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(Neuf heures trente-deux minutes)
La Présidente (Mme Hovington): Je déclare donc la
séance ouverte. La commission de l'éducation va reprendre ses
travaux, et je rappelle le mandat de la commission qui est de procéder
à des audiences publiques sur l'enseignement collégial
québécois. Est-ce que nous avons des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Parent
(Sauvé) est remplacé par M. Maltais (Saguenay).
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup.
Aujourd'hui, à 9 h 30, nous aurons la Fédération des
commissions scolaires du Québec, que j'inviterais, dès maintenant
d'ailleurs, à prendre place, s'il vous plaît. À 10 h 30,
nous aurons le Conseil national des ambassadeurs des cégeps du
Québec; à 11 h 30, M. Guy Neave, directeur de recherche,
Association internationale des universités; à 12 h 30,
suspension, pour reprendre à 14 heures, avec Mme Louise Corriveau,
professeure; à 15 heures, Mme Danielle Colardyn, administrateur, OCDE;
à 16 heures, le cégep de Shawinigan; à 17 heures, Teachers
of English in the English-language colleges; à 18 heures, suspension;
à 20 heures, le Conseil régional de développement de
Lanaudière; à 21 heures, Association québécoise de
pédagogie collégiale; à 22 heures, ajournement.
Nous recevons, ce matin, la Fédération des commissions
scolaires du Québec, représentée par Mme Diane Drouin,
présidente générale. Bonjour, Mme Drouin.
Fédération des commissions scolaires du
Québec (FCSQ)
Mme Drouin (Diane): Bonjour.
La Présidente (Mme Hovington): J'ai plaisir à vous
retrouver.
Mme Drouin: C'est ça. Ça me fait plaisir
également.
La Présidente (Mme Hovington): Veuillez nous
présenter, s'il vous plaît... Vous serez la porte-parole,
j'imagine?
Mme Drouin: Oui, exactement.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, bienvenue à
la commission. Si vous voulez bien nous présenter vos
collègues.
Mme Drouin: D'accord. Vous avez, à ma gauche, Mme Use
Lemieux, qui est la première vice-présidente à la
Fédération des commissions scolaires.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.
Mme Drouin: À ma droite, M. Berthier Dolbec, qui est
conseiller en développement pédagogique, et M. Fernand Paradis,
qui est le directeur général.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Vous avez donc 20
minutes pour présenter votre mémoire aux parlementaires.
Allez-y.
Mme Drouin: Merci beaucoup. J'aimerais d'abord vous parler un
petit peu de la Fédération des commissions scolaires - un bref
rappel -pour vous dire que c'est un organisme que se sont donné les
commissions scolaires pour les représenter particulièrement. Nous
regroupons 136 commissions scolaires à travers le Québec et on a
comme objectif, bien sûr, entre autres, de promouvoir
l'éducation.
Aujourd'hui, nous vous présentons un mémoire que je peux
qualifier de majeur, je pense, d'abord parce qu'il contient 52 pages et, aussi,
parce qu'on a fait vraiment une étude sérieuse, une
réflexion, je pense, approfondie.
Qu'est-ce qui justifie notre présence ici? D'abord, j'aimerais
vous amener dans le mémoire. Comme vous l'avez reçu à
l'avance, je pense qu'on ne le lira pas au complet, sûrement, mais
j'aimerais quand même vous souligner certains passages qui m'apparaissent
peut-être ressortir un petit peu de notre mémoire, si vous le
permettez.
D'abord, les établissements d'enseignement secondaire et
collégial sont intégrés aux mêmes
réalités socioculturelles et politico-économiques
québécoises et contribuent au même devenir.
L'ajustement de la mission de formation aux besoins de la
société québécoise de l'an 2000 affectera la
planification de tous les ordres d'enseignement. Les voies de
développement recherchées par les ordres d'enseignement
pourraient exiger des actions similaires. Les attentes de la
Fédération et des commissions scolaires, relativement à la
qualité de l'éducation, doivent être, selon nous, connues
du réseau collégial et du gouvernement du Québec.
Par ailleurs, est-il besoin de rappeler que les ordres secondaire et
collégial vivent depuis plusieurs années des difficultés
relatives au manque d'harmonisation entre l'enseignement secondaire et
l'enseignement collégial, que seule une volonté décisive
du gouvernement pourrait
solutionner? Cette intervention-ci nous donnerait peut-être de
nouveaux moyens d'y arriver et, du fait que maintenant les deux soient
regroupés sous l'égide de la même ministre, est-ce qu'on
aura plus de chances d'atteindre cet objectif?
J'aimerais vous souligner quelques-unes de nos recommandations. On en a
28. Je vous amène immédiatement à la page 12 de notre
mémoire, à notre recommandation 2, finalement. Actuellement, nous
savons qu'il n'y a aucune obligation d'avoir une compétence en
pédagogie pour enseigner au collégial. Alors, compte tenu de la
complexité de l'apprentissage du jeune adulte, nous recommandons que la
formation et le perfectionnement des enseignants pour tous les ordres
d'enseignement soient réorientés vers l'acquistion de
connaissances et le développement d'habiletés
psychopédagogiques de façon à rendre plus
épanouissante et plus efficace l'expérience des jeunes et des
adultes en formation.
Une autre recommandation, en page 17. J'irai tout de suite aux
ajustements du curriculum. Il y aurait lieu de se questionner ou de questionner
la place qu'occupent l'enseignement de l'éducation physique et de la
philosophie dans le cours collégial ainsi que l'orientation des cours de
français vers l'étude d'oeuvres. Ces cours de français,
tout en prenant en compte les besoins linguistiques des étudiants,
devraient permettre à l'étudiant de connaître des oeuvres
plus variées, sinon plus orientées vers son champ de
concentration. Ainsi, des oeuvres à caractère scientifique,
technologique, sociologique ou historique pourraient remplacer avantageusement
certaines oeuvres littéraires pour une partie de la clientèle
moins sensible à ces moyens d'expression que sont le
théâtre, la poésie et le roman.
On pourrait instaurer aussi des cours structurés visant à
développer une connaissance plus large de la culture
québécoise et l'adhésion à cette dernière en
même temps qu'une meilleure compréhension et une meilleure
acceptation des autres cultures présentes et de plus en plus importantes
dans nos établissements.
Il nous apparaît important aussi qu'à l'intérieur du
curriculum comme à l'extérieur la mission de formation prenne en
charge les besoins linguistiques croissants des étudiants. Ainsi, on
devra s'assurer que les étudiants acquièrent une maîtrise
des langues française et anglaise, voire même d'une autre
langue.
Au sujet de la sanction des études, nous recommandons que des
épreuves de synthèse, qui pourraient être utilisées
en tout ou en partie pour la délivrance des diplômes, soient
développées pour chaque programme du collégial et
appliquées sous la responsabilité des établissements, de
façon à garantir une valeur constante et significative du
diplôme d'études collégiales.
Nous avons aussi un chapitre sur l'adaptation aux étudiants.
Plusieurs caractéristiques de la clientèle incitent les
établissements à une plus grande adaptation aux besoins des
étudiants. J'en énumère quelques-unes: dans une proportion
grandissante, l'étudiant travailleur partage son temps entre un travail
rémunéré et ses études; le manque d'autonomie de
certains étudiants; l'étudiant rencontrant des difficultés
d'apprentissage; l'orientation imprécise d'un bon nombre
d'étudiants; la diversité ethnique de ceux-ci; une proportion
croissante de jeunes adultes et d'adultes; des cheminements discontinus; un
certain nombre ont aussi des responsabilités parentales; et plusieurs
sont aux prises avec un manque de ressources financières.
Alors, face à ces constatations, notre recommandation est
à l'effet qu'à l'entrée au collège l'instauration
d'une session d'exploration pourrait aider une partie de la clientèle,
moins prête, à préciser son orientation et mieux identifier
ses besoins. Le développement de pratiques structurées de
reconnaissance des acquis extrascolaires et l'aide au placement des
étudiants sont au nombre des mesures qui contribueraient à
l'adaptation de l'établissement aux besoins des étudiants. (9 h
40)
L'harmonisation entre les ordres d'enseignement. L'établissement
d'enseignement collégial et l'établissement d'enseignement
secondaire ont une mission commune. Quelques dimensions de cette mission: le
développement culturel, le développement social et communautaire,
la formation intégrale des personnes, le développement
économique régional, la formation de la main-d'oeuvre,
l'adaptation humaine à la technologie, à la science et à
l'écologie.
Alors, nous rappelons et nous recommandons de considérer le
bagage de connaissances des étudiants arrivant au collégial comme
le seuil exigible. Nous recommandons également une révision
complète de la liste des préalables pour ne conserver que ceux
pédagogiquement justifiables.
Quant à la formation professionnelle, nous soutenons qu'une
duplication des contenus de formation entre le secondaire et le
collégial existe dans plusieurs secteurs. Une analyse des contenus de
programmes et des tâches à exercer sur le marché du travail
s'impose pour éviter qu'une formation de même niveau soit
dispensée dans les deux ordres.
Je vous amène maintenant dans notre dossier du
développement régional. À l'instar du Conseil
supérieur de l'éducation, la Fédération des
commissions scolaires du Québec reconnaît que l'implication des
établissements d'éducation dans le développement
régional est indispensable et fait partie de la mission des commissions
scolaires et des cégeps. Je pense qu'on en a tellement parlé que,
maintenant, ça devient évident.
Au sujet de la formation professionnelle, il faut que les réseaux
d'enseignement et les établissements tissent des liens étroits
avec le
milieu du travail, de l'industrie et de l'entreprise. On sait qu'il y a
déjà des innovations dans plusieurs secteurs, mais, pour nous,
ça devrait être étendu à une plus grande
échelle.
Il serait important aussi que le diplôme d'études
secondaires continue d'être l'exigence de base pour accéder
à la formation technique au collégial. De plus, il faudrait
aménager des passerelles permettant à des détenteurs d'un
diplôme d'études professionnelles d'accéder à une
spécialisation au collégial sans refaire les mêmes
apprentissages.
La formation professionnelle de la main-d'oeuvre devra faire l'objet
d'une étroite coordination de la part de la ministre de
l'Éducation et de l'Enseignement supérieur avec le ministre de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle et tous les autres titulaires de ministères à
vocation industrielle ou économique.
Finalement, nous souhaitons donc vivement que de nouveaux efforts de
concertation soient initiés à tous les paliers pour
éliminer le plus possible les duplications entre les ordres secondaire
et collégial en formation professionnelle ainsi que les effets
néfastes d'une compétition entre ces ordres.
En guise de conclusion, j'irais à la page 37 de notre
mémoire. Les établissements d'enseignement collégial et
d'enseignement secondaire ont une mission commune parce qu'ils sont
insérés dans une même communauté locale et
régionale, parce qu'ils dispensent des services publics visant le
développement des personnes de cette communauté. Toutes les
ressources de nos réseaux d'établissements de formation devront
contribuer de façon convergente à satisfaire les besoins de nos
communautés pour relever ces pressants défis qui nous
sollicitent. Ces défis commandent notamment que les
établissements de formation de tous les ordres fassent preuve de
solidarité intrarégionale en s'intégrant avec les autres
agents sociaux et économiques à des démarches
planifiées en concertation pour y jouer des rôles
complémentaires.
Nous rappelons la nécessité que les établissements
de formation des ordres secondaire et collégial s'impliquent dans le
développement régional, s'y engagent en concertation afin d'y
développer une synergie.
En considérant aussi que le cours collégial prend appui
sur le cours secondaire, que la place qu'occupe le collégial provient,
en partie, de la suppression d'une année à la durée du
cours secondaire, nous pensons que la concertation nécessaire pour
assurer l'harmonisation entre les ordres secondaire et collégial
nécessite des aménagements dans la structure d'administration des
cégeps.
Etant donné que la structure d'administration actuelle des
cégeps ne permet pas à l'établissement de rendre compte
efficacement de sa mission auprès de la population locale, étant
donné qu'une meilleure représentation politique, par les
élus, faciliterait l'intégration des établissements au
sein des organismes socio-économiques, nous recommandons qu'à
court terme un minimum de sièges soient réservés à
des commissaires d'écoles du territoire au sein du conseil
d'administration de chaque cégep.
Nous recommandons également qu'une étude d'impact soit
réalisée à moyen terme sur des hypothèses
d'organisation de l'administration des cégeps qui en
amélioreraient l'imputabilité quant à leur mission
éducative.
Voilà, Mme la Présidente, j'ai essayé de vous
donner les plus grandes lignes de notre mémoire.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Alors, Mme
la ministre de l'Education, de l'Enseignement supérieur et de la
Science, vous avez la parole.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je salue tous les
membres de la Fédération des commissions scolaires du
Québec. Je suis particulièrement heureuse de vous entendre,
étant donné que vous êtes aussi les responsables de
première ligne, je dirais, de l'enseignement obligatoire au
Québec, sur l'ensemble du territoire, tant aux niveaux primaire que
secondaire. Donc, il y a un intérêt particulier à vous
entendre, étant donné que vous préparez, justement, les
élèves à être candidats aux études
collégiales.
Alors, j'aurais quelques questions que j'aimerais aborder avec vous, Mme
Drouin. La première serait peut-être en lien direct avec votre
recommandation 11 sur le contenu du diplôme d'études secondaires
que vous jugez comme le seuil exigible pour entrer au niveau du cégep.
Vous savez très bien que c'est l'approche que nous avons suivie à
date, comme quoi le diplôme d'études secondaires, donc, est la
condition de base en tant que telle, que nous avons aussi, dans le courant de
la dernière année, fait un élagage des préalables
de façon substantielle. Nous l'avons fait au niveau des
mathématiques de façon particulière et on s'apprête
à le faire au niveau des sciences de la nature.
Mais, depuis le début des travaux de cette commission, Mme
Drouin, on nous souligne de plus en plus un problème très aigu
qui est lié aux 130 crédits qui sont sans cesse cités
devant les parlementaires de cette commission, étant donné, comme
vous le savez, qu'il y a des jeunes qui entrent au collégial avec 130
unités et d'autres avec 180 et plus. On nous dit que c'est un
écart d'au moins une année au niveau de la formation en tant que
telle et qu'on ne peut pas plus longtemps supporter cet écart-là,
étant donné que des études nous prouvent, à l'heure
actuelle, que ces étudiants qui n'ont que 130 unités sont souvent
les étudiants qui échouent
le plus au collégial, qui abandonnent le plus. Donc, il y a un
problème, à mon point de vue, qui va au-delà des 130
unités.
Moi, je ne voudrais pas faire une bataille sur: est-ce qu'il en faut 130
ou est-ce qu'il en faut 140 ou 145? mais plus sur le bagage des connaissances
qui correspondent au diplôme d'études secondaires. Nous savons
tous que nous sommes en régime transitoire au niveau du secondaire
présentement, au niveau du régime pédagogique, et que
l'article 69 n'est pas encore appliqué totalement au niveau du
secondaire, de sorte qu'au moment où on se parle vous réalisez
très bien qu'un élève peut obtenir son diplôme
d'études secondaires, s'inscrire à des études
collégiales et il peut avoir, par exemple, strictement comme bagage un
cours de mathématiques de deuxième secondaire et avoir
échoué tous ses autres cours et quand même entrer au
collégial.
Alors, vous voyez, il y a là un problème de bagage de
connaissances au niveau du diplôme d'études secondaires qui nous
est souligné et j'aimerais savoir si, au niveau de la
Fédération, vous avez une réflexion particulière
sur ce sujet-là et comment cette réalité, que je viens de
vous décrire, on peut la mettre en concordance avec votre recommandation
11. (9 h 50)
Mme Drouin: Mme la ministre, là-dessus, pour nous, il nous
apparaît important que le diplôme d'études secondaires
demeure le seuil exigible. Je pense que ce n'est pas de dire: Un le fait,
l'autre peut le faire aussi. Du préscolaire à
l'université, c'est une continuité; ça doit demeurer une
continuité. Les gens du préscolaire particulièrement vont
nous dire: Écoutez, nous autres, on prend les enfants tels qu'ils nous
arrivent de la maison. Ceux du primaire vont nous dire: On les prend du
préscolaire. Ceux du secondaire vont dire: On les prend tels qu'ils nous
arrivent du primaire; obligatoirement, à 13 ans, ils doivent passer au
secondaire. Je pense que c'est l'histoire qui se répète.
C'est pourquoi, dans notre mémoire, nous maintenons cette
affirmation que le diplôme d'études secondaires doit demeurer.
Toutefois, il y a des suggestions. Quand on parlait d'adapter la
réalité du cégep aux étudiants, on vous a
suggéré... Je parlais tout à l'heure d'une session
d'exploration, de reconnaissance d'acquis. Là, c'est
particulièrement au niveau des adultes, mais on parle aussi de
rattrapage ou de session d'appoint pour des étudiants. Il nous
apparaît important que le collégial ait cette forme de ressource,
d'aide pédagogique aux jeunes qui arrivent.
Deuxième élément de ça, vous n'êtes
pas sans savoir, vous l'avez mentionné, qu'actuellement, à
travers le plan sur la réussite éducative, on a un comité
qui est formé pour revoir des ajustements au curriculum du secondaire.
Et, là-dessus, bon, on en arrivera peut-être à
établir, je dirais, certaines régularités: on aura
peut-être une comptabilisation des 130 unités et des 150, des 180
pour qu'on ait un diplôme d'études secondaires qui soit
équivalent. Je pense que notre réseau ne souhaite pas avoir
différents paliers à un diplôme d'études
secondaires. On aura un diplôme d'études secondaires qui permettra
l'accès au collégial. Et, de notre côté, on est
à le regarder également de plus près. M. Dolbec va
compléter.
M. Dolbec (Berthier): Je pense, Mme la ministre, qu'il faut se
poser des questions sur un régime de sanction des études qui est
transitoire depuis 12 ans. On est devant une situation presque amusante
où ça fait 12 ans que le ou la ministre de l'Éducation
repousse l'application des règles de sanction des études
secondaires.
Dans les travaux que votre prédécesseur a mis en place, il
y a quelques mois, concernant le curriculum, on est en train de se demander si
on ne devrait pas avoir un format différent du cours secondaire,
où le secondaire III pourrait être une espèce
d'étape qui termine le premier cycle du secondaire et où les
quatrième et cinquième années du cours secondaire seraient
vraiment des années plus de préparation aux études
professionnelles ou aux études collégiales.
Dans notre mémoire, d'ailleurs, vous remarquerez qu'on a
souhaité que les différentes matières de la
quatrième secondaire soient mieux prises en compte dans la sanction des
études, de façon à permettre au collège de mieux
évaluer la capacité des étudiants à entreprendre
des études et de mieux préparer les services pédagogiques
dont auraient besoin ces étudiants-là.
Mme Robillard: Oublions le nombre d'unités, parce que ce
n'est pas ça qui est le plus fondamental; on pourrait rajouter des
unités et ces unités-là ne seraient pas plus
significatives au niveau du bagage de connaissances, donc. Mais vous
réalisez que le bagage de connaissances des jeunes qui arrivent au
collégial présente des écarts importants au moment
où on se parle, étant donné qu'on est dans ce
régime transitoire, comme vous dites, depuis 12 ans, et que ça
pose un problème important. Alors, sûrement qu'on aura à
revenir sur cette question et on aura aussi à prendre une
décision par rapport à la réforme du collégial.
Alors, je ne peux que vous encourager à aller rapidement dans ces
travaux au niveau du secondaire.
Si vous me permettez, Mme Drouin, j'aimerais ça aussi aborder
avec vous la question de l'harmonisation entre les ordres, n'est-ce pas, et
peut-être sous l'angle plus de la carte des enseignements professionnels;
l'harmonisation entre les ordres, dites-vous, qui a un certain problème.
Vous semblez le noter en particulier à la page 23. Peut-être que
je serais un peu en désaccord avec vous quand vous signalez que la place
qu'occupe le collégial provient en partie de la suppression d'une
année à la durée du cours
secondaire. Moi, j'ai l'impression que les choix historiques qu'on a
faits devant la place du collégial, c'est plutôt lié
à la suppression d'une septième année au niveau du
primaire que d'une année au niveau du secondaire.
Mais, ceci étant dit, vous me parlez du problème de
duplication et de concurrence au niveau de la carte des enseignements
professionnels et vous me dites: II faudrait avoir le courage politique de
mieux distribuer la formation professionnelle entre le secondaire et le
collégial, et là vous souhaitez - parce que c'est la même
ministre qui occupe les deux portefeuilles - que peut-être on va y
arriver. Je peux vous dire que, oui, Mme Drouin, on va y arriver, mais
j'aimerais savoir comment, vous, vous voyez ça de votre
côté, parce que, vous le savez, dès qu'on va faire des
changements ou une meilleure coordination, une meilleure planification, les
impacts vont se retrouver des deux côtés, autant dans les
commissions scolaires qu'à l'ordre collégial. Dans le fond,
clairement, si je vous dis qu'il y a une volonté politique de la
ministre de justement mieux planifier cette carte des enseignements
professionnels, ce que je veux savoir en clair: Est-ce qu'il y a une
volonté politique des commissaires aussi, parce que ce ne sera pas
facile?
Mme Drouin: Si je comprends dans votre intervention qu'on veut
aménager les différents programmes, je pense qu'on va vous dire
là-dessus qu'on est tout à fait d'accord. Si vous me parlez d'une
diminution de possibilités d'offrir de l'enseignement professionnel dans
chacun de nos milieux, là vous allez trouver de la réticence de
la part des gens du réseau. Pour nous, ce qui est important, c'est
qu'actuellement on constate que, dans bien des milieux, c'est vrai qu'il y a
une compétition qui s'exerce. Qu'on parie au niveau de l'administration,
de la bureautique particulièrement, qu'on regarde les contenus de
programmes qu'on donne au niveau secondaire ou au niveau collégial qui
sont, dans bien des cas, très semblables ou, en tout cas, pour une bonne
part, tout à fait semblables, il y a une pression qui s'exerce, il y a
une compétition et souvent on retrouve ça dans le même
milieu. C'est difficile. Je pense que les commissions scolaires souhaitent
particulièrement une clarification là-dessus. Je vous dis bien
une clarification des programmes pour qu'on ait une formation professionnelle
au niveau secondaire, une formation technique qui peut se situer à un
autre niveau, au niveau collégial. Je pense que là-dessus on
souhaite vraiment que ce soit clairement établi.
Et, encore là, je le répète, ça ne veut pas
dire une diminution, parce que, si vous nous dites: On va l'enlever au
secondaire, on va ne le classer qu'au collégial, vous allez trouver de
la réticence. M. Paradis.
Mme Robillard: Mais, Mme Drouin, si on parle de duplication, il
va falloir couper en quelque part. Je ne comprends pas trop votre affirmation.
Moi, je suis sur le fait qu'il doit donc y avoir une meilleure planification,
qu'il ne doit pas y en avoir, de la duplication; donc, on doit regarder les
zones de duplication. Si on clarifie ça, il va y avoir sûrement en
quelque part des changements qui vont se faire. On ne pourra pas dire: On va
clarifier et qu'il n'y aura pas de changement.
Mme Drouin: Quand je parle de clarifier, je vais vous donner un
exemple précis: pour moi, la formation de base peut se donner dans une
même discipline. La formation de base peut se donner au niveau secondaire
et le niveau collégial pourrait avoir une certaine forme de
perfectionnement. On parlait aussi dans notre mémoire d'avoir des
passerelles qui permettent au jeune qui a fait un cours au niveau professionnel
secondaire d'accéder au collégial pour une certaine forme de
perfectionnement.
Bon, dans notre milieu... Vous voyez aussi, dans notre mémoire,
on parle d'implication et de coordination entre les niveaux, un petit peu plus
d'autonomie pour que chacun puisse travailler dans son milieu. Bon, moi, je
suis de la commission scolaire des Chênes, à Drummondville, et on
a des projets. Par exemple, si on donne la mécanique automobile au
niveau secondaire, le collégial a le niveau électronique. Alors,
pourquoi nos jeunes, qui ont terminé en mécanique automobile, ne
pourraient pas passer au niveau du collégial pour faire de
l'électronique de l'automobile? On sait que nos automobiles aujourd'hui
ont beaucoup de technologie; alors, ça pourrait être une forme de
perfectionnement. Chez nous, les gens sont en train de se parier et d'organiser
des programmes en ce sens-là. Ça prend un peu de marge de
manoeuvre, de jeu pour être capable d'en arriver à ça.
Ça c'est une clarification qui peut se faire. C'est une
continuité qui peut s'exercer. C'est un exemple que je vous donne. Les
exemples sont toujours boiteux. Mais dans les autres secteurs, quand je parte
de clarification, c'est dans ce sens-là. Je pense que M. Paradis voulait
ajouter quelque chose. (10 heures)
M. Paradis (Fernand): II serait peut-être
intéressant, Mme la ministre, de rappeler que, lorsqu'on a abordé
la réforme de l'enseignement professionnel, l'une des constatations
était la suivante: il y avait des options à
répétition dans plusieurs milieux, dans plusieurs cas les options
végétaient, il n'y avait pas la clientèle qu'il fallait.
On en est venu à la conclusion qu'il fallait une meilleure distribution
des options, une carte améliorée pour faire les investissements
aux bons endroits.
Ce qu'il est intéressant de voir dans cet exercice, c'est qu'on a
laissé le temps aux gens d'harmoniser la carte et, dans 80 % à 85
% des cas, ce sont les milieux eux-mêmes qui ont
accepté une distribution qui soit plus adéquate, plus en
rapport avec les besoins du milieu. Dans 15 % des cas, il a fallu des
interventions plus directes. Il m'apparaft tout à fait normal que les
forces d'un milieu fassent valoir le poids des arguments pour conserver telle
ou telle option; ça m'apparaft tout à fait normal, mais il ne
faut pas perdre de vue que, dans 80 % à 85 %, par la dialectique, par
les échanges, on en est venu à s'entendre. Ça me semble
être un exemple intéressant et éloquent.
La Présidente (Mme Hovington): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui. Je voudrais saluer, d'une façon
spéciale, Mme Drouin, Mme Lemieux, ainsi que M. Paradis et M. Dolbec. Je
pense que vous avez dit, selon vous, qu'il s'agissait d'un mémoire
majeur. Nous, on n'en doute pas compte tenu de l'intérêt que la
Fédération a toujours eu pour les questions éducatives et
compte tenu de la représentation que vous offrez d'un ordre particulier
d'enseignement qui est les secteurs primaire et secondaire.
Pour éviter, également, les médisances des
collègues, des spectateurs ou des gens de la galerie, si je suis seul ce
matin, c'est que mes collègues sont en caucus à Sainte-Foy pour
une période de deux jours. Donc, ce n'est pas par manque
d'intérêt. Non, sincèrement, le Parti
québécois a un caucus présessionnel de deux jours et mes
collègues, qui ont suivi attentivement la commission, la
députée de Terrebonne et la députée des
Chutes-de-la-Chaudière, s'excusent auprès des intervenants, ce
n'est pas par manque d'intérêt.
Cette mise au point étant faite, je veux aller tout de suite sur
le fond des choses pour avoir le temps d'échanger parce que je pense,
comme vous l'avez dit, que vous avez un mémoire qui fait d'excellentes
recommandations et qui touche des sujets sur lesquels les membres de cette
commission souhaitaient recevoir des éclairages. À certains
égards, on en a eu; à d'autres égards, il faut questionner
davantage.
Je voudrais revenir sur une question qui m'apparaît importante
parce qu'elle a été soulignée à peu près par
tous et j'estime que vous êtes probablement les plus habilités
à nous en parler davantage; la ministre l'a fart, j'y reviens. Ce n'est
pas que je n'aie pas compris ce que vous avez dit, Mme Drouin, mais, moi,
ça ne m'apparaft pas suffisant compte tenu de votre expérience,
cette critique voulant que les étudiants qui arrivent au
collégial soient plutôt mal préparés. Je n'en suis
pas sur le fait d'évaluer: ont-ils tort, ont-ils raison? Les gens du
second cycle du secondaire peuvent dire la même chose du premier cycle du
primaire ou du second cycle du primaire quand tu es au secondaire; ce n'est pas
ça, la question.
La question fondamentale, c'est qu'on constate tous que le diplôme
d'enseignement secondaire n'a pas souvent la qualité souhaitée
pour être l'unique seuil d'entrée au collégial. Là,
vous avez répondu: On ne peut pas avoir deux ou trois niveaux
d'entrée; on n'en disconvient pas, on est tous d'accord. Il n'y a
personne qui prétend, d'après moi - je n'ai pas entendu ça
- qu'il faille avoir deux ou trois niveaux de diplôme d'études
secondaires. La question très précise qu'il faut évaluer,
c'est: est-ce qu'on doit rehausser la qualité du D.E.S., que vous
connaissez autant que moi, qui est le diplôme d'enseignement secondaire,
pour celles et ceux qui choisiront d'aller au collégial? C'est
là-dessus qu'on aimerait avoir un avis de votre part, compte tenu de
votre expérience et compte tenu que vous représentez l'ensemble
des commissions scolaires. Oui ou non, faut-il rehausser le quantum
d'éléments, qu'on appelle des unités, à
l'intérieur d'un D.E.S., pour celles et ceux qui iront au
collégial? Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Drouin: Je pense qu'actuellement vous dire oui
carrément, ce serait avouer que ce qu'on donne au secondaire n'est pas
correct. Alors, je pense qu'actuellement on a quand même une bonne
formation de base. Il peut y avoir des aménagements et c'est à
travers ces aménagements-là, comme M. Dolbec l'expliquait tout
à l'heure, qu'on pourra peut-être regarder davantage ce qui peut
faire partie de la formation de base dans les trois premières
années du secondaire particulièrement et des ajustements pour
permettre l'accessibilité au collégial.
Je pense que, nous, au niveau du réseau secondaire, on souhaite
quand même - d'ailleurs, dans mon discours de la rentrée scolaire,
j'en parlais - une école qui soit plus rigoureuse, plus attentive aux
besoins des jeunes. Ce qu'on souhaiterait, c'est qu'il n'y ait pas de coupure
entre les deux niveaux, non plus, au niveau secondaire et collégial.
C'est pour ça qu'on souhaiterait que le collégial ait des mesures
pour accepter les jeunes qui ont peut-être des difficultés. Vous
savez, le jeune qui est rendu à 17 ans, au niveau du secondaire, on nous
demande beaucoup d'encadrement, on nous demande beaucoup de suivi, au niveau
des jeunes, et, dès que celui-ci se présente en collégial
I, tout cet encadrement tombe. Et même dans notre mémoire on parie
d'avoir des groupes stables, si possible, au niveau de la première
année du collégial, d'avoir un suivi plus attentif au jeune et
à ses besoins.
M. Gendron: Mme Drouin, vous avez raison de toucher ça,
sincèrement, mais je prétends que c'est un autre ordre de
problèmes, parce qu'il y a beaucoup de gens qui nous ont dit: II n'y a
pas assez de mesures d'encadrement. Vous avez raison, moi, il n'y a quasiment
pas de mémoires où je n'ai pas évoqué cette
réalité: pas assez de soutien au niveau de l'aide
pédagogique, pas
assez d'âme dans certains collèges. Bon, ça, c'est
une chose, c'est ce qu'on appelle les mesures assistées, les mesures
d'encadrement. Mais, pour celles et ceux qui portent le jugement que, permettre
à des jeunes d'aller au collégial avec le D.E.S. que nous
connaissons, c'est les placer dans des conditions de non-réussite
scolaire, c'est là-dessus que j'aurais aimé que vous portiez un
jugement. Tout doit être nuancé. Je n'essaie pas de vous dire -
parce que je connais le milieu secondaire très bien aussi - que je suis
prêt à condamner ce qu'on donne comme formation de base au
secondaire, je n'ai jamais dit ça. Je dis ceci: Les intervenants qui
étudient la question qu'on étudie ont fait le constat qu'il y a
trop de jeunes qui n'ont pas les éléments de base qu'il faut pour
accéder à ce que j'appelle le niveau d'entrée à des
études un peu plus élevées, soit pour de la formation de
base, soit pour de la formation technique qui s'appelle le collégial. Et
la question qu'on doit poser, même si on reconnaît que ça va
prendre d'autres affaires: mesures d'encadrement, plus de ci, plus de
ça: Sur le contenu du D.E.S., est-ce que la Fédération a
une position, en disant: Nous, on n'aurait pas d'objection à ce qu'il y
ait un diplôme d'enseignement secondaire qui soit rehaussé pour
tous? Tant mieux pour ceux pour qui ça sera terminal et tant mieux pour
ceux qui feront le choix d'aller au collégial, ils seront dans des
meilleures conditions de réussite. Partagez-vous ce point de vue
là? C'est ça que je veux savoir.
Mme Drouin: M. Dolbec voulait ajouter des choses.
M. Dolbec: Je voudrais vous rappeler qu'on disait il y a quelques
instants que le régime de sanction des études qui avait
été développé en 1980, on n'a jamais
été capables de l'appliquer et que tous les ministres de
l'Éducation en ont reporté l'application. Il nous apparaît
difficile aujourd'hui de penser qu'on serait à une étape
où on est capables de hausser les exigences pour l'obtention du D.E.S.
Quand on met en relation également le taux de décrochage scolaire
et le taux d'échec actuellement au cours secondaire, quand on met
ça en perspective avec le plan d'action sur la réussite
éducative du ministre de l'Éducation qui nous convie à
permettre à un pourcentage beaucoup plus élevé
d'étudiants d'obtenir le O.E.S. au cours des prochaines années,
il m'apparaît difficile d'envisager que, simultanément, on
amènerait des exigences nouvelles par rapport à l'obtention du
D.E.S.
M. Gendron: Donc, vous prétendez.... Parce que, si on vous
demandait pourquoi les ministres qui se sont succédé n'ont pas
réglé le problème que vous venez de soulever, c'est
relié, selon vous, à un niveau de réussite. C'est ce que
vous dites.
M. Dolbec: Je pense que oui. Je pense que c'est très
intimement relié au fait qu'on n'a jamais été capables
d'envisager qu'on créerait un taux d'échec plus
élevé en adoptant les règles de sanction des études
qui étaient prévues.
M. Gendron: Puis votre avis là-dessus, pensez-vous qu'on
devrait le faire pareil?
M. Dolbec: Adopter, appliquer ces règles de sanction
là?
M. Gendron: Oui.
M. Dolbec: Je pense que la commande de la société
est à l'opposé de ça. Actuellement, la
société nous demande de conduire plus d'élèves
à l'obtention du D.E.S., de prendre les moyens pour leur permettre de
réussir et d'obtenir le D.E.S. afin qu'ils puissent soit poursuivre des
études supérieures, soit obtenir une formation
professionnelle.
M. Gendron: Merci là-dessus. À la page 17 de votre
mémoire - ce n'est pas nécessaire de vous y
référer, mais c'est à votre goût - vous avez
indiqué: «II y aurait lieu de questionner la place qu'occupent
l'enseignement de l'éducation physique et de la philo dans le cours
collégial ainsi que l'orientation des cours de français...»
Et là, rapidement, vous dites: II faut questionner ça, mais, pour
les cours de français, c'est vers l'étude d'autres types
d'oeuvres. Donc, autrement dit, vous souhaitez une modification au type de
cours de français sans requestionner le fondement même de la
nécessité de. Mais je ne suis pas sûr que c'est ce que vous
voulez dire également pour l'éducation physique et les cours de
philo; on n'en entend plus parler après, dans votre mémoire. (10
h 10)
Vous dites: II faut requestionner ça. Bon, merci beaucoup. Mais
dans quel sens? Parce que questionner un cours de philo et un cours
d'éducation physique, vous savez que ça fait partie du
débat. J'aimerais ça avoir votre point de vue. Vous êtes en
éducation, vous connaissez le milieu, vous rencontrez des agents
éducatifs depuis moult années, et c'est aussi vrai pour à
peu près au moins les trois que je connais le plus, M. Paradis, Mme
Drouin et Mme Lemieux. M. Dolbec a l'air plus jeune.
Mme Drouin: Merci beaucoup. Ha, ha, ha!
M. Gendron: D'une couple d'années. Ha, ha, ha!
Mme Drouin: II ne faut pas toujours se fier à l'air, vous
allez voir...
M. Gendron: Non, sérieusement, c'est que, Mme Drouin,
j'aimerais que vous nous indiquiez
dans quel sens vous requestionnez la pertinence ou pas des cours de
philo. C'est en termes de quantum, d'unités, de cours obligatoires ou
pas? Tu sais, un peu plus d'indications parce que, là-dessus, on va
avoir besoin, à un moment donné, d'atterrir concrètement
dans la rétention des orientations qui nous sont données. On les
retient ou on ne les retient pas? Pour ça, ça nous prend un petit
peu plus d'indications mordantes. Avez-vous l'intention de mordre
là-dessus ce matin?
Mme Drouin: Au niveau du français, je pense que vous
l'avez dit, il n'est pas question de l'abolir; c'est peut-être un
ajustement particulièrement au niveau de la formation technique. Ce
qu'on souhaite, c'est qu'il y ait un petit peu plus de souplesse
peut-être pour que ces jeunes acquièrent leur maîtrise de la
langue française, mais dans des secteurs qui suscitent peut-être
chez eux un plus grand intérêt. Ça pourrait être des
oeuvres scientifiques ou techniques qui les intéressent
particulièrement, pousser un petit peu plus de ce
côté-là, parce qu'il nous apparaît bien important que
le diplômé du collégial doit avoir une très grande
maîtrise de la langue française. On ajoute même la langue
anglaise et même une autre langue, si c'est possible, au niveau de la
culture générale.
Pour ce qui est de la philosophie, vous remarquez en page 17 justement,
dans notre troisième paragraphe, que ça pourrait être une
forme d'évolution de cette philosophie qui irait plutôt du
côté de la sociologie où on souhaiterait qu'on
développe une connaissance plus large de la culture
québécoise et aussi une meilleure connaissance, une acceptation
des autres cultures. Ce serait peut-être dans ce sens-là qu'il
pourrait y avoir une adaptation du cours de philosophie.
Quant à l'éducation physique, on ne souhaite pas
carrément qu'elle soit abolie, mais ce qu'on souhaiterait, ce qu'on
demande, c'est qu'il y ait plus de flexibilité dans l'application au
niveau collégial avec comme objectif, par exemple, de soit maintenir ou
susciter des bonnes habitudes de santé ou d'exercice chez le jeune;
qu'il y ait un cours d'éducation physique, d'alimentation, qu'on se
rattache particulièrement à la santé et aux bonnes
habitudes de vie du jeune à travers le cours collégial.
M. Gendron: Donc, votre réserve, si je comprends bien -
mais je ne veux pas interpréter - c'est plus dans l'adaptation des
contenus que dans l'élimination carrément des cours de philo ou
d'éducation physique. C'est plus ça, votre point.
Mme Drouin: C'est l'adaptation des contenus et l'adaptation aussi
du temps qu'on y consacre. Au niveau de l'éducation physique, ce ne
serait pas nécessairement une période par session, mais qu'on ait
le souci de la santé et des bonnes habitudes de vie des jeunes.
M. Gendron: Merci de votre avis à ce sujet-là.
Autre question: en formation professionnelle, je vous avoue que c'est toujours,
je pense, requis que nous abordions cette question-là avec, encore
là, plus de clarté, plus de précision parce qu'on ne
pourra pas, année après année, se dire les mêmes
choses sans qu'il se pose des gestes, sans qu'il se prenne des
décisions. J'ai deux questions sur la formation professionnelle. Bon, la
première, c'est évident que de redire à nouveau - et je
répète, ce n'est pas contre vous, mais c'est le pourquoi - en
page 31: «Un important effort de promotion et de revalorisation de la
formation professionnelle s'impose au Québec»... S'il y a
quelqu'un qui en est, c'est moi et vous, je pense. Moi, là, je vous
connais. Vous dites que vous êtes la Fédération des
commissions scolaires, vous êtes décentralisés, vos membres
sont les commissions scolaires du Québec qui en font. C'est quoi, leur
problème pour ne pas avoir mis l'accent là-dessus depuis une
couple d'années? Qu'est-ce qui manque? Qu'est-ce qui fait que les
commissions scolaires n'ont pas été en mesure de vendre d'une
façon très forte la revalorisation de la formation
professionnelle?
Parce qu'il y a des causes du gouvernement, le mêlage, ça,
je connais ça. On a juste à monter dans votre page 31, trois
paragraphes plus haut, vous dites: La formation professionnelle de la
main-d'oeuvre devra faire l'objet d'une étroite collaboration entre les
ministères. Ce n'est pas le cas, c'est malheureux. Ce bout-là, on
le sait. Mais, ce bout-là, ce n'est pas vous autres. Je ne peux pas...
Pour le vrai, on l'a dit dans d'autres commissions, ça n'a pas de bon
sens, ce mêlage de pieds là entre le ministère de la
Main-d'oeuvre et l'Éducation qui est tassée, bon. Mais, pour ce
qui vous concerne, qu'est-ce qui vous manque, comme fédération,
pour vous assurer d'une meilleure promotion forte et d'une meilleure
revalorisation de la formation professionnelle?
Mme Drouin: Bon, ce qui nous manque... Remarquez que, vous l'avez
dit vous-même, on a fait beaucoup de promotion depuis
particulièrement les deux dernières années. Il reste que
la formation professionnelle a été malmenée
également, soit par les étudiants qu'on y envoyait ou, encore,
par, je ne sais pas, désintéressement tout simplement des jeunes.
Les parents n'étaient peut-être pas aussi collaborateurs non plus
dans ce secteur-là. Mon fils, tu vas aller à l'université,
et c'était tout ce qui comptait. Bon, il y a beaucoup
d'éléments qui peuvent expliquer la situation de la formation
professionnelle. C'est le passé. Qu'est-ce qu'on peut faire? De plus en
plus, on essaie de s'impliquer. Je dis bien: On essaie, parce que, pour nous,
il manque un petit
peu cette coordination. C'est pour ça qu'on parlait, au niveau
des collèges, au niveau des écoles secondaires, qu'il y ait une
certaine autonomie qui leur permette d'agir dans leur milieu, qu'il y ait une
implication des collèges et des commissions scolaires dans leur milieu,
avec les gens d'affaires de leur milieu, pour être capables de
développer ensemble... Je pense qu'on est rendus au niveau où il
faut que chacun relève ses manches et se prenne en main.
Là-dessus, il ne faudra pas, non plus, avoir des freins de la
part de cartes qui nous obligent à suivre un certain modèle. Moi,
je souhaiterais que, dans un milieu donné, si le milieu de l'industrie
le souhaite et qu'on peut s'entendre avec une commission scolaire pour mettre
sur pied un cours de formation, de perfectionnement, on puisse le faire. Je
pense qu'H faut laisser une certaine autonomie dans ces milieux-là.
M. Gendron: Ça me va, mais ça signifie que vous
seriez prêts à faire un peu plus comme directive ou direction
à donner aux commissions scolaires, si on veut qu'il y ait plus de
jeunes qui fassent le choix d'une meilleure formation professionnelle, surtout
au secondaire parce que, pour en avoir en formation technique au
collégial, il faut en rentrer - excusez l'expression - en formation
professionnelle au niveau secondaire. Actuellement, on est encore alentour de
15 000 ou 16 000 si on regarde les vrais chiffres. Je ne parle pas des adultes,
mais que, sur 500 000 jeunes qui fréquentent nos institutions scolaires,
primaire et secondaire, il y en ait 15 000 ou 16 000 à l'enseignement
professionnel, c'est un drame social. Ça n'a pas de bon sens. Il faut
corriger ça. Il faut poser les gestes. Il faut arrêter de...
Ça fait des années qu'on dit: Oui, elle s'est fait massacrer.
C'est vrai. C'est vrai il faut la revaloriser. Mais, là, il faut prendre
les moyens de la revaloriser. Il faut que ça devienne un
«commitment», excusez l'expression, mais un ordre, et que tout le
monde fasse des efforts. Croyez-vous que c'est possible?
Mme Drouin: Je pense qu'il y a Mme Lemieux et M. Paradis qui
veulent intervenir.
Mme Côté-Lemieux (Lise): Oui. En fait, ce à
quoi on assiste actuellement, c'est peut-être des effets de ce qu'on a
vécu dans les années antérieures. Ce que je veux dire,
c'est qu'il y a eu sûrement une négligence, mais pas seulement...
Je pense que les commissions scolaires peuvent prendre leur part
là-dedans, mais les commissions scolaires, elles sont quand même
le reflet de la société dans laquelle on vit. Et puis, on a
vécu une espèce de... Je pense qu'on était partis pour la
gloire, à un moment donné. Tout le monde devait aller le plus
loin possible, puis je veux dire, ce n'était pas très bien vu de
se contenter, pour son enfant, d'un diplôme d'études
professionnelles au secondaire.
Depuis - vous y avez fait référence vous-même - une
couple d'années, je pense qu'on assiste maintenant, à la fois
dans la société, mais beaucoup dans les commissions scolaires,
à une prise en charge de cette idée-là que c'est
important, pour notre survie comme société puis notre place,
qu'on se donne des outils et qu'on outille nos gens pour qu'ils soient de bons
employés dans différents domaines. Mais, évidemment, ces
tendances-là, ce n'est pas parce qu'on le souhaite tout le monde et
qu'on le pense à un moment donné qu'on va avoir le
résultat demain matin. J'ai comme l'impression qu'on est engagés
là-dedans, mais qu'il faut y mettre vraiment beaucoup d'efforts et
là, j'en conviens, que nous, on a notre part là-dedans. En
faisant abstraction de toutes les autres contraintes qu'il peut y avoir, nous
aussi, je pense qu'on a à prendre notre responsabilité
là-dedans. (10 h 20)
M. Gendron: Merci, Mme Lemieux. J'ai une autre question dans le
cadre du temps qui nous est imparti. Vos cadres scolaires - vous travaillez
avec eux autres, vous avez des relations constantes avec eux autres - ils sont
venus nous faire une suggestion un petit peu originale, assez unique, de dire:
Ecoutez, on devrait prendre vraiment une décision majeure: on garde une
formation professionnelle et de base plus pointue au secondaire, on
élimine le cégep et on fait du préuniversitaire, en gros
là. Et l'Association des cadres scolaires, à date, était
le seul mémoire qui disait: Bien, c'est de même que ça
devrait se passer pour telle et telle raison. Avez-vous un avis sur leur
avis?
Mme Drouin: C'est leur avis.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Pas si pire! Merci.
La Présidente (Mme HovJngton): Merci, Mme Drouin. M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: Merci, Mme la Présidente. En tout premier
lieu, j'aimerais saluer Mme Drouin, Mme la présidente, Mme Lemieux, M.
Paradis, M. Dolbec qui, entre parenthèses, M. le député
d'Abitibi-Ouest, est beaucoup plus vieux qu'il n'en a l'air puisqu'on a
travaillé ensemble...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: S'il a votre âge, ça ne fait aucun
doute.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Je ne savais pas.
M. Maltais: Sauf que nous avons des
apparences de jeune homme. Il me fait plaisir de saluer des gens de la
Fédération, moi qui ai passé un bout de temps de ma vie
à la Fédération, et je sais tout le travail, la somme de
travail que vous apportez au niveau pédagogique, au niveau des
commissions scolaires. Il y a un point, on dirait, qui a été
tabou, qu'on n'a pas voulu trop...
La Présidente (Mme Hcvington): Un peu plus fort, s'il vous
plaît, on ne vous entend pas beaucoup.
M. Maltais: C'est le micro qui était trop haut.
La Présidente (Mme Hovington): Voilà! M.
Maltais: Là, ça va mieux aller.
La Présidente (Mme Hovington): Bon. Parfait!
M. Maltais: II y a un petit point que j'aimerais aborder avec
vous parce qu'on a semblé vouloir le passer un petit peu loin de la
table ou on n'a pas eu le temps de l'aborder: le phénomène du
décrochage scolaire. Ça commence, dans notre cycle de la
Fédération, de la prématernelle à aller au
secondaire V et, vous savez, ce n'est pas en mettant la faute sur les autres
continuellement... Si on avait une fédération de
prématernelle qui venait en commission parlementaire, elle nous dirait
que c'est les parents qui sont responsables de la mauvaise préparation
des enfants de la prématernelle qui vont tomber à la maternelle
l'année suivante. Mais, moi, ce n'est pas dans ce but-là que...
Mais il y a un phénomène au Québec, qui est quand
même dramatique, à mon avis, c'est le décrochage scolaire.
Comment, d'après vous autres, se fait-il que le décrochage
scolaire se fait en majorité entre le secondaire III et le secondaire V,
si on regarde certaines statistiques? Et, moi, ça m'inquiète
drôlement parce que c'est là que vraiment, à partir du
secondaire III, on demande une plus grande force... Par chez nous, on appelait
ça des «ball bearing» d'intellectuels. C'est là qu'on
demande une plus grande force à l'élève pour se
préparer finalement pour son diplôme de secondaire V. C'est le
phénomène qu'on rencontre puisque c'est des enfants de 14, 15, 16
ans et c'est quand même une partie fort importante de notre
société québécoise. Est-ce que, d'après
vous, ça veut dire que la société n'est pas prête,
enfants comme adultes, à tout terminer son secondaire V? Est-ce qu'il ne
devrait pas y avoir une échappatoire, comme vous l'avez
suggéré, au niveau du secondaire III? Ou est-ce que le
phénomène du décrochage scolaire, on l'accepte comme chose
permanente et il n'y a rien à faire avec ça? Qu'est-ce que vous
pensez de ça, Mme Drouin?
Mme Drouin: Je pense que ce problème de décrochage
scolaire, c'est une de nos plus grandes préoccupations à l'heure
actuelle. Remarquez que c'est facile, comme vous dites, de mettre toujours la
faute sur les autres, sur nos prédécesseurs. C'est vrai que
l'école est le reflet de la société aussi. Vous dites que
ça se voit particulièrement au niveau du secondaire III, IV et V.
C'est vrai parce que c'est là que les effets se font sentir, mais je
vous assure qu'il y a des enseignants du niveau primaire, avec des petits
jeunes de 2e ou 3e année, qui sont déjà capables de
déceler que c'est des jeunes décrocheurs potentiels. Alors, pour
nous, je veux dire que c'est une très grande préoccupation. On a
peut-être déshumanisé un peu notre école. On tend
à essayer d'encadrer plus le jeune. Le jeune se sent vraiment
démuni souvent, pas simplement au niveau du support intellectuel, mais
au niveau d'un support personnel qui pourrait lui être accordé.
Bon. On ne parlera pas toujours des familles désunies,
reconstituées et le reste, mais souvent le jeune se trouve perdu et H a
besoin de support. Alors, c'est pour ça qu'on était très
heureux de participer au plan sur la réussite éducative et, nous,
on a particulièrement fait ressortir des moyens comme l'encadrement au
niveau du secondaire, le titulariat. C'est des formules qu'on encourage
très fortement dans nos commissions scolaires. On sait que ça ne
peut pas être institutionnalisé actuellement à cause des
conventions collectives, mais je vous assure qu'on va faire tout ce qu'on peut
pour essayer d'y arriver. Ça nous apparaît important.
Tout ce qu'on peut souhaiter... On a eu 42 000 000 $ cette année,
comme point de départ pour nous aider à réaliser des
projets, et on souhaite - pas simplement on souhaite - on demande et on insiste
pour que cet argent-là soit encore répété
d'année en année, parce que le décrochage, on ne le
réglera pas dans un an. Je pense que c'est un plan à long terme,
et je peux vous dire qu'on est très fiers de voir que le gouvernement a
compris que les moyens qui devraient être mis en place devraient relever
de chacun des milieux. On l'a prêché pendant un an. Moi, je l'ai
dit sur toutes les tribunes que ça ne prenait pas des mesures nationales
pour régler ça, que c'était dans chacun des milieux.
Actuellement, chaque commission scolaire établit son propre plan
d'action pour contrer le décrochage, et je crois beaucoup à ces
moyens-là. J'ai toujours dit que plus on était près du
problème, plus on était près de trouver la solution la
mieux adaptée pour régler ce problème-là. Et on
vous demande, justement, de continuer. Ne nous lâchez pas! On est partis
sur une bonne voie, il faut que ça se continue.
M. Maltais: Merci, Mme Drouin. Une dernière petite
question.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, c'est
tout le temps que nous avons.
M. Maltais: Juste une petite dernière, Mme la
Présidente. Il reste encore deux, trois minutes, s'il vous
plaît.
La Présidente (Mme Hovington): Non, notre temps
écoulé.
M. Maltais: Moi, Mme la Présidente - et M. Dolbec
était là à ce moment-là - de 1972 à 1980,
à l'époque où on construisait des immenses écoles
au Québec, j'étais contre le principe de regrouper dans des
écoles 2000, 2500, 3000, 3500 élèves, mais tous les hauts
fonctionnaires du ministère de l'Éducation, à ce
moment-là, nous disaient que c'était bien et qu'il y avait une
croissance de la population. Les chiffres étaient là. Mais
ça s'est avéré un petit brin faux, ce qui fait que, moi,
dans mon comté, comme dans la ville de Baie-Comeau que M. Dolbec
connaît très bien, dans une polyvalente de 2500
élèves, il y a à peine 1000 élèves. Comment
vous vivez ça à la grandeur du Québec? Parce que ce n'est
pas juste à Baie-Comeau qu'il y a moins d'élèves qu'il
n'en avait été prévu dans le livre des hauts
fonctionnaires. Ça doit être la même chose en Abitibi.
Ça doit être la même chose à Montréal ou
à Québec. Comment peut-on rendre vivable une bâtisse pour
2500 élèves s'il y en a 1000 dedans? Est-ce que ça n'a pas
l'air de fourmis éparpillées un peu partout? Comment vous pouvez
vivre ça?
Mme Drouin: Regardez, quand on a voulu regrouper ces
jeunes-là, c'était important de le faire pour leur offrir des
meilleurs services. On a pu équiper nos écoles de meilleurs
laboratoires et tout ça. Je pense qu'on ne reviendra pas
là-dessus. Comment on le vit actuellement? Je peux vous dire qu'on fait
de petites écoles dans de grandes écoles. On essaie de diviser.
Physiquement, on ne peut pas mettre des murs à terre, on ne peut pas en
démolir la moitié. Alors, on regroupe les élèves.
Règle générale, c'est ce que les gens font. Ils regroupent
les élèves du même cycle ou du même âge dans
une aile de l'école pour qu'ils aient leur petite école dans la
grande école. On peut créer deux, trois petites écoles
dans une grande école. Je pense que c'est la meilleure formule parce que
les bâtisses sont là et il faut vivre avec.
M. Maltais: La dernière école de rang dans une
grande école.
Mme Drouin: Si vous voulez.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Maltais: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, Mme
Drouin. Merci, M. le député de Saguenay. En conclusion,
Mme la ministre.
Mme Robillard: Mme la présidente de la
Fédération des commissions scolaires, je veux vous remercier
d'être venue échanger avec nous en commission parlementaire. Je
veux dire à M. Dolbec de façon particulière que ses
avancés au niveau de la commission concernant des règles de
sanction au secondaire m'ont particulièrement troublée et que,
sûrement, nous allons avoir à discuter plus longuement de ce
sujet-là, surtout quand on le met en lien direct avec le taux de
réussite. Alors, sûrement que dans les semaines qui viennent nous
aurons à approfondir ce sujet. Merci d'être venus.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, au nom des membres
de la commission de l'éducation, merci d'être venus nous
présenter votre mémoire qui saura sûrement éclairer
le futur changement au niveau collégial. Au revoir. Bonne
journée. J'inviterais M. Pierre Brunet, président du Conseil
national des ambassadeurs des cégeps du Québec, à bien
vouloir prendre place. Nous allons suspendre une minute.
(Suspension de la séance à 10 h 30)
(Reprise à 10 h 32)
Conseil national des ambassadeurs des cégeps du
Québec
La Présidente (Mme Hovington): Nous recevons le Conseil
national des ambassadeurs des cégeps du Québec,
représenté par M. Brunet, président. Vous êtes le
porte-parole? Bonjour, M. Brunet.
M. Brunet (Pierre): Bonjour.
La Présidente (Mme Hovington): Voulez-vous nous
présenter vos accompagnateurs?
M. Brunet: J'ai, à ma droite, M. Réjean Fortin, du
cégep de Victoriaville; M. Fortin est directeur du service de la
formation aux adultes et aux entreprises à Victoriaville, et M.
Gaétan Boucher, à ma gauche, qui est directeur
général de la Fédération des cégeps.
La Présidente (Mme Hovington): Bienvenue à la
commission de l'éducation. Vous avez 20 minutes pour nous
présenter votre mémoire.
M. Brunet: Je vais tenter de prendre moins de 20 minutes et
d'être très ponctuel dans mes remarques. Je présume que
vous avez lu avec beaucoup d'intérêt tous les mémoires, y
compris le mien et le nôtre. Donc, j'aimerais attirer l'attention, dans
le sens que je voudrais faire
mes remarques en fonction de la formation technique et professionnelle.
Et peut-être indiquer, en partant, que nous vivons une période
économique excessivement difficile dans l'ensemble du monde
international et que nous faisons face à de nouvelles
réalités. Donc, si les entreprises et les employés doivent
s'adapter aux nouvelles réalités, il est essentiel aussi que les
cégeps s'adaptent aux nouvelles réalités.
Autrement dit, ce que j'aimerais dire, c'est que notre position, comme
ambassadeurs, ce qui est tout nouveau, pour faire la relation entre les
cégeps et le monde des affaires, c'est de s'assurer, d'une certaine
façon, que la croissance économique et le développement du
Québec se fassent en harmonie avec les programmes de formation technique
et professionnelle.
Donc, je voudrais peut-être, en commençant, vous dire ou
vous exprimer mon opinion sur l'évolution économique des
prochaines années. Sûrement qu'il y aura reprise, mais elle sera
lente. Nous vivons une période de compétition intense dans le
monde international; le libre-échange nous amène à
modifier les entreprises. Donc, on voit tous les jours le chômage monter
et, en même temps, un manque de main-d'oeuvre spécialisée.
Donc, à travers toute cette évolution économique, les
nouveaux mots ou l'argumentation qu'on doit faire, pour les entreprises et les
travailleurs, c'est de dire: Bon, bien, on fait face à une grande
concurrence. Nous devons améliorer la productivité; nous devons
être plus performants, avoir des produits de meilleure qualité et
être en mesure d'être efficaces et de rationaliser. Si c'est vrai
pour les entreprises et les travailleurs, ça devrait être vrai
aussi pour les cégeps pour qu'on puisse arriver à arrimer
ensemble les besoins économiques du Québec et les besoins de
main-d'oeuvre spécialisée.
Laissez-moi simplifier la situation en vous expliquant le paradoxe d'une
certaine façon. C'est que, d'un côté, au Québec,
nous avons un chômage à la hausse; de l'autre côté,
nous avons un manque de main-d'oeuvre spécialisée. Par contre, si
je prends l'infrastructure des cégeps, nous avons en place, et je vais
simplifier et vous me permettrez d'arrondir les chiffres aux centaines de
millions, parce qu'on est au gouvernement, ici, on peut se permettre ça,
on va simplifier en disant que le budget total des cégeps est de 1 200
000 000 $, qu'il y a 300 000 000 $, grosso modo, qui servent pour le service de
la dette, et les 60 % d'opérations des 900 000 000 $ servent à la
formation technique et professionnelle. Donc, par année, au
Québec, dans 46 cégeps bien positionnés dans toute la
géographie du Québec, il se dépense, grosso modo, 500 000
000 $ pour la formation technique et professionnelle.
Si un gouvernement arrivait un jour avec un projet et disait: Je mets en
place une structure de 500 000 000 $ pour la formation technique et
professionnelle, on se ferait traiter de
Japonais, ça serait une réussite incroyable. Le paradoxe,
c'est que ça existe, ça fonctionne, mais l'enlignement entre les
besoins, disons, de l'économie québécoise, les besoins de
la main-d'oeuvre spécialisée ne se fait pas. Il y a plusieurs cas
exceptionnels qui se font, l'exemple de Bombardier à La
Pocatière, l'exemple de Pratt & Whitney à Longueuil,
l'exemple des pâtes et papiers à Trois-Rivières, et il y en
a d'autres.
Mais il faut arriver à définir l'ensemble des besoins
économiques du Québec en fonction de formation technique et de
main-d'oeuvre. Or, si je me permettais peut-être un petit rêve, en
disant: Si, avec le ministère de l'Industrie et du Commerce, il y avait
moyen d'établir, dans les mois qui viennent, notre vision des cinq, six,
sept prochaines années, et les besoins économiques en fonction de
main-d'oeuvre spécialisée, de les déposer en fonction
peut-être de l'expression des «grappes industrielles», et
ensuite de se donner un objectif global qu'on peut transférer à
l'ensemble des cégeps et de leur donner une mission en fonction de ces
besoins, je pense qu'on réussirait, entre parenthèses, à
la japonaise, à mettre en place quelque chose qui est déjà
là, en fonction des besoins économiques.
Alors, c'est, d'une façon générale, la remarque que
je voulais faire, puisque la formation technique et professionnelle est
essentielle à l'évolution économique du Québec.
C'est quelque chose qu'il ne faut absolument pas négliger. D'autant plus
que les entreprises ont des torts également, parce que les entreprises
n'ont pas non plus dépensé ce qu'il fallait, en termes de
formation.
Donc, si on veut réussir ces choses-là en les mettant
ensemble, je pense qu'il y a moyen, en changeant l'attitude et en changeant la
volonté, de réaliser cette chose-là.
Alors, permettez-moi maintenant de résumer très rapidement
les huit recommandations principales, comme suit: Premièrement, que le
système scolaire favorise davantage la formation professionnelle et
technique, qu'il facilite le passage du secondaire professionnel au
cégep technique et améliore l'harmonisation des programmes, et
que le tout se fasse en fonction des besoins économiques du
Québec, comme je l'exprimais tantôt.
Deuxièmement, que des projets de stages en milieu de travail ou
de formation qui allient travail et études soient mis en oeuvre en
collaboration avec les entreprises et les syndicats. Plus il y aura de stages,
plus on aura de compétence, plus il y aura de réalisations entre
la théorie et la pratique.
Troisièmement, que la formation générale soit
améliorée au niveau du secondaire et du cégep et que les
exigences de l'apprentissage soient rehaussées. Dans l'entreprise, on
note tout de suite que quelqu'un qui a une formation de base adéquate
apprend beaucoup plus rapidement et est beaucoup plus efficace. Alors, je
pense
qu'il faut devenir beaucoup plus exigeant face à la formation
générale de base. (10 h 40)
Quatrièmement, que le système d'enseignement
collégial soit assoupli pour s'ajuster aux exigences des adultes qui
retournent aux études. Comme je vous le disais tantôt, le
chômage s'accroît. Parmi ces personnes, il y a des personnes
compétentes qui peuvent s'adapter du côté de la formation
technique et professionnelle et refaire les choses. Donc, il faudrait s'assurer
que les programmes tiennent compte de ça.
Cinquièmement, que le gouvernement procède rapidement
à la création de nouveaux centres spécialisés et
à l'amélioration de ceux qui existent déjà dans le
but de renforcer le partenariat entre le milieu des affaires et l'enseignement
collégial. Évidemment, le tout après avoir fait les
inventaires dont je parlais tantôt pour s'assurer qu'on respecte les
objectifs.
Sixièmement, qu'une décentralisation confère aux
cégeps des pouvoirs supplémentaires en matière de
programmes et de gestion des ressources humaines et financières. Cette
recommandation a le double mérite de donner aux cégeps la marge
de manoeuvre nécessaire à la réalisation optimale de leur
mandat et de leur donner la possibilité de se différencier et de
se livrer à une saine concurrence. La décentralisation dont je
parie ici, il faut qu'elle respecte également les objectifs de
l'ensemble, ne pas laisser chacun se décentraliser avec des objectifs
particuliers, mais que la décentralisation se fasse en fonction d'un
plan global donnant des responsabilités précises à chacun
des cégeps.
Septièmement, que les pratiques d'évaluation des
programmes, des apprentissages, des établissements et des encadrements
du réseau soient renforcées et généralisées.
Cette recommandation s'accompagne de la création peut-être d'un
organisme externe chargé de valider l'évaluation et de publier
les résultats. La qualité, ça se réalise par la
productivité et la productivité est le signe de l'excellence.
Donc, II faut absolument qu'on devienne beaucoup plus exigeant et que ces
pratiques d'évaluation soient mises en place pour qu'on soit plus
compétitif face à la concurrence extérieure.
Et enfin, dernière recommandation, que les sources de financement
actuelles des cégeps soient revues à la lumière des
nouvelles exigences de leur mission, quitte à élargir et à
diversifier ces sources. C'est-à-dire que nous avons déjà,
comme je le disais tantôt, si on prend la formation technique, un budget
de 500 000 000 $, pour le côté technique et professionnel. Si on
redéfinit les objectifs, on peut se rendre compte que des arrangements
peuvent se faire à l'intérieur des mêmes sommes par une
rationalisation, par des changements. Par contre, en créant un lien avec
les entreprises, d'une façon très modeste, on pourrait avoir des
systèmes de crédits fiscaux modestes qui créeraient une
incitation qui ne représenterait pas des gros montants, mais qui
créerait la volonté de s'assurer qu'il y a un lien entre les
entreprises et les cégeps et que cette façon de procéder
encourage les entreprises à faire beaucoup plus de stages, à
créer beaucoup plus de demandes, face aux cégeps, en fonction des
besoins économiques.
Mme la Présidente, voilà les remarques que je voulais
faire. Je voulais être bref et beaucoup plus ponctuel et je serais
prêt maintenant à répondre à vos questions.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Vous n'avez
pas pris vos 20 minutes. Alors, on va essayer de partager le temps qui reste
équitablement entre les deux formations. Alors, Mme la ministre, vous
avez la parole, au début.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je veux d'abord
remercier les ambassadeurs d'avoir tenu à participer aux travaux de la
commission et je sais l'action positive que vous avez dans chacun des milieux
pour essayer de resserrer les liens entre les collèges et les milieux
socio-économiques. M. Brunet, pour le bénéfice des membres
de la commission, il y a combien de conseils d'ambassadeurs, à l'heure
actuelle, dans le réseau des cégeps?
M. Brunet: C'est une chose qui a été
commencée il y a un an et demi. Chaque cégep devrait avoir son
conseil des ambassadeurs. A date - je demanderais à Gaétan - II y
en a peut-être trois ou quatre qui ne l'ont pas encore, là...
M. Boucher (Gaétan): En fait, il y en a une vingtaine.
M. Brunet: II y en a une vingtaine de créés
actuellement et, moi, je représente le comité national, si on
veut, des cégeps, mais c'est la responsabilité de chacun des
cégeps de s'assurer de créer son comité
d'ambassadeurs.
Mme Robillard: Quel rôle précis avez-vous au niveau
d'un cégep? Qu'est-ce que le conseil des ambassadeurs a comme rôle
précis?
M. Brunet: L'idée, lorsqu'on m'a approché pour
faire ça, ce n'était pas tellement clair au début, sauf
que l'objectif était de s'assurer qu'on améliore le lien entre
les besoins économiques, qu'on rapproche les entreprises des
cégeps en fonction de la formation technique et professionnelle. Dans
certains cégeps, ils étaient assez avancés de ce
côté-là et il y avait des bons contacts, et ils ont
créé des comités d'ambassadeurs qui étaient
très représentatifs de leur milieu. Dans d'autres cégeps
plus éloignés, P y avait peut-être un peu moins de
crédibilité en fonction de ça. Tous ceux qui sont
près d'un
centre industriel assez important se sont organisés beaucoup plus
rapidement que les autres. L'évolution s'est faite lentement, mais
l'objectif était de s'assurer qu'un lien se fasse entre les besoins de
la formation de la main-d'oeuvre et ceux des entreprises.
Mme Robillard: Merci, M. Brunet. Maintenant, si nous abordions
quelques questions à partir de votre mémoire. J'aimerais d'abord
discuter avec vous toute la question que vous nous soulevez, et vous
n'êtes pas le seul à le faire, de la pénurie de la
main-d'oeuvre spécialisée. Vous dites dans votre mémoire
que c'est quand même terrible de penser qu'il y a un besoin de
main-d'oeuvre spécialisée au Québec, qu'il y a un
marché du travail qui serait prêt à l'absorber, mais que,
par ailleurs, nous n'avons pas les techniciens formés par nos
cégeps pour combler ce besoin sur le marché du travail. Et vous
dites: II faut absolument arrimer les besoins du marché du travail par
rapport à l'offre de formation. M. Brunet, vous n'êtes pas le seul
à dire ça, mais j'aimerais vous entendre sur la
difficulté, je pense, à faire une prévision au niveau de
la main-d'oeuvre qualifiée, difficulté telle que les
cégeps ont de la difficulté aussi à s'arrimer avec cette
demande prévisionnelle. Regardons les exemples en cours, M. Brunet.
Vous savez, vous nous parlez des grappes industrielles, les secteurs
d'avenir. Prenons la grappe au niveau de l'aéronautique. Quand on a des
diplômés de cégep qui sortent avec des D.E.C. en
aéronautique, parce que c'est un secteur d'avenir et ça va bien,
et que, tout à coup, on a des licenciements en grand nombre chez Pratt
& Whitney et ailleurs et qu'on a des diplômés en
chômage, nous avons un problème. Quand on se met avec les gens de
l'industrie de la pétrochimie et qu'on conçoit un programme
adapté à cette industrie-là, qu'on encourage les jeunes,
qu'on fait une campagne de marketing pour que les jeunes aillent dans ce
secteur-là parce qu'il y a un besoin sur le marché, qu'on
diplôme les jeunes et que, tout à coup, oups! les jeunes sont en
chômage, parce que l'industrie... Vous voyez la difficulté,
d'après moi, et c'est ce sur quoi je veux vous entendre, parce que vous
représentez le milieu socio-économique. Ce n'est pas si
évident que ça de dire aux cégeps: Voici les secteurs en
manque de main-d'oeuvre spécialisée; voulez-vous, s'il vous
plaît, former dans ces secteurs-là? J'ai l'impression que le monde
socio-économique, que le milieu a de la difficulté à faire
ses prévisions et non pas à court terme, pour l'année
d'après, mais à moyen terme. J'aimerais ça vous entendre
sur ça.
M. Brunet: Écoutez, il est évident que de faire des
prévisions dans l'avenir... Depuis cinq ans qu'on fait des
prévisions économiques et tous les économistes se trompent
royalement, je pense qu'il faut y mettre une grande marge d'erreur.
Ce que j'aimerais dire, c'est que, dans un premier temps, je ne dis pas
que ce qui se fait au point de vue cégep est complètement
mauvais. C'est bon, les 500 000 000 $ qui sont là. Mais il faut
orchestrer un petit peu mieux et s'assurer que les principaux intervenants,
autant syndicats qu'entreprises et cégeps, aient un certain consensus.
(10 h 50)
En faisant la tournée, j'ai eu l'avantage de faire la
tournée de certains cégeps, d'une quinzaine de cégeps, en
parlant un peu partout dans les chambres de commerce et en
répétant un peu ce discours-là pour inviter les gens ou
les entreprises à se rapprocher des cégeps, et il y a une chose
qui m'a frappé en visitant un cégep, c'est que, dans la formation
professionnelle, il y avait un paquet de choses qui étaient superbes et
d'autres choses qui n'étaient pas nécessaires, probablement.
Alors, dans une réallocation de ces choses-là, si on est capable
de définir, du côté de l'industrie et du commerce et du
côté du monde économique, les grandes orientations des
prochains cinq ans, il faut s'organiser pour que les programmes soient en
conséquence.
Maintenant, on est tributaires là-dedans de la situation
économique. La situation économique, on ne la contrôle pas.
Si on était dans les années soixante ou soixante-dix et qu'on
faisait un tel projet, je pense qu'on n'aurait pas la même
inquiétude parce que l'évolution économique était
telle qu'il y avait une croissance naturelle. On prévoit quand
même que, dans les années quatre-vingt-dix, la croissance va
être très petite dans les cinq ou quatre prochaines années.
Donc, ce que vous notez, Mme la ministre, est un problème réel.
On peut prévoir avoir ces besoins-là, mais il y aura
peut-être, en fonction des résultats économiques à
venir, des mises à pied également et ce n'est pas facile de faire
le lien.
Quand nous avons discuté de ça, on se disait: Dans le
fond, les cégeps ont 25 ans, c'est bon qu'on se pose la question. Moi,
si on rapprochait la Fédération, le ministre de l'Industrie et du
Commerce et certains groupes patronaux ensemble, je pense que le plan se ferait
assez bien. Mais le réussir parfaitement, je dois vous avouer qu'il faut
se donner la marge d'erreur dont vous parlez.
Mme Robillard: Mais vous comprendrez bien, M. Brunet, que je
voulais insister sur le fait que le modèle de prévisions des
effectifs en main-d'oeuvre est loin d'être parfait. C'est un
modèle qu'on doit travailler encore davantage, d'après moi. Moi,
je peux vous garantir que si vous avez un secteur, dans le milieu
socio-économique, où il y a des besoins aigus, et que c'est
certain qu'ils vont absorber les diplômés, je ne connais pas un
cégep qui ne ferait pas une campagne de marketing tous azimuts et qui ne
réussirait pas à
attirer ces jeunes. Mais ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas si
évident que ça. Alors, c'est pour ça, quand j'entends
parler «ça n'a pas d'allure au Québec, on a des postes de
disponibles et on n'a pas la main-d'oeuvre», j'ai le goût de dire:
Nommez-les, lesquels! On va vous en former demain matin. Mais il faut
être rassuré, à moyen terme, d'une planification de ce
côté-là. C'était sur cet
élément-là que je voulais revenir avec vous, d'autant plus
quand vous me mettez un tableau dans votre rapport sur l'évolution de la
structure d'emploi au Québec, à la page 13. Au Canada. Je pense
que ça vient de l'Institut Hudson du Canada. Je vois des croissances
dans certains secteurs. Vous me permettrez d'être un peu sceptique par
rapport à ce tableau-là, qu'on va avoir besoin - si je le lis
bien - de 24 % de plus d'avocats et de notaires ou des choses comme ça.
Je demeure perplexe, encore une fois, sur le modèle de prévisions
des effectifs de la main-d'oeuvre à moyen terme.
Ceci étant dit, le financement, M. Brunet, vous l'abordez dans
votre mémoire et, outre le fait que vous déplorez les
compressions budgétaires dans le réseau collégial, vous
dites: II faudrait peut-être regarder les modalités de
financement. Vous dites: Aller au-delà, que les modalités de
financement soient moins liées au nombre d'étudiants - si je vous
ai bien lu - et tenir compte plus de critères de qualité de
formation en tant que tels et la réponse des cégeps par rapport
aux besoins du milieu. Pourriez-vous m'expliciter un peu ce que vous entendez
par là?
M. Brunet: Écoutez, quand on parle de financement, c'est
que chacun a ses opinions et puis on peut regarder ça de plusieurs
façons. Dans le cas présent des budgets des cégeps, je
pense que les cégeps n'échappent pas à l'ensemble de la
situation économique. Quand on prend une entreprise, si on le prend de
la même façon qu'une entreprise, l'entreprise a deux choix:
augmenter ses revenus ou compresser ses dépenses ou rationaliser ses
dépenses.
Lorsque nous avons eu des discussions, on s'est dit: II faudrait que
toutes ces choses-là soient faites en même temps, que la
rationalisation des dépenses soit faite, que... D'un autre
côté, on est très conscients, lorsqu'on parie de
financement, qu'on ne peut pas toujours demander au gouvernement de payer, de
payer, de payer, dans le sens qu'il y a des limites au déficit avec
lequel nous vivons actuellement dans tous les niveaux de gouvernement, que ce
soit le fédéral ou le provincial.
Donc, une fois que les objectifs sont établis, comme je le disais
tantôt, est-ce qu'il y a d'autres sources de financement qui peuvent se
faire, soit par des modifications ou des crédits fiscaux qui seraient
très mineurs, qui encourageraient certaines entreprises à faire
du maillage avec certains cégeps pour être impliqués
beaucoup plus? Ça, c'est une façon de le dire. Et l'autre
façon, il y a toujours la fameuse discussion, qui est une discussion
politique très chaude et très difficile, de dire: Bien, le
coût du cégep est très léger par rapport à
l'infrastructure et 9 y aurait moyen d'augmenter les frais de scolarité.
Je comprends que ça, c'est une décision politique, mais c'est une
décision à laquelle H faut faire face un jour ou l'autre, parce
que les coûts sont là, et, si on veut augmenter la qualité,
ce n'est pas par des déficits qu'on va augmenter la qualité, mais
c'est en cherchant d'autres sources de revenus.
Mme Robillard: Est-ce que vous avez une position sur ça,
sur les droits de scolarité au cégep?
M. Brunet: Moi, personnellement, j'ai... Mme Robillard:
Les ambassadeurs?
M. Brunet: Les ambassadeurs, on en a discuté, puis il n'y
aurait pas d'objection à avoir une augmentation des frais. On est
très conscient que c'est une patate chaude politique quand c'est
lancé, mais, si on compare dans l'ensemble du réseau
nord-américain équivalent, le cégep est quand même,
disons... c'est des coûts minimes par rapport à l'ensemble,
puis...
Mme Robillard: Est-ce que je comprends que ça fait
l'unanimité chez les ambassadeurs? Parce qu'à la page 32 vous
dites: On pourrait parler de droit de scolarité au collégial ou
chez les «gros» utilisateurs de services, dites-vous. Mais vous
dites: «Évidemment, ces avenues sont loin de faire
l'unanimité... - trois petits points - Elles méritent toutefois
une analyse approndie.»
M. Brunet: On ne pariait pas de...
Mme Robillard: Y a-t-il unanimité chez les
ambassadeurs?
M. Brunet: Je dois répondre clairement, c'est une
discussion qui a été très brève au niveau des
ambassadeurs en ce qui concerne... J'aimerais mieux retourner et leur poser la
question, mais je réponds que je pense que, oui, ce que je dis, ce
serait unanime. Lorsqu'on dit dans le mémoire qu'on parie
d'unanimité, on parie plutôt d'unanimité dans l'ensemble de
la population. C'est que les ténors, ceux qui sont contre l'augmentation
des frais de scolarité font énormément de bruit par
rapport... Puis c'est quelque chose qui est politiquement difficile à
exprimer. Mais il reste quand même que la position personnelle que je
vous dis, je connais au moins une dizaine de collègues qui m'ont dit
exactement la même chose au niveau des ambassadeurs.
Mme Robillard: Oui. J'ai l'impression, M. le président du
Conseil national des ambassadeurs, que vous allez avoir des problèmes
avec certains ambassadeurs. Je vois que vous avez M. Fernand Daoust avec
vous...
M. Brunet: Oui, oui, oui, je comprends ça. Des voix:
Ha, ha, ha!
Mme Robillard: ...qui a complètement dit l'inverse ici, au
niveau de la commission.
M. Brunet: Oui, oui. Non, mais ce que je veux dire, c'est que je
dis: II y a une dizaine de collègues qui m'ont dit ça. C'est que
je ne peux pas vous arriver en disant que c'est unanime.
Mme Robillard: Oui.
M. Brunet: Puis j'ai bien dit...
Mme Robillard: O.K.
M. Brunet: Remarquez bien que j'ai bien dit aussi que
c'était mon opinion personnelle.
Mme Robillard: Oui.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Brunet. Je passe
la parole à M. le député d'Abi-tibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, Mme la Présidente. Je voudrais saluer M.
Brunet. Lorsqu'on s'apprête à faire à nouveau le choix des
collèges et que des parlementaires peuvent prendre appui pour ce nouveau
choix sur des ambassadeurs ou un conseil national d'ambassadeurs, comme vous en
êtes un, sincèrement, je pense que c'est intéressant
puisqu'on sent qu'on est dans le courant de choisir à nouveau une
nouvelle formule pour les collèges, donc on peut compter sur les
ambassadeurs pour en faire la promotion et la vente.
Nous rappeler à la réalité des nouveaux mots
d'ordre, tel que vous le soulignez au début, je vous en suis
reconnaissant. Vous dites: Les nouveaux mots d'ordre d'avenir seront la
concurrence, l'adaptation, la productivité, la performance, c'est des
réalités auxquelles on ne peut pas se soustraire dans
l'évaluation qu'on doit faire. Je tiens quand même à faire
une mise au point tout de suite - et ce n'est pas péjoratif, au
contraire - c'est que c'est ça, une société; il y a des
réalités de nature économique, mais il y a des
réalités de nature pure liées au savoir tout court. Quand
on discute de formation de base, de formation fondamentale, c'est clair que je
souhaite que, dans des réalités comme la formation
professionnelle, la formation technique, elle soit la plus qualifiante possible
et la plus adaptée à la réalité du monde de demain.
Je ne suis pas sûr que c'est très légitime d'avoir une
formation technique poussée si c'est pour être, pendant 15 ans,
chômeur institutionnalisé. Je ne dirais pas la même chose
pour quelqu'un qui fait le choix, dans certains créneaux du savoir,
d'apprendre pour apprendre, et qu'il est conscient que ce n'est pas
nécessairement lié au marché de l'emploi. (11 heures)
Mais, merci pour le rappel, parce que vous avez quand même un
mémoire où les choses sont, à certains égards,
très claires, un mémoire qui nous dit: Le rôle des
cégeps, c'est: bing, bang, bang - excusez, c'est parce que je ne veux
pas le reprendre. C'est bien. Quatre phrases précises. En plus, on nous
dit: Bon, bien, après qu'on a dit ça, on n'a rien dit s'il n'y a
pas de cadre de réalisation, s'il n'y a pas un cadre qui est mis en
place pour réaliser ça. Alors, vous dites: Pour faire le bing,
bang, bang, le cadre nécessaire, c'est telle affaire, telle affaire,
telle affaire. Moi, ça ne m'a pas déplu, j'aime ça.
Vos recommandations, on va en discuter un peu. Il y a une couple de
choses que je voudrais apprécier avec vous parce que, quand on lit le
texte... Et c'est normal; on ne peut pas tout définir, puis nuancer,
puis expliciter. Je donne un exemple au niveau du personnel. Moi, j'ai une
question précise à vous poser. Vous dites: L'enseignant doit
retrouver son rôle de premier plan au coeur du système
collégial. Je n'ai pas de trouble avec ça, moi. De toute
évidence, il faut redonner une fierté aux membres du corps
professoral des cégeps. Encore là, ça va très bien.
Ce que j'aimerais savoir un peu de vous... Parce que, à d'autres
égards, vous avez développé un peu, mais quand je vais
à la page 28 pour apprécier davantage, les éléments
que vous auriez retenus pour faire ce que vous souhaitez, moi, je ne les vois
pas. Alors, est-ce que vous pourriez nous indiquer un peu plus... Dans les
échanges que vous avez eus entre vous, quand vous dites: il faut
redonner une fierté aux membres du corps professoral des cégeps,
avez-vous une idée sur comment on articule ça, comment on fait
ça concrètement? Avez-vous une suggestion à nous faire
pour s'assurer que l'élément central - en tout cas, un des
éléments centraux - se sente un peu plus au coeur du
système? Parce que si vous en parlez... Dans les thèmes, vous en
avez parlé. Vous avez probablement reçu des indications sur
lesquelles j'aimerais vous entendre.
M. Brunet: Écoutez, encore là, c'est facile
à écrire puis c'est plus difficile à réaliser,
comme beaucoup de choses. L'essence des discussions autour de ça, ce qui
est difficile, peut-être, de rendre dans un texte, était beaucoup
autour des mots «attitude», «volonté de
changement», «volonté de réussir» et
«volonté d'excellence», si l'on veut. Que ce soit chez les
étudiants, que ce soit chez les enseignants, que ce soit dans le
management des cégeps, il faut que cette attitude soit présente.
Quand on discute individuel-
lement avec chacun des groupes, tout le monde a la Donne volonté
de vouloir le faire. Si on discute tout seuls avec les enseignants ou si l'on
discute tout seuls avec le directeur général d'un cégep ou
le côté administratif, et si l'on s'assoit avec les
étudiants, ils vont nous descendre une liste de choses qu'il faut faire,
qui sont absolument intéressantes et correctes. C'est quand vient le
temps de faire le consensus entre les trois, puis l'ordre de priorités
puis les objectifs que ça devient souvent un peu cacophonique. Et puis
on est égal à toute la société, c'est qu'à
un moment donné, ce qui arrive à ce niveau-là, c'est que
les intérêts personnels en jeu jouent peut-être un petit peu
plus que l'ensemble du bien collectif.
Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il y a moyen de passer par-dessus
ça. Il faut arriver, par une attitude... Il faut que tes professeurs,
les enseignants soient fiers, fassent partie intégrante et se sentent
dans ce groupement autant que tous les autres intervenants. Je sais que, quand
je dis une telle chose, je définis un monde idéal mais, quand
même, pour des raisons d'excellence, je pense qu'il faut y tendre. Le
degré d'appartenance passe toujours par la fierté, et c'est la
même chose dans une entreprise, c'est la même chose... Si on n'est
pas fiers de faire partie d'une organisation, la clientèle s'en ressent
immédiatement. Alors, il y a des cégeps qui l'ont très,
très bien réussi, et puis je pense qu'il y a moyen d'arriver par
une définition d'attitude, de volonté à réaliser
cette chose-là. Mais ce n'est pas facile.
M. Gendron: Au niveau des attitudes, je pense que vous faites
bien d'aborder ça. Est-ce que vous croyez, puisqu'il y a des gens qui
semblent vouloir privilégier l'approche programme... Là, je ne
veux pas que vous entriez dans des technicalités. Objectivement, je
comprends que, même si vous êtes des ambassadeurs, il y a
peut-être des éléments sur lesquels vous n'avez pas
d'expertise. Soyez bien à l'aise. Moi, ce n'est pas pour vous
piéger, c'est que je lis, je relis ce que je viens de dire, là.
Je le relis, pardon. Vous comprenez là. Entre la fierté des
professeurs et du corps professoral versus l'approche programme, pensez-vous
que ça peut avoir un lien si dans le futur, en privilégiant une
approche programme, on implique davantage les ressources professorales dans la
révision, l'appréciation des disciplines et des programmes qu'il
faut maintenir?
M. Brunet: Si je vous répondais en disant que... D'abord,
vous avez raison, je ne suis pas un expert en cégep, sauf que j'ai
quatre enfants qui sont passés au cégep et un qui a
décidé d'y prendre un abonnement plus long que les autres, comme
tout le monde. J'aimerais dire que, lorsque le meeting a eu lieu, tous
n'étaient pas présents et... Disons que le meeting était
un petit peu plus biaisé du côté des affaires par sa
présence, si vous voulez l'indiquer de cette façon-là.
L'approche de la discussion, pour vous mettre entre les lignes du
mémoire, on doit avouer qu'on prenait plus une approche entreprise.
Qu'est-ce qu'on ferait dans une entreprise face à ces choses-là?
Donc, je dois reconnaître que la préparation du mémoire -
et ceux qui étaient assis de l'autre côté de la table
prenaient des notes, à tel chapitre on veut dire telle chose, telle
chose - étaient plus en fonction d'un planning de dire: Si
c'était une entreprise, qu'est-ce qu'on ferait? Maintenant, il reste
beaucoup de choses à... Mme la ministre, par exemple, a noté des
faiblesses dans l'argumentation, de dire, bien, c'est beau, c'était un
voeu pieux, mais, quand même, on peut se tromper dans les
prévisions sur cinq ans. Ça, on reconnaît ça, mais
on se disait que l'attitude générale, s'il y avait un leadership
en fonction de ça et un objectif général pour tout
l'ensemble des cégeps, là, la fierté, c'est tout ce qui
suit après, comme dans une entreprise. Je pense que c'est le fond de...
C'est ce qui est entre les lignes, si je peux m'exprimer de cette
façon-là.
M. Gendron: Oui. Il y a également un autre point que je
veux toucher. Je pense que c'était sage, toujours dans l'approche
d'hommes d'affaires, de nous donner votre perception sur...
Une voix:...
M. Gendron: Oui, oui. Et de femmes d'affaires, bien
sûr.
M. Brunet: De gens d'affaires.
M. Gendron: J'ai juste vu que... On avait deux ambassadrices.
Alors, bravo! Mais elles sont là. Et on est heureux qu'elles soient
là. Vous avez souligné que ça prendrait probablement un
organisme externe qui soit mandaté afin de valider l'évaluation
de tout ça. À un moment donné, cet exercice
d'évaluation devrait relever des collèges, j'en suis. Le Conseil
des ambassadeurs recommande également qu'un organisme externe soit
mandaté afin de valider l'évaluation effectuée dans les
cégeps. Avez-vous poursuivi un peu votre évaluation de cet
organisme externe? Est-ce que ça pourrait être le Conseil des
collèges, selon vous, ou si vous préférez que ce ne soit
pas lui?
M. Brunet: Non, non. Je veux dire, on ne veut pas aller
chercher... On ne veut pas recréer tout un autre organisme. C'est de se
servir de ce qu'il y a en place, mais de s'assurer qu'il y ait des moyens de
contrôle autres, dans le sens, pour... L'objectif de discussion, encore
une fois, si je vous donne le fond de la discussion, c'est qu'on n'est pas
assez exigeants face aux résultats
à obtenir.
Donc, on se dit: Cherchons des moyens. Je pense qu'on n'a pas
d'idée précise. On ne va pas créer tout un autre
organisme. On veut tout simplement dire: Je pense qu'il faut trouver le moyen
de se vérifier, qu'il y ait un peu de compétition au centre des
cégeps et qu'à ce moment-là on revienne à la
reconnaissance de la réussite, si on veut. C'était dans ce
sens-là.
M. Gendron: Oui, je comprends. Mais, précisément,
quand vous souhaitez un organisme externe, est-ce que vous croyez que le
Conseil des collèges pourrait être cet organisme externe ou si
vous en voyez un autre?
M. Brunet: Oui, oui. Ça le pourrait et ça pourrait
être autre chose. On n'a pas réfléchi... Je dois admettre
qu'on n'a pas réfléchi à quoi, mais on était
très conscients qu'on ne voulait pas créer une autre machine. Il
n'est pas question de ça. Il n'est pas question de ça.
M. Gendron: À la page 29. Il y en a plusieurs qui ont
parlé de ça, et là c'est vous qui répondez ou M.
Boucher qui est là. Libre à vous de répartir ceux qui vont
nous donner les informations additionnelles. À la page 29, vous dites:
II serait important de décentraliser et de donner des
responsabilités accrues aux institutions d'une façon très,
très claire au niveau du principe. Le principe est bien posé.
Qu'il suffise de dire qu'à l'image de ce qui caractérise les
entreprises - et là c'est une partie du mémoire du Conseil des
collèges que vous citez - performantes, le réseau
collégial a tout avantage, dans sa quête de la qualité de
la formation, à prendre un ensemble de dispositions pour que les
établissements s'éloignent de la conception des collèges
d'État pour se rapprocher de celle des collèges communautaires
dont la gestion décentralisée est un des principaux atouts ou
attributs. Dans les échanges que vous avez eus entre vous, est-ce que
vous avez un certain nombre de choses, d'une façon plus précise,
qui se passent au collège qui devraient être strictement de niveau
des établissements plutôt que de niveau de la Direction de
l'enseignement collégial du ministère de l'Enseignement
supérieur? (11 h 10)
M. Brunet: Non. Là, on n'avait pas de discussion
précise sauf, disons, qu'on pensait beaucoup plus à un plan, ce
qu'on appelle un plan d'affaires général. C'est qu'une fois qu'on
avait établi les objectifs économiques généraux, on
s'assurait, avant de décentraliser, qu'une répartition soit faite
adéquatement des responsabilités de chacun - s'il y a une
décentralisation qui se fait, qu'elle soit planifiée si on veut -
à l'opposé de dire: II y a une décentralisation et chaque
cégep décentralisé peut décider de faire ce qu'il
veut. Je pense que ce n'est pas du tout ça que veut dire la
décentralisation. Il faut - je m'excuse de revenir toujours à
l'entreprise, c'est le vocabulaire qu'on emploie - qu'on décentralise,
mais il y a un objectif très précis et chacun doit respecter
l'objectif d'en haut. Alors, c'est plus dans le sens de s'assurer qu'on allait
à l'essentiel plutôt que... Et, dans la rationalisation et la
décentralisation, qu'on ne perde pas la direction générale
de ce qu'on a à faire dans chacune des régions. Mais chaque
région a des... Si on prend la région de Rimouski avec
l'école de marine, ça c'est un naturel. On peut bâtir
autour de ça et c'est une réussite quand même très
remarquable. C'est des choses de dire: La décentralisation, de ce
côté-là, se fait.
M. Gendron: Je veux vous remercier pour votre mémoire, en
conclusion, mais je veux également vous dire merci d'avoir
rappelé à ce gouvernement et à la ministre de
l'Enseignement supérieur, à la page 31, que vous trouviez
regrettable que les compressions affectent particulièrement l'enveloppe
budgétaire liée aux services à l'élève,
à l'aide à l'apprentissage, l'intégration, l'orientation,
bref le soutien sous diverses formes à l'élève. Et moi, je
veux tout simplement mettre ça en parallèle en conclusion. Je
pense que c'est un rappel important que vous faites parce que des compressions,
H y en a eu sous tous les gouvernements. Tout ce que je dis cependant, c'est
qu'on ne peut pas prêcher un meilleur encadrement et des mesures
assistées plus fortes et en même temps poser des gestes de
compression qui viennent limiter les mesures d'encadrement. C'est pour
ça que je vous disais, à vous et à vos amis les
ambassadeurs, que je souhaite qu'ils demeurent toujours aussi vigilants et
attentifs à ce qui se passe dans le domaine des études
collégiales.
Revoir les méthodes de financement et les sources de financement,
mais en concluant quand on connaît les causes principales de ceux qui
peuvent effectivement, y compris un des vôtres qui prendrait
peut-être un peu plus de temps que les autres, parce que c'est
fréquent pour bien des jeunes... Mais si on arrive à la
conclusion de cette commission, comme ça semble être le cas
jusqu'à date, en tout cas en ce qui me concerne et qui concerne bien des
mémoires, que les causes soient très clairement
identifiées et très précises quant à la
responsabilité, pour une bonne part, du système. Ce n'est pas une
échappatoire que je viens d'utiliser pour m'en sortir, mais le
système, parfois, c'est très précisément l'ordre
secondaire qui prépare mal, c'est le cours de choix de carrière
qui ne donne pas ses résultats, c'est les mesures d'encadrement qu'on
n'offre pas. Bien, moi, je ne pourrai pas être d'accord pour dire: Bon,
on va poser un geste de pénalisation envers celles et ceux qui prennent
plus de temps, si c'est nous qui en sommes les responsables. C'est plus
ça qu'on sent à date dans l'évolution de cette commission
sur cet
aspect-là. Alors, moi, je vous dis: Merci pour le rappel de dire:
C'est assez là, les mesures de compression dans les mesures
assistées. Mais quand je le mets en parallèle avec
l'éventuelle ouverture de dire: Allons-y allègrement pour - je
vais employer l'expression, je pense, qui est de circonstance -
«clencher» ceux qui lambinent... mais les lambineux, ils ont des
raisons pour lesquelles ils lambinent, et ils ne sont pas souvent responsables
des raisons pour lesquelles ils lambinent. Vous n'aurez pas un allié en
ce qui me concerne, en tout cas, pour augmenter les frais imposés ou
inhérents à des coûts excédentaires, parce que je
sais ce que ça coûte. Quand un régime ne corrige pas les
causes pour lesquelles il y a des coûts supplémentaires, il lui
impute, il lui appartient d'apporter les correctifs, et si ça ne
s'améliore pas et qu'on a la conviction qu'on a posé les bons
gestes pour corriger les lacunes, bien, là, il me semble qu'on peut
être plus à l'aise de dire: II faut faire quelque chose. Alors, il
n'y a pas de reproches. C'est une espèce de conclusion
générale.
Merci de votre mémoire, mais merci particulièrement
d'avoir, à la page 31, rappelé quelque chose qui, selon moi, est
une des raisons qui font qu'on a un peu trop de décrochage - ce n'est
pas la seule, évidemment - et qu'il y a trop d'abandons. Il n'y a pas
assez d'encadrement et il n'y a pas assez de soutien. C'est des jeunes de 16,
17, 18 ans à qui on demande beaucoup. Et, en pleine croissance,
développement d'une société éclatée, de
remise en question des valeurs, il ne faut pas leur demander d'avoir, comme
vous l'avez dit à plusieurs reprises - je conclus vraiment
là-dessus - des plans de carrière bien arrêtés, bien
définis, un bon «perk» si vous me permettez l'expression.
Alors, ces jeunes-là n'ont pas toujours un bon plan de planification,
comme si on avait tous des études de management avant de les faire. On
les envoie là pour qu'ils en fassent un peu. Alors, ils n'ont pas tous
cette conception d'une bonne planification de leur carrière. Je vous
remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Une réaction, M.
Brunet? Non?
M. Brunet: bien, c'est-à-dire, la première
réaction que j'aurais, c'est que c'est toujours facile de prendre une
phrase et d'en faire un discours. je vous félicite.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Hovington): J'ai bien fait de vous
reconnaître.
M. Brunet: Je ne suis pas de ceux qui vont s'opposer à
ça. J'aimerais juste reprendre une chose, c'est qu'il faut rebâtir
la fierté et l'attitude, et je pense que vous y touchez aussi. Puis,
moi, je prétends, pour parier anglais, que le «bottom line»
de tout ça, ce n'est pas un problème de budget, c'est un
problème de volonté, un problème d'attitude et de
réaménagement. Si on réussit ça, je pense qu'on
peut aller très loin comme société, au Québec.
Comme je le disais tantôt, on l'a, le budget. L'infrastructure est
là. Je répète le mot que je disais tantôt, c'est de
l'utiliser à la japonaise.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Brunet.
M. Gendron: ...phrase, lorsqu'on a du temps. Des voix: Ha,
ha. hal
M. Gendron: Quant à votre phrase, je veux juste vous dire
que je la prends bien amicalement, mais ça fait 16 ans que je vis ici
et, souvent, j'ai vu des gens à qui on donnait toutes les phrases
requises et Us avaient bien de la misère à faire des beaux
discours.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brunet: C'est pour ça que je vous ai
félicité.
La Présidente (Mme Hovington): M. le député
de Sherbrooke.
M. Hamel: Merci, Mme la Présidente. M. Brunet, d'abord, je
veux vous remercier des précisions que vous avez apportées sur la
phrase de la page 31. Je les ai bien appréciées. J'avais aussi
quelques questions, et j'ai trouvé intéressantes les
précisions que vous avez apportées à mon collègue
député d'Abitibi-Ouest concernant la décentralisation.
Pour moi, ça m'apparaissait quelque chose à préciser, et
vous l'avez très bien fait.
Vous avez aussi, dans votre mémoire, souligné avec
beaucoup d'intérêt la valeur des centres
spécialisés. Vous dites, entres autres, que ces
expériences mériteraient sûrement d'être
élargies à d'autres secteurs d'activité où le
Québec possède des avantages concurrentiels. Selon vous, quels
seraient ces secteurs à privilégier? Vous, gens d'entreprises, il
y a peut-être des secteurs qui le seraient davantage.
M. Brunet: Ça, j'aimerais mieux peut-être, comme
précisions, demander... Parce que je ne les connais pas tous. C'est que
je n'ai pas la compétence pour répondre à tous les
secteurs dans l'ensemble de la province, mais je peux vous dire le fond de la
discussion. Lorsque ça a été discuté, c'est qu'il y
a de très bons exemples et de très bonnes réussites, mais
il faut en trouver d'autres. Alors, c'est dans ce sens-là, je veux
dire.
M. Hamel: O.K.
M. Brunet: C'est de s'assurer, comme l'aviation à
Chicoutimi, et peu importe, là, c'est de ne pas laisser tomber ces
noyaux d'excellence, et d'en trouver d'autres. Et plus on va en trouver, plus
on va avoir quelque chose qui est bon. Je veux dire que c'était dans ce
sens-là. Alors, moi, je croyais - je vais répéter ce que
j'ai dit tantôt -à un bon inventaire avec l'Industrie et Commerce
et tous les groupements qu'on peut mettre ensemble autour d'une table, de dire:
Bien, voici les grandes lignes, ça ne répond pas à tout,
et dans quelle région ce serait mieux. Ça, c'est une question de
discussion qui n'a pas eu lieu, puis ce n'est pas à nous, les
ambassadeurs, de prendre la place de tout le monde et de dire: Bien, c'est
ça qui devrait être fait.
M. Hamel: Mais, à ce stade-ci, les gens de l'entreprise
n'ont pas quelques secteurs particulièrement à
privilégier.
M. Brunet: Je pense que Gaétan pourrait ajouter quelque
chose là-dessus. (11 h 20)
M. Boucher: J'en aurais une suggestion, M. Hamel, si vous me
permettez. J'ai assisté, évidemment, à la discussion
à laquelle fait référence M. Brunet et on constate,
lorsque vous répartissez la carte des centres spécialisés,
qu'il y en a très, très peu dans la région de
Montréal, li n'y en a qu'un seul, finalement. Par ailleurs, tout le
secteur de l'aérospatiale et des télécommunications est un
secteur en grand développement; c'est une de nos grappes industrielles
et les gens autour de la table évoquaient cette possibilité qu'un
collège ou qu'un groupe de collèges puisse oeuvrer dans ce
secteuNà et dans le secteur des télécommunications
lié à l'aéronautique, à l'aérospatiale et
tout ce domaine-là.
Je pense aussi que l'autre préoccupation des gens d'affaires
autour de la table, c'était de dire, comme l'a indiqué M. Brunet
tout à l'heure, de ne pas essaimer. Je pense que le gouvernement doit
résister fortement, du point de vue des gens d'affaires, à
essaimer à la grandeur du Québec quant aux centres
spécialisés. Je pense que ce n'est pas vrai que nous sommes bons
dans tout. Il faut concentrer nos forces, nos énergies, là
où on peut trouver des masses critiques qui puissent nous permettre de
faire cette jonction à laquelle a fait référence M. Brunet
tout à l'heure: d'un côté, les centres
spécialisés et, de l'autre côté, un secteur
industriel qui est fort, ou encore même qui est mou, mais qui a besoin de
l'aide et que les gens puissent travailler ensemble.
M. Hamel: Merci.
La Présidente (Mme Hovington): M. le député
de Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): Oui, Mme ta Présidente. Mon
collègue de Sherbrooke vient de toucher un domaine qui
m'intéresse au plus haut point et je pense que votre recommandation 5,
en tout cas, me plaît énormément. Je pense que nous
devons... Nous sommes condamnés à l'excellence, nous devons
développer des centres d'excellence et des centres
spécialisés. Mais, avant d'en développer d'autres, nous
devons aussi renforcir ceux qui sont là. C'est important, à mon
sens, pour nous, de bien les encadrer et de bien leur donner les moyens
financiers et en même temps l'encadrement et les possibilités de
se développer.
Vous avez mentionné l'institut maritime du Québec à
Rimouski. C'est vrai, c'est un centre d'excellence. Nous avons l'école
des pêcheries à Grande-Rivière, l'école agricole de
Saint-Hyacinthe, l'école d'aviation à Chicoutimi ou dans ces
endroits-là. Je pense que notre avenir réside dans des centres
d'excellence, des centres spécialisés. Je pense que votre
recommandation 5 est tout à fait d'appoint, mais, avant d'en
développer d'autres, encore faut-H renforcir ceux qui sont
là.
Une question avant de... Je n'ai pas de questionnement à ce
sujet-là, mais une question qui m'intéresse aussi, c'est celle
des stages en milieu de travail. J'ai assisté dernièrement
à une rencontre avec le cégep de ma région, celui de
Rimouski, puis on m'a proposé un plan de travail pour la foresterie.
Alors, je leur ai demandé: Quel est votre plan d'action? Alors, on m'a
présenté un projet, mais j'ai trouvé que c'était
très faible au niveau de la représentation, au niveau des
industriels. On proposait des stages dans des organismes gouvernementaux, le
ministère des Forêts, le ministère de l'Énergie et
des Ressources, la société de préservation des ressources
de la Gaspésie, etc. Mais, au niveau des industriels, par exemple - H y
a des moulins à papier, H y a des industriels du bois - pratiquement
pas. À ce moment-là, ça me pose le questionnement suivant:
Est-ce que ça ne manque pas d'agressivité ou encore de dynamisme
au niveau des cégeps pour aller attaquer la montagne,
c'est-à-dire essayer de voir comment on pourrait avoir un meilleur
contact avec l'industrie, pour pouvoir les inciter?
M. Brunet: Écoutez, je vais vous donner aussi la toile de
fond de la discussion. Il est facile de critiquer quand on dit: Le cégep
devrait être ci, devrait être ça; il faut critiquer le
milieu des affaires aussi, pour bien comprendre le contexte dans lequel nous
l'avons discuté. C'est qu'au Québec, dans l'ensemble des
entreprises, si on le compare aux sept pays industrialisés, c'est quand
même le Québec qui dépense le moins en formation et
recherche et développement, y compris... je ne parle pas gouvernemental,
je parle en même temps entreprise. Puis, souvent dans l'entreprise
québécoise, il manque de main-
d'oeuvre spécialisée, mais je ne suis pas prêt
à participer. Donc, il faut mettre les points sur les i dans la
discussion. Si c'est seulement une initiative de cégeps, ça va
finir en queue de poisson de la même façon, puis, si c'est
seulement une initiative d'entreprise ponctuelle pour des besoins particuliers,
ça va finir en queue de poisson également. Alors, c'est un projet
idéal encore de s'assurer que l'arrimage se fasse.
Si on regarde, il y a un article, si vous pouvez vous
référer au Business Week du mois dernier, qui est une
édition spéciale sur les 10 prochaines années des
États-Unis, ils ont le même discours à l'effet que les
États-Unis dépensent beaucoup moins en formation technique que
l'Allemagne, le Japon, etc., et le numéro 1 est l'Allemagne qui
dépense à peu près 13 000 $ par année par
étudiant en formation technique, par rapport à ici
peut-être 5000 $ et, aux États-Unis, à peu près 6000
$ ou 7000 $. Ça, c'est des balises qui nous donnent l'effort qu'on a
à faire. On n'a pas trouvé la formule du financement parfaite et
on ne demande pas, non plus, au gouvernement d'intervenir et dire: On veut
monter à ce montant-là. Mais c'est de dire: Si on est capable de
mettre les entreprises et les cégeps ensemble, on va avoir une meilleure
définition et, à partir de là, on va s'assurer que les
stages sont efficaces et qu'on développe quelque chose de bon. Puis je
peux vous dire que Lévesque Beaubien a envoyé toute une
série d'employés au cégep Maisonneuve pour la formation en
informatique. Puis c'est régulier, puis on le paie, puis ça nous
fait plaisir. C'est qu'il y a des choses qu'on peut faire qui vont faire qu'on
remette de l'argent au cégep et, en même temps, ça
crée quelque chose de positif.
Je ne sais pas là, j'ai pris une phrase, moi aussi, pour faire
mon discours, mais c'est que c'est important de...
Des voix: Ha, ha, ha! M. Gendron: ...vous êtes pas
pire-Une voix: II a «plogué» son affaire.
La Présidente (Mme Hovington): Je reconnais, en terminant,
Mme la ministre de l'Éducation.
Mme Robillard: Oui, M. Brunet, je ne voudrais surtout pas vous
citer hors contexte, mais j'ai besoin que vous m'expliquiez une phrase de votre
mémoire à la page 25. Vous me parlez d'avoir une véritable
stratégie de la réussite des études et vous dites:
«Si nous voulons donner au diplôme d'études
collégiales une vraie valeur sur le marché du travail et de
l'éducation, il faut cesser de gonfler artificiellement le nombre de
diplômés des collèges.» Qu'est-ce à dire?
M. Brunet: M. Boucher, pouvez-vous répon- dre à
celle-là?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brunet: ...il a bien souligné, vous en avez
trouvé une bonne là.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Robillard: Nous allons écouter M. l'ambassadeur
Boucher.
M. Brunet: Je peux difficilement vous répondre à
celle-là. Gaétan.
M. Boucher: Je pense que je vais être capable de vous
répondre, Mme la ministre. Je ne vous donnerai pas nécessairement
une réponse satisfaisante, mais je vais vous en donner une pareil. Et
peut-être que c'est mal exprimé. Ce que les gens alentour de la
table, auxquels M. Brunet fait référence dans son mémoire,
et surtout les gens d'affaires, si vous regardez la composition du Conseil,
c'est qu'il apparaît à ces gens-là qu'on a perdu à
l'école, au collège aussi, le sens du travail, le sens de
l'effort, le sens de l'exigence, et que, si notre collège, si notre
école s'est massifié au cours des dernières années,
on a peut-être eu tendance à diminuer nos exigences auprès
des élèves, auprès des étudiants et des
étudiantes et je dirais, d'une certaine façon, à niveler,
à niveler d'une certaine façon aussi par le bas.
Ce qui est derrière ça, et c'est peut-être mal
exprimé, c'est un appel du pied, mais plus que ça, un appel
à la rigueur, un appel à l'effort, et à renforcer, parce
qu'on le dit, on parle d'évaluation de l'apprentissage, un appel aussi
aux enseignants à davantage de rigueur, de part et d'autre, pour faire
en sorte que notre diplôme d'études collégiales soit, je
dirais, plus fiable, vous allez reconnaître quelque chose, plus fiable,
plus crédible aux yeux des étudiants qui l'ont en main, des
universitaires qui reçoivent nos étudiants et des employeurs qui
les engagent.
Il me semble que, derrière ces gens d'affaires qui ont
réussi, parce que c'est ça qu'il faut voir, ce qu'on a voulu
promouvoir, c'est l'excellence - M. Brunet en est un témoignage -des
hommes et des femmes d'affaires qui ont réussi, ces gens-là se
disent: II me semble que nos jeunes auraient besoin aussi que l'école
leur envoie un message sur le sens de l'effort, sur le sens du travail et sur
le sens de l'excellence, et, à ce moment-là, on aura
peut-être plus de diplômés, mais ils auront quelque chose
d'un peu plus qu'uniquement un diplôme. Ils auront appris à
travailler, à être exigeants envers eux-mêmes et envers les
autres.
Mme Robillard: M. Brunet, j'aime mieux cette
explication-là que la phrase que j'avais lue. Je me sens tout à
fait en accord avec l'énoncé
de M. Boucher. Il me reste à vous remercier, M. Brunet,
d'être venu échanger avec les membres de la commission
parlementaire. Merci bien.
M. Brunet: Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, au nom des
parlementaires de la commission de l'éducation, je vous remercie
d'être venu présenter votre mémoire à cette
commission, qui apportera un éclairage certain pour les conclusions
à venir. Je vous remercie. Je vous souhaite une bonne journée.
(11 h 30)
J'inviterais M. Guy Neave, directeur de recherche, Association
internationale des universités, à bien vouloir prendre place,
s'il vous plaît.
La commission de l'éducation poursuit ses travaux en recevant un
expert, en fait, M. Guy Neave, directeur de recherche, Association
internationale des universités. M. Neave a complété un
doctorat à l'Université de Londres. Il est présentement
directeur de la recherche à l'Association internationale des
universités à Paris après avoir été
professeur titulaire en éducation comparée à l'Institut
d'éducation de l'Université de Londres et maître de
recherche à l'Institut européen d'éducation et de
politique sociale à l'Université de Paris. Son expérience
porte sur l'analyse de politiques en enseignement supérieur, sur
l'évaluation et sur la transition entre l'école et le travail
dans des régions défavorisées. Il a à son compte
plus de 230 publications en éducation: livres, monographies, rapports
techniques, rapports de recherche, analyses de politiques. Il vient de publier
un ouvrage en quatre tomes sur l'enseignement supérieur.
Alors, M. Neave, bienvenue à la commission de l'éducation
et, avec un c.v. pareil, nous vous écoutons. Vous vous levez. Vous avez
20 minutes pour nous présenter peut-être pas un mémoire,
parce qu'il n'y a pas eu de dépôt de mémoire, mais nous
vous écoutons.
M. Guy Neave
M. Neave (Guy): Mme la Présidente, Mme la ministre, M. le
porte-parole de l'Opposition, Mmes et MM. les membres de la commission,
d'abord, permettez que je m'excuse. J'ai la voix un peu enrouée car je
viens d'entrer en contact avec un microbe particulièrement virulent qui
me laisse quasiment aphone. Ceci dit, ma présentation va traiter des
perspectives actuelles qui se dessinent en Europe autour du
développement et de la revalorisation de l'enseignement technique au
niveau dit supérieur.
Préparer l'avenir, c'est d'abord mettre à jour le
système éducatif. Ainsi, le bilan du passé, des
défis relevés, constitue le point de départ pour la
formation d'un consensus autour de ce que devrait être l'enseignement
supérieur de l'an 2000 et au-delà. Le débat que suscite
l'amélioration des cégeps pour mieux confronter les défis
qui se profilent à l'horizon se situe dans un contexte international
où rarement la poussée réformatrice a été
aussi développée. Depuis 1985, rares sont les pays en Europe
où des révisions, parfois de nature radicale, n'ont pas
été portées à l'enseignement supérieur.
Mme la Présidente, avant de m'adresser aux aspects majeurs, je me
permets de souligner combien, du point de vue d'un spécialiste dans
l'analyse comparative de l'enseignement supérieur en Europe des Douze,
sont uniques les cégeps, tant par la tranche d'âge accueillie, par
la conservation de la culture générale que par la coexistence
dans un seul établissement de l'enseignement général et de
l'enseignement technique. Après avoir visité, la semaine
dernière, trois cégeps, je suis frappé non seulement de
l'excellence de l'équipement, mais par le dévouement du
personnel. Je suis fortement impressionné et par l'engagement et par le
sens de la responsabilité qu'ont les cégeps vis-à-vis de
leur communauté environnante, que ce soft sociale ou industrielle.
D'autres facteurs, plus objectifs cette fois, servent à renforcer
cette remarque faite in limine. Prenons l'accessibilité, par exemple. En
Europe, le taux de fréquentation du postsecondaire exprimé comme
pourcentage du groupe d'âge 19 ans n'a pas encore atteint les 49 %, 50 %
qui aujourd'hui fréquentent les cégeps. En France, la statistique
correspondante est de l'ordre de 40 %, en 1991, niveau que, grosso modo, on
voit en Allemagne de l'Ouest et en Suède. La Grande-Bretagne,
hélas, comme dans bien d'autres dimensions, à l'heure actuelle,
est à la traîne, ne pouvant compter que sur un taux de
fréquentation d'environ 27 %. À partir de cet indicateur, les
cégeps, il me semble, affirment leur mission première, celle de
la démocratisation d'accès à l'enseignement
supérieur là où d'autres, en Europe,
«renouent» cette obligation pour des raisons non pas de
solidarité sociale, mais pour des raisons utilitaires et
pragmatiques.
Nulle part ailleurs ces trois éléments - la culture
générale, sous forme de tronc commun de matières
premières, du général et du technique en coexistence dans
le même établissement, la tranche d'âge impliquée -
ne sont-ils réunis de la même façon. Les instituts
universitaires de technologie en France, par exemple, sont
fréquentés par des jeunes de 19 à 21 ans. Hautement
spécialisés et orientés vers la formation des techniciens,
ils sont assez restrictifs. Ceux qui briguent une place sont censés
avoir non seulement d'excellents résultats au baccalauréat.
L'acceptation du candidat est étroitement liée à la
qualité de son dossier scolaire portant sur les deux dernières
années du secondaire supérieur et, en plus, il doit subir une
interrogation parfois orale.
Prenons un autre exemple pour illustrer les singularités des
cégeps. En Suède, la fusion du secteur universitaire avec le
non-universitaire, mesure prise en 1977, allait de pair avec une refonte du
cursus académique, remplaçant au niveau du premier diplôme
les filières à base disciplinaire par des programmes axés
autour de cinq grands secteurs d'activité. Cette transformation, bien
que sans précédent en Europe de l'Ouest, laissait de
côté toute notion de tronc commun d'études.
Donc, Mme la Présidente, en Europe, l'articulation entre le
secondaire supérieur et le postsecondaire ou universitaire est directe,
sans passer par une strate intermédiaire ou collégiale.
Deuxième trait saillant, avec quelques exceptions tels la Suède,
la Grande-Bretagne, le Danemark, il existe un parallélisme des
établissements parfois au niveau du secondaire supérieur,
c'est-à-dire la tranche d'âge 16-19 ans, parfois au niveau du
postsecondaire. Cette bifurcation qui, dès l'âge de 16 ans,
sépare le général du technique peut se présenter
dans le contexte québécois comme le dernier vestige d'une autre
époque, sans doute, antédiluvienne.
Aussi vieux jeu que ça paraisse, cette différenciation,
par exemple, entre le lycée général ou le lycée
technique, entre l'IUT et l'université en France, entre
l'athénée ou le secondaire supérieur technique, entre
l'université et ce qu'on appelle le secteur hors université en
Belgique constitue un contexte des plus significatifs qui détermine les
tendances actuelles qui se dessinent en Europe de l'Ouest. De ces tendances, la
plus importante est sans doute la revalorisation de l'enseignement technique.
Elle se présente sous diverses formes et emprunte des vocabulaires
parfois à géométrie variable. À cela s'ajoute une
autre problématique qu'on peut concevoir comme une tentative de
redéfinir une espèce de culture générale au niveau
européen, bien que le débat n'emprunte que rarement cette forme
terminologique qu'est la culture générale. (11 h 40)
Ce que j'aimerais suggérer, donc, c'est que la culture
générale dans le contexte européen, du moins le contexte
actuel, est comme sous-jacente à la formation technique et
technologique, ce qui peut sans doute vous étonner. Cependant, cette
thèse n'est pas aussi loufoque qu'elle semble l'être. La
tentative, aujourd'hui, de conférer à la culture technique une
légitimité au moins égale à celle de la culture
générale est le but principal de bien des pays, et j'entends, si
vous me permettez, Mme la Présidente, un peu mieux élaborer
là-dessus.
Cette politique de la revalorisation du technique se manifeste par des
approches très différentes. On y voit et continuité et
changement. Dans l'optique de la continuité se rangent l'Autriche, la
Finlande, la Suisse et, du moins sur le papier, l'Italie. En Suisse,
l'instrument principal qu'envisagent les directeurs cantonaux de
l'éducation pour revaloriser le technique consiste en la création
d'un secteur en parallèle avec l'université sous la forme
d'instituts universitaires professionnels. Spécialisés dans la
formation technique, dans l'architecture, dans les professions de
l'administration, de la santé, du social et du secteur services, ces
établissements, avec un cursus de trois ans à partir de la
maturité professionnelle, qui doit se passer à 19 ans, auraient
comme mission une formation à la fois scientifique et pratique.
Le modèle qu'envisagent les autorités suisses, ainsi que
leurs homologues autrichiens et finlandais, paraît, selon moi,
inspiré du modèle allemand des Fachhochschulen. Les
Fachhochschulen sont des établissements en formation technique
spécialisée, souvent présentés sous la rubrique de
l'enseignement supérieur de cycle court. Leurs programmes
s'étendent sur trois ans après la fin du secondaire, ce qui, par
rapport à l'université allemande où l'obtention d'un
premier diplôme exige en moyenne cinq ans et demi, est plutôt
expéditif.
La création, dans ces quatre cas, d'un cycle court de
l'enseignement supérieur se fonde sur un décloisonnement vertical
par la pénétration, jusque dans le supérieur, des
filières jusque-là limitées au secondaire
supérieur. La revalorisation du technique est mue à la fois par
la conviction que ces programmes seront attrayants pour les étudiants de
par leur nature appliquée, leur rentabilité meilleure, par une
insertion plus rapide dans le marché du travail, mais aussi par le
prestige social qui découle du fait que ces programmes se trouvent dans
l'enseignement supérieur et ne sont plus perçus comme
étant des filières cul-de-sac dans le secondaire et
destiné aux moins doués.
Le décloisonnement vertical s'applique surtout aux pays
allemanophones ou à ceux qui entretiennent des relations
économiques avec cette partie du monde. Le décloisonnement
horizontal, par contre, est le propre de la politique actuelle de la France. Sa
stratégie pour revaloriser le technique se poursuit sur plusieurs fronts
à la fois par le rééquilibrage dans les flux
d'étudiants pour les attirer vers le technique, d'une part,
réduire le nombre de ceux qui choisissent les lettres, les sciences
humaines ou les sciences sociales, de l'autre; la refonte des premiers et des
seconds cycles, (les années allant jusqu'au bac + 4); l'insertion dans
l'université, stricto sensu, de nouveaux programmes à
finalité professionnelle; la mise en place aussi de passerelles entre
les trois secteurs: grandes écoles, universités et instituts
universitaires de technologie.
La stratégie d'équilibrage vise à accroître
le pourcentage des entrants en première année du technique,
c'est-à-dire des I UT, les sections de techniciens supérieurs et
les classes préparatoires aux grandes écoles, à les porter
de 39 % à 50 % et à diminuer d'autant le pourcentage de ceux
qui briguent une place dans les lettres, et les sciences humaines et les
sciences sociales - qui est actuellement à 59 % des entrées
totales en première année - vers 40 %. La refonte du premier et
du deuxième cycle a comme objectif de rendre le cursus plus transparent
à l'étudiant parce que moins spécialisé. Ainsi, les
programmes des études universitaires générales sont-ils
recombinés autour de 11 domaines au lieu de 40. La licence et la
maîtrise subissent une compression tout aussi draconienne: les programmes
à ces niveaux, jusqu'alors au nombre de 250, seront reconstitués
autour de 50 filières de diplôme.
Cependant, c'est dans le domaine de la formation des ingénieurs
que l'on voit les développements les plus remarquables.
Là-dedans, le véhicule clé de cette réforme, ce
sont les instituts universitaires profession nalisés. À ne pas
confondre avec l'Institut universitaire professionnel suisse. Ces instituts
universitaires professionnalisés français créés en
1981 - on en dénombre actuellement 23 à la rentrée de 1992
-forment des maîtres ingénieurs, les forment en trois ans.
L'originalité de ces établissements réside dans leur mode
de recrutement qui se fait à la fin de la première année
du supérieur, c'est-à-dire un bac + 1.
Pour celui qui est déjà engagé, soit dans la voie
des instituts universitaires de technologie, soit dans la première
année des études universitaires ou qui prépare le concours
aux grandes écoles, la possibilité est dorénavant ouverte
de poser sa candidature aux instituts universitaires professionnalisés.
Le diplôme de maître ingénieur décerné
à la fin de la troisième année d'études comprend
aussi des stages en entreprise d'une durée de six mois, répartis
sur toute la durée des études. Et, autre aspect qui mérite
sans doute notre attention: il est envisagé que 50 % des enseignants de
ces instituts seront des pratiquants engagés à titre de
professeurs associés.
La France, Mme la Présidente, se base donc sur un modèle
alternatif, celui d'un décloisonnement horizontal. Tout cela, tout ce
que je viens de décrire, la revalorisation du technique, s'accomplit
dans un cadre national. Mais, dans l'Europe d'aujourd'hui, la dimension
transnationale n'est plus un rêve, du moins en ce qui concerne
l'enseignement supérieur. Elle est du vécu quotidien pour le
corps universitaire et, surtout, pour l'étudiant. La construction de
l'Europe des Douze a fait que l'enseignement supérieur nous ouvre
à des horizons qui vont au-delà de l'État-nation. Sous
l'impulsion des grands programmes communautaires, tel ERASMUS,
c'est-à-dire le programme d'action communautaire pour la mobilité
des étudiants d'université qui, depuis 1987, a permis à
environ 90 000 étudiants de suivre des cours pendant au moins trois mois
dans des établissements étrangers, des programmes, tel COMETT, le
programme de la Commis- sion pour la formation et l'enseignement technologiques
qui, entre autres, subventionne le placement des étudiants en
ingénierie et en technologie pendant six mois dans les entreprises
étrangères, sous l'impulsion de ces programmes, un nouveau
défi se dessine, c'est-à-dire qu'il est derrière ces
programmes. Ce défi, c'est la construction d'une identité
européenne. Car si, Mme la Présidente, l'Europe a pris comme
priorité la technologie, cela ne peut pas laisser de côté
les aspects historiques, culturels et linguistiques qui sont la quintessence
d'une identité en voie de devenir.
Mobiliser l'Europe pour se rendre plus compétitif sur le plan
industriel et international en mettant à jour la technique, c'est poser
la question d'une culture générale européenne qui se situe
en complémentarité avec la culture générale de la
nation. Tout cela, soit dit en passant, n'est qu'à ses débuts. La
proposition de la Commission de la communauté européenne, que
chaque jeune, en plus de sa langue maternelle, doit être capable de
s'exprimer en deux langues étrangères, quoique rejetée
avec son habituelle irritation par Mme Thatcher, fait partie de ces
idées dont le temps est venu. Le développement d'unités
capitalisables permettant à l'étudiant de poursuivre ses
études à travers diverses universités et de passer d'un
pays à l'autre va prochainement voir le jour sous les auspices de la
Commission. Cela, Mme la Présidente, est une autre idée dont le
temps est venu.
La mobilité des citoyens de la communauté
européenne est un droit fondamental. Le partage des connaissances, aussi
bien technologiques que professionnelles, est une conséquence
Inéluctable de cette mobilité. De là, il s'ensuit que
cette même mobilité mène directement à une
société multiculturelle avec tout ce que cela implique pour
l'éducation civique, pour le consensus quant aux valeurs sur lesquelles
la société se construit, dont la tolérance n'est pas la
moindre. Pour l'Europe, que ce soit par l'intermédiaire de
l'école ou de l'université, la compétitivité que
l'on veut par la réforme du technique, ne peut être
consolidée que par une vision plus grande de ce qu'est la culture
générale. (11 h 50)
Mme la Présidente, je termine en disant que, pour bien des
Européens, la réforme que vous avez mise en oeuvre voici 25 ans
est celle que nous aimerions voir se réaliser chez nous. La cohabitation
des jeunes des origines les plus diverses jusqu'à 21 ans, c'est
l'expression concrète de la solidarité sociale. Cependant, vu ce
que je vous ai dit et ce que je vous ai montré dans la formation et la
réforme actuelle en Europe, nous devrons nous résigner à
l'évidence. Vu ces réformes actuellement en chantier et dont je
vous ai fait l'esquisse, si nous devons procéder à une chose qui
ressemble aux cégeps, ce sera, hélas, pour nous, un projet du
XXIe siècle. Pour faire cela, néanmoins, l'exemple des
cégeps nous sera, j'en suis persuadé, d'une valeur et
d'une pertinence inestimables. Merci, Mme la Présidente.*
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Neave. Alors, Mme
la ministre, vous avez la parole.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. M. Neave, je veux
d'abord vous remercier d'avoir accepté l'invitation de cette commission
de l'éducation pour venir témoigner de ce qui se passe
actuellement en Europe, de l'état des réflexions concernant
l'enseignement supérieur, d'autant plus qu'on est dans le contexte de
l'Europe des Douze. Mais, M. Neave, je dois vous dire que votre conclusion est
des plus percutantes quand vous nous dites: «Pour bien des
Européens, la réforme que vous avez mise en oeuvre ici, voici 25
ans, est celle que nous aimerions voir se réaliser chez nous». Et
vous insistez sur la cohabitation des jeunes des origines les plus diverses et
que c'est l'expression concrète de la solidarité sociale.
M. Neave, c'est une grande affirmation pour nous d'entendre cette parole
de la bouche d'un expert européen, mais j'aimerais aller plus avant avec
vous dans cette question-là. En somme, M. Neave, est-ce que vous faites
un lien entre le niveau d'accessibilité de nos études
postsecondaires et la division en filières parallèles de
formation? En somme, est-ce que vous faites un lien direct entre notre formule
de cégep telle que vous la connaissez et nos taux d'accès?
M. Neave: Mme la ministre, bien sûr, moi, je fais cette
connexion. On peut voir, en Europe, quelques pays où le taux de
participation s'est développé d'une manière pas
spectaculaire, mais consistante à travers les 20 dernières
années, pays qui ont ce parallélisme au niveau du secondaire.
Mais, ce qui est très important, c'est la rapidité avec laquelle
la participation au niveau du postsecondaire se développe. Et là,
nous avons fait le constat, par exemple, en Suède, qui est à peu
près le seul pays à avoir créé ou à avoir
incorporé, au niveau universitaire, le principe de cohabitation de
presque toutes les couches sociales, dans le sens qu'il n'y a pas de
parallélisme entre les établissements, que le taux de
fréquentation se développe très rapidement au début
de cette réforme. Et cela est très important parce que, d'abord,
permettre aux jeunes de ne pas considérer qu'ils sont dans des
filières qui ne mènent nulle part est extrêmement
important.
Il y a une autre importance. Toute la théorie du
parallélisme des filières ou des établissements au niveau
du secondaire en Europe est basée sur un concept à la fois de
l'intelligence et à la fois - comment dirais-je? - d'une structure
économique qui est prédictible, qui est stable et dont les
changements peuvent être perçus sur une période de 20 ans.
Vous savez très bien et sans doute mieux que moi que, historiquement,
nous avons classé nos gens, pour la... en trois parties. C'est une
vision platonique des choses, qui a fait que, dès l'âge de 11 ans,
nous avons divisé nos étudiants en trois secteurs: le secteur
général, le secteur technique et ie secteur dit information
vocation-nelle.
Cette division était une espèce de prédiction qui
n'était toujours pas précise et, plus l'économie allait en
se développant, plus, évidemment, les prédictions
étaient faussées. Le besoin, si vous voulez, de permettre aux
jeunes de remettre à plus tard, c'est-à-dire autour de
l'âge de 18, 19 ou 20 ans, au moment où ils ont une perception
réaliste de ce qui se passe en dehors de chez eux, est impératif
dans une économie qui est en voie de changement. On ne peut pas, comme
en Europe, continuer à croire qu'on peut, si vous voulez, se
préparer pour une job, pour un métier qui dure toute sa vie. On
ne peut pas, donc, dire que, par exemple, les jeunes qu'on a
préparés pour le vocationnel vont être
préparés à des métiers qui vont exister dans 10
ans.
Donc, pour donner une réponse à votre question, ce n'est
pas uniquement le lien établi avec la cohabitation qui est important.
Également important est de ne pas fermer les choix d'une manière
prématurée, tel que nous l'avons fait en Europe, où nous
avons consigné à peu près 40 % de nos jeunes, dès
l'âge de 11 ans, sur des filières qui étaient des
filières impasses qui les prédestinaient à des
métiers précaires ou qui les prédestinaient à des
métiers, pour le moins, qui n'avaient pas de carrière. Ce n'est
pas uniquement une question de cohabitation sociale qui fait partie de la
générosité de toute notion du terme. Il est question aussi
d'un certain pragmatisme dans le développement industriel. Si
l'industrie se développe très rapidement, on ne peut pas tout
à fait prédire quelles sont les compétences qu'il faudra
créer pour cette industrie. Donc, faire la distinction entre les jeunes
dès l'âge de 11 ans ou même à 16 ans, c'est une
distinction prématurée. En plus, c'est donner une notion moins
généreuse de ce que devrait être l'éducation
nationale.
Mme Robillard: Merci, M. Neave. Vous n'êtes pas sans
savoir, par ailleurs, que si nous avons, au niveau des taux d'accès, une
certaine réussite avec notre système, nous avons des
difficultés majeures au niveau de la persévérance aux
études et du taux de diplomation. Est-ce que vous pourriez nous faire
part si des phénomènes semblables existent dans les
systèmes européens? Donc, la question de la
persévérance et de l'abandon, la question de la diplomation et de
l'échec, la question de la durée des études, l'allongement
des études, est-ce que ce sont des phénomènes que vous
observez?
M. Neave: Mme la ministre, Mme la Présidente, je suis
heureux de pouvoir vous dire que les choses auxquelles vous venez de toucher ne
sont pas des exclusivités canadiennes et encore moins
québécoises. La question du taux d'échec, c'est
évidemment préoccupant dans les systèmes tels, par
exemple, la France, les Pays-Bas, certainement l'Allemagne, mais, ça,
c'est à partir d'une autre dimension. En Angleterre, c'est un peu
différent. Notre taux d'échec est relativement minime,
c'est-à-dire que sur 100 étudiants qui entrent dans le
supérieur vont en sortir diplômés dans trois ans,
c'est-à-dire le temps normalement prévu pour la période
d'études au niveau du «bachelor», environ 75,
c'est-à-dire qu'il y en a 25 qui ne complètent pas leurs
études à ce moment. Si vous faites, comme on en a fait
d'ailleurs, des études pour suivre le devenir de ces malheureux 25 %, au
bout de 5 ans, on se rend compte qu'il y en a à peu près 85 % qui
sont arrivés à dénicher un diplôme. Donc,
l'échec est relativement minime. Mais n'oublions pas qu'on peut toujours
rendre un échec minime en opérant une politique de
sélection rigoureuse et draconienne au point d'entrée, ce que
nous faisons au Royaume-Uni où l'enseignement supérieur ou
postsecondaire est, presque sans exception, sélectif. C'est ce qu'on
appelle le numerus clausus. (12 heures)
Ceci dit, prenons l'autre cas qui est connu comme étant assez
notoire, celui de la France où, sur 100 étudiants qui entrent en
DEUG en première année, à la fin de la deuxième
année il y en a à peu près 40 % qui vont dénicher
leur diplôme, si vous me permettez l'expression. Évidemment, le
taux d'échec, ça prête à l'inquiétude, mais
on peut toujours voir, du moins dans le contexte français, ce taux
d'échec comme couvrant une autre fonction. Rappelons, par exemple, qu'en
Europe il y a bien peu de services aussi bien alimentés. Par exemple, au
cégep, vous avez des services de conseillers, d'orien-teurs
psychopédagogiques; ce sont des services qui n'existent pas en
enseignement supérieur dans les pays que je connais, petite exception
faite peut-être de la Grande-Bretagne. Cela s'explique par une certaine
idéologie qui n'est pas tout à fait terminée, bien qu'on
reconnaisse ses aspects négatifs. Cette idéologie se rattache et
est groupée autour de ce qu'on peut appeler l'«Abitur», le
baccalauréat, la maturité. Ces examens sont censés non
seulement être, comment dirais-je, une démonstration de ses
compétences sur le plan cognitif, ils sont aussi censés
démontrer que l'individu a une certaine maturité, une certaine
«capabilrté» de se diriger lui-même et de prendre en
toute autonomie ses propres décisions. Et le fait de cette
idéologie, qui est très puissante, explique pourquoi point n'est
besoin d'avoir des cellules d'orientation dans les universités
françaises ou allemandes, bien que dans les universités
françaises, pour des raisons de massrfication, ces choses commencent
à s'installer, mais elles ne sont pas très nombreuses, ces
cellules.
On dit donc que quiconque n'est pas capable de bien choisir sa
filière, n'est pas capable - comment vous dire qu'est-ce que c'est, le
terme? - de gérer sa propre carrière, il n'a pas, donc, ia
capacité requise pour être à l'université, donc il
ne devrait pas être à l'université. C'est un diagnostic qui
se confirme.
Comment combattre le taux d'échec? Je vous ai donné, Mme
la Présidente, plusieurs indications, lors de ce papier, des mesures qui
ont été prises dans ce domaine. Il y en a d'autres dans le
contexte français, c'est-à-dire d'assurer qu'à n'importe
quel moment où l'on quitte l'université, à la fin de la
première année, par exemple, l'étudiant aura un certificat
ou attestation montrant ce qu'il a fait. C'est sans doute un avantage qu'il
n'ait pas quitté l'université sans rien du tout. Les
Néerlandais ont essayé la séparation de l'enseignement
universitaire en deux parties. Dans le temps, les Néerlandais avaient un
cours de six ans qui menait à ce qui était censé
être l'équivalent de la maîtrise, «the candidate's
exam». Les deux dernières années étaient
censées être des années dites de recherche, mais ce
n'était pas vraiment de la recherche au sens qu'on le comprend ici;
c'était tout simplement le travail, on peut qualifier ça de
travail indépendant. Néanmoins, le taux d'échec des
étudiants était d'environ 40 % sur ce cursus total. Ce qui a
amené les Néerlandais à faire deux choses: de couper au
niveau de la quatrième année et de dire: Le domaine recherche est
rattaché vraiment aux études postgraduées et n'y entre pas
qui veut. Opérer, donc, une sélection très rigoureuse de
façon à ce que tout le monde n'ait pas accès
automatiquement à ces deux dernières années, donc un
racourcis-sement des études, connu sous le nom de l'ordre de deux
phases: après beaucoup d'argent, avec beaucoup, comment dirais-je,
d'efforts, des évaluations ont montré que, malgré ces
réformes, le taux d'échec est toujours le même.
Ce qui nous mène à penser que l'échec n'est pas
simplement l'étudiant qui n'arrive pas à dénicher ou
à faire une performance suffisante. Il peut y avoir d'autres
stratégies, c'est-à-dire une espèce d'auto-orientation de
quitter une filière pour s'embaucher dans une autre, car il n'y a pas
vraiment d'orientation psychopédagogique disponible ou, en temps de
récession - comment dirais-je, une économie un peu fragile - de
prolonger ses études. Et, une fois terminées ces études,
on recommence. Donc, sous le phénomène d'échec, il y a
toute une autre série de phénomènes qui se cachent. Et il
est très important de distinguer entre l'échec d'un
étudiant qui n'a pas, du moins, gagné suffisamment de points pour
qu'on puisse lui décerner un diplôme et l'échec qui est
presque autodécidé. Il est possible que ce
phénomène n'existe pas au cégep, mais il
est certain que l'échec autodéterminé par
l'étudiant, c'est-à-dire comme une stratégie pour se
garder à l'abri du blizzard ou de la tempête économique en
continuant ses études à l'université, est un
élément qui est très important dans le contexte
européen.
La Présidente (Mme Hovington): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: M. Neave, je veux vous saluer d'une façon
spéciale. Je comprends un peu mieux, avec le dernier paragraphe de votre
présentation, pourquoi la ministre insistait tellement pour que vous
soyez des nôtres comme participant aux travaux de cette commission.
Alors, ceci étant dit sur le ton de la plaisanterie, on vous
souhaite la bienvenue chez nous, bienvenue au Québec. Merci d'être
là. Vous nous avez conforté dans nos travaux, du moins au
chapitre de la fréquentation scolaire au niveau postsecondaire. Je ne
sais pas si vous allez être familier avec l'expression que je vais
employer - je ne crois pas - mais, chez nous, il y a un vieil adage qui dit
que, des fois, à se regarder on se désole, mais à se
comparer on se console. À se regarder on se désole, mais à
se comparer... Alors, dans un univers un peu plus large que notre carré
de sable, parfois, ça fait du bien d'avoir des considérations un
petit peu plus larges.
Vous êtes ici à titre d'expert européen. J'ai vu
que, dans votre présentation, vous bénéficiez d'une
expérience particulière au niveau de la transition entre
l'école et le travail. Il y a une ligne de force dans votre
présentation qui est importante. Il y en a d'autres, mais il y en a une
sur laquelle je voudrais insister. Vous avez, vous aussi, indiqué qu'il
y a eu lieu en Europe, en Allemagne et ailleurs, de revaloriser l'enseignement
technique, de prendre des mesures pour faire une revalorisation de
l'enseignement technique. Et, au-delà du fait que vous nous avez
informé que l'enseignement technique n'était plus perçu
comme une filière ne conduisant nulle part, vous avez dit: On a fait de
l'information pour s'assurer d'une bonne revalorisation. Vous avez
également laissé voir, à moins que je ne me trompe - et
voilà ma question - que dans l'organisation de cette relation de stages
en milieu de travail versus le milieu des études, il y avait un certain
nombre de gens qui choisissaient davantage la formation technique à
cause de cette alternative études-travail.
J'aimerais que vous développiez davantage. Est-ce que vous croyez
que c'est un des effets dans les mesures de revalorisation de l'enseignement
technique de s'assurer que ceux qui le choisissent aient accès à
cette formule de stages en milieu de travail? Est-ce que vous croyez que
ça a joué dans le choix que plus de personnes semblent avoir
fait, en Europe, de la formation technique?
M. Neave: Disons que le stage en milieu de travail fait partie,
comme vous le savez, de la tradition allemande au niveau du secondaire
supérieur. Je reviens là-dessus, car il y a des
éléments importants là-dedans. Le développement de
stages en milieu de travail n'est pas aussi nouveau que l'on croit. Le
système des cours dits «sandwich» chez les Britanniques a
été consacré, était en existence ces trente
dernières années, surtout dans le domaine de l'enseignement
supérieur court, surtout dans les polytechniques, et surtout dans les
universités qui étaient, au début des années
soixante, censées être des universités technologiques. (12
h 10)
Le grand problème, c'est de savoir comment on peut faire de cette
pratique une partie intégrante pour tous les étudiants qui sont
dans cette filière. Je vous ai nommé d'ailleurs, dans le contexte
français, l'institut universitaire profes-sionnalisé. Pour le
moment, c'est un établissement relativement restreint, mais il fait
partie du prototype de ce qu'on espère faire. Le placement des jeunes
dans l'industrie jusqu'à présent, comme vous le verrez dans le
papier, est une pratique fortement avancée pour la formation des
techniciens et des ingénieurs. On espère, à partir de
là, pouvoir l'étendre à d'autres domaines.
Est-ce que je crois que cette pratique de stages en entreprise attire
davantage les étudiants vers l'enseignement supérieur non
universitaire? Je crois qu'il y a d'autres éléments qui entrent
en jeu. En Allemagne, comme je l'ai démontré, la durée des
études à l'université est extrêmement longue. La
durée, pour la plupart du temps, est décidée non pas par
les professeurs, mais par l'étudiant. Quand il s'estime prêt
à se présenter pour un examen, il se présente à
l'examen. Donc, il peut - comme je vous l'ai suggéré -
élargir son temps en milieu universitaire. Par contre, les
Fachhochschulen sont comme les établissements universitaires
français ou comme les établissements universitaires britanniques,
où l'étudiant est censé suivre un cours dont la
durée est décidée par les professeurs. Ces cours sont
beaucoup plus courts, trois ans et demi, avec placement dans l'industrie. Ils
sont censés aussi être, par ce fait, moins chers, moins
coûteux aux contribuables. Aussi, ces cours sont-ils dirigés sur
des aspects appliqués: l'informatisation, l'informatique, la PAO, la CAO
et d'autres domaines qui sont censés être recherchés par
les employeurs. De deux choses l'une: que les études soient plus courtes
et qu'ils soient recherchés par les employeurs semblent leur
conférer un attrait, du moins dans le contexte allemand, beaucoup plus
grand que ne le sont maintenant les études universitaires.
Or, le programme de développement des autorités
allemandes, c'est d'accroître les Fachhochschulen, qui ont actuellement
260 000 étudiants, sur une population totale de 1 600 000,
pour avoir dans les 450 000 étudiants et diminuer pour autant le
secteur universitaire. Donc, vous avez déjà une tentative - et ce
n'est pas limité à l'Allemagne - de pousser ou, comment
dirais-je, de persuader les étudiants de se lancer dans les domaines
où, comment dirais-je, la pratique est primée.
M. Gendron: D'après vous, si nous choisissions au
Québec de développer davantage cette formule ou cette structure
d'alternance travail-études, est-ce que vous avez des avis à nous
donner sur ce que j'appellerais «les conditions préalables»?
Parce qu'il arrive souvent qu'avant d'aller dans une formule d'une façon
plus soutenue, il y a des prérequis, il y a des conditions
préalables. En termes clairs, est-ce que vous croyez qu'il y a un
certain nombre de préalables, avant de mettre en place une structure
plus développée, plus forte, d'une pratique, pour ceux qui
choisiraient la formation technique, d'alterner entre la formation technique,
qu'on appellerait de base et celle directement en entreprise ou en atelier?
M. Neave: Je me permets, Mme la Présidente, de faire un
petit commentaire à côté avant de revenir. Vous avez ce
qu'on appelle «la formation en alternance» qui est
déjà incorporée dans les cégeps. Ça, c'est
la formation des adultes. Et ce que vous voulez faire, c'est d'établir
le flux dans le sens complémentaire: au lieu d'avoir un
détachement de l'usine pour faire partie des cégeps, d'avoir un
détachement vers l'usine de ceux qui font partie des cégeps.
Bon, l'alternance est une chose qui est d'une importance cruciale en
Europe, pour une raison qui n'est pas forcément pédagogique.
C'est une raison démographique. La population de l'Europe des Douze,
avec quelques exceptions, dont la Grèce et l'Irlande, est une population
vieillissante et nous estimons que, pour faire face aux évolutions
technologiques, avec une population vieillissante, il est évident que
nous devons recourir à la mise à jour des compétences des
gens qui sont déjà en place. Parce que nous ne pouvons plus nous
fier uniquement à l'adaptation faite à partir des nouvelles
compétences injectées par des jeunes venant pour la
première fois sur le marché du travail. Ce sont des remarques
préliminaires.
Pour revenir directement à la question qu'a posée M. le
député, Mme la Présidente, il est évident qu'un
préalable, c'est que les firmes, les employeurs et surtout les petites
et moyennes entreprises aient l'habitude et développent, si vous voulez,
la mentalité que les stages ou les stagiaires font partie du paysage
normal chez eux. Pour les grandes firmes - et ça, c'est toujours ce que
l'on constate partout - il n'y a pas de problème. Les problèmes
et les difficultés sont moindres. Mais les grandes difficultés,
c'est comment avoir, comment développer ces stages pour des jeunes en
secteur technique supérieur avec des employeurs, des entreprises de
cette taille-là.
Évidemment, on se réfère toujours aux Allemands et
parfois aux Néerlandais parce qu'ils ont un système
parallèle qui est assez modelé sur l'allemand. Mais, pour les
Allemands, ce système de stages et de placement est en place depuis au
moins 80 sinon 90 ans. Le grand problème, ce sera comment persuader les
petites entreprises de vous confier d'une manière
régulière, garantie et sur une période prédictive,
une tranche de trois ou quatre ou cinq ans, une série de stages sur
lesquels peut compter l'établissement. Je dirais que, ça, c'est
un des préalables des plus importants.
M. Gendron: Merci. Vous avez également indiqué,
à moins que je ne me trompe - je veux vous faire exprimer davantage
là-dessus... Après avoir réussi, en Europe en tout cas,
à revaloriser davantage la formation technique, croyez-vous que la
tendance européenne, pour celles et ceux qui choisissent la formation
technique, est également dans le courant d'une meilleure formation
générale? J'ai cru comprendre ça à la fin, quand
vous affirmiez: La réforme du technique ne peut être
consolidée que par une vision plus grande de ce que c'est que la culture
générale. Est-ce que votre définition d'une vision plus
grande d'une culture générale égale, pour celles et ceux
qui choisissent une formation technique, une meilleure formation de base?
M. Neave: Mme la Présidente, la réponse
brève, c'est oui, bien sûr, et je vais vous donner quelques
exemples de cela. J'ai été peut-être un peu obscur dans les
trois derniers paragraphes.
Il y a une culture générale qui existe au niveau de la
nation, mais qui ne s'étend pas à tous les jeunes de cette
nation. C'était, en Europe, limité à ceux qui suivaient
des cours généraux, c'est-à-dire les programmes
académiques. Maintenant, au niveau européen, nous avons un grand
problème, c'est de savoir comment réaliser, comment donner de la
chair à ce squelette qu'est l'Europe. Et un des éléments
les plus importants dans la reconstruction de l'Europe, c'est la
mobilité des citoyens, la mobilité des compétences, la
mobilité des capitaux. Or, comme vous le savez, nous avons huit langues
officielles. Pour qui veut jouir des opportunités de mobilité, il
faut que ses diplômes soient reconnus. Et si toutefois ses diplômes
durent au moins trois ans et mènent à une reconnaissance de
pratique professionnelle dans un pays, ils sont censés lui permettre de
pratiquer ce même métier dans un autre pays, mais il faudra aussi
qu'il apprenne la langue de ce pays. (12 h 20)
Nous avons donc, au-delà de ce qui était la culture
générale nationale, besoin d'une culture générale
qui va s'étendre, par exemple, au
développement de l'apprentissage des langues, d'une part, et sans
doute au développement d'une conscience européenne que l'on peut
appeler l'éducation civique, de l'autre. Vous avez également
besoin d'incorporer dans le curriculum de base du secondaire supérieur
une notion d'une histoire qui est autre que l'histoire simplement de la nation,
telle qu'elle a été décrite dans un contexte nationaliste.
Et c'est pour cela que je dis qu'il se dessine en Europe, au niveau
européen, d'autres besoins, des exigences de culture
générale, car sans avoir ces compétences linguistiques,
sans avoir la notion de ce qu'est l'Europe et quelle a été
l'histoire du pays dans lequel vous allez vivre, encore plus la culture et les
habitudes des gens, pour le moins, nos compétences seront difficiles,
non pas a réaliser mais seront difficiles à adapter.
L'adaptation pour la mobilité peut évidemment se faire
à partir des connaissances techniques et professionnelles. Mais, pouvoir
vivre dans une autre langue, ça exige une culture générale
européenne partagée, qui ne veut pas dire harmonisation
culturelle - on pourra revenir là-dessus ensuite, si vous voulez, Mme la
Présidente - mais une culture générale qui va de pair avec
ce que j'appelais la culture technique. Jusqu'à présent, notre
culture générale était nationale. Elle n'était pas
européenne.
M. Gendron: Je vous remercie beaucoup, M. Neave. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. M. le
député de Verdun.
M. Gautrin: Merci, M. Neave. J'ai été
frappé, et je vais poursuivre sur la réponse que vous venez de
donner au député d'Abitibi-Ouest, par un point de votre document.
En page 3, vous disiez: «Suggérer que la culture
générale dans le contexte européen se présente
comme une sous-jacente à la formation technique et technologique peut
prêter à incrédulité. Cependant, cette thèse
n'est pas aussi loufoque qu'elle semble l'être.» Et après,
vous justifiez ceci dans le reste de votre document. Je dois dire que je
partage tout à fait votre point de vue. Pour moi, c'est loin
d'être loufoque. C'est quelque chose que je pense qu'il faudrait mettre
de l'avant.
Bien souvent, la formation technique ou la formation technologique est
considérée comme une voie mineure. C'est celle dans laquelle on
renvoie les étudiants lorsqu'ils ne réussissent pas dans ce qu'on
pourrait appeler, ce que vous avez qualifié d'ailleurs, vous aussi, de
voie royale, celle qui mène à l'université. N'y aurait-il
pas, et là je voudrais avoir votre réaction sur une
hypothèse... Si tout, dans le cursus de formation, si la formation
technique était intégrée et quasiment obligatoire,
c'est-à-dire qu'au lieu de déclasser les étudiants et de
les envoyer dans les voies du technique, la voie naturelle serait la voie du
technique, quitte à ce que, à la fin d'une formation technique,
on puisse continuer vers d'autres formations, c'est-à-dire être
promu, entre guillemets, vers une formation plus générale vers
l'université, une formation supérieure, d'ingénieur, mais
même aussi de médecin ou d'avocat... Autrement dit, est-ce qu'on
ne pourrait pas concevoir que, quelle que soit la profession ou les
études que vous allez faire au niveau universitaire, vous ayez eu une
partie de votre formation qui incluait une formation technique?
M. Neave: Dans un sens, on peut déceler ce raisonnement,
mais non pas au niveau du secondaire supérieur. On peut voir ce
raisonnement, par exemple, dans le premier degré du secondaire en
France, avec l'inclusion de la technologie, des études de technologie
comme faisant partie de - comment dirais-je - la formation de base, mais pas
exclusivement. Faire de la formation technique la culture de base, H faudra
quand même une révolution des plus poussées. Ce que j'ai
entendu montrer là, c'est l'importance qu'on rattache au
développement du technique au niveau du supérieur. Si l'on devait
inverser le rapport entre la culture générale et la formation
technique, il faudrait se poser la question: Quels sont les étudiants
qui, directement, iront ensuite à la formation générale?
C'est très important ça, parce que, dans le contexte de l'Europe,
II est... Hélas, ce n'est pas toujours le cas, mais, au niveau du
secondaire, il est souvent le cas que ceux qui sont dans le technique ne sont
pas censés être parmi les sujets les plus brillants. Or, Inverser
les deux cultures et dire que ce qu'ils veulent, après avoir suivi une
culture de formation technique, c'est choisir le général ensuite,
ce serait une excellente proposition pour attirer vers la technique, ce qui
était jusqu'alors consacré aux mathématiques, en France,
ou à l'histoire ou bien aux études latino-grecques au
Royaume-Uni. Ce qu'il faudra pour cela, je crois que ce sont des changements
pas toujours... On ne pourra pas toujours introduire ces changements au niveau
du secondaire aussi rapidement qu'on le veut.
Pour reprendre un autre aspect de votre question, si vous regardez les
grands programmes de coopération au niveau européen, ce sont des
grands programmes qui ne sont pas dans les humanités. Ce n'est pas dans
les sciences sociales. Les grands programmes, tels que vous les voyez, comme
COMETT, ou comme Esprit, ou comme Brights, ce sont des grands programmes
technologiques. Et il n'y a pas un pays, exception faite, peut-être, de
la Grande-Bretagne - et encore - où on a essayé de
rétablir cet équilibre entre la formation non
générale et la formation technique en faveur de la technique. En
1988, le gouvernement Thatcher a essayé, pour rééquilibrer
- au lieu d'avoir 54 % de ceux qui faisaient des études humanitaires et
de sciences sociales,
je crois que c'étaient 46 % qui faisaient l'ingénierie et
les sciences précises - d'inverser les chiffres. Les Français,
comme je vous l'ai montré, essaient de faire de même.
Donc, les grands programmes technologiques ont une action, si vous
voulez, capillaire, de l'extranational vers le national, où les nations
essaient, comment dirais-je, d'orienter les étudiants davantage vers le
technique, et ça va prendre du temps. Si ça va pouvoir
s'introduire au niveau du secondaire? Alors, là, il faudrait être
prophète pour pouvoir dire quand, comment et sous quelle forme. (12 h
30)
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Mme la
ministre.
Mme Robillard: Oui, M. Neave, une dernière question.
Est-ce que vous croyez qu'à cause de l'unification de l'Europe,
présentement, et l'établissement de mécanismes
supranationaux de régulation, ce processus-là va entraîner
l'uniformisation des structures d'enseignement? En somme, est-ce que
malgré cette unification on va continuer à respecter les
particularités, les originalités des systèmes
d'éducation de chacun des pays?
M. Neave: Mme la Présidente, Mme la ministre, je peux vous
donner une réponse qui est citée du texte, comment dirais-je,
sacro-saint de la Commission des communautés européennes qui dit
qu'en éducation on ne veut pas développer, procéder vers
l'harmonisation. Ce que l'on veut, c'est maintenir la diversité de
chaque système pour que d'autres systèmes puissent profiter de
leurs différences. Qu'est-ce que je veux dire par ça? Tout comme
je l'ai suggéré, lors du dernier paragraphe de mon papier, pour
bien des Européens, les cégeps, c'est l'enseignement
régulier ici. C'est quelque chose de parfaitement normal. Ça peut
être considéré comme une forme expérimentale ou un
moyen d'informer ceux qui voudraient procéder dans cette direction.
Donc, il y a plusieurs justifications pour conserver cette
non-harmonisation.
D'abord, parce que l'expérience des différents pays peut
servir comme indication opérationnelle de modèles qui sont
différents de ce que vous trouvez chez vous. Donc, vous pourrez profiter
de l'expérience de votre voisin. Vous n'avez pas besoin de créer
des écoles expérimentales ou des universités
expérimentales, si telle est votre volonté. Mais il y a
néanmoins une certaine convergence à partir de ce qu'on peut
appeler la loi des résultats anticipés. C'est une harmonisation
qui est opérée par les instances nationales et qui porte
principalement sur la durée des études. On voit deux pays qui ont
raccourci leurs études de cinq à trois ans. Ce sont les Espagnols
et les Danois. Pourquoi cela? Non pas par conviction d'harmonisation, mais pour
éviter que leurs étudiants soient désavanta- gés
d'avoir à suivre un cours qui dure deux ans de plus que pour leurs
homologues qui sont déjà sur le marché du travail.
Donc, il y a une harmonisation à ce niveau-là et à
un autre niveau encore, et, cet autre niveau, c'est après tout au niveau
de l'établissement. Il y a bien des pays en Europe où la
façon de diriger ou la façon d'orienter un système
d'enseignement supérieur n'est pas toujours, dans tous ses
détails, entre les mains des gouvernements. Les universités ont
la fâcheuse tendance de vouloir faire ce que vous ne voulez pas qu'elles
fassent.
Mme Robillard: merci. merci beaucoup, m. neave, d'être venu
nous rencontrer à la commission de l'éducation. je vais vous
souhaiter une bonne fin de séjour au québec.
M. Neave: Merci, madame. Ça m'a fait plaisir.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, au nom des membres
de la commission de l'éducation, permettez-moi à mon tour de vous
remercier d'être venu nous exposer votre point de vue sur l'avenir des
cégeps. M. Neave, merci. La commission de l'éducation suspend ses
travaux jusqu'à 14 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 33)
(Reprise à 14 h 3)
La Présidente (Mme Hovington): La commission de
l'éducation va reprendre ses travaux, et j'inviterais Mme Louise
Corrh/eau, professeure au collège Édouard-Montpetit, à
bien vouloir venir prendre place, s'H vous plaît.
Bonjour, Mme Corriveau. Alors, Mme Corriveau a écrit certains
articles dans des périodiques, entre autres «La scolarisation des
jeunes fait-elle encore partie de notre projet de
société?», un autre article intitulé «Tensions
et tendances dans les cégeps aujourd'hui», et elle a produit un
livre, ou écrit un livre: «Les cégeps questions
d'avenir», qui a été remis d'ailleurs à chaque
membre de la commission de l'éducation. Alors, bienvenue à la
commission. Vous avez 20 minutes pour nous présenter votre
exposé.
Mme Louise Corriveau
Mme Corriveau (Louise): Permettez-moi d'abord de remercier, Mme
la Présidente, la commission qui a accepté de m'entendre. Je sais
que de nombreux mémoires ont été soumis à
l'attention de la commission et que plusieurs auraient souhaité
être entendus. J'apprécie d'autant cette invitation et
j'espère vivement que mes propos vont vous être utiles et vont
être utiles aux délibérations de la commission. Per-
mettez-moi aussi, madame, de saluer Mme la ministre et le
porte-parole de l'Opposition.
Les questions soumises à l'attention de la
commission sont importantes et touchent toutes les facettes de la vie
collégiale. En écrivant «Les cégeps questions
d'avenir» pour la collection Diagnostic de l'Institut
québécois de recherche sur la culture, j'ai eu l'occasion de
réfléchir sur plusieurs de ces questions. Depuis quelques
années déjà, j'ai fait de l'enseignement collégial
mon champ de recherche et ma vie quotidienne; j'enseigne dans un collège
depuis 1973.
J'ai acquis la conviction aujourd'hui que les questions de
structure doivent être subordonnées aux questions de culture. Les
premières sont certes importantes, mais rien ne pourra vraiment changer
si on ne transforme pas la culture, la culture des organisations et des
institutions, la culture des étudiants et les pratiques
pédagogiques des professeurs.
Je ne compte pas reprendre ici tous les
éléments du diagnostic de l'enseignement collégial que
j'ai préparé en 1991. Je souhaiterais plutôt faire d'abord
un survol des acquis tout en avançant un certain nombre de correctifs
qui pourraient, selon moi, être de nature à améliorer la
qualité de l'enseignement collégial. J'aborderai ensuite quatre
questions clés pour l'avenir: la jonction entre les ordres
d'enseignement; la reddition de comptes; l'orientation et l'encadrement des
élèves et les programmes, surtout les programmes
préuniversitaires. Je conclurai sur les orientations culturelles
à adopter pour la relance des cégeps.
Au plan des acquis, il faut tout de suite souligner la
contribution des collèges à l'accessibilité aux
études postsecondaires - notamment celle des filles est importante. Les
cégeps, on l'a maintenant démontré, ont permis
d'accroîtrel'ac-cessibilité des jeunes à l'enseignement
supérieur. Le collégial n'est pas devenu un goulot
d'étranglement, comme certains l'avalent craint. Aujourd'hui, 90 % des
diplômés de l'enseignement général du secondaire et
17 % de ceux de l'enseignement professionnel accèdent au
collégial. Ce n'est pas rien. De la même façon, les
diplômés du collégial du secteur préuniversitaire
accèdent aussi à l'université en grand nombre, 85 %. De
plus, 17 % des diplômés du secteur technique poursuivent
maintenant des études universitaires. Dans ces cas-là, il s'agit
souvent de jeunes qui, il y a quelques années, n'auraient même pas
pensé aller au-delà du secondaire, mais, au contact des autres
élèves et des professeurs qui ont fait ce chemin, ils constatent
que l'université, c'est aussi pour eux. Le cégep joue un
rôle stratégique dans l'élévation des aspirations
professionnelles des jeunes. Ne serait-ce que pour cela, il faudrait le garder
sous sa forme actuelle.
Les cégeps, pôles de développement.
Dans les régions, les cégeps contribuent de multiples
façons au développement de leur territoire. Ils forment la
main-d'oeuvre spécialisée dont la région a besoin. Ils
produisent aussi une partie de l'expertise requise par le milieu.
Malheureusement, les cégeps aussi souffrent du
«maldéveloppement» du Québec. Les mouvements de
population vers les centres et le déclin du nombre d'étudiants
qui s'ensuit placent certains collèges dans des situations
financières et pédagogiques difficiles: trop peu
d'étudiants dans certains programmes techniques, des professeurs qui
doivent dispenser un nombre très élevé de
préparations de cours au détriment de la qualité de leur
enseignement, des coûts par élève, bien sûr,
excessivement élevés. Les cégeps devront revoir l'ensemble
de leurs programmes professionnels et planifier leurs enseignements sur une
base régionale dans une perspective de complémentarité de
services. Je sais que ça exigera pour les régions des choix
urgents et douloureux.
La formation des professeurs. La qualification des
professeurs est aujourd'hui bien meilleure que celle des enseignants des
instituts de technologie et des collèges classiques. Même si
aucune formation pédagogique n'est requise à l'enseignement
collégial, la compétence pédagogique des professeurs s'est
grandement accrue. La pédagogie de niveau collégial se construit
en même temps que se poursuivent les réflexions sur le niveau de
connaissances à dispenser. Il faut noter, cependant, que la recherche en
didactique de l'enseignement collégial en est à ses
balbutiements. Dans beaucoup de domaines, les professeurs ont peu de ressources
pour développer leurs compétences pédagogiques et on
ressasse souvent des recettes ou des modèles qui n'ont pas fait fureur.
Les programmes offerts par les universités mériteraient
d'être évalués à ce sujet. Il y a beaucoup à
faire pour que la formation pédagogique mérite ses lettres de
noblesse. Mais les compétences disciplinaires aussi des professeurs
doivent être maintenues.
C'est pourquoi toute la question du perfectionnement des
professeurs doit être examinée de près. Certaines
procédures sont farfelues ou inutilement bureaucratiques. Les sommes
allouées au perfectionnement sont très insuffisantes. Dans des
collèges, des lacunes identifiées dans la formation des
professeurs ne peuvent être comblées et de nombreuses demandes de
projets de perfectionnement ne peuvent être acceptées faute de
fonds.
D'ailleurs, dans plusieurs collèges, quand la
convention collective l'a permis, on a convenu de verser des surplus de masses
salariales au perfectionnement. Dans certains collèges, 0 y a même
des projets venant de la partie syndicale pour déposer des sommes au
perfectionnement. Il y a des entreprises qui seraient très contentes de
ce mouvement-là, mais, avec moins de 1 % de la masse salariale
accordée au perfectionnement, le gouvernement ne fait certes pas figure
de leader. (14 h 10)
La formation technique au niveau collégial. Celle-ci a connu un
essor considérable depuis 20 ans. Les cégeps ont su former des
techniciens compétents, capables de suivre les changements
technologiques. Cette qualité-là de la formation est aujourd'hui
reconnue. Malgré les tensions et les chevauchements entre le secondaire
et le collégial, la plupart des programmes professionnels sont
pertinents, généralement bien construits et là au moins la
finalité des programmes est clairement définie. Mais les
procédures d'élaboration et de révision devraient
être allégées pour le moins. Malheureusement, le taux de
diploma-tion des élèves du secteur technique est faible.
Plusieurs facteurs sont ici en cause. Certains quittent avant la fin de leurs
études parce qu'un emploi leur est offert dans leur domaine. Certains
programmes sont très exigeants, trop même, avec plus de 30 heures
de travail de cours, sans compter les nombreuses heures de travail
personnel.
Par ailleurs, le lien entre milieu social et réussite scolaire
est bien connu. Or, les élèves du secteur technique sont
généralement issus de milieux culturels et
socio-économiques moins favorisés que leurs collègues du
préuniversitaire. Nous savons, par exemple, que les deux tiers des
élèves qui reçoivent de l'aide financière
gouvernementale pour poursuivre leurs études sont inscrits au secteur
technique.
Le faible taux de diplomation demeure très préoccupant. Il
exige que les collèges, de concert avec la DGEC, en repèrent les
entraves structurelles: préalables non directement pertinents, des
contenus de cours trop chargés, des programmes de cours trop
chargés, des cours de spécialisation ou de service vraiment trop
difficiles. De plus, avec la mutation des clientèles du secteur
technique vers une clientèle plus adulte, de nouveaux modes
d'organisation des études et de nouvelles certifications devront
être explorés.
Chez les diplômés, la relation entre le travail et les
études est très forte et, dans l'ensemble, leur taux de placement
intéressant. Malheureusement, les diplômés ont aussi
été atteints par la récession. C'est seulement les trois
quarts qui trouvent maintenant un emploi. Ils s'en tirent quand même
mieux et de loin que les jeunes de leur âge moins scolarisés et,
dans plusieurs créneaux, le taux de placement des techniciens et des
techniciennes se compare avantageusement à celui des
diplômés de baccalauréat en sciences humaines, en arts et
en lettres.
L'enseignement professionnel collégial a de plus eu un effet sur
l'organisation technique du travail dans les entreprises et a contribué
à une nouvelle division du travail. Les cégeps ont, en effet,
favorisé l'émergence d'une nouvelle catégorie de personnel
professionnel, les techniciens, qui jouent aujourd'hui un rôle
stratégique dans l'organisation du travail. Mais cette place
stratégique qu'occupent les techniciens n'a pas de correspondance au
niveau de leur statut. Les techniciens n'ont pas encore la pleine
reconnaissance sociale qui devrait correspondre à leurs
compétences. Cette question est importante parce qu'elle fonde, selon
moi, toute la désaffection des jeunes à l'endroit de la formation
professionnelle. Là où le statut des diplômés est
reconnu, soit au plan social, soit par un ordre professionnel, les inscriptions
sont nombreuses et doivent même être contingentées:
orthèses visuelles, techniques policières, hygiène
dentaire, etc. Bon.
Les principales difficultés de recrutement se retrouvent d'abord
dans la famille des techniques physiques. Or, dans l'économie
québécoise, c'est précisément le secteur secondaire
qui est en redéfinition. Pour les jeunes, cela se traduit par des
perspectives d'emploi instables, des difficultés d'embauché, des
mises à pied. Ce n'est guère invitant. Ce secteur n'a pas bonne
presse auprès des jeunes qui voient encore des usines sales et
dangereuses avec des modes de gestion autoritaire où leur
compétence n'est pas pleinement reconnue, sans perspective de
carrière. J'enseigne souvent à l'École nationale
d'aérotechnique, alors...
Les employeurs ont beaucoup à faire pour changer leur image ou,
comme il faut bien le dire, pour changer la culture de certaines entreprises.
Les projets d'alternance travail-études, sur ce plan, sont très
intéressants. Malheureusement, la collaboration des entreprises, qui
pourtant réclament sans cesse des stages, laisse parfois à
désirer. Mais le peu de reconnaissance sociale accordée aux
techniciens interpelle finalement toute la société. Pour
dépasser ce blocage, les filières professionnelles doivent
faciliter le passage du secondaire jusqu'à l'université.
Des mécanismes de jonction. Ici, je soulève ce qui
m'apparatt être un des enjeux majeurs de la réforme à
venir: l'établissement de mécanismes de jonction efficaces entre
les ordres d'enseignement et la détermination de seuils à
l'entrée comme à la sortie. Un exemple. Le ministère de
l'Éducation n'envoie pas la description des cours au niveau secondaire
dans les collèges. J'ai cherché vainement, pendant une semaine,
le contenu du cours de mathématiques 414 du secondaire. Personne ne
l'avait, y compris la personne qui est responsable de la jonction dans le
collège.
Les exigences du D.E.S. sont la réussite de 130 unités
parmi les 176 que doit suivre l'élève. Le professeur de
cégep accueille donc dans sa classe des élèves qui ont 46
unités de formation en plus ou en moins. Ce n'est pas rien. Si on veut
faire image, ça signifie qu'on a, dans la même classe, des
étudiants de quatrième secondaire et de cinquième
secondaire. Avec cette lunette, on comprend un peu mieux les taux
élevés d'échec et d'abandon à la
première
session. D'ailleurs, les professeurs de cégep le
disent depuis longtemps et Ronald Terrill au SRAM l'a bien
démontré. Quand la formation secondaire est trop faible les
perspectives de réussite au collégial sont très
minces.
Qu'est-ce que ça veut dire concrètement?
Ça veut dire que... C'est une petite enquête que j'ai faite
auprès de mes étudiants. Ils avaient un texte que je leur ai
donné. J'ai demandé un certain nombre de mots qu'ils ne
comprenaient pas. Très bien. «Vice», dans «vice de
raisonnement» - ça, c'est des étudiants de sciences
humaines - «globale, institutionnel, conflit, élite,
légitime, transgresser, fragmentaire, pathologique». Comment
apprendre quand on a tant de difficultés à lire?
Mais leur maîtrise des outils mathématiques
n'est pas plus glorieuse. Plusieurs sont incapables de faire une règle
de trois, de calculer leur note finale parce que toutes les évaluations
partielles ont été corrigées sur 100 ou encore de traduire
- oh! chose difficile - 15 sur 25. Certains ont si peu le sens
mathématique qu'ils peuvent à peine se servir d'une calculatrice.
Pour l'obtention du D.E.S., il faut avoir suivi, ce qui ne signifie pas
réussi, les mathématiques de secondaire IV. Dans les programmes
qui n'exigent pas de préalables, les professeurs s'arrachent
littéralement les cheveux. Environ un élève sur deux a
échoué le nouveau cours de méthodes quantitatives dans le
programme de sciences humaines, quand il n'avait pas réussi ses
mathématiques de secondaire IV. En soins infimiers, on file des notions
de mathématiques en douce. Les étudiants - les étudiantes
surtout - sont incapables de calculer la médication.
Le MEQ vient, encore une fois, de reporter jusqu'en 1998,
disent les rumeurs, le nouveau régime pédagogique du secondaire
qui devait être en vigueur à la fin des années quatre-vingt
et au début des années quatre-vingt-dix. Justement, ce nouveau
régime pédagogique prévoyait l'obligation de
réussir un cours de mathématiques de secondaire IV et un autre
cours d'anglais pour obtenir le diplôme, mais les collèges n'ont
pas encore été officiellement prévenus.
Il y a ici, je le dis, une hypocrisie collective qu'il faut
lever au plus tôt et pour les professeurs du secondaire et du
collégial, surtout pour les élèves. On n'a pas le droit
d'envoyer au collégial des élèves si mal
préparés. Puisque le D.E.S. s'oriente de plus en plus vers un
diplôme très minimum commun à tous et que l'ordre
secondaire n'a pas dans ses objectifs de formation de préparer aux
études collégiales, on doit clairement identifier pour les
élèves du secondaire une voie préparatoire aux
études collégiales tout en prévoyant des mécanismes
de mise à niveau. Ici, l'échec est presque planifié, et
l'échec n'a jamais été une occasion de motivation pour la
poursuite des études. Mais les universités ont connu une
situation analogue. Avant la réforme du programme de sciences humaines,
les universités recevaient les étudiants avec un diplôme
plus léger de 25 % en termes d'unités de formation. Encore
aujourd'hui, les programmes préuniversitaires sont loin d'avoir le
même poids. Il faut regarder sciences, arts et lettres et sciences
humaines pour en...
Finalement, c'est plus qu'une simple question de structure,
c'est à l'absence de volonté politique qu'il faut imputer cet
état de fait. Depuis déjà longtemps, on aurait dû
déterminer des seuils à l'entrée et des seuils à la
sortie pour tous les ordres d'enseignement. Les seuils actuels, flexibles,
obligent chaque professeur et chaque ordre à ajuster son contenu et ses
objectifs. Mais, en bout de ligne, c'est la qualité de tous les
diplômes qui devient alors discutable. Entre l'autonomie des
universités, les chasses gardées et les jeux de
souquenà-la-corde entre les niveaux secondaire et collégial, il
est temps que ces problèmes, qui pourrissent depuis très
longtemps, soient solutionnés.
Cette situation aurait probablement été
corrigée plus tôt si le collégial s'était
doté d'un mécanisme crédible d'évaluation. Les
cégeps prêtent le flanc à toutes les critiques, même
les plus fantaisistes, parce qu'ils ne se sont pas dotés d'un
mécanisme crédible d'évaluation. C'est devenu
incontournable. Mais la manière dont elle sera faite aura un impact
déterminant sur l'autonomie des cégeps et sur leur avenir. C'est
aussi la seule façon de maintenir l'accessibilité tout en
assurant la qualité de la formation. Le Conseil des collèges n'a
ni les ressources ni les moyens d'assurer correctement cette reddition de
comptes. Ça signifie qu'actuellement, par exemple, on n'a pas de
mécanisme d'évaluation des processus internes de chacun des
collèges. Ça signifie aussi que les programmes de la DGEC
eux-mêmes ne sont soumis à aucune évaluation externe.
Les cégeps sont un univers de différences, et
cette richesse, il faut la garder et préférer l'émulation
à l'uniformisation. On sait le poids de la culture organisationnelle
d'une institution dans la formation des étudiants. Il faut donc mettre
en place un mécanisme qui va au-delà de l'évaluation des
cours et des programmes et qui puisse prendre en compte l'ensemble de la
richesse institutionnelle ou la valeur ajoutée, parce que les parents
ont besoin de savoir ce que fait une institution. Un parent n'a peut-être
pas le goût d'envoyer son enfant dans le collège où il y a
le plus de «bollés» parce qu'il est un peu fragile. Il
souhaiterait peut-être l'envoyer dans un collège où il va
avoir davantage d'encadrement. Avec un mécanisme d'accréditation
tel que je le propose depuis un petit bout de temps déjà, je
pense qu'on va pouvoir prendre en compte toute la richesse et la culture des
institutions. (14 h 20)
Par ailleurs, il faut bien le dire, il serait excessivement
difficile de vendre l'idée d'examens
nationaux à des professeurs de cégep. Un organisme externe
risque d'être mieux accepté par les milieux. Plusieurs jugent en
effet de façon très, très critique les examens
ministériels du secondaire, pour ne pas les nommer. Par ailleurs,
certains départements se soumettent déjà volontairement
à l'évaluation d'organismes externes pour obtenir une
accréditation de leurs programmes, par exemple pour obtenir une
accréditation canadienne; ils disent en retirer beaucoup de profit.
Évidemment, cet organisme devra bénéficier de
toutes les compétences requises et d'une grande
crédibilité. Il devra pouvoir interpeller tous les acteurs, de la
DGEC au MESS, selon moi, tant sur les choix de programmes que sur les choix
financiers. On pourra alors sortir de la rumeur et des palmarès et
offrir au public l'information à laquelle il a droit.
La mise en place d'un mécanisme d'évaluation ne doit
cependant pas avoir pour effet de tuer l'embryon d'analyse institutionnelle
qu'on voit enfin poindre dans les collèges. L'évaluation doit, au
contraire, être associée à la construction des programmes
et des cours. Et, en ce sens-là, la DGEC doit donner aux collèges
le moyen de faire ce travail-là.
Pour la qualité de la formation, l'encadrement.
L'évaluation, ce n'est pas une fin en soi. C'est la qualité de la
formation qu'il faut viser et, ici, il y a beaucoup à faire, notamment
au plan de l'encadrement.
Au collégial, le mode d'encadrement est quasi universitaire et,
pour peu qu'on questionne les étudiants, on voit que c'est tout à
fait inadapté. Ils nous disent qu'ils ont trouvé difficile
d'arriver à l'heure sans la cloche, d'utiliser le transport en commun,
de prendre des notes de cours, d'étudier le soir - et j'ai une liste
encore plus longue de choses - de décider de leurs vêtements tous
les jours.
Dans les cégeps - et, ça, c'est les tout-petits qui
entrent à la première session - on compte actuellement dans les
collèges une seule personne en charge de l'aide pédagogique
à chacun des étudiants. Le ratio est de 1 pour 1000. C'est cette
personne-là qui est responsable du cheminement de l'élève
dans son programme. Si, dans l'enseignement technique, le ratio plus faible
étudiants-professeur et la structure des programmes permettent de
pallier cet état de choses, il en est tout autrement dans les sciences
humaines.
La Présidente (Mme Hovington): Excusez-moi, Mme Corriveau,
il vous reste une demi-minute, à moins qu'il n'y ait consentement des
deux côtés pour vous laisser le temps de finir votre
mémoire, et je répartirai équitablement entre les deux
formations le temps qu'il restera. Alors, il y a consentement pour que vous
continuiez.
Mme Corriveau: Je vous remercie. C'est ça, un professeur,
ça parie trop.
La Présidente (Mme Hovington): Allez-y!
Mme Corriveau: Alors, dans les sciences humaines, dans la
philosophie et le français, il y a, effectivement, un énorme
problème, et je vous ferai remarquer que ce sont, justement, les
matières les plus critiquées. Il faut savoir que le ratio
étudiants-professeur permet d'encadrer à la même session
jusqu'à 160 étudiants et, avant la dernière convention
collective, ça pouvait aller jusqu'à 200. Personne ne peut
imaginer ce que ça veut dire. Qu'est-ce que ça veut dire, au
quotidien?
Ça, ça veut dire qu'à la fin de la session un
professeur ne connaît pas le nom de ses élèves, quand il y
en a 160. Ça veut dire que chaque travail d'une ampleur très
moyenne - 5 à 7 pages - qui prend à peu près 15 minutes
à corriger, signifie 40 heures de correction. Avec la prestation et la
préparation des cours, on fait à peu près ça en 3
semaines. Les sessions durent 15 semaines. Ça veut dire que, pour les
rencontrer personnellement, un tout petit 15 minutes - et ce n'est pas beaucoup
pour chacun de ces étudiants - il faut compter encore 40 autres heures.
Alors, il ne faut pas s'étonner, à ce moment-là, que les
professeurs aient décidé de donner des évaluations
beaucoup moins intéressantes dans ces programmes-là: des travaux
collectifs et des petites questions à développement. Pourtant,
dans ces disciplines, pour dispenser une véritable formation, cela exige
une correction minutieuse et personnalisée, des activités de
synthèse, des ateliers d'exercices et d'application des connaissances.
Le plus beau programme ne sera pas beau du tout si les professeurs n'ont pas le
temps d'établir une relation pédagogique avec leurs
élèves et s'ils ne peuvent évaluer personnellement et de
façon approfondie chacun d'entre eux. Faute de cet encadrement, nous
servons - philo, français, sciences humaines - de gare de triage. Les
désengagements et le sentiment d'impuissance prennent racine dans cette
incapacité d'établir des relations personnelles avec les
étudiants, parce que c'est cette relation-là qui donne un sens
à notre métier.
Les structures des programmes et des cours doivent être revues
pour réduire le nombre d'étudiants par professeur et inclure des
activités d'application des connaissances. Une partie d'ailleurs
importante des coûts peut être absorbée tout simplement en
supprimant des cours dans les programmes et en augmentant le nombre
d'unités de ceux qui restent. Un exemple simple: 3-0-3. Très
bien! Vous faites quatre cours de trois heures, mais vous pouvez aussi faire
trois cours de quatre heures; la différence est énorme. Le
professeur rencontre ses étudiants deux fois par semaine et ça
veut dire, en plus, qu'il n'aura
jamais plus d'à peu près 120
étudiants, et ça, ça ne coûte pas un sou, que je
sache. On pourrait, effectivement, modifier beaucoup de choses de ce
genre-là.
La force du programme de sciences vient justement de ces
ateliers d'application de connaissances, de ces deux heures de laboratoire qui
sont prévues pour chacun des cours. Or, justement, le ratio ne
dépasse pas 100 ou 105 étudiants, dans les sciences. En
philosophie, en français, en sciences humaines, il faut réduire
les cours, si nécessaire, mais augmenter la pondération pour
laisser une place aux ateliers, parce que c'est là que les
étudiants apprennent à utiliser leurs connaissances. Vous savez,
au temps des bons pères, dans le collège où je suis, on
disait: Jamais plus de 120 étudiants par prof. Je pense que c'est une
leçon qu'on pourrait réapprendre.
Une session commune à tous les étudiants du
préuniversitaire. Lorsqu'on les écoute, les jeunes nous disent
combien sont angoissantes leurs difficultés d'orientation. Plusieurs
nous disent aussi qu'ils refusent de se fermer si tôt à des champs
du savoir. C'est pourquoi je propose au moins une session commune à tous
les étudiants qui s'orientent vers des études universitaires.
Je pense aussi que la formation générale
devrait être élargie à tous et commune pour tous. Cette
formation-là, élargie et commune pour tous, viserait à
donner un corpus culturel commun à toute une génération.
Moi, je pense que c'est un objectif qu'il faut maintenir. D'ailleurs, avec 40 %
des élèves qui changent de programme, quand ce n'est pas de
secteur, ça serait inutile d'allonger inutilement leurs études.
Cependant, on pourrait revoir un certain nombre de modalités, notamment
pour la philosophie; personnellement, effectivement, je donnerais plutôt
trois cours de quatre heures que quatre cours de trois heures, j'augmenterais
carrément le nombre d'unités en français; quant à
l'éducation physique, je l'ai déjà écrit, je ne
pensais pas que c'était pour aller jouer dehors. Il faudrait quand
même que ces objectifs soient un peu mieux précisés.
Les cours complémentaires, actuellement, ne
correspondent que très rarement au premier choix de
l'élève. Ils visent à enrichir la formation
générale des élèves. En ce sens-là, je pense
qu'on pourrait supprimer un cours complémentaire et plutôt
introduire des cours qui porteraient sur les institutions, les grandes
questions sociales, les enjeux contemporains. L'anglais aussi, quant à
moi, pourrait être introduit, mais pas, encore une fois, introduire un
cours d'anglais qui viserait à couvrir, comme c'est le cas actuellement,
les objectifs de première, deuxième et troisième
secondaire. Parce que c'est ça, actuellement, qu'on craint.
Déjà, les cours 102, 103, 104 des collèges recoupent
parfaitement le contenu des cours de secondaire I, II et III. Alors là,
on a comme de petites difficultés.
Mais, plus que tout, plus que toutes les réformes,
il me semble que ce qu'il faut faire actuellement, c'est vraiment de centrer
tous les acteurs sur la scolarisation, revaloriser le statut d'étudiant,
contrer la sous-capitalisation culturelle des jeunes, pour moi, ça
devient un objectif prioritaire; transformer leur culture, la culture
pédagogique et la culture organisation-nelle des cégeps et des
autres institutions. Les étudiants n'ont plus de statut; dès le
secondaire, ils travaillent et les employeurs, qui disent qu'ls sont tout
à fait pour la scolarisation, s'informent bien peu de leurs
études et rares sont ceux qui vont accepter de réduire au lieu
d'augmenter le nombre d'heures de travaB au moment des examens.
Il s'instaure chez nos étudiants une espèce
de modus Vivendi lourd de conséquences, celui de la petite mesure. Celui
de la petite mesure parce qu'ils apprennent juste ce qu'il faut pour passer,
pas plus. Alors, tantôt, on aura des professionnels de la petite mesure
et on aura aussi des techniciens de la petite mesure. Juste ce qu'il faut,
ensuite on va aller travailler. C'est un choix des familles, c'est un choix
personnel, mais c'est aussi un choix de société. Quand on a 30
heures de cours par semaine et qu'on travaille l'équivalent d'une
journée ou deux par semaine, il ne reste pas beaucoup de temps pour les
études, et c'est aussi privilégier maintenir un certain niveau de
vie.
Les étudiants, quand ils arrivent au
collégial, ont déjà une culture du moindre effort. Au
secondaire, ils peuvent parfaitement réussir le D.E.S. en ayant
échoué des cours. Et, ça, c'est très difficile de
leur faire changer d'habitude. On a beau le répéter, ils trouvent
ça incroyable. Ça, ça allonge les études, parce que
chaque étudiant qui abandonne un cours... Et Dieu soit béni, la
mesure a été installée cet automne, et, quant à
moi, je suis tout à fait favorable à la nouvelle mesure. Mais ils
abandonnent ou échouent. Ils trouvent que c'est normal, que ce n'est pas
grave. Ils n'ont pas encore compris qu'au collégial, les cours,
ça se réussit, parce qu'au secondaire ce n'est pas comme
ça que ça fonctionne.
On peut penser à un ticket modérateur, mais,
quant à moi, c'est très rapidement et avant ça qu'il faut
d'abord intervenir. Le bagage de nos étudiants, le bagage culturel, est
très, très mince. Pendant qu'on néglige la formation
intellectuelle d'une large majorité de nos étudiants, ce qui
m'inquiète beaucoup, c'est que ceux qui ont déjà un lourd
capital culturel, ceux-là s'en tirent très bien. En ce
sens-là, on reproduit une dynamique de hiérarchisation des
classes sociales. C'est pourquoi il me semble qu'il faut accepter de contrer la
sous-capitalisation culturelle de nos élèves, parce que c'est
ça, le prix de la démocratisation scolaire.
Les professeurs aussi doivent transformer
leurs pratiques pédagogiques. Ils doivent développer des
pratiques pédagogiques qui donnent un sens aux apprentissages. Et
ça, ça suppose, justement, qu'on fixe des objectifs larges, qu'on
situe les connaissances dans un cadre. Les modèles actuels de petites
tranches de saucisson et de petites connaissances brisées ne
m'sp-paraissent pas de nature à favoriser cette formation plus large.
(14 h 30)
Finalement, il me semble que l'ensemble de nos institutions, la
Direction générale de l'enseignement collégial, comme les
collèges, ont beaucoup négligé le Service des programmes.
D'ailleurs, à la Fédération des cégeps, on est un
peu surpris de voir la place que prennent les DSP. Il y a beaucoup de
collèges qui n'ont pas placé le directeur des services
pédagogiques dans le comité exécutif et on a l'impression
qu'à la DGEC les impératifs financiers ont toujours pris le pas
sur les impératifs de nature pédagogique.
On constate, par exemple au Service des programmes, un manque de
continuité, des analyses souvent intéressantes, mais peu
diffusées, quand il y en a eu, une réflexion peu centrée
sur l'élève. Par exemple, qui a pu imaginer de donner huit cours
à des étudiants, huit cours en une session à des
étudiants? Ça, il ne faut pas les connaître pour penser
qu'ils peuvent réussir huit cours de front.
Quant à moi, voilà autant de facteurs qui pèsent
très lourd dans le développement des programmes d'études.
Mais nos collèges sont aussi devenus des boîtes à cours.
Les élèves n'ont pas beaucoup de place non plus. Il me semble
que, si on veut réussir à faire le pas qu'on doit faire au plan
de la scolarisation, il faut centrer les institutions sur leur mission
d'enseignement et centrer les étudiants sur leurs études, parce
que c'est toute la société québécoise qui doit
comprendre que scolarisation, développement et démocratie sont
liés. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, Mme Corriveau.
Alors, il reste en gros 30 minutes que je diviserai 15 minutes chacun.
M. Gendron: 10-20.
La Présidente (Mme Hovington): 15 minutes chacun.
M. Gendron: O.K. 15-15.
La Présidente (Mme Hovington): L'équité,
l'équité. Alors, Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. D'abord, Mme
Corriveau, je veux vous remercier d'avoir accepté de venir
témoigner devant le membres de la commission parlementaire. Nous voyons
très bien avec votre dynamisme combien vous êtes impliquée
directement sur le terrain, avec les jeunes, et ce, à tous les jours.
C'est un très grand avantage que vous avez par rapport aux
parlementaires qui ne vivent pas quotidiennement cette réalité.
Dans ce sens, votre témoignage nous est très précieux, Mme
Corriveau.
J'aurais quelques questions à vous poser à partir de votre
exposé, à partir de votre livre que nous avions reçu l'an
dernier - ça a été publié l'an dernier par
l'Institut québécois de recherche sur la culture - et aussi de
certains articles que vous avez écrits sur le sujet.
D'abord, Mme Corriveau, tantôt, vous nous avez parlé d'un
mécanisme externe d'accréditation. Sans entrer dans le
détail de ce mécanisme externe d'accréditation, à
chaque fois que des intervenants sont venus nous parler de la
nécessité d'un organisme externe d'accréditation,
c'était en lien direct avec une plus grande responsabilité
académique donnée aux collèges. Plusieurs intervenants
nous ont demandé, donc, d'accorder, de donner plus de
responsabilité académique aux collèges, d'où la
nécessité d'un organisme externe d'accréditation, et je
vous ai peu entendu parler de ce sujet de la responsabilité
académique des collèges. J'aimerais ça vous entendre,
d'autant plus que je lisais, Mme Corriveau, une entrevue que vous avez
donnée à la Revue Notre-Dame en janvier 1992, donc dans le
courant de cette année, où vous disiez très clairement:
«Si je suis contre la centralisation qui tue l'initiative, il y a une
centralisation qui s'impose de façon imperative, c'est celle des
programmes.» Et vous élaboriez beaucoup sur ce sujet-là.
Vous dites dans cet article, dans cette entrevue: «Actuellement, il y a
des efforts qui sont faits pour élargir le tronc commun, mais il faut
aller beaucoup plus loin et cela ne peut se faire que si la Direction
générale de l'enseignement collégial se montre plus
directive en ce qui concerne les programmes. Ma position est donc celle-ci,
disiez-vous, décentralisation des institutions et centralisation des
programmes.» Vous allez m'expliquer ça un peu, Mme Corriveau, et
me mettre ça en lien avec: Est-ce que vous trouvez, vous, que les
collèges devraient avoir une plus grande responsabilité
académique?
Mme Corriveau: Écoutez, dans une section que je n'ai pas
faite maintenant, j'avais le goût de raconter mon désarroi devant
la gestion pédagogique de certains collèges, mais il me semblait
que ce n'était pas le lieu pour le faire. Je veux juste être un
petit peu méchante et vous rappeler que les cours d'éducation
physique ont été de la responsabilité des collèges
pendant très longtemps. Il me semble, effectivement, que les
collèges n'ont pas fait preuve d'initiative si extraordinaire au niveau
de la gestion des programmes. Combien ont, juste au plan de l'organisation
pédagogique, essayé de faire des «une heure et demie, une
heure et demie», pour
tenir compte des étudiants?
Moi, je ne pense pas que les collèges ont actuellement ce qu'il
faut et ont fait leurs preuves au plan de la gestion des programmes
d'études, d'une part. Mais plus, il me semble que, pour moi, ce qui est
important pour les employeurs et pour les étudiants, c'est un
diplôme d'État, et un diplôme d'État avec des
programmes d'État. Je ne vois pas comment les élèves
trouveraient un profit dans un système scolaire qui serait finalement un
système universitaire. Il me semble que les collèges sont
financés par l'État, et l'étudiant - et ça arrive
souvent au niveau des étudiants... Quand un étudiant change de
collège, il changerait de cours, il changerait de module de formation?
Je vois mal ce désir-là des collèges d'aller chercher une
plus grande part de responsabilités dans l'ensemble de la
définition des programmes, mais je comprends leur frustration,
cependant.
Dans la mesure où les collèges ont été
très peu associés à la définition des programmes -
ça, c'est vrai, et, moi, je pense que c'est ça qu'il faut faire -
il faut trouver un mécanisme central où on va définir les
programmes d'études, où les professeurs - un certain nombre de
personnes qui sont pertinentes pour le programme - et les directions des
services pédagogiques des collèges vont être
présents. Mais que chaque collège réinvente pour
lui-même et pour lui tout seul des programmes d'études, je ne
réussis pas à en voir le profit parce que, une des choses qui est
importante pour les professeurs, c'est aussi ces rencontres-là que
constituent les coordinations. C'est le seul lieu où on sait ce qui se
fait ailleurs, et on échange des trucs pédagogiques et du
matériel. À ce moment-là, chaque personne, dans chacun des
collèges, va être en train de réinventer des plans de
cours, de réinventer des cours? Je ne vois pas où ils veulent
aller avec ça, sinon qu'ils veulent réclamer leur petite place.
Je ne vois pas quel profit les étudiants, au plan de la formation,
pourraient avoir dans ce mécanisme-là. Je sais que la
Fédération y tient beaucoup, mais, pour moi, je ne peux pas
imaginer que, pour les étudiants, ce sera quelque chose de vraiment
utile.
Mme Robillard: Alors, à ce moment-là, d'où
vient votre désir d'avoir un organisme externe d'accréditation
des programmes?
Mme Corriveau: Je veux que la population puisse avoir un portrait
très clair du rendement de chacune des institutions. Et je veux qu'un
organisme externe soit capable de porter un jugement, mais avec la
possibilité de faire des enquêtes très fouillées sur
la qualité de la formation qui est donnée dans chacun des
collèges.
C'est quoi, les solutions pour reconnaître la qualité d'un
diplôme? Des examens nationaux, ça, je pense qu'il faut oublier
ça. Bon, alors, qu'est- ce qui reste? Il ne reste pas beaucoup de
choses. Il me semble qu'un organisme d'évaluation, c'est le
mécanisme qui est le plus adapté pour tenir compte de la richesse
institutionnelle de chacune des institutions.
Mme Robillard: Mme Corriveau, vous l'avez dit vous-même
dans votre exposé d'aujourd'hui, vous n'avez pas voulu aborder la
question de la gestion pédagogique. Vous avez dit tantôt que vous
n'aviez pas voulu, dans votre exposé d'aujourd'hui, aborder la question
de la gestion pédagogique. Je pense que vous l'avez abordée de
plein fouet dans votre volume, n'est-ce pas, «Les cégeps questions
d'avenir», à la page 125. Vous nous en parlez, de la gestion
pédagogique, ici, et vous dites que, contrairement à la situation
qui prévaut dans les universités et au secondaire, on a
opté, au collégial, pour la gestion participative mais que
plusieurs ont confondu l'autonomie départementale et l'autogestion.
Certains départements sont devenus la couverture qui abrite les quelques
professeurs à l'éthique douteuse, bon, etc.
Ici même, au niveau des travaux de la commission, on nous a
parlé de la structure départementale, de ses aspects positifs, de
ses aspects plus négatifs. On nous a parié aussi de mettre sur
pied peut-être une structure plus de programmes que de
départements. J'aimerais ça vous entendre à partir de
l'expérience que vous avez sur le terrain, Mme Corriveau. (14 h 40)
Mme Corriveau: Sur deux plans... La première question,
c'est... Quand les directions de collège se plaignent de la structure
départementale, ce que j'ai le goût de leur répondre,
c'est: Quand avez-vous fait votre boulot?
Mme Robillard: Quand...
Mme Corriveau: Quand avez-vous fait votre boulot?
Mme Robillard: Ah!
Mme Corriveau: Elles pourraient lire avec beaucoup
d'à-propos la convention collective des professeurs et exiger ce que
plusieurs ne font pas, les directions de collège. Plusieurs directions
de collège n'exigent pas de plan de travail ni de rapport annuel des
départements, ne font pas de rencontre avec les coordonnateurs de
département pour juger ou évaluer le plan de travail. Il y a
plein de collèges qui ne demandent pas aux départements comment
ils assurent l'assistance professionnelle aux nouveaux enseignants. C'est
écrit dans la convention collective. C'est écrit aussi dans la
convention collective que le département doit s'assurer que les
objectifs soient définis, que les méthodes pédagogiques
soient appliquées, que des modes d'évaluation spécifiques
à chacun des cours dont le départe-
ment est responsable soient établis. Et ça, il doit rendre
compte de ça à la direction du collège. Mais qu'est-ce
qu'ils attendent pour le faire? En ce sens-là, quand je vous disais
tantôt très poliment que, vous savez, décentraliser
davantage, des fois, moi, j'ai des petites réserves, c'est parce que je
sais qu'il y a des problèmes chez les professeurs. De ce que j'ai
écrit, je n'enlèverais pas un iota, sauf qu'il me semble aussi
qu'il y a des responsabilités pédagogiques qui pourraient
être prises ailleurs. Alors, sur ce plan-là, c'était
votre...
Mme Robillard: Est-ce que vous jugez, Mme Corrfveau, que la
structure départementale en tant que telle est une structure efficace et
efficiente au niveau de la gestion?
Mme Corriveau: Moi, je pense qu'elle est beaucoup plus
efficace... Elle est très efficace à condition qu'elle soit
appuyée par une direction centrée sur la pédagogie et les
étudiants. Sinon, effectivement, ça devient une série d
Ilots isolés les uns des autres.
La question que vous me posez, dans un deuxième temps, ça
concerne le programme, l'approche programme, les programmes. Alors, là,
on veut, encore une fois... Et, quand j'entends l'approche programme, je vois
apparaître de nouvelles structures. Je n'en veux plus de nouvelles
structures. C'est tout à fait possible de dire: Écoutez, il y a
un problème avec le département de physique en
électrotechnique, mettons. Alors, à ce moment-là, ce qu'on
va faire, c'est qu'effectivement on va convoquer les professeurs. La direction
des services pédagogiques peut faire ça n'importe quand. Et
pourquoi on ne convoque pas le département de physique avec le
département d'électro pour dire: Qu'est-ce qui se passe ici?
Pourriez-vous m'expliquer ce taux d'échec inacceptable? Mais quand
est-ce qu'on fait ça? Écoutez, sur la question de l'approche
programme, j'ai jusque vu, à un moment donné, un
réaménagement des locaux dans l'approche programme. Alors, il me
semble justement que c'est un très beau cas où dire qu'il faut
être centré sur l'étudiant, suivre le programme de
l'étudiant, c'est très juste.
Nous, en sociologie, on enseigne à l'École nationale
d'aérotechnique, on enseigne en hygiène dentaire, on enseigne en
soins infirmiers, on enseigne dans un paquet de programmes professionnels, et
il y a une personne dans le département qui est chargée de la
jonction et qui va discuter avec les professeurs du programme professionnel.
Personne n'est encore mort de ça et ça n'a pas pris une structure
ni un déplacement des locaux pour faire ça. Et, quand je dis que,
pour moi, il y a une question de culture, c'est ça que je veux dire. Il
faut effectivement que les disciplines du technique aussi soient sensibles
à cette dimension-là. Mais, quand, dans des collèges,
l'organisation des cours favorise
l'hétérogénéité, c'est un petit peu
difficile pour les disciplines du secteur général d'être
sensibles à la dimension du programme de l'élève parce
qu'ils ne savent pas. Ils ont 40 jeunes frimousses en avant d'eux autres qui
vont dans les 18 ou les 26 programmes qui sont dispensés dans le
collège. Vous savez, être sensible à la dimension du
programme dans ce cas-là, il ne faut pas trop y compter.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, Mme Corriveau. Je
reconnais maintenant M. le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, Mme la Présidente. Lorsqu'il a
été question d'inviter des experts ou des spécialistes a
la commission de l'éducation, nous n'avions pas d'objection, mais une
chose qui est certaine de l'Opposition officielle, nous étions de ceux
qui souhaitaient que vous soyez des nôtres. Alors, vous y êtes. On
est heureux que vous soyez là. À vous entendre parler, on sent
que vous le faites avec compétence, connaissance et conviction. Vous
avez parlé des problèmes connus du collégial et,
règle générale, si les problèmes sont connus, nous
devrions être en mesure de faire les choix qui s'imposent, parce que,
quand on connaît les problèmes de quelque chose, normalement, on
est en mesure de mieux retenir les solutions qui s'imposent. Je vous remercie
de contribuer à nous aider à retenir les bonnes solutions. J'ai
eu l'occasion également de fouiller votre document sur les
cégeps, parce que c'est de même qu'il s'intitulait. Il n'en
demeure pas moins que c'est intéressant de voir que votre orientation
est la même que la nôtre, les membres de cette commission, c'est de
les rechoisir, mieux adaptés, qui correspondent mieux à la
réalité d'aujourd'hui, mais vous choisissez les cégeps
puisque vous parlez que c'est une question d'avenir.
Je voudrais apprécier avec vous, puisqu'on sent que vous savez de
quoi vous parlez, certains éléments sur lesquels, d'après
moi, il y a lieu de creuser davantage. Vous n'êtes pas la première
à nous dire que - j'allais dire ce qui vous arrive au collégial -
l'arrivage de nos gars et de nos filles est plutôt mal
préparé. Je pense que, pour être capable de décider
des mesures qui s'imposent, il faut être capable d'évaluer un peu
mieux l'ampleur. Moi, j'aimerais que, quantitativement, un premier jugement que
vous portiez, ce soit: Est-ce que, pour mieux décrire une situation, on
fait comme vous avez fait - il n'y a pas de reproche, au contraire - mais
est-ce que c'est vraiment significatif, le nombre de celles et ceux qui
arrivent au collégial et qui, selon vous, n'ont nettement pas la
préparation pour y faire face - premier volet de ma première
question - et qu'est-ce qu'on choisit? Parce que vous avez
suggéré ce qu'on appelle communément la mise à
niveau, et sans déterminer qui va la faire. Est-ce que c'est une
responsabilité du
secondaire, si c'est la voie qu'on choisit, ou c'est une
responsabilité qu'on laisse au collégial? J'aimerais ça
vous entendre, eu égard à ces deux volets-là de ma
première question.
Mme Corriveau: Je voudrais d'abord dire qu'il y a des
étudiants qui arrivent très bien préparés, et
ça, c'est une chose qu'on oublie tout le temps. Il y en a qui arrivent
très bien préparés, il y en a qui arrivent forts et H y en
a qui arrivent capables de faire leurs études, et, ceux-là, on
n'en parle pas souvent.
Moi, je dirai que, dans certains programmes, évidemment, ce n'est
pas difficile. Vous enseignez en hygiène dentaire, c'est évident
que c'est des classes adorables, le niveau est très élevé;
vous enseignez dans les programmes de sciences, c'est la même chose.
Effectivement, on a l'impression que les étudiants les plus faibles se
ramassent dans certains créneaux, une partie en sciences humaines, qui
est très éclatée, parce qu'il y a les plus forts et les
plus faibles, presque, dans ce programme-là. Ce n'est pas facile. Et,
à côté de ça, il y a certains programmes
professionnels où c'est vraiment très difficile. Arts et lettres,
c'est l'enfer. En lettres, vous avez là les étudiants qui
écrivent le plus mal à peu près au collégial,
à cause de la question des préalables et des
difficultés.
Je dirais que c'est vraiment une question importante, c'est presque un
sur cinq qui a des grosses difficultés. Ça, c'est la
première...
Une voix:...
Mme Corriveau: Presque un sur cinq. Mais ce que je ferais - et ce
n'était peut-être pas très clair dans mon exposé -
c'est que, tout de suite, je dirais aux étudiants du secondaire: II y a
maintenant un programme préparatoire aux études
collégiales au secondaire. Je ferais donc - je sais que ça a
l'air... - deux types de diplômes. Tu as un D.E.S. commun à tous.
Tu veux aller au cégep, c'est ce chemin-là que tu dois prendre,
avec - au secours - mathématiques et anglais, de secondaire IV au moins,
ensuite de ça, d'autres unités de formation. Si ce n'est pas
réussi, tu n'entres pas.
Je réfléchissais à votre question justement en m'en
venant, en me disant: Qui fait la mise à niveau? Mais j'ai l'impression
qu'il faudrait dire à l'élève qu'il ne va pas entrer au
collégial s'il n'est pas à niveau, parce que, des fois, ça
prend ça, la petite poussée là, la petite poussée
qui va faire que, peut-être, si tu n'y pensais pas... Sonner un peu la
sonnette d'alarme, sonner les cloches assez tôt. Je pense qu'il faut
identifier une filière, au secondaire, préparatoire aux
études collégiales et dire aux étudiants: Tu t'en vas au
cégep, c'est celle-là. Si tu ne suis pas ça, tu auras des
cours à suivre cet été.
M. Gendron: Très bien, mais, pour rester sur le même
sujet, pensez-vous que je dirais la même chose que vous si je disais
ceci: II y aura un seul D.E.S., H n'y aura pas deux D.E.S. - le D.E.S.
étant un diplôme d'enseignement secondaire - mais on va augmenter
le nombre d'unités parce que, lorsque tu fais le choix d'aller au
collégial, on ne peut pas te placer, autant qu'on l'a fait
jusqu'à date, dans des conditions d'échec, puisque vous dites que
20 % sont mal préparés? Est-ce que vous croyez que ce serait un
moyen pour atteindre le même objectif et qu'on pourrait effectivement
choisir cette formule-là, d'augmenter le nombre d'unités, en
disant: Dorénavant, si on va au cégep, c'est un diplôme
d'entrée pour aller au collégial, mais c'est avec 150
unités de secondaire?
Mme Corriveau: Ça pourrait être une façon de
faire.
M. Gendron: Vous n'avez pas de réticence avec cette
façon-là.
Mme Corriveau: Ça pourrait être une approche, mais
j'identifierais quand même un ou deux cours...
M. Gendron: Ah! Bien c'est évident.
Mme Corriveau: ...pour ne pas les nommer.
M. Gendron: Non, non. C'est évident. Par
définition, si on parie des unités, c'est évident
que...
Mme Corriveau: Moi, je pense effectivement que, si on dit: Pour
entrer au collégial, c'est 155 unités, mettons, autrement,
ça ne passe pas, je pense que ça pourrait être la
même chose. L'élève qui n'aurait pas accumulé
ça ne pourrait pas entrer au collégial. Je pense qu'il faut
vraiment faire quelque chose comme ça. (14 h 50)
M. Gendron: Merci pour cette première question. J'ai
également une autre question. Je pense que vous avez, d'une
façon, à ma connaissance, passablement exacte, indiquer que les
mesures d'encadrement, au niveau collégial, étaient très,
très déficientes - et là, je ne retourne pas à
votre volume comme tel, mais je m'en rappelle - en parlant des aides
pédagogiques, des services aux étudiants qui sont trop
axés sur les loisirs plutôt que sur la participation dans des
activités reliées, et ainsi de suite, plusieurs disciplines n'ont
pas d'atelier de travail, les modules de cours pour les étudiants de
première session devraient être revus pour mieux assurer la
transition, et, finalement, vous concluez: Le coefficient d'encadrement devrait
être amélioré là où il est
déficient.
Puisque vous connaissez bien les cégeps, si vous aviez un
jugement à porter, est-ce que, si le coefficient d'encadrement est trop
faible,
c'est parce qu'il y a eu des coupures de services? Autrement dit,
à quoi vous attribuez le fait, en clair? Ou est-ce que c'est un choix
d'institution? Parce que tantôt j'étais très heureux de
vous entendre sur un bout. D'ailleurs, la ministre l'a posée comme
première question, toute la relation département, approche
programme, le département qu'on appelle. Vous avez très bien mis
les choses à leur place. S'il y avait plus de directions qui
s'occupaient de pédagogie, ce serait moins grave. On ne les accuse pas
toutes là, mais j'ai été dans une commission scolaire
déjà et, souvent, le drame, c'est ça. Ils n'ont pas le
temps beaucoup de s'occuper de pédagogie. C'est la même chose un
peu au collégial.
Mais, sur les mesures d'encadrement, c'est quoi la cause, qu'est-ce
qu'on fait, comment on le corrige rapidement? Puis, si on devait aller au plus
urgent, au plus urgent, dans les mesures d'encadrement collégial, vous
choisiriez quoi, vous?
Mme Corriveau: S'il n'y a pas d'argent, si on va au plus urgent,
on fait passer tous les cours de philo, français, sciences humaines
à quatre heures, quitte à supprimer des cours. Il vaut mieux
qu'un étudiant, en bout de ligne... On va quand même maintenir le
même nombre d'unités: trois fois quatre ou quatre fois trois,
ça fait à peu près la même chose. Si on augmente la
pondération des cours et si on fait un premier deux heures de
théorie et un autre deux heures d'encadrement, de travail... Pensez
qu'en français il n'y a pas d'atelier d'écriture. Alors, eux
autres, s'ils font trois évaluations, ils ont écrit quinze pages
dans la session. Je vous dis qu'on apprend vite avec ça. Je pense,
effectivement, que ça prend, à ce moment-là, une
modification des pondérations de cours pour qu'il y ait plus d'heures de
travail en classe.
Les étudiants d'aujourd'hui, là... C'était, dans le
temps, 3-0-3: 3 heures de théorie, pas d'atelier, puis trois 3 heures de
travail personnel. Le 3, pensez que c'est plutôt 1,2. Ça veut dire
que, dans les philo, français, sciences humaines, ils ne font pas le
travail personnel qu'ils devraient faire. A ce moment-là, il faut les
ramener dans la classe et les faire travailler. À mon avis, c'est
ça qu'il faudrait faire. Il faudrait, à ce moment-là, dire
que... Et, à ce moment-là, on diminue le ratio et on augmente le
temps de présence avec un même professeur.
Je donne un exemple. Dans le programme de sciences humaines, par
exemple, il y a des cours... Les étudiants peuvent, à la limite,
prendre un cours supplémentaire de géographie, un cours
supplémentaire, chez nous, par exemple, de sociologie, un cours
supplémentaire d'anthropologie ou de... Ce n'est pas nécessaire.
Ils seraient beaucoup mieux d'avoir moins de cours, mais les cours qu'ils
suivent, les suivre vraiment avec un coefficient d'encadrement décent et
plus d'heures en classe. Ce n'est pas la bible, que ça prend
nécessairement tant de cours dans le programme.
Ça, c'est si on n'a pas un cent, mais je ne pense pas que ce soft
ça qu'on doive faire partout, parce que les universités vont
peut-être trouver ça... Mais, pour moi, c'est évident. Il
faut vraiment... Mais ça vient avec des conditions. Il faudra, à
ce moment-là, que les objectifs de cours soient déterminés
et que le niveau des exigences soit déterminé. Si on diminue le
ratio, c'est pour augmenter l'évaluation et l'encadrement.
M. Gendron: Merci. Je ne peux pas vous avoir et ne pas profiter
de votre présence pour revenir sur ce qu'on va devoir décider, ce
qui est débattu. En ce qui me concerne, les cours de philosophie, vous
leur avez payé une bonne traite dans votre volume.
Mme Corriveau: Mais je les adore. M. Gendron: Pardon?
Mme Corriveau: Mais je les adore. M. Gendron: C'est ce que j'ai
senti. Mme Corriveau: Non, mais c'est vrai.
M. Gendron: Non, non, pour ne pas... C'est ce que j'ai senti,
sérieusement. Pour les traiter d'une façon aussi
sévère, c'est parce que vous tenez à ce que, si jamais il
s'en donne, ce soit donné comme du monde. C'est ça que j'ai lu.
Parce que vous dites: S'H y a une discipline malmenée, c'est bien la
phHo. C'est un des cours où les étudiants investissent le moins
de temps, s'absentent le plus volontiers et reconnaissent faire le moins
d'efforts.
Bon, tout de suite, moi, je dis à quelle enseigne je loge. Je
suis de votre avis, qu'au niveau de la philosophie, moi, je n'ai pas encore la
conviction qu'H faut abandonner, dans le tronc commun obligatoire, la
philosophie. Je le dis bien, là. Je n'ai pas la conviction qu'H faut
laisser tomber, dans le tronc commun obligatoire ou de formation de base ou
fondamentale, la philo. La philo qu'on donne, puis ce que j'en sais, puis de la
manière que ça se passe, oui, ça, il faut abandonner
ça, puis ça presse, selon moi. Vous êtes dans le même
genre d'analyse, mais, à la page 95 de votre volume, vous dites:
À l'aube de l'an 2000, la philo doit-elle demeurer... Bon. Moi,
j'arrête là. Vous, vous n'avez pas arrêté là.
Vous dites: Doit-elle demeurer la seule discipline des humanités offerte
à tous les cégépiens? Moi, je dis: Ça, c'est
sûr que non, ça ne doit pas demeurer la seule. C'est selon moi,
là. Mais, moi, j'aimerais avoir votre avis. Vous, si quelqu'un
arrêtait, parce qu'il y en a qui ont arrêté tout de suite
après philo... La philosophie doit-elle, finalement, demeurer la seule
discipline des
humanités? Ils ont répondu oui. Est-ce que, vous, vous
répondez aussi sévèrement: Oui, on la garde, mais je veux
corriger le nombre de temps d'enseignement accordé à la philo?
Est-ce plus ça votre voie d'avenir?
Mme Corriveau: Moi, je proposerais qu'il y ait trois cours de
philo de quatre heures, 120 étudiants, avec un contenu très
précis. Il me semble, entre autres, que, même si on veut
rafraîchir la formation collégiale, on doit leur donner des
objectifs très précis, et ils sont capables de le faire. Toutes
les questions d'argumentation, de logique, de conditions de rigueur du
discours, ça m'apparaît essentiel. Et qu'ils le fassent. Ils sont
capables de faire ça. Le problème qu'on a avec les profs de
philo, c'est que les plus intéressants ne sont pas des hauts parleurs,
et ce n'est pas le seul cas dans le cas des professeurs.
Si on regarde à part ça, par exemple, le deuxième
cours, ça pourrait parfaitement être: l'État, le droit, les
devoirs du citoyen. Il me semble que l'action, la décision dans un
contexte moral et éthique, c'est essentiel aujourd'hui. Plein de gens
ont des décisions à prendre sur le plan éthique, et il me
semble que c'est très important. Le troisième pourrait
être, par exemple, des choses comme la place des sciences, la nature des
sciences, pour que les étudiants arrêtent de confondre
l'état des connaissances et la vérité - c'est assez
stupéfiant, des fois, dans les programmes - et aussi toutes les
techniques comme transformation du monde. Sauf que je supprimerais deux cours
complémentaires pour faire place, justement, à une proposition du
Conseil des collèges qui est: les institutions, les grandes questions
sociales, les enjeux contemporains. Quand des étudiants ne sont pas
capables de se rendre compte un peu de ce que sont les institutions qui
gouvernent un pays, quand ils ne sont pas capables de saisir l'importance de la
mondialisation partout, au technique comme au général, c'est un
peu inquiétant. Alors, ça, ce serait ma proposition.
Mais je voudrais revenir sur une partie de votre autre question, sur les
causes de la situation de l'encadrement. Je vais en identifier deux:
premièrement, la dévalorisation des humanités. On a
toujours accordé plus de poids, au début même des
cégeps, aux sciences qu'aux humanités, mais c'est qu'on
pensait... En 1970, 1972, 1973, quand, moi, je suis entrée, tes
étudiants, ils faisaient trois heures de travail personnel; mais,
là, ils ne font plus ça. On avait dit au début des
cégeps, au tout début: En sciences, ils vont avoir trois cours de
théorie, deux heures de laboratoire, parce qu'eux autres ont plus besoin
de faire des labs, et trois heures de travail personnel. Mais, dans les
humanités, on a dit: Bien, là, ils vont plutôt travailler
chez eux. Là, c'est fini, ce temps-là. Alors, à l'origine,
à la création même des cégeps, il y a un
décalage culturel dont il faut tenir compte. Maintenant, ce n'est plus
la même chose.
L'autre chose, c'est... Excusez-moi, mais, quand on a
décrété, on aurait pu être plus brillant, comme je
l'ai écrit. Quand on augmente de 14 %, qu'est-ce que ça fait?
Là où H y a 100 élèves, mettons que ça fait
114 ou 115. Là où il y en a 140, calculez. Là, ça
ne fait pas juste 14 de plus. Alors, les effets du décret ça a,
entre autres, été ça. On a augmenté en proportion;
donc, plus tu avais d'étudiants, plus tu en as eu. On s'en serait
sérieusement passé de ça.
M. Gendron: Ça, on l'a assez rappelé que je n'en
doute pas.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Sur l'éducation physique, encore là, je
ne peux pas... Sur l'éducation physique, moi, j'aimerais encore vous
entendre puisque je sais que vous connaissez ça. Ce que j'ai cru
comprendre, c'est que vous dites: On a fait toutes sortes de choses - en gros,
c'est moi qui dit ça, je suis capable de porter ce que je dis - mais,
depuis 1989, les objectifs pédagogiques sont clairs et, s'ils
étaient suivis - les objectifs pédagogiques - à savoir
qu'un cours d'éducation physique axé sur la dimension
pédagogique que l'éducation physique, en soi, est
nécessaire dans l'optique de développer une meilleure condition
physique des élèves avec tout ce que ça débloque...
Vous m'apparaissez - là, c'est moi qui interprète - être
d'accord de maintenir dans la formation de base des cours d'éducation
physique, mais ayant cet objectif précis. Est-ce exact?
Mme Corriveau: Oui, mais il faudrait rafraîchir les
contenus. Moi, j'irais même plus loin maintenant, parce que les
élèves, par exemple, ont énormément de
difficultés à gérer leur stress. Il me semble qu'il y a
plein de choses comme ça qu'ils devraient faire, mais, ça, il
faudrait que ce soit de l'éducation physique. Là, ils vont jouer
dehors. Ils n'ont pas beaucoup d'encadrement à faire et ils n'ont pas
beaucoup de correction non plus. Et ils sont capables de le faire, les
professeurs d'éducation physique, sauf qu'il faut lâcher
pêche, tir à l'arc, planche à voile. Il faut vraiment,
à ce moment-là, faire de l'éducation physique. Ça,
ça demande de recentrer, encore une fois, sur l'élève, non
pas sur le professeur. (15 heures)
M. Gendron: Bien, moi, c'est ce que je crois, et je suis heureux
d'entendre ce que vous dites, parce que, avant de sauter aux conclusions, parce
qu'il y a des problèmes, et de dire: Dorénavant, ce n'est plus
dans le tronc commun, allons corriger les folies et les problèmes. Il y
a un éventail de cours bien trop vaste. Tout est beau. Tout est beau
dans la vie, mais, quand tu
dois relativiser par rapport à autre chose... Moi,
éducation physique avec objectif d'un mieux-être, compte tenu des
impacts majeurs que ça a dans la société de demain, je
trouve que ça fait partie de la formation de base. Moi, j'en suis rendu
là. Je suis convaincu qu'une formation en éducation physique
axée sur le mieux-être, une meilleure gestion du stress et,
également, une meilleure qualité de santé pour tous
après, c'est de bonnes habitudes de vie à donner et, à
l'inverse de ce que la ministre semblait dire: Oui, mais il n'y en a que je
tiers qui, en ayant suivi, continuent à en faire après - oui, je
conclus - je dis: Tant mieux. Il y en a un tiers qui nous disent que, dans leur
vie, ils continuent à faire de l'activité physique parce qu'on
leur a inculqué le principe au collégial, bien, je trouve
ça fantastique quand on sait d'où on part. Êtes-vous dans
cet esprit-là vous aussi?
La Présidente (Mme Hovington): Rapidement parce qu'on n'a
plus le temps.
Mme Corriveau: Je pense que, effectivement, on pourrait maintenir
l'activité physique, mais à la condition, justement, que le
Service des programmes travaille fort et décide d'un certain nombre
d'orientations. Ça prend du leadership, des fois, aussi...
M. Gendron: Oui.
Mme Corriveau: ...au Service des programmes.
M. Gendron: Je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. En
conclusion, Mme la ministre, rapidement.
Mme Robillard: Merci à Mme Corriveau. Moi, au contraire de
mon collègue, le député d'Abitibi-Ouest, je n'ai pas
encore conclu, je réfléchis toujours. Alors, vos propos nous ont
éclairés davantage sur la réalité terrain de ce qui
se passe dans les cégeps. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, au nom de tous les
membres de la commission de l'éducation, merci beaucoup, Mme Corriveau,
d'être venue nous rencontrer.
J'inviterais maintenant Mme Danielle Colardyn, administrateur à
l'OCDE, à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.
On va suspendre une minute.
(Suspension de la séance à 15 h 2)
(Reprise à 15 h 3)
La Présidente (Mme Hovington): La commis- sion de
l'éducation va reprendre ses travaux en recevant Mme Danielle Colardyn,
et je ferai une courte biographie. Mme Colardyn détient une
maîtrise en psychologie industrielle de l'Université libre de
Bruxelles. Elle possède un doctorat de la Sorbonne. Sa thèse a
porté sur les processus d'insertion en milieu de travail au moment de la
formation professionnelle. Mme Colardyn est administrateur à l'OCDE
depuis 1986, à la Direction de l'éducation, de l'emploi, du
travail et des affaires sociales où elle a organisé la
Conférence sur l'enseignement supérieur et l'emploi qui s'est
tenue en juin 1992. Elle occupe actuellement le poste de chef du Service de
formation à la Direction de l'administration générale de
i'OCDE. Mme Colardyn possède une grande expérience de recherche
en éducation et en psychologie en France et aux États-Unis.
Elle a également publié plusieurs articles reliés
à la formation professionnelle et aux enseignements technologiques et
des ouvrages portant sur les bilans de compétences, les formations en
alternance, les développements récents de la formation
professionnelle continue des personnels hautement qualifiés.
Alors, bienvenue, Mme Colardyn, à la commission de
l'éducation. Les membres vous écoutent. Vous avez 20 minutes pour
nous faire part de votre exposé.
Mme Danielle Colardyn
Mme Colardyn (Danielle): Merci beaucoup. Mme la ministre, Mme la
Présidente, mesdames et messieurs, je voudrais d'abord vous remercier
pour le témoignage de confiance que vous accordez à l'OCDE et
à ses travaux en sollicitant cette intervention.
Je voudrais ensuite prendre le temps bref de faire quelques remarques
sur les travaux de l'OCDE en matière d'éducation afin de vous
permettre de mieux situer le contexte sur lequel se greffera ensuite
l'exposé. L'éducation à i'OCDE a une approche un peu
particulière dans le sens que l'on examine les apports de
l'éducation au développement économique des pays membres.
Donc, c'est une approche qui est très différente de celles de la
Banque mondiale, de l'UNESCO, des communautés européennes.
Une autre particularité est la manière dont nous avons
l'information sur laquelle nous travaillons au sein du secrétariat de
l'OCDE. En ce qui concerne l'éducation, je dirais que l'éducation
est gérée par un comité de l'éducation qui est
constitué des représentants des ministères de
l'éducation des pays membres, et c'est ce comité qui
élabore les priorités de travail. Les priorités de travail
reflètent donc les questions débattues dans un pays à un
moment donné, dans les différents pays. Une fois que ce choix des
priorités est fait, on a donc une liste des activités et,
à ce moment-là, le pays va participer ou pas à une
activité donnée, l'activité
étant une sorte de projet. Cette participation peut
prendre diverses formes. Elle peut être d'organiser un séminaire;
elle peut être de participer à un séminaire organisé
par un autre pays, donc, à ce moment-là, il y aura des
exposés, des rapports; elle peut également être une
contribution nationale qui, je dirais, fasse le point des politiques en
matière d'éducation, en matière de formation continue,
d'enseignement secondaire à un moment donné dans le pays.
C'est donc à partir de ces informations-là,
qui viennent des pays en transitant par les ministères de
l'éducation, que nous travaillons. Ça me paraît important
de le signaler pour bien situer l'ensemble des informations que je vais vous
livrer par la suite.
Un dernier aspect de l'éducation à l'OCDE,
c'est l'idée du forum. Il n'y a pas d'idée de
réglementation ou d'harmonisation dans les débats en
matière d'éducation à l'OCDE. L'idée, au contraire,
est de prendre en compte toute la richesse des contextes nationaux, de
l'histoire, de la culture, du contexte social et économique des pays et
d'arriver à comprendre le fonctionnement des systèmes
éducatifs, et, par la discussion entre les 24 pays membres, les uns et
les autres s'enrichissent.
Évidemment, ce que je vais vous présenter
maintenant, l'exposé est un peu en contradiction avec ce que je viens de
vous dire, dans la mesure où je vais raboter le tout pour vous
présenter des tendances générales. Évidemment, de
temps en temps, je mentionnerai qu'elles sont, je dirais, à relativiser
ou à replacer dans le contexte de l'un ou l'autre pays et puis,
évidemment, au fur et à mesure des questions, je pense que ce
sera possible de développer plus à fond.
Pour entrer dans le coeur, maintenant, de cet
exposé, je voudrais le diviser en trois parties: une première
partie sur les tendances et les directions de l'enseignement supérieur
et, en fait, c'est ce qui ressort d'un travail d'à peu près trois
ans et de la Conférence sur l'enseignement supérieur et l'emploi
qui s'est tenue au mois de juin; une deuxième partie sur les tendances
et les questions, je dirais, pour les premières années
d'enseignement supérieur, donc l'équivalent des cégeps,
qu'est-ce que l'on peut retenir des travaux et de la Conférence; et,
enfin, troisième point sur le futur des cégeps.
Alors, le premier point, donc, les tendances lourdes, je
dirais, de l'enseignement supérieur. L'activité sur
l'enseignement supérieur et l'emploi a abordé la question par
différents angles. Un projet avait trait au flux des
diplômés et à leur transition à la vie active. Pour
vous donner une idée, 19 pays sur les 24 ont contribué à
cette partie du projet. Un deuxième volet concernait les lettres et les
sciences sociales et une douzaine de pays y ont participé. Le
troisième concernait les développements récents de la
formation professionnelle continue et 16 pays y ont participé. Donc, au
total, toute cette information a été synthétisée en
rapport par projet et a donné lieu au débat au moment de la
Conférence. (15 h 10)
Évidemment, vous donner quelques
caractéristiques principales, vous vous rendrez bien compte qu'elles
sont vraiment très générales. Elles peuvent être des
tendances. Elles peuvent être des réalités qui existent
déjà dans certains des pays membres. J'en ai retenu deux. L'une
est qu'il est de plus en plus important de considérer l'enseignement
supérieur comme un ensemble et non pas comme une série de
tranches séparées. Ce que je veux dire par là, c'est que
l'on peut pratiquement parier maintenant de l'enseignement et de la formation
de niveau supérieur. En effet, ce qu'on a constaté avec nos
différents projets, c'est que différents acteurs interviennent
dans la formation, je dirais, des personnels qualifiés, hautement
qualifiés de la main-d'oeuvre d'un pays. Vous avez les
universités auxquelles on pense traditionnellement. Vous avez un secteur
non universitaire. Vous avez également les entreprises avec des poids
différents en fonction des pays, les associations professionnelles avec
encore une fois des poids et des cultures de pays très différents
dans la matière et vous avez également, croissant depuis une
dizaine d'années, un secteur qu'on a dénommé
«secteur commercial» qui, en fait, vend de la formation à
but lucratif, je dirais, qui n'est pas à confondre avec l'enseignement
privé. Cela n'a rien à voir. Ces différents acteurs ont
des contributions différentes et spécifiques à apporter
à l'enseignement et à la formation de niveau supérieur,
c'est-à-dire que chacun à leur manière contribue au
développement des compétences dans le pays. Donc, c'est
important, je crois, d'arriver à quitter une approche par trop
segmentée, mais d'arriver à relier ces différents
éléments.
Une deuxième caractéristique, c'est la
massification de l'enseignement supérieur. On a évidemment
l'ensemble des jeunes qui arrivent du secondaire et l'ensemble des adultes qui
retournent ou accèdent pour une première fois au supérieur
qui créent un afflux, je dirais, en termes quantitatifs. Clairement, les
préparations, en termes de préparation plus ou moins
académiques à l'enseignement supérieur, sont maintenant de
nature très différente. Les attentes de ces publics sont
également très différentes, et on aboutit à une
situation qui est, je dirais, pratiquement opposée à ce qu'on
pourrait, en caricaturant, prendre: le système anglais de la petite
élite extrêmement bien préparée au niveau du
secondaire et qui traversait l'enseignement supérieur. On arrive
à une image extrêmement différente de ça.
Cette massification de l'enseignement supérieur, je
crois qu'il est important de le souligner, correspond à une demande
sociale. On voit que, dans la majorité des pays, 30 % à 50 %
d'une génération maintenant entrent dans le supérieur.
Dans certains pays, on a plus de 50 %. Cette massiflcation correspond
également à une demande économique. Je crois que
ça, c'est un phénomène important à prendre en
compte.
On a constaté, à l'examen des statistiques sur 10 ans, une
nette augmentation de l'emploi et des débouchés dans le secteur
privé. Il y avait un lien traditionnel entre le supérieur et les
secteurs publics. Bien sûr, ce lien existe toujours, et ce que je vous
dis est à modeler en fonction des disciplines et des types de formation,
mais il y a une très nette croissance des diplômés du
supérieur dans le privé. Pour beaucoup de pays, cette
massification de l'enseignement s'exprime par une question qu'on peut formuler
comme suit: Comment élargir et comment assouplir les cadres de
l'enseignement supérieur?
La conclusion principale de cette Conférence du mois de juin
portait sur la nécessité - pour répondre à cette
question d'élargir et d'assouplir les cadres du supérieur -
était la nécessité de mettre en oeuvre un dialogue, un
dialogue avec les partenaires sociaux. Une première expression, je
dirais, de cette nécessité était la représentation
massive des employeurs et des syndicats à la Conférence, y
compris dans les délégations de chacun des pays. Je pense que
ça témoignait effectivement de quelque chose.
Lors des discussions, je pense qu'on a pu dégager plusieurs
objectifs à ce dialogue. Un premier objectif est de redéfinir, je
dirais, les missions de l'enseignement et de la formation de niveau
supérieur. En effet, par exemple, si on forme pour le privé,
ça peut signifier qu'une partie de la formation de base est prise en
charge par certains types d'établissements - probablement les
établissements financés sur les fonds publics - et que d'autres
acteurs peuvent prendre en charge d'autres parts plus spécifiques, plus
adaptées à des situations professionnelles. Donc, il y a
là une révision, une redéfinition à faire des
différentes parties qui contribuent à l'enseignement et à
la formation de niveau supérieur.
Un autre objectif de ce dialogue est, je crois, la redéfinition
du rôle des pouvoirs publics et du rôle des partenaires sociaux
dans une nouvelle étape du développement de l'enseignement dans
nos sociétés. Ça me paraît un point très
important.
Maintenant, je voudrais consacrer quelques minutes à la question
de ce que l'on peut retirer de ces travaux et de cette Conférence, plus
particulièrement pour les premières années de
l'enseignement supérieur qui correspondent, donc, au cégep.
J'essaierai de répondre à la question qui est: Actuellement,
quelles sont les conséquences de l'enseignement supérieur de
masse pour ces années d'études? Ces années sont
évidemment celles qui sont les plus directement concernées par la
croissance quantitative et par la diversification des publics. Au niveau de ces
publics, quand ils arrivent dans le supérieur, je dirais qu'une
première conséquence de la massification c'est celle du
problème de l'abandon, de l'échec et de l'allongement du temps
d'études. Je voudrais insister sur le fait que c'est un problème
qui existe dans l'ensemble des pays membres. Ce n'est pas une question qui est
liée à une structure particulière, par exemple celle des
cégeps, c'est une question, un problème qui est lié
à l'enseignement supérieur de masse, me semble-t-il, à
l'arrivée massive de populations préparées d'une
manière très diverse, alors qu'avant elles avaient une
préparation relativement homogène, et à une
diversité de clientèles qui n'existait pas jusqu'à
présent. Donc, je pense qu'il est important de ne pas jeter ou rejeter
une structure mais d'essayer de chercher les ajustements nécessaires
pour traiter ces problèmes au niveau de l'enseignement supérieur
comme au niveau de l'enseignement secondaire, peut-être en essayant
d'articuler cette recherche.
Une autre conséquence de l'enseignement supérieur de masse
sur ces premiers cycles a trait au contenu. Je dirais que, pour les premiers
cycles, l'accent est définitivement mis sur la formation
générale. Alors, je tiens à préciser quels types de
formation générale... Je vais essayer de le synthétiser
par la question suivante: Quels types de formation générale
proposer aux individus pour qu'ils soient en mesure de suivre, de gérer
et d'accompagner les évolutions dans le monde du travail? Donc, une
formation générale devient une composante essentielle de ces
premiers cycles, y compris pour les formations, les filières
professionnelles. J'insiste sur cette seconde partie, y compris pour
celle-là, parce que je pense que c'est effectivement une manière
différente de poser la question de la formation générale,
et l'ensemble des débats que nous avons eus au niveau de cette
conférence sur les lettres et les sciences sociales témoignait de
ce souci de professionnaliser, non pas dans un sens d'une spécialisation
étroite, mais dans un sens d'une formation générale utile
pour permettre aux individus de faire face ensuite aux évolutions dans
le monde du travail.
Une autre conséquence de l'enseignement supérieur de masse
a trait à ce qui se passe au niveau des structures des premiers cycles.
Là, je dirais qu'un des points frappants c'est la croissance de la
formation continue au cours des dernières années. Comme nos
contributions à l'OCDE sont des contributions nationales, la situation
canadienne - je ne peux me référer qu'à celle du Canada en
cette matière - montre une situation particulière dans laquelle
les établissements d'enseignement supérieur ont une part du
marché - la formation professionnelle continue - très importante.
C'est, en général, un des exemples cités comme
étant la plus grande participation des établissements
d'enseignement supérieur. Elle est estimée - très
difficilement, parce que c'est difficile à quantifier - aux
environs de 30 %, alors que pour les autres pays, qui ont autant de mal
à la quantifier, elle est de l'ordre de 5 % à 10 %. Donc,
là, les établissements se situent d'une manière
très différente, et il y a des répercussions importantes
en termes de structures de ces premières années du
supérieur, et souvent de structures qui sont de type non universitaire.
On y constate donc cette croissance des activités de formation, mais
elle s'accompagne d'une série d'autres activités qui apparaissent
et qui se développent, qui sont des activités de consultants, qui
sont des activités de service à la collectivité,
d'activités de recherche appliquée ou encore de transfert de
technologies. Il est clair qu'à ce niveau-là ces structures non
universitaires occupent une place que les universités n'arrivent pas
à occuper. Ça, c'est extrêmement clair. (15 h 20)
Très rapidement, au niveau de la croissance ou encore de la
formation continue, je dirais, les principaux intéressés sont les
adultes. Et là je voudrais dire très brièvement,
peut-être qu'on aura l'occasion d'y revenir par la suite, insister sur
l'apparition de deux questions qui sont, à la fois, le problème
de la portabilité et le problème de la
transférabilité. Alors, ce que je veux dire par là, c'est
que, d'une part, pour les adultes, il est important, pour le
développement de la formation continue et pour les individus, que l'on
reconnaisse et que l'on valide les compétences qu'ils ont acquises dans
le milieu professionnel, les compétences sociales, les
compétences acquises dans des activités culturelles, je dirais,
peu importe, mais hors contexte scolaire ou universitaire. Il est
également important que des acquis plus de type scolaire et
académique puissent être portés, je dirais, d'une
institution à une autre.
Ensuite, un troisième aspect, qui est très important
également, je pense, pour le développement de la formation
continue, c'est que cette formation continue suivie par l'adulte va
améliorer sa capacité de transférer des compétences
d'une situation à une autre. Donc, là encore, j'insiste pour dire
qu'elle a, bien sûr, des composantes professionnelles, mais que cette
formation a également des composantes générales.
Toujours au niveau des conséquences de l'enseignement
supérieur de masse sur les premiers cycles, un certain nombre de
questions, évidemment, sont à soulever au niveau des
financements. Je crois qu'en règle générale il y avait un
grand accord au niveau des pays, qui est le suivant, qui est que les pouvoirs
publics ne peuvent plus tout payer. L'idée est qu'ils ne peuvent pas
arriver à assumer seuls l'enseignement supérieur de masse qui, je
le rappelle, répond à une demande sociale, mais répond
également à une demande économique. Alors,
évidemment, en fonction de l'histoire, de la culture, des
possibilités dans chaque pays, différentes formules sont
trouvées. Il y a, bien sûr, la taxe modèle français
et modèle australien, il y a les exonérations, il y a
également d'autres approches qui sont plus de l'ordre de l'incitation au
développement de programmes particuliers. Ce type de choses a
été fait au Royaume-Uni, avec le programme «Pickup»,
il a également été fait aux Pays-Bas, où il y a une
participation, je dirais... Les pouvoirs publics financent une partie et les
entreprises ou les associations professionnelles interviennent pour une autre
partie, que ce soit immédiatement en allouant des ressources
financières, ou en dégageant des personnels qui deviendront des
enseignants, ou en mettant à la disposition des machines... Bon. Peu
importe la formule retenue, mais H y a une participation de plusieurs
partenaires, non pas uniquement un financement venant des pouvoirs publics.
Je voudrais consacrer les dernières minutes à mon
troisième point: le futur des cégeps. D'après les lectures
et les...
La Présidente (Mme Hovington): Excusez-moi.
Mme Colardyn: Pardon?
La Présidente (Mme Hovington): Pour vous laisser
continuer...
Mme Colardyn: Ah oui! Là, je ne dépasse pas
encore.
La Présidente (Mme Hovington): II y a consentement de
chaque côté pour que vous puissez continuer.
Mme Colardyn: Un petit peu. J'ai presque fini.
La Présidente (Mme Hovington): D'accord. Allez-y.
Mme Colardyn: D'après les lectures et les débats
que j'ai pu suivre, il me semble que j'ai retenu, en tout cas, trois points qui
peuvent bénéficier de ce qui s'est dégagé dans les
conférences et dans les travaux de l'OCDE. Le premier point, c'est le
développement de la formation générale dans l'enseignement
technologique et dans la formation continue. Je pense qu'il faut, bien
sûr, développer l'enseignement technologique, je ne mets pas en
balance l'un ou l'autre, je dis qu'il faut continuer à approfondir,
à apporter des éléments au niveau de la formation
générale. L'idée, c'est que, je dirais: Apprendre à
apprendre est une étape, mais apprendre à gérer son futur
en est une autre, et je pense qu'il faut le garder présent à
l'esprit. La mission, notamment au niveau des cégeps, est certainement
de préparer une partie des personnes qui passent par ies cégeps
à l'emploi, mais c'est également de les préparer à
un cheminement professionnel et à une carrière. C'est à
ce
niveau-là qu'il me semble très important de garder cette
dimension formation générale.
Un deuxième point est de poursuivre la réflexion sur les
ordres d'enseignement. En effet, les cégeps sont articulés avec
le secondaire, sont articulés avec le supérieur, et
l'articulation qui paraît poser le plus de problèmes actuellement
est évidemment celle avec le secondaire. Elle pose des problèmes
en termes d'accueil, d'orientation, de bilan, d'exploration, tout ce qu'on
pourrait mettre sous le terme d'élaborer un projet d'étude. Elle
pose des problèmes en termes d'encadrement également. Je crois
que les cégeps seuls ne vont pas répondre à toutes ces
questions. Il y a une partie des éléments et des
réflexions qui ont à être menées avec les structures
en charge du secondaire, notamment tout ce qui concerne la lutte contre
l'échec, la lutte contre l'abandon. Une des raisons de cet échec
et de cet abandon vient certainement de la diversité de la
préparation des publics qui y entrent. Donc, il y a certainement des
choses à faire, mais pas simplement dans la structure isolée des
cégeps mais en relation avec d'autres ordres d'enseignement.
Enfin, le dernier point. Il me semble qu'il est important de
développer des structures de dialogue. Des structures de dialogue
existent déjà. Certaines existent déjà et
fonctionnent très bien, mais je dirais qu'il y a des structures à
avoir clairement à différents niveaux: un niveau local où,
effectivement, et je pense qu'elle fonctionne très bien, les
cégeps sont articulés dans le développement du tissu
économique, social et culturel, local ou régional, et ça
fonctionne; et je pense qu'il y a un niveau un peu intermédiaire, si
vous voulez, ou sectoriel où il y aurait lieu de développer une
cohérence qui essaie de relier un secteur d'enseignement peut-être
avec un secteur professionnel, en essayant de dégager des grandes
tendances, pas en retombant dans des prévisions à court terme sur
le nombre de personnes, mais plus en ayant des dialogues au niveau des grandes
tendances dans un secteur professionnel et dans un secteur d'enseignement;
ensuite, une structure de dialogue qui couvrirait, qui chapeauterait un petit
peu ces deux autres et qui pourrait répondre à différents
types d'objectifs, par exemple des objectifs de suivi, d'évaluation, de
garantie de qualité, éventuellement de reconnaissance ou
d'accréditation de diplômes.
Un autre type d'objectifs peut être d'avoir une espèce de
gestion prévisionnelle du système éducatif. Encore une
fois, ces structures devraient certainement comprendre des partenaires sociaux.
Je ne pense pas qu'il s'agit de gérer... Ce n'est pas le système
éducatif qui va se mettre à mieux se gérer. Je pense qu'il
y a une gestion à faire avec d'autres partenaires pour justement
travailler des questions comme, par exemple, les modules, les reconnaissances
de compétences, les problèmes de l'alternance.
Ensuite, un autre type d'objectifs qui pourrait être poursuivi par
ce type de structure de dialogue est plus de l'ordre de faire avancer une
idée que d'un objectif quantifiable et mesurable en termes de mois ou
d'années, et c'est d'avancer l'idée de développer une
culture de formation dans l'entreprise, qui est un élément qui
manque probablement au Québec mais, en tout cas, qui ressortait
clairement comme étant absent au niveau des contributions canadiennes
que nous avions reçues.
Un tout dernier mot pour dire quand même qu'en termes
d'évaluation je trouve que le travail de cette commission est un
excellent exercice d'évaluation et que c'est également une
étape certainement dans une démarche de dialogue qui doit se
poursuivre au sein de la société québécoise et qui
est extrêmement importante.
Je vous remercie.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, Mme Colardyn. Alors,
le reste du temps, 30 minutes, sera divisé à parts égales
entre les deux formations. Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Mme Colardyn, je
tiens à vous saluer et à vous remercier d'avoir accepté
notre invitation de venir partager avec nous les réflexions qui semblent
si nombreuses et si intenses au sein des mécanismes de l'OCDE sur
l'enseignement supérieur. Je vois que certains des
phénomènes ou certaines des tendances lourdes au sein des pays de
l'OCDE s'appliquent très bien à la situation
québécoise et à la situation canadienne. Alors, j'ai
l'impression qu'on se rejoint beaucoup au niveau de ces tendances lourdes au
niveau des systèmes d'enseignement supérieur de par le monde. Il
y a sûrement des points de ralliement importants. (15 h 30)
Vous avez beaucoup insisté sur la massifica-tion de
l'enseignement supérieur, sur le fait que l'enseignement
supérieur est devenu un système de masse. Et vous n'êtes
pas sans savoir que c'est un des objectifs que nous poursuivions, ici, dans la
réforme de l'enseignement il y a 25 ans, justement, la
démocratisation de l'enseignement et le fait d'encourager beaucoup de
jeunes à accéder à l'enseignement supérieur, donc
d'améliorer nos taux d'accès. Nous sommes exactement, donc, dans
cette situation que l'enseignement supérieur est un enseignement de
masse et, dernièrement, un de nos conseils supérieurs de
l'éducation nous disait: II faut encore amplifier, il faut augmenter
encore davantage.
Mais le premier des éléments que vous avez soulevés
des impacts de cette massification, vous nous avez dit: Bien, on voit arriver
des phénomènes tels que l'abandon, l'échec, l'allongement
des études, et ces phénomènes-là ne sont pas
liés à une structure spécifique d'enseignement mais
plutôt au fait qu'on a affaire à un ensei-
gnement supérieur de masse. J'aimerais ça vous entendre
sur les solutions à ces phénomènes-là qui se
dessinent présentement au sein des pays de l'OCDE, les
expériences, comment on va essayer de diminuer ces
phénomènes nouveaux.
Mme Colardyn: Oui. Alors, effectivement, je crois qu'au niveau de
la massification vous faites certainement partie des pays qui ont plus à
apprendre aux autres que réciproquement. Quand je dis que ce n'est
effectivement pas lié à une structure, en tout cas, du type de
celle des cégeps, vous avez des situations extrêmement
différentes. Si vous prenez le cas, par exemple, de l'Autriche, vous
avez un système d'enseignement supérieur universitaire, je dirais
pur et dur dans sa plus parfaite tradition, avec, grosso modo - je
schématise un peu - rien à côté. Vous avez le
secondaire et puis vous avez l'université très, très
classique. Ils ont un problème chronique d'abandon, d'allongement du
taux des études. Donc, je prends exprès un pays avec un
système vraiment très, très différent pour montrer
que ce n'est effectivement pas là, en termes de la structure des
cégeps, que se pose le problème.
Il y a différents aspects. Je crois que, d'une part,
l'allongement des études et l'abandon - et, je dirais, les faux abandons
- c'est une partie des problèmes. C'est-à-dire que vous avez des
personnes en de plus en plus grand nombre qui entrent dans un système,
qui arrêtent leurs études pendant un semestre, un an, vont
travailler, voyagent, font différentes choses, reviennent et continuent,
etc. Alors, parfois, effectivement, ils font partie ou pas des abandons. Le
problème est déjà un peu délicat, je ne dirais pas
délicat seulement en termes de «faut-il les compter comme?»
mais en termes de la réaction qu'a l'enseignement supérieur en
tant que structure. C'est-à-dire, est-ce que l'enseignement
supérieur, cette structure ou ces différentes structures vont
faciliter un retour de cette personne ou pas? Est-ce qu'on perd la
totalité de ce qu'on a fait ou pas? L'exemple a été
cité ce matin, à savoir d'émettre une espèce de
certificat à la fin d'une première année de
supérieur en France. C'est un des exemples pour essayer d'éviter
qu'on perde tout quand on sort du système d'enseignement
supérieur. Donc, ça, ça peut être un
mécanisme d'assouplissement, de fonctionnement moins rigide d'une
structure qui permette de prendre en compte, effectivement, des entrées
et des sorties.
Un autre mécanisme est également d'assouplir ce qui se
passe au niveau des études à temps complet ou à temps
partiel. On l'autorise plus ou moins facilement. Je dirais que les
systèmes éducatifs le tolèrent plus ou moins facilement.
Là aussi, assouplir ces systèmes peut amener des comportements
différents en termes des entrées et des sorties dans le
supérieur. Si vous voulez, il y a une partie des réponses que je
vois en termes d'assouplir une structure.
Maintenant, tout ce qui concerne réellement l'échec, je
crois que, là, c'est un autre problème. Là, le
problème, je le vois essentiellement comme étant lié
à la préparation très différente des personnes qui
viennent du secondaire ou d'adultes qui retournent en formation, mais, je
dirais, de personnes qui n'ont pas suivi la filière à laquelle on
était encore, si vous voulez, d'une certaine manière,
habitué, qui était une filière de préparation
relativement académique, bien précise, qui nous conduisait
à l'université. Je crois que et les structures du secondaire et
les structures du supérieur n'ont pas tiré toutes les conclusions
de la croissance de l'enseignement secondaire et de la croissance du passage
dans le supérieur. Il y a là un travail à faire entre les
deux structures, entre ces deux ordres d'enseignement pour arriver à
trouver des systèmes qui ne renvoient pas la faute sur le secondaire -
je crois que vous l'avez clairement identifié dans un certain nombre de
documents - mais je ne pense pas non plus que ce soit une solution de prendre
toute la responsabilité d'essayer de corriger cela dans la structure qui
relève du supérieur.
Mme Robillard: J'aimerais que vous soyez plus précise, Mme
Colardyn, parce que, dans votre troisième point, au niveau du futur des
cégeps, vous avez justement parlé du problème des ordres
d'enseignement...
Mme Colardyn: Oui.
Mme Robillard: ...les ordres différents des enseignements.
Vous disiez que le fait que le cégep soit à la jonction du
secondaire et de l'universitaire, vous voyiez un problème plus
particulier au niveau du secondaire. Vous nous avez encouragé à
ce que les deux ordres d'enseignement apportent une solution à ce
problème-là, vous venez de le mentionner. Qui doit avoir cette
responsabilité? Comment se font les passerelles d'un ordre
d'enseignement à l'autre? Est-ce qu'il y a des tendances au niveau des
pays de l'OCDE dans cette dimension? Est-ce qu'il y a une réflexion sur
les critères d'admission? Est-ce que vous êtes en train de me dire
que vous n'êtes pas d'accord avec une propédeu-tique, par exemple,
d'un ordre d'enseignement à l'autre? J'aimerais ça vous entendre
sur le sujet.
Mme Colardyn: Oui. Alors, les tendances au niveau de l'OCDE, je
dirais, la seule réponse que je puisse apporter pour l'instant, c'est
que beaucoup de pays soulèvent la question. Donc, ça veut dire
que c'est vraiment... c'est à l'ordre du jour. Il n'y a pas de travaux,
actuellement, là-dessus. Tout ce que je peux vous dire, c'est que, suite
aux travaux sur le supérieur et ceux sur vos techniques, le secondaire
professionnel qui s'achève là, c'est un des thèmes qui
ressort et ce sera probablement un des thèmes qui sera un
peu plus travaillé dans cette conférence sur vos
techniques, à ce moment-là. Mais, pour l'instant, il n'y a pas
une tendance, il y a le problème, on le voit apparaître. Il est
posé par beaucoup de pays.
En ce qui concerne votre question directe sur la propédeutique,
je pense, effectivement, que ça n'est pas une solution d'instaurer une
propédeutique qui est de l'entière responsabilité du
cégep. Je m'explique par là en disant que ce qui serait fourni
dans cette propédeutique serait de l'autre ordre d'enseignement, de
celui du secondaire. Donc, il faut peut-être travailler ensemble avec le
secondaire pour que le secondaire améliore quelque chose ou trouve une
formule différente pour amener ses élèves, ses
étudiants à avoir le niveau souhaité à
l'entrée au cégep, mais il ne me semble pas que ce soit une bonne
formule de faire porter l'entière responsabilité au cégep
de la remise à niveau des étudiants qui lui arrivent. Je pense
que c'est de l'autre ordre d'enseignement et que le mieux est de mentionner et
d'accompagner quelque chose qui est fait par l'autre ordre d'enseignement, qui
est de sa responsabilité en fait. Sans ça - j'irai en
caricaturant - vous allez avoir les mêmes problèmes à
l'autre extrémité. Vous allez vous retrouver avec les
problèmes de passage à l'université et le cégep ne
peut pas prendre les deux morceaux et essayer de porter sur ses épaules
tous les fardeaux.
Donc, ça fait aussi partie, je crois, de voir dans un ensemble
plus vaste les différents ordres d'enseignement. Il n'y en a pas un qui
puisse remédier à ce qui est avant et après. Il y a un
travail qui doit se faire en commun, pour les extrémités, les
passages, les passerelles, mais clairement les matières, les contenus
sont de l'ordre de l'enseignement du secondaire. Donc, je pense que c'est dans
ce sens-là qu'il faudrait rechercher. (15 h 40)
Mme Robillard: Votre réponse est très claire.
Mme Coiardyn, vous nous avez dit aussi qu'un des impacts de la
massification de l'enseignement supérieur, c'est au niveau des contenus
et, de façon particulière, au niveau de la formation
générale, l'accent sur la formation générale donc,
et vous avez insisté pour nous dire la formation générale
aussi dans les filières professionnelles.
Donc, est-ce que, au moment où on se parie, on a
déjà commencé, au niveau des pays de l'OCDE, à
développer des modèles au niveau justement de la formation
générale à l'intérieur des filières
professionnelles ou techniques? Est-ce qu'il y en a qui sont pratiqués
présentement? Lesquels fonctionnent le mieux?
Mme Coiardyn: Alors, dans le cadre d'un des projets de
l'enseignement supérieur et l'emploi, celui qui touchait aux lettres et
aux sciences sociales, on a réalisé une enquête dans un
certain nombre de pays européens, en fait, et on a ajouté
quelques informations sur les États-Unis, le Canada, le Japon.
Alors, un expert s'est, je dirais, promené dans différents
établissements de différents pays et a examiné la question
en essayant de voir s'il était préférable, par exemple,
d'avoir un grand bloc de formation générale en préalable
à une formation professionnelle, ou l'inverse. Alors, c'était
très intéressant comme conclusion parce qu'il a trouvé que
les deux marchaient aussi bien ou aussi mai. Ha, ha, ha! Donc, il n'est pas
ressorti dans ses conclusions avec un modèle qui, clairement, fonctionne
mieux. O.K.? Ce qu'il faisait ressortir, c'était beaucoup plus de
l'ordre... le facteur déterminant était de l'ordre de l'insertion
de l'établissement dans son environnement économique, social et
culturel. Ça, par contre, ça avait l'air beaucoup plus
déterminant dans le rapport.
Alors, maintenant, un autre élément, ce sont les
discussions qui ont eu lieu autour des lettres et des sciences sociales, avec
cette idée qu'il ne faut pas développer... Bon, les lettres et
les sciences sociales, ces 20 dernières années, ont souvent
été utilisées, entre guillemets, comme le palliatif quand
on ne savait vraiment plus quoi faire d'autre. Comme on l'a dit un peu plus
tôt, il y a les deux extrêmes: ou les très bons ou bien
vraiment ceux qui n'arrivent pas à se caser ailleurs. Donc, il y a un
grand souci au niveau des lettres et des sciences sociales d'éviter
ça.
Il y a également un autre grand souci qui est de répondre
à, je dirais, presque la seule demande que les milieux professionnels
sont capables d'exprimer. Ils sont en général, dans les pays
où on constate qu'il y a des commissions qui travaillent d'une
manière très paritaire... Si on espère avoir des
prévisions extrêmement précises sur des
développements dans une profession pour en déduire quelque chose
en ternies d'enseignement, on est en général assez
déçu. Par contre, la majorité, l'ensemble des
enquêtes et l'ensemble de ce qui est formulé par les
professionnels, c'est quelque chose qui relève de la
nécessité d'être innovatif, responsable, la communication,
toutes choses qui font à nouveau référence aux lettres et
aux sciences sociales. Donc, c'est en ce sens-là que... mais, je veux
dire, sans aller plus loin non plus pour l'instant, parce que vraiment
c'était ça, la discussion du mois de juin. Depuis, il n'y a pas
eu grand-chose de neuf. C'est, utilisons ces lettres et ces sciences sociales
également pour donner ces outils-là, ces outils qui permettront
de continuer à évoluer dans le monde professionnel.
Je crois que c'est en ce sens-là qu'il ne faut pas les oublier
dans la formation professionnelle et qu'il est important de les inclure dans la
formation continue. Dans ia formation continue, elles sont d'ailleurs, par le
fait même, quand on
regarde les formations suivies... Les adultes cherchent également
ce type de formation. Donc, ça n'est pas à l'inverse un poids au
pied. Je ne peux pas aller plus loin dans les éléments, il n'y
a...
La Présidente (Mme Hovington): Merci, Mme Colardyn. Je
reconnaîtrai maintenant M. le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, Mme la Présidente. Bonjour, madame. On
est heureux, comme membres de la commission, d'avoir votre contribution parce
qu'on a senti, lors de votre présentation, que, que nous soyons de
l'OCDE ou d'ailleurs, lorsqu'on parle des mêmes réalités,
le langage peut être différent, la terminologie n'est pas
nécessairement la même, mais les réalités sont
exactement les mêmes. Je trouvais que, vous, vous avez retenu
l'expression les «tendances lourdes», mais, indépendamment
encore là des termes que nous utilisons, vous avez parlé des
mêmes réalités qu'on vit.
La démocratisation ici, qui est appelée chez vous
«la massification», a donné effectivement lieu à des
problèmes d'abandon, d'échec, d'allongement des études.
Vous nous avez indiqué avec raison que, pour ce qui est des contenus
qu'on appelle actuellement, nous autres ici, les apprentissages, il y a lieu
d'insister énormément sur une meilleure qualité de
formation de base où que nous soyons, quelque pays que nous soyons, du
moins dans le monde occidental. Il y avait lieu d'insister sur la même
réalité. Que nous embrassions une formation technique ou une
formation générale, il n'y a pas beaucoup de spécialistes
et d'experts - et je pense que vous en êtes - qui ne conviennent pas de
la nécessité d'avoir une formation de base plus qualifiante,
indépendamment de l'avenir.
Moi, ce qui m'a frappé également, c'est de conclure ou de
constater, ailleurs comme ici, pour des raisons qui peuvent être
différentes mais qui traduisent encore la même
réalité, qu'il y a de plus en plus de citoyens et de citoyennes
qui conviennent que, pour faire face à leur devenir, il faille qu'ils
décident de suivre une formation qu'on appelle continue ou qui est plus
spécialisée au niveau des adultes. Et là je trouvais
ça correct de dire: II faut développer, dans ce type
d'apprentissage, des mécanismes pour être en mesure
d'évaluer un peu mieux ce qu'on appelle chez nous les acquis
«expérien-tiels». Vous ne l'avez pas dit comme ça,
mais c'est exactement ce sur quoi on travaille ici.
Moi, je porte le jugement, puis c'est contre personne, que je ne suis
pas sûr qu'on soit à point ici, au Québec,
là-dessus, en termes d'avoir des mécanismes d'évaluation
pour bien mesurer la valeur pédagogique ou autre de ce qu'on appelle les
expériences acquises en milieu de travail en vertu d'une formation
à être poursuivie. J'aimerais ça, chez vous, que vous nous
précisiez un peu plus, au niveau de l'OCDE, est-ce que vous croyez que
vous avez des instruments d'évaluation assez fins, assez raffinés
pour donner plus de valeur aux acquis «expérientiels», dans
les contenus de formation, qu'on peut le faire ici? Autrement dit, c'est quoi,
là, que vous avez comme instruments d'évaluation? Est-ce que vous
avez la conviction que vous les évaluez bien et que vous les mesurez
bien, les acquis «expérientiels»?
Mme Colardyn: Je n'ai pas d'instruments d'évaluation et je
n'ai certainement pas la conviction qu'ils sont bien ou mal
évalués. Ha, ha, ha! Ce que je voudrais dire, c'est qu'on n'a pas
d'instruments parce qu'au niveau de l'OCDE on ne développe pas ce genre
d'instruments. Ha, ha, ha! Ça explique ma première
réaction. Par contre, dans les différents travaux qui tournent
autour de la formation continue, récurrente, permanente, etc., c'est un
des soucis majeurs pour l'instant. C'est un des soucis, un peu comme je l'ai
dit, qui s'expriment pour la minute par un très grand nombre de pays
très différents. Alors, ces pays ont chacun tenté leurs
outils. Je ne pense pas que, pour l'instant, je puisse vous dire: Allez voir
chez les Australiens, ils ont mis au point quelque chose de formidable. Je ne
crois pas. Ils font partie de ceux qui ont certainement le plus
réfléchi à la manière d'intégrer des acquis
«expérientiels», des compétences acquises en dehors
du système scolaire, d'essayer de trouver des mécanismes à
un niveau institutionnel pour les prendre en compte. Oui, ils ont une
approche.
Une autre approche, c'est celle des centres de bilan en France. Elle
n'est pas exactement au même niveau. Elle est plus, je dirais, au niveau
du secondaire et des adultes. Dans un premier temps, la priorité
était plus aux adultes ayant des difficultés qu'aux adultes ayant
déjà une sérieuse formation. Bon, c'est une autre
approche.
Pour moi, on peut citer d'autres exemples comme ça, mais, au
niveau de l'OCDE, on ne peut pas faire une recommandation d'un outil, hein? Ce
que je peux vous dire, c'est que c'est effectivement une question qui se pose,
qui est redondante dans vraiment beaucoup de pays. Elle l'est même au
Japon, ce qui nous a beaucoup étonnés, ha, ha, ha! dans le sens
où cette pratique d'allées et venues entre le travail et le
scolaire, l'académique, ne fait pas partie vraiment de ses traditions.
C'est l'un après l'autre, mais ce n'est pas le passage de l'un à
l'autre. Or, ils commencent à réagir d'une manière
très différente parce que les jeunes commencent à
être un peu plus mobiles que les générations
passées, etc.
Donc, c'est pour vous dire que c'est une problématique
importante, soulevée par beaucoup de pays, mais je n'ai pas de
modèle et je n'ai pas d'instrument à vous dire qui, vraiment,
émerge davantage. (15 h 50)
M. Gendron: Je veux juste vous rappeler cependant que, dans votre
présentation, vous avez affirmé, avec raison selon moi, que,
compte tenu de la tendance accrue des gens à aller en formation
continue, il y avait lieu de valider la reconnaissance des acquis. Alors, moi,
c'est pour ça que je posais la question. Lorsqu'on prétend, avec
raison, qu'il faudra valider dans le futur ces expériences-là, je
voulais juste vérifier si vous aviez des éléments parce
que, là-dessus, ici, au Québec, je trouve qu'on n'est pas
à point dans la capacité de porter rapidement des diagnostics
d'évaluation justement sur la validation des expériences acquises
hors les milieux d'éducation et de formation. Je vous remercie quand
même du commentaire.
Mme Colardyn: Oui, je peux... M. Gendron: Oui.
Mme Colardyn: ...faire un complément, parce que je crois
qu'il y a deux choses. Je distinguerais ce qui se fait en termes d'instruments
pour évaluer des acquis - et je l'ai compris en ce sens-là - en
termes individuels. Il y a une autre chose, qui est de valider ces acquis au
niveau d'une institution, de les prendre en compte. Un modèle, je crois,
qui a beaucoup de variantes maintenant, qui se met en place, est celui qui
s'est développé au Royaume-Uni par l'intermédiaire du CNR.
Au départ, le CNR était une espèce de comité
d'accréditation, si vous voulez, qui reconnaissait les polytechniques et
les collèges, qui accréditait leurs diplômes, contrairement
aux universités qui ne pouvaient pas, elles... Les polytechniques et les
collèges ne pouvaient pas faire cela de leur propre chef.
À partir de là, il y a des pratiques de validation des
acquis qui se sont mises en place à partir de cette structure-là
et qui ont dérivé de ça. Je pense qu'ils ont fait,
effectivement, au niveau de l'Angleterre, des expériences
intéressantes de prise en compte d'acquis
«expérien-tiels» intégrés dans des cursus.
Notamment au niveau du management, ils en ont développé
plusieurs. Là, il y a un certain nombre d'expériences qui
existent, qui se pratiquent et qui se font mais, à ce moment-là,
en termes de validation institutionnelle des acquis, pas en termes
d'instruments qui permettent de mesurer les compétences.
M. Gendron: Sur l'aspect du financement, vous avez
mentionné, et là j'essaie de vous citer correctement, bon, qu'au
niveau du financement les pouvoirs publics prétendent qu'ils ne peuvent
pas tout prendre, avec raison. Je pense que ça a été votre
phrase exacte. Vous avez dit: Au niveau du financement, on ne peut pas tout
prendre, compte tenu de la croissance des coûts, et tout ça. Mais,
est-ce que vous avez des opinions - et là c'est plus personnel compte
tenu de votre expérience - un petit peu plus arrêtées sur,
quand même, la nécessité que, pour de la formation
supérieure à certains niveaux, la responsabilité d'un
État quel qu'il soit demeure pleine et entière par rapport
à des objectifs, encore, de démocratisation plus grande compte
tenu qu'on n'a pas atteint les niveaux de dipio-mation qu'on souhaite, et c'est
le cas ici? Et est-ce que vous croyez que, dans des cas comme ça,
même si je reconnais que le financement public n'est pas, entre
guillemets, illimité, on doive quand même, compte tenu de
l'importance dans une société de mettre beaucoup, beaucoup
d'accent sur une meilleure éducation au sens général du
terme, et incluant, bien sûr, ce qu'on a appelé pour discussion
aujourd'hui tout ce qui est sous le vocable de la formation supérieure
ou de l'enseignement supérieur... Est-ce que vous ne croyez pas qu'on
peut quand même statuer qu'au niveau du financement il faut consacrer le
principe qu'autant que possible le financement des apprentissages
éducatifs demeure une responsabilité des États? Est-ce que
vous partagez ça?
Mme Colardyn: Absolument. Quand j'ai dit que les pouvoirs
pensaient qu'ils ne pouvaient plus financer seuls, je crois que ce n'est pas
à comprendre comme ça, en tout cas pas dans la majorité
des pays membres. Je crois que la plupart seraient d'accord avec ce que vous
venez de dire. Il y a une partie d'enseignement, je dirais, fondamental de
formation initiale ou même supérieure qui est du ressort des
pouvoirs publics.
Maintenant, ce que ça veut également dire, je crois, quand
les pouvoirs publics disent: On ne peut pas tout faire, c'est qu'ils peuvent
faire ça et que d'autres acteurs peuvent intervenir pour autre
chose.
M. Gendron: Parmi d'autres acteurs, avez-vous de bonnes
suggestions?
Mme Colardyn: Au Canada, je pense que les associations
professionnelles jouent un rôle important, plus que les entreprises.
Ça ne veut pas dire que les entreprises ne pourraient pas en jouer plus,
mais, en partant de la réalité telle qu'elle nous est apparue par
les contributions, je crois que l'un des partenaires essentiels est, au
départ... Ce sont les associations professionnelles. Les entreprises, je
pense qu'il y a un travail à plus long terme qui doit être
mené avec les entreprises pour qu'effectivement elles prennent
conscience qu'elles ne font pas simplement qu'utiliser, entre guillemets, un
produit qui est fourni par l'éducation, mais qu'elles-mêmes
contribuent à quelque chose.
M. Gendron: Je vais vous questionner aussi sur une autre
réalité qui est nôtre ici. On
appelle ça globalement l'évaluation, les pratiques
d'évaluation; que ce soit l'évaluation des apprentissages, des
institutions ou des enseignements. Et, à ma connaissance, à moins
que je n'aie été distrait, ce qui est possible, vous n'avez pas
tellement élaboré sur comment vous voyez ça, vous,
l'évaluation et toute la dimension également de la sanction des
diplômes. Pour l'évaluation, en très clair, est-ce que vous
croyez que c'est surtout une responsabilité des institutions, avec des
mécanismes internes, ou si on doit envisager plutôt des
mécanismes externes uniques? C'est une expression. Peu importent les
pays. Si vous ne me comprenez pas... Est-ce que vous m'avez saisi là,
sur l'évaluation?
Mme Colardyn: Je ne suis pas tout à fait sûre de...
Non.
M. Gendron: Bien regardez, ici, on dit: Dans l'évaluation
globale des enseignements qui se donnent, des institutions, il y a une
théorie qui veut que ça soit les institutions qui fassent
ça, cette évaluation-là, on appelle ça de
l'évaluation interne, en gros.
Il y a l'autre thèse qui dit: Non, ça prendrait un
mécanisme quand même externe aux institutions qui feraient - c'est
pour ça que j'ai parlé d'un mécanisme unique -
l'évaluation.
Mme Colardyn: O.K.
M. Gendron: J'aimerais entendre dire quelques mots
là-dessus et, en môme temps, un avis ou une opinion sur toute la
question de la sanction des diplômes. Comment voyez-vous ça
ailleurs?
Mme Colardyn: O.K. Je crois que l'un des principes qui doit
gouverner cette évaluation est le maintien de la qualité. Alors,
dans certains pays, ça va passer effectivement par une très,
très grande autonomie des institutions, et les institutions le font. En
général, ça va, quand ce schéma-là
s'applique, de pair avec, quand même, l'existence rapidement
souhaitée d'un comité qui assure un suivi, qui guide. Bon. Il y a
différentes formules, l'autre système étant le
diplôme national et, je dirais, un peu la grosse masse. Mais, pour faire
quelque chose peut-être d'un peu plus précis, plus précis,
plus rapidement évolutif, plus facile à faire bouger, je crois
qu'il y a effectivement le... C'est fait même dans les pays
extrêmement centralisés, d'accorder une plus grande autonomie aux
institutions. Alors, ça comprend l'évaluation, ça comprend
aussi le fait de chercher de l'argent, par exemple. En général,
l'un va de pair avec l'autre.
Ce comité extérieur ou cette commission, peu importe
comment elle est appelée, est une sorte de... exerce une espèce
de contrôle de qualité. Je crois que c'est comme ça qu'on
peut, en termes généraux, la définir. Mais, si, effec-
tivement, vous vous engagez vers plus d'autonomie, je pense qu'il faut avoir
ça, sans ça vous allez vous retrouver très vite dans une
situation tellement diverse, tellement éparse qu'elle devient vraiment
très difficilement gérable.
M. Gendron: Je vous remercie, Mme Colardyn.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. En
conclusion, Mme la ministre.
Mme Robillard: Merci, Mme Colardyn, d'avoir participé
à nos travaux. On ne peut que souhaiter être mis au courant, par
la suite aussi, de l'ensemble de vos travaux et, je dois vous dire, surtout au
niveau des solutions concernant le problème de l'enseignement
supérieur de masse, parce que nous sommes rendus à cette
étape-là, comme vous le savez. Alors, merci bien et bonne fin de
séjour au Québec, Mme Colardyn.
Mme Colardyn: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, au nom de tous les
parlementaires, merci, Mme Colardyn, encore une fois. (16 heures)
J'appellerais maintenant le cégep de Shawi-nigan à bien
vouloir prendre place immédiatement, s'il vous plaît.
Nous allons suspendre une minute.
(Suspension de la séance à 16 h 1)
(Reprise à 16 h 3)
La Présidente (Mme Hovington): La commission va reprendre
ses travaux avec le cégep de Shawinigan, représenté par Me
Denis Beaumier, président du conseil d'administration. Bonjour, M.
Beaumier. Vous êtes le porte-parole?
Cégep de Shawinigan
M. Beaumier (Denis): Non, c'est notre directeur
général.
La Présidente (Mme Hovington): Ah! C'est Mme la directrice
générale, Mme Francine Bonicalzi. Alors, bonjour et bienvenue
à la commission de l'éducation. Si vous voulez bien nous
présenter les personnes qui vous accompagnent.
Mme Bonicalzi (Francine): II me fait plaisir de vous
présenter Me Denis Beaumier, président du conseil
d'administration de notre cégep; M. Jacques Gilbert, à ma gauche,
directeur des services pédagogiques; M. Jean-Raymond Michel, à la
gauche de M. Gilbert, directeur de la Société délectrolyse
et de chimie Alcan Itée,
usine de Shawinigan; et, à l'extrême droite, M. Pierre
Bouchard, préfet de la municipalité régionale de
comté du Centre-de-la-Mauricle.
La Présidente (Mme Hovington): Vous avez 20 minutes pour
nous présenter votre mémoire.
Mme Bonicalzi: J'aimerais vous informer que MM. Michel et
Bouchard compléteront notre intervention et H me fait plaisir de
signaler également la présence d'une délégation
composée de représentants du milieu socio-économique du
Centre-de-la-Mauricie et du Haut-Saint-Maurice qui nous appuient par leur
présence et qui l'ont fait plus formellement par écrit. Quelques
membres de notre personnel les accompagnent aussi.
La Présidente (Mme Hovington): Bienvenue à
Québec et bienvenue à la commission de l'éducation. Vous
avez votre député qui est ici, de toute façon, et qui vous
représente bien, vous voyez. Allez-y, Mme la directrice.
Mme Bonicalzi: Le développement régional et
l'autonomie des collèges vont de pair. Les collèges doivent
être considérés comme des entités adaptées
aux besoins régionaux. La décentralisation des pouvoirs est une
démarche qui entraînera des actions conformes à des
contextes particuliers et multipliera les gestes d'initiative. Le
système centralisé dans lequel les collèges se sont peu
à peu retrouvés a entraîné un important effet de
nivellement et même de démobilisation. C'est dans la
différence que nous créerons un avenir tangible, mobilisant et
créateur. L'autonomie facilitera les échanges, les propositions
et les actions avec nos communautés respectives. L'autonomie locale dont
nous discutons s'effectuera par un équilibre renouvelé de
l'organisation technocratique. Loin de nous l'idée de vouloir tout
bousculer. Ce que nous visons, c'est de pouvoir assumer la part des
décisions nécessaires pour mieux nous arrimer au milieu, prendre
ses couleurs, répondre à ses besoins, participer à la
création d'une nouvelle prospérité régionale.
Qu'entendons-nous par un équilibre technocratique
renouvelé? Voici quelques exemples: être en mesure de donner une
coloration locale à nos programmes d'enseignement; être en mesure
de faire évoluer nos programmes de formation, de recyclage, de
perfectionnement, dans des délais raisonnables; être en mesure
d'établir un plan stratégique de relève, de
perfectionnement, de ressourcement et de valorisation de nos personnels;
être en mesure de répartir les sommes allouées selon nos
besoins particuliers; être en mesure de gérer nos budgets dans une
perspective à moyen terme. Trois ans, par exemple, constituerait une
aire de retournement satisfaisante.
Nous ne voulons rien bousculer, en effet.
Mais ce que nous désirons, c'est posséder un maximum
d'outils pour nous rendre plus performants et davantage en harmonie avec notre
communauté. Son développement passe par sa propre prise en charge
et le cégep faisant partie et étant partenaire de cette
communauté a un rôle soit de leader, soit de soutien. Qui dit
autonomie dit engagement, responsabilité, devoir de faire, de
réaliser, de créer, d'innover. Par conséquent, quand on
dit autonomie, cela suppose que nous sommes en accord avec
l'évaluation.
Toute action commande une évaluation afin de déterminer
les forces et les faiblesses et de permettre les ajustements appropriés.
Nous ne pourrons pas nous améliorer sans évaluer les
résultats de nos activités. Nous considérons
l'évaluation comme un point majeur du développement futur de
l'enseignement collégial. Nous souhaitons ne plus jamais entendre cette
phrase: L'État ne connaît pas la valeur exacte des diplômes
qu'il octroie. Nous estimons qu'il en va de la crédibilité du
diplôme.
L'évaluation devra d'abord avoir comme objectif
l'amélioration continue et la reconnaissance, c'est-à-dire avoir
un caractère formateur et valorisant. Elle devra aussi faire partie d'un
processus de gestion. Des évaluations périodiques permettront de
faire le point sur la justesse de nos actions et d'obtenir les résultats
visés. Des correctifs pourront alors être apportés, mais
ils seront basés sur une réelle rétroaction.
L'entreprise, quant à elle, n'a pas le choix.
L'évaluation, compte tenu de la concurrence, fait partie de son
quotidien. Il en va de sa survie. L'autonomie que nous réclamons,
conjuguée à la rareté des ressources, nous oblige à
élever à tous égards les standards de qualité. Il y
a 25 ans, nous faisions oeuvre de création en instaurant cet ordre
distinct qu'est l'enseignement collégial. Nous étions en pleine
prospérité. Aujourd'hui, autres temps, autres moeurs, ce n'est
plus de création dont il faut parler, mais d'innovation et de
créativité dans la consolidation. Faire preuve d'innovation et de
créativité, c'est établir des maillages de toutes sortes
avec les organismes de sa région, c'est se rendre complémentaire,
c'est partager des services. La solution réside-t-elle dans la mise en
commun des services offerts jusque-là chacun de son côté
par le cégep, les commissions scolaires, les municipalités, le
CLSC et les autres organismes à vocation sociale et économique de
la région? Ce n'est là qu'une piste que nous proposons
d'explorer. Nous n'avons fait ni étude ni sondage poussé. C'est
simplement notre raison qui parie.
Faire preuve d'innovation et de créativité dans la
consolidation, c'est aussi décloisonner des univers: l'univers de
l'enseignement régulier et celui de l'éducation aux adultes. Ceci
permettrait, entre autres, de tirer davantage profit de la coexistence des
jeunes et des adultes. Les clientèles diversifiées et la
multiplicité des modes de financement appliquées à la
formation aux
adultes ont grandement contribué à particulariser,
à toutes fins pratiques, à isoler l'éducation des adultes
dans les collèges pour en faire ce que d'aucuns appellent un
collège dans un collège.
Pour répondre aux besoins actuels et futurs de formation
initiale, de perfectionnement et de recyclage de notre société,
pour tenir compte de la diversité de ses besoins selon les
régions et dans le temps, le système collégial et chacun
des collèges doivent résolument s'inscrire, tant pour la
formation aux jeunes qu'aux adultes, dans une perspective de formation
permanente. Chaque collège doit pouvoir se donner une couleur locale,
fonction des besoins évolutifs de la population à laquelle il se
dédie. Il s'agit là d'un sine qua non pour habiliter la
société québécoise en regard de l'évolution
rapide des technologies, des mutations de l'économie, bref pour lui
permettre de faire face à l'évolution sociale en
général. (16 h 10)
Selon qu'il s'agit de formation initiale, de perfectionnement et de
recyclage, il nous faut reconnaître qu'il s'agit d'études qui
pourront être poursuivies selon divers régimes parce que les
individus, jeunes comme adultes, auront à concilier divers
intérêts pour privilégier tantôt études
à temps complet, tantôt études à temps partiel.
À cet égard, le cheminement dans un programme d'études
adapté aux besoins importe beaucoup plus que le régime
d'études privilégié. Les cheminements scolaires possibles
doivent être souples et variés et il nous faut nous assurer que
les règles administratives n'aient pas d'effets discriminatoires
à ce chapitre. Il faut consé-quemment que jeunes et adultes
soient reconnus comme des clientèles ayant les mêmes droits. Il
faut que les collèges et tout le système éducatif
québécois puissent s'adapter beaucoup plus étroitement aux
contextes locaux et régionaux. Il faut qu'ils soient capables d'une plus
grande souplesse organisationnelle à travers une uniformisation et une
simplification des règles inhérentes à la gestion
administrative de leurs programmes de formation, de perfectionnement et de
recyclage.
En ce sens, et dans la foulée de la vision
développée par le gouvernement du Québec en 1984, lors de
l'adoption du Règlement sur le régime pédagogique du
collégial, il faut que soit à nouveau affirmé le principe
de l'accessibilité du plus grand nombre à des activités de
formation de quajité relevant de cet ordre d'enseignement et qu'on ouvre
plus grandes les portes des collèges à des catégories
d'étudiants qui ne pouvaient auparavant s'y inscrire. Pour tirer
davantage profit de la coexistence des jeunes et des adultes et
décloisonner l'enseignement régulier et l'éducation des
adultes, nous croyons pertinent d'explorer l'élargissement des plages
horaires.
Notre mémoire ne comporte pas de recom- mandations
particulières sur tous les sujets mentionnés maintenant. Nous
nous permettons de suggérer à la commission de nouvelles pistes
qui nous amèneraient à envisager la qualité et le
développement dans un contexte de rareté des ressources.
Décloisonner l'univers des ordres d'enseignement constituerait un
énorme pas vers la qualité de la formation. Les grands gagnants
seront nos étudiants, pour qui et par qui nous existons.
Décloisonner les univers de l'éducation et de l'entreprise. Des
liens structurels doivent s'établir pour répondre
adéquatement et à temps aux besoins de l'entreprise et des
individus et, en corollaire, s'assurer d'une formation technique pertinente,
notamment par l'établissement de stages, tant pour nos étudiants
que pour nos professeurs.
Décloisonnement des univers à l'intérieur des
collèges, à l'intérieur des régions, à
l'intérieur du gouvernement et entre les gouvernements. La duplication
et les chevauchements coûtent très cher. En avons-nous encore les
moyens? Nous croyons que l'efficacité et l'efficience nous concernent.
En conséquence, avant de taxer encore plus ou de faire payer les
retardataires ou avant de limiter l'accessibilité, un très
consciencieux et honnête exercice s'impose avec force. Cet exercice
permettrait à la fois l'élimination des chevauchements et le
malllage entre les organismes sociaux et économiques d'une
région.
Permettez-moi ici de citer Joseph Kelada: «La qualité n'est
pas l'effet du hasard. Elle doit être planifiée, organisée,
dirigée, contrôlée et assurée.» Changeons nos
façons de voir, changeons nos paradigmes. On ne peut plus jouer à
chacun pour soi. Notre intérêt collectif est bien supérieur
à nos préoccupations Individuelles. C'est en regroupant nos
forces, nos expertises, nos ressources, que nous créerons un futur
prospère. C'est aussi en reconnaissant que notre province est
égale à la somme de ses régions et qu'elle a la force de
sa région la plus faible. Sa prospérité passe donc par
celle de chacune de ses régions qui, à leur tour, ne la devront
qu'à leur propre volonté, leur propre prise en charge. Comme
partenaire de sa région, le cégep doit s'adapter et
évoluer au rythme du développement de celle-ci et disposer, en
conséquence, de l'autonomie nécessaire.
M. Michel.
M. Michel (Jean-Raymond): Merci beaucoup. Mesdames, messieurs,
à titre de gestionnaire, je peux vous assurer que l'entreprise se mesure
quotidiennement à la concurrence, et, dans ce contexte, elle doit
demeurer hautement compétitive. Elle doit revoir constamment ses
orientations et s'adapter rapidement aux changements. Les relations d'affaires
établies aujourd'hui sous le signe du partenariat concernent
nécessairement un client et un fournisseur qui conviennent
mutuellement d'une entente claire, et ce, peu importe la nature des
biens ou des services qui sont transiges. Or, l'atout majeur de l'entreprise
dans sa quête de compétitivité réside en une
main-d'oeuvre qualifiée, capable d'initiative, capable de
créativité, mais surtout, et je répète, surtout
capable de s'adapter rapidement aux changements qui sont dictés par
l'environnement de plus en plus compétitif qui compose notre
réalité de tous les jours.
C'est ici qu'entre en scène le cégep. S'il est à
l'écoute de la communauté du Centre-de-la-Mauricie, s'il est
capable de réagir rapidement, s'il peut s'ajuster efficacement aux
attentes de ses partenaires, le cégep de Shawinigan représente
alors un outil puissant de développement économique et social
pour la région. Ainsi, pour consolider son profil de partenaire, le
cégep doit disposer de la latitude nécessaire afin
d'évoluer au rythme de ses partenaires. Dans cet esprit, notre
région possède un historique industriel bien à elle et une
population qui est déjà très sensible à la
réalité ou aux réalités, aux impératifs de
l'entreprise. Incidemment, notre relève démontre un vif
intérêt pour la technologie. La preuve, le pourcentage
élevé d'inscriptions au secteur professionnel chez les
étudiants de notre cégep, soft 50 % comparativement à 30 %
en moyenne au Québec. On a donc un terrain propice. Il nous faut le
cultiver, cependant, par un mariage beaucoup plus serré entre le
marché du travail et le cégep.
Il ne fart aucun doute qu'un cégep comme le nôtre, dans
notre contexte régional, peut et doit favoriser le développement
économique. Il peut et doit constituer un facteur d'attraction pour les
investissements et la localisation d'entreprises. Pour jouer pleinement son
rôle, notre cégep doit avoir une agilité et une
flexibilité lui permettant de s'adapter au contexte régional,
voire même être à l'avant-garde du changement. Cette
institution possède un riche potentiel qui, une fois stimulé par
l'apport des intervenants du milieu socio-économique, en fait un agent
de changement dynamique pour sa communauté. À l'opposé, un
partenaire rigide verrait son utilité diminuer rapidement.
Alors, en somme, pour qu'une entreprise puisse s'implanter et se
développer, elle a d'abord besoin d'un personnel qualifié, et un
rôle de premier plan appartient au cégep. Il ne peut l'assumer,
cependant, que s'il est aussi agile et flexible que ses partenaires. Merci.
Mme Bonicalzi: Je m'excuse. Notre allocution sera
complétée par celle de M. le préfet, M. Bouchard.
M. Bouchard (Pierre): Merci. Mesdames, messieurs, pour que la
décentralisation rejoigne les objectifs visés par le
gouvernement, soit le développement en fonction des
spécificités régionales, il lui faut s'assurer que la
région dispose pour ce faire, non seulement des ressources et des
pouvoirs mais aussi des outils. Pour nous, le cégep constitue justement
un outil important de développement régional. Ainsi, l'exercice
actuellement en cours concernant l'avenir de l'enseignement collégial
nous préoccupe.
Nous souhaitons donc aujourd'hui sensibiliser les membres de la
commission au rôle primordial que joue le cégep de Shawinigan dans
notre collectivité. Notre collège dessert une région qui,
économiquement, faut-il le rappeler, a connu plus que sa part de
difficultés au cours de la dernière décennie. Notons,
entre autres, les effets de la nationalisation de l'électricité,
la quasi-disparition de notre industrie pétrochimique et, plus
récemment, la crise dans l'industrie du papier.
Pour surmonter ces épreuves et pour freiner l'exode de nos
jeunes, il est impérieux de regrouper nos forces et de consentir
à tous les efforts afin de s'engager résolument dans la voie du
développement. Le cégep de Shawinigan est une force dans son
milieu. Avec les années, il a su devenir la source à laquelle la
région s'approvisionne continuellement. Que ce soit par son association
à des projets et à des événements
socio-économiques majeurs, par des programmes adaptés aux besoins
de notre main-d'oeuvre, par l'accès à ses installations ou par
l'implication de son personnel dans les organismes du milieu, le cégep
est un partenaire engagé et de première importance.
Un autre aspect qui ne doit pas être sous-estimé
réside dans l'attachement de la population d'une région à
son collège. Seule institution d'enseignement supérieur dans son
milieu, celle-ci représente un apport social et économique de
premier ordre. Même si, de toute évidence, le rôle que joue
actuellement le cégep en région est considéré comme
primordial, il n'en demeure pas moins qu'il nous apparaît
nécessaire que l'on procède à un remodelage qui soit mieux
adapté à la réalité d'aujourd'hui. Ainsi, nous
appuyons fortement la recommandation de notre collège dans sa recherche
d'une autonomie lui permettant de mieux se mouler aux caractéristiques
régionales et de s'engager avec nous dans de nouveaux axes de
développement. Dans ce contexte, la formation professionnelle nous
intéresse particulièrement. (16 h 20)
Nous avons, depuis un certain temps déjà, dans notre
région, cessé de nous apitoyer sur notre sort. C'est ainsi
qu'avec l'arrivée des municipalités régionales de
comté plusieurs projets de prise en charge et de mise en commun des
ressources ont été réalisés. Un des plus
récents est la formation d'une régie intermunicipale de gestion
des déchets qui regroupe plus de 40 municipalités, dont la
démarche impressionnait l'actuel ministre des Affaires municipales, M.
Ryan. Notre tout dernier projet, lui, concerne la
mise sur pied d'une corporation de développement couvrant tous
les secteurs de l'activité économique de notre milieu. Celle-ci
serait prise en charge, d'où son originalité, autant par nos
populations rurales qu'urbaines sur le territoire de la municipalité
régionale de comté du Centre-de-la-Mauricie.
Vous comprendrez sûrement l'intérêt que nous portons
à la présente démarche, car nous avons besoin de ce
partenaire qu'est le collège de Shawinigan. Nous devons pouvoir compter
sur un cégep impliqué dans son milieu et dont les
décisions sont fonction de son milieu. Les cégeps sont des
moteurs de développement régional, et celui de Shawinigan
représente pour nous un des principaux outils de
décentralisation. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le préfet.
Alors, vous êtes des gens disciplinés. Vos 20 minutes sont
respectées, à la seconde près. Mme la ministre, vous avez
la parole.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
souhaiter la bienvenue, je dirais, à tout le milieu de Shawinigan. Je
vois les nombreux appuis que vous avez obtenus dans votre milieu et cette
importante délégation aujourd'hui. Je suis heureuse de contaster
que le milieu supporte, donc, le cégep de Shawinigan. J'aurais quelques
questions parce que j'ai vu que dans votre mémoire vous abordiez un
éventail très large, n'est-ce pas, de questions. Peut-être,
essayer d'en pointer quelques-unes pour nous éclairer davantage sur les
décisions que nous aurons aussi à prendre en postcommission.
Me Beaumier, vous êtes le président du conseil
d'administration du cégep de Shawinigan. Je dois vous dire qu'à
mon point de vue vous avez fait un très bon choix dans celui de votre
dernière directrice générale que vous avez choisie au
niveau du cégep. On voit le dynamisme de Mme Bonicalzi, qu'elle a
imprégné au cégep depuis quelques mois seulement. Mais je
veux vous poser des questions plus particulières comme président
du conseil d'administration, parce que vous me faites des recommandations
à la page 28 de votre mémoire. Vous me parlez d'abord de la
composition du conseil d'administration. Ce sera ma première question
pour vous, M. Beaumier. Pourquoi nous recommandez-vous que la majorité
au conseil d'administration soit détenue par les membres provenant de
l'extérieur du collège?
M. Beaumier: D'abord, Mme la ministre, je dois vous remercier du
jugement qu'on a manifesté en choisissant Mme Bonicalzi. Ça vous
retourne puisque, nous, les membres du conseil d'administration, on est
nommés par la ministre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Beaumier: Lorsque nous parlons d'aug- mentation des membres de
l'extérieur au conseil d'administration, c'est en vue d'assurer une plus
grande crédibilité du système, et les gens de
l'extérieur doivent s'impliquer dans le développement de notre
collège. Il faut impliquer les gens de différents métiers,
de différentes couches de la société, et ils doivent
être répartis également dans l'ensemble du territoire et
être Invités en fonction de leur expérience qui est
très diversifiée. C'est le premier but. La composition de notre
conseil d'administration: évidemment, H est composé
conformément à la loi des collèges, mais vous remarquerez
que sur 20 personnes H y en a 10 qui viennent de l'extérieur et h y en a
10 de l'intérieur.
Mme Robillard: Quel serait le meilleur équilibre, selon
vous, Me Beaumier entre l'extérieur et l'intérieur?
M. Beaumier: En ce qui concerne l'équilibre, j'aimerais
l'expliquer de la façon suivante: il est entendu que in medio stat
virtus, dit-on, 50-50. Celui qui décide, c'est le président.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Beaumier: Mais, au-delà de ces choses, je pense que le
meilleur équilibre, c'est lorsque je regarde l'application de l'article
12, ou lorsqu'on vient à décider des choses importantes où
on a appliqué notre article 12 où II y a plusieurs personnes qui
ne votent pas. On remarque qu'on a diminué la décision quant au
nombre de personnes qui y participent. Ici, c'est juste ou divisé. Il
n'y a pas grand personne qui a manifesté sa volonté. Moi, je
pense que cette diversification, cette augmentation nous permettrait, au moins,
de prendre des décisions, souvent, qui ne sont pas prises seulement par
cinq personnes mais par un plus grand nombre, parce qu'il faut comprendre que
sur un conseil d'administration de 20 personnes, c'est un peu comme un
conventum, des fois II y en a qui sont absents.
Mme Robillard: Me Beaumier, dans la même page, avant vos
recommandations, vous nous indiquez que les postes de direction
générale et de direction des services pédagogiques sont
des postes électifs, entre guillemets, et que cette façon de
faire devra être modifiée. Qu'est-ce à dire?
Êtes-vous en train de me dire que votre D.G. a été
élu dans le collège?
M. Beaumier: Notre D.G. a été choisi, mais 11 faut
comprendre qu'il a été indirectement élu. lorsqu'on fait
un choix, il y a quelqu'un qui vote et puis... mais il a été
choisi, effectivement.
Mme Robillard: Donc, quand vous me dites, ici: Cette façon
de faire devra être modifiée, que voulez-vous me dire?
M. Beaumier: J'aimerais que Mme la directrice
générale vous souligne quelle est l'appréhension qu'elle a
sur cet aspect.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Bonicalzi: Nous estimons que l'ensemble... Dans un contexte
d'évaluation, en fin de compte, les postes détenus, quels qu'ils
soient, ou les personnes qui détiennent ces postes-là doivent
recevoir une évaluation de leur rendement, de leur performance. Il doit
en être de même de la directrice générale ou du
directeur général, des directeurs ou des directrices des services
pédagogiques et aussi des autres directions, autrement, ça risque
d'être de la politique plus souvent qu'autrement. Je n'ai rien contre la
politique, loin de là, au contraire, mais dans le cadre de la gestion
d'un collège, avec le contexte dans lequel on s'engage, estime-t-on,
pour les années futures, avec l'autonomie qu'on demande, les
responsabilités, par conséquent, qui doivent être prises en
charge par les collèges et leurs directions, je pense qu'il faut assurer
aux directeurs généraux et aux directrices
générales, et aux directeurs et directrices des services
pédagogiques, une continuité mais une continuité dans un
contexte d'évaluation.
Mme Robillard: Me Beaumier, je reviens à vous. Vous savez
sûrement que, selon la Loi sur les collèges, le poste de directeur
général comme tel, quand vous nommez quelqu'un, c'est pour un
mandat, la plupart du temps entre 3 et 5 ans, mais qu'il n'y a aucune limite
dans la loi actuelle au renouvellement. Ça veut dire que de cinq ans en
cinq ans, vous pouvez évaluer votre directeur général et
le renommer à nouveau, de sorte qu'on va retrouver parfois, dans
certains collèges, la même personne qui occupe le même poste
de D.G. depuis 20 ans. Est-ce que vous avez une recommandation
spécifique à me faire à ce sujet, sachant que dans
d'autres types d'organisations, parfois, on permet des renouvellements pour une
fois? Donc, quelqu'un est nommé pour 5 ans, on le renouvelle une fois -
10 ans - mais, après ça, ce n'est plus possible de renouveler.
Que penseriez-vous d'une limite au renouvellement d'un poste de D.G.?
M. Beaumier: Mme la ministre, ce problème ne nous a jamais
été soulevé, chez nous, puisque nous avons toujours
accordé des mandats plus longs que n'ont duré les directeurs
généraux.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Beaumier: Ils nous quittaient avant parce que le passage au
cégep, ça leur donnait encore de l'idéal: ils cherchaient
davantage à avoir toujours plus et qu'ils s'orientaient dans d'autres
sphères. (16 h 30)
Mme Robillard: C'est un message pour vous ça, Mme la
directrice.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Beaumier: Ce n'est pas un message, c'est un défi.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Robillard: Parfait, Me Beaumier. M. Michel, j'aurais une
question pour vous. Dans votre exposé, au contraire de M. Bouchard, qui
était très affirmatif en disant: On a besoin du cégep dans
notre développement régional, on y croit, j'avais l'impression
que votre exposé était beaucoup au conditionnel: Si telle
affaire, si telle affaire, si plus de flexibilité, oui, nous, les gens
de l'industrie, nous voulons être partenaires. Est-ce que je vous ai bien
saisi et est-ce à dire que vous trouvez présentement qu'il y a
des choses à modifier, de votre point de vue?
M. Michel: Le travail qu'on a fait du côté de
l'industrie est réellement orienté vers le futur. Notre
perception, et j'espère l'avoir dégagée clairement dans ma
partie de la présentation, c'est qu'on fait face a de la
compétition et à de la concurrence, qu'on doit s'adapter
rapidement, qu'un partenaire important pour nous aider est le cégep,
dans la mesure où il peut nous suivre. Et, pour valser, ça prend
deux personnes. Ça se fait aussi en groupe, mais il faut aller à
peu près à la même vitesse.
Mme Robillard: Est-ce que vous trouvez que votre cégep
valse avec vous?
M. Michel: Présentement, oui, mais il va devoir
accélérer la cadence, ou il ne pourra pas suivre.
Mme Robillard: mais pourquoi vous trouvez que le cégep ne
va pas encore assez vite avec vous, là? qu'est-ce que vous identifiez
comme problèmes principaux?
M. Michel: Je n'identifie aucun problème majeur
présentement, mais, quand on regarde le futur, on s'aperçoit que,
nous, on doit bouger très rapidement et que le cégep, s'il veut
rester avec nous - et il doit, à notre sens, rester avec nous et nous
aider - il va falloir qu'il puisse nous suivre. O.K.? Je ne peux pas vous dire
à quelle vitesse on va bouger dans deux ans. Je peux simplement vous
dire que ça va être plus rapidement que présentement.
Mme Robillard: c'est peut-être pour ça que mme la
directrice générale demandait plus d'autonomie. j'ai l'impression
qu'il y a un lien direct avec cette demande-là.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui. Je suis très heureux, comme membre de
cette commission, d'accueillir les gens - parce qu'on sent que c'est un
collectif - du cégep de Shawinigan. Lorsque vous pouvez être
appuyés d'une trentaine d'organismes qui ont senti le besoin de vous
faire savoir haut et fort, avec du contenu, qu'ils appuyaient la
démarche et votre mémoire, bien, il me semble qu'on a une preuve
là, évidente, que vous jouez un rôle important, au moins
auprès de tous ceux qui ont réclamé que les
collèges puissent rayonner davantage dans la collectivité locale
ou régionale. Alors, chez vous ça semble être bien
acquis.
Je sais aussi quelle est l'importance des collèges dans les
régions du Québec, pour faire partie de l'une d'elles. C'est une
institution sur laquelle beaucoup d'intervenants comptent, avec raison, parce
que la masse critique dans les régions n'est quand même pas
illimitée. Et, lorsqu'on peut compter sur des ressources
qualifiées comme souvent on en trouve à l'université et au
collège, bien, on veut maximiser les retombées, et vous faites
bien.
Un collège qui arrive avec un mémoire qui fait 40 et
quelques recommandations - vous avez 43 recommandations bien précises -
on ne peut pas dire qu'il n'a pas fait, en tout cas, un travail d'analyse, puis
assez sérieux. Alors, je vais aller tout de suite aux échanges
pour maximiser l'impact de votre présence.
Vous avez, à certains égards, normalement repris les
grandes questions que les autres prennent, parce que ce n'est pas parce qu'on
est en région qu'on ne vibre pas aux mêmes réalités.
On vibre même à certaines réalités qui nous
commandent d'apporter des changements.
Vous êtes probablement, par exemple, le seul - à moins que
je me trompe - qui avait été assez précis, là,
concernant le drame de l'harmonisation interordres, entre les ordres
d'enseignement. Il y en a plusieurs qui en ont parié. Ils ont dit:
Ça ne marche pas à notre goût, il faudrait faire quelque
chose. Vous, vous y allez d'une recommandation: «Nous recommandons que
soient créés des comités d'harmonisation interordres afin
d'éviter les dédoublements et de favoriser les apprentissages
propres à chacun des ordres d'enseignement. D'une part, il y aurait
création d'un ordre provincial et, d'autre part, création d'un
ordre régional.» Là, je vous avoue que, sur la
dernière partie, je devine; je ne comprends pas trop, là. Mais ce
n'est pas important. Ce qui est important, c'est la question, d'après
moi. Comment vous voyez le fonctionnement de ce comité interordres? Qui
en ferait partie? Et, est-ce que ce n'est pas encore quelque chose là
qui risque d'alourdir? Parce qu'en termes plus clairs, dans votre milieu, vous
savez très bien ce qui ne va pas. Qu'est-ce qui vous a
empêchés, au lieu de faire une recommandation comme ça, de
poser le geste qui aurait été requis entre l'ordre d'enseignement
secondaire, d'où originent bien des problèmes au
collégial, et votre collégial? Qu'est-ce qui vous a
empêchés de mettre une petite structure faible, bien
structurée, bien organisée, puis dire: Ça, ça ne
marche pas, ça ne marche pas, ça ne marche pas. Ça, on le
corrige, ça, on le corrige parce que ça relève de nous,
puis ça, on n'est pas capable de le corriger parce que ça
relève d'elle - «elle» au sens institutionnel. C'est ma
première question, Mme la directrice.
Mme Bonicabd: J'aimerais laisser la parole à M. Gilbert,
directeur des services pédagogiques.
M. Gilbert (Jacques): Pour répondre à la question,
il y a peut-être un élément de contexte qu'il faut
préciser. Si ça laisse entendre qu'effectivement on n'a pas pris,
au cours des années passées, les moyens pour mettre une
structure, même légère, en place pour assurer cette
harmonisation interordres, je pense que ça s'explique aisément.
À toutes fins pratiques, le collège recueillait des admissions,
recevait des étudiants qui provenaient, en grande partie, d'une seule
commission scolaire. De sorte que, dans l'informel, on était capable
d'assurer les échanges qui permettaient de faire en sorte que cette
harmonisation-là puisse être assurée, ne serait-ce que
minimalement.
Au moment où on rédige une recommandation comme
celle-là, il faut savoir que dans notre région, au niveau
secondaire, on est en train de vivre l'intégration. Et, pour le
collège, à ce moment-là, ça voudrait dire que ces
préoccupations d'harmonisation là devront... On devra apporter
une attention particulière à ce type de préoccupations
là parce qu'on aura dorénavant à composer avec des
élèves qui nous proviendront de trois commissions scolaires
différentes. Et, dans ce contexte-là, à ce
moment-là, on devra peut-être penser en termes de structure qui
aura un caractère un peu plus formel que ce qui nous a permis de
maintenir les échanges avec nos intervenants du milieu secondaire
jusqu'à maintenant.
Maintenant, l'importance d'assurer cette harmonisation-là et la
façon dont on peut la faire et qu'il faut développer, il faut
qu'on ait un cadre qui puisse nous permettre effectivement, qui nous fournisse
la largeur pour développer ce type d'intervention là. C'est dans
le sens de pouvoir mieux suivre de quelle façon est assurée la
préparation des étudiants qui arriveront au collège ou au
niveau secondaire, que ce soit dans certaines disciplines en particulier, sur
quel type de clientèle on va pouvoir compter, de telle sorte qu'à
partir du moment où on est en mesure d'identifier, pour certains
programmes, en particulier ceux qui sont offerts au collège et qui
imposent des préalables du secondaire,
d'anticiper les besoins, on pourrait offrir, mettre au point des cours
de mise a niveau que pourrait assumer le collège, pour permettre de
donner un accès qui soit le plus large possible à l'ensemble des
programmes, pour l'ensemble des étudiants qui nous proviennent du
secondaire.
M. Gendron: Un peu dans le même sens, pas sur le même
sujet, mais dans les recommandations, lorsque je regarde votre recommandation
4, rapidement là... Je veux dire la 4, moi, elle ne me fait pas
problème. Vous dites: «Nous recommandons que les cégeps
jouissent d'une plus grande autonomie locale. Celle-ci sera accompagnée
de mécanismes... » Bon, parfait. Mais quand je la regarde, la 4,
avec la 15, la recommandation 15, la 17, la 21, la 25, la 34, là, j'ai
des problèmes. Parce que je dis... Puis là je ne les prendrai pas
toutes, mais regardez la 15: «Nous recommandons que le MESS valorise
l'enseignement technique auprès des jeunes, des adultes et des
employeurs. » Pourquoi vous ne le faites pas? Puis quand je dis
ça... Non, non, mais, c'est clair. Je veux dire... Qu'est-ce qui vous en
empêche? Ce n'est pas péjoratif à vous, là, mais je
veux dire, moi, je ne peux pas être d'accord avec une recommandation qui
dit, à 4: Donne-moi plus d'autonomie, puis pour sept autres
recommandations, où il me semble que vous êtes toujours dans votre
champ de juridiction, en plein dans votre compétence, vous dites au
MESS: Tu devrais faire ci, tu devrais faire ça, tu devrais faire
ça. (16 h 40)
Alors, j'en fais juste quelques-unes, moi. À 15, je ne vois pas
pourquoi... Que le MESS le fasse, ça va donner probablement où on
en est. Et ce n'est pas péjoratif, c'est une réalité. Qui
est avec votre milieu, votre gang, puis tout ça? C'est vous autres, le
cégep. Regardez tous les gens qui vous appuient. Il y a 30 organismes
qui appuient et qui supportent le collège. Si votre collège
décidait de faire de la formation technique une valorisation sans
précédent, vous avez 30 organismes qui se multiplient sur votre
terrain pour dire aux jeunes: Ça va faire, il faut dorénavant
choisir davantage la formation technique plutôt que la formation
générale, pensez-vous que ça ne serait pas 500 fois
meilleur que de faire une recommandation et dire au MESS: Tu feras une messe,
tu chanteras une messe là-dessus ou quelque chose? Là,
volontairement, je fais un jeu de mots. 17, «Nous recommandons que des
activités formelles d'exploration soient mises en place afin d'assurer
aux élèves toute l'aide nécessaire à leur
orientation de carrière. » Il me semble que vous êtes
capables de gérer ça. 21, je pense que c'était la pius...
«Nous recommandons que le MESS accentue la promotion de la
réussite scolaire. » Vous êtes bien mieux placés que
lui. Alors, j'aimerais ça que vous me donniez des indications. Pourquoi,
là- dessus, vous n'avez pas convenu de faire un pet plus avec vos
intervenants du milieu?
Mme Bonicalzi: M. Gilbert se fera à nouveau un plaisir de
répondre à vos questions, M. Gendron.
M. Gilbert: On en fait des choses dans ce sens-là, mais on
a aussi des moyens limités pour les faire. Et ça, je pense que,
effectivement, quand on réclame plus d'autonomie, ça peut nous
donner plus de largeur pour le faire, mais il y a aussi le souci de pouvoir
disposer des moyens pour pouvoir le faire de façon adéquate, que
ce soit en termes d'information au secondaire, comme l'opération
d'information au secondaire qu'on veut conduire, ou dans un autre ordre
d'idées.
Il y a un élément qu'il m'apparaît aussi important
de souligner, quand on fait référence à la recommandation
21: accentuer la promotion de la réussite scolaire. À cet
égard-là, je dois dire qu'au cours des dernières
années je pense que le collège de Shawinigan peut
prétendre qu'il a vraiment utilisé à peu près toute
la largeur dont il pouvait disposer, les moyens dont il pouvait disposer, pour
faire la promotion de la réussite scolaire et mettre en place des
mesures qu soient les plus susceptibles de susciter, de provoquer cette
réussite scolaire là. Juste pour les énoncer, si on veut
qu'on élabore davantage, on pourra le faire. depuis quelques
années, en particulier depuis le moment de la dernière signature
de la convention collective, il est alloué au collège ur quantum
de ressources qui est dédié à l'encadrement des
étudiants de collège i. alors, on s utilisé ces
ressources-là pour mettre en place du tutorat. le quantum de ressources
ne nous permettait pas de le faire pour l'ensemble de nos programmes. on a
identifié les programmes où effectivement, on retrouvait
davantage d'étudiants dits à risque. on a choisi ces
programmes-là pour mettre en place, dans ces programmes-là, des
mesures de tutorat tout au long de la première session que suit
l'étudiant en arrivant au collège. de la même façon,
pour favoriser l'intégration des nouveaux étudiants au
collège, il a été mis en place, depuis quelques
années, un programme de parrainage, de pairs aidants, où les
étudiants de collège ii et collège iii sont pairés
à des étudiants de collège i pour favoriser cette
intégration-là.
Je veux le souligner dans ce contexte-là aussi, mais je pense que
tout le monde est conscient des problèmes au niveau de la langue On a
profité des ressources qui nous étaient consenties dans le cadre
du programme du ministre mis à la disposition des collèges pour
l'amélioration du français. Ça nous a permis d'implanter
un centre d'aide en français. Dans ce sens-là, on a
utilisé, encore une fois, toute la
largeur des possibilités qui étaient les nôtres pour
offrir aux étudiants qui en avaient le plus besoin un cours de
français correctif. On a mis en place, dans cette perspective-là,
un test à l'admission. L'an dernier, on a révisé la
séquence des cours obligatoires de français qui est
appliquée depuis septembre et qui fait en sorte que, dorénavant,
dans notre séquence de cours obligatoires de français, tous les
étudiants doivent suivre un cours de français écrit,
à la première session.
M. Gendron: Bravo pour ces initiatives. Merci. C'est parce que
pour des raisons de temps, j'aimerais aborder d'autres sujets, si vous n'avez
pas d'objection.
M. Gilbert: Ça va.
M. Gendron: Bravo pour celles que vous avez faites. Donc, vous me
dites: Si on avait plus d'autonomie, on en ferait plus avec les moyens, bien
sûr. C'est ce que je comprends. Vous recommandez que la formation
générale comporte l'enseignement d'une langue autre que la langue
d'enseignement. Moi, je trouve que c'est une recommandation pertinente, mais
j'aimerais vous entendre sur la révision de l'ensemble des contenus de
la formation de base. Est-ce que vous avez une opinion sur la philosophie et
l'éducation physique? Est-ce qu'on maintient ces cours dans le tronc
commun de formation de base? Si oui, on les maintient dans la forme actuelle ou
on les réduit en nombre d'unités de cours? Avez-vous une opinion
là-dessus, parce que vous n'en avez pas parlé dans votre
mémoire, puis c'est des questions qu'on va devoir trancher, parce que
tout le monde en parle. Avez-vous un avis là-dessus, comme cégep
de région?
Mme Bonicalzi: On n'a pas abordé la question comme
ça. Il n'y a pas de recommandation dans le mémoire,
volontairement, parce qu'il y a du travail à faire avant de... En tout
cas, nous, on considérait qu'on avait du travail à faire avant
d'arriver à de telles conclusions. Cependant, en ce qui concerne la
formation générale, nos positions sont extrêmement proches,
pour ne pas dire identiques à celles de notre Fédération,
la Fédération des cégeps. Et il nous apparaît
évident que la formation générale doit être solide
et porter sur un ensemble de champs, quelle que soit la filière.
Par ailleurs, il y a quand même une autre partie de cette
formation, mais je pense qu'il y a un certain nombre de thèmes ou de
champs dont on parle qui pourraient être identiques également.
Cependant, il y a une autre partie qui touche la formation
générale qui serait laissée libre au collège et,
évidemment, le collège, à ce moment-là, aurait
à choisir la manière, le moyen qu'il prendrait pour atteindre les
objectifs qui sont visés. L'éducation physique et la philosophie
sont des moyens pour atteindre des objectifs. Il y a du travail à faire
avant d'arriver à une conclusion.
M. Gendron: Et sur les stages, vous avez recommandé que le
MESS et les collèges intègrent à tous les programmes de
formation professionnelle des formules de modèle coopératif. Je
veux savoir. Est-ce que vous avez évalué la possibilité
que ce soit fait? Parce que je ne vois pas ça bien, bien facBe. Puisque
vous en faites la recommandation, je suppose que vous l'avez
évaluée. Alors, je reprends. «Nous recommandons que le MESS
et les collèges intègrent à tous les programmes de
formation professionnelle des formules de modèle
coopératif.» J'ai de la misère à voir la
faisabilité de cette recommandation, mais c'est peut-être moi qui
ne vois pas assez large. Alors...
Une voix:...
M. Gendron: Non, là, je suis dans les recommandations.
Alors, allez donc! J'aime mieux me fier à vous, Mme la directrice,
qu'aux autoroutes de Rimouski!
Mme Bonicalzi: Comme collège, on est déjà
engagé dans un projet de modèle coopératif. Ce n'est pas
simple, mais on croit que ça se fait puisque nous sommes en train de le
faire. C'est bien sûr que nous n'avions pas les ressources pour avoir
été capables d'évaluer chacune des recommandations dans le
détail en termes d'argent, en termes techniques. On n'a pas ces
moyens-là, c'est sûr. Cependant, on s'est permis dans notre
mémoire d'aller jusqu'au bout d'une pensée, et la question des
stages coopératifs apparaît comme un idéal à
atteindre. Et j'en profite pour dire que, dans notre société,
quand on parle du seuil minimal, il faudrait aussi mettre en opposition un
idéal à atteindre. Ça commence à nous tanner un peu
de ne parler que de seuils minimaux. Je ne suis pas sûre qu'on va aller
très loin comme société si on en reste là.
Je reviens à cette question des stages coopératifs. Nous
sommes à en implanter en informatique, d'autres collèges l'ont
fait dans d'autres programmes et certains collèges sont assez
avancés, c'est-à-dire qu'ils ont deux ou trois
expériences. C'est sûr que ça prend
énormément d'investissements, mais c'est peut-être à
ce prix-là aussi qu'on va aller chercher la complicité avec
l'entreprise. Il y a énormément d'avantages. L'entreprise aime
bien que nos programmes s'ajustent à ses besoins. C'en est une belle
façon aussi, mais II y a du travail à faire. Mais je pense que
ça se fait, et nous pensons que ça se fait.
M. Gendron: Merci beaucoup, c'est précis comme
commentaires. Une dernière question dans
le temps qui m'est imparti. M. le président du conseil
d'administration, M. Oupuis, vous avez suggéré, comme d'autres...
Il y en a plusieurs qui ont suggéré de modifier la loi des
collèges pour permettre que la composition des conseils d'administration
soit à majorité de gens de l'extérieur...
Une voix: M. Beaumier. (16 h 50)
M. Gendron: M. Beaumier, excusez-moi. M. Beaumier. Alors, la
question que je vous pose, c'est: Est-ce que vous voyez juste des avantages,
vous, à cette recommandation-là? Parce que, moi, je vois des
inconvénients, là, mais avant de les énoncer j'aimerais
que vous me résumiez les deux, trois avantages que vous voyez à
ce qu'il y ait une composition qui provienne davantage de gens de
l'extérieur. Essentiellement, qu'est-ce qui vous guide quand vous tenez
à cette recommandation? Et, par votre réponse, j'aimerais que
vous m'indiquiez, sur base annuelle, c'est quoi le taux de présence des
gens de l'extérieur. À grande majorité, à chaque
réunion du C.A. du collège, ils sont là, ou il y en a 20
%, 30 %, 40 %, 50 %? Sur l'assiduité.
M. Beaumier: D'abord, l'avantage, ce serait justement d'assurer
une transparence vis-à-vis du public. Plus il y aura de gens de
l'extérieur... Ces gens-là, comme on les a choisis un peu partout
dans la région et qu'ils viennent de diverses couches de la
société, à ce moment-là, ils retournent chez eux et
ils sont capables de montrer l'image du cégep selon l'image vraie.
En ce qui concerne la présence des gens de l'extérieur,
sans être capable de vous dire d'une façon précise quelle
est la proportion, je dois vous mentionner qu'on a une très bonne
proportion. On peut dire que, en règle générale, sur 10
personnes venant de l'extérieur, si à chaque conseil
d'administration il en manque 2, c'est tout. Alors, je ne sais pas, là,
pourquoi vous mentionnez la présence, mais, lorsqu'il en manque peu
comme ça, ça dénote quand même un
intérêt de la part du public à venir participer au
développement du cégep, au développement de la
région, et on voudrait en avoir davantage, justement pour
diversifier.
Tantôt, quand on parlait du cégep de Shawinigan, ce n'est
pas le cégep de la ville de Shawinigan. C'est une région. Je
pense que, si on veut faire participer notre région, il faut être
capable d'aller en chercher, d'en puiser un peu partout, et il est normal qu'on
en ait un peu plus.
M. Gendron: Merci. la présidente (mme hovington): merci
beaucoup, m. beaumier. pour reconnaître le député de
saint-maurice, j'ai besoin du consentement de tous les membres de la
commission, parce qu'il n'est pas membre de la commission de
l'éducation. est-ce que vous consentez à ce qu'il prenne la
parole?
M. Gendron: Moi, j'hésite un peu, compte tenu de ce que
vous avez dit avant qu'il prenne la parole.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Mais vous connaissez ma bonhommie habituelle, il n'y
a pas de problème.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Hovington): Alors, M. le
député de Saint-Maurice, vous avez la parole.
M. Lemire: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, M. le
critique de l'Opposition.
La Présidente (Mme Hovington): Employez-la à bon
escient.
M. Lemire: Tout d'abord, permettez-moi, Mme la Présidente,
de remercier... C'est peut-être le mot qu'il faut employer, parce qu'il y
a beaucoup d'intervenants qui se sont déplacés aujourd'hui du
Centre-de-la-Mauricie. Et je vois ici des personnes qui ont pris le temps
d'accompagner toute la direction de notre cégep, le conseil
d'administration, pour venir devant la commission déposer un
mémoire. Après l'avoir regardé et regardé à
plusieurs reprises - et il a été analysé par le personnel
du ministère de Mme la ministre, ce qui m'a permis d'analyser davantage
et de comprendre mieux le mémoire qui a été
présenté - je peux vous dire que c'est un mémoire qui
touche à beaucoup de choses, et je pourrais même dire que c'est un
mémoire qui est très ambitieux.
Je voudrais vous poser une question, celle qui me touche peut-être
un petit peu plus. Je comprends qu'on est dans une période, depuis
quelques années, de sensibilisation chez nous. On pourrait
peut-être employer le mot «conscientisa-tion». Il faut
performer davantage pour rester avec une qualité et une
compétitivité, pour rester - c'est les mots que je devrais
peut-être employer - en vie, parce qu'on est tout de même à
30 kilomètres de 2 collèges et qu'on est un cégep de
région, un collège de région. Mais il y a des
collèges de région qui sont à 60 milles d'autres
collèges. Mais, avec les distances et l'analyse qu'on en fait, je
remarque que vous voulez appliquer chez nous la qualité totale. Comment?
C'est peut-être une question qui est difficile un peu, mais comment
allez-vous faire?
Mme Bonicalzi: J'ai envie de vous dire que ce que nous faisons -
parce que nous sommes engagés dans ce processus depuis le début
de la
session d'automne - je suis très consciente que c'est
extrêmement particulier. Je crois que nous sommes le seul collège
du réseau à être engagé dans cette voie-là.
Je dois vous dire que notre service d'intervention sur mesure, qui est une
composante de l'éducation des adultes, a une réputation
provinciale en regard de sa qualité de formation dans le domaine de la
qualité totale et qu'il intervient à travers la province dans
toutes sortes d'entreprises et implante la qualité totale ailleurs.
Alors, moi, ça ne me tentait pas d'être un cordonnier mal
chaussé. J'ai donc invité le service d'intervention sur mesure,
que j'appelle ma firme préférée... Donc, j'ai
trouvé ça de toute beauté que le collège, par ses
propres ressources et ses propres capacités, sa propre expertise,
l'intègre à l'ensemble de ses composantes. Donc, c'est
là-dedans qu'on s'est engagés.
Cependant, il n'y a rien de miraculeux. Ce n'est pas simple. Il faut
parler. Il faut convaincre. Il faut mobiliser. Il faut rassembler. Il faut
expliquer. Il faut se débattre. Parce que ce n'est pas évident -
je m'excuse du terme populaire, mais ça veut vraiment dire ce que je
veux dire - ce n'est pas évident que les 130 professeurs et les 75
membres du personnel de soutien vont d'emblée être d'accord avec
ça, puis je comprends. Ils ne peuvent pas être d'accord avec
ça d'un seul coup. Alors, vous comprendrez qu'il faut parler longtemps,
comprendre, faire comprendre et mettre en place tout un processus, li faut
être patient. Mais on aura une longueur d'avance, par exemple. On parle
de qualité totale et on est convaincus que c'est la voie dans laquelle
nous devrions tous nous engager comme réseau.
M. Lemire: Là-dessus, j'aimerais vous poser d'autres
questions, mais, comme j'ai eu un léger privilège, je voudrais
tout simplement, en terminant, dire à ceux qui nous écoutent et
à la commission que Le Centre-de-ia-Mauricie, réellement, est en
train de se reprendre en main, et on en a la preuve ici aujourd'hui. Et je
termine en félicitant le collège et tout le conseil
d'administration, tous les enseignants, du magnifique support qu'ils nous
donnent dans les démarches pour nous aider à relancer notre
économie et en disant à Mme la ministre que j'espère que
vous allez retenir certains passages de ce document pour améliorer le
programme des collèges.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le
député de Saint-Maurice. Alors, Mme la ministre, en
conclusion.
Mme Robillard: Oui, Mme la présidente. Une petite question
supplémentaire, si vous me le permettez, à Mme Bonicalzi.
La Présidente (Mme Hovington): Oui, certainement.
Mme Robillard: Mme Bonicalzi, à la page 18 de votre
mémoire, vous nous parlez de formation complémentaire. Vous nous
décrivez, donc, dans cette partie, des activités
étudiantes parascolaires qui se passent probablement à
Shawini-gan comme ailleurs, et vous concluez en nous recommandant que nous
élaborions des critères pour vous permettre même de donner
des crédits - c'est ce que je comprends de la recommandation 18 - de
formation à des élèves qui participent à des
activités spécifiques.
Pourquoi choisissez-vous cette voie de créditer des
activités parascolaires? Je comprends très bien l'objectif des
activités parascolaires et je crois moi-même que nos jeunes,
parfois, ne sont pas assez impliqués socialement ou dans leur
communauté. Donc, que le cégep favorise à cet
âge-là une prise de conscience sociale et communautaire chez le
jeune, j'en suis, à titre d'objectif poursuivi par le cégep. Je
pense, par ailleurs, à certains programmes spécifiques, dont
celui du bac international que vous connaissez sûrement, qui exige que le
jeune s'implique socialement. Au moins, de mémoire, là, je pense
que c'est 150 heures d'implication, mais sans aucun crédit sur le
bulletin. Vous, vous faites le choix de me dire: C'est tellement important
qu'il faut même le créditer. Pourquoi? (17 heures)
Mme Bonicalzi: D'abord, le terme «crédit» est
pris dans un sens extrêmement générique. Il faudrait lire
«reconnaître davantage».
Mme Robillard: Ah!
Mme Bonicalzi: Une des façons de le reconnaître
serait peut-être justement d'utiliser le concept de reconnaissance
d'acquis de formation. C'est une piste. Mais il se passe là des actions
extrêmement importantes dans certains domaines d'implication de la vie
étudiante, qui ne sont actuellement reconnues d'aucune façon, et
ça n'a pas de bon sens, d'après nous. Je ne dis pas qu'il faut
reconnaître la participation à un atelier de guitare; ce n'est pas
ce que je veux dire. Cependant, quand des étudiants viennent investir,
et bénévolement, entre guillemets, des heures et des heures dans
le montage d'un spectacle majeur... Par exemple, on a chez nous une tradition
absolument fantastique. Ça fait 17 ans, 20 ans même qu'un
«pleins feux», qui est une activité de
variétés très élaborée, s'organise. C'est
devenu une tradition, et les jeunes s'impliquent sur le plan de la technique,
sur le plan de la scénographie et à tous égards. Ça
serait intéressant que ça soit reconnu.
On n'a pas nécessairement cherché toutes les formules,
mais cet aspect de la vie étudiante dans les collèges est
laissé pour compte, très souvent. Donc, on souhaite une
reconnaissance davantage qu'un crédit, une reconnaissance, et
peut-être que - je dis «peut-être» parce qu'on n'a pas
fait une recherche vraiment très poussée
là-dessus - la reconnaissance des acquis de formation pourrait
être une voie.
Mme Robillard: Je vous remercie. Il me reste à vous
remercier, M. le président, de même que toute votre
délégation du cégep, messieurs du milieu, M. le
préfet, M. Michel, des entreprises. Merci beaucoup d'être venus
échanger avec les membres de la commission.
Mme Bonicalzi: Merci de nous avoir reçus, Mme la
Présidente, Mme la ministre, MM. et Mmes les députés.
La Présidente (Mme Hovington): Bonsoir, bon retour chez
vous, soyez prudents. Merci d'être venus. Au revoir.
J'inviterais maintenant the teachers of English in the English-language
colleges à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.
La commission de l'éducation va reprendre ses travaux. Est-ce que
c'est Mme Sally Todd Nelson? C'est vous qui êtes la porte-parole?
«Chairman», vous êtes la porte-parole?
Teachers of English in the English-language
colleges
Mme Todd Nelson (Sally): I would like to introduce my colleagues
that are with me: Aida Cunanan, who teaches at Dawson College, Tom McKendy, who
teaches at Marianopolis College, and Marjorie Retzless who teaches at
Champlain, Lennoxville.
La Présidente (Mme Hovington): You have 20 minutes.
Mme Todd Nelson: Thank you. I would like to thank you very much
for inviting us to speak to the commission, and I would like to say that we are
honoured to be here and we are very pleased, indeed, to be able to talk to you
about our brief. I also want to make one comment which is that my liability to
speak in French is not very good, and so I am going to testify in English and I
hope that that will be acceptable. My colleagues here not only are English
teachers but they have much better French and they will translate for me if
necessary.
I do not intend to read from the brief. What I would like to do is to
talk about first our students, and what it is then that we are trying to do to
help them and to educate them. And, finally, I will speak briefly about what we
think the structures of the cégeps are working well in terms of the
educational purpose of the college.
I think it is not a secret that the students frequently are very weak in
their preparation in reading and writing. We have been giving a placement test
at many of our colleges for many years, and at Dawson we have noticed that with
the new high school English program, the students writing has improved a bit.
They are more confortable with the written word on the page. We have noticed
that at the same time the reading scores have been going down dangerously, far
down. Forty-nine per cent of Dawson's students that enterred this last year
read at an eight grade or lower level. The text books that we teach in the
colleges are graded 11 to 17 or 18. It is clear that they are having difficulty
even reading our text books.
Their background is not the fault of their intelligence or in many cases
their motivation, nor do I blame the high schools. I would like to make it
clear that I believe very strongly that the problem with the reading and
writing skills is a societal problem and that it is difficult for the schools
to be able to deal with students who do not read very much on their own, where
in the family there is very little conversation about reading or history, or
politics. There is a lack of the written word, and there is an increase in
being an oral society. (17 h 10)
I made a comment in the brief which was that if we really want to
improve the situation in a long term, we will start trying to have smaller
classes in the lowest levels of elementary school, so that we can start them
off with a very strong background which will then continue through the years. I
think that this is part of the problem with the drop-out rate in high schools
and the drop-out rate in colleges.
We have found that there are things we can do to help, and because of
the type of colleges that the English colleges are and their traditions, and
the way in which we have tried very hard to admit students that we think can
improve with our help, we have always had problems that we have tried to find
solutions to. We have started with having placement tests, so that we can
identify students that are going to have difficulty in reading and writing, and
we have then recommended levels of English mother tongue to them that will aid
them in starting with help that they need, so that they can pass their other
courses at the same time that they are improving their level of English. We
have a number of different levels, and in 1984 we added more remedial and
writing courses to make it possible to give suitable courses to the
students.
It is very important, if you are going to admit students that have
certain weaknesses, that you do not have a revolving door, that you do not
leave them come in and then fail one more time, that you actually have real
hope that you can do something to help them. We think that to some extent there
are more things that can be done and we know it.
We are told, in our technology programs, when students graduate from our
colleges, that they are extremely well trained in the technology. They are
desirable employees, but we are
also told that their ability to write a report, to write
business letters, to write clearly and well is not adequate, and so we are
deeply concerned about this. The services that we have tried to gradually
invent over the last 22 or 23 years are some of the following services.
The placement tests which we have found to be very useful.
It is only a beginning screening device. Every English teacher, in the first
week of each term, re-test those students to see if they are in the right
course. They are sent to course change if they are in the wrong course. In
addition to that, at the end of each term, each teacher gives a recommendation
to students as to what courses would be suitable for them to take next, so that
we keep track of how they are doing.
Among the courses that we have now, we have two very low
remedial levels. We have one group of courses, the 106 to 406 courses, which
are for students who have not spent their previous five years of high school in
an English school. We have another course, a 107 course, which is for students
who have been in English schools for the previous five years. We have many
different kinds of composition courses and we also have the regular
courses.
I want to make it very clear, it is in the Cahier, it has
always been one of our important beliefs that every course we teach has an
absolute minimum of one third of the teaching time is spent on writing skills,
on language skills. We use the literature not only as teaching a common culture
in English, but we use it as how to read, how to then use that as models for
how to write. We are extremely concerned that there is an integrated approach
of the literary text and the writing skills, the thinking skills, the speaking
and listening skills, that there is full communication being addressed in every
course that we teach. We are aware of the fact that core courses mother tongue
do not merely have the component of literature, of common culture, but they are
language enhancing courses to make it possible for students to do well in their
other courses and do well when they leave the colleges.
We have started learning centres and we have started other
programs. We feel very strongly that learning centres are wonderful. We would
like to have them throughout the «réseau». We recognize
that, because so far we have been paying for them out of our own budgets, they
vary a great deal among the English colleges. Sometimes, they are part-time
hour paid people, sometimes we can have a fairly large one, as at Dawson where
we have four professionals and we have many tutors and we have a secretary and
space and computer programs, and so on.
We feel that another thing that we have had to do recently
is to have mid-term assessment and sending letters to the students in their
homes, telling them how they are doing in each course, half-way through the
term. And the reason for this is with the new full course load policy of many
of the English colleges students are finding it difficult to do well. We do not
want them to wait until the last week of the term to, shall we say, face the
fact that they are in trouble and we ask them to go out to the learning centre.
We have the academic advisers meet with them, they go to see their teachers and
we try to help them before it is too late.
We have a literacy across the curriculum program that we
are very proud of. It is one in which we not only help the teachers by having
many conferences and workshops but we also communicate throughout the entire
province of Québec and we are able to, therefore, work on reading and
writing and literacy by keeping up to date with the latest Information, and so
on. We do have people who dropped out and who failed and we are not happy about
that, but I do want to make one point: We know the students that are going to
be at risk; we can tell from the placement test. A student who is in a art's
program, a student who has been placed in the 107 course is a student who, if
we left them totally alone, 30 % or 40 % of them will drop out within the first
term. They simply are not really skilled enough to be able to do it well and
they do not have very good study skills.
What we have found is that of that group of at risk
students we will be able, with interventions and help, to save about 60 % of
them, have them learn a great deal over the first year and by the second year
they have caught up with the other stronger students: 40 %, 30 % will drop out
and to an extent a certain number of them, I think, should drop out. They are
students that are not really in college with motivation that is a personal
motivation. They are there because their mother wants them to be there, they
are there because their friends are there and, in one way or another, they are
not yet motivated enough to be able to do well. It reminds me of the difference
when the veterans came back from World War Two. They were magnificent students,
and the reason was that they were highly motivated. And I think that motivation
is very important for a very small group of these students.
The last thing I am going to say is that a very large
number of students, particularly in the career program, are mature students.
Recently, for three years very hardly, I was chairman of an interior design
program, and about 60 % of the students that I had met were mature students;
about 40 % came directly from high school. It was very clear that people in
their 40's who have children, who have homes, who have to work, that these
create responsibilities that make these programs difficult to manage. I think
it would be very good if we could try to work out a way where continuing
education and daytime courses could allow for more part-time
studying for certain students. I think that this would be a very good
thing.
Now, very quickly, I would like to make just a couple of comments about
the English departments and the way they function. It is extremely important to
have accountability. It is extremely important to have the responsibility that
would allow you to be accountable. We have been very fortunate in the cegep
system. I think that it is a unique system and I am very proud indeed to have
been a teacher in the cegep system for many years. (17 h 20)
One of the things that has happened is that the professionalism of
teachers has been honoured. They have been able to develop curriculum. They
have been able to work within departments, on the provincial committee, to be
able to create better circumstances because they are the ones that in the
classroom face the situation day by day. We work very hard within departments.
We work on curriculum, we evaluate, we hire. We deal with the problems. We try
to invent new structures. We try to find better ways of doing things and,
therefore, I feel very strongly that the departments are the absolute basis of
the college system. The academic councils work very well in the English
colleges, very cooperatively. We, as English teachers, have been incredibly
fortunate in our dealings with DGEC. We have felt supported. We have had
extremely fine people that were the «responsables» that we dealt
with and we have felt that the cooperation between the DSPs, between the
academic sector deans and our departments and the DGEC committee have been
exemplary.
Finally, I would like to say that one of the things that matters to us
is that we have developed a number of not only remedial programs but
preparatory programs and some of them have worked extremely well. And finally -
because I see that my time is up - I would like to say that it is extremely
important to try to do something about professional development for teachers
that teach in rural or distant colleges. They need to be able to meet with
their colleagues. They need to be able to come to meetings and conferences and
workshops. They are really constrained, and we feel very strongly that that is
something that would help them to become even better teachers as the years go
by. Thank you.
La Présidente (Mme Hovington): Thank you, Mrs. Todd Nelson.
Alors, Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je veux vous dire
d'abord combien j'ai apprécié, je dirais, la franchise et la
transparence des propos qui sont tenus par les enseignants de langue anglaise.
Et ce que je comprends, c'est que vous représentez les enseignants de
cinq collèges privés et de six collèges publics. Alors,
j'aimerais savoir s'il est de tradition que les professeurs de langue anglaise,
qu'ils soient de collèges privés ou publics, travaillent ensemble
au niveau de l'amélioration de la pédagogie. Quelles sont vos
traditions dans ces domaines-là de collaboration?
Mme Todd Nelson: Oh, yes! Definitely, as you see.
Mme Robillard: You are doing that all the time in all the
questions that you...
Mme Todd Nelson: Constantly. I would like to just make one point
about that. We work with many levels of education as well. At the provincial
committee, we have people - Tom is one of them and there is another - who sit
on the programs for the high school English program through the Ministry and
one of them on the evaluation committee and one on the curriculum committee. We
have people who come to us from the Ministry and we have people from high
schools and we work very hard to try to work with the entire community.
Mme Robillard: I see. If I look at your brief, it seems that the
situation of the English-speaking students arriving at the college level is...
I would say they have the same problems as the French-speaking students with
their mother tongue. For some people it is surprising. I think it is not a
reality which is very known in Québec and I would like to know if it is
a problem of the Québec English-speaking students or if you consider it
a North American problem with the mother tongue.
Mme Todd Nelson: I think it is a universal problem. Well, I can
tell you that in university teaching, and I taught at McGill before I came to
Dawson, if you are going to teach English now, when they hire you, they look on
your curriculum vitae not only to see what you are specializing in in terms of
English literature, but they also want to know if you can teach writing, if you
can teach reading, if you have a specialty that will help, because the very
best universities are having difficulty with the ability of students to read
and write.
Mme Robillard: i see. and i think that you are proposing also
that there should be at least, at least, two literature courses among the four
obligatory courses. you say so in your brief, i think, and i want to know more
about that proposal. what is the difference with the actual situation?
Mme Todd Nelson: The actual... I am sorry. Mme Robillard:
Yes, you go on.
Mme Todd Nelson: The actual situation is that for almost every
student who comes in, they would be expected to take four, you know, regular
core courses at the regular college level. But there are some students who come
in whose grasp of English is so weak that they have to take several courses in
the 06 level or a course in the 107 level. Therefore, for a student who has
very poor English and has taken several courses in the 06 pattern, what we say,
at that point, is that no matter what they have had to do and how many courses
they have had to take to get to that level they will have to take two of the
regular courses which have the literature and writing component.
Mme Robillard: I see. You were speaking also about what we call
in French the «approche programme». I do not know how you translate
that.
Une voix: Program approach.
Mme Robillard: Yes. You were saying that you believe in that
approach, I think. I would like to know if you find that, right now, the mother
tongue courses are integrated in that approach, or how we can do it. And, also,
when we received the French professors, they asked us to have a special course
more adapted to a specific program. Is that the kind of recommendation you will
support?
Mme Todd Nelson: I am afraid that I really would not support what
essentially is a service course. And, the reason is... Well, there are two
reasons. The first is that if you are going to teach people to be able to
operate at an extremely high level of reading and writing and thinking and so
on, then you must have a demanding program. It must not be one that is
unsophisticated and functional. We are not trying to teach students merely to
be able to deal with a lab report or something that is, should we say, suitable
for certain programs. What we do feel is that, if a student can learn to read
well, think about it, write well, and speak well, that can then be adapted to
other things. We have had many conferences on technical writing, and one of the
things that was very interesting, because it surprised a number of teachers,
was that the industries and the businesses said very strongly they did not want
technical writing taught in the schools that was too narrowly defined. What
they wanted was students who had an extremely strong fundamental education and
could read and write well. They would teach them the formats that they
wanted.
The second reason is that if you have a homogeneous group in an English
course and they all come from the same program, you do not get the same
learning experience that you do when you have a heterogeneous group. I think
that that was one of the great strengths of the Parent Commission approach of
having career programs and pre-university in the same school. You learn from
each other as much as you do from the text and from the teacher. I think that
this is extremely important in terms of actual learning, but I also think it is
important in terms of becoming good citizens. (17 h 30)
Mme Robillard: You speak also, in your brief, about the
departmental structure and you recommend that the departmental structure should
be maintained. But you are speaking also about, if I understood well, that in
some English colleges you have like a sector council, if I understood well,
that could correspond to program committees, perhaps, I do not know. So I would
like to know more about that. How do these sector councils work? What is the
relation between the department and the sector councils?
Mme Todd Nelson: First of aH, there is a slight difficulty and it
is our fault, because when we used the word «program», I do not
think that we were thinking of it in the format of, shaH we say, the brief of
the Conseil des collèges. We believe very strongly in departments. We
believe that that is where you evolve curriculum, you keep track of what the
teachers are doing, that you, in fact, have a professional expertise that is
extremely Important. What we do feel is that, if you are going to be dealing
with students in a program approach, what you have lost is that
professionalism, and so therefore we really did not mean it in that sense.
The sector council. If you can think of it as a hierarchy ha, ha, ha!
and you start with the departments and then you have the sector council, an
arts council, a science council and a careers council, and then you have the
senate or the academic council, the way in which it works is an organizing
principle so that if you are going to consult the wishes, the needs, the
practical aspects of new legislation for the college, that will affect many
departments, then it will be passed by the senate or the academic council.
But to consult not just individual departments as to how they feel about
a new program, a new way of dealing with something, but to look at the
interested sectors, science departments have different priorities than career
departments and arts departments and therefore we have found in some of the
colleges that have sector councils that we are able to therefore have a better
sense of what will work productively for everybody. We believe very strongly in
trying to arrive as much as possible at a consensus that everyone can live with
and by being able to consult everybody and being able to see what will work and
what will not work in terms of the good of the college, then we are able to do
that, so it goes up and down
in consultation.
Mme Robillard: So I do not understand well why you are saying
that you do not agree with the recommendation of the Conseil des
collèges about the program committees. The role you explained to me
about the sector council is quite the same, not exactly, but quite the same
about the recommendation you have in the Conseil des collèges about
it.
Mme Todd Nelson: Perhaps I am in error, but my impression was
that they were going to do two things. Well, at least they were proposing two
things. One was that it would be a fairly small group of teachers and
administrators who would be working in planning things, and therefore the
department would be bypassed a great deal. The sector council is, in fact, all
the chairmen of that entire sector plus the sector dean.
Mme Robillard: It is quite the same. Quite the same. O.K. There
is not much difference about the two recommendations that we see.
Mme Todd Nelson: O.K.
La Présidente (Mme Hovington): Thank you. Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Alors, au nom de ma
formation politique, bienvenue. Merci de votre contribution importante. C'est
toujours intéressant d'entendre les enseignants et les enseignantes,
ceux et celles qui sont directement impliqués auprès des
étudiants et qui vivent quotidiennement les problèmes et aussi
les succès de nos jeunes au niveau des collèges, d'autant plus
que votre mémoire provient - et la ministre l'a bien souligné -
d'une concertation entre les différents collèges, d'où un
élément, là, de concertation qui est extrêmement
important pour nous.
Il y avait, évidemment, dans ce mémoire, un
élément de surprise que nous découvrions, nous aussi, par
les cours d'anglais, lorsque vous nous faites part des problèmes qui
sont vécus exactement de la même manière que pour les cours
de français, c'est-à-dire les mêmes difficultés. Et
votre analyse à l'effet que ce sont des difficultés de
société, finalement, je pense qu'elle est pertinente, qu'elle est
juste, qu'effectivement nos jeunes lisent peu, mais c'est aussi le reflet des
adultes, parce que, lorsque l'on regarde les différentes études
qu'on a, les adultes lisent très peu, les adultes ne valorisent pas
beaucoup les activités culturelles, et je suis convaincue que,
même dans ce Parlement, si on faisait une petite étude, un petit
sondage sur les activités culturelles des différents
députés, on aurait des surprises peu intéressantes de ce
côté-là et du côté des lectures aussi. Donc,
je pense que votre analyse, elle est juste, elle est bonne. De souhaiter
améliorer, c'est évident que c'est ce que nous voulons tous.
Parmi vos différentes recommandations, je retiens,
évidemment, le ratio maître-élèves qui doit
être diminué, et c'est un des éléments importants si
on veut assurer une qualité auprès des étudiants et des
étudiantes pour améliorer, justement, cette langue, la langue
anglaise, dans votre cas.
La gratuité scolaire étendue à toute la
clientèle adulte aussi m'apparaît un élément
important, si on veut modifier ce problème de société,
autant pour les jeunes que pour les adultes. La notion de perfectionnement est
importante aussi. Et vous nous demandez, dans vos recommandations, que les
initiatives de mise à niveau soient financées par le
ministère. J'aurais une question sur ces mises à niveau. Puisque
vous touchez également le secondaire et les collèges, puisque
vous êtes un lien au niveau de la concertation, est-ce qu'il vous
apparaît que les initiatives de mise à niveau devraient se faire
au niveau secondaire ou devraient se faire au niveau collégial?
C'est-à-dire est-ce qu'il faudrait être plus exigeant au niveau
secondaire ou attendre la mise à niveau au collégial?
Mme Todd Nelson: O.K. (Consultation)
Mme Todd Nelson: I think that it has to be done at the college
level and I feel that probably for the English universities they should do any
entrance testing they want to do. It is not for admission and it is not to keep
anybody out, and it is not to, in a sense, question what the high school marks
meant. It is for our own internal purposes to take a student that we have
admitted and to advice him as to which of our courses he would be best able to
be successful in. So it is advisory, it is within the context of our own
college, and I think that it is something we have to do ourselves.
As far as the funding is concerned, it is not that expensive for a
college as large as Dawson which is, you know, 3800-students enter in the fall,
counting continuing education, because we do placement tests for the continuing
education students also. It costs about 8000 $ or less, depending on how we do
it. But it is not an incredibly expensive thing. I simply do feel that we could
not do our job properly if we did not have that information which is why we
have paid for it partly and we also have been doing it by charging the students
a fee for taking the test. (17 h 40)
Mme Caron: Je vous remercie. Mme la Présidente, nous avons
eu entente avec le député de Jacques-Cartier pour lui permettre
de poser plusieurs questions. On lui cède une partie de
notre temps pour poser ses questions.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, M. le
député de Jacques-Cartier, vous avez la parole.
M. Cameron: Merci, Mme la Présidente. I have several
questions. I think that they are not only on the English departments. They are
on cégeps, but to some extent on French departments and French
cégeps as well and on the role strategy and priorities of cegep
education at this point.
To begin with, I must admit I was a little surprised with your brief
that, well, is quite persuasive and argumentative. It seems rather defensive,
almost an attempt to say: Look at all these good things we are doing. Supposing
we agree that you are indeed doing good things, is it not a reasonable thing,
for you, to be saying right now that, in fact, you should be giving far more
English in the cégeps? Why not be really ambitious? We are talking,
after all, about a situation that one could argue is, in some cases, almost
catastrophic. We are all familiar with this. We may agree, as you said in an
answer to an earlier question, that these problems, to some extent, are those
of modern North American society in general, and we have returned to be in a
kind of more verbal and oral society in the television age, and we have perhaps
one third or more of our present students in the secondary and post-secondary
level and our previous generation did not even go to secondary school, and so
on. Granted all that is true, but to some extent surely the reason that we are
having hearings of this kind, and no doubt there is similar ones taking place
for other collégial institutions in the United States and in other parts
of Canada, is that we are now in a pretty serious jam.
I mean, the difficulty, It seems to me, with your brief and many of the
briefs we heard, is that they do come very close to saying: If you knew all the
problems we had, you would really agree that everything should remain pretty
much the same. Now, in many respects, I can understand why people will say
that, but I doubt that things can remain exactly the same. The attitude in the
public at large, the financial constraints that are likely to come down in the
institutions and, therefore, the pressure of the Minister, the ministry, and so
on, it seems to me to be such that certain substantial changes are likely to
take place and it may come down to a straight fight after all. Are we going to
cut physical education? Are we going to cut a couple of the humanities courses?
Are we going to maintain English at the present level or have more of it? It
seems to me that some of these very, very tough questions are still not really
being addressed in this brief, and then until they are, if you want, you are
going to leave the choice to the educational bureaucracy, unless you say
something like: We want to do this and you are very specific along this kind of
lines. Then nobody should complain subsequently if the bureaucracy comes out
with a decision that nobody comprehends.
I will add something else too. All of this, by the way, you are welcome
to respond to and report if you like. When we had the presentation by the
teachers in the Philosophy department in the francophone cégeps, we did
not have a separate one for Anglo-humanities, but again, mutatis mutandis,
there is similar arguments. One of the things that the teachers who represented
philosophy said was that one of the most daring choices of the cegep system in
the late 1960's, particularly in an area like philosophy, was to choose
pluralism that is, in other words, not to say: We will concentrate on certain
traditional philosophical issues or thinkers or something of that sort, or
academic requirements, but instead we will let a hundred of flowers bloom. He,
then, said something very candidly. He said, in that respect, that it was a
«mauvais choix», and, as a matter of fact, I now agree with him. I
said: Would we go so far as to say that it has been a disaster?
Now, it seems to me this problem is not entirely unknown in the English
departments as well. Their moral, I suspect, is better. Their sense of purpose
is better, but, for instance, if you are making the case for literature
courses, and I agree there is a case for literature courses, it is easier to
make that case if you at least have some kind of literary canon where parents,
students and maybe even English professors can see, without too much discord,
exactly why that contributes to the education of young adults. If the
literature courses instead represent the whole rich panoply of everything from
Chaucer to Ray Smith, then...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cameron: But anyway, it seems to me that that makes it harder
to defend just this idea for literature. It is the same kind of situation with
philosophy and humanities, that is that we all know that valuable individual
courses are taught in those disciplines and that there are good teachers in
them. But the fact is that, if people go through that combination, they can
frequently say at the end, whether they go to Bois-de-Boulogne or
Vieux-Montréal or whether they go to John Abbott or Dawson or Vanier,
that they have no coherent impression of what they took at all, that in
humanities, for instance - we all know this - it is possible to, In your first
term, take a humanities course that is a study of the impact of the media on
modem society, in the second term, to take a course which is on, you know, the
unfortunate effects of the American capitalist economy in South-East
Asia and, in the term after that, to take a course on, you know, like
sort of exciting new developments in some kind of pop American literature.
La Présidente (Mme Hovington): Do you have a question?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cameron: Yes. What I am asking is whether or not English is to
be expanded, whether this is the argument of the English teachers, whether it
is to be kept at the same level, and, if so, whether the emphasis should be
more literature or whether it would involve more language courses. It seems to
me you put it a little too simply as to whether the alternative is just service
courses, as you would call it, that is technical writing on the one side or
literature courses on the other. Surely, there is also the kind of questioning,
just the way people used to say English language in literature, that if you are
teaching in general, you are not teaching in the narrow technical sense. But
you could still be teaching with the two different objectives where, in one
case, your main concern is to make sure that the quality, in general, of
English that students have when they graduate - in the francophones schools, of
French -is at its best, and, in the other case, that they should know or be
familiar with certain particular writers of poetry, theater or whatever it is.
So, the main question I want to ask is: Are you essentially satisfied with the
role English has in the cégeps right now?
Mme Todd Nelson: I do not think anyone is ever fully satisfied
with the role of anything, otherwise you might as well be dead. Obviously,
there is always something that can be bettered. And I think that you know that
one of the serious problems in the discipline of English internationally at the
moment, and it has been for some years, is a question of whether or not one
should, in fact, teach the canon. And, as you know, the people who are against
that say that it is all written by dead, white, European males and people who
believe in multiculturalism and want to open up the canon to women's studies,
to whatever, whatever.
What the cégeps have done is to permit, essentially, departments
in different cégeps to view how they are going to handle that problem
differently. In the very small cégeps, either because of the size or the
inclination of the department, they tend to have four very specific courses
with a very clear canonicity, with a very clear sense of: We will have one
genre course, one composition course, and so on. And it is done in that way. It
is partly practical and it is partly the way pedagogically they look at the
teaching of English. In a very, very, very large college, such as, you know,
Dawson, you can have, I think appropriately, a far wider choice of courses. (17
h 50)
Now, if we are talking about my personal inclination, my personal
inclination is that I taught in high schools for a number of years before I
came to teach at Dawson. I felt that in high school, when students are
extremely malleable, they are really not adults, they really are at the point
where they are learning new things for the very first time, there should be a
restoration of the canon in high school teaching. I regret that you can learn
«Lord of the Ries» or «To Kill a Mockingbird» three
years in a row because the teachers happen to like those books. I think it is
extremely important to have Shakespeare. I think it is extremely important to
have a survey of English literature, i think it is extremely important to have
a survey of Canadian and Québec literature. I think that there are
things that, in high schools, are mandatory and they are not being done, but I
do not really feel that that is my business to tell them what I would like them
to do.
When people come to the colleges, we have a belief that with a willing
student having chosen a course that he thinks that he would really enjoy, with
a willing teacher who really would like to teach those texts, you probably can
teach the how to read and how to write with almost any text. And whether it is
Shakespeare or whether it is Hemingway, you are still going to be able to teach
people the skill and techniques of language usage, imagery, métaphore,
you know, etc.
I would prefer, if I were king, ha, ha, ha!, that we, in fact, had more
of the canon as part of our teaching, because I am concerned about the loss of
a common culture. I feel very strongly that it is important to have the ideas
of Western tradition, to have the ideas of 5th century Athens, of Shakespeare,
of modern Québec. I think that these ideas are part of history and I
think our students do not know history, and I think that it is part of what we
can do as core English to be able to provide that sense of the past, of
history, of who we are and why we are and how we got here. And I think that
this is something that the late 1960s...
And you see, because the cégeps opened at a given moment in
history, therefore some of the ideas and some of the things that you teach are
a reflection of that era. And we have changed a great deal in how to do it, our
language study, our way of teaching them how to be better writers and readers
and so on. We have not really examined closely the question of what texts would
be the most useful and productive for citizens of a society. That is the best I
can say.
La Présidente (Mme Hovington): Thank you.
M. Cameron: Well, I think that is a very good answer, with maybe
one qualification, and that is that I am still, to some extent, getting at
cegep education as a whole, not just what the English department does. In fact,
even the emphasis you put on the surviving role of departments or the necessary
role of departments or however one puts it, and perhaps that was what the
Minister was interested in when she was asking you about the role of sectorial
councils and so forth, the problem seems to me... You see, for example, I have
also taught in the cegep system for two decades, but I have taught history, and
I consequently also see things like exactly what is the problem with English
and so on. So I am correcting English all the time as well, and some of us are.
But some courses are not, not because the teachers are failing their job but
because they are not that kind of course.
It was as casually assumed, when the cégeps were created, not
only that, as you say, there were many ideas of the 1960s, but that you could
Introduce a massive number of courses and things like sociology, anthropology,
economics, not even technical subjects. But at the age level, before that in
«collèges classiques», on the French side, or in the high
schools and even initial university studies on the English side, essentially,
people studied the language and literature of their maternal tongue and perhaps
classical ones and they studied history and mathematics. If you throw in all of
these other kinds of subjects...
What I am getting at is this: If we want to improve the quality of the
language, English or French, in the sense of a common culture, then surely
there has to be a real battle fought by fields like English or the French
teachers in the French schools. It is not just something where we can say
everything is pretty much O. K. Everything is not O. K. If we are going to have
to do something like double or triple the amount of instruction in writing
decent sentences, and paragraphs, and so forth, in the cégeps, we ought
to possibly eliminate half the courses we teach in the cégeps.
After all, we have to be talking about things like this seriously,
because the credibility of these institutions as a whole is not that high. I
grant all of those who work inside can make all kinds of excellent defenses for
the good things we do. But, if you consider that we are spending 8 500 $ a
student a year, that we have the kind of drop out that we do, even granted the
reasons that we do, when you consider the financial constraints the Province is
now under and the claims of the universities, and for that matter elementary
education where you can say that maybe they are the most crucial years...
La Présidente (Mme Hovington): En conclusion, M. le
député.
M. Cameron:... are for the years around, say, from six to nine,
the cégeps are going to get hit. They are going to get hit unless they
can make a very, very powerful case that they are the place where people are
successfully learning good English and French.
Mme Todd Nelson: All right, I will answer that. When you look at
the financial constraints - and I accept them completely, I am a taxpayer too -
and when you look at the enormous size of what one would call the institutional
education of the Province and the cost of it, I recognize that there has to be
the best value for the money that is being spent. I accept that.
I also feel, however, that if you did not educate as many students as
you do the price that would be paid by other departments, Welfare department,
alcoholism, fields and programs, it seems to me that you would have a greater
crime problem, it seems to me you would have more homeless, you would have more
jobless, and I think that you would not build the economy of the Province as
well. Because I think that the two things that the cégeps have done very
well are that we have created better citizens and we have increased the level
of education. one summer, courtesy of the government of québec, i spent
the summer at oxford university, and what i was there for was to learn about
the wonderful things that they do in england about sandwich courses and open
university, and so on, to try to help the new cégeps. what i found was
something quite different. i found that there was a kind of a class system,
that the opening of the cégeps and the opening of community colleges was
changing. that, at the end of world war two, 10 % of english children had any
form of post-secondary education at all, whether it was technical or whether it
was pre-university or university. they still did in the 1970s. that in canada,
until we opened the community colleges, it was about 10 % across the country,
and it was 3 % in québec, and it was 65 % in the united states.
Now, what that meant to me was that there was a different value on
democracy, and on changing a system that had allowed only a certain group of
people to be educated beyond high school. And I think that we have educated and
provided opportunities for the future for a much larger... It is about 40 % now
that go to cégeps. So, it is not that I think that we are doing the best
we can, I think we have to change a lot. I just do not want to throw away the
things that I know work, and I know departments work, and I know academic
councils work, and I know that there is a sense of joint sharing. There is no
difference in the way that
the teachers and management and professionals work within the English
colleges, they work cooperatively. And I think that this is a very important
thing that I would not like to loose. That is all.
La Présidente (Mme Hovington): Thank you very much. We do
not have anymore time to discuss.
Mme Todd Nelson: Thank you.
La Présidente (Mme Hovington): Mme la ministre, si vous
voulez conclure. (18 heures)
Mme Robillard: Yes, I want to thank you, Mrs. Nelson, you and
your colleagues. I think that now we have a better knowledge about what you
undertake in your colleges to promote academic success. And I think you have
very special ways to do it, and we have to learn about your way of doing
things. I think you have got the key to help the students. So I want to tell
you that we are very happy to have you here in the commission, and you help us
in our ideas about what to change in our cegep system. Thank you very much.
La Présidente (Mme Hovington): Thank you very much.
Alors, la commission de l'éducation suspend ses travaux
jusqu'à 20 heures ce soir.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise à 20 h 2)
La Présidente (Mme Hovington): La commission de
l'éducation va reprendre ses travaux avec le Conseil régional de
développement de Lanau-dière.
Bonsoir, bienvenue à la commission de l'éducation. Vous
êtes représentés par M. Jacques Dupuis. Vous êtes le
porte-parole, président du Conseil régional de
développement de Lanaudière. Est-ce que c'est vous qui êtes
le porte-parole?
M. Dupuis (Jacques): Effectivement, oui.
La Présidente (Mme Hovington): Oui? Alors, avant que vous
nous présentiez vos collègues, je vais donner la parole à
Mme la députée qui a un dépôt officiel à
faire à la commission, je crois.
Des voix: Mme la ministre! Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Hovington): Mme la... Qu'est-ce que
j'ai dit, là?
Mme Robillard: Ça, c'est le député de
Chambly.
Document déposé
Alors, Mme la Présidente, ça me fait plaisir de
déposer aux membres de la commission un document fort pertinent à
nos travaux. Depuis le début des audiences de la commission, on entend
parler de changements d'orientation chez les jeunes au collégial. Nous
avons fait une étude sur les changements de programmes: est-ce qu'il y
en a beaucoup? Chez qui? Comment ça se passe? Alors, c'est une
étude qui s'appelle «Lés changements de programmes au
collégial: changer de cap sans perdre le nord».
La Présidente (Mme Hovington): Ah! C'est bien, ça.
Prenez note, M. le député de Rimouski.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Rimouski): J'ai un bon pouvoir, madame.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, le
dépôt est accepté, et chaque parlementaire, chaque membre
de la commission aura le document en main dans deux secondes. Alors, merci pour
ce document.
Alors, si vous voulez bien nous présenter les gens qui vous
accompagnent, M. le président.
Conseil régional de développement de
Lanaudière
M. Dupuis: Merci, Mme la Présidente. Mme la ministre,
mesdames et messieurs, j'ai, pour m'accompagner, M. Jacques Pollquin, qui est
président du cégep de Joliette-De Lanaudière et qui est
membre du conseil d'administration du Conseil régional de
développement de Lanaudière.
La Présidente (Mme Hovington): Bonsoir.
M. Dupuis: J'ai Mme Andrée St-Georges, à ma droite,
qui est directrice générale du Conseil régional; M. Marcel
Montreuil, qui est directeur général du cégep, et M.
Bernard Demers, directeur des services pédagogiques au cégep.
La Présidente (Mme Hovington): Bonsoir. Bienvenue, et vous
avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire.
M. Dupuis: Alors, je me fierai au signal que vous me donnerez en
temps opportun, en essayant évidemment d'être le plus bref
possible.
Mme la Présidente, Mme la ministre, mesdames et messieurs, il me
fait plaisir d'être ici aujourd'hui pour vous transmettre l'essentiel des
recommandations formulées et adoptées par l'ensemble des
intervenants de la région Lanau-
dière.
Lorsque l'annonce de la tenue de cette commission
parlementaire a été rendue publique, le Conseil régional
de développement de Lanau-dière y a relevé une
opportunité intéressante, soit celle de préciser comment
et avec quels moyens nous pourrions maximiser notre partenariat avec notre
institution collégiale et publique et ainsi l'impliquer davantage dans
notre dynamique de développement régional. L'essence même
de nos recommandations repose donc entièrement sur une vision
régionale, celle qui anime la mobilisation et qui tend à
favoriser une harmonie entre l'offre et la demande. Vous y reconnaîtrez
le discours de la décentralisation et des exigences propres aux attentes
du développement régional.
Si vous me le permettez, je prendrai quelques minutes pour
identifier la démarche que nous avons empruntée de même que
pour vous situer sur notre organisation régionale.
Le Conseil régional de développement de
Lanaudière est un organisme comptant premièrement sur la
capacité de mobilisation et de concertation des intervenants directement
impliqués dans le développement de notre région. Ainsi, en
franchissant l'accord unanime de notre conseil d'administration, les
recommandations soumises et qui sont présentées ce soir ont
acquis un endossement régional global. Nos administrateurs ont choisi
une méthodologie de concertation relativement courante en région
et particulièrement chez nous, soit la tenue de cinq rencontres
sectorielles préalables, lesquelles ont permis à nos partenaires
de s'exprimer sur les questions. Les intervenants rencontrés sont
impliqués dans les secteurs suivants: le milieu de l'éducation,
le milieu de la santé et des services sociaux, les groupes
communautaires, les organismes régionaux de même que le secteur
privé. Au total, plus de 40 personnes ainsi représentatives se
sont prêtées à cet exercice.
Suite aux recommandations que ces groupes ont
formulées, les administrateurs du Conseil régional de
développement de Lanaudière ont pris le temps de discuter et
d'adopter des recommandations une à une - et vous me permettrez de
souligner la présence d'une des membres de notre Conseil
régional, Mme Caron, députée de Terrebonne, qui est une
participante régulière à toutes nos sessions. J'ai le
privilège de vous dire aujourd'hui que le mémoire que vous avez
entre les mains a été adopté à l'unanimité
du Conseil régional. Je puis vous dire d'emblée que nous croyons
fermement que le niveau collégial doit être maintenu, qu'il doit
compter sur l'ensemble de ses partenaires pour offrir les meilleurs
services.
Ce premier constat m'amène à vous
préciser à nouveau les attentes que Lanaudière avait
formulées en 1990 lors de la tenue de notre conférence
socio-économique à laquelle Mme la ministre avait assisté,
mais en une autre capacité, et je m'en souviens pas mal bien. Cet
exercice de sélection de projets à connotation structurante a
conclu sur un premier choix, soit l'établissement d'un campus
collégial public dans le secteur sud de la région
Lanaudière. La réponse négative reçue à ce
moment a laissé entiers les problèmes de Lanaudière, soit
ne disposer que d'un collège public pour une population de 350 000
habitants, ce qui offre un bassin de recrutement plus que suffisant pour
assurer la viabilité d'un collège public pour une population de
350 000 habitants qui offre un bassin de recrutement plus que suffisant pour
assurer la viabilité d'un college public dans le sud; ne laisser comme
premier choix, à une grande proportion de ses finissants du secondaire,
que l'accès à un collège privé qui, en principe,
devrait être complémentaire au collège public; se voir
privé de l'effet catalyseur d'une telle institution pour son
développement socio-économique; causer des difficultés
importantes aux jeunes qui accèdent au niveau collégial ainsi
qu'à leur famille.
Forte de son bon droit et consciente de ses besoins, notre
région maintient sa volonté de se doter d'un centre public de
formation collégiale et garde un oeil vigilant sur l'évolution du
réseau collégial. En conséquence, le Conseil
régional de développement de Lanaudière recommande que,
dans l'éventualité où il y a une nécessité
d'augmenter le nombre de places-élèves dans la région de
Montréal, la priorité absolue soit accordée au sud de
Lanaudière par le Blais d'une autorisation et des moyens accordés
au cégep de Joliette-De Lanaudière d'y dispenser l'enseignement
régulier.
Nous avons préalablement mentionné notre
appui à l'enseignement collégial, considérant que ce
niveau d'enseignement doit être maintenu. À ce propos, nous
croyons qu'il s'agit d'un niveau spécifique d'enseignement qui
mérite d'être reconnu à ce titre. Pour une région
comme Lanaudière où la formation postsecondaire passe presque
uniquement par le réseau collégial, nous y voyons de grands
avantages à y arrimer les tenants et les aboutissants. (20 h 10)
Notre région révèle de grands besoins
qui pourraient être résolus d'une façon relativement
simple. Pour nous, il est fondamental que l'institution collégiale
publique puisse répondre aux attentes du milieu. Cet objectif peut
être atteint en autant que nous soyons en mesure de respecter le
rôle de chacun, notamment l'État, le collège et les
multiples partenaires.
Reconnaissant que les collèges sont et doivent
demeurer un niveau d'enseignement spécifique, le Conseil régional
de développement de Lanaudière recommande que les collèges
bénéficient d'un encadrement juridique et de mécanismes
qui s'apparentent à ceux des universités, sur le plan de la
gestion des programmes, depuis leur élaboration jusqu'à la
sanction des
études, incluant l'évaluation, aboutissant non pas sur des
programmes d'État, mais plutôt sur des programmes
d'établissement premièrement basés sur des standards
nationaux autorisés par l'État, deuxièmement
accrédités par un ou des organismes externes,
troisièmement conduisant à un diplôme
d'établissement. Cette recommandation confirme la reconnaissance du
rôle d'enseignement supérieur que les Lanaudois donnent à
notre collège.
Un second volet vient s'ajouter, soit le fait qu'il s'agisse d'une
formation postobligatoire. Elle est donc laissée au libre choix de la
clientèle. Cependant, nous savons pertinemment qu'il s'agit d'un niveau
d'apprentissage de plus en plus fréquenté puisque plusieurs
finissants du secondaire V poursuivent au cégep. Les consultations
menées auprès de nos groupes cibles nous ont, par ailleurs,
permis de déceler certaines tendances et ainsi d'exprimer des
recommandations qui permettraient de mieux cerner nos clientèles afin
qu'elles soient, à la fin de leur programme de formation, aptes à
franchir l'étape suivante, soit l'université ou encore le
marché du travail.
Nous tenons à ce que les finissants du secondaire V
désireux d'accéder aux études collégiales puissent
le faire, mais nous devons tenir compte du niveau de préparation
réelle du diplôme d'études secondaires. À ce propos,
le Conseil régional de développement de Lanaudière formule
trois recommandations qui apparaissent, à toutes fins pratiques, peu
banales. Premièrement, à la lumière des informations
recueillies et suite au souhait exprimé par les groupes
concernés, notamment les milieux scolaires de Lanaudière, nous
recommandons: «Que le règlement des études
collégiales soit modifié pour qu'il y ait un seuil
général d'entrée au collège, seuil tenant compte du
nombre d'unités réussies au secondaire et tenant compte de la
possibilité de parfaire la préparation scolaire pour atteindre le
seuil requis.» En d'autres termes, nous jugeons que l'enseignement
collégial doit être le plus accessible possible mais que la
clientèle qui s'y adressera doive répondre à des
conditions minimales garantes de la réussite scolaire à ce
niveau.
Donc, d'une façon encore plus spécifique, les intervenants
de Lanaudière souhaiteraient même qu'il y ait des seuils et des
profils d'entrée particuliers pour chacun des programmes d'études
et que ceux qui n'atteignent pas ces seuils et profils soient admis mais sous
certaines conditions. Nous croyons qu'en rehaussant les critères de
qualité dans l'accessibilité à l'enseignement
collégial les étudiants qui sont à faire leur secondaire
pourront mieux investir leurs énergies dans leurs études et
qu'ils pourraient être plus conscients de l'importance de leurs
démarches d'orientation.
Finalement, nous tenons un discours de réalisme qui,
d'après nous, saura maximiser la motivation des jeunes. Nous voulons
relever les seuils d'entrée mais ne laisser personne à la rue.
C'est pourquoi nous tenons à maintenir la souplesse actuelle permettant
les changements d'orientation et de programmes et l'admission conditionnelle
dans un programme où il faut compléter sa préparation. De
plus, nous favorisons l'amélioration des choix initiaux des jeunes vers
la voie professionnelle au secondaire ou au collégial, ou encore la voie
préuniversitaire.
En dernier lieu, nous souhaitons la reconnaissance d'une nouvelle
mission au réseau collégial, d'autant plus que, pour nous, dans
Lanaudière, cet aspect prend de plus en plus d'importance. La recherche
et le développement sont l'apanage de centres spécialisés
ou encore du réseau des universités. Lanaudière n'a pas
ces privilèges mais démontre des besoins très bien
exprimés à ce sujet. La réalisation du bilan scientifique
et technologique de Lanaudière est concluante à ce propos. Dans
la même foulée, lors de la conférence
socio-économique régionale de 1990, nous avions demandé
l'implantation d'un centre d'interface technologique régional, lequel
aurait été mis en place par notre cégep. Il s'agissait
d'une structure très légère qui aurait favorisé
largement le développement de l'ensemble des secteurs d'activité
économique de la région, la notion de centre
spécialisé ne convenant pas à Lanaudière.
Notre région requiert la diversité, la souplesse et
l'ouverture à l'adaptation de façon à rencontrer les
exigences de la mondialisation des marchés dans une région
où se retrouve la quasi-totalité des secteurs d'activité
économique, c'est-à-dire 17 sur 20, en faisant l'exception du
pétrole, des mines et des produits chimiques. Nous croyons fermement que
les collèges sont appelés à mettre à contribution
leurs compétences et leurs équipements, à l'instar
d'autres centres institutionnels, pour soutenir la recherche et le
développement. Ainsi, nous recommandons que l'on reconnaisse au
réseau collégial une mission additionnelle, soit celle de
recherche et de développement, et qu'une priorité soit
accordée au collège, qui constitue la seule institution publique
d'enseignement supérieur d'une région, dans l'attribution de
nouvelles ressources lui permettant de jouer véritablement un rôle
de centre d'interface technologique, tout en ne pénalisant pas sa
mission première de formation.
Nous considérons aussi que l'enseignement collégial, par
le fait qu'il touche trois champs de formation spécifiques, doit
respecter certaines règles qui optimiseront sa mise en valeur. En effet,
le collège dispense une formation préuniversitaire, une formation
technique et, bien sûr, une formation aux adultes. Notre propos n'est pas
de définir des règles qui administrent ces champs de programmes
mais plutôt de démontrer l'importance que nous y accordons.
En ce qui concerne l'enseignement préuniversitaire, nous jugeons
qu'il s'agit d'un choix sérieux dont la qualité est fondamentale.
Des
programmes qui y sont inclus, il nous semble que celui des
sciences est souvent retenu à titre de voie royale pour accéder
à l'université. Après vérification auprès de
nos collèges et après consultation avec le milieu scolaire de la
région, nous avons pu déceler que tous les programmes n'ont pas
la même densité d'apprentissage. Ainsi, nous recommandons que les
programmes préuniversitaires aient un poids équivalent en termes
d'unités et de densité des apprentissages, donc qu'ils aient le
même niveau d'exigences afin que les étudiants qui s'y inscrivent
le fassent en fonction de leurs intérêts et de leurs
capacités réelles. À titre d'exemple, n'est-il pas anormal
qu'un étudiant très fort au secondaire, qui souhaite s'inscrire
en communication, se voit conseiller de choisir les sciences pures plutôt
que les sciences humaines? À l'heure actuelle, le
déséquilibre entre les programmes préuniversitaires
encourage ces incongruités. De plus, nous croyons que les
collèges devraient s'engager à faire en sorte que dans chacun des
programmes préuniversitaires il y ait au moins un cours
d'intégration et un examen synthèse de façon à
renforcer la qualité des études préuniversitaires et ainsi
atteindre les standards nationaux de compétence dans ce domaine.
Pour nous, il importe de faire comprendre que tous les
programmes préuniversitaires sont également constitués,
donc de force égale et, nécessairement, qu'ils constituent
l'antichambre de la formation universitaire. Faire partie d'un progamme
collégial préuniversitaire doit être perçu comme
étant la période préalable à un minimum de trois
années universitaires. À ce propos, le Conseil régional de
développement de Lanaudière s'engage à favoriser
l'harmonisation des interventions réalisées dans sa région
afin d'améliorer la qualité du parcours scolaire aux futurs
universitaires en interpellant ses partenaires directement
concernés.
Parallèlement, la formation technique doit aussi
être l'objet de changements. Les besoins du marché du travail ont
considérablement évolué au cours des 25 dernières
années et l'arrimage entre l'offre et la demande apparaît
quelquefois diamétralement opposé. À ce chapitre, nous
avons plusieurs volets à explorer.
Premièrement, la formation technique telle que
dispensée actuellement est à la merci d'une confusion majeure
causée par des chevauchements anarchiques de programmes et par un
développement tous azimuts des options. En plus, les étudiants
éprouvent des difficultés de passage d'un ordre d'enseignement
à un autre. À titre d'exemple, un groupe consulté nous
citait des programmes de secrétariat au secondaire, de bureautique au
collégial et de certificat du même nom à
l'université où aucune institution ne reconnaît les acquis
antérieurs, l'étudiant devant reprendre des cours pourtant
déjà réussis. Dans cette nébulosité, la
spécificité du collégial est mal définie, sans
compter que cela représente des investissements financiers majeurs. (20
h 20)
Nous recommandons donc que, au plan national, soit mise en
place une structure fonctionnelle de concertation regroupant des personnes des
trois ordres d'enseignement et des représentants du monde du travail.
Cet organisme aurait la responsabilité de la rationalisation, du partage
et de la complémentarité des options professionnelles offertes
dans ces trois niveaux. Au plan régional, le Conseil régional de
développement de Lanaudière est prêt à s'engager
avec ses partenaires et les collèges de sa région à
définir les besoins régionaux et ainsi favoriser l'arrimage entre
les besoins et les services offerts au niveau collégial.
Le deuxième volet touche la durée des
programmes. Historiquement, les programmes professionnels ont
généralement une durée de trois années,
indépendamment de leur complexité, et ignorent totalement les
acquis scolaires et/ou «expérientiels». Une modulation
à ce chapitre pourrait favoriser une meilleure adéquation entre
la demande de main-d'oeuvre et l'offre de service. De plus, ie modèle de
la formation axée principalement sur l'acquisition de connaissances
théoriques est moins bien adapté en formation professionnelle.
Ces assouplissements pourraient rehausser l'image de ces programmes qui,
socialement, sont boudés au profit de la formation
préuniversitaire.
Finalement, nous présumons qu'une valorisation de la
formation professionnelle renforcerait l'interaction entre les collèges
et les entreprises, laquelle aurait un impact substantiel sur la qualité
des compétences acquises par ces techniciens.
Le Conseil régional de développement de
Lanaudière recommande donc que la durée des programmes
professionnels soit réévaluée en fonction des standards de
compétences à acquérir par programme et non plus
être liée à une période fixe de trois ans.
Deuxièmement, que l'on favorise la reconnaissance
des acquis scolaires et «expérientiels», et ce, pour trois
motifs spécifiques, à savoir: faciliter le passage d'un ordre
d'enseignement à un autre, permettre l'accès à une
formation qualifiante aux adultes et, finalement, mieux répondre aux
réalités changeantes du marché du travail. Quant à
l'importance du lien entreprises-collèges, depuis les deux
dernières années, dans Lanaudière, nous avons
assisté à plusieurs événements qui ont fait voir
des lacunes exprimées sous diverses facettes, nous avons pu comprendre
l'importance de mieux structurer les services de formation qui préparent
la main-d'oeuvre en relation étroite avec ceux qui, plus tard, les
engageront.
Les conclusions du Forum national sur l'emploi, celles du
développement rural, les diverses consultations portant sur le
développement régional de même que l'initiative qui a
occasionné cette actuelle commission parlementaire sont unanimes:
il faut intensifier les liens régionalement entre les réseaux
d'enseignement, ceux de la main-d'oeuvre, les entreprises, les corporations
professionnelles et les divers organismes engagés dans le
développement économique.
Dans Lanaudière, nous avons débuté certaines
opérations permettant de cheminer vers cet objectif. Nous y voyons une
voie intéressante permettant de réaliser des économies
majeures de temps et d'argent tout en respectant les champs d'activité
propres à chacun des partenaires impliqués.
La Présidente (Mme Hovington): II vous reste deux minutes,
M. le président.
M. Dupuis: Je vais y aller plus rapidement. Les collèges
ont vu s'accroître considérablement leur mission de service en ce
qui a trait aux programmes gouvernementaux de développement de la
main-d'oeuvre. Ils répondent aux besoins exprimés par des
groupes, des organismes ou des entreprises qui visent, le plus souvent, le
recyclage et l'adaptation de leur main-d'oeuvre, et ceci par des programmes
particuliers élaborés en fonction des besoins précis. Il
s'agit là d'une contribution importante des collèges au
développement socio-économique régional. Cependant, ces
formations ne répondent pas à tous les besoins et ne
correspondent pas aux caractéristiques d'une véritable formation
continue et d'une formation dite qualifiante pour l'individu.
Tenant compte du temps que j'ai utilisé à date, je me
contenterai, parce que vous avez sûrement pris connaissance du
mémoire, de lire les recommandations, quitte à revenir à
la période de questions.
La Présidente (Mme Hovington): D'accord.
M. Dupuis: Alors, les recommandations seraient donc les
suivantes: Que le ministère de l'Enseignement supérieur et de la
Science et les collèges prennent les moyens nécessaires pour que
les personnes qui peuvent difficilement suivre la voie habituelle des
études à temps complet aient de plus grandes possibilités
d'accès aux formations du collégial qui soient reconnues et
sanctionnées par des diplômes d'ordre collégial et qui
assurent des apprentissages transférables et durables. Que toutes les
formations, incluant la formation sur mesure, tiennent compte de la
transférabilité des apprentissages pointus et des apprentissages
de base. Que les normes et règles définissant la formation sur
mesure soient assouplies de façon à ce que les très
petites entreprises puissent y accéder et que, graduellement, nous
tendions vers une culture de formation en entreprise. Que l'on considère
le séjour d'un étudiant dans un collège d'enseignement
au-delà de l'acquisition des connaissances spécifiques mais
également comme une période de formation fondamentale.
Au niveau du financement, le mémoire que nous avons soumis
était quand même relativement clair. La particularité - et
il faut faire attention aux termes qui ont été utilisés...
On partait en matière de ticket modérateur, si on veut, on
partait de la durée de la période où les jeunes peuvent
être là. Il faut comprendre la durée comme étant,
dans notre esprit, un crédit de cours qui se donne, et, lorsque le
crédit est épuisé, qu'il y ait, effectivement, des
coûts à apporter. Sauf pour cette facette, la consultation de
notre milieu nous a révélé un appui à la
gratuité des frais en matière d'études
collégiales.
Je termine donc, puisque je dois vraiment être rendu à la
dernière limite, pour vous faire une seule remarque fondamentale. La
région de Lanaudière, son conseil de développement estime
qu'il y a un rôle majeur à jouer pour ceux et celles qui
participent à ce genre de conseil que nous avons créé
récemment dans la foulée de la réforme de la loi et qui
existait sous une autre forme auparavant. Cette interraction entre les
études collégiales et les objectifs que nous avons, quant
à nous, doit être une motivation fondamentale dans toute
étude qu'on puisse faire ou dans tout projet qu'on puisse amener parce
que, chez nous, l'enseignement collégial, c'est l'enseignement
supérieur n'ayant pas ou très peu la présence
universitaire.
Et, ma dernière remarque sera pour vous dire - et je suis
sûr que la députée de Ter-rebonne sera d'accord avec moi,
qu'elle sera d'accord non seulement avec le président, mais avec le
maire de Repentigny - que nous avons dans les MRC du sud de Lanaudière,
soit la MRC des Moulins et la MRC de L'Assomption, 182 000 personnes dont la
moyenne d'âge familiale est aux alentours de 30 ans. Il y a eu, l'an
dernier, 2400 naissances à l'hôpital Le Gardeur de Repentigny,
donc nous avons à vous offrir, à Mme la ministre, des jeunes
susceptibles de remplir aisément, rapidement, efficacement un
cégep au complet.
La Présidente (Mme Hovington): Merci... M. Dupuis:
Et...
La Présidente (Mme Hovington): Oui? Des voix: Ha,
ha, ha!
M. Dupuis: ...je recevrai, avec grand plaisir, vos observations
et vos questions.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup, M. Dupuis.
Alors, Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. M. le
président, M. le maire Dupuis, je vous
reconnais bien. Ça me fait plaisir de vous accueillir,
d'accueillir, dans le fond, le Conseil régional de développement
de Lanaudière et de voir que le cégep, justement, est partie de
ce Conseil régional. Je pense que c'est essentiel au niveau de chacune
des régions du Québec. J'ose croire que ce sera de même
dans chacune des régions.
Je veux vous dire aussi que ça soulève un
intérêt particulier pour les membres de la commission étant
donné la participation des divers intervenants qui ont contribué
à votre mémoire, qui est très élargi, qui est
au-delà du cégep, avec tous les partenaires sociaux et
économiques du milieu. Alors, à ce moment-là, on lui porte
un intérêt très spécial. Et je dois vous dire que la
qualité des analyses à l'intérieur de votre mémoire
est très bonne, et, dans ce sens-là, j'aimerais peut-être
qu'on prenne le peu de temps qui nous reste, M. le président, pour
échanger ensemble. (20 h 30)
Ma première question serait sur la notion de recherche et
développement que vous avez développée aux pages 12 et 13
de votre mémoire, M. Dupuis. Une question de clarification parce que
vous me parlez du fait que les cégeps pourraient avoir cette mission de
recherche et développement, et vous le savez très bien et vous le
dites aussi que plusieurs des cégeps font de la recherche
appliquée, font du transfert technologique de façon
particulière vers les petites entreprises. Et on a eu beaucoup
d'intervenants qui sont venus ici, à la commission parlementaire, nous
parler de cette partie de mission des cégeps et la majorité des
intervenants souhaitaient même qu'on augmente les centres
spécialisés des collèges. On pourrait les qualifier de
centre collégial de transfert technologique dans leur mission. Il y en a
15 ou 16 dans tout le Québec. Mais vous, vous affirmez très
clairement, en haut de la page 13, que la notion de centre
spécialisé ne convient pas à la nature de
Lanaudière. Et là j'avoue que j'ai de la misère à
vous suivre ou à comprendre ce que vous voulez me dire.
M. Dupuis: Alors, je vous ai expliqué tout à
l'heure que, dans les 20 secteurs d'activité économique
identifiés, Lanaudière en couvre 17 sur les 20. J'ai fait des
exceptions du pétrole, des mines et des produits chimiques. Donc, chez
nous, si on pouvait parler un peu d'une tendance ou d'une vocation
régionale, nous sommes des généralistes. Nous touchons
à pratiquement tous les secteurs de sorte que, s'il est vrai qu'un
degré de spécificité ou de spécialisation peut
être intéressant dans notre cas à nous, nous devons
être particulièrement ouverts à cette réalité
qui est la nôtre. Il faut comprendre que je suis le président du
Conseil régional de développement. L'outil qu'est le cégep
pour nous, qui est le niveau collégial, est un outil qu'on trouve
fondamental et c'est un outil donc où on veut précisément
s'assurer de toutes les possibilités qu'on a. Maintenant, cette
façon-là doit donc nécessairement entraîner, dans
notre conception, une grande souplesse parce que nous avons des besoins
spécifiques. Maintenant, M. Montreuil voudrait peut-être
être plus techniquement répondant là-dessus.
M. Montreuil (Marcel): Oui. Mme la ministre, pour vous
préciser la notion qui avait été élaborée en
1990, lors de la conférence socio-économique, c'était un
modèle de centre d'interface technologique. Ce n'était pas...
Quand on dit que la notion de centre spécialisé ne convient pas
à la nature de Lanaudière, c'est le mot
«spécialisé» qui ne convient pas. Ce qui convenait,
et le modèle qui avait été développé et qui
était sur la table, c'était un modèle d'un centre de
recherche-développement multidis-ciplinaire à cause de la grande
variété des champs d'activité économique. C'est
dans ce sens-là que le...
Mme Robillard: On peut l'appeler un... À mon point de vue,
c'est plus des centres de transfert technologique et vous savez comme moi qu'au
niveau de la recherche-développement il est prouvé qu'il faut
très bien identifier nos créneaux de recherche et
développement pour être capable d'exceller dans ces
créneaux-là. Alors, même si la composition peut être
multidis-ciplinaire, il faut être capable de bien cibler, et de plus en
plus dans chacune des régions du Québec on tente de cibler.
Alors, si c'est dans ce contexte-là, je vous saisis mieux.
M. Dupuis, j'aimerais ça qu'on revienne sur la question du
financement. Je sais qu'à cause des limites de temps vous n'avez pas pu
nous expliquer dans le détail votre position concernant le financement
au niveau du réseau collégial. Vous admettez très
clairement, à la page 26 de votre mémoire, et vous le dites, je
pense que c'est un choix, que vous êtes pour la gratuité au niveau
des études collégiales, mais vous avancez cette idée au
niveau de choisir une durée limitée des études
collégiales. Et là j'aimerais ça un peu que vous
explicitiez davantage parce qu'à ma connaissance nous avons entendu
parler de limites à la gratuité ici, mais vous, vous l'abordez
d'une façon nouvelle, à mon point de vue, en disant:
Peut-être qu'on pourrait accorder à chacun des étudiants
inscrits un nombre de crédits et, une fois l'épuisement des
crédits, l'étudiant devrait payer, si j'ai bien compris. Ensuite,
vous nous ajoutez une variante, si je peux m'exprimer ainsi, en disant: Bon,
mettons des crédits par cours et l'étudiant qui va reprendre un
cours qu'il a échoué, lui, il va payer ce cours. Pourriez-vous
élaborer davantage? Ce sont des idées nouvelles soumises à
cette commission.
M. Dupuis: C'est un peu ce que je vous
disais tout à l'heure. Lorsqu'on a utilisé le mot
«durée», on a tenté de m'expliquer que, dans cette
matière-là, on pouvait parler de durée intemporelle. Je
n'ai pas réussi à comprendre l'explication à cela. Donc,
j'ai retenu plus facilement le concept des crédits qu'on peut donner
à un étudiant. Comme je vous dis, la consultation que nous avons
faite n'était pas hautement technique. Nous avons consulté notre
milieu, avec ses forces, avec ses idées, mais également,
possiblement, dans certains cas, avec ses préjugés. Une des
choses qui est ressortie le plus souvent, c'est ce qu'on appelait dans mon
temps les étudiants éternels, ceux qui, effectivement,
remplissent - dans notre temps, c'étaient les collèges - les
écoles et les collèges ou les cégeps de façon
constante, année après année, etc. Et c'était un
irritant pour beaucoup des gens qui sont intervenus, de constater que ça
coûtait des sous, effectivement, pour consacrer une lenteur quasi
systématique chez certains.
Donc, ce concept-là a été élaboré en
disant: Voici ce qui en est. Nous voyons un bloc de présences ou de
crédits à obtenir en matière d'enseignement. Chaque
élève se fait donner une banque de crédits de tant de
cours, par exemple, c'est-à-dire le nombre de cours nécessaires
à l'obtention d'un diplôme ou nécessaires pour franchir
l'étape suivante. Une fois ce nombre de cours épuisé,
à partir de ce moment-là, il doit ou il peut y avoir tout un
système à élaborer - en fait, je ne suis pas en mesure de
vous dire comment. Mais il peut y avoir, je crois, une façon de dire:
Bien, voici, tu as eu raisonnablement toutes les chances de faire ce pourquoi
tu es là, tu as eu le chance d'obtenir les diplômes que tu aurais
dû rechercher ou que tu recherchais, et ça n'a pas
fonctionné pour une raison ou pour l'autre; voilà, à
partir de maintenant, tu vas compléter toi-même à tes
frais, et non pas aux frais de tous les contribuables, ce qu'il te manque pour
terminer ton cheminement ou ton passage dans l'institution.
C'est une façon, je pense, de régler une partie d'un
problème qui est différent. Et la raison pour laquelle
j'acceptais le mot «durée», c'est qu'il peut y avoir des
raisons pour lesquelles ça peut prendre plus de temps. Mais ce qu'on
veut dire, c'est: que la personne passe 10 ans, à un cours par
année, au cégep, ça ne dérange rien, mais qu'une
personne passe 10 ans à temps plein au cégep, c'est à ce
moment-là qu'on dit: II y a une façon qu'on doit regarder pour
éviter que ça se produise. Dix ans, peut-être pas, disons
neuf ans et demi.
La Présidente (Mme Hovington): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, merci, Mme la Présidente. Je veux saluer
d'une façon très particulière les gens du CRD de
Lanaudière. Je n'ai pas la chance de connaître personnellement les
gens qui sont autour de la table, ce soir, mais ça fait longtemps que je
connais le CRD de la région de Lanaudière, ayant
été l'ancien ministre du Développement régional qui
a reconnu pour la première fois la région de Lanaudière.
Alors, moi, je m'en rappelle et je sais que les gens s'en rappellent.
Très heureux de vous accueillir!
Je vous ai toujours trouvé un peu innovateurs, dans le bon sens;
je le dis comme je le pense, et votre mémoire va dans ce sens-là,
d'ailleurs, dans la façon dont vous l'avez fait. Vous avez pris la peine
d'en discuter avec des intervenants majeurs dans votre région. Donc, on
ne peut pas vous reprocher de ne pas avoir fait vos devoirs et de ne pas
profiter de l'occasion d'un débat qui vous intéresse, parce
qu'à toutes les causes importantes au Québec, de mémoire,
vous avez été associés, comme CRD en tout cas - je parle
de l'origine du CRD. Alors, merci d'être là et de nous aider
à trouver les meilleures solutions requises pour améliorer. Je
pense que votre objectif, comme d'autres, c'est d'essayer de choisir les
cégeps à nouveau, mais de convenir ensemble des décisions
qui s'imposent quant à une nouvelle formule plus adaptée, plus
rafraîchie, qui correspond davantage à l'évaluation que
nous en faisons en 1992.
Ma collègue poursuivra. Je veux juste vous poser une question ou
deux. On a l'occasion d'avoir la députée de Terrebonne avec nous;
elle est intéressée à vérifier certaines affaires,
et c'est normal. Moi, j'ai une question, d'abord. J'en aurai deux. Le temps
file. Lorsque vous avez dit, à la recommandation 3, que le
règlement des études collégiales soit modifié pour
qu'il y ait un seuil général national d'entrée au
collège, je n'ai pas de trouble avec ça. Un seuil national
d'entrée au collège, je n'ai pas de trouble avec ça, il y
en a assez qui nous l'ont dit, et là je ne veux pas revenir
là-dessus. (20 h 40)
C'est avec la suivante que j'ai des difficultés et j'ai des
difficultés à deux égards. Je parle de votre
recommandation 4: «Que le règlement des études
collégiales soit modifié pour qu'il y ait des seuils et des
profils d'entrée particuliers pour chacun des programmes
d'études.» Wo! J'aimerais ça que vous me donniez un peu
plus d'indications quant à votre réflexion qui vous a
amenés à faire une recommandation comme celle-là, parce
que, en termes de gestion d'un telle recommandation, bonne chance tout le
monde! Et je ne suis pas sûr que ça servirait les
intérêts, là... Je ne suis pas capable de voir: Ça
servirait les intérêts de qui d'avoir ce qu'on appelle un seuil ou
un profil d'entrée spécifique pour chacun des programmes
d'études? Je le lie à ce que vous exprimez comme contenu, et
j'aimerais avoir des explications supplémentaires, et je le lie
également à l'accessibilité parce que, là, une des
meilleures façons de vraiment donner un coup de barre, même si je
vous félicite... Vous l'avez dit un peu plus loin, vous, chez vous,
vous
avez choisi davantage la qualité plutôt que
l'accessibilité «at large». je sais que vous avez dit
ça un peu plus loin. mais je voudrais quand même, de votre part,
une réflexion sur le fond: pourquoi vous suggérez ça,
comment on va gérer ça et comment vous mettez ça en
parallèle avec un autre objectif qu'on poursuit, et je suis convaincu
que vous le poursuivez comme moi, une accessibilité plus
générale.
M. Dupuis: Juste avant de laisser M. Montreuil poursuivre
là-dessus, notre réflexion à nous, et c'est une question
qui a été posée très rapidement quand on s'est mis
à parler d'accessibilité, c'est pour ça que j'ai fait
mention qu'il n'est pas question, dans notre esprit, de laisser des gens dans
la rue, c'est clair, mais il n'est pas question non plus, dans notre esprit, de
forcer tout le monde à s'en aller à un endroit précis. Il
y a plusieurs volets ou plusieurs endroits où un jeune peut se diriger
utilement et efficacement, et ce n'est pas toujours nécessairement le
niveau des études collégiales.
Alors, on croit qu'aux sommes d'argent qui sont investies dans ce
système d'études collégiales il faut être
très particulièrement efficaces. Le seuil dont on parie est un
seuil qui respecte, parce qu'il y a quand même des mécanismes
qu'on pourra expliquer avec plus de détails, qui respecte la
possibilité de celui qui veut y aller d'y aller, mais qui n'encourage
pas celui qui ne peut pas y aller, parce qu'il n'a pas atteint certains seuils
de formation ou certains seuils de résultat, d'y aller pour rien et de
tomber dans un groupe très rapidement, non pas de décrocheurs
parce qu'on est au collégial, mais de tomber dans un groupe de gens qui
commencent un dossier et qui ne sont pas capables, mais vraiment pas capables
de le terminer. M. Montreuil, si vous voulez y aller plus techniquement.
M. Montreuil: Ce sujet-là a été l'objet de
longues et très intéressantes discussions, et très
intenses discussions dans tous les groupes qui ont été
rencontrés. L'idée est la suivante. On croit à
l'accessibilité au collégial et on croit que tous les jeunes qui
veulent étudier ne doivent pas se retrouver dans la rue. C'est
fondamental quant à nous. Mais, en même temps, il y a un certain
nombre de faits assez troublants qui ont été rapportés et
analysés en provenance de plusieurs parties. Exemple d'un fait assez
troublant: actuellement, compte tenu du contingentement au secondaire au niveau
professionnel, on soupçonne que des étudiants qui sont
refusés en électricité au secondaire sont admis en
électrotechnique au collégial. C'est des faits comme ça
dont on a discuté dans les réunions. Et les intervenants
régionaux ont conclu que quelque chose doit changer, dans le sens
suivant: les conditions d'admissibilité doivent être
reliées aux conditions de réussite scolaire.
Pour nous, les exigences ne doivent pas être
considérées comme plus élevées, mais plutôt
comme plus réalistes en termes de chances de réussite. Les jeunes
ne doivent pas se retrouver dans la rue, c'est évident, mais ils doivent
se retrouver au bon endroit: au secteur professionnel au secondaire, au secteur
technique au collégial ou préuniversitaire, admis sous condition
s'il le faut. Les gens ont exprimé, en général, que le
système scolaire fabrique littéralement des décrocheurs si
les élèves sont mal orientés et s'ils ne connaissent pas
les exigences réelles des études qu'ils veulent entreprendre et
s'ils n'ont pas le bon support.
Donc, pour nous, la définition de seuil et de profil par
programme doit se faire, évidemment, très prudemment et sur la
base d'analyses sérieuses de programmes qui permettent de dégager
un ensemble de caractéristiques qui sont des bons prédicteurs de
réussite. Les élèves du secondaire doivent connaître
ces exigences au moment de leurs démarches d'orientation. Ils doivent
avoir la chance, au secondaire, d'allonger leurs études s'il le faut et,
au cégep, ils doivent avoir la chance d'être admis au programme de
leur choix, mais sous condition pour leur donner le temps de réussir
leur mise à niveau. Et, s'ils ne réussissent pas, les gens
disent: Ne vaut-il pas mieux qu'ils changent d'orientation plutôt que de
ne jamais terminer leur D.E.C.?
Alors, c'est en ce sens-là qu'on souhaite aussi que les
collèges conservent leur souplesse actuelle qui permet de changer de
programme, et c'est dans ce sens-là que le Conseil régional s'est
engagé à réunir ces intervenants, particulièrement
du secondaire et du collégial, pour une meilleure information scolaire,
pour une meilleure connaissance par les étudiants du secondaire de ce
qui les attend. C'est ça, le sens de cette recommandation.
M. Gendron: Ça clarifie. Autre question. Vous avez,
à deux reprises, invoqué des particularités au niveau de
la formation sur mesure. À la recommandation 15, vous dites que les
normes et les règles définissant la formation sur mesure soient
assouplies de façon à ce que les très petites entreprises
puissent y accéder. J'ai un peu de difficultés encore là.
Je pense savoir ce que c'est, de la formation sur mesure. C'est quoi le
problème pour que les petites entreprises n'aient pas la capacité
d'y accéder? J'aimerais que vous soyez plus explicite et que, dans votre
réponse, vous liiez ça également à la
recommandation 18 où, entre 18 et 19, comme recommandation dans votre
mémoire, vous dites: De plus, particulièrement dans les
programmes de formation sur mesure, nous assistons à une panoplie
d'organismes qui ont le mandat de parfaire la formation des adultes. Notre
objectif n'est pas de juger du type de formation qu'ils donnent, mais de
réduire le nombre d'intermédiaires. Moi, je suis parfaitement
d'accord avec vous pour réduire
le nombre d'intermédiaires, mais j'ai de la difficulté
à donner suite à votre contenu, ou est-ce que vous faites
allusion à quelque chose de particulier que j'ignore, que je ne connais
pas, qui se passerait dans votre région?
En recommandant que la gestion financière des programmes soit
confiée aux collèges, je ne suis pas capable de dire que je vais
régler le problème. Je ne sais pas si vous me comprenez,
là. Moi, je ne suis pas capable de voir le lien entre ce que vous
dénoncez, ce que je partage, il y a trop d'intermédiaires dans la
formation, ça fait longtemps que je dis ça, et en particulier
avec ce gouvernement-là, pour des raisons... je suis obligé de
faire, des fois, un peu de politique, je n'ai pas le choix, ils ont les pieds
mêlés pas mal dans la formation sur mesure avec le MMSR qui trouve
que l'Éducation n'a pas d'affaire là-dedans, puis
l'Éducation pense que ça devrait être eux autres, puis je
suis d'accord là-dessus, mais on a tassé tous les intervenants
éducatifs dans l'identification des besoins de formation. Ça, je
comprends qu'ils ont besoin d'être, ce que j'appelle, avertis, que c'est
un fouillis, la formation sur mesure. Il y a trop d'intermédiaires, il y
a trop d'intervenants: les CFP en font, les chambres de commerce en font, le
privé en fait, la commission scolaire avec l'éducation des
adultes en fait, puis le cégep en fait, puis l'université, par la
section éducation permanente, en fait aussi. Alors, ça fait dur
en étoile. Ça, je comprends ça. Mais votre recommandation,
que la gestion financière des programmes soit confiée aux
collèges, puis on va régler la réduction des
intermédiaires en formation sur mesure, j'ai bien de la misère.
Expliquez-moi ça.
M. Dupuis: Vous faites allusion à une
réalité, me dites-vous, de la multiplicité des
possibilités qu'on puisse avoir. Elles existent sur papier, mais,
lorsque vous avez une entreprise de trois personnes - c'est celle-là qui
nous intéresse, parce que, dans notre milieu, nous en avons beaucoup -
quelle est, en réalité, la possibilité d'y aller? Si vous
avez trois personnes et qu'une personne s'en va systématiquement en
formation, vous venez de perdre 33 1/3 % de votre main-d'oeuvre. Il y a donc
toute une approche à cette question-là, non seulement de dire que
les programmes existent, on sait qu'ils existent partout, mais que les gens qui
sont dans des situations très particulières
bénéficient de certains mécanismes pour pouvoir
précisément aller chercher la formation. Une des remarques qui
nous ont été faites par notre milieu, c'est qu'au point de vue
paperasserie c'est extrêmement lourd pour une petite entreprise, c'est
pratiquement une jungle que de pouvoir s'en aller dans un volet ou dans un
autre volet d'un programme. Nous, nous sommes conscients qu'il existe des
possibilités sur papier; nous croyons cependant qu'elles pourraient
être rendues plus efficaces à ce niveau-là.
M. Gendron: Merci. Si vous n'avez pas fini, ça va
être juste, mais s'il en reste. O.K.
La Présidente (Mme Hovfngton): Alors, Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Alors,
évidemment, bienvenue et félicitations pour votre travail de
concertation. Je pense que le mémoire est très
étoffé. Vous avez touché plusieurs aspects, vous
êtes allés au-delà de la demande d'un cégep. Votre
mémoire aurait pu se traduire uniquement par ce besoin, qui est le
besoin majeur dans la région de Lanaudière. Vous avez choisi la
voie d'une réflexion sur tous les sujets, et j'en suis très
heureuse.
Vous avez souligné ma participation aux différentes
assemblées du Conseil régional de développement. Je dois
malheureusement dire que j'étais absente le 24 septembre dernier pour
des raisons que tout le monde connaît autour de cette table. D'ailleurs,
dans la région de Lanaudière, le référendum a
donné de très bons résultats, il faut dire. (20 h 50)
Votre mémoire touche un aspect vraiment différent. Vous
avez fait des recommandations, mais vous avez aussi fait des engagements, et
ça, moi, ça me plaît beaucoup parce que trop souvent on va
être porté à faire des recommandations, mais on ne s'engage
pas en même temps à offrir aussi des choses. Ça, ça
m'apparaît une des caractéristiques de votre mémoire qui
est vraiment particulière; vous vous engagez à offrir des
services de qualité.
Je voudrais revenir évidemment au point no 1, au chapitre 1, les
services d'enseignement collégial dans Lanaudière. Vous avez
présenté la réalité, c'est-à-dire une
population de 350 000 personnes mais de 180 000 personnes dans le sud de
Lanaudière. Cette réalité-là, évidemment,
fait que les étudiantes, les étudiants et les adultes du sud de
Lanaudière ne vont pas nécessairement au cégep de
Joliette, au cégep de la région de Lanaudière pour toutes
sortes de raisons dont le transport, principalement, et se retrouvent
plutôt dans des cégeps de Montréal, ce qui empêche un
point extrêmement important, c'est-à-dire le développement
socio-économique de la région de Lanaudière. Puisque tous
les étudiants et les étudiantes se retrouvent à
l'extérieur de la région de Lanaudière, c'est beaucoup
plus difficile dans le sud de Lanaudière de créer et de
développer le socio-économique. Est-ce que vous pouvez nous
donner certaines précisions qui ne sont pas contenues dans le
mémoire sur la population étudiante qui, effectivement, se
retrouve à l'extérieur de la région de
Lanaudière?
M. Dupuis: Je peux vous dire, la première
précision, c'est qu'il y en a trop. C'est peut-être
la façon la plus facile de répondre. Je n'ai pas
personnellement... Je ne sais pas si on a les chiffres, mais je ne voudrais pas
quand même induire qui que ce soit en erreur là-dedans. Il y a
énormément de nos jeunes qui, effectivement - je parle des jeunes
du sud - vont dans la région de Lavai pour la MRC des Moulins et, chez
nous, l'est de Montréal allant vers le centre pour la MRC de
L'Assomption. Il y en a un nombre imposant.
Un comité qui a fait une étude qui a été
déposée au ministère l'an dernier donnait des statistiques
assez précises là-dessus qui, à toutes fins pratiques,
à ma lecture, indiquaient - et je crois que c'est une partie de la
réponse que nous avons eue - que nous avions la population
étudiante susceptible de justifier le genre de campus qui était
demandé. C'est logique. On est en périphérie de
Montréal. Nous sommes la région, grâce à la MRC des
Moulins et la MRC de L'Assomption, dont la croissance démographique est
parmi, sinon la plus importante au Québec. Repentigny seulement - je
prends l'exemple au hasard - de 1986 à 1991, la population a
augmenté de 22 %, ce qui veut dire 8800 personnes de plus en 5 ans. Et
cette population-là est évidemment une jeune population, de sorte
que, quant à nous - et on pourra se référer
précisément au rapport qui a été
déposé - il ne fait aucun doute, et ça pourrait être
un cinquième engagement que nous prenions, qu'advenant qu'il y ait un
cégep dans le sud de Lanau-dière, oui, on prend l'engagement de
le remplir selon les normes et les capacités maximales qu'on puisse
exiger.
La Présidente (Mme Hovington): C'est tout le temps que
vous aviez, Mme la députée de Terrebonne. C'est
déjà fini.
Mme Caron: Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Hovington): M. le député
de Sherbrooke.
M. Tremblay (Rimouski): Rimouski...
La Présidente (Mme Hovington): Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): ...Mme la Présidente. Comme tous
les autres, je vous félicite pour la qualité de votre rapport. M.
Dupuis, je trouve que votre équipe est formidable. Vous avez fait de
bonnes recommandations, sauf que j'aimerais bien vous entendre... À la
page 26, au niveau des frais de scolarité: «Unanimement, nous
rejetons cette avenue.» Alors, pas question d'imposer des frais de
scolarité. Par contre, à votre recommandation 20, à la
page 28, à c), vous dites: «Que la notion de frais
afférents pourrait être remplacée par la notion de frais de
services et que le plafond de 100 $ serait alors augmenté
raisonnablement». C'est quoi le mot «raisonnablement» pour
vous? Une voix: Ha, ha, ha!
M. Dupuis: Je vais laisser le directeur général du
cégep, qui est donc aux prises avec ce problème-là, vous
donner une réponse raisonnable.
M. Tremblay (Rimouski): Au préalable, Mme la
Présidente, quels sont les frais afférents que votre cégep
charge présentement? Est-ce que c'est les 100 $?
M. Montreuil: Non, ils sont actuellement à environ 70
$.
M. Tremblay (Rimouski): O.K.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, allez-y avec votre
réponse.
M. Tremblay (Rimouski): Et le taux raisonnable c'est quoi,
maintenant?
M. Montreuil: Pardon?
M. Tremblay (Rimouski): Le taux raisonnable ou l'augmentation
raisonnable?
M. Montreuil: Le taux raisonnable, je ne pourrais pas
l'établir maintenant, mais ça pourrait aisément
dépasser 100 $ quand on aura fait les analyses. Au fond, ce qu'on doit
faire actuellement dans les cégeps, c'est vérifier quels sont les
services qui sont financés par les enveloppes que nous recevons et quels
sont les services auxquels on devrait s'associer avec les étudiants pour
les faire financer. Cette analyse-là doit être faite, mais,
actuellement, il y a un plafond de 100 $ qui... Le seul fait qu'il y ait un
plafond, actuellement, empêche les collèges de développer
le plus qu'ils peuvent des avenues de financement autonome. Alors, c'est le
principe qui est ici mis en cause.
M. Tremblay (Rimouski): Étant donné que vous
n'allez pas jusqu'à la limite permise de 100 $ dans votre cas, est-ce
qu'on doit prétendre à ce moment-ci que la capacité de
payer des citoyens, ou enfin des élèves ou des parents, vous
mettez ça en cause ou pas?
M. Montreuil: Non, ce n'est pas ça qui est mis en cause
actuellement. Dans notre collège on a commencé à augmenter
ces frais de manière significative, et on a des projets de les augmenter
au fur et à mesure des années. On ne peut pas faire un saut de 35
$, 40 $ où on était à un certain moment, à 90 $
d'un coup, mais on a des projections d'augmentations substantielles à
chaque année. Et on va vite atteindre les 100 $.
M. Tremblay (Rimouski): Très bien, merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Alors, Mme la
ministre.
Mme Robillard: Oui. M. Poliquin, le président du conseil
d'administration. M. Poliquin, j'aimerais ça vous entendre sur le
rôle du conseil d'administration, présentement, au niveau du
cégep, si vous avez des recommandations spécifiques à me
faire sur le rôle et sur la composition du conseil.
M. Poliquin (Jacques): En effet, vous savez que la composition du
conseil d'administration, et je dois vous dire qu'à Joliette nous
travaillons avec beaucoup de concertation... Cependant, il est évident
que si on était capable, à l'intérieur du conseil
d'administration, d'amplifier l'externe, c'est-à-dire d'augmenter le
nombre d'intervenants de la région - vous en voyez un exemple ce soir
par le CRDL - je dois vous dire que ça serait de développer une
appartenance et une emprise sur le cégep, ce qui pourrait changer
peut-être certaines orientations.
Alors, à cet effet-là, plus on va pouvoir amener autour de
la table des gens qui sont significatifs de la région, et plus il va y
en avoir, plus le cégep peut prendre la couleur de la région et
intéresser les gens de la région. Parce que, à
l'expérience de ce rapport qui a été fait, je peux vous
dire que les gens du CRDL sont très honorés de présenter
ce rapport-là. Et ça les implique, ça les intéresse
davantage. Et je pense que pour le cégep c'est un plus, et nous sommes
très heureux de ça.
Mme Robillard: M. Poliquin, même en présence de
votre directeur général, je vais vous poser une question
délicate. Vous savez qu'à l'intérieur de la loi sur les
collèges le directeur général n'a pas de durée
limitée dans son mandat. Il peut être engagé parfois pour
des mandats de trois ans, parfois pour des mandats de cinq ans. Il n'y a aucune
limite au renouvellement, de sorte que vous pouvez renouveler le D.G., avoir
pendant 20 le même D.G., dans le même poste, dans le même
collège. Pour vous, comme président du conseil d'administration
qui avez des responsabilités au niveau de l'administration de ce
collège-là, est-ce que nous devrions apporter des changements au
niveau d'une limite potentielle de la durée du mandat? (21 heures)
M. Poliquin: Alors, je dois vous dire que la question n'a pas
été débattue au niveau du conseil d'administration. Vous
savez qu'au renouvellement nous faisons une étude très
sérieuse du travail qui a été fait, et il y a une question
de responsabilité des gens du conseil d'administration relativement aux
recommandations de renouvellement ou pas. Si vous me demandez mon opinion
personnelle, moi, je dis que 10 ans, c'est un bon temps, mettons, pour
soutenir, ou un nouveau peut-être après 10 ans, ça peut
être bon. Cependant, il peut y avoir des exceptions. En tout cas, si
c'est extraordinaire, le D.G. travaille bien, puis c'est bon pour le
collège, je pense... Mais, moi, je serais porté à dire: 10
ans, c'est un bon temps.
Mme Robillard: Merci, M. Poliquin.
La Présidente (Mme Hovington): En conclusion.
Mme Robillard: Oui. M. Dupuis, il me reste à remercier les
gens de votre délégation et vous-même d'être venus
partager vos réflexions avec les membres de la commission. On sent
très bien que le cégep est très bien intégré
dans la communauté socio-économique, et ça fait plaisir
à voir. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, au nom des membres
de la commission de l'éducation, merci. Bon retour chez vous. Merci
d'être venus.
J'inviterais maintenant l'Association québécoise de
pédagogie collégiale à bien vouloir prendre place, s'il
vous plaît.
Si l'Association québécoise de pédagogie
collégiale veut bien prendre place, s'il vous plaît. Je
demanderais un peu de silence en arrière, si vous voulez qu'on reprenne
nos travaux. Alors, l'Association est représentée par M. Gaston
Faucher, président. Bonsoir, M. Faucher.
Association québécoise de
pédagogie collégiale
M. Faucher (Gaston): Bonsoir.
La Présidente (Mme Hovington): Voulez-vous nous
présenter votre équipe, s'il vous plaît?
M. Faucher: Avec plaisir. À ma droite, Mme
Françoise Richer, du cégep de Drummondville, qui est
vice-présidente de l'Association.
Mme Richer (Françoise): Bonsoir.
M. Faucher: À ma gauche, M. Claude Saint-Cyr, qui est
secrétaire de l'Association, qui travaille au cégep du
Vieux-Montréal.
M. Saint-Cyr (Claude): Bonsoir.
M. Faucher: M. Gerald Sigouin, qui est directeur
général de notre Association.
La Présidente (Mme Hovington): Bienvenue à la
commission de l'éducation. Vous avez 20 minutes pour nous
présenter votre mémoire.
M. Faucher: Merci. Je commencerai tout
d'abord en vous remerciant de nous accueillir et de nous permettre de
vous exposer nos vues. Nous dirons que nous sommes très heureux de la
tenue de cette commission parlementaire parce que nous la voyons comme une
marque d'intérêt à l'égard du réseau
collégial, intérêt dont il avait grand besoin depuis
plusieurs années, à notre avis.
En commençant, j'aimerais vous présenter rapidement
l'Association québécoise de pédagogie collégiale,
ceci afin de permettre une meilleure compréhension des assises sur
lesquelles nos opinions reposent. Nous regroupons, bon an, mal an, 350 à
450 membres dont une majorité sont des enseignantes et enseignants de
collèges. Plus du quart de nos membres sont aussi des professionnels, 10
% à 15 % des cadres de collèges, 6 % des membres venant de
l'extérieur.
Nous travaillons principalement à promouvoir le
développement de la pédagogie auprès des personnes et des
établissements et nous cherchons à développer des lieux de
parole et une identité propre aux praticiens de la pédagogie des
collèges. Nous jouons aussi un rôle d'animation, de tribune
d'échanges, de véhicule de diffusion dans tout le réseau
autour d'idées-forces comme celles de la formation fondamentale, de
l'approche programme, de l'importance accordée à l'étude,
de l'aide à la réussite, et ainsi de suite.
Depuis 12 ans, nous organisons un colloque annuel qui diffuse les
réalisations les plus significatives des pédagogues du
réseau et qui alimente aussi ces derniers en leur permettant d'entrer en
contact avec des ressources de plusieurs milieux, y compris de la scène
internationale. Nous diffusons, nous publions une revue, Pédagogie
collégiale, dont le tirage atteint 2500 exemplaires, soit un
exemplaire par six lecteurs potentiels, ce que nous considérons comme un
très haut taux de pénétration, surtout en matière
pédagogique. Celle-ci publie des articles émanant du
réseau et témoignant de la réflexion riche et multiforme
qui s'y mène. Plusieurs milieux, dont des milieux universitaires
d'ailleurs, nous envient cette publication et souhaiteraient que leur pratique
pédagogique soit aussi riche que celle dont elle fait état. Nous
organisons aussi des conférences et nous nous associons, à
l'occasion, avec d'autres organismes quand les projets le justifient, comme
PERFORMA, la Fédération des cégeps, le ministère de
l'Enseignement supérieur et de la Science, et ainsi de suite.
Nous nous sommes aussi résolument engagés dans la
recherche de moyens et de stratégies pour favoriser le
développement de ce qu'il est maintenant convenu d'appeler la profession
enseignante. Nous nous situons hors du terrain des relations patronales
syndicales, non pas parce que nous les trouvons critiquables de quelconque
façon, mais parce que nous croyons fermement que le développement
de la pédagogie et le développement professionnel sont mieux
servis hors de ces lieux de tension.
Enfin, nous croyons que notre neutralité, d'une certaine
façon, et notre expérience d'intervention et d'action en
pédagogie nous autorisent à témoigner de la richesse et de
la qualité des pratiques pédagogiques qui ont cours dans le
réseau collégial, à parler en connaissance de cause de la
valeur du corps enseignant et des nombreux intervenants de la pédagogie
de cet ordre d'enseignement.
C'est donc à partir de cette position que nous avons cru utile de
produire un mémoire qui cherche à inciter les personnes
appelées à décider ainsi que la population en
général à porter son attention non plus sur les quelques
cas de comportement déviant qui ont pu, à un moment ou l'autre,
faire la manchette, mais sur les 5 % à 10 % d'employés, en
particulier d'enseignantes et d'enseignants, dont le rendement et les
productions dépassent la norme du côté de l'excellence,
cette fois, et sur cette autre portion de la population enseignante qui, au
quotidien, fait un boulot honnête, gouvernée par une
éthique professionnelle et éducationnelle de haut niveau, et qui
tente de son mieux de contribuer à dispenser une formation de
qualité. À cet égard, les collèges ressemblent
à toutes les entreprises de la société.
Nous avons le sentiment que la réflexion entreprise il y a plus
de deux ans, avec comme point de départ les travaux du Conseil des
collèges et dont la présente commission constitue en quelque
sorte le couronnement, a généré un énorme potentiel
de changements à l'intérieur du réseau collégial.
Nous pensons qu'après 25 ans il est temps non seulement de faire le
point, mais aussi que des décisions soient prises sans faire fi des
points de vue des groupes d'intérêts, bien sûr, mais en se
situant nettement au-dessus de ceux-ci. Il nous apparaît aussi important
que cette commission parlementaire ait réussi à démolir
les clichés et les formules faciles et à montrer la
complexité des choses quand il s'agit de penser à orienter le
développement de l'enseignement collégial. Nous souhaitons que
tous les décideurs, sans nier les acquis du passé, prennent
résolument parti pour l'avenir et nous engagent tous dans la recherche
et la mise en oeuvre de moyens pour développer la qualité de la
formation des futurs citoyens et citoyennes du Québec.
À l'AQPC, nous faisons un bilan positif de l'expérience de
l'enseignement collégial. Nous croyons que l'expérience a
démontré tant la pertinence que la qualité de ce niveau
d'enseignement. Plusieurs de ces objectifs ont été atteints. Au
chapitre de l'accessibilité, 60 % de la population étudiante
accède aujourd'hui aux études collégiales, une
majorité de filles, une portion chaque jour plus grande
d'étudiants adultes, et ainsi de suite.
L'enseignement de niveau supérieur est maintenant plus
unifié, mieux organisé. Des
passerelles nombreuses, bien qu'encore insuffisantes, existent entre les
ordres d'enseignement. La fréquentation universitaire a
été multipliée par trois ou quatre par rapport à ce
qu'elle était il y a 20 ans.
Il est vrai que tout n'est pas parfait. On a critiqué, entre
autres, la polyvalence. Nous dirons qu'elle se réalise quand même
partiellement, plus, en tout cas, que ce que ce serait dans des institutions
séparées, pour dire la chose simplement. Les collèges ne
sont pas aussi autonomes non plus que le projet initial l'avait prévu.
On connaît maintenant les avantages et les inconvénients de la
situation actuelle et nous pensons, et nous en reparlerons plus loin, qu'il
faut accroître leur autonomie et leurs responsabilités. (21 h
10)
Le passage à l'enseignement collégial donne lieu, chez la
population étudiante, à de multiples changements de parcours:
changement de programmes, désistement, échec, abandon des
études définitif ou temporaire, etc. Ces phénomènes
sont vus par certains comme des vices déplorables du système.
S'il est vrai que l'absence de contraintes trop strictes ou de
conséquences graves à certains choix des élèves a
pu donner lieu à des abus, ce que plusieurs voient comme un échec
peut, au contraire, être vu comme une réussite d'une grande
importance stratégique pour la société. Si le passage au
collège donne lieu à des choix d'orientation scolaire et
professionnelle mieux ajustés aux possibilités des individus et
de la société, nous croyons que cela constitue une contribution
significative à cette société. Nous voyons comme normal
qu'une portion importante de jeunes de 16, 17, 18 ans ne soit pas encore
définitivement orientée, et tant mieux si le passage au
collège contribue à les aider à le faire. Et, s'il y a du
gaspillage à ce chapitre, nous nous joignons à plusieurs autres
pour dire qu'il faudrait, pour le réduire, investir dans les ressources
en orientation et dans les activités d'aide aux étudiants.
Au chapitre de la qualité, à l'AQPC, nous croyons que les
collèges sont mal connus dans la population et que, dans beaucoup de
cas, les critiques qu'on leur adresse visent, en quelque sorte, des
collèges d'une période révolue de l'histoire de
l'enseignement collégial. Plusieurs raisons peuvent expliquer ces
perceptions erronées. La première est sans doute le défaut
des collèges eux-mêmes d'assurer leur propre promotion. Mais il
faut aussi dire que les crises des années soixante-dix ont laissé
des stigmates dans l'image de l'enseignement collégial, que certains
problèmes que l'on a mis trop de temps à régler ont
parfois donné une impression de laisser-faire. Nous croyons aussi, pour
notre part, que les collèges ont été méconnus et
même ignorés par le milieu universitaire. Les recherches et les
publications émanant de ce milieu, pourtant, ont toujours comme effet
d'alimenter les faiseurs d'opinions en éducation.
Par notre mémoire, nous avons voulu témoigner justement de
la qualité de certaines réalisations propres à
l'enseignement collégial québécois et de la grande
vitalité pédagogique des collèges, de leur personnel et en
particulier du personnel enseignant. Nous y faisons état de
réalisations que nous croyons remarquables: une pédagogie
originale bien implantée, une expérience dans le domaine du
perfectionnement et du développement pédagogique avec plusieurs
facettes. L'une d'entre elles, les programmes du secteur PERFORMA, couvre
maintenant le Québec dans son entier, atteint les secteurs des affaires
sociales et des établissements des ordres primaire et secondaire, et
même sa renommée est maintenant internationale. Des centaines de
projets de recherche et de développement en pédagogie ont
été réalisés, ont donné lieu à des
publications et à des communications multiples.
Dans plusieurs volets du développement pédagogique, le
réseau collégial peut se targuer de réalisations de
qualité. Qu'il s'agisse d'aide à la réussite, de soutien
à l'apprentissage, d'approche programme, de planification de
l'enseignement, de formation fondamentale, tant la réflexion que les
pratiques sont sans aucun doute parmi les plus avancées au
Québec. Nous pouvons dire que nous disposons d'une véritable
culture pédagogique et que celle-ci est de plus en plus enracinée
dans le quotidien des enseignants, des départements et des
établissements.
Si on considère la formation des élèves, nous
croyons aussi que le bilan est positif. Plus d'étudiants que jamais
atteignent l'université et y réussissent, et ce, dans tous les
domaines professionnels. Ils réussissent aussi dans les domaines
professionnels où ils vont pratiquer. Malgré que l'on
déplore parfois la lenteur des programmes à s'adapter aux besoins
du marché du travail, les finissants du secteur technique semblent aussi
être reconnus comme efficaces et compétents.
On peut sans doute parler de faiblesse de la formation dans certains
cas. Là-dessus, nous pensons que, s'il est vrai qu'il y a plus
d'étudiants faibles dans les collèges, il est aussi vrai qu'il y
a beaucoup plus qu'avant d'étudiants forts et même très
forts; les statistiques ont suivi les deux côtés de la courbe.
Nous pensons aussi que le mandat des collèges n'est pas clair en ce qui
a trait au niveau de formation à donner. Quand on reçoit des
élèves avec un diplôme d'études secondaires de 130
unités à côté d'autres qui en ont 176 - et je sais
que nous ne sommes pas les premiers à évoquer ce problème
- peut-on s'attendre à pouvoir donner le même enseignement
à tous et à toutes? L'inégalité des dossiers
à l'admission introduit, en quelque sorte, une confusion dans le mandat
même des collèges. Il y a là une question d'importance
capitale.
Un raisonnement analogue peut être fait à l'égard du
français. Tous les collèges font
maintenant une contribution importante pour hausser le
niveau de maîtrise de la langue française, mais peut-on leur
demander, avec des ressources somme toute assez maigres, et dans le cadre de
quelques cours, de corriger les lacunes de 11 ans de scolarisation ou de 17 ans
de vie antérieure? Ici aussi, il faut clarifier le mandat des
collèges et leur fournir les moyens correspondant aux fins qu'on leur
confiera. Bref, les collèges ne sont pas parfaits, mais, comme nous
l'avons dit, nous en faisons un bilan positif et nous nous tournons maintenant
vers quelques pistes de développement pour l'avenir.
Au départ, nous affirmons que les collèges
sont d'abord des lieux de formation et que cette formation doit être de
qualité. Cela doit paraître non seulement dans les discours, mais
aussi dans les faits, dans l'organisation du temps et de l'espace, dans la
répartition des ressources, dans les politiques, les règles et
procédures. Le projet de formation doit être l'essentiel du projet
des collèges. Nous croyons que les développements à venir
doivent s'appuyer, plus que par le passé, sur le dynamisme de
collèges plus autonomes et plus responsables.
Dans chaque établissement, on pourrait et on devrait
chercher à construire un sentiment d'appartenance à partir de
projets motivants, de politiques de ressources humaines qui appuient le
développement personnel et professionnel. Pour assurer un
développement institutionnel cohérent, nous croyons que chaque
collège devrait se doter d'un projet d'établissement dans lequel
il décrirait les objectifs qu'il poursuit, les moyens qu'il entend
mettre en oeuvre pour les atteindre et les façons dont il
procédera pour évaluer l'atteinte de ses objectifs.
En plus de constituer la meilleure façon de produire
un sentiment d'appartenance, nous croyons que ce type de projet est la pierre
d'assise de l'autonomie des collèges. C'est aussi un moyen de les
responsabiliser et de leur créer une base d'imputabilité.
À partir d'un tel projet, il est possible de concevoir un système
d'évaluation solide et cohérent. Dans ce contexte,
l'évaluation permettrait de vérifier l'atteinte des objectifs
nationaux confiés aux établissements et de tenir compte de la
spécificité de chacun d'eux.
Nous croyons, comme d'autres, qu'il est temps ou qu'il
serait profitable de mettre en place un organisme externe d'évaluation
pour évaluer les collèges, évidemment. Cela pourrait
augmenter la crédibilité et la fiabilité des informations
disponibles sur la valeur des performances et sur la conduite des intervenants.
Cependant, nous sommes convaincus que l'évaluation ne produit pas le
développement; elle le mesure. Il faudrait, à notre avis,
éviter de penser assurer la qualité de la formation dans les
collèges en mobilisant nos énergies et nos investissements dans
le seul domaine de l'évaluation. De l'évaluation sans projet et
sans moyens, cela ne peut générer du développement.
Plutôt, ça pourrait devenir de nature à créer de la
frustration et à générer des résistances.
Il faut aussi, à notre avis, miser sur le
développement des ressources humaines. Le personnel des collèges
va changer rapidement dans les prochaines années. Cela est vrai du
personnel enseignant comme de toutes les autres catégories. Nous pensons
que l'occasion est belle pour investir dans un développement plus
soutenu d'une véritable profession enseignante; assurer un recrutement
bien planifié; accueillir et soutenir les nouveaux arrivants, en
particulier en leur fournissant une formation et un soutien pédagogiques
solides; soutenir et valoriser les enseignants d'expérience qui peuvent
contribuer grandement à la formation des nouveaux; favoriser la
mobilité verticale, horizontale et même interréseaux;
développer le perfectionnement; instaurer des systèmes
adéquats d'évaluation de l'enseignement. Voilà autant de
pistes qu'à notre avis on pourrait explorer pour bâtir l'avenir.
(21 h 20)
Nous pensons qu'un système d'évaluation de
l'enseignement susceptible d'être véritablement utile et efficace
visera le développement professionnel, personnel et institutionnel
plutôt que de chercher prioritairement à régler ou à
gérer les cas problèmes. De même, nous croyons qu'il devra
prendre appui sur une conviction profonde que le personnel enseignant est aussi
compétent à participer à la définition des
standards ou normes définissant la profession, qu'il est
compétent aussi pour participer à la définition, avec les
gestionnaires et les autres intervenants, des objectifs, des critères et
des instruments d'évaluation et qu'il est compétent, de sa part,
pour faire ou participer à l'analyse et à l'évaluation des
résultats.
Comprenons-nous bien, nous ne sommes pas en train de dire
que le personnel enseignant doit contrôler l'évaluation, mais que
chaque enseignant doit être traité comme un professionnel
intéressé, compétent et capable de tirer profit des
résultats de ses évaluations. Si on regarde d'autres pistes de
développement, nous croyons qu'il faudrait aussi revaloriser
l'étude et investir dans le soutien à la réussite, mettre
de l'avant les pratiques d'analyse et d'évaluation institutionnelles,
développer encore plus la recherche-développement
pédagogique, l'utiliser comme source d'alimentation et de soutien au
développement, de motivation pour le dynamisme institutionnel,
travailler à donner une meilleure image au cégep et au
collège, travailler à un meilleur arrimage
secondaire-collégial.
En terminant, nous croyons que la concertation de tous les
intervenants constituera une des clés pour assurer l'efficacité
des efforts de développement dans les années à venir.
C'est dans cette optique que nous avons proposé, il y a maintenant six
mois, la création d'un centre d'études, de développement
et d'animation
pédagogiques que nous avions appelé CEDAP.
Considérant plusieurs difficultés rencontrées par
les intervenants dans la recherche de solutions à des problèmes
de développement; considérant la nature de certains dossiers
importants pour l'avenir comme, par exemple, l'évaluation, l'accueil et
l'encadrement des nouveaux enseignants, l'implantation de l'évaluation
des programmes qui gagnerait à être traitée en
concertation; considérant le manque de ressources du réseau;
considérant l'existence de ressources compétentes, mais
relativement peu nombreuses dans chacun des domaines où le réseau
doit se développer, nous avons proposé justement de regrouper ces
ressources autour d'un organisme de concertation et d'animation que nous avons
appelé CEDAP. Cet organisme, nous voulions qu'il soit un moyen d'offrir
des services à l'ensemble du réseau, des individus, des
établissements, des regroupements d'établissements et
d'organismes; que ces services soient organisés en terrain neutre; que
ces services soient financés; que leurs orientations et leurs
priorités soient déterminées par des partenaires agissant
en concertation.
Nous avons diffusé largement ce projet et, pour l'heure, nous
attendons toujours des réactions officielles et claires à nos
propositions. Quoi qu'il en soit, nous continuons d'y croire et de rechercher
les moyens d'y donner vie, tout en respectant les objectifs des principaux
intervenants du réseau. Nous vous remercions de nous avoir
écoutés et nous serons heureux d'essayer de répondre
à vos questions. la présidente (mme hovington): merci, m.
faucher. alors, je reconnais mme la ministre de l'éducation, de
l'enseignement supérieur et de la science.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je salue les
membres de l'Association québécoise de pédagogie
collégiale. Vous avez toujours et vous êtes toujours un
interlocuteur très, très actif, qui avez contribué au
développement de la pédagogie propre au collégial, souvent
par la recherche, mais, je dois dire, aussi par l'organisation de colloques de
qualité. Je dois le dire et je l'apprécie fortement. Alors, je
suis contente de vous entendre aujourd'hui.
La première question que j'aimerais aborder avec vous, M.
Faucher, c'est peut-être la question de l'autonomie des
établissements, parce qu'on en a parlé beaucoup depuis le
début, dans le cadre des travaux de cette commission-là, et vous
aussi vous le dites, vous le soulignez dans votre mémoire: «Les
collèges ont besoin d'une grande autonomie pour pouvoir répondre
adéquatement aux besoins de leur clientèle spécifique et
aux besoins d'un marché du travail en constante évolution».
Mais vous ajoutez un «par ailleurs» et c'est sur ça que je
voudrais revenir avec vous. «Par ailleurs, pour assurer d'un
collège à l'autre une formation semblable pour un même
programme d'études, l'État doit conserver une certaine
responsabilité dans les programmes.» Bon. Parfois, j'ai
l'impression qu'au niveau du réseau, les recommandations qui nous sont
faites ne sont pas nécessairement claires par rapport au point
d'équilibre, je dirais, entre l'autonomie du collège et les
responsabilités de l'État. J'aimerais ça vous entendre sur
cette question: Où, d'après vous, se situe ce point
d'équilibre dans le partage des responsabilités?
M. Faucher: Commençons d'abord par dire que nous voyons un
point de départ qui est la situation actuelle et un point
d'arrivée éventuel qui pourrait être l'autonomie totale des
collèges, ce que nous savons que d'autres organismes ont proposé.
Pour notre part, nous croyons que l'État doit rester
«définisseur» des objectifs principaux et, à notre
avis, ça va probablement obliger qu'il reste aussi
«définisseur» d'un certain nombre de contenus minimaux. Sur
cette base-là, les collèges pourraient maintenant prendre le
relai et décider par quels moyens - les moyens étant quels cours,
quel contenu d'enseignement et aussi quel mécanisme de soutien propre -
Hs chercheraient à atteindre les objectifs préconisés.
Une des considérations que nous avons essayé de traiter,
c'est la capacité de tous les collèges d'assumer toutes les
responsabilités, par exemple, dans le cas où on voudrait qu'ils
deviennent capables de diplômer les élèves et qu'ils
assument la responsabilité totale. À cet égard, nous
croyons que les collèges n'ont pas tous, à court terme, les
ressources suffisantes pour mettre en place tout ce qu'ils devraient organiser,
dans le fond, pour être en mesure de faire cette chose-là
rapidement. C'est dans cet esprit qu'on croit qu'il doit rester, au moins pour
une période de transition, des responsabilités à
l'échelle nationale.
Par ailleurs, en ce qui concerne l'organisation des contenus, beaucoup
plus de manoeuvres pourraient être exercées au niveau local. Les
collèges pourraient aussi participer un peu plus à
l'élaboration des objectifs au niveau national. C'est à peu
près ce genre d'équilibre que nous voyons. Les collèges ne
sont pas non plus nécessairement en mesure de garantir qu'ils sont
absents d'intérêt quand il s'agit de décider ce qui devrait
être les composantes de la formation. Les collèges ont, en quelque
sorte, une situation de concurrence les uns par rapport aux autres et une
situation d'inégalité en termes de ressources. C'est ce qui fait
qu'on veut que l'État garde un certain mot à dire, pour ne pas
dire l'orientation principale. Mais, sur cette base-là, il me semble
qu'il est possible de confier plus de responsabilités aux
collèges.
Mme Robillard: Parce que, selon votre analyse, vous affirmez que
tous les collèges ne seraient pas prêts à assumer une
responsabilité
presque totale quand on parle jusqu'à l'émission des
diplômes. C'est ce que vous me dites.
M. Faucher: À court terme, c'est notre analyse,
c'est-à-dire qu'il y a deux choses qui nous semblent des obstacles
à passer rapidement à ça; et là je ne nie pas que
certains établissements seraient capables de le faire, mais... Il y a
une question de culture. Nous n'avons jamais travaillé en fonction
d'assumer ces responsabilités-là et ça prendra un certain
temps pour nous adapter. Deuxièmement, des collèges plus petits
ont certainement plus de difficulté à mobiliser des ressources
pour bâtir un système comme ça, l'encadrer, assurer suivi
et évaluation, ou en tout cas seraient moins bien dotés en termes
de personnel, à court terme, pour le faire.
Mme Robillard: M. Faucher, vous êtes des
spécialistes en pédagogie. Vous nous affirmez dans le document
qu'un nombre impressionnant d'enseignants ont acquis, au fil des années,
une solide expertise en pédagogie et vous dites "surtout par le
perfectionnement, par la recherche ou par l'expérimentation en tant que
telle". Est-ce que l'Association croit qu'il faudrait faire obligation aux
enseignants d'avoir une formation pédagogique avant d'être
engagés ou si vous croyez plutôt à des mesures incitatives
en cours d'emploi pour ceux et celles qui en ont besoin?
M. Faucher: Nous croyons que ce serait impossible, à
très court terme en tout cas, de procéder à l'embauche de
personnes en exigeant qu'elles aient au préalable une formation
pédagogique relativement solide puisque ça ne fait pas partie de
la formation d'enseignant actuellement au niveau universitaire. (21 h 30)
D'autre part, ça peut être fait avant ou ça peut
être fait en cours d'emploi. L'impression que l'on a, c'est qu'à
court terme, en tout cas, ce sera probablement en cours d'emploi que ce sera
fait. Sauf que ça peut s'accompagner plus que de mesures incitatives;
les collèges pourraient décider que, désormais,
après quelques années, les enseignants devront avoir acquis un
minimum de formation pédagogique, qu'ils l'aient acquise en cours
d'emploi ou qu'ils l'aient acquise avant. Mais nous sommes très
favorables à l'inclusion de mesures très incitatives en ce sens,
si je peux employer cet euphémisme.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui. Je voudrais ce soir saluer les gens de
l'Association québécoise de pédagogie collégiale,
M. Faucher et ses partenaires. C'est intéressant d'avoir un groupe qui,
plus particulièrement, a une réflexion et une certaine expertise
dans le domaine pédagogique au niveau collégial,
sincèrement. On voit également le ton de votre mémoire
dans ce sens-là.
Moi, avant d'aller plus loin, j'aimerais en savoir un peu plus, parce
que, je vous le dis comme je le pense, je ne suis pas vraiment familier avec
votre Association. J'aimerais ça avoir quelques phrases d'explication.
Vous regroupez combien de membres? Mais c'est qui exactement qui fait partie de
l'Association québécoise de pédagogie
collégiale?
M. Saint-Cyr: Ça a varié avec les années,
mais ça varie entre 300 et 450, conjoncture économique et
organisation de colloques à protocole d'inscription variable aidant.
Nous avons fluctué, si on peut le dire comme ça, entre 300 et 450
membres. Comme on l'a dit tout à l'heure, environ 60 % d'entre eux sont
des enseignantes et enseignants du réseau collégial, un quart
sont des professionnels, la majorité d'entre eux étant des
conseillers pédagogiques justement, 10 % à 15 %, 14 % très
exactement cette année, sont des cadres et 6 % viennent de milieux
divers.
M. Gendron: Dans votre mémoire, vous avez sommairement
parlé de votre CEDAP. Le CEDAP, pour les fins du Journal des
débats, pour ne pas qu'ils m'appellent tantôt, ça veut
dire Centre d'études, de développement et d'animation
pédagogiques. J'aimerais ça que vous soyez plus précis sur
cette structure-là? C'est quoi, cette structure-là, son
fonctionnement, son origine? Est-ce que c'est un projet qui est connu du
réseau collégial, le projet CEDAP? Et, si oui, comment il a
été accueilli par le réseau collégial? Est-ce qu'il
a été bien accueilli ou pas?
M. Faucher: L'origine de ça, j'en ai esquissé
quelques bribes tout à l'heure, c'est la constatation depuis de
nombreuses années par des intervenants du réseau, conseillers
pédagogiques et répondants locaux de PERFORMA, ce sont des
intervenants dans le domaine du perfectionnement, constatation qu'il y aurait
de grands avantages à canaliser les forces ensemble pour mieux traiter
certaines questions.
Plus concrètement, j'essaie d'illustrer ce qu'on peut vouloir
dire. Quand nous devrons travailler, comme il est possible dans les prochaines
années, à l'évaluation des programmes par
compétence, pardon, l'élaboration des programmes par
compétence, et que chaque collège devra acquérir un peu de
formation institutionnelle là-dedans, on va se retrouver dans la
situation où chaque collège va, en quelque sorte, devoir
bâtir sa propre expérience et recommencer sur son terrain ce que
d'autres auront fait ailleurs. Alors, nous pensions que, ceci n'étant
qu'un exemple, plusieurs dossiers existaient et existent toujours où il
y aurait avantage à concerter à la fois les
intéressés et à regrouper les ressources pour agir.
Le projet que nous avons proposé au
printemps dernier était un projet de constituer un service qui
aurait été géré, financé et, en quelque
sorte, orienté dans ses actions par un certain nombre de partenaires.
Les partenaires que nous avions plus ou moins directement invités,
c'étaient les collèges et les organismes du réseau
collégial. Quand je parle des organismes du réseau
collégial, ça pouvait aller jusqu'à des organisations
syndicales, ça pouvait être des regroupements de collèges,
fût-ce la Fédération des cégeps, ou d'autres,
ça pouvait être le réseau PERFORMA, et ainsi de suite.
Donc, c'était ce qu'on pensait, que ces gens-là, nous les
conviions en quelque sorte à s'associer pour financer et pour alimenter,
faire vivre ce regroupement de forces, cet endroit où on aurait
développé des services à l'ensemble du réseau.
Où c'en est maintenant? D'abord, on l'a diffusé, on a
publié, je crois que c'est entre 500 et 600 copies du document qui nous
a servi à lancer ce projet à l'échelle du réseau.
Et où c'en est maintenant? Entre le moment où nous avons
publié et aujourd'hui, nous avons consulté, cherché
à obtenir des avis et des réactions du milieu. Nous avons
même tenu un forum public dans le cadre du congrès de mai dernier,
qui s'appelait «Collèges Célébrations 92»,
à Montréal, un atelier-forum pour en débattre. Et,
à la rentrée, bien là on est dans une période
où on attend des réactions plus officielles de tout le monde du
milieu. Nous avons récemment encore présenté le projet et
nous espérons, d'ici quelque temps, que des réactions plus
officielles nous seront communiquées.
M. Gendron: Donc, c'est en devenir.
M. Faucher: C'est en devenir, sauf que, nous, tenant compte des
résultats antérieurs de la consultation, nous avons
modifié notre projet. Nous avons été, en quelque sorte,
informés que des gens de collèges souhaitaient qu'on commence
plutôt par des petites choses que l'on offrirait au réseau et
qu'à partir des expériences que l'on réaliserait, comme
ça, d'offres de service, on pourrait progressivement valider le projet
et faire la démonstration de sa pertinence, ou bien de sa
non-pertinence.
Et, à la suite de ces suggestions, nous avons
décidé nous-mêmes, à l'AQPC, de commencer à
offrir, à créer des services dans ce sens-là et nous avons
convoqué - déjà nous sommes à l'oeuvre -
dernièrement un groupe d'intervenants pour les amener avec nous à
réfléchir sur quels seraient les bons services à offrir au
réseau collégial dans l'optique, justement, de commencer cette
concertation dans l'action aussi. C'est à peu près là
qu'on en est.
M. Gendron: Sur l'approche programme, vous savez que c'est
plusieurs intervenants qui ont privilégié cette approche. On me
dit même que vous êtes probablement les concepteurs de cette
formule-là. En tout cas, je ne cherche pas de paternité, mais je
voudrais savoir, à partir du moment où vous connaissez le
réseau et qu'actuellement c'est plus une approche par département
ou une organisation par département, comment vous voyez le concubinage
temporaire ou la modification, la cohabitation, pardon, entre l'approche
programme et le département. Certains prétendent qu'il n'y aura
pas de problème. Il y en a qui disent que ça ne sera pas viable.
Vous, votre avis, c'est quoi?
M. Faucher: Notre avis, c'est que ce sera viable et que ce le
sera de plus en plus. Nous sommes prêts à convenir que les
structures départementales, à l'heure actuelle, constituent un
élément de la culture des collèges et que ce n'est pas
toujours facile d'imaginer, tant pour les professeurs qui sont dans les
départements que même pour les collèges, comment on
pourrait modifier le fonctionnement. Mais c'est déjà
commencé. Il se fait, dans beaucoup de collèges, des
réalisations dans ce sens qui sont intéressantes. Il y a beaucoup
de comités de programmes qui ont été créés
ces derniers temps et qui ont amené des enseignants de
différentes disciplines à travailler ensemble à
l'élaboration d'objectifs de formation et de stratégie
d'intervention auprès des étudiants.
C'est en particulier le cas dans les programmes de sciences humaines,
qui ont été renouvelés ces derniers temps dans les
collèges. Si on regarde les périodes de transition, ce qui... En
tout cas, plusieurs choses peuvent créer des difficultés, mais,
parmi les choses que l'on peut voir, c'est que les activités,
actuellement, de travail en programmes s'ajoutent aux nécessités
déjà existantes de la vie en département. Ce que ça
veut dire, c'est qu'on demande aux gens, en plus de participer à ce
qu'ils ont toujours fait, leurs activités départementales, et de
dispenser leur enseignement, de s'investir, sur leur propre temps de travail,
dans des réunions supplémentaires, des activités de
concertation en groupe de travail supplémentaire, et ça, sans
ressources. Alors, je ne le ferai pas ici, et je ne pense pas que ce soit nos
vues de revendiquer des ressources additionnelles, mais il va falloir qu'on
déplace sans doute nos énergies vers les programmes
progressivement. (21 h 40)
M. Gendron: Merci. Il y a un autre élément que
j'aimerais vérifier rapidement. Il y a plusieurs intervenants qui
souhaitaient une décentralisation plus forte, mais au sens
général. Certains c'étaient les programmes, d'autres
c'était la gestion, d'autres c'étaient les paramètres, peu
importe. Vous êtes des pédagogues, des gens qui avez un organisme
qui a eu l'occasion de réfléchir sur ce que j'appellerais
«la dimension pédagogique». Croyez-vous qu'une meilleure
décentralisation, indépendamment où elle s'appliquerait,
aurait effectivement un effet important
intéressant sur ce que j'appellerais, moi, le
développement pédagogique ou l'approche pédagoque des
collèges?
M. Faucher: si je peux me permettre de vous sous-questionner,
parce que je ne comprends pas ce que vous dites quand vous parlez de meilleure
décentralisation. est-ce que ça veut dire...
M. Gendron: Plus grande.
M. Faucher: Plus grande décentralisation. oui, nous sommes
rendus, nous, à...
M. Gendron: Une décentralisation plus efficace, plus
concrète, parce qu'il y en a plusieurs qui disent: II n'y a pas assez de
mesures. Mais, habituellement, on parle tout simplement d'une plus grande
décentralisation.
M. Faucher: Oui. Nous sommes favorables à une plus grande
décentralisation parce que - et c'est une des choses que j'ai
formulées tout à l'heure - nous sommes convaincus que de plus en
plus la vie pédagogique à l'intérieur des collèges
est intense et que les milieux sont prêts à prendre en main plus
de responsabilités en ce qui concerne les moyens à prendre pour
augmenter la qualité de la formation et les moyens à prendre pour
mieux se concerter aussi dans ce domaine-là.
M. Gendron: Juste aussi une dernière là-dessus:
Étiez-vous ici quand Mme Corriveau est venue...
M. Faucher: Non, je regrette.
M. Gendron:... faire son témoignage? Mais rapidement, sans
reprendre son témoignage, elle avait un jugement assez
sévère sur la direction des collèges, eu égard
à ce que j'appellerais toute la dimension pédagogique. Je suis
heureux, moi, de vous entendre. Vous dites: Écoutez, ça a
beaucoup évolué et les profs sont prêts à
l'impliquer davantage dans une approche pédagogique. Comme ancien
professeur au secondaire, je sais ce que ça peut représenter,
avoir un peu plus de préoccupations pédagogiques au niveau l'une
institution, qu'elle soit de réseau collégial ou autre. Si je
mets ça en parallèle, entre ce que vous affirmez et la
prétention de Mme Corriveau, il y a tout un écart. Sur quels
critères, paramètres vous appuyez-vous pour porter le jugement
qu'il y a eu une évolution majeure, importante et qu'il y a beaucoup de
gens qui sont prêts à donner plus d'importance à la
dimension pédagogique au niveau collégial?
M. Faucher: On s'appuie sur ce que nous avons pu voir dans les
dernières années en pédagogie collégiale.
M. Gendron: Du côté professoral, probablement.
M. Faucher: Pardon?
M. Gendron: Au niveau de l'équipe professorale.
M. Faucher: Oui.
M. Gendron: Mais, au niveau du personnel cadre et au niveau de la
direction des collèges, avez-vous un jugement à porter?
M. Faucher: Si on avait un jugement à porter, ce serait
sans doute que les choses évoluent dans un sens favorable aussi. Je
crois que les administrations de collèges s'investissent de plus en plus
dans des préoccupations pour la formation, la qualité de la
formation. Je ne dis pas qu'il n'y a pas des choses à améliorer,
là, on pourrait toujours critiquer, mais un jugement d'ensemble - et je
n'ai aucun intérêt personnel à défendre et notre
association n'en a pas non plus à défendre en disant ça;
on n'a pas besoin de flatter personne, je vous prie de nous croire -je pense
qu'on serait fondés de dire que ça évolue très
favorablement de ce côté-là aussi dans les administrations
locales.
M. Gendron: Je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. le
député de Verdun.
M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente. Brièvement,
j'ai quelques questions. La première. Dès le début de
votre mémoire, ' vous parlez de la polyvalence qui était un
élément important du projet cégep. Vous définissez
même et vous dites très justement que les élèves qui
se destinaient aux études universitaires devaient recevoir une formation
technique et vous concluez par contre, quand vous faites l'évaluation de
ce qui se passe, que, dans les faits, les élèves des programmes
préuniversitaires ont rarement reçu une formation technique.
Alors, ma question - et je sais que ce n'est pas la base même de votre
mémoire, mais ça m'intéresse cette question-là -
que je vous pose: Quel est votre jugement, votre analyse que vous faites sur la
polyvalence actuelle dans les cégeps et comment on pourrait,
d'après vous, l'améliorer pour atteindre réellement ce qui
était un des buts fondamentaux du projet cégep?
M. Faucher: Tout d'abord, on l'a mentionné tout à
l'heure, nous voyons quand même que le contact sur les mêmes lieux
des étudiants du secteur technique et du secteur préuniversitaire
a permis des échanges et une meilleure compréhension d'un secteur
par l'autre.
En second lieu, les opinions qui sont mises
de l'avant, en particulier par le Conseil des collèges, sur la
restructuration de la formation générale nous semblent aller dans
le sens de favoriser un peu mieux cette polyvalence puisqu'elle garantirait ou,
en tout cas, offrirait aux étudiants de l'un et l'autre secteur la
partie, si on peut dire, manquante des éléments de formation.
Ça nous semble une piste favorable. Il faut remarquer aussi que la
formation sous forme de cours communs et obligatoires qui a été
donnée dans l'histoire, depuis le début des cégeps,
à tous les étudiants a quand même permis une
sensibilisation, en particulier aux étudiants du secteur professionnel,
aux éléments de formation propres aux sciences humaines et
à la philosophie.
M. Gautrin: Parce que le temps est bref, je vais passer sur un
deuxième niveau de question. Vous déplorez le manque d'arrimage
entre le secondaire et le collégial et entre le collégial et
l'universitaire. C'est un jugement qui, en général, est
porté par beaucoup de gens qui sont venus témoigner devant cette
commission. Qu'est-ce que vous verriez pour améliorer les rapports
secondaire-collégial et collégial-universitaire?
M. Faucher: Le sens dans lequel nous avons parlé
d'arrimage, c'est surtout au niveau des programmes de formation. Ce n'est pas
au niveau du dialogue interréseaux, si on veut. En abordant cette
discussion, je tiens à préciser qu'on ne se sent pas le mandat et
la compétence pour critiquer un autre réseau qui fonctionne selon
sa dynamique, etc. Quoi qu'il en soit, nous avons des problèmes à
accueillir des étudiants qui ont plus que l'équivalent d'une
année de différence en termes de formation, et, là, on n'a
pas parlé de la force des dossiers scolaires. C'est cette question,
principalement, qui nous préoccupait. Nous n'avons pas
réfléchi, par exemple, sur la carte des programmes et sur la
répartition entre les réseaux des différents programmes de
formation. Nous savons qu'il y a des chevauchements, etc. Nous n'avons pas
étudié cette question. Nous en avons parlé surtout pour
dire qu'à notre avis il y a un problème entre la signification du
diplôme d'études secondaires et les attentes que nous avons au
niveau collégial.
Maintenant, quelles pourraient être les pistes de travail
là-dedans? Si vous me permettez la caricature, notre position serait
à peu près la suivante. Laissons l'enseignement secondaire au
secondaire et l'enseignement collégial au collégial. Ce que je
veux dire, c'est que nous n'aimerions pas ou, en tout cas, nous ne sommes pas,
a priori, favorables à l'idée d'introduire une année de
propédeutique qui aurait pour effet de donner de l'enseignement
secondaire à ceux que l'on jugerait ne pas l'avoir atteint de
façon suffisante et, après, de commencer l'enseignement
collégial. En principe, en tout cas, nous croyons que l'enseignement
secondaire devrait garantir, en quelque sorte, le seuil à compter duquel
nous aurions le mandat, comme réseau collégial, de prendre en
charge les étudiants et de les amener dans les préoccupations
d'études dites supérieures qui nous animent au
collégial.
M. Gautrin: Et mutatis mutandis pour l'université et le
collégial.
M. Faucher: À l'égard de l'université, notre
vision est que, au fond, ils semblent se préoccuper plus que nous ayons
donné les préalables que de comprendre l'objectif central de la
formation, si je caricature. Évidemment, là, je sais que je
caricature. On devrait nuancer plus. Mais, si les objectifs de la formation
collégiale étaient clairs, il nous semble que les
universités devraient accepter ce que nous faisons sans trop intervenir
pour nous fixer des contraintes que nous-mêmes envoyons aux
étudiants du secondaire. En tout cas, s'il y avait moyen de limiter cet
effet, ça nous semblerait intéressant.
M. Gautrin: Dans votre mémoire, vous insistez sur ce que
vous appelez les projets intégrés d'établissement. Vous
les décrivez d'une manière théorique. Est-ce que je
pourrais vous poser une question? Pourriez-vous nous donner un exemple de ce
que pourrait comporter, par exemple, un projet intégré
d'établissement? (21 h 50)
M. Faucher: Tout d'abord, c'est un jargon qui a commencé
à se développer, ces dernières années, mais la
réalité est déjà là dans beaucoup de cas.
Beaucoup de collèges ont des plans de développement, ou - comment
on a appelé ça? - des plans d'action dans les collèges, ou
des projets pédagogiques. Il me semble que c'est la synthèse de
ces différentes formes de projets d'établissement qui ont eu
cours depuis quelques années que l'on devrait chercher à camper.
C'est-à-dire qu'un établissement devrait définir ses
objectifs en matière de pédagogie, de qualité de la
formation, devrait définir ses objectifs en termes de
développement matériel, de relation avec le milieu environnant,
ainsi de suite, et essayer de préciser ses stratégies au sens de
comment, à l'intérieur de l'établissement, on s'y prendra
pour atteindre ces buts-là et comment les personnels seront
interpellés. Je sais que je réponds encore à un niveau de
principe, mais nous ne sommes pas des gestionnaires et nous n'avons pas voulu,
non plus, aller trop loin dans les détails là-dessus.
M. Gautrin: Moi, j'ai une dernière question, c'est le
rapport... Au moins je fais partie de ceux qui croient à l'importance du
personnel de cégep dans la recherche. Il y a un potentiel énorme
là-dedans que bien souvent on n'utilise pas. Vous êtes en train de
proposer un centre de recherche qui est le CEDAP. Il existait
déjà quelque chose qui s'appelait CADRE. Quel est le
apport entre le CEDAP, que vous voulez proposer, que vous êtes en
train de mettre sur pied, st le centre de recherche CADRE, qui est un centre de
documentation, de développement et de recherche au niveau
collégial? Quel est le rapport entre les deux? Vous avez l'air de
sourire comme si c'était quelque chose que...
M. Faucher: J'aillais dire: Vous n'avez pas idée du nombre
de fois qu'on a demandé ça à notre association, mais je
pense que vous avez idée.
M. Gautrin: Je m'excuse, mais...
M. Faucher: Non, non, ça va, c'est une question
très pertinente, je crois. D'abord, vous remarquerez que le mot
«recherche» n'est pas dans le sigle que nous avons
créé; nous avons parlé d'études. C'est pour
signifier que la centration, la vocation centrale que nous proposions à
ça, c'était l'animation et le soutien au développement et
que la recherche, s'il y en a, devrait être en appui à ça.
Ce n'est donc pas une boîte de recherche que nous proposons de
créer, encore que nous disons: Si, a un moment donné, pour
intervenir, nous avons besoin de connaître le milieu ou d'avoir des
referents théoriques, on ira les chercher. Mais la centration et
l'orientation sont sur l'animation et le soutien au développement. C'est
la grande différence.
D'autre part, il y a d'autre chose que l'on peut dire là-dessus.
CADRE était né de deux organisations qui avaient, en quelque
sorte, créé une structure qu'elles s'engagaient à faire
vivre et qui utilisaient les voies habituelles de subventions,
c'est-à-dire qui sollicitaient des subventions de recherche à la
DGEC ou ailleurs.
Le centre que nous avons mis sur pied, au fond, aurait pu être
contrôlé à 100 % par les intervenants que nous
interpellions et aurait agi exclusivement, dans ie fond, dans les sens qu'ils
nous auraient indiqués, et le jour où ils auraient pu
évaluer que le service, la boîte en question, si on avait fini par
créer une boîte, n'était plus pertinente, ils n'auraient eu
qu'à couper les vivres. Nous ne demandions pas de subvention de
départ ni de fonctionnement par la suite, nous demandions qu'on fasse
une expérience honnête de la chose, en essayant un exercice de
cinq ans, au terme duquel on ferait le bilan et on déciderait: Ça
doit vivre, ça doit mourir ou ça doit aller dans tel sens, puis
on doit fermer tel aspect, etc.
Alors, il n'y avait pas, dans ça, de projet de ressusciter un
vieux fantôme qui était caché dans un tiroir quelque part,
si je peux employer l'expression, et ce n'est pas par manque de respect pour le
CADRE que je dis ça, au contraire. Il n'y avait pas cette
volonté-là. Notre approche, à cet égard-là,
c'est qu'on sait qu'il faut être prudent pour créer de nouveaux
organismes, de nouvelles structures, parce que des structures, après,
ça a tendance à se reproduire et à demander qu'on les
maintienne juste parce qu'elles existent. On sait que ce danger-là
existe et nous ne sommes pas plus intéressés que n'importe quel
autre intervenant à mettre sur pied une chose comme ça.
Par ailleurs, on ne voudrait pas, à cause de ça, jeter le
besoin avec la peur. Nous croyons qu'on doit regarder si vraiment il y a besoin
et intérêt, et, s'il y a besoin et intérêt, on
prendra les moyens qu'il faut; on créera une structure, on créera
un service quelque part, on s'associera temporairement, mais occupons-nous des
choses en question en tenant compte de la nature des besoins. C'est vraiment
une approche très pragmatique que nous avons proposée, non pas
une approche d'instituer quelque chose d'éternel.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Faucher. Mme la
ministre.
Mme Robillard: II me reste seulement à vous remercier, M.
Faucher, vous, vos collaborateurs et les membres de l'Association
québécoise de pédagogie collégiale, et à
vous dire que vous devez continuer le travail que vous faites, je pense, au
sein du réseau collégial. Il est apprécié et
nécessaire. Je veux vous remercier d'être venus partager avec les
membres de la commission votre expérience de la pédagogie. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, à mon tour,
au nom de tous les membres de la commission de l'éducation, de vous
remercier d'être venus nous apporter votre témoignage au niveau de
l'enseignement collégial. Je vous souhaite un bon retour chez vous.
Bonsoir.
La commission de l'éducation ajourne donc ses travaux
jusqu'à mardi, le 24 novembre 1992, à 9 h 30 le matin. Bonsoir
tout le monde.
(Fin de la séance à 21 h 56)