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(Neuf heures trente-quatre minutes)
Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, si
vous voulez bien prendre place, la commission de l'éducation va
maintenant commencer ses travaux.
Il me fait plaisir de vous accueillir ce matin, tout le monde, et je
commencerai par constater qu'il y a quorum. Donc, je déclare la
séance, la huitième séance, de notre commission maintenant
ouverte. Je vous rappellerai notre mandat. Notre mandat est que, dans cette
séance, nous procédions à des auditions publiques sur
l'enseignement collégial québécois. M. le
secrétaire, avez-vous des remplacements à nous annoncer?
Le Secrétaire: oui, m. le président. mme hovington
(matane) est remplacée par mme cardinal (châteauguay) et m. parent
(sauvé) par m. maltais (saguenay).
Le Président (M. Gobé): Bienvenue, M. Maltais et
Mme Cardinal. Vous êtes maintenant un habitué de cette commission,
M. Maltais.
Nous allons maintenant prendre connaissance de l'horaire et de l'emploi
du temps, de notre journée. Dès ce matin, à 9 h 30, nous
allons entendre la Confédération des caisses populaires et
d'économie Desjardins du Québec; à 10 h 30, le
cégep de Baie-Comeau, la Chambre de commerce et le Commissariat
industriel régional de Baie-Comeau; à 11 h 30,
l'Université de Montréal. À 12 h 30, nous suspendrons
jusqu'à 15 heures. À 15 heures, nous allons reprendre avec
l'Association des syndicats de professionnelles et de professionnels de
collège du Québec; à 16 heures, le Conseil
interprofessionnel du Québec; à 17 heures, l'Université
Laval, Département d'administration et de politique scolaires. Nous
suspendrons à 18 heures pour reprendre à 20 heures et nous
entendrons, à ce moment-là, le groupe Pôle de l'Est et,
à 21 heures, nous terminerons la journée en entendant le
collège de l'Outaouais, pour ajourner à 22 heures.
Alors, étant donné que nous avons maintenant fait les
différentes étapes de l'ouverture de cette commission, je vais
demander aux représentants de la Confédération des caisses
populaires et d'économie Desjardins de bien vouloir prendre la
parole...
M. D'Amours (Alban): Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Et nous présenter,
d'ailleurs, les gens qui vous entourent aussi.
Confédération des caisses populaires et
d'économie Desjardins du Québec (CCPEDQ)
M. D'Amours: Je vais le faire, M. le Président, avec
plaisir. Mon nom, c'est Alban D'Amours, je suis premier vice-président
et chef du développement et de la vérification à la
Confédération des caisses Desjardins. À ma droite, M. Yves
Morency, qui est le directeur de la direction des stratégies
institutionnelles; à sa droite, M. Edgar Joly, responsable du groupe de
la gestion stratégique à la Confédération; et,
à ma gauche, Mme Joëlle Noreau, conseillère à la
planification.
Mme la ministre, mesdames et messieurs, c'est avec plaisir que nous nous
présentons aujourd'hui pour livrer l'essentiel du mémoire du
Mouvement Desjardins à la commission de l'éducation. J'aimerais
vous remercier de l'occasion que vous nous donnez de faire entendre la position
de notre réseau, qui est un témoin privilégié des
activités des collèges sur tout le territoire du
Québec.
L'éducation est le combustible de l'économie. Les
observateurs, les analystes ne cessent de nous faire la démonstration
qu'une économie développée passe par des travailleurs
formés. Elle passe également par des citoyens instruits.
L'éducation, c'est la clef de voûte d'une société
qui aspire à faire partager à tous ses membres les progrès
apportés par son développement. Cette société n'est
viable qu'avec la participation de ses citoyens qui aspirent non seulement
à gagner leur vie, mais à construire leur vie et à exercer
des choix. Cette capacité de faire des choix, d'évaluer et
d'analyser est possible grâce à l'éducation.
Nous vivons, par ailleurs, dans une société dont la
pluriethnicité s'accroît constamment. Elle intensifiera le besoin
de connaissances et de compréhension de l'être humain, des
cultures et des valeurs qui les sous-tendent. Il s'agit là d'un grand
défi pour nos écoles, de quelque niveau qu'elles soient, dont la
mission est précisément de préparer nos jeunes citoyens
à vivre et non pas seulement à produire dans la
société de demain.
Il est vrai que les progrès technologiques nous permettent
d'être en contact avec le monde entier: la télévision, les
vidéos, les ordinateurs multiplient nos sources d'information et
modifient nos façons d'apprendre. Toutefois, ce n'est qu'à
l'école, grâce à un enseignement rigoureux et
organisé, que toutes ces informations sont transférées en
outils de travail par chacun. L'avènement de la technologie moderne
n'est pas un substitut à l'école; elle est limitée parce
qu'elle ne permet pas de bâtir un esprit critique. C'est
l'enseignement systématique et la pratique d'activités au
sein même des collèges qui permettent d'y arriver.
La société et, par là, les entreprises qui
participent à son essor ont besoin d'employés qui savent plus que
lire, écrire et compter adéquatement. Le citoyen d'aujourd'hui et
de demain doit posséder des connaissances minimaies en informatique et
doit bien comprendre les techniques qu'il utilise; il doit être ouvert
à une certaine connaissance du monde qui dépasse les
frontières de la ville, de la région ou du pays. Il doit savoir
quelles sont ses origines et avoir un minimum de culture historique, en
commençant par l'appropriation de sa propre culture. Il s'agit donc ici
de l'initiation aux manières de sentir, de penser et d'agir de son
milieu d'appartenance, mais aussi de l'accès au grand domaine du savoir
que sont les sciences de la nature, les sciences humaines, les arts, la
littérature et la technologie, par exemple, dont les racines sont
à la fois québécoises, nord-américaines et
occidentales.
Cette ouverture sur le monde invite au décloisonnement des
esprits. La formation fondamentale a donc une importance considérable,
tant au niveau collégial qu'au secondaire. Évidemment, la
formation doit aussi viser l'acquisition de connaissances techniques et le
développement de savoir-faire spécifiques, mais ces transferts de
savoirs n'auront qu'un effet bien limité si les gens qui en
bénéficient n'ont pas reçu la formation de base ou, si
vous préférez, ce qu'il faut pour assimiler tout le reste. (9 h
40)
Qu'elle soit générale ou professionnelle, la formation de
base doit donc être solide pour envisager une spécialisation. Elle
doit inclure des activités parascolaires qui débordent le cadre
strictement académique. Il s'agit d'activités qui renforcent
l'habileté à communiquer, à travailler en groupe, à
solutionner des problèmes ou à innover; bref, ce qui fait qu'un
collège est un milieu de vie, un milieu d'éducation plutôt
qu'un lieu où l'on dispense uniquement des cours. Il faut favoriser le
goût d'apprendre, mais, plus encore, le goût d'apprendre des jeunes
et se montrer ouvert à leurs initiatives.
À une époque de spécialisation comme la
nôtre, on présume, en général, que cette
responsabilité de dispenser une formation générale de
qualité appartient strictement aux deux premiers ordres d'enseignement
que sont le primaire et le secondaire. À notre sens, cette
prémisse est erronée, car le façonnement d'une tête
bien faite, et à plus forte raison dans un système
d'éducation où on se spécialise de plus en plus tôt,
le façonnement d'une tête bien faite, dis-je, doit être
intégré à toutes les démarches de formation, quelle
qu'elle soit. La formation générale n'est pas acquise d'une
façon permanente. Elle doit être renouvelée sans cesse et
constamment mise en relation avec les formations plus spécifiques qu'on
cherche à acquérir dans des secteurs spécialisés.
Nous souhaitons donc que la question de la formation fondamentale soit
abordée dans la réforme des collèges.
Il y a place, chez nous, pour l'amélioration dans les programmes
d'enseignement en matière de culture générale. Cette
formation de base, que tant de pressions tentent de sacrifier là aussi
au profit d'apprentissages spécialisés et pointus, est pourtant
la seule capable de donner aux personnes l'indispensable autonomie de
pensée, d'action et de jugement, et c'est cette formation qui
fécondera ou invalidera tous les transferts de connaissances dont elles
pourront bénéficier par la suite. On ne peut tout apprendre en
même temps, il faut donc apprendre à apprendre,
c'est-à-dire greffer du savoir sur du savoir antérieur. Il n'est
pas réaliste d'exiger à un système scolaire, si bon
soit-il, de former, une fois pour toutes, un travailleur. Le mieux qu'on puisse
faire, c'est le préparer à apprendre, lui montrer à mettre
en rapport ses nouvelles connaissances avec celles qu'il a déjà
acquises. Ainsi, un événement déjà
interprété pourra acquérir un sens nouveau en étant
mis en lien avec la situation économique ou sociale.
L'apprentissage doit toutefois être évalué. Il faut
donc que des objectifs soient établis, connus et partagés par
ceux-là mêmes qui en sont responsables. Il faut mesurer
l'apprentissage et évaluer les outils dont on se sert pour favoriser cet
apprentissage. Au besoin, il faut changer d'outils et, par extension, disposer
de la marge de manoeuvre pour en choisir d'autres. Cela suppose de la souplesse
dans les différentes maisons d'enseignement afin de s'adapter à
la clientèle qu'on dessert. L'évaluation des apprentissages va de
pair avec la reconnaissance de la qualité des enseignements qui y sont
dispensés. Elle est source de fierté et d'émulation entre
les maisons d'enseignement.
Le système scolaire ne peut prétendre répondre
à tous les besoins de formation d'un individu. Par contre, les
différents ordres d'enseignement que sont le primaire, le secondaire, le
collégial et l'université devraient, pour être efficients,
bien s'harmoniser les uns aux autres.
Cette préoccupation amènerait les intervenants du monde de
l'enseignement à travailler en complémentarité, puisqu'il
s'agit fondamentalement d'une seule et même mission: former des personnes
pour les rendre autonomes et utiles à leur société. C'est
un programme exigeant puisqu'il suppose une recherche de
complémentarité entre les programmes et un partage des
compétences tout en limitant les chevauchements.
La qualité de la main-d'oeuvre représente souvent le
principal avantage comparatif dont les entreprises peuvent tirer profit. Nous
faisons face désormais à des organisations et à des
entreprises qui recourent aux mêmes matériaux
que nous, qui utilisent la même technologie que nous, qui livrent
la production de la même manière que nous. Tout devient si
remplaçable, si interchangeable qu'il ne reste désormais qu'une
source de différence, une seule: la qualité et la qualité
du personnel. Le seul atout qui puisse différencier une organisation ou
une entreprise, qui puisse lui donner une avance, ce sont les ressources
humaines. Le défi, c'est donc de les former adéquatement et de
les mobiliser.
La période de la formation académique,
généralement inscrite entre 5 et 20 ans, est de moins en moins
considérée comme étant une étape fermée dans
l'existence d'une personne. Les gens, comme les entreprises, sont
concernés par ce qu'il est convenu d'appeler la formation continue. Elle
constitue d'ailleurs un des principaux secteurs de croissance de l'avenir. Les
entreprises y consacrent de plus en plus d'efforts. Conséquemment, les
attentes y sont très grandes et nous avons tout avantage à
travailler en collaboration. Nous devons désormais créer des
liens pour inventer de nouveaux modèles de partenariat en vue d'abolir
les barrières structurelles. Les institutions d'enseignement et les
entreprises, et avec eux l'ensemble de la société, ont tout
à gagner d'une utilisation intelligente et optimale de nos
réseaux d'enseignement, d'une part, et, d'autre part, de
l'enrichissement que constituent pour ceux-ci les laboratoires que sont nos
lieux de travail. Ces considérations nous amènent à
formuler des recommandations à la ministre responsable de l'Enseignement
supérieur.
D'entrée de jeu, nous soulignons que le mémoire
présenté par le Mouvement Desjardins plaide pour un rapprochement
entre les collèges et les entreprises, et ce, dans un contexte
d'accroissement des besoins en matière de formation au sein même
des entreprises.
Tout ce que nous avons évoqué il y a quelques minutes nous
inspire des recommandations de deux ordres: certaines, d'ordre plus
général, d'autres, relatives aux arrimages entre les
collèges et les entreprises. La réalité des entreprises
dicte de nouvelles façons de faire et nécessite une
perpétuelle adaptation à de nouveaux procédés et
à des techniques en évolution. Les entreprises recherchent
davantage des gens capables de s'adapter plutôt que de purs
spécialistes. Les qualités recherchées chez un futur
employé font référence à des habiletés
diverses.
A cet effet, nous recommandons de renforcer la formation fondamentale
dans l'esprit que les collèges doivent être plus que des maisons
d'enseignement et qu'ils doivent être également des milieux
d'éducation en vue de développer des habiletés telles que:
la capacité d'analyse, l'ouverture, l'innovation et l'autonomie, et voir
à ce que cette formation soit dispensée tant dans le secteur
professionnel que général. Nous souscrivons à
l'idée de maintenir un ensemble de cours et d'activités qui aient
comme objectif de développer ces habiletés fondamentales.
Dans l'accroissement d'un rapprochement encore plus grand entre les
collèges et les entreprises, il apparaît opportun d'examiner
l'idée d'alléger le financement des maisons d'enseignement de
niveau collégial par des contributions extragouvernementales en
favorisant par exemple la participation des entreprises à la gestion des
institutions d'enseignement, en visant la transparence des opérations de
gestion, en introduisant des incitatifs fiscaux pour les entreprises.
Nous sommes conscients que des efforts de rationalisation et
d'amélioration de la productivité et de la qualité ont
été entrepris. Toutefois, nous recommandons d'instaurer dans le
réseau de collèges une démarche qualité. Notre
propre expérience, en ce sens, bien qu'elle n'en soit qu'à ses
débuts, nous a déjà permis d'aborder, de manière
différente, nos actions quotidiennes.
Le contexte économique actuel nous fait prendre conscience des
limites à la capacité de payer des gouvernements, des entreprises
et des contribuables. Toute l'Amérique du Nord doit ajuster sa montre
à l'heure de l'efficacité. Cette efficacité n'est pas une
fin; c'est un moyen pour atteindre la satisfaction des besoins des clients.
Pour Desjardins, les clients, ce sont les membres. Pour les
collèges, ce sont d'abord les étudiants. Cette notion de
qualité s'inscrit cependant dans une relation clients-fournisseurs et
dans une chaîne, finalement, qui va au-delà de l'étudiant
et qui rejoint les besoins de l'entreprise et de la société.
Une démarche qualité se réduit à
l'expression fort simple suivante: il s'agit de bien répondre aux
besoins des clients, au meilleur coût possible, dans une démarche
d'amélioration continue. C'est ça la qualité telle que
nous la concevons. Cela implique un examen continu de nos façons de
faire, l'identification des besoins et des secteurs moins productifs, la
précision d'objectifs réalistes et mesurables et l'attribution de
responsabilités. (9 h 50)
Cet exercice mène à l'identification des forces et des
faiblesses, bien évidemment, mais plus encore au développement
d'une attitude où l'on présume de la compétence des gens
à qui on a confié ces responsabilités. C'est ce à
quoi nous nous sommes appliqués depuis quelques années et notre
propre expérience compte déjà des résultats. La
démarche qualité nous apparaît primordiale dans le contexte
actuel, tant pour les maisons d'enseignement que pour les entreprises.
À ce jour, la collaboration entre Desjardins et les
collèges s'est avérée fructueuse. Nous avons
été appelés à travailler de concert avec les
maisons d'enseignement en matière de formation de la main-d'oeuvre.
Toutefois, des ajustements sont toujours à parfaire au plan de
l'évaluation des acquis. Nous recommandons de réviser le cadre
actuel de l'évaluation des acquis et faire en sorte que les
différents cheminements
de formation continue puissent être assortis d'un
diplôme.
Concernant le second ordre de recommandations relatif aux arrimages
entre les collèges et les entreprises, nous souhaitons que des ententes
soient établies avec les diverses maisons d'enseignement, notamment les
collèges, en ce qui concerne la formation professionnelle et la
formation générale. Nous croyons que les contacts avec les
entreprises, tant pour les enseignants que pour les élèves, sont
féconds. De plus, ils permettent aux entreprises de mieux faire
connaître leurs besoins aux institutions d'enseignement.
Nous recommandons de développer des modèles de partenariat
avec les entreprises et faire la promotion des expériences concluantes
dans le domaine. Nous recommandons de mettre en place des mécanismes
pour réaliser des stages de perfectionnement d'enseignants au sein des
entreprises, selon les disponibilités de ces dernières. Nous
recommandons de soutenir la création de programmes d'études
professionnelles et techniques incluant des stages en milieu de travail, selon
le modèle coopératif.
Les collèges entretiennent des liens depuis plusieurs
années avec leurs régions d'appartenance. Certains ont même
développé des programmes spécifiques en fonction des
besoins régionaux. Nous souhaitons accroître les relations avec
les collèges et leurs milieux respectifs pour l'élaboration et la
révision des programmes de formation.
Nous croyons que la refonte de l'enseignement collégial peut
difficilement être entreprise sans tenir compte des exigences
d'embauchage des entreprises. C'est pourquoi la révision des programmes
de formation actuels doit identifier clairement les objectifs visés et
les types d'emplois auxquels ils conduisent, en collaboration avec les
différents partenaires concernés. Notre intention est
réelle de participer à la refonte en profondeur des programmes.
En ce sens, nous recommandons de réviser l'ensemble des programmes de
formation professionnelle relatifs au secteur financier dans une perspective de
rationalisation du nombre de programmes, d'une plus grande souplesse et d'un
accueil des différentes clientèles.
Enfin, nous croyons que les programmes des collèges doivent
être évalués. Cependant, nous souhaitons que les
entreprises qui ont participé à l'élaboration des
programmes soient associées à l'évaluation de
l'efficacité de ces derniers et qu'il faille prévoir, dès
à présent, des mécanismes de révision. En
conséquence, nous recommandons d'associer les entreprises qui ont
participé à l'élaboration des programmes à
l'évaluation de l'efficacité de ces derniers et de prévoir
des mécanismes de révision souples et efficaces.
En conclusion, nous favorisons le maintien des collèges.
Cependant, nous croyons que des ajustements doivent être apportés
pour accroître la vitesse de réaction des institutions
d'enseignement aux nouvelles réalités. je vous remercie de votre
attention.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie beaucoup.
Je passerai maintenant la parole à Mme la ministre de l'Éducation
et de l'Enseignement supérieur, pour une période ' de 20 minutes,
et 20 minutes, par la suite, à l'Opposition.
Mme Robillard: Merci, M. le Président. Je veux saluer
d'abord les représentants du Mouvement Desjardins. Nous savons que vous
êtes implantés dans toutes les régions du Québec et
que, donc, vous êtes près des réalités
régionales de l'ensemble de la province. Je prends note de l'appui du
Mouvement Desjardins aux collèges québécois et, M.
D'Amours, je veux vous dire aussi que je prends bonne note de la recommandation
dont vous me faites part concernant un programme plus spécialisé
au niveau collégial sur les services financiers.
Mais, étant donné la nature de vos actions, M. D'Amours,
j'aimerais ça aborder avec vous, de façon plus précise,
toute la question du financement des collèges québécois,
et je me réfère en particulier aux pages 21 et 22 de votre
mémoire. Vous nous dites, en premier lieu, de ne pas regarder du
côté des frais de scolarité sans peser les
conséquences sociales que cela impliquerait. Mais vous dites aussi, et
c'est sur ça que j'aimerais vous entendre, M. D'Amours, «afin que
l'enseignement collégial ait enfin les crédits nécessaires
- donc, peut-être que selon vous ils n'ont pas les crédits
nécessaires - pour assurer pleinement son développement»,
vous nous recommandez de faire une analyse concernant les dépenses des
collèges, et dans le but d'en faire une redistribution plus
appropriée.
Est-ce que vous pourriez m'expliquer là? Est-ce que vous
considérez que les collèges n'ont pas les ressources qu'il faut
ou est-ce que vous considérez qu'ils les ont? Et comment voyez-vous le
fait qu'on doive faire une redistribution plus appropriée? Qu'est-ce qui
vous motive à me faire cette recommandation? Pourriez-vous expliciter
davantage?
M. D'Amours: Je vais l'aborder d'une façon très
pragmatique et illustrer notre proposition en référant à
nos propres besoins. Exemple, dans l'industrie de la finance. Les Institutions
financières au Québec emploient 170 000 personnes,
c'est-à-dire 6 % de la population active. On a dénombré
parmi les 133 programmes professionnels qui sont donnés par les
cégeps qu'il n'y en a aucun qui est attaché à la formation
professionnelle de nos conseillers financiers.
Vous avez noté, vous avez accueilli notre recommandation, et j'en
suis bien aise. Cela signifie donc que, dans le contexte où nous disons
que les collèges n'ont pas assez de
crédits, il est bien clair que, si nous nous adressons aux
collèges pour qu'ils développent un programme de plus, ils n'ont
pas les crédits nécessaires. Nous croyons qu'il n'est pas
nécessaire d'ajouter une aide additionnelle au financement, mais il faut
entraîner les collèges dans une révision, dans une
réaffectation de leurs ressources et dans une revue des programmes. Il
s'agit d'en éliminer un certain nombre, et de les remplacer par d'autres
programmes plus appropriés. Au-delà de la rationalisation, il y a
des démarches comme celle de la qualité, dont je parlais, qui est
très efficace dans le financement d'activités. Financer une
activité, dégager des crédits additionnels, ça se
fait à travers des choix. Ces choix d'activités et ces
crédits additionnels sont dégagés en fonction des besoins
et non pas par le maintien d'activités déjà en cours.
Alors, nous, on pense qu'on peut accroître le potentiel des
crédits déjà accordés et le financement
déjà accordé aux cégeps, ce potentiel-là, en
abordant ça par la qualité, en adaptant les programmes actuels et
en en éliminant un certain nombre.
Mme Robillard: Alors, ce que vous me dites, M. D'Amours, quand
vous me parlez d'une redistribution plus appropriée, c'est que vous avez
en tête une rationalisation des programmes. C'est bien ça que je
comprends?
M. D'Amours: Oui, adaptation des programmes aux besoins. Il y a
une étude qui a été faite par le Conseil économique
du Canada. Les statistiques qu'il a sont peut-être choquantes; elles vont
au-delà, probablement, de la réalité, parce qu'il y a
beaucoup d'efforts qui ont été faits par les collèges pour
mieux s'adapter. Nous avons d'ailleurs participé à de ces
adaptations de l'enseignement des collèges aux besoins des entreprises,
en ce qui nous concerne. On pourrait citer plusieurs expériences que
nous avons eues, qui sont encore en cours avec les collèges, pour
créer ces programmes de formation, et tout ça, dans le cadre des
ressources actuelles. On y est arrivé et on pense que, si cet
enseignement et ces programmes sont tournés vers les besoins actuels, on
n'a pas besoin de crédits additionnels.
Mme Robillard: Vous dites aussi, M. D'Amours, que vous êtes
conscient que l'État ne peut continuer seul à financer les
collèges, vous statuez ça à la page 21... (10 heures)
M. D'Amours: Oui.
Mme Robillard: ...et vous reprenez un peu plus loin que... Vous
indiquez qu'il faudrait une participation plus active, dites-vous, des
entreprises au financement des collèges dans les domaines reliés
au développement, à la recherche et à la formation.
M. D'Amours: C'est exact.
Mme Robillard: Quelle serait cette participation plus
active...
M. D'Amours: Cette participation active, oui...
Mme Robillard: ...dans le financement?
M. D'Amours: Vous soulignez le mot «active» à
raison. Il ne s'agit pas tout simplement de faire des déboursés
et de faire uniquement des dons. Il est possible de faire des dons à des
maisons d'enseignement. Déjà, Desjardins, dans sa mission
générale - je vous le redis, vous le savez sans doute - contribue
largement, par ses activités de dons et de commandites, à
plusieurs activités d'éducation. C'est par millions de dollars,
finalement, que l'on distribue cet argent à bon escient, je dois le
dire. Il y a cependant des prêts d'équipements, des dons
d'équipements que l'on peut faire aux maisons d'enseignement. Il y a des
stages en milieu de travail. Quand on parle d'améliorer la
qualité de l'enseignement, de rapprocher donc les besoins de
l'étudiant aux besoins du marché du travail, il est clair que
l'étudiant doit forcément, un jour ou l'autre, se retrouver dans
l'entreprise pour connaître les besoins de cette entreprise et du
marché du travail. Donc, l'entreprise, si elle accueille
l'étudiant, elle contribue d'une façon, je pense, très
active. Au niveau du développement de cours, laboratoires, de cours de
démonstration, l'entreprise peut participer au niveau de
conférences, d'aide à la gestion. Les gestionnaires
d'entreprises, les gestionnaires reconnus dans de grandes entreprises peuvent
se retrouver sur les conseils d'administration et aider à la gestion. Il
y a toutes sortes d'activités de ce type-là qui peuvent
être...
Mme Robillard: M. D'Amours, qu'est-ce que le Mouvement Desjardins
est prêt à faire concernant les stages?
M. D'Amours: Déjà, nous accueillons des
étudiants chez nous. Nous accueillons des étudiants... Je dois
dire qu'au niveau universitaire nous pratiquons la formule... l'accueil
d'étudiants au niveau des régimes coopératifs
d'enseignement des universités, par exemple l'Université de
Sherbrooke. Au niveau collégial, nous le faisons d'ailleurs
déjà dans certains collèges. Du collège de
Lévis, je crois, nous accueillons des étudiants. Nous accueillons
aussi, à la Confédération, des étudiants au niveau
informatique. Je préparais la semaine dernière d'ailleurs,
moi-même, l'accueil d'un certain nombre d'étudiants de la
région du centre du Québec, de Trois-Rivières. Les caisses
aussi accueillent un certain nombre d'étudiants. Et je pense que cette
formule doit être développée et poussée.
Évidemment, c'est l'entreprise
elle-même; elle entreprend des initiatives de ce type-là,
sachant bien que ça dessert bien le milieu, l'intérêt du
milieu, et il y a là des rapprochements, mais, s'il y avait un
partenariat qui était mieux organisé, mieux encadré, plus
développé, comptez sur nous.
Mme Robillard: M. D'Amours, revenons sur la question des frais de
scolarité.
M. D'Amours: Oui.
Mme Robillard: Pourriez-vous m'expliciter cette phrase «de
ne pas regarder du côté de l'imposition des frais de
scolarité sans peser les conséquences sociales que cela
impliquerait»?
M. D'Amours: Nous croyons qu'au niveau collégial
l'accessibilité à la formation est un bien public. Nous estimons
que c'est toute la société en général qui tirera
profit d'une formation collégiale de qualité. Et c'est la
société qui doit payer pour cela. Cependant, dans un contexte de
saine gestion, les responsables de ces maisons d'enseignement ne doivent pas
gaspiller les fonds publics, et c'est pourquoi nous suggérons des
approches d'évaluation. Cette imputabilité que les dirigeants de
ces maisons d'enseignement doivent avoir, cette autonomie qu'ils doivent avoir
ne doivent pas cependant éviter cette évaluation. Dans ce
sens-là, je pense qu'introduire les frais de scolarité
réduirait l'accessibilité.
Mme Robillard: Alors, est-ce que je dois conclure que le
Mouvement Desjardins est contre des frais de scolarité au niveau
collégial?
M. D'Amours: Vous avez bien compris, Mme la ministre.
Mme Robillard: Parfait! Maintenant, si on abordait ensemble la
question de la formation générale et de la formation
spécialisée.
M. D'Amours: Oui.
Mme Robillard: Pourriez-vous me clarifier cette question à
la page 15 de votre mémoire, M. D'Amours? Vous me dites qu'en ce qui a
trait à la formation générale et la formation
spécialisée dans un programme de formation technique... On
s'entend bien, il y a une partie de formation générale, une
partie de formation spécialisée dans un programme technique. Vous
me dites: «Nous croyons que les programmes sont sujets à
révision». Qu'est-ce que vous voulez me dire concernant la
formation générale dans les programmes techniques?
M. D'Amours: Nous croyons qu'à ta fois au niveau de la
formation générale et de la formation professionnelle - j'inclus
dans la formation professionnelle cette formation technique - nous avons besoin
d'une formation générale qui développe des
habiletés, auxquelles j'ai fait référence tout à
l'heure, qui sont de même type. Et, dans ce sens-là, nous estimons
que cette formation générale, cette préparation
générale, si elle doit servir l'étudiant qui se dirige
vers la formation professionnelle, doit le servir aussi au niveau de la
formation générale... c'est-à-dire celle qui amène
l'étudiant finalement, qui le profile vers l'université.
Mme Robillard: Mais, M. D'Amours, laissons de côté
la formation préuniversltalre...
M. D'Amours: Très bien.
Mme Robillard: Parlons strictement de la formation technique.
M. D'Amours: Oui.
Mme Robillard: Parce que c'est ça dont vous me pariez
à la page 15.
M. D'Amours: Oui.
Mme Robillard: Strictement de la formation technique. Vous me
dites que, concernant la formation générale et la formation
spécialisée, dans la formation technique, il faut réviser
les programmes.
M. D'Amours: Oui, parce que ce à quoi nous nous attachons,
c'est davantage aux habiletés qui sont développées dans
ces programmes-là qu'au contenu. Et je vous ai rappelé... dans le
mémoire nous citons l'ensemble de ces habiletés que nous
souhaitons voir développer. J'en rappelle quelques-unes: la
capacité d'apprendre, la capacité d'analyser et de faire des
synthèses, l'habileté à communiquer, l'habileté
à travailler en groupe. Vous retrouvez ça à la page 11 de
notre mémoire.
Mme Robillard: Oui. Mais qu'est-ce qu'il faut réviser, M.
D'Amours, selon vous, parce que là vous me dites qu'il faut les
réviser?
M. D'Amours: Ah! Bien, c'est les cours, éventuellement, le
contenu, de sorte que le résultat de cette formation débouche sur
ces habiletés. On n'est pas en mesure, nous, de vous dire
jusqu'où il faut aller dans la formation qui est donnée à
ce niveau-là, quel type de cours il faut revoir. Tout ce que nous vous
disons, en tant que client aussi de ces étudiants qui sortent des
collèges, nous vous disons: Nous nous attendons à ce que les
étudiants aient développé ces habiletés. Alors, ce
que nous vous recommandons, c'est qu'il y ait une révision des
programmes qui mène à développer ces habiletés.
Nous recommandons aussi, je dois le dire, que les collèges, dans ce
contexte-là, deviennent des
microcosmes d'une société, qu'ils aillent au-delà
des contenus de cours, qu'ils fassent en sorte que les étudiants
apprennent à vivre en société dans leur milieu de
collège. Ça, c'est bien important.
On pourrait vous raconter - on est tous parents - de multiples
anecdotes. Je vais vous en raconter une toute petite. Ma fille, un jour,
demande à sa mère d'aller siéger sur un conseil de
collège. Sa mère lui dit: Pour quelle raison devrais-je aller
là? Je ne suis pas spécialisée dans les cours. Je vais te
donner une bonne raison d'y aller, de solliciter ta place: Ça va faire
en sorte que dans un collège ça devienne un milieu de vie, que
quand je vais au collège, le matin, je me retrouve dans une
société et je me retrouve dans un groupe qui m'apprenne à
vivre en société, que je ne fasse pas un aller-retour, entre 10
heures et 11 heures, pour aller chercher du contenu de cours et que je sorte de
là et que je me retrouve dans un «no man's land»,
finalement.
Voilà pourquoi nous croyons qu'il faut revoir beaucoup de choses
au niveau de l'enseignement général.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien,
Mme la ministre. Je vais maintenant reconnaître le critique officiel de
l'Opposition, le député d'Abitibi-Ouest. M. le
député.
M. Gendron: Bonjour, M. D'Amours, ainsi que les gens qui vous
accompagnent. Je suis heureux de bénéficier de la présence
de la Confédération des caisses populaires et d'économie
Desjardins du Québec a cette commission, compte tenu - ça a
été mentionné rapidement - du rôle que vous jouez
dans l'ensemble du Québec, compte tenu de votre décentralisation,
de votre présence, et pour nous rappeler, comme vous l'avez fait aux
pages 5, 8 et 11 de votre mémoire... À la page 5, nous dire
qu'«il est grand temps de se pencher sur le problème des jeunes
face à l'éducation et de voir comment on pourrait, ensemble,
maisons d'enseignement et entreprises - vous en êtes - leur redonner le
goût d'apprendre, de travailler, de relever des défis et de vivre
une vie d'adulte engagé». Au-delà des moyens, qu'on doit
creuser davantage. C'est sûr que c'est un objectif qu'on n'a pas de
trouble à partager avec vous. (10 h 10)
Un peu plus loin, à la page 11, également, vous avez
rappelé une réalité importante en disant: Bien,
globalement, les collèges se sont acquittés de leur mission.
Après que vous faites ce constat-là, vous constatez comme
d'autres qu'il y a lieu de corriger, d'améliorer et de contrer les
lacunes observées. C'est ce que vous mentionnez, donc, ça
signifie que, vous aussi, vous faites à nouveau le choix des
cégeps, mais à la condition que nous les adaptions à cette
réalité d'aujourd'hui.
Donc, vous êtes les bienvenus, ça me fait plaisir d'avoir
l'occasion d'échanger avec vous. Je sens, par exemple, que,
fondamentalement, ce que vous avez surtout fait, c'est dégager des
grands principes, dégager des orientations sur lesquelles vous voudriez
que nous soyons plus précis, plus pertinents. Ça démontre
que le Mouvement Desjardins est toujours un mouvement de conviction et de
principe au Québec. Alors, merci pour ces orientations-là.
Ma première question sera dans la suite... Parce que, sur le
financement, j'avais des questions à vous poser. On n'en a pas fait le
tour, mais vous avez été assez clairs, assez précis en ce
qui me concerne pour ne pas reprendre les mêmes questions. Non aux frais
de scolarité, c'est une responsabilité de l'État
québécois d'offrir une formation collégiale de plus grande
qualité et, dans ce sens-là, vous rejoignez un principe que nous
défendons. Il n'y a pas de trouble avec ça.
Sur la finale de votre échange avec la ministre, vous conviendrez
avec moi qu'on se doit d'y revenir parce que, quand je vous cite, à la
page 11, où vous décrivez une série d'habiletés
qu'il y a lieu de développer, il n'y a pas grand monde qui peut
être contre ça, parce qu'ils sont tellement d'ordre universel, et
vous le dites vous-même: tout employeur recherche chez ses
employés un citoyen qui peut maîtriser ce que vous venez
d'évoquer. Ces habiletés font référence à
une tête bien faite plutôt qu'à une tête bien pleine.
Je n'ai pas de trouble avec ça, moi. Là, je ne veux pas entrer
dans la description physique des têtes.
La difficulté que j'ai, c'est quand vous finissiez tantôt
en disant - et ça, c'est ma première question. Par l'exemple, que
vous avez illustré, de votre conjointe, à la demande de votre
fille, qui devait aller siéger sur le conseil d'administration pour
faire que le cégep devienne un petit peu un milieu de vie. Ça
signifie que vous seriez très préoccupés par cette
question-là. Est-ce que vous croyez toujours qu'il appartient, au niveau
collégial, et moi je ne dis pas que le cégep ne soit pas un
milieu de vie, mais de développer une série d'habiletés
qui sont effectivement plus liées à des considérations de
ce que vous appelez une tête bien faite plutôt qu'une tête
bien pleine, mais, au-delà de ce que j'appellerais le fait de prendre
dans sa globalité ces expressions-là, mais ça veut dire
que vous considérez qu'il appartient encore au cégep de
développer davantage la mission éducative... Et vous l'aviez
rappelé, à un moment donné, dans une phrase. Je l'avais
citée tantôt. Ça m'avait frappé. Mais ça
voulait dire la même chose, qu'au collégial il était encore
important de donner des contenus qui forment davantage la personne que donner
strictement de la formation dite de base.
Et là, ma question précise, à la page 12, vous
dites: II faut dorénavant faire de meilleurs choix de cours de base
parce que la triade
langue première, philosophie, éducation physique, n'aurait
pas permis, selon vous, de développer les habiletés fondamentales
souhaitées et les employeurs dénoncent les lacunes des finissants
dans ce domaine.
J'aimerais ça que vous m'expliquiez comment vous avez
cheminé pour arriver à une conclusion comme ça et est-ce
que, effectivement, le Mouvement Desjardins, c'est quelque chose qu'il affirme
en lui-même ou s'il reprend ce que d'autres ont constamment
dénoncé? Mais moi, je ne trouve pas, sans faire une
évaluation vraiment significative, pertinente par rapport aux types de
formation de base qu'on a développés.
M. D'Amours: Je dois vous dire qu'il y a deux volets à
votre question. Il y a votre commentaire du début qui faisait
référence, en somme, à l'universalité de nos
principes de base.
Ma première réaction, c'est: il est vrai que ces principes
sont d'ordre général, ils peuvent être vus comme des voeux
pieux. Mais je dois dire que dans la pratique, dans la vie courante d'une
entreprise, maintenant, dans le contexte où nous sommes de la
mondialisation, du changement, où on doit se tourner vers les besoins
des membres dans notre réseau de caisses, où se transforme la
fonction financière considérablement, où la
fonction-conseil se développe aussi, où les contacts avec les
gens doivent être encore mieux réalisés, je dois dire que
ces habiletés-là, on constate qu'elles sont absentes pour une
grande part. Donc, c'est à la fois théorique, mais on fait des
constats dans notre propre milieu de travail. Alors, on parle, finalement, de
besoins qui sont ressentis.
Je dois aussi vous dire que ce mémoire que nous vous
présentons ce matin, nous ne l'avons pas rédigé entre
quatre murs. Il a fait l'objet de discussions dans le réseau. Nous
sommes allés voir les gens du réseau pour voir ce qu'ils avaient
comme besoins. Ils nous l'ont dit. Je dois vous dire que la formation dans
Desjardins, ça fait l'objet d'une attention fort
développée. Vous connaissez bien Desjardins, c'est
enraciné partout au Québec et, dans ce sens-là, nous avons
des antennes partout. Voilà, soyez assurés que cet
énoncé qui peut paraître d'ordre général, il
a une résonance pratique et quotidienne.
Par ailleurs, lorsque nous disons que le collège doit aussi
apprendre à vivre en société, que les activités et
les stages, ou les études, la formation qu'on y a jusqu'à
maintenant accordée ne répondent pas à ces besoins, je
pense que c'est comme citoyen et membre de Desjardins, ou les dirigeants de
Desjardins comme citoyens sont à même de constater un certain
nombre de choses. Et cela nous amène à nous interroger. À
force d'entendre de ces commentaires, à force de les entendre partout
autour de nos tables, et les témoignages de dirigeants, on se dit: Bon,
il y a lieu de s'interroger et d'amener cette question, de porter cette
question à l'attention du gouver- nement. Nos propres expériences
comme parents aussi nous amènent à conclure ça. Dans ce
sens-là, encore une fois, je ne voudrais pas m'engager dans des
discussions très précises: contenu de cours, ce qu'il faut
prendre comme orientation. Il y a des spécialistes qui vont nous... Nous
sommes des clients. Dans ce sens-là, on vient ici, ce matin, comme des
clients, clients d'un système d'éducation qui va faire en sorte
que Desjardins comme entreprise va être meilleure, offrir un meilleur
service.
M. Gendron: Donc, pour terminer là-dessus, ça
signifie que quand, concrètement, vous avez apprécié:
Est-ce que, oui ou non, on doit maintenir des cours de philosophie dans la
formation de base? si, oui ou non, on doit maintenir des cours
d'éducation physique dans la formation de base, vous n'avez pas conclu
là-dessus. Vous concluez davantage - et là vous me corrigerez si
ce n'est pas le cas - que les collèges doivent être des milieux
d'éducation plutôt que des milieux d'enseignement. Mais, à
un moment donné, il va falloir conclure, nous, d'un tronc commun de
formation de base, et qu'est-ce qu'on va retenir? Est-ce qu'on va la garder,
l'éducation physique? Est-ce que vous croyez que l'éducation
physique qui devrait développer le souci d'une meilleure santé,
et ainsi de suite, doit faire partie d'une formation de base obligatoire de
niveau collégial? Oui ou non?
M. D'Amours: Moi, je pense que si la question, on la pose... On
peut se la renvoyer, la question, en ce sens: Est-ce que l'éducation
physique va amener l'étudiant dans un collège à apprendre
à vivre en société? Et si on en fait la
démonstration, oui, il faut la maintenir. Il faut se poser cette
question, et la réponse à cette question nous dit si, oui ou non,
on en a besoin. Aborder cette question cours par cours ou
spécialité par spécialité... Un cours de
philosophie, tel qu'il se donne actuellement au niveau collégial, est-ce
que c'est ce cours-là en particulier? Est-ce que c'est le nombre de
crédits qui sont accordés? Est-ce qu'ils suffisent, finalement,
à l'étudiant, à lui apprendre à vivre et à
découvrir le sens qu'il doit donner à sa vie et à sa
carrière? Je ne suis pas en mesure de le dire, mais les
spécialistes sauront le dire.
M. Gendron: Je vous remercie. Parce que, dans le fond, votre
mémoire donnait les deux orientations.
M. D'Amours: C'est exact, oui.
M. Gendron: II disait: Écoutez, il faut revoir ça;
par contre, si ce n'est pas les cours qui sont en cause, il faut se pencher sur
la méthodologie utilisée.
M. D'Amours: Absolument.
M. Gendron: Alors, c'était assez précis à ce
niveau-là, mais, comme vous indiquiez qu'il y avait lieu de revoir la
formation de base, je pense que c'était important d'échanger un
peu avec vous là-dessus. (10 h 20)
Dans votre mémoire, vous insistez également sur une
espèce de mission que je n'ai pas de trouble à accorder aux
collèges, c'est-à-dire liée au développement
régional. C'est des questions que vous connaissez bien, le Mouvement
Desjardins s'implique dans le développement régional, est
présent dans la plupart des régions du Québec, non pas en
termes physiques, mais en termes d'implication liée à des
activités de développement régional. Ma question
précise, c'est: Est-ce que vous croyez qu'il y aurait lieu de bonifier
la mission des collèges qui, actuellement, est plutôt liée
à une mission éducative et d'enseignement et non pas de support
aux collectivités et d'enseignement à la recherche, non pas parce
que certains collèges ne le font pas, mais parce que... En tout cas,
institution-nellement, c'est plus joué par les universités dans
les lettres patentes, entre autres, pour ce qui est du réseau UQ. Alors,
c'est quoi? Avez-vous un point de vue là-dessus? Est-ce que vous croyez
que l'État québécois devrait profiter de cette
révision pour extensionner la mission des collèges à
quelque chose d'autre que la mission éducative?
M. D'Amours: C'est dans la foulée des commentaires, des
échanges que nous venons de faire, à la fois l'étudiant
qui doit apprendre à vivre au cégep; le cégep doit aussi
contribuer au développement économique de sa région. Je
pense que, comme partenaires des autres institutions d'enseignement, comme le
réseau universitaire, le cégep, les collèges doivent
ajouter à leur mission cet élément-là.
Je vais vous donner quelques exemples, des exemples, je pense, qui
parlent d'eux-mêmes. Nous réclamons que les cégeps, dans
leur région, aient plus d'autonomie pour pouvoir mieux sentir les
besoins du milieu. Sentir les besoins du milieu, ça veut dire être
capable d'y répondre. Répondre aux besoins du milieu,
forcément, ça les projette dans leur contribution au
développement économique et social de leur milieu. Il y a des
cégeps qui ont développé des programmes, par exemple,
requis par leur industrie locale: pâtes et papiers dans la région
de Trois-Rivières. Et on peut en citer un certain nombre. Lévis,
par exemple, qui a développé des programmes en administration et
coopération dans des contacts que nous avons eus avec le collège.
Ce sont, voilà, des implications qui devraient prolonger leur mission,
et se retrouvent dans le prolongement de leur mission.
M. Gendron: Vous souhaitez que la collaboration soit plus
étroite entre les entreprises et les institutions d'enseignement pour la
révision des programmes. Vous l'avez dit à plusieurs reprises.
Est-ce que vous auriez des mécanismes à nous suggérer,
sans aller dans les détails? Quand vous dites d'accroître les
relations entre les collèges et leur milieu respectif pour
l'élaboration et la révision des programmes de formation, moi, je
suis toujours porté à me dire: C'est quoi le problème?
Qu'est-ce qui a fait que ça n'a pu être fait? Que je sache, il n'y
a pas d'empêchement que je connaisse sur le plan que j'appellerais de
l'encadrement ou des règles du ministère. Un collège qui
veut être très proche de sa collectivité et, inversement,
une collectivité économique ou financière qui veut
être très, très proche de son collège, c'est quoi le
problème? Qu'est-ce qui fait que ça ne peut pas se faire selon ce
que vous souhaitez?
M. D'Amours: Je ne crois pas qu'il y ait des empêchements
majeurs à ce que ça se réalise, au contraire. Il y a
déjà des expériences de cette nature-là auxquelles
nous participons et qui sont très éloquentes. Il y a beaucoup de
gens, des dirigeants de Desjardins qui siègent sur des conseils
d'administration, mais il devrait y en avoir davantage. Et, au-delà de
Desjardins, des entreprises en général, ces entreprises, ces
gestionnaires devraient de plus en plus siéger sur les conseils
d'administration. Voilà un exemple.
D'autres exemples, c'est dans le domaine... Par exemple, un professeur
pourrait faire un stage de quelques semaines dans une institution
financière, dans le cadre d'un programme, parce que ça peut
être une initiative qu'un collège prenne avec une institution
financière. Mais comment évaluer les retombées de
ça? Comment faire en sorte que les acquis puissent servir à
d'autres? Je pense qu'il y a une démarche d'ensemble qui doit être
proposée pour y arriver, et on estime qu'il y a un pas à faire
dans ce sens-là.
M. Gendron: Beaucoup de gens sont venus nous dire qu'il y avait
urgente nécessité de revaloriser la formation technique.
Qu'est-ce que le Mouvement Desjardins serait prêt à faire,
éventuellement, dans une campagne de revalorisation de la formation
technique et professionnelle? Est-ce que vous seriez prêts,
concrètement, à poser des gestes?
M. D'Amours: Je vais vous donner un exemple de ce que nous
faisons déjà. Une de nos sociétés d'assurances a
développé, récemment, avec les cégeps de Sainte-Foy
et du Vieux-Montréal un programme visant la promotion des
carrières en assurance. Les caisses Desjardins ont
développé avec un collège, le collège Garneau,
alors qu'il n'y avait pas de programme pour les conseillers en finances
personnelles, un programme adapté à nos propres besoins.
Maintenant, il y a 26 collèges, au Québec, qui le distribuent
à
travers le Québec.
Je pense que là, il y a des contributions déjà
apportées et ça indique que nous sommes prêts à
aller plus loin, s'il le faut, dans ce sens-là. Dans le fond,
rappelez-vous, nous venons ici aussi comme clients et nous avons tout avantage
à révéler aux collèges quels sont nos besoins, et,
dans le cadre de ces besoins, leur indiquer... et il y a là
déjà une contribution considérable, et même aller
au-delà, travailler avec eux pour développer ces programmes, et
encore aller au-delà. Et on pourrait aborder la reconnaissance des
acquis. Et là je pense qu'il y a une étape extrêmement
importante à franchir. Lorsque la contribution de l'entreprise se
transforme en acquis, il faudrait que ça mène à une
reconnaissance.
M. Gendron: Sur le financement, j'ai dit tantôt que... J'ai
été très attentif aux réponses que vous avez
fournies aux questions de la ministre, mais il y a peut-être un volet
additionnel que j'aimerais fouiller un petit peu. Vous avez
suggéré l'idée d'un financement extragouvernemental. Et
moi, je lis ça, mais il me semble qu'on n'est pas en mesure de saisir
exactement comment ça se traduirait, une participation financière
extragouvernementale. Alors, est-ce que vous pourriez être plus explicite
et nous indiquer quelle piste vous aviez en tête quand vous
évoquiez un financement extragouvernemental pour le financement des
collèges?
M. D'Amours: II y a le développement de cours, par
exemple, mieux adaptés à certaines industries. Je pense qu'il
serait raisonnable de croire que l'entreprise participe aux coûts de
développement de ces programmes. Nous le faisons, nous. Nous l'avons
fait dans un contexte particulier, et j'estime que ça doit
évidemment se faire à des coûts concurrentiels, parce que,
en même temps que nous pouvons faire appel aux cégeps pour
développer un certain nombre de cours, nous pourrions tout aussi bien
faire appel - ça se produit dans certains cas - à des entreprises
privées qui offrent les mêmes formations, parce que, ces besoins
étant là, il y a des entreprises pour y répondre. Nous
considérons que les cégeps peuvent jouer un rôle. Et, dans
ce sens-là, nous sommes payeurs, et l'entreprise va être
payeuse.
Et lorsque les acquis sont développés, sont reconnus, ils
peuvent être répandus à l'ensemble des programmes.
Voilà, je pense, une participation financière
intéressante.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député d'Abitibi-Ouest. Il reste maintenant quelques minutes pour
le côté de la formation ministérielle, et je passerai la
parole à M. le député de Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): Oui, M. le Prési- dent. Vous me
permettrez, M. D'Amours, de revenir un peu sur l'affirmation assez
catégorique que vous avez faite tout à l'heure à l'effet
que vous étiez contre les frais de scolarité. Ce que je lis
à la page 21, au bas de la page... et j'espère bien vous
comprendre. «Cependant, nous sommes conscients que l'État ne peut
continuer seul à financer les collèges.» Et vous ajoutez
«D'une façon ou d'une autre, c'est le contribuable qui risque de
faire les frais d'une hausse des frais de scolarité ou d'une hausse de
la contribution de l'État.»
Donc, ce n'est pas tout à fait aussi catégorique que vous
avez voulu l'affirmer tout à l'heure a l'effet que vous êtes
contre les frais de scolarité. Parce que, qui va payer? Est-ce que c'est
les parents, l'État par l'entreprise? C'est quoi, votre perception? Si
vous êtes contre les frais de scolarité, où allons-nous le
chercher, cet argent-là, si on en a besoin?
M. D'Amours: On pense que c'est dans l'implantation - je l'ai dit
- d'un programme de qualité, premièrement, au niveau
collégial. Il y a là, je pense, une démarche
extrêmement positive pour dégager et donner de
l'élasticité au budget actuel. Et si on doit faire plus à
ce niveau-là, avec les mêmes ressources financières, il
faut utiliser d'autres moyens. Et c'est démontré, la preuve est
faite, et on pense que c'est applicable au niveau des institutions
d'enseignement.
M. Tremblay (Rimouski): Très bien. M. le Président,
si vous me permettez, une autre question. Vous demandez de réviser
l'ensemble des programmes de l'enseignement professionnel dans un esprit de
rationalisation. Est-ce que vous êtes bien au courant qu'une étude
du Conseil des collèges ou de la fédération des
collèges du Québec laissait entendre que 87% des employeurs du
Québec sont satisfaits de la formation qui se donne dans les
cégeps?
D'autre part, vous nous dites: «II n'y a pas de programme qui
correspond aux véritables besoins des institutions
financières.» Mais vous employez beaucoup de nos finissants de
cégeps et vous les adaptez à vos institutions. À ce
moment-là, est-ce que ce n'est pas une réponse à l'effet
que la formation fondamentale, la formation de base qui se donne dans les
cégeps est adéquate et correspond, finalement, à vos
attentes? Parce que vous avez des cours d'appoint. Et là ça fait
des hommes et des femmes qui sont tout à fait adaptés ou, encore,
qui ont une formation pour correspondre à vos besoins, aux besoins des
institutions. (10 h 30)
M. D'Amours: Je diverge d'opinion avec vous, parce que si on
regarde la situation telle qu'elle est, j'ai rappelé une statistique au
début, dans les institutions financières, au Québec, on
emploie 170 000 personnes, 6 % de la population active. Et il n'y a aucun
programme destiné
vraiment à former. Ceux qui existent actuellement sont des
morceaux de programmes que nous avons développés en collaboration
avec les maisons d'enseignement.
En 1988, il y a une étude qui a été faite qui
disait, je le rappelle ici, que 70 % des emplois disponibles en 1988 se
trouvaient dans le domaine de la technologie et des services, alors qu'on
retrouve 8 % des programmes de formation professionnelle. Il y a là une
adéquation à rétablir, une équation à
rétablir et il y a un effort. Si on dit que les collèges, les
programmes actuels suffisent et que c'est l'entreprise qui doit faire son autre
bout de chemin pour adapter... Là, on vient de gaspiller des ressources
publiques, des deniers publics. Il faut que ça se fasse au bon endroit,
et notre contribution, par la suite, en termes de financement, elle sera
efficace.
M. Tremblay (Rimouski): Je suis un peu sceptique, parce que
former à l'institution une personne qui est totalement adaptée
à votre institution, puis la rendre «up to date», si je peux
m'exprimer ainsi, ça me semble impossible. Ça me semble
impossible...
M. D'Amours: Vous avez raison, là...
M. Tremblay (Rimouski): ...parce qu'on ne peut pas évoluer
dans l'enseignement aussi rapidement que l'industrie ou que le commerce. C'est
quasiment impossible, c'est inimaginable, à mon sens. Alors, comment
voulez-vous qu'il n'y ait pas des cours d'appoint à un moment
donné, lorsque l'élève sort de l'institution, des cours
d'appoint pour l'adapter à l'institution? Mais si la formation
fondamentale ou générale est adéquate, à ce
moment-là, ça vous fait du bon personnel.
M. D'Amours: Vous avez raison. Nous avons mis beaucoup d'accent
sur la formation continue et il faut que ça se développe d'une
façon plus large dans les entreprises. Cependant, le passage de
l'étudiant du niveau professionnel au marché du travail doit se
faire, d'accord, dans un contexte d'adaptation. Mais nous avons aussi
recommandé que l'entreprise soit présente dans
l'élaboration de ces programmes et dans l'évaluation de ces
programmes. Nous avons recommandé d'instaurer une démarche
qualité. Ça veut dire quoi, une démarche qualité?
Ça veut dire le changement. Ça veut dire que nos programmes de
formation doivent s'adapter continuellement, dans une démarche continue.
Je ne souhaiterais pas, et on ne souhaiterait pas, chez Desjardins, qu'à
la suite de cette commission et d'une réforme, on s'installe à
nouveau avec un certain nombre de programmes et qu'on attende 20 ans pour dire:
Bon, bien, qu'est-ce qu'il faut faire avec nos programmes? Faut-il les
rénover, les réadapter? Il faut que ça se fasse d'une
façon continue. Après un an de nouvelles structures de
programmes, de l'instauration d'un nouveau programme, on doit se poser la
question: Est-il adapté? Faut-il le revoir? Faut-il le faire
évoluer en fonction des besoins de l'industrie et de la
société?
Le Président (M. Gobé): M. D'Amours...
M. D'Amours: Je pense que là-dessus on s'entend.
Le Président (M. Gobé): ...je vous remercie
beaucoup. C'est là, malheureusement, tout le temps qui était
imparti pour votre témoignage. Je dois donc maintenant mettre fin
à cette audition. Je vous demanderais donc de vous retirer. Je vais
suspendre nos travaux pour une minute, le temps de demander au groupe suivant,
le cégep de Baie-Comeau, la Chambre de commerce et le Commissariat
industriel régional de Baie-Comeau, de vouloir prendre place et nous
reprendrons la séance aussitôt après.
La séance est suspendue pour une minute.
(Suspension de la séance à 10 h 34)
(Reprise à 10 h 36)
Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, si
vous voulez reprendre place afin que nous puissions reprendre les travaux de
notre commission. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir maintenant les
représentants du cégep de Baie-Comeau, de la Chambre de commerce
et du Commissariat industriel régional de Baie-Comeau. Nous vous
souhaitons donc bienvenue en cette salle, surtout que votre
député, le député de Saguenay, M. Maltais, est
présent parmi nous. Je dois vous dire, d'ailleurs, qu'il est
présent depuis le début de cette commission. Même s'il n'en
est pas membre à part entière, il a tenu à suivre cette
commission, probablement parce qu'il savait que vous viendriez.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gobé): Sans plus tarder, je me
retiens même de lui donner la parole en premier, la
préséance voulant que ce soit Mme la ministre. Alors, Mme la
ministre, avec votre consentement, nous allons demander à M. le
député de Saguenay de dire bonjour à ses commettants.
M. Maltais: Merci beaucoup, M. le Président. C'est d'une
gentillesse inhabituelle...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Maltais: ...fort appréciée, de souhaiter la
bienvenue aux gens du cégep, aux gens de la
Chambre de commerce et aux gens du Commissariat industriel. Je pense que
c'est important de le souligner, c'est une situation spéciale cette
année pour le cégep de Baie-Comeau. Le cégep de
Baie-Comeau a toujours été présent dans le milieu et,
cette année, il me fait plaisir de souligner aux membres de la
commission que le directeur général du cégep, M. Gagnon,
qui est ici, est également président du comité
organisateur des Jeux d'hiver du Québec à Baie-Comeau, qui se
tiendront au mois de février, auxquels je vous convie tous à
venir assister. Voilà, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Saguenay. Alors, sans plus tarder, je demanderai
maintenant à M. Rousseau, au porte-parole du regroupement de bien
vouloir, d'abord, présenter les gens qui l'entourent. Vous avez, par la
suite, une période de 20 minutes, excluant le temps que le
député de Saguenay vient de prendre, pour présenter votre
mémoire.
Cégep de Baie-Comeau, Chambre
de commerce et Commissariat industriel régional
de Baie-Comeau
M. Rousseau (Pierre): Merci, M. le Président. Il me fait
plaisir d'accepter votre invitation et de venir vous présenter notre
mémoire aujourd'hui. La délégation qui m'accompagne, ce
sont les gens qui ont travaillé avec nous, du Commissariat, à la
préparation du dossier: M. Réal Savoie, président du
conseil d'administration du cégep de Baie-Comeau; M. Réjean
Gagnon, directeur général du cégep; M. Michel Boisvert,
président de la Chambre de commerce de Baie-Comeau; M. Roger
Grandguillot, commissaire industriel, et M. Roger Lapointe, directeur des
services éducatifs au cégep de Baie-Comeau.
Le mémoire qu'on a voulu vous présenter, vous
préparer, est un mémoire d'organismes externes au cégep,
un mémoire qui est la réflexion du groupe du Commissariat
industriel et de la Chambre de commerce, bien sûr, avec nos
alliés, je dirais, de toujours, depuis leur existence, qui sont les
cégeps.
Mme la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science nous
a invités à une réflexion profonde sur l'avenir des
cégeps. Le Commissariat industriel et la Chambre de commerce se
retrouvent, selon nous, au nombre des groupes représentatifs de la
collectivité régionale. Nous assumons que l'enseignement
général et professionnel dispensé au cégep de
Baie-Comeau est un service indispensable dans une région aussi vaste et
isolée que la Côte-Nord. Le cégep de Baie-Comeau est
facteur d'évolution en cette région de la Côte-Nord; il est
réponse efficace à une gamme de besoins d'ordre culturel, social
et économique du milieu. Il est interpellé par les
éléments dynamiques de ce même milieu, l'invitant à
soutenir leurs perspectives réelles de développement. Nous
tenterons de le démontrer en trois étapes, une approche qui est
fort simple: le passé, le présent et l'avenir. Pour ce qui touche
la partie, je dirais, passé, je vais demander au directeur
général du cégep de vous faire part de son
évolution à l'intérieur de l'établissement comme
tel du cégep. Réjean, s'il vous plaît. (10 h 40)
M. Gagnon (Réjean): Merci, M. Rousseau. M. le
Président, les apports du cégep de Baie-Comeau à la
scolarisation des gens s'illustrent par l'augmentation du taux de passage du
secondaire V au collégial I, par le niveau de scolarité de la
population de 15 ans et plus de la région, comparé à celui
du Québec, par le nombre de diplômes décernés ainsi
que par l'attraction exercée par le cégep en région
immédiate.
Depuis 1972, le taux de passage du secondaire V vers le collégial
a augmenté régulièrement: de 31,4 % qu'il était en
1972, ce taux atteignait 62,1 % en 1990. On constate que, bon an, mal an, 60 %
de la clientèle totale du cégep se retrouvent dans les programmes
d'enseignement professionnel. À ce niveau, nous sommes parmi les
quelques collèges à avoir ce pourcentage d'enseignement
professionnel. En outre, de 1987 à 1992, dans le cadre des services de
l'éducation des adultes, 3058 attestations de formation sur mesure ont
été décernées.
Les apports culturels du cégep de Baie-Comeau au milieu
régional sont nombreux, variés et nettement palpables.
Très tôt, ce cégep de province a été
appelé à jouer des rôles habituellement
réservés aux experts ou aux organismes spécialisés.
Parmi les ressources humaines du cégep, se sont manifestés des
initiateurs et des initiatrices et des leaders en développement de la
culture et des arts. Le rayonnement culturel s'est étendu en
région grâce aussi à la participation de membres du
personnel du cégep a différents conseils d'administration
d'organismes à mission culturelle.
Le double bénéfice de l'éducation et de la
formation, de la culture dans son sens le plus englobant, pour la personne et
pour la société, est plus qu'évident, surtout en
région. Et les retombées de la formation se rendent palpables au
plan de l'économie régionale. Dans une économie moderne,
matière grise et matière première doivent être au
rendez-vous: ce sont les ressources naturelles d'un milieu.
Un cégep interactif au présent. L'éducation et la
qualification professionnelle de la main-d'oeuvre constituent une ressource
naturelle du milieu. Les investisseurs, les entrepreneurs et les employeurs au
sens large du terme sont forcément sensibles à la correspondance
de la formation avec les réalités du milieu environnant et
à la qualité de ladite formation. Le cégep de Baie-Comeau
a développé des programmes et des services de formation, il a
pris des engagements qui sont révélateurs d'interaction aux
réalités et
aux besoins actuels.
Les entreprises sont confrontées à un renouvellement
continuel de leur parc d'équipements et à des pressions
constantes pour modifier leurs méthodes de travail. Les employeurs ont
recommandé aux établissements d'enseignement de centrer la
formation du technicien ou de la technicienne sur l'essentiel. Cet essentiel
comporte, entre autres éléments, la capacité de faire des
liens entre diverses disciplines, des habiletés de diagnostic, des
aptitudes au travail d'équipe et à la résolution de
problèmes et la compétence en communication orale et
écrite.
En éducation, cela signifie que la qualité de la formation
du technicien ou de la technicienne passe par la formation fondamentale. Les
employeurs, grandes entreprises ou PME, de chez nous constatent que le
cégep a fait depuis 1988 un choix institutionnel correspondant à
leurs attentes, soit d'opter pour la formation fondamentale comme principe
organisateur de la formation dispensée dans les programmes. Ils
perçoivent que les objets de formation compris dans les orientations
institutionnelles de formation fondamentale sont convergents avec leurs propres
attentes. Le défi technologique commande une action rapide, les
exigences d'un monde en changement se font pressantes.
La gamme des programmes d'enseignement professionnel du cégep
s'est développée selon trois grands axes correspondant bien aux
réalités de notre milieu: l'exploitation des ressources
naturelles, la transformation de ces ressources et les impératifs de
services à la collectivité. Ces programmes professionnels
correspondent bien aux principaux besoins en main-d'oeuvre de la région.
L'évolution du placement des finissants et des finissantes du
cégep démontre que, bon an, mal an, quelque 90 % des
répondants et des répondantes à la relance
effectuée par nous-mêmes trouvent un emploi en région dans
un domaine d'activités reliées à leur domaine
d'études.
Pour donner suite à certains dires ou écrits, nous
exprimons notre inquiétude à propos du maintien de la gamme des
programmes professionnels offerts au cégep de Baie-Comeau. Une
rationalisation à partir de normes élaborées en
référence aux réalités des grands centres urbains
ne saurait être acceptable à moins que soient pris en compte les
besoins régionaux. Le système doit être suffisamment souple
pour permettre le développement endogène des régions. La
disponibilité de ressources humaines qualifiées constitue un
facteur déterminant du potentiel de développement d'une
région. Elle permet ou handicape la naissance et le développement
d'entreprises régionales et détermine, dans une grande mesure, la
capacité de la population en place de participer aux retombées
qui accompagnent la venue des grandes entreprises. Je céderai maintenant
la parole à M. Rousseau.
M. Rousseau: L'offre et l'ajustement continu d'une gamme de
services de formation aux adultes et aux entreprises. Nous observons que la
mission de développement régional que s'est donnée le
cégep de Baie-Comeau s'est concrétisée de façon
remarquable dans l'offre et l'ajustement continu d'une gamme de services de
formation aux adultes et aux entreprises. Présentement, nous constatons
que le cégep accentue sa présence au milieu par la mise en place
de son Service de formation sur mesure aux adultes et aux entreprises. Ses
principaux clients, en raison de la qualité des échanges relatifs
à l'identification des besoins, à la définition des
objectifs de formation et aux modalités de réalisation des
activités de formation, se sont rapidement considérés des
partenaires.
Les demandes de formation provenant des partenaires ont augmenté
de façon spectaculaire ces dernières années. Nous
constatons que le cégep est en mesure de fournir rapidement et avec
souplesse une formation efficace et adaptée à des besoins
évolutifs. Cette formation est à la fols support et stimulation
au développement des entreprises. Elle leur permet même, dans
certains cas, de demeurer concurrentielles sur les marchés nationaux et
internationaux.
Parmi les grandes préoccupations sociales de cette fin du XXe
siècle se trouve posée, sous ses multiples facettes, la
«question des femmes». Le monde de la production et le monde de
l'éducation sont fortement interpellés. La promotion et
l'intégration des femmes aux champs d'études et de
carrières non traditionnelles ont déjà permis à des
entreprises majeures de la région de puiser à même un
bassin élargi de main-d'oeuvre qualifiée. Ce n'est qu'un
début.
La question amérindienne est d'actualité aux plans
international, national et régional. Les besoins spécifiques de
formation des collectivités amérindiennes appelées
à assumer des responsabilités et des rôles nouveaux font en
sorte que la qualification professionnelle et le perfectionnement n'ont jamais
été aussi vitaux.
Pour faire un point, sur le territoire desservi par le cégep de
Baie-Comeau, qui couvre environ 120 milles de côtes, il y a deux
nationalités autochtones, une à Betsiamites et une aux Escoumins.
Il nous apparaît opportun de signaler deux exigences de
compétences qui, en fait, constituent autant d'urgences «au
présent»: le sens de l'«entrepreneurship» et la
communication orale et écrite, tant pour le français que pour
l'anglais.
Le développement du sens de l'«entrepre-neurship»,
compris comme étant le désir et le goût d'entreprendre et
d'innover, comme étant éveil à l'utilisation des
ressources du milieu en vue d'une exploitation ou d'une mise en valeur
originale, nous apparaît un préalable pour une économie
régionale dynamique. Le sens de l'«entrepreneurship» fournit
cette étincelle pour amorcer telle exploitation originale et assure
aussi une stabilisation de cette même économie
régionale en permettant une réponse alerte aux changements
conjoncturels. Ce sens de l'«entre-preneurship» serait, selon nous,
développé plus avantageusement dans un contexte formel, soit
celui de cours ou de stages.
Enfin, nous réaffirmons tout simplement l'importance
accordée à la capacité de communication orale et
écrite et notons, en ce jour, une faiblesse flagrante et
déplorable chez nous élèves diplômés du
cégep. Nous savons, cependant, les efforts consentis en vue d'apporter
des correctifs à la situation.
Vers un futur bien jalonné. Ce cheminement propre au cégep
de Baie-Comeau comporte trois caractéristiques: l'établissement
de partenariats, l'exploration d'une alliance-formation, la sollicitation
pressante du milieu pour des services plus. Entretien, renforcement,
développement de partenariats multiples et diversifiés avec les
entreprises et les organismes de la région. Dans les faits, un solide
partenariat s'est développé entre les entreprises et organismes
de la région Manicouagan et le cégep de Baie-Comeau. La
volonté des uns et des autres est non seulement de poursuivre un tel
partenariat, mais de l'accentuer à la mesure des possibilités de
chacun. On cite quelques exemples: la mise en place d'un système
d'information à référence spatiale; un projet de recherche
sur les boues résiduaires comme fertilisant sylvicole auquel participent
le Commissariat industriel, la Chambre de commerce, le Centre
québécois de valorisation de la biomasse, la Compagnie de papier
Québec et Ontario, la ville, l'Université du Québec
à Rimouski; l'élaboration et la présentation d'un projet
de centre de valorisation des ressources en Côte-Nord. Ça, c'est
un projet qui est présentement à l'étude au niveau de
différents organismes. Ce centre constituera un organisme mixte
d'élaboration et de gestion de projets en recherche appliquée, de
développement et de transfert technologique visant à
développer une expertise unique dans la valorisation des ressources en
Côte-Nord, notamment le traitement des résidus domestiques et
industriels en foresterie et en faune. La valorisation des ressources comprend
un volet de la gestion des ressources humaines axée sur la formation, le
développement et la motivation. (10 h 50)
En outre, la volonté de décentralisation du gouvernement
du Québec vers les régions fera en sorte que le
développement régional sera plus endogène. Ainsi, les
ministères ou organismes gouvernementaux et le cégep de
Baie-Comeau seront appelés à suivre les tracés du
partenariat. La complémentarité des ressources humaines, la
réalisation de mandats dans le domaine de la haute technologie, les
retombées d'une approche synergique, voilà autant de motifs d'une
collaboration encore plus soutenue et plus étendue.
Partenaires pour une alliance-formation. Les entreprises et le
cégep s'entretiennent de leurs besoins, préoccupations et
attentes réciproques dans le cadre de différents comités
de type école-entreprise. La qualité des rapports entre le
cégep et les entreprises permet d'envisager un partenariat pour une
alliance-formation. En effet, certaines entreprises majeures de notre
région, Hydro-Québec, la Compagnie de papier, la
Société canadienne de métaux Reynolds, démontrent
un intérêt certain pour appliquer un système de formation
technique de type dualiste où l'entreprise et le cégep
participeraient conjointement au développement de la formation
professionnelle en vue d'une harmonisation optimale de celle-ci aux
réalités et aux besoins des entreprises.
La sollicitation pressante du milieu pour des services plus. Le
cégep de Baie-Comeau, grâce à un enracinement
régional bien cultivé, peut répondre à une gamme de
besoins de formation parce qu'il s'est développé en
conformité avec les réalités de son environnement, d'une
part. Seul établissement d'enseignement supérieur en cette partie
de la Côte-Nord, on lui demande de satisfaire à une gamme
élargie de besoins, d'autre part.
Le plan d'action du gouvernement du Québec en matière de
développement régional «sollicite fortement les
collèges dans le volet sur l'innovation et le développement
technologique. Cette sollicitation s'explique facilement: d'une part, les
nouvelles technologies sont un élément fondamental pour la
revalorisation des économies régionales; d'autre part, les
collèges [...] disposent de ressources importantes qui pourraient
stimuler et aider les entreprises dans ce domaine».
Pour une réponse adéquate à une gamme
élargie de besoins, pour une participation plus soutenue au
développement régional, le cégep de Baie-Comeau devrait
disposer des moyens appropriés. Nous estimons que la situation
vécue dans la région Manicouagan fonde et justifie la
modélisation d'une identité institutionnelle correspondant aux
besoins de cette région de la Côte-Nord.
Notre démarche de réflexion sur l'avenir en fut
également une de conscientisation aux apports de l'enseignement
général et professionnel, surtout en région. Nous
adhérons aux cinq principes relatifs à la stratégie de
développement économique du Québec et nous soulignons
l'importance accordée à l'éducation et à la
qualification professionnelle, initiale et continue, de la main-d'oeuvre.
Le cégep de Baie-Comeau a largement contribué à la
formation de femmes, d'hommes compétents provenant de la région,
oeuvrant en région et contribuant ainsi au développement et au
maintien de la vitalité de cette même région. Un secteur
d'activité requiert cependant intervention pour qu'advienne une
croissance qui constitue un défi à relever en priorité. Ce
défi a pour nom: le développement de la recherche en
région Côte-Nord.
Enfin, il est permis de croire, à l'aube du XXI e siècle,
à un épanouissement personnel et à un développement
professionnel liés à la qualité de l'enseignement et de la
recherche, l'un et l'autre empreints de cette chaleur humaine que suscitent la
valeur intellectuelle et l'engagement au service des autres et du
progrès.
Je pourrais passer à la lecture des cinq recommandations
principales. Après ça, si vous voulez, on pourra faire une
discussion?
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M.
Rousseau. Il vous reste à peu près deux ou trois minutes, si vous
voulez nous faire vos recommandations.
M. Rousseau: Recommandation 1. En raison du présent
contexte de rationalisation, nous recommandons, en vue d'assurer le maintien
d'une gamme de programmes d'enseignement professionnel et de services de
formation adéquats aux réalités et aux besoins
régionaux, que toute norme éventuelle élaborée
prenne en compte lesdites réalités, de sorte que le
système ait la souplesse requise au développement endogène
des régions.
Recommandation 2. En raison de l'impact de l'esprit
d'«entrepreneurship», notamment sur l'économie
régionale, nous recommandons que l'«entrepreneurship» fasse
partie du profil de compétences des divers programmes de formation
professionnelle parce que nous croyons que le sens de
l'«entrepreneurship» sera développé plus
avantageusement dans ce contexte formel.
Recommandation 3. En raison de l'importance accordée à la
capacité de communication orale et écrite, nous recommandons que
soient évaluées les approches d'aide appliquées à
ce jour et que soit retenue et soutenue toute approche susceptible d'apporter
amélioration dans les plus brefs délais.
La recommandation 4. En raison de la pertinence d'un
développement optimal de partenariats diversifiés et
générateurs de développement socio-économique
régional, nous recommandons que soient posés des gestes concrets,
tels l'ajustement des encadrements législatifs et administratifs,
l'élargissement des marges de manoeuvre locales, la souplesse des modes
de fonctionnement, la modulation des programmes de subvention.
La recommandation 5. En raison de l'enracinement régional du
cégep de Baie-Comeau, de sa situation d'unique établissement
d'enseignement supérieur en cette partie de la Côte-Nord, en
raison des besoins nettement identifiés et d'attentes clairement
signifiées, nous recommandons qu'il soit autorisé de plein droit
à accepter des mandats de recherche appliquée, d'aide technique
et d'animation auprès des entreprises, jouant ainsi le rôle
dynamisant d'un centre de transfert technologique en cette région de la
Côte-Nord. Voilà, M. le Président, les
énoncés de notre mémoire.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. M.
Rousseau et M. Gagnon, nous vous remercions pour la présentation de
votre mémoire. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre de
l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science. Mme la
ministre.
Mme Robillard: Merci, M. le Président. Je suis heureuse
d'accueillir le cégep de Baie-Comeau, de même que tous ses
partenaires régionaux. Je pense que vous êtes un exemple vivant du
rôle qu'un cégep peut jouer en région et comment vous
pouvez répondre aux besoins de votre milieu. Donc, votre
expérience, je pense, peut nous être très profitable ici,
au niveau de nos travaux à la commission.
Donc, j'engagerais immédiatement le dialogue directement avec les
partenaires. Sentez-vous à l'aise là, soit les
représentants de la Chambre de commerce ou du Commissariat industriel ou
M. le président du conseil d'administration. J'aimerais ça vous
entendre parce que vous nous faites part d'une expérience, à la
page 14 de votre mémoire, comme quoi certains employeurs, chez vous,
«participent déjà à la réflexion et aux
actions menées par les départements d'enseignement [...] pour
définir les éléments d'un profil de compétences
spécifiques à chacun des programmes d'études».
Alors, ce que vous me dites, c'est que ça se fait
déjà à Baie-Comeau. Je veux, les représentants du
milieu des employeurs, que vous me fassiez part de votre expérience.
Comment ça se passe, comment vous vivez ça? Est-ce qu'il y a des
difficultés? Quelle est la collaboration que vous avez avec les
enseignants? Je vous écoute là-dessus.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.
Rousseau, vous y allez.
M. Rousseau: S'il vous plaît. Il y a plusieurs
comités entreprises-cégeps, au niveau éducation, qui
existent chez nous de façon à connaître et à aller
palper les besoins dans le milieu. Ces collaborations sont même
accentuées de façon très importante dans certains
domaines, en particulier, au moment où il y a eu des formateurs, des
enseignants du cégep qui ont passé presque une année
complète à l'intérieur de quelques entreprises de chez
nous pour aller démontrer à ces gens-là comment peut
s'appliquer maintenant une nouvelle technologie et puis, en même temps,
l'inverse se fait. Bien sûr, quand la personne qui fait l'enseignement
est dans le milieu du travail routinier, elle apprend à vivre avec les
gens qui ont à produire, elle apprend à se mettre sur le mode de
production et puis revient au niveau de l'institution avec un bagage de
formation qui est fort intéressant et qui lui permet une orientation qui
est très appréciée.
donc, c'est par un échange, je dirais, relativement constant et
présent avec le milieu que le cégep réussit à ce
niveau-là, du moins, selon mon expérience à moi.
Mme Robillard: Là, M. Rousseau, vous me faites part de
l'expérience d'un professeur qui va dans l'entreprise. Mais, ici, vous
me dites que c'est les employeurs qui participent aussi à définir
les éléments d'un profil de compétences attachées
à un programme. Donc, les employeurs aussi vont dans le cégep.
Comment ça se vit, ça? Donnez-moi une expérience que vous
avez eue au niveau d'un département chez vous, au cégep de
Baie-Comeau.
M. Rousseau: À ce niveau-là, moi, personnellement,
je n'en ai pas vécu comme tel. Réal? Peut-être M.
Lapointe.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M.
Lapointe.
M. Lapointe (Roger): En fait, ça se vit de la
manière suivante. C'est que vous avez effectivement des comités.
On travaille beaucoup sur l'approche programme. Si on prend les soins
infirmiers, nous sommes relativement avancés dans ce domaine-là.
Là, il y a les employeurs. En fait, les employeurs, quand même,
sont relativement restreints dans ce cas-là. Par exemple, au niveau du
centre hospitalier, au niveau des CLSC, il y a des rencontres de façon
à déterminer avec ces employeurs-là des profils de
compétences. (11 heures)
II y a quelques années, disons, nous avons rencontré les
employeurs au niveau de la technologie forestière; les gens sont venus,
justement avant que le nouveau programme de technologie forestière soit
révisé, et nous avons défini ensemble ce que nous avons
appelé, dans le temps, un technicien ou une technicienne
idéale.
Mme Robillard: Oui. Je connais bien cette
démarche-là. Je ne veux pas nécessairement vous
arrêter, mais j'aurais aimé ça avoir l'expérience
d'un employeur qui l'a vécue. Les gens des collèges, vous
m'expliquez comment ça se passe. M. le DSP, je pense que vous êtes
en train, justement, de me montrer, au plan pratique, comment ça peut se
passer chez vous, mais j'aurais aimé ça entendre le
témoignage d'un employeur sur ça. Je pense que ce n'est pas le
cas parmi votre représentation. Ce n'est pas grave, je vais passer
à une autre question, peut-être à M. Gagnon, directement,
ou à quelqu'un d'entre vous.
M. Gagnon, je pense que c'est la première fois, au niveau des
audiences de cette commission, qu'on entend un cégep nous dire qu'on
peut peut-être appliquer un modèle de système dual
semblable à l'Allemagne au niveau de nos cégeps.
C'est assez original comme avancé; alors, j'aimerais bien vous
entendre sur ça quand vous dites que c'est possible, chez vous,
d'expérimenter une telle façon de faire, bien que vous nous
disiez Immédiatement que ce n'est pas le modèle allemand, mais
qu'on peut l'appliquer au Québec et que l'entreprise pourrait participer
conjointement au développement de la formation professionnelle. Vous
allez m'expliquer ça, M. Gagnon. D'abord, est-ce que ça se passe
présentement? Comment ça se passe? Quelles sont les
difficultés? Je pense que ça vaudrait la peine que vous nous
expliquiez cette question-là.
M. Gagnon (Réjean): Ce que nous disons dans notre
mémoire, Mme la ministre, c'est qu'Hydro-Québec régionale
- on l'a rencontrée aussi au niveau du siège social à
Montréal - et la Compagnie de papier Québec et Ontario, chez
nous, nous ont démontré un intérêt quant à ce
système-là. Nous avons des personnes du collège qui sont
allées, avec d'autres personnes du Québec, faire des missions en
Allemagne et, suite au rapport que ces gens-là nous ont amené, on
a rencontré les responsables de la Compagnie Québec et Ontario et
les responsables d'Hydro-Québec pour échanger avec eux, d'abord,
pour connaître leur intérêt, est-ce qu'ils pourraient
être intéressés à la mise en place d'un
système qui s'approcherait beaucoup du système dual allemand,
mais qui ne serait pas nécessairement... On pense qu'on ne peut pas
copier. Il faudra adapter ce qui est adaptable.
La réponse, à ce moment-là, a été:
Oui, on pourrait être intéressés à regarder cela. Et
nous en sommes aux étapes du regard et de la discussion quand à
comment on pourra... C'est pour ça que notre mémoire parle d'un
intérêt, ont démontré «un intérêt
certain». On n'est pas à l'étape, là, de la mise en
application du système, sauf que la grande entreprise, qui s'appelle
Québec et Ontario, nous ayant démontré cet
intérêt-là, nous sommes... Les dernières discussions
ont eu lieu la semaine dernière en regard du programme de technologie
forestière, particulièrement, et de nos étudiants en
technologie forestière.
Mme Robillard: Et, M. Gagnon, ça passerait
nécessairement par une étape de formation directement dans
l'entreprise?
M. Gagnon (Réjean): Ça passerait, effectivement,
par une étape de formation. Il y aurait une période de formation
à l'intérieur de l'entreprise, rémunérée,
etc., tout le principe.
Mme Robillard: On ne parle pas du système
coopératif, là.
M. Gagnon (Réjean): Pas tout à fait, madame. Un peu
plus que le système coopératif, si je connais bien le
système coopératif.
Mme Robillard: Oui. On va suivre de près votre...
M. Gagnon (Réjean): On espère beaucoup que
ça débouchera.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien.
Alors, je vais maintenant reconnaître le critique officiel de
l'Opposition, le député d'Abitibi-Ouest, M. Gendron.
M. Gendron: Bonjour. Je voudrais saluer d'une façon
spéciale les gens de Baie-Comeau. C'est évident que, par votre
présentation et avec la présence de ceux qui vous accompagnent,
ça témoigne de cette solidarité régionale au niveau
de ce que représente l'institution collégiale pour vous, à
Baie-Comeau. C'est une caractéristique intéressante des
réglons du Québec. On a besoin, je pense, que cette
institution-là rayonne d'une façon un peu plus large
qu'uniquement par sa responsabilité de l'enseignement. Je suis heureux
que vous soyez des nôtres et que vous ayez exprimé votre point de
vue.
D'abord, une question qui m'a surpris, mais qui est
d'intérêt local, mais je trouve qu'elle est importante,
d'après mol, pour essayer de comprendre mieux. Vous affirmez, à
un moment donné, que vous avez à peu près 10 % à 12
% de plus de votre clientèle qui vient de la Côte-Nord que de
Baie-Comeau. J'aimerais que vous m'expliquiez ça, parce qu'on serait
portes à ce que ce soit l'inverse. Alors, y a-t-il une explication
particulière? Vous me comprenez bien, là? Il y a à peu
près 10 % de plus de votre clientèle qui provient de la
Côte-Nord que de Baie-Comeau, puis c'est le cégep de Baie-Comeau.
Alors, vous expliquez ça comment?
M. Gagnon (Réjean): En fait, la façon dont c'est
écrit permet de dire ça, M. Gendron, sauf que...
M. Gendron: Ce n'est pas ça.
M. Gagnon (Réjean): ...80 % de la clientèle nous
vient de la région Manicouagan, des polyvalentes de la région
immédiate, et 92 % de notre clientèle proviennent de l'ensemble
de la région, parce que nous décernons certains programmes
uniques en Côte-Nord comme, par exemple, éducation
spécialisée, technologie forestière, génie civil.
Électro se donne également à Sept-Iles et à
Baie-Comeau, sauf que ce n'est pas les mêmes voies de sortie. Alors,
ça s'explique particulièrement de cette façon.
M. Gendron: Donc, l'explication: ces programmes
spécialisés qui sont surtout concentrés à
Baie-Comeau.
M. Gagnon (Réjean): C'est ça, c'est que nous avons
chez nous huit programmes profes- sionnels pour un collège de 1035
étudiants cette année. C'est-à-dire, qu'on est presque une
structure de programmes de moyen collège, ce qui explique qu'on a 60 %
de notre clientèle qui est professionnelle.
M. Gendron: Merci. Moi, j'ai apprécié votre
mémoire. Vous avez surtout parlé de ce que signifie, chez vous,
le cégep, de ses besoins, de sa réalité et de son futur.
Et je n'ai rien contre ça, au contraire. Mais, en ce qui nous concerne,
on va profiter de votre présence pour éclairer le débat
davantage sur des questions peut-être à préoccupation plus
nationale, mais qui, dans certains cas, auraient peut-être une incidence
différente si c'était appliqué dans une région ou
dans des grands centres. Je donne un exemple. On fait l'hypothèse que le
gouvernement retienne la formule, à la conclusion de nos travaux, qu'il
faille dans le futur accorder plus d'importance à une formation
stages-études. En termes clairs, il y aurait vraiment plus de stages
pour la formation technique, d'une façon concrète - on
arrêterait d'en parler, puis ça marcherait - et il y aurait plus
de jeunes qui choisiraient la formation technique. Dans un cas comme celui que
je viens de décrire, est-ce que ça poserait des problèmes
particuliers chez vous si une telle formule était retenue? En termes
clairs, je veux juste savoir si vous croyez que vous avez la
variété d'entreprises pour être capable d'offrir quand
même un programme de stages qui répondrait aux besoins de vos
techniques?
M. Gagnon (Réjean): Oui, je pense que nous avons, dans
notre milieu et en région Côte-Nord, la gamme des entreprises qui
pourraient recevoir nos techniciens ou nos techniciennes, peut-être pas
uniquement en région Manicouagan, il faudrait peut-être
déborder en Haute-Côte-Nord et un peu vers la Minganie. Mais, dans
l'ensemble de la Côte-Nord, on a ce qu'il faut. Mais la très
grande majorité est dans la région Manicouagan.
M. Gendron: Croyez-vous qu'il y a vraiment de l'ouverture au
niveau des dirigeants d'entreprises pour être très collaborateurs
dans une formule stages-études plus accentuée que celle qu'on
connaît présentement?
M. Gagnon (Réjean): M. Rousseau voudra compléter
peut-être, je ne sais pas, mais, dans notre cas, les discussions qu'on a
entreprises à ce jour nous permettent de penser qu'il y a des ouvertures
d'esprit et que les ouvertures seront là. Je ne sais pas si Pierre veut
compléter.
M. Rousseau: Je pense que, de ce côté-là,
ça ne fait aucun doute. Le milieu a déjà
démontré, avec des initiatives très particulières
qu'on a soulignées un petit peu à l'intérieur de notre
mémoire, qu'il y avait un dynamisme qui était
fort intéressant. Puis ça ne fait aucun doute que,
étant moi-même propriétaire d'une entreprise, cette
formation qu'on pourrait appeler stages-entreprises puisse voir le jour, puis
très bien vivre. Dans la période où on a des
étudiants l'été, on emploie à l'intérieur de
ma propre entreprise deux à trois étudiants de façon
régulière pour leur faire faire des stages. Donc, si on pouvait
les répartir à longueur d'année, il n'y aurait aucun
problème au niveau de l'ensemble des entreprises de la
Côte-Nord.
M. Gendron: Donc, si ça ne se fait pas, ce n'est pas parce
que vous n'êtes pas dynamiques, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de
problème. C'est parce que vous n'êtes pas rendus là? C'est
quoi, le problème? Qu'est-ce qui fait qu'il ne s'en fait pas plus, de
stages, actuellement en entreprise? (11 h 10)
M. Rousseau: Est-ce que le système, à l'heure
actuelle, est approprié pour répondre vraiment aux besoins de
l'entreprise? Je pense que c'est peut-être de ce
côté-là qu'on a une amélioration potentielle
à faire au niveau du système comme tel de l'éducation. Je
veux dire, qu'il est difficile pour mon entreprise de faire des stages versus
le cégep, si je prends mon exemple à moi, durant la session
d'hiver ou durant la session d'automne. Les étudiants sont au
collège. Donc, la période de formation, c'est deux semestres et
c'est huit mois, et ils sont libérés durant l'été.
Il y a des contraintes particulières de programmation, si on veut, si on
prend l'exemple d'un petit cégep comme le nôtre, où le
cours se donne à la session d'automne, et il ne peut pas se donner en
session d'hiver. Donc, l'étudiant qui est là, il n'a pas le
choix, il faut qu'il soit à cette étape-là. Donc,
ça demande une organisation particulière au niveau cégeps
et entreprises.
M. Gagnon (Réjean): Et j'ajouterais aussi, si vous me
permettez, M. Gendron, et si M. le Président me le permet, que dans les
dernières années, au niveau du collège, nous avons
consacré beaucoup d'énergies, avec nos enseignants et nos
départements d'enseignement, à la formation fondamentale et
à la question de l'approche programme. Et nous sommes rendus, depuis un
certain nombre de mois, davantage à l'étape de ça. Mais on
va retrouver les difficultés que Pierre énonçait
tantôt.
M. Gendron: Puisque vous en pariez, si, demain matin, on
privilégiait l'approche programme, on mettait moins l'emphase sur le
département au niveau collégial, on faisait un peu plus
d'évaluation dans les collèges, c'est quoi, la collaboration de
vos enseignants, chez vous?
M. Gagnon (Réjean): Actuellement, elle est excellente, M.
Gendron, à la fois pour la notion d'approche programme. Je demanderais
à M. Lapointe de vous préciser les départements
d'enseignement où nous sommes assez avancés, même je
dirais, dans la question de l'approche programme. Je crois même que nous
sommes parmi les collèges les plus avancés à ce
niveau-là. Dans la réflexion et dans la mise en place de
l'approche programme, donc, la collaboration est excellente et j'ajouterai
même que nous nous rendons compte que ce n'est pas une question de
coordination départementale ou de structure de départements telle
qu'on la vit maintenant. On a des liens au niveau de notre programme
au-delà de la structure départementale connue jusqu'à
maintenant. Quant à l'évaluation, on pourra y revenir.
M. Lapointe: Alors, actuellement, le cégep de Baie-Comeau
a 12 programmes, dont 8 programmes professionnels et 4 programmes
généraux. Et actuellement, les 8 programmes professionnels,
disons, font l'objet d'une approche programme. Il y en a qui sont très
avancés. Si on prend, par exemple, le cas des soins infirmiers,
d'éducation spécialisée, à toutes fins pratiques,
c'est presque terminé. Et, comme vous savez, ces deux
programmes-là sont élaborés de façon à ce
qu'il y ait beaucoup de stages avec les entreprises. Pour les autres, en fait,
la démarche se poursuit et on prévoit que, d'ici deux ans, tous
nos programmes professionnels aient développé ou fonctionnent
selon l'approche programme.
Maintenant, au niveau des programmes généraux, sciences
humaines est relativement avancé. Du côté de sciences
humaines, on a deux programmes, sciences humaines et sociales, sciences
humaines et administratives. Ces deux programmes-là sont
développés et ce qu'il nous reste à faire, c'est au niveau
des sciences de la nature et on attend un peu les développements qui
vont se produire au niveau provincial pour arrêter, disons, une
démarche d'approche programme dans ce cas-là.
M. Gendron: Comme d'autres, vous souhaitez un enrichissement de
la mission du cégep. Vous dites ça à deux ou trois
reprises. J'aimerais ça que vous soyez un peu plus spécifiques.
Au-delà de la mission, vous avez mentionné, à un moment
donné, que ça pourrait être une espèce de centre de
valorisation des activités de recherche, mais vous ajoutez
«enrichissement de la mission du cégep a tout le moins sur une
base exploratoire et moyennant un assouplissement des contraintes
organisationnelles». Et là, j'ai de la difficulté. À
quoi faites-vous allusion précisément quand vous parlez de
contraintes organisationnelles, puisque ça devrait être lié
à une gestion interne?
M. Rousseau: II y a deux points particuliers là-dedans, M.
Gendron. Un premier: si on parie de contrainte administrative, à l'heure
actuelle,
on a développé un partenariat qui est fort
apprécié, et on le souligne à l'intérieur de notre
mémoire, entre les différents organismes qu'il y a ici et
d'autres partenaires à caractère économique, dans le
milieu et, également, avec une institution universitaire qui est
l'Université du Québec à Rimouski qui, elle, est
responsable de notre territoire. Ce lien-là ou ce
développement-là s'est fait dans le milieu avec des
énergies qui, à la fois, sont à caractère
énormément de bénévolat pour les organismes qui
sont devant vous et puis à caractère de bénévolat
également pour les enseignants du cégep qui y collaborent.
Donc, on croit que ce qu'on a réussi à mettre en place,
parce que, au niveau administratif, au niveau collégial, on nous indique
qu'il y a certaines normes qui font que l'enseignant doit donner des cours
essentiellement au niveau de la formation, qu'ils n'ont pas une certaine
liberté pour dégager à l'intérieur ou pouvoir
permettre à l'enseignant d'aller oeuvrer ou de mettre ses connaissances
dans un groupe de travail pour monter différents projets, que ce soit au
niveau de la recherche appliquée, de la recherche fondamentale ou du
partenariat avec l'entreprise.
Donc, c'est à l'intérieur de ça qu'on croit, nous,
qu'il va se développer un essoufflement de la part de ceux qu'on
sollicite de façon constante. Il faut penser qu'au niveau du
cégep de Baie-Comeau le nombre de professeurs n'est pas illimité,
particulièrement au niveau technique. Nous, on s'adresse
énormément au niveau technique. Donc, la recherche étant
reliée énormément au niveau universitaire, on croit que,
particulièrement au niveau de l'application des techniques et des
recherches des techniques en application avec le milieu, c'est là qu'on
intervient énormément et qu'on sollicite les gens du
cégep. Mais, ce groupe de professeurs étant restreint parce que
les capacités du cégep sont telles, on va avoir un essoufflement
de ces gens-là, de constamment les solliciter au niveau du
bénévolat.
Donc, on dit: Est-ce qu'il y a moyen d'assouplir certaines normes
administratives dans le cadre des budgets actuels, pas nécessairement
une augmentation budgétaire, ce qui permettrait au conseil
d'administration du collège de prendre des orientations potentielles
lorsqu'il est sollicité du milieu et de dire: Bien, à
l'intérieur de notre budget, on pourrait aller sur telle priorité
cette année ou telle priorité dans tel dossier, de façon
à ce que le milieu puisse bénéficier d'un apport
intéressant de la part de ces enseignants-là, des niveaux de
connaissances techniques, afin de pouvoir se développer plus à
fond au niveau du transfert technologique?
Il y a une deuxième partie, dans les recommandations, qui
était la partie «entrepreneur-ship». On sait qu'aujourd'hui,
au Québec, qu'est-ce qui va permettre de nous développer? On le
croit tous et c'est dans cette orientation-là que la plupart des emplois
se créent, ils se créent au niveau de la PME. Dans une
région comme la nôtre où l'industrialisation s'est faite de
façon constante par deux ou trois très grandes entreprises,
l'esprit d'«entrepreneurship» est plus ou moins
développé. Donc, l'«entrepreneurship» qui a pu se
développer s'est développé essentiellement en services
versus la grande entreprise.
Mais là où on parle de vouloir avoir une évolution
et de continuer à développer de la main-d'oeuvre, de créer
des emplois, c'est au niveau de la PME. Et elle, la PME, pour évoluer au
niveau technologique, elle a besoin nécessairement d'un support qui
vient très proche de l'institution du plus haut savoir dans notre
région, qui est le cégep, et que, lui, il permette un transfert
technologique. Donc, ce qu'on veut, c'est tenter d'inculquer à
l'intérieur de certains cours, O.K., l'esprit de dire qu'il est possible
de créer son emploi, qu'il est possible, lorsqu'on a une idée au
niveau technologique, de l'exploiter et qu'il y a des réalités
dans le milieu qui le permettent. On prend à titre d'exemple
là-dedans quelqu'un qui est né dans une famille où le
grand-père, le père étaient entrepreneurs; bien, on pense
qu'il y a plus de chances que les jeunes dans la maison aient un esprit
d'«entre-preneurship» que strictement dans une famille où il
n'y a pas d'entrepreneurs. Donc, ce qu'on veut à l'intérieur de
ça, c'est amener une petite mentalité à l'intérieur
des cégeps de façon à ce qu'on puisse susciter un
intérêt de façon particulière et valoriser le
succès à l'intérieur de ces transferts technologiques.
M. Gendron: Merci. Sur une question plus générale,
et j'aimerais partir d'une application chez vous pour être capable de la
traiter, avez-vous des statistiques sur le temps que prennent vos jeunes
étudiants et étudiantes concernant l'obtention de leur
diplôme d'études collégiales, en termes de sessions? Est-ce
que vous avez des chiffres? Et, si jamais vous constatiez comme d'autres que,
pour des raisons que certains ont très bien explicitées ici, ils
doivent mettre plus de temps à obtenir leur D.E.C., est-ce que vous
seriez favorable ou opposé à ce qu'on envisage un ticket
modérateur?
Une voix: Je demanderais peut-être à M.
Lapointe...
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Qui va
répondre à la question, là?
M. Lapointe: Du côté maintenant...
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.
Lapointe. (11 h 20)
M. Lapointe: Oui. Si on se base du côté de la
certification, en fait, au niveau technique, notre taux de certification,
c'est-à-dire quel-
qu'un, par exemple, qui commence son programme à une date
donnée et, trois ans plus tard, il obtient son diplôme, ça
se situe à 58 %, pour l'ensemble de nos programmes professionnels.
Là-dessus, en fait, il y a un programme qui est relativement bas,
à 27. Ça veut dire que nous obtiendrons une note autour de... un
taux de passage de 60 %, tandis qu'au niveau général il est de 55
%. Nos statistiques nous démontrent que, pour quelqu'un qui va du
côté du général, surtout quelqu'un qui est en
sciences, la moyenne tourne autour de deux ans et demi, tandis qu'au niveau
professionnel, souvent il faut pratiquement rajouter un programme de trois ans.
Pour une fraction, mettons 30 % des élèves, ça dure quatre
ans.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très
bien.
M. Gendron: Oui, mais un instant! C'est surtout sur la seconde
partie... Après avoir donné... O.K. si c'est vous.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.
Rousseau.
M. Rousseau: Pour le ticket modérateur, je pense qu'il y a
deux choses qu'il faut voir. On n'a peut-être pas tous les
éléments en main pour se prononcer à l'intérieur
d'un tel cheminement, mais on croit qu'aujourd'hui dans la
société - en tout cas, moi personnellement - toutes les personnes
de la société doivent y contribuer, à notre
société. Et je crois qu'au niveau des étudiants, la
même chose, ils doivent y participer et ils doivent se responsabiliser
par rapport au cheminement dans lequel ils sont; pas seulement se
responsabiliser au niveau professionnel, mais également au niveau
pécuniaire. On croit qu'il pourrait y avoir effectivement un
équilibre que vous devriez atteindre à ce niveau-là, qui
permettrait à ceux qui ont les capacités financières en
tant qu'individus... Parce qu'on voit de plus en plus, maintenant, que les
aires de stationnement autour de ces institutions-là sont de plus en
plus grandes et il en manque de façon constante. Je pense que,, le
partage, là, il y a certains individus qui sont capables de le donner.
Par contre, il faut toujours prendre en considération à
l'intérieur de ce système-là, s'il est appliqué, de
laisser la disponibilité aux gens qui ont de la difficulté
financière, que ça ne soit pas un obstacle à aller
chercher de l'enseignement et de l'éducation.
M. Gendron: Mais êtes-vous sérieux, là, quand
vous prétendez que, dans les cégeps des régions, un des
problèmes majeurs, ce serait l'agrandissement des aires de
stationnement?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rousseau: Je ne dis pas que c'est un des problèmes,
mais tout ce que je peux vous souligner, c'est qu'au nombre des années
les aires de stationnement sont de plus en plus restreintes.
M. Gendron: Et...
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Malheureusement, je dois mettre un terme à votre temps de
questionnement, M. le critique de l'Opposition officielle. Le temps est
terminé pour vous et je vais reconnaître le député
de Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier
la ministre de me donner une partie de son temps. J'aimerais revenir à
certains points qui ont été discutés,
particulièrement dans les recommandations.
D'abord, je pense qu'il faut reconnaître et indiquer dès
l'entrée de jeu que le cégep est aussi une maison d'enseignement,
mais également une maison de formation nécessaire au milieu, non
pas uniquement à la ville de Baie-Comeau, mais aux deux grandes
régions de la Manicouagan et de la Haute-Côte-Nord dans les
domaines spécifiques aux ressources naturelles que nous exploitons,
soit, en partie sur la Haute-Côte-Nord, la foresterie où, au cours
des années, on donne le cours au complet maintenant, soit au niveau des
administrations et des technologies de chasse et pêche, où on est
un des rares cégeps au Québec à donner ce cours au niveau
des TACH, qu'on appelle, en techniques halieutique et
cynégétique.
Donc, le cégep est présent dans le milieu, comble un
besoin et a démontré au cours de toutes ces années,
à partir de sa création, qu'il était un instrument
indispensable. Et je pense que l'ensemble de la population de la Côte l'a
très bien compris également puisqu'il existe une collaboration
assez exceptionnelle entre la maison d'enseignement, l'institution comme telle,
le public, les enseignants, les élèves, ses partenaires, qui sont
les entreprises grandes, petites et moyennes. Mais il faut aller au-delà
de ça et regarder vers l'avenir. C'est plutôt l'avenir qui
m'intéresse. Le passé est garant de l'avenir et le passé
est quand même très important, le passé du cégep, ce
qui nous permet de croire à un avenir meilleur.
J'aimerais, bien sûr, vous féliciter pour votre
mémoire, parce que vous n'êtes pas arrivés ici avec une
série de larmoiements et, bon, de pleurage comme on en a entendu dans
bien des cas. Vous avez regardé ce qui était fait, ce que vous
voulez qu'il soit fait. Vous avez un programme d'avenir, et ça, je pense
que c'est tout à votre honneur.
Moi, j'ai entendu des choses ici. Mme la ministre, la semaine
dernière, j'ai essayé d'intervenir, mais on m'a coupé le
temps. J'étais resté
marabout pas mal parce que ça s'appliquait à ma
région. Ce n'était pas votre faute, Mme la ministre,
c'était la présidence qui nous coupait. Je veux revenir
là-dessus, parce que je l'ai de travers.
Ça fait des années, je pense que vous le savez fort bien,
qu'on travaille ensemble au niveau du développement de notre maison
d'enseignement, d'aller au-delà d'un cégep sur la
Côte-Nord. Nous avons des besoins de perfectionnement. Nous avons des
besoins au niveau des entreprises, au niveau des maisons d'enseignement, des
institutions d'enseignement, qui s'appellent des services universitaires. On va
les appeler par leurs mots. Lorsque j'ai entendu, il y a deux semaines, le
Conseil des universités venir déclarer en cette commission, tout
bonnement, tout bonnement. Vous savez là, plus on s'en va dans les
régions, plus on se dilue, moins on a de force, ça m'a surpris,
et je suis retourné à mon bureau lire la loi constituante des
universités du Québec qui dit principalement: Donner accès
aux maisons d'enseignement supérieur à tous les
Québécois. Alors, je vais leur envoyer une copie de la loi
constituante pour les remettre à jour. Peut-être qu'ils ont
oublié leur vocation première.
Moi, je veux en venir à la Côte-Nord qui est un territoire
de partage. En fait, tout le monde fait son petit Jacques Cartier, et le fait
d'une façon... parce qu'il n'y en a pas de maison d'enseignement
supérieur ou universitaire. On sait que, sur la rive sud,
l'Université du Québec à Rimouski dispense... On sait que
la région de Chicoutimi s'en va à Sept-îles, que
l'Université du Québec à Chicoutimi va à
Sept-îles. Bref, on est pris dans un petit territoire, grand au niveau
étendue, peu peuplé, desservi par à peu près tout
le monde, mais d'aucune façon qu'on le conçoit, nous autres, les
Nord-Côtiers. Nos besoins, là-dedans, sont jugés par des
gens d'outre-mer, dans certains cas, et des gens qui ne connaissent pas le
milieu.
Une voix: D'outre-mer...
M. Maltais: D'outre-mer, parce que Rl-mouskf, pour nous autres,
c'est outre-mer.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Maltais: Des gens qui ne connaissent pas les besoins du
milieu, puis qui ne sont pas très intéressés. La seule
chose qu'ils veulent avoir, c'est le territoire. Ils veulent avoir le
territoire pour, finalement, se donner un peu plus d'âmes.
Moi, j'aimerais, M. le directeur général, qu'à
partir de votre recommandation 5 vous élaboriez un petit peu
là-dessus.
M. Gagnon (Réjean): Je vais dire quelques mots...
M. Maltais: II vous reste 10 minutes.
M. Gagnon (Réjean): ...puis si M. Rousseau ou d'autres
personnes qui nous accompagnent veulent compléter...
Effectivement, il y a eu des efforts qui ont été faits au
niveau des services universitaires sur la Côte-Nord, mais, au moment
où on se parle, ça a plus ou moins abouti. Alors, notre
recommandation 5, la recommandation 5 du mémoire, est de demander de
faire en sorte que la mission du collège soit adaptée au fait
qu'on puisse offrir en cette partie de la région Côte-Nord des
services de recherche appliquée et de transfert technologique plus
abondants et que ce soit plus facile de le faire que ce ne l'est
maintenant.
Lorsqu'on parle de services universitaires, dans notre partie de la
Côte-Nord, nous avons des programmes de formation à temps partiel
qui sont donnés par l'Université du Québec à
Rimouski, mais la grosse difficulté, l'absence de véritables
services universitaires, porte particulièrement sur les aspects de
recherche et de transfert. Alors, notre recommandation est d'aller dans ce
sens-là et ce serait, à ce niveau-là, une nouveauté
passablement grande au niveau collégial.
M. Maltais: Mais, dans la pratique, M. Gagnon, comment ça
peut se faire? C'est bien beau de le dire, on le recommande, c'est un voeu
là. On a eu un sommet socio-économique...
M. Gagnon (Réjean): Dans la pratique...
M. Maltais: ...on a créé une commission, puis
ça vire en queue de poisson tout le temps. Comment ça se fait
dans la pratique, ça, pour avoir ça? Quelle est la recette?
M. Gagnon (Réjean): La recette, c'est une décision
ministérielle.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gagnon (Réjean): La véritable recette, c'est une
décision ministérielle et, à l'interne, ça voudrait
dire beaucoup plus de facilité pour nous de rendre ce service-là
à la population. On en rend déjà beaucoup; c'est
très difficile de le faire, on le fait, on est très inventifs sur
les moyens. Sauf que ce serait beaucoup plus facilitant pour nous de le faire.
Je pense que Pierre veut ajouter...
M. Maltais: Juste avant que M. Rousseau intervienne, j'aimerais
ça... Il me reste du temps, je vais le refiler à la ministre
là-dessus. Mme la ministre, qu'est-ce qu'elle en pense, elle?
Le Président (M. Gobé): II reste trois minutes, M.
le député.
M. Maltais: Mme ta ministre, j'aimerais ça... Le
Président (M. Gobé): Mme la ministre.
M. Maltais: ...avoir un petit peu votre opinion là-dessus,
parce que je sais que vous avez travaillé de très près
dans la commission universitaire, et voir si la demande du cégep de
Baie-Comeau peut être une demande qui peut, dans le concret, se
réaliser. (11 h 30)
Mme Robillard: Vous savez, M. le député de
Saguenay, que, depuis deux ans, on regarde de très près ce
dossier-là. On sait que la formule qui avait été
préconisée et utilisée, ce n'est pas une formule qui
répondait aux gens du milieu, que j'ai moi-même rencontré
les gens de la Côte-Nord, qu'on l'a discutée à plusieurs
reprises, que présentement des négociations sont en cours, que
c'est toujours l'objectif de rendre accessibles les services universitaires en
Côte-Nord. Je pense qu'on pourra très bien, dans les mois qui
viennent, actualiser certaines des orientations qui sont
préconisées.
M. Maltais: Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
M. Maltais: II reste encore une minute. Je pense que M. Rousseau
voulait ajouter quelque chose. Reste-t-il encore du temps?
Le Président (M. Gobé): Non, mais rapidement, en
terminant.
M. Rousseau: S'il vous plaît! J'apprécierais
intervenir sur ce point-là en particulier.
Le Président (M. Gobé): Mais très rapidement
parce qu'il n'y a plus de temps du tout, là. Une minute.
M. Rousseau: Oui. Il y a deux choses qu'on a touchées. On
a parié du service universitaire. Dans notre recommandation à
nous, c'est très clair, au niveau du cégep, d'un centre de
transfert technologique, parce que les universités font
énormément de recherche, mais font la recherche au niveau
fondamental. O.K.? Leur mission principale est à ce niveau-là.
Nous, on a une institution qui correspond aux besoins de notre milieu, les
orientations de programmation ont été faites dans ce
sens-là. Donc, ce qu'on désirerait avoir, c'est effectivement que
ce transfert de technologie puisse avoir lieu de façon directe entre les
enseignants et le milieu nord-côtier.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Mme la
ministre, le mot de la fin.
Mme Robillard: Oui. Je veux vous remercier d'être venus de
si loin, d'outre-mer... Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Robillard: ...pour venir nous visiter au niveau de la
commission. Malheureusement, on n'a pas eu le temps de l'aborder, mais je veux
souligner l'apport du cégep de Baie-Comeau aussi à la formation
de quelques nations autochtones dans le Grand-Nord québécois. Je
pense que vous êtes un des cégeps les plus actifs qui
répond à des besoins très particuliers de formation et je
veux vous dire mon appréciation de votre disponibilité. Merci
d'être venus.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.
Merci, messieurs. Alors, ceci met fin à votre intervention. Vous pouvez
donc maintenant vous retirer. J'appellerais les représentants de
l'Université de Montréal et je vais suspendre une minute afin de
leur donner le temps de s'installer. La commission est suspendue une
minute.
(Suspension de la séance à 11 h 32)
(Reprisée 11 h 34)
Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, si
vous voulez bien reprendre place, la commission va continuer ses travaux.
Je demanderais donc aux représentants de l'Université de
Montréal de bien vouloir se présenter. On vous souhaite la
bienvenue.
Des voix:...
Le Président (M. Gobé): Ah! il y a un petit
problème, alors on va... Attendez une petite seconde. Bon. Alors,
voilà, tout est rentré dans l'ordre.
Bienvenue parmi nous! Je vous rappellerai que vous allez avoir 20
minutes afin de pouvoir faire part à la commission de votre
mémoire et de vos positions. Par la suite, Mme la ministre de
l'Enseignement supérieur et de l'Éducation pourra, ou d'autres
membres de la commission, de son côté dialoguer avec vous pour un
autre 20 minutes. L'Opposition aura, elle, 20 minutes et le critique officiel,
M. le député d'Abitibi-Ouest, verra à parler avec
vous.
Sans plus tarder, je vous demanderais de bien vouloir vous
présenter, ainsi que les gens qui vous accompagnent. Par la suite, vous
pourrez procéder.
Université de Montréal
M. Cloutier (Gilles G.): Merci. M. le Président, Mme la
ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, d'abord, je voudrais vous
remercier de nous donner l'occasion de vous exposer le point de vue de
l'Université de
Montréal sur l'avenir de l'enseignement collégial au
Québec. Permettez-moi tout d'abord de vous présenter les
personnes qui m'accompagnent aujourd'hui. Alors, à ma droite, M.
René Simard, qui est le vice-recteur à l'enseignement et à
la recherche; à ma gauche, Mme Irène Cinq-Mars, qui est la
vice-rectrice adjointe à l'enseignement, à l'Université de
Montréal. À la droite de M. Simard, le doyen de la Faculté
des sciences de l'éducation, M. Claude Lessard, et, à sa droite,
M. Michel Lespérance, secrétaire général de
l'Université. À la gauche de Mme Cinq-Mars, Mme Mireille Mathieu,
qui est la vice-doyenne aux études, Faculté des arts et des
sciences, et, à l'extrême gauche, M. Robert Leroux, qui est le
doyen de la Faculté de musique.
Je propose que notre intervention se poursuive de la façon
suivante. Dans un premier temps, je ferai état de la façon dont
l'Université a procédé dans l'élaboration de son
mémoire à la commission parlementaire, puis je céderai la
parole à Mme Cinq-Mars qui, elle, mettra en lumière les
principales idées issues du mémoire que nous avons
présenté. Je demanderai à M. René Simard d'insister
sur quelques éléments importants, que nous jugeons importants, au
niveau de l'interface entre le niveau collégial et le niveau
universitaire et, enfin, je vais demander à M. Lessard, à Mme
Mathieu et à M. Leroux de vous donner quelques idées directrices
concernant les réflexions qui ont été faites au niveau de
ces trois facultés.
Prenant pour acquis que vous avez pris connaissance du mémoire de
l'Université de Montréal, j'aimerais rappeler tout d'abord que ce
document appuie fortement le principe selon lequel l'éducation constitue
une valeur fondamentale pour la société québécoise.
C'est par l'éducation qu'une société transmet les
connaissances et les compétences liées au domaine scientifique et
au marché du travail. Cette finalité de l'éducation doit
être poursuivie par tous ceux et celles à qui appartiennent les
responsabilités de formation.
En ce qui concerne la formation postsecondaire, deux ordres
d'enseignement sont interpellés, soit l'ordre collégial et
l'ordre universitaire. À l'Université de Montréal, nous
avons réfléchi sur l'importance de la part que doit prendre
l'ordre collégial dans ce projet et, pour ce faire, la Commission des
études, un des trois corps universitaires responsables de
l'administration générale de l'Université, a confié
la préparation du mémoire à la sous-commission du premier
cycle. Celle-ci a formé un groupe de travail qui a procédé
en deux étapes: il a amorcé ses travaux par une revue de la
littérature sur la question et il a ensuite consulté les
responsables de programme de l'ensemble des 13 facultés, ainsi que les
bureaux des admissions de l'Université. Les questions portées
à l'attention des personnes consultées s'inspiraient des
conclusions de la première étape, lesquelles mettaient en
évidence l'intérêt de s'interroger sur deux volets de la
problématique, soit le volet organisationnel et structurel et le volet
pédagogique.
Ne disposant pas de données suffisantes pour étayer une
analyse substantielle de la dimension structurelle, nous avons fait porter
notre mémoire sur le1 volet pédagogique. Les
responsables de programme, par leurs fonctions, sont, en effet, en mesure
d'établir un constat réaliste pour la préparation
préuniversitaire des étudiants et de préciser leurs
attentes à l'égard de l'enseignement collégial.
Nous avons donc insisté dans ce mémoire sur les
thèmes évoqués par la majorité de nos
interlocuteurs et faisant l'objet d'un consensus. D'autres aspects
complémentaires, tels que les contenus et les structures de programme au
collégial, la formation pédagogique des professeurs du
collégial, la formation dans notre secteur des arts, ont fait l'objet de
réflexions particulières et sont traités dans des
mémoires, qui sont joints à notre mémoire de
l'Université, qui ont été préparés par les
trois facultés qui sont représentées ici aujourd'hui. Je
dois souligner que ces mémoires ont été faits,
approuvés par la Commission des études, font partie et appuient
la position de l'Université de Montréal qui est
présentée dans notre mémoire à votre commission
parlementaire.
Alors, si vous le permettez, M. le Président, je vais
céder immédiatement la parole à Mme Cinq-Mars qui, elle,
résumera les conclusions du mémoire de l'Université.
Le Président (M. Gobé): Allez-y. Je vous rappelle
que vous avez 20 minutes...
Mme Cinq-Mars (Irène): C'est ça.
Le Président (M. Gobé): ...pour l'ensemble des
intervenants. (11 h 40)
Mme Cinq-Mars: Alors, justement, compte tenu de ce temps qui nous
est alloué, je vais simplement insister sur les principes que vous
retrouvez aux pages 10 et 11 du mémoire, lesquels constituent, en
quelque sorte, les recommandations de l'Université de Montréal et
on développera, par la suite, d'autres aspects plus en détail, au
besoin.
Donc, le mémoire de l'Université de Montréal
s'appuie sur deux idées principales: une réforme importante est
nécessaire et elle fait appel à un partenariat renouvelé,
pour reprendre votre expression, Mme Robillard, entre l'ordre d'enseignement
collégial et l'ordre d'enseignement universitaire. Ces idées sont
issues d'un constat. Celui-ci donne un écart important entre les
attentes que les responsables de programme et les professeurs ont par rapport
à la préparation préuniversitaire et la
réalité.
Je dois vous dire qu'on s'est centrés, donc, sur le secteur
collégial général, puisque dans les
programmes spécialisés, c'est-à-dire les
baccalauréats longs à l'Université de Montréal, 80
% des nouveaux inscrits proviennent de ce secteur-là. C'est pourquoi on
a surtout insisté là-dessus. Alors, ce constat rejoint ce qui a
déjà été exprimé par nos
prédécesseurs. Je vais passer rapidement là-dessus, comme
je l'ai dit, et plutôt insister tout de suite sur les
recommandations.
La première: il faut se donner en tant que société
québécoise un projet de formation global, cohérent et
explicite qui s'appuie largement sur les concepts de formation fondamentale et
générale ainsi que sur les acquis du système actuel.
L'accès à ce projet de formation est un droit pour chaque
personne. C'est l'obtention du diplôme qui n'est pas un droit en soi.
Troisième recommandation, l'université est la dernière
étape du cheminement éducatif institutionnalisé et elle
doit partager la responsabilité de ce cheminement avec tous les ordres
d'enseignement. Quatrièmement, les études postsecondaires,
collégiales et universitaires de premier cycle constituent un seul
projet de formation dont la cohérence exige de la concertation et de
l'harmonisation entre les partenaires. Cinquièmement, les études
postsecondaires sont nécessairement en continuité avec les
études primaires et secondaires et doivent aussi s'appuyer sur des
acquis solides. Une réforme véritable en profondeur de la
formation au secondaire doit donc sous-tendre tout renouveau de la formation
collégiale. Septièmement, l'ordre d'enseignement collégial
est responsable de la consolidation et de l'élargissement de la
formation générale qui doit être commune à tous les
programmes collégiaux préuniversitaires. L'ordre d'enseignement
universitaire est responsable de la spécialisation disciplinaire et de
l'accentuation de cette formation fondamentale, laquelle, comme on l'a dit
précédemment, est une responsabilité de tous les ordres
d'enseignement depuis la maternelle. Neuvièmement, le renouvellement de
la formation collégiale repose sur des objectifs de programmes
clairement définis et sur l'offre d'un nombre limité
d'orientations ouvertes. La cohérence de la formation
préuniversitaire s'appuie sur l'équivalence en matière
d'offre de cours, de contenu, d'exigences et de charge de travail, ainsi que
sur l'uniformité des modes et des processus d'évaluation. Et,
enfin, la formation préuniversitaire repose sur la compétence et
l'engagement de corps professoraux conscients de la mission distincte, mais
complémentaire de leur ordre d'enseignement. Nous y reviendrons tout
à l'heure.
Un objectif important donc concernant la formation
préuniversitaire qui ressort de ces recommandations, c'est celui de la
formation générale. Il nous semble que la formation
générale doit redevenir une priorité pour les
collèges, dans le secteur général, bien entendu,
particulièrement, et ce, de manière cohérente.
Quatre défis donc nous interpellent dans l'avenir et auxquels les
partenaires des deux ordres d'enseignement doivent travailler: le
renouvellement de la formation préuniversitaire à partir
d'objectifs, comme nous l'avons dit, de programmes; la cohérence de la
formation préuniversitaire à l'intérieur d'une même
institution et entre les institutions; maintenir et rehausser la qualité
des programmes grâce à des évaluations périodiques;
et favoriser la cohérence et la continuité dans le cheminement
éducatif au Québec. Ce sont donc ces quatre défis auxquels
nous voulons nous attaquer, et M. René Simard va développer plus
concrètement ce que nous entendons par les mécanismes d'arrimage
interordres qui constituent, à notre avis, un des moyens incontournables
pour relever ces défis, l'autre étant l'évaluation des
programmes et des apprentissages.
Le Président (M. Gobé): Vous avez la parole, M.
Simard.
M. Simard (René): Merci, M. le Président. Je
voudrais vous résumer les commentaires qui ont été faits
dans une consultation un peu plus large à la fois par les membres de la
Commission des études et les membres de l'Assemblée
universitaire.
Comme vous pouvez bien l'imaginer, la question structurelle a
été largement abordée par les professeurs, et il est
évident que le traitement apporté à celle-ci peut
conditionner la réalisation des objectifs pédagogiques et, par
voie de conséquence, la qualité de la formation. Cependant,
à défaut d'avoir toutes les données requises pour nous
pencher nous-mêmes sur cette question structurelle, entre autres à
la question des coûts de l'enseignement et des coûts comparatifs de
l'enseignement avec l'Ontario, par exemple, les membres ont souhaité que
la ministre de l'Enseignement supérieur ne fasse pas l'économie
d'une analyse de divers scénarios d'organisation du secteur de
l'enseignement collégial pour en étudier les avantages et les
inconvénients. De tels scénarios, d'ailleurs, ont
été proposés dans l'avis du Conseil supérieur de
l'éducation à la ministre de l'Enseignement supérieur.
Cependant, quel que soit le scénario retenu et même si le
statu quo était maintenu, nous croyons qu'il faudrait s'adresser de
façon toute particulière aux problèmes d'articulation et
d'arrimage entre le collège et l'université. Je voudrais rappeler
et proposer certains mécanismes d'arrimage qui existent et d'autres qui
pourraient être institués.
Premièrement, il y a le CLESEC, le Comité de liaison de
l'enseignement supérieur et de l'enseignement collégial, qui a
été réactivé récemment après une
longue période d'inactivité. Le CLESEC compte deux
sous-comités: le CPRSA, soit le Comité permanent de
révision des structures d'accueil, qui se réunit trois ou quatre
fois
par an, et le Comité des bulletins d'études
collégiales qui gère la transmission des bulletins et
procède à l'uniformisation de la cote Z. Il y a aussi depuis
quelques mois un comité collèges-universités qui avise les
vice-recteurs académiques à la CREPUQ concernant l'instauration
des examens de français, entre autres. Comme on le voit, il s'agit, dans
les mécanismes existants, d'un arrimage purement et exclusivement
administratif.
Deuxièmement, le ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Science a récemment étudié
certains projets expérimentaux d'arrimage en sciences de la nature. Ce
sont des projets qui ont été sélectionnés et qui
portent à la fols sur le contenu disciplinaire et sur les
méthodes d'évaluation des apprentissages. Ces projets
réunissent autour d'une même table de concertation des professeurs
de disciplines semblables en provenance et des collèges et des
universités. Il nous semble que c'est un pas dans la bonne direction
pour un arrimage de nature plus académique. Et pourquoi ne pas
créer d'autres projets semblables?
Troisièmement, il y a des initiatives locales qui se sont
développées dans la région de Montréal - et je ne
pourrais généraliser pour les autres régions - et je
voudrais mentionner ici le CACUM, le Comité d'arrimage
collèges-universités de la région de Montréal. Ce
Comité réunit des représentants de tous les
collèges de la région de Montréal ainsi que des
représentants des universités francophones. Rappelons que ce
Comité a été mis sur pied à l'occasion de
l'implantation des programmes en sciences humaines, lesquels
nécessitaient la révision des structures d'accueil.
Mais on pourrait penser à d'autres structures d'arrimage qui ont
été suggérées par notre communauté
universitaire pour faire en sorte qu'il y ait une concordance entre les
programmes préuniversitaires offerts dans les collèges et les
programmes universitaires. On pourrait envisager, par exemple - et ce sont des
suggestions que je mets de l'avant - un jumelage ou un parrainage entre une
université et quatre ou cinq collèges, qui permettrait de
développer cette approche programme dont on parlait tout à
l'heure et de sensibiliser les étudiants aux disciplines de leur choix
en leur faisant connaître les objectifs de formation des programmes
qu'ils choisissent et les moyens de répondre à ces objectifs.
Cinquièmement, le ministère pourra aussi penser à
supporter un projet-pilote, un projet intégré que j'appellerais
un projet deux plus trois. Ce projet-pilote confierait à une
université et à quelques collèges le soin de
définir ensemble les éléments d'une formation
générale qui devrait être commune à tous les
programmes collégiaux, de développer un programme cohérent
et exigeant, de fixer des normes de succès et d'établir des
mécanismes d'évaluation valide et de prévoir des
mécanismes de suivi à l'université afin de vérifier
si la préparation de ces élèves est plus adéquate,
comparativement à d'autres. Le projet-pilote pourrait s'appliquer au
secteur des lettres, par exemple, ou encore au secteur de la santé, et
amènerait les collèges et les universités à
favoriser des stratégies de formation et non pas toujours des
stratégies de réussite. (11 h 50)
Par ailleurs, et sixièmement, la Fédération des
cégeps, dans son mémoire, a suggéré la mise en
place d'une commission nationale des programmes qui aurait pour rôle,
entre autres, de déterminer les orientations des programmes, de
décrire les profils de compétences à développer et
de préciser les standards à atteindre. C'est une structure
peut-être un peu lourde qui est proposée puisqu'elle mettrait
autour d'une même table les représentants des collèges, du
secondaire, de l'université et du monde du travail. Enfin, ça
permettrait peut-être de développer une approche programme
plutôt que l'approche cours actuelle.
Septièmement, on pourrait aussi penser à une
activité concertée collèges-universités portant
spécifiquement sur l'information et l'orientation des étudiants,
ainsi que sur les attentes des universités.
Voilà, M. le Président, quelques idées sur
l'articulation collèges-universités qui nous semble, pour nous,
tout aussi importante que le problème structurel lui-même. Mais
quelles que soient les structures proposées, même si les
modifications apportées au régime actuel étaient plus
drastiques, il est clair pour l'Université de Montréal que rien
ne sera possible sans l'engagement personnel des professeurs, autant au
cégep qu'à l'université, à collaborer ensemble
à un projet de formation digne de produire des diplômés
dont la société aura besoin.
Je laisserai M. Claude Lessard, le doyen de la Faculté des
sciences de l'éducation, qui s'occupe plus particulièrement de la
formation des maîtres, nous entretenir de cette question.
Le Président (M. Gobé): Tout en vous mettant en
garde, M. Lessard, qu'il reste à peu près deux minutes. Je vais
peut-être tolérer un peu de dépassement, mais rapidement,
s'il vous plaît.
M. Lessard (Claude): Deux minutes pour nous trois? Bon.
Le Président (M. Gobé): Vous aviez 20 minutes en
tout.
M. Lessard: Je dirai essentiellement et je pourrai...
Le Président (M. Gobé): Allez-y quand même un
petit peu, je pense qu'il y a consentement des membres autour de la table.
M. Lessard: J'estime que, dans toute organisation, et a fortiori
dans une organisation d'enseignement, un des leviers d'évolution et de
transformation, c'est la formation des personnels. Comme doyen de la
Faculté des sciences de l'éducation, je voudrais surtout
m'adresser à la question de la formation pédagogique des
professeurs de cégep. Enseigner, ça s'apprend; ce n'est pas de la
science infuse. Bien sûr, certains se débrouillent avec une
facilité et une aisance assez exceptionnelles, mais la plupart doivent
apprendre, parfois assez péniblement, à exercer le métier
d'enseignant. Ça s'apprend et c'est complexe.
Le cégep est devenu une institution de masse; on doit s'en
réjouir, d'ailleurs. Les clientèles se sont diversifiées
sur le plan socio-économique, de telle sorte qu'on ne peut plus parler
d'une espèce d'implicite culturel, comme on en a connu autrefois entre
les formés et les formateurs. Dans la région de Montréal,
la variable pluriethnique fait que s'ajoute un élément majeur de
complexification de la tâche du professeur de cégep. Il y a aussi
un ensemble de facteurs, sur lesquels je n'ai pas le temps de m'attarder, qui
font que le rapport au savoir des jeunes est présentement
différent de ce qu'il a pu être dans les générations
antérieures. En tout cas, le sens des études, pour le jeune, ne
va pas de soi, et le professeur ne peut pas commencer sa tâche de
professeur en assumant que les jeunes qui sont devant lui, spontanément,
lui sont acquis.
Et, enfin, le dernier élément que je mentionnerais pour
illustrer la complexité de la tâche, c'est la problématique
du renouvellement du corps enseignant dans les années quatre-vingt-dix.
Il y a une génération d'enseignants qui va quitter le
système et je crois qu'il faut s'adresser de manière prioritaire
à la formation pédagogique de la relève et de la nouvelle
génération d'enseignants. Ce que je proposerais, étant
donné les ressources limitées, ce n'est pas de leur imposer une
formation universitaire en sciences de l'éducation - même si je
serais heureux de les recevoir à ma faculté - c'est qu'on offre
et qu'on mette sur pied, voire même qu'on impose un encadrement des
jeunes enseignants en début de carrière. Ces
années-là - toutes les recherches le démontrent - sont
critiques pour le développement de la compétence, pour, j'allais
dire, la prise des bons plis comme des mauvais plis. Il est important
d'accompagner la relève en utilisant des enseignants chevronnés
et des experts en pédagogie, par exemple, par le biais d'un stage
où on aide un jeune prof à construire un ou deux cours. On le
filme, on l'observe, on fait de la rétroaction là-dessus et on
utilise l'expérience qu'il est à prendre pour développer
des habiletés générales dans le domaine de
l'enseignement.
Nous sommes en pourparlers, je dois dire, avec la
Fédération autonome des cégeps par rapport à un
projet comme celui-là. Je sais que ça se fait dans les
collèges ontariens. Je sais que ça se fait, parce que j'ai un
texte devant moi, à La Pocatière où on a
évolué de ce côté-là. Mais il me semble
qu'étant donné le contexte actuel et la difficulté du
métier il faille, en toute priorité, trouver des manières
douces, je dirais, de faciliter l'Insertion dans le métier et à
un coût qui, finalement, en termes de système, n'est pas
onéreux. Je m'arrête là.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous
remercie.
M. Lessard: Je passe la parole à Mme Mathieu.
Le Président (M. Gobé): Vous pouvez y aller,
madame.
Mme Mathieu (Mireille): Deux petites capsules puisque le temps
nous est compté. Dans une Faculté des arts et des sciences, je
voudrais souligner qu'il est très important, compte tenu de la
diversité des approches et des disciplines, tant en provenance des
collèges qu'au sein de la faculté, d'arriver à atteindre
les objectifs que nous mentionnions dans notre mémoire,
c'est-à-dire l'harmonisation horizontale au niveau collégial et
la continuité verticale du collège à l'université.
J'indiquerai simplement par deux phrases certains éléments.
L'abolition des structures d'accueil universitaire rigides, qui a
été tant décriée ces dernières
années, passe par une concertation réelle portant sur les acquis
de formation équivalents tant entre les collèges qu'à
l'intérieur de ces derniers, et par une évaluation uniforme de
ces acquis dans le réseau collégial québécois.
Quant à l'harmonisation ou à la continuité verticale,
plutôt, du collège à l'université, elle passe
vraiment par des comités où siégeront les principaux
intervenants de la formation collégiale et universitaire. Et, à
cet égard, pour y avoir été impliquée de
façon très directe, je pense que le projet
d'expérimentation en sciences de la nature est un bel exemple de
partenariat qui devrait avoir des retombées très
concrètes, tant au niveau du contenu minimum garanti, comme on dit
à nos partenaires des collèges, que vers une évaluation
uniforme et vers une continuité réelle entre ces deux ordres de
formation puisque nous partageons le même projet.
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie. M.
Cloutier, oui.
M. Cloutier:pour terminer sur une bonne note, m. le
président, on demanderait à notre doyen de la faculté de
musique de dire quelques mots.
Le Président (M. Gobé): Alors, allons-y!
M. Leroux (Robert): Presque tout a été dit et je
pense que ce qui a été entendu ici s'applique aux
problèmes vécus par les facultés de musique et
départements dans nos universités. Je voudrais tout simplement
ajouter que la filière de l'enseignement supérieur de la musique,
collégial et universitaire, est en train de faire la preuve de sa
viabilité. Je pense qu'on est à l'étape maintenant,
surtout avec l'adoption d'un nouveau programme de formation musicale au
collégial, de consolider l'aspect fondamental de la formation, mais la
véritable garantie de la qualité de la formation de nos musiciens
va passer, encore une fois, en musique, par une meilleure concertation entre
les deux ordres d'enseignement. C'est tout ce que la Faculté de musique
a voulu préciser dans sa position, et je pense qu'elle complète
ce qui a été dit ici. Pour le moment, c'est tout ce que j'ai
à dire là-dessus.
Le Président (M. Gobé): Alors, c'est là tous
vos intervenants, M. Cloutier?
M. Cloutier: Terminé. Merci.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie
beaucoup. Je vais passer maintenant la parole à Mme la ministre et, par
la suite, à M. le député d'Abitibi-Ouest. Madame, vous
avez la parole.
Mme Robillard: Merci, M. le Président. D'abord, je veux
saluer les autorités de l'Université du Québec à
Montréal... de l'Université de Montréal, excusez-moi.
J'espère que vous prenez bien ça, M. le recteur Cloutier.
Ça signifie la collaboration très grande qui existe ou qui se
doit d'exister entre nos universités. Alors, je me reprends en disant
que c'est l'Université de Montréal et je veux vous dire combien
nous sommes intéressés à vous entendre, d'autant plus que
vous avez des réflexions différentes d'autres universités
qui ont soumis des mémoires à cette commission, dont
l'Université du Québec. Je pense que vous avez des points de vue
parfois différents, parfois complémentaires, mais ce qui est
intéressant, pour nous, c'est que vous recevez un nombre
élevé de diplômés des collèges. Et, donc,
vous avez un large éventail de secteurs dans l'université
où vous pouvez nous faire part de votre expérience et surtout des
questions pédagogiques.
Mais, avant d'aborder plus avant avec vous les questions d'ordre
pédagogique, M. Cloutier, j'aimerais ça clarifier quelque chose
avec vous, dès le point de départ, parce que vous en faites
état dans votre préambule et dans votre conclusion. Ça
fait que j'aime autant qu'on clarifie ça en partant. Ce n'est pas une
question d'ordre pédagogique. Vous l'appelez une question d'ordre
structurel. (12 heures)
Alors, vous me dites que l'Université ne disposait pas de
données suffisantes pour étayer une analyse substantielle de la
dimension structurelle. Par ailleurs, vous me dites qu'à cause de la
structure originale que nous avons au Québec au niveau des cégeps
il y a un impact au niveau universitaire concernant l'attribution des
ressources professorales et le financement de la recherche. C'est ce que vous
me dites au point de départ. Et, à la fin, vous allez revenir en
conclusion en me suggérant un comité de travail sur la question
de l'organisation structurelle.
Vous savez, vous me connaissez suffisamment, M. Cloutier, que je ne suis
pas de celles qui mettent des comités de travail sur pied pour reporter
des décisions. Dans ce sens-là, je suis même très
réticente à penser à avoir un comité de travail sur
une révision des structures du cégep, parce que, pour moi,
c'était l'occasion maintenant, au niveau de la commission parlementaire:
s'il y avait un débat à faire sur le sujet, il fallait le faire
maintenant. Je n'ai pas l'intention de faire perdurer cette question
au-delà de la commission parlementaire dès que le gouvernement
aura pris ses décisions.
En clair, M. Cloutier, est-ce qu'il y a des gens à
l'Université de Montréal qui sont contre la structure des
cégeps? Est-ce que c'est ça que vous me laissez supposer dans le
document?
M. Cloutier: Écoutez, je peux peut-être dire
quelques mots et peut-être que M. Simard, qui a été plus
près du dossier, ou Mme Cinq-Mars pourra amplifier sur ça. Je
pense que ce n'est pas l'idée. Je pense qu'on est d'accord avec... On ne
propose pas d'éliminer ou de changer et de bouleverser le système
des cégeps. Je pense qu'on a dit ça dans le contexte où on
pensait que d'autres intervenants que nous - parce qu'il y a beaucoup
d'intervenants dans ce dossier, et c'est tout à fait normal étant
donné l'importance de la question - pourraient proposer des changements
de structures, au niveau des structures. Dans ce contexte, on s'est dit que les
changements de structures doivent être examinés non seulement au
niveau de l'organisation structurelle, mais des conséquences à
cette organisation. C'est dans ce sens-là que, si le gouvernement, si
votre ministère voulait examiner les changements profonds dans les
structures, on proposait un comité de ce type. C'était l'esprit
dans lequel on a fait cette recommandation.
Donc, je pense qu'il ne faudrait pas se méprendre. Je suis tout
à fait d'accord avec vous, Mme la ministre, que ce n'est pas la peine de
créer des comités pour des comités. Je suis un de ceux qui
partagent ça entièrement avec vous. Mais, dans
l'éventualité où on envisagerait des changements profonds
dans les structures du système, on a dit - et c'était l'esprit
dans lequel on fait cette recommandation - qu'il serait sage de mettre sur pied
une commission, un comité important qui pourrait examiner non seulement
la structure, mais les répercussions sur tout le
système de la mise en place de tel ou tel changement.
Voilà.
Mme Robillard: D'autant plus, M. Cloutier, que vous savez, parce
que vous me l'avez cité dans votre présention, que nous avons
reçu un avis du Conseil supérieur de l'éducation, avis qui
a pris, je dirais, un an et demi de travaux, de réflexions et d'analyse,
et que lui-même a analysé trois scénarios dans toutes leurs
dimensions et leurs impacts, mais qu'il a rejeté ces trois
scénarios.
Alors, je voulais juste faire une mise au point avec vous sur ça,
M. CJoutier, que ce n'est pas mon intention de faire perdurer cette question
au-delà de la commission parlementaire. Revenons donc à des
questions plus d'ordre pédagogique. J'étais très contente
d'entendre M. Simard nous faire part de recommandations pour améliorer
davantage tout l'arrimage collèges-universités et de voir aussi
comment l'université réagit positivement à
l'expérimentation en cours présentement au niveau des sciences de
la nature. Je pense que c'est un bon exemple que, dans les mécanismes
actuels que nous avons au niveau de l'arrimage interordres, c'est possible de
faire des choses. Je suis tout à fait contente d'entendre que c'est
à la satisfaction aussi des universités. Nous attendons beaucoup
de cette expérience pour peut-être l'étendre à
d'autres secteurs.
Mais, M. Cloutier ou quelqu'un d'autre, j'aimerais ça revenir sur
le fait - que vous me citez de façon très claire - que vous
considérez que la formation générale redevienne une
priorité pour les collèges. On peut l'aborder de
différentes façons, cette question. J'aimerais ça qu'on
l'aborde sous l'ordre du caractère plus général des
programmes. Est-ce que l'Université de Montréal serait
prête à aller jusqu'à suggérer un D.E.C., un
diplôme d'études collégiales, plus général?
Et, je ne veux pas dire un D.E.C. moins exigeant là, aussi substantiel
et exigeant, mais un D.E.C. plus général qui ouvrirait la porte
à plusieurs facultés à l'université. Est-ce que
c'est ce que j'ai entendu de l'une de vos recommandations?
M. Cloutier: O.K. On pourrait peut-être demander à
M. Simard de répondre à cette question.
M. Simard: Je pense que c'est le sens de nos recommandations. On
a dû se définir des objectifs de formation, dont vous êtes
bien au courant, qu'on a appelés les objectifs de formation
fondamentale. Et on définit cette formation fondamentale à
l'université comme étant l'approfondissement du fondement de la
discipline de l'étudiant et de l'ouverture aux disciplines connexes. Ce
qui laisse tout à fait la place, au niveau collégial, pour un
programme de formation beaucoup plus générale qui serait fait,
bien sûr, et je reviens un peu là-dessus, en concertation avec les
facultés, avec les universités, pour qu'on sache très
exactement le contenu et le profil de formation qui serait
préconisé par un D.E.C, de formation plus générale,
de telle sorte qu'il pourrait être continué, si vous voulez,
à l'université.
Je ne sais pas si Mme Mathieu a peut-être des choses à dire
là-dessus, parce que la Faculté des arts et des sciences
reçoit un grand nombre d'étudiants provenant du cégep.
Mme Robillard: Peut-être, avant de vous donner la parole,
spécifier encore davantage ma question, parce que c'est à votre
recommandation 9, dans le fond, à la page 11, où vous me dites
que «le renouvellement de la formation [...] repose sur des objectifs de
programmes clairement définis et sur l'offre d'un nombre limité
d'orientations ouvertes».
Vous savez sans doute, Mme Mathieu, que le Conseil des collèges,
dans son rapport qu'il nous a déposé, suggère, lui, de
diversifier davantage les profils de formation. Je ne sais pas si vous avez eu
l'occasion d'examiner cette suggestion-là et, moi, je reçois
votre recommandation comme un peu à l'inverse. Est-ce que c'est
ça?
Mme Mathieu: Je pense que toutes ces affirmations peuvent
prêter à interprétations variées. Je pense que, pour
ce qui est, en tout cas, de la Faculté des arts et des sciences, qui
offre évidemment tout l'éventail des lettres aux sciences, en
passant par les sciences sociales, ce qui ressortait des consultations que nous
avons faites auprès des professeurs, auprès des directeurs
responsables des programmes, c'était un souhait, très fortement
affirmé, que la majorité de nos étudiants, ou quasi tous
nos étudiants, aient un tronc commun de formation générale
plus large, identique et de plus haut niveau. Et on souhaitait qu'on limite
effectivement le nombre d'orientations un peu à ce qu'on a maintenant,
c'est-à-dire les sciences humaines, les sciences naturelles, les
lettres, les arts, et la santé, bien sûr, mais en limitant
même à l'intérieur de ces orientations-là - que nous
aimerions appeler «orientations» plutôt que
«concentrations» - les contenus pour avoir une transition qui soit
souple et plus harmonieuse avec l'université, mais une formation
générale de très haut niveau qui soit plus commune
à tous ces candidats, dont il faut bien dire que plusieurs d'entre eux
font des cheminements variés à leur arrivée à
l'université et doivent franchir des passerelles parfois très
étroites.
Mme Robillard: Ce que je retiens là, M. Cloutier,
j'espère que c'est exact, c'est que l'Université de
Montréal serait prête à expérimenter, donc, avec
quelques collèges, peut-être un D.E.C. plus général,
mais qui ouvrirait la voie
à plusieurs disciplines universitaires.
M. Cloutier: C'est juste. C'est tout à fait juste, Mme la
ministre.
Mme Robillard: Oui?
M. Cloutier: Je voudrais juste faire un commentaire, si vous
permettez, très bref. Je pense que, dans toutes les critiques qu'on fait
du système collégial actuel, il faut dire que les
universités ont une certaine responsabilité dans ça aussi.
Je pense que les universités ont exigé des collèges, ont
demandé aux collèges des formations extrêmement pointues
sur certains secteurs, dans le domaine des sciences en particulier que je
connais mieux. Moi, je suis physicien de formation, et je pense qu'on demande
trop au niveau de connaissances précises avancées en physique par
rapport à des connaissances de base juste en physique même. Alors,
quand on regarde l'ensemble des connaissances qu'on veut avoir, mol, je pense
que les universités n'ont peut-être pas été assez
sensibles à ça et devraient l'être un peu plus dans
l'avenir. (12 h 10)
Mme Robillard: Parfait. Maintenant, j'aimerais ça aborder
avec vous une dimension que vous n'avez pas traitée dans votre
mémoire. Je sais que l'Université de Montréal recrute un
fort pourcentage de sa clientèle parmi les adultes, entre guillemets,
qui n'arrivent pas directement du collège, donc des étudiants qui
s'en viennent chez vous, mais qui n'arrivent pas directement du collège.
D'abord, quel est le pourcentage, globalement, au niveau de l'entrée
à l'Université de Montréal? Est-ce que vous pouvez
comparer cette clientèle-là avec ceux et celles qui arrivent
directement du collège, en termes de compétence, parce que vous
le ciblez là, au niveau de la compétence en français, en
anglais, en mathématiques, ou en termes de persévérance
aux études, ou en termes de taux de diplomation? Est-ce que vous avez
déjà fait, dans le fond, une comparaison entre les deux
provenances que vous avez au niveau de votre clientèle?
M. Cloutier: M. Simard pourrait peut-être répondre
au niveau du nombre des étudiants à temps partiel, mais on me dit
qu'à la Faculté des arts et des sciences seulement il y a
à peu près, quoi, 25 % des étudiants qui sont à
temps partiel.
Une voix: Non, qui sont adultes.
M. Cloutier: Qui sont adultes, excusez-moi. Adultes. À la
Faculté d'éducation permanente qui, tout de même,
représente, disons, environ 8000 étudiants sur un total de 50
000, ça veut dire à peu près 16 % de l'Université
qui sont des étudiants à l'éducation permanente, qui sont
en très grande majorité des adultes. Peut-être que
ça répond à votre question sur ça, la
première question, Mme la ministre.
Mme Robillard: Ça, c'est en termes de proportion.
Maintenant, au niveau, justement, du comportement de ces gens-là, une
fois rendus à l'université, en termes de
persévérance, en termes de diplomation, en termes de
compétence, est-ce que vous avez des données à nous
donner, à nous transmettre?
M. Cloutier: M. Simard ou Mme Cinq-Mars.
M. Simard: Tout ce que je puis vous dire, c'est que ces
étudiants-là représentent une vaste gamme de gens
très, très différents. Par exemple, il y a des
étudiants qui ont fait un premier cycle en biochimie, qui sont
recrutés et qui apparaissent après ça comme
étudiants à la Faculté de médecine. Inversement,
à la Faculté de droit, il y a des édudiants qui sont des
diplômés de premier cycle d'une autre université. Ce sont
donc des gens qui performent très bien, ils ont été
choisis sur le volet, ils ont la volonté et le talent de faire des
études universitaires et, dans nos études de
persévérance, quand on peut les cibler de façon
précise, souvent ils ne viennent pas des cégeps, mais parfois ils
ont fait un cégep antérieur. Ces gens-là performent
beaucoup mieux que n'importe qui d'autre. C'est un peu normal parce que leur
formation est beaucoup plus avancée. Par contre, il y a d'autres
étudiants dans cette catégorie, qui ne viennent pas directement
des cégeps, qui ont des formations variées, dont on
reconnaît les acquis, et là je n'ai pas de mécanisme dans
nos normes d'admission pour les identifier de façon particulière.
Je ne pourrais pas répondre à cette question-là.
M. Cloutier: Peut-être que Mme Cinq-Mars...
Mme Robillard: Je termine, M. le Président, en vous disant
que, sûrement, nous aurons à regarder de près cette
question-là, parce que je viens à peine de recevoir les
résultats au niveau du test de français - vous le savez - qu'on
fait passer...
M. Cloutier: Oui.
Mme Robillard: ...à nos sortants du collégial, mais
aussi aux adultes qui rentrent directement à l'université et,
quand on regarde les résultats, en termes de réussite, pour
répondre aux conditions de réussite fixées par les
universités, ces adultes-là qui rentrent directement à
l'université, le résultat est... On s'est plaint des
résultats très faibles des collégiens, mais ils sont
encore beaucoup plus faibles. Il va falloir regarder ça de très
près, à mon point de vue.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la
ministre. Je vais maintenant passer la parole à M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui. Je voudrais remercier d'une façon
spéciale les gens de l'Université de Montréal. Vous avez
un mémoire majeur, étoffé, un mémoire, en tout cas,
en ce qui me concerne, qui rappelle que le Québec n'a pas les moyens de
faire l'économie d'une réflexion en profondeur sur les
finalités de l'éducation. C'est un mémoire qui me
convient, parce que c'est un rappel que j'ai eu l'occasion de faire avant
même que la commission siège. Je ne change pas d'avis même
si, globalement, je trouve que nous avons une bonne qualité
générale de réflexion sur l'ordre collégial. Il
m'apparaît toujours requis que nous voyions cela d'une façon
beaucoup plus large que strictement l'ordre collégial, et vous le
rappelez d'une façon très adéquate à plusieurs
reprises. Je vous en sais gré.
Vous revenez également sur les conditions de la nécessaire
réforme majeure du secteur de l'enseignement préuniversltaire en
disant: «La société québécoise doit se doter
d'un projet de formation global, cohérent et explicite qui s'appuie
largement sur...» et ainsi de suite. Et également vous rappelez
que les études postsecondaires, collégiales et universitaires de
premier cycle, en oubliant le second cycle et le troisième cycle
universitaire, constituent un seul projet dont la cohérence exige de la
concertation et de l'harmonisation entre les partenaires.
De toute évidence, sans multiplier les reproches à gauche
ou à droite inutilement, ce n'est sûrement pas le constat qu'on
doit faire présentement, parce que, sur la section plus
spécifique de la formation générale, vous faites un
constat que d'autres ont fait d'une assez exacte sévérité,
et c'est évident qu'il y a lieu d'avoir une formation de base plus
générale, plus efficiente, qui répond mieux aux besoins de
l'évolution de la société québécoise. Je ne
reviendrai pas sur le bout que vous avez touché avec la ministre, qui
aurait probablement le mérite d'être un petit peu plus
général que pointu s'il est de niveau collégial, parce
que, rendu au niveau universitaire, c'est important d'avoir de nouveaux
contenus.
Ma première question, tout en partageant ce premier commentaire:
II y a plusieurs intervenants qui nous ont dit - je trouve que vous êtes
un interlocuteur privilégié pour vérifier l'exactitude de
ces dires - que, dans la formation de base, il y a un certain nombre de
contenus de programmes qui étaient repris au niveau du premier cycle
universitaire. Il y avait un certain nombre de répétitions.
Est-ce que c'est un constat que vous partagez? Et, si c'était le cas,
est-ce que vous accepteriez, vous aussi, dans la logique d'une plus grande
harmonisation de revoir un certain nombre de contenus de programmes au premier
cycle universitaire et, éventuellement, de les retourner a l'ordre
collégial?
Une voix: Peut-être...
Mme Cinq-Mars: Ça va de soi.
Une voix:... Mme Cinq-Mars.
Mme Cinq-Mars: Effectivement. Oh! Excusez.
Une voix: Non, non. Mme Cinq-Mars.
Mme Cinq-Mars: Effectivement. D'abord, c'est vrai, il y a des
répétitions, et c'est la raison pour laquelle on parle, entre
autres, d'arrimage sur le plan académique, avec les exemples qui vous
ont été mentionnés, les expérimentations en cours.
Alors, la réponse est oui, ça va de soi.
M. Gendron: Oui, mais un peu plus que ça, parce que, si
vous le signalez, c'est que ce n'est pas marginal, c'est quand même assez
significatif et c'est surtout ça que j'aimerais mesurer, parce . que je
trouve que vous êtes un interlocuteur privilégié pour
l'évaluer. Que ça aille de soi, j'en conviens, mais je veux avoir
un peu plus d'évaluation quant à l'amplitude. C'est peu,
beaucoup, passionnément, à la folie, ou si c'est marginal?
Mme Cinq-Mars: Mme Mathieu pourrait répondre, notamment,
sur la base d'une enquête très importante qui a été
faite avec 1000 étudiants et professeurs impliqués dans le
secteur cégep-université.
Mme Mathieu: Je pense que, pour répondre à votre
question, c'est quasiment à la folie, effectivement, qu'il y a de la
redondance et cette redondance, elle est due en partie au fart de la
préparation très hétérogène des candidats
qui nous viennent des collèges. À l'intérieur d'un
même collège, le cours de physique 103 - je vous donne un exemple
au hasard - s'il est donné cinq fois, peut être donné
différemment, avec des évaluations différentes et, d'un
collège à l'autre, on peut imaginer
l'hétérogénéité, de sorte que les contenus
doivent s'adapter à, comme on le disait dans notre mémoire,
l'étudiant moyen qui n'existe pas et en ennuyant la majorité des
étudiants. Ça, c'est une chose.
Si on parle du projet d'expérimentation en sciences de la nature,
on en arrive justement à établir des contenus que les
universités vont considérer comme des minima, tout en laissant
une diversité à chacun des établissements
collégiaux. Si on en arrive à cette harmonisation, à des
évaluations qui soient homogènes, des évaluations qui
soient de synthèse, il va de soi que les départements
universitaires vont devoir modifier en profondeur leurs programmes de premier
cycle. Nous avons, tout au moins à
l'Université de Montréal, une politique des études
de premier cycle qui, bien sûr, saura s'arrimer à ça. Et
beaucoup de nos départements attendent ou sont prêts à
s'impliquer dans l'harmonisation pour pouvoir avoir des programmes qui soient
plus adaptés au premier cycle universitaire.
M. Gendron: Je ne suis pas nécessairement heureux de la
réponse que vous venez de donner; ça n'a rien à voir avec
vous, je parle du contenu. Non, non, mais c'est parce que vous venez de
traduire une réalité qui, effectivement, est importante, et
c'était pour introduire ma deuxième question. Vous êtes de
ceux qui réclament, avec raison, une meilleure cohérence de la
formation préuniversitaire entre les institutions collégiales du
Québec, et ce que vous venez de dire comme propos en illustre la
nécessité.
Si vous avez à mettre ça en relation avec une
réclame qui a été reprise par plusieurs institutions
collégiales, une plus grande autonomie des collèges concernant
les programmes et la capacité pour eux de les adapter à la
réalité, de temps en temps, de leur milieu... Parce qu'on s'est
fait dire ça par des cégeps de régions, de temps en temps
par d'autres concentrés sur 111e de Montréal. On a un
problème, là, parce qu'il y a une mise en danger de cet objectif
de cohérence. Alors, comment on va faire pour s'assurer d'une plus
grande cohérence liée à la réclame d'une plus
grande autonomie, sachant très bien que ça peut être
incompatible et conduire à ce qu'on vient d'apprendre comme information,
que ce n'est pas marginal, la répétition et les reprises de cours
à même contenu? (12 h 20)
M. Cloutier: Mme Cinq-Mars.
Mme Cinq-Mars: Je pense qu'il ne faut pas confondre les choses,
et on ne perçoit pas la cohérence et l'autonomie comme
étant nécessairement antinomiques dans la mesure où si,
par exemple, par un mécanisme quelconque, on pouvait définir des
standards de compétence, des objectifs de programmes qui fassent un
consensus dans le système, lequel système serait construit sur un
partenariat, eh bien, là, on pourrait avoir des éléments,
des buts communs et permettre quand même aux institutions de tenir compte
de leurs caractéristiques contextuelles, soit régionales ou
autres. Donc, il faut introduire dans le système, quand même, la
diversité, qui peut être enrichissante et qui peut aussi donner
lieu à une saine compétition entre les institutions. L'autonomie
des collèges, pour nous, en tout cas, ne va pas à rencontre de la
cohérence, en autant qu'on ait tous en perspective des standards de
compétence à atteindre qui soient de niveau égal.
M. Gendron: Je comprends bien, sauf que, moi aussi, je suis de
votre avis.
Mme Cinq-Mars: Mais il ne s'agit pas d'aller, disons, jusque dans
le détail des contenus des cours, de définir des syllabus communs
à tout le monde; ce n'est pas de ça qu'on parle quand on parle de
cohérence.
M. Gendron: Non, mais ça, c'est évident, c'est des
moyens. Mais, là, il faut bien se comprendre. Je pense que vous
souhaitez... On ne peut pas, je pense, d'un côté, revendiquer, je
trouve, avec raison une formation de base plus qualifiante, plus
complète, mais tout en étant toujours d'ordre
général et non spécifique, pas trop pointue. Ça,
ça s'appelle un tronc commun. Moi, ce tronc commun là, j'estime
qu'il doit être national, si vous me permettez l'expression, dans tout le
Québec. Est-ce que vous avez la même conception?
Une voix : Oui, oui.
M. Cloutier: Oui, oui. C'est dans ce sens-là qu'on fait
cette recommandation-là au niveau de la cohérence de la
préparation.
Mme Cinq-Mars: Mais ça n'empêche pas, comme on se le
dit, d'avoir des éléments particuliers, des aspects de programmes
qui soient propres aux collèges, selon les régions et selon leurs
missions, d'une part. Et, d'autre part, on pourrait trouver un processus pour
que, lorsque les étudiants ont parcouru cette formation-là, on
puisse examiner dans quelle mesure ils ont atteint ces standards de
compétence nationaux là en question.
M. Gendron: Je comprends, mais, moi, en tout cas - puis je
réinsiste, je vous comprends très bien - je ne veux pas qu'on
glisse là-dessus, selon moi. On a fait un peu cette erreur-là
depuis le début. Qu'un collège réclame des
particularités de formation, quand il s'agit de formation technique et
professionnelle, j'en suis, mais on ne peut pas glisser là-dessus, selon
moi, et vous devriez demeurer - et là, c'est juste pour raffermir
l'échange, si vous le permettez - très fermes sur cette
nécessaire position, je pense, qu'on doit adopter comme
collectivité que, dans le domaine de l'enseignement
préuniversitaire, on ne peut plus jouer avec des disparités de
l'ordre que nous connaissons actuellement pour ce qui est de la formation
fondamentale. C'est ça que je veux vous faire dire.
Mme Cinq-Mars: En tout cas, je pense que, dans le constat que
nous avons effectué, dans les recommandations que nous avons faites sous
la forme de principes, cela revient à plusieurs reprises. C'est
très clair dans notre mémoire.
M. Gendron: Parfait. Vous avez parlé de la
nécessité de l'arrimage interordres. J'en suis, et vous faites
bien de rappeler ça. Entre le vôtre
et l'ordre collégial, vous savez qu'il y a eu deux
mécanismes qui ont été mis à l'épreuve, puis
là je ne citerai pas ça en commission, ils vont m'appeler pour
savoir ce que ça veut dire là, mais vous les connaissez, les CLE,
puis les CLECES, puis CLESEC. Alors, je n'ai pas parlé de ça. Je
ne veux pas qu'ils m'appellent, là. Mais qu'est-ce qui fait que ces deux
mécanismes-là n'ont pas l'air à fonctionner trop, trop?
C'est quoi, les raisons principales qui font que les mécanismes qui ont
été mis en place pour assurer un meilleur arrimage entre l'ordre
collégial et l'ordre universitaire... Si on avait à les
évaluer aujourd'hui, je ne suis pas sûr que l'évaluation
serait très élevée. Alors, c'est quoi, le problème
majeur qui fait que ça ne marche pas?
Une voix: M. Simard.
M. Simard: C'est une excellente question. C'est une question
difficile à répondre quand même. On constate maintenant,
pour un certain temps, que cet arrimage se faisait mal. Il commence à se
faire parce que les universités ont commencé aussi à se
poser ces questions sur l'existence de leurs structures d'accueil. Les
universités ont commencé aussi, plutôt que de toujours
lancer la pierre à l'autre ordre d'enseignement, à se poser des
questions sur les structures d'accueil, sur le fait qu'on les faisait de plus
en plus complexes et ont commencé à établir un dialogue
avec les collèges. En tout cas, dans la région de
Montréal, ça se fait. C'est relativement récent. Je ne
dirais pas que ça ne fonctionnait pas auparavant parce qu'il n'y en
avait pas, de mécanismes d'arrimage et de concertation, à part le
CLESEC qui a été réactivé il y a deux ans, je
crois, et qui est présidé par le sous-ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science. Mais c'est relativement récent.
Pendant cinq ans, il n'y a eu aucune relation, aucun arrimage même
administratif entre les collèges et les universités, ou
très peu. Pourquoi? Bonne question.
M. Gendron: Bien, là, je viens d'avoir une petite
explication à caractère un peu plus privé. Alors, je vais
la garder pour moi. On la vérifiera et, si c'est exact, on la rendra
peut-être bien publique. Vous avez touché également un
point. Moi, j'essaie de vous citer correctement, là. Vous dites: Tout
renouveau de la formation générale collégiale ou tout
renouveau de la formation collégiale tout court doit passer
obligatoirement par un requestionnement de haut niveau de ce qui se fait aux
niveaux primaire et secondaire. Comme ça ne semble pas être le cas
présentement, on va faire quoi à la fin de cette
commission-là concrètement? Parce que, moi, je trouve que votre
recommandation à la fin... Moi, non plus, je ne suis pas un type qui
veut faire des comités pour des comités, quand on sait qu'un
comité, c'est un chameau dessiné par je ne sais pas qui.
Vous recommandiez, à la fin, que «deux groupes de travail
composés des principaux partenaires de l'enseignement postsecondaire
soient mis à contribution. Le premier aurait pour mandat d'approfondir
les questions pédagogiques longuement évoquées...»
Dans les questions pédagogiques longuement évoquées, vous
êtes de ceux qui en ont évoqué des bonnes et des fort
pertinentes. J'ai peur que dans la perspective où on donnerait trop
rapidement suite... Et ce n'est pas que je veux qu'on ne donne pas suite
à des orientations qui se doivent d'être prises, mais comment on
va arrimer ça? Est-ce que vous avez des suggestions et est-ce que, quand
vous parliez de ce premier comité-là, c'était à
ça que vous faisiez allusion: sans reprendre une vaste consultation de
l'ordre de l'enseignement primaire et secondaire, à tout le moins, qu'on
convienne de regarder les curriculum, les contenus de formation pour s'assurer
qu'on ait un diplôme d'enseignement secondaire plus fort afin d'avoir un
accueil au collégial un peu plus revampé? Est-ce à
ça que vous faites allusion, entre autres?
M. Cloutier: Je peux peut-être faire un petit commentaire
et, après ça, passer la parole à Mme Cinq-Mars. Je pense,
quand on a mentionné l'importance de regarder l'ensemble du
système d'éducation, bien sûr, qu'il faut regarder le
couplage, l'arrimage entre chacun des niveaux. Actuellement, on étudie
le système de l'enseignement au niveau collégial et on se dit
qu'il ne faudrait pas oublier qu'il y aura également les autres niveaux
qui feront partie de la chaîne complète de l'enseignement.
Pour moi, je pense qu'on peut commencer par le collégial
étant donné que le collégial même est relativement
nouveau dans notre système d'éducation. Ça fait 25 ans. On
en fait un peu une évaluation actuellement, et je pense que c'est sage
de le faire, mais c'est évident que, suite à cette
évaluation-là et aux mesures qui pourront être prises au
niveau du ministère de l'Enseignement supérieur, la ministre
elle-même, qui a maintenant la responsabilité de
l'Éducation, va certainement examiner l'autre volet. Et ça
pourrait s'enchaîner par la suite sur les travaux de cette commission.
Au-delà de ça, je pense que je n'aurai pas d'autres commentaires.
Peut-être que Mme Cinq-Mars en aurait d'autres.
Mme Cinq-Mars: Oui, c'est ça. Il y a un effet de
système, un effet d'entraînement, je pense, sur lequel on peut
tabler dans un premier temps parce que, comme on l'a dit, il y a des acquis sur
lesquels doit compter le collégial pour pouvoir bien travailler. Aussi,
il y a le principe d'accessibilité aux études au niveau du
collégial, mais il y a quand même un contrôle possible
sur
la qualité de cette formation-là qui est à mettre
en place. (12 h 30)
Pour ce qui est d'un groupe de travail, effectivement, il ne s'agissait
pas, je pense, de reprendre une autre commission parlementaire sur le
secondaire demain matin: peut-être un jour, mais enfin. Il peut,
effectivement y avoir du travail très concret de fait. On mentionne dans
l'expérimentation, par exemple, des sciences de la nature qu'on peut
aussi regarder les contenus jusqu'au secondaire, et on le doit. Donc, il y a
plusieurs façons, je pense, d'attaquer le problème et de tenter
de le résoudre, mais il est de taille.
M. Gendron: Une phrase, en tout cas, pour des raisons de temps:
Moi, je pense que, quand vous affirmiez que la tâche à accomplir
est énorme, c'est exact, mais votre mémoire va sûrement
contribuer et nous aider à la rendre un peu moins difficile. Merci.
Mme Cinq-Mars: Merci.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup. Au
nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Cela met
fin à votre intervention. Je vais donc maintenant suspendre les travaux
de la commission jusqu'à 15 heures cet après-midi. La commission
est maintenant suspendue. Bon appétit à tout le monde!
(Suspension de la séance à 12 h 31 )
(Reprise à 15 h 37)
Le Président (M. Gobé): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Mesdames et messieurs, la commission de l'éducation va maintenant
reprendre ses travaux et je vous rappelle que notre mandat est de
procéder à des auditions publiques sur l'enseignement
collégial québécois.
Sans plus attendre, je demanderai maintenant à l'Association des
syndicats de professionnelles et des professionnels de collège du
Québec de bien vouloir venir prendre place en avant.
Alors, bonjour, mesdames et messieurs. Je vous demanderais de bien
vouloir vous présenter et vous pourrez commencer votre audition sans
plus attendre, la commission ayant pris un peu de retard.
M. Gautrin:...
Le Président (M. Gobé): Non. Vous êtes
là pour la qualité de votre participation, M. le
député de Verdun.
Allez-y, vous avez...
Association des syndicats de
professionnelles et de professionnels
de collège du Québec (ASPPCQ)
M. Bussière (Alain): Mesdames et messieurs, à titre
de président de l'Association des professionnels de collège du
Québec, il me fait plaisir Ici, aujourd'hui, de venir échanger
avec vous sur l'enseignement collégial.
Je présente mes collègues. À ma gauche, Mme Louise
St-Pierre, du cégep André-Lauren-deau, qui travaille depuis 17
ans dans le milieu collégial et 10 années entre autres au
collège André-Laurendeau à titre de responsable à
la bibliothèque. Et, enfin, M. Michel Chagnon, trésorier de
l'Association, qui a une grande expérience au niveau des
étudiants, puisqu'il était animateur de pastorale, et l'est
toujours d'ailleurs, et conseiller en affaires étudiantes.
Moi-même, j'oeuvre au collège d'Alma depuis plus de 21 ans,
impliqué dans les dossiers d'aide à l'apprentissage en tant
qu'aide pédagogique individuel.
Notre Association ne regroupe que des professionnelles et professionnels
de collège et des collèges publics. Quoique les activités
sont très diverses, les membres que nous représentons oeuvrent
principalement autour de la pédagogie et de l'encadrement scolaire,
c'est-à-dire auprès des étudiants.
Comme les gens que nous représentons interviennent principalement
auprès des jeunes adultes, vous me permettrez cette comparaison pour
débuter notre présentation. 25 ans pour un être humain,
nous savons que c'est très jeune. Mais, pour un système
d'enseignement, c'est vraiment très, très jeune. C'est pourquoi
on estime qu'il faut porter un regard critique, mais aussi un peu indulgent,
sur le réseau collégial. (15 h 40)
II nous apparaît impossible de se prononcer sur l'avenir des
cégeps sans revenir sur le passé. Il faut se rappeler que les
cégeps sont issus du mariage entre les collèges classiques et les
écoles techniques. De deux entités, au point de départ,
très différentes, nous avons désiré une
progéniture sans tare. Ce nouveau-né devait avoir la culture, la
polyvalence, l'humanisme des collèges classiques et les connaissances
concrètes et pratiques des écoles techniques. Cette petite
bête se devait, en plus, d'être attrayante et peu menaçante
de façon à éveiller l'intérêt non seulement
des jeunes adultes, mais aussi des adultes et ce, sans égard au sexe.
Les attentes étaient donc très grandes. Conduire un enfant
à sa maturité et s'assurer d'en développer tout le
potentiel, plusieurs pourront en convenir avec moi et c'est à titre
d'expérience, ça coûte très cher. Si en cours de
route l'appauvrissement familial est tel qu'on lui coupe les moyens de parvenir
à son épanouissement complet, alors, peut-il atteindre sa pleine
maturité et répondre aux attentes originelles?
Dans l'ensemble, les collèges ont été d'un grand
apport pour la société québécoise. En plus de
mettre de l'ordre dans notre système d'enseignement du temps, ils ont
répondu à un objectif qui nous apparaît fondamental, soit
celui très important de la démocratisation: accessibilité
accrue pour les jeunes ainsi que les jeunes adultes et les adultes et ce, comme
nous le disions tout à l'heure, sans égard au sexe. On signale
cet aspect puisque c'était l'aspect, dans le temps, qui était
tout de même tout à fait nouveau.
De plus, leur apport dans les régions est incontestable tant au
point de vue culturel, social, qu'économique. Les collèges nous
apparaissent essentiels pour supporter et assister les régions dans leur
développement et ce, encore aujourd'hui. C'est donc davantage au
chapitre de la qualité que la question se pose. Dans quelle mesure les
collèges ont-ils atteint leur objectif de formation?
Même s'il nous semble que tous les objectifs de formation n'ont
pas été atteints et ce, à notre avis, principalement au
chapitre de la formation fondamentale, nous estimons qu'il est impératif
de poursuivre dans cette voie. Tant au secteur général que
professionnel, malgré le tiraillement entre les tenants de la formation
pointue et ceux de la formation générale, il importe ainsi
d'assurer à la clientèle des collèges une formation
susceptible d'en faire des êtres humains complets, munis de tous les
outils nécessaires pour réussir leur vie et dans la vie.
Cette symbiose ne peut se faire sans que les collèges jouent
pleinement leur rôle d'intégrateur à la
société. Les étudiantes et étudiants devraient
retrouver dans cette enceinte tous les ingrédients leur permettant de se
mesurer à d'autres dimensions que celles du simple apprentissage
scolaire. Nous croyons à un concept beaucoup plus large de
l'apprentissage. Dans une perspective de formation fondamentale de l'individu,
ce dernier doit être à même de se confronter à des
défis pluridisciplinaires. La vie n'est-elle pas constituée d'un
ensemble d'éléments qui font référence à la
culture, aux valeurs éthiques et spirituelles, aux relations humaines,
etc.
L'individu ne peut aspirer à un équilibre psychologique et
social par la seule influence de l'apprentissage scolaire. Les heures
passées entre les murs du collège doivent lui permettre de
participer aux activités parascolaires afin non seulement de faciliter
l'intégration de ses apprentissages scolaires, mais aussi de l'aider
à forger sa propre identité et cimenter des liens sociaux
à travers ceux développés avec la communauté
collégiale.
Qu'a-t-on fait des cadres mis en place pour assurer
l'épanouissement de l'individu? Comment peut-on prétendre
répondre à cette nécessité quand, dans le contexte
des coupures c'est ce secteur de la vie étudiante qui a le plus
écopé?
De plus, cet idéal de formation doit être partagé
par l'ensemble des intervenantes et intervenants du milieu collégial et
par tous les secteurs de l'enseignement, tant régulier que
l'enseignement aux adultes. Pour ce faire, on se doit de consacrer, dans nos
politiques, le droit des adultes à la formation. Cette dernière
doit faire partie de la mission des collèges.
De même, il nous faut reconnaître le rôle important
que cette formation joue dans le développement économique des
différentes régions du Québec. Nous entendons si souvent
parler de compétitivité, d'excellence, de mondialisation des
marchés, etc., qu'il n'est pas nécessaire de faire une longue
démonstration pour prouver la nécessité d'une bonne
formation pour avoir une main-d'oeuvre qualifiée, capable de s'adapter
aux besoins nouveaux des entreprises. Il est temps de tout faire pour soutenir
les collèges dans l'obligation qu'ils ont de répondre à
cette nécessité pour l'industrie. Les besoins exprimés par
les entreprises ne nous apparaissent pas incompatibles avec ceux de l'individu;
car, loin d'être en concurrence, ils se trouvent habituellement en
concordance avec cette démarche vers l'épanouissement de la
personne humaine, toujours en quête de nouveaux défis plus
valorisants.
Pour que les collèges puissent garantir une bonne formation
à sa clientèle adulte susceptible de répondre tant aux
attentes de l'individu que de l'entreprise il importe, comme nous l'avons dit
précédemment, que l'on intègre cet objectif à la
mission même des collèges. Pour ce faire, il va de soi que le
financement de ce secteur doit être assuré au même titre que
celui de l'enseignement régulier et, ainsi, corriger la
précarité dans laquelle l'éducation des adultes se trouve
actuellement. Non seulement ce financement est-il aléatoire mais, de
plus, comment s'assurer de sa capacité d'adaptation aux besoins nouveaux
lorsque les revenus générés par la formation aux adultes,
loin d'être réinvestis dans son développement, servent
souvent à éponger le manque à gagner des collèges
généré par le sous-financement actuel?
Comment répondre à une formation de qualité quand,
dans les conditions financières actuelles, les administrateurs sont
tenus à une gestion à court terme et à prendre des
décisions visant une rentabilité immédiate? Nous nous
devons d'admettre que l'éducation des adultes est perçue comme un
appendice pratique de par sa rentabilité et dont on peut s'amputer le
jour où elle cesse de l'être. L'éducation des adultes n'est
pas un accident de parcours. Il faut se rappeler que, dès le
départ, le mandat des cégeps comprend la formation des adultes.
Comment expliquer cet état de choses? Quel bout de chemin avons-nous
parcouru depuis?
On pourrait voir dans ces propos l'extravagance d'un syndicaliste mais,
dites-nous, où sont les services de support et d'encadrement auxquels
devrait avoir droit cette clientèle? Nos
comportements sont même discriminatoires en termes de
disponibilité et d'accès aux services, de frais de
scolarité, d'inscription des cours du jour, etc. Même les quelques
services existants ne sont, la plupart du temps, évalués qu'en
termes de rentabilité monétaire et assurés par du
personnel précaire. Attention de tuer la poule aux oeufs d'or car,
là aussi, la concurrence devient féroce, d'autant plus
qu'à notre grand étonnement la nouvelle Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre ne
privilégie plus les institutions publiques d'enseignement pour dispenser
la formation.
Quelques maux qui affligent nos institutions! Parlons entre autres de la
difficulté en ce qui concerne l'apprentissage de la langue
française. Ce que les autres niveaux d'enseignement n'ont pas
réussi, le collège ne peut faire autrement que de s'en
préoccuper. L'objectif à atteindre serait de décerner des
diplômes à des individus qui ont une maîtrise convenable de
la langue parlée et écrite. Pour ce faire, il faut s'assurer que
les collèges ont une politique de valorisation de la langue
française, que cet objectif soit pris en charge par tous les
départements et services du collège. De plus, on sait depuis
longtemps que la lecture favorise grandement l'apprentissage de la langue
écrite. Il faut donc que le financement des bibliothèques
permette à ces dernières de maintenir de hauts standards de
qualité afin de supporter l'enseignement du français et
développer les habitudes de lecture et d'auto-formation.
Au chapitre du travail rémunéré et des
études, on s'inquiète depuis quelque temps de l'ampleur que prend
le travail rémunéré chez les jeunes. On se scandalise du
nombre d'heures que le jeune passe au travail, du fait que l'on demande
même parfois au collège de s'adapter aux horaires de travail de
l'étudiante et de l'étudiant. Il est certain qu'un
élève qui passe plus de 15 heures au travail doit
forcément négliger ses études. Quoi qu'il en soit, il
semble que le phénomène soit la pour y rester: les jeunes
travaillent parce qu'ils ont besoin d'argent: dans certains cas, pour se
procurer l'essentiel et, dans d'autres, pour s'accorder le superflu. Mais ils
vivent tout simplement, comme les adultes, dans un monde de consommation. (15 h
50)
On doit donc d'abord s'assurer que le système de prêts et
bourses réponde adéquatement aux besoins
élémentaires des collégiennes et collégiens.
N'oublions pas que nombre de ces jeunes travaillent parce qu'ils sont
obligés. Qu'il suffise de mentionner ceux qui ont des
responsabilités parentales, ceux qui doivent loger ailleurs qu'au
domicile familial, ceux dont les parents doivent supporter simultanément
plusieurs enfants aux études. Les besoins financiers de nos
clientèles sont très variés. Alors, au-delà de ces
considérations, on doit se demander si le travail
rémunéré ne procure pas au jeune une forme d'apprentissage
à la vie et de valorisation qu'il ne retrouve malheureusement pas dans
nos milieux scolaires.
On se permet aussi de s'étonner parfois de l'incohérence
que nous avons nous-mêmes comme adultes; au moment où on valorise
le travail chez les jeunes, en même temps, on dévalorise les
jeunes qui, présentement, travaillent. Il faut donc que les
collèges s'interrogent sur les valeurs qui sont véhiculées
à travers ces diverses activités. Les jeunes de niveau
collégial sont à l'âge de l'idéalisme, des grands
enthousiasmes. Quels modèles leur propose-t-on? Quelle place fait-on
dans nos institutions aux activités de bénévolat, à
l'action communautaire et sociale, aux préoccupations politiques?
En ce qui concerne les échecs et abandons, depuis fort longtemps,
c'est une préoccupation pour l'ensemble des intervenants au niveau
collégial. Le phénomène de l'abandon des études, au
collégial, perdure depuis nombre d'années. Par abandon, nous
entendons ici le décrochage scolaire. Les facteurs avancés pour
expliquer le phénomène de l'échec et de l'abandon scolaire
sont nombreux. Nous pouvons citer les caractéristiques
socio-économiques et culturelles du milieu familial, les performances
scolaires antérieures, la charge de travail commandée par
certains programmes, les habitudes de travail, les valeurs liées
à l'éducation et à la situation financière. Elles
sont toutes arrimées les unes aux autres.
Des études démontrent le lien entre la réussite, au
collégial, et la performance au niveau secondaire. Le collège
doit donc prendre les mesures nécessaires, dans un premier temps, pour
identifier les élèves présentant des risques. Une fois ce
travail fait, les nouvelles et nouveaux inscrits au collège devraient
faire l'objet d'un encadrement et d'un suivi particulier, dès l'amorce
de leur première session. D'autant plus que des recherches faites en
certains collèges démontrent que des étudiantes et des
étudiants admis avec des dossiers scolaires plus faibles, ayant fait
l'objet d'un suivi, sont parvenus à des résultats comparables
à l'ensemble des autres étudiants.
Cette dernière constatation renforce donc l'importance de bien
cibler nos interventions et de les faire au bon moment. Dans le même
ordre d'idée, on a constaté que le passage du secondaire au
cégep est une étape difficile pour le jeune. Il le sera d'autant
plus pour celui qui éprouvait des difficultés au niveau
secondaire. L'attention spéciale devant être portée aux
nouveaux arrivants prend donc tout son sens.
Nous aimerions souligner également que le mode de financement
actuel ne tient pas compte du fardeau additionnel des institutions qui
acceptent des clientèles plus faibles. Par conséquent, dans une
optique où, d'une part, on veut assurer une marge d'accessibilité
au niveau collégial et que, d'autre part, la performance d'un
collège se mesure au nombre de diplômes
qu'il décerne, il est clair que plus un collège admet
d'élèves avec de faibles résultats au secondaire, plus il
doit investir de ressources au niveau de l'encadrement et du support, à
défaut de quoi il se retrouve au bas des institutions mal famées.
Ces cégeps sont voués à traîner sans fin bons
derniers au «palmarès» des collèges si on ne leur
donne pas les moyens financiers pour remplir véritablement leur mission
éducative.
Le Président (M. Gobé): Alors, M. Bussière,
c'est là presque tout le temps qui avait été imparti. Il
vous reste 45 secondes à peu près.
M. Bussière: Eh bien!
Le Président (M. Gobé): Je vous voyais prendre vos
pages. C'est pour ça. Si vous avez une conclusion à faire.
M. Bussière: Alors, au phénomène du
décrochage, des échecs, devant le désarroi face au
chômage élevé et au désespoir de plus en plus grand
de la clientèle collégiale, nous avons répondu par des
coupures: coupures dans les services d'animation sportive; coupures dans les
services d'animation socioculturelle; coupures dans les services en pastorale;
coupures dans les services de psychologie et d'orientation; coupures dans les
services de support à l'enseignement: audiovisuel, perfectionnement des
enseignants et des enseignantes; coupures dans les bibliothèques,
malgré la pauvreté du français; coupures dans les services
d'aide financière, en cette période où les besoins en
soutien financier sont importants; disparition progressive des registraires
à l'origine affectés à l'encadrement scolaire; uniquement
trois travailleurs sociaux dans le réseau, donc, pas de coupures
à ce chapitre; disparition des services de santé, disparition des
services de placement; surcharge pour les aides pédagogiques
individuels. La sollicitation est si grande qu'il est devenu impossible
d'assurer le support et l'encadrement nécessaires à
l'étudiant. Surcharge des conseillers et conseillères
pédagogiques, provoquée principalement par leur transfert au
secteur plus rentable de l'éducation aux adultes.
Le Président (M. Gobé): Alors, c'est très
bien. Je vous remercie. Je vois que vous avez fait diligence pour terminer
votre mémoire. Vous pourrez revenir dessus peut-être en
répondant aux questions de Mme la ministre ou de M. le
député de Verdun, d'ailleurs, qui a demandé la parole
ainsi que M. le député de Sherbrooke. Ensuite, M. le
député de Verdun.
Mme Robillard: M. le Président, merci. Je voudrais saluer
les membres de l'Association et les remercier d'être venus
présenter le point de vue des professionnels non enseignants qui
oeuvrent dans les collèges. Je pense que vous représentez
vraiment, dans les recommandations que vous nous faites... vous identifiez
très bien le besoin des étudiants. J'aimerais ça revenir
avec vous sur le phénomène de l'abandon dont vous traitez dans
votre mémoire. Vous nous dites très clairement que le
phénomène de l'abandon dure depuis plusieurs années, dans
le réseau collégial en tant que tel, qu'il y a plusieurs facteurs
qui expliquent ça. Et vous nous en mentionnez quelques-uns au niveau des
caractéristiques socioéconomiques, les performances scolaires
antérieures. Vous en énumérez plusieurs. La semaine
dernière, nous avons eu un expert international, ici en commission, qui
nous disait aussi que le fait qu'on ait un enseignement supérieur de
masse fait que c'est des phénomènes qui sont accentués
davantage.
Et, quand vous arrivez au niveau, donc, des solutions face à ce
problème important - et je le dis encore une fois, je pense que les
professionnels non enseignants se préoccupent énormément
de cette question-là - vous nous pariez donc d'identifier les
étudiants à risque et ce, dès la première session,
parce que c'est une session importante, et les études l'ont
prouvé. Je pense que vous avez tout à fait raison de nous le
souligner. J'aimerais que vous alliez un peu plus loin, M. Bussière,
dans cette idée-là. Vous nous dites: Identifions les
élèves à risque et organisons une première session
spécifique pour eux, si j'ai bien compris votre recommandation. Alors,
comment organiser, selon vous, cette première session pour de tels
étudiants?
M. Bussière: Au point de départ, dès la
demande d'admission, il est facile pour des professionnels d'identifier la
clientèle potentiellement en difficulté. Donc, je crois que
l'intervention part de là. Dès la première session, si ces
clientèles-là sont ciblées, il est possible d'organiser
des contenus de programme, soit des programmes plus allégés ou
des programmes avec certains contenus dans lesquels on peut intégrer des
ateliers ou des interventions dans leur apprentissage. Un aspect, aussi,
très important, c'est qu'on doit aussi établir une communication
facile entre les départements, les enseignants et les intervenants
directs auprès de la clientèle étudiante. Et je crois que
les conseils ou la connaissance du milieu que nous avons, au niveau même
de la structure des programmes, cela peut faciliter l'apprentissage des
étudiants et surtout on se permettrait d'insister sur la
prévention, beaucoup de prévention. Il est possible d'identifier
des difficultés vécues par les étudiants et de faire des
interventions dès la mi-session. (16 heures)
Mme Robillard: Mais, M. Bussière, est-ce que selon vous
cette session-là fait partie de l'ensemble du programme de
l'étudiant ou si c'est un ajout? Parce que certains nous ont
parlé d'une idée de propédeutique avant qu'ils soient
inscrits dans leur programme régulier. Est-ce que pour vous cette
organisation de la première
session fait quand même partie du programme global de
l'étudiant et donc ne lui demande pas un ajout supplémentaire en
termes de durée?
M. Bussière: Dans notre esprit elle fait partie du
programme de l'étudiant. On n'a pas envisagé d'ajout parce que
dans notre esprit, en tout cas dans l'esprit que je semble percevoir, ce serait
pallier au niveau secondaire. Telle n'est pas notre intention. Et d'ailleurs,
je le répète, les études qui ont été faites
avec des étudiants potentiellement en difficulté ont
confirmé que dans un programme dit régulier il était
possible de récupérer une bonne partie de ces
étudiants-là qui auraient pu avoir un vécu négatif
au niveau collégial.
Il y a aussi un autre aspect, je pense, qu'il est important de signaler
lorsqu'on parle de réussite et d'échec. Dans l'esprit des
professionnels que nous représentons, la réussite dans son
concept même ne signifie pas nécessairement de réussir tout
son collège. Ça peut même aller jusqu'au fait que
l'étudiant, en cours de première session, fait d'autres choix
positifs pour lui. Ce pourrait être une inscription dans un programme
technique au secondaire, ce pourrait être un changement de programme,
etc., etc. Il ne faut pas ici entendre le terme «réussite»
dans la restriction, dans sa limite, en fait, que l'étudiant obtient de
bons résultats et complète sa formation collégiale dans le
délai dit régulier.
Mme Robillard: M. Bussière, vous nous pariez aussi de la
nécessité que nos étudiants au collégial aient une
formation générale la plus large possible. C'est ce que vous nous
dites dans votre mémoire. Par ailleurs, vous nous dites que, votre
association, vous ne pouvez pas remettre en cause les cours obligatoires tels
qu'ils existent actuellement. Vous reconnaissez, par ailleurs, que la
clientèle à desservir est très différente de celle
des années soixante-dix, dites-vous. Et vous concluez - et c'est
là que ça m'inquiète un peu ou ça me soulève
des points d'interrogation - vous concluez sur le sujet en disant que
l'atteinte de cet objectif d'élargir la formation fondamentale, la
formation générale, excusez-moi, dans les structures actuelles,
vous apparaît peu réaliste quoique fort louable, dites-vous.
Pourriez-vous m'expliquer ça?
M. Bussière: J'aimerais que vous reformuliez la
question.
Mme Robillard: À la page 6 de votre mémoire... Bon,
avant ça, vous avez statué, dans les pages antérieures,
que la formation générale se devrait d'être la plus large
possible. Par ailleurs, vous dites que vous ne voulez pas ou vous ne pouvez pas
remettre en cause les cours obligatoires, tels qu'ils existent. Mais vous
concluez sur le sujet en disant que l'atteinte de l'objectif d'avoir une
formation générale plus élargie, au collégial, vous
apparaît peu réaliste, bien que c'est un objectif fort louable.
Pourquoi me dites-vous ça dans le mémoire?
M. Bussière: Alors, lorsqu'on dit «la plus large
possible», il y a deux aspects à ça. On ne remet pas
nécessairement en cause les cours de philo, de français ou
d'éducation physique. On pourrait les remettre en cause dans leur
contenu. Mais, pour nous, une formation que l'on dirait plus fondamentale reste
nécessaire. On ne parle pas en termes des contenus comme tels. On pense
que, effectivement, il y a possibilité d'adapter ces formations.
Par contre, quand on parle de formation générale, aussi,
il y a un autre concept qui nous est proposé par nos membres, c'est que
la polyvalence, compte tenu de l'adaptation pour les années à
venir - une adaptation, c'est-à-dire une adaptation plus facile - on
pense que la formation devrait être plus générale, en ce
sens qu'elle permette, dans l'avenir et dans le futur, des
réorientations sans être tenus de revenir ou de faire un retour
aux études collégiales. Il est évident que, lorsqu'on
parle de cet objectif, il est assez difficile d'introduire tout ça en
l'espace de deux années collégiales, en ce sens que
l'étudiant, déjà, la première année, est un
nouveau et, la deuxième année, un finissant. Sa situation est
relativement temporaire.
C'est sûr que, pour nous, le souhait, ce serait - entre autres,
vous savez le domaine des diverses orientations universitaires, exemple bien
concret: domaine des sciences pures et sciences de la santé, une bonne
partie de ces programmes sont communs - alors, ce qu'on souhaiterait, c'est que
l'ensemble des préalables universitaires soient, le plus possible, dans
un contenu commun, donc, dans un même programme, pour éviter que
l'étudiant se sente obligé, dès le secondaire, d'opter
pour les sciences administratives, le droit ou les sciences politiques. C'est
trop précis et l'étudiant n'est pas en mesure de faire un tel
choix.
Le Président (M. Gobé): ...M. Bussière,
c'est là tout le temps pour cette question. Nous allons maintenant
passer à M. le député d'Abitibi-Ouest. Nous reviendrons,
par la suite, à M. le député de Verdun.
M. Gendron: M. Bussière, ainsi que les gens qui vous
accompagnent, merci d'être là. Je pense que, comme on n'a pas
abusé dans le nombre de mémoires reçus de gens qui
représentent le secteur des professionnels, c'est important de vous
avoir ici, cet après-midi et merci pour ce que vous avez fait parce que,
quand vous touchez la formation générale, le service aux
étudiants, l'éducation des adultes, les principaux maux, selon
votre vision des choses, je pense que vous avez un mémoire pertinent et,
surtout, s'il y a 27 recommandations, ça signifie que vous
vous êtes donné la peine de toucher à peu
près la plupart des sujets qui sont intéressants.
Sur le premier bloc, toujours pour maximiser votre présence,
j'irais tout de suite dans l'échange. Vous avez fait une série de
recommandations que je partage. J'aimerais avoir des éclaircissements
sur la dernière. Je vous la rappelle. Vous dites: «Que l'on
étudie la pertinence de prolonger le séjour au niveau
collégial, si l'on veut répondre à tous les objectifs de
formation de façon réaliste.» Là, ce n'est pas que
j'ai de la misère à comprendre ce qui est écrit,
j'aimerais comprendre un peu plus ce qui vous amène à faire cette
recommandation parce qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui nous ont
proposé un prolongement de séjour au niveau collégial
puisqu'il y en a plusieurs qui disent que ce qu'on donne à date comme
formation dans deux ans se prendrait dans six mois. J'exagère, c'est
volontaire. Alors, j'ai de la difficulté à faire
l'adéquation entre ce qu'on a entendu et ce que vous recommandez. Alors,
pourquoi pensez-vous qu'il y aurait lieu de prolonger le séjour au
collégial?
M. Bussière: Vous comprendrez que c'est la raison pour
laquelle nous avons dit qu'il serait pertinent de se questionner.
M. Gendron: Non, mais vous en faites une recommandation, quand
même.
M. Bussière: Oui. De se questionner parce que nous n'avons
pas la prétention qu'à court terme on peut arriver à se
prononcer sur la question. Mais, pour nous, le niveau collégial se situe
dans la période de questionnement de l'étudiant non seulement sur
son avenir, mais même sur ce qu'il est. Et on trouve un peu
déplorable que ce temps soit aussi court. Comme je le signalais tout
à l'heure, au niveau de la formation générale, c'est un
nouveau ou un finissant. Même, il est, à ce moment-là, dans
un statut de temporaire. Au niveau du secteur professionnel, la surcharge de
certains programmes fait en sorte que, et c'est la raison pour laquelle on voit
ce tiraillement entre les tenants d'une formation pointue et les tenants d'une
formation plus complète... Et les réponses ne sont pas sur la
table, présentement. Il est évident que certains d'entre nous
préconisent une formation la plus polyvalente possible, puisque
l'individu est appelé à s'adapter à toutes sortes de
nouvelles technologies, dans l'avenir. Et même au secteur professionnel,
on dit: En réponse aux surcharges des programmes, à certains taux
d'échecs faramineux dans certains programmes techniques, pas à
cause de la paresse des étudiants ou de leur incapacité, vraiment
de surcharges, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de se questionner
là-dessus? Ça pourrait être... Certains programmes
pourraient avoir une durée, par exemple, de plus de trois ans. Donc,
c'est ouvert.
On veut seulement ouvrir les esprits à se questionner
là-dessus. Mais on n'a pas la prétention, aujourd'hui, de fournir
des réponses.
M. Gendron: Non, mais, rapidement, votre interrogation, M.
Bussière, portait davantage sur la formation technique ou la formation
de base?
M. Bussière: Sur les deux formations parce que - exemple -
si vous considérez l'ensemble des préalables universitaires, vous
pourriez obtenir facilement un DEC correspondant ou avec les mêmes
ouvertures que l'ancien cours classique, en l'espace de trois ans. D'ailleurs,
ce n'est pas pour rien que beaucoup d'étudiants prennent plus de deux
ans. C'est non seulement les étudiants qui échouent - et souvent
loin de là - qui prolongent leur séjour au niveau cégep.
Certains, c'est pour se donner plus d'outils pour l'avenir ou avoir le temps
d'assimiler certaines expériences qu'ils peuvent vivre au niveau
collégial. (16 h 10)
M. Gendron: O.K. Autre question que j'aimerais aborder avec vous.
Vous n'êtes pas nombreux à l'avoir fait. Je pense qu'il va falloir
mettre un peu plus l'accent sur cette réalité-là qui est
celle de l'éducation des adultes. Que je sache, c'est sûrement le
parent pauvre de la formation, au sens général du terme, qu'elle
soit de base ou technique, au niveau collégial. Vous l'avez
touchée, vous autres, avec passablement d'ampleur, en termes de
problématique. Mais j'aimerais que, puisque vous prétendez, selon
moi avec raison, qu'il y a là une problématique
spécifique, à l'éducation des adultes: on ne les traite
pas comme il faut, ils n'ont pas droit aux mêmes services... Vous
êtes des professionnels qui devez assister celles et ceux qui ont un peu
plus de difficulté. Vous auriez, demain matin, à retenir un
certain nombre de mesures d'encadrement pour celles et ceux qui choisissent une
formation au niveau de l'éducation des adultes, qu'on appelle
communément; c'est quoi, les quatre, cinq, six ou sept - c'est un
exemple -priorités que vous retiendrez afin de mieux encadrer les
adultes qui ont le courage et la détermination de retourner aux
études et de maximiser les chances de réussite?
M. Bussière: Au point de départ, ça va
peut-être sembler très simple, mais au moins leur donner
l'accès aux services réguliers du collège, au minimum, au
point de départ, ce qu'ils n'ont même pas. Leur donner
accès à une formation de jour si leur disponibilité les
rend disponibles seulement le jour. Aussi leur assurer un certain encadrement,
non seulement on dit que ce sont les parents pauvres, mais présentement
ces gens ont l'impression d'être exploités parce que le secteur
des adultes, il ne faut pas se le cacher, présentement, finance le
manque à gagner des collèges. Il y a là une
iniquité qu'on tient, nous,
à signaler. Et nous estimons que l'étudiant adulte a
besoin lui aussi de support, a besoin lui aussi d'encadrement, lui aussi vit
des difficultés d'apprentissage et qu'on doit l'assister dans cette
démarche-là.
M. Gendron: Mais au niveau des adultes... Oui, au niveau des
adultes, moi, je vous comprends et vous avez raison là-dessus, en gros,
mais vous êtes un syndicat qui regroupez les professionnels qui,
règle générale, offrent des mesures d'encadrement, de
support, alors... Parce que vous avez parlé énormément de
coupures de services, autant la clientèle dite régulière
de jour que la clientèle du soir. Mais les mesures les plus
adéquates, les plus nécessaires pour maximiser les chances de
réussite des gens en situation d'adulte en éducation permanente,
ça serait quoi?
Mme St-Pierre (Louise): Ça pourrait sembler un peu
paradoxal parce que chez nos membres il y a presque la moitié des
professionnels qui sont maintenant au service de l'éducation des
adultes. Il y a eu un énorme transfert de professionnels du secteur
régulier qui étaient affectés au service des jeunes et
qu'on a mutés au service de l'éducation des adultes, de sorte
qu'on a l'impression que, oui, il y a beaucoup de professionnels à
l'éducation des adultes. Il ne faut pas oublier que le rôle de ces
professionnels-là à l'éducation des adultes, pour la
grande partie de leurs tâches, c'est d'organiser des cours, d'organiser
de la formation, c'est d'autofinancer leur salaire. Il y a très peu de
place dans leur rôle quotidien pour les tâches spécialement
d'encadrement des étudiants. Ils sont à l'organisation, à
la vente de cours, si je peux m'exprimer ainsi, et non à l'encadrement
des étudiants. Il y a très, très peu de services des aides
pédagogiques individuels disponibles aux adultes, de services de
psychologie. Les adultes, le soir, ils ont peu accès aux
bibliothèques qui sont souvent, souvent fermées. Ils sont un peu
comme les parents pauvres du système.
M. Gendron: Merci. Dernière question en ce qui me
concerne, à la page... votre recommandation 27. Vous dites: «Que
le financement des services professionnels soit accordé
proportionnellement à la clientèle et aux services à
rendre à cette clientèle et que ces sommes soient versées
dans des enveloppes budgétaires fermées»; ça, il n'y
a pas de problème. Mais le premier bout, là, «Que le
financement des services professionnels soit accordé proportionnellement
à la clientèle et aux services à rendre à cette
clientèle», j'aimerais ça que vous soyez plus explicite.
J'ai de la difficulté à saisir quel impact ça aurait sur
les clientèles.
M. Bussière: Le problème que nous vivons
actuellement c'est que l'enveloppe des salaires des professionnels c'est la
même que le chauffage, l'électricité, etc., etc. Et vous
comprenez très bien que dans le contexte des coupures, eh bien, le
service à la clientèle, c'est la raison pour laquelle on dit: II
a énormément écopé. Pendant que les coûts de
chauffage augmentaient, les salaires étaient maintenus au niveau
zéro, c'est-à-dire le budget au niveau zéro. Vous
comprendrez que là où on a coupé c'est justement dans ces
services à la clientèle. C'est la raison pour laquelle on donnait
à titre d'exemple un collège qui reçoit des
clientèles plus faibles, s'il a le même financement, s'il a les
mêmes enveloppes budgétaires, les mêmes modalités que
l'ensemble des autres collèges, il est automatiquement
défavorisé. On doit tenir compte... On doit reconnaître
à l'étudiant un droit à des services. Une fois qu'on lui a
reconnu ce droit à des services, on doit estimer le coût pour ces
services-là et on devrait, à quelque part, garantir par des
enveloppes particulières le droit à ces services.
M. Gendron: Merci.
Le Président (m.
gobé): merci, m. le
député d'abitibi-ouest. il reste une minute et demie. m. le
député de verdun, vous aviez une question, alors si vous voulez
prendre cette minute et demie.
M. Gautrin: M. le Président, je vais concentrer mon
intervention sur la page 7 de votre mémoire. Dans la page 7 de votre
mémoire, vous parlez de la formation technique. Vous précisez que
la formation technique se veut un catalyseur de premier plan en regard du
développement économique, scientifique, technologique et social
du Québec et vous concluez en disant qu'il faut rendre ce secteur plus
attrayant, en faciliter l'accès et encourager la réussite.
Dans le paragraphe qui suit, vous envisagez une possibilité de
concentrer les cours plus généraux dans la première
année. Strictement en termes d'hypothèse, est-ce que vous
envisageriez éventuellement que la première année du
cégep soit virtuellement commune entre les gens du secteur
professionnel, les gens du secteur technique et les gens du secteur
général de manière à faciliter
éventuellement les choix et faciliter l'accès dans le secteur
professionnel?
M. Bussière: Ce serait une possibilité à
évaluer, effectivement, parce que nous savons que le contenu de beaucoup
de programmes... Lorsqu'on regarde le contenu des cours, ils ne sont pas
donnés à la même séquence, c'est-à-dire ils
sont souvent reportés à d'autres sessions. Mais nous pourrions
assez facilement, sans faire une grande révolution, concentrer une
formation plus générale au niveau de la première
année. Prenons, à titre d'exemple, techniques administratives.
Nous pourrions facilement donner des
cours communs obligatoires, des cours complémentaires, donner des
cours de mathématiques de base, même des cours de
comptabilité 110 au niveau de la première année et, au
niveau de la deuxième année, certains étudiants pourraient
se concentrer davantage dans des formations mathématiques et
d'économie pour aller vers l'université alors que d'autres
pourraient poursuivre dans des programmes plus spécifiques de formation
professionnelle. Cette même possibilité se retrouve aussi dans
plusieurs programmes professionnels, tant dans les secteurs des sciences
humaines, des sciences de la santé que des sciences physiques. Alors, on
croit qu'H y aurait peut-être lieu de se questionner aussi sur la
possibilité de concevoir les programmes pour qu'ils permettent
ça. On sait que l'orientation est un programme majeur.
L'insécurité de l'étudiant, lorsqu'il fait son choix,
c'est un point majeur et il s'inscrit dans quelque chose de tout à fait
inconnu.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci...
M. Gautrin: Merci, parce que c'est quelque chose que je partage
assez avec vous sur cette question-là.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Bussière,
merci, M. le député de Verdun. Ceci met donc fin à votre
intervention. Je vous remercie au nom de tous les membres de cette commission
et je vous demanderais de bien vouloir vous retirer. Et, sans plus attendre, je
demanderais au groupe suivant, soit les représentants du Conseil
interprofessionnel du Québec, de bien vouloir venir prendre place devant
la table. Et je vais suspendre une minute pour que ça puisse se faire.
La séance est suspendue.
(Suspension de la séance à 16 h 19)
(Reprise à 16 h 21)
Le Président (M. Gobé): Si vous voulez bien prendre
place, nous allons continuer les travaux de cette commission.
Alors, il nous fait plaisir d'accueillir maintenant les
représentants du Conseil interprofessionnel du Québec et, sans
plus attendre, je vous demanderais de bien vouloir vous présenter ainsi
que les membres qui vous entourent et, par la suite, vous pourrez commencer
votre intervention. Vous avez la parole, madame.
Conseil interprofessionnel du Québec
(CIQ)
Mme de Grandmont (Sylvie): Merci, M. le Président. Mme la
ministre, Mmes et MM. les membres de la commission de l'éducation, il me
fait plaisir, à titre de présidente du Conseil interprofessionnel
du Québec, de participer à cette commission parlementaire. Pour
ce faire, je suis accompagnée, cet après-midi, de M. Errol
Frechette, directeur administratif du Conseil interprofessionnel, de M. Antoine
Fournier, président de l'Ordre des chimistes du Québec et membre
du comité administratif du Conseil interprofessionnel, de M. Michel
Vaillancourt, président de l'Ordre des techniciens en radiologie du
Québec, et de M. Denis Provencher, président de l'Ordre des
denturologistes du Québec. Et je me présente, Sylvie de
Grandmont, hygiéniste dentaire et présidente du Conseil
interprofessionnel.
Le Conseil interprofessionnel apprécie l'initiative du
gouvernement de procéder a une consultation pour évaluer le
chemin parcouru au niveau collégial et permettre une réflexion
sur la façon dont il convient d'orienter l'avenir de cet ordre
d'enseignement. D'entrée de jeu, je voudrais offrir à la
commission notre collaboration et celle de nos membres dans la poursuite de ces
objectifs.
Vous me permettrez, dans une courte introduction, de situer le Conseil
interprofessionnel dans le système professionnel
québécois. Fondé en 1965, le CIQ regroupe 41 corporations
professionnelles, représentant près de 250 000 professionnels.
Dix de nos membres sont des corporations professionnelles dont le diplôme
donne ouverture à l'exercice de la profession et ce diplôme est de
niveau collégial. J'aimerais vous les présenter. Ces corporations
sont celles des audioprothésistes, des denturologistes, des
hygiénistes dentaires, des infirmières et infirmiers, des
inhalothérapeutes, des opticiens d'ordonnance, des techniciens et
techniciennes dentaires, des techniciens en radiologie, des technologistes
médicaux et des technologues des sciences appliquées.
Alors, pour illustrer la diversité de ce regroupement, j'aimerais
attirer votre attention sur certains faits qui pourront peut-être
éclairer aussi nos propos. Quatre de ces corporations professionnelles
retrouvent leurs membres exclusivement en pratique privée. Donc, ces
gens sont autonomes et sont donc leur propre employeur. La moitié des 10
corporations mentionnées possède un exercice exclusif. Le nombre
des membres des corporations varie. On parle de corporations qui regroupent 150
membres et d'autres qui regroupent 64 000 membres. Certaines corporations font
affaire avec une institution d'enseignement, d'autres, avec plusieurs
institutions et certaines, avec l'ensemble du réseau
collégial.
Un autre élément est à signaler. Si on fait
exception de la Corporation professionnelle des technologues des sciences
appliquées, les corporations professionnelles dont les membres sont
issus du secteur collégial oeuvrent toutes dans le domaine de la
santé. Certains de nos membres vous ont soumis des mémoires
reflétant leurs préoccupations propres. Je pense que vous
avez
été, à même, la lecture de ces
mémoires, de constater la diversité du système
professionnel québécois. Malgré cette diversité,
les corporations professionnelles se sont toujours préoccupées de
la qualité de la formation de leurs membres, de l'uniformisation des
conditions d'apprentissage du futur professionnel, de l'évaluation de la
compétence que les candidats à la profession doivent
acquérir, et ce, dans le respect de leur mission fondamentale qui est la
protection du public.
Le Code des professions qui régit le système professionnel
québécois confirme cette mission. Le Conseil interprofessionnel
estime que la protection du public est directement liée à la
compétence du professionnel. Or, il s'avère impossible de parler
de compétence sans soulever la question de la formation, de sa
qualité et du rôle des diverses instances qui en assument la
responsabilité. Selon nous, la corporation professionnelle se doit
d'être en mesure d'évaluer la compétence de ses membres, de
garantir l'accès à des services professionnels de qualité
et de voir au maintien de la compétence de ses membres par la formation
continue. C'est, notamment, en assumant ces responsabilités, que les
corporations professionnelles protègent le public.
De plus, la corporation doit jouer un rôle d'émulation en
encourageant le développement de la profession, rôle qui a des
répercussions positives sur la protection du public. Cependant, ce
rôle ne peut se jouer sans des rapports étroits avec les
institutions d'enseignement pour permettre à la profession de s'adapter
aux besoins changeants de la société. C'est dans le cadre de ces
préoccupations que le Conseil interprofessionnel du Québec prend
la parole et intervient dans cette consultation.
Donc, dans un premier temps, le CIQ recommande de maintenir le
système des cégeps en conservant le regroupement de la formation
générale et professionnelle. Le Conseil interprofessionnel est
favorable à la poursuite, sous un même toit, des enseignements
général et professionnel. La présence d'étudiants
de différentes orientations favorise une synergie et facilite le
développement d'un climat et d'un environnement stimulant dans lequel
ils peuvent évoluer. Cette formule alliant les cours de formation
générale et professionnelle nous apparaît comme la plus
apte à optimiser le développement individuel. Nous
considérons la formation générale comme essentielle pour
ces futurs professionnels qui se dirigent vers le marché du travail.
Cependant, le cadre imposé pour la formation professionnelle nous
apparaît trop rigide pour permettre une adaptation aux changements
technologiques. Le manque de souplesse actuel risque de priver le Québec
de professionnels formés et habilités à pratiquer des
techniques d'avant-garde dès le début de leur pratique. Dans nos
discussions, la lourdeur du processus de révision des programmes,
l'absence de flexibilité du cadre imposé de formation
professionnelle, notamment pour les programmes qui n'ont pas d'arrimage dans
leur spécialité à l'université et qui ne peuvent
compter sur l'ordre d'enseignement universitaire pour compléter la
formation professionnelle, sont les points qui nous préoccupent
grandement.
Le deuxième point que nous désirons aborder concerne les
comités de formation. La formation nécessaire à la
pratique professionnelle doit être définie en regard de chaque
profession. Elle diffère souvent d'un domaine de pratique à un
autre en plus d'être susceptible de varier dans le temps, évoluant
avec les développements technique, scientifique et social. Diverses
instances sont impliquées dans ce processus de formation et leurs
rôles sont complémentaires. Ceci nous amène à
signaler à cette commission qu'à l'instar des instances
gouvernementales, des établissements d'enseignement collégial,
des entreprises, des employeurs, les corporations professionnelles sont
directement concernées par la formation des professionnels. Ces diverses
entités ne doivent pas entrevoir leurs champs d'application respectifs
comme des empiétements des uns sur les autres, mais comme étant
complémentaires, apportant des perspectives distinctes vis-à-vis
des objectifs à atteindre.
Nous rappelons qu'il existe déjà un mécanisme de
consultation prévu au Code des professions, à savoir les
comités de formation. Ces comités sont définis à
l'article 184 de ce Code. Ces comités, moyennant une certaine
précision de leur mandat et du processus de consultation, semblent des
mécanismes adéquats et stables pouvant assurer aux instances
gouvernementales, aux établissements d'enseignement et aux corporations
professionnelles un lieu d'échange et de concertation
privilégié. Ces comités de formation devraient exister
obligatoirement pour tous les programmes donnant ouverture à l'obtention
d'un permis de pratique d'une profession et comprendre, en plus des
représentants des corporations professionnelles, une
représentation des établissements d'enseignement et du
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science.
Au niveau du mandat de ces comités de formation, nous croyons
qu'ils doivent devenir un lieu de concertation obligatoire à l'occasion
de l'élaboration ou de la révision complète ou partielle
d'un programme conduisant à un diplôme qui donne ouverture
à un permis d'une corporation professionnelle. Ces comités
pourraient aussi faire rapport sur l'évolution des programmes de
formation et des compétences nécessaires à l'exercice de
la profession les concernant et répondre à des demandes d'avis
sur ces questions.
Nous réclamons plus qu'une consultation par les instances
gouvernementales responsables de l'élaboration des programmes, il est
essentiel qu'il existe un mécanisme formel de concertation où les
instances gouvernementales, les établisse-
ments d'enseignement et les corporations professionnelles
détiendront conjointement la responsabilité de la qualité
de la formation des professionnels.
C'est pour cette raison que le Conseil recommande que le mandat des
comités de formation actuellement prévu dans le Code des
professions soit modifié de façon à ce que ces
comités deviennent un lieu de concertation obligatoire en ce qui a trait
au programme conduisant à un diplôme qui donne ouverture à
un permis d'une corporation professionnelle, et que l'on s'inspire de ce
modèle dans le cadre de la réforme de l'enseignement
collégial, ce qui présuppose un ajustement à la Loi sur
l'enseignement collégial. (16 h 30)
Notre troisième préoccupation concerne l'éducation
continue et la formation permanente. Pour s'harmoniser avec les changements
technologiques, les professionnels, en milieu de travail ont besoin de
formation continue. Le partenariat corporation professionnelle, institution
d'enseignement et milieu de travail serait à privilégier pour
assurer cette formation et mieux garantir la protection du public.
Présentement, peu ou pas de programmes de formation continue ou
d'actualisation sont disponibles en temps opportun pour les
diplômés de programmes donnant ouverture à l'obtention d'un
permis d'une corporation professionnelle. Nous sommes d'avis que la mission des
cégeps devrait inclure cette dimension. Notamment par le biais des
comités de formation décrits précédemment ou par
d'autres formes de partenariat, les cégeps devraient être à
l'affût des besoins de formation continue et offrir des programmes de
mise à jour des connaissances pour leurs diplômés.
Dans beaucoup de nos discussions, nous avons senti que la mission des
collèges voyait la formation professionnelle comme une fin en soi.
Plusieurs de nos professionnels ont comme aima mater le collégial et
n'ont pas d'autres avenues, n'ont pas d'arrimage à l'université.
Alors, lorsqu'il est temps de parler d'actualisation de connaissances, quand
nous dépistons des problèmes de recyclage, le réflexe
n'est pas nécessairement établi de façon uniforme dans
l'ensemble du réseau collégial. Notamment aussi au niveau des
problèmes d'accès à la profession, au niveau des nouveaux
arrivants au Québec, au niveau de l'immigration, on devra se questionner
sur le rôle et le partenariat que devront avoir les corporations
professionnelles avec le réseau de l'enseignement collégial pour
permettre cette forme de formation. Alors, le Conseil recommande qu'une
structure de partenariat corporation professionnelle, institution
d'enseignement et milieu de travail puisse être développée
pour assurer la formation continue.
Notre dernier point concerne l'agrément des programmes et notre
recommandation est la suivante: Le Conseil recommande que les pro- grammes
conduisant à un diplôme qui donne ouverture à un permis
d'une corporation professionnelle soient soumis à un processus
d'accréditation extérieur au milieu de l'éducation. Alors,
au Québec, il appartient aux corporations professionnelles assujetties
au Code d'émettre le permis d'exercice aux futurs membres qui
détiennent un diplôme, qui ont reçu une formation reconnue,
notamment au collégial. Ces gens doivent satisfaire à certaines
conditions qui sont soit de nature administrative, mais qui peuvent aussi avoir
trait à la formation, comme les stages et les examens
professionnels.
Au Canada, il existe aussi des organismes nationaux d'agrément,
qui favorisent le maintien d'un ordre national en matière d'enseignement
dans un champ d'activité donné. Ce sont les corporations
professionnelles qui, la plupart du temps, participent à ces organismes
canadiens et qui sont fort au courant de ces normes nationales. Ce processus
d'agrément permet la mobilité des professionnels dans un contexte
nord-américain. Lorsque l'on parle aussi de mondialisation des
marchés, cette dimension n'est pas négligeable.
Alors, en regardant cette perspective et en considérant qu'on se
dirige probablement vers un avenir où la souplesse est de plus en plus
souhaitée, où on parle de décentralisation de plus en plus
grande vers les régions en regard des contenus régionaux de
programmes, où les collèges demandent de plus en plus une
autonomie de fonctionnement, nous croyons qu'il serait opportun de mettre en
place un processus d'agrément extérieur au milieu de
l'éducation. Et, considérant les responsabilités des
corporations professionnelles et leur expérience au niveau des
différents programmes d'agrément, notamment sur le plan canadien,
nous sommes d'avis que les corporations professionnelles devraient être
reconnues d'office membres de toute forme d'agrément.
En terminant, si vous le permettez, j'aimerais offrir la
possibilité aux membres présents du Conseil, qui ont soumis aussi
un mémoire à cette commission, d'exprimer brièvement
certains éléments provenant du point de vue particulier de leur
corporation. Alors, M. Vaillancourt.
M. Vaillancourt (Michel): Merci. Alors, Mme de Grandmont a
mentionné précédemment que nous considérions le
cadre imposé à la formation professionnelle collégiale
comme étant trop rigide et que le manque de souplesse actuel risque de
priver le Québec de professionnels formés et habilités
à pratiquer les techniques d'avant-garde dès le début de
leur pratique. Dans cette foulée, l'Ordre des techniciens en radiologie
du Québec déposait dans son mémoire à cette
commission quelques recommandations dont une, plus particulièrement,
vise à donner plus de souplesse et de flexibilité au cadre de
l'enseignement collégial professionnel.
Recommandation de l'Ordre des techniciens en radiologie du
Québec: «Que soit autorisée la clause dérogatoire
qui permet d'excéder la norme actuelle des unités». Un
exemple concret qui illustre bien cette problématique est celui de la
révision des programmes collégiaux en techniques radiologiques.
En effet, ces programmes sont maintenant en phase de révision depuis
plus de six années et la difficulté majeure à laquelle les
différents intervenants sont confrontés est celle de contenir ces
programmes à l'intérieur de la norme fixant le nombre maximum
d'activités ou d'unités dans un tel programme collégial.
Pour bien saisir l'ampleur de ce problème, il faut aussi savoir que ces
programmes, avant révision, débordaient déjà cette
norme et que plusieurs nouveaux objets de formation ont été
clairement identifiés dans l'analyse de la situation de travail.
Dans un tel contexte, il est nécessaire de soulever un doute
quant à la capacité pour ces éventuels candidats à
la profession de travailler de façon autonome dans tous les secteurs
d'activité de la radiologie. C'est pourquoi nous croyons que la
formation collégiale professionnelle devrait pouvoir répondre en
priorité aux besoins reliés au développement de la
compétence professionnelle. En ce sens, le gouvernement devrait
autoriser une majoration du nombre d'unités de cours pour les programmes
dont les contenus et l'ampleur des exigences le justifient. Cette
dérogation serait, à notre avis, d'autant plus nécessaire
dans les programmes qui donnent ouverture à un permis d'exercice
délivré par une corporation professionnelle. En l'absence d'une
telle latitude, le risque de priver le milieu de la santé et le public
de professionnels compétents formés et habilités à
utiliser un appareillage moderne et à pratiquer des techniques
d'avant-garde s'accentue. De plus, cette même problématique
soulève aussi tout le débat sur la question controversée
de l'exigence de conditions supplémentaires donnant accès au
permis d'exercice.
Mme de Grandmont: M. Fournier.
M. Fournier (Antoine): Je vais présenter l'essence du
mémoire de l'Ordre des chimistes, à titre de président de
l'Ordre. Outre la recommandation qu'on faisait de favoriser le maintien des
cégeps dans le regroupement de la formation générale et
professionnelle, nous avions mis l'accent également sur le fait que,
s'il y a une analyse en profondeur du système collégial, cette
analyse devrait se faire en concertation avec le niveau secondaire et avec le
niveau universitaire. C'est d'autant plus pertinent pour la chimie que c'est
une discipline qui s'enseigne au secondaire, au collégial et à
l'université. A l'université, c'est vraiment la formation
spécialisée qui permet aux gradués de faire l'exercice
professionnel de la chimie.
C'est pourquoi notre mémoire portait, entre autres, sur le
programme des sciences de la nature, et nous avons été fort
étonnés que le programme ne comporte pas une formation dans le
domaine de la chimie organique et aussi reliée à la biochimie. Le
programme des sciences de la nature ne doit pas être un ramassis de
cours. Il doit correspondre à des objectifs bien définis.
Pourtant, le document qui venait du ministère au niveau de la
révision de cette concentration, sciences de la nature, était
très intéressant et très motivant, parce qu'il faisait
ressortir vraiment un renouveau. Pourtant, le programme qui a été
adopté en juin était décevant, en ce sens qu'il comportait
essentiellement les mêmes cours et que le renouveau qui était
présenté dans le projet ne s'est pas fait sentir. C'est d'autant
plus surprenant qu'au même moment le Conseil de la science et de la
technologie publiait son rapport sur le développement des
biotechnologies au Québec. Il faisait ressortir clairement, de la part
du président, Louis Berlinguet, que les biotechnologies doivent
être développées, et il va de soi que les biotechnologies
supposent une connaissance importante de la chimie et des secteurs connexes
à la chimie organique, entre autres. C'est d'autant plus surprenant vu
toute la part qu'on accorde a l'environnement, toute la part qu'on accorde au
génie génétique, au secteur de la santé, qu'on ait
ignoré de retenir, en termes de cours ministériel, une formation
en chimie organique.
Le Président (M. Gobé): Alors, malheureusement, je
vais devoir vous demander de...
M. Fournier: Oui, je vais terminer.
Le Président (M. Gobé): ...terminer, parce que le
temps est maintenant écoulé.
M. Fournier: Autre chose aussi, au moment d'accepter des
programmes, il faut repenser le mode de financement. Il est vrai que
l'enseignement de la chimie comporte une dépense beaucoup plus
importante que d'autres disciplines. Mais, si on veut vraiment atteindre les
objectifs de formation, être compétitifs avec les autres pays
industrialisés, je pense qu'il faut fournir les moyens pour pouvoir y
parvenir. C'était, en somme, l'essence de notre mémoire, et on
avait aussi mis un apport particulier sur les ressources humaines, car il y a
un changement dans le corps professoral qui va être important au niveau
collégial d'ici la fin du siècle, et je pense qu'il faut s'en
préoccuper. (16 h 40)
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie. Je
vous rappelle que, de toute façon, la commission a votre mémoire.
Nous en avons pris connaissance, et la ministre l'a aussi. Alors, Mme la
ministre, vous avez maintenant la parole.
Mme Robillard: Merci, M. le Président. Je
veux d'abord saluer les membres du Conseil interprofessionnel du
Québec. Je suis heureuse d'entendre la recommandation des membres. Je
dois dire, surtout ceux qui ont reçu leur formation au collégial,
que je pense que vous êtes très bien placés pour nous
parler de l'expérience de formation que vous avez reçue à
cet ordre d'enseignement là. J'aimerais aborder directement avec vous,
Mme de Grandmont, la question des comités de formation parce que vous en
faites une de vos recommandations: qu'on examine d'une façon
très, très particulière le mandat des comités,
qu'on les modifie et surtout qu'on les rende des lieux de concertation
obligatoire. Alors qu'à l'heure actuelle le ministère consulte
les corporations, quand il est question de réviser ou de modifier un
programme, là vous voulez rendre le processus obligatoire, si je vous ai
bien saisis, dans votre recommandation. Alors, je me demandais si vous pouviez
nous identifier les problèmes que vous rencontrez à date, avec le
mécanisme actuel. Et qu'est-ce qui vous amène à faire
cette recommandation-là?
Mme de Grandmont: Actuellement, 19 corporations professionnelles
ont un comité de formation. Ce mécanisme, dans l'ensemble,
fonctionne bien. On voudrait attirer votre attention à l'effet que, si
l'on regarde, au niveau du Code des professions, la définition et le
mandat de ces comités, l'instance collégiale n'y apparaît
pas formellement. Le gouvernement peut consulter les institutions
d'enseignement, les conseils des universités, mais il n'y a aucune
mention de l'obligation de consulter les instances qui représentent le
collégial. Alors, c'est un premier point qu'on veut vous souligner.
Deuxièmement, ces comités, ayant un pouvoir de
consultation, se rendent compte que les représentants de la Direction
générale de l'enseignement collégial ou les instances
gouvernementales vont souvent consulter les corporations, mais, souvent,
ça reste des voeux pieux. C'est-à-dire que l'adéquation
entre les recommandations des corporations et les contenus de programme ne se
trouve pas nécessairement respectée. Je pourrais peut-être
inviter M. Vaillancourt, qui a quand même une bonne expérience
à ce niveau-là, à vous faire part de son
expérience.
M. Vaillancourt: En fait, la problématique réelle
qui sous-tend toute celle de la consultation, je pense, est le fait, à
mon avis, du carcan collégial, en ce sens qu'il arrive que, dans toute
discipline qui est en évolution, on vient un peu en grande
difficulté, dû au fart que la place totale qui est permise
à l'intérieur d'un programme de formation professionnelle est
limitée et les objets de formation, comme je l'ai laissé entendre
tantôt, vont sans cesse croissant par le biais de l'arrivée de
nouvelles technologies, par le biais de l'évolution des pratiques
professionnelles, etc. Alors, là où ça devient très
difficile, c'est de faire la sélection des contenus de formation
auxquels, par exemple, les corporations professionnelles tiennent d'une
façon très particulière et de l'ensemble des objets de
formation. Alors, il y a des choix qu'on est obligé de faire. C'est dans
ce sens-là, je pense, que la consultation ne fonctionne pas et qu'on
voudrait arriver à un mécanisme de concertation plus
obligatoire.
Mme Robillard: La consultation ne fonctionne pas parce que les
avis que vous émettez ne sont pas suivis. Possiblement, c'est ça
que vous voulez me dire. Et la tendance à l'allongement des
études ou à une demande d'allongement des études par les
corporations professionnelles du Québec est vraiment une tendance qui
est là. C'est très clair que, moi, je demeure résistante
à ces demandes-là. Si j'écoutais les corporations, les
cours de trois ans au niveau technique seraient facilement de quatre ans et les
cours de bac de trois ans à l'université seraient aussi de quatre
ans, sinon de cinq ans. Je veux dire qu'il n'y a comme plus de fin, là,
à un certain point. Quand on décide d'allonger comme tel le
curriculum, je veux vraiment que ce soit prouvé de a jusqu'à
z.
Mais revenons sur cette idée de concertation obligatoire. Moi,
j'ai de la difficulté à voir ces deux mots-là
«concertation obligatoire». Qu'est-ce que ça voudrait dire,
une concertation obligatoire? Ça veut dire que ça pourrait -
est-ce que c'est ça, votre idée? - retarder ou empêcher
l'approbation d'un programme, s'il n'y avait pas de concertation, vu que vous
dites que c'est obligatoire. Est-ce que c'est ça que je comprends? Si on
ne réussit pas la concertation, donc il n'y a pas d'approbation de
programme? Est-ce que c'est ça, Mme de Grandmont?
Mme de Grandmont: Le signal qu'on voulait vous donner, c'est
beaucoup plus d'être partie prenante dans les instances qui vont
réviser et élaborer ces programmes-là. Je pense qu'il faut
maintenant faire preuve de souplesse, de créativité. Quand on
parle d'allongement de programme, je peux comprendre que vous soyez
réfrac-taire d'emblée, sauf que dans certains programmes, quand
on voit, par exemple, que la formation de certains diplômés, qui
sont professionnels, est terminale, qu'il n'y a aucune voie de perfectionnement
à l'université, il faut bien, à un moment donné,
que les collèges, le gouvernement, les corporations s'assoient et
regardent ensemble qu'est-ce qui peut être fait pour que ces
gens-là puissent maintenir leurs compétences à jour et que
les nouveaux gradués aient accès a cette formation-là. Et,
moi, je suis réfractaire au fait qu'on dise que tout doit être
uniforme, que tout doit être pareil. Certains programmes devraient avoir
accès à peut-être un stage supplémentaire en
collaboration avec les établissements de santé,
les futurs employeurs ou les organismes qui les accueillent. Avec
l'ajout de nouveaux appareillages, à un moment donné, on ne peut
plus mettre dans certains programmes plus de contenu qu'il y en a.
Alors, le message qu'on vous donne, c'est: Pourquoi pas plus de
souplesse, de flexibilité et d'analyse à la pièce? Et on a
entendu par d'autres intervenants que certains lieux pourraient être mis
en place justement pour rendre plus souple ou alléger
l'élaboration des programmes, donner à chacun des niveaux ses
responsabilités. On entend beaucoup la part de l'employeur, les
entreprises doivent être impliquées, mais je pense que les
corporations professionnelles sont des interlocuteurs privilégiés
à considérer lorsque l'on élabore des programmes,
lorsqu'on les révise. Et je pense qu'il faut encourager cette
discussion-là et que les corporations doivent aussi être ouvertes
- ça ne va pas dans un sens, ça va dans les deux sens - et ausssi
se questionner sur les mécanismes qu'elles mettent en place.
Mme Robillard: Mme de Grandmont, si vous me parlez de souplesse
au niveau du D.E.C. technique, là, moi, je n'ai aucune difficulté
avec ça. Je suis une de celles qui disent que le D.E.C. technique est
trop rigide. Donc, il faut trouver des façons de l'assouplir, non pas de
diminuer les exigences, de donner plus de souplesse au D.E.C. technique. Alors,
au niveau de l'objectif, on se rejoint. Mais, si je reviens à ma
question - Mme de Grandmont, dans votre recommandation c'est une concertation
obligatoire: Que se passe-t-il s'il n'y a pas de concertation? Est-ce que
ça veut dire que ça nous empêche d'approuver un nouveau
programme, à ce moment-là?
Mme de Grandmont: Vous pourriez répondre, M. Fournier.
M. Fournier: Les programmes doivent être en harmonie avec
l'évolution technologique. Et une des instances qui peut acheminer de
l'information de dernière pointe au niveau de la pratique
professionnelle, au niveau des techniques utilisées, ce sont les
corporations professionnelles, de telle sorte qu'on doit davantage tenir compte
de leur point de vue lorsqu'il s'agit de remodeler un programme, de modifier un
programme pour qu'il sort conforme avec la réalité
professionnelle. C'est dans ce sens-là. Actuellement, il y a des
consultations qui sont réalisées, mais les consultations sont
très, très consultatives.
Mme Robillard: Je pense que vous ne m'avez pas répondu
encore. Ûue se passe-t-il dans un cas de concertation obligatoire
où c'est un échec, la concertation? Est-ce que ça a pour
effet d'empêcher l'approbation du nouveau programme?
M. Fournier: Eh bien, je pense que les gens seraient en mesure
d'échanger sur leur perception et d'essayer d'arriver à un
consensus.
Le Président (M. Gobé): C'est là,
malheureusement, tout le temps qui vous était imparti, Mme la ministre,
et je vais maintenant demander à Mme la députée de
Terrebonne de bien vouloir prendre la parole.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Mme de Grandmont
et messieurs qui l'accompagnez, je pense que c'est important que le Conseil
interprofessionnel du Québec présente son point de vue puisque,
vous l'avez bien mentionné dans votre mémoire, le rôle
premier des corporations professionnelles, c'est d'abord et avant tout la
protection du public. Et cette protection du public ne peut être garantie
si on ne vérifie pas le contenu, si on ne vérifie pas la
formation comme telle des professionnels, si on n'examine pas le
côté pédagogique. (16 h 50)
Vous nous avez parlé de l'importance de la souplesse au niveau de
la formation professionnelle. Vous nous avez également fait part, Mme de
Grandmont, que la formation générale, c'était essentiel.
Par contre, vous n'avez pas abordé, dans votre mémoire, ce que
vous considérez comme faisant partie d'une formation
générale essentielle. Est-ce que vous pouvez nous donner un peu
votre point de vue sur ce que devrait contenir cette formation
générale essentielle?
Mme de Grandmont: Nous avons indiqué à la
commission que nous jugions que la formation générale
était essentielle car les diplômés ont accès au
marché du travail. Compte tenu de la diversité du regroupement
des 41 corporations, notre réflexion s'est voulue une acceptation des
deux ordres de formation. Et je laisserai le soin à chacune des
corporations qui vous ont émis un mémoire de vous donner, chacune
dans son vécu, ce qu'elle considère comme essentiel au niveau de
la formation générale. On s'entend tous pour dire qu'un
professionnel doit avoir des habiletés suffisamment grandes parce qu'il
aura à communiquer, à s'exprimer, à bien écrire,
à développer des habiletés de synthèse. Maintenant,
je ne voudrais pas embarquer dans le débat du nombre de cours
obligatoires. Je pense qu'il y a beaucoup d'autres intervenants qui l'ont fait
et je pense que notre expertise se veut beaucoup plus au niveau, justement, de
la formation professionnelle.
Mme Caron: Moi, je croyais que votre organisme était
justement très bien placé, avec 41 corporations
différentes, pour préciser ce que devrait contenir normalement
une formation générale. Parce qu'une formation
générale, elle doit s'adresser à tout le monde. Elle est
essentielle, et vous l'avez dit vous-même, pour
poursuivre les autres études. alors, je pense que, votre conseil
étant un lieu de concertation entre 41 corporations, il aurait
été intéressant que cette concertation-là se fasse
pour faire des recommandations sur la formation générale comme
telle.
Vous avez, dans...
Mme de Grandmont: Je pourrais juste vous préciser que nous
avons, au sein des corporations, des gens qui sont très
préoccupés par la formation en sciences, d'autres qui vont
l'être beaucoup au niveau de la formation en sciences humaines. Alors,
quand on regarde la difficulté que les intervenants, au niveau de
l'enseignement collégial, ont à s'entendre sur ce que doit
être la formation générale, ça se répercute
au niveau de la diversité et de
l'hétérogénéité des 41 membres. Et c'est
pour ça que nous n'avons pas voulu engager le débat a cet effet.
Chacune des corporations professionnelles est à même d'indiquer
à cette commission ce qu'elle juge à propos au niveau de chacun
de ses professionnels.
Mme Caron: Peut-être une dernière petite
parenthèse. Justement, la formation professionnelle s'adresse autant
à ceux qui vont aller en sciences humaines qu'à ceux qui vont
aller en sciences de la nature.
Mme de Grandmont: C'est ça.
Mme Caron: Alors, c'est pour ça que je trouvais que votre
Conseil était bien placé pour nous donner un avis
là-dessus.
Dans votre mémoire, vous précisez également que
vous souhaitez - votre quatrième recommandation - «que les
programmes conduisant à un diplôme qui donne ouverture à un
permis d'une corporation professionnelle soient soumis à un processus
d'accréditation extérieur au milieu de l'éducation».
Est-ce que ce serait un mécanisme unique d'accréditation que vous
souhaitez ou si vous envisagez plutôt autant de mécanismes qu'il y
aurait de programmes à évaluer?
Mme de Grandmont: La formule est à définir,
c'est-à-dire que chaque corporation a une expertise au niveau des
programmes qui donnent accès au diplôme professionnel. Je pense
que chaque corporation devrait être impliquée à son niveau.
Maintenant, quel sera le mécanisme que la ministre retiendra? Le message
qu'on voulait diriger, c'est que, s'il y a un organisme où on
agrée les programmes, je pense que les corporations professionnelles,
chacune dans sa spécialité, devraient y être. Je ne sais
pas si, monsieur, vous voulez compléter?
M. Vaillancourt: Bien, évidemment que la formule demeure
ouverte, comme l'a mentionné Mme de Grandmont. Il y a des
expériences qui existent déjà au plan canadien. On l'a
mentionné dans le mémoire du Conseil interprofessionnel du
Québec. En fait, ce qu'on voulait surtout amener, c'était la
réflexion concernant un mécanisme extérieur
d'agrément qui pourrait exister au niveau de l'ensemble des programmes
professionnels collégiaux dans l'objectif, évidemment, de
permettre une mobilité tant à l'intérieur qu'à
l'extérieur du Canada, pour s'assurer, justement, que les programmes de
formation québécois sont au même niveau que nos partenaires
du reste du Canada et des États-Unis.
Une voix: M. Foumier, vous pouvez compléter.
M. Fournier: II pourrait y avoir un processus d'encadrement de
l'agrément, mais l'agrément se ferait par profession. Il existe
déjà, au niveau canadien, des ententes de
réciprocité pour certains programmes. Et, à ce
moment-là, pour être capable de bien évaluer le contenu
d'un programme et l'agrément des programmes, outre le processus global,
il y aurait un processus spécifique pour chaque corporation et chaque
type de professionnels.
Mme Caron: Ça m'éclaire un petit peu plus. Vous
nous avez fait part également, M. Vaillancourt, dans vos commentaires
tantôt, de dérogations sur le nombre d'unités de cours, et
vous parliez surtout de prolongation. Mais, est-ce que cette
dérogation-là pourrait se retrouver aussi en sens inverse,
c'est-à-dire qu'il pourrait y avoir des attestations qui pourraient
être remises après deux ans de cours ou après un an? Est-ce
qu'il pourrait y avoir différentes étapes dans le cadre de
certaines professions?
M. Vaillancourt: Évidemment, moi, dans ce que j'ai
apporté, je parlais principalement des techniques radiologiques, bien
clairement. Je ne parlais pas au nom des autres disciplines. En ce qui concerne
les techniques radiologiques, actuellement, ce qui donne ouverture au permis
d'exercice, c'est un diplôme d'études collégiales, donc le
D.E.C. Il y a eu, dans le passé, quelques exceptions de personnes qui
ont pu arriver à la pratique par des attestations d'études
collégiales, mais qui avaient fait la preuve déjà qu'elles
avaient antérieurement suivi les cours de formation
générale. Alors, notre propos, évidemment, en ce qui
concerne les techniques radiologiques, n'était pas dans le sens de
réduire, mais vraiment dans le sens de pouvoir permettre l'augmentation,
dans un contexte, encore une fois, où le cadre actuel, selon nous, ne
permettra pas d'atteindre des objectifs de compétence et d'adaptation au
travail, tel que le souhaite le milieu de travail de ces futurs
professionnels.
Le Président (M. Gobé): C'est presque la fin.
M. Fournier: J'aimerais ajouter quelque chose à
madame.
Le Président (M. Gobé): Allez-y, en terminant,
peut-être.
M. Fournier: II ne faut pas perdre de vue une chose. C'est
possible après deux années, qu'il y ait certaines connaissances
qui puissent répondre à certaines tâches. Mais, il faut
envisager qu'un programme, c'est un programme de formation et non une partie
uniquement de connaissances. Donc, il faut viser un tout dans la formation.
Parce que les services professionnels qui sont rendus ne comportent pas
nécessairement juste des manipulations techniques. Ils comportent aussi
un échange au point de vue professionnel. Et la formation de trois ans
permet davantage d'atteindre cet objectif.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup,
monsieur. Merci beaucoup, Mme la députée de Terrebonne. Vous
voulez remercier, madame?
Mme Robillard: Oui.
Le Président (M. Gobé): Alors, allez-y.
Mme Robillard: M. le Président, une courte question
complémentaire à celle de ma collègue d'en face.
Accepté? Merci, M. le Président. Est-ce que le système
d'accréditation que vous préconisez, à l'instar de ce qui
se passe dans d'autres provinces ou au plan canadien, éliminerait les
examens qui sont demandés par certaines corporations au niveau de
l'entrée?
M. Vaillancourt: En fait, non. Pour être à clair,
à votre question, c'est non.
Mme Robillard: Parfait.
M. Vaillancourt: Parce que, évidemment, l'agrément
serait au niveau des programmes, serait un atout supplémentaire pour
s'assurer que les programmes vont dans le sens de la formation souhaitée
par les corporations professionnelles, mais ne permettrait pas de discriminer
la valeur de chaque candidat en particulier.
Mme Robillard: Alors il me reste, Mme de Grandmont, à vous
remercier d'être venue en commission parlementaire avec vos
collaborateurs pour éclairer les travaux.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Ceci met
fin à votre intervention. Vous pouvez donc maintenant vous retirer et je
demanderais aux représentants du groupe suivant, soit ceux de
l'Université Laval, du Département d'administration et de
politique scolaires, de bien vouloir prendre place et, pour ce faire, je vais
donc suspendre une minute. La séance est suspendue.
(Suspension de la séance à 17 heures)
(Reprise à 17 h 2)
Le Président (M. Fradet): Alors, nous allons reprendre nos
travaux avec des représentants de l'Université Laval et du
Département d'administration et de politique scolaires. Je crois que
c'est M. Laliberté qui va diriger le groupe.
Alors, si vous voulez présenter vos collègues, mon cher
monsieur, et commencer votre exposé.
Université Laval - Département
d'administration et de politique scolaires
M. Laliberté (G.-Raymond): Je ferai une
présentation, M. le Président, mais c'est d'abord mon directeur
de département, M. Jean Moisset, qui va prendre la parole.
M. Moisset (Jean-J.): Merci, Raymond. M. le Président,
Raymond vient de vous le dire, c'est à titre de directeur de ce
Département d'administration et de politique scolaires et, d'ailleurs,
en leur nom à tous, les collègues de ce département, que
je prends la parole devant vous ce soir.
Je suis heureux d'être ici à ce titre et je suis même
fier de pouvoir participer, avec mes collègues, à vos travaux et
nous vous remercions de l'opportunité que vous nous offrez de nous faire
entendre sur une question quand même très importante, qui est
celle de l'enseignement collégial québécois. Ce n'est pas
un hasard si nous sommes ici, puisque nous faisons métier d'enseignement
et de recherche dans les domaines des sciences sociales et dans les domaines
des sciences de la gestion appliquée à l'éducation et
l'analyse des politiques scolaires. C'était donc tout à fait
normal que nous ayons entendu votre appel et que nous soyons là ce
soir.
Évidemment, le mémoire que vous avez déjà eu
l'occasion d'avoir, et sûrement de parcourir, est le résultat d'un
travail d'équipe comme, d'ailleurs, cela se passe la plupart du temps
chez nous. Il y a trois de mes collègues qui y ont participé de
façon très active, qui ont été retenus à
l'extérieur ce soir, et qui ne sont pas ici. Je les citerai pour
mémoire: M. Antoine Baby, M. Pierre Bélanger et ma
collègue, notre collègue, Mme Renée Cloutier. Ceux qui
sont ici, je commencerai par ma droite: Jean Plante, professeur chez nous, au
Département d'administration et de politique scolaires et actuellement
directeur du laboratoire d'administration et politique scolaires, un peu connu
sous son sigle, LABRAPS. À ma gauche, immédiatement à
l'extrême gauche, c'est le professeur Lucien Morin qui, lui-même,
travaille dans le secteur de
la philosophie de l'éducation. J'ai oublié de vous dire
que Jean Plante, en plus d'être directeur de ce laboratoire, a son
domaine de spécialisation dans les structures scolaires, les structures
de l'organisation scolaire québécoise. Et Raymond
Laliberté, qui se passe de présentation tellement il a
marqué, quand même, cette période fertile en
événements dans le domaine de l'éducation depuis ces 25
dernières années, Raymond, qui est notre spécialiste de
l'analyse politique en éducation. Moi-même, actuellement directeur
de ce département, dont le domaine de recherche et d'enseignement est
l'économie et la gestion de l'éducation.
Voilà donc pour cette brève présentation que je ne
voudrais pas prolonger, tant le temps est précieux. C'est effectivement
Raymond qui a eu à jouer le rôle de coordonnateur de notre
équipe, c'est à Raymond que je vais passer la parole pour vous
présenter, dans ses grandes lignes, ce mémoire. Merci, M. le
Président.
M. Laliberté: Combien de temps me reste-t-il, M. le
Président?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gobé): II vous reste 15 minutes,
monsieur.
M. Laliberté: Merci. Nous présumons, bien
sûr, que vous avez non seulement reçu, mais lu aussi le
mémoire, de même que le résumé que nous en avons
produit. Alors, mon intention n'est pas de vous relire ce que nous avons
déjà écrit, mais d'essayer de mettre en évidence
quelques éléments, pas tous, pas tout ce que nous avons
écrit non plus, mais de mettre en évidence quelques
éléments qui nous paraissent d'assez grande importance, disons,
pour les mettre en valeur dans la présentation. Au moment où nous
avons commencé nos travaux, la question de l'existence ou du
démembrement des cégeps était dans l'air. Au moment
où nous comparaissons devant vous, je crois que la réponse est
déjà à toutes fins pratiques donnée et qu'il n'y
aura pas démembrement des cégeps. En tout cas, c'est la position
que nous avons adoptée dans notre mémoire et à propos de
laquelle je ne veux pas insister maintenant, parce qu'il nous semble bien que
la question soit bien entendue, actuellement, et que l'on peut compter sur la
persistance de cette institution originale qu'est le cégep. Cependant,
cette position que nous avons prise dès le départ dans notre
mémoire ne nous empêche pas de proposer un certain nombre de
réorientations, ou d'orientations nouvelles, d'ailleurs. Et c'est
à propos de ces points-là que je voudrais faire la
présentation.
Le premier élément sur lequel nous insistons beaucoup, et
dans le premier chapitre de notre mémoire et dans le chapitre plus
particulièrement de nos propositions associées à
ça, et qu'on reprend aussi presque constamment par la suite, c'est la
question de la formation polyvalente dans les cégeps. Pour nous,
c'était la dès le point de départ, c'est-à-dire
dans le rapport de la commission Parent même, mais aussi dans la
création des cégeps, et également dans ce qui a
été vécu depuis une bonne partie de ces 25 années,
c'était là une idée-force, une idée centrale, mais
qui ne s'est pas complètement réalisée. Je m'explique un
peu. L'idée de la polyvalence, au point de départ, nous pensons
qu'elle était mise de l'avant par la commission Parent, mais comme
devant jouer dans les deux sens, c'est-à-dire que, si l'on prenait la
peine de réunir ensemble, dans une même institution de formation,
et une formation préuniversitaire et une formation professionnelle,
ça n'est pas seulement parce qu'on voulait faire cohabiter deux
populations, c'est également parce que l'on espérait - le
«on», là, c'est évidemment ceux et celles qui
parlaient à ce propos-là il y a 25 ans - voir une certaine
interpénétration de ces deux types de formation. (17 h 10)
Or, ce qu'on observe, c'est que ça n'est pas tellement ça
qui a été vécu. Très tôt, il y a eu deux
institutions dans une, à toutes fins pratiques - j'exagère un peu
par rapport à ce que nous écrivons, mais c'est pour mieux
souligner ce que nous voulons dire - deux institutions dans une,
c'est-à-dire qu'on a, à toutes fins pratiques,
développé une formation préuniversitaire, d'une part,
qu'on a développé une formation professionnelle, d'autre part,
qu'on a imposé aux étudiants et étudiantes du
professionnel un certain nombre de cours qui sont vus comme étant du
général - le fameux tronc commun -mais qu'on n'a pas fait
l'inverse. Et, à notre avis de comité, de département,
ceci a été une faiblesse des cégeps depuis le
début; ça n'est pas quelque chose de récent. Nous pensons
qu'à ce sujet il vaudrait la peine que les cégeps soient
réorientés.
Notre proposition n'est pas seulement une position de principe. Nous
allons jusqu'à recommander qu'une formation devienne obligatoire pour
tous les étudiants et étudiantes des cégeps, donc pour
ceux et celles du préuniversitaire également, une formation dans
un domaine que nous avons qualifié de culture technologique. Je ne veux
pas insister davantage là-dessus parce que je prendrais tout le temps
qui nous est dévolu, mais nous pensons qu'il y a, derrière une
proposition comme celle-ci, quelque chose à mettre de l'avant et
à développer. Pour l'instant, c'est une proposition de notre
part, et nous ne pouvons pas dire que nous avons articulé ça sous
forme de programme spécifique. D'ailleurs, nous ne sommes pas des
experts en programmation et nous nous contentons de travailler au niveau de
notre formation particulière, mais nous pensons qu'il y a là
quelque chose de très important pour le futur, que ceci valoriserait
d'ailleurs davanta-
ge la formation professionnelle et que ceci inciterait probablement un
certain nombre d'étudiants et d'étudiantes du
préuniversitaire à concevoir la possibilité de s'orienter
vers le professionnel. Premier domaine.
Le deuxième domaine que je voudrais, dans la présentation,
mettre en évidence, c'est toute la question à propos de laquelle
nous sommes allés, nous le concevons, assez loin, dans notre
mémoire, d'une autonomisation très forte, très grande de
ces institutions: autonomisation à l'égard de tous les groupes et
institutions qui, depuis le début pratiquement, imposent des choses aux
cégeps; autonomisation à l'égard des profils et
préalables imposés pas les universités, même si nous
sommes des professeurs d'université; autonomisation à
l'égard des demandes des corporations professionnelles, même
après avoir entendu le groupe qui nous a précédés;
autonomisation à l'égard des groupes représentant les
différents marchés du travail; autonomisation à
l'égard même des ministères impliqués, au
gouvernement. C'est large, c'est ambitieux et c'est aussi courir un certain
nombre de risques, nous en convenons volontiers. Mais nous pensons qu'il n'y a
pas qu'une seule façon de se former, dans le secteur professionnel, ni
d'ailleurs dans le secteur préuniversitaire. Nous pensons que les
cégeps ont acquis suffisamment de maturité, ont suffisamment de
gens de qualité à l'intérieur pour que nous leur laissions
plus de marges de manoeuvre. Pour l'instant, en termes de programmes,
théoriquement, ils ont un certain nombre de marges de manoeuvre. Dans
les faits, il ne semble pas que les marges de manoeuvre soient si grandes que
ça. Et, quand les cégeps doivent répondre, en outre,
à toutes les exigences universitaires et à toutes les exigences
des corporations professionnelles et des organismes issus des marchés du
travail, il ne reste vraiment plus beaucoup d'autonomie pour les cégeps.
Je suis assuré que vous nous demanderez de préciser un petit peu
ça tout à l'heure, Mme la ministre, ou quelqu'un de l'Opposition;
pour l'instant, je m'arrête là-dessus.
Troisième dimension - parce que je regarde ma montre en
même temps. En ce qui concerne la formation professionnelle, nous pensons
qu'il y a lieu, cependant, de partager une partie de la responsabilité,
pas toute, avec les lieux de travail, et ça n'est pas contradictoire
avec ce que je viens de dire il y a un instant. Nous pensons que les
entreprises doivent, en tout cas les plus grandes certainement, les plus
petites c'est sûrement plus difficile, mais que les entreprises doivent
aussi contribuer à la formation professionnelle. Cependant, nous
insistons dans le mémoire pour dire que la maîtrise d'oeuvre de
toutes ces variantes de formation professionnelle devrait demeurer dans les
cégeps, dans les institutions elles-mêmes. Et ça veut dire
aussi que la formation professionnelle acquise au cégep, à ce
moment-là, devrait être davantage orientée vers une
formation professionnelle de caractère fondamental, puisque cette
partie-là, les entreprises ne peuvent et ne veulent certainement pas le
ou la donner.
Quatrième dimension. Quand on regarde - et ceci fait
référence au troisième chapitre de notre mémoire -
quel a été le résultat de ces 25 années de
cégep en termes d'accès, ce que nous observons, et nous avons
fait le tour des données qui nous étaient disponibles - depuis,
le MESS, comme on dit couramment, a produit des données qui nous
auraient été utiles au moment de la confection de notre
mémoire, mais qui ne défont pas du tout ce que nous avions
déjà analysé - nous constatons qu'il y a eu un
progrès immense en termes d'accès à la formation de niveau
postsecondaire, donc collégial y compris, et que ce progrès
immense est très certainement à lier, nous ne disons pas en
exclusivité, bien sûr, mais certainement à lier à
l'existence même des cégeps et à leur mode de
fonctionnement.
Alors, il y a eu un progrès considérable. Cependant, tout
n'est pas encore terminé. Et c'est ça le sens de notre
intervention là-dessus. Il reste des domaines où l'accès
est encore trop faible ou, dans certains cas, trop peu diversifié.
Pensons par exemple à la situation des jeunes filles et des jeunes
femmes. Il est évident qu'elles ont fait un progrès
considérable, considérable, mais il reste encore des secteurs
où elles ne sont pas encore assez présentes, notamment dans les
domaines scientifiques et dans le domaine des techniques physiques. Par
ailleurs, de façon générale, elles ont progressé de
façon très, très, très importante. Mais, si on
regarde du côté des garçons, alors là ce n'est pas
du tout la même situation. Les garçons, ils sont en mauvaise
passe, disons, et au secondaire, et au collégial, et à
l'université. Et je ne suis pas en train de dire que les filles les ont
supplanté, là. C'est les garçons eux-mêmes qui
n'accèdent pas assez nombreux, qui ne sont pas assez
persévérants et qui ne diplôment pas suffisamment. Et
ça, c'est vrai au secondaire, c'est vrai au collégial, mais c'est
vrai aussi à l'université. Il y a là un problème en
termes d'accès et de diplomation auquel il faudra s'attaquer, s'atteler
un jour ou l'autre, parce qu'il n'est pas suffisant de se frotter les mains
d'aise sur ce qui a été réussi du côté des
jeunes filles. Il va falloir que nous reposions aussi la question de
l'accès du côté des garçons.
J'accélère. J'accélère. Il y a la situation
des allophones d'origine socio-économique faible dans la région
de Montréal. Je ne fais que la souligner en passant, mais il ne faut pas
croire que les allophones sont tous des immigrants investisseurs, il s'en faut.
Et il ne faut pas croire qu'ils ont tous autant de facilité, de
capacité à s'intégrer facilement à nos
réseaux d'enseignement secondaire et postsecondaire. Il y a une
préoccupation particulière à avoir pour les
allophones de la région de Montréal, très
sûrement. Nous disons de la région de Montréal parce que
c'est surtout là qu'ils sont concentrés. Ça ne veut pas
dire qu'il n'y a rien à faire dans les autres régions du
Québec, bien sûr.
Il y a la situation des adultes dans les cégeps qui sont
très, beaucoup trop, croyons-nous, orientés vers des formations
courtes et qui mériteraient eux aussi, elles aussi d'aller vers des
formations préuniversitaires. Il va falloir trouver le moyen
d'améliorer la situation de ce côté.
Et il y a la situation, par exemple, des francophones qui eux aussi ne
fréquentent pas en assez grand nombre le secteur préuniversitaire
lorsqu'on regarde évidemment les taux d'accès et de
diplomation.
Ceci n'est qu'une enumeration très rapide, trop rapide, mais pour
parvenir au dernier point et ensuite on aura atteint, je pense, la limite du
temps...
Le Président (M. Gobé): Oui, allez-y. Rapidement.
(17 h 20)
M. Laliberté: Alors, une minute seulement. C'est vrai que
l'enseignement postsecondaire est coûteux. C'est l'aspect
économique que je veux aborder maintenant, très rapidement. C'est
vrai que c'est coûteux. L'enseignement universitaire aussi, d'ailleurs.
Mais ce sur quoi nous voudrions insister dans cette présentation, c'est
de souligner qu'il s'agit là d'un investissement social. Et nous
insistons pour que le coût de la formation au postsecondaire ne soit pas
considéré que comme une dépense, mais soit d'abord et
avant tout considéré comme un investissement social, et c'est
dans cette perspective que l'on doit, en quelque sorte, penser ou repenser
l'allocation des dépenses pour le futur en ce qui concerne le
collégial et éventuellement, évidemment, l'universitaire.
Mais nous nous en tenons au collégial pour notre présentation de
cet après-midi.
M. le Président, messieurs et mesdames de la commission, je
m'excuse d'avoir été un peu hachuré dans ma
présentation, là, mais je ne voulais pas tout redire ce qu'on a
écrit en 80 et quelques pages.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup,
c'était très intéressant. Et je passerai maintenant la
parole à Mme la ministre.
Mme Robillard: Merci, M. le Président. Je salue avec
beaucoup de plaisir les représentants du Département
d'administration et de politique scolaires. Je dois vous dire, messieurs, que
je vous ai lus avec plaisir. Entre parenthèses, je pense que vous aviez
le mémoire le plus long au niveau de cette commission. Alors, c'est
fantastique, l'esprit de synthèse que vous avez, M. Laliberté,
d'avoir pu nous le présenter dans 20 minutes. Vraiment, j'ai fortement
apprécié la lecture de votre mémoire, la vision globale
qu'il a et la façon dont vous présentez le cégep comme une
institution culturelle de formation, culture, au sens large du terme, avec un
grand C. Je pense que vous nous l'avez prouvé par plusieurs de vos
énoncés.
Mais, MM. Moisset ou Laliberté, au point de départ, en
nous parlant, dans votre introduction, de votre département, vous nous
dites que vous faites aussi des études comparatives de modèles et
de politiques scolaires du Québec avec le Canada ou avec
l'étranger. Est-ce que je pourrais avoir votre... Est-ce que vous l'avez
regardé dans cette perspective-là, au plan comparatif par rapport
à d'autres modèles scolaires? Oui ou non? Sinon, je vais passer
à une autre question, mais, si vous l'avez regardé de ce point de
vue là, j'aimerais vous entendre.
M. Moisset: Pas vraiment. Mme Robillard: Non?
M. Moisset: On ne l'a pas vraiment regardé sur des bases
comparatives, sauf peut-être pour mettre un aspect en évidence, et
que Raymond, d'ailleurs, a souligné tout à l'heure dans sa
présentation, à savoir que, même si le Québec a fait
des pas de géant depuis 25 ans en matière de scolarisation de
l'ensemble de sa population, il y a encore passablement de rattrapage à
faire. Évidemment, il y a une certaine originalité du
système d'enseignement supérieur québécois par
rapport à d'autres parties du Canada ou même des États-Unis
ou de l'Europe. Il n'en est pas moins vrai que, du côté, par
exemple, de la scolarisation, il y a encore énormément à
faire. Et je pense que l'élément «originalité»
du système d'enseignement collégial donne au Québec un
certain atout qui, d'ailleurs, fascine jusqu'à un certain point des gens
de l'extérieur.
Mme Robillard: Bon, parfait! M. Laliberté, vous l'avez
bien deviné, nous allons revenir sur un sujet. Étant donné
que vous-même, dans votre document, vous dites que vous êtes
à contre-courant - eh oui, vous êtes à contre-courant
-alors, j'aimerais vous entendre davantage. Quand vous nous dites de
façon aussi claire que ce n'est pas le temps de resserrer les liens avec
l'université - nous avons entendu un discours tout à fait
inverse, il y a peu de temps, au sein de cette commission - et avec les ordres
professionnels, si j'ai bien compris, mais, de l'autre côté aussi,
de ne pas resserrer les liens outre mesure avec ce que vous qualifiez de
dictât du marché du travail au niveau de la formation
professionnelle... Et c'est là que vous nous parlez d'autonomie plus
grande par rapport à ces deux réseaux-là. J'aimerais
ça vous entendre davantage, M. Laliberté, sur ce qui vous motive
à aller tellement à contre-courant, alors que,
présentement, vous le savez, on déplore le fait que nos
cégeps ne soient pas près des entreprises et qu'on
déplore, aussi, qu'il y a une difficulté dans le continuum au
niveau de la formation préuniversitaire, du deux plus trois. Alors, je
vous écoute.
M. Laliberté: Ce sera M. Plante qui répondra.
M. Plante (Jean): Je vais tenter d'apporter une réponse,
enfin des éléments de réponse. Dans un certains sens, il
n'y a pas, disons, entre un principe de centralisation ou de
décentralisation, quelque chose qui soit a priori bon ou mauvais. Donc,
les deux situations pourraient très bien exister lorsque l'on parle, par
exemple, d'emprise, ou de hiérarchie, ou de hiérarchie
élogieuse lorsque l'université définit les
préalables. Je ne sais pas si vous voulez m'entendre sur ça, et
si c'est ça, disons, l'emboîtement des préalables,
c'est-à-dire que, depuis 1967, un bon jour, à Saint-Hyacinthe,
les universités ont décidé de mettre en place un certain
nombre d'éléments qui feraient que ces institutions auraient des
droits, je dirais plutôt des capacités d'imposer à d'autres
institutions qui leur sont, dans l'ordre d'arrivée pour
l'étudiant, antérieur... d'avoir, dis-je, le droit d'aborder une
certaine hiérarchisation. De ce fait, disons que les profils que
l'université met en place ont des conséquences sur les profils
même des collèges et que les collèges, à leur tour,
imposent au secondaire des formations qui ne sont pas les leurs.
Je suppose que, dans des pays du monde, on prétend que la
fréquentation scolaire obligatoire est là pour former des
citoyens et des citoyennes. Nous avons voulu que le collégial - lorsque
je dis «nous», c'est l'État du Québec -
réponde à une formation, disons, générale ou
préuniversitaire, une formation technique, c'est-à-dire de
réponse à un marché du travail, et nous avons voulu qu'il
y ait un acheminement, disons, vers l'université. Donc, dans un certain
sens, à la fois lorsque l'on pose comme problème que les
universités ont un droit d'imposer des profils, imaginons-nous ceci, ce
qui se produit de la façon suivante: J'ai un enfant, il est au
secondaire et on lui dit: Prends les meilleurs profils possible pour arriver
à l'université de prestige. Et, premier essai, s'il
réussit, il passe à la deuxième étape. Mais, s'il
échoue, qu'est-ce qu'il fait? C'est mon enfant. Il se retourne et dit:
J'ai échoué. Premier élément.
Deuxième élément: il réussit au
collégial mais il arrive à l'université et il
échoue. Il échoue, non pas parce qu'il n'est pas formé,
mais parce qu'il y a des principes de base de placés, de dits, de mis en
place qui font qu'il n'y a pas de place parce que c'est contingenté,
qu'il n'y a pas de place parce que tu n'as pas fait tes mathématiques au
bon moment, qu'il n'y a pas de place parce que ceci, parce que cela. Dans un
certain sens, on est coincé.
Alors, cet emboîtement de profils, il est un peu trop
sévère à l'heure actuelle et il me semble que les
institutions universitaires, l'Université Laval y compris, devraient
accepter de demander au secondaire de former des citoyens et des citoyennes, au
collégial de former des gens qui viendront à l'université
ensuite, avec une bonne formation fondamentale, et que l'université
prenne charge ensuite de former des spécialistes professionnels.
Lorsque vous me parlez des corporations, pardon, de l'autonomisation par
rapport à la formation professionnelle, je vais vous dire qu'il y a un
principe que je mettrais en évidence et que nous avons discuté.
Il est évident que les cégeps ne peuvent pas s'équiper, au
plan des techniques aujourd'hui, de la même manière que le sont
les grandes entreprises. Les petites entreprises - Raymond le notait tout
à l'heure -ce n'est pas possible, elles ne pourront pas offrir, disons,
la technique de pointe. Mais il devra y avoir un mariage, mais un mariage
raisonnable entre les entreprises et les collèges de façon telle
que les formations professionnelles ne soient pas des formations pointues, mais
bel et bien des formations professionnelles fondamentales, telle que le
proposait, dès 1975, la commission Nadeau. C'était
déjà inscrit. Ça fait déjà au moins 10 ans
que le Conseil supérieur de l'éducation en parle, ça fait
au moins un certain nombre d'années que le Conseil des collèges
en parie, je ne reviendrai donc pas sur ces éléments-là,
mais il faut très bien comprendre que le Québec doit faire une
économie d'investissements ici. Il ne faut pas équiper nos
cégeps de techniques qui vont devenir désuètes,
d'équipements qui vont devenir désuets, mais bel et bien faire
des mariages de raison avec l'entreprise de telle sorte qu'il va y avoir
complémentarité. Mais attention! Dans certains secteurs, dans
certains cégeps, avec des centres spécialisés, on est
allé trop loin. On s'est jumelé trop serré. Lorsque
l'entreprise de la région devient la raison d'être du centre
spécialisé du cégep et que l'entreprise ferme ses portes,
on se retrouve aussi coincés dans notre formation. C'est-à-dire
qu'il faut faire aussi un mariage de raison qui soit un mariage
équilibré, si on ne veut pas un divorce lamentable. Je vais
m'arrêter, ça va être trop long, Ha, ha, ha! (17 h 30)
Mme Robillard: Oui, je sens qu'on pourrait discuter longuement
sur ce sujet-là, parce que je diverge un peu d'opinion avec vous,
là, sur certains sujets. Mais, ceci étant dit, je comprends plus
la position pour laquelle vous optez dans ce secteur-là. Est-ce que, par
ailleurs, pour vous, l'autonomie que vous suggérez, je parlerais
d'autonomie académique ou de responsabilité académique
accrue au niveau des collèges, va jusqu'à l'émission des
diplômes par les collèges?
M. Laliberté: M. Morin, cette fois-ci.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Morin (Lucien): C'est facile. Nous avons aussi
réfléchi à cette question d'autonomisation
pédagogique ou académique. Excusez-moi, je sors d'un cours,
madame, et j'ai une pédagogie de grands groupes, qu'on appelle, alors
j'ai un peu perdu la voix. Pour essayer de répondre à votre
question, nous avons voulu penser au cégep comme étant une
maison, si vous voulez, comme analogie, comme comparaison, une maison
étant comme ce lieu de vie humaine à l'échelle de
l'humain, donc ce lieu avec sa couleur, son style, sa valeur, ce lieu avec ses
routines, ce lieu avec ses traditions, ce lieu avec sa nourriture, qui n'est
pas la nourriture de tous les Métros, par exemple, avec sa direction,
qui n'est pas une gare d'autobus pour tout le monde, ce lieu, avec ses rites de
coutumes, ce lieu avec ses repères de choses, si vous voulez, et le sens
des choses - pour nous autres, c'est important que le jeune qui vit dans la
maison apprenne non pas la chose, seulement la chose, mais le sens des choses,
ce qui fait que, lorsqu'on change le sens des choses, on se trouve à
changer du fait même le sens de la maison - et, lorsque vous avez ce
tout, tout le monde a une maison, si on peut dire, mais chacun la sienne, ce
qui fait que, en bout de piste, c'est l'âme qui ressort, et chaque maison
a son âme, ce qui fait qu'on n'aurait pas du tout d'objection à ce
que chaque collège soit diplômé de sa charge d'âmes
à lui, ait la permission d'émettre des diplômes.
Le Président (M. Gobé): Très bien, Mme la
ministre. M. le député d'Abitibi-Ouest, vous avez la parole.
M. Gendron: Je vous remercie, M. le Président. Moi
également, je voudrais remercier le Département d'administration
et de politique scolaires de l'Université Laval de son excellente
contribution. D'entrée de jeu, j'ai fait la même observation moi
aussi, c'est évident qu'il n'est pas, comme mémoire, dans le
courant traditionnel des autres mémoires que nous avons vus, mais ce
n'est pas nécessairement requis et souhaitable si les membres de la
commission veulent profiter du maximum d'éclairage, et j'était
heureux de constater que les gens de la commission qui avaient à
travailler sur votre mémoire disaient de vous, M. Laliberté et
les autres - et ça me fait doublement plaisir de retrouver
Laliberté, auquel je reconnais une vaste expérience - mais ils
disaient de vous tous - et là, je les cite, les gens qui ont
préparé ça: Ces professeurs de la Faculté des
sciences de l'éducation sont des spécialistes de la question de
l'éducation et s'intéressent à l'organisation scolaire du
Québec depuis le tout début de la réforme dans les
années soixante.
Alors, on sent que votre mémoire est imprégné d'une
réflexion beaucoup plus large que les choix sur lesquels nous aurons,
comme parlementaires... Nous, un peu moins, de ce côté-ci, compte
tenu des vicissitudes du régime, mais on voudrait quand même que
les meilleures décisions soient prises. Alors, moi, je vous remercie
d'entrée de jeu, parce que c'est une contribution, quand même, qui
est significative dans une réflexion aussi importante de l'ensemble d'un
ordre d'enseignement comme celui du collégial, et je n'ai pas de trouble
avec vos premiers choix, là, de refaire le choix du cégep, de
conserver des valeurs aussi sûres que celle d'une gratuité. Quand
vous employez des expressions comme: On devrait, comme société,
être beaucoup plus sensibles au fait que c'est vrai, ce n'est pas juste
un discours que l'éducation ou les dépenses en éducation
devraient être davantage considérées comme un
investissement plutôt qu'une dépense... On a l'impression, des
fois, qu'on est sur une autre planète, alors que c'est faux. C'est
correct, les coûts sociaux sont dramatiques quand on se met à les
comptabiliser, quand on fait l'erreur de considérer les dépenses
éducatives au même titre qu'une dépense de route, qu'une
dépense d'immobilisation dans n'importe quel autre secteur de certains
ministères sectoriels. Mais ça nous coûte
énormément cher de ne pas conduire des jeunes avec un minimum de
qualifications pour faire face à la société. On le paie
juste plus tard, en double, en triple, avec toute la
dégénérescence et les effets d'entraînement sur les
phénomènes sociaux. Mais vous seriez mieux placé que moi
pour en parler.
Profitons de votre présence et regardons quelques
éléments additionnels en termes d'approfondissement. Moi, je ne
veux pas reprendre au complet, mais j'aimerais ça... J'ai compris... Je
sais un peu ce que ça veut dire l'autonomisation poussée,
très forte. Arrêtons de conditionner une formation
collégiale eu égard à des paramètres venant
d'ailleurs. C'est ça votre problématique de fond. C'est des
paramètres eu égard à des paramètres venant
d'ailleurs, que ce soit les paramètres de l'université ou les
paramètres des professions. Non, je sais que... Mais le problème
que j'ai, M. Laliberté ou les autres, c'est que, lorsqu'on a à
sanctionner un contenu d'apprentissage, à un moment donné, il
faut être capable de dire quelque chose sur le contenu de l'apprentissage
de ces jeunes-là. Il me semble que ça prend un minimum de tronc
commun dans la formation dite de base ou fondamentale, mais ça, je pense
qu'on va se comprendre dans le terme que je vais utiliser, un minimum de tronc
commun national, pour l'ensemble du Québec. Comment on fait ça,
avec votre logique de pousser l'autonomisation comme vous l'avez dit,
très large? C'est ambitieux. C'est risqué. Et là je me
mets à avoir des réticences à épouser
complètement votre formule compte tenu de l'autre objectif que je
poursuis, d'être capable de savoir exactement, en termes
d'évaluation, quelle sorte de formation de base que j'offre. Comment
je
fais la relation avec les deux?
M. Laliberté: D'abord, notre position en termes
d'autonomisation ne suggère pas du tout, mais pas du tout, que ni le
MESS ni le gouvernement dans son ensemble, d'ailleurs, abandonne la
responsabilité d'orienter et de déterminer les objectifs de
formation pour tout le collégial, pas du tout, pas du tout. Si les
propos trop rapides de tout à l'heure ont pu laisser cette
impression-là, alors corrigeons-la immédiatement. Mais, du fait
que le ministère - plus particulièrement, le ministère,
sans doute - trace, au nom de la société, au nom de
l'État, et l'État au nom de la société, des
orientations, détermine des objectifs à poursuivre, ce qui nous
paraît être le minimum qu'un ministère devrait faire, je dis
bien le minimum, de ce fait-là, ça n'exige pas
nécessairement, par ailleurs, que s'ensuive une description minutieuse
de tous les éléments de chacun des... Combien de centaines de
programmes y a-t-il au collégial? Il y en a pas mal; 100 quelque chose
au professionnel et, au général, je ne me rappelle plus combien.
C'est à cette dimension de la minutie de la description des programmes
que nous nous attardons, disons, pour ce qui concerne le ministère et la
même chose pour ce qui concerne les universités, les corporations
professionnelles et les organismes issus du marché du travail.
Pour parler franchement, il y a seulement le tiers, à peu
près, à l'Université Laval - je pourrais retrouver le
chiffre exact, je pense que c'est 34,5, en tout cas je vais dire le tiers,
là - il y a seulement le tiers des programmes de l'Université
Laval, par exemple, notre cas, cette année, qui n'exigent rien des
étudiants du cégep. Est-ce que, franchement, c'est comme
ça qu'on doit continuer d'être? Et je suis sûr que Laval
n'est pas l'exception. C'est la même chose de chacune des
universités et c'est la même chose de chacun des corps de
métiers, qu'on les appelle professionnels ou pas.
C'est à ça qu'on en a, M. Gendron. Mais,
pédagogiquement, quant au plan du contenu, les cégeps, par
ailleurs, n'ont pas tous... comment dire, ils sont déjà
particuliers, de toute façon. Pourquoi ne pas les laisser jouer leurs
particularités à fond, et, par ailleurs, donner des orientations
et des objectifs à poursuivre, et leur demander de rendre des comptes,
M. Gendron? Bien sûr, ça va de soi. Je ne l'ai pas dit dans la
présentation de tout à l'heure, mais ça va de soi. Plus il
y aura d'autonomie, plus il faudra demander aux institutions en question, que
ce soient les cégeps ou d'autres, de rendre des comptes et donc de
mettre en place une formule d'évaluation qui soit jugée
adéquate, et ainsi de suite, et ainsi de suite. On ne peut demander aux
institutions... On ne peut pas laisser aller des institutions comme
celles-là sans leur demander de rendre des comptes, bien sûr. (17
h 40)
M. Gendron: Moi, je suis très heureux des propos que vous
venez de tenir, puis la question permettait de réaffirmer, ce que vous
venez de faire, sur la nécessité, comme vous dites, dans un
créneau où il y a plus d'autonomie de rendre des comptes. Est-ce
que vous avez poussé votre réflexion, en termes concrets, sur
comment retenir un mécanisme d'évaluation qui permettrait
effectivement que l'ordre collégial soit plus redevable de ce qu'il fait
à tous égards?
M. Moisset: On peut essayer quand même d'y apporter
quelques éléments de réponse, compte tenu des
réflexions que nous avons faites par rapport à cette
question-là. Bon, je ne reviendrai pas sur ce qui a été
dit tout à l'heure en ce qui concerne l'autonomisation. Il s'agit
vraiment d'une autonomie de fonctionnement.
M. Gendron: Ça va.
M. Moisset: O.K.? Les cégeps n'étant pas dans un
vacuum, là, ils auront des buts, des orientations et des objectifs, et
cette évaluation externe devra se faire. Autrement dit, la
première responsabilité des cégeps, ce sera de pouvoir
s'auto-évaluer, compte tenu du plus grand degré d'autonomie
qu'ils auront.
Mais, nous autres, en ce qui concerne cette évaluation externe,
nous pensons à un type, par exemple, de comité d'agrément
qui pourrait être mis en place, n'est-ce pas, mais de manière
concertée - O.K.? - par le ministère de tutelle,
c'est-à-dire le ministère de l'Enseignement supérieur et
de la Science, et en concertation avec les cégeps eux-mêmes,
c'est-à-dire les autorités des cégeps, et d'autres
représentants des secteurs, quand même, d'activité de la
société pour lesquels travaillent ces cégeps. Mais nous ne
parlons pas, nous autres, quand nous parlons d'évaluation externe, comme
j'ai cru comprendre tout à l'heure de la part de certains groupes qui
ont présenté leur mémoire, de quelque chose qui irait, je
dirais, dans un contrôle tatillon des programmes dans leur
définition opératoire, mais c'est davantage une évaluation
de type institutionnel global. Vous avez des objectifs, des grandes
finalités, vous devez pouvoir rendre des comptes, compte tenu des
montants qui ont été investis.
M. Gendron: Merci. Deux autres points que je voudrais toucher,
rapidement. Je pense que, avec raison, vous faites bien de dire qu'on a
énormément fait de bon chemin en termes d'accessibilité,
de démocratisation, mais qu'il reste des choses à faire, qu'il
reste des objectifs à atteindre dans des secteurs plus
spécifiques. Et, quand vous racontez le malheur des jeunes
garçons, je pense que vous touchez un point précis. Tous les
chiffres que nous avons sont les mêmes. Ils décrochent plus, il y
a moins de diplômes. Et je pense qu'on ne peut pas juste
rester insensible au phénomène, il faut essayer de trouver
des éléments plus spécifiques pour corriger les lacunes.
Et il me semble que vous y avez réfléchi. Si on est capable de
bien identifier cette problématique spécifique, on devrait
être capable de souffler quelques éléments plus pertinents
pour une meilleure rétention, un meilleur taux de diplomation puis une
plus grande diversification de leur cheminement. Parce que c'est ça, le
drame. Est-ce que vous avez des idées un peu plus précises pour
rapidement avoir des mesures de discrimination positive à l'envers?
Parce qu'on en a toujours fait pour les femmes. Alors, là, le drame,
c'est les garçons qui s'en vont sur la bomme.
M. Laliberté: Je vais tenter de répondre à
cette question-là moi-même. Je faisais signe de la tête
à propos de discrimination positive à l'envers. Il y a assez eu,
pendant assez longtemps, de discrimination des hommes à l'égard
des femmes, il ne faut pas retourner une question comme celle-là. Vous
riiez vous-même en le disant, d'ailleurs.
M. Gendron: Oui, mais ça va me permettre d'entendre votre
suggestion.
M. Laliberté: C'est évidemment pas vers ça
qu'on est tourné. Mais, si on regarde, socialement, comment ça
s'est passé, par exemple, ces dernières décennies à
propos d'autres catégories... On dit, d'ailleurs, quelque part dans le
mémoire, là - je ne saurais pas vous donner la page exacte - que,
par exemple, du côté des francophones, au Québec, il y a eu
un fort mouvement de progrès et que les projets de société
nationaux - je n'ose pas dire nationalistes pour ne pas leur donner un sens
étroit - ont contribué à cette volonté de
développement de la formation et de la scolarisation du
côté des francophones. On donne aussi l'exemple de mouvements
sociaux de soutien féministes, notamment, à propos de la
démarche des jeunes femmes ou des femmes en général, et on
dit que ce type de mouvement social a contribué aussi à un
progrès dans les aspirations - disons-le comme ça, notre jargon,
c'est celui-là, d'habitude - scolaires et professionnelles des jeunes
femmes. Et on donne aussi l'exemple de la question des milieux
défavorisés, par exemple, etc. Le sens de notre réponse,
ça ne veut pas dire qu'on a trouvé une solution magique, mais, le
sens de notre réponse, c'est: II faut imaginer et mettre en place des
mesures de soutien et de motivation qui relèvent du même type de
phénomène social. Autrement dit, ce n'est pas par une
réglementation qu'on règle ces questions, c'est par une question,
évidemment, de précaution, de surveillance, je veux dire par
là - comment on dit ça? - pas le curatif, le préventif
plutôt que le curatif, bien sûr, mais, aussi, par quelque chose qui
les motive, ces garçons, à pousser plus loin, à être
plus attentifs, à être plus persévérants, disons,
dans leurs travaux. De là à dire qu'il faille créer un
mouvement humaniste - j'essaie de dire l'équivalent de féministe
- bien sûr que non.
M. Gendron: Oui, mais un mouvement de condition féminine,
masculine.
M. Laliberté: Non, non.
M. Gendron: Non, c'est pour rire!
M. Laliberté: ii y a des circonstances
particulières aux femmes et on ne peut pas les transposer pour les
garçons, bien sûr, mais, il faut trouver le moyen de relever la
motivation du côté des garçons.
M. Gendron: Je pense, M. Laliberté, que vous faites bien
de mettre l'accent là-dessus, puis je vous comprends très bien et
vous avez raison, ce n'est pas par une réglementation. Mais, au niveau
des adultes, vous faites également une même suggestion,
c'est-à-dire que vous trouvez qu'il y a trop d'adultes qui font le choix
d'une formation plus courte et un peu trop spécialisée
rapidement, alors que l'État devrait trouver une façon de forcer,
également pour cette catégorie, une réorientation vers une
formation, encore là, plus générale, plus
préuniversitaire, ou universitaire tout court.
Au niveau des adultes, je vous avoue que, même en me
forçant, j'ai l'impression que je n'arriverais pas à trouver
quelque chose, et c'est pour ça que je veux être
éclairé davantage, pour la raison très... Moi, je l'ai
noté quand je vous ai entendu, j'avais lu ça dans le
mémoire. Pourquoi, précisément, les adultes feraient-ils
ce choix quand vous savez qu'on vit dans le genre de société que
vous connaissez, où le chômage est très
élevé, où on dit que, dans les prochaines années,
possiblement, aux 5, 6 ans, pour les emplois pas trop
spécialisés, les gens vont devoir refaire de la formation
continue pour se réadapter? Donc, je ne suis pas capable de voir
qu'est-ce qui les motiverait à agir autrement, pour un fort segment de
la population adulte, puisque je dis que les gens adultes sont obligés
de choisir par rapport à la réalité du pain et du beurre,
les ménages, la faiblesse économique des ménages, qu'on
appelle, au sens de notion économique. Alors, comment voyez-vous pareil,
vous, la capacité d'infléchir cette tendance et que, comme
société, on arrive à indiquer davantage des voies plus
allongées, une formation plus générale même pour les
adultes? Autrement dit, comment faites-vous pour y croire sincèrement?
Vous le mentionnez mais, moi, je ne vois pas comment on va faire ça,
comme société, pour avoir quelque chance qu'on se reparle, dans
5, 6 ans, et qu'on ait fait un minimum de progrès là-dessus.
Avez-vous des pistes?
M. Laliberté: Vas-y, Jean.
M. Moisset: Je vais peut-être essayer de vous faire part de
quelques réflexions que nous faisons actuellement là-dessus.
C'est sûr que la conjoncture économique dépressive que nous
connaissons imprègne forcément nos discours, n'est-ce pas?
D'autant plus que la conjoncture a tendance, de plus en plus, à devenir
structure. Ça, on est bien d'accord là-dessus. Mais, quand on
sait, aujourd'hui, que les changements de nos sociétés sont si
accélérés, nous autres, nous pensons que la base de la
formation doit être suffisamment large et longue pour permettre,
précisément, aux gens, n'est-ce pas, de pouvoir s'adapter
à ces changements qui deviennent une marque, je dirais, constante,
n'est-ce pas, d'évolution de nos sociétés. Et c'est de
plus en plus rapide.
Évidemment, le raisonnement, n'est-ce pas, enfin, que l'on fait
généralement, c'est un raisonnement de très court terme.
Quand je dis nous, n'est-ce pas, c'est les adultes, n'est-ce pas, dont M.
Gendron parlait tout à l'heure et, de fait, quand ils essaient de
trouver une formation, c'est quelque chose qui leur permet de se qualifier le
plus rapidement possible pour aller chercher la job dont ils ont besoin, sur le
marché du travail, dans l'immédiat. O.K.? (17 h 50)
Mais, nous avons des responsabilités vis-à-vis du
système, et c'est là-dessus que nous pourrions faire valoir, non
pas des points de vue contradictoires entre, n'est-ce pas, une
nécessité, bien sûr, de répondre à des
besoins immédiats et de très court terme... Et, là,
même, n'est-ce pas, en tant que responsables gouvernementaux, très
souvent, on le fait, on oublie le long terme pour pouvoir agir sur le court
terme parce qu'il faut trouver une solution rapidement. D'accord? Ça,
c'est une première dimension de la réponse que l'on apporte
à cette question-là concernant la formation longue, large, plus
solide, comparativement à une formation pointue,
spécialisée qui qualifie quelqu'un immédiatement pour tel
poste donné, parce qu'on se dit que, dans la vie, actuellement, n'est-ce
pas, active de n'importe qui, il y a une probabilité de changement
d'emploi, peut-être, de trois ou quatre fois au cours de la vie active.
Alors, il faudrait qu'on arrête de croire que, chaque fois, on va
qualifier cette personne-là pour la nouvelle job qu'elle va devoir se
chercher. C'est pour ça que, nous autres, nous plaidons pour une base de
formation solide et large. Alors, c'est un élément de
réponse par rapport à la question que M. Gendron
soulève.
L'autre question, l'autre aspect de la question de tout à
l'heure, la question, n'est-ce pas, de l'abandon scolaire et de la
rétention. D'accord. Moi, je suis émerveillé de voir qu'au
niveau secondaire on a commencé à faire certaines choses par
rapport à ce problème-là, mais c'est comme le dit le plan
du ministre, le plan d'action de l'ex-ministre, maintenant, Pagé:
À chacun ses devoirs, parce que c'est un problème suffisamment
complexe - O.K.? - pour qu'il n'y ait pas de solution simple, et ce qui est
vrai pour les jeunes du secondaire l'est encore davantage pour le niveau
collégial. Nous avons fait allusion dans notre mémoire à
ce fameux problème, enfin, auquel nous sommes tous sensibilisés
actuellement, du travail de ces jeunes qui est un élément parmi
d'autres évidemment qui explique leur taux d'échec. Est-ce qu'on
va dire: Maintenant, il faudrait qu'ils arrêtent de travailler? Est-ce
que ce sera aussi simple? Ce n'est pas simple. C'est un problème de
société et ça, on le sait. Alors, c'est ça les
éléments de réflexion que nous pouvons offrir par rapport
à cette double question.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Moisset.
Malheureusement, je dois vous interrompre, c'était très
intéressant. M. le député de Jacques-Cartier, vous avez
demandé la parole.
M. Cameron: Merci, M. le Président. Je vais vous demander
quelque chose en anglais, mais répondez en français si vous
préférez. I would like to know whether you would feel there would
be a case for students, in the preuniversity programs in cégeps, being
allowed to complete in three terms instead of four if they were outstanding
students. In other words, whether it would be possible to have a kind of
accelerated stream for certain students who would show an outstanding ability.
I should say before asking for your answer that the reason I ask this is that I
have been teaching in cegep and also in university for 20 years. I think the
cégeps in the all have been successful with most students, but I do not
think, and I believe this is as true for francophone students as anglophone
students, that for the very best students we have in the province that this has
been the case. They frequently have found the first year quite satisfactory in
rewarding but by the second year they are anxious to get out and they are
anxious to get to university and they have told me again and again they feel
they have learned here what they can learn. I think that for at least some of
them I should be some kind of possibility for them being able of taking
advantage of a more flexible timetable.
M. Laliberté: Étant donné la position que
nous avons prise dans le mémoire, il est bien évident que nous ne
pouvons pas nous opposer à toute forme de flexibilité
raisonnable. La question que vous posez, au fond, nous demande -
malheureusement le comité n'a pas travaillé cette
question-là de façon spécifique - d'évaluer s'il
serait raisonnable de passer rapidement, tellement rapidement à travers
la formation préuniversitaire du collégial que ça puisse
se
faire en un an et demi, parce que trois trimestres, c'est ça que
ça veut dire, en un an et demi au lieu de deux. Tout favorables que nous
soyons à de la flexibilité, moi - je parle en mon nom personnel
parce que le comité n'en a pas parlé - j'aurais beaucoup de
réticences, M. Cameron. J'aurais - je ne me trompe pas, vous êtes
bien M. Cameron - beaucoup de réticences parce que nous concevons cette
période-là comme étant un temps important dans la vie de
ces tout jeunes adultes. Il ne s'agit pas de se dépêcher à
tout prix, de courir pour parvenir à l'université, il s'agit de
profiter de ces deux années-là pour s'orienter comme il faut,
pour de bon, se réorienter au besoin et s'ajuster par rapport au futur.
Il n'y a rien qui presse tant que ça d'arriver à
l'université. Les sous-ministres à 29 ans, pour reprendre
l'expression qu'on utilise dans mon milieu familial et d'amis, il n'y en a pas
beaucoup au Québec. Il n'y a rien qui presse tant que ça.
M. Cameron: I think it is a good answer, but if that is the case,
could there not then be some kind of enriched program for the outstanding
students? Because, one way or another, it still seems to me there is a problem.
You may be correct that the answer is not to, you know, move the students on,
but I do not think the situation right now is an entirely satisfactory one and
it is one where I have the evidence of a rather large number of students.
M. Laliberté: c'est bien possible qu'il en soit ainsi,
mais, par ailleurs, toute forme de programmes spéciaux adressés
aux doués, moi, me fait frémir.
Le Président (M. Gobé): Vous avez fini, M. le
député de Jacques-Cartier?
M. Cameron: Oui, c'est tout. Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Maintenant,
je passerais la parole à Mme la ministre. Vous avez la parole,
madame.
Mme Robillard: Tantôt, M. Laliberté, vous avez fait
état de certains problèmes au niveau de l'accès, vous avez
dit, des jeunes femmes au niveau de certaines filières, la
problématique aussi des jeunes garçons, n'est-ce pas? Mais, dans
votre mémoire, vous nous suggérez aussi d'accroître
davantage la présence des francophones dans la filière
préuniversitaire. Je pense que votre mémoire est original pour
ça, parce qu'à plusieurs égards vous allez à
contre-courant de certaines idées. Mais, vous n'êtes pas sans
savoir la pression très forte pour augmenter les effectifs en formation
professionnelle. Pourriez-vous m'expliciter davantage cette recommandation?
M. Laliberté: Étant âgés, on peut se
rappeler la période de la commission Parent. On dit dans notre
mémoire quelque part encore - je ne sais plus à quelle page -
qu'on avait prévu, par exemple, tant de pour-cent pour le professionnel
et tant de pour-cent pour le préuniversitaire, mais on dit aussi dans
notre mémoire qu'il s'agissait là d'une projection basée
sur des courbes d'intelligence. La commission Parent... Le comité
Tremblay, avant la commission Parent, d'ailleurs, avait fonctionné comme
ça.
Autrement dit, à l'époque, c'était à la
mode. Depuis ce temps, on a appris qu'on ne pouvait pas mesurer les
intelligences comme ça et les inscrire sur des courbes, que ce
n'était pas aussi simpliste que ça. Mais les acteurs du temps,
Guy Rocher, par exemple, Arthur Tremblay lui-même, reconnaissent que
c'était comme ça qu'ils avaient fait leurs prédictions
à l'époque: il devrait y avoir tant de pour-cent des gens dont
l'intelligence, je caricature un peu, serait telle qu'ils puissent parvenir
à l'université et, par conséquent, les autres devraient
s'arrêter en chemin, donc avec une formation professionnelle ou
même avec une formation au secondaire.
Nous regrettons, disons, que des évaluations comme
celle-là aient été faites et nous regretterions encore que
ces pourcentages largement mythiques du temps soient toujours pris en compte
actuellement. Nous avons d'ailleurs dépassé en nombre absolu ce
que prévoyait la commission Parent en termes de formation
professionnelle. On n'a pas raté de ce côté-là. On
n'a pas raté du tout. On en forme davantage que ce que prévoyait
la commission Parent, même si en termes de taux, de ratio, ça
n'est pas ce qui avait été prévu. (18 heures)
La question qui est posée, au fond, c'est pourquoi faut-il que
les gens se forment professionnellement au cégep ou se forment
professionnellement à l'université? L'université, c'est
une institution de formation professionnelle aussi. On ne la voit pas toujours
comme ça mais c'est ça. Surtout le premier cycle universitaire
est très largement, très largement de niveau formation
professionnelle. Alors, la question qui est posée, c'est: Doivent-ils,
nos jeunes, se former davantage professionnellement au collège ou
davantage professionnellement à l'université? Et notre
réponse à nous, c'est que ceux et celles qui choisissent de
passer par l'université pour leur formation professionnelle, socialement
parlant, on ne peut pas les en blâmer, ils font le meilleur choix qui
soit possible, actuellement, parce que, socialement, ils font le choix qui va
leur être le plus rentable. Alors, si on veut, maintenant, qu'il y ait un
plus grand nombre de personnes qui soient formées professionnellement au
collégial, il va falloir que, socialement, cette formation
professionnelle soit socialement, je dis bien, et non pas seulement
monétairement, rentable. C'est vraiment une question de
société. Ce n'est pas une question de décision
gouvernementale,
ici.
Mme Robillard: Une dernière question, M. Laliberté,
si vous le permettez, concernant les domaines de formation dans la
filière préuniversitaire. Vous nous recommandez de façon
explicite, à votre recommandation 4, que nous ayons trois domaines de
formation préuniversitaire, et je comprends par le fait même, et
vous le dites ailleurs, que vous vous opposez, en somme, à la
recommandation du Conseil des collèges qui suggère davantage de
profils ou de diversifications. Pourriez-vous m'exliquer pourquoi?
M. Laliberté: C'est très, très simple.
Enfin, pour nous, ça l'est. Tout au long de notre mémoire, nous
avons mis l'accent sur une formation de caractère fondamental et c'est
cette dimension-là, disons, d'une formation de caractère
fondamental, tant pour le préuniversitaire que pour le professionnel
d'ailleurs, qui nous a amenés à recommander, en tout cas, que
soit examinée très attentivement la possibilité de
dégager de l'ensemble des spécialités actuelles quelque
chose qui soit beaucoup plus large et qui soit, par conséquent,
davantage de formation fondamentale, et on a imaginé que ces trois
grands domaines - sciences de la nature et sciences de la vie; sciences de
l'homme et de la société; arts, lettres et littérature -
pourraient être des secteurs tout à fait convenables dans la
perspective d'une formation de caractère fondamental, la
spécialisation venant après, évidemment.
Tout ça, c'est lié au fait aussi de détacher la
formation collégiale des prérequis universitaires, et ainsi de
suite. Il y a une logique, disons, dans notre mémoire. Appelez ça
humaniste, si vous voulez, ce type de formation, pourquoi pas. Appelez
ça humaniste et scientifique à la fois, pourquoi pas. N'oubliez
pas, humaniste, scientifique et technologique aussi avec notre proposition de
culture technologique. Il y a des gens qui trouvent merveilleux le programme de
baccalauréat international. J'hésite a ouvrir cette
porte-là parce qu'on n'aura pas le temps d'en parler, mais il y a des
dimensions dans le baccalauréat international,
précisément, qui correspondent à ce type de contenu dont
il est fait état maintenant dans nos échanges. Ceci étant
dit, nous ne préconisons pas comme solution le baccalauréat
international.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup, M.
Laliberté.
Mme Robillard: M. le directeur du département, merci
d'être venu partager votre expérience au niveau des politiques
scolaires. Je pense que c'était très éclairant et
très intéressant1 pour les membres de la commission.
Merci.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci beau- coup. La
commission suspend donc ses travaux maintenant jusqu'à 20 heures ce
soir. La commission est suspendue.
(Suspension de la séance à 18 h 3)
(Reprise à 20 h 5)
Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs,
bonsoir, mesdemoiselles. Il me fait plaisir de vous accueillir ce soir à
cette huitième séance de la commission. Nous allons donc, sans
plus tarder, procéder à l'audition de deux groupes:
premièrement, le groupe Pôle de l'Est et, par la suite, nous
entendrons les représentants du collège de l'Outaouais.
Alors, les gens du groupe Pôle de l'Est sont déjà
arrivés en face de nous. Si vous voulez bien vous présenter,
présenter les gens qui vous entourent, monsieur.
Groupe Pôle de l'Est
M. Gagnon (Claude): Je suis Claude Gagnon, du collège de
la région de l'Amiante. Je suis conseiller pédagogique.
Le Président (M. Gobé): Bonjour, M. Gagnon. Alors,
vous pouvez présenter vos collègues et compatriotes.
M. Gagnon (Claude): À ma droite, je vous
présente...
M. Guy (Hermann): Hermann Guy, du collège de Rimouski.
M. Michaud (Jean-Paul): Jean-Paul Michaud, conseiller
pédagogique, collège de Rivière-du-Loup.
M. Provencher (Aimé): Aimé Provencher, conseiller
pédagogique, cégep de Victoriaville.
M. Fradette (René): René Fradette, conseiller
pédagogique au cégep de La Pocatière.
Le Président (M. Gobé): Ça me fait plaisir,
messieurs. Bonjour. Vous pouvez maintenant commencer votre
présentation.
M. Gagnon (Claude): Comme vous le voyez, nous sommes tous des
conseillers pédagogiques et nous ne représentons pas formellement
une association quelconque. Nous provenons des collèges publics de l'Est
du Québec; voilà l'appellation Pôle de l'Est au cas
où il y aurait des confusions.
M. le Président, Mme la ministre, M. le porte-parole de
l'Opposition officielle, mesdames et messieurs les députés, nous
avons choisi de témoigner de la vie des collèges au-delà
des
statistiques et des histoires de cas sur lesquelles, trop souvent
hélas, s'appuient des évaluations des collèges. Disons-le
tout de suite, ces évaluations, nous les trouvons parfois injustes et
réductrices comme si l'apprentissage pouvait se réduire à
une simple équation comptable. Notre témoignage se fera sous
quatre volets: le contexte de développement des collèges, les
prises en charge réalisées, l'émergence de la
qualité et, enfin, les défis posés à l'enseignement
collégial.
Un mot d'abord sur le contexte du développement du réseau.
Il a été créé pour mettre en place de nouvelles
structures, réagissant par là à I éparpillement de
l'ancien système, à l'obsoles-cence de son curriculum, à
l'élitisme de la filière conduisant aux études
universitaires. Ainsi, les grandes finalités de la réforme
ont-elles été la démocratisation, l'accessibilité,
la régionalisation des études postsecondaires ainsi que la
cohabitation des deux secteurs.
Les collèges ont cependant évolué dans un contexte
moins aseptisé. Il a été marqué par une triple
ambivalence. La première est celle de ses missions: d'un
côté, les objectifs pour lesquels les collèges ont
été créés nous semblent généralement
atteints, voire même dépassés; de l'autre, on évalue
les collèges sur des attentes nouvelles et pas toujours explicites
provenant de commissions d'étude et de divers rapports. Ainsi a-t-on
observé l'émergence de missions comme la formation fondamentale,
l'approche programme, le transfert technologique, les programmes par
compétences, la formation en entreprise et les missions cachées
derrière la cote Z, les préalables universitaires, les tables
sectorielles, l'employeur. Nous avons souvent l'impression que l'on reproche
aux collèges que tout ne soit pas déjà fait au moment
où les missions émergent, si valables soient-elles, alors qu'il
faut du temps pour passer de l'idée, fût-elle
ministérielle, à la salle de classe.
La deuxième ambivalence porte sur une société en
mutation profonde dont on voudrait parfois que les collèges soient
immunisés. Pourtant, ils ne sont ni meilleurs, ni pires. Trop souvent,
cependant, on souhaiterait que les jeunes soient plus disciplinés au
collège qu'ils ne le sont ailleurs et qu'ils soient
protégés contre les misères caractérisant notre
société. Le collège a enfin vécu l'ambivalence d'un
style de gestion caractérisé par l'autonomie des collèges,
mais dans un réseau qui se veut décentralisé; un style de
gestion demandant trop souvent études de faisabilité sur
études d'opportunité sur études de pertinence,
malgré la décentralisation, générant ainsi
méfiance et résistance; un style de gestion qui porte des
contradictions, comme la formation fondamentale campée dans des
programmes de plus en plus spécialisés ou comme l'existence de
cours complémentaires devenant obligatoires lors des révisions de
programmes. Ce qui se dégage de ces ambivalences est clair: elles
n'expliquent pas toutes les erreurs du réseau collégial, mais
elles aident à les comprendre.
Malgré ce contexte de développement, les collèges
ont pris en charge la formation, et nous en témoignons en seconde
partie. À titre de conseillers pédagogiques, nous sommes en
contact avec des développements qui n'ont pas toujours un
caractère public. Cela nous donne souvent à penser que certaines
critiques sur les collèges constituent des opinions persistantes
construites à partir des erreurs de jeunesse du réseau. Notre
propos consistera donc à illustrer la prise en charge faite par les
collèges de sept lames de fond. (20 h 10)
La prise en charge de la formation fondamentale d'abord. Ce trait
essentiel du réseau collégial comporte des difficultés
majeures: cerner l'essentiel de la formation au-delà des
dernières nouveautés; trouver des approches pédagogiques
pertinentes; établir les rôles de chacune des disciplines dans un
programme. Nous ne sommes pas très en retard sur les autres pays
à ce chapitre, car, depuis les cinq dernières années, les
travaux abondent dans le réseau. En effet, des collèges font de
la formation fondamentale leurs buts institutionnels. C'est le cas à
Baie-Comeau, à l'Amiante, à La Pocatière, à
Rimouski, à Aima, à Matane, etc. Plusieurs colloques de
coordination provinciale ont porté sur ce thème dans les
dernières années, et un très grand nombre
d'activités de perfectionnement et de journées
pédagogiques ont été offertes visant l'appropriation des
deux axes de la formation fondamentale. La tâche n'est pas simple et tout
n'est pas fait, nous en convenons, mais le réseau innove actuellement en
matière de formation fondamentale.
La concertation et la cohérence dans les programmes constituent
la seconde lame de fond. L'approche programme exige beaucoup et constitue un
changement majeur dans les pratiques, il faut le reconnaître. La
concertation doit être systématique, englobant toutes les
disciplines en fonction des compétences visées dans un programme.
Elle concerne les activités d'enseignement, d'encadrement des
élèves aussi bien que l'évaluation. L'approche programme
est déjà présente dans un grand nombre de collèges
et de départements. Plusieurs même en font une orientation
explicite de l'institution. Les revues pédagogiques, l'AQPC, les projets
de recherche, les colloques de programmes et disciplines constituent aussi des
lieux d'échanges et de quête de moyens concrets. Nous devons
saluer les efforts et l'ouverture des enseignants et des collèges dans
ce dossier plutôt que de leur reprocher de ne pas avoir tracé et
parcouru tout le chemin.
Le troisième aspect concerne le développement des
ressources humaines, particulièrement les enseignants, ce qui constitue
un fleuron des collèges. Il faut reconnaître l'originalité,
la
qualité et l'impact du programme PERFORMA en matière de
perfectionnement des maîtres. 58,2 % des enseignants ont participé
à au moins une activité de perfectionnement dans les cinq
dernières années. Le tiers des enseignants consacrent 17 % de
leur tâche au perfectionnement dans le seul programme PERFORMA. La
tendance au perfectionnement individuel laisse place - et ça nous
apparaît important - au perfectionnement par département, par
programme et selon des priorités institutionnelles. PERFORMA est
présent dans 46 collèges et ce sont les limites
budgétaires qui freinent actuellement son développement.
Le quatrième aspect à souligner porte sur le
développement pédagogique du réseau collégial, dont
nous donnons ici quelques indices. Dès 1981 on dénombrait 722
projets de recherche dans 90,2 % des collèges. La création de
lieux de concertation comme l'AQPC, l'ARC, les colloques provinciaux, PERFORMA,
l'élaboration de 175 manuels de langue française, de 160
logiciels, de 300 vidéogrammes et documents audiovisuels, les
créations didactiques soutenues par les prix de la ministre et, en aide
à l'apprentissage, le rôle des API, l'encadrement des
élèves par les enseignants, les outils de diagnostic et les
programmes d'aide à l'apprentissage.
Trois remarques s'imposent quant à ces réalisations.
Premièrement, ce sont là des exemples qu'il faudra
généraliser dans le réseau, il est vrai, mais des
exemples, tout de même, de la capacité d'adaptation des
collèges. Deuxièmement, les investissements du ministère
dans le matériel didactique et la recherche ont joué un
rôle de leadership efficace en matière pédagogique.
Troisièmement, la frénésie des premières
années a laissé place à plus de maturité comme en
font foi l'identification de priorités institutionnelles, l'acceptation
de priorités nationales et l'augmentation de la qualité des
projets.
Le cinquième volet au plan des prises en charge porte sur
l'évaluation dans les collèges. Malgré le fait qu'ils ont
été créés dans un contexte peu favorable à
l'évaluation, nous pouvons témoigner de leurs
réalisations. Chaque collège s'est doté d'une politique
d'évaluation des apprentissages, certains se donnent des politiques
d'évaluation institutionnelle - c'est le cas à l'Amiante,
Drummondville, Rimouski, La Pocatiè-re, Bois-de-Boulogne, pour nommer
ceux-là - et un processus d'évaluation des programmes est en
implantation dans le réseau.
Au plan local, l'évaluation est présente aussi, comme le
montrent les exemples suivants: le test Perpe, des outils d'évaluation
maison de la satisfaction des élèves, des outils de relance des
diplômés et des employeurs, des observations d'enseignants en
classe en très grand nombre, l'évaluation de nouveaux
enseignants. Tout cela n'est pas terminé. Il faut systématiser et
généraliser l'évaluation des collèges, des
départements et du travail départemental et de la performance
individuelle. Surtout, il faut susciter la prise en charge des résultats
de l'évaluation par les collèges et par les enseignants. Dans
cette perspective, nous ne croyons pas que les examens nationaux constituent
une réponse adéquate à l'évaluation des
collèges. Il est cependant nécessaire de prendre des
décisions et de passer systématiquement à la
responsabilisation des intervenants en évaluation, et ce, dans une
perspective de développement des ressources humaines.
Le sixième volet concerne la cohabitation du secteur
préuniversitaire et du secteur technique, ce qui a fait couler beaucoup
d'encre, aussi bien par son existence même que par la façon de la
concrétiser dans la structure collégiale. À cet
égard, nous pouvons soutenir que la réalité
concrète des collèges laisse place à beaucoup plus de
concertation qu'il n'en paraît, aussi bien au plan des
départements, des disciplines et des programmes. Il faudra poursuivre et
intensifier nos efforts en ce sens.
Quant à la structure des programmes, au-delà du nombre
d'heures de cours, nous estimons qu'il ne serait pas pertinent d'abolir les
cours de philosophie, d'éducation physique et de français. Nous
réaffirmons la nécessité d'un corps commun de
compétences et de connaissances pour tous les élèves parce
qu'il permet le rapprochement des deux secteurs et des élèves qui
le composent, la démocratisation et le rehaussement des aspirations
scolaires, l'enrichissement de la formation des élèves des deux
secteurs et la mise en évidence de la complexité des divers
domaines du savoir. Les études récentes sur les curricula, sur
l'apprentissage, sur la formation fondamentale et sur les attentes des
employeurs confirment la nécessité d'une formation de tous les
élèves à des habiletés intellectuelles d'ordre
supérieur et à la construction de valeurs. Nous ne croyons
évidemment pas que la formation à ces compétences soit
l'apanage exclusif des cours communs qui seront retenus, mais des disciplines
doivent en assumer l'enseignement explicite et d'autres doivent favoriser leur
transfert à des problématiques spécialisées.
La réflexion doit se poursuivre quant à la structure des
programmes. Nous tenons à manifester nos interrogations sur une
hypothèse avancée à cette commission, soit
l'élargissement de la formation générale. Ce que l'on
chercherait à lui faire gagner en étendue, on risquerait de le
lui faire perdre en profondeur, à moins d'y ajouter des unités.
Nous nourrissons des interrogations semblables sur les rôles des cours
complémentaires, sur l'ajout d'un seul cours de langue seconde, sur la
diminution des cours de philosophie et d'éducation physique,
fondée sur le seul fait que la façon de donner ces cours est
insatisfaisante, et sur la question de la correction des lacunes en langue
française.
Le dernier aspect que nous entendons
soulever a trait à la tâche des enseignants. Nous sommes
témoins de la complexité et de la complexification croissante de
leur tâche: nombre et diversité des élèves,
méthodes de travail inadéquates, motivation fragile, travail
à temps partiel des élèves, mises à jour
disciplinaires continues, concertation dans un programme. Nous voulons aussi
relever les dossiers confiés aux enseignants en marge de leur
tâche première et pour lesquels ils ne sont pas toujours
préparés: recrutement, promotion, information scolaire,
placement, contact avec les entreprises, choix documentaires et ainsi de
suite.
Notre troisième chapitre s'attarde brièvement à la
perspective globale de ces prises en charge en les situant à un double
niveau de qualité. Au plan des individus d'abord, nous avons
assisté à une professionnalisation progressive des enseignants.
Ils sont en quête d'une autonomie professionnelle nécessaire
à leur fonction. Ils ont, globalement, développé leurs
compétences disciplinaires et pédagogiques. Progressivement, ils
se donnent les moyens de dépasser une conception réductrice et
fausse de l'enseignement consistant à n'être que la simple
transmission de connaissances.
Au plan des collectivités, ensuite, les collèges ont
écouté les besoins et se sont adaptés aux nombreuses
demandes des diverses clientèles: étudiants, adultes,
régions, entreprises et ainsi de suite. Ils ont sérieusement
amorcé une prise en charge d'un projet collectif d'éducation au
plan des départements, des programmes et des institutions. L'ère
où l'enseignement était un acte privé et solitaire est
dépassée comme celle où les institutions n'avaient de
style de gestion que le laisser-faire ou qu'un autoritarisme respectant peu le
caractère professionnel des enseignants. En somme, aussi bien au plan
individuel que collectif, la réforme pédagogique est une
réalité.
Notre évaluation du développement et de la situation des
collèges nous permet d'identifier, en guise de recommandations, sept
défis à relever. C'est là notre quatrième
chapitre.
La précision des missions propres au collégial d'abord.
Les travaux de la commission parlementaire devraient conduire à une
réaffirmation à haute voix de la formation fondamentale comme
trait caractéristique de la formation collégiale en plus de
préciser le rôle des collèges en matière de
recherche, d'assistance technologique et de développement
régional. Il faudra préciser la complémentarité de
la formation collégiale avec les autres composantes du système
scolaire, particulièrement dans le secteur professionnel, et cela,
autrement que par l'énumération des préalables. Il faudra
valoriser le secteur technique et poursuivre les efforts de co-habita-tion
malgré les résistances de la première
génération des formateurs. Plus globalement, il faudra fournir
aux collèges des missions qui soient réalistes et conformes
à leur place dans le système scolaire et la
société. (20 h 20)
Le second défi porte sur la gestion des programmes. Il faudra
développer de nouveaux lieux de concertation entre les intervenants d'un
même programme dans le respect des départements, cela aussi bien
au plan local que provincial. Le niveau de réussite des études
collégiales doit être augmenté - nous en convenons - selon
un seuil de réussite à préciser. En matière d'aide
à l'apprentissage, l'ingéniosité des intervenants devra
porter sur l'insertion des activités d'aide aux pratiques ordinaires
d'enseignement. Il faudra supporter la recherche, le perfectionnement et
l'innovation dans un contexte de concertation institutionnelle.
En quatrième lieu, nous devrons consacrer nos efforts pour tenir
compte de la diversité des élèves: diversité au
plan de la culture, de la langue, de la préparation, des méthodes
de travail, du statut socio-économique. Le défi du renouvellement
du personnel enseignant sera de taille. Nous devrons éviter à
tout prix la double diplomation comme exigence minimale. Les nouveaux
enseignants devraient pouvoir disposer de tâches assouplies, leur
permettant de développer une brochette de compétences en
apprentissage, en planification de l'enseignement, en évaluation et en
intervention auprès d'un groupe. L'ensemble des budgets de
perfectionnement devra être majoré substantiellement. On devra,
par ailleurs, inclure des ressources aux budgets institutionnels pour permettre
aux enseignants d'assumer, avec les responsables, des dossiers comme le
recrutement, les liens à l'entreprise, la promotion.
Le sixième défi porte sur le leadership institutionnel. Il
nous semble que la gestion est trop centrée sur les conditions de
l'enseignement, comme la présence des enseignants, la
disponibilité, la remise du plan de cours, le nombre d'activités
d'évaluation. Il faudra progressivement gérer l'enseignement
lui-même dans le respect du caractère professionnel des
enseignants, en gérant la qualité des plans de cours, la
qualité de l'évaluation, la qualité de l'enseignement
fondé sur l'apprentissage. Le leadership devra favoriser la poursuite
des mutations, l'initiative personnelle à une démarche
institutionnelle, du contenu à l'acquisition de compétences, des
cours vers le programme d'étude, d'activités d'aide hors classe
vers un support intégré à l'enseignement, de la
transmission des connaissances à l'apprentissage. Pour assumer ces
leaderships, les collèges sont et devront demeurer des institutions
autonomes dans un contexte de priorités en provenance du
ministère, priorités établies en concertation avec le
milieu.
Le défi le plus délicat sera certes celui de
l'évaluation. Il faudra maintenir que l'évaluation n'est qu'un
moyen, non une cible en soi. Nous craignons que l'implantation d'un examen
d'État
ne favorise davantage un enseignement de type bachotage plutôt
qu'une véritable prise en charge des résultats de
l'évaluation, prise en charge souvent tributaire de la participation au
processus d'évaluation. L'expérience américaine a
montré, recherches à l'appui, qu'une approche d'évaluation
de l'interne est beaucoup plus efficace. Travers affirme que l'acte
éducatif dépend d'une multitude de facteurs, dont le programme,
les attentes des parents, le contexte social, et il ajoute: Si une école
peut se justifier d'évaluer tous les enseignants de la même
manière, c'est que cette école a probablement rejeté
l'innovation. Qu'en serait-il alors au plan d'un réseau? L'examen
d'État s'appuie sur une approche causale de l'apprentissage, comme si
l'enseignement et l'école étaient les causes directes de
l'apprentissage. Enfin, l'examen d'État pourrait même compromettre
la réforme pédagogique actuelle, centrée sur
l'élève et l'apprentissage. L'évaluation de l'interne, que
nous valorisons, n'exclut cependant pas le contrôle externe, afin de
vérifier le niveau réel de prise en charge par l'institution; le
rôle du Conseil des collèges nous paraît pertinent à
cet égard.
En conclusion, nous affirmons que les collèges sont de jeunes
institutions de qualité en plein développement. Ils devront
assumer des défis, rectifier des trajectoires, préciser leurs
orientations. Les collèges devront travailler en concertation à
l'interne et favoriser vraiment les arrimages plutôt que les fusions avec
les autres ordres d'enseignement. Somme toute - je conclus - nous avons mis en
évidence que plusieurs développements sont très bien
amorcés malgré des discours externes aux collèges. Nous
soulignons que la réflexion doit être poursuivie
sérieusement à l'occasion de cette commission parlementaire sur
des structures qui risquent d'être mises en place sans plus
d'expérimentation. Nous réitérons que l'évaluation
n'est qu'un moyen et nous déplorons que certains semblent vouloir en
faire le coeur même de la réforme, alors que les enjeux comme la
formation fondamentale, l'approche programme, la cohabitation sectorielle et
surtout l'apprentissage sont nettement plus importants, parce qu'ils
constituent l'âme même de la formation collégiale.
Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Gagnon. Alors,
maintenant, Mme la ministre, nous allons vous passer la parole.
Mme Robillard: Merci, M. le Président. M. Gagnon, on voit
que vous êtes très impliqués, très engagés et
je pense que c'est à ce titre-là que vous êtes venus, les
conseillers pédagogiques de l'Est du Québec, nous faire part,
donc, de votre réalité, et comment vous entrevoyez des
changements à apporter à l'ordre collégial
québécois. Alors, je suis heureuse de vous accueillir.
M. Gagnon, j'ai des questions de clarification à vous apporter,
mais ma première surprise est quand vous dites dans votre texte de
présentation que vous tenez à nous manifester vos interrogations
sur une hypothèse avancée à cette commission, soit
l'élargissement de la formation générale. J'aimerais
ça que vous explicitiez, là, parce qu'il me semble que
concrètement, quand on regarde la réalité de ce qui se
passe, non seulement dans les collèges, non seulement au Québec,
mais dans le monde entier, on sait que le rythme des changements dans notre
société est accéléré. Je pense qu'une
formation générale que nous avons décidée il y a 25
ans, 25 ans plus tard, si on veut bien que le collège soit - je vais
utiliser l'expression des professeurs de Laval - une «institution
culturelle de formation», donc avec un sens entier sur la formation
fondamentale, il est normal qu'après 25 ans le contexte dans lequel se
situe ce collège... Et, pour la relève du Québec, ces
jeunes Québécois et Québécoises, les enjeux sont
différents. Le monde a changé, a évolué, la
réalité sociopoliti-que, socio-économique, les
problématiques sociales ont changé au cours des années. Il
me semble que c'est normal que plusieurs intervenants soient venus ici nous
parler d'une meilleure formation fondamentale, d'une révision. On peut
la regarder sous différentes formes, mais vous semblez statuer, vous, en
partant, qu'il n'est pas pertinent de rien changer. Est-ce que c'est ça
que je comprends du message?
M. Gagnon (Claude): Je pense que le message que nous voulons
véhiculer n'est pas celui-là.
Mme Robillard: Bon.
M. Gagnon (Claude): La lecture que vous faites de la
réalité en changement, nous la partageons. Nous savons
également que la réalité qui viendra continuera
d'évoluer. C'est pourquoi nous insistons vraiment sur l'essentiel de
notre message qui est le suivant: c'est que, quoi qu'il arrive au niveau de la
constitution du tronc commun de formation, il faudra qu'il y ait une formation
au fondement, à l'essentiel. Et cette formation au fondement, à
l'essentiel, aux compétences d'ordre intellectuel, aux valeurs, il
faudra vraiment s'y attaquer et la faire.
Au plan des moyens, on pourrait discuter. On ne tient pas
nécessairement à ce que ce soit les mêmes véhicules
bien que nous croyions que, si ce qui a été fait dans certaines
disciplines - et là on pense aux véhicules comme la philo, le
français, l'éducation physique - a été parfois mal
fait, ce n'est pas une raison pour autant de remettre en question le sens de ce
qui aurait pu ou dû se faire.
Mme Robillard: Et quelles sont vos interrogations sur les cours
complémentaires?
M. Gagnon (Claude): II nous semble qu'actuellement les cours
complémentaires servent, à toutes fins pratiques, pour au moins
la moitié d'entre eux, comme étant des cours obligatoires
camouflés; l'anglais en informatique, par exemple, ça a servi et
ça sert encore comme cela. Et ça, au plan des structures
officielles, ce serait valable. Nous pourrions également donner d'autres
exemples où dans le secteur technique, par exemple, des professeurs
recommandent, légèrement jusqu'à très fortement,
pour mettre une belle échelle, à leurs élèves:
Ça, c'est un cours qu'il te faut pour ta formation disciplinaire, pour
ta compétence, va le chercher. Alors, à toutes fins pratiques,
pour les élèves, ça devient une forme quelconque... Ils
ont apparemment le choix, mais apparemment. (20 h 30)
Nous pensons qu'il serait peut-être possible d'alléger ou
de diminuer les cours complémentaires ou leur nombre pour permettre
d'autres choix de société, un choix relié à la
langue seconde, par exemple, ou d'autres types de choix de ce genre-là.
Il n'est peut-être pas nécessaire de revoir l'ensemble du
véhicule pour atteindre les fins que nous croyons actuellement devoir
viser, soit des fins reliées à la formation fondamentale.
Mme Robillard: C'est dans cette optique-là, je pense bien,
aussi que plusieurs intervenants nous recommandent de peut-être voir,
donc, de façon, je dirais, complémentaire ou de voir dans un seul
bloc la formation générale en réunissant des cours
complémentaires et des cours obligatoires ensemble. Et, donc, nous
aurions un bloc formation générale et un bloc formation
spécialisée ou de concentration. Je pense que c'est dans la
même optique que vous le soulevez.
M. Gagnon (Claude): Oui. Ce que nous voulons souligner cependant
comme danger, Mme la ministre, c'est qu'il nous semble y avoir une tendance
à l'ajout et à l'éparpillement des objets de formation
générale ou de formation fondamentale, selon les appellations. Il
faudra réfléchir et creuser un petit peu plus les appellations
à cet égard, mais, tout de même, il nous semble qu'il y a
une tendance dangereuse à l'élargissement et, si on maintient le
même nombre d'unités qu'il y a actuellement, 26 2/3, et qu'on
ajoute encore des objets, on risque d'aller davantage en superficie.
Mme Robillard: O.K. Je comprends votre recommandation. M. Gagnon,
venons-en à la question de la gestion des programmes, aussi, que vous
abordez dans votre texte. Vous nous dites que les collèges ont une
structure pédagogique fondée sur les disciplines d'enseignement
et sur les programmes comme assises de la formation et que ça doit
être maintenu. Mais vous nous suggérez autour de la page 64, je
pense, de votre mémoire, le développement de nouveaux lieux de
concertation, dites-vous, axés sur les programmes d'études.
Pourriez-vous être plus spécifique? Qu'est-ce que c'est que ces
nouveaux lieux de concertation que vous nous suggérez?
M. Gagnon (Claude): Écoutez! Réaffirmons quelques
principes pour que ce soit clair. Le premier principe, c'est qu'il nous semble
très important que la formation disciplinaire chez les enseignants soit
maintenue et qu'il y ait importance accordée à la discipline.
Plus les rôles des disciplines seront clairs, plus les profs de ces
disciplines pourront se mettre à jour et maintenir leurs
compétences. Ça nous semble très important.
Deuxièmement, dans une perspective programme - et c'est ça
qui a manqué dans le passé - c'est que l'apport des disciplines
n'a pas été vraiment précisé en fonction de ce
programme. Les disciplines, la philosophie ou les mathématiques ou, ou,
ou, même les disciplines spécialisées n'avaient leur valeur
que par elles-mêmes. Dans l'approche programme, les disciplines et leur
apport n'ont de valeur principale, pas exclusive, qu'en fonction des
compétences visées dans un programme, le programme étant
l'ensemble des cours composant le programme de l'élève, y compris
les cours à caractère dit obligatoire reliés à la
formation fondamentale. C'est le deuxième point. Il faut donc se situer
en fonction de ces compétences.
Troisièmement, il faut développer de nouveaux lieux de
concertation autres que le programme entendu au sens des départements
porteurs de la spécialité. Il faut créer des tables de
concertation, des comités de programmes qui permettent qu'il y ait
concertation entre les enseignants d'un même programme pour s'entendre
sur les moyens à utiliser en fonction des visées de ce programme.
Les manières de faire varieront d'un collège à l'autre.
Certains travaillent actuellement en termes de comités de programmes,
d'autres en termes de tables de concertation, mais il nous semble que cette
table ou ce comité de programmes, dans nos hypothèses - et c'est
ce qu'on observe dans la pratique actuellement, soit en sciences humaines ou
soit, soit, soit - n'ont pas la même fréquence de réunion,
n'ont pas à gérer les mêmes choses, n'ont pas à
gérer les budgets.
Je pense, par exemple, à technologie minérale chez nous.
Eh bien, les budgets de technologie minérale, les professeurs porteurs
de la spécialité, c'est encore eux qui devront les gérer,
sauf que la concertation entre eux et le département de chimie, entre
eux et le département de physique, entre eux et les départements
de philo, de français et d'éducation physique devra être
supérieure et devra être régulière sur des objets de
concertation petit à petit. La concertation, je crois, Mme la ministre,
ça ne se force pas, ça ne se crée pas par des
structures.
Ce n'est pas en imposant des structures d'une manière quelconque
qu'on va résoudre ce problème-là. Et l'approche programme
constitue une idée novatrice, une idée qui stimule le changement,
justement parce qu'elle porte ses fruits, actuellement, au niveau du concret,
tranquillement, pas vite.
Mme Robillard: Bon. On sait tous, M. Gagnon, qu'il y en a des
expériences, présentement, dans certains cégeps, il y a de
ces lieux de concertation présentement qui existent. Nous avons eu,
d'ailleurs, quelques cégeps qui sont venus ici en témoigner. Mais
qui, selon vous, a la responsabilité de créer ces lieux de
concertation?
M. Gagnon (Claude): Comme nous le disons dans l'une de nos
observations sur la gestion des collèges, il nous semble qu'il va
falloir, décidément, que les collèges assument des
leaderships pédagogiques, qu'il y ait de la gestion véritable de
l'enseignement. Et un des éléments qui est à
considérer à cet égard, c'est la gestion par les
directions des services pédagogiques de ces tables de concertation. Mais
la gestion aussi doit être une gestion intelligente comme ailleurs. C'est
une gestion qui devra se faire en collaboration sur la base des
compétences, sur la base de la concertation entre les individus. Ce
n'est pas une gestion de type autoritaire; ça ne fonctionnera pas.
Mme Robillard: Et, M. Gagnon, pourriez-vous être plus
spécifique sur votre recommandation concernant le fait de faire appel
à d'autres intervenants que les seules coordinations provinciales pour
les processus de conception et de révision des programmes? Vous nous
dites ça aussi dans le texte. Donc, on devrait déborder, faire
appel à d'autres intervenants.
M. Gagnon (Claude): Si on examine la situation actuelle de
révision, on est en évolution. Mais la situation d'il y a cinq
ans sur la révision de programmes, que se passait-il? C'était
essentiellement la coordination provinciale, mettons, des professeurs de
mécanique, qui réfléchissaient sur la base de
résultats de relance, de contacts avec les employeurs, de tables de
concertation industrielles avec les gens de la DGEC, d'une manière
quelconque, qui parvenaient à faire des changements. Il nous semble que
là il y a une approche disciplinaire, à ma connaissance, une
approche centrée sur la spécialité. Si on veut travailler
en termes d'approche programme, il faudra également que les autres
membres du programme participent à l'élaboration, d'une part. Et,
si vous acceptez qu'au plan local la gestion des programmes implique les
gestionnaires, il faudra, évidemment, que les gestionnaires, d'une
manière quelconque, non pas individuellement mais également au
plan du réseau, puissent travailler.
Ça, c'est le premier aspect. Le second aspect, c'est qu'il nous
semble que la révision des programmes devra laisser place, de même
qu'au plan de la gestion, à une gestion plus locale.
Mme Robillard: O.K. Ça va.
Le Président (M. Gobé): Alors, très bien,
Mme la ministre. M. le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui. M. Gagnon ainsi que tous vos collaborateurs,
moi, je peux vous dire que j'ai été très
agréablement impressionné par la qualité de votre
réflexion qui est très large, qui touche plusieurs aspects. Je ne
connais pas l'ensemble des conseillers pédagogiques du
colllégial, mais, s'ils ont tous votre détermination, je suis
convaincu qu'on n'aurait sûrement pas le taux d'abandon qu'on
connaît et on n'aurait pas les remarques qui nous ont été
faites qu'il y a plusieurs conseillers pédagogiques dont on voudrait
bénéficier de leur professionnalisme; des gens nous disaient
ça, puis ils disaient que c'était difficile parce qu'il n'y en
avait pas beaucoup, puis ils étaient très pris.
Sincèrement, bravo, félicitations à vous et à votre
groupe parce que c'est quand même un geste professionnel que des gens...
J'aimerais ça vous entendre quelques phrases avant sur le fond. Depuis
combien de temps vous existez, comme groupe?
M. Gagnon (Claude): 1986. Nous travaillons, en fait, dans le
cadre du perfectionnement des enseignants et, pour pouvoir travailler au
perfectionnement des enseignants, peut-être est-il nécessaire que
nous nous concertions entre nous et que nous développions en commun du
matériel, des expertises et c'est comme ça que, progressivement,
on est venus à bout de se rencontrer à même nos budgets,
à même les autorisations des collèges - et il faut dire
à cet égard que nos collèges ont beaucoup de souplesse -
et avec l'équivalent d'une dizaine de jours par année, avec des
tâches très précises, de rencontre en rencontre, on a
travaillé.
M. Gendron: Ça en exclut combien? Combien de conseillers
pédagogiques de cégep ne sont pas membres du groupe, avec
vous?
M. Gagnon (Claude): Ha, ha, ha! Je pense qu'on pourrait
recommencer...
M. Gendron: Oui, oui. J'ai vu ça.
M. Gagnon (Claude): Les huit que nous sommes n'excluent personne.
Mais il y a 46 conseillers pédagogiques, à peu près. Il y
en a environ un, plus ou moins, par collège. Parfois, il y en a deux. Et
notre rôle consiste donc à
travailler pour les enseignants, à donner des supports, à
appuyer la recherche, le développement, l'expérimentation, mais
ça n'exclut pas d'autres personnes formellement. C'est un groupe naturel
d'appartenance.
M. Gendron: Mais vous êtes en train de dire, puis ça
va être assez rapide, qu'il n'y a qu'un seul conseiller
pédagogique par collège, en moyenne? (20 h 40)
M. Gagnon (Claude): Grosso modo, oui. Bien, conseiller
pédagogique affecté à la recherche, à
l'expérimentation et au perfectionnement.
M. Gendron: Oui, oui.
M. Gagnon (Claude): Je ne réfère pas...
M. Gendron: Non, non.
M. Gagnon (Claude): ...aux conseillers pédagogiques
à l'éducation des adultes.
M. Gendron: Ah, je comprends. M. Gagnon (Claude): En gros.
M. Gendron: O.K.
M. Gagnon (Claude): Parfois, dans certains collèges, il y
en a deux, mais...
M. Gendron: Bon.
M. Gagnon (Claude): ...c'est plutôt rare.
M. Gendron: Bon. Sur le fond du mémoire, vous êtes
un très bon vendeur de la formule de l'approche programme. Vous en
parlez avec énormément de positivisme. Je vous cite ici:
«Nombre de collèges et de départements oeuvrent
actuellement à la mise en place de l'approche... Ici, il serait
possiblement plus court d'énumérer les collèges» qui
ne seraient pas rendus là, qui ne seraient pas rendus à cette
étape.
M. Gagnon (Claude): Ce n'est pas tout à fait ce qui est
dit: où l'idée n'est pas vivante.
M. Gendron: Bien, peut-être que je suis allé trop
vite sur vos points de suspension...
M. Gagnon (Claude): Ha, ha, ha!
M. Gendron: ...parce que ça finissait par:
«d'énumérer les collèges où on ne se
préoccupe pas de ce dossier».
M. Gagnon (Claude): Oui.
M. Gendron: En concluant que vous parliez de l'approche
programme?
M. Gagnon (Claude): Oui, oui, oui.
M. Gendron: Tout le monde est d'accord là-dessus,
là?
M. Gagnon (Claude): Oui, oui.
M. Gendron: Bon, puis là, bien, moi, je... Ce n'est pas
important, quand même, cette petite différence-là. Je finis
mon idée. La fédération autonome des collèges,
quand même, et d'autres avaient beaucoup plus de réserves et de
réticences, laissant voir là qu'il s'agissait d'un changement
majeur d'orientation entre le département traditionnel, que vous
connaissez sans doute, et la nécessité de regarder un petit peu
plus, surtout si on veut parfaire la formation, l'approche programme. Comment
vous avez fait pour - et là, c'est moi qui le dis; si ce n'est pas
exact, vous me corrigerez - estomper toutes ces réserves, ces
difficultés que pourrait poser l'approche programme qui semble
être souhaitée par beaucoup d'intervenants? Alors, si jamais on la
retient, moi, je veux qu'elle fonctionne, et je veux avoir des garanties
qu'elle fonctionne bien et qu'elle donne des résultats positifs. Vous
avez l'air d'être dans cette orientation-là; il y en a d'autres
qui ne le sont pas. Les réserves que les autres nous ont faites, comment
vous les évaluez, comment vous les analysez et pourquoi ça ne
vous fait pas peur?
M. Gagnon (Claude): Elles sont réelles, les
réserves, elles sont réelles. Il y a des contraintes, il y a des
résistances, il faut bien les nommer. Et, si on vous dit qu'il existe
des choses et des pratiques réelles, on vous dit aussi que c'est un pan
de développement qu'il faudra continuer de travailler. Il existe
beaucoup de pratiques qui se développent actuellement dans les
collèges. Je vous le dis, nous vous le disons. Nous sommes aux
premières tables des chantiers de développement. Je vous
raconterais ce qui s'est passé au collège de la région de
l'Amiante, par exemple - et on pourrait faire la même chose, chacun
d'entre nous - en sciences humaines dans les deux dernières
années; avec des gens excessivement résistants avec les deux
pieds sur les freins, le frein à bras tiré, des roches en avant
des roues, tout ce que vous voulez, les clés tirées dans le
champ...
M. Gendron: Et le volant barré.
M. Gagnon (Claude): ...maintenant - ha, ha, ha! - on travaille
régulièrement en concertation, et ça se fait même
dans ce programme qui était dit un programme cafétéria. Il
y a des résistances, mais il y a également des pratiques.
M. Gendron: II va y avoir des problèmes. Ha, ha, ha!
M. Gagnon (Claude): Ha, ha, ha!
M. Gendron: Donc, quand même, si on décide de la
retenir, on comptera sur vous pour aller faire la propagation de la foi.
M. Gagnon (Claude): Ha, ha, ha! Pas vraiment. Mais,
écoutez, il y a quand même des résistances. Ces
résistances, ces objections sont reliées en bonne partie à
la tâche immense que cela demande. Quand on vient pour travailler sur les
concepts clés, l'axe 2 de la formation fondamentale dans l'approche
programme, par exemple, bien, définir les concepts clés dans un
cours, ça ne se fait pas en criant ciseau, et les mettre en concertation
avec les mêmes enseignants, ça ne se fait pas tout de suite.
Ça prend du temps, c'est normal.
M. Gendron: Le deuxième point que je... Oui?
M. Michaud: À notre niveau, l'approche programme, c'est
une démarche, c'est quelque chose qui se développe, O.K.,
à notre niveau à nous autres. Ce n'est pas d'abord une question
de structures; c'est quelque chose qui s'expérimente avec un programme,
un groupe de profs et, dans tous les collèges, ce n'est pas la
même chose. Il y a des collèges où avec des disciplines,
des départements ou des programmes, ça va fonctionner; dans un
autre collège, on ne réussit pas à pénétrer,
O.K., tout à fait le même... Il y a plus de résistance,
alors que, dans d'autres collèges, ce département-là, ce
programme-là, ça va fonctionner. Voyez-vous, on est en train
d'expérimenter des démarches d'approche programme, et non pas de
trouver un modèle formel applicable et tout. Je pense que, nous autres,
à notre niveau, c'est ça qu'on veut, au niveau des pratiques, au
niveau du terrain.
M. Gendron: Un autre point que je voudrais développer.
Vous avez été un groupe qui, à ma connaissance, a
touché le plus longuement la nécessité de se
préoccuper davantage des ressources humaines, et je pense que vous avez
raison, vous êtes bien placés pour qu'on soit attentifs à
vos recommandations. Vous avez parlé du programme PERFORMA dans les cinq
dernières années et, à moins, encore là, que je me
trompe, il semble y avoir un engouement et une volonté politique des
professeurs de se perfectionner davantage, et les difficultés sont
strictement d'ordre financier, même si c'est important. Il semble, en
tout cas, à moins que je vous lise mal encore là, que c'est le
problème majeur.
Moi, je suis un de ceux qui effectivement, pour avoir déjà
enseigné, ne pensent pas qu'il faille préconiser une approche de
qualification pédagogique à outrance en disant:
Dorénavant, si un prof de collège n'a pas un bac en
pédagogie, il ne peut pas être dans le système. Je ne pense
pas qu'on va améliorer les affaires. Mais, vous convenez qu'on ne peut
pas endurer longtemps le paradoxe de former des gens avec une formation la plus
qualifiante possible, et ne pas se préoccuper davantage qu'il y en ait
plus qui aient ce que j'appelle l'approche pédagogique requise pour que
les connaissances passent, soient véhiculées et que les
apprentissages soient plus évaluables, mesurables et ainsi de suite.
Ça prendrait quoi? Avez-vous fait une évaluation un peu? S'il y
avait un coup de barre à donner, on parle de sommes astronomiques ou si
on parle juste d'augmenter un peu plus les budgets requis pour parfaire le
perfectionnement? Parce que, moi, j'ai vu des montants tellement ridicules et,
vu que vous parlez de ça comme étant un point important, je dis:
Bien, ça ne doit pas être terrible. J'arrête là.
M. Gagnon (Claude): D'abord, il faut situer les choses à
un double niveau: le perfectionnement des professeurs en exercice qui sont
déjà là et le perfectionnement des nouveaux enseignants
qui viendront. Sur le perfectionnement des professeurs en exercice, il faut,
à mon avis, même si on n'en a pas discuté formellement, au
moins doubler les enveloppes; et ça m'apparait de l'ordre du minimum. Il
faut voir combien d'activités de perfectionnement ne peuvent se donner
dans les collèges, surtout dans les collèges des petits centres.
Ça nous semble nettement démesuré et il faut corriger de
ce côté-là.
Du côté des nouveaux enseignants, il faut vraiment donner
un coup de barre important. L'hypothèse la plus plausible que nous avons
dans la tête, c'est celle de dire que les enseignants qui arrivent dans
les collèges, à qui on ne peut pas - pas parce qu'on ne veut pas
- demander... Au collège de la région de l'Amiante, par exemple,
et dans d'autres collèges, dans le secteur technique, on ne peut pas
demander à un professeur actuellement d'avoir un diplôme en
génie mécanique et en plus d'avoir un bac en pédagogie.
C'est impossible, on ne trouvera pas. Il faut donc s'assurer que la
compétence pédagogique se fasse en contexte de
perfectionnement...
M. Gendron: En exercice.
M. Gagnon (Claude): ...en exercice. Nous pensons qu'actuellement
les enseignants qui arrivent dans les collèges, qui commencent leur
tâche, sont généralement les enseignants les plus
surchargés. Ils ont les cours les plus récents...
M. Gendron: Dont personne ne veut.
M. Gagnon (Claude): ...les cours dont on ne veut pas, souvent
deux ou trois préparations parce que souvent ils entrent à temps
partiel. Dans cette période-là, nous pensons que, pour les deux
ou trois premières années, dans le contexte de la probation, on
pourrait les alléger de
l'équivalent d'un 20% ou 15% de tâche et - j'allais dire
leur permettre, je m'excuse - les obliger à se donner les
compétences sur une brochette, l'équivalent d'à peu
près une demi-année de scolarité sur deux ou trois ans. En
termes d'ampleur budgétaire, je n'ai pas fait les calculs, mais je sais
qu'Aimé Provencher, de Victoriaville, a travaillé davantage cet
aspect-là; je le laisse compléter.
M. Gendron: Alors, on va entendre le comptable.
M. Provencher: Pas nécessairement le comptable, mais
peut-être des petits indices pour voir les coûts qui ont
changé depuis quelques années. Si on regarde, par exemple, juste
les coûts d'inscription aux universités dans le programme PERFORMA
dans lequel nous oeuvrons, depuis trois ans, les frais d'inscription ont
triplé. Ils étaient auparavant de 22 $ le crédit, ils sont
maintenant de 61 $ du crédit. Donc, dans les budgets de perfectionnement
locaux... À Victo, par exemple, si je gardais le même volume
d'activités de perfectionnement dans PERFORMA des années
antérieures, j'éliminerais le budget de perfectionnement des
enseignants carrément. Je prendrais tout le budget juste pour les
activités de perfectionnement dans PERFORMA seulement. Ça exclut
toutes les autres formes de perfectionnement possibles. Il y en a une foule
d'autres formes de perfectionnement.
Autre phénomène aussi, c'est la structure de financement
des universités, qui a évolué avec les années. Au
premier cycle, lorsqu'il y a augmentation des clientèles, les
universités sont financées, par exemple, à 50% au lieu
d'être financées à 100% de la subvention à laquelle
elles ont droit. L'expansion du réseau PERFORMA fait en sorte que nous
avons été obligés d'établir un quota réseau
cette année, pour ne pas dépasser un maximum; autrement,
ça coûterait deux fois plus cher de frais d'inscription pour faire
les frais à cause du financement réduit lorsqu'il y a
augmentation de clientèle. On appelle ça un déficit
structurel de l'organisation. Et à l'heure actuelle les collèges
se sont imposé des quotas parce qu'on n'a pas les moyens d'aller
au-delà d'un minimum. (20 h 50)
M. Gendron: O.K. Je voudrais toucher à deux autres sujets.
Bon, la ministre l'a fait, mais je reviens. Vous affirmez très
clairement et je trouve que c'est une position précise: «Quant
à nous, au-delà du nombre d'heures de cours, nous estimons que ce
serait dramatique d'abolir les cours de philo, de français et
d'éducation physique. Nous réaffirmons la nécessité
d'un corps commun de connaissances et de compétences». Et vous
prétendez qu'il y aurait lieu d'offrir une meilleure formation de base,
mais par le biais d'une offre de cours complémentaires différente
de celle qui existe. C'est la seule façon de déduire, si vous
maintenez aussi affirmativement que vous le faites, le tronc commun de base
qu'on connaît, plus, bien sûr, l'ajout d'un cours de langue
seconde. C'est bien ça?
M. Gagnon (Claude): On dit: «au-delà du nombre
d'heures de cours».
M. Gendron: Non, je sais, mais je veux savoir pourquoi vous
privilégiez... Parce que, moi, je n'ai pas trop de troubles avec
ça, pour le vrai. Je ne trouve pas qu'on est équipé pour
conclure uniquement sur la base d'un chiffre et dire: Ça fait 25 ans,
c'était la philo et l'éducation physique et on n'a pas trop
évalué comment on le faisait avant de faire disparaître les
deux disciplines, et on dit: Bon, eh bien, on va faire sauter ça et on
va... Bien, je ne dis pas qu'on dit ça. Je dis qu'il y a du monde qui
nous a suggéré ça très rapidement, que ça
serait donc beau s'il n'y avait plus de cours d'éducation physique et de
philo; là, on mettrait de vrais apprentissages modernes. Alors, c'est
quoi? Bon. Mais ma question c'est: Pourquoi vous prétendez que ça
serait préférable de maximiser la formation de base et de
l'adapter à la réalité 92 - c'est une expression - par le
biais de l'approche des cours complémentaires plutôt que des cours
obligatoires? Pourquoi vous avez privilégié cette
approche-là?
M. Gagnon (Claude): La première des choses, sur le fond,
au-delà de la forme, au-delà du nombre, notre message, c'est
qu'il nous semble qu'il serait dangereux de faire des changements un peu
rapides dans les structures actuellement sans faire une évaluation
systématique. Ça nous semble dangereux que des évaluations
- j'en entends dans le collège chez moi et on en entend partout - de
l'éducation physique ou de la philo se fassent davantage sur la
manière dont ils sont donnés que sur le fond. Si la
qualité des cours n'est pas suffisante, qu'on gère le manque de
qualité, qu'on interpelle le manque de qualité. Mais, sur le
fond, il nous semble qu'un réseau, qu'une société ne peut
pas se baser, ne peut pas faire de choix sur les éléments
fondamentaux de son enseignement sur le fait que certains cours sont
donnés d'une manière cavalière. Sur le fond, c'est notre
point de vue. Et, de ce point de vue là, nous disons: Attention!
Attention! Avant de tout jeter pardessus bord, vérifions,
expérimentons; peut-être y aurait-il lieu d'expérimenter ce
que proposent certaines tables actuellement en philo, par exemple, sous l'angle
de l'enseignement des habiletés intellectuelles. Peut-être que
ça vaudrait la peine d'expérimenter ça de façon
sérieuse localement. Pas juste que ce soit une belle idée. Que
ça se fasse! Que ça ne soit pas juste au plan des discours. Que
ça se fasse! Qu'on l'expérimente pour une période de deux
ou trois
ans et on verra ce que ça donnera. Oui.
M. Gendron: Bien, c'est parce que ça introduirait l'autre
partie de ma question. Je trouve que vous êtes sur une piste vraiment
très intéressante et j'attire l'attention de la ministre. Elle
fera ce qu'elle voudra. C'est elle qui est ministre actuellement. Mais je pense
que vous avez raison d'insister et... Parce que mon autre question,
c'était: Sur quel segment de réforme ou partie de réforme
vous préconisez davantage ce que j'appelle l'approche
expérimentation plutôt que l'approche béton? Et là,
je ne parle pas du ciment physique, je parle de décider: C'est fini,
c'est ça et là on a la vérité pour les 25
prochaines années. Parce que plus je fouille votre dossier, votre
mémoire, plus je trouve que vous, pas juste vous, mais votre groupe,
avez l'air très, très articulé autour de plusieurs
approches. Et, si on pouvait avoir votre éclairage sur plus d'un segment
de réponse ou sur des éléments de réponse sur
lesquels on va peut-être retenir des changements et que vous nous disiez:
Bon, eh bien, dans la liste des changements suivants, il y en a peut-être
cinq, six et ceux-là devraient être davantage dans l'approche
expérimentation parce que vous êtes au courant de ce qui se fait,
de ce qui bouge, de ce qui s'articule. Et j'aimerais ça, moi, que,
éventuellement, vous m'indiquiez si ça vous intéresse,
toujours pour être certain de faire les meilleurs choix possible,
d'être plus précis quant à tous les éléments
sur lesquels on s'apprête éventuellement à apporter des
changements qui devraient être, selon vous, privilégiés
dans une approche expérimentation plutôt qu'une approche
décisionnelle.
M. Gagnon (Claude): Le premier élément de
réponse que je vous donnerais, c'est, pour ne pas perdre le fond au plan
des structures, de s'assurer que les changements qu'on fera seront des
changements qui incluront des éléments de formation tels que
l'enseignement explicite d'habiletés intellectuelles, l'enseignement
explicite d'un certain nombre de techniques d'étude, d'un certain nombre
de techniques d'apprentissage. Ça fait trop longtemps qu'on dit aux
élèves: II faut que tu résumes, il faut que tu fasses une
synthèse, et qu'on ne leur enseigne pas, de façon explicite, la
façon de le faire. Et je pourrais donner plusieurs exemples pour
illustrer.
Au plan des structures, sur le nombre de cours, sur le nombre d'heures
de cours, sur les disciplines, nous nous contentons, pour le moment...
Peut-être faudra-t-il réfléchir plus longuement sur les
moyens, mais nous sommes placés dans une position actuellement où
on vous dit à la commission parlementaire: Attention! Vu de notre angle,
nous vous interrogeons sur le fait qu'il y ait seulement un cours de langue
seconde qui soit ajouté. On ne développe pas de la
compétence en langue seconde avec un cours de 45 heures pour tout le
monde. Ce n'est pas vrai. Ça ne marche pas, ça. On fait peu de
frais de toute la question de l'habilitation à la dimension des
relations interpersonnelles, actuellement. Nous vous interrogeons
là-dessus. Nous vous interrogeons sur la question de la diminution des
cours de philo et de français sur le seul fait que les cours sont mal
donnés. Il nous faudra peut-être... Vous nous invitez à
réfléchir tout haut sur les moyens. Je regrette de ne pas pouvoir
vous donner une réponse plus articulée que cela pour le moment au
plan des moyens, mais nous pourrions le faire.
M. Gendron: Mais parce que...
Le Président (M. Gobé): C'est ça. Merci, M.
Gagnon. Je vous ai laissé terminer parce que la question de M. le
député d'Abitibi-Ouest était intéressante. Vous
sembliez avoir beaucoup de choses à lui dire, sauf que le temps est un
petit peu dépassé, mais ce n'est pas grave.
Nous allons maintenant demander à M. le député de
Rimouski, qui, lui, avait des questions à poser... Je pense qu'il y a un
conseiller de Rimouski qui est dans la salle. Alors, c'est probablement un de
ses concitoyens.
M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, ce n'est pas le
fait qu'il y ait un conseiller dans la salle, du cégep de Rimouski, mais
ce n'est certainement pas mauvais qu'un représentant du collège
de Rimouski soit à la table présentement.
Moi, je vais commencer ça par une boutade. Qu'est-ce que vous
pensez des déclarations du Frère Untel qui a dit que la prison
des conventions collectives, ça vous empêchait - je ne sais pas,
moi - de faire ce que vous faites présentement? Est-ce que vous
êtes la réponse à l'interrogation du Frère
Untel?
M. Gagnon (Claude): Ha, ha, ha! Il me semble qu'il y a des
enfarges dans n'importe quelle convention collective. Il y aura des enfarges
dans n'importe quelle contrainte ministérielle, il y aura des enfarges
dans plusieurs normes. C'est normal. Il faut composer avec cela. Il faut en
assouplir un certain nombre. Notre propos ne consiste pas à assouplir
les conventions; notre propos consiste davantage à dire qu'il y a des
changements qui se font dans le réseau collégial, il y a de la
qualité du travail qui se fait actuellement. Il faudra davantage
systématiser, il faudra aller plus loin, mais ça n'a pas
empêché, jusqu'à maintenant, que la qualité du
réseau collégial rayonne.
M. Tremblay (Rimouski): Si je comprends bien, vous êtes des
conseillers pédagogiques dans les institutions qui sont
mentionnées là, vous travaillez avec des professeurs au niveau
des programmes et des départements, et vous n'avez pas de
problème à les mettre au travail, à les
inciter à - je ne sais pas - imaginer une nouvelle approche
pédagogique. Vous n'avez pas de ces problèmes-là?
M. Gagnon (Claude): Vous savez qu'un conseiller
pédagogique, c'est quelqu'un qui est en conseil, il n'a pas
d'autorité. On travaille dans un rapport de collaboration...
M. Tremblay (Rimouski): De concertation. M. Gagnon (Claude):
...de concertation. M. Tremblay (Rimouski): Sans misère?
M. Gagnon (Claude): Et je peux vous dire une chose, c'est que
j'en ai plein mes souliers de mon travail. La demande est très forte,
c'est constant. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problèmes,
mais on est là au plan des gestions, au plan des collèges, pour
tenter progressivement de les résoudre. Il faut avoir du temps.
L'approche programme de la formation fondamentale, c'est des concepts et des
approches, des courants de pensée qui ont d'âge à peu
près cinq ans. Il faut nous donner du temps.
Le Président (M. Gobé): Vous avez terminé,
M. le député?
M. Tremblay (Rimouski): Dans la même veine que le
député d'Abitibi-Ouest, à la page 9 de votre
«rapport», vous vous interrogez par exemple - je cite votre phrase,
entre parenthèses: «...fondé sur le fait que la
façon de donner des cours est insatisfaisante», en laissant
entendre que les cours de philosophie, les cours d'éducation physique,
on devrait les réduire de quatre à deux. (21 heures)
Cependant, pour la plupart, nous avons des élèves dans les
institutions, d'une part, et nous avons des commentaires de nos enfants; nous
avons également eu le Conseil des collèges, qui nous a fait un
rapport, qui a fait une grande tournée provinciale. Nous avons eu le
Conseil permanent de la jeunesse, qui est venu nous dire à peu
près les mêmes choses avec des interrogations. Tout ça dans
une consultation générale que nous faisons; nous entendons
différents mémoires, mais il nous faut en tenir compte.
C'est-à-dire qu'il y a deux poids, deux mesures: vous nous donnez votre
point de vue; nous, on a à tenir compte d'autres points de vue aussi.
Alors, il faut tenir compte des parents, tenir compte des institutions que nous
avons en place, qui nous font des mémoires. Alors, c'est quoi,
finalement, votre position? Vous êtes définitivement
déterminés à dire qu'il ne faut pas aller trop vite dans
la réduction de ces cours-là?
M. Gagnon (Claude): Ça m'inquiète toujours qu'on
base tous nos jugements... C'est important, les jugements des
élèves, les évaluations des élèves, mais il
faut faire attention de ne pas baser tous nos jugements sur la qualité
de ce qui se fait, seulement sur la base du taux de satisfaction des
élèves. Ça m'apparaît être, au niveau de
l'éducation, au niveau du collégial, un paramètre qui est
important. Je ne nie pas qu'il y ait des problèmes. Je pense qu'il
faudra faire un virage dans les cours de philo et de français ou
d'éducation physique, si on les maintient de façon
intégrale; il faudra faire des virages très, très,
très sérieux dans la façon de les donner et dans plusieurs
des éléments de la formation qui est donnée. On ne propose
pas, n'allez pas le croire, le statu quo. Ce qu'on dit, c'est qu'il y a des
changements importants à faire quant à l'enseignement, quant aux
compétences a développer dans les cours communs. C'est majeur.
Ça ne veut pas dire que les véhicules des cours de
français et de philo ne sont pas valables, et ça ne veut pas dire
qu'il n'y a pas des changements importants à faire dans la façon
dont les cours sont donnés.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Gagnon.
Merci, M. le député de Rimouski. Mme la ministre, en
terminant.
Mme Robillard: Malheureusement...
Le Président (M. Gobé): Une minute et quinze
secondes.
Mme Robillard: ...oui, malheureusement, le temps est
écoulé, M. Gagnon. Ce que je comprends de votre message, parce
que, de fait, les recommandations qui nous sont parvenues à la
commission venaient de différentes instances, mais aussi des instances
collégiales... Et, vous le savez comme moi, il y a eu une mobilisation
dans le milieu depuis au moins un an et demi, avec des colloques de
réflexion, des assemblées partout dans toutes les régions
du Québec. Et je pense bien que, quand on a reçu les
recommandations du Conseil des collèges dans son avis ou celles de la
Fédération des cégeps, ces recommandations-là
étaient basées sur une large consultation dans le réseau.
Alors, c'est très clair que, moi, je les prends, ces recommandations,
avec beaucoup de sérieux, j'y réfléchis et je les examine.
Ce que, moi, je comprends de votre message aujourd'hui, c'est peut-être
un message de prudence par rapport à des changements à apporter
dans un système d'éducation et, dans ce sens-là, j'en suis
avec vous. Alors, merci, messieurs, d'être venus à la commission
parlementaire.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme la
ministre. Messieurs, je vous remercie au nom de tous les membres de cette
commission. Vous pouvez maintenant vous retirer, votre témoignage
étant terminé. J'inviterai maintenant les repré-
sentants du collège de l'Outaouais à bien vouloir se
présenter en avant. Et, pour permettre ce changement, je vais donc
suspendre les travaux de cette commission une minute. La commission est
suspendue.
(Suspension de la séance à 21 h 3)
(Reprise à 21 h 6)
Le Président (M. Gobé): Alors, mesdames et
messieurs, si vous voulez bien retourner à vos places, la commission va
reprendre ses travaux. S'il vous plaît! Merci beaucoup. Alors, il nous
fait plaisir d'accueillir les représentants du collège de
l'Outaouais. Et je demanderais sans plus attendre à M. Emile Demers,
directeur général, de bien vouloir présenter les gens qui
l'accompagnent et de commencer sa présentation sans plus attendre.
Collège de l'Outaouais
M. Demers (Emile): Merci, M. le Président. Mme la
ministre, mesdames et messieurs membres de la commission de l'éducation,
il me fait plaisir de vous présenter M. Keith Henderson, directeur des
Services pédagogiques, et M. Luc Maurice, directeur des Services aux
étudiants et des communications. En fait, il s'agit de deux personnes
qui ont vécu le système des collèges, ils sont
gradués du système des collèges; M. Henderson au
collège de l'Outaouais et M. Maurice au cégep Montmorency.
En guise d'introduction, permettez-moi quelques mots d'explication sur
les raisons qui nous ont amenés à vous présenter un
mémoire de direction plutôt qu'un mémoire institutionnel ou
encore un mémoire conjoint avec d'autres corps d'emplois de notre
établissement. Les raisons sont multiples et nous croyons opportun de
vous signaler brièvement la principale. Au tout début de notre
réflexion sur l'intervention que nous entendions privilégier dans
le cadre de la commission parlementaire, l'unanimité de la direction
s'est rapidement faite autour de la nécessité d'augmenter
l'autonomie des établissements et de voir s'opérer une plus
grande décentralisation dans le réseau afin d'arriver à
une amélioration profonde plutôt que superficielle de
l'enseignement collégial.
Ceci dit, nous savions également que les instances
représentatives des divers corps d'emplois avaient l'intention de
préparer leur propre mémoire. Nous avions donc le choix entre un
mémoire institutionnel qui éviterait ce que nous
considérions la pierre angulaire de toute réforme, et ce, par
respect des positions nationales d'autres instances, ou un mémoire de
direction axé sur cette pierre angulaire qu'est l'autonomie des
cégeps. Après consultation de notre comité exécutif
et de notre conseil d'admi- nistration sur la recevabilité de
l'idée de préparer un mémoire de direction, nous avons
convenu, avec leur aval, d'aller de l'avant.
Le fruit de nos réflexions que nous vous présentons
aujourd'hui et les démarches que nous avons suivies furent l'objet de
discussions à notre commission pédagogique où sont
présents des représentants et représentantes de tous les
corps d'emplois et des élèves. Celle-ci, sans faire sienne le
contenu du mémoire - cela ne lui a pas été demandé
- a reconnu comme acceptable notre démarche en autant que le
mémoire était clairement déposé comme
représentant les opinions de la direction du collège.
En ce qui a trait au conseil d'administration, notre journée
d'étude annuelle fut entièrement consacrée à la
présentation de notre mémoire, de celui de la
Fédération des cégeps ainsi que du rapport du Conseil des
collèges.
Sachant que vous disposez de notre mémoire depuis un certain
temps, notre présentation de ce soir consiste à faire ressortir
quelques faits saillants. Nous avons voulu souligner les efforts qui ont
été faits jusqu'à ce jour pour améliorer la
qualité de l'enseignement dans notre région frontalière
tout en affirmant clairement qu'il reste beaucoup à faire pour que nous
réussissions à bien desservir les besoins de nos quelque 4100
élèves actuels à l'enseignement régulier, des
quelque 4000 adultes que nous desservons annuellement et ceux des milliers
à venir. (21 h 10)
D'emblée nous tenons à souligner que le collège de
l'Outaouais est le seul cégep francophone, au Québec, à
être situé à la frontière de l'Ontario.
D'importantes institutions ontarien-nes à proximité de notre
collège offrent, en français et en anglais, une formation
collégiale selon une approche plus souple, avec des moyens beaucoup plus
élaborés et une grande diversité de programmes techniques
de durée variable. Elles jouissent, par ailleurs, d'une autonomie
beaucoup plus grande que nous.
En plus des institutions collégiales onta-riennes,
l'université d'Ottawa offre une formation en français et en
anglais et accueille des élèves québécois sans
exiger l'obtention préalable du diplôme d'études
collégiales.
Selon une étude de la Direction régionale de l'Outaouais
du ministère de l'Éducation du Québec, publiée en
mars 1991 et intitulée «L'éducation en région
frontalière: l'Outaouais», «près de 800 jeunes de
niveaux collégial et secondaire de l'Outaouais québécois,
soit 21 % de la clientèle inscrite en formation technique et
professionnelle, traversent chaque année la rivière des Outaouais
pour aller étudier à plein temps en Ontario».
Nous tenons également à souligner que les
élèves québécois qui s'inscrivent à une
institution ontarienne, même s'ils ont à payer des frais de
scolarité, dans certains cas, assez élevés,
bénéficient, au même titre que ceux qui étudient
au
. Québec, du programme de prêts et bourses
québécois. Qui plus est, le programme tient compte des frais de
scolarité de l'établissement ontarien fréquenté
dans la détermination de la bourse que l'État
québécois leur accorde.
Les conséquences de cet exode sont nombreuses et lourdes.
D'ailleurs, l'Outaouais québécois souffre de ce
phénomène depuis longtemps et dans plusieurs secteurs
d'activité. Cet état de fait, aussi bien en éducation que
dans tous les autres secteurs sociaux et économiques, tient comme
résultat que l'Outaouais ontarien jouit d'infrastructures bien
développées, en partie à cause de leur utilisation par la
population québécoise, alors que l'Outaouais
québécois accuse un retard marqué en comparaison avec
d'autres régions du Québec. Une certaine apathie politique et
économique s'est alors instaurée chez la population de
l'Outaouais québécois qui s'est satisfaite, historiquement, du
fait qu'au moins ces biens et services leur étaient disponibles.
Ce qui est, à notre avis, inquiétant, c'est qu'une partie
non négligeable de cette population fait appel à des services qui
ont été conçus selon les besoins sociaux et
économiques d'une réalité non québécoise, et
ce, aux frais de l'État québécois. Il n'est donc pas
surprenant que le nombre de programmes techniques développés au
collège de l'Outaouais soit, de loin, inférieur au nombre de
programmes développés dans d'autres régions du
Québec, toutes proportions gardées, au niveau du bassin de
population, et qu'un rattrapage s'impose. Il n'est pas non plus surprenant de
constater le comportement des jeunes de l'Outaouais qui se dirigent vers
l'Ontario où une vaste gamme de programmes d'études leur est
offerte.
Comme élément d'appui à la nécessité
d'une diversification économique en Outaouais, le comité
Outaouais, ou comité Beaudry, créé, à la demande du
premier ministre du Québec, à la suite de la commission
Bélanger-Campeau, dans son rapport intitulé «L'Outaouais et
son avenir économique. Plan de diversification économique»,
publié en avril 1992, recommande - et c'est une des principales
recommandations du rapport - que le collège de l'Outaouais se dote d'au
moins huit nouveaux programmes de formation technique. Ce comité prenait
acte du plan de développement de nos programmes qui a été
élaboré en 1991 et acheminé au ministère
après une vaste consultation régionale.
Le développement du collège de l'Outaouais, dans
l'ensemble de ses interventions et plus spécifiquement au niveau de la
diversité des programmes qu'il offre et de sa capacité à
répondre d'une manière rapide et efficace aux besoins de sa
région, est devenu urgent. Le récent avis du Conseil
supérieur de l'éducation, présenté devant cette
commission il y a quelques semaines, identifie la région de l'Outaouais
comme une des régions ayant la plus grande proportion de sa population
de jeunes adultes sans diplôme d'études secondaires -
dixième sur seize régions - et, donc, une plus faible proportion
de diplômés secondaires, 56 %, alors que la moyenne
québécoise est de 65,5 %. Ceci place l'Outaouais treizième
sur seize régions.
Il va de soi que l'accessibilité à l'enseignement
supérieur suit le même courant. Le même avis fait la
relation entre variété de programmes et accessibilité
à l'enseignement supérieur. Nous sommes conscients cependant que
seul un développement local de programmes ne répondra pas aux
besoins de fa population, et c'est la raison pour laquelle nous faisons de
l'autonomie locale le leitmotiv de cette présentation.
De façon plus générale, pour l'ensemble des
cégeps du Québec, nous préconisons un certain nombre de
mesures concrètes en ce sens. Nous n'avons pas voulu reprendre
l'ensemble des mesures déjà présentées par la
Fédération des cégeps auxquelles nous souscrivons
pleinement, mais plutôt nous avons jugé bon de pointer un certain
nombre de recommandations qui nous touchent plus particulièrement. Nous
préconisons, en plus de l'implantation de nouveaux programmes
techniques, le découpage des programmes techniques qui s'y prêtent
en parties qui permettraient l'atteinte de capacités
intermédiaires et dont chacune serait une étape conduisant
à une compétence terminale. Chacune de ces étapes
donnerait lieu à une sanction formelle d'étude. Ces programmes
courts, constituant chacun une entité propre s'inscrivant dans un
continuum, seraient accessibles aux jeunes comme aux adultes.
Selon nous, on doit maintenir les deux composantes actuelles des
cégeps: la formation préuniversitaire et la formation technique.
Les vertus de cette cohabitation ont été maintes fois
démontrées. Il serait dommage que l'expérience acquise
dans l'encadrement des élèves de 17 à 20 ans, au cours des
25 dernières années, ne serve pas aux élèves de
l'an 2000. Il serait également dommage d'enlever aux
élèves la possibilité si importante de pouvoir changer de
programme ou de secteur lorsque leur orientation se précise.
Nous souhaitons que soient fournis aux cégeps les moyens humains
et financiers pour mettre en contact les élèves, les enseignants
et les enseignantes avec le monde du travail, principalement par des stages et
des programmes d'alternance travail-études. Dans ce domaine, le
collège de l'Outaouais fait figure de pionnier et de chef de file. En
effet, nous étions le premier collège à
expérimenter cette approche au secteur régulier et nous offrons
actuellement l'alternance travail-études dans quatre programmes. Nous
avons, par ailleurs, l'intention de l'offrir dans un cinquième à
partir de septembre prochain, poursuivant ainsi notre effort de rapprochement
avec le marché du travail. C'est uniquement grâce à des
subventions de démarrage du gouvernement fédéral que nous
avons été en mesure d'offrir cette option à nos
élèves. Mais, comme
son nom l'indique, il s'agit là de subventions de
démarrage. Nous appréhendons le jour où ces subventions
seront terminées. Nous croyons que le ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Science doit, de toute urgence, se positionner par
rapport à cette approche pédagogique et accepter de financer le
maintien de ces programmes.
Pour progresser et répondre adéquatement aux besoins
changeants des élèves, les cégeps doivent posséder
beaucoup d'autonomie au niveau de la gestion des programmes, des affectations
budgétaires et dans l'établissement des conditions de travail de
leur personnel. Cette autonomie doit se traduire par une grande souplesse dans
la création et la diversification des programmes, une grande
capacité de s'adapter aux besoins de la société,
particulièrement à l'éducation permanente, la recherche de
moyens visant à diversifier les sources de financement et l'augmentation
de la concertation locale avec le personnel.
Afin d'atteindre cet objectif, nous demandons que tous les programmes
d'enseignement préuniversitaires et techniques deviennent des programmes
d'établissement, fondés sur des standards nationaux qui en
définiraient les objectifs terminaux, la durée, les
habiletés et les compétences à développer. Ces
programmes seraient autorisés par l'État,
accrédités par un organisme externe et donneraient lieu à
un diplôme d'établissement. (21 h 20)
Nous souhaitons aussi que l'État fasse en sorte que le budget
consacré à l'enseignement soit décloisonné et que
les cégeps puissent le répartir selon leurs propres besoins, bien
sûr en concertation avec les intervenants locaux. De plus, nous croyons
qu'à l'intérieur de judicieuses balises fixées par
l'État les cégeps doivent avoir la gérance de leur
enveloppe budgétaire de sorte qu'il leur soit possible de
répartir, à leur convenance, leurs ressources financières
selon leurs objectifs et leurs priorités propres. Enfin, nous voulons
que le gouvernement encourage la conclusion d'accords locaux entre les
cégeps et les syndicats.
La clef de l'avenir des cégeps, c'est plus d'autonomie, une
volonté d'en rendre compte, le désir d'augmenter leur implication
régionale et le souci constant d'améliorer leur enseignement.
L'oeuvre des cégeps se situe dans une perspective de
continuité. Tous les efforts doivent être faits pour en
améliorer la performance. Leur accorder une plus grande autonomie,
voilà ce qui doit être fait. Nous sommes conscients qu'en un quart
de siècle ils n'ont cessé de croître en stature et en
maturité et qu'ils sont maintenant en mesure d'assumer pleinement leurs
responsabilités et de rendre des comptes. À cet effet, nous
sommes prêts à continuer à mettre au point et en oeuvre des
politiques et des procédés d'évaluation, à
établir des plans d'action et à définir des
responsabilités qui seraient rendus publics et remis à un
éventuel organisme externe d'évaluation. Quant à eux, les
conseils d'administration devraient prendre toutes les dispositions leur
garantissant que le sceau qu'ils apposent sur les diplômes sera le garant
incontestable qu'auront réellement été atteints les
objectifs de chacun des programmes, tant de formation préuniversitaire
que de formation technique.
Nous tenons à réaffirmer que nous sommes disposés
à nous engager dans la voie de l'amélioration du système
collégial d'éducation. Nous voulons que notre collège soit
mieux que jamais enraciné dans sa région, plus attentif aux
besoins qu'elle exprime et mieux outillé pour y répondre
rapidement et efficacement. Nous désirons être en mesure de former
des élèves, jeunes ou adultes, encore plus capables de relever
les défis du XXIe siècle. Merci de votre accueil
bienveillant.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Demers. Mme la
ministre, vous avez maintenant la parole.
Mme Robillard: Merci, M. le Président. Je veux saluer la
direction du collège de l'Outaouais et vous dire que je suis heureuse
que vous veniez témoigner en commission de votre réalité
très, très particulière, étant donné que
vous êtes dans une région frontalière. Je sais aussi que le
président du conseil d'administration est avec nous dans la salle et je
tiens à le saluer aussi. J'aurais quelques questions à aborder
avec vous, parce que je sais que le défi que vous avez est grand,
concernant le fait que vous avez des institutions d'enseignement ontariennes
qui sont pas loin de vous et qui offrent des services différents. Mais,
par ailleurs, M. Demers, vous n'êtes pas sans savoir qu'en Ontario aussi
ils sont en réflexion sur la formation donnée au niveau des
collèges, même si c'est strictement technique. Ils sont en grande
réflexion sur la formation générale donnée à
l'intérieur de leurs cours de formation technique, et, vous le savez
comme moi, leur formation générale est tellement réduite
dans leurs cours au niveau technique que, là, les employeurs ne sont
plus d'accord avec cette orientation et veulent l'augmenter. Alors, ils
regardent beaucoup ce qu'on fait au Québec au niveau de notre formation
générale, même dans les D.E.C. techniques.
Mais, pour aborder directement l'échange avec vous, M. Demers ou
M. Henderson, comme vous le voulez, j'aimerais ça regarder avec vous
toute la recommandation que vous me faites concernant la modulation du
diplôme d'études collégiales, et je m'explique. Vous me
recommandez, à la page 13 de votre mémoire, que, dans une
perspective d'éducation permanente et dans le cadre aussi du cheminement
scolaire adapté aux besoins, l'on fragmente - c'est bien ça, je
pense - le champ de spécialisation en parties,
vous me elites, en parties qui vont permettre l'atteinte de
capacités intermédiaires, et chacune de ces parties devrait avoir
une sanction, dites-vous, et ça devrait, j'imagine, correspondre
à une fonction de travail. J'aimerais que vous élaboriez
davantage. Qu'est-ce que vous voulez me faire comme recommandation, dans le
fond, au niveau de la structure du diplôme d'études
collégiales?
M. Henderson (Keith W.): Mme la ministre, nous croyons que - et,
dans notre mémoire, on le signale - il y a un certain nombre de
programmes techniques - pas l'ensemble des programmes techniques, mais un grand
nombre de programmes techniques - qui pourraient faire l'objet d'une
étude pour, justement, un découpage, afin de pouvoir donner aux
clientèles des attestations de capacités intermédiaires,
pas juste uniquement pour dédoubler ce qu'on retrouve en Ontario, pas du
tout même. C'est parce que, nous, on juge absolument essentiel
l'élément de formation générale, la formation
générale. Quand on parle de découper les programmes
techniques en plusieurs secteurs, c'est bien sûr qu'on désire
absolument y intégrer un élément de formation
fondamentale, de formation générale, et on veut réduire au
strict minimum la distinction que nous avons dans notre système
actuellement entre la clientèle adulte et la clientèle dite
régulière dans nos collèges. Le profil de notre
clientèle même à l'enseignement régulier nous
interpelle à ce niveau-là. Nous avons de plus en plus de
clientèle dite adulte qui se retrouve sur les bancs de notre
collège dans des programmes réguliers.
Donc, cette modulation, à notre avis, améliorera un
contexte d'arrimage et, d'harmonisation de nos divers types d'enseignements que
nous offrons, et la modulation que nous préconisons s'insérerait,
bien sûr, dans un continuum qui s'appelle le diplôme
d'études collégiales, qui est un diplôme - et on tient
à le redire - essentiel, c'est-à-dire que la composante de
formation générale est très essentielle comme...
Mme Robillard: Alors, ce que vous me dites, M. Henderson, c'est
qu'à l'intérieur de chacune des parties - appelons-les des
modules - il y aurait une partie de formation générale et une
partie de formation spécialisée dans chacune des étapes,
dans chacun des modules. Mais vous me dites aussi qu'à chacun des
modules vous voulez une sanction des études. C'est bien ça? Quel
type de sanction?
M. Henderson: Actuellement, on a des sanctions qui existent qui
s'appellent A.E.C. et C.E.C. Je crois qu'il faudrait peut-être modifier
le titre. Mais la sanction qui pourrait exister serait... On a certains
programmes qui se découpent facilement, où le marché du
travail, par exemple, n'exige pas nécessairement un engage- ment de la
part d'un élève dans un programme de trois ans pour pouvoir
accéder à certaines fonctions de travail au niveau du
marché du travail.
Mme Robillard: M. Henderson, donnez-moi un exemple.
M. Henderson: Je pourrais vous donner l'exemple, actuellement, en
design d'intérieur, par exemple, le programme de design
d'intérieur qui est un programme que nous avons en alternance
travail-études. Notre département est en train, justement, de se
pencher sur la possibilité de voir comment on peut arrimer les
formations que nous avons au niveau de la spécialisation.
Il est bien sûr maintenant que, localement, nous aurions beaucoup
de difficultés à travailler au niveau des cours communs
obligatoires. Et c'est là d'ailleurs un élément qui nous
appuie dans notre demande d'une certaine souplesse ou autonomie au niveau local
sur le plan de la gestion des programmes. Nous avons, vous savez, une
composante assez monolithique au niveau de la formation générale.
On ne pourrait pas, de nous-mêmes, découper un programme. Par
contre, nous devons répondre quand même à des besoins de
notre clientèle qui sont actuellement répondus en partie, pour la
composante de formation spécialisée, par les collèges
ontariens.
Mme Robillard: Oui. Qu'est-ce qui arriverait dans une
situation... Si on retenait votre hypothèse, M. Henderson, qu'est-ce qui
arriverait des A.E.C. et des C.E.C. actuels, des attestations et des
certificats tels que nous les connaissons, dans lesquels il n'y a pas de
formation générale? Qu'est-ce qu'on ferait avec ces... (21 h
30)
M. Henderson: Nous croyons fermement que les diplômes, au
niveau de l'enseignement collégial, qui ne comportent pas de formation
générale, leur temps est révolu. Nous croyons que, lorsque
nous allons avoir un système harmonisé, nous allons pouvoir
répondre aux besoins des clientèles diverses par un
système bien articulé de reconnaissance d'acquis
«expé-rientiels». Si les gens nous arrivent avec une bonne
formation générale et n'ont besoin que d'une formation
très spécifique, on pourrait revoir, par le biais des acquis
«expérientiels». Sinon, on doit exiger quand même,
comme le marché du travail nous l'interpelle, qu'il y ait un
élément de formation générale à ces
programmes-là.
Mme Robillard: Donc, si je vous comprends bien, on abolirait les
A.E.C. et les C.E.C. actuels, tels qu'ils existent.
M. Henderson: Tels qu'ils existent, oui. Mme Robillard:
C'est clair.
M. Henderson: C'est clair.
Mme Robillard: C'est clair, comme recommandation. Maintenant, M.
Demers, je voudrais revenir sur la question ou la demande que vous faites
d'avoir plus d'autonomie au niveau du cégep de l'Outaouais, autonomie au
plan administratif, au plan financier, au plan académique, au niveau des
conditions de travail, en tout cas beaucoup d'autonomie. Si je comprends bien
le sens de votre texte, j'ai l'impression que c'est la solution ou le
remède à plusieurs des problèmes que vous semblez avoir.
Vous me recommandez... Allons-y sur la question des programmes. Vous dites: En
formation technique, qu'on soit maître de nos programmes, de
l'organisation de l'enseignement et même de la sanction des
études, donc de rémission des diplômes. Qu'est-ce qu'on
fait de la formation préuniversitaire?
M. Demers: La formation préuniversitaire est maintenue,
bien sûr, c'est la même chose. Mais je pense qu'on a bien
mentionné qu'il n'était pas question pour nous d'avoir une
autonomie totale et absolue. On dit bien que l'État doit baliser le
tout, que le ministère doit établir les objectifs à
atteindre, doit établir le cadre dans lequel doivent se situer les
programmes. Nous, ce que l'on réclame, c'est surtout, en fait,
l'opérationalisation de tout ça, la gestion de tout ça,
qu'on n'ait pas à remonter continuellement auprès des instances
gouvernementales pour opérationaliser les programmes. D'ailleurs, le
vécu qu'on vient d'avoir, avec le programme de sciences humaines, dans
les collèges, a été très riche, nous a
apporté des leçons très importantes, entre autres, comment
on fait travailler ensemble les enseignants, les enseignantes de nos
institutions, dans le cadre de l'établissement d'un programme. Il y
avait des choix à faire et on les a faits localement. On se rend compte
que, par le processus, on amène - excusez le terme anglais - un
«involvement» des gens qui sont là, des professeurs. Les
professeurs s'impliquent dans le programme comme tel et eh deviennent non plus
maintenant des dispensateurs, mais en deviennent des créateurs et aussi
des défenseurs. Alors, il nous apparaît important que l'on puisse
plus faire ça. Je ne sais pas si, peut-être, M. Henderson veut
rajouter.
M. Henderson: Je vais peut-être ajouter en vous disant que,
lorsqu'on parle d'autonomie, au niveau de la gestion des programmes, il ne
s'agit pas là de vouloir une autonomie d'élaboration de
programmes préuniversitaires uniquement au collège de
l'Outaouais. Cette recommandation-là s'insère dans la même
foulée que la recommandation de la Fédération des
cégeps qui prévoit que la partie de formation commune, qui
actuellement correspond à un an sur les deux années, soit
modulée de façon à ce qu'une partie importante soit
balisée par le ministère, par la ministre et qu'une partie,
cependant, soit laissée au niveau d'une autonomie locale. Étant
en région frontalière, vous pouvez vous imaginer les besoins
spécifiques que nous avons au niveau du français, par exemple,
des choses comme ça et, pour répondre à des
clientèles spécifiques, nous avons besoin, à notre avis,
d'une partie de cette formation commune là, pour répondre
à des besoins qui ne sont peut-être pas les mêmes besoins
qu'une clientèle à Montréal ou à Québec.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M.
le député d'Abitibi-Ouest, c'est maintenant votre temps de
parole.
M. Gendron: Oui. D'entrée de jeu, les collègues de
l'Outaouais, je vous salue. Et, je pense que l'heure s'y prête, j'avais
envie de vous dire qu'à réclamer autant d'autonomie au niveau des
programmes, des budgets, de la gestion je ne suis pas inquiet de la prochaine
consultation référendaire. Je suis convaincu que vous allez voter
en faveur de plus d'autonomie pour le Québec. Et j'espère que vos
collègues vont travailler dans ce sens-là. J'ai bien dit que
l'heure se prêtait à cette petite boutade. Merci. Je suis
d'accord, moi, qu'un collège frontalier, avec les problèmes
particuliers qu'il vit, profite de cette commission parlementaire sur l'avenir
des cégeps, d'une part, pour parler de ce qu'il est et des
difficultés qu'il rencontre et, également, pour toucher certains
sujets sur lesquels il voudrait que des décisions soient prises afin
d'améliorer des éléments sur lesquels nous avons
reçu passablement d'avis, qui devraient nous permettre, effectivement,
de prendre les décisions qui s'imposent.
Je reviendrai sur la question d'autonomie, j'ai une couple
d'éléments que je voudrais questionner. Vous avez bien fait, je
pense, de relever l'expertise que vous avez développée en termes
d'alternance travail-études. Vous avez fait vraiment pied d'oeuvre dans
ce domaine-là et vous indiquez qu'actuellement il y a quatre programmes
où ces conditions d'alternance études-travail sont
pratiquées, et vous avez l'intention d'extensionner ça. Plusieurs
intervenants sont venus nous dire, en tout cas pour ce qui est de la formation
technique, que c'est sûrement une formule qu'il va falloir
privilégier davantage. J'aimerais que vous soyez un petit peu plus
précis quant aux conditions de réussite ou de succès de
pratiquer cette formule. Si vous aviez à résumer les principaux
éléments qu'il faut préalablement s'assurer qu'ils
existent dans le milieu, c'est lesquels?
M. Demers: Je vais commencer. Bon, dans un premier temps, je
pense que vous avez raison de dire que cette formule-là comporte des
difficultés. C'est bien sûr que, quand on va réclamer ou
solliciter des employeurs pour qu'ils
reçoivent, pendant quatre mois, et cela dans un stage
rémunéré, des étudiants qui n'ont pas
complété leurs études, il y a là un
problème.
Par contre, je pense qu'on doit pousser ou, si vous voulez, travailler
à développer cette mentalité auprès des employeurs.
D'ailleurs, notre expérience actuelle, c'est que ceux qui ont
vécu l'expérience sont très heureux de l'avoir
vécue et, habituellement, acceptent de reprendre de nos
élèves par la suite.
Bien sûr, on ne préconise pas l'implantation de
l'alternance travail-études dans tous les programmes. Il nous
apparaît qu'il y a certains programmes qui ne se prêtent pas
à ça. Il y a aussi toute une série de conditions quf nous
apparaissent essentielles pour pouvoir commencer à faire, à
offrir l'alternance travail-études dans un programme, entre autres
l'implication des enseignants du programme. Si on n'obtient pas ça,
nous, c'est une condition préalable, et on ne veut pas se lancer
là-dedans sans avoir cette implication des enseignants.
Ça nous amène aussi à souhaiter avoir un peu plus
de flexibilité au niveau des conventions collectives, parce que parfois
on est obligé de fonctionner avec la bonne volonté des
enseignants, et parfois on est à la frontière de ce qui est
permis selon la convention collective.
Alors, il y a certains éléments comme ceux-là qu'il
faut absolument s'assurer d'avoir pour offrir l'alternance
travail-études.
M. Gendron: Merci. Bien, à moins que vous ne vouliez
compléter?
M. Demers: Je ne sais pas si mon collègue...
M. Henderson: Je pourrais peut-être ajouter que le
système d'alternance travail-études devient assez difficile dans
une situation de conjoncture économique comme ce que nous vivons
actuellement. Donc, c'est sûr qu'un programme comme celui-là est
vraiment touché par des situations comme celle-là. On vous a dit
quatre programmes soumis à cette formule, et nous avons de la
difficulté, dans un ou deux programmes, à placer des
élèves en stage. Et ce sont des élèves qui,
normalement, auraient été placés dans des entreprises
comme Hydro-Québec.
Donc, avec les différences, c'est-à-dire les changements,
même dans les grandes entreprises, c'est quelque chose qui comporte
énormément d'embûches lorsque fait par un seul
collège qui négocie. On a été dans la situation
où on négociait avec des syndicats d'Hydro-Québec pour
pouvoir entrer des stagiaires, qu'ils soient acceptables par les syndicats,
ainsi de suite.
Donc, il y a beaucoup d'embûches qui ne relèvent pas de
notre collège. Par contre, à l'intérieur du collège
aussi, sur le plan financement, convention collective, etc., il y a
également énormément d'embûches. (21 h 40)
M. Gendron: Vous avez à deux endroits dans votre
mémoire - et peut-être ailleurs aussi, mais il y a deux endroits
où j'ai trouvé que c'était plus spécifique dans vos
recommandations - insisté sur des mesures d'encadrement,
d'accompagnement, peu importe, là. Je vous cite concrètement:
«Nous recommandons que notre collège puisse se doter d'outils de
soutien à l'apprentissage et de moyens propres à favoriser la
réussite de ses élèves.» Et, à la page
suivante, vous disiez autrement, mais la même chose: «Puisse
continuer à promouvoir l'organisation d'activités parascolaires,
complémentaires ou connexes à la formation, liées aux
arts», ainsi de suite. Je suis resté un peu surpris. Pourquoi
recommandez-vous ça? Vous avez peur de ne plus être capable de
faire ça? Sinon, pourquoi? Qu'est-ce qui vous bloquerait, qu'est-ce qui
vous empêcherait d'être en mesure d'offrir ce que j'appelle ces
services d'accompagnement, d'activités de support à un projet
pédagogique, un collège qui offre un minimum d'âme et de
vécu autre que strictement la dimension: un cours, une classe et un
horaire, et salut?
M. Henderson: Nous faisons effectivement énormément
de travail à ce niveau-là et nous avons tout le système
financier, etc., qui le reconnaît. Par contre, un collège, c'est
formé principalement d'élèves et d'enseignants.
M. Gendron: Oui.
M. Henderson: Lorsqu'on veut affecter des ressources enseignantes
à des choses autres que de l'enseignement en classe, ça devient
très difficile. Je ne voudrais pas être très technique au
niveau du fonctionnement du fameux 2a, mais nous sommes tellement soumis
à des positions d'instances nationales, d'une part, d'autre part
à des difficultés et des embûches par rapport à des
règles de conventions collectives, qu'il ne nous est pas du tout facile
d'affecter des ressources professorales. On doit donc utiliser la marge de
manoeuvre que nous pouvons dégager au point de vue budgétaire
pour pouvoir investir à ce niveau-là.
M. Gendron: Mais, juste une seconde, même dans des mesures
propres à favoriser la réussite scolaire? Vous ne trouvez pas que
vous avez une marge de manoeuvre pour initier vous-mêmes des mesures? Et
soyez bien à l'aise, si c'est le cas, c'est ça que je veux
entendre.
M. Henderson: Nous en initions énormément, mais
nous ne bénéficions pas du tout d'une marge de manoeuvre
suffisante pour pouvoir justement affecter les ressources d'enseignement selon
nos besoins propres. Nous sommes tout à fait, très...
M. Gendron: Et est-ce que, lorsque vous
réclamiez - là j'arrive avec votre remarque plus
globale... Parce que, quand même, ce serait bien dur de lire votre
mémoire et de ne pas retenir que vous réclamez plus d'autonomie,
ce serait bien dur de ne pas retenir ça, et probablement avec raison. Si
vous le rappelez si souvent que ça, ça doit vous faire mal en
étoile de ne pas avoir celle dont vous pensez avoir besoin. Est-ce
à dire que, si vous en aviez plus sur les programmes, sur les budgets,
et ainsi de suite, vous auriez le goût et probablement la volonté
politique, comme conseil d'administration du collège ou de la direction,
parce que là c'est un mémoire de la direction, d'affecter un peu
plus de soutien aux mesures d'encadrement? Parce que, moi, je persiste à
croire qu'il en manque au niveau collégial et que ça a une
incidence sur l'abandon, sur les échecs parce que les jeunes ne se
sentent pas assez encadrés. Et, contrairement à ce qu'on peut
prétendre des fois, ils souhaitent l'être, en autant qu'ils
comprennent les motifs pour lesquels on veut les encadrer. Et, si
c'était des motifs de réussite scolaire, je suis convaincu qu'ils
accepteraient, êtes-vous de cet avis-là?
M. Henderson: Tout à fait. M. Gendron, vous parlez
à des administrateurs d'un collège où le taux de
diplomation est très bas au niveau du secondaire, où
l'accessibilité à l'enseignement supérieur est très
base, où il y a un problème d'assimilation très
marqué. Et je pense que mon collègue, M. Maurice, pourrait
compléter là-dessus.
M. Maurice (Luc): Oui, de façon spécifique, par
rapport à votre commentaire au niveau de la recommandation visant
à maintenir les activités parascolaires, ça consistait
à réaffirmer l'importance d'avoir de telles activités dans
la vie d'un collège et de concilier ça avec le projet
éducatif du collège. Et c'est clair qu'il y a des incidences
très, très évidentes, une corrélation entre le
dynamisme, la qualité de vie qu'on retrouve à l'intérieur
d'un collège et le taux de réussite scolaire. De ce point de vue
là, ça nous paraît tout à fait évident,
oui.
M. Gendron: L'élargissement - juste pour terminer, la
dernière question en ce qui me concerne là - vous souhaitez un
élargissement de la gratuité scolaire. Est-ce que c'est
spécifiquement en référence à l'éducation
des adultes?
M. Demers: En fait, on veut l'élargir aux étudiants
à temps partiel et à certaines clientèles de
l'éducation aux adultes. On voudrait qu'elle soit offerte aux
étudiants qui s'inscrivent dans un programme comme tel. Bien sûr
qu'un étudiant adulte qui vient, je ne sais pas moi, suivre un cours
d'espagnol pour aller en voyage au Mexique, on ne voit pas la
nécessité de rendre cet enseignement gratuit. Mais quelqu'un qui
veut suivre une formation spécifique, un programme, je ne sais pas moi,
gestion de réseau de micros par exemple, bien il nous apparaît
essentiel que cet étudiant-là puisse bénéficier de
la gratuité scolaire.
M. Gendron: Vous pensez que quelqu'un qui irait suivre un cours
de langue seconde chez vous, ce serait pour aller en voyage et c'est tout?
M. Demers: Pardon?
M. Gendron: Vous croyez que quelqu'un qui prendrait un cours de
langue seconde dans votre cégep, c'est pour faire un voyage et c'est
tout et qu'en conséquence ça ne devrait pas être
encouragé?
M. Demers: C'est-à-dire qu'il y a certains programmes...
Il y a certains cours... Il y a des gens qui viennent suivre des cours pas
nécessairement dans le but d'obtenir une certification, mais plus pour
obtenir le contenu du cours, la formation qui s'y rattache.
M. Gendron: Mais, juste pour ma culture à moi, vous pensez
qu'ils prendraient ça au collégial?
M. Demers: Ah! tout à fait. M. Gendron: Oui?
M. Demers: On en a beaucoup. Je ne sais pas si...
M. Henderson: Tout à fait. Nous, on pense que
l'unité de base de notre mission, c'est d'offrir un ensemble
intégré de cours qui s'appellent programme. Donc, quelqu'un
qui... Et il y en a plusieurs qui viennent s'inscrire à des cours pour
toutes sortes de raisons, mais qui ne sont pas du tout intéressés
à suivre un programme. À ce moment-là, nous pensons qu'il
y a lieu de moduler le concept de gratuité scolaire en fonction de
ça.
M. Gendron: C'est à ça que vous faites
référence dans votre recommandation?
M. Henderson: C'est ça. M. Gendron: Merci.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député
Je vais maintenant demander à M. le député de
Hull... Vous voulez intervenir?
M. LeSage: Merci, M. le Président. Oui, j'aimerais
également souhaiter la bienvenue aux gens de l'Outaouais à cette
commission parlementaire et féliciter le conseil d'administration ou
la
direction pour la préparation du mémoire et son
exposé de tantôt.
Pour répondre un petit peu à la question de M. le
député de l'Opposition, à savoir si on donnait des cours
le soir aux adultes pour des langues secondes, j'en ai pris. J'allais
m'exprimer en espagnol, mais je vais le faire en français.
Effectivement, c'était pour aller en voyage. Et, dans ce sens-là,
je pense que c'est un très bon service et je suis également
d'avis que ce service ne doit pas être gratuit.
J'aimerais que vous nous disiez... À un moment donné, vous
aviez prévu... Vous aviez fait des prévisions sur le nombre
d'élèves qui pourraient être accueillis, par exemple, pour
l'exercice 1992-1993. Au moment où on se parle, est-ce que la
clientèle que vous avez présentement répond à vos
prévisions?
M. Demers: En fait, nous avons dépassé la
prévision de clientèle en 1992-1993.
M. LeSage: De combien?
M. Demers: D'à peu près 300
élèves.
M. LeSage: Vous parlez également dans votre mémoire
qu'il y a 21 % des étudiants de l'Outaouais québécois qui
se retrouvent sur les bancs en Ontario.
M. Demers: II faut préciser que c'est 21 % des
étudiants qui étudient en enseignement technique et
professionnel, des deux côtés.
M. LeSage: Oui. J'aimerais - parce que vous êtes tous, je
pense, originaires de la région de l'Outaouais... Je sais que, pendant
un grand nombre d'années - ça se fait peut-être encore,
c'est ce que je veux savoir - les parents, par exemple, se rendaient compte que
les jeunes ne parlaient pas anglais ou suffisamment anglais. Le jeune
peut-être même se rendait compte qu'il ne parlait pas suffisamment
anglais et qu'il n'y en avait pas assez dans l'Outaouais
québécois et il voulait élargir son champ, ses chances de
réussite dans l'avenir et soit que les parents décidaient ou que
le jeune décidait lui-même d'aller étudier en Ontario.
Est-ce que ça se produit encore, cette situation?
M. Demers: Je vais demander à mon
Anglo-Québécois de répondre.
M. Henderson: Je suis assimilé du bord inhabituel. Ha, ha,
ha! Ça se produit encore, mais je pense que c'est statistiquement pas du
tout important comme clientèle. Les raisons pour lesquelles les gens
vont étudier en Ontario sont surtout la variété de
programmes. Parfois aussi, s'ils vont aux études universitaires
directement, ils peuvent le faire sans passer par un cégep. Donc, il y a
ces deux éléments-là, mais je pense qu'au niveau de la
langue anglaise ce n'est pas significatif étant donné que,
justement, on a probablement le taux le plus élevé
d'élèves bilingues d'eux-mêmes, d'une part. D'autre part,
vous n'avez qu'à regarder les résultats aux examens
ministériels du secondaire en anglais pour vous apercevoir que ce n'est
pas nécessairement le cas. En français, par exemple, c'est
différent.
M. LeSage: Je lisais dans les journaux récemment, M.
Henderson, que nous avions un très haut taux de décrochage dans
l'Outaouais québécois à tous les niveaux, pas juste chez
vous. Est-ce que vous ne croyez pas que... D'abord, je ne pense pas qu'on ait
le moyen de contrôler le jeune qui s'en va, qui quitte l'école au
Québec et qui va étudier en Ontario. Il n'est plus dans le
réseau, on ne le voit plus nulle part et on le considère comme
décrocheur. On ne peut pas faire autrement, on ne peut pas le retracer.
Ce serait quoi le pourcentage des décrocheurs dans ce sens-là?
(21 h 50)
M. Henderson: M. LeSage, lorsqu'on parle d'un très haut
taux de décrochage dans l'Outaouais, on parle beaucoup de l'ordre du
secondaire pour toutes sortes de phénomènes sociaux. Maintenant,
lorsqu'on parle de décrochage, on vient de terminer une étude en
collaboration avec l'Université du Québec à Hull, pour
voir si, justement en rapport avec la question de M. Gendron tantôt, nos
investissements pour l'aide aux élèves étaient productifs.
Effectivement, nous avons un taux de décrocheurs, d'une
coordonnée d'élèves au collège de l'Outaouais, de
14,2 %, ce qui est moins de la moitié de ce qu'on reconnaît
habituellement au réseau. Ce qui est assez phénoménal. On
s'en réjouit. Maintenant, le travail n'est pas terminé.
Ça, on réussit à le faire avec les ressources que nous
avons, mais on se dit que, tant qu'il y en a qui décrochent, on a encore
beaucoup de travail à faire.
Maintenant, on tient compte dans ces statistiques-là - et il faut
l'avouer parce que c'est très important - qu'il y a une partie de nos
élèves qui quittent après un an d'enseignement
collégial pour aller à l'université à Ottawa. Nous,
on ne les compte pas comme décrocheurs parce que ces
élèves-là, comme je vous ai dit tantôt, n'avaient
pas besoin de diplôme d'études collégiales.
Malgré cela, nous travaillons étroitement avec les
commissions scolaires - et, étant un collège en région,
nous pouvons le faire - au niveau tant de l'arrimage pédagogique que de
l'arrimage éducatif, si je puis dire. On organise même des
journées pédagogiques conjointes avec l'ensemble des commissions
scolaires pour contrer ces choses-là. M. Morin, le Conseil
supérieur est venu témoigner, il y a quelques années, du
dynamisme de notre région au niveau de cet arrimage-là.
Je pense que les commissions scolaires, parce que j'y étais il y
a aussi peu longtemps qu'il y a trois ans, travaillent aussi
énormément fort, comme vous le savez. Maintenant, on a une
réalité économique et de structure dans notre
région qui fait en sorte qu'on a peut-être un petit peu plus de
travail à faire qu'ailleurs.
M. LeSage: Vous demandez, et cela a été
soulevé par plusieurs des membres de cette commission, plus d'autonomie,
même financière. Je me rappelle, lors d'une rencontre avec la
ministre, il n'y a pas tellement longtemps, on avait parlé de la
situation financière du collège de l'Outaouais. J'aimerais
ça que vous nous indiquiez c'est quoi, aujourd'hui, au moment où
on se parle, la situation financière du collège de
l'Outaouais?
M. Henderson: Au 30 juin 1992, le collège de l'Outaouais a
un déficit accumulé de 69 000 $...
M. LeSage: Et vos prévisions?
M. Henderson: ...comparé à un déficit
accumulé de 450 000 $ au 30 juin 1991.
M. LeSage: On m'avait dit que vous vous acheminiez vers un budget
équilibré. Est-ce que c'est exact?
M. Henderson: Effectivement, pour l'année en cours, nous
avons un budget qui prévoit un surplus d'environ 100 000 $, ce qui
ferait qu'au 30 juin 1993 nous aurions complètement
éliminé le déficit accumulé.
M. LeSage: Merci, messieurs. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, un mot de
remerciement?
Mme Robillard: Oui. Il me reste à vous remercier
d'être venu, M. Demers, avec votre équipe de direction. Et, si
j'ai bien compris au début de votre exposé, M. Demers, vous avez
parlé de l'apathie politique des gens de l'Outaouais. Je ne sais pas
pourquoi vous m'avez dit ça, parce que, moi, depuis que je vous connais
et que je vais en Outaouais, je n'ai pas trouvé que le comportement
était très apathique avec les demandes que vous nous faites de
développement, et avec raison, je pense, parce que vous avez des
défis très particuliers en tant que région
frontalière et qu'on veut que les Québécois et les
Québécoises étudient au Québec, qu'ils soient
francophones ou anglophones. Mais, à l'inverse, je trouve qu'il y a un
dynamisme là, et vous le savez, qui est très bien
reflété aussi dans le caucus régional de l'Outaouais, qui
suit votre dossier de très près. Merci d'être venu
témoigner en commission.
Le Président (M. Gobé): Merci, messieurs. Merci,
Mme la ministre. Au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie
de vous être déplacés.
La commission ayant accompli son mandat pour ce jour, je vais donc
maintenant ajourner les travaux à demain matin, 10 heures, en cette
salle. La commission est ajournée. Bonsoir et bonne nuit.
(Fin de la séance à 21 h 55)