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(Neuf heures trente et une minutes)
La Présidente (Mme Hovington): Nous avons quorum. Je
déclare ouverte la séance de la commission de l'éducation
qui a pour mandat de procéder à des auditions publiques sur
l'enseignement collégial québécois. M. le
secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M.
Gobé (LaFontaine) par M. Maltais (Saguenay) et M. Parent (Sauvé)
par M. Doyon (Louis-Hébert).
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Nous aurons, ce
matin, dès 9 h 30, la Fédération autonome du
collégial, que j'inviterais, d'ailleurs, à prendre place, s'il
vous plaît. À 10 h 30, nous aurons le Collège de Limoilou;
à 11 h 30, la Confédération des éducateurs et
éducatrices physiques du Québec; à 12 h 30, l'Association
québécoise des professeures et professeurs de français,
et, à 13 h 30, nous ajournerons.
M. le président, M. Michel Duffy, je crois. Bonjour.
M. Duffy (Michel): Bonjour, madame.
La Présidente (Mme Hovington): Bienvenue à la
commission de l'éducation. J'aimerais que vous nous présentiez
les personnes qui vous accompagnent.
Fédération autonome du collégial
(FAC)
M. Duffy: Oui. Il y a Mme Selma Tischer, qui est enseignante au
cégep Vanier et qui est coresponsable des dossiers pédagogiques
à la Fédération; M. Jean Murdock, enseignant au
cégep de Jonquière, vice-président de la
Fédération.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.
M. Duffy: Je m'appelle Michel Duffy et je suis enseignant au
cégep de Vaileyfield.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.
M. Duffy: M. Jean-Guy Desmarais, enseignant au cégep
André-Laurendeau, secrétaire-trésorier à la
Fédération.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.
M. Duffy: M. Yves De Grandmaison, enseignant au cégep de
Rosemont, responsable des dossiers pédagogiques.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour. Alors, vous avez
20 minutes pour nous présenter votre mémoire.
M. Duffy: Mme la Présidente, Mme la ministre, M. le
député d'Abitibi-Ouest, la Fédération autonome du
collégial est une organisation syndicale d'enseignantes et d'enseignants
de cégep, fondée en 1988. Elle est présente dans la
plupart des grandes régions du Québec et est à l'image de
sa dualité linguistique.
La Fédération autonome du collégial s'est
donné comme objectif de défendre les intérêts
économiques, sociaux, pédagogiques et professionnels du personnel
enseignant des cégeps. Elle revendique pour eux les libertés
liées à l'exercice de leur profession, encourage l'accès
des femmes à la vie syndicale, agit en solidarité avec tous les
groupes de la société qui travaillent à la promotion de
l'éducation, de la liberté et de la justice sociale. Enfin, la
Fédération veut promouvoir pour le plus grand nombre
l'accès à une éducation de qualité, notamment celle
de l'ordre collégial.
Encore un mot, Mme la Présidente, en conclusion de ce
préambule, pour remercier les membres de la commission d'avoir bien
voulu nous entendre sur l'avenir de l'enseignement collégial et pour
féliciter Mme la ministre de l'Enseignement supérieur et de la
Science de sa nouvelle promotion au ministère de l'Éducation.
Vous vous trouvez désormais, Mme la ministre, particulièrement
bien placée pour dégager cette perspective systémique
verticale dont a bien besoin tout l'enseignement québécois.
J'aborderai dans l'ordre les points suivants: la consultation,
l'école de l'égalité des chances, la formation offerte au
collégial, l'évaluation et la gestion du réseau.
En raison du fait qu'on a lancé cette commission de
l'éducation sans l'énoncé d'une politique qui aurait mis
en forme la volonté clairement signifiée du gouvernement d'agir
et en raison aussi du fait que nous n'ayons eu, en guise de
référence, que le seul avis du Conseil des collèges, il ne
faut pas s'étonner que notre mémoire privilégie la
défense, la reconnaissance et la revalorisation tant des institutions
collégiales, des enseignantes et des enseignants que de l'enseignement
qu'ils y donnent.
Cela dit, compte tenu de l'importance des enjeux, nous avons
organisé l'une des consultations les plus étendues que la FAC ait
connues. Alors, c'est nombreux et enthousiastes, en dépit des
circonstances, que nos membres se sont présentés aux
différentes formes de consultations organisées dans leur
collège en vue de cette commission.
II est ressorti de cet exercice bien des témoignages sur ce qu'il
fallait à tout prix préserver de l'enseignement collégial
public d'ici. À cet égard, plusieurs ont cru opportun de rappeler
au législateur que, si le réseau collégial
québécois a connu une expansion si considérable, c'est
qu'il s'est construit autour de l'idéal de l'égalité des
chances et de la nécessité de préserver à tout prix
ce principe supérieur commun qui a permis que s'organise au
Québec, il y a 25 ans, une nouvelle définition de l'enseignement
secondaire et postsecondaire, une gestion nationale du système
éducatif avec, entre autres, un diplôme d'État et un
accès à ces savoirs pour une partie considérable de la
population qui, autrement, en aurait été privée, puis
celui de la mobilité sociale qu'elle a rendue possible.
Rappelons pour mémoire que dès le début des
années cinquante le Québec se prépare à une
véritable explosion scolaire. De 1956 a 1961, le nombre de jeunes
engagés dans les études secondaires a doublé. En 1961, le
taux d'accès aux études secondaires est de 70 % et celui des
études collégiales, de 16 %. En 1986, le taux d'accès aux
études collégiales passe à 63 %; au secondaire, il est de
100 %, un dépassement de 19 % des prévisions du rapport Parent.
En 1989, les filles surpassent en nombre les garçons. Elles
représentent 56 % de l'effectif total de l'enseignement
régulier.
Les cégeps, c'est le formidable pari de la démocratisation
des études supérieures. 650 000 jeunes y ont obtenu un
diplôme d'études collégiales. C'est aussi un secteur de
l'éducation des adultes en pleine expansion qui émet certificats,
attestations et diplômes d'études collégiales. C'est, dans
les régions, l'encouragement de nombreux jeunes à poursuivre des
études auxquelles ils n'avaient pas jusque-là accès. Ce
sont des populations qui profitent d'infrastructures scientifiques,
culturelles, sportives et artistiques indispensables à leur
développement social. La présence des cégeps dans ces
milieux favorise, par ailleurs, l'émergence de centres universitaires.
Il y a un appel vers le haut.
Ces ressources humaines nombreuses dont la compétence
s'étend à tous les champs d'activité ont non seulement
contribué à la formation intellectuelle de la main-d'oeuvre, mais
aussi à la croissance économique et au développement
régional.
On peut donc conclure à la mission accomplie des collèges
après 25 ans, mais aussi au caractère incomplété de
cette mission si on tient compte des nouvelles tendances sociales et des
demandes de formation supérieure de masse que celles-ci exigent de notre
système d'éducation, surtout depuis que l'efficacité et
l'exemple de l'entreprise cherchent à mettre en forme la totalité
du monde scolaire, à en rationaliser l'organisation pour la rendre plus
performante.
Les derniers chiffres du Conseil supérieur de l'éducation
nous font observer avec quelque désarroi la fragilité des acquis
et le retard du Québec dans la proportion de population de 15 ans et
plus qui a fait des études universitaires, et qui est de 3,6 % sur
l'Ontario, et notre solde migratoire négatif chez les plus
scolarisés; les disparités entre régions, entre hommes et
femmes, entre groupes linguistiques, 27,7 % d'anglophones contre 14,1 % de
francophones, tous âges confondus à l'université; entre
régions, 55 % des 20-29 ans sans diplôme d'études
secondaires dans le Nord du Québec.
Afin de compléter cette mission de l'égalité des
chances, l'État doit, selon nous: préserver et faciliter
l'accès du réseau des cégeps sur tout le territoire du
Québec en établissant une politique d'implantation de centres
d'études collégiales en concertation avec les intervenants,
centres qui doivent bénéficier de conditions d'enseignement et
d'apprentissage équivalentes à celles des cégeps, en
prenant les moyens pour assurer la viabilité et la diversité des
programmes des collèges en région; faciliter l'accès du
réseau pour le plus grand nombre, jeunes et adultes, selon le principe
d'une éducation permanente: en maintenant la gratuité scolaire,
en assurant aux élèves des prêts et bourses convenables, en
encourageant les candidatures féminines dans les métiers non
traditionnels, en développant des mécanismes pour amener les
personnes des milieux défavorisés à poursuivre leurs
études, en élaborant une politique-cadre en matière de
reconnaissance des acquis, acquis de formation scolaire et de
compétences professionnelles; encourager, valoriser et promouvoir enfin
la formation professionnelle. (9 h 40)
Sur la formation offerte au collégial, nous affirmons la
pertinence de retrouver au sein d'un même établissement public
l'enseignement général et professionnel. Et la formation qui y
est offerte doit se composer de la façon suivante:
Une formation fondamentale qui permet à l'élève
d'acquérir la maîtrise de l'expression tant verbale que non
verbale, un solide sens critique, une maturité, un sens de l'autonomie.
Par cette formation, l'élève établit des liens entre les
différents savoirs et les intègre à son milieu de vie et
de travail. Toutes les disciplines en sont dotées.
Une formation générale qui comprend pour tous les
élèves les quatre cours obligatoires de philosophie, ou
«humanities», les quatre cours obligatoires de langue et de
littérature, les quatre cours obligatoires d'éducation
physique.
Une formation complémentaire composée de quatre cours pour
tous et qui passe par une redéfinition et un resserrement de leurs
exigences. Ils sont choisis à l'intérieur d'une banque de cours
qui assurent un véritable complément à la formation de
l'élève, tout en l'élargissant des thèmes
privilégiés par le Conseil des collèges.
Une formation spécialisée, préuniversitaire
ou professionnelle, relevant d'un programme clairement
établi.
Une formation intégrée ou l'approche programme qui, tout
en maintenant la structure départementale actuelle, passe par la
création dans chaque collège de lieux d'échange et de
concertation interdisciplinaires. Elle permet aux élèves une
formation qui intègre les objectifs de formation fondamentale, ceux de
la formation générale et ceux de leur programme propre.
Une formation sur mesure qui permet aux enseignants de participer
pleinement au processus d'élaboration de ce type de formation.
En définitive, si l'on veut que notre société
évolue en ce sens, qu'elle réalise ce saut qualitatif, que jeunes
et adultes aient un meilleur accès à une formation fonctionnelle,
polyvalente et à une meilleure diplomation, il faut ajouter au principe
de l'égalité des chances et aux impératifs de la
société actuelle celui de la justice, et prendre en compte les
populations étudiantes au cheminement de plus en plus
différencié, notamment celles qui éprouvent des
difficultés de parcours.
À cet égard, l'ordre collégial - et nous en sommes
très fiers - a développé des stratégies d'aide
à l'apprentissage qui visent à contrer l'échec et
l'abandon en connaisant mieux les profils de ces élèves qu'on dit
à risque. Mentionnons, entre autres, les centres d'aide à
l'apprentissage qui regroupent des services divers, rencontres individuelles,
de groupe, tutorat par les pairs, accès à différents types
de matériels écrits, informatisés; les centres d'aide en
français, en mathématiques en sont d'autres belles illustrations
qui, malheureusement, faute de ressources accrues, ne suffisent pas à la
demande; des ateliers thématiques liés aux stratégies
d'apprentissage qui permettent aux élèves de développer
des techniques de mémorisation, la prise de notes, la méthode de
travail intellectuel, la gestion du temps, du stress, de renforcer la
motivation, la concentration; des cours complets de mise à niveau pour
des élèves qui ont des acquis jugés insuffisants et qui
ont besoin de soutien particulier dès leur arrivée au
cégep, soit en langue maternelle, soit en mathématiques, mesures
auxquelles s'ajoute parfois un ensemble d'interventions alliant tutorat, suivi
individuel, accueil particulier, groupes homogènes; puis des formes
d'encadrement par programmes complets à la fois didactiques,
méthodologiques et affectifs qui favorisent la réussite de
l'ensemble des effectifs d'un programme; et, enfin, cette formule
d'enseignement coopératif qui s'implante actuellement dans quelques
collèges et qui, grâce à cette alternance des études
et des stages rémunérés en entreprise qu'elle offre,
permet à des élèves de parfaire leurs études
techniques en même temps qu'une insertion professionnelle pour ceux qui,
autrement, auraient peut-être abandonné ces études. Tout
cela, qui gravite autour de l'acte pédagogique, est pour nous à
maintenir et à renforcer.
Parallèlement à ces démarches compensatoires - et
c'est un peu paradoxal - la société de l'efficacité remet
de plus en plus en cause les profils irréguliers, ceux dont le
cheminement scolaire semble perdurer outre mesure. Aussi, ne faut-il pas
s'étonner de voir certains discours rabattre toute métaphysique
et faire de l'éducation un problème d'abord technique. Non plus
que de voir apparaître indicateurs de performance, classement
d'écoles ou de collèges, certains étiquetés de
premier, de deuxième ou de troisième tour, comme les restaurants
à une, deux ou trois étoiles, pour que joue librement la
concurrence, et même l'aider dans certains cas.
Les possibilités nouvelles de massification statistique nous
permettent au mieux de relier ces indicateurs de performance aux
inégalités de position des familles, en particulier celles
reliées à l'échec et à l'abandon qui prennent des
allures de phénomène social. Mais, nous dit Derouet dans
«École et justice»: «De l'extériorité de
cette sociologie par rapport aux conditions réelles de l'enseignement,
elle en développe une évaluation surplombante,
s'intéressant aux entrées et aux sorties, guère au
fonctionnement du système». Et, ajoutons-nous: guère
à l'école elle-même, à l'appréciation
qualitative de l'effort pédagogique des maîtres ni à celle
des apprentissages qui se réalisent, non plus qu'aux conditions qui
mènent à l'obtention d'un diplôme.
À une époque où on écoute plus volontiers
son comptable que son philosophe ou que ceux et celles qui défendent la
relation éminemment privilégiée entre maître et
élève et le fait qu'il faudrait la privilégier encore bien
davantage, nous voudrions surtout vous dire, Mme la ministre, alors que les uns
parlent de changement, d'autres de virage et de redressement dans l'essentiel
de la formation générale donnée aux jeunes, qu'on n'y
parviendra pas qu'en jouant sur les mots, qu'en parlant de thématiques
au lieu de disciplines, qu'en remplaçant un cours par un autre.
Si c'est véritablement du nouveau que l'on cherche, et pas
seulement du neuf, si on veut une formation vraiment efficace, qualifiante, il
faut d'abord écouter ceux et celles qui donnent cette formation aux
jeunes, et leur redonner les moyens de travailler mieux, c'est-à-dire
autrement. Par exemple, aucun intervenant que nous avons entendu
déplorer la qualité de la langue des finissants n'a mis en relief
le fait qu'au secondaire, qui n'a pas manqué de vivre tous les
changements, il se donne 25 % de moins de français qu'en 1960, qu'il ne
s'y fait aucun apprentissage systématique du code de la langue
française et qu'au collégial les ratios
élèves-maître sont passés de 100, 120 qu'ils
étaient en 1972 à plus de 160 en 1982. Et le fait aussi que les
recommandations de la coordination de cette discipline, de modifier la
pondération des cours de français en vue d'augmenter les
heures
d'apprentissage sont restées lettre morte.
Sur l'évaluation et la gestion du réseau, il est essentiel
que toute gestion du réseau collégial tienne compte des besoins
propres à l'enseignement collégial et qu'elle garantisse la
participation des enseignants. Nous nous disons d'accord avec une
évaluation du réseau collégial, le système,
l'institution, les programmes, les enseignements, mais nous estimons essentiel
que les enseignants soient associés, tant sur le plan local que
national, à la mise en place d'une politique d'évaluation et des
mécanismes qui y seraient rattachés.
Nous préconisons que l'État, tout en demeurant
maître d'oeuvre du financement des collèges, recherche des formes
de partenariat avec l'entreprise. Pour assurer une meilleure diffusion du
savoir détenu par le personnel plus âgé, il est possible
également d'imaginer une formule privilégiant la formation entre
pairs, autrement appelée «mentorat».
La FAC demande que des mesures soient prises afin de créer,
modifier et ajuster les programmes dans des délais raisonnables. Nous
réaffirmons que seule une évaluation formative, s'inscrivant dans
un processus d'amélioration des enseignements et soutenue par un
perfectionnement adéquat pourrait rallier les enseignants. En ce sens,
l'évaluation des enseignements doit servir à élaborer des
mesures de soutien à l'apprentissage et à la
pédagogie.
Nous préconisons une meilleure harmonie de l'enseignement des
adultes et de l'enseignement régulier. Que les enseignants participent
au processus de sélection nous apparaît essentiel.
En conclusion, nous rendons hommage au Conseil des collèges et au
Conseil supérieur de l'éducation d'avoir imputé à
la responsabilité des institutions de valoriser l'enseignement et la
pédagogie, et de soutenir le perfectionnement pédagogique des
maîtres en cours d'emploi, vu que c'est là que se réalisent
les objectifs d'accès et de diplomation. Nous leurs sommes, en outre,
reconnaissants d'avoir fait la recension des différentes interventions
en matière d'aide à l'apprentissage qu'on retrouve dans les
collèges et de proposer qu'on les développe davantage, dont
certaines en lien avec l'université pour favoriser une continuité
des cheminements, comme nous leur sommes redevables de préciser la
situation et l'importance de la recherche au collégial, la contribution
importante qu'elle apporte à la mission de formation des
collèges.
Enfin, pour que l'éducation redevienne une priorité de
l'État, songeons avec Rousseau qui, à propos des jeunes, disait:
«Si nous voulons qu'ils soient égaux, faisons-les nos
égaux». Merci. (9 h 50)
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le
président. Alors, Mme la ministre de l'Éducation, de
l'Enseignement supérieur et de la Science, vous avez la parole.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
saluer les membres de la Fédération autonome du collégial
et leur dire combien j'apprécie que cette
fédération-là accorde une très grande place aux
questions pédagogiques. Je réalise tout le mouvement de
consultation que vous avez mené aux fins des travaux de cette commission
pour venir partager avec nous votre expérience d'enseignants au niveau
de l'ordre collégial. Je veux vous dire comment ça peut
être précieux pour les parlementaires de vous entendre, vu que
vous êtes sur le terrain directement avec les jeunes et les adultes qui
sont dans nos collèges.
Vous n'êtes pas sans savoir, M. Duffy, que, depuis le début
des travaux de cette commission, l'ensemble des intervenants, je dirais presque
la totalité des intervenants nous demandent le maintien des
cégeps, mais, en même temps, nous demandent - vous l'avez dit
vous-même - des changements ou des virages importants. Par ailleurs, je
dois vous dire que j'ai été surprise, à ma première
lecture de votre mémoire, à la lecture du mémoire de la
Fédération autonome du collégial, de découvrir que
vous réclamez le maintien des cégeps, mais vous voulez conserver
les cours obligatoires tels qu'ils sont, quatre de français, quatre de
philo, quatre d'éducation physique, de même que les cours
complémentaires. Vous hésitez à recommander une session
d'accueil et d'intégration pour les jeunes. Vous ne souscrivez pas
à l'approche programme telle que spécifiée ou telle que
recommandée.
Alors, en tout cas, j'ai un petit peu de difficulté avec votre
discours. Depuis le début de la semaine, on a entendu différentes
organisations syndicales. À moins que je vous aie mal saisi, M. Duffy,
j'ai l'impression que vous vous rapprochez davantage de la position de la CSN
ou de la FNEEQ, la Fédération nationale des enseignantes et des
enseignants, alors que je leur disais qu'ils me recommandent des changements
mais dans le statu quo. Hier, on a entendu la Centrale qui, elle, nous
démontrait une ouverture à des changements. Là, je n'ai
même pas abordé avec vous la question d'une plus grande
responsabilité académique des collèges et, le pendant
à ça, le système d'évaluation externe. Alors,
j'aimerais ça, M. Duffy, que vous essayiez de m'expliquer comment
ça se fait que vous avez cette vision-là de l'enseignement
collégial. Moi, je suis très surprise de découvrir
ça au niveau de la Fédération.
La Présidente (Mme Hovington): M. Duffy.
M. Duffy: Écoutez, je comprends peut-être votre
surprise, mais, enfin, c'est vaste, les questions que vous posez. Je pense
qu'il y a peut-être des incompréhensions aussi, là. Quand
vous dites que nous ne sommes pas pour l'approche programme, je crois que c'est
inexact. Nous sommes en faveur de l'approche programme.
Ce que nous avons dit dans notre mémoire, c'est que, tel que le
Conseil des collèges le proposait - et je vous disais au départ
que c'était le seul instrument de référence sur lequel nos
membres devaient se prononcer - il était nommément écrit
dans le rapport du Conseil des collèges, aux pages 308 et 309, que la
structure départementale, par exemple, était jugée un peu
inadéquate pour accomplir cette mission-là, jugée, d'une
part, trop disciplinaire. Donc, ça prenait quelque chose d'un peu
extérieur à la structure départementale pour mettre en
marche cette nouvelle approche. Alors, ce n'est pas contre l'approche programme
que nous en avons, à laquelle nous souscrivons d'emblée. Ce qu'on
dit, c'est qu'elle doit respecter les lieux identitaires que nous avons
déjà et qui ont formé l'enseignement collégial.
Quand on s'en prend aux départements en disant qu'on veut prendre
les sommes qui sont allouées à la coordination
départementale pour les allouer à la nouvelle structure, on se
pose de sérieuses questions. Que nous restera-t-il comme lieux
identitaires? C'est les départements qui nous accueillent quand on
arrive comme jeunes enseignants. C'est là que les échanges
pédagogiques se font. C'est là que l'organisation du travail se
structure. Alors, quand on nous dit, au départ, que ce qu'on a fait
depuis 25 ans dans ces départements-là, c'est un peu
disqualifié, vous comprendrez qu'on est sur la réserve, non pas
sur l'idée, ni sur l'objectif, mais sur la manière
préconisée. Je le répète: Nous sommes tout à
fait pour l'approche programme et, d'ailleurs, l'essentiel de l'articulation
pédagogique que nous préconisons est fondé sur l'approche
programme, et ça me fait plaisir de pouvoir le rectifier ici
aujourd'hui.
Pour ce qui est de l'évaluation, j'aimerais aussi en profiter vu
que j'ai l'occasion de préciser à nouveau des choses.
Contrairement à d'autres, nous nous sommes déclarés, il y
a très longtemps, en faveur de l'évaluation. J'ai même fait
une allocution l'an passé à la Fédération des
cégeps sur ce thème-là, et je pense que ça avait
été particulièrement bien reçu par les gens qui
avaient écouté cette présentation. C'est essentiellement
cette thématique que nous avons développée et que nous
avons renforcée.
Ce matin, il y avait un propos peut-être dans le journal, qui
laissait entendre que nous étions contre la commission externe
d'évaluation. Encore là, j'aimerais apporter la précision
suivante. Nous ne voulons pas d'un nouvel organisme, d'une nouvelle
bureaucratisation d'évaluation de l'enseignement collégial. Nous
avons dit que la Commission de l'évaluation du Conseil des
collèges existe déjà. Donnons-lui le mandat, les moyens de
devenir ce regard extérieur porté sur l'enseignement
collégial. Ce dont nous ne voulons pas, c'est d'un autre organisme, si
externe soit-il, qui, finalement, ne sache pas ce que c'est que de
l'enseignement collégial. Alors, nous trouvons que le Conseil des
collèges est tout à fait bien placé, par sa
compétence, son savoir, son expérience pour accomplir cette
mission-là, pour peu qu'on lui en donne les moyens. Je ne sais pas si
ça vous ramène un peu de votre surprise, Mme la ministre.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Robillard: Oui. J'ai des questions supplémentaires,
mais, M. Duffy, vous avez oublié le premier élément.
Donnez-moi donc votre vision au niveau de la formation générale
de base, qu'on nous recommande, depuis le début, de renforcir et
d'élargir.
M. Duffy: Oui. J'avoue que j'ai assisté à un
certain nombre d'audiences depuis le début, et ça m'a
étonné un peu de voir que bien des intervenants qui affirmaient
la nécessité du changement n'ont jamais vraiment fait la preuve
que ce qu'ils proposaient serait supérieur, d'autant qu'ils ne l'ont
jamais vraiment vérifié autrement ou ailleurs. On affirme,
après des études qui sont très intéressantes, j'en
conviens, mais qui ne mènent pas nécessairement à des
conclusions hors de tout reproche du point de vue de la rigueur intellectuelle,
que... Vous savez, quand on dit qu'on va élargir la formation
générale et qu'on veut la renforcer en même temps, j'avoue
que j'ai des difficultés, là. Je n'ai rien contre
l'horizontalité, mais j'aimerais qu'on s'en tienne peut-être
davantage à la profondeur. Comment rendre plus rigoureux tout en
assouplissant? Il y a des concepts, là, qui circulent et qui ne sont pas
absolument évidents. Je n'ai rien, personnellement, contre une formation
générale élargie. J'en ai contre le fait qu'on veuille
enlever des choses qui sont déjà là, tout en disant qu'on
veut redresser, renforcer, augmenter. Pourquoi enlever ce qui est
déjà là alors qu'on dit: Ajoutons plutôt à ce
qu'il y a là?
Alors, ces cours de formation fondamentale, on en a peu parlé
depuis le début. Pourtant, ça occupe des pages entières,
autant dans le mémoire du Conseil des collèges que dans celui du
Conseil supérieur de l'éducation. Il n'y a personne, ici, qui a
parlé de la formation fondamentale, c'est-à-dire celle qui fait
que des gens deviennent autonomes, sont capables d'analyse, de synthèse,
de pensée critique, sont aptes ensuite à appliquer ces
choses-là dans d'autres savoirs, à développer une
méthode de réflexion critique qui leur permet de continuer
à apprendre. Il n'y a personne qui a abordé cette question, ici,
et je comprends un peu parce qu'on veut enlever, justement, une part de la
discipline, celle de la philosophie, qui contribue le mieux, je pense, à
inculquer cette formation fondamentale, de même que les cours de
français et les autres. Vous savez, il y a beaucoup de collèges
qui n'ont même pas encore fait de débat sur la formation
fondamentale alors qu'elle appa-
raît partout, n'est-ce pas, dans les textes des conseils du MESS.
Nous, on est tout à fait pour cette formation fondamentale, mais on se
dit: Est-ce que les instruments qu'on préconise sont les meilleurs pour
s'assurer que cette formation soit donnée aux élèves? Et,
là-dessus, on a des doutes, on a des réserves. On voudrait qu'il
y ait davantage de méthode scientifique dans l'approche. On nous propose
du changement sans l'avoir vérifié, sans l'avoir
expérimenté. (10 heures)
Pour ce qui est des thématiques, parce que c'est l'autre volet
important sur lequel on est revenus un certain nombre de fois, il y en a
déjà, des thématiques dans notre formation: philosophie,
littérature - ce sont les humanités classiques; enfin, c'est
comme ça que le Conseil supérieur de l'éducation les nomme
- c'est une thématique; l'éducation physique, c'est une
thématique aussi, d'une certaine façon. C'est une discipline
intellectuelle aussi. Ça fait partie du savoir humain, du savoir-faire,
du savoir-être. Alors, nous, on dit à cela: Prenons plutôt
les cours complémentaires - et on avoue qu'il y a là un effort de
redressement et de resserrement à effectuer - et ajoutons, à
partir de ces cours complémentaires, les thématiques qui seraient
manquantes à la formation générale actuelle. Et selon,
évidemment, l'articulation propre à chaque collège,
essayons que ces cours-là deviennent de véritables
compléments à la formation tout en l'élargissant. Mais
ça n'enlève rien, si vous voulez, à ce qui est
déjà là.
Mme Robillard: Alors, M. Duffy, je reviens avec ma question du
point de départ. J'ai l'impression, si on parle de la formation
générale... Parce que, vous savez, on peut parler de la formation
générale, de la formation spécialisée, et ces deux
types de formation là doivent aussi viser la formation fondamentale.
Alors, c'est à escient que j'utilise les mots «formation
générale» en tant que tels parce que, pour moi, la
formation fondamentale couvre l'ensemble des cours qui sont donnés au
niveau collégial. Donc, je reviens au point de départ, au niveau
de la formation générale, en disant que c'est là que je
vois des rapprochements avec la position de la FNEEQ.
Aussi, ce que vous me dites, c'est qu'on ne change rien dans le bloc des
cours obligatoires. On s'en va voir dans le bloc des cours
complémentaires. On ne réunit pas ces deux blocs-là
ensemble; on les laisse séparément, comme ils sont là. On
ne change rien dans les cours des blocs obligatoires et, dans les cours
complémentaires, regardez donc s'il n'y a pas quelque chose à
faire. C'est ça que j'entends de votre part. Est-ce que c'est ça?
Est-ce que ça veut dire que vous posez le diagnostic, au niveau de la
formation générale donnée à nos jeunes et à
nos adultes dans les cégeps, que la formule actuelle est tout à
fait adéquate?
M. Duffy: Bien, c'est-à-dire qu'on pourrait parler
longuement de la valeur d'un cours en regard d'un autre, mais je ne veux pas
entrer dans cette question-là maintenant. Ce qu'on vous dit, c'est que
la formation générale a subi des atteintes très profondes
dans son articulation. Qu'est-ce qui est fondamental, Mme la ministre, dans un
collège, si ce n'est la relation entre un professeur, une enseignante et
un élève? Ça, c'est ce qu'il y a d'absolument
sacré. Tout ce qu'il y a dans le collège autour de ça est
là, en principe, n'est-ce pas, pour renforcer cette relation-là,
pour que la qualité de la formation, pour que la compétence qu'on
exige éventuellement, le seuil de performance qu'on établit
à l'autre bout de la ligne soit le mieux atteint possible.
Alors, ce qu'on a fait, c'est qu'on a fait en sorte que cette relation
privilégiée dans la formation générale soit en
quelque sorte rendue de plus en plus difficile. Vous savez, quand on corrige
160 copies par semaine, si on veut les faire travailler, mettons à
toutes les deux semaines, si on leur fait écrire sept textes, une
composition en philosophie ou en français, savez-vous combien d'heures
de travail ça demande pour pouvoir rendre la copie au moment où
on exige le deuxième travail? C'est, Mme la ministre, trois heures tous
les soirs, sur trois soirs, un week-end sur deux à temps complet; 160
copies corrigées, fond et forme, c'est un exercice auquel les
députés devraient peut-être se soumettre pour pouvoir
apprécier ce que je dis.
Alors, cette relation privilégiée entre maître et
élèves, on dit, après 25 ans: Oui, mais elle s'est
dégradée, elle s'est détériorée. Si on lui
avait donné les moyens véritables, efficaces de s'exercer, on la
critiquerait peut-être moins maintenant. Tout ce qu'on ajoute d'appoint
et auquel nous souscrivons, c'est du compensatoire à cette relation
privilégiée. Et ce qu'on dit profondément, et je
terminerai là-dessus: Ce n'est pas en laissant les choses dans
l'état actuel, cette relation dont je parte, et en changeant des cours,
en appelant ça tout à coup des thématiques, qu'on va
régler le problème.
Mme Robillard: Est-ce que je comprends que, pour vous, le seul
problème a régler, c'est le ratio
maître-élèves, mais non pas toucher au contenu de la
formation générale?
M. Duffy: Ça pourrait se dire de la façon suivante,
mais, cela dit, sur la formation complémentaire, on voudrait qu'elle
soit promue aussi, n'est-ce pas, au même titre que la formation
générale, qu'elle soit aussi importante et qu'elle la
complète véritablement. On ne veut pas que ça reste une
formation accessoire. Dans ce sens-là, on dit: Autour des trois valeurs
fondamentales actuelles de la formation générale, ajoutons les
véritables thématiques qui vont faire
de cette formation-là un complément valable, solide et qui
va redresser aussi des choses.
Mme Robillard: mme la présidente, j'ai d'autres questions,
mais je pense que je vais passer la parole à mon collègue et je
vais revenir après.
La Présidente (Mme Hovington): D'accord. M. le
député d'Abitibl-Ouest.
M. Gendron: Je voudrais saluer les gens de la
fédération autonome des collèges. Je pense que c'est des
gens qui sont associés de très près à ce qui se
passe dans le milieu de l'éducation. Vous êtes sur le terrain,
vous représentez un certain nombre de collèges. Un mémoire
comme le vôtre, qui s'articule autour des quatre grands axes suivants...
Je vais juste les répéter rapidement: démocratisation et
accessibilité aux études collégiales, l'axe d'une
meilleure formation ou une formation diversifiée au collégial
comme objectif - je reviendrai, moi aussi, sur les modalités - de
même qu'un élément de viser à offrir de meilleures
conditions de persévérance et de réussite scolaire, et
nécessité d'évaluer tout ça, peu importe, encore
là, les moyens. J'ai l'impression qu'un mémoire, dis-je, qui
touche ces quatre grands éléments nous rend de précieux
services, parce que c'est quand même des éléments sur
lesquels il y a lieu d'apprécier davantage ce que nous devrons
rechoisir, si vous me permettez l'expression, parce qu'on l'a indiqué
à plusieurs reprises et dès le départ, vous êtes de
ceux qui refont le choix de l'institution collégiale.
Sur la difficulté que la ministre semblait avoir - et uniquement
pour fins d'éclairage, ce n'est pas une question de jugement, en tout
cas, en ce qui me concerne - elle semblait laisser voir que vous seriez des
tenants assez forts du statu quo. Il y a deux façons de lire votre
mémoire. Ça peut ne pas être faux si on oublie une
prémisse. Moi, je voudrais juste rappeler une prémisse qui m'a
frappé quand j'ai lu votre mémoire, et il y a beaucoup de
matière à appréciation, par exemple, dans cette
prémisse, dépendamment des écoles de pensée dont on
peut être. Vous avez dit ceci - je pense que c'est important de rappeler
ça pour le bénéfice de tous ceux qui vous liront ou vous
entendront - et je vous cite: «Nous pensons que le présent
débat doit se situer au-dessus des concepts à la mode comme la
rigidité des conventions collectives, la qualité totale, les
palmarès, les indicateurs de performance,
l'évaluation-sanction», et ainsi de suite. Ça, c'est
important d'avoir ça en filigrane.
Deuxième élément en filigrane. Moi, ce que j'ai
senti dans votre mémoire, et là je ne suis pas capable de porter
un jugement si c'est exact ou pas, c'est ce qui revient un peu de plusieurs
équipes professorales: On se fait tasser, on n'a pas la conviction que
tous les éléments de revalorisation sont dans l'esprit de la
réforme qui s'en vient. Et là je cite une dernière phrase
avant de vous questionner. Vous dites: Nous pensons qu'il faut redonner
confiance à celles et ceux qui oeuvrent dans les cégeps en
respectant leur travail, leurs droits et les lieux dans lesquels jusqu'à
maintenant ils ont défendu la qualité de l'enseignement
collégial.
Moi, je Ils ça comme un préavis important. Si ça
veut dire: Tenez-en compte et là on est prêts à faire des
choses, vous avez un allié. Si ça veut dire: N'oubliez pas
ça et, si on sent que vous oubliez ça, bien, ça doit
rester comme c'est, j'ai un problème. Alors, j'aime mieux,
évidemment, privilégier la seconde option. Moi, je vous ai
rencontrés, je vous connais un peu, j'ai l'impression que vous
êtes ouverts à faire des choses, mais vous teniez, selon moi, avec
raison, à nous dire: On veut être dans le coup. Parce que, dans
toute réforme, si on ne s'assure pas de meilleures garanties que les
deux éléments centraux, en éducation comme ailleurs,
étant l'élève et l'agent éducatif principal...
L'agent éducatif principal, c'est une expression que j'emploie. C'est
sûrement, comme vous le décriviez tantôt rapidement, la
relation de l'élève avec le professeur. Il faut s'assurer que,
dorénavant, cette relation-là soit très renforcée.
Il y a plus de conditions facilitantes, puis ainsi de suite, ainsi de suite.
(10 h 10)
Je vais au questionnement, parce que ce n'est pas sûr que, dans le
mémoire, même si ces conditions préalables sont
placées, on a les garanties qu'il nous faut pour être capables
quand même d'opérer un certain nombre de changements. Suite
à la parution du rapport du Conseil des collèges, vous avez
émis - moi, c'est de même que je l'ai compris - des
réserves. D'ailleurs, vous aviez un «Telbec» assez
élaboré. Vous aviez émis des réserves - Mme la
ministre en a parlé et il faut y revenir - sur un certain nombre de ces
propositions, notamment quant à l'approche programme et, aujourd'hui,
vous nous avez dit tantôt: Non, nous, on ne rejette pas ça, il
n'est pas question... On a des réserves, mais on ne rejette pas
l'approche programme. C'est ça un peu.
En termes de mécanisme précis, après qu'on a dit
ça, il va falloir quand même... Si jamais on la retenait,
l'approche programme, comment vous voulez que ça fonctionne comme
mécanisme précis? Moi, c'est là-dessus que je voudrais
vous entendre avec vraiment... Pas juste me rappeler vos craintes et vos
réserves. On est d'accord, vous faites bien de les avoir
exprimées. Mais, après qu'on a dit ça, comment on fait
ça pour que ça fonctionne, si vous êtes d'accord?
M. Duffy: Nous sommes d'accord avec l'approche programme.
D'ailleurs, on a été étonnés d'entendre la
Fédération des cégeps
découvrir, dans son allocution il y a quelques jours, qu'un
élève, ça s'inscrivait à un programme et non pas
juste à des cours. Nous, ça fait un certain nombre
d'années qu'on sait cela et on ne peut pas être contre cela, vous
voyez, que chaque cours contribue à la formation complète,
graduelle et intégrante d'un élève. C'est un principe
auquel on souscrit.
Ce contre quoi on en avait un peu au départ, c'était
qu'elle mettait en cause des instruments auxquels vous avez fait allusion. Bon,
je n'y reviendrai pas, je l'ai dit un petit peu tantôt. Le
département, pour nous, c'est quelque chose de fondamental. À la
place, pour sortir effectivement de la structure départementale, parce
que le programme suppose qu'on parle aux autres, n'est-ce pas, qui donnent
aussi ce programme de cours, on propose de créer dans le collège,
au plan local, un lieu de concertation interdisciplinaire. Il ne faut pas
penser que les professeurs sont tous enfermés dans leur
département et qu'ils ne se parlent pas. C'est très
fréquent dans le cours d'une session que les gens échangent entre
eux sur les difficultés respectives de leurs élèves parce
que, bon, on a tous les mêmes, d'une certaine façon. Alors, on
propose la mise sur pied de ce lieu d'échanges interdisciplinaires qui,
effectivement, serait là pour gérer, proposer des objectifs aux
programmes en question, les évaluer aussi et, éventuellement,
rendre des comptes autour de cette gestion du programme.
Ce qu'on pense aussi, c'est qu'il y a une autre structure actuelle dans
les collèges, qui existe et qui s'appelle la commission
pédagogique. Bon. On sait qu'elle a eu un passé plus ou moins
tourmenté, dans bien des cas elle est disqualifiée. On a
créé des structures parallèles pour un peu l'éviter
parce qu'elle était démocratique et, enfin, elle était
lourde de fonctionnement, disait-on. On pense qu'une commission
pédagogique reformulée dans des mandats, dans une composition,
pourrait être, pour le collège, le lieu, n'est-ce pas, de
concertation de tous les programmes. Ce serait un peu sous cette
coupe-là, ce lieu d'échanges interdisciplinaires pour un
programme donné; ça pourrait se discuter de façon large
ensuite à la grandeur du collège. Vous savez, il y a des
collèges qui donnent 30, 40 programmes. C'est considérable comme
articulation. Alors, ce qu'on dit, c'est qu'on pourrait, dans un collège
donné, articuler autour des structures existantes le département,
le nouveau lieu d'échanges interdisciplinaires et une commission
pédagogique refaite en fonction de ces nouvelles exigences. On pourrait
même prévoir que dans le département il y ait des exigences
qui soient faites, qui soient imposées, à la limite, aux
enseignantes et enseignants pour qu'ils participent d'emblée à ce
nouveau lieu d'échanges interdisciplinaires pour que ça
fonctionne. Il ne s'agit pas juste de poser une structure, il faut qu'elle soit
fonctionnelle.
M. Gendron: Merci. C'est assez clair. J'aurais peut-être
juste un complément de réponse là-dessus avant de passer
à une autre question. Ça veut dire que vous mettez très
clairement: Oui, nous sommes d'accord pour un lieu d'échanges
interdisciplinaires. C'est requis, vous êtes pour ça. Il y avait
une commission pédagogique... Pas «il y avait», il y a
actuellement une commission pédagogique. Vous dites: Bien, c'est un
peu... On l'a tassée. Si on se parle franchement, vous dites: Ça
ne joue plus son rôle. Alors pourquoi? Puis pourquoi vous croyez qu'en la
remodelant un peu, rapidement, on pourrait avoir là l'instance qui est
déjà prévue, qui permettrait de donner des
résultats concrets sur ce qui semble être retenu par beaucoup de
jeunes, la nécessité dans la façon de modifier l'avenir
pour un meilleur fonctionnement collégial, une approche programme que
vous ne contestez pas?
Moi, si vous me donnez la garantie, si, éventuellement, on la
retenait, qu'elle soit dans des conditions de réussite objectives, si
vous me dites: C'est possible de faire ça à la commission
pédagogique, je n'ai pas de trouble, mais j'aimerais ça que vous
m'indiquiez pourquoi ça pourrait se faire là et comment.
M. Duffy: C'est parce que, au départ, la commission
pédagogique regroupe tout le monde dans un collège.
M. Gendron: C'est ce que je sais.
M. Duffy: C'est un beau lieu de concertation, je pense, qui n'a
pas donné le fruit qu'il aurait dû donner. Il y a des
employés de soutien qui participent - on l'a vu dans les audiences -
aussi à cet enseignement, au premier titre, dans bien des cas. Il y a le
personnel d'encadrement aussi qui travaille avec nous à la mission
éducative des collèges. Il y a, bien sûr, les enseignants
qui y sont, il y a aussi les gestionnaires qui y sont. Alors, qu'est-ce qu'on
veut de plus comme lieu de concertation pour faire un véritable projet
d'établissement, n'est-ce pas, qui fait la synthèse et qui
intègre l'ensemble des objectifs de programmes dont un collège
s'est doté?
M. Gendron: Bien, j'ai des inquiétudes. Moi, je pense
qu'un lieu d'échanges interdisciplinaires, ça va, mais, à
une commission pédagogique aussi large que celle-là, d'envisager
de placer dans des conditions de réussite l'approche programme, j'ai de
sérieuses réserves. Je suis inquiet. Est-ce qu'il faudrait que
j'aille vivre comment ça se passe, que je fasse une évaluation
plus fine pour avoir éventuellement une conclusion qui corresponde
davantage aux faits? Je vais poursuivre ma réflexion.
Je passe à la deuxième question. J'aimerais
également vous entendre au niveau de l'évalua-
tion. Vous l'avez fait ce matin, puis, moi, je pense que, dans le
mémoire, il y avait vraiment de l'ouverture, mais ça manque
encore de précision, selon moi, si on veut être certain de bien
traduire votre position. Vous en avez une là-dessus. Alors, moi, je veux
bien comprendre votre position, puis la traduire adéquatement.
Il y a des étudiants et des étudiantes qui sont venus nous
indiquer qu'ils souhaiteraient jouer un plus grand rôle dans
l'évaluation des enseignements. Parce qu'on dirait toujours, quand vous
parlez d'évaluation, qu'il ne faudrait jamais faire également
l'évaluation des enseignants. Moi, je pense qu'il faut faire
l'évaluation des enseignants aussi. Je comprends que des enseignants
disent: Ce n'est pas ça qu'il faut évaluer; il faut
évaluer les enseignements. Qu'un enseignant me dise ça, je suis
complètement d'accord avec lui. Mais il y a d'autre monde dans le
collège. Il y a d'autres gens qui sont intéressés par de
l'évaluation dans le collège. Alors, moi, à une commission
parlementaire où je dois revoir une série
d'éléments sur lesquels il y a du questionnement, je ne peux pas
dire à ces gens-là: Non, non, je ne regarde pas ça.
Alors, là-dessus, est-ce que c'est exact que vous avez des
réticences importantes à ce que les jeunes puissent jouer un
rôle, éventuellement, dans l'évaluation, et là, je
dis des enseignements, bien sûr, mais aussi des enseignants?
M. Duffy: bon, alors, si je replace ça pour essayer de
faire un lien avec tout ça, parce que l'évaluation, ce n'est pas
non plus un mot magique qui...
M. Gendron: Non, non.
M. Duffy: II y a parfois de mauvaises évaluations qui
dépriment des personnels au complet. Enfin, je n'entrerai pas, non plus,
dans certains détails. Enfin, mettons dans un programme donné, la
relation maître-élèves. Alors, dans ce lieu de concertation
dont on parle, qui est à définir, à structurer, il y a des
discussions. On discute du programme, si on a atteint des objectifs, des seuils
de performance, des seuils de qualité donnés. C'est les
enseignants qui parlent de cela avec les gestionnaires, enfin. Il y a des
élèves aussi. Nous, on veut bien qu'ils en soient, de cette
discussion. D'ailleurs, de plus en plus de départements s'ouvrent
à la discussion avec les gens dont ils sont responsables dans leur
concentration. Ils participent aux objectifs de cours. C'est déjà
un petit peu commencé.
Et c'est cela qu'on précise dans ce lieu de concertation: est-ce
qu'on a atteint nos objectifs? Sinon - et là, on évalue le
programme - qu'est-ce qui n'a pas fonctionné? Est-ce que ce sont les
enseignements? Est-ce que ce sont les seuils qui étaient trop loin?
Parce que, vous savez, en éducation, c'est facile de fixer des
objectifs. De les atteindre, c'est autre chose, avec des clientèles de
plus en plus différenciées. Le concept de l'élève
moyen, c'est presque disparu de nos cours, ça. C'est bête à
dire, mais c'est un peu comme ça. (10 h 20)
Alors, ii faut prendre en compte tout ce monde-là qui, au
départ, est placé sur la même ligne et à qui on veut
faire atteindre les objectifs. Il y en a qui sont très richement pourvus
intellectuellement, physiquement, socialement, au point de vue de la fortune
aussi, ça va très bien, puis il y a les autres à
côté qui sont moins forts sur la ligne de départ. Et on
demande à tout ce monde-là d'arriver au seuil de performance
à l'autre bout. Alors, le programme doit prendre en compte tous ces
besoins-là, on doit dire: Comment ça se fait que notre taux de
réussite en français est cela? Comment se fait-il qu'ils font
encore 20 fautes, n'est-ce pas, dans un texte de 500 mots? C'est ça, une
véritable concertation pédagogique. Et là, on se dit:
Là, on a des besoins très sérieux de perfectionnement si
c'est le cas d'un enseignement qui pourrait s'être avéré
inadéquat ou encore qui aurait besoin d'une mise à jour, d'un
perfectionnement, d'un recyclage. On établit cela, vous voyez, et
là on évalue les enseignements. Et on est tout à fait
d'accord pour que les élèves, à partir de moyens
appropriés - il commence à en exister d'assez bons, d'ailleurs -
participent, comme d'autres, au processus de cette évaluation de
l'enseignement. Je disais, en conclusion de ce texte de présentation: Si
on veut un jour qu'ils soient égaux entre eux, faisons-les aussi nos
égaux. Ils ont 17, 18, 19 ans et reçoivent cet
enseignement-là. Je pense qu'ils sont assez intelligents pour pouvoir
l'apprécier.
Cela dit, pour les enseignants en tant que tels, nous ne pensons pas
qu'il nous appartient de nous évaluer entre pairs.
M. Gendron: Je suis complètement d'accord.
M. Duffy: II y a des structures administratives qui sont
là et qui ont une mission aussi d'apprécier le travail que les
personnels font.
M. Gendron: M. Duffy, je n'en disconviens pas, mais une petite
question pour terminer là-dessus, avant l'autre, puis je pense que vous
me donnez un éclairage intéressant. Mais, moi, j'ai toujours
pensé et j'estime encore que, dans une bonne évaluation des
enseignements reçus, il faut évaluer un peu les dispensateurs de
cet enseignement reçu. Or, ceux qui le donnent, l'enseignement, en
grosse majorité, j'ose espérer que vous êtes d'accord avec
moi que c'est les professeurs.
M. Duffy: Oui.
M. Gendron: Alors, c'est juste ça que je voulais signaler.
Bien sûr que les jeunes qui
reçoivent l'enseignement des enseignants veulent jouer un
rôle dans l'évaluation des enseignements reçus, mais ils
disent: On aimerait ça également avoir l'opportunité de
porter un jugement sur celles et ceux qui le donnent, l'enseignement. C'est
juste ça. Je voulais savoir si vous aviez des réticences. Vous me
dites: Non, on est d'accord que, justement, si on veut les traiter en
égaux... Vous avez fini comme ça. Donc, moi, je conclus que vous
n'êtes pas contre le fait qu'on trouve une façon d'impliquer ceux
qui reçoivent l'enseignement dans l'évaluation des
enseignants.
M. Duffy: Au contraire, il y avait même un colloque
à l'AQPC où on a fait ces déclarations-là et on a
invité, effectivement, les élèves à prendre en main
ces dimensions-là de leur formation, à insister aussi pour que
ces mécanismes-là se mettent en place. Mais on veut quelque chose
de sérieux et de rigoureux.
M. Gendron: Ça va. Donc, on peut compter sur vous pour
aller dans ce sens-là?
M. Duffy: Tout à fait.
M. Gendron: Merci. Autre question. Vous avez proposé, au
lieu de l'instauration d'une session de propédeutique pour les
élèves qui ont des difficultés académiques, et Dieu
sait qu'il y en a beaucoup qui en ont... D'ailleurs, c'est une des causes
principales, soit au niveau de la préparation inadéquate, soit au
niveau de l'effort intellectuel qu'ils n'ont pas été
habitués à faire, pour ne pas dire pantoute, avant
d'accéder au collégial; ça pose des problèmes.
Vous, votre choix, c'est: au lieu de cette session de propédeutique,
vous privilégiez davantage plus de mesures d'encadrement. Vous avez
même fait des suggestions en termes de mesures d'encadrement
additionnelles, c'est de réduire le ratio martre-élèves.
Moi, je ne veux pas... Et ce n'est pas parce que je suis réfractaire
à ça. Je sais, par exemple, ce que ça peut coûter.
Il faut faire des choix et je ne suis pas convaincu que c'est la seule mesure.
Par contre, vous faites bien de la proposer. Si j'étais vous autres, je
la mettrais sur la table. Mais je voudrais que vous en mettiez d'autres aussi
sur la table. Si vous aviez à retenir un certain nombre de mesures
d'encadrement autres que la réduction du ratio
maître-élèves, ça serait lesquelles que vous
retiendriez, puisque vous venez de faire le choix davantage par des mesures
d'accompagnement et d'encadrement plutôt que la session de
propédeutique?
M. Duffy: La session de propédeutique, parce qu'on y a
songé aussi comme nouvelle forme d'acclimatation, si je puis dire, des
populations qui peuvent avoir parfois des difficultés de parcours, ce
sont des enseignantes et des enseignants de l'ordre secondaire qui nous ont dit
de beaucoup nous méfier de cela. Il y a beaucoup d'élèves
qui pourraient, à la limite, s'appuyer sur cette session-là pour
dire: Bon, eh bien, maintenant, on peut attendre que ça se passe et, de
toute façon, on va nous accueillir. Il y a beaucoup d'enseignantes et
d'enseignants aussi de l'ordre collégial qui nous ont dit: II y a
peut-être un risque aussi de «secondariser» l'enseignement
collégial. S'il y a vraiment un bassin d'acclimatation complet, une
session, c'est considérable. Et on pense que ça peut, à la
limite, réduire l'effort ou l'exigence, justement, de formation qu'on
doit quand même aussi stimuler. Ce n'est pas tout d'avoir des mesures
préventives, mais ça prend aussi une prise de
responsabilité de la part des jeunes à cet
égard-là.
Alors, ça nous effrayait dans ce sens-là, parce qu'en soi
c'est sûr que tout ce qui est palliatif n'est pas nécessairement
rejeté. Alors, on pense plutôt à les accueillir quand ils
ont réussi les exigences de leur diplôme d'études
secondaires, un, et à partir de cela prendre en compte de façon
plus particulière des cheminements particuliers. Alors, là, dans
ces mesures dont on parle, il y en a qui sont déjà en place
depuis un certain nombre d'années. Les centres d'aide en
français, par exemple, et en mathématiques, c'est des choses
très précieuses. Je pense qu'on pourrait ajouter quelques
ressources à cet égard-là, parce que ça sert toute
la communauté des collèges. Ce n'est pas juste pour
l'élève. À la limite, il y a des enseignants qui vont
là. J'ai même vu des expériences très
intéressantes. Parce qu'on veut, par exemple, implanter la
qualité du français dans toutes les disciplines, bien, il y a des
enseignants qui nous disent: Écoutez, je voudrais bien, moi aussi,
participer à ça, mais c'est difficile, j'ai de la
difficulté moi-même à corriger les textes de mes
élèves là-dessus. Alors, j'ai vu une très belle
expérience où on faisait corriger cela, par exemple, au centre
d'aide, et le professeur, à partir de cela, disait à ses
élèves de tenir compte de telle ou telle chose. Alors, ça,
c'est très précieux.
Les cours d'appoint, les cours de mise à niveau, je pense que
ça doit aussi rester, mais la principale mesure en est peut-être
une d'orientation aussi. Et je pense que le Conseil supérieur a beaucoup
insisté, à tous les ordres, n'est-ce pas, qu'il fallait
absolument renforcer et éviter que ça soit juste aussi une
espèce de sélection dès le départ, parce qu'on leur
en demande beaucoup aux jeunes de 16, 17 ans, n'est-ce pas. Il faut qu'ils
aient, eux, un projet de société presque déjà tout
tracé, tout structuré et qu'ils soient sûrs à 17 ans
que c'est bien celui-là qu'ils veulent. Alors, ça serait à
refaire, là, toute cette structure de l'orientation.
La Présidente (Mme Hovington): Vous avez passé
votre temps.
M. Gendron: Oui, alors, merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Alors, Mme la
ministre, II reste trois minutes et demie.
Mme Robillard: Oui, M. Duffy, j'aimerais peut-être revenir
sur le mécanisme d'évaluation...
M. Duffy: Oui.
Mme Robillard: ...que vous avez abordé dans votre
mémoire. Et, suite à mes premières questions, vous avez
mentionné que vous étiez plutôt favorable au maintien, si
j'ai bien compris, du Conseil des collèges avec sa Commission de
l'évaluation, tel que c'est présentement. Donc, pas de changement
de ce côté-là. Attendez, je vais aller un peu plus loin
dans ma question. Plusieurs intervenants nous ont parlé d'un organisme
externe d'accréditation de programmes - et là je ne parle pas
d'évaluation du personnel enseignant; je parle de l'évaluation de
la qualité des programmes - et qu'un organisme externe émettrait
un jugement de qualité sur les programmes dispensés. Est-ce que
je pourrais connaître votre position?
M. Duffy: Oui, bon. Pour le Conseil des collèges, nous
voulons qu'il demeure, bien sûr. Certains ont peut-être
préconisé son abolition, ce n'est pas du tout notre point de vue.
Et non seulement nous voulons qu'il demeure mais nous voulons que ce soit lui
qui devienne cet organisme dit externe. Mais, comme il est déjà
là, c'est difficile de le vouloir à l'externe. C'est pour
ça qu'on s'oppose au concept de l'externe, de l'externat, enfin. Il est
là, il a une mission d'évaluation qui lui a été
confiée en 1979, je crois...
Mme Robillard: Oui.
M. Duffy: ...lors de sa fondation. Mais, M. Morin nous disait
lui-même qu'elle avait été peu activée. On ne lui
avait pas vraiment donné le mandat ou les ressources pour que ce soit
vraiment... Encore qu'ils fassent de l'excellent travail à certains
égards. Alors, nous sommes tout à fait d'accord pour renforcer
cette mission-là et que ce soit elle qui devienne, n'est-ce pas, ce
regard, cette conscience projetée sur les activités d'ensemble du
réseau.
Mme Robillard: Mais seriez-vous d'accord pour que cette
commission-là - appelons-la la commission de l'évaluation - aille
jusqu'à l'accréditation des programmes, donc un jugement de
qualité? C'est plus loin que le mandat actuel, M. Duffy.
M. Duffy: Oui. Bon, alors, je reviens un petit peu à
l'hypothèse que nous faisons pour l'évaluation plus restreinte,
si vous voulez. Nous disons que cette commission-là serait en mesure
d'apprécier, par exemple, pour un collège donné, la
qualité d'un programme donné. Et, si on se rend compte
effectivement que des seuils de performance ne sont peut-être pas tout
à fait atteints, qu'on s'interroge sur les raisons qui font qu'on ne les
a pas atteints, ces seuils-là, et je pense que dans la plupart des cas
on va comprendre qu'il faut ajouter, n'est-ce pas, il faut répondre aux
besoins de ces gens-là. (10 h 30)
Je pense qu'à ce moment-là la commission n'a pas à
sanctionner. Je pense que c'est une décision, cela, qui appartient
plutôt au ministère. Je pense que la commission doit nous dire:
Écoutez, s'il y avait là tel type de perfectionnement, tel type
de renforcement, tel type de mise en oeuvre, votre programme pourrait
éventuellement s'améliorer, devenir meilleur. Je ne le vois pas
nécessairement comme quelqu'un qui sanctionne, mais comme quelqu'un qui
est là pour proposer des améliorations, renforcer le travail qui
se fait, n'est-ce pas, à la base, et participer à l'ensemble des
interventions positives du réseau.
Mme Robillard: Parfait. Merci, M. Duffy, et merci à tous
les gens de la Fédération de nous avoir fait partager leur
réflexion. Je peux vous dire à la fin de cet échange, M.
Duffy, que je suis contente de constater que vous avez de l'ouverture à
certains changements. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, au nom des membres
de la commission de l'éducation, c'est à mon tour de vous
remercier d'être venus nous présenter votre mémoire, ce
matin. Je vous souhaite une bonne journée. Et j'inviterais le
Collège de Limoilou à bien vouloir venir prendre place
immédiatement, s'il vous plaît. Nous allons suspendre une
minute.
(Suspension de la séance à 10 h 31)
(Reprise à 10 h 33)
Collège de Limoilou
La Présidente (Mme Hovington): Alors, le Collège de
Limoilou est représenté par M. Yvon Beaulieu, directeur
général.
M. Beaulieu (Yvon): C'est bien ça.
La Présidente (Mme Hovington): C'est vous? Bonjour.
M. Beaulieu: Bonjour.
La Présidente (Mme Hovington): Bienvenue à la
commission. Vous êtes le porte-parole du
Collège?
M. Beaulieu: Oui, mais il est possible que quelques-uns d'entre
nous interviennent lors de la période des questions aussi.
La Présidente (Mme Hovington): D'accord. Si vous voulez
bien nous présenter toute votre équipe.
M. Beaulieu: Alors, à ma droite, M. Michel Vincent, qui
est le directeur des services aux étudiants...
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.
M. Beaulieu: ...Mme Lyne Pigeon, qui est la directrice des
affaires corporatives et des communications, et M. Louis Drouin, qui est le
directeur de l'éducation des adultes.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.
M. Beaulieu: À ma gauche, Mme Hélène Huot,
qui est la directrice des services pédagogiques, et M. Jacques Gaudreau,
qui est le directeur du campus de Charlesbourg.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour. M. Beaulieu, vous
avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire.
M. Beaulieu: Merci, Mme la Présidente. Avant d'aborder,
à proprement parler, le mémoire que nous voulons vous
présenter, j'aimerais redire, Mme la Présidente, que le contenu
de ma présentation est un mémoire de direction et qu'il regroupe
l'ensemble des cadres et des gestionnaires du Collège. Mais il n'a pas
pour intention de reproduire ici l'opinion de l'ensemble des instances du
Collège.
Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les
députés, M. le sous-ministre, je veux d'abord remercier la
commission d'avoir accepté de recevoir à ses audiences publiques
la direction du cégep de Limoilou. J'espère que les propos que
nous tiendrons devant vous pourront contribuer à la réflexion que
vous avez entreprise sur l'avenir de l'enseignement collégial.
Le cégep de Limoilou est un établissement important dans
le réseau des cégeps. Il a été l'un des 13 premiers
cégeps créés en août 1967 et il est issu de l'union
d'un collège classique, l'externat Saint-Jean-Eudes, et de l'Institut de
technologie de Québec. Il a vécu les premières
années du difficile mariage des collèges classiques et des
écoles techniques. Aujourd'hui, le cégep de Limoilou
reçoit dans deux campus, Québec et Charlesbourg, 6800
étudiants et étudiantes qui se répartissent à peu
près moitié-moitié entre le secteur
préuniversitaire et le secteur technique.
Le cégep de Limoilou a connu au cours de son histoire des
augmentations des clientèles souvent aussi importantes qu'inattendues.
Nous avons accepté, pour desservir une clientèle
supplémentaire de 2000 élèves, de vivre pendant 10 ans
dans deux écoles à peine retapées et dans des conditions
de fonctionnement extrêmement difficiles non seulement pour la
clientèle, mais aussi pour toutes nos ressources humaines.
En septembre 1992, nous avons accueilli 800 élèves de plus
que notre capacité d'accueil ou de vie pédagogique, et ce, dans
un contexte de rénovation majeure au campus de Québec. C'est donc
dire, Mme la Présidente, que nous avons cru à
l'accessibilité au niveau collégial, c'est dire aussi que nous y
croyons encore.
Pour toutes ces raisons et en dépit de ces circonstances tout
à fait exceptionnelles et extrêmement exigeantes, la direction du
collège a jugé qu'il était de son devoir d'exprimer son
opinion sur l'avenir de l'enseignement collégial. Vous comprendrez,
dès lors, que nous avons volontairement limité notre propos
à certains éléments qui, compte tenu de notre vision de
l'avenir et de notre vécu, nous apparaissent essentiels pour assurer
l'avenir de l'enseignement collégial. Nous pensons que les cégeps
devront relever un défi plus difficile que celui du mariage du
professionnel et du général, celui du mariage, sans compromis, de
la quantité et de la qualité.
En effet, les cégeps sont conviés par les besoins et les
exigences de la société québécoise de l'an 2000
à poursuivre deux grands objectifs: le premier, produire beaucoup plus
de diplômés et, le second, améliorer nettement la
qualité de nos diplômés. À quelles conditions
pouvons-nous espérer réaliser ces deux objectifs? D'abord, celui
du nombre des diplômés.
Pour augmenter le nombre des diplômés au collégial,
il faut, à notre avis, réaliser trois conditions: la
première, améliorer sensiblement l'harmonisation entre les
exigences de réussite au secondaire et celles de l'admission au
collégial; la deuxième, confier aux collèges le mandat de
compléter la préparation des élèves
répondant aux exigences minimales d'admission lorsque cela est
nécessaire à la poursuite normale et à la réussite
des études collégiales; la troisième, maintenir la
gratuité scolaire en n'imposant pas de frais de scolarité.
Reprenons ces conditions une à une.
La première condition. Il faut, de façon imperative,
s'assurer d'une meilleure harmonisation entre les exigences de réussite
au secondaire et celles de l'admission au collégial. Même si le
diplôme d'études secondaires et, dans certains programmes, la
réussite de cours préalables est officiellement la base de
l'admissibilité au collégial, il ne garantit pas toujours une
qualité de préparation compatible avec les exigences de
l'admission au collégial. Actuellement, le diplôme d'études
secondaires peut être obtenu avec un minimum de 130 unités, dont
20
en secondaire V, alors que, dans d'autres cas, le diplôme
d'études secondaires comprend près de 180 unités. La
valeur, la signification réelle d'un diplôme d'études
secondaires, en termes d'acquis de formation, sont, par conséquent,
très fluctuantes. (10 h 40)
Cette situation crée des écarts importants dans les
chances de succès. Plusieurs études récentes, notamment
celle du Service régional d'admission de Montréal, font
clairement ressortir qu'il y a un lien déterminant entre la
préparation des élèves du secondaire et la réussite
au collégial. Pour que le diplôme d'études secondaires
demeure la base de l'admission au collégial, il faut donc que ces
écarts soient réduits par une meilleure harmonisation entre les
exigences de réussite au secondaire et celles de l'admission au
collégial. C'est là, à notre avis, une
responsabilité qui appartient aux deux ministères
responsables.
La deuxième condition. Il faut aussi que les cégeps aient
le mandat et les moyens d'offrir aux élèves dits «à
risque» des cheminements particuliers. Chez nous, à Limoilou, il y
a environ 2000 étudiants inscrits dans le programme de sciences
humaines. Plusieurs, environ 500, y sont par choix de dernière chance:
ou bien ils n'ont pas les préalables pour être admis dans le
programme de leur choix, ou bien ils ont été refusé dans
un programme contingenté, ou bien ils sont trop faibles, ou bien,
encore, ils n'ont pas fait un choix d'orientation définitif. Ces
élèves auraient besoin, pour avoir quelque chance de
succès au collège, de cheminements spécifiques, de
programmes de mise à niveau et/ou de programmes d'exploration, et c'est
en ce sens que portent nos efforts depuis quelques années. Nous
souhaitons que les cégeps aient le mandat et les fonds leur permettant
de compléter la préparation des élèves admis au
collégial mais en difficulté par rapport à leur choix de
programme d'études ou d'orientation de carrière.
Troisième condition. Finalement, il faut maintenir la
gratuité scolaire en n'imposant pas de frais de scolarité. Nous
croyons encore que la gratuité scolaire est une condition
nécessaire à l'accès aux études supérieures.
La gratuité scolaire est un des instruments que la société
québécoise s'est donnés pour assurer
l'égalité des chances à tous et à toutes. Revenir
sur cette décision marquerait un recul important par rapport à
l'accessibilité et à la scolarisation. Nous souhaitons donc que
la gratuité scolaire soit maitenue et qu'il n'y ait pas d'imposition de
frais de scolarité au collégial. Cependant, dans un contexte de
rareté des ressources et de sévérité de conjoncture
économique, nous croyons, plutôt que d'imposer des frais de
scolarité, que la gratuité scolaire pourrait être mieux
définie et mieux encadrée par des règles qui en
préciseraient davantage la portée. D'ailleurs, le régime
actuel de gratuité scolaire n'est pas universel. Un étudiant
inscrit à moins de quatre cours paie des frais de scolarité.
Les frais afférents déterminés par le conseil
d'administration et approuvés par la ministre en sont un autre exemple.
Il est de plus en plus évident que les subventions versées aux
collèges ne suffisent pas pour combler non seulement les besoins relies
a l'encadrement scolaire mais aussi ceux reliés à la vie
étudiante. C'est pourquoi le collège facture à ses
élèves des frais d'inscription. Compte tenu, cependant, que ces
frais d'inscription sont déterminés par le conseil
d'administration, en concertation avec le milieu, selon des priorités
qui tiennent compte de la capacité de payer des élèves, il
pourrait être facilement envisagé de ne plus exiger la sanction
ministérielle, suite à l'adoption par le conseil d'administration
du règlement sur les frais d'inscription.
En somme, il faut augmenter le nombres des diplômés au
collégial et, pour ce faire, il faut: harmoniser les exigences du
secondaire et du collégial; aider par des mesures appropriées les
élèves en difficulté au collégial; et maintenir la
gratuité scolaire.
À l'objectif de la quantité s'ajoute celui de la
qualité de la formation de nos diplômés. C'est là la
deuxième partie de notre propos. La nécessité d'une
amélioration sensible de la qualité de la formation de nos
diplômés ne fait pas de doute. Les lacunes constatées par
plusieurs au cours des années, en ce qui a trait à la formation
générale, et les remarques que nous adresse
régulièrement l'entreprise au sujet de la formation technique ne
sont certes pas étrangères au fait qu'il y ait, aujourd'hui, une
commission parlementaire de l'éducation. Comme bien d'autres, nous
croyons que la formation générale de nos diplômés
doit être enrichie et que la formation technique doit être mieux
adaptée à la réalité et à l'évolution
technologique du monde du travail.
La formation générale, celle qui est commune à tous
les programmes de formation, n'a pas été revue depuis la
création des cégeps. La réalité change en 25 ans.
Nous souscrivons à l'analyse faite par le Conseil des collèges
à ce sujet. Il y a pertinence de maintenir, dans les programmes
d'études, la formation retenue par d'autres pays en misant, et je cite:
«à la fois sur des matières qu'on y retrouve
traditionnellement, littérature, philosophie, mathématiques,
histoire, et aussi sur des matières plus actuelles comme les sciences et
la technologie, les langues modernes et la connaissance du monde.» C'est
dans cette perspective, croyons-nous, que doit être revue et
élargie la composante commune au programme de l'ordre de l'enseignement
collégial mis en place en 1967. Et c'est pourquoi nous croyons que l'on
doit s'inspirer de la proposition du Conseil des collèges en ce qui a
trait à la formation générale.
Quant à l'amélioration de la formation
technique, l'évolution extrêmement rapide et pas toujours
prévisible du monde de la technologie impose des changements importants.
Les premiers ont trait au nécessaire rapprochement de la formation
technique et du monde du travail, tandis que les seconds portent davantage sur
l'amélioration de la capacité des cégeps à
s'ajuster aux changements technologiques.
En ce qui a trait au rapprochement de la formation technique et du monde
du travail, nous pensons que l'amélioration de la qualité d'un
programme de formation technique ne peut être assurée de
façon convenable sans un rapprochement beaucoup plus direct des
études et du monde du travail. Dans cette perspective, nous croyons que
tout programme d'études devrait inclure obligatoirement une
période significative de stages en entreprise.
Dans la même foulée, les expériences encore rares,
tout au moins au collégial, de la formule alternance
travail-études s'avèrent positives quant à la
qualité et la pertinence de la formation professionnelle. Au
cégep de Limoilou, nous menons actuellement quatre expériences
différentes de formules alternance travail-études. Une
évaluation préliminaire nous amène à constater que
le contact avec les équipes de travail de sa spécialité
offre à l'élève l'occasion de s'acclimater à une
fonction de travail en assumant des responsabilités graduellement plus
exigeantes qui l'amènent à utiliser ses apprentissages scolaires
et, du même coup, à mieux les maîtriser.
Enfin, ce rapprochement de la formation technique et du monde du travail
doit être accentué chez nos ressources enseignantes. Au
cégep de Limoilou, nous avons vécu, au cours des dernières
années, dans le secteur des techniques physiques en particulier, des
changements de programmes qui commandent des mises à jours importantes
des compétences des ressources enseignantes.
Or, pour maintenir à jour les connaissances des enseignants et
des enseignantes, la scolarisation et le perfectionnement pédagogique ne
suffisent pas. Il faut que les enseignants et les enseignantes du secteur
aient, renouvellent et maintiennent des contacts réguliers avec la
réalité du monde du travail. C'est là que ça se
passe et c'est aussi là que ça se vit.
En ce qui a trait à l'adaptation des programmes,
l'amélioration de la qualité de la formation technique passe par
des ajustements constants et rapides de nos programmes de formation à
l'évolution technologique du monde du travail. Or, le processus actuel
de révision des programmes est beaucoup trop lent pour permettre de
suivre de façon efficiente l'évolution du monde du travail. C'est
pourquoi nous souhaitons que le mécanisme actuel de révision des
programmes d'études soit réétudié de façon
à le rendre plus efficient et beaucoup mieux adapté aux
réalités extrêmement changeantes de la technologie.
Il y aurait lieu aussi, pour réduire les décalages entre
l'évolution technologique et les programmes de formation technique,
d'introduire plus de souplesse dans la structure même du champ de
spécialisation et de donner sa pleine mesure à l'article 13 du
règlement des études, laissant ainsi les cégeps qui sont
responsables de la gestion locale des programmes mettre à jour une
certaine partie du champ de spécialisation des programmes.
En conclusion de cette deuxième partie, nous croyons que, pour
améliorer la qualité de la formation de nos
diplômés, il faut, premièrement, enrichir le contenu de la
formation commune; deuxièmement, rapprocher la formation technique du
monde du travail et, troisièmement, ajuster rapidement nos programmes de
formation à révolution technologique. (10 h 50)
Enfin, et c'est la troisième partie de notre propos, nous croyons
que le mariage de la quantité et de la qualité de nos
diplômés ne pourra se réaliser sans apporter des
changements importants aux encadrements nationaux touchant la gestion des
programmes d'études. Le règlement des études
collégiales devrait être revu et adapté à la
réalité actuelle du jeune adulte. Il devrait tenir compte de la
diversité de la clientèle et permettre aux cégeps
d'organiser plusieurs types de cheminement de formation et plusieurs formes
d'encadrement. Nous croyons que le règlement des études devrait
prévoir la possibilité de compléter une formation
collégiale en continuité ou par cumul de certification. Nous
croyons aussi que le règlement des études collégiales
devrait permettre aux collèges d'organiser l'enseignement selon un
calendrier annuel, trimestriel ou de courte durée.
Enfin, les règles budgétaires touchant le financement de
l'enseignement de même que les conventions collectives devraient
être modifiées de façon à faciliter une gestion des
programmes d'études qui s'inspire davantage des objectifs des programmes
d'études plutôt que de gestion de la discipline et du
département. C'est pourquoi nous recommandons que le collège
puisse se doter d'une structure institutionnelle de gestion des programmes
d'études qui lui soit directement redevable et qui, en cette
matière, transcende la structure départementale.
Voilà, Mme la Présidente, les quelques propos que nous
souhaitions soumettre à votre réflexion. Pour nous, l'avenir de
l'enseignement collégial passe par le défi du mariage de la
quantité et de la qualité de nos diplômés. Ces
objectifs commandent des changements majeurs non seulement à la
préparation des élèves du secondaire, à nos
contenus de programmes, qu'il s'agisse de la formation commune ou de la
formation technique, mais aussi à certains encadrements nationaux et
à notre façon d'approcher la gestion locale des programmes
d'études. Nous, de la direction du Collège de Limoi-
lou, voulons dire, Mme la Présidente, que nous sommes très
ouverts à des changements importants. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Beaulieu. Mme la
ministre, vous avez la parole.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Mesdames et
messieurs de la direction du Collège, je veux vous dire combien
j'apprécie que vous soyez venus partager avec nous votre idée sur
les perspectives de l'enseignement collégial québécois et
je peux vous assurer que nous allons regarder vos recommandations, qui me
semblent très, très concrètes, pour voir si, justement,
à partir de vos recommandations, on ne pourrait pas améliorer
tout le système. Je sais aussi comment vous tenez au principe de
l'accessibilité aux études supérieures. À chaque
année, vous nous en démontrez la preuve. Cette année, de
façon particulière, étant donné le surplus
d'inscriptions que nous avons eues à l'ordre d'enseignement
collégial, je sais les efforts que vous avez faits, à Limoilou,
pour permettre justement cet accès à des jeunes de la grande
région de Québec, et je tiens à vous en remercier.
Maintenant, M. Beaulieu, j'aimerais aborder avec vous, parce que vous
nous en parlez beaucoup dans votre mémoire, les nouveaux défis de
l'ordre de l'enseignement collégial, étant donné la
nouvelle diversification de la clientèle. Ce n'était pas
ça il y a 25 ans, mais, maintenant, c'est ça. Vous le dites, vous
avez une clientèle maintenant très diversifiée, jeunes,
adultes, d'origines socio-économiques différentes, c'est
très clair, avec des expériences de travail différentes,
d'origines ethniques aussi différentes, qui ont des
responsabilités familiales ou des modes de résidence. Et vous
nous recommandez qu'à partir de cette diversité-là, pour
en tenir compte, il faudrait proposer plusieurs types de cheminement de
formation. Et cette question-là, je l'associe à d'autres demandes
que nous recevons, des demandes d'assouplissement, dit-on, de la structure du
diplôme d'études collégiales. Et je vous dis tout de suite
que, quand je reçois cette demande-là d'assouplissement, pour
moi, ce n'est pas une diminution des exigences, loin de là. Je ne
voudrais pas qu'on associe, que ce soit le synonyme, assouplissement
égale diminution d'exigences. Ce n'est pas ça que j'entends,
quand j'entends «demande d'assouplissement». Mais j'aimerais
ça plus concrètement... Parce que, parfois, on a certaines
difficultés au niveau de cette commission à amener les gens sur
un terrain concret: comment ça pourrait se vivre.
Alors, vous, quand vous m'en parlez et que vous me dites qu'il faut
avoir différents types de cheminements, il faut peut-être penser
à un cumul de diplômes. C'est ça que vous me dites à
la page 17. Pourriez-vous m'en parler davantage en me faisant le
parallèle avec ce qui existe présentement? Présentement,
on a l'attestation d'études collégiales, le certificat
d'études collégiales, le diplôme. Est-ce qu'il y a une
différence par rapport à ce qui existe? Et ça pourrait
être quoi? Ça se présenterait comment?
M. Beaulieu: Bon. C'est une très grande question.
Lorsqu'on envisage l'avenir et qu'on considère la réalité
des jeunes d'aujourd'hui qui entreprennent des études, les laissent
tomber, qui travaillent à temps plein et qui travaillent à temps
partiel, qui font un cheminement, finalement, où il y a des
étapes qui sont... C'est quasiment de l'alternance
travail-études.
Il faut voir que pour la clientèle qui arrive chez nous et qui
sort principalement de la structure des écoles secondaires il y a
presque un seul format de disponible, c'est le format du processus habituel
défini dans un régime pédagogique où il y a, au
secteur général, deux années d'études, d'une part,
et, d'autre part, au secteur professionnel, trois années
d'études. Il y a un seul format. Il y a un régime
pédagogique.
À l'éducation des adultes, la réalité est un
peu différente. Et là on a aussi développé des
formules différentes, des formules d'attestation, dans certains cas, des
formules de certification d'études collégiales, dans d'autres
cas. Mais pour l'ensemble du système, je dirais, régulier, ces
formats ne sont à peu près pas applicables.
Nous, on dit: Peut-on concevoir d'autres formules? Peut-on faire en
sorte, et par des assouplissements au régime pédagogique, qu'on
puisse offrir à l'ensemble de nos clientèles des contenus ou des
modules de formation qui seraient à la fois signifiants par rapport
à la formation, qui pourraient, dans certains cas, conduire à des
fonctions, à des compétences reliées à des
fonctions de travail, mais de façon harmonisée et de façon
à ce que le cumul de ces acquisitions puisse conduire
éventuellement à un diplôme d'études
collégiales? Nous, on dit: On pense qu'on pourrait peut-être le
faire, mais, pour pouvoir le faire, il faudrait avoir des mesures ou il
faudrait avoir des assouplissements au niveau du régime
pédagogique.
Je vais vous citer l'exemple qu'on vit actuellement, nous,
présentement, au collège de Limoilou, à travers quatre
expériences d'alternance travail-études. Il s'agit d'adultes ou
de jeunes qui s'inscrivent au collège pour une période de temps
et, pour une autre période de temps, vont sur le marché du
travail travailler dans les fonctions de travail reliées aux
apprentissages qu'ils ont faits. Ils reviennent par la suite au collège
compléter leur formation.
Nous, on constate, à partir d'une évaluation
préliminaire - parce que ça ne fait quand même pas
très longtemps que ça existe dans le réseau, et ça
ne fait pas très longtemps qu'on l'expérimente aussi chez nous -
que c'a des effets très intéressants, très
intéressants par rapport aux étudiants qui, après une
certaine période d'ac-
quisition de connaissances, d'acquisition d'habiletés, sont
capables d'exercer certaines fonctions de travail.
Dans l'exercice - lorsqu'ils sont au travail - de leurs fonctions de
travail, ils apprennent à maîtriser ou à vérifier
les connaissances acquises. Ils apprennent aussi, par le contact qu'ils ont
avec les employeurs ou avec les gens avec qui ils travaillent, à
comparer, à mesurer le niveau d'habileté qu'ils ont acquis
à l'école ou au cégep par rapport aux exigences de la
technologie et, finalement, à faire les relations qui existent entre le
marché du travail et le collège. (11 heures)
Nous, on croit que même par rapport aux jeunes du secteur - puis
là, les jeunes, ce n'est plus des jeunes de 16 ans; c'est des jeunes de
17, 18, 19 et 20 ans - il y aurait peut-être moyen de développer
des contenus ou des modules, ou des plans de formation qui regrouperaient et de
la formation dite générale ou commune, et de la formation de
spécialisation, si on pense au secteur professionnel ou, encore, de la
formation de préparation universitaire dans un contexte plus
intégré qui permettrait aux étudiants de ne pas avoir
l'impression, après un passage au cégep et un passage au monde du
travail, d'avoir tout perdu, de n'avoir rien acquis et de n'avoir aucune
certification, aucune espèce de reconnaissance de quelque ordre que ce
soit. Moi, je pense...
Mme Robillard: Donc, M. Beaulieu, une reconnaissance à
chacun. Prenons l'hypothèse, je ne sais pas, de trois modules...
M. Beaulieu: Évidemment.
Mme Robillard: ...pour conduire au diplôme d'études
collégiales, une reconnaissance à la fin de chacun de ces
modules-là par un diplôme de l'établissement, par un
diplôme d'État?
M. Beaulieu: Moi, là-dessus - ce n'est pas une
réflexion très, très élaborée - j'aurais
tendance à dire: Dans ce contexte-là, le diplôme de
rétablissement ou la reconnaissance de l'établissement certifiant
qu'un élève a atteint tel niveau de compétences, tel
niveau de connaissances, et que, partant, il devient reconnu par
rétablissement et, partant, il devient admissible à un autre
module pouvant éventuellement améliorer son champ de
compétences et améliorer son champ de connaissances, ça
pourrait être des formules. Remarquez, est-ce qu'un diplôme
d'État serait plus signifiant? Peut-être aussi. Là,
écoutez, on ne n'est pas arrêtés.
Mme Robillard: Est-ce que vous avez fait l'expérimentation
de regarder à combien de programmes ça pourrait s'adresser, une
telle formule? Il me semble qu'il y a des secteurs où on ne pourrait
absolument pas penser à ça. Si on fait un module avec une
reconnaissance officielle, il faut que ça corresponde aussi à des
fonctions de travail, n'est-ce pas? Il y a certains programmes, je pense,
où ça ne s'applique pas. En tout cas, quand je demande des
exemples très concrets où ça pourrait s'appliquer, parfois
on me parle d'une dizaine de programmes où ça pourrait vraiment
s'appliquer. Est-ce que vous, vous avez fait l'exercice d'aller voir comment,
dans le concret, ça pourrait s'appliquer, ça?
M. Beaulieu: Je ne peux pas donner de réponse par rapport
à l'ensemble des programmes qui sont dispensés actuellement dans
les collèges. L'expérience qu'on peut faire chez nous, on en a
fait dans le cadre des programmes d'alternance travail-études. Il y a eu
aussi par rapport à notre programme des métiers d'arts des
expériences qui ont conduit, finalement, à la réalisation
et à la fonction du diplôme. Bon, il y a des choses comme
ça qui sont réalisables. Je pense qu'on pourrait identifier par
rapport certainement à l'ensemble des programmes reliés au
secteur professionnel des modules de cet ordre-là qui pourraient
être qualifiants, suffisamment qualifiants pour pouvoir permettre une
reconnaissance et, comment dire, faire en sorte que les gens, après
avoir passé à travers les modules, puissent éventuellement
occuper certaines fonctions de travail.
Mme Robillard: II va sûrement falloir aller plus loin dans
cette réflexion-là, parce qu'on m'apporte toujours cet
exemple-là: métiers d'arts et agriculture. Outre ces deux
exemples-là, regarder comment ça pourrait se vivre, je pense
qu'il va falloir poursuivre dans ce domaine-là. Mme la
Présidente, je vais passer la parole à mon collègue.
La Présidente (Mme Hovington): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Bonjour. Je veux saluer les gens du cégep de
Limoilou, ainsi que M. Beau-lieu, directeur général.
D'entrée de jeu, avant d'aller sur le fond, j'ai une question à
régler, en tout cas, qui m'apparaît importante. Nous avons, comme
membres de la commission, été avisés qu'il s'agissait
effectivement d'un mémoire de la direction du collège et non pas
un mémoire du collège. On a reçu une lettre, comme membres
de la commission, et ce n'est pas anodin, parce que, règle
générale, quand on dit qu'on reçoit un mémoire d'un
collège, c'est soit du C.A., soit de sa commission pédagogique,
soit de son comité exécutif. Alors, moi, je voudrais savoir de
vous, M. Beaulieu, directeur général, puisque j'ai
été informé également du cheminement de ce
mémoire-là en détail, c'est quoi les raisons qui vous ont
motivé à faire ce choix-là, à présenter un
mémoire de la direction et non pas un mémoire du Collège
de Limoilou. Puis c'est aussi fragile,
parce qu'à un moment donné, dans votre introduction, vous
indiquez - ce qui est vrai, j'ai vérifié - «depuis 1967, le
cégep de Limoilou a toujours été un intervenant actif dans
les mouvements et les débats qui ont jalonné le
développement de l'enseignement collégial. Il se devait
aujourd'hui de participer à ce nouvel effort», comme
coUège, et ce n'est pas le cas, pourquoi?
M. Beaulieu: Je ne comprends pas quand vous dites: II se... Et ce
n'est pas le cas.
M. Gendron: Bien, c'est vous qui dites ça dans votre
introduction.
M. Beaulieu: Oui, oui, oui.
M. Gendron: Le Collège de Limoilou se devait de participer
à ce nouvel effort. La question que je vous pose, ce n'est pas
compliqué: Pourquoi, comme directeur général, vous avez
fait le choix de présenter un mémoire de la direction
plutôt qu'un mémoire du Collège de Limoilou, comme les
autres collèges?
M. Beaulieu: Écoutez, il faut savoir qu'on était...
D'abord, la décision ou l'annonce de la commission parlementaire,
ça s'est fait quand même relativement tard. Nous, nous
étions dans une période où il fallait répondre ou
trouver des places disponibles pour l'ensemble de la clientèle qui
sortait du secondaire. Nous avions à préparer une année
scolaire dans un contexte budgétaire qui n'était pas facile.
Troisièmement, nous étions dans une période de
rénovations importantes dans le collège.
On a décidé, nous... Puis il y a aussi le fait que nous,
comme direction de collège, nous pensions que nous pouvions nous
adresser à la commission parlementaire et y exprimer notre opinion. Au
mois d'août, j'ai annoncé à toute la communauté
collégiale la décision que la direction du Collège avait
l'intention d'exprimer, effectivement, son opinion. Nous avons travaillé
une partie de l'été, pour ne pas dire tout l'été,
pendant que les autres instances, enfin, n'étaient pas là ou
étaient parties en vacances. Lorsqu'on est revenus à la fin
d'août - bien, on a complété le mémoire - j'ai fait
une rencontre avec tout le personnel du Collège. J'ai invité tout
le monde, et j'ai déposé le mémoire, je l'ai
expliqué et j'ai fait l'exposition.
À la commission pédagogique, il a été
déposé, il a été discuté pendant 15 heures.
Je ne l'ai pas déposé et je ne l'ai pas fait approuver par le
conseil d'administration, ni par le comité exécutif par, je
dirais, respect de l'ensemble des instances du Collège. Un conseil
d'administration, ça représente l'ensemble des instances du
Collège. Compte tenu que c'était un mémoire de direction,
que nous voulions dire quelque chose là-dessus...
M. Gendron: Merci.
M. Beaulieu: Bon, bien, je veux dire, on s'est... Par ailleurs,
ouvrir sur une consultation au Collège de Limoilou... C'est un
collège qui est assez dynamique, qui a passablement de personnel. Il y a
des instances syndicales qui ont des positions qu'ils ont défendues.
J'ai même demandé au représentant du syndicat des
enseignants s'il avait l'intention, lui, de déposer un mémoire,
il a dit non, je vais me fier à ma centrale syndicale, etc. Bon.
Finalement, les gens n'ont manifesté, en aucun moment, la volonté
d'exprimer un mémoire collège. Ils n'ont manifesté, en
aucun moment, ils ne m'ont demandé, en aucun moment, d'être
consultés sur le mémoire de la direction à la suite de
l'annonce que j'ai faite que c'était un mémoire de la direction,
et que, par conséquent, il ne serait pas soumis à la consultation
mais qu'il serait déposé pour information. Et, hier soir, on
m'apprend que, bon, bien, là, on me reproche de ne pas avoir
consulté les gens. Je suis un peu surpris. Je suis un peu
déçu de la réaction qui se manifeste dans mon
collège, et je suis un peu mal à l'aise de devoir expliquer en
commission parlementaire et justifier le fait qu'une direction de
collège se présente en commission parlementaire pour exprimer une
opinion.
M. Gendron: Un instant, Mme la Présidente. Pour ne pas
qu'il y ait de confusion, parce que c'est un peu long, selon moi, pour... Parce
que je l'ai, tout le cheminement, puis loin de moi l'idée de laisser
voir par là que je ne trouve pas normal qu'une direction puisse
s'exprimer. Écoutez, la démocratie existe, puis on est
très heureux de vous avoir. Le seul point, c'est que, le 18 août,
vous avez décidé, c'est votre droit, ce n'est pas de mes affaires
mais je voulais savoir pourquoi et je ne le sais toujours pas; c'est juste
ça que je voulais savoir...
M. Beaulieu: Ah oui!
M. Gendron: Un instant. Le 18 août, M. Beaulieu, vous avez
annoncé au personnel que la direction présenterait un
mémoire. La question n'était pas compliquée. Pourquoi le
18 août vous faites le choix que, à Limoilou, c'est la direction
qui va présenter le mémoire et non pas le conseil
d'administration du collège, point? C'est juste ça que je veux
savoir.
M. Beauiieu: Je vais vous répondre en trois phrases. Parce
que, pour nous, déclencher un processus de consultation globale au
collège, reliée au mémoire ou à un mémoire
à être présenté au plus tard le 1er octobre,
ça m'appa-raissait une tâche non seulement difficile, mais quasi
impossible. Deuxièmement, compte tenu de ce que nous connaissons, notre
vécu, compte tenu de ce que nous connaissons des valeurs que
nous tentons de véhiculer dans notre milieu et de ce qui se passe
aussi par rapport à certaines instances et certaines positions
syndicales, je peux vous assurer que la réconciliation n'est pas facile.
(11 h 10)
M. Gendron: Merci. Une question sur le fond, et une couple
d'autres également. Vous indiquez, dans votre mémoire, aux pages
4 et 5, que vous souhaitez qu'on maintienne le régime de gratuité
scolaire. Et là vous nous indiquez que tout n'est pas gratuit dans la
vie, et vous avez tellement raison. Et, surtout au collège, à
l'université, de plus en plus pour les étudiants, il y a ce qu'on
appelle une érosion du pouvoir de gratuité, et c'est lié
à un paquet de facteurs, je n'en disconviens pas. Ce que je veux
vérifier avec vous, c'est que... Puis, moi, il n'y a pas de cachette,
là, c'est non à des frais de scolarité, mais c'est non
à toute tentative d'y arriver également par d'autres moyens. Vous
indiquez que vous souhaiteriez que dorénavant on
réapprécie la façon - puis là je vous cite au texte
- de décentraliser complètement la détermination des frais
d'inscription qui se ferait par le conseil d'administration des
collèges. Et vous poursuivez en disant: en n'ayant plus la sanction
ministérielle qui est exigée dans la loi actuellement. Moi, le
problème que ça me pose, c'est que je dis: Quand on oppose une
érosion du pouvoir de la gratuité scolaire, il faut la regarder
eu égard à la démocratisation et à
l'accessibilité et ça, ça m'apparaît des
préoccupations de l'État. Ça m'apparaît être
des responsabilités de l'État québécois. Même
chose pour augmenter le niveau de diplomation et la réussite
scolaire.
Alors, je veux juste savoir si ces éléments-là ont
été pris en compte quand vous faites quand même la
recommandation que les conseils d'administration des collèges
pourraient, effectivement, avoir la capacité de déterminer eux
seuls les frais d'inscription, sans droit de regard du Conseil des ministres,
ou de la ministre concernée.
M. Beaulieu: Écoutez, notre position sur la
gratuité, sur les frais de scolarité, il me semble qu'elle est
assez, je dirais, nuancée. On est d'accord pour ne pas imposer de frais
de scolarité parce que c'est une mesure d'accès et parce que
ça nous apparaît très important. Sauf qu'il faut être
conscient de la réalité aussi. La gratuité scolaire, ce
n'est pas universel. Je le dis dans le mémoire. Il y a des frais qui
sont imposés aux étudiants qui ne suivent pas quatre cours. Il y
a aussi, dans les collèges, actuellement, des frais d'inscription pour
des services complémentaires, pour des services supplémentaires
qui sont offerts aux étudiants et ça, c'est décidé
ou c'est recommandé ou c'est choisi en concertation avec le milieu,
selon des priorités qui sont déterminées, choisies par le
milieu.
Nous le faisons actuellement et c'est actuellement approuvé par
le conseil d'administration. Il reste que, malgré cela, compte tenu que
les finances publiques diminuent qu'on est obligé de revoir
annuellement, compte tenu du financement de l'État, que l'État
nous fournit l'ensemble des services que nous offrons à notre
clientèle, même dans le statu quo, compte tenu aussi qu'il y a des
besoins qui s'expriment quotidiennement et annuellement au niveau de
l'encadrement scolaire, d'une part, au niveau des autres services reliés
à la vie étudiante, d'autre part, nous, il nous faut faire des
choix. Et les choix que nous faisons, c'est de dire aussi: Peut-être que
la communauté collégiale, la communauté, le
collège, lui, pourrait déterminer un certain nombre de frais, en
concertation avec cette communauté-là, ce qui nous permettrait
d'offrir les services supplémentaires, les services
complémentaires, les services qui sont exigés par la
communauté. Et je me dis que, quand une communauté ainsi
s'associe pour dire: Écoutez, on est prêt à payer
ça, on est d'accord, là, on tient compte de la capacité de
payer des élèves, et l'ensemble, les associations, la direction
du collège et le conseil d'administration, les parents, finalement, tout
le monde s'entend pour dire: II y a peut-être certains autres frais qui
pourraient être chargés aux étudiants, et qui sont
effectivement, depuis fort longtemps, chargés aux étudiants, pour
assurer des services supplémentaires. Pourquoi faut-il qu'il y ait en
plus une sanction ministérielle? Voilà un geste qui pourrait
être décentralisé au niveau des conseils d'administration
de collèges et qui n'aurait pas pour effet de réduire
l'accessibilité qui garantirait... écoutez, qui n'aurait pas pour
effet certainement de réduire l'accessibilité et qui n'aurait pas
pour effet aussi de réduire la scolarisation. Là, on parle de
frais. Dans un collège comme le nôtre, ça tourne autour de
quoi? D'à peu près 80 $ par année. Bon. Un
étudiant...
M. Gendron: II n'y a rien là. C'est l'addition.
M. Beaulieu: ...en 1992, qui aurait de la misère à
fournir, pour l'ensemble des autres services, un montant de l'ordre de 80 $ par
année... Je ne le sais pas, mais il semble que, dans la conjoncture
actuelle, dans la conjoncture où les finances publiques sont en mauvais
état, dans la conjoncture où le financement qui est
accordé aux collèges, annuellement, est réduit, nous
amène à refaire presque annuellement tous les choix de services -
et c'est pour ça, c'est une des raisons pour lesquelles c'est
extrêmement difficile de maintenir un équilibre institutionnel et
un équilibre au niveau de l'organisation - si, en contrepartie de cela,
on demande... Et, là-dessus, il faut bien voir qu'au niveau aussi de la
commission parlementaire on fait des demandes qui vont coûter des sous
sur l'encadrement des
étudiants, sur l'encadrement par rapport à l'orientation
des étudiants, sur les services qu'on va devoir offrir aux
étudiants pour améliorer le succès des étudiants.
Cela dit, peut-être qu'à la limite il ne serait pas
insensé, impensable que certains frais puissent être
éventuellement chargés aux étudiants.
M. Gendron: Rapidement, M. Beaulieu, je n'ai pas parlé,
moi, d'insensé, d'impensable. Sauf que vous admettrez avec moi que, pour
un cégep qui, depuis que vous êtes là, a 5 000 000 $ de
surplus d'opération, vous n'êtes sûrement pas le mieux
placé pour demander l'augmentation des frais. Vous avez 5 000 000 $ de
surplus accumulés.
M. Beaulieu: Je regrette, mais c'est faux, l'information qu'on
vous a transmise. Ce n'est pas vrai.
M. Gendron: Non, un instant. Je veux juste la détailler.
Depuis 1979, les informations que j'ai...
M. Beaulieu: Ah!
M. Gendron: Vous avez généré des surplus de
5 000 000 $. Je vous félicite pour votre saine gestion,
sincèrement. Je vous félicite pour votre saine gestion, mais
ça signifie que vous avez fait des choix, parce que vous avez
été capables de générer des surplus. Puis, l'an
passé, il y avait des surplus, et je suis capable de le prouver, aux
états financiers.
M. Beaulieu: Ah oui!
M. Gendron: Vous avez quand même, je pense, une
clientèle au cégep de Limoilou un peu plus difficile qu'ailleurs.
Je pense que vous allez en convenir, un peu plus difficile qu'ailleurs, je
parle dans la région de Québec, parce que vous avez plus d'admis
de deuxième tour puis de troisième tour d'inscription qu'au
premier tour, qui sont davantage Sainte-Foy pour des raisons que je ne veux
pas... ou d'autres cégeps, Gar-neau, et ainsi de suite, dans la
région de Québec. Cependant, entre-temps, vous-même, vous
venez de le dire, et c'est pour ça que je veux mettre ça en
parallèle, vous venez d'affirmer qu'il y aurait lieu d'offrir plus de
mesures d'encadrement, et je trouve que vous avez raison. Sincèrement,
je trouve que vous avez raison. Ça nous a été dit par tout
le monde qu'un des drames liés à la non-réussite et
à l'abandon, c'est l'absence de mesures d'encadrement. Donc, ma
question: Pourquoi votre direction, puisque c'est le mémoire de la
direction, avait-elle fait le choix, à Limoilou, d'avoir un peu moins de
services au niveau des employés de la bibliothèque, des aides
pédagogiques, des orienteurs, des orienteuses, et ainsi de suite? Il y a
quand même des informations qui m'ont été transmises
à l'effet qu'au niveau des mesures d'encadrement il y avait des besoins
criants et le choix de l'administration, c'est d'affecter du dégagement
d'argent à d'autres priorités, je n'en disconviens pas, qui sont
requises: des aménagements en termes d'espaces plus fonctionnels, et
ainsi de suite. Mais, quand vous faites ces choix-là à même
des surplus et que ça a une incidence directe sur la qualité des
services, moi, je suis obligé de vous demander pourquoi vous
privilégiez ce choix-là.
M. Beaulieu: Je vais vous répondre. Dans un budget de
collège, il y a du financement qui est accordé pour l'ensemble
des services et pour l'ensemble de l'encadrement. Ça fait deux ans, et
suite à l'application d'un nouveau mode d'allocation des ressources, que
le Collège dépose au conseil d'administration un budget
déficitaire par l'ensemble des services qu'il offre, mais
équilibré par l'usage qu'il fait et des économies qu'il a
faites. Deuxièmement, l'ensemble des surplus du Collège est
composé d'enveloppes différentes. Il faut bien voir qu'au niveau
collégial une institution comme la nôtre a des services qui
doivent s'autofinancer, qui doivent non seulement autofinancer leurs
activités, mais autofinancer aussi l'ensemble de leur fonctionnement.
Alors, moi, quand je fais un certain surplus au stationnement, je sais que,
dans quelques années, je vais être obligé de renouveler le
pavage du stationnement. Quand je fais un certain surplus à
l'éducation des adultes, je sais qu'il y a des années plus
maigres, et c'est arrivé l'an passé où j'ai eu 300 000 $
de déficit, et je vais devoir le combler par les surplus que j'accumule
à l'éducation des adultes. Je sais aussi qu'à la
cafétéria, où j'ai déjà un déficit de
300 000 $, je devrai récupérer ce déficit par des
économies que je réalise, soit là, soit ailleurs.
Mais en ce qui concerne l'enseignement régulier, l'encadrement,
l'aide pédagogique, le soutien aux enseignants, la bibliothèque,
etc., j'utilise l'ensemble des fonds qui me sont accordés par le
gouvernement pour offrir les services. Il arrive, cependant, qu'il y a des
économies qui se fassent en cours d'année. Quand on commence une
année avec un déficit budgétaire de 200 000 $ et qu'en
cours d'année, par des mécanismes de révision de
programmes du ministère et du gouvernement, un montant substantiel
m'arrive au mois de mars, bien, à ce moment-là, je ne fais pas
exprès pour le dépenser. J'essaie de le récupérer
et de faire en sorte qu'il puisse servir éventuellement. (11 h 20)
Finalement, dans les économies que nous avons
réalisées au cours des années au Collège de
Limoilou, je peux vous le dire, on a remboursé un déficit de 1
800 000 $, puis on l'a remboursé, pas avec de l'argent qu'on est
allé voler, on l'a remboursé avec des économies qu'on
a faites. En plus de ça, cette année, ou l'an
passé, on a mis 350 000 $ d'investissement dans la construction du
campus de Charlesbourg et on prévoit mettre 1 200 000 $ pour assurer, en
concertation avec le ministère, l'ensemble de la rénovation au
cégep de Limoilou. Si, maintenant, on me dit que ça, ce n'est pas
bon, puis que ça, ce n'est pas des bons services, puis qu'on ne rend pas
un bon service à la clientèle que d'offrir des conditions de vie
et des conditions normales de fonctionnement, on pourra peut-être faire
comme on a annoncé il n'y a pas très longtemps, une commission
scolaire avec 2 000 000 $ de déficit et, là, se demander ce qu'on
fait.
M. Gendron: Merci. Une autre question sur la définition
des programmes. Je pense qu'avec raison vous recommandez que la formation
commune, de base soit élargie pour tenir compte des nouvelles
dimensions, qu'on a appelées l'adaptation au monde moderne, et j'en
suis, et, éventuellement, vous recommandez que chaque programme comporte
une activité d'intégration créditée. J'aimerais
juste avoir des explications additionnelles. Ça m'apparaît une
suggestion qui est neuve. Je voudrais la comprendre adéquatement.
M. Beaulieu: Je vais demander à Mme Hélène
Huot de vous répondre là-dessus.
Mme Huot (Hélène): Merci. L'activité
d'intégration se situe dans une vision globale d'un programme. Il faut
la mettre en relation avec le fait que, dans un programme donné, il y a
plusieurs composantes, disciplines et, à l'intérieur des
disciplines, des cours. Chaque composante contribue à l'atteinte des
objectifs généraux du programme d'études. Alors, ce qui
nous apparaît logique, si on détermine que telle et telle
composante doivent intervenir et donner telle contribution, au terme du
processus, du point de vue de l'étudiant qui a eu à recevoir tous
ces enseignements et à faire tous les apprentissages, l'activité
d'intégration, c'est une façon de mesurer ou de vérifier
que ce qu'on cherchait à atteindre dans l'ensemble a été
atteint. On n'a pas précisé exactement quelle forme pourrait
prendre une telle activité, mais on pense qu'il y a plusieurs formes
possibles. Déjà, je le signale au passage, dans le programme
renouvelé de sciences humaines, on a prévu une activité
d'intégration, mais on n'a pas prévu de crédits qui
l'accompagnaient, de crédits scolaires. Nous avons, actuellement, la
difficulté de l'insérer dans un programme sans qu'il y ait pour
autant des activités qui y correspondent, des activités
précises.
M. Gendron: Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Votre temps est
écoulé. M. le député de Sherbrooke.
M. Hamel: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Beaulieu.
J'aurais deux questions qui concernent la formation technique. Dans votre
mémoire, vous dites, entre autres, que le mécanisme de
révision des programmes de formation technique doit être
réétudié de façon à le rendre beaucoup plus
efficient et beaucoup mieux adapté aux réalités
extrêmement changeantes de la technologie. Vous recommandez, justement,
que le mécanisme actuel de révision de ces programmes soit
corrigé de façon à le rendre beaucoup plus efficient, etc.
Quels seraient, d'après vous, les éléments d'un meilleur
mécanisme de révision des programmes?
M. Beaulieu: On n'a pas étudié très,
très profondément cette probiématique-là. Nous, ce
qu'on essaie de donner comme message ou comme signal à la commission
parlementaire, c'est l'expérience que nous vivons et que nous avons
vécue au cours des dernières années, je dirais les 15
dernières années, c'est que la révision des programmes
d'enseignement professionnel est beaucoup trop lente. Au minimum, on prend
trois ans pour faire une révision de programmes et, quand on l'implante,
ça prend aussi trois ans. Alors, les premiers diplômés
qu'on sort, ils sont presque déjà hors circuit compte tenu que le
marché du travail, lui, a déjà changé. Donc, il
faudrait peut-être réviser ce mécanisme-là.
Deuxièmement - en tout cas, quant à nous, c'était
un élément de proposition - c'est le fait qu'on pourrait
certainement améliorer la situation des programmes d'études en
laissant aux collèges plus d'autonomie dans certains secteurs, dans
certaines pointes, tout au moins, reliées aux champs de
spécialisation. Pour toutes les régions et pour tous les
collèges, il y a des programmes du secteur professionnel qui desservent
les besoins d'un milieu. On peut peut-être concevoir qu'il y ait une
formation commune ou une formation de base qui soit offerte de façon
généralisée à l'ensemble du réseau, mais il
reste qu'il y a des éléments spécifiques, pour chacun des
programmes, qui pourraient être certainement améliorés de
façon beaucoup plus rapide et de façon beaucoup plus
adéquate compte tenu des relations que nous avons, nous, avec le
marché, avec les entreprises et avec le développement plus
immédiat de la technologie.
Nous, on dit: Si on pouvait, nous, dans nos programmes d'études,
en concertation avec nos enseignants, en concertation avec notre milieu,
réussir à adapter beaucoup plus rapidement, beaucoup plus
facilement une partie significative des champs de spécialisation des
programmes de formation technique, on améliorerait sensiblement
l'ajustement à l'évolution technologique. Quant au
mécanisme, je dirais, de système pour la révision de
l'ensemble des programmes d'études, bon, on n'a pas fait d'études
très, très approfondies là-
dedans. Je sais qu'il y en a plusieurs qui sont venus en commission
parlementaire proposer des restructurations ou des structures. J'aimerais ne
pas trop m'avancer dans ce champ-là compte tenu que notre
réflexion n'est pas définitivement complétée
là-dessus.
M. Hamel: Merci. J'aurais une autre question, toujours dans le
même secteur. Vous êtes venus nous dire, en fait, dans votre
mémoire, à peu près la même chose que tous les
autres intervenants, que la qualité d'un programme de formation ne peut
être assurée de façon convenable sans un rapprochement
beaucoup plus direct des études et du monde du travail. Ça,
ça va. Mais il y a une chose qui me préoccupe un peu, parce
qu'à la recommandation 9 de votre mémoire vous dites que tout
programme de formation technique inclut obligatoirement une période
significative de stages en entreprise. Est-ce que c'est bien réaliste?
Est-ce que je comprends bien que, si un cégep, dans un programme de
formation technique, n'est pas assuré de stages, automatiquement le
programme ne devrait pas se donner? Est-ce que c'est aussi clair que
ça?
Mme Huot: Ce n'est pas tout à fait l'angle sous lequel on
l'avait regardé, que si on ne trouvait pas de stages il faudrait abolir
un programme, remarquez bien. Je crois que ce qu'on voulait mentionner comme
message et ce sur quoi on voulait insister, c'est que les stages, ça
existe déjà. Dans certains cas, ils sont courts; dans certains
cas, ils sont uniquement en dernier trimestre ou ils sont, enfin, insuffisants.
Nous, on insiste sur le fait qu'un programme de formation professionnelle... Il
est terminal, ce programme, il mène directement à l'exercice de
fonctions de travail technique. Il nous apparaissait un petit peu inconcevable
qu'on n'ait pas mis vraiment les pieds dans le milieu du travail. On voulait
insister là-dessus. Puis, l'autre message, sur l'ATE, bien, c'est que
non seulement on peut considérer que c'est mettre vraiment les pieds
dans le milieu du travail, mais ce sont des périodes assez
significatives de quatre mois d'alternance. Voilà. C'était comme
ça qu'il fallait le prendre.
M. Hamel: Très bien. Donc, c'est davantage l'esprit que la
lettre...
Mme Huot: Oui, mais remarquez que la lettre pourrait aussi
influencer le réel.
M. Hamel: Tout à fait. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): M. le député
de Rimouski, une question rapide.
M. Tremblay (Rimouski): Oui, Mme la Présidente. M. le
directeur général, mesdames et messieurs, la recommandation 4,
une meilleure harmonisation entre les exigences de réussite au
secondaire et celles de l'admission aux études collégiales, c'est
revenu dans la plupart des mémoires que nous avons entendus
jusqu'à présent. Ça pose un problème un peu
à tout le monde et à tous les cégeps. Maintenant, quand on
regarde aussi l'admission à l'université, ils trouvent aussi que
les élèves du cégep sont un peu faibles. Alors,
finalement, d'un palier à l'autre, il y a toujours une espèce de
faiblesse qui se répercute.
Étant donné que votre bassin naturel de clientèles,
ce sont les commissions scolaires, quels sont les contacts que vous avez avec
les commissions scolaires au préalable, avant que les
élèves passent chez vous? Est-ce qu'il y a des contacts qui se
font? Est-ce qu'il y a des échanges qui se font à l'effet de
dire: Voici, les élèves qui ont 130 unités, qui sont juste
sur le bord, c'est bien de valeur, même si on les admet au cégep,
ça nous pose un problème? Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de
renforcer ça? Est-ce qu'il n'y aurait pas des cours d'appoint que vous
pourriez donner au secondaire plutôt que nous autres, on soit
obligés de donner des cours? Est-ce que des démarches se font
dans ce sens-là au niveau de votre clientèle, de votre
cégep, et des commissions scolaires?
M. Beaulieu: Non. Il n'y a pas de démarches qui se font
dans ce sens-là. Écoutez, nous, on travaille avec les commissions
scolaires, c'est-à-dire par les professeurs d'information et par tous
les mécanismes qui existent de communication entre le service
régional des admissions qui relie, finalement, la structure
collégiale et la structure secondaire.
Quant à nos influences ou à notre influence par rapport
à la structure de composition des cours et des programmes du secondaire,
je regrette, ni le Collège de Limoilou... je ne crois pas qu'il y ait de
collège dans le réseau collégial qui ait des influences
importantes à cet égard-là.
On nous dit, quand les étudiants arrivent, parce que moi, je peux
vous raconter des situations très concrètes... Un directeur
d'école m'a appelé pour me demander pourquoi j'avais admis tel
étudiant ou telle étudiante, parce qu'il était vraiment
trop faible. Je lui ai demandé pourquoi il lui avait donné le
diplôme d'études secondaires s'il était trop faible.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Rimouski): Oui, mais... Oui, oui. (11 h 30)
M. Beaulieu: Bon. Je me dis: Si nous, au niveau collégial,
on admet des étudiants qui ont des diplômes d'études
secondaires, il y a un problème d'harmonisation entre le secondaire et
le collégial. C'est clair, et nous, on se dit: II
faut absolument régler ce problème d'harmonisation
là, et c'est là une responsabilité des ministères
responsables. Je dis aussi que, si on réussit à développer
une harmonisation adéquate qui rend - pas l'élève du
secondaire au maximum de ses possibilités, et on ne va prendre que les
meilleurs au collégial - qui harmonise davantage les
problématiques qu'il y a entre le secondaire et le collégial,
c'est déjà un grand pas. Ce qu'on dit aussi, c'est que pour les
étudiants qui demeurent et qui vont être en difficulté,
parce qu'il y en a qui sont en difficulté, on demande qu'il y ait des
mesures d'appoint, on demande qu'on ait le mandat de compléter la
préparation de ces élèves-là, on demande aussi
qu'on ait les moyens nécessaires pour soit développer des plans
d'orientation, soit développer des plans d'intégration, soit
développer des programmes qui vont permettre de compléter, si
vous voulez, la préparation des élèves et, finalement, de
les acheminer correctement dans le système collégial.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Beaulieu, votre
temps est écoulé. Alors, Mme la ministre, en guise de
conclusion.
Mme Robillard: Merci, M. Beaulieu, d'être venu avec les
membres de votre direction participer à cette période
d'échanges. Je pense que vous aviez des suggestions qui ont vraiment
soulevé l'intérêt de la commission. Personnellement, je
vous encouragerais peut-être à continuer la réflexion sur
certaines idées dont celle de la modulation au niveau du diplôme
d'études collégiales, de continuer la réflexion, mais que
toute la communauté collégiale de Limoilou continue cette
réflexion-là, et je pense qu'ensemble on pourra peut-être
arriver à des changements importants dans l'ordre collégial.
Merci beaucoup.
M. Beaulieu: Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, au nom des membres
de la commission de l'éducation, permettez-moi, à mon tour, de
vous remercier d'être venu nous présenter votre mémoire. Je
vous souhaite une bonne journée.
M. Beaulieu: Merci.
La Présidente (Mme Hovington): J'inviterais maintenant la
Confédération des éducateurs et éducat rices
physiques du Québec à bien vouloir venir prendre place
immédiatement, s'il vous plaît.
Nous allons suspendre une minute.
(Suspension de la séance à 11 h 32)
(Reprise à 11 h 35)
La Présidente (Mme Hovington): La commis- sion de
l'éducation va reprendre ses travaux. S'il vous plaît, je vous
demanderais un peu de silence, en arrière.
Je crois comprendre que l'introduction sera faite par Mme Annick Lainez,
professeure au cégep François-Xavier-Garneau.
Confédération des éducateurs et
éducatrices physiques du Québec (CEEPQ)
Mme Lainez (Annick): Oui, c'est bien ça.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour et bienvenue
à la commission de l'éducation. Et la présentation du
mémoire se fera par M. Serge Laferrière, professeur au
cégep de Bois-de-Boulogne. Bonjour et bienvenue. Si vous voulez nous
présenter ceux qui vous accompagnent - «ceux», je dis bien -
s'il vous plaît!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Lainez: Merci, Mme la Présidente, membres de la
commission. Tout d'abord, avant même de présenter les personnes
qui m'accompagnent, nous voudrions vous remercier de nous recevoir à
cette commission parlementaire. Tout de suite, à mon extrême
gauche, je vous présente M. Robert Delaney, qui est représentant
du campus St. Lawrence et qui est aussi représentant des
éducateurs et éducatrices physiques anglophones;
immédiatement à ma gauche, M. Luc Chiasson du cégep
Lévis-Lauzon; à mon extrême droite, M. Pierre Richard du
cégep de Trois-Rivières, suivi de M. René Larouche de
l'Université Laval et de M. Laferrière du collège
Bois-de-Boulogne, et moi-même, comme vous l'aviez annoncé.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, vous avez 20 minutes
pour nous présenter votre mémoire.
Mme Lainez: Merci. Avant de débuter notre
présentation, nous voudrions vous souligner que ce mémoire
à été soumis à une consultation auprès de
tous les départements d'éducation physique du Québec. De
plus, comme nous l'avions annoncé dans le mémoire, nous ajoutons
aujourd'hui une annexe, un supplément à l'annexe A que nous
voudrions déposer officiellement à la commission parlementaire.
Et, comme votre temps et notre temps nous est précieux, je passe sans
plus tarder la parole à M. Laferrière qui va vous livrer les
idées essentielles de notre document.
M. Laferrière (Serge): Mme la Présidente, Mmes, MM.
les membres de la commission, nous aimerions d'abord situer le rôle de
l'éducation physique dans la formation fondamentale. En plus d'offrir
une formation qui soit axée sur les apprentissages intellectuels, le
cégep doit aussi faciliter l'intégration de l'individu à
différents
milieux de vie. Chaque individu ayant fréquenté le
cégep devra être en mesure de mieux répondre aux exigences
d'une société en évolution constante. Il devra pouvoir
s'adapter rapidement et continuellement aux nombreux changements
provoqués par les valeurs et les technologies nouvelles. C'est la raison
pour laquelle les enseignants reconnaissent de plus en plus la formation
fondamentale comme faisant partie de la mission essentielle des
collèges.
Jacques Laliberté, dont la compétence en cette
matière est bien reconnue, définit la formation fondamentale en
ces termes: La formation fondamentale se définit par son extension. Elle
entend contribuer au développement intégral de la personne dans
ses dimensions intellectuelles, affectives, sociales et physiques. La formation
fondamentale vise à faire acquérir les assises, les concepts et
les principes de base des disciplines et des savoir-faire qui figurent au
programme de l'étudiant, quelle que soit son orientation. Le
cégep se doit de favoriser une formation multidimensionnelle et, ainsi,
de faciliter la transition de l'adolescence à la vie adulte.
En plus d'acquérir certaines habiletés sur le plan
intellectuel, le jeune adulte peut ainsi développer d'autres
compétences, telles que la capacité de se prendre en charge et la
capacité à travailler en coopération. Le cégep
possède déjà un outil qui lui permet d'agir sur les
multiples dimensions de l'être humain. Il s'agit des pratiques
corporelles utilisées dans les cours d'éducation physique. Ces
cours visent la formation multidimensionnelle et intégrée de la
personne, l'amélioration de sa condition physique et de sa santé
globale et l'apprentissage d'activités physiques qui peuvent être
pratiquées de façon régulière et sécuritaire
à tout âge de la vie.
Le cégep ne peut offrir de contexte plus favorable que celui des
cours d'éducation physique pour valoriser la qualité des rapports
avec l'environnement physique et humain. Pour développer des attitudes
et des habitudes, il ne suffit pas d'en parler, il faut faire vivre des
expériences concrètes qui font appel à une participation
active. Le cours d'éducation physique constitue un laboratoire où
chacun a l'occasion d'exercer et d'améliorer ses façons
d'être et ses façons de faire. (11 h 40)
Et si nous parlions maintenant d'une valeur fondamentale, la
santé. Les problèmes de santé qu'éprouve une partie
importante de la population constituent un handicap certain au
développement du Québec. Chaque dollar dépensé pour
le traitement de la maladie et des blessures n'est plus disponible pour
investir dans les secteurs les plus susceptibles de promouvoir
l'économie. L'an dernier, le recouvrement de la santé
coûtait aux Québécois et aux Québécoises plus
de 8 000 000 000 $. D'autre part, aux États-Unis, il a été
démontré que le style de vie contribue à réduire la
morbidité de la maladie de l'ordre de 43 %, alors que le système
de soins n'y contribue que de l'ordre de 11 %. La prévention demeure la
solution la moins coûteuse et la plus efficace. Dans la politique de la
santé et du bien-être, le ministre Marc-Yvan Côté
déclarait: II importe d'alléger le poids que la maladie fait
peser sur les finances publiques et de maximiser l'efficacité des
interventions pour éviter d'hypothéquer les
générations futures. La maladie engendre d'autres coûts
sociaux et économiques, tels que l'absentéisme,
l'invalidité et la perte de revenus. Pour l'ensemble du Canada, la perte
de productivité potentielle pour cause de maladie et blessure
était, en 1990, évaluée à 25 000 000 000 $.
Le secteur de l'éducation se doit de mobiliser ses ressources
pour appuyer cette nouvelle politique du gouvernement en matière de
prévention. L'approche préventive la plus efficace demeure sans
aucun doute celle qui peut être exercée auprès de la
population d'âge scolaire, puisque c'est à cet âge que
l'individu acquiert des habitudes qu'il conservera toute la vie. Auprès
de la population adulte, les mesures préventives arrivent souvent trop
tard; 15 à 20 ans de mauvaises habitudes de vie ont déjà
produit leurs effets néfastes sur l'état de santé de
l'individu.
Au Québec, nous savons que les problèmes associés
à la sédentarité, au tabagisme, à l'abus d'alcool
et à l'utilisation de drogues illégales se retrouvent davantage
chez les jeunes de 15 à 24 ans. Notre action préventive sera donc
plus efficace si nous visons cette population cible que l'on rencontre en
partie au cégep. L'éducateur peut agir efficacement sur la
prévention, puisqu'il possède, plus que tout autre dans la
société, l'expertise et la compétence nécessaires
pour développer des attitudes et des comportements responsables. On se
doit de mieux utiliser les groupes d'intervenants déjà en place
qui ont un impact réel sur la santé. La simple transmission
d'information, les mesures répressives ou dissuasives et les propos
alarmistes ne pourront jamais agir aussi efficacement que le cours
d'éducation physique sur la motivation qui incite à adopter des
habitudes de vie saines.
Il a été démontré que les gens actifs n'ont
pas les mêmes habitudes de vie que les personnes inactives. Ils sont
généralement plus soucieux de leur santé et de leur
qualité de vie. Ils se préoccupent plus de leur alimentation, de
leur environnement et ils évitent certaines habitudes qui pourraient
être nuisibles ou néfastes pour la santé. Les
enquêtes démontrent que les jeunes les plus actifs fument moins,
s'alimentent mieux et discernent mieux les habitudes de vie favorables à
leur bien-être et à leur santé que les jeunes moins actifs.
Il est scientifiquement reconnu que l'enseignement de l'éducation
physique et la pratique régulière et modérée
d'activités physiques permettent de réduire de
façon significative certains facteurs de risque qui engendrent ou
aggravent certains problèmes de santé.
Grâce à des interventions appropriées et à un
choix judicieux d'activités d'apprentissage, l'éducateur et
l'éducatrice physique peuvent augmenter auprès de la population
québécoise la pratique de l'activité physique.
L'élément incitatif qui décide l'individu à faire
de l'activité physique réside d'abord dans son attitude à
l'endroit de l'activité physique. Dans le cours d'éducation
physique, l'individu a l'occasion de ressentir les effets
bénéfiques de l'exercice sur son mieux-être, de
découvrir le plaisir des sensations procurées par
l'activité physique et d'éprouver la satisfaction agréable
qui consiste à maîtriser une habilité nouvelle. La
gratification que procure ce cours génère des attitudes positives
en regard de la pratique continue de l'activité physique.
L'efficacité des cours d'éducation physique à
promouvoir la pratique de l'activité physique auprès de la
population est démontrée par les derniers résultats
d'enquête sur le taux de participation des Québécois et des
Québécoises à la pratique régulière
d'activités physiques. L'enseignement de l'éducation physique
n'est devenu obligatoire au Québec qu'en 1964. Aussi, entre 1973 et
1992, la population du Québec qui s'adonne régulièrement
à la pratique de l'activité physique est passée de 18 %
à 48 %. Ce résultat très encourageant ne doit pas faire
oublier qu'il y a encore 37 % des enfants du niveau primaire et 13,6 % des
adolescents du secondaire qui ne reçoivent pas l'éducation
physique à laquelle ils ont droit. Aussi, plus de 50 % de notre
population ne pratique pas encore l'activité physique sur une base
régulière, ce qui en fait la population la moins active au
Canada.
Il ne faut pas s'étonner si les jeunes Québécois et
les jeunes Québécoises de 10 à 19 ans sont, parmi les
écoliers canadiens, ceux qui sont les moins actifs: 46,5 % ne pratiquent
pas régulièrement d'activités physiques, alors que ce
pourcentage n'est que de 18 % en Colombie-Britannique et de 37 % dans les
Maritimes. Comparativement aux pays industrialisés, c'est au
Québec qu'il y a le moins d'heures de cours obligatoires
d'éducation physique, et ce, à tous les niveaux du système
d'enseignement. Pour combler ce retard dans nos mesures de prévention,
le Conseil des affaires sociales recommandait au gouvernement, en 1987,
d'augmenter le nombre d'heures consacrées à l'enseignement de
l'éducation physique. Le faible taux de participation des
Québécois et des Québécoises à
l'activité physique risque de se refléter, dans les prochaines
années, par une progression plus importante de l'invalidité et
des maladies associées à la sédentarité, avec tout
l'impact social et économique que cela comporte.
Pour nos entreprises, la santé et la productivité au
travail constituent aussi des avantages concurrentiels. Les cours
d'éducation physique peuvent, à titre d'exemple, contribuer
à diminuer de façon significative les cas de mortalité
attribuable aux maladies cardio-vasculaires, à réduire de
façon significative l'obésité et l'embonpoint, à
réduire les coûts d'hospitalisation et de soins médicaux
affectés aux maladies coronariennes, aux maladies
ostéo-articulaires, aux maladies mentales et au diabète, à
réduire la fréquence des maux de dos, à augmenter la
pratique sécuritaire de l'activité physique, à diminuer la
consommation abusive de drogue et d'alcool et à décourager la
consommation de cigarettes.
Les effets bénéfiques de la pratique de l'activité
physique ne se limitent pas à la seule dimension physique de la
santé, mais profitent également à la santé mentale
lorsqu'on l'utilise pour réduire l'impact du stress, diminuer le niveau
d'anxiété et de dépression, augmenter l'estime de soi et
la confiance en so! et ainsi prévenir, entre autres, les risques de
«burn out». Sur le plan de la santé sociale, les cours
d'éducation physique peuvent contribuer à diminuer la violence,
le sexisme, le racisme ainsi que le décrochage scolaire.
Les éducateurs et éducatrices physiques du Québec
s'engagent à oeuvrer à l'atteinte de ces objectifs. Nous prenons
pour acquis que la volonté du gouvernement de prendre le virage
préventif est sérieuse et que, compte tenu des coûts
humains, sociaux et financiers des soins curatifs de santé, l'approche
préventive est sans aucun doute celle qui donnera à moyen et
à long terme les meilleurs résultats sur la qualité de vie
des Québécois et des Québécoises. (11 h 50)
Le cégep se doit de contribuer à ce projet de
société et de répondre ainsi à l'appel de
mobilisation du ministre de la Santé et des Services sociaux du
Québec. Comment peut-on concevoir une diminution du nombre de
crédits accordés à l'éducation physique lorsqu'on
discute simultanément de l'augmentation des coûts de la
santé? Le manque d'harmonisation des politiques publiques contribue
parfois à adopter des mesures qui, même si elles permettent des
économies dans un secteur donné, ont pour effet d'augmenter les
dépenses dans un autre secteur.
C'est la raison pour laquelle le ministre de la Santé et des
Services sociaux rappelle la nécessité de s'associer à ses
collègues des autres ministères pour mettre en oeuvre ces
priorités d'action qui font appel, entre autres, à l'intervention
en milieu scolaire. Ces priorités d'action viseront à contrer la
dépendance sociale dans le domaine de la santé.
Parlons maintenant des abandons, des échecs et du
décrochage. Le cégep ne peut se permettre d'ignorer les abandons,
le trop faible taux de réussite et les problèmes associés
au décrochage. Pour prévenir le désintéressement
des étudiants à l'endroit du cégep, il Importe de
maintenir le cours qui leur procure actuellement
le plus de plaisir et leur offre le plus d'occasions de se faire des
amis. Le contexte dans lequel se déroule le cours d'éducation
physique contribue à rendre leur passage au cégep beaucoup plus
agréable. Un sondage effectue en mai 1992 démontre à quel
point les cégépiens et les cégépiennes
apprécient leur cours d'éducation physique. Cette étude
démontre clairement l'importance de ces cours pour ces étudiants
et, surtout, leur degré d'intérêt et de satisfaction
à l'endroit de ces cours.
Compte tenu de l'expertise des éducateurs et des
éducatrices physiques à répondre aux besoins particuliers
des étudiants, ce groupe d'enseignants pourrait être davantage
sollicité afin d'apporter une contribution particulièrement utile
à l'approche programme. 85 % des étudiants de cégeps sont
d'accord avec la présence des cours obligatoires d'éducation
physique à ce niveau d'enseignement. Près de 80 % d'entre eux ne
veulent pas qu'on remplace cette discipline par une autre forme de cours.
Comme, à cet âge, 55 % des étudiants occupent un emploi
à temps partiel, déjà ils peuvent difficilement trouver le
temps nécessaire pour pratiquer quelque forme d'activité physique
en dehors de leur cours d'éducation physique. Ignorer cet état de
fait, c'est agir sans tenir compte des besoins et des intérêts de
nos étudiants. C'est aussi faire fi de l'importance que
l'éducation physique revêt aux yeux de la population en
général.
En 1991, un sondage Gallup mené auprès des Canadiens
rapporte que 90 % des gens interviewés croient que l'éducation
physique constitue une partie importante d'un curriculum
équilibré. 85,7 % des répondants estiment que
l'éducation physique devrait être offerte à tous les
élèves, peu importe leur âge ou leur niveau scolaire.
Dans son rapport annuel de 1988-1989, le Conseil supérieur de
l'éducation affirme que les élèves qui connaissent de
graves difficultés au collégial ont des problèmes
liés à la maturation psychologique. Ces problèmes sont
associés plus spécifiquement à la perception positive de
soi, à la confiance en soi, à la capacité d'affirmation et
de communication. À ces problèmes, selon la
Fédération des cégeps, s'ajoutent des problèmes
tout aussi importants d'identité et de mésadapta-tion à
l'environnement: mauvaise hygiène personnelle, mauvaise alimentation,
manque de repos, manque d'exercice et manque de sommeil. Le Conseil des
affaires sociales déclarait, dans l'avis qu'il rendait public en 1987:
La pratique régulière d'une activité physique vigoureuse
favorise un meilleur fonctionnement du cerveau et recule le seuil de fatigue
intellectuelle chez l'enfant, permettant une meilleure assimilation des
connaissances. Comme l'exprimait le Conseil des collèges, les besoins
des étudiants sont variés. Pour augmenter de façon
significative le taux de réussite, le cégep doit se
préoccuper des apprentissages d'ordre affectif, social et physique et
non seulement s'intéresser qu'à la dimension intellectuelle.
Nous aimerions maintenant vous livrer quelques commentaires au sujet de
l'avis du Conseil des collèges. La problématique de la condition
physique sur l'état de santé des Québécois et des
Québécoises et le potentiel que possède l'enseignement de
l'éducation physique pour améliorer l'état de santé
et de mieux-être ne nous permettent pas de partager l'avis du Conseil des
collèges, qui propose de réduire le temps accordé à
l'enseignement de l'éducation physique. Nous considérons, au
contraire, que l'éducation physique est un moyen
privilégié pour favoriser l'intégration des
étudiants à la vie collégiale et à l'acquisition de
saines habitudes de vie. Elle participe concrètement au projet
éducatif et à la mission sociale des collèges. Nous ne
pouvons souscrire à cette proposition du Conseil des collèges car
elle va à l'encontre des besoins et des désirs des
cégépiens et cégépiennes ainsi que des besoins de
notre société.
En 1988, le ministre de l'Enseignement supérieur et de la
Science, M. Claude Ryan, jugeait les objectifs poursuivis par les cours
d'éducation physique comme prioritaires et fondamentaux en regard des
besoins des élèves du collégial. Pour atteindre ces
objectifs qui sont liés à la mission éducative des
cégeps, les 120 heures présentement accordées, sur une
période de deux ans, à l'enseignement de l'éducation
physique constituent un seuil minimum. Ce nombre d'heures ne représente
que de 3 % à 5 % du temps total alloué à l'obtention d'un
diplôme d'études collégiales. La commission parlementaire
doit reconnaître la contribution spécifique de l'éducation
physique à la formation fondamentale ainsi que son rôle
déterminant dans le domaine de la santé. Les cégeps
pourront alors exploiter le potentiel de cette discipline dans la formation
d'un personnel compétent et productif.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, merci beaucoup de votre
présentation. Je peux dire, en tout cas, que ce ne sont pas les
documents qui manquent, et les appuis, et les témoignages à votre
cause. Il y a eu plusieurs documents de déposés à la
commission. Il y a même des pétitions: le séminaire
Saint-Augustin, le cégep de Lévis-Lauzon, le cégep de
Limoilou et même le cégep de Matane. Est-ce que vous en faites un
dépôt officiel?
M. Laferrière: Oui.
Mme Lainez: On en a d'autres aussi à déposer durant
l'intervention.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, je vais attendre que
vous fassiez tous les dépôts en même temps.
Mme Lainez: D'accord.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, je vais
reconnaître Mme la ministre de l'Éducation et de l'Enseignement
supérieur.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je suis heureuse
de rencontrer des représentants de la Confédération des
éducateurs et éducatrices physiques du Québec. On a pris
connaissance de votre mémoire avec intérêt, de vos
nombreuses annexes aussi, et même des lettres d'appui qui étaient
arrivées avant aujourd'hui. Je me suis même demandé si les
profs d'éducation physique avaient déjà suivi des cours de
marketing. En tout cas, c'est très... Vous avez organisé un
très grand lobbying, nous en convenons tous. Nous sommes assommés
par les nombreux rapports qui nous parviennent à droite et à
gauche.
D'entrée de jeu, j'aimerais vous dire, après vous avoir
entendu, M. Laferrière, que, quand vous me parlez des objectifs
d'éducation physique, dans une vie que je ne qualifierais pas d'adulte,
mais dans la vie de toute personne, les objectifs en tant que tels que nous
devons poursuivre, je peux vous dire que je n'ai aucun problème avec ces
objectifs-là. Je pense que, comme gouvernement, nous l'avons dit haut et
fort, et c'est maintenant reconnu par tout le monde que, dans la vie, il faut
des équilibres, n'est-ce pas? Donc, il faut non seulement mettre
beaucoup d'énergie dans notre vie professionnelle en tant que telle
où, parfois, dans cette vie professionnelle, on est surtout
concentrés sur l'effort intellectuel, comme nos jeunes à
l'école, mais il ne faut pas non plus négliger toute la dimension
santé, des saines habitudes de vie, faire attention au corps humain qui
est là aussi, ne pas l'oublier, donc avoir une approche très
systémique au niveau de la santé et aussi prendre le virage
préventif. (12 heures)
Sur tous ces objectifs-là, je n'ai vraiment aucun
problème, M. Laferrière, sauf que je voudrais regarder
concrètement, à partir de ces grands objectifs que je partage,
comment les cours d'éducation physique se donnent dans les
collèges. Je pense que c'est ça qu'il va falloir regarder,
comment ils se donnent. Est-ce qu'ils doivent toujours être obligatoires?
Est-ce qu'on doit toujours les créditer? Donc, comment ils se donnent,
ces cours d'éducation physique dans les collèges? Et voilà
une matière où les collèges ont de la
responsabilité. Depuis le début de cette commission, les
intervenants collégiaux nous demandent les plus grandes
responsabilités académiques au niveau des collèges. Bien,
voilà une zone où la responsabilité des collèges
est à 100 % dans le choix des cours.
Moi, j'aimerais bien avoir votre opinion sur le sujet. Vous êtes
la Confédération des éducateurs, vous devez donc avoir une
perspective d'ensemble de tous les cours d'éducation physique qui se
donnent à l'ordre collégial. Comment ils se donnent et comment on
peut arrimer vos objectifs de santé et d'hygiène de vie, quand je
vois dans la liste des cours d'éducation physique des cours tels que la
danse contact, les escalades de rocher, carte et boussole, l'improvisation
danse, pêche à la mouche I, pêche à la mouche II?
Moi, j'ai des difficultés, je veux vous entendre sur ça. Comment
vous faites le lien entre ce type de cours et les grands objectifs de
santé et de saines habitudes de vie que vous poursuivez?
M. Larouche (René): Je pense que, si on veut bien...
La Présidente (Mme Hovington): Est-ce que vous voulez bien
vous identifier avant pour fins de...
M. Larouche: René Larouche, Université Laval.
La Présidente (Mme Hovington): Merci.
M. Larouche: Je pense que, si on veut avoir un débat
fructueux, il faudrait s'entendre sur les concepts, parce que, quand vous
pariez d'une liste de cours, ce sont les moyens qu'on utilise, et on pourra en
rediscuter tout à l'heure.
La raison d'être de l'éducation physique... On va d'abord
éliminer certains préjugés parce que, de ce qu'on a pu
entendre de la part de certains individus à la télévision,
et même venant d'institutions d'enseignement de niveau collégial,
l'éducation physique, ça égale golf, ça
égale pêche, ça égale ci, ça égale
ça. C'est comme si le français égalait une pièce de
théâtre de Michel Tremblay ou autre chose. Il ne faut pas comparer
la fin avec les moyens sinon on va revenir à des problèmes de
conceptualisation de base.
Deuxième chose, l'image qu'on se fait de l'éducation
physique remonte souvent à celle qu'on a eue dans notre enfance. Si on
remonte à l'image de la médecine au début, on faisait des
saignées pour essayer de guérir les gens et on perforait le
crâne pour guérir les migraines. Ne remontons pas au temps trop,
trop lointains dans les concepts. Sauf qu'il y a énormément de
préjugés qui sont entretenus suite aux expériences qu'on a
vécues antérieurement. On parle actuellement de
l'éducation physique vers l'an 2000. Et le mémoire qu'on a
présenté en 1991 au Conseil des collèges, c'étaient
justement les défis de l'éducation physique vers l'an 2000.
Le train de l'éducation physique repose sur deux rails: le rail
éducation et le rail santé, et les deux sont en synergie, sont en
intercomplémentarité de façon continuelle du début
de la vie à la fin de la vie. Ce que certains groupes demandent
actuellement, c'est qu'il y ait une coupure au niveau collégial dans ce
processus-là.
Bien sûr, on vise des buts de santé et les moyens qu'on
utilise sont ultravariés; ce sont des
activités physiques. La pêche est une activité
physique, le golf est une activité physique, etc. C'est le moyen qu'on
utilise pour atteindre des objectifs à caractère
éducationnel et de santé. Est-ce qu'on va reprocher au
cégep d'envoyer les étudiants à une pièce de
théâtre supposément pour mieux apprendre telle partie de la
langue française? Non. On ne s'attaque pas aux moyens à ce
moment-là, on s'attaque aux fins. Et nous, on vient de constater avec
beaucoup d'autres organismes que, lorsqu'on n'atteint pas les moyens en
français, la solution est très miraculeuse, c'est: Augmentons le
nombre de cours de français. Et, lorsqu'on n'atteint pas les moyens en
éducation physique, l'autre solution, c'est: diminuons les cours
d'éducation physique. Il nous paraît y avoir une
incohérence au niveau de la logistique comme telle.
L'éducation physique, nécessairement, se doit de
transmettre des habiletés de base, des connaissances, des attitudes, des
habitudes. Et notre coffre à outils est ultravarié en termes
d'activités physiques qui vont du plein air, qui vont de la gestion du
stress, qui vont de l'utilisation de différents sports... Pourquoi? Tout
simplement parce que les goûts et les besoins des étudiants sont
ultravariés et qu'on se doit de s'adapter à ces
cours-là.
Curieusement, le rapport Parent, en 1964, l'avait très bien
compris en disant que c'était obligatoire à tous les paliers du
système d'enseignement, y compris jusqu'à la 13e année,
avec un minimum de deux heures par semaine. Le ministre Ryan aussi l'a compris
en disant que c'était prioritaire et fondamental. Et là, en 1992,
on a de la difficulté à comprendre qu'est-ce qui se passe.
Mme Robillard: M. Larouche, je l'ai lu, votre mémoire,
j'ai entendu ça. M. le professeur d'université, je sais que vous
me pariez des grands objectifs et je vous ai dit que je pouvais être
d'accord avec ces grands objectifs-là, mais, comme ministre responsable,
il faut aussi que je regarde les moyens qui sont utilisés. Dans le fond,
ce que je voulais savoir, c'est: Est-ce que la Confédération
considère que les moyens utilisés actuellement dans chacun des
collèges du Québec sont les bons moyens pour atteindre les
objectifs?
M. Larouche: Les moyens sont toujours perfectibles.
Personnellement, je n'enseigne pas au niveau collégial, donc je suis un
peu mal à l'aise pour répondre à cette question-là.
Je vais demander à quelqu'un qui vit quotidiennement la
réalité collégiale.
M. Chiasson (Luc): Oui, moi...
M. Larouche: Oui.
M. Chiasson: ...j'enseigne au niveau collégial
depuis...
La Présidente (Mme Hovington): En vous identifiant toujours, s'il
vous plaît.
M. Chiasson: Mon nom, c'est Luc Chiasson. Je suis du cégep
Lévis-Lauzon. J'enseigne depuis bientôt 18 ans dans des
collèges du Québec. J'ai enseigné toutes sortes de
disciplines, de la relaxation au ski de fond, canot-camping et à peu
près tous les cours possibles qui peuvent se donner en éducation
physique. Et je dois vous dire que, quand on enseigne l'éducation
physique, peu importe le moyen qu'on utilise, ce qui est important, c'est de
passer les valeurs qui sont associées à la santé, à
la condition physique, au bien-être.
Ce qui est assez curieux, c'est souvent les disciplines qui paraissent
les plus flaillées qui sont souvent celles où on a les meilleurs
résultats. Par exemple, on donne des cours de canot-camping. On dit: Ah!
ils font du canot, ils s'amusent. Pourtant, c'est une des activités
où les étudiants doivent le plus développer le sens de la
coopération, tandis que, dans des activités où on les voit
une fois par semaine, c'est difficile parce qu'on les voit une heure et demie.
Alors, c'est une valeur qui est difficile à développer. Le sens
de la communication aussi. Quand vous commencez à vous chicaner dans un
canot et que vous avez un rapide à descendre, bien, c'est dommage, mais
vous allez avoir des problèmes à descendre. La capacité
d'adaptation aussi à l'environnement. Je pense que c'est des valeurs qui
sont reconnues par le Conseil des collèges et par beaucoup de gens. La
capacité de s'adapter à un environnement qui est naturel... Je
pense qu'il n'y a personne qui va douter qu'un cours de plein air permet aux
gens, en tout cas, de prendre contact avec la nature d'une façon
différente que quand c'est une activité libre.
Et là j'arrive peut-être dans quelque chose de plus...
J'arrive a votre question. Pourquoi il faudrait que ces
activités-là soient obligatoires? Demandez aux étudiants
pourquoi ils considèrent que ça doit être obligatoire.
Parce que le prof d'éducation physique qui est éveillé au
fait de développer des connaissances, des attitudes et des
habiletés, il est capable de faire en sorte d'organiser ses cours,
d'organiser ses activités pédagogiques pour faire en sorte que
l'étudiant prenne conscience que faire de l'activité physique
ça peut être considéré comme un jeu, mais ça
peut servir à son développement multidimen-sionnel et
intégral. Ça, c'est clair. Que ce soit en escalade...
Et je vais vous servir l'exemple qui, habituellement, nous porte
préjudice, et pourtant, si on l'analyse comme il faut, je pense que
ça nous rend honneur: des cours de randonnée pédestre en
Europe qui sont organisés par certains cégeps. Ah! ça,
c'est affreux. C'est affreux. Des étudiants de cégep qui s'en
vont en
Europe. Mais, au niveau de la formation, ces cours-là sont
fantastiques. Quand on disait: Les cégeps doivent être autonomes,
originaux, je pense que Mme Chené va être contente de savoir que
l'éducation physique a déjà utilisé ça. Si
vous voulez avoir une expertise dans ce domaine, venez nous voir. Ça
fait plusieurs années qu'on est autonomes chez nous. On pourra vous
donner des exemples de ce que c'est. Alors, les cours d'escalade ou de
randonnée pédestre en Europe, c'est fantastique parce que les
étudiants qui savent un an à l'avance qu'ils doivent participer
à cette activité-là doivent trouver l'argent pour leur
voyage, doivent organiser des activités de financement et le moyen,
c'est l'activité physique. Alors, ils apprennent à vivre en
groupe, en société, etc.
Mme Robillard: Je voudrais peut-être aller plus loin.
M. Chiasson: Si vous voulez.
Mme Robillard: Je saisis bien l'optique que vous essayez de
m'expliquer, mais, M. Laferrière, j'aurais une autre question. Est-ce
que vous connaissez, dans les systèmes d'éducation actuels
nord-américains, en Amérique du Nord, un système
d'éducation qui crédite les cours d'éducation physique
dans un niveau postsecondaire, étant donné aussi l'âge de
nos étudiants que nous avons au Québec? Vous savez sûrement
que, par exemple, au niveau de la formation technique chez nous, l'âge
moyen est de 22 ans. Est-ce que vous connaissez un système
d'éducation nord-amérlcaln qui crédite, donc qui inscrit
au niveau du bulletin, qui donne des unités? (12 h 10)
M. Laferrière: II y a une étude qui a
été effectuée à ce sujet-là et je
demanderais à Pierre Richard de vous faire part des résultats de
cette étude.
M. Richard (Pierre): Aux États-Unis, au niveau de ce qu'on
appelle les «four-year colleges», et aussi au niveau des
universités publiques, on a quand même regardé un certain
nombre de données, d'études. D'ailleurs, il y a les études
de Trimble. Et il y a de l'éducation physique à ces
niveaux-là, et c'est soit pour 2 crédits, pour un certain
pourcentage, à peu près 40 % reçoivent 2 crédits,
ce qui correspond à 90 heures; aussi, dans certains collèges, je
crois, pour 20 %, c'est 3 crédits pour environ 120 heures et il y a un
certain nombre de collèges aussi qui donnent 4 et même 5
crédits.
Mme Robillard: J'ai plus de difficultés à faire la
comparaison avec le «four-year college», comme vous dites, parce
que les élèves sont plus jeunes. Alors, ce n'est pas exactement
dans notre système. Moi, je parlais vraiment de postsecondaire. En tout
cas, ça n'existe sûrement pas au
Canada, des cours crédités en éducation physique,
comme tels. Et ça m'amène peut-être à l'autre
question. Est-ce que vous pensez qu'on pourrait poursuivre les mêmes
objectifs avec des moyens peut-être à réviser - je ne le
sais pas, vous semblez dire que non - sans que ces cours-là soient
crédités au niveau de l'ordre collégial? Et vous
n'êtes pas sans savoir que les universités n'en tiennent
même pas compte dans l'admission des jeunes, au niveau universitaire.
Est-ce qu'on pourrait atteindre les mêmes objectifs de
santé, d'hygiène de vie, donc en favorisant l'activité
physique des jeunes quand ils sont à l'ordre collégial, mais sans
créditer ces cours-là?
M. Delaney (Robert): Mon nom est Robert Delaney. Je crois que la
réponse, ce serait non. Le problème, si on décide de
créditer certains cours alors qu'on n'en crédite pas d'autres,
dans l'esprit de l'élève, il va avoir tendance à aller
vers les cours crédités. Si on dit: Mais vous pourrez choisir
à votre aise... Ce qu'on a retrouvé, les statistiques nous
démontrent qu'il y a un pourcentage significatif de ces étudiants
qui choisissent de ne pas faire d'éducation physique. Dans le
système collégial au Québec, on a l'exemple de Dawson qui,
seulement depuis quelques années, offre un programme complet. Lorsque
les élèves avaient le choix, parce que c'était offert
parmi les cours complémentaires, seulement 15 %, 20 %, 25 % des
étudiants choisissaient de faire de l'éducation physique.
Ailleurs dans le pays, les statistiques démontrent que seulement
27 % des étudiants, lorsqu'ils ont le choix entre prendre ou ne pas
prendre l'éducation physique, ne prennent pas l'éducation
physique. Alors, ça peut avoir l'air peut-être en contradiction
avec les statistiques mêmes qu'on a données où les
étudiants disent: Nous autres, on aime faire de l'éducation
physique, mais, lorsqu'on fait face à une décision d'aller
à un cours d'éducation physique puis peut-être de
travailler ou d'aller à un cours d'éducation physique ou
d'étudier pour un autre cours qui est crédité, je crois
que l'étudiant, dans la réalité - puis on le comprend
aussi, parce qu'il n'y a pas une valeur au bout de la ligne - va choisir de ne
pas en faire.
Alors, ça pourrait être les étudiants qui sont moins
favorisés qui sont obligés de travailler. Peut-être qu'ils
sont moins habiles en éducation physique. Puis, justement, les
étudiants qui devraient avoir de l'éducation physique vont
choisir de faire autre chose. Alors, on croit que non, si on va vers un
système dans lequel on ne crédite pas l'éducation
physique, on va manquer la cible.
La Présidente (Mme Hovington): D'accord. M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Merci d'être là. Très rapide-
ment, à partir du moment où le Conseil des
collèges, dans un avis que vous connaissez, faisait la suggestion que
vous connaissez, c'était bien entendu requis que vous soyez ici pour
avoir au moins l'occasion d'exposer votre point de vue. Vous l'avez fait dans
un mémoire d'excellente qualité, vous l'avez fait dans
l'abondante documentation que nous avons reçue, je vous en remercie.
Une phrase: En ce qui me concerne et ma formation politique, d'aucune
façon on a quelque réserve sur le mérite pur de la
pratique d'activités physiques et l'extraordinaire potentiel de
l'enseignement de l'éducation physique sur tout ce que vous avez dit, et
vous l'avez bien dit pendant plusieurs pages: les habitudes de vie, la
santé, la contribution à la prévention. Mens sana in
corpore sano. Additionnez, multipliez, il va toujours y en avoir assez pour
nous convaincre sincèrement. Et c'est loin d'être
péjoratif, c'est vrai, qu'est-ce que vous voulez! Et ce sera d'autant
plus vrai dans la société de demain. Selon moi, dans la
société de demain, il va falloir penser à du temps
partagé, parce qu'il n'y a plus grand monde qui travaille, pour toutes
sortes de raisons. Puis, je ne vais pas faire un discours à n'en plus
finir, mais c'est ça la réalité: On s'en va vers une
société de loisirs. Il va sûrement y avoir une
réduction des heures travaillées, même si certains
réclament qu'on devrait travailler plus pour être plus productifs.
Mais travailler plus pour être plus productifs, il va falloir que ce ne
soit pas les mêmes, parce qu'il n'y en a plus assez. Puis, dans ce
sens-là, on va générer une espèce de
société où, si on ne veut pas avoir des coûts de
santé astronomiques, il va falloir être plus en forme, plus en
santé, puis là c'est de se poser la question: Comment on fait
ça?
Mais, pour ce qui nous concerne, moi, je reviens toujours à la
question de départ. Ça ne veut pas dire que vous n'avez pas
donné les explications, mais II faut le creuser davantage, puis,
d'après moi, il y en a une seule, question. Ce n'est pas parce que
ça va être la mienne là...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Non, mais, d'après moi, on peut y faire des
ajouts à n'en plus finir, mais la question est: Est-ce qu'au
Québec il faut maintenir dans une formation de base... Puis là il
y a trois, quatre termes: «fondamentale»; l'autre terme, c'est
«générale»... En tout cas, peu importe, est-ce qu'il
est requis d'avoir des unités de cours d'éducation physique
obligatoires dans ce tronc commun que tout le monde souhaite qu'il soit
revampé, adapté à la réalité 1990 et
suivantes ou des années 2000? Moi, je prétends que c'est la seule
question et, en ce qui me concerne - parce que mes collègues veulent en
poser aussi - j'ajouterais: Est-ce que vous êtes convaincu que ça
a un lien très étroit en ce qui a trait à la
réussite scolaire et à une réduction du taux d'abandon si
on le maintient obligatoire dans le tronc commun? Si la réponse est oui,
moi, je prétends que c'est pas mal plus éclairant pour la suite
des choses. C'est mon point de vue. Je voudrais vous entendre.
M. Larouche: Si le Québec se compare aux pays les plus
industrialisés et les plus efficaces sur le plan économique et le
reste que sont l'Allemagne, le Japon et d'autres pays semblables, nos
études comparatives avec les pays de l'OCDE démontrent que c'est
obligatoire à ce niveau-là. C'est obligatoire. La position de
l'UNESCO est très claire: L'éducation physique se doit de se
faire du niveau primaire jusqu'au niveau universitaire, donc ce qui comprend
aussi le postsecondaire, nécessairement. Et aux États-Unis c'est
exigé pour obtenir le diplôme après les quatre
années des collèges et des universités, à ce
moment-là, au niveau de premier cycle. Donc, si on se compare à
d'autres pays, c'est absolument nécessaire. Et la raison d'être de
l'éducation physique n'arrête pas subitement lorsqu'on arrive au
cégep. Les étudiants nous disent, dans l'enquête que nous
avons faite, à quelque 80 %: Ça m'aide à mieux travailler
intellectuellement lorsque je fais de l'activité physique. Et un des
rôles premiers du cégep, c'est de préparer soit
l'étudiant à continuer ses études par la suite, à
surtout ne pas les abandonner au niveau collégial, ou encore à
aller sur le marché du travail. Et la littérature est
extrêmement forte sur ça, les employeurs recherchent des gens en
meilleure condition physique et la CSST va vous dire que ça va baisser
ses coûts économiques. Sur le plan de la comptabilité
sociale, c'est extrêmement important. La Régie de la
sécurité dans les sports va vous dire la même chose. Donc,
c'est capital.
Si une des raisons pour lesquelles l'étudiant désire
demeurer au cégep c'est d'avoir du plaisir, vivre dans un milieu de vie
agréable, et la très grande majorité des étudiants
nous disent que l'éducation physique, c'est très
agréable... Et, quand on regarde les enquêtes qui ont
été faites par d'autres organismes, où 54 % sont
satisfaits du français et un petit peu moins de la philosophie, nous, on
est autour de 90 %. Donc, une des meilleures façons d'éviter
l'abandon scolaire, c'est de créer le plaisir d'être dans une
institution qui s'appelle un cégep. Et, à ce moment-là,
c'est un cancer social extrêmement important qui est l'abandon
scolaire... On hypothèque et la société
québécoise et les individus qui sont confrontés à
ce problème-là. Et il faut continuer d'en faire. (12 h 20)
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Je vais aller
d'abord du côté du député de Vimont pour revenir
à Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière
après.
M. Fradet: Merci, Mme la Présidente. Moi, je suis d'accord
avec vous lorsque vous parlez des objectifs à atteindre en
matière de santé et en matière d'exercice physique. La
seule question que je me pose, c'est la question un petit peu que tout le monde
se pose ici: Est-ce en obligeant les gens à faire de l'éducation
physique, en créditant des cours au cégep, qu'on va régler
le problème? Parce que je pense effectivement que les jeunes ne font pas
assez d'exercice, même les moins jeunes qui, après... Ça
serait une statistique peut-être intéressante à avoir.
Est-ce qu'il y a des gens qui ont été obligés, au
cégep, de faire de l'exercice physique, à l'intérieur des
cours, qui continuent, par la suite, à faire de l'exercice physique sans
être obligés? Moi, c'est une question que je me poserais aussi en
tout cas face à la volonté qu'on a d'enseigner à ces
jeunes-là la santé et l'exercice physique. On pourrait
peut-être faire même le parallèle avec l'entreprise
privée. Lorsqu'on travaille dans une entreprise, on n'est pas
obligé de faire de l'exercice physique, mais le patron a
découvert, avec tous les moyens qu'on a mis à sa disposition, que
si ses employés font de l'exercice physique, ils sont probablement plus
rapides mentalement et mieux adaptés pour travailler. Et il n'y a pas
une entreprise, en tout cas que je connaisse dans mon coin, qui oblige ses
employés à faire de l'exercice physique. Par contre, j'ai vu
plusieurs entreprises, moi, mettre à la disposition des employés
des services pour qu'ils puissent, en dehors des heures de travail, faire de
l'exercice physique, se mettre en forme.
Alors, moi, la question que je me pose aujourd'hui, c'est: Est-ce qu'on
doit conserver les crédits obligatoires, qui ne sont pas reconnus dans
le cheminement de l'étudiant par la suite au cégep, ou si on ne
doit pas développer, à l'intérieur des institutions
scolaires, des moyens mis à la disposition des jeunes, des gens, pour
qu'ils fassent de l'exercice et qu'on rejoigne la volonté là, les
objectifs visés en matière de santé au Québec? Moi,
c'est cette question-là que je me pose. Et, je suis convaincu, moi, que
si les éducateurs physiques organisent des activités qui plaisent
aux jeunes à l'intérieur des cégeps, même si ces
activités-là ne sont pas obligatoires, les jeunes vont y
participer. On ne pourra pas avoir un taux de participation à 100 %
parce que même lorsqu'on oblige les jeunes à participer à
des cours d'éducation physique, il y en a qui demandent la dispense pour
ne pas les faire. Alors, moi, c'est un petit peu là la question. Doit-on
organiser le milieu pour favoriser la santé et l'exercice physique au
cégep sans pour autant les obliger à faire des cours qui ne leur
servent pas par la suite dans leur cheminement scolaire?
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. Chiasson,
allez-y.
M. Chiasson: Oui. Je vais répondre à cette
question-là, même s'il y en a trois ou quatre à
l'intérieur; je manquerais de temps. Je vais essayer de répondre
plus rapidement que la question a pris de temps. Lorsqu'on parle de
participation libre des étudiants, dans le contexte actuel, on parle
d'à peu près de 10 % des étudiants qui font de la
participation libre. Parce que 70 % des étudiants travaillent en dehors
de leurs cours. Ils n'ont pas le temps de... Probablement qu'ils vont avoir
plus de temps de faire de l'activité physique quand ils vont travailler.
Actuellement, les étudiants sont surchargés d'ouvrage. Il y a des
étudiants qui ont 30, 35, et même certains, 40 heures de cours par
semaine. Vous l'avez déjà entendu par un autre groupe, il y a une
surcharge de travail. Si vous enlevez quelques unités d'éducation
physique... Ça, j'aimerais ça le dire à tout le monde.
Quand on parle de couper dans l'éducation physique, on n'est plus dans
le gras, on est dans le maigre, parce que c'est deux unités et deux
tiers qui existent actuellement en éducation physique, ce n'est pas
quatre unités, comme les autres cours obligatoires, ou huit. Quand on
coupe deux unités et deux tiers en deux, c'est rendu qu'on coupe le
morceau de gâteau qui a de la misère à tenir debout dans
l'assiette. Ça représente moins de 5 % de la formation de
l'étudiant qui touche sa santé.
Comparativement, si on tombe en formation fondamentale, qui est
essentiellement intellectuelle, on est un peu contre la position du Conseil des
collèges à ce niveau-là, parce qu'on pense qu'un
cégep ne doit pas seulement développer la dimension
intellectuelle, et beaucoup de disciplines s'en vont dans un autre sens.
À mon avis, il faut maintenir ce nombre de minutes de cours obligatoires
d'éducation physique, qui est un minimum actuellement acceptable. Et
plus que ça, ce qu'on propose dans nos recommandations, c'est de faire
en sorte d'augmenter ce nombre de minutes en essayant d'instaurer dans les 10
années à venir de l'éducation physique quotidienne. Et,
à ce moment-là, ces activités quotidiennes pourraient
être dans le sens où vous dites, M. le député, et je
pense que là, à ce moment-là, le rêve que vous
voulez réaliser devrait se réaliser.
M. Fradet: Ce n'est peut-être pas un rêve. C'est
sûr qu'on aspire à voir l'ensemble de la population plus active en
matière d'exercice physique pour qu'elle soit plus en santé. Mais
je ne suis pas convaincu, moi, que ce soit en obligeant les jeunes...
Même si vous dites qu'H faut continuer à le faire, avec le laps de
temps qui est très court - et je le reconnais - à
l'intérieur du programme, lorsqu'on a un programme de 35 heures et qu'on
a 4 heures ou une heure de cours d'éducation physique, ce n'est
peut-être pas suffisant.
Alors, c'est pour ça que je me dis que si
on favorise à l'intérieur des cégeps des groupes ou
des activités physiques qui plaisent aux jeunes, ceux-ci pourront y
participer même s'ils sont très chargés. Dans le milieu du
travail, les gens sont aussi très chargés. Ils se rendent compte
que pour vivre en santé, ils doivent faire de l'exercice physique et ils
en font de plus en plus. On n'a pas un taux de participation de 100 %, mais...
Je ne pense pas que demain matin on va le faire, mais en favorisant ça,
on pourrait améliorer la situation...
La Présidente (Mme Hovington): Merci.
M. Fradet: ...même si ce n'est pas obligatoire.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le
député de Vimont.
M. Richard (Pierre): Un complément de réponse.
C'est que, d'après des études américaines, le taux de
participation, quand l'éducation physique est optionnelle, oscille aux
alentours de 25 %, 27 %. Alors, ça vous dit que, quand bien même
on offrirait une gamme d'activités extraordinaires, je pense qu'il y a
un bon nombre de ces jeunes adultes qui vont plutôt prendre le chemin du
dépanneur ou vont aller faire leur petit boulot de fin de semaine, ou de
semaine et de fin de semaine, parce qu'il y en a qui font plusieurs heures.
Alors, les taux de participation, il ne faut pas être trop optimiste de
ce côté-là, si l'éducation physique est
optionnelle.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, Mme la
Présidente. Écoutez, je pense que la démonstration, par
rapport à tout ce qui est orienté vers la santé et les
services sociaux, vers la prévention, en tout cas, quant à moi,
elle est faite. Je n'ai pas de problème avec ça. Là
où j'aimerais avoir un petit peu plus de renseignements, c'est que,
compte tenu des lacunes qu'on a soulevées depuis la semaine
dernière au niveau du système, au niveau de nos étudiants
qui arrivent à l'université, qui ont des problèmes avec la
maîtrise de la langue orale et écrite ou encore manquent d'esprit
de synthèse et tout ça, puisque vous dites que vous entendez
contribuer aussi au niveau des dimensions intellectuelles, j'aimerais savoir en
quoi, de façon plus précise, là, comment, par exemple - je
vous donne un exemple; je soulève l'exemple que vous avez
mentionné tantôt - un cours de golf peut-il améliorer ces
dimensions-là? J'aimerais ça avoir des précisions
là-dessus.
M. Larouche: En fait, c'est là qu'arrive toute la nuance
avec tout à l'heure, la question précédente, et ies deux
se mixent. L'éducation physique, c'est l'endroit où on apprend
à faire quelque chose. Est-ce qu'on devrait enlever les écoles de
conduite parce que, supposément, les gens vont apprendre à
conduire autrement de toute façon? Est-ce qu'on doit enlever la partie
obligatoire à l'éducation physique? Voilà, on va
l'illustrer à partir d'un cours comme le golf.
On peut très bien faire, à travers l'éducation
physique, le développement intellectuel à un très haut
niveau d'abstraction, si on prend les approches de Piaget. Si vous jouez le
moindrement au golf, vous avez, au minimum, 63 éléments
d'apprentissage au niveau du neuromusculaire. Vous avez ensuite une
variété de situations où le cerveau est continuellement en
ebullition, et c'est plus complexe d'apprendre à jouer au golf que de
jouer aux échecs. On démontre, chez Piaget, que l'individu,
lorsqu'on développe son intellect, est capable de faire des inductions,
des déductions, de résoudre des problèmes de façon
systématique et systémique, d'imaginer des scénarios
possibles, de prévoir quel serait le souhaitable et le
réalisable. Ça peut en faire sourire plusieurs, mais, au golf,
vous devez faire de la géométrie. Vous devez mettre en
application des principes de balistique, des principes de physique. Et c'est
continuel que l'individu, lorsqu'il doit frapper une balle de golf, a au moins
une douzaine de questions à se poser immédiatement avant de le
faire.
Vous savez qu'il y a des individus qui peuvent apprendre à jouer
de la musique à l'oreille, mais on peut suivre un cours universitaire
pour apprendre la musique. Et c'est la même chose face à
l'activité physique. On peut la pratiquer de n'importe quelle
façon, sauf qu'on peut arriver aussi, au soir de notre vie, avec un
paquet d'arthrite, avec une fin de vie où l'individu est bourré
de problèmes parce qu'il a mal pratiqué l'activité
physique durant plusieurs années.
Donc, nécessairement, l'activité physique a une relation
avec le développement intellectuel de l'individu. Et on peut en faire la
démonstration très facilement devant n'importe quel groupe de
psychologues et le reste.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Ça va? Est-ce
qu'il reste encore du temps? Oui, vous pouvez y aller, Mme la
députée de Terre-bonne. (12 h 30)
Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Est-ce que je vous
comprends bien lorsque vous nous dites, en fait, qu'en plus des bienfaits au
niveau de la santé votre cours permet également de donner toute
la dimension fondamentale qu'on exige pour les cours obligatoires? Votre
démonstration vient nous dire: En fait, ça permet de... Les
principaux points qui étaient développés... Je vais
prendre le mémoire du Collège de la Région de l'Amiante
qui était extrêmement dynamique. On disait que l'important... Bon,
«il faut une
capacité de recueillir de l'information, une capacité
d'analyse, une capacité de résoudre des problèmes, une
capacité de poser des jugements, une capacité de bien
s'exprimer». Est-ce qu'on devrait choisir le cours d'éducation
physique? Le cours de français correspond aussi à ces
données-là. Est-ce qu'on devrait choisir le vôtre parce
que, en plus de répondre à tous ces critères-là, il
vient ajouter la dimension santé qu'on ne retrouve pas dans les autres
cours?
M. Chiasson: Je pense que oui. C'est un cours qu'il faut
conserver parce que... Je pense que, surtout au niveau de l'approche programme,
ça a été sous-évalué encore, la
participation de l'éducation physique à l'ensemble de l'approche
programme. On se rend compte qu'il y a des gens qui font beaucoup de choses qui
ressemblent aux choses qu'on fait en éducation physique, mais ils ne
savent pas qu'on peut les aider à améliorer des choses. Je vous
fais part d'une expérience que j'ai eue avec des gens en chimie-bio qui
faisaient des laboratoires et qui disaient: On a seulement des objectifs
cognitifs, nous autres, dans nos laboratoires. J'ai dit: Ça me
surprendrait beaucoup. Il a dit: Pourquoi? J'ai dit: II me semble que tu dis
que tu obliges les gens à travailler en équipe, tu les obliges
à agir de façon sécuritaire, ça fait que là,
tu n'es plus dans les objectifs cognitifs, tu es rendu dans des attitudes
sécuritaires et tu es rendu dans le travail d'équipe. Ce n'est
plus seulement du cognifrf ça, ce n'est plus la dimension
intellectuelle, c'est toute la personne. J'ai dit: Nous autres, on fait
ça en plongée sous-marine avec des gens quand ils travaillent
copain copain pour la sécurité. Alors, on peut se
compléter en connaissant les... Comme les gens en mécanique
aussi. Il dit: Ça nous prend des gens qui sont en forme, qui sont
capables de lever des charges, etc., parce qu'ils travaillent en
mécanique. On peut jouer un rôle important et s'intégrer
dans l'approche programme, mais ça n'a jamais été fait de
façon systématique, cette chose-là, de demander aux
départements qui sont de l'extérieur: Qu'est-ce que vous pouvez
apporter à la formation qu'on veut donner à certains jeunes pour
qu'elle soit complémentaire? Il n'y a pas un employeur du Québec
qui va dire qu'il n'aime pas ça que ses employés arrivent avec
des notions de santé. Il n'y a pas un employeur.
Moi, je trouve ça assez curieux, pour avoir parlé avec le
responsable de l'engagement du personnel à la Fédération
des caisses Desjardins, qui disait: Nous autres ce qu'on veut, c'est des gens
qui sont capables de communiquer, de coopérer et de s'adapter à
l'environnement, etc. J'ai dit: Est-ce que vous vous assurez que ces
gens-là sont conscients de la responsabilité d'être en
bonne santé pour rester un employé qui va durer longtemps, sur
lequel vous allez investir beaucoup dans les cinq premières
années pour le former et, après ça, il va être
très productif pendant plusieurs années? Si, après 10 ans,
cette personne-là a développé un infarctus à cause
des mauvaises habitudes de vie, je pense que vous avez mal investi votre
argent, en plus d'investir de l'argent pour la remplacer par d'autres
personnes, parce qu'elle est souvent en congé de maladie, etc. Je pense
que l'éducation physique a un rôle de premier plan à jouer
et, dans une approche programme, celle qui est préconisée et, je
pense, acceptée par à peu près tous les intervenants, on
aurait un rôle essentiel à jouer à ce niveau-là,
dans la mesure où les autres départements sont conscients de ce
qu'on fait.
Mme Caron: Parmi votre groupe, il y a une femme professeure.
Est-ce que vous avez certains commentaires particuliers à faire valoir
concernant cette formation-là pour les femmes?
Mme Lainez: Pour les femmes au niveau collégial, c'est
quand même un groupe d'âge... Je prendrais peut-être le
groupe d'âge 16-24 ans à peu près - des fois il y a des
adultes plus vieux, mais, habituellement, c'est ce groupe d'âge
là. C'est vraiment important parce qu'elles sont en période
où l'image d'elles-mêmes est très importante. Elles sont
axées sur les régimes, sur les... il y a plein
d'éléments essentiels au niveau des connaissances qu'on peut
véhiculer pour ces femmes-là. En plus que, sur le marché
du travail, on leur demande, après ça, de travailler en
équipe avec des hommes, avec des femmes, d'être combatives. On
leur reproche souvent de ne pas être combatives, on leur reproche souvent
de ne pas avoir confiance en elles. Je pense qu'en éducation physique on
essaie de développer cette agressivité qui est toujours mal vue
chez une femme, mais qui est nécessaire. Vous jouez dans une
équipe ici, présentement, vous avez des confrères de
travail. Moi, je rêve du jour où il y aura l'égalité
des chances. Les femmes n'ont pas l'égalité des chances. Sur la
structure obligatoire, heureusement qu'elle est là, parce que les filles
pratiquent moins que les gars et elles ont moins de chance de jouer au hockey,
de faire des activités sportives collectives que les gars, ça
c'est vrai aussi. Alors, c'est encore plus important pour elles. En plus, sur
le marché du travail, elles vont avoir à travailler à
temps plein, peut-être être des mères de famille, elles vont
avoir à partager des tâches. Il faut qu'elles soient vraiment
armées, il faut qu'elles soient en forme, il faut qu'elles soient
capables de prendre le temps pour leur qualité de vie.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Une courte
question?
Mme Carrier-Perreault: Oui, très courte.
La Présidente (Mme Hovington): Allez-y.
Mme Carrier-Perreault: Vous parlez des
avantages pour les filles et les femmes - en fait les femmes de cet
âge-là - par rapport à l'intégration en
général. On sait aussi, ça nous a été
soulevé, que les jeunes ont beaucoup de difficultés, en tout cas
éprouvent des difficultés certaines quand ils arrivent au niveau
du collégial. Vous l'avez soulevé un petit peu. J'aimerais que
vous nous en parliez davantage.
Mme Lainez: L'intégration des filles par rapport aux
garçons?
Mme Carrier-Perreault: Oui, et l'intégration aussi dans le
nouveau groupe, les communications, parce que les jeunes, semble-t-il, ne se
rencontrent pas nécessairement régulièrement par rapport
à l'ensemble des étudiants du collège. Ça nous a
été soulevé par le Conseil permanent de la jeunesse qui
avait fait une étude; ça nous a été soulevé
aussi par d'autres groupes ici.
Mme Lainez: C'est évident que dans un cours
d'éducation physique où il y a beaucoup d'échanges,
beaucoup de communications, que souvent la plupart, pour ne pas dire la grande
majorité des cours, sont mixtes, ils sont toujours mis en situation de
coopération, de s'aider puis de communiquer. Quand le gars n'est pas
bien placé - je vais revenir à mon gymnase - s'il n'est pas
à la bonne place puis on joue au volley-ball ensemble et il faut rendre
le ballon de l'autre côté, il faut que je lui dise de se placer,
il faut communiquer, il faut parler. Il faut que les femmes prennent leur place
dans ça. Et je pense que les cours d'éducation physique leur
permettent de réaliser à leur juste valeur que ce n'est pas juste
la force musculaire, il y a d'autre chose aussi qui est important et qu'elles
ont un apport et qu'elles sont capables, dans un contexte éducatif avec
les... Ce qui ne se ferait pas dans des activités libres, parce que
là, ça va être le meilleur, le plus fort qui va tabasser
l'autre; ça ne se ferait pas. Mais, dans un contexte éducatif
où le professeur met des situations et fait comprendre le contexte, il
faut se servir de toutes les forces en présence, nos forces et nos
faiblesses, pour pouvoir réussir à jouer, et c'est important pour
l'intégration. Moi, je trouve ça.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Alors, en
conclusion, Mme la ministre.
Mme Robillard: Oui. Il me reste à remercier les gens de la
Confédération d'être venus échanger avec nous. Je
dois vous dire que je demeure encore perplexe, non pas par rapport aux
objectifs, mais par rapport aux moyens, d'autant plus que quand on a choisi, il
y a 25 ans, d'avoir quatre cours d'éducation physique obligatoires, on
se situait par rapport à des jeunes qui étaient en
continuité scolaire, dans leur cheminement. La réalité
d'aujourd'hui, c'est très, très différent au niveau des
cégeps. La clientèle est beaucoup plus diversifiée - le
retour des adultes aux études - et là, quand on nous demande de
réviser toute la formation générale, ça veut dire
aussi ça. Alors, merci de nous avoir fourni toute cette documentation
pour mieux approfondir le sujet. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Est-ce que vous acceptez de
faire le dépôt officiel de la pétition?
Mme Lainez: Oui. Je ne les nommerai pas, et, en plus, c'est la
pétition des étudiants, qui a été signée par
55 000 étudiants pour conserver les quatre cours obligatoires, qui est
parmi ces documents-là aussi.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, je vois qu'elles
sont originales, en tout cas. Donc, elles sont recevables. Il y a juste une
chose, c'est que les pétitions sont toutes adressées à M.
le Président de la commission de l'éducation.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Hovington): J'espère que vous
passerez le message qu'il peut y avoir des présidentes aussi.
Mme La-nez: Vous voyez que les femmes ont encore beaucoup de
chemin à faire avant d'avoir l'accès à
l'égalité.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup, au nom des
membres de la commission.
J'inviterais maintenant à prendre place immédiatement
l'Association québécoise des professeures et professeurs de
français. S'il vous plaît, veuillez prendre place
immédiatement. S'il vous plaît, je demanderais aux gens de faire
diligence pour quitter la salle, en tout cas, le groupe qui veut quitter la
salle, pour faire place à l'association de français.
Alors, je demanderais un peu de silence en arrière, s'il vous
plaît. Un petit peu de discipline. Je veux souhaiter la bienvenue
à l'Association québécoise des professeures et professeurs
de français, représentée par Mme la présidente,
Colette Baribeau. (12 h 40)
Mme Baribeau (Colette): Bonjour.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour, madame. Vous
voulez nous présenter votre équipe, les gens qui vous
accompagnent?
Association québécoise des professeures
et professeurs de français (AQPF)
Mme Baribeau: Oui, d'accord. Mme la Présidente, mesdames,
messieurs, chers collègues, premièrement, je vous remercie de
nous recevoir
ce matin en commission parlementaire. Nous avons abordé la
question avec beaucoup d'intérêt, l'Association. Je voudrais
d'abord vous présenter ma délégation. À ma gauche,
M. Pierre Marcotte, qui est enseignant, professeur au cégep de Limoilou,
et qui est en même temps vice-président de l'Association. À
ma droite, M. Claude Simard, professeur à l'Université Laval et
qui est le représentant de l'Association pour l'ordre universitaire.
À ma gauche, Mme Louise Cour-ville, qui est enseignante, professeure au
Collège de Sainte-Foy, et M. Christian Morin, qui est professeur aussi
au Collège de Sainte-Foy, et représentant à l'Association
de l'ordre collégial.
La Présidente (Mme Hovington): Bienvenue à la
commission. Vous avez 20 minutes pour nous présenter votre
mémoire. Allez-y, maintenant.
Mme Baribeau: Alors, tout d'abord, je voudrais, en quelques mots,
vous présenter l'Association québécoise des professeurs de
français. C'est une Association qui regroupe des professeurs et des
enseignants de tous les ordres d'enseignement, primaire, secondaire,
collégial, universitaire, aussi l'éducation aux adultes, et le
français langue seconde. Tous ces professeurs sont rassemblés
autour d'un intérêt commun, c'est-à-dire la promotion et le
rayonnement de la langue française et de la culture
québécoise dans le système scolaire.
Nous nous sommes déjà prononcés, comme association,
sur des questions qui touchent le collégial. Entre autres, en 1988, nous
avons rédigé une position suite au rapport du Conseil des
collèges sur la qualité du français au collégial.
En 1990, nous avons présenté un mémoire au Conseil des
collèges sur les cégeps de l'an 2000, et, tout récemment,
en 1992, nous nous sommes prononcés sur le test de français au
collégial.
Alors, peut-être un peu pour vous expliquer la façon dont
nous avons rédigé la position d'aujourd'hui, je pense que c'est
le fruit d'une collaboration soutenue. J'aimerais nommer les gens qui ont
concouru à cette réalisation. Alors, un premier devis a
été élaboré par un groupe de travail composé
du président sortant, M. Michel Thérien, des membres de cette
délégation et des présidents des sections des
régions, entre autres, M. Roger Greiss, du Collège de Shawinigan,
de Mme Claire Duquette, André Laurendeau. Le comité a
rencontré un groupe d'experts composé de Mme Corriveau de
Édouard-Montpetit, de M. Louis Maheux du département de
sociologie, et nous avons discuté avec eux des principaux enjeux et des
questions que soulevait le «rapport». L'avis a été
rédigé, soumis en consultation, revu, corrigé, et c'est la
position que nous vous présentons aujourd'hui.
Dans mon exposé, je vais développer quatre parties, ce qui
suit sensiblement le texte que nous vous avons remis. Dans la première
partie, je vous présenterai la mission de l'ordre collégial. En
deuxième partie, je vous présenterai le contenu et la structure
générale des programmes d'études. En troisième
lieu, la formation et l'emploi. Et, en quatrième lieu, la maîtrise
de la langue. En conclusion, je vous rappellerai brièvement les
principales recommandations qui découlent de notre position, sachant
qu'une période de questions a été prévue pour la
discussion.
Nous avons noté qu'il y a intérêt pour nous à
nous poser la question des collèges parce que ça nous permet, au
terme d'un certain cheminement, de regarder le trajet qui a été
parcouru et d'effectuer des corrections de trajectoire. Nous avons
considéré la mission du collégial sous deux volets. Tout
d'abord, dans un premier temps, pour une formation professionnelle, nous avons
essayé de les tenir jumelés, dans le cadre d'une formation
professionnelle, c'est-à-dire une formation plus poussée, et dans
le cadre d'une formation générale, dans le cadre de la
préparation aux études universitaires.
On constate que l'ajout d'un ordre d'enseignement complexifie la
situation, puis augmente, évidemment pour les élèves,
jeunes ou adultes, les risques d'abandon, d'échec ou de
décrochage. Et c'est dans cet esprit que nous avons envisagé
certaines mesures qui, à notre avis, pourraient contrer ce genre d'effet
de système. Évidemment, l'AQPF ne se reconnaît pas la
compétence pour aborder et examiner toutes les questions qui avaient
été soumises à la consultation.
Dans notre esprit, la mission de l'ordre collégial, je dirais que
ça vise trois grands objectifs. Tout d'abord, la démocratisation
de l'enseignement, la visée du collégial de maintenir en
interaction constante le professionnel et le général et quelque
chose que nous trouvons aussi important, c'est le développement
régional. Alors, nous constatons qu'il est utile, et essentiel
même, de maintenir en interaction la double problématique de
l'enseignement général et professionnel en vue d'une
harmonisation de ces deux univers parce que nous pensons que ces deux mondes
auront a travailler ensemble dans le Québec de l'an 2000.
Cependant, nous ne sommes pas sans constater qu'il y a des
difficultés. Au secteur professionnel, par exemple, nous visons un
enrichissement de la formation, une valorisation de la formation
professionnelle, un rajeunissement des champs de formation. Nous souhaitons
aussi que le professionnel, dans une visée générale, soit
adapté comme formation aux besoins sociaux nouveaux qui émergent,
et qu'il s'agirait probablement de maintenir et d'augmenter le taux de
fréquentation.
Pour nous, la spécificité des études
professionnelles au cégep concerne l'acquisition de certaines
habiletés ou compétences qui dépassent l'acquisition de
techniques. On pense ici à
comprendre les textes, les analyser, s'exprimer avec justesse, tant
à l'oral qu'à l'écrit, à manier avec aisance un
vocabulaire technique, à rédiger des textes, des rapports, et
aussi à coordonner des équipes de travail et à parvenir
à entrer en relation avec les autres.
Le secteur générai prépare aux études
universitaires et, dans ce cadre-là, nous nous interrogeons souvent sur
du dédoublement des cours avec l'ordre universitaire. Nous constatons
aussi que les cégeps constituent pour plusieurs régions des
centres de développement aux plans économique et culturel. Et
c'est dans cet esprit de démocratisation, de visée
générale, de formation générale et de
développement régional que nous nous prononçons pour le
maintien de l'ordre collégial.
Cependant, pour mieux assurer cette mission, il serait peut-être
utile que je vous précise l'esprit dans lequel nous suggérons
d'envisager les modifications. Je suis dans mon «rapport», en bas
de la page 2, j'aimerais peut-être vous lire l'énoncé.
Pour nous, II s'agit, en premier lieu, de contrer certains effets
pervers du système en général; nous pensons ici plus
particulièrement à l'allongement et à l'abandon des
études. Mais, cependant, on ne peut pas discuter de cette question sans
la rattacher à un phénomène social. Nous
considérons que ce problème doit tout d'abord être
envisagé dans sa portée sociale. Il y a, pour nous, un urgent
besoin d'un projet social, d'un projet de carrière pour les
étudiantes et les étudiants, de telle sorte qu'ils puissent
envisager les études comme une voie intéressante, ouvrant vers un
mieux-vivre. Il s'agit, pour tous les intervenants, de revaloriser le
rôle et la place des études dans la vie de nos futurs citoyennes
et citoyens. Nous pensons que le discours social sur l'école doit
changer. Depuis 20 ans, on a entendu des critiques sérieuses - non pas
que nous disions qu'elles n'étaient pas fondées - sur le
système scolaire et qui, parfois, étaient difficiles à
supporter pour les étudiants et les étudiantes, difficiles dans
le cadre d'une implication dans leur vie professionnelle et dans leur vie
scolaire. Nous pourrons y revenir lors de la période des questions. (12
h 50)
En deuxième lieu, la deuxième facette de
l'amélioration de la situation passe, pour nous, par un meilleur
arrimage entre les différents ordres d'enseignement. Je pense que la
question a été soulevée par plusieurs intervenants, qu'il
ne suffit pas de regarder le collégial seulement, mais de l'arrimer au
secondaire, là où il y a de sérieuses questions à
se poser, et aussi à l'université. Je pense que c'est une
perspective dans laquelle on essaie de le regarder.
Nous pensons aussi que les établissements devraient se doter de
projets locaux qui leur permettraient de s'adapter aux contraintes ou aux
défis ou aux enjeux, selon qu'on les voit, de la région dans
laquelle s'inscrivent leurs actions et que, à cet effet, on devrait
viser l'établissement de politiques d'autonomisation. Cependant, pour
nous, tout processus d'autonomisation doit être accompagné de
mesures d'évaluation. On pourra revenir là-dessus.
Ensuite, le contenu et la structure générale des
programmes d'études. Dans l'esprit des propositions du Conseil des
collèges, nous nous rallions à une position de grands volets de
formation, de grands troncs communs avec les composantes que le Conseil des
collèges proposait. Cependant, on tient toutefois à vous
préciser et à souligner la place primordiale que doivent
comporter les études de français, tant dans le volet langue que
dans le volet littérature. Pour nous, la réussite des
études collégiales puis, dans une large mesure, l'entrée
à l'université et la réussite des études
universitaires sont directement reliées à la maîtrise du
français comme outil à la fois de pensée et de
communication. Nous tenons à maintenir les deux en interaction.
Nous pensons aussi que, comme société, nous devons
introduire le concept de culture dans le système scolaire et nous
pensons que, comme société, nous devrions aussi définir un
seuil minimal de culture intégrée et qu'il devrait y avoir
débat, comme aujourd'hui, sur cette question-là.
J'aimerais vous préciser qu'au niveau du contenu des cours,
l'AQPF - je suis à la page 3, en bas de mon mémoire - est d'avis
que l'enseignement de la langue et de la littérature doit conserver une
place privilégiée dans la formation et que cet objectif
fondamental de maîtrise de la langue maternelle doit être poursuivi
par tous les professeurs et toutes les professeures, quel que soit leur champ
de spécialisation, et que ceci demeure l'une des missions fondamentales
de l'ordre collégial.
Nous ajoutons, de plus, que le français qui relève des
concentrations - je pense, par exemple, au secteur professionnel - doit avoir
sa place et être l'objet d'un enseignement soigné. Nous entendons
par français de spécialité, par exemple, le
français des affaires, le français de bureau, le français
langue du commerce. Dans le cadre de la structure des programmes, nous pensons
donc à un tronc commun de quatre cours en langue et littérature
et d'un cours obligatoire de concentration en français de
spécialité.
Nous sommes conscients des défis que pose pour les
élèves jeunes et adultes du collégial la maîtrise de
la langue française et nous pensons que, quelles que soient les
matières qui sont vues, la maîtrise passe par une qualité
de l'encadrement. J'aimerais qu'on revienne là-dessus, dans les
discussions. Et c'est pour ça que nous sommes portés à
demander de convertir une pondération 3-0-3, qui est attribuée
aux cours de français, en 3-2-3 - ici, dans le mémoire, c'est
marqué 3-2-2, ça pourrait être 3-2-3 - tout comme on
le fait pour l'enseignement des mathématiques et de la biologie.
Troisième partie: la relation avec le travail. Je pense qu'au
niveau du professionnel il est évident, pour nous, que le professionnel
doit être en interaction constante avec le milieu des affaires ou le
milieu du travail. Cependant, pour nous, le maître d'oeuvre de la
formation doit demeurer l'institution scolaire en concertation, certes, avec
les entreprises. Nous considérons que les programmes au professionnel
pourraient être perçus ou pourraient être définis
comme un champ de rapports de force et que les négociations doivent se
faire, les besoins doivent s'exprimer, mais que ces besoins-là des
entreprises doivent être retraduits par le système scolaire. Nous
sommes aussi d'avis que les entreprises, c'est leur rôle de favoriser
l'insertion des étudiants et des diplômés à la
culture de leurs entreprises, à ses modes et à ses pratiques
quotidiennes, et ceci, l'institution collégiale ne peut pas le
faire.
Nous pensons aussi qu'il y aurait lieu de revaloriser le rôle et
la place des activités socioculturelles dans la formation globale d'un
cégépien et plus spécifiquement pour ceux du secteur
général. Il est essentiel, pour nous, de prendre en
considération que l'ordre collégial constitue aussi la principale
voie d'accès aux études universitaires qui mènent à
une formation des maîtres au primaire, et ce point est vital pour nous
dans la façon de penser des programmes. La maîtrise de la langue,
pour nous, au-delà du jargon, ça concerne les habiletés
langagières, c'est-à-dire la capacité de s'exprimer avec
clarté à l'oral et à l'écrit, de concevoir,
rédiger des textes cohérents, d'analyser des documents avec
rigueur, et ça, ça s'acquiert par une pratique
régulière et soutenue et ça doit être le fait de
tous les professeurs.
Comme conclusion, nous faisons les recommandations suivantes:
revaloriser le rôle et la place des études dans la vie de nos
jeunes, maintenir l'ordre collégial et assurer son arrimage avec le
secondaire et l'universitaire; que les programmes conservent une visée
générale afin d'assurer à nos jeunes un seuil minimal
intégré de culture, et surtout dans la perspective de la
formation des maîtres au primaire. La place du français: nous
envisageons un tronc commun de quatre cours, un cours de français de
spécialité, et ces objectifs fondamentaux de maîtrise de la
langue doivent être poursuivis par tous. Quant aux mesures de soutien,
nous pensons à des politiques d'autonomisation, à des mesures
d'évaluation qui en découlent, à l'encadrement
nécessaire pour en assurer le suivi. Nous pensons que les institutions,
de plus, devraient se doter de politiques linguistiques, assurer leur suivi et
offrir aux étudiants des mesures d'aide et de soutien. Je vous remercie
beaucoup.
Le Président (m.
hamel): merci, mme baribeau. je
demanderais maintenant à mme la ministre de procéder à la
période de questions et d'échanges. mme la ministre.
Mme Robillard: Merci, M. le Président. Je voudrais saluer
les membres de l'Association québécoise des professeures et
professeurs de français, et féliciter la nouvelle
présidente de cette association-là, Mme Baribeau.
Mme Baribeau: Merci.
Mme Robillard: Je suis tout à fait d'accord avec la prise
de position de l'Association à l'effet que la maîtrise de la
langue, vous dites, est le fait de toutes les disciplines. Je pense qu'on
pourrait dire aussi que la maîtrise de la langue est le fait de tous les
ordres d'enseignement et que la maîtrise de la langue, dans le fond, dans
la vie, elle est toujours à parfaire, même dans notre vie
professionnelle. Je suis heureuse d'autant plus de vous entendre puisque, comme
association, vous couvrez tous les ordres d'enseignement.
Je voudrais, avec vous, Mme Baribeau, regarder de façon encore
plus concrète les propositions que vous nous faites au niveau de
l'enseignement collégial dans la partie formation
générale. Vous nous dites que vous seriez d'accord avec une
organisation des études qui va privilégier un tronc commun, donc,
de quatre cours en langue et en littérature et d'un cours obligatoire de
concentration en français de spécialité. Prenons d'abord
le tronc commun des quatre cours de langue et de littérature. Est-ce
que, selon vous, il y a des objectifs différents à regarder de
ceux que nous avons à l'heure actuelle, les objectifs dans le bloc
langue et littérature, le partage entre langue et littérature, ou
tout autre objectif? Est-ce que vous avez fait une réflexion sur les
objectifs des cours dans le tronc commun?
Mme Baribeau: Nous avons effectivement discuté de cette
question-là et nous avons envisagé la réponse dans le
cadre d'un seuil minimal intégré de culture. Ce qu'on veut dire
par là, c'est qu'il y a une diversité de programmes, il y a une
diversité de contenus, et nous pensons qu'il devrait y avoir avantage
à avoir des débats sur ce qui devrait être le minimal qu'un
cégépien devrait pouvoir connaître au terme de ses
études en littérature, disons dans ce qui est l'héritage
culturel, et sur ce qui y est inclus dans les travaux. Je ne sais pas si vous
voulez poser une autre question, je pense qu'il y a des professeurs ici, de
cégep, qui pourraient vous répondre aussi.
Mme Robillard: Oui, allez plus loin dans votre idée
où vous êtes ailés.
Mme Baribeau: J'aimerais ça peut-être passer la
parole à Mme Coutville. (13 heures)
Mme Courville (Louise): À propos de langue et
littérature, il faut voir, dans un premier temps, que, toujours par
rapport à ce seuil minimal intégré de culture, il faudrait
donc, c'est ce que ça veut dire, que les étudiants et les
étudiantes aient un minimum de culture, d'une part, et que, d'autre
part, ils puissent rester ensemble (c'est-à-dire secteur technique,
secteur professionnel et secteur général) en termes de saine
émulation et en termes de diversité.
D'autre part, relativement à la question de langue et
littérature, nous concevons l'enseignement du français comme la
littérature, d'une part, et, d'autre part, dans son autre volet, la
langue, c'est-à-dire la maîtrise de l'orthographe, des
règles de grammaire, etc. Pour nous, c'est ensemble, ce tronc commun, et
ça doit rester offert à l'ensemble des étudiants.
Mme Robillard: Mme Courville, est-ce que nous changeons quelque
chose par rapport aux objectifs actuels que nous avons à l'ordre
collégial dans les cours actuels de langue et de littérature?
Nous en avons des objectifs présentement. Est-ce que vous nous
suggérez de les changer? Si oui, lesquels?
Mme Courville: Nous ne suggérons pas de les changer. Nous
suggérons de les préciser...
Mme Robillard: Ah!
Mme Courville: ...et d'arriver à déterminer quels
sont les objectifs terminaux de chacun des cours, de chacun des programmes,
etc.
Mme Robillard: De préciser davantage. Mme Courville:
Tout à fait.
Mme Baribeau: Aussi, peut-être dans notre esprit, nous
allions jusqu'à déterminer un corpus à l'intérieur
duquel les choix devraient être faits, les choix d'oeuvres. Il faudrait
que notre société s'entende pour qu'on dise: Bien, au
Québec, voici les composantes essentielles de la formation d'un
collégien, les oeuvres essentielles qui devraient être lues.
Évidemment, il y a un corpus très large, un peu comme,
présentement, le ministère de l'Éducation le fait pour
l'ordre primaire et l'ordre secondaire. Je pense qu'il le fait. Il le fait en
concertation avec un nombre d'intervenants spécialistes dans le domaine.
Mais je pense qu'il pourrait y avoir un consensus. Ça ne veut pas dire
qu'on ne peut pas en déborder, mais ça veut dire qu'il y a un
seuil minimal qu'on pourrait assurer pour nos collégiens.
Mme Robillard: Êtes-vous prêts, Mme Baribeau, comme
association, à nous déposer une proposition dans ce
sens-là?
Mme Baribeau: Tout de suite... Ha, ha, ha! Des voix: Ha, ha,
ha!
Mme Baribeau: Moi, je pense que c'est une question qui serait
très intéressante à être élaborée par
un ensemble d'intervenants. On le fait présentement pour l'ordre
secondaire. On est en train de le faire en concertation avec plusieurs
intervenants pour l'ordre secondaire. Ça va susciter des débats,
c'est évident pour nous, mais ça ne veut pas dire, parce que
c'est un défi, qu'on n'a pas comme société à le
regarder et à essayer de l'aborder, à faire du chemin sur cette
question.
Nous pensons qu'il y a lieu aussi de prendre en compte qu'il y a
maintenant différentes littératures. Certes, il y a la
littérature québécoise. Ça, ce sont des enjeux, je
le réalise. Il y a la littérature québécoise, la
littérature française, la littérature française qui
s'écrit ailleurs, en Afrique ou dans les Antilles, et il y a aussi la
littérature en traduction. Et ce sont des débats qu'on devrait
avoir entre professeurs pour proposer, effectivement, un seuil minimal.
Mme Robillard: Maintenant, si j'en viens à votre
proposition d'avoir un cours de spécialité adapté aux
programmes, est-ce que vous pourriez me préciser quels seraient les
objectifs de ce cours de spécialité qui est adapté
à un programme? Et est-ce que je dois comprendre qu'il doit y avoir un
tel cours dans chacun des programmes du secteur technique?
Mme Baribeau: II serait intéressant pour nous que les
élèves jeunes ou adultes aient... Peut-être, tous les
langages ne sont pas complément élaborés, mais je pense
qu'il y a beaucoup de domaines, particulièrement les affaires, le
bureau, qui ont un vocabulaire spécialisé qui a fait l'objet, par
beaucoup de publications de l'Office de la langue, de travaux de recherche, de
travaux de terminologie. Et les jeunes devraient maîtriser non seulement
le vocabulaire, mais l'organisation de textes, de rapports, enfin, un ensemble
de travaux sur la langue et avec la langue qu'ils auront à accomplir
dans l'exercice de leur travail. M. Morin s'est peut-être plus
penché sur la question, il pourrait vous répondre.
M. Morin (Christian): Oui. J'ajouterai que nous croyons que la
maîtrise de la langue est importante en général - c'est ce
que visent les cours obligatoires de français - mais que, dans les
différents secteurs, il y ait valorisation de l'usage du terme technique
français, ce qui n'est pas toujours le cas, comme on le sait. Donc, on
doit mettre l'accent sur cet aspect. Et je répondrai non à votre
deuxième question. C'est-à-dire que, selon les secteurs,
évidemment, il n'est
peut-être pas toujours nécessaire qu'il y ait un cours de
français de spécialité, mais avec les exemples qu'on a
donnés tout à l'heure, dans certains secteurs comme en affaires,
il y en a qui existe déjà dans les techniques de bureau. On sait
que c'est nécessaire, c'est utile, de façon très
pratique.
Le Président (M. Hamel): Merci, M. Morin. Je reconnais
maintenant le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui. Je voudrais vous remercier d'être
là. Compte tenu qu'il y a tellement de jugements qui se sont
portés, adéquatement ou inadéquatement, sur la
qualité de la langue française, c'est utile que nous puissions
profiter de votre expérience, d'autant plus que vous représentez,
comme ça a été dit, les trois ordres d'enseignement. Je
vous remercie également pour votre contribution, parce que vous ne vous
en êtes pas tenus strictement au volet de faire des suggestions sur ce
qui semble requis par tous, une meilleure connaissance et un meilleur
apprentissage de la langue française. Vous avez également
donné quelques indications sur d'autres aspects et d'autres questions
qui ont été touchés ou qui le seront au cours de nos
débats. Ça, je pense que c'est une contribution
additionnelle.
Moi, je vais essayer très simplement d'échanger un peu
avec vous, parce que même si vous reconnaissez, et jamais, moi... Je
connais beaucoup de professeurs. Je viens de ce milieu-là. Il ne faut
pas voir, quand on critique des choses, un niveau de responsabilité
exclusif. Moi, je prétends qu'une meilleure qualité de la langue
française tout court, là, c'est un problème de
société et il faut que le Québec décide, partout,
d'y mettre l'effort requis pour qu'on soit tous, les uns les autres, plus
responsables vis-à-vis de cette problématique particulière
qui nous concerne. Donc, ce n'est pas nécessairement les professeurs de
français qu'on veut critiquer, mais vous êtes souvent les mieux
habilités pour porter des diagnostics plus serrés sur les causes,
sur la responsabilité.
Alors, je vous donne un exemple. Vous disiez, tantôt: On oublie,
parfois, que les professeurs ont pu, eux, constater une immense
amélioration. Vous disiez que c'était intéressant, pour
vous, de voir surgir des jeunes professionnels. Donc, on s'est
amélioré. Vous avez raison. Ça, on ne met pas ça en
doute. Mais, puisque le constat général est qu'il reste du chemin
comme ce n'est pas possible, alors, on va regarder rapidement des cas concrets.
Vous êtes une association de professeurs de français: secondaire,
collégial, universitaire. À sept ou huit reprises, avec raison,
dans votre mémoire, vous traduisez toujours une plus grande
nécessité d'harmoniser entre les deux ordres. Vous avez raison.
Vous l'êtes, harmonisés, vous autres. C'est quoi,
concrètement, que vous avez fait, comme association, entre les profs de
français du secondaire et les profs de français du
collégial pour que les arrimages soient concrets plutôt que de
conseiller à l'État, et il n'y a pas de blâme: Vous devriez
harmoniser mieux? Vous avez raison, mais il y a un bout que vous êtes
capable de contrôler vous-mêmes. Qu'est-ce que vous avez fait sur
ce bout-là?
Mme Baribeau: Je pense que nous avons décidé de
travailler ensemble sur des questions pratiques et, en travaillant ensemble,
nous sommes parvenus à nous comprendre. L'AQPF a toujours vu que cette
espèce d'harmonisation ne se faisait que dans l'action et dans des
projets communs. C'est ça peut-être que sous-tend notre
mémoire. Nous désirerions que, comme objectif fondamental, on
redonne aux personnes qui doivent faire le travail la responsabilité de
le faire, de bien le faire, assortie de mesures pour évaluer leur
travail. Mais même si on décide de grandes orientations, qu'on
pose, qu'on fixe des objectifs pour les étudiants, il reste quand
même que là où ça se fait, c'est dans
l'école, dans la salle de classe, les profs entre eux. Souvent, on a une
tendance à créer une structure pour résoudre des
problèmes au lieu de l'envisager de son point de vue pédagogique.
Je pense que nous sommes des pédagogues ensemble. On n'a qu'un souci
tous les matins. On est devant un groupe d'enfants, un groupe
d'élèves, qui de 6 ans, qui de 22 ans, et nous tenons à
leur donner la fierté de parler en français, de travailler en
français et de travailler, pour ma part, puisque j'enseigne à
l'université, avec des enfants en français, de leur donner le
goût de parler français. (13 h 10)
Donc, c'est à partir des personnes qui le font qu'on devrait
commencer à construire et à bâtir des projets qui
ressemblent à ce que ces personnes-là veulent et je pense que,
dans notre association en tout cas, la plupart des professeurs sont
intéressés à travailler à l'amélioration de
la langue. Je pense qu'ils veulent se donner des projets, ils veulent se donner
des objectifs, ils veulent accepter des mandats. Moi, je pense que la question
de la langue est une question touchante pour tout le monde. Elle est
jugée cruciale.
M. Gendron: Non, j'en conviens, mais, regardez, est-ce que vous
convenez avec moi que, il me semble en tout cas, depuis plusieurs années
on déplore l'état lamentable de l'expression de la langue
française, de la capacité de l'écrire au niveau
secondaire? Vous êtes une association qui représente des
professeurs de français, collégial, secondaire, ainsi de suite.
Vous vivez, bien sûr, des réflexions conjointes. Vous avez
tenté de vous harmoniser. Comment vous expliquez... Moi, je le dis comme
je vais le dire. Si vous croyez que c'est erroné vous me corrigerez. Je
prétends qu'au secondaire il y a
vraiment une régression actuellement. J'ai même trois
enfants, mol, dont deux au collégial actuellement, et je ne vois pas
pourquoi ils seraient pires que les autres. Mais l'état de leur
expression en français ne me démontre pas qu'il y a
énormément de progrès. Vous l'attribuez à quoi?
C'est les programmes qui sont inadéquats? Qu'est-ce qui fait que,
concrètement, on a tant de difficultés à ce que nos jeunes
aient une meilleure maîtrise de la langue française, tout autant
dans la langue écrite que dans la langue parlée? C'est quoi le
problème le plus précis? Les programmes? Il n'y en a pas assez?
Il y en a trop? Vous avez une bonne suggestion quand vous dites que ce n'est
pas un problème uniquement des profs de français, que ça
devrait être tous les profs d'une institution. Vous avez raison. À
quel endroit l'on met les accents les plus pointus?
Mme Baribeau: II y a deux personnes de ma
délégation qui me disent qu'elles voudraient beaucoup intervenir,
M. Marcotte et M. Simard. Alors, je vais leur donner la parole, même si
j'ai moi-même des idées.
M. Marcotte (Pierre): Pour répondre à votre
question, je serai bref. C'est que les étudiants et les
étudiantes qui nous arrivent au collégial ont une formation assez
disparate. Par exemple, un étudiant peut avoir son diplôme
d'études secondaires avec 130 unités et d'autres qui nous
arrivent ont 180 unités. C'est l'équivalent pratiquement d'une
année de scolarité de différence. Or, c'est un
problème que nous rencontrons. S'il y avait une certaine
uniformité, si les élèves du secondaire nous arrivaient
avec une formation assez semblable, nous aurions beaucoup moins de
problèmes. Ça, c'en est un problème que nous avons.
M. Gendron: Bien, en tout cas, ça doit, parce qu'il nous a
constamment, constamment été rappelé. Donc, il y a
sûrement de quoi là.
M. Marcotte: Donc, il faudra peut-être avoir un seuil
d'entrée au cégep qui soit plus uniforme. Entre 130 unités
et 180, la différence est énorme. M. Simard?
Une voix: M. Simard.
M. Simard (Claude): Oui. M. le député a
soulevé une question très importante, mais je pense qu'on ne peut
pas dire comme ça que nos jeunes ne maîtrisent pas parfaitement le
français. Il y a certains jeunes qui maîtrisent bien le
français, et on le voit a l'université. Il reste qu'on pourrait
faire mieux et tout le monde s'entend là-dessus. Il ne faut pas trop
dévaloriser nos jeunes. Il ne faudrait pas avoir un discours alarmiste
vis-à-vis de nos jeunes. Il faut leur dire: Oui, vous avez des
possibilités, oui, vous nous permettez d'avancer, mais, oui, vous pouvez
aussi vous améliorer. Je pense qu'il faut faire très attention,
surtout quand on a une position sociale comme la vôtre, à ne pas
dévaloriser notre jeunesse. On est en train de dire à nos jeunes:
Vous ne savez rien, vous n'avez pas de culture, vous ne savez pas vous
exprimer, alors que, moi, je nuancerais beaucoup.
C'est vrai qu'il y a un problème, mais c'est d'abord un
problème social. On parie beaucoup, au Québec, de la
qualité de la langue. Mais est-ce que cette qualité est
valorisée partout? Est-ce qu'elle est valorisée au sein de notre
Assemblée nationale? Est-ce qu'elle est valorisée au sein de nos
groupes sociaux, de nos classes sociales? Est-ce qu'elle est valorisée
dans les médias? Regardez, écoutez les gens parier. Est-ce qu'on
peut parier officiellement d'une langue de qualité au Québec? Eh
bien, cette langue qui est celle de toute la société, c'est celle
aussi de nos jeunes. Il ne faut jamais l'oublier. La langue que les jeunes
parient, c'est la langue qu'ils entendent, qu'ils ont apprise de leur
milieu.
Il y a, bien sûr, des problèmes qui sont liés
à l'éducation, au système scolaire. Je voudrais ici
signaler qu'on parie beaucoup des programmes du secondaire. On les critique
beaucoup, mais n'empêche que ces programmes-là, quand on les
comprend bien, sont très bien construits. On peut les améliorer,
on peut les préciser, mais il reste qu'il s'agit de programmes
novateurs. Je ne pense pas que le problème soit du côté des
programmes. Je pense qu'au secondaire le problème, avant tout, est du
côté des conditions de travail des enseignants.
Et le problème se pose aussi à l'ordre collégial.
Vous ne pouvez pas enseigner à quelqu'un à bien écrire si
vous ne lui permettez pas d'écrire régulièrement, et si
vous ne pouvez pas l'aider individuellement... Les professeurs de cégep
essaient, autant que possible, de faire écrire nos jeunes, mais pensez
à la tâche énorme qu'ils ont lorsqu'ils font écrire
leurs étudiants, leurs étudiantes dans la classe. Ils en ont 130,
n'est-ce pas? 160. Imaginez ce que ça représente comme
tâche de correction et d'évaluation. Et c'est pour ça qu'on
veut - et c'a été une des recommandations importantes de notre
association - que les cours de français soient reconnus non plus
uniquement comme des cours magistraux, des cours de théorie, mais aussi
des cours ateliers. Il faut permettre à nos jeunes d'écrire au
collège et d'être suivis de façon plus rigoureuse, de
façon plus articulée, de façon plus structurée.
Vous savez, on peut les faire écrire, mais, si on n'intervient pas sur
les textes des élèves, si on ne les aide pas à se corriger
et à voir leurs erreurs, si on ne leur donne pas des habitudes de
rédaction, ça ne sert à rien de les faire écrire,
ils ne peuvent pas avancer.
Et, dans les conditions actuelles, le grand problème, notamment
en ce qui concerne le français écrit, c'est la part
réduite de l'écriture
en français, mais aussi dans les autres disciplines, en histoire,
en géographie et en sciences. Il faudrait que l'écriture soit
considérée comme le moyen privilégié des
études. Quand je parle d'écriture, je ne veux pas parler des
questionnaires à trous, ce n'est pas ça de l'écriture.
Vous savez qu'en sciences bon nombre de nos étudiants ne font que
remplir des tests, des tests complètement, des tests objectifs. Il faut
que récriture soit partout présente, en sciences - je le
répète - en sciences humaines et en français, et là
vous allez voir vraiment une nette amélioration de l'expression
écrite, de la capacité de synthèse et d'analyse.
M. Gendron: Je suis d'accord mais, rapidement, je veux dire, ce
n'est pas question que je n'ai pas confiance en la jeunesse...
M. Simard: Bien, c'est souvent ce qu'on entend, M. le
député.
M. Gendron: Non, mais, écoutez, en tout cas, ça
dépend des porte-parole. Moi, j'ai sincèrement confiance en la
jeunesse, cependant, il y a des réalités qu'on ne peut pas
masquer. Or, tous ceux qui ont eu à apprécier, parmi cette
extraordinaire jeunesse qui a beaucoup de détermination, sur une
série d'éléments que je n'ai pas le temps
d'évoquer, ont constaté également qu'ils semblent un peu
prouver, si vous me permettez l'expression, que la qualité du
français est largement déficiente. Donc, il faut la regarder
d'une façon plus concrète, puisque c'est une
réalité qu'on a. Puis ce n'est pas d'être négatif
envers nos jeunes de dire que... Parce que, écoutez, vous ne
m'apprendrez pas que... Avec la télévision, le
phénomène de la vidéocassette, d'américanisation,
nos jeunes, quand est-ce qu'on les voit devant un livre? Je ne dis pas qu'il
n'y en a pas qui lisent, je trouve qu'ils ne lisent pas assez.
M. Simard: II faudrait se demander si nos adultes lisent,
ici.
M. Gendron: Oui, mais là, écoutez, est-ce que ce
n'est pas un peu à l'école puis au collège qu'on
l'apprend, le français?
M. Simard: Oui, bien sûr.
M. Gendron: Alors, même si je voulais régler le
problème des adultes, je le souhaiterais, mais il y a un petit
problème. Ils sont passés à l'école, eux autres.
Puis il y en a un peu qui y retournent, justement, parce qu'ils se rendent
compte des mêmes faiblesses qu'ont nos jeunes.
Mais si on veut regarder vraiment la problématique de
l'amélioration de la qualité du français parlé et
écrit et qu'on a l'occasion d'avoir des professeurs de l'Association
québécoise des professeures et professeurs de français de
ces trois ordres d'enseignement, je pense qu'il y a lieu d'essayer de voir
quels moyens on met en place pour faire plus d'efforts.
Vous avez dit: II faudrait harmoniser. J'en ai parlé. Vous avez
dit: Ce n'est pas un problème uniquement des profs de français,
c'est un problème de société dans toutes les
matières. Bon. Regardons cet aspect-là. Qu'est-ce qui fait qu'on
n'a pas réussi... puis c'est vous-même qui le recommandiez en
disant, tantôt: Au niveau du contenu des cours, l'Association
québécoise est d'avis que l'enseignement de la langue et de la
littérature doit conserver une place privilégiée dans la
formation et que cet objectif fondamental de maîtrise de la langue
maternelle doit être poursuivi par tous les professeurs et professeures -
parce qu'il y avait le masculin et le féminin - quel que soit leur champ
de spécialisation.
Qu'est-ce qui a fait... C'est quoi, l'empêchement que ce soit une
réalité plus grande? Moi, je ne sens pas que c'est une
réalité, au moment où on se parle. Nous, au secondaire...
parce que je l'entends de certains profs qui disent: écoutez, je suis un
professeur de chimie, je suis un professeur de biologie, puis je ne m'occupe
pas du français. Je ne suis pas d'accord avec cette attitude. Sans vous
blâmer, compte tenu de la crédibilité que vous avez, comme
association, est-ce que vous pourriez faire plus pour que, dorénavant,
il n'y ait plus de profs qui aient ce genre de raisonnement?
Le Président (M. Hamel): Mme Baribeau. (13 h 20)
Mme Baribeau: Oui, j'aimerais souligner un aspect, par exemple,
qui pourrait être intéressant à considérer. C'est
que, dans plusieurs cas, les formations de maître qui ont
été dispensées à ces professeurs sont uniquement
des formations de spécialité. Alors, un professeur, pour
enseigner au secondaire, a des cours de spécialité dans son bac
majoritairement, et au collégial il n'a que des cours de
spécialité, et il n'y a pas de cours de formation des
maîtres non plus, de formation à la maîtrise de la langue
française dans les cours de formation des maîtres. On l'a au
primaire, dans les programmes de formation des maîtres. Alors, c'est
sûr que les professeurs qui sont présentement dans les
écoles secondaires et au collégial n'ont pas eu de formation dans
ce sens-là. Je veux dire, ils ont eu une formation de
spécialité et, dans plusieurs cas très poussés, ils
ont des bacs dans leur spécialité. Donc, voici peut-être un
élément de réponse. Ça demande des habiletés
pour être capable d'intervenir en maintenant en interaction la
spécialité et la langue, et ça demande une
compétence que les professeurs ont à acquérir.
M. Gendron: Je vous remercie.
Le Président (M. Hamel): Merci, Mme
Baribeau. Je reconnais maintenant le député de Verdun.
M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je dois dire que
j'aime beaucoup votre mémoire et votre intervention sur l'importance de
l'écrit. Sur le plan anecdotique, je suis, dans mes loisirs, professeur
d'université, mais je suis un scientifique et un mathématicien.
J'ai remarqué la faiblesse, à l'heure actuelle, des
étudiants qui nous viennent des cégeps, et sur la question de la
culture générale et sur la question de la langue écrite,
la faiblesse des étudiants scientifiques - je ne peux pas le dire des
autres - sur la langue écrite, lorsqu'ils arrivent au niveau de la
maîtrise, par exemple, les difficultés qu'on a avec des
étudiants compétents pour devoir écrire, parce qu'ils sont
là confrontés, à l'obligation d'écrire,
d'écrire des textes de maîtrise, même si, sur le plan du
contenu scientifique, ils sont tout à fait compétents. Donc, moi,
j'ai aimé votre intervention, en lisant sur le... au moment où
vous citez l'importance de retourner à l'écrit, l'importance de
l'écrit au niveau du cégep et peut-être même au
niveau du secondaire.
Dans votre mémoire, ce qui m'a le plus frappé a
été, à la page 3, l'avant-dernier paragraphe lorsque vous
avez parlé d'un seuil minimal intégré de culture. Je dois
dire que, pour recevoir des étudiants en scientifique, je suis
frappé aussi par l'absence de culture alors que, justement, ce serait au
moment où ils entrent à l'université qu'ils devraient
avoir le plus de culture non scientifique parce que c'est la seule place
où ils pourraient l'avoir. Moi, j'aimerais vous entendre, quoique vous
ayez déjà un peu répondu, sur ce que vous voyez comme
seuil minimal de culture et surtout j'aimerais voir la distinction que vous
faites entre littérature et enseignement du français. Parce qu'il
y a deux éléments. Vous avez voulu identifier les deux. Je ne
suis pas sûr que c'est identifiable. Est-ce que réellement, pour
vous, vous ne faites pas de distinction entre la connaissance de la
littérature, qui fait partie de la culture universelle, et
l'enseignement plus technique d'apprendre à écrire? J'aimerais
vous entendre sur ces questions-là.
Mme Baribeau: J'aimerais peut-être donner la parole au
vice-président, qui est un professeur de collège, et ensuite
à M. Simard.
M. Marcotte: Pour nous, l'enseignement de la littérature
est essentiel au niveau collégial.
M. Gautrin: Je dirais pour moi aussi.
M. Marcotte: Oui, oui. Donc, lorsque nous parlons de quatre cours
de langue et littérature, nous tenons à ce que la
prépondérance soit accordée à la littérature
parce que la littérature, c'est l'ouverture au monde. De plus en plus,
les entreprises, par exemple, cherchent des gens qui sont polyvalents et je
crois que la littérature donne la polyvalence, permet l'esprit de
synthèse, la créativité. Donc, nous tenons beaucoup
à ça.
Au sujet de la langue, heureusement, il y a une mesure qui existe
actuellement. C'est ce qu'on appelle les cours de mise à niveau.
Maintenant, c'est possible d'imposer à des étudiants qui sont
faibles en français écrit un test de français
écrit, de grammaire, parce que, nous, nous sommes toujours
opposés à ce qu'on enlève un cours de littérature
pour le remplacer par un cours de français écrit. Les
élèves qui sont faibles en ont besoin de plus et non pas de
moins. Alors, nous faisons vraiment la distinction entre ces deux.
Je crois aussi que ce problème... Vous parlez qu'ils manquent de
culture, mais je reviens au premier paragraphe de la page 3. Lorsque, pour un
étudiant, c'est plus valorisant de dire qu'il travaille chez McDonald
que de dire qu'il est étudiant à l'université ou au
cégep, on se pose des questions. Lorsque l'ancien rédacteur du
Devoir, Paul-André Comeau, est allé à l'Université
de Montréal pour promouvoir Le Devoir, il s'est fait dire que son
journal était trop intellectuel. On se pose des questions sur la place
de la culture. Et tant qu'on ne valorisera pas la culture... On l'a fait il y a
quelques années pour les entrepreneurs. On prenait l'exemple de la
Beauce, et là on a valorisé les entrepreneurs, les hommes
d'affaires. Pourquoi ne pas le faire aussi pour la culture? Nos jeunes
devraient être fiers de dire: Moi, je suis étudiant au
collège, je suis étudiant à l'université. Ce sont
des études supérieures. Et je crois que l'État et la
société ont un effort à faire pour valoriser. Lorsqu'on
réduit un peu partout, lorsqu'il y a des réductions
budgétaires, bien, c'est toujours la culture qui en subit les
premières conséquences.
Donc, je pense que notre tâche est de valoriser la culture, mais
si la société ne le fait pas? Je lisais cette semaine, je crois,
un article de Pierre Foglia: Lorsque vous avez des gens qui sont heureux
d'être ignorants au niveau culturel, l'ignorance triomphante... Donc, il
y a un problème. Nous faisons notre effort en classe, mais il faudra que
la société aussi mette la main à la roue.
Le Président (M. Hamel): Brièvement, M. Simard,
s'il vous plaît.
M. Simard: Mais très brièvement. Je pense qu'il ne
faut pas opposer enseignement de la langue et enseignement de la
littérature. Mon collègue vient de parler des cours de mise
à niveau, li s'agit vraiment d'une compétence minimale, vous
savez, la compétence qui concerne la connaissance de l'orthographe, la
connaissance de l'orthographe grammaticale, la ponctuation,
c'est-à-dire le b.a.-ba de l'écriture, les aspects les
plus techniques. Mais, quand on aborde la langue dans une perspective beaucoup
plus générale, on constate que la littérature est
peut-être la voie privilégiée pour le développement
des habiletés langagières supérieures, c'est-à-dire
l'organisation de la pensée, l'expression de la pensée,
l'enrichissement du vocabulaire, la variété des structures
syntaxiques, et j'en passe. Je pense que, dans un cours de littérature,
on peut très facilement, très, très facilement
développer une très bonne compétence linguistique.
M. Gautrin: Je partage assez facilement votre point de vue. J'ai
toujours tendance à dire: Pour faire un bon mathématicien, vous
devez bien connaître la poésie.
M. Simard: Ah! Tout à fait. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Hamel): Merci. Mme la ministre, s'il vous
plaît, si vous voulez conclure.
Mme Robillard: Oui. Mme Baribeau, je tiens à vous
remercier, vous et les membres de votre association, d'être venus
partager avec nous, et je tiens à vous dire combien
j'apprécierais, si vous avez des suggestions à faire sur la
précision des objectifs de cours de langue et de littérature dans
le tronc commun, de les recevoir. Merci, Mme Baribeau.
Mme Baribeau: Bien, nous sommes toujours d'accord pour travailler
dans le cadre de la promotion du français. Je pense que vous pouvez
être assurée de notre aide.
Mme Robillard: Merci.
Le Président (M. Hamel): Je vous remercie, et la
commission de l'éducation ajourne ses travaux à mardi, le 17
novembre, à 9 h 30.
(Fin de la séance à 13 h 28)