ressources.
Mme Robillard: Merci, M. Dubé. Maintenant,
dans votre mémoire et lors de votre présentation, vous
avez aussi beaucoup insisté sur le cégep de région,
dites-vous, avec toutes les caractéristiques que ça peut
supposer. À la page 24 de votre mémoire, vous nous
suggérez, justement, que nous reconnaissions officiellement ce que c'est
un cégep de région, et vous dites que la reconnaissance de la
diversité des cégeps doit concrètement s'exprimer sous
plusieurs aspects. (10 h 30)
Un de ces aspects, c'est la détermination des seuils de
viabilité des programmes d'enseignement technique. Celui-là, je
le saisis très bien, je sais à quoi vous faites
référence, qu'on n'applique pas une norme strictement
quantitative quand on parle de seuils de viabilité, mais qu'on voie les
besoins de la région. Alors, j'en suis, je n'ai pas de problème
avec celui-là, mais quand vous me dites que la reconnaissance devrait
aussi s'exprimer sous d'autres aspects ou sous plusieurs aspects, à quoi
faites-vous référence?
M. Dubé: C'est surtout qu'il soit reconnu dans la loi et
dans les règlements. Le rôle du cégep, justement
auprès de la collectivité, son rôle au niveau du
développement comme tel auprès de sa région, ce n'est pas
prévu comme tel dans la loi. Ce n'est prévu nulle part, mais
c'est d'actualité. C'est ce rôle que les cégeps ont
développé eux-mêmes et qui a été
accepté par tout le monde, mais ce n'est prévu nulle part dans la
loi. Sur les autres aspects peut-être comme tels... Ça va? Alors,
c'est surtout ce rôle-là qu'on voudrait voir reconnaître
dans la loi.
Mme Robillard: Merci, M. Dubé. Je vois que vous êtes
venu aussi accompagné de représentants des municipalités.
Alors, j'aimerais peut-être m'adresser à eux, à Mme la
mairesse ou à M. le préfet. M. le préfet, dites-nous donc,
du point de vue des municipalités, quelle est l'importance du
cégep de Rivière-du-Loup?
M. Lemay (Alonzo): Le rôle que joue le cégep de
Rivière-du-Loup au niveau de la région KRTB, je pense qu'il est
d'une très grande importance. Si on regarde déjà ce qui a
été fait au niveau des interventions que le cégep a
posées, disons, surtout dans ma circonscription de Témiscouata,
au niveau de la base de plein air de Pohénégamook, je pense que
le cégep de Rivière-du-Loup a été le principal
maître d'oeuvre, au départ, de la base de plein air. Je pense que,
pour une région comme la nôtre, un actif comme la base de plein
air devient très important au niveau du développement touristique
de la région, et la base de plein air de Pohénégamook est
quand même reconnue provincialement, actuellement.
Nous avons aussi, au niveau d'une station qui s'appelle Astair à
Saint-Louis-du-Ha! Ha!, et le cégep a contribué
énormément, de par ses ressources humaines et de par d'autres
ressources aussi, à la mise en place de cette structure qui fait aussi
la fierté du Témiscouata, actuellement. On pourrait nommer aussi
l'implication du cégep au niveau de la gestion informatique des
groupements forestiers. Je pense là aussi qu'on ne peut que
féliciter l'implication du cégep dans le milieu.
Ce ne sont que quelques exemples qui ont pu profiter des
expériences du cégep de Rivière-du-Loup. Et aussi, je
pense qu'au niveau des étudiants comme tels, notre ressource, nos
régions se vident actuellement de notre jeunesse, et plus on la garde
longtemps, plus on l'implique longtemps dans notre milieu, plus elle est
peut-être disposée à rester dans le milieu. Plus on
l'éloigné du milieu, moins elle revient dans 1e milieu. Quand on
envoie nos jeunes se faire instruire plus loin, je pense qu'ils reviennent
moins, et quand on les a plus près de nous autres, on court quand
même la possibilité qu'il nous en reste quelques-uns, et c'est une
ressource de relève pour le milieu qui est très importante.
Mme Robillard: Mme la mairesse. est-ce que vous auriez des
éléments à ajouter?
Mme Lévesque: Certainement, Mme la ministre. Avec votre
permission, je rappellerai ici à cette digne assemblée que j'ai
été dans les pionniers qui se sont, je ne dirai pas battus, mais
qui ont travaillé très fort pour l'obtention d'un pareil outil
chez nous. Je dis «outil» parce que je suis convaincue que c'est un
moyen pour nous, non seulement de faire de la rétention, mais de donner
l'accessibilité à une formation de qualité pour nos jeunes
dont les parents n'auraient pas les moyens de les laisser poursuivre des
études intéressantes.
Dans ce sens-là, je trouve que le collège a rempli un
rôle de qualité. Nous avons travaillé très fort pour
l'obtenir. Nous sommes - je n'ai pas de dessin à vous faire - en
région qu'on dit éloignée, mais nous n'avons pas moins le
goût d'acquérir ces moyens de vraiment faire une bonne vie. Je
n'insisterai pas sur le moyen de rétention que ça
représente, mais surtout sur l'apport économique important que
représente le collège pour une ville du calibre de
Rivière-du-Loup. Ses retombées économiques sont
indéniables, sa collaboration avec le monde économique chez nous
est très importante, parce qu'il apporte un support dans la formation
continue de nos industriels, petits et moyens, parce que c'est une
région où on parle de petites et moyennes entreprises et
où la formation continue est très importante. Il faut absolument
que nos gens, dans le monde des affaires et le monde qui est en continuelle
expansion - et vous savez avec quelle vivacité les coordonnés
changent... Eh bien, le collège, par son apport important, par
son support au développement économique dans le monde de
la formation de nos industriels présents et futurs, est très
important. Alors, dans ce sens-là, je trouve que c'est
indéniable.
Il y a aussi toute la belle complicité qui s'exerce au niveau
municipal et collégial. C'est que nous avons beaucoup de dossiers en
commun. Nous avons des ententes dans le monde sportif, pour nos infrastructures
sportives et culturelles et, pour ne pas le nommer, notre centre culturel,
où nous participons avec une belle entente et qui est un
élément de développement de culture très important.
Il y a aussi la piscine avec laquelle on a, nous, comme ville... On n'aurait
pas les moyens de l'avoir, le cégep tout seul non plus. Alors,
voyez-vous, il y a continuellement une complicité entre nos deux
milieux.
Il y a aussi - et je reviendrai au domaine, mais parlons des loisirs -
le parc urbain, les loisirs récréotouristiques. Il y a toujours
cette même complicité. Il y a aussi des programmes de
création d'entreprises qui prennent nos jeunes leaders, les instruisent
et les forment pour devenir les entrepreneurs de demain. On en a
déjà, des actuels, aujourd'hui, et qui vont très bien. On
a le service dont je vous parlais tantôt, le service aux entreprises par
la formation continue, et aussi le développement industriel. Alors,
voyez-vous, par ces programmes-là, c'est le support continu à la
vie économique. Alors, pour nous, pour ceux qui ont été de
la première heure et ceux actuels, il est indéniable que la
qualité du cégep que l'on a chez nous est
irremplaçable.
J'entendais, Mme la Présidente, tantôt, si vous le
permettez encore, Mme la ministre parler de cette adaptation dans le conseil
d'administration où moi - et là, je parle à titre
d'ancienne collaboratrice dans l'entreprise familiale - je souhaiterais
vivement qu'il y ait une meilleure représentation du monde
économique à l'intérieur de nos cégeps, de
façon à vraiment créer ce pont qui manque entre - il y a
déjà des efforts de faits - l'information et la formation et qui
rejoint les besoins des entreprises et des développeurs.
Alors, si, à l'intérieur de nos conseils d'administration,
il y avait un peu plus de représentants aux paliers décisionnels,
ce serait encore une bonification, et je sais que vous avez une oreille
très attentive là-dessus. Ce sont là les voeux que la
municipalité de Rivière-du-Loup formule et, s'il vous
plaît, le cégep, c'est extraordinaire pour nous.
Mme Robillard: Merci. Merci, madame.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, Mme Lévesque.
M. le député d'Abitibi-Ouest, porte-parole officiel de
l'Opposition officielle.
M. Gendron: Oui, je voudrais saluer de façon
très...
La Présidente (Mme Hovington): C'est l'Opposition
officielle?
M. Gendron: Je voudrais saluer de façon spéciale
les gens de Rivière-du-Loup. D'entrée de jeu, Mme
Lévesque, je partirais de là. M. Lemay, Mme Lévesque, M.
Dube, à vous entendre, avec raison, selon moi, vous deviez être
passablement mal à l'aise, en mars, avril, mai 1992, lorsqu'on a
laissé voir qu'on pourrait éventuellement, dans la
révision, faire disparaître l'ordre collégial. Vous ne
deviez pas être bien, bien...
Mme Lévesque: Nous aurions été très
malheureux, M. Gendron.
M. Gendron: C'est ce que je sens. Je voulais vous faire dire
ça.
Mme Lévesque: Nous ne l'aurions pas accepté
facilement. Nous nous sommes battus pour l'avoir, et vous pouvez être
assuré que nous aurions eu les griffes très longues pour le
garder.
M. Gendron: Vous connaissant, j'en ai la conviction.
D'entrée de jeu, ce que je voulais dire, c'est ça. C'est que,
bon, il a été question, effectivement, qu'on révise non
seulement ce qui se fait au collège, mais l'institution même.
Alors, de toute façon, je voulais vous dire avec satisfaction que, de
toute évidence, dans un premier volet, votre mémoire est un
plaidoyer fort positif et très engagé sur la valeur et la
qualité des interventions des cégeps dits «de
région», parce que vous distinguez deux types de cégeps au
Québec: ceux de ville et ceux de région. Et, d'entendre à
nouveau, par des gens de région, que leur institution collégiale
est vraiment impliquée, présente dans le milieu, requise,
nécessaire, moi, ça ne me blesse pas, ça ne m'offusque
pas. Je n'ai pas de trouble avec ça. Je suis complètement
d'accord avec vous. C'est important que ce rôle-là continue
d'être joué. (10 h 40)
Compte tenu du temps, j'aurais aimé approfondir avec vous,
là, cette espèce de consécration. À un moment
donné, la ministre, d'ailleurs, vous a questionné un peu
là-dessus. Quand vous dites, dans vos recommandations, dans la
première partie: On voudrait que ce rôle du collège soit
vraiment défini, consacré dans la loi du collège par
rapport à son implication. Moi, je fais juste un commentaire. Je dis: Je
n'ai pas le temps là-dessus, puis ce n'est pas là-dessus que je
veux vous questionner. Mais, quand on reçoit des gens, on peut faire
deux choses: les entendre ou commenter certaines choses que vous avez
soulevées dans votre mémoire.
Ce n'est pas que j'ai des réticences là-dessus, mais quand
je mets ça en parallèle par rapport à ce que vous dites
que vous faites, ça veut dire que ce n'est pas nécessaire que ce
soit
dans la loi pour le faire. Se dote de structures et de services
d'intervention dans le milieu, entretient des relations interactives avec les
intervenants régionaux, suscite, organise, supporte... Puis là,
j'arrête parce que je n'ai pas le temps. Ça veut dire que
ça va bien, vos affaires. Bravo! Tant mieux! Continuez. Jusqu'à
maintenant, la créativité, l'esprit d'initiative, l'implication
des ressources humaines et la concertation avec les forces vives du milieu ont
permis au cégep d'intervenir d'une façon majeure et,
tantôt, a vous entendre, c'était presque le commissaire industriel
de la région... Non, non, mais je caricature. C'était le
cégep de Rivière-du-Loup. Donc, ce n'est pas à ces
égards-là qu'il y a des lacunes. Je vous dis juste que, moi, je
n'ai pas de trouble à ce que vous vouliez que la réflexion se
poursuive d'élargir la mission des collèges. C'est ça,
dans le fond, que vous voulez, et qu'il y ait une dimension de support aux
collectivités dans les régions. Moi, je suis pour ça et je
pense qu'il faut en convenir. Alors, merci de le rappeler.
Moi, je voudrais y aller de deux questions parce que ma collègue
en a une, puis le temps file. Je trouve également que, dans votre
mémoire, vous avez touché des questions d'une façon
originale: la structure des programmes, le développement des ressources
humaines. Ça faisait du bien d'en entendre parler. Il n'y en a pas
assez, d'après moi, qui ont abordé ces questions-là, parce
qu'il faut que ça commence par le développement des ressources
humaines de qualité. La condition enseignante, vous l'avez
touchée adéquatement; le partage des responsabilités entre
la direction pédagogique et les départements; et
l'éducation des adultes qu'on n'a pas assez questionnée, selon
moi, parce qu'il y a des problèmes majeurs au niveau de
l'éducation des adultes. Il ne va pas falloir juste parler, il va
falloir agir.
Deux questions. Au niveau des programmes obligatoires, vous parlez de
maintenir un tronc commun comme formation de base. Vous parlez de maintenir la
nécessité des cours obligatoires. Deux questions
là-dessus. Vous n'avez pas parlé des programmes qu'on appelle
préuniversitaires - pas des programmes, mais de la formation
préuniversitaire. Vous n'en avez pas dit un mot. J'aimerais ça,
là-dessus, que vous donniez votre point de vue. Qu'est-ce que vous
pensez de la formation préuniversitaire qui se donne actuellement au
collège? Qu'est-ce qu'il y aurait lieu d'améliorer ou de
corriger?
Pour ce qui est, aux pages 6 et 7 de votre résumé, il me
semble que, dans votre dernier paragraphe, vous devriez être plus clairs
Vous n'êtes pas opposés au principe d'élargir la formation
générale, mais cet élargissement doit se traduire par une
augmentation du temps imparti à cette formation. Un peu plus loin: Nous
sommes, par contre, opposés à la possibilité d'une grande
dilution de la formation générale.
Là, j'avoue que j'aimerais avoir quelques précisions parce
que je ne vois pas comment on peut concrètement faire ces deux, trois
orientations-là.
M. Dubé: D'accord. Alors, sur ce sujet très
particulier, comme on l'a mentionné tout à l'heure, notre opinion
est à l'effet que le DEC. comme tel devrait être...
Présentement, le DEC, niveau formation générale, est de
deux ans. C'est consacré, c'est dans la loi, il est de deux ans.
Maintenant, les gens qui... Au fil des années, les programmes se sont
alourdis, pour différentes raisons, ce qui, peut-être, est une des
parties responsables du décrochage scolaire, à mon avis. Lorsque
les gens...
M. Gendron: Juste une seconde. Les programmes alourdis, vous
parlez de la formation technique?
M. Dubé: Non, non. Je parle au niveau
général comme tel.
M. Gendron: Les programmes se sont alourdis au niveau de la
formation générale.
M. Dubé: Oui.
M. Gendron: O.K. Continuez.
M. Dubé: Bon. De toute façon, sur ce
sujet-là, je vais passer la parole, tout à l'heure, à M.
Lavertu. C'est qu'étant donné que les programmes se sont
alourdis, justement, les gens, maintenant, les étudiants qui... Certains
se disent: Bon, on est capables de passer à travers en deux ans, mais
d'autres s'aperçoivent qu'il est impossible, dépendant des
options dans lesquelles ils se sont inscrits, de passer à travers en
deux ans. Alors, certains prennent des décisions comme de laisser les
études ou de faire une année supplémentaire. Alors, c'est
un domaine quand même très particulier et, sur ce sujet-là,
j'aimerais passer la parole à M. Lavertu.
M. Lavertu: Oui. Notre réflexion sur les programmes ne
nous a pas amenés, dans le présent mémoire, à
remettre en question la structure même des programmes, mais nous avons
examiné chacun des grands blocs existant actuellement et nous y avons
constaté un certain nombre de problèmes ou de difficultés.
Nous proposons, dans le mémoire, un certain nombre
d'améliorations possibles qui pourraient s'appliquer, à notre
avis, aussi bien à l'enseignement préuniversitaire qu'à
l'enseignement technique C'est la façon qu'on a choisi d'aborder la
question.
Sur les cours complémentaires, on considère que ces
cours-là se sont dénaturés au fil des ans et des
révisions de programmes Donc, on suggère de les maintenir, mais
en leur redonnant
l'objectif initial d'exploration de nouveaux savoirs. Sur les cours de
spécialisation ou de concentration - et, dans le fond, là, on
traite et du préuniversitaire et du technique - on suggère donc
ce que le président disait tout à l'heure.
M. Gendron: Pour ce qui est de la formation, c'est-à-dire
les cours complémentaires, je pense que votre recommandation est
précise. C'est clair, on le sent dans votre mémoire. Mais, pour
ce qui est des cours obligatoires, quand vous dites «que soit maintenu un
bloc de cours obligatoires pour tous les étudiants de niveau
collégial», ça aussi, c'est clair, mais lié à
la volonté, en tout cas, qu'un certain nombre ont exprimée de
modifier la formation de base et le maintien de cours obligatoires. Comment on
va faire ça, s'il faut maintenir les cours qui existent en formation de
base, puis il faut élargir la plage de cours de formation de base?
Avez-vous une opinion là-dessus?
M. La vertu: Si vous faites référence, entre
autres, au maintien des cours complémentaires en même temps
qu'à une volonté d'élargir la formation
générale, nous, on pense que les étudiants ont besoin de
cours complémentaires, tels que conçus au départ,
c'est-à-dire des cours d'exploration d'autres sphères du savoir
qui ne sont pas visées par la formation spécialisée et qui
permettent à ces étudiants-là d'explorer, pendant au moins
leur première année de collégial. On pense que ces
cours-là peuvent contribuer à une formation
générale élargie des étudiants du collégial.
Les cours obligatoires, de leur côté, devraient pouvoir le faire
également.
M. Gendron: Mais, M. Lavertu, est-ce que vous convenez qu'on a
plus de chances de réussir une meilleure formation de base
adaptée, élargie par le biais de cours complémentaires
plus adaptés - c'est ça que je voudrais savoir - que de modifier
le tronc commun des cours obligatoires? C'est quoi votre point de vue
là-dessus par rapport aux deux options? On peut effectivement dire: On
maintient un bloc de cours obligatoires, mais ça ne sera pas
nécessairement les cours que nous offrons actuellement. Ça, c'est
une voie. L'autre voie, on ne touche pas tellement ça, mais dans l'offre
de cours complémentaires, on s'assure que, dorénavant, il y ait
des cours complémentaires qui répondent davantage aux objectifs
de la société d'aujourd'hui. C'est laquelle des deux options que
vous privilégiez?
M. Lavertu: Notre approche, ça a été,
à ce moment-ci, de ne pas remettre en question la structure actuelle.
Les cours complémentaires, on souhaite leur redonner leur vocation
originale et, s'il le faut, si on ne peut pas augmenter le temps de formation,
une des façons de rentabiliser la formation générale
serait de clarifier les mandats des cours obligatoires, compte tenu, entre
autres, de l'impact de cette commission sur l'avenir de l'enseignement
collégial.
Mais il me semble qu'il y a actuellement une occasion qui est fort
belle, pour l'enseignement collégial, de se doter et
d'expérimenter, entre autres, un nouveau programme de philosophie. Il y
a actuellement une ouverture, de la part des enseignants de philosophie, par
exemple, de revoir leur façon de dispenser ces cours-là, et il me
semble que ce serait une belle occasion pour la commission de profiter d'une
ouverture qui a été manifestée pour apporter des
modifications et permettre que ces modifications-là, qui seraient mises
en place, puissent se faire avec les personnes concernées. Il me semble
qu'il y a là une approche qui pourrait être rentable et, si on ne
veut pas s'y engager de façon définitive, on pourrait
l'expérimenter pour cinq ans, par exemple.
M. Gendron: Parfait. L'autre volet, avant que ma collègue
puisse poursuivre pour une question, vous avez développé les
ressources humaines. Je suis très heureux que vous ayez touché
à ça. Vous avez des suggestions assez concrètes, assez
précises. Il y en a une que je voudrais approfondir: «mettre sur
pied un système obligatoire d'évaluations formatives continues
à l'intention de tous les enseignants». J'aimerais que vous soyez
plus explicite là-dessus et en profiter également pour
m'expliquer ce que vous croyez que donnerait une décentralisation des
ressources financières. Pour ce qui est du perfectionnement, je vous
avoue que je ne vois pas quel argent additionnel ça donnerait, compte
tenu qu'il y en a tellement peu pour le perfectionnement dans les conventions
collectives. J'aimerais que vous m'expliquiez qu'est-ce que ça voulait
dire. Ça a l'air que ça serait une solution, ça, si les
programmes de perfectionnement étaient décentralisés. En
termes de ressources financières, ça donnerait plus d'argent aux
collèges. Je ne comprends pas comment. Si vous pouviez faire la
réponse, les deux éléments, je serais heureux. (10 h
50)
M. Lavertu: Je peux peut-être passer la parole...
M. Gendron: Ah oui!
M. Lavertu: ...à M. Jean-Paul Michaud, pour le
perfectionnement.
M. Michaud (Jean-Paul): Sur le perfectionnement, il y a,
effectivement, des sommes qui sont prévues par les conventions pour le
perfectionnement des enseignants. Il y a aussi certaines sommes qui sont
prévues dans différents programmes de subventions comme les
stages en entreprise, comme l'adaptation aux changements de programme et aux
technologies. Et, effectivement, ces sommes-là, entre autres, pourraient
être décentralisées. Est-ce que ça répond
à votre
question?
M. Lavertu: Sur la question de l'évaluation, dans le fond,
ça fait partie d'un ensemble, d'une situation d'ensemble où on
constate que le corps enseignant, actuellement, dans les collèges a
atteint une certaine maturité. Le réseau va avoir 25 ans, tous
les enseignants - une grande majorité d'enseignants sont entrés
dans les cégeps lors de la création des cégeps -
atteignent actuellement une maturité intéressante, et on va
devoir renouveler nos effectifs de façon massive, au cours des
prochaines années. Ce que nous proposons, c'est de continuer de recruter
des enseignants, qui ont une solide formation disciplinaire, tout en constatant
que, quand ils ont cette formation disciplinaire là, ils n'ont pas
nécessairement la formation psychopédagogique.
Donc, nous proposons un certain nombre de mesures pour leur permettre
d'accéder à cette qualification en psychopédagogie, donc,
réduire la tâche d'enseignement des enseignants débutants,
réduire les vacances de ces mêmes enseignants, parce que c'est une
forme d'internat, par exemple, pour les nouveaux enseignants. Toute cette
opération-là devrait s'accompagner, bien sûr, au moment
où on investit dans le développement des ressources humaines de
cette façon-là, d'évaluations. Ce que nous souhaitons,
c'est que les évaluations soient formatives, dans le sens que ce soient
des évaluations qui permettent à tous et chacun des enseignants
de pouvoir s'améliorer, tout en profitant du support qui est rendu au
moment où on évalue une personne et on identifie avec cette
personne-là ses forces et ses faiblesses, et qu'on lui permette donc de
travailler à améliorer la situation.
La Présidente (Mme Hovington): Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Garon: Merci, Mme la Présidente. Parmi les nombreuses
qualités de votre mémoire, madame et messieurs, il y a celle de
proposer de nombreuses pistes de solution, et ça, c'est
intéressant. On sent, tout au long de votre mémoire, l'importance
des ressources humaines, mon collègue l'a souligné. Lorsque, dans
un mémoire, on dit que «l'institution a besoin de pouvoir compter
sur des professeurs doublement compétents, motivateurs parce que
motivés, impliqués, actifs, dynamiques, imaginatifs, mais
stables», je pense que c'est bien percevoir la réalité.
Une de vos pistes de solution a particulièrement soulevé
mon intérêt, probablement parce que, du côté de
l'Opposition officielle, c'est une de mes responsabilités. Vous proposez
«la création d'un ordre professionnel des enseignantes et des
enseignants où le principe d'autonomie professionnelle trouvera son
pendant dans un code d'éthique». Cette proposition-là nous
rappelle, finalement, que, parmi l'ensemble des professions connues, reconnues,
effectivement, la profession d'enseignant et d'enseignante est parmi les
exceptions qui n'ont plus - parce qu'on l'a déjà eu - leur ordre
professionnel. On a limité au syndicat. Pourtant, du côté
des infirmiers, des infirmières, le syndicat est extrêmement
présent, mais il y a aussi la corporation professionnelle des infirmiers
et des infirmières. Ça me paraissait intéressant comme
moyen de valoriser cette profession, de faire le premier pas afin de la
reconnaître comme corporation professionnelle.
Cette piste de solution là, est-ce qu'elle est venue des
enseignants et des enseignantes ou est-ce qu'elle provient plutôt des
cadres? Est-ce que vous avez vérifié auprès des
enseignants et des enseignantes si c'est une proposition qu'ils trouvent
intéressante? Est-ce que vous avez vérifié aussi un petit
peu à l'extérieur de votre milieu?
Une voix: Alors, sur ce sujet, M. Lavertu.
M. Lavertu: Vous avez fort bien identifié l'esprit dans
lequel nous avons fait cette proposition et, en réponse à votre
question, le mémoire et ces propositions-là, plus
particulièrement dans le deuxième volet du mémoire, ont
été préparés par un groupe de volontaires qui ont
répondu à un appel de la direction générale de
préparer une position du collège de Rivière-du-Loup
à présenter en commission parlementaire. Dans ce groupe de
volontaires, on retrouvait une majorité d'enseignants. C'est le groupe
qui a choisi, parmi un ensemble de thématiques, un certain nombre de
thèmes qui devaient être retenus et, entre autres, celui-ci. Et la
question de la création d'un ordre professionnel et d'un code
d'éthique correspondant, ça vient de l'ensemble du groupe,
incluant les enseignants qui y étaient, et ça a fait l'objet par
la suite d'une approbation unanime, et même avec félicitations, de
la commission pédagogique, qui est composée majoritairement
d'enseignants, et ça a été également adopté
unanimement par le conseil d'administration par la suite.
Mme Caron: Je vous remercie. Je pense que c'est une solution
à retenir. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Alors, pour
reconnaître le député de Rivière-du-Loup, qui n'est
pas membre de la commission de l'éducation, je dois avoir le
consentement de tous les membres de la commission. J'ai la
bénédiction, oui, oui? Je la demanderai en même temps tout
à l'heure pour la députée de
Kamouraska-Témiscouata, qui désirerait poser une question. Alors,
j'ai la bénédiction aussi? Alors, allez-y, M. le
député Rivière-du-Loup.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, Mme la
Présidente. J'aimerais souligner aussi, à l'instar de Mme
la mairesse, la collaboration exceptionnelle qui existe entre le cégep
de Rivière-du-Loup, le milieu et la municipalité de
Rivière-du-Loup. Ce qui fait que nous avons à
Rivière-du-Loup, de cette façon-là, des équipements
qui sont pleinement utilisés pour le mieux-être de la population.
Je souhaite grandement que cette collaboration-là continue à
Rivière-du-Loup.
J'ai reçu, Mme la Présidente, vendredi dernier, une
délégation du cégep, les responsables de
l'éducation physique, parce que vous savez, la pêche à la
mouche, c'est chez nous que ça se passe, là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Rivière-du-Loup): Et puis...
Numéro 1, numéro 2, Mme la ministre. Puis, évidemment, ces
personnes-là étaient accompagnées d'une étudiante
qui disait qu'il fallait absolument que les cours d'éducation physique
demeurent obligatoires et que c'était essentiel d'avoir un corps sain
dans un esprit sain, etc. Évidemment, tout le monde était bien
convaincu que c'était une nécessité. Je me demande, moi...
Je leur posais des questions. On me disait: Vous êtes plutôt du
côté sportif que du côté éducation. C'est
évident qu'il faut relaxer de temps en temps. Mais je me demande si les
autorités du collège voient ça de la même
façon que les profs d'éducation physique, évidemment, qui
défendent leur emploi ou leur place au sein du cégep. Ça,
je comprends ça, comme dans tous les cas, mais je me demande si les
autorités du collège le voient de la même façon.
M. Dubé: C'est un sujet d'actualité, si on peut
employer ce terme-là, qui concerne le C.A. du cégep. Comme tel,
le conseil d'administration ne s'est pas prononcé sur le sujet, puisque
la délégation que vous avez reçue en entrevue nous a
adressé un mémoire, hier soir, qu'on a reçu juste avant le
conseil d'administration qu'on a tenu, hier soir, et dont on n'a pas pu tenir
compte pour ce conseil d'administration. Par contre, c'est sûr qu'on a
une vue de ça, de ce sujet-là. Je demanderais à M. Lavertu
de nous faire part de ses points de réponse.
M. Lavertu: Je voudrais peut-être, d'abord, donner à
cette commission quelques explications sur les cours de pêche à la
mouche qui se donnent au collège de Rivière-du-Loup. Disons que
ces cours-là ont été développés au
collège de Rivière-du-Loup pour une clientèle tout
à fait spécifique et dans un contexte particulier. Les cours ont
été développés pour une clientèle adulte,
qui était inscrite dans un programme de formation à temps plein
pour les adultes: formation de moniteur de plein air. Il est fort
intéressant, pour ce type de travailleurs des bases de plein air, de
maîtriser un certain nombre d'habi- letés dans le domaine des
activités récréatives de plein air, et il se trouvait que
nous avions au collège un enseignant fort compétent dans ce
domaine, qui a même écrit un volume sur la question de la
pêche à la mouche.
Donc, à partir du moment où nous avions
développé ce cours-là, que nous l'avions offert à
une clientèle qui était une clientèle
spécialisée, nous avions acquis les équipements pour
pouvoir le donner, il nous est apparu intéressant que ce cours puisse
être offert parmi la gamme des cours que les étudiants du
collège de Rivière-du-Loup pouvaient choisir comme cours
d'éducation physique et comme cours, également, répondant
tout à fait aux objectifs des cours d'éducation physique dans
l'enseignement collégial. (11 heures)
Ça m'amène à dire aussi que ça s'inscrit
également dans une importante tradition au cégep de
Rivière-du-Loup, reliée aux activités de plein air par le
biais de notre programme de techniques d'intervention en loisir. Ça a
donné lieu, entre autres, comme M. Lemay le disait tout à
l'heure, à la mise sur pied, par le collège, d'une base de plein
air qui est devenue, par la suite, Pohénégamook Santé
plein air.
Pour répondre de façon plus spécifique à la
question de M. Côté, nous n'avons pas d'opinion, à ce
moment-ci, comme collège, sur la question des cours d'éducation
physique obligatoires, mais si jamais... On peut penser que, compte tenu de la
tradition reliée aux sports et aux loisirs au cégep de
Rivière-du-Loup, si les cours d'éducation physique cessaient
d'être obligatoires et étaient laisses au choix des
collèges, par exemple, on peut fort bien penser que la formation aux
activités de plein air continuerait de faire partie de notre projet
éducatif au collège de Rivière-du-Loup.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. Lavertu.
L'étudiante mentionnait que si les cours n'étaient pas
obligatoires, évidemment, il y aurait moins de présences, moins
de continuité. Si on veut en faire une spécialité, je
pense qu'il faut forcer la note un petit peu. Vous mentionnez aussi dans votre
mémoire que les enseignants débutants devraient être
libérés un peu, qu'on devrait leur laisser plus de temps. Vous y
avez fait allusion tout à l'heure, mais vous mentionnez également
la même chose pour les coordon-nateurs, qu'on devrait les libérer
de façon à ce qu'ils puissent s'occuper un peu de la question
administrative plutôt que pédagogique, parce que les deux vont de
pair, là. Mais, en plus, vous demandez une rémunération.
Si on les libère, pourquoi les rémunérer davantage? C'est
la même somme de travail, M. Lavertu.
M. Lavertu: ce à quoi nous réagissons dans notre
mémoire, c'est au statut ambigu d'un coordonnateur de
département, actuellement, dans un collège.
M. Côté (Rivière-du-Loup): Ce n'est jamais
facile.
M. Lavertu: Ce n'est jamais facile, et c'est une personne qui
maintient à la fois des obligations comme enseignant et des obligations
personnelles d'encadrement, entre guillemets, d'un collège. Il a un
statut inconfortable entre deux chaises. Ce que nous souhaitons, c'est qu'on
puisse clarifier son statut, qu'on puisse lui donner de véritables
pouvoirs et qu'on puisse arriver à une situation qui est
différente de celle qu'on connaît actuellement, où le
département, dans un collège, a à rendre compte. Ce que
nous souhaiterions, c'est que le département et son coordonnateur aient
à rendre des comptes. Il me semble qu'il y a une très grande
différence entre les deux.
La Présidente (Mme Hovington): Mme la
députée de Kamouraska-Témiscouata, il reste très
peu de temps, une minute.
Mme Dionne: Une minute, le temps de poser la question et d'avoir
la réponse, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Hovington): Oui, espérons.
Mme Dionne: Je voudrais saluer de façon
particulière les gens du cégep de Rivière-du-Loup et le
préfet de Témiscouata, puisque le cégep de
Rivière-du-Loup est composé du territoire, dans mon comté:
une partie de Témiscouata et une partie de Kamouraska. Ma question
principale, ce serait peut-être au niveau de l'éducation continue,
de l'éducation aux adultes. Vous avez acquis, je pense, une
crédibilité, à Rivière-du-Loup, depuis plusieurs
années, au niveau de l'éducation aux adultes, tant par le
cégep de Rivière-du-Loup, la commission scolaire que par votre
engagement sur le territoire. J'aimerais savoir quelles sont vos
recommandations, parce que je ne les ai pas retrouvées dans votre
mémoire de présentation, vos recommandations spécifiques
pour développer cette éducation continue aux adultes, quand on
sait que, dans la région, il y a des travailleurs saisonniers, il y a du
chômage l'hiver et tout ça. Est-ce que vous auriez des
recommandations spécifiques à faire à la commission pour,
justement, encore mieux servir votre clientèle sur le territoire?
Peut-être que M. Lavertu, M. Dubé, ou...
M. Dubé: Ou M. Morin, le coordonnateur de
l'éducation des adultes à Rivière-du-Loup.
M. Morin (André): On n'en parle pas souvent et on n'en
parle pas longtemps. Je pense que l'éducation des adultes... Comme on
l'a senti, une multitude d'interventions auxquelles on fait
référence dans notre rapport, dans notre mémoi- re,
émanent de l'éducation des adultes. Notre préoccupation,
c'est de s'assurer que, dans le virage où on se trouve en
éducation des adultes, on puisse toujours maintenir les moyens qui nous
permettent une orientation qu'on a prise, c'est-à-dire la
décentralisation. À titre d'exemple, bon an mal an, depuis cinq
ans, il y a 60 % à 70 % de la formation qui se donne à
l'extérieur de Rivière-du-Loup. Notre préoccupation, c'est
de dire: Ce rôle-là dans les collèges en région, il
est important, et je pense qu'on en témoigne ici. Il faudrait tout
à fait prévoir les moyens pour qu'on continue à le faire,
même si on sait qu'il y a des changements et des ajustements
nécessaires. Donc, quels sont ces moyens-là? On n'a pas pu se
commettre jusqu'à la fin. On n'est pas allés au bout de notre
réflexion là-dessus, mais je pense qu'on est prêts à
s'engager dans une réflexion de ce genre-là, et on espère
être entendus dans ce sens-là aussi. Donc, ce quon dit, c'est que,
s'il y a intégration, s'il y a changement, gardons toujours en
arrière-plan qu'il y a une région derrière ça, que
l'éducation des adultes joue un rôle important et qu'on a besoin
de moyens.
Dans les cinq dernières années, on a vu diminuer les
moyens d'intervention qu'on avait avec les sociétés de la
main-d'oeuvre qui ont récupéré toute la formation en
entreprise. Il reste tout le lot des personnes qui, à titre personnel,
veulent avoir une réorientation professionnelle. Et, dans ce
sens-là, je pense qu'ils sont laissés pour compte, à ce
moment-ci. Et ceux-là, il ne faudrait pas les oublier.
Mme Dionne: Donc, un meilleur arrimage pour les étudiants
qui voudraient poursuivre de façon individuelle leur formation en tant
qu'adultes.
M. Morin (André): Actuellement, les moyens restent
très limités pour ces personnes, et je pense qu'il faudrait en
tenir compte. La société de la main-d'oeuvre s'occupe beaucoup
des travailleurs en emploi et des travailleurs en entreprise. Je pense qu'il
faut absolument maintenir des services de formation collégiale pour les
adultes, et que ces services puissent être
décentralisés.
Mme Dionne: Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Nous avons largement
débordé notre temps, mais je pense que la présidence a un
préjugé favorable pour les cégeps de région! En
conclusion, rapidement.
Mme Robillard: M. Dubé, merci bien d'être venu, avec
toute votre délégation, témoigner aux audiences de la
commission. Je pense que vous êtes un exemple de ce qu'est un
cégep de région au Québec. Merci bien
La Présidente (Mme Hovington): Au nom de tous les membres
de la commission de l'éducation, félicitations pour votre
mémoire, et merci d'être venus nous le présenter ce matin,
avec un changement d'horaire qui s'est fait rapidement. Bon retour chez vous,
soyez prudents. Au revoir.
J'inviterais immédiatement l'Université McGill à
bien vouloir venir prendre place. Nous allons suspendre une minute.
(Suspension de la séance à 11 h 7)
(Reprisée 11 h 10)
La Présidente (Mme Hovington): silence en arrière,
s'il vous plaît! la commission de l'éducation reprend ses travaux
avec l'université mcgill, représentée par mme gretta
chambers, chancelière. bonjour madame...
Mme Chambers (Gretta): Bonjour, bonjour.
La Présidente (Mme Hovington): ...et par M.
François Tavenas, principal adjoint. Alors, j'imagine que c'est Mme
Chambers qui sera la porte-parole.
Mme Chambers: Oui, oui. Moi, je commence.
La présidente (Mme Hovington): alors, bienvenue à
la commission de l'éducation. vous avez 20 minutes pour nous
présenter votre mémoire.
Université McGill
Mme Chambers: Merci. Mme la ministre, Mme la Présidente,
Mesdames et Messieurs de la commission, je vous remercie beaucoup de nous avoir
invités. Nous apprécions beaucoup l'occasion qui nous est offerte
de présenter notre mémoire en personne et de vive voix.
Le principal devait être le présentateur, et c'était
prévu quand la date de l'audience a été fixée en
premier lieu, mais, à cause du fait que ça a été
reporté, il s'est trouvé avec un problème d'agenda. Je
suis sûre que vous comprenez que ça peut arriver. Et à
cause d'un engagement pris de longue date - l'Université reçoit
une délégation - le principal doit prononcer la conférence
principale à midi. Alors, je vous transmets ses excuses.
L'Université McGill a entrepris cet examen du niveau
collégial en se penchant d'abord et avant tout sur des questions d'ordre
pratique. À l'instar de la CREPUQ, dont le mémoire sur
l'enseignement collégial québécois va dans le même
sens que le nôtre, nous prenons pour acquis que les collèges sont
là pour rester, et notre mémoire s'en tient alors à
explorer quelques lignes maîtresses de la transmission de connaissances
précises requises pour la réussite d'études
universitaires.
Les cégeps ont pour mandat de préparer une partie de leur
clientèle à des études universitaires. C'est de cet
élément de leur mission que nous traitons avant tout, ce lien
direct, alors facilement documenté, entre le D.E.C. et l'entrée
au premier cycle de l'université, mais en gardant toujours à
l'esprit que ces compétences fondamentales, qui sont à la base de
tout apprentissage plus poussé du savoir, ne sont pas l'apanage exclusif
du monde universitaire. Une formation fondamentale est tout aussi
nécessaire à cette partie des cégépiens qui ne se
dirigent pas forcément vers des études supérieures ou
avancées Le marché du travail devient de plus en plus exigeant.
La mondialisation des marchés fait en sorte que l'apprentissage
permanent du savoir est de plus en plus souhaitable, pour ne pas dire
nécessaire, à la survie économique d'une
société.
Mais revenons à nos moutons, le collégial. Qu'est-ce que
l'université attend de ces ressortissants des cégeps? Une
première constatation. La mission et les structures distinctes des
cégeps situent résolument le système d'éducation du
Québec à l'écart des autres systèmes du reste de
l'Amérique du Nord. Dans les autres provinces, comme aux
États-Unis, les 16 années de scolarité qui
précèdent le grade de bachelier se composent de 12 ans
d'études préuniversitaires. S'il faut trois ans pour obtenir son
grade de bachelier au Québec, et quatre ans en dehors du Québec,
cela signifie implicitement que le programme de cégep équivaut
à la première année d'un programme universitaire de quatre
ans. La valeur des diplômes conférés par les
universités du Québec dépend donc beaucoup de la
crédibilité des cégeps en tant qu'établissements
d'enseignement postsecondaire.
Nous tenons à préciser, dès le début, qu'au
sein des départements de sciences pures et appliquées on est
généralement satisfaits de la formation scientifique que les
étudiants reçoivent au cégep. Si l'on prend les
études collégiales cours par cours, on peut affirmer que les
étudiants des cégeps suivent un plus grand nombre de cours de
sciences fondamentales que n'en suivent leurs homologues de l'extérieur
du Québec au cours de leur première année à
l'université. On est, en revanche, beaucoup moins satisfaits du niveau
d'instruction des étudiants de cégeps en sciences humaines et
sociales. Ce niveau d'insatisfaction n'est pas seulement manifeste chez les
enseignants des départements de sciences humaines et sociales, mais
également chez ceux et celles qui enseignent les sciences pures et
appliquées. Ça, c'est un point que nous voulons vraiment
souligner. C'est à travers le système au complet, ce n'est pas
vraiment seulement des secteurs pointus.
La création du système de cégeps, d'une part, et du
programme universitaire de trois ans, d'autre part, a retiré aux
universités une bonne part de leurs responsabilités en ce qui
concerne
la culture générale des étudiants. À vrai
dire, les contraintes temporelles imposées par les programmes de
génie et certains programmes de sciences empêchent d'offrir des
programmes plus complets dotés d'un solide volet de culture
générale, qui permettraient notamment aux étudiants
d'évaluer d'un oeil critique les preuves et l'argumentation des textes
écrits, ce qui est un élément essentiel des cours de
sciences humaines et sociales, mais aussi un peu des cours de sciences. Par
conséquent, l'université tout entière s'intéresse
à la façon dont les sciences humaines et sociales sont
enseignées au niveau du cégep. Ces matières ont un impact
direct sur l'acquisition d'un ensemble de compétences variées,
multiples et quasi universelles.
En sciences physiques et biologiques, y compris en génie, on est
généralement d'accord sur les connaissances mathématiques
et spécialisées qu'il faut maîtriser avant d'entreprendre
des études universitaires. Le consensus est par contre beaucoup moins
général dans le domaine des sciences humaines et sociales. Il
s'ensuit que les étudiants qui sont inscrits à des programmes de
cégep de ce type sont dans une large mesure autorisés à
choisir librement leurs cours sur un vaste menu d'options et que, de ce fait,
tous les étudiants qui obtiennent leur D.E.C. ont la possibilité
de se parfaire sur le plan de la langue écrite. Afin de motiver les
étudiants à acquérir ce genre d'aptitudes, nous proposons
qu'une portion importante de la note finale attribuée dans la plupart
des programmes de sciences humaines et sociales soit basée sur des
travaux écrits plutôt que sur des examens à choix
multiples.
Pour conclure ce chapitre, à court et à moyen termes, nous
nous intéressons moins aux cours de sciences humaines et sociales suivis
par les diplômés de cégep qui s'inscrivent à McGill
qu'à la maîtrise bonne ou excellente qu'ils ont acquise de la
langue écrite. Ça, c'est très important, les programmes
collégiaux, et il y a aussi l'autre concept - c'est un concept qui n'est
pas vraiment reçu - c'est que la maîtrise qu'ils ont besoin
d'acquérir des concepts en mathématiques, ça, c'est
quelque chose qu'on... On n'y pense pas toujours d'une façon assez
particulière et assez approfondie. Dans beaucoup de cours au
cégep, surtout dans les sciences sociales et humaines, on peut vraiment
oublier les mathématiques; si on n'est pas très fort dans les
mathématiques, ce qui est souvent le cas et, souvent, même, la
raison principale pour choisir les cours de sciences sociales, on peut vraiment
ne pas y passer du tout.
Les programmes collégiaux de sciences humaines et sociales ne
comportent aucun cours obligatoire en mathématiques. La plupart des
cours de sciences sociales font appel aux statistiques et, de plus en plus, aux
mathématiques. Alors, ça, c'est un point pour nous trôs
important. De nombreux étudiants qui s'inscrivent à un programme
de sciences sociales à McGill ont de sérieuses lacunes en
mathématiques qui compromettent sérieusement leurs
progrès. Par ailleurs, on attend d'une personne qui a de l'instruction
qu'elle ait certaines notions de mathématiques. C'est un atout
important, souvent une condition préalable sur le marché du
travail. Il y aurait donc beaucoup à dire en faveur d'un
relèvement du niveau de connaissances mathématiques de la
population en général. C'est pourquoi nous recommandons que les
programmes collégiaux de sciences sociales comportent des cours
obligatoires de mathématiques. Notons toutefois que le ou les cours en
question seront d'un niveau plus élémentaire que les cours exiges
pour les programmes de sciences de la santé et de sciences pures et
appliquées, parce que l'imposition de cours de mathématiques
obligatoires dans les programmes de sciences sociales ne devrait pas produire
une édulcoration des connaissances mathématiques exigées
dans d'autres programmes de cégep. (11 h 20)
Passons maintenant à la question primordiale de l'habileté
d'entreprendre la recherche de connaissances. Les étudiants inscrits
à de nombreux programmes universitaires sont tenus de faire des
recherches autonomes, ce qui exige qu'ils consultent toute une diversité
de sources. Étant donné que le cégep remplace en quelque
sorte la première année d'université dans presque tout le
reste de l'Amérique du Nord, il faudrait songer à exiger des
étudiants qu'ils suivent certains cours conçus pour les aider
à mieux apprendre à rechercher et à réunir des
données dans des sources de première main diverses. Ce qui est
visé ici, c'est qu'avant leur arrivée à
l'université tous les étudiants aient acquis la capacité
de faire des recherches indépendantes, de consulter les sources de
première main qui existent dans les bibliothèques des
cégeps et d'autres sources locales.
Pour les cégeps de langue anglaise, il y a un défi
particulier en ce qui a trait maintenant à la langue seconde. Pour des
raisons à la fois universitaires et sociales, il paraît
souhaitable que les étudiants qui obtiennent leur D.E.C. dans un
cégep de langue anglaise possèdent une solide connaissance du
français. Nous aimerions, au besoin, que les étudiants qui
obtiennent leur diplôme à McGill soient capables d'établir
un rapport entre leurs études et les problèmes du Québec
contemporain. Nous voulons également qu'ils puissent se trouver du
travail sur le marché québécois. Manifestement, plus ils
auront de compétences, plus leurs chances seront grandes. nous
préconisons donc que les cégeps de langue anglaise
réévaluent le contenu de leurs programmes afin d'améliorer
sensiblement la connaissance du français do leurs diplômé'.
m: constate quo nous no sommes pas los premiers a vous suggérer une
telle démarche. je crois que
les directeurs eux-mêmes des cégeps de langue anglaise ont
soulevé ce problème. Nous trouvons, à McGill, vous savez,
à l'inscription, qu'il y a... Nous avons des étudiants qui
veulent s'inscrire à McGill, alors ils ont des notes très fortes
- vous savez, ce n'est pas facile - et nous trouvons qu'ils ne peuvent
s'exprimer ni en anglais ni en français. Et ce ne sont pas des
étrangers, je ne parle pas des étrangers, je parle des gens de
chez nous. Pour nous, c'est la connaissance fondamentale. La maîtrise
d'une langue est importante et, pour nous, à McGill, en regardant les
cégeps de langue anglaise, c'est une maîtrise de deux langues.
Le respect d'impératifs conduisant à la maîtrise de
ces compétences fondamentales ne doit pas, par ailleurs, à notre
avis, conduire à un programme rigide au point qu'il empêche toute
flexibilité. L'initiative ou l'innovation au sein de chaque
cégep, c'est important de continuer d'essayer de l'encourager. Le
programme-cadre proposé par le ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Science ne doit pas empêcher chaque
cégep d'apporter les modifications qu'il veut à ses programmes
pour répondre aux voeux d'une partie de sa clientèle et à
des besoins sociaux et économiques plus étendus.
Nous sommes convaincus que chaque collège d'enseignement
général est aussi apte à réagir de manière
inventive à l'évolution des besoins des étudiants de la
communauté que le ministère de l'Enseignement supérieur.
C'est à deux volets. Ça devrait être une collaboration.
C'est pourquoi nous suggérons de donner aux collèges une plus
grande autonomie dans l'élaboration de leurs programmes et l'affectation
de leurs ressources afin de permettre à ceux et celles qui travaillent
de prendre un plus grand nombre d'initiatives et de répondre aux besoins
nouveaux et souvent locaux. Ce sont les objectifs qu'il nous semble
impératif d'établir et d'évaluer plutôt que
l'imposition d'un régime pédagogique rigide.
La réforme des programmes préuniversitaires de
cégep, comme ce qui se passe actuellement, a une incidence directe sur
la préparation des étudiants aux exigences des programmes
auxquels ils s'inscrivent à McGill ou dans toute autre université
du Québec. Il semble donc raisonnable de s'attendre à ce que
McGill et les autres universités du Québec participent de
près au processus de réforme des programmes. Nous aimerions
beaucoup discuter, avec plus de profondeur, avec la commission, après
ces présentations, des exemples qui ont déjà
été entrepris, et aussi d'autres initiatives auxquelles nous
pourrons songer.
Nous constatons avec satisfaction qu'en sciences, depuis quelques
années, la Direction générale de l'enseignement
collégial a pris d'importantes initiatives dans ce sens. Des
représentants de l'Université ont participé aux
délibérations du groupe ministériel de travail en 1987 et
1988, et collaborent de près avec le personnel du ministère et
des collèges depuis lors. Nous jugeons que ce processus est
bénéfique, car il favorise des contacts officiels, suivis et
indispensables entre les universités, le ministère et les
collèges. Nous recommandons au ministère de prendre les mesures
qui s'imposent pour la tenue de consultations de même nature au sujet
d'autres disciplines afin d'améliorer les procédures en place qui
ne sont pas toujours satisfaisantes. Comme on dit: On n'est jamais si bien
servi que par soi-même!
Plus généralement, il y a lieu de resserrer les liens
entre les cégeps et les universités, ce qui devrait leur
permettre de mieux apparier leurs politiques et leurs programmes respectifs.
Signalons, en passant, que dans certaines disciplines des sciences naturelles
une excellente collaboration s'est déjà instaurée entre
McGill et les cégeps au sujet des programmes.
Notons, par ailleurs, que la collaboration
universités-cégeps ne doit pas seulement faire appel à des
comités provinciaux. Les initiatives locales prises conjointement par
les universités et les cégeps dans leurs principaux territoires
de recrutement pourront apporter des retombées intéressantes.
Nous pourrions discuter encore de ce volet.
L'intégration des programmes est une autre collaboration possible
et souhaitable entre cégeps et universités. Les cégeps
peuvent sans conteste offrir des programmes plus astreignants à leurs
meilleurs étudiants, ce qui est déjà le cas pour le
programme de baccalauréat international dispensé par le
collège Jean-de-Brébeuf, le programme Science Plus
dispensé par Vanier et le programme d'arts libéraux de Dawson,
qui sont tous assortis de critères d'admission plus stricts, sans
compter qu'ils présentent plus de défis que la plupart des
programmes de cégep ordinaires. A notre avis, il n'y aurait rien
d'absurde à mettre à contribution les ressources humaines et
matérielles des universités pour offrir des enseignements
complémentaires à certains des étudiants les plus
avancés. Cela reviendrait relativement peu cher car il serait inutile
pour tous les paliers du système d'éducation du Québec
d'avoir leurs propres laboratoires et autres installations d'enseignement. En
plus de stimuler les étudiants les plus brillants, les ententes de ce
genre constituent un canal d'information utile entre les cégeps et
McGill sur la nature des travaux de niveau universitaire et sur ce que les
universités attendent de leurs étudiants. Enfin, il convient de
préciser que ces ententes ne sont pas sans précédent,
puisque certains cégeps admettent déjà à leurs
programmes un petit nombre d'étudiants du secondaire V.
En conclusion, c'est évident que notre mémoire est
axé sur le produit intellectuel du réseau collégial
plutôt que sur les structures mises en place pour l'apprentissage du
savoir. Ce qui a été accompli dans le domaine des sciences
pures et appliquées, cette formation scientifique de base,
pourrait servir d'exemple, il nous semble, ou d'objectif pour une
amélioration de la formation fondamentale. Nous adhérons
entièrement à l'avis de la CREPUQ qui, dans son mémoire au
Conseil des collèges, il y a maintenant deux ans, décrivait les
priorités de l'enseignement collégial en termes des besoins de
l'élève. (11 h 30)
L'élève doit apprendre à penser,
l'élève doit maîtriser les outils de la pensée, la
langue, le code linguistique, l'organisation de ses idées.
L'élève doit développer les méthodes du travail
intellectuel, saisir les enjeux d'un problème, choisir parmi des
solutions possibles, formuler des questions pertinentes et ainsi de suite. Pour
ce faire, nous avons suggéré quelques exigences
particulières, quelques pistes à explorer en collaboration avec
le niveau universitaire, qui est la destination privilégiée de ce
produit formé au collégial. Je vous assure, mesdames et
messieurs, que McGill se fera un plaisir, mais aussi une priorité, de
collaborer avec le ministère et avec les cégeps pour faciliter
des réformes qui nous paraissent souhaitables, voire nécessaires,
pour l'avenir immédiat et à long terme de l'éducation au
Québec. Je vous remercie beaucoup de votre attention.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, Mme Chambers. Mme la
ministre, vous avez la parole.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je veux d'abord
saluer d'une façon toute particulière Mme la chancelière
et M. le principal adjoint de l'Université McGill, et leur dire combien
je suis heureuse de voir que l'Université a décidé de
produire un mémoire pour les travaux de cette commission. Je pense que
l'apport majeur de l'Université McGill au sein de la
société québécoise est largement reconnu, et il y a
plusieurs des Québécois et des Québécoises qui
fréquentent votre institution qui viennent des cégeps ou des
collèges privés. Alors, c'était très, très
important qu'on puisse vous entendre, d'autant plus que je vois que... et je
prends note de votre appui et de votre appréciation, non seulement de
l'existence même des cégeps, mais, je dirais, des programmes
qu'ils offrent. Vous manifestez, de façon très précise, le
programme sciences de la nature, comment, de façon
générale, vous êtes satisfaits de la formation qui se donne
à l'ordre collégial. Je pense que c'est important quand on entend
un tel jugement d'une instance universitaire.
Mme Chambers ou M. Tavenas, comme vous le voulez, j'aimerais aborder
avec vous la formation générale de base, parce que vous insistez
beaucoup dans votre mémoire sur plusieurs facettes. D'abord, au niveau
de la langue écrite en tant que telle, où vous voyez une
déficience importante. Je comprends bien que vous considérez que
la langue maternelle anglaise est aussi un problème pour les
étudiants que vous recevez; la maîtrise de la langue maternelle
anglaise est aussi un problème. Est-ce que je vous ai bien saisis dans
votre mémoire?
Mme Chambers: Oui, c'est certainement un problème. Le
problème, Mme la ministre, n'est pas si aigu parce que, comme vous le
savez, il n'y a pas de grammaire en anglais!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Chambers: Je ne devrais pas... J'espère que ce n'est
pas...
M. Gendron: ...enregistré, là.
Mme Chambers: Non, mais, vous savez, ce n'est pas une langue
aussi précise. Une fois qu'on s'est bien mis à l'idée que
ce n'est jamais écrit comme c'est prononcé, alors ce n'est pas
tout à fait... Mais pour... Quand c'est de la formation de base pour la
ponctuation, pour savoir où mettre les majuscules, etc., c'est à
peu près au même niveau, et nous croyons que c'est le même
problème, anglais ou français; que ce soit manifesté d'une
façon différente, c'est le même problème.
Mme Robillard: Alors, pourriez-vous être un peu plus
explicite sur votre recommandation, à la page 4 de votre mémoire,
quand vous dites: «II faut [...] sérieusement songer à
exiger des titulaires d'un D.E.C. qu'ils réussissent une épreuve
de langue écrite.» Est-ce que vous pourriez élaborer?
Est-ce que c'est un examen national? Est-ce que ce serait conditionnel à
l'obtention du diplôme? À quoi vous pensez quand vous nous
écrivez une telle recommandation?
Mme Chambers: Notre idée était, quand on regarde
ça tout d'un bloc, qu'avec un D.E.C. en main il devrait y avoir une
évaluation uniforme pour ce qui est du tronc fondamental de
l'éducation. Peut-être qu'on n'a pas besoin d'avoir un examen
national pour la biologie 100-02, etc., mais pour les trois R, pour
l'écrit et les maths, il devrait y avoir un niveau au-dessous duquel on
ne devrait pas obtenir un D.E.C. Alors, ça, nous y croyons fermement,
que ce soit un plafond qu'on devrait avoir maîtrisé avant d'aller
à l'université... Mais, même si on n'y va pas à
l'université, en sortant d'un cégep, on devrait avoir la
maîtrise d'une langue. Ça, nous le croyons, c'est l'objectif. Ce
n'est pas qu'on devrait sortir avec un paquet de cours en français ou en
anglais, c'est que, dans les deux années à suivre des cours au
cégep, on a eu cette formation. On devrait naturellement... Tout le
monde le croit, et je suis sûre que tout le monde croit très bien
qu'on devrait arriver au
cégep avec une maîtrise meilleure de sa langue. Mais, comme
le cégep est le dernier niveau gratuit où tout le monde a
accès, il nous semble que c'est à ce point-là qu'on
devrait dire: Maintenant, cette personne a une formation et puis, n'importe
quand, cette personne va pouvoir continuer son éducation. Mais une
formation langagière est importante. Est-ce que je vous ai
répondu? M. Tavenas a peut-être autre chose à ajouter.
M. Tavenas (François): Oui. Je voudrais ajouter que, dans
toute la problématique de la connaissance de la langue, la situation,
fondamentalement, est la même dans tout le réseau universitaire et
dans tout le réseau des cégeps. Nous manquons, à l'heure
actuelle, d'un mécanisme de contrôle systématique de la
qualité de la connaissance de la langue par les diplômés de
cégeps avant qu'ils ne reçoivent leur diplôme. Il y a eu
des efforts qui ont été faits. Les universités
francophones ont mis en place, dans un premier temps, un test de connaissance
de la langue au niveau de l'admission. Ça les a forcées à
mettre en place ensuite des mécanismes de correction, de compensation,
de mise à niveau, etc., en fait, à assumer une partie de
responsabilités qui auraient déjà dû être
traitées aux ordres d'enseignement inférieurs.
Des progrès ont été faits cette année avec
la gestion du test de connaissance de la langue au niveau des cégeps
plutôt qu'au niveau individuel de chaque université. Il nous
semble qu'il reste une dernière étape à franchir, qui est
de faire de la réussite de ce test une condition d'obtention du D.E.C.
On se retrouve un petit peu, à l'heure actuelle, dans une situation
bizarre où les universités doivent admettre des étudiants
dont la déficience de connaissance de la langue est
démontrée. Il nous semble que la dernière étape de
transformation du résultat du test en une condition d'obtention du
D.E.C. serait tout à fait souhaitable et logique.
Mme Robillard: Parfait. Je pense que c'est plus clair. Au niveau
des connaissances mathématiques, vous soulignez, dans votre
mémoire, que les programmes de sciences humaines, à l'heure
actuelle, du collégial ne comportent aucun cours obligatoire en sciences
mathématiques. M. Tavenas, est-ce à dire que le nouveau programme
de sciences humaines, avec un cours obligatoire de méthodes
quantitatives, ne répond pas à l'objectif que vous
poursuivez?
M. Tavenas: Disons qu'il y a un progrès qui a
été fait avec la nouvelle structure de programmes. Il reste
à voir ce qu'il va y avoir effectivement dedans. On n'a pas encore vu le
produit qui va sortir de cette nouvelle structure de programmes. On craint
encore un peu, disons, des possibilités d'échappatoire à
l'exigence d'un apprentissage minimal de mathématiques pour l'ensemble
des diplômés de cégeps.
Mme Robillard: Dans le contexte de la formation
générale de base, je n'ai pas vu, dans votre mémoire, un
jugement, une satisfaction ou une non-satisfaction par rapport au bloc de cours
donnés de façon spécifique dans les cégeps
anglophones, le bloc de cours qu'on appelle «Humanities». Est-ce
que vous avez réfléchi à cette question, et est-ce que
vous pourriez nous faire part de votre appréciation?
Mme Chambers: Ils sont assez bien cotés. Ils sont assez
bien cotés, ces blocs de cours, sauf que, vous savez, c'est plus
important à l'université d'avoir les outils de travail que
d'avoir beaucoup de connaissances - pas dans les sciences. Dans les sciences,
naturellement, il y a des prérequis qu'il faut atteindre, mais pour les
humanités... sauf qu'on trouve toujours, une fois rendu à
l'université - comme vous savez - qu'il y a des cours qui ne sont
peut-être pas très sérieux. Et puis... Comment est-ce que
je peux dire ça d'une façon polie? Et puis, ce que nous croyons,
pour les améliorer, nous trouvons que ce serait mieux... Ça ne
nous intéresse pas tellement, ce qui est enseigné, mais si on a
pu instaurer dans les compétences la façon de s'exprimer, de
faire une synthèse, de pouvoir vraiment même expliquer ce qu'on a
appris. Alors, du côté rendement, ça ne donne pas toujours
ce qu'on aimerait, mais le contenu nous satisfait assez. (11 h 40)
Mme Robillard: Vous avez apporté dans votre mémoire
un témoignage tout à fait particulier, que nous n'avions pas
entendu à date, au niveau de la commission parlementaire, la partie de
l'intégration des programmes où vous vivez certaines
expériences présentement avec des cégeps. Dans le fond,
c'est avec l'objectif qu'il y ait une meilleure continuité aussi. Je
pense que c'est tout à fait en lien avec la partie
précédente de la collaboration cégeps-universités
où, dans le fond, les deux plus trois, les deux ans au cégep et
les trois ans à l'université... pour qu'il y ait une meilleure
coordination, une meilleure continuité. Est-ce que vous pourriez nous
faire part de votre expérience?
Mme Chambers: On a toutes sortes d'exemples, là.
M. Tavenas: Disons qu'on a, McGill et... Je pense que la plupart
des universités cherchent, à l'heure actuelle, des moyens de
mieux collaborer et de mieux intégrer les formations au cégep et
à l'université. Selon les cas, ça prend des formes
variées. Nous citons dans notre mémoire un certain nombre
d'exemples ponctuels qui ont été développés parce
que les conditions géographiques et académiques le permettaient.
Conditions, donc, de collaboration étroite et, effectivement,
d'une certaine intégration d'activités de formation
à l'université et d'activités de formation au
cégep. Nous pensons que c'est souhaitable parce que, effectivement,
comme le soulignait Mme Chambers tout à l'heure, si la qualité de
formation au niveau du cégep n'est pas ce qu'elle devrait être,
ça a un impact direct sur la qualité de la formation à
l'université et sur la réputation des programmes universitaires.
Donc, on a tout intérêt, nous, à essayer de mieux
intégrer les deux ordres de formation.
Ces expériences-là, on les trouve intéressantes,
elles marchent relativement bien. Je ne suis pas certain qu'elles puissent se
systématiser et s'appliquer à l'échelle de la province,
mais on est certainement prêts à les poursuivre et à les
développer.
Il y a d'autres façons qui ont été utilisées
par le réseau universitaire, McGill y compris, pour essayer
d'améliorer l'intégration cégeps-universités. On y
fait brièvement allusion dans le mémoire. C'est toute l'action
qui a été entreprise par les facultés de génie. Il
y a six ou sept ans maintenant, les facultés de génie,
conjointement, ont défini ce qu'elles percevaient comme étant les
besoins de formation, aussi bien au plan du contenu de formation que de la
méthodologie d'apprentissage et des acquis qui doivent être
obtenus par les étudiants, pour qu'un étudiant puisse poursuivre
des études avec succès dans une faculté de génie.
Ça a conduit, ça, à la rédaction d'un certain
nombre de... pas vraiment de manuels, mais de recueils de connaissances dans
les grands secteurs d'activité qui intéressaient les
facultés de génie. Ces documents-là qui, je pense,
maintenant, ont été largement diffusés aux professeurs
concernés dans les cégeps ont permis effectivement d'apporter une
structuration des programmes de cégeps. Je crois que cette
expérience spécifique au génie aurait tout
intérêt à être examinée de façon plus
large.
Ça m'amène à faire un autre commentaire. Je pense
que le plus grand problème auquel on est confronté devant le
produit qui nous arrive du cégep, la qualité de formation qui
nous arrive du cégep, c'est l'énorme diversité de cette
formation. Pour un certain nombre d'étudiants, le fait d'avoir suivi ce
qui est censé être le même programme n'est pas une garantie
que les mêmes acquis sont disponibles et de façon uniforme. On a
même été en mesure, dans certains cas, d'observer des
variations de qualité des acquis à l'intérieur d'un
même cégep, reflétant, en fait, ce qui semble être
une assez grande liberté de chaque prof, individuellement, de
décider du contenu détaillé de la matière qu'il va
présenter et de la méthode avec laquelle il va la
présenter. Je pense qu'il y a un gros problème de ce
côté-là. L'initiative des facultés de génie
visait à mettre un peu plus d'uniformité dans le système,
et je pense que c'est quelque chose; qui tnérito rait d'être
examiné do façon plus systématique;
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. M. le
député d'Abitibi-Ouest, vous avez la parole.
M. Gendron: Oui, Mme la Présidente. Je voudrais saluer,
d'une façon particulière, Mme Chambers ainsi que M. Tavenas. On
sait tous, je pense, comme membres de cette commission de l'éducation,
que l'Université McGill, au sens général, a toujours
préconisé l'excellence, et c'est intéressant que vous ayez
accepté de produire votre réflexion dans le cadre de
l'étude sur l'avenir de l'ordre collégial que nous faisons
à cette commission. Je pense qu'à la lumière et à
la lecture de votre mémoire on se rend compte que vous avez toujours les
mêmes objectifs, de préconiser des orientations qui devraient, si
nous les suivions davantage, offrir de meilleures perspectives d'excellence, et
je vous en remercie.
J'ai deux ou trois éléments que je voudrais approfondir.
La CREPUQ, la Conférence des recteurs, la semaine dernière, est
venue présenter un mémoire où, essentiellement, en
décodant - et c'est repris, d'ailleurs, dans un editorial, ce matin - un
peu leur grande lecture des maux du collège, eu égard à
trois éléments, ils portaient un jugement assez
sévère. Ils disaient, en gros: Les jeunes que nous recevons, en
parlant des universités, connaissent mal leur langue, ne savent pas
travailler et manquent de culture générale.
Sur le premier aspect, il semble que vous partagez ce jugement, puisque,
très clairement, vous affirmez, avec raison, selon moi. que la
connaisance de la langue écrite est très déficiente, et
que ça pose, bien sûr, des problèmes quant à la
crédibilité des institutions qu'on défend. Sur les deux
autres éléments, j'aimerais ça vous entendre, de
façon un peu plus précise et pointue: Est-ce que vous partagez,
vous également, comme université, McGill, le jugement assez
sévère qui était porté, à savoir que les
jeunes qui vous arrivent ne savent pas travailler, et manquent
complètement de culture générale - parce que
c'étaient les expressions employées dans le mémoire de la
CREPUQ? Sur ces deux autres éléments ou cette trilogie du
jugement assez sévère, est-ce que vous partagez le même
point de vue?
Mme Chambers: Bien, je dirais: Oui et non Que les jeunes n'ont
pas appris à travailler, ça, c'est vrai. Nous l'avons
souligné, nous aussi, dans notre mémoire. Nous l'avons
examiné sous l'angle de la recherche, mais c'est de ne pas pouvoir
travailler. Ils ne savent pas comment aller trouver des informations et les
organiser dans un tout. Ça, ça ne vient pas d'un cours. Ce n'est
pas quelque chose qu'on pense, où on dit On va donner un cours pour
montrer comment faire la recherche. Il faut que ce soit intégré
dans un cours, dans un cours d'histoire, dans un cours de sciences po, dans un
cours... Alors,
c'est la conception des cours, ce que ça donne. Ce n'est pas
seulement qu'on devrait avoir quelques connaissances, à savoir qui est
Platon, mais de pouvoir expliquer qui il est, d'aller trouver.
Alors, nous sommes d'accord que les gens ne savent pas travailler et que
ça, ça leur nuit d'une façon vraiment sérieuse, une
fois rendus à un niveau plus élevé, parce qu'il n'y a
personne pour les aider une fois rendus à l'université. On n'est
pas préparés, à l'université, pour recommencer cet
apprentissage. Alors, nous sommes d'accord, là.
Pour ce qui est de la culture générale, elle n'est
vraiment pas à la mode ces jours-ci, vous savez. Il faudrait leur donner
les outils pour aller chercher de la culture, c'est important. Et, pour nous la
culture mathématique, parce qu'il y a aussi une culture des sciences, et
ça, nous trouvons - parce que ça, ça a été
pensé, les cours au niveau collégial ont été
vraiment pensés avec une formation de base en tête. Alors, la
culture scientifique, seulement pour ceux et celles qui croient continuer dans
cette lignée-là... mais la culture scientifique, qui est devenue,
vous savez, maintenant, un peu une culture générale aussi, est
assez bien préparée. Si on commence à l'école, si
les jeunes à l'école, l'élève à
l'école n'a pas besoin de lire un livre, c'est très difficile de
penser que deux ans au cégep, avec tout ce qu'il a à apprendre,
ça va donner à cette personne une culture générale.
Nous sommes d'accord, mais pour nous il faut commencer au commencement, et puis
le commencement, c'est d'avoir une base pour pouvoir apprécier la
culture. (11 h 50)
M. Gendron: Merci beaucoup. Un autre point de vue que vous avez
exprimé très clairement, c'est la connaissance des
mathématiques. Et là je vous avoue bien franchement, et un peu
candidement - j'ai été professeur de mathématiques au
secondaire, je l'ai fait pendant 10 ans - que je suis un peu surpris. Je
voudrais juste approfondir, pas au sens négatif, mais je ne suis pas
capable de voir ce qui motive votre recommandation que, dans les cours de
sciences humaines et de sciences sociales, on envisage formellement la
rétention d'un certain nombre de cours obligatoires comme formation pour
ces disciplines. Ce n'est pas parce que j'en ai contre les
mathématiques. Ma question précise: Est-ce qu'il s'agit là
davantage d'une recommandation de l'Université McGill, ou si vous croyez
que l'ensemble du milieu universitaire aurait probablement la même
recommandation, y incluant, pour des cours de sciences humaines et de sciences
sociales universitaires, qu'il y a lieu d'avoir une formation en
mathématiques? Et, juste pour terminer, vous reconnaissiez
vous-mêmes dans votre mémoire qu'il ne s'agirait pas quand
même... Notons toutefois que, là, les cours en question seraient
d'un niveau peut-être plus élémentaire que les cours
exigés pour les programmes de sciences de la santé, de sciences
pures et appliquées.
Ma question: je dis que j'ai de la misère à voir que, pour
des cours élémentaires de mathématiques, rendus au niveau
universitaire, du monde recommande qu'on maintienne ça dans des troncs
communs de disciplines plus pointues, spécialisées, parce
qu'à ma connaissance, quand on est rendu à l'université,
on essaie de spécialiser les derniers degrés de savoir avant de
poursuivre dans la même ligne, soit de deuxième niveau ou de
troisième niveau; je parie maîtrise ou doctorat. Alors, je ne sais
pas si vous me comprenez bien. J'ai de la misère à comprendre vos
motivations de suggérer... Est-ce qu'il s'agit d'une suggestion de
McGill ou du milieu universitaire? Puisque que ce sera quand même assez
de base, pourquoi vous pensez qu'on doit quand même, rendus au niveau
universitaire, dispenser de la formation en mathématiques?
Mme Chambers: moi, j'ai toujours eu beaucoup de
difficultés en maths. celui qui est avec moi est un
mathématicien. alors, c'est lui qui va répondre à cette
question.
M. Tavenas: Je pense que c'est... Vous posiez tout à
l'heure une question sur la nécessité d'une culture
générale. Une culture générale, aujourd'hui, doit
nécessairement comprendre une culture mathématique. Les
problèmes auxquels la société fait face - le
problème de gestion du changement technologique, le problème de
la place qu'occupe la science, la technologie et les problèmes
environnementaux dans les préoccupations de la société -
sont tous des problèmes qui ne peuvent être convenablement
cernés, analysés et traités que dans la mesure où
on a un minimum de formation mathématique. C'est une question de
formation au raisonnement, c'est une question de formation aux outils de
mathématiques et, en particulier, aux outils de statistiques. On a
l'impression encore que, de façon générale au Canada, de
façon particulière au Québec, les maths restent
considérées par l'ensemble de la population comme le
privilège d'une petite population qui a décidé d'en faire,
là. Il nous semble que, si l'on veut vraiment avoir une
société économiquement, technologiquement avancée,
il va falloir que l'ensemble de la population, qui a une formation de niveau
universitaire, ait une formation universitaire qui soit fondée sur un
minimum de connaissances mathématiques.
M. Gendron: Vous ne croyez pas - rapidement, avant de passer
à l'autre question - que ce serait davantage une solution à
retenir, de privilégier l'option suivante, à savoir qu'il n'y a
plus personne qui obtient un diplôme d'études collégiales
qui peut s'en aller en sciences humaines et en sciences sociales sans avoir
réussi minimalement les cours de mathématiques
obligatoires du secondaire. Là, je vous comprends un peu. Le drame,
c'est qu'il y a des jeunes qui peuvent aller au collégial, s'en aller en
sciences humaines et en sciences sociales, sans avoir même réussi
ce qu'on appelle les mathématiques de base du cours secondaire. Et
là je vous comprends, parce que ça veut dire que, dans une
formation de base, quelqu'un qui n'aurait même pas des connaissances
minimales ou élémentaires en mathématiques, compte tenu de
ce que vous avez indiqué comme avenir au niveau économique,
mondialisation... et, là, je ne veux pas embarquer dans ces
créneaux-là. Ça fait difficile d'envisager ça.
Est-ce que vous ne croyez pas que ce serait plutôt cette option-là
qu'on devrait privilégier, que de dire: Même si tu vas en sciences
sociales ou en sciences humaines, à l'université, ça va te
prendre des maths obligatoires de base, de niveau universitaire?
Mme Chambers: Ce serait beaucoup mieux.
M. Tavenas: Ça me semblerait être, disons... Ce que
vous proposez comme une solution me semble être une exigence minimale, et
la recommandation que nous faisons est qu'au-delà de ces exigences
minimales il devrait y avoir une formation supplémentaire au niveau du
cégep. D'ailleurs, on voudrait transférer votre exigence minimale
un étage au-dessus.
M. Gendron: Vous la relevez. J'ai compris. Merci beaucoup. Autre
question que je voudrais poser: Vous avez fait bien, je pense, d'insister sur
le processus de réforme des programmes. Vous avez, dans votre
mémoire, quelques éléments plus particuliers, plus
pointus, et je vous cite précisément. Vous dites: Nous sommes
d'avis qu'il faudrait officiellement solliciter l'avis et les
compétences des professeurs d'université. La difficulté
que ça me pose, c'est qu'il y a toujours deux voies dans la vie. En
gros, on structure des voies officielles et, souvent, les gens essaient de les
contourner par des choses moins officielles. Puisque personne ne convient de
cette ultime nécessité qu'il y ait plus d'interrelation ou
d'harmonisation interordres... Vous offrez votre collaboration. Vous connaissez
ça. Vous en êtes. Mme la ministre a commencé,
d'entrée de jeu, en disant: On félicite, d'une façon
extraordinaire, l'apport de McGill au niveau de l'enseignement
supérieur, et ce n'est pas faux. Alors, j'arrête là tout de
suite.
La question que je vous pose: Quelle forme devrait prendre cette
complémentarité requise, et que vous souhaitez? Et si vous en
reparlez encore, avec raison, qu'est-ce qui fait qu'on ne réussit pas,
sans avoir des structures à n'en plus finir, à avoir des
mécanismes de complémentarité plus forts, plus
significatifs, qui donneraient des résultats? Parce que, moi, je veux
que les universités soient dans le coup de la réforme des
programmes. Vous héritez de ces jeunes-là; donc, il faut que vous
soyez dans le coup. Si vous suggérez ça, ça signifie que
vous ne l'êtes pas assez concrètement, puisqu'on ne ferait pas de
recommandations à l'effet qu'il faudrait officialiser, et formellement
s'assurer que l'avis du milieu universitaire soit dans le décor ou la
démarche de révision du processus des programmes. Pourquoi
ça ne l'est pas, et qu'est-ce qu'il faudrait encore inventer pour
s'assurer qu'on ne parle plus de ça pour les 15 prochaines
années? Autrement dit, pour que ça devienne un automatisme?
Mme Chambers: On a peut-être choisi le mauvais mot. Ce
n'est peut-être pas «officiel». On aurait peut-être
dû dire «systématique», que ce soit tout naturel,
quand on fait le saut du secondaire au cégep, qu'il y art un trait
d'union, une passerelle, non pas le précipice pour remonter. C'est
exactement la même chose quand on va du collégial à
l'université. Ça s'est fait, comme M. Tavenas vient de le
décrire, en génie. Ça fonctionne. Mais, ça,
c'était parce que les facultés de génie
commençaient vraiment à prendre de l'importance, et on voyait que
ce qu'on nous envoyait du cégep ne faisait pas l'affaire. Alors, ils ont
pris ça en main. Mais il me semble que le ministère est le
parfait trait d'union entre les différents niveaux. Après tout,
si, par exemple, après toutes ces audiences, le ministère et Mme
la ministre décidaient, maintenant, de prendre une direction, que ce
soit fait en consultation avec ce dont ont besoin les universités,
toutes les universités.
Moi, je suis convaincue qu'à la fin de la journée ou de la
semaine d'audiences vous allez trouver qu'il y a vraiment un fil conducteur
à travers tous ces mémoires. Il va y avoir des
différences, on va souligner ceci ou cela, peut-être des
différences de pluralité, mais ça, ça va durer,
alors que ce soit pensé en fonction... pas d'un tout tout seul,
isolé, un niveau... On pense souvent qu'au collégial c'est
gratuit, que c'est de l'accessibilité, mais on pense, au
collégial, que ce soit... L'accessibilité, on ne saisit pas
toujours ce que ça veut dire. Ça veut dire facile d'accès;
ça ne veut pas dire facile de sortie! Vous savez, ça ne veut pas
dire que, ce soir, on va avoir notre bout de papier. Alors, on a un réel
besoin. Il faut rentrer. Alors, c'est l'accessibilité à un niveau
supérieur qui est l'important mais, si on veut aller plus loin, et
même si on veut aller plus loin plus tard, on devrait se rendre à
un niveau et l'université connaît les paramètres du niveau
qu'il faut atteindre. (12 heures)
M. Tavenas: Je pourrais peut-être rajouter que dans notre
perception il ne s'agit pas de créer de nouvelles structures ou de
nouveaux mécanismes, mais d'utiliser les structures en place et les
mécanismes qui ont été mis en place ou les modèles
qui ont été mis en place. L'exem-
pie de la réforme des programmes au niveau des sciences dans les
années 1987-1988 a permis une interaction fructueuse. Le CLESEC permet
aussi un certain nombre d'interactions. Son fonctionnement depuis deux ans
maintenant a donné satisfaction, je pense, a permis de faire un certain
nombre de progrès. Il y a certainement de la place, dans le domaine des
sciences humaines en particulier, pour une plus grande, je dirais,
intégration des processus qui ont déjà été
utilisés au niveau des sciences.
M. Gendron: Merci beaucoup.
Le Président (M. Hamel): Alors, voici. Il nous reste
très peu de temps, mais j'aimerais vous poser une question, si vous me
le permettez. Dès le début de votre présentation, Mme
Chambers, vous avez souligné que votre mémoire se
présentait sous l'aspect pratique et, pour continuer un peu dans le sens
de la flexibilité des programmes et l'autonomie des collèges,
vous suggérez, à la page 7, une plus grande autonomie:
«Nous suggérons de donner aux collèges une plus grande
autonomie dans l'élaboration de leurs programmes et l'affectation de
leurs ressources afin de permettre à ceux et celles qui y travaillent de
prendre un plus grand nombre d'initiatives et de répondre aux besoins
nouveaux et locaux.» Pourriez-vous nous préciser un peu plus ce
que vous voulez dire par cette plus grande autonomie, dans le sens pratique,
comme vous le mentionnez, s'il vous plaît?
Mme Chambers: C'est que tout le long de notre mémoire nous
avons souligné le besoin de resserrer les normes et de hausser les
normes pour les compétences fondamentales. Et, par cela, nous ne
voulions pas dire qu'il faudrait avoir quelque chose de rigide, d'une
façon très rigide. Il y a ce côté-là. L'autre
côté, c'est que les cégeps ont des clientèles
différentes. Ils ont des problèmes ou des facteurs locaux;
ça dépend s'ils sont en région, à Montréal
ou à Québec; ça dépend souvent des quartiers dans
lesquels ils sont situés. Ils ont des besoins particuliers qu'ils
devraient pouvoir explorer et ils pourraient s'en servir pour former des cours,
etc., qui répondent à des situations particulières, et pas
si générales. Est-ce que ça vous... C'est un peu flou?
M. Tavenas: Je pourrais peut-être poursuivre. En fait,
idéalement, ce qu'on recherche, c'est des programmes de cégep qui
sont plus stricts et plus systématiques dans l'acquisition
d'éléments de base de connaissance et qui permettent une
flexibilité dans l'acquisition d'éléments additionnels.
Et, en fait, ce qu'on dit, c'est de réexaminer la structure qui existe
à l'heure actuelle dans les programmes de cégep, mais en mettant
plus de rigueur dans ce qui doit être le coeur des programmes de
formation, en ayant plus d'uniformité dans ce coeur des pro- grammes de
formation et en laissant, par contre, plus d'autonomie aux cégeps dans
la formulation de la partie qui leur revient.
Le Président (M. Hamel): Ça va, merci. Mme la
ministre, pour conclure, s'il vous plaît.
Mme Robillard: II nous reste à vous remercier, Mme
Chambers et M. Tavenas, d'être venus témoigner auprès de la
commission de votre expérience à McGill. Merci bien.
Le Président (m. hamel): alors, je vous remercie, mme
chambers, m. tavenas. et nous allons inviter les représentants de
l'union des municipalités régionales de comté à
venir nous présenter leur mémoire, s'il vous plaît. je
suspends pour deux minutes.
(Suspension de la séance à 12 h 5)
(Reprise à 12 h 7)
Union des municipalités
régionales
de comté et des municipalités
locales du Québec
Le Président (M. Hamel): Si vous voulez bien prendre
place, s'il vous plaît, nous allons immédiatement débuter
notre séance. Bonjour et bienvenue, M. Nicolet. Il me fait plaisir de
vous accueillir, ainsi que M. Fernet. Alors, sans plus tarder, si vous voulez
nous présenter votre mémoire.
M. Nicolet (Roger): Merci, M. le Président. Mesdames,
messieurs, c'est avec beaucoup de plaisir que nous nous adressons à vous
aujourd'hui et, si vous me permettez, de brièvement vous
présenter notre mémoire...
C'est parce qu'elle est convaincue que les cégeps ont un
rôle essentiel à jouer dans le développement des
localités et des régions du Québec que l'UMRCQ tient
à attirer l'attention de la commission parlementaire sur les aspects qui
lui apparaissent primordiaux pour l'avenir des communautés locales et
régionales. La mondialisation des marchés et l'adaptation qu'elle
impose aux entreprises ont clairement fait ressortir l'importance de la
qualification des ressources humaines dans la vitalité des
économies nationales et, a fortiori, dans les économies
régionales. La transformation des secteurs économiques et
l'introduction nécessaire de nouvelles technologies dans les
procédés de production requièrent des techniques
qualifiées, et ce, dans toutes les régions du Québec.
Les collèges publics ayant un mandat de formation
générale et de formation technique, il est clair que pour l'UMRCQ
ce sont la des établissements dont les activités sont
indispensables pour les régions. Cependant, nous déplo-
rons le fait que la formation technique n'attire pas autant de jeunes
qu'il serait souhaitable. Ce manque d'enthousiasme, voire
d'intérêt pour la formation technique, nous apparaît
problématique pour l'avenir des régions et surtout pour celles
qui sont déjà aux prises avec des situations marquées de
sous-développement. Ces dernières ont, plus que toute autre,
besoin de personnel qualifié pour redresser la situation. Le manque
d'intérêt qui, trop souvent, se combine avec l'exode d'une partie
des jeunes pourrait bien engendrer à court ou moyen terme une diminution
des programmes techniques offerts en région. Une telle situation
viendrait considérablement affecter les efforts de développement
et partout accélérer le processus de dévitalisation de
plusieurs MRC du Québec.
Pour faire échec à un tel scénario, il est urgent
de stimuler l'intérêt pour la formation en techniques, notamment
en techniques physiques, de faire connaître les possibilités
qu'offrent ces formations et de favoriser la reconnaissance sociale des
technologues. C'est pourquoi l'UMRCQ recommande: que le ministère de
l'Enseignement supérieur et de la Science engage des actions
énergiques et immédiates pour valoriser la formation technique et
en faire la promotion, et que ces actions insistent sur le potentiel à
développper dans chacune des régions du Québec; que les
cégeps poursuivent et développent leurs efforts pour mieux faire
connaître aux jeunes les débouchés des programmes
techniques et les perspectives d'emploi; que, pour ce faire, les cégeps
expérimentent diverses formules - l'une de ces formules pourrait
être, par exemple, d'organiser des journées portes ouvertes
destinées principalement aux jeunes du secondaire afin que ceux-ci
puissent y recevoir de l'information, rencontrer d'anciens
diplômés; que les cégeps établissent des liens plus
étroits entre le contenu des programmes et les exigences des employeurs
régionaux; qu'ils s'impliquent sur le plan national pour favoriser la
définition d'un statut de technologue. (12 h 10)
À l'heure actuelle, l'implantation et le maintien des programmes
relèvent du ministère. Par expérience, l'UMRCQ se
méfie des décisions trop centralisées qui, dans bien des
cas, reposent davantage sur des rationalités sectorielles que sur
l'ensemble des réalités des territoires qui y sont assujettis.
Considérant que la primauté des rationalités sectorielles
a trop souvent eu des effets néfastes pour le développement des
territoires, considérant que la majorité des cégeps ont
acquis une nouvelle connaissance des besoins des territoires où ils
exercent leurs activités, l'UMRCQ recommande: que les cégeps
examinent, avec les organismes et entreprises de leur milieu, la pertinence de
maintenir ou d'implanter des programmes en région et que le
ministère accorde plus d'importance réelle aux résultats
de tels examens; que le ministère reconnaisse que les seuils de
viabilité dun programme peuvent être différents d'un type
de région à l'autre, dépendamment des
agglomérations et localités desservies: que sur la base de cette
reconnaissance les cégeps aient plus de latitude dans la décision
d'implanter ou de maintenir des programmes de formation.
Dans le régime pédagogique, les cégeps disposent
d'une marge de manoeuvre pour adapter une partie des contenus des programmes
qu'ils dispensent. L'UMRCQ est d'avis que de telles dispositions sont aptes
à favoriser une plus grande cohésion entre les formations et les
besoins des régions. Pour y parvenir, il faut que tous les
collèges publics mettent en place des mécanismes pouvant leur
assurer une rétroaction des organismes et des entreprises du milieu sur
la pertinence de la formation reçue par les diplômés
à leur emploi. La généralisation de tels mécanismes
permettra une meilleure adaptation des contenus et une plus grande vitesse de
réaction face aux nouveaux besoins.
Considérant ces marges de manoeuvre bénéfiques,
l'UMRCQ recommande: que tous les cégeps utilisent cette latitude dans la
perspective de répondre aux besoins réels des régions et
non seulement dans celle de répondre à des besoins internes de
gestion du personnel; que tous les cégeps mettent en place des
mécanismes de rétroaction pour bien cerner l'efficacité du
travail accompli et les améliorations à apporter.
Dans le contexte où, pour survivre, les PME doivent adopter de
nouvelles façons de faire, l'UMRCQ est convaincue que les cégeps
doivent jouer un rôle important dans la recherche appliquée et
dans le transfert des technologies. Les centres spécialisés de
certains collèges répondent déjà a des besoins
spécifiques. Cependant, il faut bien tenir compte du fait que ces
centres spécialisés ne sont pas distribués
également sur l'ensemble du territoire québécois.
Même s'ils ont des vocations provinciales, on peut facilement comprendre
que les besoins peuvent être différemment accueillis du seul fait
de la proximité de la connaissance ou de la reconnaissance de
l'existence de ces centres. Or, partout dans les régions, les PME n'ont
pas les moyens suffisants pour financer de la recherche appliquée
pouvant les conduire à des transferts technologiques, à des
améliorations de procédés ou à de nouvelles
productions.
Considérant l'importance de la recherche appliquée dans la
survie et le développement de toutes les régions,
considérant que les cégeps sont implantés dans toutes les
régions du Québec, l'UMRCQ recommande de reconnaître aux
cégeps une mission de recherche, mission non concurrentielle avec celle
des universités puisque ces institutions peuvent être
tournées davantage vers la recherche fondamentale; que, suite à
cette reconnaissance se développent des interac tions entre, d'une part,
les cégeps et les centres spécialisés et, d'autre part,
les cégeps et les
universités; que le ministère mette en place des
programmes de financement élargis pouvant accueillir des projets visant
le développement social et culturel des localités et des
régions.
La formation étant primordiale pour le développement des
localités et des régions, l'UMRCQ insiste sur la
nécessité de rendre accessibles les services de formation aux
adultes. Dans les régions dont le peuplement se caractérise par
une moins grande densité de population et par sa dispersion sur le
territoire, l'accessibilité aux services ne peut s'établir de la
même façon que dans les zones urbaines. Or, il semble, encore une
fois, que ce sont des normes provinciales qui ont cours. Ces normes, telle
celle qui exige un pourcentage minimal d'étudiants, sont la plupart du
temps facilement applicables dans les zones métropolitaines mais
deviennent vite des écueils sur lesquels se brisent les espoirs de
formation des zones plus excentriques.
Si le gouvernement reconnaît, d'une part, que les ressources
humaines seront dans l'avenir le principal atout du Québec et s'il
reconnaît, d'autre part, que le développement global de toutes les
régions est nécessaire au dynamisme du Québec, l'UMRCQ est
d'avis que l'assouplissement des normes du ministère et leur adaptation
aux réalités régionales deviennent alors de simples gestes
assurant la cohérence avec les prises de position. L'UMRCQ est bien
consciente des réalités financières qui peuvent
découler de cet assouplissement. Cependant, elle persiste à
croire qu'une volonté politique ferme permettrait de trouver les
aménagements budgétaires nécessaires à la
réalisation de cet objectif d'accessibilité. Nous irons
même plus loin en disant qu'il est, pour nous, indispensable de
multiplier les lieux de formation en dehors des cégeps pour
répondre aux besoins du plus grand nombre d'individus. Donc, nous
recommandons que se manifeste à tous les échelons une
véritable volonté politique pour rendre accessible la formation
aux adultes et que, dans l'immédiat, cette volonté se traduise
par la modulation des normes provinciales et par la déconcentration de
lieux de formation.
Plusieurs des recommandations formulées plus haut font appel
à des liens entre les cégeps et les organismes et entreprises de
leur milieu. Dans notre vision du rôle des cégeps dans le
développement régional, l'établissement de tels liens nous
apparaît fondamental. C'est par ces liens de partenariat que pourra se
réaliser une plus grande synergie entre les intervenants d'un même
milieu, que pourront se développer les stages en milieu de travail,
s'expérimenter des formules d'enseignement coopératif,
s'établir un diagnostic le plus sûr possible des besoins de
formation des entreprises, des organismes, des individus.
Ayant beaucoup insisté sur ces liens, nous ne saurions passer
sous silence ceux qui de- vraient se tisser entre le cégep et le monde
municipal. En terminant, nous recommandons que, pour tenir compte des besoins
de l'ensemble des territoires dans lesquels ils agissent, les cégeps
développent des liens de partenariat non seulement avec les villes
où ils sont implantés, mais aussi avec les municipalités
locales et les MRC; que, pour affirmer de tels liens et assurer une
véritable représentation des réalités
territoriales, les élus municipaux soient appelés à
siéger sur les conseils d'administration des cégeps.
Prenant comme position centrale que les cégeps ont un rôle
essentiel à jouer dans le développement des localités et
des régions, l'UMRCQ insiste sur les positions suivantes:
nécessité, pour supporter les efforts de développement des
régions, de valoriser et de raffermir la formation technique dans les
régions; nécessité de marges de manoeuvre accrues pour les
cégeps dans l'implantation et le maintien des programmes en
région, le tout en concertation avec les intervenants de leurs milieux;
nécessité de reconnaître que les seuils de viabilité
des programmes doivent s'établir en tenant compte des
réalités régionales; utilisation des marges de manoeuvre
des cégeps dans l'établissement des curriculum pour
répondre d'abord aux besoins réels des régions; mise en
place de mécanismes de rétroaction pour bien cerner
l'efficacité du travail accompli; reconnaissance d'une mission de
recherche appliquée pour l'ensemble des cégeps et
développement de cette mission autour des réalités des
régions; développement de l'accessibilité à la
formation pour les adultes sur l'ensemble des territoires régionaux via
la modulation des normes provinciales et la déconcentration des
activités; établissement de liens de partenariat entre les
cégeps, les organismes et entreprises du milieu et le monde municipal;
représentation du monde municipal sur les conseils d'administration des
collèges. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Hamel): Merci, M. Nicolet. Pour
débuter notre échange, Mme la ministre, s'il vous
plaît.
Mme Robillard: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord
saluer les représentants de l'Union des municipalités
régionales de comté et des municipalités locales. Je pense
que, de votre point de vue à vous, qui est, je dirais, résolument
régional dans l'ensemble de notre province, vous êtes bien
placés pour nous parler du rôle des cégeps dans les
différentes régions du Québec. Et je prends bien note de
votre appui, si ce n'est que vous dites très clairement dans votre
mémoire que les cégeps ont un rôle essentiel dans chacune
des régions du Québec.
M. Nicolet, j'aimerais ça commencer l'échange avec vous en
parlant de la formation technique, parce que vous insistez beaucoup
là-dessus dans votre mémoire. Et votre premier
point est sur la nécessité de valoriser la formation
technique, dites-vous, étant donné que nous manquons de jeunes
dans ce secteur-là. Et vous avez différentes recommandations en
vue de valoriser la formation technique. Il y a différentes
recommandations qui s'adressent aux cégeps. Il y en a une qui s'adresse
au ministère, la première, et vous nous suggérez d'engager
des actions énergiques, dites-vous, pour valoriser la formation
technique. M. Nicolet, quand vous avez écrit cette recommandation,
est-ce que vous aviez des choses en tête? (12 h 20)
M. Nicolet: Je crois, madame, que, essentiellement, ce qui... Et
là je dois faire appel à mon expérience professionnelle
plutôt qu'à mon expérience d'élu municipal, mais il
me semble que toute la formation technique au Québec n'a pas reçu
l'accent ou l'attention suffisante de l'opinion générale. Et
c'est là que le ministère, je crois, peut jouer un rôle
important, en ce sens que c'est un travail de sensibilisation de l'opinion
publique qu'il faut envisager pour progressivement donner et reconnaître
à tous nos technologues un statut professionnel, comme ils en ont
déjà dans plusieurs pays, en Europe en particulier, où la
fonction de technologue jouit d'une reconnaissance sociale qu'elle n'a pas au
Québec. C'est un travail de fond, c'est un travail à terme, et
seul, je crois, le ministère peut l'assumer parce que c'est
véritablement des valeurs sociales dont il est question.
Mme Robillard: Justement, M. Nicolet, quand vous nous
suggérez que les cépeps s'impliquent sur le plan national pour
favoriser la définition d'un statut de technologue, puis vous parlez de
type de corporation professionnelle, pourriez-vous être un peu plus
précis dans cette recommandation-là? Vous devez sans doute savoir
qu'existe depuis plusieurs années la Corporation professionnelle des
technologues des sciences appliquées du Québec, que cette
corporation-là peut réunir des jeunes ou des adultes en
provenance au moins de 80 programmes dispensés à l'heure actuelle
dans les cégeps, alors...
M. Nicolet: Oui.
Mme Robillard: Oui, ils viennent nous rencontrer ce soir,
justement, pour nous parler de leur perception de l'enseignement
collégial. Mais est-ce que vous faisiez, donc, référence
à la création d'une autre corporation?
M. Nicolet: Non. Je pense que, d'abord, leur existence est
relativement récente, toute proportion gardée, quand on compare
l'organisme dont vous faites mention avec les corporations professionnelles
traditionnelles que nous connaissons, ou plutôt les ordres
professionnels. Il me semble que la difficulté qu'ils connaissent vient
surtout des problèmes qu'ils ont à se situer par rapport aux
corporations professionnelles traditionnelles. Il va falloir
délibérément, je pense, venir en aide aux organismes qui
existent et à ceux qui pourraient se développer pour qu'ils
mettent l'accent sur la valorisation de leurs membres, sur l'enrichissement de
la vie du technologue face a la société en général
plutôt que de se perdre dans des échanges parfois stériles
avec les corporations professionnelles traditionnelles.
Mme Robillard: M. Nicolet, au niveau des services
d'éducation aux adultes, dans votre mémoire, vous recommandez
qu'on améliore l'accessibilité au niveau de l'éducation
des adultes dans les différents cégeps. Mais vous allez plus
loin, dites-vous vous-même, vous jugez indispensable de multiplier les
lieux de formation en dehors des cégeps. Pourriez-vous être plus
précis sur cette recommandation-là?
M. Nicolet: Oui. Je pense que, de plus en plus, surtout en
région, c'est la réalité que nous connaissons. Enfin, pour
revenir en arrière, tout le problème démographique en
région, tout le problème d'émigration des jeunes en dehors
des milieux régionaux trouvent leur origine dans la structure de notre
système d'éducation au Québec. En ce sens que, pour
bénéficier d'une formation plus poussée, immanquablement,
le jeune en région doit se diriger vers les centres urbains, que ce soit
d'abord au niveau du cégep et, à plus forte raison, lorsqu'il se
dirige vers une formation universitaire. Ceci a pour conséquence que,
souvent, ils deviennent des urbains par accoutumance ou par osmose avec le
milieu dans lequel ils sont appelés à se développer et ils
y restent. Ce qui se solde, au terme du processus de formation, par une perte
nette pour les régions où ces jeunes ne retournent tout
simplement plus. Et il me semble que, dans la mesure où on parle de
formation technique, si on peut éviter ce dépaysement, ce
déracinement des jeunes, si on peut trouver une façon de
rapprocher la formation de leur milieu, où ils ont leurs racines et, on
l'espère, où ils pourront se développer toute leur vie,
qu'on puisse trouver des façons d'être beaucoup plus flexibles et
d'apporter chez eux des programmes spécialisés dont ils ont
besoin.
Mme Robillard: Oui, mais, M. Nicolet, je pense que j'ai de la
difficulté à vous saisir parce que, quand on regarde la carte des
cégeps à l'heure actuelle, dans l'ensemble de la province: leurs
différents campus, leurs centres d'études collégiales, les
antennes, les centres d'éducation des adultes qui sont ouverts, des
points de services différents dans chacune des régions, vous le
savez, au complet, quand on regarde... À quelques exceptions
près, j'ai l'impression que dans chacune des régions du
Québec il y a uno présence, il y a une accessibilité
physique qui est là. Mais, vous, vous dites: II faudrait multiplier
les lieux de formation en dehors des cégeps. Qu'est-ce à
dire? Où ça? En entreprise, je ne sais pas à quoi vous
référez?
M. Nicolet: Je pense qu'il y a peut-être malentendu sur la
notion de «en dehors». Je pense en particulier à un exemple.
Vous aviez, ce matin, je crois, le cégep de Rivière-du-Loup
accompagné d'un certain nombre d'élus du Bas-Saint-Laurent. Il me
semble que les exemples... Et ce n'est pas nécessairement les
cégeps qui sont remis en cause, mais un des exemples qui m'est le plus
présent à l'esprit, c'est l'exemple qui avait été
mis en évidence par le Conseil des affaires sociales lorsqu'il a voulu
publiciser tout ce phénomène auquel je faisais allusion. Il
parlait du fameux soudeur du Témiscouata qui, pour recevoir des cours de
formation, devait se rendre à Rivière-du-Loup, de tout ce que
ça impliquait comme efforts personnels, comme frais, comme
difficultés pour trouver le niveau de formation nécessaire
à l'individu pour se développer davantage. Il me semble que,
toutes choses étant égales, nous vivons la même
problématique avec les cégeps et la formation continue des
adultes où il est de plus en plus difficile d'amener la clientèle
aux lieux de formation quand on devrait investir plus d'efforts - je ne dis pas
qu'il n'y en a pas qui sont investis - pour rendre la formation plus accessible
à la population là où elle se trouve plutôt que,
immanquablement, toujours faire l'inverse.
Mme Robillard: Mais, M. Nicolet, vous êtes...
M. Nicolet: Je pensais à une nouvelle qui sortait en
Estrie ce matin, où, au niveau secondaire, on faisait des gorges chaudes
d'un programme qui allait concentrer à Sherbrooke certains programmes
professionnels au niveau secondaire, au détriment des MRC
périphériques. Et, pour moi, c'est une perte nette pour les
régions, même s'il y a une bonification, une amélioration
au niveau de l'efficacité de l'appareil scolaire. Et la même chose
s'applique au niveau collégial. Donnacona est un exemple récent
où on a fait un effort pour se rapprocher des clientèles
plutôt que de faire l'inverse. (12 h 30)
Mme Robillard: M. Nicolet, je pense qu'au niveau du principe on
peut être d'accord avec une plus grande accessibilité non
seulement dans chacune des régions, mais même au niveau des
localités. Mais, d'un autre côté, vous n'êtes pas
sans savoir qu'on ne peut pas rendre disponible la carte de tous les
enseignements professionnels de toutes les spécialités dans
toutes les localités du Québec. Il y a comme un point
d'équilibre à atteindre.
M. Nicolet: Oui. Je vous le concède bien volontiers.
Mme Robillard: Merci.
Le Président (M. Hamel): Merci. M. le député
d'Abitibi-Ouest, s'il vous plaît.
M. Gendron: Oui. Ça me fait plaisir de recevoir M. Nicolet
ainsi que M. Fernet. Je pense qu'un sujet comme l'avenir des études
collégiales ne pouvait pas amener votre contribution... Et vous avez un
mémoire - je vais le dire comme je le pense - très simple, mais
précis, très concret, précis. Vous avez des
recommandations assez concrètes, et je n'ai pas d'objection à
vivre avec ces recommandations. Que l'Union des municipalités du
Québec, rurales et locales, vienne nous dire qu'il n'y a pas assez de
jeunes qui choisissent la formation technique, c'est important de le rappeler
parce que, même avec tous les rappels qu'on fait comme
société depuis plusieurs années, on n'a pas réussi
à faire prendre le virage. Donc, il faut le rappeler encore et indiquer,
par voie de conséquence, qu'il y a lieu d'avoir également des
mécanismes renforcés de revalorisation et de vente pour qu'il y
ait plus de jeunes qui la choisissent. C'est une nécessité. Vous
avez touché également un point important au niveau de la
recherche appliquée, compte tenu que dans les régions il y a lieu
de faire plus de transferts technologiques et que c'est important d'impliquer
une institution comme un cégep.
Pour ce qui est de l'éducation des adultes, je vous sais
gré également d'avoir insisté, parce qu'il me semble que
s'il y a une place où le gouvernement pratique plutôt deux
discours que la réalité, c'est bien dans l'éducation des
adultes. Il n'y a vraiment pas assez de politiques de soutien pour rendre
l'éducation plus accessible - et là, que ce soit en dehors ou en
dedans. Actuellement on demande à beaucoup de Québécois et
de Québécoises de parfaire leur formation et de s'ajuster, et on
fonctionne avec des enveloppes fermées, et on fonctionne à bien
des endroits avec des rejets; il y a un certain nombre d'adultes qui se sont vu
refuser l'accès, que ce soit pour des raisons d'accessibilité -
genre votre soudeur qui a trop long à faire - mais c'est plus lié
actuellement à l'absence de soutien financier.
Je ne pense pas qu'on puisse, en 1992, dire: II est urgent de retourner
aux études, et fonctionner avec des enveloppes fermées. C'est
incompatible, et je trouvais correct que vous le disiez. Vous êtes
conscients des réalités financières qui
découleraient des assouplissements que vous réclamez. Vous le
dites, mais vous persistez à croire qu'une volonté politique
ferme, bien arrêtée, permettrait de trouver les
aménagements budgétaires nécessaires. Je suis du
même avis. Quand on «priorise» quelque chose, il y a toujours
moyen de trouver les soutiens financiers requis et, pour ce qui est de
l'éducation des adultes actuellement, ce n'est sûrement pas le cas
présentement. Il n'y a pas assez d'efforts. Il
y a trop d'offres de programmes qui se multiplient, qui sont mal
arrimées à l'interne au niveau du ministère de
l'Enseignement supérieur et également du ministère de la
Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu.
J'ai deux questions. La première, je trouvais heureux, M.
Nicolet, que vous souligniez ceci, et c'est ce qu'il y a de neuf... Donc, j'y
vais de deux petites questions sur des éléments neufs. À
la page 3 de votre mémoire, vous dites: Pour parvenir à cette
marge de manoeuvre et à une meilleure articulation entre les programmes
et les curriculum «il faut que tous les collèges publics mettent
en place des mécanismes pouvant leur assurer une rétroaction des
organismes et des entreprises du milieu sur la pertinence de la formation
reçue par les diplômés à leur emploi. La
généralisation de tels mécanismes - à tout le
Québec, c'est ce que vous souhaitez - permettra une meilleure adaptation
des contenus et une plus grande vitesse de réaction». Parce qu'il
y a plusieurs intervenants qui sont venus nous dire: II y a trop d'écart
entre l'ajustement requis et la réalité des ajustements requis
par rapport aux contenus de formation et aux types de formation
dispensés.
Sur cette recommandation précise que vous faites là, de
mettre en place des mécanismes pouvant assurer une rétroaction
des organismes et des entreprises du milieu sur la pertinence de la formation,
j'aimerais ça que vous soyez plus précis. Comment vous voyez
ça - parce que si vous le recommandez, vous y avez
réfléchi - en termes de mécanismes? Est-ce que ça
devrait être le conseil d'administration du collège qui devrait
développer un petit créneau d'interaction avec... Parce qu'il y
en a, des «socio», qui sont sur le conseil d'administration. Ou si
vous voyez ça d'une façon beaucoup plus serrée, plus
précise, pour qu'enfin les collèges s'adaptent plus rapidement
à la réalité de ce que j'appelle la rétroaction
qu'ils recevraient du milieu par rapport aux contenus des programmes?
M. Nicolet: Vous touchez à deux dimensions du
problème, l'une qui est technique et qui relève du fonctionnement
des collèges vis-à-vis du ministère et, ça, je
serais bien mal venu de m'aventurer sur ce terrain-là parce que,
strictement, je n'ai aucune compétence pour m'exprimer là-dessus,
même si je dois partager votre constat quant au délai qui,
parfois, semble être nécessaire pour passer d'un certain constat
à une action concrète qui se manifeste sur le terrain.
Par contre, pour ce qui est des mécanismes - et ça recoupe
un peu toute cette dimension des transferts technologiques et des relations
entre les collèges et le milieu - il me semble que - et c'était
peut-être ça, la préoccupation centrale du mémoire
que nous avons présenté - les collèges sont un outil
essentiel pour le développement régional. Et ils le sont
probablement plus du côté du volet technologique qu'ils ne le sont
dans le volet général - général, oui, dans la
filière traditionnelle. Mais, comme outil de développement
concret pour alimenter, pour animer nos PME qui, souvent, n'ont tout simplement
pas les ressources pour porter un programme de développement, un
programme de recherche, où il faut un arrimage avec des gens qui sont
capables de le faire, il me semble que les cégeps ont un rôle
névralgique à jouer. Et, comment le faire - et je pense que c'est
ça, votre question - il y a deux façons bien précises qui
peuvent être envisagées. D'une part, il y a tout
l'équilibre délicat des conseils d'administration qui peut
être repensé, mais ça me semble peut-être la moins
prometteuse des deux, l'autre étant davantage la possibilité de
créer des comités de liaison ad hoc entre certaines industries
qui sont particulièrement présentes dans un milieu donné -
quelles qu'elles soient, il y a toujours une orientation, une
prépondérance de certains types d'industries dans certains
milieux - de créer un comité mixte entre le collège, les
professeurs et certains porte-parole de l'industrie pour faire cet arrimage qui
me semble important.
M. Gendron: L'autre question, c'est: Qu'est-ce que vous croyez...
Parce que, moi aussi, je connais la place et le rôle que jouent les
collèges liés à des activités de
développement régional, de développement local, ce qu'on
appelle communément tout le support nécessaire aux
collectivités. Vous, vous allez plus loin, vous dites: Reconnaître
aux cégeps une mission de recherche, mais, évidemment - parce que
vous êtes logiques - non concurrentielle avec celle des
universités. Mais comment on va faire ça après qu'on l'a
dit? Comment on va faire une mission de recherche au collégial, non
concurrentielle avec les universités, si elle porte sur la recherche
fondamentale? J'aimerais vous entendre là-dessus. (12 h 40)
M. Nicolet: Alors, pour nous, il est bien évident que ce
n'est pas de la recherche fondamentale qui doit se faire au niveau des
collèges mais c'est de la recherche appliquée. Et c'est
directement relié à cette nécessité de voir aux
transferts technologiques: aider les entreprises à tout simplement
développer de nouveaux produits, développer de nouveaux
procédés, alimenter toutes leurs façons de faire par ce
qui se développe au niveau de la recherche fondamentale ailleurs, en
dehors de la vie quotidienne de la petite et très petite entreprise qui
n'a tout simplement pas d'antennes dans les milieux de la recherche
scientifique. Il faut absolument faire ce lien entre la recherche purement
théorique, qui est devenue véritablement la locomotive des
sociétés contemporaines, et les petites entreprises, qui sont
l'apanage du Québec et de la réalité
québécoise, qui sont le reflet de la vie économique
québécoise et qui n'ont pas ce lien
qu'on retrouve beaucoup plus facilement dans d'autres
sociétés industrielles, où la jonction entre la grande
industrie et les fournisseurs qui sont des petites et moyennes entreprises, est
beaucoup plus immédiate. Au Québec, un des problèmes,
c'est qu'on doit justement développer ce maillage, ou... M. Tremblay l'a
appelé les grappes, mais les grappes, il faut qu'elles soient aussi une
réalité dans le monde de l'éducation et de la
recherche.
M. Gendron: Regardez, M. Nicolet, pour terminer, je vous
comprends mais j'ai fait une petite erreur, là. La recherche
fondamentale, je sais qu'elle est faite par les universités mais, dans
les régions, je ne suis pas capable de convenir qu'il y a beaucoup de
recherche fondamentale qui est faite par le milieu universitaire. Et c'est
là que je voyais une incompatibilité difficile, parce que je
pense à la mienne, ma région. En Abitibi-Témiscamingue, il
y a l'Université du Québec qui a dans sa mission: enseignement,
recherche et support aux collectivités - elle fait de la recherche plus
appliquée que fondamentale. Les grands centres universitaires en ville
font de la recherche fondamentale, compte tenu de la masse critique, du nombre
de chercheurs. Donc, puisque, dans les régions du Québec, les
universités, même si elles ont un mandat de recherche
fondamentale, elles font, dans les faits, de la recherche appliquée,
vous n'avez pas peur, si c'est ce qu'elles font dans les faits, que si on
attribuait un mandat de recherche aux collèges il ne pourrait pas
être autrement que sur de la recherche dite appliquée plutôt
que fondamentale? Et là, entre autres, si je garde le même exemple
chez moi, quel est l'avantage de prendre la recherche appliquée de
l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue et de la
déplacer au collège?
M. Nicolet: Je crois qu'il y a de la place pour tout le monde. On
parlait peut-être tout à l'heure plutôt du domaine de
l'industrie; on peut peut-être s'arrêter quelques instants sur
toute la... On parle beaucoup de développement régional, on
pourrait peut-être parler de la tendance récente qui va vers la
formation de spécialistes en développement régional. Et
là on a vu, par exemple, l'Université du Québec à
Trois-Rivières qui a pris des initiatives fort importantes en
matière de recherche, qui est peut-être de la recherche
appliquée, dans une certaine mesure. Mais comment, à partir d'une
formation de base en économie, en géographie, en
aménagement du territoire, comment prendre et conjuguer ces
différents facteurs ou ces différents domaines de la science pour
les cibler de façon beaucoup plus précise sur les
particularités du développement régional et de l'animation
du développement régional?
Que l'Université du Québec à Rimouski fasse du
travail fort important dans ce domaine, bravo, et tout le monde le
reconnaît. Mais de l'Université du Québec à Rimouski
à l'ensemble du territoire, il y a un lien à faire, et il me
semble que les cégeps sont là, dans ce domaine-là, pour
probablement, à partir d'un certain travail qu'on pourrait qualifier de
recherche appliquée qui se fait à Rimouski, pour le vulgariser,
pour le rendre accessible tout simplement à cette multitude d'acteurs du
milieu qui, dans chaque région, que ce soit chez vous en Abitibi ou que
ce soit ailleurs dans notre territoire, ont à s'impliquer pour encadrer
le milieu. On a toute une série de jeunes, les programmes de stages, on
a les commissaires industriels, les corporations de développement
économique, il y a toutes sortes de bonnes volontés. Il y a des
gens qui oeuvrent, mais des gens qui n'ont pas nécessairement
accès au bagage nécessaire, et surtout pas au bagage
adapté à la réalité de leur quotidien. Donc, c'est
un exemple, et je pense qu'on pourrait en prendre d'autres où il serait
possible de préciser qu'il y a une fonction pour nos universités
en région, mais il y en a une bien précise et il y a une jonction
à faire entre la clientèle et l'accès à la
connaissance acquise ailleurs.
M. Gendron: Je vous remercie.
Le Président (M. Hamel): Merci. Les parlementaires n'ayant
pas d'autres questions, j'inviterais Mme la ministre à terminer cet
échange.
Mme Robillard: Oui, merci, M. le Président.
Sûrement, M. Nicolet, que même si les collèges, dans leur
loi actuelle, n'ont pas de mission spécifique au niveau de la recherche
appliquée, vous n'êtes pas sans savoir que les centres
spécialisés des collèges qui sont dans toutes les
régions du Québec jouent un rôle, justement, de recherche
appliquée et de transfert technologique. Donc, c'est peut-être par
ce canal-là, au niveau de la reconnaissance plus explicite, je dirais,
de leur action en termes de transfert technologique qu'il faudrait regarder
d'un peu plus près, même si les gens des grands centres urbains
nous disent: Comment se fait-il que ces centres soient partout dans les
régions et qu'on n'en ait pas dans les centres urbains, ou très
peu? Mais, sur ça, sûrement que l'UMRCQ est d'accord avec le fait
qu'ils soient partout dans les régions du Québec. Merci, M.
Nicolet, d'être venu témoigner aux auditions de la commission.
Merci bien.
Le Président (M. Hamel): Merci. La commission suspend ses
travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 46)
(Reprise à 15 h 14)
La Présidente (Mme Hovington): La commis-
sion de l'éducation va reprendre ses travaux avec la
Fédération des associations étudiantes du campus de
l'Université de Montréal. Bonjour et bienvenue. Avant de vous
céder la parole pour que vous puissiez vous présenter aux membres
de la commission, je reconnaîtrai M. le député
d'Abitibi-Ouest qui aurait une question à poser.
Organisation des travaux
M. Gendron: Mme la Présidente, c'est une question
d'information aux membres de la commission ainsi qu'à la ministre de
l'Enseignement supérieur pour la bonne conduite de nos travaux. Si on
regarde l'horaire, que nous avons reçu, de la commission parlementaire,
on nous indique que, demain, nous allons continuer d'entendre les
mémoires qui ont été prévus par l'équipe
ministérielle et la ministre. Cependant, en ce qui me concerne, il y a
un certain nombre de mémoires pour lesquels il y a des groupes qui me
font des représentations, et j'ai toujours l'intention d'avoir
l'occasion de les entendre, parce qu'il s'agit d'une commission parlementaire
de consultation générale. Il y a également des
considérations que j'appelle pratiques, sur la base de la tradition, de
l'expérience et tout ça, et je ne serais complètement pas
d'accord que nous mettions fin mercredi soir prochain, tel que l'horaire que
nous avons le prévoit, à nos travaux de consultation, à
l'audition des différents mémoires reçus puisque nous
n'aurions même pas franchi plus de 50 % au moins des mémoires que
nous avons reçus. Au moment où on se parle... demain,
c'est-à-dire, à la fin de l'horaire, on aura 90 mémoires
d'entendus sur 220 mémoires présentés. J'avais
indiqué, c'est parce que je n'ai pas eu de retour, donc je suis
obligé de le faire comme ça, j'avais indiqué au cabinet de
la ministre que j'avais un certain nombre de demandes auxquelles je tenais
à avoir une réponse, pour savoir quand nous entendrions ces
mémoires-là, et on n'a pas eu de réponse à date, et
demain, c'est demain, c'est mercredi que l'horaire se termine.
Alors, moi, je veux bien savoir, pour la bonne conduite de nos travaux,
quelles sont les intentions de la ministre pour la suite des choses. Et je lui
indique, parce que je n'ai pas de cachette, je lui indique, à elle,
ainsi qu'aux autres membres de la commission, que je suis ouvert à
discuter un certain nombre d'arrangements pour convenir comment nous devrions
terminer la bonne démarche de cette commission parlementaire qui,
jusqu'à date, seîcn mes informations et selon ce que j'ai
constaté, se déroule bien et s'est bien déroulée.
Je pense que le seul moment que j'ai, c'est à ce moment-ci, avant que
nos travaux se terminent, pour prendre un certain nombre de décisions,
dépendamment des indications que la ministre nous donnera à ce
moment-ci.
En conclusion, en ce qui me concerne, ce n'est pas parce qu'on a remis
aux membres de la commission un horaire qui indique que cette commission se
termine mercredi soir que la commission est terminée. En ce qui me
concerne, d'entrée de jeu je l'avais signalé, je le rappelle,
lors de mes remarques préliminaires, j'avais indiqué qu'il
fallait entendre au moins les cégeps qui se sont donné la peine
de produire un mémoire, et nous avons reçu de part et d'autre, la
ministre a reçu également des demandes d'un certain nombre de
personnes qui souhaitent être entendues. Ce nombre de personnes qui ont
manifesté par écrit le désir d'être entendues n'est
pas exhaustif, n'est pas exagéré, et il me semble que la
convenance minimale exigerait de nous, membres de cette commission, que nous
les entendions.
La Présidente (Mme Hovington): Mme la ministre.
Mme Robillard: Mme la Présidente, à ma
connaissance, c'est la première fois que le député de
l'Opposition m'interpelle directement sur cette question. Je sais qu'il y a des
contacts entre sa recherchiste et mon chef de cabinet, mais c'est la
première fois que le député fait cette demande officielle
à la ministre. J'en prends bonne note, Mme la Présidente, et je
vais lui demander de patienter. Je vais regarder ça aujourd'hui avec mon
équipe et je vais lui revenir demain.
M. Gendron: Oui, je voudrais ajouter quand même, Mme la
Présidente, que c'est exact, parce que j'étais convaincu qu'elle
pouvait parler à son chef de cabinet, premièrement, et,
deuxièmement, parce que, sur le plan de la forme, c'est au niveau des
leaders et, à ma connaissance, ça fait au moins cinq reprises que
mon leader indique à leur leader que cette commission parlementaire
n'est pas terminée. Et on attend toujours des réponses, parce que
ces gens-là seraient en consultation, nous dit-on. Alors, il me semble
que les consultations ont assez duré entre vous pour nous donner un
minimum d'indications. Comme je n'ai reçu aucune indication, de quelque
nature que ce soit, quant à une marge de négociation pour le
petit nombre de mémoires qui, selon moi, devraient être entendus
dans ce qui reste, je n'avais pas d'autre alternative que de le faire comme je
l'ai fait. De toute façon, nos travaux sont publics, à ce que je
sache, ça fait que je n'ai rien à cacher.
Mme Robillard: Non, mais, à ma connaissance, les
consultations se poursuivent tout le temps, Mme la Présidente, au moment
où on se parle. Alors, je vais revenir directement au niveau des membres
de la commission dès demain.
La Présidente (Mme Hovington): D'accord
M. Gendron: Oui, mais un instant, Mme la Présidente. Donc,
ça veut dire que la ministre nous dit aujourd'hui que, comme ministre de
l'Enseignement supérieur responsable de cette commission, elle n'entend
pas mettre fin aux travaux jeudi soir prochain...
Une voix: Demain.
M. Gendron: Demain...
Une voix: Mercredi, demain.
M. Gendron: Mercredi soir prochain.
Mme Robillard: Ce que je dis, c'est que je vais revenir demain
avec la question qui m'est posée par le député de
l'Opposition.
Fédération des associations
étudiantes du campus de l'Université de Montréal
La Présidente (Mme Hovington): Sur ce, nous allons
débuter avec la Fédération des associations
étudiantes du campus de l'Université de Montréal. Qui sera
le porte-parole?
M. Bonenfant (Luc): Moi-même. Je me présente, Luc
Bonenfant, je suis coordonnateur aux affaires académiques de la
Fédération.
La Présidente (Mme Hovington): Luc
Bonenfant, c'est vous?
M. Bonenfant: Tout à fait.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour et bienvenue.
Voulez-vous nous présenter vos collègues?
M. Bonenfant: Je vous présente Geneviève-Catherine
Béland, elle est déléguée générale
par intérim au service aux étudiants de la
Fédération, et M. Éric Bédard, qui est membre du
comité de rédaction du mémoire.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, allez-y. Vous avez
20 minutes pour nous présenter votre mémoire.
M. Bonenfant: Merci. Mesdames, messieurs, bonjour. Je tiens tout
d'abord à remercier le ministère et plus particulièrement
la ministre, Mme Robillard, de bien vouloir nous recevoir aujourd'hui dans le
cadre de la consultation publique sur l'avenir de l'enseignement
collégial. Il convient d'ajouter que la Fédération compte
au-delà de 24 000 membres et que, conséquem-ment, sa voix se doit
d'être entendue pour un avenir meilleur de l'enseignement
supérieur. (15 h 20)
Comme nous le mentionnions dans le mémoire déposé
au début de l'automne, nous ne sommes point des spécialistes de
l'éducation ou de la pédagogie, encore moins de la didactique.
C'est plutôt en qualité d'étudiants ayant vécu le
processus collégial que nous venons aujourd'hui vous faire part de nos
commentaires. L'approche que nous privilégierons sera donc plus pratique
que théorique, car, contrairement à bon nombre de personnes ayant
défilé devant cette commission, nous n'avons aucun
intérêt corporatif à défendre et encore moins
avons-nous à protéger notre emploi. Évidemment, à
titre d'étudiants ayant passé par le système, nous sommes
contre l'abolition des collèges et, paraphrasant M. Stuart Smith
à propos des universités, je dirais que, même si le
système ne va pas bien, ce n'est pas tout le système qui va
mal.
Nous sommes des réformistes, non pas des contestataires, et notre
mémoire abonde dans ce sens. La structure du système
collégial peut être pertinente. Il faut, cependant, que tous
arrivent à l'utiliser à bon escient et de façon
constructive. Nous croyons aussi fermement au principe de la gratuité
scolaire. Il faut donner la chance à toutes les classes sociales
d'accéder à l'éducation supérieure.
Il convient aussi de mentionner que nous nous sommes attardés
plus particulièrement à la problématique de l'enseignement
général au détriment de l'enseignement technique. Nous
aimerions cependant ajouter que nous croyons que les programmes techniques
devraient aussi fournir à l'étudiant qui s'y inscrit une
formation fondamentale semblable, voire identique, à celle de
l'étudiant inscrit à l'enseignement général, car
tous ont intérêt à voir leur champ de connaissances
élargi, si ce n'est que pour devenir de meilleurs citoyens.
Par notre mémoire, nous avons tenté de trouver des
éléments de solution aux problèmes des collèges
tels qu'ils sont structurés présentement. Mais remettre en
question les collèges implique inévitablement une remise en
question de tout le système scolaire, du primaire à
l'université, et une autre commission Parent serait peut-être
utile dans ce sens. De plus, une remise en question des cégeps ne va pas
sans remettre en cause certaines valeurs sociales. Or, l'objet de notre
mémoire n'étant pas une remise en question de la
société québécoise contemporaine, il est
évident que les éléments de solution apportés
aujourd'hui à votre attention reposent sur une remise en question des
valeurs auxquelles nous sommes tous confrontés quotidiennement et pour
lesquelles il n'existe aucune solution facile.
Nous proposons donc aujourd'hui à la ministre une nouvelle
philosophie de la qualité reposant sur les épaules de
l'État autant que sur celles de l'étudiant. Il est triste de
constater que le cégep n'est plus ce tremplin de savoir où l'on
aspire à quelque chose de grand pour son épanouissement personnel
et, afin qu'il devienne ce tremplin de savoir, il faut responsabiliser de
plus en plus l'étudiant. Jean Larose écrivait d'ailleurs:
«Éduquer quelqu'un, c'est le former et le former, c'est le
marquer.»
La première des responsabilités de l'étudiant est,
bien entendu, d'étudier. Et, même si cela peut paraître
inutile de le mentionner, il convient de dire que, plus que jamais,
l'étudiant d'aujourd'hui évolue dans une société
où la facilité est prônée. Par conséquent,
étudier devient quelque chose de futile pour lui dans la mesure
où c'est difficile. Et, comme l'a déjà mentionné
Mme Jeanne Demers, de plus en plus les étudiants sont devenus des
consommateurs, des utilisateurs de services. L'étudiant doit apprendre
à se prendre en main, à se transformer en maître d'oeuvre
de lui-même. Il doit, de plus, apprendre à penser de façon
autonome, à pratiquer un certain esprit critique.
Il faut arriver à instituer des règlements qui feront en
sorte d'aider l'étudiant à se prendre en main sans devenir
directif. On pourrait, par exemple, limiter l'abandon d'un cours à deux
fois, ce qui permettrait à l'étudiant d'être obligé
de comprendre ce qui ne va pas à l'intérieur de ce cours et,
éventuellement, peut-être se réorienter vers un autre champ
d'études. En ce qui a trait aux standards de formation, ils sont trop
bas, nous pouvons le constater aisément. Pensons aux difficultés
rencontrées par les étudiants à leur arrivée
à l'université pour illustrer ce propos. Il est impératif
que le ministère pallie la situation de quelque façon que ce
soit. Qu'on pense à instituer des examens nationaux, à
évaluer l'enseignement des professeurs, à instituer des
programmes de tutorat. Bref, qu'on prenne les mesures nécessaires afin
que les étudiants de demain possèdent les outils aux fins d'une
bonne éducation, et ces outils nécessaires aux fins d'une
meilleure éducation, c'est par la formation fondamentale que
l'étudiant pourra les acquérir.
Nous n'insisterons jamais assez sur l'importance, pour le futur citoyen,
de posséder une formation fondamentale générale, commune
et semblable à celle de tous ses concitoyens. Les collèges
d'aujourd'hui se doivent de se donner comme mission de fournir à
l'étudiant cette formation. Tous, dans les milieux universitaires, sont
unanimes pour dire que l'étudiant d'aujourd'hui marque de graves lacunes
tant au niveau de la culture générale que des habiletés de
synthèse.
Dans notre mémoire, nous proposons une vision de la formation
fondamentale qui répondrait aux besoins réels des
étudiants en fonction des adaptations qu'ils auront à subir lors
de leur entrée à l'université. Tout d'abord, nous
n'insisterons jamais assez sur la qualité de la langue française.
Tous les professeurs, qu'ils enseignent l'histoire, la géographie ou la
chimie, doivent porter une attention particulière au statut écrit
et oral de la langue des collégiens. L'identité d'un peuple passe
par son affirmation et cette affirmation commence d'abord par une assumation
complète du statut linguistique propre à ce peuple. La syntaxe,
la grammaire, les grands auteurs et les disciplines, tels le
théâtre, la poésie, le roman, doivent faire l'objet
d'études précises et strictes afin d'améliorer la
qualité de la langue des collégiens. Jean Larose disait aussi:
«Renoncer à l'enseignement de la littérature - et,
personnellement, j'ajouterais «de la langue en
général» - c'est interdire l'appréhension
générale et objective du monde.»
Dans son discours du 4 novembre dernier, Mme Robillard nous disait que
la démarche de la commission permettra au Québec de relever des
défis de développement et de prospérité
économiques, mais aussi un défi de développement social,
celui de bâtir une société de gens instruits,
compétents, libres, créateurs, responsables, ouverts sur le
monde, aptes à accueillir les différences et à vivre dans
l'équité, le dialogue et le partage. Or, la philosophie est
l'essence même de la réflexion et, à ce compte, le
ministère ne ferait que gaffe en supprimant de tels cours. Une rumeur
court dans les milieux scolaires à l'effet de la disparition des cours
de philosophie, et nous nous inquiétons du peu de sérieux dont
ferait preuve la ministre en recommandant l'abolition de ces cours. Mais
comprenez bien le sens de mon intervention. En aucun moment ne cautionnons-nous
les cours de philosophie tels que structurés présentement.
Toutefois, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la
Science se doit de voir à une refonte des quatre cours de philosophie
afin de les mieux structurer et ainsi mieux préparer les citoyens de
demain que sont les collégiens à raisonner, déduire,
induire, critiquer constructivement, bref, amener l'esprit à pratiquer
ce pourquoi il fut conçu.
Il en va de même pour les cours d'éducation physique. Un
esprit sain dans un corps sain, nous targuons-nous quotidiennement. Dans une
société qui, selon les ministères, n'a plus les moyens
d'un système de santé universel, nous nous devons de prendre en
charge notre corps et notre santé. C'est pourquoi il est
impératif de garder au programme les quatre cours d'éducation
physique obligatoires. Évidemment, encore ici, des ajustements
s'imposent. Il faudra, en effet, voir à ce que l'étudiant soit
amené à réfléchir sur les impacts physiologiques de
l'exercice physique pour qu'ainsi, de lui-même, il décide de se
prendre en main. L'exemple du collège de Saint-Laurent est probant
à ce sujet. Chaque cours d'éducation physique est construit de
manière à ce que la partie théorique du cours vienne
«complémentariser» la partie pratique par une prise de
conscience des effets de l'activité physique. Nous disons bravo à
ce collège qui a su comprendre les enjeux de la société de
demain et espérons que le ministère le suive dans cette voie.
Quant aux cours complémentaires, ne nous le cachons pas, ils sont
pour la plupart inutiles.
En effet, l'étudiant d'aujourd'hui, par un contexte social
particulier, a une tendance à la paresse. Par conséquent, il
choisira toujours les cours complémentaires les plus faciles et
sûrement pas ceux qui sont le lundi matin. Le ministère doit donc,
selon nous, revoir les standards des cours complémentaires à la
hausse pour qu'enfin ces cours servent à ce pourquoi ils ont
été conçus, c'est-à-dire un complément
harmonieux de la formation de base. Cette idée est fort louable et plus
que nécessaire. Il ne reste qu'à l'appliquer 25 ans après
avoir été élaborée.
Enfin, dans notre mémoire, nous suggérons aussi l'ajout de
quatre cours. La raison en est fort simple. Nous croyons que la formation
collégiale est insuffisante et, comme la charge de travail au
cégep est légère, du moins dans les programmes
généraux, il ne serait pas mauvais d'ajouter à la charge.
Ça n'aurait comme effet que de mieux préparer les
étudiants à l'université. Et, comme cours d'ajout, nous
proposons deux cours d'anglais et deux cours d'histoire. La maîtrise
d'une deuxième langue est essentielle dans le contexte mondial
d'aujourd'hui et, comme l'anglais est la langue dominante, inutile d'insister
sur la pertinence de tels cours. L'histoire, quant à elle, est une
discipline qui permet de renforcer l'esprit critique face au monde dans lequel
les étudiants évoluent. En effet, par l'étude de
l'histoire, on arrive à relativiser les problèmes contemporains,
et tout bon citoyen se doit d'être apte à relativiser les
événements afin de réagir positivement et en
conséquence d'un choix valable pour le peuple dont il fait partie.
En conclusion, il faut dire un mot de la question de l'arrimage
cégep-université. Il faut que les collèges et les
universités arrivent à s'entendre sur la question des programmes
afin que les étudiants soient mieux préparés à leur
entrée universitaire. Il est impératif que les programmes
collégiaux d'orientation générale répondent aux
besoins des universités tant en termes de formation fondamentale que de
formation spécialisée. Les étudiants d'aujourd'hui
arrivent à l'université et n'y sont que très peu
préparés. L'effet est que plusieurs décrochent avant la
troisième session. Il suffit de consulter les différents fichiers
cohorte pour s'en apercevoir. (15 h 30)
De plus en plus, cependant, on note une volonté de la part des
universités afin de trouver une solution à ce problème.
Nous pouvons noter l'exemple de la Faculté des arts et des sciences de
l'Université de Montréal. Toutefois, les collèges doivent
aussi faire leur part dans le problème de l'arrimage. Une façon
d'y arriver serait, sans doute aucun, d'instituer des examens nationaux de fin
d'études collégiales à l'instar du baccalauréat
français. Ces examens permettraient de s'assurer que les
étudiants finissants des différents collèges
répondent aux exigences minimales exigées tant par le
ministère que les universités. Il faudra toutefois éviter
de comparer les différents collèges à partir des
résultats de ces examens, car la comparaison pourrait devenir
extrêmement médiatique, un peu comme le vivent les
universités avec le Maclean's. Or, cette façon de faire est
biaisée, nous le savons tous, par le fait qu'elle ne traduit pas le
cheminement parcouru par l'étudiant entre l'arrivée et la sortie
dans l'institution. Elle reflète plutôt une force
compétitive inutile.
Les résultats d'examens une fois compilés pourraient
servir au ministère afin de connaître quels collèges ont
besoin d'aide ou d'infrastructures plus solides, un peu à la
manière des examens finaux du secondaire.
Finalement, nous aimerions toucher la question du professeur dans
l'environnement collégial. Le nouveau professeur de collège est
généralement quelqu'un de qualifié. Il possède au
minimum un baccalauréat et, assez souvent, une maîtrise. Donc, le
nouveau professeur est sûrement quelqu'un de motivé, en ce sens
qu'après avoir travaillé âprement un sujet pendant plus de
deux ans il débarque frais de ses connaissances et avide de les faire
connaître. Malheureusement, il sera confronté à un
système lourdement bureaucratisé et déshumanisé,
à des collègues proches de la retraite
désillusionnés, qui ne pensent qu'à leurs vieux jours. Il
sera de plus confronté à des étudiants plus ou moins
motivés. Bref, une réalité beaucoup moins rose que ce
qu'il avait entrevu lui apparaîtra assez rapidement. Il faut absolument
que le ministère trouve des moyens rapides et efficaces afin d'humaniser
le système. Supporter le professeur et lui fournir les moyens
d'accomplir sa tâche de façon saine et agréable devient
impératif dans la mesure où la société
québécoise décide d'investir dans l'éducation de
ses futurs citoyens.
L'éducation se doit d'être la valeur première de
toute société qui se respecte, car c'est par l'accroissement de
l'éducation que diminue le spectre de l'ignorance. La formation de
citoyens dynamiques et éclairés, voilà ce que devrait
être la vocation première de toute institution d'enseignement.
Tout gouvernement conséquent comprendra que les choix qu'il effectue
doivent se faire en fonction de cette philosophie, et donner aux citoyens la
chance de se bien former les têtes, comme dirait Rabelais, commence
d'abord par donner priorité au dossier de l'éducation en Chambre,
notamment en s'assurant que chaque portefeuille soit géré par une
personne distincte afin que celle-ci puisse mettre toutes ses énergies
sur un dossier cohérent, évitant ainsi de s'éparpiller.
Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Bonenfant. Alors,
Mme la ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur et
de la Science, vous avez la parole.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je suis
très heureuse d'accueillir les membres de la Fédération
des associations étudiantes du campus de l'Université de
Montréal, d'autant plus que j'imagine que ça ne fait pas
longtemps que vous avez terminé votre cégep ou vos études
collégiales, alors je pense que vous êtes très bien
placés pour nous faire des recommandations.
M. Bonenfant, vous avez très bien lu mon texte d'ouverture au
niveau de la commission, et je ne saurais trop insister auprès de vous
pour vous dire que c'est des valeurs fondamentales dans lesquelles je crois.
Nous avons des défis à relever au Québec, non seulement de
développement économique parce que c'est surtout de
celui-là dont on entend parler, mais aussi de développement
social, et je pense que l'éducation fait partie de cet ensemble pour
nous aider à relever ce défi du développement social,
où il faut des individus responsables, créateurs, entrepreneurs,
innovateurs, en somme, des êtres humains complets. C'est ça que
ça veut dire. Et si vous avez pu voir, par mes propos, quelque allusion
que ce soit à quelque cours que ce soit, vous n'avez sûrement pas
lu mes énoncés au niveau de cette commission parlementaire, M.
Bonenfant. J'ai posé des questions et je ne suis pas rendue à
l'étape des recommandations, alors je n'ai fait aucune recommandation
d'abolition de cours, à ce que je sache. Mais je pose des questions, et
vous aussi, vous en posez des questions, M. Bonenfant. Vous en posez tellement
que vous avez même un jugement plus sévère que celui de la
ministre. Vous avez un jugement très sévère. Là, je
ne sais pas comment faire référence à votre texte, parce
que, malheureusement, votre texte n'est pas paginé...
M. Bonenfant: Je m'en excuse.
Mme Robillard: ...n'est-ce pas? Sûrement qu'à
l'université on pagine nos textes. Alors, vous m'écrivez dans
votre lettre, à la deuxième page, vous dites, et c'est
très sévère, le jugement que vous portez là:
«Le cégep est devenu une sorte de garderie pour jeunes adultes
à la recherche d'une identité. Il faut relever les
critères de formation et rendre plus difficile l'accès à
la diplomation.» Mais expliquez-moi ce jugement sévère.
Vous considérez vraiment que le cégep est une garderie?
M. Bonenfant: Lorsque nous parlons de garderie, nous posons un
jugement sur l'ensemble de l'institution collégiale. Effectivement, vers
17 ou 18 ans, l'étudiant en est à une période de sa vie
où beaucoup de questionnements se posent et, malheureusement,
l'institution telle que structurée présentement ne l'encadre pas
suffisamment pour qu'il puisse trouver des réponses à ça,
ce qui a pour effet qu'on se retrouve avec des gens qui prennent très
peu à coeur leurs études de façon générale,
on se retrouve avec des gens qui ont l'impression d'aller à
l'école de huit à quatre, un peu comme on va à la garderie
de huit à quatre pour passer le temps. Ce n'est pas tant...
Mme Robillard: Et ce serait un jugement général
pour l'ensemble des étudiants, dites-vous?
M. Bonenfant: Évidemment, ce ne sont pas tous les
étudiants qui pensent comme ça, c'est une
généralité, et les généralités
excluent bon nombre de personnes.
Mme Robillard: Et, pour contrer cet état de fait, vous
dites: «II faut relever les critères de formation et rendre plus
difficile l'accès à la diplomation.» Là, j'ai besoin
que vous m'expliquiez ça, parce que. ici. depuis le début, ce
qu'on entend au niveau de cette commission, c'est que, si on a réussi un
tant soit peu l'accessibilité aux études postsecondaires au
Québec, on est loin d'avoir réussi tout le domaine de la
persévérance aux études et de la diplomation, que cest
quelque chose d'entrer au cégep, mais que c'est quelque chose d'en
sortir avec un diplôme dans ses poches. Et vous, vous dites: «II
faut relever les critères de formation.» Vous dites: «Tous
auraient la chance d'accéder aux études collégiales. Par
contre, seuls les plus doués pourraient recevoir un
diplôme.» Ah bon? Est-ce à dire que vous trouvez qu'à
l'heure actuelle nous avons du laxisme dans l'émission des
diplômes au niveau collégial?
M. Bonenfant: M. Bédard pourra vous répondre.
M. Bédard (Éric): Oui, je me permettrai de
répondre...
Mme Robillard: Vous m'inquiétez.
M. Bédard: ...parce que je suis celui qui a
rédigé cette partie-là du mémoire.
Premièrement, on parle d'accès à la diplomation et non pas
d'accès au cégep. On est pour que le cégep demeure
accessible à tous, d'où l'introduction de M. Bonenfant sur la
gratuité qui nous tient a coeur encore à l'heure actuelle. Donc,
attention, lorsqu'on parle d'accessibilité, on pense que c'est un
principe qui est toujours noble, toujours correct. On est pour le maintien de
ce principe. Mais, lorsqu'on dit «diplomation», cest qu'on parle
des standards de la qualité. Comme vous le voyez, dans la
première partie de notre mémoire, on parle d'une nouvelle
philosophie, finalement, de la qualité.
En 1960, lorsqu'il y a eu, bien sûr, le bill 60 de Paul
Gérin-Lajoie, il y avait un fossé absolument énorme entre
ce qui était proposé par la commission Parent, donc, qui voulait
rétablir les faits... Et le principe no 1 du bill 60 qui
reflétait la commission Parent, c'était: Mon
Dieu! l'accessibilité, ça presse. Et avec raison. Sauf
que, depuis, on a été un peu obnubilé par ce principe
d'accessibilité et on a un peu oublié la qualité en cours
de route, on dirait, on a cette impression. Et, là, permettez-moi de
simplement citer Paul Gérin-Lajoie qui a écrit, dans ses
mémoires, en 1989: «Est-ce qu'on n'a pas eu tendance à
laisser glisser l'idéal d'égalité des chances vers une
forme d'égalitarisme au détriment de la promotion des exigences
de la qualité?» C'est lui-même, c'est le père du bill
60 qui parle de ça.
Maintenant, si vous me parlez du mot «doués»...
Mme Robillard: M. Bédard, revenons à nos taux de
diplomation actuels. Ce que vous dites, c'est que, bon, l'accès pour
tous...
M. Bédard: Oui.
Mme Robillard: ...mais pas le diplôme pour tous, hein?
l'accès pour tous...
M. Bédard: Oui. Bon!
Mme Robillard: ...mais le diplôme seulement pour les plus
doués. Vous connaissez...
M. Bédard: Attention! Attention!
Mme Robillard: Ce ne sera pas long, là.
M. Bédard: O.K. Excusez. (15 h 40)
Mme Robillard: Vous connaissez nos taux de diplôme à
l'heure actuelle, nos taux de diplomation à l'ordre collégial,
qui sont très faibles, à mon avis, mais vous me dites
là-dedans: Écoutez, «il ne s'agit pas
"d'écrémer à outrance"», puis que ce soient juste
les plus brillants - c'est ça que vous dites dans votre phrase - mais
«de ne plus avoir recours à des procédés tels la
normalisation pour faire "passer" tout le monde». Est-ce que vous jugez
que, présentement, c'est ça qui se passe dans les cégeps,
qu'on normalise et qu'on fait passer tout le monde?
M. Bédard: Bien, il y a une facilité d'obtenir le
diplôme, si on assiste à nos cours le moindrement. Je pense que,
si on assiste à nos cours, si on fait le moindre effort... Et j'aimerais
souligner encore le mot «doués», parce que le mot
«doués», on vous l'a envoyé... quand on vous a
envoyé le mémoire, on l'a relu comme il faut et on a vu le mot
«doués», ça nous a fait un peu cliquer. Alors, si
vous voulez bien le remplacer par le mot «travaillants», O.K.?
C'est-à-dire que les standards de qualité, ce ne sera pas en
fonction... les standards de qualité, ça va être en
fonction du travail qui va être fourni. Or, à l'heure actuelle, et
si vous regardez le dernier paragraphe, et c'est un peu l'idée de la
garderie, c'est que les cégeps, il y a un certain, il n'y a pas vraiment
de... on devrait davantage encadrer les étudiants pour qu'ils acceptent,
pour qu'ils assistent à leurs cours, pour qu'ils suivent, pour qu'ils
aient une certaine discipline, si on veut, et on pense que c'est une
façon, c'est une façon...
Mme Robillard: En fait, je vous comprends mieux dans votre
message de base, j'ose espérer, c'est de dire: II n'y a pas de
réussite sans effort.
M. Bédard: II n'y a pas de réussite sans effort et,
bon, malgré le taux de diplomation... Vous jugez qu'il est faible; on
juge qu'il n'est pas si pire que ça. Mais, malgré ce que vous...
on trouve que, peut-être, un diplôme du cégep, si on le
prend au général, parce que nous, évidemment, on va
à l'université après, on a parlé plus du
général, mais un D.E.C. général, je m'excuse, mais
ce n'est vraiment pas difficile à avoir. Il s'agit d'un minimum, mais
là d'un minimum d'efforts. Et là, moi, je parle d'un D.E.C. en
sciences humaines avec maths. Un D.E.C. en sciences pures, on ne parle
déjà plus de la même catégorie, hélas!
Hélas! Mais, si on prend un D.E.C. en sciences humaines, avec ou sans
maths, bien, écoutez! pour avoir passé deux ans sur les bancs des
cégeps, je peux vous dire que c'est un minimum d'efforts. J'étais
en sciences administratives - si je peux simplement terminer là-dessus -
et je déplore un peu le fait que je passais autant de temps sur mon
cours de mathématiques que sur mes six autres cours réunis. Je
trouve ça un peu bizarre. C'est pour ça que je dis que les
sciences pures sont peut-être un cas à part. Bon. Enfin, peu
importe, je ne suis pas ici pour parler de mon cas. Mais je vous fais part
d'une facilité qui est évidente, selon nous, au
général, entendons-nous. On ne connaît pas trop le
technique. On n'est pas des spécialistes du technique.
Mme Robillard: Mais votre message de base, c'est rehausser les
exigences, que les étudiants sachent qu'il faut faire des efforts pour
réussir, pour avoir ce diplôme.
M. Bédard: Ce n'est pas simplement de le dire.
Mme Robillard: C'est dans ce contexte-là... M.
Bédard: Oui.
Mme Robillard: ...que vous faites les recommandations.
M. Bédard: Exactement.
Mme Robillard: C'est ce que je comprends bien.
M. Bédard: Et ce n'est pas simplement de le
dire, c'est de le mettre en application par des règles
peut-être un peu plus serrées. On parle de tests de
français, on parle d'examens nationaux. Bon. Le cégep,
comprenons...
Mme Robillard: Oui, je vais y revenir, justement, dans vos
propositions plus concrètes.
M. Bédard: Très bien.
Mme Robillard: Si on revenait sur les cours obligatoires, M.
Bonenfant, si j'ai bien compris, vous nous recommandez de garder les quatre
cours de français, de garder les cours de philo, les quatre cours de
philo - mais je pense que, dans une proposition, vous dites: Diminuer à
trois. En tout cas, vous pourriez me clarifier ça - les cours
d'éducation physique, les cours complémentaires, mais avec des
standards haussés, mais ajouter un cours obligatoire en anglais, deux
cours obligatoires en histoire. Est-ce que je comprends bien? Donc, on augmente
le nombre d'unités en formation générale. Est-ce que c'est
bien ça, le sens de votre recommandation?
M. Bonenfant: Tout à fait. Ça va dans le même
sens que ce que M. Bédard disait tantôt, la formation requiert un
minimum d'efforts présentement au collégial et n'est
définitivement pas complète. C'est en ce sens-là qu'on
recommande, non pas l'ajout d'un, mais de deux cours d'anglais aussi. C'est
quatre cours qu'on demande d'ajouter, en tout.
Mme Robillard: Deux cours d'anglais. M. Bonenfant:
Oui.
Mme Robillard: Là, ce n'est pas la ministre qui parle,
c'est marqué: «Nous proposons de réduire à trois le
nombre de cours de philosophie.»
M. Bonenfant: Oui, tout à fait. Par contre, vous
remarquerez que les cours de philosophie que nous demandons de réduire
au nombre de trois, le quatrième est remplacé par un cours
d'épistémologie de la science. L'épistémologie, si
je ne me trompe pas, est une discipline relativement proche de la philosophie
en ce sens qu'elle implique un raisonnement, des déductions. Donc, en
fait, ce qu'on dit, c'est: Faites devenir ce cours de philo un cours
d'épistémo. Parce que...
Mme Robillard: À ma connaissance, M. Bonenfant - c'est ce
qu'on essaie de discuter -l'épistémologie, c'est de la
philosophie. Donc, c'est quatre cours. On maintient quatre cours.
M. Bonenfant: Oui, tout à fait. C'est ce qu'on demande de
faire. En fait, on est d'accord avec vous. C'est juste qu'on demande qu'un des
quatre cours devienne spécifiquement de l'épisté mologie,
parce qu'on arrive à l'université sans connaître le concept
et qu'il est appliqué à longueur d'année.
La Présidente (Mme Hovington): Je vous remercie beaucoup,
M. Bonenfant et Mme la ministre. Alors, je reconnaîtrai maintenant le
porte-parole de l'Opposition officielle, M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Je voudrais saluer les gens de la
Fédération des associations étudiantes du campus de
l'Université de Montréal. Moi, globalement, ce que j'ai
trouvé, l'idée générale dans votre mémoire -
et je le dis, vraiment, avec conviction - vous êtes des jeunes, frais
émoulus des études collégiales, et ce que j'ai senti,
c'est que vous n'aviez pas peur de poser des standards d'excellence. Et,
contrairement à ce qu'on pense, souvent, les jeunes veulent plus de
facilité, et tout ça. Moi, je prétends que c'est davantage
nous, les coupables, le «nous» collectif d'un régime
où «tout est bon dans le poulet». Ce n'est pas ça que
vous voulez. Vous ne voulez pas ça. Et moi, je n'ai pas compris
négativement votre mémoire, il est à l'étiquette
d'exigences plus relevées, plus rehaussées partout.
Vous commencez - je n'ai pas envie de reprendre toutes vos phrases -
mais vous dites: II faut viser plus d'excellence, «rendre plus difficile
l'accès à la diplomation». Mais je ne vois pas ça
comme étant péjoratif ou négatif, par rapport à la
réalité que vous connaissez autant que nous. «Par des
règlements plus stricts», et là je vous cite encore au
texte, que des jeunes viennent nous dire: «Par des règlements plus
stricts - c'est vraiment votre expression - adaptés aux besoins de la
société d'aujourd'hui», règlements sur
l'absentéisme, l'attrition, l'abandon, pour montrer que le
collège, ça ne peut pas être la gare centrale. Vous
connaissez l'expression «la gare centrale»: tout le monde circule,
puis tout le monde regarde ça, puis: Salut, toi, comment ça va?
Es-tu de bonne humeur? Tu sais ce que je veux dire. Alors, il faut
dépasser ça. C'est ça que je comprends et, moi, ça
me plaît Ça me plaît.
À un autre endroit vous dites que votre but premier, c'est
d'augmenter la qualité, «ne plus avoir recours à des
procédés tels que la normalisation pour faire "passer" tout le
monde» à tout prix. Mais il faut recalibrer tout ça,
après. Moi, je ne le prends pas en absolu. Je le prends, je pense, pour
la valeur que ça a. Mais vous voulez attirer l'attention: Ce n'est pas
parce qu'on est jeune et considéré que vous voulez verser dans la
facilité. Je pense qu'il y a là des pistes très
intéressantes de resserrement. Moi, j'en suis un qui souhaite que nous
ayons plus de jeunes qui augmentent encore au niveau de l'accessibilité
générale, au niveau du nombre de diplômés, mais pas
a n'importe quel prix, parce que ça ne marche plus, là, avec les
exigences du
milieu universitaire et pour la suite des choses: le virage
technologique, la mondialisation, l'internationalisation, la
compétitivité, les cinq, six emplois que vous allez devoir
occuper dans votre future carrière, mais que je ne souhaite pas à
l'aide sociale et au chômage. Et pour donner un peu plus de chances de ne
pas être à l'aide sociale et au chômage, vous voulez avoir
une formation de base revampée, mieux adaptée, plus de contenu,
avec un meilleur apprentissage des savoirs requis pour le futur. C'est de
même que j'ai compris votre mémoire. Je n'ai pas vraiment de
trouble avec votre mémoire. Quelques questions, puisqu'on vous a. On a
eu l'occasion, et vous avez donné quelques précisions à la
ministre, mais j'aimerais peut-être creuser davantage.
Quand vous dites: II faudrait améliorer les contenus de cours en
les enrichissant, ça, par définition, ça demande plus
d'efforts aux étudiants. Ça demande sûrement un certain
nombre de travaux de plus à faire, par définition. Ça
demande probablement un peu moins de travail en dehors du collégial. Et
comme il y a 60, 75 % des jeunes qui nous disent qu'il faut qu'ils travaillent
pour des raisons d'autonomie, pour être capables de faire les choix
qu'ils veulent faire... Puisque vous en êtes des jeunes sortis du
collège, comment vous faites la conciliation de ça, des cours de
plus haut niveau, une formation de base plus large, plus d'efforts, plus de
discipline, des choses plus strictes - je ne veux pas tous les reprendre -
règlements plus serrés? Et un peu plus avant vous avez
parlé de mesures d'encadrement. C'est parce que je ne peux pas parler de
tout, là, et j'étais d'accord avec vous. J'étais d'accord
avec vous. Le cégep qui n'a pas d'âme, qui n'a pas de mesures
d'encadrement, qui n'a pas d'aide pédagogique... Vous avez dit
ça, à un moment donné, à la page 6: «Mettre
à la disponibilité des étudiants plus de conseillers en
orientation et plus d'aides pédagogiques»; enfin, «on
s'occupe de l'étudiant». L'étudiant, lui, d'après
vous, ça «va-t-u» le tenter de s'occuper de lui? Si on
mettait ces conditions-là, d'après vous, ça
«va-t-u» le tenter de faire une priorité pour lui de ses
études, selon vous? Qu'est-ce qu'il faudrait améliorer pour
s'assurer qu'un jeune qui est au collège, la priorité est
accordée aux études? Vous en êtes des jeunes. J'aimerais
ça que vous me parliez de votre expérience là-dessus.
M. Bonenfant: Mme Béland va y aller. (15 h 50)
Mme Béland (Geneviève-Catherine): Merci. Tel que
vous l'avez mentionné, en effet, ce n'était pas du tout un
mémoire qui allait dans le sens d'un élitisme, comme il aurait pu
être interprété. C'est juste que l'on croit que c'est
l'excellence au niveau de la motivation. Si l'on augmente les standards des
cours, la motivation va être accrue. Pendant ces dernières
années, on a toujours cru que, si on baissait les standards des cours ou
si on faisait un certain laisser-aller pour l'étudiant au niveau des
cours, la motivation allait augmenter. Si on laissait un aller à la
facilité, l'étudiant allait être plus motivé
à étudier, etc. Ce qui est complètement faux. Plus on va
intéresser l'étudiant, plus on va lui donner, pas
nécessairement en faisant du bourrage de crâne, comme on dit, mais
en lui donnant une certaine méthode de penser, de fonctionner, en lui
donnant une certaine discipline, parce que, par conséquent, si on
augmente les standards, on augmente aussi... En augmentant les standards, on
veut dire augmenter la charge de travail, nécessairement, étant
donné qu'on augmente le nombre de cours, mais on veut dire meilleurs
standards au niveau qualité des travaux aussi. D'accord? Si on augmente
ces standards-là, à ce moment-là, l'étudiant va
avoir plus la philosophie de la qualité du travail à donner. On
lui en demande beaucoup, mais, par exemple, il voit devant lui que
l'État, dont le cégep ou peu importe, au niveau plus humanitaire,
lui en donne.
M. Gendron: Vous prétendez, comme jeunes, qu'il y aurait
une corrélation ou une interrelation directe entre motivation,
intérêt, effort, va grandir... Bon, proportionnellement,
là, je ne suis pas capable de l'établir, mais vous croyez qu'il y
aurait une relation où la motivation, l'intérêt, l'effort
seraient en croissance dans une perspective de standards relevés. Je
veux juste avoir un jugement de vous autres.
Mme Béland: Je crois que oui, parce que si...
Écoutez, vous avez devant vous quelqu'un qui, non pas se fout, mais qui
est plus ou moins enclin à ce que les travaux remis soient plus ou moins
bons, ou quoi que ce soit. Si on a un professeur démotivé devant
soi, c'est certain que nous, on va être démotivés par
conséquent. Et de baisser les standards, ça prouve aussi un
certain laisser-aller de la part du professeur.
M. Bonenfant: J'aimerais ajouter que vous avez mentionné
la question du travail rémunéré chez les étudiants.
Il faut comprendre que la commission doit se pencher sur ce
problème-là aussi, même si ce n'est pas l'objet
spécifique. Si le régime des prêts et bourses était
adapté aux réels besoins des étudiants, les
étudiants n'auraient pas besoin de travailler 20 heures/semaine, pour la
plupart. S'ils recevaient à temps leurs prêts, leurs bourses, ils
ne connaîtraient pas de problèmes d'endettement tels qu'ils les
connaissent présentement et sûrement qu'ils auraient plus de temps
à mettre à leur éducation.
M. Gendron: O.K. Vous avez suggéré également
dans votre mémoire, parce que, sur votre réflexion... Là,
nous autres, de ce côté-ci, nous aussi, on n'a pas conclu sur les
travaux de
cette commission, mais on peut dégager certaines orientations, et
il y en a une à l'effet - je pense qu'il ne faut pas se le cacher et il
ne faut pas faire accroire, surtout à des étudiants de votre
niveau, qu'il n'y a quand même pas des indications qui ont
été données par le Conseil des collèges et le
Conseil supérieur, et la ministre est allée allègrement
dans ce couloir qui a commencé à être tracé. Donc,
moi, je ne peux pas vous blâmer de dire qu'il y a des inquiétudes
au niveau du monde étudiant.
Quant à la sauvegarde, dans le tronc commun, des cours de
philosophie et d'éducation physique, vous faites bien d'en parler, parce
que tout le monde en parle. Donc, je ne vois pas pourquoi on n'en parlerait
pas. Et ce que vous êtes venus dire ici, c'est que, quant à vous,
des cours de philosophie, c'est fondamental dans la formation de base. C'est
ça que je retiens. Ce qui l'est moins, c'est peut-être ceux qu'on
a connus, le genre de cours qu'on a connus jusqu'à date; ils manquent un
peu d'uniformité. Vous avez parlé d'équilibrer, de trouver
une façon... «Voilà pourquoi nous proposons de
réduire à trois le nombre de cours de philosophie», mais,
auparavant, vous avez dit: «Nous proposons donc que le gouvernement
uniformise - uniformise -le contenu des cours de philosophie.» Ça
signifie que vous êtes conscients qu'il y a eu une espèce de... et
là je ne qualifie pas, mais on s'est étendus pas mal sur ce que
pouvait être de la philosophie. Alors, à partir du moment
où on revient à de la philosophie, pas nécessairement
toujours fondamentale, mais vous tenez à de la philosophie parce que
ça fait partie de la formation de la pensée de jeunes
étudiants, il y a là, par des cours de philosophie, une
espèce de richesse qui se développe qui est utile pour l'avenir.
C'est de même que vous voulez concevoir ça, si je comprends
bien.
Mme Béland: Oui, en effet, c'est comme ça, parce
que ça inclut, ça te donne une certaine culture de base, mais,
aussi, la philosophie nous montre à penser, nous enseigne comment
penser. Tantôt, on a dit: un cours d'épistémologie des
sciences, parce que c'est une certaine forme de pensée que plusieurs
étudiants qui ne vont pas en sciences pures n'acquièrent pas.
D'accord? Sauf qu'il y a plusieurs autres formes de pensée et qui sont
très, comment je pourrais dire, très cohérentes à
en prendre connaissance, parce que, comme présenté dans le
mémoire, plus on entre en interaction avec différentes
pensées, plus on est capables de se définir nous-mêmes et
donc, par conséquent, plus on est capables d'évoluer
personnellement et de former justement un être stable, etc., etc. Donc,
dans une société, plus il y a de gens qui sont bien
formés, plus notre société va évoluer
rapidement.
M. Gendron: Mais vous suggérez plus de cours fondamentaux
ou obligatoires, plus de cours obligatoires dans la formation de base, et
certains sont venus nous dire qu'il faudrait avoir une meilleure offre de cours
complémentaires, c'est ce qu'on appelle un éventail plus large.
Si vous aviez à préciser ça en bout de ligne, parce qu'il
va falloir, à un moment donné, ce que j'appelle finir le profil
de formation de base des étudiants de collège, alors est-ce qu'on
élargit la formation de base, on agrandit la plage de cours potentiels,
de cours complémentaires, et c'est à quel endroit qu'on va
être en mesure de couper un peu pour offrir ces alternatives de plus en
cours complémentaires et en formation de base? Est-ce que c'est dans
certains cours de spécialisation qu'il y aurait lieu de retrancher pour
éviter qu'on commence trop vite à offrir de la
spécialisation au collégial? Comment vous voyez ça, le
profil final de la formation de base?
Mme Béland: Je vais laisser la parole à M.
Bédard.
M. Bédard: Bien, c'est que, d'une part, il s'agit
d'augmenter les heures de cours d'une façon nette. Ça, je pense
qu'on s'est bien compris au départ. Évidemment, en sciences,
peut-être que les gens de sciences pures et des techniques vont
peut-être avoir une charge un peu plus lourde, mais je pense que,
globalement, ça va être très positif. Voilà pour
ça. Donc, on parle d'une augmentation nette. Oui, je pense que
peut-être si on complétait davantage la panoplie de cours qui
s'offrent dans les cours complémentaires et qu'encore là
l'idée que ce cours-là est un cours un peu bidon, finalement, qui
est offert, bon, qui n'est pas pris au sérieux par les étudiants,
peut-être que, là aussi, les choix pourraient devenir
intéressants. Mais on parle, oui, en effet, d'une augmentation nette
d'heures de cours. Oui, ça va de soi.
M. Gendron: Une autre question que j'aimerais poser. Ça a
été un peu surprenant, en tout cas pour moi, de voir que des
jeunes étudiants aient des commentaires globalement intéressants
au niveau de l'institution, du collège, de l'État, des
professeurs, certaines considérations au niveau de la qualité,
des standards renouvelés, et tout ça, mais vous n'avez pas eu de
commentaires concernant la gestion des collèges, concernant les cadres
des collèges. Et ce n'est pas parce que je veux en avoir si vous n'avez
pas le goût d'en avoir, c'est que, règle générale,
quand je jase avec des jeunes, il y en a plusieurs qui ont beaucoup de
critiques, je ne sais pas si c'est vraiment fondé ou pas. Mais,
concernant la gestion des collèges comme telle, les cadres des
collèges, le conseil d'administration des collèges, avez-vous une
opinion là-dessus? Si vous n'en avez pas traité, c'est parce que
vous dites que, globalement, selon vous, vous n'avez pas de reproches à
faire à ce niveau-là ou vous n'aviez pas les
éléments pour porter un
diagnostic? C'est quoi qui fait que ce volet-là n'est pas
touché dans votre mémoire alors que la plupart des autres jeunes
le touchent?
M. Bonenfant: Ce qui a fait qu'on n'a pas touché ce
sujet-là, c'est d'abord parce qu'on savait que beaucoup de gens en
parleraient et que sûrement très peu parleraient de la formation.
On s'est donc dit: Ne répétons pas ce que les autres vont dire.
Les éléments, on les avait. Les chiffres sont toujours
trouvables. Il n'y a pas de problème là-dessus. Ce qu'on peut
dire en gros, c'est que la structure actuelle coûte définitivement
trop cher, une centralisation peut être nécessaire, et les
professeurs, vous remarquerez, n'ont aucun compte à rendre la plupart du
temps, ce qui a pour effet de multiplier les dépenses. Il faudrait
peut-être commencer par là.
M. Gendron: Vous n'avez pas peur d'instaurer des
mécanismes d'évaluation plus serrés. Vous êtes pour
ça.
M. Bonenfant: Ah! il le faut. C'est nécessaire.
M. Gendron: C'est nécessaire, y incluant envisager des
examens nationaux. Avez-vous une opinion sur les examens nationaux?
M. Bonenfant: Les examens nationaux, on ne reviendra jamais assez
là-dessus, c'est la base même. C'est par les examens nationaux que
les universités vont pouvoir s'assurer que les éventuels
candidats possèdent les connaissances minimales pour réussir dans
les différents programmes universitaires. On se retrouve en tant
qu'étudiant dans des classes de première année, où
certains sont allés - on ne se mettra pas à nommer de
cégeps - mais où certains sont allés dans des meilleurs
collèges, ils ont une formation extraordinaire, où d'autres sont
allés dans des cégeps supposément pourris, et on se
retrouve donc 90 dans une classe, personne avec la même formation, on n'a
aucune idée où on s'en va avec ça. C'est nécessaire
d'uniformiser ça et qu'on sache à peu près tous la
même chose à notre entrée. (16 heures)
M. Gendron: Mais est-ce que vous ne croyez pas que, si on
envisage la rétention d'examens nationaux, on va être
obligé de prendre ce que vous aviez refusé tantôt, la
normalisation?
M. Bonenfant: on n'est pas obligé de normaliser les notes.
si on ne passe pas l'examen, on ne passe pas l'examen. c'est qu'on n'est pas
apte à monter à l'université.
M. Gendron: Non, mais c'est très clair. Ce n'est pas
obligatoire, sauf qu'il faut évaluer l'ensemble des conséquences.
Alors, vous me dites très clairement...
M. Bonenfant: Mais si...
M. Gendron: Juste une seconde. Vous privilégiez les
examens nationaux, mais, dans votre esprit, même si on retenait les
examens nationaux, ça n'appelle pas, selon vous, de la normalisation en
bout de ligne. C'est ça que vous dites.
M. Bonenfant: Mais, si on ne fait que mettre des examens
nationaux, point, comme solution, on devient irresponsable. Il faut donner
à l'étudiant les moyens de réussir à ces
examens-là, ensuite. C'est donc l'encadrer par un tuteur qui va pouvoir
le guider, le former adéquatement. C'est donc lui donner des cours qui
ont une certaine valeur, qui ont un certain contenu, chose qui n'existe
à peu près pas actuellement. C'est tout ça.
M. Gendron: Je suis très heureux que vous mentionniez
ça. Moi, en tout cas, je ne suis pas ici pour conclure encore, mais
j'estime que, effectivement, il y a des décisions urgentes qui doivent
être prises avant d'envisager ce que j'appellerais, moi, des
éléments qui nous amènent à conclure... On n'a pas,
d'après moi, dans les collèges, la structure de support requise,
adéquate, actuellement. Et j'ai lu ça dans votre mémoire
également, un paquet de considérations: la
nécessité de relever les standards au niveau de la formation, au
niveau des mesures d'encadrement, ainsi de suite. Et après qu'on aura
vécu, d'après moi, un petit peu plus le nouveau cégep,
parce que tout le monde a l'air à rechoisir le cégep de demain,
eh bien, on pourra, quatre ou cinq ans après, envisager d'autres
décisions qui donnent suite à cette nouvelle formule que nous
connaîtrions de cégep modifié, mais substantiellement, au
chapitre de, de, de, de, qu'on ne fait pas aujourd'hui parce qu'on ne conclut
pas aujourd'hui. C'est ça?
M. Bédard: Si je peux me permettre, brièvement,
c'est que la qualité ne nous fait pas peur, dans la mesure où on
a bien en tête que le cégep n'a pas la même mission que le
secondaire. C'a l'air bête à dire, mais ce n'est pas clair, il me
semble, on dirait, quand on lit le rapport Parent. Parce que, dans la loi,
c'est bien dit: Jusqu'à 16 ans on va à l'école, donc, on
prend tout le monde. Mais, à partir de 17 ans, on fait un choix. Je sais
que des fois ce choix-là n'est pas des plus éclairés. Des
fois, on fait ça parce que tout le monde le fait. Mais on fait un choix.
Et ce choix-là, c'est d'aller au cégep, et, donc, de poursuivre
nos études. Donc, on doit assumer les responsabilités de ce
choix, des responsabilités qui sont très importantes et
l'État investit en nous une somme assez importante pour qu'on
réponde aux exigences de qualité. Or, on voit, dans un
examen national, qui serait un vrai examen national pas un examen bidon, une
façon de reconnaître la qualité des étudiants qui
sortent parce que là on n'en a aucun contrôle. Voilà!
M. Gendron: Merci beaucoup. M. Bédard: Je vous en
prie.
M. Gendron: Pour des raisons de temps, je vous remercie
beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): M. le député
de Sherbrooke.
M. Hamel: Une brève question. Merci, Mme la
Présidente. Il n'est pas arrivé souvent que des
représentants étudiants soient venus nous parler d'excellence,
d'exigences accrues, nous citer Montaigne et Bium, pour arriver, finalement,
à parler d'un esprit sain dans un corps sain, d'une éducation
équilibrée, quoi. Et nous voilà à
l'éducation physique. Vous, vous nous dites qu'il est important de
conserver l'éducation physique et vous nous référez
à l'exemple du cégep de Saint-Laurent. Quel est cet exemple? Je
ne sais pas, moi.
M. Bonenfant: C'est tout ce qu'il y a de plus simple. Chaque
cours d'éducation physique qui dure deux heures par semaine, quelquefois
trois parce qu'il y a trop de matière à voir - c'est passionnant
de voir ça dans ce collège-là - est divisé en deux.
Un tiers de la période de cours est réservé à la
théorie. On voit donc le système digestif, les principes de
nutrition. On voit le système cardio-vasculaire et autres. La
deuxième partie, qui dure les deux tiers du cours, c'est la mise en
application de ça. On va donc faire de l'exercice. C'est la partie
pratique où on met notre corps en forme. Et, à partir de
là, on essaie de voir quelles sont les implications de la partie
théorique vue juste avant. C'est donc dire que d'aller courir 2 km dans
la période pratique, le professeur va insister sur le système
cardio-vasculaire, avant, pendant l'heure précédente. En gros,
c'est ça qui se passe au cégep Saint-Laurent. Et je dois vous
dire, pour avoir personnellement vécu dans trois collèges, que
c'est le seul collège qui met autant d'emphase sur la chose et c'est le
seul collège qui m'a fait prendre conscience de certaines choses.
M. Hamel: Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Mme la ministre, en
conclusion.
Mme Robillard: Merci aux représentants de la FAECUM
d'avoir partagé avec nous leur expérience au niveau du
collège québécois. Je pense que le message des jeunes,
parce que vous n'êtes pas les premiers à venir nous le faire, ce
message, d'être exigeant, de susciter l'effort chez le jeune, dans le
fond, d'appeler à un certain dépassement de soi, dans la vie, on
en a besoin à tous les stades. C'est un peu ce que j'ai retenu de
madame, de son message. Merci d'être venus en commission.
M. Bonenfant: J'aimerais vous remercier et ajouter que, si on
exige le dépassement des étudiants de collège, il va
falloir faire de même pour le primaire et le secondaire, si on veut
qu'ils soient formés à l'arrivée au collège.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup de votre
mémoire et de votre excellente présentation.
J'inviterais maintenant la commission scolaire Kativik à bien
vouloir prendre place, s'il vous plaît. Nous allons suspendre une minute,
pour vous laisser le temps de vous organiser.
(Suspension de la séance à 16 h 6)
(Reprise à 16 h 9)
Commission scolaire Kativik
La Présidente (Mme Hovington): Alors, la commission
poursuit ses travaux avec la commission scolaire Kativik. Voulez-vous que la
porte-parole ou le porte-parole se présente et présente toute
l'équipe? Est-ce que c'est Mme Popert qui est la directrice
générale?
Mme Popert (Annie): Oui.
La Présidente (Mme Hovington): Voulez-vous nous
présenter votre équipe, s'il vous plaît?
Mme Popert: O.K. Good afternoon. First of all, before I do that,
I would just like to say that we have translation equipment. I will have to be
making my presentation in English because I do not speak French. So, we have
bougth translation for any members that may want it in French. We have an
interpreter with us. So if you could indicate whether someone would need that
or not?
La Présidente (Mme Hovington): Est-ce que vous voulez de
la traduction? Oui, elle en a. Ils en ont qu'ils pourraient vous le passer.
Une voix: Si vous voulez la traduction simultanée, nous
avons l'équipement.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, peut-être
à certains membres, oui. Ce serait très apprécié.
M. le député de Rimouski, une petite traduction, peut-être?
Alors, M. Legault, est-ce
vous voudriez nous présenter... Vous parlez français?
Est-ce que vous pourriez nous présenter, pendant ce temps-là,
votre équipe? (16 h 10)
M. Legault (Gilbert): Oui. Mon nom est Gilbert Legault. Je suis
directeur général adjoint à la commission scolaire
Kativik. Mme Annie Popert est directrice générale à la
commission scolaire Kativik, Mary Aitchison, secrétaire
générale, et Paul Katchadourian, directeur des services aux
étudiants au postsecondaire.
La Présidente (Mme Hovington): Et Mme
Louisa Whitely? C'est ça? C'est vous? Non?
Mme Beauchamp (Marielle): Marielle Beau-champ.
M. Legault: Non, Mme Whitely ne sera pas ici aujourd'hui.
La Présidente (Mme Hovington): Ah! Parce que j'avais son
nom ici. Est-ce que c'est le texte, dites-moi, qui sera lu? Parce que nous
avons une traduction française ici. Is it your text for today? Yes?
Thank you.
Mme Beauchamp: Je pourrais interpréter seulement quand il
y aura la période des questions et réponses, dans ce cas? Est-ce
que c'est ça que vous préférez?
La Présidente (Mme Hovington): Alors, donc, vous allez
traduire seulement les échanges, à la période des
échanges, parce que nous avons le texte en français devant nous.
D'accord. Alors, allez-y, Mme Popert.
Mme Popert: (S'exprime dans sa langue.) I am just going to take a
couple of minutes to explain to you about the Kativik School Board. Not too
many people are familiar with our school board, because it is quite different
from other school boards in Quebec. The Kativik School Board's jurisdiction is
one of the largest in Canada, with an area of approximately 650 square
kilometers. The Board was created as a result of the signing of the James Bay
and Northern Québec Agreement. And, since our mandate is to provide
education for all people who live in the North of the 55th parallel, in
Québec, we operate schools in 14 Inuit communities in Inuktitut, French
and English.
When the National Assembly of Québec called for briefs in a
consultation with the population of Québec concerning Québec
college education, Kativik School Board was in a process of reviewing its goals
and programs as well as the powers and responsibilities it has under the James
Bay and Northern Québec Agreement. We originally requested that you
visit and consult in one of our communities of Nunavik to deal specifically
with the needs of college education of the Inuit. We asked that this be
sometime after the beginning of January 1993 and that the Inuit population, as
well as the commissioners and committees and professionals of Kativik School
Board, would be allowed to present their needs and expectations on this
occasion.
We realize that this commission could not come North due to time and
budget constraints. Nonetheless, we are pleased to have a short audience with
you. We ask, however, that the members of the commission consider this as an
introduction, only as an introduction to the needs of the Inuit of
Québec, with respect to college education, and that our brief be
considered as a stepping stone to longer consultations which will result in a
college system which can meet the needs of our people.
We start with this brief, with the understanding that the Council of
Colleges of Québec, in its «Summary of Consultation: Tomorrow's
CEGEP: Powers and Responsibilities», recognized in 1983 the right of
native organizations to have quality cegep education and recognized at the same
time that such education must reflect their unique needs. We are here today to
at least start to elaborate on these needs.
The Kavitik School Board has been deeply involved in postsecondary
education for Inuit beneficiaries of the James Bay and Northern Québec
Agreement since 1975. Unlike other school boards, Kativik has the power, under
Section 605 of the Education Act, for Crée, Inuit and Naskapi persons,
to enter into agreements with other organizations concerning postsecondary
education for persons in its jurisdiction, subject only to annual approval of
our budget by the Ministry of Education. Under Section 661 of the same
legislation, Kativik School Board may, for educational purposes, enter into
agreements with Canada or with any other school board, educational institution
or individual, subject to the laws governing such agreements.
Under other sections of the same Education Act, Kativik School Board has
the power to create programs and design curriculum for its student population
and to create and run a teacher training program specific to the needs of the
Inuit. In 1984, our Council of Commissionners adopted a resolution which
approved in principal that all levels of education be provided in the North on
Inuit territory. This resolution was based on the objective of Inuit to revive,
maintain and develop their language and culture. Parents saw their children
leaving the communities to attend school in the South and recognized that they
changed appreciably through that experience. They considered this situation to
be a threat to the survival of Inuit language and culture.
Throughout our experience with postsecondary education and, in some
cases, without prior consultation with the Kativik School Board or other
Northern Québec organizations, individual
cégeps have given themselves the mandate to provide cegep
education for beneficiaries of the James Bay and Northern Québec
agreement. In one case, a cegep even appointed, without consultation, a person
to be responsible for cegep education in the North. In response to this kind of
intervention, our commissioners resolved that Kativik School Board will not
participate in any program presented by any cegep which has not been thoroughly
discussed previously with Kativik School Board and other Northern
organizations.
At the present time, most of our students come to Montréal area
to study at the cegep level. We maintain a student services department in
Dorval which provides counseling and takes care of students' needs which
include residences, food, transport and social activities. We also provide
college access programs for our students and maintain a tutorial support which
is aimed particularly at helping our students deal with the demands of college
level first language instruction.
Any success of our students to date in dealing with postsecondary
education has been largely because of special initiatives on the part of the
school board. It is true that some cégeps have native people access
programs. However, these programs were typically designed for generic Indian
population and do not meet the specific needs of Inuit who are a distinct
people. This creates the greatest weakness of the system in terms of access for
Inuit.
Once in the cegep setting, our students have a great deal of trouble
with the second language aspect of their education. Up until the time they
enter cegep, students have been studying in French or English as a second
language, often in villages where neither language is used through everyday
communication. There is little opportunity for them to pratice their second
language, and yet, when they arrive at cegep they are expected to study at the
same level and pace as people who have been using the language of instruction
all their lives. Added to this is a complication that cégeps do not
appear to have funding for a second language approach in their teaching, and
all of the programs in language take a literary approach rather than a
functional approach to the language. Our students need to have support in their
second language as a language of instruction. This is not available at the
cegep or the university level. (16 h 20)
In cases where there has been good cooperation between government
organizations - as cegep - and Kativik School Board, it has been possible to
create very good programs pertinent to the needs of our students. But there are
problems with financing which can best be demonstrated by our experience with
our nursing and social work programs. Both of these prog- rams were offered in
the North since most of the students had families or were otherwise engaged so
that study in the South was impractical if not impossible. In order to fund
theses courses, meetings were held with different agencies. In the case of the
nursing program, it was necessary to assemble a joint bugdet venture including
funding from the Ministry of Higher Education, Manpower Québec, the
Ministry of Social Affairs, Kativik Regional Government, an Inuit organization
called Kuujjuamiut and meet the challenge program of Health and Welfare Canada.
A great amount of energy was expanded in assembling this funding as well as in
negotiating the control of the funds and direction of the course. And this is
not being completely resolved yet, even though the course is on the way.
We believe that there must be flexibility, built into the funding for
such courses, so that cooperation between the school board and the colleges can
be assured and that the courses can be offered as needed, under the auspices of
Kativik School Board. In summary, we feel the following elements are essential
to successful postsecondary education for our students. At the very least,
Kativik School Board must have input into programs and must be able to make
interventions in the design and delivery of programs for the Inuit of Nunavik,
with an accomodating cegep administration. There must be flexibility in the
funding of the Ministry of Higher Education to allow for counseling, student
access and teaching support programs appropriate to the Inuit. We hope that
these programs must be provided by Kativik School Board who best know the needs
and history of our student clientele.
There is a need for a program of transition between the secondary and
postsecondary levels of instruction, regardless of the geographical location of
the postsecondary institution. In areas of language of instruction, career
choice and social and personal changes, the transitional phase needs to be
addressed through a well conceived and well monitored intervention by the staff
of Kativik School Board. This transition program must be continued as a support
program throughout the education of the students to insure that they have the
best possible chance of success in their studies. This continuous appropriate
counseling service must be provided* by Kativik School Board with funding from
the Ministry of Higher Education. It is important that Inuit have a chance to
take both Inuktitut language courses and content courses in Inuktitut at the
cegep and university level. Our experience to date with our own teacher
training program, given in association with McGill University. shows that
Inuktitut language content courses provide the only means of educating students
in a culturally appropriate manner, so that they can best serve their own
population.
More flexible funding must be provided
through the Ministry of Higher Education in order to assure that the
needed special programs, such as the nursing and social work, appropriate to
the needs, culture and traditions of our people can be offered. In particular,
short and intensive full-time modules should be eligible for funding on an
on-going basis, on an on-going permanent basis.
Kativik School Board must be allowed to receive funding directly from
the Ministry of Higher Education, even if that funding comes from the general
budget for cégeps. Kativik must be allowed control of funds granted in
this manner. And finally, the school board's longstanding position that college
education must take place in a northern location must be carefully assessed to
insure that the long-term capital and operation funding can be allocated for
the construction and operation of the facilities.
We appreciate the opportunity to have been able to give you this
presentation. Thank you.
La Présidente (Mme Hovington): Thank you, Mrs. Popert.
Alors, Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je tiens à
remercier les représentants de la commission scolaire Kativik
d'être venus à Québec pour nous présenter leurs
demandes au niveau de l'éducation postsecondaire. Je sais que vous
auriez souhaité fort possiblement qu'on aille dans le Grand Nord, mais
ce fut impossible. Alors, nous apprécions beaucoup vous avoir avec nous
aujourd'hui pour échanger directement avec vous sur les besoins en
éducation postsecondaire. Au point de départ, Mme Popert,
j'aimerais ça connaître l'état de la scolarisation de votre
peuple au niveau postsecondaire. Est-ce que vous avez des chiffres au niveau du
pourcentage de jeunes, à l'heure actuelle, qui font des études
postsecondaires chez vous?
Mme Popert: Yes, we have brought figures with us. So, if you
would like to know the increase in postsecondary students, Paul would be able
to provide that. Postsecondary education is a fairly new phenomenon for us; it
is only in the last 10 years or so that we have started receiving postsecondary
students. In the beginning, there were very very few students, but in the last
five years or so, we have seen a big increase. So, maybe if you could provide
those figures.
M. Katchadourian (Paul): just to give you an idea, over the past
3 years, we have been averaging about 67 students coming to the montreal region
to study in different cégeps. prior to that, in the early seventies, it
was practically nonexistent, and, in the eighties, the figures were about 19
students. so, over the last 10 or 12 years, we can see that there has been an
increase, and it is continuing.
Mme Robillard: Dans votre mémoire, Mme Popert, vous nous
parlez beaucoup, je dirais, de la difficile collaboration avec les
cégeps. En tout cas, c'est ce que je retiens de votre mémoire. Il
y a des cégeps qui, de fart, se sont donné des missions
particulières pour répondre à certains de vos besoins de
formation. Mais vous nous dites - et est-ce là la réalité
- que plusieurs cégeps interviennent, donc, mais sans avoir une
collaboration spécifique avec la commission scolaire Kativik. Est-ce que
c'est l'ensemble de votre expérience de collaboration avec nos
cégeps?
Mme Popert: No, it is not. I was using one example where one
specific cegep had decided that they wanted to serve our population, and had
given themselves the mandate to look after our students in the North. But
generally, what happens, we are working with several cégeps right now,
our students are mostly in the Montréal region, and we are working with
different cégeps depending on what our students need in the way of
courses.
Mme Robillard: Est-ce que vous pourriez nous parler d'une
expérience que vous jugez positive, avec un cégep en particulier,
dans un programme? Nous donner un exemple de collaboration avec un
cégep?
M. Katchadourian: In the case of our English-speaking students -
because we also have French-speaking students studying in Montréal -we
deal with the John Abbott College, at the time, where a great majority of our
students attend there. There is collaboration with the college. However, a lot
of the efforts and the financial input is on behalf of the school board, and we
feel that there could be some changes in that area, where the college would be
more open to create and offer specific access programs for the Inuit
students.
Mme Robillard: Est-ce que vous avez identifié des secteurs
de formation où vos besoins sont plus grands? Vous nous pariez, ici, de
la formation des travailleurs sociaux, ou des infirmières, si ma
mémoire est bonne, mais est-ce qu'il y a d'autres secteurs que vous avez
identifiés où il y aurait des besoins de formation? (16 h 30)
Mme Popert: We have identified, I think, all the training needs
for the health area. As an example, there would be many courses that will
becoming up postsecondary courses for the health area. What we do for different
courses, as individual courses, is where we... Let me rephrase that. The
nursing program, as an example, where we had a very big difficulty in getting
the
financing - I mentioned all the different organizations we had to put
together to get the financing, and it is not even settled today - was a special
program in the sense that we got different people together interested in the
program and they are going to school in the North. We are working with John
Abbott College and they are delivering the courses. But these people - it is
women that are taking the course - because they have families and so on, it is
very hard for them just to move to the South, to Montréal, and take the
courses. So we decided to offer, in this case, a course in the North, with John
Abbott. A lot of our courses are for students that come South, you know,
individual students from the 14 communities come down and they take whichever
courses they want to take. In terms of other. There is not a lot of jobs that
will be coming up in the North. There are certain professional jobs which are
held by non-Inuit now and those have been identified as areas where the
students will be able to take those positions on.
Mme Robillard: Je comprends qu'il y a certaines
difficultés de financement de la formation. Vous en avez soulevé
quelques-unes. Maintenant, si je vous demandais si vous êtes satisfaite
du contenu de la formation, de la qualité de la formation que les jeunes
reçoivent, est-ce que vous avez une idée précise sur ce
sujet-là?
Mme Popert: No. As we explained in the brief, we are not
satisfied necessarily with the programs that are available in the colleges in
the South. There are certain colleges that have what they call «Native
Access Programs», but they are made as though all native people are the
same. Like the Inuit are very different. They have specific... They have their
own language which is completely different from Indian's, and their customs and
rituals are very different. So, what we said is there is a generic program, but
it is not suitable to the Inuit population. We would like to have also some
control in terms of course content. We would like to be able to put Inuktitut,
credited Inuktitut courses in certain colleges. I do not know what else we
could add to that.
M. Katchadourian: Possibly some college preparation programs,
which are at the moment lacking, and what we call sheltered courses,
specifically to gear towards second language students such as ours.
Mme Robillard: Si j'ai bien perçu les besoins de formation
que vous nous indiquez dans votre mémoire, vous vous adressez surtout
aux jeunes en besoin de formation. Est-ce qu'il y a aussi des besoins de
formation pour des adultes, que ce soit du recyclage, du perfectionnement, des
gens qui sont déjà sur le marché du travail et qui
seraient en besoin, donc, de recyclage? Est-ce que vous identifiez de tels
besoins dans votre communauté?
Mme Popert: For postsecondary education? Mme Robillard:
Oui.
Mme Popert: O.K. Well, one other example that I think that I
could use is the social workers program. I think we have been sending
correspondence to your Department for over two or three years in trying to get
the funding. These people need to be trained as social workers. They are
working now, but they are not trained. So what would happened is that they
would take so many periods in the year where they would leave their community
and go on training, like for several weeks a year. There are probably others
that would have the same type of special training. I think the financing tor
individual programs like students coming South, we have negotiated a budget
with the Ministry of Education, a formula which we feel is fairly satisfactory.
But it is these other courses which do not fit into that particular formula,
such as the nursing, such as the social work where the courses have to be given
up North. And it is not a full-time course, it is part-time, intensive courses.
These are the difficulties we are having with the Ministry to try and get them
funded properly. I do not know if I have answered your question.
Mme Robillard: Yes, yes.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, merci Mme la Présidente. Je voudrais
remercier et féliciter les gens de la commission scolaire Kativik
d'avoir fait le choix, si la montagne ne se déplaçait pas, de se
déplacer vers la montagne, d'est une expression, c'est-à-dire que
si nous, les membres de la commission, n'étions pas en mesure d'aller
vous voir, vous avez fait quand même le choix de venir nous voir. Alors,
je vous salue parce que, sincèrement, c'était important, je
pense, que vous profitiez de cette occasion pour nous faire savoir les besoins
particuliers et spécifiques que vous éprouvez. Que la commission
scolaire Kativik ait choisi l'occasion de cette commission, qui porte sur
l'enseignement collégial, pour venir nous signaler que, quelles que
soient ies conclusions qui seraient retenues par la ministre à la fin
des travaux de cette commission - vous avez senti le besoin de nous indiquer,
avec raison, je pense - que les problèmes plus spécifiques et
plus particuliers que vivent les jeunes populations étudiantes sur votre
territoire ne seraient pas réglés pour autant. Et vous voyez
cette commission comme une esquisse des besoins
des Inuit et des populations amérindiennes plutôt qu'une
conclusion, et je pense que c'était important que vous le signaliez.
Moi aussi, puisque vous avez fait le choix de venir nous voir et on vous
en remercie, je profiterais de votre présence pour vous poser quelques
questions. Moi également je voulais savoir l'évaluation que vous
faites de votre population étudiante de niveau postsecondaire. Vous avez
répondu que c'était en croissance. C'est normal, mais je voudrais
juste être certain du chiffre. Vous dites qu'en moyenne, dans les
dernières années, si on parlait de 60, 65 à 70
étudiants, est-ce que ça correspond à la
réalité de l'immensité de votre territoire qui, selon
vous, serait la population étudiante qui serait admissible, selon nos
paramètres, à des études postsecondaires, soit de niveau
collégial ou universitaire? Première question, parce que je veux
être sûr du chiffre.
M. Katchadourian: The number I gave you of about 67 students was
an average of the last 3 years. This year in particular we have started with 87
students and this is the highest number of students we have had over the past
10 or 12 years. And we anticipate that this number will grow in the
nineties.
M. Gendron: Merci beaucoup. Deuxième question: Si la
ministre convenait, à la fin de nos travaux, pour que la commission
scolaire Kativik soit plus associée dans l'identification des contenus
de formation pour vos populations, si elle retenait, par exemple, que c'est sur
la base de la recommandation que la commission scolaire Kativik pourrait faire
à des collèges qui offrent de la formation collégiale,
est-ce que vous croyez que ce serait un pas en avant de dire que, dans le
futur, les collèges, exceptionnellement pour les populations
amérindiennes du territoire de la commission scolaire Kativik, ne
pourraient pas scolariser des contenus qui n'auraient pas été vus
et approuvés par la commission scolaire Kativik? Est-ce que vous croyez
que c'est une piste de solution pour commencer un minimum d'implication plus
grand entre les contenus de formation de vos étudiants potentiels et la
commission scolaire Kativik qui, elle, vit sur le territoire et est en mesure
quand même de faire un peu plus le lien entre primaire secondaire et vos
jeunes étudiants qui iront au collégial? (16 h 40)
Mme Popert: Did you hear the question? I did not really hear the
question. Did you get it?
Une voix: He wants to know if the concerning course content...
How much input we would want to have in languages, I imagine.
Mme Popert: O.K. I just want to say, first of all - and perharps
I should have explained that right from the beginning - that we are not
completely clear exactly what it is we want for postsecondary education. We
have many different things... People want different things. One thing, for
sure, is we do want to have some access, have some say in the way these courses
are delivered, like the content of those courses. Much of the courses that are
given to... Like, as an example, if we could say... If you had take history
course in cegep, we would like to be able to say: Offer history program about
Nunavik, as an example. We would like to be able to give some courses in our
own language. One example that I could use is in the nursing program. I keep
going back to the nursing program because postsecondary education is relatively
new for us and these special types of programs are just starting in the North.
We have, I think, a good cooperation between ourselves and John Abbott College
where... We have a teacher training program. We have the right, under the James
Bay and Northern Québec Agreement, to train our own teachers. This is a
university level, a program. Our teachers teach throughout the year, even
before they have been gone through other training. And they take training; it
is a community base program. We have developed many courses through the years,
university level, for our teachers. As an example, the nursing program, some of
those modules in the nursing program, the teacher training program, it is the
same content. You could integrate those different programs into the nursing or
the teacher training. We would like to have some input into being able to do
that. Like psychology, as an example, we would like to be able to have the
culturally relevant content into those types of courses. So, it is difficult
for me to say to what extent we would like to be able to have control, but we
need to have some control over that.
M. Gendron: Vous reconnaissez, Mme Popert, que vos besoins de
formation adaptés à vos communautés ne sont pas
complètement définis, et je trouve ça correct de votre
part de venir nous dire: Nous, notre réflexion n'est pas
complètement arrêtée. On ne sait pas exactement quel type
de formation on voudrait dispenser à nos communautés, pour ce qui
est du niveau d'études postsecondaires. Cependant, et ce n'est pas parce
que c'est contradictoire, mais vous aviez une recommandation, juste avant de
terminer votre présentation, qui indiquait que vous souhaiteriez qu'en
termes de budget ou de dépenses réellement effectuées pour
vos communautés, ce soit la commission scolaire Kativik qui puisse
régir et gérer ces fonds alloués à d'autres
collèges. Ces collèges, que ce soit John Abbott ou d'autres
collèges, s'ils dispensent quelque chose qui vous convient, en tout cas
à prime abord, il y a des coûts attachés à
ça. Et vous faites une recommandation à savoir que les fonds
devraient être versés à Kativik, et c'est
Kativik qui reverserait au collège qui dispense la formation pour
avoir un contrôle sur ces fonds. Est-ce que c'est ça, votre
recommandation? Est-ce que je comprends bien votre recommandation?
Mme Popert: That is correct. Right now, the Ministry of Higher
Education is prevented by giving us funding for certain parts of a course. I do
not know exactly what is preventing them, but for both the nursing program and
the social work program, we have been informed that certain parts of the budget
have to be given directly to the cégeps. What we are saying is that,
because we are receiving funding, part of the funding, anyway, we should have
access directly to those funding so that we can make best use of the funding
that is available. That is what we are trying to say. I do not know what is
preventing the Ministry from giving us funding directly, but for things like
the cost for material, for the course content and for teachers' salaries and
stuff like this, money goes directly to the colleges.
M. Gendron: Vous parlez également d'envisager pour vos
populations un programme de transition pour que le passage du cours secondaire
puisse «s'opérationnaliser» dans des conditions plus
convenables, plus avantageuses au niveau du secondaire. Moi, j'en suis. Vous
appelez ça un programme de transition. Dans l'hypothèse où
la ministre regarderait ça sérieusement pour, bien sûr, la
commission scolaire Kativik, et que ses fonctionnaires et vous
réussissiez à vous entendre sur un minimum de contenu de balises
de ce programme de transition, si elle vous offrait de le dispenser, est-ce que
vous seriez en mesure de le dispenser en septembre 1994? Supposons qu'on
réfléchisse et qu'on élabore un programme de transition
pour faciliter le passage de jeunes Inuit qui voudraient aller à des
études postsecondaires et qu'on arrive à un contenu et qu'on ait
un programme défini, balisé, précis, et qu'on dise
à la commission scolaire Kativik: C'est vous qui avez la
responsabilité de l'offrir à vos jeunes sur le territoire, est-ce
que vous croyez que vous auriez les ressources? Avec les équipements que
vous avez et la formation de vos dispensateurs pédagogiques
d'enseignement, vous auriez les ressources pour vous occuper de ce
programme?
M. Katchadourian: I believe that the school board, with its many
years of experience, has the capability of preparing such a program. If it is
approved by the Ministry and it is accredited and it is considered as a
transition or a college prep program, we do have the manpower and the personnel
needed for it.
M. Gendron: Est-ce que vous avez l'inten lion do vous mettre au
travail7 Sincèrement, je trouve intéressant - je parle
du programme de transition bien sûr - que vous fassiez cette suggestion
parce que vous aussi, je pense, vous devez être préoccupés
par des conditions de réussite plus grande, de maximiser, pour vos
populations, un plus grand taux de rétention au niveau des études
secondaires. Et il n'est pas tout de leur permettre d'avoir d'accès, il
faut viser à ce qu'ils puissent, dans des conditions les plus
habilitantes, y demeurer et obtenir, eux aussi un éventuel
diplôme. Et, dans ce sens-là, je pense que c'est une suggestion
qui est intéressante. Et si la Commission scolaire Kativik avait, pour
la prochaine année, en 1993, un programme précis de transition
à soumettre à la ministre de l'Enseignement supérieur,
moi, en tout cas, j'aimerais être en mesure de suivre l'évolution
de ce dossier-là comme porte-parole de l'Opposition officielle, parce
que je trouve que vous jetez là une piste intéressante
concrète. Et comme vous êtes les plus habilités à
éventuellement produire ce programme de transition, je pense qu'il y
aurait lieu de vous inviter à le faire le plus rapidement possible et
essayer que ça se conclue par une décision ministérielle
pour que, par la suite, vous puissiez le gérer.
M. Katchadourian: We would welcome such a proposal as to take
such a step and we can be prepared and ready for the future, and we hope we can
go in that direction. It is very wishful.
M. Gendron: Thank you very much for your presentation.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Mme la ministre, en
conclusion.
Mme Robillard: D'abord, je veux remercier de façon toute
spéciale les gens de la commission scolaire Kativik et leur dire notre
grande ouverture à répondre aux besoins d'études
postsecondaires. Je pense que nous avons fait des pas importants au niveau de
l'école primaire et secondaire, au niveau de votre communauté et
il est tout à fait normal que nous arrivions maintenant à
l'étape des études postsecondaires pour certains de vos jeunes.
Le défi n'est pas facile, mais il est possible, je pense bien, ensemble,
de le surmonter. Alors, merci d'être venus témoigner en commission
parlementaire.
La Présidente (Mme Hovington): Au nom de tous les membres
de cette commission, permettez-moi à mon tour de vous remercier
d'être venus jusqu'à nous. Je vous souhaite un bon séjour
dans la ville de Québec et je vous souhaite aussi un bon retour chez
vous.
Mme Popert: Thank you. I would also just like to say thank you
for taking the time to listen to us. I think that we have developed a good
working relationship with the Ministry of
Education and we have a satisfactory arrangement with him. And I am sure
that we can develop the same thing with the Ministry of Higher Education. Thank
you.
La Présidente (Mme Hovington): Thank you. La commission de
l'éducation invite maintenant le Syndicat des enseignantes et
enseignants du collège Montmorency à bien vouloir prendre place,
s'il vous plaît. Nous allons suspendre quelques secondes pour vous
permettre de vous installer.
(Suspension de la séance à 16 h 50)
(Reprisée 16 h 53)
Syndicat des enseignantes et enseignants du
collège Montmorency
La Présidente (Mme Hovington): Nous allons poursuivre nos
travaux avec le Syndicat des enseignantes et enseignants du collège
Montmorency, représenté par M. Pierre Mailhot, président
du Syndicat et professeur de français. Vous êtes le
porte-parole?
M. Mailhot (Pierre): Oui.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour et bienvenue
à la commission de l'éducation. Si vous voulez bien nous
présenter toute votre équipe.
M. Mailhot: Oui. Mme la Présidente. Mme la ministre, Mmes
et MM. de la commission, il me fait plaisir, à titre de président
du Syndicat des enseignantes et enseignants du collège Montmorency, de
vous présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui.
Alors, à ma droite, en commençant par
l'extrémité, M. Jean-Paul Girard, professeur d'éducation
physique; Mme Louiselle Huppé, professeure de français et membre
de l'exécutif, responsable à l'information; à ma droite,
Mme Ravie Achard, professeure de biologie et coor-donnatrice responsable
à la coordination de la rédaction du mémoire; à ma
gauche, toujours à l'extrémité, Mme Marie Dumoulin,
professeure en techniques de réadaptation physique et secrétaire
de l'exécutif; et, à ma gauche, Mme Madeleine Ferland,
professeure de philosophie.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour. Alors, vous avez
20 minutes pour nous présenter votre mémoire.
M. Mailhot: D'abord, au nom de toutes les enseignantes et de tous
les enseignants du collège Montmorency, je tiens à vous remercier
beaucoup d'avoir accepté de nous recevoir pour nous entendre
aujourd'hui.
Le Syndicat des professeurs de Montmoren- cy a toujours
été, depuis sa création en 1972, au coeur des
débats pédagogiques de notre cégep. Son leadership
pédagogique s'est concrétisé par la production de nombreux
dossiers sur l'éducation et la pratique enseignante, ainsi que par
l'organisation régulière de journées pédagogiques,
en général une par session. Depuis 1988, nous avons convenu, avec
l'administration de notre collège, que ces journées se feraient
par l'entremise de la commission pédagogique, par l'entremise de cette
instance, qui est devenue, depuis ce temps, le lieu central des questions
pédagogiques dans notre cégep. C'est ainsi que,
traditionnellement, la commission pédagogique est présidée
par une ou un enseignant. C'est principalement par ce canal, en collaboration
avec les départements, que s'organisent les consensus nécessaires
à l'identification des problèmes et à la mise en place de
solutions.
Le cadre de ce débat sur l'enseignement collégial ne nous
agrée pas complètement. C'est vrai que nous aurions
préféré une commission d'enquête plus large portant
sur l'ensemble du système d'éducation et non seulement sur le
maillon intermédiaire et à partir des orientations
préalables de la ministre. Malgré ce cadre, nous reconnaissons
à Mme Robillard la prise en charge de sa responsabilité de
ministre de l'Enseignement supérieur. De plus, l'ajout récent
à ses responsabilités de celle du ministère de
l'Éducation ne peut être que bénéfique en favorisant
un élargissement du débat.
Le mémoire du Syndicat des enseignants ne se veut pas en
réaction à celui que la direction de notre collège a
présenté devant vous, le 5 novembre dernier. Notre mémoire
ne s'oppose absolument pas à celui de l'administration de notre
collège. C'est des raisons de délais, entre autres, qui n'ont pas
permis un travail commun. De plus, un mémoire séparé de
celui du collège fournissait, à nous, professeurs, l'occasion de
présenter la réflexion que nous poursuivons depuis les
débuts du collège. Rappelons que c'était un collège
expérimental qui a voulu se construire sur un modèle
pédagogique original. C'est sur cette base que les premières
équipes de professeurs ont été engagées,
c'est-à-dire, à l'époque, environ une centaine.
Notre mémoire est aussi un témoignage de notre pratique
quotidienne de professeurs. Nous sommes celles et ceux qui ont le plus grand
nombre d'heures-contacts avec les étudiantes et les étudiants.
Nous nous sentons concernés de très près par ces jeunes
que nous rencontrons tous les jours, que ce soit en classe, principalement,
mais aussi ailleurs, à la cafétéria, dans les bureaux de
professeurs. Ce sont des élèves que l'on veut voir
réussir; leur réussite est notre préoccupation
première, et nous ne voulons absolument pas les considérer comme
une marchandise que l'on va livrer après deux, trois ou quatre ans. Il
ne faut pas oublier que ce sont d'abord des personnes humaines. Depuis une
dizaine d'années, on assiste à des changements qualitatifs
chez ces jeunes: ils ne savent pas quelle orientation prendre devant un
marché du travail relativement bouché; ils viennent d'une famille
transformée. Ce sont souvent des enfants uniques qui souffrent de
solitude, qui ont peu de sentiment d'appartenance à une
société aux consensus faibles. Ils travaillent à
l'extérieur à temps partiel, souvent de nombreuses heures; ils
sont influencés par une culture de consommation, une culture de masse
véhiculée par les médias et qui se caractérise trop
souvent par son insignifiance et sa pauvreté. Mais, malgré toutes
ces conditions défavorables, nous, les professeurs, nous sentons
très bien que la plupart d'entre eux demeurent ouverts, réceptifs
à des éléments d'une culture autre. On sent qu'ils sont
curieux d'élargir leurs horizons, et on observe que, chez le plus grand
nombre, ils ont envie de consolider leurs connaissances. C'est donc à
ces jeunes que nous enseignons aujourd'hui.
Nous enseignons également à des adultes, de jeunes adultes
de 20 à 25 ans, ou des moins jeunes, de 35 à 40 ans. Nous
enseignons également, et de plus en plus à des personnes
allophones, à des personnes avec des handicaps visuels ou auditifs, et
on observe que le nombre de ces élèves-là augmente. Nous
enseignons également à des raccrocheurs, à d'autres jeunes
qui ont un D.E.S. à 230 unités, alors que d'autres en ont 180
unités. Ces jeunes, également, sont beaucoup plus nombreux
à accéder au cégep qu'autrefois. Donc, on s'adresse
à un ensemble de plus en plus diversifié d'élèves.
Comme enseignantes et enseignants, notre diagnostic sur les problèmes de
l'école et du cégep doit prendre en compte ces facteurs. (17
heures)
Nous savons aussi que rien n'est simple en éducation, et que l'on
doit être prudents dans nos interventions. Dans le débat qui nous
occupe en ce moment, il y a le danger de ne s'appuyer que sur des perceptions,
et même des préjugés, parfois, car on n'a pas à
notre disposition un bilan structuré. Comme professeurs, notre
diagnostic repose sur notre pratique. Pour nous, les causes des
problèmes de réussite scolaire trouvent beaucoup plus leur
origine dans des facteurs humains que dans des effets de grille de cours. Et
c'est là que nous devons mettre le gros de nos énergies. Il faut
améliorer le climat des cégeps, en faire un milieu de vie qui
supporte les études, un milieu intéressant qui valorise les
activités intellectuelles. Ces interventions doivent se faire à
l'extérieur de la classe et dans la classe; c'est ce que nous avons
commencé à faire à Montmorency depuis quelques
années. C'est la commission pédagogique, à la demande des
départements, à la demande des professeurs, qui a
débuté le mouvement, ainsi que les aides pédagogiques
individuels et le service aux affaires étudiantes. Donc, c'est une
collaboration de toutes ces instances, bon, qui y ont contribué, et je
vais vous donner quelques exemples maintenant.
Donc, de quelle façon est-ce que nous avons commencé
à faire ce travail? D'abord, en rendant le collège plus
agréable sur le plan matériel, physiquement, en essayant de le
rendre plus propre, en habillant, par exemple, les murs des couloirs
d'éléments significatifs. J'entend par là, par exemple,
dans les couloirs des départements de français et de philosophie,
en exposant des portraits de philosophes importants ou d'écrivains
connus, également en affichant des panneaux qui illustrent l'histoire
des mathématiques. Ce sont très souvent des stimulants visuels
pour les étudiants qui parcourent ces couloirs.
Également en développant un environnement culturel riche.
La commission pédagogique a élaboré un plan
d'intégration des activités parascolaires intellectuelles et
culturelles, donc intégrées à l'enseignement proprement
dit.
En résistant au travail rémunéré. Ainsi, on
a déplacé la plage «horaire libre», pour les
activités qui étaient le jeudi en fin de journée, ce qui
à ce moment-là favorisait davantage, encourageait davantage le
travail à l'extérieur pour les étudiants. Donc, on l'a
déplacée au mardi midi, ce qui, à ce moment-là,
favorise davantage la participation à des activités
parascolaires.
En développant, pour les nouvelles étudiantes et les
nouveaux étudiants, différentes activités
d'intégration au collège lors de leur entrée où
tout le personnel du collège participe.
En favorisant les activités étudiantes, par exemple, en
demandant des ressources pour une troupe de théâtre, une troupe de
danse, la radio étudiante, des projets communautaires et plusieurs
autres mesures.
Maintenant, en lien plus direct avec l'enseignement, on a
regroupé les locaux de cours selon les disciplines; donc, des aires de
philosophie, de sciences humaines, de soins infirmiers, etc. Nous avons
aménagé également des locaux de rencontre avec les
étudiants dans chacun des départements.
Maintenant, c'est Mme Flavie Achard qui va poursuivre la
présentation.
Mme Achard (Flavie): Je voudrais vous parler un peu de ce qu'on a
fait sur le front plus large de la pédagogie. Nous avons
développé un plan contre les échecs et les abandons
scolaires où l'enseignante ou l'enseignant a un rôle très
actif. C'est lui qui doit signer la feuille d'abandon. Ça a l'air
très simple comme mesure, mais ça demande beaucoup de temps. Avec
une mesure aussi simple que ça on a réussi à baisser notre
taux d'abandon de 10 % à 6 %.
À l'initiative des professeurs, on a aussi
développé un plan d'action sur la langue; le collège a
ensuite suivi avec une politique de la langue. Alors, dans ce plan d'action, on
a mis a contribution tout le monde dans le college, autant les profs que tous
les autres services.
Par rapport aux cours, les départements ont
développé différentes mesures d'aide. Il y a ce qu'on
connaît bien, les cours d'appoint. On en a chez nous en sciences, en
mathématiques, en français. On a un centre d'aide en
français. On a développé des cours jumelés en
mathématiques et en français au niveau de la première
session, ce qui favorise le regroupement des étudiants et qui favorise
également qu'ils voient leurs professeurs plus longtemps.
En éducation physique, des cours d'éducation physique
adaptés ont été développés pour des
clientèles en difficulté comme, par exemple, des gens qui sont
asthmatiques ou des adultes qui ne sont pas à l'aise dans certains
cours. En éducation physique on a aussi, pratiquement partout,
développé des groupes mixtes pour favoriser l'intégration
des filles aux différentes activités.
Il y a plusieurs expérimentations de méthodes
pédagogiques qui sont en cours. On a une méthode qu'on appelle
les réseaux de concept qui sont en expérimentation. Il y a toute
l'utilisation des journaux de bord, des examens synthèses, etc.
Au niveau des départements de technique, il y a plusieurs
départements qui offrent des stages depuis plusieurs années
même s'il n'y a pas de ressources de développées pour
ça. C'est le cas de l'informatique, de l'administration, de
l'élec-trotechnique, de la gestion de bureau. Et, sur le plan du travail
de collaboration entre les départements, il y a des pratiques qui se
développent de plus en plus, et ça, on doit dire que c'est un
changement qualitatif dans les collèges depuis quelques années.
C'est principalement au moment du débat du nouveau programme de sciences
humaines et de sciences de la nature que s'établissent ces
pratiques-là et qu'elles s'intensifient. À Montmorency, on est
très heureux de ça et on les continue à ce moment-ci.
Ça nous amène à développer beaucoup plus l'objectif
du programme de l'étudiant.
Au niveau des départements techniques, ces pratiques-là de
collaboration sont établies depuis longtemps. Par exemple, moi, je suis
en biologie; ça fait très longtemps qu'on travaille avec soins
infirmiers. Les rencontres réunissent également psychologie et
sociologie. Ce sont des cours qui se donnent en soins infirmiers. Alors, ces
pratiques sont instaurées et elles se continuent.
Maintenant, on voudrait vous parler un peu sur le plan de la
pensée éducative - c'est un terme qu'on a un peu inventé -
parce qu'on pense que toutes ces mesures-là, c'est important de les
appuyer sur un consensus du milieu, sur la façon d'aborder
l'éducation. Puis actuellement, au niveau de cette pensée
éducative, il y a une prise de conscience très importante de
comment le bloc de cours obligatoires, ce fameux bloc de cours que l'on donne
à tout le monde, au général et au professionnel, un bloc
de cours qui est composé de français, de philosophie et
d'éduca- tion physique et qui s'appuie sur une conception globale de la
personne... Au niveau des enseignantes et des enseignants du cégep
Montmorency - et ça s'est confirmé lors d'une journée
pédagogique qui a eu lieu dernièrement - les gens ont pris
conscience de la richesse de ce bloc de cours, du rôle qu'il peut jouer.
On le redécouvre, en quelque sorte, et c'est comme si les gens du
rapport Parent avaient été un peu visionnaires par rapport aux
besoins qu'on a maintenant dans la société, à l'importance
de la formation générale.
De plus, dans ces blocs de cours communs, on a instauré des
séquences, c'est-à-dire que les cours ne se donnent pas n'importe
comment, ils doivent suivre un ordre bien précis. Alors, avec
rétablissement des séquences, nous nous rendons compte de plus en
plus de l'importance de donner l'occasion à l'étudiant, au moins
dans un certain nombre de matières, de dépasser la simple prise
de contact avec cette matière. Suivre un cours ou deux dans une
discipline, c'est souvent le stade de l'apprivoisement. Mais, quand on en suit
trois ou quatre, là on peut amener l'étudiant à faire un
saut qualitatif dans l'appropriation de cette discipline et dans le
développement de compétences génériques. Si vous
vous êtes référés à notre mémoire pour
avoir plus d'argumentation sur ces cours, je pense que vous avez vu que c'est
assez développé.
Pour nous, professeurs à Montmorency, des propositions comme
celles que le Conseil des collèges a mises sur la table de couper dans
les cours de philo et d'éducation physique pour les remplacer par
différents cours, des cours de lettres, ou des cours de... pas de
lettres, surtout d'art, de langue, etc., on ne considère pas ça
vraiment intéressant. Plutôt que d'atteindre l'objectif
visé, qui est un élargissement de la formation
générale, notre façon de voir ça, nous, c'est qu'on
risque ce qu'on appelle «l'effet butinage». L'étudiant va
magasiner, va prendre contact avec différents cours, mais pas
suffisamment longtemps pour atteindre un certain degré d'appropriation
de cette matière-là. C'est ce qu'on appelle «le
butinage». Ce n'est pas vraiment de la formation fondamentale, selon
notre point de vue, parce qu'il n'arrivera pas à acquérir les
fondements de chacune des disciplines, des nouvelles disciplines qu'il va
explorer. Et, en plus, ça va avoir pour effet de briser la
possibilité d'acquérir les fondements de philo et
d'éducation physique. (17 h 10)
Alors, c'est une idée généreuse, sans doute, mais,
nous, on pense que cette idée généreuse, elle est
basée sur une espèce de gageure. Cette gageure-là, elle
est faite par des gens qui n'ont probablement pas le même type de contact
avec l'enseignement que nous, en tout cas.
Il y a également l'approche par grandes thématiques qui ne
nous semble pas intéressante
parce qu'elle ne permet pas de s'approprier la logique interne et
l'approche spécifique de chacune des disciplines. Le monde moderne a
compris la richesse de chacune des disciplines, c'est pourquoi on fait souvent
appel à des équipes multidisciplinaires pour étudier une
question complexe. Chaque spécialiste aborde le problème sous un
angle différent et il en ressort un éclairage plus global et
porteur de solutions, selon nous.
Penser que la discipline est quelque chose de moindre importance est une
erreur. On ne peut pas développer des habiletés
génériques en soi indépendamment du contenu. Nous pensons
qu'un programme devrait être un ensemble intégré où
on reconnaît l'apport de chaque discipline et non un ensemble de
compétences et d'objectifs auxquels doivent se soumettre les
disciplines.
Dans le bloc de formation générale, on ne peut pas faire
l'économie de la discipline, de sa logique ou de son contenu car, avant
de relier des choses entre elles, on pense qu'on doit maîtriser d'abord
leur contenu. On a une phrase, dans notre mémoire, qu'on aime bien
remettre: II est vain de vouloir construire un mur de briques avec du mortier
de bonne qualité si les briques sont faites de terre
séchée.
Alors, si on résume, pour nous, professeurs, les solutions sont
plus du côté humain, du côté de l'encadrement, de
l'appui, de l'orientation que du côté des remaniements de grilles
de cours. Beaucoup de mesures sont déjà en place dans notre
cégep et on va continuer d'explorer de nouvelles pistes. C'est en des
changements de cet ordre-là que l'on croit. Comme vieux routiers de
l'enseignement - les trois quarts des enseignants de Montmorency ont plus de 15
ans d'expérience - nous ne croyons pas aux grands dérangements ou
aux solutions miracle, surtout à Montmorency. On a connu le cégep
bibliothèque, le cégep de l'audiovisuel, le cégep de
l'enseignement personnalisé, et, maintenant, on fait un cégep
comme les autres. Les modes pédagogiques, on les regarde avec
scepticisme et circonspection.
Un autre élément important pour nous, c'est que, pour bien
cibler nos interventions, on pense qu'on doit s'appuyer sur des recherches et
des travaux, sinon, nous aussi, on aurait des bonnes idées
généreuses, mais on risquerait vraiment de passer à
côté de notre cible. Chez nous, on a des aides pédagogiques
individuels - et je pense que ça vaut la peine de les nommer: Marcel
Vigneault et Sylvie Saint-Louis - qui ont démarré, en 1987,
différentes études. Ils continuent, d'ailleurs, d'en faire. M.
Vigneault est actuellement en train de faire une recherche sur le travail
rémunéré. Ces études-là, pour nous, ont
été très, très précieuses. C'est à
partir de là qu'on a fait notre cheminement et qu'on s'est mis à
instaurer différentes mesures. Ces recherches nous ont montré
comment les jeunes vivaient mal leur passage du secondaire au collégial.
Ça nous a montré l'importance du travail étudiant et ses
conséquences. On a vu aussi les effets des modifications du
régime pédagogique du secondaire. Ce n'est pas évident que
les profs du cégep sont au courant de ces réformes-là.
Alors, on pense que c'est absolument essentiel de continuer ce genre de
recherches, de donner des ressources pour les faire, et il faut
nécessairement, après ça, se les approprier.
On aimerait vous dire quelques mots, aussi, de l'autonomie des
cégeps. Nous croyons que, si le cégep Montmorency a pu mettre en
place toutes les mesures qu'on vient d'énumérer, c'est que la
structure des cégeps est une structure souple qui permet assez
rapidement de s'ajuster D'abord, d'un point de vue administratif, les
collèges ont une marge de manoeuvre pour développer de nouveaux
services aux élèves et à la communauté, pour
moduler les programmes selon les besoins locaux, pour développer des
certificats, des attestations dans de nouveaux domaines.
Deuxièmement, au niveau de l'enseignement, l'organisation du
cégep, notamment parce qu'il n'y a pas d'examens nationaux, permet un
ajustement rapide. Par exemple, dans mon domaine, en biologie, les
progrès sont fulgurants en immunologie. On incorpore dans nos plans de
cours et dans notre contenu de cours ces nouvelles données là
dès qu'elles sont disponibles; il ne faut pas attendre qu'il y ait une
réforme de programme qui nous vienne du ministère.
Alors, nous pensons que la marge de manoeuvre dont disposent les
professeurs et les départements des cégeps est un des
éléments de leur dynamisme. Cette autonomie pédagogique
nous permet de nous ajuster, d'évoluer, d'avoir de l'imagination. C'est
un point fort du fonctionnement des cégeps qu'il faut conserver, un
fonctionnement que bien des enseignants du secondaire nous envient. Il faut
dire que cette autonomie professionnelle des enseignants de cégeps
s'inscrit dans un cadre collectif, le département. Pour nous, le
département, c'est le complément de la solitude du prof dans sa
classe, c'est le coeur de notre compétence pédagogique en
même temps que celui de notre compétence disciplinaire. C'est lui
qui, sous l'autorité des services pédagogiques - parce que
ça, il faut bien le dire, le département n'est pas autonome
complètement - a la responsabilité des cours En tant
qu'équipe semi-autonome, justement. le département s'inscrit
très bien dans la philosophie des nouvelles méthodes de gestion
des ressources humaines. Les professeurs n'adhéreront à
l'approche programme que dans la mesure où on respectera le
département, ses prérogatives et ses ressources.
Un autre élément essentiel du rôle des professeurs
au collégial, c'est le maintien de leur participation à
l'élaboration et à la révision des
programmes. Actuellement, notre DGEC est en train d'évincer les
profs de ces processus et d'en faire des exécutants. Nous pensons que le
système n'a pas intérêt à se priver de l'expertise
des intervenants de première ligne que sont les professeurs.
Malheureusement, c'est ce qu'on a fait à l'école secondaire et on
n'est pas sûr que le résultat soit intéressant.
Finalement, on ne peut penser améliorer sensiblement la situation
de l'enseignement si on n'améliore pas le ratio prof-étudiants.
Rencontrer 150, 160 étudiants par semaine, ce n'est pas comme ça
qu'on peut travailler sur les problèmes humains qu'on rencontre en ce
moment. Et il faut également améliorer la condition des
enseignants précaires. Dans notre cégep, il y a 43 % des
enseignants du régulier qui sont précaires. Mettons que c'est
difficile, à un moment donné, d'améliorer notre
intervention quand on n'est pas là de façon
régulière.
Alors, nous ne pouvons pas terminer notre exposé sans parler un
peu de la nécessaire gratuité au cégep. Nous avons
réussi à amener au cégep 63 % des jeunes
Québécois. La gratuité est un facteur essentiel dans ce
résultat, un élément qu'il nous faut absolument conserver,
compte tenu que, d'ici l'an 2000, le D.E.C. sera à peine suffisant pour
obtenir un emploi semi-spécialisé. Toute formule de ticket
modérateur est également inacceptable pour nous. On pense que ce
serait trop injuste envers les étudiants compte tenu de la
réalité difficile qu'ils vivent et qu'on a exposée plus
haut.
En conclusion, nous disons qu'il faut faire de l'éducation une
priorité, que le cégep occupe une place fondamentale dans notre
système d'éducation, qu'il a un potentiel d'adaptation important
que l'on doit explorer. Alors, pour nous, l'heure n'est pas aux réformes
majeures mais aux ajustements. Je vous remercie, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Hovington): merci. je
reconnaîtrai maintenant mme la ministre de l'éducation, de
l'enseignement supérieur et de la science.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je veux remercier
d'abord le Syndicat des enseignantes et enseignants du collège
Montmorency d'avoir pris la peine de faire un mémoire. Nous sommes
heureux de vous accueillir ici. Vous savez très bien que le
député de Vimont avait aussi insisté pour que vous soyez
là. Malheureusement, vous n'avez pas eu le temps, dites-vous, de vous
ajuster et de venir avec la direction du cégep. Alors, c'est l'occasion
aujourd'hui d'échanger avec vous.
M. Mailhot, vous représentez le Syndicat des enseignantes et
enseignants du collège Montmorency. Si ma mémoire est bonne, vous
êtes affiliés avec la Fédération nationale des
enseignantes et enseignants.
M. Mailhot: Oui, c'est exact.
Mme Robillard: Donc, avec la FNEEQ et, par le fait même,
avec la CSN. Ça fait déjà quelque temps que nous avons
entendu ici les représentants de la CSN et les représentants de
la FNEEQ, par l'intermédiaire de M. Choinière. De mémoire
- je n'y suis pas retournée aujourd'hui - M. Mailhot, est-ce qu'il y a
des recommandations dans votre propre mémoire qui diffèrent de
celles de la FNEEQ? Ça me semble relativement exactement les mêmes
choses. Est-ce que ma perception est exacte? Est-ce que votre prise de position
se situe en continuité avec celle de la FNEEQ?
M. Mailhot: Oui, notre position se situe en continuité. Il
y a certainement des aspects sur lesquels il n'y a pas de divergences, mais on
a peut-être apporté des précisions. Là-dessus, je
pourrais laisser la parole à Mme Achard, sur cette question des rapports
de la FNEEQ avec notre syndicat.
Mme Achard: Sur l'ensemble des propositions, je crois que ce
n'est peut-être pas formulé de la même façon, mais on
a à peu près le même enlignement. On n'est pas allé
sur tous les aspects, nous, parce qu'on n'avait pas le temps. Le 1er octobre,
ça venait vite pour un syndicat local. Au niveau du financement,
peut-être qu'on est allé un petit peu différemment. En tout
cas, ils ont au moins une proposition que je ne suis pas sûre que la
FNEEQ ait reprise. Moi non plus, je n'ai pas relu le mémoire
dernièrement. (17 h 20)
Mme Robillard: Ma compréhension est bonne à l'effet
que les champs d'analyse que vous avez pris coïncident avec les
recommandations de la FNEEQ. Il n'y a pas d'écart important. C'est un
peu ce que j'avais perçu d'ailleurs au niveau de votre
mémoire.
Ceci étant dit, M. Mailhot, au niveau du contenu de la formation
en tant que tel, vous êtes des profs, vous vivez avec les
étudiants et les étudiantes à chaque jour sur le terrain,
vous êtes très bien placé pour nous dire si, après
25 ans, on doit faire des changements au niveau du contenu de la formation. Ce
que je comprends, dans votre mémoire, en tout cas, il y a la
première partie qui est sur la formation générale; je vois
très peu de changements souhaités, à part le fait de
peut-être réenligner des cours complémentaires. Si je me
trompe, vous me le dites. Je ne vois pas de recommandations spécifiques
sur la formation préuniversitaire non plus - je parle toujours du
contenu de la formation - au niveau du D.E.C. technique non plus. Où
sont les changements souhaités par votre syndicat sur le contenu de la
formation?
M. Mailhot: Sur le contenu, bon! Est-ce que vous parlez du
contenu général et non pas du
contenu de chaque discipline ou de chaque cours, quand vous parlez du
contenu général de la formation?
Mme Robillard: Allons-y de façon...
M. Mailhot: J'aimerais peut-être... Je vous demanderais
peut-être, si c'est possible...
Mme Robillard: Parfait! Alors, allons-y! Vous abordez,
premièrement, la formation générale en tant que telle. Au
niveau de votre introduction, vous dites qu'il y a de sérieux
problèmes en éducation, vous en énumérez
quelques-uns. Un de ces problèmes-là - dites-vous - est le manque
de connaissances générales des élèves, au niveau de
votre introduction.
Quand j'arrive au niveau de vos recommandations sur la formation
générale, à la page 32, ce que j'en comprends, c'est que
vous voulez que j'examine les cours complémentaires de façon
particulière, mais, dans le reste, on n'apporte pas de changements.
Est-ce que je vous perçois bien?
M. Mailhot: Mme Achard pourrait répondre à cette
question-là, je pense.
Mme Achard: Je pense que, vous comprenez bien. Je pense que dans
l'exposé qu'on vient de faire, c'est un peu ça qu'on a dit.
Depuis que ça a commencé - vous avez mis sur la table la question
des cégeps, mettons, au printemps dernier - les débats ont
été forts chez nous. On a eu l'occasion, au printemps dernier et
cet automne, d'avoir deux journées pédagogiques et les gens,
comme je vous l'ai dit, ont redécouvert les vertus du tronc commun dans
le sens que c'est sûr que, quand ça fait 20 ans qu'on enseigne,
les cours de philo, de français et d'éducation physique, ils sont
là et ils se donnent, mais là il s'est fait une réflexion
sur comment ces cours-là pouvaient améliorer la formation
générale. Ça a fait prendre conscience à l'ensemble
des gens... Moi, je me souviens d'une intervention d'une prof du professionnel,
dans un atelier chez nous, elle disait: Mais c'est incroyable, c'est vrai,
c'est philo qui nous aide à faire ça.
Quand on dit que les étudiants d'aujourd'hui ont un faible bagage
au niveau de leurs connaissances générales, je pense que ce sont
les étudiants qui nous arrivent. Je ne prétends pas qu'on
remplisse ça complètement au niveau cégep, mais les
étudiants qui arrivent au cégep maintenant, d'une part, ce n'est
plus la minorité qu'il y avait avant. Avant, on avait, mettons, les bons
étudiants du secondaire qui arrivaient au cégep; maintenant, il y
a 80 % des étudiants qui ont leur D.E.S. qui arrivent au cégep.
Alors, si on fait une courbe normale - le monde connaît une courbe
normale - on ne prend plus juste le bout de courbe, on a aussi le gros de la
courbe, on a les moyens. Et là c'est sûr que les étudiants
qui arrivent au cégep, ce n'est pas seulement ceux qui ont une culture
intellectuelle ou qui réussissent bien à l'école, et tout
ça, on se trouve à avoir des étudiants pas mal plus
diversifiés dans leur bagage. C'est ça qu'on veut dire. Et on va
essayer de notre mieux, au cégep, de tout faire, mais il y a des
âges aussi pour faire des apprentissages et, s'ils l'ont manqué au
secondaire, c'est difficile à un moment donné
Mme Robillard: Donc, vous dites: Après réflexion,
on a regardé ça et ça ne nécessite pas de
changements. C'est ce que vous me dites, là.
Mme Achard: Pour le bloc de cours obligatoires. Sur la question
des cours complémen taires, le débat est pris chez nous. Il y a
une réflexion qui se fait sur ces cours complémentaires. La
conception qu'on a des cours complémentaires, c'est de permettre
à l'étudiant d'explorer d'autres champs du savoir. Est-ce que
cette exploration-là se fait correctement? Il y a des cas où
ça s'est fait. J'ai parlé à une étudiante
d'électrotechnique, cette semaine, qui nous a dit que c'est grâce
à ses cours complémentaires qu'elle a connu
l'électrotechnique. Elle a changé de programme et, maintenant,
elle termine cette année. Or, il y a des cas comme ça où
le cours complémentaire a été important.
Il y a d'autres cas où le cours complémentaire n'est pas
vraiment conçu comme un apport à leur formation, de la part des
étudiants. J'écoutais tout à l'heure les étudiants
de l'Université de Montréal; ils étaient assez durs,
cependant, face aux jeunes. Mettons que je ne partage pas ça comme
ça, là. Les jeunes, ils font un peu ce qu'ils peuvent aussi. Je
pense qu'on ne peut pas leur donner des tapes comme ça par la
tête. Bon. Mais on pense qu'on pourrait améliorer notre conception
des cours complémentaires. Je ne vous dis pas qu'on a la solution,
là, mais le débat est entrepris chez nous.
Mme Robillard: Maintenant, si j'en viens à la formation
technique, M. Mailhot, alors là, bon, dans votre mémoire, c'est
très court, je dirais Donc, j'ai besoin que vous élaboriez
davantage, parce que vous me recommandez de ne pas retenir le principe d'une
segmentation du D.E.C. technique, mais je n'ai aucun argumentaire, je n'ai
aucune explication. J'aimerais ça que vous élaboriez sur quoi
vous vous basez, pourquoi, comment ça. C'est un peu contraire aux
demandes qu'on a reçues; donc, vous avez dû faire une analyse pour
arriver à une recommandation semblable.
M. Mailhot: Oui, on a réfléchi à la question
et cet après-midi, c'est une des raisons pour lesquelles notre
délégation tenait à avoir parmi elle une professeure qui
est du secteur professionnel, Marie Dumoulin, en techniques de
réadaptation physique, qui a regardé la question
principalement.
Mme Dumoulin (Marie): Bonjour.
La Présidente (Mme Hovington): Allez-y, ça
fonctionne.
Mme Dumoulin: Merci. En effet, on ne recommande pas de modifier
la formation technique parce que ce qu'on entend, en fait, d'une
manière, je ne dirai pas majoritaire, mais on reçoit beaucoup de
feedback très positifs au niveau de la formation technique, de la
qualité de la formation technique au secteur collégial. Un des
éléments qui nous permettent de dire que les employeurs sont
satisfaits, ce qu'on nous dit, c'est que les élèves qui sont
passés par le secteur professionnel ont une bonne capacité de
s'adapter, peuvent travailler d'une manière autonome et responsable. Et
ça, nous, on associe ça à deux choses: d'une part,
à l'intérieur de leurs cours disciplinaires, de leurs cours de
concentration, on leur donne les bases, et ça s'appuie sur une formation
qui est scientifique. On peut parler de la formation fondamentale ou des
éléments strictement scientifiques, et il y a une solide
formation générale. Et ça, pour nous, dans le
mémoire, on a peut-être peu élaboré, mais on a
appelé ça un diplôme gagnant.
Moi, personnellement, je travaille dans le secteur de la santé,
mais on a beaucoup consulté au niveau des techniques plus lourdes,
d'électro-technique ou de génie. D'une manière
générale, ce dont on s'aperçoit, c'est que la formation
répond en grande partie; ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas
d'ajustements qui peuvent se faire, mais elle répond actuellement aux
besoins du marché du travail. À l'intérieur du
collège, on a une opération qui s'appelle La Relance et on a
toujours le taux de placement des étudiants. On peut voir pour chacun
des secteurs qu'il y a une bonne adéquation entre la formation qui est
donnée et la satisfaction des employeurs.
Mme Robillard: Alors, est-ce à dire que vous êtes
aussi pour le maintien des diplômes actuels, les A.E.C et les C.E.C., les
attestations d'études collégiales et les certificats
d'études collégiales?
Mme Dumoulin: Pour ma part, je vais vous dire que je suis en
faveur du diplôme, du D.E.C. principalement. Je pense que, quand on parle
d'une formation qualifiante, c'est important d'aller au-delà de ce qui
permet d'appliquer un geste technique. On pourrait éventuellement
reparler de l'approche par compétence. Je ne dis pas que je suis
complètement en désaccord avec cette approche-là, mais je
pense que c'est important d'associer à la formation technique une
formation de base. De permettre, par exemple, à une clientèle
adulte d'aller chercher des diploma-tions de type A.E.C, je ne vous dis pas que
c'est à écarter, mais pour les jeunes qui cheminent du secondaire
ou même pour les jeunes qui assument une réorientation... Dans la
clientèle du secteur collégial, on a près de la
moitié des étudiants qui ont déjà terminé
complètement ou en partie un D.E.C., qui ont été à
l'université, qui n'ont pas pu continuer ou qui sont revenus
compléter une formation au niveau collégial. On en a qui viennent
directement du secondaire, mais on a beaucoup de jeunes adultes et on a une
clientèle adulte.
Mme Robillard: Parce que, voyez-vous, les recommandations de
segmentation qu'on a eues ici étaient tout à fait conformes aux
objectifs que vous poursuivez, c'était une segmentation du diplôme
d'études collégiales par blocs. On a parlé de blocs, de
modules, mais que, dans chacun de ces modules-là, il y aurait une partie
de formation générale et une partie de formation
spécialisée pour arriver, donc aussi, à l'adulte qui veut
revenir et se recycler ou se perfectionner, qu'il ait accès donc aussi
à une formation qualifiante. C'est ce que vous poursuivez aussi. Alors,
c'est pour ça que je ne comprenais pas quand vous me disiez ne pas
retenir ça. J'avais l'impression que ça poursuivait les
mêmes objectifs que vous aviez au niveau de la formation qualifiante,
bien qu'on nous ait dit que ça ne pourrait pas s'appliquer dans tous les
programmes techniques du collégial, ça, c'est très clair,
et le premier exemple qu'on nous servait, c'était celui des techniques
infirmières où on ne pourrait pas penser à une telle
segmentation, mais que, dans d'autres techniques, on pourrait peut-être y
arriver. (17 h 30)
Mme Dumoulin: Je suis heureuse de vous entendre mettre sur la
table, en partant, qu'il y a des secteurs où ça ne peut pas.
Quand on travaille au niveau des techniques à caractère
médical, c'est évident qu'on peut difficilement isoler
l'apprentissage de l'ensemble des connaissances qui forment la base, qui
prennent un certain temps à apprendre. Donc, je ne m'étendrai pas
par rapport à ce champ-là si c'est clair pour vous, en tout
cas.
Mme Robillard: C'était surtout dans d'autres techniques.
M. Mailhot - parce que le temps file - est-ce que vous avez des recommandations
particulières à nous faire sur le secteur
préuniversitaire? Outre la formation générale de base; on
en a parlé. On vient de parler de la formation technique. Mais la
formation préuniversitaire?
M. Mailhot: Oui, d'accord. Ravie, tu peux y aller.
Mme Achard: 11 me semble que c'est prématuré parce
que, actuellement, il y a le nouveau programme de sciences humaines qui est
dans sa deuxième année d'expérimentation. En
éducation, il faut au moins attendre qu'une cohorte d'étudiants
soit arrivée à terme. Le
nouveau programme de sciences humaines, nous, on y croit, avec les deux
cours de méthodes quantitatives et méthodes de recherche. Et puis
il y a l'activité d'intégration vers la fin. Alors, nous, le
bilan de sciences humaines, on attend pour le faire et, jusqu'à
maintenant, on est assez intéressé par la chose.
Et, au niveau du programme de sciences de la nature, là c'est
pour septembre prochain, et les débats sont en cours chez nous. Comme
biologistes, on n'a pas été servis, mais le débat est
là.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Je
reconnaîtrai maintenant le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Merci, Mme la Présidente. Rapidement, un
commentaire sur l'intendance. Mme la ministre disait que le
député de Vimont tenait à ce que vous soyez ici. Je ne
veux pas savoir si c'est vrai ou pas, mais il y a une chose qui est certaine,
c'est que vous n'étiez pas dans la liste des mémoires retenus.
C'est plus nous qui avons indiqué que nous souhaiterions qu'un certain
nombre de professeurs aient l'occasion de se faire entendre.
M. Fradet: Plus vous que moi?
M. Gendron: Ce n'est pas ça que je veux savoir, je dis que
vous n'étiez pas dans la liste. Tout ce que je dis, c'est que c'est nous
qui avons fait de la représentation. C'est parce que j'aime bien que les
faits correspondent aux faits. Mais ce n'est pas ça, mon point, c'est
plus de dire: Dans l'ensemble, il est évident qu'on n'avait pas
abusé du nombre d'étudiants et de professeurs, lors de cette
commission, qui sont venus témoigner et nous dire ce qu'ils en
pensaient. Donc, je tenais à ce qu'un certain nombre de professeurs
aient l'occasion de venir nous dire comment, eux autres, ils voient les
changements et la réforme. Et c'est pourquoi on a dit à la
ministre qu'on souhaiterait que vous soyez entendus. Vous avez fait une
demande, vous y êtes, on va en profiter.
Deuxième commentaire. Il ne faut pas se surprendre d'essayer
d'insister à l'effet que votre mémoire est dans la ligne de la
Fédération nationale des enseignantes et enseignants et
qu'à certains égards vous ne voulez pas bouger grand-chose au
niveau de la formation de base parce que ça n'égale pas, dans mon
esprit... Et là je fais référence au mémoire qui
vous a précédés tantôt, les jeunes étudiants
de la Fédération des associations étudiantes du campus de
l'Université de Montréal. Eux aussi, ils disent: On ne devrait
pas toucher à l'éducation physique. Puis, là, je ne veux
pas insister juste là-dessus, mais cest des exemples que je veux donner.
Pourtant, on est obligé de regarder leur mémoire eu égard
à des standards beaucoup plus élevés. Ils exigent
effectivement que le collégial puisse profiter de réformes
nécessaires au niveau d'un certain nombre de standards.
Et ma première question, en la commentant avant de la faire.
D'entrée de jeu, là où il me semble que vous ayez mis
énormément d'insistance, c'est sur le succès de la formule
des cégeps. Moi, je suis un de ceux qui veulent rechoisir les
cégeps, mais j'ai des reproches à faire aux cégeps. Quand
je dis ça, c'est pas vous que je vise, c'est pas les étudiants
que je vise - oui, à certains égards, puis on en reparlera, sur
l'évaluation puis d'autres choses - mais il me semble que votre
préoccupation... Et je veux juste l'évaluer, d'entrée de
jeu, pour que le questionnement soit plus percutant. Est-ce que, effectivement,
après 20 ans, vous ne partagez pas, vous aussi, le constat que, tout en
laissant certaines disciplines à l'intérieur de la formation de
base qu'on dispense, il y a quand même des lacunes majeures? Et là
je vous pose la question précise: Vous faites quoi, vous autres, avec le
jugement sévère que des gens sont venus porter: nos jeunes ne
savent pas écrire correctement le français? Ça, je ne peux
pas faire autrement qu'être en accord là-dessus. C'est une
réalité qu'on ne peut pas éviter. On ne peut pas
l'éviter. Deuxièmement: ils ne connaissent à peu
près rien de comment travailler. Je ne veux pas que vous disiez que je
l'impute aux profs, je n'ai jamais dit ça. Mais j'aimerais ça que
des profs qui sont proches de l'élève me commentent ce
bout-là. On n'a pas eu grand-chose là-dessus.
Troisièmement, il y a beaucoup de gens qui ont dit: Au niveau de
la culture générale de nos jeunes étudiants qui
accèdent à l'université, ce n'est par fort. Bon, je veux
bien qu'à se regarder des fois on se désole et qu'à se
comparer on se console, mais ça ne règle pas le problème
de fond. Alors, je veux juste conclure comme première question: Quand
vous dites que les cégeps n'ont pas échoué, quand vous
dites que les cégeps s'ajustent, que les cégeps se sont
modernisés, que c'est des institutions qui sont non
sclérosées... Je n'ai pas porté le jugement qu'elles
étaient sclérosées, j'ai dit quen 1992, quand
j'évalue les cégeps, moi, je dis qu'il y a des choses qui doivent
être revues, particulièrement au chapitre de ce que je viens
d'évoquer. Comment vous voyez ça, vous autres, la qualité
du français au niveau collégial? Comment vous voyez ça,
rapidement, le fait qu'il y a trop de jeunes... Et pas plus tard que
tantôt les jeunes sont venus nous dire - écoutez, moi, je ne
prenais pas exactement leur jugement - que c'est une grande garderie où
on se cherche. Ils étaient très durs tantôt, les gens qui
vous précédaient. Alors, je m'arrête là pour vous
donner l'occasion d'échanger là-dessus, mais, avant d'aller sur
des points plus spécifiques, j'aimerais savoir: Est-ce que vous partagez
cette évaluation que d'autres ont faite, et je ne parle pas
nécessairement uniquement de celle du Conseil des collèges,
qu'il y a lieu d'apporter certains correctifs pour s'assurer qu'on
puisse porter un meilleur jugement plus global de satisfaction au niveau de
l'ensemble de ce qu'ont fait les institutions collégiales?
M. Mailhot: Oui, c'est évident, et, là-dessus, je
suis en accord avec vous qu'il y a des problèmes, qu'il y a des
réalités que vous observez. Quand vous parlez du français,
par exemple, quand on entend, bien sûr, un discours sur cette question,
que les élèves ne savent pas écrire, d'une part, je dirais
que c'est peut-être un discours qui est parfois un peu gonflé.
Moi-même, je suis enseignant en français depuis 25 ans; donc, j'en
ai vu de toutes les sortes. Depuis, donc, quand même un quart de
siècle, j'ai vu ce qui se passait il y a 25 ans et ce qui se passe
maintenant. Souvent, on semble dire, peut-être par une sorte de nostalgie
- moi, je ne suis pas du tout dans cette tendance - que c'était
tellement mieux avant, que les étudiants écrivaient mieux.
D'abord, je ne trouve pas que, globalement, ce soit si vrai que ça.
qu'ils écrivaient mieux avant. D'ailleurs, cet avant-là, il
faudrait qu'on le situe aussi. Donc, particulièrement sur cette question
du français, c'est vrai qu'on observe que, dans nos cours, depuis un
certain nombre d'années, nous avons des étudiantes et des
étudiants qui ont d'énormes faiblesses. À mon avis, ils ne
constituent quand même pas la majorité. Il y a des
étudiants qui ont des difficultés avec la grammaire, avec la
syntaxe, bon, avec la ponctuation. D'ailleurs, il faut voir que ce n'est pas
facile, ces questions-là non plus.
Donc, est-ce qu'on propose des mesures? En tout cas, je peux parler pour
nous, l'institution à laquelle j'appartiens. Nous avons, le
département de français et la commission pédagogique et le
collège, mis sur pied pas mal de mesures pour pallier des lacunes, mais
là, encore une fois, moi, je pense qu'il faudrait voir une chose, c'est
qu'il y a aussi un âge pour apprendre à écrire et un
âge pour apprendre sa langue maternelle, et peut-être que cet
âge-là, ce n'est pas 18 ans ou 19 ans, lorsqu'on arrive à
ce niveau préuniversitaire ou à ce niveau de formation
professionnelle dans un cégep. Ce n'est peut-être pas à ce
moment-là que l'être humain est le plus disponible. Bon,
malgré tout, puisqu'on les reçoit, bien sûr qu'on ne les
abandonne pas, on ne les laisse pas là, on fait quelque chose. Alors,
depuis quelques années, donc, depuis deux ans, on a formé avec le
collège un centre d'aide en français.
Tout à l'heure, Mme Achard parlait des cours jumelés.
Ça veut dire quoi, un cours jumelé? Je le donne, par exemple, en
français. C'est que nous recevons, donc, des étudiants qui
suivent le premier cours obligatoire, le cours de 303, lecture et analyse, qui
sont un groupe d'étudiants un peu plus faibles que d'autres, qui sont
avec un prof, donc qui reçoivent ce cours régulier, mais les
mêmes étudiants, dans la même semaine, se retrouvent avec le
même professeur - c'est ce qu'on appelle «jumelé» -
et. à partir des notions et à partir de ce qu'ils ont vu dans le
cours obligatoire, poursuivent, par des exercices, par la révision de la
grammaire, par des exercices de recherche supplémentaires, ce qu'ils ont
fait dans le cours obligatoire. Donc, c'est une autre mesure qui est faite. Il
y a un cours de français écrit, le 911, qu'on place en cours
complémentaire et qu'on recommande à des étudiants en les
détectant, en leur recommandant de suivre ce cours-là. Il y a des
mesures qui sont faites.
Là-dessus, sur la question du français et aussi de la
culture générale, j'ai une collègue en français,
Mme Huppé, qui est là et qui pourrait, je pense, compléter
mon intervention sur qu'est-ce qu'on peut faire et est-ce qu'on fait quelque
choso. (17 h 40)
Mme Huppé (Louiselle): Je pense que l'autre aspect
intéressant de ce qui se passe à Montmorency, c'est la mise en
place d'une politique sur la question du français. Comme Pierre Mailhot
vient de le dire, c'est toujours un peu difficile quand on prend cette
question-là parce qu'on sent très bien que les gens cherchent le
vaccin qui va faire qu'une fois passé ce vaccin-là il n'y aura
plus de problème. Et moi, mon expérience d'enseignement,
l'expérience avec les étudiants et l'expérience
d'étudiante que j'ai eue, c'est qu'on apprend toujours à
écrire. Donc, il faut amener l'étudiant à être
motivé. C'est pour ça, par exemple, qu'on ne recommande pas des
processus obligatoires, par exemple faire un cours de français normatif
obligatoire, parce que l'expérience nous a appris qu'avec des jeunes de
17 ans et plus, qui sont nos étudiants, ça marche peu. Ils
considèrent ça «bébé»; ils
considèrent ça pas «intéressant»; ils ont
l'impression d'être en punition. Donc, il faut les motiver. Il faut que
l'étudiant arrive à dire: Moi, j'ai besoin d'apprendre ça
et je vais le faire. Donc, les motivations, moi, je pense qu'elles passent
d'abord par l'obligation d'écrire des textes significatifs dans leur
contenu et leur longueur. C'est pour ça que, dans les politiques de
valorisation du français du collège, une des recommandations
qu'on fait, c'est que tous les profs, non pas seulement ceux de
français, aient la préoccupation d'amener leurs étudiants
à lire et à écrire de façon significative. Je pense
que c'est la seule manière où on peut espérer avoir un
impact sur ça.
Évidemment, il faut aussi tenir compte des difficultés. Je
pense qu'il va falloir aussi se poser la question du secondaire,
c'est-à-dire que plus les étudiants nous arrivent avec des
lacunes, moins les politiques qu'on met en place vont être
significatives, et, moi, je pense que la structure actuelle des cégeps
est suffisamment souple pour nous permettre de nous adapter et d'essayer de
trouver des solutions à cette question.
M. Gendron: Merci. C'est parce que je veux procéder assez
rapidement, j'ai trois ou quatre autres questions. Sur les cours de formation
de base, on convient que c'est les mêmes qu'on garde. Admettez-vous... Je
voudrais juste avoir un jugement assez rapide comme professeur. Est-ce que vous
croyez qu'il y a une très grande disparité dans le contenu de
mêmes programmes? Moi, je vais dire quelque chose. C'est une aberration,
mais je le fais volontairement. Est-ce que vous pensez que, le cours de
philosophie au cégep de Rouyn-Noranda par rapport au cours de
philosophie de François-Xavier-Garneau il n'y a aucune commune mesure?
Si je dis ça, est-ce que vous portez ce jugement-là? Est-ce que
j'ai dit quelque chose qui n'a aucune commune mesure par rapport à la
réalité, d'après vous? En termes clairs, moi, je dis:
À tout le moins, si on garde les mêmes contenus de base de
formation, il y aurait lieu d'uniformiser un peu plus pour être certains
que, si on garde ça, le jeune qui prend le cours de philo ou autres dans
le tronc commun, bien, ça se ressemble d'un cégep à
l'autre. Parce que, s'il doit passer à l'université, ça
prend un minimum de contenu uniforme. Est-ce qu'on caricature, on
exagère en prétendant que les contenus sont pas mal
différents? Avez-vous un jugement là-dessus?
M. Mailhot: C'est intéressant que vous donniez comme
exemple le cours de philosophie. Madeleine va répondre, elle est
professeure de philo.
Mme Ferland (Madeleine): Merci II se peut que, surtout par le
passé, on ait retrouvé des disparités qui, en tout cas,
à notre sens, peuvent être plutôt dues à une
orientation des débuts des cégeps, mais qui de moins en moins, je
crois, se présentent. Par contre, je veux préciser.
Déjà, la discipline philosophique se veut pluraliste. Je pense
que c'est un acquis pour nous qui sommes sortis de manuels, ce qui était
plutôt issu du thomisme et de la métaphysique
aristotélicienne, mais cet enseignement pluraliste ne signifie pas une
disparité dans les contenus. Il y a, par exemple, un resserrement, et
d'ailleurs c'est récent depuis plusieurs années, parce que les
professeurs eux-mêmes l'ont voulu aussi, en plus de proposer des contenus
assez semblables, même si la formule pédagogique et parfois
l'utilisation des auteurs pouvaient varier, mais, malgré ça, les
professeurs de philosophie ont tenu aussi à resserrer davantage
même les thèmes des contenus. Et les professeurs sont très
confiants et très consciencieux dans cette démarche-là.
Si, par le passé, il y a eu, disons, des accrocs, il est certain que
maintenant, par exemple, dès le cours d'introduction, les
étudiants vont avoir accès à qu'est-ce que c'est la
pensée rationnelle et à partir des débuts aussi de la
culture occi- dentale.
M. Gendron: On va rester à ce niveau-là... Mme
Ferland: Oui, d'accord.
M. Gendron: ...pour juste compléter, puisqu'on vous a
présentée comme professeure de philosophie. Vous défendez
une position très différente de celle du Conseil des
collèges, quant à la place de la philosophie dans la formation
fondamentale. Si vous aviez à me résumer ça en trois,
quatre phrases...
Mme Ferland: Oui.
M. Gendron: ...parce que je le sais, vous l'avez bien
décrit dans votre mémoire pendant une dizaine de pages, alors on
doit y tenir, mais, d'une façon plus succincte, c'est quoi qui vous
distingue fondamentalement de la position du Conseil des collèges sur la
place de la philosophie dans la formation fondamentale?
Mme Ferland: J'espère y parvenir de façon
succincte. Premièrement, si je peux simplement rappeler que, pour le
Conseil des collèges, sa position du rôle de la philosophie, c'est
de la limiter à quelques données en éthique, et à
cela, déjà, en la réduisant à ce qu'il appelle,
suivant ses propres termes, «les défis de notre temps».
Alors, déjà, pour nous, il y a comme un problème, parce
qu'il ne s'agit pas de l'éthique, mais simplement des propositions de
morale appliquée ou bien de techniques de décision qui, à
notre sens, ne pourront pas prémunir, si vous voulez, les futurs acteurs
que sont nos jeunes de ce qu'on voudrait leur inculquer, c'est-à-dire
une réelle faculté de juger. Je me réfère en
ça à un philosophe, Kant, qui, d'ailleurs, a consacré
cette expression.
Le Conseil des collèges limite ensuite le rôle de la
philosophie à la question des habiletés intellectuelles, mais, en
ça, ce rôle, il ne le réserve pas à la philosophie,
puisque toutes les disciplines - et nous en sommes, dans notre mémoire,
d'ailleurs, à l'admettre - contribuent effectivement à
l'acquisition des habiletés intellectuelles.
Notre position originale, si on peut, c'est de vouloir axer la
philosophie sur une perspective réellement critique, c'est-à-dire
que, pour la philosophie, il n'y a rien qui est pensé au départ,
contrairement à toutes les autres sciences même qui se veulent
critiques à l'intérieur de leur propre discipline. Tout doit
être repensé et, pour ça, il faut davantage clarifier les
concepts. Ça exige une méthode, ça exige de revoir
l'enchaînement des idées et ça appelle aussi - ce qui nous
semble essentiel sur le plan de la formation fondamentale - une nouvelle
intégration des savoirs. C'est-à-dire que la philosophie peut
proposer un genre de vision d'ensemble de
ce qui tait sens pour tous les gens dans la communauté.
M. Gendron: Merci. Deux autres aspects. J'y vais pour des raisons
de temps, il faut procéder rapidement.
Mme Ferland: Oui.
M. Gendron: Vous avez décrit tout aussi longuement que
vous tenez énormément aux cours d'éducation physique et
vous avez fait une distinction que, selon vous, il ne faut vraiment pas
mélanger activité physique et éducation physique. À
date, il y a un certain nombre de gens qui sont venus nous parler qu'il y avait
une trop grande plage d'activités physiques qui sont offertes un peu
partout. J'insiste parce que, vous, dans votre mémoire, vous voulez
absolument maintenir des cours d'éducation physique. Je persiste
à croire qu'on a parlé un peu plus d'activités physiques.
Moi, j'aimerais que vous me parliez de la proportion, effectivement, dans un
cours d'éducation physique de niveau collégial.
M. Mailhot: Tout à l'heure...
M. Gendron: Juste une seconde, je finis. En proportion, la place
d'activités soit extérieures ou strictement physiques, de
participer à une activité sportive convenablement, je n'en
disconviens pas, quelle place ça prend dans un bloc de quatre heures de
formation en éducation physique7 Parce que, moi, j'ai
toujours compris que ce qui est obligatoire, c'est des cours d'éducation
physique, et non pas d'activités physiques. Certains ont essayé
de laisser voir que c'est l'inverse qu'on fait; il y a plus d'activités
physiques que de cours d'éducation physique. J'aimerais ça,
précisément, que vous me donniez l'heure juste
là-dessus.
M. Mailhot: Juste une parenthèse, tout à l'heure,
on a appris que le collège Saint-Laurent, au niveau de
l'éducation physique, semblait être très bien placé.
Je voudrais dire qu'à Montmorency, depuis la fondation même du
collège, les professeurs ont amorcé - et on continue maintenant -
une réflexion là-dessus. M. Jean-Paul Girard, qui fait partie de
ce département et qui est lui-même éducateur physique,
pourrait nous donner des informations ou pourrait certainement répondre
à votre question.
M. Girard (Jean-Paul): Présentement, il y a quatre cours
d'éducation physique. Je voudrais juste, en commençant, faire la
grande différence entre «activité physique» et
«éducation physique». Si on regarde un cours
d'éducation physique, c'est quoi? L'individu, la personne arrive dans
nos cours et on lui enseigne une gestuelle, une gestuelle qui va lui permettre
de construire un environnement. C'est tout le domaine de la conceptualisation.
(17 h 50)
Si je regarde dans mon domaine, le badminton, comment cet environnement
se construit-il? D'abord, il y a un adversaire de l'autre côté,
tout simplement. L'adversaire, au début, il est tous azimuts. On ne sait
pas où il est, il n'existe même pas, dans le fond. Et puis, petit
à petit, il prend un sens, on le bouge. On pourrait appeler ça la
«bougeabilité» de l'adversaire quand on construit ce
concept. Après ça, l'adversaire, on le déplace en avant,
en arrière, à gauche, à droite. Et, petit à petit,
on l'amène en plus à le déséquilibrer. Il y a des
notions de rapidité qui entrent en ligne de compte Donc, la
représentation mentale est beaucoup plus forte à ce
niveau-là qu'au début. Mais on continue. On peut apprendre
à déjouer aussi. C'est encore plus riche. Ça, c'est
à l'aide aussi d'autres mécanismes: tous les mécanismes
d'induction, de déduction et d'observation. Ça, ça nous
amène à quelque chose d'extrêmement important: la
responsabilisation de l'individu. Et le professeur, de la façon dont il
contribue à ça, lui, c'est à l'aide de fiches, de
vidéos, parce qu'il ne fait pas juste animer la place, il ne fait pas
juste appeler des tournois, et des choses comme ça, il s'assure que
l'individu fasse une réflexion sur sa pratique. On parle du corps
agissant. On ne parle pas juste, bon... On parle toujours de l'organisme et on
en est, là. Tu sais, c'est correct. Il faut mettre cet
organisme-là en forme; un esprit sain dans un corps sain, il n'y a pas
de problème avec ça. Mais, nous, on parle du corps agissant ici,
on parle du corps délibéré, que lui construit sa
connaissance. Puis ça, ça l'amène à une confiance
en soi drôlement extraordinaire. Puis cette affirmation-là du moi
que l'individu développe dans ses cours, il ne fait pas juste la
développer dans ses cours, il la traîne aussi. Mon moi, je le
traîne, je l'amène ailleurs. Puis j'aide aussi tous les autres
cours de cette façon. Ça fait que je ne peux pas avoir seulement
30 heures de cours pour réaliser ça.
Quand je parle d'activité physique, ce qui est dangereux... Parce
que nos cours d'éducation physique, ce n'est pas tous les
étudiants qui arrivent là: «Hurry, hurry»! on s'en
vient dans des cours d'éducation physique. Et surtout chez les femmes,
chez les filles. Elles nous arrivent dans les cours... La culture
féminine du secondaire, elle n'est presque pas touchée à
travers les cours. Je parle de la culture féminine de l'éducation
physique. Qu'est-ce qui est touché? Ce sont les jeux de ballon. Les
filles en général, avec les jeux de ballon, elles sont moins
sensibles à ça. Elles arrivent au collégial et là
on a des portes pour leur culture. Je pense à danse, danse et mouvement,
tous ces cours-là qui s'adressent plus à la population
féminine. Puis» tout à coup, elles aussi se
réalisent, puis elles arrivent dans nos cours. C'est très
différent de l'activité physique où on enlèverait
toute une
population, la population féminine; et ceux qui n'aiment pas le
sport, comment ça peut être important.
M. Gendron: Merci. Toujours pour des raisons de temps, je ne peux
pas poursuivre. Une dernière question. J'ai le temps? Il doit rester une
minute ou deux certain. Ah. ça va être court! Sur
l'évaluation. La question va être courte.
La Présidente (Mme Hovington): La réponse
aussi!
M. Gendron: II faut que la réponse soit courte aussi. Non,
sérieusement, je pense qu'on ne peut pas ne pas être ouverts,
alors que vous vous affirmez - et je veux savoir pourquoi - que tout ce qui
s'appelle un regard externe... Quand on dit qu'il y aurait lieu d'avoir un
regard externe sur ce qui se passe dans les collèges, je ne sais pas
pourquoi vous voyez toujours juste, vous autres, viser, évaluer les
apprentissages, les habilités qu'on développe, les programmes,
etc. Ce n'est pas quelque chose qui était uniquement imputable à
l'équipe des professeurs. Tous ceux et celles qui sont venus ont tous
laissé voir qu'ils ne trouvent pas que le moment est venu et qu'ils ne
voient pas ce que ça va donner, une évaluation externe. Alors,
pourquoi êtes-vous réfractaires à une évaluation
externe?
Mme Achard: Une évaluation externe? Vous voulez dire une
espèce d'organisme d'accréditation ou quelque chose comme
ça?
M. Gendron: Oui.
Mme Achard: D'une part, dans notre mémoire, je pense qu'on
n'a pas beaucoup touché à ça parce qu'on n'a pas
d'idée comment ça va fonctionner, parce qu'on ne connaît
pas ça, ça n'existe pas au Québec. En tout cas, moi, je ne
connais pas ça. Mais, je sais une chose, c'est que ça va
coûter cher, et je ne suis pas sûre du résultat. Quand
ça coûte cher, où est-ce qu'on va chercher l'argent? Dans
les ressources pour l'enseignement, et ça, je ne le voudrais pas. Si c
est ça le regard externe, je dis non.
Mais il faudrait qu'on m'explique comment ça va fonctionner. En
ce moment, on n'en a pas de modèle.
M. Gendron: Je suis d'accord. Moi, c'était plus sur la
nécessité de que sur l'instrument. Moi non plus, je ne sais pas
comment ça va fonctionner. Mais est-ce que vous ne convenez pas de la
nécessité d'avoir effectivement un instrument d'évaluation
qui puisse nous dire un pou plus ce qui se passe dans les collèges?
C'était plus ça, juste sur la nécessité.
Mme Achard: Vous avez comme un préalable à votre
question. C'est-à-dire que vous supposez qu'il n'y en a pas, de regard
externe. Nous, on pense qu'on a des mécanismes pour rendre des comptes
dans les collèges. Comme département, on a une politique
d'évaluation des apprentissages qui doit être cohérente
avec la politique d'évaluation des apprentissages du collège,
c'est-à-dire les départements qui doivent être avec le
collège. Il y a des rapports annuels de départements chez nous.
Je vous dis qu'ils sont épais, nos rapports annuels. Il y a une pratique
au collège Montmorency où tous les plans de cours sont
examinés par les départements. Moi, j'appelle ça un regard
externe.
La Présidente (Mme Hovington): M ie député
de Vimont.
M. Fradet: Merci, Mme la Présidente. Ça me fait
plaisir de vous voir aujourd'hui en commission parlementaire. Pour aller dans
le même sens que ce que le député d'Abitibi disait tout a
l'heure, je vous avais mentionné qu'il avait lui aussi, fait des
représentations auprès de la ministre. Moi aussi, je connais la
ministre et, en tant que député représentant le
collège de Montmorency, j'ai aussi fait des représentations pour
que ces gens-là soient entendus en commission. J'avais aussi
constaté qu'ils ne faisaient pas partie de la liste, surtout suite aux
représentations des professeurs.
Tout à l'heure, Mme Huppé... J'aurai deux questions, moi
aussi. Ça comporte, entre autres, l'évaluation, mais la
première question: Vous avez parlé, tout à l'heure, de
l'obligation de donner des cours en français pour apprendre davantage
à écrire et vous avez dit que, si on obligeait les jeunes
à le faire, ça ne les motivait pas et que par conséquent,
vous préfériez préparer un environnement pour que ceux-ci
puissent aller à ces cours pour compléter leur apprentissage de
la langue écrite. Je suis d'accord avec vous. Je voudrais faire le
parallèle maintenant avec l'éducation physique. Est-ce que
ça ne pourrait pas être possible dans votre cas? C'est parce que
ça fonctionne en français.
M. Girard: Non, mais ce que je voudrais dire c'est que souvent,
en éducation physique, qu'est-ce qui se produit? Ce n'est pas
spontané ment les gens qui aiment l'éducation physique qui
arrivent, mais après 30 heures de cours en éducation physique...
Au début, ils sont moins dans la place, etc., et, petit à petit,
ils commencent à découvrir cette matière-là. Elle
est totalement différente du secondaire. C'est autre chose. C'est un
cheminement sur 30 heures. C'est un cheminement de la personnalité, du
moi qui se transforme. C'est pour ça que les cours d'éduca tion
physique sont si valables et ont tant d'importance par rapport aux autres
matières Est-ce que ça va?
M. Fradet: D'accord. Par contre, ça ne veut pas dire
nécessairement que les gens aiment le français et aiment
apprendre à écrire non plus iorsqu'ils vont...
Mme Huppé: Ce qui arrive, c'est qu'il faut que le jeune de
17 ans et plus, à un moment donné, se rende compte qu'il doit se
prendre en charge, et ce n'est pas un cours obligatoire de français
normatif qui va lui faire ça. Au contraire, ça va
l'écoeurer. Pour ça, il faut mettre une série de moyens.
L'école en possède certains, et i! faut aussi avoir des moyens au
niveau de la société.
M. Fradet: D'accord.
Mme Huppé: c'est-à-dire que, si l'étudiant
s'aperçoit que, pour gagner sa vie, il n'a pas besoin d'écrire
correctement, j'aurai beau, moi, en français, lui dire qu'il faut qu'il
le fasse...
M. Fradet: Je suis d'accord avec vous, sauf que le
parallèle avec l'éducation physique, c'est que, même si
l'étudiant n'aime pas faire de l'activité physique ou n'aime pas
faire de l'éducation physique, il va vite se rendre compte que, s'il
n'est pas en forme ou s'il n'a pas des moyens de santé ou d'alimentation
qui sont sains, il va peut-être mourir plus jeune. Alors, à un
moment donné, il va revenir à l'éducation physique ou
à des moyens de santé qui lui seront enseignés. C'est pour
ça que je dis que, même si ça ne t'intéresse pas, en
tant que jeune, d'aller en éducation physique, tu es obligé d'y
aller. Je faisais le parallèle avec vous. Mais ce n'est pas plus grave
que ça, je voulais juste poser une petite question.
Ma question sur l'évaluation des professeurs et des
étudiants. Vous mentionnez, dans votre mémoire, que vous n'avez
pas nécessairement besoin d'évaluation des professeurs parce que
vous dites que les étudiants le font. Moi, ce que j'aimerais savoir...
Il y a des étudiants, des jeunes qui nous disent qu'eux n'ont pas de
moyens d'évaluer les professeurs au cégep. Seriez-vous
prêts à avoir une structure qui ne coûterait pas bien, bien
cher, une structure d'évaluation où les étudiants
pourraient évaluer leurs professeurs? Vous me dites que les cours, les
programmes pédagogiques sont évalués par le
département, mais est-ce que l'étudiant ne pourrait pas
évaluer le professeur dans sa façon d'enseigner? Seriez-vous
d'accord avec un mécanisme comme celui-là? Parce que vous
mentionnez déjà, à l'intérieur de votre
mémoire, que les jeunes évaluent les professeurs. Moi, ce que les
jeunes me disent, c'est que, effectivement, ils n'ont pas de moyens
d'évaluer leurs professeurs.
Mme Achard: Je pense que, quand on dit que les jeunes
évaluent leurs professeurs, les jeunes donnent des perceptions qu'ils
ont du professeur. Je ne sais pas s'ils peuvent évaluer le professeur,
parce que de nombreuses fois j'ai vu que les jeunes ne saisissent pas ce qu'est
une compétence d'un professeur, mais on évalue si le professeur,
il lui tombe sur les nerfs, ou bien si le professeur est mal habillé, ou
bien si le professeur est un peu colérique. Ça, ils sont capables
de donner un feedback, et ça, le feedback, je pense qu'on est ouvert
à ça. Puis beaucoup de profs - et c'est une pratique qui
s'instaure - passent un test qui est validé, qui s'appelle le test
Perpé, pour avoir la réaction des étudiants à leur
enseignement. Mais ce test-là n'est valable que s'il est donné
dans certaines conditions, et les gens qui ont fait Perpé le
précisent, il faut que ce soient des conditions de
confidentialité et...
M. Fradet: Madame, je ne parlais pas non plus... Il peut y avoir
des conflits d'intérêt ou des conflits de personnalité, je
m'excuse, par rapport aux étudiants, par rapport aux professeurs. Il
peut y avoir des conflits de personnalité, moi-même, entre mes
collègues, mais je crois que les étudiants ont les
compétences ou l'intelligence et les capacités d'analyser le
rendement d'un professeur face à ce qu'ils sont venus apprendre. Vous ne
pensez pas?
Mme Achard: Non, mais, comme je vous dis...
M. Fradet: Outre certains conflits de personnalité qui
peuvent exister entre un professeur puis certains étudiants, je ne pense
pas que, s'il y a un conflit de personnalité entre deux
étudiants, ce soit l'ensemble des étudiants qui l'ait.
Mme Achard: Je n'ai pas parlé de conflit de
personnalité. J'ai dit: Un étudiant...
M. Fradet: Non mais, je veux dire, si quelqu'un n'aime pas...
Mme Achard: ...est-ce qu'il a la capacité, à 17
ans, de juger de la compétence d'un prof? Peut-être plus sa
compétence pédagogique, mais la compétence disciplinaire,
je crois que non. J'ai déjà eu des occasions de vérifier
ça. Mais d'instaurer des mécanismes de feedback en cours de
session, moi, je pense qu'on est ouvert à ça. Mais un feedback
à la fin de session, comme ça se fait, mettons, à
l'Université du Québec, je pense que ça ne sert à
rien. Si l'objectif est de faire réajuster le prof dans son groupe
d'étudiants, dans l'enseignement qu'il donne à ce
moment-là, il faut que ce soit en cours de session; et, si c'est en
cours de session, que ça a une valeur de feedback, moi, je pense que les
profs, ils vont être ouverts à ça. (18 heures)
M. Fradet: Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Alors, en
conclusion, Mme la ministre?
Mme Robillard: Je veux remercier les membres du syndicat de
Montmorency. Je sais que, quand on prépare un mémoire pour une
commission parlementaire, ça demande du temps, de l'énergie, de
la disponibilité, et sûrement que vous avez fait ça en
dehors de vos heures de classe. Alors, on sait l'effort que c'a pu vous
demander. Alors, merci bien d'être venus témoigner au niveau de la
commission parlementaire.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, merci de
votre...
M. Mailhot: Je voudrais rajouter juste un petit mot, en
remerciant Mme la ministre aussi
La Présidente (Mme Hovington): Oui, allez- y-
M. Mailhot: Peut-être que ça, ça nous
empêche d'être désillusionnés, d'être
désabusés. On prendra notre retraite plus tard. Je fais allusion
à ce que l'étudiant disait tout à l'heure, comme les profs
qui ne sont plus jeunes et qui sont près de la retraite sont
désillusionnés, désabusés. Je ne pense pas que ce
soit notre cas.
La Présidente (Mme Hovington): Ha, ha, ha! Sûrement
pas. Alors, merci beaucoup de votre mémoire.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures ce soir.
(Suspension de la séance à 18 h 2)
(Reprise à 20 h 4)
La Présidente (Mme Hovington): J'inviterais les
départements de «humanities» des cégeps anglophones
du Québec à bien vouloir prendre place, s'il vous
plaît.
Alors, qui sera le porte-parole de vous quatre? Vous êtes M.
Mitchel?
M. Witchel (Carl): Witchel, avec un W
La Présidente (Mme Hovington): Witchel. Alors, bienvenue
à la commission de l'éducation, M. Witchel et vos
collègues. Si vous voulez bien nous présenter vos
collègues. Ensuite, vous aurez 20 minutes de présentation de
votre mémoire.
Départements de «humanities» des
cégeps anglophones du Québec
M. Witchel: À ma gauche est Mme Karen Ray, du cégep
Marianopolis. Directement a ma droite, c'est Mme Joanne Deller, de Dawson
College, et, à droite, c'est M. Marvin Herschorn, aussi de Dawson
College Moi, je viens du cégep John Abbott.
On veut vous remercier de nous entendre ce soir Comme on a noté
dans notre mémoire, on a l'habitude de passer à l'ombre d'un
certain autre département dans le tronc commun qui est beaucoup plus
grand que nous. Ça fait en sorte que les «humanities» ne
sont pas très bien connues, même, des fois, à
l'intérieur de nos propres institutions et surtout à
l'extérieur de nos institutions.
Il s'agit donc, plutôt que de lire notre mémoire, de vous
dire un peu en supplément qui on est et ce qu'on fait. D'ailleurs, on a
un personnel dans les «humanities» qui est assez divers. On a des
personnes d'origine autochtone, éthiopienne, pakistanaise et du
Bangladesh, d'Allemagne, de France, d'Égypte, d'Angleterre, des
États-Unis, de la Russie, du Chili, de la Chine, d'Israël, de la
Guyane, d'Italie, de la Tchécoslovaquie, de la Hongrie, de l'Ukraine, et
j'en passe. Bien sûr, on a des Canadiens anglophones aussi. On a des
formations très diverses aussi. Il y a des profs qui ont leur
scolarité en sciences sociales, que ce soit anthropologie, philosophie,
géographie, histoire, sciences politiques, etc. On a aussi des profs qui
viennent des sciences pures. On a des profs qui ont une formation comme
ingénieur, comme artiste, comme musicien, comme écrivain, comme
sculpteur, comme mathématicien ou comme prof de langues
étrangères. De plus, on a une expérience assez
variée des personnes qui ont déjà travaillé dans le
milieu; parmi les polices, avec les ordinateurs, dans la politique, comme
journaliste, comme avocat. Il y a même un membre de notre
département qui est l'ancien directeur général de notre
collège. Ce qui donne une idée d'où les anciens D. G. sont
bien confortables par la suite: c'est chez nous, en
«humanities».
Qu'est ce qu'on fait? Pourquoi on prétend être
différents, spéciaux ou quelque chose? Dune part, c'est à
cause justement de notre diversité, du fait qu'on est un groupe
interdisciplinaire qui a tenté de vivre l'expérience de
l'interdisciplinarité avec tous ses problèmes et tous ses points
positifs aussi. Ça fait en sorte que nous sommes en évolution
continuelle. Le changement n'est pas étrange pour nous; c'est notre
quotidien. Si on regarde dans nos départements, il y en a qui sont
presque devenus des experts du changement II y a un professeur à
Lennoxville qui a donné, dans les derniers 25 ans, au moins 25 cours
différents. Chacun, selon un schéma, a suivi quand même ses
capacités, ses intérêts, mais a changé selon les
changements dans sa clientèle. dans sa société et dans les
besoins qui ont entouré son école. J'espère que,
étant donné que nous sommes majoritairement de minorités
audibles, je me fais comprendre assez bien En disant ça, je dois dire
que, pour nous il y a
souvent une barrière de compréhension qui est plus large
que la linguistique et qui nous empêche d'être perçus et
compris comme on est. (20 h 10)
Quand j'ai dit qu'on était diversifiés, on a quand
même des thèmes, comme on l'a expliqué dans notre
mémoire, qui sont assez importants et consistants. On commence avec les
vues du monde, les façons d'apprendre, la créativité et
les questions d'éthique ou de problèmes sociaux. Ces
thèmes sont pour nous un important centre de ce qui peut paraître
très diversifié par la suite. Par exemple, dans plusieurs
collèges, on a des comités à l'intérieur des
départements non juste pour le curriculum, non juste pour l'introduction
des cours dans nos collèges, mais aussi pour évaluer si tous les
cours qui touchent le 300, par exemple, sont vraiment des cours qui touchent la
créativité. Est-ce que la créativité est assez bien
servie dans les recettes qu'on donne? Est-ce que l'étudiant qui a suivi
un cours sur la créativité va avoir un certain schéma
général qui va être semblable d'un cours à l'autre?
On n'est pas sans être conscients que, même aujourd'hui, vous avez
entendu d'une représentation de l'Université McGill qu'il y a une
grande diversité dans les résultats de «humanities».
Il n'empêche qu'on fait souvent des efforts pour être certains que
ce qu'on donne comme cours est semblable; les résultats ne sont pas
toujours comme prévus, mais, ça, c'est largement dû au fait
que notre clientèle est diverse et commence à un plus jeune
niveau Quand on parle de monter des représentants des communautés
culturelles et tout ce qui entoure leur niveau de langage - et ça, c'est
un problème qui existe en anglais autant que ça existe en
français, peut-être plus, parce que maintenant on a des
étudiants qui sont dans leur troisième ou quatrième
langue, quand ils arrivent à un cégep anglophone. Que ce soient
des personnes, au point de vue de l'âge, parce qu'on a de plus en plus de
personnes qui entrent au cégep, dans leurs cours de
«humanities», avec beaucoup d'expérience de vie,
expérience qu'on ne peut pas compter comme égale avec
l'expérience d'un élève de 18 ans, et pour qui il faut que
les cours soient recompris, reconçus, parce qu'on a dans nos cours des
richesses d'expérience qui méritent d'être partagées
avec des personnes qui n'ont pas encore vécu ça... On a beaucoup
de monde qui est là pour prendre sa deuxième ou sa
troisième formation, c'est-à-dire qu'ils sont allés sur le
marché du travail, ils ont vécu des difficultés sur le
marché du travail, ils sont revenus au collège pour essayer de
tenter encore leur chance, et ils se trouvent souvent informés d'une
autre façon que les jeunes quant à ce qu'ils veulent dans la vie
et ce qu'ils vont apprendre dans un cours de «humanities».
Pour nous, l'interdisciplinarité n'est pas simplement la
multidisciplinarité, c'est-à-dire qu'on ne met pas l'histoire
à côté de l'anthropo- logie, à côté
d'un roman, à côté de quelque chose d'autre, puis on dit:
Voilà, voici toutes les différentes disciplines à choisir.
Mais, plutôt, on essaie de faire à peu près la même
chose qu'on fait dans l'interculturel aussi et c'est de faire interagir les
disciplines les unes avec les autres. Comment est-ce que l'historien peut
reconnaître, dans le roman d'une période, ce qui est à la
fois historique et littéraire? Comment quelqu'un qui est formé
dans la musique peut parler de l'anthropologie de rythmes dans une
société sans strictement se lier aux musiques puis laisser le
reste à l'anthropologiste? Et tout ça s'est fait avec un souci de
qualité qui est toujours ouverte aux changements.
Quand j'ai dit qu'on a changé nos cours, vous savez qu'on a
révisé au complet notre programme au commencement des
années quatre-vingt et, depuis ce temps-là, si on regarde les
catalogues des différents collèges anglophones, on trouve qu'un
vaste nombre de cours, des fois autant que 40 cours par cégep, ont
changé. Le processus pour introduire un cours dans un département
de «humanities» n'est pas simple, loin de là. C'est un
processus où tout le monde qui oeuvre dans le même champ de
discipline ou des disciplines doit constater qu'un cours est apte à
être inclus et doit regarder jusqu'au dernier devoir d'étudiant
pour être sûr que le niveau de cours ainsi que son application sont
fidèles à ce qu'on a prévu dans cette catégorie.
Souvent, ça passe par deux, trois ou quatre séances de
comité avant d'être accepté comme cours. Il y a aussi le
souci de plusieurs de nos départements de revoir au complet
l'appartenance, sur une base régulière, des cours qui sont
déjà dans notre programme.
Je pense qu'on est prêt à répondre à vos
questions plutôt que d'extensionner notre temps inutilement tout de
suite.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Alors, je
vais reconnaître maintenant Mme la ministre de l'Éducation, de
l'Enseignement supérieur et de la Science.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue aux
professeurs des cours de «humanities» des collèges
anglophones. M. Witchel, vous avez tout à fait raison de dire qu'il y a
une difficulté de compréhension au niveau du concept même
d'avoir un bloc de cours qui s'appelle «humanities». Je pense qu'il
y a une difficulté... Vous-même, vous dites dans votre
mémoire que vous souffrez d'invisibilité chronique. Je pense
qu'il y a une difficulté de compréhension. J'aimerais ça
que vous nous disiez, au point de départ, pourquoi nous avons les cours
de «humanities» dans les cégeps anglophones. Dans le fond,
c'est rattaché à une tradition. J'aimerais ça que vous
nous spécifiiez un peu l'origine.
M. Witchel: O.K. Comme on dit dans notre
mémoire, la tradition des «humanities» est
reliée à ce qu'on appelle «liberal arts» dans
certaines parties d'une tradition anglophone. Je dois vous avouer que je suis
un peu inconfortable avec l'idée qu'il y a une tradition anglophone,
juste comme je suis inconfortable avec l'idée qu'il y a une
communauté anglophone, compte tenu de ce qu'est la composition de nos
cégeps. Ce sont des gens de plusieurs communautés et qui
partagent une langue maternelle.
Une voix: Oh!
M. Witchel: Excusez-moi, je ne dirai pas ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Witchel: Je pense que, quand on dit que ça vient d'une
tradition, ça remonte à la Renaissance, pour certains. Ça
remonte à une idée de l'être humain qui était
souvent l'homme, parce qu'à l'époque on ne donnait pas ce
privilège aux femmes, qui était polyvalent, qui était un
peu informé un peu partout. Qu'on prenne l'exemple de Thomas Paine en
Angleterre, de certains des philosophes en France, de Benjamin Franklin aux
États-Unis. C'est une autre version un peu plus tard qui a
rajouté la science ou l'idée de scientifique à cette
conception. Pour nous autres, c'est beaucoup changé depuis.
Évidemment, la montée des revendications des femmes ainsi que
tous les changements dans le monde depuis la Seconde Guerre mondiale et tous
les mouvements de libération des pays autour du monde ont fait en sorte
qu'on ne peut plus constater qu'il y a un canon, qu'il y a une série de
livres, une série de grandes personnes, surtout hommes, encore une fois,
qui ont tout dit, tout écrit et tout décidé. Donc, la
tradition de «humanities» qui englobe plusieurs communautés,
qui accepte la diversité qui est une réalité quotidienne
pour nous, c'est une tradition qui va inclure les influences, les idées,
les façons d'apprendre, les façons de créer, les
façons de voir les problèmes qui viennent de plusieurs traditions
et de plusieurs communautés, toujours dans l'esprit créé
par l'homme de la Renaissance qui est un esprit très ouvert, qui ne
privilégie pas une seule piste.
Mme Robillard: Mais, M. Witchel, il y a tellement de
diversité, de fait, dans les cours «humanities». Je sais,
dans le mémoire vous nous parlez des quatre thèmes. Il y a quatre
thèmes centraux, là: les visions mondiales, les connaissances, la
créativité, les choix éthiques. Mais, quand je regarde le
nombre de cours que vous offrez, c'est au-delà de 200 cours
différents que vous offrez sous ces quatre thèmes. Est-ce qu'il y
a des apprentissages communs et obligatoires aux jeunes qui obtiennent leur
diplôme d'études collégiales qui ont suivi le cours
«humanities» ou si c'est complètement, je dirais,
éclaté? (20 h 20)
M. Witchel: Disons que, à quelques niveaux, quoi que je
réponde, compte tenu qu'on a 200 cours, ça va paraître
complètement éclaté pour certains. Pour moi, c'est au
moins clair qu'on a une diversité beaucoup plus large et plus
généreuse que d'autres éléments de troncs communs
ou de systèmes en général. Est-ce qu'il y a une
matière commune? Non, ça ne se peut pas. Est-ce qu'il y a des
apprentissages en commun? On croit que oui et on prévoit que la
prochaine question serait: Mais n'est-il pas possible de donner ces
connaissances générales, ces formations fondamentales partout
dans les cégeps?
Mais, pour nous, on croit que la pensée critique est quelque
chose qu'on travaille soigneusement, que ce soit dans un cours qui est
l'histoire du monde occidental, une possibilité dans le 101, ou que ce
soit dans un cours sur la créativité et la cuisine, dans le 300;
et que, dans ces cours, bien que leur contenu soit différent, on essaie
de voir c'est quoi, les courants de pensée, les façons de
questionner, les façons de renverser ces questionnements et les
façons de répondre à ces questionnements. On essaie de
voir quelle est la différence entre un fait ou une chose donnée
et une opinion... Ça, c'est aussi vrai, que ce soit en discussion de la
présentation de la télévision ou la discussion de la
présentation de l'éducation; tous les deux font partie de notre
catégorie de connaissances... Parce que l'acquisition de connaissances
suit un pattern pareil... Pas exactement le même pattern,
évidemment.
Mme Robillard: Est-ce que, à ce moment-là, M.
Witchel, il y a une différence dans les collèges anglophones
entre les cours de «humanities» et les cours complémentaires
qui sont aussi très diversifiés, n'est-ce pas, et qui doivent
permettre à l'étudiant des explorations dans des sphères
de connaissance différentes de leur spécialisation? Quelle est la
différence entre les deux blocs de cours?
M. Witchel: Je suis peut-être bien placé, dans le
sens que je donne des cours complémentaires ainsi que les cours de
«humanities».
Je sais que, par exemple, dans un cours dans le programme des sciences
des religions qui s'appelle Magie, religions et sciences, il y a un contenu et
des critères qui sont assez clairs. Il faut couvrir une certaine
série de thèmes, une certaine série de connaissances. Par
contre, ces mêmes idées... Prenons par exemple l'idée de
scientisme, la surcroyance en la science, l'idée que seulement la
science est bonne, si j'explore ça en «humanities», d'abord,
ce sera interdisciplinaire, je ne parlerai pas juste de croyance, je ne
parlerai pas juste de ce qu'est une approche religieuse envers ça... Je
vais parler aussi de qui sont les hommes de science qui nous ont avertis du
danger d'une surcroyance en sciences. Je vais peut-être pouvoir
introduire que Darwin, à la fin
de ses jours, a dit: Je regrette beaucoup de ne pas avoir
étudié les arts et les sciences sociales. Parce que, en
«humanities», je suis bien placé pour dire ça. Je
peux dire: Ici, on fait de l'interdisciplinarité, on va regarder quelles
sont les alternatives envers le scientisme, on va regarder ce que la
littérature nous dit de ça. Par exemple, on peut introduire
l'ordinateur dans nos cours de «humanities» d'une façon
beaucoup plus facilement employée, compte tenu, par exemple, des
multimédias; la possibilité de faire un recueil de photos et de
vidéos et de l'appeler en piton-nant; c'est beaucoup plus applicable
dans un cours où je peux traverser plusieurs disciplines que dans un
cours où les seuls exemples que je peux rappeler sont les symboles
mythiques de l'Afrique et de l'Amérique du Nord.
Mme Robillard: Mais pourquoi ne pourrait-on pas faire la
même chose dans un cours complémentaire?
M. Witchel: Parce qu'un cours complémentaire est
déjà défini, d'abord, à l'intérieur de son
programme, parce qu'un cours complémentaire... Actuellement, par
exemple, philosophie, c'est complémentaire chez nous.
Mme Robillard: Ha, ha, ha!
M. Witchel: Ha, ha, ha! Ceci dit, on ne parle pas des quatre
cours de philo qui sont donnés dans les collèges francophones, on
parle des autres cours de philo. Si on regarde la réduction qui est
faite en nombre et aux sortes de cours qu'on peut donner en philo... Par
exemple, pour les étudiants de science politique qui ont voulu devenir
avocats, on a donné philosophie du droit. On ne peut plus le donner, ce
n'est plus dans le programme. On peut le donner à une petite
poignée complémentaire, mais on ne peut pas remplir un cours.
Alors, ça n'existe plus, c'est résorbé en
«humanities», c'est mis en lien avec d'autres sujets semblables, et
on peut l'inclure. Ce que je trouve dans la question, c'est l'hypothèse
que, dans les cours complémentaires, on a une liberté qui est
énorme. Pourquoi faire un dédoublement de ça dans les
«humanities», alors que mon expérience, en tout cas - et
peut-être que c'est juste une expérience personnelle - n'est pas
que, dans les cours complémentaires, il y a tant de liberté
d'exercice, surtout pas sur le plan de l'interdisciplinaire. On ne peut pas
introduire dans un cours complémentaire de philosophie quelque chose qui
n'est nettement pas philosophique. On nous en dit long sur c'est quoi qui est,
bon, philo et quoi qui ne l'est pas.
Mme Robillard: Alors, que pensez-vous de la recommandation du
Conseil des collèges, qui vise à réunir les cours
complémentaires avec les cours obligatoires, donc, dans le cas des
cégeps anglophones, les cours complémentaires avec le bloc
«humanities», pour que cet ensemble-là devienne la formation
de base, la formation générale?
M. Witchel: Si on parie des sujets énumérés
par le Conseil des collèges, il y en a plusieurs qui, pour nous, sont
nettement des cours de «humanities» déjà. Qu'on parie
d'une approche interculturelle et d'une ouverture envers les changements dans
la démographie de notre société, ça, c'est un cours
qui est déjà en existence dans certains de nos cégeps et
qui va être introduit dans d'autres. Ce matin, j'ai rencontré par
hasard sur l'autobus un prof qui donne un cours sur la discrimination à
Dawson, qui fait partie aussi de New School à Dawson, parce que c'est
souvent que, quand on commence un cours qui est un peu différent, c'est
résorbé dans un programme ou une collection de cours - je sais
que je ne devrais pas employer le mot de «programme», parce que
ça a un sens ministériel qui n'est pas le mien, là -
...
Mme Robillard: Ha, ha, ha!
M. Witchel: ...mais, pour nous, on a des regroupements de cours,
comme les études féministes, les études de la paix, et des
choses comme ça, qui regroupent déjà les
complémentaires et les «humanities». Donc, on peut
peut-être poser la question un peu différemment. Qu'est-ce qu'il y
a actuellement dans les cours complémentaires qui ne peut pas être
l'objet de «humanities»? Et qu'est-ce qu'il y a qui devrait changer
chez les «humanities» pour inclure les thèmes qui sont
énumérés par le Conseil des collèges? Parce que
leurs thèmes semblent justement comme une liste de cours de
«humanities», à un certain égard. Pas tous les cours,
mais la science est traitée partout dans nos cours. On aimerait bien
avoir les idées et les consignes pour inclure plus dans nos cours.
Est-ce que c'est au prix de nos frères et soeurs des cours
complémentaires dont je suis? Ça, c'est autre chose.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. le
député d'Abitibi-Ouest. (20 h 30)
M. Gendron: Oui. D'entrée de jeu, M. Witchel, je veux vous
remercier, quand même ça aurait été juste pour
améliorer notre compréhension de ce que vous faites et de
la culture anglophone, au moins pour cette dimension des cours de
«humanities». Vous avez mentionné dans votre
présentation qu'il valait peut-être mieux arrêter et nous
donner l'occasion de questionner davantage pour être bien sûrs
d'avoir une exacte compréhension de ce que vous faites, et je vous en
sais gré. Parce qu'à lire votre mémoire, et lorsqu'on...
Par exemple, rapidement, à la page 6, vous dites: «Notre
enseignement porte sur divers modes de vie et sur la recherche de la
vérité.»
Et, là, vous y allez très précisément:
«Nous apprenons aux étudiants à distinguer les faits des
opinions, à ne pas se laisser duper par la rhétorique et les
partis pris d'un auteur, à comprendre les relations de cause à
effet [...] à faire preuve d'un scepticisme de bon aloi en face
d'informations nouvelles...» Et je m'arrête là. Vous
concluez: «Bref, notre but est de transmettre ce qu'un sage a
appelé le "savoir humain".» Et vous donnez une description assez
précise, quand même, de ce que vous entendez par «savoir
humain». «On ne devient pas logique, intuitif, critique,
créatif, bon communicateur et un esprit capable d'une pensée
synergétique du jour au lendemain.» Puis là vous expliquez:
On a quatre cours de «humanities» à travers l'ensemble de
ces objectifs-là, O.K., véhiculer un apprentissage qui fait que
vous stimulez la curiosité intellectuelle et l'esprit critique. C'est
ça que vous prétendez que vos cours font. La question que je
voudrais vous poser pour une meilleure compréhension, et je pense que
c'est juste là que c'est, d'après moi, intéressant pour
nous: Est-ce que tous les collèges anglophones, à
l'intérieur de ce cours dit «humanities», offrent quand
même une approche, un contenu et des méthodes qui, si on pouvait
développer une évaluation, nous permettraient de conclure que,
à la fin de leur apprentissage, ils ont à peu près
évolué de la même façon? Est-ce que c'est mesurable,
le contenu de formation que vous donnez? Parce que je lisais qu'à Dawson
il y aurait 15 ou 16 programmes différents des autres. À un
moment donné - vous dites ça à la page 9 - vous dites:
«Au cégep Dawson, par exemple, le département de
«humanities» offre des cours dans 15 domaines très
larges.» Et là j'ai des problèmes. Juste pour finir:
«formation et apprentissage, sciences sociales, technologie et ressources
humaines, études québécoises, enjeux et valeurs,
esthétique, beaux-arts et arts appliqués, culture». Je sais
que ça fait tout partie de la formation la plus multidimensionnelle
d'une personne que vous voulez équiper le mieux possible pour faire face
à ce qu'on appelle un «savoir humain» le plus large
possible. Mais, dans mon esprit, il me semble qu'il y a certaines disciplines
que, là, je ne suis pas capable de voir... d'arriver, entre autres,
à faire preuve d'un scepticisme de bon aloi en face d'informations
nouvelles, si je prends juste cet exemple-là, quand vous enseignez, par
exemple, les enjeux et les valeurs esthétiques. Je ne sais pas si vous
me comprenez. Il y a des affaires, dans Dawson, que je ne suis pas capable de
lier à vos premiers objectifs qui étaient définis à
la page 6, que je dis: Là, c'est logique. S'ils réussissent
à faire ça par des cours de «humanities», bien, moi,
je ne vois pas pourquoi on ne leur permettrait pas de continuer, parce que
ça m'apparaît très, très valable comme contenu.
M. Witchel: Si je comprends bien, il y a trois questions dans
une. M. Gendron: Oui. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Même avec la lumière qui a
baissé, vous comprenez très bien quand même.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Witchel: O.K. Je vais essayer de commencer un peu avec ce qui
est le plus problématique. Il me semble impossible, a la fin de
l'apprentissage, de trouver que tout le monde est rendu à la même
place, compte tenu que tout le monde ne commence pas au même endroit. Il
y a des étudiants, pour être très franc, pour qui
l'apprentissage de l'écriture d'un texte qui est bien argumenté,
que ce soit un texte de deux ou trois pages, c'est une grande réussite;
et l'étudiant et le prof sont fiers de ça. C'est évident
qu'on ne peut pas mettre cette personne à côté de quelqu'un
qui arrive avec une autre histoire personnelle, une autre particularité,
puis dire: Chaque personne va obtenir le même niveau de
compréhension, de connaissance, de réalisation. Ceci dit,
ça n'empêche pas qu'il y a des méthodes possibles
d'évaluer c'est quoi, la réussite, mais il faut toujours prendre
une bonne mesure d'une vraie chose. On ne peut pas dire: Est-ce que tout le
monde peut sauter 10 pieds dans l'air alors qu'il y en a qui n'ont pas de
pieds? O.K. Dans ce sens-là, je pense qu'il faut être clair. On ne
peut pas vous donner une formule magique qui va dire oui, à la fin, dans
tous les collèges anglophones, c'est ça qui s'est produit.
Cependant, on peut aller plus loin que ça. On peut dire que, dans
certains des collèges anglophones, on donne la philosophie. Il y a au
moins deux des collèges anglophones, Héritage et campus St.
Lawrence, ici, à Québec, où il y a une forte tendance
à donner les cours de philosophie traduits. Il y a d'autres
collèges comme Gaspé, par exemple, où les
«humanities» sont données par un seul prof.
Évidemment, il y a une consistance qui est beaucoup meilleure à
Gaspé qu'à John Abbott parce qu'on en a 36. Et lettres humaines
étant lettres humaines, on peut s'attendre que, même si on avait
la même formule, donnée par qui que ce soit, ce serait
donné de 36 façons différentes. Est-ce qu'on peut
réussir dans le champ d'esthétique à faire face à
des informations qui sont nouvelles? Bien sûr, parce que l'information
est nouvelle pour quelqu'un, tout le temps. Qu'on peut juger
l'esthétique est déjà une nouvelle pour certaines
personnes. Qu'on peut avoir les jugements qui sont basés sur les
critères réels, c'est nouveau. J'aime ça. Je n'aime pas
ça. C'est toute l'esthétique avec laquelle certains
commencent.
Donc, oui, à un degré ou un autre, on essaie de poursuivre
ces objectifs de pensée
critique dans tous les domaines. Si on avait le temps, j'aimerais bien
vous expliquer comment, moi, j'ai fait ça avec la cuisine autour du
monde. Cours farfelu, probablement, mais qui en même temps me permet de
toucher tous ces aspects de pensée critique. Il est évidemment
difficile, compte tenu des quelque 200 cours, d'essayer aujourd'hui, et
à ne pas enseigner la plupart, de vous donner exactement comment
ça marche. Mais quel mécanisme on met en place pour essayer de
s'assurer? C'est ça, la question, vraiment, là. On a deux ou
trois mécaniques. Bien sûr, pour nous, parce qu'on est
interdisciplinaire, le département a un tout autre sens. Le
département, c'est notre lieu commun, notre lieu commun avec des
disciplines très, très différentes. Des fois, et il y en a
ici qui peuvent en témoigner, faire parler un historien avec quelqu'un
de la littérature, ce n'est pas facile. Vous autres, c'est juste les
mots. Vous autres, c'est juste les dates. Et ça part de là.
En plus du département en soi, on a aussi les sous-groupes
à l'intérieur du département. Que ce soit un groupe qui va
regarder ce qu'on donne comme planche de cours, est-ce que c'est suffisant?
Est-ce que c'est vraiment trop penché envers telle, telle ou telle
expertise? Est-ce que c'est, par exemple, on l'a déjà
vécu, trop de cours sur la télévision et pas assez sur la
communication en général? Trop de cours sur l'éducation
populaire, pas assez sur l'éducation et son histoire au Québec?
Et on va réviser ça.
De plus, on a des comités qui se réunissent autour des
quatre thèmes. Est-ce que les vues du monde sont semblables? Est-ce
qu'on peut donner un cours comme ça, un cours comme ça, et penser
que l'élève va finir avec à peu près les
mêmes apprentissages ou les mêms formules, les mêmes
méthodes? On ne peut pas toujours répondre oui.
M. Gendron: C'est plus sur le contenu, vous en conviendrez. Ce
n'est pas sur les méthodes, puis...
M. W'rtchel: Oh! Mais c'est souvent sur les méthodes. Ce
qu'on vit actuellement, parce que notre clientèle a changé, c'est
souvent des débats sur les méthodes. C'est comment on peut
rejoindre un groupe hétérogène? Parce que, pour nous,
c'est important que le groupe reste hétérogène, que ce ne
soit pas les technologies dans un coin et le général dans un
autre coin, parce qu'ils vont être citoyens de la même
société. Et quand on les a dans peut-être leur dernier lieu
commun, comment on va rejoindre tous ces intervenants? C'est facile avec celui
qui va lire, et lire tout seul, et produire des choses. Mais comment on va
faire partager ce qu'il ou elle a lu avec celui qui a un sens viscéral
des choses, mais qui ne peut pas les exprimer très, très bien ou
qui les exprime d'une autre façon? C'est la méthode qu'on discute
souvent entre nous.
Comment on va faire partager l'apprentissage, le travail en groupe, le
jeu de rôles, la mise en situation? Nous sommes des départements
qui ont expérimenté peut-être le plus dans le
système, peut-être parce que, comme les colonies
américaines pendant la période où les Anglais
étaient trop occupés à essayer de battre les
Français, ils ont bénéficié d'une période
qu'on appelle «benignly neglected». C'est-à-dire: Ils ne
nous ont pas regardés, donc on a fait notre affaire. Peut-être
qu'on bénéficie de ça. (20 h 40)
M. Gendron: Vous recommandez également, vous souhaitez, en
tout cas, une plus grande interaction entre les membres des départements
de «humanities» et les membres des autres départements.
Est-ce parce que vous êtes «fiyés»?... Non, mais je le
fais volontairement.
M. Witchel: C'est correct.
M. Gendron: Est-ce que c'est parce qu'il y a des contraintes?
Est-ce que c'est parce qu'ils trouvent, les autres départements, que
vous êtes constamment dans leurs plates-bandes? Il y a un problème
réel? Est-ce que vous croyez qu'il y a un problème réel?
Quand on fait une recommandation comme ça, c'est parce qu'il y a une
difficulté. Vous souhaitez effectivement une plus grande interaction.
Est-ce que vous croyez que ça ne peut pas se faire autrement que dans le
vécu des collèges? On aura beau prendre la disposition qu'on
voudra comme décideur politique, si les autres départements n'ont
pas le genre d'interaction que vous souhaitez, vous en attribuez les raisons
à quoi? C'est quoi, les causes qui font qu'ils n'ont pas assez
d'interaction par rapport au département de
«humanities»?
M. Witchel: Deux choses. D'une part, je pense que
l'éducation est souvent meilleure si c'est fait à la base. Quand
je dis ça, les décideurs politiques, je n'ai rien contre, mais
ça a pris longtemps à dire à Galilée qu'il avait
raison. Dans ce sens-là, je pense qu'il faut comprendre que, si on
soulève ça, c'est pour plusieurs raisons. D'abord, les membres de
nos départements sont souvent des membres de plusieurs autres
départements en même temps. Ça fait qu'on vit certaines
discussions à l'intérieur de notre département. On revient
dans le département de «humanities» et on ne veut pas tout
seul porter la demande ou l'idée d'un autre département. On
aimerait que les départements se rencontrent. C'est une occasion. Mais
une autre, c'est que souvent on a une demande, justement une demande venant
d'une instance politique de faire un cours de service.
Un cours de service, ça comporte deux volets: la partie qui est
facile, c'est le contenu. On peut bien constater que ce serait
intéressant d'avoir plus de cours qui touchent les sciences et la
technologie, que les étudiants des départe-
ments de technologie dans nos cégeps ont besoin d'un peu plus de
cohérence quant à leur expérience et que c'est leurs profs
chez nous qui seront les plus aptes à nous dire c'est quoi, les
problèmes qu'ils vivent. Ça, c'est un volet. L'autre volet, c'est
la composition de ce cours. Pour nous, c'est impensable que ça devienne
un cours homogène, c'est-à-dire un cours qui est strictement
composé des élèves dans tel ou tel programme. Ce n'est pas
parce qu'on ne croit pas dans l'approche programme, mais plutôt qu'on
croit qu'on est la contre-balance pour l'approche programme. On est, comme je
l'ai dit, le dernier lieu où ils sont mis en commun, où ils ont
à confronter entre eux quelles sont les différences de points de
vue, de formation, d'orientation. Dans ce sens-là, si la décision
de faire un cours qui va servir les besoins d'un certain groupe est faite par
nos départements - ce qu'on fait parce qu'on a déjà fait
pour plusieurs - que ce soit les Mohawks d'Akwesasne qui ont demandé un
cours de «humanities», World View Mohawk, que ce soit les profs de
technique infirmière qui ont voulu un peu plus sur le traitement de la
clientèle dans les interactions et les communications elles-mêmes,
on est prêts à faire ça à condition que ça ne
devienne pas un ghetto, un petit cours à part qui ne donne pas un reflet
de ce qu'est le reste du monde au cégep et le reste du monde dans la
société.
M. Gendron: Dans une phrase par rapport à l'approche
programme, vous recommandez également qu'on renforce l'autonomie
départementale. Est-ce que vous croyez qu'il y a une
incompatibilité entre une demande de renforcement de l'autonomie
départementale que vous connaissez et qui existe actuellement dans les
cégeps autant francophones qu'anglophones, et l'approche programme?
Est-ce que c'est incompatible, d'après vous?
M. Witchel: Encore là, c'est quel département?
Parce que, si je regarde science des religions, je comprends très bien
pourquoi, dans sciences des religions où je suis aussi prof. Il est
important qu'on comprenne les enjeux du programme des sciences sociales et
quelle est la place de nos cours à l'intérieur d'un tel
programme. Mais, s'il s'agit du département de «humanities»,
qui est déjà en soi interdisciplinaire, qui n'est pas un
regroupement des disciplines; ce n'est pas juste des
«humanitistes», ou les... - je ne sais même pas c'est quoi le
mot, humanistes, no, ça, ça ne marche pas, humanités, no.
En tout cas, ce n'est pas juste nous autres; on n'a pas tous une approche
commune, on doit faire la mise en commun, on est un programme, on est une
approche programme en soi. Dans ce sens-là, notre département de
«humanities» est très différent des
départements de matières, parce que les départements de
matières ont déjà leur discipline et toute l'histoire de
leur discipli- ne en arrière d'eux, et nous n'avons pas ça. M.
Gendron: Je vous remercie.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. le
député de Jacques-Cartier.
M. Cameron: Merci, Mme la Présidente. I should explain
first that I do not come to this question entirely from the outside, since I am
a colleague of Professor Witchel at the same institution, at John Abbott, and I
have been for many years also a teacher of history with sometimes some
skeptical views about the Humanities. But I will confine myself to certain
particular issues that I think would be of interest to the commission. When
your counterparts from the francophone side appeared before us from the
philosophy departments, one of them said the decision was made a quarter of a
century ago to take the risk for pluralism, and he said that in retrospect
perhaps it was a bad choice. I was interested that he was willing to make such
an admission after 25 years; I was wondering whether the anglos in the
Humanities departments might be willing to make a similar admission, or at
least something along those lines, or whether you are entirely content with the
rich variety you have described to us. That is the beginning.
M. Witchel: J'espère que le député de
Jacques-Cartier m'excusera de parler avec la langue de la plupart de la salle.
Je pense qu'il est important de préciser des choses. D'abord, un prof de
philosophie faisant partie d'une délégation a regretté
peut-être la possibilité de quelque chose. Je ne doute pas qu'il y
ait, peut-être pas ici ce soir, mais en général il y a au
moins un ou plusieurs profs de «humanities» qui regrettent le
pluralisme, parce qu'eux autres aussi, ils ont la vraie piste, ils savent c'est
quoi, la vérité. Pour la plupart d'entre nous, dans notre mise en
commun, dans nos discussions... et la chose qui est étonnante, parce que
vous connaissez les départements de «humanities», nous avons
eu l'appui quasiment unanime de nos départements. On a fait notre
démarche pour venir vous voir de façon... On n'a pas
changé le monde, on n'a pas essayé de prétendre qu'on
pouvait réinventer les «humanities» pour cette
séance, on est ici pour dire ce qu'on fait, ce qu'on pense qu'on peut
faire pour les citoyens du Québec, pour la société, pour
nos étudiants. Disons que, dans une situation où on est devant
des problèmes d'envergure pluraliste, il est impensable de lâcher
une approche pluraliste. Si on regarde l'évolution de notre
société d'être compétitive dans une économie
globale, est-ce qu'on va dire: Ne te spécialise pas dans Asie, dans
Japon, dans Chine, dans le 100, les cours de 100 des vues du monde, parce qu'on
veut que tout le monde partage un même schéma sur comment
construire une maison
québécoise?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Witchel: O.K.? Est-ce que dans une société
technologique, où nos enfants jouent au Nintendo, sont devant la
télévision, sont bombardés par toutes sortes de choses, on
va dire: dans le 200, on va parler des maîtresses d'école et les
façons d'éducation qui ont toujours existé? On veut, bien
sûr, parler des façons d'éducation qui ont toujours
existé, mais on veut aussi tenir compte des changements. Si on regarde
dans la créativité, y a-t-il une façon d'être
créatif? Est-ce qu'il y a un schéma? Est-ce que quelqu'un ici
peut me dire comment créer? Est-ce que c'est dans un cahier que je peux
utiliser? Je serai prêt. Si je regarde ce que les gens de la
communauté européenne ont dit devant cette commission, il me
semble qu'en partie ils disent que la diversité, le pluralisme, c'est
une de nos forces potentielles. Il me semble, dans notre mémoire, quand
on parle de «chambers of commerce», leur orientation aussi, c'est
qu'une bonne formation générale assez large, c'est exactement
ça qui est utile. (20 h 50)
Si je regarde le fait qu'on souhaite une société avec une
intégration harmonieuse des personnes venant de partout dans le monde,
des personnes venant de toutes les couches économiques de la
société, si je regarde ça, est-ce que je ne vais leur
enseigner que les grandes lignes d'Europe? Est-ce que je vais suggérer
que les problèmes qu'on va traiter, ça ne va être que des
problèmes de chez nous? Que ça ne toucherait pas les
problèmes de pauvreté dans le tiers monde? Qu'ils ne comprennent
pas que, quand ils prennent une tasse de café à un prix qui est
modique, ils font en sorte que c'est plus facile de faire pousser la
cocaïne? Non. Je pense que la diversité, pour nous, en tout cas,
c'est important. Le pluralisme, c'est important et c'est là pour
rester.
M. Cameron: I do not think that pluralism and diversity mean
exactly the same thing. I think what the professor from the francophone
institution was talking about was not elimination of diversity in the
cégeps, including the anglo cégeps. We certainly are going to
continue to see diversity and we get quite enough of it even in terms of the
courses that are offered. What he meant by pluralism was something rather
different. He meant that there is not any very clear idea or many people do not
feel there is a very clear idea as to just what the objectives actually are,
even under those rubriques that you outline in your paper, for instance, the,
you know, world views and so on, that what we are talking about here is not
closing down to some sort of narrow technological form of education but merely
the idea of diversity as it exists in most educational institutions elsewhere.
Is it not possible, for example, for Humanities to continue to exist, to
continue to offer a variety of courses, to continue to take a variety of
approaches, to continue to have that widely varied teaching staff that you
mentioned at the beginning while, at the same time, let us say, having a
somewhat more persuasive argument as to just what it is doing to people outside
the Humanities Department?
M. Witchel: Sans doute que tout le monde peut
bénéficier d'un exercice des plus compréhensibles, de se
rendre plus apte à être compris à l'extérieur de son
domaine. Souvent, cependant, dans l'éducation, ce qu'on fait, c'est
qu'on se cache derrière une certaine tradition, derrière une
certaine liste de livres, derrière un certain nombre de dates et de
personnes importantes. Moi-même, j'ai une formation, comme toi, en
histoire, puis je connais bien les refuges des historiens. Dans ce
sens-là, je pense qu'il faut dire oui, absolument. On peut se rendre,
probablement, plus compréhensif, plus évident, plus visible, plus
clair pour du monde. Est-ce que ça va satisfaire tout le monde? Bien
sûr que non. Ça, pour nous, c'est très clair. Mais notre
devoir n'est pas nécessairement d'avoir des relations publiques qui sont
super, no 1. Ce n'est pas d'avoir cinq minutes aux nouvelles: Les
«humanities», c'est la meilleure chose dans le monde. Loin de
là. Notre objectif, c'est de rejoindre une diverse clientèle
où elle commence et l'amener plus loin, chacune sur son chemin, qui est
souvent, malheureusement ou heureusement, personnel. Il est impossible de
comprendre exactement ce qui va être le bienfait d'amener tout le monde
au même point parce qu'on a touché six choses semblables avec tout
le monde qui ont plus ou moins compris les six choses. Est-ce que c'est bon
parce que, dans un test de fin d'année, on peut cocher à
côté des choses qu'on a vues ou si c'est mieux de miser sur une ou
deux choses avec l'individu, qui touchent l'individu où il ou elle
habite et puis l'amener plus loin là-dessus? C'est ça, la
question devant nous. Est-ce qu'on peut se rendre plus cohérent?
Probablement. Peut-être pas moi à ton goût, mais on peut le
faire. Mais je me demande qu'est-ce que ça nous donne. Est-ce que
ça améliore le sort de nos étudiants? Est-ce qu'ils
quittent nos cours mieux instruits pour autant parce qu'on peut expliquer mieux
aux médias et aux autres?
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Ça
va? Mme la ministre.
Mme Robillard: Merci. M. Witchel, vraiment, merci beaucoup de
votre témoignage. Je vois que vous avez fortement
intéressé les parlementaires francophones parce que, pour nous,
c'est vraiment de la nouveauté. Je vois que vous avez même
donné le goût à certains d'aller suivre des
cours de «humanities» avec vous. N'est-ce pas, M. le
député?
M. Gendron: Oui. Tout à fait vrai.
M. Witchel: À condition que la ministre nous permette de
les donner.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Robillard: Merci d'être venu en commission, M. Witchel.
Merci bien.
M. Witchel: Merci.
La Présidente (Mme Hovington): ...d'être ici. Alors,
la commission continue ses travaux. J'inviterais maintenant la Corporation
professionnelle des technoiogues des sciences appliquées du
Québec à bien vouloir venir prendre place, s'il vous plaît.
Nous allons suspendre une minute.
(Suspension de la séance à 20 h 57)
(Reprise à 20 h 58)
La Présidente (Mme Hovington): Nous allons reprendre les
travaux avec, donc, la Corporation professionnelle des technoiogues des
sciences appliquées du Québec, représentée par M.
Guy Leclerc, qui est président. Bonsoir, M. Leclerc.
M. Leclerc (Guy): Bonsoir, madame.
La Présidente (Mme Hovington): C'est vous qui êtes
le porte-parole?
M. Leclerc (Guy): Oui, madame.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, si vous voulez bien
nous présenter toute votre équipe, s'il vous plaît. Vous
aurez 20 minutes ensuite pour nous présenter votre mémoire.
Corporation professionnelle des technoiogues des
sciences appliquées du Québec
M. Leclerc (Guy): Merci. Alors, à ma droite, je vous
présente M. Florent Boivin, vice-président, administration.
M. Boivin (Florent): Bonsoir!
La Présidente (Mme Hovington): Bonsoir!
M. Leclerc (Guy): À mon extrême droite, M. Henri
Bourque, administrateur.
M. Bourque (Henri): Bonsoir!
La Présidente (Mme Hovington): Bonsoir!
M. Leclerc (Guy): À mon extrême gauche, M. Robert
Filiatreault, vice-président aux finances.
M. Filiatreault (Robert): Bonsoir!
M. Leclerc (Guy): Et, à ma gauche, M. Denis Daigneault,
directeur général et secrétaire.
M. Daigneault (Denis): Bonsoir! (21 heures)
M. Leclerc (Guy): Mme la ministre, Mme la Présidente,
mesdames et messieurs, la Corporation professionnelle des technoiogues des
sciences appliquées du Québec vous remercie de lui avoir
accordé cette audition. Depuis le début de la commission, nous
avons entendu plusieurs témoignages et lu nombre de mémoires.
Quoiqu'il soit tard et que votre journée ait réclamé
beaucoup d'énergie, notre Corporation sollicite elle aussi votre
attention. Nous vous épargnerons toutefois une lecture ardue de notre
mémoire que, d'ailleurs, vous avez en main et que vous avez pu
consulter. Nous préférons vous en exposer les grandes lignes et
répondre à vos questions.
Pourquoi notre Corporation sollicite-t-elle votre attention au sujet de
la formation dispensée par les cégeps? Notre Corporation regroupe
des diplômés en sciences appliquées du niveau
collégial. Depuis 1968, des 250 000 diplômés en techniques,
150 000 étaient en sciences appliquées. Tel est le bassin de
notre «membership» et telles sont nos antennes
socio-économiques.
Pourquoi encore notre Corporation tient-elle à faire valoir son
point de vue? Régie par le Code des professions, notre Corporation est
mandatée par le gouvernement pour assurer la protection du public et,
à ce titre, elle se doit de considérer les qualités de
l'enseignement offert aux futurs technoiogues professionnels. Ainsi, à
chaque nouveau programme de formation offert dans un cégep, notre
Corporation en étudie le contenu et évalue si les connaissances
acquises par les finissants du programme les rendent admissibles à notre
Corporation.
La Corporation demande aussi votre attention et insiste sur l'importance
de ses recommandations parce que notre économie dépend de la
formation professionnelle. En effet, les cégeps ne suffisent plus
à la demande d'employés qualifiés et, pour demeurer
concurrentielles, les PME doivent utiliser les nouvelles technologies.
Voilà l'explication de notre intérêt dans la
formation des technoiogues et les raisons pour lesquelles la commission doit
tenir compte du point de vue de notre Corporation. Mais, rassurez-vous, notre
mémoire ne propose pas de réinventer le système actuel des
cégeps. Si le Québec veut aborder le virage technologique, il est
essentiel de valoriser la formation en technologie. À cet effet, il faut
commencer par créer dans la réalité scolaire et dans
l'image du public
une famille de la technologie. Parce qu'il s'agit d'un travail plus
abstrait et que les autres recommandations participeront à cette
valorisation, ce point est repris plus en détail dans notre
exposé.
Pour aborder ce virage technologique, il faudra mettre à jour la
structure et le contenu des programmes de formation professionnelle. Il faut
que les programmes de formation professionnelle comportent, pour les futurs
diplômés, une expérimentation concrète du milieu du
travail. Il faut donc explorer plusieurs pistes, comme l'enseignement
comparatif et les diverses formes de stages. Il faut que les étudiants
soient initiés en classe à leur pratique future. Il faut aussi
soumettre les programmes à un processus extérieur
d'accréditation des programmes et des établissements, un
processus fondé sur les compétences minimales requises au plan
national.
Il faudra prendre les dispositions pour favoriser l'éducation
permanente en matière de technologie. Il faudra accorder plus de place
à la reconnaissance des acquis de formation et d'expérience
professionnelle des adultes, de manière à rendre plus attrayant
un retour aux études. On devra reconnaître l'enseignement non
crédité en utilisant, par exemple, le système pratique des
unités d'éducation continue. Ces ajustements ne prendront
évidemment leur signification que si l'accès au cégep est
rendue plus facile pour les adultes.
Il faudra également permettre l'amélioration de la
compétence du personnel enseignant. On atteindra ce but de deux
manières: premièrement, en imposant autant la compétence
pratique que la compétence théorique dans la matière
à enseigner comme critère fondamental d'embauché et,
deuxièmement, en assurant aux enseignants un meilleur accès aux
activités de perfectionnement.
Enfin, il faudra modifier la gestion des programmes. Cette modification
devrait toucher le palier provincial - une commission des programmes - le
domaine de l'enseignement - des comités de familles - et les
collèges eux-mêmes -une direction et une commission
pédagogique propres à chacun des deux secteurs de l'ordre
collégial. Ce dernier point est à la base de l'essor que l'on
souhaite pour le secteur professionnel.
À la suite de ces recommandations, lesquelles sont reprises plus
en détail dans le mémoire, notre corporation vous pose la
question suivante: Que faire d'un système d'enseignement professionnel
renouvelé si les étudiants et leurs parents ne s'y
intéressent pas? Notre corporation propose de relancer les cégeps
en valorisant la formation en technologie et en valorisant les professions
auxquelles cette formation donne accès. Notre corporation recommande
donc qu'on articule les programmes des divers ordres d'enseignement de
manière à maintenir un lien de continuité dans la
formation en technologie. Autrement dit, il faut que le système
d'enseigne- ment permette le développement d'une culture technologique,
en reliant les trois niveaux d'enseignement, soit universitaire,
collégial et secondaire.
Maintenant, comment harmoniser ces niveaux d'enseignement? Notre
corporation recommande la formation d'un comité consultatif permanent
qui associerait les divers départements de génie des
universités, les cégeps où l'on enseigne la technologie,
le secondaire qui offre les métiers et les corporations
professionnelles. Ce comité aurait le mandat d'établir le lien de
complémentarité des programmes et des méthodes
d'enseignement. Le chevauchement actuel dans le contenu des programmes et dans
l'expertise devrait être corrigé. Ces mises à jour des
programmes stimuleront l'intérêt des étudiants, tant des
jeunes que des adultes.
Comment encore valoriser les carrières en technologie? Par des
mesures d'aide à l'orientation scolaire et professionnelle pour mieux
définir les activités du domaine technologique et la formation
qui permet de les exercer. Les responsables de l'information et de
l'orientation scolaire et professionnelle du secondaire et du collégial
devraient recevoir une information soutenue sous forme de visites
industrielles, de présentations audiovisuelles et autres. Au secondaire,
la promotion du professionnel collégial devrait permettre aux jeunes de
réaliser les bons choix dès les premières années.
Au collégial, on s'adresserait plus particulièrement aux
étudiants indécis qui questionnent le choix qu'ils ont fait et
qui hésitent entre une nouvelle orientation ou le décrochage pur
et simple. Une déception à la fin d'une première session
au général peut se transformer en occasion d'entrevoir un avenir
au professionnel.
Comment encore valoriser la profession? Notre corporation recommande que
la législation des corporations professionnelles du domaine des sciences
appliquées reconnaisse la place des technologues dans le
développement économique et social du Québec. Pour attirer
les jeunes aux professions technologiques, il faut d'abord que ces professions
soient respectées, convoitées et bien vues. À cette fin,
il y aurait lieu que les lois professionnelles témoignent des
activités des professionnels du niveau collégial et permettent
aux diplômés du secteur professionnel d'exercer pleinement leur
profession. Les lois archaïques sur les ingénieurs et les
architectes qui assujettissent l'autonomie des diplômés du
collégial doivent être modifiées. Si la loi clarifie les
frontières, les étudiants connaîtront la nature des
activités qu'ils seront en mesure d'exercer et ils seront plus aptes
à choisir la formation qui convient à leurs aspirations.
Enfin, qu'est-ce que notre corporation recommande encore pour valoriser
la profession? Notre corporation recommande qu'une campagne de promotion de la
formation collégiale en technologie sensibilise le public aux atouts
qu'elle
représente et que la campagne de publicité
socié-tale soit moins timide que ce qui s'est fait jusqu'à
maintenant.
Concurrence mondiale oblige, la formation en technologie devra
être bien enracinée, polyvalente et ouverte au recyclage
permanent. Il faut que les jeunes de demain trouvent la
persévérance nécessaire pour se donner une formation
exi-gente. Leurs efforts doivent être soutenus en valorisant, dans la
société, la profession qu'ils ont choisie ou qu'ils
s'apprêtent à choisir. Mettons en place dès aujourd'hui les
structures qui participeront à l'ancrage des valeurs d'une
société productive. Notre corporation insiste sur l'urgence de
mettre à niveau le système collégial pour permettre le
rattrapage industriel et un nouvel essor collectif.
Mme la Présidente, Mme la ministre, mesdames et messieurs, notre
corporation a repris, de ses recommandations contenues dans son mémoire,
celles qui le mieux mettaient en évidence l'importance de cette
commission et le rôle qu'elle a à jouer dans l'évolution
économique du Québec. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup, M. Leclerc.
Alors, Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. M. Leclerc, il me
fait plaisir de recevoir les membres de la Corporation professionnelle des
technologues des sciences appliquées du Québec. Je pense que vous
êtes très bien placés - plusieurs de vos membres sont des
finissants du collégial technique - pour y jeter un regard. Depuis quand
existe votre corporation, M. Leclerc?
M. Leclerc (Guy): Oh! Sous son nom actuel, depuis 1980.
Maintenant, c'est depuis 1920 que la Corporation, comme telle, existe.
Mme Robillard: Est-ce que vous pensez que votre corporation est
bien connue dans la société québécoise?
M. Leclerc (Guy): C'est une bonne question, madame. Je vous
dirais que la Corporation est malheureusement méconnue du public en
général. (21 h 10)
Mme Robillard: Comment se fait-il?
M. Leclerc (Guy): Si vous me le permettez, je demanderais au
directeur général de répondre à cette question.
M. Daigneault: Eh bien, je vous répondrais, Mme la
ministre, en vous disant que, bien, c'est un manque de valorisation. Si on ne
valorise pas une profession comme tel, si la société au complet
ne valorise pas une profession, bien, elle est méconnue, elle est
oubliée. On ne s'en occupe pas, on ne s'en occupe point. Et c'est le
malheur qui nous touche; pour nous, c'est un malheur. On trouve ça
dommage de voir que la société dit... Beaucoup d'intervenants
disent qu'on a besoin de technologues pour notre essor économique et, en
même temps, on est méconnu, nous, organisme qui regroupe ces
gens-là. Nos membres sont méconnus parce que notre
société, en général, ne valorise pas la profession
de technologue. Une profession de technique, au collégial, ce n'est pas
valorisé dans notre société. On valorise les formations
universitaires. On a besoin des formations en technologie, au collégial,
mais on ne les valorise pas.
Mme Robillard: Quelle différence faites-vous entre
technologue et technicien?
M. Daigneault: Pour nous, un technicien, c'est un individu qui a
une formation dans une technique particulière. On le situe beaucoup
plus, souvent, au niveau métier, et un technologue, quant à lui,
quant à nous, a une formation de technoiogue qui lui permet de toucher
un ensemble de techniques qui vont être reliées à une
technologie, parce qu'une technologie est composée d'un ensemble de
techniques, l'utilisation de plusieurs techniques et sa formation est beaucoup
plus polyvalente et beaucoup plus grande.
Dans la balance du Canada, il y a le niveau technicien et technologue.
Nous faisons partie d'une confédération, le Conseil canadien des
techniciens et technologues, qui regroupe des techniciens et des technologues
du Canada. Le Québec est la seule province où il n'y a pas les
deux niveaux de formation. La formation de technicien, au Québec, c'est
assez difficile à définir. On pourrait dire que c'est la
formation, des fois, du secondaire long, du secondaire professionnel, certains
métiers, par extension, les techniciens en électricité,
peut-être, on pourrait les qualifier de cette façon-là.
C'est des gens qui n'ont pas une formation aussi poussée. Par contre, le
vocabulaire...
Mme Robillard: Si je prends l'exemple du technicien en
laboratoire, de différentes sortes de laboratoires, un technicien en
laboratoire, s'il n'a pas une formation technique du collégial, il ne
peut pas être membre de votre corporation?
M. Daigneault: C'est une question d'utilisation du terme. Le
terme généralement utilisé, au Québec, pour
décrire les technologues est le terme «technicien». C'est la
raison pour laquelle le législateur nous avait suggéré, en
1980, d'utiliser un terme, celui de «technologue des sciences
appliquées» ou de «technologue professionnel», qui,
à son avis, à l'époque, décrivait mieux ce
qu'était un individu gradué du collégial. Par contre, le
système n'a pas suivi. On a continué d'appeler les gens avec le
vocable «technicien» et aujourd'hui, bien, comme vous le
savez, on a toutes sortes de techniciens: en extermination, en
amusement, etc. On a toutes sortes de techniciens. C'est un terme qui est
galvaudé à toutes sortes de sauces et qui veut dire toutes sortes
de choses et ne veut rien dire en même temps, souvent.
Mme Robillard: Vous avez combien de membres?
M. Daigneault: Nous avons actuellement 4500 membres.
Mme Robillard: 4500 sur un potentiel de combien, au
Québec?
M. Daigneault: Le potentiel, on pourrait dire qu'il est de
près de 150 000, si on regarde les diplômés du
collégial en sciences appliquées depuis 1968, et c'est
très révélateur d'en avoir seulement 4500 sur 150 000.
Ça démontre la méconnaissance, le peu
d'intérêt envers une profession. En passant, on est une
corporation professionnelle à titre réservé seulement,
donc, le champ de pratique n'étant pas exclusif...
Mme Robillard: Ce n'est pas grave.
M. Daigneault: ...ça n'attire pas les gens plus que
ça.
Mme Robillard: M. Leclerc, vous avez toute une campagne de
recrutement à faire.
M. Lecierc (Guy): Oui, madame.
Mme Robillard: Si je vous ai posé ces questions-là,
M. Leclerc, c'est vraiment pour mettre en évidence que, de fait, votre
corporation, à mon point de vue, est très peu connue, bien
qu'elle existe, vous venez de le dire, depuis au moins 12 ans, au
Québec. Je peux même vous dire que, ce matin, il y a un groupe qui
est venu à la commission parlementaire pour nous suggérer qu'il
existe une corporation pour les gens qui sont formés en technique au
collégial. Alors, c'est pour vous dire... Et ça, c'était
un des moyens suggérés pour valoriser la formation
professionnelle. Pourtant, cette corporation existe en tant que tel.
Est-ce qu'il y a eu des actions portées, depuis 1980, par la
Corporation pour, justement, faire connaître la formation technique,
valoriser la formation professionnelle? Est-ce qu'il y a eu des actions
précises de faites par votre corporation?
M. Boivin: Oui. C'est bien sûr qu'on a des personnes, en
partant du siège social, qui ont fait le tour, à plusieurs
reprises, de tous les cégeps, rencontrant tous les étudiants et
étudiantes pour être le porte-parole au niveau de tous les
cégeps. Et aussi on a des regroupements technologiques et des
regroupements régionaux qui rencontrent les étudiants et
étudiantes. Mais le niveau d'adhésion n'est pas performant. On
n'a pas comme un sentiment d'appartenance à la profession qui fait que,
plus ou moins, on s'intéresse à adhérer à une
corporation parce qu'il n'y a pas un besoin imminent. Alors, il y a eu aussi
des campagnes de publicité. C'est difficile de percer pour permettre aux
étudiants et étudiantes d'ahérer à notre
corporation.
Mme Robillard: M. Leclerc, ce matin, il y a eu un article dans
Le Devoir sur votre corporation. Je voudrais savoir si vous êtes
en accord avec le titre qui a été choisi pour couvrir vos
déclarations et qui dit: «Le secteur technique du cégep
n'obtient pas la note de passage des technologues».
M. Leclerc (Guy): Étant donné, Mme la ministre, que
c'est le directeur général qui a fait l'entrevue avec le
journaliste, je lui demanderais de répondre, s'il vous plaît.
Mme Robillard: Vous lui permettez ça, M. le
Président?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Daigneault: Bien, Mme la ministre, je vous répondrais
en vous disant: Oui, ça peut paraître sévère,
peut-être, un tel titre, mais c'est dans un contexte où... Si l'on
recule à la commission de base qui avait identifié les
éléments et qui avait dit: Les cégeps devraient tendre
à former 60 % des gens en technologie et 40 % des gens au
général, on se ramasse 25 ans après où c'est
l'inverse qu'on fait, d'une part. D'autre part, on se ramasse en
première année, en technologie, où 50 % des
étudiants abandonnent leurs études en technologie. On se ramasse
dans un contexte économique où les industries souvent se
plaignent que les étudiants en technologie, les finissants, leur
formation est incomplète. Ils doivent rajouter à leur formation
pendant des années, les premières années de travail, ce
qui est improductif pour l'ensemble de l'industrie. En ce sens, on
décerne une note de non-passage. Je ne vous dis pas que les
cégeps ont 30 %, mais mettons qu'ils ont 55 %. C'est en bas de 60 %,
ça ne passe pas.
Mme Robillard: Mais, M. Daigneault, vos arguments ne sont que
quantitatifs: le nombre de jeunes qui vont au collégial en technique, le
nombre de jeunes qui abandonnent, le nombre de jeunes qui diplôment. Si
vous aviez à m'émettre une appréciation maintenant sur
ceux qui diplôment, qui sortent du collégial en formation
technique, une appréciation sur le contenu de leur formation.
M. Daigneault: Je vous répondrais que,
comme corporation professionnelle, nous effectuons ce qu'on appelle
l'inspection professionnelle, c'est-à-dire qu'on vérifie les
compétences des gens en situation d'emploi et on vérifie leurs
besoins en tant que professionnels qui s'acquittent de leur emploi. On
vérifie leurs besoins et on s'est aperçus... Je remonte juste
à 1985 seulement où il y avait une carence en formation
reliée à l'utilisation des ordinateurs. On pense au dessin
assisté par ordinateur et on pense à la conception
assistée par ordinateur. Il y avait une carence et on a dû mettre
sur pied, bien entendu en collaboration avec nos partenaires, les
collèges, de la formation. Tout cela s'est fait par le biais de
l'éducation aux adultes. Et ce n'est que très récemment,
il y a à peine quelques années, que les collèges ont
vraiment commencé à intégrer l'ordinateur, l'outil qu'est
l'ordinateur dans la formation. C'est un exemple...
Mme Robillard: Donc, que pensez-vous du contenu de la formation
technique au collégial en 1992?
M. Daigneault: En général, il n'est pas tout
à fait suffisamment adapté aux besoins de nos industries. Il y a
des carences et ça varie d'un programme à l'autre. On ne peut pas
porter un jugement général sur tout, dire que tous les programmes
ne sont pas bons. Il y a des programmes qui sont meilleurs que d'autres. Et le
fait que ça prenne souvent entre 5 et 10 ans pour modifier un programme,
ça démontre que c'est impossible qu'on puisse dire que c'est
adéquat, parce que... Écoutez, la technologie, ça
évolue tellement rapidement, comment peut-on prétendre qu'on va
suivre l'évolution de la technologie en prenant 5 à 10 ans pour
modifier le contenu d'un programme? (21 h 20)
Mme Robillard: Est-ce qu'une commission des programmes au plan
national serait plus efficace, avec un mandat d'élaborer et de faire
appliquer un plan de développement et de répartition pour tout le
Québec?
M. Daigneault: À tout le moins, elle prendrait
peut-être des décisions, et sans vous manquer de respect, qui
seraient moins politiques. Peut-être qu'elle prendrait des
décisions détachées du côté politique, des
décisions pour décider, disons, dans quelle région devrait
se donner tel et tel programme, s'il y a une pertinence d'avoir autant de
programmes. Ce serait une commission, bien entendu, sur laquelle
siégeraient des gens de l'extérieur et non pas strictement des
gens du domaine de l'enseignement, pour éviter qu'on se retrouve avec
des décisions de gens qui, peut-être, ne consultent pas
suffisamment l'extérieur, pour que le milieu participe à la
décision d'avoir tel ou tel programme dans telle ou telle région
ou de modifier tel ou tel programme. On croit que ce serait beaucoup plus
efficace de faire participer le milieu comme tel.
Mme Robillard: Est-ce que je comprends que vous pensez
qu'à l'heure actuelle l'approbation d'un nouveau programme se fait
strictement par décision politique de la ministre?
M. Daigneault: Pas essentiellement. C'est possible qu'il y ait un
certain aspect politique à la chose. Je vais vous donner l'exemple des
centres... Ce ne sont pas nécessairement des décisions purement
politiques, qui ne tiennent pas compte d'autres aspects, mais est-ce qu'on doit
nécessairement tenir compte - et je ne veux pas parler contre - du
développement régional lorsqu'on décide de créer,
disons, des centres spécialisés, à titre d'exemple? On se
ramasse, Mme la ministre, avec des centres spécialisés un peu
partout au Québec. Pourtant, la région de Montréal, la
grande région de Québec sont des régions qui sont les
moteurs de l'économie québécoise. Alors, pourquoi n'y
a-t-il qu'un seul centre spécialisé, à Montréal, en
CAO-FAO? Pourquoi n'y a-t-il pas de centre spécialisé en
télécommunications? Pourquoi n'y en a-t-il pas en production
automatisée? Montréal est quand même une métropole
importante pour le développement économique du Québec.
Alors, j'imagine que quelque part, au nom du développement
régional, pour des raisons politiques, ça a peut-être
été décidé autrement.
Mme Robillard: Est-ce que vous savez combien de demandes de
centres spécialisés sont sur la table de la ministre en
provenance des régions versus celles qui viennent des milieux
urbains?
M. Daigneault: Je ne pourrais pas vous dire.
Mme Robillard: Ça n'a rien à voir avec la
politique, M. Daigneault.
La Présidente (Mme Hovington): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, merci, Mme la Présidente. Je veux saluer
d'une façon très cordiale et particulière nos amis de la
Corporation professionnelle des technologues des sciences appliquées.
Suite au questionnement de la ministre, quand elle a dit que vous aviez une
vaste campagne de promotion sur les bras pour augmenter votre
«membership» et que les raisons principales, c'est que vous
n'étiez pas tellement connus, là je comprenais un peu plus le
titre du journal. J'ai dit: Ils ont peut-être choisi certains moyens un
peu plus visibles de se faire connaître et, là, dorénavant,
avec un titre comme ça, que l'enseignement technique ne mérite
pas la note de passage... Vous avez mentionné, tantôt, que
c'était probablement pour quelques disciplines, sauf que,
là... Je sais bien que les titres ne vous appartiennent pas.
C'est un peu pour entrer que, volontairement, j'ai pris ce
commentaire-là, parce que, de toute façon, je vous aurais
questionné aussi là-dessus, puisque, essentiellement, votre
remarque la plus forte et la plus pertinente, selon moi, sincèrement,
c'est de relever le fait que ça n'a pas de bon sens que la commission
des programmes, ou le comité des programmes, peu importe l'appellation,
mette tant de temps à adapter le contenu que tout le monde souhaite.
Parce que, quand je lis l'ensemble de votre mémoire, je n'ai pas de
trouble. Je ne pense pas que la ministre en ait, parce qu'il y a quand
même plusieurs recommandations qui rejoignent ce qui nous a
été largement dit depuis le début des audiences de cette
commission. Dans ce sens-là, je pense que c'était très
intéressant que vous participiez à nos travaux, compte tenu de
votre expertise, et plus particulièrement sur le volet plus
spécifique d'une formation technique plus adaptée, plus
revalorisée. Moi, je ne veux pas reprendre l'ensemble de vos 17
recommandations, mais je tiens à vous indiquer qu'il y en a une
douzaine, une quinzaine avec lesquelles je n'ai aucun problème à
vivre - je les trouve utiles, pertinentes, perspicaces, réalistes - qui
correspondent à ce qu'on a entendu. Alors, merci de cette
contribution.
Plus spécifiquement à vous autres, cependant, je pense
qu'on doit revenir. Quand vous dites: «Qu'une vaste campagne de promotion
de la formation collégiale en technologie permette de mieux sensibiliser
le public aux atouts qu'elle représente», je pense que le patronat
l'a dit autrement, les chambres de commerce l'ont dit autrement, mais que,
règle générale, les gens qui, actuellement, sont dans le
monde, n'appelons pas ça uniquement des affaires, mais dans le monde ou
dans le marché du travail, j'ai l'impression qu'ils ont une certaine
responsabilité de revalorisation de cette formation professionnelle. Et
je ferais, un peu comme vous l'avez invoqué tantôt... Je veux bien
croire que vous n'êtes pas tellement connus, méconnus, mais il
n'en demeure pas moins qu'il y en a 150 000 qui le sont, technologues, selon
vous. Alors, même s'ils ne sont pas tous à l'intérieur de
l'association, j'ai l'impression que ça fait des bons vendeurs, entre
guillemets, de la cause dans l'ensemble du Québec.
J'aimerais ça que vous indiquiez... Au-delà de votre
recommandation que vous faites à d'autres, est-ce que vous avez des
intentions d'essayer de trouver des moyens, pas uniquement d'en recruter plus
chez vous, mais de trouver une façon de vraiment décentraliser
à mort cette nécessaire information chez nos jeunes? Qu'ils
choisissent davantage une formation professionnelle qui va les conduire soit
à une technique, et on les appellera des techniciens ou des techno-
logues... Je n'ai pas trouvé que c'était très, très
différencié. Parce que, moi, je regardais, entre autres - je
termine là-dessus... Il y a une couple de personnes que je connais en
électronique et elles ont un diplôme d'études
collégiales en électronique. Alors, je regarde dans les
techniques ou les technologies. Vous avez l'électro-technique et il
dit... On lui demande: Tu fais quoi, toi? Il dit: Je suis un technicien en
électrotechnique, et il a un diplôme d'études
collégiales. Alors, j'aimerais ça, en finale, que vous
m'expliquiez. Quelqu'un qui sort de chez vous, qui entre membre de la
Corporation professionnelle des technologues des sciences appliquées du
Québec, mais qui a fait le même cours, est-ce que vous allez
l'appeler un technologue ou un technicien?
M. Leclerc (Guy): On l'appelle un technologue, et la
différence qu'il y a avec le simple membre, si vous voulez, ou le simple
finissant du cégep, c'est que le membre qui appartient à la
Corporation est soumis à un code de déontologie, il est soumis
à l'inspection professionnelle. Il a certaines obligations régies
par l'Office auxquelles il doit se soumettre.
M. Gendron: O.K. Maintenant, sur l'autre, la vaste campagne.
Avez-vous l'intention de regarder ça? Ça serait quoi la
contribution de la Corporation des technologues dans une campagne
promotionnelle pour vanter les mérites d'une formation professionnelle
plus adéquate? Avez-vous des suggestions plus concrètes
d'implication de votre part?
M. Leclerc (Guy): Bien, on commence déjà à
le faire au niveau des étudiants de deuxième et de
troisième année des cégeps. Ils sont admis chez nous de
façon gratuite sous le titre d'étudiants affiliés. Alors,
on commence graduellement à les sensibiliser à l'existence
d'abord de notre corporation, aux bienfaits de faire partie d'une corporation
soumise à la Loi sur les professions, qui est, selon le code de
déontologie, l'inspection, etc.
M. Gendron: Votre recommandation 5 est intéressante. Vous
dites: «Que les programmes de formation professionnelle comportent pour
tous les futurs diplômés une formation pratique en milieu de
travail.» Bon. Sans le dire, c'est toute la question des stages en milieu
de travail. C'est bien ça de quoi il s'agit? Encore là, est-ce
que vous croyez que vous pourriez aider à ce qu'un certain nombre de
collèges aient plus de facilité à entrer dans certains
milieux de l'entreprise, de la PME, où tous les prétextes sont
bons, dans certains cas? La grande entreprise, règle
générale, il y a des problèmes, mais il y en a moins. Mais
les PME, pour des raisons souvent d'encadrement et de difficultés,
prétendent-elles, parce que souvent ça peut modifier leur
cédule
de travail... Est-ce que vous croyez que vous auriez un rôle
à jouer pour vendre, encore là, plus la nécessité
que les entreprises, quelle que soit leur taille, s'impliquent et conviennent
qu'on ne peut pas envisager ce que j'appellerais une structure industrielle ou
technologique forte dans les années 2000 s'il n'y a pas une plus grande
et une plus large conscientisation de tous les agents, que ça nous
regarde tous, ça, de mettre l'épaule à la roue pour que,
au niveau de la formule apprentissage au niveau théorique versus stage,
ça soit plus facilement faisable?
M. Leclerc (Guy): Nous avons des maîtres de stages qui
permettent ou qui vont permettre, nous espérons, de travailler dans le
sens où vous le soulignez.
M. Gendron: 16: «Que soit mise en place une structure
indépendante de gestion pour chacun des deux secteurs du
collégial.» Vous êtes, à ma connaissance, et la
ministre pourra me corriger, les seuls qui avez suggéré
ça. J'aimerais savoir c'est quoi le rationnel qui vous amène
à suggérer comme recommandation qu'il y ait vraiment deux
systèmes de gestion bien séparés: un pour le secteur
académique, ou formation fondamentale, ou formation de base, peu importe
la terminologie, et un pour le secteur professionnel ou technique. Qu'est-ce
qui vous amène à suggérer ça? (21 h 30)
M. Daigneault: Alors, la raison de cette observation, de cette
recommandation... Nous, l'impression qu'on a, et les indications qu'on
reçoit de la part des gens des collèges - on a de nos membres
quand même qui sont professeurs aussi et qui oeuvrent à
l'intérieur des collèges -c'est que, depuis leur création,
la structure des collèges a fait en sorte que c'est le
général qui mène les collèges en
général. C'est les gens des instances des humanités, si on
peut les appeler comme ça, les gens des cours classiques, à
l'époque, les gens de la formation générale, la formation
en sciences humaines, règle générale, qui contrôlent
le fonctionnement des collèges. Et on a souvent observé que les
secteurs techniques dans les collèges étaient les parents pauvres
et que ce n'était pas des groupes qui avaient une grosse voix pour faire
entendre les besoins de développement qu'ils avaient et les besoins
d'orientation qu'ils voulaient prendre pour favoriser la formation en
technologie. C'est dans ce sens-là qu'on préconise qu'il y ait
une division entre les deux instances de façon à ce que les deux
instances puissent se développer séparément selon leurs
besoins.
M. Gendron: Mais sincèrement, là, et très
objectivement... Qu'est-ce que vous voulez? Les gens qu'on a ici... Vous avez
sûrement une expertise que je n'ai pas, mais si c'était la
réalité - moi, je dis ça objectivement - comment on
arriverait à expliquer que, dans les jugements qui sont portés
à date, il y a beaucoup plus de gens qui ont porté un jugement
qualitatif pas mal plus élevé pour le genre de formation
technique qui se donne au collège que tout le reste? Alors, moi, je dis,
par définition - je dis toujours objectivement, je ne suis pas cadre
d'un collège et je ne suis pas D.G.: S'il y a plus de gens qui arrivent
a un jugement qualitatif beaucoup plus fort, par voie de conséquence, il
y a plus de gens qui s'en sont occupés, il y a plus de décisions
qui ont été prises, dans le bon sens, au niveau technique.
Ça veut dire que les directions de collèges, les C.A. de
collèges, à certains endroits, ont mis l'accent là-dessus,
puisque, je répète... Je ne dis pas qu'il n'y a pas de
faiblesses, parce que je l'ai lu, l'article, et vous avez raison qu'au niveau
de l'adaptation ou de l'adaptabilité de certaines techniques versus les
besoins ça prend trop de temps et ça ne vire pas assez vite.
Ça, je suis d'accord, mais me comprenez-vous, là...
M. Daigneault: Oui.
M. Gendron: ...sur l'autre aspect? Comment vous arrivez à
conclure ça?
M. Daigneault: Écoutez, ce n'est pas parce que... Je
prends pour acquis que ce que vous dites c'est qu'on semble dire que le
professionnel s'est mieux comporté ou a mieux réussi. Nous, on
dit: II a peut-être moins échoué ou échoué
moins rapidement que l'autre, mais est-ce que ça veut dire pour autant
qu'il s'est beaucoup mieux développé? On en doute. On dit: Oui,
il a besoin d'un développement. Pour améliorer son
développement, il a besoin d'être un peu plus autonome et
d'être détaché de l'ensemble de la formation
générale. C'est dans ce sens-là qu'on fait la
recommandation.
Mais vous nous dites: Tout le monde semble dire que le professionnel a
mieux réussi. Est-ce que ça veut dire que c'est une
réussite? Il a moins échoué que l'autre, peut-être,
mais ça ne veut pas dire que c'est une réussite
nécessairement. Je vous dirais, comme je disais tantôt, qu'en
première année du professionnel 50 % des étudiants
abandonnent contre environ 35 % à 40 % pour les gens du
général. Alors, à cet égard, lequel des deux a
mieux performé? C'est une perception. On se rabat sur le technique parce
que, actuellement, la formation technique, c'est en besoin. Ça semble
une panacée souvent dans les discussions. Mais on donne l'impression, et
c'est ce qui nous a fait réagir, nous, via l'article dans Le
Devoir... C'est qu'on semble dire que ça va bien dans l'enseignement
professionnel. Ce n'est pas tout à fait vrai. Ça va
peut-être moins pire, comme on dit, qu'au général, mais
ça ne va pas si bien que ça. Et c'est dans le but de
l'améliorer qu'on propose qu'il y ait une autonomie plus grande.
M. Gendron: Vous avez raison. Tout est relatif, mais je veux
dire, dans le concept que tout est relatif, les gens, globalement, les
intervenants, les intéressés, les agents éducatifs,
mettez-en, il y a beaucoup plus de gens qui nous ont dit que, avec toujours le
concept que tout est relatif, il y a vraiment moins de jugements
sévères contre le type de formation technique qu'on dispense au
collégial que pour le reste. C'est juste ça que je dis, mais je
ne veux pas m'étemiser là-dessus.
Je voudrais quand même poursuivre une minute, disons, sur votre
recommandation. Dans la perspective où on regarderait ça
sérieusement, on fait ça comment? On fait ça comment,
concrètement, dans les collèges, avec deux gestions,
c'est-à-dire une gestion complètement séparée au
niveau technique ou professionnel versus la gestion régulière
académique de la formation de base? Si on dédouble le
système, il y a deux D.G., il y a un directeur des services
professionnels et il y a un directeur des services pédagogiques, mais
uniquement pour la partie académique régulière? Et,
là, c'est des enveloppes fermées dans un cas par rapport à
l'autre?
M. Daigneault: Disons, au niveau des équipements, il peut
y avoir des mises en commun, mais au niveau de la pédagogie
utilisée, ça devrait être séparé parce que
c'est des pédagogies très différentes de l'enseignement de
la technologie que de l'enseignement de préparer quelqu'un pour des
cours universitaires, en formation en sciences humaines. C'est très
différent.
M. Gendron: Moi, je conclus pour des raisons de temps. Je vous
remercie quand même parce qu'il y a de bonnes recommandations. Je donne
l'exemple 11: «Que des mesures soient instaurées pour faciliter
l'accès des adultes à la formation collégiale.» Vous
avez raison d'insister là-dessus parce qu'on est en retard, il n'y a pas
assez de facilité d'ouverture.
Alors, moi, globalement, je trouve que vous avez fait des
recommandations qui correspondent à ce qu'on a entendu, sauf que - c'est
toujours selon ma conception des choses - c'est sûr que la 16, je ne peux
pas l'envisager demain matin, parce que j'ai l'impression qu'on reviendrait
à marginaliser ce qu'on a essayé de faire un peu. Moi, j'ai
vécu le secondaire, et le drame, c'est qu'il y avait deux salles de
profs. Il y avait la salle de profs des académiques et il y avait la
salle de profs des professionnels, et c'est de même qu'on les a
dévalorisés. Ce n'est pas juste ça. Alors que, si on les
avait mis ensemble, l'ensemble des profs d'une polyvalente qui enseignaient -
certains étaient au professionnel, d'autres étaient au
régulier - je suis loin d'être sûr qu'il y aurait eu ce
système presque systématique qu'on a fait, qu'à un moment
donné les jeunes entendaient ça et ils voyaient le compor- tement
et ça a fait que le professionnel a chuté. Ce n'est pas la seule
raison, je ne suis pas fou, là, mais je l'ai vécu et c'est une
des raisons.
Il me semble que ces deux secteurs-là peuvent cohabiter, se
développer mutuellement parce qu'il y a une
complémentarité, surtout avec la logique qu'on demande, tout le
monde, d'avoir une meilleure formation de base pour tout le monde. Tout le
monde souhaite que nos meilleurs techniciens aient la meilleure formation de
base possible. Donc, il y a une logique à garder sur une même
unité de gestion, d'après moi, les deux secteurs du
collégial, mais on va tenir compte de vos remarques pertinentes, que ce
n'est pas parce que certains pensent que le secteur professionnel répond
un peu mieux aux besoins d'aujourd'hui qu'il n'y a pas des choses à
améliorer. Entre autres, sur la rapidité d'adapter les
programmes, moi, je trouve que vous avez 100 % raison. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Alors, je
reconnaîtrai maintenant le député de Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): Oui, Mme la Présidente. Je vais
saluer le président de la Corporation professionnelle des technologues
des sciences appliquées du Québec. C'est ma corporation. Moi,
j'ai été membre de votre corporation. Je pense que je le suis
encore.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Rimouski): Jusqu'à nouvel ordre. Là,
je suis rendu membre honoraire. Alors, la Corporation des technologues du
Québec, vous n'y allez pas de main morte dans votre article dans le
journal Le Devoir. C'est vrai que, Le Devoir, ils ont tendance,
avec Mme Lise Bisson-nette, l'amie intime de mon collègue
d'Abitibi-Ouest...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Rimouski): II passe son temps à l'encenser,
Mme Bissonnette. Alors, vous n'y allez pas de main morte au sujet de la
formation pour les ordinateurs, entre autres. «Pour l'ordinateur, c'est
effrayant! Tous nos membres réalisent à quel point il faut donner
un coup de barre, sinon on s'en va vers un trou», craint M. Daigneault,
M. le directeur général. Mais, je ne sais pas, je regarde dans le
cégep de Rimouski, entre autres. On a, nous, le fameux CAO-FAO qui est
implanté chez nous depuis, je ne sais pas, peut-être six, sept
ans. Il me semble que c'est une technologie assez d'appoint. Est-ce qu'il
faudrait aller encore plus loin que ça? C'est quoi, votre
difficulté avec la formation en informatique, la conception
assistée par ordinateur? Est-ce que ça ne va pas assez loin?
C'est quoi? La technologie n'est-elle pas assez
avancée? Ou est-ce qu'on ne suit pas l'industrie d'une
façon assez évidente?
M. Daigneautt: Comme vous venez de le dire, on ne suit pas de
façon assez évidente les progrès de la technologie, et
l'introduction des ordinateurs dans les collèges, c'est quand même
très récent, surtout CAO-FAO, c'est très
récent.
M. Tremblay (Rimouski): Mais, ça se fait, dans nos
cégeps, présentement. Il n'y a pas seulement Rimouski, il y en a
plusieurs cégeps qui ont ça, là.
M. Daigneault: Oui, ça se fait de plus en plus, mais ce
n'est pas suffisant. L'effort n'est pas suffisant. Si on pense à la
mondialisation des marchés, il faut aller encore plus vite. Ça
demande beaucoup, ça fait beaucoup de pression, on comprend, sur les
hommes politiques et les femmes politiques, cette chose-là, mais c'est
une nécessité, il faut y aller de plus en plus.
M. Tremblay (Rimouski): Mais, moi, remarquez bien une chose,
ça fait plusieurs qui me disent ça et je suis un peu sceptique.
C'est impossible, à mon sens, qu'on puisse devancer l'industrie.
L'industrie sera toujours en avance sur nous. On ne pourra pas avoir, à
mon sens, dans les cégeps ou dans les universités, une
technologie d'appoint qui va devancer l'industrie. Il va falloir l'appuyer,
mais, devancer, je serais très surpris, parce que l'industrie, elle, est
en avant de nous, à mon sens. Nous, on forme des techniciens, on forme
de la main-d'oeuvre à partir d'une certaine technologie, mais nos
équipements ne seront jamais, à mon sens, au même diapason,
si je peux m'exprimer ainsi, que l'industrie parce que l'industrie progresse,
et ainsi de suite, et, nous, il faut s'adapter à ça. (21 h
40)
M. Daigneault: II ne s'agit pas nécessairement de
compétitionner l'industrie et d'essayer de la devancer. Il peut s'agir
d'essayer d'avoir de meilleurs liens avec l'industrie pour utiliser les
équipements. Je pense que les industriels, de plus en plus, prennent
conscience de la nécessité de cette chose-là et je crois
bien qu'il y a des volontés de contribuer de plus en plus. Si on
développe des mécanismes qui permettent une meilleure
utilisation, un meilleur partage, un meilleur partenariat entre les maisons
d'enseignement et les industries d'une région donnée, on peut
obtenir un résultat meilleur dans l'utilisation de l'informatique, entre
autres.
M. Tremblay (Rimouski): Une autre affirmation que vous faites
dans votre article, au niveau des centres spécialisés, vous
semblez dire qu'ils ne sont pas aux bons endroits. Bien, en tout cas, ça
laisse entendre ça. Mais je vous dis une chose, vous êtes mieux de
vous prendre de bonne heure pour déménager l'Institut maritime
de
Rimouski ailleurs.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Rimouski): Vous allez trouver quelqu'un sur votre
passage. Alors, il y en a quelques autres de même qui sont bien
situés, entre autres la technologie à Saint-Hyacinthe,
c'est-à-dire l'enseignement agricole; les pêcheries à
Grande-Rivière - c'est difficilement déména-geable; les
pâtes et papiers à Trois-Rivières, c'est très bien
placé; la haute technologie, probablement à Montréal. Je
n'ai pas tous les centres spécialisés. On ne peut les multiplier
à outrance non plus. Je pense que les centres spécialisés,
c'est très bien que nous en ayons, mais encore faut-il leur donner des
ressources financières, d'une part, et, en même temps, ne pas les
multiplier à outrance. Je pense qu'il faut absolument leur donner une
vocation peut-être régionale ou encore dans une sphère
donnée.
Par contre, vous semblez dire au niveau des techniques physiques... Non,
c'est en communications, à Montréal. «C'est à
Montréal que ça se passe», plaide M. Daigneault. Oui. Les
communications, on a une compagnie de téléphone, nous.
Québec Téléphone est installé à Rimouski; le
siège social est à Rimouski. Pourquoi est-ce que nous ne
pourrions pas revendiquer, je ne sais pas, toutes les communications à
Rimouski? Mme la Présidente, vous êtes d'accord avec ça,
j'espère.
La Présidente (Mme Hovington): Ah, absolument! Je suis
toujours d'accord avec le député de Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): Alors, pourquoi ne pourrions-nous pas le
revendiquer à Rimouski ou ailleurs?
M. Daigneault: Bon, écoutez, vous savez, des fois, dans
des citations de journalistes, il en manque des petits bouts. Et c'est à
Montréal que ça se passe; c'est à Montréal,
à Québec et dans des grands centres que ça se passe, les
télécommunications, en général. Ce que je mettais
en lumière, à l'interview que j'ai eue avec le journaliste,
c'était que, dans la grande région de Montréal, et de
Québec aussi, et il y a d'autres régions, il n'y a pas
suffisamment de centres spécialisés, tout simplement. Vous savez,
l'importance des centres spécialisés, la production
automatisée, entre autres, la techonologie physique, comme vous avez
mentionné dans la région de La Pocatière... Je n'ai rien
contre la Gaspésie, vous savez, mais j'ai participé à des
comités de travail quand on a voulu introduire la technologie physique
dans un cégep de la région de Montréal, et les
études nous démontraient que tous les finissants se
plaçaient entre Montréal et Ottawa. Bon, si on parle de stages
pour le futur, peut-être qu'il faudra qu'on se rapproche du milieu de
l'industrie, des endroits où ça va se faire, le travail
principal. Vous savez, le développement régional, il est utile,
mais il ne faut pas tuer l'ensemble de la province pour développer
quelques petites régions périphériques. Commençons
par bien faire vivre la province...
Des voix: Oh!
La Présidente (Mme Hovington): Oh!
M. Tremblay (Rimouski): Alors, on va ouvrir un grand
débat, là.
La Présidente (Mme Hovington): Les petites régions
périphériques. Je répète pour M. le
député d'Abitibi, parce que vous en avez trois, là, autour
de la table, qui viennent de petites régions
périphériques.
M. Daigneault: Je ne veux pas prolonger le débat
indûment.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Rimouski): Là-dessus, M. le président,
ou M. le directeur général, il nous faut, à mon sens,
développer des centres d'excellence, des centres
spécialisés, leur donner les ressources et éviter du
saupoudrage dans ces domaines-là. Je pense qu'il ne faut pas les
multiplier à outrance. Ça, je pense que, là-dessus, on est
d'accord.
Une autre chose à laquelle je voulais revenir avec vous. Vous
avez eu des batailles historiques avec l'Ordre des architectes du Québec
et la Corporation professionnelle des ingénieurs. Où en
êtes-vous rendus avec ces deux corporations? Est-ce que vous allez avoir
un champ d'application professionnel bientôt défini pour les
technologues du Québec ou bien si ça demeure encore des
procédures latentes?
M. Gendron: Ça, c'est dans deux ans, dans une autre
commission.
M. Tremblay (Rimouski): Mme la Présidente, je dois vous
dire que je fais appel à la recommandation 3 de leur rapport. Moi, je
m'en tiens à leur rapport, M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Je l'ai lu, oui.
La Présidente (Mme Hovington): Ha, ha, ha!
M. Leclerc (Guy): M. Tremblay, si vous avez remarqué, dans
mon préambule, j'ai mentionné que ces lois étaient
archaïques et que nous demandions que ces lois-là soient
révisées pour donner plus de place au technologue pour lui
permettre d'exercer, selon ses compétences, dans les champs
d'activité pour lesquels il a été formé au
cégep.
M. Tremblay (Rimouski): Mais vous ne m'avez pas répondu.
Est-ce que présentement il y a du progrès ou si c'est encore une
décision qui sera rendue par l'Office des professions bientôt?
M. Leclerc (Guy): C'est une décision qui devrait
être rendue par l'Office des professions bientôt.
M. Tremblay (Rimouski): Très bien. Mme la
Présidente, en terminant, moi, je dois féliciter la Corporation
professionnelle des technologues. Ils font un bon travail, ils doivent
continuer à oeuvrer et à défendre les
intérêts des technologues au Québec.
La Présidente (Mme Hovington): Ça va, M. le
député d'Abitibi-Ouest?
M. Gendron: Oui.
La Présidente (Mme Hovington): Oui. Alors, Mme la
ministre.
Mme Robillard: Merci, M. Leclerc. Excusez mon collègue, le
député de Rimouski est très coloré, voyez-vous. Je
pense qu'il vous connaît bien. Alors, merci d'être venu partager
votre expérience avec les membres de la commission.
La Présidente (Mme Hovington): Mais ce n'est pas grave, il
vient juste d'une petite région périphérique.
M. Tremblay (Rimouski): Oh! S'il vous plaît! Un peu de
respect pour...
La Présidente (Mme Hovington): Je vous souhaite bon
retour, MM. les membres de la Corporation professionnelle des technologues des
sciences appliquées du Québec. Merci d'être venus nous
présenter votre mémoire. J'inviterais maintenant l'Association
pour les applications pédagogiques de l'ordinateur au postsecondaire
à bien vouloir venir prendre place, s'il vous plaît. Nous allons
suspendre une minute.
(Suspension de la séance à 21 h 47)
(Reprise à 21 52)
La Présidente (Mme Hovington): La commission de
l'éducation poursuit ses auditions. Alors, nous avons l'Association pour
les applications pédagogiques de l'ordinateur au postsecondaire
représentée par M. Barrette du cégep d'Ahuntsic de
Montréal - bonsoir, M. Barrette; par M. Réjean Jobin du
cégep de Maisonneuve de Montréal - bonsoir, M. Jobin - et par M.
Beaulieu de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec -
bonsoir, M. Beaulieu. Alors, qui de vous trois sera le porte-parole?
Association pour les applications pédagogiques
de l'ordinateur au postsecondaire
M. Beaulieu (Gérald): Nous serons les trois porte-parole,
madame.
La Présidente (Mme Hovington): Ah, c'est bien. Alors, vous
avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire.
M. Beaulieu: Je vous remercie, Mme la Présidente. Mme la
ministre, membres de la commission, je vous trouve bien courageux de nous
entendre à cette heure-là sur le sujet sur lequel on va parler.
Je suis nouvellement élu comme président de l'APOP; ça
fait deux mois que je suis en poste. Donc, c'est pour ça que je vais
partager, avec mes deux collègues, qui sont d'anciens présidents
de l'APOP, la présentation qu'on va faire.
Le plan de notre présentation. Essentiellement, je vous dirai
quelques mots sur ce que c'est, l'APOP. Mon collègue, Christian
Barrette, vous entretiendra du rôle pédagogique, culturel et
social des ordinateurs dans le cadre de l'éducation et plus
particulièrement de l'éducation au niveau collégial. Par
la suite, Réjean Jobin fera un bilan des réalisations des 10
dernières années, autant les réussites que les
difficultés, qui ont jalonné la courte histoire de ce qu'on
appelle, nous, les APO. Ça va nous échapper de temps en temps.
Ça veut tout simplement dire les applications pédagogiques des
ordinateurs. Et, pour clore, je vous résumerai des propositions que
l'APOP formule d'abord au niveau local, aux collèges du réseau,
sur la situation des applications pédagogiques des ordinateurs dans le
réseau collégial, ainsi que des recommandations qui nous semblent
les plus importantes pour le niveau central, le niveau provincial.
L'APOP est née en 1981. Ironie du sort, elle est née
à peu près en même temps que les micro-ordinateurs d'IBM.
Effectivement, les micro-ordinateurs d'IBM, ils apparaissaient sur le
marché en 1981. Au moment où on se parle, nous avons 2200 membres
qui sont des professeurs, des professionnels et des cadres
intéressés aux applications pédagogiques des ordinateurs,
qui proviennent principalement du réseau collégial, et nous avons
peut-être une centaine d'universitaires dans nos rangs. Cependant, il
faut dire que l'intérêt des universitaires augmente quand on fait
des activités du style des colloques.
La mission que l'APOP s'est donnée au point de départ et
qu'elle poursuit encore est fondamentalement une mission de recherche,
d'animation et d'information sur les applications pédagogiques des
ordinateurs. Par quels moyens le fait-on? Par des rencontres annuelles, par un
colloque que l'on tient aux deux ans qui regroupe environ 500 personnes -
ça peut fluctuer de deux ans en deux ans. Cette année, notre
prochain colloque se tiendra, effectivement, au début de juin à
Aima.
Nous faisons aussi une publication d'une revue consacrée aux
applications pédagogiques des ordinateurs qui s'appelle La
page-écran. Cette revue, nous la réalisons avec le support de
la Direction générale de l'enseignement collégial. Nous
avons convenu d'unifier nos efforts pour publier seulement une publication et
non pas deux et mettre à contribution, non seulement les responsables de
la Direction générale de l'enseignement collégial qui
s'occupent d'applications pédagogiques des ordinateurs, mais
également les professeurs et des professionnels dans le réseau
qui en réalisent, qui en produisent et qui peuvent partager leurs
expériences avec l'ensemble de la communauté.
L'APOP s'est aussi donnée comme mission de donner des avis, des
opinions et des recommandations sur les applications pédagogiques des
ordinateurs, et nous voulons, en nous présentant devant vous, vous faire
part de nos réflexions sur un sujet où nos membres, à
travers ces 10 ans, ont acquis une expérience ou une expertise
importante. Mon collègue, Christian Barrette, commencera en vous
parlant, en tout premier lieu, de pédagogie, parce que c'est surtout de
ça dont on veut vous entretenir, et non pas de puissance des
microprocesseurs et de mégaoctets.
M. Barrette (Christian): Mme la ministre, Mme la
Présidente, je voudrais vous exposer le rôle pédagogique,
culturel et social des applications pédagogiques de l'ordinateur. Vous
verrez qu'il y a là matière à justifier notre engagement
dans cette association.
Alors, les applications pédagogiques de l'ordinateur couvrent un
champ, un domaine, si vous voulez, extrêmement vaste, que l'on peut
découper en au moins cinq sous-chapitres, en cinq champs plus
précis. Dans l'un ou l'autre, le recours à l'outil qu'est
l'ordinateur offre des avantages qui contribuent certainement à
l'atteinte des grands objectifs que le Conseil des collèges propose aux
collèges de l'an 2000.
Alors, je voudrais commencer par vous exposer ces cinq champs
d'applications pédagogiques de l'ordinateur. Robert Sherwood, un
chercheur américain, a écrit un article récemment,
intitulé «Computer Use In Science Instruction», et, dans cet
article, il cite cinq applications types de l'ordinateur. Je crois que les
collèges québécois connaissent le même
découpage des applications pédagogiques de l'ordinateur.
Alors, première application type, c'est apprendre par
l'ordinateur. L'ordinateur est, à ce moment-là, utilisé
comme un distibuteur d'information, ou encore comme un vérificateur des
habiletés de l'étudiant ou de l'étudiante. Les logiciels
types dans cette catégorie d'application sont ce qu'on appelle des
didacticiels, comme, par exemple, les tutoriels et les exerciseurs.
Deuxième application type, c'est apprendre avec l'ordinateur.
Alors, l'ordinateur est ici un
partenaire de l'étudiant, et les logiciels de cette
catégorie d'utilisation sont d'autres didacticiels, comme les
simulations, les jeux, les programmes de collecte de données, ainsi que
les logiciels d'auto-évaluation. Ces programmes permettent de
créer des situations qu'il n'est pas possible de mettre en place en
classe.
Troisième application type: apprendre à propos de
l'ordinateur. Ici, il s'agit d'apprendre des opérations, des
utilisations ou encore la programmation de ce qu'on appelle les systèmes
ordinés. Les logiciels qui sont utilisés ici sont ceux-là
même qui sont utilisés sur le marché du travail. On pense
ici, donc, au traitement de texte, au logiciel de dessin assisté par
ordinateur, et ainsi de suite. Il faut souligner que c'est dans ce
domaine-là que se concentrent la très grande majorité des
applications pédagogiques au niveau collégial.
Quatrième utilisation type: apprendre à penser par
l'ordinateur. Cette fois, nous utilisons l'ordinateur pour développer le
raisonnement et pour développer des habiletés dans la
résolution de problèmes. L'apprentissage de langages de
programmation spécialement conçus à cette fin, comme le
langage Logo, en est un bon exemple.
Cinquième et dernier type d'utilisation de l'ordinateur dans un
contexte pédagogique, c'est à des fins de gestion de
l'enseignement et de l'apprentissage. L'ordinateur est alors un outil entre les
mains des enseignants et des enseignantes pour la préparation du
matériel, pour la prestation des cours, pour la gestion de
l'évaluation et pour la compilation des notes. (22 heures)
Le premier de ces avantages, c'est, d'une part, donc d'offrir la
possibilité de diversifier les médias, car il permet de
diversifier les modes de présentation ou d'acquisition de l'information.
Les études en technologie éducative montrent que, s'il est
impossible de mesurer l'impact d'une technologie sur une autre, il est
établi, d'autre part, que le recours à une multiplicité de
techniques constitue une condition facilitante de l'apprentissage. De plus, il
faut souligner que les ordinateurs constituent actuellement de
véritables machines multimédias qui combinent l'image et le son.
Donc, ils se prêtent bien à cette vocation de diversification des
médias d'enseignement ou d'acquisition de l'information.
Deuxième avantage. Les ordinateurs permettent une
individualisation et une personnalisation de l'enseignement ou de
l'apprentissage. La programmation de parcours pédagogiques permet,
effectivement, cette individualisation. Il ne s'agit pas seulement ici d'une
individualisation du type «chacun à son rythme», mais bien
d'une individualisation personnalisée, c'est-à-dire chacun selon
son parcours. Donc, cette individualisation et cette personnalisation, il faut
bien se rendre compte que ce n'est pas autrement réalisable sinon en
réduisant radicalement la charge d'enseignement des professeurs pour lui
substi- tuer une tâche de suivi individualisé.
Troisième et dernier avantage, celui de l'interaction, de
l'interactivité. La programmation permet d'attribuer un rôle actif
à l'utilisateur ou à l'utilisatrice d'un ordinateur, et
ça, c'est tout à fait contraire avec ce qu'on va retrouver avec
d'autres médias. Je pense, par exemple, à la
télévision, à la vidéo, qui vont continuer de
rouler quand même lorsque l'utilisateur est passif ou devient
rêveur. Ils donnent par là l'illusion que l'étudiant
continue d'apprendre ou que le cours continue d'être suivi. Vous savez,
l'ordinateur, lui, cesse de travailler dès l'instant où son
utilisateur cesse de le solliciter.
Cela m'amène donc à conclure, en parlant des contributions
que les applications pédagogiques de l'ordinateur peuvent apporter
à la réalisation de grands objectifs de révision de
l'ordre de l'enseignement collégial. Il y en aura trois.
Premièrement, dans une stratégie d'approche pédagogique
qui est centrée sur la réussite, l'ordinateur, par les avantages
de la diversification des moyens d'enseignement qu'il permet, contribue
certainement, en donnant un accès à un maximum de modes
d'expression de communication, à avantager la réussite au niveau
collégial. Également, j'en ai parlé, par
l'individualisation de l'apprentissage, on l'a vu, mise en application dans des
centres d'aide de toutes sortes, les centres d'aide en français et en
mathématiques. Également, par ce processus d'individualisation,
l'utilisation pédagogique des ordinateurs permet de multiplier les
formes d'évaluation formative ou encore d'autoévalua-tion.
Deuxième retombée majeure, dans une perspective de
développement d'une culture scientifique et technologique, il est
évident que l'ordinateur est au centre d'une mission de formation sur
mesure et professionnelle adaptée, là où le marché
du travail demande la formation d'une nouvelle génération de
techniciens et de techniciennes qui est capable d'utiliser des appareils
informatisés. Mais, également, l'ordinateur permet et devrait
servir à exposer au maximum toute une génération de
cégépiens et de cégépiennes, car il est important
de ne pas réserver cette exposition aux seuls secteurs actuellement
touchés par l'utilisation de ce type d'appareil. Car, demain, tous les
domaines du travail seront affectés par l'introduction de système
ordiné.
Troisième retombée et dernière, dans une
perspective de développement et de rayonnement social, cette fois,
l'utilisation pédagogique des ordinateurs contribue certainement
à développer une expertise proprement québécoise.
D'abord, il s'agit d'une expertise d'utilisateurs et d'utilisatrices efficaces
qui répondent aux besoins actuels et futurs du marché du travail,
mais également une expertise de concepteurs et de technologues capables
de mettre au point des stratégies d'implantation, des outils nouveaux et
des
programmes de formation.
Je voudrais souligner, toutefois, que toutes ces retombées
réelles, actuelles et anticipées, ne sont possibles que si
certaines structures sont mises en place et protégées, autant
dans les collèges que dans l'ensemble des structures du
réseau.
M. Jobin (Réjean): Mme la Présidente, Mme la
ministre, la question qu'on peut se poser à partir de cela, c'est que,
au fond, il y a deux grandes questions ou deux problèmes qui sont
intéressants à regarder: Quel est le bilan, à l'heure
actuelle, qu'on retrouve au niveau collégial et quelles sont les
recommandations relatives aux structures pour maintenir et développer
les applications pédagogiques de l'ordinateur dans les
collèges?
Le bilan actuel. D'abord, la technologie. Pour vous donner un portrait
plus global, on retrouve dans le réseau collégial environ 10 000
micro-ordinateurs. Cependant, il faut savoir qu'il y a 55 % environ de ces
micro-ordinateurs qui sont à l'usage exclusif de l'éducation des
adultes, pour la formation sur mesure, entre autres. Pour ce qui a trait aux
utilisateurs de type «apprendre par et avec l'ordinateur»,
c'est-à-dire ceux-là qui utilisent en grande partie les
didacticiels, et aussi pour l'accès libre, on retrouve environ 1800
micro-ordinateurs. On peut noter aussi, toutefois, que ce dernier parc
d'ordinateurs, les 1800, est plus souvent qu'autrement, on pourrait dire, le
terminus des appareils. C'est-à-dire qu'on retrouve dans ce type
d'appareils de vieux appareils dont on pourrait dire que, même s'ils
fonctionnent assez bien, ils ne peuvent pas toujours faire tourner les
logiciels les plus récents sur le marché. Ça pose donc un
certain problème.
Au niveau, maintenant, des structures, qu'est-ce qu'on peut faire comme
bilan? D'abord, au niveau local, qu'est-ce qu'on retrouve dans les
collèges? On retrouve dans les collèges un responsable local
officiel, qu'on pourrait dire, qui s'occupe des applications
pédagogiques de l'ordinateur. Ce responsable local, selon la
réalité des collèges, on pourrait dire, va varier
beaucoup. Ça peut être un titre purement administratif, par
exemple, un adjoint au directeur des services pédagogiques qui sera
aussi responsable des applications pédagogiques de l'ordinateur,
jusqu'à un professionnel temps plein qui aura comme charge de travailler
à 100 % à développer et à contribuer à ce
que les applications pédagogiques de l'ordinateur se développent.
Cette dernière tendance, contrairement à ce que l'on pourrait
croire, puisque le parc informatique semble grossir d'année en
année, est cependant à la baisse. Certains collèges ont
d'ailleurs aboli leur poste de responsable aux APO, soit en raison de
contraintes budgétaires et/ou d'une vision pédagogique fort
discutable.
Quel est le rôle d'un responsable des applications
pédagogiques de l'ordinateur dans un collège? On pourrait dire
que son rôle, en gros, comporte quatre champs. Il va d'abord s'occuper
d'animation, c'est-à-dire qu'il va animer son milieu par la diffusion
des informations qui sont relatives aux applications pédagogiques de
l'ordinateur; il va s'occuper de la recherche et du développement de
didacticiels pour répondre aux besoins des usagers; il va travailler
à la formation des enseignants pour que ceux-ci puissent bien
s'approprier les outils nécessaires à l'utilisation des
applications pédagogiques de l'ordinateur; et, finalement, il va souvent
aussi contribuer à donner un soutien technique aux...
Il arrive aussi que l'on retrouve, mais, malheureusement, on pourrait
dire rarement, des comités d'usagers de la micro-informatique qui
examinent les besoins de tous les utilisateurs dans un collège. Ces
comités-là établissent des recommandations qui vont
permettre une meilleure utilisation des ressources existantes et une meilleure,
on pourrait dire, coordination des achats de matériel et de logiciels.
Pour mieux saisir l'impact de tels comités dans des collèges, on
va prendre un exemple fort simple où il n'y a pas de comité. Il
arrive fréquemment, dans des collèges où on ne retrouve
pas ce comité-là, que des départements désirent
acquérir de nouveaux équipements pour répondre à
des besoins de formation de leurs étudiants. Alors, ils vont faire une
demande, ils vont expédier cette demande en espérant obtenir des
micro-ordinateurs. Souvent, on va demander, comme département, les
microordinateurs les plus puissants qu'on va retrouver sur le marché, la
raison étant souvent qu'en prenant les plus puissants ils vont se
démoder supposément moins rapidement. Si la demande est
acceptée, le budget global qui peut être attribué dans un
collège va se retrouver, on pourrait dire, fortement
hypothéqué et, s'il y a d'autres besoins qu'on va retrouver en
applications pédagogiques de l'ordinateur, souvent les budgets ne seront
pas suffisants pour répondre à ces besoins-là. En gros,
pour prendre encore une image peut-être plus réelle, on pourrait
dire que, souvent, on va retrouver des départements dans des
collèges qui roulent avec, si on peut dire, des Mercedes alors qu'il y
en a d'autres qui sont à bicyclette, alors que, dans le fond, s'il y
avait plus de coordination, on pourrait peut-être tous rouler en Toyota
Corolla. C'est dire l'importance d'une coordination locale efficace qui tient
compte des besoins de tous. (22 h 10)
Qu'est-ce qu'on retrouve maintenant au niveau national comme bilan
après une dizaine d'années? Il y a des organismes, comme l'APOP,
entre autres, qui regroupent des utilisateurs et qui ont comme mandat, si on
peut dire, dans la mesure de leurs moyens, un rôle d'animation dans le
milieu. Il y a aussi un nouveau service qui s'appelle la Vitrine APO, qui a
été établi au collège de Bois-de-Boulogne, on peut
dire que c'est le dernier-né du ministère de l'Enseigne-
ment supérieur et de la Science, qui offre au réseau des
services d'achats regroupés de logiciels, des services de formation en
applications pédagogiques de l'ordinateur et de l'information sur les
logiciels qu'on va retrouver sur le marché. Mais, surtout, on pourrait
dire aussi qu'il existe un service de production de matériel didactique
informatisé à la DGEC qui contribue largement au
développement des applications pédagogiques de l'ordinateur
à travers le réseau. Ce service a réalisé en 10 ans
89 didacticiels originaux, 41 traductions, et on retrouve actuellement plus de
60 didacticiels qui sont en chantier.
Ce service, avec l'aide du Programme d'aide à la recherche sur
l'enseignement et l'apprentissage, ce qu'on appelle, dans le jargon du
métier, le PAREA, ce service-là a réalisé des
productions originales, mais, surtout, peu dispendieuses. On estime, quand on
regarde un peu ce que les coûts des logiciels qui sont produits avec
l'aide de la DGEC... on pourrait dire que le coût revient à
environ un peu moins de 100 000 $ par logiciel. Ça peut paraître
peut-être beaucoup pour certains, mais produire des logiciels à
100 000 $, c'est tout un exploit. On pourrait dire que ça constitue une
gestion extrêmement efficace des fonds publics. Par comparaison avec
l'entreprise privée, la réalisation de logiciels semblables peut
facilement atteindre 300 000 $, 400 000 $ ou même 500 000 $. De plus,
l'entreprise privée n'est souvent aucunement intéressée
à développer des logiciels pour le milieu collégial, le
marché étant beaucoup trop exigu. Donc, ainsi, sans le service de
production de la DGEC, le milieu collégial serait probablement
obligé d'utiliser des didacticiels américains non traduits, ce
qu'il fait, d'ailleurs, encore malheureusement trop souvent.
Or, récemment, le ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Science annonçait son intention de fermer ce
service de production tout en maintenant des subventions pour la production.
Ces subventions pourraient sans doute être distribuées localement,
selon les projets, un peu comme le programme, j'imagine, PAREA. Ce mode de
fonctionnement, selon nous, serait plutôt catastrophique. En effet, nous
pensons qu'il y a risque, par exemple, de répétition de
didacticiels, c'est-à-dire que, chaque collège faisant ses
propres demandes, on pourrait assister à des logiciels qui seraient
développés dans différents collèges, qui seraient
relativement semblables. Il y aurait aussi beaucoup de disparités d'un
collège à l'autre: ceux qui ont déjà de
l'expertise, et donc une culture informatique, et ceux qui n'en ont pas. On
pense qu'il y aurait risque, aussi, que la distribution soit très
inadéquate des logiciels qui seraient produits, et il nous semble aussi
tout à fait évident qu'il y aurait une utilisation plus grande de
logiciels non francophones.
En bref, avec la disparition du service de production, il y aurait des
applications pédagogiques de l'ordinateur plus difficiles à.
réaliser là où il y a une structure locale existante bien
développée et encore plus là où les
collèges, finalement, n'ont pas développé de structure
locale. Il y aurait aussi une énorme perte de toute l'expertise qui a
été développée par la DGEC en ce qui a trait aux
applications pédagogiques de l'ordinateur. C'est pourquoi, compte tenu
de ce bilan, l'APOP vous fait donc les recommandations suivantes.
M. Beaulieu: D'abord, pour chacun des collèges du
réseau, donc au niveau local, que chaque établissement du
réseau élabore une politique relative aux applications
pédagogiques de l'ordinateur à partir d'une volonté
clairement exprimée par des décisions ministérielles. S'il
n'y a pas d'encadrement local, la disparité risque de continuer - alors,
c'est le type de proposition que nous faisions en pages 15 et 16 de notre
mémoire - et on risque de maintenir l'écart qui existe
présentement entre les collèges.
Deuxièmement, qu'une structure de soutien soit mise en place et
que cette structure soit chapeautée par un professionnel à temps
plein, autant que possible, dont la principale tâche sera de faire de
l'animation pédagogique auprès des enseignants. Souvent,
l'information, pour ne pas parler d'animation, mais la pure information sur ce
qui est disponible ne se rend même pas aux enseignants dans certains
collèges alors que, dans d'autres, il y a utilisation très
efficace de ces logiciels et didacticiels qui sont à leur
disposition.
Il serait illusoire de penser que, même si chaque collège
avait une politique, et même s'il y avait un responsable dans chaque
collège, s'il n'y a pas d'encadrement au niveau provincial, on risque de
faire du saupoudrage, comme j'ai entendu l'expression tantôt. Alors,
donc, qu'un service national de développement de logiciels
éducatifs soit garanti au réseau. Que ce service soit
localisé au ministère ou ailleurs, je pense que là n'est
pas la question. Le principe, c'est qu'il y ait un service national qui
permette, justement, la coordination des efforts, la planification et la
rationalisation des activités dans ce domaine. À cet effet, nous
offrons à Mme la ministre notre collaboration et nous lui faisons part
que nous aimerions être consultés sur les décisions qui
seront prises à cet effet.
Nous recommandons également que la dernière initiative de
la Direction générale de l'enseignement collégial,
à savoir la Vitrine APO du cégep de Bois-de-Boulogne,
reçoive l'appui ministériel nécessaire à la
poursuite de sa mission. Et, enfin, nous recommandons que les collèges
consacrent plus de budget à l'achat de logiciels et d'un plus grand
nombre d'appareils, et que ces appareils de nouvelle génération,
qu'une grande proportion, qu'une proportion importante de ceux-ci soit
disponible aux grou-
pes-classes pour les applications pédagogiques de l'ordinateur ou
encore en accès libre. Merci beaucoup, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Mme la
ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur et de la
Science, vous avez la parole.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Messieurs, M.
Barrette, je pense que vous représentez, de par votre association, un
point de vue très, très spécifique dans l'ordre
d'enseignement collégial, celui des applications pédagogiques de
l'ordinateur. Mais, comme vous le dites si bien, ces applications sont rendues
tellement nombreuses maintenant, dans différentes sphères de la
société, mais aussi au niveau de l'enseignement, que
c'était important qu'on puisse vous entendre et voir l'expérience
du réseau à partir de ce point de vue là.
M. Barrette, en partant, vous nous dites qu'il faut augmenter, il faut
augmenter le nombre, dites-vous, dans les différents cégeps, si
je vous ai bien saisi, le nombre d'appareils, et les rendre disponibles encore
à plus d'étudiants. Est-ce que c'est à partir de l'analyse
de l'utilisation que vous m'avez faite, le fait que ce soit 55 % des
utilisateurs de l'éducation des adultes, que vous me demandez
d'augmenter le nombre des appareils, ou si c'est à cause de la
rareté, vraiment, des équipements dans le réseau?
M. Barrette: Mme la ministre, je voudrais juste dire que le
président aujourd'hui, c'est M. Beaulieu.
Mme Robillard: M. Beaulieu. Excusez-moi.
M. Barrette: Alors, je vais lui permettre de répondre
à cette question-là.
Mme Robillard: Ha, ha, ha! Excusez-moi. M. Barrette: Je
vous en prie.
M. Beaulieu: Je vais commencer une réponse, Mme la
ministre, et mon collègue Réjean pourra élaborer
là-dessus.
Effectivement, je pense qu'il y a un bon parc d'ordinateurs dans le
réseau. Quand on parle de 10 000 appareils, on parle de quelque chose
réparti dans à peu près 60 institutions en tout et
partout, on parle d'un parc relativement important. Mais, au niveau des
applications pédagogiques, tel que nous l'avons entendu, et non pas au
niveau des applications technologiques de l'ordinateur, le nombre d'appareils
disponibles en accès libre aux étudiants est souvent très
restreint dans plusieurs collèges, alors qu'il est plus ouvert dans
d'autres. Je pense que mon collègue Réjean pourrait vous donner
plus de précisions là-dessus, parce qu'il a poussé cer-
taines études de ce côté-là. (22 h 20)
M. Jobin: Disons qu'on pourrait aussi parler peut-être plus
de nos expériences relativement personnelles par rapport à
ça. À l'APOP, ce qui est intéressant, c'est qu'on se voit;
plusieurs personnes de différents collèges se rencontrent
régulièrement, et chacun vit des situations relativement
différentes dans son collège. Je pourrais vous parler, à
savoir comment ça fonctionne dans mon collège. À mon
collège - je ne vous en parlerai pas vraiment, mais je vais juste vous
donner un portrait rapide - on a 500 micro-ordinateurs environ qui sont
dédiés à l'enseignement. Au collège de Christian
Barrette, qui est le collège Ahuntsic, on en a 600, on en a beaucoup
plus. Et pourtant, chez nous, l'an dernier, on a fait 45 000 heures
d'accès libre avec nos étudiants, ce qui est une moyenne de 9
heures par étudiant. Au collège Ahuntsic, je ne sais pas combien
ils ont fait d'heures, mais j'ai vu des étudiants du collège
Ahuntsic venir chez moi pour me demander s'ils pouvaient accéder
à nos laboratoires. Il y a une disparité énorme d'un
collège à l'autre, il y a une non-coordination des achats qui
sont faits, et c'est peut-être plus là qu'on va retrouver des
problèmes au niveau des utilisations des APO.
Il faut augmenter aussi le parc d'ordinateurs pour différentes
raisons. C'est parce qu'il y a des appareils aussi qui sont fort
désuets. Bien sûr, quand on demande combien il y a d'appareils
dans le réseau et qu'on nous répond: II y en a 10 000... Bon, ce
sont les DSP qui sont responsables de ces enquêtes-là. Quand on
leur envoie des questionnaires, ils nous renvoient ça en disant: Moi, je
vais dire que mon collège est bien placé. Alors, ils comptent
tout ce qu'il y a. Ça va des Apple Ile, des fois, qui traînent
depuis les années 1976-1977 et qui, malheureusement, disons, ne servent
plus beaucoup, jusqu'aux plus récents ordinateurs qu'ils ont
achetés ou qu'ils sont en train d'acheter. Donc, ça demeure quand
même un parc qui a l'air très, très gros, mais, dans la
réalité, il n'est peut-être pas aussi gros qu'on pourrait
le penser. Et c'est à ce niveau-là qu'on pense qu'il faut qu'il y
ait une certaine augmentation du parc d'ordinateurs, mais surtout avec une
coordination et non pas acheter pour acheter.
Mme Robillard: Au niveau de la formation des enseignants aux
applications pédagogiques de l'ordinateur, vous nous recommandez
l'engagement d'un responsable des applications pédagogiques. Mais,
au-delà de l'engagement d'un responsable, il y a sûrement d'autres
moyens pour aider les enseignants à se perfectionner dans ce
domaine-là. Est-ce que vous avez des suggestions plus
précises?
M. Barrette: Tout à fait. En fait, dans le cadre du
programme PERFORMA de l'Université
de Sherbrooke, il y a effectivement un secteur de formation
destiné aux enseignants et aux enseignantes pour les préparer
à l'utilisation des ordinateurs. Alors, il y a un secteur APO,
applications pédagogiques de l'ordinateur, dans le programme PERFORMA.
Je n'ai pas de chiffres, mais, ayant participé moi-même à
des séances de formation, je sais qu'il s'en est donné beaucoup,
et il continue de s'en donner énormément. C'est une mission qui
est très, très bien remplie de ce point de vue là. Ce
n'est pas, cependant, le type de mission que devrait remplir le conseiller
pédagogique affecté aux ordinateurs dans un collège. Il
s'agit vraiment, à ce moment-là, de perfectionnement. Nous, ici,
on parle vraiment de distribution de l'information, dans un premier temps,
parce qu'il y a des collèges où, en fait, donc, ce conseiller
pédagogique existe en titre, mais non pas en fait. C'est une boîte
postale, à toutes fins pratiques.
Je vais prendre effectivement, pour «anta-goniser» un peu
l'image, le cas du collège Ahunt-sic où j'ai été,
pendant près de deux ans, conseiller pédagogique en ordinateurs.
Il n'y en a plus maintenant, ce qui fait que, par exemple, tous les logiciels
qui sont produits par la DGEC sont effectivement acheminés au
collège, mais personne n'en est averti. Il n'y a plus d'animation. Donc,
on ne prévient pas les départements, les disciplines, de la
disponibilité de ces produits. Si, en fait, je ne faisais pas encore un
peu de formation dans le cadre du programme PERFORMA, je pense que ce serait
à peu près lettre morte maintenant au collège,
malgré qu'on ait 600 appareils, la très vaste majorité
d'entre eux ne servant pas véritablement à des fonctions d'aide
à l'apprentissage. Ce sont surtout des appareils que l'on utilise pour
apprendre une tâche de travail exigeant le recours au microordinateur en
emploi. Voilà.
M. Beaulieu: J'aimerais compléter, si vous voulez,
là-dessus aussi. Il n'y a pas seulement l'aspect formation qui joue dans
le rôle d'un responsable des applications pédagogiques de
l'ordinateur au niveau local. Une fois qu'on a informé l'enseignant que
tel logiciel existe ou que tel didacticiel pourrait peut-être lui rendre
service, il faut ensuite le convaincre de l'utiliser et, si on le laisse se
débrouiller avec l'installation et face aux techniciens, ça ne
servira à rien, il n'ira pas plus loin. Ça va être
rébarbatif. Donc, il faut faire le travail avec les techniciens ou,
souvent, faire soi-même le travail d'installation et prendre le
professeur par la main et lui montrer que ce n'est pas si compliqué que
ça. Et, finalement, ayant pris confiance, il va réussir avec ses
élèves. J'ai fait cette expérience-là,
moi-même, avec des gens qui n'avaient aucune notion de l'informatique,
mais il faut vraiment les piloter, si vous voulez. Il y a une fonction de
pilote à faire. C'est du perfectionnement sur le tas, si vous voulez,
mais c'est important.
M. Jobin: On pourrait aussi ajouter que, dans le cadre où
on se plaint souvent que les collèges ont de la difficulté
à maintenir un rythme face à l'industrie, il y a des types de
formation qui ne peuvent pas se faire autrement que, par exemple, par une
personne au local qui va faire, chez nous on appelle ça, à mon
collège, des mini-formations. C'est-à-dire qu'il arrive une
nouvelle version d'un système, d'un logiciel, et il doit y avoir une
petite formation. On ne peut pas recourir à des programmes comme
PERFORMA ou d'autres types de programmes. Il faut nécessairement,
à ce moment-là, organiser une petite session de deux, trois
heures avec quelqu'un qui va présenter les avantages, les bons
côtés du nouveau logiciel et comment on peut l'utiliser. Ce genre
de formation là n'est possible que dans la mesure où il existe
une structure locale qui s'intéresse à ça, et c'est
ça qu'on ne retrouve pas dans la majorité des collèges. Et
ce qui est étonnant, c'est que ça ne va pas avec la grosseur du
collège. On pourrait penser que les gros collèges vont bien s'en
sortir. Eh bien! les gros collèges, souvent, ne s'en sortent pas
très bien et les petits, souvent, s'en sortent bien. Mais, encore
là, il y a de la disparité, il n'y a pas de règles. On va
trouver des collèges comme le collège d'Alma qui va être
très bien structuré au niveau de donner du service à ses
professeurs en applications pédagogiques de l'ordinateur en formation,
alors qu'un gros collège qu'on dirait: Eux autres, ils sont gros, ils
ont beaucoup de micros, ils doivent avoir une structure, ils doivent se
coordonner... Eh bien! non. C'est ce qu'on pourrait appeler l'anarchie totale.
C'est assez étonnant qu'on mette tant d'argent et qu'on n'ose pas mettre
des individus pour s'arranger pour que cet argent-là soit bien
dépensé. À ce niveau-là, le service de production
informatisé est très rigoureux, ce qui est étonnant, on
pourrait ne pas s'attendre à ça d'un service, souvent,
gouvernemental. La plupart des gens se plaignent en disant: Le service
gouvernemental, l'argent, tiens, ça s'en va comme ça. Ce qui est
étonnant, c'est qu'à la DGEC on a su quand même produire
des didacticiels avec très peu d'argent et faire, je dirais, beaucoup
avec peu. C'est quand même intéressant pour ça.
Mme Robillard: Je vois que l'Association, aussi, vous supportez
la nouvelle Vitrine APO du collège de Bois-de-Boulogne et vous me
recommandez de continuer un appui ministériel. Mais est-ce qu'à
votre Association vous avez des attentes particulières par rapport
à cette nouvelle Vitrine?
M. Jobin: C'est difficile de répondre à ça
dans la mesure où il y a des annonces qui ont été faites,
par exemple, pour nous dire que les services de production seraient, d'une
certaine façon, peut-être fermés ou, en tout cas,
modifiés.
On ne sait pas trop, trop ce qui va se passer avec ça. À
ce niveau-là, est-ce qu'on ne devrait pas augmenter au niveau de la
Vitrine un certain rôle? On ne peut pas répondre directement
à ça au niveau de ce qui devrait être fait comme tel dans
la Vitrine APO. On recommande que son rôle continue parce qu'il y a un
besoin qui est énorme en termes surtout d'achats regroupés et de
formation rapide, éclair, à donner, et de nouveaux logiciels qui
arrivent sur le marché. Il y a des milliers de dollars qui sont en jeu
quand on parie d'acheter des logiciels. Ça peut paraître simple.
Prenons un exemple très simple. Je veux acheter une version d'un
logiciel qui me coûte 100 $. Si je l'achète en achats
regroupés, il me coûte 75 $. Mais, comme c'est un logiciel que je
dois mettre sur 50 ou 60 micro-ordinateurs, ça me coûte beaucoup
plus cher, évidemment. Ce n'est pas juste pour un logiciel, c'est pour
des centaines de licences. Répété au niveau du
réseau, c'est beaucoup de logiciels qu'on pourra acheter ou qu'on ne
pourra pas acheter. Et, donc, c'est important le rôle que la Vitrine va
développer. Par contre, la Vitrine est relativement récente. On
connaît plus ou moins son rôle. On sait plus ou moins ce qu'elle va
jouer, parce que, pour, on pourrait dire, se faire la main un peu, un organisme
qui se met en place a souvent besoin quand même de deux, trois ans. Et
c'est probablement dans deux, trois ans qu'on pourra dire: Oui, la Vitrine,
c'est intéressant; ça fonctionne bien; on peut continuer. Ou:
Non, ça ne fonctionne pas bien, on devrait modifier ça. Pour
l'instant, ça nous apparaît difficile de répondre à
ça.
M. Beaulieu: Mais le rôle que peut jouer la Vitrine, par
ailleurs, si on oublie les concentrations urbaines comme Québec et
Montréal et qu'on pense aux collèges des régions, par
télématique effectivement, parce que la Vitrine fonctionne par
télématique, ça va permettre la consultation des logiciels
en dépôt à la Vitrine à distance. Et ça, je
pense que ça risque - l'avenir le dira, d'ici un an ou deux -
d'être très, très, très bénéfique pour
l'ensemble des établissements du réseau. (22 h 30)
Mme Robillard: Je prends bonne note aussi de votre recommandation
sur un service national, dites-vous, de développement de logiciels
éducatifs. Je fais le lien aussi avec le service de développement
de matériel didactique au niveau de la DGEC. Et je pense que vous l'avez
mentionné à plusieurs reprises dans votre mémoire, votre
inquiétude par rapport à la disparition de ce service-là.
Je veux vous rassurer, c'est la disparition des postes qui sont affectés
à ce service, mais vous savez très bien que les budgets sont
protégés, et on étudie différentes
hypothèses présentement, et vous me recommandez de vous consulter
avant de passer à la décision finale, un peu comme nous avons
fait au niveau du centre de formation à distance, vous savez, au niveau
du réseau collégial. Je pense que le réseau est largement
satisfait de la formule que nous avons trouvée, présentement, et
qui est disponible à l'ensemble du réseau. Je pense que c'est
dans ce contexte-là qu'on va regarder la survie du programme de
développement de matériel didactique, ce programme qui a
été si efficace depuis plusieurs années. Alors, je prends
bonne note, M. Beaulieu, de votre suggestion de vous consulter sur l'avenir de
ce programme.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, Mme la Présidente. Je veux saluer les
représentants de l'Association pour les applications pédagogiques
de l'ordinateur, au niveau collégial. D'entrée de jeu, je vais
vous faire un commentaire. C'est évident, qu'on soit d'une formation
politique ou de l'autre, par rapport à un sujet aussi
spécialisé que celui qu'on a développé, je veux
dire, l'information et le questionnement, c'est sensiblement le même. Il
y a plusieurs questions qui ont été posées par la
ministre, alors je ne serai pas très long. Cependant, j'estime qu'on
doit vous remercier et vous féliciter d'avoir accepté de venir
nous donner le point de vue, compte tenu que, de plus en plus, il n'y a
personne qui ne conviendra pas de la place grandissante du réseau... pas
du réseau, mais de la place de l'informatique dans le réseau
collégial, et les gens qui oeuvrent plus spécifiquement sur les
applications pédagogiques de l'ordinateur comme mesure ou moyen
assisté pour des méthodes pédagogiques, c'est
important.
Vous avez dit, d'entrée de jeu, que vous alliez nous parler de
pédagogie plutôt que d'outils et d'instruments, mais il n'en
demeure pas moins que, pour des parlementaires comme nous, il est toujours
intéressant de savoir un peu les plus grandes faiblesses pour pouvoir
être en mesure d'offrir plus à nos jeunes qui veulent
bénéficier davantage de cet extraordinaire instrument
technologique ou de haute technologie.
Alors, je voudrais poser deux, trois questions. Vous avez dit que
l'état du parc immobilier, mais immobilier au niveau des ordinateurs,
à certains égards, était assez déficient. Mais
j'aimerais ça avoir un peu plus d'ordre de grandeur. Je veux dire, c'est
quoi? C'est 30 %? À moins que j'aie été distrait, et c'est
possible. Vous êtes en mesure de nous donner une indication, parce que,
si on sait juste qu'il y en a 10 000 et que, là-dedans, il y a quelques
bebelles un peu vétustés, ça ne nous donne pas la
proportion de l'ampleur qu'il y aurait lieu de modifier, d'améliorer ou
de moderniser. Première question.
M. Jobin: C'est difficile de donner une
réponse exacte parce que, d'un collège à l'autre,
ce n'est pas pareil. Je vous donne un exemple par rapport à ce que, moi,
je vis chez moi, pour ne pas vous donner des chiffres qui ne seraient pas
pratiques. Dans les ordinateurs de type PC, pour ne pas rentrer dans les
détails techniques non plus et vous noyer, disons qu'on retrouve des
ordinateurs avec différents chiffres. On va vous parler de 286, de 386,
de 486 et, probablement qu'à partir de l'an prochain on vous parlera de
586, parce que, disons, c'est probablement un moyen que l'industrie a
trouvé pour faire de l'argent, peut-être.
Dans mon collège, on n'en a presque pas de 486 et, pourtant, on a
500 micro-ordinateurs. Par contre, les étudiants chez nous, en
accès libre, vont pouvoir accéder à des 386 qui sont des
appareils suffisants pour répondre aux besoins du marché actuel.
Chez nous, on a décidé de ne pas acheter des gros appareils pour
en acheter plus et pour en donner à tout le monde, c'est pour qu'on
puisse avoir un parc qui évolue et qui se maintient le plus
possible.
Dans d'autres collèges, on rentre, ils ont des gros 486, mais ils
ont aussi des petits 80, 88 qui datent de 10 puis 12 ans, et ça, c'est
très vétusté, très, très, très,
très, très vétusté. Alors, dire comment c'est d'un
collège à l'autre, c'est très difficile de donner une
idée du parc. C'est difficile de savoir: Écoutez, il y a 10 %, il
y a 15 %, il y a 20 %. Dans des collèges, on va dire: C'est
catastrophique, la proportion d'ordinateurs qui est dédiée aux
professeurs qui veulent utiliser un didacticiel et qui veulent faire de
l'accès libre avec leurs étudiants, c'est presque pas disponible,
alors que, dans d'autres collèges, il y en a de disponibles. Donc...
M. Gendron: Non, ça va, mais vous êtes quand
même une association nationale, vous avez des représentants dans
tous les collèges, alors je reste un peu surpris que vos
représentants ne soient pas en mesure de donner l'heure juste sur le
portrait national - le national étant le Québec pour moi - de
l'ensemble du parc immobilier.
M. Jobin: Écoutez, nos représentants de tous les
collèges, on les voit une fois par année ou par deux ans, lors
des colloques. Il faut s'entendre. L'APOP, ce n'est pas une corporation qui a
un conseil d'administration avec des bureaux, et tout ça, hein?
M. Gendron: Non, non, ça, je sais ça.
M. Jobin: II faut être conscient du travail que les
bénévoles font. On ne fait pas des enquêtes non plus
à toutes les semaines.
M. Gendron: O.K. Ça va.
M. Jobin: Mais on va retrouver dans l'enquête qui a
été publiée dans La page-écran de cet
automne des résultats détaillés et qui vont donner une
idée de ce qui se passe au niveau du parc. Je n'ai pas
précisément un paquet de chiffres là-dessus, mais on a une
idée mieux détaillée là-dessus.
M. Gendron: Ça va. L'autre volet qui m'intéresse,
c'est toute la question des usages, du perfectionnement et de la
capacité de répondre à des gens qui nous disent: Est-ce
qu'on offre - je parle comme gouvernement ou comme société - tout
le support requis à celles et ceux qui veulent développer
davantage, que ce soit par l'accès libre ou peu importent les formes
d'usage? Est-ce que vous croyez qu'on a mis assez d'emphase chez les
formateurs? Parce que, tantôt, je vous entendais; il y a vraiment des
nuances à faire quant à l'usage. Encore là, si vous avez
une recommandation à nous faire, parce que j'ai lu attentivement vos
cinq, mais je n'en ai pas vu de très spécifique, liée
à un jugement appréciatif que vous auriez porté quant au
nombre de formateurs qui est inadéquat, il n'y en pas assez, par rapport
au rythme d'accélération qu'on connaît au niveau des
changements technologiques, on n'est pas capables de le suivre. Est-ce que
ça signifie qu'il faudrait mettre l'accent sur le perfectionnement? De
l'argent tout court pour s'assurer qu'il y a plus de gens qui font la
démarche - vous en avez parlé tantôt -
décomplexifier l'usage? Parce que vous avez dit: Dans certains cas, il y
a des professeurs qui pensent que c'est bien compliqué. Ce serait
peut-être mieux de mettre plus d'accent sur la décomplexification
de l'usage, pour qu'il y en ait plus qui le fassent, que de renouveler le parc.
Vos priorités iraient où par rapport à la formation et au
perfectionnement?
M. Jobin: La plus grande priorité qu'il faudrait
retrouver, je crois, c'est qu'on retrouve une volonté, dans tous les
collèges, d'établir quelque mécanisme que ce soit de
coordination entre les usagers et aussi qu'il y ait des personnes qui
s'occupent des applications pédagogiques de l'ordinateur. On ne peut pas
définir, et je ne pense pas que c'est souhaitable que tous les
collèges aient le même modèle. Chez moi, on a un
modèle; ailleurs, on a un autre modèle. Et on ne peut pas dire
que le modèle est meilleur que d'autres. Mais il y a une chose qui est
certaine: dans les collèges où il y a des responsables, où
il y a une structure, où il y a de la coordination entre les
différents usagers, ça fonctionne mieux, les étudiants ont
accès à de meilleurs micros et, finalement, en bout de ligne, les
professeurs ont des meilleurs services au niveau de la formation et du
perfectionnement. C'est une carence énorme qu'on va retrouver dans le
réseau, cette inégalité-là. Et pourquoi il y a des
inégalités? Il faut dire aussi qu'il y a des collèges qui
mettent des priorités à différents endroits. Ils vont
dire: On n'a pas d'argent pour ça, on met ça ailleurs.
Ce qui est un peu paradoxal, c'est qu'on met des millions de dollars sur
des appareils et, finalement, en bout de ligne, on ne met pas d'Individus pour
s'entendre pour que ces appareils-là soient bien utilisés. Il y a
quelque chose de complètement farfelu là-dedans.
Je dis souvent, des fois, que je trouve que mon collège
m'exploite parce que je trouve qu'il ne me donne pas beaucoup de monde pour
m'occuper de mes 500 micro-ordinateurs. Je trouve que c'est beaucoup pour un
seul individu. Mais on me dit toujours: Tu sais, on ne peut pas faire beaucoup
plus que ce qu'on peut faire. C'est quand même le seul secteur où
il y a eu un peu d'expansion depuis 10 ans. C'est quand même
étonnant, vous allez me dire. Mais il y a eu une expansion à
l'autre bout, c'est celle des machines, par exemple. Elle, elle a eu une
expansion énorme depuis 10 ans. Et les individus pour les soutenir ne
sont pas là. C'est une énorme carence qui se reflète
à tous les niveaux, et dans tous les programmes et dans toute la
formation. Autant dans les départements en informatique il va y avoir
des carences, parce qu'il n'y a pas de personnel qui va s'arranger pour que les
réseaux informatiques soient efficaces, pour que les appareils soient
corrects, pour que tout fonctionne bien, autant ça va se retrouver dans
des départements d'électrotechnique, des départements de
sciences humaines, des départements de tous les niveaux, finalement.
C'est peut-être la plus grosse carence au niveau local.
M. Gendron: Moi, en tout cas, je suis content que vous
l'exprimiez aussi clairement que ça. C'est celle que j'avais entendue.
Mais mon expertise n'est pas la vôtre. C'est évident, mon
expertise dans le domaine est loin d'être la vôtre, ça se
sent. Par contre, ça ressemble dans certains cas... c'est un peu ce
qu'on a vécu il y a 15, 20 ans dans les écoles secondaires au
niveau des équipements audiovisuels. Je l'ai vécu, j'étais
prof. J'en ai vu même pas déballés, puis je ne suis pas
sûr qu'ils ne soient pas encore, déballés.
M. Jobin: Mais...
M. Gendron: Non, un instant.
M. Jobin: Oui, mais...
M. Gendron: Au niveau des ordinateurs, je suis sûr qu'ils
sont déballés. (22 h 40)
M. Jobin: Oui, mais je n'aime pas la comparaison qu'on fait avec
l'audiovisuel, et c'est une comparaison qu'on a souvent faite, et c'est la
comparaison que les cadres dans nos collèges nous font tout le temps
pour ne pas nous donner du personnel. Ce qu'on a fait avec l'audiovisuel, on a
mis du personnel, on a mis de la technique, puis on a dit: Ça ne marche
pas. Avec des ordi- nateurs - on nous a dit dans nos collèges - on ne
fera pas la même gaffe; il faut mettre des appareils, parce que
l'industrie en demande, mais on ne mettra pas de monde pour ne pas avoir de
problèmes à avoir des postes après. Sauf qu'il y a quelque
chose de complètement fou, c'est qu'on se ramasse avec pas de monde
à cause de cette peur-là. Ça fait qu'il faut faire
attention, la comparaison avec l'audiovisuel, là...
M. Gendron: Oui, je suis d'accord. Mais, au-delà de la
nuance, moi, mon objectif est le même que vous.
M. Jobin: Ah! oui, oui, oui.
M. Gendron: Et moi, je pense que c'est plus important. Que vous
aimiez ou pas la comparaison, je veux dire, je m'en fous un peu et je le dis,
pas contre vous, ça n'a rien à voir contre vous, là...
M. Jobin: Je ne le prends pas personnel.
M. Gendron: Alors, ce n'est pas d'aimer la comparaison ou pas,
c'est que la situation est la même. Et, comme ici, il y a quand
même des représentants du gouvernement - la ministre est avec nous
autres - c'est fondamental de dire: Ne versons pas trop tout le temps dans la
facilité. Mon parc immobilier d'ordinateurs est inadéquat; il y a
trop de vieilles affaires là-dedans, puis - moi, je le sais - le
réflexe, c'est effectivement de les remplacer rapidement, dans certains
cas, mais de ne pas corriger le grand drame que vous avez très bien
illustré: il n'y a pas assez de ressources qui vont donner une
prestation professionnelle quant à l'instrumentation, quant à un
plus grand usage et, également, une plus grande application
pédagogique assistée... Il ne faut pas juste pitonner
là-dessus, il y a des choses qu'il faut faire en éducation, et
l'ordinateur le permet. Est-ce qu'on fait toujours exactement tout ce qu'il
peut permettre comme potentiel? Ma réponse, c'est non, puis je ne
connais pas ça. Imaginez-vous ceux qui connaissent ça et qui
viennent nous le confirmer, qui disent la même chose. Je dis: Le drame
est là et c'est ça qu'il faut corriger. C'est ça que je
voulais illustrer.
Un complément? J'ai une autre question, et c'est tout pour
moi.
M. Barrette: Si vous me permettez, oui, un complément, si
vous voulez.
M. Gendron: Oui, oui.
M. Barrette: Tout d'abord, en ce qui concerne les chiffres que
vous nous demandiez tantôt, Pierre-Julien Guay, qui est justement
maintenant à la Vitrine APO, à Bois-de-Boulogne, signait un
article qui s'intitulait: «La micro-
informatique au collégial: enquête 1992 sur le
matériel». Si ça vous intéresse, c'est dans la
dernière livraison de La page-écran, automne 1992. On va
vous en laisser un exemplaire. Le sujet est abondamment expliqué, en
détail, sur les nombres, les chiffres et tout ça. Mais on ne
voulait pas verser dans ça. Vous l'avez dit, on est venus ici - vous
l'avez remarqué - on est venus ici pour parier de pédagogie,
effectivement.
En ce qui concerne les plus grandes lacunes que nous décelons,
elles ne se trouvent pas, effectivement, au niveau de ce qu'on pourrait appeler
les programmes de perfectionnement qui sont destinés aux enseignants et
aux enseignantes. Il y a là, déjà en place, des programmes
de perfectionnement technologique ou pédagogique qui me semblent
particulièrement efficaces. Ce n'est pas de ce domaine-là qu'on
veut parier. Quand on parie de lacunes importantes, on parie effectivement de
ce qui résulte d'une utilisation, disons, de l'autonomie locale qui fait
que, d'un collège à un autre, il y a des disparités
injustifiées; ce qui fait que des étudiants et des enseignants,
au fond, ont à vivre, dans leurs classes, dans leurs prestations, les
décisions de certains des administrateurs locaux qui ont jugé
parfois bon, ou parfois n'ont pas jugé bon d'embarquer dans le train de
l'innovation pédagogique en matière d'utilisation des
ordinateurs. C'est ça qui est le problème. En fait, donc, il n'y
a pas de coordination à l'intérieur des collèges, il n'y a
pas, non plus, à travers l'ensemble du réseau, une coordination
des collèges pour définir des priorités nationales claires
sur cet aspect-là.
M. Gendron: Rapidement, si vous aviez à porter un jugement
sur le phénomène dit de piratage de logiciels, c'est marginal?
c'est significatif? il y a lieu d'avoir des mesures pour contrer ça?
C'est quoi votre avis?
M. Beaulieu: II y a un comité conjoint qui a
déjà évalué à 3 000 000 $ le rattrapage s'il
fallait légaliser tous les logiciels qui existent dans le
réseau.
M. Gendron: Donc, ce n'est pas marginal? M. Beaulieu: Ce
n'est pas marginal.
M. Jobin: Mais, si ça peut vous consoler, c'est moins
grand que ça pouvait l'être il y a cinq ou six ans,
c'est-à-dire que, de plus en plus, on assiste à des
régularisations, des licences dans le réseau collégial, ce
qui est intéressant. Par contre, ce qui est moins intéressant,
c'est qu'il n'y a pas nécessairement les budgets qui sont là
aussi facilement pour faire ça.
M. Gendron: Je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Mme la
ministre, en conclusion.
Mme Robillard: Merci, messieurs, d'avoir accepté de venir
si tardivement nous rencontrer. Je pense que ça démontre
l'intérêt que vous portez à la cause de l'enseignement
collégial québécois. Merci d'être venus
témoigner en commission.
La Présidente (Mme Hovington): MM. Barrette, Jobin et
Beaulieu, merci beaucoup, au nom des membres de la commission de
l'éducation, d'être venus nous voir ici, à Québec.
Bon retour!
La commission de l'éducation ajourne ses travaux jusqu'à
demain, 11 heures.
(Fin de la séance à 22 h 45)