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(Neuf heures trente-quatre minutes)
La Présidente (Mme Hovington): Je déclare donc la
séance de la commission de l'éducation ouverte. Je rappelle le
mandat de la commission de l'éducation pour cette séance, qui est
de procéder à des auditions publiques sur l'enseignement
collégial québécois. M. le secrétaire, est-ce que
nous avons des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Gautrin
(Verdun) est remplacé par M. Camden (Lotbinière) et M. Parent
(Sauvé) par M. Maltais (Saguenay).
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Aujourd'hui, donc,
nous recevrons dans l'ordre l'Association des manufacturiers du Québec;
à 10 h 30, la Fédération des travailleurs et travailleuses
du Québec; à 11 h 30, les collèges de langue anglaise du
Québec; pour ajourner à 12 h 30 jusqu'à demain matin.
J'inviterais donc le premier groupe que nous avons à entendre,
l'Association des manufacturiers du Québec. Veuillez prendre place, s'il
vous plaît.
Pendant que vous prenez place, je vais donner la parole à Mme la
ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur et de la
Science, parce que je crois que vous avez un dépôt à faire
à la commission.
Document déposé
Mme Robillard: Oui, Mme la Présidente. Comme on le sait,
depuis le début de nos travaux à la commission, plusieurs
intervenants nous ont cité une recherche qui a été faite
au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, une
recherche qui n'était pas encore publiée. Elle l'est maintenant,
et j'aimerais la déposer officiellement aux parlementaires, à la
commission de l'éducation. La recherche s'intitule, «La formation
technique au collégial: les employeurs se prononcent».
La Présidente (Mme Hovington): Alors, nous acceptons le
dépôt. On va veiller à ce que chaque membre de la
commission ait en main ce document déposé par la ministre de
l'Éducation. Le dépôt étant donc fait, nous allons
retourner à l'Association des manufacturiers du Québec
représentée par M. Richard Le Hir, vice-président et
directeur général. Bonjour, M. Le Hir.
Auditions M. Le Hir (Richard): Bonjour.
La Présidente (Mme Hovington): Est-ce que c'est vous qui
êtes le porte-parole?
M. Le Hir: Effectivement.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, bienvenue à
la commission de l'éducation. Si vous voulez nous présenter les
personnes qui vous accompagnent.
Association des manufacturiers du Québec
(AMQ)
M. Le Hir: Merci. À ma droite immédiatement, M.
Gaston Chariand, qui est vice-président pour les questions
reliées aux ressources humaines à l'Association des
manufacturiers.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour. M. Chariand
(Gaston): Bonjour.
M. Le Hir: Également, M. Michel Gagné, qui est le
président de notre Comité de formation et d'apprentissage et qui
est le directeur du développement des ressources humaines chez Pratt
& Whitney.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour. Alors, vous avez
20 minutes pour nous présenter votre mémoire, M. Le Hir.
M. Le Hir: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, pour
les manufacturiers, la réalité est simple et d'une cruauté
implacable: améliorer continuellement et plus rapidement que leurs
concurrents leur capacité de répondre mieux et aux meilleurs
coûts aux besoins des marchés internationaux ou bien cesser
d'exister. Tel est le défi que leur impose la globalisation des
marchés.
À l'heure actuelle, force est de constater que notre position
concurrentielle se dégrade à une vitesse alarmante et que, si
nous n'agissons pas rapidement, nous ne pourrons plus rattraper le terrain
perdu. À cet effet, la dernière étude du World Economie
Forum et du International Institute for Management Development,
intitulée «The World Competitiveness Report», 1992, est
particulièrement révélatrice. Cette étude se base
sur plus de 300 critères pour comparer la compétitivité de
22 pays industrialisés et 14 pays en voie d'industrialisation. Voici
quelques-unes des conclusions que tire cette étude.
Le Canada, qui occupait le cinquième rang en termes de
compétitivité mondiale en 1991, se retrouve au onzième
rang sur les 22 pays industrialisés comparés en 1992.
Le Canada se situe au vingtième rang pour ce qui est de ses
perspectives futures de compétitivité.
Nous nous situons au quinzième rang pour ce qui est de notre
capacité à utiliser les ordinateurs.
Notre jeunesse se situe au vingtième rang pour ce qui est de son
intérêt pour les professions techniques.
Nous nous classons au seizième rang en ce qui concerne
l'efficacité de nos technologies de production.
Nous occupons le dix-neuvième rang en termes du rapport
qualité-prix de nos produits.
Nous sommes au dernier rang au chapitre de l'investissement dans
l'outillage et les équipements.
Alors que ie Canada se situe au cinquième rang pour ce qui est de
ses dépenses en matière d'éducation, nous ne sommes qu'au
douzième rang pour ce qui est de la capacité de cette
éducation à rencontrer les exigences contemporaines de
compétitivité. À ce chapitre, un autre ouvrage
récent publié en septembre, dans le cadre des études
économiques de l'OCDE, vient confirmer le déséquilibre
entre nos dépenses en éducation et les résultats obtenus
et identifie plusieurs lacunes du système d'éducation
canadien.
Le Québec n'a aucune raison de penser que sa situation pourrait
être, de quelque façon, substantiellement meilleure que celle du
reste du pays. En fait, sur certains des points que nous venons de mentionner,
cette performance est même probablement pire.
Ces quelques observations devraient être suffisantes pour nous
sensibiliser à l'urgence d'agir énergiquement. L'AMQ est d'avis
que, pour améliorer notre position concurrentielle, nous devons appuyer
notre économie sur quatre piliers stratégiques: la technologie,
la qualité, des ressources humaines compétentes, motivées
et fières, et un véritable partenariat, pour ne pas dire une
complicité active, avec les gouvernements.
Pour nous, il est évident que la solidité des trois
premiers piliers dépend directivement de l'efficacité de notre
système d'éducation et que l'efficacité de ce
système se mesure en fonction de sa capacité à
répondre rapidement, toujours mieux et aux meilleurs coûts, aux
besoins en formation des manufacturiers. En ce sens, une collaboration efficace
entre les entreprises et les institutions d'enseignement est essentielle.
Le succès que nous aurons à développer un tel
système d'éducation aura des conséquences directes sur
l'état de l'économie québécoise. Une des
conséquences les plus fondamentales est le niveau de l'emploi.
À ce chapitre, pour les six premiers mois de l'année,
Statistique Canada nous avise que, dans le secteur manufacturier au
Québec, le nombre total d'emplois est de 536 000, soit le niveau le plus
bas depuis que Statistique Canada compile ces données,
c'est-à-dire depuis août 1975.
Pour contribuer au maintien et à i'améliora-tion des
emplois, les manufacturiers québécois devront
générer des gains de productivité importants et nous
sommes d'avis que ces gains sont étroitement reliés à
l'amélioration de la formation de nos ressources humaines. En somme,
nous ne pourrons pas devenir plus compétitifs si nous
n'améliorons pas la formation de nos employés. (9 h 40)
Ce constat de base nous permet d'identifier un besoin principal chez les
manufacturiers: la capacité d'obtenir, autant à travers le
programme régulier de l'enseignement collégial que le programme
d'éducation aux adultes, du personnel compétent,
préparé et même adapté à la
réalité de l'industrie manufacturière. Dès
aujourd'hui, et pour les années à venir, ce personnel constitue
et constituera l'actif premier de l'entreprise.
Ce besoin ne s'exprime pas seulement en termes de compétences,
mais aussi en termes de temps. En effet, la compétitivité des
manufacturiers dépend aujourd'hui non seulement de la capacité du
système d'éducation à répondre le mieux possible et
aux meilleurs coûts à ses besoins, mais en plus à le faire
dans les meilleurs délais.
L'AMQ, pour sa part, encourage fortement les manufacturiers à
adopter une approche de qualité en vue de répondre aux besoins de
leurs clients. En octobre 1991, notre organisme était associé
directement au lancement de la «Charte québécoise de la
qualité totale». En appliquant la Charte, les entreprises
manufacturières qui décident d'y souscrire prennent l'engagement
d'appliquer des normes internationales pour la gestion de la qualité, la
norme ISO 9000. Cet engagement se traduit par l'application des recommandations
pour les normes ISO 9001, ISO 9002, ISO 9003, et il a des effets directs sur la
façon de traiter la formation du personnel: «Dans une
organisation, la formation du personnel est un élément primordial
pour atteindre les objectifs de qualité. Il peut s'agir d'une formation
spécifique à l'exécution de tâches données ou
d'une formation générale visant à renforcer le principe de
la qualité chez les membres du personnel et à les inciter
à les mettre en pratique... «Pour qu'un personnel puisse atteindre
et maintenir un niveau approprié de compétence, l'entreprise peut
prendre périodiquement un certain nombre de mesures:
«évaluer les connaissances, l'expérience et la
compétence du personnel affecté aux activités à
effectuer; «identifier les besoins individuels de formation en fonction
d'exigences de rendement satisfaisantes; «prévoir, organiser et
mettre en application des programmes de formation appropriés, soit en
entreprise soit à l'extérieur;
«enregistrer la teneur et les résultats des programmes de
formation de manière à pouvoir mettre ces enregistrements
à jour et identifier rapidement les lacunes au niveau de la
formation.»
En implantant cette démarche, les entreprises assument leurs
responsabilités au chapitre de la formation de leur personnel et cette
responsabilisation doit mener à l'atteinte d'un objectif bien
précis, soit: augmenter le niveau de compétence des candidats
engagés pour l'accomplissement de certaines tâches en
développant des outils de formation à travers l'application de
programmes de formation adaptée.
L'approche de qualité qu'adoptent les entreprises et la
responsabilisation qui s'ensuit expliquent l'accroissement des attentes
vis-à-vis tout le réseau public d'enseignement et
l'intérêt des manufacturiers à en évaluer
l'efficacité en termes de résultats précis à
atteindre.
Nous aimerions donc que l'approche de qualité totale ne soit pas
seulement l'affaire des entreprises, mais également celle du
réseau public d'enseignement. À cet effet, nous tenons à
applaudir l'initiative du Centre de formation et de services aux entreprises du
collège Édouard-Montpetit, qui étudie la
possibilité d'offrir aux manufacturiers des cours de formation sur la
qualité totale.
Si nous sommes très heureux d'une telle initiative, nous croyons
que le concept de qualité totale et les principes de gestion qui en
découlent devraient non seulement être enseignés, mais
aussi et surtout être appliqués par les diverses instances de
l'enseignement collégial. S'il est un domaine dans lequel il est
important de pratiquer ce que l'on prêche, c'est bien celui de la
qualité totale.
En ce qui concerne les besoins des manufacturiers en matière de
formation, ils sont directement issus d'obligations de résultat que leur
imposent les réalités du marché. Les entreprises
considèrent que les institutions publiques d'enseignement doivent
adapter leurs services à ces obligations. Par ailleurs, cette adaptation
peut questionner la pertinence de certains aspects de la formation
générale des étudiants et il serait souhaitable que ce
questionnement mène à un rééquilibrage des
différentes composantes de la formation.
Les services rendus par les institutions publiques seront
évalués par les manufacturiers en fonction de critères
précis établis en fonction des obligations de résultat que
leur dicte le marché. Les institutions d'enseignement publiques,
qu'elles soient du niveau secondaire ou collégial, dont les programmes
de formation répondront le mieux à ces critères seront
celles qui seront privilégiées par les manufacturiers.
À cet effet, les manufacturiers devraient avoir la liberté
de choisir les institutions qui répondent le mieux à leurs
critères sans avoir à subir la lourdeur administrative qui
prévaut présentement.
Comme nous venons de le voir, les objectifs de formation des
manufacturiers dépendent directement des réalités du
marché et des obligations de résultat qui en découlent.
Examinons maintenant quelles sont ces principales réalités.
En premier, les entreprise font face à la nécessité
de s'adapter aux innovations technologiques. Le document intitulé
«Le développement des compétences, le défi des
années 1990», du ministère de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, situe
cette problématique dans un contexte de la nécessité
d'assimiler rapidement les modifications aux différents secteurs de
l'économie: «La place et l'importance relative de l'innovation
technologique varient selon les secteurs d'activité et les entreprises.
S'il n'est pas le seul type d'innovation, le niveau global d'innovation
technologique pour l'ensemble de l'économie est cependant un
élément décisif dans la compétitivité des
sociétés industrielles avancées.»
Les différents secteurs industriels procèdent
présentement, à divers niveaux, à l'examen des
technologies employées dans leurs usines. Cette période
d'évaluation fait partie de leur stratégie pour maintenir et
améliorer leur compétitivité. Le but premier de cet
exercice est de faire des gains de productivité. Or, l'expérience
nous démontre clairement que les gains de productivité
associés aux nouvelles technologies reposent d'abord et avant tout sur
les ressources humaines. L'expérience nous démontre
également que nos employés sont prêts et capables de
s'adapter aux nouvelles technologies dans la mesure où on leur fournit
les outils nécessaires.
Il est donc normal que la formation permettant aux employés de
s'adapter aux innovations technologiques constitue souvent un besoin
prioritaire pour les manufacturiers. En effet, sans une formation
adéquate de leurs ressources humaines, les entreprises ne peuvent pas
espérer rentabiliser les nouvelles technologies. Ce besoin est d'autant
plus pressant que, comme nous l'avons vu, nos industries accusent un retard
important au chapitre des technologies de production. Il est donc important que
le réseau collégial soit en mesure de suivre, et ce au même
rythme que les manufacturiers, l'évolution dans les innovations
technologiques.
Une deuxième réalité concerne les pénuries
de main-d'oeuvre spécialisée. Les professions en pénurie
dans l'ensemble du Québec en 1992 seraient de l'ordre de 78, dont les
professions de technicien chimiste dans le secteur des produits
pharmaceutiques, de technicien spécialiste en génie
électronique, de technicien spécialiste en génie
mécanique, de spécialiste en électronique industrielle et
en instrumentation... Les pénuries de main-d'oeuvre ont
été identifiées par les manufacturiers comme étant
un obstacle à
l'amélioration de leur compétitivité.
Compte tenu du niveau actuel de chômage, nous sommes d'avis que le
collégial se doit de prendre les mesures nécessaires pour suivre
plus adéquatement l'évolution du marché du travail de
manière à pouvoir mieux orienter les étudiants en
formation technique.
La diminution de l'effectif des étudiants dans la formation
technique constitue une troisième réalité. Le Conseil des
collèges nous fournit une description inquiétante de la tendance
des inscriptions à la formation technique: «De 1980 à 1989,
le pourcentage d'élèves inscrits au technique a diminué
constamment, passant de 51 % à 44 %. De plus, la proportion des
élèves qui choisissent le secteur technique à
l'entrée au collégial est bien inférieure; par exemple,
seulement 35 % des élèves entrés au collégial en
1986 se sont inscrits dans le programme de formation technique».
Quoique nous aurions préféré être en mesure
de fournir des indications plus récentes, ces données nous
portent à croire en la nécessité de procéder
à une campagne visant à valoriser les emplois visés par la
formation technique au niveau collégial.
La restructuration industrielle et le redéploiement des
ressources humaines qu'elle entraîne constituent une quatrième
réalité. Cette réalité a été reconnue
par le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du
revenu: «Notre analyse de l'évolution de l'emploi a permis de
constater que le Québec est déjà engagé sur la voie
d'une restructuration industrielle vers des secteurs d'activité pouvant
tirer parti du nouvel environnement économique mondial». Cette
restructuration imposera deux obligations de résultat à
l'enseignement collégial: l'enseignement collégial devra
être en mesure de répondre, à travers son service
d'éducation aux adultes, aux besoins de recyclage et de perfectionnement
de la main-d'oeuvre redéployée et il devra, en outre, être
en mesure de s'adapter rapidement à la demande de certains secteurs
devenus prioritaires.
Une dernière réalité qui fait l'objet de nos
préoccupations est celle de la formation continue. La tendance actuelle
démontre clairement que les travailleurs devront être en mesure
d'acquérir des compétences additionnelles pour assurer leur
capacité à maintenir leur poste de travail. Cette tendance n'est
pas temporaire. En effet, les modifications que doivent apporter les
manufacturiers tant aux technologies qu'au mode d'organisation du travail de
leur entreprise ne sont pas ponctuelles.
Pour demeurer concurrentiels, les manufacturiers sont obligés de
faire ces modifications sur une base continue. Les manufacturiers devront donc
former continuellement leurs ressources humaines et celles-ci devront avoir
«appris à apprendre» et avoir la base nécessaire pour
intégrer et exploiter avantageusement leurs nouveaux savoirs.
Quant aux moyens à prendre pour répondre aux besoins des
manufacturiers, nous en avons identifié un certain nombre:
premièrement, les modifications aux programmes existants;
deuxièmement, une politique de reconnaissance des acquis;
troisièmement, des crédits d'impôt accrus;
quatrièmement, une politique d'évaluation de la qualité de
l'enseignement; cinquièmement, une campagne de valorisation des emplois
de techniciens et de métiers; sixièmement, l'harmonisation des
programmes de formation professionnelle et de formation technique.
Pour ce qui est des modifications aux programmes existants, nous avons
identifié quatre améliorations de base à être
apportées aux programmes. La première consiste à
procéder dans un délai raccourci à la révision des
programmes. Présentement, selon nos informations, les révisions
sont de l'ordre de cinq ans. Deuxièmement, il s'agit d'établir
des standards de qualité pour évaluer la formation donnée
au collégial. L'AMQ n'a pas à déterminer à qui
revient la responsabilité d'établir ces standards. Par contre,
elle déplore la tendance à vouloir niveler vers le bas, ce qui
favorise la quantité plutôt que la qualité.
Troisièmement, il s'agit d'établir des contenus de programmes en
fonction des principes de programmes élaborés par
compétence. Quatrièmement, il s'agit d'effectuer des
modifications, et on sait que certaines sont en voie de réalisation, par
la mise sur pied de comités sectoriels pour les secteurs industriels qui
en exprimeront le besoin. À partir de cette formule, ou de tout autre
formule existante, les programmes doivent être conçus en fonction
des besoins en développement de la main-d'oeuvre eu égard
à la réalité du marché du travail et de l'emploi au
Québec. (9 h 50)
Le deuxième point qu'on avait souligné, c'était
celui de la reconnaissance des acquis. À ce chapitre, le principe
privilégié par l'AMQ se définit comme étant le
«processus par lequel un établissement d'enseignement
reconnaît les connaissances et habiletés acquises par une personne
quels qu'aient été les modalités, la durée ou le
processus d'apprentissage». Cette définition présuppose
l'institution de critères appropriés qui permettront de
reconnaître rapidement et objectivement ces connaissances et
habiletés.
Troisièmement, nous avons identifié les crédits
d'impôt pour les dépenses de l'entreprise dans les
activités suivantes: les dépenses reliées à la
délégation des experts en provenance des entreprises pour toutes
les activités liées à sa participation à la
confection des programmes et à son application. Ceci constituera un
incitatif à procéder, au départ, à un tel
engagement. Ensuite, les dépenses reliées aux stages en
entreprise par les étudiants; ensuite, les dépenses liées
à la promotion de la formation technique ou
professionnelle.
Quatrièmement, les politiques d'évaluation de la
qualité de l'enseignement. Dans une perspective de qualité, nous
croyons qu'il est nécessaire d'implanter et d'administrer une politique
d'évaluation de la qualité de l'enseignement prodigué aux
étudiants. Une telle politique permettrait d'évaluer dans quelle
mesure une institution collégiale atteindrait des objectifs
précis qui correspondent aux besoins des manufacturiers. Nous sommes
également d'avis que cette politique devrait être
développée, implantée et administrée par un
organisme indépendant et impartial.
Cinquièmement, une campagne de valorisation. Nous croyons que le
réseau collégial devrait participer systématiquement aux
campagnes de sensibilisation des étudiants ayant comme objectif de
valoriser les personnes occupant des emplois visés par la formation
technique au niveau collégial. À cet effet, l'Association des
manufacturiers du Québec a lancé l'an passé, en
collaboration avec d'autres intervenants, les Olympiades de la formation
professionnelle et des métiers. Ce type de campagne a comme avantage de
valoriser des personnes occupant des professions ou métiers visés
par la formation technique ou professionnelle pour susciter un effet
d'entraînement; deuxièmement, de permettre aux étudiants,
dans un climat de saine compétition, de mesurer leur niveau
d'habileté et même de se comparer à leurs semblables dans
d'autres pays; troisièmement, de favoriser la prise en charge, par les
divers intervenants du secteur privé, de la promotion et de la formation
professionnelle ou technique.
En plus d'efforts accrus pour valoriser la formation professionnelle,
les métiers et ceux qui les exercent, la direction du ministère
devrait favoriser l'identification d'objectifs à atteindre dans la
répartition des étudiants entre le secteur de formation
générale et technique. De tels objectifs ne peuvent que favoriser
une concertation plus étroite entre les organismes du milieu et susciter
un intérêt accru pour la formation technique.
Ensuite, harmonisation des programmes de la formation technique et de la
formation professionnelle. Cette harmonisation relève de l'expertise des
milieux d'enseignement. L'harmonisation des programmes entre la formation
professionnelle et la formation technique doit être
exécutée dans les meilleurs délais. Elle doit
également tenir compte des modifications suggérées par les
autres partenaires agissant sur le développement de la
main-d'oeuvre.
Il y a dans notre mémoire certaines considérations
générales que je laisse au dossier, mais sur lesquelles je vais
passer pour en venir immédiatement à la conclusion.
Le Québec, pour avoir un avenir, se doit d'être
compétitif et de pouvoir créer la richesse dont sa population a
besoin pour maintenir et améliorer les services que nous nous offrons.
Dans le nouvel ordre économique mondial, la possession et l'exploitation
des richesses naturelles ne suffisent plus à créer la richesse au
niveau de nos besoins. Le Québec doit donc favoriser
l'intégration de ses marchés et ajouter plus de valeur à
ce qu'il produit. Ces deux défis exigent au premier chef une
main-d'oeuvre bien formée, qualifiée et productive. Ce qui est
vrai pour le Québec est aussi vrai pour les autres pays. Or, les autres
pays industrialisés ont souvent une culture industrielle qui nous fait
cruellement défaut dans la conjoncture actuelle. Cette culture
industrielle est fortement ancrée dans une histoire et des traditions
séculaires au nombre desquelles figurent en bonne place la formation
technique et l'apprentissage. Or, nous pouvons difficilement rivaliser avec les
pays européens sur le plan de l'histoire et des traditions.
Mais ce qui fait notre faiblesse peut aussi faire notre force, dans la
mesure où nous nous engageons résolument sur la voie des
réformes en mobilisant tout notre génie créateur, toute
notre capacité d'assimiler les leçons des autres, toutes nos
énergies, toutes nos ressources et l'énorme réservoir de
bonne volonté qui ne demande qu'à se déployer pour peu
qu'on se donne des objectifs stimulants. Parmi ceux-ci devrait figurer au tout
premier rang la pleine utilisation de notre capital humain dans des
tâches qui assurent notre épanouissement, notre
prospérité et un Québec meilleur pour les
générations à venir. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Le Hir. Mme la
ministre, vous avez la parole.
Mme Robillard: Oui, Mme la Présidente, merci bien. M. Le
Hir, messieurs de l'Association des manufacturiers du Québec, je veux
vous dire combien les membres de cette commission sont intéressés
à comprendre votre point de vue sur l'enseignement collégial
québécois, d'autant plus que c'est le point de vue des
employeurs, surtout au niveau de la formation technique. Alors, je suis
contente de voir que vous avez manifesté un intérêt
à participer aux travaux de notre commission.
Mme la Présidente, pour des contraintes de temps de mon
collègue de l'Opposition, je vais lui laisser la parole
immédiatement et je reviendrai en deuxième.
La Présidente (Mme Hovington): D'accord. Alors, M. le
député d'Abitibi-Ouest, vous avez la parole.
M. Gendron: Mme la Présidente, je veux remercier la
ministre de sa gentillesse de m'ac-commoder pour quelques minutes.
Alors, M. Le Hir, ainsi que les gens qui vous accompagnent, je veux, moi
aussi, rapide-
ment, vous dire merci d'être là. Je pense que c'est
important de vous entendre, surtout que, dès le départ, vous avez
situé certaines réalités qui ne sont pas toujours
agréables à entendre en termes de chiffres; et je fais
référence, bien sûr, à l'étude des 300
critères de compétitivité de 22 pays.
Une généralité, mais importante. Je pense que, des
fois, pour mieux savoir où l'on s'en va, il est très important de
savoir d'où l'on part ou qui nous sommes. Pour certaines questions,
c'est important de savoir qui nous sommes. Pour ia question qu'on discute,
c'est important de savoir d'où l'on part pour mieux cerner les
correctifs qui s'imposent au régime. C'est un mémoire qui nous
rappelle la réalité que je viens d'indiquer au niveau des
chiffres. Ce n'est pas toujours jojo, mais c'est important parce que c'est une
réalité réelle; c'est important de bien cerner des choses
qui correspondent à ce que nous sommes.
Votre mémoire nous rappelle ce que vous désirez. Vous avez
fait savoir d'une façon assez claire ce que j'appelle, moi, vos besoins
ou vos attentes. Vous avez également parié des grandes questions
d'une façon peut-être plus succincte que d'autres. Vous parlez de
modifier les programmes, d'une politique d'évaluation, de valoriser ia
formation professionnelle et tehnique également. Et, là-dessus,
il va falloir peut-être donner des précisions parce que, dans le
discours, il y a de grands dangers.
Juste un petit aparté sur l'étude qui a été
déposée ce matin. Il n'y a pas beaucoup d'employeurs, au
Québec, qui ne sont pas contents. Je le dis bien: II n'y a pas beaucoup
d'employeurs, au Québec, qui ne sont pas heureux de la formation
technique que nous donnons, mais il n'y a pas beaucoup d'employeurs qui sont
très heureux de la formation professionnelle qu'on dispense. Donc, quand
on met ça ensemble, ça ne correspond pas à la
réalité, d'après moi. Il faut distinguer entre la
formation technique collégiale qui, règle générale,
est assez bien reçue et correspond aux attentes des manufacturiers et
des employeurs, alors que, pour la formation professionnelle, ce n'est pas
toujours le cas, et ce n'est pas la même chose. J'ai l'impression qu'il
va falloir préciser ces choses-là.
Vous avez également un mémoire qui traite de
l'harmonisation des ordres d'enseignement et des formations, et je pense que
vous avez raison. Entre la formation technique et la formation professionnelle,
il vaut mieux harmoniser.
Ma collègue de Terrebonne va faire l'essentiel du questionnement.
Moi, je voudrais juste, M. Le Hir, vous poser deux questions. La
première, dans votre mémoire, à la page 6, je pense
qu'avec raison vous dites que «les entreprises considèrent que ies
institutions publiques d'enseignement doivent adapter leurs services à
ces obligations. Par ailleurs, cette adaptation peut questionner la pertinence
de certains aspects de la formation générale des étudiants
et il serait souhaitable que ce questionnement mène à un
rééquilibrage». Et vous n'y avez pas touché
davantage. Il n'y a pas de blâme. C'est normal, votre mémoire est
axé davantage sur votre compétence, mais, moi, je dis: A
contrario, ce serait peut-être intéressant d'avoir justement le
point de vue de gens qui sont plus préoccupés par une bonne
formation technique qui répond aux besoins de l'industrie, de leur
demander, quant à la formation générale, si on doit la
toucher, si on doit retoucher à la formation générale.
C'est quoi la place de la formation générale dans une bonne
formation technique? C'est beaucoup? C'est peu? C'est uniforme et après
ça on rajoute une formation technique? J'aimerais ça vous
entendre là-dessus, sur la place de la formation générale
dans une bonne formation technique. Et, intimement lié à cette
question-là, est-ce que vous croyez que les programmes devraient
être subordonnés aux besoins de l'industrie? Et c'est
volontairement que j'emploie l'expression comme ça, sans la distinguer:
Est-ce que les programmes tout court, en formation collégiale, devraient
être subordonnés aux besoins des manufacturiers ou de l'industrie,
ou inversement?
M. Le Hir: Oui. À votre première question, quant au
besoin d'une formation générale, ce n'est pas remis en question.
Un des points que nous soulevons justement, à un moment donné,
c'est la nécessite que les gens aient appris à apprendre. Or,
pour apprendre à apprendre, ça prend nécessairement une
bonne formation générale. Quant au type de formation
générale à dispenser, if ne faut pas penser qu'on a
nécessairement une formation générale qui est universelle,
et il est fort possible, par exemple, d'orienter la formation
générale sur la formation subséquente qui sera
reçue par les étudiants. Par exemple, quand on enseigne
l'histoire au collégial, selon qu'on enseigne l'histoire à des
gens qui se destinent aux humanités ou bien à ceux qui se
destinent plutôt à la science et à la technologie, on peut
songer à enseigner l'histoire des sciences si on veut favoriser le
développement culturel dans une perspective de développement de
culture industrielle, technologique et scientifique plutôt qu'une
histoire strictement événementielle. Alors, c'est des choses
comme celle-là. (10 heures)
Quant à l'idée que les programmes doivent être
subordonnés, il ne s'agit pas de placer un lien de subordination, mais
de comprendre que, de toute façon, de quelque enseignement qu'on parle,
il doit tout le temps y avoir un certain degré de pertinence entre
l'enseignement et les réalités du marché. Il ne s'agit pas
de demander qu'on fabrique des automates, loin de là. De toute
façon, il faut comprendre que, dans l'environnement technologique dans
lequel on va vivre dorénavant, les automates ont de moins en
moins leur place. Et, au contraire, la recherche de la qualité
totale suppose que les étudiants sont formés de façon
à être capables de manifester le plus d'initiative possible, et
cette initiative ne peut se manifester que dans la mesure où il y a des
compétences de base qui ont été acquises.
J'aimerais laisser mes collègues rajouter un commentaire quant
à la nécessité d'avoir des programmes par
compétence.
M. Charland: Oui. Peut-être aussi demander à Michel
Gagné, qui est l'expert chez Pratt & Whitney, de nous décrire
un petit peu quelle orientation on suggère au niveau des manufacturiers
en ce qui concerne, entre autres, les programmes par compétence.
Qu'est-ce que ça signifie au niveau des manufacturiers, l'orientation
que nous souhaitons?
M. Gagné (Michel): Je pense que, primor-dialement, on
s'attend à ce que les institutions d'enseignement nous donnent des gens
qui peuvent se sentir confiants, lorsqu'ils arrivent dans le milieu du travail,
de prendre les responsabilités auxquelles on les assigne.
Primordiale-ment, on ne veut plus avoir à donner une supervision qui est
très étroite; on s'attend à ce que les gens soient
déjà assez responsables pour pouvoir voguer et aller dans les
directions techniques et technologiques qui sont essentielles. On s'attend, par
exemple, dans un climat de travail présentement qui exige une
préoccupation avec la qualité totale, à ce que les
étudiants voient déjà ce genre de milieu lorsqu'ils sont
dans l'institution d'enseignement. Par exemple, ce n'est pas nécessaire
d'apprendre seulement dans les salles de cours; il y a des choses qui peuvent
être apprises hors des heures de cours. On peut apprendre le leadership,
par exemple, à partir de campagnes politiques à
l'intérieur d'un cégep. On peut également voir des
campagnes de nettoyage qui permettraient aux gens de comprendre la santé
et la sécurité. Il y a donc toutes sortes de façons pour
pouvoir s'assurer que l'enseignement ou que l'apprentissage se fasse durant les
très nombreuses heures que les gens passent dans les institutions
d'enseignement, et les compétences peuvent venir à ce
moment-là de façon plus confiante. Encore une fois, ce qui est
important, c'est que les jeunes nous arrivent avec un sens de savoir où
se diriger pour qu'on leur donne l'opportunité d'être, d'une
façon assez discrétionnaire, en charge de leur propre emploi du
temps.
M. Le Hir: J'aimerais ajouter un point là-dessus. J'ai
mentionné le cas de l'histoire mais on pourrait également
mentionner le cas de la philosophie, parce que je sais qu'il en a
été beaucoup question. Même pour des gens qui se destinent
aux sciences et à la technologie, il y a place à une formation en
philosophie, à l'histoire des idées, de la pensée. Pour
des gens qui se destinent à une formation scientifique et techni- que,
de savoir qu'il y a eu des gens comme Francis Bacon, ou bien Leibniz, ou bien
Claude Bernard, c'est des choses extrêmement importantes pour eux. Et
quelqu'un d'autre a déjà dit que «science sans conscience
est la ruine de l'homme». Alors, il y a place pour la réflexion
même chez les étudiants qui se destinent à la science et
aux technologies.
M. Gendron: Merci, M. Le Hir. Merci, madame. Ma collègue
va finir.
La Présidente (Mme Hovington): Mme la ministre.
Mme Robillard: M. Le Hir, vous avez dit publiquement,
dernièrement: J'espère que la commission va parler davantage de
la formation technique. Nous allons en parler ce matin. Et je voudrais qu'on
aille plus loin dans cette idée-là au niveau de la formation
générale dans la formation technique.
Vous venez de nous donner des exemples au niveau du contenu de la
formation générale, à ce que je comprends, que vous voulez
plus adapté au secteur technique, en conséquence. Mais, par
ailleurs, non seulement au début de votre mémoire, mais à
la fin de votre mémoire aussi, en conclusion, vous nous reparlez d'un
ajustement, d'un juste équilibre qui doit être maintenu. Alors,
sans parler du contenu, que vous voulez plus adapté, vous savez, M. Le
Hir, que, présentement, au niveau du D.E.C., technique, la proportion de
formation générale versus la formation de spécialisation,
au niveau du quantum, c'est à peu près un tiers-deux tiers.
Est-ce que l'Association des manufacturiers est toujours d'accord avec cet
équilibre au niveau de la quantité?
M. Le Hir: Sur la question de l'équilibre, je pense qu'on
ne veut pas nécessairement remettre cet équilibre-là en
question, sauf peut-être pour vous souligner que ça prend beaucoup
plus de l'un et beaucoup plus de l'autre. Et, si on maintient les proportions,
on n'a pas de problème. Autrement dit, il faut que le bagage
académique, avec lequel les étudiants sortent de l'école,
soit plus lourd, autant dans le domaine de la formation générale
que dans le domaine de la formation technique, et nécessairement plus
pertinent.
Mme Robillard: Donc, la composante générale comme
telle est toujours essentielle pour vous. Et vous dites: Au niveau du quantum,
ça va; maintenant, au niveau du contenu regardons ça de plus
près.
Mais je voudrais aller plus loin avec vous. Présentement, vous
savez très bien que nous avons aussi des programmes d'attestation
d'études collégiales, communément appelés A.E.C;
nous avons des certificats d'études collégiales, corn-
munément appelés C.E.C., programmes dans lesquels il n'y a
pas de composante de formation générale, mais strictement de la
formation spécialisée. Il y a des intervenants qui sont venus en
commission parlementaire et qui nous suggèrent de décortiquer le
diplôme d'études collégiales en modules cumulatifs, de
sorte que, pour la personne qui vient suivre aussi un cours au
collégial, ça serait toujours une formation qualifiante. Mais ce
module-là, nous dit-on, devrait contenir une partie de formation
générale, une partie de formation spécialisée. Vous
me suivez?
M. Le Hir: Oui.
Mme Robillard: Qu'est-ce que, vous autres, vous pensez, d'abord,
de nos certificats actuels, de nos diplômes actuels, A. E.G. et C.E.C.,
et comment réagissez-vous à la proposition des modules où
on retrouverait les deux types de formation?
M. Le Hlr: Je vais laisser mes deux collègues
répondre à cette question.
M. Charland: Mme la ministre, je pense que notre approche a
été choisie d'une façon bien précise pour vous
communiquer exactement quelles étaient les attentes du monde
manufacturier. Lorsqu'on parle d'approche de qualité totale, ce n'est
pas juste pour utiliser l'expression à la mode qu'on essaie de vous
transmettre. Ce qu'on essaie de faire, c'est de vous dire simplement: Regardez
un petit peu l'organisation à l'intérieur des entreprises et
essayez de monter des programmes qui répondent aux exigences à
l'intérieur des entreprises.
Qu'est-ce que ça veut dire, ça, en termes concrets?
Lorsque vous me posez la question: Est-ce que je dois monter mon programme avec
un tiers de cours qui est de formation générale, deux tiers de
formation technique? moi, je dois vous répondre: Bien, écoutez,
si on regarde la réalité du marché du travail
présentement, dépendamment à quel type de travailleur ou
à quel type d'étudiant vous vous adressez, la façon de
procéder va peut-être être différente. Il faut
peut-être adapter des programmes de sorte que ça réponde
aux exigences du marché, aux besoins du marché du travail. Et,
pour ce faire, ce que je dis là-dedans, notre approche est de dire:
Bien, écoutez, on essaie d'orienter les demandes des manufacturiers en
fonction de programmes par compétence, que ça corresponde pour
que quelqu'un qui arrive sur le marché du travail soit en mesure
d'exécuter les tâches qui vont lui être
assignées.
Maintenant, en termes de formation générale, pour que la
personne soit capable ensuite, sur une période de temps donnée,
de poursuivre sa formation par le principe de la formation continue, qu'elle
soit capable d'apprendre, dans les années qui s'en viennent, les
éléments de sciences nécessaires ou de techniques
nécessaires, ce que, nous autres, nous vous communiquons, c'est,
à ce moment-là, aux experts des autorités du
ministère de déterminer quelles vont être les techniques
qui doivent être utilisées pour être capables de bien
répartir les programmes. (10 h 10)
Mme Robillard: M. Le Hir, concrètement, demain matin, nous
abolissons les A.E.C. et les C.E.C. Il n'y en a plus. Nous mettons à la
place trois modules pour parvenir au D.E.C. Chacun des modules correspond
à une fonction de travail sur le marché du travail, et je n'ai
aucun problème avec l'approche par compétence. Est-ce qu'à
l'intérieur de chacun de ces modules-là vous voyez une composante
de formation générale? C'est ça ma question.
M. Le Hir: Écoutez, je pense que c'est essentiel, et la
raison pour laquelle ça l'est, c'est que, si on ne le fait pas, on va
placer les personnes qui auront effectivement reçu cette
formation-là dans une position extrêmement précaire, dans
la mesure où elles n'auront pas appris à apprendre, à
supposer qu'elles ne le sachent pas encore, et, lorsque la technologie
évoluera, elles se retrouveront de nouveau en proie aux aléas qui
peuvent leur faire perdre leur emploi.
Mme Robillard: Est-ce à dire que vous n'êtes pas
satisfait des A.E.C. actuelles, dans lesquelles il n'y a pas de formation
générale?
M. Le Hir: Écoutez, vous me demandez une question bien
spécifique.
Mme Robillard: Oui.
M. Le Hir: Et je sais que vous le faites...
Mme Robillard: Oui.
M. Le Hir: ...à dessein. Mais je dois vous dire que
j'hésite à vous répondre parce que, pour nous, c'est une
question de plomberie. La façon dont vous organisez ça pour
accommoder nos besoins, ça, ça ne nous regarde pas. Ce dont on
vous fait part...
Mme Robillard: Ce n'est pas une question de plomberie...
M. Le Hir: ...c'est de nos besoins.
Mme Robillard: M. Le Hir, ce n'est pas une question de plomberie,
c'est une question de principe de base. Est-ce que, dans toute formation,
qu'elle soit courte ou plus longue, il y a une composante de formation
générale? Parce que le marché du travail me dit que le
jeune ou l'adulte a besoin d'une certaine polyvalence, a
besoin de capacités et d'habiletés de base. Donc, l'A.E.C.
actuelle qui n'en contient pas, nous aurions un problème avec. Je ne
vous demande pas de me dessiner le contenu du programme, ce n'est pas ça
que je vous demande.
M. Le Hir: Si...
Mme Robillard: Nous sommes les experts pour le faire. Je vous
demande si la composante de formation générale doit
apparaître, même dans des programmes aussi courts qu'une A.E.C.
M. Le Hir: Je crois que oui.
Mme Robillard: Merci. Deuxième sujet, M. Le Hir. Est-ce
que je dois comprendre, à la lecture du mémoire, que, de
façon générale et globale, l'Association est satisfaite de
la formation technique du collégial moyennant certaines
améliorations?
M. Le Hir: Écoutez, quand on vous dit qu'on a des
problèmes d'adaptation, quand on vous dit qu'on a des problèmes
avec le rythme auquel les nouveaux programmes sont adoptés, ça ne
veut pas dire qu'on est satisfaits, ça veut dire qu'on ne l'est pas. On
considère tout à fait inacceptable que, dans une
société où la technologie évolue aussi rapidement,
cela puisse prendre jusqu'à cinq ans pour obtenir des modifications de
programmes.
Mme Robillard: Parfait. Alors, le rythme de révision et de
nouveaux programmes aussi à être implantés. Mais j'aimerais
ça que vous me parliez... M. Le Hir, à la page 13, vous avez
été très peu volubile sur des problèmes
d'harmonisation entre le secondaire et le collégial. Y a-t-il
problème? Si oui, quelles sont vos solutions?
M. Le Hir: Écoutez, je vais d'abord vous faire un
commentaire général et je laisserai mes collègues ajouter
les leurs. Quand vous nous demandez de nous prononcer sur l'équilibre
entre ces deux secteurs-là, il faut que vous compreniez que ces
secteurs-là sont des secteurs entre lesquels, pour nous, il y a des
distinctions qui sont tout à fait artificielles, qui correspondent non
pas à nos besoins, mais à vos besoins d'organisation à
vous, comme gouvernement, dans la mesure où c'est vous qui devez
gérer l'enseignement public.
Donc, il y a des distinctions que, nous, on subit; on fait face à
une réalité sur laquelle on a très peu de prise jusqu'ici
et ça crée des situations, des aboutissements dans lesquels on se
trouve aujourd'hui. On vous dit: Écoutez, on ne veut pas gérer la
chose à votre place, c'est votre responsabilité; on veut vous
dire ce dont, nous, on a besoin. La façon dont vous allez l'organiser,
on va nécessairement vous laisser ça, c'est votre
responsabilité, mais on vous dit:
Écoutez, quant à nous, ces distinctions-là, on ne
les voit pas toujours de façon très claire, mais on a, nous,
à vivre avec les conséquences. Et, quant aux conséquences,
ça nous crée des problèmes.
Mme Robillard: M. Le Hir, par ailleurs, je comprends de votre
mémoire que vous êtes pour le maintien du cégep dans sa
double filière, formation technique, d'une part, formation
préuniversitaire. Est-ce que vous êtes en train de me dire que,
volontairement, vous n'avez pas réfléchi sur cette
question-là plus globale en disant: C'est votre problème, au
gouvernement? Non. On a fait cette commission pour que vous nous disiez ce que
vous en pensez.
M. Le Hir: Écoutez, encore une fois, nous sommes les gens
qui vont utiliser le produit de la formation que vous dispensez: les
étudiants. Ils arrivent sur le marché du travail, ils viennent
nous voir, ils veulent un emploi. Ces étudiants-là, on doit voir
ce qu'on peut faire avec et, à l'heure actuelle, d'une part, on se rend
compte qu'on n'a pas des gens qui ont des profils de formation correspondant
à nos besoins; ça, c'est une chose. Deuxièmement, pour
ceux qu'on a, on n'en a pas en nombre suffisant; ça, c'est une
deuxième chose. Et, quand on regarde ce qu'ils sont capables de faire,
on a de sérieux problèmes parce qu'ils requièrent un
niveau d'apprentissage ou de formation additionnelle qui entraîne des
coûts importants pour les entreprises à un moment donné,
dans une conjoncture économique - et je ne parie pas d'une petite
conjoncture à court terme là, d'un an ou de deux ans, mais d'une
période assez longue de 15 à 20 ans où on va devoir faire
la restructuration de notre base industrielle - qui sont tout simplement des
coûts que les entreprises vont avoir de la difficulté à
supporter, à justifier. Et, après ça, vous demandez que je
me prononce sur l'organisation du système, alors que je n'ai pas de
prise sur ce système-là. Je préfère me placer dans
la perspective - tout en sachant très bien que, la question, on ne la
traite pas - de vous dire, au fond: Ça, c'est votre
responsabilité, assumez-la. Mais tant que vous allez l'assumer de la
façon dont elle est assumée présentement, on n'ira pas
très loin.
Mme Robillard: Vous aviez une ouverture pour nous faire des
suggestions, M. Le Hir, et c'est de ma responsabilité, de fait, comme
membre du gouvernement, d'assumer le type d'organisation que nous avons en
enseignement. Maintenant, la commission était ouverte aussi à des
influences du milieu socio-économique, même sur le type
d'organisation. Mais ce que je comprends, c'est que vous avez choisi de ne pas
vous prononcer sur ça.
M. Le Hir: Non, écoutez, pour nous, c'est
simple: Que vous le fassiez dans le cadre du régime des
cégeps ou bien dans les instituts techniques comme autrefois, ce qui
compte, ce n'est pas nécessairement le véhicule que vous
utilisez, mais le produit que vous livrez.
Mme Robillard: Parfait.
La Présidente (Mme Hovington): Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Garon: Merci, Mme la Présidente. M. Le Hir, M.
Gagné, M. Charland, bienvenue. Je vais tenter, moi aussi, de poursuivre
les principaux sujets qui ont été abordés pour essayer de
mieux saisir ce que vous souhaitez comme changements concrets qui apporteraient
solution aux problèmes que vous avez très bien analysés et
très bien développés dans votre mémoire. Je pense
que la situation que vous décrivez, c'est la situation exacte,
réelle, qui est vécue par le milieu actuellement.
Lorsque vous parlez de l'importance d'harmoniser vos besoins, donc les
besoins des entreprises, avec la formation qui est donnée dans les
cégeps, c'est évidemment le point le plus important, cette
harmonisation-là. Concrètement, les entreprises, qu'est-ce
qu'elles sont prêtes à faire pour permettre cette harmonisation,
bien concrète, sur le terrain, avec les cégeps?
M. Charland: II y a un point précis qui a
été mentionné dans notre mémoire, à la page
10. Il y a un nouvel instrument qui va être mis à la disposition
des industries, entre autres, et nous pensons que les modifications qui sont en
voie de réalisation, soit la mise sur pied de comités sectoriels
pour les secteurs industriels, va nous permettre d'être un
véhicule pour exprimer les besoins de l'industrie d'une façon
appropriée. Nous pensons que c'est l'un des éléments qui
va pouvoir être utilisé comme tel. Je ne sais pas si mon
confrère...
M. Gagné: Sur la question d'harmonisation, ce que nous
sommes prêts, nous, les employeurs, à ajouter à ceci, c'est
surtout fournir la formation interne qui est pointue, qui est celle qui viendra
parfaire ce que les gradués auront reçu en institution, ce qui
pourra nous donner, à ce moment-là, l'élan, la vitesse de
croisière qu'on cherche, pour nous assurer que ces personnes pourront
être, à ce moment-là, les plus compétitives
possible. (10 h 20)
Ce qui est certain, cependant, c'est qu'on a eu jusqu'à
présent des gradués qui nous ont plu, qui nous ont donné
quand même une bonne prestation de travail. Il y a naturellement des
lacunes et on sait que ça a été
«adressé» au cours des derniers temps, des lacunes qui
partent, en fait, d'un manque d'appréciation de ce que la
réalité en entreprise est constituée de relations
interpersonnelles, est constituée d'un besoin de communication qui est,
en fait, constant. Et on aimerait s'assurer, nous, les employeurs, de ne plus
avoir à les corriger, parce que les investissements qu'il faut qu'on
mette dans notre enveloppe qui est également une enveloppe restreinte,
les investissements qu'on a à mettre dans de la formation sur les
questions de langue, sur les questions de communication ne nous permettent pas
d'investir dans les aspects pointus. C'est là-dessus qu'on aimerait
pouvoir s'assurer une collaboration, qui est d'ailleurs déjà, je
pense, assurée de la part des institutions, pour qu'elles prennent des
démarches, pour qu'elles fassent les correctifs nécessaires
à leurs programmes pour nous donner des individus qui auront une
meilleure approche interpersonnelle avec les autres travailleurs et qui auront,
justement, à nous donner le temps nécessaire pour apprendre les
technologies que nous pensons pouvoir harmoniser avec ce que le système
fournit. Alors, c'est là-dessus. L'enveloppe, elle est restreinte pour
le gouvernement, nous le savons, autant que pour nous, les employeurs. On
aimerait déplacer l'argent à l'intérieur de cette
enveloppe à l'intérieur de nos entreprises également pour
pouvoir le porter sur l'aspect technique qui nous rendra encore plus
compétitifs.
M. Charland: O.K. Si vous me permettez d'ajouter rapidement deux
choses très objectives, deux points qui sont apportés. Les guides
de stages en milieu de travail; vous savez sans doute que l'Association des
manufacturiers du Québec est l'association qui s'est associée
avec le Forum pour l'emploi pour développer les stages en milieu de
travail. C'est une initiative qui a été lancée la semaine
dernière. J'aimerais aussi que peut-être M. Le Hir apporte
quelques commentaires sur les campagnes de valorisation qui sont
peut-être un des phénomènes les plus importants. Lorsqu'on
parle du manque de clientèle dans le secteur technique, la
responsabilité des employeurs, et là vraiment c'est notre
responsabilité, c'est de valoriser ce secteur-là. On a
déjà pris certains moyens, les campagnes de valorisation, le
concours «Les Meilleurs».
M. Le Hir: Avec le concours «Les Meilleurs», qui a
été mis sur pied l'an dernier à l'initiative de plusieurs
partenaires dont le ministère de l'Éducation, on a fait un bout
de chemin dans le sens de la valorisation de la formation professionnelle, des
métiers et des personnes qui les exercent. Mais on n'a qu'à
assister à une sortie d'usine au Québec et à assister
à une sortie d'usine en Allemagne, disons, pour prendre cet exemple,
pour constater la différence d'attitude et la différence de
valorisation personnelle des travailleurs. À cet
égard-là, ça, c'est un phénomène qui
est plus culturel. Je veux dire, comme association, on peut s'accrocher
à régler des questions bien précises, mais, lorsqu'on
parle des questions de valeurs de société, ce n'est pas nous qui
allons faire tout seuls toute la différence, loin de là.
Lorsqu'on parle de changer des valeurs de société, c'est
l'État qui a une responsabilité considérable
là-dedans, et on souhaite que l'État prenne une part beaucoup
plus active dans les efforts pour amener dans la façon dont on
perçoit le travail d'usine, qui n'est plus du tout la même chose
que ce qu'il pouvait être il y a 20, 25 ans, même si, quand vous
assistez à cette sortie-là, vous avez l'impression d'avoir des
images d'il y a a 25 ans...
Mme Caron: Je vous remercie. Vous répondez à ma
question et vous répondez peut-être à une autre question
que nous avions tantôt, c'est-à-dire concernant la formation
générale. Lorsque vous mentionnez que vous souhaitez pouvoir
faire davantage une formation pointue et que vous êtes obligés de
vous consacrer à de la formation au niveau de la langue, au niveau de la
communication, donc, pour vous, dans une formation générale,
c'est important qu'il y ait des acquis au niveau de la langue, c'est important
qu'il y ait des acquis au niveau de la communication. Or, ça
m'apparaît des éléments extrêmement importants,
extrêmement précis. Lorsqu'on parle de changements de
société, de culture, lorsqu'on parle d'harmonisation, il faut
effectivement qu'il y ait partage des deux côtés. On ne peut pas
le faire si un des deux groupes remet à l'autre groupe les
décisions. Il faut effectivement qu'il y ait harmonisation et que cette
harmonisation se fasse aussi sur le terrain bien concrètement.
Il y a eu des éléments intéressants. On se parle
des stages, on se parle évidemment des Olympiades de la formation
professionnelle. On sait que pour que des jeunes choisissent la formation
technique et professionnelle, cette valorisation-là, il faut qu'elle
commence quand on est tout jeune. Si on fait de la valorisation uniquement
rendu au niveau collégial, il est trop tard. Est-ce que,
concrètement, vos entreprises sont prêtes à s'associer
directement sur le terrain avec les commissions scolaires, dans les
écoles primaires, dans les écoles secondaires, pour organiser des
activités de valorisation pour davantage permettre aux jeunes de
connaître ces métiers-là pour pouvoir les exercer?
M. Le Hir: Je pense que la réponse à votre
question, c'est oui. Et la réponse additionnelle à votre
question, c'est: On le fait déjà. Il y a déjà
plusieurs exemples d'entreprises qui sont impliquées directement dans la
valorisation à tous les niveaux. La question, c'est simplement
d'étendre, de généraliser, finalement, ce qui encore n'est
pas tout à fait aussi complètement répandu qu'on le
souhaiterait. Mais vous com- prenez qu'il y a une espèce d'interaction.
Autrement dit, on fait un bout de chemin, quelqu'un d'autre fait un bout de
chemin et puis ça nous incite à faire un autre bout de
chemin.
Il faut maintenant, à partir de la masse des bonnes
volontés qui s'est déjà exprimée, que d'autres
assument un relais pour que, par la suite, on soit motivés encore
davantage à aller dans le même sens.
Mme Caron: Lorsque vous recevez des employés dans vos
manufactures, est-ce que vous faites une différence selon les
diplômes qu'ils reçoivent? Si un employé se présente
avec une attestation d'études collégiales ou avec un certificat
ou avec un D.E.C., est-ce que, pour vous, il y a des différences?
Puisque vous nous mentionnez, à la fin du mémoire, page 14, qu'il
y aurait peut-être lieu de réexaminer une autre façon, que
c'est peut-être possible de prendre des moyens différents, est-ce
que, pour vous, les trois diplômes sont identiques? Est-ce que vous
êtes prêts à les reconnaître de la même
manière?
M. Le Hir: Je vais laisser M. Gagné répondre
à cette question-là.
M. Gagné: En tant qu'employeur, on vise toujours le
succès de tous ceux qui sont embauchés par l'entreprise. Je pense
que c'est difficile de généraliser si tel ou tel ou tel
diplôme est favorisé ou si on traite les gens d'une façon
particulière ou différente.
On remarque, par contre, que les qualités personnelles font plus
souvent qu'à leur tour le succès d'une personne au travail. De ce
côté-là, les acquis techniques ou les acquis qui viennent
avec la personne sont des choses qu'elle va pouvoir mettre en pratique. On peut
prendre deux personnes de qualité égale, de ce
côté-là, en termes de ce qu'elles auront reçu comme
éducation, si les qualités personnelles ne permettent pas de la
mettre en évidence et de l'exploiter, il y aura définitivement
une différence de perception et de réaction qui va arriver.
Pour nous, c'est important de s'assurer qu'on donne aux gens le plus
possible l'opportunité d'avoir un succès rapide, une perception
par tout le monde qu'ils sont, justement, des gens compétents. Alors, on
cherche la collaboration des institutions d'enseignement pour nous donner ce
genre de produit.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, c'est tout le temps
que vous aviez, Mme la députée de Terrebonne. M. le
député de Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): Oui, Mme la Présidente, M. le
président de l'Association des manufacturiers et les personnes qui
l'accompagnent. Vous faites un rapport, vous nous donnez des statistiques quant
à la compétitivité du Québec ou du Canada parmi les
pays industriali-
ses de ce monde. Sauf que cette compétitivité, elle n'est
peut-être pas si alarmante que vous semblez vouloir le mettre sur la
place publique lorsque l'on regarde les secteurs dans lesquels nous excellons,
par Bombardier, par exemple, Pratt & Whitney d'où vous venez, vous,
M. Gagné, je pense, et le jet régional pour Bombar dier,
également Hydro-Québec, toutes les centrales
hydroélectriques que nous bâtissons avec de la main-d'oeuvre
québécoise, des compétences québécoises.
Moi, ça m'interroge un peu.
Étant donné que vous êtes représentant ou,
encore, que vous travaillez chez Pratt & Whitney, vous faites appel
beaucoup à de la main-d'oeuvre qui est formée dans nos
cégeps. Je voudrais savoir si, vous, vous vous inscrivez dans les 87 %
des employeurs qui sont satisfaits de la main-d'oeuvre qui est formée
dans nos cégeps.
(10 h 30)
M. Gagné: Au départ, les personnes qu'on
reçoit des cégeps nous plaisent beaucoup. Ce sont des personnes
qui ont eu l'occasion de développer le mieux, avec leurs
habiletés, ce à quoi elles ont été exposées.
C'est parfois, je pense, triste, cependant, d'entendre certains de ces
individus nous dire qu'ils ont fini d'apprendre, que, lorsqu'ils ont
gradué, c'était, finalement, la fin de leur apprentissage. On
entend parfois ce genre de remarques. C'est ce qui m'attriste. Alors, moi, je
pense que c'est cette notion qui est pour nous très importante, que
chacune des institutions puisse s'assurer de développer une
volonté de continuer de s'améliorer. De ce
côté-là, je ne peux pas faire une distinction entre une ou
l'autre des institutions pour dire qu'elles ont toutes eu un succès
à nous donner des gens qui peuvent entrer dans une entreprise et
être immédiatement productifs. On a certainement, avec
l'encadrement qu'on fournit, rencontré des personnes qui nous ont
donné des prestations de très haute qualité. Nous avons
des gradués des cégeps qui sont maintenant dans des postes de
direction et nous leur offrons, ce qui est encore plus intéressant,
l'opportunité, lorsqu'ils auront passé quelques années
chez nous, qu'ils auront développé une réputation, une
crédibilité, de poursuivre des études universitaires et
l'entreprise paie une portion significative des coûts associés
à ça. On cherche même à ce que la personne aille
chercher sa dernière année de scolarité universitaire en
prenant une année sabbatique et nous payons une portion du salaire.
Ça, les entreprises le font, en particulier, je pense, les grandes
entreprises. Il faut trouver une façon pour encourager les petites et
moyennes entreprises à pouvoir embarquer dans ce même genre de
pattern.
M. Le Hir: Sur la question de la compétitivité que
vous avez soulevée, je veux répondre à une des choses que
vous avez dites au début. Vous dites exprimer un certain malaise par
rapport à l'image peut-être un peu négative qu'on trace, et
vous mentionnez des exemples qui, à juste titre, sont des exemples
pertinents de réussite au Québec. Cependant, il faut regarder que
la compétitivité constitue une mesure de notre capacité
à créer de la richesse. Or, lorsqu'on regarde aujourd'hui la
richesse qu'on crée par rapport à la richesse qui est
créée ailleurs et qu'on regarde la position qu'on occupait il y a
20 ans ou 25 ans, force est de constater que notre situation ne s'est pas
améliorée, elle s'est détériorée. Il faut
absolument et il est même urgent de reconnaître cette
situation.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, en conclusion, Mme
la ministre.
Mme Robillard: M. Le Hir, dans votre mémoire, vous
n'abordez pas la question du financement du réseau collégial.
Deux courtes questions. Certains intervenants nous ont suggéré
une taxe sur la masse salariale des employeurs. Qu'en pensez-vous?
Deuxièmement, est-ce que vous avez réfléchi à la
question des droits de scolarité pour les jeunes, au niveau
collégial?
M. Le Hir: Oui. Sur la question du financement, c'est une
question qui, évidemment, était très délicate et
elle est d'autant plus délicate qu'à l'heure actuelle nous
traversons une crise économique importante où,
déjà, on éprouve de sérieux problèmes avec
le fardeau fiscal que doivent déjà assumer les entreprises.
Alors, dire aux entreprises qu'elles vont devoir assumer une augmentation de ce
fardeau de façon uniforme, c'est particulièrement odieux à
ce stade-ci, d'autant plus qu'il faut se rappeler qu'il y a une espèce
de contrat social qui a été conclu au Québec, au moment de
la réforme du système d'enseignement, en vertu duquel, par les
impôts qu'ils payaient, les citoyens, les entreprises assumaient une
partie de ce fardeau-là.
Aujourd'hui, on nous dit: Acceptez-vous de contribuer davantage? Bien,
on dit: On pensait qu'on avait déjà acheté ça avec
les impôts qu'on payait déjà. Alors, ça, c'est
difficile à accepter, comme je le dis, de façon uniforme. Il
existe des entreprises qui sont dans des situations différentes,
notamment les très grandes entreprises, et qui sont en mesure, et qui le
font déjà, d'investir bien davantage que les 1 %, 1,5 % ou 2 %
dont il a été question ailleurs. Je ne pense pas que ça
serait nécessairement se donner un coup de main, comme
société, que de placer celles qui ne sont pas en mesure de le
faire dans une position où leur compétitivité serait
encore plus faible et qu'on perde encore des emplois au moment où on en
a justement besoin le plus.
Mme Robillard: Deuxième question, les droits de
scolarité?
M. Le Hir: Voulez-vous me la reformuler
celle-là, s'il vous plaît?
Mme Robillard: Est-ce que l'Association s'est positionnée
par rapport à des droits de scolarité chez les jeunes au niveau
collégial?
M. Le Hir: À payer des frais de scolarité? Mme
Robillard: Oui.
M. Le Hir: Non, nous n'avons pas pris position là-dessus
mais, en principe, ce n'est pas une chose à laquelle nous nous
objectons.
Mme Robillard: Malheureusement, le temps est
écoulé. On aurait pu aller plus loin sur la question. M. Le Hir,
je vous remercie d'être venu partager vos réflexions avec les
membres de la commission et je retiens bien le message que, au niveau de
l'Association des manufacturiers du Québec, vous insistez pour que
toutes nos personnes qui reçoivent de l'enseignement collégial,
que ce soit sous forme de formation courte ou plus longue, que cette formation
contienne une partie de formation générale si nécessaire.
Merci bien.
La Présidente (Mme Hovington): Au nom des membres de la
commission de l'éducation, je vous remercie d'être venus nous
présenter votre mémoire. Je vous souhaite une bonne
journée.
J'inviterais à prendre place maintenant la
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec,
immédiatement, s'il vous plaît.
S'il vous plaît, veuillez prendre place. La commission de
l'éducation va reprendre ses travaux. C'est M. Fernand Daoust,
président de la FTQ, je crois bien, qui sera le porte-parole.
M. Daoust (Fernand): Oui.
La Présidente (Mme Hovington): Bienvenue à la
commission de l'éducation. Si vous voulez bien nous présenter les
membres qui vous accompagnent.
Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec (FTQ)
M. Daoust: Avec plaisir, madame. À ma gauche, Guy
Cousineau, vice-président de la FTQ et secrétaire
général du Conseil des travailleurs et travailleuses du
Montréal métropolitain.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.
M. Daoust: À ma droite, Michel Blondin, qui,
déjà, depuis cinq ans, est au Conseil des collèges, fait
partie du Comité de la formation professionnelle de la FTQ et oeuvre au
Fonds de solidarité des travailleurs du Québec.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.
M. Daoust: Claude Ducharme, lui aussi vice-président de la
FTQ et directeur québécois des Travailleurs canadiens de
l'automobile.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour. Vous avez 20
minutes pour nous présenter votre mémoire.
M. Daoust: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Il y avait
quelqu'un d'autre, et qui s'avance, Mme Murielle Belisle, permanente du
Syndicat canadien de la fonction publique.
La Présidente (Mme Hovington): Je trouvais que les femmes
manquaient dans votre groupe, M. Daoust. Bienvenue, Mme Belisle.
M. Daoust: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Commme vous
avez pu en juger par la lecture de notre mémoire, notre organisation
entretenait un certain nombre d'inquiétudes quant à la
façon dont fut convoquée cette commission parlementaire et sur ce
qui en sortirait. À présent que les audiences ont commencé
depuis quelques semaines, je dois dire que nous sommes passablement
rassurés. Nous assistons à un débat de qualité. La
rigueur prend de plus en plus la place de la rumeur publique, les solutions
extrêmes sont le fait d'un petit nombre, les principaux enjeux rassortent
clairement.
Nous croyons également qu'un consensus se dessine autour du fait
qu'il faudra, tôt ou tard, en venir à une réflexion
globale, une réflexion qui s'attaque à l'ensemble de notre
système d'enseignement ici, au Québec. Mais je ne veux pas dire
par là qu'il ne faut rien faire entretemps, loin de là.
Deux tentations nous menacent, auxquelles il faut résister. Je
décrirai la première comme ceci: Ne rien faire parce que tout,
parce que tant est à faire. De nombreuses améliorations, de
nombreux correctifs peuvent être apportés à court terme au
fonctionnement des cégeps, et nous espérons que cette commission
parlementaire sera un déclencheur. Mais il faut aussi inscrire cette
démarche d'amélioration à l'ordre collégial dans le
cadre d'une stratégie à plus long terme qui mènera notre
société à une réflexion et une action plus
globales. En ce sens, la deuxième tentation qui nous menace, c'est ce
que j'appellerais l'activisme. Accumuler les petites réformes et les
correctifs et oublier l'essentiel, à savoir qu'un système
d'enseignement est une illustration, une cristallisation
privilégiée d'un projet de société. En
éducation, il ne suffit pas de connaître la prochaine
étape. Il faut connaître la destination, le chemin
emprunté, le moyen de transport, le nombre et l'identité des
voyageurs et des voyageuses. (10 h 40)
Permettez-moi maintenant de résumer à grands traits notre
mémoire. La FTQ, comme vous le savez, représente directement
quelques
groupes d'employés de soutien du réseau collégial
et ceci nous a inspiré quelques propos. Par ailleurs, je peux dire que
ce mémoire est essentiellement le fruit de la réflexion qu'a
menée notre organisation sur les enjeux relatifs à la
démocratisation de l'enseignement et, par la force des choses, à
la démocratisation de notre société, ces enjeux, donc, que
le débat sur les cégeps met en cause.
L'époque est plutôt aux bilans comptables, quel que soit le
sujet en cause. Certes, et nous l'affirmons avec force dans notre
mémoire, les dépenses, en éducation, sont un
investissement, mais cet investissement dépasse les enjeux comptables,
dépasse les enjeux économiques. Il concerne l'organisation de
notre société et tout particulièrement le traitement des
inégalités sociales. Il concerne aussi notre apport à la
culture, à la science et à l'histoire, tout domaine
traversé, bien sûr, par l'enjeu des inégalités
sociales.
Notre mémoire se structure autour des thèmes suivants:
l'organisation de la présente consultation, le cégep comme outil
de démocratisation, l'enseignement professionnel, la formation continue
et les services aux collectivités.
L'organisation de la présente consultation. La FTQ compte
beaucoup sur cette commission parlementaire pour assainir le climat entourant
le débat sur l'avenir des cégeps. En effet, en l'absence
d'expressions d'intentions claires de la part du gouvernement eu égard
aux cégeps et compte tenu des carences relatives au mode
d'évaluation des enseignements dispensés aux cégeps, le
débat s'est engagé dans un certain désordre, s'appuyant,
par exemple, sur des données anecdotiques, partielles et franchement
discutables.
Cet abandon des cégeps à la rumeur publique est d'autant
plus injuste que l'enseignement collégial n'est pas le seul ordre
d'enseignement qui suscite des interrogations dans les milieux concernés
et, en pratique, le cégep hérite des problèmes
particulièrement aigus qui hypothèquent l'ordre d'enseignement
secondaire. Cette commission parlementaire pourra, nous l'espérons,
contribuer à réablir un climat de dialogue et d'ouverture. Le
climat de dénigrement et de suspicion auquel il faut mettre un terme ne
peut qu'entraîner la démotivation des personnels des cégeps
et des élèves eux-mêmes.
De façon plus générale, nous croyons que notre
réseau d'enseignement collégial devrait faire l'objet d'une
réappropriation collective. Il s'agit là d'un débat de
société qui concerne l'avenir de notre société
québécoise. Le masochisme collectif n'a pas sa place. Identifions
les problèmes, cernons les malaises et apportons les correctifs.
Le cégep comme outil de démocratisation. Les quatre
aspects que nous passons en revue sont les suivants: le financement du
réseau, l'accès au réseau et aux différentes
filières, la réussite scolaire et, enfin, la qualité de la
formation, autant de thèmes qui relèvent, selon la FTQ, d'une
conception généreuse de la notion de démocratisation.
C'est cet objectif qui a présidé, pour l'essentiel, à la
réforme scolaire dont rétablissement du réseau
collégial fut une pièce maîtresse. Nous croyons que c'est
principalement selon ce critère que les collèges doivent
être évalués. En outre, nous sommes convaincus que la
recherche de la démocratisation rejoint nécessairement les
objectifs d'efficience que nous avons peut-être tendance à mettre
davantage de l'avant depuis une décennie.
Nous entamons notre réflexion sur la démocratisation par
la question du financement du réseau collégial, financement
déficient qui oblige les administrations collégiales à des
acrobaties budgétaires et, plus gravement, met en cause la
qualité de l'enseignement et des services dispensés dans le
réseau. Le financement des cégeps relève de notre
responsabilité collective et il y a une certaine mauvaise foi à
accuser les cégeps de tous les maux, alors qu'ils doivent faire souvent
toujours davantage avec toujours moins d'argent.
La FTQ, qui par l'intermédiaire du SCFP, regroupe quelques
groupes d'employés de soutien dans les cégeps, est, bien
sûr, particulièrement sensible à leurs conditions. En
raison des normes d'allocations budgétaires, les personnels non
enseignants des cégeps, au même titre que les postes
budgétaires de nature logistique, le matériel, le chauffage, sont
les cibles privilégiées des coupures, mais il faut se rendre
compte que ces coupures ont aussi des conséquences sur la qualité
de l'enseignement et nous en donnons plusieurs illustrations dans notre
mémoire.
Nous pouvons, par ailleurs, être relativement satisfaits de la
performance des cégeps en matière d'accès à
l'enseignement supérieur. Le réseau collégial a permis
à la société québécoise de hausser
significativement son taux de scolarisation, de démocratiser
l'accès à l'enseignement supérieur. Cette
démocratisation est particulièrement évidente si on la
considère sous l'angle des régions et des étudiants
adultes. Par ailleurs, il ne sert à rien de se dissimuler certains
problèmes récurrents comme la persistance de l'effet des
inégalités socio-économiques ou encore la sous-diplomation
dramatique qui caractérise certes le cégep, mais aussi l'ordre
d'enseignement secondaire. Enfin, il convient de se préoccuper des
attitudes des élèves du sexe masculin qui affichent des taux de
décrochage et de non-diplomation absolument inquiétants.
La FTQ se préoccupe également des inégalités
d'accès aux différents programmes et de l'opprobre qui frappe
encore beaucoup de programmes professionnels, insuffisamment
fréquentés, ainsi que les filières non scientifiques qu'on
semble réserver aux élèves plus faibles. La lourdeur qui
caractérise le processus de modification des programmes du réseau
a ainsi permis la
disparition de la compétitivité entre les
différentes filières et l'instauration d'une hiérarchie
malsaine qui dévalorise les enseignements de nature spéculative
et critique.
De plus en plus on parle maintenant de démocratiser
l'accès à la réussite scolaire. Il ne suffit pas d'entrer
à l'école, il faut aussi en sortir muni du diplôme et d'un
bagage intellectuel et technique qualifiant et exigeant. Il nous apparaît
qu'il faut faire des efforts sérieux pour créer les conditions
qui feront que les jeunes investiront plus sérieusement dans leurs
études. On a eu tendance à niveler par la base, à abaisser
les exigences. Ici aussi on ne peut passer sous silence que ce problème
s'installe avant le cégep et que les exigences trop faibles pour
l'obtention du diplôme d'enseignement secondaire doivent contribuer
lourdement à dévaloriser l'effort scolaire aux yeux mêmes
des jeunes.
C'est dans le cadre de cette discussion que la FTQ aborde le sujet
épineux du travail rémunéré des jeunes. Il nous
apparaît que, contrairement à ce qui arrive trop souvent,
l'allocation du temps exigé par les études devrait être le
premier impératif structurant le budget tant d'un étudiant ou
d'une étudiante à ses yeux mêmes et aux yeux des parents et
des personnels scolaires. Le haut niveau d'acceptation sociale que
reçoit la pratique du travail rémunéré
étudiant est certainement en lien avec notre
«nord-américanité» et la segmentation du
marché du travail qu'on retrouve sur ce continent où s'est
développé un secteur d'emploi instable, précaire et
rencontrant tout juste, ou même pas, les normes minimales
légiférées. Il s'agit d'un problème important qu'il
faut aborder sous l'angle des conditions de la réussite scolaire ainsi
que des contrôles qu'il convient d'imaginer pour contrer la
surexploitation des jeunes.
Nous terminons cette section du mémoire par des propos sur la
qualité de la formation dispensée, car la réussite
scolaire ne devrait pas s'arrêter à la diplomation, ni même
aux résultats académiques. Aucune société ne peut
faire l'économie d'une réflexion permanente sur la nature et la
quantité des savoirs autour desquels doivent se structurer les divers
ordres d'enseignement. La FTQ partage certaines inquiétudes concernant
la qualité de la formation générale et de la formation
fondamentale, et nous illustrons cette préoccupation par un cri
d'alarme. Le cégep ne prépare pas les jeunes à être
des citoyens et des citoyennes responsables, informés, critiques. Nous
nous en expliquons dans le mémoire. (10 h 50)
L'enseignement professionnel. Nous faisons, dans notre mémoire,
une évaluation globalement positive de l'enseignement professionnel dont
il faudrait, en réalité, assurer la promotion. Nous accompagnons
ceux et celles qui s'interrogent sur l'opportunité de permettre le cumul
des forma- tions courtes ou moyennes dans une démarche d'obtention d'un
D.E.C. professionnel. Enfin, nous regrettons que les organisations syndicales
ne soient pas davantage impliquées dans la nécessaire
évaluation de l'adéquation des formations professionnelles aux
besoins du marché du travail.
La formation continue. Le réseau d'enseignement collégial
a largement participé à l'explosion de la demande en formation
générée par des adultes désireux de parfaire leurs
compétences professionnelles, de s'en bâtir une nouvelle, ou
encore d'acquérir des connaissances générales. Les
bouleversements qui ont balayé l'organisation économique et les
systèmes productifs cette dernière décennie ont, en outre,
amené beaucoup d'entreprises à se tourner vers les
établissements collégiaux pour adapter leur main-d'oeuvre aux
changements. Nous croyons, à la FTQ, que les cégeps ont
globalement été à la hauteur des attentes et ont su
réagir avec la promptitude et la flexibilité
nécessaires.
Nous ne pouvons guère parler de formation continue sans revenir
sur des problèmes non réglés comme les investissements
encore trop faibles consentis en matière de formation professionnelle
par les entreprises québécoises, l'absence de
congés-éducation, ou l'insuffisance des programmes d'adaptation
de la main-d'oeuvre de nature préventive. Nous espérons que la
création de la Société québécoise de
développement de la main-d'oeuvre contribuera à apporter certains
correctifs.
Nous insistons, dans notre mémoire, sur certains aspects relatifs
à la formation continue. Ainsi, mettons-nous l'accent sur la
nécessité d'améliorer les services de soutien offerts par
les cégeps aux adultes, services insuffisants, souvent assurés
par des salariés précaires qui travaillent dans des conditions
peu favorables. De même faut-il rompre avec une mentalité encore
beaucoup trop bureaucratique qui amène à mettre de façon
indue l'accent sur des normes, par exemple les crédits, les
diplômes, plutôt que sur les connaissances et acquis réels
des adultes en quête de perfectionnement professionnel. Beaucoup trop
d'adultes qui n'ont pas eu la chance de profiter de la démocratisation
scolaire sont rejetés de l'institution scolaire malgré leur
désir d'apprendre parce qu'ils ne satisfont pas formellement à
des exigences administratives méconnaissant leurs compétences
réelles.
Enfin, la FTQ profite de cette commission pour déplorer l'absence
totale d'organisation collective de la clientèle adulte du réseau
d'enseignement collégial. Cette situation nous apparaît
néfaste à la promotion et à la défense des droits
et revendications des adultes fréquentant le cégep. A cet
égard, nous appuyons sans réserve les revendications
formulées par les organismes regroupant des étudiants et
étudiantes engagés à temps partiel dans des études
universitaires.
Les services aux collectivités. La FTQ ne pouvait se
présenter devant cette commission sans manifester sa
préoccupation à l'égard des services aux
collectivités. Ces derniers n'ont pas fait l'objet, à
l'époque de la création du réseau, d'une mention
spécifique dans la loi constitutive. Cependant, plusieurs
collèges ont, dans les faits, consacré des efforts à cette
mission implicite. Il nous apparaît cependant que, d'une part, les
services aux collectivités, là où ils étaient
formalisés, ont été victimes des compressions
budgétaires et que, d'autre part, les services aux entreprises tendent
souvent à remplacer les services aux collectivités.
La FTQ constatant que les cégeps se sont, dans l'ensemble,
éloignés des populations, et notamment des organisations
syndicales - ceci est encore plus vrai dans les grands centres urbains -
souhaite donc que la présente commission parlementaire soit l'occasion
de remettre cette question à l'ordre du jour.
Et je vais finir par la conclusion de notre mémoire. Même
si nous avons exprimé un point de vue critique sur le climat dans lequel
fut convoquée cette commission parlementaire, point de vue que nous
avons quelque peu nuancé et rendu beaucoup plus positif, comme vous
l'avez vu, il est clair que notre organisation, quoi qu'il advienne, aura
contribué à assainir le débat en permettant de sortir de
ce dernier des milieux immédiatement intéressés à
l'éducation, et en faisant ressortir les faits plutôt que les
caprices de la rumeur publique.
Nous croyons, Mme la ministre, Mme la Présidente aussi, que notre
système d'enseignement a autant d'importance, pour l'avenir du
Québec, que le débat constitutionnel. Il faudrait collectivement
nous en convaincre, et vous, de même que l'ensemble de vos
collègues au cabinet, avez un rôle capital à jouer. Il vous
appartient de jeter les bases d'un nouveau chantier collectif, de le faire de
façon positive. Cessons de dénigrer ce que nous avons bâti.
Mais cessons aussi de répondre par le fatalisme et l'impuissance aux
signaux indiquant que nos investissements dans notre système
d'enseignement ne donnent pas les résultats nécessaires. Chacun,
chacune doit mettre l'épaule à la roue et nous sommes de
ceux-là.
Nous avons, quant à nous, confiance en la capacité du
réseau collégial d'apporter des redressements. Nous
réitérons que bien des problèmes relèvent des
ordres d'enseignement antérieurs. Nous ne cessons de le dire tout au
long de notre mémoire. Il faut envisager globalement la situation sans
pour autant remettre l'action sine die. Le Québec n'est pas seul
à être traversé par des interrogations sur son
système d'enseignement; c'est le lot de toutes les
sociétés industrialisées, et la conséquence directe
de la transformation des systèmes économiques et productifs. Il y
a tant à faire que nous avons intérêt à comprendre
la mise en place des nécessaires réformes dans un climat de
collaboration et de solidarité.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup, M. Daoust.
Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. M. Daoust, je
veux vous dire mon intérêt à vous entendre, comme
Fédération des travailleurs et des travailleuses du
Québec, sur ces questions si importantes pour l'avenir de nos jeunes et
pour le développement social du Québec, parce que c'est ce dont
il s'agit, quand on parle d'éducation. Et je suis très heureuse
de voir que vous nuancez votre réaction par rapport à la
pertinence de cette commission parlementaire, parce que vous savez, M. Daoust,
si j'ai voulu cette commission parlementaire, c'est justement pour clarifier
toute cette situation de sous-entendus, d'allusions, de dénigrements,
comme vous dites, de rumeurs, que, très souvent, on fait dans les
corridors ou au coin des rues.
C'est le moment de venir faire un débat public et de rechoisir
publiquement le cégep. Et comptez sur moi que, suite à cette
commission parlementaire et suite au consensus et aux convergences qui se
dessinent dans cette commission parlementaire, je ne serai plus disposée
à entendre des allusions et des rumeurs. C'était et c'est le
moment ou jamais de le faire publiquement, ce débat. Et c'est pourquoi,
depuis le début de cette commission et je suis d'accord avec vous, M.
Daoust, je suis fort heureuse de voir qu'on ne fait pas un débat de
structures, mais qu'on va au fond des choses, au contenu même de la
formation. Et la qualité des débats de tous les intervenants ici
se situe à ce niveau-là et vous m'en voyez fort heureuse.
Et, M. le président de la Fédération des
travailleurs et des travailleuses du Québec, j'aimerais ça
aborder avec vous la question de l'enseignement professionnel. Vous le dites en
partant, dans votre mémoire, à la page 19, selon vous,
«l'enseignement professionnel collégial est un
succès». Et vous expliquez ce sur quoi repose cette affirmation.
Et à l'intérieur de ce chapitre-là, M. Daoust, vous nous
faites quand même des suggestions pour améliorer cette formation
professionnelle et vous dites très clairement «le réalisme
oblige à envisager des formations plus courtes ou
modulées». Pourriez-vous m'éclairer davantage sur votre
proposition? (11 heures)
M. Daoust: Oui, mais avant d'aborder cette question sur des
formations plus courtes ou modulées, je voudrais vous dire notre
admiration, notre satisfaction à l'égard de ce qui se fait dans
les cégeps dans le domaine de l'enseignement professionnel. Dans notre
mémoire, on rappelle que c'est un lieu de formation de main-d'oeuvre
à fort niveau de technicité et de compétence et que, dans
l'époque cruciale que
nous connaissons - et on parie de systèmes productifs, de
stratégies industrielles - nous nous sommes collectivement dotés
d'un très, très grand atout, dont il faut, par tous les moyens,
valoriser l'importance, et valoriser l'importance de la formation
professionnelle.
On a l'outil, on a les compétences, on a les
disponibilités, les volontés, sans aucun doute, mais il y a
quelque chose qui nous inquiète, c'est la valorisation de ce type
d'enseignement. Là-dessus, nous sommes disposés, quant à
nous - et nous ne sommes pas les seuls - à participer à tout
effort - et nous le faisons depuis déjà un bon bout de temps -
pour mettre en place des campagnes de sensibilisation à l'égard
de la nécessité ou de l'obligation de convaincre les jeunes,
hommes et femmes, de se diriger de plus en plus vers ce secteur.
Une inquiétude que nous avons soulevée aussi, c'est le
taux de diplomation qui est moins élevé que dans l'enseignement
général, alors qu'on sait fort bien que les
débouchés sur le plan de l'emploi, pour ceux et celles qui se
sont dotés d'un enseignement professionnel de qualité, sont
présents et de qualité.
À l'égard de ces formations un peu plus courtes ou
modulées, on sait, à ce moment-ci, que la durée est de
trois ans et on s'interroge, nous. On n'a pas réponse à tout, on
s'interroge et on voudrait que cette réflexion-là soit nourrie
par ceux et celles qui sont plus impliqués dans le secteur comme tel, au
niveau de l'enseignement. Mais on s'interroge - parce qu'on est de ce
côté-ci de l'enseignement, si vous voulez - sur la durée de
ces cours-là et sur le fait qu'ils ne puissent pas être ou
difficilement modulés. On veut bien suivre et continuer à
réfléchir dans ce domaine-là. Il y aurait peut-être
une hypothèse à retenir: Que dans certains cas, certaines
filières, comme on le dit dans notre document et comme vous le dites,
dans le jargon traditionnel du milieu, l'hypothèse d'une formation
inférieure à trois ans pourrait être retenue et pourrait
peut-être éviter le phénomène du décrochage
ou de la non-diplomation, puisqu'il y a une corrélation entre les deux,
si la durée était un peu plus courte et si, toutefois - ça
va de soi, c'est une évidence - au bout de cette durée, il y
avait un diplôme qui soit reconnu.
Il y a aussi un aspect qu'on voudrait soulever, et peut-être que
c'est implicite dans votre question: II me semble qu'il y aurait un très
grand intérêt à impliquer les organisations syndicales dans
la mise à jour de tous ces programmes de formation professionnelle. Je
ne peux pas concevoir que ça ne se fasse pas, alors que les
modèles les plus stimulants qui nous sont présentés de
temps à autre, ceux que, de part et d'autre, on va visiter, que ce soit
l'Allemagne ou d'autres pays, mais particulièrement l'Allemagne... on
voit à quel point il y a une implication des organisations syndicales
à l'égard du contenu des cours et de toute l'organisation de la
formation professionnelle à l'intérieur des institutions. Ils ont
une culture, dans ce domaine-là, qui provoque une très grande
envie. Cette culture-là n'est pas née spontanément, elle a
été alimentée par une très grande ouverture
d'esprit et aucune espèce de mépris à l'égard des
travailleurs et des travailleuses, de ceux qui font et façonnent les
produits ou qui donnent les services. Il y a donc de ce
côté-là, encore une fois, beaucoup d'aspects positifs.
Alors, il faudrait, il me semble, s'ouvrir de plus en plus et que de ce
côté-là les structures officielles des cégeps
manifestent un peu moins de timidité. Quant à nous, les bras sont
là grands ouverts, la main est tendue. Peut-être que c'est moins
sûr, mais on le souhaiterait tellement. Ça se fait, soit dit en
passant - d'autres peuvent vous en parier - dans certains secteurs. On pense
à la pétrochimie, à Montréal, où un syndicat
de la FTQ, le Syndicat des travailleurs de l'énergie et de la chimie,
collabore de très près avec l'entreprise. Évidemment, il y
a une très grande collaboration. Et les cégeps, peut-être
que Michel pourrait nous en dire un mot dans le domaine des échanges
tellement indispensables pour façonner les programmes et faire
état des besoins qui s'expriment.
Mme Robillard: Malheureusement, M. Daoust, le temps est court. Je
connais bien l'expérience au niveau de la pétrochimie. Je veux
vous dire aussi que je suis tout à fait prête - et je l'ai
déjà fait - à regarder aussi les modèles qui se
vivent dans d'autres pays, les modèles étrangers. Mais, comme
vous le dites, il ne s'agit pas de prendre un modèle extérieur et
de l'appliquer en tant que tel au Québec parce que ces
modèles-là sont liés à des traditions, à des
cultures. Donc, il faut regarder chez nous, nos valeurs, notre culture,
où on en est rendus, et peut-être imaginer un modèle tout
à fait nouveau qui nous convient, selon nos besoins. Ça, je n'ai
pas de problèmes de ce côté-là.
Au niveau de la modulation, ce que je comprends, c'est que vous suscitez
l'idée, M. Daoust, vous dites... C'est intéressant, mais ce que
vous me dites, c'est que vous n'êtes pas allés plus loin, en tout
cas, pour m'éclairer davantage au niveau de la modulation des cours. Je
prends bonne note de ça.
Si nous revenions, M. Daoust, à la question du financement, vous
l'avez abordée. C'était votre premier sujet, d'ailleurs, le
financement du réseau collégial en tant que tel. Est-ce qu'au
niveau de la FTQ il y a une réflexion en regard de la gratuité du
système collégial ou d'une limite à la gratuité du
système collégial?
M. Daoust: À l'égard de la gratuité, oui, il
y a une position de la FTQ, que vous retrouvez a la page 9, dans laquelle on
dit: Nous ne pouvons que réitérer que nous tenons au principe
de la gratuité scolaire et que le financement des cégeps
relève de notre responsabilité collective, donc de l'État.
Là-dessus, il n'y a pas de faiblesse ou d'autres sorties possibles.
Quant à nous, c'est la gratuité. Gratuité, c'est
démocratisation. Aller à rencontre de ce principe-là,
ça serait, à notre sens, affaiblir les efforts de
démocratisation tellement indispensables dans notre
société. C'est une position traditionnelle à la FTQ. Elle
n'est pas nouvelle. Nous la soutenons avec force.
J'écoutais un peu plus tôt, ce matin, le porte-parole de
l'Asssociation des manufacturiers du Québec, et j'aurai des
commentaires, plus loin, à faire quand il sera question peut-être
de formation professionnelle ou de formation des adultes. Mais, quant à
nous, nous ne pouvons pas concevoir que ce soit autrement que cette
gratuité complète et totale. Écoutez, on en parle
abondamment dans notre mémoire. Je ne veux pas reprendre tous les
aspects. Il y a évidemment des questions que nous nous posons à
l'égard du financement dont s'alimentent les collèges en ce qui a
trait à la formation sur mesure. Ils sont tellement, les
collèges, affectés par le manque de financement qu'ils doivent
aller chercher ici et là des formes de financement à
l'extérieur. Nous avons, à ce sujet-là, un questionnement,
quelques inquiétudes. Mais c'est une réflexion qui s'amorce chez
nous. On estime, encore une fois - on va le répéter à
satiété - que c'est une responsabilité collective et qu'il
ne faudrait surtout pas que l'État se retire de quelque façon que
ce soit dans ce type de financement. (11 h 10)
Et, quand on dit que la gratuité vaut pour les
élèves réguliers, on le souhaite aussi pour les adultes.
On estime que le droit à l'éducation, c'est un droit fondamental
qui est répété dans certaines lois, qui fait partie d'un
grand projet de société et que de mettre ça en cause, par
des formes de financement qui ne sont pas des financements publics, contredit
ce principe qui est le nôtre fondamentalement.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Daoust. Alors, je
vais reconnaître le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, merci, Mme la Présidente. Merci à
la FTQ et ses collaborateurs - que je ne nommerai pas individuellement -
d'être là. Je pense que ça aurait été
inconvenant qu'à un débat comme celui-là qui s'est
engagé la FTQ, qui a toujours été associée aux
grandes réformes et aux courants d'évolution des dossiers
québécois, ne soit pas partie prenante.
Deux commentaires. D'entrée de jeu, je pense que d'émettre
des réserves sérieuses sur les conditions d'une consultation et
de constater, à l'exercice, que les réserves que nous avions
énoncées s'atténuent et s'estompent, ce n'est pas mauvais.
Moi, ça ne me fait pas mal. J'en ai posé, je ne le regrette pas,
je suis convaincu, j'aime mieux la trame dans laquelle s'engage la commission
que je vis que celle qu'on avait annoncée.
Deuxième commentaire, c'est évident que ce n'est pas de la
rumeur de la rue et du coin de la rue amicalement à la ministre quand
elle-même, comme membre de ce gouvernement-là, choisit de dire:
Tout est sur la table. Ce n'est pas de la rue. Si tout est sur la table, moi,
je l'ai entendu, il y a des gens qui voulaient questionner la pertinence de,
oui ou non, les frais de scolarité? Vous avez dit: Je n'ai pas
d'objection, je veux que ce soit sur la table. Ce n'est pas de la rumeur
publique. Est-ce que c'est de la rumeur publique de revoir la pertinence
même et l'existence des collèges? Bien non. Dans votre demande
d'avis au Conseil supérieur... Je me rappelle quand vous les avez
interrogés ici, vous avez demandé à M. Bisaillon,
président du Conseil supérieur: Comment se fait-il que vous
n'avez pas développé davantage les deux autres alternatives qui
étaient autres que de refaire le choix du cégep? Et ce n'est pas
méchant, ce n'est pas agressif. Je dis juste que moi, les
réserves que j'ai émises, je me devais de le faire et j'ai
été très heureux d'avoir des partenaires qui se sont
associés aux réserves que j'ai eu l'occasion d'émettre
lors du lancement de cette consultation. Ça va bien, je trouve
qu'effectivement nous touchons les bonnes questions. J'ose espérer qu'on
prendra les bonnes décisions tous ensemble.
La conclusion que vous faites, M. Daoust, je l'aime davantage parce que,
dans le fond, ce que vous nous dites, c'est que le moment est venu de refaire
la priorité des priorités au Québec. Et, pour les
prochaines années, je pense que la priorité des priorités
au Québec se doit d'être notre système d'éducation,
y incluant tous ses ordres: primaire, secondaire, collégial et
universitaire. Et ce n'est pas parce que nous étudions la
problématique collégiale qu'il ne faut pas se rappeler tout ce
que les intervenants sont venus nous dire. Il n'y a à peu près
personne qui ne nous a pas dit qu'il y a des problèmes graves
d'harmonisation. Vous-mêmes, et là j'arrive à vos
questionnements, vous-mêmes dans votre mémoire, avec raison - le
«vous» n'est pas à vous, M. Daoust, mais à la FTQ -
vous avez dit: Écoutez, il y a tous les élèves dont le
collégial hérite. Et ma première question serait justement
là-dessus, puisque vous aussi vous nous avez parlé du nombre
d'unités et, là-dessus, s'il ne se passait pas quelque chose, on
aurait raison de se faire pendre sur la place publique parce que tout le monde
en a parlé. Je n'ai jamais vu un consensus aussi précis, non
fragile.
Cependant, il reste quand même un peu de vérifications
à faire. Ma première question, c'est la suivante, je vous cite:
II faut relever et uniformiser les normes au secondaire, cesser d'envoyer au
cégep des jeunes mal préparés et, surtout, d'avoir le
culot - ce n'est pas ça que
vous dites, mais c'est ce que ça veut dire - de blâmer les
cégeps pour la sous-diplomation et les formations
déficientes.
Question. Vous parlez, éventuellement, d'émettre
plutôt une formule de mise à niveau ou une propédeutique
à l'entrée du cégep pour les étudiants et
étudiantes titulaires d'un tout petit D.E.S., le D.E.S. étant le
diplôme d'enseignement secondaire. Il y a deux façons: Ou bien
c'est ça, ou bien c'est l'autre affaire. On dit: Dorénavant,
celles et ceux qui aspireront à une formation plus grande que le D.E.S.,
vous avez des conditions d'entrée au cégep un peu plus
relevées. Est-ce que votre choix ça ne pourrait pas être
ça plutôt qu'opter pour un D.E.S. uniforme? Mais ceux qui iront au
collégial, on va s'en occuper à l'arrivée pour les
préparer comme il le faut aux études qu'ils veulent entreprendre.
J'aimerais ça savoir pourquoi vous semblez privilégier davantage
la formule de cours de mise à niveau et une propédeutique
plutôt qu'un relèvement du nombre d'unités requis pour
dire: Si tu vas au cégep, tu n'auras pas le même seuil
d'entrée que si tu termines tes études avec un D.E.S.
M. Daoust: Si on fait état de cette mise à niveau
ou propédeutique à l'entrée, c'est à la suite de
constatations que tout le monde fait, je pense bien; il n'y a pas une longue
démonstration à faire là-dessus. C'est une mesure
temporaire, essentiellement palliative. Il ne faudrait pas que ça
s'instaure, selon nous, comme un moyen qui deviendrait permanent. Le drame - et
je pense bien que cette commission le fera éclater et sensibilisera
l'opinion publique - c'est que le cégep est héritier de ce qui se
passe au primaire et au secondaire, et ce n'est pas possible d'avoir un
héritage aussi lourd de conséquences que ça dans l'immense
majorité des cas, héritage qu'on ne peut pas refuser, sans aucun
doute. C'est là et il faut permettre l'accès à ces jeunes,
qui sortent du secondaire, à des études collégiales. C'est
pour ça qu'on ne cesse, tout au long de ce mémoire, de pointer du
doigt le secondaire et de demander à la ministre, au gouvernement
d'intervenir par tous les moyens afin de faire en sorte que ceux et celles qui
quittent le secondaire pour venir éventuellement au collégial
aient tous les atouts, tous les acquis, toute la compétence, toute la
formation, tout le goût à l'étude tellement indispensable
au secondaire.
M. Gendron: Mais, M. Daoust, juste pour finir
là-dessus...
M. Daoust: Écoutez, c'est... Enfin, c'est fantastique,
mais il faut le dire et le répéter parce que c'est
peut-être peu su au Québec qu'on peut obtenir un diplôme
d'enseignement secondaire et qu'on les octroie à des gens qui ont
échoué en mathématiques, en physique, et qui savent
à peine lire. Quand on lit - je ne l'ai pas ici - le passage de Mme
Corriveau, c'est encore plus dur que ça. Apparemment, il y a des gens
qui peuvent obtenir des diplômes au secondaire qui ne savent même
pas lire... bien, ou à peu près. Je vous vois hésiter
quelque peu ou réagir.
M. Gendron: Bien, c'est parce que je viens de ce milieu-là
et je n'aime pas bien ça. J'ai enseigné 10 ans et dire... Bien,
écoutez... En tout cas, ce n'est pas grave.
M. Daoust: Oui. Donc, pour nous, la mise à niveau ou la
propédeutique, c'est un palliatif, c'est une mesure essentiellement
palliative qui ne devrait pas avoir de durée dans le temps. Ce n'est pas
acceptable qu'un niveau d'enseignement, qu'un ordre d'enseignement comme le
collégial reçoive des gens si peu, si mal formés, et
ça nous pose... Il y a tout un questionnement là-dessus dont il
faudrait peut-être, un de ces bons jours, se préoccuper, et
commencer à apporter des correctifs et des réponses.
M. Gendron: Mais rapidement, M. Daoust, pour terminer
là-dessus, c'était un rehaussement pour tous ou uniquement ceux
qui vont aller au cégep? C'est plus sur ça que j'aimerais un oui
ou un non.
M. Daoust: Excusez-moi?
M. Gendron: un rehaussement du diplôme d'enseignement
secondaire pour tous ou surtout pour celles et ceux qui choisiront d'aller au
cégep? c'est juste ça que je veux...
M. Daoust: Ah! bien moi, je dirais pour tous, pour ne pas qu'il y
ait de discrimination, que le diplôme, que le D.E.S. soit de même
qualité que vous alliez ou non au cégep.
M. Gendron: Ça va.
M. Daoust: Peut-être que mon...
M. Cousineau (Guy): Oui, effectivement, je pense qu'on ne doit
pas viser à niveler par le bas, sauf ceux qui s'en vont... Il ne
faudrait pas non plus que quand tu rentres au cégep, parce qu'il y en a
certains qui n'ont pas un diplôme d'études secondaires aussi
élevé, on rabaisse aussi les premières sessions pour
ramener tout le monde au même niveau avant Noël. C'est ce qui arrive
souvent. Et quand on passe à l'université, la première
session, bien... Vous avez aussi la moitié de la première session
à remettre tout le monde au niveau parce que tout le monde n'a pas eu
les mêmes formations. Je pense que là-dessus on doit avoir plus
d'uniformité, augmenter la qualité et rehausser pour tout le
monde au niveau secondaire.
M. Gendron: Deuxième point...
La Présidente (Mme Hovington): Excusez. Vous êtes M.
Cousineau?
M. Cousineau: Oui.
(11 h 20)
La Présidente (Mme Hovington): C'est pour les fins de la
transcription des débats.
M. Gendron: Merci. Deuxième point que je voudrais toucher,
M. Daoust... Dans votre mémoire, je pense que la FTQ, avec raison,
insiste que... Puis je vous cite encore, là: «Le cégep: un
espace-temps qui n'existe pas dans une vie. [...] Le cégep: un gros
centre commercial». Donc, j'ai compris que vous n'êtes pas d'accord
là-dessus et je vous comprends. Mais, moi, j'ai insisté beaucoup,
et il y en a plusieurs qui ont insisté, sur la nécessité
d'avoir un projet éducatif, d'avoir un milieu de vie, d'avoir ce que
j'appelle des éléments de référence pour des jeunes
qui sont autres qu'un horaire à un cours. Un cégep, ça lui
prend un peu d'âme. Et plusieurs sont venus nous dire que les mesures
d'encadrement sont déficientes à plusieurs égards.
Moi, je suis porté à partager ça, qu'il n'y a plus
beaucoup de mesures d'encadrement. Il n'y a plus assez de mesures
assistées. Et je donne des exemples vite, vite. Quand on nous dit les
API, aides pédagogiques individuels - il y en a un par cégep; je
ne veux pas savoir si c'est vrai ou pas vrai pour tout de suite - une chose est
sûre, c'est que tout le monde est unanime à dire qu'il n'y en a
pas assez. Même chose au niveau, par exemple, du personnel non
enseignant. Il y a trop eu de... Il manque de monde au niveau du PNE, de ce
qu'on appelle le personnel non enseignant. C'est des conseillers
pédagogiques, c'est des gens qui assisteraient des élèves
en difficulté.
Question. Vous semblez, vous, privilégier davantage, s'il y avait
du dégagement d'argent à quelque part, d'en mettre plus sur la
réduction du ratio maître-élèves. Moi, je ne dis pas
- parce que je connais très bien ce que ça signifie - qu'il n'y a
pas de quoi à regarder là, mais si j'avais le choix, moi, entre
le ratio maître-élèves, en termes de réduction, et
des mesures d'encadrement plus significatives, plus, selon ce qu'on a entendu,
requises... Je veux savoir pourquoi vous choisissez davantage la
réduction du ratio maître-élèves plutôt que
des mesures d'encadrement plus importantes, plus significatives.
M. Daoust: Mon Dieu! c'est des questions compliquées que
vous nous posez, mais je vais vous donner quelques réactions. Moi, j'ai
été - vous allez dire que j'ai le scandale facile -
bouleversé, encore une fois, il n'y a pas tellement longtemps, à
parler à des cégépiens puis des cégépiennes
qui m'ont révélé que, l'API de leur cégep, ils le
voient une fois par année et ça dure 15 minutes. Sapristi! Mais
où est-ce qu'on s'en va? Je comprends qu'il y a, en moyenne, un API par
1000 étudiants, dit-on, selon les statistiques qu'on trouve ici et
là. C'est entendu que, quand vous me posez une question comme
celle-là, je dirais: Écoutez, il faut faire en sorte que
l'encadrement soit consolidé, renforcé du côté de
tous ces appuis, ces aides pédagogiques, ces professionnels non
enseignants, sans aucun doute. On pourrait dire la même chose à
l'égard du personnel de soutien. On en fait la démonstration dans
notre document. Quand le personnel de soutien est en nombre inadéquat et
que - je le répète, parce qu'il n'est pas mauvais de le
répéter - un groupe s'amène dans une classe, puis toutes
les chaises ont été placées en rond, puis les tableaux ne
sont pas nettoyés, bon, eh bien, le temps que les
cégépiens puis les cégépiennes vont prendre pour
laver le tableau puis replacer les chaises, les 5 ou 10 minutes, ce ne sera pas
du temps d'enseignement.
Le ratio maître-élèves, ceux qui ne sont pas dans
les filières scientifiques ou professionnelles et qui vivent des ratios
maître-élèves de 1 à 150 ou 140 ou 160, il y a
quelque chose qui ne tourne pas rond. C'est le sous-financement, sans aucun
doute, qui nous convainc qu'il va falloir trouver les moyens, dans notre
société. Puis je ne veux pas revenir à la question de Mme
la ministre, mais il va falloir les trouver, ces moyens-là. Puis ce
n'est pas par des frais de scolarité. C'est une responsabilité
collective. Et je ne veux pas revenir avec ce qu'on a mentionné en
d'autres milieux, mais il est indispensable qu'au Québec il y ait cette
grande réflexion sur la fiscalité et qu'il y ait le grand
débat que l'on souhaite et non pas des lieux où on va escamoter
les vrais sujets. Et tout se tient dans une société.
Je réponds longuement à votre question et je m'en excuse.
Où est notre choix? Il est un peu en tout ça. Nous, on n'est pas
au niveau de faire des choix de cette nature-là. On critique,
c'est-à-dire on est émus de voir que le ratio
maître-élèves est au détriment de l'enseignement
puis qu'il n'y ait pas assez d'API, puis qu'il n'y ait pas assez de PNE et
qu'il n'y ait pas assez de personnels de soutien. On est bouleversé de
tout ça, mais on sait que ça découle fondamentalement du
sous-financement.
M. Cousineau: Je voudrais peut-être ajouter juste une
petite chose. Effectivement, de un, je pense qu'il y a à ramener
à un niveau... Quand on parle des sciences, on parle d'un ratio à
peu près de moitié moins grand que... un meilleur ratio qu'en
philosophie ou ailleurs. Donc, les étudiants qui s'en vont en sciences
humaines sont défavorisés comme s'ils avaient moins besoin
d'encadrement. Si on met des ratios de 1-70 ou 1-80, quand on parle des
sciences, c'est parce qu'on a l'impression que la relation
professeur-élèves est importante. Les services
spécialisés,
donc, font en sorte qu'on identifie qu'il y a une catégorie
d'étudiants qui vont avoir besoin de ces services-là. Est-ce
qu'on pense que ça s'adresse principalement à ceux dont le ratio
élèves est plus grand? Moi, je pense que, dans un premier temps,
il faudrait peut-être ramener le ratio étudiants,
élèves et professeur à un meilleur niveau que d'avoir, en
plus, des spécialités quand on a des choix à faire.
Il y a aussi quand on nous dit que l'encadrement... On parle à
des jeunes adultes. Moi, je pense que, pour les jeunes adultes que j'ai chez
nous, qui viennent du cégep, l'encadrement, en même temps que tout
le monde crie qu'il en manque, même les jeunes, chez nous, ils n'en
veulent pas. Je veux dire, les parents... On a des affirmations, qu'il faut
s'affirmer quand on veut encadrer des jeunes de 16, 17, 18 ans qui sont au
cégep et on devrait dire à l'État: II faudrait leur donner
un meilleur encadrement. Moi, je pense qu'on a une réflexion à
faire avec les jeunes, qu'on exclut beaucoup de ces débats-là.
Qu'est-ce qu'ils entendent par un meilleur encadrement? Est-ce qu'une relation
d'adulte à adulte ou à jeune adulte est à
développer plus que d'avoir des services spécialisés? Moi,
à mon sens, c'est peut-être là qu'il faut regarder.
M. Gendron: Merci. J'aurais deux...
M. Blondin (Michel): II y a une autre dimension, je pense, qu'on
devrait soulever. Mon nom est Michel Blondin.
La Présidente (Mme Hovington): Merci.
M. Blondin: II y a une autre dimension, Mme la Présidente,
je pense, qu'on devrait soulever autour de ça, c'est toute la question
des services offerts aux adultes.
M. Gendron: Oui.
M. Blondin: II y a, dans le réseau collégial, entre
100 000 et 120 000 adultes qui suivent des cours actuellement; dont à
peu près 80 000 suivent des cours crédités. C'est
énormément de personnes qui sont des payeurs de taxes. Ce sont
tous des payeurs de taxes qui ne reçoivent pratiquement de soutien
d'aucune sorte dans le cadre de leur démarche de formation. On oublie
souvent que ces gens-là ont le droit d'avoir accès aux
mêmes services que les jeunes. Vous parliez tout à l'heure, dans
le contexte des services aux jeunes, que c'est un problème important,
mais il faut aussi pouvoir offrir aux adultes un minimum de soutien dans leur
démarche pour identifier leur voie d'études et pour pouvoir
poursuivre leurs études. On ne parle même pas de compléter
des études. Ce n'est pratiquement pas possible, pour des adultes qui ne
sont pas à temps plein, de poursuivre leurs études et de les
compléter.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Blondin. Une
dernière courte question.
M. Gendron: Une dernière, mais à deux volets.
La Présidente (Mme Hovington): Ça va
dépasser les deux minutes.
M. Gendron: Non, non, mais ce n'est pas grave, là. Quand
bien même on prendrait une minute ou deux de plus, je veux dire. Stage en
milieu de travail. J'aurais aimé ça, M. Daoust, que vous me
donniez un peu d'information. Bien, je veux dire, on va respecter l'horaire.
Stage en milieu de travail. J'aurais aimé ça que vous me donniez
un peu votre point de vue, parce qu'il y en a plusieurs qui sont venus nous
dire qu'il fallait, effectivement, en faire plus, qu'il fallait maximiser cette
relation études-travail directement en entreprise. Et, à moins
que je ne me trompe, je ne me souviens pas que vous ayez
développé ça. J'aimerais ça avoir votre point
vue.
L'autre volet, c'est toute la question des services à la
collectivité. C'est évident qu'un cégep, dans les
régions et ailleurs aussi, il est constamment sollicité pour une
multitude de services à la collectivité. Je voudrais que vous
donniez quelques phrases de point de vue là-dessus, mais en relation
avec ce que les universités et, entre autres, le réseau UQ font
dans les régions. Dans chacune des régions, à partir du
moment où on a ajouté, dans la loi constituante ou constitutive
de l'Université du Québec, recherche, enseignement et services
à la collectivité, je ne voudrais pas qu'il y ait
dédoublement. Que des cégeps soient sollicités par des
entreprises pour de la formation technique et qu'il y ait une collaboration,
ça va, mais il ne faudrait pas élargir, d'après moi, la
mission des cégeps aux services à la collectivité si on ne
fait pas la relation avec la mission que l'Université du Québec
en région a déjà, parce que, là, il risque d'y
avoir double emploi. Moi, les chevauchements, vous savez ce que j'en disais il
n'y a pas longtemps. Alors, je ne veux pas en créer davantage.
J'aimerais ça vous entendre.
La Présidente (Mme Hovington): Rapidement, parce que le
temps de l'Opposition est terminé. (11 h 30)
M. Daoust: Stage en milieu, oui, sans aucun doute, c'est une voie
qu'il faut privilégier. Je vous invite à lire - vous l'avez
peut-être déjà fait - les documents qui viennent tout juste
d'être publiés par le Forum pour l'emploi à cet
égard et qui donnent les positions de ce Forum pour l'emploi où
on retrouve aussi bien les porte-parole du mouvement syndical que du milieu
patronal. Une chose indispensable dans les stages en milieu de travail: Ne
jamais oublier qu'il n'y a pas rien que le patron, il n'y a pas rien que les
dirigeants de l'entreprise, il y a des
travailleurs et des travailleuses, qui, souhaitons-nous, devraient se
syndiquer, et, quand ils le sont, il y a un syndicat. Il est indispensable que
le cégep qui veut aller dans cette direction-là, qui doit aller
dans cette direction-là, tienne compte de cette réalité du
milieu de l'entreprise.
À l'égard des services à la collectivité, on
parle... En gros, le fond de notre pensée, c'est que c'est notre
propriété collective, ça, un cégep dans une
région. Ça joue un immense rôle. Il faut que ce soit
près des réalités, du bouillonnement. Il faut que
ça voie un peu ce qui se passe, et ça le voit, remarquez bien.
C'est la petite université dans bien des milieux. On n'est pas tous dans
de grandes régions et, même dans de grandes régions,
l'université est souvent sur la montagne, même quand elle n'y est
pas physiquement, et je ne veux pas critiquer l'UQAM, pas une damnée
miette, en disant ça.
Alors, les cégeps ont besoin de se rapprocher du milieu, en fait,
pas rien que du milieu de l'entreprise. Je sais que ça les attire comme
un aimant, puis ce n'est peut-être pas mauvais non plus, puis il y a un
problème de financement. Mais il y a tout ce milieu de vie, puis
l'appropriation ou la réappropriation des cégeps va faire en
sorte que ces derniers vont jouir d'un immense prestige dans leur milieu et que
ça ne deviendra pas des grands centres commerciaux, comme on l'a dit, ou
des milieux qui n'ont pas de vie véritable, dans la mesure où les
gens, le milieu leur insuffle cette vie indispensable.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup, M. Daoust.
Le temps est terminé, malheureusement, pour l'Opposition.
M. Ducharme (Claude): Mme la Présidente, juste vous dire
un petit mot rapide. Moi, je suis dans le domaine de l'automobile, de
l'aérospatiale, de l'aéronautique, et je veux vous dire
que...
La Présidente (Mme Hovington): Vous êtes M.
Ducharme?
M. Ducharme: Je suis Claude Ducharme. Je veux vous dire que le
Québec a une main-d'oeuvre parmi les plus polyvalentes au monde. Vous
allez en avoir des preuves vivantes quand vous verrez sortir la Firebird, la
Camaro et la Trans Am de l'usine de GM Boisbriand. C'est une grande
réalisation qui a été faite par deux cégeps au
Québec où on est allés puiser parmi des enseignants qui
nous ont donné des informations techniques qu'on a transformées
dans nos usines: l'Institut d'ordinique du Québec du cégep
Lionel-Groulx, le Centre spécialisé des matériaux
composites du cégep de Saint-Jérôme.
Je ne vous parlerai pas du secteur de l'aéronautique, de
l'aérospatiale avec le cégep Montpetit, mais je veux vous dire
une chose, c'est qu'on a besoin, les syndicats, d'être impliqués
davantage dans cette structure. Ce qu'on a fait à l'usine de GM
Boisbriand, c'est une innovation technologique mondiale, et quand vous allez
entrer dans cette usine, que vous verrez un robot, que vous verrez un
instrument de contrôle de qualité, ne pensez pas qu'il a
été développé au Japon, il aura été
développé chez nous, par les talents de chez nous, par les
ingénieurs de chez nous, par des travailleurs et des travailleuses
d'usine qui ont travaillé dans un monde technologique. Il a fallu qu'ils
se rendent à Détroit pendant des semaines, y mettre leur temps, y
mettre leur énergie, y mettre leur courage. Je veux vous dire ça
parce que c'est des preuves bien vivantes.
Longtemps, on nous a parlé de l'automobile, on nous a
ridiculisés, on nous a dit que les Japonais en avaient le monopole,
mais, nous autres, comme Québécois et Québécoises,
et le syndicat en tête puis ses membres, on a voulu prouver qu'on
était capables de mettre sur le marché un produit qu'aucun autre
fabricant dans le monde ne serait en mesure d'égaler ou d'arriver
à mettre au point; au point de vue technologique, ça va lui
prendre des années. Ça, eh bien, c'est le résultat, le
fruit du travail qu'on a fait au point de vue technologique avec des personnes
et surtout ceux de l'Institut d'ordinique qui ont travaillé
d'arrache-pied, bien souvent sans argent, qui sont allés quêter
pour pouvoir être capables de développer la science et la
technologie dont on avait besoin.
Je voulais vous le dire parce que c'est important et j'ai voulu profiter
de l'occasion pendant que j'étais ici.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Ducharme. C'est
un très beau témoignage. Pendant que vous parliez, il y avait une
délégation japonaise justement qui vous écoutait en
haut.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Hovington): Alors, du côté
ministériel, il reste quatre minutes pour une dernière question
de M. le député de Sherbrooke.
M. Hamel: Merci, Mme la Présidente. En effet, M. Ducharme,
c'est un excellent témoignage très apprécié. Vous
avez, dans votre mémoire, à la page 16, un chapitre qui traite
des diplômes de valeur inégale. Vous dites: «Un autre
problème qui affecte l'équité dans la réussite des
études est le fait que les diplômes des différents
cégeps, même en filière identique, ne sont pas
d'égale valeur.» Évidemment, ça suscite chez nous un
certain nombre de questions. Et vous ajoutez dans le dernier paragraphe:
«C'est pourquoi la FTQ favorise la mise en place de mécanismes
d'évaluation qui garantiront que la fourchette de différence dans
la qualité et les exigences des enseignements ne soit pas trop
démesurée.» M. Daoust, quels seraient les
mécanismes d'évaluation à mettre en place? Ou qui
évaluerait quoi plus exactement?
M. Daoust: Nous l'avons dit dans nos remarques
préliminaires, et quelque part nous y revenons dans le mémoire,
puis il en est question à ce moment-ci, nous sommes en faveur de
mécanismes d'évaluation des cégeps dans leur ensemble,
sans aucun doute par un organisme extérieur, indépendant, muni de
toutes les compétences, nanti de la crédibilité qui
s'impose. Mais on ne peut pas avoir des cégeps sans qu'en quelque lieu
ils subissent une forme d'évaluation.
Alors, la même chose pour les diplômes. Nous, les
modalités, la mise en oeuvre de tout ça, c'est assez complexe
à notre niveau. Mais on dit que ça n'a pas de sens, il faut
absolument qu'en quelque lieu la qualité des diplômes... et leur
évaluation soit faite. Parce que c'est tout à fait impensable que
des gens qui ont des diplômes dans les mêmes filières, dans
les mêmes disciplines, ou la même valeur extérieure, que ces
diplômes-là n'aient pas la même qualité d'une
institution à l'autre, d'un cégep à l'autre.
Quand on se met dans la peau des universités qui font des
évaluations, elles se disent: Bon, bien, tel diplôme de tel
cégep dans tel domaine, ce n'est pas dans le très, très
bon, dans le très, très fort. Je pense qu'il faut aller
au-delà de ces... ce n'est pas des impressions, mais de ces
évaluations peut-être un peu subjectives, pour avoir des
évaluations un petit peu plus objectives de la qualité des
diplômes.
M. Hamel: Merci, M. Daoust.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. En conclusion, Mme
la ministre.
Mme Robillard: II me reste à remercier personnellement M.
Daoust pour ce témoignage. Et je note la confiance de la FTQ dans notre
réseau collégial québécois, confiance non seulement
dans ce qu'il est maintenant, mais dans sa capacité aussi à
effectuer des redressements et des virages importants pour l'avenir de nos
jeunes. Merci beaucoup.
M. Daoust: Merci beaucoup, madame.
La Présidente (Mme Hovington): II me reste à vous
remercier au nom des parlementaires de la commission de l'éducation
d'être venus nous présenter votre mémoire très
intéressant et qui éclairera sûrement les travaux futurs et
l'avenir des cégeps. Merci, M. le président.
J'inviterais maintenant les collèges de langue anglaise du
Québec à bien vouloir prendre place. Nous allons suspendre pour
une minute, en fait. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 38)
(Reprise à 11 h 41)
La Présidente (Mme Hovington): La commission de
l'éducation va reprendre ses travaux. Je demanderais le silence en
arrière, s'il vous plaît. Nous recevons les collèges de
langue anglaise du Québec. En fait, c'est un regroupement de sept
collèges ou un groupe de sept collèges. Il y a eu le groupe des
Sept en arts visuels. Vous êtes le groupe des Sept au niveau des
collèges. Le G7 aussi au niveau économie. Il y a Mme Mcllwaine,
je crois, directrice générale du collège Marianopolis.
Vous êtes la porte-parole?
Collèges de langue anglaise du Québec
M. Brown (Gerald): C'est moi.
La Présidente (Mme Hovington): C'est vous. Veuillez vous
identifier, s'il vous plaît.
M. Brown: Je suis Gerald Brown, directeur général
du collège John Abbott.
La Présidente (Mme Hovington): Et voulez-vous nous
présenter les personnes qui vous accompagnent?
M. Brown: Oui, Mme la Présidente. À ma gauche,
Sister Eileen Mcllwaine, qui est directrice générale du
collège Marianopolis; à mon extrême gauche, M. Patrick
Woodsworth, qui est directeur général du collège Dawson;
et, à ma droite, M. Alex Potter, qui est le DSP du collège
Vanier.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour et bienvenue
à la commission de l'éducation. Alors, vous avez 20 minutes pour
nous exposer votre mémoire.
M. Brown: D'accord. Je profite de la même occasion pour
indiquer que, dans la salle, le directeur général du
collège Centennial est avec nous autres, ainsi que le directeur
général de Heritage, M. Larry Kolesar.
Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de la
commission parlementaire de l'éducation, english language colleges of
Québec welcome this unique opportunity to address the Governement of
Quebec's parliamentary commission on the future of Québec colleges.
After 25 years of existence, we recognize the need for a frank and thoughtful
public debate not only to reexamine the original goals and objectives of
Quebec's general and vocational colleges, but also to forge a new consensus on
the future mission of our institutions.
This brief is presented on behalf of four public and three private
English language colleges in Québec, each of which is unique. It has
undergone consultation within our institutions
and has received the approval of all seven Boards of Governors.
Nos établissements sont situés dans différentes
régions du Québec et offrent des programmes et des services qui
sont adaptés aux besoins spécifiques des communautés que
nous desservons. Chaque institution possède également sa propre
histoire et ses propres traditions. Ainsi, plusieurs de nos collèges
privés existaient bien avant la création du système des
collèges publics. Certains de ces établissements ont offert une
vaste formation générale à plusieurs
générations de jeunes Québécois et
Québécoises dont l'ambition exige une solide formation
préuniversitaire.
Encore aujourd'hui, nos collèges privés et publics
occupent une place importante dans la communauté anglophone. Nos
collèges ont été et sont toujours une partie
intégrante du réseau collégial du Québec. Nous
sommes fiers de ce que chacun d'entre eux a pu apporter à l'avancement
de l'enseignement collégial au Québec. Les centres
d'apprentissage, les enseignements par les pairs, «literacy, across the
curriculum», et les services d'ombudsman pour étudiants sont
autant d'exemples de concepts qui ont été introduits par les
collèges, les cégeps de langue anglaise.
Nous sommes convaincus que, si on nous donne les outils
nécessaires, nous pourrons continuer à répondre à
des exigences et aux besoins des diverses communautés que dessert chacun
de nos collèges.
Un lien commun et fondamental unit nos collèges, malgré
les caractères uniques de chacun, c'est la langue anglaise. Nos valeurs,
notre optique, notre héritage reflètent principalement l'histoire
culturelle et linguistique de la communauté anglophone du Québec.
Tout comme la collectivité francophone, notre communauté
considère ses établissements d'enseignement comme un
véhicule social de première importance servant à maintenir
et à promouvoir ses traditions, ses valeurs et ses aspirations. Notre
identification et notre mandat collectif sont liés à la
communauté d'expression anglaise du Québec.
Cependant, nos collèges ne sont pas homogènes de nature et
nos étudiants, nos enseignants et les relations communautaires ne
trouvent pas exclusivement leurs origines et racines dans la communauté
anglophone. Pourtant, notre avenir collectif et nos activités au
débat actuel ici sont profondément marqués par les forces
sociales, économiques et politiques qui influencent la communauté
de langue anglaise du Québec.
Nous soutenons que l'appui et l'expérience que peuvent apporter
nos institutions au développement futur du Québec
dépendent en grande partie du genre de communauté anglophone qui
se développera au cours des années à venir ici, au
Québec. Une communauté anglophone prospère, active et
progressive s'exprimera par l'entremise de ses collèges et pourra servir
à créer des liens entre le Québec, le reste du Canada,
l'Amérique du Nord et la communauté internationale.
Nous avons choisi de nous regrouper pour vous présenter nos
points de vue, dont plusieurs sont spécifiques aux cégeps
anglophones du Québec. Dans notre mémoire, nous avons
rassemblé nos commentaires en quatre recommandations principales;
chacune d'elles contient plusieurs sujets précis. Notre première
recommandation préconise que le gouvernement du Québec, de
concert avec ses partenaires du milieu des collèges, affirme sa
volonté de renouveler le système collégial en nous
garantissant des établissements ouverts et accessibles qui disposent des
ressources et des outils nécessaires pour répondre aux forces
sociales, économiques et technologiques de l'avenir.
Cette première recommandation met l'accent sur la
nécessité de s'engager à renouveler l'enseignement
collégial. Nous donnons ici un aperçu général d'un
réseau qui sera bâti à partir des succès du
passé et répondra aux défis de l'avenir. Nous croyons que
nos établissements doivent continuer à servir de pont entre le
secondaire et l'enseignement supérieur et qu'ils doivent conserver le
mandat, d'offrir à la fois des programmes de formation
générale et des programmes de formation professionnelle. Ce
double mandat, qui met l'emphase sur la flexibilité des programmes et
sur le développement personnel de nos étudiants, est crucial pour
ces derniers qui traversent une période critique en matière de
choix de carrière et qui ont besoin de structures scolaires flexibles
pour faire des choix réalistes.
Nous sommes, d'abord et avant tout, des établissements
d'enseignement. C'est pourquoi nous pressons le ministère de nous
fournir les ressources dont nous avons besoin pour remplir notre mandat. Nous
tenons à souligner à quel point il est important de garantir
à nos employés, et en particulier à nos enseignants,
toutes les occasions possibles de se perfectionner afin qu'ils demeurent
à la fine pointe des changements intellectuels, pédagogiques et
technologiques.
L'ensemble du système collégial a fait l'objet de
plusieurs compressions budgétaires importantes. De plus, certains de nos
établissements ont beaucoup souffert de la mise en oeuvre du FABES, la
nouvelle formule d'allocation budgétaire du ministère. On
comprendra facilement l'impact que peuvent avoir de telles réductions
sur la qualité de l'enseignement et les services aux
étudiants.
Notre engagement à renouveler le système collégial
sous-entend également que les nouvelles structures permanentes sont
nécessaires pour harmoniser les programmes ainsi que les objectifs
éducatifs établis entre les trois niveaux du système
d'enseignement au Québec. Tous ensemble, nous avons fait de grands
efforts dans ce domaine et nous sommes prêts à continuer
d'assumer un rôle de leader afin de voir à ce que cet
important défi soit relevé.
Dans le secteur de l'éducation permanente, notre
communauté a toujours reconnu l'importance des principes de
l'apprentissage continu. Notre engagement, à cet égard, tient, en
grande partie, au fait que le milieu anglophone a toujours tenu à ce que
les adultes aient accès à l'enseignement postsecondaire.
Cependant, le monde a subi de profondes transformations au cours des 25
dernières années et, si on veut vraiment maintenir l'accès
à l'apprentissage continu dans les collèges, il faudra apporter
des changements à l'organisation ainsi qu'à la structure du
système d'éducation permanente. (11 h 50)
Enfin, en tant que collèges de langue anglaise, nous ne pouvons
trop insister sur le fait que notre avenir sera grandement influencé par
le degré de confiance et de vitalité qui se dégagera des
communautés anglophones du Québec. Nous sommes convaincus que,
dans un système collégial ouvert et accessible, notre
réseau de collèges anglophones peut jouer un rôle de
premier plan et renforcer la vie économique, sociale et politique du
Québec.
Notre deuxième recommandation est axée sur les besoins
qu'ont les collèges de langue anglaise d'augmenter la qualité et
la quantité d'enseignement du français langue seconde. Nous
demandons au ministère de reconnaître et d'appuyer la
responsabilité spéciale qui nous incombe de donner à nos
étudiants des compétences en langue française qui leur
permettront de participer pleinement à la vie économique, sociale
et politique du Québec et qui les inciteront à le faire.
Nous avons le devoir d'offrir en matière de français
langue seconde un niveau d'instruction qui soit conforme à la
réalité linguistique qui prévaut au Québec dans les
secteurs du travail, des communications et de la vie publique. Nous
reconnaissons les énormes progrès qu'ont fait nos collèges
et les écoles secondaires au cours des dernières années.
Toutefois, durant la même période, les exigences quant à
l'emploi et à la qualité du français au Québec ont
augmenté en proportion. Les collèges de langue anglaise doivent
s'assurer qu'ils ont les mesures pour satisfaire aux besoins linguistiques de
leurs étudiants.
La troisième recommandation dans notre mémoire:
reconnaître que des modifications devront être apportées aux
programmes d'études si on veut que l'enseignement collégial
puisse répondre aux besoins changeants de la société
québécoise.
Nous sommes d'avis qu'un bloc de cours communs, révisés,
devra demeurer la pierre angulaire du mandat collégial et nous demandons
au ministère d'apporter des modifications aux programmes professionnels
et, ainsi, d'accorder à nos établissements une plus grande
autonomie pédagogique.
Cette étude de notre réseau collégial sous-entend
une évaluation de la structure actuelle du programme d'études.
Cette évaluation s'impose particulièrement dans le cas des
principaux objectifs et des approches pédagogiques dans la composante
obligatoire des programmes pour mener à un diplôme.
Les recommandations du Conseil des collèges, tout comme celles de
la Fédération des cégeps en ce qui traite des cours
obligatoires ou blocs complémentaires constituent, pour nous, un point
de départ intéressant et utile parce que, en partie, elles
permettent à nos diplômés d'augmenter leur
compétence en français et pourront nous donner les moyens
possibles pour répondre à nos propres besoins dans notre milieu.
Nous insistons toutefois sur le fait que tout changement éventuel aux
programmes d'études obligatoires devra être introduit
graduellement avec la collaboration des collèges.
Dans notre vison d'un système collégial remanié, la
question d'autonomie en matière de programmes d'études se
révèle tout aussi importante. La clientèle des
cégeps aujourd'hui est différente, tant par ses valeurs, sa
langue et sa culture, de celle qui fréquentait les collèges
à l'époque de la commission Parent. Nos institutions doivent
être plus libres de concevoir et de faire adopter par le ministère
de l'Enseignement supérieur et de la Science les cours et les programmes
qui permettront de répondre aux nouveaux besoins.
Pour venir en aide aux élèves qui ont de la
difficulté à faire des études collégiales, nous
attirons votre attention sur notre troisième option. Quant aux
élèves sous-doués, ils pourront se servir des cours et des
structures conçus expressément pour eux dans les collèges
qu'ils fréquentent. Un nouvel équilibre s'impose. Un
équilibre qui, tout en reconnaissant la responsabilité du
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science de fixer
les objectifs globaux pour les programmes d'études, accorde
néanmoins aux collèges la liberté d'élaborer et de
sanctionner rapidement et efficacement les programmes destinés à
une clientèle bien précise.
Notre dernière recommandation: reconnaître qu'il appartient
aux collèges comme au ministère d'établir des
mécanismes d'évaluation complets et efficaces qui permetttront
à nos établissements de rendre compte à la
communauté québécoise. Cette dernière
'recommandation porte sur le besoin d'assurer une plus grande
responsabilité publique au système collégial, de
même que sur les besoins d'apporter des changements aux mécanismes
d'évaluation interne et externe.
Les notions de responsabilité et d'évaluation sont
étroitement liées. A notre avis, il serait extrêmement
difficile de rendre compte au public, sans d'abord renforcer les
mécanismes d'évaluation servant à mesurer, à
évaluer et à améliorer nos réalisations. Notre
engagement à renouveler
le système collégial exige l'introduction des
mécanismes d'évaluation nouveaux et complets. Nous acceptons la
suggestion faite par d'autres groupes à l'effet qu'une structure
indépendante soit mandatée dans le cadre des paramètres
acceptés par les collèges pour faire une évaluation
publique des divers aspects du système collégial.
In conclusion, the suggestions and recommendations presented in our
brief are inspired by a sincere desire to consolidate the achievements of the
first 25 years of our existence and to develop new and innovative approaches to
fulfill our future mission.
As English language colleges, we are open to change. And we look forward
to the views that would be advanced in the review of this college system. Above
all, we are strongly committed to a renewed college system which will enable
Québec to meet the economic and social challenges of the 21 st
Century.
As final comments, we would like to leave you, Mme la Présidente
et Mme la ministre, with these thoughts. We believe, as English language
colleges, that the English community must continue to be viewed as an active
partner in the future development of Québec. To do so, first, it must be
a vibrant community whose value is recognized and supported by the State. It
must have access to its educational institutions, in this particular case its
colleges, and these colleges must be open, accessible and must have the
necessary resources to respond to our mandates which at times are unique to
us.
And secondly, as we review this system and prepare to meet the
challenges of the future, Madam Minister, we must never lose sight of our
responsibilities towards students. We may consider changes to our programs, to
our structures and to our personnel but they must be done with a overriding
concern for the welfare of our students. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup, M. Brown.
Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je veux d'abord
vous dire combien je suis heureuse de rencontrer les collèges publics et
privés qui dispensent la formation collégiale à la
communauté anglophone. Je pense que votre façon de venir nous
présenter votre point de vue au niveau des services collégiaux
à la communauté anglophone est très originale de par le
fait d'être venus ensemble, les établissements publics et les
établissements privés. Sachez combien j'apprécie votre
démarche en tant que telle et combien aussi je note que vous statuez de
façon très claire, comme représentants de la
communauté anglophone aussi, que vous voulez conserver les
collèges au Québec qui dispensent la formation collégiale
et que vous êtes prêts, par ailleurs, à y apporter des
changements. C'est ce que je note au niveau de votre mémoire. Comme
d'habitude, vous avez une approche très pragmatique et vos
recommandations sont précises. Alors, j'aimerais ça qu'on aille
un petit peu plus avant et qu'on échange sur certaines de vos
recommandations, M. Brown.
Le premier sujet que je voudrais aborder avec vous, c'est
peut-être le sujet des cours communs ou du bloc de cours obligatoires en
tant que tels. Vous dites, dans votre mémoire, que vous êtes
ouverts aux propositions du Conseil des collèges. Vous dites: C'est un
point de départ intéressant. C'est tout, un point de
départ intéressant. Pourriez-vous me dire si vous êtes
d'accord avec l'orientation préconisée par le Conseil des
collèges à l'effet de retenir une approche plutôt
thématique qu'une approche disciplinaire au niveau des cours
obligatoires? Vous comprendrez bien qu'en partant de ce bloc de cours
obligatoires, I would be also interested to know what you think of the
preparation given by the humanities. You have heard that we received many
critics about philosophy given to the French side. So, I want to hear you
specifically on that also. What do you think of the humanities given in the
English colleges? (12 heures)
M. Brown: Avant de demander à M. Potter de répondre
spécifiquement aux éléments de votre question, j'en
profite pour rappeler à Mme la ministre que le processus dans lequel
nous nous sommes engagés dans les sept collèges, c'était
vraiment d'aller chercher un consensus parmi les sept collèges qui sont
inclus dans ce mémoire-ci. C'est sûr que, dans cette
démarche-là, avec un temps limité, on n'a pas eu
l'occasion d'aller au fond des changements que peut-être nous serions
prêts, à un moment donné, à avancer. Mais ce qui est
clair, et nous en sommes fort heureux, c'est que, dans ce processus que vous
avez lancé au mois de mai, on a constaté que, parmi les sept
collèges, il y avait cet esprit d'ouverture à ces changements.
Déjà, je pense que c'est un pas en avant.
Pour ce qui touche la question des cours obligatoires et des cours
d'humanités, je demanderais à M. Potter de prendre la
relève.
M. Potter (Alex): Oui. Quand on a dit qu'on s'intéressait
à l'approche du Conseil des collèges, ce qu'on trouvait le plus
intéressant, c'est le regroupement du bloc dit complémentaire
avec le bloc obligatoire. Cet «enlargement» de l'espace dans le
curriculum donné à des cours communs de formation
générale nous convient parfaitement dans nos traditions et dans
nos cultures.
Vous savez qu'on demande plus d'autonomie pédagogique. La notion
de réserver une partie du bloc pour le ministère qui pourrait
assurer une certaine homogénéité, un certain niveau dans
tous les collèges, mais complémenté par une partie du
collège où on pourrait l'adapter aux
besoins de nos étudiants et à la tradition individuelle
des collèges, aussi nous avons trouvé ça très,
très intéressant. Je pense qu'il faut dire qu'on aime mieux la
division faite par la Fédération, deux tiers, un tiers, que la
division faite par le Conseil des collèges.
Une certaine critique de la proposition du Conseil des collèges,
c'est que la partie ou le cours complémentaire de sciences humaines pour
les programmes de sciences, on trouve que c'est un peu trop donner à
cette partie-là vu les autres exigences. Avec une partie
réservée aux collèges qui ont une certaine autonomie
sujette à l'approbation ministérielle, qu'on traduit
fidèlement les objectifs généraux du programme et du bloc
commun, nous autres, ça va nous donner le moyen de répondre
vraiment à des demandes très variées et à des
besoins très variés de la part de nos élèves.
What do we think of humanities? We like it. We do not want to exchange
the approach of humanities for the approach of the discipline philosophy. In
fact, some of the things that have been presented seem to be describing what we
are trying to do with our humanities program. I like the description of the
Federation when they said that there will be a part of the curriculum that try
to transmit an historical perspective on knowledge and on culture through the
use of the great works of humanities.
Nevertheless, as you are well aware, we are requesting that the
humanities' objectives be reviewed, not to throw them out, not to completely
change them, but in order that they be better articulated and in order that the
individual courses that are developed could be seen and verified to actually
deliver the general objectives which presently are articulated in a rather
cursory fashion, at least at the provincial level.
So, that is the main purpose of the revision. We feel that after 25
years there is a certain «éparpillement» - I promised I
would say that word - in the courses that are offered and that we could use a
more disciplined approach if not a disciplined area approach to the
humanities.
Mme Robillard: I saw also that you spoke about the French as a
second language, but I did not hear you about your mother tongue, the English
language. Do you have exactly the same problem that we get with the French
language for our students? I did not hear any specific recommendation on
that.
M. Brown: I will ask Mr. Potter to respond on it.
M. Potter: That is perceived by ourselves, to a certain extent,
as a lack in our memoir that we did not give it more place, but the reasons
that it occurred were that we felt that our position was very well known, that
we are facing very similar problems - if not identical but very similar
problems - to the problems that French is facing in the French colleges. What
we need and what we have requested is that we need equivalent, identical
resources at least to those that are given in the French colleges for promotion
of the French language, so that we do need that reinforcement however. We are
quite proud of our long tradition of English teaching in our colleges and
although it is not perfect we are also very happy that we, very quickly,
accepted the objective of the «maîtrise de la langue», a
command of the mechanics, we call it, of the language and integrated into our
curriculum in a fashion that the Conseil des collèges comes close to
approaching a little bit because we may go too far but, nonetheless, we have
accepted that and we have tried to make literacy across the curriculum a major
objective of all of our colleges. I think that we also call for a revision of
that program but we do have the same problems and we have taken some steps
already. We need some help for some of the other steps. All of us put more
resources in the English. Without the language... And I do not have to tell
you, we heard it from you, without the language, you cannot do the rest.
Mme Robillard: Merci bien, M. Potter. M. Brown, j'aurais besoin
d'une clarification à l'intérieur de votre mémoire aussi,
à la page 19, quand vous nous parlez d'une troisième voie.
J'avoue que j'ai de la difficulté à saisir c'est quoi exactement
votre recommandation sur le fait d'ouvrir une troisième option pour des
étudiants plus faibles, dites-vous. Est-ce que c'est une session
d'accueil et d'intégration particulière? Est-ce que c'est une
session préparatoire, une espèce de propédeutique comme en
parle le Conseil des collèges? Est-ce que c'est un programme plus court
au niveau de la formation technique? Qu'est-ce que c'est que cette
troisième option?
M. Brown: Alors, vous avez posé trois questions. Donc,
parmi nous autres, les trois questions sont du domaine de M. Potter.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brown: Cependant, avant de donner la parole à M.
Potter, c'est important aussi de noter que l'élément
problématique pour lequel nous annonçons la notion de la
troisième option ou la nécessité d'avoir une
troisième option, c'est le problème que nous avons
présentement, qu'on vit présentement, avec la qualité du
D.E.S. À ce moment-ci, nous recevons des élèves avec un
écart important dans les D.E.S. - entre 130 et 175 crédits - et,
pour nous, c'est un problème parce qu'on considère qu'ils entrent
à plusieurs niveaux. Nous savons, par des recherches faites
par chacun de nos collèges et des recherches faites par d'autres
endroits et d'autres pays, que les élèves qui entrent avec un
D.E.S. faible ont des échecs déjà presque
déclarés. C'est pour ça que nous avançons ici que,
si la possibilité se présente qu'on n'a pas les moyens
«d'adresser» les problèmes du D.E.S. comme tels, il faut
quand même trouver d'autres solutions. Et, donc, la troisième
option, c'est parmi ces options qu'on veut porter à votre attention.
Alors, M. Porter. (12 h 10)
M. Potter: Oui. La notion, et ça reste au niveau,
présentement, du concept, est venue d'une analyse qu'on a faite de nos
expériences avec les élèves qu'on a essayé de
mettre à niveau. On a constaté que, si 35 % réussissent la
première année, c'est un succès, mais, quand les
statistiques et les indicateurs arrivent, ce n'est nettement pas un
succès. Et aussi il vient de l'analyse qu'on a faite avant le changement
des sciences humaines. On a recueilli tout ce monde dans nos programmes de
sciences humaines. Il n'y avait pas de préalables dans ce programme. Il
y avait une grande, mais très grande, trop grande flexibilité
dans ce programme. On a recueilli ce monde, puis on a dit: Bon, on leur donne
un diplôme, ils ne vont pas à l'université, d'une part.
D'une autre part, ils vont sur le marché du travail, mais ils y vont
avec la sociologie, avec la psychologie, l'histoire, des disciplines de
sciences humaines, et c'est eux autres qui chôment le plus, qui cherchent
une position, une job plus haute qu'un finissant de secondaire, mais moins
haute qu'un finissant de collégial. Et nous nous sommes dit qu'on serait
mieux d'outiller les finissants, donc, l'idée de donner un programme qui
n'est pas préuniversitaire, mais qui est centré sur les objectifs
du marché du travail pour qu'un élève puisse
espérer une position entre ces deux niveaux-là.
La Présidente (Mme Hovington): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, je voudrais remercier M. Brown et son
équipe. Vous avez dit, d'entrée de jeu, que vous étiez
heureux d'avoir l'occasion de vous adresser à la commission
parlementaire du gouvernement sur l'avenir des cégeps ou des
collèges. Compte tenu de ce que vous représentez, de ce que vous
êtes - et je pense qu'il faut le dire tel que la réalité
est - vos valeurs, vos perspectives et votre héritage reflètent
l'histoire culturelle et linguistique de la communauté anglophone du
Québec, et c'est important d'avoir le point de vue de la
communauté anglophone sur une question qui fait partie d'un débat
de la société québécoise. Alors, merci d'être
là.
D'ailleurs, on le voit qu'il y a des petites différences
importantes. Moi, j'étais heureux de constater, par exemple, à la
page 8, que ce qui est un problème chez d'autres, chez vous, à
vos dires, en tout cas, semble être une réussite. Vous avez
développé une pratique particulière quant à la
gestion des changements de programmes et d'orientation - et c'est vous qui
dites ça - avec très peu d'inconvénients. Moi, si
j'étais ministre, j'aimerais ça avoir plus de détails.
Là, je n'ai pas le temps, mais je vous dis... Je n'ai pas le temps
là-dessus, mais c'est intéressant. Vous dites «nous autres,
on gère ça», puis tous les autres sont venus nous dire
qu'il y avait un problème. Donc, j'irais fouiller ça un peu
comment vous gérez ça, ces changements de programmes et
d'orientation. On sait qu'ils sont nombreux et, vous, vous portez le jugement:
Ça ne nous crée pas d'inconvénients pour l'étudiant
concerné. Bravo, félicitations!
Vous êtes les premiers, à ma connaissance, à la page
9, à centrer d'une façon aussi forte - j'espère que vous
le dites également à vos enseignants - que votre corps
d'enseignants représente votre plus précieuse ressource, et que
son professionnalisme et son dévouement au cours des 25 dernières
années se sont révélés la pierre angulaire des
réalisations du système collégial.
C'est des valeurs importantes à se faire rappeler. Moi, si
j'étais enseignant chez vous, je serais très heureux de lire
ça puis d'entendre ça, parce que, moi, j'ai enseigné
moi-même. J'y crois, pour les agents éducatifs, les transmetteurs
de la connaissance, ceux qui sont en lien direct avec les premiers agents du
système que sont les élèves, c'est fondamental
d'être dans un climat d'une aussi grande reconnaissance. Alors, je
m'arrête là sur les vantardises, mais je pourrais continuer, parce
qu'il y a des aspects intéressants.
Première question. Moi, je regrette, lorsque vous vous exprimez
bien en anglais, je veux dire, je suis en mesure de vous comprendre, mais
j'aurais de la difficulté, et c'est une faiblesse dont je m'accuse, de
vous questionner en anglais. Ce n'est pas nécessaire de le faire, vous
allez me comprendre.
Quand Mme la ministre est venue sur la question d'un meilleur
apprentissage de la langue seconde pour vos jeunes, gars et filles, des
cégeps anglophones, j'ai très bien compris ce que vous avez dit,
mais je ne suis pas vraiment plus avancé là-dessus, parce que
votre recommandation à la page 15... Je vous cite: «Que le
gouvernement du Québec reconnaisse et appuie notre
responsabilité». J'ai du trouble avec ça parce que
«reconnaisse et appuie notre responsabilité», vous convenez
que c'est à vous. Je leur dis: Qu'est-ce qu'il leur manque pour fournir
un meilleur appui aux apprentissages d'une langue seconde mieux
maîtrisée et, dans votre cas, compte tenu que vos étudiants
sont anglophones, c'est pour la langue française. Vous dites: Nous
devons munir nos diplômés d'outils nécessaires pour exercer
mieux leurs professions en français. Bravo! Donc, ce que je dis, on sent
qu'il y a une volonté ferme, chez vous, de faire plus, et ça se
conclut
quand même: «Nous croyons que nos institutions ont besoin
des moyens - je n'en disconviens pas, je veux savoir ce qui vous manque - et de
l'autorité qui leur permettront d'assurer une compétence
linguistique en français chez les diplômés du
collégial.» Et là j'ai de la difficulté à
saisir ce que vous voulez de l'État quand vous affirmez: On a besoin de
l'autorité qui nous permettrait d'assumer la responsabilité que
vous semblez bien décrire. Je vous comprends très bien dans la
responsabilité que vous décrivez, et vous dites: Bien, on n'a pas
l'autorité qu'il nous faut. Qu'est-ce qu'il vous manque?
M. Brown: Je vais demander à M. Patrick Woodsworth, le
directeur général de Dawson, de répondre. Mais, avant que
je lui donne la parole, vous avez bien saisi l'élément de notre
recommandation. Pour nous autres, la deuxième recommandation est
peut-être parmi l'une des plus importantes pour notre milieu. C'est fort
important. Pour nous autres, le français n'est pas une langue seconde.
Pour nous autres, c'est le français, la langue de travail, la langue
d'usage, et c'est dans cette optique-là qu'on parle de l'importance du
français langue seconde et du besoin d'avoir une autonomie ou une
capacité de répondre qui, vraiment, soit unique pour notre milieu
anglophone et nos collèges anglophones.
M. Gendron: O.K.
M. Woodsworth (Patrick): Si vous permettez que je complète
la réponse, avant de vous donner une réponse précise.
C'est une question primordiale pour les cégeps anglophones,
peut-être la question primordiale, peut-être que c'est le noyau de
notre mémoire, si je peux dire. Ça illustre, à bien des
égards, la problématique du cégep anglophone. Nous croyons
que la maîtrise de la langue française sera essentielle pour
l'avenir professionnel des jeunes anglophones et, ainsi, pour la survie de la
communauté anglophone québécoise.
En effet, une étude récente qui porte sur les attitudes
des jeunes anglophones envers leur avenir au Québec a
démontré que 79 % d'entre eux ont identifié une excellente
connaissance du français comme élément essentiel à
l'exercice de tout travail au Québec. Cette même exigence, on le
sait très bien, est de plus en plus répandue parmi les employeurs
québécois. Or, depuis 1986, le nombre d'inscriptions en
français langue seconde dans les collèges anglophones a
baissé d'environ 20 %, dont une baisse de presque 12 % en 1990-1991,
c'est-à-dire avec l'introduction du nouveau programme en sciences
humaines.
Actuellement, la seule voie ouverte à la plupart des
étudiants qui veulent suivre un cours en français, c'est comme
cours complémentaire. En 1991, seulement 14,5 % de nos étudiants
ont suivi un cours en français langue seconde et la situation est encore
pire en 1992. Or, on sait, de par notre expérience, que beaucoup de nos
étudiants ont une connaissance insuffisante du français. Il est
essentiel que nous remédiions à cela si nous voulons que nos
jeunes restent au Québec. Il nous est impensable que le gouvernement du
Québec continue à mettre des obstacles à l'apprentissage
du français par les non-francophones. Cet apprentissage est de loin
l'instrument le plus important de l'intégration des non-francophones
dans la société québécoise et nous estimons qu'une
communauté anglophone vibrante et engagée est importante pour le
Québec. Nous interpelons le gouvernement de nous aider en facilitant
l'apprentissage du français.
Maintenant, pour répondre concrètement à votre
question, il faut dire que dans nos institutions on n'a pas encore eu une
discussion approfondie des moyens. Alors, ce que je vais dire, c'est ma
réaction propre à moi et à mes collègues ici, mais
il me semble que le moindre qu'on aimerait avoir, c'est deux cours dans le bloc
obligatoire de la ministre. Ça, c'est le moindre. Mais, ce à quoi
on a pensé, dans notre groupe, c'est de fixer un standard qui serait
essentiel, un standard de compétence qui serait essentiel pour recevoir
le diplôme d'études collégiales pour tout finissant d'un
cégep anglophone.
Alors, est-ce que ces deux cours-là, dans le bloc obligatoire,
serviraient à remplir ce standard, à atteindre ce standard? Pour
la vaste majorité, oui, probablement. Mais, pour d'autres,
peut-être pas. Alors, ces deux cours-là devraient probablement
être jumelés avec d'autres mesures telles que, par exemple, des
activités socioculturelles, des cours de rattrapage, même
peut-être des échanges entre cégeps francophones et
anglophones. Il y a toute une gamme de possibilités, mais pour
répondre, M. le député, à votre question, je pense
que le minimum, ce serait deux cours.
M. Gendron: Je veux vous remercier. En tout cas, je suis
très heureux de sentir, puis on le sent vraiment, que, pour vous, c'est
une priorité, et, si ça demeure une priorité, je suis
convaincu que vous allez trouver les forums requis puis l'occasion d'en
débattre pour convenir d'un moyen très précis. Vous en
avez suggéré un. L'orientation du Conseil des collèges,
selon ce que je vois, ne vous déplaisait pas, mais vous dites que ce
n'est pas suffisant. Alors, bravo pour cette initiative. (12 h 20)
Deuxième question: On dit toujours, à tort ou à
raison, mais moi, j'ai l'impression que ce n'est pas à tort... Vous avez
un plus grand souci... Je dis que vous avez, les anglophones - la
mentalité des anglophones, à moins que je la connaisse
très mal, ce qui est possible, mais pas sur ce que je vais dire, je
pense - plus de souci pour une bonne forme physique, pour développer
vraiment des activités physiques d'une
façon concrète, et on le voit, d'ailleurs. Il s'agit juste
d'aller - ce n'est pas loin, là - entre les deux rives pour constater
qu'il y a plus de gens qui se préoccupent de condition physique. En
termes clairs, puisque c'est sur la table, pour vous, est-ce que les cours
d'éducation physique... Et là je ne parle pas
nécessairement des exemples qu'on nous a servis. Là, il n'y a pas
de reproche comme tel à la ministre, pour de vrai là, mais je ne
veux pas verser là-dedans.
Moi, aussi, il y a des cours qui me fatiguent dans la rétention
des cours, mais envisager une formation de base, y incluant des cours
d'éducation physique, ça ne me fatigue pas pantoute; je ne suis
pas mal à l'aise avec ça pantoute. Dans une société
de loisirs qu'on va développer, dans les choix qu'on devra faire
où, dorénavant, il y aura de plus en plus de temps
partagé, on va devoir le faire. Avec des taux de chômage de 13 %
et 14 %, il va falloir faire des choix. Moi, des cours d'éducation
physique obligatoires, en tout cas, on va en rediscuter, et c'est pour
ça qu'on en parle, je n'ai pas de trouble avec ça dans la
formation de base. Ce que j'aimerais savoir, c'est: Est-ce que vous croyez,
vous autres, les collèges anglophones, que l'éducation physique
devrait continuer à faire partie de la formation de base?
M. Brown: Bon, comme vous l'avez sans doute constaté, nous
quatre, ici, nous ne sommes pas des exemples anglophones du corps physique,
là!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brown: Mais, cependant, comme disait mon collègue M.
Woodsworth, on a fait un consensus dans le milieu anglophone à savoir
qu'il faut quand même changer des choses et revoir ça comme il
faut. C'est sûr qu'à ce moment-ci, pendant que nous sommes
présents devant la commission parlementaire, nous ne nous sommes pas
arrêtés exactement sur comment ça devrait être. On
est prêts à nous engager dans ce processus-là. Mais il me
semble, si je dégage les échanges qu'on a eus chacun d'entre
nous, et les collèges, et les conseils d'administration avec lesquels
nous avons fait des échanges sur ce sujet-là, que vous avez
raison en disant que l'éducation physique a un rôle important
à jouer dans notre milieu anglophone. Et j'espère qu'à la
fin de tout ça il y aura une présence des cours
d'éducation physique dans notre programme.
C'est pour ça que la recommandation de la
Fédération nous intéresse beaucoup, parce que là
nous respectons vraiment la collectivité francophone, je pense, et la
collectivité anglophone, parce que, pour nous autres, les cours
d'éducation physique ont probablement plus d'importance. Et là
peut-être que je me branche un petit peu en disant ça, mais c'est
mon propre point de vue. Mais la recommandation de la Fédération
nous donne la possibilité, dans la plage des cours obligatoires, au
domaine des collèges, de répondre aux besoins de notre propre
milieu.
M. Gendron: Merci. Deux autres questions rapidement. Sur le
perfectionnement, j'aimerais ça vous entendre un peu. La formule FABES,
vous n'avez pas tellement été précis. La formule FABES,
pour les non-initiés, c'est la nouvelle formule de financement des
collèges. Il semble qu'elle aggrave certaines difficultés chez
vous. J'aimerais ça que vous soyez plus explicite. Est-ce que c'est
lié au passé? Mais si on regarde une nouvelle formule de
financement, est-ce que... Parce qu'il y a des témoignages
contradictoires. Il y a des gens qui sont venus nous dire très
clairement que la nouvelle formule de financement des collèges
était intéressante. Alors, chez vous, ça ne semble pas
être le cas. Qu'est-ce qui arrive, très concrètement? Et je
poserai l'autre après.
M. Brown: C'est dommage qu'on arrive à la fin de la
commission parlementaire pour répondre à cette question, qu'il
n'y ait pas de temps pour nous autres. Mais je vais dire brièvement que
la formule FABES, le F, c'est fixe, le A, c'est pour des activités
éducatives, et le B, c'est pour des activités de bâtisse.
Alors, nous, les collèges anglophones semblent se ramasser avec un
problème à cause du fait que les trois facteurs jouent dans notre
cas. Le F, c'est fixe, que le collège soit grand ou petit. Et, pour la
plupart des collèges anglophones, nous sommes des grands
collèges, des gros collèges. Le A, c'est les activités
pédagogiques, mais dans la plupart de nos collèges nous mettons
l'accent sur la formation générale et non pas sur la formation
professionnelle. Alors, il y a moins d'argent qui entre à cause du A. Le
B, nous sommes des grands collèges, dans bien des cas dans une situation
assez unique comme institution, et les normes qui sont avancées par le
ministère dans le budget ne répondent pas toutes à nos
besoins. Alors, quand on calcule que les trois éléments, le F, le
A et le B, jouent ensemble, c'est pour ça que les collèges
anglophones ont un problème avec le fameux FABES.
Et peut-être que, à un moment donné, il faut qu'on
constate qu'il y a peut-être un moment, il y a un point où les
normes ne marchent plus. Il faut quand même trouver des situations hors
norme.
M. Gendron: Merci. L'autre question, rapidement. C'est que vous
avez indiqué, à la page 11 de votre document - je trouve que
c'est quelque chose d'important et que ce n'est pas développé:
«Une plus grande coordination s'impose entre le ministère de
l'Enseignement supérieur et de la Science et le ministère de
l'Éducation...» Cela ne fait aucun doute, là. Sur le
plan général, c'est clair. Le même titulaire existe, en
tout cas, présentement, pour les deux responsabilités. Mais
là vous dites: «À l'heure actuelle, il y a [...] trop de
duplication et de concurrence inutile entre ces deux niveaux, et l'ensemble
actuel de règlements représente un obstacle sérieux
à notre capacité de répondre aux besoins des
étudiants adultes.»
Plus spécifiquement, parce que c'est un domaine important qu'il
va falloir regarder plus attentivement, toute l'éducation des adultes,
à quoi faisiez-vous référence précisément,
qui se trouverait un handicap ou une enfarge à une meilleure offre de
cours à l'éducation des adultes?
M. Brown: Je demanderais à M. Woodsworth.
M. Woodsworth: Je pense que ce à quoi on a pensé,
c'était plutôt entre le MESS et le MMSR, en ce qui concerne le
financement de l'éducation des adultes, là où il y a
tellement de confusion, tellement de chevauchement. Ce qu'on demanderait
là, c'est que les cégeps auraient un interlocuteur
ministériel et non pas deux. Que ce soit le MESS ou le MMSR,
personnellement on préférerait le MESS. Mais il y a trop de
confusion maintenant dans les dispositions portant sur l'éducation aux
adultes.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. le
député de Jacques-Cartier, vous avez deux minutes.
Malheureusement, M. le député, vous avez deux minutes, assez
rapidement.
M. Cameron: Merci, Mme la Présidente. I should begin by
saying that, of course, I endorse the general position taken on English
education and English educational institutions at the end of your presentation.
I would be a little more confident about the future of English educational
institutions if we did not get things like the government's recent rejection of
the first and most important recommendation of the Chambers report which does
not exactly indicate, despite a great amount of pious sentiments, that they are
really moving very strongly to support English educational institutions. But I
will let that pass.
In terms of your memoir, there are a couple of things, I think, that
might be important to raise to the attention of the Committee. I would be
interested in knowing whether any of you have any statistical analysis either
of the general departure of students from our cégeps to universities
outside Québec and particularly the case where they do not do the
two-year D.E.C., but instead complete one year and then clear out. I would also
be interested in knowing, in terms of the general orientation that you
presented about the humanities, about the possibility of strenghtening
instruction in French, if you could give, for instance, at least one scenario
of exactly how that would be likely to change the course bloc, not necessarily
the one that you wound up with, but let us say one you could conceive of, and
whether you would see this is having significant consequences for hiring and
firing or whether it just involves moving people around in the existing
institutions.
And the last point I would like to ask about is: If you are going to
have a system of evaluation, supposing you find, with people who have taught in
the system for 20 years, they have terrible evaluations, absolutely appalling,
then, what do you do?
M. Brown: As far as the statistical data regarding the departure
of students going after the first year, I have to say that we do not have them
here, although we do recognize that there is a disturbing percentage of our
students that do leave after the first semester and move on to other provinces
to continue their education. So, I cannot tell you, statistically, exactly what
those numbers are, other than say that, for us, it is a disturbing number.
M. Cameron: Can you find that out? (12 h 30)
M. Brown: Yes, we can find out and we will certainly be glad to
share it with the members of the Parliamentary commission.
As far as the impact of what a future scenario could look like, in our
mind, we think that when the dust finally settles this probably will look like
that certainly English mother tongue should have and should continue to be an
important part of the core, that, as Alex had mentioned ealier, as Mr. Potter
mentioned earlier, that humanities be somehow structured and tightened up, we
hope that somewhere along that line, the themes being proposed by the Conseil
des collèges along with the Federation of cégeps will enable us
to maintain a lot of the people that we already have, so I do not see a major
shift in personnel at that point. And, hopefully, in the part being so
recommended by the Federation that we will have the access as colleges to
develop what is considered to be our core, our compulsory, phys ed would have a
role to play in there. So, we think that when all is said and done, there
probably should not be that major impact from the point of view of personnel,
as it touches our people.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Ça
va. C'est tout le temps que nous avons, malheureusement.
M. Brown: O.K.
La Présidente (Mme Hovington): En conclusion, Mme la
ministre, rapidement.
Mme Robillard: II me reste à remercier les
gens des collèges publics et privés. Sachez que
j'apprécie que les collèges puissent se rejoindre. Quel que soit
leur statut, quand on parle du contenu de la formation, du régime
pédagogique, donc qu'on ait un statut public ou privé, nous avons
les mêmes enjeux et nous devons participer ensemble aux changements.
Merci beaucoup d'être venus en commission parlementaire.
La Présidente (Mme Hovington): À mon tour de vous
remercier au nom des commissaires de la commission de l'éducation
d'être venus nous présenter votre mémoire.
Je rappelle aux parlementaires que la commission de l'éducation
ne siégera ni cet après-midi ni ce soir. Demain matin, nous
commencerons dès 9 h 30 et jusqu'à 22 heures demain soir. Les
auditions qui étaient prévues pour le jeudi 19 novembre sont
aussi remises. Ce sont des changements à notre horaire de travail.
Ceci étant dit, la commission de l'éducation ajourne donc
ses travaux jusqu'à demain matin, 9 h 30. Bonne journée!
(Fin de la séance à 12 h 33)