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(Neuf heures trente-deux minutes)
La Présidente (Mme Hovington): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je déclare la séance ouverte. La commission de
l'éducation va reprendre ses travaux. Je rappelle le mandat de la
commission qui est de procéder à des auditions publiques sur
l'enseignement collégial québécois. M. le
secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M.
Gobé (LaFontaine) est remplacé par M. Maltais (Saguenay) et M.
Parent (Sauvé) par M. Doyon (Louis-Hébert).
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Alors, nous
commençons, ce matin, par l'Université du Québec, à
9 h 30; à 10 h 30, nous aurons la Philosophie au collège;
à 11 h 30, le Collège de la région de l'Amiante; à
12 h 30, suspension jusqu'à 14 heures.
À 14 heures, nous reprendrons avec la Centrale de l'enseignement
du Québec et la Fédération des professionnelles et
professionnels des collèges et des universités; à 15 h 30,
l'Institut canadien d'éducation des adultes; a 16 h 30, le cégep
de la gaspésie et des îles; à 17 h 30, l'association des
professeurs de sciences du québec; à 18 h 30, suspension
jusqu'à 20 heures pour reprendre avec l'association des cadres scolaires
du québec; à 21 heures, la corporation professionnelle des
conseillers en relations industrielles du québec et, à 22 heures,
ajournement.
Université du Québec
Alors, nous avons comme invités ce matin donc,
l'Université du Québec, avec son président, M. Claude
Hamel. Bonjour, M. Hamel. Vous êtes le porte-parole, j'imagine, de
l'Université du Québec ce matin?
M. Hamel (Claude): Oui.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, bonjour et bienvenue
à la commission de l'éducation. Voulez-vous nous présenter
vos compagnons? Parce que je vois que les compagnes sont rares. Alors, c'est
des compagnons ce matin.
M. Hamel (Claude): Oui. Merci, Mme la Présidente. À
mon extrême gauche, M. Jacques L'Écuyer, vice-président
à l'enseignement et la recherche à l'Université du
Québec; à ma gauche, M. Guy Massicotte, vice-président
à la planification; à ma droite immédiate, M. Jacques
Parent, recteur de l'Université du Québec à
Trois-Rivières, et, à mon extrême droite, M. Robert
Papineau, qui est le directeur général de l'École de
technologie supérieure, établissement membre du réseau de
l'Université du Québec.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour et bienvenue
à la commission de l'éducation. Alors, vous avez, M. le
président, 20 minutes pour faire part aux membres de la commission de
votre mémoire. Allez-y maintenant.
M. Hamel (Claude): Merci, madame. L'Université du
Québec ne pouvait évidemment pas rester à l'écart
des travaux de votre commission parlementaire sur l'enseignement
collégial. Issue, comme les cégeps, de la Révolution
tranquille, elle partage avec eux le même souci de la
démocratisation de l'accès au savoir et le défi d'une
formation pertinente et de qualité bien intégrée aux
besoins de la société québécoise.
Implantée comme les cégeps dans toutes les régions
du Québec, notre université est sensible aux mêmes courants
de pensée qui animent la société québécoise
puisqu'elle puise aux mêmes racines qu'eux une bonne partie de ses
motivations et de ses raisons d'être. Cette complicité objective a
donné lieu à des collaborations effectives, mais peut-être
pas aussi étroites et nombreuses que l'on aurait pu souhaiter. C'est
là, pour elle, une raison supplémentaire de venir exprimer sa
vision de l'enseignement collégial en établissant ce qui lui
paraît être les conditions nécessaires à l'exercice
d'une meilleure synergie entre le collège et l'université,
synergie tout à fait indispensable à l'atteinte des objectifs de
démocratisation, de pertinence et de qualité de la formation
postsecondaire.
L'Université du Québec avait soumis un mémoire lors
de la consultation effectuée par le Conseil des collèges. Elle
avait alors insisté sur certains thèmes, dont celui de la
formation fondamentale et de l'arrimage collège-université par le
mode de l'approche par programme. Notre mémoire à votre
commission reprend ces thèmes en étendant celui de la formation
fondamentale à la problématique de la qualité de la
formation collégiale et en réitérant la
nécessité de promouvoir une meilleure synergie entre les
collèges et les universités par des collaborations
institutionnelles, mais surtout par des collaborations pédagogiques
entre les premiers responsables de l'enseignement de l'un et l'autre
palier.
Plusieurs établissements de notre réseau ont
également soumis des mémoires à votre commission, y
exprimant des points de vue plus spécifiques qui découlent de
leur vocation propre ou de leur localisation. Il s'agit, notamment, de
l'Uni-
versité du Québec à Montréal, qui a soumis
un mémoire; de l'Université du Québec à
Trois-Rivières dont le recteur, M. Parent, est présent; de
l'Université du Québec à Chicoutimi; de
l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue et de
l'École de technologie supérieure, et M. Papineau est là
également.
D'entrée de jeu, l'Université du Québec veut
réaffirmer sa foi dans les collèges en soulignant leur apport
à la démocratisation de l'enseignement et au développement
régional. Les cégeps constituent, en effet, un puissant
instrument de développement collectif. Ils ont tout d'abord fait leur
preuve en stimulant la scolarisation de la population québécoise,
notamment dans les régions, et ce, tout autant dans le secteur
professionnel qu'au secteur général. Ainsi, le marché du
travail a été capable de trouver, au moins en partie, la
main-d'oeuvre nécessaire à la croissance économique qu'a
connue le Québec au cours de ces années, et les
universités ont accueilli une bonne partie des diplômés du
secteur général des collèges, ce qui leur a permis de
pousser encore plus loin la scolarisation de la population
québécoise.
Les cégeps ont eu deux autres effets bénéfiques
pour le Québec. D'une part, leur implantation régionale a permis
non seulement d'aider à stabiliser la population dans les régions
menacées de dépopulation, mais a permis aussi, dans bien des cas,
de fournir un point d'appui à des activités de relance
économique. D'autre part, les écoles et les centres
spécialisés ont contribué à soutenir des secteurs
d'activité importants pour l'économie québécoise.
Grâce aux cégeps, les milieux locaux et régionaux ont pu
accroître la scolarisation de leur population, conserver plus longtemps
les jeunes sur place et améliorer ainsi les chances de les voir
s'implanter définitivement dans leurs régions d'origine.
Grâce à l'éducation permanente, les régions se sont
également donné la possibilité de perfectionner sur place
leur main-d'oeuvre et d'offrir aux citoyens des possibilités de
promotion sociale et culturelle individuelle et collective. Les régions
ont enfin profité de la présence de personnels qualifiés
qui se sont impliqués dans la vie du milieu, sans parler des
infrastructures physiques et autres services qui ont contribué à
l'amélioration de la qualité de vie.
L'Université du Québec considère d'autre part que
le problème de l'enseignement collégial n'en est pas un de
structure mais bien de contenu. Il concerne ce substrat commun de formation que
la société, les employeurs et les universités attendent
d'un diplôme de collège. Nous estimons donc que les cégeps
doivent être confirmés dans leur mission de préparation des
jeunes de leur milieu régional au marché du travail pour les
cheminements professionnels et à l'université pour la formation
générale. Tout en donnant accès au plus large
éventail possible d'options disciplinaires et techniques, dans le but
précisément d'encourager l'accessibilité et l'enracinement
de l'expertise sur le territoire, chacun des collèges devrait chercher
à se définir des axes de développement correspondant aux
priorités économiques et sociales de sa région. (9 h
40)
Cet appui aux collèges ne signifie pas pour autant que
l'Université du Québec ne souhaite pas d'amélioration dans
la manière dont ils exercent leur mission. Au strict plan de la
fréquentation, par exemple, on a pu déplorer la
fréquentation insuffisante du secteur professionnel par rapport au
secteur général, ainsi qu'une dégradation progressive de
la fréquentation des techniques et des sciences physiques et naturelles
au profit des techniques et des sciences humaines. Tout en admettant que les
besoins sociaux du Québec mettent en cause un vaste éventail de
besoins disciplinaires et professionnels, l'Université du Québec
elle-même a voulu réagir à la faiblesse de la scolarisation
en sciences et technologies, en se dotant, il y a deux ans, d'un plan sectoriel
de développement en sciences appliquées. Considérant les
enjeux du développement dans ce domaine pour le Québec de demain,
nous invitons les collèges et le ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Science à préparer pour ce niveau un
plan de relance en sciences appliquées et en technologies.
Dans notre mémoire au Conseil des collèges, nous avions
discuté longuement le concept de formation fondamentale. Cette fois-ci,
nous voulons plutôt insister sur le thème plus
général de la qualité. À cet égard,
l'Université du Québec estime que la meilleure façon de
garantir la qualité de la formation, et d'en être imputable, est
de responsabiliser les établissements et les personnes qui assument
cette formation, responsabilisation qui doit être assortie toutefois de
mécanismes formels et crédibles d'évaluation.
Dans ce sens, plus on saura établir des règles
précises quant aux attentes de la société vis-à-vis
la formation collégiale et mettre en place des mécanismes
d'évaluation des résultats obtenus, plus il sera possible de
responsabiliser les collèges, responsabilisation qui pourrait aller
jusqu'à ce que chaque collège soit responsable, et imputable, des
diplômes qu'il décerne et, donc, des programmes qu'il dispense.
L'Université du Québec considère, à cet
égard, qu'autant l'État doit être responsable des
orientations générales, de la détermination des objectifs,
des standards, des compétences attendues des diplômés,
autant les collèges devraient être responsables des moyens, de la
manière dont les objectifs sont pris en charge et sont
opérationalisés. À l'intérieur des collèges,
il apparaît également indispensable que les équipes
pédagogiques disposent d'une large autonomie pour adapter aux
particularités de leurs clientèles et des ressources dont ils
disposent ce qui pourrait être des standards nationaux au lieu de
programmes formels et détaillés.
La contrepartie à cette autonomie devrait être un programme
national d'évaluation des enseignements dispensés dans les
collèges. Les employeurs et les universitaires, comme aussi sans doute
certains représentants du public, devraient être associés
à ce processus d'évaluation en faisant obligation, par exemple,
aux évaluateurs externes de consulter ces groupes. Un tel
mécanisme enrichirait l'évaluation tout en augmentant sa
crédibilité.
Dans son mémoire au Conseil des collèges,
l'Université du Québec avait fortement insisté sur la
pertinence de l'approche par programme. Elle ne peut faire moins que de
réitérer sa conviction qu'il s'agit là d'un enjeu majeur
pour l'avenir de l'enseignement collégial. Il apparaît, en effet,
indispensable de regrouper toutes les personnes concernées, enseignants,
enseignantes, étudiants, étudiantes, personnel de soutien, autour
de cheminements identifiés et structurés en fonction des
objectifs à poursuivre, des moyens à mettre en oeuvre et des
critères d'évaluation à satisfaire. On l'a dit et
répété, l'essentiel est d'acquérir des savoirs de
base qui mettent en cause les fondements des disciplines et des champs
d'études, en fait, les méthodes intellectuelles elles-mêmes
et les manières dont elles se prolongent sur le terrain de la pratique.
L'essentiel est aussi de préparer des personnes, les unes à des
secteurs de pratique professionnelle, les autres à des champs
d'études universitaires.
Il y a là les balises nécessaires à
l'élaboration de programmes d'enseignement collégial qui devront
à la fois tenir compte de cette exigence de maîtrise des
connaissances de base dans la perspective propre d'un champ de pratique ou
d'études supérieures, complétée par des savoirs et
savoir-faire plus immédiatement reliés au domaine en question.
Au-delà des structures formelles, il importe de s'assurer que les
groupes concernés et les institutions auxquelles ils appartiennent
s'approprient véritablement ces programmes de façon à ce
qu'ils répondent le mieux possible aux besoins de leur clientèle
spécifique et aux possibilités réelles des personnes qui
les dispensent. C'est pourquoi il apparaît si important que les
collèges soient individuellement responsables de leur élaboration
comme de leur prestation et qu'ils soient ultimement imputables de leur
qualité.
Par ailleurs, l'Université du Québec reconnaît
d'emblée qu'elle-même et ses établissements entretiennent
d'excellentes relations avec les cégeps. Des ententes de collaboration
donnent souvent lieu à des projets précis qui vont bien
au-delà de la simple concertation, au demeurant indispensable. Dans la
mesure où le développement du Québec et des régions
reposera de plus en plus sur le développement scientifique et
technologique dans une perspective de spécialisation territoriale en
fonction des opportunités de chaque milieu, il faudra resserrer
davantage cette coopération et accentuer cette implication.
À cette fin, l'Université du Québec
considère que les cégeps, tout comme ses propres
établissements, devront expliciter plus clairement dans leur plan de
développement les différentes formes d'engagement et de soutien
qu'ils apportent au développement du milieu; comment leurs actions,
autrement dit, s'inscrivent dans les priorités régionales. Ils
devront également faire état des formes de coopération
mutuelle qu'ils mettent en pratique, des objectifs qu'elles impliquent, des
moyens qu'elles mettent en cause et des résultats qui doivent en
découler.
La coopération la plus essentielle, toutefois, entre les
cégeps et les universités, doit porter sur le plan proprement
pédagogique. Nous considérons à cet égard que la
concertation déjà bien vivante entre les directions
supérieures des collèges et des universités doit
s'étendre aux responsables pédagogiques et aux équipes
d'enseignants. Nous considérons, en outre, que l'approche par programme
constitue un prérequis institutionnel indispensable à ce
rapprochement. Responsables de programmes précis débouchant sur
un ensemble de programmes bien identifiés du côté
universitaire, les professeurs de collège devraient pouvoir plus
facilement rechercher la complicité des professeurs d'université.
Ces derniers, assurés de trouver des interlocuteurs davantage
maîtres de l'organisation du cheminement des étudiants, seront
plus enclins au travail en commun.
Tout en préconisant un resserrement de la coopération
entre les collèges et les universités, l'Université du
Québec croit qu'il existe plusieurs modèles possibles et valables
de collaboration. C'est pourquoi tout en souhaitant des rapprochements concrets
et affectifs entre les collèges et les universités, et tout en
réclamant des appuis fermes des autorités gouvernementales dans
ce sens, nous estimons que l'on doit permettre, voire encourager une
très grande variété de modalités de collaboration
bien adaptées à la diversité des régions et des
établissements concernés.
En guise de conclusion, notre mémoire souligne que les
structures, aussi bien pensées soient-elles, ne pourront rien sans
l'engagement concret des personnes concernées. C'est pourquoi
l'Université du Québec ne peut que souscrire à une
politique de mobilisation des ressources humaines qui revalorise l'engagement
des professeurs de collège en faveur d'une approche de plus en plus
responsable et axée sur la formation globale.
La formation, en effet, n'a de sens aujourd'hui que si elle conduit
à l'autonomie et a la créativité des personnes qui devront
vivre dans un monde en perpétuel changement et axé sur
l'innovation. Comment former de telles personnes sans chercher sans cesse
à se dépasser soi-même dans cette voie?
Au-delà de ces questions d'attitude, il y a
le défi d'une compétence toujours renouvelée en
fonction de l'évolution des connaissances et de la société
en général. C'est pourquoi nous plaidons en faveur du
perfectionnement continu des professeurs et du personnel des collèges.
À cet égard, un encadrement rigoureux et des ressources
importantes devraient être mises en place pour favoriser le
développement de la compétence pédagogique et
disciplinaire des professeurs ainsi que le développement pour le
personnel de support et d'encadrement des connaissances et des habiletés
de gestion et des capacités d'intervention. Voilà, Mme la
Présidente, l'essentiel de notre mémoire à votre
commission.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Hamel. Je
reconnais maintenant Mme la ministre de l'Enseignement supérieur et de
la Science. (9 h 50)
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je veux d'abord
dire combien je suis contente de voir les autorités de
l'Université du Québec venir présenter ce mémoire
sur l'enseignement collégial. Je pense que vous êtes une
université, au Québec, qui est née des mêmes choix
stratégiques que nous avons faits quand nous avons aussi choisi les
cégeps. Alors, je comprends que vous parliez facilement d'une
complicité objective, comme vous dites dans votre mémoire, avec
les cégeps, et ce, dans toutes les régions de la province. Je
reçois très bien votre affirmation et votre foi dans les
collèges du Québec. Je vois comment vous avez donné aussi
la priorité dans votre mémoire au contenu de la formation. Je
peux vous dire aussi que j'ai pris acte de votre recommandation sur un plan de
relance des sciences appliquées et technologiques. Ça me semble
une voie plutôt originale quand on parle de la valorisation de la
formation technique aussi du collégial. Je pense que vous ouvrez
davantage, sans isoler la formation technique, en disant un plan de
valorisation des sciences appliquées et technologiques. Je trouve
ça fort intéressant.
Alors, je vois, M. Hamel, que vous vous êtes vraiment
concentré sur le contenu de la formation. Mais, au point de
départ quand même, vous affirmez très clairement que vous
êtes pour le maintien de la structure du cégep. Vous l'affirmez et
j'aimerais ça que vous m'explicitiez un peu l'idée qui se
dégage de la page 8 de votre mémoire; vous nous dites que, selon
vous, même si nous avions une décentralisation très
poussée de campus universitaires, sur tout le territoire, telle que les
États-Unis la vivent, le modèle américain, vous dites que,
à cause de notre réalité au Québec, de notre faible
densité de population et de la dispersion de la population, ce serait,
d'après vous, impossible d'atteindre le même degré de
décentralisation que les cégeps ont réussi, eux, à
faire sur le territoire. Pourriez-vous me faire part de votre réflexion
sur ce sujet-là?
M. Hamel (Claude): Je vais demander à M. Massicotte de
répondre à cette question, si vous le permettez, Mme la
ministre.
Mme Robillard: Oui, allez-y, M. Massicotte.
M. Massicotte (Guy): Merci, madame. Nous avons, en fait, à
l'Université du Québec vécu ce processus de la
décentralisation et de l'implantation d'un certain nombre de campus ou
d'établissements universitaires en région. Et notre conviction,
c'est que, déjà, implanter ce que nous avons fait, par exemple,
à Rimouski ou à Chicou-timi ou en Abrtibi-Témiscamingue,
c'était, d'une certaine façon, étirer au maximum la
possibilité, disons, de l'université en termes d'expansion
territoriale.
S'il avait fallu faire un pas de plus et aller, par exemple, à
Gaspé ou à Roberval, ou à des endroits comme ça,
c'est toute la structure universitaire qui aurait été vraiment
étendue pratiquement au-delà de sa capacité maximum
d'extension, et il n'y aurait certainement pas eu dans ces points
extrêmes, je dirais, la même vivacité, le même
engagement, la même détermination qu'on a pu trouver dans des
établissements relativement autonomes, qui avaient leur propre conseil
d'administration, qui avaient leurs propres partenaires dans leur milieu et qui
ont pu faire preuve d'un engagement beaucoup plus réel à la cause
de l'enseignement postsecondaire, leur mission étant, bien sûr,
plus limitée, en fait, aux deux premières années du cycle
postsecondaire et avec une mission, je dirais, de recherche beaucoup moins
étendue que ce que l'on pouvait trouver dans une université.
Donc, on a concentré d'une certaine façon la mission et on
a donné des structures appropriées pour que soient mieux pris en
charge l'accessibilité, la démocratisation, le
développement de la formation postsecondaire dans des endroits où
l'université aurait été une structure beaucoup moins
appropriée pour relever ce défi.
Mme Robillard: Alors, M. Hamel, revenons donc au contenu de la
formation. Si j'ai bien compris la tendance de fond de votre mémoire,
vous dites, pour l'enseignement collégial: La meilleure garantie de la
qualité de la formation à l'enseignement collégial, c'est
de donner plus de responsabilités académiques aux collèges
avec, naturellement, en contrepartie, des mécanismes
d'évaluation. C'est, je pense, l'énoncé de base, selon
vous, pour atteindre une meilleure qualité de la formation.
J'aimerais ça vous entendre sur les responsabilités
académiques que vous verriez accorder aux collèges, de plus
grandes responsabilités académiques. Ça devrait aller
jusqu'où, d'après vous, cette responsabilité
académique? Est-ce que ça va, par exemple, jusqu'à la
signature du diplôme? Pourriez-vous élaborer davantage sur ce
sujet?
M. Hamel (Claude): En fait, l'orientation générale,
pour nous, part de la situation de fait qui veut qu'au Québec le niveau
collégial soit unique. On ne peut pas se comparer facilement à
l'extérieur. Ce niveau unique, qui se situe entre le secondaire et
l'universitaire, devrait avoir un mode d'organisation qui, peut-être, se
rapproche davantage du mode universitaire que du mode secondaire en laissant
plus d'autonomie, plus de responsabilités au niveau collégial
dans tous les aspects académiques de ce qu'il fait, donc l'approche par
programme, la définition de programmes. Laissons au ministère la
responsabilité de définir les grands objectifs, les grandes
orientations, mais la responsabilité des programmes devrait être
au niveau collégial. Les mécanismes d'évaluation, on
pourra y revenir, mais ça présuppose des mécanismes
d'évaluation tout à fait crédibles.
Jusqu'où ça pourrait aller? Écoutez, dans notre
mémoire, on dit: Ça pourrait aller jusqu'au diplôme, que
les cégeps soient responsables de l'attribution des diplômes, mais
on n'en fait pas, de notre côté, une position ferme. C'est
à évaluer, ça. Est-ce qu'on pourrait considérer un
système par lequel les collèges sont responsables des programmes,
mais que le ministère demeure responsable de l'émission des
diplômes, de la sanction finale des diplômes? Pour nous, il n'y a
pas là matière à une question de fond. Je pense qu'on
pourrait satisfaire ce que, nous, nous souhaitons en termes de
responsabilisation des collèges, sans peut-être aller
jusque-là.
Mme Robillard: M. Hamel, si je comprends bien, vous faites le
choix que les collèges, vraiment, font partie de l'enseignement
supérieur. Donc, vous dites: Ils doivent se rapprocher davantage de ce
qui se passe dans le milieu universitaire que de ce qui se passe dans le milieu
secondaire. C'est vraiment ça que vous venez de me dire. Pourquoi,
à ce moment-là, vous hésitez à aller jusqu'à
la recommandation de l'émission des diplômes par les
collèges?
M. Hamel (Claude): Justement parce que, en termes
d'équilibre, je veux dire, ils sont entre les deux, entre le secondaire
et l'universitaire. Bien sûr, ils font partie du même groupe
d'enseignement postsecondaire. J'hésite en ce sens que, pour nous,
ça n'a pas été l'objet d'une longue discussion à
l'intérieur du réseau de l'Université du Québec.
Nous n'aurions pas d'objection à ce que ça aille
jusque-là, mais nous ne faisons pas de ce point-là, dans notre
mémoire, une recommandation ferme. Ça ne nous poserait pas de
problème aucunement que les collèges émettent
eux-mêmes leurs diplômes comme le font les universités. Si
j'hésite, c'est parce qu'on n'en a pas discuté longuement entre
nous.
Mme Robillard: M. Hamel, parlez-moi donc un peu des
mécanismes d'évaluation que vous souhaiteriez en contrepartie de
cette plus grande responsabilité académique.
M. Hamel (Claude): Cette fois-ci, si vous me le permettez, je
vais demander à M. L'Écuyer, notre vice-président à
l'enseignement et à la recherche, de répondre à votre
question. (10 heures)
M. L'Écuyer (Jacques): Madame, la question de
l'évaluation devient assez importante, enfin, je ne devrais pas dire
assez, elle devient primordiale dans un contexte de décentralisation. Je
pense qu'il faut comprendre que les collèges ont tout de même une
mission de préparation à l'intention des universités, pour
ce qui est du préuniversitaire, et du marché du travail pour ce
qui est des diplômes professionnels. En conséquence, il nous
semble qu'il faille assurer la qualité et la fiabilité des
diplômes en question dans un contexte de décentralisation. Alors,
tout ça doit se tenir. Nous sommes tout à fait en faveur d'une
décentralisation, d'une prise en charge effective des programmes par les
collèges, mais, évidemment, tout ça doit être
assorti de mécanismes d'évaluation de façon à
garantir la crédibilité des diplômes et aussi la
comparabilité des diplômes. Dans ce contexte-là,
évidemment, il y a plusieurs systèmes qui peuvent être
envisagés pour assurer la qualité. Nous en avons discarté
un dans notre mémoire, qui est celui des examens communs. Nous ne
souhaitons pas les examens communs dans le contexte présent, en tout
cas, qui, évidemment, permettent une certaine comparabilité, si
on peut dire, des connaissances, mais qui présentent aussi des
inconvénients importants dans la mesure où, par exemple, ils ne
vérifient pas directement ce qui est appris par les
élèves, la façon dont les collèges s'acquittent de
leur mission. Ils vérifient des connaissances. C'est beaucoup plus
difficile par des examens communs de vérifier des savoir-être, des
manières de faire. Il y a des limites à ce qu'on peut faire dans
des examens généraux.
Nous préférons, et de beaucoup, l'évaluation de
programmes par des équipes crédibles. Il existe un peu partout de
par le monde des pays où on fait ce genre d'évaluation en faisant
appel à des experts externes. Dans les universités, vous le savez
peut-être, nous avons adopté cette politique
générale d'avoir recours à des experts externes pour faire
l'évaluation de nos programmes et de publier le résultat et de
prendre les moyens d'améliorer nos programmes quand besoin est. Il
existe aussi toutes sortes d'autres techniques. La méthode des
évaluateurs externes, des examinateurs externes, par exemple, dans les
pays anglophones, est une méthode aussi qui consiste à
vérifier les examens qu'on donne avant et après, et la
correction. Enfin, tout ça peut être des techniques qui peuvent
être utilisées pour garantir une certaine comparabilité et
une certaine valeur au diplôme. Je pense que
cette question-là est absolument fondamentale, et
particulièrement dans le cas où on veut responsabiliser. Et plus
on veut responsabiliser un établissement, plus c'est important que
l'établissement soit en mesure d'assurer la crédibilité de
ses diplômes et la valeur de ses enseignements.
Mme Robillard: m. hams!, vous ne serez pas surpris que je vous
pose ia question du lien entre les cégeps eî les
universités. j'aimerais bien profiter de votre présence pour
qu'on aborde plus concrètement cette problématique, parfois,
à certains égards, mais, en tout cas, cette demande qui est faite
de plus en plus et ce besoin aussi chez les jeunes qui s'engagent surtout dans
les programmes préuniversitaires. qu'ils comprennent bien qu'ils
s'engagent dans un programme de cinq ans, de deux plus trois. vous-même,
dans votre mémoire, vous mentionnez que la coopération la plus
essentielle doit porter au plan pédagogique. ce que vous nous soulignez
dans le fond, c'est que vous faites aussi le lien avec l'autonomie, si j'ai
bien compris, comme quoi des établissements collégiaux plus
autonomes, plus responsables pourraient assurer de meilleures jonctions. est-ce
que j'ai bien saisi? pourriez-vous élaborer sur ce sujet-là?
M. Hamel (Claude): Oui, vous avez bien saisi, Mme la ministre,
mais j'ajouterais un élément additionnel. Ce que nous souhaitons,
qui est un corollaire de la responsabilisation, c'est qu'on permette plus de
souplesse, au niveau collégial, dans la gestion des programmes, ce qui
permettrait des collaborations adaptées aux situations. Vous savez que
déjà, dans le réseau de l'Université du
Québec, on a plusieurs expériences différentes de
collaboration avec le niveau collégial et ce que l'on fait, par exemple
à Val-d'Or, en Abitibi, c'est une chose. Ce que l'on fait dans la
Beauce, c'est autre chose. Ce que fait l'École de technologie
supérieure du côté professionnel, parce qu'elle a un volet
intéressant aussi, c'est différent. On prépare des
expériences au Saguenay-Lac-Saint-Jean de collaboration
collège-université dans cette même perspective de cinq ans,
mais là, encore une fois, un peu comme à l'École de
technologie supérieure, du côté professionnel. Et, pour
nous, l'élément souplesse, c'est-à-dire une
réduction du cadre formel réglementaire qui permettrait, c'est
déjà possible, mais qui permettrait encore davantage de
collaboration adaptée aux circonstances, aux conjonctures, aux
caractéristiques du milieu, du collège, de l'université ou
du milieu régional, nous permettrait d'aller dans le bon sens.
Et, si vous le souhaitiez, Mme la ministre, je profiterais de l'occasion
pour demander à M. Papineau de parler de l'expérience de
l'École de technologie supérieure et de relations avec le secteur
professionnel des collèges, et des éléments de contenu
aussi que peuvent poser les programmes de formation de niveau
professionnel.
La Présidente (Mme Hovington): On va plutôt y
revenir à la fin, M. Hamel. Merci. Alors, je passerai la parole à
M. le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais saluer
M. Hamel et tous ses collaborateurs. Je suis heureux, moi, que la commission
parlementaire ait l'occasion de bénéficier de votre
éclairage. L'Université du Québec est quand même une
université bien implantée au Québec et dans toutes les
régions du Québec. C'est toujours une institution pour laquelle
j'ai beaucoup de respect et d'estime, l'ayant fréquentée, mais ce
n'est pas juste pour ça. C'est que je trouve que dans les
régions, compte tenu des discussions qu'on a à faire sur l'avenir
des collèges et qu'à une certaine époque on a
contesté le rayonnement et le déploiement des forces vives de
l'Université du Québec, alors, il y a des choses qui sont
similaires, c'est intéressant de regarder ça.
On va y aller tout de suite avec l'échange. Rappeler ce que vous
avez dit, les gens prendront connaissance de votre mémoire; c'est plus
significatif, je pense, de profiter des échanges qu'on peut avoir, avec
votre expérience.
Moi, j'ai une première question que je voudrais vous poser sur le
rappel que vous faites, avec raison, de l'approche programme. Il y a plusieurs
intervenants qui sont venus nous parler de l'approche programme, même en
évoquant que c'est un enjeu majeur, de l'éventuelle
réforme. Il y a une similarité ou une similitude entre ce qui se
passe au niveau universitaire, premier cycle, parce que, au premier cycle
universitaire, vous vivez un peu cette approche programme, ou cette
façon intégrée, interdisciplinaire. Et il y a une question
que je voudrais poser, puisqu'il y a des intervenants au niveau des
équipes professorales qui ont des doutes quant à cette
capacité que le collégial puisse aller allègrement vers
l'approche programme en termes de collaboration du département. Alors,
compte tenu de votre expérience au niveau de l'université,
j'aimerais effectivement vous poser ia question suivante. Est-ce que vous avez
des inquiétudes, vous, est-ce que vous êtes confiant qu'il n'y
aurait pas de problème, parce que, souvent, c'est un peu une chasse
gardée, le département au niveau du collège? Est-ce que
vous croyez que l'approche programme va permettre cette collaboration requise
de l'ensemble des professeurs?
M. Hamel (Claude): Vous savez qu'à l'Université du
Québec on a complété cette approche programme, si on peut
l'appeler ainsi, au premier cycie, par une structure particulière qu'on
appelle le module et qui est un lieu de coordination, de gestion des programmes
où se retrouvent
les professeurs qui participent à l'enseignement dans un
programme. Actuellement, au niveau collégial, la difficulté que
l'on perçoit, c'est que les professeurs sont, comme vous le dites,
cloisonnés par département et ont peu d'échanges avec les
collègues d'autres disciplines. L'approche programme présente
comme l'un des principaux avantages de mettre ensemble les professeurs qui sont
appelés à participer à l'enseignement dans le cadre d'un
programme, de discuter des objectifs, de la contribution que chaque discipline,
que chaque enseignant peut apporter dans le programme à l'atteinte des
objectifs. (10 h 10)
C'est sûr que ça conduit à un
décloisonnement. Ce n'est pas facile. Ça ne se réalisera
pas du jour au lendemain, mais on pense que si, au plan pédagogique
déjà, on définit des programmes avec des objectifs clairs,
en termes d'organisation ensuite on devrait pouvoir arriver à convaincre
les professeurs de participer dans cette nouvelle perspective à
l'atteinte des objectifs qui sont définis dans le programme.
M. Gendron: Mais, M. Hamel, c'est plus... Est-ce que vous
partagez l'affirmation suivante? Puisque c'est au niveau du département
disciplinaire qu'il se gère beaucoup de dimensions liées à
leurs conditions de travail - en termes clairs, c'est un peu là que se
gère la convention collective et tout ça - exiger que, dans une
approche programme, les professeurs sortent un peu de leur cloisonnement,
est-ce que vous croyez qu'on peut, avec confiance, envisager qu'ils vont
comprendre ce réalisme et qu'il n'y a pas autant de dangers
d'échecs qu'on puisse le voir?
Parce que c'est bien beau. Tout le monde nous privilégie une
approche programme, mais si des gens d'expérience nous disent:
Écoutez, ça ne marchera pas... Pas parce que je souhaite que
ça ne marchera pas, ce n'est pas ce que je veux, moi je voudrais que
ça marche. Mais je veux vérifier, auprès de gens qui
vivent une expérience presque similaire, si effectivement les dangers
que nous voyons sont réels, pragmatiques ou si je suis dans les patates.
C'est plus ça que j'essaie de mesurer.
En termes clairs, est-ce qu'il se passe vraiment autant de choses que
ça liées au vécu quotidien des profs dans le
département et ça s'appelle «touche pas à
ça», ou si c'est touchable?
M. Hamel (Claude): Je vous disais que, de notre expérience
à l'Université du Québec, c'est vivable. Nous sommes
justement dans un processus d'évaluation à l'Université du
Québec de notre double structure module-département. Le bilan
provisoire que l'on en a actuellement, c'est qu'il faut maintenir cette
approche-là. Ça pose certaines difficultés, bien
sûr, mais ça présente de grands avantages parce qu'il y a
un lieu à côté du département où on discute
de programmes, en termes d'objectifs, de contenu où on encadre les
étudiants dans un programme plutôt que dans un département.
Si vous souhaitez pousser plus loin, M. L'Écuyer, notre
vice-président qui dirige cette évaluation à
l'Université du Québec, pourrait vous en dire quelques mots.
M. L'Écuyer: Je pense qu'il faut partir du principe qu'un
programme de formation, c'est un plan de formation qui est destiné
à un étudiant. Quand vous raisonnez comme ça avec les
professeurs, quand vous leur proposez ça comme défi, moi, je
crois - et nous avons rencontré dans le cadre de cette
évaluation-là des professeurs dans toutes nos constituantes. Nous
avons fait le tour de toutes nos constituantes pour connaître comment ils
vivaient cette approche programme. Il y a des problèmes, c'est clair.
Celui que vous avez mentionné en est un. C'est clair que chacun est
intéressé à protéger si vous voulez, ses
enseignements.
Mais, ça, ça ne doit pas nous empêcher de rechercher
ça. On ne peut pas, d'une part, offrir, si vous permettez, un plan de
formation à l'étudiant et, de l'autre, mettre en priorité
les façons de faire, les enseignements, les privilèges, les
prérogatives, si on peut se permettre, de chacun de nos professeurs.
Tout ça doit s'intégrer dans un plan de formation dans une
approche qui est centrée sur l'étudiant.
Nous avons entrepris une réforme majeure de tout notre
enseignement de premier cycle, de même qu'une évaluation de ces
structures module-département, avec ça en tête en disant:
On va essayer de trouver les moyens de corriger ce qui doit être
corrigé. Mais je dois dire au point de départ que cette
approche-là est tout à fait viable, est tout à fait
faisable et, plus loin que ça, je vous dirai qu'elle est absolument
essentielle. Nous ne pourrions pas, sans une approche programme, actuellement,
faire accréditer des programmes par les organismes professionnels.
Ça, c'est vrai en médecine, c'est vrai en ingénierie,
c'est vrai dans tous les secteurs professionnels où vous avez des
comités d'agrément qui sont pancanadiens, même, dans
certains cas, panaméricains. On ne pourrait pas faire ça sans
cette approche programme.
M. Gendron: M. L'Écuyer, vous dites que donner de
l'enseignement interdisciplinaire thématique, même si on n'a pas
développé cette pratique, vous êtes confiant que ça
se fait et on est capable d'envisager avec ouverture ce nouveau
fonctionnement-là. C'est ça que vous affirmez?
M. L'Écuyer: Tout à fait.
M. Gendron: Deuxième question. Vous préconisez
l'instauration d'un programme national
d'évaluation des enseignants qui pourrait être sous
l'autorité d'un organisme indépendant. Vous dites ça dans
votre mémoire. J'aimerais ça que vous soyez un petit peu plus
précis, que vous donniez des précisions quant au fonctionnement
de cet organisme. Est-ce qu'il pourrait, à la limite, accréditer
les programmes dispensés par les établissements? Mme la ministre
se questionnait également là-dessus. Parce que votre approche est
presque essentiellement celle du Conseil des collèges, comme
mémoire, là: plus de responsabilités. Vous hésitez
un peu, parce que vous dites: Ce n'est pas nécessairement du niveau
universitaire, mais il faudrait vraiment se démarquer du niveau
secondaire. Et, moi, ça ne me déplaît pas, cette
îormuie-là, mais il faut clairement voir quels sont les enjeux. Et
si l'objectif est toujours de garantir une meilleure formation de plus de
qualité, sur ça, vous dites: Ça passe par le biais d'une
responsabilisation accrue des établissements. Je pense qu'on en est,
tout le monde.
D'un autre côté, il faut s'assurer qu'il y a des
instruments qui vont mesurer effectivement s'il y a une progression concernant
l'amélioration de la qualité des apprentissages ou des contenus.
Je me rappelle qu'à un des points de départ vous avez dit:
Laissez tranquilles les structures, là, c'est un problème de
contenu. Là-dessus, je suis complètement d'accord avec vous,
c'est un problème de contenu de formation. Alors, sur les
mécanismes d'évaluation, comment voyez-vous ça? Est-ce que
c'est externe? J'aimerais ça que vous soyez vraiment plus concret et
plus précis là-dessus.
M. Hamel (Claude): En fait, sur cette question, nous affirmons
certains principes qui devraient guider le mode d'organisation. C'est d'abord
externes, bien sûr. Un mécanisme d'évaluation des
enseignements, des programmes, doit être externe à
l'établissement. C'est la seule condition qui lui permet d'être
crédible. Donc, externe, qui comprend des gens, des pairs comme on les
appelle à l'université, des gens du secteur disciplinaire mais
des gens du milieu socio-économique aussi. Que ce soit une
évaluation qui soit tout à fait transparente, donc qu'on rende
publics les résultats de l'évaluation. C'est le genre de choses
que l'on affirme et l'on n'a pas poussé la réflexion
jusqu'à proposer concrètement un mécanisme. On laisse
ça aux gens plus directement concernés, les gens du
ministère et des collèges. Mais, pour nous, il y a un certain
nombre de principes de base qui, dans l'évaluation, doivent être
respectés. Et celui que c'est une évaluation externe à
l'établissement est un principe tout à fait essentiel; il y a la
participation des gens du milieu et un rapport public porté à la
connaissance de tous les intéressés.
M. Gendron: Vous avez également toute une section sur une
meilleure harmonisation entre le collegia! et l'université, et vous
dites: Ça devrait se faire mieux, par une meilleure concertation. Et
là je le dis comme je le pense, vous restez très, très
vague au niveau des principes. On les achète, c'est évident. Si
c'est de la tarte aux pommes, c'est gentil, c'est beau, mais c'était
quoi, le problème? Qu'est-ce qui vous a empêchés? Qu'est-ce
qui a empêché jusqu'à date l'émergence de cette
nécessaire et souhaitable concertation plus grande? Vous êtes une
université. Vous êtes bien implanté partout dans les
régions. Vous souhaitez, et là-dessus très clairement,
c'est bien clair, une meilleure harmonisation entre le collégial et
l'université. Vous souhaitez que la concertation soit étendue aux
responsables pédagogiques et aux équipes d'enseignants, et
là vous êtes assez précis quand vous dites ça. Vous
réclamez des appuis fermes des autorités gouvernementales. Et,
moi, je me dis: Qu'est-ce qui les a empêchés? Qu'est-ce qui est
arrivé pour que ça ne se réalise pas comme vous le
souhaitiez? Vous êtes dans chacune des régions, les
collèges sont là. C'est quoi, le problème?
M. Hamel (Claude): Je vais demander à M. Parent, le
recteur de Trois-Rivières, qui est dans un milieu où la
collaboration avec les collèges est déjà assez forte et
même formalisée, de répondre à votre question.
M. Gendron: Donc, ce n'est pas là qu'il faut harmoniser
davantage, d'après vous.
M. Hamel (Claude): Peut-être.
M. Parent (Jacques-R.): Vous permettez, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Hovington): Allez-y. (10 h 20)
M. Parent (Jacques-R.): Oui, de dire d'abord qu'il y a
déjà des choses qui sont faites dans la plupart des
régions. Bien sûr que je vais plutôt m'exprimer à
travers l'expérience que nous avons vécue dans notre
région. Ça remonte quand même aux années 1983-1984,
où, conscients de l'importance de ces rapprochements nécessaires
entre le niveau collégial et le niveau universitaire... Et je suis
très à l'aise pour en parler, parce que ce n'est pas le recteur
de l'Université du Québec à Trois-Rivières, dont
j'étais, et je suis encore, qui a eu cette idée de ce
rapprochement nécessaire, c'est le directeur du collège de
Trois-Rivières. Et je veux lui rendre hommage, en passant, parce que
c'était, à l'époque, quand même, un des premiers
dossiers où les choses étaient rendues à ce point
systématiques et formelles. Nous l'avons fait par le biais d'une charte
de collaboration entre les quatre collèges de la région et
l'Université du Québec à Trois-Rivières.
Ça, ça veut dire, de façon concrète, que les
conseils d'administration voyaient toute l'impor-
tance de la chose - et je dis bien des quatre collèges et de
l'université - donc, d'établir des principes et des orientations.
Mais on a dépassé ça, monsieur, de façon
très claire et ça a été extrêmement utile
à plusieurs égards. Ne serait-ce que lors des différents
sommets économiques que nous vivons dans nos régions, ça
nous a permis de présenter ensemble, conjointement, des dossiers majeurs
de développement économique, culturel, social ou autres dans nos
diverses régions. Ça a permis aussi la mise sur pied
d'instruments de développement collectif majeurs, importants. Je pense
au Centre d'entreprenariat du Centre-du-Québec qui a, bien sûr,
une portée québécoise et nous le savons tous.
Maintenant, ça s'est surtout vécu, M. Gendron - et c'est
à ça qu'on fait allusion dans le mémoire de
l'Université du Québec - entre les directions,
c'est-à-dire de manière très institutionnelle. Depuis
quelques années, nous sommes en train de rendre cet exercice beaucoup
plus fonctionnel à travers les DSP, les directeurs de services
pédagogiques, les vice-recteurs enseignement-recherche, les doyens dans
les constituantes. Et, ce qui est très important, c'est que nous
voulons, bien sûr, rejoindre les intervenants, c'est-à-dire les
forces vives: les professeurs, les enseignants et les enseignantes. Et
ça me permet de dire et de revenir sur ce point: nous avons beaucoup
discuté de l'approche programme tout à l'heure. Et, si l'on veut
véritablement que ces efforts de concertation se rendent jusqu'aux
forces vives, vous avez là, certes, un instrument, un outil
extraordinaire. C'est que les gens vont, là, voir un face-à-face
utile, concret, réel qui va leur permettre, donc, ne serait-ce que de
parler le même langage, ne serait-ce que de se trouver à
l'intérieur d'une culture organisationnelle qui veut dire quelque
chose.
M. Gendron: Mais juste pour finir là-dessus, une phrase ou
deux. Est-ce qu'il y a des inconvénients que vous avez vécus qui
font que vous n'avez pas obtenu la concertation souhaitée? Parce que
votre témoignage, c'était une meilleure harmonisation entre les
ordres d'enseignement et que cette collaboration s'étende. Si vous
souhaitez ça, c'est parce que ça ne s'est pas passé de
même. Qu'est-ce qui a fait que ça ne s'est pas passé de
même? C'est quoi, les raisons principales qui font qu'on n'en arrive pas
à une concertation telle que souhaitée? C'est juste sur ça
que j'aimerais vous entendre.
M. Parent (Jacques-R.): Je pense, M. Gendron, que vous avez
certes pu observer, dans les exemples que je vous ai donnés, que j'ai
cités, que c'est des démarches qui présentaient un
caractère institutionnel très grand. Là où nous
voulons nous rendre dans cet exercice de concertation, c'est chez les forces
vives - c'est ça que je vous disais tout à l'heure - les
enseignants, les enseignantes. À cet égard, nous avons encore
beaucoup à faire. Vous le savez comme moi, ce sont les principaux
artisans et c'est celles-là et ceux-là que nous voulons voir
très actives et actifs au plan de ces collaborations et
concertations.
M. Gendron: Merci. J'ai une autre question. Il y a plusieurs
mémoires qui ont souhaité que, dans la mission des
collèges, on extensionne leurs responsabilités à de la
recherche tout court, pour certains, et d'autres ont parlé de recherche
appliquée. Il y a des gens qui ont souhaité ça, vu qu'on
réforme des collèges. Je sais que la mission recherche des
universités est importante, la mission enseignement, service aux
collectivités et à la recherche. Donc, j'aimerais ça avoir
votre avis. Qu'est-ce que vous en pensez, les gens du milieu universitaire, que
l'État québécois envisage ou donne suite,
éventuellement, à cette recommandation qui nous est faite par
plusieurs intervenants d'étendre la mission des collèges à
la recherche? Est-ce que vous êtes favorables, ou vous n'êtes pas
favorables? Si oui, ou si non, pourquoi?
M. Hamel (Claude): Je débuterais ma réponse
à votre question un peu de la même façon que je l'ai fait
tout à l'heure pour les questions d'évaluation. Il faut se
rappeler que les collèges sont situés entre le niveau
universitaire et le niveau secondaire. On ne doit pas les transformer
complètement en université, ni les considérer
exclusivement aussi comme des établissements de niveau secondaire. Et
ça vaut aussi pour la recherche. Je pense que de donner une mission
générale de recherche aux collèges, ce serait transformer
complètement la signification de ce qu'on a voulu faire avec ce niveau
particulier. La recherche, comme on la conçoit à
l'université, c'est une entreprise de longue haleine, en ce sens que les
professeurs qui font de la recherche doivent le faire non pas de façon
sporadique mais de façon continue. C'est dans leurs tâches
régulières comme professeur, et ce n'est pas comme cela que le
niveau collégial a été conçu.
Par ailleurs, il y a là des ressources considérables qui
peuvent être mises à la disposition du développement
collectif par ce que l'on a fait jusqu'à maintenant, par exemple, en
ouvrant des possibilités de recherches appliquées dans le domaine
pédagogique, dans le domaine des technologies, en ouvrant les
possibilités de collaboration des professeurs de collège avec des
professeurs d'université dans des équipes conjointes. Nous
pensons que ça, c'est une bonne approche que l'on doit favoriser, des
expériences dans ce sens-là et des réalisations
progressivement, mais nous ne serions pas favorables à
l'élargissement de la mission des collèges à de la
recherche comme on le fait au niveau universitaire.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. C'est tout le temps
que vous aviez.
M. Gendron: Une phrase sur les frais de scolarité. Je n'ai
pas le temps?
La Présidente (Mme Hovington): Non. Il n'y a plus de
minutes. Le temps est écoulé, M. le député
d'Abitibi-Ouest. Alors, ii reste trois minutes au côté
ministériel.
Juste avant de passer la parole à mon collègue de
Rimouski, vous me permettrez de dire que j'avais la même question, le
même questionnement, en fait, que !e député d'Abitibi-Ouest
sur le fait que quand vous pariez de collaboration entre le collégial et
les universités - je voulais demander à M. Massicotte tout
à l'heure mais vous répondrez en même temps peut-être
qu'à mon collègue: Pourquoi, par exemple, l'Université de
Rimouski ne va pas vers Matane, vers Gaspé, vers les cégeps pour
établir cette collaboration-là et cette osmose entre les deux
paliers d'enseignement? Mais je vais reconnaître tout de suite le
député de Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): Malheureusement, ma question
n'était pas pour M. Massicotte. Elle est pour M. Papineau, directeur de
l'École de technologie supérieure.
Dans l'une des recommandations du Conseil des collèges, ils
veulent qu'on implante des certificats pour des blocs d'acquisition de
connaissances, ce qui, à mon sens, ne serait pas bête au niveau du
collégial. Ça existe déjà au niveau universitaire,
toute une série de certificats. Puis quand vous nous parlez de plans
sectoriels de développement des sciences appliquées, est-ce que
vous ne voyez pas là, je ne sais pas, une espèce de trait d'union
très intéressant pour l'École de technologie
supérieure pour pouvoir avoir un genre de formation qui pourrait
être entre le diplôme universitaire et le diplôme
collégial, avoir un genre de technicien supérieur? Est-ce que
c'est ça que vous visez ou pas? C'est quoi? J'aimerais bien vous
entendre là-dessus.
La Présidente (Mme Hovington): M. Papineau.
M. Papineau (Robert L.): Vous m'ouvrez une porte, là, qui
est très vaste, je dirais. Je m'excuse. Il me semble que le climat est
plus froid à Québec qu'à Montréal. La porte est
très vaste dans ce sens que votre question mène peut-être
à la nécessité d'un niveau d'éducation ou de
diplomation intermédiaire entre la diplomation du cégep technique
et celle qui est maintenant décernée par l'École de
technologie supérieure. L'École offre elle-même des
certificats de 30 crédits, et, assurément, je pense que nos
collègues qui interviennent dans les programmes de cégeps
techniques nous font remarquer souvent que la formation qui est offerte au
cégep technique correspond essentiellement à une formation de
technicien supérieur dans d'autres pays, comme la France. Nous avons un
problème d'appellation, je pense, au Québec avec les mots
«technologue», «technicien supérieur»,
«technicien», etc. Donc, je vois difficilement l'insertion d'un
niveau additionel.
Maintenant, si on parle de certificat de perfectionnement ou de
certificat qui s'adresse à des gens qui sont en situation de travail, je
pense que la problématique est tout autre. Il existe déjà,
à ma connaissance, dans les cégeps, des efforts remarquables qui
sont faits pour offrir des attestations d'études collégiales,
donc, des programmes bloqués qui s'adressent à une
problématique de perfectionnement.
En ce qui a trait à l'autre problématique de l'insertion
d'un niveau additionnel, bien, on parle d'insérer entre 14 ans de
formation et 17 ans et demi, qui est maintenant la formation offerte à
l'École de technologie supérieure, un niveau
intermédiaire. Ça reposerait encore une fois, à notre
avis, toute la problématique qu'a vécue l'École de
technologie supérieure dans le passé, de faire reconnaître,
au plan professionnel, des diplômés qui interviennent dans le
grand secteur de l'ingénierie. Dans ce secteur-là, bien, il y a
des lois qui régissent l'exercice des professions, comme vous le savez.
(10 h 30)
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Papineau. Alors,
Mme la ministre, en conclusion.
Mme Robillard: Merci, messieurs de l'Université du
Québec, d'avoir partagé votre expérience avec nous. Vous
le voyez, ça suscite beaucoup d'intérêt chez les
parlementaires, toute cette jonction cégep-université dans toutes
les régions du Québec. J'ai d'autres collègues qui
auraient aimé poser des questions, dont le député de
Baie-Comeau, je suis certaine...
La Présidente (Mme Hovington): Mais il n'y a plus de temps
disponible.
M. Maltais: Mme la ministre, c'est dommage que ce soit un
monologue, parce qu'on aurait eu des questions intéressantes à
poser. Mais, puisqu'on ne peut pas les poser ici, on les posera dans un autre
ordre.
La Présidente (Mme Hovington): M. le député
de Saguenay, c'était la conclusion avec Mme ia ministre.
M. Maltais: Oui, Mme la Présidente, on est ici pour
conclure.
Mme Robillard: Alors, sûrement qu'on va pouvoir continuer
avec d'autres partenaires universitaires. Merci beaucoup, messieurs, de votre
témoignage.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, au nom des
parlementaires, permettez-moi de vous remercier, à mon tour,
d'être venus présenter votre mémoire à la commission
de l'éducation. Je vous souhaite une bonne journée!
J'inviterais maintenant le groupe Philosophie au collège à
bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Je demanderais au groupe
Philosophie au collège de bien vouloir prendre place.
Alors, je demanderais aux personnes, derrière, de bien vouloir
garder le silence, s'il vous plaît, la commission de l'éducation
va poursuivre ses travaux. Si nous prenons du retard maintenant, tous les
groupes auront à en souffrir durant la journée. Le groupe
Philosophie au collège est représenté par M. le
président Jean-Marie Therrien. Bonjour monsieur, veuillez prendre place.
M. Therrien, vous êtes le porte-parole du groupe Philosophie au
collège.
M. Therrien (Jean-Marie): C'est ça.
La Présidente (Mme Hovington): Bienvenue à la
commission de l'éducation. Si vous voulez bien nous présenter vos
collègues, s'il vous plaît.
Philosophie au collège
M. Therrien: Ça va. Mme la Présidente de la
commission de l'éducation, Mme la ministre, M. le porte-parole de
l'Opposition officielle en matière d'éducation, mesdames et
messieurs, nous vous remercions d'avoir bien voulu nous entendre aujourd'hui
afin de vous présenter, dans ses grandes lignes, le mémoire que
Philosophie au collège a déposé.
Ce mémoire est intitulé «Le rôle de la
philosophie...»
La Présidente (Mme Hovington): Excusez-moi! Voulez-vous
nous présenter vos collègues, juste avant la
présentation?
M. Therrien: Oui, je le fais tout de suite.
La Présidente (Mme Hovington): D'accord. Excusez-moi! Je
pensais que vous vouliez aller tout de suite...
M. Therrien: C'est compris dans ma présentation.
La Présidente (Mme Hovington): D'accord. Allez-y!
M. Therrien: Donc, notre mémoire s'intitule «Le
rôle de la philosophie dans le renouveau du D.E.C.». Afin de
répondre à vos questions et d'échanger avec vous sur ce
sujet important, l'avenir des cégeps, assis devant vous se trouvent:
à ma gauche, M. Serge Saint-Laurent, membre du conseil d'administration
de Philoso- phie au collège, coordonnateur du Département de
philosophie du collège Jean-de-Brébeuf...
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.
M. Therrien: ...M. Michel Paquette, secrétaire de notre
association et professeur de philosophie au cégep de Maisonneuve.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.
M. Therrien: À ma droite, M. Pierre Cohen-Bacrie,
vice-président de notre association, coordonnateur provincial de
philosophie et professeur au cégep de Montmorency.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour.
M. Therrien: Je me nomme Jean-Marie Therrien, j'ai l'honneur de
présider Philosophie au collège et je suis coordonnateur du
Département de philosophie au cégep de Rosemont.
On voudrait d'abord s'assurer que vous avez bien reçu l'erratum
corrigeant quelques coquilles dans notre mémoire, surtout, par exemple,
aux pages 16 et 18 où il manquait des lignes là.
La Présidente (Mme Hovington): Tout est rentré,
monsieur.
M. Therrien: Ça va?
La Présidente (Mme Hovington): Oui.
M. Therrien: Si vous le voulez bien, nous déposons
également maintenant en 26 copies une nouvelle liste non exhaustive, il
est vrai, du nombreux matériel didactique produit en philiso-phie ces
dernières années, en corrigeant quelques oublis qui ont
été portés à notre attention.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Alors, nous
prenons note du dépôt des documents.
M. Therrien: D'ailleurs, j'aimerais signifier à la
ministre que certains de ces volumes ont déjà obtenu des mentions
et des prix.
La Présidente (Mme Hovington): D'accord. Allez-y avec
votre mémoire. Vous avez 20 minutes.
M. Therrien: Ça va, merci. Enfin, comme le no 13 de
Philosopher vient de paraître et qu'il comporte un dossier sur
l'avenir de la philosophie au collégial, nous en remettons
également 26 exemplaires aux membres de la commission. Donc, ça
va.
La Présidente (Mme Hovington): Si vous voulez
procéder.
M. Therrien: Je dirais donc quelques mots d'introduction avant de
céder la parole à M. Pierre Cohen-Bacrie. Lors de la
période des questions, nous interviendrons tous les quatre à tour
de rôle. Voici le plan de notre présentation orale:
premièrement, ia représentativité; deuxièmement,
pourquoi les cégeps et pourquoi la formation générale au
cégep; troisièmement, les priorités des priorités;
quatrièmement, ies grands axes de la formation générale;
cinquièmement, pourquoi la philosophie; sixièmement, les
réponses à quelques objections; septièmement, autres
avenues de réforme et, huitièmement, les recommandations
précisées.
Un, la représentativité. Philosophie au collège,
association des professeurs de philosophie des collèges du
Québec, a été fondée il y a 10 ans
déjà, compte 270 membres en règle et est bien
implantée dans tous les collèges publics et privés de
toutes les régions du Québec. Philosophie au collège
publie une revue bien connue, spécialement destinée au
réseau collégial: Philosopher, dont vous venez de recevoir
un exemplaire. De plus, Philosophie au collège organise, en
collaboration avec plusieurs collèges, le Concours Philosopher. Les
résultats du concours de l'an dernier seront annoncés demain,
mais on peut signaler que nous avons reçu déjà l'an
passé 300 dissertations. Il y a donc 15 lauréats, dont le premier
provient d'un cégep public d'une région. On ne l'annonce pas,
c'est demain le résultat. Le thème de cette année est
«Quelles sont les exigences et les limites de la tolérance en
démocratie?», concours qui vient d'être lancé
déjà.
Mais la raison pour laquelle Philosophie au collège est
particulièrement représentative tient dans les faits que notre
association s'est engagée à représenter les positions des
départements de philosophie des collèges du Québec, telles
qu'exprimées par leurs délégués au Comité
pédagogique de la Coordination provinciale de philosophie. Ces positions
se sont exprimées sur les contenus communs, d'ailleurs à
l'unanimité, la séquence d'habiletés intellectuelles,
l'approche programme et l'évaluation, lors de deux réunions des
délégués en mai 1992 et en septembre 1992.
La position collective des professeurs de philosophie du
collégial que nous représentons est une position de
renouvellement - Mme la ministre, j'aimerais insister là-dessus -
renouvellement qui est déjà commencé dans nos
institutions. Nous croyons que, lorsque la mission de formation de la formation
générale obligatoire, tant pour le secteur
préuniversitaire que pour le secteur technique, aura été
précisée, la discipline philosophie, forte de l'expérience
de ses professeurs, pourra remplir une part importante de cette mission
renouvelée avec compétence et responsabilité.
Sans plus tarder, je passe la parole à M. Pierre Cohen-Bacrie
pour expliquer les autres points de notre exposé.
M. Cohen-Bacrie (Pierre): Pourquoi les cégeps et pourquoi
la formation générale au cégep? Nous reconnaissons le
bien-fondé de la présente commission parlementaire après
25 ans d'existence du collégial. Il est bien naturel et il est sain de
réexaminer le choix de confier à la discipline philosophie une
mission très importante de formation générale pour tous.
Après tout, ce qui nous intéresse, vous et nous, ce qui doit
être notre souci constant, c'est la qualité de la formation des
étudiants. (10 h 40)
Comme le D.E.C. préuniversitaire permet de mieux s'orienter plus
tard à l'université, le D.E.C. technique est
apprécié sur le marché du travail et près de 20 %
des finissants du secteur technique décident de poursuivre à
l'université, de jour ou de soir, avec un métier en poche, ce qui
est facile compte tenu de l'existence de cours obligatoires communs. Plusieurs
qualifieront de réussite cette structure originale au Québec, ce
qui ne signifie pas que les cégeps n'ont pas à se réformer
et à s'améliorer pour tenir compte de l'évolution de la
société.
En effet, depuis 1967, des changements majeurs sont survenus au niveau
économique et une véritable mobilisation des ressources
éducatives vers une formation de très haute qualité de la
main-d'oeuvre est de plus en plus une priorité gouvernementale. Nous
croyons, avec d'autres, que cette mobilisation devra être prise en compte
dans le réseau des cégeps et, notamment, en philosophie.
Les cours de formation obligatoire et générale peuvent
avoir un rôle de culture générale et, dans ce sens, on
parlera de la formation intégrale de la personne et du citoyen. Mais, de
plus, aujourd'hui, faut-il encore tenir compte du fait qu'on se dirige vers une
formation professionnelle et générale mieux
intégrée où les compétences à
développer correspondent aux tendances profondes de l'évolution
des besoins économiques. Il faut donc en particulier redéfinir et
préciser le rôle des cours de formation générale
obligatoires en fonction des compétences générales, utiles
tant au secteur préuniversitaire qu'au secteur technique.
Ce qui m'amène à ce que nous appelons les priorités
des priorités. Les entreprises privées et publiques, dans
lesquelles travailleront, demain, les diplômés des cégeps
du secteur technique et dans lesquelles travailleront, après-demain, les
diplômés des cégeps du secteur préuniversitaire,
doivent faire l'objet de nos préoccupations comme agents de
l'éducation dans une société moderne. On ne se fermera pas
hypocritement les yeux devant une analyse des tendances de l'économie.
Tout le monde reconnaît que la formation initiale et la formation
continue, c'est un facteur clé dans le développement d'une
économie concurrentielle génératrice d'emplois. Les
cégeps sont d'ailleurs au coeur du processus québécois de
formation d'une main-d'oeuvre de
qualité.
En conséquence, notre première priorité que nous
vous suggérons, c'est la suivante. Tout le monde reconnaît que la
qualité de la communication constitue une compétence
générale commune tant au secteur préuniversitaire qu'au
secteur technique. Voilà donc l'un des axes de la formation
générale obligatoire au cégep. C'est l'une des deux
priorités des priorités que nous voulons vous suggérer.
Notre société a besoin d'une valeur ajoutée importante au
cégep en ce qui a trait à la qualité de la langue, avec
toutes ses retombées. C'est ainsi que Marie-Éva de Villers,
directrice de la qualité de la communication aux HEC de
l'Université de Montréal, déclarait, à propos des
entreprises: «Celles-ci estiment que les diplômés qu'elles
recruteront devront posséder le savoir propre à leur discipline,
bien sûr, mais en plus les candidats recherchés seront habiles
à communiquer par écrit ou oralement, en français et en
anglais s'il y a lieu, et ils feront preuve d'un bon jugement et d'un excellent
esprit de synthèse.»
Ce qui nous amène à notre deuxième priorité.
Nous désirons ajouter un deuxième élément
prioritaire, une deuxième compétence générale qui
est également un besoin évident pour le secteur
préuniversitaire ainsi que pour le secteur technique. Il s'agit du
développement de la capacité de raisonner, d'analyser, de
synthétiser. Puisque le raisonnement est une habileté essentielle
pour entreprendre des études universitaires et puisque le travail des
technologues d'aujourd'hui et de demain fait et fera appel à de telles
compétences intellectuelles, il faut que ce soit l'autre axe principal
de la formation générale obligatoire, et c'est la deuxième
des deux priorités des priorités que nous vous
suggérons.
À ce titre, il faut déplorer que le Conseil des
collèges, dans son rapport, adopte une attitude différente quant
à ces deux priorités. Pour la qualité de la langue, en
effet, il confie l'essentiel de cette mission de formation à la
discipline littérature. Mais, pour les compétences
intellectuelles, il se contente d'affirmer que tous les cours de toutes les
disciplines y contribueront. Or, dans une institution, lorsque tout le monde
fait tout, personne ne fait rien. Nous vous soumettons que le même
raisonnement qui trouve la qualité de la langue trop importante pour que
cela reste une mission diffuse, sans support dans les cours obligatoires de
formation générale, devrait s'appliquer au développement
des capacités de raisonner. C'est trop important, il faut y
ménager un support dans les cours obligatoires de formation
générale.
Les autres grands axes de la formation générale. À
côté de ces deux priorités des priorités, à
savoir l'acquisition des compétences en français écrit et
en raisonnement, il existe d'autres thématiques d'importance, d'autres
priorités. Ainsi en va-t-il des compétences éthiques, de
l'ouverture d'esprit, de l'attention portée au dialogue, de la
compréhension des autres points de vue, etc. Notons qu'en se
restreignant aux compétences éthiques le Conseil des
collèges y a vu une mission pour deux cours obligatoires de
philosophie.
Enfin, pourrait-on parler de compétence culturelle,
c'est-à-dire non seulement de cette culture générale, qui
est le modèle par excellence de la maîtrise de la langue et du
raisonnement, mais de repaires historiques sur les grandes époques et de
problèmes contemporains.
Pourquoi la philosophie? Le Conseil des collèges répond:
Parce que l'éthique. Voilà pourquoi il propose deux cours, quatre
unités de philosophie, au lieu de quatre cours actuellement, huit
unités. Nous vous suggérons qu'au niveau des priorités des
priorités de formation générale obligatoire pour tous au
cégep la discipline philosophique devrait se voir attribuer quatre cours
obligatoires afin de répondre en particulier aux besoins en ce qui a
trait au développement de la capacité de raisonner, et ceci,
à ce moment précis où on constate une lacune dans
l'acquisition de la pensée formelle.
Là encore, l'analogie avec la mission attribuée à
la discipline littérature nous semble éclairante. À
littérature, le maintien de quatre cours pour la maîtrise de la
langue et aussi la culture générale, à philosophie le
maintien de quatre cours pour: premièrement, le développement de
la capacité de raisonner; deuxièmement, l'acquisition de
compétences éthiques; troisièmement, et enfin, se situer
historiquement dans la culture.
Pour éclaircir ces points, on voudra bien se
référer aux pages 41, 42, 43 du mémoire dans lesquelles
est expliquée la séquence des habiletés intellectuelles.
Je dois vous dire que la séquence des habiletés intellectuelles a
été adoptée dernièrement, en mai, par la
Coordination provinciale de philosophie, après trois ans de travail,
qu'elle n'est pas encore appliquée; c'est une voie d'avenir, c'est une
voie de renouvellement. Si on regarde rapidement, on dit que la philosophie
permet d'aborder pour la première fois, de manière
systématique, la réflexion sur les problèmes les plus
généraux et les plus fondamentaux de l'humanité, en
s'appuyant sur des oeuvres essentielles qui jalonnent l'itinéraire de la
pensée humaine depuis 25 siècles.
Cependant, dans le cadre de son enseignement, la philosophie contribue
en outre à développer les habiletés intellectuelles
nécessaires à la production d'un discours rationnel
argumen-tatif, tel que la dissertation philosophique, principalement
conceptualiser, analyser, comparer, critiquer,
«problématiser» et synthétiser. De plus,
l'enseignement de la philosophie a pour effet de développer l'emploi de
la langue comme outil d'organisation, de clarification, d'expression, de
communication de la pensée rationnelle et principalement le
développement de la capacité
de lecture de textes rationnels complexes et la capacité
d'écriture d'une argumentation rationnelle développée.
La prise en compte des habiletés intellectuelles
impliquées dans l'enseignement de ia philosophie et
l'intérêt pédagogique d'organiser la difficulté de
façon croissante, l'utilité d'assurer un cumul des acquisitions
militent en faveur d'insister sur certaines habiletés dans chaque cours,
d'où la possibilité d'une mise en séquence. Il s'agit donc
de cette séquence qui est nouvelle, qui manifeste une grande
maturité des enseignants de philosophie, qui ont en moyenne une
vingtaine d'années d'expérience, qui met l'élève au
premier rang des préoccupations pédagogiques et qui
définit les objectifs pédagogiques spécifiques.
D'autre part, on voudra bien se reporter aux pages 23 et 24 du
mémoire pour tenir compte des nouveaux contenus communs qui ont
été aussi décidés en mai 1992 suite à des
années de travail et, comme M. Therrien le disait, à
l'unanimité par les départements de philosophie. Je dois insister
sur le fait que c'est la première fois depuis la création des
cégeps que les professeurs de philosophie se donnent, acceptent des
contenus obligatoires communs.
Deuxièmement, ces contenus ont été
décidés en fonction de l'étudiant. L'étudiant
savait que les cours de philosophie avaient des objectifs communs, mais
parfois, surtout l'étudiant qui va d'un cégep à l'autre ou
éventuellement qui reprend son cours, il se demande pourquoi les
contenus sont tellement différents. Eh bien, nous avons tenu compte de
lui et maintenant il y aura des contenus communs en philosophie. D'autre part,
ces contenus communs favorisent le travail d'équipe dans les
départements. Enfin, on peut s'assurer par ces contenus communs que des
thèmes extrêmement importants soient vus. Je donne comme exemple
la réflexion sur la science et la technique. Si on regarde donc
rapidement au niveau des contenus communs, on insiste sur la dimension
historique des problèmes et des pratiques. Si on regarde parmi les
contenus, il y a la rationalité; il y a la logique; il y a les sciences
et la technique; il y a l'être humain et la liberté; il y a
l'éthique et la politique.
Enfin, prenons quelques exemples de thèmes de réflexion et
de repaires culturels majeurs dans lesquels la philosophie apporte une
contribution spécifique. Parlons, par exemple, de la notion de personne
humaine qui dépasse les sciences biologiques. Roger Pol-Droit, dans
Science et Philosophie: Pourquoi faire?, résume ainsi
l'interrogation philosophique devant les modifications
génétiques: «Où devons-nous nous arrêter? et
au nom de quoi? [...] Plus qu'un embarras, une forme de désarroi
naît de l'extrême décalage entre la puissance et la
rapidité des capacités techniques, et la fragilité des
justifications, ou encore la lenteur à se clarifier des notions
centrales, comme celles des droits de l'homme ou de dignité de la
personne humaine.»
Prenons aussi la notion de patrimoine commun de l'humanité, qui
pose la question de responsabilité devant les générations
futures. Prenons les différentes conceptions de la justice. Prenons le
devoir d'ingérence, qui pose la question des limites de la
souveraineté nationale. Prenons, enfin, la lutte contre les
préjugés qui débouche vers l'esprit de tolérance et
qui ressort de l'étude de philosophes comme Montaigne, Diderot,
Montesquieu et Locke. Sur toutes ces questions, la philosophie a un apport
spécifique à faire quant à l'élucidation des
concepts et à la recherche du sens. (10 h 50)
Réponses à quelques objections. Premièrement,
plusieurs critiques affirment que la philosophie n'a pas le monopole de la
formation intellectuelle. S'ils veulent dire que l'enseignement de la
philosophie ne leur semble pas davantage approprié que celui de
n'importe quel autre discipline pour développer le raisonnement, alors
nous nous inscrivons en faux. En effet, en toute discipline, à
l'exception de philosophie, justement, le raisonnement est au mieux second en
termes d'objectifs poursuivis et de moyens employés. Où, dans les
collèges, sinon dans les cours de philosophie, traitera-t-on des
opérations intellectuelles qui mènent à un raisonnement
justifié, la définition, la justification, la distinction entre
prémisses et conclusion, l'implication, la distinction opératoire
et non seulement verbale entre jugement de fait et jugement de valeur, etc?
En ce qui a trait aux autres disciplines, dans la réalité
de la salle de classe, le professeur enseigne sa discipline où le
contenu prime, ce qui signifie bien souvent qu'on n'a pas le temps de
développer les capacités de raisonnement pour elles-mêmes.
Tous seraient bien aise que de telles capacités soient mieux
développées, mais le professeur ne saurait le faire sans prendre
un retard peut-être catastrophique dans l'acquisition des connaissances.
Au contraire, en philosophie, le professeur ne peut manquer d'insister sur la
pratique et le développement du raisonnement, ce qui signifie qu'on ne
peut concrètement corriger et évaluer un travail de philosophie
uniquement à partir des connaissances acquises mais toujours à
partir de la cohérence du raisonnement, de la justification
argumentée des points de vue, des capacités d'analyse et de
synthèse, de la clarté et de l'ordonnancement des idées.
L'organisation des idées ainsi conçue va au-delà de
l'habileté à structurer un texte.
Notons qu'outre l'enseignement de la logique ou de l'argumentation, qui
est maintenant devenu un cours obligatoire au 101, l'enseignement de la
philosophie ne peut manquer, par l'étude des textes des grands auteurs -
Platon, Aristote, Descartes, Kant, Russell - le caractère
méthodique et rigoureux du raisonnement. C'est donc, l'enseignement de
la philosophie, à la fois
un objet d'étude, une activité d'apprentissage et un
objectif de formation. Mais la volonté des professeurs de philosophie,
volonté de mieux préciser leur pédagogie en insistant
nommément sur telle ou telle capacité au cours d'activités
d'apprentissage déjà orientées en ce sens d'une
manière incontournable, est manifeste dans l'adoption de la
séquence d'habiletés intellectuelles jumelée aux quatre
cours.
Deuxième objection, le Conseil des collèges n'a pas tenu
compte du travail en cours en philosophie. C'est ainsi que dans son rapport il
croit pouvoir déplorer le manque de consensus. Bien sûr, en
philosophie comme dans d'autres disciplines, il se trouvera toujours quelques
professeurs pour aller à contre-courant. Mais l'adoption unanime des
nouveaux contenus communs, l'adoption de la séquence de
développement des habiletés intellectuelles ne sont pas des
éléments qui semblent témoigner d'un manque de
consensus.
Troisièmement, certains proposent le modèle des
«humanities». Or, l'éclatement du nombre de disciplines et
de cours, qui, selon nous, n'est pas une conséquence nécessaire
du choix des thématiques, ne saurait se comparer en efficacité
avec l'intégration que peut opérer une discipline comme la
philosophie. Le Conseil des collèges propose cinq thématiques,
mais il reconnaît lui-même que plusieurs de ces thématiques
sont déjà abordées en philosohie. Pourquoi alors changer
pour changer? Il convient d'éviter les excès d'une
opération qui consisterait à refaire le monde sans tenir compte
des acquis.
Autres avenues de réforme. Au niveau de l'approche programme, les
objectifs visés par les cours obligatoires de philosophie sont les
mêmes... Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Hovington): Excusez. Votre temps est
écoulé.
M. Cohen-Bacrie: J'accélère.
La Présidente (Mme Hovington): Vos 20 minutes sont
écoulées. Est-ce qu'il y a consentement, de chaque
côté de la Chambre, pour qu'il continue, en limitant votre temps
d'intervention? Alors, on vous donne deux minutes encore.
M. Cohen-Bacrie: Très bien.
La Présidente (Mme Hovington): Allez-y.
M. Cohen-Bacrie: Alors, au niveau de l'approche programme, il y a
des propositions - sur lesquelles on pourra revenir en réponse à
des questions - qui ont été prises et qui manifestent que la
discipline philosophie est ouverte à une approche programme. Au niveau
de l'évaluation, il y a des recommandations précises et
concrètes qui manifestent que la discipline philosophie accepte le
principe d'une évaluation qui permet de vérifier l'atteinte des
objectifs d'apprentissage.
Une voix:...
M. Cohen-Bacrie: Une seconde, je n'ai pas fini. Lorsque, donc, en
philosophie, on parle de contenus communs, d'objectifs de formation ou de
développement des habiletés intellectuelles, il ne s'agit pas
seulement d'un discours. Les actes suivent et suivront, et nous les
garantissons par une résolution ferme et concrète
d'évaluation. Nous avons voulu préciser nos recommandations - en
une minute: premièrement, que, dans la formation générale
obligatoire, reconnaissant les lacunes et les besoins des élèves
de la formation préuniversitaire et technique, une priorité soit
accordée au développement de la capacité de raisonner;
deuxièmement, que, dans le contexte d'une société en
transformation, une priorité soit accordée au
développement de la réflexion sur les valeurs morales et
l'éthique; troisièmement, que ces responsabilités soient
confiées à la discipline philosophie, compte tenu de plus de son
rapport irremplaçable à la réflexion sur les
problèmes les plus généraux et les plus fondamentaux de
l'humanité, en s'appuyant sur des oeuvres essentielles qui jalonnent
l'itinéraire de la pensée, et enfin, quatrièmement, si Mme
la ministre reconnaît l'importance de réaliser ces
priorités et d'assumer ces responsabilités de formation
générale, le maintien de huit unités, quatre cours en
philosophie, parallèlement au maintien des huit unités en langue
et littérature, est une exigence incompressible. C'est pourquoi le
mémoire de Philosophie au collège recommande le maintien de huit
unités, quatre cours obligatoires de philosophie dans les programmes de
D.E.C. et souhaite que le ministère encourage les transformations en
cours dans l'enseignement de la philosophie au cégep. Je vous
remercie.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Alors, Mme la
ministre, vous avez la parole.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Messieurs, je
suis contente de vous accueillir à cette commission parlementaire. Vous
le savez, l'objet de la philosophie est un des sujets qui est sur la table
présentement, et je suis contente que vous soyez venus participer
vous-mêmes au débat. De façon particulière, M.
Cohen-Bacrie, j'étais heureuse de vous entendre dire, au début de
votre exposé, qu'après 25 ans vous reconnaissez le
bien-fondé de cette commission parlementaire et qu'on regarde à
nouveau les objectifs de formation. Possiblement que je vous avais mal lu dans
La Presse du 24 mai quand vous m'aviez dit que peut-être que, par
cette commission parlementaire, j'inventais une nouvelle notion
antidémocratique, disiez-vous, l'irresponsabilité
ministérielle.
Alors, je suis très contente de voir que
vous venez participer à des débats démocratiques,
parce qu'il s'agit de ça, une commission parlementaire, de débats
démocratiques. Je suis contente que vous soyez là pour qu'on
puisse échanger avec vous sur l'importance que vous voyez à
l'enseignement de la philosophie chez nos jeunes du cégep. Et je vois
qu'au point de départ, dans votre mémoire, dès les
premières pages, vous statuez très clairement, M. le
président, M. Therrien, qu'on ne peut sûrement pas remettre en
question la pertinence de l'enseignement de la philosophie. Vous statuez
ça à la page 11, qu'on ne peut pas remettre ça en
question. C'est exactement dit de cette façon-là, sauf que
là j'ai des problèmes avec cette affirmation: On ne peut
certainement pas remettre sa pertinence en question. Vous le savez, beaucoup le
font présentement. Depuis le début des travaux de cette
commission parlementaire, nous avons entendu différents intervenants: le
Conseil des collèges la remet en question, l'association des aides
pédagogiques individuelles, les chambres de commerce, le Conseil
permanent de la jeunesse qui a été, je dois dire, assez
sévère dans son jugement quand il nous a fait part d'une
enquête auprès des jeunes qui sont vraiment insatisfaits des cours
en tant que tels et qui demandent une remise en question complète de
l'enseignement dans cette matière.
Donc, est-ce que le jugement de toutes ces personnes qui sont venues
nous voir repose sur un malentendu, tel que vous le dites du rapport du Conseil
des collèges? Moi, comme ministre, je ne peux pas me fermer les yeux et
les oreilles à ce questionnement de plusieurs intervenants.
M. Cohen-Bacrie: Mme la ministre, très rapidement. Le 24
mai, l'existence même des cégeps semblait en question. À ce
stade-ci de la commission parlementaire, elle semble beaucoup moins en
question, premièrement. Deuxièmement, dans un sens, la parution
du rapport du Conseil des collèges a été rassurante,
puisqu'on a vu un Conseil quand même représentatif dire que ie
maintien des unités de formation générale communes est une
chose essentielle. Dans ce cadre-là, qui est maintenant une sorte de
cadre, eh bien, nous nous inscrivons avec grand plaisir dans ce
débat-là. (11 heures)
À la page 11, nous ne disons pas que l'enseignement de la
philosophie ne doit pas être mis en question. À la page 11, nous
disons: D'après les paramètres existants jusqu'à
maintenant, c'est-à-dire jusqu'à la parution du rapport du
Conseil des collèges, et d'après les directives qui nous
étaient données par la Direction générale de
l'enseignement collégial, nous avons rempli le mandat qui nous
était confié et nous sommes même allés plus loin. La
question que nous posons, c'est: Existe-t-il maintenant, dans la
société, de nouveaux paramètres? Et nous répondons:
Oui, il en existe. Nous devons avoir maintenant des priorités de
formation en ce qui a trait à la langue et en ce qui a trait au
raisonnement. Et là nous sommes prêts à changer. La
proposition de changement est là. Elle est sur la table.
En ce qui a trait aux jeunes, dans l'enquête Léger &
Léger que la Fédération des cégeps a
commandée, on remarque que le taux de satisfaction des jeunes à
l'égard des cours de langue et littérature est de l'ordre de 48
%, alors que le taux de satisfaction des jeunes à l'égard des
cours de philosophie est de l'ordre de 52 %. Cependant, ce n'est pas parce
qu'il y a un taux d'insatisfaction qu'on coupe le nombre d'unités en
langue et littérature. Par contre, on peut s'interroger sur les causes
de cette insatisfaction, reconnaître que les résultats au test de
français de niveau secondaire V des finissants de cégeps sont
lamentables, comme vous l'avez dit vous-même, en ce qui a trait à
la syntaxe, à l'orthographe etc., et se demander si une réforme
de l'enseignement du français dans les cégeps qui donnerait une
place importante à la maîtrise de la langue ne serait pas de
nature à mieux satisfaire les étudiants pour qui cela resterait
un cours obligatoire, peut-être par plébiscite, mais un cours dont
ils verraient l'utilité.
Nous avons fait par nous-mêmes et avant même la parution du
rapport des collèges ce genre de réflexion parce que nous sommes
des gens qui avons l'expérience de l'enseignement. Nous savons bien que
beaucoup d'étudiants sont insatisfaits, une part des étudiants
sont insatisfaits de leur cours de philosophie. Nous avons pensé que
c'est parce qu'ils n'en voient pas l'utilité et nous avons pensé
qu'ils avaient raison, que l'utilité, ils ne la voyaient pas parce que
nous considérions, un peu à l'égal des professeurs de
français, si vous voulez, qui pensaient que, simplement en
étudiant la littérature, la qualité de la langue allait se
développer... Mais on s'aperçoit que ce n'est pas le cas, qu'il
faut avoir des objectifs pédagogiques bien précis pour la
développer.
Bien, nous avons fait le même raisonnement en ce qui nous
concerne. Nous nous sommes dit: La philosophie, au fond, si nous l'enseignons,
ce n'est pas pour produire des philosophes, ce n'est pas pour produire des
universitaires philosophes ou des spécialistes en philosophie. Si nous
enseignons la philosophie dans les cours de formation générale,
c'est au fond pour donner une formation intellectuelle. C'est pour donner des
outils à ces jeunes pour qu'ils se développent
intellectuellement. Nous nous sommes dit: Bien, il ne suffit pas de penser que
ça va être le cas parce que nous enseignons la philosophie. Il
faut que nous nous donnions des objectifs spécifiques,
pédagogiques de formation intellectuelle, et c'est ce que nous avons
fait.
Ce n'est pas encore réalisé. C'est une décision qui
a été prise, comme je vous dis, après de très
longues consultations, trois ans,
qui vient d'être prise en mai. En réalité, ça
pourrait commencer cette année et l'an prochain, et on aurait besoin
d'un soutien ministériel pour le faire. Mais, ça, c'est possible.
C'est un réel changement, un énorme changement. Il y a même
des gens qui écrivent dans les journaux pour dire qu'ils n'en veulent
pas du tout. Mais, ça, c'est la minorité. Voilà, où
nous en sommes. Donc, nous sommes pour les changements dans l'enseignement de
la philosophie, absolument.
Mme Robillard: De fait, je note, dans votre mémoire, que
vous recommandez un renouvellement de la formation générale en
tant que telle. Vous nous dites d'ailleurs que, parmi les compétences
générales, dont le besoin est apparu, on note la capacité
de communiquer, la capacité d'argumenter rationnellement, la
capacité d'innover, la capacité de se situer dans les
repères culturels et historiques. Moi, je n'ai pas de problème
avec de tels besoins qui sont affirmés, qui sont là et qui sont
clairs. Je suis d'accord avec ça. Mais j'ai plus de problème avec
le moyen que vous suggérez. Voici les objectifs que vous dites d'un
renouvellement de formation générale. Je vous rappellerai votre
citation de point de départ de votre mémoire. Vous dites une
citation d'Alain: «Quand je veux juger un professeur [...] je cherche
comment il enseigne. S'il considère sa discipline ou sa technique comme
une fin en soi, il n'est qu'un pédant, s'il les considère comme
moyen de formation, alors il remplit sa mission.»
Alors, ma question est la suivante: Est-ce que vous ne mêlez pas
les objectifs et les moyens? Est-ce que vous ne confondez pas les objectifs et
les moyens? Si les objectifs de la formation générale
renouvelée sont à l'effet d'augmenter la capacité de
communiquer, d'argumenter, d'innover, etc., est-ce qu'il n'y a pas d'autres
disciplines aussi qui peuvent absolument aider à rejoindre ces
objectifs-là?
M. Therrien: Mme la ministre, je vais commencer la
réponse. Ça va? En développant, par exemple,
l'argumentation, je pense que vous êtes au courant que la philosophie est
la seule discipline qui prend comme objet l'analyse, la synthèse,
qu'est-ce que c'est qu'une comparaison. Moi, je me rappelle avoir lu souvent
des textes d'étudiants. On commence le texte: «Donc». Donc,
la conclusion est tout de suite au début. Et on argumente avec les
étudiants. On leur montre, finalement, que la philosophie, c'est
l'apprentissage d'un discours rationnel, c'est-à-dire que
l'étudiant doit justifier ses affirmations. Et on peut prendre
différents moyens pour le montrer. Certains prennent des textes de
Platon, d'autres prennent un enseignement un petit peu plus formel, comme
certains volumes qui ont été produits. L'important, c'est que
l'étudiant comprenne.
Et je pense que, nous, nous commençons à faire la preuve
que l'apprentissage de l'argumentation ou du raisonnement, c'est vraiment une
spécificité de la philosophie. Si je fais comprendre à
l'étudiant qu'émettre une opinion ce n'est pas, finalement,
nécessairement réfléchir... Parce qu'on dit à
l'étudiant: Bien, pourquoi? Bon, des fois, il va se
référer à la religion, à des pseudo-sciences ou
à des arguments qu'il a écoutés autour de lui, et,
finalement, c'est l'outillage. Et c'est pour ça que, moi, je dirais: La
philosophie, pour nous, ce n'est pas une fin en soi, c'est un moyen. Et on est
prêts, je vous l'ai dit au début, on vous lance une ouverture dans
le sens que les thèmes mêmes qu'on a votés en
assemblée à l'unanimité, qui sont des thèmes qu'on
considère importants - rationalité - on considère,
finalement, que l'étudiant, avec ça, il va comprendre beaucoup
plus son insertion dans la société et...
Mme Robillard: m. therrien, est-ce que vous êtes d'accord
que d'autres disciplines peuvent aussi aider à atteindre les mêmes
objectifs?
M. Therrien: Oui. Je vais laisser la parole. Je reviendrai.
M. Cohen-Bacrie: Oui. Mme la ministre, vous avez nommé
l'objectif de développer la capacité de communication et vous
avez nommé aussi l'objectif de développer la capacité de
raisonner. Eh bien! oui, il y a d'autres disciplines qui peuvent faire
ça. Je vais même vous poser une question. Si on demande à
quiconque: Contestez-vous que la discipline français, qui enseigne
littérature, est particulièrement à même de
développer la capacité de communication et la maîtrise de
la langue dans les cégeps? je pense qu'il n'y a pas grand monde qui va
répondre non. Et nous sommes avec eux. Et, quand nous disons que la
communication est une priorité, nous avons en tête la discipline
français et non pas philosophie.
Maintenant, nous allons poser la même question, et dire: Dans la
mesure où nous reconnaissons que le développement des
capacités de raisonnement doit être une priorité et doit
être supporté dans les cours de formation générale,
comme la qualité de la langue doit l'être - on ne peut pas se
contenter que tout le monde le fasse - est-ce que la discipline philosophie
vous paraît particulièrement appropriée pour
développer la capacité de raisonnement, compte tenu, de plus, que
cette discipline vient de voter une séquence d'habiletés
intellectuelles? C'est ça, la question que nous posons. Et nous vous
suggérons qu'on pourrait répondre oui.
La Présidente (Mme Hovington): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui. Je veux vous saluer. Je ne
pense pas qu'il faille qu'on soit heureux ou pas que vous soyez
là. Une chose qui est sûre, c'était important que vous
veniez exprimer votre point de vue puisque le maintien ou pas, dans la
révision de la formation de base, des cours de philosophie fait partie
du débat; aussi bien l'aborder ouvertement, clairement, correctement.
C'est pour ça que vous êtes là. Alors, dans ce
sens-là, moi, je suis heureux que vous ayez profité de l'occasion
de cette commission parlementaire pour venir exposer votre point de vue.
J'ai un problème d'introduction. C'est sur, pas la valeur de
votre mémoire, mais ce qu'on en a dit, et je fais
référence à l'article de M. Desjardins que je voudrais
cîairer avant de vous poser quelques questions. M. Desjardins a
été passablement sévère, et c'est un de vos
collègues, professeur de philosophie au collège Montmorency,
lorsqu'il dit que l'exécutif de la Coordination a réussi à
faire entériner le document par les délégués de
chaque collège, mais qu'il va jusqu'à laisser voir qu'il y aurait
eu des entorses assez graves à certains principes démocratiques,
j'aimerais juste avoir un jugement, d'entrée de jeu. Vous êtes
représentatifs de l'ensemble des profs de philosophie au collège
ou vous ne l'êtes pas? J'aimerais ça avoir quelques phrases
là-dessus, comment ça s'est fait, avant de poser des jugements,
parce que, si on a affaire à une association qui représente
l'ensemble des professeurs de philosophie, ça a plus d'incidence. Moi,
je veux respecter ça. (11 h 10)
M. Cohen-Bacrie: Je vous remercie de votre question, M. le
député. Il y aura un rectificatif qui paraîtra dans les
journaux. C'est une question de fait. M. Lanoue est ià; tout le monde
est là. Les directions des services pédagogiques ont reçu
pendant trois ans des copies des procès-verbaux et des convocations des
assemblées de la coordination provinciale de philosophie où,
à chaque fois, il était question de la séquence
d'habiletés intellectuelles. Plusieurs versions de cette séquence
ont circulé. Les délégués des départements
ont été mandatés. L'information que donne M. Desjardins,
au début de son article, quand il dit: «La séquence
d'habiletés intellectuelles, on dit dans le mémoire qu'elle fait
suite à trois ans de travail, mais ce n'est pas vrai», eh bien, je
regrette, cette information est totalement fausse. Et il y a toutes les
pièces possibles et imaginables pour le prouver et tous les
témoins possibles et imaginables pour le prouver. Alors, il faut voir
là, je pense, une erreur de la part de... Par ailleurs, de quel crime
nous accuse-t-il? Si vous permettez, juste une petite seconde. Il nous accuse
de nous préoccuper d'économie et des besoins de
l'économie, et il nous accuse également de vouloir
développer la capacité de raisonnement. Eh bien, permettez-moi de
plaider coupable, avec l'ensemble des professeurs de philosophie.
M. Gendron: Sur le fond, on va échanger. Je voulais juste
clarifier ça. Donc, il y aura une mise au point, je n'y reviens pas.
Il y a un certain nombre de questions qu'on se doit, je pense, de vous
poser. Dans votre mémoire, effectivement, vous affirmez qu'il y a une
espèce de crime de lèse-majesté d'envisager de questionner
la pertinence de cours de philosophie. Moi, j'estime que, si certains le font,
ce n'est sûrement pas à cause du mérite intrinsèque
de la discipline. Moi, je n'ai pas de trouble, j'en ai fait de la philosophie,
et j'estime que, dans l'optique d'une formation de base fondamentale, surtout
quand on regarde l'apprentissage de la philosophie comme une fonction critique:
est-ce que c'est légitime de dire que ça devient un peu essentiel
dans une formation de base? la réponse, c'est oui.
Ce que je lis, cependant, c'est que, s'il y a tant d'intervenants qui
prétendent, en 1992, qu'on peut effectivement développer la
fonction critique, la fonction d'analyse, qui est requise comme formation de
base par d'autres disciplines, de deux choses l'une: ou bien c'est parce qu'il
y a des choses qui ont évolué, ce qui me permet d'arriver aux
mêmes fins par d'autres moyens - juste une minute - ou bien ce qui
s'enseigne actuellement comme philo n'est pas ce que j'ai reçu comme
formation, et c'est plus ça, moi, mon drame. Je vous le dis correctement
et là je donne l'exemple. Moi, mon fils, effectivement, est au
collège - j'en ai deux - et il m'a dit: Papa, voici le travail que j'ai
à faire en philosophie, c'est: Tu vas me faire 25 pages sur un crayon au
plomb; ça, c'était son cours de philosophie. J'ai un
problème. Là, je dis: Justement, on fait de la philosophie, mais
là je ne comprends plus rien.
Alors, très clairement, première question: Est-ce que vous
ne pensez pas que c'est plus dans la façon dont on a enseigné la
philosophie au collégial que, là, il y a du monde qui a
commencé à se poser de sérieuses questions et à
dire: Là, c'est drôle, on a de la misère à percevoir
le développement de la fonction critique en faisant des choses comme
ça? Est-ce que ce n'est pas plus ça, le problème, ou si,
vous avez toujours beaucoup d'échanges, ça ne se peut pas et le
cours de philosophie est vraiment enseigné pour développer
davantage la capacité d'analyse, la fonction critique, comme j'ai
toujours pensé, chez les philosophes anciens pour ne pas aller plus loin
dans l'ancienne formation classique?
M. Therrien: Est-ce que je peux vous répondre?
M. Gendron: Bien sûr.
M. Therrien: Je vais prendre votre question sous deux aspects.
Dans n'importe quelle profession, discipline, il y a des erreurs, il y a des
gens, finalement, qui ne font pas leur travail,
partout ça. Si un juge arrive, à un moment donné,
pour siéger et qu'il fait des choses qui ne sont pas correctes, on ne
fera pas disparaître la magistrature ou n'importe quelle discipline. Les
professeurs - enfin, il y en a quelques-uns -pourquoi ça vous est
rapporté? Parce que, d'une certaine façon, il n'y a pas eu
suffisamment d'encadrement à l'intérieur des collèges. Je
pense que les directions pédagogiques n'ont pas pris leurs
responsabilités et, moi-même, je vais vous dire, le professeur qui
fait faire le travail sur un crayon, moi, je dis: Non, il ne fait pas de la
philosophie. Je pourrai revenir là-dessus.
Deuxièmement, sur l'aspect critique de la philosophie, au Conseil
des collèges on oublie une chose: c'est toute la dimension philosophie
politique. Donc, je peux bien en parier puisque j'ai écrit un volume
là-dessus. Un professeur de sciences politiques m'a dit: C'est bon ce
que vous faites, parce que nous, en sciences politiques, ce qu'on fait, c'est
les institutions; les étudiants ont assez de difficultés à
comprendre c'est quoi le processus parlementaire, au Canada, aux
États-Unis, la différence avec la France, il y a tellement de
détails. Il a dit: Vous autres, il y a une chose que vous faites, c'est
la question du sens en politique. Et je vous donne un exemple.
Démocratie et libéralisme, pour les étudiants, c'est la
même chose. C'est la même chose, démocratie et
libéralisme. Mais un philosophe que j'ai lu dernièrement, qui
s'appelle Claude Lefort, dit: Écoutez, le libéralisme, lui,
développe surtout les libertés individuelles; la
démocratie, c'est plus le fait que l'homme est un être qui vit en
société. Des fois, il y a des conflits, les droits individuels
vis-à-vis des droits collectifs. Qu'est-ce qui fait ça? C'est la
philosophie. Et là, on en fait de la vraie philosophie, avec des bons
crayons, M. Gendron.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Merci pour cette réponse. Moi, de toute
façon, je veux vous permettre de vous exprimer. Je n'ai pas a priori
d'opinion arrêtée.
M. Therrien: Je vous remercie de la question. Elle est
pertinente.
M. Gendron: Deuxième question, j'espère qu'elle
aussi le sera. Vous affirmez dans votre mémoire, à la page 32,
que, «parmi les compétences générales auxquelles
contribue la discipline philosophie, on retrouve - et là je vous cite
-l'ouverture d'esprit, la connaissance d'un fonds culturel commun, la
compréhension d'autres points de vue et la tolérance, la
capacité de lire et d'écrire à un niveau de structuration
élevée, l'argumentation», et ainsi de suite. Je n'ai pas de
troubles avec ça, moi. Je trouve ça noble, bien, et je dis que
c'est important, effectivement, puisqu'on fait beaucoup de reproches sur les
contenus de notre formation à nos jeunes qui ont de la difficulté
à arriver au descriptif que je viens de faire. Ma question: Est-ce que
vous ne croyez pas qu'il y a, en 1992, ou dans le monde moderne d'aujourd'hui,
d'autres disciplines qui peuvent nous permettre, comme exigences, d'arriver
exactement aux mêmes objectifs? Sinon, pourquoi et en quoi,
précisément, je raterais un certain nombre d'objectifs auxquels
vous et moi tenons si je n'avais plus, dans la formation de base, un cours de
philo?
M. Cohen-Bacrie: Bien, écoutez, nous n'avons jamais dit
qu'aucune autre discipline ne devrait ou ne pourrait participer au
développement d'un certain nombre de ces compétences, jamais. Il
y a d'ailleurs, si je comprends bien le rapport du Conseil des collèges,
une proposition sur la table, c'est-à-dire qu'il y a des cours
complémentaires, que leur utilisation est douteuse pour l'instant. Voici
déjà une possibilité pour l'introduction des
matières qui nous sembleraient ou qui vous sembleraient tout à
fait essentielles dans la formation générale. Donc, notre
position au départ n'est pas du tout de dire non à d'autres
matières qui contribueraient à la formation
générale. Notre position de départ, nous faisons l'analyse
complètement inverse et nous disons: Avant de couper une matière
qui existe, prenons simplement le temps de regarder: est-ce que, par hasard,
elle convient ou si elle ne convient pas aux grands objectifs de formation que
nous avons définis? C'est probablement le raisonnement qu'a pris le
Conseil des collèges quand il s'est dit: J'ai un grand objectif de
formation, ce sont les compétences éthiques, et j'estime que la
discipline philosophie a un apport à faire là-dedans, à
juste titre.
Nous, nous disons: II y a un oubli monumental, vraiment, très
important, et, à la limite, peu importe la discipline que vous allez
mettre là-dedans, qui est le développement des capacités
de raisonnement. Encore une fois, penser que les cours de toutes les
disciplines dans toutes les matières vont développer la
capacité de raisonnement, c'est errer autant que de penser que les cours
de toutes les disciplines dans toutes les matières vont
développer la maîtrise de la langue. Elles peuvent la valoriser,
mais on a besoin d'un support dans les cours obligatoires. C'est la raison pour
laquelle nous disons: Nous souhaitons le maintien de quatre cours de
philosophie pour répondre à ces objectifs, mais sans bloquer le
moins du monde les modifications essentielles qui seraient jugées
utiles. (11 h 20)
M. Gendron: Une autre question sur le département.
À moins que je ne me trompe, à date, l'information que j'ai - et
c'est possible qu'on n'ait pas toujours toute l'information qu'on devrait
avoir; c'est pour ça qu'on fait une commission, pour que
l'éclairage soit vraiment plus grand, plus précis, public, au vu
et au su de tout le monde - on me dit que, dans les dépar-
tements, au collège - et îà i! n'y a pas de jugement
contre eux, pour le vrai - les professeurs de philosophie sont souvent
perçus comme isolés, autonomes dans leur milieu et que, si on
privilégiait l'approche programme, comme plusieurs le prétendent,
bonne chance tout le monde pour la collaboration des profs de philo. C'est
quoi, votre opinion ià-dessus?
M. Therrien: M. Paquette va vous répondre.
M. Paquette (Michel); Évidemment, le thème de
l'approche programme, c'est quelque chose d'assez récent et d'assez
nouveau, et ça bouleverse un peu les habitudes parce que ça
change le rôle des départements et que ça donne un
pôle, à mon avis, très légitime, une importance et
un poids à la gestion pédagogique par les unités que sont
ies programmes. Pour vous donner des exemples concrets, au Collège de
Maisonneuve, d'où je viens, on a fait ia demande d'un diplôme
d'études collégiales dans un secteur très
spécialisé qui s'appelle ia pétrochimie, et nous avons
réussi, je veux dire le département de philosophie et le
département de pétrochimie et de chimie et les responsables de ce
programme-là, à convenir de modalités, d'objectifs dans
lesquels la discipline de la philosophie réussit à
s'insérer avec des objectifs qui sont souhaités par le
comité qui conçoit Ses compétences globales du technicien
qu'on veut former.
Un autre exemple du même type, c'est la réforme du
programme en sciences de la nature pour lequel, dans les prochaines
années, il y aura des expérimentations. On a réussi,
encore une fois, dans la demande qui a été soumise à la
DGEC, à s'entendre avec les professeurs de sciences pour que les
professeurs de philosophie, à des clientèles homogènes,
donnent des cours de philosophie axés plus sur les sciences, en se
basant sur la philosophie des sciences, l'épisté-mologie, qui est
une partie importante de la réflexion philosophique contemporaine.
Donc, on a des exemples, et je dois dire que je pense que les gens qui
sont ici, à cette table, pour témoigner devant vous acceptent le
principe de l'approche programme comme étant un des moteurs pouvant
animer le renouveau des cégeps. Cependant, il y a beaucoup de travail
à faire dans le milieu, et il n'est pas du tout évident que...
À ce moment-ci, on doit dire que les hypothèses alternatives
à l'enseignement de la philosophie... On parle quelquefois de cours
d'histoire: il n'est pas évident comment les professeurs d'histoire vont
réussir à s'arrimer dans les compétences
générales du technicien en pétrochimie non plus.
M. Gendron: Juste une.
La Présidente (Mme Hovington): On va procéder par
alternance, si vous voulez bien. M. le député de Vimont, vous
avez la parole.
M. Fradet: merci, mme la présidente. ça me fait
plaisir de vous rencontrer et de discuter du renouveau de votre programme au
cégep. ça ne fait pas tellement longtemps que j'ai terminé
mes cours, en 1985 au cégep ahuntsic, et je me souviens très bien
de mes cours de philosophie au cégep. j'étais inscrit dans un
programme professionnel, génie civil, où on a davantage d'ouvrage
dans notre concentration, et nous avions à subir ces cours. j'entendais
le critique tout à l'heure parler de ses fils et je peux vous dire qu'il
n'y a pas tellement longtemps j'ai passé des cours de philosophie
où on devait animer un cours dans toute la session; on l'a fait en
jouant de la musique pendant une heure et demie et on s'est
débarrassé de notre cours. je ne me souviens plus du nom du
professeur. et, dans un deuxième cours, on a animé aussi un cours
comme ça pendant toute la session.
Je ne mets pas en doute les objectifs que vous mentionnez dans votre
mémoire, mais sûrement les moyens. Et je ne voudrais pas voir
devant moi des gens qui viennent défendre leur profession au
détriment de ce qui s'enseigne et au détriment des objectifs qui
doivent être atteints par les étudiants de ces
collèges-là. Je pense que, ça, c'est important et, en tant
que jeune député, c'est là-dessus que je vais me baser
lorsque nous aurons à prendre une décision à
l'intérieur du gouvernement et de la commission parlementaire. Mais, la
question que je voudrais vous poser... On reconnaît que les objectifs
sont louables, la philosophie comme telle. Je reconnais aussi que
l'enseignement philosophique que j'ai eu, moi, il n'y a pas si longtemps,
n'était pas nécessairement adéquat face aux objectifs que
vous recherchez en tant que profession. On reconnaît aussi, selon vos
dires, que vous avez eu une vaste consultation au printemps dernier et que vous
allez dans le renouveau des collèges ou, en tout cas, que vous proposez
une réforme de votre enseignement de la philosophie.
La question que je voudrais vous poser: Pourquoi avez-vous attendu 25
ans pour faire ça? Lorsque les collèges ont été
formés et lorsque le cours de philosophie, il y a 25 ans, devait
respecter ces objectifs-là, pourquoi avez-vous attendu 25 ans? Et,
pendant 25 ans, des professeurs de philosophie - et là je ne vise
personne - m'ont enseigné, ont enseigné à mes
frères, ont enseigné à d'autres jeunes et ils enseignent
aujourd'hui aux jeunes du critique de l'Opposition la philosophie comme moi je
l'ai connue, et c'est ce qui me fait penser aujourd'hui qu'on doit abolir ces
cours-là. Et c'est ce qui fait penser aux jeunes - je vous dis, si je
pense en fonction des cours que j'ai reçus - qui ont été
consultés par le Conseil permanent de la jeunesse qu'on doit diminuer ou
abolir ces cours-là, parce que ça fait 25 ans qu'on enseigne
comme on m'a enseigné à moi et que juste au printemps dernier
vous avez décidé de changer votre structure.
Pourquoi avez-vous attendu 25 ans?
M. Therrien: M. Paquette va répondre.
M. Paquette: Je voudrais d'abord reprendre le moment fort de
votre question lorsque vous nous adressez à nous la
responsabilité de ces enseignements que, nous vous le
répétons...
M. Fradet: Vous avez dit que vous l'avez fait.
M. Paquette: ...nous n'approuvons, bien sûr, pas.
J'aimerais vous signaler que la commission d'évaluation du Conseil des
collèges signale que, maintenant, c'est une opération
réalisée; tous les enseignants dans la province remettent des
plans de cours. Et ces plans de cours là, on peut supposer qu'ils
décrivent ce qui se fait dans les cours. Bien sûr, après 25
ans, on n'a pas de mécanisme d'évaluation. Alors, le professeur
qui aurait, dans ses objectifs, confondu la philosophie et la musique, il a
bien remis un plan de cours, ce professeur-là. A-t-il été
lu, ce plan de cours? Qu'est-ce qu'il faisait, l'adjoint à la direction
des services pédagogiques, pendant ce temps-là? Est-ce qu'il
regardait les moulins tourner? Alors, ça, c'est une question qui est
fondamentale, c'est la question de l'évaluation, et nous avons,
j'espère que vous l'avez remarqué, des propositions très
concrètes à faire là-dessus.
Alors, ces cas-là, à mon avis, dans un premier temps,
j'aimerais bien qu'on les écarte et qu'on se dise que tout le travail
est à faire en matière d'évaluation des enseignements,
d'évaluation des apprentissages, d'évaluation des enseignants et
d'évaluation des programmes. Si on va dans cette direction-là, si
on donne le coup de barre... Et, je vous répète, comment se
fait-il qu'on ait attendu 25 ans dans le milieu pour se poser ces questions
cruciales de l'évaluation? Eh bien, c'est un fait d'institution. Et
ça me permet d'enchaîner sur l'autre aspect de votre question.
Vous devez savoir, peut-être qu'il y a des gens dans cette salle
qui s'en souviennent, qu'avant la création des cégeps, dans le
milieu des années soixante, on ne se posait pas de questions sur ce qui
se faisait dans les cours de philosophie. 95 % des professeurs de philosophie
enseignaient une philosophie bien identifiée, le thomisme, et on a
décidé de mettre fin à cet enseignement monolithique et de
prendre le risque de la pluralité. Et il y a toute une correspondance
à cette époque, lorsqu'on étudie l'histoire de nos
institutions, qui nous dit: Mais c'est très grave de laisser comme
ça les professeurs de philosophie enseigner la philosophie qu'ils
veulent. Peut-être que ce sera l'existentialisme, qui sait?
Peut-être que certains enseigneront le marxisme. Et on a dit: C'est le
risque à prendre parce qu'on ne veut pas une philosophie d'État,
on ne veut pas une philosophie monolithique; on veut la pluralité pour
dévelop- per le pluralisme. Peut-être que ça a
été un mauvais choix, peut-être que ça
été un mauvais choix.
La Présidente (Mme Hovington): Merci.
M. Fradet: Je veux juste faire un petit commentaire.
La Présidente (Mme Hovington): En conclusion.
M. Fradet: Je ne voulais pas, messieurs, vous poignarder, vous
critiquer sévèrement. Ce que je vous dis, c'est que le
passé est garant de l'avenir et, moi, ce que j'ai vécu, c'est
ça. Je prendrai des décisions. J'accepte volontiers votre
programme, ou votre renouveau, ou votre mémoire qui dit qu'on doit faire
quelque chose pour l'avenir. Et je pense qu'il faut se questionner et prendre
en note ce qui s'est fait dans le passé pour améliorer l'avenir.
Mais, moi, je suis ici comme député, comme parlementaire qui
représente une clientèle et qui veut que celle-ci
s'améliore constamment. C'est dans ce sens-là, moi, que je me
pose des questions surtout même si mon passé n'est pas aussi
rempli que le vôtre, mais il l'est en matière de cours, en tout
cas, au cégep, chose certaine. Et c'est dans ce sens-là que
j'intervenais auprès de vous. Je vais laisser la parole à...
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le
député de Vimont. Alors, je reconnais Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Le
député d'Abitibi-Ouest nous a donné un exemple de 1991, le
député de Vimont, de 1983. J'ai fait mes études
collégiales et j'ai diplômé du collégial en 1970 et
de l'Université du Québec en 1973. J'ai eu un enseignement
extraordinaire dans toutes les matières, sauf en philosophie. Alors,
même en 1970, là aussi, et j'étais pourtant dans une
école privée où on nous disait que l'enseignement devait
être de très bonne qualité.
Vous nous avez dit dans votre mémoire qu'effectivement on devait
développer la communication, le raisonnement. Dans plusieurs
mémoires, on nous a dit aussi que ce qui manquait beaucoup chez nos
étudiants et nos étudiantes, c'était la capacité de
synthèse. Ça aussi, c'est un élément important
qu'il faut essayer d'obtenir par certaines disciplines. Vous nous avez dit
aussi que vous reconnaissiez l'importance de l'évaluation. Lorsqu'on
regarde les statistiques des étudiants - parce que les matières,
les objectifs qu'on a, il faut la passer, cette matière-là, aux
étudiants - même si vous avez fait part tantôt que la
satisfaction au niveau du français et de la philosophie, c'était
assez près l'un de l'autre, bon, en français on parle de 54,7 %
et, en philosophie, de 50,6 %. Lorsqu'on
parte de la mauvaise qualité de l'enseignement du professeur, en
français on parle de 14,5 %, en philosophie de 20,2 %, l'écart se
maintient. (11 h 30)
Par contre, lorsqu'on demande aux étudiants si on devrait
augmenter, diminuer ou enlever les cours, eh bien, là, il y a un
écart extraordinaire. Si on dit d'enlever les cours de français,
là les étudiants disent seulement à 2,5 % qu'on doit les
enlever, alors qu'au niveau de la philosophie on dit à 25,9 % qu'on doit
les enlever, et, lorsqu'on parie d'augmenter, eh bien, là, on inverse.
Les cours obligatoires de français devraient être augmentés
à 19,8 % même s'ils sont plus ou moins satisfaits et, au niveau de
la philosophie, à 2,3 %. Comment vous expliquez ça?
M. Cohen-Bacrie: Nous croyons aux vertus de l'évaluation.
Lorsque le ministère a imposé le test de français du
niveau secondaire V aux finissants du cégep suite à la sonnette
d'alarme tirée par les universités, nous avons des
résultats concrets. Nous voyons que les finissants de la concentration
lettres du secteur préuniversitaire ont des résultats nettement
inférieurs en qualité de la langue aux résultats de la
moyenne qui sont déjà faibles. Eh bien, allons-nous tenir le
raisonnement que tenait le député ici, en disant: Ça fait
25 ans que le français s'enseigne, les résultats sont mauvais, on
le voit en ce qui a trait à la qualité de la langue, donc,
supprimons ce cours? Bien non. Ce qu'on dit, c'est: Transformons-le. Quand le
mécanisme d'évaluation est là, les problèmes sont
identifiés et les remèdes viennent.
Mme Caron: C'est les jeunes.
M. Cohen-Bacrie: En philosophie, actuellement, comme dans
beaucoup d'autres disciplines du réseau collégial, il n'y a pas
de mécanisme d'évaluation, il n'y a pas de suivi. Tout ce que la
commission d'évaluation dit, c'est: Le collège a une politique
institutionnelle d'évaluation, qui consiste en ce que le professeur
remet son plan de cours. Mais y a-t-il ensuite une évaluation des
apprentissages faits par le professeur? Eh bien, la réponse dans
l'immense majorité des collèges, c'est non. Je pense que c'est
une priorité à laquelle la commission doit accorder son attention
et les professeurs de philosophie sont parfaitement en faveur de ça.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Vous avez deux
minutes, M. le député de Jacques-Cartier, pour votre question,
incluant la réponse. Alors, soyez assez rapide. Merci.
M. Cameron: Merci, Mme la Présidente. I would agree with
the earlier comment that the choice to adopt pluralism at the end of the 1960's
was not a good choice, but I would go further than that. I would suggest that
it was a disastrous choice, that, in fact, to have the most general discipline
in the colleges, the one that in fact was all over the House, with the
suggestion that everything from being an existentialist to a Christian
conservative, to a Marxist, was almost a matter of what you wanted for desert.
In a way it has infected the entire cégep entreprise, no matter how
talented or capable individual professors of philosophy or in our schools what
they call humanities could be.
We have some of our strongest teachers in humanities department, but
nonetheless the image of the department as a whole, and this has been our
experience throughout, is a largely negative one. It would seem to me that this
pluralism should now be scrapped, or at least very substantially modified.
Would you comment on that?
M. Paquette: I would intend to agree. J'ai tendance à
être d'accord avec ce que vous dites. La solution, cependant, qu'est-ce
que c'est? Dans !e mémoire, je pense qu'on en a fait état
très rapidement. Je veux dire: On concède bien et on
conçoit bien que la philosophie brasse des grandes idées. La
solution des gens qui sont devant vous, c'est de dire: Nous devons maintenant
nous attaquer à des problèmes spécifiques de
pédagogie, d'apprentissage. Nous avons fixé comme objectif
terminal des cours de philosophie l'apprentissage de la capacité de
produire un discours rationnel, argumentatif, qui est du type de la
dissertation.
En analysant les habiletés qui conduisent à la
capacité, pour quelqu'un, par exemple, de discuter du problème de
la tolérance en démocratie, nous avons assigné des
objectifs spécifiques à des cours. Nous croyons que c'est dans
cette voie que nous devons aller. Non pas la philosophie pour la philosophie,
mais la philosophie asservie à la construction d'une compétence
générale chez l'étudiant, qui soit valorisée par
ceux qui conçoivent les programmes.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Alors, en
conclusion, Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme Robillard: Merci. Il ne me reste qu'à remercier les
gens du regroupement d'être venus partager leurs réflexions avec
nous.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Alors, au nom des
membres de la commission, je vous souhaite une bonne journée. Je vous
remercie d'être venus nous présenter votre mémoire.
Alors, j'inviterais maintenant le Collège de la région de
l'Amiante à bien vouloir prendre place. J'inviterais M. le
président du Collège de la région de l'Amiante à
bien vouloir prendre place avec ses collègues.
Je demanderais un petit peu d'ordre en arrière, s'il vous
plaît, un peu de silence.
M. Renaud Morin, président du conseil d'administration du
Collège de la région de l'Amiante, bonjour et bienvenue à
la commission de l'éducation. Je vous demanderais de nous
présenter ceux et celles qui vous accompagnent, s'il vous
plaît.
Collège de la région de
l'Amiante
M. Morin (Renaud): Mme la Présidente, Mme la ministre,
à titre de président du conseil d'administration, je
désire vous remercier de votre invitation et c'est avec plaisir que nous
venons participer aux travaux de cette commission. Je vous présente les
membres de notre délégation: Mme Martine Leblanc,
vice-présidente du syndicat du personnel de soutien; M. Fernand Daigle,
représentant des groupes socio-économiques de notre
région; M. Paul-Jean Bussières, président du syndicat des
enseignants; M. Claude Gagnon, représentant des professionnels
non-enseignants; M. Yvon Patoine, président de l'Association des cadres;
M. Marcel Lafleur, qui est notre directeur général et qui a agi
comme coordonnateur du comité, et j'y assiste comme
président.
La Présidente (Mme Hovington): Ah! il y en manque un.
M. Morin (Renaud): Non, ils sont tous là.
La présidente (Mme Hovington): non? c'est ça. je
pense que mme la ministre n'a pas compris le nom du dernier, à votre
extrême gauche.
M. Morin (Renaud): M. Fernand Daigle, qui est le
représentant des groupes socio-économiques.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour. Bienvenue à
la commission de l'éducation, et vous avez 20 minutes pour
présenter votre mémoire.
M. Morin (Renaud): Seulement quelques mots pour vous
présenter notre collège, le Collège de la région de
l'Amiante, qui est situé à Thetford Mines, comme vous le savez
sans doute, et nous accueillons, bon an mal an, quelque 1300 étudiants
au secteur régulier et 1500 à l'éducation des adultes.
Nous offrons quatre programmes au secteur général et neuf
programmes au secteur professionnel. Nous nous définissons comme un
collège de région, étroitement lié à sa
communauté.
Notre mémoire est le résultat d'un consensus
général. Il a été élaboré par un
comité de travail formé d'une vingtaine de personnes
représentant toutes les instances du Collège. Il a ensuite
été entériné par l'Association des
étudiants, par un groupe important d'organismes socio-économiques
et, enfin, par le conseil d'administration.
D'entrée de jeu, nous reconnaissons les limites de notre
contribution aux travaux de cette commission. Ne disposant pas des ressources
pour procéder à des études très
élaborées, nous avons plutôt choisi de vous
présenter un témoignage axé sur nos réalisations,
nos difficultés et nos projets. Nos recommandations s'inspirent
cependant d'un projet éducatif - et vous en avez une copie - qui est le
fruit d'une longue réflexion collective qui guide notre
développement depuis plusieurs années déjà.
Notre mémoire traite de six questions: l'accessibilité aux
études supérieures, la réussite scolaire, la consolidation
du secteur général, le développement du secteur
professionnel, les nouvelles missions des cégeps et la gestion du
réseau collégial. Je laisse maintenant la parole au directeur
général qui vous présentera chacun de ces
thèmes.
M. Lafleur (Marcel): Bonjour. D'entrée de jeu, je vous
annonce que notre mémoire n'a absolument rien de percutant. Nous
croyons, compte tenu de l'expérience que nous avons chez nous, que la
structure actuelle permet de faire beaucoup de choses - je pense qu'on est
capables de le démontrer - et nous pensons que, moyennant de
sérieuses améliorations quand même, parce qu'il y a
beaucoup de choses à modifier, on pourrait faire beaucoup mieux qu'on
fait actuellement dans le réseau collégial. (11 h 40)
Alors, le premier chapitre que nous aborderons, c'est
l'accessibilité aux études postsecondaires. Nous nous limiterons,
évidemment, parce que la commission possède tous les chiffres,
à traiter de ce qui s'est fait dans notre petite région.
Alors, au secteur de l'enseignement régulier, au moment où
on se parle, il y a déjà cinq fois plus d'étudiants au
secteur régulier qu'il n'y en avait en 1965, en 20 ans. Cet
accroissement assez spectaculaire s'est surtout manifesté au secteur
professionnel. Malgré les progrès réalisés, nous
pensons qu'il faut faire plus, parce que tout le monde sait maintenant que les
emplois de l'an 2000 nécessiteront, pour la plupart, des études
postsecondaires. Dans ce sens-là, il y a deux améliorations qu'on
devrait apporter au réseau en regard de l'accessibilité.
La première, il faudra permettre aux étudiants qui
proviennent du secteur professionnel secondaire d'accéder au
cégep. Ce n'est vraiment pas le cas aujourd'hui. Deuxièmement, il
va falloir faciliter l'admission à un grand nombre de jeunes qui
abandonnent beaucoup trop tôt leurs études parce que, notamment,
ils sont mal préparés. Or, nous croyons réellement que le
système scolaire actuel exploite très mal le potentiel des jeunes
Québécois et qu'un très grand nombre d'entre eux, beaucoup
plus pour-
raient poursuivre des études et les réussir. Chez nous, on
a adopté une orientation dans ce sens-là. On dit ceci: Le
Collège favorisera l'accessibilité aux études
collégiales au plus grand nombre d'élèves possible - et
c'est ce qu'on fait - tout en s'assurant qu'ils répondent aux exigences
d'une formation de qualité. Je vous dirais que ça, c'est
important. Il ne s'agit pas de donner des diplômes; il s'agit d'amener
les étudiants à progresser et à se dépasser.
Dans cette optique, nous recommandons à la ministre, pour
l'enseignement régulier, de favoriser l'harmonisation des formations
professionnelles au secondaire et au collégial et de développer
des modalités de passage d'un ordre d'enseignement à l'autre;
deuxièmement, d'accorder aux collèges des moyens accrus. Nos
suggestions ne sont pas très pointues: on parle d'améliorer la
réglementation, d'améliorer les finances peut-être, pour ce
faire, d'améliorer les programmes pour accueillir tous les
étudiants qui auraient besoin d'un supplément de formation pour
accéder au collège.
Maintenant, passons au secteur de l'éducation des adultes. Au
moment de la création des cégeps, peu d'adultes poursuivaient, en
tout cas dans notre région, des études collégiales.
Aujourd'hui, près de 1500 élèves fréquentent le
Collège à chaque année. Ils s'inscrivent à quelque
200 000 heures de cours, surtout à l'enseignement professionnel.
Malgré ces progrès, là aussi il y a deux problèmes
qu'on aimerait voir corrigés.
D'abord, nous déplorons que très peu d'adultes
s'inscrivent à l'enseignement général. Certaines
règles de financement font que les citoyens des régions
éloignées n'ont pas, à notre avis, les mêmes chances
que ceux des grands centres d'accéder à la formation
générale. Je trouve ça d'autant plus déplorable
qu'aujourd'hui il y a des centres universitaires qui s'en viennent dans nos
régions et que les gens peuvent difficilement y accéder à
cause de ça. Deuxièmement, peu d'adultes sont inscrits à
des programmes terminaux, alors ils refusent très souvent d'entreprendre
de longs programmes, surtout lorsque c'est pour reprendre ou apprendre des
notions qu'ils ont déjà acquises dans leur vie professionnelle ou
ailleurs.
Afin d'améliorer ce secteur-là, nous suggérons,
premièrement, d'accroître les ressources financières
à l'éducation des adultes en vue de favoriser, d'abord, la
formation à l'enseignement général; deuxièmement,
d'assouplir, pour les collèges de région, les règles de
financement pour leur permettre d'offrir des cours à des groupes plus
restreints d'élèves; troisièmement, de consolider,
évidemment, les programmes de reconnaissance des acquis et,
quatrièmement, de faciliter l'accès aux programmes pour ies
adultes à temps partiel, ne serait-ce qu'en améliorant un petit
peu les programmes d'aide financière qui existent actuellement. Pour ce
secteur-là, c'est tout.
Nous allons parler de la réussite scolaire. Je pense que nous
devons admettre certains torts. On a longtemps considéré
l'insuccès scolaire comme le pendant tout à fait naturel de
l'accessibilité. Je pense qu'on a eu tort. Depuis une dizaine
d'années, en tout cas, au Collège, on a décidé de
relever le défi que posent nécessairement la
démocratisation et la qualité des apprentissages des
étudiants. À cet effet, nous avons mis en place une vingtaine de
mesures pour supporter les élèves en difficulté. En voici
quelques-unes au hasard presque: d'abord, dépistage précoce des
élèves à risque, suivi étroit par les enseignants,
test obligatoire de français, cours d'appoint, ateliers de
dépannage, évaluation globale de tous les étudiants de
première année à la mi-session, politique des admissions
conditionnelles, respect intégral, depuis 10 ans au moins, du calendrier
scolaire. Qu'il pleuve ou qu'il tombe n'importe quoi, chez nous, on donne les
cours.
Ce train de mesures, jusqu'ici, a donné des résultats
assez intéressants. Malgré que nous ne fassions pas de
sélection d'étudiants, 86,2 % de nos étudiants
réussissent les cours qu'ils entreprennent au Collège. Alors,
ça ne veut rien dire s'ils échouent à l'université
ensuite. Les résultats qui, à l'université, on
été publiés dernièrement nous indiquent que nous
sommes un des bons collèges du réseau. Nos étudiants se
comparent avantageusement, sur le plan de la réussite, aux
étudiants d'à peu près n'importe quel collège.
Sur le plan du secteur professionnel, on a une politique
d'évaluation qui nous amène à évaluer ce qu'on fait
et on peut vous dire qu'actuellement 75 % des entrepreneurs qui
reçoivent nos étudiants sont satisfaits de leur
préparation et que 80 % des étudiants qu'on interroge nous disent
être satisfaits de la formation qu'ils ont reçue. Alors, il y a
moyen de faire des choses, nous pensons. Mais, malheureusement, la population
est loin d'être consciente des efforts qui peuvent se faire dans les
collèges. On entend plutôt parler de ce qui ne va pas que de ce
qui va. Alors, c'est pourquoi nous avons jugé utile de faire état
de ces résultats devant la commission.
Alors, il y a quand même des choses à améliorer et,
dans ce sens-là, d'abord, nous recommandons: d'augmenter les ressources
allouées à l'encadrement; d'encourager la recherche et
l'expérimentation - il ne se fait presque rien en matière
d'encadrement; et là c'est une résolution qui va faire plaisir
à Mme la ministre, de poursuivre ses travaux en matière
d'évaluation des établissements et d'inciter les
universités à produire les résultats de leurs
élèves selon leur provenance - c'est drôlement stimulant;
de préciser ses attentes et ses objectifs, parce que ce n'est pas clair
en matière de réussite scolaire. Voilà pour la
réussite scolaire.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Lafleur.
M. Lafleur: Alors, la consolidation du secteur
général. Un certain nombre d'intervenants ont recommandé
tout simplement la disparition du secteur général. Nous sommes en
profond désaccord avec tout ça pour quatre raisons. D'abord,
à cause de la préparation tout à fait insuffisante des
étudiants qui accèdent au collège, et vous connaissez la
panoplie des doléances, on n'y reviendra pas. D'autre part, plusieurs
étudiants font face à des problèmes très
sérieux d'orientation. Alors, le passage au collégial permet de
vérifier leurs intérêts, de mesurer leurs aptitudes et,
souvent, c'est une occasion de réorientation qui peut être
salutaire. Enfin, le secteur général favorise
l'accessibilité aux études supérieures pour les gens des
régions éloignées surtout. Alors, on pense que tous ceux
qui ont des problèmes de finance, tous ceux qui ont des problèmes
d'orientation, tous ceux qui ne sont pas tellement forts sur le plan de la
scolarité ont plus de facilité à s'inscrire chez nous
qu'à aller à l'université. Finalement, on croit
réellement que, dans l'état actuel des choses, un passage direct
du secondaire à l'université serait tout simplement
catastrophique sur le plan des échecs, des abandons et des
réorientations, parce qu'ils ont déjà de la
difficulté, nos étudiants, à absorber le choc du
cégep en passant du secondaire.
Pour toutes ces raisons, nous recommandons à la ministre de
conserver la structure actuelle du secteur général, de
préciser les objectifs et les exigences du ministère en regard de
la formation fondamentale, de s'assurer que tous les programmes permettent aux
élèves l'acquisition d'une solide culture générale
- ça fait drôlement défaut - et d'améliorer les
liens entre les niveaux secondaire, collégial et universitaire afin
d'assurer un meilleur arrimage des programmes - ça, c'est la
désolation.
Le développement du secteur professionnel, maintenant. Alors,
deux choses. On va parler de l'état du secteur professionnel et ensuite
de la cohabitation du général et du professionnel.
L'état du secteur professionnel au collège. On a
près de 65 % de nos étudiants inscrits au secteur professionnel
et ils s'insèrent extrêmement bien actuellement sur le
marché du travail, en dépit de la conjoncture économique
défavorable. Et il y aurait peut-être lieu d'être satisfait
de cette situation n'eût été l'essor considérable
qu'a pris le marché du travail ces dernières années. On
parle de concurrence internationale, d'influence exercée par
l'informatique dans le développement des équipements, de besoin
de rationalisation de la production, etc. (11 h 50)
Tout ça, même si on a fait des progrès,
nécessite, je pense, une reprise en main immédiate et urgente
pour que nos étudiants soient capables à court terme de
répondre au défi que pose la formation professionnelle
aujourd'hui. Et il y a une panoplie de recommandations tout aussi importantes,
à notre avis, les unes que les autres. D'abord, il faut assurer un
perfectionnement des enseignants, notamment en leur facilitant l'accès
à des stages en industrie; deuxièmement, introduire dans tous les
programmes professionnels des stages obligatoires et crédités
pour les élèves; troisièmement, promouvoir les
études techniques auprès des étudiants et des
étudiantes; quatrièmement, s'assurer que les collèges
disposent des équipements suffisants pour offrir un enseignement
adapté aux exigences d'aujourd'hui, que ce soit en les achetant ou en
permettant d'aller les utiliser dans des industries - on connaît quand
même les limites budgétaires du gouvernement - et, finalement,
accélérer la révision des programmes qui est d'une lenteur
excessive. Voilà.
Pour la cohabitation du secteur professionnel et du secteur
général maintenant, il y a un certain nombre d'intervenants qui
mettent en doute la nécessité de fusionner ces deux
secteurs-là. Nous, on pense que cette cohabitation permet de favoriser
une solide formation fondamentale et d'acquérir une bonne culture
générale pour tous les étudiants. Si les étudiants
du secteur professionnel n'avaient pas accès à tout ça,
là, on risquerait de se retrouver devant des déficiences
peut-être plus grandes que celles qu'on connaît aujourd'hui.
Et, finalement, il y a une harmonisation qui est à parfaire entre
les deux secteurs. Tout n'est pas fait, loin de là. Nous pensons, au
Collège, être assez avancés et nous avons adopté une
orientation qui dit: Le Collège développera un enseignement
basé sur la concertation entre les intervenants d'un même
programme. On doit y travailler et nous avons l'intention d'y travailler.
Alors, nous recommandons à la ministre de maintenir la
cohabitation, de s'assurer que les programmes du secteur professionnel
permettent l'acquisition d'une solide formation fondamentale et d'une bonne
culture générale, c'est essentiel, et d'améliorer,
évidemment, les structures de coordination des programmes, tant à
l'intérieur des collèges qu'à l'extérieur, dans le
réseau, dans l'ensemble.
L'autre chapitre dont nous traitons, c'est la nouvelle mission pour les
cégeps. Compte tenu des ressources humaines et matérielles
très importantes dont disposent les cégeps, ils ont peu à
peu été appelés à répondre aux besoins
très grands qu'il y a, surtout dans les régions
éloignées. Alors, chez nous, les besoins exprimés sont si
grands que le Collège s'est donné une orientation dans ce
sens-là qui se lit comme suit: Le Collège contribuera au
développement régional, notamment en mettant au service du milieu
les ressources humaines et matérielles dont il dispose. Ce concept de
service à la collectivité est assez bien intégré au
Collège. Il se manifeste
de plusieurs façons dans différents secteurs, que ce
soient la culture, l'économie, le domaine social, etc.
Il y a une trentaine de programmes, on en fait état dans notre
mémoire, qui ont été mis de l'avant pour réaliser
cet objectif. Nous jouons le rôle de bibliothèque municipale dans
notre milieu, les plateaux d'éducation physique sont ouverts à
tous les gens du Collège, mais également à tous les
citoyens de la région. Nous avons des prêts d'équipement,
par exemple, aux industries; nous avons implanté un centre
spécialisé avec la collaboration du ministère; nous avons
travaillé à des projets de création d'entreprises, et j'en
passe.
Plusieurs autres collèges, je pense, de plus en plus, ont des
réalisations tout aussi importantes. Ces pratiques nous apparaissent
suffisamment répandues maintenant pour que nous demandions à la
ministre de modifier la loi des collèges afin de reconnaître le
rôle des établissements en matière de recherche, d'aide
technique et de support au milieu.
La gestion du réseau collégial. Quelques mots seulement
pour vous dire, dans un premier temps - bon, je ne sais pas s'il y en a
plusieurs qui ont répété ça - que nous sommes
relativement satisfaits de la gestion de la Direction générale de
l'enseignement collégial. Elle a adopté des politiques qui nous
laissent, à notre avis, une bonne marge de manoeuvre et nous
apprécions l'esprit de collaboration qui prévaut chez les
fonctionnaires. Puis, quand on n'est pas d'accord, on le dit.
Dans un deuxième temps, nous déplorons les compressions
budgétaires qu'il y a eu, c'est-à-dire que nous ne pourrons
indéfiniment faire plus avec moins, et je pense que l'ère de la
rationalisation achève. On est rendus un petit peu au bout du
rouleau.
Et, finalement, nous aimerions, nous souhaiterions plus de rigueur dans
la gestion des budgets au ministère, dans le sens que la planification,
entre autres, devrait être améliorée. Nous recevons
souvent, au mois de juin, des budgets qui devraient être envoyés
dans les collèges... Écoutez, quand il y a des compressions qui
s'additionnent avec ça, quand on veut travailler ensemble comme chez
nous, ça crée des petites problématiques.
On suggère à la ministre de maintenir, tout au moins
à son niveau actuel, parce qu'on connaît les restrictions du
gouvernement et les difficultés, l'enveloppe des budgets de
fonctionnement, de respecter scrupuleusement les délais prévus
aux politiques budgétaires pour faire connaître aux
collèges les ressources dont ils disposent annuellement, de mettre en
place un mécanisme permettant d'effectuer une planification
budgétaire pour trois ans au moins, à moyen terme - ça
nous manque beaucoup; il n'y a pas une industrie qui se tient qui n'a pas un
petit peu de vision, alors que nous, pour l'instant en tout cas, c'est
impossible - et, finalement, de transférer en totalité dans les
collèges l'enveloppe allouée pour les immobilisations et les
transformations.
En terminant, on attire l'attention sur l'insuffisance, dans le contexte
qu'on a décrit et les suggestions qu'on a faites surtout, des budgets de
perfectionnement. Et, avec la venue d'un grand nombre de professeurs sur le
marché du travail, tout à l'heure, ça va devenir
catastrophique. Alors on suggère à la ministre d'augmenter
considérablement l'enveloppe budgétaire allouée au
fonctionnement et deuxièmement - et ça, ça concerne les
collèges des régions - d'augmenter substantiellement les sommes
déjà accordées aux collèges des régions pour
pallier leur éloignement. Tous les coûts afférents -
hébergement, transport, etc. - sont en constante progression et on
n'arrive plus. On est défavorisés, à notre avis, par
rapport aux gros collèges.
Conclusion. Tout au long de cette présentation trop rapide, nous
avons fait état des progrès réalisés dans le cadre
de la structure actuelle. Et on a essayé de démontrer qu'il y a
moyen de faire des choses, même si tout n'est pas parfait. On pense que
la vision qu'on vous a apportée témoigne d'une nette progression
dans les collèges et d'une certaine maturité
également.
Au moment de leur évolution, il nous apparaîtrait
inopportun de procéder à un bouleversement des structures en
place. Il y a, bien sûr, beaucoup d'amélioration, on le souligne,
à apporter à la situation actuelle, et c'est dans cette
perspective-là que nous avons fait nos recommandations. Nous
espérons que le ministère de l'Enseignement supérieur et
de la Science s'en inspirera largement pour consolider une structure qui, somme
toute, à notre avis, est porteuse d'avenir. Alors, voilà.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Lafleur. Vous
avez la parole, Mme la ministre.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
saluer les gens du cégep de la région de l'amiante, et,
d'entrée de jeu, M. Lafleur, vous dire que vous avez commencé en
disant: Notre mémoire n'est pas percutant. Mais oui, il est percutant,
votre mémoire.
M. Lafleur: Ah bien, tant mieux!
Mme Robillard: II est percutant parce qu'il démontre bien
la réalité que vous vivez dans la région de l'amiante.
D'ailleurs, on voit qu'il est le fruit d'une concertation que vous avez faite
de toutes les instances au niveau du collège pour nous soumettre ce
mémoire-là et, en plus, on découvre très
rapidement, à la lecture de votre mémoire, que le Collège
de la région de l'Amiante s'est donné un projet éducatif
très précis, avec des orientations très précises,
ce qui n'est pas le cas de l'ensemble des cégeps de la
province. Alors, je pense que vous avez toutes les raisons d'être
fier de venir nous présenter vos réalisations dans la
région de l'amiante.
Ma première question, si vous me le permettez, M. le
président du collège, M. Morin, j'aimerais ça l'adresser
au représentant des groupes socio-économiques de la région
de l'amiante. M. Daigle, j'aimerais ça vous entendre parler. D'abord,
vous êtes représentant de quel groupe socio-économique de
la région de l'amiante? Et est-ce que le monde socio-économique a
un message à nous livrer concernant le collège de votre
région?
M. Daigle (Fernand): Mme la ministre, je représente non
officiellement mais officieusement une table de concertation qui a
été mise en place il y a quelques années, avant la tenue
des sommets. C'est une préoccupation régionale et c'est là
que, peut-être, ma présence... Parce que cette réussite de
concertation qu'on a vécue chez nous, c'est parce qu'on avait un
collège avec ses ressources humaines et, également, avec ses
ressources physiques. Dans les régions, il faut continuellement compter
sur nous-mêmes, en grande partie, pour assurer notre
développement. Comme table de concertation, c'est social et
économique. On avait fait travailler ensemble - c'est une
expérience qui a été absolument fantastique - des
comptables agréés avec des travailleurs sociaux. On a rarement
l'occasion de travailler ensemble mais, là, tout le monde avait
essayé de travailler ensemble pour établir des pistes de
développement, si bien que, lorsque sont arrivés les sommets,
notre région de l'amiante, on était prêts, on avait
établi des pistes de développement. Et c'est, pour nous...
Remarquez bien, moi, je peux peut-être vous donner un témoignage,
parce que j'ai été témoin. (12 heures)
Au début, c'étaient des instituts. J'étais
secrétaire du comité en vue d'avoir chez nous une institution au
niveau collégial parce que, pour nous, le niveau collégial, c'est
important. C'est une ressource, c'est des gens qui nous aident. Un comptable
agréé, à Québec, c'est perdu dans la masse, mais,
à Thetford, c'est important. Un professeur de cégep à
Québec, ce n'est peut-être pas important, mais à Thetford,
c'est drôlement important, surtout avec des gens qui s'impliquent comme
on a vécu. Je peux vous en témoigner longtemps de ces
choses-là parce que ça fait quand même 25 ans qu'on est des
employeurs. Également, on peut avoir ces gens-là près de
nous et leur dire un peu notre façon de penser des étudiants qui
sortent de là parce que c'est des gens qu'on côtoie, qui sont chez
nous. Je ne sais pas si ça répond à votre question, Mme la
ministre.
Mme Robillard: Oui. Merci, M. Daigle. Maintenant, M. Lafleur,
j'aimerais ça qu'on se parle du problème que vous avez
soulevé d'har- monisation de la formation professionnelle. De
façon particulière, vous le soulevez avec l'ordre d'enseignement
secondaire. J'imagine que vous auriez pu faire de même aussi avec l'ordre
d'enseignement universitaire, mais vous avez «focussé» de
façon très précise sur l'harmonisation avec le secondaire,
à savoir qu'il faut faire quelque chose là. Avant de parier de
solutions avec vous, M. Lafleur, de par votre expérience dans la
région, pourquoi, 25 ans plus tard, on a toujours ce problème
d'harmonisation avec l'ordre d'enseignement secondaire, selon vous?
M. Lafleur: Bien, il y a deux choses. À mon sens, il y a
d'abord une question de programme. L'étudiant qui réussit
à faire le saut, qu'on accepte chez nous a des difficultés
énormes parce que, dans toutes les matières fondamentales, je
dirais, soit le français, les mathématiques, dont il a besoin
pour réussir au collège, il est mal préparé, encore
plus que les étudiants qui nous arrivent du secteur
général. Deuxièmement, j'ai l'impression qu'il y a
très peu de compatibilité entre les programmes qui s'enseignent,
même que, dans les régions, les programmes qui s'enseignent au
secondaire et au collégial sont souvent tout à fait
différents, ne sont pas complémentaires nécessairement.
Les résultats, c'est que, chez nous, il ne s'inscrit pas plus de trois,
quatre et, les bonnes années, cinq étudiants en provenance du
secteur professionnel. Je ne sais pas si c'est l'intérêt qu'on
peut susciter pour les apprentissages ou les études chez ces
jeunes-là, mais il y a un malaise que je ne saurais trop définir,
sauf que ce qu'on peut constater, chez nous, c'est que le nombre
d'étudiants qui passent du secteur secondaire au secteur professionnel a
été infiniment petit et que les quelques étudiants qui
ont, je dirais, cette chance-là, le mot est très mal choisi,
parce que je veux vous dire qu'ils rencontrent une infinie kyrielle de
difficultés. C'est tout ça, je pense, qu'il faudrait examiner.
Nous ne sommes pas allés de façon pointue dans nos
recommandations. On signale surtout des grands problèmes et on donne des
pistes, croyant que le ministère a toutes les ressources pour être
capable de préciser ses orientations parce que, dans le champ, pour
nous, c'est très clair, ça ne marche pas.
Mme Robillard: Alors, vous cernez très bien le
problème puis vous dites: Moyennant quelques modifications du
système, peut-être qu'on pourrait essayer de régler ce
problème. Vous le dites, vous n'êtes pas allés plus loin,
mais essayons d'aller plus loin ensemble aujourd'hui, M. Lafleur...
M. Lafleur: D'accord.
Mme Robillard: ...parce que, de cette commission, il faudra
dégager des pistes d'actions
et de solution très concrètes sur le terrain, et vous la
vivez cette réalité-là sur le terrain. Est-ce qu'une des
façons d'essayer d'harmoniser davantage avec ce qui se fait au
secondaire, avec la formation professionnelle du secondaire - je pense que vous
avez, de façon particulière, axé sur cette formation du
secondaire - ce serait de moduler le D.E.C., le diplôme d'études
collégiales, comme certains nous l'ont proposé, une certaine
modulation du D.E.C., donc de le décortiquer en modules? Et, si on
faisait ça, est-ce que le diplôme d'études professionnelles
du secondaire ne pourrait pas être considéré comme un
premier module ou une première étape? Est-ce que vous avez eu des
échanges sur ça? Comment vous voyez ça?
M. Lafleur: Non, nous n'avons pas eu beaucoup d'échanges
à ce sujet-îà, sauf que la Fédération des
cégeps a proposé des recommandations qui vont dans ce
sens-là. En tout cas, personnellement, je ne peux pas me prononcer au
nom des gens qui sont ici parce qu'on n'en a pas discuté. Ça
pourrait être une solution valable, mais ce que j'aurais tendance
à vous dire comme ça, c'est qu'il faudrait d'abord que, pour les
étudiants qui proviennent du secteur professionnel du secondaire, on
améliore nettement toutes les matières de base pour leur
permettre de s'intégrer au collège, ou encore il faudrait qu'au
collège on mette sur pied des mécanismes d'entrée, comme
on le suggère dans notre document, des cours d'appoint pour leur
permettre, dans un temps relativement court, de s'intégrer avec les
étudiants réguliers. Certains parlent de propédeutique. Je
ne sais pas s'il faut aller aussi loin que ça, mais il va falloir tout
à l'heure, je dirais, hausser le niveau des connaissances de ces
jeunes-là pour qu'ils puissent accéder à un niveau
supérieur.
Mme Robillard: Mais vous en faites déjà plein, de
choses. Dans votre plan de réussite, c'est incroyable toutes les actions
que vous posez, et vous avez des résultats, mais, en plus de ça,
vous dites: II faut des mécanismes supplémentaires...
M. Lafleur: Oui.
Mme Robillard: ...en tant que tels, des moyens concrets. Est-ce
que les professeurs qui vous accompagnent, par exemple, ou d'autres personnes
pourraient avoir certaines idées sur ce sujet-là? Comment on
pourrait faire ça? L'objectif est louable en soi. Moi, je voudrais bien
qu'on l'atteigne, mais comment?
M. Lafleur: Peut-être M. Gagnon...
M. Gagnon (Claude): Quelques idées seulement, rapidement.
Un premier aspect, c'est la connaissance de ces clientèles-là.
C'est générale- ment les clientèles qui sont au secteur
professionnel long, les clientèles dont la motivation pour les
programmes scolaires à caractère académique est
très faible. Les entrer au collège dans une approche à
caractère strictement académique serait une erreur. C'est
pourquoi, personnellement, je le dis au plan personnel, l'aspect d'une approche
de type propédeutique pour les gens du secteur professionnel
m'apparaît à analyser de façon importante. Nous devrions
plutôt nous centrer vers l'ouverture de nos programmes professionnels en
centrant, dans les premiers temps de la formation, les élèves sur
la formation professionnelle qui les attire. Ce qui les attire, ces
gens-là, c'est l'action concrète, c'est les laboratoires, c'est
le travail sur des machines, c'est le travail en usine, c'est les visites
industrielles. Et, jusqu'à maintenant, nos structures ne nous permettent
pas d'aller très loin. Un premier commentaire.
Un deuxième commentaire, c'est celui de favoriser de façon
très importante une revalorisation de l'enseignement professionnel
très tôt chez ces gens, chez les gens du secteur professionnel
long. Les moyens dont on dispose - j'entends pour les collèges des
régions, à tout le moins - pour soutenir de façon
adéquate l'information et la promotion de nos programmes auprès
des clientèles spécifiques comme les clientèles du secteur
professionnel, nous n'en avons pas, de moyens. Et il me semble qu'il faut faire
germer chez cette clientèle l'idée de parvenir à des
études postsupérieures beaucoup plus tôt. C'est
inquiétant de voir comment nos Québécois n'aspirent pas
aux études supérieures, comparativement à des jeunes de
pays étrangers. Il y a des écarts incommensurables, très,
très importants. C'est en termes de 25 % et 30 % de population. Il faut
faire des efforts très nets là-dessus, et nous n'avons pas, dans
les collèges, jusqu'à maintenant, les moyens de soutenir cet
aspect-là. Il faudra penser en termes de préalables assouplis
également et nous donner les structures pour le faire. Non seulement on
est prêts à faire des choses là-dessus, mais les structures
sont assez rigides pour les gens du secteur professionnel - j'entends les gens
du secteur professionnel long. Ça m'apparaît être trois
pistes, rapidement, qui nous donnent des directions concrètes dans
lesquelles on pourra agir.
M. Lafleur: Mme la ministre, quand vous nous dites: Vous faites
beaucoup de choses, pourquoi vous ne faites pas ça en plus? sous forme
de boutade, je vous dirais qu'on a assez de misère à faire ce
qu'on fait là que, quand vous nous demandez, sans ressources, d'en faire
encore plus, je vous dirais qu'on commence à être
essoufflés, et passablement.
Mme Robillard: Non, mon message n'était pas à cet
effet-là, M. Lafleur. Peut-être qu'on
s'est mal compris.
M. Lafleur: Non, j'avais très bien compris. Des voix:
Ha, ha, ha!
Mme Robillard: Mon message était à l'effet...
M. Lafleur: Et je tenais à vous dire ça aussi. Ha,
ha, ha!
Mme Robillard: ...que, de fait, vous en faites beaucoup, vous
appliquez beaucoup de mesures au niveau de l'accueil et de
l'intégration, mais que, malgré ces mesures-là, vous
dites: II faut autre chose pour l'harmonisation. Et c'était...
M. Lafleur: L'écart est trop grand. (12 h 10)
Mme Robillard: ...dans cette optique-là que j'essayais
d'avoir des éclairages supplémentaires de votre part.
Si nous abordions ensemble ce que vous développez dans votre
mémoire concernant l'approche programme. Dans cette partie-là du
mémoire, vous spécifiez qu'il y a un certain nombre
d'intervenants qui nous disent que la structure départementale actuelle
favorise le morcellement de l'enseignement. Certains intervenants disent
ça. Par ailleurs, chez vous, au Collège de la région de
l'Amiante, vous avez une orientation très claire qui porte sur la
concertation interdisciplinaire, donc des professeurs d'un même
programme. Vous avez une orientation spécifique qui vous engage, je
pense, à poser des questions dans ce cadre-là. Alors, j'aimerais
ça savoir comment ça se vit à la région de
l'Amiante, et peut-être que j'aimerais ça entendre M. le
représentant des professeurs, si vous pouviez nous en parler un peu,
comment ça se vit cette concertation.
M. Bussières (Paul-Jean): Alors, il faut dire que l'esprit
dans lequel on entrevoit l'approche programme, c'est un esprit qui est le
compromis acceptable fait entre, d'une part, le total détachement de
certains cours par rapport à des préoccupations de programme et,
d'autre part, à l'autre limite, l'assujettissement. Alors, il y a des
efforts de faits et il y en a encore à faire. C'est évident,
c'est un travail... La concertation, on ne fait pas ça une fois et puis,
après ça, on arrête. Il y a des efforts à faire,
mais, au niveau des contenus, il y a une préoccupation, je pense, qui
est présente chez les professeurs, d'adapter des parties de contenu qui
conviendront mieux à certains types d'étudiants, entre autres
choses.
Je pourrais peut-être citer un exemple qui me vient à la
mémoire. Dans un cours de français donné - à
l'époque on avait des groupes assez homogènes - en technologie
minérale, à un groupe de technologie minérale, alors le
prof avait pensé mettre «Germinal» de Zola. Alors, c'est une
approche, c'est une façon. Vous allez me dire que c'est peut-être
une bien maigre approche dans ce sens-là. Là-dessus je vous
répète qu'il y a des choses à parfaire, mais disons qu'il
y a une attitude assez positive de la part des profs, bien entendu, en autant
qu'on ne va pas leur demander d'assujettir tout le contenu de leur cours. Il ne
faut pas demander ça à un prof, il faut respecter sa
liberté au niveau du contenu, mais il y a là-dessus des avenues
envisageables.
Il faut dire aussi que, s'il y a un modèle qu'on souhaiterait
exportable de ce collège-là, un modèle de fonctionnement,
c'est peut-être le fait aussi que c'est une petite boîte, mais tout
le monde a l'intérieur de ça participe aux projets de
l'établissement. Tout le monde à ces projets-là à
coeur. Et puis c'est dans ce sens-là qu'on peut arriver à une
meilleure concertation dans bien des domaines, entre autres choses dans
l'approche programme.
Mme Robillard: Alors, je comprends que votre effort de
concertation, ça va jusqu'à essayer d'impliquer les profs qui
donnent la formation générale - quand vous me citez l'exemple du
français - à l'intérieur, donc une approche programme
globale, y compris la formation générale en tant que telle. Et
vous dites: Bon, il y a encore à faire, mais on a réussi à
faire un bout de chemin quand même. C'est ce que vous me dites.
M. Bussières: Oui.
M. Gagnon: Mme la ministre...
Mme Robillard: Oui.
M. Gagnon: Je peux peut-être donner des exemples
très pointus sur cette question de la façon suivante. Je pourrais
affirmer que l'approche programme est pour nous une réalité au
Collège depuis une dizaine d'années, pas parfaite, mais en
implantation, selon une couple de principes. D'abord, respecter vraiment ce que
sont les professeurs de chacune des disciplines qu'ils ont à porter
à l'intérieur du programme. Une erreur importante dans l'approche
programme me semblerait être de trancher au point de dire, finalement: La
valeur de la discipline et l'importance du ressourcement des enseignants dans
leur propre discipline, ça, ce n'est plus nécessaire étant
donné l'approche programme. Ce serait une erreur grave,
premièrement.
Deuxièmement, ce que nous avons fait dans les dernières
années, c'est que nous avons centré le travail sur la
définition du profil du technicien ou du diplômé que nous
avons à former et la participation, l'identification par les
enseignants, en concertation, pour définir ce que
c'est ce profil du diplômé, d'abord pour les professeurs,
les départements porteurs de la spécialité, ensuite en
collaboration avec les départements porteurs des cours de service et,
éventuellement, avec une participation explicite des professeurs du
curriculum, des cours obligatoires, français, philo et éducation
physique, de bien déterminer leur apport de façon
générale à l'ensemble des programmes. En faisant cela et
en respectant l'apport de chacun, les rôles, nous avons réussi a
progresser de façon très importante. Je ne veux pas avancer
très longuement ici, mais je pourrais vous donner des exemples au moins
en termes de dizaines, y compris le beau programme des sciences humaines.
Mme Robillard: Je trouve ça intéressant, si vous
dites que vous l'expérimentez, l'approche programme, depuis 10 ans, et
vous dites, ce que je retiens, c'est que le département disciplinaire a
toujours aussi sa place. Vous axez sur le besoin de ce regroupement-là
en matière de perfectionnement, par exemple, des profs, si j'ai bien
saisi. Mais vous dites: C'est toujours aussi important dans l'organisation.
M. Gagnon: C'est important, oui... Excusez.
Mme Robillard: M. le professeur, vous êtes d'accord avec
ça?
M. Bussières: Oui. Que la notion de département
soit tout à fait importante, oui. C'est le lieu, de fait, c'est
l'exercice même de la collégialité, et, de cette
façon-là, on est en mesure de mieux déterminer des
objectifs de département. Et, chez nous, c'est comme ça que
ça se vit.
Mme Robillard: O.K.
La Présidente (Mme Hovington): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Je suis très heureux de vous saluer. Je tiens
à vous dire que je suis loin d'être certain qu'on serait ici
à réévaluer l'avenir des collèges si chacun des
collèges du Québec était imprégné ou vibrait
aux mêmes réalités que le vôtre. Ce n'est même
plus une flatterie, suivant ce que vous nous avez dit. D'ailleurs, c'est une
présentation très rafraîchissante, un contenu
rafraîchissant, concret, positif. Moi, quand je vois les documents
d'accompagnement, et ce n'est pas parce que je les vois là, c'est beau,
sincèrement, de voir qu'un collège a décidé de
poser des gestes concrets pour corriger des lacunes, des choses qu'il a
observées.
Alors, moi, je pense qu'un mémoire qui loge à l'enseigne
de mettre l'emphase sur des mesures d'encadrement, parce que c'est une mesure
sur laquelle vous avez insisté, et je vais y revenir, qui nous fait des
recommandations sobres, mais tellement claires, tellement précises,
tellement justes par rapport à la réalité d'un tas de
choses que nous avons entendues, on ne peut que se réjouir,
sincèrement. C'est pour ça que je ne veux pas que vous
atténuiez la présentation de votre mémoire, tantôt.
Vous avez un bon mémoire. Il est précis, concret. En tout cas,
moi, si j'étais ministre, je m'en inspirerais largement, pas dans toutes
ses dimensions, et on y reviendra.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix:...
M. Gendron: Non, j'ai dit: Si j'étais.
Une voix:...
M. Gendron: M. le sénateur, dérangez-nous pas, M.
le sénateur.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Alors, très sérieusement,
première question. Quand vous avez affirmé qu'il y a lieu de
mettre l'emphase davantage sur des mesures d'encadrement et des
activités de support aux élèves - et vous le prouvez,
entre autres, par certains de vos documents d'accompagnement - afin de
favoriser l'accessibilité, mais également de maximiser la
réussite scolaire, je trouve que c'est fondamental. Il n'est pas tout de
les avoir, il faut les garder, puis il faut qu'ils réussissent. Il faut
avoir des objectifs de réussite. Et là vous avez
énoncé, à la page 4 de votre mémoire, quelque chose
qui nous a appelés, nous autres, à écrire de notre
côté: Très bien, très correct. Vous avez eu toutes
les étoiles qu'on avait à notre disposition. C'est une image,
évidemment.
Je dis: C'est tellement correct ce qu'ils font que j'aimerais être
éclairé davantage rapidement sur chacune. Quand vous dites, par
exemple... Vous parlez de mesures de transition entre le secondaire et le
collège. J'aimerais ça, juste une seconde: C'est quoi?
Évaluation globale de mi-session pour les élèves de
première année. Ah! je dis que c'est intelligent, parce qu'ils se
rendent compte que c'est surtout en première session puis en
première année qu'il y a des drames. J'aimerais ça que
vous me disiez, en deux ou trois phrases, comment vous faites ça,
comment ça s'articule ça, puis comment c'est appliqué.
Est-ce que c'est appliqué à tous les élèves ou
juste dans des programmes?
Politique pour contrer les abandons scolaires. C'est quoi votre
politique pour les contrer? J'aimerais ça être capable de
l'apprécier un peu plus. Vous avez évoqué que vous faites
ça, puis je comprends que vous ne pouvez pas le détailler, mais
j'aimerais ça quelques phrases.
M. Lafleur: Écoutez, les mesures de transition, par
exemple, dont on parle, c'est qu'on vient, peut-être un peu trop tard
malheureusement, de mettre en place trois cours de français pour mettre
à jour les gens. C'est des cours de mise à niveau dans lesquels -
je ne sais même pas si on a le droit de le faire - des étudiants
qui ont leur diplôme, soi-disant, qui ont les succès voulus, sont
obligés...
M. Gendron: Juste une seconde.
M. Lafleur: Oui.
(12 h 20)
M. Gendron: Si ça donne des bons résultats chez
vous, probablement que vous n'avez pas le droit de le faire, mais
continuez!
M. Lafleur: En français, disons qu'on est en train de
travailler, parce qu'on a une petite lacune de ce côté-là.
Mais les mesures de transition sont au niveau des mathématiques, de la
chimie, du français. On songe à avoir d'autres cours d'appoint
l'an prochain.
Au niveau de l'évaluation de mi-session, c'est assez simple.
Chaque professeur est amené à identifier les trois, quatre, cinq
ou six étudiants qui risquent d'avoir un échec et il remet
à l'aide pédagogique, à un des deux aides
pédagogiques - ça dépend du secteur - les noms de ces
étudiants. Les aides pédagogiques font une compilation et tous
les étudiants de première année - on ne fait pas ça
pour tout le monde -de première session qui sont en voie de courir vers
un échec sont rencontrés individuellement. Il n'y a rien de plus
simple que ça.
Quant aux politiques pour contrer les abandons, écoutez, ce
n'était pas tellement majeur. On a fait baisser les abandons à 2
% l'an passé, 2 % l'année d'avant aussi avec ça. C'est que
l'étudiant ne peut plus, chez nous, abandonner un cours comme ça.
Il doit remplir une fiche, expliquer pourquoi, rencontrer son professeur. Son
professeur essaie de le convaincre de... Écoutez, il n'y a rien de
spectaculaire. Je pense que ce qui fait...
M. Gendron: Mais c'est pour ça qu'on veut vous entendre.
C'est que, souvent, ce n'est pas dans le grand spectaculaire.
M. Lafleur: Ce sont toutes des petites mesures. Certaines
nécessitent plus d'investissements que d'autres, je parle tant
d'investissements humains que d'investissements financiers, mais il n'y a rien
de très spectaculaire. Je pense que l'ensemble de ces mesures font que
tout le monde joue un petit rôle par rapport à ci ou à
ça. Par exemple, on parlait tantôt d'analyse de dossiers ou
d'encadrement. Écoutez, l'étudiant, avant même d'arriver
chez nous, il y a quelqu'un qui a examiné son dossier et tous les
étudiants qu'on qualifie à risque, le nom est acheminé au
professeur qui dirige la classe dans laquelle ils seront
intégrés. Et, déjà, avant même que les
étudiants n'arrivent, le professeur, je dirais, les a à l'oeil et
peut les supporter, les aider. En fait, il n'y a rien de magique là.
C'est aussi simple que ça.
M. Gendron: Merci. C'est clair. Dans votre dernière
section que vous avez appelée le chapitre VIII de votre mémoire,
vous abordez la question de la gestion du réseau collégial. Vous
avez même dit, lors de votre présentation... Je ne sais pas s'il y
en a d'autres qui ont abordé ça, sûrement pas dans les
termes que vous l'avez abordé, parce que vous étiez probablement
un des rares groupes à vanter les mérites des politiques du
ministère, politiques, vous, que vous jugez passablement
décentralisées, vous laissant une bonne marge de manoeuvre.
Alors, moi, un petit peu à la blague, mais pas nécessairement,
j'ai dit: De deux choses l'une: ou bien ils ne sont pas membres de la
Fédération des cégeps ou ils n'ont pas de contact avec la
Fédération des cégeps - et ce n'est pas péjoratif
contre la Fédération des cégeps nécessairement, je
m'expliquerai dans une seconde - ou, une chose est sûre, ils n'ont aucun
contact avec le président du MEP, M. Yvon Robert, le Mouvement pour
l'enseignement privé. Selon son mémoire, lui là,
écoutez, ce n'était pas drôle les politiques du
ministère. Mais c'est un peu à la blague. Mais plus
sérieusement, vous croyez, vous, effectivement que les collèges
disposent de cette marge de manoeuvre au niveau des programmes, au niveau de la
capacité d'être en mesure d'apporter les correctifs qui sont
requis selon votre vision des choses.
Dans le fond, je sens que vos récriminations sont davantage au
niveau du financement. Vous dites: On est serrés. Il y a eu assez de
coupures. On n'a plus de marge de manoeuvre. C'est davantage dramatique pour
ces collèges dits des régions éloignées parce qu'il
y a plus de coûts à assumer, d'après moi. Sur le
financement, c'est quoi qui vous fait le plus mal actuellement dans les mesures
de financement?
M. Lafleur: Ce sont les coupures qu'on doit subir d'une
année à l'autre. C'est-à-dire qu'on est de plus en plus
conscients des besoins, on met de plus en plus de mesures pour essayer de
corriger les lacunes, mais, en même temps, on a de moins en moins de
financement, alors que la DGEC et la ministre, avec raison, nous demandent de
performer davantage, mais, à un moment donné, il y a un
équilibre qui ne se fait plus tout simplement.
Quant à la marge de manoeuvre dont on parle dans notre document,
écoutez, peut-être qu'on manque d'imagination chez nous. Je vous
dirais que jusqu'ici il n'y a pas grand-chose qu'on aurait voulu faire et qu'on
n'a pas pu réussir à faire depuis plusieurs années. Bien
sûr
qu'on n'a pas toute la marge de manoeuvre dans les programmes.
D'ailleurs, on suggère de changer les mécanismes de
révision, d'adapter les programmes, mais c'est peut-être trop
lourd, ce genre d'opérations, pour un petit collège comme nous.
Nous, on ajuste nos programmes, mais on s'est efforcés jusqu'ici de les
évaluer. Je peux vous dire que, l'an dernier, il y a deux programmes
à l'enseignement professionnel qui ont été
évalués. Tous les programmes en enseignement
général l'ont été. Cette année, ils le
seront encore. L'enseignement général, tous nos programmes vont
être réévalués et on va avoir trois programmes
à l'enseignement professionnel. Et rien que ça, là, ce qui
nous permet de faire des petits ajustements par la suite, corriger nos lacunes,
donner du perfectionnement pour régler tel problème, ça
nous occupe suffisamment. Et je vous dirais que, dans le choix des moyens pour
parvenir à un certain succès, il n'y a personne, au
ministère, qui nous empêche de travailler. Ça, je peux vous
assurer de ça.
M. Gendron: Dans le volet plus lent du financement, vous n'avez
pas touché l'aspect de la gratuité ou les frais de
scolarité au collégial. Rapidement, j'aimerais avoir un avis.
Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que vous croyez qu'on devrait imposer des
frais de scolarité au collégial ou une espèce de limite
à quelque part? Parce qu'il a été question... Plusieurs
ont évoqué un ticket modérateur pour ceux qui ont plus de
difficultés à obtenir leur diplôme dans les délais
impartis. C'est quoi votre opinion, vous, là-dessus?
M. Lafleur: Bon. Alors, je pense pouvoir refléter
l'opinion du groupe. On ne s'est pas étendus sur le sujet, sauf qu'on
l'a abordé et on a identifié comme un facteur
d'accessibilité au secondaire la gratuité scolaire. Et, lorsqu'on
a parlé de frais modérateurs, par exemple, pour les
étudiants qui traînent en longueur au collège, la plupart
des gens, je dirais, n'ont pas fait état de problèmes
métaphysiques extraordinaires, sauf qu'on n'a pas pris de
résolution dans ce sens-là. Mais, en général, comme
tous les gens qui sont intéressés à
l'accessibilité, on pense que la gratuité scolaire, c'est quelque
chose d'intéressant. Je vous dirais même qu'à
l'égard de l'éducation des adultes, si vous allez voir nos
recommandations, on dit: D'améliorer les mesures de financement pour les
adultes. On y a pensé, de mettre la gratuité scolaire, mais on
s'est dit: Est-ce qu'on a les moyens? On s'est posé la question et,
comme on ne le savait pas, on a préféré s'abstenir. Mais
je vous dirais qu'idéalement, nous autres, la gratuité, on est
pour ça, dans tout et pour tout.
M. Gendron: Je sais bien que, quand même, vous avez des
connotations financières importantes. Je vous lis: «D'augmenter
considérablement l'enveloppe budgétaire - ça finit par du
fric ça - allouée au perfectionnement et de la
décentraliser». ce n'est pas un reproche, mais il y a du
coût là-dedans.
M. Lafleur: Regardez comme il faut tous les secteurs où on
a dit d'augmenter considérablement, vous allez voir qu'à la fin,
ça ne fera pas si épais que ça, parce que les budgets de
perfectionnement, les augmenter considérablement, ce n'est pas ça
qui va ruiner la province.
M. Gendron: Ça ne devrait pas...
M. Lafleur: Non.
M. Gendron: ...parce qu'on part de loin.
M. Lafleur: Parce qu'on part de loin, voilà.
M. Gendron: Non, non. Je suis conscient..
M. Lafleur: Et là où on a parlé d'augmenter
considérablement, c'est dans des secteurs où on part de loin.
M. Gendron: Je me rappelle de ça, j'ai déjà
eu une collègue qui a été élue avec deux voix de
majorité. On lui demandait de doubler sa majorité et elle ne
tombait pas à terre. J'étais d'accord.
M. Lafleur: Ha, ha, ha!
M. Gendron: J'aurais une autre question. Il y en a plusieurs qui
sont venus nous dire ici que, pour augmenter le niveau de réussite, il y
aurait lieu d'avoir un nombre d'unités-cours réussis au
diplôme d'enseignement secondaire plus important. La fourchette est
trop... Il y a trop de différence et la base est trop faible. J'aimerais
tout simplement avoir un avis de votre part, puisque vous êtes
très concret, très pratique. Et je parle toujours du
Collège, même si c'est vous qui en êtes le porte-parole,
parce qu'on sent que ce Collège-là a vraiment pris des
dispositions à plusieurs égards pour améliorer un paquet
d'affaires. Alors, j'aimerais savoir si vous avez réfléchi
là-dessus. Est-ce que vous croyez qu'un rehaussement du nombre
d'unités du D.E.S. contribuerait effectivement à maximiser la
réussite scolaire? (12 h 30)
M. Lafleur: Bon, écoutez, je sais, un peu comme tout le
monde, que les étudiants qui nous proviennent du secondaire n'ont pas
tous le même nombre d'unités d'acquis. On n'a pas chez nous
d'étude, en tout cas à ma connaissance, qui a fait une relation
entre le nombre d'unités et le succès, sauf qu'on se rend compte
que... En tout cas, un grand nombre d'étudiants - est-ce parce qu'ils
n'ont pas suffisamment acquis d'unités ou pas? - nous arrivent avec des
problèmes absolu-
ment considérables quant à la capacité de
s'exprimer en français, surtout sur le plan écrit. Les
méthodes de travail, souvent, sont déficientes à en faire
dresser les cheveux sur la tête, ce qu'il me reste, personnellement. Il
n'y a aucune rigueur intellectuelle qu'on a réussi à amener. On
n'amène pas les étudiants à être capables de faire
preuve de rigueur et il y a - c'est peut-être un jugement de valeur
très fort, mais on l'a dit là-dedans - une paresse intellectuelle
incommensurable qui fait qu'il va falloir tantôt amener les
étudiants à travailler. Chez nous, en tout cas, ça, c'est
réglé. Et peut-être que ça baissera - oui, on le dit
là-dedans, d'ailleurs - nos taux de réussite au Collège.
Mais je pense qu'il ne faudrait surtout pas qu'on reprenne certaines
expériences vécues ailleurs au niveau collégial. Ce n'est
pas tout de décider que 88 % ou 90 % des étudiants
réussiront. Ça, c'est facile, l'ordinateur peut se charger de
ça, mais leur donner ce qu'il faut, ça, c'est important et, chez
nous, c'est ce qu'on veut faire.
M. Gendron: En tout cas, je vous félicite à mort
pour ça, les orientations du Collège...
M. Lafleur: Oui.
M. Gendron: ...vous avez une politique d'évaluation.
M. Lafleur: Oui, mais je vous dirais que les orientations du
Collège, ce n'est pas un travail de génération
spontanée. C'est la deuxième version. La première version
a été élaborée en 1981, et je vous dirais que,
même pour reprendre la deuxième, ça a été un
travail extrêmement considérable. On a travaillé sur
ça pendant un an, en consultation, reconsultation, et tout le monde est
d'accord avec ça chez nous, de même qu'avec la politique
d'évaluation, mais la politique d'évaluation se fait strictement
dans une perspective positive. Je vous dirais même que les enseignants
des départements qu'on évalue sont invités - et ils le
font, d'ailleurs, ils acceptent l'invitation - à venir préparer
les formulaires d'évaluation qu'on envoie aux étudiants et aux
industriels. Ils reçoivent les résultats lorsque les
résultats nous sont retournés et c'est avec eux, en
collégialité, je dirais, qu'on adopte des moyens pour essayer de
pallier aux difficultés qu'on rencontre, et elles sont nombreuses
encore. On n'a pas réglé tous les problèmes à cause
de ça.
M. Gendron: Merci. Moi, je suis très heureux de votre
présentation, de la façon dont vous l'avez faite, et il y a
là, dans vos suggestions, énormément
d'éléments sur lesquels... Moi, j'aimerais que les
décisions, quand elles seront prises, si elles sont prises, prennent en
compte les choses que vous avez évoquées. Parce qu'il y a du
concret, il y a du pragmatique, il y a du réalisme et, comme vous dites
- vous l'avez dit à trois ou quatre reprises - vous n'avez pas eu besoin
de réinventer les boutons à quatre trous. Souvent, il s'agit
juste d'un peu d'effort, mais il faut être conscient que ça prend
de l'organisation, de l'encadrement et des balises; vous en avez. On ne peut
pas nager toute sa vie dans le flou. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Mme la ministre, en
conclusion.
Mme Robillard: Oui. M. Comtois, je veux vous remercier
personnellement, comme président du conseil d'administration,
d'être venu avec toute votre équipe. Malheureusement, on n'a pas
eu le temps d'aborder la coopération, je pense, d'autres personnels
aussi qui sont très importants à l'intérieur des murs d'un
cégep, les cadres, avec M. Patoine et Mme Leblanc. Mais sachez que votre
mémoire a été lu par tous les membres de la commission et
que nous avons fortement apprécié votre témoignage.
La Présidente (Mme Hovington): Je peux vous dire, M.
Lafleur, qu'on a la preuve vivante ici, avec nous, que vous avez une
qualité dans la formation dans votre collège en la personne de
Mme Bolduc, qui travaille avec nous, ici...
M. Lalfeur: Bien oui!
La Présidente (Mme Hovington): ...et qui a
été formée à votre collège, et qui est la
preuve que vous performez bien.
M. Lafleur: Alors, félicitations pour le choix de vos
employés.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (mme
hovington): alors, la commission
suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures, en vous
remerciant d'être venus.
(Suspension de la séance à 12 h 34)
(Reprise à 14 h 5)
La Présidente (Mme Harel): Veuillez prendre place, s'il
vous plaît. Je déclare la séance de la commission de
l'éducation ouverte, et je rappelle le mandat de la commission, qui est
de procéder à des auditions publiques sur l'enseignement
collégial québécois. J'inviterais immédiatement la
Centrale de l'enseignement du Québec et la Fédération des
professionnelles et professionnels des collèges et des
universités à présenter leur mémoire.
Peut-être, Mme Pagé, pourriez-vous nous présenter les
personnes qui vous accompagnent?
Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ)
et
Fédération des professionelles et
professionnels
des collèges et des universités
(FPPCU)
Mme Pagé (Lorraine): Sûrement, Mme la
Présidente. Alors, Mme la ministre, Mmes et MM. les
députés, les personnes qui m'accompagnent sont, à partir
de mon extrême gauche, M. Jacques Pétrin, vice-président de
la Fédération du personnel de soutien; M. Réal Trottier,
président de la Fédération des enseignantes et enseignants
des cégeps; immédiatement à ma droite, M. François
Beauregard, conseiller à la CEQ; Mme Carole Demers, présidente de
la Fédération des professionnelles et professionnels des
collèges et des universités; et M. Philippe Arien,
vice-président de la même fédération.
Étant donné que vous avez lu notre mémoire, je me
limiterai à vous indiquer l'esprit général du
mémoire de la CEQ et à attirer votre attention sur certains
points que nous jugeons particulièrement importants. Par la suite, M.
Trottier présentera le bloc concernant la tâche d'enseignement. Sa
présentation sera suivie de celle de M. Pétrin traitant du
personnel de soutien, et Mme Carole Demers présentera, par la suite, le
mémoire préparé par ia Fédération des
professionnels. Je conclurai avec quelques considérations qui
débordent de l'enseignement collégial pour toucher l'ensemble de
notre système d'éducation, puisque j'ai la chance de faire
affaire avec une ministre qui chapeaute l'ensemble du réseau. Nous nous
considérons d'autant plus autorisés à le faire, comme vous
le savez, que la CEQ est la seule organisation syndicale qui représente
toutes les catégories de personnels de l'éducation, du
préscolaire à l'université.
D'entrée de jeu, je tiens à vous affirmer que nous prenons
clairement partie pour la préservation des cégeps et des
principes qui sont à la base même de l'éducation publique
québécoise: la gratuité, l'accessibilité et la
réussite éducative du plus grand nombre. Mais, quand je dis
préserver les cégeps, cela ne signifie pas se cramponner au statu
quo, bien au contraire. Nous reconnaissons que la réalité a
changé depuis 25 ans et que des correctifs s'imposent. Tout en misant
sur des acquis, notre attitude en est donc une d'ouverture aux changements,
changements nécessaires pour mieux répondre aux besoins
d'aujourd'hui et de demain. Quand on fait le choix des cégeps, il faut
faire en même temps le choix de leur évolution.
Par la formation fondamentale qu'ils dispensent, les cégeps
représentent un lieu de transition important entre la formation de base
du secondaire et la formation plus spécialisée dans les
universités. Les cégeps sont aussi, pour les jeunes, des lieux
d'évolution dans leur développement personnel et de maturation
dans leur choix professionnel. Ils sont aussi, on est parfois portés
à l'oublier, des lieux de culture, de même que des partenaires
importants dans le développement socio-économique des
régions. Autant de raisons qui, selon nous, militent en faveur du
maintien et de la consolidation du réseau des cégeps.
Néanmoins, le nouveau contexte créé par
d'importantes mutations sociales, économiques, technologiques et autres
exige que le monde de l'éducation adapte son organisation, ses pratiques
et ses stratégies. Dans un monde de changements rapides et
fréquents, la polyvalence paraît de plus en plus
nécessaire. Tout nous porte à croire que cette capacité
d'adaptation aux changements sera de plus en plus exigée par le
marché du travail, ce qui, à notre avis, donne une nouvelle
légitimité à la polyvalence qui est recherchée
depuis l'origine des cégeps par la coexistence du secteur
général et du secteur professionnel. Selon nous, il ne faut pas,
non seulement maintenir la polyvalence, elle doit être renforcée.
Un des moyens de favoriser cette polyvalence, c'est de maintenir l'existence
d'un tronc commun de cours obligatoires pour l'obtention d'un diplôme,
tant au secteur professionnel qu'au secteur général. Faut-il
réaménager le tronc commun? Si oui, comment faudrait-il
procéder? Cela fait partie du débat sur le curriculum, j'y
reviendrai en conclusion.
Dans un contexte où le diplôme d'études
collégiales devient une exigence de qualification pour un nombre
croissant d'emplois, il faut inciter les jeunes à poursuivre leurs
études le plus longtemps possible. La gratuité à
l'enseignement collégial, toute relative qu'elle soit, visait à
l'origine à assurer cette égalité des chances, cette
égalité d'accès aux études postsecondaires.
Abandonner cette approche, cette mesure stratégique, comme d'aucuns
l'ont suggéré, ne pourrait que freiner le mouvement de
scolarisation que l'on souhaite au contraire voir relancer. (14 h 10)
Comment par ailleurs convaincre les jeunes de trouver un meilleur
équilibre entre travail rémunéré et études
si on leur refile une facture supplémentaire? La contribution la plus
remarquable des cégeps à la société
québécoise est sans aucun doute d'avoir élargi
l'accès à l'enseignement supérieur. Même si des
inégalités persistent toujours, dans l'ensemble, la
démocratisation de l'accès au savoir est incontestable. Mais le
taux d'accès au cégep, qui a atteint 60 % d'une
génération en 1988, a chuté légèrement
depuis; il est de l'ordre de 57,9 %. Il faut déplorer que les
institutions ne semblent plus poursuivre avec la même vigueur l'objectif
de démocratisation. La publication des indicateurs de performance des
cégeps, alors qu'on leur impose de nouvelles compressions qui se
traduisent par une réduction des fonds alloués à l'aide
à l'apprentissage, n'y est sûrement pas étrangère.
On ne juge plus les cégeps sur les efforts qu'ils déploient pour
combler les lacunes des étudiantes et des étudiants, mais
plutôt sur la qualité des
dossiers scolaires à l'entrée.
Il faut se rappeler trois choses. Au Québec, la scolarisation
secondaire des jeunes se termine un an plus tôt qu'ailleurs au Canada.
Deuxièmement, le dénominateur commun des jeunes en chômage,
c'est l'insuffisance de la scolarisation. Et, troisièmement, nous
n'avons pas encore, comme collectivité, rattrapé tous nos retards
en matière d'éducation.
Le Conseil supérieur de l'éducation a souligné
l'écart de 11 % qui persiste entre le taux d'accès des
francophones, 61 %, et celui des anglophones, à 72 %. La CEQ
considère qu'il n'est pas démesurément ambitieux pour
l'ensemble du peuple québécois de viser le taux d'accès
déjà atteint par sa communauté anglophone. Nous proposons
donc à la commission de retenir l'objectif de 72 % d'accès
à l'enseignement collégial d'ici une dizaine d'années et
d'inviter la population québécoise à se mobiliser autour
de cet objectif.
Mais ce n'est pas tout d'entrer au cégep, encore faut-il en
ressortir avec un diplôme. En ce moment, sur 100 jeunes qui
accèdent au cégep, à peine 60 persévèrent et
obtiennent un diplôme. Il faut accroître de manière
significative le taux de réussite. Ce que nous proposons, c'est de viser
à la fois la démocratisation, la qualité de la formation
et la réussite; rien de moins. On n'a pas les moyens de faire moins,
d'ailleurs. Il s'agit de maintenir ouvertes les portes de l'enseignement
supérieur et d'investir les sommes nécessaires au soutien
pédagogique des élèves qui en ont besoin. Les
cégeps doivent offrir un support pédagogique plus
personnalisé, qui tienne compte des acquis et des besoins
différents des clientèles jeunes, mais également des
clientèles adultes qui sont de plus en plus
hétérogènes. Pour favoriser la réussite
éducative, nous croyons qu'il est impératif d'introduire plus de
cohérence dans les programmes de formation. S'il demeure toujours
pertinent de confier l'enseignement de chacune des disciplines à des
spécialistes, il faudrait faire en sorte que les spécialistes,
tant en formation générale que dans l'enseignement professionnel,
ainsi que les autres catégories de personnels concernées - je
pense ici particulièrement au professionnel, mais aussi au soutien -
doivent définir ensemble les objectifs de formation, harmoniser leurs
interventions et assurer le suivi des étudiantes et des étudiants
dans leur cheminement à l'intérieur des programmes. À
cette fin, tout en maintenant les structures départementales, nous
favorisons l'implantation de l'approche programme. Cette approche est
très exigeante. Elle peut s'implanter de façon durable dans le
réseau collégial à la condition qu'on fasse reposer son
développement sur l'autonomie, l'initiative et la
créativité des équipes de travail. L'approche programme
devra également reposer sur la constitution d'équipes stables,
soucieuses de s'engager professionnellement, ce qui n'est pas compatible avec
la précarité d'emploi qui est le lot d'une proportion croissante
du personnel. Dans un monde où la technologie est omniprésente,
où la croissance économique est largement dépendante du
progrès technologique, jamais le Québec n'a réussi
à qualifier plus de 22 % d'une génération en formation
professionnelle. C'est moins, beaucoup moins que ce que l'on peut observer dans
d'autres pays qui affichent de meilleures performances économiques. Il
faut donc que le gouvernement adopte un plan structuré de revalorisation
de la formation professionnelle, qui vise, d'une part, à hausser le
recrutement et, ensuite, à accroître le taux de réussite
scolaire dans ce secteur. Il faut qu'un plus grand nombre de jeunes
acquièrent une formation professionnelle qualifiante, polyvalente,
reconnue, favorisant la mobilité d'un programme à l'autre et
permettant le passage à l'université.
Quant au resserrement entre le milieu de l'éducation et le monde
du travail, il peut contribuer à la revalorisation de la formation
professionnelle dans la mesure où certaines conditions seront
respectées, particulièrement la préservation de
l'autonomie des institutions d'enseignement. Les entreprises pourraient jouer
un rôle complémentaire à celui des institutions publiques
dans la formation professionnelle, par exemple, en s'ouvrant davantage aux
différentes formes d'alternance études-travail ou aux stages en
entreprise.
Au moment où les nouveaux besoins devraient nous inciter à
un élargissement de la mission de l'éducation des adultes,
celle-ci paradoxalement se rétrécit sous l'effet des politiques
de main-d'oeuvre et des programmes de financement. Ces derniers restructurent
l'offre de formation en fonction des besoins à court terme des
entreprises, au détriment des besoins et des attentes des personnes.
Nous ne sommes pas les seuls à déplorer le fouillis
administratif. Le Conseil des collèges, au début, au terme d'une
étude de deux ans, a conclu qu'il est impossible de dresser un portrait
précis de la situation et la Fédération des cégeps
estime, pour sa part, que plus de la moitié des budgets de formation
professionnelle des adultes est absorbée par la gestion administrative,
au détriment des services à la clientèle. Il y a donc une
urgente nécessité de procéder à une
réorientation en profondeur des services d'éducation des
adultes.
Depuis plusieurs années, la fédération patronale
des cégeps réclame, au nom des établissements du
réseau public, une plus grande marge d'autonomie dans la gestion des
cégeps. En fait, depuis une dizaine d'années, les cégeps
ont bénéficié d'une certaine décentralisation. Mais
il faut réussir à concilier les principes d'accessibilité,
de démocratie et d'équité entre les établissements
avec les exigences d'efficacité du système. C'est, selon nous, la
question principale. Il faut éviter toute forme de
décentralisation qui se traduirait, par exemple, par l'instauration
de
politiques plus sélectives dans les cégeps.
C'est ainsi que, tout en préconisant la contribution des
entreprises au financement de la formation professionnelle, nous nous opposons
à des contributions privées aux établissements. Nous
favorisons plutôt la levée d'une taxe spéciale
auprès des entreprises - qui existe en Europe et qui apparaîtra
bientôt aux États-Unis - taxe dont les revenus seront
partagés en fonction de critères liés aux coûts de
la formation professionnelle dans les différentes institutions
scolaires. Nous sommes, par ailleurs, favorables à l'accroissement de
l'autonomie des cégeps dans la détermination des contenus de
programmes au secteur professionnel et à la gestion de
l'éducation des adultes. Et nous pensons aussi qu'il devrait y avoir une
décentralisation de tous les fonds de perfectionnement vers les
cégeps.
Un autre sujet dont il a été question, c'est
l'évaluation. Nous reconnaissons la nécessité d'une
évaluation de la formation dispensée par les cégeps. La
mise en place de mécanismes d'évaluation internes est
relativement récente, et il n'existe pas de mécanismes
d'évaluation externes. La CEQ a déjà donné son
accord à l'évaluation institutionnelle portant sur les
programmes. Dans la mesure où elle est pratiquée
adéquatement, cette évaluation permet une analyse en profondeur
des facteurs positifs ou négatifs qui expliquent le bon ou le mauvais
fonctionnement d'un programme et elle permet d'apporter des correctifs.
Malheureusement, faute de ressources, cette politique d'évaluation, qui
est pourtant prometteuse, connaît de sérieuses
difficultés.
Par ailleurs, au-delà de l'évaluation interne, la CEQ
partage la conviction que les collèges publics, qui relèvent de
la responsabilité de l'État et du financement des contribuables,
doivent avoir une gestion transparente et rendre compte de la qualité de
la formation qu'ils offrent. Nous sommes donc favorables à une
évaluation externe. Nous croyons que la solution n'est pas l'imposition
d'examens nationaux. Nous optons plutôt pour la création d'un
organisme externe et neutre d'accréditation.
Je reviendrai à la fin sur la question du curriculum. Je
cède maintenant la parole à M. Réal Trottier qui vous
présentera le point de vue des enseignantes et des enseignants. (14 h
20)
M. Trottier (Réal): Mme la Présidente, je dois
d'abord dire que les enseignantes et les enseignants de cégep que je
représente ont pris très au sérieux l'exercice auquel ils
ont été conviés, et que les propositions contenues dans ce
mémoire, dans la mesure où elles les concernent, ont
été discutées et ont fait l'objet d'une importante
consultation. Je dois dire, ensuite, que toute cette réflexion s'est
faite dans un esprit d'ouverture aux changements et avec l'objectif de proposer
des solutions aux problè- mes identifiés. Ainsi, j'aimerais
soumettre à votre attention deux questions qui, relatives à la
condition enseignante, nous semblent des plus importantes. En premier, je vous
présenterai nos propositions concernant la tâche d'enseignement
et, ensuite, celles concernant l'importante question de la relève des
effectifs enseignants.
À propos de la tâche d'enseignement, il convient tout
d'abord de faire quelques constats. Les cégeps ont 25 ans. Au fil de
toutes ces années, sont intervenus des changements majeurs en ce qui a
trait à la population étudiante, aux besoins de la
société, à l'état des connaissances, de la culture
et des technologies. Or, ces nouvelles réalités, comme on le
conçoit aisément, n'ont pu être prises en
considération lors de l'implantation du réseau collégial,
mais leurs impacts, nombreux et souvent imprévisibles, ont eu comme
conséquence d'exiger, de la part des enseignants, qu'ils s'adaptent
à ces nouvelles réalités, qu'ils revoient le contenu des
cours, qu'ils participent à la refonte des programmes, qu'ils
étudient, expérimentent, implantent l'approche programme ou
l'évaluation des enseignements, sans parler de tout le travail qu'ils
ont investi dans des mesures d'encadrement, de mise à niveau et de
service d'aide qu'a nécessitées la diversification croissante de
la population étudiante et de ses besoins. Tout cela, bien sûr, en
sus des tâches d'enseignement proprement dites Or, Mme la
Présidente, la définition de la tâche d'enseignement
à des fins d'allocation, pour l'essentiel, n'a pas changé depuis
1976. C'est pourquoi nous pensons qu'il est primordial de revoir la
définition de la tâche d'enseignement pour la rendre conforme
à la réalité, mais certainement aussi pour rendre justice
au travail réellement fait par les enseignants, travail qui ne peut se
limiter à la préparation et la prestation des cours et à
la correction des travaux et des examens.
À propos de la relève, encore ici quelques constats
s'imposent. D'ici 10 ans, près de la moitié des effectifs
enseignants devront être renouvelés. La majorité des
enseignants de moins de 40 ans, c'est-à-dire ceux qui constituent la
relève, ne sont pas permanents. Les conditions de
précarité dans lesquelles ces enseignants travaillent, en plus de
les placer dans un climat d'insécurité perpétuel, les
empêchent, dans bien des cas, de participer aux activités de
perfectionnement et de ressourcement. Il leur est aussi difficile de s'engager
dans des activités pédagogiques concernant l'approche programme
ou la refonte des programmes. Enfin, bien que forts d'une bonne formation
disciplinaire, ces enseignants, qui représentent près du tiers
des effectifs, ne sont pas toujours prêts, sur le plan
pédagogique, à faire face aux défis et aux tâches
spécifiques que propose l'enseignement collégial.
En conséquence, il nous apparaît essentiel que les nouveaux
enseignants puissent acquérir une formation pédagogique conforme
à la réalité
collégiale, et ce, dès les premières années
d'enseignement. De plus, nous pensons qu'il est de la responsabilité des
collèges d'accueillir et de soutenir les nouveaux enseignants et de leur
offrir cette formation pédagogique.
Ensuite, nous coyons qu'il est de toute première importance de
réduire la précarité en emploi et d'assurer la
planification de la relève en redéfinissant la tâche de
l'enseignement et même, s'il le faut, le système de
sécurité d'emploi, notamment au chapitre des règles
d'accès à la permanence, dans l'optique de les rendre plus
équitables et de permettre une meilleure utilisation des ressources
locales.
Enfin, il est essentiel de revaloriser la profession enseignante, de la
rendre plus attrayante et plus stable de façon à attirer plus de
candidats en leur offrant des défis intéressants et des
conditions de travail aptes à les relever.
Comme vous pouvez le constater, des changements importants seront
nécessaires, mais ces derniers ne seront possibles que si les
enseignants y sont étroitement associés. Je vous remercie de
votre attention et je cède maintenant la parole à Jacques
Pétrin.
M. Pétrin (Jacques): Bonjour. Mme la Présidente,
quand on parle de personnel de soutien, de qui s'agit-il? Ce sont des agents de
bureau, des magasiniers, des opérateurs en imprimerie, des techniciens
en laboratoire, en loisirs, des ouvriers spécialisés et des
personnels d'entretien. Le personnel de soutien est localisé partout
dans les cégeps. La plupart sont en contact direct avec les
élèves. Dans tous les services, nous sommes les premiers
interlocuteurs pour la clientèle à l'enseignement
régulier, à l'éducation des adultes, aux services à
la collectivité. Nous travaillons en collaboration avec le personnel
enseignant, les professionnels et les cadres. Notre préoccupation dans
le débat sur l'avenir des cégeps touche trois aspects: les
services à rendre à la clientèle handicapée, notre
participation aux orientations du collège, le développement des
ressources humaines.
L'accessibilité et l'intégration des élèves
handicapés aux études collégiales doivent être une
priorité pour le ministère. Il faut tout mettre en oeuvre afin de
fournir à cette clientèle des services de soutien, par exemple,
des interprètes en langage visuel. Pour développer un service de
qualité et assurer une stabilité auprès des
élèves handicapés, le ministère doit accorder des
subventions aux collèges afin de créer des postes
réguliers et également octroyer des budgets spéciaux pour
monter des banques de signes techniques.
Quant à la participation aux orientations du collège, trop
souvent les administrations locales nous considèrent comme de simples
exécutants. Nous sommes peu ou pas consultés sur des
décisions qui nous affectent. On nous impose des décisions qui
ont un impact sur notre travail. Pourtant, nous vivons dans la
réalité collégiale, nous pouvons et voulons contribuer
à l'amélioration de l'enseignement et des services à
rendre à toutes les clientèles que j'ai nommées
tantôt.
Dans un contexte où la main-d'oeuvre doit s'adapter aux exigences
du marché du travail, les collèges, dans le cadre de la formation
sur mesure, ont développé un discours auprès des
compagnies, les incitant à miser sur les ressources humaines, en
organisant du perfectionnement pour les employés de ces compagnies.
Comme maison d'enseignement, nous croyons que les collèges doivent
investir dans le perfectionnement et la formation de leurs ressources
humaines.
Afin de favoriser une meilleure utilisation du personnel de soutien,
nous vous proposons d'intégrer tout le personnel de soutien au processus
de consultation et de décision touchant autant la vie pédagogique
qu'organisationnelle. Par exemple, inviter le personnel de soutien à
participer aux journées pédagogiques organisées par les
collèges; inviter le personnel de laboratoire à participer aux
réunions départementales: organiser des réunions du
service pour définir les services que l'on veut assurer à la
clientèle. Répondre aux besoins de perfectionnement
exprimés par le personnel de soutien en deux volets: en augmentant les
budgets et en facilitant le perfectionnement sur le temps de travail. Lors de
changements de programme, nous réclamons le droit, pour le personnel de
laboratoire, d'avoir accès à des stages en milieu de travail.
En conclusion, nous croyons que l'on ne peut continuer encore longtemps
d'écarter et d'ignorer le personnel de soutien des différents
paliers de consultation et de décision. Le réseau
collégial a tout à gagner en intégrant le personnel de
soutien à la dynamique des collèges. Je vous remercie. Je
cède la parole à Carole Demers.
Mme Demers (Carole): Mme la Présidente, je vais essayer de
vous présenter rapidement le mémoire de la
Fédération. Tout d'abord, la Fédération regroupe 30
syndicats dans le secteur collégial et 6 dans le secteur universitaire.
Le mémoire que nous présentons est le fruit de la
réflexion des professionnels venant tant du milieu collégial que
du milieu universitaire. La Fédération a décidé de
produire un mémoire, car elle estime que le rôle du personnel
professionnel est méconnu. À preuve, le rapport récent du
Conseil des collèges qui passe presque totalement sous silence
l'importance des services professionnels dans la communauté
collégiale.
Avant d'aller plus loin, il faut situer le personnel professionnel. On
peut dire que les professionnels agissent à tous les niveaux de
l'institution, tant auprès des étudiants que des personnels
enseignant, de soutien ou cadre. Quelle que soit sa zone d'intervention, le
profes-
sionnel agit à titre de conseiller ou d'animateur de son milieu.
Son expertise lui confère une identité spécifique dans le
cadre de la vie collégiale. Il faut se souvenir qu'au moment de la
création des cégeps les professionnels ont été des
intervenants majeurs dans l'implantation du réseau et dans la
définition de ses grandes orientations. Nous croyons qu'au moment de
revoir l'ensemble de l'ordre collégial il est important de
réinvestir dans les services professionnels en plaçant, au centre
de notre réflexion, l'étudiant et son cheminement vers la
réussite scolaire. Tout en étant en accord avec l'ensemble du
mémoire présenté par la Centrale, nous tenons à
vous souligner certains aspects qui retiennent plus particulièrement
l'attention des professionnels, soit l'aide à l'apprentissage,
l'approche programme, l'éducation des adultes et les besoins en services
professionnels. (14 h 30)
Tout d'abord, l'aide à l'apprentissage. Nous voulons
suggérer quelques moyens visant à favoriser la réussite du
projet éducatif. Ces éléments sont, pour nous, les
principales balises à mettre en place dans le but d'aider
l'étudiant à réussir ses études, sa formation
globale et ses choix de carrière. Les cégeps ne sont pas qu'un
lieu où l'on vient étudier; ils sont aussi un milieu de vie. Il
est donc important de favoriser l'intégration des étudiants
à ce nouvel environnement, intégration basée sur
l'adaptation au milieu et sur l'implication personnelle de chacun. Il faut
permettre aux étudiants de développer les sentiments de confiance
et d'appartenance nécessaires à la réussite du projet
éducatif. Pour concourir à cette réussite, le cégep
doit fournir aux étudiants le support nécessaire au plan
pédagogique. Cependant, en plus de veiller à renforcer les
motivations et les habiletés à travers les contenus de
programmes, le cégep, par les services professionnels, doit aussi
permettre le développement complet de la personne. Il doit donc rendre
disponibles les services de psychologues, de conseillers d'orientation, de
travailleurs sociaux, de conseillers à la vie étudiante, etc., et
ce, afin de pouvoir suivre l'étudiant dans l'ensemble de son
cheminement.
L'étudiant doit aussi être encadré dès son
arrivée au cégep. Il faut donc intensifier les programmes visant
l'accueil des étudiants. De plus, compte tenu de la grande
diversification de la clientèle et afin d'aider l'étudiant
à choisir son projet éducatif, il faut promouvoir le
développement de programmes visant à déceler les
problèmes ou les lacunes, et ce, dès le départ. Ainsi,
pour les étudiants chez qui on aura trouvé des lacunes
suffisamment importantes pour mettre en péril la réussite, un
plus grand encadrement et certaines mesures concrètes pourront
être mis de l'avant.
Une première mesure serait la mise sur pied d'une
propédeutique. Cette mesure, tout en percevant l'étudiant dans sa
globalité, devrait lui permettre de mûrir son projet de
carrière, de consolider les préalables scolaires, de raffermir sa
motivation et de faire reconnaître, s'il y a lieu, les acquis liés
à l'expérience. Elle serait limitée dans le temps et
conçue pour répondre aux besoins individuels de
l'étudiant. Les étudiants visés seraient encadrés
et assistés par les professionnels.
Une autre mesure serait le plan d'aide individualisé. Elle
permettrait de respecter le rythme de cheminement de l'étudiant dans
l'atteinte de ses objectifs de vie et d'études. Elle permettrait aussi
à l'étudiant de réussir, selon un profil qui lui est
propre, tout en évitant l'application uniforme des politiques
institutionnelles. Cette mesure permettrait de tenir compte de la
diversité des clientèles et des besoins tout en garantissant un
support professionnel constant.
L'approche programme. Puisque, dans tout notre mémoire, nous
mettons l'accent sur la primauté de l'étudiant, nous ne pouvons
qu'être en accord avec l'approche programme. Nous croyons que la mise en
place de cette approche doit s'accompagner de nouveaux moyens. Ces moyens ont
pour but d'associer tous les acteurs ayant un rôle à jouer dans la
réussite du projet éducatif, de leur permettre de voir l'ensemble
de la réalité, d'en étudier les différentes
facettes et de trouver, par l'établissement de consensus solides, les
meilleures façons de promouvoir la réussite scolaire.
Un premier moyen serait de mettre sur pied des comités de
programmes regroupant tous ceux qui ont un rôle à jouer dans ce
projet éducatif. Le but de ces comités serait d'assurer
collégiale-ment la gestion du ou des programmes concernés et de
permettre l'échange d'expertises et le développement de
consensus, non pas sur la base d'intérêts catégoriels ou
disciplinaires, mais en vue de favoriser le plus adéquatement possible
la réussite de tous les étudiants.
Notre deuxième proposition viserait à renouveler la
commission pédagogique, tant au niveau de ses membres que de ses
mandats. Ainsi, cette commission serait composée des
représentants de tous les groupes concernés: étudiants,
enseignants, professionnels, personnels de soutien, gestionnaires. Elle
jouirait de réels pouvoirs décisionnels applicables dans le cadre
des orientations retenues par le conseil d'administration du collège. La
vocation première de cette commission serait, évidemment, la vie
pédagogique, mais elle aurait aussi à se pencher sur l'ensemble
de la vie collégiale: évaluation, calendrier scolaire,
application locale du régime pédagogique et régie des
programmes. L'existence de cette structure présuppose,
évidemment, que les conditions de la réussite sont aussi bien
sociales, culturelles qu'économiques. La commission devrait donc
s'assurer que le support donné aux étudiants ne se limite pas
qu'au caractère scolaire du projet éducatif.
Ces différents rôles de la commission
militent donc pour qu'elle ait de réels pouvoirs et
responsabilités au niveau de la planification, de la coordination et de
l'évaluation liées aux questions pédagogiques. Nous
voulons, par ces deux propositions, nous assurer que l'approche programme ne
sera pas seulement un concept. Nous voulons qu'elle devienne un réel
mode d'apprentissage de vie et de pensée, faisant partie
intégrante de l'ordre d'enseignement collégial ainsi que de la
vie professionnelle de chacun des acteurs concernés.
L'éducation des adultes. Dans le prolongement des recommandations
soumises par la Centrale, les professionnels estiment, cependant, que le
gouvernement, tout en laissant aux cégeps la souplesse pour
répondre aux besoins des adultes et de la communauté, doit
toutefois indiquer au réseau collégial les objectifs à
atteindre et lui en fournir les moyens.
En plus d'être attentifs aux demandes ponctuelles des entreprises,
les services d'éducation des adultes devraient tenir compte de
l'ensemble des besoins de la communauté et de ceux plus
spécifiques des adultes, tant au niveau de la formation technique que de
la formation générale. Pour ce faire, nous pensons que les
principes de l'approche programme pourraient être mis de l'avant au
niveau des adultes. De même, l'étudiant adulte devrait avoir
accès à un plan d'aide individualisé qui tienne compte de
son cheminement, de la reconnaissance de ses acquis et de ses besoins
spécifiques. Dans un tel contexte, il est nécessaire que des
services professionnels de qualité et adaptés à la
réalité des adultes soient accessibles.
Pour terminer, nous croyons que les services professionnels, s'ils
veulent répondre aux besoins nouveaux et multiples de l'ensemble de la
population qui fréquente les cégeps, doivent être offerts
par un personnel en nombre suffisant, stable et qui peut s'adapter aux
changements. Au niveau du nombre, seule l'injection de nouvelles ressources
pourra permettre de remédier à la situation actuelle,
particulièrement au niveau des services directs aux étudiants,
jeunes et adultes. La stabilité ne sera obtenue que par une diminution
significative de la précarité dans l'emploi qui touche
actuellement près de 30 % du personnel professionnel. Enfin,
l'adaptation aux changements n'est possible que dans la mesure où le
cégep donne accès au personnel professionnel à un
perfectionnement de qualité. De plus, les professionnels doivent, au
niveau du réseau des cégeps, pouvoir partager leur expertise
entre eux, afin que l'expérience d'un milieu puisse, à moindre
coût, servir au développement de l'ensemble du réseau
collégial. Je vous remercie.
Mme Pagé: En conclusion, Mme la Présidente, cette
commission parlementaire peut apporter des solutions à certains
problèmes que vivent les cégeps, des problèmes qui,
à notre avis, sont de l'ordre de l'adaptation à la
réalité d'aujourd'hui. C'est pourquoi, tout en réaffirmant
notre attachement au réseau des cégeps publics et aux principes
d'accessibilité, de gratuité et de réussite, nous avons
indiqué des changements qui seraient souhaitables: l'implantation de
l'approche programme, la revalorisation de l'enseignement professionnel, la
réorientation de l'éducation des adultes, une marge d'autonomie
plus grande pour les institutions et la création d'un système
d'accréditation.
Mais qu'est-ce qu'un étudiant ou une étudiante de
cégep doit impérativement savoir lorsqu'on lui décerne un
diplôme? Quelles connaissances et quelles habiletés
l'étudiante ou l'étudiant doit-il maîtriser au terme de ses
études collégiales? C'est ça, la question du curriculum.
Nous nous retrouvons aujourd'hui dans la situation de vouloir redéfinir
le curriculum collégial, en complémentarité de la
formation offerte au secondaire, au moment même où le
ministère de l'Éducation annonce l'ouverture d'un vaste chantier
de réflexion sur le curriculum secondaire qui devrait aboutir en juin
1993.
L'adaptation de notre système d'éducation aux besoins du
XXIe siècle ne peut pas se réaliser de façon convenable si
la réflexion continue de se faire de façon fragmentée,
à la pièce, sans vue d'ensemble. Nous avons la conviction que le
curriculum du collégial ne peut être traité sans tenir
compte de celui du secondaire, sans quoi nous allons perpétuer des
difficultés d'arrimage. Nous croyons nécessaire de revoir les
finalités de l'ensemble de notre système d'éducation et
d'engager une réflexion globale sur cette question plutôt que de
tenter de l'aborder à la pièce. Si nous voulons susciter une
vaste mobilisation sociale en faveur de la scolarisation et de la
réussite, il faut créer un forum démocratique qui va
permettre à l'ensemble des citoyennes et des citoyens de s'exprimer sur
la mission de l'école et sur les finalités de
l'éducation.
À la suite de la création d'un comité sur le
curriculum, nous avons fait parvenir à votre prédécesseur,
M. Michel Pagé, une lettre dans laquelle nous soulignions que le
comité n'était pas approprié pour une réflexion en
profondeur sur la mission de l'école et que nous avions besoin d'un
autre moyen pour parvenir à un consensus. Nous n'avons pas changé
d'idée. Nous avions suggéré au ministre Pagé de
demander un avis au Conseil supérieur de l'éducation sur cette
question. Selon nous, le Conseil devrait également être
invité à étudier la démarche qui conviendrait dans
les circonstances. Vous lui avez demandé un avis pour l'enseignement
supérieur; je pense que le travail pourrait être
complété par un autre avis qui nous permettrait de faire cette
démarche, cette réflexion de façon globale et
cohérente. (14 h 40)
Et, pourquoi ne pas mettre ensemble le
Conseil des collèges, le Conseil des universités, le
Conseil supérieur de l'éducation avec des penseurs du
réseau de l'éducation pour justement dégager ces pistes
d'avenir? Si on veut introduire de la cohérence dans le cheminement
éducatif, si on veut planifier correctement la période de
changement que notre système d'éducation doit connaître et
va connaître de toute façon, on ne peut faire l'économie
d'une telle réflexion en profondeur et d'un tel débat
démocratique. L'éducation ne supporte pas l'improvisation et le
manque de cohérence. Nous vous remercions de votre attention et sommes
disponibles pour vos questions.
La Présidente (Mme Harel): Alors, merci, Mme Pagé
et les personnes qui vous accompagnent. La parole est maintenant à Mme
la ministre.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je veux saluer
tous les partenaires de la Centrale de l'enseignement du Québec et vous
dire combien je suis heureuse de voir la préparation que vous avez faite
concernant le débat que nous avons, ici, concernant l'enseignement
collégial québécois. Et vous dire aussi comment je
reconnais bien la CEQ dans sa démarche quand je vois que vous avez mis
au coeur de votre mémoire toute la question de la réussite
scolaire. Et le message que j'entends quand vous me dites ça, c'est que
vous placez - vous l'avez toujours fait et vous le faites encore -
l'étudiant et l'étudiante au centre du système,
d'où toute cette réflexion que vous avez sur la réussite
scolaire.
Maintenant, Mme Pagé, j'étais aussi fort heureuse
d'entendre au point de départ que vous n'étiez pas des tenants du
statu quo, que vous étiez ouverts aux changements, que, oui, on doit
refaire le choix du cégep, mais refaire le choix de révolution du
cégep avez-vous dit. Alors, je suis très heureuse d'entendre ces
paroles de la part de la CEQ, et c'est justement de ces changements
nécessaires que j'aimerais m'entre-tenir avec vous.
La première question que j'aimerais aborder, Mme Pagé,
porte sur la responsabilité académique des collèges. Ce
matin, nous avons eu les représentants de l'Université du
Québec, l'Université du Québec dans son ensemble avec
toutes ses constituantes. Il y avait, de la part de l'Université du
Québec, une croyance très ferme que si nous voulons garantir la
qualité de la formation, la meilleure garantie de la qualité de
la formation passe, d'après eux, par une plus grande responsabilisation
académique des collèges, et, par le fait même aussi, un
mécanisme d'évaluation externe. J'aimerais ça vous
entendre, entendre votre opinion Êtes-vous d'accord avec le fait que les
collèges doivent assumer plus de responsabilités
académiques et, si oui, lesquelles et jusqu'où doivent-ils les
assumer? Est-ce que, par exemple, ils doivent aller jusqu'à la signature
de leurs propres diplômes, comme certains nous l'ont
suggéré? Et toute la question de la responsabilité
académique du collège lui-même, est-ce que la CEQ a une
réflexion sur le sujet?
Mme Pagé: Alors, vous avez vu que dans notre
mémoire la proposition 14 tourne justement autour du fait d'accorder
plus d'autonomie aux cégeps. Nous précisons, aux pages 74 et 75,
qu'il faudrait favoriser un accroissement du pouvoir des cégeps dans la
détermination des contenus des programmes au secteur professionnel. Cela
nous semble une évidence. Bien souvent la détermination des
contenus des programmes est liée aux besoins d'une région
donnée. Il faut là accroître la marge de manoeuvre,
l'autonomie des cégeps pour que cela soit possible. C'est un peu la
même approche pour l'éducation des adultes où il faut
accroître cette autonomie des cégeps.
Au niveau de la formation générale, vous voyez, par
ailleurs, que nous n'avons pas tranché la question sur le tronc commun
parce que nous croyons que cette réflexion ne peut pas être faite
sans la réflexion concomitante ou préalable sur ce qu'un jeune a
appris à l'école secondaire. Il y a là une
réflexion qui n'est pas faite, qui commence à peine à
s'amorcer, et si on ne veut pas introduire de l'incohérence ou fixer des
attentes pour lesquelles on n'aura pas mis en place les conditions d'atteinte
des objectifs fixés - on ne peut pas aller dans l'improvisation -
là il faudra faire une réflexion de façon beaucoup plus
globale sur cet aspect-là.
Mme Robillard: Je vais revenir avec vous sur cette
question-là, si vous permettez, Mme Pagé. En matière de
responsabilité académique des collèges, pourriez-vous
être plus précise? Vous me spécifiez la formation
professionnelle, le secteur des adultes. Qu'en est-il de la formation
préuniversitaire et quelles nouvelles responsabilités, selon
vous, les collèges doivent-ils assumer au plan académique?
Mme Pagé: C'est pour ça que, sur le volet
enseignement général ou préuniversitaire, j'ai pris le
soin de préciser que sur cet élément-là nous
n'avions pas introduit, pour le moment, de la souplesse, parce que nous croyons
qu'il y a un débat plus global qu'il faut faire à cet effet.
Deuxièmement, sur la responsabilité académique - et
là vous avez posé votre question autour de la diplomation ou de
l'évaluation - nous pensons que les cégeps ne sont pas des
petites PME privées qui ont le droit de vie et de mort ou la seule
responsabilité au niveau de la diplomation, de l'accréditation,
de l'évaluation. Ils participent à un réseau public
d'enseignement, largement financé par les fonds publics et, à cet
égard, nous croyons que le mécanisme d'évaluation externe
qui vient accréditer le diplôme décerné est le
meilleur mécanisme.
Ce n'est pas des examens nationaux qui
doivent être recherchés comme mécanisme, mais plus
une commission d'évaluation externe qui vienne accréditer les
diplômes décernés ou la qualité de la formation
dispensée. Nous croyons que c'est dans cette voie qu'il faut s'engager
résolument. Et M. Beauregard pourra compléter ma réponse,
si vous avez encore des éléments additionnels que vous voudriez
voir aborder.
M. Beauregard (François): Vous aurez constaté que
nous ne prônons pas une décentralisation à tous crins.
C'est une décentralisation plutôt prudente, sur trois objets bien
spécifiques, que nous soumettons à la commission parlementaire.
Et nous sommes contre le fait que les collèges décernent
eux-mêmes les diplômes. Nous pensons que le gouvernement a une
responsabilité à l'égard, par exemple, de la formation
obligatoire de tous les étudiants des cégeps. Et nous pensons
aussi qu'il y a un certain danger à engendrer une spécialisation
trop forte au niveau des programmes de formation professionnelle, si cette
responsabilité-là ne relève que des
établissements.
Par exemple, la Fédération des cégeps nous dit
qu'elle est ouverte à accepter des contributions directes des
entreprises, qu'elle souhaiterait avoir davantage d'entreprises
présentes aux conseils d'administration. On n'est pas contre les
relations avec les entreprises, mais on pense que c'est très important
de garder un tronc commun de formation. On pense que c'est très
important de garder un diplôme qui sera reconnu d'un cégep
à l'autre à travers le réseau. Il ne faudrait pas se
retrouver dans un système où les cégeps seraient
appelés à juger du diplôme qui a été
donné dans un autre cégep, comme on a, par exemple, au niveau
universitaire.
Nous tenons beaucoup au caractère de cohérence au niveau
des programmes, et c'est pour ça que nous avons quand même
annoncé quelques propositions au niveau de l'autonomie, mais dans des
champs bien spécifiques.
Mme Robillard: Je repose ma question de façon plus
spécifique, peut-être. Vous me parlez d'une plus grande
responsabilité, vous axez dans le champ de la formation professionnelle.
Prenons cette filière-là, de la formation professionnelle. Une
autonomie plus grande du collège, une responsabilisation
académique plus grande. Laquelle? En quoi? Tout en gardant le
diplôme. Ce que je comprends bien, vous voulez que le diplôme
demeure un diplôme d'État. Ça va.
M. Beauregard: Oui.
Mme Robillard: Mais quelles seraient les plus grandes
responsabilités du collège au plan académique en
matière de formation professionnelle? (14 h 50)
M. Beauregard: Bien, ce qu'on a visé de façon
générale - on n'a peut-être pas été dans tous
les détails techniques à ce sujet-là - c'était de
permettre aux collèges d'ajuster un peu les programmes aux nouveaux
besoins qui émergent sur le marché du travail, mais tout en
garantissant un tronc commun de formation qui, lui, n'a pas à changer de
façon régulière. Ce qu'on souhaitait un peu, c'est
l'adaptation des programmes au contexte de l'entreprise, au niveau
régional, mais de façon limitée et circonscrite à
ce niveau-là.
Mme Pagé: II faut voir que, présentement, les
collèges ont plus de marge de manoeuvre dans les contenus du secteur
préuniversitaire où ils peuvent, finalement,
bénéficier de 30 % à 50 % de marge de manoeuvre, si on
essaie de quantifier, alors que dans le secteur professionnel, leur marge est
plus réduite. On peut parler de 10 % à 25 %. Or, c'est dans le
secteur professionnel que le besoin d'adaptation des programmes ou des
formations évolue le plus rapidement. C'est là que les
changements peuvent être les plus substantiels avec l'évolution du
marché de l'emploi ou l'évolution des besoins, pour satisfaire
une formation qui est en constante évolution.
Alors, nous pensons qu'il faut accroître cette marge d'autonomie
dans le secteur professionnel, pour concevoir quelque chose d'équivalent
à ce qui existe déjà dans la formation
préuniversitaire. Et, pour la formation préuniversitaire, je
pense qu'on a atteint un seuil d'autonomie relativement satisfaisant, et il y a
des débats qu'il faut compléter sur le tronc commun ou la
continuité du curriculum par rapport au secondaire.
Mme Robillard: Alors, venons-en aux mécanismes
d'évaluation que vous suggérez. Vous dites: En contrepartie, il
nous faut la création d'un organisme externe - externe et neutre,
dites-vous - et vous le qualifiez d'accréditation. Et, un peu plus loin
dans le mémoire, vous définissez ce que c'est pour vous que
l'accréditation: c'est la reconnaissance officielle des objectifs d'un
établissement. Alors, j'aimerais savoir qu'est-ce que vous pensez que
ferait exactement cet organisme externe d'accréditation? Qu'est-ce que,
au juste, l'organisme va évaluer? Les apprentissages, les programmes,
l'établissement en tant que tel? Tantôt, vous avez même
utilisé l'accréditation des diplômes. Est-ce que vous
êtes allés plus loin dans cette réflexion?
Mme Pagé: Oui. D'abord, il faut dire que l'idée
d'un système d'accréditation ou d'une commission externe et
neutre, ce n'est pas une idée nouvelle. C'est une idée qui
remonte à la commission Parent, qui n'a pas été retenue,
qui a été remise à l'ordre du jour, je dirais, par la
commission Nadeau, qui n'a pas été retenue non
plus. Et nous crayons que c'est presque le corollaire d'une autonomie
accrue pour certains éléments dans la gestion des programmes ou
la dispensation de certains services, ou dans la responsabilisation du
personnel qu'on veut davantage voir associé à des choix
découlant des approches à retenir ou de la stratégie
éducative à mettre en oeuvre, ou ainsi de suite.
Quand on réclame de l'autonomie, il faut être capable de
témoigner de ce qu'on a fait avec cette autonomie. Et le
mécanisme de la commission externe permet justement de porter le regard
sur ce qui se fait dans cette institution, sur la qualité de la
formation qui est dispensée et, donc, sur la valeur du diplôme qui
est octroyé par cette institution d'enseignement qui, je le rappelle,
est une partie d'un réseau public qui s'appelle le réseau des
cégeps. Et, pour aller plus loin dans le fonctionnement de cette
commission externe, M. Beauregard va compléter.
M. Beauregard: D'abord, je voudrais souligner que, dans le
délai très court qui nous a été donné pour
consulter nos membres, on n'a pas été dans le détail
technique de l'ensemble des propositions qui sont ici. Ce qu'on a jugé
fondamental, c'est de questionner nos membres sur les grandes orientations que
nous déposerions à la commission parlementaire. Et vous
êtes consciente, Mme la ministre, que notre délai n'était
pas très long. Compte tenu que toute la période du mois
d'août, c'est la période de préparation des enseignants,
c'est une période où on ne peut pas vraiment les consulter, on a
eu un mois. On les a rencontrés une fois en juin et deux fois au mois de
septembre, pour arriver quand même avec des propositions de changements
qui sont, à notre point de vue, assez substantiels.
Nous, ce qu'on se disait aussi à propos d'un organisme externe,
c'est que s'il fallait que le Québec se paie un organisme
d'évaluation externe, pour éviter qu'à tous les cinq ans
on remette en cause l'existence des cégeps, ce serait déjà
ça de pris, parce que vous vous souviendrez, Mme la ministre, qu'au
colloque des 20 ans des cégeps on l'avait eue, cette discussion sur
l'existence des cégeps. Votre prédécesseur avait dit:
C'est fini le questionnement, les cégeps sont là pour rester, on
va faire le choix de leur développement. Là, on s'est
retrouvés, cinq ans plus tard, avec le même questionnement. On
s'est dit: Bon, il semble qu'il y a un doute là, au niveau de la
population, quant à la qualité de ce qui se fait dans ces
établissements-là; optons donc pour une démarche ouverte.
Le Conseil des collèges propose un organisme externe
d'évaluation, le Conseil supérieur aussi. On n'a rien à
cacher, regardons ça, ces programmes-là, regardons la gestion,
regardons l'ensemble des activités qui se font, mais faisons une
évaluation non pas nécessairement normée,
c'est-à-dire où on com- pare les cégeps les uns avec les
autres en fonction de critères standard, mais regardons cette
évaluation-là en fonction de la spécificité de
chacune des institutions parce que, comme vous le savez sans doute, les
collèges sont très différents, les collèges des
régions, les collèges des centres urbains, d'une région
à l'autre, en termes de la proportion des programmes professionnels, la
proportion des programmes généraux, et on s'est dit: Bon, faisons
une évaluation modulée qui est propre à la
personnalité de chacune des institutions qu'on a. Ça
résume, je pense, l'idée d'ensemble qu'on avait au sujet de
l'accréditation.
Mme Pagé: Et quand vous pourrez arriver avec une
proposition concrète sur le mandat de cette commission, sur la formation
de cette commission, sur le financement de cette commission, la CEQ examinera
avec beaucoup d'attention votre politique et nous pourrons compléter
notre réflexion à cet égard et vous faire nos commentaires
sur le modèle que vous aurez retenu.
Mme Robillard: M. Beauregard, je ne peux qu'être d'accord
avec vous quand vous parlez de la remise en question qui a eu lieu après
20 ans. Moi, je vous dirais qu'il y a eu une remise en question après 10
ans, après 15 ans, après 20 ans, et nous voici après 25
ans. Alors, moi, j'aurais le goût de vous demander: Quels ont
été, par ailleurs, les changements faits, concrètement,
sur le terrain, après ces belles réflexions de remise en
question? À mon point de vue, très peu, et c'est pour ça
qu'on est ensemble aujourd'hui. Vous me le dites vous-même comme
Centrale: Nous, nous sommes ouverts aux changements. Donc, il y a eu une
évolution. Il faut apporter des changements à ce cégep et
je pense que c'est le discours de la majorité des intervenants qui sont
venus nous voir. Oui au cégep, mais oui au cégep avec des
changements. Alors, c'est dans ce contexte-là que l'on travaille au sein
de la commission pour que, finalement, non seulement on
réfléchisse ensemble, mais qu'on passe à l'action
ensemble. Et ça, je pense que c'est là le noeud de
l'après-commission, qu'on passe à l'action ensemble.
Mais ça va m'amener peut-être, Mme Pagé, sur la
question de la formation générale. Je veux qu'on se comprenne
bien, Mme Pagé, parce que tantôt vous m'avez dit: On vous a fait
des suggestions au niveau de la formation professionnelle des adultes, mais on
n'a pas touché à la formation préuniversitaire. Je
voudrais qu'on parle de la formation générale sans parler des
deux filières parce que, quand on parle de la formation
générale de base, c'est la formation qui s'adresse aux deux
filières, autant à préuniversitaire qu'à la
formation technique du collégial, n'est-ce pas. Donc, la formation
générale commune, de base, à tous les étudiants qui
fréquentent le collégial, et vous me dites:
Écoutez, il y a aussi une réflexion qui se fait à
l'ordre secondaire et donc il faudrait regarder ça dans l'ensemble, et
oui, j'en suis avec vous. J'ose espérer qu'on va le regarder dans
l'ensemble.
D'ailleurs, quand j'ai adressé ma demande au Conseil
supérieur de l'éducation, ce n'est pas pour rien que je l'ai
adressée au Conseil supérieur de l'éducation, parce que
c'est le seul conseil consultatif qui a le mandat de regarder l'ensemble des
enjeux du système d'éducation, peu importent les ordres
d'enseignement, le regarder dans sa globalité. C'est pour ça que
je leur ai adressé une demande d'avis, à eux. Maintenant,
au-delà de ça, je sais aussi que le Conseil supérieur de
l'éducation a fait beaucoup de réflexions antérieures sur
le curriculum du secondaire. Il y a déjà beaucoup d'avis de
déposés. Je ne suis pas encore en mesure de voir si on y a
donné suite. J'imagine que non, vu qu'on est encore en train de
réfléchir à ça, mais je sais qu'il y a
déjà des avis de déposés et on aura sûrement
l'occasion, Mme Pagé, en d'autres lieux qu'ici, de discuter très
en détail de ce dossier-là. (15 heures)
Mais, si on revient au collégial en tant que tel, vous
n'êtes pas sans savoir que, depuis les débuts de cette commission,
tous les intervenants nous parlent de la formation générale de
base au niveau du collégial, comme quoi c'est une formation qu'on doit
renforcer et élargir, et je suis d'accord avec cette
orientation-là. Alors, ce que j'aimerais vous demander, c'est la
nouvelle approche qui a été définie par le Conseil des
collèges, qui est une approche thématique au lieu d'une approche
disciplinaire, au niveau de la formation générale de base pour
tous les étudiants du collégial, comment la CEQ se positionne par
rapport à cette approche thématique?
Mme Pagé: M. Beauregard répondra
précisément à votre question sur l'approche
thématique. Mais vous me permettrez d'insister encore sur la
continuité du cheminement d'apprentissage d'un jeune. Ça commence
quand il entre à la maternelle et ça se termine quand il sort
à la fin de son secondaire, à la fin de son cégep ou
à la fin de l'université. Ça ne supporte pas
l'éclatement et le manque de cohérence. On ne commence pas
à construire une maison en posant le toit et, après ça, en
faisant les murs et en finissant par le solage; moi, je n'ai jamais vu
cela.
On ne peut pas aborder la question du curriculum au collégial en
soi sans se poser la question de ce qui précède et sans se poser
la question de la mission de l'école et des finalités de
l'éducation. On ne peut pas. Un curriculum, une formation de base, une
formation générale, ça n'existe pas en soi; ça
existe parce qu'on a une vision de ce que doivent être les
habiletés ou les apprentissages nécessaires à un jeune,
quand il a complété sa formation, et nous n'insisterons jamais
assez sur cet élément.
Donc, nous n'avons pas voulu improviser, commencer à jouer avec
des blocs et dire: Un peu plus de cela, un petit peu moins de cela, comme si on
faisait une recette, mais vraiment faire preuve de prudence à cet
égard-là parce qu'il y a des étapes préalables qui
n'ont pas été abordées correctement, à notre avis.
Mais M. Beauregard va déployer un peu plus sur la question
précise que vous avez soulevée, sur l'approche thématique
qui est mise de l'avant par le Conseil des collèges.
Mme Robillard: Mme la Présidente, si vous permettez, avant
de passer la parole à M. Beauregard, Mme Pagé, je veux qu'on se
comprenne bien. La maison, telle que vous la décrivez, on ne l'a pas
démolie et on ne la reconstruit pas à neuf. N'est-ce pas? On
s'entend bien que la maison, elle est là, on ne la démolit pas,
on ne refait pas tout un autre système. Et donc, quand vous me parlez de
cohérence, moi, je vous suis très bien. Il en faut, une
cohérence. Le système secondaire, il est là, il existe.
Depuis deux ans, il y a eu une mobilisation incroyable, dans ce milieu du
secondaire, autour d'un plan d'action de la réussite scolaire. Moi, je
pense qu'on peut très bien travailler à ce système de
cohérence, à cette jonction entre les deux ordres d'enseignement,
et, dans ce sens-là, je vais vous rejoindre au niveau des objectifs. Au
niveau des moyens, je vous le rappelle, sûrement qu'on aura l'occasion de
s'en reparler. Mais je vous écoute. M. Beauregard.
La Présidente (Mme Harel): Si vous me permettez... Au
total, il reste quatre minutes. Donc, nous allons procéder, et je ne
sais pas s'il pourra y avoir d'autres questions par la suite. Alors, M.
Beauregard.
M. Beauregard: Rapidement. Il n'y a eu aucune consultation de nos
membres sur les aspects de l'approche thématique qui est proposée
par le Conseil des collèges. Je vous le dis très ouvertement, les
propositions qui ont suscité le plus d'émoi, ce sont celles
entourant les cours de philosophie et d'éducation physique, comme vous
le savez sans doute. Ça a contribué, à mon avis, à
obscurcir un peu ce débat-là et à ne pas poser les
véritables questions.
Mme Robillard: Parfait!
La Présidente (Mme Harel): II vous restera du temps,
évidemment, si vous voulez le reprendre.
Mme Robillard: Sûrement.
M. Beauregard: J'ai été bref.
La Présidente (Mme Harel): La parole est
maintenant aux députés de l'Opposition.
M. Gendron: Je veux saluer cordialement l'ensemble de
l'équipe qui accompagne Mme Pagé. C'est évident que, dans
un débat comme ça, nous sommes très heureux, comme membres
de cette commission, d'avoir l'occasion d'échanger avec des gens qui, au
fil des ans, ont fait la preuve que les questions qui sont sur la table,
surtout quand tout est sur la table, les intéressent. Ce n'est pas la
première fois que la CEQ démontre son intérêt majeur
et important au niveau de l'ensemble des questions éducatives.
D'entrée de jeu, parce que je veux avoir le temps
d'échanger, j'ai été très heureux de votre
mémoire, globalement, et, en particulier, vers la fin. Mme Pagé,
j'ai été très heureux de votre finale, parce que vous avez
fini comme j'ai commencé dans mes remarques introductives. Là,
c'est important de les rappeler, parce que je pense que vous aurez probablement
plus de chance d'être citée, vous, que je ne le serai, mais je
tiens à commencer comme ça.
Je tiens à vous rappeler que, dans mes remarques introductives,
j'avais dit: «Nous questionnons le choix du gouvernement de ne faire
porter la réflexion que sur l'enseignement collégial. Le
collégial étant une charnière du système
d'éducation, il s'avère important d'examiner ce qui s'est fait en
amont et en aval, pour ne pas en arriver à faire évoluer les
différents ordres d'enseignement sur des voies parallèles.»
Je me souviens d'avoir mentionné ça au moment même
où on avait annoncé cette commission. Comme porte-parole de
l'Opposition officielle en matière d'éducation, je trouve
important de le rappeler.
J'avais également mentionné, comme vous l'avez fait -
c'est pour ça que j'étais très heureux de votre conclusion
finale - que je ne trouvais pas que ce que j'appelle «les conditions
objectives» de maximiser la réussite de cette commission
étaient réunies. Vous dites la même chose. Donc, on n'a pas
de trouble là-dessus. Et je ne change pas d'avis, surtout que, de plus
en plus, j'entends des choses. Ce n'est pas tout à fait le moment, selon
moi, d'en parler. Je donne juste une indication. S'il était vrai que
nous faisions pas mal de cet exercice pour rien - je ne suis pas dans ces
dispositions-là mais, de plus en plus, j'ai des inquiétudes -
j'ai toujours prétendu qu'il y avait un danger grave comme gouvernement
et que ce n'était pas très courageux de ne rien mettre sur la
table. Je n'ai pas changé d'avis. Ce n'est pas parce que ça va
bien à cette commission, ce n'est pas parce qu'on a de bons
échanges que je vais changer d'avis que ce n'était pas trop, trop
courageux. Je n'ai pas vu ça souvent, un gouvernement qui dit: Nous, on
veut faire des affaires, on veut changer, comme je viens de l'entendre, les
autres années aux cinq ans. On n'a pas modifié rien, alors que
c'est complètement faux. Mais je ne suis pas ici pour faire un
historique. Moi, j'ai passé cet âge-là, après 16
ans.
Tout ce que je veux dire, c'est que le même danger de
départ reste: en ne mettant rien sur la table, ça leur permettra
de faire pas mal ce qu'ils veulent, surtout qu'hier ou avant-hier la ministre a
dit très clairement: II n'est pas question qu'on reconsulte sur les
choix que nous allons faire. Alors, est-ce que tout est dans le sac, qu'on fait
l'exercice et on s'en reparlera après? J'ose espérer que non.
Alors, moi, je voulais vous dire, Mme Pagé, que c'est
évident que, quand vous avez commencé votre mémoire, avec
les remarques que vous avez faites... Je vous cite encore une phrase ou deux:
«N'est-il pas curieux - et je vous cite - de constater que, dans un
système d'éducation comme le nôtre, le principal
décideur n'ait ni bilan à présenter ni proposition
à soumettre?» C'est évident que c'est une situation
particulière, et je la partage. Là-dessus, vous aviez conclu que
vous souhaitez que l'improvisation qui a caractérisé l'annonce de
cette commission ne se répercute pas sur les décisions qui
pourraient être prises. Je suis dans le même contexte.
Sur les autres éléments de votre mémoire, quand
vous dites qu'il faut maintenir les cégeps, c'est la formule qu'on a
choisie; donc, il n'y a pas de trouble. Quand vous indiquez que, globalement,
on doit s'entendre qu'il s'agit surtout de problèmes liés
à l'ordre de l'adaptation. Aucun problème.
Quand vous dites qu'il est urgent - et c'est une espèce de cri
d'alarme - qu'il faut mettre fin à l'érosion de la
gratuité, j'estime que vous parlez correctement, parce que c'est de
ça qu'il s'agit. C'est vraiment de ça qu'il s'agit. On est dans
un système de gratuité qui coûte de plus en plus cher.
Alors, ça, c'est compliqué, mais c'est ça la
réalité. Et, en plus, même dans ce système de
gratuité qui coûte de plus en plus cher, il y a encore des gens
qui veulent nous «ticketer» quelque part. Tu sais, un ticket
modérateur sur ci, un ticket modérateur sur ça, y compris
sur ceux qui, supposément, mettent plus de temps, alors qu'on identifie
toutes les raisons pourquoi ils mettent plus de temps et, d'aucune
façon, dans les raisons qu'on identifie, les jeunes sont responsables.
C'est nous, collectivement, c'est l'institution, c'est le gouvernement, c'est
le choix de carrière qui est mal enseigné au secondaire, mais ce
n'est pas grave, on met un ticket modérateur. Alors, vous faites bien de
ne pas prendre cette voie-là.
Comme le temps file, et qu'il va falloir échanger un peu, vous...
En tout cas, je le souhaite.
Des voix: Ha, ha, ha!
(15 h 10)
M. Gendron: Bien, non, pas «il va falloir», je le
souhaite et je suis très heureux. Sur l'un des points, Mme Pagé,
vous avez insisté sur la
nécessité de faire vraiment le choix de l'approche
programme, parce que beaucoup de jeunes nous ont parlé de ça et
il faut convenir qu'il s'agit là d'une révolution importante,
d'un changement majeur, à savoir que, dorénavant, au niveau
collégial, nous choisirons l'approche programme pour, encore là,
maximiser les conditions de réussite, j'espère. Mais regardez ce
que vous dites, Mme Pagé, et, là-dessus, je trouve que ça
mérite sûrement qu'on se comprenne mieux. Vous dites: Cette
approche-là a des chances de réussite, mais à la condition
que nous mettions en place - et, là, je vous cite - une série de
conditions nécessaires à sa réalisation. Je suis de votre
point de vue. J'aimerais vous entendre sur les principales conditions
nécessaires à la réussite d'une approche programme.
Mme Pagé: Parfait. Sur les conditions, M. Trottier va en
faire un bout pour les enseignantes et les enseignants.
M. Gendron: Oui, oui.
Mme Pagé: Mme Demers va en faire un bout pour les
professionnels, étant entendu que ça ne s'oppose pas parce qu'ils
travaillent ensemble, mais je voudrais quand même leur donner l'occasion.
Je voudrais revenir sur deux choses.
M. Gendron: Oui, oui.
Mme Pagé: Tout d'abord, quant à cette commission
parlementaire, nous avons émis des réserves, mais nous l'avons
prise au sérieux....
M. Gendron: Nous aussi.
Mme Pagé: ...ce qui fait que nous avons travaillé
sérieusement. Nous avons présenté un mémoire, je
pense, qui est le fruit de réflexions importantes, qui débouchent
sur des changements substantiels. Il y a deux choses que nous prendrions fort
mal: d'abord, que la commission parlementaire ne débouche sur rien alors
qu'il y a des voies où on peut procéder dans des changements
importants, qui sont de l'ordre de l'adaptation, mais qui ne sont pas moins
importants parce que c'est de l'adaptation et, deuxièmement, qu'on fasse
à peu près n'importe quoi. Ça, pour nous, c'est clair.
Deuxième élément, sur le ticket modérateur,
rapidement. Je pense que les attentes qu'on a à l'égard des
jeunes de 17 ans, parce que c'est l'âge qu'ils ont quand ils entrent dans
les cégeps, on a ces attentes-là parce que nos 17 ans sont loin
en arrière, parce que, s'ils étaient plus près de nous, on
se rendrait compte qu'on leur demande l'impossible. Savoir, à 17 ans, de
façon précise et définitive ce qu'on veut faire dans la
vie, c'est une vue de l'esprit et leur demander de réussir à
concilier études et travail, réussir et ne pas prendre plus de
temps, c'est aussi une vue de l'esprit. Il faudra que les adultes soient un peu
plus cohérents dans ce qu'ils demandent aux jeunes si on veut leur
donner les moyens de répondre aux exigences qu'on leur impose. Sur
l'approche programme, M. Trottier et Mme Demers.
M. Trottier: L'approche programme, pour bien comprendre comment
cette réflexion est introduite maintenant au niveau collégial, il
faut peut-être situer un petit peu cette problematic que-là dans
une espèce de prolongement historique. Il faudrait peut-être se
demander aussi, avant qu'on parle de l'approche programme, ce qu'il y avait
dans les collèges et ce qu'il y a encore présentement. Vous le
savez, l'enseignement au niveau collégial a été
structuré autour des disciplines, principalement, et autour de ces
disciplines s'est instituée aussi, entre autres, la question de
département. Le département a été quelque chose
d'essentiel pour le développement de la réflexion disciplinaire
et de l'enseignement disciplinaire. Ça l'a été et
ça l'est toujours. On peut considérer que c'est comme un premier
niveau, finalement, de concertation entre les enseignants, entre autres ceux
qui travaillent dans une même discipline.
Ce dont il est question avec l'approche programme, ce serait
d'instaurer, on pourrait dire, un second niveau de concertation, un niveau qui,
lui, s'intéresse non pas aux questions strictement disciplinaires, mais
va s'intéresser beaucoup plus à la question pédagogique,
au niveau de la démarche, au niveau du cheminement de l'étudiant
à l'intérieur de son programme, au niveau de l'intégration
des différents savoirs qu'il doit posséder et au niveau,
évidemment, de permettre une concertation entre les personnes qui
interviennent dans la formation de l'étudiant.
Tout ça, c'est quelque chose de très complexe à
faire. Il y a déjà une structure en place, qui remplit des
fonctions qui sont incontournables, et il y a de nouveaux besoins qui
apparaissent, une nouvelle conception qu'on doit être capable
d'organiser. Les conditions sont peut-être nombreuses, mais on pourrait
les ramasser assez rapidement.
M. Gendron: C'est ça que j'aimerais. Ramassez ça
assez serré, là.
M. Trottier: J'en arrive à ça. D'abord, compte tenu
du fait que c'est un travail qui demande une mise en oeuvre extrêmement
complexe, c'est nécessaire que tous les gens qui interviennent au niveau
d'un programme puissent se concerter ensemble et que ce soit sur la base de
cette concertation-là que le travail, à l'intérieur d'un
programme, se fasse. Il est nécessaire que cette concertation repose sur
l'initiative, sur la volonté réelle des enseignants et de
l'ensemble des autres intervenants de concourir à
fabriquer les éléments de ce programme. Il est important
de comprendre aussi que ce n'est pas par le chapeautage d'une superstructure
très élaborée, verticale, autoritaire qu'une telle
approche, avec les conditions d'initiative que ça demande, pourra
prendre réellement naissance, son envol et travailler correctement.
Ça demande aussi des ressources. Peut-être pas des
quantités astronomiques, mais ça en demande un minimum, ne
serait-ce que pour assurer une certaine stabilité à la
démarche. On a des exemples dans des collèges où cette
démarche d'approche programme a été initiée et,
pour des raisons qui tenaient peut-être à l'absence de ressources
en grande partie, ces approches ont malheureusement avorté puisqu'on n'a
pas été capable de poursuivre l'exercice jusqu'au bout.
J'ai résumé en gros, je pense, les principales conditions
que nous voyons à l'implantation de l'approche programme.
M. Gendron: Merci.
Mme Deniers: Alors, comme on l'écrit dans notre
mémoire, nous, on considère effectivement que la participation de
l'ensemble des intervenants est primordiale, parce que l'étudiant, pour
réussir son cheminement, doit avoir un grand encadrement et on pense que
le travail d'encadrement n'est pas qu'un travail d'enseignant, mais c'est le
travail des professionnels et des techniciens qui sont liés à ces
programmes. On croit aussi, et on le dit dans le mémoire, que de cerner
les problèmes de l'étudiant dès le départ, de
cerner ses lacunes et de lui donner les moyens de les corriger avant
d'être rendu à rémission du diplôme, parce que
généralement il ne se rend pas, ça c'est un des moyens de
faire en sorte que la formation puisse se faire et que la diplomation puisse se
faire.
Je pense qu'on a compris depuis des années que le cheminement
d'étudiants et que la réussite, compte tenu de la
clientèle actuelle, pour qu'il y ait réussite, il faut tenir
compte de l'environnement de l'étudiant, c'est-à-dire qu'il a des
problèmes financiers, il a des problèmes familiaux, il a des
problèmes personnels. Il faut donc que le cheminement dans un programme
permette de tenir compte de l'ensemble de ces réalités-là
et qu'on lui donne dans le cheminement l'ensemble des moyens pour
réussir son programme et mener à la diplomation. Je pense que, vu
sous cet angle, en plus d'une plus grande participation de tous, en plus d'un
meilleur encadrement, ça prend aussi une plus grande flexibilité
dans l'application des normes.
M. Gendron: Merci. Deuxième question. C'est encore
nécessaire, je pense, d'y revenir. Il y a des gens qui disent: Vous
touchez les mêmes questions. Je comprends, c'est parce que les
problèmes sont du même ordre; exemple, M. Richard Le Hir qui
disait, hier ou avant-hier, ça n'a pas d'importance: Bon, on est en
train de rater ça parce qu'on parle de formation de base, puis de
formation fondamentale, mais on ne parle pas de formation technique. Je pars de
là juste pour aller rapidement. Mais oui qu'on en parle un peu, sauf
qu'avec les intervenants qui sont venus jusqu'à date, il y avait dans
leurs mémoires des fois une approche plus pressante et plus
étoffée sur la formation de base, la nécessité de
revoir. Ça ne voulait pas dire et ça ne veut toujours pas dire
que c'est alarmant qu'il n'y ait pas plus de jeunes et d'adultes qui
choisissent une formation technique qualifiante. Là, j'allais dire je
suis un peu renversé, puis ce n'est pas contre vous autres, mais on est
obligés de répéter presque toujours la même
chose.
La formation technique, il va falloir la revaloriser. Si ça ne
fait pas 50 fois que je dis ça dans des forums auxquels j'ai l'occasion
de participer depuis cinq, six ans, aux crédits de l'éducation,
il n'y a pas des journées entières où je n'insiste pas
là-dessus. Puis, là, dans votre mémoire, je le
répète, Mme Pagé, vous faites bien de le rappeler puis de
le dire. Mais votre recommandation là-dessus, c'est d'inviter la
commission parlementaire à transmettre un message clair aux jeunes et
à la population quant au caractère stratégique et
impérieux du développement de la formation professionnelle, en se
prononçant pour la mise en oeuvre immédiate d'un vigoureux plan
de valorisation de ce secteur.
Alors, moi, je vous dis: Supposons que ce soit la dernière fois
qu'on parle de le mettre en place, qu'est-ce qu'il y aurait dedans? Qu'est-ce
qu'il faut faire rapidement, puisque, comme centrale, vous avez quand
même 75 000, 80 000 personnels de redistribués dans tout le
Québec? Même, on me dit 100 000 au total. Rapidement, qu'est-ce
qu'il faudrait faire pour s'assurer que, comme société, on ne
parle plus du plan et qu'on pose les bons gestes pour que dorénavant il
y ait plus de jeunes et d'adultes qui choisissent ce qu'il serait plus normal
de choisir, une bonne formation technique pour faire face au défi de
l'avenir? Qu'est-ce qu'on fait? (15 h 20)
Mme Pagé: Premièrement, on ne fait pas la
valorisation de la formation professionnelle seulement en en parlant. C'est une
étape, mais ce n'est pas juste en disant vous savez, c'est bon, que
ça va faire que tout le monde va se diriger en formation
professionnelle. Il y a des gestes concrets à faire. Dans le
mémoire, quand on demande, par exemple, une autonomie accrue pour les
collèges dans la formation professionnelle, c'est un geste concret parce
que ça permet d'adapter la formation professionnelle un peu plus aux
besoins qui peuvent s'exprimer dans un milieu donné, dans une
région donnée.
Deuxièmement, il faut consentir un financement adéquat
à la formation professionnelle. C'est une formation qui nécessite
des déboursés
importants. Il faut la financer correctement. Et là, on entend
souvent dire que l'école ne fait pas bien ce qu'elle a à faire,
mais, moi, je pense qu'il est temps de dire que les entreprises ne font pas
bien ce qu'elles ont à faire. Elles sont en queue, là, sur les
sommes qu'elles mettent dans la recherche, le développement et le
soutien à la formation professionnelle. Et si nos entreprises
finançaient à même une taxe ou une obligation de
financement, comme ça existe en France, comme ça existe en
Allemagne, comme ça existe dans les pays Scandinaves et comme M. Clinton
annonce que ça devra exister aux États-Unis, il y aurait des
moyens pour soutenir la formation professionnelle.
Troisième élément, la fonction d'orientation
professionnelle. Et là, je ne parle pas du cours de choix de
carrière, ou je ne parle pas de la tâche des conseillers en
orientation, je parle de la fonction d'orientation scolaire et professionnelle
qui est déficiente dans notre système d'éducation. Que ce
soit au secondaire, que ce soit au collégial, il y a une fonction
d'orientation qui est déficiente et qui amène bien souvent des
jeunes, sous l'égide de leurs parents dans certains cas, à
choisir la voie plus traditionnelle qui est celle de la formation
générale. Nous avons seulement 22 % d'une
génération qui se dirige vers la formation professionnelle, et
nous maintenons toujours nos déficits dans la formation qualifiante pour
arriver sur le marché du travail. Mais il y a aussi,
nécessairement, l'autre prémisse, c'est qu'il y a une
nécessité de scolarisation qui accompagne la formation
professionnelle. Et nous avons aussi des retards au niveau de la scolarisation
moyenne au Québec et c'est là que la stratégie de la
réussite éducative prend tout son sens. La réussite
éducative, ça ne se vit pas que dans la voie académique,
ça se vit dans la voie professionnelle aussi.
Donc, là, il y a des choix pédagogiques, organisationnels,
budgétaires qu'il faut faire pour inscrire l'ensemble de notre
réseau d'enseignement public, que ce soit de l'ordre du
primaire-secondaire ou du collégial, sur la voie de la réussite
du plus grand nombre. Il n'y a rien de plus facile que de faire échouer
un élève. On a juste à lui poser les questions auxquelles
il ne connaît pas les réponses. C'est très facile,
ça. Le vrai défi d'un réseau d'enseignement, c'est de
faire le choix de la réussite des élèves, de s'inscrire
dans une stratégie de la réussite, et, entre autres, la formation
professionnelle, la valorisation de cette formation-là, c'est une voie
de la stratégie de la réussite éducative.
M. Gendron: Merci beaucoup. C'est justement parce que je savais
que ce n'est pas qu'on en fait juste en en parlant que j'ai posé la
question. Autrement dit, je suis conscient, Mme Pagé, qu'on ne pourra
pas revaloriser la formation professionnelle uniquement parce qu'on en parte.
Et ça m'a permis, en posant la question, de vous faire exprimer ce que
vous venez d'exprimer et d'introduire mon second sujet comme
questionnement.
Et, on en a une preuve, là, concrètement, et je suis
obligé d'être comme je vais être pour le sujet suivant:
l'éducation des adultes. Bon. L'éducation des adultes, je vous ai
trouvée tout à fait correcte de dire haut et fort, comme vous
êtes capable de le faire: II faut réorienter au complet
l'éducation des adultes. Mais là, là, on est à une
commission parlementaire commandée par le gouvernement que vous
connaissez, et le même gouvernement qui souhaite, effectivement,
qu'à cette commission parlementaire on évalue toute la meilleure
place qui doit être faite à l'éducation permanente, ce
n'est pas ce qu'il fait dans à peu près les trois quarts des
décisions qu'il prend.
Alors, ce n'est pas pour rien que ça amène des
décisions aussi dures que celles que vous recommandez à la page
57. Vous dites: «rétablir un équilibre dans l'offre de
formation entre la formation qualifiante et la formation sur mesure; mettre un
terme aux conflits de juridiction et au fouillis administratif dans lequel on
est - c'est dur, mais c'est la réalité; assurer un financement
adéquat et stable; développer les services d'encadrement et de
soutien - parce que c'est le drame, il n'y en a plus pantoute; favoriser la
recherche en andragogie; améliorer les conditions de travail du
personnel».
Ce qui vous faisait conclure - je vais arriver avec ma question:
«En proposant cette réorientation de l'éducation des
adultes autour de ces grands objectifs, la CEQ est parfaitement consciente
d'aller à contre-courant des tendances dominantes actuellement au niveau
gouvernemental». Question: Qu'est-ce qu'on fait pour renverser la
tendance? Et avez-vous des alliés dans la cause que... Le moment est
venu, lors d'une commission parlementaire où on évalue l'avenir
des études collégiales... Comme l'avenir des études
collégiales va être très pris dans le futur par un
très grand nombre d'adultes, qu'est-ce qu'on fait, d'une façon
urgente, pour arrêter l'hémorragie?
Mme Pagé: D'abord, moi, d'aller à contre-courant,
vous savez, ça ne m'énerve pas vraiment...
M. Gendron: Moi non plus.
Mme Pagé: ...que ça arrive. Ça arrive
régulièrement qu'on soit à contre-courant pour un temps.
Et, après ça, subitement...
M. Gendron: Le courant vous rattrape.
Mme Pagé: ...le courant nous rattrape. je me rappelle,
quand on a commencé à parler de réussite éducative,
la première démarche a été de dire que nos chiffres
n'étaient pas bons. un an
et demi plus tard, le ministère de l'Éducation
était engagé à nos côtés dans la lutte contre
l'échec et l'abandon scolaire. Donc, on est peut-être à
contre-courant, mais je vais vous dire qu'on a les meilleurs alliés au
monde, les adultes eux-mêmes, qui pensent que ce qui se passe en
éducation des adultes n'a pas de bon sens.
On parle de formation continue, mais si tu n'es pas sur un plan de
sécurité du revenu, soit parce que tu es sur
l'assurance-chômage, soit parce que tu es sur l'aide sociale, tu n'as pas
accès à l'éducation des adultes.
M. Gendron: C'est exact.
Mme Pagé: Pourtant, on nous dit que la voie, c'est d'avoir
de plus en plus... Pour assurer le progrès économique de nos
sociétés, pour assurer le développement social et culturel
de nos sociétés, et je dirais même pour garantir le
développement démocratique de nos sociétés,
l'augmentation de la scolarisation de base est fondamentale et
préalable. Or, on s'est mis dans une vision utilitariste de
l'éducation des adultes. Il faut bien sûr permettre
l'éducation des adultes pour répondre à des besoins de
formation qui découlent de besoins liés à la formation
professionnelle ou au retour à l'emploi ou au maintien en emploi, mais
il faut avoir une vision plus globale de l'éducation des adultes en
comprenant qu'une personne qui finit l'école à un âge
donné et qui n'a jamais besoin de revenir à l'école au
cours de sa vie, ça, c'est un modèle des années quarante
ou des années cinquante. Ce n'est plus ça, la fin du XXe
siècle et ça ne sera pas ça, le XXIe siècle.
Il faut redonner à l'éducation des adultes, dans son sens
global, les lettres de noblesse qu'elle a perdues. Et l'on peut sembler
à contre-courant, mais je pense que nous ne serons pas longtemps
à contre-courant parce que les besoins sont là, les adultes le
réclament. Et vous allez entendre, plus tard dans la journée,
l'ICEA et vous allez voir qu'à cet égard-là nos points de
vue sont tout à fait convergents.
La Présidente (Mme Harel): II reste quatre minutes
à l'Opposition officielle. Alors, j'aimerais que le porte-parole en
tienne compte dans sa réponse et dans sa question. Dans la question,
plutôt, avant la réponse.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Oui, sauf que...
Mme Pagé: Je peux lui poser la question et qu'il
réponde, pour faire changement.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Je ne contrôle que mes questions et non les
réponses. Alors, je voudrais poser à Mme Demers,
présidente de la fédération des professionnels, la
fédération des cégeps, une question qui m'apparaît
importante. Il n'y a pas beaucoup de gens qui, dans leur mémoire, ne
nous ont pas abondamment parlé de la nécessité de mesures
d'encadrement, d'assistance, d'appoint, appelez ça comme vous voudrez.
Et, ça, règle générale, tous ces
services-là, on les prend au niveau des personnels que vous
représentez. Je sais - et ce n'est pas parce que... on pourrait en
parler, et il n'est pas question de jouer à l'autruche - que dans le
réseau des professionnels, dans les 10 dernières années,
et peut-être même avant, il y a eu énormément de
réduction des personnels. J'aimerais ça que vous nous
indiquiez... Compte tenu que tous ceux qui nous parlent de l'avenir, de
meilleures conditions de réussite, nous disent: Écoutez, il faut
régler les problèmes liés à l'orientation. Il faut
régler des problèmes au niveau du manque d'encadrement, parce que
nos jeunes, c'est cette réalité-là qu'ils vivent dans les
collèges. Passer une mesure d'encadrement... Ce midi - très court
- je me faisais dire par deux, trois jeunes... Il y en a un qui me dit: M.
Gendron, j'ai demandé un rendez-vous - ça va être court -
chez un conseiller en orientation. Je vais l'avoir dans trois semaines et
demie. Je comprends. Ça n'a pas de bon sens. Trois semaines et demie
pour avoir son rendez-vous chez le conseiller en orientation d'un
collège! Question, madame. Si vous aviez à placer rapidement...
On a un coup de barre à donner au niveau des personnels pour
améliorer. On commence par quoi, et qu'est-ce qui est le plus dramatique
et qui est le plus criant? Et comment on le corrige rapidement au niveau des
professionnels? (15 h 30)
Mme Demers: Moi, je pense que si on avait un seul coup de barre
à donner - espérons qu'on va pouvoir en donner plus qu'un - c'est
vraiment le service direct à l'étudiant qui est de plus en plus
déficient. Effectivement, depuis plusieurs années, on
réalise que les professionnels qui ont comme fonction le service direct
à l'étudiant, que ce soient les conseillers d'orientation, les
psychologues, les aides pédagogiques individuels, on voit leur nombre se
réduire, parce qu'il y a d'autres fonctions qui se développent
dans le collège. Effectivement, toute la question du lien entre
l'entreprise et le collège au niveau de l'éducation des adultes,
ça prend beaucoup de personnel, sauf que le lien direct à
l'étudiant, l'aide à l'apprentissage, ça, vraiment,
à notre avis, c'est le lieu où il y a le plus de diminution de
personnel. Ça se voit.
Les aides pédagogiques individuels. Je peux vous donner un
exemple. Dans un collège, un aide pédagogique individuel doit
voir 1400 étudiants. Alors, quand vient le temps des changements de
cours, évidemment, l'étudiant passe à peu près deux
minutes ou cinq minutes dans le bureau. Je pense qu'il y a là un
problème
important. Qu'on pense aux bibliothèques. Les professionnels dans
les bibliothèques, il y a quelques années, ils avaient le temps
de faire de la référence, d'apprendre à l'étudiant
à se servir de l'instrument qu'est la bibliothèque. Maintenant,
ils n'en ont presque plus le temps. Il n'y a presque plus de professionnels qui
ont comme fonction d'être conseillers aux étudiants. Je pense que
c'est là qu'il est important de donner un coup de barre parce que, si on
veut que les étudiants réussissent, ce n'est pas que par la
pédagogie. La pédagogie est fondamentale, mais ce n'est pas que
par la pédagogie. Les étudiants ont trop de problèmes
à vivre pour être capables de... Plusieurs étudiants - pas
tous - ont tellement de problèmes qu'ils ne réussissent pas, pas
seulement parce que la pédagogie n'est pas bonne, mais principalement
parce qu'ils n'ont pas l'aide et l'encadrement nécessaires pour se
rendre à la fin de leur cours ou pour faire les bons choix.
La Présidente (Mme Harel): Merci beaucoup, Mme Demers.
Merci également, Mme Pagé. La parole, pour conclure cet
échange, est maintenant à Mme la ministre.
Mme Robillard: Une dernière petite question rapide, Mme
Pagé. Dans votre partie sur la proposition 14, accorder plus d'autonomie
aux cégeps, vous concluez, à la page 76, en invitant la
commission à apporter des amendements à la Loi sur les
collèges afin d'assurer une démocratisation réelle des
conseils d'administration. Qu'est-ce à dire?
Mme Pagé: Nous savons toutes et tous que, bien souvent,
les conseils d'administration découlent plus de la cooptation, à
certains moments donnés, qu'à une réelle
démocratisation, et nous pensons que la décentralisation ou le
renforcement de l'autonomie des collèges sur certains
éléments doit militer en faveur d'une plus grande
responsabilisation des conseils d'administration. Pour cela, la composition du
conseil d'administration, le mandat du conseil d'administration doit être
revu pour permettre, justement, cet élément de rendre compte de
la gestion qui leur sera confiée par une dévolution de
pouvoirs.
Je voudrais terminer, avant que vous ne me disiez merci d'être
venue, en vous disant que tous les changements sont exigeants. Quand on fait le
changement de mettre à terre et de reconstruire, c'est exigeant. Mais
les changements d'adaptation sont tout aussi exigeants. Parfois même, ils
le sont davantage parce qu'ils doivent concilier la continuité et le
changement. La commission parlementaire doit déboucher sur des mesures
qui permettront de marier continuité, préservation des acquis et
adaptation à révolution de notre société et aux
besoins des jeunes.
La Présidente (Mme Harel): Mme la ministre.
Mme Robillard: Mme Pagé, non seulement je veux vous
remercier d'être venue, mais je vais vous dire qu'il va se passer quelque
chose, que ce ne sera pas n'importe quoi et que ce sera cohérent.
Mme Pagé: Merci.
La Présidente (Mme Harel): Alors, je remercie la Centrale
de l'enseignement et la Fédération des professionnels. Je vais
inviter immédiatement l'Institut canadien d'éducation des adultes
à prendre place.
Alors, je demanderais aux membres de la commission de reprendre place,
s'il vous plaît. J'inviterais les membres de la commission à
reprendre place et nous allons débuter avec l'Institut canadien
d'éducation des adultes. Mme Laberge, est-ce que c'est vous qui nous
présenterez les personnes qui vous accompagnent?
Institut canadien d'éducation des adultes Mme Laberge (Diane):
Oui, tout à fait.
La Présidente (Mme Harel): Mme Diane Laberge, directrice
générale. Alors, si vous voulez nous présenter les
personnes qui vous accompagnent et procéder à la
présentation de votre mémoire.
Mme Laberge: Tout à fait, merci. Bonjour, Mme la ministre,
Mme la Présidente de la commission, Mmes et MM. les
députés. Je voulais vous remercier de nous recevoir en commission
parlementaire. On sait qu'il y a eu énormément de mémoires
qui ont été transmis et on souhaitait vivement, comme on est un
organisme, je dirais un carrefour en éducation des adultes et que c'est,
je dirais, un des rares organismes dont la vocation est totalement
centrée sur l'éducation des adultes, qu'on puisse être
reçu. On voulait vous en remercier. (15 h 40)
Je vous présente les gens de la délégation: Pierre
Paquet, à ma droite, qui est à la Faculté de
l'éducation permanente de l'Université de Montréal et qui
est membre de notre conseil d'administration; à l'extrême gauche,
ici, Mme Louise Carrier, qui est présidente de l'Association
québécoise des conseillers et conseillères
pédagogiques de l'éducation des adultes dans les collèges
du Québec et qui est aussi membre du conseil d'administration de
l'Institut; Mme Marie Leclerc, qui est chargée de projet, chez nous, et
moi-même. Alors, comme vous avez lu le mémoire, je vais essayer
d'en tracer les grandes lignes dès le départ.
Nous vivons une période de transition où nous ne savons
plus beaucoup en fonction de
quelles valeurs et de quel projet de société il faut faire
des choix. Cela vaut pour tous les secteurs mais aussi pour celui de
l'éducation. Face aux défis qui confrontent nos
sociétés en mutation, face aussi à l'incertitude et au
désarroi dans lesquels vivent les individus, le système
d'éducation apparaît comme une planche de salut personnel tout
autant que comme un enjeu économique stratégique pour la
société. Le système d'enseignement devient alors l'objet
de remises en question et d'attentes souvent démesurées et aussi
contradictoires. Pour les uns, l'école doit fournir une formation
fondamentale et répondre à l'ensemble des besoins des personnes.
Pour les autres, l'école doit s'adapter aux réalités
changeantes du marché du travail et former une main-d'oeuvre mieux
préparée à faire face aux défis de l'an 2000. Comme
si les deux objectifs devaient nécessairement s'opposer.
Former des individus capables de penser, de s'informer, de se prendre en
charge, de s'adapter aux divers changements, de s'impliquer socialement et de
prendre part aux décisions collectives et aux choix de
société, ce sont là, à notre avis, autant
d'éléments devant aussi faire partie de la mission du
système scolaire. C'est finalement toute la mission globale des
réseaux éducatifs qui est à repenser et non seulement
celle des collèges. Nous ne sommes pas convaincus qu'il fallait ici
s'attaquer seulement au secteur collégial.
D'entrée de jeu, nous voulons souligner que l'Institut ne remet
nullement en cause l'existence et la mission des cégeps. Nous
considérons que les cégeps ont constitué un apport
indéniable à la démocratisation de l'éducation en
contribuant à élargir l'accès aux études
supérieures pour toutes les personnes, et ce, quelle que soit leur
région et leur milieu d'appartenance. Plus que jamais, les adultes ont,
d'après nous, besoin des cégeps comme tremplin pour l'avenir.
L'ICEA aborde cette consultation générale en étant
très conscient des limites de notre intervention. Nous entendons situer
la mission des cégeps en éducation des adultes en nous appuyant
sur les acquis et les pas accomplis et en identifiant les voies de
développement privilégiées.
Les objectifs d'accessibilité et de démocratisation
fixés par le rapport Parent ont permis d'introduire dans le
système collégial une
hétérogénéité certaine de la population
étudiante, qui est maintenant très diversifiée et
reflète de plus en plus les caractéristiques de la
société québécoise d'aujourd'hui. Le portrait de
cette évolution est d'ailleurs révélateur des
progrès réalisés à l'égard de plusieurs
catégories sociales, qu'il s'agisse des adultes, des femmes, des
personnes issues des milieux populaires ou encore des
néo-Québécois. On note, en effet, une présence
accrue des adultes dans les cégeps. Environ un élève sur
deux a maintenant plus de 20 ans et le groupe des 25 ans et plus est
passé à 31 % depuis 1975. On constate aussi une plus grande
diversité des origines socio-économiques au sein de la population
étudiante de même que la présence d'une majorité de
femmes. À l'éducation des adultes, elles représentent plus
de 60 % de la population étudiante et domine dans les programmes
techniques et professionnels tout autant que dans le secteur
préuniversitaire. Enfin, on compte de plus en plus de
néo-Québécois. Cependant, les chances d'accéder aux
études supérieures sont encore aujourd'hui fortement tributaires
de l'origine socio-économique des parents et la discrimination
géographique persiste pour les étudiantes et les étudiants
des régions périphériques.
Les percées réalisées ne doivent cependant pas nous
faire sous-estimer les populations adultes encore marginalisées par le
réseau collégial tout comme par les autres ordres d'enseignement.
On pense ici aux travailleurs et travailleuses peu qualifiés, souvent
dans des emplois précaires ou à l'intérieur des PME, aux
populations immigrantes, allophones, aux femmes immigrantes, aux demandeurs de
statut de réfugié, aux personnes handicapées, aux
mères de famille, aux femmes chefs de famille monoparentale qui
demeurent, malgré tout, peu rejointes malgré certains
progrès.
Nous devons souligner particulièrement l'exclusion des adultes
qui ne répondent pas aux critères d'admission des programmes
faute de correspondre à la clientèle cible. Ces personnes, qui
veulent se donner un projet de formation sur une base individuelle, sont en
voie de devenir non prioritaires du fait de n'être ni
référées par l'employeur, ni prestataires d'un
régime de l'État. Ces faits nous convainquent que
l'accessibilité doit demeurer un objectif à poursuivre
prioritairement par les cégeps, qui auront de plus en plus à
s'adapter à de nouvelles réalités.
En 1984, en réponse à la publication du rapport de la
commission Jean et dans un contexte de récession économique et de
compressions budgétaires, le gouvernement déposait un
énoncé d'orientation en éducation des adultes. Cet
énoncé a profondément influencé l'évolution
des services d'éducation pour les adultes et constitue encore
aujourd'hui le cadre politique de l'organisation de l'éducation des
adultes au Québec.
L'énoncé s'inscrivait pourtant dans une perspective
d'éducation permanente devant permettre à tout individu, à
n'importe quel moment de sa vie, d'entamer de nouvelles démarches de
formation. Plusieurs principes devaient inspirer les interventions, qu'il
s'agisse de la reconnaissance de la pluralité des lieux de formation, de
l'accès plus large et plus facile aux ressources éducatives, de
l'objectif de développement global de la personne, intégrant les
dimensions économiques, bien sûr, mais aussi culturelles et
sociales de l'éducation, de la
formation sur mesure comme approche à privilégier ou de la
priorité aux formations qualifiantes, c'est-à-dire à
celles qui conduisent à une forme de reconnaissance sociale. Force nous
est de constater que plusieurs de ces principes devraient guider notre action
encore aujourd'hui, car il ne nous semble pas que tout est acquis.
Cependant, le changement le plus marquant apporté par
l'énoncé aura sans cloute été le nouveau partage
des responsabilités entre les ministères. Le gouvernement
choisissait de transférer une bonne partie des responsabilités et
budgets alloués en éducation des adultes au ministère de
la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu. Ce nouveau partage
des responsabilités viendra consacrer la perte de leadership des
ministères à vocation éducative au profit des
ministères responsables de la main-d'oeuvre, et ce, tant au provincial
qu'au fédéral. Dans leur champ spécifique de juridiction,
les ministères éducatifs ont eux-mêmes dilué leurs
responsabilités en éducation des adultes, contribuant ainsi
à limiter leur capacité d'intervention dans ce domaine, notamment
par la disparition des structures ministérielles propres à
l'éducation des adultes.
Plusieurs mesures innovatrices avaient été prévues
dans l'énoncé pour accroître l'accessibilité
à l'éducation des adultes. On pense ici à la
reconnaissance des acquis, aux services régionaux
d'accueil-référence qui, après une mise en marche
prometteuse, ont connu un développement, somme toute, limité. Il
n'existe pas aujourd'hui de système harmonisé de reconnaissance
des acquis entre les établissements et les ordres d'enseignement, et les
services régionaux d'accueil-référence ont
été convertis en instrument du réseau de la
main-d'oeuvre.
L'énoncé d'orientation confirmait aussi une mission
d'éducation populaire au réseau de l'éducation et invitait
les établissements d'enseignement à développer les
services aux collectivités. Ceux-ci sont, à l'heure actuelle,
pratiquement inexistants ou réduits à des initiatives
sectorielles et individuelles de certains collèges.
Enfin, soulignons que, si on affirmait que les organismes et les
établissements d'enseignement devaient considérer
l'éducation des adultes comme partie intégrante de leur mission
au même titre que celle des jeunes, la Loi sur les collèges
n'indique toujours pas explicitement que l'enseignement doit s'adresser aussi
bien aux adultes qu'aux jeunes, contrairement à la nouvelle Loi sur
l'instruction publique qui reconnaît le droit des adultes à
l'éducation. Depuis 1985, une ouverture de l'enveloppe budgétaire
en éducation des adultes dans les commissions scolaires aura permis
d'accroître considérablement l'accès des adultes à
la formation, du moins jusqu'à l'an dernier, puisque cette
enveloppe-là a maintenant été fermée. Les
cégeps n'ont malheureusement, pour leur part, jamais
bénéficié d'une mesure comparable. Si l'éducation
des adultes semblait devoir s'inscrire dans une perspective d'éducation
permanente afin d'être en mesure de répondre aux besoins multiples
des adultes, les changements majeurs survenus au cours de années
quatre-vingt ont cependant compromis grandement un tel objectif.
Le nouveau partage des responsabilités entre les
ministères de l'Éducation et de la Main-d'oeuvre ainsi que la
création du ministère de l'Enseignement supérieur et de la
Science ont modifié substantiellement le rôle des acteurs
gouvernementaux en présence. Les mécanismes de concertation entre
les trois ministères sont demeurés relativement faibles, laissant
voir une absence de cohésion de la part du gouvernement du Québec
dans le champ de l'éducation des adultes. Le gouvernement
fédéral a donc pu profiter de cette situation pour continuer
à occuper très largement ce champ de la formation.
Du côté fédéral, c'est par le canal des
accords Canada-Québec que transitent, depuis 1967, les fonds
alloués à la formation standardisée pour les adultes.
Suite à l'adoption par le gouvernement fédéral, en 1985,
de sa politique de planification de l'emploi, on prévoyait une
décroissance de 40 % des budgets consacrés aux achats directs de
formation standardisée au profit de la formation sur mesure. Si cette
stratégie a eu le mérite de favoriser des liens plus
étroits entre l'école et le travail, elle a par contre eu des
conséquences difficiles et négatives par rapport à
l'accessibilité à la formation standardisée
générale et professionnelle pour les adultes. (15 h 50)
Le gouvernement fédéral a donc fortement contribué
à redessiner l'offre de formation en éducation des adultes et
«priorisé» le développement de la formation sur
mesure en établissement. Nous aurions pu penser que le gouvernement du
Québec assurerait, pour sa part, le maintien d'une offre de service
adéquate a temps complet, à temps partiel pour les adultes, mais
tel n'a pas été le cas, du moins au niveau collégial. Au
contraire, on a vu les subventions se réduire au fil des ans. En effet,
le principal programme du ministère de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, qui
s'adresse aux collèges, le programme Recyclage et perfectionnement de la
main-d'oeuvre, vise essentiellement la formation professionnelle à temps
partiel et son budget global, non indexé, a diminué,
entraînant une baisse de 20 000 places dans les collèges entre
1985 et 1989. Il faut aussi signaler que la formation financée dans ce
cadre entraîne une tarification pour les adultes, des frais qui ont
d'ailleurs été haussés au cours de l'été
1992, ce qui nous apparaît à contresens des objectifs de
développement des compétences dont on parie tant.
Il ne semble pas que le ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Science ait
davantage pris à sa charge les vides laissés par le
gouvernement fédéral ou par le ministère de la
Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu. Le financement
provenant du MESS, principalement contenu dans l'enveloppe normalisée de
la DGEC et consacrée aux cours de formation à temps partiel pour
les adultes, est déterminé sur ia base d'un facteur de
pondération qui a décru d'année en année, ce qui
n'a pas été sans conséquence pour l'offre de service et
l'accessibilité aux adultes non plus. Conséquemment, les
cégeps imposent de plus en plus de frais administratifs,
développent une tarification pour les services complémentaires
nécessaires telle que la reconnaissance des acquis. En somme, on est
loin de favoriser l'accessibilité à l'éducation pour les
adultes.
Si, globalement, le budget global de l'éducation des adultes dans
les cégeps s'est accru de 30 %, en chiffres absolus, entre 1985 et 1990,
ce n'est pas sur la base du financement qui vient du gouvernement du
Québec. Le financement du MESS a représenté une hausse
inférieure au taux annuel d'inflation et celui du MMSRFP a
diminué légèrement en chiffres absolus. Seules les sommes
issues de l'accord Canada-Québec, donc du gouvernement
fédéral, ont augmenté de 47,7 % dans les collèges,
et c'est simplement sur la base d'une répartition différente des
fonds entre les commissions scolaires et les collèges. Donc, c'est
davantage des réajustements et des déplacements de budgets qu'une
réelle augmentation des fonds.
De leur côté, les réformes des politiques de
sécurité du revenu - on pense ici à l'aide sociale,
à l'assurance-chômage - sont venues marquer le
développement de l'éducation des adultes. Les gouvernements
cherchent de plus en plus à lier sécurité du revenu et
programmes de formation pour les prestataires. Dans le cadre des achats directs
du fédéral et du programme FME-employabilité, le
gouvernement vise prioritairement les prestataires de la sécurité
du revenu et les personnes en chômage. La réforme de
l'assurance-chômage a permis de transférer des sommes dans le
développement de ce qu'on a appelé des utilisations productives
des fonds de l'assurance-chômage dont la formation professionnelle.
Depuis sa mise en oeuvre, on a pu observer une augmentation du budget du
programme FME-employabilité ainsi que l'arrivée d'un nombre
important de prestataires de l'assurance-chômage dans les programmes de
formation en établissement. De même, depuis la mise en place de la
loi 37, les prestataires de l'aide sociale sont invités, par des mesures
incitatives et parfois coercitives, à s'inscrire dans un des programmes
de développement de l'employabilité autorisés par l'aide
sociale et organisés, tels que le rattrapage scolaire, les stages en
milieu de travail, les travaux communautaires.
Il nous apparaît nécessaire de rappeler que, pour une
partie sans cesse croissante de la main-d'oeuvre, les frontières entre
le travail, le chômage et l'aide sociale sont de plus en plus poreuses.
Le développement de la formation ne saurait, en aucun cas, tenir lieu de
politique de plein emploi et constituer la seule réponse au
problème du chômage et de la précarisation. Les mesures
d'adaptation à court terme présentent, à notre avis, un
réel danger, celui de leurrer les gens en leur laissant entrevoir que la
formation est une solution miracle pour garantir un emploi décent et
régulier qu'ils chercheront encore longtemps.
Certes, la qualification et le développement des
compétences professionnelles demeurent des atouts nécessaires
pour intégrer le marché du travail et pour contrer l'exclusion
sociale et économique. Mais justement pour cette raison, le
développement des formations courtes ou peu qualifiantes, qui
s'adressent spécifiquement aux prestataires de l'État, nous
interpellent grandement car, à notre avis, ces programmes de formation
et ces circuits d'insertion peuvent s'avérer sans issue pour les
personnes visées, ne servant ni les intérêts des individus
à court terme ni ceux du Québec à moyen ou à long
terme.
Bref, les interventions des cégeps auprès des adultes ont
emprunté, au cours des dernières années, un couloir de
plus en plus étroit, imposé par les modes de financement. On doit
aujourd'hui reconnaître que les programmes s'adressent beaucoup moins a
l'ensemble de la population adulte qu'à certaines clientèles
cibles. Dans un tel contexte, nous nous demandons si les cégeps sont
encore en mesure d'assumer pleinement leur mission éducative en ce qui a
trait aux adultes. La demande des adultes est essentiellement
médiatisée par l'entreprise ou par les gouvernements qui
constituent, en fait, les vrais clients des cégeps. La notion de service
public, associée pourtant à l'éducation, semble de moins
en moins structurer l'offre de formation.
La coordination de la mission éducative de l'État devrait
pourtant s'imposer, non seulement comme une priorité, mais comme
indispensable, compte tenu de cette multiplication d'intervenants, de
programmes, de la pluralité des lieux de formation et des
modalités. Mais il faut constater que peu de progrès ont
été faits en ce sens. Nous déplorons la perte de vision
d'ensemble et de leadership en éducation des adultes de la part des
ministères à vocation éducative et du ministère de
l'Enseignement supérieur et de la Science, en particulier. Ces
ministères se sont eux-mêmes handicapés; en abolissant leur
structure interne spécifique à l'éducation des adultes, au
lieu de démarginaliser ces secteurs et de responsabiliser leurs
réseaux respectifs, on a surtout assisté à une dilution
des responsabilités et à une perte de visibilité pour
l'éducation des adultes.
À notre avis, le nouveau partage des responsabilités n'a
pas atteint les objectifs visés; les mécanismes de concertation
mis en place au
niveau national et régional n'ont pas non plus donné les
résultats attendus pour réduire les incohérences, les
conflits de juridictions, le fouillis administratif, les dédoublements
et les chevauchements. À ce portrait s'ajoute l'enchevêtrement que
constituent aujourd'hui les relations fédérales-provinciales dans
ce domaine. Le manque de cohérence et de continuité se traduit
dans la pratique par des problèmes de lourdeur administrative, de mises
en concurrence des réseaux et de stratégies parallèles
d'intervention. Les adultes font les frais de ce qui est devenu un
véritable casse-tête.
Compte tenu du caractère insatisfaisant, sinon inopérant
des mesures de coordination et de concertation, le projet de partenariat
proposé par le ministre de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu, dans son énoncé de politique
l'année dernière, avait été examiné avec
attention par les réseaux éducatifs pour qui les attentes
étaient tellement grandes de voir enfin une concertation et des
cohérences de politiques. À notre avis, cet énoncé
fut décevant par sa vision étroite à court terme de la
formation autant qu'au niveau de la concertation.
Dans ce portrait du cadre d'action en éducation des adultes,
c'est l'absence de vision d'ensemble des défis à relever qui
semble caractériser le plus les politiques actuelles. Sans projet social
débattu et partagé, on ne pourra assigner à
l'éducation des adultes une orientation à la mesure des
défis à relever pour l'avenir de la société
québécoise.
La Présidente (Mme Harel): Je vais vous demander de
conclure.
Mme Laberge: Alors, je vais aller un petit peu plus vite.
À l'ICEA, nous croyons que les besoins des adultes doivent être
réaffirmés, réactualisés à la lumière
des grandes mutations de la société. Ces bouleversements du
marché du travail nécessiteront une solide formation initiale,
générale et polyvalente, et nous croyons donc que le temps est
venu de mettre en place un véritable système de formation
continue. La participation de tous et de toutes au développement de la
société québécoise suppose par ailleurs la
concertation des partenaires sociaux vers une nouvelle cohésion sociale.
La société québécoise est à un tournant
décisif qui appelle une mobilisation collective autour d'un
véritable projet de société qui, lui seul, permettra
d'affronter les défis de l'an 2000, tout autant au plan
économique qu'au plan social.
On ne saurait se contenter des seuls objectifs économiques dans
ce débat face au risque réel de voir le système
d'éducation consolider une société à deux vitesses.
D'une société où les perdants s'avèrent de plus en
plus nombreux, il nous faut en tant que collectivité faire le choix
réel de combattre l'exclusion et la marginalisation sociale et
économique. Un projet éducatif global est à définir
en solidarité et à partir d'un véritable forum public sur
la mission de l'éducation des adultes au Québec.
En cet esprit, nous avons la conviction que l'action des réseaux
d'enseignement doit s'ouvrir davantage aux dimensions culturelles et
démocratiques de la vie en société. Les cégeps de
l'an 2000 auront certes à contribuer au développement des
compétences des individus dans leur capacité de s'adapter au
changement face à leur métier ou à leur profession. Mais
ils devront aussi investir davantage dans la formation des citoyens, car un
solide bagage culturel, une ouverture au monde et un sens critique formé
feront partie des compétences de demain et du curriculum attendu des
citoyens et des citoyennes, tout autant que de la main-d'oeuvre
compétente. Devant le cégep de demain se dessine un objectif
capital, celui de reconnaître aux adultes leur place au coeur de leur
propre projet de formation, au coeur de la participation dans le système
d'enseignement et dans les collèges, et, en même temps, à
notre avis, nous croyons que cette participation à la définition
de leur projet de formation, à toutes les étapes, est absolument
essentielle tout autant à la persévérance qu'à la
réussite du cheminement scolaire pour les adultes. (16 heures)
II s'agit pour nous d'un projet global d'éducation permanente, et
c'est ce concept d'éducation permanente qui fait de plus en plus
consensus dans la société mais qu'on voit mal porté
actuellement par nos gouvernements. Si les milieux scolaires, associatifs,
culturels et économiques portent en grande partie la
responsabilité de développer une culture de la formation,
l'État doit, pour sa part, adopter une politique d'éducation
permanente qui situe la place de l'éducation des adultes dans l'ensemble
du système d'éducation et qui inscrit concrètement dans la
mission du réseau collégial cette place pour l'éducation
des adultes.
La Présidente (Mme Harel): Merci, Mme Laberge. La parole
est maintenant à la ministre.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je tiens à
saluer les représentants de l'Institut canadien d'éducation des
adultes de façon particulière et à souligner aussi comment
vous avez toujours joué un rôle de pionnier, je pense, au
Québec, dans le domaine de l'éducation des adultes depuis fort
longtemps. Il y a au-delà de 40 ans, je pense, que vous êtes
impliqués dans ce domaine-là, et, encore aujourd'hui, vous jouez
ce rôle, ce rôle, je dirais, presque de conscience, à nous
rappeler les besoins et les enjeux de l'éducation des adultes. Bien que,
quand on utilise ce terme-là au niveau de l'ordre collégial, on
peut toujours demander à qui on s'adresse. Particulièrement nos
jeunes, ayant 17 ans quand ils entrent, très rapidement, ils sont
adultes.
Je vois bien la perspective que vous avez
au niveau de votre institut en tant que tel et, de fait, dans votre
mémoire, vous pointez, encore une fois, avec vigueur, je pense, les
enjeux majeurs que nous connaissons bien quand vous nous parlez du financement
du temps partiel, de la diversification des cheminements, de la
disponibilité des services en dehors des heures normales, de la
reconnaissance des acquis, de la concertation interministérielle. Alors,
je pense que vous pointez vraiment les enjeux au niveau de l'éducation
des adultes en tant que telle.
Et j'aurais le goût, Mme Laberge, d'aborder d'emblée avec
vous une question qu'on n'a pas abordée à date de façon
détaillée au niveau de la commission parlementaire, c'est toute
la question de la reconnaissance des acquis. Et je pense que, pour
l'éducation des adultes, c'est vraiment une question fort importante aux
plans pédagogique et académique en tant que tels. Et, donc, vous
insistez avec raison sur la reconnaissance des acquis, mais j'aimerais
ça échanger un peu avec vous sur ce sujet.
Quand on parle de reconnaissance des acquis pour les adultes au niveau
de la formation technique et que nos programmes sont de plus en plus faits par
compétence, on peut voir comment la reconnaissance des acquis peut
être un apport significatif et que c'est peut-être plus facile
d'essayer de penser tout un système de reconnaissance des acquis. Mais,
vous le savez, on parle de plus en plus de la nécessité d'une
formation générale pour qui que ce soit, jeune ou adulte, qui
vient au cégep, qui a un bon bagage de formation générale.
Ça, on en a entendu parler depuis le début de la commission. Et
là j'ai un peu plus de difficultés à voir comment on peut
appliquer le système de recon-naisance des acquis à la faveur des
adultes, que ça joue favorablement pour eux, parce qu'on sait tous que
l'expérience de vie qui est acquise par des adultes, l'expérience
de travail en tant que telle, ça ne rend pas nécessairement plus
apte, par exemple, à maîtriser la langue maternelle, ou à
maîtriser la langue seconde en tant que telle, ou à penser avec
rigueur, ou à avoir une méthode de travail. C'est un peu
ça, les objectifs de la formation générale.
Donc, je me dis: Comment les adultes pourraient-ils
bénéficier d'un système de reconnaissance des acquis dans
le domaine des cours de formation générale? Est-ce que vous avez
une réflexion à cet égard?
Mme Laberge: Disons que, globablement, on a une réflexion
par rapport à tout le dossier de la reconnaissance des acquis et des
compétences, donc de façon assez globale, parce que, pour nous,
c'est peut-être la voie de solution pour trouver des passerelles entre le
monde du travail, le monde de la vie privée et associative, et la vie
civique, je dirais, la participation à la vie civique et la vie
scolaire. C'est sûr qu'on n'a pas de prétention que le
système de reconnaissance des acquis ou des compétences devrait
permettre à tout le monde de sauter par-dessus des formations de base
qu'ils n'auraient pas.
Par contre, il y a des gens qui travaillent et qui ont acquis des choses
en dehors du système d'enseignement comme tel et qui sont en mesure de
le faire valoir ou de passer des étapes. Il y a divers cours, je pense,
si on entre au cégep en formation générale. La rigueur de
la pensée, à 40 ans, si on ne l'a pas acquise d'une certaine
façon, ce n'est pas nécessairement par un nouveau cours qu'on va
l'acquérir. Comme ça, je pense qu'il y a des choses qui
s'apprennent. La méthode de travail, par exemple. Moi, je pense qu'une
mère au foyer a acquis des méthodes de travail et qu'elle peut
adapter des systèmes d'organisation qui peuvent servir et être
transférés. On regarde le même système par rapport
au marché du travail. Donc, dire ce que j'ai acquis, moi, comme
compétence générique, comme compétence
spécifique et comme connaissances.
Donc, la question pour vous est au niveau des connaissances et, dans le
champ des connaissances, je pense qu'il y a des moyens de vérifier. Par
exemple, il existe, pour quelqu'un qui voudrait aller chercher
l'équivalent d'un secondaire V, un test d'équivalence et on lui
reconnaît son diplôme sans qu'il aille refaire tous les cours. Ce
n'est pas un système de reconnaissance des acquis, mais c'est quand
même un moyen pour un adulte de faire le point sur ce qu'il a acquis, et
de faire reconnaître ce qu'il a acquis sans aller refaire chacun des
cours, et d'aller chercher le niveau de diplôme dont il a besoin pour
avoir accès à un travail ou à un autre niveau de formation
sans reprendre des études préalables qu'il aurait acquises soit
parce qu'il est autodidacte, soit parce qu'il a fait des cours de
français ou d'alphabétisation dans un milieu populaire ou parce
qu'il s'est impliqué dans une organisation où il a appris
à écrire, à faire des procès-verbaux et qu'il a
travaillé son français par lui-même, pas
nécessairement dans une école.
Donc, je me dis qu'il y a certainement moyen de trouver des
compétences, par exemple au niveau de la langue, des choses qui ont
été acquises et qui ne sont pas nécessairement acquises
dans une institution scolaire qui a décerné une attestation ou un
diplôme pour ça. Et ce n'est pas pour nous une voie
d'évitement, c'est surtout une façon de prendre en compte au
départ, quand un adulte arrive, son bagage personnel de connaissances et
de compétences pour développer ce qui manque à la
formation dont il a besoin, plutôt que de lui dire: Bien, le programme,
il est comme ça; tu refais ce que tu sais déjà, et
d'arriver à des résultats où on peut voir, par exemple,
qu'il y a des adultes, s'il faut qu'ils refassent trois ans pour une formation,
ils vont éclipser de retourner aux études plutôt que
d'aller rechercher... Ou ils vont aller prendre quelques petites formations
pointues. Ils ne vont
pas reprendre une formation, je dirais un programme de formation, mais
des morceaux.
Donc, c'est dans la perspective d'aider à prendre en compte la
réalité des adultes et de trouver des passerelles entre les
divers milieux où ils apprennent. C'est vraiment dans ce
sens-là.
Mme Robillard: Ça m'amène, Mme Laberge, à
vous poser une question sur la diversification des cheminements, parce que vous
en faites une recommandation en tant que telle. Et, si je vous ai bien saisie,
vous plaidez toujours pour des formations de courte durée pour les
adultes, ou bien si je ne vous ai pas bien saisie, vous me clarifierez
ça. J'aimerais ça, vous entendre. À l'heure actuelle, au
moment où on se parle, on a les A.E.C., les attestations d'études
collégiales, les C.E.C., les certificats d'études, les D.P.E.C.
On sait que ces diplômes-là ont un problème de
reconnaissance sur le marché du travail. On sait aussi qu'il n'y a pas
de partie de formation générale à l'intérieur de
ces diplômes-là, n'est-ce pas? Alors, par ailleurs, ailleurs dans
le mémoire, vous en parlez, de cette nécessité de la
formation générale.
Mme Laberge: Oui.
Mme Robillard: Pourriez-vous élaborer sur ce
sujet-là?
Mme Laberge: Je vais juste dire une petite chose, puis je te la
repasse après. Je veux simplement dire qu'on ne plaide pas uniquement
pour les formations de courte durée. On plaide pour la diversité
des cheminements de façon à pouvoir répondre à la
diversité des besoins et des situations des adultes. Et, à mon
avis, une attestation d'études collégiales, ou un C.E.C., un
certificat d'études collégiales, peut être une excellente
réponse pour quelqu'un dans une situation, qui sait très bien
où il s'en va et qui prend ça comme un palier vers autre chose,
ou qui avait déjà autre chose avant et qui choisit.
Mais on soulève la question, entre autres,
particulièrement quand on parle des prestataires de la
sécurité du revenu qui sont automatiquement orientés vers
des formations de courte durée, qui n'ont pas la même valeur et
pas de formation générale. Là, on plaiderait plutôt
contre que pour. Alors, je vais laisser quelqu'un d'autre prendre la
relève. (16 h 10)
La Présidente (Mme Harel): C'est bien. Marie Leclerc,
chargée de projet.
Mme Leclerc (Marie): Nous avons exploré, mais sans en
tirer nécessairement de conclusion, une des pistes qui était
émise par le Conseil des collèges, à savoir, par exemple,
que les attestations, les certificats incluent nécessairement une part
de formation générale, si je ne m'abuse. Ça nous semble
une perspective intéressante. On avait mis en annexe, d'ailleurs, du
mémoire un rappel des positions antérieures de l'ICEA où
déjà on évoquait, en 1983 et 1984, la possibilité
que les formations de courte durée incluent les éléments
de formation générale et soient cumulatives pour en arriver
à un programme.
Ça nous semble toujours une perspective intéressante.
Maintenant, on n'a pas étudié toutes les dimensions de cette
possibilité-là, mais ça nous semble à explorer
parce que, effectivement, si, pour certaines clientèles, c'est
actuellement carrément des voies de garage, disons-le, pour d'autres
clientèles - ça peut être clientèles entre
guillemets, qui est un mot qu'on n'utilise pas tellement à l'ICEA, on
préfère parler des adultes et des populations - pour d'autres
gens, effectivement, ça nous semble des voies possibles. Ce qu'on dit,
c'est qu'il faut les améliorer et qu'il faudrait peut-être aussi
que cesse cette espèce d'exigence à la hausse de qualifications
de la part du marché du travail, de la part des employeurs, dans un
contexte où le chômage est tel qu'on peut se permettre de demander
aux gens un diplôme infiniment supérieur à ce qui est
exigé par les tâches. Ça, c'est une autre partie du
problème. Peut-être que Mme Carrier pourrait parler plus
pratiquement de ce que ça peut vouloir dire, les formations de courte
durée.
Mme Carrier (Louise): Pratiquement, ce qu'on rencontre souvent
dans les cégeps avec les adultes, ce sont des gens qui vont venir en
premier lieu chercher une formation dont ils ont besoin, soit parce qu'ils sont
déjà dans un emploi ou qu'ils veulent aller se qualifier ou
chercher une meilleure formation de pointe, ou souvent ça va être
des clientèles spécifiques, comme on disait tantôt,
référées par la Sécurité du revenu ou
autres.
Ce qu'on remarque souvent, c'est qu'il y a des gens dans ça qui
voudraient s'impliquer dans une formation un peu plus longue, un peu plus
qualifiante. En tout cas, moi, j'ai eu des étudiants
référés par la Sécurité du revenu qui
auraient voulu faire des formations de C.E.C. ou de diplômes
d'études collégiales, donc plus qualifiantes, et ce
n'était pas nécessairement dans ces formations-là qu'on
les dirigeait à partir du ministère de la Sécurité
du revenu. On leur offrait plus des programmes d'attestation d'études
collégiales.
J'ai eu un exemple concret que je peux vous donner. Un étudiant
de 28 ans, qui fait une formation en bureautique, une attestation, et qui,
à la fin de sa formation en bureautique, me dit: Je constate que
j'aurais des habilités à l'informatique, je m'en suis rendu
compte en faisant mon attestation, et qui fait des demandes pour avoir la
possibilité de suivre, par un même biais de subventionné,
disons, une formation d'un certificat en informatique qui pourrait l'amener
éventuellement à un diplôme. Alors, on lui dit:
Ce n'est pas possible. On peut t'offrir d'autres formations qui
t'amèneraient à une autre attestation. Alors, il a fait le virage
aussi surprenant que de dire: Bon, il me resterait à prendre une
attestation en gérontologie.
Alors que cette personne-là voulait, avait découvert, au
cours de son attestation, que c'était un certificat, finalement, et
peut-être un D.E.C. en informatique qui lui conviendraient davantage. Je
trouve que ce sont des exemples qui sont très forts pour illustrer un
peu plus le fouillis ou la difficulté de faire vraiment le bon choix
pour les étudiants ou de les amener vraiment à prendre la
décision qui convient quand il s'agit de s'investir dans une A.E.C. ou
dans un C.E.C.
Ça demande sûrement un regard avec une politique
peut-être mieux établie et plus consistante. En tout cas,
ça demande sûrement une étude là, parce que je
trouve que c'est un exemple concret qui peut peut-être illustrer le
propos qu'on essaie de démontrer.
La Présidente (Mme Harel): Merci, Mme Carrier. Je crois
comprendre que la parole est maintenant au porte-parole de l'Opposition, et
nous reviendrons pour la fin. Vous vouliez compléter, je crois? Vous
vouliez compléter, Mme Laberge.
Mme Laberge: Je voudrais simplement signaler à Mme la
ministre que c'est dans ces cas-là qu'on trouve que les formations de
courte durée, de façon pointue, où sont, je dirais,
envoyés les prestataires de l'aide sociale, nous posent des questions de
fond. Si on souhaite investir pour que les gens se relancent, ce n'est pas en
les empêchant de prendre les formations de D.E.C. qu'on va avoir des
succès. C'est peut-être dans ce sens-là qu'on pense que la
concertation avec les ministères aurait lieu d'être plus
poussée parce que, s'il y a des contraintes au niveau de la Loi sur
l'aide sociale qui donnent des résultats comme ça dans nos
cégeps, c'est aussi votre ministère qui va se faire dire qu'on
offre des formations à rabais pour les assistés sociaux et ce
sera triste qu'on investisse sans égard aux résultats pour les
personnes à qui on offre les services.
La Présidente (Mme Harel): Merci, Mme Laberge. La parole
est maintenant au député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Rapidement, on vous souhaite la bienvenue. Moi, je
suis très heureux que l'Institut canadien d'éducation des adultes
soit là, Mme Laberge et les gens qui l'accompagnent, M. Paquet et Mme
Leclerc. Je connais, depuis plusieurs années, le rôle que joue
l'Institut canadien d'éducation des adultes dans le domaine de
l'éducation, en particulier de l'éducation permanente, par les
nombreux, entre guillemets, «Telbec» que nous recevons ou avis sur
toutes sortes de choses, mais toujours pertinents, toujours liés
à un objectif, je vais appeler ça un mieux-être
général éducatif. Mais, règle
générale, sincèrement, l'Institut canadien
d'éducation des adultes prend des positions avisées,
étoffées, averties et c'est éclairant pour des
parlementaires. En tout cas, je me rappelle que vous m'avez inspiré
à plusieurs reprises, je vous en remercie.
Sur le sujet d'aujourd'hui, deux rappels avant de questionner. Le
premier rappel - je suis heureux que vous le fassiez - vous dites: Pour nous,
c'est clair, les cégeps ont constitué un apport indéniable
à la démocratisation de l'éducation, en contribuant
à élargir l'accessibilité aux études
supérieures pour toutes les personnes, et ce, quelles que soient leur
région et leur milieu d'appartenance. Et c'est important de faire
quelques rappels, compte tenu du mandat qu'on a à faire. Il y a des
gens, des fois, qui nous laissent voir que, oui, on essaie de laisser la
structure en place. D'ailleurs, on va en avoir un, ce soir. C'est un exemple,
puis je n'ai pas d'objection, on va jaser correctement, mais, lui, ça
serait tabula rasa, c'est inutile, ça n'a pas d'affaire là, on
efface et on recommence. C'est facile, des fois, mais je pense qu'il ne faut
pas sauter à des conclusions aussi rapides et hâtives. Vous, vous
avez la précaution de dire non au chapitre de deux valeurs fondamentales
auxquelles, comme société, nous croyions, qui étaient
l'accessibilité, la démocratisation et un peu plus de rayonnement
du Québec de base. Le Québec de base, c'est les régions.
Parce que, des fois, j'entends: Revenons à l'école
spécialisée. Bien oui, mais l'école
spécialisée, ce n'était pas tout à fait aussi
accessible que ça l'est actuellement. Donc, il y a d'autres contraintes
par rapport aux objectifs de maximiser le nombre de jeunes qui sont
détenteurs d'une diplomation. Bien sûr qu'elle a ses faiblesses.
Bon, je ne me perds pas, la. Le premier point.
Deuxième point, deuxième rappel, vous dites que vous vous
engagez dans cette réflexion en croyant qu'il faut resituer les
cégeps en tant que projet en évolution. Je trouve que c'est
ça, la base de réalisme. Et vous ajoutez que vous, autant que
possible, vos réflexions sont davantage dans votre domaine où
vous avez acquis une plus grande expertise, une plus grande expérience,
qui est le domaine de l'éducation des adultes. Bravo!
Trois, quatre questions, si on a le temps. La première: La
Fédération des cégeps et autres organismes ont
proposé, entre autres, que l'on module le diplôme d'enseignement
collégial technique en parties cumulables, chacune donnant lieu à
une sanction d'études. J'aimerais ça avoir une réaction de
votre part là-dessus, si ça vous dit quelque chose. Je reprends.
Elle avait suggéré, la Fédération des
cégeps, et d'autres organismes ont proposé ça, que l'on
module le
diplôme d'études collégiales mais techniques en
parties cumulables. Est-ce que vous avez un avis là-dessus?
Mme Laberge: Je vais demander à Pierre Paquet de
s'aventurer sur un terrain sur lequel on n'a pas pris de position
collectivement.
La Présidente (Mme Harel): M. Paquet.
M. Paquet (Pierre): Vous parlez de la formation initiale?
M. Gendron: Oui
M. Paquet: Comme telle, notre mémoire n'a pas
traité de la formation initiale. On n'a pas envisagé cet
aspect-là, on n'a traité que la question de l'éducation
des adultes. Mais, par rapport à une question comme celle-là,
c'est peut-être l'occasion de rappeler un des points que l'on a fait
valoir, que les formations courtes, notamment, il faudrait que ce soit des
formations qui soient cumulables et qui puissent éventuellement faire
partie de diplômes. Les adultes, je pense, peuvent très bien
d'eux-mêmes ou parce qu'on les insère dans des programmes plus
courts prendre ou entrer dans un cégep par une formation courte mais y
prendre goût et vouloir poursuivre. Dans ce sens-là, par rapport
à la diversification des cheminements, on pense que les formations
courtes devraient être des formations cumulables, justement, et qui
pourraient éventuellement déboucher sur des diplômes. (16 h
20)
M. Gendron: Merci. Dans les créneaux où vous
êtes plus spécialisés... Mme la ministre a commencé
comme ça, en disant que toute la question de la reconnaissance des
acquis, c'est une problématique très spécifique aux
adultes. La question que j'aimerais vous poser, encore là sans aucun
jugement contre ce que vous êtes comme institution avertie, c'est:
D'après vous, qu'est-ce qui fait que, encore aujourd'hui, on soit
constamment obligés de parler de la nécessité d'une mise
en oeuvre d'une véritable politique de reconnaissance des acquis, qu'on
parle depuis plusieurs commissions? Donc, quels ont été les
obstacles, d'après vous, à la mise en place d'une politique
véritable de reconnaissance des acquis qui nous permettrait... Non,
selon votre expertise. Moi, j'en sais quelques-uns, mais on a la chance d'avoir
des gens qui sont avertis dans ce secteur-là. Alors, c'est quoi les
principales causes qui font qu'on est encore obligés de parler comment
ça serait important et requis d'avoir une véritable politique de
reconnaissance des acquis et qu'on marche un peu plus d'une façon ad
hoc?
Encore là, ce n'est pas du tout contre la ministre. Elle disait
tantôt: Oui, mais c'est un peu normal parce qu'il y a une approche
discipline, programme, matière. Oui, mais il y a tout l'autre volet
d'avoir tellement d'intervenants et d'interventions qu'on est obligés de
faire. Moi, j'ai juste un bureau de député et constamment des
gens viennent me voir. Ils trouvent qu'ils n'ont pas un traitement correct dans
la reconnaissance de leurs acquis «expérientiels», et je me
bute à autant de points de vue de traiter de ça qu'il y a de gens
qui s'occupent ou non de leurs dossiers. Alors, comment vous expliquez
ça?
Mme Laberge: Bien, comprenons... Je ne veux pas vous donner
toutes les explications des problèmes, j'imagine, politiques et
techniques qu'il peut y avoir, mais je pense qu'il y a... Nous, on en parle
comme d'un chantier de réflexions à mettre en place comme voie de
solution. On n'a pas le choix, si on veut parler de faire des passerelles entre
l'éducation, la main-d'oeuvre, le travail, les choses qu'on apprend dans
la vie privée et dans l'implication dans notre milieu, parce que, veux
veux pas, on va être obligés d'en tenir compte. On ne peut pas
avoir perpétuellement des taux de 9 % de chômage et penser que les
gens, quand ils sont sur leur chômage, ne font rien. Ils font des choses,
ils apprennent des choses et ils recyclent ces apprentissages-là
à l'extérieur. Donc, c'est vraiment en ce sens-là. C'est
un dossier complexe. Ce n'est pas facile. C'est autant le savoir, donc au
niveau des connaissances, qu'il y a quand même des moyens de mesurer, il
y a le savoir-faire, il y a les changements qui sont, je dirais, de plus en
plus rapides dans le marché du travail et qui obligent à repenser
très rapidement, il y a aussi l'organisation par corridor, je dirais,
des ordres d'enseignement, des mondes d'apprentissage. C'est un dossier qui est
difficile en soi à solutionner comme ça. Mais, quand j'entends
tous les discours dans toutes les politiques dire: On remet l'adulte au centre
des politiques, et qu'on ne tient jamais compte de se poser la question,
à savoir qui est l'adulte qui arrive, et comment, et dans quelle
situation, et qu'est-ce qu'il a, j'ai de la misère à penser qu'il
n'y a pas un peu de mots creux derrière cette grande annonce qui ne se
concrétise jamais, et les adultes ne sont pas nécessairement
gagnants.
M. Gendron: Et vous avez la conviction... Pour éviter que
nous continuions à utiliser des mots creux, vous avez la conviction
que...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Oui, et ce n'est pas grave, s'accuser de nos
faiblesses publiquement. Vous avez la conviction que l'Institut canadien
d'éducation des adultes a souvent produit des avis, en tout cas, que
vous croyiez utiles d'être produits pour en arriver à ce que des
décisions se prennent dans ce sens-là.
Mme Laberge: Je ne veux pas nous faire de
l'auto...
M. Gendron: Gratification.
Mme Laberge: ...gratification, mais je peux vous dire que, nous,
c'est un terrain sur lequel, en tout cas, on essaie de réfléchir
pour faire des outils concrets en termes d'évaluation des
compétences pour les personnes analphabètes, pour les femmes peu
scolarisées, aussi pour les travailleurs victimes de licenciement. C'est
des dossiers qu'on a en chantier pour trouver des solutions concrètes,
pas simplement au niveau d'une réflexion. Je pense que Pierre aurait un
complément.
M. Paquet: Ce que je veux ajouter, c'est que nos partenaires, les
partenaires de l'ICEA, que ce soit du milieu syndical, différents
partenaires, de toute façon, des institutions d'enseignement nous
disent: II est important que ce dossier-là débloque et vite,
c'est-à-dire que l'espèce de venue massive... Dans le fond, on a
sollicité beaucoup les adultes pour qu'ils s'investissent dans des
projets de formation et je pense qu'on se rend compte que la demande est
là. Les adultes arrivent et de plus en plus nombreux, au point qu'il
semble qu'à certains niveaux on ait peur de la réponse
enthousiaste des adultes et qu'on se demande comment on va financer tout
ça et s'il ne faut pas prendre des mesures pour restreindre un peu les
ardeurs de la population. Dans ce sens-là, bien, nos partenaires nous
disent: La reconnaissance des acquis, c'est quelque chose qui doit rapidement
débloquer pour être capable de ne pas faire reprendre à des
gens inutilement des formations et être capable, non plus, de ne pas
dilapider des fonds dans des acquisitions de compétences qui ne seraient
pas requises. Dans ce sens-là, ce qu'on sait en tout cas, c'est que, si,
dans le passé, on a peut-être remis certains discours, il y a des
pressions considérables à l'heure actuelle pour faire
débloquer ce dossier-là.
M. Gendron: Dans votre mémoire, excellent à
plusieurs égards, vous indiquez que, selon vous, les collèges
sont mésadaptés pour la formation et l'éducation des
adultes. Vous parlez de ça très clairement et vous dites: II y
aurait lieu d'adapter les cégeps aux adultes - je l'ai, là, et je
vous cite intégralement. Quand on porte un jugement d'adapter mieux le
cégep aux adultes, on doit être en mesure de faire
référence aux deux, trois ou quatre - ce n'est pas le chiffre qui
m'importe... Mais, demain matin, on a, effectivement, à adapter mieux le
cégep aux adultes. C'est quoi, les deux, trois problèmes majeurs
de mésadaptation?
Mme Laberge: C'est bien, vous me donnez l'occasion de revenir sur
les choses que je n'ai pas eu le temps de dire en présentation. C'est
que, nous, on pense que les adultes ont des besoins particuliers. Tout à
l'heure, on entendait les gens de la CEQ dire: Au niveau des services
complémentaires pour les adultes, c'est important. On a parlé
beaucoup de la reconnaissance des acquis. On avait aussi, dans notre
mémoire, des choses par rapport à tous les mécanismes
d'encadrement des adultes, d'accueil, de référence,
d'information, d'évaluation de leur projet de formation. C'est des
choses qui existent de moins en moins parce que, à notre avis, il y a un
sous-financement chronique de l'infrastructure, comme on dirait.
Mais il y a des financements par programme. Donc, quand le programme
arrive avec sa clientèle, la clientèle est définie soit
par l'entreprise en formation sur mesure, soit par le programme de
l'assurance-chômage, de l'aide sociale. Il n'y a pas les services. Moi,
j'arrive, comme adulte, je veux définir un programme de formation, je me
demande où je m'en vais, je me demande quel métier a de l'avenir,
je me demande quelle formation je peux prendre. Est-ce que je suis mieux
d'aller dans ce cégep-là, dans l'autre? On met les cégeps
en concurrence avec les commissions scolaires, avec les universités. La
personne, elle, ne s'y retrouve pas. Elle essaie quelque chose. Ne soyez pas
surpris de les voir arrêter et partir faire autre chose, parce que c'est
évident que, si tu ne sais pas dans quoi tu t'embarques, ça se
peut que tu t'arrêtes si tu ne trouves pas ça de ton goût ou
si tu trouves que ça ne correspond pas. Et tu essaies de faire autre
chose après. Donc, de façon pratique, toute la gamme des services
complémentaires aux adultes est, à notre avis, quelque chose qui
manque.
Et l'autre aspect, c'est les services aux collectivités. C'est
devenu presque synonyme de services à l'entreprise. Dans les
collectivités, il y a autre chose que des entreprises dans les milieux.
La vie sociale, le tissu social ne se résume pas à ce qu'il y ait
des entreprises et de l'emploi; il y a autre chose, et ces services aux
collectivités là sont un peu étroits. Donc, dans la
dimension de développement régional aussi on voit la dimension de
support à la restructuration économique, oui, mais en contribuant
à soutenir la restructuration sociale.
M. Gendron: Merci. Très, très précis.
Dernier commentaire, ou une question, toujours pour des raisons de temps. Vous
avez, dans une de vos recommandations, indiqué qu'il y aurait lieu que
le réseau collégial et le réseau de la main-d'oeuvre
clarifient leurs champs d'intervention et de compétence respectifs et
que les efforts de concertation et de complémentarité soient
appuyés. J'en suis. Mais uniquement sur les champs de compétence
respectifs, vous auriez aujourd'hui à nous donner un avis sur ce que
devraient être les champs de compétence respectifs du
ministère de l'Enseignement supérieur
versus le ministère de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu... Autrement dit, en quoi voulez-vous que l'un
s'enlève les pieds de ce qu'il n'a pas d'affaire, ou inversement?
Des voix:...
M. Gendron: Ce n'est pas la question qui vous a fait
étouffer?
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Laberge: Ne vous en faites pas, ce n'est pas la question.
La Présidente (Mme Harel): M. Paquet, je crois.
M. Paquet: Oui. C'est peut-être moins d'où un
ministère devrait s'enlever les pieds que: Est-ce que les deux pieds des
deux ministères sont bien plantés? On a l'impression qu'à
un certain niveau, depuis 1985, avec les virages qui ont été
pris, notamment via le fédéral par la planification de l'emploi
et à travers ce que le ministère de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu a fait, il y a un type d'approche et
d'adaptation aux besoins de la main-d'oeuvre qui a été fort bien
développé et qui a chambarde considérablement le portrait,
et de façon très positive. On a l'impression que,
parallèlement, il y a un des pieds qui est resté boiteux, c'est
celui de la mission éducative. Et, dans ce sens-là, c'est la
mission des ministères à vocation éducative.
Ce qu'on souhaite, c'est moins, en un sens, qu'ils ne se pilent pas sur
les pieds, c'est que chacun puisse danser sur les pieds qui sont les siens. On
a l'impression que, depuis quatre ou cinq ans, il y a un boiteux entre les deux
vocations. La vocation économique, tout ce qui est de l'adaptation, des
formations courtes, des formations sur mesure, semble bien avoir pris son
envol, et, Dieu merci! ça va bien. Il y a des choses à
améliorer mais il y a un très net progrès qui a
été fait. (16 h 30)
De l'autre côté, on a l'impression qu'il y a eu une perte
de terrain, un recul, une perte de leadership du côté des
ministères à vocation éducative et qu'au niveau de la
mission proprement éducative il semble y avoir des trous ou des lacunes.
Il nous semble qu'il y a un déséquilibre au niveau du
gouvernement comme gouvernement. Je ne veux pas parler seulement des
ministères à vocation éducative, mais on semble avoir
transféré des sommes vers la mission économique au
détriment de la mission éducative. On ne critique pas ce qui a
été fait d'un côté, mais on trouve que, de l'autre,
il y a un équilibre à rétablir et que, à ce
niveau-là, il faudrait qu'il y ait un leadership d'assumé, qu'il
y ait de l'argent rendu disponible pour que cette mission éducative
là, pour que des programmes complets de formation soient accessibles aux
adultes, pour que la formation à temps partiel, qui est celle prise par
les adultes à 75 %, soit de plus en plus possible, et non pas le
contraire. On a l'impression qu'autant le ministère de la Main-d'oeuvre
que les ministères de l'éducation du Québec, les deux
ministères à vocation éducative, coupent l'accès
aux projets individuels de formation, l'accès au temps partiel, de sorte
que, comme on l'a dit, si on n'est pas avec des clientèles cibles, des
clientèles à chèque, on a de moins en moins accès
à l'éducation des adultes. Donc, l'ensemble de la population,
l'ensemble des adultes a, à ce niveau-là, moins accès
qu'auparavant au réseau éducatif.
La Présidente (Mme Harel): merci, m. paquet. c'est tout le
temps qui est imparti pour l'opposition. la parole est à mme la ministre
pour la conclusion.
Mme Robillard: Seulement quelques mots pour vous remercier de
votre témoignage. Je pense que vous cernez les vrais problèmes.
Les solutions ne sont pas nécessairement évidentes. Chaque fois
qu'on parle de concertation, on sait la difficulté que ça
suscite. Ce n'est pas facile, la concertation, à tous les niveaux dans
la société, sauf que, quand on la réussit, on sait quels
sont les éléments, les impacts positifs que ça peut
produire. Alors, vous pouvez compter sur ma collaboration pour y arriver.
Merci.
La Présidente (Mme Harel): Alors, je remercie l'Institut
canadien d'éducation des adultes. J'appelle maintenant le cégep
de la Gaspésie et des îles. J'inviterais les porte-parole du
cégep de la Gaspésie et des îles à prendre place
ainsi que les membres de cette commission parlementaire. Est-ce que je
comprends que c'est vous, M. Arsenault, qui allez nous présenter les
personnes qui vous accompagnent? C'est bien le cas? Alors, je vous invite
à le faire, M. Arsenault, et à procéder à la
présentation de votre mémoire.
Cégep de la Gaspésie et des
îles
M. Arsenault (Dominique): Mme la Présidente, Mme la
ministre, M. le représentant de l'Opposition officielle, Mmes et MM. les
députés, membres de la commission parlementaire, à titre
de président du conseil d'administration du cégep de la
Gaspésie et des îles et de représentant du milieu
socio-économique de notre région administrative, je veux tout
d'abord remercier la commission de l'éducation de nous recevoir
aujourd'hui, nous permettant ainsi de vous exprimer de vive voix notre point de
vue sur l'avenir de l'enseignement collégial et nos
préoccupations comme principale institution d'enseignement
supérieur de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine.
Je vous présente les membres de notre délégation
qui m'accompagnent: à ma droite, le secrétaire
général, M. Arthur Bélanger; à mon extrême
gauche, un professeur du centre des Îles-de-la-Madeleine, membre du
conseil d'administration, M. Albert Thériault; à sa droite, le
directeur des services pédagogiques, M. Jean Trudel; et, à ma
gauche immédiate, le directeur général du cégep, M.
Jules Bourque.
Le cégep de la Gaspésie et des îles souhaite
surtout, en adressant un mémoire à la commission parlementaire
sur l'enseignement collégial, éveiller l'attention du
gouvernement du Québec sur les réalités d'un cégep
situé en région éloignée des grands centres,
particulièrement voué à desservir un territoire
très étendu et astreint à composer avec d'importantes
contraintes au niveau des communications. L'avis émis ici est largement
appuyé par notre communauté collégiale et nos principaux
partenaires du milieu socio-économique. Il porte sur la façon
dont l'enseignement collégial québécois s'est
implanté et développé en Gaspésie et aux
Îles-de-la-Madeleine, sur ce qu'il représente aujourd'hui pour ce
territoire et sur les attentes que l'on nourrit quant à son
évolution future. On y insiste de façon particulière sur
la mission élargie dont a hérité le cégep de la
Gaspésie et des îles dans sa région et qui dépasse
le champ de la formation à offrir aux jeunes et aux adultes. (16 h
40)
Les constatations et les recommandations principales de notre
mémoire peuvent être regroupées autour de deux
thèmes: premièrement, les réalisations, les acquis et les
besoins de l'enseignement collégial québécois;
deuxièmement, l'implantation, le développement et les besoins du
cégep de la Gaspésie et des îles. J'ai demandé
à notre directeur général, M. Bourque, d'être le
porte-parole de notre délégation aujourd'hui. Il vous
présentera une synthèse de notre mémoire et mettra en
valeur certaines questions qui nous concernent, plus particulièrement
notre institution régionale. Mme la Présidente, je vous remercie
et je cède la parole à mon directeur général.
M. Bourque (Jules): Mme la Présidente, Mme la ministre, M.
le représentant de l'Opposition officielle, mesdames et messieurs, le
cégep de la Gaspésie et des îles s'inscrit avec grand
intérêt dans la démarche mise de l'avant par la ministre de
l'Enseignement supérieur et de la Science, en livrant ici le fruit de
ses réflexions sur le renouveau à apporter à
l'enseignement collégial québécois. Conscient que
plusieurs autres intervenants reprendront souvent les mêmes
recommandations, nous insistons davantage sur la très grande importance
des cégeps de régions. En ce sens, nous voulons vous montrer que
les cégeps érigés dans les régions
éloignées des grands centres ont dû dépasser
largement la mission de formation qui était à la base de leur
création pour devenir d'importants supports de la vie régionale,
que ce soit au niveau du développement économique, de la vie
culturelle ou sociale. Nous voulons bien faire ressortir les
caractéristiques propres aux cégeps des régions
excentriques, plus particulièrement au cégep de la
Gaspésie et des îles, et qu'on pourrait qualifier de
nécessaires interrelations avec leurs régions. Il nous
apparaît que le renouveau de l'enseignement collégial
québécois passe par là aussi.
Il importe, Mme la Présidente, que je vous fasse une brève
description de notre institution, puisqu'elle est devenue assez
particulière, complexe et un peu unique en son genre dans le
réseau. C'est pour mieux répondre aux très nombreux
besoins de la population de sa grande région qu'elle s'est ainsi
développée et qu'elle y joue aujourd'hui ce rôle moteur sur
les plans socio-culturel et socio-économique.
Le cégep de la Gaspésie et des îles, c'est: le
cégep, centre administratif et maison mère à Gaspé;
le centre d'études collégiales à Laver-nière, aux
Îles-de-la-Madeleine; le centre d'études collégiales
à Carleton; l'école nationale et centre spécialisé
des pêches à Grande-Rivière; une section anglophone
à Gaspé; et c'est aussi l'enseignement aux adultes dans chacun de
ces centres. Notre grande région, vous la connaissez avec ses
principales composantes socio-économiques. La Gaspésie, c'est
beau; les Îles-de-la-Madeleine, c'est un peu romantique, mais ces coins
de pays sont loin et ce n'est pas riche économiquement. Pour la
Gaspésie et les îles, le cégep, c'est presque une
multinationale, publique évidemment, maintenant bien implantée
sur son territoire et qui y joue un rôle de tout premier plan, vous le
comprendrez.
Dans un premier temps, je vous présente donc brièvement
nos principales recommandations quant aux besoins de renouveau de
l'enseignement collégial québécois. Pour nous, le
système collégial québécois a atteint dans une
bonne mesure les objectifs qui lui avaient été assignés en
ce qui a trait à la démocratisation de l'enseignement, à
une meilleure orientation des élèves, au passage plus harmonieux
vers les études supérieures, à la diminution des abandons
prématurés et au rehaussement du niveau des études
préuniversitaires et de l'enseignement professionnel. Les techniciens
formés au cégep jouissent d'une assez bonne reconnaissance au
Québec et l'enseignement préuniversitaire a aidé
grandement et pour le mieux à uniformiser la préparation aux
études universitaires.
Il nous apparaît cependant nécessaire de travailler
à une plus grande harmonisation des secteurs général et
professionnel, de favoriser une meilleure coordination des interventions en
éducation des adultes, d'en consolider l'infrastructure de gestion et
d'harmoniser davantage cet enseignement avec l'enseignement régulier, de
promouvoir et de développer la formation généra-
le, tant à l'enseignement professionnel qu'à
l'enseignement général, d'assouplir les mécanismes de
changement de programmes et de laisser un degré d'autonomie aux
établissements, d'améliorer les communications interordres,
d'adapter les institutions pour mieux répondre à une nouvelle
diversité des cheminements étudiants.
Mme la Présidente, nous voulons insister ici sur la
nécessité d'instaurer des mécanismes de perfectionnement
des professeurs qui soient plus accessibles, particulièrement dans les
régions éloignées des grands centres. En région,
les possibilités de perfectionnement sont moins grandes. Nous n'avons
pas d'université et, dans beaucoup de cas, l'expertise technique et
professionnelle se retrouve dans les grands centres. Le problème, c'est
surtout que ça coûte très cher à cause de
l'éloignement. Nous pourrions vous entretenir longuement sur ce sujet et
vous fournir des chiffres qui parlent par eux-mêmes. Aujourd'hui,
ça nous coûte 4000 $ pour venir vous voir. Nous croyons qu'il est
très important de faire des efforts particuliers pour rendre disponibles
aux ressources humaines des cégeps des activités de
perfectionnement et de recyclage qui tiennent compte des exigences de
qualité totale, d'ouverture sur le monde, des besoins de formation
générale.
Nous recommandons au gouvernement de rejeter l'idée d'imposer des
frais de scolarité au collégial pour éviter de mettre en
péril des acquis en matière d'accessibilité aux
études collégiales, particulièrement dans une
région pauvre où 85 % et plus des élèves font appel
au système des prêts et bourses. Nous pressons aussi nos
gouvernants de rétablir un niveau de financement susceptible de garantir
une qualité d'enseignement nécessaire à cette
époque de concurrence internationale. Bien que le nouveau mode de
financement FABES rende plus justice à un cégep de région
comme le nôtre, nous voulons vous souligner le besoin d'un meilleur
financement pour les centres d'études éloignés puisqu'ils
réclament eux aussi, à juste titre, des services et la meilleure
qualité. L'éloignement, la décentralisation, la dispersion
et les communications nous causent toujours de sérieuses
difficultés financières.
Sur un plan plus administratif, nous recommandons de mettre en place les
mécanismes d'évaluation requis pour tous les intervenants et les
outils appropriés pour que le réseau collégial rende
compte de ses activités à la société
québécoise; d'établir clairement les
responsabilités des établissements et du gouvernement en
favorisant des mécanismes d'adaptation régionaux -
régional, pour nous, c'est local; de favoriser la gestion de type
collégial en éliminant les possibilités de
surreprésentation de certains groupes aux conseils d'administration; de
développer des mécanismes de contact entre les conseils
d'administration et le monde de l'emploi et le milieu socio-économique
en général; de clarifier le statut juridique des centres
spécialisés pour leur permettre de remplir leur mission de
recherche, d'aide technique, d'animation et d'information à l'abri des
tracasseries juridiques et administratives.
Depuis sa création, le cégep de la Gaspésie et des
îles s'est implanté de façon progressive sur tout le
territoire de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, que ce soit
par ses centres d'enseignement en région éloignée ou par
la dispersion sur tout le territoire de la région de son enseignement
aux adultes. Sa clientèle régulière est passée de
502 élèves en 1968 à 1865 en 1992, alors que 5742
diplômes d'études collégiales ont été
émis à ce jour. Ce sont là des signes évidents de
démocratisation de l'enseignement collégial dans la région
de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine.
Chez nous, le cégep joue un rôle déterminant dans la
formation collégiale et un rôle de moteur dans la région
tout entière. L'action du cégep dans la création de la
nouvelle région administrative 11 et la réalisation de la
conférence socio-économique de 1988, son implication dans la
création de la radio communautaire, de l'hebdomadaire régional,
de la Société historique de la Gaspésie - et je souligne
la présence ici de M. Jules Bélanger, ex-professeur du
cégep et cofondateur, président de la société
historique, du musée, etc. - du Musée régional de la
Gaspésie, de la régie régionale de la santé et des
services sociaux, etc., sont des exemples concrets d'un leadership fort dans le
développement régional.
Le cégep est vite devenu un instrument nécessaire pour
maintenir en vie une région dont les difficultés
économiques et sociales ne sont plus à démontrer. Son
rôle primordial pour contrer l'exode des jeunes, hausser le niveau de
scolarité de la population et répondre aux besoins de
perfectionnement et de recyclage le démontre aussi. Le maintien d'un
éventail important de programmes pour retenir notre jeunesse constitue
la planche de salut de la région, vous vous en doutez bien. (16 h
50)
Nous recommandons que les actions gouvernementales privilégient
pour l'avenir les orientations suivantes en ce qui concerne les cégeps
régionaux comme celui de la Gaspésie et des îles: soutenir
les cégeps des régions dans leur rôle de
référence et de ressource auprès des entreprises, des
organismes et des individus qui recherchent expertise, conseil, service
d'animation, d'étude et de recherche; éviter d'appliquer à
ces cégeps des règles de per capita qui con-vienent en
général à l'ensemble mais qui ne peuvent répondre
adéquatement aux besoins dans une région qui vit la dispersion et
l'éloignement au quotidien et pour qui la décentralisation des
services n'est pas un luxe mais une condition de survie essentielle; adapter
les modes de financement de l'éducation des adultes pour mieux
répondre aux réalités régionales;
reconnaître officiellement le rôle du cégep régional
comme centre de services et le soutenir financièrement dans cette
fonction de support à la région; donner priorité à
la formation des jeunes de la région de la Gaspésie et des
Îles-de-la-Madeleine pour briser le cercle du chômage et du
sous-développement chronique, avec les très onéreux
problèmes sociaux que tout cela implique; soutenir le centre
spécialisé des pêches qui représente un secteur de
l'économie régionale et québécoise où le
Québec doit continuer d'être présent; doter ce centre d'une
réelle reconnaissance d'école nationale en matière de
formation en pêche en lui confiant l'exclusivité d'information
à tous les niveaux et en assurant une meilleure coordination dans ce
domaine; supporter l'organisation de la vie étudiante dans un
cégep régional où plus de 80 % des élèves
vivent en-dehors du milieu familial et où les villes concernées
ne possèdent pas les infrastructures de loisirs nécessaires
à une vie étudiante satisfaisante; maintenir dans les
cégeps de régions éloignées un éventail
étendu de programmes professionnels, malgré la
nécessité d'y consacrer des ressources spéciales, de
façon à conserver la capacité attractive de ces
cégeps sur les jeunes de leurs régions.
Sur ce sujet, Mme la Présidente, permettez-moi de vous en dire un
petit peu plus. Lorsqu'on aborde avec un regard réseau le coût
relatif de certaines options offertes chez nous, comme c'est le cas dans
certains autres cégeps de régions, notre institution a du mal
à se comparer, pour des raisons bien évidentes. Encore là,
il faut sortir des standards d'une certaine homogénéité et
considérer tous les impacts positifs de tel ou tel enseignement dans
cette région avant de les mettre au banc des accusés comme
interventions non rentables.
De la même façon que nous plaidons qu'un cégep est
essentiel à la vie de cette région, nous sommes d'avis qu'il lui
faut, malgré des coûts qui supportent mal la comparaison, un
éventail d'options qui lui permettent de répondre le mieux
possible aux aspirations des jeunes de la région, tout en s'adaptant,
autant que faire se peut, à la vie économique et sociale
environnante.
Autrement dit, la viabilité d'un programme doit pouvoir compter
chez nous sur une marge préférentielle lui permettant de survivre
aux creux des cycles qui ne peuvent qu'être plus évidents dans
notre région à cause de la faible taille de la population.
Malgré les efforts que demande à la société
québécoise le maintien d'une institution qui s'est
érigée avec le concours de plusieurs contributions importantes,
nous sommes convaincus que le choix le plus positif à faire est de
continuer à investir sur ce qui a été érigé
pour aborder le prochain siècle avec des régions mieux
équipées plutôt que désorganisées. En bout de
ligne, il en coûtera sûrement moins cher.
En conclusion, que ce soit au niveau du réseau d'enseignement
collégial ou plus particulièrement à l'échelle du
cégep de la Gaspésie et des îles, nous exprimons l'avis que
le chemin parcouru depuis 1967 en matière de formation professionnelle
ou préuniversitaire mérite qu'on s'y attarde, comme l'a
souhaité Mme la ministre de l'Enseignement supérieur et de la
Science, pour en dégager les enseignements qui s'imposent. Nous avons la
conviction qu'un examen approfondi permettra de faire ressortir des
réalisations impressionnantes qui ont été et sont
aujourd'hui le fruit de l'activité permanente de ces institutions si
vivantes que sont les cégeps.
Nous croyons, et c'est primordial, qu'une réflexion profonde de
la société québécoise sur cet important outil
qu'elle s'est donné en érigeant le système d'enseignement
collégial lui permettra de réorienter l'action de celui-ci dans
la visée d'objectifs prometteurs pour l'an 2000. Nous exprimons le voeu
que soit définitivement dépassée la volonté de
simplement diminuer les coûts, qu'on réalise pleinement quelle
richesse représente cette infrastructure qu'est le réseau
collégial, et qu'il y a possibilité, à partir de celui-ci,
de faire un pas de plus dans le sens très positif de l'avancement du
Québec, et plus particulièrement de ses régions
périphériques.
À notre point de vue, ce serait une grave erreur de diminuer les
services mis en place dans les régions. Nous demandons au gouvernement
du Québec de reconnaître officiellement la mission élargie
des cégeps régionaux comme le cégep de la Gaspésie
et des Iles, telle que nous l'avons définie, et de leur accorder les
ressources nécessaires pour assumer pleinement cette
responsabilité régionale. Nous rappelons aux autorités
gouvernementales que les ressources consacrées à l'enseignement
collégial ne constituent pas des dépenses, comme c'est le cas
dans beaucoup de programmes, mais plutôt un investissement pour l'avenir
de notre société.
Comme le dit si bien un proverbe chinois: Si tu veux qu'un peuple
grandisse, instruis-le. Et on pourrait ajouter chez nous: il n'est pas
d'exemple de peuples qui peuvent s'épanouir et prospérer sans
leurs régions. Mme la Présidente, je vous remercie.
La Présidente (mme
harel): merci, m. bourque, de
même que m. arsenault. j'inviterais maintenant mme la ministre à
procéder, débuter les échanges avec vous.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Ça me fait
plaisir d'accueillir le cégep de la Gaspésie et des
Îles-de-la-Madeleine. M. Arsenault, nous avons un intérêt
tout particulier ici, au niveau de la commission, à entendre
différents cégeps et à constater comment les cégeps
sont différents les uns des autres, ont chacun leur personnalité.
Je pense que ça démontre bien que vous êtes
intégrés dans votre milieu.
À plusieurs égards, M. Bourque, vous avez mentionné
comment c'est important qu'on prenne en compte le fait que vous êtes
justement dans une région éloignée et que, donc - message
que je retiens, en tout cas - au niveau du ministère il faut que nous
ayons de plus en plus de souplesse par rapport à des demandes
spécifiques que vous pouvez avoir ou, en tout cas, être plus
collés à vos réalités régionales. Vous avez
parlé de façon particulière du perfectionnement, de toute
cette problématique-là, mais avant de l'aborder directement avec
vous, M. Bourque, j'aimerais ça, si vous me le permettez, comme nous
avons la chance d'avoir avec nous un professeur des Îles-de-la-Madeleine,
M. Thériault, que vous nous fassiez part de votre réalité
comme prof aux Îles-de-la-Madeleine.
M. Thériault (Albert): Merci, Mme la ministre. Comme prof
aux Îles-de-la-Madeleine, ça a commencé ça fait 10
ans...
La Présidente (Mme Harel): Excusez-moi. Pour les fins de
l'enregistrement de nos débats, je vous demanderais simplement de vous
présenter, et les propos que vous tenez pourront être
enregistrés à votre nom.
M. Thériault: Merci. Albert Thériault, professeur
au centre d'études collégiales, aux Iles-de-la-Madeleine. Comme
je le disais, depuis 10 ans, c'est commencé aux
Îles-de-la-Madeleine. Il y a eu beaucoup d'efforts de mis au début
par la direction du collège de la Gaspésie et par le gouvernement
pour implanter le centre. Au début, on a commencé dans des
conditions qui étaient quand même assez pénibles,
même s'il y a eu beaucoup d'efforts de mis là-dessus. On
était 11 professeurs, et il y avait seulement un bureau, pas de
bibliothèque, sauf qu'on a toujours donné notre possible pour
améliorer la qualité de l'enseignement. Le gouvernement y a
apporté sa part aussi puisque, aujourd'hui, on est rendu avec une
bibliothèque informatisée. On a un local informatique très
moderne. De ce côté-là, ça va quand même assez
bien. Ce qu'on a aux Îles-de-la-Madeleine, on peut dire, comparativement
à l'extérieur, c'est le rapprochement entre les profs et les
étudiants. Il y a seulement deux étudiants, ça fait qu'on
est très près d'eux autres.
La Présidente (Mme Harel): Combien? Une voix:
200.
M. Thériault: 200 étudiants. En tout cas, aux
environs de 200. Ça peut aller de 180 à 225, dépendamment
des sessions. Ils ne sont pas gênés de nous poser des questions.
C'est un enseignement pas mal personnalisé. Comme je l'ai dit
tantôt, les professeurs mettent beaucoup d'ardeur là-dedans. Il y
a certains problèmes qu'on rencontre, comme M. Bourque le disait. Pour
le perfectionnement, entre autres, ça coûte très cher, mais
ça coûte encore plus cher aux Îles-de-la-Madeleine parce
qu'il faut toujours venir en avion.
Mme Robillard: Oui, justement. Peut-être pour
enchaîner avec vous, M. Thériault, M. Bourque, vous avez
mentionné que vous pourriez nous entretenir longtemps de cette
problématique du perfectionnement pour un cégep tel que le
vôtre. Pourriez-vous, en quelques minutes, essayer de nous cerner les
principaux enjeux que vous notez dans cette question-là?
M. Bourque: Je dirais, globalement, qu'il y a deux
problèmes. Il y a un problème d'éloignement qui cause des
frais exorbitants, et il y a un problème de manque de ressources - il
faut aller chercher notre perfectionnement à l'extérieur. Je vais
inviter, si vous le permettez, M. Trudel, le directeur des services
pédagogiques, à vous dresser un peu la problématique. (17
heures)
M. Trudel (Jean): Les sources de perfectionnement sont de trois
ordres, chez nous, à peu près comme partout ailleurs dans le
réseau, c'est-à-dire PERFORMA pour ce qui est du perfectionnement
pédagogique des enseignants - or, depuis deux ans, les frais de
scolarité à PERFORMA ont triplé ou presque - les
programmes de la DGEC que nous apprécions et qui permettent de donner du
dégrèvement à certains enseignants pour se perfectionner,
et les budgets de perfectionnement qui sont prévus dans les conventions
collectives...
À ce niveau-là, on ne se trouve pas nécessairement
très choyés. Ce qui a été accordé dans les
conventions collectives, dans la première convention collective, en
1969, c'était 1, 2 % de la masse salariale, ce qui, pour le nombre de
profs que nous avons actuellement, nous aurait donné, à
l'époque, 12 500 $. Si on avait le même pourcentage accordé
maintenant, on aurait un budget de perfectionnement de 70 000 $. Or, la
réalité est qu'il est de 19 000 $ seulement. Depuis 1979, nous
avons eu un montant additionnel pour région éloignée qui a
été accordé également au cégep de l'Abitibi
et de Sept-îles, qui est de l'ordre de 20 000 $. Ce montant-là, il
est le même depuis 1978 et même, cette année, on ne sait pas
pourquoi, il a diminué un peu. On est rendu à environ 18 900 $,
tout ça pour environ 180 professeurs répartis aux
Iles-de-la-Madeleine, à Carleton, à Grande-Rivière et
à Gaspé alors que les coûts des déplacements, les
coûts de transport et les frais de scolarité n'ont cessé
d'augmenter depuis les 10 ou 12 dernières années.
On a remis une partie de la gestion des budgets de perfectionnement aux
départements de façon à ce que les choix soient
peut-être plus judicieux, parce qu'à une époque
c'était très
facile. Un département recommandait au comité de
perfectionnement toute demande d'un enseignant et c'est le comité
lui-même qui était pris avec la décision de dire: Oui, on
l'accorde, ou on ne l'accorde pas. On l'a remis aux départements et,
même là, on arrive très souvent le 30 octobre, on
siège en comité de perfectionnement et il n'y a plus de fonds
à distribuer pour les enseignants.
Une journée de perfectionnement pour un enseignant du
cégep de la Gaspésie et des îles, si on inclut le
transport, et ainsi de suite, ça tourne autour de 800 $ ou 900 $. Quant
au perfectionnement plus technique pour les profs du technique - le virage
technologique, il faut qu'ils le prennent eux aussi; évidemment, on
s'attend à ce que ce soit eux qui fournissent un enseignement de
qualité - il n'est pas disponible en région. Il est disponible
dans les grands centres. Il est disponible, généralement, au
niveau des compagnies privées. Il n'y a pas d'enseignement
universitaire, ou il y en a très peu, qui s'adresse aux enseignants du
technique et, encore là, les frais de scolarité sont de l'ordre
de 300 $ à 500 $ par jour. Pour nous, c'est un problème
d'accessibilité et un problème de financement.
La Présidente (Mme Harel): Alors, la parole est maintenant
au porte-parole de l'Opposition, M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais saluer
les gens du cégep des Îles-de-la-Madeleine et de la
Gaspésie, probablement le plus grand cégep au Québec
compte tenu que c'est un cégep particulier, avec beaucoup de
représentations positionnées géographiquement à des
endroits différents. Alors, deux choses. C'est intéressant que
vous veniez, d'abord parce que vous êtes une institution de niveau
collégial et qu'on regarde l'avenir des collèges - moi, en tout
cas, en ce qui me concerne, je dis qu'on va entendre toutes les institutions
collégiales - et ça l'est davantage compte tenu de la
particularité que vous représentez. On le sent dans vos
recommandations. On le sent dans votre mémoire, à plusieurs
endroits. C'est vraiment spécifique. Moi, je me considère
toujours d'une région, venant de l'Abitibi-Témiscamingue. Je
connais le Saguenay, je connais l'Outaouais, je connais bien les régions
du Québec et, à quelques égards, oui, il y a des choses
qui se ressemblent, mais à plusieurs autres égards on sent
vraiment que c'est insulaire, même si le cégep n'est pas
insulaire. C'est particulier à une réalité. Merci
d'être là.
Rapidement, en termes d'échanges, je voudrais regarder une couple
de choses. À la page 6 de votre mémoire... Là, c'est un
commentaire. C'est un commentaire, à la page 6. Je trouvais que
c'était correct quand même. Même si vous êtes
particulier et que vous représentez quelque chose d'un peu plus
spécifique, vous avez eu quand même ce que j'appelle la sagesse
de, rapidement, donner votre point de vue sur des considérations d'ordre
national. Les considérations qu'il y a là sur ce que
j'appellerais, moi, les grands paramètres nationaux, je suis capable de
fonctionner avec, je n'ai pas de trouble. Je pense que c'est très
légitime, ce que vous nous dites et ce que vous nous rappelez. Vous avez
dit ce que vous aviez, les réalisations, les acquis et les besoins de
l'enseignement collégial et, là, vous nous avez dit: Voici ce
qu'il faut améliorer. Alors, moi, je n'ai pas de questions
là-dessus. Je constate ce qu'il y a là. C'est bien. C'est beau.
Je le prends.
À la page 8, sur le plan plus administratif, vous faites les
recommandations suivantes. Là, vous souhaitez, à un moment
donné, établir clairement les responsabilités des
établissements et du gouvernement en favorisant des mécanismes
d'adaptation régionaux. Là, je vous avoue que j'ai besoin de
précisions parce que je ne savais pas ce que signifiait cette
recommandation-là, surtout que vous avez ajouté que, chez vous,
ça voulait dire local. Mais, même en le lisant comme ça,
j'ai un problème parce que vous faites une recommandation
d'établir clairement les responsabilités des
établissements et du gouvernement en favorisant des mécanismes
d'adaptation locale. À quels mécanismes d'adaptation locale
faites-vous allusion, pour en faire une recommandation?
M. Bourque: Que le système nous permette, par exemple, en
enseignement professionnel, dans les programmes, d'avoir plus de
responsabilités au niveau de la définition des programmes, au
niveau de la convenance avec les entreprises, organismes ou industries locales
ou régionales des besoins de formation, et d'élaborer des
programmes en conséquence. Par exemple, aussi, au niveau des conditions
de travail, des conventions collectives de nos groupes d'employés,
d'avoir une plus grande marge de manoeuvre locale pour pouvoir respecter
davantage les particularités qui sont les nôtres, et vous
êtes conscients, vous l'avez reconnu, qu'il y en a peut-être plus
chez nous qu'ailleurs. Même si on a neuf syndicats, neuf
accréditations syndicales distinctes, il faudrait quand même en
sortir et les particularités se multiplient peut-être
d'autant.
M. Gendron: Je comprends. Deuxièmement...
M. Bourque: Comme on dit souvent chez nous, vous excuserez
l'expression anglaise, c'est difficile de gérer «by the
book» chez nous, par exemple, avec les conventions collectives.
La Présidente (Mme Harel): Je crois qu'il y a M.
Bélanger ou M. Trudel qui veut prendre la parole également.
M. Trudel (Jean): Oui, je donnerais un autre exemple.
La Présidente (Mme Harel): Vous êtes monsieur?
Excusez-moi, pour les...
M. Trudel (Jean): Jean Trudel, directeur des services
pédagogiques.
La Présidente (Mme Harel): M. Trudel, excusez-moi.
M. Trudel (Jean): Un exemple pour illustrer ça aussi,
c'est qu'au niveau de la sécurité d'emploi, actuellement, nos
établissements sont considérés comme quatre
collèges différents syndicalement alors qu'administrativement
c'est un seul collège. Alors, si vous avez un poste qui s'ouvre au CEC
de Carleton dans une discipline donnée et qu'on a une mise en
disponibilité à Gaspé, il n'y a pas de priorité,
c'est-à-dire quelqu'un du cégep X, Y ou Z, jusqu'au cégep
de l'Abitibi, pourrait venir prendre ce poste-là alors que nous, on
resterait avec une mise en disponibilité à Gaspé. On est
comme mal pris avec ça. On a essayé d'avoir une entente à
la dernière convention collective et on n'y est pas arrivé.
Voilà.
M. Gendron: Je vous souhaite bonne chance pour la prochaine.
M. Trudel (Jean): Merci. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Mais pour le vrai, pour régler le
problème; ce n'est pas d'un bord plus que l'autre. L'autre
recommandation, vous dites: Favoriser la gestion de type collégial en
éliminant les possibilités de surreprésentation de
certains groupes au conseil d'administration. À moins, encore là,
que ma lanterne soit mal éclairée, à quoi faites-vous
précisément allusion?
M. Bourque: Un type collégial, on veux dire que nous, chez
nous, on a réussi à vivre avec la composition d'un conseil
d'administration composé de gens de l'interne et de l'externe...
M. Gendron: Oui.
M. Bourque: ...au cours des 25 dernières années.
Alors, on peut vivre avec ça, on peut continuer à vivre avec
ça. Par contre, au niveau, par exemple, des parents, il y a de nos
employés qui, parce qu'ils sont parents, se font élire comme
parents et, rendus au conseil d'administration, ils sont plus naturellement
portés à défendre des intérêts corporatifs.
Par exemple, un professeur est élu comme parent, mais au conseil
d'administration il est beaucoup plus professeur que parent.
Alors, on a vécu ces expériences-là à
quelques reprises au cours des dernières années, surtout
peut-être parce qu'on est décentralisés et on ne peut pas,
la loi ne nous permet pas d'avoir des représentants de chacun de nos
centres au conseil d'administration. Nos trois postes de professeur, c'est pour
l'ensemble de nos quatre syndicats. Alors, les gens de Grande-Rivière,
par exemple, comme ils sont en minorité, c'est difficile pour eux autres
d'être élus, comme professeur, au conseil d'administration. Une
façon d'y venir, c'est de se présenter comme parent. Mais,
évidemment, une fois rendus au conseil d'administration ils se
comportent en professeur et ça fait plus que trois professeurs,
ça en fait quatre ou cinq. Je prends l'exemple d'un professeur;
ça peut être un professionnel ou même un employé de
soutien. Alors, il me semble que là il y a une coquille qu'on pourrait
facilement corriger et, chez nous, ça nous aiderait.
M. Gendron: Oui. En tout cas, je suis content que vous me donniez
la précision parce que, moi, sur le plan, en tout cas, de l'ensemble, je
ne croyais pas et je ne crois toujours pas - mais, par contre, vous faites bien
de traduire cette réalité-là dans votre milieu - qu'il y
avait surreprésentation de certains groupes au conseil d'administration
dans la plupart des cégeps. Vous, vous dites: Bien, comme la loi le
permet, apportez les corrections.
M. Bourque: C'est ça. (17 h 10)
M. Gendron: Merci. Dernière question. Vous avez
indiqué combien un cégep de région est appelé
à soutenir, aider, solliciter de toute nature à peu près
tout groupe, organisme qui veut parfois attester de l'originalité du
travail qu'il a fait ou d'un projet du milieu. Autrement dit, les
activités liées au support à la collectivité et aux
efforts du milieu sont beaucoup plus grandes. Il y a beaucoup plus de
sollicitation de toute part. Il y a des coûts à ça, et vous
dites à un moment donné: Nous demandons au gouvernement du
Québec de reconnaître la mission élargie des cégeps
régionaux comme le cégep de la Gaspésie, mais, moi, je dis
également pour ceux des autres régions parce que, ça, ce
n'est vraiment pas différent. On le sollicite de toutes parts, c'est
quasiment le sceau de crédibilité de quelque chose qui a de
l'allure. Alors, les gens viennent nous voir et disent au cégep:
Étampe-moi, pour montrer la... Il y a un coût à ça.
Est-ce que vous l'avez évalué? J'aimerais ça, si vous
aviez fait une réflexion - mais pas pour les autres, chez vous. Ce
serait quoi, pour le gouvernement, d'essayer de trouver une formule
financière pour vous soutenir correctement par rapport à cette
mission que vous acceptez d'avoir, sans nécessairement l'avoir
modifiée dans la loi des collèges mais, dans les faits, vous
exercez cette responsabilité, vous vous acquittez
de cette mission? Elle est de combien, chez vous, en gros?
M. Bourque: On ne l'a pas évaluée,
évidemment. Maintenant, il y a un danger à affecter des
ressources qui nous sont allouées pour la formation, pour
l'enseignement, à des services collectifs, à de l'activité
communautaire, à du soutien aux entreprises, aux organismes
communautaires, etc. C'est dans ce sens-là qu'on veut souligner le fait
qu'on est en demande, d'abord. Alors, on n'a pas le choix, on est
interpellés, parce qu'il n'y a pas de ressources chez nous, il y a moins
de ressources organisa-tionnelles chez nous. L'université, c'est le
cégep; l'entreprise, c'est le cégep; l'institution qui a des
équipements, c'est le cégep; l'institution qui a des experts,
c'est le cégep. Alors, on se réfère chez nous pour tout.
Et on ne veut pas fermer les portes, parce qu'on pense qu'on a aussi cette
mission-là pour aider à développer notre milieu. Ça
coûte plus cher en électricité parce que nos locaux sont
toujours ouverts; ça coûte plus cher en entretien parce qu'il y a
plus de monde qui circule à l'intérieur; ça coûte
plus cher en personnels parce qu'ils sont plus impliqués au niveau
social, au niveau économique ou culturel. Le moindre dossier de
développement, il y a quelqu'un chez nous qui est impliqué. Il
n'est pas chez nous quand il est là. Alors, à la longue et de
projet en projet, on vient qu'on manque de monde à l'intérieur,
il faut en rajouter et ça coûte plus cher.
Je ne voudrais pas laisser l'impression qu'on n'est pas compris et qu'on
ne nous a pas aidés. S'il y a un cégep, je pense, qui a
été bien écouté par le ministère, par les
deux gouvernements avec qui on a fait affaire dans notre développement,
je pense que c'est le cas.
M. Gendron: Je n'en doutais pas, j'étais sûr.
M. Bourque: C'est tellement particulier et c'est tellement plus
dispendieux per capita que ça ne suffit quand même pas.
M. Gendron: Je comprends. J'étais certain, j'ai dit:
Depuis 1985, ça se peut qu'il y ait des problèmes, mais jusqu'en
1985 ils n'ont eu aucun problème.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Alors, c'était bien sûr... Je ne le
pense pas.
M. Bourque: Je peux vous dire, M. Gendron, si vous le permettez,
que c'est avec votre gouvernement qu'on a ouvert les îles et c'est avec
l'autre gouvernement qu'on a ouvert Carleton.
M. Gendron: Bravo!
M. Bourque: Et on pourrait continuer...
M. Gendron: Je venais de vous dire que je ne le pensais pas.
Bravo! Dans ce cas-là, je n'ai pas de... Dernière question: Vous
avez touché au perfectionnement qui est une réalité
très dispendieuse. Je me demandais si, dans des cas comme ça, il
n'y a pas lieu de regarder d'autres formules pour arriver au même
résultat. À une couple de reprises, j'ai eu à voyager,
soit à Gaspé ou aux îles, et il m'est arrivé de
trouver qu'à bord il y avait d'excellents techniciens ou
spécialistes de toute nature. Pour les mêmes raisons, il y a des
gens qui vont aux îles et en Gaspésie qui viennent des grands
centres. Vous, vous dites: Quand on pense perfectionnement, on est loin,
ça coûte cher, et là j'ai cru comprendre que vous
êtes quasiment toujours obligés d'envisager deux choses. Les gens
qui ont besoin de perfectionnement, il faut qu'ils viennent au
perfectionnement, soit pour le prendre sur le plan technique ou sur le plan
institutionnel, parce que les ressources sont limitées. Je me disais:
Est-ce que vous avez essayé de vérifier? Il doit y avoir moyen de
trouver une formule avec le Conseil du patronat ou des gens qui sont toujours
dans les avions - et, moi, je suis obligé d'y être dans ma
fonction depuis 16 ans, assez souvent, trop souvent à mon goût -
une façon pour que dans leurs déplacements aux îles ou
à Gaspé - pas tous les jours, pas chaque fois, mais sur la base
de semestres - ces gens-là puissent, de temps en temps, avoir une
espèce de temps pour offrir du perfectionnement sur le plan technique;
des fois, ça peut être un spécialiste en informatique qui
pourrait donner une heure et demie dans la visite qu'il fait de toute
façon pour une entreprise, je ne sais trop quoi. Avez-vous
regardé ça? C'est juste ça, ma question.
M. Bourque: Non.
M. Gendron: Pourquoi vous ne regardez pas ça?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Parce qu'il me semble que ça coûterait
moins cher.
M. Bourque: M. Trudel va vous...
La Présidente (Mme Harel): II y a M. Trudel et M.
Thériault, je crois, qui ont tous deux l'intention de commenter.
M. Gendron: II me semble que ça a de l'allure.
M. Thériault (Albert): Albert Thériault, professeur
aux Îles-de-la-Madeleine. Nous autres, on a regardé et on s'est
même informés. Comme
vous nous dites, avec les entreprises, ça marche bien. Moi, je
suis prof d'administration. On a donné notre nom à la Banque
fédérale de développement. Quand ils viennent aux
îles, ils nous le disent. Service d'aide aux jeunes entrepreneurs, quand
il y a quelqu'un qui vient, ils nous le disent. Mais les profs de philo, il y
en a un aux îles puis c'est le prof du cégep. En physique, c'est
comme ça. Il donne des cours d'astrologie, d'astronomie...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Thériault: Où est-ce qu'il va chercher
ça? il y a juste lui! C'est la même chose en histoire, en socio,
il y a juste eux autres. C'est nous autres qui avons l'expertise, ça
fait que...
M. Gendron: Non, non, je comprends. Ça va. Vous dites que
vous avez réfléchi là-dessus.
La Présidente (Mme Harel): Peut-être un mot de M.
Trudel, je crois. Un commentaire.
M. Trudel (Jean): Merci, Mme la Présidente. On essaie de
plus en plus d'avoir des contacts avec l'entreprise à ce
niveau-là. Je pense au niveau de certaines techniques, nous avec Mines
de Gaspé, on cherche à faire des échanges. Bon. La
première proposition de Mines de Gaspé, c'était qu'ils
nous vendaient un de leurs techniciens, c'est-à-dire qu'il fallait payer
son salaire pendant qu'il venait chez nous. On a dit: Non, non, nous on veut
faire un échange. Vous nous envoyez un technicien, on vous envoie un
prof ou on vous envoie des stagiaires. Et, à ce niveau-là, il y a
un déblaiement qui se fait, mais, encore là, c'est limité
comme perfectionnement.
Je voudrais juste terminer là-dessus, parce que je voulais
ajouter quelque chose tout à l'heure et je n'ai pas eu le temps. Si on a
tellement insisté sur le perfectionnement, c'est qu'on le lie chez nous
très intimement avec l'évaluation. Dans ma tête à
moi et dans la tête de beaucoup d'autres, l'évaluation, elle est
nécessaire. On parle d'évaluation des enseignements,
c'est-à-dire les services, mais aussi les enseignants. Mais ça
risque d'être un cul-de-sac si cette évaluation-là ne
débouche pas sur des possibilités de perfectionnement. Et c'est
là-dessus que je termine.
La Présidente (Mme Harel): Alors, merci, M. Trudel.
L'intervention sera faite par le député de Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): Alors, Mme la Présidente, comme
tous les autres, moi, je suis très heureux que le cégep de la
Gaspésie vienne se faire entendre à cette commission
parlementaire. Je pense que votre axe de développement majeur qui est le
centre d'études collégiales, c'est-à-dire l'école
nationale et centre spécialisé des pêches de
Grande-Rivière, justifie déjà la présence d'un
cégep dans la région de la Gaspésie, en plus de vos deux
satellites, celui des Îles-de-la-Madeleine et nécessairement de
Carie-ton.
Moi, il y a une préoccupation, c'est-à-dire... On a
déjà discuté de ça antérieurement. Je pense
que je vous avais déjà appelé, M. Bourque, au sujet de la
formation des pêcheries au niveau des adultes, puis il y avait un
problème avec Mi-guasha chez vous. Est-ce que c'est réglé
ou ça vous pose des problèmes à ce niveau-là?
M. Bourque: Le fond du problème est le suivant. Les
commissions scolaires ont développé un intérêt
à intervenir dans la formation des adultes en pêche.
L'école des pêches qui a été mise sur pied dans les
années cinquante a toujours eu le leadership exclusif dans la formation
en pêche jusqu'au début des années quatre-vingt. Alors, au
cours des années quatre-vingt, les commissions scolaires ont
commencé à venir en chercher des morceaux parce que
l'enseignement qu'on donne aux adultes en pêche est de niveau secondaire.
Nous, on avait l'exclusivité. On l'a perdue un peu progressivement au
cours des années quatre-vingt. C'est contre ça qu'on a
réagi parce qu'on pense que le gouvernement du Québec a assez
investi dans la reconstruction d'une école et d'un centre
spécialisé en pêche - c'est 10 000 000 $ et plus. On a
là décentralisé tous les équipements et toutes les
expertises en ressources humaines. Il nous apparaît que commencer
à dédoubler et à multiplier, ce n'est pas rentable
à moyen et à long terme. Alors, on réclame
l'exclusivité d'intervention au niveau de la formation en pêche
à tous les niveaux, autant secondaire que collégial.
La Présidente (Mme Harel): Alors, merci, M. Bourque. Je
reconnais à nouveau le député de Rimouski pour deux
minutes et demie.
M. Tremblay (Rimouski): Deux minutes et demie. Je vous remercie,
madame, de me donner ces deux minutes et demie. Moi, je suis très
content de vous entendre, parce que si on veut avoir un véritable centre
spécialisé en pêcheries, on ne peut pas saupoudrer un peu
partout. Il faut absolument faire les efforts vers Grande-Rivière, qu'il
devienne un centre spécialisé en pêcheries. Moi, je suis un
tenant de ça et je pense qu'on devrait se bagarrer tout le temps pour le
maintenir là.
Une autre chose. Vous m'avez parlé des difficultés au
niveau du perfectionnement des maîtres, sauf que l'Université du
Québec est assez présente sur le territoire. Est-ce que ça
ne répond pas partiellement à vos besoins de perfectionnement des
maîtres?
M. Bourque: Dans le domaine psychopédagogique, j'imagine,
et dans des disciplines comme
l'administration, peut-être, mais pas dans les techniques
physiques particulièrement, parce que là, l'expertise est
vraiment plus dans les grands centres, on travaille en grande collaboration
avec l'Université du Québec à Rimouski, qui loge et habite
avec nous à Gaspé et à Carleton, et on utilise de
façon conjointe des équipements, des locaux, etc. Maintenant, il
y a de l'expertise qu'ils n'ont pas. (17 h 20)
M. Tremblay (Rimouski): Je n'ai pas de problème avec votre
appellation d'un cégep régional, parce que le cégep de
Rimouski a déjà prétendu être un cégep
régional. Moi, personnellement, ma philosophie ou encore mon opinion
à cet égard, c'est que ce devrait être un cégep en
région qui dessert une région donnée. Et j'attends avec
beaucoup d'anxiété mon cégep, et je leur dirai
publiquement que, moi, ma perception, ça doit être un cégep
en région avec des disciplines et des concentrations. Alors, je n'ai pas
de difficulté avec ça, d'aucune manière. Ça ne
m'empêche pas de dormir, votre cégep régional.
M. Bourque: Est-ce que je peux faire un commentaire
là-dessus, madame? Pour nous, un cégep régional, c'est
entendu au sens d'une responsabilité dans un territoire administratif
qui est la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine,
c'est-à-dire une région administrative sur laquelle on s'est
implanté pour l'occuper et répondre aux besoins des gens qui y
habitent. Alors, chez nous, le vent du Bas-Saint-Laurent ne souffle pas dans ce
sens-là. Je pense que c'est deux choses différentes, deux
régions différentes et notre cégep a pris les couleurs de
sa région, qui est la Gaspésie et les
Îles-de-la-Madeleine.
M. Tremblay (Rimouski): Très bien.
La Présidente (Mme Harel): La parole est à...
M. Bourque: Ça ne me fait pas peur, M. Tremblay, non
plus.
La Présidente (Mme Harel): La parole est à la
députée de Matane.
Mme Hovington: Oui, ça me fait plaisir de vous recevoir
ici, à la commission de l'éducation, en tant que voisin
très proche, parce que j'ai la moitié de mon comté qui est
quand même dans la région de la Gaspésie et j'ai des gens
de Sainte-Anne-des-Monts, Cap-Chat, en fart, de la moitié du
comté qui ont accès au cégep de Gaspé. En fait, mon
collègue de Rimouski m'a vue venir, j'ai l'impression, parce que
j'allais vous demander justement quelle a été la réaction
du cégep de Gaspé lors de la conférence de presse du
cégep de Rimouski qui avait annoncé en grande pompe qu'il voulait
devenir...
Une voix: C'est toujours en grande pompe, chez nous.
Mme Hovington: ...un cégep - comme l'autoroute - à
vocation régionale, et si ça s'est fait en concertation avec le
cégep de Matane, de Rivière-du-Loup, de Gaspé, si
ça s'est fait en collégialité, cette
décision-là, ou si ça vous est tombé dessus comme
ça?
M. Bourque: Ça nous a été - si vous me
permettez l'expression - garroché comme ça, madame. Ce n'est
absolument pas en concertation, et encore moins en collégialité.
On a été - je ne veux pas parler au nom des autres
collèges - un peu choqués qu'on ait une telle notion de la
présence des cégeps en région. Ce n'est pas la conception
qu'on a chez nous de ça, et je parle beaucoup au nom de la population
là-dedans.
Nous, on n'a pas peur parce qu'on est installés, et le
cégep a son appartenance dans la région. Mais pour la population,
avec sa nouvelle région administrative, sa nouvelle régie de la
santé et des services sociaux, je vous le disais tantôt, le vent,
il ne souffle plus dans le sens d'une grande région de l'Est du
Québec, ça fait un bout de temps. Alors, c'est un peu illusoire,
à mon point de vue. Mais ça nous a quand même
choqués.
Mme Hovington: Je suis bien contente de vous l'entendre dire de
cette façon. Est-ce qu'il me reste encore un petit peu de temps?
La Présidente (Mme Harel): Oui, Mme la
députée de Matane.
Mme Hovington: Quand vous dites, à la page 11 de votre
mémoire, que des règles de financement per capita applicables
à l'ensemble du Québec ne sauront jamais répondre
adéquatement à ce qui est nécessaire à une
région qui, plus que toute autre, vit la dispersion,
l'éloignement au quotidien et pour qui la décentralisation des
services n'est pas un luxe mais une condition de survie essentielle, ça,
j'en suis et je connais les difficultés qu'on peut vivre dans une
région éloignée telle que la Gaspésie. Avec la
nouvelle formule d'aide aux cégeps, FABES, qu'on l'appelle, on sait que
le «S», en dernier, est pour les spécificités des
régions. Par exemple, s'il y a plus de transport à payer pour se
rendre en Gaspésie, alors ça entre dans ce «S». Le
«B», c'est pour les bâtiments. Enfin, vous connaissez un
petit peu les technicalités de la formule. Est-ce que, selon vous, c'est
le «S» qu'il faudra augmenter en dernier dans l'enveloppe
budgétaire? Il faudrait peut-être mettre une ligne dessus pour que
ça fasse un plus gros montant. C'est quoi, votre demande et votre
idée là-dessus pour vous aider plus explicitement?
M. Bourque: Le système de financement FABES a
amélioré notre condition, de beaucoup, particulièrement au
niveau de l'éloignement. Ça a doublé à peu
près l'allocation qui nous était allouée au niveau de
l'éloignement. M. Lanoue conviendra avec vous que dans le
«S» il y a le moins de choses possible. Il n'y en a presque pas. Ce
qui coûte plus cher, à part l'éloignement, c'est la
décentralisation. Gérer la décentralisation, c'est
dispendieux. Nous, s'occuper des îles, ça nous coûte quelque
chose. Pour s'occuper de Carleton, pour s'occuper d'un centre
spécialisé, un directeur général voyage beaucoup
plus. Un directeur des services pédagogiques a plus de
départements sous son autorité. Je vous le disais tantôt,
on a neuf accréditations syndicales. Imaginez les impacts sur le service
des ressources humaines, etc. Ça, c'est moins considéré
dans FABES. Dans FABES, ce sont les bâtiments, les activités, les
enseignants et, pour nous, dans le «S», l'éloignement. Mais
la gestion de la décentralisation et de l'éparpillement,
ça, je pense que c'est beaucoup moins considéré.
Mme Hovtngton: II faudrait ajouter un «D» quelque
part.
M. Bourque: Par contre, cela a amélioré la
situation.
Mme Hovington: II faudrait ajouter un «D» quelque
part dans FABES. Ça ferait peut-être un drôle de mot
français, mais ça vous aiderait au niveau de la
décentralisation, au moins...
M. Bourque: Absolument.
Mme Hovington: ...à cause des distances que l'on
connaît, en Gaspésie, quand on sait que, faire le tour de la
Gaspésie, c'est comme faire le tour de la Norvège ou presque, ou
de la Suisse. Alors, merci beaucoup. Je vous félicite, moi, en tout cas,
de la qualité de votre mémoire. Je pense que la commission
tiendra compte sûrement de l'éloignement et des différentes
facettes que vous nous avez démontrées sur tous les cégeps
en région, qui sont un outil de développement régional
tellement important.
M. Bourque: Merci.
La Présidente (Mme Harel): Alors, merci, M. Bourque.
Est-ce que, Mme la ministre, vous voulez conclure?
Mme Robillard: oui. m. le président du conseil
d'administration, m. arsenault, est-ce que vous êtes un
représentant des groupes socio-économiques du milieu?
M. Arsenault (Dominique):. Oui, c'est exact, je suis un
représentant des groupes socio-économiques et mon travail est
à la Fédération des caisses populaires Desjardins de la
Gaspésie et des îles, ce qui recouvre la même région
que celle du cégep.
Mme Robillard: Est-ce que les groupes socio-économiques du
milieu ont un message particulier à nous livrer sur leur
cégep?
M. Arsenault (Dominique): Comme il est exprimé dans le
mémoire, nous pensons que le cégep joue un rôle
drôlement important, autant que la formation de nos travailleurs. Les PME
et les PPE n'ont pas l'expertise et n'ont pas les ressources pour former leurs
travailleurs, et, à ce niveau, on a une étroite collaboration
avec le cégep et on espère que ça va continuer. Comme il
est mentionné, je pense qu'il doit y avoir des mécanismes pour
avantager cette approche.
Mme Robillard: merci d'être venu témoigner, avec les
représentants du cégep, de votre situation si particulière
en gaspésie et aux îles-de-la-madeleine. merci.
La Présidente (Mme Harel): Alors, M. Bourque et les
personnes qui vous accompagnent, je vous remercie. J'inviterais maintenant
l'Association des professeurs de sciences du Québec à prendre
place. (17 h 30)
Alors, j'inviterais M. Arsenault, qui est président de
l'Association des professeurs de sciences du Québec. Je ne sais s'il
avait pris contact avec M. Dominique Arsenault qui le précédait
sur ce banc et qui est le président du conseil du cégep de la
Gaspésie et des îles. Il n'y a peut-être pas de lien de
parenté, M. Ghislain Arsenault, j'imagine. Ha, ha, ha!
Association des professeurs de sciences du
Québec (APSQ)
M. Arsenault (Ghislain): Probablement de la fesse gauche, quelque
part comme ça, là, à quatre ou cinq
générations derrière. On est tous des Gaspésiens,
de toute façon.
La Présidente (Mme Harel): Alors, je vous demanderais, M.
Arsenault, de nous présenter les personnes qui vous accompagnent.
Dois-je comprendre que c'est vous qui procéderez à la
présentation de votre mémoire?
M. Arsenault (Ghislain): Exactement. Mme ia Présidente, je
vous présente M. Claude Janvier, qui est professeur-chercheur au
Département de mathématiques et informatique de
l'Université du Québec à Montréal; M. Robert
Ducharme, enseignant en psychologie - on a même choisi un psychologue
pour nous aider - au Collège de Saint-Jérôme; M. Guy
Lapointe est conseiller pédagogique à la commission scolaire
d'Iberville et Mme Denise Provençal est professeure de
physique au cégep de Sorel-Tracy.
Tout d'abord, je vais essayer de vous présenter-La
Présidente (Mme Harel): M. le président...
M. Arsenault (Ghislain): Oui.
La Présidente (Mme Harel): ...dois-je comprendre que
vous-même êtes enseignant dans un cégep
également?
M. Arsenault (Ghislain): Oui, au cégep de
Trois-Rivières, le meilleur cégep de la province.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Harel): C'est la remarque la plus
corporatiste qu'on ait entendue depuis le début, malgré qu'il y
en ait eu quelques autres.
M. Arsenault (Ghislain): C'est que, voyez-vous, à 17 h 30,
il faut mettre en oeuvre tous les efforts pour se tenir alerte et je vais
essayer de le faire sans lire mon mémoire. Je pense que, comme de bons
élèves de sciences, vous avez dû en prendre connaissance.
Je vais simplement en faire un survol en notant les points les plus importants
ou les plus intéressants.
D'abord, je pense que situer l'enseignement des sciences aujourd'hui
demande absolument qu'on situe aussi cet enseignement des sciences à
l'intérieur d'une société de haute technologie, la
société qui nous occupe. Je pense aussi que cette
société, tout le monde le dit, en tout cas, elle est garante de
notre compétitivité au niveau international. Elle est garante
aussi de notre niveau de vie de demain.
Maintenant, si vous regardez les indicateurs économiques avec
lesquels nous sommes impliqués, avec lesquels les étudiants que
nous avons aujourd'hui auront à vivre demain, je pense que, le moins
qu'on puisse dire, c'est que ces indicateurs économiques, ces besoins de
notre société de demain commencent à tourner au rouge et
même au rouge vif. Parlons simplement du déficit national que nous
avons. Aujourd'hui, dans les journaux, on parlait de 73 000 $, 75 000 $ par
famille. Donc, nos étudiants de demain, notre
compétitivité de demain... Notre niveau de vie de demain, il est
garanti un peu par les sociétés de haute technologie avec
lesquelles nous aurons à développer notre
société.
Donc, dans la première partie, on parle du développement
de la culture scientifique, de l'enseignement des sciences au collégial,
à 1.1. À peu près 35 % des étudiants qui quittent
le secondaire, qui arrivent au collégial vont faire des sciences.
À peu près 20 % vont le faire en sciences de la nature et 15 %
dans des domaines de techniques. Maintenant, à peu près 50 % de
ces étudiants-là vont se voir confirmer un D.E.C. en sciences. On
peut dire que ces gens-là vont arriver à l'université par
après et qu'à peu près 30 % des étudiants
entrés au collégial en sciences se verront confirmés dans
une discipline scientifique, ce qui veut dire que, sur 100 élèves
arrivés au collégial, à peu près 6 arriveront dans
une carrière scientifique à un moment donné. Nous trouvons
que c'est très peu.
Donc, le programme de sciences de la nature, il est, bien sûr,
traité par plusieurs comme étant la voie royale de formation.
Lorsque, au secondaire, on ne sait pas trop quelle est notre orientation, on
dit aux étudiants: Prends la voie scientifique, elle va t'ouvrir toutes
les portes. Donc, à un moment donné, un étudiant,
même s'il a commencé en sciences, choisit, par exemple, de devenir
avocat, philosophe ou comptable, mais il s'est d'abord inscrit en sciences de
la nature.
Donc, on a essayé de faire une comparaison avec le niveau
international pour savoir quel était notre niveau, le niveau de
l'enseignement collégial en sciences. On s'est rendu compte qu'on
chevauchait entre la fin du secondaire d'à peu près tous les pays
du monde et la première année universitaire. Donc, ce document
qui était sur la formation scientifique hors Québec, on en a tenu
compte lors d'un colloque au collège Ahuntsic en mai 1991.
Donc, la recommandation qu'on fait, étant donné
qu'à travers le monde on ne se situe pas trop mal dans les normes,
quoiqu'on donne un petit peu moins d'heures de sciences, on demande simplement
que ce soit conservé au moins, qu'on ajoute ou qu'on conserve ce nombre
d'heures comme étant un minimum.
En 1.3, nous regardons les autres programmes universitaires et on se
rend compte qu'à peu près personne, à part ceux qui sont
en sciences de la nature, ne fait des sciences. Donc, la recommandation qu'on
fait, c'est que, si on veut avoir une culture scientifique un peu plus large,
il faudrait peut-être demander à ces gens-là de suivre un
cours de sciences, par exemple dans le domaine de la biologie, qui leur
permettrait de mieux comprendre la société de haute technologie
dans laquelle ils vont être impliqués. Donc, sur l'enseignement
des sciences, la recommandation 3 nous parle de cet accès aux cours de
sciences de la nature.
En 1.4, l'enseignement des sciences dans les techniques. Nous savons
tous que les techniques qui demandent une forte connaissance en sciences sont
en déclin. Je pense que, tout dernièrement, on a fermé
chimie, biologie, par exemple, dans la région de Shawinigan. Un peu
partout on a de la difficulté à avoir le contingentement de base
pour avoir une option valable. En papeterie, cette année, je pense qu'il
est entré sept étudiants en première année. Donc,
ça devient un problème très important, compte tenu du fait
que même dans les journaux de ce matin on relatait
le besoin, dans les deux ou trois prochaines années, d'environ
entre 5000 et 7000 personnes en environnement, de personnel
spécialisé en environnement. Donc, ça devient important
que la personne qui ne continue pas à l'université en sciences
puisse s'en aller au moins dans un domaine qui va peut-être lui sembler
un peu plus facile mais qui va être une carrière scientifique.
Notre recommandation 4, elle est un peu en accord avec celle de la
Fédération des collèges qui disait qu'on pourrait penser
à un profil de sciences et technologies en parallèle à
sciences pures et appliquées et à sciences de la
santé.
En 1.5, on parle un peu de loisirs scientifiques. On dit que, pour avoir
des carrières scientifiques on aurait un besoin important de susciter
l'intérêt, et il est bien évident que le loisir
scientifique est un champ d'action dans lequel beaucoup de professeurs - pas
simplement des professeurs mais beaucoup de professeurs - sont
impliqués, ce qui permet d'amener un intérêt, un
très fort intérêt pour les carrières scientifiques.
On a souligné également, au niveau collégial,
l'émergence du programme «Science, on tourne» qui va arriver
pour fêter le 25e anniversaire des cégeps cette année, et
on demande que dans l'enseignement collégial l'on puisse
reconnaître d'une façon quelconque, et pour l'étudiant et
pour le professeur, ceux qui s'impliquent dans ces programmes de loisirs
scientifiques.
En page 10, on parie des sciences de la nature et de formation
fondamentale. Je ne pense pas avoir à insister ici beaucoup au niveau
d'une définition de la formation fondamentale. Un des penseurs
québécois dans ce domaine, qui est reconnu, est M. Lussier que
vous avez ici, qui nous a proposé, à un moment donné, des
définitions de la formation fondamentale quand même importantes.
Du moins, on lit ça quelque part dans des écrits. Il parle d'une
formation fondamentale dans la mesure où les objets d'étude sont
bien autre chose que les matières scolaires, etc.
Donc, cette position nous amène à développer neuf
critères qui parlent de formation fondamentale, par exemple: la
consolidation d'une méthodologie du travail intellectuel, le
développement de la pensée et du raisonnement, l'expression de la
créativité, l'acquisition de saines habitudes de vie, la
maîtrise de la communication, l'ouverture aux autres, l'émergence
de perspectives historiques, la croissance et la responsabilité sociale,
l'intégration et la transférabilité des savoirs. Or,
à chacun de ces points-là, on se rend compte que l'enseignement
des sciences peut apporter quelque chose d'extrêmement positif du fait,
premièrement, qu'elles représentent des matières
très exigeantes, donc qui impliquent assez souvent une
méthodologie du travail intellectuel beaucoup mieux assise. Par exemple,
tout ce qui s'appelle rédaction de travaux, recherche en
bibliothèque, gestion du temps, ça devient quelque chose de
très impor- tant. Donc, en 8, que les objectifs en question soient
reconnus, je pense que, d'office, ça l'est pratiquement. (17 h 40)
En page 14, on parle de l'enseignement des sciences de la nature et de
l'approche programme. C'est probablement, au niveau de l'enseignement des
sciences au collégial, le point d'achoppement si on se rend compte que
depuis 10, 12 ans on parle de l'émergence d'un nouveau programme de
sciences de la nature et que vous savez dans quelle sorte de piétinement
on est arrivé au niveau de la dernière année. Il y a des
expérimentations actuellement en cours qui devraient nous apporter des
recommandations substantielles au niveau des prochains mois.
Nous n'avons pas voulu dire - je pense que c'était un panier de
crabes assez évident: II y aura trois cours de maths, trois cours de
physique, trois cours de chimie, etc. Vous comprendrez pourquoi. À
toutes les fois que je pense au programme de sciences de la nature, ça
me fait penser un peu à Socrate à qui on demandait s'il
était pour ou contre le mariage. Et Socrate répondait: De toute
façon, vous allez le regretter. Donc, peu importe la décision
qu'on va prendre, il y aura des gens qui vont dire: Ce n'est pas ça
qu'on veut, que ce soit mathématiques, physique, chimie ou biologie.
Dans la recommandation 9, on dit qu'on devrait examiner cependant
l'approche programme très en profondeur et la comparer à
l'approche réellement disciplinaire. J'ai l'impression actuellement
qu'on est dans les cégeps en chimie, en physique, en biologie, un peu
par comparaison, des joueurs d'instruments de musique. On joue, on pourrait
dire, presque à la perfection chacun de nos instruments, sauf que ce
qu'on nous demande, c'est de nous regrouper pour faire une symphonie. Il va
falloir qu'il y ait un entraînement, il va falloir qu'il y ait quelque
chose de spécial qui se passe.
L'harmonisation des programmes de sciences avec le secondaire est aussi
quelque chose de très important. Compte tenu du fait que ces
dernières années nous avons repensé ces programmes, nous
avons été aussi impliqués dans la pensée de ces
programmes. Dans les pages 15 et 16, nous avons mis un peu l'histoire de
l'enseignement des sciences au niveau secondaire et on dit que, si on endosse
la philosophie du nouveau programme de sciences au niveau secondaire, on
devrait aussi arrimer plus convenablement, tenir compte de ces
programmes-là pour faire les programmes au niveau collégial.
Maintenant, il reste que tout le niveau secondaire, je pense, nous questionne
énormément, ne serait-ce que les 130 des 176 unités que
l'on accepte pour diplô-mer quelqu'un du secondaire. Donc, on pense que
ce n'est évidemment pas assez exigeant. La recommandation 11 nous parle
des préalables en sciences de la nature, c'est-à-dire que, pour
toutes les disciplines de niveau collégial qui
demandent des préalables, bien les préalables
demandés soient pertinents avec la discipline enseignée.
Maintenant, en 5, nous avons parlé de la formation des
enseignants. Nous en avons parlé en nous rendant compte qu'à
l'intérieur de cette formation il y a des problèmes. Nous pensons
que l'enseignant du collégial actuellement est engagé en fonction
strictement de sa formation disciplinaire et qu'il gagnerait
énormément à avoir une formation en didactique. Donc, ce
qu'on amène en 5, c'est qu'étant donné que dans les 10
prochaines années on va changer un nombre très important de
professeurs du collégial, il faudrait peut-être
immédiatement lancer le débat et dire: Dans deux ou trois ans,
à partir de 1995, disons, pour lancer un chiffre, tous ceux qui
viendront enseigner au collégial devraient avoir une formation en
didactique des sciences beaucoup plus structurée que ce qui existe
actuellement. On sait que ça va poser des problèmes au niveau des
universités, parce que ces programmes-là n'existent pas encore,
sauf qu'on se dit que, si l'Université du Québec est là
réellement dans un esprit de formation des maîtres, il faudrait
que quelque chose se structure à ce niveau-là. Donc, la
recommandation 12 et la recommandation 13 sont dans ce sens-là.
On parle aussi de formation continue pour le professeur dans une
discipline quelconque. Et, ici, je pense qu'il est évident que, dans
plusieurs cégeps, nous avons, par exemple, des centres
spécialisés qui pourraient être utilisés beaucoup
plus qu'ils ne le sont actuellement dans un programme de formation continue. On
pense que les centres spécialisés pourraient redonner ou
permettre beaucoup plus qu'ils ne le font actuellement une intégration
avec l'enseignement et non pas simplement avec l'industrie. Donc, la
recommandation 14 nous parle de cette formation continue, tant disciplinaire
que didactique, qui serait articulée autour, bien sûr, de
l'approche programme, de l'interdisciplinarité et du
développement communautaire et régional.
À la page 21, nous avons apporté un item qui s'appelle la
recherche au niveau collégial. Nous pensons que, dans beaucoup de
cégeps, plusieurs professeurs ont une formation suffisante pour
s'intégrer dans des programmes de recherche. Nous pensons
également que nous avons, dans plusieurs de ces cégeps, une
instrumentation très importante qui pourrait être utilisée
dans ces programmes de recherche. Et on constate que, actuellement, ces
programmes de recherche, on tend beaucoup plus à en diminuer
l'accessibilité que l'inverse. Donc, les recommandations 15, 16 et 17
vont dans ce sens, de favoriser la recherche au niveau collégial.
Donc, c'est notre mémoire.
La Présidente (Mme Harel): Très bien. Je vous
remorclo. La parole est maintenant à Mme la ministre.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Peut-être
une clarification en partant, M. Arsenault. Votre association s'appelle
l'Association des professeurs de sciences du Québec.
M. Arsenault (Ghislain): Oui.
Mme Robillard: est-ce que je comprends que votre association
n'inclut que les profs de sciences de la nature ou si vous avez aussi des profs
de sciences humaines et sociales avec vous?
M. Arsenault (Ghislain): C'est la présence de notre ami
Ducharme...
Mme Robillard: M. le psychologue vous aide.
M. Arsenault (Ghislain): Nous avons un intérêt
premier dans les sciences de la nature, sauf que ça ne nous
empêche pas d'aller chercher l'expertise où elle se trouve. Par
exemple, M. Ducharme avait une expertise en recherche, avait une bonne
connaissance de tout ce qui s'appelait recherche au collégial, en
faisant partie, par exemple, de l'ARCQ, et nous avons pensé qu'il
pourrait être valable pour vous de l'entendre.
Mme Robillard: Mais, si je comprends bien, par ailleurs, M.
Arsenault, là, dans votre mémoire, vous vous
référez de façon précise et spécifique aux
sciences de la nature.
M. Arsenault (Ghislain): Oui.
Mme Robillard: Oui, bon. Alors, parlons-en. Parlons-en des
sciences de la nature parce que vous avez, comme professeurs dans les
collèges, la chance, l'énorme chance d'être choisis comme
profil de programme par plusieurs étudiants. Vous l'avez dit
vous-même, plusieurs étudiants entrant au collégial
choisissent ce qu'on dit être «la voie royale», les sciences
de la nature. Donc, vous avez beaucoup d'étudiants, mais la
déperdition est très forte, vous le dites vous-même, quand
on regarde au niveau de la diplomat ion. Il y en a beaucoup qui y vont mais
beaucoup qui en sortent. Et j'ai essayé de voir, dans votre
mémoire, où sont les causes. Quelles sont les causes de
ça? Qu'est-ce qui se passe? Comment se fait-il que vous ne
réussissez pas à les garder avec vous, ces jeunes-là? Et,
si j'aborde la question dans ce sens-là, M. Arsenault, c'est que
j'aimerais ça qu'on se parle des vraies affaires, j'aimerais ça
qu'on se parle de l'enseignement des sciences. J'aimerais ça savoir
votre réflexion sur ce sujet-là. (17 h 50)
Vous n'êtes pas sans savoir présentement que toutes les
études nord-américaines posent ce problème-là de
l'enseignement des sciences en tant que tel. Vous-même, vous faites
référence à
des avis du Conseil supérieur de l'éducation. J'en ai
ressorti un, là, de 1989 sur les sciences de la nature, justement, qui
dit, et là je cite le Conseil supérieur: «Des études
et des enquêtes menées aussi bien à l'étranger
qu'ici même au Canada et au Québec s'accordent à brosser un
tableau plutôt sombre de l'enseignement des sciences de la nature
à l'école. L'enseignement des sciences serait demeuré
fondamentalement dogmatique, serait organisé autour du contenu des
manuels, ferait très souvent fi des réalités sociales et
technologiques contemporaines, serait encore principalement
déterminé par les exigences de l'examen à passer»,
etc.
Je regarde aussi les propos de nos amis des États-Unis, et
sûrement de ceux que vous connaissez, l'American Association for the
Advancement of Science qui nous ont sorti un projet important au niveau des
sciences, qu'ils qualifient de projet 2061. Bon. Une des principales
recommandations qu'ils qualifient de fondamentale, je lis au texte: «A
fundamental premice of that project is that the schools do not need to be asked
to teach more and more content but rather to focus on what is essential to
scientific litteracy and to teach it more effectively.»
N'avons-nous pas un défi proprement pédagogique dans
l'enseignement des sciences au Québec?
M. Arsenault (Ghislain): Évidemment. Disons qu'avant de
passer la parole...
La Présidente (Mme Harel): Vous êtes deux à
vouloir y répondre?
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Harel): D'abord, M. Arsenault... Je
vais vous passer la parole, M. Arsenault. C'est simplement qu'aux fins de notre
transcription des débats il faut se présenter; sinon, on prend
pour acquis que toutes les paroles enregistrées vous seront
attribuées.
M. Arsenault (Ghislain): Donc, il faudrait que je demande aux
autres de bien s'identifier, surtout. Il est évident... Moi, je suis
professeur de sciences, et nous avons depuis plusieurs années... Je me
rappelle, il y a... Je pense que ma première assemblée
pédagogique en enseignement s'est faite dans le bout de l'année
1965, où on parlait de laisser les étudiants apprendre à
apprendre. Je me rappelle le rapport McPherson dans le temps. C'étaient
des rapports qui nous parlaient de pédagogie également,
énormément de pédagogie. Sauf que nous avons aussi,
lorsque nous enseignons, à tenir compte de contraintes.
Par exemple, lorsque l'on parle de l'enseignement des sciences au niveau
collégial, pour les étudiants à qui on s'adresse, nous
avons les meilleurs étudiants du cégep, admettons-le. Nous avons
des étudiants qui sont extrêmement exigeants. Nous avons aussi des
étudiants qui s'en vont aussi par après dans des disciplines
extrêmement contingentées, souvent, et nous avons des
étudiants qui ont à répondre à des contraintes, par
exemple, universitaires plus loin.
Donc, je comprends que l'on dise... Je pense que c'est peut-être
exagéré de dire qu'on étudie pour passer l'examen
seulement, mais je pense qu'en sciences nous avons à assurer un contenu
disciplinaire important. Nous avons à le faire avec une méthode
qui est rigoureuse. Je ne dis pas, cependant, qu'actuellement nous avons toutes
les techniques et toutes les approches pédagogiques nécessaires
et suffisantes pour le faire.
La majorité des professeurs de sciences au collégial,
comme à l'universitaire, sont engagés strictement en vertu de
leurs compétences disciplinaires et non pas pédagogiques. O.K.?
Et, à ce que je sache, ça n'a pas changé, ça,
depuis des années. Donc, on essaie, qu'on le veuille ou non, de
reproduire le modèle que nous avons reçu. Et si nous avons
reçu un modèle, il y a 15 ou 20 ans, qui était rigoureux,
qui était très, très astreint à une méthode
de travail rigide, etc., eh bien, on essaie de continuer.
Mais peut-être que mon ami Janvier aurait d'autres raisons, lui
qui est un spécialiste de la didactique.
La Présidente (Mme Harel): M. Janvier.
M. Janvier (Claude): Mme la ministre, je ne pense pas qu'on
puisse régler la question que vous soulevez, y répondre en 5, 10
minutes. Je pense que vous avez assez bien indiqué... Votre analyse
brève décrivait assez bien la situation. Il y a une part
très importante qui repose sur notre évaluation et sur notre
incapacité de renouveler notre évaluation dans l'enseignement et
dans le monde de l'éducation en général. Et,
inévitablement, cette incapacité de renouveler
l'évaluation ou les procédures d'évaluation fait que nous
enseignons pour une évaluation qui ne teste pas véritablement les
compétences véritables qu'on veut développer. C'est
peut-être un aspect qui n'apparaît pas à l'intérieur
du rapport actuel.
L'autre aspect qu'il m'apparaît important de souligner, c'est que
la majorité des professeurs, que ce soit du secondaire ou du
collégial, n'ont pas pu acquérir dans leur formation des
connaissances plus approfondies que nous connaissons maintenant, depuis
peut-être une quinzaine d'années, depuis après la guerre -
après la guerre! - 1965,1970.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Janvier: On vieillit, ça nous fait vieillir beaucoup,
hein? Depuis une vingtaine d'années, les gens ont tenté
d'analyser le raisonnement
scientifique, comment on développe le raisonnement scientifique,
comment on aide aux jeunes à se donner des méthodes
d'inférence, etc. Alors, évidemment, il y a eu une espèce
de concertation de gens en sciences cognitives, à savoir des
psychologues, des scientifiques, des philosophes des sciences, des historiens
des sciences, qui ont créé toute une science qu'on appelle
maintenant la didactique des sciences, qui a travaillé beaucoup jusqu'au
secondaire et qui commence à travailler au collégial. En France
et dans certaines régions d'Angleterre, on applique déjà
à la formation des enseignants cette didactique des sciences. On essaie
d'expliciter aux enseignants comment organiser la classe pour susciter le
développement du raisonnement scientifique, par exemple. Et ça
dépasse passablement, uniquement, vous savez, l'exposition dogmatique de
ce qu'est la science, d'une certaine manière. Vous savez sans doute que
la science ne constitue qu'un ensemble de modèles qu'il faut
s'approprier, se donner, pour expliquer la réalité. Souvent, les
professeurs ont tendance à exposer le modèle officiel d'une
science toujours en transformation. Donc, cet enseignement fondé sur le
développement par les élèves des modèles, c'est
encore tout un monde que notre monde de l'éducation ignore.
Je ne veux pas prendre la parole trop longtemps là-dessus, mais
je pense qu'une des propositions essentielles de l'APSQ, et c'est
là-dessus qu'on m'a demandé de m'associer à ses travaux,
c'est tout ce qui concerne la formation des enseignants. Je pense que la
proposition la plus intéressante, vous allez probablement en parler avec
mon collègue de Saint-Jérôme, je pense qu'un des aspects
les plus importants des recommandations qui sont faites, c'est de se dire la
chose suivante: que l'éducation des cégeps ne sera pas
transformée par des modifications de programmes, par des modifications
de structures, mais uniquement lorsque les professeurs seront mieux
formés, lorsque les professeurs seront perfectionnés, lorsqu'on
va s'assurer que les enseignants, qui sont à tous les niveaux de
mathématiques, de psychologie, de philosophie, seront mieux à
même de reconnaître le statut professionnel du rôle d'un
enseignant des sciences au collégial.
Évidemment, au fil des années - on peut en parler,
d'ailleurs, mon collègue peut vous en parler - il y a eu une
sclérose, il y a eu un «ankylosement» à
l'intérieur de l'enseignement et, quand on parle
d'«ankylosement», c'est la vie intellectuelle des cégeps, la
vie intellectuelle disciplinaire dans les cégeps. Et on n'accuse
personne. C'est parce que les enseignants du niveau collégial ne sont
pas sollicités intellectuellement et ne sont pas sollicités
à se renouveler. Il est impossible, à l'intérieur d'une
structure d'enseignement, si on ne se renouvelle pas, de faire en sorte que ces
structures se renouvellent. On peut tout modifier et, dans 10 ans, tout
recommencer, si on ne s'occupe des enseignants pour dans 10 ans. Ce sont les
enseignants qui vont nous donner un bon système d'enseignement
collégial au Québec.
Mme Robillard: Je suis heureuse de constater qu'il y a une
réflexion au sein de l'Association. J'aurais aimé ça, M.
Arsenault, avoir des recommandations sur l'enseignement des sciences en tant
que tel. Vous comprendrez bien que j'ai de la difficulté avec votre
mémoire, en partant de la première recommandation même,
quand vous me recommandez d'augmenter le temps alloué à
l'enseignement des sciences dans le programme actuel des sciences de la nature.
(18 heures)
Comme ministre de l'Enseignement supérieur, moi, j'ai bien de la
difficulté à penser qu'on va encore augmenter la quantité
des sciences, même dans le programme des sciences de la nature, surtout
quand je vois l'opinion qui est donnée. Vous-même, vous dites que
nos contenus sont semblables à ce qui se passe chez nos collègues
nord-américains. Très bientôt, ici, au sein de cette
commission, nous allons entendre l'université McGill qui va venir nous
faire part de son témoignage. Peut-être que vous n'avez pas lu ce
mémoire-là, mais je vais vous citer une phrase de McGill qui va
nous dire: «Nous tenons à préciser dès le
début qu'au sein des départements de sciences pures et
appliquées à McGill on est généralement satisfaits
de la formation scientifique que les étudiants reçoivent au
cégep. Si l'on prend les études collégiales cours par
cours, on peut affirmer que les étudiants des cégeps suivent un
plus grand nombre de cours de sciences fondamentales que n'en suivent leurs
homologues de l'extérieur du Québec au cours de leur
première année à l'université. On est, en revanche,
beaucoup moins satisfaits du niveau d'instruction des étudiants du
cégep en sciences humaines et sociales.» Alors, vous comprenez
bien qu'avec une telle affirmation, moi, je ne suis pas capable de vivre avec
votre première recommandation. Je me l'explique mal.
M. Arsenault (Ghislaln): Disons que la première
recommandation dit qu'on augmente. On serait assez malvenus de demander une
diminution, mais qu'au moins on considère comme étant un minimum
ce qui existe, parce que, d'après nos contacts à travers les
États-Unis et à travers plusieurs autres pays, on se rend compte
qu'on a à peu près 20 % de moins d'heures allouées en
sciences avant le niveau que l'on occupe. C'est ce qui a été
rapporté par le colloque d'Ahuntsic l'année dernière.
Mme Robillard: Alors, comment ça se fait, M. Arsenault,
que vous me dites, à la page 4 de votre mémoire, que nos
finissants «sont admissibles dans la quasi-totalité des
facultés de
sciences des universités nord-américaines»?
M. Arsenault (Ghislain): Pourquoi je vous le dis? Parce que c'est
vrai.
Mme Robillard: Alors, où est le problème?
M. Arsenault (Ghislain): Nous avons une excellente formation.
Donc, si on demeure comme ça en termes d'heures de cours
allouées, je pense que c'est un minimum qui est acceptable. C'est ce
qu'on dit.
Mme Robillard: Non, vous allez plus loin, vous voulez augmenter
la quantité. Moi, ce que je vous dis, c'est que je suis très
réfractaire à ça étant donné que je vois ce
témoignage-là des universitaires et que c'est à
l'échelle nord-américaine. En plus, j'aimerais peut-être
qu'on améliore l'enseignement des sciences pour garder les jeunes dans
ces cours-là.
M. Arsenault (Ghislain): Denise, si tu veux.
Mme Provençal (Denise): Oui. Denise Provençal, du
cégep de Sorel-Tracy. Mme la ministre, je suis d'accord avec vous que,
effectivement, nos élèves sont, en termes de niveau - ceux qui
sont acceptés, n'est-ce pas - considérés comme
étant de niveau équivalent ou, en tout cas, compétitif.
Mais, vous le disiez vous-même tantôt, on a une très grande
déperdition des étudiants. Et je pense que la première
recommandation vient un peu dans le sens qu'on sait qu'en Ontario les jeunes,
tout au moins pour la première année du cégep,
c'est-à-dire leur 13e année, ont plus d'heures de cours que les
nôtres. On demande du temps, non pas pour ajouter de la matière,
mais pour permettre aux jeunes d'avoir le temps d'acquérir ce qu'on veut
leur donner, ce qui est différent. Il ne faut pas l'interpréter
dans le sens où on veut plus d'heures de cours dans la grille de
concentration. Ce n'est pas ça, là. On veut plus de temps
alloué à l'étude et, en particulier, évidemment,
à l'étude des sciences. On ne dit pas, ici, qu'on voudrait avoir
plus d'espace ou plus de cours de sciences dans la grille. On demande plus de
temps alloué à l'apprentissage. Je pense que c'est une
distinction.
Par exemple, je sais qu'il est question qu'on allonge l'année
scolaire. Bien, qu'on l'allonge, je veux dire, ça donnera plus de temps.
Nous autres, notre idée, ici, ce n'était pas de vous dire quoi
faire. On se disait simplement: Une recommandation, c'est: Faites en sorte
qu'il y ait plus de temps alloué à l'apprentissage. S'il faut
pour ça allonger la session... En termes de nombre de jours
d'école, si vous prenez ceux qui sont en Ontario, en 13e année,
ils font 180 jours d'école alors qu'ici, au cégep, ils font entre
150 et 164 jours d'école. Il manque du temps. En termes d'objectifs,
c'est sûr que ceux qui passent obtiennent le même niveau, mais ce
n'est pas tout le monde, vous le disiez vous-même tantôt. Il y a
une grande déperdition parce qu'ils n'ont pas tous le temps. Ça
prend énormément de temps; en tout cas, pas
énormément, pardon, ça prend beaucoup de temps pour
acquérir la méthode scientifique et la rigueur auxquelles les
étudiants ne sont pas habitués dans les différents cours.
Quand on leur demande d'être rigoureux dans le raisonnement scientifique,
ça leur demande du temps. Alors, à ce niveau-là,
ça, c'était un élément sur l'explication de la
première recommandation.
Vous parliez tantôt de l'enseignement des sciences, l'enseignement
fait défaut. Bien, je pense que vous avez la preuve que c'est pour nous
une préoccupation avec les recommandations 10, 12 et 13 sur les besoins
de formation en didactique des sciences. Je pense qu'on le reconnaît
à ce niveau-là et on dit: Assurons une formation en didactique
des sciences aux enseignants. Ça devrait être une bonne
façon d'améliorer l'enseignement des sciences.
Il ne faut pas oublier également, dans les facteurs de
déperdition de la clientèle, que, avant, les étudiants qui
arrivaient avec une formation scientifique étaient quand même
minoritaires. Il faut bien reconnaître que de plus en plus on enseigne
à un grand nombre d'étudiants. On veut qu'une plus grande masse
d'étudiants aient une formation scientifique et ce n'est pas tous qui
ont, du premier coup, les facilités ou l'habileté à
acquérir une formation scientifique. Ça prend donc, encore une
fois, plus de temps.
Egalement, pour les enseignants, il faut remarquer que, comme disait M.
Janvier tantôt, en termes d'évolution, les volumes qu'on utilise
sont à peu près les mêmes qu'il y a 15 ans. Pour prendre un
exemple, étant donné que j'enseigne la physique, on parle de
particules élémentaires, on parle encore nous, dans nos cours,
dans les volumes qu'on utilise, du proton, de l'électron et du neutron.
Il n'est jamais mention, à quelque part là-dedans, des quarks ou
des particules subélémentaires qui existent actuellement. Alors,
je pense que, aussi, au niveau des volumes et du matériel disponible, de
plus en plus, on a tendance... Peut-être depuis deux, trois ans, il
commence à y avoir des volumes qui sont faits par les gens des
cégeps, et je pense qu'à ce niveau-là c'est un
élément positif. Il y a les prix de la ministre qui soulignent
chaque année des oeuvres pédagogiques qui sont sorties des
cégeps et, au niveau des sciences, il y en a de plus en plus qui
commencent à sortir. Je pense que c'est un domaine qu'on devrait de plus
en plus encourager à ce niveau-là.
La Présidente (Mme Harel): Mme Provençal, je vous
remercie. La parole est maintenant à Mme la députée de
Terrebonne, qui agira comme porte-parole de l'Opposition, et nous
reviendrons
pour la conclusion à Mme la ministre. Alors, Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Mon collègue,
le député d'Abitibi-Ouest, porte-parole de l'Opposition
officielle en matière d'éducation, a dû quitter avec
beaucoup de regret, mais soyez assurés qu'il a pris connaissance de
votre mémoire et que je lui ferai part de nos échanges ce
soir.
La principale qualité de votre mémoire, je pense, c'est
d'avoir une vision extrêmement réaliste, et je pense que ce
n'était pas facile de le faire. Qu'une association de professeurs de
sciences reconnus pour la rigueur de l'enseignement, dans son propre
mémoire, donc n'attendant pas des jugements extérieurs, nous dise
clairement: L'Association des professeurs de sciences du Québec
«déplore la situation des anciens et des futurs enseignants de
sciences et suggère des dispositifs assurant la formation des
maîtres en sciences de la nature pour le collégial»; que
dans le mémoire plus complet vous nous disiez: L'Association est
consciente d'un réexamen complet de la question de la formation des
maîtres en sciences de la nature au collégial; que vous
considériez également que les nouveaux enseignants de sciences
devront disposer d'une formation initiale comprenant les deux volets, formation
disciplinaire et initiation à la didactique, et vous nous confirmez
qu'il n'y en a pas actuellement, qu'aucune université
québécoise ne l'offre, je pense que c'est de la bonne
évaluation. Que des professionnels soient capables de porter cette
évaluation-là, je vous avoue que c'est très rare qu'on
puisse rencontrer des groupes qui vont avouer clairement les lacunes du
système actuel et, pour moi, c'est le premier gage de vouloir des
changements. Et ça, je pense que c'est important.
Vous parliez de formation continue et dans cette formation continue vous
nous disiez, bon, que ce serait important, mais je pense que ce serait
même essentiel, puisque, comme vous en faisiez part tantôt, Mme
Provençal, au niveau du matériel, au niveau des changements,
finalement, qui se font d'une manière quand même très
rapide au niveau des sciences, il faut que la formation, elle aussi, suive.
Est-ce que vous pouvez nous expliquer, avec le réalisme que vous avez,
comment il se fait que des changements majeurs n'aient pas été
apportés au cours des dernières années dans votre domaine,
puisque vous êtes bien conscients de ces
réalités-là?
M. Arsenault (Ghislain): Vous parlez au niveau des
programmes?
Mme Caron: Au niveau de la formation des maîtres et au
niveau des changements qu'il y avait à apporter, tant au niveau
pédagogique qu'au niveau du matériel. (18 h 10)
M. Arsenautt (Ghislain): D'abord, une façon scientifique
que j'aurais de vous répondre serait par la bonne vieille loi de
l'inertie qui veut que tout corps en mouvement ou à l'état de
repos tend à conserver son état de mouvement ou de repos à
moins qu'une force lui fasse changer son état de repos ou de
mouvement.
Mme Caron: Ha, ha, ha!
M. Arsenault (Ghislain): Et il n'y a pas eu cette force-là
très fortement structurée au niveau des cégeps; il y a eu
cependant certains programmes comme PERFORMA qui ne parlent pas tellement, par
exemple, de didactique en sciences. Il y a eu aussi des gens qui ont eu cette
envie-là d'aller plus loin, de participer, par exemple, à des
colloques, à des échanges. Mais de structurer, de forcer, un peu
comme on le fait au secondaire, ça n'a pas eu lieu. Or, les gens ont
laissé faire.
À un moment donné, il y a eu aussi cette bonne vieille
tendance à penser que l'enseignement, c'est un art et une science, et,
quand tu as l'art d'enseigner, de présenter et de captiver un auditoire,
le travail est fart. Maintenant, il faut peut-être se comprendre aussi en
disant qu'il y a pas mal de gens en art qui pourraient vous dire que l'art,
ça s'enseigne aussi. On en est rendus à ça.
Donc, 25 ans après, il faut comprendre que la
préoccupation qu'on devrait avoir parce qu'on en arrive avec des gens
qui vont... La relève s'en vient au niveau collégial. Si, dans le
système actuel, on n'oblige pas d'une façon quelconque, lors de
l'engagement, un professeur à se doter de cette ressource-là de
pédagogie ou de didactique, le système actuel fait qu'il n'ira
pas parce qu'on est pris, à un moment donné, avec tout un paquet
de normes et ça prend, à un moment donné, des
années avant que tout ça débloque. Donc, on se dit
favorables au fait de dire au prochain professeur de sciences: Tu vas avoir
à te présenter au cégep avec une formation initiale en
didactique.
Mme Caron: Je pense que c'est extrêmement important,
d'autant plus que la plupart des personnes qui sont venues nous
présenter des mémoires nous ont dit à quel point
c'était important, le domaine des sciences et des technologies. Alors,
si au niveau de la formation on ne remédie pas aux lacunes que vous avez
soulevées, on risque d'avoir de sérieux problèmes.
Concernant votre recommandation 1, vous avez bien
déterminé - je pense que c'était assez clair dans votre
mémoire, pages 3 et 4 - que, finalement, vous manquiez d'heures pour
votre contenu, parce que vous avez le même contenu d'enseignement et vous
devez le faire dans un nombre d'heures inférieur. Pour vous, compte tenu
de cette matière que vous avez à enseigner,
ce serait quoi, le temps alloué qui devrait être
ajouté?
M. Arsenault (Ghislain): Moi, je pense qu'on devrait
considérer actuellement les 900 heures de formation comme étant
un minimum. Maintenant, à l'intérieur de ces 900 heures de
formation, on pourrait - et là c'est peut-être une
hypothèse de travail qu'il faudrait aussi envisager - si on utilisait
ces 900 heures de formation convenablement, assurer tout individu qui sortirait
des sciences de la nature d'une solide culture scientifique.
Mme Caron: Qu'est-ce que vous voulez dire par convenablement?
M. Arsenault (Ghislain): Je veux dire par là que, dans les
programmes... Et là je m'embarque dans un panier de crabes, compte tenu
des expérimentations actuelles. Prenez, par exemple, quels sont les
besoins de la société de demain en sciences? Quels sont les
défis? Avec quelles sortes de contraintes aurons-nous à vivre?
Vous voyez, par exemple, que tout le domaine de la biologie, de la
génétique, de l'environnement, ce sont des points
extrêmement importants. Or, on se rend bien compte que dans beaucoup de
cas la formation en biologie est le plus strict minimum, un cours. On voit
aussi, dans les domaines de la chimie organique - j'en parie parce que
j'enseigne la chimie - tout le débat de la chimie organique
actuellement. Je pense que vous avez reçu, Mme la ministre, suffisamment
de lettres d'à peu près toute une série d'intervenants qui
vous disent qu'il y a 5 000 000 de composés organiques et qu'on y
baigne, on en mange, on s'en habille, on s'en nourrit, et que faire en sorte
qu'un ingénieur se retrouve sur le marché du travail, avec toutes
les contraintes d'un ingénieur actuel, sans avoir aucune notion de
chimie organique, ça laisse un trou de formation important.
Donc, à l'intérieur de la grille de sciences de la nature
actuelle, plus on va préciser: Voici, par exemple, tu vas prendre un
cours de chimie organique, dans les 12 cours en question, bien, on diminue la
possibilité qu'a un individu d'aller chercher une formation
peut-être plus pointue à ses besoins, par exemple, à
l'université. Donc, c'est tout ça qu'il faut envisager à
l'intérieur d'un cours de sciences. Vous avez aussi tous les domaines de
l'éthique, de la morale, de l'histoire des sciences actuellement qui
nous arrivent par le travers - excusez-moi si j'emploie toujours des termes de
navigation - et qui font en sorte d'interroger toute la société
dans laquelle on vit.
C'est pour ça que non simplement on voudrait que
l'étudiant des sciences de la nature ait accès à cette
formation-là, à cette interrogation-là, à cette
réflexion-là, mais on voudrait aussi que tout individu qui passe
par le collégial ait au moins cette possibilité-là de
venir parti- ciper à cette réflexion-là. On pense que
c'est très important. Prenez simplement la saga des BPC il y a deux
ans.
Une voix: Trois ans.
M. Arsenault (Ghislain): Selon le point de vue qu'on avait, vous
avez vu toute la panique, à un moment donné. Alors, le gros
problème des BPC, c'est plutôt un problème de
stabilité, c'est beaucoup trop stable. Donc, à un moment
donné, on était un peu comme assis sur une bombe, puis on s'est
même promené en bateau avec. Ce n'est pas...
Mme Caron: On va revenir ici, il faut que
j'accélère un petit peu parce que je veux aussi laisser ma
collègue poser quelques questions. Votre recommandation 11 touche les
prérequis, et vous faites mention qu'il faudrait qu'on exige que les
préalables dont on a effectivement besoin... Comparé à la
situation actuelle, qu'est-ce que vous voulez vraiment nous dire?
M. Arsenault (Ghislain): Je vais laisser mon ami Guy
répondre à cette question.
M. La pointe (Guy): Guy Lapointe. Face aux préalables, ce
qui se présente en ce moment, c'est qu'on a modifié les
programmes, comme vous le savez, au secondaire. Au niveau collégial, on
a fait l'exercice de restituer un peu les préalables en
mathématiques et, en sciences, l'exercice a été fait,
mais, en tout cas, je me demande un peu de quelle façon, et je vous cite
deux exemples. Je prends techniques diététiques où, avant
les nouveaux programmes, on demandait un cours de chimie 444 ou 464,
c'est-à-dire un cours de chimie de secondaire IV. Dans les nouveaux
préalables, alors que les modifications de programmes sont
arrivées, on demande maintenant un cours de chimie 534.
Évidemment, au niveau secondaire, ceci pose un problème parce
que, dans la structure, évidemment, du secondaire, bien souvent un
élève qui doit prendre un cours de chimie 534, ça implique
aussi des mathématiques, évidemment enrichies, 536, etc. Donc,
c'est un exemple. Il y a aussi en techniques de thanatologie où on
demandait la chimie 4 et, maintenant, on demande la chimie 5. À ce
niveau-là, je ne sais pas comment a été fait l'exercice,
mais je pense que ce serait important, compte tenu de l'esprit des nouveaux
programmes du secondaire qui ont été faits quand même pour
inciter les jeunes à aller vers les techniques. En tout cas, on voulait
intéresser les jeunes d'abord aux sciences et leur donner le goût
de continuer vers les techniques. Alors, là, en tout cas, on vit une
situation qui nous semble un peu ambiguë ou pas claire.
Mme Caron: Donc, l'exercice devrait être refait.
M. Lapointe: Bien, disons que ce serait à souhaiter. (18 h
20)
Mme Caron: Vous avez aussi les recommandations 5 et 6 qui
touchent au développement du loisir scientifique, les activités
scientifiques parascolaires dans les collèges, aussi du temps
prévu dans la tâche des enseignants, des budgets alloués
pour l'organisation de clubs de sciences, et tout ça. Au niveau
collégial, est-ce que ce n'est pas un peu tard pour motiver les
étudiants du collégial? Est-ce que toutes ces actions ne
devraient pas se retrouver surtout au niveau secondaire pour intéresser
les étudiants à se retrouver dans votre secteur au
collégial?
M. Arsenault (Ghislain): Nous avons mis cette recommandation de
loisir scientifique pour surtout un point. Le loisir scientifique, tel que nous
l'entendons, et nous avons vécu cette année... Par exemple, nous
avons lancé le concours «Science, on tourne», cette
année, avec la Fédération des cégeps, je ne sais
pas si vous êtes au courant. Le projet avait pour effet de faire un
véhicule qui était mû à l'aide d'une trappe à
rats, une grosse trappe à souris, et qui devait fonctionner 15
mètres en ligne droite à l'intérieur d'un corridor d'un
mètre et arrêter le plus près possible d'une ligne
située à 15 mètres. Et on s'est rendu compte, à un
moment donné, de tout l'effort d'ingéniosité, de
créativité qu'il y avait à l'intérieur d'un tel
projet, de calculs scientifiques aussi. Donc, le loisir scientifique, ça
devient, à un moment donné, une façon d'intégrer
tout un ensemble de matières. Ça peut devenir, comme les
expo-sciences le font au niveau secondaire, un ensemble de problèmes
à régler. Prenez simplement la présentation, l'explication
scientifique des phénomènes, etc., vous avez là-dedans un
ensemble, tout un processus de formation scientifique qui est très
important.
Maintenant, au niveau collégial, il n'y a que très peu de
clubs de sciences. Je pense que nous devrions améliorer ça de
façon substantielle. Et le concours «Science, on tourne» est
un peu dans ce but-là, d'améliorer ou de développer des
clubs de sciences au niveau collégial. Mais je pense que, dans une
perspective d'intégration des différentes matières,
ça devient très important.
Mme Caron: En fait, ça diminuerait peut-être aussi
le nombre de décrocheurs du côté des sciences. Je laisse
dès maintenant le temps qu'il nous reste à ma
collègue.
La Présidente (Mme Harel): Voilà. Alors, j'invite
donc Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière à
échanger avec vous.
Mme Carrier-Perreault: Merci, Mme la Présidente. Vous
savez, depuis le début de la commission, on entend beaucoup parler de
l'approche programme. Vous en faites état dans votre mémoire et,
même si c'est un panier de crabes à certains niveaux, vous allez
me permettre d'y revenir. Vous êtes très franc dans votre
mémoire. Vous nous dites, à la page 14, que ça fait
déjà «plus de 10 ans que le programme de sciences de la
nature est en révision et les principaux intervenants n'arrivent
toujours pas à s'entendre sur les modalités de mise en
application d'une telle approche programme». Vous nous dites que vous
continuez quand même à préconiser cette approche-là
et que, pour ce faire, on devra nécessairement respecter les
spécialisations disciplinaires. J'aimerais ça savoir comment
ça va être possible de s'organiser dans ce domaine, en tout cas,
dans cette approche-là. Vous nous faites état aussi
d'expériences-pilotes qui sont actuellement en cours. Alors, j'aimerais
ça vous entendre dans ce domaine-là en particulier.
M. Arsenault (Ghislain): À votre première question,
je pense que, si je savais comment, je serais pas mal plus populaire que je le
suis et peut-être même internationalement parlant, parce que le
problème de l'approche programme est un problème qui n'existe pas
simplement ici au Québec. C'est un problème qui est majeur un peu
partout dans l'enseignement des sciences.
Pourquoi est-ce qu'on en est arrivé là? Il peut y avoir
plusieurs raisons. À un moment donné, vous avez des
départements qui sont très forts, en physique, en chimie, en
mathématiques et, pour chacun de ces départements et pour chacune
de ces coordinations et toujours en alléguant le bien de
l'élève, on ne voit pas pourquoi on donnerait, par exemple, moins
de cinq cours en mathématiques, ou moins de quatre cours en chimie, ou
moins de cinq cours en physique. C'est toujours pour le bien de
l'élève.
Or, on a laissé, avec les années, la situation aller, en
espérant peut-être qu'on en arriverait à une
décision par je ne sais pas trop quel moyen. Sauf qu'on en est
arrivé, à un moment donné, à des coordinations qui
se sont braquées les unes contre les autres. Le cours de plus que l'on
donnait en mathématiques était, par le fait même, un cours
de moins qu'on donnait en biologie - donc, biologie, ça reculait - et le
cours qu'on donnait de plus en chimie, c'était peut-être un cours
de moins qu'on donnait en physique.
Donc, on en arrive à une situation où, moi, je pense que
la seule façon d'en sortir va être - je ne le sais pas, moi -
d'ouvrir le régime collégial et de dire: Voici, on va prendre un
cours complémentaire, on va régler le problème, on va
ajouter un cours de sciences. Il n'y a pas beaucoup de personnes qui savent
comment on va sortir réellement de cette approche-là. Mais je
pense que l'approche programme, aussi, a été
présentée à un certain niveau, à une certaine
période de temps, un peu comme si une discipline
devenait une discipline de service par rapport à une autre. Et,
si les intervenants - je dis bien «si» - n'étaient pas trop
forts en didactique des sciences ou n'avaient pas une approche globale de
toutes les sciences, physique, chimie, biologie, ils n'ont peut-être pas
vu le point de vue positif de cette approche-là comme ils auraient
dû le voir.
La Présidente (Mme Harel): alors, je vous remercie, m.
arsenault. le temps est écoulé. j'inviterais maintenant mme la
ministre à conclure.
Mme Robillard: M. Arsenault, je tiens à vous remercier
pour l'apport que vous avez fait au sein de cette commission-là, et j'ai
été heureuse de découvrir qu'au sein de l'Association il y
a une réflexion plus approfondie qui se fait sur l'enseignement des
sciences en tant que tel. Je voudrais souligner aussi comment j'apprécie
le fait que vous vous impliquiez beaucoup au niveau du développement de
la culture scientifique et technique chez nos jeunes, et ça, je sais que
c'est en dehors de la formation officielle que vous faites dans les salles de
cours, que ce soit dans les expos-sciences ou, vous savez, tous les mouvements
qu'on a au Québec. Je sais que les profs de sciences sont toujours
impliqués et sont près de nos jeunes, et je pense qu'on a besoin
que vous soyez là. Alors, merci d'être venus à la
commission.
M. Arsenault (Ghislain): Merci bien.
La Présidente (Mme Harel): Alors, je vous remercie. La
commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 28)
(Reprise à 20 h 4)
La Présidente (Mme Hovington): la commission va continuer
ses travaux en recevant l'association des cadres scolaires du québec,
représentée par m. paul labrecque, président.
Association des cadres scolaires du Québec
(ACSQ)
M. Labrecque (Paul): Oui, madame.
La Présidente (Mme Hovington): Bonsoir, M. Labrecque.
Voulez-vous nous présenter les gens qui vous accompagnent?
M. Labrecque: Je vous présente, madame, à ma
droite, M. Vincent Tanguay. M. Tanguay est directeur des services
éducatifs à la commission scolaire des Découvreurs, membre
de notre association.
La Présidente (Mme Hovington): Bonsoir.
M. Labrecque: à l'extrême droite, m. yvan ouellet,
qui est coordonnateur des services d'éducation des adultes et de la
formation professionnelle à la commission scolaire de
saint-eustache.
M. Ouellet (Yvan): Bonsoir, Mme la Présidente.
M. Labrecque: À ma gauche, M. Jean-Jacques Drolet, qui est
coordonnateur au service de la formation professionnelle des jeunes et des
adultes à la commission scolaire Chomedey de Laval.
La Présidente (Mme Hovington): Bonsoir. Alors, bienvenue
à la commission de l'éducation. M. Labrecque, vous avez 20
minutes pour nous présenter votre mémoire. Allez-y.
M. Labrecque: Merci, madame. Mme la Présidente, avant de
vous présenter notre point de vue, permettez-moi de féliciter Mme
Robillard pour sa nomination à titre de ministre de l'Éducation.
Je veux l'assurer de toute notre collaboration. Madame.
L'Association des cadres scolaires du Québec regroupe l'ensemble
des administrateurs scolaires spécialisés dans 16 domaines
différents de la gestion, oeuvrant dans les commissions scolaires du
Québec à titre de cadres des services et de gérance.
Depuis 20 ans, notre regroupement s'emploie activement à collaborer avec
les ministères concernés en vue du développement
ordonné du système d'éducation. Notre propos ne portera
donc pas sur des aspects qui concernent la vie interne du réseau
collégial. Nous nous sommes sentis interpellés par les travaux de
la commission à titre de responsables, dans le système
éducatif québécois, de la formation de base et
professionnelle des jeunes et des adultes. Nous partageons cette
responsabilité avec l'ordre collégial, niveau d'enseignement
charnière entre l'ordre secondaire et universitaire.
Notre intervention se situe, en conséquence, sous le thème
de l'harmonisation et de la continuité. Nous espérons que notre
contribution vous permettra de mieux saisir les difficultés que posent
l'harmonisation interordres et la nécessité d'assurer une
meilleure continuité dans l'ensemble de notre système
d'éducation.
Notre document a été préparé par une
équipe multidisciplinaire formée de cadres scolaires en
provenance de toutes les régions du Québec et a reçu
l'approbation unanime de notre conseil général qui regroupe une
centaine d'officiers. Nous nous sommes imposés trois critères
d'analyse que nous désirons partager avec la commission.
Le premier critère, les clientèles. Les
clientèles de notre système d'éducation sont
multiples. Ce sont les jeunes en formation initiale qui veulent se garantir la
meilleure insertion possible dans la société
québécoise. Ce sont également les adultes
confrontés aux nouvelles exigences culturelles et technologiques de
notre société en mutation. Ce sont les organisations et, en
particulier, les entreprises qui doivent compter sur des moyens efficaces
d'adaptation et de développement de la main-d'oeuvre pour s'ajuster aux
défis que leur pose la restructuration de l'économie
québécoise et mondiale. Ce sont les régions du
Québec qui interpellent également le système
d'éducation comme partenaire essentiel de leur développement et
de leur dynamisme.
Notre système d'éducation répond-il aux besoins
actuels et futurs de toutes ces clientèles? Est-ce que l'existence de
trois ordres d'enseignement facilite la continuité des programmes en
évitant les dédoublements des missions et la redondance des
contenus? Est-ce que la division de la formation professionnelle entre le
niveau secondaire et le niveau collégial assure l'efficacité pour
toutes ces clientèles? Le jeune n'est-il pas amené à
procéder à des choix d'orientation professionnelle
précoces qui lui font perdre temps, motivation et qui
l'insécurise, lui et ses parents? L'adulte n'éprouve-t-il pas des
difficultés à identifier le meilleur lieu pour réaliser
ses projets de formation et de perfectionnement professionnel? L'entreprise,
individuellement ou sectoriellement, fait face à une
réalité de production de biens et services et à une
organisation du travail qui ne se divise pas par ordre d'enseignement.
N'est-elle pas obligée de vivre inutilement deux fois l'essentielle
concertation avec les milieux d'éducation pour assurer une
adéquation en matière de formation professionnelle initiale ou
continue? Les régions profitent-elles de la situation actuelle de la
formation professionnelle plus souvent caractérisée par la
concurrence entre les ordres d'enseignement que par la concertation ou
l'harmonisation?
Le deuxième critère de notre analyse: les coûts de
système. Contrairement aux 25 dernières années, nous
entrons dans une période de croissance modérée.
L'État québécois est confronté à de fortes
pressions budgétaires; compte tenu de ses moyens, il est tenté de
résister à celles-ci. Pourtant, les besoins de notre
société en matière d'éducation n'iront pas en
décroissant. Les défis des 20 prochaines années commandent
de continuer à investir dans nos ressources humaines. L'articulation
actuelle de notre système d'éducation offre-telle le maximum de
rendement? Y a-t-il des coûts de système inutiles ou improductifs?
La quantité phénoménale de jeunes qui modifient leur
orientation professionnelle et qui changent de programme, prolongeant d'autant
leur période de formation, ne coûte-t-elle pas trop cher à
l'État? Les énergies, le temps et les ressources
consacrées à se demander si tel programme est de l'ordre
secondaire ou collégial ne sont-ils pas improductifs? La duplication de
l'offre de services par les deux ordres d'enseignement, quand ce n'est pas
trois, est-elle rentable en région?
Troisième critère de notre analyse: la
compétitivité du Québec. Le Québec a
commencé à subir d'importantes mutations de l'organisation du
travail. Le Conseil du patronat affirmait en 1991, en parlant de la formation
professionnelle, et je cite: «Les travailleurs de demain devront
s'adapter et se préparer à évoluer au sein de cultures
d'entreprises qui seront passées du paternalisme et de la bureaucratie
à l'innovation et à l'adaptabilité, et où des
valeurs comme la qualité totale, l'excellence, l'innovation, la
polyvalence, la valeur ajoutée, la communication et la mobilité
seront largement partagées.» Dans un tel contexte qui concerne
tous les travailleurs de l'entreprise, autant les procédés de
fabrication que les processus de gestion sont touchés par l'implantation
de nouvelles technologies. Ceci entraîne des changements profonds dans
l'organisation interne de l'entreprise. (20 h 10)
La structure de notre système d'éducation, en particulier
en formation professionnelle, fa-vorise-t-elle ces mutations? La
mobilité, l'adaptation, l'enrichissement professionnels des individus
dans l'entreprise sont-ils facilités par une division de la formation
professionnelle par ordre d'enseignement? Les travailleurs
spécialisés d'aujourd'hui ne sont-ils pas les techniciens et les
technologues de demain? Ces trois critères ont encadré notre
démarche et vous les découvrirez en toile de fond dans divers
éléments que nous aborderons devant vous. Parfois, c'est la
préoccupation de la clientèle qui a soutenu notre
réflexion; parfois celle du coût de système; parfois la
compétitivité de la main-d'oeuvre du Québec et, ailleurs,
vous sentirez la préoccupation simultanée de plus d'un
critère.
Après 25 ans, la réalité des différentes
clientèles de notre système d'éducation a changé,
comme la capacité financière de l'État
québécois. Après 25 ans, les défis que doit relever
le Québec pour son développement économique s'inscrivent
dans un contexte mondial transformé. Certains disent: Après 25
ans, le moment est venu de renouveler l'enseignement collégial. L'ordre
collégial étant situé à la charnière des
ordres secondaire et universitaire, nous invitons la commission à se
poser plutôt la question: Après 25 ans, le moment n'est-il pas
venu de renouveler la structure de notre système d'éducation?
Première partie: des constats et des ambiguïtés
à lever. Lorsque nous consultons les documents qui décrivent la
mission des collèges, nous découvrons plusieurs
ambiguïtés. Il en est ainsi de la mission telle qu'elle a
été présentée par le Conseil des collèges
dans son rapport 1992
sur l'état des besoins de l'enseignement collégial
intitulé «L'enseignement collégial: des priorités
pour un renouveau de la formation».
La mission de formation fondamentale est, pour nous, source
d'ambiguïté. Cette notion a connu, au Québec, une diffusion
importante dans certains milieux de l'éducation au cours de la
dernière décennie. Dans le même rapport, le Conseil des
collèges définit une formation collégiale de
qualité comme essentiellement une formation pertinente, large et
ouverte, fondamentale, exigeante et reconnue. Si tout le monde s'entend pour y
voir les caractéristiques d'une formation de qualité, quel que
soit le niveau, le Conseil place la formation fondamentale dans un cadre
particulier, en affirmant que la formation fondamentale doit constituer une
ligne maltresse de l'enseignement collégial et que, dans l'ensemble du
système de l'éducation, le collège est bien placé
pour assumer une telle mission.
Or, il nous semble que la définition de la formation fondamentale
exprimée par le Conseil des collèges place celle-ci au coeur de
la mission de tous les ordres d'enseignement. En effet, tous les ordres
d'enseignement en sont porteurs afin de permettre aux personnes d'atteindre le
plus haut niveau de performance possible dans les domaines qu'elle couvre.
La mission de formation préuniversitaire nous apparaît
également source d'ambiguïté. Il s'agit de fournir aux
individus la formation qui leur permettra de répondre
adéquatement aux préalables généraux et
spécifiques requis par l'université. A la manière des
collèges d'antan, ne remplissent-ils pas une mission correspondant au
premier élément de la formation universitaire? Ne le font-ils pas
à une distance organisation-nelle qui ne fait que compliquer la
continuité des programmes et alimenter la redondance?
Enfin, la mission de formation technique nous semble aussi porteuse de
certaines ambiguïtés. Comme l'ordre secondaire, le collège
fournit aux individus la formation technique permettant de répondre aux
besoins en main-d'oeuvre de la société et aux besoins d'insertion
professionnelle de la main-d'oeuvre. Ce qui les distingue l'un de l'autre est
le niveau de complexité des tâches et fonctions auxquels ils
préparent. La frontière n'est pas toujours facile à
établir. Nous reviendrons sur cet aspect dans la deuxième partie.
Nous souhaitons que les travaux de la commission soient l'occasion de lever
certaines ambiguïtés.
Des chevauchements à éliminer. Il existe dans les
activités de formation et les services offerts par l'ordre secondaire et
collégial de nombreux chevauchements. Ceux-ci sont connus depuis
longtemps, ont fait l'objet de travaux d'harmonisation et persistent encore
aujourd'hui. Ces chevauchements sont tantôt coûteux et confondants
pour les clients et tantôt coûteux pour le gouvernement
québécois. Ils sont coûteux en perte de temps, en
duplication et en lenteur administrative à s'ajuster à un
marché du travail en mutation.
La formation professionnelle. Les programmes de formation
professionnelle du secondaire et du collégial font l'objet de nombreux
chevauchements plusieurs fois dénoncés. En 1986, un groupe de
travail déposait au Comité d'harmonisation
secondaire-collégial un rapport dont l'annexe 3 présentait des
tableaux de chevauchement des programmes. Ces tableaux qui reflètent le
degré d'affinité au plan des tâches, des connaissances et
des seuils d'emploi sont présentés à l'annexe II de notre
mémoire. Quinze champs professionnels présentent des
affinités fortes et moyennes entre les programmes du secondaire et du
collégial.
Fin 1989, le Conseil supérieur de l'éducation mettait en
parallèle, à partir des 23 secteurs d'enseignement professionnel
du secondaire, les programmes des deux ordres d'enseignement. Il identifiait
des programmes présentant des affinités assez prononcées
dans 12 secteurs de formation professionnelle. J'en cite quelques-uns:
administration, commerce et secrétariat, hôtellerie et
restauration, imprimerie, production textile et habillement, et j'en passe. Le
Conseil précisait qu'il utilisait le terme «affinité»
à la manière d'une analogie forcément insatisfaisante pour
désigner l'appartenance ou la référence à un
même ensemble de compétences ou à un type
d'habileté. Six secteurs professionnels contiennent des programmes
à affinité moyenne ou faible. Et seulement cinq ne comportent pas
de programmes dotés d'affinités.
Les rencontres de travail et les comités d'harmonisation et
d'arrimage n'ont pas manqué à travers les années. Il y a
eu quelques moments encourageants, mais, au total, des résultats assez
décevants.
Citons un extrait éloquent du procès-verbal de la 19e
réunion du Comité d'arrimage secondaire-collégial, et je
cite: «On ne peut que constater que, depuis sa création, le
Comité n'est pas encore parvenu à des résultats
significatifs.» Février 1990. Les coûts de système
qu'imposent ces chevauchements nous inquiètent. Or, la continuité
des programmes professionnels est et sera de plus en plus à l'ordre du
jour parce que la continuité des fonctions de l'ouvrier
spécialisé et du technicien est inscrite au coeur même des
changements technologiques que vit notre système de production. La
formation professionnelle du secondaire conçue depuis 1986 comme
postérieure au diplôme d'enseignement secondaire et la formation
professionnelle du collégial ne peuvent plus vivre en parallèle
ou en discontinuité.
La grille traditionnelle de division des tâches entre le
secondaire et le collégial ne tient plus. Elle a donné lieu
à de nombreux chevauchements dans le passé et les
problèmes seront plus importants dans l'avenir. Le Conseil des
collèges le souligne ainsi: «La subdivision des
fonctions de travail entre tâches d'ouvrier
spécialisé (et) de technicien [...] comme guide de la
répartition des rôles respectifs du secondaire et du
collège [...] ne suffit pas... Elle s'appliquait mieux avant le
présent virage technologique qu'à la suite de l'évolution
actuelle de la grande industrie où les gestes répétitifs
sont de plus en plus automatisés et robotisés. La
détermination d'un seuil de complexité des fonctions de travail
au-delà duquel on confierait normalement la formation au
collégial plutôt qu'au secondaire [...] est valable, mais
difficile d'application...»
Dans de nombreux secteurs de formation professionnelle cruciaux pour
l'avenir économique du Québec, il faut assurer une
continuité des programmes qui facilite le passage de la formation
«métier» à la formation «technicien». La
continuité D.E.P.-D.E.C, D.E.P.-C.E.C. ou A.S.P.-D.E.C. doit être
la plus fonctionnelle et efficace possible pour que nous puissions compter sur
le meilleur bassin de main-d'oeuvre possible afin de faire face aux
défis des prochaines années. Il nous semble urgent de sortir la
formation professionnelle des débats stériles d'harmonisation
entre deux ordres d'enseignement qui servent plus souvent les
intérêts institutionnels des protagonistes plutôt que les
intérêts sociaux et économiques de notre
société. Il en va, à notre avis, de la
compétitivité de la main-d'oeuvre québécoise.
Une stratégie efficace de valorisation de la formation
professionnelle auprès de la jeunesse québécoise exige une
meilleure intégration. Dans un autre ordre d'idées, notre
société a établi la nécessaire collaboration entre
le monde du travail et le monde de l'éducation. L'évaluation des
besoins en main-d'oeuvre et l'adéquation des programmes de formation
professionnelle avec la réalité des métiers et des
professions nécessitent une concertation sectorielle. Les entreprises et
regroupements d'entreprises ne souffrent-ils pas de la duplication qui
découle de la division des tâches entre le secondaire et le
collégial? Enfin, pour les individus, jeunes et adultes, les actuels
chevauchements sont source, trop souvent, de confusion, de perte de temps et de
démotivation. Pensons donc aux usagers avant de défendre nos
territoires institutionnels.
Nous souhaitons que les travaux de la commission soient l'occasion de
revoir la localisation de la formation professionnelle et de la main-d'oeuvre
dans notre système d'éducation de manière à assurer
la continuité des programmes et l'annulation des chevauchements
inutiles.
La formation au service du développement régional. L'ordre
secondaire et l'ordre collégial ont un rôle important à
jouer au service de leur milieu au-delà des programmes
standardisés de formation. Ce rôle se traduit par la fourniture de
services à la collectivité qui prennent la forme
d'activités de formation professionnelle sur mesure, d'ateliers de
formation professionnelle dans des secteurs particuliers, d'activités de
services aux entreprises et de participation aux projets de
développement régional.
L'existence de chevauchements dans ces secteurs d'activité est
moins documentée que dans le cas des programmes professionnels
traité précédemment. Nous n'avions pas les moyens de
procéder à une analyse exhaustive de la situation, mais avons
cependant colligé ce que plusieurs identifiaient localement à
partir de leur expérience. Les chevauchements entre les deux ordres sont
importants dans plusieurs secteurs d'activité. (20 h 20)
Que ce soit pour offrir des activités ponctuelles de
perfectionnement en informatique ou en bureautique, pour développer des
activités ou des programmes de formation sur mesure de toutes sortes ou
pour fournir des services d'aide à l'entreprise aux fins de diagnostic
de situation ou de développement des ressources humaines, les deux
ordres sont sur le terrain généralement face à face,
exceptionnellement côte à côte.
Comme nous l'exprimions précédemment, cette situation
découle du fait que, dans le contexte des mutations technologiques de
notre économie, la différenciation traditionnelle des
tâches du secondaire et du collégial tient de moins en moins. La
sophistication des procédés de production et des processus de
gestion provoque un enrichissement des tâches de l'ouvrier
spécialisé et de l'employé clérical qui le
rapproche du technicien. Les anciennes frontières s'estompent. La double
offre de service réduit, dans les faits, la capacité
d'intervention de notre système d'éducation parce qu'elle se
planifie, s'organise et se réalise en parallèle.
Notre système n'atteint pas le niveau d'optimisation souhaitable
dans l'utilisation de ses infrastructures, de ses équipements, de ses
ressources humaines et financières. Nous croyons que nous ne pourrons
pas nous payer ce luxe bien longtemps. De plus, les clients n'y trouvent pas
toujours leur compte puisque cette division des ressources n'est pas la
meilleure manière de garantir la qualité optimum. Nous sommes
d'avis que les tenants d'une saine concurrence interordres font fausse route et
que la division des forces tend à réduire plutôt
qu'à multiplier les services réels disponibles aux
régions, et ce, tant en quantité qu'en qualité. Nous
souhaitons que les travaux de la commission permettent l'identification des
actions à mettre en oeuvre pour assurer l'optimal isation des ressources
consacrées aux services reliés à la formation
professionnelle offerts aux individus et aux entreprises dans les
régions du Québec.
La formation générale et la formation
préuniversitaire. Nous avons abordé partiellement la question de
la formation générale au moment de traiter de la notion de la
formation fondamentale au début de cette partie. Nous complétons
ici par quelques réflexions sous l'angle des chevauchements.
La formation générale et préuniversitaire dans les
collèges permet à l'individu d'approfondir des domaines de
connaissance auxquels il s'est initié au secondaire, d'approcher des
nouveaux domaines de connaissance dans des disciplines inexplorées et de
répondre aux préalables requis par l'université.
Cependant, comme l'ordre collégial est situé entre les deux
autres pour un bref instant pédagogique de deux ans, il en
découle une certaine redondance au niveau des contenus.
Nous ne sommes pas en mesure d'en décrire l'importance, mais il
nous semble qu'entre les deux ordres, secondaire et collégial, des
domaines disciplinaires comme l'histoire et ia géographie, par exemple,
se recoupent. À l'autre extrémité, il nous semble que
plusieurs individus vivent deux fois l'initiation à la sociologie,
à l'économie, à la psychologie, etc.: une fois au
collège, une fois au baccalauréat. Nous souhaitons que les
travaux de la commission soient l'occasion de questionner ia pertinence d'une
juridiction distincte entre l'ordre secondaire et l'ordre universitaire offrant
des services de formation générale et
préuniversitaire.
Des faiblesses à corriger. Notre système
d'éducation, tel qu'il s'articule actuellement, nous apparaît
porteur de deux faiblesses qui nuisent aux jeunes pour qui il a
été conçu: l'orientation professionnelle précoce et
la durée de l'ordre collégial. Je vous parle de l'orientation
professionnelle précoce.
La Présidente (Mme Hovington): ii reste une minute
à votre intervention, monsieur. à moins que vous acceptiez,
chaque côté de la chambre, de donner plus de temps.
M. Gendron: Je préférerais avoir plus l'occasion
d'échanger, parce que c'est un mémoire qui est très
original. Alors, il faut avoir le temps de vous questionner.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, si vous pouviez
conclure, en tout cas, dans une minute et demie, peut-être.
M. Labrecque: Je vais tenter d'aller plus rapidement. Les
faiblesses à corriger. Nous soulignons l'orientation professionnelle
précoce et nous souhaitons que les travaux de la commission soient
l'occasion d'identifier des solutions qui permettront de retarder le moment du
choix professionnel pour le jeune et d'améliorer l'encadrement offert
aux jeunes dans leur démarche de formation. Et, dans les pistes de
solution, nous demandons d'assurer une meilleure harmonisation.
Nous avons, au cours de cet exercice, tenté de
répéter les voeux plusieurs fois exprimés par les uns et
par les autres, de mettre en place différents comités
d'harmonisation, et, regardant l'historique, regardant le passé, nous ne
pouvons vous faire une telle recommandation parce que ces moyens
déjà mis en place n'ont jamais bien fonctionné.
Nous puisons dans nos expériences. Nous avons vécu, par le
passé, deux expériences majeures au niveau des commissions
scolaires: l'intégration du primaire et du secondaire et la
maîtrise d'oeuvre unifiée en formation professionnelle par
l'harmonisation des clientèles jeunes et adultes. Dans chacun des deux
cas, nous avions auparavant certaines difficultés d'harmonisation,
certaines difficultés de passage d'un ordre à un autre et nous
les avons réglées, nous les avons solutionnées en
déterminant une maîtrise d'oeuvre unique: d'un côté,
par l'intégration des commissions scolaires, de l'autre, par une
maîtrise d'oeuvre unique en formation professionnelle, regroupant sous un
même toit les jeunes et les adultes. Dans chaque cas, même si nous
avons eu affaire à un bouleversement radical et même
catégorique, le jeune, le client, l'adulte et l'entreprise ont
été gagnants.
J'en arrive aux conclusions: Remettre en question l'ordre
collégial. C'est donc en fonction de l'ensemble de ces
considérations que l'Association des cadres scolaires du Québec
recommande à la commission de l'éducation de considérer
sérieusement l'hypothèse d'une adaptation majeure de notre
système d'éducation permettant d'intégrer sous une
même juridiction la mission de la formation professionnelle de l'ordre
secondaire et de l'ordre collégial; le transfert de la mission de la
formation générale actuellement assumée par l'ordre
collégial vers l'ordre secondaire en prolongeant le cours secondaire
d'un an; le transfert de la mission préuniversitaire actuellement
assumée par l'ordre collégial vers l'ordre universitaire en
prolongeant le premier cycle d'un an.
Mme la Présidente, à l'heure où le réseau
scolaire est à réaliser son plan d'action sur la réussite
éducative qui vise à hausser à 80 % le taux de
diplomation; à l'heure où à l'ordre secondaire on
interroge le curriculum, on élabore un régime pédagogique
en formation professionnelle pour les jeunes et pour les adultes et un
régime pédagogique en formation générale des
adultes; à l'heure où le réseau scolaire travaille
à revaloriser la fonction enseignante; à l'heure où on
interroge la capacité de notre main-d'oeuvre a relever les défis
fantastiques qui la confondent; à l'heure où nous avons un urgent
besoin d'un système de formation performant qui puisse collaborer
étroitement avec tous les partenaires économiques; à
l'heure où les taux de décrochage, tant au niveau secondaire que
collégial, sont alarmants; à l'heure où 40 % des
étudiants de niveau collégial changent de programme au moins une
fois; à l'heure où à peine le tiers des étudiants
de niveau collégial obtiennent leur diplôme dans le temps prescrit
au secteur préuniversitaire et que la situation est encore pire au
secteur technique; à l'heure où la
popularité de la formation technique est en décroissance
chez les jeunes de moins de 19 ans...
La Présidente (Mme Hovington): Si vous voulez
conclure.
M. Labrecque: Je termine. À cette heure, donc, ce n'est
pas une seule composante de notre système qui doit être
étudiée, mais bien tout le système. Nous souhaitons
vivement que le gouvernement accepte de mettre en place une commission
d'étude plus élargie dont le mandat soit justement d'analyser
tout le système d'éducation actuel.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup, M.
Labrecque. Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Robillard: Oui, merci, Mme la Présidente. Je voudrais
saluer les membres de l'Association des cadres scolaires du Québec. De
fait, M. Labrecque, vous n'êtes pas sans savoir que vous avez un
mémoire assez unique, dans la présentation des 211
mémoires à cette commission, et c'est pour ça que nous
voulons utiliser au maximum le temps d'échange avec vous pour
connaître davantage votre position. Si j'ai bien saisi, outre les
problèmes de chevauchement, vous dites: II y a deux faiblesses majeures
à corriger comme telles: l'orientation précoce des jeunes et la
durée de l'ordre collégial. C'est les deux faiblesses que vous
identifiez en plus des chevauchements. Vous dites: Pour corriger ces
problèmes-là... Et c'est pour ça que je voudrais voir avec
vous le lien avec les problèmes identifiés et la solution
proposée. Vous nous proposez donc l'intégration de la formation
professionnelle qui est donnée au secondaire avec la formation technique
du collégial. Mais j'ai l'impression que, dans votre mémoire, la
solution est très brièvement exposée, alors que c'est un
chambardement complet du système actuel. Alors, j'aurais besoin que vous
me précisiez davantage d'éléments au niveau de votre
solution en tant que telle. (20 h 30)
Vous parlez, de fait, de l'intégration de la formation
professionnelle sous une même juridiction. Est-ce que je comprends, M.
Labrecque, d'après les propos qui ont été rapportés
ce week-end dans les journaux, que la juridiction, ce serait les commissions
scolaires?
M. Labrecque: Pas du tout, madame. Ce qui est important, c'est
l'orientation à retenir. Nous ne voulons pas, ici, dire ou s'instituer
comme étant les meilleurs au niveau secondaire pour donner suite
à la formation professionnelle. Nous ne voulons pas que le débat
tombe là-dessus. Ce qui est important pour nous, c'est de
décréter une seule maîtrise d'oeuvre en formation
professionnelle et technique de manière à assurer une
continuité dans le cheminement scolaire. Pour nous, ce qui est important
à retenir, c'est l'harmonisation des différentes filières
et d'assurer un ordre de services continus, d'assurer aussi un système,
une organisation qui soit près des entreprises, qui soit souple, qui
soit flexible, qui soit capable de réagir rapidement à
l'évolution technologique et au monde du travail.
Mme Robillard: Mais vous allez au-delà de l'harmonisation.
Vous allez jusqu'à l'intégration en tant que telle, là, si
j'ai bien saisi votre solution. Je pense que tout le monde nous a parlé
d'harmonisation entre les ordres d'enseignement. Vous, vous allez
jusqu'à une intégration de la formation professionnelle, et c'est
dans ce sens-là que je dis: Vous faites un pas de plus.
Maintenant, M. Labrecque, vous avez sûrement étudié
ou regardé l'avis du Conseil supérieur de l'éducation qui
a déposé en cette Chambre son opinion sur les objectifs en
matière de scolarisation supérieure, mais qui a aussi
examiné la structure au niveau de l'ordre d'enseignement
collégial. Et le Conseil supérieur de l'éducation a
étudié quelques alternatives, quelques scénarios
différents dont celui que vous préconisez, à savoir
l'intégration. Et, après analyse, le Conseil supérieur l'a
rejeté. Vous avez sûrement regardé les propos du Conseil.
Alors, expliquez-moi ce que vous pensez des propos avancés par le
Conseil et pourquoi vous n'êtes pas d'accord avec lui.
M. Labrecque: Madame, nous sommes d'accord avec l'analyse que le
Conseil fait. Le Conseil, d'après nous, a fait une excellente analyse.
Nous comprenons difficilement pourquoi il n'arrive pas aux mêmes
conclusions que nous. J'ai ici, justement devant moi, les textes du Conseil
supérieur; aux pages 126 et 127 de son mémoire, c'est rempli
d'avantages. Les inconvénients sont mineurs, à mon avis.
Mme Robillard: C'est-à-dire... M. Labrecque, il faut bien
qu'on se comprenne. On lit le même texte. Le Conseil spécifie des
avantages au plan administratif - il le dit très clairement - mais il
spécifie aussi de très grands inconvénients au plan
pédagogique. C'est pourquoi il rejette la solution. Alors, quand on
affirme très clairement ici que, selon lui, pour le secondaire, la
réunification de la filière professionnelle et de la
filière technique aurait des implications majeures sur la place de la
formation générale dans les programmes de formation
professionnelle, sur la mission fondamentale de l'enseignement secondaire ainsi
que sur sa durée et sur l'âge de la fréquentation
obligatoire, les réserves sont, encore une fois, sur des questions
d'ordre pédagogique et non pas sur des questions... Au plan
administratif, il y voit des avantages, mais il s'est positionné sur des
questions d'ordre pédagogique. Vous, qu'en pensez-vous?
M. Labrecque: À l'heure actuelle, madame, la formation
professionnelle au niveau secondaire, suite à toute la campagne de
revalorisation et au plan d'action qui a été mis sur pied par le
ministère de l'Éducation depuis 1986, a été
élevée au rang d'éducation postsecondaire. Donc, il ne
faut pas oublier cela. Actuellement, les préalables pour avoir
accès à la formation professionnelle au secondaire exigent
presque dans tous les cas, sauf dans le cas de préalables fonctionnels,
d'être diplômé d'études secondaires. Donc, nous, ce
que nous suggérons, au contraire, au lieu de nuire au cheminement
éducatif de l'élève, l'élève qui aurait
à choisir une formation professionnelle pourrait commencer par une
formation professionnelle de métier spécialisé et, s'il
désire poursuivre ses études à un cran plus avancé,
il pourrait, dans une filière continue, poursuivre sa formation
technique, sans être obligé de reprendre à zéro,
sans être obligé de revenir à la case départ. Donc,
au contraire, au lieu de mettre des embûches dans le cheminement de
l'élève, je crois qu'on éviterait ainsi des pertes de
temps, de la redondance et de la démotivation.
Mme Robillard: Est-ce que votre suggestion d'intégration
impliquerait, signifierait la disparition de la formation
générale à l'intérieur des cours de formation
professionnelle ou de formation technique, comme ça se passe
présentement au niveau du secondaire, je pense?
M. Labrecque: Au niveau du secondaire, les objectifs qui sont
traités à l'intérieur des programmes sont les objectifs
qui doivent être maîtrisés pour accomplir une fonction de
travail donnée. J'imagine que, dans une fonction, lorsque nous
préparons un étudiant à devenir technicien, nous devons
définir les objectifs qui doivent l'aider à jouer son rôle
de technicien sur le marché du travail. Parmi ces objectifs, s'il y a
nécessité de formation générale, nous voyons
à ce que ces objectifs soient inclus dans les programmes. Donc, nous ne
voyons pas d'emblée d'écarter tous les objectifs de formation
générale à travers les formations professionnelles, sauf
que, dans certains cas, certains cours de formation générale
pourraient, au lieu d'être prescrits, d'être obligatoires à
tous, être laissés sur une base optionnelle.
Mme Robillard: Si je comprends bien, M. Labrecque, dans votre
proposition aussi, c'est que les lieux physiques actuels des cégeps
deviendraient des centres intégrés de formation professionnelle,
tels que vous les appelez dans votre mémoire, et que les
élèves qui devraient faire une année de plus à
l'université fréquenteraient aussi le même lieu. Est-ce que
c'est exact?
M. Labrecque: Ça pourrait être cela, madame. Il y a
des équipements, il y a des installations qui sont en région. Je
crois que ces équipements doivent être rentabilisés, ils
doivent servir, bien entendu, sous une même maîtrise d'oeuvre. Des
équipements, des ateliers qui sont en double pourraient, dans certains
cas, servir davantage de clientèles ou, dans certains cas, être
rationalisés, mais nous voyons l'utilisation de ces
équipements-là. La détermination d'un centre
institutionnel intégré de formation professionnelle et technique
n'oblige pas nécessairement que la formation soit donnée à
l'intérieur des mêmes murs physiques. Et, bien entendu, il y a
aussi des espaces, des installations qui sont actuellement utilisés pour
la formation préuniversitaire et ils devraient continuer à
être utilisés pour ces fins-là. Sous la
responsabilité de l'université, par ailleurs, ceci, nous croyons,
pourrait contribuer à augmenter l'accès des étudiants
à l'université parce que le préuniversitaire se ferait en
région.
Mme Robillard: Maintenant, expliquez-moi, M. Labrecque, comment
les deux problèmes que vous identifiez vont être
solutionnés par cette solution-là. Comment l'orientation scolaire
précoce du jeune va être réglée par la solution que
vous mettez sur la table? À ma compréhension, moi, ce n'est pas
l'existence du collège en tant que tel qui oblige les choix
précoces, c'est plus le curriculum du secondaire. Mais vous, vous avez
identifié deux problèmes, deux faiblesses majeures, dont
l'orientation scolaire précoce. Comment votre solution
règle-t-elle ce problème-là?
M. Labrecque: Je vais demander à mon collègue de
répondre à votre question, si vous le permettez.
M. Tanguay (Vincent): Pour la formation générale.
J'aimerais vous reporter, Mme la ministre, à la proposition 19 du
Conseil supérieur de l'éducation - vous devez être à
peu près dans ces pages-là: Le Conseil propose de rendre
explicite et opérationnel l'exercice de la fonction d'orientation de
l'école obligatoire, notamment par une structuration adéquate
d'un deuxième cycle du secondaire IV et V qui offrirait de
véritables options d'exploration et d'expérimentation dans les
divers champs du savoir. Le no 20, où on propose à nouveau, pour
les jeunes en continuité de cheminement scolaire, l'aménagement
d'une diversification des parcours de formation de base et, pour les adultes en
retour de formation, l'aménagement de formules orga-nisationnelles
souples leur permettant de se donner efficacement leur formation de base
manquante. Ce sont les deux propositions du Conseil. (20 h 40)
Nous, on se dit: Pour arriver à rencontrer des objectifs du
secondaire qui, à notre avis, n'ont pas encore été
rencontrés complètement...
Vous savez sans doute que les règles de sanction des
études secondaires, les règles officielles, depuis 1976 qu'on les
traîne et elles ne sont pas encore rendues officielles, elles sont
toujours provisoires. Nous n'avons pas, au secondaire, d'exigences
spécifiques, en termes de mathématiques. Nous n'avons pas
d'exigences spécifiques dans plusieurs domaines. Dans les
humanités, c'est seulement l'histoire du Canada et du Québec qui
est obligatoire. Nous, on prétend que, s'il y avait une année
supplémentaire au secondaire pour terminer le travail de base qui a
été commencé auprès d'élèves que nous
connaissons maintenant depuis 11 ans, au primaire et au secondaire, avec une
année de plus, nous pensons que nous pourrions accroître les
exigences pour le niveau secondaire, permettre davantage aux
élèves d'explorer les humanités, les langues, les sciences
de la nature et qu'à la fin de leur secondaire, comme il n'y aurait pas
d'option qui les oblige en mathématiques comme c'est le cas
actuellement... Nous avons, à la fin de la troisième secondaire,
pour l'élève moyen le choix entre échouer les
mathématiques 436 et ne pas courir la chance de réussir et de se
voir ouvrir la plupart des options au niveau collégial. Les
élèves forcent, se forcent la main et pour les options
scientifiques et pour les options mathématiques, alors que, pour nous,
je crois qu'ils ne sont pas encore prêts. Si on retardait d'un an, je
pense qu'on pourrait terminer une bonne formation de base. Et, lorsqu'ils sont
pris en main - ça peut être dans des collèges, comme Paul
le disait - pour la propédeutique, là l'élève se
prépare spécifiquement, dans cette propédeutique, à
l'option professionnelle qu'il veut prendre au niveau universitaire, de sorte
qu'il aurait une année de plus en formation générale. Et
l'élève ne fait pas juste entrer dans un collège pour deux
sessions et se préparer à la sortie les deux sessions
suivantes.
Mme Robillard: Vous venez de me faire un plaidoyer pour
l'assouplissement du curriculum au niveau du secondaire de façon...
M. Tanguay: Pas l'assouplissement, des exigences
supplémentaires.
Mme Robillard: Oui, mais en même temps des
diversifications, que vous avez dit.
M. Tanguay: Des diversifications de voies... Mme Robillard:
Voilà!
M. Tanguay: ...qui ne sont pas des exigences.
Mme Robillard: Assouplissement ne veut pas dire diminution des
exigences.
M. Tanguay: O.K., ça va.
Mme Robillard: N'est-ce pas? M. Tanguay: Je suis
d'accord.
Mme Robillard: Alors, c'est le plaidoyer que vous venez de me
faire, mais sans me convaincre que la solution que vous apportez corrigerait le
problème. Peut-être que le problème, c'est de regarder le
curriculum du secondaire. Mais ceci étant dit, parce que je vois que le
temps passe, moi, j'ai le goût de vous entendre sur ce chambardement
drastique, je dirais, de notre système actuel, du choix qu'on a fait il
y a 25 ans. Il y a des impacts énormes. Alors, j'aimerais ça vous
entendre sur les impacts au niveau de la fréquentation et de
l'accessibilité en tant que telles; les impacts sur l'organisation de
l'enseignement; les impacts sur les ressources humaines, que ce soit les
enseignants ou le personnel administratif; les impacts sur les programmes
d'études; les coûts associés, les coûts de
transition, mais aussi les coûts du nouveau système; les
coûts de fonctionnement, mais les coûts d'investissement aussi. Je
ne pense pas que les commissions scolaires aient la capacité d'accueil
que vous souhaitez pour qu'on allonge d'une année; la même chose
au niveau universitaire. Donc, on ne peut pas avancer une telle proposition
sans parler des impacts; ce serait, à mon point de vue, oublier toute
une partie nécessaire à la décision. Alors, j'aimerais
ça vous entendre sur les impacts.
La Présidente (Mme Hovington): Vous avez quatre minutes et
demie. Ha, ha, ha!
M. Gendron: Mme la Présidente, excusez, j'allais vous
faire une suggestion. Juste pour savoir si la ministre serait d'accord. Je
préférerais sincèrement qu'on passe tout de suite à
l'alternance. Dans ce que Mme la ministre vient de poser, il y a beaucoup de
choses qui m'intéressent et, si on se donnait juste le temps de
répondre à ça - ...
Mme Robillard: Ah!
M. Gendron: ...juste une minute - c'est évident que je
n'aurais plus de temps. Concrètement, comment vous voulez... La question
qu'elle vient de poser, si vous prenez la peine de répondre à ces
questions-là, il va être 23 heures, minimum.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Je suis sérieux. Alors, comme il y a beaucoup
de réponses que je voudrais qu'ils donnent à ces
questions-là et que je veux y toucher moi aussi, si vous l'acceptez, je
ne prendrais que 10 ou 11 minutes et, les 5, 6 dernières minutes, je les
laisserais effectivement à l'Association des cadres pour qu'elle
puisse
nous éclairer sur l'ensemble.
Mme Robillard: Si vous me promettez de reprendre les mêmes
questions, allez-y, M. le député.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Je ne les reprends pas, je vous dis que je m'y
associe.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Non, non. Là, je veux que ce soit clair, je ne
reprends pas les mêmes questions.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: J'ai dit que j'aimerais entendre les réponses
aux questions posées. Est-ce que ça marche?
Mme Robillard: O.K. Oui.
La Présidente (Mme Hovington): D'accord. Alors, allez-y,
pourvu qu'on ait cinq minutes après.
M. Gendron: Oui, oui, promis. Alors, je veux vous saluer comme
Association, messieurs. Sérieusement, deux, trois phrases
d'entrée. Je pense que vous avez un mémoire effectivement qui a
une connotation tout à fait particulière, du moins dans la
conclusion. Mais il ne faut pas partir en peur. J'ai lu votre mémoire
attentivement, je l'ai même relu. J'estime qu'à bien des
égards vous posez les bonnes questions, sincèrement. J'estime
qu'à bien des égards vous posez de très bonnes questions.
C'est évident que, dans ce mémoire-là, si on se donne la
peine de faire l'exercice, au tout début, quand vous posez comme
préalables les trois critères d'analyse: clientèle,
coût du système, compétitivité du Québec, et
que rapidement vous allez au niveau des constats, il y a pas mal de constats
que je partage. Sincèrement, sans aucune flagornerie ou autre chose.
Mais, mon problème - parce que c'est important que vous sachiez dans
quel état d'esprit je suis - le problème que j'ai avec vous
autres, c'est que je dis: Ils ont l'air sérieux par les questions qu'ils
posent, je les connais - je ne parle pas individuellement, même si j'en
connais quelques-uns, je parle comme Association des cadres scolaires du
Québec - je connais cette Association-là depuis plusieurs
années, association crédible, impliquée dans le milieu de
l'éducation qui, règle générale, a toujours
souhaité donner des indications, a toujours souhaité donner des
indications de changement, d'originalité à ceux qui oeuvrent dans
la mission éducative. Bon.
Et là j'ai même répondu pour mes fins propres
à plusieurs questions. Puis je dis: Comment ils font pour arriver
à l'analyse de chambarder tout un système pour, dans le fond,
beaucoup de bonnes questions, mais deux problèmes? Deux
problèmes. Il y a juste deux problèmes: L'harmonisation, qui est
un problème réel, et la durée des études, selon
vous, de l'ordre collégial qui est aussi un problème réel.
Puis j'arrête là. Puis là on va poser des questions. Mais
je dis: C'est quoi, c'est quoi l'affaire de chambouler tout un système
pour deux problèmes, je répète, réels, un est
d'harmonisation, l'autre de durée des études qui, selon moi, peut
être réglé de bien d'autres façons? Est-ce qu'on l'a
fait? Ah ça! c'est une autre paire de manches. Je pense que non, parce
qu'il n'y aurait pas de commission, ou en tout cas pas de ce genre-là.
Il y a sûrement encore des problèmes. Si on décide de faire
une commission, c'est surtout que le gouvernement dit qu'il met tout sur la
table.
Et, juste a titre d'exemple - parce que je ne veux pas être trop
long - je vous lis, là: «La finalité de l'ordre
collégial n'est pas claire». Ce n'est pas ce que je sens, moi.
Là-dessus, il y a autre chose qui n'est pas clair, mais la
finalité de l'ordre collégial est claire. Il y a deux points: Un,
tu vas en formation technique et on essaie pendant trois ans de te donner la
meilleure formation technique possible, la plus adaptée - un instant -
à la réalité professionnelle des besoins de l'industrie;
ou on te donne une bonne formation préuniversitaire parce que tu as
décidé de faire le choix de poursuivre à
l'université, en premier cycle, deuxième cycle ou
troisième cycle. C'est ça, l'ordre collégial. Donc, la
finalité de l'ordre collégial, si elle n'est pas claire, il y a
un problème. Elle est très claire. Et vous dites: «La
mission de formation préuniversitaire n'est qu'un prolongement en amont
de la formation universitaire». Mais vous venez de prouver par cette
phrase-là que c'est clair.
Mais je ne veux pas que, là-dessus... Parce qu'on pourrait
effectivement s'entendre ou pas. Rapidement, dans l'analyse plus
détaillée des questions que vous posez aux pages 2 et 3, je pense
qu'il y en a une soixantaine, de bonnes questions. Mais je donne un autre
exemple. Vous dites: «Quand on pense à la quantité
phénoménale de jeunes qui modifient leur orientation
professionnelle et qui changent de programme...», donc, en bout de ligne,
ça vous permet de conclure. Un instant! Tous les autres nous ont dit que
ce n'est pas ça, et ils ont raison. Ils ont dit: Oui, il y a des
problèmes d'orientation, mais il n'y a pas une quantité
phénoménale de jeunes qui changent d'orientation. Il y a trop de
jeunes qui ne savent pas quel bord prendre, ça, c'est exact. Mais
«quantité phénoménale de jeunes qui changent
d'orientation», ce n'est pas les chiffres, ce n'est pas la
réalité. Bon. J'arrête là sur les
réalités. Mais je trouvais que vous posiez les bonnes
questions.
Sur le mémoire, cependant, là, on va
regarder les choses concrètes. Exemple, à la page 3 de
votre mémoire, vous dites: Bon, bien, on a regardé ça nous
aussi, autrement dit on a suivi la voie de tous les autres. On a regardé
ça sérieusement et, à un moment donné, on aurait
voulu, effectivement, ne pas troubler l'ordre établi. Et vous dites que
vous avez essayé sérieusement, je vous cite, là, «de
ne pas troubler l'ordre établi, de remédier aux diverses lacunes
identifiées». Et on a eu, au cours de cet exercice de ne pas
troubler l'ordre établi, «l'impression de réécrire
l'histoire, de répéter», et là vous êtes
parti, donc vous avez dit: On a abandonné cette affaire-là. On
«peut-y» savoir ce que vous avez fait comme autres moyens avant
d'arriver à conclure de chambarder le système? C'est quoi, les
deux, trois autres solutions que vous avez mises sur la table, sans troubler
l'ordre établi, et qui auraient permis de corriger les deux
problèmes majeurs que vous avez identifiés, chevauchement et
durée des études? (20 h 50)
M. Labrecque: Voici, c'est que, dans un premier temps, en ce qui
concerne une des grandes problématiques que nous relevions, ce sont des
problèmes qui sont des problèmes de chevauchement et de
redondance, et aussi des problèmes de difficulté
d'adaptabilité du système d'éducation aux besoins des
entreprises. Donc, en ce qui concerne tout le secteur de la formation
professionnelle et technique, nous avons tenté sérieusement de
penser à un mécanisme ou à des mécanismes de
concertation pour faire en sorte que les deux ordres d'enseignement puissent se
parler, puissent définir ensemble une offre de service cohérente,
puissent enlever les chevauchements, enlever les dédoublements et
arrêter de se faire une concurrence sur le dos des citoyens dans les
régions.
Nous avons regardé l'histoire. Depuis 20 ans, on essaie de mettre
en place de ces types de comités. Nous avons vu le comité
d'harmonisation collégiale et secondaire fonctionner II arrive à
un constat qui n'a pas de résultats satisfaisants. Nous avons vu un
autre comité de liaison d'enseignement collégial et
d'enseignement secondaire tenter de définir un meilleur arrimage en
formation générale. Il a fonctionné pendant plusieurs
années et il arrive de par lui-même - il en fait le bilan -
à des résultats très insatisfaisants.
Nous ne pouvions donc pas, en tout réalisme, vous proposer
pareille solution. Donc, c'est de cette manière que nous nous sommes
retournés sur nos propres expériences et nous avons vu que, par
le passé, nous avons vécu de ce type de problème là
à l'interne même de notre réseau des commissions scolaires
et que nous avons tenté également, avec les années, de
solutionner ces problèmes par des comités, par des discussions.
Ça n'a rien donné. La seule façon qu'on a réussi
à offrir une offre de service cohérente, ça a
été lorsque nous avons décrété des
maîtrises d'oeu- vre uniques. Je parle, par exemple, au niveau de la
formation professionnelle des jeunes et des adultes, mais aussi je me sers de
cet exemple-là lorsque nous avons intégré le primaire et
le secondaire par l'abolition des régionales. Nous avons enlevé
bon nombre de problèmes de transition entre le primaire et le
secondaire. On n'entend plus parler de ces problèmes-là
actuellement. Et, pourtant, c'étaient des problèmes cruciaux
voilà ne serait-ce que cinq ans.
M. Gendron: Merci. On va essayer d'aller plus rapidement. Sur les
formations professionnelles, les programmes professionnels, d'après
vous, combien, en 1992, existe-t-il de programmes de formation professionnelle
différents? Combien il y en a de programmes de formation professionnelle
au collégial actuellement, en formation technique?
M. Drolet (Jean-Jacques): Ça doit être autour d'une
centaine. Au niveau secondaire...
M. Gendron: C'est ça. Ça va. Rapidement. Je voulais
vous le faire dire. Alors, on a le même chiffre.
M. Drolet: Au niveau secondaire, c'est 150 environ.
M. Gendron: Ça va. Êtes-vous au courant que, pour
150 pour un ordre d'enseignement et 100 pour l'autre, il y en a une dizaine qui
chevauchent?
M. Drolet: II y en a plus qu'une dizaine, M. Gendron.
M. Gendron: Mais c'est vous qui dites ça dans votre
mémoire: Selon une étude...
M. Drolet: II y a une dizaine de secteurs, M. Gendron, qu'on
identifie. Mais, à l'intérieur des secteurs, il y a plusieurs
programmes.
M. Gendron: je comprends. oui, mais, en tout cas, ce n'est pas
grave. on s'accorde pareil un peu, là, je pense, là-dessus. oui,
il y a du chevauchement...
M. Drolet: Oui.
M. Gendron: ...mais je voulais juste, ce que j'appelle mettre les
niveaux de chevauchement, d'après moi, à leur place. C'est moins
dramatique que ce que vous me dites. Moi, je prétends... Bien sûr
qu'il y en a, je le sais. Il y en a, puis il y a de la finasserie pour rien. Un
cours de tenue de bureau, ou je ne sais pas quoi, au secondaire professionnel,
versus une invention au cégep pour essayer que c'est différent -
je vais vite là - non, moi, je ne marcherais pas longtemps. Je dirais:
Non, non, un cours de sécréta-
riat ou de tenue de bureau, il va être au professionnel long,
secondaire. Mais ce n'est pas vrai qu'on va recommencer au cégep et se
faire accroire qu'on a inventé un vrai D.E.C. en tenue de bureau. Je
vais rapidement, parce qu'on n'a pas le temps. C'est pour confirmer que oui, je
pense qu'il y a des chevauchements. O.K.? Mais, moi, je veux minimiser, puis,
compte tenu que le temps file, je vais avoir des problèmes.
L'année supplémentaire que vous suggérez, parce que
c'est ça que ça veut dire quand vous dites: Bon, bien, on va
rallonger le secondaire, est-ce qu'elle serait obligatoire pour tous les jeunes
ou uniquement pour ceux qui veulent aller à l'université?
M. Labrecque: Pour ceux qui se dirigent... Pour ceux qui ont
besoin d'abord de compléter leur formation de base, leur formation
fondamentale, d'une part, pour mieux se préparer parfois même
à prendre des cours de formation professionnelle et technique, ça
pourrait être une avenue intéressante. Pour ceux aussi qui se
dirigent vers de l'enseignement, vers des cours supérieurs, vers
l'université, cette année préparatoire serait
définitivement une année préparatoire à
l'enseignement supérieur et pourrait offrir aux élèves
différents types d'option, dépendamment du choix de
carrière qui peut se dessiner à l'époque. Et même,
cette année pourrait aider davantage l'élève à
s'orienter dans une carrière plus définitive au niveau
universitaire.
M. Gendron: Sur les impacts, vous pourriez prendre
complètement... Mais je fais juste dire tout de suite que je pense
qu'agréer vos recommandations sans évaluer d'une façon
assez serrée l'impact que cela aurait sur, moi, je pense, le
décrochage, de rallonger, peu importe les bonnes explications que vous
me donnez, de même que sur l'accessibilité et la
fréquentation, moi, en tout cas, je trouverais ça très
dangereux. Alors, je veux juste vous dire, dans la réponse globale que
vous donnerez tantôt où on parlait de ces
inçidences-là, que j'aimerais ça, moi également,
vous entendre.
Dernière question, pour moi, pour laisser le temps de
répondre sur l'ensemble des impacts. Je vais la faire à deux
volets. Le premier volet qui m'a étonné un peu, c'est que, dans
votre évaluation, à un moment donné, vous dites: À
part les clientèles... Vous parlez des coûts de système.
O.K.? Vous parlez des coûts de système et, dans votre
mémoire, même si vous dites: II faudrait regarder les coûts
de système, la perte d'argent que l'État met là-dedans,
dans les chevauchements, vous n'avez aucune évaluation chiffrée
du changement majeur que ça occasionnerait, et ça m'étonne
de ne pas avoir apprécié ça un tant soit peu. J'aimerais
que vous le fassiez.
Également, à moins que je ne me trompe, j'ai cru lire, au
tout début, dans votre évaluation... Quand vous parlez de la
compétitivité du
Québec, vous dites: II faut dorénavant organiser notre
structure d'éducation en fonction des besoins de l'entreprise et de
l'industrie. Et, là, c'est toujours pour des raisons de temps; je veux
aller vite et je ne suis pas capable de me référer exactement
où vous avez dit ça. Ça m'étonne que des cadres
scolaires disent: On veux avoir un système d'éducation qui va
être en fonction strictement des besoins de l'industrie. Parce que je ne
voyais pas la nuance entre formation de base et formation professionnelle, pour
cet aspect-là. Alors, dans l'ensemble des questions qui ont
été soulevées par la ministre, y incluant ces
deux-là, j'aimerais ça vous entendre sur l'ensemble des impacts,
pour être capable de mieux évaluer la position que vous nous
suggérez.
M. Labrecque: D'abord, en ce qui concerne l'adaptabilité
et la souplesse que nous requérons du système d'éducation
au regard des besoins des entreprises, nous visons davantage la formation
professionnelle et technique que la formation de base, il va sans dire.
Mme Robillard: Sur les impacts, M. Labrecque, c'est une question
essentielle. Ça m'appa-raît...
M. Labrecque: Voici. Il est bien entendu qu'avec le temps dont
nous disposions nous n'avons pas nécessairement analysé tous les
impacts comme une firme spécialisée en comptabilité ou en
finances aurait pu le faire. Je vais quand même vous en nommer
quelques-uns. D'abord, en ce qui concerne les immeubles et les installations,
nous voulons les utiliser tels qu'ils sont. Nous ne croyons pas avoir besoin de
chambardements en profondeur ou de déménagements physiques de ces
ateliers, des installations qui sont là.
Dans un premier temps, aussi, je voudrais faire une mise au point. Nous
ne recommandons pas nécessairement un chambardement à toute
épreuve. Nous recommandons une réorganisation de l'enseignement
collégial, une réorganisation qui viserait définitivement,
nous l'avons dit dans un premier temps, à déterminer une
maîtrise d'oeuvre unique en formation professionnelle, mais cette
maîtrise d'oeuvre là pourrait utiliser les installations qui sont
déjà sur place.
Mme Robillard: Est-ce que, selon vous, les commissions scolaires
ont la capacité physique d'accueillir des élèves pour une
année supplémentaire?
M. Labrecque: Actuellement, nous savons qu'il y a
d'énormes problèmes pour accueillir les élèves de
niveaux collégial et universitaire. Nous l'avons vu sur les journaux, au
mois de septembre et au mois d'octobre derniers, définitivement, la
province devra mettre certaines priori-
tés en éducation et...
Mme Robillard: Je ne parle pas du niveau collégial, M.
Labrecque.
M. Labrecque: C'est que, les élèves, il faut les
mettre quelque part, il faut les placer quelque part.
Mme Robillard: Non, mais, dans votre proposition, ils font une
année de plus au niveau du secondaire. Ma question, c'était sur
la capacité physique des commissions scolaires.
M. Labrecque: II est évident que certaines commissions
scolaires auront des espaces pour le faire, d'autres non. Nous n'avons pas
quantifié le coût ou nous n'avons pas quantifié le nombre
de commissions scolaires qui auraient des espaces et celles qui en
manqueraient.
Une voix: Qu'est-ce qui empêcherait...
Mme Robillard: Je veux vous entendre sur les impacts - pour moi,
c'est fondamental - avant qu'on parle des coûts. Vous ne semblez pas
l'avoir évalué, au niveau des coûts du système, mais
l'impact sur la fréquentation et sur l'accessibilité, c'est
quelque chose de fondamental.
M. Labrecque: Bon, voici. En ce qui concerne la
fréquentation, nous avons un plan sur la réussite
éducative au niveau du secondaire. Nous voulons augmenter le taux de
fréquentation des élèves au secondaire. On s'en occupe, de
ces types de problèmes là. On veut augmenter le taux de
diplomation, d'ici cinq ans, jusqu'à 80 %. Alors, définitivement,
ces types de problèmes là, on les prend en charge et on est en
train de s'en occuper. Une année de plus au secondaire n'obligerait pas
nécessairement à faire une année de plus pour l'obtention
d'un diplôme d'études secondaires. Donc, nous croyons que cette
année de plus n'aura pas d'impact négatif sur le taux de
diplomation actuel. Ça ne veut pas dire nécessairement qu'on
l'exige pour la détermination du diplôme d'études
secondaires. C'est une année de plus qui est préparatoire
à des études supérieures. Donc, ce n'est pas
nécessairement une année qui serait prescrite pour l'obtention
d'un diplôme d'études secondaires. (21 heures)
De plus, nous croyons que l'élève, au lieu de vivre une
transition qui est parfois douloureuse entre le secondaire et le
collège, serait mieux encadré au secondaire et nous croyons que
nous avons de meilleures chances de réussir avec lui en le
préparant à aller vers des études supérieures avec
cette année de plus. Donc, au contraire, je pense que ceci aurait un
impact favorable sur la persévérance scolaire et sur le nombre
d'élèves qui pourraient profiter de l'occasion pour faire des
études supérieures.
M. Gendron: Si on se comprend bien, ce serait une espèce
de préuniversitaire, mais au secondaire. Sincèrement, pour
comprendre, là, parce que vous dites: Cette année-là, on
l'imposerait uniquement à celles et ceux qui feraient le choix d'aller
à l'université plus tard et non pas pour l'obtention du D.E.S.
C'est ça que vous avez mentionné.
M. Labrecque: Actuellement, il y a des cours qui visent à
parfaire la formation fondamentale des élèves au niveau du
collège. Nous prendrions cette responsabilité, et c'est cette
responsabilité, que nous appelons cours préparatoires aux
études supérieures, que nous voudrions, que nous supposons
être capables d'assumer au niveau des écoles secondaires.
La Présidente (Mme Hovington): M. le député
de Verdun, vous aviez une question rapide?
M. Gautrin: Rapide, non.
La Présidente (Mme Hovington): Très rapide.
M. Gautrin: Non, j'ai une question longue.
La Présidente (Mme Hovington): Si c'est trop long, on va
être oblige d'annuler.
M. Gautrin: Combien de temps il nous reste?
La Présidente (Mme Hovington): Une minute.
M. Gautrin: Pour poser la question et la réponse? Voici.
Vous avez beaucoup insisté sur deux points que je trouvais importants,
moi, qui étaient l'orientation scolaire précoce et l'importance
de la formation professionnelle et de l'adaptation aux entreprises. Moi, c'est
ça que j'ai retenu de votre mémoire. Comment vous
réagissez à une idée... Parce que vous avez remis beaucoup
de choses en question, et je vais aller jusqu'au bout pour remettre encore une
autre chose en question. Si on amenait tout le monde à passer par la
formation professionnelle? De toute façon, réfléchissez
à la question. Ça semble bizarre au début, mais
réfléchissez-y un peu.
M. Labrecque: Si tout le monde passait par la formation
professionnelle?
M. Gautrin: Absolument.
M. Labrecque: Quel métier apprendrait-il? La formation
professionnelle conduit à une fonction de travail.
M. Gautrin: Elle conduit à un métier, de
manière que tous les gens qui vont, après, dans une formation
générale vers l'université, une formation plus tard, aient
déjà, derrière eux, un métier.
Réfléchissez-y! Vous avez été original,
révolutionnaire dans votre approche. Comment vous réagissez
à celle-là?
M. Labrecque: Nous croyons avoir été pratiques
aussi dans notre approche.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Alors, en
conclusion, Mme la ministre.
Mme Robillard: Messieurs de l'Association des cadres, nous vous
remercions d'être venus témoigner en commission parlementaire. Je
pense qu'il manque une partie essentielle à votre mémoire. C'est
vraiment une étude ou une analyse approfondie des impacts. On ne peut
pas chambarder tout un système d'éducation sans regarder
ça de près avant de prendre une décision semblable. Alors,
je pense que c'est la partie qui manque à votre mémoire en tant
que tel, mais merci d'être venus nous rencontrer.
La Présidente (Mme Hovington): Oui, M. Labrecque, allez-y
rapidement.
M. Labrecque: Alors, ça a été un plaisir
pour nous, et c'est la raison pour laquelle nous demandons une commission
d'étude.
Une voix: Une autre.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, il me reste à
vous remercier et on s'excuse si vous vous êtes sentis bousculés
un petit peu. C'est qu'on a un autre groupe après vous et on voulait
quand même respecter le temps. Alors, merci, au nom des membres de la
commission de l'éducation, d'être venus nous présenter
votre mémoire. Bonsoir. J'inviterais la Corporation professionnelle des
conseillers en relations industrielles du Québec à bien vouloir
prendre place, s'il vous plaît.
Alors, la commission de l'éducation va reprendre ses travaux. Je
demanderais du silence en arrière, s'il vous plaît. M. le
député de Verdun! Un peu de silence, M. le député
de Verdun, en arrière.
Corporation professionnelle
des conseillers en relations
industrielles du Québec
Nous avons M. Jacquelin Tremblay, qui est président. Vous
êtes le porte-parole...
M. Tremblay (Jacquelin): Oui.
La Présidente (Mme Hovington): ...de la Corporation
professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec.
Voulez-vous nous présenter, s'il vous plaît, vos
collègues.
M. Tremblay (Jacquelin): Oui. J'ai, à ma droite, M.
Florent Francoeur, qui est directeur...
La Présidente (Mme Hovington): Excusez-nous, je pense
qu'on n'a pas compris. Voulez-vous garder le silence en arrière, s'il
vous plaît! Merci. M. le président, allez-y.
M. Tremblay (Jacquelin): Oui. J'ai, à ma droite, M.
Florent Francoeur, directeur général de la corporation; à
ma gauche, M. Jean Perron et M. Jean Leclerc, membres du conseil
d'administration de la Corporation et membres du comité de travail qui a
présenté le mémoire à la commission.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, bienvenue à
la commission de l'éducation, et vous avez 20 minutes pour
présenter votre mémoire.
M. Tremblay (Jacquelin): Mme la Présidente, Mme la
ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, Mmes et MM. les
députés, mesdames et messieurs, c'est avec grand plaisir que nous
vous présentons le mémoire de la Corporation professionnelle des
conseillers en relations industrielles du Québec. Comme vous le savez,
nous représentons plus de 1000 professionnels oeuvrant autant en
relations de travail qu'en gestion des ressources humaines et en santé
et sécurité au travail. Nos membres se retrouvent aussi bien dans
les milieux patronaux, syndicaux, universitaires que gouvernementaux. Nous
sommes donc des acteurs privilégiés dans le processus de
réorganisation du travail dans les entreprises qui cherchent constamment
à s'ajuster aux nouveaux marchés. En ce sens, plusieurs aspects
de la formation au niveau collégial nous touchent de près. (21 h
10)
Riche de l'expertise et des préoccupations de ses membres, notre
corporation s'intéresse au plus haut point à la contribution des
cégeps à la formation de la main-d'oeuvre de demain. Nous
estimons de notre devoir de transmettre, par le présent avis, nos vues
sur quelques aspects susceptibles d'améliorer la structure de
l'enseignement collégial.
Je laisse donc la parole à mon collègue, M. Jean Perron,
du comité de travail, qui vous fera part de nos réflexions, puis
il nous fera plaisir ensuite de répondre à vos questions.
La Présidente (Mme Hovington): D'accord. Allez-y, M.
Perron.
M. Perron (Jean): Alors, Mme la Présidente, Mme la
ministre, Mmes et MM. les députés, bonsoir. D'entrée de
jeu, je vous dirai que l'élaboration de notre mémoire a
été réalisée
autour de quatre grands axes, soit l'expérience des
cégeps, l'actualisation des besoins, l'autonomie de gestion et
l'évaluation.
Évidemment, l'expérience se traduit par les
résultats obtenus par les cégeps depuis 25 ans. On se rappellera
la mission de départ des collèges. Évidemment, ce sont des
choses que vous avez entendues depuis le début des travaux, mais il est
bon quand même de rappeler que le rapport Parent, notamment, disait qu'il
fallait favoriser l'accessibilité, accroître la scolarisation des
Québécois et des Québécoises et former une
main-d'oeuvre technique et compétente.
En ce qui a trait à l'accessibilité, la Corporation
professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec
s'est penchée plus sur les données que le Conseil
supérieur de l'éducation a soumises dans ses rapports. Par
exemple, en 1966 et 1967, on disait que le taux d'accès aux
études collégiales était de 17 %, pour progresser
successivement à 39 % en 1972, 46 % en 1981, pour atteindre finalement
62 % en 1990.
Par ailleurs, l'effectif universitaire est passé de 38 164
étudiants en 1966-1967 à plus de 242 000 en 1989. De plus, on
estime à 84 % les finissants du secteur général qui se
rendent à l'université. Les plus récentes études
que nous avons consultées, entre autres, les études de relance du
MESS sur les diplômés, révèlent que le taux
d'intégration en emploi pour les finissants en formation technique
oscille entre 88 % et 93 % selon les différents secteurs de formation
technique. Et, enfin, on estime que 14 % des finissants du secteur
professionnel poursuivent des études universitaires.
Je vous dirai qu'à ce titre j'ai moi-même un fils qui a
fait d'abord une formation technique et qui est maintenant à
l'université. Tout récemment, il discutait avec des amis
français à qui il faisait part qu'il avait déjà
fait des études techniques au niveau du collège et que,
maintenant, il était passé au niveau universitaire. Et ses amis
français, évidemment, enviaient cette facilité avec
laquelle il avait pu passer du technique à l'universitaire. Alors, c'est
donc un avantage certain que la formation technique permet d'accéder
à l'université.
Évidemment, on pourrait se référer à
d'autres études canadiennes qui se réfèrent à la
situation que, par rapport à l'Ontario, la scolarisation des
Québécois cumule un léger retard. Mais il faut comprendre
qu'à l'époque, en 1966, déjà le retard était
très important.
Donc, en conclusion sur ce premier volet, en ce qui a trait à la
Corporation, nous pouvons, sans risque de se tromper, affirmer que les
cégeps ont relevé le défi de l'accessibilité dans
un contexte, il faut bien le reconnaître, de transformation sociale qui
n'a pas toujours été facile. Vous comprendrez donc que nous
estimons non seulement que les cégeps ont rempli adéquatement
leur rôle, mais qu'ils peuvent maintenant faire plus si on leur fournit
les moyens de se réaliser pleinement. Évidemment, notre position,
comme vous pouvez le voir, est diamétralement opposée à
celle du groupe qui nous a précédés. Toutefois, même
si on peut affirmer que les cégeps ont rempli leur rôle, il n'en
demeure pas moins que nous avons quand même pu identifier des
problèmes et des difficultés importantes auxquelles il faut
remédier rapidement, ce qui m'amène au deuxième axe,
c'est-à-dire l'actualisation aux nouveaux besoins de formation.
Déjà, à la création des cégeps, un
important virage technologique était amorcé, on s'en souviendra.
À cette époque, cependant, les technologies de pointe
étaient mieux connues qu'actuellement. Aujourd'hui, la technologie de
pointe et les besoins des entreprises évoluent au même rythme que
la mondialisation des marchés. Et il ne faut pas se surprendre
aujourd'hui quand on voit que les nouvelles frontières sont plutôt
d'ordre écologique que d'ordre économique. Alors, il faut donc,
de toute évidence, et d'une façon, à notre avis,
imperative que les cégeps se rapprochent des milieux de travail. Les
besoins technologiques ont considérablement évolué, de
nouvelles techniques sont apparues et, je le disais, il faudra arriver à
faire encore mieux afin de garder notre société
compétitive face aux marchés mondiaux.
Lors de notre dernier colloque, le ministre, M Tremblay, de l'Industrie,
du Commerce et de la Technologie lançait son cri d'alarme. Et, en ce qui
nous concerne, un des moyens que nous avons considérés pour faire
en sorte qu'il y ait un rapprochement des collèges, des cégeps et
des milieux de travail, c'est l'alternance travail-études. En fait,
c'est des stages en milieu de travail.
On retrouve à cette formule plusieurs avantages. Par exemple,
pour l'étudiant, ça revêt un caractère concret, en
ce sens qu'elle permet à l'élève d'approfondir les
connaissances acquises en classe ou en laboratoire en les appliquant à
des situations de travail réelles. Ça met l'élève
en contact direct avec le milieu de travail, ses exigences, son environnement,
etc. Ça lui permet de valider son choix d'orientation, et c'est possible
qu'un jeune puisse changer d'idée. C'est possible qu'un jeune puisse
s'apercevoir, à un moment donné, dans un milieu de travail
donné, qu'il s'est peut-être trompé. Et ça permet
à l'étudiant, à ce jeune-là, d'enrichir son
curriculum vitae d'expériences autres que celles qu'il peut
acquérir dans des entreprises de «fast food» ou d'autres
entreprises analogues.
Pour le professeur, ça lui permet de se familiariser avec
différents milieux de travail reliés à sa
spécialité. Ça permet à ce même enseignant de
suivre l'évolution du secteur, et ça lui donne accès
à des équipements peut-être complémentaires à
ceux qui existent dans le collège. Et, finalement, pour les employeurs,
ça leur permet d'avoir une main-d'oeuvre mieux
adaptée aux exigences. Et, enfin, ça facilite un
recrutement de qualité.
En résumé, tout le monde y trouve son compte, mais il faut
encourager ces stages de formation et il faut prendre des mesures afin de
permettre aux employeurs de bénéficier d'une aide fiscale afin de
les inciter à accepter des élèves en stage. Aujourd'hui,
c'est une formule qui a été développée au niveau de
certains collèges mais, évidemment, qui n'est pas très
populaire encore auprès des employeurs puisque aucune mesure ne les
encourage à prendre des élèves en situation pratique. Et
comme il faut les encadrer, comme il faut les surveiller, ça
nécessite, souventefois, pour l'employeur, des coûts additionnels
d'encadrement, etc., Et c'est pour cette raison qu'on ne recommande que des
mesures incitatives à l'image, peut-être, du crédit
à la formation, etc., qui puissent faciliter ou inciter, à tout
le moins, les employeurs à utiliser cette formule. (21 h 20)
En ce qui a trait maintenant aux études complémentaires
permanentes, effectivement, les nouveaux besoins exigent un ressourcement
continuel. Il faut donc encourager l'éducation permanente dans une
perspective de ressourcement de la main-d'oeuvre. On nous dit souvent que le
jeune adulte d'aujourd'hui devra, à tout le moins, changer trois fois de
métier tout au long de son espérance de vie professionnelle.
C'est sûr que les besoins changent rapidement et, évidemment,
évoluent à un rythme extraordinaire. Il faut donc permettre que
nos infrastructures pédagogiques facilitent cette formation permanente.
Et, pour cette raison, nous recommandons évidemment que cette mission
d'éducation permanente soit intégrée dans un texte
législatif sans distinction d'âge ou de statut pour faciliter
cette mission de l'éducation.
J'arrive maintenant au troisième axe, c'est-à-dire
l'autonomie de gestion. Pour des experts en ressources humaines et en relations
de travail comme les CRI, c'est-à-dire les conseillers en relations
industrielles, l'autonomie de gestion, au niveau des ressources humaines,
financières et pédagogiques, est nécessaire pour une
gestion efficace et je dirai efficiente du milieu. Plus de souplesse au niveau
du régime pédagogique est nécessaire afin de permettre aux
cégeps de s'adapter aux différents milieux et aux exigences de la
société.
Les collèges doivent également pouvoir négocier des
éléments importants des conventions collectives afin qu'elles
n'interfèrent pas dans l'administration du régime
pédagogique. À notre avis, nous ne croyons pas que la commission
pédagogique constitue une condition d'emploi ou une condition de travail
que nous devons retrouver dans une convention collective. L'encadrement
départemental est aussi une responsabilité de gestion qui dort
être assumée par des gestionnaires. Ce sont là quelques
éléments, évidemment, qui viennent renforcer cette vision
qu'ont les conseillers en relations industrielles d'une gestion
pédagogique intégrée.
J'arrive maintenant au quatrième axe, c'est-à-dire
l'évaluation. Donc, en contrepartie, l'évaluation comme un outil
de gestion nous apparaît fondamentale. Les collèges doivent
évaluer leurs ressources humaines, mais incluant les enseignants et
leurs programmes d'études. Plus de pouvoirs aux cégeps exige
cependant une reddition des comptes, c'est-à-dire que les
collèges doivent, dans un tel contexte, devenir imputables des
décisions et des actions qu'ils posent. Nous recommandons, à cet
égard, que le gouvernement mette sur pied un organisme
indépendant, impartial, qui pourrait juger de la qualité de la
gestion pédagogique des collèges. Voilà l'essentiel de
notre propos, et nous sommes disponibles pour répondre à vos
questions.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Perron. Mme la
ministre, vous avez la parole.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je veux saluer la
Corporation professionnelle des conseillers en relations industrielles du
Québec. Je vois, M. Perron, qu'on vous retrouve. Je ne sais pas si vous
avez d'autres chapeaux comme ça dans la vie, mais je suis heureuse de
voir que là vous l'abordez sous l'angle vraiment des conseillers en
relations industrielles. Vous arrivez à des conclusions semblables
à d'autres groupes que, de fait, il faut certains changements au niveau
de l'enseignement collégial québécois.
J'aborderais peut-être immédiatement avec vous la question
justement de l'autonomie des établissements. Je pense que c'est un de
vos thèmes dans votre mémoire. Vous nous indiquez très
clairement que l'autonomie devrait même se retrouver au niveau des
structures de participation. Là, j'imagine que vous faites
référence peut-être à la commission
pédagogique et aussi à la structure départementale, la
gestion de programmes en tant que telle, mais j'aimerais ça que vous
soyez... Est-ce que vous avez fait une réflexion encore plus
spécifique au niveau de cette responsabilité accrue des
cégeps en matière... Vous dites en matière de programmes,
en matière de ressources humaines, puis vous dites même en
matière de gestion des finances.
M. Perron (Jean): Écoutez. D'abord, dans un premier temps,
je vous dirai que le fait que je me retrouve ici, évidemment, n'est pas
nécessairement un accident. Comme je faisais partie du groupe de
travail, on m'a demandé - je pense que c'est bon pour l'éclairage
de la commission - c'est-à-dire qu'on m'a fait le privilège,
plutôt, de venir présenter les positions de la Corporation. Et,
comme vous le savez, les gens des collèges sont très actifs,
alors, il est possible qu'on les retrouve généralement dans
différents organismes.
Alors, ceci étant dit, je reviens à votre question pour
signifier qu'effectivement autonomie de gestion, évidemment, signifie
pouvoir de gérer. Donc, si on veut gérer on doit avoir les
pouvoirs ou les moyens de gérer. Actuellement, les collèges sont
quand même dans un régime où l'encadrement est assez
serré. Donc, ce qu'on demande à cet égard-là... Et
je suis obligé de dire que la Corporation des conseillers en relations
industrielles n'a quand même pas fait une étude approfondie de
toute la gestion administrative des collèges. On a des membres,
évidemment, qui se retrouvent dans les collèges, comme on en a au
niveau des commissions scolaires et ailleurs, mais ce n'est pas la
spécialité profonde de la Corporation. Donc, il faut des moyens
pour pouvoir gérer. Ce qui veut dire, notamment, qu'il faut pouvoir
gérer, entre autres pour nous les experts en relations de travail et en
gestion des ressources humaines, l'administration et la négociation des
conventions collectives. Ça, c'est fondamental.
Actuellement, on retrouve, dans les conventions collectives, des aspects
importants de la gestion pédagogique qui interfèrent dans la
saine gestion de l'administration pédagogique. Alors, pour nous, ce ne
sont pas des conditions de travail, ce ne sont pas des conditions d'emploi et
ça doit carrément disparaître des conventions collectives.
Évidemment, les collèges doivent avoir les pouvoirs de convenir
sous différents aspects, c'est-à-dire avoir les pouvoirs de
gérer leurs ressources financières, leurs ressources
matérielles, mais leurs ressources humaines aussi. Cependant, à
cet égard-là, on dit: Si on leur donne les pouvoirs il faut,
évidemment, qu'ils puissent rendre des comptes et qu'on puisse juger de
la qualité de leur gestion. Alors, c'est, en gros, si vous voulez, la
réflexion qu'on a faite.
Mme Robillard: Et, naturellement, pour aller avec ce
volet-là de votre proposition, vous parlez aussi d'un mécanisme
d'imputabilité étant donné la plus grande
responsabilisation qui serait donnée aux collèges. Et vous allez
jusqu'à dire que les cégeps doivent donc rendre des comptes, non
seulement à l'État mais aussi à la population en
général. Est-ce que, sur cette notion d'imputabilité, vous
êtes allés un peu plus loin? Comment les établissements
pourraient rendre des comptes à l'État et à la population
en tant que telle? Quelle forme ça pourrait prendre, cette reddition de
compte?
M. Perron (Jean): Nous n'avons pas poussé la
réflexion jusqu'à la forme de cette manière de rendre des
comptes. Nous avons plutôt opté pour l'avancement d'un principe,
c'est-à-dire que, si on a les pouvoirs, il faut rendre des comptes.
Ça, c'est évident. Maintenant, la manière, ça
pourrait faire l'objet de réflexions plus approfondies de notre part,
mais, pour l'instant, on n'a pas poussé cette réflexion.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, merci, M. Perron. M.
le député d'Abitibi-Ouest, vous avez la parole.
M. Gendron: Oui, je voudrais remercier la Corporation
professionnelle des conseillers en relations industrielles du Québec.
J'ai eu l'occasion de dire, à quelques mémoires de ce
genre-là, que c'était intéressant d'avoir le point de vue
de gens qui sont plus en relations constantes avec le monde des affaires, le
monde industriel, puisqu'il y en a plusieurs qui prétendent, avec
raison, qu'il y aurait lieu que la formation technique soit davantage prise par
un très grand nombre de gens.
Je n'ai pas vraiment de questions majeures à poser. J'en ai une,
et mes collègues en auront également. Je voulais juste vous dire,
de votre mémoire, je n'ai pas d'éléments sur lesquels je
suis en désaccord. Vous avez, pour l'essentiel, indiqué combien
le défi avait été relevé au chapitre de
l'accessibilité, pour ce qui est des collèges que nous
connaissons. Oui, il y a des failles. Oui, il y a certains
éléments qu'on devra corriger. D'ailleurs, c'est dans ce
sens-là que vous avez eu l'amabilité de nous faire des
recommandations. Et vous avez également touché un aspect majeur,
qui est l'évaluation. (21 h 30)
Moi, ma question, c'est sur l'enseignement de la langue maternelle, ou
une meilleure maîtrise de la langue maternelle, quelle qu'elle soit, en
anglais ou en français, dépendamment des cultures. Vous dites,
vous recommandez que l'enseignement collégial intègre la
maîtrise de la langue maternelle aux objectifs de formation
générale communs à tous les programmes, et là je
comprends, vous dites: Que des aménagements soient prévus pour
celles et ceux dont la langue maternelle est différente de la langue
d'enseignement. Mais, si je reste sur les trois premières lignes:
recommander que l'enseignement collégial intègre la
maîtrise de la langue maternelle aux objectifs de formation
générale communs à tous les programmes, est-ce que, dans
votre recommandation, vous comprenez par là qu'il y aurait lieu de faire
exactement la même chose dans les cégeps anglophones
également, parce qu'il y a des gens qui sont venus nous dire qu'il y
avait lieu d'offrir un meilleur apprentissage en termes de langue seconde? Moi,
j'estime qu'ils ont raison qu'en langue seconde il faut effectivement permettre
un meilleur apprentissage ou une meilleure maîtrise de la langue seconde.
Est-ce que dans votre recommandation que vous faites - parce que c'est vous qui
la faites à la page 10 de votre mémoire - ça inclut ce que
je viens d'évoquer pour les cégeps anglophones?
M. Perron (Jean): Oui, la maîtrise de la langue,
effectivement, c'est le français et
l'anglais pour...
M. Gendron: Oui, mais qu'on se comprenne bien. Moi, ce n'est pas
tellement ça. C'est que vous voulez qu'on ajoute, qu'on intègre
la maîtrise de la langue maternelle aux objectifs de formation
générale communs, mais à tous les programmes.
M. Perron (Jean): La maîtrise de la langue maternelle,
c'est... Pour ceux qui fréquentent les collèges anglophones,
c'est l'anglais. Mais, si, pour des allophones, c'est ni l'anglais, ni le
français, il faudra prendre, évidemment, la langue maternelle,
c'est-à-dire la langue maternelle du collège en question, par
assimilation...
M. Gendron: On se comprend bien. Ma question, c'est plus parce
que, au-delà du programme en formation de base, c'est-à-dire de
développer un bon apprentissage de la langue française dans un
cégep francophone, la langue anglaise dans un cégep anglophone,
vous dites: II faut faire plus parce que ça ne donne pas les
résultats qu'on souhaite. Dans le futur - c'est de même que je
comprenais votre recommandation et c'est pour ça que je vous pose la
question - il faudrait intégrer cet objectif a tous les programmes du
tronc commun. Est-ce que c'est ça que vous voulez dire? C'est juste
ça que je pose comme question.
M. Perron (Jean): Ce qu'on veut dire, c'est qu'il faut aider les
étudiants qui arrivent, qui sont en difficulté de maîtriser
des langues, soit l'anglais ou le français, dans le collège,
qu'on puisse accessoirement leur donner des cours d'appoint ou de
maîtrise de la langue pour qu'ils suivent les cours, selon la langue du
collège. C'est ça qu'on voulait dire. Peut-être qu'on l'a
mal exprimé.
M. Gendron: Non, non. Merci. Ça me permet de comprendre
votre clarification. Merci. Mes collègues vont continuer. Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière.
La Présidente (Mme Hovington): Si on respecte
l'alternance...
M. Gendron: Oui, oui. Excusez. Je n'ai pas de trouble avec
ça.
La Présidente (Mme Hovington): ...M. le
député de Sherbrooke.
M. Hamel: Merci, Mme la Présidente. J'avais justement
à peu près la même question que M. le député
d'Abitibi-Ouest, mais j'en ai une autre concernant l'évaluation. Dans
votre chapitre sur l'évaluation, vous faites une recommandation,
à la page 15 de votre mémoire: «Nous recommandons que les
collèges mettent en place leur propre système
d'évaluations multiples, portant sur l'efficacité des programmes
d'études.» Pourriez-vous nous préciser ce que vous entendez
par ce système d'évaluations multiples?
M. Perron (Jean): Écoutez, c'est un système
d'évaluations. Actuellement, il n'y a pas de mécanismes qui
permettent, c'est-à-dire qui sont en application dans l'ensemble des
collèges pour évaluer à la fois leurs programmes
d'études, a la fois aussi les enseignants ou les programmes
d'enseignement. Ce qu'on veut dire, c'est qu'au-delà de cet organisme
impartial qui pourrait juger de façon finale il faudrait qu'à
tout le moins les collèges ou les cégeps puissent se doter, eux
aussi, d'un. mécanisme à l'interne qui vient juger ou qui vient,
si vous voulez, leur permettre d'apprécier la qualité de
l'enseignement et, évidemment, des ressources qui sont à
l'intérieur. C'est ce qu'on veut dire par ça.
M. Hamel: O.K. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Mme la
députée de Terrebonne ou de Chaudière-Appa-laches?
Mme Carrier-Perreault: Chutes-de-la-Chaudière.
La Présidente (Mme Hovington):
Chutes-de-la-Chaudière. Chaudière-Appalaches, c'est la
région, ça, hein?
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Hovington): Excusez-moi. Vous avez la
parole.
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, Mme la
Présidente. Je remarque que vous avez des recommandations, entre autres,
pour la participation aux programmes études-travail. Vous demandez, vous
recommandez très clairement que l'État incite les entreprises par
des mesures fiscales ou autres. Vous avez une recommandation très claire
dans ce sens-là. Quand j'arrive à la page 14 de votre
mémoire, par rapport au financement, en fait, au niveau du financement,
on voit que vous avez une préoccupation, mais, là, disons qu'il
n'y a pas vraiment de recommandation. Vous dites: Si l'on exclut
l'hypothèse des frais de scolarité, il faudra se tourner vers
d'autres sources de financement extérieur, notamment auprès des
entreprises. Ce serait quoi, exactement, votre souhait? Est-ce que vous ne
croyez pas, comme beaucoup l'ont mentionné et comme, de notre
côté, on pense aussi, que ça réduirait
l'accessibilité s'il y avait des frais de scolarité? Qu'est-ce
que ce serait, votre choix, vraiment, là?
M. Perron (Jean): II faut poursuivre la
gratuité. Évidemment qu'on n'a pas poussé la
réflexion en allant à un ticket modérateur, à un
moment donné, pour ceux qui pourraient abuser du système, mais ce
que l'on veut faire ressortir par là, c'est que, si l'État
favorise les employeurs dans cette formation de stages d'études ou
alternance travail-études, à l'instar de ce qu'on peut retrouver
dans certains pays, bien, que les entreprises puissent aussi contribuer, mais
surtout au niveau technique pour ceux de la formation technique, au financement
du réseau, c'est-à-dire à la formation. Maintenant, je ne
suis pas en mesure de vous dire quels paramètres ça pourrait
prendre, mais l'idée de base, c'est que d'une part on reçoit,
mais d'autre part il faut donner aussi. C'est-à-dire que tout le monde
doit contribuer.
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie.
La Présidente (Mme Hovington): M. le député
de Sherbrooke.
M. Hamel: Alors, merci, Mme la Présidente. Ma question
suit ma précédente. Toujours dans l'évaluation, vous
continuez en recommandant qu'un organisme indépendant possédant
l'habileté nécessaire pour remplir un tel mandat soit
créé afin d'évaluer l'efficience de ces programmes. Est-ce
à dire que cet organisme viendrait s'ajouter ou remplacer le Conseil des
collèges?
M. Perron (Jean): Écoutez, ce que l'on veut dire par
là, c'est vraiment un organisme indépendant qui pourrait... Dans
le fond, c'est pour éviter ce qu'on vit actuellement et que tout le
monde déplore, c'est que les évaluations soient faites par
l'intermédiaire de certaines revues ou encore par d'autres moyens qui
n'ont pas les critères, à notre avis, adéquats pour
répondre à ces questionnements-là. Il faudrait de toute
évidence que cet organisme-là soit complètement
indépendant. Maintenant, comment il pourrait être composé,
ça, c'est à voir. Mais, à notre avis, ça n'a rien
à voir avec le Conseil des collèges, évidemment. Il
faudrait définir ce mandat-là, mais ce qu'on veut dire, c'est
qu'on voudrait éviter que des situations un peu farfelues se
présentent, comme celles qu'on a vécues au cours des
dernières années.
M. Hamel: Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Toujours dans
l'évaluation, est-ce que vous considérez que le système
d'évaluation qui pourrait se retrouver dans les différents
collèges doit tenir compte d'une évaluation, parce que vous
l'apportez sur l'efficacité des programmes d'études, mais est-ce
que ça doit tenir compte également d'une évaluation au
niveau des enseignants, et est-ce que vous voyez un rôle actif de la part
des étudiants et des étudiantes dans cette évaluation?
M. Perron (Jean): Ce qu'on dit, c'est qu'il faut que les
enseignants puissent être évalués, ça, c'est clair,
net et précis.
Mme Caron: Pas seulement les programmes, les enseignants
aussi?
M. Perron (Jean): Pas seulement les programmes. Enfin, il faut
que tout soit évalué, mais incluant les enseignants. En ce qui a
trait à la participation des étudiants, je pense qu'il faut faire
confiance au milieu pour savoir quels seraient les mécanismes les plus
adéquats pour procéder à cette évaluation, quels
groupes pourraient participer à cette évaluation et quelle forme
ça pourrait prendre. Mais, sur le principe même, il est
fondamental que les enseignants puissent être évalués.
Mme Caron: Dans vos recommandations, à la page 11 du
mémoire concernant les stages en milieu de travail, l'alternance
travail-études... Vous connaissez très bien les entreprises.
Jusqu'à maintenant, on a plutôt senti que la volonté
était davantage au niveau du principe, c'est-à-dire qu'en
principe toutes les entreprises, les chambres de commerce conçoivent que
c'est important, les stages, que c'est une alternative intéressante,
sauf qu'on ne se rend pas jusqu'à accepter d'avoir des stages dans sa
propre entreprise. Lorsque vous parlez de mesures fiscales, il semble que nous
avons déjà en place certains crédits. Les entreprises ne
participent pas vraiment, il reste des fonds, parce qu'elles trouvent ça
trop compliqué de remplir les documents ou de superviser. Est-ce que,
concrètement, vous qui êtes dans le milieu, qui les côtoyez,
vous avez des propositions là-dessus, pour essayer de trouver des
mesures vraiment incitatives? (21 h 40)
M. Perron (Jean): On n'a pas de proposition concrète en
termes de quantum, mais ça nous ferait plaisir de vous en soumettre,
évidemment. Notre propos était davantage de soumettre un
principe, mais on pourrait, effectivement, avec l'expertise qu'on
possède, développer davantage quelles seraient, par exemple, ces
mesures qui pourraient favoriser, auprès des employeurs, l'implantation
de l'alternance travail-études. Il faudrait, évidemment, analyser
également la durée de ces stages en entreprise. Est-ce que ce
sera une durée d'une session, d'un trimestre, deux trimestres, etc.?
Évidemment, il y a des expériences vécues sur lesquelles
on pourra s'appuyer, mais tout ça, je pense bien, ça doit d'abord
être discuté avec le milieu, c'est-à-dire les
collèges, dépendamment des différentes techniques qui
existent dans les collèges, parce que ça peut prendre une
forme ou l'autre, selon le cas. Quant aux mesures incitatives, on pourrait,
effectivement, pousser davantage notre réflexion si le gouvernement
souscrit à ce principe-là, et ça nous fera plaisir
à ce moment-là.
Mme Caron: Parce qu'au niveau du principe on ne semble pas avoir
de problème, ni du côté des collèges ni du
côté des entreprises, mais le passage de la théorie
à la pratique semble extrêmement difficile. Vous avez
également touché, à la page 8 de votre mémoire,
l'éducation permanente. Votre recommandation est à l'effet qu'il
faudrait entériner par un texte de loi le droit à
l'éducation permanente pour l'ensemble de la population, sans
distinction d'âge ou de statut. Ce texte de loi que vous souhaitez, et
vous dites bien, entre autres, de reconnaître le droit, qu'est-ce qu'on
devrait retrouver dans ce texte de loi concernant l'éducation
permanente? Qu'est-ce que vous souhaitez comme changement majeur pour apporter
des corrections à ce problème de l'éducation
permanente?
M. Perron (Jean): Un énoncé dans la
législation, clair, net et précis, qui reconnaît à
tous les citoyens et les citoyennes ce droit de pouvoir
bénéficier des enseignements qui sont dispensés, notamment
dans les collèges. Actuellement, ce n'est pas précis. Alors, si
on reconnaît, comme société qu'effectivement, sans
distinction d'âge, autant pour les jeunes adultes que pour les plus
vieux, dans une perspective, évidemment, de ressourcement continuel -
comme je le mentionnais, l'évolution est tellement rapide qu'on doit
régulièrement se ressourcer - donc, il faut, de toute
évidence, que cette notion d'éducation permanente plutôt
que d'éducation des adultes apparaisse.
Mme Caron: Est-ce que ce droit à l'éducation
permanente se traduirait pour vous également par le financement qui
pourrait accompagner ce droit à l'éducation permanente?
C'est-à-dire, est-ce que la gratuité, au niveau de
l'éducation des adultes, ça vous apparaît
nécessaire?
M. Perron (Jean): Dans notre esprit, on parle toujours de
gratuité, mais, effectivement, dans le cadre où la contribution
des entreprises au niveau de la formation technique... Enfin, c'est des
aménagements qui peuvent être vus, mais, si on veut qu'une
société progresse, puisse s'ajuster régulièrement
à l'évolution de la société industrielle, il faut
lui permettre d'avoir les outils pour le faire. Pour la favoriser, bien, il
faut que ce soit le moins cher possible pour trouver, à tout le moins,
d'autres avenues. Ça, encore là, on n'a pas vérifié
ce que ça peut représenter en termes de coûts additionnels,
mais je pense bien qu'on pourrait aussi mesurer cet impact-là.
Mme Caron: Une dernière question. Est-ce que ce droit
à l'éducation permanente devrait également se traduire par
l'élimination, finalement, des listes d'attente qu'on retrouve,
actuellement, dans notre système d'éducation permanente? Est-ce
que ce serait la levée... Il y a certains contingentements, finalement.
Est-ce que ce serait la levée de ces interdits? Est-ce que ce serait une
ouverture totale? À partir du moment où un adulte demande une
formation, est-ce que l'État doit donner une formation?
M. Perron (Jean): Évidemment, il faut que ce soient des
formations en relation avec les grands axes, les grandes orientations ou, si
vous voulez, le contrat social dans notre société. On ne peut
pas, sous prétexte... On parle bien de formation, on ne parle pas de
cours, si vous voulez, de développement personnel,
c'est-à-dire...
Mme Caron: Non, de formation.
M. Perron (Jean): C'est ça. Mais quelqu'un qui est au
travail actuellement et qui a besoin d'un ressourcement, je pense bien qu'il
faut lui permettre de le faire, et cela, d'une façon la plus avantageuse
possible. Il faut que les infrastructures pédagogiques permettent
ça. Évidemment, c'est un coût; ça, c'est
évident. Mais une société qui se veut progressive doit, au
départ, favoriser, entre autres, l'éducation pour pouvoir
évoluer. Quelles seraient les mesures accessoires qui permettraient
ça? Vous avez raison, on n'a pas développé cet
axe-là, mais ça, c'est quelque chose qu'on pourrait faire, encore
une fois.
Mme Caron: Oui, je vous remercie beaucoup. Je trouvais
l'élément intéressant dans le sens que, effectivement,
quand un gouvernement ou une société décide de
«prioriser» l'éducation, le premier principe, je pense,
c'est le droit à l'éducation permanente pour l'ensemble de la
population et ça m'apparaissait extrêmement intéressant.
Alors, je vous remercie, messieurs, pour votre contribution à nos
travaux. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. le
député de Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): Pas de questions.
La Présidente (Mme Hovington): Ah non! Excusez-moi. Je
pensais que vous aviez demandé la parole. Mme la ministre.
Mme Robillard: Merci aux conseillers en relations industrielles
du Québec d'avoir pris le temps de réfléchir à
cette importante question et d'être venus nous faire partager vos
idées sur les changements à apporter parce que je pense que
c'est ça, le message que vous nous livrez. Il y a vraiment des
changements à apporter surtout, ce que vous nous dites, au niveau de
l'autonomie des établissements et d'un principe d'imputabilité
à vraiment appliquer aussi dans le système. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, merci beaucoup, au
nom des membres de la commission de l'éducation, d'être venus nous
présenter votre mémoire très intéressant. Alors, je
vous souhaite une bonne nuit, un bon retour chez vous.
M. Perron (Jean): C'est nous qui vous remercions de l'accueil.
Bonne fin de soirée. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): La commission de
l'éducation ajourne ses travaux jusqu'à demain matin, 9 h 30.
(Fin de la séance à 21 h 48)