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(Dix heures une minute)
Le Président (M. Gautrin): Après avoir
constaté qu'on a quorum, je vais déclarer la séance de la
commission de l'éducation ouverte. Le mandat de la commission pour cette
séance est de procéder à des auditions publiques sur
l'enseignement collégial. Nous entendrons successivement le
collège Édouard-Montpetit à 10 heures, le Conseil du
patronat du Québec à 11 heures et, à 12 heures, le
Regroupement des associations générales étudiantes de
l'Est du Québec. M. le secrétaire, est-ce que vous avez des
remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Hovington
(Matane) est remplacée par M. Bergeron (Deux-Montagnes).
Le Président (M. Gautrin): Merci, M. le secrétaire.
Alors, je vois que, les gens du collège Édouard-Montpetit, vous
vous êtes déjà présentés. M. Sanssouci, vous
êtes le directeur général. Pouvez-vous présenter les
gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît?
M. Sanssouci (Yves): Si vous me permettez, M. le
Président...
Le Président (M. Gautrin): Non, le président. Je
reconnais M. Tremblay, c'est ça.
M. Sanssouci: Oui.
Le Président (M. Gautrin): Excusez-moi. C'est parce que je
n'avais pas mis mes lunettes, c'est pour ça.
Collège Édouard-Montpetit
M. Tremblay (Ronald): Mon nom est Ronald Tremblay,
président du conseil d'administration. M. le Président, Mme la
ministre, M. le député d'Abitibi-Ouest, mesdames et messieurs, je
vous remercie de nous donner l'occasion de vous présenter le
mémoire du collège Édouard-Montpetit. Permettez-moi
d'abord de vous présenter ceux et celles qui m'accompagnent. À
mon extrême droite. M. Richard Drolet, directeur des services aux
étudiants et à la communauté, et Mme Chris-tiane Gosselin,
directrice des communications et secrétaire générale.
À mon extrême gauche, M. Claude Ostiguy, directeur des services
pédagogiques, et M. Yves Sanssouci, directeur général.
Je voudrais, en quelques mots, vous présenter le collège
Édouard-Montpetit ainsi que la démarche qui nous a menés
à la rédaction de ce mémoire. Je demanderai ensuite au
directeur gé- néral de vous présenter les grandes lignes
de notre mémoire.
Le collège Édouard-Montpetit, c'est 20 000 personnes dont
7000 étudiants en enseignement régulier, 10 000 à
l'éducation aux adultes, qui sont inscrits à des cours qui sont
crédités ou sur mesure ainsi qu'à des activités
socio-culturelles et sportives. C'est 1300 employés, dont 500
professeurs à l'enseignement régulier, 200 employés de
soutien, du personnel à temps partiel, des contractuels ainsi que les
cadres regroupés parmi les quatre composantes que sont le campus
Lon-gueuil, l'École nationale d'aérotechnique, le Centre des
services aux entreprises, et le Centre sportif.
C'est 23 programmes à l'enseignement régulier, 15
comités et 3 sous-comités de programmes. C'est un budget de
fonctionnement de 60 000 000 $, dont 25 % qui proviennent d'autres sources que
du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science. Ce
sont des politiques d'évaluation des apprentissages, de valorisation de
la langue française, de l'éducation des adultes et, dans un souci
de partenariat, trois comités de liaison avec les entreprises. Mais,
d'abord et avant tout, le collège Édouard-Montpetit est un milieu
de vie, une maison d'éducation et un partenaire important au
développement de sa région.
Avant même l'annonce de la commission parlementaire, nous avions
entrepris, à l'automne 1991, de revoir les axes de développement
du collège. Ce projet qui faisait partie du mandat du directeur
général a suscité la participation de plus de 700
personnes à l'intérieur du collège. Cette réflexion
s'est poursuivie lors de la préparation du mémoire que nous vous
présentons aujourd'hui. Ce mémoire, qui a été
approuvé à l'unanimité par notre conseil d'administration,
est l'aboutissement d'une vaste consultation auprès du personnel et de
nos partenaires des entreprises, soit le comité consultatif de
l'École nationale d'aérotechnique et le comité consultatif
du Centre des services aux entreprises.
J'invite maintenant M. Yves Sanssouci, directeur général,
à vous présenter le mémoire.
Le Président (M. Gautrin): M. Sanssouci.
M. Sanssouci: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames et
messieurs. Merci, à mon tour, de nous recevoir et de nous donner
l'occasion d'exprimer notre point de vue sur l'enseignement collégial.
Notre message sera simple; notre message, oui, donc, est très simple,
notre conviction est très profonde: la société
québécoise doit refaire le choix de l'éducation comme
priorité de développement. Les plus grandes richesses d'une
société sont ses ressources humaines, tout le
monde le dit. Le développement social, culturel et
économique du Québec dépend de la capacité de notre
société à s'adapter aux extraordinaires défis
humains et économiques du monde moderne, et seules des personnes bien
éduquées et bien formées, des personnes à la
tête bien faite, compétentes et capables d'autonomie seront
capables d'y arriver.
Majs voilà, éduquer, c'est non seulement la
responsabilité de l'école mais c'est aussi celle de tous les
citoyens, des parents, des entreprises, des gouvernements, des fonctionnaires,
des gens d'école. On aura beau imaginer la plus belle des
réformes, si l'éducation ne retrouve pas sa place dans le coeur
des citoyens québécois, ça va être très
difficile.
Cela dit, parlons maintenant de la responsabilité ou plutôt
du défi de la société, des systèmes
d'éducation et en particulier de celui du collégial. Ce
défi est double: c'est la qualité de la formation, c'est la
réussite scolaire et personnelle. L'admissibilité,
l'accessibilité, on le sait, c'est un défi qui a
été très bien relevé par les collèges. Pour
qu'il y ait qualité et réussite, il y a des conditions, et c'est
de ces conditions que je vais vous parler ce matin.
Parlons d'abord de la qualité de la formation. Il y a plusieurs
conditions, j'en citerai deux. Lorsqu'on parle de qualité, il faut
d'abord connaître précisément ce que l'on a à faire.
Une deuxième, c'est avoir un certain contrôle sur les
résultats, c'est-à-dire être responsable des moyens qu'on
utilise. La qualité, ce n'est pas nouveau, mais on en parle plus
qu'avant. Les Québécois évoluent dans un univers de
consommateurs avertis. Les Québécois sont exigeants et exigeront
de plus en plus de la qualité. La qualité, c'est une
appréciation. C'est une comparaison avec un standard ou avec une mesure
étalon. Or, au collégial, il n'y a pas de mesure étalon.
Il y a des objectifs généraux mais pas de standard ou de seuil de
compétence officiel, quoique ce qu'on est en train de faire avec
l'élaboration des programmes par compétence soit un excellent
début, à notre avis.
Alors, c'est pour cela que nous recommandons au ministère
d'établir des standards officiels, des seuils de compétence pour
chacun des programmes. Il serait plus facile par la suite de parler de
qualité. La qualité, ça ne requiert pas seulement la
connaissance des niveaux à atteindre mais aussi l'organisation des
activités dans un système cohérent et crédible.
Pour rendre le système actuel plus efficient, nous recommandons:
une plus grande responsabilisation des collèges dans la gestion et la
révision des programmes, une fois que les standards auront
été établis; des collèges plus responsables aussi
au niveau des contenus de cours; nous recommandons également la mise en
place d'un organisme indépendant d'évaluation des
collèges, organisme qui ferait rapport à la ministre, et un
arrimage plus soutenu entre le collégial et l'université et entre
le collège et les entreprises. Voilà un système
cohérent où, d'une part, on sait d'avance ce que l'on va faire et
où on responsabilise et on vient vérifier de l'externe.
La qualité au collégial, c'est la qualité des
finissants, c'est aussi le maintien d'une formation générale
obligatoire pour tous les élèves inscrits à l'enseignement
technique comme à l'enseignement préuniversitaire. Je pense que
tout le monde l'a dit, après 25 ans il est normal et souhaitable qu'on
revoie les contenus pour qu'ils soient actualisés et peut-être
élargis. Il faut se garder cependant de rejeter du revers de la main les
25 ans d'expérience et d'acquis importants des collèges. Les
collèges n'ont pas été immobiles pendant les 25
dernières années; ils ont évolué eux aussi, au
même rythme que la société québécoise. Par
exemple, les cours de philosophie et de français, de langue et de
littérature devraient demeurer, selon nous, les principaux agents de la
formation générale, bien que leur pondération puisse
être modifiée. La connaissance des civilisations, la connaissance
de soi, la créativité, l'ouverture aux arts, la langue seconde,
par exemple, sont des sujets qui pourraient être considérés
lorsque l'on parle d'élargissement de la culture, de la formation
générale. Nous n'avons pas fait d'arithmétique, nous
n'avons pas compté combien de cours ça prendrait en philosophie
ou en éducation physique; on pense que cela pourrait venir par la
suite.
Concernant les cours d'éducation physique, nous croyons que des
cours axés sur la santé physique et son maintien, sur la
connaissance du fonctionnement du corps ont tout à fait leur place dans
la formation générale obligatoire des cégépiens.
C'est d'ailleurs ce que nous avons commencé à faire au
collège Édouard-Montpetit dans de nombreux cours: yoga, tai-chi,
conditionnement physique sont des cours presque obligatoires chez nous. Les
cours sont agencés dans une séquence où des capsules
théoriques sont aussi dispensées aux élèves. Quant
aux activités physiques, à la gymnastique, aux activités
sportives, nous croyons qu'elles doivent continuer de faire partie du projet
éducatif du collège, tout comme les activités
socioculturelles et communautaires, sans pour autant être
créditées. Et les collèges doivent disposer, cependant,
des moyens financiers pour les offrir. (10 h 10)
Un mot sur la formation préuniversitaire. Un point nous
préoccupe: Pourquoi faudrait-il que la voie royale à
l'université continue d'être les programmes de sciences de la
nature? Pourquoi un étudiant qui a le goût des sciences humaines
devrait-il être contraint de choisir en fonction de la réputation
d'un programme plutôt qu'en fonction de son potentiel? On pense qu'il y a
là un équilibre à rétablir entre le programme
sciences humaines et arts et le programme des sciences de la nature
Au niveau de la formation technique, là, on a un problème
sérieux au Québec. J'imagine que bien d'autres sont venus vous le
dire, l'enseignement technique est dévalorisé. Il fut un temps au
Québec où on disait à un jeune du secondaire: Tu n'es pas
très intelligent, tu n'as pas bien, bien réussi, va donc choisir
un métier. Ça nous a conduits à la situation où
nous sommes aujourd'hui, où encore trop souvent, malheureusement,
l'enseignement technique et professionnel est dévalorisé. Tout le
monde voudrait que son enfant devienne un médecin, un avocat ou
peut-être un député. Ça prend des gens qui ont une
formation spécialisée. Je m'excuse pour celle-là. Ha, ha,
ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Vous avez le sens de l'humour, M. le directeur.
M. Sanssouci: C'est un cri du coeur. On pense aussi que les
stages pratiques doivent se retrouver dans la majorité des programmes.
Peut-être qu'il y aurait lieu d'aider les entreprises par des incitatifs
fiscaux, et d'aider les collèges aussi parce que ça coûte
cher, l'organisation des stages. Mais il est tout à fait normal que,
dans un curriculum technique, on retrouve quelque part un endroit, un temps
où les élèves pourront entrer en contact avec leur futur
métier, leur future profession. On pense qu'il y a peut-être lieu
aussi, lorsque cela est possible, de découper en modules qui
correspondraient à des fonctions de travail le cours technique de trois
ans. Ces modules pourraient comprendre une partie de formation technique et une
partie de formation générale.
On ne dit pas qu'il faut pour autant, cependant, enlever les A.E.C. et
les C.E.C. Il ne faudrait pas faire l'erreur de tout balayer parce que, tout
à coup, on pense à une nouvelle formule. Les A.E.C., les C.E.C.
et les D.E.C. ont leur place. Ce qu'il s'agit de trouver, c'est un
assouplissement, une façon de faire les choses qui permette à un
adulte surtout d'entrer sur le marché du travail, de faire une fonction
de travail, de revenir étudier et de continuer. D'ailleurs, on vient
d'être autorisés à faire un C.E.C. en entretien
d'aéronef divisé en quatre modules. Ça va donc permettre
à des personnes qui ont le goût d'étudier mais qui ont
besoin de travailler d'aller et de revenir entre les études et le
travail.
Parlons maintenant de réussite. Pour réussir, il faut
être motivé. Pour appuyer une cause, il faut être
motivé. Si l'on veut que la population, les parents, les
étudiants, les professeurs, les entreprises appuient l'éducation
et que les étudiants redécouvrent le plaisir d'apprendre,
ça va prendre toute une campagne. On l'a déjà fait dans
d'autres domaines. On l'a fait pour l'environnement, on l'a fait pour la
santé, pourquoi on ne le ferait pas pour l'éducation? C'est un
premier prérequis.
Un deuxième - et, celui-là, il est de taille - c'est une
bonne préparation aux études collégiales. Je vous parlais
de qualité, au début. Pour faire de la qualité, il faut
travailler avec de la qualité. Pour accéder à des
études collégiales, il faut être bien
préparé. Or, le drame actuellement, et sans doute qu'on vous l'a
chanté sur tous les tons, les élèves du secondaire, le
régime leur commande de s'inscrire à 176 unités, mais on
tolère qu'ils n'en réussissent que 130 ou 132 pour obtenir leur
diplôme d'études secondaires. C'est quoi, le message qu'on envoie
aux élèves dans un régime comme celui-là? Et je ne
suis pas en train de blâmer les professeurs ou les étudiants du
secondaire; nous vivons tous dans la même société. Le
système envoie le message suivant: Tu peux faire des échecs,
c'est sans conséquences. Et, ça, c'est grave.
Le collège ne peut pas se substituer au secondaire et se mettre
à donner des cours du secondaire. Le collège ne peut pas non plus
prendre une année complète, la première année, et
dire: On va faire comme si c'était une année de collégial
et ça sera une année de secondaire. Le collège - pas rien
que le collège Édouard-Montpetit - est prêt à aider
les élèves qui ont des difficultés. On appelle ça
des mises à niveau. Disons que c'est des mesures d'aide. Au
collège Édouard-Montpetit, il y en a beaucoup: évaluation
préventive, des groupes stables, des centres d'aide et un certain nombre
de politiques pour aider les étudiants dans leur apprentissage,
politique d'évaluation des apprentissages, politique de valorisation de
la langue française. Dans notre collège, un élève
peut perdre 30 % de ses points dans un cours de français, seulement pour
la qualité de la langue. On a fait des campagnes de valorisation des
études, et ça ne s'est pas limité à un slogan. Au
collège Édouard-Montpetit, on engage des étudiants. Au
collège Édouard-Montpetit, pour travailler quand on est
étudiant, il faut être inscrit à six cours. Pour garder sa
job, il faut réussir ses six cours. Voilà donc un
problème, à mon avis, qui est majeur. Il est majeur parce que,
encore une fois, il invite les élèves à faire des
échecs, presque. Il leur dit que ça n'a pas de
conséquences, un échec.
Un autre prérequis, c'est un bon encadrement. Certains croient
qu'un bon encadrement, c'est un groupe d'aides pédagogiques
individuelles, un groupe de conseillers, un groupe de psychologues.
L'encadrement, ça commence dans la classe. C'est une des
premières fonctions de l'enseignant. Les autres viennent en
complémentarité. Et lorsque, en sciences humaines, en philo et en
français on a 160 élèves à encadrer, je vous dis
qu'on atteint la limite, la limite du possible.
Quelques mots sur l'évaluation et le financement. J'ai
parlé tout à l'heure d'un organisme externe. Il se fait beaucoup
d'évaluation dans les
collèges. Je vais vous donner un exemple. Au collège
Édouard-Montpetit, les professeurs non permanents sont
évalués régulièrement avec six ou sept
paramètres utilisés, dont l'avis des élèves. Les
professeurs non permanents sont évalués; les cadres, les
gérants sont évalués. Nous sommes en train de mettre en
place une politique d'évaluation de l'ensemble des personnels qui, au
cours des prochaines années, devra être complétée.
L'évaluation des apprentissages: en 1982, on s'est doté d'une
politique; en 1992, on vient de la réviser et, croyez-moi, elle est
appliquée. Nos programmes monoparentaux, les programmes que nous sommes
les seuls à dispenser, font l'objet régulièrement d'une
évaluation.
Quelques mots sur le financement, parce que je vois que le temps file.
Il n'y a pas d'argent au Québec, tout le monde le dit, tout le monde le
sait, mais il va falloir en trouver pour le perfectionnement, pour les
équipements, pour un certain nombre de choses à financer. Mais,
quand on dit «trouver de l'argent», ça ne veut pas dire
nécessairement de l'argent neuf. On a peut-être, là aussi,
après 25 ans, à s'interroger sur nos systèmes. Il y a
lieu, peut-être, de procéder à certaines rationalisations.
Je ne parle pas ici des nombreux exercices de rationalisation effectués
par les collèges depuis 25 ans dans leurs budgets de fonctionnement, je
parle des systèmes, des façons de faire.
Il y a des pays où, parce qu'il y avait une crise
financière, on a décidé de commencer les cours à 6
heures le matin, de finir à 12 heures et d'avoir un deuxième
groupe qui commençait à 12 heures pour finir à 18 heures
le soir. Ce n'est pas si loin que ça, ça se passe dans le monde.
Nous, on donne deux sessions par année. On pourrait peut-être en
donner trois. Nous n'avons pas fait l'étude, mais on pense qu'il y a
peut-être là une bonne analyse à réaliser pour voir
s'il n'y aurait pas des économies de système. Ça
coûte peut-être moins cher d'utiliser plus ce que nous avons que de
recréer des cégeps un peu partout.
On sait, c'est normal, chacun voudrait avoir un cégep avec toutes
les options, tous les services. Peut-on se payer ça au Québec? On
est mûrs pour procéder à une certaine rationalisation.
Faut-il que, dans toutes les régions, on dispense tous les programmes?
Faut-il que, dans chacun des collèges, on dispense tous les programmes?
L'École nationale d'aérotechnique du collège
Édouard-Montpetit, ça coûte très cher, et je pense
qu'une au Québec, c'est assez. Ce qui se passe dans d'autres
collèges avec leurs centres spécialisés, ça se fait
très bien, c'est assez, et on n'a pas à se compétitionner
là-dessus. Je pense qu'il y a 33 collèges qui donnent
électrotechnique au Québec; 22, c'est peut-être assez. On a
des problèmes de budget, d'équipement. On pourrait
peut-être se poser un certain nombre de questions. Je sais que la
Direction générale de l'enseignement collégial et la
Fédération des cégeps ont commencé une
réflexion sérieuse là-dessus, et on pense que, là,
il y a de l'avenir. Alors, peut-être qu'il y a lieu de réutiliser
des sommes qui, actuellement... Et je ne blâme personne; ça a
été fait comme ça, parce que c'était la mode du
temps mais, comme tout le monde, il faut procéder à des
rationalisations, et peut-être réinvestir, peut-être faire
d'autres choix.
Il y a un certain nombre d'autres éléments, mais je
voudrais passer à d'autres choses. Parlons de financement...
Le Président (M. Gautrin): II vous reste deux minutes.
M. Sanssouci: Pardon?
Le Président (M. Gautrin): II vous reste environ deux
minutes.
M. Sanssouci: Partait, j'en ai assez. Les frais de
scolarité, nous sommes contre. Bon, voilà! Ha, ha, ha!
J'expliquerai plus tard pourquoi. Nous recommandons une mesure de
responsabilisation au niveau des élèves. Ce n'est pas seulement
en fonction des finances. Je vous disais tout à l'heure qu'un message
qu'on envoie, c'est un message de non-responsabilisation: 132 unités
versus 176. Mais on dit à un élève: Prends-en, des cours.
Manques-en quand tu voudras, ce n'est pas grave, il y en a encore. Mais on ne
peut pas en même temps tenir ce discours et dire: II faut conserver
l'environnement, il faut ménager l'énergie, il ne faut pas faire
de gaspillage. Comment peut-on tenir un discours cohérent dans une
société quand on a des régimes qui encouragent et qui
valorisent presque l'échec, alors que, de l'autre côté, on
essaie d'avoir des messages qui invitent à une plus grande
responsabilisation? On pense donc qu'il y a lieu d'y avoir une sorte de
crédit à la formation. Je ne sais ce que ça pourrait
prendre comme forme, mais il y a lieu de s'interroger sérieusement
là-dessus. (10 h 20)
En conclusion, M. le Président, nous croyons que la
société québécoise doit refaire non seulement le
choix des cégeps mais le choix de l'éducation comme
priorité de développement. Ce projet de réforme sera un
succès dans la mesure où il sera supporté par tout le
monde, pas seulement par les éducateurs, les fonctionnaires, les
députés. Le goût d'étudier, ça commence en
première année, quand les parents aident les jeunes à
faire les élèves. Quand ils nous arrivent au collégial,
ils ont 17 ans de faits ailleurs, dans un cheminement autre. Alors, c'est pour
ça qu'on dit que la seule responsabilité de l'éducation,
ça ne dépend pas seulement des éducateurs professionnels
mais ça dépend de tout le monde. C'est une philosophie, une
façon de
faire qu'il faut se donner.
En résumé, M. le Président, ce que nous souhaitons,
c'est des élèves mieux préparés, le maintien de la
formation générale obligatoire, actualisée, élargie
peut-être, l'établissement de standards nationaux, une plus grande
responsabilisation des collèges, notamment dans la gestion des
programmes, une plus grande rationalisation des systèmes, un
rapprochement avec les partenaires universitaires et industriels, bref, une
valorisation de l'éducation dans notre société par tous
les intervenants, et peut-être aussi la fierté d'avoir
inventé, il y a 25 ans, un système qui, somme toute, n'est pas si
mal.
Le Président (M. Gautrin): Merci, M. Sanssouci.
Maintenant, je vais demander à Mme la ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science, la députée de Chambly, de vous
adresser la parole.
Mme Robillard: Merci, M. le Président. M. Tremblay, M. le
président du conseil d'administration, ça nous fait plaisir de
vous accueillir avec l'équipe du collège pour venir
témoigner de votre réalité. Et je vois qu'au niveau de
votre mémoire vous avez abordé un large éventail de
questions, je pense, qui concernent les collèges du Québec. Vous
soutenez, je pense, tout au long de votre mémoire, la
nécessité d'une réforme des collèges et vous nous
suggérez plusieurs pistes. Laissez-moi vous dire d'abord, M. Tremblay,
que je suis très heureuse de voir que le collège
Édouard-Montpetit s'est donné un projet éducatif
d'ensemble au niveau du milieu. Je sais que ça a été une
opération importante, qui a nécessité beaucoup
d'énergie et de consultation. Je pense que ça valait le coup que
vous ayez ce projet et qu'il soit clair pour l'ensemble des intervenants dans
le collège.
Maintenant, j'aimerais ça commencer notre échange en vous
parlant directement de la formation technique, parce que vous nous avez fait
plusieurs recommandations, mais j'aimerais ça avoir une clarification
sur une recommandation qui m'apparaît, à certains points,
nouvelle, ou votre façon de l'aborder est nouvelle. Je me
réfère à la page 20 de votre mémoire, M. Sanssouci
ou M. Tremblay, où vous nous dites qu'au niveau du défi de la
formation professionnelle il faut absolument qu'il y ait une meilleure
concertation entre les différents ordres d'enseignement. Et vous nous
donnez une recommandation. Je voudrais que vous l'explicitiez. Vous dites,
à la recommandation 20, que «les ministères
concernés - j'imagine que c'est le ministère de
l'Éducation et celui de l'Enseignement supérieur, mais vous allez
me clarifier ça - devraient développer une filière de
formation technique couvrant les trois ordres d'enseignement et mettre en place
les mécanismes de concertation». Qu'est-ce à dire?
M. Sanssouci: Ce que nous constatons aujourd'hui, c'est qu'il n'y
a pas toujours cet arrimage ou cette continuité entre les divers ordres
d'enseignement. Il y a une concurrence qui s'effectue entre les
différents ordres d'enseignement aussi. Il y a des cours qui se
chevauchent, secondaire-collégial, collégial-universitaire. Le
certificat universitaire, dans certains cas, est souvent l'équivalent de
ce qui se passe au collégial. Il y a des techniques pour lesquelles
c'est difficile, des fois, de faire la distinction.
Ce que nous souhaitons, lorsqu'on se place du point de vue des
élèves, des parents et des citoyens: Y aurait-il
possibilité qu'on voie une continuité entre ce qui se passe au
primaire, au secondaire, au collégial et à l'université?
On pourrait donc encourager, dès le jeune âge, et montrer, du
moins, à tous les étudiants, aux jeunes, les avantages qu'il
pourrait y avoir dans une carrière technique. Il me semble
qu'actuellement, pour toutes sortes de raisons, les trois milieux semblent
hermétiques. On sait qu'il y a des efforts qui se font. On sait qu'il y
a des comités mais, du point de vue du citoyen - et c'est ce qu'on nous
a dit dans nos consultations à l'externe - on a l'impression qu'on fait
affaire avec trois organisations bien différentes. On n'est pas
allé très loin...
Mme Robillard: Alors, M. Sanssouci, qu'est-ce que vous
suggérez concrètement? Là on parle strictement de la
formation professionnelle. Vous me dites une filière de formation
professionnelle secondaire, collégial, universitaire. C'est ça
que je comprends, là. Concrètement, là, qu'est-ce que vous
me suggérez?
M. Sanssouci: Je vais vous donner un exemple concret et je
demanderai à mon collègue, directeur des services
pédagogiques, de compléter. Il y a quelques années, nous
avons imaginé un projet en aérotechnique. Il y a une école
des métiers de l'espace à Montréal, il y a l'École
nationale d'aérotechnique à Saint-Hubert; ça coûte
très cher, tout ça. Il y a aussi des universités qui
évoluent dans le domaine de l'aérospatiale.
Avec les ressources que nous avons, on pense qu'il y aurait eu lieu de
regrouper l'ensemble de ces ressources dans un seul lieu, d'inviter les
étudiants du secondaire, lorsqu'ils se spécialisent, à se
rapprocher d'un lieu de spécialité, certains cours plus
généraux pouvant être donnés ailleurs, dans les
commissions scolaires, les installer dans un continuum où, dès le
secondaire, ils pourraient voir ce qui se passe au collégial et, dans
notre cas, c'était dans les mêmes lieux physiques. Mais on ne
demandait pas pour autant que la responsabilité nous soit
reléguée.
Donc, trouver un système qui va montrer le lien entre le
secondaire, le collégial et l'université pour qu'un
étudiant, dès le secondaire,
puisse s'inscrire dans une filière technique et voir tout de
suite un débouché du côté universitaire.
M. Ostiguy (Claude): C'est ce que nous avons commencé
à faire en aérotechnique avec les universités. Ça
permet notamment que des unités accumulées au collégial
puissent par la suite à l'université - et c'est connu au
préalable, au départ des étudiants - puissent être
reconnues. Et on pense qu'il faudrait agir de la même façon avec
le secondaire. Dans le fond, ce dont on se rend compte, surtout dans les
domaines qui sont névralgiques pour le développement
économique du Québec, on se rend compte qu'il y a lieu et qu'il
est même urgent de se concerter interniveaux. Et cet appel, on l'a fait
en aérotechnique et on est en train de cheminer là-dessus.
Ça apparaît, pour l'instant, très intéressant. On
n'a pas comme telle une structure officielle, mais on a du maillage et des
liaisons qui se font.
Mme Robillard: Est-ce que vous pensez que c'est possible dans
tous les programmes?
M. Ostiguy: Moi, je ne croirais pas que ce soit possible dans
tous les programmes, parce qu'il y a des programmes qui, au secondaire, sont
terminaux ou d'autres qui, au collégial, sont terminaux. Mais il y en a
où il y a vraiment une filière de formation qui traverse les
trois ordres d'enseignement.
Mme Robillard: Parfait, je saisis mieux. Maintenant, si nous
abordions ensemble la question de l'approche programme que vous nous
décrivez dans votre document? Vous nous dites que l'approche programme
est une piste prometteuse pour coordonner les cours d'un programme en
particulier et que vous êtes en période de consultation
auprès de votre personnel. Pourriez-vous nous faire état
où vous en êtes rendus dans ces étapes de consultation?
M. Sanssouci: Nous proposons à notre personnel depuis un
bon nombre d'années, je dirais, une façon de faire qui prend
l'élève comme principale cible. Comme vous le savez,
l'enseignement disciplinaire a ses vertus, il a ses lacunes aussi. Pour nous,
une approche programme - parce que je ne pense pas qu'on puisse dire qu'il y a
«l'approche programme» - c'est une façon d'organiser les
choses de telle sorte que les activités soient de plus en plus
intégrées autour du projet d'un élève qui a choisi
un programme en particulier.
Mme Robillard: Alors, comment réagit votre personnel?
Là, vous êtes en consultation?
M. Sanssouci: Je vais demander à notre directeur des
services pédagogiques, qui est en train de mener cette consultation, de
vous donner plus de détails.
M. Ostiguy: C'est-à-dire qu'à la fois on est en
consultation et à la fois on est dedans depuis déjà
quelques années. Je vais donner d'abord l'exemple des comités de
programmes. Les comités de programmes, on a commencé à les
discuter à l'interne après la publication du régime
pédagogique actuel, donc a compter de 1984. Nous disposons
présentement, pour chaque programme, d'un comité de programmes.
Ce comité regroupe des gens de l'interne, des professeurs, des
conseillers pédagogiques, des aides pédagogiques, des
gestionnaires pédagogiques. Il regroupe aussi des gens de l'externe, des
gens des entreprises, des ordres professionnels et, pour ce qui est du
général, on s'apprête à inviter des universitaires.
Alors, nous avons présentement 15 comités de programmes qui
regroupent plus de 200 personnes dans le collège et de
l'extérieur du collège. Alors, dans ce sens-là, le milieu,
vis-à-vis de ce type de préoccupation de programmes, il est
très positif, il fonctionne là-dedans. Ça, c'était
déjà implanté depuis quelques années. (10 h 30)
Quand on les a consultés récemment, c'était pour
ouvrir davantage notre approche programme pour en faire une approche qui soit
plus au quotidien. Et, au quotidien, ça veut dire dans la classe. Et,
dans la classe, ça veut dire que les étudiants, ils sont
réunis en groupes homogènes. Ça voudrait dire aussi,
idéalement, que les professeurs puissent eux-mêmes se regrouper
s'ils partagent les mêmes étudiants. Idéalement, on devrait
se retrouver, semble-t-il, avec des modules d'étudiants qui sont
inscrits aux mêmes cours, paires avec des professeurs qui enseignent
à ces mêmes étudiants. À ce moment-là,
l'approche programme, ça ne sera pas une structure
supplémentaire, ça va être dans le quotidien et ça
va être facile. Ça va être cinq, six professeurs qui
partagent les mêmes 160 étudiants. Ça, ce n'est pas
compliqué. Et, ça, ça permet l'inter-relation, ça
permet une coordination des enseignements en fonction du programme.
Là-dessus, le milieu, il vient d'être saisi. Je ne peux pas
dire qu'il est franchement ouvert devant ça, mais c'est en discussion.
C'est une discussion, d'ailleurs, très récente, ça date du
14 octobre. Alors, je serais un peu mal-venu de vous dire que le milieu est
embarqué de plain-pied là-dedans en répondant oui.
Mme Robillard: Vous nous suggérez aussi, à la page
12 de votre mémoire, une activité d'intégration,
dites-vous, pour chaque programme, dont la réussite serait une condition
pour l'obtention du diplôme. Pourriez-vous être plus
spécifique? Qu'est-ce que c'est, pour vous, une «activité
d'intégration»? Est-ce que c'est le sens d'examen de
synthèse? Ça serait préparé par qui? Comment vous
voyez ça? Et là vous nous dites
très clairement que ce serait une condition pour obtenir le
diplôme.
M. Sanssouci: C'est une suite logique d'une approche programme.
Si l'étudiant est inscrit dans un programme, à la fin des cours
il faudra mesurer s'il a atteint l'objectif du programme qui comprend non
seulement de la formation technique et professionnelle, dans certains cas, mais
aussi la formation générale et la formation
préuniversitaire dans d'autres cas. Ça peut prendre plusieurs
formes. La première, on pense que ça pourrait être un
cours. Anciennement, on connaissait le cours de théorie de la
connaissance. On pourrait avoir un cours qui intégrerait l'ensemble des
savoirs. Laissez-moi vous donner un exemple.
En orthèse visuelle, ce que nous enseignons chez nous, un
étudiant pourrait avoir un cours qui lui permettrait d'assimiler un
certain nombre de connaissances et, à la fin, on pourrait
vérifier un certain nombre de choses. Bon, peut-être qu'il est
capable d'ajuster des lunettes, mais comment il se comporte avec un client?
Quand il fait un rapport, y a-t-il des fautes dans son rapport? Comme ça
sera probablement une personne qui s'en ira en affaires, est-ce qu'il est
capable de faire un plan d'affaires? Donc, un cours qui pourrait aller puiser
dans l'ensemble des connaissances qu'il a acquises durant ces trois ans et
qu'il faudrait qu'il réussisse pour que le collège
Edouard-Montpetit puisse dire: Oui, vous méritez votre
diplôme.
À quoi ça sert d'avoir appris des choses
séparément si on n'est pas capables de les intégrer?
Voilà un exemple concret. Ça pourrait être un projet de fin
d'études. Ça pourrait être un stage programme où non
seulement on irait vérifier l'acquisition des connaissances
professionnelles mais la façon dont un individu se comporte avec les
autres, la qualité de sa communication. Est-ce qu'il est capable de
réfléchir? Est-ce qu'il est capable de fournir des suggestions
à des problèmes complexes? Alors, c'est plus sous la forme d'un
cours, mesuré à la fin par, peut-être, une série
d'examens. Ça pourrait être aussi, comme je le dis, un stage
programme ou un projet de fin d'études.
Mme Robillard: M. le Président, je vais passer la parole
à mon collègue, le député d'Abitibi-Ouest, et,
comme il aime souvent me citer les éditoriaux de Mme Bissonnette, je
suis certaine que, ce matin, il a des questions à poser au
collège à partir de l'éditorial.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gautrin): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Vous allez voir. Vous allez voir. Alors, je voulais
saluer d'une façon spéciale
M. Tremblay, président, ainsi que tous les collaborateurs du
collège Édouard-Montpetit. Effectivement, même si je ne
vous ai pas vu faire de génuflexion avant de commencer la
présentation de votre excellent mémoire, qui pourrait alimenter
nos échanges pour toute la matinée, compte tenu que son contenu
indique que vous êtes complètement d'accord, vous, pour toucher
à l'animal sacré, vous êtes d'accord pour toucher à
l'animal sacré de Mme Bissonnette, ce matin, qu'est le cégep
d'aujourd'hui... Alors, je trouve que vous avez un mémoire de fond,
articulé, et je suis content de pouvoir vous avoir pour échanger,
et on va aller tout de suite au niveau des échanges.
C'est un mémoire qui finit avec 34 recommandations et qui,
d'entrée de jeu, indique que l'éducation devrait être
«repriorisée» au Québec. Je pense que c'est un
mémoire qui est dans le ton. Vous avez touché plusieurs aspects
mais, moi, je voudrais ce matin m'en tenir à un aspect qui,
jusqu'à date, n'a pas assez été échangé,
questionné. Et ça tombe pile aussi, et là ce n'est pas
Lise Bissonnette - je n'ai rien contre Mme Bissonnette, que j'aime bien - mais
c'est son même journal qui parle du grand retour aux études des
adultes québécois. «Le retour sur les bancs d'école
des travailleurs est en passe de devenir une tendance de fond au Canada.
À tel point que ces derniers comptent maintenant pour 63 % de la
clientèle aux études postsecondaires au pays.» Et,
justement, vous êtes un de ceux qui avez élaboré un peu
plus sur l'éducation des adultes, et je voudrais en parler parce que, je
le répète, on va rater assurément notre mission à
cette commission si on ne prend pas pour acquis que, bien sûr, il faut
toucher à bien des choses des collèges, mais il faut avoir un
meilleur régime de cours au niveau de l'éducation des adultes en
termes de formation continue, en termes de financement, en termes de partage
des responsabilités, en termes de reconnaissance des acquis. Ça
fait partie de la révision de l'enseignement des collèges, parce
que l'ordre collégial offre quand même un bon éventail de
formation à l'éducation des adultes mais fait face aux
mêmes réalités.
Alors, vous disiez, d'entrée de jeu, là-dessus: «Les
besoins des adultes en matière de formation continue et ceux des
entreprises pour le perfectionnement de leur main-d'oeuvre sont en pleine
explosion.» Personne ne doute de ça, et je suis convaincu que
ça va continuer d'être comme ça, et c'est nécessaire
que ça soit comme ça. C'est requis que ça soit comme
ça. Il y a donc une nécessité de regarder de près
ce secteur et les problèmes qu'il a, parce que les problèmes sont
nombreux à l'éducation des adultes. Alors, vous l'avez fait, et
le premier point que vous avez touché, c'est le financement. J'aimerais
ça que vous nous décriviez d'une façon un peu plus
précise quelle sorte de problèmes concrets le collège
Édouard-Montpetit vit
quant aux problèmes de financement de l'éducation des
adultes chez vous. Concrètement, c'est quoi, le problème?
Le Président (M. Gautrin): Vous voulez que je vous en
nomme un? M. le directeur.
M. Sanssouci: Le financement de l'éducation des adultes
est complexe parce qu'il provient de plusieurs sources. L'éducation des
adultes, c'est quelque chose qui s'est greffé un jour à
l'éducation régulière. Il y a eu des efforts
sérieux de faits par un peu tout le monde, je pense, pour essayer
d'observer et de faire en sorte que les adultes puissent vraiment avoir la
chance de revenir aux études. Cependant, lorsque j'offre des services
aux adultes au collège Édouard-Montpetit, j'ai une enveloppe qui
est fermée. On me dit: Tu as le droit d'en offrir tant, et s'il y en a
d'autres qui viennent se cogner le nez sur la porte, c'est bien de valeur, tu
ne peux pas les prendre. Je ne dis pas en même temps que l'État
devrait tout payer tout le temps, je dis que je constate que, dans la situation
actuelle, je ne peux pas les prendre, souvent.
Deuxièmement, lorsque je fais affaire avec un autre
ministère et que ce même ministère me dit: Tu ne peux pas
charger plus que 1 $ l'heure et, en même temps, les budgets sont
coupés, là, les Anglais appellent ça un
«catch-22». Ça veut donc dire que je suis presque
forcé de donner la formation. En aérotechnique, par exemple, on
est tout seul. S'il fallait qu'on refuse de la donner! Mais, en même
temps, quand on la leur donne, ça nous coûte un peu d'argent.
Alors, ce qu'on se dit, c'est qu'il y aurait peut-être lieu de concevoir
l'éducation au niveau collégial comme un tout accessible à
l'ensemble des citoyens. Pour nous, on essaie de ne pas faire trop de
distinctions entre un étudiant qui a 18 ans et un autre qui a 42 ans, un
qui a la chance d'étudier à 18 ans et l'autre qui n'a pas eu la
chance puis qui voudrait revenir.
Or, donc, peut-être qu'on pourrait imaginer une sorte de
crédit de formation accessible aux Québécois qui en ont
besoin, qui n'en abuseraient pas parce qu'on aurait un verrou, mais ce qu'on
dit, c'est qu'il faut favoriser l'accès des adultes non seulement
à la formation technique et professionnelle mais aussi à
l'ensemble de la formation générale. Donc, ça, ça
en est quelques-uns, des exemples.
M. Gendron: Est-ce que vous êtes en mesure de
reconnaître qu'il y a un certain nombre d'adultes que vous refusez
précisément à cause du mode de financement de l'enveloppe
fermée?
M. Sanssouci: On ne les a jamais comptés mais, ce que je
peux vous dire, c'est que lorsqu'on fait l'offre de service, lorsqu'on a fait
le plein, on arrête d'en prendre. Peut-être que tu pourrais
compléter?
M. Ostiguy: Quand on planifie l'offre, on tient compte des
budgets résiduels, des budgets que nous avons. Évidemment, les
gens ne viennent pas si on n'a pas offert tel et tel cours. Dans ce
sens-là, c'est très difficile à évaluer.
M. Gendron: Je comprends que vous n'avez pas une comptabilisation
de gens, sur une base annuelle, qui auraient été refusés
justement à cause de cette formule-là. Vous ne pouvez pas dire
100, 200,300, 1000.
M. Ostiguy: Ce qu'on sait, c'est que, lorsqu'on avait des budgets
plus larges, les gens venaient.
M. Gendron: Merci. Deuxième point: partage des
responsabilités. Vous êtes assez sévère. Moi, j'ai
appelé ça, assez souvent, comme ça se passe, du
mêlage de pieds entre le MMSR, le ministère de la Main-d'Oeuvre et
de la Sécurité du revenu, et... (10 h 40)
Une voix: La formation professionnelle?
M. Gendron: ...et l'Éducation. Pour ce qui est des budgets
de formation professionnelle, des cours de formation professionnelle, il y a
beaucoup de monde là-dedans et, vous, vous avez une section à la
page 24, là, vous parlez du partage des responsabilités. Encore
là, afin de mieux illustrer ce qu'il y aurait lieu de faire et de
corriger, qu'est-ce qui a créé cette source de confusion chez les
dirigeants d'entreprises et qui est devenu inefficace pour votre
collège? Parce que vous affirmez ça à la page 24 de votre
mémoire, là, «...qui ont suivi en matière de
formation sur mesure sont une source de confusion chez les dirigeants
d'entreprises et d'inefficacité pour les collèges. Des solutions
rapides aux problèmes que crée cette situation sont
nécessaires.» Est-ce que vous en avez à nous
suggérer?
M. Sanssouci: Je vous dirais que, d'abord, les gens de nos
comités-conseils nous ont dit: Ça n'a plus de bon sens, ce qui se
passe; c'est tellement compliqué qu'on est mieux de financer
nous-mêmes. Je sais que c'est compliqué, une grosse machine
bureaucratique gouvernementale. Ça prend des contrôles, et on est
bien d'accord avec ça.
M. Gendron: Mais donnez donc quelques exemples de ce qui est si
compliqué que ça.
M. Sanssouci: bon. par exemple, lorsque je suis avec les gens des
entreprises, ils me disent: nous, on aurait besoin d'un cours dans tel domaine.
mais si ce besoin-là n'a pas été expri-
mé il y a un an et demi aux gens de la commission de formation
professionnelle qui, donc, ne l'ont pas noté, bien, ils ne pourront pas
se le faire financer. Donc, il y a un décalage énorme entre
l'observation d'un besoin et le temps que ça prend pour être
capable de le combler. Assez que, de temps en temps, ce besoin est devenu
désuet par rapport à un autre qui a été
observé, et là on périme des fonds; et, d'un autre
côté, on n'a pas les fonds nécessaires pour donner les
cours. C'est des choses comme ça.
M. Gendron: Excellent! C'est ce que je voulais entendre. Vous
suggérez également, à la page 25: «Afin de rendre le
processus de formation sur mesure plus efficace et plus accessible aux petites
et moyennes entreprises, le gouvernement du Québec devrait revoir le
partage des responsabilités entre le ministère de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle et le ministère de l'Enseignement
supérieur.» Qu'est-ce qu'on repartage, et qu'est-ce qu'il serait
prioritaire de redistribuer autrement, qui fait effectivement problème
actuellement?
M. Sanssouci: Vous comprendrez qu'on n'est pas en mesure de... On
n'a pas fait d'analyse. On constate l'output et on se dit: II y a quelque chose
qui devra changer. Nous, c'est clair, on fait affaire avec le ministère
de l'Enseignement supérieur et de la Science et on ne s'en plaint pas,
ça va bien comme ça. Mais on comprend aussi que les
responsabilités sont partagées de façons
différentes et qu'il faut aller ailleurs. Alors, nous, on est bien
prêts à le faire, mais ce qu'on dit au gouvernement:
peut-être que l'explosion rapide de l'ensemble de ces services a permis,
a occasionné des fouillis. Mais vous comprendrez que je ne suis pas en
mesure d'aller dire au gouvernement comment organiser cela.
Le Président (M. Gautrin): Merci.
M. Gendron: Je voulais également vous remercier,
là, du fait... J'ai une autre question sur la reconnaissance des acquis.
Je pense qu'on ne peut pas traiter de l'éducation des adultes sans
regarder ce volet-là, et moi, pour un, dans votre mémoire, je
pense que vous étiez le premier qui indiquait qu'on n'est pas si
à découvert que ça, là, dans l'incapacité de
pouvoir reconnaître les acquis «expérientiels». Vous
indiquez qu'il y a une expérience qui a été vécue
auprès de sept collèges, si ma mémoire est bonne.
J'aimerais ça, juste quelques phrases de plus, que vous nous en parliez
un petit peu davantage. Et quelles difficultés avez-vous
rencontrées par rapport à la capacité d'évaluer
correctement les expériences acquises préalablement?
M. Sanssouci: Je vais demander à mon collègue de le
commenter.
M. Ostiguy: La difficulté que nous avons est vraiment une
difficulté de financement, parce qu'au niveau de l'instrumentation les
collèges, au fil des années... On avait eu, il y a quelques
années, des subventions du fédéral et aussi du
ministère québécois qui ont permis aux collèges de
s'instrumenter là-dessus, et ils sont normalement capables de le faire.
Le problème, c'est le financement de ces activités-là. Et,
nous, on pense, même après l'expérience avec les sept
collèges qui est mentionnée ici, que les collèges ne sont
pas suffisamment financés pour maintenir des services de reconnaissance
des acquis opérationnels. Ce qu'on nous finance, je dirais, on nous
finance pratiquement à l'acte, et ça prend plus que ça
pour pouvoir rendre opérationnel un tel service.
M. Gendron: Mais vous portez un jugement qualitatif, parce qu'il
y en a, des gens, qui sont venus nous dire ici que... Au niveau, justement, de
l'instrumentation, des méthodes évaluatives pour être en
mesure de porter un bon diagnostic des expériences acquises par les
adultes, vous trouvez que c'est plutôt concluant et favorable et qu'il
n'y a pas tellement de problèmes à ce niveau-là. Deux
questions: Est-ce que ce serait exportable un peu plus largement à
d'autres cégeps qui prétendent qu'ils n'ont pas les instruments
d'évaluation pour mesurer efficacement les apprentissages? Est-ce que
vous croyez, premièrement, que c'est exportable et, deuxièmement,
bien, si ça l'était, il ne s'agirait que d'avoir des mesures de
financement plus appropriées, et là on réglerait une bonne
partie de ce problème-là?
M. Ostiguy: Là, je vais faire une nuance.
C'est-à-dire, quand je dis qu'on est déjà relativement
équipés, on s'est équipés pour une partie à
même les subventions d'il y a quelques années. Cependant,
ça n'a pas couvert tous les champs possibles de reconnaissance des
acquis. C'est dans ce sens-là que, s'il y a de nouveaux besoins qui se
présentent, il faut s'équiper pour ce genre de besoins.
Donnons un exemple: services de garde. Les collèges se sont
équipés là-dessus parce que les besoins étaient
urgents. Il y avait une réglementation qui obligeait les jeunes à
obtenir rapidement une certification. Mais si on arrivait demain matin avec, je
ne sais pas moi, en électrotechnique un tel besoin, peut-être
qu'on n'est pas suffisamment outillés. Ça, je pense qu'il va
toujours falloir maintenir un service de développement des
instruments.
M. Gendron: Merci.
M. Ostiguy: Mais, malgré ça, c'est
l'opérationnel qui ne suit pas.
M. Gendron: Deux autres questions rapides. M. Sanssouci,
tantôt, vous avez fini en disant: Bon, sur la gratuité, nous
autres, c'est clair, on veut que ça reste pas de frais de
scolarité, et vous avez indiqué que vous reviendriez un peu. Je
voudrais juste, moi, peut-être, dans la question que je vais poser,
profiter d'une phrase ou deux complémentaires.
Il y en a plusieurs qui ont invoqué, pour celles et ceux qui
prennent un peu plus de temps à terminer leur D.E.C., leur diplôme
d'études collégiales, qu'il y avait lieu d'envisager une mesure
pour les inciter à procéder plus rapidement. On sait qu'à
peu près personne n'est responsable de cette situation-là. Est-ce
à dire que fermement le collège maintient la gratuité,
mais est-ce qu'il serait ouvert ou fermé à des frais pour celles
et ceux qui prennent plus de temps? C'est quoi, votre point de vue?
M. Sanssouci: Les frais de scolarité, si on était
dans une situation, il n'y a plus de budgets, et on a tout essayé au
niveau de la rationalisation, c'est peut-être les gens qui nous diraient:
On ne veut pas le perdre, notre système, on est prêt à
payer pour. Notre point de vue là-dessus, c'est qu'on va le rationaliser
d'abord. Les frais de scolarité, on ne dit pas qu'il ne faudra jamais y
arriver, ce n'est pas fait pour les études... Mais, à ce
stade-ci, on pense qu'il serait trop tôt pour envisager une mesure comme
celle-là.
Par rapport à la mesure de responsabilisation, ce n'est pas
tellement sur le plan financier, ses plus grands avantages. C'est le message
qu'on va envoyer au monde et c'est là, je pense, qu'il y aura sans doute
une certaine économie. Il faudra tenir compte du phénomène
naturel des abandons, du fait qu'à 17, 18 ans on ne sait pas trop encore
ce qu'on veut faire dans la vie. Donc, ça prend une espèce
d'espace de temps qui permet à un élève de choisir, de
perdre un petit peu son temps au collégial, dans le fond.
Par la suite, une mesure, à mon avis, de responsabilisation
serait tout à fait au point.
M. Gendron: Merci. Une autre question. À la page 15, -
c'est bien ça - vous dites ceci au niveau de l'éducation
physique: «Toutefois, afin de favoriser la pratique de l'exercice
physique, le nombre d'heures consacrées à l'activité
physique ne devrait pas être diminué et les collèges
devraient être financés en conséquence.» Et là
la question que je vous pose, c'est: Est-ce que vous croyez sincèrement
qu'à partir du moment où cette discipline-là n'est plus
obligatoire et qu'on ne lui donne pas un nombre d'unités ça
devient une recommandation réaliste dans le sens que, les jeunes ne la
prenant plus parce que ce sera la logique pour eux, d'après moi...
Est-ce que vous ne croyez pas que, là, on va arriver à
l'élimination graduelle autant des locaux, autant des plateaux, autant
de l'équipe professorale qualifiée pour le faire? Il y a
là un danger, en tout cas moi, que je ne veux pas courir.
M. Sanssouci: La pondération actuelle, vous la connaissez.
C'est seulement des cours pratiques. Ce que nous disons, au niveau
collégial, à l'ordre collégial, c'est que ça prend
un peu de théorie et ça prend un peu de devoirs aussi et de
travaux personnels. Nous, on ne dit pas qu'il faut enlever l'éducation
physique. On pense qu'il faut privilégier la filière
santé, le maintien de la machine humaine, du corps humain, et
acquérir des habitudes qui sont transférables tout le long de la
vie.
Donc, il y a moyen de réajuster cela. Comme vous le savez, le
nombre total... Plutôt que d'avoir deux heures de pratique, on pourrait
avoir un peu de théorie et un peu de travaux à la maison, et le
total pourrait rester le même. Par exemple, je disais tout à
l'heure qu'au collège Édouard-Montpetit il y a du conditionnement
physique. C'est mieux de faire ça dans un grand gymnase que de faire
ça dans les corridors ou à l'extérieur.
Donc, ça va toujours prendre un certain nombre d'installations et
on espère qu'avec ces installations-là qui seront
financées on pourra aussi inclure dans notre plan, dans notre projet
éducatif du sport, de l'activité physique de façon
régulière.
Le Président (M. Gautrin): Merci. Il reste quatre minutes,
je pense. Mme la députée - vous acceptez qu'on brise la
règle de l'alternance - de Marie-Victorin. (10 h 50)
Mme Vermette: Merci. Alors, ça me fait plaisir de vous
accueillir ici, à l'Assemblée nationale. Aussi, ça me fait
plaisir d'ajouter que l'excellent mémoire qui nous est
présenté nous est présenté aussi par des gens de
réflexion, bien sûr, et qui appartiennent au secteur public. Je
trouve ça très important parce qu'on a toujours l'impression que
la qualité est difficile dans le secteur public, que la qualité
n'appartient qu'au privé. Ce sera un autre débat. Je suis
doublement satisfaite de dire que c'est un mémoire majeur qui a
été déposé par le cégep
Édouard-Montpetit.
Alors, moi, j'aurais une question que vous avez soulevée, en ce
qui concerne un nouveau phénomène que nos jeunes vivent.
C'est-à-dire qu'ils doivent de plus en plus travailler et que votre
cégep a vécu une expérience, s'est adapté à
cette nouvelle façon de vivre de nos jeunes. Est-ce qu'il y a un avenir
dans cette nouvelle façon que vous avez envisagée chez vous?
Est-ce que c'est possible? Et est-ce qu'on devra s'adapter de plus en plus
à ça?
M. Sanssouci: Je vais faire un premier commentaire, mais
peut-être que mon collègue des affaires étudiantes pourrait
compléter. J'ai dit tout à l'heure que l'expérience que
nous avons faite, c'était d'envoyer le signal des
études. Vous êtes au collège
Édouard-Montpetit pour étudier. vous voulez travailler? au
collège, vous êtes inscrits à six cours. vous voulez garder
votre travail? vous devez réussir les six cours, sinon vous le perdez.
je pense que tout ce phénomène-là mérite
naturellement d'être étudié davantage. peut-être que
m. drolet pourrait compléter.
M. Drolet (Richard): Oui. Ce qui est intéressant, c'est de
voir... Il ne faut pas oublier qu'on a affaire à des jeunes. Par
exemple, l'activité intercollégiale, je peux vous affirmer que
les étudiants qui participent au sport intercollégial, . ces
gens-là, on les suit de près. À la fois ils font le sport,
ils réussissent dans leurs études, 80 % de leurs cours, et ils
travaillent aussi. Ce sont des gens qui ont beaucoup d'énergie. Par
rapport à ça, nous pensons qu'à la fois dans
l'activité sportive il n'y a pas seulement le sport, il y a tout le
développement social des étudiants. On sait très bien
qu'à cet âge-là les sources de plaisir les plus importantes
sont les amis. Je pense que, ça, c'est important. Par rapport au
travail, il y a des choses que les étudiants apprennent au
collège, mais il y a d'autres choses qu'ils apprennent sur les lieux de
travail. Dans ce sens-là, il nous semble qu'il y a une espèce
d'équilibre et que beaucoup d'étudiants réussissent, c'est
assez surprenant.
Le Président (M. Gautrin): Merci, M. Drolet. Vous avez
terminé?
Mme Vermette: J'avais une autre question. En fait, les stages en
milieu de travail. Vous demandez maintenant que de plus en plus on
vérifie la qualité au niveau des stages en milieu de travail. De
quelle façon pourrait-on arriver à permettre que les jeunes qui
vont en milieu de travail puissent avoir une éducation adéquate?
Qu'est-ce qui fait qu'à date c'est difficile?
M. Sanssouci: Ce qui fait que c'est difficile, c'est que, d'une
part, c'est exigeant pour les entreprises, je comprends. C'est exigeant aussi
pour le collège. C'est une grande organisation: choisir les lieux de
stage, fixer le programme, en fixer les objectifs, se rendre sur les lieux et
mesurer l'atteinte de ces objectifs. C'est quelque chose d'assez complexe, et
ce n'était pas prévu au niveau des formules de financement.
Alors, il faudra sans doute investir un peu plus pour être capable
d'arriver à réaliser ces stages-là.
Le Président (M. Gautrin): Merci. Merci, Mme la
députée de Marie-Victorin. Mme la ministre et
députée de Chambly.
Mme Robillard: Merci, M. le Président. M. Sanssouci, je
vais profiter de votre passage à la commission comme ex-président
de la Fédération des cégeps, sachant que vous avez aussi
été très impliqué dans le mémoire de la
Fédération des cégeps. Ce matin, dans les journaux, M.
Sanssouci, nous avons dans La Presse un article de Mme Michèle
Ouimet, qui nous parle des surplus budgétaires des cégeps. Elle
nous cite quelqu'un de la Fédération des cégeps qui
déclare que les surplus devraient augmenter encore
légèrement cette année et qui déclare aussi - c'est
M. Roussel, le directeur des services administratifs à la
Fédération des cégeps - que, quand il y a eu une
compression budgétaire l'an passé - et vous étiez
président, à l'époque - peut-être que vous avez
sonné l'alarme trop rapidement, que vous avez crié à la
panique et que ce n'était pas si catastrophique que ça. C'est
comme ça que je le lis. Et il dit que, de façon
générale, la situation reste assez saine dans l'ensemble des
cégeps. J'aimerais ça entendre votre point de vue
là-dessus.
M. Sanssouci: L'an passé, il y avait 18 collèges
qui étaient presque sur le bord de la faillite. Vous savez, quand l'eau
entre dans le bateau, qu'elle est rendue à deux pieds du bord, si elle
descend un petit peu, on dit que ça va mieux. C'est un peu comme
être très mal pris et tout à coup on est un petit peu moins
mal pris. Au collège Édouard-Montpetit, j'ai dit tout à
l'heure que c'est 60 000 000 $, le budget d'opération. Au 30 juin 1991,
l'état de notre surplus, c'était 9000 $. Alors, 27 % de fonds
viennent d'autres sources que nous avons dû aller chercher pour financer,
entre autres, des équipements et ajouter au perfectionnement du
personnel. Quand on apprend aussi que l'État va nous inviter, dans les
prochaines années, à couper 2 % par année dans nos budgets
de fonctionnement, si on regarde l'ensemble du budget et qu'on coupe 2 %,
ça commence à faire une somme significative.
On est donc dans une situation, je dirais dans une espèce de
piège où, d'année en année, on nous a dit:
Attention, il y a une coupure qui s'en vient. Mais attention, vous êtes
responsables de vos déficits. Alors, les collèges se sont un peu
repliés sur eux-mêmes. On dit: Bon, si j'ai des choses à
faire, je vais essayer d'économiser un petit peu d'argent, alors, si
j'ai un projet à réaliser... Au collège
Édouard-Montpetit, on a financé les stationnements, ça a
coûté 600 000 $, et on ne pensait pas que c'était à
l'État à faire cela. Mais, juste la journée avant qu'on
fasse le chèque, on avait 600 000 $ de surplus. Le lendemain, quand on a
fait le chèque, il n'y avait plus de surplus. Alors, dans le fond, on
s'est retrouvé piégé par des photographies prises à
des moments donnés, opportuns, pour faire la démonstration que
les collèges étaient surfinancés. Je me souviens d'un
membre de l'Assemblée nationale, l'ancien ministre, qui disait: On pense
qu'un million de surplus dans un collège où le budget
d'opération c'est 60 000 000 $, ce n'est
pas si pire, s'il y a une machine qui manque... si, par exemple, il y a
des appareils qui viennent à briser. Donc, ça prend quand
même une petite marge de manoeuvre. Au collège
Édouard-Mont-petit, 9000 $... L'an passé, 18 collèges
étaient en difficulté majeure. Il y a peut-être des
collèges qui, pour toutes sortes de raisons, ont accumulé au fil
des années un certain patrimoine et qui, d'année en année,
utilisent les intérêts pour investir dans le perfectionnement et
dans la recherche. C'est intéressant parce que ça veut dire que,
de cette façon-là, ils pourront continuer à le faire
très longtemps. Je suis tout à fait à l'aise avec ce qui a
été dit dans le journal de ce matin.
Mme Robillard: Parfait. Merci beaucoup. Merci à tous les
intervenants du collège Édouard-Montpetit et à M. le
président du conseil d'administration d'être venus
témoigner devant cette commission. Merci bien.
M. Sanssouci: Vous me permettrez un dernier commentaire, M. le
Président.
Le Président (M. Gautrin): Bien sûr, M.
Sanssouci.
M. Sanssouci: L'éducation et la qualité, on dit que
ça coûte de l'argent. La non-éducation et la
non-qualité, ça coûte encore plus cher.
Le Président (M. Gautrin): Ça coûte encore
plus cher.
M. Sanssouci: Merci beaucoup.
Le Président (M. Gautrin): Merci. M. Tremblay, M.
Sanssouci, M. Drolet, M. Ostiguy, Mme Gosselin, on tient à vous
remercier pour votre présentation.
Je voudrais inviter les représentants du Conseil du patronat
à bien vouloir se préparer à intervenir. (11 heures)
Où sont les chers amis? Les échanges sont publics. Il est
11 heures, alors, lorsque les personnes auront rejoint leur siège, on
pourra commencer. C'est ça. C'est bien. C'est parfait. Alors, merci.
Bon. Très bien. Alors, maintenant, on peut commencer. Alors, M. le
président du Conseil du patronat, vous avez la parole pour 20 minutes.
Vous êtes accoutumé, évidemment, à ce genre de
présentation. Alors, on vous souhaite la bienvenue.
Conseil du patronat du Québec (CPQ)
M. Dufour (Ghislain): Alors, merci. Merci, M. le
Président. Mme la ministre, M. Gendron, Mmes, MM. les
députés, je voudrais d'abord vous présenter mes
collègues: à ma gauche, M. Raymond Bréard, qui est le
vice-président exécutif de l'Association du camionnage du
Québec inc.; à mon extrême droite, M. Gaston Lafleur, qui
est le président du Conseil québécois du commerce de
détail, et, à ma toute droite, Jacques Garon, qui est directeur
de la recherche au Conseil du patronat.
Alors, M. le Président, nous voudrions d'abord remercier le
gouvernement et la ministre de l'Enseignement supérieur et de la
Science, Mme Robillard, d'avoir suscité cette réflexion sur les
cégeps 25 ans après leur création, une réflexion
vaste, très vaste, que d'aucuns ont même qualifiée de trop
vaste et qui auraient souhaité que la ministre ait encadré
davantage la réflexion. Pour notre part, nous sommes à l'aise
avec l'absence de cadre de discussion trop strict, ce qui aura permis des
débats publics importants sur des sujets comme l'enseignement de la
philosophie, l'éducation physique, l'évaluation des professeurs
ou encore la vision de la CSN à l'endroit des cégeps, ce qui
n'aurait peut-être pas été possible dans le cadre d'un
débat trop balisé.
Il va sans dire que l'actuel débat est très important pour
le patronat. Les cégeps constituent en effet un important bassin
potentiel de main-d'oeuvre qualifiée, surtout au secteur professionnel,
d'où notre participation aux travaux de la présente commission
parlementaire. Mais, M. le Président, nous ne prétendrons pas
être des pédagogues, et nous le disons d'entrée de jeu.
Notre témoignage se veut davantage celui d'utilisateurs du produit du
cégep que celui du grand manitou qui aurait la réponse à
toutes les questions, à toutes les difficultés que soulève
le débat sur les cégeps. Nous laissons à cette commission
parlementaire le soin de jouer ce rôle.
D'entrée de jeu, également, nous voulons dire que,
malgré certaines failles évidentes, dont une formation
générale souvent déficiente et une formation
professionnelle parfois déconnectée du marché du travail,
l'enseignement collégial, tant pour les jeunes que pour les adultes, est
un acquis pour la société québécoise. C'est ce que
confirme, d'ailleurs, un récent sondage interne effectué
auprès des membres corporatifs de notre organisme.
C'est donc d'évolution, de consolidation, d'évaluation, de
correction de tir, plutôt que de révolution ou d'abandon, dont il
faut parler, et même si, à certains égards, notre
mémoire n'est pas clair quant à cette affirmation-là, je
tiens à la faire de façon très claire: Nous ne remettons
pas en cause, d'aucune façon, les cégeps. Ayant toujours en
tête, quant à nous, deux objectifs indissociables:
premièrement, donner plus de crédibilité aux institutions
collégiales et, deuxièmement, donner plus de valeur aux
diplômes, tant face aux universités qu'au marché du
travail, nous allons donc vous proposer un certain nombre de moyens pratiques
de réaliser ces objectifs fondamentaux.
Parlons d'abord d'enseignement général. Ce que nous
souhaitons, d'abord et avant tout, c'est une meilleure qualité, un
meilleur produit. Pour y arriver, nous estimons nécessaire,
premièrement, que les cégépiens parviennent à
savoir lire et écrire mieux qu'aujourd'hui. Selon une étude
récente de Towers Perrin, firme de conseillers en gestion, cette
exigence de la qualité du savoir-lire et du savoir-écrire est
devenue le critère d'embauché numéro un de nos jeunes,
avant même l'expérience. Deuxièmement, qu'ils sachent
prendre des décisions, sachent résoudre des problèmes et,
troisièmement, qu'ils aient développé certaines aptitudes
nécessaires à leur employabi-lité actuelle et future,
comme, par exemple, l'utilisation des ordinateurs ou l'initiation à la
technologie.
Ce sont là, ces compétences dont on vient de parier, des
compétences génériques essentielles que requièrent
toutes les industries et qui sont nécessaires à
l'évolution de toute carrière. Personne ne pourra
dorénavant y échapper. Afin de bien s'assurer que ces
compétences requises sont maîtrisées, nous croyons
fermement, à l'instar d'ailleurs de la Fédération des
cégeps, que des mécanismes d'évaluation plus
poussés de la formation dispensée au cégep devraient
être mis sur pied.
En effet, même si certains mécanismes d'évaluation
ont été instaurés au cours des dernières
années, nous croyons que des mécanismes d'évaluation
externes et plus réalistes s'imposent, des mécanismes
d'évaluation auxquels ne pourront se soustraire ni les
départements, ni les professeurs, ni le cégep lui-même.
C'est d'ailleurs le Conseil des collèges qui dit, et je cite: «II
est pour le moins discutable que des professeurs estiment ne pas avoir à
répondre de leurs activités d'évaluation, à moins
qu'il y ait plainte formelle d'un élève, et encore là, la
convention collective garantit au professeur mis en cause le droit d'être
membre du comité de révision des notes. De telles situations,
ajoute non pas le CPQ mais le Conseil des collèges, n'ont rien pour
rassurer l'opinion publique ni pour attester, hors de tout doute raisonnable,
que l'évaluation des apprentissages a été faite avec
rigueur, fiabilité et équité.»
En somme, croyons-nous, il faut mettre sur pied des mécanismes
d'évaluation qui constitueront un sceau de garantie de la qualité
du D.E.C., tant auprès des universités que des employeurs. En
résumé, donc, sur le volet de l'enseignement
général, les entreprises ne remettent d'aucune façon en
question le niveau collégial, mais elles souhaitent une meilleure
qualité, un meilleur produit, des mécanismes d'évaluation
appropriés pour y arriver.
Quant à l'enseignement technique, rappelons d'abord que les
employeurs semblent en être généralement satisfaits. C'est
ce qu'indique d'ailleurs le récent sondage mené auprès des
employeurs et rendu public par le ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Science la semaine dernière.
Évidemment, ça a été interprété avec
un peu de confusion. Certains articles de journaux ont titré qu'on
n'était pas satisfait, d'autres, qu'on était satisfait, mais,
nous, on est satisfait de façon générale et on partage les
résultats de cette recherche. Mais il y a toujours une distinction
à faire dans tout ce débat de l'évaluation. Il y a une
différence qui peut exister entre les besoins des grandes entreprises et
les besoins des PME, et on pourra y revenir.
Toutefois, cette évaluation positive ne signifie pas pour autant
qu'il n'enregistre aucune critique, bien au contraire. Ces critiques sont
généralement de quatre ordres: premièrement, toujours
notre faiblesse du français ou de l'anglais langue première, dont
on parlait tout à l'heure; deuxièmement, des contenus
pédagogiques dépassés; troisièmement, une formation
générale peu adaptée à la réalité de
l'enseignement professionnel et, finalement, des liens école et travail
qui sont toujours trop peu structurés.
Face à ces critiques, notre mémoire formule toute une
série de propositions. Je vais en reprendre très rapidement
quelques-unes: améliorer le processus de révision des programmes
de formation professionnelle, afin que ces derniers ne soient jamais
déphasés par rapport aux nouvelles technologies, d'où la
participation nécessaire des entreprises à la conception et
à la révision des cours; s'assurer que les candidats à
l'enseignement technique aient préalablement acquis une formation
générale adéquate et que les cours du tronc commun soient
adaptés à l'enseignement technique, mais prévoir
également des formations générales propres aux programmes
de formation professionnelle; améliorer l'harmonisation des programmes
de formation professionnelle des niveaux secondaire, collégial et
universitaire - actuellement, le titulaire d'un D.E.P. ne peut pas
accéder, me dit-on, à 105 des 132 programmes techniques du
collégial; développer davantage encore la reconnaissance des
acquis, et ça se fait déjà beaucoup, mais la
développer davantage partout où ça peut s'appliquer, en
évitant les duplications, serait encore une chance meilleure de
réussite. (11 h 10)
Chose importante, renforcer les services d'aide de toutes sortes offerts
aux étudiants, afin de réduire les échecs et les abandons.
On pense, par exemple, aux outils de dépistage, à l'aide à
l'orientation - l'aide à l'orientation est un problème au
Québec, notamment au niveau secondaire - cours de transition, sessions
supplémentaires, activités propédeutiques, etc.
Améliorer les liens entre les collèges et les entreprises,
notamment en matière de stages, et faire en sorte que les frais
reliés à l'accueil de stagiaires soient admissibles au
crédit d'impôt à la formation. Évidemment, ce n'est
pas là une liste exhaustive, mais il y a quand même bon nombre de
propositions qui, je suis sûr, recueillent votre
assentiment.
Au sujet, d'ailleurs, des liens entre les collèges et les
entreprises, notre mémoire revient sur une proposition que le CPQ a
faite, il y a trois ans maintenant, et qui n'a pas eu de suite: la
création d'un centre de liaison cégeps-industries, qui aurait
pour mandat d'assurer des liens étroits et suivis entre les
collèges et les entreprises, un centre souhaité par les
collèges et le CPQ, puisque cette proposition-là avait
été faite suite à la réalisation d'un colloque
conjoint entre la Fédération et le CPQ. La mise sur pied d'un tel
centre n'est possible, croyons-nous, que s'il peut bénéficier au
départ de l'appui financier, même minime, tant du gouvernement
fédéral que du gouvernement provincial. Or, ni l'un ni l'autre
des deux paliers du gouvernement n'a, à ce jour, donné son aval
à ce projet, même si, en certaines occasions, on a eu l'impression
qu'on avait une écoute attentive.
Un mot sur le financement. Nous terminons notre mémoire en nous
disant convaincus que le financement adéquat des collèges, tant
publics que privés, est fondamental, afin que ces derniers puissent
répondre de façon satisfaisante aux demandes des étudiants
et aux besoins du marché du travail.
On pose deux questions plutôt que de vous proposer les solutions.
Le gouvernement doit donc se pencher sur la question du financement des
collèges. Doit-il lorgner du côté des frais de
scolarité? Doit-il maintenir la gratuité pour ce qu'on appelle,
dans le jargon, les éternels étudiants? Une chose est certaine,
une réflexion en profondeur s'impose à ce sujet. Il en va de la
qualité de l'enseignement collégial dans les années
à venir.
De ce mémoire, M. le Président, et pour permettre des
échanges, je conclus deux choses. Un premier bloc de conclusion qui est
neutre, dans le sens que c'est le résultat d'un sondage CROP conduit,
pour le compte du CPQ, auprès de la population en général,
du 9 au 15 novembre de cette année. Il y a eu 615 répondants.
Vous savez que la marge d'erreur pour un sondage de ce genre-là est de
plus ou moins 4 %. On a interrogé la population sur deux volets du
débat qu'on a tous ensemble: c'est les frais de scolarité et
l'évaluation que l'on fait dans la population de la formation
professionnelle.
Alors, sur la question des frais de scolarité, la question
était la suivante: Seriez-vous très, assez, peu ou pas du tout
favorable à ce qu'il y ait des frais de scolarité au niveau du
cégep, comme il en existe au niveau universitaire? Très
favorables et assez favorables - je pense qu'il regroupe ça ensemble -
il y a 34 % de la population. Peu favorables ou pas du tout favorables, il y en
a 63 %. On avait fait faire le même sondage par CROP, l'année
dernière, et on avait eu une réponse à peu près
identique. On avait eu 31 % qui étaient favorables ou très
favorables, contre 66 % qui ne l'étaient pas.
Moi, je ne pense pas qu'il faille conclure de ce sondage-là que
la population est en désaccord avec des frais de scolarité. Quand
vous demandez aux gens s'ils sont d'accord pour payer quelque chose ou pour
payer un impôt, il n'y a pas grand monde qui vous dit oui. Mais qu'il y
ait une personne sur trois qui se dise ouverte à discuter du
problème, je pense que ça incite nos législateurs à
regarder ce dossier-là. Mais j'avais dit que je ne ferais pas de
commentaires.
Deuxième vérification que l'on a faite dans la population,
c'est, bien sûr, sur la formation professionnelle, parce que vous savez
que c'est notre dossier préféré. À votre
connaissance, la formation professionnelle dispensée par le
système scolaire actuel au Québec prépare-t-elle...
Évidemment, c'était une question de perception parce que ce n'est
pas des gens qui avaient nécessairement fait un cours de formation
professionnelle. À votre connaissance, donc, la formation
professionnelle dispensée par le système scolaire actuel au
Québec prépare-t-elle très bien, assez bien, assez mal ou
très mal les étudiants - et là on a voulu distinguer entre
le niveau secondaire et le niveau collégial parce que, de toute
façon, nos griefs, nous, ne sont pas les mêmes?
Ça nous a donné la réponse suivante. Au niveau
secondaire: très bien et assez bien, 32 %; assez mal, 36 %; et
très mal, 22 %. Donc, ce qu'il faut retenir, c'est que ça va bien
à 32 %. Meilleur score au niveau collégial, comme on peut le
constater, parce que très bien et assez bien nous donnent 46 %. C'est
presque une personne sur deux dans la population québécoise.
C'est beau, ça. Assez mal, 29 %, très mal, 13 %. Donc,
très nette distinction entre l'évaluation, la perception qu'on
fait, dans la société québécoise, de l'enseignement
professionnel au secondaire et de l'enseignement professionnel au
cégep.
Conclusion de deuxième ordre, M. le Président:
l'enseignement collégial, donc, est un acquis pour la
société québécoise. Le CPQ ne remet pas en cause ce
niveau d'enseignement, mais il est nécessaire d'y apporter des
correctifs importants, tant au général qu'au professionnel, et
bon nombre de ces propositions-là, contrairement à ce que
supporte Mme Bissonnette, ce matin, apparaissent dans plusieurs des
mémoires qui ont été déposés devant cette
commission. Ce n'est pas un oui sans aucune autre considération. Il
n'appartient pas - et ça aussi, on tient à le dire - dans le
domaine de la formation profes-, sionnelle, au gouvernement seul d'apporter des
correctifs.
Par exemple, dans le domaine des liens école-travail, ce n'est
pas au gouvernement de tout faire dans ce domaine-là. Les entreprises
ont une responsabilité. On pourra vous en parler, on pourra vous dire ce
qu'on fait à ce jour, puis ce qu'on a fait à ce jour dans ce
dossier-là, ce qu'on se propose de faire. Donc, c'est une
responsabilité collective où tant les cégeps que
le gouvernement, les syndicats, les employeurs ont un rôle
important à jouer. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gautrin): Je vous remercie M. Dufour.
Alors, je vais demander maintenant à Mme la ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science et députée de Chambly de vous
poser quelques questions.
Mme Robillard: Merci, M. le Président. Je veux d'abord
saluer les membres du Conseil du patronat du Québec et vous dire comment
je note l'intérêt constant du CPQ pour toutes les questions
d'éducation et de formation. Je pense que vous le prouvez encore
aujourd'hui. Ce que je note aussi, M. Dufour, c'est votre appui très
ferme aux collèges québécois, ce qui ne veut pas dire
qu'il ne faut pas apporter des changements importants, mais je pense que vous
l'avez dit d'emblée dans votre présentation, vous donnez donc un
appui aux collèges en tant que tels, et vous nous dites aussi la
satisfaction très générale au niveau de la formation
technique. Mais vous nous suggérez des recommandations aussi en regard
de la formation technique. C'est cette question-là, M. Dufour, que je
voudrais d'abord aborder avec les membres du CPQ. Je me réfère,
en particulier, à la page 7 de votre mémoire. Alors, là,
parlons de formation technique, et j'oublie volontairement la formation
préuniversitaire.
Je sais que vous avez un intérêt pour la formation
professionnelle, M. Dufour. Nous savons tous que la formation professionnelle
est donnée dans trois ordres d'enseignement: secondaire,
collégial, universitaire. Mais oublions le secteur
préuniversitaire du collégial. Concentrons-nous sur la formation
technique, telle qu'elle est donnée actuellement. Vous savez que, dans
cette formation technique donnée, il y a une partie de formation
générale et une partie de formation spécialisée. Le
quantum des cours, à l'heure actuelle, est à peu près un
tiers, deux tiers: un tiers de formation générale, deux tiers de
formation spécialisée. (11 h 20)
À la page 7 de votre mémoire, vous soulevez des points
d'interrogation. Mais je veux absolument que vous y répondiez. Ça
m'apparaît très important, le point de vue des employeurs de ce
côté-là, parce que vous nous dites d'abord: Est-ce qu'on
peut établir une relation entre l'objectif de polyvalence,
c'est-à-dire, dites-vous, l'acquisition d'une formation fondamentale
durant la formation technique de l'étudiant... Est-ce qu'on peut donc
établir une relation entre l'acquisition de cette formation
fondamentale, la diminution des effectifs au secteur technique et le niveau
élevé de décrochage scolaire?
Un peu plus loin, vous dites... vous posez une autre question
très claire: «En élargissant la formation de base pour les
étudiants qui veulent s'orienter vers le secteur technique, ne court-on
pas le risque de provoquer encore plus d'abandons et d'échecs avec des
programmes que l'on qualifie déjà de trop chargés?»
Est-ce qu'on ne devrait pas fixer un niveau de formation générale
avant, dites-vous, préalablement?
Alors, c'est des questions, mais je veux des réponses, M. Dufour.
À l'heure actuelle, il y a un tiers des cours en formation technique qui
sont directement orientés vers la formation générale des
étudiants et deux tiers, en spécialisation. Est-ce que vous
remettez ça en question? Si oui, pourquoi? Comment voyez-vous le
changement?
M. Dufour (Ghislain): Vous savez comme moi, d'abord, Mme la
ministre, qu'il y a souvent des interrogations qui se veulent être des
affirmations. Quand on dit qu'il faut donner davantage de connaissances
langagières à nos jeunes, quand on l'interroge, c'est d'une
évidence absolue qu'il faut le faire.
Si vous me permettez, je vais sortir du texte et je vais vous donner
notre vision des choses. Nos jeunes qui arrivent au cégep et qui
viennent du secondaire n'ont pas toutes les connaissances voulues au
départ pour bien transiter dans le réseau des cégeps. Je
pense que tout le monde le reconnaît que la qualité du
français, par exemple, au secondaire est déficiente, et on arrive
au cégep, donc, avec cette absence de connaissances minimums de la
langue. Même chose pour les mathématiques. Même chose pour
les sciences.
Deuxième constatation, c'est que, dans une économie
moderne, nos jeunes ne peuvent pas n'avoir qu'une formation pointue. Ils
doivent vraiment avoir une formation polyvalente qui va leur permettre de
changer régulièrement de travail sur le marché du travail
pour permettre une mobilité. Troisièmement, il faut, par
ailleurs, penser qu'il y a des jeunes qui choisissent des techniques, mais qui
ne sont pas intéressés à faire un cours au niveau du tronc
commun comme s'ils s'en allaient à l'université en lettres, en
droit ou en médecine. Ils ont choisi une discipline.
Donc, notre approche de base, c'est de dire: II faut, compte tenu de
cette polyvalence qui est essentielle, avoir une formation élargie au
niveau cégep, avoir la meilleure formation générale de
base possible. Comment on la donne? Nous, on ne vous répondra pas
à ça. Ce n'est pas vrai qu'on va entrer dans la philo ce matin et
dans l'éducation physique. C'est des travaux de pédagogues de
faire ça pour produire ce produit qu'on attend.
Ce qu'on voudrait, par ailleurs - et on est d'accord avec la
Fédération des cégeps lorsque la Fédération
vous parle, et comme l'a fait le cégep Édouard-Montpetit avant
nous - lorsqu'on vous parle d'adaptation thématique de la philo ou des
cours de base de français, ça peut être le même
cours, sauf qu'il y a des adaptations qui sont
possibles. Je ne veux pas entrer dans les exemples, mais je pense que
cela va de soi, ce qui nous amène à fonctionner beaucoup plus en
termes de programmes, si on veut, qu'en termes d'approches disciplinaires, mais
ça, c'est des modalités pour y arriver.
Mais à votre question de fond «Est-ce que nous souhaitons,
demandons une formation de base la meilleure possible pour tous les produits du
cégep - comme j'avais exclu ceux qui vont à l'université,
donc le professionnel?» c'est oui et oui très fort. Oui
très fort, d'autant que ce jeune-là va se retrouver souvent dans
de la grande entreprise où il va devenir excessivement mobile. Dans la
PME, on peut dire qu'il sera plus pointu dans son occupation, mais, un jour, il
sortira de la PME pour aller dans la grande et il devra avoir de la formation
de base qui lui permettra de s'adapter à ces nouveaux changements dans
son milieu de base.
La technologie aussi. Pour être ouvert à la technologie -
c'est ce qu'on disait tout à l'heure - on devrait avoir une connaissance
des ordinateurs, on devrait avoir de l'initiation à la technologie. On
devrait aussi, au général, être plus ouvert au
professionnel, soit dit en passant, mais une formation générale
de base à tout prix, c'est essentiel si on veut que nos jeunes puissent
cheminer sur le marché du travail.
Je ne sais pas si vous voulez ajouter...
M. Bréard (Raymond): Bien, j'ajouterais seulement une
chose, si vous me le permettez, c'est que...
Le Président (M. Gautrin): Pour les fins de
l'enregistrement, vous êtes M. Bréard. C'est ça?
M. Bréard: Oui. Il faut bien comprendre que le
cégep doit s'adapter à ses nouvelles clientèles, puis,
depuis qu'il a été fondé, le cégep, il y a de
nouvelles clientèles qui sont apparues fortement. Alors, il ne faut pas
mélanger formation générale avec les profils. On ne peut
pas, même si on a un bloc de formation générale, avoir la
même formation générale dans les deux profils.
Le cégep, au niveau de l'éducation permanente, a deux
profils: le profil professionnel et le profil universitaire. On ne peut pas
mélanger nécessairement non plus les étudiants. Pour ceux
qui l'ont vécu, en tout cas, on peut s'apercevoir que la dynamique de
groupe n'est pas la même pour ceux qui s'en vont faire une
carrière en droit, dans un cours de français ou de philo, et ceux
qui s'en vont dans une technique. Et ça, ça peut créer des
problèmes aux 15 autres qui ne sont pas aussi volubiles que les
premiers.
Alors, il faut bien comprendre que le bloc de formation
générale est nécessaire, fondamental et indispensable,
mais pas nécessairement donné de la même manière aux
deux profils. Il y a aussi le profil de ce que, nous, on appelle les
étudiants qui reviennent au cégep, en formation des adultes.
Ça aussi, il faut en tenir compte. Alors, il y a des clientèles
spécifiques. Il faut adapter la pédagogie en conséquence.
Une des causes du décrochage, c'est souvent là que ça
commence.
Mme Robillard: Mais je suis contente de votre clarification, M.
Dufour, parce que j'ai l'impression que, parfois, j'entends deux discours du
monde des employeurs ou du monde des entreprises. C'est pour ça que
c'est important qu'on le clarifie ce matin. Le premier discours, c'est que, de
fait, il nous faut une bonne formation générale de base. Mais
l'autre discours, c'est que, quand on envoie des gens qui sont
déjà sur le marché du travail et qu'on les
réoriente au niveau d'une formation qu'on veut qualifiante, là,
on veut strictement de la formation pointue.
Alors, moi, c'est important le message que vous me laissez, comme
représentant du monde des employeurs, à l'effet que vous
considérez toujours essentielle une formation' générale,
même dans la formation technique, mais une formation adaptée,
dites-vous, aux programmes, qui n'est pas nécessairement... Ça,
j'entends bien ça. Mais le principe de base... Et loin de moi
l'idée de vous faire positionner sur trois cours ou quatre cours de
philo, M. Dufour.
M. Dufour (Ghislain): Vous avez bien compris.
Mme Robillard: Mais c'est sur des principes de base importants
parce que... Et là je vous amène sur une autre question, M.
Dufour.
M. Dufour (Ghislain): Si vous me permettez, là-dessus, Mme
la ministre...
Mme Robillard: Oui.
M. Dufour (Ghislain): ...juste un mot. Ce discours-là,
vous ne l'avez... Ce qui serait différent de ce que j'ai dit ce matin,
vous ne l'avez pas entendu au Conseil du patronat parce qu'on a toujours
véhiculé une formation générale de base la plus
élargie possible, à condition qu'on tienne compte que, dans les
programmes, on ne donne pas nécessairement les mêmes cours de
français pour un électrotechnicien qu'on va donner pour quelqu'un
qui s'oriente en lettres. O.K.? Et c'est à peu près toujours le
discours qu'on a maintenu.
Mme Robillard: De sorte que nous avons eu des propositions ici,
M. Dufour, à l'effet d'assouplir la structure du diplôme
d'études collégiales. Et, quand je dis assouplir, je ne dis pas
diminuer les exigences. Je dis que ce soit moins rigide et peut-être de
décortiquer ce diplôme en modules pour permettre aux gens qui sont
sur le milieu du travail d'avoir des formations qui vont les conduire
éventuellement à un diplôme..
M. Dufour (Ghislain): D'accord.
Mme Robillard: ...et que, dans chacun de ces modules-là,
il y ait une partie de formation générale, une partie de
formation spécialisée. Est-ce que...
M. Dufour (Ghislain): On est d'accord avec ça.
Mme Robillard: Vous êtes d'accord avec cette
orientation-là. Je suis contente de vous l'entendre dire. M. Dufour,
abordons donc maintenant la question du financement parce que, là aussi,
ce sont des points d'interrogation.
M. Dufour (Ghislain): Oui.
Mme Robillard: Est-ce à dire que ce sont des affirmations?
Vous allez me le dire.
Une voix: Ha, ha, ha!
Mme Robillard: Vous allez me le dire, parce que vous soulevez des
points d'interrogation. Vous dites que 54 % de vos membres sont favorables
à des frais de scolarité au collégial. Vous nous dites
d'étudier la question en profondeur. Donc, vous soulevez... Qu'est-ce
que le CPQ pense?
M. Dufour (Ghislain): Ce qu'il pense...
Mme Robillard: Oui ou non, des frais de scolarité au
collégial?
M. Dufour (Ghislain): Ce que le CPQ pense, c'est oui, 54 % des
membres nous disent oui. Mais on n'a pas beaucoup de votes. Alors, allez
vérifier dans la population ce que la population pense. On ne pense pas
que c'est un dossier, actuellement, qui a cheminé assez comme
débat public pour qu'on puisse penser à des frais de
scolarité au cégep. D'ailleurs, ce n'est pas, dans le milieu, une
proposition qui, actuellement, est supportée. Alors, vous savez qu'on
est aussi réaliste, au CPQ. Je ne pense pas que vous puissiez vendre
ça actuellement, avec tous les débats que vous avez eus au niveau
universitaire avec les jeunes. (11 h 30)
Mais, par ailleurs, ce qu'on vous pose comme question, c'est ce qu'on
appelle, en langage familier, la personne qui ne décroche pas du
réseau et qui, elle, présente un coût pour la
société. Qu'est-ce qu'on en fait? Et là on vous pose la
question, parce qu'on est très sympathiques à ceux qui disent:
Oui, mais tu ne peux quand même pas pénaliser quelqu'un qui, parce
qu'il n'a pas eu une bonne orientation scolaire au niveau secondaire, prend une
technique, et, après deux ans, réalise que ce n'était pas
la bonne technique, et décide de faire deux autres années dans
une autre technique. On peut difficilement blâmer ce jeune-là.
Alors, quand on dit que vous devez regarder le dossier, c'est qu'il va falloir
que vous repensiez orientation scolaire. Le jour où on sait que tous les
jeunes sont bien orientés, le problème, il est déjà
différent.
Deuxièmement, on a parié beaucoup des stages, on va en
reparler probablement. Est-ce qu'il a eu la chance d'en faire, est-ce qu'il a
eu la chance d'aller vérifier dans le concret? Là, il n'a pas
vérifié, il ne veut pas prendre de chances, il reste à
l'école. Nous, on pense qu'on doit essayer de resserrer la
présence dans le réseau et être certains que ceux qui y
sont ont raison pleinement d'y être, et que ce n'est pas purement un
désir de ne pas aller travailler. Bon. Mais vous devez baliser
ça, et, tant et aussi longtemps que ce n'est pas balisé, on ne
vous répondra pas. Mais c'est un dossier qui est important, et, parce
qu'il est important dans le monde patronal, parce qu'il y a des organisations
patronales qui vous l'ont lancé non pas comme une interrogation, mais
comme une affirmation, alors c'est évident que c'est un dossier que vous
devez regarder de très près.
Mme Robillard: M. Dufour, encore une fois, est-ce que vous me
dites que ce n'est pas mûr pour avoir un débat public sur la
question parce qu'il y a très peu de gens qui le supportent?
M. Dufour (Ghislain): Non, non, ce n'est pas ce que... Ah bon!
Pour les frais de scolarité comme tels?
Mme Robillard: Oui, on revient aux frais de scolarité.
C'est ça que vous me dites? Mais, M. Dufour, si les membres du CPQ, vous
êtes d'accord avec des frais de scolarité, pouvez-vous nous
expliquer c'est quoi, votre argumentaire?
M. Dufour (Ghislain): Bah! c'est le même argumentaire
qu'à l'université, dans le fond. C'est que les coûts
d'éducation sont devenus très, très, très
élevés; l'État n'a plus d'argent, il faut trouver des
sources de financement. Alors, parmi les sources de financement, en voici une.
Il ne s'agit pas d'égorger l'étudiant et de lui demander 3000 $,
il s'agit de lui demander une contribution au réseau scolaire. C'est le
même débat, Mme Robillard, qu'au niveau universitaire. Mais vous
avez bien saisi mon intervention lorsque j'ai dit que je ne pensais pas que,
dans la société québécoise en
général, indépendamment de chez nous... On peut bien vous
envoyer un mémoire, mais je ne pense pas que vous allez changer quelque
chose au plan politique. Alors, il y a d'autre chose plus important dans notre
mémoire, et voilà pourquoi on le lance. Mais je dois vous dire
que, si on avait fait une commission sur ce à quoi vous vous
intéressez aujourd'hui, notamment la formation professionnelle, il y a
20 ans, tout le monde ou à peu près nous
aurait dit qu'on était tout croches, qu'il ne fallait surtout pas
parler de formation professionnelle, que c'était d'assujettir
l'étudiant à ce vil marché du travail, et on se faisait
lapider tous les matins par la CEQ sur la place publique. Ce n'est plus vrai.
Le dossier de la formation professionnelle, aujourd'hui...
M. Gendron: J'étais là, il y a 20 ans, à la
CEQ, et on ne vous lapidait pas comme ça, voyons donc!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gautrin): M. le député,
dans un instant...
M. Dufour (Ghislain): Vous n'étiez pas président,
à ce que je sache.
Une voix: Ça dépend de la mémoire. Des
voix: Ha, ha, ha!
M. Dufour (Ghisiain): Alors, voilà, je termine
là-dessus, et je donne la parole à M. Bréard.
M. Bréard: Bien, j'ajouterais juste un point pour attirer
l'attention de la ministre là-dessus, c'est qu'il faut aussi penser que
les frais de scolarité, il y a différentes clientèles: il
y a l'éducation aux adultes, il y a aussi les employeurs, qui ont des
attentes vis-à-vis des cégeps, cégeps qui constituent un
outil de formation formidable, mais les arrimages entre les employeurs et ce
qu'on peut payer, aussi, ça, ce n'est pas pris en compte. Moi, je dis
oui aux frais de scolarité, mais pas nécessairement à
l'étudiant qui, lui, a droit à une éducation, de la
même manière qu'à celui qui retourne sur les bancs
d'école, de la même manière qu'à celui d'un
employeur qui paie pour une formation pointue. Il y a différentes
sources de revenus, mais, actuellement, c'est impossible, c'est impossible pour
un employeur de contribuer à un programme au collège, et on l'a
bien vécu dans certains domaines. Alors, là-dessus, il faut
penser au financement des collèges dans ce sens-là. Parce que
vous avez d'autres ministères, comme la formation professionnelle, qui
continuent d'avoir des problèmes avec les crédits d'impôt.
Alors, nous, en tant qu'employeurs, il y a des sources de revenus, parce qu'on
a des attentes, mais...
Le Président (M. Gautrin): Merci, monsieur. Je pense que,
maintenant, on peut passer la parole au député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Alors, M. le Président, je voudrais,
d'entrée de jeu. signaler que nous sommes habitués à la
présence du Conseil du patronat et de son représentant officiel,
M. Dufour, dans les grands débats, et ce n'est pas une mauvaise habitude
en soi. Je suis toujours heureux d'avoir l'occasion d'échanger avec M.
Dufour et le Conseil du patronat. Alors, on vous salue sincèrement,
cordialement. D'entrée de jeu, je voudrais faire une remarque, quand
même. Lorsque vous avez souligné, vous, que vous vous êtes
réjoui des conditions de cette commission, où tout était
sur la table, je respecte votre point de vue, mais je veux juste vous signaler
que, moi, en ce qui me concerne, il est peut-être trop tôt pour se
réjouir, tant qu'on ne saura pas ce qui sera retenu. Ce n'est qu'au
moment où on tirera les conclusions qu'on verra si, effectivement, nous
avons choisi la bonne formule, c'est-à-dire de venir en commission
où le gouvernement, lui, n'a jeté aucune orientation, aucune
balise pour se permettre de faire ce qu'il voudra bien faire. Et tant mieux si
ce qu'il dégage, c'est les consensus que la grande majorité aura
vus. À ce moment-là, on n'aura pas de problème et il y
aura une certaine unanimité, comme Mme Bisson-nette semble le consacrer
ce matin, dans le veau d'or, et tant mieux. Par contre, je trouve qu'il est
vraiment trop tôt pour conclure, parce que, moi, je persiste à
croire que nous aurions pu tout aussi bien faire les mêmes débats
sur la formation fondamentale, formation de base, formation technique,
autrement dit les grands crénaux, quand le gouvernement balise un peu
les orientations et qu'il nous indique que, lui, il a une réflexion et
qu'il ne demande pas à tous les autres de se découvrir
complètement sans qu'eux autres aient la responsabilité de le
faire. Je ne trouve pas que ce soit très, très, très
courageux. C'est un choix, on verra la conclusion. Je voulais faire la
remarque.
Dans votre mémoire, M. Dufour, effectivement, je pense que vous
êtes assez clair dans votre choix, vous aussi, de choisir à
nouveau les cégeps, mais des cégeps modifiés,
adaptés, où on devra apporter certaines corrections. Et,
d'entrée de jeu, je vais tout de suite à la page 6 de votre
mémoire, Là, je vous avoue que j'ai été surpris, un
peu étonné et pas trop d'accord, mais j'ose espérer
qu'avec les explications il n'y aura pas de problème, quand vous dites
que, dans le fond, les collèges devraient «décerner un
D.E.C. qui puisse satisfaire toutes les entreprises, sans pour autant
pénaliser l'étudiant». Je pense comprendre exactement ce
que vous voulez dire par ça, mais j'aimerais ça que vous
l'expliquiez davantage parce qu'un D.E.C, c'est un diplôme d'enseignement
collégial, c'est une formation de base, au préalable; elle est un
peu plus spécialisée, lorsqu'il s'agit d'une technique, ou elle
est préuniversiraire. Mais je ne pense pas qu'à ce niveau de
diplomation il y ait lieu de viser à répondre adéquatement
et parfaitement aux exigences de l'entreprise, parce qu'il me semble qu'on
serait à un niveau de spécialisation bien trop hâtif, et
les niveaux de spécialisation pour
l'entreprise... Parce que je souhaite que l'entreprise puisse avoir
effectivement les techniciens qu'elle souhaite avoir, mais un bon technicien
aura toujours besoin d'une excellente formation de base. Est-ce que c'est plus
ça qu'il faut lire dans cette phrase?
M. Dufour (Ghislain): Bien, je pense qu'il faut lire les deux. Je
pense qu'au niveau de la formation générale on a tenté de
faire le point avec Mme Robillard de la façon la plus exhaustive
possible tout à l'heure, et il ne faut pas remettre en cause
l'idée que nous ne serions pas d'accord avec la formation
générale.
La formation professionnelle, bien, à moins qu'on se comprenne
mal, M. le Président, il y a un bon nombre de cégépiens
qui s'en vont directement sur le marché du travail et pour qui c'est une
formation terminale. Et je vais essayer d'illustrer de la façon suivante
ce qu'on veut dire là, «satisfaire les besoins de toutes les
entreprises». Évidemment, satisfaire d'abord les besoins de
l'étudiant, mais c'est une vision d'entreprise qu'on vous
véhicule ce matin. Au Conseil du patronat, on est une vingtaine
d'employés. Alors, si j'embauche quelqu'un qui est
spécialisé en électrotechnique, je n'ai pas un
contremaître pour lui montrer comment fonctionner; il est obligé
d'avoir une formation pointue, bonne immédiatement. S'il s'en va
à l'Alcan, bien, à ce moment-là, eux peuvent le reformer,
en fonction de leur technologie, durant trois à six mois.
Alors, le défi du cégep, dans le fond, c'est ce qu'on
essaie de dire ici, c'est un défi qui est très difficile à
réaliser, et on le reconnaît, c'est de répondre à
deux demandeurs finalement un peu différents: la PME qui n'a souvent
qu'un technicien dans une discipline et la grande entreprise qui en a plusieurs
et qui peut en former. Mais, nonobstant ça, M. le député,
il reste que, nous, on est d'accord avec les données qui ont
été produites par le ministère de l'Enseignement
supérieur, à l'effet que, de façon générale,
le cégep remplit bien son rôle, et pour les deux. (11 h 40)
M. Gendron: Merci. Vous avez rappelé, encore là
avec raison, je pense, qu'il y aurait lieu d'avoir une formation technique
où les liens entre l'entreprise et la formation seraient vraiment plus
étroits, et on revient toujours à cette éternelle question
d'augmenter le nombre de stages, d'avoir une offre de stages qui soit plus
grande, mieux coordonnée, et ainsi de suite. Et je ne veux pas tout
reprendre votre mémoire à la page 16. Mais je donne juste deux
points précis, parce que je vous l'avais dit, je l'avais annoncé,
ça me fatigue un peu qu'on en soit toujours à peu près
à la même place à ce niveau-là. Et là je vous
lis: «II s'agit notamment de dresser la liste des lieux de stages
potentiels avec leurs caractéristiques», et ainsi de suite.
Question précise: Qu'est-ce qui manque au représentant du
patronat, qui est en liens étroits avec les entreprises, pour exiger des
entreprises, depuis des années... Et là je ne porte même
pas de jugement de manquer de collaboration ou pas, c'est une
préoccupation que vous avez avec raison M. Dufour. Vous l'avez et on le
sent, avec raison. Mais qu'est-ce qui a empêché cette commande
formelle aux entreprises de mettre en place un système de relations plus
étroites entre les formations professionnelles dispensées et les
besoins de l'entreprise? Les cégeps, vous les connaissez. Les centres
d'éducation des adultes des commissions scolaires, vous les
connaissez.
C'est quoi, le problème qui fait qu'on a le même rappel
à chaque mémoire lorsqu'on entend le patronat, avec raison,
là-dessus, qui dit qu'il faut faire plus, que ce n'est pas assez
important, que les lieux sont mal identifiés, qu'il n'y a pas assez
d'arrimage? C'est quoi, le problème majeur? Qu'est-ce qui fait que
ça ne marche pas mieux?
M. Dufour (Ghislain): Je voudrais d'abord dire qu'il y en a
beaucoup, de stages, il faut quand même admettre ça au
départ, et ils vont bien lorsqu'on est dans des secteurs où il
n'y a pas beaucoup d'entreprises. Je pense aux pâtes et papiers, aux
mines où, là, il y en a 10, 12 entreprises. C'est facile de les
rejoindre et de structurer des contenus pédagogiques, de recycler aussi,
parce que, pour les stages, on parle toujours d'étudiants, il faudrait
parler de professeur aussi. Mais c'est facile de le faire.
Le problème que l'on a, c'est qu'on n'a pas quelque chose de
vraiment structuré et les efforts qui se font sont toujours de
cégep à entreprise, qu'on va encourager, nous. Mais, pensez
simplement au nombre d'appels que reçoit Bell Canada, dans une
année, pour recevoir des stagiaires, parce qu'on pointe toujours les
grandes: Bell, Alcan, Eaton, dans le commerce de détail. C'est toujours
les mêmes entreprises. Alors, le problème qu'on a... Et c'est une
de nos propositions fermes dans notre mémoire, la création d'un
centre de liaison justement structuré entre les cégeps et la
Fédération, dans le cas, et le CPQ, pour être capable de
procéder davantage sur une base sectorielle.
Le cégep de Trois-Rivières peut se mettre en contact avec
Laperrière et Verreault dans la fabrication de la machinerie de papier.
Mais, si on avait une structure qui, au niveau de la Fédération
des cégeps, permettait l'intervention de l'association sectorielle,
pâtes et papiers, l'Association du camionnage du Québec inc., le
Conseil québécois du commerce de détail, on aurait quelque
chose de beaucoup plus structuré. Et on pense, et c'est là notre
demande au gouvernement, et là je vais vous le dire, on avait
demandé 300 000 $. Aïe! c'était énorme, imaginez! On
a baissé ça à 100 000 $ maintenant, juste pour
démarrer quelque chose, parce qu'on dit que, dans trois ans, ce serait
possible de
l'autofinancer par la Fédération des cégeps et les
entreprises.
Or, voici une action très concrète au-delà
d'autres. Il y a une expérience qui vient d'être
structurée, par exemple, à Drummondville, avec le CPQ et la CEQ,
conjointement. Bon. Jacques pourra vous en parler. Il y a des
expériences au Forum pour l'emploi qui se font, en termes de
structuration. Comment on intègre le syndicat dans les stages? Vous le
savez comme moi, il y a des listes d'ancienneté actuellement, il y a un
paquet de monde à l'extérieur de l'entreprise et là tu
veux faire entrer un jeune. Oui, on a des problèmes. Alors, c'est
ça.
M. Gendron: Mais regardez, M. Dufour, justement parce que j'avais
pris connaissance de la recommandation précise que vous avez faite de
créer un centre de liaison, alors trois belles petites questions,
d'après moi.
Est-ce que ça vous intéresserait de le financer, puisque
vous représentez les entreprises et que les premiers
bénéficiaires, au premier titre, d'une meilleure formation
technique plus pointue, plus adaptée, ou ainsi de suite, ou de
l'enseignement professionnel, c'est-à-dire de la formation
professionnelle tout court, ça demeure les entreprises?
Alors, est-ce que ça n'aurait pas été,
d'après moi, une belle initiative du Conseil du patronat, pour faire un
peu plus dans la formation professionnelle plus qualifiante, qui en est le
premier bénéficiaire, de mettre ça en oeuvre, de le
créer, de le financer et de faire les liens d'arrimage et
d'harmonisation avec les instances que vous connaissez bien? Les entreprises et
le patronat, c'est-à-dire le patronat et les syndicats, vous savez, vous
avez raison que, dans les stages, c'est très difficile si on ne met pas
le syndicat dans le coup.
M. Dufour (Ghislain): Mais, vous-même, vous avez
été ministre de l'Éducation.
M. Gendron: Oui.
M. Dufour (Ghislain): Et, si on ne vous met pas dans le coup,
ça n'ira nulle part, ce genre de choses là. Et c'est pour
ça que, financièrement, on veut que vous y soyez. Parce qu'on ne
demande pas 100 000 $ au gouvernement, on demande 60 000 $. Parce qu'on est
déjà prêts à mettre 40 000 $. Et on dit: Dans trois
ans, vous ne serez plus là. Sauf qu'il faut, au départ,
être certains que le secteur public embarque dans la démarche et
ne mette pas, à côté, des structures parallèles.
Alors, c'est vraiment le sens de notre démarche, vous impliquer.
M. Gendron: Mais je peux vous jurer, M. Dufour, que j'aurais
l'impression d'être dans le coup en étoile si le Conseil du
patronat arrivait au bureau de la ministre au 15e et disait: Voici ce qu'on est
prêt à faire demain matin, avec un centre de liaison...
M. Dufour (Ghisiain): Non, mais on le fait. On le fait dans
d'autres domaines. Si vous voulez, on va vous parler de la CEQ et du CPQ
à Drummondville. On va vous parler de cette demande qu'ont fait la CEQ,
le CPQ de crédits d'impôt pour les... Aïe! papier commun,
CEQ, CSN, pour demander des crédits d'impôt pour recevoir des
stagiaires en entreprise. Un paquet de choses qu'on fait déjà,
surtout sur la base sectorielle. Ce qui se fait avec le CAMAQ en
aérospatial, vous le savez, ce qui se fait avec le plastique, vous le
savez. Mais il faut que le gouvernement s'implique. Et, dans ce
sens-là... En tout cas, là, on adresse notre demande au ministre
de l'Éducation actuel. Mais, si on avait eu à faire ce
débat-là il y a 10 ans ou 20 ans, je ne sais plus, quand vous
étiez là - parce que vous me parliez de 20 ans de commission
parlementaire tout à l'heure, alors, pour saluer, il faut être
deux - je pense qu'on aurait fait le débat exactement de la même
façon.
M. Gendron: Je ne reprends pas ça, le temps est trop
précieux.
Le Président: M. Gautrin: M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: M. Dufour, sur le financement du réseau
collégial, je suis obligé, moi aussi, de revenir, même si
j'étais très attentif à ce que vous avez donné
comme explication. Vous dites: Nous autres, 54 %, on est d'accord, le patronat.
Vous avez un sondage, ce matin, qui nous éclaire, qui dit: La population
ne semble pas être prête. Évidemment, moi, je ne le prends
pas dans le sens que vous avez dit, que, quand il y a 34 % des
Québécois qui sont favorables à ce qu'il y ait des frais
de scolarité au niveau collégial et qu'il y en a 63 % qui sont
contre... Moi, je pense que ce qui serait éclairant, M. Dufour,
plutôt que de nous suggérer une réflexion en profondeur,
c'est un peu de nous donner les éléments qui devraient être
pris en compte pour ne pas retenir cette option de frais de scolarité,
mais selon le Conseil du patronat. Très clairement, ce que ça
veut dire, c'est ceci. Moi, j'estime actuellement qu'on n'a pas le taux de
diploma-tion, qu'on a trop de problèmes de décrochage.
Vous-mêmes... Et je vous reprends tout de suite à la
recommandation 7, à la fin de votre mémoire, que j'ai
trouvée admirable, pour de vrai: «Renforcer les services d'aide de
toutes sortes offerts aux étudiants afin de réduire les
échecs et les abandons.» Ça veut dire que vous avez le
même constat que nous, que, actuellement, il n'y a pas assez
d'encadrement, il n'y a pas assez de mesures de soutien pour faciliter le choix
des jeunes, qu'ils retiennent les bons choix de carrière, et ainsi de
suite, j'arrête là Alors, moi,
je dis: II y a tellement de choses à faire que, dans la
réflexion qui s'impose, vous dites sur le sujet: II me semble qu'on a
à peu près tout sur la table pour ne pas retenir la voie de frais
de scolarité.
M. Dufour (Ghislain): C'est votre conclusion qui n'est pas la
nôtre, parce que...
M. Gendron: Je m'en doutais.
M. Dufour (Ghislain): Non, non. Mais de face.
M. Gendron: Donnez-moi des éléments pour que, dans
la réflexion que vous me demandez de faire en profondeur sur les frais
de scolarité, je tienne compte d'autres éléments.
M. Dufour (Ghislain): Mais vous avez vous-même la
réponse. Vous faites état de toute une série de besoins du
réseau: besoin d'orientation scolaire, besoin de cours
supplémentaires, etc., qu'on identifie dans le mémoire. Il n'y en
a pas, d'argent. Les cégeps publics ont été coupés,
en tout cas n'ont pas ce qu'ils voudraient avoir. Vous n'êtes pas ceux
qui favorisez le plus la subvention aux collèges privés, le Parti
québécois.
M. Gendron: Non, ça, je vais y arriver dans une
minute.
M. Dufour (Ghislain): Oui. Alors...
M. Gendron: Ne devancez pas mes questions, M. Dufour.
M. Dufour (Ghisiain): Non, mais je vous connais assez bien.
Le Président (M. Gautrin): M. le député,
laissez M. le président répondre.
M. Gendron: Oui.
M. Dufour (Ghislain): Les besoins sont là. Ce n'est pas
là purement, c'est dans le domaine de la santé aussi, qui fait
qu'on pose tout le problème d'un ticket modérateur. Et la
population est favorable. Alors, c'est face aux besoins. S'il y a d'autres
formules de financement, nous, on n'a pas de problème. C'est devant un
constat que nous fait le réseau collégial, à l'effet qu'il
n'y a plus d'argent dans les caisses, on cherche des moyens d'augmenter les
revenus des cégeps, c'est tout.
Le Président (M. Gautrin): M. le député. (11
h 50)
M. Gendron: Par rapport à ceux que vous avez
appelés «les éternels étudiants», si on
arrivait à conclure que... En tout cas, les études que nous
avons, les informations qui nous ont été transmises indiquent
qu'il n'y a pas beaucoup d'étudiants qui font le choix d'être
d'éternels étudiants, sans être en mesure d'expliquer la
raison pour laquelle ils se comportent comme tel. Est-ce que vous seriez quand
même d'accord, compte tenu de ce que vous venez d'évoquer,
à savoir que le gouvernement dit qu'il n'a pas d'argent, que les coffres
sont plutôt vides, est-ce que le patronat... Parce que vous ne nous en
avez pas parlé très longuement, si ce n'est que de dire: Bien,
pour ceux-là, est-ce que c'est la même réflexion
générale? Autrement dit, dans la nécessaire
réflexion sur l'ensemble de la question des frais de scolarité,
est-ce que vous incluez des dispositions pour celles et ceux qui mettent plus
de temps?
M. Dufour (Ghislain): Non, je pense qu'il faut faire une
distinction très nette dans les deux dossiers. Il y a une
accessibilité et une universalité qui doivent être
protégées dans le système. Jusqu'à quel point on
demande une contribution des bénéficiaires, dans le fond, comme
on le fait à l'université maintenant pour les jeunes, comme on le
fait dans le réseau de santé? Ça, c'est le problème
d'accessibilité et d'universalité.
Dans le cas des éternels étudiants, entre guillemets, le
problème se pose de façon différente. Je pense qu'il est
posé d'ailleurs vraiment pour la première fois à
l'occasion de cette commission parlementaire, et on manque un peu de
données. C'est qui, ces éternels étudiants? Est-ce que ce
sont ceux dont je parlais tout à l'heure, qui choisissent une technique,
et qui, en cours de route, réalisent qu'il n'y a aucun
débouché sur le marché du travail dans cette
technique-là, et puis qui s'en vont dans une autre? Je pense qu'on ne
les blâmera pas, ceux-là. Alors, je pense qu'il y a beaucoup
d'informations additionnelles qui seraient nécessaires pour essayer de
voir quel genre de ticket modérateur on impose à ces
gens-là. Mais ce n'est pas du tout la même réflexion.
M. Gendron: Merci, M. Dufour.
Le Président (M. Gautrin): Merci, M. le
député. Mme la ministre... Ah, excusez-moi! M. le
député de Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): Oui, M. le Président. Moi,
je voudrais revenir sur le centre provincial de liaison. Je vous ai
écouté et j'ai lu ce que vous avez marqué
là-dedans, mais vous demandiez 300 000 $, puis...
M. Dufour (Ghisiain): Je vous corrige, M. Tremblay, on est endu
à 100 000 $.
M. Tremblay (Rimouski): Oui, oui, d'accord. Donc, à ce
moment-là, dois-je comprendre que
votre estimation préliminaire était gonflée, un?
Deuxième des choses, vous nous dites: Les gouvernements n'ont pas
consenti. Puis là, vous blâmez ça, vous blâmez les
gouvernements de ne pas avoir consenti 300 000 $. Mais, par après, vous
nous dites: On a une expérience formidable à Drummondville. C'est
excellent, parfait, moi, je suis d'accord avec ça. Puis les
cégeps réclament leur autonomie. Ils veulent avoir plus
d'autonomie. Alors, pourquoi est-ce que cette structure-là ne
reviendrait-elle pas au niveau de chacun des cégeps, qu'ils aient un
centre de liaison avec les industries de la région ou du coin, pour
pouvoir essayer d'améliorer les relations travail-éducation?
Alors, moi, je pense qu'on devrait absolument ramener ça au plan
régional, ou local, de façon à tenir compte des
disparités régionales, d'une part, et, en même temps, du
volume d'industriels qui sont dans les régions pour pouvoir arrimer
toutes ces belles intentions. Mais ça devrait se faire avec le Conseil
du patronat, d'accord, au plan régional, avec les syndicats, oui, puis
avec les cégeps.
M. Dufour (Ghislain): Bien, on n'a aucune espèce
d'objection à faire l'expérience-pilote à Rimouski, parce
que c'est évident...
M. Tremblay (Rimouski): Je serais bien d'accord.
M. Dufour (Ghislain): ...qu'on ne pourra pas faire, avec 100 000
$, tout le réseau des cégeps. Mais il s'agit de bâtir
quelque chose, il s'agit de faire intervenir des associations sectorielles qui
vont être capables d'opérer sur l'ensemble du territoire,
et: ce que vous aurez fait au cégep de Rimouski, qu'on puisse
l'appliquer à Hull. Évidemment, pas avec l'école de
marine, il y en a juste une, mais il y a des expertises qui pourraient se
prendre un peu partout.
Quand vous dites que 300 000 $, c'était gonflé, bien,
écoutez là, on peut charrier là-dessus. On a
expliqué à Mme la ministre que, dans la situation actuelle, on
comprenait que c'était peut-être trop demandé - vous coupez
partout - 300 000 $; on a demandé 100 000 $. On veut vous impliquer. On
veut vous impliquer, on veut que vous embarquiez dans ce projet-là. Et
je vous dis tout simplement que, dans le cas de Drummondville, on n'est pas au
niveau collégial, on est au niveau secondaire.
M. Tremblay (Rimouski): O.K. Et, moi, remarquez bien, c'est parce
que vous êtes du Conseil du patronat, puis, lorsque vous nous demandez
d'instaurer des infrastructures minimales, j'ai toujours peur de ça. On
part avec ça, puis, là, on met la grosse structure provinciale,
puis on est embarqué dans la galère, puis on paie tout le temps.
Et c'est ça qui m'inquiète.
M. Dufour (Ghislain): Si vous acceptiez...
M. Tremblay (Rimouski): Et nécessairement, après
ça, nous, en tout cas je parle surtout pour les régions, on est
souventefois oubliées dans cette structure provinciale.
M. Dufour (Ghislain): Ne vous inquiétez pas de celle qu'on
vous propose.
M. Tremblay (Rimouski): O.K. Vous me rassurez.
M. Dufour (Ghislain): Puis, ne mettez pas sur pied celle que vous
nous proposez.
M. Tremblay (Rimouski): Vous me rassurez. M. Bréard:
Et j'ajouterais...
Le Président (M. Gautrin): M. Bréard M.
Bréard voudrait ajouter quelque chose.
M. Bréard: ...une chose. Quand on parle des
mégastructures, essayez donc de faire confiance un peu plus à la
dynamique des marchés. Je peux vous dire, moi, pour un utilisateur,
qu'on essaie d'avoir des cours avec les cégeps, mais que l'on mise tout
le temps sur la relation employeur-école. On oublie les associations.
Les employeurs, eux autres, ils délèguent aux associations parce
qu'ils n'ont pas toujours le temps. Mais on n'est pas admissibles aux
crédits d'impôt. On n'est pas admissibles à aucun
rôle et on oblige tout le temps, pour avoir des crédits
d'impôt, d'avoir l'imprimatur des fonctionnaires du ministère de
la formation professionnelle. Et ça, c'est une structure qui est lourde
et qui est compliquée, parce que, si on permettait aux employeurs, aux
entreprises et aux cégeps d'être capables d'avoir une interaction
avec les employeurs via les associations, ça irait peut-être un
peu mieux. Ça serait moins lourd et plus efficace.
M. Lafleur (Gaston): M. le Président...
Le Président (M. Gautrin): M. Lafleur, vous voulez ajouter
quelque chose?
M. Lafleur: En ce qui concerne le centre de liaison, pour moi,
ça m'apparaît très important, parce qu'on a parlé de
stages, tantôt, mais on n'a pas mentionné aussi l'importance des
PME dans le rôle qu'elles peuvent avoir dans ce contexte-là. Et le
centre de liaison est certainement, pour nous, si cet outil-là pouvait
se créer, un élément, un outil favorable à la
communication et à la concertation entre les collèges ou les
cégeps et l'industrie. Et ce qui a donné lieu à cette
idée-là, c'est suite à un forum d'échanges qui a
été relativement intense, et on a réalisé qu'on ne
se connaissait pas et qu'on avait du travail à faire. Et, quand on
demande
100 000 $, laissez-moi vous dire que les entreprises ou les associations
sectorielles vont y mettre le paquet aussi, parce qu'il va falloir y mettre du
temps et des énergies. Il y a beaucoup d'efforts qui vont se faire dans
ce sens-là et, pour nous, ça nous apparaît essentiel, parce
qu'il n'y a pas de moyens, de véhicule, actuellement, de communication
étroite. Il n'y a pas de canal, H n'y a pas de catalyseur, et ça,
ça nous apparaissait important.
Le Président (M. Gautrin): Merci. En conclusion, Mme la
ministre, députée de Chambly.
Mme Robillard: Malheureusement, à cause du temps, je dois
me limiter, mais, M. Dufour, de même que les membres du CPQ, je veux vous
remercier d'être venus au niveau de la commission. Je pense que vous avez
un point de vue très spécifique, celui des employeurs au
Québec et qu'on se doit de l'écouter dans ce débat public
sur l'enseignement collégial québécois. Merci bien
d'être venus en commission.
Le Président (M. Gautrin): Au nom de la commission, je
vous remercie aussi pour votre présentation et j'appelle maintenant le
Regroupement des associations générales étudiantes de
l'Est du Québec.
(Suspension de la séance à 11 h 59)
(Reprise à 12 heures)
Le Président (M. Hamel): Nous sommes prêts à
reprendre nos travaux. Alors, II me fait plaisir d'accueillir le Regroupement
des associations générales étudiantes de l'Est du
Québec, représenté par M. Nicolas Gagnon, Mme Audrey
Fortin. Et si vous vouliez nous présenter aussi les collègues qui
vous accompagnent.
Mme Fortin (Audrey): D'accord. Je vais vous présenter
Philippe Morin. Je vais vous présenter Pierre-Yves Guay. Moi, c'est
Audrey, et Nicolas. Vous avez aussi Langis Lauzier et Sébastien
Cottinet.
Le Président (M. Hamel): Alors, merci. Nous vous
écoutons. Vous avez 20 minutes pour votre présentation et nous
procéderons ensuite à l'échange habituel. La parole est
à vous.
Regroupement des associations générales
étudiantes de l'Est du Québec (RAGE)
Mme Fortin: D'accord. Je veux d'abord vous dire que je suis
très contente, en tant qu'étudiante, d'être ici aujourd'hui
parce que c'est intéressant que les étudiants soient là
pour dire ce qu'ils pensent d'une commission dont ils sont les principaux
concernés.
Je vais vous définir brièvement ce qu'est le RAGE de
l'Est. C'est une association qui a pour but de promouvoir un peu l'opinion
parfois mésentendue des particularités régionales de notre
région. Ça comprend la Côte-Nord, le Bas-Saint-Laurent, la
Gaspésie, les Îles-de-la-Madeleine et le Saguenay-Lac-Saint-Jean.
C'est un organisme assez étendu. Nous voulons faire savoir à la
commission parlementaire ce que pensent l'ensemble des étudiants de ces
régions, leurs attentes, leurs besoins face au niveau
collégial.
M. Gagnon (Nicolas): Peut-être une petite mise en situation
avant de commencer avec notre mémoire proprement dit. Alors, on veut,
par ce mémoire, ramener les enjeux non pas à des questions
administratives mais aux besoins réels des étudiants pour
s'assurer surtout qu'ils sont écoutés dans cette démarche,
car de la formation que nous recevrons dépend, en grande partie, notre
avenir et celui de la société à laquelle nous aurons
à nous intégrer plus tard. Les objectifs que nous visons par ce
mémoire sont de s'assurer que la situation des cégeps en
région soit transmise aux législateurs; deuxièmement, de
ramener la vision de l'État vers le potentiel et le positivisme des
étudiants et d'accentuer la responsabilité des
étudiants.
Le mémoire en tant que tel décrit la situation telle que
vécue par les étudiants. Nos 13 recommandations sont diverses
entre elles mais ont une progression et surtout visent le vécu des
étudiants; elles sont centrées sur ce que vivent les
étudiants.
Pour commencer, et, en fin de compte, par souci d'avoir une
démarche équilibrée, notre première recommandation
vise les prérequis collégiaux. Afin d'éviter le
décrochage scolaire, dont on parle beaucoup de ces temps-ci, et de
favoriser surtout l'évolution de l'élève vers un choix
approprié de sa formation, et de favoriser aussi une meilleure accession
mais surtout une bonne transition du secondaire vers le collégial, nous
recommandons que les programmes exploratoires, qui sont
régulièrement appelés programmes hors D.E.C., soient mis
en fonction dans les cégeps. Le but de ces programmes-là, en fin
de compte, c'est d'aider les étudiants à s'intégrer au
milieu auquel ils ne pourraient normalement que toucher par une acceptation
refusée ou simplement une mauvaise orientation dans leur choix de
programmes.
Mme Fortin: Dans plusieurs cégeps de différentes
régions, nous avons remarque que, souvent, les programmes
généraux ne sont pas dispensés. Nous recommandons donc
à la commission que ces programmes soient Implantés dans les
cégeps qui, par exemple, donnent des formations uniquement
spécialisées, ceci pour garder les étudiants dans leurs
milieux d'origine, pour faciliter le choix de ceux-ci, éviter les
déplace-
ments, et leur garder un lien avec leurs milieux.
M. Gagnon (Nicolas): La troisième recommandation:
enseignants et qualité d'enseignement. Vu la lourdeur souvent
démontrée des structures administratives, vu surtout que la
qualité de l'enseignement est souvent reléguée au second
plan, derrière les acquis des enseignants et des professionnels,
considérant la dégradation trop souvent observée de la
qualité de l'enseignement, nous recommandons que la gestion courante des
cégeps et du personnel soit subordonnée à la
qualité de l'enseignement de façon à ce que la formation
fondamentale s'ouvre et s'élargisse aux besoins réels des
étudiants. Cela implique aussi qu'il faudrait systématiquement
prévoir un système de résolution des problèmes
pédagogiques dans les cégeps et encourager surtout la formation
permanente des professeurs. Toutes ces mesures-là ont en vue un seul
but: la qualité de l'enseignement que reçoivent les
étudiants.
Mme Fortin: Au cours de la commission, on a beaucoup parlé
des cours généraux et des cours obligatoires pour les
étudiants. Pour le secteur général, nous recommandons que
les cours qui sont déjà en place continuent et persistent,
c'est-à-dire les cours d'éducation physique, de philosophie, de
français, ceci pour que l'étudiant ait un approfondissement des
matières enseignées plutôt qu'une dispersion. Pour ce qui
est des cours optionnels, des cours à choix, nous recommandons qu'il y
ait un élargissement de l'éventail, c'est-à-dire que,
souvent, l'étudiant est compromis entre seulement quelques choix, et,
pour faciliter son approche personnelle de ses études, on aimerait que,
dans certains cégeps, même dans la plupart des cégeps, ces
cours soient différents et que l'éventail soit élargi.
M. Gagnon (Nicolas): Pour ce qui est du volet professionnel, il y
a un problème qu'on constate dans certaines techniques, qui est le
problème des formations trop générales,
c'est-à-dire qu'on vise - ce qui est très bien, en passant - une
formation, une acquisition de connaissances transférables,
c'est-à-dire, pas de choses très pointues: aller dans un domaine,
avoir une bonne formation mais ne pas être un spécialiste dans un
seul domaine. Ça pose un deuxième problème, qui est, dans
les cours optionnels, qu'il faudrait avoir à la disposition des
étudiants des cours qui puissent leur permettre de mieux connaître
la réalité du marché présent, tant la
réalité au point de vue régional qu'au point de vue de
l'évolution qu'il y aura dans le temps, du marché du travail dans
lequel il aura à s'intégrer. Ça pourrait comporter, par
exemple, des volets d'éthique professionnelle.
Ensuite, pour ce qui est du volet commun, le collégial, par les
cours de français, par les cours de concentration, souffre d'un
cloisonnement entre technique et général. Étant
donné que le contexte dans lequel évoluent les cégeps
fluctue constamment, nous recommandons que le choix de cours corresponde aux
aspirations des étudiants, qu'il soit commun à l'ensemble, mais
surtout qu'il s'actualise au fil des années. (12 h 10)
Mme Fortin: Nous avons aussi discuté, pour ce qui est du
professionnel, des stages envers le milieu d'emploi futur ou d'une simulation
complète, si le stage n'est pas possible. Dans toutes les techniques,
nous recommandons que les stages soient intégrés aux programmes
de formation pour bien sûr faciliter la compréhension de
l'étudiant à savoir si oui ou non il adhère bien à
son choix, aussi pour garder l'étudiant dans son milieu. Pour
connaître l'entreprise, je pense que des deux côtés
ça pourrait faciliter, c'est-à-dire que... Installer des stages
dans le milieu actuel où la formation se donne, ça pourrait
permettre aux entreprises de connaître la qualité des
étudiants formés, et ça pourrait aussi permettre à
l'enseignement de s'actualiser continuellement pour tâter le pouls un
peu.
Nous avons aussi discuté du fait que les techniques qui sont
spécialisées dans un milieu soient rapprochées à la
région où ce milieu est le plus exploité, comme, par
exemple, dans le milieu des pêches. Pour ce qui a trait aux techniques
qui sont du milieu général, nous recommandons que celles-ci
soient dispersées de façon équitable, parce que souvent
elles sont regroupées dans les grands centres et certains cégeps
pourraient accueillir au bénéfice des clientèles ces
techniques.
M. Gagnon (Nicolas): Un autre volet, celui de la
représentation étudiante. Considérant qu'il y a
sous-représentation dans les divers comités et aux instances
décisionnelles dans les cégeps, et surtout que le contact avec la
base est essentiel pour une bonne prise de décision, et que le
cégep appartient à ceux, en fin de compte, qui en ont besoin,
nous recommandons qu'il y ait un pouvoir réel sur l'institution
collégiale, que les étudiants puissent décider des grandes
orientations, que ce soit par le projet éducatif institutionnel, que ce
soit par la représentation aux divers comités - nous en avons
déjà parlé - que ce soit par la valorisation de
l'étudiant dans l'orientation que prendront les cégeps dans
l'avenir. Nous recommandons que l'on garantisse, surtout qu'une volonté
se manifeste et se reflète concrètement dans l'implication des
étudiants au point de vue de la décision et surtout de la
représentation étudiante. au niveau des collèges.
Mme Fortin: Pour ce qui a trait à l'implication des
étudiants également, nous avons observé qu'H y a une vague
reconnaissance de cette implication dans le milieu des collèges,
c'est-à-dire que cette implication donne une qualité accrue au
milieu de vie des étudiants et souvent
inspire les étudiants à continuer leurs études.
Donc, nous recommandons que cette implication soit considérée au
même titre, puisqu'elle donne de la formation fondamentale, que d'autres
cours de formation et obtienne, par conséquent, des crédits de
cours. Cette implication, pour ce qui a trait aux collèges, sauve
énormément d'argent et de temps aux personnes employées,
parce que les étudiants deviennent un peu les actionnaires de leur
collège et aspirent ainsi à améliorer la qualité de
vie et touchent un peu plus leurs attaches à leur collège.
M. Gagnon (Nicolas): Règles administratives coercitives.
Considérant les mesures improvisées visant à
réduire le décrochage - je pense surtout à la disparition
de la date d'abandon - et aussi à faciliter le cheminement scolaire des
étudiants - on pense aussi aux changements qu'un étudiant peut
faire de collège - nous recommandons qu'il soit possible de changer de
collège sans avoir une perte de crédits pour les cours pour
lesquels on a été évalué et on a eu nos notes.
Aussi, nous prônons un retour à la date d'abandon,
considérant que sa disparition entraîne plus de questionnement de
la part des étudiants dans les premières semaines, ce qui est
très difficile considérant qu'il n'y a pas encore eu
d'évaluation. Et ensuite, en général, nous recommandons
que les politiques soient proactives et non pas pénalisantes dans le
sens qu'un étudiant va être valorisé s'il réussit,
s'il tend vers le succès de ses études collégiales, et non
pas qu'il sera pénalisé s'il ne réussit pas. Merci.
Mme Fortin: Malgré la conjoncture économique
actuelle, nous voulons affirmer notre désir pour maintenir la
gratuité scolaire, ceci pour éviter l'affaiblissement des efforts
mis depuis plusieurs années contre le décrochage, pour augmenter
l'éducation, etc. L'éducation, malgré le coût
présent, rapporte beaucoup plus à une société que
des gens non instruits. C'est aussi pour l'évolution de la
société au complet. Donc, nous vous incitons à maintenir
la gratuité.
M. Gagnon (Nicolas): Aide financière aux étudiants,
maintenant. Le gouvernement, face à l'aide financière, surtout
avec la limitation à quatre ans, la date limite pour finir la completion
des études collégiales, a une vision restrictive et punitive.
Nous pensons que ce n'est pas en réduisant le nombre d'années
qu'un étudiant pourra rester au cégep qu'il pourra mieux
répondre aux besoins de sa clientèle. C'est plutôt en
trouvant des moyens, justement, de pointer les abus et surtout faire
bénéficier ceux qui en ont réellement besoin. Nous
recommandons, en fin de compte, qu'une aide financière, une base d'aide
financière minimale soit garantie pour la durée des
études, quelle qu'elle soit, mais surtout qu'un autre
élément qui constituerait un incitatif a la performance et au
maintien de l'accès à l'éducation soit introduit dans le
régime de prêts et bourses actuel.
Mme Fortin: Comme conclusion au mémoire. Notre
mémoire se veut un espoir à l'éducation postsecondaire
puisque la facilité d'accès, l'encouragement et le support des
étudiants mènera inévitablement à la reconstruction
solide de notre société. Si on encourage aujourd'hui les
étudiants à étudier, c'est l'État qui en
bénéficiera plus tard par l'activité de ses membres, qui
auront alors la possibilité de faire grandir notre pays.
Permettre à la jeunesse d'aujourd'hui de se prévaloir des
mêmes avantages que celle du passé, ce n'est pas une question
piège, selon moi. De plus, la jeunesse qui a passé doit supporter
celle d'aujourd'hui et le fardeau fiscal qui en découle. C'est aussi une
responsabilité des entreprises et, bien sûr, de la population en
général.
Le Président (M. Hamel): Vous avez terminé? Merci.
Nous allons procéder maintenant à la période
d'échanges. J'inviterais Mme la ministre à débuter.
Mme Robillard: Oui, merci, M. le Président. Je suis
heureuse de rencontrer un groupe d'étudiants qui sont
intéressés au développement régional, parce que, si
j'ai bien compris votre regroupement, c'est que vous considérez que
d'autres associations étudiantes n'insistaient pas de façon
très particulière sur le développement des régions
et vos intérêts. Je pense que vous, les étudiants, qui
êtes dans différentes régions du Québec, c'est ce
pourquoi vous vous êtes regroupés. Alors, c'est un
intérêt très particulier pour nous, les membres de la
commission, de vous entendre aujourd'hui. Alors, nous sommes très
heureux que vous soyez là parce que vous avez tout à fait raison
de le noter. Si nous faisons une réforme de l'enseignement
collégial québécois, c'est d'abord et avant tout pour
vous, pour que vous ayez une formation de meilleure qualité et que vous
assuriez la relève dont nous avons tellement besoin au niveau du
Québec. Alors, dans ce sens-là, votre point de vue nous est
très important.
Une question, d'abord, de clarification. Mme Gagnon, en
commençant, parce que je n'avais pas lu ça dans... Fortin,
excusez-moi, Mme Fortin. Je ne l'avais pas lu dans votre mémoire, mais
tantôt, dans votre exposé, j'ai cru comprendre que vous disiez que
certains cégeps en région n'offraient pas de programmes
généraux. Est-ce que c'est ça que vous avez dit?
Mme Fortin: C'est-à-dire que, par exemple, le Centre
spécialisé des pêches est une institution qui donne de
l'enseignement collégial, et dans cette institution-là il n'y a
pas de programmes généraux, ce qui oblige souvent les
étudiants à se déplacer, souvent pour aller étudier
ailleurs.
Ça fait comme sortir un peu l'étudiant de son mflieu,
n'est-ce pas?
Mme Robillard: Oui. Mais là vous faites
référence à un centre spécialisé qui est
rattaché au cégep de Gaspé.
Mme Fortin: Oui, c'est ça.
Mme Robillard: C'est parce que moi, j'étais surprise
d'entendre ça. À ma connaissance, tous les cégeps de la
province offrent la filière préuniversitaire et la filière
technique. Certains ont des centres spécialisés dans un domaine
particulier. Mais l'accessibilité à une formation
préuniversitaire est là dans tous les coins du Québec. (12
h 20)
Mme Fortin: En effet, ces deux institutions sont
rattachées l'une à l'autre, mais, quand on voit un peu le
contexte dans lequel c'est fait, on peut voir que les étudiants qui vont
d'un côté comme de l'autre ne viennent pas nécessairement
des mêmes milieux. Puis quand on voit l'argent qui a été
mis dans une bâtisse comme celle-là, et puis qu'on voit souvent
qu'il y a des baisses de clientèles, c'est dommage de ne pas donner
l'accès à d'autres étudiants de venir profiter de ces...
Il y a des laboratoires incroyables des fois dans des institutions comme
ça dont les étudiants pourraient profiter, puis ça
pourrait peut-être être rentable à la longue.
Mme Robillard: Parfait, écoutez, abordons d'autres
questions dans votre mémoire. À la page 9, vous soulignez un
point très important et un point très grave, à la fois,
parce que vous dites que vous observez la dégradation de la
qualité de l'enseignement dans nos cégeps. Alors, je veux
absolument que vous m'expliquiez comment vous voyez ça. Comment
ça se passe? Pourquoi vous affirmez de façon aussi importante
qu'il y a une dégradation de la qualité?
M. Gagnon (Nicolas): On n'affirme pas une dégradation
générale de l'enseignement collégial. On affirme que,
quand il y a des problèmes avec certains enseignants ou certains membres
du personnel, la pédagogie est subordonnée à une
convention collective et, à ce moment-là, les étudiants
sont perdants. C'est ça qu'on affirme.
Mme Fortin: On dit également qu'il n'y a pas de recours,
en tant que tel, pour les étudiants qui sont mis sur pied dans les
cégeps pour faire valoir leur point de vue là-dessus.
Mme Robillard: Bon, justement, je voulais aborder ça avec
vous parce que vous recommandez des mécanismes officiels de
résolution de plainte. C'est ce que vous dites en haut de ta page 10.
Comment ça se passe présentement pour un étudiant qui a
une plainte à formuler dans un cégep?
M. Gagnon (Nicolas): O.K. Le problème avec ça c'est
que les directeurs ont beaucoup d'autres choses à voir que de s'occuper
des plaintes d'étudiants qui sont particulières à
simplement un cours. Le but d'une telle politique, si l'on peut dire, ce
serait, en fin de compte, d'amener un règlement de ces plaintes
pédagogiques, que ce soit un étudiant qui se sent
pénalisé, qui se sent lésé par rapport a une
correction, que ce soit un étudiant qui sent qu'un professeur a des
attitudes par rapport à lui qui ne sont pas correctes, si on parle d'un
langage abusif ou des choses dans le genre. C'est des choses dont
habituellement les associations étudiantes se sont occupées, mais
il faudrait reconnaître par écrit, par des recommandations claires
que faire dans de tels cas, comment régler ces plaintes-là.
Mme Fortin: Je pense que le seul recours qu'il y a
présentement... Je sais que, dans mon cégep, c'est la
révision de notes. C'est-à-dire qu'à la fin de ton cours
si tu n'es pas satisfait de la note que tu as eue pour telle ou telle raison tu
peux le faire. Mais en ce qui a trait à la compétence du
professeur en tant que telle, l'étudiant n'a absolument rien à
dire. C'est là où est le problème parce que, quelle que
soit la note fixée, le comité ne peut pas vraiment prendre
conscience de la situation vécue pendant la session de
l'étudiant. C'est ça, le problème.
M. Lauzier (Langis): II faut retenir, Mme la ministre, que, dans
ces cas-là, on est souvent acculés à la convention
collective. Et Édouard-Montpetit, ce matin, disait, effectivement, qu'il
y avait des évaluations en ce qui concernait ses cadres, concernait
aussi ses professeurs à charge de cours, mais H ne nous a jamais dit
qu'il y avait des évaluations proprement dites et à quoi servent
les évaluations proprement dites des enseignants puisqu'ils sont
toujours acculés à cette barrière de convention
collective. C'est là qu'est le problème de l'évaluation
actuellement, et le problème des étudiants de façon
majeure, c'est qu'ils ne peuvent pas, à un moment donné, aller
à rencontre de l'évaluation. On rencontre, entre autres, au
niveau des enseignants, cette espèce de sacro-saint privilège de
par la convention collective. On dit même, à l'intérieur de
ce mémoire, qu'il faudrait retourner à la formation de ces
maîtres qu'ils ont reçue il y a 20 ans. Est-ce qu'ils sont enclins
actuellement à vivre la réalité des employeurs, les
besoins économiques? C'est là qu'on pose le questionnement.
Le Président (M. Hamel): Merci, M. Lauzier.
Mme Robillard: Est-ce que je comprends bien que c'est comme deux
recommandations différentes? Une est un mécanisme officiel de
résolution de plainte individuelle, je dirais, d'un
étudiant en particulier qui a un problème x... Une
voix: Ou collectif.
Mme Robillard: ...et l'autre, vous remettez sur la table, je
pense, la question de l'évaluation des enseignants à laquelle les
étudiants peuvent participer, mais vous dites qu'il y a des
problèmes avec les conventions collectives. Est-ce que je vous comprends
bien?
M. Lauzier: Vous cernez très bien, Mme la ministre. Aussi,
il faudrait revenir à un élément de la page 9, quand on
requestionne. Tantôt, vous demandiez dès explications concernant
la dégradation de l'enseignement. Il faut aller voir que quand on a
instauré les cégeps, il y a 25 ans passés, ils
étaient peut-être adaptés aux besoins réels, sauf
qu'à l'intérieur de cette période de temps on assiste
maintenant à une tout autre réalité. La formation des
cégeps a été farte afin d'inculquer la passion de la
vérité et le respect de l'intelligence. Est-ce qu'on le vit
encore à l'intérieur des institutions? C'est là toute la
question aujourd'hui.
Mme Robillard: Et selon vous?
M. Lauzier: Selon l'ensemble des étudiants, on est
beaucoup démotivés, alors que le but du rapport Parent
était de motiver, de créer l'intérêt de
l'apprentissage. Ce n'est pas sûr qu'aujourd'hui les gens ont encore cet
intérêt, cette passion d'apprendre quand on voit une foule de
politiques qui sont mises en contrepartie et qui viennent intervenir sur le
besoin fondamental d'apprendre. C'est l'essentiel de notre mémoire
aussi, sur lequel on veut s'attarder. On dit qu'il y a beaucoup de politiques
qui ont été mises à l'intérieur de règles,
à l'intérieur des 25 ans, qui nous rendent aujourd'hui
plutôt très limitatifs. C'est le principal d'une de nos
recommandations de rendre le système de l'éducation, maintenant,
à un système d'éducation proactif plutôt que de
l'axer vers des punitions, des interdictions, des pénalités.
Le Président (M. Hamel): M. Guay, vous vouliez intervenir
aussi, je pense.
M. Guay (Pierre-Yves): Un mécanisme de gestion de
plaintes, c'est très complexe. Moi, c'est mon ouvrage à
l'association étudiante; c'est moi qui s'occupe de ça. C'est
très complexe parce qu'en arrivant devant un professeur, bien, il rit
quasiment de moi parce que je n'ai pas de pouvoir. Je ne peux presque rien
faire. Tu sais, j'arrive. Bon, je vais parler avec lui, je vais discuter et je
vais donner l'opinion des étudiants qui sont venus me voir. Des fois,
c'est des recours collectifs; des fois, c'est des recours individuels; des fois
même, c'est une classe au complet. Alors, je vais voir le professeur. Je
discute avec lui. Si ça ne fonctionne pas, bien, la seule instance que
je peux avoir, c'est le directeur des services pédagogiques. Alors, le
directeur des services pédagogiques, il a des choses plus importantes
à faire que de me voir pour parler. Il a un emploi du temps très
chargé et c'est difficile d'avoir des rendez-vous. Alors, ce n'est pas
évident. Le mécanisme de gestion de plaintes est très
complexe; c'est pour ça qu'on a placé une recommandation comme
celle-là dans le mémoire.
Mme Robillard: Et en continuité avec cette
recommandation-là, vous nous dites aussi qu'il y a des changements
à apporter au niveau de la représentation étudiante.
M. Guay: Oui.
Mme Robillard: N'est-ce pas? Vous dites que, présentement,
il y a une sous-représentation étudiante dans les divers
comités ou organismes administratifs et pédagogiques.
Pourriez-vous nous citer quelques exemples, ce à quoi vous vous
référez?
M. Guay: Je peux y aller?
Le Président (M. Hamel): M. Guay.
M. Guay: Cette année, on a réussi à faire
passer en commission pédagogique que les professeurs forment un
comité d'évaluation des enseignements - c'est un exemple,
là - et il n'y a aucun étudiant sur ce comité-là.
Est-ce que vous comprenez pourquoi? Qui sont les principaux concernés
par l'enseignement? C'est bien nous. Si je me donne un cours et qu'après
ça je décide de me donner une note, laquelle je vais me donner?
Le maximum. Alors, c'est des choses comme ça qui se passent, qui sont
aberrantes.
Mme Robillard: Est-ce qu'il y a d'autres exemples dans d'autres
cégeps?
Mme Fortin: Je pense qu'à Aima on avait vu le
problème venir de loin. On a une corporation des services aux
étudiants dans laquelle les étudiants sont majoritaires. C'est
des comités comme ça qu'on voudrait qui soient formés.
Moi, personnellement, je suis sur le conseil d'administration de mon
collège. Je suis la seule étudiante. Je ne sais pas si vous le
savez, là, mais ça ne fait pas gros parmi la masse. Quand tu as
une opinion un peu distincte des autres, tu ne peux pas nécessairement
te faire supporter comme, par exemple, on se supporte aujourd'hui dans des
comités comme ça qui sont souvent impressionnants pour un
étudiant. Ce serait le fun aussi. C'est énormément
intéressant pour l'étudiant. C'est superenrichissant de faire ce
que tu fais là-dedans. Je suis sûre que plusieurs
étudiants seraient intéressés à y
participer.
Mme Robillard: Mme Fortin, expliquez-nous pourquoi vous
êtes seule au conseil d'administration alors que la loi prévoit
deux étudiants?
Mme Fortin: Je ne le sais pas. Je suis la seule invitée.
C'est vrai. Je ne le sais pas. Ça a toujours été comme
ça. C'est la présidente de l'association étudiante qui
siège. À Aima, c'est comme ça.
Mme Robillard: C'est que l'autre étudiant,
présentement, selon la loi, c'est l'étudiant du secteur des
adultes.
Mme Fortin: Ah! peut-être.
Mme Robillard: Alors, très souvent, cet
étudiant-là, il est à temps partiel au niveau du
cégep. On voit qu'il y a une difficulté de représentation
au niveau des divers conseils d'administration. (12 h 30)
Mme Fortin: Mais, même à deux, ça reste une
minorité marquée.
Le Président (M. Hamel): Ça va. Merci. M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui. Je voudrais vous remercier d'avoir relevé
le défi de venir échanger avec nous. D'entrée de jeu, je
pense que des échanges avec les plus immédiatement
concernés - et vous en êtes - sont toujours de circonstance,
toujours appropriés. Et c'est intéressant que vous soyez
là, parce que, comme vous le dites, on ne fait pas une reforme pour le
premier objectif, c'est-à-dire de maximiser la formation qu'on pense que
la société doit donner à ses gars et filles qui vont
diriger le Québec de demain.
Dans ce sens-là, c'est important que vous soyez là. Et
justement parce que je considère important ce que vous dites, je pense
qu'il faut tenir compte de ce que vous dites, mais il faut en comprendre toute
l'exactitude puis la portée. Alors, d'entrée de jeu, parce que je
veux échanger le plus longtemps possible avec vous, je vais aller tout
de suite à la page 5. Dans votre mémoire, vous dites: Nous
observons, comme étudiants de cégep, que les tendances
législatives des dernières années en matière
d'éducation collégiale vont à rencontre de
l'épanouissement individuel et à rencontre de l'image de notre
société, étant davantage punitives et coercitives.
Bon. Je pourrais me réjouir d'un tel jugement sur le plan
partisan. Sur le plan politique partisan, je pourrais m'en réjouir, mais
je pense qu'il faut regarder ça plus sérieusement que ça.
Et à quoi faites-vous précisément allusion? Parce que je
trouve que c'est un jugement très sévère, très dur.
Et compte tenu - je l'ai dit tantôt, mais c'est important de le
répéter - que vous vivez, vous êtes l'âme même
de toute réforme collégiale, alors, si vous vivez ça dans
ce contexte, dans cet esprit et que vous croyez effectivement que les tendances
vont dans le sens punitif et coercitif, ce n'est sûrement pas le climat
que je souhaite. Alors, pourriez-vous être plus explicite?
Mme Fortin: Moi, je vais vous parler... Comme la méthode
coercitive des prêts et bourses. Je ne sais pas si vous le savez, mais un
étudiant qui travaille est pénalisé dans ses bourses. Au
lieu, il aurait peut-être pu mettre... Je ne sais pas, encourager, par
exemple, les étudiants qui performent énormément. Mais
non, c'est toujours des méthodes qui visent à restreindre un
petit peu plus. En général, dans les cégeps, il n'y a pas
de système d'encouragement, de revalorisation de l'étudiant en
tant que tel. C'est ça qu'on vise au cégep d'Alma encore. C'est
parce qu'on est très près des étudiants. Il y a un
programme de bourses qui s'est créé par rapport aux entreprises
d'Alma pour encourager les étudiants à continuer. C'est quelque
chose de réel, qui se fait. C'est des méthodes comme ça
qui devraient être implantées dans les cégeps en
général.
M. Lauzier: Et parmi ces méthodes coercitives aussi,
Audrey vient de relater le phénomène des prêts et bourses,
regardons essentiellement le dernier changement qui s'est produit cet automne
en ternies de matière ou de périodes d'abandon. À
l'époque, on pouvait franchir la demi-session pour décider
d'abandonner son cours alors qu'actuellement on doit décider de la
pertinence de ce cours-là dans l'espace des 15 premiers jours. Dans les
15 premiers jours, tu dois savoir, en tant qu'étudiant: Oui, ça
me plaît ce cours-là dans mon cheminement; non, ça ne me
plaît pas. Le professeur me sera incompatible ou il me sera compatible.
La période de temps est très courte. Plutôt que d'adopter
des politiques qui nous apparaissent, nous, très coercitives face
à notre cheminement, ce serait beaucoup plus logique d'avoir
conservé effectivement la période d'abandon à la
mi-session. Quand on comprend aussi le but dans lequel cette mesure a
été mise essentiellement, de limiter les deniers qui allaient
avec cette politique, alors qu'une méthode nettement plus proactive est
de dire: Écoutez, voilà. Vous pouvez abandonner vos cours
à la mi-session. En contrepartie, si vous allez vers une réussite
de ces cours, nécessairement, vous aurez un bonis. Peu importe la forme
de ce bonis, sauf qu'on s'en va avec des agents stimulateurs plutôt que
des agents punitifs. C'est l'essentiel de notre mémoire à ce
niveau-là.
M. Gendron: Je suis content que vous nous donniez des
explications. Mais ce qu'il faut comprendre... Bon, est-ce qu'on a le meilleur
régime de prêts et bourses au monde? Par
définition, oui, mais par définition théorique. Par
contre, quand on le regarde, c'est évident qu'il y a des lacunes, c'est
évident qu'il faudrait l'améliorer, mais c'est à ça
que vous faisiez référence entre autres.
Deuxièmement. Juste une minute! Ce n'est pas tellement ce qu'on
appelle des tendances législatives comme des pratiques au niveau des
mesures de gestion ou de réglementation. Et vous donnez l'autre
l'exemple de l'abandon de certains cours. Vous voudriez que la période
soit un peu plus longue pour être capable de l'abandonner. C'est bien
ça?
M. Lauzier: II y a aussi, en termes de réglementation
à l'intérieur des cégeps, que chaque cégep a le
droit de passer certaines réglementations, bien sûr, qui sont
soumises par la loi par la suite ou qui sont entérinées,
découlant de la loi. Mais à l'intérieur de ces
réglementations, souvent... Elles sont toujours à
caractère limitatif, via les droits. On parlait de formulation de
plainte, tantôt. Ce serait nettement plus agréable, comme milieu
de vie, si on pouvait avoir un système qui est ouvert et qu'on se sente
écouté à l'intérieur du système. C'est
là que les étudiants ne se sentent plus écoutés,
à l'intérieur du système.
M. Gendron: Vous souhaitez, à la page 6, avoir des
responsabilités plus définies, plus concrètes, vous dites
dans les prises de décisions académiques et administratives vous
concernant. Au-delà de la participation que je connais des jeunes
étudiants, normalement, qui ont au moins deux sièges au conseil
d'administration, est-ce que vous pourriez être plus précis,
donner des exemples? Quand on a la chance d'échanger avec des
étudiants, il vaudrait mieux vous entendre sur ce que vous souhaiteriez
- comment ça se passe - plutôt que de nous indiquer ce que vous
n'aimez pas. On a pas mal une bonne idée de ce que vous n'aimez pas. En
tout cas, moi, pour en avoir un, dernièrement, au cégep, et un
qui est toujours étudiant au collège. Il me parle souvent de ce
qu'il n'aime pas. Je l'invite toujours à me dire un peu plus ce qu'il
aimerait. C'est avec des suggestions comme ça qu'on peut
éventuellement éclairer et apporter des correctifs ou des
améliorations à la réforme.
Tout le monde souhaite que le contexte de la vie collégiale ne
soit pas juste plus agréable, mais permette que vous vous
réalisiez plus et que vous vous sentiez davantage impliqué. Un
milieu de vie, dans un collège, c'est important que ce soit
créé. Vous n'êtes pas des preneurs et des preneuses de
cours, selon moi, uniquement ça: un horaire, des cours, des locaux et je
ne veux rien savoir. Plusieurs personnes ont parié de vous donner
l'occasion d'être, si on prend la comparaison, pas des têtes
pleines, mais des têtes bien faites. Mais, là, on ne parie pas
physiquement. Pour faire une tête bien faite, ça prend autre chose
qu'un horaire et un cours. Est-ce que vous pourriez donner quelques exemples,
particulièrement au niveau des décisions académiques?
C'est là que j'aimerais vous entendre, sur la place que vous voudriez
occuper d'une façon plus positive dans les décisions
académiques de vos institutions?
M. Lauzier: Si on y va, M. le député, en termes de
comparaison au niveau d'un employé au sein de son entreprise, si son
patron se limite à dire à cet employé-là: Tu fais
ta job, tu prends tes clous, tu les mets dans la petite boîte, et c'est
ce que tu as à faire toute une journée, et après ça
tu n'as plus rien à dire, probablement que l'employé sera
très démotivé au niveau de son emploi. En contrepartie, si
l'employeur est très stimulé au niveau des politiques, va le
consulter: Tu penses quoi? etc., il y aura un sentiment d'appartenance
nettement plus accentué.
C'est un peu ce qu'on dit dans notre mémoire: De plus en plus,
mettons au premier plan l'agent utilisateur qu'est l'étudiant. Le
système d'éducation, il est là pour répondre aux
besoins. Certes, les étudiants qui arrivent à 16 ans au
collège ne peuvent pas décider de leur avenir; certes, ils ne
peuvent pas décider de l'avenir, de ce que sera demain, mais
donnons-leur la chance, par exemple, donner le courant auquel ils veulent
accéder demain. Et, quand on parie d'un système à
l'intérieur, prenons un exemple. Nos pédagogues ont
décidé, récemment, de partir et d'offrir des langues
secondes en abolition de différentes autres quantités de cours.
Avoir la langue espagnole obligatoire, est-ce que ça fait partie de la
formation fondamentale? Là est toute la question. L'ensemble des
étudiants a dit non là-dessus. Par contre, on s'en vient avec des
politiques sans consulter ce que veut la masse, l'agent utilisateur. Et c'est
là que la réforme doit s'accentuer: aller voir l'essentiel de ce
que veulent les étudiants. Bien sûr qu'à l'intérieur
de ce que veulent les étudiants il doit y avoir un encadrement logique,
rationnel, mais, quelque part, il faut savoir ce qu'ils veulent, ces
gens-là, plutôt que de décider essentiellement dans les
grands bureaux, les hauts étages de ce qu'aura la masse
étudiante. C'est là tout le problème. On n'ira pas
s'éterniser dans des exemples bien précis du vouloir des
étudiants, mais c'est le grand principe qu'il faut retenir.
Mme Fortin: Est-ce que je peux? À la commission, ici, vous
avez sûrement vu plusieurs cégeps qui ont défilé.
Pourtant, très peu d'entre eux ont consulté les étudiants
dans leurs revendications. C'est une chose qui, par exemple, nous tient loin du
point de vue administratif. En général, les cégeps ne
consultent pas leurs étudiants avant de faire des choses majeures comme
celles-là. Et puis, quand on pariait d'amélioration, tout
à l'heure, je pense qu'on a
une recommandation en ce sens, quand on demande que la vie
étudiante soit créditée comme une activité en tant
que telle, parce que c'est vrai qu'elle rapporte beaucoup aux étudiants.
Parfois même, moi, je peux vous dire que mon implication dans la vie
étudiante me rapporte beaucoup plus qu'un cours de yoga. C'est
très sérieux et c'est vrai que ça évite
énormément de temps et d'argent aux employés en tant que
tels, puis ça attache énormément les étudiants. Je
pense que dans ce sens-là - c'est une recommandation à laquelle
je tiens beaucoup - c'est un peu du bonheur des deux côtés de la
bande. (12 h 40)
M. Lauzier: Puis ça vient accroître le sentiment
d'appartenance qu'on doit avoir envers son organisation, puis, par la suite,
ça va aussi permettre à l'ensemble des étudiants en
région de rester dans leur région, de mieux comprendre les
besoins de leur région. Les cégeps doivent être au centre
de l'économie régionale, ils doivent répondre aux besoins
des entreprises régionales. Et ça, c'est fondamental dans le
rôle que doivent jouer les cégeps dans l'avenir: arrêter de
répondre à des sacros principes économiques, provincial,
national ou international. Avant tout, il faut savoir que l'entreprise qui a
besoin d'une technique particulière, ce n'est pas le cégep de
Montréal qui doit répondre à cette technique-là,
mais bel et bien celui de la région afin de répondre
adéquatement aux besoins et aux demandes des employeurs de cette
région-là. Et ça va assurer la vitalité
régionale par la suite, plutôt que de voir nos étudiants,
quand ils ont terminé leurs acquis académiques, se diriger vers
Québec, se diriger vers Montréal ou se diriger vers Vancouver,
aujourd'hui.
Le maintien économique des régions passe par la formation
afin de répondre adéquatement à ces besoins-là. Et
c'est ça qu'il faut retenir aussi de par notre intervention aujourd'hui,
Mme la ministre.
M. Gendron: Je vous laisse l'occasion justement d'expliciter
davantage. Il y a un autre aspect, puisqu'on vous a. Il y a plusieurs
intervenants qui sont venus nous dire que le niveau de préparation pour
arriver aux études collégiales était complètement
déficient, inadéquat. Alors, on a l'occasion d'en avoir six
belles jeunesses devant nous. Alors, peut-être sans faire le tour, s'il y
en a une ou deux, ou inversement, est-ce que vous pourriez porter un jugement
là-dessus? Est-ce que vous croyez... Selon vous, quand vous êtes
arrivés, vous autres, au cégep, vous étiez en mesure de
faire face à ce défi-là, vous saviez exactement ce que
vous alliez faire là, vous aviez un degré de préparation
suffisant? Parce qu'il y en a plusieurs qui nous ont dit: Le genre de
secondaire qu'on leur demande est tellement insignifiant, entre guillemets,
c'est-à-dire peu, pas assez significatif pour être capable d'avoir
le goût de l'effort, l'habitude du travail. Bon! Est- ce que vous
partagez ça? Et, sinon, est-ce qu'on pourrait corriger? Est-ce qu'on
pourrait avoir des suggestions de votre part sur ce qui est urgent de corriger
au secondaire afin de vous garantir une meilleure préparation et vous
placer dans des conditions de réussite plus avantageuses?
Mme Fortin: souvent ce qui arrive, c'est que le secondaire, c'est
une grosse boîte, puis tu es là longtemps, puis, quand tu sors de
là, tu es vieux. souvent, les étudiants...
M. Gendron: Vous êtes vieux, vous avez dit?
Mme Fortin: Oui, tu es vieux... Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Fortin: ...parce qu'il y a un encadrement tellement strict
que, quand tu es rendu à 16 ou 17 ans, tu ne peux plus tellement te
subordonner à des conditions telles. Ce qui arrive, c'est que c'est
tellement contraire au cégep que, souvent, le lien entre les deux est
difficile. Souvent, quand tu attaches un chien, quand H se sauve, il se sauve
longtemps! C'est pour ça que dans le mémoire on a demandé
qu'il y ait plus de liens entre les deux établissements. C'est pour
ça qu'on a demandé également qu'il y ait des cours qui
puissent faire la jonction. C'est-à-dire que souvent des
étudiants doivent reprendre une année parce que, par exemple, il
leur manque des cours pour entrer en sciences. Pourquoi ces cours ne se
donneraient pas au cégep? Les étudiants pourraient débuter
leur formation, et ça les sortirait de la cabane l'autre bord. C'est
ça l'idée là-dedans.
Le Président (M. Hamel): M. Guay voulait intervenir. M.
Guay voulait continuer. M. Lauzier.
M. Gendron: Oui, oui.
M. Lauzier: J'aimerais rajouter que nous sommes heureux de vous
avoir, Mme la ministre, actuellement puisque vous êtes responsable des
deux ministères. Quand on a produit notre mémoire, on ne voulait
pas chevaucher sur l'autre ministère. C'est pour ça que le
fondement de notre recommandation à ce niveau-là était de
dire: Écoutez, si le secondaire ne fait pas sa job, eh bien,
voilà, pourquoi venir limiter l'accès à la formation
collégiale? Les cours de base, par exemple. Moi, je suis d'âge
à avoir des neveux, comme vous le voyez. J'ai un de mes neveux qui est
allé un an au cégep et qui n'avait pas passé son test de
français au secondaire V et, aujourd'hui, il n'y avait aucun
mécanisme afin de le supporter dans sa démarche pour
réussir son test de français. Il a eu la chance d'aller à
trois reprises, il a eu la malchance d'avoir trois échecs à ces
reprises, mais personne ne lui a dit
les barèmes de correction, personne ne lui a dit, au
ministère de l'Éducation, quelles étaient ses erreurs dans
ce test-là. Et c'est là tout le problème. On a un
système qui est super bien construit, sauf qu'on n'a pas de suivi. Et
même cette année, dans la session actuelle, il s'est vu refuser
l'accès à son système collégial. Il est
retourné au secondaire prendre un cours de français pour repasser
cet examen-là. Vous voyez que c'est très démotivant pour
lui, par la suite, l'accès à des études
supérieures, plutôt que d'avoir eu des mécanismes afin de
le supporter: soit de lui offrir des cours à la session
été non pas 1992, mais bel et bien 1991, qui lui auraient permis
de savoir ses erreurs. Pourtant, à l'intérieur de son cours
habituel, il passait ses notes de façon régulière et,
à l'examen, malchance, il n'a pas réussi cet examen. Et c'est
là les mécanismes. Si le secondaire ne le donne pas, Mme la
ministre, il devrait se retrouver au niveau collégial. Actuellement, les
lacunes peuvent être corrigées par vous, c'est très
heureux.
Le Président (M. Hamel): M. Guay, s'il vous
plaît.
M. Guay: Dans notre mémoire, on parle de zone tampon d'un
an, tout ça, avec les programmes exploratoires communément
appelés hors D.E.C. Je trouve qu'il faut faire attention aussi à
ça. Je vais peut-être un petit peu à rencontre de ce qui
est écrit, je vais juste faire une petite parenthèse, c'est
personnel. C'est juste qu'à voir tout ce qui se passe avec les centres
d'aide en français, les centres d'aide en mathématiques, puis les
cours de chimie qui se donnent, etc., en rattrapage, ce qu'il faudrait voir
aussi, c'est: qu'est-ce qui ne se fait pas au secondaire? Pourquoi il y a tant
de lacunes en français, par exemple? Une dictée d'un paragraphe
où un élève a 50 fautes, ce n'est pas normal. Il y a
quelque chose qui se passe. Alors, pourquoi? C'est une interrogation que je
pose, mais j'ai de la difficulté avec ça.
Mme Fortin: Je pense qu'au cégep de Pierre-Yves ils ont vu
le problème et ils ont mis les mécanismes. Ces
mécanismes-là sont bons, sauf qu'il n'y a pas de crédits
à l'étudiant rattachés à ça.
L'étudiant qui veut vraiment, il va les prendre les moyens, sauf qu'il
n'est pas encouragé par le système a les prendre.
C'est-à-dire que les cours qu'il va prendre, comme nous autres au lab de
français, il va les prendre sur son temps personnel. Ça serait
intéressant que ces cours-là soient peut-être... De toute
façon, les formalités, ce n'est pas vraiment ça
l'important, mais c'est le fait que l'étudiant soit encouragé
à les prendre. Ce serait ça l'important. Je pense qu'il y a
tellement d'efforts mis envers le décrochage, ça serait tellement
simple de donner ça comme période de tampon.
M. Gendron: Merci. Je vais poursuivre un peu sur d'autres sujets.
À la page 9 de votre mémoire, je vous trouve, encore là,
correct dans le jugement s'il est exact, mais ce n'est pas endurable, on ne
peut pas tolérer ça de dire que «la bureaucratie, les
droits acquis et des habitudes souvent discutables de certains
établissements se sont substitués à la qualité de
l'enseignement - ça commence à être majeur -
reléguant au second plan les besoins fondamentaux de la clientèle
étudiante».
Là-dessus, vous en avez parlé, je vais juste vous dire:
Nous aussi, on a déjà été jeunes. Vous êtes
en mesure, d'après moi, de signifier à qui de droit des
situations qui ne doivent pas perdurer. Alors, supposons que c'est un jugement
qu'il faut prendre comme tel, parce que c'est vraiment le jugement qu'un
collectif d'étudiants porte dans un collège donné, bien,
vous n'avez pas le droit d'endurer ça. Alors, il faut le signaler, il
faut le faire savoir. Alors, moi, par exemple... Et ce n'est pas parce que
c'est l'exemple, mais nos institutions existent et il faut le signaler à
des gens en autorité qui sont en mesure d'apporter des correctifs
rapidement à une situation comme celle-là. Là-dessus, je
vais juste vous dire: Dorénavant, soyez vigilants, mais des deux
côtés. À un moment donné, quand vous dénotez
des pratiques qui, selon votre jugement, ne doivent pas durer et n'ont pas de
sens, il faut le faire savoir haut et fort, mais correctement. Vous êtes
capables de faire ça, on compte sur vous. Si vous avez un commentaire
là-dessus, vous le ferez tantôt.
Je voudrais poser une autre question parce qu'il semble que vous
privilégiez la formation de base améliorée en
privilégiant une plage d'options plus grande. À la page 11 de
votre mémoire, vous dites: II ne faudrait pas véritablement
toucher aux principes de la formation de base qu'on connaît: cours de
langues obligatoire, philo, éducation physique. Ça, on ne touche
pas à ça. Par contre, la plage de cours optionnels, il faudrait
l'élargir, parce que vous semblez être d'accord aussi d'offrir une
meilleure formation de base. Qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui des jeunes comme
vous, en 1992, nous disent: Ne touchez pas au tronc commun, mais permettez-nous
d'avoir une meilleure formation de base plus qualifiante en élargissant
la formation optionnelle? (12 h 50)
Mme Fortin: Est-ce que je peux? Je vais répondre à
votre première question de tout à l'heure quand vous nous avez
parlé de notre façon de répondre un peu aux choses qui se
passaient mal dans nos collèges. C'est que, souvent... Le gouvernement a
même mis en place des lois qui disent que si tu manques trois cours, un
étudiant, bien, c'est un abandon automatique. Mais il y a des
professeurs qui nous incitent à ne pas venir aux cours parce qu'on les
dérange. Ils nous disent qu'ils ont les deux pieds dans le
ciment et que, de toute façon, qu'on vienne ou qu'on ne vienne
pas, ils sont payés pareil! C'est des choses comme ça. C'est des
choses qui font que, souvent, à la mi-session, les professeurs n'ont
même pas ramassé 50 % de leurs notes. C'est des choses que,
même si tu en parles au directeur en tant que tel, au directeur
pédagogique, il dit: Bon, bien, c'est une exception. Bon, bien...
M. Gendron: Non, mais rapidement, là-dessus, c'est
ça que je dis: N'endurez pas ça, de grâce! On ne peut pas,
en 1992, permettre des comportements comme ça. Et si vous dites:
Même si on en parle, ça ne bouge pas... On va monter plus haut,
c'est juste ça que je vous dis.
M. Lauzier: Vous savez, M. le député, concernant ce
fait, c'est qu'on assiste à une relation de pouvoir. Quand on vous
demandait tantôt d'avoir plus de pouvoirs au niveau des modes
d'intervention, c'est que les étudiants, d'emblée, n'en ont pas
de pouvoirs. La seule chose qu'ils ont, c'est de partir et d'aller voir leur
directeur pédagogique ou de se soumettre à la règle qu'il
leur est donnée sous la main. Donc, la seule alternative qui nous reste
quand vous nous dites: Écoutez! Sortez, parlez-en, parlez-en, est-ce
qu'on doit partir et aller parler aux médias? Parce que c'est à
peu près une des seules alternatives qui restent actuellement.
M. Gendron: Si vous êtes convaincu du bien-fondé,
des fois, oui. Vous le faites pour d'autres choses, pourquoi vous ne le feriez
pas là-dessus? C'est important.
Le Président (M. Hamel): Maintenant, nous allons
procéder avec la partie ministérielle. Je demanderais à M.
le député de Rimouski de procéder à sa
période de questions. Merci.
M. Tremblay (Rimouski): Oui, M. le Président. Dans le
même ordre d'idées, on est coincé tout le monde quand on a
un enfant qui est au cégep et qu'il nous dit ce que vous venez de nous
dire, que le professeur dit: Là, c'est bien de valeur, moi, je suis
payé, puis ne me tanne pas avec ton affaire. Ton enfant te dit
ça. Alors, le parent dit: Je vais intervenir, je vais y aller, moi, lui
dire. L'enfant nous dit: Aïe! Vas-y pas, papa, parce que, si tu y vas, moi
j'ai peur de pocher mon cours! Bon. Alors, on est pris, là, on est
coincés comme parents et comme étudiants. Qui va parler? Alors,
je pense qu'il faut avoir des commissions comme celle-ci pour pouvoir dire
publiquement qu'il y a des choses de même. Ce n'est peut-être pas
la généralité. Mais il y a des cas où c'est
vraiment choquant. Je pense que vous faites bien de le souligner et ce n'est
pas seulement dans le cégep où vous êtes, mais ça
arrive un peu partout dans la province.
Ceci dit, mademoiselle, tout à l'heure, vous avez dit que vous
étiez la seule sur le conseil d'administration de votre cégep.
Moi, je dis: Bravo! Parce que vous en représentez deux et c'est parce
que vous avez les capacités de le faire. Maintenant, des fois vous vous
sentez bien seule sur ce conseil d'administration, mais vous allez vous
apercevoir que, dans la vie, c'est un peu ça. Moi, je suis seul ici sur
125 députés. Tous mes collègues sont autour de moi, mais
je suis seul pour me débattre à travers de ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Rimouski): Puis Dieu sait si mes collègues
qui sont autour de moi ont tous leurs préoccupations! Mais la vie, c'est
ainsi fait et il ne faut pas avoir peur de défendre nos idées. Je
pense que vous n'avez qu'à le faire avec beaucoup de conviction et je
suis convaincu que vous êtes capable de le faire.
Une autre chose. Étant donné que j'ai un étudiant
de mon cégep qui est ici, M. Morin, j'aimerais vous entendre au sujet
des cours d'éducation physique. Vous m'avez déjà dit que
c'était absolument nécessaire et qu'il fallait les conserver.
J'aimerais bien avoir votre point de vue là-dessus, M. Morin.
M. Morin (Philippe): Bon! Nous autres, le RAGE, on veut garder,
en fin de compte, les cours généraux, comme le cours
d'éducation physique, juste parce que c'est important pour la
santé mentale. Nous trouvons que c'est important pour la santé
mentale; de se défouler de temps en temps, c'est important. Ha, ha,
ha!
M. Tremblay (Rimouski): Très bien! Mme ou M. le
président, au sujet des cours de philosophie, le Conseil des
collèges nous a suggéré de réduire de quatre
à deux les cours et la même chose pour les cours
d'éducation physique. Quelle est votre opinion à cet
égard? Est-ce que vous avez une idée? Il y a le Conseil permanent
de la jeunesse aussi qui nous a fait une recommandation à peu
près similaire à ça. Alors, quel est votre point de
vue?
M. Lauzier: Pour vous parler de notre réflexion, M.
Tremblay, là-dessus, permettez-moi de prendre la parole. Concernant les
cours de philosophie, les discussions qu'on a eues sur tout le territoire
étaient les suivantes: Actuellement, ils sont à quatre. Ce serait
nettement plus logique de les conserver à quatre plutôt que de les
réduire et, à l'intérieur de ce volet de quatre, en
prendre deux à caractère très général, si on
parle de technique, par exemple, et de réappliquer la philosophie, en
termes de technique, après, dans les deux autres cours, plutôt que
de venir réduire les cours de philosophie. Et c'est l'essentiel. Nous,
c'est sur le fondement du rapport Parent qu'on base notre argumentation
à ce niveau-là. Puisqu'on a eu pendant 25 ans
cette règle-là, pourquoi après 25 ans on
décide qu'elle n'est plus bonne? On aurait dû le décider 5
ans après, si on s'en était rendu compte avant, et non pas faire
le constat 25 ans plus tard. Donc, si on était enclin à te
conserver, il y avait certainement une raison. Posons-nous la question si cette
raison-là est encore valable et pourquoi elle le serait ou ne le serait
pas. C'est là toute la question.
Par contre aussi, concernant les cours optionnels, pourquoi on demande
aussi de conserver ces cours-là de façon obligatoire, ces quatre
cours? Pourquoi on ne prendrait pas l'alternative suivante au niveau des cours
optionnels: répondre adéquatement aux besoins de la
clientèle plutôt que de sortir des cours comme ceux auxquels Mme
la ministre se référait lors du dépôt d'un
mémoire il y a quelques jours, quelques semaines, les cours de
pêche à la mouche, etc.? Pourquoi on a instauré ces cours
de pêche à la mouche? Probablement parce qu'on était pris
avec des contingentements à l'intérieur des cours et il fallait
répondre à la demande; donc, on a recréé un nouveau
système «cours de pêche à la mouche» alors que,
selon nous, les cours optionnels devraient être «at large».
Si quelqu'un a le goût d'aller suivre un cours de pêche à la
mouche, qu'il le suive; probablement qu'il trouverait beaucoup plus pertinent
d'aller suivre un autre cours plus afin de répondre à sa
volonté particulière.
M. Tremblay (Rimouski): Très bien.
Le Président (M. Hamel): Mme Fortin, quelques mots.
Mme Fortin: Oui. Pour les cours de philosophie en tant que tels,
le principe est bon parce qu'il touche tous les étudiants. Je pense que,
quand on va voir au secondaire et qu'on oblige les étudiants à se
battre avec des clarinettes et des guitares, il y en a une majorité qui
n'aiment pas ça. Je ne vois pas pourquoi on obligerait un
étudiant rendu au cégep à faire exactement la même
affaire. Je pense que, de toute façon, pour l'avoir vécu
moi-même dans un cours d'espagnol pendant une session, tu n'apprends pas
à parler l'espagnol. Et ce n'est pas donné à tout le monde
non plus. Je pense que la philosophie était une bonne matière en
tant que telle, parce qu'elle touche fondamentalement l'étudiant, qu'il
soit dans n'importe quelle concentration, et ça intéresse tout le
monde. C'était ça le but en tant que tel de la philosophie pour
la généralité.
M. Lauzier: Et pour terminer, M. le Président, rapidement
sur les cours de philosophie, la réflexion qu'on avait eue aussi, c'est
que la philosophie est rattachée particulièrement à
l'enseignement de chaque professeur plutôt que d'avoir un programme pour
l'ensemble du Québec qui répondrait plus adéquatement.
Dans le sens que si le professeur a des aptitudes à parler de
philosophie, de la beauté des lustres, voilà, il part sur ce
trip-là et bingo! Alors qu'en philosophie, il y a des fondements
généraux, fondamentaux qui doivent être
véhiculés, et ce n'est pas nécessairement ce que rencontre
l'ensemble des étudiants à l'intérieur des
institutions.
Le Président (M. Hamel): Merci. Maintenant, pour le mot de
la fin, j'inviterais Mme la ministre à nous tirer ses conclusions.
Mme Robillard: Alors, sûrement qu'on aurait pu discuter
longuement, surtout de cette dernière question, parce qu'il y a
certaines de vos affirmations qui sont tout à fait en contradiction avec
celles du Conseil permanent de la jeunesse. Je pense que ça aurait
été intéressant d'avoir un éclairage encore plus
grand. Malheureusement, le temps nous est limité, comme vous le savez,
mais je veux vous remercier de la mobilisation que vous avez eue. Je suis
certaine que ça vous a demandé des efforts de réflexion,
d'analyse et de préparation pour venir nous rencontrer aujourd'hui, mais
sachez combien ça a été apprécié par tous
les membres de cette commission. Merci.
M. Lauzier: Nous espérons d'ailleurs, Mme la ministre, que
nos recommandations iront dans le sens d'accroître le volet cégep
via les besoins des employeurs et d'axer aussi...
Mme Robillard: J'ai tout compris ce que vous m'avez dit
aujourd'hui.
M. Lauzier: Oui? C'est parfait.
Le Président (M. Hamel): Merci. Alors, la commission
parlementaire de l'éducation suspend ses travaux jusqu'à 16
heures.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
(Reprise à 16 h 58)
Le President (M. Hamel): Si vous voulez prendre place, s'il vous
plaît, nous allons procéder dans quelques instants. Alors, je vous
prie d'excuser ces aléas de la vie parlementaire. Évidemment,
c'est avec plaisir que nous vous accueillons. De par le consentement mutuel de
l'Opposition et de la partie ministérielle, nous devons malheureusement
compresser un peu nos périodes de temps, ce qui fait que vous aurez 15
minutes et, ensuite, 15 minutes de chaque côté, pour faire 45
minutes au total au lieu de 60. Si vous agréez à cette
proposition, nous vous en serons fort reconnaissants. Alors, sans plus tarder,
je vous demanderais de vous identifier et de présenter les gens qui vous
accompagnent, s'il vous plaît. Merci.
Centrale des syndicats démocratiques
(CSD)
M. Gingras (Claude): Merci, M. le Président. On va tenter
de répondre à vos préoccupations dans le temps. Alors,
pour m'accompagner, ici, aujourd'hui, pour la présentation de la
position de la CSD, Mme Louise Rochefort, qui est à ma droite et qui est
aux communications chez nous, et Louis Tremblay, qui est au Service de la
recherche, économiste de formation, au Service de la recherche de la
Centrale.
Mme la ministre, M. le Président, membres de la commission
parlementaire, la CSD, qui existe depuis 1972, qui, en fait, fête 20 ans
d'existence cette année, est enthousiaste de participer à cet
exercice que vous faites concernant l'enseignement collégial. Nos 61 000
membres, bien sûr, proviennent de tous les secteurs d'activité
économique, tant ceux du primaire, du secondaire que du tertiaire. Nous
avons orienté, bien sûr, notre réflexion selon
l'intérêt premier de nos membres et selon le contexte
socio-économique national et international. Nous voyons en cette
commission parlementaire l'occasion privilégiée de ramener le
débat sur la formation collégiale à la dimension
très réaliste du marché pour lequel les gens, tant adultes
que jeunes, sont et doivent être préparés. (17 heures)
Cette réalité porte différents noms pour nous. Il
s'agit de la mondialisation des économies, de la globalisation des
marchés, de la concurrence internationale, du libre-échange,
surtout dans les domaines où plusieurs de nos membres travaillent, entre
autres les industries traditionnelles, mais également celles qui
pointent aujourd'hui.
Or, un contexte comme celui-ci où tout est remis en cause,
où toutes les règles du jeu changent contribue largement à
accroître de façon très poussée la
compétitivité des entreprises. Ce que cela signifie, aussi, c'est
qu'il faut réagir rapidement et efficacement. D'une part, il faut faire
en sorte que nos jeunes qui complètent leurs études puissent
s'intégrer plus facilement à leur nouveau milieu de travail. Il
faut rendre la formation plus calquée sur la réalité des
emplois pratiqués. En somme, il faut adapter les programmes de
formation. D'autre part, il est primordial, également, que la formation
soit accessible et pertinente, dans un contexte d'adaptation des travailleuses
et des travailleurs. Cette vision est pour nous un élément
majeur, voire fondamental, de l'approche globale qu'il faut adopter pour
rencontrer les nouvelles exigences. La mondialisation des économies et
la globalisation des marchés font déjà sentir leurs effets
sur les milieux de travail. Or, dorénavant, les travailleuses et les
travailleurs doivent pouvoir assumer pleinement les transitions qui
s'imposeront et avoir leur place dans la conception même du changement
présent et futur. Alors, ils sont prêts à assumer un
rôle d'acteurs, bien sûr, non seulement celui de spectateurs
passifs, comme traditionnellement on leur a réservé cette
responsabilité.
Alors, la formation des ressources humaines doit se situer dans un
ensemble qui est cohérent et qui prend tout son sens dans une approche
globale qui associe étroitement les partenaires. À cet effet, la
CSD revendique que la formation s'inscrive dans le changement de culture et
d'organisation du travail et qu'elle soit élaborée en fonction
des besoins des milieux de travail et en collaboration avec les
partenaires.
Lorsqu'on réfléchit spécifiquement à la
formation des adultes, on constate que c'est la conception même de cette
formation qui est à revoir. Quant à nous, H ne peut plus
être question de formation s'ajustant uniquement aux commandes des
entreprises. Nous sommes de toute évidence d'accord pour affirmer qu'il
est nécessaire que la formation tienne compte de la
réalité du travail. Nous, nous disons également qu'elle
doit surtout être assez large pour faire place aux besoins des
travailleuses et des travailleurs en leur assurant un véritable
accès au travail dans un contexte perpétuel de changement.
Malheureusement, on doit constater qu'une partie importante de la
main-d'oeuvre québécoise ne reçoit pas la formation propre
à l'industrie vers laquelle elle se dirige. Par exemple, dans les
secteurs du vêtement, du textile, de la chaussure, de l'agro-alimentaire,
les employeurs exigent, à l'embauche de la majorité des
travailleuses et des travailleurs, un diplôme de secondaire V. Ils les
forment sur le tas, avec aucun autre objectif que de les rendre rapidement
aptes à accomplir le travail. Il s'agit sûrement d'une voie plus
facile. C'est la voie traditionnelle, je pense, qu'on a au Québec depuis
plusieurs années. Mais elle relègue les salariés au rang
de simples exécutants à qui il n'est pas nécessaire de
fournir des qualifications. N'oublions pas que, former quelqu'un, c'est lui
assurer une indépendance et une mobilité professionnelle.
Pour la CSD, donner de la formation, ce n'est pas uniquement former des
techniciens et des techniciennes. C'est aussi assurer à tous les
salariés de l'industrie une connaissance de base sur leur secteur
économique, les différents éléments qui le
composent, son évolution, les divers procédés de
fabrication, les types de produits, les principales technologies
utilisées, les méthodes de travail, l'organisation du travail,
bref sur la culture du milieu de travail.
Avec les exigences nouvelles concernant la polyvalence, une formation
diversifiée et élargie de ce type prend encore plus son
véritable sens. Ainsi, la CSD revendique, pour les travailleuses et les
travailleurs, une réelle formation qualifiante qui doit:
premièrement, servir à la fois les besoins des travailleuses, des
travailleurs et des entreprises; deuxièmement, être reliée
à une tâche, tout en favorisant une réelle
mobilité;
troisièmement, faire place à l'expression des besoins de
toutes les parties et, quatrièmement, respecter la culture
ouvrière et assurer sa promotion par une pédagogie
adaptée.
Mais, soulignons clairement que cela doit se faire dans un processus
permanent, et non de façon ponctuelle. La CSD recommande aussi que les
incitatifs à la formation soient dorénavant centrés sur la
personne. La personne doit être au centre de la décision de
participation aux activités et aux programmes de formation. Cela doit se
faire autant pour les chômeuses et les chômeurs que pour les
personnes en emploi. Les décisions sur la formation ne doivent plus
relever seulement des employeurs, mais, aussi, des travailleuses et des
travailleurs. Ce n'est que lorsque les personnes seront des décideurs,
quant à leur formation, que nous pourrons être assurés que
toutes et tous auront pleinement accès à la formation.
Une autre réalité touche les travailleuses et les
travailleurs en emploi, ce sont les contraintes de temps, de
responsabilités familiales, de responsabilités
financières. Pourtant, les besoins de formation de cette
clientèle sont multiples et tout aussi criants, tant en matière
de préformation, d'alphabétisation, de formation
générale, de formation professionnelle que de formation sur
mesure, car c'est de ça qu'on parle quand on parle des milieux de
travail, des travailleurs et des travailleuses qui sont en milieu de travail
actuellement. Ces contraintes rendent impossible la conciliation des besoins de
formation de cette clientèle et les programmes réguliers de
formation professionnelle. Ses besoins sont pointus par rapport à ce que
lui offrent les programmes de formation secondaire et collégiale. Les
petites et moyennes entreprises employant cette main-d'oeuvre ne disposent pas
des facilités pour le perfectionnement qu'offrent les grandes
entreprises ou les gouvernements. Il faut donc que les institutions
d'enseignement s'adaptent à cette clientèle, qu'elles lui
fournissent une formation adaptée sur les lieux de travail, compatible
avec ces contraintes de courte durée. On doit aussi souligner que
l'originalité de l'approche pédagogique employée dans
cette formation, pour intéresser les travailleuses et les travailleurs,
sera certainement un élément déterminant pour les inciter
à s'engager dans un processus de formation plus large et continu. La CSD
recommande donc que plus de ressources soient dévolues à la
formation des travailleuses et des travailleurs par le développement de
programmes de formation sur mesure en milieu de travail ou de tout autre
programme qui saura répondre à leurs besoins.
Permettez-moi de parler un peu de l'accès à la formation.
Par ailleurs, la CSD voudrait voir des améliorations être
apportées à un aspect essentiel de la formation, soit les
conditions d'accès. Pour nous, il est urgent d'établir un
système universel de reconnaissance des acquis.
Ça, c'est le premier point, c'est un point majeur. Ce
système devrait reconnaître les compétences
génériques acquises au cours des expériences de travail.
En prévoyant la reconnaissance des acquis pour la clientèle
adulte, l'accessibilité à la formation en sera grandement
améliorée.
Deuxièmement, afin d'encourager et d'accroître
l'accès à la formation, nous proposons le
congé-éducation. Cette mesure doit s'appliquer aux
différents cours et programmes de formation disponibles. Elle doit aussi
comporter un support financier visant à compenser les pertes de revenus
de travail. Toutefois, la CSD considère que les conditions minimales
d'exercice du congé-éducation et de retour en emploi doivent
être contenues dans une loi. Sans ces mesures, le retour aux
études continuera d'être un privilège réservé
aux élites et aux chômeurs et chômeuses.
Troisièmement, la CSD soutient aussi que la société
doit reconnaître la gratuité de l'enseignement, incluant le niveau
collégial. La formation, rappelons-le, doit être accessible
à tous si l'on veut répondre aux conditions du marché
actuel et futur. Quant au financement des collèges et de la formation,
la CSD propose une mesure réaliste. Le motif souvent utilisé par
les employeurs pour ne pas offrir de formation aux travailleuses et aux
travailleurs est que les entreprises qui n'offrent pas de formation recrutent
les travailleuses et les travailleurs des entreprises qui offrent la formation.
Pourquoi investir dans des ressources humaines qu'un concurrent recrute sans
contribuer à leur formation, se disent-ils. Ce cercle vicieux doit
être brisé et céder le pas à une nouvelle approche.
Celle-ci doit mettre à contribution les entreprises qui ne font pas
d'efforts et récompenser, bien sûr, celles qui investissent dans
la formation. Or, la CSD recommande donc que les entreprises aient à
choisir entre payer une taxe pour la formation ou effectuer des dépenses
en formation. Ce choix se ferait en fonction de leurs besoins et elles
recevraient une assistance financière pour un investissement
supérieur au montant de la taxe à payer. Cette taxe devrait
s'inspirer de la taxe scolaire, soit une taxe foncière devant
s'appliquer à l'ensemble des entreprises. On ne parie pas de taxe sur la
masse salariale. Pour nous autres, on pense que c'est nettement
inapproprié dans les circonstances actuelles.
Alors, nous recommandons aussi qu'une partie des sommes recueillies
serve de fonds de soutien aux travailleuses et aux travailleurs se
prévalant d'un congé-éducation et qu'une autre partie de
ces sommes, bien sûr, soit perçue et serve au financement de la
formation professionnelle, aux niveaux secondaire et collégial, pour les
personnes en emploi et sans emploi. (17 h 10)
En conclusion, le 25e anniversaire des cégeps arrive certainement
à un moment critique pour la société
québécoise. Alors, la formation
doit permettre aux travailleuses et aux travailleurs d'être moins
dépendants et d'accroître leur mobilité professionnelle
face aux effets des fluctuations économiques sur l'emploi. Elle doit
donc servir les besoins des travailleuses et des travailleurs et être
adaptée à leur nouvelle réalité. Des mesures
favorisant l'accès à la formation doivent être mises en
place pour éviter qu'on ne réserve la formation à une
élite. Or, nous estimons aussi que les jeunes ont droit à la
formation la plus apte et la plus pertinente qui soit. Nous voulons les
accueillir dans des milieux de travail adaptés et efficaces, parce qu'il
ne s'agit pas uniquement de former ceux qui vont assurer la relève,
mais, également, il faut penser à ceux qui sont
déjà en emploi.
Alors, les collèges doivent effectuer un virage pour mieux
comprendre et répondre aux besoins des travailleuses et des travailleurs
en réallouant les ressources disponibles. L'enseignement
collégial doit, bien sûr, se positionner dans la vision d'une
véritable culture de la formation.
Alors, sur ce, messieurs, dames, on est à votre disposition pour
essayer de participer.
Le Président (M. Hamel): Merci, M. Gingras, et merci
d'avoir respecté cette période qui vous avait été
allouée. Je demanderais maintenant à Mme la ministre de
procéder à la période d'échanges et de questions.
Mme la ministre.
Mme Robillard: Merci, M. le Président. Je veux d'abord
remercier les représentants de la Centrale des syndicats
démocratiques d'être venus présenter leur point de vue
à la commission parlementaire sur l'enseignement collégial. Je
pense que vous exprimez le voeu non équivoque de changements au niveau
de l'enseignement collégial. En tout cas, c'est ce que j'ai compris.
Vous nous dites très clairement, M. Gingras, que former
quelqu'un, c'est lui assurer une indépendance et une mobilité
professionnelle, dites-vous - c'est une parole de votre mémoire - mais
j'aimerais ça vous amener immédiatement à la
dernière phrase de votre mémoire, à la page 21. La
dernière, qui est assez percutante: «Les collèges -
dites-vous - doivent effectuer un virage pour mieux comprendre et
répondre aux besoins des travailleuses et des travailleurs, sinon nous
devrons développer de nouvelles formules et réallouer les
ressources disponibles.» Si je comprends bien, vous demandez des virages,
sinon il faudrait repenser toute la formule des cégeps. C'est ce que je
comprends. Peut-être que je comprends mal, mais j'aimerais ça que
vous m'expliquiez. Qu'est-ce que c'est exactement votre demande, de quels
virages vous me parlez? Qu'est-ce que doivent faire les cégeps pour
répondre au voeu que vous exprimez?
M. Gingras: En fait, ce qu'on exprime et ce qu'on tente
d'exprimer par ça, c'est, bien sûr, le fait que les cégeps
se sont souciés beaucoup en fart de la formation des personnes qui se
préparent à entrer sur le marché du travail, qui veulent
obtenir une bonne préparation pour devenir les futurs travailleurs.
Cependant, les travailleurs en emploi, les travailleurs qui ont un emploi
actuellement, qui sont déjà dans les milieux de travail, ne
bénéficient pas beaucoup des programmes actuellement
dispensés par le niveau collégial. On dirait que le niveau
collégial a un peu négligé cette partie de la
clientèle potentielle, les adultes. Alors, quand on regarde actuellement
les mutations qui se produisent dans les milieux de travail, quand on regarde
les besoins d'adaptation des travailleuses et des travailleurs en emploi, on se
dit: Si le virage des ressources ne se fait pas pour mettre à la
disposition de la clientèle déjà en emploi la formation
requise pour maintenir la qualification de ces personnes-là à
exercer leur emploi, c'est que, demain matin, on leur réserve le sort de
devenir de futurs chômeurs et chômeuses et que, demain matin, on
leur réserve une seule opportunité pour devenir un
étudiant du système, c'est de sortir du milieu de travail, c'est
d'être déqualifié pour mieux être requalifié
plus tard. Si on pense que, dorénavant, les travailleurs et
travailleuses vont avoir peut-être à occuper cinq emplois
différents dans leur vie de travail... C'est qu'on s'aperçoit
qu'on n'entre plus à un endroit pour prendre sa retraite à cet
endroit-là, et ce n'est plus la réalité avec laquelle on
va avoir à composer. Donc, les travailleurs ont à s'adapter
continuellement. Les changements vont tellement vite aujourd'hui dans
l'adaptation des travailleuses et des travailleurs que, justement, on doit
répondre à ces besoins-là, à ces
impératifs-là de changements.
Alors, dans ce sens-là, ce qu'on dit, c'est que, si on ne
repositionne pas l'enseignement collégial de façon à mieux
desservir les clientèles en milieu de travail, et ce, rapidement, bien
sûr, les milieux de travail devront songer à d'autres outils de
formation pour assurer la permanence de leur main-d'oeuvre, la permanence de la
qualification de leur main-d'oeuvre et une véritable culture de la
formation dans les milieux de travail. Alors, c'est pour ça, c'est une
espèce de cri qu'on lance aux cégeps pour dire: II faut
repositionner l'enseignement des cégeps pour qu'ils soient au service de
l'ensemble, et non pas uniquement des travailleurs en devenir.
Mme Robillard: M. Gingras, dans le fond, je ne sais pas si je
dois utiliser le mot «reproche», mais quels problèmes
précis voyez-vous présentement au niveau des cégeps pour
la formation des travailleurs et des travailleuses qui sont déjà
en entreprise? Je pense qu'on est ici, en commission parlementaire, pour
discuter des vrais problèmes. Vous dites, vous, que,
présentement, il y a une difficulté particulière au niveau
des cégeps, non pas pour les jeunes - c'est ce que je comprends - mais
pour les adultes qui sont
déjà sur le marché du travail. Quels
problèmes percevez-vous exactement?
M. Gingras: Les problèmes se situent à plusieurs
niveaux. Premièrement, c'est que les programmes disponibles exigent
quand même de s'ajuster aux conditions, en fait, qui sont fixées
par les différents programmes. Il faut pratiquement quitter le milieu du
travail pour aller chercher la formation. On n'est pas capable d'avoir une
formation en milieu de travail qui soit adaptée aux véritables
besoins, c'est-à-dire une formation sur mesure qui nous permette,
à un moment donné, d'accroître la formation des personnes
en emploi sans nécessairement qu'elles quittent leur milieu de travail,
parce qu'elles doivent concilier le fait qu'elles travaillent avec le fait
qu'elles doivent améliorer leurs qualifications. Dans ce sens-là,
actuellement, le fonctionnement actuel des cégeps n'a pas la
flexibilité pour rencontrer tout à fait ces objectifs.
Dans la définition des besoins, justement, de ces
clientèles - parce qu'ils sont variés, les besoins - on doit
s'asseoir et essayer de les définir conjointement avec, justement, les
personnes qui sont en entreprise. Actuellement, on s'aperçoit que
ça ne se fait pas tellement, ça, la formation sur mesure. Je ne
veux pas dire qu'il ne s'en fait pas, des expériences. Je ne veux pas
dire que ça ne se pratique pas. Mais je vous dis que ce n'est pas
érigé un peu comme un système qu'on veut mettre de l'avant
et «prioriser». Dans ce sens-là, il y a beaucoup de lacunes
dans certains milieux de travail, parce qu'on s'aperçoit qu'on tente de
partir... On va prendre l'exemple de l'industrie du textile, entre autres.
Actuellement, il s'est parti un institut du textile, justement, pour assurer la
formation des techniciens dans l'industrie du textile parce que le
réseau régulier ne répondait pas à ces
besoins-là. Ça, c'est un exemple. Il y en a d'autres où,
actuellement, on entend ces mêmes réflexions. On dirait que le
système ne réussit pas à rejoindre les besoins des milieux
de travail.
Comment on est capable de le faire? Je pense qu'il faut
développer une concertation avec les milieux de travail et voir comment
on est capable, partant des besoins, de développer les programmes sur
mesure pour faire en sorte qu'on va inscrire, justement, les personnes en
emploi dans des programmes qui vont leur être accessibles, parce que le
problème, c'est que, là, il faut que ce soient les travailleurs
qui se rendent accessibles aux programmes qui sont à leur
disposition.
Mme Robillard: Je vous avoue, M. Gingras, que vous me surprenez
dans vos affirmations parce qu'on entend plutôt le discours inverse, que
peut-être que les cégeps font trop de formation sur mesure, parce
qu'ils en font énormément. Ils font trop de formation sur mesure.
Parce que de la formation sur mesure, comme vous savez, c'est une formation
pointue qui est de courte durée, et le milieu des entreprises, le milieu
des employeurs, souvent, vient nous dire qu'il faudrait peut-être que les
adultes s'inscrivent plus dans une formation qu'on dit qualifiante, pour ne pas
strictement aller chercher la formation pointue, mais qu'éventuellement
le travailleur ou la travailleuse ait accès à un diplôme,
aussi, pas strictement pour répondre à un besoin précis,
pointu du marché du travail. Et vous, vous semblez me dire, en tout cas,
parce que c'est ce que vous dites à la page 14, que vous
considérez la formation continue essentielle pour permettre aux
travailleurs et aux travailleuses d'être libres dans leur cheminement
professionnel, mais vous suggérez qu'il faut leur permettre de s'adapter
aux exigences par une formation pointue et de courte durée. Donc, c'est
ce que je comprends à la page 14, ou si ce n'est pas votre demande que
vous me faites? (17 h 20)
M. Gingras: La formation pointue et de courte durée, c'est
un aspect. Là, on parle de la formation technique, d'une façon
particulière.
Mme Robillard: Oui.
M. Gingras: Mais, nous autres, on dit: La formation doit
être dans un cadre beaucoup plus global que ça. Le travailleur
doit être préparé, non pas seulement à faire une
tâche dans son entreprise, mais doit être préparé en
fonction de l'industrie dans laquelle il s'est dirigé. Or, pas
nécessairement avec une connaissance limitée à certaines
opérations professionnelles particulières, mais,
également, ça doit lui donner... La formation de courte
durée à laquelle on se réfère, c'est qu'il faut
absolument qu'on en arrive à permettre à des travailleurs
d'améliorer leur formation générale, sans
nécessairement que ce soit la formation technique pointue là,
leur formation générale leur permettant d'avancer dans leur
formation pour aller chercher d'autres qualifications éventuellement,
leur permettre de le faire dans des programmes de courte durée, pas
nécessairement sur la formation technique comme telle.
Louis Tremblay, un de mes collègues, va ajouter dans ce
domaine-là.
M. Tremblay (Louis): On est pleinement d'accord avec la formation
continue, mais est-ce que les adultes du milieu de travail y ont actuellement
accès? Quand je parle d'accès, oui, ça ne coûte pas
énormément cher, s'inscrire au cégep, mais est-ce qu'ils
ont le temps, le soir, avec les responsabilités financières et
familiales qu'ils ont, est-ce qu'ils ont le temps vraiment de se
présenter dans un cégep pour étudier et aller chercher un
diplôme? C'est pour ça qu'on propose, entre autres, un
congé-éducation avec des moyens financiers qui permettraient aux
adultes de se retirer du marché du travail
pendant une période de 6 mois à 12 mois pour aller suivre
des cours à temps plein au cégep. Mais on est réaliste, on
sait bien que les gens qui ne pourront pas quitter les milieux de travail, il
faut qu'ils aient de la formation pointue pour s'adapter aux changements. Donc,
il y a deux besoins: un besoin d'adaptation et un besoin de formation continue.
Et les cégeps ont un bout de chemin à faire. Il y a des mesures
qui doivent être mises en place pour favoriser l'accès à la
formation continue et à l'adaptation.
La Présidente (Mme Hovington): M. le député
d'Abitibi-Ouest, c'est à votre tour.
M. Gendron: Bonjour. Je veux saluer M. Gingras, ainsi que les
gens qui l'accompagnent. Sincèrement, je pense que c'était requis
de la CSD, qui s'intéresse à des questions éducatives, et,
comme vous avez mis l'accent sur une meilleure formation liée aux
besoins de l'entreprise, vous avez quand même beaucoup de travailleurs et
de travailleuses qui oeuvrent dans ces secteurs-là, c'était
important, je pense, d'entendre son point de vue.
Moi, je n'ai pas énormément de questions parce que je
trouve que votre mémoire, pour ce que vous vouliez illustrer, est
explicite, est précis, et il répond effectivement à cette
volonté que nous avons comme membres de la commission de recevoir
l'éclairage le plus large possible afin d'apporter les correctifs qui
s'imposent. Et on est tous d'accord, je pense, qu'il s'impose des correctifs
majeurs, c'est une nécessité.
Trois choses, pour profiter de votre présence. Il n'y a pas
beaucoup de gens qui ne conviennent pas que, pour une meilleure formation
technique, qu'elle soit pointue, circonstanciée, bien assise ou pas sur
une bonne formation générale, il n'y aurait pas lieu de s'assurer
qu'il y ait plus de formation qui se prenne directement en entreprise, ce qu'on
appelle la formule des stages au niveau technique. Vous n'avez pas
évoqué cette question-là. Ce n'est pas un reproche. Je
veux savoir: Quant à la CSD, est-ce que vous croyez qu'effectivement
c'est une formule qu'on doit privilégier? Si oui, est-ce que vous y
voyez des réticences et, s'il y en a, pour quels motifs croyez-vous
qu'il y ait lieu d'avoir des réticences? C'est par la non-implication
des travailleurs ou... Il faudrait décrire un peu comment ça se
passe chez vous puis suggérer les correctifs qui s'imposent, parce que,
moi, je souhaite que les partenaires syndicaux comme vous autres puissent
être mieux associés à la nécessité d'avoir
une formation plus basée sur les stages en entreprise.
M. Gingras: La formation en milieu de travail, pour nous, c'est
l'axe, justement, de nos revendications. On voudrait que la formation, on la
donne plus, on la situe plus dans les milieux de travail pour permettre,
justement, aux tra- vailleurs d'y avoir un meilleur accès. Il est
évident que, si ce n'est pas comme ça, si on essaie
systématiquement de sortir les travailleurs des milieux de travail pour
leur assurer la formation plus pointue, comme vous dites, plus
rattachée, disons, à l'industrie dans laquelle ils
évoluent, ça va être difficile de rencontrer ces
besoins-là. On va continuer d'assister à une situation où
les travailleurs ne se forment pas parce que, justement, les conditions pour
leur permettre, justement, d'acquérir cette formation-là ne sont
pas là. Alors, c'est le problème avec lequel on vit, c'est le
problème auquel on est confronté actuellement. Quand vous dites
qu'on ne met pas l'accent sur cette vision-là de l'enseignement en
entreprise, je suis un peu surpris parce que c'est un peu là-dessus
qu'on insiste.
M. Gendron: Non, pas du tout, M. Gingras. Il n'y a pas de
problème, vous avez bien fait d'apporter la clarification additionnelle.
Mais je pense qu'on va se comprendre facilement. Ce que je dis tout simplement,
c'est qu'on ne peut pas réviser l'avenir de la formation des
études collégiales sans tenir compte des jeunes qui ne sont pas
en situation de travail ou d'emploi présentement. Tout le monde, ou
à peu près, reconnaît que, pour ce qui est d'une meilleure
formation technique, on n'a pas 25 façons d'en faire, c'est de permettre
à des jeunes d'aller prendre leur apprentissage concret chez des
entrepreneurs, chez des entreprises, dans des lieux de travail concret. J'ai
dit: Je ne trouve pas un commentaire sur la nécessité de cette
forme de stage. C'est ça que j'ai dit. J'ai bien lu votre mémoire
et je pense le comprendre. Je veux savoir: Est-ce que vous êtes ouverts?
Parce que je le sais, je ne suis pas fou, je connais ça un peu, les
entreprises, puis je sais que ça crée des implications. Il y a
des travailleurs qui sont en place puis il y a les conventions collectives,
puis vous en êtes, des gens qui avez à gérer correctement
ces dispositions-là. Je veux savoir votre degré d'ouverture sur
la participation des gens dans des stages en entreprise, êtes-vous
prêts à être souples, ouverts, et à regarder
ça avec les directions collégiales pour que, bien sûr, les
unités syndicales puis les travailleurs soient dans le coup, mais que
les jeunes puissent y aller? C'est de ça que j'aimerais vous entendre
parler, de cette forme de stage.
M. Gingras: Là, je saisis mieux la portée de votre
question, M. Gendron. Alors, bien sûr, je vais tenter d'y
répondre. Comme vous dites, il y a des préoccupations dans les
milieux de travail par rapport aux stages parce que, justement, souvent, on a
utilisé cette main-d'oeuvre un peu pour déplacer des travailleurs
actifs des milieux de travail et les mettre sur le chômage. De
façon générale, les travailleurs accueillent bien et sont
très ouverts au fait que des stages en milieu de
travail soient considérés comme un élément
important de la formation. Les travailleurs, et la CSD de façon
générale, sont en faveur de ce qu'on appelle l'expérience
de travail comme faisant partie de la formation d'une personne qui vise
à devenir, à un moment donné, un travailleur d'une
industrie. Alors, nous sommes en accord, en fait, avec les stages en milieu de
travail, il y a une certaine ouverture, mais il va falloir qu'on entoure
ça de conditions et de critères qui fassent en sorte que
ça ne vienne pas remplacer, quand même, des travailleurs actifs,
qu'on permette à des travailleurs de venir chercher de la formation. Je
pense que la meilleure façon de leur permettre de venir chercher de la
formation et de l'expérience, c'est de leur adjoindre des personnes
d'expérience qui sont en milieu de travail. Ce n'est pas d'envoyer chez
elles les personnes d'expérience et de les remplacer par des stagiaires.
Alors, dans ce sens-là, nous autres, on est... il y a une ouverture,
sûrement, là-dessus.
Ce qu'on pense qui pourrait favoriser énormément,
justement, les stages en milieu de travail, c'est cette espèce
d'échange qu'on souhaite voir s'établir entre ce qu'on appelle un
travailleur ou un étudiant qui se prépare à entrer sur le
marché du travail, qui veut faire un stage pratique pour
expérimenter sa formation en milieu de travail, et le travailleur qui
est actuellement sur le marché du travail et qui désire, lui,
compléter sa formation. Pourquoi n'y aurait-il pas une espèce de
formule ou d'entente qui ferait que le stagiaire pourrait entrer dans les
milieux de travail, venir faire une expérience pratique de travail dans
les milieux de travail dans le cadre de sa formation et, d'autre part, que des
travailleurs en emploi puissent aussi retourner au collège pendant cette
période-là et continuer leur formation? Une espèce de
programme mixte, où tu as tant des travailleurs de l'industrie qui
peuvent avoir accès à des programmes, à des cours, puis,
pendant ce temps-là, il y a des stagiaires qui viennent, dans les
milieux de travail, chercher une expérience pratique de travail avec les
équipements du milieu.
Alors, c'est un peu dans ce cadre-là qu'on dit: II y aurait
sûrement des avenues intéressantes à explorer, et pour
satisfaire les conditions d'accessibilité des deux, c'est-à-dire
la formation pratique, parce que c'est évident, de plus en plus les
étudiants, ce qu'ils déplorent quand ils arrivent dans les
milieux de travail, c'est de ne pas avoir eu d'expérience pratique de
travail dans le cadre de leur formation. Parce qu'il y a tout un monde de
différences entre ce qu'on apprend à un moment donné avec
les équipements avec lesquels on les apprend aussi dans les
collèges et quand on se retrouve dans les véritables milieux du
travail avec les outils avec lesquels on est obligé d'assumer,
justement, les tâches pour lesquelles on a été
formé. On a tout un monde de surprise entre les deux. Alors, souvent, le
stage en milieu de travail serait bénéfique, je pense, pour tous
les étudiants qui se préparent à entrer sur le
marché du travail et, d'autre part, ce serait peut-être
l'occasion, aussi, de permettre à des travailleurs en emploi de venir
aussi profiter de certains cours de courte durée pour améliorer
leur formation en vue d'un diplôme. (17 h 30)
M. Gendron: Je voudrais poursuivre dans le même genre ou
dans le même sens. À la page 14 de votre mémoire, M.
Gingras, vous dites assez clairement, c'est bien compréhensible, la
recommandation que vous faites: «La CSD recommande donc que plus de
ressources soient dévolues à la formation des travailleuses et
des travailleurs par le développement des programmes de formation sur
mesure en établissement ou tout autre programme...»
Précisément, quand vous faites une recommandation comme
ça, «plus de ressources soient dévolues à la
formation des travailleuses et des travailleurs», si vous avez fait la
recommandation, vous l'avez évaluée et vous y avez pensé.
À quel type de ressources pensez-vous concrètement, ou si c'est
strictement par une plus grande implication financière des entreprises
que vous croyez qu'on va arriver à l'objectif que que vous
souhaitez?
M. Gingras: Non. On parle surtout de la possibilité de
bénéficier des infrastructures de l'enseignement collégial
dans le sens des professeurs, des ressources pour l'enseignement, parce qu'il
n'est pas évident que les entreprises sont toutes dotées de ces
ressources et qu'elles sont en mesure, justement, de répondre à
ces besoins dans les divers milieux de travail. Vous savez, le Québec
est bâti quand même avec la PME, petite et moyenne entreprise, et
ce n'est pas toutes les entreprises qui ont la grosseur et l'ampleur voulues
pour, à un moment donné, développer leurs ressources en
matière de formation. Alors, ce qu'il faut, c'est qu'il y ait des
ressources de soutien, justement, aux entreprises dans le but de mieux cerner
les besoins de formation de leurs travailleurs, de définir les besoins
qu'elles ont et aussi les ressources pour leur permettre, justement,
d'évoluer dans le cadre d'un programme et d'une planification de la
formation, justement, des travailleurs de ces différents milieux de
travail. Et, bien sûr, la formation plus pointue, c'est les techniciens
qui peuvent, à un moment donné, se déplacer et venir en
entreprise assurer cette formation.
M. Gendron: Je suis content de votre réponse, pas parce
que... Je pense que ça va dans le sens que vous avez discuté
tantôt avec la ministre. La ministre évoquait ou mentionnait
qu'elle croit, elle, qu'il s'en fait beaucoup, de la formation sur mesure et de
la formation pointue. Moi, je prétends qu'elle a raison, mais pas
à la
même place où vous oeuvrez et pas à la même
place qu'il faudrait le souhaiter, puis pas parce que je suis contre là
où il s'en fait. Dans la grande entreprise et l'entreprise
privée, je vais appeler ça de même, de haut gabarit, elle a
raison, mais, dans la petite et moyenne entreprisé
québécoise, où on dit quand même que 65 % à
70 % de l'emploi est là, on est encore loin de ce que j'appelle les
mesures requises et nécessaires. Et la question que j'ai posée et
la réponse que vous avez donnée ont permis d'indiquer que c'est
là-dessus que vous faisiez une recommandation pour élargir
davantage la formation et les ressources à de l'accessibilité de
formation, mais au niveau des petites et moyennes entreprises, parce que c'est
souvent celles qui ont le plus de difficultés, pas par mauvaise foi,
à s'adapter à la réalité, commercialisation,
compétitivité, nouveaux marchés, technologie, et ainsi de
suite.
Merci pour vos commentaires là-dessus. Dernière question.
Vous êtes un de ceux, je ne sais pas si c'est parce que vous fêtez
vos 20 ans, mais je trouve que vous avez raison de rappeler que, pour ce qui
est du financement de la formation professionnelle et d'une meilleure
formation, que ce soit, encore là, pointue ou de base, il va falloir
trouver une formule pour que nos entreprises s'impliquent davantage. Je n'ai
pas envie de refaire les chiffres, mais la ministre les a, ces
chiffres-là. La réalité est qu'au Québec c'est
probablement l'endroit où les entreprises s'impliquent le moins
financièrement, d'une façon directe. Et je ne veux pas entendre
ce que je sais; moi, je sais ça, qu'elles paient quelque impôt, de
temps en temps, mais il y a des échappatoires fiscaux. On vient de voir
le rapport du fédéral, puis, bon! Elles ne me feront pas brailler
en disant: Oui, mais on contribue comme tout le monde. C'est vrai, mais vous
bénéficiez bien plus que tout le monde d'une formation
qualifiée, efficiente, qui permet un plus haut niveau de
productivité et de rentabilité.
La question que je veux vous poser... À moins que j'aie mal
compris, vous avez décrit une façon de procéder, un peu
là, ça pourrait être comme la taxe scolaire, et j'ai cru
entendre, et je veux juste vérifier ça, que vous étiez
contre le fait d'envisager un pourcentage de la masse salariale des entreprises
à la formation professionnelle et à la main-d'oeuvre. J'ai bien
de la misère à comprendre pourquoi vous êtes contre, si
c'est bien ça que j'ai compris, et j'aimerais que vous détailliez
un peu plus comment on pourrait l'appliquer concrètement pour que les
entreprises qui ne font pas de formation aient effectivement à payer un
peu plus pour le coût que ça représente pour le
Québec. Nous, on est des tenants de cette thèse-la, on y croit.
Nous sommes rendus là. Il faut absolument qu'il y ait un peu plus
d'argent qui soit généré en formation professionnelle,
mais que ça ne vienne pas toujours par l'impôt direct de
l'ensemble des contribuables. Il faut que ceux qui en profitent le plus
puissent contribuer davantage.
M. Gingras: Bon. Écoutez, là-dessus, on a
réfléchi assez longuement et, pour nous, il devient un petit peu
difficile de penser à l'investissement des entreprises en fonction de la
masse salariale de ces entreprises-là, parce que la masse salariale,
souvent, c'est un indicateur qui est assez faux de la santé
financière de l'entreprise, O.K.? puis de sa capacité de payer
aussi. Ce qu'on préférerait, bien sûr, au départ...
Je pense qu'on s'entend avec ce que vous venez de dire, c'est que les
entreprises, au Québec, ne participent pas assez financièrement
à la formation et n'investissent pas suffisamment dans la formation. On
s'aperçoit que toutes les sociétés qui ont réussi
et qui performent bien au niveau de l'adaptation de leur main-d'?uvre sont
celles où les entreprises acceptent d'investir dans la formation. Or, ce
qu'il faut faire au Québec, bien sûr, il faut créer ces
incitatifs qui font que les entreprises vont contribuer plus à la
formation de leur main-d'oeuvre et vont être associées plus
étroitement à financer, justement, les efforts de formation.
Ce qu'on dit, nous autres, c'est... Écoutez, on parle de la taxe
foncière, mais on parle de quelque chose qui est semblable à
ça en termes de taxation. Ce qu'on voudrait, c'est qu'au lieu de taxer
les masses salariales qui, souvent, sont très peu indicatrices de la
santé financière ou de la capacité financière des
entreprises, et, aussi, de plus en plus, quand on parle de masse salariale,
c'est qu'on parle de compétition... Quand on parle de l'environnement
nouveau dans lequel on est placé, c'est qu'il ne faut pas tout faire
porter sur la masse salariale. Or, de plus en plus, je pense qu'il va falloir
penser à taxer les entreprises en fonction de leur santé
financière, de leur capacité financière, de leurs actifs,
en fait, et de leur richesse. Or, dans ce sens-là, ce qu'on souhaite,
c'est qu'on trouve les modalités d'une taxe qui soit plus axée
sur leur santé financière, leur capacité de payer et leur
profitabilité, pour dégager justement des montants et pour les
inciter, justement, à investir. C'est que ce montant de taxe
étant établi par rapport à leur capacité de payer,
c'est qu'elles investissent elles-mêmes cet argent-là. Dans la
formule qu'on souhaite, c'est que ce soient elles-mêmes qui
l'investissent parce qu'on pense qu'en l'investissant elles-mêmes elles
vont choisir justement la formation la plus adaptée à leurs
besoins et que ça va répondre de façon plus
spécifique à leurs besoins. Si elles ne le font pas, c'est que,
bien sûr, elles vont probablement continuer de recruter leur
main-d'oeuvre ailleurs, chez des entreprises qui vont se soucier un peu plus de
la formation de la main-d'oeuvre, c'est qu'elles paieront quand même une
taxe qui sera dirigée aux entreprises qui font de la formation et
qui
investissent en formation de façon à compenser, en partie,
les efforts de formation qu'elles font, ces entreprises-là.
Alors, il faut qu'on arrive à un système qui va faire en
sorte qu'on taxe à la bonne place pour ne pas, non plus, enlever,
diminuer la compétitivité des entreprises face à
l'environnement dans lequel elles ont à oeuvrer si elles veulent avoir
du succès et, deuxièmement, il faut avoir un système qui
soit un incitatif à la formation et à l'implication directe des
entreprises et qu'elles soient récompensées, alors que celles qui
ne feront pas d'efforts, bien, elles ne feront que payer en continuant de
bénéficier des efforts des autres, comme c'est le cas
actuellement.
M. Gendron: Merci, M. Gingras.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Alors, en
conclusion, Mme la ministre.
Mme Robillard: Ça va. Je pense que les explications ont
été très claires. Merci, M. Gingras, d'être venu, au
nom de la CSD, nous présenter votre opinion sur ce que les cégeps
doivent faire pour répondre aux besoins des travailleurs et des
travailleuses. Merci bien.
M. Gingras: On vous remercie et on vous souhaite une bonne fin de
travaux.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Alors,
j'inviterais maintenant l'Association nationale des étudiantes et
étudiants du Québec à bien vouloir prendre place. Nous
allons suspendre une minute.
(Suspension de la séance à 17 h 40)
(Reprise à 17 h 41)
La Présidente (Mme Hovington): Alors, la commission de
l'éducation va reprendre ses travaux avec l'Association nationale des
étudiantes et étudiants du Québec
représentée, je crois bien, par la porte-parole, Mme
Mélanie Des-marais-Senécal. Non?
Association nationale des étudiantes et
étudiants du Québec (ANEEQ)
Mme Belleau (Nathalie): Nathalie Belleau.
La Présidente (Mme Hovington): Nathalie Belleau? Ah! On
n'a pas le nom ici. Ahl c'est vous, Nathalie Belleau?
Mme Belleau: Oui.
La Présidente (Mme Hovington): D'accord. Bonjour et
bienvenue à la commission de l'éduca- tion. Si vous voulez bien
nous présenter vos collègues.
Mme Belleau: André Gagnon, porte-parole de l'ANEEQ, et
Jérôme Leclerc, du cégep
François-Xavier-Garneau.
La Présidente (Mme Hovington): Jérôme
Leclerc. Nous ne l'avions pas sur la liste.
Mme Belleau: Excusez-moi, notre délégation n'est
pas complète. Ils sont juste en bas, ils s'en viennent rapidement. On
est désolés. Ils étaient en bas puis ils reviennent.
La Présidente (Mme Hovington): De toute façon, M.
André Gagnon peut commencer déjà à nous expliquer
le mémoire parce que nous n'avons pas reçu le mémoire
à la commission de l'éducation. Alors, nous sommes tout
ouïe, tout oreilles. Nous n'avons pas lu avant votre mémoire. Vous
avez 15 minutes.
M. Gagnon (André): J'aimerais exprimer toutes nos excuses
à la commission parlementaire de n'avoir pas, à ce jour, si ce
n'est dans les minutes qui précèdent, fourni copie du
mémoire. Comme nous l'avions exprimé, nous avions demandé
le report de la commission parlementaire pour nous permettre de faire une
consultation large, tel que c'est notre tradition, auprès de nos membres
pour formuler un mémoire qui corresponde le plus possible à leurs
attentes. Alors, avec tous les débats de société qu'il y a
eu cet automne au Québec, ça a été assez difficile,
et c'est la raison pour laquelle c'est simplement lors d'un congrès
spécial, la fin de semaine dernière, que le mémoire en
question a été finalisé, et c'est la raison pour laquelle
il est encore tout chaud sorti des presses et qu'on vous le présente
aujourd'hui.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, nous vous
écoutons. Vous avez exactement 15 minutes, M. Gagnon.
M. Gagnon (André): Quand on aborde la question du bilan
des cégeps, on peut faire le tour assez rapidement et dire que
l'expérience des cégeps a certainement atteint plusieurs des
objectifs qui avaient été fixés en termes de
l'accessibilité à l'éducation. Il y a même certains
objectifs qui ont été dépassés. On avait
fixé un objectif de 45 % des générations qui
fréquenteraient le cégep et ça a été
dépassé. On était, en 1986, à 63 % des jeunes d'une
même génération qui fréquentaient les cégeps.
Maintenant, la société a de nouvelles exigences. On parle
maintenant, pour les années 2000, d'au moins 70 % des nouveaux emplois
qui requerront au minimum un D.E.C. C'est donc le temps de faire le bilan de
cette institution, avec tous ses aspects positifs et aussi avec ses aspects
néga-
tifs, les lacunes qu'il a pu y avoir aussi dans l'obtention de
l'accessibilité, que ce soit malgré toutes les avancées
qui ont été faites pour l'accessibilité pour les femmes,
par exemple, et encore le retard à reprendre pour les francophones, mais
aussi en termes de la structure sociale de l'accessibilité à
l'éducation qui défavorise encore les classes qui sont les moins
socio-économiquement favorisées de notre
société.
En attaquant directement quelles sont les grandes orientations que
l'ANEEQ croit qu'il faut retenir pour refaire de l'éducation une
priorité nationale à l'aube du XXIe siècle, on pense tout
d'abord que l'institution cégep doit être maintenue comme un
maillon clé de l'accessibilité aux études
supérieures et revalorisée sur la base des recommandations qui
suivent.
On pense tout d'abord que le gouvernement doit prendre note du fait que
la formation collégiale devient un niveau de formation de plus en plus
obligatoire pour la population québécoise au seuil du XXIe
siècle, qu'on doit accorder une importance au maintien et à
l'élargissement de l'accessibilité de façon à
combler la sous-scolarisation relative des francophones, des femmes, des
personnes des milieux socio-économiquement défavorisés et
à s'assurer de l'accès des femmes à
l'égalité, notamment aux secteurs d'emplois non traditionnels et
à l'accession à l'équité salariale.
On pense également que le gouvernement doit s'assurer du plein
exercice du droit à l'éducation pour la population, tel que
prévu dans le Pacte international sur les droits
socio-économiques dont le Québec est signataire depuis 1976, en
élargissant et non en réduisant la gratuité scolaire
à l'enseignement collégial pour l'étendre à
l'éducation permanente et aux études à temps partiel.
Face à la nécessité pour la population
québécoise de poursuivre des études à l'âge
adulte, on croit que la société québécoise doit
aussi reconnaître le statut social de la population étudiante, qui
est une population active temporairement en dehors du marché de
l'emploi, et que la société doit fournir un appui financier
adéquat, sans endettement, pour lui permettre de poursuivre ses
études. On pense également qu'en refaisant le choix des
cégeps et en reconnaissant le statut étudiant on doit revaloriser
la participation étudiante aux prises de décisions, à la
vie institutionnelle et au contrôle autonome, par la population
étudiante, de ses organisations et activités propres.
Revaloriser l'enseignement collégial, ça doit autant se
faire en qualité qu'en quantité. Pour nous, il n'y a pas
d'opposition entre les deux. La valorisation de la qualité de
l'enseignement doit aussi procéder de la revalorisation du statut
étudiant, en faisant appel non seulement à l'apprentissage de
connaissances, mais aussi au développement de capacités
d'apprentissage dont la pensée critique et l'autonomie sont des pierres
angulaires. Finalement, en revalorisant, en re- ; faisant de l'éducation
une priorité nationale, on ! croit que le gouvernement doit revaloriser
l'ensemble du système d'éducation public qui est : passablement
mal en point à l'heure actuelle suite aux restrictions
budgétaires successives et s aux contre-réformes à la
pièce appliquées depuis une quinzaine d'années.
C'est les grandes orientations qu'on croit qui doivent être
adoptées pour aborder la ; question de l'avenir des cégeps. :
certainement une question qui nous préoc- i cupe et qui est centrale
pour nous en termes : d'envisager cet avenir, c'est la question du statut
édudiant. C'est une nouvelle réalité sociale au :
Québec. Maintenant, on doit prendre une partie ; importante de sa vie
active pour poursuivre des études supérieures, une partie
importante de sa vie, où les étudiantes et étudiants sont
des adultes, au terme de la loi depuis 1964, à l'âge ; de 18 ans
et où on se pose les problématiques qui sont au coeur des
défis du cégep à l'aube de i l'an 2000. i d'une part, si
on reconnaît le statut étudiant, on doit repenser le mode
traditionnel ; de la pédagogie. Souvent, on a l'impression qu'on :
conçoit, dans plusieurs interventions, l'enseignement soit comme une
chaîne de montage où la population étudiante est une
matière première, ou soit comme une cafétéria
où elle est une clientèle qui consomme de l'éducation. On
doit bien comprendre que l'éducation postsecondaire est un rapport
social dans lequel la population étudiante est une agente autonome
active, sans l'apport de laquelle il n'y a pas d'activité de formation.
La formation n'est possible que parce que la population étudiante
s'investit elle-même dans le processus de formation. En
conséquence, on doit valoriser la participation active de la population
étudiante au sein des institutions et la gestion ¦ autonome de ses
affaires propres, et les différentes instances administratives des
institutions doivent être revues en conséquence pour revaloriser,
accroître la participation étudiante, que ce soit au conseil
d'administration, que ce soit dans les services à la vie
étudiante ou dans les commissions pédagogiques.
Ceci doit être fait également en reconnaissant le
rôle syndical des associations étudiantes, un rôle que les
associations ont affirmé depuis les années soixante:
reconnaître leur droit de grief, le droit de négocier les
conditions d'études ainsi que le droit de grève. Dans ce sens, on
devrait amender la loi d'accréditation des associations
étudiantes pour reconnaître le statut étudiant.
Une chose qui faciliterait certainement la participation
étudiante à la vie institutionnelle et qui enrichirait la vie
institutionnelle, ce serait certainement de fournir des crédits
académiques, d'allouer des crédits académiques pour
l'implication étudiante dans les différentes associations ou
instances institutionnelles. (17 h 50)
De la même façon, reconnaître le statut
étudiant, ça veut dire de régler et de reconnaître,
une fois pour toutes, le droit, à la population étudiante dans
chaque institution, de gérer de façon autonome les services
qu'elle s'est donnés, que ce soient les coopératives
étudiantes, les cafés étudiants, etc., et de faciliter le
développement de services contrôlés par la population
étudiante.
Là où la question de la reconnaissance du statut
étudiant est certainement la plus concrète et la plus importante
pour la revalorisation de l'enseignement collégial, c'est certainement
au niveau de la pédagogie. On doit sortir du cadre traditionnel
maître-élève et on doit permettre aux étudiants et
aux étudiantes dans chaque groupe-cours de négocier les plans de
cours, les critères d'évaluation et d'évaluer les
enseignements avant de parler d'évaluation externe. On devrait
également établir dans les cégeps, comme ça a
été demandé, des conseils de programmes où,
à l'image des conseils existants dans le réseau UQ, la population
étudiante devrait être représentée de façon
paritaire avec la partie . professorale.
Une question qui est abordée et qui est liée
également à la question du statut étudiant, c'est la
question du décrochage, des abandons, de la durée des
études. Différentes propositions ont été faites
pour imposer un ticket modérateur croyant que c'est une solution pour
écourter la durée des études; nous ne sommes
évidemment pas de cet avis, et les études statistiques
disponibles montrent clairement que les raisons principales de la prolongation
des études sont liées aux problèmes d'orientation et
à la combinaison études-travail. C'est précisément
la raison pour laquelle nous croyons qu'il faut avoir des mesures incitatives
pour régler tant les problèmes de la durée des
études que de l'abandon et qu'on devrait, dans ce sens, procéder
par l'actualisation de l'enseignement et des programmes, le
redéveloppement des services d'aide pédagogique et d'orientation,
par l'évaluation continue des enseignements, le recyclage et la
formation continue des enseignants et enseignantes.
Au terme de l'aide financière, qui est certainement un
problème clé pour la persévérance aux
études, nous croyons qu'il faut «prioriser», dans
l'immédiat, les revendications suivantes de façon à
permettre, à faciliter la persévérance aux études.
Premièrement, qu'on reconnaisse le statut d'autonomie, dès le
départ, du cadre familial - nous sommes en 1992, nous ne sommes plus en
1967; que l'on procède au gel des prêts à leur niveau
actuel et qu'on procède à l'indexation annuelle des
barèmes de l'aide financière; qu'on alloue un supplément
à l'aide financière de 1750 $ par session à toute
étudiante ou tout étudiant qui suit la pleine charge de cours
prévue à son programme sans consacrer plus de 150 heures à
un travail rémunéré, un peu à l'image de ce qui se
fait au niveau des bourses FCAR, par exemple, au niveau de la maîtrise et
du doctorat, c'est-à-dire d'encourager qu'on se consacre uniquement aux
études en fournissant une aide qui permet d'éliminer ou de
minimiser le travail rémunéré, et, pour encourager et pour
stimuler la «completion» des diplômes, l'obtention des
diplômes, devrais-Je dire, que tous les prêts contractés
dans la poursuite d'études reliées à un programme soient
convertis en bourses dès la «completion» du programme.
Évidemment, se pose la question très cruciale du
financement. On objectera certainement à nos demandes les
problèmes reliés aux déficits budgétaires des
gouvernements. Plusieurs voix se sont élevées pour
dénoncer les inéquités de l'assiette fiscale actuelle
où c'est toujours aux particuliers qu'on refile la note alors qu'on fait
concession après concession aux entreprises. Déjà,
à la commission parlementaire, en 1990, sur la loi 25, une de nos
associations membres avait mis de l'avant l'instauration d'un impôt sur
la masse salariale des entreprises, revendication qui est aujourd'hui reprise
par l'ANEEQ. On reconnaît d'emblée l'importance pour les
entreprises québécoises d'une formation collégiale de
qualité. Nous pensons qu'il faut avoir la conséquence de cette
reconnaissance et qu'on doit appeler à contribution les entreprises qui
profitent également de l'éducation.
La question du financement de l'enseignement supérieur est
certainement aussi une question de priorité. Malgré les
déficits très lourds qu'on a vus en 1991, le gouvernement
fédéral a trouvé rapidement 700 000 000 $ pour aller faire
la guerre en Iraq. C'est signe que, quand on veut, on peut trouver de l'argent.
Et, a l'instar de plusieurs penseurs, nous croyons que, dans
l'après-guerre froide, les budgets consacrés à la
défense devraient être diminués et
récupérés pour élargir les programmes sociaux et
que le gouvernement du Québec devrait intervenir en ce sens
auprès du gouvernement fédéral puisque c'est toujours dans
ce cadre que nous sommes.
Il faut également, au terme du financement, régler la base
de financement des institutions de façon à ce que chaque
institution soit dotée des infrastructures nécessaires pour
accueillir une population étudiante croissante. À l'heure
actuelle, on fait face à des problèmes d'entassement cruel dans
plusieurs institutions.
Le Président (M. Hamel): Je vous rappelle, M. Gagnon,
qu'il vous reste 60 secondes. Merci.
M. Gagnon (André): En conclusion, on a
privilégié, avec le rapport Parent, une approche humaniste de
l'éducation. Je crois qu'il y a certainement quelques strophes d'un
groupe populaire québécois qui résument assez le sentiment
de la population étudiante et ses attentes face à la commission
parlementaire actuelle, et ces strophes ont été fredonnées
par des généra-
tions de jeunes depuis 20 ans: «On a mis des jeunes au monde, on
devrait peut-être les écouter.» Et on croit qu'en faisant
cette réflexion on devrait, au coeur des débats, être
à l'écoute des attentes de la jeunesse québécoise.
Parce que l'avenir du Québec ne se fera pas sans nous, il se fera avec
nous. Merci.
Le Président (M. Hamel): Merci, M. Gagnon. Alors,
j'aimerais vous rappeler qu'il y avait eu consentement à l'effet qu'on
poursuive jusqu'à 18 h 30. Alors, sans plus tarder, Mme la ministre,
à vous de procéder.
Mme Robillard: Merci, M. le Président. Je veux saluer les
membres de l'ANEEQ et leur dire que, malheureusement, je n'ai pu
procéder à une lecture détaillée de leur
mémoire parce que, comme vous l'avez dit, vous n'avez pas eu le temps,
semble-t-il, de le préparer étant donné que vous m'aviez
demandé le report de cette commission parlementaire et que j'ai
refusé le report. Mais je vous rappellerai que cette commission a
été annoncée dans le discours du trône en mars
dernier et qu'il y a 210 intervenants qui nous ont déposé des
mémoires assez longtemps d'avance pour qu'on puisse en prendre
connaissance.
Mais, ceci étant dit, vous nous avez fait parvenir, il y a
quelques jours, des recommandations. Alors, au moins, j'ai lu vos
recommandations. Je pense que c'est ça qui était important. Et je
vois qu'aujourd'hui, dans votre présentation, vous maintenez l'ensemble
de ces recommandations-là. Alors, j'avais hâte de vous entendre
sur le sujet pour voir s'il y avait des clarifications, des nuances.
Vous avez terminé, M. Gagnon, en disant que vous espérez
qu'on écoute, qu'on vous écoute, les jeunes, parce que c'est pour
vous qu'on fait cette réforme de l'enseignement collégial, et je
suis d'accord avec vous. Mais je dois vous avouer que j'ai de la
difficulté avec l'ensemble de votre discours - parlons-nous
honnêtement. Nous avons eu d'autres groupes d'étudiants, ici, qui
sont venus depuis le début de la commission, et j'ai l'impression que le
discours, que l'ensemble du discours, au plan global, que vous nous servez est
comme un peu décroché de la réalité de 1992, hein?
Tout y passe, dans votre discours: la gratuité totale pour tous, le
statut syndical des associations étudiantes avec le droit de
grève, la négociation des plans de cours, les conseils de
programmes de composition paritaire, la libéralisation de l'abandon et
de la durée des études, la suppression des prêts,
l'accroissement des bourses, l'octroi du statut d'autonomie, dès le
départ, du cadre familial, l'éventail complet des programmes en
région, l'aide au logement coopératif, la taxe aux entreprises,
la fin des budgets militaires, l'élargissement des programmes sociaux,
la suppression des frais afférents, l'étatisation du
réseau privé, et je pourrais en ajouter. Sérieusement, M.
Gagnon, pensez-vous qu'avec un tel discours la majorité, l'ensemble de
la population québécoise vous suivrait? (18 heures)
M. Gagnon (André): Avant de répondre à cette
question-là, il y a peut-être eu une confusion dans la
présentation parce qu'il devait y avoir une présentation en deux
parties.
Mme Belleau: Les recommandations de l'ODFA, qui est
l'Organisation des femmes dans l'ANEEQ, on m'avait dit qu'on avait 30 minutes
d'allouées. Quand, tout à l'heure, on a dit qu'il y avait 15
minutes, je croyais que j'allais avoir 5, 10 minutes pour intervenir aussi.
Mme Robillard: On va y revenir...
Le Président (M. Parent): Parfait, madame, absolument, on
n'a pas d'objection, je ne pense pas.
Mme Robillard: Mais je voudrais une réponse avant, s'il
vous plaît.
Le Président (M. Parent): Oui, si M. Gagnon pouvait
répondre à la ministre et, après ça, on
enchaînera, madame, avec votre exposé. Vous prendrez tout le temps
qu'il vous faut. Soyez bien à votre aise. Allez, M. Gagnon.
M. Gagnon (André): II me semble bien que je sois de 1992.
Évidemment, au Québec, il y a des points de vue
différents, il y a des points de vue divergents sur ce que devrait
être la société québécoise. C'est
certainement le reflet de la société duale dont on parle de plus
en plus en sociologie au Québec, des différences d'orientations
ou de façons de voir l'avenir du Québec qui se cristallisent.
Je ne crois pas que ce soit une chose dépassée en 1992,
bien au contraire, que de parler de la nécessité de la
gratuité scolaire, par exemple. Contrairement, je pense que nos
positions sont présentées un peu de façon simpliste. On
parle de l'élargissement de la gratuité scolaire à
l'éducation permanente. Si je ne m'abuse, ça a aussi
été réclamé par la Fédération des
cégeps. On parle aussi de la gratuité à temps partiel, ce
qui n'est pas une très grande revendication. On parle de
reconnaître le statut syndical des associations étudiantes. C'est
un statut qui est revendiqué depuis une trentaine d'années. C'est
simplement reconnaître les faits. Il y a 100 ans, on faisait exactement
la même chose avec les syndicats ouvriers, on ne les reconnaissait pas.
On a bien fini par les reconnaître. C'est simplement reconnaître
les faits et, à nos yeux, c'est favoriser aussi la participation active
de la population étudiante et reconnaître la population
étudiante comme des adultes. Et ça, je pense,
c'est un changement d'attitude qui est nouveau, qui est novateur.
Ce qui est dépassé, à nos yeux, c'est cette vision
que la population étudiante est infantile, n'est pas adulte. On parle
souvent, on a développé la méchante manie depuis une
quinzaine d'années... autrefois, on était étudiant ou
étudiante, on est élève, maintenant on est
clientèle. On dirait qu'on rajeunit avec le temps et qu'on n'est plus
adulte. Alors, ce qu'on demande en mettant l'accent sur le statut
étudiant, la reconnaissance de ce statut, c'est simplement de
reconnaître une réalité qui est reconnue dans la loi depuis
1964, que nous sommes des adultes, et que, étant des adultes, nous
voulons participer aux décisions qui se prennent concernant notre
éducation. Et ça, je pense que c'est tout à fait
mature.
Différentes revendications qu'on présente sont des
revendications qui sont amenées par différents courants sociaux.
Je ne pense pas que ce soient des revendications qui soient bien nouvelles.
Peut-être qu'elles ne sont pas partagées, et je ne
m'étonnerais pas qu'elles ne soient pas partagées par le
gouvernement, mais ce sont quand même des revendications qui sont
portées par différents courants sociaux, et on est
extrêmement fiers de les porter, parce qu'on pense que ce sont ces
revendications-là qui vont dans le sens d'une démocratie plus
large et vraiment d'un accès démocratique au droit à
l'éducation.
Le Président (M. Parent): Merci, M. Gagnon. Madame,
j'aurais une question à vous poser. Le mémoire que vous voulez
nous présenter, est-ce que c'est celui-ci qui s'appelle... enfin,
mémoire de l'Organisation des femmes dans l'ANEEQ?
Mme Belleau: Oui, c'est une annexe au mémoire de l'ANEEQ,
finalement...
Le Président (M. Parent): Oui. Je vais vous faire
remarquer une chose, bien humblement, et je ne veux pas non plus vous encadrer
plus que ça ou paraître vous encadrer, c'est que votre
mémoire et ce document ont été lus par les membres de la
commission.
Une voix: On vient de le recevoir.
Le Président (M. Parent): On vient de le recevoir
seulement. Allez, madame. Je m'excuse, je croyais qu'il avait été
présenté avant.
Une voix: Ils viennent de le déposer.
Le Président (M. Parent): Alors, si vous voulez
l'expliquer brièvement pour donner la chance aux membres de la
commission de vous poser des questions, je pense, qui peuvent nous aider
à avancer dans le cheminement de ce dossier-là. Madame, nous vous
écoutons.
Mme Belleau: D'accord. J'ai combien de temps? Une dizaine de
minutes? D'accord.
Là, je suis la porte-parole de l'Organisation des femmes dans
l'ANEEQ. L'Organisation des femmes dans l'ANEEQ est un mouvement qui a
été créé en 1984 à l'intérieur de
l'ANEEQ pour davantage s'attarder sur la question femme étudiante.
D'abord, on vise à avoir une approche féministe et on vise
l'amélioration des conditions de vie des femmes étudiantes, et on
n'hésite pas à intervenir pour dénoncer et lutter contre
les préjugés, le sexisme, la discrimination, la violence faite
aux femmes. On est intervenu sur plusieurs dossiers aussi et on a
travaillé sur des dossiers, comme la féminisation de la langue,
le harcèlement sexuel à l'école, l'inceste. C'est des
dossiers qu'on a travaillés. Voilà pour la présentation de
l'Organisation des femmes dans l'ANEEQ.
Pourquoi a-t-on décidé de participer à la
commission parlementaire? C'est qu'on trouvait ça important, puis c'est
suite à notre analyse féministe sur les conditions de vie des
étudiantes au cégep que l'ODFA a décidé de prendre
part au processus de consultation. L'ODFA regroupe aussi une bonne partie des
étudiantes au cégep, au niveau collégial; la
majorité de ses membres, c'est des filles au niveau collégial. On
avait déjà constaté, auparavant, qu'il y avait un
phénomène de féminisation de la pauvreté.
Maintenant, avec la crise économique qui bat son plein, que les emplois
sont de plus en plus rares et se précari-sent, que le chômage
sévit, nul doute qu'il y ait matière à s'inquiéter
davantage de la perte de certains gains que les femmes ont acquis durement,
difficilement. Donc, l'ODFA considère, dans un premier temps, que
l'éducation est un moyen indéniable pour favoriser
l'amélioration des conditions des femmes, mais enfin faut-il qu'elles
puissent y accéder.
Concernant les recommandations, on a divisé ça en quatre
blocs. Le premier, c'est l'accessibilité à l'éducation. Le
taux d'augmentation de la fréquentation scolaire est en perte de vitesse
présentement. Vu la hausse des frais de scolarité à
l'université, on peut prétendre avec assez de certitude que
l'imposition de frais de scolarité au niveau collégial aurait
pour effet de priver le droit à l'éducation pour plusieurs
étudiantes et étudiants. Si on regarde la crise économique
actuelle, les emplois, comme je le disais tout à l'heure, sont rares.
Les personnes pensent à ce moment-là et songent davantage
à retourner aux études.
Les frais de scolarité, aussi, et les régimes d'aide
financière moins avantageux hypothèquent beaucoup la jeunesse,
l'avenir des jeunes, et même de la société
économique, de la vie de la société aussi. On peut penser
aussi que, probablement, avec une imposition de frais de scolarité, ce
seraient les mieux nantis qui y auraient plus droit à ce
moment-là, ou qui auraient plus d'accès à
l'éducation au niveau collégial.
On pense aussi que la réalité n'est plus la même au
niveau des conditions de vie et d'études de la population
étudiante. C'est que la plupart d'entre eux et elles travaillent. Il y a
70 % des étudiantes et étudiants qui travaillent en même
temps; ils concilient études, emploi et, des fois, famille. Il y a comme
une obligation, aussi, à travailler, comme pour compenser le
régime d'aide financière qui est inadéquat
présentement pour la population étudiante.
La présence des femmes, aussi, ce qu'on peut remarquer au niveau
des études postsecondaires, est légèrement plus
élevée, sauf que ce qu'on remarque également, c'est
qu'elles sont davantage en plus grand nombre dans les études à
temps partiel, c'est-à-dire qu'il faudrait comme vérifier le taux
de diplomation à ce moment-là pour s'assurer que la
représentativité des femmes, eHe est bien ce qu'on
prétend, c'est-à-dire que les chiffres ne sont pas trompeurs. Les
charges aussi: les frais de scolarité, les frais de matériel,
tout ça, sont des charges que les étudiantes et les
étudiants ne peuvent supporter. Ils ont déjà des charges
assez lourdes et ils sont obligés de travailler pour, justement, arriver
et étudier. Imposer ce genre de frais là, ce serait un retour en
arrière.
Aussi, ce qu'on trouve important, c'est la cohabitation des secteurs
d'études techniques et professionnelles avec le général
à l'intérieur d'une même institution. On trouve ça
important, parce que ça permet d'ouvrir des possibilités aux
étudiants et étudiantes; ça permet aussi d'envisager une
ouverture sur d'autres plans de carrière, l'étendue, le choix des
cours étant meilleur aussi, plus vaste. (18 h 10)
Aussi, pour les filles, ce qui serait bien, c'est de songer davantage
aux métiers non traditionnels. On a beau faire la promotion, mais il
faut d'abord commencer au niveau de l'éducation. Si on fait plein de
programmes d'accès à l'égalité au niveau du
marché de l'emploi, mais que, finalement, on ne s'attarde pas, au niveau
de l'éducation, au choix d'orientation des filles, c'est qu'on perd un
peu la logique avec ce qu'on veut qui se réalise au niveau du
travail.
Le Président (M. Parent): Je vais être
obligé, madame, de vous demander d'accélérer un peu si on
veut donner la chance aux membres de cette commission de vous interroger,
étant donné que votre document, ils l'ont, ils pourront le lire,
peut-être, par après.
Mme Belleau: D'accord.
Le Président (M. Parent): Par contre, ce que vous avez
à nous répondre, on ne l'a pas, ça, encore.
Mme Belleau: C'est que je vais peut-être passer le bout des
recommandations puis parler plutôt au sens général.
Le Président (M. Parent): Allez, madame.
Mme Belleau: Le système d'éducation doit s'adapter
aux réalités de la population. Comme je le disais tout à
l'heure, c'est que les étudiantes et les étudiants ont souvent
concilié études, travail et famille. Pour, à ce
moment-là, compenser, H faudrait un régime d'aide
financière qui soit adéquat, qui puisse aussi correspondre
à la réalité des étudiants qui partent beaucoup
plus tôt, des fois, de la maison ou qui pourraient partir plus tôt
de la maison s'ils en avaient la possibilité et les moyens. On
considère que, quand le statut d'autonomie n'est pas donné
dès le départ de la maison, finalement, les étudiants,
oui, ou les jeunes peuvent rester plus longtemps à la maison. C'est ce
qui fait en sorte aussi qu'à ce moment-là les gens qui vont
quitter la maison vont être obligés de travailler à temps
partiel ou ceux qui n'auront pas droit ou qui n'auront pas quitté la
maison vont être obligés également de travailler à
temps partiel parce qu'ils n'auront pas droit au régime de prêts
et bourses si, à ce moment-là, ils ne sont pas reconnus personnes
indépendantes.
Aussi, le régime d'aide financière fait abstraction des
femmes qui peuvent choisir d'avoir des enfants au cours de leurs études.
C'est le seul programme de mesures d'aide, dans le fond, qui n'a pas
prévu que la maternité puisse arriver en cours d'études.
Ce serait bien d'instaurer des mesures qui soient, justement, équitables
pour les femmes et des congés parentaux qui puissent être
partagés entre les deux parents.
Concernant les conditions d'études, ce qu'on vise surtout, ce
qu'on veut défendre, c'est une plus grande latitude, une plus grande
souplesse pour répondre davantage aux réalités des
étudiantes et étudiants, que je ramène: concilier diverses
occupations. Qu'on pense tout simplement à l'implantation d'un
système de garderie à l'intérieur des institutions,
déjà là, je pense qu'il y aurait bien des
étudiantes et des étudiants qui auraient au moins plus de
disponibilité et plus de facilité à ce niveau-là.
Ce serait leur donner un service qui, finalement, faciliterait au moins leurs
études, les conditions d'études.
En ce qui concerne la vie étudiante... on parle de discrimination
ou de harcèlement sexuel, même à l'école. Il faut
l'admettre, il faut agir aussi. Il faudrait des politiques contre le
harcèlement sexuel, qui visent la prévention, l'information, la
sensibilisation de la population étudiante, et que ces politiques soient
élaborées à l'aide de... que les principales participantes
à l'élaboration de cette politique soient les étudiantes.
On demande aussi que soient mis sur pied des bureaux institutionnels contre le
harcèlement sexuel, qui pourraient s'occuper du
traitement des plaintes et, aussi, auraient un mandat de
prévention, information.
Au niveau de la contribution à l'histoire, les femmes ont
été souvent... leur apport a été souvent
nié. On devrait mettre plus de l'avant, à l'intérieur des
contenus des cours, l'histoire des femmes, leur apport et leur contribution au
niveau politique, social, en sciences, en sciences humaines, et, pour cela, il
faudrait peut-être réviser, à ce moment-là, le
contenu des cours. Un premier pas, peut-être, vers un équilibre
des rapports de sexe, ce serait aussi, peut-être, de penser davantage
à féminiser. On demande au gouvernement que les documents
officiels et scolaires, ce soit une pratique et une politique de
féminiser les documents, les textes, déjà au primaire,
parce que toute bonne règle de grammaire s'acquiert assez tôt et,
à ce moment-là, c'est moins problématique quand vient le
temps de l'appliquer quand on l'a apprise dès le primaire.
Peut-être une politique à l'exemple de l'Office de la langue
française.
Ce qu'on demande, finalement, c'est: l'accès des filles au
collégial est désormais acquis, mais les acquis restent fragiles
et restent a parfaire également. Je vous remercie.
Le Président (M. Parent): Merci, madame. Alors, j'informe
les membres de cette commission que la partie ministérielle a
déjà employé sept minutes. Je vais reconnaître la
ministre pour une autre question et, après ça, je
reconnaîtrai la partie de l'Opposition officielle pour la balance du
temps. Mme la ministre.
Mme Robillard: m. gagnon, est-ce que vous avez fait une
évaluation des coûts de toutes les recommandations que vous nous
faites, au gouvernement?
M. Gagnon (André): Ce n'est certainement pas au niveau de
l'Association nationale des étudiantes et étudiants du
Québec que vous allez trouver autant d'experts en finances publiques
qu'au Conseil du trésor. Ça, j'en conviens, Mme la ministre.
Maintenant, je ne prétendrai pas avoir fait d'étude des
coûts de l'ensemble de ces demandes-là, ce serait vous mentir. Par
contre, contrairement à ce que vous sembliez retenir de notre
mémoire tantôt, il y a des demandes très ponctuelles,
très précises qu'on fait et pour lesquelles on ne croit pas qu'il
y ait de très grands coûts financiers engagés et qui sont,
pour nous, très importantes à l'heure actuelle quand on parie
d'impact financier. Par exemple, le maintien de la gratuité, ça,
vous savez très bien le coût, comme moi. Le maintien de la
gratuité, c'est le coût actuel.
Mme Robillard: M. Gagnon, je n'ai pas de problème avec
ça. Je sais, on met déjà 1 300 000 000 $ dans les
cégeps...
M. Gagnon (André): C'est exact.
Mme Robillard: ...et, à l'heure actuelle, ils sont
gratuits, je pense bien. Moi non plus, je ne suis pas une experte du Conseil du
trésor, mais pendant que vous pariiez, j'essayais d'additionner des
chiffres, rapidement, sans avoir fait une analyse approfondie, et j'arrive
autour de 800 000 000 $, 800 000 000 $ de plus que le système
actuel...
M. Gagnon (André): 800 000 000 $ de plus.
Mme Robillard: C'est pour ça que je vous demandais
si...
M. Gagnon (André): Oui. L'évaluation qui avait
été faite, en 1990, d'une taxe, par exemple, de 1 % sur la masse
salariale des entreprises, on évaluait les revenus qui seraient
générés par une telle taxe à environ 700 000 000 $.
Alors, même si on retenait toutes nos demandes actuelles, si vous arrivez
à 800 000 000 $, peut-être qu'avec l'évolution de la masse
salariale depuis... Peut-être qu'elle a décliné un peu avec
la récession, mais on resterait quand même dans les limites du
possible.
J'aimerais revenir en particulier sur les demandes qui sont faites au
niveau de l'aide financière. On fait des demandes au niveau de l'aide
financière. Les demandes les plus importantes qui sont faites, c'est
probablement de dire: Donnez un montant supplémentaire pour les gens qui
se consacrent exclusivement à leurs études. À l'heure
actuelle, ce qu'on fait, c'est que l'aide financière est accordée
dès qu'on suit quatre cours. Peu importe si on en suit sept, cinq,
quatre, six, c'est la même aide financière qui est
allouée.
Là, on pense qu'on peut agir. Oui, ce sont des montants
supplémentaires, mais on le fait déjà à d'autres
niveaux d'études avec un objectif, bien sûr, que les gens
complètent leurs études, que les gens obtiennent des
diplômes le plus rapidement possible, là où c'est
jugé prioritaire. Maintenant, comme on pose comme condition à
l'octroi de ces allocations supplémentaires le fait de ne pas travailler
et qu'on sait qu'à l'heure actuelle il y a 60 % des étudiants et
des étudiantes des cégeps qui travaillent...
Une voix: 70 %.
M. Gagnon (André): ...70 %... autour de 15 à 20
heures par semaine, si on réduit le nombre d'heures travaillées
et qu'on vise à l'éliminer pour que les gens se consacrent
vraiment pleinement à leurs études, on libère aussi des
emplois et on permet à des gens qui sont, à l'heure actuelle, sur
l'aide sociale de sortir de cette situation et de travailler. À ce
moment-là, ces demandes-là peuvent aussi se financer
d'elles-mêmes.
Le Président (M. Parent): Alors, je vous remercie de cette
partie d'explication que vous avez fournie. Je me dois maintenant de respecter
le temps et de reconnaître Mme la députée de Terrebonne au
nom de l'Opposition officielle.
Mme Caron: Merci, M. le Président. M. Gagnon, Mme Belleau
et ceux qui vous accompagnent, je vous remercie, au nom de ma formation, pour
votre contribution à nos travaux. Je prendrai connaissance de votre
mémoire par la suite, mais j'avais pris connaissance de vos
recommandations.
La présentation de Mme Belleau concernant plus
spécifiquement les demandes, les conditions par rapport aux femmes,
ça m'apparaît des éléments intéressants. Je
pense que la plus grande qualité qu'on peut donner à vos
recommandations, c'est que ce sont des recommandations extrêmement
concrètes, extrêmement précises et qui touchent le
quotidien, ce que nous n'avons pas toujours vu dans tous les mémoires.
Souvent, nous avons des propositions qui sont plutôt théoriques,
mais qui ne donnent pas de recommandations concrètes sur le terrain.
Donc, c'est probablement le fait que vous vivez quotidiennement cette
réalité de la vie des cégeps, et vous vous êtes
attardés à des conditions très précises. (18 h
20)
Au début de vos recommandations, vous parlez beaucoup de
valorisation, de revaloriser la participation étudiante, de revaloriser
l'enseignement collégial, de valoriser la qualité de
l'enseignement. Dans le troisième paragraphe, vous parlez de revaloriser
l'ensemble du système d'éducation public, du jardin d'enfance
à l'université, et vous concluez, je pense avec raison, que, sans
cette revalorisation d'ensemble, les efforts pour revaloriser l'enseignement
collégial auront peu de portée. Là-dessus, sur cette
revalorisation du système d'éducation, qu'est-ce que vous voyez
comme moyens concrets pour revaloriser? Est-ce que ça se traduit par une
campagne promotionnelle, comme semblaient nous dire certains intervenants ce
matin? Comment vous voyez cette revalorisation-là?
M. Gagnon (André): Ce qui est certainement au coeur de
cette revalorisation-là, c'est certainement... Il faut certainement
miser sur une participation active de la population étudiante et, pour
ça, ça veut dire effectivement, ça veut dire
fondamentalement se défaire d'approche qui tend à
«passiviser» la population étudiante et à la voir
simplement comme - bon, certains profs m'ont déjà dit au
cégep - comme des cruches qu'on remplit. Si on se défait de cette
approche, si on considère véritablement la population
étudiante comme adulte et que ça se traduit, autant au niveau de
la vie institutionnelle que de la pédagogie et au niveau social,
ça ne peut faire que motiver énormément et enrichir le
vécu étudiant et, du fait même, améliorer la
réalisation de la mission de l'institution.
Qu'on regarde juste concrètement les expériences qui ont
été vécues dans différentes institutions. J'ai
particulièrement en tête le cégep où j'ai
complété mes études collégiales. Quand on a, par
exemple, une attitude de peu de considération pour la population
étudiante, de la considérer comme incapable d'apporter une
contribution, on en vient à des situations de conflit et à une
situation extrêmement stérile. Quand on change tout à fait
d'attitude et qu'on incite, encourage la participation étudiante, les
résultats sont probants. Je ne mentionnerai pas le cégep, mais
j'y suis retourné récemment et j'ai vu une nouvelle direction
après une mise en tutelle, et j'ai vu les résultats et j'ai vu
l'approche totalement différente. Et vous allez avoir une
présentation de ce cégep-là qui va comprendre une partie
étudiante, un changement d'approche et qui donne des résultats
certainement très concrets sur le terrain. Et c'est ça qu'on est
venu dire ici.
Mme Caron: Je saisis bien. Une question précise. Dans
votre section «Recommandations, pédagogie», que chaque
programme comprenne une activité de synthèse, par tutorat, sur la
formation reçue, incluant la participation à la vie
institutionnelle. Est-ce que vous pouvez nous expliquer davantage?
M. Gagnon (André): Oui. C'est en liaison avec la
proposition qui est faite qu'il y ait des conseils de programme, à
l'image de ce qui se fait, par exemple, dans le réseau de
l'Université du Québec où il existe des conseils de module
bipartites, et aussi en liaison avec la proposition qu'il y ait des
crédits pour l'implication étudiante. Mais, pour l'ensemble de la
population étudiante, on se dit que, si on veut revaloriser
l'enseignement, il faut faire en sorte que la formation collégiale, ce
ne soit pas un ramassis de cours éclectiques ajoutés les uns
après les autres, mais qu'on fasse une synthèse et qu'on
réfléchisse sur ce qu'on a appris à partir de A
jusqu'à Z, et aussi qu'on fasse le bilan à travers ça de
sa propre participation dans la vie du programme, par exemple, dans la vie
institutionnelle, et donc qu'on encourage la population étudiante
à une réflexion critique, autocritique sur le processus de
formation plutôt que de résumer ça à une vision
assez pauvre de l'éducation qui est de dire: Je m'inscris, je fais
quelques petits examens, je vise l'obtention de la note de passage, puis,
après, je passe à autre chose. Mais qu'on incite à faire
le lien qui doit être fait pour qu'on parle vraiment de formation.
Mme Caron: Cette activité-là, vous la voyez sous
forme d'activité libre, obligatoire ou de cours?
M. Gagnon (André): Comme, par exemple, ça se fait
dans les universités où il y a du tutorat. C'est-à-dire
qu'on a des activités de synthèse, on doit faire la
synthèse sur la formation acquise, on choisit un professeur au sein du
département concerné et c'est avec lui qu'on fait
l'activité de synthèse.
Mme Caron: Mme Belleau, vous nous avez présenté
certaines réalités qui n'avaient pas été
mentionnées, apportées du tout jusqu'à maintenant à
cette commission. Effectivement, c'est une réalité que les
étudiantes peuvent vivre une grossesse au moment de leurs études,
et c'est vrai qu'on n'est pas portés à y penser. C'est vrai que
les femmes, souvent chefs de famille monoparentale, retournent aux
études à temps partiel. C'est une réalité que les
femmes sont reconnues comme étant beaucoup plus pauvres. Seulement le
fait de rappeler ces éléments-là, je pense que c'est
déjà une contribution importante, qu'on garde en mémoire
ces réalités-là.
Il y a aussi une autre réalité que je n'ai pas vue dans le
mémoire, c'est la nouvelle réalité du décrochage
plus marqué du côté des hommes, décrochage autant du
côté du secondaire que du collégial. Est-ce que vous avez
réfléchi un petit peu sur ce sujet-là, qui est
préoccupant? De moins en moins de garçons s'inscrivent aux
études, ils décrochent. Est-ce que vous avez quelques pistes de
solution? Vous êtes plusieurs, messieurs, est-ce que vous avez quelques
pistes de solution pour ce problème particulier?
Mme Belleau: Bien, d'abord, nous autres, dans un premier temps,
quand on parle, entre autres, de s'attarder au choix d'accorder un meilleur
encadrement pour le choix des orientations, c'est que, même si on
s'attardait sur la condition des femmes, ça comprend, justement, ces
services-là, les étudiants et les étudiantes. À ce
moment-là, qu'il y ait un meilleur encadrement et plus d'aide et de
soutien pour aider au niveau des choix d'orientation. Le taux d'abandon aussi
et de décrochage, oui, je pense qu'il faut s'en inquiéter de
façon importante, parce que c'est finalement des gens qu'on ne sait pas
s'ils vont retourner aux études et, s'ils retournent, c'est dans des
conditions très difficiles aussi: c'est des compromis, des concessions.
On regarde aussi la réalité actuelle. Quand on parlait que la
plupart des étudiants, la majorité des étudiants occupent
un emploi en même temps, ce n'est pas des réalités faciles,
non plus, pour eux et pour elles. Peut-être que pour les autres
dimensions je laisserais mes collègues répondre.
Le Président (M. Parent): Moi, je suis obligé de
vous dire merci et d'inviter Mme la députée de Terrebonne
à conclure au nom de sa formation politique.
Mme Caron: Je vous remercie infiniment.
J'allais chercher ma réponse, par exemple, avant que vous
quittiez, parce que je pense qu'il faut en profiter pendant que vous êtes
là, pour savoir pourquoi nos jeunes garçons décrochent
autant. Je suis sûre que vous avez des réponses. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Parent): Mme la ministre.
Mme Robillard: Merci, M. le Président. Je veux remercier
les membres de l'ANEEQ. Mon message serait à l'effet de peut-être
«prioriser» vos recommandations parce que j'ai l'impression que,
dans l'ensemble de ce discours global que vous tenez, il y a certaines des
recommandations qui mériteraient un examen plus approfondi, et
peut-être que ça pourrait nous éclairer davantage pour les
suites de la commission. Merci d'être venus aujourd'hui.
Le Président (M. Parent): Alors, la période de
temps prévue pour cette commission étant terminée, je
suspends les travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 29)
(Reprise à 20 h 1)
La Présidente (Mme Hovington): Nous allons reprendre nos
travaux et j'inviterais l'Institut de recherche en politiques publiques
à bien vouloir venir prendre place, représenté par Mme
Monique Jérôme-Forget, présidente, et Mme Siobhan Harty,
analyste. Bonsoir, mesdames. Veuillez prendre siège, oui. Alors, Mme
Forget, vous êtes donc la présidente et porte-parole de l'Institut
de recherche.
Institut de recherche en politiques publiques
(IRPP)
Mme Jérôme-Forget (Monique): Bien sûr! Merci,
Mme la Présidente. Mme la ministre, MM. et Mmes les
députés, je vais simplement vous dire un peu brièvement ce
qu'est cet institut de recherche puisqu'il y a peu de gens qui le connaissent.
C'est un institut de recherche en politiques publiques. Il existe depuis 20
ans. Il est né, dans le fond, de fonds qui avaient été mis
et par le gouvernement fédéral et par les gouvernements
provinciaux et par l'entreprise privée, si bien qu'on cueille à
même les intérêts de ce fonds pour subvenir à nos
besoins. L'Institut est né à Montréal et avait
été déménagé ailleurs qu'à
Montréal, si bien que nous avions des bureaux à Ottawa, Halifax,
Vancouver et un peu partout à travers le Canada. Et, ayant assumé
la présidence, j'ai décidé de ramener cet Institut
à Montréal. C'est la raison pour laquelle nous nous sentons bien
impliqués au niveau du Québec désormais et que nous avons,
bien sûr,
saisi l'opportunité de présenter un mémoire
à votre commission.
L'Institut publie des recherches en environnement, sur les autochtones.
Nous avons une publication, d'ailleurs, en éducation qui avait
été faite l'an dernier par David Cameron. On en a apporté
une ou deux copies. S'il y en a qui sont intéressés, nous allons
les laisser ici. Nous laisserons quelque documentation sur l'Institut de
recherche et, notamment, ce livre de David Cameron.
Essentiellement, Mme la Présidente, ce pourquoi nous avons
décidé de présenter un mémoire, c'est qu'une des
priorités de recherche cette année à l'Institut, c'est de
précisément faire des études en éducation. Nous
allons, bien sûr, non pas nous limiter au niveau des cégeps, mais
nous planifions environ une dizaine de monographies en éducation faites
par des chercheurs à travers le Canada, bien sûr incluant le
Québec, et c'est la raison pour laquelle nous avons souhaité
être impliqués dans ce débat.
Je vais passer assez brièvement au niveau des recommandations
parce que je pense que vous avez entendu plusieurs personnes vous parler de
statistiques, vous donner des chiffres et, par conséquent, je vais
passer directement aux points.
Les étudiants québécois sont aux prises avec un
ensemble complexe de choix difficiles, et ce, vous le savez, dans un monde en
mutation. Dès un âge relativement jeune, ils sont amenés
à se préoccuper de leur avenir professionnel et plusieurs
s'inquiètent de leurs perspectives d'emploi avant même d'avoir
quitté le collège. Ils savent, par ailleurs, qu'un diplôme
collégial ou universitaire accroîtra leurs chances de
succès. Mais ils n'ont pas toujours pris le temps d'apprécier
combien la qualité de l'enseignement reçu revêt au moins
autant d'importance, finalement, que le diplôme qu'on peut
décrocher. C'est pourquoi il devient impératif d'amener les
étudiants à comprendre que l'acquisition des connaissances doit
être un élément central de leur vie, et ce, durant toute
leur vie. Cette nécessité est tout particulièrement
évidente dans le contexte des réalités du marché de
travail d'aujourd'hui. La plupart des Québécois changeront
d'emploi plusieurs fois au cours de leur vie active. C'est d'ailleurs un peu
affolant de savoir le nombre de métiers qu'il va nous falloir apprendre
au cours de notre carrière. Chacun de ces emplois exigera des
compétences variées et une aptitude à assimiler des
techniques nouvelles et de plus en plus élaborées. On se
rappelle, par exemple, quand on a rentré les équipements de
traitement de textes dans les bureaux, ça ne fait pas si longtemps, les
réserves que les gens avaient pour utiliser ce traitement de textes, et
combien il a fallu utiliser de doigté et de pas feutrés pour
amener les employés à apprendre comment utiliser ces
équipements. On a oublié finalement - mais ça ne fait pas
si longtemps que ça s'est passé - et cette révolution
finalement n'est que le début, dans le fond, de l'iceberg.
Aujourd'hui, le cégépien doit bien comprendre, au moment
où il entreprend des études postsecondaires, qu'il entame en fait
un processus d'apprentissage qui durera toute sa vie. Et quel est le meilleur
moyen de le préparer à cette exigence? En lui montrant combien il
est important d'apprendre à apprendre, c'est-à-dire en lui
donnant un enseignement de base dans divers domaines et en lui montrant comment
il peut élargir le champ de ses connaissances en se penchant
continuellement sur des questions plus complexes et plus difficiles. Pour
apprendre à apprendre, il faut toujours être prêt à
accueillir de nouveaux concepts et de nouvelles façons de faire. Or,
nombreux sont ceux qui terminent leurs études collégiales sans
avoir acquis cette aptitude pourtant fondamentale.
Un retour à un programme de base représenterait un
début prometteur. Il ne s'agit pas ici de revenir sur les connaissances
les plus élémentaires, mais plutôt d'inculquer aux
collégiens une approche intégrée à l'acquisition
des connaissances afin de les encourager à découvrir les liens
qui existent entre diverses disciplines et à développer une
vision globale du monde. Ce retour à un programme de base devrait
comprendre l'élaboration d'un programme comprenant des cours dans
différentes disciplines, bien sûr les langues, la
littérature, les mathématiques, l'informatique, la philosophie,
l'histoire et les sciences, bien entendu, et certains secteurs des sciences
humaines. Mais, essentiellement, ce que nous disons, c'est qu'il va falloir
venir à certaines connaissances de base. Ayant eu deux jeunes qui ont
complété leur cégep il y a déjà quelques
années, je me rappelle d'une conversation autour de la table. Mes
enfants ont été élevés dans un environnement de
gens éduqués. On parlait du «Cid» et mes enfants
m'ont regardée comme si je pariais de quelque chose d'absolument
farfelu. Ils ne savaient pas que je parlais du «Cid» de Corneille.
Alors, il me semble qu'il y a quelque chose dans la vie de nos enfants, qui
fait qu'ils ne sont pas très renseignés. Je sais que, Mme la
ministre, vous avez été étonnée d'apprendre que les
gens donnaient des cours de pêche à la mouche. Peut-être que
c'est souhaitable parce que, n'ayant jamais pu apprendre, je me dis que,
peut-être, si j'avais eu un cours à l'école, comment aller
à la pêche, je saurais comment faire. Mais il n'en demeure pas
moins que j'étais moi-même très étonnée.
Quels seraient les avantages d'une telle approche? Tout d'abord, elle
obvierait au problème de l'indécision auquel font face de
nombreux étudiants au moment d'entrer au cégep. Ensuite, elle
leur permettrait de ne pas se laisser préoccuper par leurs perspectives
de carrière et de se concentrer, plutôt, sur leur formation
intellectuelle. Enfin, elle écarterait une contrainte que
de nombreux cégépiens envisagent avec
appréhension, c'est-à-dire qu'elle ne les forcerait pas à
limiter trop tôt l'éventail des choix possibles.
Quant au dilemme éducation-emploi, nombreux sont les
jeunes Québécois, aujourd'hui, qui compromettent leurs chances de
succès en interrompant trop tôt leurs études. En 1987-1988
- je vous nomme des chiffres que vous savez tous - 63 % des
diplômés du secondaire se sont inscrits au cégep. Les
données publiées par le ministère de l'Enseignement
supérieur montrent qu'à peine un peu plus du tiers de ces
étudiants ont complété leurs études en
deçà de la période prescrite, soit deux ans pour la
formation préuniversitaire et trois ans pour la formation technique.
Beaucoup d'autres auront décroché, en passant. La plupart de ces
décro-cheurs tenteront de se trouver du travail malgré leur
bagage de connaissances plutôt limité et malgré une
aptitude tout aussi restreinte à prendre des décisions complexes.
(20 h 10)
Mais il est évident que les jeunes d'aujourd'hui,
qu'ils poursuivent ou non leurs études, veulent avoir accès au
marché du travail. Nombreux sont ceux qui ont un emploi à temps
partiel, tout en étudiant au cégep, et qui considèrent que
ce monde d'insertion dans le marché du travail est aussi important que
la poursuite des études. D'après le Bureau de la statistique du
Québec, 70 % des étudiants inscrits au cégep, à
temps plein, en 1986, avaient également un emploi à temps
partiel, qui pouvait accaparer, en moyenne, 15 et parfois même 20 heures
par semaine. On voit donc que, pour l'étudiant âgé de 17 ou
18 ans, les études ne sont pas qu'une préoccupation parmi
d'autres; souvent, elles ne sont qu'une préoccupation secondaire.
Il faut essayer de comprendre, bien sûr, les causes;
on en connaît quelques-unes. On peut se douter que ces étudiants
sont forcés de travailler à plein temps ou à temps partiel
pour financer leurs études et défrayer leurs autres
dépenses. La mise en place, on peut l'imaginer également, de
mécanismes de soutien financier structurés aiderait ces jeunes
à compléter leurs études. Mais, pour d'autres
cégépiens, la possibilité de travailler, tout en
continuant d'étudier, représente une occasion d'acquérir
une expérience utile. On pourrait contribuer, de façon positive,
à leur formation en mettant en place - et je sais qu'il y en a plusieurs
qui l'ont recommandé - au niveau collégial, des stages
coopératifs qui intégreraient travail et études et
donneraient à ces étudiants la possibilité
d'établir des contacts utiles sur le marché de l'emploi.
Ces réformes auraient également l'avantage
d'aider à relever le taux de rétention parmi les étudiants
de cégep. On vous a certainement parlé du modèle allemand.
Je pense que tous en ont entendu parler. J'ai pu en prendre connaissance
personnellement, puisque j'ai une bru qui est allemande. Je puis vous dire que
les entreprises là-bas, contrairement à voir ça comme
étant un fardeau que de prendre des stagiaires dans leur entreprise, y
voient un avantage certain. Je pariais justement à un ami en Allemagne
aujourd'hui et, en Allemagne, plusieurs employeurs souhaiteraient avoir de tels
stagiaires, mais, parce qu'ils ne peuvent pas, finalement, les intégrer
dans un contexte bien structuré d'apprentissage, ils ne peuvent pas se
qualifier.
Le passage de l'école secondaire au cégep
n'est également pas toujours facile. De nombreux étudiants sont
mal préparés pour faire face aux difficultés personnelles
et scolaires qui les attendent. Peut-être est-ce là la raison pour
laquelle tant d'étudiants ne réussissent pas à s'adapter
à leur environnement scolaire. Au cégep, vaste
établissement, on peut dire presque impersonnel, l'étudiant
cherche souvent quelque chose ou quelqu'un à qui s'identifier. Le
Conseil supérieur de l'éducation fait remarquer, dans une
étude publiée en 1991, que l'organisation des cégeps tend
à privilégier l'individu et à négliger, de ce fait,
les bienfaits qui pourraient découler d'un apprentissage davantage
axé sur le groupe.
On pourrait réparer cette omission en encourageant
le développement d'écoles au sein de l'école. Il ne s'agit
pas ici d'instituer des programmes seulement spécialisés, mais
plutôt d'élaborer ou de permettre différentes formules pour
l'enseignement d'un même programme scolaire ou d'un programme
adapté à différentes vues. Je pense, par exemple, qu'il
pourrait y avoir des... Il y a déjà des expériences qui
ont été faites aux États-Unis, il y a différentes
expériences, qu'on me dit, qui sont faites au Canada où vous
auriez, par exemple, un cours de base général pour les
étudiants, mais, par exemple, un étudiant pourrait aller dans un
cours de musique ou différentes spécialités du genre. On
pourrait donner aux étudiants le choix entre une approche fondée
sur la formation générale, une méthode axée sur
l'interdisciplinarité. Nous croyons qu'en mettant en place
différentes formules d'enseignement à l'égard de
programmes scolaires semblables on donnerait aux étudiants la
possibilité de s'identifier à leur environnement scolaire.
Pour favoriser la création de liens plus
étroits et plus durables entre les étudiants et les
cégeps, nous recommandons que ces derniers offrent à leurs
étudiants des choix plus innovateurs. Bien sûr, les
étudiants sont libres de choisir le sujet et le programme
d'études qui leur conviennent. Mais la gamme des cégeps et des
programmes auxquels ils ont accès est-elle assez large pour leur offrir
des options véritablement distinctes? Dans une région
donnée, il n'y a pas de différence fondamentale entre les
programmes ou services offerts par les cégeps. Les cégeps
diffèrent seulement par leurs résultats et par leur
réputation. En élargissant l'éventail des options, on
favoriserait une saine concurrence entre différents cégeps et
même entre
différentes écoles au sein d'un même cégep.
Une concurrence, ma foi, qui refléterait la priorité
accordée aux besoins des étudiants.
Pour une autonomie accrue des cégeps. Les besoins des
cégeps également diffèrent suivant les populations qu'ils
desservent. Les cégeps anglophones diffèrent des cégeps
francophones, les cégeps de Montréal diffèrent de ceux des
régions éloignées, les cégeps privés
diffèrent des cégeps publics, etc. Les statistiques viennent
appuyer cette observation. Elles montrent, par exemple, que la proportion des
étudiants inscrits à la formation préuniversitaire dans
les cégeps privés est plus élevée que dans les
cégeps publics: 73 % contre 60 % en 1986. Les anglophones et allophones
sont plus enclins que leurs collègues francophones à choisir la
formation préuniversitaire. Les écoles secondaires privées
se distinguent quelque peu des autres à cet égard en ce sens que
la proportion des étudiants francophones et anglophones qui choisissent
la formation préuniversitaire atteint 75 % dans les deux cas. Dans le
secteur public, cependant, 79 % des diplômés des écoles
secondaires anglophones choisissent la formation préuniversitaire,
tandis que 59 % de leurs homologues des écoles francophones ont choisi
cette voie. Ces différences devraient nous inciter à donner
à chaque collège une plus grande autonomie.
Dans l'important ouvrage qu'ils ont consacré à
l'éducation aux États-Unis, Chubb and Moe analysent longuement
les facteurs qui déterminent l'efficacité d'une école et
les caractéristiques qui favorisent l'excellence. Ils constatent qu'au
nombre de ces facteurs de réussite se trouvent la qualité et la
vigueur de la direction, le degré d'autonomie dont jouit l'école
et l'esprit de corps qui lie tous ceux qui y sont associés. Dans une
telle école, toutes les parties, la direction, les enseignants, les
étudiants et les parents, doivent s'engager à réaliser les
objectifs qu'elle s'est fixés. Nous suggérons que la commission
considère les bienfaits qui pourraient se produire si on accordait plus
d'autonomie aux cégeps, c'est-à-dire si on leur permettait 1) de
contrôler leur propre budget; 2) d'élaborer leurs propres
structures administratives et de déterminer le rôle que devraient
jouer les divers intervenants au sein de ces structures; 3) de
développer, au moins partiellement leur propre programme scolaire; et 4)
de participer davantage aux décisions relatives a la composition et au
rôle des conseils d'administration.
Quels seraient ces bienfaits? En accordant une autonomie accrue aux
cégeps, on donnerait à la direction les moyens de faire preuve de
leadership. À l'heure actuelle, les efforts des directeurs
généraux des cégeps en vue d'innover se butent à
divers obstacles, depuis le conseil d'administration jusqu'au syndicat des
professeurs, sans oublier le Sénat et d'autres groupes aux
intérêts divergents. Un directeur de collège qui a les
mains liées ne pourra jamais vraiment manifester ses qualités de
meneur. Dans le régime actuel on s'attend du directeur
général qu'il se comporte en bureaucrate, c'est-à-dire
qu'il exécute les directives reçues d'en haut ou qu'il satisfasse
aux exigences du groupe qui parle, dans le fond, le plus fort ou qui exerce le
plus de pression. L'attention de tous est tellement accaparée par les
demandes divergentes et parfois contraires des divers groupes qu'on perd de vue
le véritable but de l'éducation. Le premier but de nos
collèges est de former des jeunes et non pas de garantir un emploi
permanent aux professeurs. Ce sont les étudiants et les parents qui
forment le principal groupe d'intérêts au sein des
collèges.
Sous l'impulsion d'une direction vigoureuse et d'un engagement commun de
toutes les parties en cause, le collège peut élaborer son propre
système de valeurs, car l'école qui réussit est celle qui
se donne sa propre mission d'être et qui se donne des objectifs clairs
auxquels tous souscrivent du seul fait qu'ils sont là.
Et, pour la transparence de l'enseignement, on parle de transparence
dans le secteur public, mais la transparence est beaucoup plus qu'un slogan
à la mode. On remet aujourd'hui en question toute la notion de
responsabilité de l'État et même la raison d'être du
secteur public. En même temps, l'économie, nous le savons tous, se
transforme à un rythme rapide et les Québécois veulent
avoir des garanties pour l'avenir. Ils s'inscrivent à des cours de
formation permanente et demandent des services de formation en milieu de
travail afin d'être mieux préparés pour se lancer sur un
marché du travail où la concurrence se fait de plus en plus
intense. (20 h 20)
Nos cégeps transmettent-ils aux jeunes Québécois
les compétences dont ils ont besoin pour faire face aux défis et
aux responsabilités qui les attendent? Cette question a son importance
car, en dernière analyse, c'est aux jeunes que les cégeps devront
rendre des comptes. Comment peut-on déterminer si un cégep
répond aux besoins de ses commettants? Un procédé
d'évaluation à l'échelle du réseau nous serait
utile dans cette tâche. De nombreux cégeps disposent de
méthodes internes pour évaluer leurs professeurs et leurs
administrateurs. Les enseignants sont habituellement évalués par
les étudiants, tandis que les administrateurs le sont par leur
supérieur immédiat ou, encore, font leur autoévaluation
à la lumière de leurs objectifs de travail, mais ni l'une ni
l'autre de ces méthodes n'oblige le professeur ou l'administrateur
à rendre des comptes. Les évaluations des enseignants ne sont pas
rendues publiques, même au sein du collège, pas plus qu'elles ne
sont transmises à ceux qui songeraient à s'y inscrire. Il est
douteux qu'elles fassent l'objet de discussions et d'examens approfondis.
Il n'est pas nécessaire que la formule d'évaluation soit
la même dans tous les cégeps,
surtout si on leur accorde une plus grande autonomie, comme nous l'avons
recommandé plus haut. Il serait toutefois utile qu'elle soit, à
tout le moins, comparable d'un collège à l'autre pour que les
étudiants et les parents puissent évaluer les mérites
respectifs des uns et des autres. Il reviendrait aux étudiants et aux
parents et aux enseignants et aux administrateurs de déterminer ensemble
les critères qui devraient servir à ces évaluations.
Je pense, en termes d'évaluation, Mme la Présidente, qu'on
pourrait calculer le nombre d'étudiants qui ont terminé leur
cégep à l'intérieur de deux ans. On pourrait
évaluer le nombre d'étudiants qui, après trois
années au niveau professionnel, se sont trouvé un travail
à l'intérieur de trois mois, six mois ou un an. Ce que je veux
dire, dans le fond, pour rendre des comptes, c'est qu'il va falloir trouver des
mesures quantifiâmes, mesurables, et qui vont dire quelque chose aux gens
qui vont vouloir s'inscrire a un cégep. Et, par conséquent,
à ce moment-là, quand vous avez l'évaluation, vous pouvez
savoir, dans le fond, en terminant, en finissant à ce cégep,
quelle est votre chance d'obtenir un emploi, quelle est votre chance
d'être accepté à l'université, et même
d'obtenir votre premier choix à l'université. Essentiellement,
c'est d'essayer de mesurer des extrants quantifiâmes, mesurables.
J'arrive donc à la dernière recommandation: des bons, ce
qu'on appelle communément le «voucher» qui a
été bien discuté, qui est encore discuté. Je lisais
une étude qui vient d'être produite par l'OCDE, que j'ai
reçue dès ce matin, sur l'utilisation des «vouchers»
en Europe. Donc, la mise en place d'un régime de bons pour
l'enseignement supérieur permettrait, à mon avis, de
régler plusieurs questions à la fois, soit: les programmes
scolaires, la liberté de choix, l'autonomie des collèges et la
transparence de l'enseignement. Dans le régime envisagé ici, le
bon est un paiement versé par l'État aux parents ou aux
étudiants, qui peuvent l'encaisser à l'école choisie
contre une période d'études déterminée
d'avance.
Les divergences de vues concernant les mérites d'un tel
régime ont trait à deux questions majeures. D'abord, comment la
valeur du bon sera-t-elle déterminée, et les familles
pourraient-elles y ajouter leur contribution? Ensuite, un régime de bons
incorporerait-il à la fois les collèges publics et privés?
Et les frais de scolarité seraient-ils les mêmes dans les deux
cas? On pourrait répondre à ces questions. Dans le fond, on
pourrait les soumettre à l'opinion publique, à l'échelle
provinciale ou locale, ou, en tout cas, on pourrait se pencher sur la question.
Lorsque les modalités auront été
déterminées, nous suggérons qu'au moment de l'octroi des
diplômes on remette à chaque étudiant un bon encaissable
contre trois années d'enseignement supérieur. L'étudiant
pourrait alors s'en servir pour acheter deux années d'études
préuniversitaires dans un cégep et une année
d'études universitaires, ou trois années d'études
professionnelles au cégep. Ceux qui seraient incapables de
compléter leurs études dans ces délais se verraient alors
forcés de financer, peut-être pas en totalité, mais, du
moins, une grande partie des coûts additionnels.
Je pense que l'éducation au niveau collégial, c'est un
bien privé, c'est un bien qu'on acquiert soi-même. La
société fait des choix, elle le fait au niveau des garderies,
finalement, où on n'a pas fourni des garderies gratuites pour tous les
âges. Par conséquent, il faut donc se poser la question: Est-ce
qu'on peut offrir à des étudiants de passer gratuitement cinq ans
au cégep, alors qu'on est si pauvres dans d'autres secteurs? C'est
là un choix, je pense, qu'il va falloir que la société
québécoise fasse. L'avantage, également, du bon, c'est que
tout produit qui n'est pas complètement gratuit, auquel on a
rattaché une valeur, transmettrait également au consommateur ou
client l'idée que l'éducation vaut quelque chose. Je me
rappellerai toujours: j'étais vice-rectrice à Concordia et,
à un moment donné, on avait voulu charger pour imprimer des
feuilles de cours, et les étudiants avaient soulevé un
tollé, jusqu'au moment où on avait calculé combien cela
représentait de paquets de cigarettes. Et, comme je suis une
non-fumeuse, je suis partie au magasin avec 2 $ pour acheter un paquet de
cigarettes et je suis revenue, à ma grande surprise, chercher un autre
1,25 $ pour acheter un paquet de cigarettes. Donc, l'équivalent de 50 $
représentait, au niveau d'une année, ma foi, il faudrait
calculer, là, un nombre, en tout cas, peu de paquets de cigarettes.
Alors, c'est donc dire qu'il va falloir démontrer aux étudiants
que l'éducation, c'est un bien qu'on acquiert et qui vaut cher. Ce n'est
pas vrai que ça ne vaut rien; ça vaut beaucoup. Alors, je pense
que le bon aurait cette valeur que l'étudiant encaisse quelque chose et
bien sûr que c'est au niveau de la perception, c'est au niveau de la
psychologie. Madame, j'ai terminé.
La Présidente (Mme Hovlngton): Merci beaucoup, Mme Forget.
Alors, Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je veux d'abord
saluer Mme Jérôme-Forget, de même que sa collègue, et
lui dire qu'on apprécie que l'Institut se soit penché sur
l'enseignement collégial québécois. Je vois que vous en
avez fait une priorité au niveau de l'Institut de regarder un peu
l'éducation. Vous avez dit, en introduction, non seulement le
collège, mais que, dans votre programmation, probablement que vous allez
regarder d'autres ordres d'enseignement. Alors, Mme Jérôme-Forget,
quand vous nous parlez et je réfère de façon
particulière à la... D'abord, excusez-moi, je vais recommencer
par
une question. Nous venons de recevoir une version révisée.
Y a-t-il des différences importantes dans vos recommandations?
Mme Jérôme-Forget: Non. Pas du tout.
Mme Robillard: Bon. Parfait. Alors, moi, je m'oriente sur la
première version que nous avions reçue, Mme
Jérôme-Forget, et je réfère de façon
particulière aux pages 7 et 8. Quand je vois votre proposition à
l'intérieur de ces pages-là, j'ai l'impression que vous nous
recommandez un enseignement collégial non spécialisé. Et
je m'explique. Vous dites que vous aimeriez que ce soit un enseignement qui est
axé sur les langues, la littérature, les mathématiques,
l'informatique, les lettres, les sciences humaines, les sciences sociales, les
sciences naturelles. Et vous dites, à la suite de ça: À ce
moment-là, les étudiants n'auraient plus à se
préoccuper de leur carrière et pourraient se concentrer sur leurs
études sans se bloquer des voies. Est-ce que vous pourriez essayer de me
clarifier ce concept que vous avancez? Est-ce qu'il s'agirait d'une sorte de
programme de «liberal arts» qu'on peut connaître...
Mme Jérôme-Forget: Exactement.
Mme Robillard: Est-ce que c'est dans ce sens-là? Est-ce
que, à ce moment-là, ce serait strictement pour le
préuniversitaire? Qu'est-ce qu'on ferait dans un tel contexte au niveau
technique? Bon. Voilà.
Mme Jérôme-Forget: Bon. C'est une excellente
question. Il est clair que, pour ceux qui passent par les trois années
et qui vont dans le cours préuniversitaire...
Mme Robillard: Deux ans.
Mme Jérôme-Forget: ...je parie du «liberal
arts», c'est-à-dire un cours élargi. Par ailleurs, au
niveau technique et au niveau professionnel, je pense qu'il y a des cours de
base qui sont absolument nécessaires parce que l'étudiant,
souvent, se voit «aux prises» de faire un choix extrêmement
rigoureux trop tôt, à mon avis, trop tôt. Les
étudiants vont choisir une technique et décident que...
Finalement, ils se trompent. C'est probablement la raison pour laquelle ils
passent plus de trois ans. Je ne sais pas si je réponds convenablement,
là. Siobhan. (20 h 30)
Mme Harty (Siobhan): On s'intéressait plutôt
à la formation préuniversitaire en préparant le
mémoire. Alors, on ne s'est pas penchées beaucoup sur la
formation technique, mais il faut dire que nous pensons également que,
pour les étudiants qui s'inscrivent dans la formation technique, il est
important pour eux aussi qu'ils aient une formation de base,
c'est-à-dire qu'il y a des sujets qui sont aussi importants pour ceux
qui veulent étudier tes programmes techniques que pour ceux qui veulent
étudier les programmes préuniversitaires. C'est évident
que les employeurs d'aujourd'hui pensent que des étudiants qui sortent
des programmes techniques, de la formation technique ont des
spécialisations très excellentes, mais il leur faut quand
même une formation plus de base dans des sujets généraux
comme les mathématiques ou le français. Et c'est évident
qu'on vous a déjà dit ça ici, à la commission
parlementaire.
Mme Robillard: Ce que vous me dites, c'est que vous avez
étudié davantage la filière préuniversitaire.
Mme Harty: Oui.
Mme Robillard: Parce que, au niveau du diplôme technique,
il y a déjà une formation générale de base
aussi.
Mme Harty: Oui, je le sais.
Mme Robillard: On nous fait différentes recommandations
sur cette formation. Donc, cette recommandation s'appliquerait, de façon
particulière, au niveau du secteur préuniversitaire. À
votre connaissance, Mme Jérôme-Forget, sur ce nouveau
diplôme, non spécialisé, appelons-le comme ça,
d'enseignement collégial plus général, est-ce que vous
pensez que nos différentes universités du Québec
pourraient accepter, dans toutes leurs facultés, les étudiants
à partir d'un tel diplôme?
Mme Jérôme-Forget: Je le crois, oui, je le crois. Je
ne sais pas qu'est-ce que vous voulez poser comme question, dans le fond. Par
exemple, ce que j'ai remarqué, dans les universités, Mme la
ministre, c'est que, si un étudiant a suivi un cours d'économique
au niveau du cégep, ordinairement, l'université ne
reconnaît pas ce cours. C'était le cas, en tout cas. Très
souvent, l'étudiant devait reprendre le cours 101 au niveau
universitaire, parce qu'on estimait que le cours du cégep n'était
pas une équivalence pour le cours universitaire.
Alors, je pense, moi, qu'un cours général, où les
gens connaissent très bien l'écriture, savent très bien
lire, savent comprendre, peuvent faire des synthèses et des analyses, ce
sont là des habiletés qui sont fondamentales pour
l'apprentissage. Et, qu'on l'apprenne, dans le fond, en prenant un cours
d'histoire, il est clair qu'il faut qu'il y ait des données de base, une
culture qui permet à l'étudiant, ensuite, d'entrer à
l'université. Et une spécialisation au niveau du cégep,
ça peut permettre à un étudiant, par ailleurs, s'il veut,
de choisir l'économie, en prenant un cours d'introduction, mais,
très souvent, ça peut, au contraire, le dissuader
d'aller en économie alors qu'il pourrait y avoir un
intérêt, pour cet étudiant, à aller en
économie.
Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, Mme la
ministre.
Mme Robillard: Oui. Je vous ferai noter que le monde
universitaire est venu, ici, nous rencontrer en commission, et
qu'eux-mêmes disent qu'ils ont peut-être exigé trop de
préalables pour l'entrée à l'université, dans
différents programmes, même préuniversitaires, du
cégep. Alors, eux-mêmes disaient qu'ils étaient
peut-être responsables de la spécialisation trop rapide de nos
étudiants, à cet âge.
Maintenant, je vous avoue aussi que, dans votre présentation,
vous avez parlé de la création d'écoles dans
l'école et que j'ai de la difficulté à saisir le concept
que vous décrivez. Vous déplorez que les étudiants ne
peuvent pas choisir, n'ont pas la possibilité de choisir entre
différents programmes et différentes approches. Vous avez
tenté de nous l'expliquer par un exemple qui se passait aux
États-Unis, avez-vous dit, mais je ne comprends pas exactement votre
recommandation, Mme Jérôme-Forget.
Mme Jérôme-Forget: Alors, essentiellement, et
peut-être que Siobhan va vouloir ajouter quelque chose, c'est que le
cégep nous apparaît, en tout cas d'après ce que nous avons
entendu et lu, très gros, très grand et que, dans le fond,
l'étudiant choisit un menu parmi des cours. Je pense, moi, que de
développer - et ce concept a été développé,
effectivement, aux États-Unis, par exemple, à Harlem, dans une
école où on a développé plusieurs écoles.
C'était, d'ailleurs, une école - on a dû vous en parler,
ici, à quelques reprises - qui avait le taux d'échec le plus
élevé aux États-Unis, où, dans le fond, les
habiletés à la lecture étaient... Ils se situaient au
dernier niveau en termes de comparaison et, dans l'espace de quelques
années, ils ont réussi à se situer dans la moyenne
nationale. Ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils ont, au sein de l'école,
développé plusieurs écoles pour donner à tous ceux
qui étaient impliqués le sentiment qu'ils jouaient un rôle
important. Ce n'est pas tout d'être professeur dans un cégep, mais
quand on sent qu'on joue un rôle au niveau de la gestion, de
l'administration, de la gérance et de l'orientation de cette
boîte-là... Je pense, par exemple - pour vous donner un exemple
qui existe au niveau de l'université - au Liberal Arts College à
Concor-dia, qui fait partie de Concordia, mais qui est vraiment
séparé, intégré, où les étudiants se
connaissent davantage, où les professeurs sont proches de leurs
étudiants. Je pense qu'une proximité des professeurs et
l'entourage d'un groupe pourraient être très salutaires à
l'éducation. Parce que l'apprentissage, ce n'est pas tout d'aller
à l'école et d'écouter des professeurs. L'apprentissage,
ça se passe entre des étudiants également, ça se
passe entre des gens qui collaborent entre eux. Et on sait, dans le fond, au
niveau de l'apprentissage, que ces périodes où les gens sont
regroupés entre eux et dans un petit groupe sont probablement aussi
importantes que, finalement, d'avoir un cours qui est donné par un
professeur, un cours magistral. Alors je ne sais pas...
Mme Harty: Oui, je pourrais citer quelques exemples. Je pense au
Collège Dawson, à Montréal, qui a plusieurs programmes
comme Liberal Arts ou New School qui n'existe plus, mais qui existait pour de
nombreuses années. Il y a aussi maintenant, dans le secteur des
sciences, un programme qui s'appelle «First Choice Science». Ce
n'est pas tous les étudiants qui s'inscrivent dans ce programme; il y en
a peut-être une vingtaine. Ces étudiants se tiennent ensemble, ils
prennent leurs cours ensemble; ils ont aussi des «seminars», ils
assistent à des «seminars»; ils font des projets, etc. C'est
un petit groupe d'étudiants et c'est effectivement comme si
c'était une école dans un cégep. C'est à ça
qu'on pensait.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, Mme la ministre.
M. le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
remercier l'Institut de recherche en politiques publiques de sa
présence, Mme Forget ainsi que madame qui t'accompagnait. C'est
peut-être important de nous permettre d'avoir une approche plus
générale qui n'est pas spécifique à l'ordre de
l'enseignement collégial, mais qui nous est transmise davantage sous
l'étiquette de grandes orientations à caractère plus
philosophique, et ce n'est pas péjoratif; à titre d'exemple, de
nous rappeler, à la page 8 comme vous l'avez fait, qu'il est important
au plus haut point d'amener les jeunes à comprendre que l'acquisition
des connaissances doit être un élément central de leur vie;
de nous rappeler également - je veux citer trois exemples - que, pour
apprendre à apprendre, il faut toujours être prêt à
accueillir de nouveaux concepts et de nouvelles façons de faire, et que
ce n'est pas le cas de tous les jeunes qui passent par l'ordre
collégial. De même, lorsque vous arriviez à votre
conclusion pour la première section que vous avez intitulée
l'intégration... excusez-moi, à votre argument pour une approche
intégrée à la formation, je crois que ce sont des
considérations d'ordre plus philosophique ou ce sont des orientations de
principe sur lesquelles on peut difficilement être en désaccord.
Je pense que ce sont des orientations de principe auxquelles je souscris. Je
pense que ce n'est pas inutile de nous rappeler ces orientations-là
parce que, si on conçoit présentement qu'il y a lieu d'apporter
des correctifs au système collégial, c'est parce
que, à certains égards, ces objectifs-là,
généreux et auxquels on adhère rapidement, n'ont pas
été complètement atteints. À cet égard, je
pense que c'est important de nous rappeler ça.
Je voudrais apprécier avec vous quelques éléments
où vous portez effectivement des jugements sur des choix qui devraient
être faits autres que ceux qui ont été faits. Je donne un
exemple: par exemple, en page 12 dans votre mémoire, vous dites qu'on
pourrait contribuer de façon positive à leur formation, en
pariant des jeunes, en mettant en place au niveau collégial des stages
coopératifs qui intégreraient le travail et les études.
Vous ajoutez que, pour d'autres cégépiens, la possiblité
de travailler tout en continuant d'étudier représente une
occasion d'acquérir une expérience utile. (20 h 40)
La question que je voudrais vous poser: Est-ce que vous croyez, d'abord,
qu'il y a un grand nombre de jeunes étudiants qui, effectivement, si on
leur donnait la possibilité de travailler tout en étudiant, c'est
le choix qu'ils feraient puisque, selon les informations que j'ai -
peut-être à tort - le plus grand nombre de jeunes qui
décident de travailler n'a rien à voir par rapport à un
complément de formation? La plupart des jeunes, quand ils font le choix
de travailler, c'est que c'est une condition pour eux de pouvoir poursuivre
leurs études en allant se chercher un certain degré d'autonomie
qu'ils n'ont pas pour toutes sortes de raisons que vous connaissez. Et
j'aimerais ça que vous me pariiez un peu plus de pourquoi vous retenez
quand même cette option d'offrir la possibilité alors que, selon
moi, ça serait marginal, le nombre de jeunes qui prendraient ce genre
d'offre que l'État devrait mettre en place, selon ce que vous
suggérez.
Mme Jérôme-Forget: Enfin, l'État devrait,
pourrait... Je parie en termes de côté coopératif, de
stages. C'est un peu basé sur, dans le fond, ce qui se passe en
Allemagne, que vous savez, dont on vous a parié. Vous avez
peut-être été visiter, vous êtes peut-être
beaucoup mieux renseignés que moi. La seule expérience que j'en
ai, c'est d'avoir de la famille là-bas et de voir comment est-ce que
ça se passe. C'est qu'on n'a pas chez nous décidé
d'intégrer - on ne l'a pas encore fait et je ne suis pas certaine que
ça appartient seulement à l'État de le faire - le milieu
de travail et l'apprentissage. Et peut-être, finalement, que ça va
devenir une formule gagnante, considérant que, tout le temps de notre
vie, nous allons devoir apprendre. C'est ça qui est un peu troublant.
Vous savez, quand j'ai terminé mes études, moi, j'avais
l'impression que j'avais fini. De nos jours, c'est terminé, cette
époque-là. Il faut qu'on apprenne. Alors, peut-être que, si
on incorporait l'idée d'avoir des stages de formation reliés
à notre travail - parce que, dans le moment, les jeunes travaillent,
mais travaillent dans des milieux qui sont complètement divorcés
et différents de ce à quoi ils aspirent un jour comme plan de
carrière, alors qu'en Allemagne j'avais quelqu'un cet été
qui était chez moi et qui avait été accepté dans un
bureau de communication parce qu'elle voulait aller en communications. Donc,
elle travaillait à mi-temps dans un bureau de communication, à un
salaire inférieur à ce qu'on gagnerait normalement, et elle
passait l'autre mi-temps à aller à l'école, un cours
général. Alors, c'est un petit peu peut-être à
ça qu'on référait quand on disait qu'il fallait qu'il y
ait un lien entre le milieu du travail et le milieu, dans le fond, de
l'enseignement.
Je ne sais pas si je réponds à votre question, M. le
député.
M. Gendron: Oui, oui, ça va. C'est parce que, moi, quand
même, et puis c'est de ma faute, je n'aurais pas dû associer... Je
connais le concept coopératif où on intègre ce type de
formation à l'intérieur même du programme offert. Mais,
à la page 12, avant de parier de ce type d'approche, vous indiquez quand
même que «pour d'autres cégépiens, la
possibilité de travailler tout en continuant d'étudier
représente une occasion d'acquérir une expérience
utile». Je croyais que c'était dissocié de la formule dite
stage coopératif, parce que, là, stage coopératif, moi, je
suis plus ouvert. Je crois que, effectivement, il y a plus de jeunes qui
choisiraient cette formule-là si on la rendait un peu plus
systématique et qu'on l'intégrait à leur contenu de
formation. Mais uniquement sur le premier volet, que ce soit l'État ou
les entreprises ou peu importe, ceux qui auraient l'initiative d'offrir de
meilleures possibilités de travail, moi, j'hésitais parce que ce
n'est pas la connaissance que j'ai. Les jeunes au collégial ne vont pas
prendre un emploi pour aller se chercher une expérience de travail. Un
très grand nombre de jeunes sont obligés de le faire pour des
raisons...
Mme Jérôme-Forget: Économiques.
M. Gendron: ...d'ordre économique et d'ordre de choix de
vie personnel un peu. Combien de jeunes m'ont dit: Écoutez! Moi, je veux
avoir un peu de rayonnement et d'autonomie personnelle, et la seule
façon de l'envisager, cette autonomie-là, c'est d'aller me
chercher un gagne qui me permettra de faire des choix personnels.
Mme Jérôme-Forget: D'accord. Enfin, c'est un peu ce
dont je voulais parier dans le mémoire, d'incorporer un peu au niveau du
régime allemand.
M. Gendron: Ça va. Une autre question que j'aimerais
aborder avec vous. Je pense que vous n'avez pas tort - là, je vais
m'expliquer davantage - de souhaiter qu'il y ait plus de jeunes qui
puissent être capables d'avoir une plus grande
variété d'options, de programmes, de formules. Et, à un
moment donné, à la page 14, vous dites: Ce qu'il leur manque,
c'est la possibilité de choisir entre différentes formules et
différents programmes. Cependant, ce que nous avons entendu par
plusieurs, dans certaines concentrations - et je pense à ffle de
Montréal - pour des raisons de coûts et pour être capable
d'offrir un peu plus de support, des mesures d'encadrement qui sont des
éléments qui sont assez remarqués comme étant
absents au niveau collégial, ce qui fait que ça a une incidence
forte sur le taux de décrochage, sur l'abandon et les sentiments que
vous décriviez au tout début de votre mémoire à
l'effet que les jeunes, on leur demande jeunes de prendre des décisions
majeures d'importance... Et là, vous dites: S'ils pouvaient choisir
entre une plus grande variété de formules et d'offres de
programmes, alors que, moi, je pense qu'il faudrait plutôt resserrer les
options dans certains bassins de population et je pense en particulier sur
l'île de Montréal. Il y a trop d'options offertes et les jeunes ne
savent pas exactement lesquelles choisir. Et j'aimerais bien mieux essayer de
rationaliser et d'économiser un petit peu d'argent là parce que
je pense qu'il y a des abus d'offre, compte tenu des coûts au niveau des
instruments de support. Si on offre telle option, ça prend quand
même des équipements pour la soutenir, ça prend une masse
critique.
Mme Jérôme-Forget: Je pense qu'on s'est mai fait
comprendre, M. le député. En termes d'options, ce n'est pas
d'offrir plus de cours. Je pense qu'il y a déjà beaucoup trop de
cours qui sont donnés au niveau des cégeps. C'est l'idée
de regrouper des espèces de programmes, de donner des choix. On ne parle
pas de choix en termes d'offrir plus de cours; ce sont des regroupements de
cours. Vous avez des étudiants qui aimeraient, par exemple, s'inscrire
à un programme où il y a de la musique. Vous avez le
«liberal arts» qui est l'équivalent de ça. Donc,
c'est de regrouper des cours où l'étudiant suit ses cours de base
- français, mathématiques, sciences, etc. - mais c'est compris
dans un programme. Ce n'est pas d'aller ajouter un autre cours à la
gamme des 132 cours qui sont déjà offerts aux étudiants,
où ils peuvent choisir. C'est pas ça qu'on voulait dire.
Peut-être que ça a été mal exprimé et je m'en
excuse.
M. Gendron: Non. C'est parce que vous avez employé
«en élargissant l'éventail des options» et je pense
qu'en choisissant le terme «options» vous faisiez
référence aux programmes. Non, vous vous êtes bien
exprimée. Mais, moi, je ne change pas d'avis pareil par rapport à
ce que vous avez déjà dit antérieurement. Les jeunes, ils
sont de niveau collégial et il me semble que plus vous élargissez
la plage potentielle d'offres, ce n'est pas au bonheur de l'enseignement, selon
moi. Et c'est ça que je voulais vous faire apprécier. Compte tenu
que vous êtes des gens qui ont fouillé pas mal les questions
éducatives, il m'apparaît que ça devrait être
davantage à l'ordre universitaire. Parce que, là, on s'en va dans
de la spécialisation, on s'en va dans ce qu'on appelle de la formation -
je vais employer une expression un peu plus personnelle, là - où
la connaissance au mérite pure a plus sa place. Le jeune ou la jeune qui
fait un deuxième cycle universitaire ou un niveau de maîtrise...
Il y a des gens qui ne le font pas nécessairement avec l'orientation du
marché du travail. Alors que c'est très rare qu'au
collégial le jeune n'est pas imprégné d'avoir une bonne
connaissance de base en vue de deux choses: ou bien par une technique, il
prétend que c'est avec ça qu'il va aller gagner sa vie, ou bien
il va faire du préuniversitaire parce qu'il veut continuer. Est-ce que
vous partagez cette philosophie?
Mme Jérôme-Forget: Bien sûr!
M. Gendron: Oui?
Mme Jérôme-Forget: Oui. Mme Harty.
Mme Harty: Oui. C'est un peu ce qu'on proposait. C'était
d'avoir, comme on a dit, une formation de base. On pourrait faire des divisions
quand même. Il y a les sciences humaines, peut-être; on pourrait
garder ça comme une formation. Il y a aussi les sciences pures. Si on
regarde, par exemple, les sciences humaines, on pourrait avoir, comme on a
écrit, différentes approches, c'est-à-dire qu'on pourrait
avoir une approche plutôt «liberal arts», un genre de
même, quelque chose comme ça. Alors, on garderait les mêmes
cours, c'est-à-dire qu'il y aurait toujours les mathématiques, la
philosophie, l'histoire, le français, etc. Mais ii y aurait une approche
un peu différente. On offrirait différentes approches, mais la
formation de base serait toujours là. Même chose pour les sciences
pures. (20 h 50)
M. Gendron: Merci. Peut-être un dernier point. Vous
indiquez, à un moment donné, que le premier but de nos
collèges serait de former des jeunes et non pas de garantir un emploi
permanent aux professeurs. Pas de trouble avec ça quand on le dit comme
ça. Nous qui avons à faire des choix, comme membres de cette
commission, ou plus particulièrement la ministre qui devra
apprécier un certain nombre de choses, il n'y a pas beaucoup de gens qui
ne conviennent pas de cette logique que le centre de nos préoccupations
doit demeurer l'élève, le jeune. D'autres disent les professeurs,
parce que c'est eux autres, quand même, qui dispensent l'acte
pédagogique, et je suis un peu de ceux-là. Est-ce à dire
que vous seriez d'accord qu'au niveau
collégial il faudrait revoir de fond en comble on va appeler
ça peut-être pas nécessairement les droits acquis, mais les
conditions du corps professoral? Est-ce qu'il faudrait revoir ça?
Exemple, la permanence, concrètement, est-ce qu'on remet ça en
question ou pas? Parce que ça a des avantages d'offrir, quand on la
regarde objectivement, la permanence d'emploi, j'entends, à moins
d'être congédié pour motif ou cause... Et vous savez ce que
c'est, je n'entrerai pas dans des considérations syndicales abusives.
Mais il y a des avantages à avoir une équipe professorale de
qualité, qui est souvent un peu la même, qui se perfectionne
année après année, puis tout ça. Est-ce à
dire, concrètement, que vous avez des recherches ou des
réflexions qui vous amèneraient à conclure que le moment
est venu de requestionner complètement la permanence syndicale de
l'équipe professorale au niveau collégial? Est-ce que c'est
ça que vous remettez en cause?
Mme Jérôme-Forget: Je pense qu'on n'allait pas aussi
loin que de remettre en cause la permanence. Ce qu'on disait essentiellement,
c'est une donnée... Effectivement, peut-être que ça a l'air
un peu cavalier de le dire comme ça, ça ne doit pas être
ça, la priorité. Il faut, à mon avis... Vous savez, dans
plusieurs secteurs dans nos sociétés aujourd'hui, on a ce que
j'appelle la langue de bois. On ne dit pas tout et on ne peut pas le dire et,
par conséquent, je pense qu'au niveau de l'éducation il y a
également certaines approches qui ne sont pas nécessairement
faites dans l'intérêt des jeunes. Et on peut comprendre, tout le
monde est d'accord avec la permanence quand on veut soutenir les objectifs que
vous avez soulignés, et vous l'avez illustré brillamment,
c'est-à-dire qu'on veut avoir des enseignants qui sont disponibles, qui
se concentrent, qui se spécialisent, etc. Donc, l'un ne va pas
nécessairement contre l'autre. Mais il n'en demeure pas moins que la
permanence, également, à l'occasion, si c'est notre premier
critère, on perd de vue l'objectif pour lequel on a des
écoles.
M. Gendron: Je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): M. le député
de Sherbrooke.
M. Hamel: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais
peut-être vous poser une couple de question, Mme
Jérôme-Forget, sur le chapitre de l'autonomie. Vous mentionnez,
entre autres, que «des recherches récentes, menées aux
États-Unis, ont révélé que les écoles qui
excellaient étaient les écoles où la bureaucratie
intervenait peu», et vous nous invitiez, nous, membres de la commission,
à examiner le cas des écoles d'East Harlem. Mais, d'une part, je
ne suis pas certain si on peut transposer, pour l'ensemble des cégeps
du
Québec, le cas des écoles d'East Harlem, qui ont
sûrement eu une réussite notable. Ensuite, vous nous proposez des
recommandations assez précises; entre autres, vous dites: Que la
commission considère les avantages qu'il y aurait à accorder une
plus grande autonomie aux cégeps pour ce qui est de contrôler leur
budget. Mais jusqu'où, à l'intérieur de quelles limites un
établissement public doit-il situer le contrôle de son budget,
d'une part?
Mme Jérôme-Forget: Vous savez, vous avez le choix de
le faire contrôler par une bureaucratie qui va déterminer comment
vous devez allouer cet argent-là. Vous avez, dans les hôpitaux,
des budgets globaux que les hôpitaux administrent selon certaines
règles et je pense que ça se fait de façon
extrêmement harmonieuse. Et chaque hôpital peut, dans le fond,
prendre certaines décisions importantes. Il n'en demeure pas moins
qu'ils doivent offrir des services de santé, H n'y a personne qui a mis
ça en doute.
Je pense qu'au niveau des cégeps on pourrait laisser une plus
grande latitude. Il est clair - ça semble de plus en plus évident
dans la littérature - que, dans le fond, la direction de l'école
est l'élément critique pour assurer le succès de
l'école et que, dans le fond, c'est au niveau de l'administration, de la
prise en charge de l'intérêt, de l'impression d'être en
contrôle qui fait la différence. C'est le management de
l'école, qui semble faire une différence dans les
écoles.
M. Hamel: Alors, est-ce que vous iriez jusqu'au budget total,
complet?
Mme Jérôme-Forget: Je donnerais un budget global
avec certaines obligations de rendre des comptes, à savoir combien...
N'oubliez pas que j'ai également les bons. Donc, l'étudiant,
c'est-à-dire le consommateur, choisit son école et, par
conséquent, l'école vit à même l'argent qu'elle
reçoit de ses consommateurs, de ses étudiants, des gens qui
viennent s'inscrire, premièrement. Deuxièmement, je pense qu'une
approche décentralisée de gestion a toujours
démontré que les gens sont généralement
responsables. Bien sûr qu'il y a des abus, mais c'est pour ça
qu'il y a des vérifications, des contrôles qu'on peut mettre en
place pour être sûr que l'argent est dépensé
correctement et rigoureusement en vue de l'éducation. Alors, je
laisserais beaucoup de latitude, moi, au niveau des budgets.
M. Hamel: Maintenant, un peu plus loin, vous dites aussi qu'il y
aurait possibilité de concevoir, dans une certaine mesure, leur propre
programme. Est-ce que vous iriez même jusqu'à proposer que les
cégeps délivrent leurs propres diplômes?
Mme Jérôme-Forget: Je pense qu'il faudrait
que les cégeps... Vous savez, ce n'est pas tellement le
diplôme que quelqu'un donne comme les succès que les cégeps
vont avoir. Encore là, j'ai dit qu'il fallait trouver des mesures
quanti-fiabtes pour mesurer le rendement. Vous pouvez avoir des cours qui sont
donnés, qui supposément sur papier sont extraordinaires, sauf
qu'aucun des étudiants qui terminent dans ce cégep en ayant ces
beaux papiers ne réussit à se faire accepter dans une
université. Si tel est le cas, moi, je crois que les mesures
quantifiâmes, à savoir combien de vos étudiants ont
terminé et combien par la suite réussissent ou à obtenir
un emploi au niveau professionnel ou, si c'est le préuniversitaire,
à aller à l'université... Alors, vous avez toutes sortes
de mesures qui sont beaucoup moins bureaucratiques, beaucoup moins
technocratiques et qui vous donneraient des indicateurs de performance. Et,
moi, je pense que c'est plus valable de mesurer... On l'a vu, d'ailleurs, par
un exercice très rapide avec L'Actualité qui avait fait un
effort... Vous avez eu ça avec MacLean's également
où on a fait l'évaluation des universités et il y en a
plusieurs qui ont crié au désespoir en se voyant à la
dixième rangée plutôt qu'à la première. Il
n'en demeure pas moins qu'on peut trouver des façons de mesurer et de
quantifier. Il y a d'autres façons... Je ne dis pas que je laisserais
complètement la latitude aux cégeps. Je pense qu'il faudrait
qu'il y ait certains critères. Mais je pense que la
société est capable de juger. D'ailleurs, déjà
ça se fait. Vous voyez les étudiants qui veulent aller en
sciences, ils demandent d'abord d'aller à Bois-de-Boulogne.
C'était comme ça déjà. C'est encore comme
ça. D'ailleurs, à Bois-de-Boulogne, Mme Harty me disait justement
qu'ils demandent des contrats avec leurs étudiants pour que les
étudiants s'engagent. Alors, il y a une espèce d'engagement. Et
je pense que ça c'est très important au niveau du
succès.
M. Hamel: Merci, madame. Ça va, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Hovington): En conclusion, Mme la
ministre.
Mme Robillard: Ça va, Mme la Présidente. Il nous
reste à vous remercier, Mme Jérôme-Forget, d'être
venue partager vos réflexions avec nous au niveau de la commission pour
nous apporter un éclairage supplémentaire. Merci bien.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, merci, au nom des
membres de la commission de l'éducation, d'être venues nous faire
part de votre mémoire. Merci et bonsoir. J'inviterais maintenant le
cégep de Jonquière à bien vouloir prendre place
immédiatement, s'il vous plaît. (21 heures)
Bienvenue au cégep de Jonquière à la commission de
l'éducation. Bonsoir, messieurs dames. Vous êtes
représentés par la présidente du conseil d'administration
- c'est ça? - qui est Mme Germaine Bolduc.
Cégep de Jonquière Mme Bolduc (Germaine): C'est
bien ça.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, bienvenue, Mme
Bolduc et, si vous voulez bien nous présenter les personnes qui vous
accompagnent, vous aurez 20 minutes pour nous faire la présentation de
votre mémoire.
Mme Bolduc: Merci. Merci, Mme la Présidente de la
commission permanente de l'éducation. Mme la ministre de
l'Éducation et de l'Enseignement supérieur et de la Science,
mesdames et messieurs les députés membres de la commission
parlementaire, à titre de présidente du conseil d'administration
du cégep de Jonquière, il me fait plaisir de vous
présenter, à ma droite, le directeur général, M.
Jacques Vézina; à ma gauche, Mme Sylvie Bergeron, qui est
directrice des services pédagogiques; à l'extrême droite,
M. Michel Perron, coordonnateur du groupe de recherche Écobes
rattaché au cégep de Jonquière, et, à
l'extrême gauche, M. Laurier Tremblay, conseiller pédagogique en
animation et développement pédagogique.
La Présidente (Mme Hovington): Bonsoir. Allez-y.
Mme Bolduc: Alors, dans un premier temps, je vous livrerai les
résultats de notre réflexion sur l'avenir des cégeps; par
la suite, je solliciterai l'expertise des membres de notre
délégation pour répondre à vos questions et
expliciter nos points de vue.
Alors, dans le cadre de cette réflexion sur l'enseignement
collégial québécois, le conseil d'administration du
cégep de Jonquière veut témoigner de la vitalité
d'un collège d'enseignement qui évolue, s'adapte et se
développe au rythme de la société québécoise
et de la région dans laquelle il s'incarne depuis 25 ans.
Le cégep de Jonquière, établi en milieu industriel
et commercial, est né du mariage d'un collège classique et d'un
institut de technologie. Il a su faire cohabiter harmonieusement, dans un
même établissement d'enseignement, les jeunes et les adultes qui
choisissent, dans une proportion de 25 %, la formation universitaire alors que
75 % optent pour la formation technique.
Les acquis de l'enseignement collégial en général
et les réussites de notre propre institution en particulier ne doivent
pas masquer certaines lacunes de notre système scolaire
québécois. Les questions centrales que nous soulevons dans la
première partie de notre mémoire sont les suivantes: Quelles sont
les principales incohérences qui empêchent le réseau
collégial et l'ensemble des structures scolaires de
répondre adéquatement aux besoins et aux attentes de la formation
de la société québécoise? Quels changements
devrait-on apporter aux objectifs que nous poursuivons et aux stratégies
que nous adoptons afin de mieux coller aux réalités d'une
société en changement perpétuel? Compte tenu de la
vocation professionnelle de notre institution, notre réflexion et nos
recommandations sont teintées plus fortement du cheminement de notre
institution en regard des besoins de l'enseignement technique auquel nous
cherchons à répondre de mieux en mieux.
Dans la seconde partie de notre mémoire, nous mettons l'accent
sur une facette de plus en plus visible de notre action, soit celle de notre
contribution en matière de développement de la
collectivité. Non seulement le cégep de Jonquière s'est-il
toujours occupé de préparer une main-d'oeuvre qualifiée
pour répondre aux besoins de l'entreprise, il s'est également
impliqué dans le développement des entreprises elles-mêmes
et dans celui de l'ensemble de la collectivité. Un constat s'impose
toutefois: le cégep est à l'étroit dans la mission telle
que définie dans l'actuelle loi des collèges.
Le cégep, tout comme la société
québécoise, fait face à des choix difficiles. Les analyses
socio-économiques, les études et les recherches en
éducation réalisées par des organismes ou des groupes
d'experts nous orientent fortement vers des choix de plus en plus convergents.
Il nous faut réactualiser la mission du réseau collégial
dans une perspective qui colle aux besoins et aux réalités de la
société d'aujourd'hui, c'est-à-dire mutation
socio-économique, mondialisation des marchés, concurrence et
compétitivité de la production, transformation des structures
industrielles, présence accrue des nouvelles technologies et
diversité des clientèles. Ainsi, le questionnement posé
sur le réseau collégial est d'abord celui de sa capacité
à former des travailleuses et des travailleurs aptes à
réaliser le Québec compétent et compétitif en lien
avec les exigences de formation que cela impose.
Dans un monde en constante et rapide mutation, il apparaît
essentiel de former des personnes autonomes et capables d'apprendre par
elles-mêmes. L'ouverture d'esprit, la curiosité intellectuelle, la
capacité d'analyse et de synthèse sont des attitudes et des
habiletés qu'il convient de développer très tôt et
tout au long du cheminenent de formation.
De plain-pied dans cette nouvelle civilisation, nous sommes pourtant
renvoyés à des contradictions qui étonnent: augmentation
du décrochage scolaire, augmentation du taux d'analphabétisme
fonctionnel, décroissance des clientèles dans les secteurs de
formation professionnelle, particulièrement dans les champs des
techniques physiques et de l'administration où la demande en
main-d'oeuvre est en croissance. Dans une entreprise de remise en question
comme celle proposée par la commission parlementaire sur le
réseau collégial, il y a souvent des réalités bien
quotidiennes qui échappent à notre vision d'experts. Les
conditions concrètes dans lesquelles doivent vivre les étudiants
sont de celles-là.
D'autres phénomènes de société nous
interpellent aussi fortement, tels la montée de la violence à
différents niveaux, les taux élevés de suicide en
général et chez les jeunes en particulier, la faible importance
accordée à la condition physique et le vieillissement de la
population, etc. Toutes ces réalités questionnent fortement la
forme et les structures de l'école et celles du système scolaire.
Même avec des programmes d'enseignement technique mieux adaptés ou
renouvelés, sommes-nous assurés d'y intéresser davantage
les élèves et de les faire réussir? Qui doit-on former
dans les 20 prochaines années? Le savons-nous clairement? Avons-nous
toutes les connaissances requises pour comprendre les itinéraires
réels des jeunes ou des adultes dans leur processus de formation?
Pouvons-nous nous doter d'un système qui fera preuve d'une meilleure
cohérence d'ensemble? Veut-on davantage des collèges
d'État ou des collèges autonomes?
Mais qu'en est-il de l'accessiblité aux études
supérieures? Un des objectifs de l'enseignement collégial est de
former une main-d'oeuvre qualifiée pour répondre aux besoins de
la société. Bien que l'accessibilité se soit grandement
améliorée avec la réforme de 1967, il n'en demeure pas
moins que de nombreuses barrières à la fréquentation et a
la réussite scolaire subsistent, entre autres, les préalables
à l'admission dans certains programmes et les contingentements
institutionnels ou ministériels, les contraintes du milieu du travail
vis-à-vis le retour aux études, l'hermétisme des
programmes de subvention à la formation et leurs conditions
d'admissiblité, les facteurs liés à l'origine sociale et
à la motivation, de même que ceux liés à la distance
géographique. Les études méritent toutefois d'être
plus poussées afin de mieux identifier et mieux connaître les
clientèles et leurs cheminements antérieurs.
Mieux comprendre pour mieux agir. Si l'on veut réduire les
écarts qui s'agrandissent dans la société, les
collèges devront chercher à rejoindre les élèves
qui ont décroché par manque de motivation, par carence des acquis
de formation ou encore pour des raisons économiques et sociales. De
façon systématique, des mesures diversifiées devront
être mises en oeuvre pour faire face à ce défi d'assurer
à toutes et à tous des chances réelles de réussite
à l'école. Mentionnons, entre autres, des programmes
d'intégration adaptés aux caractéristiques des
clientèles, à leurs acquis scolaires; un renforcement des mesures
et des ressources d'aide à l'apprentis-
sage; une organisation des études qui tienne compte
des caractéristiques des clientèles; des programmes
expérimentaux tels que: accès des adultes au D.E.C., insertion
sociale et professionnelle des jeunes. De plus en plus, les collèges
seront appelés à faire preuve d'originalité, de souplesse
et d'ouverture pour s'ajuster a la diversité des clientèles, dont
fait état, notamment, le Conseil supérieur de l'éducation,
et pour favoriser la réussite des études. Il faut sortir d'une
vision monolithique qui laisse croire qu'un seul modèle répond
à tous les besoins.
L'un des grands défis des 20 prochaines
années en éducation risque bien d'être celui de la
pédagogie et de la capacité du système scolaire de
s'adapter aux besoins du marché du travail et de la
société. C'est un défi à multiples facettes dont
les principales avenues sont, d'une part, le renouvellement des modèles
d'enseignement et d'apprentissage et, d'autre part, la consolidation du
développement professionnel des enseignantes et des enseignants. (21 h
10)
C'est pourquoi nous recommandons, premièrement, de
donner à la structure d'accueil du réseau collégial le
plus de flexibilité possible pour qu'elle puisse favoriser
l'entrée, la persistance et la réussite des diverses
clientèles étudiantes dans des programmes d'études qui
conduisent à des formations reconnues et assurer le recyclage ou la mise
à jour des compétences par des approches de formation continue;
deuxièmement, nous recommandons de créer un centre
québécois de recherche appliquée d'aide à
l'apprentissage qui développerait notamment une expertise
particulière en lien avec de nouveaux modèles de formation et qui
prendrait davantage en compte la spécificité des
clientèles en difficulté dans le réseau
collégial.
Quant à la réforme des programmes, nous
sommes d'avis qu'une formation générale et polyvalente,
constituant un ensemble intégré de cours, est un
élément de richesse et d'originalité des programmes de
formation collégiale. Une telle formation polyvalente est une des
exigences les plus évidentes dans notre société en
mutation. Les besoins des entreprises et des organisations du monde du travail
se modifient sans cesse sous l'influence de différents facteurs,
particulièrement celui de la conjoncture économique. Les
étudiantes et les étudiants ont aussi de plus en plus de
difficulté à situer leur champ d'intérêt
professionnel de manière définitive. Nous recommandons ainsi
d'offrir, dans la formation initiale, des blocs de formation
générale commune afin de favoriser l'acquisition de connaissances
et d'habiletés transférables à d'autres disciplines et
à plusieurs champs d'activité ou d'apprentissage.
Par ailleurs, la conception, la réalisation et
l'évaluation des programmes de formation doivent être des
responsabilités mieux définies. Toutefois, il y a lieu
d'alléger la structure administrative de la Direction
générale de l'enseignement collégial en responsabilisant
davantage les administrations locales. Cette approche favorisera ainsi les
ajustements plus rapides aux programmes de formation offerts ou à
offrir.
L'élaboration des programmes à partir des
compétences recherchées demeure une avenue intéressante
à exploiter en autant que la définition de ces compétences
ne soit pas asservie exclusivement à la volonté, aux
désirs ou aux stricts besoins du marché du travail ou de
l'entreprise spécialisée. Elle doit également tenir compte
des besoins des individus. Nous affirmons de plus que l'un des
impératifs du système d'éducation québécois
est de rechercher et de définir des passerelles de l'enseignement
professionnel du secondaire vers l'enseignement collégial, professionnel
et général. Nous recommandons aussi de définir et de
mettre en place des passerelles de la formation collégiale technique
vers l'université et de l'université vers une formation technique
avancée et reconnue dispensée dans des centres d'excellence de
niveau collégial.
Le collège de Jonquière a
développé, dans des centres d'excellence et dans des programmes
de formation, des expertises originales qui doivent demeurer accessibles
à notre population. Le développement local et régional
s'appuie d'abord sur des personnes bien et toujours mieux formées. Au
nom même du développement des régions, il est
impératif de maintenir l'accessibilité d'une population à
des établissements de formation.
Mais qu'en est-il de la contribution du cégep de
Jonquière au développement de la collectivité? Le
cégep de Jonquière est l'un des rares collèges à
refléter la cohabitation de la formation générale et de la
formation professionnelle dans les proportions indiquées dans le rapport
Parent. Il est aussi celui qui s'est enraciné profondément dans
son milieu comme partenaire du développement des collectivités
locales et régionales. Mais attention, les modèles d'implication
ne savent être uniformes et linéaires. Parmi les nôtres,
relevons celui du Centre linguistique, de l'éducation permanente, du
Centre de production automatisée, du Service de formation et de
consultation en communication, du Service de coopération et de
développement international et du groupe de recherche sur les conditions
de vie et les besoins de la population. Nous avons ici un chercheur dans ce
sens-là. De plus, de nombreux programmes ont été
structurés pour soutenir le développement et l'évolution
des entreprises.
Sous certains aspects de nos interventions, nous allons
au-delà du strict apport pédagogique traditionnel. Sous d'autres
aspects, notre implication s'inscrit, apparemment, aussi au-delà de la
pédagogie et elle s'exprime par le Blais de services de production, de
consultation et d'aide technique. Par ailleurs, certaines de nos
activités
se déroulent à l'intérieur des limites de notre
municipalité. D'autres s'extensionnent à l'ensemble de la
région administrative. Certaines se vivent à l'échelle du
Québec; d'autres, au-delà. Mais, chaque fois, il faut comprendre
que nos interventions procèdent, participent et contribuent au
développement des collectivités.
En ce qui concerne la recherche scientifique et le développement
technologique, les acquis de notre institution sont importants. Nous
souscrivons aux objectifs de la Fédération des cégeps et
à ceux de l'Association pour la recherche au collégial, lesquels
portent sur le développement d'un modèle de recherche
approprié aux objectifs et à la mission renouvelée des
collèges. Parce qu'elle est un moteur de création d'emplois de
haut niveau, la recherche constitue un instrument privilégié de
développement.
Des actions orientées vers l'avenir. Notre cégep poursuit,
de plus, son développement à travers les nouveaux modèles
d'intervention générés par la crise économique. Les
maillages et les grappes industrielles sont à l'ordre du jour chez nous
également. Partenaire de premier choix dans un centre de haute
technologie avec la Société de développement
économique de Jonquière et la ville de Jonquière,
présent dans le Groupe d'application des matériaux de l'aluminium
et du papier, avec les sociétés de développement
économique de Jonquière, de La Baie et SOCCRENT, le cégep
n'hésite pas à initier et à soutenir certains projets, et
cela, dans les limites de ses moyens. Les multiples activités du
cégep, qui se vivent à travers nos centres et nos services, sont
pourtant intégrées à la vie collégiale. La nature
des services rendus, la forme de financement, les modes de gestion
diffèrent de ce que l'on convient d'appeler l'enseignement ordinaire.
Mais, dans les faits, les interrelations entre les personnes impliquées
dans des activités régulières d'enseignement et celles
attachées aux autres services sont importantes. Les unes profitent des
expériences et des acquis des autres et le chemin se fait dans les deux
sens.
Voilà pourquoi nous recommandons à la présente
commission d'élargir la mission des cégeps et de l'actualiser
afin de la rendre plus conforme à leur réalité et à
leur développement, compte tenu de la diversité de leurs
approches et de leurs activités menées auprès des
entreprises et des organismes communautaires et d'y inclure, de plus, des
activités de recherche appliquée.
Le financement en situation de rareté de ressources. Dans ce
contexte où les cégeps ont une mission d'enseignement
supérieur et qu'ils sont des institutions de progrès des
collectivités, particulièrement dans les régions, il est
nécessaire de poursuivre les efforts de démocratisation et
d'accessibilité consentis depuis quelques décennies. De plus, il
apparaît important de définir des alternatives autres que celles
qui mettraient en cause le principe de la gratuité scolaire.
L'introduction d'un ticket modérateur ne nous apparaît pas une
solution convenable.
Les collèges pourraient générer des fonds
additionnels. Voici quelques exemples. Une participation accrue de l'entreprise
privée par un meilleur soutien à des programmes de bourses aux
étudiants et étudiantes, ainsi que par des prêts ou des
dons d'équipement. Une participation plus importante du secteur
privé à la gestion de certaines activités satellites des
collèges, tels services alimentaires, résidence, etc. Un
programme de crédits d'impôt plus articulé et mieux
adapté aux individus et aux entreprises. (21 h 20)
L'atteinte d'un niveau de cohérence plus adéquat pourrait
permettre au gouvernement d'économiser et de réaffecter des
sommes importantes. Les coûts en éducation ne sont pas hors de
contrôle. L'inflation et les augmentations importantes des coûts
des services publics ont créé une pression accrue au cours des
dernières années. Il est prévisible que d'ici la fin du
siècle cette même pression s'atténuera. Le système
actuel, qui rend responsable chaque collège de ses surplus ou de ses
déficits, doit être maintenu.
L'État, dans une période de récession
économique, sent toujours le besoin de limiter et de comprimer les fonds
nécessaires à la formation. Pourtant, le Québec doit, dans
l'ensemble, augmenter le niveau de scolarité de ses citoyens et
citoyennes et les rendre aptes à assumer les changements technologiques
nombreux et rapides qui suivent des cycles de plus en plus courts. C'est l'un
des défis créés par le libre-échange et la
mondialisation des échanges et des marchés. C'est pourquoi nous
recommandons d'amender certaines dispositions de la loi des collèges
afin de donner aux cégeps une plus grande marge de manoeuvre dans la
gestion de la mise en valeur de leurs activités et des résultats
de leurs recherches. Nous recommandons, finalement, de mettre en oeuvre des
moyens incitatifs pour que le secteur privé s'implique
financièrement et de façon signifiante dans la formation et qu'il
reconnaisse, tout comme les entreprises européennes et
américaines, l'implantation de modèles de formation continue qui
conviennent aux besoins d'ici.
Voilà l'essentiel du mémoire du conseil d'administration
du cégep de Jonquière. Nous vous remercions de nous avoir permis
de présenter ici ce mémoire.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup, Mme
Bolduc.
Mme Bolduc: Et j'ajouterais, à moins que vous
désiriez vous adresser à une personne en particulier, que c'est
M. le directeur général du cégep, M. Vézina, qui
recevra les questions.
La Présidente (Mme Hovington): Ha, ha, ha! D'accord.
Merci, Mme Bolduc. Alors, Mme la
ministre, vous avez la parole.
Mme Robillard: Chacun son travail, n'est-ce pas, Mme Bolduc?
Mme Bolduc: Voilà!
Mme Robillard: Une bonne répartition. Écoutez,
ça me fait plaisir de vous accueillir, les représentants du
cégep de Jonquière et Mme la présidente du conseil
d'administration. Je veux vous féliciter pour la qualité de votre
mémoire. Je trouve que, à partir de votre réalité,
qui est très régionale, je dirais très collée
à votre milieu, et vous nous l'avez dit, vous avez des options, au plan
professionnel, tel que le voulait le rapport Parent. Votre mémoire colle
très bien à cette réalité-là. Je pense qu'il
y a plus des deux tiers de vos recommandations qui touchent la formation
technique; alors, on voit déjà bien la spécificité
du cégep de Jonquière. Mais, à partir de cette
réalité régionale, je trouve que vous avez gardé
une vision d'ensemble sur le réseau collégial et ça en
fait une qualité au niveau de votre mémoire. Et je pense que les
solutions que vous préconisez peuvent tout à fait s'appliquer
dans d'autres cégeps, sûrement.
Et la première question que je voudrais aborder avec vous, c'est
sûrement la question de l'accessibilité. Parce que vous dites: On
a fait des pas de géant depuis 1967, mais il y a encore des
barrières. Et vous en énumérez quelques-unes et vous nous
pariez beaucoup et vous nous recommandez qu'il y ait plus de flexibilité
dans une structure d'accueil au niveau du cégep comme tel. Vous explorez
certaines avenues, mais j'aimerais ça aller plus loin avec vous quand
vous pariez d'une structure d'accueil et d'intégration en tant que
telle. D'abord, est-ce que je comprends bien qu'il ne s'agit pas d'une
propé-deutique, c'est-à-dire qu'on n'ajoute pas au curriculum
normal du programme? Ça fait partie du programme, de n'importe quel
programme. D'abord, est-ce que je comprends bien ça?
Mme Bolduc: Je demanderais à M. Vézina d'y
répondre.
M. Vézina (Jacques): Vous avez parfaitement raison, Mme la
ministre.
Mme Robillard: C'est dans ce sens-là. M. Vézina:
Oui.
Mme Robillard: Maintenant, cette session, vous la destinez
à quels étudiants?
M. Vézina: C'est-à-dire que, si je peux me
permettre une réponse un peu d'ensemble, ce que l'on constate, dans
l'ensemble de la clientèle qui se présente au collège de
Jonquière, on doit d'abord distinguer, je pense, deux clientèles,
une clientèle assez jeune, une clientèle qui, pour le moment, est
toujours majoritaire, mais qui a tendance à perdre cette majorité
et à être remplacée par une clientèle de gens aux
alentours de 25 ans et plus et d'ex-personnes qui ont décroché du
système ou de gens qui ressentent des besoins de formation
peut-être plus importants pour occuper de nouveaux emplois. Donc, il y a
deux clientèles. si on s'attachait d'abord à la clientèle
qui provient des commissions scolaires, il y a environ - et je vous dis tout de
suite que les pourcentages sont des pourcentages très arrondis - 25 %
à 30 % des jeunes qui nous proviennent de l'école secondaire, qui
peuvent s'imbriquer très bien et sans difficultés
particulières dans le système collégial actuel. un
deuxième groupe qui, fondamentalement, à l'aide de toutes les
mesures déjà mises en place, que ce soit des centres d'aide, que
ce soit quelques heures de cours additionnelles, peut réussir et
réussira au niveau collégial. il reste un dernier bloc de 30 % ou
35 %...
Mme Robillard: 30 % celui-là aussi, le
deuxième?
M. Vézina: Environ de 30 % ou 35 % qui, à notre
strict point de vue, n'a pas la préparation nécessaire et
suffisante. Et je relie ça avec un des mots que vous avez
utilisés, le mot «accessibilité». Dans le fond, nous
avons deux choix. Ou bien nous disons: Les portes sont fermées, et ce
n'est pas la situation actuelle parce que je tiens quand même à
préciser que ces jeunes-là ont des diplômes d'études
secondaires. Je ne veux pas discuter de la valeur du diplôme, mais ils
les ont. Ces jeunes-là ont des lacunes assez importantes, d'une part,
et, un peu dans la foulée du mémoire de la
Fédération des cégeps, mais aussi un peu au-delà de
ce qui a été dit là-dedans, il y a des
nécessités d'avoir différents modèles pour
raccrocher ces jeunes-là et pour leur permettre, si on veut que
l'accessibilité soit une chose réelle, d'entreprendre et de
continuer, sans décrochage, des études collégiales.
Vous me permettrez juste une parenthèse là-dessus. Ce
qu'on constate actuellement dans le système: certaines personnes nous
arrivent au collégial avec un diplôme. Elles décrochent du
collégial après quelques semaines, quelques mois, une session,
des fois une année. Pour une partie, à l'heure actuelle, on les
retrouve, quelques mois après, au niveau d'une commission scolaire ou de
commissions scolaires dans un service d'éducation des adultes. Mais,
pour nous, il y a quand même une leçon à ça. Ou bien
ils l'ont, le diplôme d'études secondaires, ou bien ils ne l'ont
pas véritablement. Et, à l'heure actuelle, le système de
l'éducation des adultes des commissions scolaires devient plus exigeant
que la voie régulière. Je vous ai donné cet exemple
strictement pour expliquer et pour dire que nous avons
donc des étudiants qui réussissent, mais qui ont des
difficultés en français, en sciences, en mathématiques,
etc.
Donc, pour répondre précisément et
brièvement, en terminant, à votre question, nous avons toute une
série d'expérimentations qu'on a mises en place, qui sont des
programmes d'intégration, par exemple, aux technologies physiques, pour
permettre à des jeunes de mieux voir l'ensemble des technologies
physiques, mais nous le faisons toujours en les intégrant à des
groupes réguliers. Il n'y a pas de voies de garage ou il n'y a pas de
groupes isolés où ces jeunes-là se retrouveraient dans des
situations qui créeraient du décrochage. C'est un exemple ou deux
et j'espère avoir répondu un peu à votre question.
Mme Robillard: Oui, M. Vézina, mais ce que je comprends,
c'est que vous voyez cette session d'accueil et d'intégration pour des
élèves plus faibles, du troisième bloc, ce que vous m'avez
dit, et pas, par exemple, pour des élèves qui seraient dans une
période de réflexion aussi par rapport à leur orientation
qui n'a rien à faire avec leur dossier scolaire. Ils ne sont pas plus
faibles, mais ne sachant pas encore quelle sera leur orientation au niveau
collégial, ils bénéficieraient d'une structure d'accueil.
Est-ce que je vous ai bien saisi?
M. Vézina: Oui, je crois que vous m'avez bien saisi, mais
un n'empêche pas l'autre jusqu'à un certain point. Vous me
permettrez de revenir sur un programme d'intégration et de
définir quelques-uns de nos critères. Pour nous, un programme
d'intégration doit être rattaché à un champ
disciplinaire. Il doit comporter, entre autres, des activités de
sensibilisation à des champs de travail. Il doit s'appuyer aussi sur une
pédagogie différenciée et il doit inclure des cours de
mise à niveau et de conseils méthodologiques. (21 h 30)
Je pense que nous n'ignorons pas, personne, que les anciens cours
d'adaptation ou de méthodologie du travail, qui se donnaient autrefois
dans nos écoles secondaires, sont disparus pratiquement partout. Et,
à l'intérieur de ces moyens-là, dans le fond, c'est aussi
ce que veulent dire - et vous voyez ça souvent dans notre mémoire
- des questions et des mots comme «souplesse»,
«flexibilité» et «s'adapter à des
clientèles». Je veux juste dire là-dessus en terminant
qu'on ne parte que d'un type de clientèle qui s'appelle des jeunes, ce
troisième bloc, mais il y a aussi toutes les clientèles adultes
pour lesquelles il y a d'autres modèles qui s'appliquent ou qui
pourraient s'appliquer. Et c'est donc un effort d'adaptation.
Mme Robillard: M. Vézina, vous n'êtes pas sans
savoir qu'il y a d'autres représentants du milieu collégial qui,
eux, ont attaqué la valeur du diplôme du niveau secondaire, disant
qu'il y a des étudiants qui vous arrivent au collégial qui n'ont
pas la même préparation et que l'écart est énorme
entre, par exemple, avoir un diplôme d'études secondaires avec 130
unités versus en avoir 180, et qui demandent, qui nous conseillent donc
d'avoir des exigences plus grandes par rapport au contenu du diplôme
d'études secondaires. Ce n'est pas votre approche? C'est ce que je
comprends?
M. Vézina: Mme la ministre, je pense que nous aurons
à vivre et nous devrons vivre, au cours des prochaines années,
sans doute une période un peu transitoire, ce qui n'exclut pas du tout
ce que vous venez de dire qu'une réforme importante et que le fait que
le niveau soit élevé à l'école secondaire en
particulier, ceci se fasse. Donc, au moment où on se parle et sans doute
pour un certain nombre, espérons, de mois plutôt que
d'années, il y a tout un groupe de jeunes, si on considère qu'une
génération est de cinq ou sept ans maintenant, ce qui est quand
même un peu faux, pour qui je pense qu'il faut que le collégial
fasse un effort, même si c'est vu comme une mesure transitoire. Mais
ça n'empêche pas que le choix devra se faire, soit vers le
secondaire, soit vers le collégial.
Mme Robillard: Parfait. Vous nous recommandez, à la page
35 de votre mémoire, d'accorder plus de souplesse, de flexibilité
et d'autonomie dans l'organisation scolaire des cégeps pour mieux
répondre aux exigences de qualité... Est-ce que vous pourriez
m'apporter des précisions à cette recommandation qui
m'apparaît très globale?
M. Vézina: C'est-à-dire qu'écoutez je crois
ou nous croyons qu'on vit, depuis 25 ans, peut-être pas tout à
fait 25 ans, quelque part entre un collège d'État et un
collège autonome. Il est assez important de prendre, une fois pour
toutes, l'un des chemins. Et, lorsqu'on parie beaucoup d'autonomie dans notre
document, c'est que, dans le fond, on croit qu'on a assez de confiance et qu'on
a atteint une certaine maturité qui permet de satisfaire les besoins et
des individus et des entreprises, et ce, avec cette capacité de
souplesse et de flexibilité plus particulièrement au niveau des
programmes. Lorsqu'on parie des programmes, ce qui se produit, c'est que,
lorsque nous avons fini l'étude des besoins que l'ensemble de l'appareil
a récupérés, la plupart du temps le besoin a
changé. Et les cycles, comme on le dit dans notre mémoire, sont
de plus en plus courts, de plus en plus brefs. Et c'est absolument essentiel;
une certaine forme de décentralisation, une certaine autonomie des
collèges, nous croyons, peut permettre cette capacité
d'adaptation rapide.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M.
le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, Mme la Présidente. Je voudrais remercier
Mme la présidente du cégep de Jonquière ainsi que ses
collaborateurs. C'est toujours, sérieusement, très
intéressant d'avoir le point de vue d'un collège de
région, parce qu'on a toujours un volet qui traite également de
l'implication de l'institution dans son milieu. Mais j'avais envie,
d'entrée de jeu, l'heure s'y prête probablement, de faire une
boutade et de vous dire que ce qui m'a le plus frappé dans votre
mémoire, Mme la Présidente, c'est à la page 10. Parce que,
étant la présidente du cégep de Jonquière,
étant la région ou la circonscription au Québec qui a
rejeté le plus massivement l'entente de Charlottetown, je ne peux pas
passer inaperçu et ne pas rappeler le triple «e». Quand vous
avez dit: «Nous pourrions parler d'un système dit du triple
«e»: efficace, équitable et engageant», je n'ai pas pu
faire autrement que le noter. Et je dis bien que c'est juste une anecdote par
rapport à la belle victoire de la thèse que nous
défendions dans Jonquière. J'ai trouvé ça
drôle que vous nous rappeliez le triple «e».
Mais, plus sérieusement que ça, vous avez un bon
mémoire. Lorsqu'une instance comme la vôtre décide de faire
une quinzaine de recommandations étoffées sur des questions qu'on
débat depuis plusieurs semaines, on ne peut pas faire autrement
qu'être intéresse par ces recommandations et ces suggestions, et
ça vient, bien sûr, nourrir notre réflexion. Je pense que
c'est ça qui est le but de l'exercice et je pense que des cégeps
de région ont le droit, en plus d'exprimer des caractéristiques
qui leur sont propres, de s'intéresser, oux aussi, à des
questions un peu plus larges sur lesquelles leur avis doit être
considéré.
Mon collègue de Jonquière fera l'essentiel du
questionnement. Moi, je voudrais vous poser une couple de questions assez
rapidement. Lorsque, à la page 10, par exemple, vous avez parlé -
j'aimerais ça que vous soyez juste un petit peu plus précis,
là - d'avoir «des programmes d'accès des adultes au
diplôme d'études collégiales, d'insertion sociale et
professionnelle des jeunes», est-ce à dire que ça pose un
problème particulier chez vous, à Jonquière? Et est-ce que
vous croyez qu'il y aurait lieu de faire un petit peu plus d'efforts, en termes
de formation, au niveau de l'éducation des adultes, tout autant au
niveau des programmes qu'au niveau des mesures, d'une plus grande
accessibilité réelle en termes de formation continue et de
formation permanente? Autrement dit, est-ce qu'il y a un problème plus
spécifique ou si c'est uniquement parce que vos préoccupations
sont davantage axées sur l'éducation des adultes?
M. Vézina: Mme la Présidente, Mme la directrice des
services pédagogiques va répondre à cette question.
La Présidente (Mme Hovington): Mme
Bergeron? Allez-y.
Mme Bergeron (Sylvie): Monsieur, au niveau du programme
d'accès des adultes au D.E.C., nous avons eu ce que je qualifie de
privilège d'être collège expérimentateur suite
à une offre faite au réseau collégial par le
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science. En 1990,
41 adultes s'inscrivaient dans une démarche d'obtention d'un
diplôme d'études collégiales. De cette première
cohorte, 81 % des étudiants et étudiantes inscrits ont
persévéré et, à l'heure actuelle, 51 % ont obtenu
leur diplôme. Depuis ce temps, nous avons accueilli, en plus, 171
nouveaux et nouvelles étudiants et étudiantes. C'est donc que
ça répond à un besoin, c'est donc que l'adulte est
à la recherche de formation qualifiante pour répondre aux besoins
de l'employeur lorsqu'il est en emploi ou pour se requalifier lorsqu'il n'est
plus en emploi. Il faut dire que, de ces 21 qui ont obtenu leur diplôme,
15 ont obtenu un diplôme sans mention et, à ce titre, nous pensons
que le diplôme sans mention mérite d'être conservé
dans le règlement des études collégiales.
Les facteurs de réussite. Deux essentiellement. Il y en a
plusieurs autres, on se limite. Il y en a deux principalement. Des cours
obligatoires adaptés aux besoins des individus. Nous avons fait quelques
entourioupettes, entre autres, en offrant plutôt le programme
«humanities» que le programme de philosophie conventionnel. Et, un
deuxième élément de réussite, c'est l'accès
par les adultes aux différents services de soutien du collège, le
soir, les fins de semaine et sur consultation téléphonique.
Il reste certains problèmes d'arrimage. Nous sommes confiants
qu'avec le ministère nous y arriverons, particulièrement en ce
qui concerne le financement. L'effet du petit nombre joue. Par exemple, avec
l'entrée de nouveaux étudiants et nouvelles étudiantes qui
avaient déjà des antécédents collégiaux, qui
avaient donc déjà des cours de philosophie, nous avons dû
offrir un cours de philosophie 401 puisque six, sept individus seulement
auraient dû suivre le cours 401 «humanities». Et, bon, on a
soulevé souvent le problème du financement. La cohérence
des programmes gouvernementaux aussi, que ce soit ceux d'Emploi et Immigration
Canada ou ceux de Travail Québec et de l'aide sociale, pose certains
inconvénients. (21 h 40)
M. Gendron: Une autre, rapidement. Vous semblez proposer un
cheminement individualisé au niveau des élèves qui ont des
difficultés particulières dans le cheminement d'apprentissage.
Est-ce que vous croyez que c'est applicable d'avoir une formule
individualisée dans le cheminement du calendrier scolaire? Parce que,
page 11, «moduler la durée des sessions d'études en
fonction des rythmes d'apprentissage», ça veut dire une modulation
individualisée. Est-ce que
vous avez des expériences dans ce sens-là? Est-ce que vous
croyez que c'est faisable?
Mme Bergeron: Dans la continuité des interventions de M.
Vézina, si on parle d'accessibilité, si on parle de programmes
d'accueil souples, flexibles, nous nous devons d'avoir des programmes de
formation qui ont aussi cette souplesse, cette flexibilité. Nous
expérimentons différentes formules et tout le questionnement,
suite à notre expérimentation, nous amène forcément
aux questions de rythme d'apprentissage et de modulation.
Juste un constat: les étudiants, en session d'été,
réussissent massivement mieux leurs cours. Et pourquoi? Ce sont les
mêmes enseignants, nous avons vérifié avec eux, le
même plan de cours, les mêmes exigences académiques. Ce que
nous appelons les entraînements intensifs - et nous sommes en train de
l'expérimenter aussi dans le cadre d'un nouveau O.P.E.C. en infographie.
C'est assez important de voir la solidité et la rapidité des
apprentissages. Alors, on pense peut-être que des modules de 10 semaines
avec concentration où il y a des liens entre certaines disciplines
donnent de l'ancrage, de la solidité et de la
transférabilité aux apprentissages.
Pour d'autres qui ont une démarche ou un rythme un peu plus lent,
nous privilégions une pédagogie de la réussite.
Après 15 semaines, plutôt que de dire à un étudiant:
En mathématiques, tu as échoué ton cours, tu as 52,
peut-être que 10 heures complémentaires... Et c'est tout le
concept de formation manquante. Et c'est très intéressant de voir
que, actuellement, dans le réseau, ce concept est en train de
s'intégrer et le mode de financement de la reconnaissance des acquis...
Une pédagogie de la réussite mise sur les acquis et les
compétences développées et elle vise la formation
manquante. Pourquoi pas 20 %, 30 % d'une activité alloués en plus
pour permettre à ces étudiants, qu'on peut regrouper, de
poursuivre une démarche complémentaire? Ça évite
qu'ils doivent se réinscrire aux cours, une charge à
l'État, qu'à la fin de trois années de
fréquentation ces jeunes-là aient deux cours à reprendre.
Ils s'inscrivent à quatre cours pour bénéficier des
prêts et bourses et ils sont une charge importante pour la
société. Il y a là des avenues intéressantes
à analyser.
M. Gendron: Allez.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, pour entendre votre
voix ce soir, j'ai besoin du consentement de tous les membres de la commission
parce que vous n'êtes pas membre en règle de la commission de
l'éducation.
Mme Robillard: Je ne sais pas. Je ne sais pas si on va dire
ça. Je ne sais pas.
La Présidente (Mme Hovington): Est-ce qu'il y a
l'unanimité ou s'il y a des voix discordantes?
Une voix: Est-ce qu'on pourrait se concerter?
La Présidente (Mme Hovington): Ha, ha, ha! M. le
député de Jonquière, allez-y.
M. Dufour (Jonquière): Merci, Mme la Présidente.
D'abord, je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants du
cégep de Jonquière, leur dire que je suis très heureux de
la tenue de leur mémoire, de la valeur de leur mémoire, et
rappeler aussi que le cégep de Jonquière a été un
des deux premiers qui ont été établis dans tout le
Québec. Ça faisait suite à la mise en place... Il y avait,
dans le milieu, une école technique très performante;
c'était le cours classique en dehors des critères connus qui
étaient, dans ce temps-là, le grand séminaire ou les
séminaires tout court. Donc, le cours classique accessible à la
classe ouvrière ou à tout le monde. Mais je me permets de dire
que, chez nous, le cégep, c'est une réalité très
présente et, pour nous, c'est un peu aussi notre université,
jusqu'à un certain point. Parce que, effectivement, il faut admettre que
ça a démocratisé l'éducation, les cégeps.
Ça a permis à la classe ouvrière d'être beaucoup
plus près et de se donner une meilleure formation. Moi, je suis
très fier des réalisations qu'on a chez nous.
J'aurais aimé questionner sur l'ensemble des recommandations,
mais je veux me limiter à peu près à trois seulement, ce
qui n'enlève pas la qualité des autres. Par exemple, le cours
universitaire vers le cégep ou le cégep vers l'université,
ça me semble intéressant. On n'a pas le temps, malheureusement,
de le questionner.
Mais, moi, j'aimerais aller sur le développement régional.
Il y a une préoccupation, actuellement, constante, là, des
milieux, avec tout ce qui se passe sur le territoire du Québec, à
vouloir que les régions se prennent en main. Et je remarque la
recommandation 8: «Répartir les programmes de formation selon des
principes, des règles et des critères qui prennent en compte et
respectent le dynamisme et l'expertise développée dans les
cégeps et leur assurer les conditions nécessaires à leur
développement». Cette recommandation qui est là, j'aimerais
savoir, probablement du directeur général ou d'autres,
jusqu'à quel point ça vous cause de l'inquiétude. Puisque
vous en faites une recommandation, est-ce que vous pouvez nous dire, dans le
vécu, c'est quoi, les préoccupations, à ce moment-ci?
M. Vézina: Moi, je pense qu'en langage très clair
et d'une façon complètement décodée il est
absolument essentiel de préserver les programmes existant dans les
régions, surtout les programmes techniques qu'il y a dans les
régions, et ce, même si on a l'intention de créer des
organismes québécois, nationaux, panquébécois. Je
pense qu'il
est absolument essentiel pour les régionaux à
l'intérieur de ça, pas uniquement d'avoir une voix au chapitre,
mais d'avoir des garanties que le système actuel peut leur donner que
l'on ne réussira pas - et je m'excuse pour les gens de la région
de Montréal - à montréaliser complètement les
cégeps après cinq ans, 10 ans, 15 ans, 20 ans. Ça, je
pense que c'est assez essentiel et, donc, nous, nous souhaitons qu'il y ait des
critères qui soient là, des critères qui tiennent compte
des régions, et plus particulièrement de celle dans laquelle,
nous, nous vivons.
M. Dufour (Jonquière): Oui. Si vous parlez de conserver
ces acquis-là, de quelle façon, par exemple, ces
garanties-là pourraient être données? Est-ce que ça
serait à contrat ou une orientation claire que c'est comme ça que
ça devrait se passer?
M. Vézina: C'est-à-dire que, dans notre
mémoire, nous en soulignons quelques-uns, comme l'expertise qui a
été développée par le ou les collèges, la
capacité à recruter de la clientèle sur l'ensemble du
territoire, et ça, ça veut dire québécois, des
programmes apparentés déjà offerts, la question du
placement, la question de la rationalisation des investissements qui ont
déjà été faits et/ou qui sont requis. Je pense que
ces critères-là s'additionnant aux critères usuellement
utilisés pourraient apporter plus de garanties aux régions.
M. Dufour (Jonquière): Ça va. La recommandation 13:
«Élargir la mission des cégeps, l'actualiser, afin de la
rendre plus conforme à leur réalité et à leur
développement»; c'est évident que vous arrivez avec cette
résolution-là au moment où on remet en question un paquet
d'acquis, l'avenir ou l'actualité des cégeps tels qu'on les
connaît. De quelle façon vous pouvez concilier cette approche ou
cette recommandation par rapport à cette commission qui, justement,
s'interroge sur la capacité des cégeps, actuellement, de
répondre aux besoins actuels de notre société?
M. Vézina: Dans l'ensemble de notre mémoire, comme
vous l'avez sans doute noté, on a parlé d'autonomie, on a
parlé aussi assez largement de la loi. Je pourrais préciser,
peut-être, à l'aide de votre question et de la recommandation 13,
que, quand on parle d'élargir la mission, dans le fond, dans la loi
actuelle, fondamentalement, c'est une oeuvre de formation strictement pour une
clientèle jeune. Nous, on souhaite, de même que plusieurs autres
groupes, je crois, qui se sont présentés devant vous, que,
ça, ce soit élargi aussi aux adultes, que la notion de recherche
y soit incorporée; et une expression qui n'est peut-être pas
complètement française, mais on croit qu'à moyen et
à long terme ça pourrait créer des fonds additionnels aux
col- lèges, c'est toute la question dite de pouvoir commercialiser
certains des services et certains des produits et des biens que peuvent
générer ou engendrer les collèges. Je pense que personne
n'ignore que, dans la province voisine, en Ontario, les collèges ont des
sources de revenus ou génèrent des revenus, ce qu'on pourrait
appeler de l'autofinancement, de façon beaucoup plus importante que les
collèges au Québec. En tout cas, nous, on croit que, si on
élargissait la mission des collèges, si on ajustait davantage ou
modifiait la loi des collèges, dans l'ensemble, ça permettrait de
soulager, peut-être pas de façon extraordinaire, mais de soulager
le gouvernement et l'État sur une certaine période. Et,
là-dedans, ça nous permettrait, comme le dit bien la
résolution 13, de contribuer davantage, d'être davantage
partenaires et de participer davantage au développement
socio-économique.
M. Dufour (Jonquière): Vis-à-vis de la
commercialisation de la recherche, de l'application de la recherche pour des
sources de revenus, est-ce qu'il y a beaucoup de cégeps, à votre
connaissance, qui sont sur cette lancée-là? (21 h 50)
M. Vézina: Je pense qu'à l'heure actuelle tout le
monde est un peu sur la corde raide et tout le monde est très prudent en
ce qui concerne ça. Le sens un peu de la résolution, c'est aussi
une analyse d'un certain nombre de lois actuelles qui existent, de certains
groupes gouvernementaux et paragouvernementaux où l'Etat, le
gouvernement a déjà permis dans la loi... Je donne à titre
d'exemple l'AQVIR où cette notion de commercialité existe dans la
loi. Ils ont la possiblité de le faire, par exemple, dans la production
de logiciels et autrement. Ça existe dans certaines lois du Parlement,
du gouvernement du Québec. C'est aussi clair que ça n'existe pas
dans d'autres.
M. Dufour (Jonquière): Quand on parie de la recherche
appliquée, est-ce que vous avez des créneaux particuliers ou si
c'est n'importe où ou à peu près? De quelle façon
pouvez-vous identifier des créneaux de recherche qui pourraient
s'appliquer pour les cégeps et, en même temps, à la
commercialisation comme telle?
M. Vézina: Je vous donne des exemples. Je vous ferais
remarquer qu'on traite de partenariat aussi là-dedans. Mais, quand on
parle, on a un certain nombre d'expérimentations qu'on fait. À
titre d'exemple, Mme la ministre nous a autorisé un diplôme de
perfectionnement d'études collégiales en infographie, ce qui nous
a permis, par la suite, de pouvoir oeuvrer avec une compagnie qui s'appelle
Softimage, d'y oeuvrer et d'être un centre de formation pour eux, mais
aussi de pouvoir oeuvrer à de la production de logiciels
éventuelle. Je me permets peut-être une parenthèse en
disant ça, ça permet, entre autres, du
développement technologique, ça permet du
développement de nouveaux emplois qui sont dans des secteurs de pointe,
qui sont utiles à l'économie de l'ensemble du Québec, qui
sont utiles aussi au monde de l'enseignement. C'est un exemple de partenariat.
Nous aurons nos premiers finissants dans quelques jours, c'est-à-dire en
décembre et, en pratique, tout le monde s'est déjà
trouvé un emploi. Ça correspondait à un besoin.
Il y a plusieurs exemples. Quand, tout à l'heure, Mme la ministre
a posé la question, je n'ai peut-être pas répondu tout
à fait correctement. Il y a un certain nombre... On a surtout
parlé de l'entrée du collège, mais il y a tout le volet de
la sortie du collège où, en tout cas, quand on veut concourir un
petit peu plus au développement de l'ensemble, il y a des
possibilités. Je ne dirais pas qu'elles sont infinies, mais il y a
plusieurs thèmes et plusieurs sujets sur lesquels les collèges
pourraient être utiles. Je vais peut-être profiter... Quand on
parie de l'université vers le collège, je tiens à faire
remarquer que, dans le contexte nord-américain, c'est de plus en plus
fréquent, cette question-là; on a de plus en plus une passerelle
universités vers les collèges, l'université donnant des
concepts plutôt théoriques et les collèges essayant de
s'orienter vers la technologie, des aspects plus pragmatiques, plus
concrets.
M. Dufour (Jonquière): Je vous remercie. Ce n'est pas
parce que je manque de questions, à cause du temps qui file. M. le
directeur général, si vous aviez un aspect à
développer de votre mémoire - puisqu'on ne peut pas aller sur
l'ensemble de vos recommandations - quelle serait cette recommandation que vous
voudriez développer?
M. Vézina: Je vais vous dire très simplement et
bien au-delà du cégep de Jonquière, je pense que ce qui
est le plus important actuellement pour les systèmes scolaires
québécois, c'est d'établir ou de rétablir
l'ensemble de la cohérence, cohérence entre les niveaux,
cohérence aussi interne, à l'intérieur du réseau.
Je pourrais citer sans doute bien des exemples, mais je ne vais m'en permettre
qu'un ou deux. Nous avons lu et nous avons entendu beaucoup dans d'autres
mémoires un peu comme cette difficulté presque inouïe
qu'avaient les jeunes du secondaire à faire des choix quand ils
arrivaient au collège. Je veux introduire la notion d'Information
scolaire. C'est très clair que l'information scolaire, à l'heure
actuelle, véhiculée par autant d'intervenants, et autant
d'intervenants avec des intérêts très, très
différents et diversifiés, conduit les jeunes à recevoir
des messages contradictoires. Là-dedans, si vous voulez notre humble
avis, il serait peut-être intéressant qu'on s'interroge non pas
uniquement sur la quantité d'information scolaire qui peut être
dispensée à des jeunes, mais qu'on s'intéresse à la
qualité. Ça, on relie ça à la cohérence,
à la cohérence du système.
Tout à l'heure, nous avons répondu - peut-être que
ce n'était pas tout à fait sur le ton de la boutade - quand on
voyait des gens avec des D.E.S. qui venaient au collège,
décrochaient, et retournaient au secondaire au secteur des adultes et
qui se faisaient reclassifier, si vous me permettez l'expression, en secondaire
III ou IV, puis décrochaient une deuxième fois: Bien,
écoutez, il y a quelque chose qui ne marche pas, il me semble comme
cohérence de système, il y a quelque chose qui ne va pas
là-dedans. Jusqu'à un certain point - peut-être que cette
phrase-là peut vous sembler assez dure - on a l'impression que des fois
on se sert un peu de l'éducation comme d'un système de
bien-être un peu déguisé. Mais on a aussi l'impression que
- excusez l'expression qui a l'air d'une expression du monde des affaires
sociales - les usagers comprennent très bien comment utiliser le
système et de plus en plus. Et, quand on parie de cohérence, puis
qu'on parie de sommes à réaffecter, on pense qu'il y a quelque
chose à faire là-dedans. Quand on pense à ça, c'est
parce qu'on a d'autres principes qu'on défend. Dans la cohérence,
ça veut dire qu'il ne faut pas que les gens perdent de temps.
On croit que la société, les jeunes et les moins jeunes
ont besoin d'un bagage de connaissances, de formation générale
appropriée qui leur permettent d'affronter ce qu'on décrit, je
crois, assez bien dans le mémoire, tout ce monde en ebullition, ces
changements très rapides. Mais, pour faire ça, il faut
peut-être permettre, et vous m'en donnez l'occasion, aux étudiants
de techniques administratives, qui veulent aller en sciences de
l'administration dans les universités, d'arrêter de perdre leur
temps. Nous avons fait une étude, les quatre collèges du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, il y a quelques années, en collaboration avec
l'Université du Québec à Chicoutimi. Nous reconnaissions
tous qu'un étudiant finissant dans l'un de nos collèges en
techniques administratives avait l'équivalent ou qu'on pouvait lui
reconnaître en acquis la valeur d'une année d'études
universitaires. Bien, évidemment, ça ne s'est pas fait. Il y
avait des contraintes, toutes sortes de problèmes.
On comprend que tout doit être... Certains prétendent que
tout doit rentrer dans le moule. Nous, on prétend le contraire. On
prétend que, comme le citait Mme Bergeron tout à l'heure, si
quelqu'un a besoin de quelques heures de plus pour réussir, le
système doit le permettre. On comprend que ça ne satisfera pas
les gens qui veulent tout calculer en termes de tâche, en termes de
calculs financiers, etc. Ça, on comprend qu'il y a une difficulté
là-dedans. Mais nos objectifs, je dois vous dire, comme collège,
c'est d'abord et avant tout, même si on ne le réalise pas tout le
temps, appelons-les les jeunes, les moins jeunes, les étudiants, je
n'aime pas le mot,
mais en tout cas, les clients du collège, d'une part, et, d'autre
part, il faut viser l'excellence et la qualité dans ce qu'on fait. Il
faut avoir des approches de qualité importante.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Je vous ai
laissé un petit peu plus de temps vu que c'était votre
comté, M. le député de Jonquière. J'ai
été très souple et permissive. En conclusion, Mme la
ministre.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Il me reste
à vous remercier, Mme la présidente du conseil d'administration,
de même que vos collaborateurs. Je pense que, par les exemples que vous
nous avez apportés, M. Vézina, vous démontrez bien, je
dirais, la pertinence que les collèges aient une plus grande
responsabilité académique, d'où la possibilité de
s'adapter davantage aux élèves qui fréquentent les
collèges et à leur milieu. Je pense que c'est le message
essentiel que vous apportez et je veux vous féliciter encore une fois
pour la qualité de votre mémoire. Merci beaucoup d'être
venus.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, au nom des membres
de la commission de l'éducation, permettez-moi, à mon tour, de
vous remercier d'être venus nous présenter votre bon
mémoire. Je vous souhaite un bon retour à Jonquière. Soyez
prudents sur les routes. Bonsoir à tous. La commission ajourne ses
travaux jusqu'à demain le 26 novembre, 9 h 30.
(Fin de la séance à 22 heures)