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(Neuf heures trente-cinq minutes)
La Présidente (Mme Harel): Je déclare la
séance ouverte. Je rappelle le mandat de la commission de
l'éducation, le mandat étant de procéder à des
auditions publiques sur l'enseignement collégial
québécois. Je demanderai à notre secrétaire, M.
Plourde, qui remplacera, pour la journée, M. Comeau, de nous annoncer
s'il y a également des remplacements parmi les membres de la
commission.
Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M.
Gobé (LaFontaine) par M. Maltais (Saguenay); M. Parent (Sauvé)
par M. Doyon (Louis-Hébert); et M. Tremblay (Rimouski) par M. MacMillan
(Pa-pineau).
La Présidente (Mme Harel): Merci. Je vais tout de suite
vous rappeler l'entente, je pense, qui est intervenue entre les
ministériels et l'Opposition, à l'effet de réserver 20
minutes de présentation aux groupes que nous recevons et, par la suite,
que le temps imparti se partage également entre l'Opposition et les
ministériels. Je demanderai immédiatement au porte-parole de la
Jeune Chambre de commerce de Montréal d'identifier les personnes qui
l'accompagnent et de faire leur présentation.
Jeune Chambre de commerce de Montréal
M. Girard (Serge): Merci, Mme la Présidente. Je vais vous
présenter les représentants de la Jeune Chambre de commerce.
À ma droite, M. Philippe Carpentier, qui est vice-président,
affaires publiques; à ma gauche, M. Louis-Jean Chartier, qui est
directeur, affaires publiques. Et mon nom est Serge Girard, je suis le
secrétaire de la Jeune Chambre.
Le président de la Jeune Chambre de commerce de Montréal,
M. Robert Hémond, le vice-président exécutif, M. Philippe
Gribeauval, et également le vice-président... plutôt le
directeur de la formation, M. Mario Caron, étant retenus actuellement
par des obligations professionnelles, ils me prient de vous transmettre leurs
remerciements et les remerciements de la Jeune Chambre de commerce pour nous
permettre de nous exprimer sur la question de la formation
collégiale.
La Jeune Chambre de commerce est un organisme à but non lucratif
dont la mission est de promouvoir les intérêts des jeunes gens
d'affaires de la grande région montréalaise; elle compte plus de
800 membres, pour la plupart gestionnaires, professionnels et entrepreneurs, ce
qui en fait le plus important regroupement de jeunes gens d'affaires au
Canada.
Il ne faut pas oublier que nous sommes les produits du système de
cégeps au Québec, que nous avons été formé,
pour la plupart, au sein du système public d'enseignement
collégial, bien que certains d'entre nous aient connu l'enseignement des
collèges privés. Ceci fait que nous avons une perspective
particulière. En fait, c'est une expérience de première
main pour nous prononcer et pour jeter un regard critique sur la formation
collégiale d'aujourd'hui.
À titre d'exemple, vous avez devant vous d'anciens
étudiants du collège Saint-Laurent, du collège
Saint-Félicien et du collège Brébeuf. Alors, vous avez des
représentants du secteur privé et du secteur public. Donc, nous
avons une expérience de première main. De plus, en tant que
jeunes gens, jeunes femmes et jeunes hommes d'affaires, nous jetons un regard
de gestionnaire sur l'enseignement collégial, surtout dans le contexte
des nouveaux défis à relever en cette ère de
mondialisation et d'accélération du changement.
Enfin, en tant que jeunes, il ne faut pas oublier que nous serons les
premiers appelés à supporter les coûts et les
conséquences des choix qui seront faits par la commission. Nous sommes
donc bien placés pour inciter la commission à adopter une vision
à long terme dans les choix qu'elle sera appelée à faire
concernant l'enseignement collégial.
M. Chartier (Louis-Jean): Notre mémoire est basé
sur un certain nombre de prémisses que nous aimerions d'abord vous
présenter. Tout d'abord, je pense qu'il est important de souligner que
les cégeps ont été conçus dans le contexte des
années soixante. Or, les valeurs et les modes de fonctionnement de notre
société ont changé du tout au tout. Donc, nous croyons
qu'il faut adapter les cégeps aux nouvelles réalités
d'aujourd'hui. (9 h 40)
Ceci étant dit, nous ne remettons pas en question l'existence
même des institutions collégiales au Québec. Mais ce n'est
même pas suffisant pour nous que de s'adapter aux réalités
d'aujourd'hui, il faut s'adapter aux réalités de demain. Il faut
avoir une vision à long terme des besoins et des défis du XXIe
siècle parce que c'est nous qui allons en subir les conséquences.
Nous demandons que les réformes qui s'en viennent soient faites avec
vision.
Nous avons choisi une approche de saine gestion pour présenter ce
mémoire. Nous constatons que la société
québécoise dépense présentement 1 200 000 000 $
à l'enseignement collégial. Nous posons la question: Ne peut-on
pas dire
qu'il s'agit là d'un montant suffisant à assurer une
éducation de qualité aux jeunes Québécois et
Québécoises? Avant d'injecter davantage d'argent, ne
devrions-nous pas regarder ce qu'il est possible de faire avec les ressources
actuelles? Nous postulons, dans notre présentation, que 1 200 000 000 $
sont suffisants à assurer une éducation de qualité. Donc,
nous proposons des réallocations de ressources plutôt qu'un ajout
de ressources parce que, pour nous, il ne faudrait surtout pas ajouter de
nouvelles structures aux structures actuelles qui ne viendraient que rendre la
situation plus complexe et le système plus lourd à
administrer.
Par ailleurs, nous considérons qu'il faut voir l'étudiant
comme le client du cégep et il faut mettre l'emphase sur les besoins des
étudiants et des entreprises de demain plutôt que sur les besoins
des intervenants du milieu et des groupes particuliers. Pour ce faire, nous
devons responsabiliser tous les intervenants, c'est-à-dire gouvernement,
dirigeants, professeurs, étudiants et contribuables. C'est donc sur ces
prémisses que nous vous soumettons respectueusement le présent
mémoire.
M. Carpentier (Philippe): À l'intérieur du
présent mémoire, il y a trois grands axes qui ont
été développés. D'abord, la flexibilité ou
la recherche de la flexibilité au sein des institutions au niveau de la
gestion et de la capacité de changer, de s'adapter. Dans le
deuxième volet, on traite des programmes techniques et de la
spécialisation des institutions dans ce cadre-là. Dans le
troisième volet, on veut traiter de la revalorisation de l'enseignement
ou de la profession d'enseignant. Voici les trois volets et je vais les
traiter, maintenant.
Le premier volet touche la flexibilité et la capacité de
gestion, mais, en tant que gestionnaires et en tant qu'individus qui oeuvrent
au sein d'organisations, on est à même de constater que, pour
qu'une organisation survive, pour qu'une institution survive, elle doit
être capable de faire face aux défis qui se posent à elle
et être capable d'atteindre les résultats qu'on lui fixe. Donc,
pour ça, il faut, selon nous, que les responsables puissent être
capables de gérer les ressources qui sont mises à leur
disposition, qu'ils puissent décider et qu'ils aient le pouvoir de
gérer et de mettre en place les réformes ou les mesures qu'ils
jugent nécessaires à l'atteinte des objectifs
préalablement fixés. Il faut également qu'ils puissent
réagir vite face à un environnement qui est changeant et qui
change de plus en plus vite. Donc, il faut que les responsables soient capables
d'exercer leurs responsabilités ou soient capables de répondre de
cette responsabilité.
Face à ça, on constate qu'au sein des cégeps, au
sein du réseau des cégeps, dans ces institutions existe un
système qui est très lourd au niveau de la gestion et des
structures. Ceux qui sont en charge de gérer ces institutions n'ont pas
toujours la marge de manoeuvre nécessaire pour pouvoir mener à
bien la mission qu'on leur confie.
Un des premiers éléments qui, selon nous, disons, est un
boulet pour les institutions comme telles, c'est, selon nous, les conventions
collectives qui sont beaucoup trop lourdes et qui limitent beaucoup la
capacité d'action des responsables des institutions. Ils sont, en fait,
incapables parfois de pouvoir mener à bien ce qu'on leur demande,
puisqu'ils doivent travailler avec des instruments qui, compte tenu du contexte
actuel, nous semblent irréalistes, c'est-à-dire que dans une
société où on retrouve des taux de chômage
très importants, où les gens risquent de perdre leur emploi de
façon relativement facile par les temps qui courent, on trouve
relativement irréaliste d'avoir des conditions d'emploi telles qu'on les
retrouve actuellement.
Le deuxième élément, c'est que les modes de
coordination qu'on retrouve à l'intérieur de ces institutions -
on pense principalement aux coordonnateurs de département - font qu'ils
se retrouvent, selon nous, en conflit d'intérêts et sont
incapables de pouvoir effectivement faire ce qu'on leur demande,
c'est-à-dire de coordonner les activités d'enseignement,
puisqu'ils doivent répondre parfois à deux maîtres, ce qui,
selon nous, est pour tout individu relativement difficile à faire.
Donc, il faut, à notre avis, remédier à cette
situation en modifiant ou en retirant ces obstacles qui sont des obstacles
majeurs à la flexibilité que doivent rechercher les institutions.
C'était le premier volet au niveau de la recherche de la
flexibilité. On pourra en discuter d'une façon plus
précise au cours de la période de questions.
Le deuxième volet porte sur les programmes techniques sur la
spécialisation des institutions. On retrouve au sein du réseau
des cégeps des programmes techniques de haut de gamme qui sont des
programmes qui sont reconnus, qui sont appréciés des
étudiants et des employeurs. On peut parler, entre autres, des
programmes de formation en aéronautique, dans le domaine des plastiques,
dans le domaine des pâtes et papiers, qui sont reconnus comme
étant performants, comme produisant des étudiants de bonne
qualité.
Donc, ces programmes techniques, nous ne les remettons pas en question,
nous en remettons d'autres, tels que les techniques administratives, les
techniques infirmières ou les techniques informatiques. On ne les remet
pas en question en tant que formation comme telle, mais on remet en question le
fait qu'ils soient offerts dans un si grand nombre d'institutions. Selon
nous, de concentrer les efforts de formation, de concentrer les
énergies, la qualité des professeurs, de concentrer les
étudiants dans des endroits où on va retrouver vraiment une masse
critique, c'est une des voies qui ont pu mener,
par exemple, à avoir des programmes techniques tels que des
programmes d'aéronautique où on est performants.
Il y a également le coût qui est rattaché à
ça. D'offrir des programmes de techniques administratives, par exemple -
on prend cela comme exemple - dans la très, très grande
majorité des cégeps, ce n'est pas l'ensemble, selon nous, c'est
un peu irréaliste de penser qu'on peut continuer comme ça
indéfiniment, et ça, spécialement dans la région de
Montréal. Je parlais plus précisément de la région
de Montréal puisque, en région, le rôle des cégeps
est peut-être un petit peu différent de celui qu'on retrouve dans
la grande région métropolitaine. Donc, en vue d'améliorer
l'efficacité et la pertinence de ces programmes-là, la
capacité à former des étudiants de bon niveau, on
suggère de regrouper ces programmes techniques au sein d'institutions
qui auraient la capacité d'offrir des services de plus haut de
gamme.
Également, ça pourrait déboucher sur des genres
d'instituts spécialisés, comme il en existe déjà,
qui pourraient offrir des services très pointus en relation avec
l'industrie pour pouvoir mieux répondre et d'une façon plus
rapide aux besoins de l'industrie et du marché du travail. Ce serait,
selon nous, stimulant et pour les professeurs et pour les étudiants:
pour les professeurs puisqu'ils se retrouvent dans un environnement qui est
beaucoup plus stimulant puisqu'ils ont des collègues qui partagent leurs
préoccupations, qui ont une formation identique et qui partagent des
instruments de formation de même niveau, disons, et pour les
étudiants, effectivement, bien, c'est beaucoup mieux de pouvoir avoir
accès à cette masse critique de professeurs et à ces
ressources qui seraient mises à la disposition des étudiants dans
le cadre d'instituts spécialisés.
Ça nous mène à la relation qui existe entre les
entreprises et les institutions d'enseignement. Il existe déjà,
à l'heure actuelle, des relations qui se sont très bien
développées, qui ont porté fruit dans plusieurs secteurs.
On peut ainsi former des étudiants des secteurs de pointe selon les
exigences précises du marché du travail. Les relations
entreprises-cégeps peuvent être une source de financement,
peut-être pas directement en termes de budget, mais en termes
d'équipement que les entreprises peuvent fournir aux cégeps et
aux instituts qui pourraient s'allier à des grandes entreprises dans
certains secteurs. Finalement, ça donne des débouchés
beaucoup plus directs à certains étudiants puisqu'ils ont
déjà la formation précise que les employeurs recherchent.
Donc, on encourage beaucoup la poursuite de ces liens-là,
cégeps-entreprises, comme on l'avait fait l'année dernière
dans le cadre d'un mémoire qu'on avait soumis à M. Tremblay. On
avait dit qu'on suggérait de mettre l'emphase sur ces
relations-là puisqu'elles nous apparaissent très
créatrices. (9 h 50)
Finalement, ça débouche un peu sur une espèce de
triangle où on retrouve l'État, l'entreprise et les
collèges et où il est nécessaire, selon nous, de
développer les pistes, de voir, d'essayer d'être plus proactifs
pour développer les secteurs qui, croit-on, seront les secteurs de
pointe dans les 10, 15, 20 prochaines années. Donc, en prenant
dès maintenant les directions, les actions qui permettent de
développer ces liens-là, on peut permettre que des
diplômés, que des étudiants de secteurs techniques puissent
former une relève pour pouvoir développer des secteurs
industriels qui seront déterminés à l'intérieur des
ministères ou à l'intérieur du gouvernement. Selon nous,
ces relations cégeps-entreprises puis la création d'instituts
constituent une bonne base pour valoriser l'enseignement technique au sein des
étudiants qui sont parfois à la recherche de voies ou de pistes
d'études.
La troisième section touche la revalorisation de la profession
d'enseignant. Évidemment, j'imagine que, dans le cadre de cette
commission et, de façon plus générale, dans le public, on
critique souvent les enseignants ou les professeurs. Mais, selon nous,
au-delà de cette critique, je pense que les enseignants, c'est quand
même le coeur des institutions, c'est quand même le coeur du
système d'éducation. Alors, c'est pour ça qu'on trouve
important de revaloriser cette profession-là puisque je pense que c'est
quand même de notoriété que les enseignants ne sont
peut-être pas toujours valorisés au point où ils devraient
l'être.
Pour ça, on propose quelques pistes, la première
étant le retour au tutorat, c'est-à-dire d'instaurer un
système de tutorat comme ça existe déjà dans
quelques collèges, comme ça existe au niveau secondaire, dans
certaines institutions. Nous, en tant qu'étudiants du cégep des
années précédentes, je pense qu'on aurait
apprécié avoir des relations plus étroites avec nos
professeurs, du moins avoir des professeurs qui puissent nous permettre de
faire une transition entre le niveau secondaire et le niveau collégial,
donc avoir une transition plus en douceur et ne pas se retrouver, du jour au
lendemain, totalement autonomes, du moins supposément autonomes, alors
qu'on ne l'est peut-être pas. Donc, selon nous, ce retour au tutoriat
favorise une relation professeurs-étudiants qui est stimulante et pour
les étudiants et pour les professeurs.
Je vais sauter tout de suite au système d'évaluation du
personnel qui, selon nous, doit viser l'objectif de qualité
d'enseignement au niveau des cégeps ou des institutions
collégiales.
Cette évaluation-là, on ne doit pas la voir comme quelque
chose de négatif au sein du corps enseignant, on doit la voir comme
quelque chose de positif. Si on est capable d'avoir un système
d'évaluation qui valorise les bonnes choses, qui valorise les bonnes
fonctions, la recherche de bons éléments au sein du corps
professoral, bien,
je pense que c'est positif et ça ne doit pas être vu comme
une menace de la part des enseignants. Il faut toujours garder en tête,
dans le cadre d'un système d'évaluation comme ça, que
c'est le client ultime, l'étudiant, qui doit en
bénéficier.
La Présidente (Mme Harel): Je vais vous demander de
conclure.
M. Carpentier: Oui, je conclus. En conclusion, je pense qu'on va
revenir un petit peu à ce qu'on disait tout à l'heure, c'est la
flexibilité qu'on doit retrouver au sein des institutions
d'enseignement. Elles doivent chercher à s'adapter à
l'environnement qui a beaucoup changé depuis les dernières
années, depuis la fondation du réseau des cégeps. Elles
doivent être capables de modifier leur façon de gérer les
ressources qui sont mises à leur disposition, puisqu'elles ont des
ressources qui sont quand même existantes et qu'elles doivent être
en mesure de pouvoir en tirer le maximum. Finalement, on y revient, elles
doivent travailler constamment en fonction des clients qui sont les
étudiants.
Et, en concluant, peut-être que les ressources humaines, les
professeurs, donc le corps enseignant, c'est pour nous la pierre angulaire du
système. On doit le ménager, on doit lui donner les moyens de se
gérer et d'être géré. Voilà.
La Présidente (Mme Harel): Alors, je vous remercie.
J'inviterais peut-être M. Girard à compléter la
présentation, ou si je dois conclure que c'est terminé?
M. Girard: Je pense que la conclusion est déjà
là, les mots clés étant partis. Ha, ha, ha!
Une voix: ...«flexibilité»...
M. Girard: ...c'est ça, «flexibilité»,
«gestion» et «revalorisation».
La Présidente (Mme Harel): Alors, je vous remercie.
J'inviterais immédiatement Mme la ministre à échanger avec
vous.
Mme Robillard: Merci Mme la Présidente. D'abord, je
voudrais remercier la Jeune Chambre de commerce de Montréal pour
l'intérêt qu'elle porte à l'enseignement collégial
québécois et souligner comment c'est intéressant
d'étudier avec vous des solutions que vous envisagez puisque, comme vous
nous l'avez dit au point de départ, vous êtes des jeunes qui, il
n'y a pas si longtemps, étiez à l'ordre collégial
vous-mêmes. Donc, vous êtes en mesure de nous donner une
appréciation de la formation que vous avez reçue et, en
même temps, de nous dire maintenant comment vous vivez ça dans le
monde du travail.
Alors, ma première question serait à l'effet de votre
position... Je prends pour acquis que vous avez pris position sur le maintien
du cégep. Je voudrais savoir si la Jeune Chambre a fait une
réflexion particulière sur ce sujet-là. Est-ce que vous
avez réfléchi sur cette question-là dans son ensemble?
Est-ce que vous avez étudié d'autres hypothèses ou est-ce
que c'est parce que - étant donné la satisfaction que vous avez,
vous, de vos études collégiales - vous dites: La formule est
intéressante?
M. Girard: Je dirais qu'il n'y a pas eu une réflexion en
comparant avec d'autres possibilités: qu'est-ce qui arriverait si on
laissait complètement tomber le système des cégeps et
qu'on recommençait à zéro? Pourquoi on n'a pas fait cette
réflexion-là? Parce qu'on pense qu'on n'avance pas en jetant
constamment tout par terre pour recommencer à zéro. Il y a
beaucoup de bon dans le système actuel. Il y a des ajustements à
faire. C'est plus en prenant ça comme point de départ qu'on a
développé notre réflexion par la suite.
M. Chartier: Je pense, si je peux ajouter quelque chose, qu'il
faut arrêter, au Québec, de tout remettre en question. Je pense
qu'on a remis beaucoup de choses en question au cours des années
soixante, mais là je pense qu'on est à une étape où
on doit bâtir sur ce qu'on a déjà. Et c'est un peu dans ce
sens-là qu'on postule que le principe du cégep doit être
maintenu.
Mme Robillard: Par ailleurs, vous faites une affirmation,
à la page 4 de votre mémoire, je peux vous dire, une affirmation
qui peut, à certains égards, faire plaisir à la ministre
de l'Enseignement supérieur et de la Science du gouvernement à
l'effet que l'aspect financier ne représente pas de problème dans
les cégeps. Je pense que c'est la première fois que j'entends
ça ici, au niveau de la commission. Vous dites très clairement -
mon collègue de l'Opposition était sûrement aussi surpris
que moi - que les ressources financières vous apparaissent suffisantes
et vous pensez que c'est peut-être la répartition ou la
réallocation des ressources qui était à envisager.
Expliquez-moi un peu ce qui vous a amenés à conclure
à cet effet-là et comment vous voyez cette réallocation de
ressources.
M. Carpentier: D'abord, je pense que, quand on veut dire que
l'argent ou les budgets ne sont pas un problème, c'est que, selon nous,
ce n'est pas là-dessus qu'on doit essayer de travailler. Ce n'est pas en
ajoutant 100 000 000 $, 200 000 000 $ qu'on va régler les
problèmes qu'on trouve actuellement. Je pense qu'on a un budget qui
permet à ces institutions de fonctionner. Sauf que la façon, les
moyens qu'on a de travailler avec ces budgets-là sont selon nous
inadéquats; ils ne permettent pas d'en tirer suffisamment de
résultats.
Donc, quand on dit que le problème financier ou l'aspect
financier n'est pas un problème, c'est qu'on ne voudrait pas que la
discussion s'oriente sur le fait d'ajouter des budgets et que chacun arrive
avec sa liste d'épicerie et dise: Moi j'ai besoin de tant, tant, tant de
millions. Je pense qu'avant de faire cet exercice-là, on doit faire
l'exercice de regarder ce qu'on a comme ressources actuellement et comment on
peut les réorienter vers les secteurs où on en a vraiment besoin.
(10 heures)
La deuxième question, c'est: Comment on le fait? Je pense qu'au
niveau de l'administration des institutions il y a quand même des gens
qui connaissent comment fonctionne le système, qui sont en mesure de
dire où est le gras, où se retrouvent les éléments
moins productifs et comment on pourrait les réorienter. Je pense que
notre fonction ou notre position ne nous permet pas d'aller dans les
technicalités et de dire comment on peut réorienter les
ressources. Je pense qu'il est important qu'à travers les programmes qui
sont établis par le ministère et à travers les objectifs
qu'on fixe le réseau soit capable de réorienter, à
l'intérieur de ses murs, les ressources dont les institutions peuvent
avoir besoin pour développer tel ou tel programme.
M. Girard: Si je peux ajouter le point suivant là-dessus,
deux choses. Au point de vue du principe, si on a une entreprise qui
dégage de gros profits et qui veut améliorer sa
productivité, elle va acheter de nouveaux équipements, elle va
investir sans trop se poser de problème. À partir du moment
où on a une entreprise qui est déficitaire, avant d'aller faire
de nouveaux emprunts, on va commencer par regarder: Avec l'argent qu'on a en ce
moment, est-ce qu'il y a possibilité de faire mieux? Au Québec,
comme, du reste, au Canada, on connaît un fort déficit, on a des
problèmes de déficit. Avant de prendre la solution d'emprunter
davantage pour améliorer le système, la première question,
c'est: Avec le même budget, est-il possible de faire mieux? Voilà
pour la question du principe.
Quant à savoir comment, comme l'a dit mon collègue, il ne
s'agit pas ici d'entrer dans l'ensemble des technicalités. Il y a
peut-être quand même possibilité de donner un exemple pour
montrer de quoi on parle quand on dit «réallocation de
ressources». Il a été mentionné tout à
l'heure que, du point de vue de la flexibilité, il y a des postes de
coordonnateurs, quand on parlait des gens qui servent deux maîtres, et
qui ne sont peut-être pas les mieux placés en ce moment pour
gérer l'enseignement ou l'éducation. Je n'irai pas très
loin dans le détail. Disons simplement que les cégeps sont ainsi
structurés qu'il y a des départements où il y a des
coordonnateurs qui sont des professeurs dont une partie de leur tâche.,
un tiers à peu près de leur temps est libéré pour
faire de la coordination. Et nous posons la question: Est-ce que c'est
là... Quand on regarde l'ensemble, ce que ça représente
comme enveloppe budgétaire dans l'ensemble du système, on parle
d'à peu près 25 000 000 $. Est-ce que ces 25 000 000 $ ne
seraient pas mieux utilisés en n'ayant pas des tiers de temps de
libérés, mais plutôt une personne dont la tâche sera
complètement... donc, plutôt que d'avoir seulement une partie de
son temps qui sera libérée pour cette tâche-là, que
sa tâche sera de gérer... plutôt que de gérer un seul
département, d'en gérer trois - on a nos trois tiers - et cette
personne-là, qu'elle soit sortie de l'unité
d'accréditation, donc qu'elle ne soit pas constamment paralysée
à avoir à assumer, d'une part, des responsabilités de
gestion tout en étant un syndiqué. C'est un exemple de situation
où on peut faire de la réallocation d'argent et peut-être
atteindre une meilleure productivité ou une meilleure
efficacité.
Mme Robillard: Oui.
M. Chartier: Oui, je veux simplement conclure sur ça. Je
pense qu'avant de se demander combien d'argent de plus ça nous prend il
faut se demander: Est-ce qu'on en a pour notre argent avec 1 200 000 000 $? Et
là, après ça, si on répond par la négative,
là on pourra se demander combien d'argent ça prend pour qu'on ait
un réseau efficace. Mais il faut d'abord se demander: Est-ce qu'on en a
pour notre argent avec ça?
Mme Robillard: Vous nous faites différentes suggestions
dans votre mémoire et l'une d'elles est à l'effet de valoriser
davantage les programmes techniques. D'ailleurs, plusieurs intervenants qui
viennent à la commission parlent de cette valorisation des programmes
techniques. Moi, je serais intéressée de savoir, outre des
grandes campagnes de sensibilisation et de valorisation ou des actions faites
par le ministère ou par le réseau des cégeps, ce que la
Jeune Chambre de commerce de Montréal est prête à faire
pour valoriser la formation technique au Québec.
M. Girard: D'une part, il y a déjà des choses qui
se font, dans la mesure où tous les membres de la Jeune Chambre de
commerce ne sont pas nécessairement des universitaires, j'ai dit tout
à l'heure qu'on avait des gestionnaires, des professionnels, mais on a
aussi des entrepreneurs. Beaucoup d'entrepreneurs sont des gens qui ont
monté leur propre entreprise et, là-dedans, on a des gens qui
émanent des techniques. Alors, il y a déjà des choses qui
se font de ce côté-là. Je pense que si on parle de campagne
d'éducation ou de valorisation, oui, la Jeune Chambre de commerce, comme
d'autres organismes, peut mettre peut-être davantage en lumière
les succès de ces gens-là, mais il s'agit, évidemment,
pour tous les intervenants, de pousser dans
la même voie. Mais il s'agit d'abord, au niveau de l'enseignement,
parce que c'est la question qui nous intéresse en ce moment, d'attirer
peut-être davantage les jeunes ou de les informer que les emplois, en ce
moment, sont là. On peut faire nos sciences humaines, comme beaucoup
d'entre nous les ont faites, et courir après un bac ou deux bacs ou
trois bacs parce qu'on se rend compte qu'un bac en sciences sociales ou en
littérature, au-delà de la culture que ça nous donne, en
termes d'emploi, ça peut être long avant d'aboutir. Alors, je
pense que d'informer déjà les jeunes, au moment où ils
font leur choix de carrière, et de les inciter à aller là
où on a besoin d'eux, c'est déjà une façon de
valoriser.
Mme Robillard: Mais est-ce que, concrètement, la Jeune
Chambre de commerce a un plan d'action pour attirer davantage les jeunes au
niveau de la formation technique, pour valoriser cette formation-là?
Est-ce qu'il y a un plan d'action au sein de la Jeune Chambre de commerce de
Montréal?
M. Chartier: D'abord, il faut dire que les gens de la Jeune
Chambre de commerce sont âgés de 18 à 40 ans. On a
probablement connu un des marchés de l'emploi les plus
compétitifs qu'on ait jamais connus. Or, on est extrêmement
sensibles aux difficultés qu'un étudiant, sortant du cégep
ou de l'université, peut connaître à se trouver un
emploi.
Donc, nous, de la Jeune Chambre de commerce, on n'est pas là
nécessairement pour faire de la formation technique ou pour... Notre
mission première ne se situe pas là, mais ça fait partie
de notre mission économique. On est très sensibles à
ça et je crois que les jeunes cadres, les jeunes gestionnaires sont
prêts à aller très loin dans cet aspect-là de la
formation. Ils sont prêts vraiment, je crois, à collaborer
étroitement avec les institutions d'enseignement collégial.
Mme Robillard: Je ne m'attends surtout pas à ce que la
Jeune Chambre de commerce fasse elle-même de la formation technique, loin
de moi cette idée. Mais, comme vous êtes, plusieurs de vos
membres, un exemple vivant de ce que ça veut dire, avoir
étudié au collège et assumé une
responsabilité dans la société par la suite, en
étant à la tête de vos entreprises, je pense que vous
êtes un des exemples importants au niveau de nos jeunes qui pourraient
avoir une influence pour les attirer davantage dans la formation technique.
C'était dans ce sens-là, ma question. Mme la Présidente,
je vais...
La Présidente (Mme Harel): Alors, merci. La parole est au
porte-parole de l'Opposition.
M. Gendron: Je vous salue amicalement. Je suis heureux que vous
soyez là. C'est intéressant, surtout quand des jeunes commencent
en disant qu'il faut arrêter, au Québec, de tout remettre en
question. Pour des gens du deuxième âge avancé comme nous,
c'est rafraîchissant. C'est rafraîchissant d'entendre ça,
qu'il ne faut pas tout bousculer.
Une voix: Deuxième âge?
M. Gendron: Oui, oui, deuxième âge, pas le
troisième âge.
Au niveau de l'argent, vous posez comme prémisse que vaut mieux -
et c'est de même que je l'avais compris, je pense - envisager une
réflexion sur le rendement que nous avons avec la structure des
études collégiales, eu égard aux sommes d'argent que nous
mettons dans cette institution ou ces institutions-là. C'est plus
ça que vous vouliez dire; 1 200 000 000 $, c'est sérieux, c'est
beaucoup d'argent, et, en conséquence, il faut se poser les questions:
Est-ce que nous en avons pour notre argent? C'est exactement l'expression que
vous avez utilisée. Moi, j'ai parlé de rendement ou
d'efficacité et je pense que vous êtes sur des bonnes pistes.
Essentiellement, votre mémoire me plaît parce qu'il touche
effectivement les éléments sur lesquels il y a lieu de
s'interroger plus particulièrement et vous avez fait des choix. Il y a
des éléments que vous ne touchez pas parce que, par contre, on ne
peut pas tout toucher. Je vais aller tout de suite à l'échange
pour profiter au maximum de votre présence.
J'ai été un peu surpris, cependant, que des jeunes comme
vous, justement des produits des cégeps que nous connaissons, souhaitiez
que nous fassions une révision, une adaptation. Et là, je vous
cite, vous avez dit: II faut s'adapter à la nouvelle
réalité d'aujourd'hui, mais ce n'est pas assez parce qu'il faut
faire ça dans une vision à long terme et on souhaite que
ça se fasse avec beaucoup de vision. Bien, j'ose espérer qu'on va
faire la réforme avec beaucoup de vision d'avenir. Justement dans cette
considération, j'aurais aimé ça vous entendre sur le type
de formation de base que vous avez reçue. En termes clairs, une des
questions qui est le plus à réapprécier ou
réévaluer: Est-ce que nous dispensons à nos jeunes gars et
filles du Québec d'avenir la formation de base requise,
souhaitée, qui correspondrait à cette vision d'avenir et qui
permettrait d'envisager le demain long terme avec plus de confiance et
d'optimisme? En clair, c'est quoi les reproches que vous auriez à faire
sur le type de formation de base que vous avez reçue, si vous en avez
à faire, et qu'est-ce qui serait le plus urgent de modifier? (10 h
10)
M. Girard: Je pense qu'à cette question-là il est
difficile de répondre sans amener une collection d'anecdotes, une
kyrielle de situations particulières ou de cas particuliers. Je pense
qu'on peut dire qu'une des choses qui ne devraient plus jamais se voir au
collège, c'est des
étudiants qui n'assistent pas aux cours parce qu'il ne s'y passe
rien, mais qui vont quand même réussir le cours et ils le savent
très bien. Ils le savent très bien parce que... Et là je
ne porte pas un jugement sur ce qui se passe en ce moment, mais je porte un
jugement sur ce qui se passait de mon temps, pas si lointain, où les
étudiants étaient appelés à s'autoévaluer.
Les cégeps ont été... Je reprends. Le monde de
l'enseignement a été, comme d'autres mondes ou d'autres couches
de notre société, traversé par des modes, mais les
cégeps ont peut-être été plus sensibles ou plus
réceptifs aux différents courants de modes pédagogiques
qui se sont présentés, l'autoévaluation étant un
des cas, et j'en parlerais plus comme une histoire d'horreur qu'autre chose. Il
ne faut plus jamais connaître ça. Ce n'est pas vrai que même
un étudiant honnête, un étudiant... Il ne s'agit pas de
remettre ça en question, mais quand on lui demande: Connais-tu ta
matière? bien, je suis là pour que vous me le disiez. Vous
êtes là pour enseigner la matière et je suis là pour
que vous m'aidiez à avoir le regard d'une tierce partie pour m'aider
à évaluer si effectivement je réussis bien. Alors, je
pense qu'au niveau de la formation il s'agit d'avoir un contenu, il s'agit
aussi d'avoir une évaluation qui soit conforme à ce
contenu-là.
M. Gendron: Merci. Un des points également que, je pense,
il est logique d'aborder: Si les jeunes étudiants sont au coeur des
études collégiales, les dispensateurs de la formation sont aussi
très proches et je vous ai trouvé... Si c'est ça, tant
mieux, il y a des choses qui doivent être dites, mais je vous ai
trouvé pas mal «rough», entre guillemets, excusez
l'expression, pour l'équipe professorale, et je vous cite là:
«Le corps professoral nous semble parfois peu motivé et peu
satisfait de son sort et, par conséquent, ne présente pas une
performance très élevée.» C'est sévère
comme jugement. Si c'est ça, je n'ai pas de trouble à vivre avec
ça, mais je fais juste vous dire que selon une enquête... Bon,
ça vaut toujours ce que ça vaut, mais j'aimerais avoir votre
point de vue là-dessus. Lorsqu'on avait fait un sondage assez
détaillé, pour ce qui est des professeurs, on disait ceci: Les
répondants aux sondages ont une bonne opinion des professeurs de
cégeps. Ils apprécient particulièrement leur
compétence; 76 % disaient qu'ils étaient compétents. Ils
les trouvent consciencieux dans leur travail - 68 % disaient ça - et
disponibles pour répondre aux besoins des étudiants et des
étudiantes. Je m'arrête là.
La question que je vous pose: Si vous portez un jugement si
sévère, compte tenu de l'importance du corps professoral, vous
parlez de revaloriser la profession d'enseignant, j'en suis, mais je ne trouve
pas qu'en allant uniquement avec un jugement aussi fort sur l'ouverture d'un
système de tutorat on va régler l'affaire. J'aime- rais ça
que vous soyez un petit peu plus volubile là-dessus et plus
précis sur votre jugement. Vous l'avez porté à partir de
quoi? Est-ce que vous avez des données qui nous permettraient
d'apprécier davantage le jugement sévère que vous
portez?
M. Girard: Peut-être la première chose, quand on
parle de revalorisation, il s'agit d'une revalorisation dans la façon
dont les gouvernements vont parler des enseignants. Pour beaucoup
d'enseignants, le souvenir d'une parole d'un certain premier ministre au
début des années quatre-vingt disant - et là
peut-être qu'il s'adressait davantage aux enseignants du secondaire -
que, dans le fond, que les enseignants soient là ou ne soient pas
là, les écoles vont fonctionner pareil. Ces paroles-là
sonnent encore aux oreilles de beaucoup d'enseignants, pour en avoir parmi mes
proches. Je pense que ces choses-là, on ne devrait plus les
connaître.
Maintenant, poser un regard critique en disant: Est-ce qu'on est
contents de la façon dont ça fonctionne en ce moment? si on
répond oui, arrêtons là. Si on n'est pas contents de la
façon dont ça fonctionne, le fait d'essayer honnêtement de
trouver - pas des coupables - des failles, ce n'est pas en soi
dévaloriser les gens qu'on se trouve à regarder à ce
moment-là. Alors, il y a une revalorisation. Et, dans la mesure
où il y aura des remises en question d'un certain nombre d'acquis qu'on
demande dans notre mémoire, je pense qu'en soi ça va montrer
tellement un engagement de la part des enseignants puis, en soi, ça va
les revaloriser.
Cela dit, ils sont au coeur du système, et je pense que c'est
important de les reconnaître et c'est important de leur donner un
rôle en conséquence.
M. Chartier: Je pense que, si je peux simplement me permettre...
On n'en veut pas aux professeurs. Il faut bien se comprendre. On ne critique
pas indûment le corps professoral. Ce que nous disons, c'est que les
professeurs doivent être évalués selon des méthodes
qui soient plus objectives. Puis à part de ça, dans l'industrie
privée, on ne retrouve pas, on ne retrouvera jamais les mêmes
conventions collectives et les mêmes avantages, les mêmes
protections que les professeurs ont dans le secteur public. Et ça, pour
nous, c'est un facteur qui enlève une certaine motivation d'excellence.
Vous savez, dans l'entreprise, moi, ma sécurité d'emploi
dépend de ma performance. Et je crois qu'il faudra un peu s'inspirer de
ce modèle pour le secteur public.
M. Gendron: Merci beaucoup sauf que, là, rapidement...
Puis je ne veux pas tout mettre autour de ça. Là, il y en a qui
ont glissé sur la sécurité d'emploi. Oui, il faudrait
peut-être en discuter, mais on va appeler les choses par leur
nom. Dans votre mémoire - et ça me satisfait comme
explication, mais ce n'est pas moi qui l'ai porté, le jugement, et on ne
peut pas s'en sortir comme ça simplement en disant: Bien oui, mais,
écoutez, on souhaite que les autres en parlent avec beaucoup d'emphase
puis de revalorisation. C'est quand même vous, dans votre mémoire,
qui avez dit ce que je vois là. Le corps professoral nous semble peu
motivé, peu satisfait. Selon les informations dont je dispose, je ne dis
pas qu'il n'y en a pas qui sont dans cette tendance. Il y en a partout, des
gens que j'aimerais mieux voir ailleurs. Il y en a partout. Mais, globalement,
moi, je ne peux pas porter le jugement que le corps professoral n'est pas
attaché à sa responsabilité, qu'il n'est pas motivé
et qu'il n'a pas le goût de s'impliquer davantage, parce qu'on va en
entendre, puis il y en a qui sont venus nous dire qu'eux aussi conviennent
qu'il y a lieu d'apporter des modifications et d'adapter le régime.
Si vous glissez sur l'évaluation, là, vous avez un
allié sans problème. C'est pour ça que j'y vais tout de
suite avec mon autre question. Vous pouvez faire votre commentaire dans la
réponse à la question sur l'évaluation. Que des jeunes qui
ont passé par les études collégiales nous disent: II faut
avoir un système d'évaluation plus serré avec des
méthodes évaluatives plus éprouvées, qui est plus
large, qu'il convient non seulement d'évaluer les apprentissages puis le
corps professoral, mais l'ensemble de ce qui se passe dans un cégep,
ça, je trouve que vous êtes sur une piste extraordinaire.
Par contre, quand vous dites: II faudrait modifier les systèmes
d'évaluation qui constituent, selon vous, une priorité dans les
réformes à venir, j'aimerais ça, encore là, vous
entendre un peu plus précisément sur des choses très
claires. Est-ce que vous voyez les étudiants dans le coup? Est-ce que
vous croyez que les étudiants devraient participer davantage au
processus d'évaluation? De quelle façon souhaitez-vous que le
processus soit modifié? Est-ce que vous êtes d'accord avec des
examens nationaux? Est-ce que vous croyez qu'il devrait y avoir des examens de
contrôle nationaux? Si vous touchiez ces trois points dans votre
réponse, je serais satisfait là-dessus.
M. Carpentier: Au niveau de l'évaluation, je pense qu'il y
a quand même deux aspects. On va parler de l'évaluation des
professeurs et de l'évaluation de la performance des institutions comme
telles. Au niveau de l'évaluation des professeurs, je pense qu'il est
clair qu'on voit que les étudiants doivent être dans le coup,
comme vous dites, ne serait-ce que pour la question que c'est le client ultime.
Quand on est dans une entreprise et qu'on veut savoir si nos produits, si ce
qu'on vend, si ce qu'on fait est bien fait et si ça touche le
marché, qui est-ce qu'on va voir? C'est le consommateur, c'est le
client. Donc, pour nous, il est hors de question que les étudiants
soient exclus de toute forme d'évaluation de leurs professeurs.
Je pense que dans les entreprises, actuellement, il y a une nouvelle
façon d'évaluer qui est en train de se mettre en branle. C'est
qu'on n'évalue plus les gens d'un à un, donc,
patron-employés. C'est souvent un groupe de gens qui vont évaluer
un individu pour éviter toutes sortes de mauvaises perceptions, de
conflits de personnalités et autres. Donc, on voit que ce serait
possible d'avoir et des étudiants et peut-être un groupe de
professeurs qui évalueraient les individus ou leurs pairs. Selon nous,
je pense que plus on rentre d'individus, plus on rentre de composantes dans le
système d'évaluation, plus il risque d'être juste et moins
il risque de dévaloriser certaines personnes aux dépens des
autres ou pour profiter à d'autres. Ça, c'est pour
l'évaluation au niveau des professeurs. (10 h 20)
Au niveau des institutions comme telles, je pense que, et ça a
fait beaucoup de bruit dernièrement, les classements des institutions
doivent, selon nous, exister. Qu'ils soient farts par des institutions
externes, selon nous, c'est nécessaire, mais ils peuvent
également être faits à l'intérieur d'un groupe,
à l'intérieur du réseau des cégeps qui peuvent
s'autoévaluer. Selon nous, ce serait une perspective à envisager.
Donc, ça, c'est ma réponse. Je pense que... Rien à
ajouter?
M. Gendron: Ça va? J'aurais une autre question. Je trouve
que vous avez bien fait de mettre l'accent sur une meilleure formation dite
technique. Pour ce faire, ça prend, bien sûr, une valorisation
accrue. Bien sûr, ça prend peut-être des programmes plus
mordants, plus adaptés, encore là, aux besoins des années
2000 et plus, pour être toujours dans une vision, non pas le nez sur
l'arbre, mais un peu plus à longue portée. À un moment
donné, vous arrivez avec une suggestion - il y en a d'autres, mais j'en
prends une - vous insistez sur la nécessité de rationaliser les
programmes techniques et qu'il serait important que certaines institutions se
spécialisent, particulièrement celles situées dans la
région métropolitaine. C'est ce que vous dites dans votre
mémoire. Quand vous faites ça, est-ce que votre optique est
davantage animée ou guidée dans une rationalisation des
coûts ou dans une rationalisation des programmes? Parce que ce n'est pas
la même chose. Quand vous préconisez ce type de rationalisation
là, particulièrement dans le bassin montréalais, est-ce
que c'est pour qu'on réduise le nombre de mêmes programmes offerts
ou si c'est une économie de coûts pour mieux s'assurer que les 1
200 000 000 $ servent plus efficacement le régime des études
collégiales? C'est dans quelle optique que vous avez
préconisé cette rationalisation, plus particulièrement
à Montréal? Parce que juste l'incidence dont j'ai peur... Je n'ai
rien contre ça, une rationalisation à Montréal, mais,
quand vous
parlez de Montréal, une rationalisation de la formation
technique, il faut faire attention à l'offre, quand même, d'une
bonne formation technique en région, qui est fondamentale. Ce n'est pas
parce que c'est bien rationalisé à Montréal que ça
donne de la perspective par rapport à l'accessibilité. Donc, je
voulais que vous soyez conscients de ça.
M. Chartier: Je pense que, tout d'abord, si on atteint une masse
critique dans certains programmes, on est capables d'offrir, on est capables de
concentrer l'expertise aux endroits où cette masse critique est
présente. Ça, ça atteint deux objectifs: d'une part,
ça améliore la qualité et, d'autre part, ça
élimine des coûts. Donc, je pense que c'est vraiment ça.
L'objectif, c'est vraiment d'atteindre une masse critique. Pourquoi a-t-on 46
programmes d'administration dans les cégeps à Montréal?
Pourquoi a-t-on, je ne sais pas, 40 programmes de techniques administratives,
peu importe, alors qu'on pourrait très bien concentrer... Ce n'est
peut-être pas un bon exemple, mais, en termes de domaines plus
spécialisés, on pourrait concentrer nos efforts en un endroit
spécifique, se coller aussi... s'intégrer très bien aux
grappes industrielles présentées par le ministre Tremblay, que
nous appuyons, et, en même temps, réduire les coûts par une
efficacité accrue. C'est dans cette optique-là que nous
proposons, je crois, une spécialisation.
La Présidente (Mme Harel): Merci, M. le
député d'Abitibi-Ouest. La parole est maintenant au
député de Sherbrooke.
M. Hamel: Merci, Mme la Présidente. Vous dites à la
page 7 de votre mémoire: «Nous croyons que des alliances
cégeps-entreprises doivent être encouragées, et ce, pour
plusieurs raisons.» J'aimerais ça que vous nous disiez un peu
quelle forme peuvent prendre de telles alliances. J'aimerais ça que vous
alliez un petit peu plus à fond là-dedans, s'il vous
plaît.
M. Carpentier: Je pense qu'on peut mettre plusieurs
catégories ou plusieurs types de relations qui peuvent exister entre les
entreprises. D'abord, on peut le voir au niveau de la formation comme telle,
formation technique, les gens qui vont travailler sur des produits ou sur des
machines bien précises qui peuvent être fournies par des
entreprises. Donc, on recherche des gens qui vont travailler - ça existe
déjà - sur tel type de machine de pâte à papier ou
tel type de machine à papier. C'est les besoins qu'on a. Il n'y a pas un
cégep qui peut se payer ça. Donc, on fait une alliance avec une
entreprise ou avec des entreprises qui oeuvrent dans ce domaine-là et
elles, elles vont fournir du temps aux étudiants qui vont pouvoir
travailler sur ces machines-là. Ils vont peut-être fournir de
l'encadrement aussi, ils vont pouvoir fournir une expertise technique pour
pouvoir assister les professeurs dans ce domaine-là. Premier type
d'alliance ou de partenariat.
On pourrait également le voir dans le cadre de fournisseur de
biens aux cégeps; on l'a vu dans les alliances avec des fournisseurs de
produits informatiques. Il y a des cégeps qui ont fait des ententes avec
des très gros fournisseurs de produits informatiques, qui ont
réussi à avoir des rabais, qui ont réussi à avoir
une assistance technique beaucoup plus efficace, beaucoup plus rapide et bien
meilleure que s'ils s'étaient approvisionnés en faisant un peu de
magasinage à droite et à gauche. Donc, c'est le type... Je ne
veux pas m'éterniser mais je pense que c'est quelque chose sur lequel,
nous, on compte beaucoup parce qu'on est de ce milieu-là, on est du
milieu des affaires, du milieu privé. On croit qu'on peut faire quelque
chose, qu'on peut apporter quelque chose au réseau des cégeps ou
au réseau de l'enseignement comme tel puisque, effectivement, on est les
premiers aussi à bénéficier de la formation que les
cégeps vont offrir aux étudiants. C'est nous qui allons
être les gens qui vont les employer, donc on a intérêt
à ce qu'ils soient bien formés.
M. Hamel: Merci.
La Présidente (Mme Harel): Merci, M. le
député de Sherbrooke. Pour conclure, la parole est à la
ministre.
Mme Robillard: Je voudrais vous remercier
particulièrement, les membres de la Jeune Chambre de commerce, de vous
être intéressés à ce sujet et d'avoir fait partager
votre point de vue aux membres de la commission. Et je ne peux que souhaiter
que vous fassiez partager davantage votre expérience aux jeunes
Québécois et aux jeunes Québécoises pour leur
démontrer que la formation technique au collégial ouvre des
débouchés fort intéressants pour l'avenir du
Québec. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Harel): Merci, M. Girard, M. Carpentier
et M. Chartier. J'invite maintenant la Fédération des
cégeps à prendre place. (10 h 30)
Alors, si vous permettez, je demanderais à tous de reprendre
place. Nous sommes assez nombreux et nous devrons nous plier à la
discipline habituelle dans les commissions parlementaires. Alors, je
demanderais d'abord le consentement des membres de cette commission pour que
les tableaux qui nous sont présentés puissent être
affichés. C'est là l'usage de la commission parlementaire. Alors,
je comprends donc qu'il y a consentement.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux représentants et
porte-parole de la Fédération des cégeps. Je vais en
profiter pour féliciter M.
Leduc, le président de la Fédération, pour sa
récente nomination. Je suis convaincue qu'il va y exceller, comme il le
fait à la direction du cégep Maisonneuve. Alors, M. Leduc, si
vous pouviez nous présenter les personnes qui vous accompagnent.
Fédération des cégeps
M. Leduc (Pierre): Avec plaisir. Merci, Mme la Présidente.
Je vous présente donc, à ma droite, M. Pierre Parent, le
vice-président de la Fédération des cégeps et le
président du conseil d'administration du cégep de Rosemont. M.
Parent est le directeur du Bureau de développement de
l'Université du Québec à Montréal. À sa
droite, Mme Louise Chené, directrice des services pédagogiques au
cégep de Sainte-Foy et présidente de la Commission des affaires
pédagogiques de la Fédération des cégeps. À
ma gauche, M. Gerald Brown, le directeur général du cégep
John Abbott, de Sainte-Anne-de-Bellevue. À ses côtés, M.
Reginald Lavertu, le directeur général du cégep de
Rivière-du-Loup, et M. Yves Sanssouci, le directeur
général du cégep Édouard-Montpetit, de Longueuil,
et jusqu'à tout récemment président de la
Fédération des cégeps.
Mme la Présidente de la commission, Mme la ministre de
l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science, Mmes
et MM. les députés membres de cette commission, au nom de la
Fédération des cégeps, nous nous présentons
à ces audiences avec plaisir, car l'invitation du gouvernement et de
l'Assemblée nationale, en mars dernier, a été pour tout le
réseau des cégeps le déclencheur d'une réflexion
vigoureuse sur les grands dossiers du collégial, réflexion dont
nous sommes maintenant contents de partager les résultats.
De plus, par le biais de cette réflexion, il s'est
effectué comme une grande opération de cohésion et de
concertation dans les établissements et entre les établissements,
comme cela ne s'était peut-être jamais vu au cours de nos quelque
25 ans d'histoire. Nous avons été heureux de vivre cette
expérience et nous le sommes tout autant, sinon davantage, de vous le
dire aujourd'hui.
Notre Fédération regroupe les 46 cégeps du
Québec, francophones et anglophones, répartis sur l'ensemble du
territoire. L'assemblée générale de cette
Fédération, son instance souveraine, réunit les
présidents et les présidentes des conseils d'administration et
les directeurs généraux et directrices générales de
chacun de ces collèges. Cette double composition de notre
assemblée souligne bien la présence des représentants des
communautés socio-économiques régionales dans les
collèges et dans leur Fédération.
Pour préparer ce mémoire, nous avons effectué une
très large consultation auprès des quelque 300 cadres de
direction des collèges qui ont précisé, enrichi et
validé chacune des recommandations. Nous avons également
mené diverses recherches auprès de la population, des anciens
étudiants, de nos partenaires, et nous avons rencontré les
représentants de plus de 40 organismes socio-économiques, de
sorte que les positions que nous présentons prennent
véritablement en compte les opinions et les avis de publics nombreux et
diversifiés.
À l'occasion de cet examen complet du dossier du
collégial, nous avons évidemment évalué le chemin
parcouru depuis les débuts. Et, dans un premier temps, nous tenons
à dire notre fierté d'avoir réalisé collectivement
ce grand réseau des collèges. Le collégial a effectivement
permis l'accès à des études supérieures à
des centaines de milliers de citoyens et de citoyennes du Québec. Nous
sommes passés de 16 % d'accès collège d'une cohorte
d'âge en 1967 à 60 % aujourd'hui. Ce réseau a
inventé - littéralement inventé - un niveau propre
d'enseignement. Il a développé un secteur technique
impressionnant, plus d'une centaine de programmes dont les employeurs sont
particulièrement satisfaits. Il a accueilli des milliers d'adultes,
développé des services aux entreprises, mis sur pied des centres
spécialisés. Bref, le Québec peut aujourd'hui compter sur
un réseau dynamique et entreprenant d'établissements
d'enseignement supérieur accessibles et polyvalents.
Les cégeps persistent donc et signent, pour ainsi dire; ils sont
là, et bien vivants. Et si d'aucuns s'inquiétaient encore au
printemps dernier, lors de l'annonce de cette commission, des dangers que
pourrait courir l'institution cégep elle-même à subir
à nouveau sondages, examen complet et diagnostic, eh bien! ils auront eu
de vaines appréhensions, car on viendra de partout à cette
commission parlementaire pour confirmer les cégeps dans leur
existence.
Et nous souhaitons vivement que le résultat de toute cette
immense opération soit que le gouvernement du Québec, avant
même de donner suite à telle ou telle recommandation et compte
tenu de sa vision désonnais renouvelée de l'ensemble du dossier,
refasse, 25 ans plus tard, le choix du cégep. Qu'il réaffirme que
l'ordre collégial s'est avéré une réalisation
marquante, un investissement majeur et judicieux pour le mieux-être de la
société québécoise. Qu'il déclare que le
cégep doit continuer à se développer sur cette
lancée, non pas toutefois sans un vigoureux programme de mise à
jour et de réforme, si l'on veut vraiment qu'un nouveau cégep
puisse répondre adéquatement aux besoins du Québec
d'aujourd'hui et de demain.
Dans cette présentation du mémoire, nous décrirons
donc brièvement les principaux éléments de cette
réforme à la base de notre nouveau cégep. Ensuite, nous
traiterons de l'élargissement de l'accessibilité au cégep
et de la réussite scolaire. Et enfin, nous préciserons des
conditions nécessaires à la mise en oeuvre de ce programme de
renouveau. Voici donc main-
tenant l'essentiel de nos propositions pour améliorer la
qualité de notre enseignement et de nos diplômes.
Premièrement, il faut tout d'abord réformer notre
programme de formation générale. C'est le principal message que
nous ont fait tenir tous nos interlocuteurs de l'université et des
entreprises, et même nos anciens étudiants. Les
diplômés des collèges ne maîtrisent pas assez bien
leur langue maternelle ni les outils de base de la pensée et du
discours. Ils n'ont pas suffisamment assimilé de démarches
culturelles. Ils n'ont pas assez de distance à l'égard des
événements et de la société de consommation. Ils ne
possèdent pas assez la langue seconde. Il nous faut donc mieux cibler
les objectifs et les standards à atteindre et rendre plus rigoureuses
les démarches à faire. Il faut ouvrir le champ trop restreint des
disciplines actuelles, français, philosophie, éducation,
physique. Il faut même faire varier en partie le contenu des cours en
fonction du programme où s'est inscrit l'étudiant. Il y a donc
ici un programme sérieux de redressement qui est de la
responsabilité partagée du ministère et des
collèges.
Deuxièmement, il y a trop peu d'étudiants et
d'étudiantes qui choisissent de s'inscrire au secteur technique, bien
que ce soit le collégial qui ait le plus fait au Québec pour
développer et valoriser la formation technique, pour lui donner ses
lettres de créance, pourrait-on dire, en lui assignant des exigences
à l'entrée et des conditions de réussite propres à
l'enseignement supérieur. De plus, il y a trop d'étudiants et
d'étudiantes qui abandonnent leur programme de formation technique en
cours de route. Il y a donc ici un problème d'image dans la
société, de sorte qu'il faut élaborer en concertation avec
tous les partenaires des programmes efficaces de valorisation auprès de
la population en vue d'attirer de nombreuses candidatures de premier choix. (10
h 40)
Mais, il faut aussi insuffler une nouvelle vigueur au secteur technique
en le rapprochant du monde du travail, en l'imprégnant des besoins et
des attentes des entreprises. La valorisation du technique y gagnera, ici
aussi, auprès de la population, autant que la qualité des
programmes. L'apprentissage lui-même des élèves devra
être substantiellement modifié par l'ajout de stages en milieu de
travail dans tous les cheminements proposés aux étudiants. Bien
plus, il faut même promouvoir, là où c'est possible, des
formules d'alternance travail-études.
Pour réaliser ces projets, les cégeps devront pouvoir
compter sur les entreprises elles-mêmes et sur le personnel de ces
entreprises. Il faut faire de la place aux stagiaires dans le milieu de travail
et cela requiert une coopération importante des gens en place. Ce
rapprochement du monde du travail et des collèges aurait d'ailleurs
avantage à se traduire, notamment par la créa- tion de
comités locaux réunissant les deux parties. Au niveau national,
il y a, en plan, un projet de centre de liaison cégeps-entreprises qui
mériterait d'être relancé.
Enfin, pour mieux soutenir la motivation des élèves du
technique, nous aurions intérêt à diviser le long
diplôme de trois ans - le relativement long diplôme de trois ans -
en deux ou trois modules de cours, sanctionnés chacun par une
reconnaissance officielle. Cela permettrait à l'étudiant ou
l'étudiante, pressé d'aller vite rejoindre le marché du
travail, d'y aller avec, déjà, un premier papier en poche, quitte
à revenir ensuite faire une autre étape au cégep qui le
conduira alors jusqu'au diplôme. Bref, il faut rendre notre secteur
technique plus souple, mieux arrimé avec le monde du travail et plus
performant.
Troisièmement, nos programmes préuniversitaires ne sont
pas assez conçus en continuité avec les programmes universitaires
auxquels ils sont censés préparer les étudiants. Le
rapprochement entre les deux mondes de l'université et du collège
a commencé à se réaliser à l'occasion de la mise au
point récente du programme de sciences humaines. Il est actuellement en
expérimentation en sciences de la nature. Ce sont là de nouvelles
orientations qu'il faut confirmer, soutenir et développer. De fait, nos
programmes préuniversitaires sont la première étape, plus
générale, d'un programme de cinq ans conduisant à un
premier diplôme universitaire. Il faut donc partager avec nos partenaires
des universités les objectifs à établir, le choix des
moyens proposés, les informations pertinentes sur les cheminements des
étudiants, sur les évaluations terminales, etc.
Quatrièmement, nous estimons que la réforme du
collégial devrait donner lieu à une plus grande
responsabilisation des collèges, notamment à l'égard des
programmes d'études. Autant il a vraisemblablement fallu, au cours des
25 premières années, encadrer d'une façon plus
centralisée la conception et la gestion des programmes d'enseignement,
autant il nous semble maintenant que les collèges ont l'expertise et la
capacité d'assumer une plus grande part de responsabilités. Il y
aurait là une situation plus saine où les rôles de chacun
seraient plus conformes aux actes de chacun. Il y aurait surtout la chance
d'avoir des programmes plus adaptés et plus souples.
Cinquièmement, l'exercice d'une telle autonomie qui ira
jusqu'à l'autorisation pour les collèges d'émettre leur
propre diplôme d'études collégiales doit être
régulé par la mise en place d'un organisme externe
d'évaluation des programmes et des établissements, de sorte que
la décentralisation souhaitée ne se fasse pas au détriment
de la qualité du service rendu aux étudiants et aux
étudiantes.
Voilà, mesdames et messieurs, quelques-uns des points forts de la
réforme proposée. Il y a là, essentiellement, une
détermination vigoureuse
à rendre aux étudiants et aux étudiantes de
meilleurs services de formation, plus performants, plus adaptés aux
besoins d'aujourd'hui, mieux reconnus et plus valorisants. Il y a là une
volonté déclarée des collèges d'ouverture aux
changements, de concertation avec les partenaires et d'adaptation aux nouvelles
conjonctures. Il y a là le goût d'assumer de nouvelles
responsabilités et d'en répondre publiquement.
À ces éléments de réforme que je viens
d'esquisser brièvement il faut associer des objectifs de plus grande
accessibilité au cégep et aussi des objectifs de réussite
scolaire, qui n'est autre chose qu'une accessibilité soutenue,
encadrée et persistante jusqu'au diplôme terminal. C'est notre
deuxième point de cette présentation.
Le Conseil supérieur de l'éducation vient de le rappeler
avec vigueur, il nous faut améliorer sensiblement au Québec les
taux d'accès et de succès aux études supérieures si
nous voulons concurrencer effectivement les autres sociétés
avancées. Et nous souscrivons d'emblée à cet objectif
à la condition, bien sûr, qu'on ait les moyens requis pour
l'atteindre.
Dans cette perspective, nous estimons qu'il faut, même en ces
temps troublés sur le plan économique, maintenir la
gratuité scolaire au collégial, encore qu'il faille baliser
l'exercice de ce régime par le biais de crédits à la
formation, d'un ticket modérateur ou de toute autre formule
équivalente. Bien plus, nous sommes d'avis qu'il faut étendre la
gratuité aux étudiants à temps partiel, et notamment aux
adultes. La formation de base, la formation continue, le recyclage, le
perfectionnement de la main-d'oeuvre et l'amélioration de
l'employabilité des personnes sont devenus les assises de notre
développement comme société. Il faut prendre tous les
moyens les plus adaptés aux circonstances pour permettre efficacement
aux citoyens et aux citoyennes du Québec de refaire, eux aussi, le choix
de la formation.
À cette accessibilité élargie il faut
également associer étroitement des programmes de succès
scolaire. Les taux de décrochage sont trop élevés. Le
Conseil supérieur nous fixe, avec raison, des objectifs exigeants de
taux de diplômés. Déjà, les collèges ont mis
au point de nombreux programmes d'aide à l'apprentissage, d'encadrement,
de soutien des étudiants. Le Conseil supérieur, d'ailleurs, y
fait abondamment allusion.
La pédagogie de la réussite scolaire a commencé
à mettre à l'oeuvre ensemble les divers personnels au service de
l'étudiant mais, évidemment, compte tenu du fait que le
collégial devient de plus en plus un enseignement de niveau
supérieur, un enseignement de masse, il faut multiplier toutes ces
initiatives, et cela a un prix. Les collèges entendent donc continuer
fermement à privilégier cette exigence de qualité de leur
mission d'enseignement. Et ils auront besoin, pour ce faire, de
récupérer des marges de manoeuvre que les contraintes
budgétaires ont sensiblement réduites.
Enfin, et nous terminerons là-dessus, nous soulignerons quelques
conditions nécessaires à la mise en oeuvre de cette
réforme: Premièrement, ce sont les employés des
collèges, notamment, qui seront la cheville ouvrière des
changements souhaités. Nous comptons bien que la responsabilisation des
établissements pourra faciliter cette mobilisation des ressources
humaines des collèges autour d'un projet de cégep
renouvelé. Il faut donc que le ministère et les collèges
facilitent et soutiennent l'appropriation du changement par tous les personnels
des établissements.
Deuxièmement, le système centralisé de gestion des
programmes devra être substantiellement allégé et assoupli
pour que les collèges puissent s'approprier réellement les
programmes et pour qu'ils puissent étendre à tout leur
enseignement les caractéristiques d'adaptation et de maniabilité
qui sont déjà leur image de marque dans leurs services aux
entreprises et dans leurs programmes de formation sur mesure.
Troisièmement, les chevauchements et les dédoublements
entre les ordres d'enseignement devront être éliminés et
les arrimages adéquats mis en place. Il faut voir en ces matières
à préserver le technique, notamment, comme un premier niveau
d'enseignement supérieur qui a ses caractéristiques propres
comparativement au professionnel du secondaire. (10 h 50)
Par ailleurs, les étudiants et les étudiantes ne doivent
pas, au secondaire ou au collégial, aboutir dans des voies à sens
unique ou des voies sans issue, les obligeant, à l'occasion, à
des reprises coûteuses et inutiles. De plus, le Diplôme
d'études secondaires devrait pouvoir constituer une base plus uniforme
d'accès au collégial, offrir une meilleure garantie de
réussite. En conséquence, il devrait comporter un minimum
beaucoup plus élevé d'unités.
Quatrième et dernière. Enfin, et même surtout, il
faut un financement adéquat pour que les cégeps puissent
répondre aux attentes de la société. Les contraintes
budgétaires des dernières années ont
sévèrement atteint la capacité des cégeps d'assumer
leur mission avec toute son exigence de qualité, et voilà que des
projets de renouveau draineront d'autres ressources. En dépit de la
conjoncture ou plutôt à cause même de cette conjoncture,
nous estimons qu'il faut investir au Québec dans la formation de la
main-d'oeuvre et surtout au niveau collégial, car tous les observateurs
sont d'avis que c'est précisément une formation technique de ce
calibre qui sera requise pour la majorité des nouveaux emplois. C'est
véritablement un choix de société que d'investir dans les
forces vives de la nation pour les rendre plus performantes, plus
concurrentielles, pour leur permettre d'avoir une qualité de vie et de
travail supérieure. Par ailleurs, ce
financement adéquat que nous requérons devrait pouvoir
être un peu plus diversifié dans ses sources. De nouvelles
formules de partenariat et des mesures fiscales incitatives devraient faciliter
la participation et l'intérêt des entreprises dans le
développement des collèges.
Mesdames et messieurs, l'enseignement collégial est un terrain
sûr et solide à partir duquel le Québec peut se donner des
éléments de développement durables. Il suffit qu'on amende
convenablement ce sol pour qu'il puisse être encore plus fécond,
et nous proposons pour cela des formules prometteuses. Le réseau des
collèges est à pied d'oeuvre pour réaliser cette
tâche avec une ardeur renouvelée. Nous vous remercions de nous
avoir fourni l'occasion de présenter ici ce mémoire, et je serai
heureux, avec mes collègues de cette table, d'expliciter encore mieux
nos points de vue au cours de l'échange maintenant prévu.
La Présidente (Mme Harel): Merci, M. Leduc. La parole est
maintenant à la ministre de l'Enseignement supérieur.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je veux saluer
tous les membres de la Fédération des cégeps et leur dire
combien je suis impressionnée par cette démarche collective que
vous avez entreprise depuis l'annonce de la commission, cette démarche
collective qui vous amène à nous faire des propositions,
aujourd'hui, d'envergure. Ce que je comprends de votre message fondamental, M.
le président - et, si je me trompe, vous me le dites - vous nous incitez
à refaire le choix du cégep au Québec, mais en même
temps vous me dites avec autant de vigueur: Nous avons besoin d'une
réforme. Laissez-moi vous dire que je suis agréablement surprise
de découvrir cette volonté chez les responsables institutionnels
que vous êtes, donc cette volonté de s'engager dans une
réforme, parce que c'est ça que vous nous suggérez. Vous
nous suggérez des virages fort importants et, si nous devons les faire,
votre volonté, votre engagement à les faire est une condition
essentielle pour la réussite.
Donc, je suis très heureuse de vous accueillir ici, à la
commission, et dans ma première question, M. le président, M.
Leduc, j'aimerais aborder avec vous ce qui m'apparaît assez comme la clef
de votre mémoire, en tout cas la tendance de fond de votre
mémoire, à savoir que les collèges veulent assumer plus de
responsabilités académiques. Et, naturellement, la contrepartie:
si nous assumons plus de responsabilités, nous devons aussi rendre
compte de nos résultats. Donc, la partie de l'imputabilité, mais
j'y reviendrai dans un deuxième temps. Le premier message que vous me
lancez, c'est: Nous voulons assumer plus de responsabilités
académiques. Et je dois dire que vous allez assez loin dans ce
sujet-là, si on regarde la situation actuelle, telle que nous la vivons,
et jusqu'où vous voulez nous amener. Vous voulez nous amener jusqu'aux
diplômes accordés par l'établissement. Donc, l'écart
est vraiment très grand. Et c'est sur ça que j'aimerais vous
entendre davantage, parce que vous me dites: Non seulement les collèges
pourraient prendre en charge une partie du bloc de la formation
générale en tant que telle, mais aussi une responsabilité
au niveau de l'application locale des objectifs de programmes, la mise en place
de l'approche programmes en tant que telle dans les collèges,
l'évaluation synthèse de chacun des programmes, le rôle
clé que vous voulez jouer dans la gestion des programmes et même
dans la sanction des études, donc, une responsabilité
académique très grande.
Alors, j'aimerais ça vous entendre sur ce que vous êtes
prêts à assumer et vous demander: Mais à quelles conditions
vous pourriez assumer ces responsabilités et quels changements ça
nécessiterait dans l'organisation des collèges?
M. Leduc: Effectivement, je pense que c'est la trame de fond de
notre mémoire, l'aspect fondamental, à savoir cet investissement
majeur que l'on doit faire sur les établissements comme tels, dans
quelle perspective c'est pour rendre les programmes plus souples, plus
performants, plus adaptés aux besoins de la population, aux besoins de
la main-d'oeuvre. Dans le système actuel qui est assez lourdement
centralisé et qui a ses raisons historiques d'être ainsi, les
collèges se trouvent un petit peu loin à l'occasion des modes
d'établissement de ces programmes. Ils ne se sont pas appropriés
suffisamment, comme établissements, les programmes, au cours des
années. Nous les avons, bien sûr, donnés. Nous avons
développé des expertises dans les collèges. Mais il y a
comme un manque quelque part qui fait qu'à un moment donné, avec
l'expertise que nous avons, nous sommes en attente, en attente que le
système ait fait l'évaluation complète du programme dans
l'ensemble du réseau et donne son feu vert à la révision
du programme ou aux changements du programme.
Il y a donc un besoin de rapprocher des centres de décisions des
lieux de l'action relativement aux programmes d'études.
Déjà, c'est un mouvement qui a commencé à se faire
à l'intérieur du système actuel. Tout le mouvement qui
préconise l'approche programme, à l'intérieur même
du système actuel, fait que les collèges, d'abord,
premièrement, ont pris un peu de temps à le faire, mais
maintenant le font mieux, réalisent que ce sont d'abord des programmes
que nous devons donner comme enseignement et que des étudiants,
ça s'inscrit à des programmes, donc, à des matières
ensemble, qui forment un programme et un cheminement. Et les collèges
s'installent tranquillement dans leur approche de l'enseignement sous le
vocable de programmes et de conciliation, de complémentarité
entre les disciplines et entre les départements. (11 heures)
Mais ce mouvement-là, il atteint vite, en tout cas relativement
vite, il peut atteindre un certain seuil qu'il ne veut pas dépasser,
parce que ça ne nous appartient pas, le reste. Le reste, c'est qu'il
faut que le niveau national se mette d'accord sur des orientations, sur des
changements, au-delà des petits changements qu'on peut faire à
l'intérieur du collège. Donc, une volonté de souplesse,
d'adaptation et d'une meilleure réponse aux besoins de la
société. Donc, ce que nous demandons essentiellement, c'est qu'il
y ait, bien sûr - nous sommes des collèges publics -une commission
nationale des programmes, une instance centrale où les collèges,
les établissements comme tels seraient partie prenante avec les
partenaires que sont les universités, les entreprises, et que, dans le
fond, c'est la ministre qui s'associe avec ses partenaires pour
déterminer les compétences nationales, à un niveau
national, les standards à atteindre dans chacun des programmes.
Une fois cela fait, les collèges disent: Nous sommes capables,
avec l'expertise que nous avons développée, avec notre
expérience d'analyse et d'évaluation de programmes que nous avons
commencé à faire, avec l'approche programmes que nous installons
progressivement, nous sommes capables de choisir les meilleurs moyens, les
meilleurs cours pour arriver à cela. Suite à cela, les
collèges s'évaluent. Les collèges, à terme, donnent
leurs diplômes. Les collèges se donnent des instruments de
coordination qui s'appellent l'équivalent de cahiers d'enseignement
collégial où les cours sont décrits. Les collèges
se donnent des mécanismes de concertation et, entre parenthèses,
les trois quarts de nos programmes sont donnés dans moins de six
collèges, alors les mécanismes de concertation pour les trois
quarts au moins de nos programmes ne seront pas si lourds à mettre en
place. Six collèges entre eux, au moins, en tout cas, on peut le croire,
se donnent donc des mécanismes de concertation et de perfectionnement
et, ensuite, évidemment, les collèges requièrent la mise
en place d'un organisme externe d'évaluation, on y viendra tantôt,
vous nous l'avez dit.
Alors, les responsabilités académiques que nous
réclamons, c'est essentiellement d'être partie prenante à
l'établissement des compétences et d'être responsables
réellement du choix des moyens et, après cela, nous nous
déclarons ouverts et nous souhaitons qu'on évalue la façon
avec laquelle nous entendons répondre aux exigences.
Peut-être que Mme Chené, ma collègue, pourrait
compléter et illustrer mon exposé un peu
général.
Mme Chené (Louise): Ce que nous souhaitons, Mme la
ministre, c'est une accentuation de la prise de responsabilité
ministérielle pour ce qui concerne la détermination des
objectifs, des compétences et du niveau de compétence, des
standards à atteindre. Ce que nous souhaitons, c'est d'assumer la
responsabilité des moyens pour permettre à nos
élèves, de quelque provenance qu'ils soient, de quelque niveau de
formation qu'ils soient, de les atteindre.
Je vais illustrer ma pensée par des exemples relativement au
choix des moyens qu'on pourrait appeler des cours, puis ensuite des formats,
puis ensuite des stratégies. Prenons, par exemple, le programme de
techniques de radiologie. On y enseigne, bien entendu, la façon de faire
de l'imagerie médicale en se servant, bien entendu, des connaissances
anatomiques. Est-il nécessaire que tous les collèges enseignent
l'anatomie de la manière prescrite, c'est-à-dire en
commençant par la tête et en finissant par les pieds? Est-il
possible, est-il pensable que nous enseignions l'anatomie à partir d'une
approche systémique? Voilà un choix de contenu et d'approche qui
pourrait être fait par un collège, différemment d'un autre
collège, et permettre quand même l'atteinte des objectifs, la
prise en compte des compétences.
Imaginons une autre situation. Partons de formats. Est-il
nécessaire que tous les cours soient découpés de la
même manière partout? Est-il nécessaire, par exemple, que
tous les cours de sciences humaines soient des cours de trois heures de
théorie ou, pour quelques-uns, de quatre, ou s'il ne serait pas possible
de densrfier certains cours dans certains programmes, donc avoir des cours de
six heures à un moment donné, ou, au contraire, un cours qui
s'étale sur l'année plutôt qu'un cours qui s'étale
sur seulement une session? Donc, le choix des formats. Pouvons-nous travailler
de manière intensive pour mieux servir des clientèles adultes?
Donc, nous voulons, parmi les moyens, être capables et avoir les moyens
justement d'en choisir.
Enfin, je vous parlerai aussi des stratégies. Les collèges
sont insérés dans leur milieu, la façon qu'ils ont de
dispenser leur enseignement dépend souvent du partenariat qu'ils
établissent avec leur environnement. Dans ce sens-là, des stages
sont possibles, des formules d'alternance travail-études sont possibles
à des endroits - ils varient - et alors le collège, mieux
inséré dans sa région, pourrait être appelé
à choisir aussi les stratégies avec lesquelles il entend
permettre à ses élèves d'atteindre ces objectifs.
Je terminerai en vous disant que nos élèves ne nous
arrivent pas tous préparés de la même façon. Il
arrive donc que certains d'entre eux doivent avoir ce que nous appelons de la
mise à niveau, doivent avoir aussi ce que nous appelons un support
académique plus développé et qu'en ce sens, pour ces
élèves, la durée, le temps, la manière d'organiser
le programme peut être différente.
Mme Robillard: Merci, M. le président. Je vais aborder le
deuxième volet, donc le pendant de la responsabilisation. S'il y a une
plus grande
responsabilisation, il y a aussi une imputabilité de rendre
compte donc des résultats et vous nous suggérez la mise en place
d'un organisme externe. Vous savez sûrement que le Conseil des
collèges nous fait aussi la même recommandation d'un organisme
externe; cependant, un organisme externe qui ne va pas jusqu'à
l'accréditation des programmes. Pourriez-vous nous expliquer les
différences entre votre proposition et celle du Conseil des
collèges?
M. Leduc: En tout cas, sommairement, oui, nous, nous allons
jusqu'à l'accréditation des programmes. L'organisme doit
être composé évidemment de gens de l'extérieur.
Avant que l'organisme n'existe cependant ou parallèlement à son
existence, il faudrait que les collèges eux-mêmes se donnent des
politiques complètes d'évaluation de leurs services, de leurs
programmes, de leur établissement en somme. Nous voudrions que
l'organisme externe vienne évaluer le système que le
collège s'est donné et vienne accréditer les programmes,
dans la mesure où le programme atteint plus ou moins bien les objectifs,
les compétences et les standards qui ont été
définis au plan national.
Il n'y a pas de prototype de collège; il n'y a pas le
collège idéal, avec lequel l'organisme s'en viendrait et poserait
son modèle sur la tête d'un collège et verrait ce qui
dépasse ou ce qui ne dépasse pas. Il faut que l'organisme prenne
en compte ce que le collège a fait, s'est donné comme instrument
valable pour aboutir là où la ministre nous dit d'aboutir
relativement au programme d'enseignement. Et quand il considère que cela
est valable, est crédible, il accrédite le programme, il donne
comme un sceau de qualité à ce programme dans ce collège
et il rend publics ses résultats. Cela dit, ça n'est pas cet
organisme-là qui autorise le collège à donner un
programme; c'est toujours la ministre. Mais, évidemment, il pourrait
arriver qu'il y ait des liens relativement étroits entre
l'accréditation, la non-accréditation et l'autorisation.
Très sommairement, à moins que M. Lavertu ne veuille
compléter sur l'évaluation, c'est globalement ce que nous
entrevoyons.
M. Lavertu (Reginald): Ça peut aller pour le moment.
La Présidente (Mme Harel): La parole est maintenant au
porte-parole de l'Opposition. (11 h 10)
M. Gendron: Oui. Je voudrais rapidement vous saluer, mesdames et
messieurs. C'est évident que c'était capital que la
Fédération des collèges vienne s'exprimer à une
commission où on révise leur statut. Vous êtes là;
on va essayer d'en profiter dans le bon sens et d'aller tout de suite aux
échanges. Un commentaire d'ordre général. C'est
évident qu'on sent, pour ceux qui ont pris connaissance de votre
mémoire et je suis con- vaincu que c'est la grande majorité, que
votre mémoire est le fruit d'une vraie démarche, une vraie
réflexion majeure, significative, pragmatique, concrète. La
plupart des bons éléments ont été soulevés,
et ce que j'aime de votre mémoire, c'est qu'on sent une volonté
ferme, bien arrêtée, de réussir les éléments
de réforme proposés. Et, pour ce faire, c'est évident
qu'il va falloir retenir un certain nombre de moyens pour y arriver.
Première question. Je pense que vous êtes ceux qui avez
retouché de la façon la plus concrète la
nécessité d'avoir une formation générale plus
qualifiante, plus adaptée. Et, pour ceux qui ont l'occasion de
l'observer sur votre tableau, on a la situation actuelle et on a votre
proposition. Moi, je peux vous dire d'entrée de jeu que ça me
plaît que vous envisagiez que, dorénavant, nous ayons un
deux-tiers au Québec de formation dite tronc commun, commune,
obligatoire, «coast to coast» pour chez nous, pour le
Québec, que ça soit pareil partout, avec une dimension quand
même plus flexible pour un autre tiers. Et c'est également dans la
logique du Conseil supérieur, du Conseil des collèges, qui
souhaitent que dorénavant on sorte un peu des matières ou des
disciplines et qu'on regarde ça d'une façon un petit peu plus
globale à travers des thèmes. Parce que la discipline d'enseigner
dorénavant, dans le tronc commun, une perspective historique du savoir
et de la culture à travers les grandes oeuvres de l'humanité, je
vais chercher le volume en étoile! Tu sais, je vais chercher le volume
de base. Alors, ce n'est pas tellement une discipline, mais c'est quand
même moderne, c'est adapté, ça correspond à la
réalité.
Moi, sincèrement, là, j'aime cette approche-là,
surtout que vous dites: L'État québécois, qui veut se
mêler de tout ou à peu près, on va être d'accord avec
lui. C'est ça que vous dites pour les deux tiers du tronc commun - puis,
ça, ça me plaît - mais laissez-nous tranquilles au moins
pour un tiers d'ajustement et de couleur locale adaptée à la
réalité. En gros, c'est de même que je comprends ça.
Mais, à un moment donné, ça finit pareil par conclure
à quelque chose. Et là qu'est-ce qu'on fait avec
«philosophie» et «éducation physique» qui sont
actuellement, dans le tronc commun, obligatoires? Dorénavant, elles ne
seraient plus là, ou elles seraient là d'une façon
très différente.
Alors, qu'est-ce qui vous a amenés, très
concrètement, à conclure à quelque chose qui me sourit et
qui me plaît, à moi, parce qu'en termes d'unité il n'y a
pas de bouleversements majeurs mais, en termes de contenu global de formation,
c'est pas mal plus qualifiant et adapté, selon moi, à la
réalité, surtout si le gouvernement fait le choix de vous laisser
tranquilles pour un tiers? Alors, j'aimerais ça vous entendre
là-dessus.
M. Leduc: Nous avons volontairement voulu ne pas entrer dans ce
dossier-là via la porte des
disciplines. Ça nous apparaissait fondamental, pour faire que le
débat puisse avoir lieu, qu'on parle davantage de thèmes,
d'orientations et de cadre général. J'entends par cadre une
partie, les deux tiers, qui relève plus directement de la ministre
à tous égards, et un dernier tiers qui, lui, au-delà de
l'identification des thèmes, est davantage du ressort des
établissements et des programmes. Ça nous apparaissait plus
intéressant comme façon d'aborder la formation
générale.
Alors, je ne peux pas, aujourd'hui, la Fédération ne peut
pas vous dire aujourd'hui combien il y aura de cours de telle ou telle
discipline. Vous faisiez allusion à la philosophie. J'ai le sentiment
que la philosophie a son compte, si on veut, là-dedans. La seule
différence avec le système actuel, peut-être, c'est le
statut de cours obligatoire d'établissement de l'éducation
physique. L'autre grosse différence, c'est le fait que les
complémentaires dans le système actuel - sans vouloir entrer trop
dans la technique - sont intégrés dans le bloc de formation
générale.
Alors, ce que nous disons: II y a là des thèmes
intéressants, importants, fondamentaux pour un fonds culturel commun
pour les gens du Québec d'aujourd'hui. Il y a là dés
ouvertures intéressantes pour faire varier ce contenu-là selon
les programmes et les établissements. Nous estimons qu'avec cela on fait
un pas en avant. Mais on n'est pas encore, on n'en est pas encore - et
ça sera, d'ailleurs, plus la responsabilité de la ministre de le
faire - à tailler et à dire: Ça sera tel cours et tel
autre cours.
M. Gendron: Merci. Deuxième question. Je trouve heureux
également que vous parliez de maximiser et de favoriser la
réussite scolaire. Et, pour ce faire, vous suggérez un D.E.S - un
D.E.S., c'est un diplôme d'études secondaires -plus flexible.
Excusez, plus exigeant. Un meilleur contenu d'unités. Je reviens
là-dessus parce que ça, la semaine passée, on s'en ai fait
parler beaucoup. Et qu'un organisme qui regroupe l'ensemble des collèges
au Québec revienne également sur cette question-là, moi,
je trouve ça pertinent parce que là, ça commence à
être symptomatique. Je vais dire comme un ex-collègue
libéral: II y a un malaise dans le problème; donc, il faut le
corriger.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Alors, puisqu'il y a un malaise dans le
problème, il y a deux alternatives. À un moment donné, il
y en a plusieurs qui nous ont suggéré que pour avoir un
diplôme d'enseignement secondaire plus exigeant il fallait augmenter le
nombre d'unités. Mais il faut éviter un diplôme
d'enseignement secondaire, selon moi, à deux niveaux. D'après
moi. Et là je m'explique. Il y a deux alternatives. Est-ce que vous
croyez qu'il faille davantage opter pour un diplôme d'enseignement
secondaire avec plus d'unités au secondaire, et qu'on maintienne comme
condition d'entrée d'avoir un diplôme d'enseignement secondaire -
vous me suivez - où on dira: Ceux qui vont aller au collégial
dans le futur, vous allez devoir réussir plus d'unités que les
autres, ce qui ferait qu'on aurait un D.E.S. à deux niveaux? Ça
ne serait pas mon option. Je voudrais savoir la vôtre.
M. Leduc: Notre option se rapprocherait de la vôtre, M.
Gendron. Notre sentiment, c'est qu'il faut d'abord que le Diplôme
d'études secondaires soit plus uniforme, ait un plus grand nombre
d'unités. On estime que traditionnellement au Québec, notre
philosophie de l'accès, du développement de
l'accessibilité, c'a été, pas à tout prix, mais
à un certain prix, de donner la chance au coureur. On estime
qu'actuellement le fait que le Diplôme d'études secondaires soit
si variable ne donne pas une chance égale au coureur. Il y en a qui,
avec leur diplôme d'études secondaires, compte tenu de
l'écart très grand qu'il y a dans le contenu, c'est entendu
d'avance qu'ils ne réussiront pas au collégial. Ce n'est pas une
chance à donner à un coureur, cela. On préférerait
d'emblée que le diplôme donne véritablement l'accès
au collégial en ayant un meilleur contenu et uniforme.
M. Gendron: C'est clair. Une autre question. Et là, je
pense que la ministre l'a bien fait, et je ne l'ai pas repris, je pense qu'on
devrait vous féliciter pour votre mémoire. Mais il y a quand
même une omission majeure et, moi, ça m'a surpris qu'il y en ait
si peu sur, encore là, le coeur du problème, les
étudiants. Et pour ce qui est des jeunes, pour ce qui est de la vie
étudiante, pour ce qui est de maximiser les conditions de
réussite - moi, je ne change pas d'opinion, à moins que
l'ensemble des intervenants me convainquent que je suis dans l'erreur, ce qui
m'arrive des fois - tous les cégeps qui ont ce que j'appelle un projet
d'établissement, qui ont mis des efforts sur une meilleure
qualité de vie, plus de mesures d'encadrement, ce qui s'appelle un
environnement éducatif mesurable, où on sent que ce n'est pas
juste une espèce d'institution où tu prends des cours et dont tu
as un horaire, puis que c'est le local 22 ou le local 31 et A-7 là... Et
ça, moi, je prétends que c'est des conditions de réussite
scolaire quand certains cégeps font des efforts majeurs pour qu'il y ait
dans leur institution des projets d'établissement et un environnement
éducatif qui est plus valable qu'ailleurs.
C'est quoi qui a fait que ce bout-là, vous ne l'avez pas
touché? Je n'ai rien vu dans votre mémoire à ce
sujet-là pour maximiser les conditions de réussite scolaire et
mettre l'accent comme Fédération des cégeps, sachant que
vous êtes près des présidents, des présidentes et
des D.G., et les inciter à ce qu'ils mettent de l'effort
là-dessus.
M. Leduc: C'est dit dans le mémoire, mais c'est dit de
façon très globale. C'est dit lorsque «les collèges
entendent promouvoir les projets d'établissement». C'est dit dans
les orientations - je ne me souviens plus laquelle mais vous la retrouverez
facilement - que les collèges veulent intensifier leurs efforts - et je
l'ai rappelé dans ma présentation - relativement à toutes
ces mesures de soutien, d'encadrement des étudiants, d'accueil
intégré. Alors, de fait, il faut bien se rendre compte que les
affaires étudiantes, que les services aux étudiants dans les
collèges, à certains égards, c'est une création qui
est proprement québécoise. À certains égards. Il y
en a ailleurs, bien sûr, mais nous avons donné à ces
services-là une couleur qui nous appartient. Et c'est justement, entre
autres, pour essayer de rendre nos milieux... Parce que la côte est dure
à remonter, quand vous avez un niveau qui dure deux ans ou trois ans, de
créer une âme dans un niveau aussi court, et les affaires
étudiantes viennent y jouer un rôle important. (11 h 20)
C'est cela qu'on réalise dans les collèges, et même
qu'on a évolué beaucoup là-dedans, dans cette
ligne-là, dans les dernières années. Autant dans les
premières années, les affaires étudiantes étaient
davantage perçues du côté des loisirs, autant, maintenant,
ce sont essentiellement et surtout des activités complémentaires
aux gestes pédagogiques et aux activités pédagogiques, de
sorte que les affaires étudiantes et les affaires pédagogiques,
ensemble, créent un milieu qui va à rencontre du
décrochage, qui va à l'enracinement dans un collège. Et,
dans le fond, c'est ce que les étudiants retiennent d'après nos
sondages, quand ils sont sortis de chez nous, ils ont un souvenir ému de
la qualité de vie qu'ils y ont trouvée. Ça ne veut pas
dire que d'aucuns n'y trouvent pas, ne sont pas plus moroses, mais enfin, en
général, ils ont un souvenir très intéressant, et
c'est très important à cette période-là de leur vie
qu'ils aient un endroit où ils s'expriment, adapté à leur
façon, et où ils réussissent.
M. Gendron: Vous avez refait le choix des cégeps et, pour
ce faire, vous dites: II faut maintenir et même étendre la
gratuité scolaire, particulièrement aux adultes en formation
à temps partiel. Et moi, j'y souscris. Là où vous
m'inquiétez, c'est quand vous rappelez qu'il y aurait lieu de regarder
le ticket modérateur. Moi, en éducation, parier de ticket
modérateur, je n'aime pas ça, je ne suis pas d'accord et
j'aimerais ça qu'on s'explique un peu plus. Je vous rappelle que Mme
Gruda, dans un editorial, quand elle pariait du lambinage collégial -
les jeunes sont venus nous en parier, le Conseil permanent de la jeunesse et
plusieurs autres intervenants -elle disait ceci: «Le ticket
modérateur demeure le moyen le plus superficiel de traiter le syndrome
du lambinage collégial.» La plupart des raisons qui ont
été évoquées pour prétendre qu'il y en a
qui, avec raison, parce que les statistiques le prouvent... Mais il faut
regarder les causes et, dans les causes, elle mentionnait: «Les
étudiants qui débarquent au cégep ne savent pas trop ce
qu'ils veulent, ils ne savent non plus pas très bien à quoi
s'attendre et ils sont très mal encadrés pour découvrir
rapidement leur "vocation".» J'arrête là et je vous pose la
question suivante: Puisque à peu près tous les mémoires -
et je sais que vous les avez lus - que nous aurons, la plupart identifient
très bien les raisons... Vous-même, dans votre mémoire,
vous dites: C'est surtout dans le premier trimestre qu'il y en a un
méchant paquet qu'on perd. Vous dites: Les cours de - voyons! de
carrière, j'ai un blanc de mémoire-Une voix:
Éducation au choix de carrière.
M. Gendron: ...de choix de carrière au secondaire sont
inappropriés, mal adaptés, mal donnés,
prématurés - on peut tout mettre, tellement ça ne marche
pas là, et on sent que c'est la cause... Et là, il y a des
sondages, je ne reviens pas là-dessus. Question très claire:
Puisque nous connaissons les raisons, est-ce que vous ne croyez pas qu'on
devrait tous et collectivement être les uns et les autres très
unis derrière la nécessité, dans un premier temps,
d'apporter des correctifs sur les deux, trois éléments qui,
à leur face même, sont les raisons principales qui occasionnent ce
qu'on appelle, entre guillemets, et je choisis son titre, le iambinage
collégial, et être d'une sévérité en termes
de contrôle là-dessus pour trois, quatre ans comme
société, et, si ça ne donnait pas des résultats
probants, là, envisager peut-être d'être plus agressif par
une mesure comme celle... Je dis bien: Envisager de regarder ça. Mais
est-ce que vous ne trouvez pas qu'il est inapproprié, inopportun pour le
moment d'envisager, en éducation, un ticket modérateur, quand on
connaît les raisons et on sait que ceux qui lambinent, c'est bien plus
nous, collectivement, qui en sommes tous responsables, parce qu'on les a mal
encadrés, on ne leur offre pas un choix de carrière qui a de
l'allure au secondaire, il n'y a pas assez de mesures assistées
d'encadrement? Les aides pédagogiques au collégial, il y a des
gens qui sont venus nous dire qu'il y en a un et, des fois, deux par
collège, ce n'est sûrement pas suffisant. Je m'arrête
là. C'est quoi votre choix?
M. Leduc: II faut choisir tes deux, quant à nous. Il faut
absolument investir davantage dans les services péri ou
parapédagogiques, comme les services d'orientation, de
«counseling», comme vous dites, pour faire en sorte que les gens
aient un meilleur choix de carrière. Il faut également, par
ailleurs, que, dans le système de ticket
modérateur éventuel ou d'une tout autre formule, on prenne
en compte le fait que le niveau collégial est également un niveau
où on cherche sa voie. Il ne faudrait pas, évidemment, que ce
régime-là s'applique exactement au niveau où les gens
arrivent après deux sessions ou après tant de cours qui
constituent les cours requis pour faire un programme. Il faut donner une marge
de manoeuvre qui permette les changements d'orientation, les
réorientations de carrière. Cela dit, le ticket modérateur
ne s'applique pas aux gens du début qui ont du mal à choisir leur
carrière et à trouver leur place, il s'applique aux gens qui
abusent du système en s'y installant à la fin. Peut-être
que, là-dessus, cependant, M. Sanssouci pourrait ajouter quelques
remarques.
La Présidente (Mme Harel): Qui devront être
brèves, étant donné la répartition du temps entre
les formations politiques.
M. Sanssouci (Yves): Je vous dirai qu'il s'agit essentiellement
d'une mesure de responsabilisation. Ce n'est pas à vous que je vais dire
que nous vivons dans un contexte où les ressources sont de plus en plus
rares. Tout le monde nous invite à ne pas gaspiller ces ressources. Je
pense que les collèges, comme les gouvernements, doivent prêcher
par l'exemple. Donc, essentiellement, ce serait une mesure qui fixerait,
après analyse, un certain quantum qui tiendrait compte de ce que le
président vient d'énoncer comme phénomène normal et
au-delà duquel il ne serait pas anormal de demander à un
étudiant ou à une étudiante de contribuer, en tout ou en
partie, au financement de ses études, après analyse. Donc, une
mesure tout à fait juste et raisonnable.
La Présidente (Mme Harel): Alors, voulez-vous
clôturer, M. le député d'Abitibi-Ouest?
M. Gendron: Non, vous me dites que mon temps est
épuisé.
La Présidente (Mme Harel): II vous reste trois
minutes.
M. Gendron: Ah, excusez-moi! S'il me reste trois minutes...
La Présidente
(Mme Harel): ii y a le
député de jacques-cartier qui a demandé la parole
également, alors je peux la lui donner immédiatement.
M. Gendron: Merci. C'est ça, pour éviter... M. le
député de Jacques-Cartier, je sais que vous allez avoir une
très bonne question, suite à votre congrès de fin de
semaine, là.
M. Cameron: Merci. Et merci, Mme la Présidente. I would
like to ask about two main things: First of all, whether the
Fédération has considered entrance examinations? I notice, for
example, that the recommendations include those giving adult students a kind of
guaranteed recognition, but the adult student is going to include a huge
variation in competence and educational background and, more often nowadays
could include someone who did not simply lack the chance in education before,
but who made a mess at cegep the first time around and is now simply classified
as an adult.
I would also like to ask: How far recommendations made by the
Fédération are making full allowance for the role of the unions
in the collective agreement? For instance, if we look at the aims that appear
to be coming out here, it would seem to suggest the possibility of very
substantial hiring of teachers of English in the francophone cégeps and
very substantial hiring of teachers of French in the anglophone cégeps,
not to mention perhaps a bit of a decline for physical education teachers, I
can imagine a somewhat heated reaction from the unions to any news of this
kind.
And last of all, even if we take greater flexibility in design of
courses, the example that was brought forward by the lady, for instance, that
is that: Why should courses carry exactly the same number of hours for very
widely different objectives, and so on, surely, the answer to that is that what
always happen whenever you have unionized educational establishments. Most that
are not unionized really do have courses that are one hour a week or two hours
a week or four hours a week, and so on; most that always wind up with a 3, 3,
3, 3, 3 forever?
La Présidente (Mme Harel): Alors, M. Brown.
M. Leduc: M. Brown.
M. Brown (Gerald): Tu me demandes sans doute une réponse
brève, n'est-ce pas, à une question qui peut être une
commission parlementaire elle-même?
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Harel): M. Brown, je dois vous dire que
le député de Equality a un total de quatre minutes à sa
disposition.
M. Brown: Bon, d'accord.
La Présidente (Mme Harel): Alors, ça comprend la
réponse à la question.
Des voix: Ha, ha, ha!
(11 h 30)
M. Brown: I will try to be very brief, Mr. Cameron, in the sense
that you have been on
three major issues that, I think, by themselves, are probably very
important and could be probably a parliamentary commission on their own. But
certainly you spoke about the necessity of what we call in French «la
reconnaissance des acquis», the recognition of prior learning. In our
memoir and in our orientation, from the point of view of the Federation, we are
looking at students not necessarily as being adult students, but students in
general. We recognize that we are using the language as probably from the past
which says that we have adults and youth, but in reality we are moving more and
more to the notion of a student who may be an adult, or who may be a youth. In
my mind, in our spirit, at least we should have some formula that would allow
us to take into consideration somehow that prior learning. So, if a student
does leave us, go out to work and returns back, then we can recognize him with
that skill that he or she has acquired during a period of that time. Your
second question. There is no question about it that the fact that some of the
recommendations that we are making there may - and I underline the word
«may» - have an impact on the type of hiring that we have right
now. It is my sense that when it does settle, and when we look at what is
exactly there from the point of view of the proposals, since there are themes
and not necessarily disciplines, we probably will not have that much of a shift
or a change in the level of teachers that are required. But there is no doubt
that as we move towards the next 25 years, there is going to be some sort of a
change, some sort of a shift, and it will have an impact. But you recall that
in our recommendations inside our memoir we also speak about the necessity that
the next round of negotiations open this up, that we are allowed to look at new
models, a more flexibility in the next round of negotiations to allow the
institutions to adapt to the type of recommendations that we have here.
La Présidente (Mme Harel): Merci, M. Brown. Pour
clôturer cet échange, la parole est maintenant à la
ministre.
Mme Robillard: J'aurais une dernière question à M.
Leduc. Comme nous avons la chance ce matin d'avoir comme représentants
de la Fédération des cégeps des directeurs
généraux et une directrice des services pédagogiques, mais
aussi un président de conseil d'administration, M. Parent,
président du conseil d'administration de Rosemont... M. Parent,
j'aimerais ça vous entendre parce que, à date, au niveau de la
commission nous avons eu des présidents de conseil d'administration de
chacun des collèges, mais vous, en tant que personne qui occupez le
siège de membre de la Fédération des cégeps, vous
nous faites des recommandations - les recommandations 44 à 46 - dans
l'optique d'une meilleure reddition de comptes au niveau des cégeps.
Vous nous faites des recommandations concernant le rôle et la composition
des conseils d'administration. J'aimerais ça vous entendre sur ce
sujet.
M. Parent (Pierre): Mme la ministre, la recommandation principale
qu'on fait sur les conseils d'administration, et notre discours de fond, c'est
de ne pas chambouler les structures pour ne pas perdre de temps et
d'énergie là-dessus, c'est de maintenir le même
système, la provenance des membres du conseil d'administration.
Toutefois, nous souhaitons que les membres du conseil d'administration soient
largement majoritaires de l'extérieur du collège. Nous croyons
qu'en 25 ans la composition ou la chimie des conseils d'administration a
atteint une excellente maturité. Deuxièmement, nous croyons que
l'interne, sur le plan institutionnel, a acquis également une grande
maturité et que l'interne est prêt maintenant à recevoir
beaucoup plus de personnes de l'extérieur du milieu. Nous souhaitons
même non seulement que ces personnes-là soient des membres
socio-économiques comme on l'a présentement, mais que la
communauté comme telle puisse coopter des membres de l'extérieur
qui répondraient plus sur le plan économique, culturel ou social
à l'implantation de leur institution dans le milieu. Ce n'est pas une
recommandation qui veut remettre, de quelque façon que ce soit, le
rapport de force au conseil d'administration. Nous n'avons pas d'énergie
à mettre sur un redéploiement des rapports de force au conseil
d'administration.
Tout en souhaitant cette représentation largement majoritaire de
l'extérieur, nous souhaitons en même temps le maintien d'une
représentation des différentes composantes du collège, des
personnels, des étudiants au conseil d'administration, et nous verrons
dans un deuxième temps la mathématique peut-être pour
revoir cette proportion-là en y additionnant des membres de
l'extérieur.
Mme Robillard: Parfait. Alors, il me reste, M. Leduc, à
vous remercier, vous et vos collègues, d'être venus à notre
commission parlementaire, et sachez, M. le président de la
Fédération des cégeps, que j'accueille très
favorablement votre demande de réforme de l'enseignement
collégial.
M. Leduc: Merci bien.
La Présidente (Mme Harel): J'invite maintenant la
Fédération québécoise des professeurs
d'université à prendre place. J'inviterais les membres de la
commission à reprendre place. J'inviterais les porte-parole de la
Fédération québécoise des professeures et
professeurs d'université à prendre place, s'il vous plaît.
(11 h 40)
M. Campbell, tout en vous souhaitant la
bienvenue à cette commission, je vous inviterais à nous
présenter les personnes qui vous accompagnent et à faire la
présentation de votre mémoire.
Fédération québécoise des
professeures et professeurs d'université
M. Campbell (Michel M.): C'est ça. Mme la
Présidente, Mme la ministre, M. le porte-parole de l'Opposition, MM. et
Mmes les députés, je vous remercie d'avoir invité la
Fédération à présenter son mémoire ce matin,
et je vous présente les membres de ma délégation. À
ma droite, le professeur Roch Denis, qui est le premier vice-président
de la Fédération et président du Syndicat des professeurs
de l'Université du Québec à Montréal; à ma
gauche, le professeure Annie Méar, qui est la deuxième
vice-présidente de la Fédération et présidente du
Syndicat général des professeurs de l'Université de
Montréal; à mon extrême gauche, le professeur Roland
Ouellet qui est membre du conseil fédéral et qui est membre du
Syndicat des professeurs de l'Université Laval.
La Fédération québécoise des professeures et
professeurs d'université regroupe 17 syndicats et associations de
professeurs d'université et représente plus de 7000 professeurs,
bibliothécaires, chercheures et chercheurs. Comme organisme syndical, la
FQPPU prend à coeur les problèmes de la société
québécoise. Nous considérons de première importance
de participer au débat sur l'enseignement collégial parce que
nous ne pouvons nous intéresser sérieusement aux
universités sans tenir compte de l'ensemble de l'enseignement
supérieur.
Ce matin, nous présenterons d'abord un bilan de l'enseignement
collégial dans ses aspects tant positifs que plus négatifs. Nous
nous interrogerons ensuite sur l'arrimage existant entre les niveaux
collégial et universitaire et, enfin, il sera question de
l'évaluation collégiale et de la place de la recherche à
ce niveau d'enseignement. Si on essaie de faire un bilan du collégial,
la première chose qu'on doit dire, c'est parler de la hausse importante
de la scolarisation des Québécoises et des
Québécois. C'est là sûrement, de tous les
résultats attendus de la réforme de l'éducation, au
Québec, au cours de la Révolution tranquille, celui dont on peut
être le plus fier.
Au niveau collégial, l'accès aux études s'est
réellement accru et ne peut être imputé à une simple
croissance démographique. La commission Parent prévoyait que 45 %
d'une génération allaient accéder à l'enseignement
collégial. Cet objectif est largement dépassé puisque, en
1990, il fallait compter 62 % des étudiants qui passaient au
collégial.
Cette progression de l'accès aux études supérieures
a été encore plus grande pour les femmes que pour les hommes.
À l'heure actuelle, plus de femmes que d'hommes obtiennent un D.E.C. 73
% des femmes, contre 69 %, des femmes inscrites ont été
diplômées. Au secteur professionnel, ces proportions sont
respectivement de 65 % et 58 %. Il est certain que l'on ne peut imputer
à la seule création des cégeps, suite aux réformes
de la Révolution tranquille, l'augmentation importante de la
scolarisation des femmes. Par contre, il semble que la création des
cégeps ait facilité cet accès dans la mesure où les
obstacles antérieurs à la réforme de l'éducation
ont été abolis, et surtout parce que les cégeps ont
contribué de manière importante à changer les
mentalités concernant le rôle des femmes dans la
société, au travail et dans la famille. La plus belle
manifestation de ce changement de mentalité réside dans le fait
que la division sexuelle des secteurs d'études est de moins en moins
marquée, même si elle subsiste encore partiellement.
On peut donc conclure que les objectifs quantitatifs proposés par
le rapport Parent ont été atteints. Notre système
d'éducation, notamment au collégial, est largement public et
accessible. Il faut encore préciser que la société
actuelle appelle un renouvellement de ces objectifs. Le diplôme
collégial y est de plus en plus nécessaire aujourd'hui et la
démocratisation de l'enseignement reste un objectif à poursuivre
en tenant compte des nouvelles catégories de cégépiennes
et de cégépiens et des exigences toujours plus
élevées de la société.
Rappelons que le ministère de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle estime
qu'il y a une insuffisance actuelle et prévisible de main-d'oeuvre
compétente, en particulier pour les professions d'ingénieur, de
technologue, particulièrement dans les disciplines de la chimie
industrielle, de l'électronique, de la mécanique, des
contrôles de qualité, de l'aérospatiale, de l'informatique,
etc.
Pour la FQPPU, l'éducation est un droit pour tous, ce qui
signifie que l'on doit donner libre accès aux niveaux d'enseignement
correspondants aux aptitudes et aux talents des étudiantes et
étudiants. L'éducation, comme l'affirmait la commission Parent,
est un service essentiel et ne doit pas être entravée par des
barrières physiques, la distance, l'absence d'établissements, les
contraintes financières ou des obstacles culturels dus à la
langue, à la religion et à la classe sociale. Aussi,
l'État a-t-il l'obligation de faire en sorte que chaque citoyen puisse y
avoir accès. En conséquence, pour maintenir
l'accessibilité, d'une part, la présence des cégeps en
région est une nécessité. La création des
cégeps a eu un impact positif sur la qualité de vie des
citoyennes et citoyens des différentes régions du Québec.
La vie culturelle des régions bénéficie de la
présence des institutions et des professeures et professeurs qui y
oeuvrent. Les collèges en région sont des pôles
de développement qui forment des ressources humaines pour
l'industrie locale. Souvent, les cégeps en région se
spécialisent dans des activités d'enseignement professionnel qui
correspondent aux caractéristiques du développement industriel et
économique propre à leur région. Aussi, la présence
des cégeps dans les régions est un apport capital au
développement régional sur tous les plans: social, culturel et
économique. Cet état de fait empêche l'exode des
populations vers les grands centres.
La FQPPU considère comme un souhait de société le
maintien de l'accessibilité à l'éducation
collégiale dans le respect de la qualité. Il faut donc maintenir
la gratuité, car les contraintes socio-économiques ne doivent pas
limiter l'accès au collégial. C'est également une
originalité heureuse du Québec que d'avoir créé un
lieu d'enseignement qui réunit à la fois les secteurs
professionnel et préuniversitaire. En fait, les cégeps dispensent
un enseignement diversifié, général et
spécialisé, qui symbolise en soi la démocratisation de
l'enseignement. Ils n'ont rien d'élitiste, contrairement aux
institutions qu'ils ont remplacées. Ils sont l'un des symboles de la
communauté québécoise marquée par le pluralisme, le
modernisme, l'ouverture sur le monde et l'attachement aux valeurs
démocratiques.
Nous tenons à souligner l'importance du rôle que les
professeures et professeurs de cégeps ont joué dans
l'accomplissement des différents objectifs énoncés par la
commission Parent. Nous l'affirmons parce que les professeures et professeurs
du collégial sont les artisans de cet élargissement de
l'accès à l'éducation et, enfin, parce qu'ils
présentent un haut degré de qualification et ont acquis une
expérience approfondie de l'enseignement. C'est pourquoi nous
recommandons le maintien du réseau de l'enseignement collégial et
son développement selon les besoins de la société
québécoise.
Nous recommandons que la démocratisation de l'enseignement
demeure un objectif à poursuivre en tenant compte des nouvelles
catégories de cégépiennes et de cégépiens et
des exigences de plus en plus élevées de la
société. En conséquence, il faut favoriser le libre
accès au collégial en maintenant la gratuité scolaire et
les autres mesures qui permettent de limiter les effets des contraintes
socio-économiques.
Suite du bilan: des constats qui dérangent. On doit se
réjouir que des cégeps aient passé le cap du quart de
siècle. Cependant, la célébration ne doit pas nous faire
perdre le sens critique. Les cégeps sont des institutions trop
importantes pour ne pas souligner les améliorations possibles. Ces
problèmes sont de plusieurs ordres. Certains relèvent de la
nature même de l'enseignement collégial, de sa place
intermédiaire dans notre système d'éducation et des
différentes voies vers lesquelles il mène. D'autres sont
plutôt de l'ordre des résultats et font référence
à des constats troublants. Par exemple, le décrochage scolaire,
l'allongement des études et la dévaluation aux yeux des
étudiants du secteur technique.
Les objectifs du collégial sont toujours apparus confus. Nous
considérons, et sur ce point nous ne prétendons à aucune
originalité, que l'enseignement collégial devrait principalement
se caractériser par l'acquisition, par l'ensemble des étudiants,
d'une formation fondamentale ainsi que d'une formation générale,
quelle que soit l'orientation choisie. L'originalité et la
spécificité de l'enseignment collégial doivent se
refléter par l'acquisition, chez les cégépiennes et les
cégépiens, de formations qui leur permettent de développer
leur habileté au travail intellectuel et de partager une culture commune
qui assure leur polyvalence dans un monde en changement, que ce soit pour leur
épanouissement personnel ou pour leur adaptation harmonieuse au
marché du travail. Nous déplorons des carences importantes
concernant particulièrement la qualité du français et
l'étendue des connaissances générales.
Un autre problème du collégial réside dans son
incapacité à se renouveler rapidement en fonction des besoins
nouveaux. La révision des programmes s'avère parfois
interminable. (11 h 50)
Au plan des résultats, il y a des constats qui dérangent
et qui exigent de parer aux problèmes qu'ils présentent. Le
décrochage scolaire est sûrement l'un d'entre eux, même s'il
faut mettre des bémols sur ses conséquences à ce niveau
d'enseignement. Il faut dire qu'en soi le décrochage scolaire au
collégial, ainsi qu'à l'université, n'est pas aussi
dramatique qu'au niveau secondaire. Le décrochage au collégial va
de pair avec la société dans laquelle nous vivons et qui permet
aux jeunes qui ont atteint une autonomie personnelle de vivre des
apprentissages en dehors des institutions scolaires. D'ailleurs, plusieurs
jeunes, après avoir vécu ailleurs, reviennent aux études
enrichis d'expériences afin de parfaire une formation
générale et spécialisée qui reste tout de
même nécessaire pour bien vivre en société. Il
serait bon, d'après nous, de faciliter le retour des décrocheurs
aux études par des mesures appropriées.
En ce qui concerne la longueur des études, on constate
également que les cégépiennes et les
cégépiens prennent plus de temps que prévu pour obtenir
leur diplôme. Trois solutions nous apparaissent intéressantes,
même si elles comportent leurs propres limites pour résoudre ce
problème. Ce sont d'abord la revalorisation de l'enseignement technique
et professionnel, ensuite une meilleure orientation des
cégépiennes et cégépiens et, enfin, un encadrement
plus serré de leurs études. Dans les deux derniers cas, cela
suppose une augmentation réelle des ressources financières au
collégial. Quant à l'enseignement technique, il nous
apparaît dévalorisé et trop de jeunes rejettent cette voie
alors qu'il offre, semble-t-il, emploi et sécurité. En effet,
pour
l'année 1987-1988, plus de 90 % des finissants dans le secteur
technique se sont trouvé un emploi et, pour 83 % des
cégépiennes et cégé-piens diplômés,
l'emploi trouvé l'a été dans un secteur relié aux
études.
Il nous apparaît essentiel, afin d'améliorer l'encadrement,
de constituer des classes moins nombreuses, et ce particulièrement en
sciences humaines où le ratio étudiants-professeur en 1988
était de 131,8. En français, il était de 130,7, alors
qu'en sciences il se situait à 69,3. On peut se demander comment on peut
parler de pédagogie active avec de tels ratios.
Il faut également augmenter le nombre des professionnels
responsables de l'aide pédagogique individuelle, améliorer
l'accueil des cégépiennes et cégépiens, les
services de mise à niveau comme ceux existant en français et en
mathématiques. Il faut enfin permettre plus de disponibilité des
professeurs à l'égard de leurs étudiants.
En ce qui concerne l'orientation scolaire, rappelons ce que disait le
Conseil supérieur de l'éducation: «L'enseignement
collégial, et particulièrement au cours de la première
année, apparaît de plus en plus comme un moment clé du
cheminement scolaire. Il exige des élèves des adaptations
nombreuses tant sur le plan des programmes et de l'organisation
pédagogique que sur le plan de leur mode de vie personnel.
Paradoxalement, le souci de l'orientation n'apparaît pas encore parmi les
objectifs prioritaires des cégeps.»
C'est pourquoi nous recommandons que l'enseignement collégial
assure aux cégépiennes et cégépiens inscrits aux
secteurs professionnel et préuniversitaire les véritables
conditions d'une formation fondamentale et générale de
qualité.
Nous recommandons que l'enseignement collégial se dote des
mécanismes efficaces de révision des programmes de manière
à ce que celle-ci se fasse dans des délais raisonnables.
Nous recommandons de maintenir le rôle des professeures et
professeurs des cégeps comme acteurs principaux du processus de
révision des programmes.
Nous recommandons que des mesures soient prises par le gouvernement pour
revaloriser l'enseignement technique et professionnel.
Nous recommandons un meilleur encadrement des cégépiennes
et cégépiens et, à cet effet nous proposons
d'améliorer l'accueil des étudiants, d'abaisser le ratio
étudiants-professeur, d'augmenter le nombre des professionnels
responsables de l'aide pédagogique individuelle, d'aménager la
tâche de façon à permettre aux professeures et professeurs
plus de temps et de disponibilité pour le contact avec les
étudiants, d'améliorer les services de mise à niveau comme
ceux existant en français et en mathématiques, de
considérer la possibilité de constituer des groupes stables de
cégépiennes et cégépiens, d'offrir des cours sur
les méthodes de travail intellectuel, de développer des services
spécifiques aux adultes.
Enfin, nous recommandons que soient améliorés les services
d'orientation.
La distribution de la population étudiante du secteur
préuniversitaire ne ressemble en rien à ce qu'avait prévu
la commission Parent. Plus de jeunes d'une même génération
accèdent au cégep et la proportion de ces jeunes qui vont au
secteur préuniversitaire est largement supérieure à celle
qui se dirige vers le secteur professionnel. L'objectif d'accessibilité
a été largement dépassé, mais, malheureusement,
plusieurs problèmes sont apparus.
D'entrée de jeu, nous tenons à dire que les solutions aux
problèmes que l'on constate dans le secteur préuniversitaire ne
peuvent mener à un resserrement des conditions d'admission au
cégep comme le suggère le Conseil des collèges. Cette voie
élitiste, qui remplacerait le décrochage scolaire par le
délestage des étudiants à la fin du secondaire, va
à rencontre de la philosophie d'éducation qui, depuis 30 ans,
anime notre volonté collective de voir la société
québécoise plus scolarisée. la faiblesse des
étudiants du cégep des sciences humaines est
particulièrement alarmante alors que l'on sait qu'ils
représentent 57 % des effectifs du secteur préuniversitaire.
d'ailleurs, leur charge de travail semble inférieure à celle de
leurs collègues du programme des sciences de la nature. nous
considérons qu'il n'y a aucune raison valable qui milite en faveur de
cet allégement des études. d'autre part, on remarque dans
l'ensemble du secteur préuniversitaire des enseignements trop
spécialisés.
Tout comme le Conseil des collèges, nous considérons que
le changement passe par l'acquisition d'une formation fondamentale, par le
renforcement et l'élargissement de la composante de formation
générale dans tous les programmes préuniversitaires, ainsi
que par l'instauration d'une complémentarité accrue entre cette
composante et l'amorce de spécialisation que constitue la
concentration.
Il faut également donner une valeur équivalente aux
différents programmes préuniversitaires, qu'il s'agisse de celui
des sciences de la nature, des sciences humaines, des arts ou des lettres. Pour
ce faire, il faut abolir la hiérarchisation existante entre ces
programmes.
Dans cette même veine, il est essentiel de revaloriser
l'enseignement technique et professionnel dont le développement du
Québec dépend en grande partie. Cette mesure diminuerait
probablement le taux de décrochage scolaire. L'enseignement technique et
professionnel doit aussi être fondé sur une solide formation
générale qui fera des cégépiennes et des
cégépiens des citoyens avertis. Notons que cette volonté
de revalorisation de l'enseignement au collégial ne sera efficace que si
les professeures et professeurs sont eux-mêmes impliqués
directement dans
le processus d'amélioration des enseignements.
Enfin, il faut établir des ponts plus solides entre le
collégial et l'université. C'est pourquoi nous recommandons le
renforcement et l'élargissement de la composante de formation
générale dans tous les programmes préuniversitaires, ainsi
que l'instauration d'une complémentarité accrue entre cette
composante et l'amorce de spécialisation que constitue la concentration.
nous recommandons d'établir que tous les programmes d'enseignement
préuniversitaire soient équivalents en termes d'exigences et de
charge de travail imposées aux cégépiennes et
cégépiens. Nous recommandons, dans le respect de l'autonomie du
niveau d'enseignement collégial, que l'on établisse des liens
plus étroits entre le collège et l'université et que les
problèmes de passage des cégépiennes et
cégépiens d'un niveau à l'autre soient l'objet de
concertation entre les professeurs des deux niveaux de l'enseignement
supérieur.
Pour raccourcir la présentation, Mme la Présidente, je
passerai tout de suite à la conclusion et, s'il y a des questions sur la
dernière partie du mémoire, nous pourrons y répondre.
En conclusion, le collégial ne doit surtout pas devenir le bouc
émissaire des maux que l'on constate dans notre société.
Par ailleurs, le système d'éducation à l'enseignement
supérieur ne peut être la panacée aux différents
problèmes sociaux qui nous ébranlent, qu'il s'agisse notamment du
chômage, de la criminalité ou du racisme. Sa fonction est double:
former les cégépiennes et les cégépiens, les
étudiants et les étudiantes à l'exercice de leur
rôle de citoyen, et ce, en toute connaissance de ce qui constitue une vie
heureuse, et former des travailleuses et travailleurs en vue du
développement économique et social de notre
société.
Les problèmes sociaux doivent trouver leurs solutions par la
coopération et la concertation des différents intervenants
sociaux ainsi que par l'implication active de l'État. Le système
d'éducation n'est qu'un rouage dont les limites sont réelles dans
l'ensemble du processus de résolution des problèmes sociaux. (12
heures)
La commission Parent en était venue, après avoir fait un
choix de société, à formuler des propositions afin de
réformer de fond en comble le système d'éducation.
L'exercice présent est tout autre. Il s'agit de réajuster un
outil collectif de premier ordre aux impératifs nouveaux de la
société québécoise à l'orée de l'an
2000. Les conclusions du rapport Parent étaient avant-gar-distes et
plusieurs des objectifs de ce rapport, 25 ans plus tard, sont largement
atteints. La question est de savoir s'il faut les maintenir, les bonifier ou
les abolir. Pour notre part, la réponse est claire, il faut continuer
l'oeuvre entreprise, la bonifier et l'adapter aux besoins de la
société québécoise actuelle. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Harel): Merci, M. Campbell. La parole
est maintenant à la ministre.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. D'abord, je
voudrais dire comment j'apprécie que la Fédération
québécoise des professeurs d'université ait
décidé de prendre quelques minutes de son temps pour
réfléchir sur l'enseignement collégial
québécois. Je prends bien acte du fait que la
Fédération donne son appui au maintien des cégeps au
niveau de la province de Québec. Maintenant, je réalise aussi
combien vous êtes bien placés, en tant que professeurs
d'université, pour nous parler des diplômés que vous
recevez, donc dans vos cours de classe, qui sont les gradués de l'ordre
de l'enseignement collégial. Donc, c'est avec intérêt que
nous avons lu votre mémoire.
J'aimerais ça, peut-être, M. Campbell, commencer
l'échange en vous parlant de formation générale, vous le
soulignez à quelques reprises dans votre mémoire, mais j'ai
été frappée, à la page 23 de votre mémoire,
par vos affirmations sur la formation générale dans laquelle vous
déplorez des carences importantes et vous dites:
«particulièrement la qualité du français et
l'étendue des connaissances générales». Mais vous
continuez en disant qu'«une des causes serait la piètre
qualité des cours complémentaires». Alors, j'aimerais
ça que vous m'expliquiez comment vous abordez... sur quoi vous vous
appuyez concernant la problématique des cours complémentaires.
Deuxièmement, est-ce que vous avez des recommandations
spécifiques à me faire sur le français?
Troisièmement, vous me parlez au niveau de la philosophie de diversifier
davantage l'enseignement. Qu'est-ce à dire? Et vous concluez en disant:
II va falloir réaménager le bloc des cours obligatoires. Comment?
Alors, j'aimerais ça vous entendre sur ce sujet.
M. Campbell: II nous est apparu que, très souvent, au
niveau des cours d'introduction au cégep, il pouvait y avoir une
espèce de doublure entre les cours d'introduction des cégeps...
au niveau du cégep et au niveau des cours de philosophie. Dans la
réflexion que nous avons faite là-dessus, qui n'a pas
été très étendue, je dois l'avouer, on se disait
qu'il y avait une espèce de moment unique dans la formation des
étudiants au niveau du cégep dans la mesure où l'ensemble
d'une population étudiante pouvaient avoir un regard sur l'ensemble des
disciplines alors qu'à l'université on va tout de suite se
plonger à l'intérieur d'une discipline particulière ou
dans un champ disciplinaire particulier. Mais, au niveau du cégep, les
étudiants, dans l'ensemble de leur population, pouvait avoir une
espèce d'accès à une réflexion sur l'ensemble des
savoirs, et on se demandait jusqu'où on profitait de cette
chance-là au niveau de l'éducation, au niveau des cégeps.
Je veux dire, les étudiants se préparent pour aller dans
différentes disciplines.
À un moment donné, au niveau de l'université, on va
prendre des corridors et des corridors qui vont se resserrer de plus en plus.
À ce moment-là, au niveau des cégeps, on est encore dans
un carrefour; on envisage des orientations, des voyages dans un sens ou dans
l'autre, mais il y aurait possibilité, nous semble-t-il, d'une
espèce de dialogue interdisciplinaire ou de connaissance des
différentes disciplines qui pourraient être intéressantes.
C'est dans cette perspective en ce qui concerne les cours de philosophie, on
s'est demandé si, un des cours de philosophie, en tout cas, ne pourrait
pas se faire plus directement en lien avec les concertations dans lesquelles
les étudiants s'engageaient? Mais je ne sais pas si mes collègues
veulent compléter sur cette question-là.
La Présidente (Mme Harel): La parole est maintenant au
porte-parole de l'Opposition en matière d'éducation.
M. Gendron: Oui, je suis heureux que la ministre ait
commencé par cette question parce qu'effectivement, dans votre
mémoire vous aviez un certain nombre de jugements, je pense,
légitimes de portés sur la formation de base. Vous avez
touché également la philosophie et les cours d'éducation
physique. Sur la philosophie, juste une question rapide, j'en aurais d'autres
mais... Vous dites qu'il faut s'assurer que la philosophie parvienne à
dispenser les enseignements suffisamment diversifiés pour parfaire une
culture générale. Donc, ça signifie que vous n'êtes
pas d'accord avec ce que nous faisons. Par contre, vous souhaitez que ça
demeure dans le front commun obligatoire, si on s'exprime comme ça.
Est-ce que vous êtes vraiment convaincu qu'il faut maintenir au niveau
collégial dans la formation de base des cours de philosophie? Si oui,
pour l'atteinte de quel objectif, selon vous? Et mis en parallèle par
rapport à d'autres réalités du monde moderne, est-ce qu'il
n'y a pas lieu de ne pas restreindre la plage potentielle de cours qu'on peut
offrir dans le front commun, et en conséquence, la laisser
complémentaire plutôt qu'obligatoire, la philosophie?
M. Campbell: Bon, on n'a pas fait une longue réflexion sur
l'enseignement de la philosophie et sur son maintien ou pas dans la
préparation de ce mémoire-là. Ce qui nous a
intéressés, entre autres, ça a été de
s'assurer qu'il y ait une dialectique entre l'enseignement de la philosophie et
les problématiques concrètes que travaillaient les
étudiants dans leur secteur de concentration. Mais sur le
problème de l'obligation de la philosophie ou pas, de garder dans le
front commun, on ne s'est pas engagés là-dedans.
M. Gendron: Une autre question rapidement. Vous dites que pour
faire face aux problèmes rencontrés au niveau de la formation
préuniversitaire, vous rejetez l'hypothèse du resserrement des
conditions d'admission au cégep telle qu'avancée par le Conseil
des collèges. J'aimerais ça savoir vos raisons, pour quelles
raisons? Et après avoir rejeté les suggestions du Conseil des
collèges, c'est quoi que vous suggérez à ce chapitre?
M. Campbell: À un moment donné, peut-être une
boutade, en réfléchissant sur la problématique du
décrochage on a pensé aux collèges classiques et on s'est
dit que ça n'existait pas le décrochage dans le temps des
collèges classiques, mais, qu'au fond il y avait peut-être une
forme de décrochage c'était certainement les autorités qui
mettaient à la porte un nombre considérable d'étudiants.
Mon propre souvenir c'est qu'on était les 2 % de l'élite et qu'on
était mieux de se conformer, sans ça on prenait la porte et Dieu
sait qu'à des moments donnés, pour parler d'une expérience
personnelle, les étudiants les plus brillants ont été mis
à la porte du collège. Je ne sais pas si les professeurs s'en
mordent les doigts aujourd'hui, mais en tout cas... Une des manières,
ça peut être une forme de décrochage, on décroche
les gens. On peut les décrocher d'avance. Nous autres, on pense que
l'accès à l'éducation c'est quelque chose de très
important, on n'a pas cessé de le dire dans le mémoire. Dans ce
sens-là, de garder le cégep ouvert le plus largement possible et
de ne pas faire de présélection, une espèce de
prédécrochage contrôlé par la structure, là,
on s'oppose à ça.
M. Gendron: Ça va, je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Verdun. (12 h 10)
M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente. M. Campbell,
j'aurais un certain nombre de questions à vous poser. Si je lis votre
mémoire - et je lis particulièrement les pages 22 et 23 - vous
qui, dans le fond, recevez les gens qui sortent des cégeps, vous
êtes extrêmement durs envers ce qui sort des cégeps. Je lis
ce que vous dites: II apparaît que des cégépiennes et
cégépiens arrivent difficilement à démontrer une
habileté intellectuelle suffisante en ce qui a trait à la
capacité de raisonner, d'analyser, d'être objectif, de
synthétiser, d'élaborer une argumentation logique et
structurée, de juger et de résoudre des problèmes, et vous
ajoutez en plus, «etc.» C'est assez, assez... Alors que vous
êtes probablement les personnes qui recevez les gens qui sortent du
cégep, c'est un jugement assez dur envers ce qui sort des cégeps.
Ma question est la suivante: Quelles sont d'après vous les raisons qui
vous amènent à porter un tel jugement sur la situation à
l'intérieur des cégeps et quels sont les palliatifs que vous
envisagez? Parce que, dans
les recommandations que j'ai vues après, je n'ai pas vu de grands
palliatifs qui seraient en mesure de faire en sorte que ces
problèmes-là soient corrigés.
M. Campbell: Je ne sais pas si nous avons voulu en faire un
jugement sur les cégeps. C'est vrai que les étudiants que nous
avons, nous pouvons faire ce diagnostic-là qui peut paraître
sévère, mais il faut dire qu'avoir toutes ces
qualités-là ce n'est pas quelque chose de facile. Je ne sais pas
dans quel secteur de la société on peut trouver des gens qui ont
toutes ces qualités...
M. Gautrin: Mais un peu.
M. Campbell: ...non plus. Je pense moins qu'il s'agit d'un
jugement sur les cégeps que d'un constat sur un travail qu'il reste
à terminer. Les solutions que nous avons apportées, nos
recommandations, ça a été surtout dans la ligne de
l'encadrement, dans la ligne de donner des classes qu'il sera possible d'avoir,
par exemple, une pédagogie active et dans la ligne d'un soutien à
l'orientation des étudiants.
M. Gautrin: Permettez-moi de vous reposer la question. Vous dites
après que l'enseignement collégial est tout à fait en
mesure de relever le défi d'une formation fondamentale. Mais moi, je ne
comprends pas. Alors que vous avez été aussi critique dans le
début de votre phrase, vous arrivez ici dire que vous êtes en
mesure de relever ce défi-là. Je voudrais savoir comment et ce
qu'il faut faire pour relever ce défi-là.
Mme Méar (Annie): Je voudrais peut-être
répondre à mon collègue ou au moins tenter de lui
répondre. Moi, l'expérience que j'ai de l'enseignement
universitaire, c'est surtout au niveau de la maîtrise, je pense, qu'on
commence à se rendre compte que les étudiants ont vraiment des
carences au niveau de la capacité d'analyse et de synthèse. Je
pense que tant que les étudiants sont même au premier cycle,
qu'ils ont à faire des travaux qui sont finalement des travaux dans le
cadre de cours, qui sont d'une envergure relativement limitée, ils n'ont
pas trop de difficulté à remplir les exigences qu'on leur demande
de rencontrer. Mais, à partir du moment où ils ont à
écrire, à penser un mémoire de maîtrise qui est
quand même un travail d'une centaine de pages, là ils se rendent
compte que vraiment beaucoup d'entre eux, et là encore je ne dirais pas
tous, bien sûr, mais beaucoup d'entre eux ont vraiment de la
difficulté à concevoir d'abord comment ils vont organiser un
travail de recherche sur une centaine de pages, ils ont de la
difficulté, vraiment, à exposer un point de vue de façon
claire et à essayer de prouver une thèse de façon claire
également.
Maintenant, est-ce que ce sont les cégeps qui en sont
responsables? Certainement, et ils ne sont certainement pas les seuls.
Certainement que les problèmes viennent également du niveau
secondaire, même peut-être du niveau primaire, qui sait? Et
à l'université, même au niveau du premier cycle, on
pourrait certainement faire beaucoup plus pour que, justement, nos
étudiants n'arrivent pas à la maîtrise et au doctorat avec
les difficultés qu'ils ont actuellement. Et ce n'est pas uniquement une
question de langue. Ils ont également des carences au niveau de la
maîtrise du français écrit en particulier. Au niveau de la
communication orale, je pense qu'en général on peut dire qu'ils
sont très compétents, beaucoup d'entre eux, et ils ont une
facilité d'élocution, certainement, qui est, à certains
égards, remarquable. Mais, vraiment, du point de vue de la
maîtrise du français écrit, il y a souvent des carences, et
là, encore une fois, ce n'est pas uniquement les cégeps,
certainement, qui en sont responsables. On a tous vu les résultats
qu'ils ont eus aux examens de français écrit en particulier.
Donc, là, on a certainement beaucoup à faire, et sûrement
les universités autant que les cégeps, mais tous les niveaux
d'enseignement ont à intervenir. Et, encore une fois, c'est
peut-être au primaire qu'il faut commencer.
Mais je voudrais juste ajouter une dernière chose. Ce qui me
frappe également, étant donné que je suis en
communication, c'est de voir combien d'étudiants ont vraiment un
engouement, au-dessus, je pense, de la moyenne, pour tout ce qui est
communication, l'engouement qu'ils ont pour les médias. Donc, ces
étudiants qui ont de la difficulté à écrire vont,
en même temps, être fascinés par tout ce qui est
communication orale, tout ce qui est transmission par les médias. Enfin,
vous savez sans doute, aussi bien que moi, le nombre d'étudiants qui
sont inscrits en communication dans les programmes de premier cycle, de
deuxième cycle au Québec. Donc, il y a vraiment un
problème là, je pense, d'expression, et les étudiants sont
les premiers à se rendre compte qu'ils ont des carences et qu'ils
voudraient certainement remédier à ces carences.
M. Gautrin: Mais vous ne répondez pas à ma
question. Comment corriger les carences au niveau des cégeps?
Mme Méar: Je pourrai répondre...
M. Ouellet (Roland): Peut-être que je peux essayer une
tentative de réponse. Ce que ma collègue, Annie Méar, a
dit pour les deuxième et troisième cycles, je pourrais...
La Présidente (Mme Harel): Pour les fins de
l'enregistrement de nos travaux, il s'agit donc de M. Ouellet. C'est
ça?
M. Ouellet: C'est ça. Ce que ma collègue, Annie
Méar, vient de dire, pour les deuxième et
troisième cycles, je pense qu'on pourrait le dire aussi pour les
étudiants de premier cycle, c'est-à-dire ceux qui nous arrivent
directement des cégeps, et on constate très rapidement - moi,
pour ma part, je travaille dans le domaine de l'éducation - que ces
jeunes ont beaucoup de difficultés à s'exprimer par écrit.
Ils ont beaucoup de difficultés à faire des textes qui sont
articulés. On a l'impression qu'ils n'ont pas de méthode de
travail. On a l'impression qu'ils ne maîtrisent pas leur français.
Et, très souvent aussi, c'est qu'ils sont incapables d'avoir une
pensée organisée. Alors, comment faire pour corriger ces
choses-là? Je pense qu'il faut regarder ce qui se fait au cégep.
Peut-être faudrait-il regarder ce qui se fait au niveau du secondaire.
Les apprentissages de la langue se font dès le jeune âge, au
primaire et au secondaire. Je pense qu'il faudrait revoir cette question.
Deuxièmement, il faudrait peut-être aussi que les
étudiants soient à même de revenir aux auteurs, aux
penseurs, aux philosophes, aux gens qui ont, de par les temps,
présenté une pensée organisée. C'est en se frottant
aux auteurs qui ont des pensées organisées qu'à un moment
donné on est amenés à décortiquer, à voir
l'argumentation, etc. Alors, je pense qu'à ce niveau-là on n'a
peut-être pas mis tous les efforts et qu'il serait nécessaire de
revenir à ces penseurs, de revenir à ces modèles qui
présentent des choses de façon articulée dans un
français acceptable. Je pourrais vous raconter des anecdotes
très, très piquantes. J'ai eu une étudiante, par exemple,
au baccalauréat, qui se préparait pour devenir une enseignante et
qui m'a fourni un texte qui était tout à fait mal écrit.
Alors, j'ai dit: Que voulez-vous, je vais devoir vous couler. La personne
était très, très déçue, si vous voulez, et
elle a dit: Bien, comment voulez-vous que j'écrive? J'ai de la
misère à parler. Alors, on se retrouve avec des gens qui sont
rendus au niveau universitaire, qui se préparent à devenir des
enseignants ou des enseignantes et qui vont, un bon jour, se retrouver sur le
marché du travail en train de former des jeunes qui, au primaire, vont
apprendre de telle et telle manière. Alors, il faudrait peut-être
aussi penser à la formation des maîtres dans ce
contexte-là, parce qu'il ne faut pas prendre pour acquis
nécessairement que tous ceux qui sont dans le système savent
très bien comment tout faire. Alors, ces objectifs
généraux qu'on veut adresser aux étudiants, il faudrait
peut-être aussi qu'on les repense dans le cadre de la formation des
enseignants et des enseignantes.
M. Gautrin: J'ai une deuxième question, madame. Moi, je
voudrais maintenant poser une question, à la page 32, sur la
spécialisation des enseignements. Vous l'avez touchée dans votre
présentation. Vous dites: «...On remarque dans l'ensemble du
secteur préuniversitaire que les enseignements sont trop
spécialisés parce que les enseignantes et enseignants
reproduisent trop souvent ceux qu'ils ont reçus à
l'université.» Et nous remarquons une «similarité des
contenus entre les cours d'introduction au collégial et à
l'université alors que certains considèrent que même les
cours du premier cycle universitaire sont trop
spécialisés». (12 h 20)
Ensuite, comme recommandation, parce qu'il y a une recommandation qui
suit avec ça, et j'ai l'impression que ça touche votre
onzième recommandation, vous voulez qu'il y ait une meilleure
coordination: «La FQPPU recommande, dans le respect de l'autonomie du
niveau d'enseignement collégial, que l'on établisse des liens
plus étroits entre le collège et l'université et que les
problèmes de passage des cégépiennes et
cégépiens d'un niveau à l'autre soient l'objet de
concertation entre les professeures et professeurs des deux niveaux de
l'enseignement supérieur.»
Moi, ce que j'aimerais entendre, c'est quels mécanismes de
concertation vous voyez, quels moyens vous voyez pour corriger les
enseignements au niveau cégep, quels moyens vous voyez pour mieux
harmoniser les enseignements entre le niveau universitaire et le niveau
cégep, quel mécanisme, sachant que chacune des institutions est
jalouse de son autonomie et que déjà, au niveau universitaire,
c'est déjà bien difficile d'harmoniser les enseignements
universitaires entre les différentes institutions.
M. Campbell: Vous aurez remarqué sans doute, d'ailleurs,
dans le mémoire que nous nous opposons, dans un certain sens, a ce que
les universités imposent des prérequis au niveau du cégep.
Ce que nous voulons, quand nous voulons des lieux de concertation, ce sur quoi
nous n'avons peut-être pas été assez explicites, c'est des
lieux de concertation non seulement entre les institutions ou les
administrations des institutions, mais des lieux de concertation où des
professeures et professeurs de cégeps et de l'université puissent
échanger ensemble sur ces problèmes-là, je veux dire un
contact qui ne soit pas seulement un contact bureaucratique ou administratif,
mais un contact de professionnels, entre professionnels. C'est nous qui nous
passons les clientèles et il nous semble important d'avoir des lieux
où le dialogue puisse se poursuivre en ce sens-là.
La Présidente (Mme Harel): Est-ce que vous voulez
compléter la réponse?
Mme Méar: Je voudrais peut-être ajouter, pour
revenir - en fait, M. Gautrin me reprochait de ne pas avoir répondu
à sa question: Qu'est-ce qu'on peut faire pour améliorer la
situation? Je pense que c'est, en fait, une question qu'il faut se poser et la
réponse n'est pas simple. Qu'est-ce
qu'il faut faire pour améliorer la capacité d'analyse et
de synthèse des étudiants? Je pense qu'on ne peut certainement
pas revenir au grec et au latin comme par le passé. Donc, il faut
vraiment se reposer la question et essayer de penser à des façons
qui vont intéresser les étudiants de cégeps, qui seront
donc adaptées à leur façon de penser, à leurs
goûts, de telle façon qu'on arrive à leur faire faire des
exercices qui vont justement leur donner cette capacité de
synthèse et d'analyse. Et ça, ce n'est pas simple, mais je pense
que c'est aux professeurs de se pencher sur cette question-là. Et
là, justement, pour reprendre ce que M. Gautrin vient de soulever, je
pense qu'on pourrait certainement avoir une concertation entre les professeurs
des universités et les professeurs des cégeps pour essayer
d'imaginer de nouvelles façons de remplir ce mandat que les
cégeps devraient avoir.
La Présidente (Mme Harel): Merci, Mme Méar. Pour
terminer, je crois, avant que Mme la ministre complète, j'inviterais Mme
la députée de Terrebonne à échanger avec vous.
Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Les intervenants et
les intervenantes qui vous ont précédés ont rappelé
à plusieurs reprises deux problèmes bien concrets, le premier
concernant les modifications de programmes où on mentionnait que,
finalement, les enseignants et les enseignantes pouvaient être juge et
partie par rapport à ces modifications et que c'était un des
inconvénients qui empêchaient de réaliser rapidement ces
changements de programmes. Le deuxième point qui est revenu
évidemment dans pratiquement tous les mémoires, c'est
l'évaluation et des programmes et des enseignants et de la part que les
étudiants et les étudiantes devaient prendre dans ces
évaluations.
Comme vous n'avez pas eu le temps de nous parler beaucoup de
l'évaluation, vous avez laissé cette partie tantôt, est-ce
que vous pouvez nous parler de ces deux problèmes concrets?
M. Campbell: Sur la modification des programmes, nous nous sommes
contentés de souligner le problème et dire qu'il faudrait y
trouver une solution, mais nous n'avons pas essayé nous-mêmes de
solutionner ce problème-là. En ce qui concerne
l'évaluation, pour nous, les étudiants ont droit de participer
à l'évaluation des professeurs. On est conscients en même
temps des problèmes de conflits d'intérêts qu'il peut y
avoir à ce niveau-là; des problèmes de forme aussi. Dans
la mesure où on parle que l'appréciation des étudiants est
anonyme, on risque d'embarquer dans la lettre anonyme. Il n'y a pas de
contrôle là-dessus. Mais, si on reconnaît aux
étudiants la possibilité de réagir, de participer à
l'évaluation des professeurs, il nous semble... Nous, on recommandait
que l'évaluation se fasse comme à l'université, que ce
soit une évaluation par les pairs, que ce soit, d'abord et avant tout,
une évaluation formative pour permettre d'améliorer la
qualité de l'enseignement. C'est un peu le contenu de ce que je n'ai pas
eu le temps de dire tout à l'heure.
Mme Caron: Je vous remercie.
La Présidente (Mme Harel): Alors, pour compléter,
j'inviterais maintenant Mme la ministre à conclure.
Mme Robillard: Une dernière question, si vous permettez,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Harel): Très bien.
Mme Robillard: M. Campbell, est-ce que je pourrais savoir
pourquoi la Fédération des professeurs d'université
considère que la recherche ne fait pas partie de la mission des
cégeps, tel que dit à la page 38 de votre mémoire?
M. Campbell: Bien, il nous avait semblé que le rôle
des cégeps était d'abord un rôle de formation
d'étudiants. Et, à moins qu'on se soit trompé par rapport
à la loi sur les cégeps, on n'avait pas vu que les cégeps
étaient d'abord des lieux où on devait faire de la recherche. Par
ailleurs, on a constaté qu'il y en avait, de la recherche, au niveau des
cégeps. On ne s'est pas objecté à ça. On a
même dit que, dans un certain nombre de secteurs, il nous semblerait
normal que la recherche continue. Et on a considéré la
diplomation des professeurs, on a considéré ce qui se faisait, et
on suggère dans notre rapport qu'on cherche même des lieux
d'intégration ou d'une dialectique entre la recherche qui se fait au
niveau des cégeps et ce qui se fait à l'université.
Mme Robillard: Merci, M. Campbell, de votre participation aux
travaux, et vous remercierez les membres de la Fédération.
Merci.
La Présidente (Mme Harel): Alors, je remercie la
Fédération et nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 14
heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 27)
(Reprise à 14 h 4)
La Présidente (Mme Harel): Je déclare ouverte la
séance de la commission et j'en rappelle le mandat, soit de
procéder à des auditions publiques sur l'enseignement
collégial québécois. Je vais inviter immédiatement
la Confédération des syndicats nationaux à
présenter son mémoire et Mme Lamontagne à nous
présenter les personnes qui l'accompagnent.
Confédération des syndicats nationaux
(CSN), Fédération des employées et employés
des services publics (FEESP) et
Fédération nationale des
enseignantes
et enseignants du Québec (FNEEQ)
Mme Lamontagne (Céline): Merci, Mme la Présidente.
Alors, je vais d'abord effectivement vous présenter les personnes qui
m'accompagnent. À ma droite, Marjolaine Côté, qui est
présidente du secteur soutien cégep à la
Fédération des employés des services publics;
François Juneau, secrétaire général de la
même Fédération. À ma gauche, Denis
Choinière, président de la Fédération nationale des
enseignantes et enseignants; Lyne Boyer, vice-présidente de la
même Fédération; et François Lamarche, conseiller
syndical à la CSN et qui a travaillé sur nos mémoires.
Je dois aussi dire, d'entrée de jeu, que, comme les membres de
cette commission le savent et comme Mme la ministre aussi le sait, nous avons
présenté trois mémoires. Alors, nous allons tenter d'en
sortir la substance dans le temps très court, finalement, qui nous est
consacré.
Je voudrais rappeler, bon, je pense que c'est clair maintenant, avec les
quelques semaines de commission parlementaire qui ont lieu, qu'il y a un large
consensus au Québec pour maintenir le niveau d'enseignement
collégial, et les cégeps en particulier, parce que ce niveau
d'enseignement a fait ses preuves particulièrement en termes
d'accessibilité.
La Présidente (Mme Harel): Mme Lamontagne, avant que vous
ne débutiez la présentation, vous êtes déjà
informée qu'il y a une demi-heure à la disposition de l'ensemble
des intervenants pour faire la présentation et que, par la suite,
chacune des formations politiques se partagera le temps qui restera,
évidemment en prenant en considération les demandes
d'intervention du député d'Equality.
Mme Lamontagne: Oui, nous savons ça. Et un autre point,
ça me permet d'expliquer qu'on fera la présentation à
trois personnes...
La Présidente (Mme Harel): Très bien.
Mme Lamontagne: ...tout en respectant notre demi-heure, Mme la
Présidente.
Alors, je disais donc qu'il y a une large majorité aussi qui se
dégage des travaux actuels pour apporter des changements au
réseau collégial. Les changements sont encore, à notre
avis, assez éparpillés, vont de la petite recette à des
grandes réformes. Mais je pense que c'est la suite des travaux qui va
nous le dire.
Un aspect qui est important aussi pour nous, c'est de signifier que ce
débat sur l'avenir de l'enseignement collégial au Québec
interpelle non seulement nos membres qui oeuvrent quoti- diennement dans le
réseau, enseignants, enseignantes, personnel de soutien, mais ça
interpelle tous les membres de la CSN, y compris ceux et celles du secteur
privé. Alors, c'est pourquoi nous avons insisté, entre autres,
sur toute la politique de formation des adultes et c'est pourquoi la CSN a des
positions très claires pour que le gouvernement définisse une
politique de formation continue; c'est une position de l'ensemble du
mouvement.
C'est aussi très clair qu'on a pris position en faveur de
l'alternance études-travail, et ça a fait un bon débat
dans nos rangs, y compris et peut-être surtout dans le secteur
privé qui est aux prises avec des mises à pied quotidiennes. Nous
sommes impliqués aussi dans toutes les nouvelles formes d'organisation
du travail, et cette réorganisation des milieux de travail pose des
exigences en termes de formation. Donc, il faut de la souplesse pour rendre
plus accessible la formation aux adultes. Il faut poursuivre aussi la formation
sur mesure en institutions publiques. Il faut aussi des formules plus souples
de reconnaissance des acquis. Et on s'est prononcé également en
faveur d'un D.E.C. accéléré.
Nous croyons également que, pour répondre aux exigences
futures du marché du travail, il est important que, comme
société, on relève et on rehausse nos objectifs en termes
de quantité de personnes qui devront accéder au diplôme
d'études collégiales et qui devront accéder aux
études collégiales. On nous dit dans plusieurs études
qu'actuellement les deux tiers des emplois qui seront créés d'ici
l'an 2000 exigeront une formation postsecondaire. Alors, c'est un aspect
important que je voulais signifier dès le point de départ. Et M.
Denis Choinière, de la FNEEQ, poursuivra sur les éléments
de ce qu'on appelle notre projet éducatif.
M. Choinière (Denis): Bonjour. Le réseau
collégial doit dispenser aux jeunes et aux adultes une formation de
qualité, large, polyvalente - certains diront fondamentale - qui tient
compte de toutes les dimensions de la personne humaine et dont la sanction,
d'après nous, est de la responsabilité du ministère de
l'Enseignement supérieur et de la Science. Cette formation de
qualité, tant pour le secteur général que pour le secteur
technique, doit comprendre une formation générale et une
formation spécialisée.
La formation générale, pour nous, doit être solide,
polyvalente. Pour nous, celle-ci s'exprime par quatre cours de philosophie, de
littérature et d'éducation physique communs à tous les
élèves et par un resserrement des règles de choix des
actuels cours complémentaires dans le but de diversifier les champs
disciplinaires et ainsi d'élargir la formation générale.
La formation spécialisée, pour nous, doit être polyvalente,
large, transférable. Pour améliorer cette formation, nous vous
proposons de favoriser le développement de stages d'études et de
programmes
en alternance études-travail. (14 h 10)
Le moyen privilégié pour donner une formation de
qualité et pour assurer la réussite des études, c'est de
donner aux jeunes et aux adultes un meilleur soutien et un meilleur encadrement
pédagogigue.
Par ailleurs, pour favoriser la réussite et l'accès aux
études, nous sommes d'accord pour que le réseau collégial
dispense des cours d'appoint et des cours de mise à niveau.
Pour les adultes, nous proposons la mise en place de ce qu'on pourrait
appeler un D.E.C. accéléré, c'est-à-dire la
possibilité, pour les adultes ou ceux détenant déjà
un D.E.C. ou un diplôme d'études universitaires, de suivre des
sessions en continu, sans période de vacances. Pour les adultes, nous
proposons de mettre en place des mesures nécessaires à l'effet
d'offrir aux adultes les mêmes services qu'à l'enseignement
régulier. Ceci impliquera la révision du mode de financement pour
les adultes.
La qualité de la formation dépend aussi des conditions
d'exercice de la profession enseignante. Il faut donc tenir compte de ces
conditions d'exercice et notre mémoire ou notre projet sur la table vous
fait des suggestions assez concrètes pour, par exemple, régler la
question de la précarité dans l'enseignement. Nous savons
qu'à peu près 30, 33 % des professeurs sont à statut
précaire, et surtout à l'éducation des adultes. Nous
proposons aussi des mesures à l'effet de permettre aux professeurs
d'avoir un meilleur perfectionnement et un meilleur ressourcement. Il est
parfois extrêmement pénible de s'apercevoir que celles et ceux qui
doivent, dans la société, transmettre les connaissances n'ont
presque pas accès à un mécanisme de ressourcement ou de
perfectionnement pour leur permettre de mieux transmettre ces
connaissances-là auprès des élèves, encore une
fois, jeunes et adultes.
Nous proposons aussi des mesures concrètes pour un meilleur
accès à l'égalité pour les enseignantes dans le
réseau de l'éducation. Nous pensons, à cet effet, que les
étudiantes et les étudiants du réseau collégial
doivent s'apercevoir qu'il existe aussi des femmes dans la
société et je pense que mettre en face d'eux des personnes femmes
comme enseignantes est une bonne façon aussi d'en tenir compte.
Nous proposons aussi des mesures pour faire face à la grande
question du vieillissement des professeurs dans quelque temps et, surtout, nous
tenons à dire et à redire qu'il faut chapeauter toute la question
de l'organisation du travail avec le grand principe de la
collégialité.
Je passe donc maintenant la parole à Marjo Côté.
Mme Côté (Marjolaine): Quant au mémoire de la
FEESP, il porte essentiellement et volontairement sur le rôle que nous
avons à jouer comme employés de soutien dans les cégeps.
Pourquoi? Eh bien, c'est simple. Parce que nous sommes ignorés trop
souvent, que nous sommes écartés aussi et, souvent,
considérés comme de simples exécutants et
exécutantes, alors que notre travail est essentiel à
l'apprentissage et à la réussite de l'élève.
Le personnel de soutien est présent partout dans les
établissements et la plupart des personnes qui y travaillent sont en
contact direct avec les élèves et travaillent aussi en
étroite collaboration, soit avec le personnel enseignant, le personnel
professionnel et aussi le personnel cadre, bien entendu. Dans tous les
services, nous sommes les premiers interlocuteurs et interlocutrices pour la
population étudiante, autant les jeunes que les adultes. Nous sommes
répartis dans plus de 50 types d'emplois qui regroupent trois
catégories de personnel. On a le personnel administratif, le personnel
technique qui, disons-le, a reçu sa formation directement dans les
cégeps et le personnel ouvrier.
Un grand nombre de nos membres intervient autant dans l'enseignement que
dans l'apprentissage scolaire. Or, nous fabriquons des outils pour les cours,
les documents audiovisuels. Nous assistons les étudiants et les
étudiantes dans leur travail, que ce soit au niveau de l'informatique,
en bibliothèque, dans les services audiovisuels. Nous les aidons, par
nos conseils techniques, à mieux assimiler ce qui leur est
enseigné. Nous aidons aux apprentissages hors cours qui n'en sont pas
moins essentiels et dans les services aux étudiants.
Nous vivons quotidiennement les effets du manque de communication, de
leadership et de planification. En un mot, nous ne sommes pratiquement jamais
consultés.
L'avènement des changements technologiques a apporté son
lot de frustrations, de stress et de peurs, principalement en raison du manque
de formation et de planification. Par contre, ces changements technologiques
ont permis un grand développement des compétences sans que
celles-ci soient reconnues.
Il faut faire en sorte que la valorisation du personnel de soutien soit
rehaussée. Il faut faire en sorte que les individus puissent
répondre à leurs besoins fondamentaux, puissent s'exprimer,
contrôler leur travail, se réaliser. De quelle façon? En
faisant appel à leur intelligence, à leur imagination. Bref, il
faut travailler à la mise en place de conditions pour permettre aux
travailleuses et aux travailleurs de se sentir bien dans leur peau. Il faut
donc avoir une organisation du travail qui soit responsabilisante, motivante et
toujours plus enrichissante. Qu'on soit partie prenante dans le processus
décisionnel, c'est un moyen à privilégier afin d'augmenter
la qualité des services dans les cégeps.
Mme Lamontagne: Alors, je continuerais, je terminerais la
présentation en parlant suite à ce
que M. Choinière et Mme Côté ont dit sur tout le
volet ou la problématique, si on veut, de l'organisation du travail.
Vous savez sans doute qu'à la CSN on accorde beaucoup d'énergies
ces temps-ci à s'impliquer dans tous les milieux de travail pour
redéfinir et rompre, si on veut, avec les vieilles formes d'organisation
du travail. Il nous apparaît important, dans cette future réforme,
que l'ensemble des ressources humaines des cégeps, ressources humaines
comme on les appelle couramment, soient impliquées, comme elles
devraient être impliquées quotidiennement et ne pas être de
simples exécutantes. Alors, ça veut dire concrètement, par
exemple, et M. Choinière en a fait mention, que les enseignants et les
enseignantes doivent être impliqués dans la révision des
programmes, qu'on doit maintenir une organisation du travail qui soit une
organisation du travail horizontale plutôt qu'une organisation du travail
verticale, par exemple, la structure des départements avec la
coordination pour les enseignants, que, même aussi, le personnel de
soutien et particulièrement les techniciens doivent être partie
prenante de la vie départementale dans les cégeps. Ce sont des
exemples concrets, il y a sûrement d'autres moyens.
Et je rappelle qu'actuellement, au Québec, le ministre Tremblay
fait circuler et veut faire signer par les entreprises du secteur privé
la charte de la qualité totale. Et le ministre Tremblay lui-même
dit que, si les entreprises veulent prendre le virage de la concurrence et de
la compétitivité, on doit tenir compte et prendre le virage des
ressources humaines. Alors, je tiens à dire que toute réforme
doit prendre en compte la position, doit prendre en compte le débat
qu'on doit faire avec l'ensemble des ressources humaines du milieu, et le
gouvernement et Mme la ministre doivent souhaiter que leur réforme
future rencontre l'adhésion de tous les partenaires du milieu, y compris
les travailleuses et les travailleurs qui y oeuvrent. Et je pense que c'est
dans ce cadre-là, dans le cadre d'une organisation du travail où
il faut dire qu'à certains niveaux les cégeps ont
été précurseurs, que se pose ou devrait se débattre
la question de l'évaluation des enseignantes et des enseignants.
Un autre aspect qu'il nous semble important aussi de signaler - et on en
a parlé dans notre mémoire - c'est que le cégep doit, au
coeur de la société.... Oui, on l'a dit. Il faut qu'il y ait un
arrimage entre les cégeps et le milieu du travail, mais un arrimage
aussi entre l'ensemble des forces sociales. Et dans ce sens-là - on aura
peut-être éventuellement à faire des propositions plus
concrètes - on trouve important de s'assurer de la présence des
socio-économiques sur les conseils d'administration des institutions
collégiales et, aussi, on trouve important que les institutions
publiques d'enseignement soient présentes dans les futures
sociétés régionales de main-d'oeuvre. Ce n'est pas des
sociétés comme telles, parce qu'elles n'ont pas d'autonomie en
termes d'incorporation, mais sur les conseils d'administration des
sociétés régionales de main-d'oeuvre. Donc, l'arrimage
doit se faire entreprises et milieu de l'enseignement, mais aussi avec
l'ensemble des forces dans le milieu qui oeuvrent en développement
économique, qui oeuvrent au niveau social. (14 h 20)
L'autre aspect important, c'est l'épineuse question du
financement. Alors, premièrement, je répète que nous
sommes en désaccord à ce qu'on ait des frais de scolarité
au niveau collégial. Nous sommes aussi également en
désaccord avec le fait de punir financièrement ceux qui
prendraient plus de temps à obtenir leur diplôme au niveau
collégial. Je pense qu'on propose des mesures d'encadrement, des mesures
de soutien, une meilleure orientation pour faire en sorte qu'on aboutisse
à un diplôme de façon peut-être plus rapide. Donc, ce
n'est pas en punissant, mais c'est en encadrant mieux les étudiantes et
les étudiants.
On doit rappeler aussi que l'éducation, comme d'autres l'ont dit
avant nous, c'est le moyen privilégié pour rehausser l'ensemble
de la société autant au niveau économique qu'au niveau
social. Donc, dans ce sens-là, ça doit être une
priorité dans les finances publiques. Également, on a
proposé à plusieurs reprises - et on revient avec cette
proposition - qu'il devrait y avoir obligation pour les entreprises d'investir
2 % dans la formation de leur main-d'oeuvre, donc 2 %, évidemment, qui
n'iront pas nécessairement dans les institutions d'enseignement
collégiales, mais dont une partie irait possiblement dans les
institutions d'enseignement collégiales, mais que ce soit une
priorité que les entreprises, dans cette période de mutation
importante, investissent dans la formation, y compris pour les travailleuses et
les travailleurs qui sont dans les cégeps.
L'autre aspect important, qui est sur le financement, c'est qu'on
prétend - et, ça, c'est l'ensemble du mouvement syndical, au
Québec -qu'il ne faut pas voir de façon décortiquée
ou de façon séparée l'ensemble des finances publiques.
Donc, on propose une commission d'enquête sur la fiscalité. Je
dois dire tout de suite, parce qu'il y a eu des nouvelles la semaine
dernière, que, nous, on souhaite que ce soit une commission
d'enquête élargie, style Bélanger-Campeau, sans être
le même modèle exactement, qui fasse le tour de la province et que
ce ne soit pas une commission parlementaire traditionnelle; donc, une
commission très large sur la fiscalité.
En terminant, un aspect qui est très, très important,
c'est que, actuellement, il y a une large consultation sur l'avenir des
cégeps, une consultation, comme on le voit dans toute l'opinion
publique, qui suscite un très, très vif intérêt. Par
ailleurs, la ministre a annoncé qu'elle était prête
à faire des changements importants, à faire des virages, qu'elle
voulait
agir et agir rapidement. Mais, comme le gouvernement n'a pas cru bon,
à cette étape-ci, de faire connaître clairement ses
propositions, soit par le biais d'un projet de loi, par le biais d'un livre
blanc ou de toute autre couleur - donc, il n'a pas mis sur la table son projet,
si on veut, pour l'avenir des cégeps - il nous apparaît essentiel
d'avoir l'assurance qu'il y ait une deuxième consultation suite à
la mise sur la table, finalement, suite à ce qu'on aura, qu'on sache et
qu'on connaisse les choix gouvernementaux sur l'avenir des cégeps. On ne
souhaiterait pas que le gouvernement adopte, en fin de session - comme
ça s'est déjà fait dans d'autres lois, assez
récemment, d'ailleurs, dans notre histoire - à toute vapeur un
projet de loi qui fasse une réforme des cégeps sans avoir eu une
étape suffisante de consultation de l'ensemble des partenaires du
milieu, y compris des personnels qui oeuvrent au niveau collégial.
Alors, je termine sur ça, en remerciant la commission d'avoir
accepté de nous entendre cet après-midi. Merci.
La Présidente (Mme Harel): Alors, je vous remercie, Mme
Lamontagne. La parole est maintenant à Mme la ministre.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
d'abord saluer les membres de la Confédération des syndicats
nationaux et vous dire l'intérêt que j'ai à vous entendre
sur les changements possibles ou éventuels à l'ordre
d'enseignement collégial québécois. Autant les professeurs
que les professionnels ou les personnels de soutien, comme on les appelle, je
pense que vous vivez de très près avec les étudiants, et
quotidiennement. Donc, vous êtes très présents sur le
terrain et vous êtes en mesure de nous faire des recommandations pour
améliorer l'enseignement. D'ailleurs, je note que dans les trois
mémoires que vous déposez vous nous indiquez très
clairement que des changements sont nécessaires à l'ordre
collégial. Et vous nous ajoutez aussi, avec raison, que les changements
doivent être centrés sur un objectif qui est la réponse aux
besoins de formation des jeunes et des adultes. Et, à ça, je peux
vous dire que je m'associe aussi à votre objectif.
Par ailleurs, Mme Lamontagne, vous le dites dès les
premières pages de votre mémoire, en tout début,
d'ailleurs, à la page 4 de votre mémoire, vous voulez que la
ministre et le gouvernement s'engagent immédiatement, aujourd'hui,
à dire que je vais aller en consultation sur les conclusions de cette
présente commission parlementaire. Mme Lamontagne, j'aime autant
être claire avec vous, ce n'est pas mon intention de retourner en
consultation une autre fois. Nous sommes en commission parlementaire justement
pour essayer de dégager des consensus d'ensemble sur les changements
nécessaires à l'ordre collégial et, à date, je peux
vous dire que de tels consensus semblent vouloir se dégager. On va voir
- je ne présume pas des résultats finaux - les travaux de la
commission dans les semaines qui viennent, mais ça semble assez
évident qu'il y a des consensus qui sont en train de se
dégager.
D'ailleurs, je n'en suis nullement surprise parce que la
réflexion au niveau de l'ordre d'enseignement collégial n'est pas
nouvelle. Je pense que depuis l'existence des cégeps il y a une
réflexion constante et presque une remise en question constante qui est
là. Il y a eu des remises en question de fond après 10 ans,
après 15 ans, après 20 ans et maintenant après 25 ans.
Donc, il y a des réflexions qui sont là sur les
problématiques, il y a des réflexions sur les solutions, mais
nous ne sommes malheureusement pas passés toujours à l'action, et
c'est de ça qu'il s'agit maintenant: non seulement faire une
réflexion en profondeur, mais dégager les avenues de solution et
passer à l'action. Et je peux par ailleurs vous assurer, Mme Lamontagne,
qu'on ne passera pas à l'action en fin de session, au mois de
décembre qui vient. Ça, c'est très clair. Alors, on
prendra tout le temps qu'il nous faut au niveau des processus parlementaires
pour étudier les décisions que je mettrai sur la table dans un
avenir assez rapproché, j'ose l'espérer.
Maintenant, permettez-moi d'aborder avec vous, comme première
question, toute la notion ou la préoccupation qu'on entend depuis le
début et que vous avez sur la formation générale de base.
Je pense que c'est très clairement dit dans votre mémoire; vous
nous soulignez la dimension fondamentale de la formation qui est aussi
importante - vous nous le dites très bien - que des apprentissages
spécifiques. Donc, vous y accordez une importance très
particulière au niveau de votre mémoire et vous nous soulignez
que la formation générale, selon vous, ça doit comprendre
les langues et la littérature, la philosophie, la culture scientifique
et technologique, les arts, les mathématiques, les sciences humaines ou
l'éducation physique. À la page 17 de votre mémoire, Mme
Lamontagne.
Alors, je vais y aller d'emblée avec la question suivante. Vous
avez sûrement entendu, depuis le début des travaux de cette
commission, que plusieurs intervenants nous parlent de regarder maintenant la
formation générale à partir de thématiques
plutôt qu'à partir de disciplines, d'arrêter d'avoir une
approche disciplinaire, de regarder plus, donc, les thématiques et les
objectifs qu'on doit poursuivre en formation générale. J'aimerais
savoir comment vous réagissez à cette approche-là,
thématique, de la formation générale. (14 h 30)
Mme Lamontagne: Bon, je vais d'abord réagir rapidement
à votre première intervention. Je ne veux pas en faire un long
débat parce qu'on ne parlera pas lors de la consultation de l'autre
consultation, mais je peux vous dire qu'on
trouve ça dommage. Et même, on verra ce qui en sortira.
Mais au niveau démocratique, dans la mesure où... Non pas que
cette consultation-là n'est pas extraordinaire, parce qu'il y a beaucoup
de mémoires, il y a beaucoup de débats dans les journaux, dans
les médias mais, jusqu'à maintenant, on ne connaît pas
l'opinion du gouvernement sur l'avenir des cégeps. Alors...
Mme Robillard: Vous allez la connaître à la fin de
la commission.
Mme Lamontagne: Bon. D'abord, pourquoi on accorde beaucoup
d'importance à la formation générale de base? Il y a deux
raisons. Premièrement, parce que, évidemment, pour la vie en
société, c'est important d'avoir une formation large et
polyvalente, mais, aussi, contrairement même à la
prétention des entreprises il y a quelques années, c'est
maintenant une exigence pour le milieu du travail. On a rompu avec la formation
pointue parce qu'il y a trop de changements et ça demande une
capacité de changer d'emploi, de changer de tâche, de changer de
fonction. Donc, il faut qu'il y ait des assises très fortes au niveau de
la formation générale.
Sur la question des thèmes, je vais demander à Denis de
poursuivre. Lyne.
Mme Boyer (Lyne): Je vais donc poursuivre avec la même
argumentation, c'est-à-dire qu'on pourrait allonger, suite à je
ne sais pas, moi, la complexité grandissante de la
société, l'explosion des connaissances, une liste d'attributs
qu'on verrait là, de qualités que devrait avoir un citoyen ou une
citoyenne. À ce moment-là, les thématiques qui composent
la formation générale pourraient s'allonger indéfiniment.
Donc, il nous semble qu'il faut, dans le contexte actuel, cerner les
thématiques et, rendu au niveau de l'enseignement supérieur, si
on fait le lien avec les disciplines, il nous semble que les thématiques
doivent passer par certaines disciplines. Qu'on pense aux langues, l'anglais,
qu'on pense à la sociologie, qu'on pense à des cours de sciences
ou de technologies, on ne pourra pas faire de l'ensemble des cours des cours
multidisciplinaires. Il me semble que, pour que des étudiantes et des
étudiants qui sont du niveau de l'enseignement supérieur
acquièrent de l'interdisciplinarité, il faut aussi qu'ils
abordent certaines disciplines par la base de ces disciplines-là. Et le
total de leur acquisition de connaissances par des disciplines va leur donner
une variété et une vision un peu plus diversifiée du
monde. Et c'est ce qu'on propose dans le mémoire, dans le fond, de faire
en sorte de diversifier la formation générale des
étudiantes et des étudiants pour l'élargir, et la solution
qu'on propose, c'est autour des actuels cours complémentaires.
Mme Robillard: Mais vous êtes d'accord avec moi, Mme Boyer,
qu'il y a une approche nouvelle qui a été mise sur la table. Je
suis d'accord avec vous qu'on devra arriver à utiliser telle discipline
ou telle autre pour rejoindre certains objectifs. Mais ce qu'on nous demandait,
le Conseil des collèges a fait l'exercice, la Fédération
des cégeps a fait l'exercice, en disant: Réunissons ensemble les
cours obligatoires et les cours complémentaires, et ça, ça
deviendra la formation générale de base, autant pour les gens du
secteur préuniversitaire que pour les gens du secteur technique.
Réunissons ensemble, donc, ces deux styles de cours et renforçons
la formation générale, élargissons-la avec des
thématiques. Dans une autre étape, donc, on verra au niveau des
disciplines dans chacun des collèges.
C'est un peu ça, l'approche qui nous était décrite.
Et pourquoi vous pensez qu'on ne pourrait pas utiliser cette
approche-là? Parce que, vous, c'est une approche disciplinaire, encore,
à moins que je vous aie mal perçus dans votre mémoire.
Mme Boyer: Nous avons examiné la solution proposée
par le Conseil des collèges et le regard qu'on a jeté
là-dessus, c'est: examinons ce qui existe actuellement et qui peut faire
défaut par rapport aux nouveaux besoins. Donc, quand on examine la
formation générale donnée aux étudiantes et aux
étudiants, où le bât blesse, selon nous, et où on
ouvre à de la nouveauté, je dirais, c'est au niveau des cours
complémentaires. Nous sommes d'accord pour nommer, faire en sorte que la
formation générale, c'est-à-dire les cours obligatoires,
communs pour tout le monde actuellement, qui sont les cours de philosophie, les
cours de langues et de littérature, les cours d'éducation
physique, soient réunis avec les cours complémentaires sous le
grand vocable de la formation générale. Ça, c'est clair
dans notre mémoire. Il y aurait deux blocs: la formation
générale et la formation spécialisée. On
adhère à cette approche-là.
Par ailleurs, où on se démarque peut-être, c'est
notre maintien de cours obligatoires dans la formation générale
et de cours au choix dans la formation générale.
C'est-à-dire qu'on juge important que toutes les étudiantes et
tous les étudiants qui sont de niveau collégial aient des cours
de philosophie, des cours de langues et de littérature et des cours
d'éducation physique. Et, par ailleurs, au niveau des cours
complémentaires, que des cours soient choisis ailleurs que dans leurs
cours de formation spécialisée. Là, on développe,
si on veut, on rejoint dans ce sens-là des thématiques,
c'est-à-dire des cours qui se rejoignent, sciences et technologies, des
cours qui soient, au choix, en sciences humaines, des cours qui soient dans les
langues, des cours qui soient dans les arts. Et ce qu'on met de l'avant, c'est
qu'on favorise le choix des étudiants; on devrait même l'orienter
pour qu'il soit le plus diversifié possible, pour élargir leur
formation.
Mme Robillard: Si je vous comprends bien, Mme Boyer, c'est une
approche thématique à mi-chemin. Vous me dites: Conservons les
cours obligatoires actuels selon l'approche disciplinaire, tels que nous les
avons depuis 25 ans, n'apportons aucun changement à ça - c'est
bien ça -quatre cours de français, quatre cours de philo, quatre
cours d'éducation physique; on a ça depuis 25 ans dans le
régime pédagogique. Vous dites: C'est toujours pertinent, on ne
touche pas à ça, c'est une approche disciplinaire; ajoutons une
approche thématique à ça. Alors, moi, je vous dis:
Pourquoi ne pas regarder l'ensemble sous une approche thématique au lieu
de séparer ça en deux?
Mme Boyer: On a examiné la solution. Ce qu'on vous dit,
c'est: On maintient un choix qui a été fait, oui, mais avec des
changements. Il me semble que, depuis 25 ans, quand on examine les programmes
ou le contenu des cours de philosophie, de langue et littérature, et
même d'éducation physique, il y a eu un grand cheminement de fait
et il y a eu des changements de faits par les enseignantes et les enseignants
pour améliorer ces cours-là. Le fait de les maintenir et de les
maintenir communs aux étudiantes et étudiants du secteur
général et du secteur professionnel favorise
énormément le passage d'une discipline à une autre,
c'est-à-dire que des étudiantes et étudiants du secteur
professionnel qui auront fait ces cours-là et qui voudront aller au
général auront déjà une base commune de cours
qu'ils n'auront pas à faire. (14 h 40)
Par ailleurs, je voudrais insister, la démonstration du
nécessaire changement des cours de philosophie n'est pas très,
très claire, il me semble. Le Conseil des collèges indique
lui-même l'importance des cours de philosophie et des approches qu'ils
ont. Il maintient les objectifs des cours de philosophie, de plusieurs
numéros de cours. On ne croit pas que... Dans le contexte actuel de la
formation à transmettre aux futurs citoyens et citoyennes, les cours de
philosophie, dans le fond, c'est plus que tout autre champ disciplinaire un
cours de réflexion, d'analyse, d'esprit critique, et il nous faut
actuellement maintenir ce type de formation pour toutes les étudiantes
et tous les étudiants.
Mme Robillard: Le Conseil des collèges, à mon point
de vue, prend une tout autre approche que la vôtre et ne spécifie
pas, donc, tel cours de philo ou tel cours de français; il prend
vraiment une autre approche qui réapparaissait fort intéressante
et innovatrice à certains égards. Mais je comprends bien que,
vous, vous ne voulez pas de changements. Donc, dans les cours obligatoires,
vous ne voulez pas de changements à cet égard-là. Je ne
parle pas des cours complémentaires je dis que, dans les cours
obligatoires, vous ne voulez aucun changement.
Mme Boyer: Je répète très, très
succinctement qu'il y a eu des changements au niveau des contenus de cours et
que nous espérons qu'il y en aura. Nous sommes convaincus qu'il y en
aura et qu'il y a des mécanismes pour changer le contenu des cours. Il
faut aller voir tout le travail qui s'est fait dans les cours obligatoires.
Surtout, moi, je vous inviterais à aller voir les changements du
début du contenu de cours en éducation physique et aujourd'hui,
en termes de précision d'objectifs. Donc, il ne faut pas nous faire dire
que nous sommes contre le changement. Il me semble que l'adaptation quotidienne
et le suivi... Les enseignants et les enseignantes ont démontré
qu'ils changeaient des choses.
Mme Robillard: Je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas eu une
évolution au niveau du contenu de cours; je dis que vous êtes pour
le statu quo du régime pédagogique actuel qui spécifie des
cours obligatoires par discipline dans le tronc commun des étudiants.
C'est tout ce que j'ai dit.
Maintenant, Mme Lamontagne, peut-être que je pourrais aborder une
autre question avec vous. La fédération des collèges, ce
matin, nous a présenté son mémoire et la ligne de fond de
son mémoire reposait sur une plus grande responsabilité
académique des collèges. Elle allait très loin dans cette
responsabilité académique puisqu'elle allait jusqu'à la
sanction d'études, donc, jusqu'à un diplôme
décerné par le collège lui-même. Qu'en pense votre
Confédération?
Mme Lamontagne: Bon, premièrement, je pense que ce
débat se fait comme à deux niveaux, à ce qu'on en a su. Il
est réclamé, d'une part, une plus grande autonomie, mais, d'autre
part, d'autres sanctions nationales. Donc, c'est comme un peu, à notre
avis, contradictoire. Moi, je vous dirais qu'on n'a pas fait une très,
très, très longue réflexion jusqu'où devrait aller
l'autonomie des collèges.
On dit, par ailleurs: Oui, il faut que les collèges soient
insérés dans leur milieu. Ils ont des moyens actuellement de le
faire. Même au niveau de programmes, il y a des parties de programme qui
peuvent être identifiées à la réalité ou aux
besoins du milieu régional, à des besoins immédiats d'une
région. Deuxièmement, il nous apparaît important aussi de
s'assurer qu'il y ait une même qualité et des normes nationales
pour assurer une équité entre les régions, une
équité entre les différents collèges. Je pense que
ça a été ça un des acquis. Oui, il faut des
changements en 1992, mais un des acquis de la création des
cégeps, ça a été de permettre qu'il y ait une
équité, la même chance pour tout le monde quelle que soit
la région dans laquelle il vit, d'avoir accès à certaines
études, même si je sais qu'il y a des programmes nationaux qui ne
sont pas les mêmes d'un collège à l'autre.
L'autre question qui peut se poser par
rapport à l'autonomie - ce qui n'est pas clair pour nous; on
n'était pas, ce matin, à la présentation du mémoire
de la Fédération des cégeps -c'est: C'est pour qui
l'autonomie et pourquoi? Est-ce que c'est pour une question de gestion ou
est-ce que c'est pour répondre mieux aux besoins de la population, aux
besoins socio-économiques des régions? Jusqu'ici, à mon
avis, ça n'a pas été démontré que la norme
nationale ou les règles nationales ou les règlements nationaux
ont fait en sorte que ça a empêché les institutions
d'enseignement collégiales de répondre aux besoins du milieu.
Alors, c'est ça, le débat. L'autonomie, moi, j'en suis; la
décentralisation, j'en suis, si on peut dire, en principe, mais il faut
savoir pourquoi on en veut plus. Est-ce qu'on est empêchés de
faire quelque chose dans le cadre actuel? Si oui, qu'on nous démontre en
quoi, qu'on nous démontre à quels besoins on n'a pas
répondu, des besoins de telle entreprise ou de tel conseil de
développement socio-économique ou de telle organisation
communautaire ou tel besoin du milieu et on va réfléchir à
la question. Mais, jusqu'ici, ça nous est apparu plus une question de
gestion interne des collèges que de réponse à des besoins
de la population régionale ou de la population des centres urbains.
Mme Robillard: O.K.
La Présidente (Mme Harel): La parole est maintenant au
porte-parole de l'Opposition.
M. Gendron: Bonjour. Je voudrais vous saluer d'une façon
particulière. Je pense qu'on aura beau être d'un courant
idéologique ou de l'autre, il faut constater que vous avez fait vos
devoirs, en tout cas en termes de réflexion sur l'importance des
recommandations que vous avez faites. Quand on se donne la peine, dans un
mémoire, de faire une cinquantaine de recommandations, bien sûr,
on peut les prendre ou pas, mais il n'en demeure pas moins que ça
signifie votre intérêt sur cette question-là, votre
connaissance du dossier, et je pense qu'effectivement vous avez un
mémoire qui nous permet d'apprécier votre intérêt
à la nécessité de revoir un certain nombre de choses.
Vous avez très clairement placé vos positions de
départ et, moi, un mémoire qui se positionne par rapport à
une accessibilité en termes d'absolu, je ne peux pas être en
désaccord là-dessus parce que je pense que c'est fondamental. On
n'a pas atteint encore les objectifs qu'on souhaiterait vouloir atteindre en
termes de diplomation et de scolarisation pour être négligents
là-dessus ou poser des gestes dangereux qui auraient comme
conséquence de contrer l'accessibilité.
Vous faites le tour aussi pas mal de toutes les questions qu'il y a lieu
de questionner, tant au niveau de la formation générale - j'y
revien- drai - que de la formation technique, des stages en entreprise, des
programmes. Il y a également des considérations sur ce qui vous
touche le plus, parce que vous êtes des enseignants et des enseignantes
de niveau collégial, et on va y revenir. Mais je passe tout de suite aux
questions que je veux faire, pour gagner plus de temps.
Je suis resté surpris, moi aussi, parce que la ministre a
commencé avec ce que je voulais faire. C'est un peu étonnant que
vous vous positionniez d'une façon aussi définitive sur la
formation de base. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Au-delà
des considérations - je l'ai lu, moi aussi, et j'en ai pris connaissance
- il n'en demeure pas moins qu'a un moment donné, très
concrètement, vous dites: Le tronc commun, on ne touche pas à
ça. Alors, là, j'ai un problème. J'ai un problème
majeur, parce que vous semblez convenir de la nécessité d'un
renforcement de la formation de base - la ministre l'a touché. Je ne
suis pas péjoratif, mais je ne trouve pas que, dans l'explication que
vous avez donnée, on sent là une nécessité de
requestionner ce qui a paru au niveau d'à peu près bien des gens
être questionnant. Un cours de philosophie, de me dire - et là
j'essaie de vous citer presque au texte, je ne sais pas si je vais être
capable: Oui, il y a eu beaucoup d'évolution, il y a eu beaucoup de
cheminement de fait pour améliorer les cours de base en philo et en
éducation physique, on n'en disconvient pas. Ce qu'on dit, c'est que
vous dites quatre unités en éducation physique et quatre
unités en philosophie. Puis, tout le monde nous dit: En 1991-1992, c'est
loin d'être acquis, en tout cas pour bien des gens, que, oui,
dorénavant, ça doit faire partie également d'une formation
de base.
Et j'aurais aimé ça, moi, creuser ça un peu plus.
Pourquoi vous affirmez si fort et avec autant de conviction que quatre
unités de philo on ne touche pas à ça et quatre en
éducation physique on ne touche pas à ça? Puis, moi, je
pourrais tout de suite... Non, ça ne presse pas; on dira ça
à la fin parce que, moi, je ne suis pas au pouvoir. J'aurais aimé
ça que le pouvoir donne un peu plus de précisions quant à
ses orientations, mais, là-dessus, je vous suis, c'est-à-dire que
vous verrez ça en bout de ligne. Je ne trouve pas que c'est très
courageux mais, ça, c'est une autre question. Je l'ai déjà
dit, j'aurais aimé mieux qu'eux aussi indiquent un peu leur orientation.
À date, ça va bien par rapport à l'éclairage qu'on
reçoit. On verra ce qu'ils vont retenir.
Moi, pour ne pas me perdre, rapidement, comment ça se fait que
vous êtes tellement convaincus qu'éducation physique et philo on
ne touche pas à ça, mais, oui, il faut avoir une formation de
base qui soit modifiée et différente? Vous dites que le
problème est juste dans les cours complémentaires. Ça ne
se peut pas. Il n'y aura pas de place. À un moment donné, il
faut
choisir, il faut procéder à des changements importants
à ce niveau, mais on va faire comment? Comment on va faire ça?
Des gens d'expérience pratique. (14 h 50)
Mme Boyer: Je vais ajouter un petit bout. D'abord, ce qu'on dit
au niveau du mémoire général, si on veut, on n'a pas fait
les syllabus de cours, on n'a pas dit non plus combien de cours il devait y
avoir dans une discipline. Ce qu'on partage, cependant, c'est comme c'est dit,
comme Mme la ministre nous l'a fait remarquer, à la page 17. On parle,
oui, de langues, de littérature, de philosophie, mais aussi de culture
scientifique et technologique parce que c'est les exigences de la
société d'aujourd'hui, la culture scientifique, et on parle aussi
de mathématiques, mais de sciences humaines et d'éducation
physique. Ce qui est dit, et M. Choinière ou Mme Boyer pourront
compléter, c'est oui, peut-être pour élargir la formation
de base on va mieux utiliser et mieux resserrer les cours
complémentaires pour compléter ce qui pourrait manquer, ce qui
peut-être correspond moins bien à la réalité des
années quatre-vingt-dix, et, nous, on pense que c'est un changement
important.
M. Gendron: Mais regardez, Mme Lamon-tagne. Vous ne m'en voudrez
pas là, regardez, juste une seconde.
Mme Lamontagne: Non, je n'en veux à personne.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Non, non. C'est juste pour s'aider, je pense,
mutuellement. Quand vous dites: La FNEEQ exige pour tous les
élèves le maintien de quatre cours de philosophie ou
d'humanités, je ne suis pas dans le syllabus, là.
Mme Lamontagne: Non.
M. Gendron: Quand vous dites: La FNEEQ exige pour tous les
élèves le maintien de quatre cours d'éducation physique,
c'est assez serré, merci. Alors, c'est juste ça. Pourquoi c'est
serré de même et ce n'est pas deux, et vous ne voulez pas
réévaluer ça? Ça prend quatre cours de philo et
ça prend quatre cours d'éducation physique. J'aimerais avoir les
raisons, c'est juste ça. Pas sur le syllabus.
Mme Boyer: Bon. Ça, on y va. Moi, je vais reprendre
succinctement, encore une fois. Ce que je vous ai indiqué, c'est que
celles et ceux qui proposent de modifier et d'enlever des cours ici et d'en
enlever là pour ajouter d'autres cours, quand on regarde les objectifs
à atteindre dans les nouveaux cours ajoutés, les objectifs de
formation ressemblent - et même on pourrait le travailler, mais on n'a
pas le temps ici - à des cours qui existent déjà. Donc,
c'est comme changer pour changer. En résumé, là-dessus, ce
qu'on peut dire, c'est que la démonstration de la
nécessité de changer des cours n'est pas, à nos yeux,
faite. Maintenant, quand on fera cette démonstration de changement de
façon plus, je dirais, rigoureuse ou avec plus de changement, si
ça atteint des objectifs nouveaux et qu'on les partage, nous sommes
prêts à examiner ce changement mais avec une démonstration
plus éloquente, je dirais.
M. Gendron: O.K. Vous avez touché à un autre point.
Moi, je sais que vous représentez plusieurs enseignants et enseignantes,
et je pense qu'il faut en parler. Les agents éducatifs sont importants
dans quelque modification de régime qu'on souhaite. Il y a les premiers
concernés qui sont les plus importants, qui sont les jeunes, et,
après ça il y a les dispensateurs de la formation
éducative. Vous en êtes. Ça vous touche. C'est important,
puisqu'on vous a, de questionner un peu. Je suis resté un peu surpris
quand vous avez affirmé, à un moment donné, que «le
taux de précarité chez les enseignants et les enseignantes a
atteint un niveau tel que le développement du réseau en est
handicapé. Outre l'insécurité qu'elle
génère, la précarité se traduit par des
disponibilités moindres», et ainsi de suite. Je ne dis pas qu'il
n'y a pas de problème de précarité, je connais le milieu
de l'enseignement, mais je ne croyais pas qu'au niveau collégial il y
avait un drame si fort que ça. J'aimerais ça vous entendre un
petit peu là-dessus. Qu'est-ce qui a fait que, dans les dernières
années, au niveau collégial, le niveau de précarité
serait devenu à ce point questionnable que c'est dangereux de penser
à toutes sortes de réformes si on ne règle pas ça
en priorité?
M. Choinière: Tout d'abord, c'est la situation
décrite dans notre mémoire. Les 33 % ou 30 %, ce n'est pas
seulement de l'an passé. Ça fait au moins cinq, six ans. C'est
depuis les décrets de 1982-1983 où qu'on voit une
précari-sation de plus en plus importante de l'enseignement. De plus, on
remarque que cette précarisa-tion-là se retrouve surtout et
principalement à l'éducation des adultes où les gens sont
strictement engagés à titre de chargé de cours, donc
strictement pour donner une prestation et non pas pour répondre,
encadrer et ainsi de suite les étudiants. Or, une grande partie de notre
mémoire nous dit qu'un des grands défis de l'avenir, c'est
d'arrêter de concevoir le réseau collégial comme
étant, pour les jeunes, une formation initiale, mais comme étant
aussi pour les adultes en symbiose avec une formation continue.
Donc, si on veut répondre à la grande demande de formation
et surtout de formation pour l'éducation des adultes, le retour et ainsi
de suite, il faut que ces personnes-là soient enca-
drées par un personnel qui est stable. Dans aucun cégep,
pour l'éducation des adultes, on ne peut réunir des professeurs
de français qui ont enseigné plus que deux sessions de suite.
Comment peut-on mettre en place des programmes et des soutiens pour ces
personnels? Or, on sait aussi que ce type de personnels... Par exemple, on
donne dans le mémoire qu'à peu près le tiers des gens ont
25 ans et plus. Donc, en gros, c'est ceci, surtout pour l'éducation des
adultes, et, évidemment, c'est les mêmes raisons pour
l'enseignement régulier.
M. Gendron: Je vous remercie beaucoup. Aussi ça va
peut-être introduire mon sujet qui était justement
l'éducation des adultes. Je pense qu'entre le discours qu'on tente
d'avoir - et là, c'est en particulier envers ce gouvernement - au niveau
de l'éducation des adultes et la réalité... Je voulais
qu'on en parle quelques minutes. On sait tous, tout le monde le dit, que les
exigences du recyclage, de la compétitivité, du
libre-échange, de l'adaptation de la main-d'oeuvre exigent qu'il y ait
de plus en plus d'adultes qui aillent se quérir une formation au niveau
de l'éducation des adultes. Et ce qu'on remarque... En tout cas, ce que
je remarque - et vous êtes dans le milieu, je veux savoir si vous
partagez ça - c'est qu'actuellement il y a toutes sortes de
décisions qui restreignent énormément
l'accessibilité des adultes au niveau d'une formation plus qualifiante,
plus adaptée. Est-ce que vous ne croyez pas qu'effectivement il y a un
certain nombre de décisions, mais qui sont trop importantes puis qui
grandissent de jour en jour, qui viennent contrer la tendance de
l'impératif d'avoir plus d'adultes qui retournent aux études? Et
je pense en particulier ici à la question du financement de
l'éducation des adultes. Je n'étais pas bien heureux quand j'ai
constaté hier qu'un collègue de ce gouvernement se
réjouissait que, dorénavant, pour ce qui est de la formation...
Il juge que les entreprises font preuve aujourd'hui d'un très grand
réalisme et d'enthousiasme parce qu'il y a 55 % des contrats...
c'est-à-dire, excusez... «En effet, 55 % des contrats
accordés grâce aux crédits d'impôt ont
été honorés par des écoles privées qui
dispensent 80 % des heures de formation financée.»
Est-ce que vous pensez que ça peut contribuer à
améliorer la crédibilité de la formation de nos
institutions collégiales?
Mme Lamontagne: II y a plusieurs problèmes qui se posent
à l'éducation des adultes. C'est sûr qu'il y a des
décisions aussi qui ont été prises par d'autres
ministères, qui ont des effets directs sur l'éducation des
adultes. On mentionne, entre autres, dans notre mémoire, au niveau des
politiques de financement qui ont eu pour effet - les politiques
décidées par le ministère de la Main-d'oeuvre -
d'augmenter les frais de scolarité, même à rebours, pour
les étudiants adultes, et ça, c'est contraire à tout ce
qu'on dit quand on se promène au Québec pour dire qu'il faut
l'accessibilité, qu'il faut former notre main-d'oeuvre, etc.
Deuxièmement, sur le point des écoles privées de
formation, ça aussi, c'est un problème, un problème
majeur, pas parce que les entreprises privées ne peuvent pas vivre; le
problème majeur, c'est la qualité de l'enseignement qui va
être donné. Nous, on cherche à ce que ce qui est
donné aux adultes soit de la formation qualifiante et qui soit reconnue.
On est d'accord qu'il y ait des formations sur mesure, que le cégep, par
exemple, aille dans les milieux de travail, que ce soient des formules qui sont
négociées avec l'employeur qui reçoit la formation et les
syndicats, et l'institution d'enseignement, comme dans le cas de l'alternance
étude-travail, mais on veut que cette formation ne serve pas juste pour
l'entreprise pour qui le travailleur travaille à un moment x, donc, que
ce soit une formation reconnue. Et, quand on voit la multiplication des maisons
privées qui donnent toutes sortes de cours, parce qu'il y a un besoin
immédiat, c'est sûr que ça va à rencontre de cette
formation dite qualifiante.
C'est pour ça que, nous, on a toujours réclamé,
oui, ce que Denis disait tout à l'heure, la stabilité du
personnel enseignant, puis même du personnel de soutien qui est aussi
précaire au niveau de la formation des adultes; déjà,
ça, ça démontre que ce n'est pas encore suffisamment pris
en compte, la formation des adultes. Deuxièmement, on réclame une
politique de formation continue. On a eu une politique de main-d'oeuvre, mais
il y avait un petit chapitre sur la formation à la fin. C'est loin
d'être suffisant. On veut une vraie politique de formation continue qui
soit aussi reconnue par les conventions collectives, qu'on ait des
congés-éducation et les institutions d'enseignements devront
répondre à cette demanda (15 heures)
Mais c'est comme le cercle vicieux. Si on ne donne pas les moyens ou si
les entreprises ne financent pas assez la formation, les institutions
d'enseignement n'ont peut-être pas tous les moyens pour répondre.
Donc, il faut vraiment que ça se fasse ensemble, une politique de
formation continue, mais aussi réorganiser les institutions
d'enseignement pour qu'on prenne vraiment en compte de façon aussi
prioritaire la formation des adultes que la formation des jeunes ou la
formation régulière.
M. Gendron: Merci.
M. Choinière: La plus grande contrainte, une des
très grandes contraintes pour permettre de répondre à tous
les besoins que vient de décrire Céline, c'est le fait que
l'enseignement, l'éducation des adultes, au collégial, marche par
enveloppes fermées, contrairement, par exemple,
à l'université où il y a eu un
développement, dans les dernières années,
extrêmement important pour l'éducation des adultes. Actuellement,
un cégep ne peut pas répondre à la demande. Par contre, on
se trouve extrêmement contradictoire avec d'autres messages où on
demande aux adultes, aux gens au travail, ainsi de suite, de venir à
l'école, de se spécialiser, de revenir faire leurs classes pour
se trouver un meilleur emploi. On s'aperçoit que les cégeps ne
peuvent même pas, compte tenu des règles budgétaires
actuelles, répondre à la stricte demande. En conséquence,
comme ils ne peuvent pas aussi répondre à la demande à
cause des enveloppes fermées, ça détermine aussi les cours
qui se donnent et, évidemment, ils ne sont pas adaptés à
ce que les gens demandent. Donc, c'est pour ça qu'on réclame un
financement semblable à celui de l'enseignement régulier. On
pense qu'en 1992 le Québec mérite, pour ses adultes, le
même financement et le même traitement que pour ses jeunes.
M. Gendron: En tout cas, soyez assuré qu'en ce qui nous
concerne et ce qui me concerne je vais essayer, dès la reprise de la
session, si jamais elle reprend, d'insister, effectivement, sur cette dimension
parce que ça ne correspond pas du tout au discours que ces
gens-là semblent avoir. Il y a trop de représentations qui nous
sont faites à ce moment-ci pour ne pas mettre l'accent
là-dessus.
J'ai deux autres questions, autant à M. Choinière
qu'à Mme Lamontagne ou d'autres, puisque vous êtes des gens qui
représentez, par votre centrale syndicale, des enseignantes et des
enseignants. Il y a beaucoup de gens qui nous ont dit, dans les
mémoires: Ça va être très difficile de retenir des
éléments sur lesquels on est convaincus qu'il y a lieu d'agir, et
ça, ça semble être partagé sans
nécessairement parler des éléments qu'on retient, s'il n'y
a pas plus de souplesse dans les conventions collectives. Alors, je ne veux
pas, moi, qu'on fasse une négociation. Je sais ce que c'est. Je connais
la négociation, je ne veux pas la faire ici. Je pose juste une question.
Sur cet aspect-là, quand on a cette prétention, j'aimerais
ça vous entendre quelques minutes sur le degré d'ouverture que
vous avez sur le jugement qu'on porte et sur ce que vous êtes prêts
à faire à cet égard si, effectivement, vous avez, vous
autres aussi, la conviction qu'il y a des dispositions de conventions
collectives... Là, je ne parle pas nécessairement en termes de
sécurité d'emploi et de bénéfices obtenus ou de
droits acquis; je parle en termes de convenir, vous aussi, de la
nécessité de réadapter et de rafraîchir. Si on ne
peut pas réadapter ou rafraîchir parce qu'il y a des
empêchements liés aux conventions collectives, c'est quoi votre
ouverture?
Mme Lamontagne: Alors, vous êtes relativement gentil. Il y
en a d'autres qui ont parlé de la prison des conventions collectives.
Alors, la souplesse... D'abord, pour dire une chose qui est d'ordre
général, mais ce n'est pas inopportun de le rappeler, c'est que
les conventions collectives, ça se négocie à deux et
à trois dans le cas du secteur public, parce qu'il y a le gouvernement,
il y a une association patronale et puis des représentations des
syndicats, mais il y a, disons, deux parties principales. Alors, si je prends
l'histoire de l'ensemble de la CSN, je ne parle pas juste des deux secteurs
représentés ici aujourd'hui, on a toujours
témoigné, dans toutes les réformes qui ont
été faites par le gouvernement, que quand il fallait changer des
conventions ou quand il fallait déménager, changer même du
monde d'institution - je pense à la Santé et aux Services sociaux
- on était prêts à le faire à la condition que ce
soit négocié entre les parties, qu'on ne décrète
pas des protocoles et qu'on négocie ça entre les parties. Alors,
je pense que, ça, c'est essentiel.
Deuxièmement, il y a des choses d'ajustement, des fois, et il y a
des choses fondamentales aussi dans les conventions collectives. Il y a comme
deux... Je résume vite une convention, là. C'est un peu plus
complexe que ça. On parle de la sécurité d'emploi, mais je
répète ce que j'ai dit un peu en introduction. C'est qu'il nous
apparaît fondamental aussi que, comme institutions, les cégeps
prennent et continuent à le prendre, parce qu'ils l'ont fait
déjà dans leur histoire, le virage d'une meilleure prise en
compte et d'une meilleure organisation du travail qui respecte davantage et qui
utilise plus, dans le sens tout à fait noble du terme, les
compétences, les expériences et les connaissances de l'ensemble
des personnels qui oeuvrent dans les cégeps. Et ça, c'est dans
l'ordre du fondamental.
Nous, on souhaite aussi... Je le répète, ça a l'air
un peu redondant, mais c'est un peu aussi un principe de succès d'une
entreprise. On dit qu'il faut avoir une réforme, qu'il faut faire des
virages et que les succès d'une réforme sont quand il y a une
adhésion du milieu, de l'ensemble des partenaires du milieu. Et,
ça, n'importe quand, que ce soit la Fédération des
enseignantes et enseignants ou la Fédération du personnel de
soutien, quand on connaîtra les intentions du gouvernement, on sera
prêts à en discuter, puis, s'il y a des besoins qu'il faut
combler, on est prêts à regarder aussi dans notre cour ce qu'il
faut changer, si c'est nécessaire. On s'est toujours comporté
comme ça, je pense, comme organisation syndicale et, des fois, il faut
prendre le temps, par exemple, de faire les débats. Je vais donner un
exemple. L'alternance études-travail, c'était un gros
débat, même dans notre secteur privé, mais on a pris le
temps de faire les débats dans notre organisation. Je pense que notre
proposition est intéressante et correspond aux besoins. La semaine
passée, une des nos fédérations est allée inaugurer
le programme
au cégep de Trois-Rivières sur les techniques
papetières, et tout le monde est enthousiaste. Alors, donc, il faut
prendre le temps, mais on a toujours été prêts à
s'asseoir autour d'une table et à discuter des problèmes quand il
y a des problèmes et à s'ajuster s'il le faut.
Les décrets, on n'aime pas tellement ça. Le gouvernement
de l'Opposition s'en rappelle sûrement.
M. Gendron: Ah oui! aucun problème. Des voix: Ha,
ha, ha!
M. Gendron: On s'en rappelle beaucoup et on se le fait rappeler.
Il y en a qui s'en rappellent. On ne peut pas, je pense, ne pas parler d'un
dossier majeur qui s'appelle l'évaluation. Moi, je pense qu'on ne peut
pas envisager de retoucher à l'ensemble des études
collégiales sans parler d'évaluation. Et tout le monde, je pense,
souhaite une évaluation plus serrée qui évalue mieux les
apprentissages, les enseignements, la gestion des collèges. Parce que,
dans l'évaluation, il faut arrêter de voir uniquement de la
persécution. Moi, je ne vois pas de persécution à
l'équipe professorale. Moi, quand je parle d'évaluation, je ne
veux pas que vous vous sentiez visés tout le temps.
Je suis resté surpris - et là je m'adresse à M.
Choinière, que je connais bien - que vous limitiez cela en disant - je
vous cite; si vous avez été mal cité, c'est le temps -
qu'on a actuellement toutes les structures nécessaires pour faire
l'évaluation des cégeps. Alors, moi, je suis resté un peu
surpris, parce que j'ai dit: Comment ça se fait que tout le monde nous
parle...? Si c'était vrai, je ne vois pas pourquoi tout le monde nous
dirait qu'il faut avoir des meilleures méthodes évaluatives, puis
qu'il faut en faire plus, puis qu'il faut mesurer davantage telle et telle
chose. Il doit y avoir un problème. Pour ne pas encore parodier
quelqu'un... Il doit y avoir un problème, on va s'arrêter
là. Alors, ii me semble qu'il faut effectivement en convenir, vous
mettre dans le coup, ça, c'est clair. Il n'est pas question de faire
d'évaluation, en ce qui me concerne, sans que vous soyez très
associés au processus d'évaluation. Vous êtes des
professionnels de l'acte pédagogique, des apprentissages, et j'aimerais
ça, puisque vous allez en parler quelques minutes, que vous m'indiquiez
comment vous voyez la place des jeunes étudiants dans le processus
d'évaluation, parce qu'eux autres ont l'impression que, quand ils
veulent se mettre le nez là-dedans, ils se font tasser. Des fois, les
jeunes nous disent qu'ils se font tasser par la direction, puis des fois les
jeunes nous disent: On se fait tasser directement par les profs. Les profs
disent: Écoutez, vous n'avez pas d'affaire là-dedans. J'aimerais
ça avoir votre point de vue, parce que les élèves, dans
l'évaluation des enseignants et des enseignements, aimeraient ça
avoir quelque chose à dire. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Choinière: Vous êtes sûrement au fait que
c'est une question extrêmement large que vous soulevez.
M. Gendron: Oui, oui.
M. Choinière: On va essayer d'être plus
précis, et je sais que ça mériterait d'autres
explications. J'espère que, comme vous ou Mme la ministre, on est
prêts à prendre un peu plus de temps pour le faire. D'abord, les
profs que je représente sont d'accord pour rendre des comptes. C'est un
service public qu'on donne; on n'a pas, de ce côté-là, peur
de rendre des comptes. La question est: Comment le faire et sur quoi le faire?
Il y a beaucoup d'évaluations dans votre question: il y a
l'évaluation des étudiants, l'évaluation du personnel qui
sont les profs, l'évaluation des programmes, l'évaluation du
système. C'est tout ça que vous soulevez dans votre question. (15
h 10)
Si je prends, par exemple, l'organisme externe. Il vient d'où? Il
vient, entre autres, de la Fédération des cégeps qui,
elle, prône d'abord une décentralisation du diplôme au
niveau de chacun des collèges. D'après leur théorie ou
d'après leur façon de concevoir, chaque collège
émettrait son diplôme et, en bons joueurs, ils disent: On veut
être évalué par un organisme externe. Ça vient en
deuxième lieu, l'organisme externe.
Nous autres, on a une vision contraire. On ne veut pas que les
collèges soient en concurrence l'un avec l'autre par leurs
diplômes. On pense que ça devrait relever du ministère et
que c'est le ministère, donc, qui est l'organisme externe qui
évalue les collèges. C'est pour ça que je dis
qu'actuellement ii y en a, des mécanismes. Ce que propose la
redéraiion des cégeps, c'est de changer ie lieu qu it y a
actuellement. Nous autres, on est d'accord poui que les cégeps rendent
des comptes au ministère et que le ministère rende des comptes
à la population. Est-ce que c'est en créant un organisme externe,
une autre bureaucratie, qu'on va remplir les fonctions qu'on a là? On se
questionne. Bon, c'est un aspect que je pourrais développer.
Sur la révision des piogrammes, qu'on pourrait appeler
l'évaluation des programmes, les profs veulent y être. Le reproche
qu'on fait, c'est qu'on se fait mettre de côté de plus en plus par
le ministère. Donc, ce n'est pas parce qu'on ne veut pas en faire, on
veut, mais on va toujours demander une structure qui ne prend pas 12 ans. Si
Mme la ministre nous demandait notre avis sur ça un jour, on lui
répondrait: On n'est pas d'accord.
M. Gendron: Excusez, juste une seconde.
M. Choinière: Oui.
M. Gendron: Vous êtes sur la coordination provinciale des
programmes?
M. Choinière: Oui, mais de plus en plus... M. Gendron:
C'est quoi le problème, là?
M. Choinière: On est écarté de ces
affaires-là. Le ministère prend ses décisions seul, il ne
consulte plus ces organismes-là. Et on reconnaît sur ça
qu'il y a des problèmes. Comme par rapport à la
négociation de tantôt, on est prêt à s'asseoir et
à se déterminer une mécanique de concertation sur laquelle
les profs vont avoir un mot à dire, qui ne prendra pas 12 ans, mais
toujours on va demander la place des profs et des représentants des
profs et des représentants que les profs vont se donner, et non pas des
représentants nommés par le ministère. Ça, on va
toujours le réclamer. Donc, sur l'évaluation des programmes ou la
révision des programmes, on veut rendre des comptes, on veut prendre
notre place. Ce qu'on vous dit clairement, c'est qu'on est mis de
côté. O.K.
Sur l'évaluation des apprentissages des étudiants, chaque
collège a sa politique qu'on appelle la PIEA, l'évaluation des
apprentissages. O.K. Donc, ça existe. Est-ce qu'on est prêt
à l'améliorer? Oui. Par rapport aux étudiants, on est
prêt puis, à certains endroits et comme fédération,
on le sollicite, de mettre en place des règles, ou on appelle ça
des processus de règlement des litiges pour que les étudiants
aient un pouvoir et un mot à dire dans cette chose-là. On incite
nos syndicats à mettre en place de telles structures. O.K.
Quant à l'évaluation des enseignants, qui est ici aussi,
l'enseignant est d'accord pour rendre des comptes. Mais on ne veut pas d'un
mécanisme d'évaluation qui est autoritaire, qui est
imposé, qui est décrété. Ça, c'est clair. Ce
qu'on dit sur cette question-là, c'est qu'on ne veut pas non plus d'un
mécanisme... Parce que c'est ça, la proposition qu'on nous fait,
c'est à ça qu'on dit non. On ne dit pas non à rendre des
comptes, on dit non à: Est-ce que vous voulez un mécanisme
d'évaluation entre les pairs, c'est-à-dire est-ce que ça
rentre dans le travail de chacun des profs de donner son avis sur le travail de
son confrère? Nous autres, on dit: Cette méthode-là, on
trouve que ça a des conséquences extrêmement perverses pour
la qualité de la formation.
Nous autres, en gros, on prend comme acquis, comme dans n'importe quel
groupe professionnel, que la majorité fait bien son travail. Ce que les
profs veulent vous dire aujourd'hui, c'est qu'ils font bien leur travail.
À quoi ça sert de mettre en place toute une mécanique qui
va coûter de l'argent pour venir à la conclusion que la
majorité fait bien son travail et que quelques-uns ont des
difficultés? Nous autres, on dit, dès le départ: Mettons
plutôt l'argent neuf, si on veut en mettre, à des
mécanismes qui règlent les problèmes, qui viennent en
appui à ceux qui ont des difficultés, par exemple des programmes
d'aide aux salariés et ainsi de suite, aux personnes qui ont des
difficultés dans leur travail. Il existe toujours la possibilité
de la mesure disciplinaire aussi.
Donc, j'essaie très rapidement de faire le tour de la question.
Je conclus en disant que j'espère que les titres de chapitre des
journaux vont être beaucoup plus clairs à l'avenir, parce qu'on ne
les contrôle pas. On n'est pas contre l'évaluation, on est
d'accord pour rendre des comptes. Il suffit de regarder quel objectif on vise
et quels moyens on va prendre.
M. Gendron: merci beaucoup. pour des raisons de temps, j'ai
d'autres choses et puis comme ma collègue... il reste deux minutes pour
nous autres; on va aller de l'autre côté et puis on reviendra.
La Présidente (Mme Harel): Est-ce qu'il vous reste
vraiment deux minutes?
M. Gendron: Oui, oui, oui, il nous reste vraiment deux
minutes.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Robillard: Qu'est-ce qu'ils m'ont posé comme
question?
La Présidente (Mme Harel): La parole est maintenant au
député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais vous amener
sur la question qui a été soulevée à plusieurs
occasions et qui concerne le temps considéré comme excessif, dans
plusieurs cas, où des étudiants demeurent aux études
collégiales et deviennent ainsi un fardeau supplémentaire, compte
tenu de la moyenne qui devrait être respectée pour les
contribuables, pour l'institution elle-même. Il semblerait que cette
situation... L'analyse que vous en faites, vous autres, premièrement,
vous dites que c'est une minorité qui n'exige pas en tant que
minorité des remèdes qui toucheraient la totalité de la
clientèle étudiante. Vous pensez qu'une grande partie du
problème - si je fais une bonne lecture de vos propos - est
causée par un défaut d'encadrement. Vous pensez qu'il faut donc
remédier à ce défaut d'encadrement. Finalement, tout ce
que vous pensez qui pourrait améliorer la situation se résume
plutôt en faisant une espèce de gratification pour ceux qui
réussissent dans un délai normal.
Nous avons d'autres points de vue qui nous sont amenés, par
exemple, par la Fédération des cégeps, où on nous
dit - encore ce matin - que
c'est vrai qu'il peut arriver qu'au tout début il y ait des
problèmes d'encadrement, qu'il y ait des problèmes de choix,
qu'il y ait des problèmes très souvent de manque de
maturité aussi, qui demandent une intervention lors du début des
études collégiales. Mais, d'un autre côté, on
s'aperçoit que le problème de ce qu'il est convenu d'appeler le
lambinage, les traînards, donc, s'installe à la fin du cycle des
études et que c'est là que le problème prend naissance. Ce
n'est pas au début où il peut y avoir véritablement une
question d'encadrement, une question d'aide plus poussée qui serait la
bienvenue, mais c'est à la fin et c'est après plusieurs semestres
au cégep que très souvent on se retrouve dans une situation
où des gens s'incrustent.
Et c'est une question où on nous faisait valoir ce matin -
à une question qu'un collègue de l'Opposition posait justement -
qu'il y va d'une question de justice dans l'allocation des ressources parce
qu'on est en période de pénurie de ressources et qu'on doit tenir
compte de ça. Et vous-même, dans votre propos, vous l'avez dit
tout à l'heure: Ça va coûter de l'argent. Il y a certains
mécanismes, par exemple, d'évaluation qui seraient coûteux
et, dans les circonstances, il faut y penser deux fois.
J'aimerais vous entendre, d'une façon plus poussée, en ce
qui concerne les réticences que vous avez à ce que, comme
société et comme comptables des deniers publics envers les
contribuables que nous devons taxer et à qui nous devons demander les
revenus que nous dépensons au niveau des études
collégiales, en quoi il n'est pas correct de dire que... Pour des gens
qui prennent trop de temps, compte tenu de la moyenne, compte tenu de toutes
sortes de facteurs qu'on pourrait déterminer, sur lesquels on pourrait
se pencher, pourquoi vous êtes rébarbatifs - si vous l'êtes,
si j'ai mal compris, vous me le direz - à ce qu'on impose une
espèce de pénalité qui, tout en leur permettant de
continuer leurs études, ne les encouragerait pas à les prolonger
indûment.
Mme Lamontagne: M. le député, je voudrais dire
d'abord que, quand on parle de fardeau fiscal, je ne peux pas m'empêcher
de dire qu'il y a un lourd fardeau fiscal qui pèse sur toute la
population du Québec: c'est l'absence d'emplois, c'est les
chômeurs et les assistés sociaux parce qu'on est dans une
situation économique difficile et parce qu'on n'a pas de planification
économique de ce gouvernement. C'est la première raison.
Et ce n'est pas sans lien avec ce qui se passe dans les cégeps.
Vous avez sans doute remarqué, comme, nous, on l'a fait, qu'en
période de crise économique il y a une remontée des
inscriptions dans les cégeps. Ce n'est pas anodin; c'est parce que les
personnes sont sans emploi et vont au cégep parce que, plutôt que
de ne rien faire - et c'est courageux de leur part - elles aiment mieux aller
s'instruire. Alors, je pense que c'est ça le problème de fond. On
ne le réglera pas cet après-midi, sûrement pas dans les 5,
10 minutes qui nous restent. Je pense que ce n'est pas une grande
déclaration que je fais: il y a un lien direct entre la question de
l'emploi et la question du lambinage, comme on l'appelle, au cégep. Si
on est mal orienté, si on se rend compte qu'il n'y a plus de jobs dans
tel secteur d'activité, les gens vont s'orienter vers une autre
technique. Moi, je pense que c'est ça un des premiers problèmes.
(15 h 20)
Deuxième problème, il y a peut-être aussi à
regarder au secondaire pour avoir un meilleur encadrement, une meilleure
orientation, renforcir le niveau secondaire et peut-être que ça
serait moins long au niveau des cégeps. Ça, c'est une autre
remarque qu'on aimerait faire. Troisièmement, oui, on dit qu'il peut y
avoir des cours de mise à niveau; donc, ça va permettre
peut-être de traîner moins dans les autres cours, les cours
réguliers, si on fait du rattrapage, si on fait de la mise à
niveau.
Tout ça pour vous dire que ça nous apparaît une
mesure extrêmement punitive si on fait payer plus ceux qui traînent
au cégep. Il faut aller aux causes du problème. Et, moi, je pense
qu'une des causes principales, c'est la situation économique et c'est
les coupures des emplois dans certains secteurs qui font que le monde doit se
réorienter; ils n'ont plus trop d'espoir d'avoir des emplois. Alors, ce
n'est peut-être pas une réponse toute pointue à la
question, mais il faut aller jusque-là et non pas prendre juste le petit
bout qui dépasse, à savoir que ça prend trop de temps.
Quelqu'un qui s'instruit, peut-être que c'est un fardeau pour la
société, mais c'est mieux quelqu'un qui s'instruit que quelqu'un
qui s'en va sur le bien-être social et qui cause d'autres
problèmes sociaux. Alors, on ne doit pas punir ceux qui s'instruisent
parce qu'il y a des problèmes économiques et des ptobièmes
souiaux
M. Doyon: Mme la Présidente, très
brièvement, parce que le temps passe trop rapidement,
malheureusement.
La Présidente (Mme Harel): Oui.
M. Doyon: Ce que je voudrais dire à ça, c'est qu'il
n'est pas question de punir qui que ce soit; il est tout simplement question de
s'assurer que les ressources limitées dont on dispose... Nos ressources
ne sont pas illimitées, comme gouvernement. Quoi que vous en pensiez, le
gouvernement n'est pas la cause de la situation économique qu'on vit
actuellement.
Mme Lamontagne: Je n'ai pas dit ça. Je n'ai pas dit
ça.
M. Doyon: Le gouvernement n'est pas la
cause de cette dépression mondiale qui nous affecte, nous aussi
et, justement, il ne faut pas aller au cégep, comme vous semblez
l'indiquer, plutôt que de ne rien faire. Ce n'est pas une solution. Il
faut aller au cégep avec un objectif bien précis, en sachant
où on veut arriver et en voulant atteindre un idéal qu'on s'est
fixé. On ne va pas au cégep à défaut d'avoir
d'autres choses à faire. Je pense que c'est peut-être un des
défauts qui s'est installé. Moi, je ne vois pas d'injustice,
d'aucune façon, à ce qu'on exige un rendement normal de quelqu'un
qui profite d'une gratuité qui n'a pas nécessairement à
être infinie dans le temps. Ce que des gens nous disent actuellement,
c'est que, si on faisait un effort de ce côté-là,
peut-être qu'il y aurait un certain nombre de personnes,
délèves qui sont dans les cégeps, dans les institutions
d'enseignement qui réaliseraient que, oui, il n'y a rien de gratuit. Et
je termine là-dessus. Si j'avais d'autre temps, j'aurais d'autres choses
à dire, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Harel): Je n'en doute pas, M. le
député, mais votre temps est déjà
écoulé.
M. Doyon: Ah! C'est malheureux.
La Présidente (Mme Harel): S'il y a consentement, on peut,
par ailleurs - il nous reste six minutes - les répartir d'un
côté et de l'autre. Est-ce qu'il y a consentement?
Une voix: Oui.
La Présidente (Mme Harel): Mme la députée...
Je ne sais pas. C'était un commentaire qui appelle, j'imagine, une
réponse. Ça va?
Une voix: Oui, on va...
La Présidente (Mme Harel): Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Ma question s'adresse
à Mme Côté ou à M. Juneau. Dans votre
mémoire, vous avez clairement et très bien démontré
le rôle essentiel que vous jouez dans la qualité de vie de notre
réseau collégial, les liens privilégiés aussi que
vous avez avec les étudiants et les étudiantes. Vous avez aussi
démontré à quel point vous étiez peu
consultés et on vous l'a démontré encore aujourd'hui,
malheureusement. Avec cette vision que vous avez, bien proche et bien
concrète, des étudiants et des étudiantes, selon vous, si
l'on avait à se limiter au niveau des changements majeurs à
apporter, quels seraient ces changements-là pour améliorer la
qualité du réseau collégial?
Mme Côté: Je suis bien contente qu'on ait une
question qui nous soit adressée, évidemment. On dit toujours
qu'on est les grands oubliés, j'étais en train de me dire qu'on
l'était encore aujourd'hui. Écoutez, nous, on ne s'est pas
attardés sur les grands changements, parce qu'on s'est dit:
Essentiellement, lorsqu'on parle de l'éducation, lorsqu'on parle des
cégeps, les gens font toujours référence aux
employés de soutien: c'est une secrétaire dans le bureau ou c'est
le manoeuvre qui lave le plancher. Alors, on s'est dit: On va faire comprendre
aux gens ce qu'on fait, quel est notre rôle, quelles sont nos
responsabilités, quelles sont les limites.
Et, évidemment, il y a un grand problème. Lorsqu'on a
consulté notre monde, les gens nous ont dit: L'étudiant a besoin
d'encadrement, parce que l'étudiant, il part du secondaire, tout est
beau, tout est parfait. Il arrive au cégep, il s'implique dans une
nouvelle approche et il est complètement perdu. Notre monde s'en rend
compte parce qu'on est les premiers interlocuteurs évidemment lorsque
ces gens-là arrivent dans les cégeps. Il y a beaucoup
d'étudiants qui ont des contacts très, très étroits
aussi avec le personnel qui travaille dans les bureaux; que ce soit au
registrariat pédagogique, que ce soit à la bibliothèque,
que ce soit aux services aux étudiants, que ce soit dans le domaine de
l'audiovisuel aussi. Or, je pense qu'un grand, grand changement, ce serait
ça. L'encadrement des étudiants, c'est très, très
important.
La Présidente (Mme Harel): On vous remercie. Pour
conclure, la parole est maintenant à Mme la ministre.
Mme Robillard: Alors, madame...
La Présidente (Mme Harel): Excusez-moi, Mme la ministre.
Je crois qu'il faudrait peut-être corriger une erreur que j'ai faite.
M. Juneau (François): C'est vraiment assez bref. À
mon avis, on peut faire une réforme des cégeps, on peut changer
plein de choses dans les cégeps. Il a été identifié
que les jeunes qui arrivent du secondaire ne sont pas nécessairement
prêts à affronter la réalité des cégeps telle
qu'on la connaît aujourd'hui. Peu importe la consultation que vous
faites, si vous n'êtes pas en mesure, un jour, de prendre les
dispositions pour qu'il y ait un arrimage entre le ministère qui
s'occupe du primaire et du secondaire et le ministère qui s'occupe du
cégep, il y aura toujours des problèmes.
La Présidente (Mme Harel): Alors, Mme la ministre.
Mme Robillard: on va essayer de faire ça, m. juneau. on va
essayer de faire ça. vous me donnez un mandat particulier que je
reçois très bien, étant donné mes fonctions
actuelles. mais
je voulais aussi remercier Mme Côté du témoignage
qu'elle vient de nous faire.
C'est vrai que vous êtes très près des jeunes, des
fois - excusez-moi, MM. et Mmes les professeurs - encore plus que les profs. Le
jeune va se confier à vous; que ce soit au niveau du technicien en
laboratoire ou du technicien au niveau de la bibliothèque ou de tous les
services aux étudiants. Bon! Le grand ami adulte est là et il va
se confier à vous. Si vous aviez à nous dire, outre l'encadrement
que vous avez souligné, dans les confidences que les jeunes vous font,
parce que c'est ce que vous dites dans votre mémoire, que vous recevez
énormément de confidences des jeunes, la difficulté
majeure du jeune du collégial quand il se confie à vous, c'est
quoi?
Mme Côté: Ah, mon Dieu! La difficulté
majeure, évidemment, c'est... Pour les étudiants, c'est
très important de sortir du cégep avec une formation très
complète. C'est une des préoccupations de ces jeunes-là,
en tout cas dans les confidences qu'on reçoit. Moi, j'ai
travaillé très, très longtemps au comptoir du prêt
de la bibliothèque et, évidemment, c'était une grande
préoccupation pour ces gens-là. Or, c'est effectivement recevoir
une formation complète qui va lui permettre de sortir du cégep et
qui va lui donner l'occasion d'obtenir un emploi aussi. Ça aussi, c'est
évidemment très important pour ces jeunes.
Mme Robillard: Merci. Il me reste à remercier les membres
de la Confédération, Mme Lamontagne de même que les
personnes qui vous accompagnaient. J'ai été bien heureuse d'avoir
les clarifications que M. Choinière a apportées sur l'organisme
externe d'évaluation. Moi aussi, j'avais trouvé qu'au niveau du
mémoire on s'était limités strictement à
l'évaluation personnelle, alors que c'est beaucoup plus large que
ça et qu'on parle beaucoup d'évaluation des apprentissages et des
programmes. J'ai compris que, si vous êtes contre l'organisme externe
d'accréditation, c'est que, en quelque part, vous êtes contre
aussi l'augmentation de responsabilités ou de décentralisation au
niveau de la gestion des programmes dans les organisations, parce que les deux
- vous l'avez dit - vont de pair. C'est dans ce sens-là que j'ai compris
votre message aujourd'hui, mais sûrement qu'on aura l'occasion de s'en
reparler. Merci beaucoup d'être venus témoigner.
Mme Lamontagne: Je vous en prie. M. Choinière:
Merci.
La Présidente (Mme Harel): Alors, j'invite maintenant le
Collège de Sherbrooke à prendre place, ainsi que les organismes
partenaires et le groupe d'anciens finissants et finissantes, les entreprises
clientes et le Syndicat du personnel enseignant.
(Suspension de la séance à 15 h 30)
(Reprise à 15 h 37)
La Présidente (Mme Harel): Nous allons reprendre nos
travaux. Nous entendrons à la fois le Collège de Sherbrooke, les
organismes partenaires, le groupe d'anciens finissants et finissantes, les
entreprises clientes, de même que le Syndicat du personnel
enseignant.
Je vais inviter le porte-parole à présenter les personnes
qui l'accompagnent. Il y aura une heure et demie consacrée à la
présentation du mémoire et à l'échange avec les
formations politiques.
Collège de Sherbrooke, organismes partenaires,
groupe d'anciens finissants
et finissantes, entreprises clientes et le Syndicat du
personnel enseignant
M. Comtois (Raymond): Merci, Mme la Présidente. Mme la
ministre, Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire, permettez-moi
de vous présenter notre délégation dans l'ordre où
ils prendront la parole. Je me présente d'abord, Raymond Comtois, un
jeune retraité du Mouvement Desjardins, vice-président du conseil
d'administration du Collège et membre du conseil depuis quelques
années. Je parlerai au nom de la communauté collégiale qui
a été consultée afin qu'aujourd'hui mes propos puissent
être considérés comme le point de vue du Collège de
Sherbrooke dans son sens le plus global possible.
On va présenter la perle de notre délégation, Mme
Julie Béliveau, qui est diplômée du Collège de
Sherbrooke en sciences pures, présentement étudiante en
rédaction-communications à l'Université de Sherbrooke et
qui représente ici le groupe d'anciens finissants et finissantes de
presque tous les programmes du Collège que nous avons réunis pour
discuter de l'avenir des cégeps; à mon extrême droite, M.
Denis Lamou-reux, professeur en techniques de travail social et
vice-président du Syndicat, qui vous proposera le point de vue du
Syndicat du personnel enseignant du Collège de Sherbrooke; à ma
gauche, M. Robert Dion, directeur général du Conseil
régional de développement de l'Estrie, qui parlera au nom des
partenaires régionaux; enfin, à gauche toujours, M.
François Godbout, président-directeur général des
Industries Godbout inc., qui vous proposera un point de vue d'entreprises
clientes, du Service de l'éducation des adultes et du Centre
spécialisé Microtech. M. Godbout est aussi président de la
Société de développement industriel de la région de
Sherbrooke; enfin, et non le moindre, à ma droite, M. Jocelyn
Vallée, qui est le directeur général de notre
collège et
qui accompagnera les membres de la délégation lors de la
période de questions.
D'entrée de jeu, je tiens à vous remercier de nous avoir
reçus en délégation. Cela nous permettra de faire
état de la démarche vécue en Estrie en regard de la
commission parlementaire. La présentation du point de vue du
Collège sera suivie de celle des quatre autres mémoires. Nous
avons choisi chacun d'insister sur des éléments différents
pour tracer le meilleur portrait possible de notre réalité et
présenter nos recommandations. Nous demandons des changements et nous
désirons participer activement à la mise en oeuvre de ces
changements. Dans nos présentations, nous ferons état de la
nécessité de ces améliorations pour l'avenir de
l'enseignement collégial. (15 h 40)
Concernant le mémoire du Collège de Sherbrooke, nous avons
profité de l'occasion de l'élaboration de celui-ci pour
préciser notre propre plan de développement du Collège.
Les 600 membres du personnel ont reçu un canevas de consultation et le
Collège a mené des sessions de travail avec les membres du
conseil d'administration, l'ensemble des cadres, des coordon-nateurs,
coordonnatrices de département, l'Association étudiante et les
individus intéressés à s'exprimer. Le mémoire
reflète donc le consensus qui se dégage de la communauté
collégiale.
Parlons d'abord de la nécessité de certains changements.
Le Collège de Sherbrooke est, depuis toujours, animé d'une
conviction très ferme à l'effet que les cégeps sont plus
que ces maisons d'enseignement au sens traditionnel du terme. Ce sont, en
effet, des établissements activement engagés dans le
développement de leur région. Le Collège de Sherbrooke
accueille, en 1992-1993, une clientèle totale de près de 6000
étudiants et étudiantes. Cette clientèle se
répartit dans 22 programmes dont 17 de formation technique et 5 en
formation préuniversitaire. On retrouve au secteur technique 55 % de la
clientèle et 45 % au secteur préuniversitaire. Pour ce qui est de
l'éducation des adultes, mentionnons qu'au-delà de 5000 personnes
y étaient inscrites l'an dernier, soit l'année 1991-1992. Au
cours des 24 dernières années, le Collège de Sherbrooke a
contribué à hausser le niveau de scolarisation de la population
régionale en recommandant l'émission de quelque 23 000
diplômes d'enseignement collégial à l'enseignement
régulier. Au secteur de l'éducation des adultes, il a
également recommandé 3100 diplômes sous forme de 700
D.E.C., 1200 attestations et 1200 certificats.
Voici maintenant les enjeux retenus par le Collège de Sherbrooke
en vue de hausser le niveau de scolarisation de la population du Québec
et de lui assurer une formation de qualité. Dans cette perspective,
certains changements sont nécessaires pour répondre aux besoins
des étudiants et des étudiantes et du marché du travail.
Nous nous attendons à ce que l'accessibilité des collèges
soit confirmée. L'accessibilité, c'est l'élimination des
contraintes de différents ordres qui restreignent l'accès aux
études. L'une de ces contraintes est directement liée à la
capacité d'accueil au secteur technique. Globalement, au Collège
de Sherbrooke, nous recevons deux demandes d'admission au secteur technique
pour chaque place disponible. Nous devons donc refuser un grand nombre
d'étudiants dans leur premier choix au moment même de la demande
d'admission. Il nous semble essentiel de mieux arrimer les
intérêts des étudiants, les besoins du marché du
travail et les capacités d'accueil dans les programmes.
Si le Collège de Sherbrooke n'est pas soutenu dans ses efforts
pour accueillir en plus grand nombre la clientèle qui désire
étudier dans le secteur technique, nous continuerons à assister
à l'accroissement de la clientèle du préuniversitaire,
particulièrement en sciences humaines. Ce n'est souhaitable ni pour
notre société qui demande plus de techniciens ni pour les
programmes préuniversitaires qui se retrouvent alors à jouer un
rôle différent de celui pour lequel ils sont conçus. Le
Collège de Sherbrooke invite le gouvernement à le soutenir
concrètement dans l'accroissement de sa capacité d'accueil au
secteur technique à l'intérieur des programmes qu'il offre
présentement ou dans l'offre éventuelle de nouveaux programmes.
Ceci permettrait indéniablement à un plus grand nombre de jeunes
et d'adultes d'avoir accès à un programme d'études de leur
choix.
Nous nous attendons à ce qu'un bloc de formation
générale arrimé à chacun des programmes de
formation soit défini. Tous les intervenants, tous nos partenaires
s'entendent pour affirmer que la formation générale est
essentielle dans le cheminement de tous les étudiants, qu'ils se
destinent à des études universitaires ou à des fonctions
de technicien. Au Collège de Sherbrooke, nous voulons leur proposer un
véritable projet d'études intégrant la formation
générale et la formation spécialisée pour que les
disciplines obligatoires ne soient plus un bloc de formation à part et
non intégré et pour que les cours de concentration puissent aussi
contribuer à la formation générale de façon
explicite. Le programme semble le fil conducteur tout désigné
pour atteindre cet objectif de conciliation de la formation
générale et de la formation spécialisée.
Nous nous attendons à ce que l'on fasse du programme de formation
l'axe intégrateur de toutes les interventions. À ce chapitre, le
choix du Collège est clair, et ce, depuis des années. Tout
programme de formation devrait être cohérent au plan non seulement
des objectifs, mais aussi des réalisations. En bout de course,
l'étudiant ou l'étudiante doit avoir acquis des
compétences générales et spécifiques qui forment un
tout.
En utilisant le cadre que constituent les
programmes d'État, nous menons localement des travaux
d'appropriation et d'application de ces programmes. Mais, pour faire mieux
à cet égard, il est nécessaire de préciser les
finalités mêmes des programmes. Le secteur préuniversitaire
doit préparer aux études universitaires, mais peut être
aussi un cycle terminal avant d'accéder au marché du travail, et
inversement pour le secteur technique. Localement, au Collège de
Sherbrooke, nous avons besoin que soient définis les objectifs de
programmes plus précis et mesurables, que soient précisée
la contribution spécifique du bloc de formation générale,
que l'on accorde au collège les moyens d'assurer une coordination locale
des programmes de formation, en complément des départements
disciplinaires qui demeurent un lieu de référence
pédagogique pour les disciplines enseignants.
Nous nous attendons à ce que l'on augmente la souplesse des bases
organisationnelles. Toujours dans la perspective de mieux répondre aux
besoins d'une clientèle de plus en plus diversifiée, il nous faut
penser à des cheminements accélérés pour certains,
plus lents pour d'autres, à l'utilisation des trois sessions, à
des modalités de certification diversifiées et mieux
harmonisées. C'est à ce prix seulement que nous pourrons hausser
de façon significative le taux de scolarisation au Québec et,
surtout, le niveau de compétence des travailleurs et des travailleuses.
Pour soutenir les défis de cette souplesse nécessaire, nous
aurons besoin que des changements soient apportés dans la structure des
programmes et dans les modalités d'organisation de l'offre des services
d'enseignement.
Nous nous attendons à ce que l'on intègre à la
mission des collèges la recherche et les services à la
collectivité. Par les réalisations que les cégeps ont
mises sur la table dans les différents mémoires
présentés, ils ont fait la preuve que la recherche et les
services à la collectivité existent dans les faits.
Nous voulons une reconnaissance officielle de ces activités, car
ce serait confirmer, autant pour les acteurs de l'interne que pour ceux de
l'externe, la légitimité des efforts qui sont consentis à
ces chapitres. Ces réalités existent pour le
bénéfice autant de la région, de la population que pour
celui de l'interne, des intervenants et de la clientèle
étudiante. Il n'est plus possible, par exemple, de dissocier les
retombées positives à l'interne et à l'externe d'un centre
spécialisé, par exemple. Voici ce qu'une intégration
formelle à la mission des collèges de ces volets
d'activité pourrait vouloir dire officiellement.
En conclusion, en rapport avec le premier enjeu, celui de la hausse de
la scolarisation, nous plaidons particulièrement en faveur de
l'accroissement de la clientèle et de la capacité d'accueil dans
le secteur technique. En rapport avec le deuxième enjeu, celui de la
qualité, nous plaidons en faveur de la définition d'un bloc de
formation générale arrimé à chacun des programmes
de formation, de l'approche programme, d'une souplesse plus grande dans les
progammes d'études, d'une confirmation formelle des activités de
recherche et de services à la collectivité.
Je ne peux conclure, Mme la Présidente, sans prendre un instant
pour saluer les compétences multiples de toutes les catégories de
personnel qui oeuvrent au sein du Collège de Sherbrooke et pour rappeler
la confiance que nous inspire le potentiel de notre clientèle jeune et
adulte. C'est ce qui nous a inspirés tout au long de nos travaux de
réflexion sur l'avenir des collèges. Merci.
La Présidente (Mme Harel): Merci, M. Comtois. Doit-on
comprendre que quelqu'un d'autre complète votre présentation?
M. Comtois: Oui, madame. (15 h 50)
Mme Béliveau (Julie): Mme la Présidente, mesdames,
messieurs, bonjour. Mes années de cégep, un bilan à
proposer. À l'intérieur de mon témoignage, je vais vous
parler de la difficulté de l'orientation, de l'importance des relations
avec les professeurs et d'un milieu de vie stimulant et formateur pendant les
années qu'on passe au cégep. Faire un choix de carrière,
ce n'est pas toujours facile, ça prend du temps, puis des occasions pour
valider ses choix. Moi, personnellement, j'ai eu de la difficulté
à m'orienter. Avant mon arrivée au cégep, je n'avais pas
d'idée précise concernant ma future carrière. J'aimais les
sciences autant que les communications. Après mes deux années
collégiales en sciences pures, j'ai commencé des études
universitaires en génie et je me suis réorientée,
après trois semaines, en rédaction-communications dans la formule
des stages coopératifs Là, j'ai pu vérifier assez
rapidement que j'apprécisrais ia carrière a laquelle je me
destinais.
Pour faciliter le choix de l'orientation professionnelle, nous, les
anciens diplômés réunis pour élaborer ce
mémoire, étions donc unanimes à recommander d'offrir de
multiples moyens: conférences, contacts avec le marché du
travail, avec des étudiants de l'université et avec
différents professionnels. Pour nous, un choix professionnel ne se fait
pas une fois pour toutes. Il se mûrit à travers toutes les
expériences vécues, autant au secondaire, au cégep
qu'à l'université ou sur le marché du travail.
Établir aussi de bonnes relations avec chacun des professeurs, c'est
essentiel à l'apprentissage. Les expériences significatives
vécues au collège sont très souvent reliées
à la qualité des relations que nous avons pu établir au
hasard des cours et de notre cheminement scolaire, même que ces contacts
ont un effet sur la suite de nos études, ou pour un domaine, ou pour une
matière. Par
exemple, mes bons professeurs de mathématiques m'ont fait
découvrir et aimer cette matière que je n'aimais pas
particulièrement avant. Par contre, lorsque certaines difficultés
interpersonnelles ou pédagogiques se présentent avec nos
professeurs, nous avons peu de moyens, et même l'organisation nous semble
impuissante à offrir des recours.
Nous recommandons donc que les étudiants soient mieux
informés des avenues possibles pour solutionner ce genre de
problème. De plus, pour accentuer la qualité des relations
pédagogiques, il nous semble important de faciliter le ressource-ment et
le perfectionnement des professeurs, et surtout que l'on accentue les
possibilités de contact avec le marché du travail, car ils sont
et demeureront des intervenants privilégiés auprès de
nous.
Offrir un milieu de vie stimulant et formateur, c'est essentiel. Mes
années de cégep m'ont permis de me donner une culture
générale en ayant la possibilité d'explorer d'autres
champs de connaissance et de bénéficier d'un milieu social
très stimulant. Les activités auxquelles j'ai participé
ont compté pour moi et ont développé mon sentiment
d'appartenance au cégep: l'apprentissage du langage gestuel, la
participation au comité jeune-aide, la possibilité aussi de jouer
le rôle d'aidante au centre d'aide à l'apprentissage. Pour nous,
anciens diplômés, la vie sociale est une des dimensions
importantes de notre formation et nous tenons à souligner que les
cégeps doivent faciliter les possibilités de contact,
d'expériences scolaires et parascolaires significatives.
Pour terminer ce bilan de mes années de cégep en quelques
mots, le choix de carrière est un des choix de vie les plus importants
pour les étudiants et les étudiantes, et le cégep doit
nous aider dans ce processus. La qualité des relations
pédagogiques avec les professeurs détermine beaucoup notre
cheminement scolaire pendant les années de cégep. On attend donc
beaucoup d'eux. Le milieu de vie qu'offre le collège permet à un
étudiant d'y poursuivre son développement et, enfin, de mieux
réussir ses études. Merci.
M. Comtois: Maintenant, M. Denis Lamou-reux nous
présentera le mémoire du syndicat des enseignants du
collège.
M. Lamoureux (Denis): Mme la Présidente, Mmes et MM. les
membres de la commission, je suis ici à titre de vice-président
du syndicat des profs du cégep. Je représente les 500 profs qui
le composent. On a préparé collectivement le mémoire qui
vous est déposé en quelques séances de travail. Nous
sommes particulièrement heureux d'être reçus aujourd'hui,
et en particulier aussi avec la délégation de Sherbrooke.
Après les quelques semaines de travail que nous avons faites ensemble
pour préparer ce mémoire, il y a là un gage de
succès de l'avenir des cégeps.
Alors, à la question: Que proposez-vous pour l'avenir des
cégeps? notre réponse est claire. L'avenir des cégeps sera
assuré aux trois conditions suivantes: tout d'abord, assurer
l'accessibilité aux cégeps; deuxièmement, assurer une
formation de qualité en misant sur les personnels; troisièmement,
assurer la formation d'équipes stables de pédagogues.
Alors, le premier élément, assurer l'accessibilité
aux cégeps. Oui, il faut l'assurer à tous les jeunes et à
tous les adultes qui ont terminé un diplôme d'études
secondaires et qui désirent se perfectionner. Ceci signifie aussi de
lever les contraintes actuelles, et je pense particulièrement aux
coûts nombreux des études, autant pour les jeunes que pour les
adultes, et aux insuffisances du système actuel des prêts et
bourses. L'accessibilité signifie aussi pour nous de ne pas imposer des
contraintes additionnelles à ce qui existe actuellement.
La deuxième condition du succès des cégeps de
l'avenir: assurer une formation de qualité en misant sur les personnels.
Pour nous, si cet élément est très important,
derrière les discours, il faut des conditions concrètes. Il faut
faciliter le perfectionnement des personnels; il faut augmenter le nombre
d'intervenants et d'intervenantes pédagogiques; il faut diminuer le
nombre de cours que les profs ont à donner ou diminuer le nombre
d'étudiants et d'étudiantes avec lesquels ils ont à
travailler; il faut assurer la permanence à tous les personnels
précaires - et, pour nous, les profs, c'est le tiers du personnel; il
faut assurer à l'éducation des adultes et à la formation
sur mesure des conditions d'enseignement comparables aux conditions de
l'enseignement régulier; enfin, il faut faciliter l'accès
à la retraite.
Troisième condition: assurer la formation d'équipes
stables de pédagogues. On a besoin d'équipes stables de
pédagogues pour initier et suivre les développements autant
pédagogique que disciplinaire et pour assurer la disponibilité
nécessaire pour travailler avec les étudiants et les
étudiantes. Pour nous, une méthode pour améliorer
actuellement le travail interdisciplinaire serait d'expérimenter des
structures de programmes qui fonctionneraient en complément avec les
structures départementales actuelles. Alors, voici les trois conditions.
Ces conditions-là, il faut s'en souvenir, durant les 10 dernières
années, elles ont reculé. Pour assurer l'avenir des
cégeps, il faut travailler à améliorer ces conditions qui
forment un tout et, selon nous, ces conditions exigent des investissements.
Mais ce sont aussi, selon nous, des investissements sûrs si on les soumet
à une analyse coûts-bénéfices. De plus, si vous le
remarquez, ces trois conditions correspondent aux règles modernes de
gestion des organisations: respecter les clientèles, miser sur les
personnels et former des équipes de travail efficaces.
En conclusion, l'éducation joue un rôle
essentiel dans le développement du Québec.
L'éducation n'est pas une dépense mais un investissement. Les
cégeps jouent un rôle clé dans l'éducation au
Québec. Ils doivent continuer à remplir leur mission
auprès des jeunes et des adultes, mission de formation large,
polyvalente et de qualité, formation qui vise le développement
intégral de la personne à travers les voies
préuniversitaire et technique. Merci de votre attention.
M. Comtois: Maintenant, Mme la Présidente, nous entendrons
M. Robert Dion, qui nous présentera le mémoire des partenaires du
Collège de Sherbrooke.
M. Dion (Robert): Mme la Présidente, permettez d'abord que
je vous présente les partenaires qui ont accepté de collaborer
pour préparer le mémoire que je vous présente aujourd'hui.
Il s'agit, dans un premier temps, du Conseil régional de
développement de l'Estrie, le CRD-Estrie, qui vient tout juste de
recevoir sa reconnaissance officielle du gouvernement en vertu de la nouvelle
stratégie de développement régional; de la ville de
Sherbrooke, dont le maire Paul Gervais est l'ancien directeur du cégep
de Sherbrooke; de la Maison régionale de l'industrie, qui regroupe tout
près de 200 manufacturiers en Estrie et qui se préoccupe beaucoup
de la formation professionnelle particulière en milieu manufacturier;
aussi, de la Commission de formation professionnelle située à un
point névralgique de la formation de la main-d'oeuvre et à un
point névralgique aussi de son devenir; de la Fédération
des caisses populaires de l'Estrie, impliquée dans tous les coins de
notre région; et de la Chambre de commerce de la région de
Sherbrooke.
Vous comprendrez donc qu'en réalisant une aussi vaste association
de partenaires régionaux nous n'avons pas voulu entrer dans les
détails très pointus du fonctionnement du cégep de
Sherbrooke et, même si nous l'avions voulu, nous n'aurions pas pu. Nous
avons donc tenu, cependant, à témoigner du fait que le
Collège de Sherbrooke a été au cours des 20
dernières années et demeure encore un des maillons significatifs
dans le développement régional de l'Estrie. À cet effet,
nous voulons essentiellement vous dire deux choses aujourd'hui. Le
Collège de Sherbrooke est essentiel, il est nécessaire comme
institution et comme regroupement de ressources au développement de la
région. Aussi, l'avenir du Collège comme partenaire important du
développement régional passe par une régionalisation plus
poussée des responsabilités et un accroissement d'autonomie de
décision du Collège, en particulier dans l'élaboration et
la gestion des programmes de formation. (16 heures)
Le Collège est le partenaire naturel des intervenants
régionaux que nous sommes parce que, pour nous comme pour l'ensemble de
la collectivité québécoise, la formation est au coeur du
développement de nos ressources humaines, élément
clé du développement économique dans le contexte actuel et
dans celui des années qui viennent.
Notre région avait choisi en 1990, dans un vaste forum
régional, la mise en valeur des ressources humaines comme l'un des trois
axes majeurs de développement. Dans l'exercice de planification
stratégique régionale que nous avons entrepris récemment
à la demande du gouvernement provincial, nous aurons à confirmer
ou à infirmer cet axe majeur. Il y a tout lieu de croire cependant que
cette priorité demeurera haut placée dans les
préoccupations des intervenants régionaux.
Notre mémoire est presque entièrement centré sur la
contribution du Collège de Sherbrooke à la formation de la
main-d'oeuvre de l'Estrie, à la formation initiale des jeunes de la
région et de l'ensemble du Québec, ainsi qu'à l'assistance
spécialisée aux entreprises et aux organismes de la
région. Je n'insisterai pas davantage dans la présente
introduction et je m'en remets à la lecture que vous avez faite et aux
questions que vous vous voudrez bien nous poser sur le sujet.
Le Collège de Sherbrooke affirme sa volonté d'être
plus présent et actif dans notre milieu régional qu'il ne l'a
été jusqu'ici et nous croyons en la sincérité de sa
volonté. Mais il lui manque la marge de manoeuvre pour réviser
d'une façon souple son offre de programmes, pour adapter le contenu des
programmes de formation aux attentes et aux besoins des entreprises, et pour
répondre rapidement à des demandes du milieu pour lesquelles il
aurait l'expertise.
Les responsables du Collège semblent parfois devoir
dépenser plus de temps et d'efforts à négocier avec le
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science qu'avec
leur milieu, à se conformer à des directives d'en haul
plutôt qu'à écouter les avis d'en bas. Une plus grande
décentralisation des responsabilités permettrait une meilleure
symbiose entre la population, les entreprises et leur collège. Cela ne
devrait pas priver notre État national de son rôle
irremplaçable d'énoncer les grandes orientations, de fixer des
standards généraux et de déterminer des balises à
l'utilisation des fonds publics. Mais il n'est nullement souhaitable, et encore
moins nécessaire, que les opérations soient aussi
étroitement dirigées de Québec, comme c'est le cas
présentement, ce qui fait dire à certains, d'ailleurs, que le
Québec ne compte qu'un seul cégep composé de 46
campus.
Nous, partenaires régionaux, engagés à divers
niveaux et à divers titres dans le développement de l'Estrie,
nous sommes unanimes pour dire que le Collège de Sherbrooke est un
établissement dont nous avons grandement besoin et dont
l'épanouissement nous tient à coeur. Il
constitue un maillon important que la région ne voudrait en aucun
cas voir affaibli, mais qu'elle voudrait, au contraire, voir doté de
responsabilités encore plus grandes. C'est pour cette raison que nous
avons voulu ajouter notre témoignage devant cette commission. Merci.
La Présidente (Mme Harel): Alors, je vous remercie, M.
Dion. Je crois qu'il y a une dernière présentation.
M. Comtois: Oui, il y a encore une présentation de la part
de M. François Godbout, au nom des entreprises clientes du
Collège.
M. Godbout (François): Bonjour, Mme la ministre, Mme la
Présidente, mesdames, messieurs. Si on se reporte dans le contexte de
1990, du début de récession, alors que nos marchés
d'entreprises traditionnelles dans les papetières et puis le
matériel du transport étaient vraiment en déroute, si on
avait continué sur la même voie, possiblement que je ne serais pas
ici pour vous rencontrer aujourd'hui.
Mais, heureusement, grâce au Collège et à son centre
spécialisé Microtech, on avait mis en branle depuis
déjà un petit bout de temps un programme majeur d'implantation
technologique, de formation accélérée et adaptée
à nos besoins et aux nouveaux besoins de notre clientèle, et en
même temps un système d'assurance-qualité assez
perfectionné. Grâce à ça, on a réussi
à sortir de la récession et à avoir de nouveaux contrats,
à aller chercher de nouveaux partenaires. C'est ce qui me permet
d'être ici avec vous aujourd'hui, comme je l'ai mentionné
tantôt.
En plus d'être le représentant de mon entreprise, qui est
un client du centre Microtech et du Collège, je suis président de
la Société de développement industriel de la région
sher-brookoise qui représente 328 entreprises manufacturières.
J'ai un troisième chapeau aussi comme président de l'Association
estrienne du métal qui regroupe 25,2 % de nos emplois manufacturiers en
Estrie.
Si on se met dans un contexte de statistiques manufacturières et
de productivité, alors qu'en 1960, dans les années soixante,
notre productivité canadienne était à 100 % de la
productivité américaine, on se retrouvait en 1976 avec une
productivité canadienne à 83 % de celle des Américains et,
en 1991, à 69 %. Et là, on ne parle pas des Japonais et on ne
parle pas des Allemands. Une autre chose intéressante, c'est quand on
voit aussi la comparaison entre le ratio apprenti versus ouvrier ou technicien
qualifié dans les entreprises. Alors qu'il est, bon an, mal an, de 4 %
environ en Allemagne qui est reconnue pour ses performances, nous, ici, on vit
avec un maigre 0,8 %.
Alors, dernièrement, il y a eu en Estrie, avec l'Association
estrienne du métal et les syndicats, un CAMO régional sectoriel
qui a été fait, et les besoins de formation urgents et
adaptés ont été identifiés à cinq niveaux.
Tout d'abord, au niveau professionnel et technique; ensuite de ça, la
formation continue en emploi; la formation des formateurs; la formation des
dirigeants et le recyclage de travailleurs. Cette formation-là,
idéalement, devrait être faite avec trois objectifs majeurs. Tout
d'abord, le savoir, naturellement, le savoir-faire qui est très
important, mais aussi ce qui cause les problèmes majeurs au niveau des
entreprises, c'est le savoir-être ou ce qu'on appelle communément
l'attitude des gens en emploi. Ce qu'on souhaiterait, ce serait un
système qui serait un hybride adapté à nos besoins, entre
la formation duale allemande, la formation qu'on appelle COOP ici, ou
l'alternance études-travail.
Un autre point que j'aimerais mentionner aussi, c'est les
échanges qui ont lieu journalière-ment entre le collège,
le centre Microtech et les industries de la région. On sait que certains
budgets devront être coupés ou sont déjà
coupés au niveau des collèges et des maisons d'enseignement. Et
les immobilisations vont être plus difficiles à acquérir
pour ces dernières. Tandis que les entreprises, si elles veulent
demeurer vivantes et profiter des nouveaux marchés, devront se doter et
doivent se doter des équipements les plus sophistiqués et les
plus performants.
Alors, ce qu'on fait actuellement, ce qui est fait actuellement en
région, c'est un échange. Chez nous et dans d'autres entreprises,
on prête du temps-machine, on prête des équipements, des
technologies aux gens du Collège et on échange ça contre
ce que j'appelle, moi, notre plus grande ressource naturelle qui est aussi
renouvelable: de la matière grise qui est générée
par nos professeurs et nos étudiants dans le Collège. Alors, je
vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Harel): Alors, merci, M. Godbout. Vous
concluez, je pense, M. Comtois. C'est bien le cas? Parce que, en fait, tout le
temps est écoulé. Il restera moins de temps à
l'échange. À moins qu'on y procède
immédiatement.
M. Comtois: On peut procéder à
l'échange.
La Présidente (Mme Harel): Très bien. Alors, la
parole est à Mme la ministre.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. Je veux vous dire
combien je suis heureuse d'accueillir un cégep avec tous ses partenaires
régionaux. J'ai l'impression, M. Comtois, que le tout-Sherbrooke est
là, n'est-ce pas, qui vous accompagne. De façon
particulière, je suis heureuse aussi de voir des anciens
diplômés et de souligner aussi le fait que peut-être on n'a
pas assez d'associations d'anciens diplômés dans le réseau
collégial. Il n'y en a pas beaucoup.
Alors, votre participation, Mme Béliveau, est vraiment
appréciée et peut-être que je vais commencer par vous parce
que vous nous avez parlé de votre expérience personnelle de
changement d'orientation. C'est assez phénoménal, n'est-ce pas?
Vous êtes passée par le cégep, vous êtes allée
faire un tour à l'université, vous êtes revenue au
cégep. Non, vous avez bifurqué vers une autre formation.
Mme Béliveau: Oui.
Mme Robillard: Est-ce que vous pourriez... Parce que j'imagine
que les diplômés, vous en parlez avec eux et avec elles, et vous
n'êtes pas le seul exemple, je pense, de ce changement d'orientation.
Parce que, parfois, on a des jeunes qui se rendent jusqu'à
l'université; tout à coup, ils reviennent dans une technique au
cégep parce qu'ils ont découvert vraiment ce qu'ils voulaient
faire dans la vie. Donc, changement d'orientation. Il est important, et vous
nous le mentionnez... Est-ce qu'à votre point de vue il y aurait des
mesures concrètes à mettre en place au cégep pour vous
aider, pour aider les jeunes à mieux, je dirais, saisir, leur propre
orientation? Comment pourrait-on aider a une meilleure orientation des jeunes
dans leur passage au cégep, selon vous? (16 h 10)
Mme Béliveau: Moi, personnellement, je dirais que ce qui
m'aurait aidée, en tout cas, quand j'étais au cégep,
ça aurait été d'avoir une personne en chair et en os
devant moi, une ingénieure en face de moi qui m'aurait dit: Bon, quand
tu vas aller sur le marché du travail, c'est ça que tu vas
retrouver, c'est ça que tu vas faire en tant qu'ingénieure, puis
même aussi retrouver d'autres personnes en avant de moi; si je suis
intéressée, par exemple, par plusieurs domaines, avoir un contact
avec des ingénieurs ou un contact avec des psychologues, avec des
avocats, avec toutes sortes de professions, même en ce qui concerne les
programmes techniques offerts au cégep ou ailleurs. J'aurais aimé
avoir un éventail devant moi, en chair et en os, pour dire: Oui,
ça colle un peu mieux à moi et avoir un petit peu plus le pouls
de ce qui se passe sur le marché du travail.
Parce que, là, moi, ce qui m'est arrivé, c'est que je suis
allée avec un conseiller en orientation. Ça s'est très
bien passé. Il a eu beaucoup de respect, mais ce que je lisais,
c'était sur papier. Je lisais qu'un ingénieur ça faisait
telle, telle, telle chose. Ça m'intéressait. Je me disais: Oui,
j'aime les sciences, ça va être intéressant, je vais aller
plus loin, je vais me dépasser, sauf que j'avais oublié que, moi,
j'aime d'autres choses que ça. Ma passion principale, mes motivations
profondes à moi, ce n'est pas les sciences, c'est autre chose, et je
n'enlève rien aux ingénieurs, ils sont bien corrects, mais, moi,
c'est autre chose qui me motivait dans la vie. Et là, je l'ai
découvert rendue à l'université quand j'ai vu, dans mes
cours, que je ne passerais sûrement pas à travers mon bac parce
que j'avais de la misère à me lever le matin et à y aller
à mon cours parce que je n'étais pas motivée. Ce
n'était pas parce que c'était difficile non plus au niveau des
sciences parce que j'aurais été capable de le faire.
C'était plus au niveau de l'intérêt et de ce qui me motive
comme personne humaine dans ma vie future et actuelle.
Mme Robillard: Ce que vous dites, dans le fond, c'est des
contacts directs avec des gens qui sont sur le marché du travail...
Mme Béliveau: Et aussi des universitaires.
Mme Robillard: ...et aussi des universitaires qui vous expliquent
et que vous alliez voir vous-même de façon tangible comment
ça se passe. Donc, ça aiderait à l'orientation.
M. Vallée, dans le mémoire du Collège, vous
soulignez aussi cette importance vous-même de l'orientation
professionnelle de nos jeunes. Est-ce qu'au Collège de Sherbrooke il y a
une expérimentation particulière sur la session d'accueil et
d'intégration des étudiants? Comment ça se passe sur le
terrain?
M. Vallée (Jocelyn): Mme la ministre, ça me fait
plaisir de préciser ça. Depuis quelques années,
probablement à l'instar de ce qui se passe dans d'autres
collèges, on a aboli, en tout cas, avec le concours des
étudiants, des enseignants, d'un peu tout le monde, ce qu'on appelait le
rite des initiations - il y avait un certain nombre de conséquences pas
toujours intéressantes pour les étudiants - et avec l'appui du
C.A. et d'un peu de ressources, on a mis en place un programme d'accueil par
programme et par famille de programmes. Alors, ça dure durant toute la
semaine et les personnels sont fort engagés dans cet accueil-là
qu'on trouve de première importance. Comme vous le savez, les
premières semaines - il n'y a pas que la première session,
ça commence dans les premières semaines - c'est assez crucial
à ce niveau-là. Évidemment, ce sont des activités
qui amènent les nouveaux, les nouvelles à mieux se familiariser
avec l'environnement.
Concernant la problématique de l'orientation scolaire,
professionnelle, notre vice-président est très au courant, on en
a débattu quelques fois en C.A., la problématique n'est pas
facile. Seulement l'an dernier, et de façon très officielle parce
qu'on les a dénombrés, il y a eu au moins 10 % de nos
étudiants qui ont changé officiellement de programme. Il y en a
au moins 300 dans le préuniversitaire et 150 dans le secteur technique.
On comprend qu'il y a un besoin d'explorer au niveau du collège et,
nous, on pense que le collégial, le nôtre en particulier, on a
à assumer
ça comme fonction, en plus de donner de la formation, de
façon la plus systémique possible. Alors, on cherche des
moyens.
On nous a soumis, à un moment donné, qu'il serait
intéressant d'avoir un quatrième, un cinquième et un
dixième orienteur, et on a compris que c'était peut-être un
cul-de-sac compte tenu du volume des besoins, et nos professionnels à
l'orientation scolaire ont amorcé une démarche. Ils ont fait un
virage de 180 degrés. Ils ne font plus systématiquement du
«counseling» dans le tête-à-tête, mais ont des
interventions auprès des groupes et de façon fort
professionnelle. Il y a un virage fort important de la part de nos
professionnels aux services aux étudiants là-dessus.
Par ailleurs, avec les enseignants, dans le cadre des programmes,
là où ça se peut, et je pense que ça va se pouvoir
de plus en plus, il y a toujours un cours dans le secteur technique, en tout
cas, possible autour de l'initiation à la profession. On souhaiterait
mieux exploiter ça. Un jour, il restera peut-être encore des cours
au choix des établissements, qu'on les appelle complémentaires,
à option ou autrement. Je pense qu'il faudra faire les efforts
nécessaires pour que, dans ces cours-là, il y ait des cours
possibles pour valider des intuitions, des choix d'orientation professionnelle.
Je vous dirai qu'à l'autonme prochain, compte tenu d'une
clientèle, en particulier en sciences humaines, qui est moins
orientée que d'autres, on veut mettre en place durant la session ce
qu'on appelle un programme exploratoire dans deux familles de programmes; ils
vont s'engager dans des études collégiales
régulières, ils vont avoir tous leurs cours
crédités et on va leur permettre de tâter, par exemple,
dans le programme des techniques et de la santé, des techniques
biologiques, un ou deux cours pour vérifier l'attrait de ces
cours-là en ce qui les regarde, et la même chose dans une autre
famille de programmes. On veut expérimenter ça dès
l'automne prochain.
Mme Robillard: Avec des étudiants de sciences humaines,
vous dites. En début? À leur arrivée?
M. Vallée: À leur arrivée. À leur
arrivée, suite à un dépistage, il y a des étudiants
qui confirment qu'ils sont là parce que... J'ai des statistiques
à vous montrer. On est est plein de statistiques, je ne sais pas comment
vous faites; on a dû vous en donner une quantité et, nous aussi,
on s'est amenés... Chez nous, cette année, on a accueilli 829
étudiants en sciences humaines, en première année, mais,
au premier tour, donc un premier choix - on peut présumer qu'en gros,
c'est parce que c'est ça qu'ils voulaient faire...
Une voix: Oui.
M. Vallée: ...peut-être qu'il y avait un manque de
préalables pour faire autre chose mais en gros...
Mme Robillard: ...Ou qu'ils ne savaient pas quoi faire.
M. Vallée: ...372 sur les 829, mais, en deuxième
tour, 457, un deuxième choix. C'était peut-être un
véritable deuxième choix, mais on sait fort pertinemment sur le
terrain que ce n'est souvent pas un choix, c'est parce que, dans le secteur
technique ou compte tenu d'un premier choix, ils... Bon. Compte tenu de tout
ça - On est très conscients de cette
problématique-là - notre effort, c'est d'essayer de traiter cette
question-là de façon tout à fait systémique.
Mme Robillard: Merci. Maintenant, j'aimerais peut-être
aborder avec vous la question de la formation technique. Dans votre
mémoire, vous me recommandez que la structure, de façon
particulière, du diplôme d'études techniques, du D.E.C.
d'études collégiales techniques, soit plus souple, qu'il y ait
des aménagements possibles, qu'on puisse répondre à des
besoins particuliers. Je pense que vous-même, M. Dion, au nom des
entreprises clientes, vous le soulignez aussi, qu'il faudrait avoir plus de
souplesse dans cette structure de D.E.C. technique au niveau du
collégial. J'aimerais ça, de façon particulière,
entendre le monde de l'entreprise sur ce sujet-là. Qu'est-ce que vous
voulez exactement de ce programme du D.E.C. technique, quand vous parlez de
souplesse, d'assouplissement? Qu'est-ce que vous visez au juste?
M. Godbout: II y a beaucoup de choses qui sont incluses
là-dedans. Tout d'abord, la première chose, on avait parlé
à quelques reprises, M. Vallée et moi, de débuter des
nouveaux cours, par exemple, en assurance-qualité ou d'adapter des cours
de formation en techniques de génie mécanique. Il me dit, comme
réponse: Ça prend un bout de temps, ça prend un an, deux
ans, des fois trois ans à arriver avec un nouveau programme ou à
modifier un programme. Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse avec ça en
entreprise, quand on ne sait pas ce qui va arriver dans trois mois? Quand on
achète une nouvelle technologie ou qu'on achète un nouvel
ordinateur, vous le savez bien, dans six mois ou dans un an, il est
dépassé, il est obsolète; alors, ça prend un temps
de réponse qui est plus rapide que ça. Ça, c'est la
première chose. Ensuite de ça, si on regarde certaines techniques
où il y a des stages de prévus, par exemple, si on regarde en
inhalothérapie, je crois qu'ils ont 20 ou 24 semaines de stage; en
techniques de génie mécanique, ils ont une semaine de stage sur
leur cours, c'est un non-sens absolu. Quand on arrive avec des étudiants
qui sortent du collège et qui s'attendent de travailler devant un
ordinateur, habillés en chienne blanche et travailler à 15
$ l'heure sans avoir à se salir les mains, c'est encore un non-sens. il
faut que les jeunes aient une chance à la fois d'avoir une formation de
base très large et d'avoir une formation pointue en entreprise.
Mme Robillard: Alors, vous me soulignez surtout... M. Godbout,
peut-être que vous voulez ajouter quelque chose. M. Dion.
M. Godbout: M. Godbout, c'est moi.
Mme Robillard: Ah! M. Godbout, c'est vous. M. Dion. (16 h 20)
M. Dion: Oui, j'aimerais ajouter certaines choses, Mme la
ministre. La première, c'est que, dans le mémoire, ce que le
cégep demande d'une façon particulière par rapport
à l'enseignement professionnel, c'est des places accrues. Dans les
statistiques qu'on vous a données, on vous démontre assez
clairement qu'en 1992-1993, sur 2300 demandes, on en a accepté 1250;
donc, on en a accepté 47 % et on en a donc refusé 53 % dans un
secteur technique que certains se plaisent à dire très
dévalorisé et qu'il nous faut valoriser d'une façon
incroyable par les temps qui courent. On pense chez nous que la première
des choses, ça serait au moins d'être capable d'admettre ceux qui
se sentent assez valorisés pour y aller. C'est déjà
quelque chose, je pense, d'important.
Deuxièmement, par rapport à la région, par rapport
au développement régional - et je vais vous donner quelques
statistiques - avec le profil socio-économique que nous avons en Estrie,
nous trouvons très curieux d'être en pénurie, en manque
d'emplois spécialisés. Avec 14 % ou 15 % de chômage, il
faut bien comprendre qu'il y a des gens qui ne comprennent pas la situation, et
ça semble être un peu la quadrature du cercle.
L'Estrie, essentiellement, en trois ou quatre chiffres, Mme la ministre,
c'est 7 % de main-d'oeuvre primaire, 30 % de secteur secondaire et 63 % de
secteur tertiaire, ce qui est peut-être un peu plus manufacturier que
l'ensemble du Québec, peut-être à l'exception de la
région de la Mauricie-Bois-Francs, de la région de Québec
et de la région de Montréal. L'Estrie a un secteur manufacturier
très diversifié. Nous avons 20 secteurs manufacturiers
répertoriés à l'intérieur des classifications
reconnues. Dans ces 20 secteurs manufacturiers, 20 sur 22, il y a des
entreprises qui sont de haute technologie. Ces entreprises-là nous
disent qu'elles ne sont pas capables de procéder à des
expansions, ne sont pas capables de procéder à la mise sur pied
de nouveaux produits parce qu'elles ont l'impression qu'on n'a pas la
main-d'oeuvre spécialisée chez nous. Donc, on se demande pourquoi
le cégep de Sherbrooke, qui a si bonne image, ne pourrait pas recevoir
plus d'étudiants qui veulent y venir.
Mme Robillard: Oui, on pourrait discuter de statistiques, comme
dit M. Vallée, au niveau de la capacité d'accueil. J'ose
espérer que toutes ces demandes-là ne sont pas en techniques
policières ou des genres de techniques comme ça. J'ose
espérer que c'est des techniques dont le marché du travail a
besoin. Je suis très consciente de cette demande-là. Entre
parenthèses, est-ce que vous avez la statistique, comme vous semblez
être fort en chiffres, M. Dion...
M. Dion: Oh non!
Mme Robillard: ...combien d'élèves
fréquentent le cégep de Sherbrooke qui viennent de
l'extérieur de la grande région de Sherbrooke?
M. Dion: Je pense que le directeur général... M.
Vallée: 15 %, Mme la ministre.
Mme Robillard: 15 % viennent de l'ensemble de...
M. Vallée: De l'extérieur de 05.
Mme Robillard: Parfait. Alors, je vais continuer avec les gens
des entreprises. Pouvez-vous me dire si, à l'heure actuelle,
l'attestation d'études collégiales, A.E.C., en jargon du
collège, ou le certificat d'études collégiales, C.E.C., ce
sont des diplômes qui sont reconnus par le monde de l'entreprise?
Qu'est-ce que vous en pensez, vous autres, quand vous recevez un futur
employé qui a une A.E.C. ou un C.E.C dans ses poches? Ça vous dit
quoi, ça, le monde de l'entreprise?
M. Godbout: Je vais revenir à ce que je mentionnais
tantôt Ce qui est plus important poui nous, Cf n'est pas
nécessairement ie diplôme. C'est tout d'abord... J'en reviens au
savoir, au savoir-faire et au savoir-être. Ce sont ces trois
facteurs-là qui doivent être pris en considération. Si on
était sûr que quelqu'un qui arrive avec un diplôme est
à la fois connaissant, compétent et a une attitude
adéquate à son travail, à ce moment-là, ça
éliminerait beaucoup de questions. Mais on ne peut pas dire que les
diplômes comme tels sont garants de tout. Mais je crois qu'une
éducation...
Mme Robillard: Je sais que le milieu... Je vais préciser
ma question. Le milieu de l'entreprise, à l'heure actuelle, selon nos
études, nous dit qu'il est généralement satisfait du
D.E.C. en formation technique, du diplôme d'études
collégiales en formation technique. Ma question est à l'effet:
Est-ce que le milieu de l'entreprise reconnaît, est-ce qu'il accorde une
certaine reconnaissance à quelqu'un qui a un certificat?
M. Godbout: Quelqu'un qui a un certificat d'études
collégiales ou un diplôme d'études collégiales a la
réputation, en entreprise, d'avoir quelque chose de plus au niveau de
son métier, c'est-à-dire la méthodologie. C'est une chose
qui a été mentionnée par plusieurs entreprises. La
méthodologie de travail, le processus de solution de problèmes
est vraiment important au niveau de la différenciation de quelqu'un qui
a le diplôme ou qui ne l'a pas.
Mme Robillard: M. Vallée, vous êtes dans une
région privilégiée à certains égards pour
être capable de faire... Je dis privilégiée parce que vous
avez beaucoup d'institutions d'enseignement chez vous, en Estrie, n'est-ce
pas?
M. Vallée: Oui.
Mme Robillard: Du primaire jusqu'à l'universitaire.
M. Vallée: Les deux réseaux, dans les deux
langues.
Mme Robillard: Oui. Les deux réseaux, dans les deux
langues. Alors, c'est une région privilégiée au niveau des
institutions d'enseignement. Est-ce que vous pourriez nous faire part de votre
expérience, en Estrie, d'harmonisation avec le secondaire et avec
l'universitaire? Avez-vous une expérience spécifique
d'harmonisation avec ces deux ordres d'enseignement?
M. Vallée: Je vous soumets, Mme la ministre, qu'il faut
mettre en perspective qu'il n'y a pas très longtemps que je suis
directeur général de cet établissement. Mais,
néanmoins, compte tenu que j'y travaille depuis un certain nombre
d'années, je vous dirais qu'au niveau de ce qu'on appelle la formation
des adultes ce n'est peut-être pas très original, mais on
participe évidemment avec les autres ordres d'enseignement, les secteurs
anglophone et francophone, à ces tables d'éducation
main-d'oeuvre, ces tables d'agriculture et autres tables, de façon
régulière. Il y a eu une belle expérience qu'on a
citée pendant des années à la grandeur du Québec
et, malheureusement, ça n'existe plus. Ça s'appelait «Fer
de lance». En tout cas, cet exercice de concertation là en
matière d'éducation des adultes était une création
estrienne. On a trouvé d'autres modalités pour le faire.
Concernant la formation initiale, peu de choses, pour être franc
avec vous. Des rencontres informelles. On nous soumet... À l'occasion,
les professeurs... Je vous dirai qu'il y a des professeurs de chez nous, du
Département de mathématiques... On fait allusion aussi dans notre
mémoire à l'intérêt qu'il peut y avoir dans une
région donnée à faire de l'intégration verticale.
Il y a eu une expérience - et probablement que ce sera refait -
d'inviter pendant quelques jours les professeurs de mathématiques du
secondaire, du collégial et de l'universitaire pour discuter des
matières et ainsi de suite.
En ce qui regarde l'Université de Sherbrooke, bien, là, on
a soumis - je ne sais pas si la décision est prise - un projet
d'expérimentation conjointement avec le collège Ahuntsic qui
s'associe à nous et à l'Université de Sherbrooke pour
évaluer d'abord et expérimenter le futur programme sciences de la
nature. Il y a de bons commencements. Chez nous, on est prêts à se
mettre à la table là-dessus, mais on comprend, j'imagine, comme
vous qu'il y a des choses possibles aux niveaux régional et local et
d'autres qui sont possibles au niveau ministériel.
La Présidente (Mme Harel): La parole est maintenant au
député de l'Opposition.
M. Gendron: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
féliciter les représentants du Collège de Sherbrooke, du
moins dans la formule originale que vous avez choisie, tout autant dans la
présentation que dans l'association des diverses personnes qui
représentent le Collège. Je trouve ça intéressant
parce que je suis convaincu que ça correspond, en tout cas, à ce
qui se passe dans la plupart des régions du Québec en termes de
réalité. Les gens dans les régions du Québec se
regroupent, se serrent les coudes autour de leur institution de haut savoir,
entre guillemets, que ce soit l'université ou que ce soit le
collège. Le collège représente, dans les régions du
Québec, une institution qui marque l'évolution, le
développement d'une région, parce que je connais bien la
réalité régionale et également celle de l'Estrie.
C'est intéressant que vous ayez choisi cette forme de
présentation.
Alors, on va commencer par l'avenir du Québec, donc la jeunesse.
J'étais, moi aussi, très heureux de constater que vous êtes
une exétudiante au Collège, puis que vous êtes venue
exprimer votre point de vue. Comme le temps file et qu'on a plusieurs questions
à poser, je vais y aller directement. Un commentaire et une question. Le
commentaire. J'étais très heureux, en tout cas en ce qui me
concerne, parce que c'est un peu mon dada... Je n'en ai pas juste un, mais j'en
ai un sur le fait qu'une institution doit toujours avoir un minimum
d'environnement éducatif - peu importe l'appellation - un projet
d'établissement, parce que je ne pense pas qu'on puisse, à ce
niveau-là, ne prendre qu'une formation pour avoir un horaire et des
locaux de classe, sous prétexte que, là, tu as 18, 19, 20 ans,
mature, très adulte, très responsable et, en conséquence,
ce n'est pas nécessaire et bien requis d'avoir un milieu ambiant qui
soit intéressant, qui soit plaisant et qui accroche. Parce que, moi, je
veux bien qu'on ait des jeunes qui se diplôment davantage, mais encore
faut-il les retenir, les intéresser, les motiver. Vous, vous avez dit...
Bien, vous, votre groupe, vous avez
dit: C'est important que les collèges aménagent un milieu
de vie stimulant à travers un ensemble d'activités propices au
développement intégral de la personne, et j'étais heureux
de faire ce constat-là. Mais ma question n'est pas là. Ça,
c'était le commentaire. (16 h 30)
La question, c'est que ça fait plusieurs jeunes avec qui je
vérifie ça, qu'ils soient présentement des
étudiants ou des ex-étudiants; vous avez l'air, vous les jeunes,
à tenir d'une façon assez forte à la place importante de
l'activité physique dans votre formation. Je n'ai pas vu beaucoup de
jeunes qui ne disent pas: Hé! ne touche pas à ça, c'est
important, on aime ça. Est-ce que c'est parce que c'est la distraction,
entre guillemets, intéressante que vous avez au cours de la semaine,
c'est-à-dire votre cours d'éducation physique, ou si c'est plus
profond, c'est plus significatif que ça, c'est que vraiment vous avez
acquis la conviction que ça fait partie d'une formation de base
intégrale, compte tenu qu'on sera probablement, dans le futur, dans une
société un peu plus de loisirs, de temps partagé, et que
c'est important d'avoir l'esprit le plus sain possible et que, pour ce faire,
c'est intéressant quand il est dans un corps sain? Est-ce que c'est pour
des motifs aussi nobles ou si c'est une distraction intéressante au
cours de la semaine, vos cours d'éducation physique?
Mme Béliveau: Je pense que c'est plus qu'une
distraction.
M. Gendron: C'est un commentaire, là. C'est des jeux de
mots.
Mme Béliveau: Je dirais même que mes cours, en tout
cas, à moi, parce que... Je pense qu'il y avait eu consensus
là-dessus; quand on s'est réunis, les anciens finissants et
finissantes, il y avait eu consensus sur le fait qu'on voulait le maintien des
cours d'éducation physique parce qu'on considérait que ça
faisait partie de la formation globale, parce que ça développe
des bonnes habitudes de vie, puis ça nous donne un peu la chance
d'explorer d'autres sports qu'on n'aurait peut-être pas la chance de
faire en dehors des cours. Par exemple, moi, j'ai eu des cours de aïkido,
d'escrime, des cours de toutes sortes de choses et j'ai aimé ça.
En même temps, ça me permettait aussi de rencontrer des gens qui
venaient d'autres programmes. On a aussi la chance d'explorer des cours comme,
par exemple, la détente, la relaxation, la gestion du stress, et c'est
important, ça aussi, d'avoir des outils pour mieux gérer son
stress, par exemple, dans les examens ou des choses comme ça.
M. Gendron: Croyez-vous, justement - je veux juste terminer
là-dessus - que ça a une incidence sur ce que j'appelle une
meilleure garantie de réussite scolaire pour un grand nombre de jeunes
étudiants?
Mme Béliveau: Ah oui! Moi, personnellement, ça m'a
beaucoup aidée, en tout cas, à maintenir un équilibre dans
ma vie au collège.
M. Gendron: Je vous remercie de votre témoignage. Ce n'est
pas parce qu'il n'y aurait pas d'autres choses, mais je tenais à
vérifier ça avec vous. Merci également de
l'intérêt que vous portez aux corrections qu'il faut apporter aux
études collégiales. Je voudrais maintenant aller à M.
Lamoureux. Il y a plusieurs éléments, effectivement, que vous
avez touchés dans votre mémoire, M. Lamoureux. Juste une
minute.
La Présidente (Mme Harel): Si le député
d'Abitibi-Ouest me le permettait, juste en continuité avec ce que vous
disiez à propos d'un cours sur la gestion du stress qui vous avait
beaucoup aidée, est-ce que c'était dans le cadre des cours de
conditionnement physique?
Mme Béliveau: Oui... Euh, bien, pas nécessairement.
Ça peut être un cours...
La Présidente (Mme Harel): Mais celui qui vous a
été offert... Vous a-t-il été offert, ce cours?
Mme Béliveau: Non, pas à moi
particulièrement, pas celui de la gestion du stress, mais je sais que
ça fait partie des cours qui sont offerts.
La Présidente (Mme Harel): Des cours
complémentaires ou dans le cadre des cours d'éducation
physique?
Mme Béliveau: Des cours d'éducation physique.
La Présidente (Mme Harel). Merci.
M. Gendron: C'est parce que j'avais le mémoire du syndicat
des professeurs. Qu'est-ce que j'ai fait avec mes papiers? Il y en a pas mal.
Je l'ai. Je l'avais devant moi. Il était trop proche. C'est ça,
le drame.
Alors, M. Lamoureux, vous avez quand même, encore là, vous
aussi, des recommandations assez intéressantes. Vous avez touché
des points sur lesquels vous insistez, mais, à un moment donné,
vous dites: Plusieurs projets de révision des programmes sont
susceptibles d'émaner de la discussion publique. Il y aura lieu,
croyons-nous, de procéder à un examen systématique des
différentes avenues à travers les mécanismes d'encadrement
des programmes. J'aurais voulu vous faire préciser ça parce que
vous dites: Nous pensons que la proposition du Conseil des collèges peut
être véhiculée au comité de révision des
programmes. Et, là, vous
faites référence à la recommandation du Conseil des
collèges en disant que, à votre avis, les changements
proposés par le Conseil des collèges ne résoudront pas les
problèmes de base auxquels on veut s'attaquer: «Cette option
n'améliore pas l'avenir des cégeps.» Là, vous
revenez à ce qui existe, qui semble faire problème, selon le
Conseil des collèges. Donc, je me dis: Ou bien on a une option
complètement divergente, et on peut respecter ça, ou bien vous
voulez que nous revenions à ce qui existe mais en apportant des
correctifs sur ce qui a fait problème.
Alors, ma question: Qu'est-ce qui a fait problème? On se
comprend? Qu'est-ce qui a fait problème dans le mécanisme que
nous connaissons, puisque vous dites: Si on ne passe pas à travers ce
filtre d'un mécanisme que vous connaissez bien comme président du
syndicat... Mais si ça donne les résultats que je connais, je
suis obligé de requestionner pourquoi je garderais ce mécanisme
et ce filtre si ça n'a pas permis d'apporter les modifications
souhaitées, comme le souhaitait le Conseil des collèges. C'est
quoi votre point de vue?
M. Lamoureux: Si je comprends bien, vous faites
référence aux modifications aux cours d'éducation
physique, philo, et le bloc général où le Conseil des
collèges propose des modifications, là.
M. Gendron: C'est en plein ça.
M. Lamoureux: Alors, ce que nous disons comme groupe, c'est: La
proposition du Conseil des collèges là-dessus n'est pas
établie sur un rationnel. Ce qui est dit, c'est que, dans la
tournée du Conseil des collèges, des gens ont dit ceci. Vous avez
reçu la semaine passée un groupe de jeunes qui vous disaient
d'autres chiffres à l'effet que les cours les plus
appréciés, c'étaient les cours d'éducation
physique, et les cours les moins appréciés, c'étaient les
cours de français. On ne modifie pas des grilles de cours sur la base
exclusive des satisfactions. Il n'y a personne ici qui oserait dire: On va
enlever des cours de français dans la situation du Québec. Ce
n'est pas le seul motif pour changer le programme des cours, que des gens ne
soient pas satisfaits. À notre avis, quand on veut changer des
programmes de cours, on se donne des objectifs de formation et, à la
lueur de ça, on regarde ce qui se fait, comment, avec les partenaires,
l'entreprise ou l'université, on peut changer les contenus.
Ça, c'était le pourquoi de notre position. L'autre que
vous me suggérez comme question, c'est: Comment peut-on améliorer
les mécaniques actuelles de révision des programmes? Ça,
autant de la part des collèges que de notre part, comme profs et comme
syndicat des profs, il nous semble qu'on n'est pas assez associés
à ces révisions de programmes là. C'est mentionné
autant par les parties patronales que syndicales. Il y a donc un programme dans
la gestion des révisions de cours, puis c'est très clair,
là. De plus en plus, pour nous les profs, la présence, la
participation aux mécanismes de révision des cours, ça
s'efface.
On a eu dernièrement, il y a quelques semaines encore, des
directives de la DGEC qui nous disait: Dans certaines révisions de
programmes, vous ne serez pas invités. C'est décidé, ce
n'est pas des faits en l'air, c'est des directives de la DGEC. Nous ne sommes
pas associés. De la part des collèges aussi, il y a des
problèmes de participation aux révisions de programmes. Il me
semble que, là, un élément d'explication de pourquoi les
programmes ne sont pas à date, ce n'est pas parce que les cours de philo
sont de trop et les cours d'éducation physique sont de trop, c'est parce
que les gens impliqués qui connaissent le milieu du travail, autant
scientifique que de la formation, n'ont pas d'occasion de s'associer aux
révisions de programmes. Allégez ça, rendez ça
efficace, les mécanismes de révision de programmes et les
contenus des programmes. Il s'en fait actuellement, mais pas assez rapidement.
Allégez la mécanique de révision de programmes et des
contenus de cours, vous allez en demander davantage. Vous allez voir comment
ça va être bien.
M. Gendron: Autre question, parce que je voulais vous faire jaser
là-dessus. On a reçu vos commentaires, vos explications. Je tiens
à vous faire remarquer, cependant, qu'à ma connaissance, dans le
mémoire du Conseil des collèges, on ne faisait pas ces
suggestions de modifications suite à une évaluation du
degré de satisfaction.
M. Lamoureux: Vous lirez le mémoire du Conseil des
collèges, monsieur. Le rationnel sur lequel sont basées les
modifications au bloc de cours obligatoires, c'est: Dans notre tournée,
nous avons entendu ceci. Il n'y a pas d'autres rationnels.
M. Gendron: Je m'engage à le relire. Sincèrement.
Si c'est ça, je m'engage à le relire parce que...
M. Lamoureux: On confrontera nos lectures, si vous le voulez
bien.
M. Gendron: Je vous donne raison d'avance. C'est moi qui m'engage
à le relire.
Page 13, toujours à M. Lamoureux, vous dites: «Rappelons la
pression qu'exerce la cote Z et ses effets pervers sur la pédagogie, sur
l'apprentissage: la compétition est exacerbée. Une histoire
d'horreurs! Bref, les programmes préuniversitaires ont besoin, certes,
de meilleurs liens avec les universités. Cependant, ces programmes
doivent répondre à d'autres besoins qui s'ins-
crivent dans le sens des objectifs généraux des
cégeps. Rappelons cette option en faveur d'une formation large,
polyvalente et de qualité, une formation qui vise le
développement intégral de la personne.»
Lorsque vous portez un jugement aussi sévère sur les
programmes préuniversitaires, parce que vous dites: Ils ont besoin,
certes, de meilleurs liens avec les universités, pourquoi vous
prétendez que dans la pratique courante d'aujourd'hui on peut porter le
jugement qu'il n'y avait pas ça et c'est quoi les causes pourquoi il n'y
avait pas de liens avec les universités? Pourquoi les programmes
préuniversitaires du collégial actuellement... Vous portez un
jugement très, très, très drastique, et ça peut
être vrai, je ne le sais pas.
M. Lamoureux: Bien, rappelez-moi quel est le jugement que j'avais
commenté. (16 h 40)
M. Gendron: Ah! Vous avez dit tout simplement: L'ensemble des
cours liés aux programmes préuniversitaires doivent être
mieux adaptés. Ils ne correspondent pas à la
réalité, il n'y a pas de lien avec les universités. La
question que je vous pose: Pourquoi c'est comme ça?
M. Lamoureux: Nous ne disons pas dans le mémoire que la
grille de cours des programmes universitaires n'est pas pertinente, là.
C'est juste sur le point des relations avec l'université que vous
questionnez. À ma connaissance - M. Vallée en a fait état
d'une certaine manière dans sa réponse, tout à l'heure -
c'est qu'il n'y a pas de lien engageant entre l'université et le
cégep. On peut avoir des échanges informels intéressants,
mais il n'y a pas de lien engageant et structuré entre les deux
niveaux.
L'autre constatation très claire, puis on le voit à
Sherbrooke comme dans les autres universités du Québec, c'est que
les universités ont des programmes diversifiés. Comment
voulez-vous vous arrimer avec des programmes diversifiés? C'est
impossible. Alors, dans ce sens-là, je regarde les départements
de sciences chez nous; connaissant très bien les exigences des
départements de sciences de l'Université de Sherbrooke, ils
peuvent donner un coup de main à leurs étudiants et
étudiantes pour qu'ils entrent plus facilement en sciences à
l'Université de Sherbrooke, parce qu'ils connaissent les profs et les
contenus de cours. Mais, ça, ce n'est pas des règles
d'accessibilité intéressantes pour tout le monde. Si on veut
faciliter les liens entre l'université et le cégep, mettons des
programmes où on puisse étudier quelque chose. Là, on ne
peut pas étudier quelque chose, les programmes varient à
l'université. Comment s'arrimer avec ça? Ça ne donne rien,
et il n'y a pas de discussion engageante actuellement. On peut s'influencer,
faire des colloques, tout ça, c'est un début. Mais ça
prend des gens en autorité pour qu'on mette des discussions engageantes
entre les deux niveaux.
M. Gendron: Merci.
M. Lamoureux: Je n'ai pas cette autorité, moi.
M, Gendron: Merci. À M. Dion. Vous avez mentionné,
M. Dion, que la plupart des partenaires socio-économiques trouvent que
les collèges manquent... Là, j'essaie encore de vous citer; vous
dites: On manque de marge de manoeuvre, on souhaite une plus grande
décentralisation qui permettrait une meilleure symbiose. Puis là
vous avez continué, mais, dans le fond, ça disait: On
étouffe, on étouffe. Tu sais ce que je veux dire, on manque de
capacité d'agir directement sur une série de choses. Et
là, moi, je pensais que vous les identifieriez et puis... À moins
que j'aie été distrait. Est-ce à dire que vous
souhaiteriez que, quant à la définition, par exemple, d'un tronc
commun de formation de base, ce soit l'État, ou l'État par le
ministère, ou le collège qui décide ça? La sanction
des études, c'est les examens nationaux ou si vous voulez être de
la thèse que les collèges sont assez grands garçons pour
inventorier eux autres mêmes... Ou grandes filles, oui. Je comprends,
oui, parce qu'on discute sérieusement; donc, c'est sûr qu'il y a
des filles là-dedans. Est-ce que vous voudriez effectivement que la
sanction des études, des examens, ça soit les collèges qui
la fassent? Il y a une série d'éléments comme ça
sur lesquels il y a effectivement une présence trop forte de
l'État, où vous donnez des indications précises pour
qu'effectivement la marge de manoeuvre concrète que vous souhaitez
obtenir soit plus exerçable. Mais sur quels sujets
précisément vous souhaiteriez une marge de manoeuvre plus grande
du collège?
M. Dion: Bon, la première des choses, M. Gendron, nous
avons été, je dirais, un peu vagues dans le mémoire. Il
faut comprendre que c'est un gros regroupement et qu'il était difficile
de faire des consensus sur des choses très pointues. Ce qui nous a
amenés à faire les recommandations que vous retrouvez dans notre
mémoire, c'est un peu ce que j'ai expliqué tout à l'heure.
C'est en regardant notre réalité qu'on a vu que d'un
côté on en manquait, on manquait de spécialistes, de
techniciens et que, d'un autre côté, on avait, je dirais, en tout
cas, des gens qui se ramassaient dans un secteur préuniversitaire sans
vouloir nécessairement y aller.
Est-ce que le gouvernement, le ministère doit sanctionner les
programmes? Nous croyons que le gouvernement a une fonction importante, et nous
l'avons dit dans le mémoire ou dans la présentation que j'ai
faite tout à l'heure. Les grandes règles doivent être
établies, évidemment,
par le ministère de l'Éducation et par le
législateur.
Maintenant, lorsqu'une région se trouve à avoir des
besoins particuliers et que les programmes sont faits, je dirais,
mur-à-mur pour l'ensemble du système au Québec, bien, il y
a des régions qui se trouvent défavorisées à
l'intérieur de ça. Et c'est sous la pression des gens d'affaires
que, nous, on trouve qu'il n'est pas normal de devoir attendre deux ans, quatre
ans, six ans. On cite toujours l'exemple où ça a pris 12 ans,
à un moment donné, pour modifier un programme. C'est
évident que ce n'est pas ça. Mais, même à trois ans
ou six ans, ce qui semblerait être des délais normaux dans le
contexte, il est évident qu'on a beaucoup de difficultés à
s'asseoir avec des gens d'affaires et à leur parler de délais de
cet ordre-là. Maintenant, on sait très bien que les gens
d'affaires doivent aussi faire part de leurs besoins, et ce n'est pas juste au
milieu de l'éducation à deviner les besoins. Il y a une
responsabilité de part et d'autre, je pense, qu'il faut
considérer à l'intérieur de ça.
Pour ce qui est des points plus précis, évidemment, dans
le contenu des programmes, il pourrait être intéressant que les
cégeps soient responsabilisés. Nous voyons beaucoup la
réforme, nous autres, sous l'angle de la régionalisation. Vous
savez que je suis du Conseil régional de développement, et il va
sans dire que, pour nous, la régionalisation, sans être une
panacée, est une réponse à plusieurs problèmes,
nous croyons, présentement. D'ailleurs, le gouvernement l'a reconnu avec
la réforme de la santé, puis la réforme du
développement régional; il a reconnu aussi d'autres choses d'une
façon différente avec la politique culturelle et la politique de
la main-d'oeuvre, disons, à un niveau moindre. Nous croyons que la
régionalisation, c'est une des façons de régler une partie
des problèmes.
En formation des adultes, il y a moyen d'avoir des formations sur mesure
qui ne mènent pas nécessairement à un D.E.C. mais à
une formation qui satisfasse à des besoins manifestés par des
industriels ou des gens d'affaires. Je pense que le cégep doit
être à même de pouvoir répondre à ça.
Si le cégep de Sherbrooke n'est pas capable de répondre à
ça pour la région de I Estrie, ce n'est pas les autres
cégeps qui vont y répondre. Donc, il y a une espèce de
responsabilisation, de délégation de pouvoir qu'on trouve que les
cégeps devraient avoir. Si les gens sont capables, avec la régie
régionale dans le domaine de la santé, de gérer
maintenant, je dirais, des allocations, de gérer des
«priorisa-tions» à l'intérieur des régions, je
pense qu'un cégep, avec un conseil d'administration puis un corps
professoral fort bien équipé, pourrait sans doute décider
de plus de choses que de la couleur des lignes de marelle dans la cour de
récréation.
M. Gendron: C'est vraiment plus clair et plus précis en ce
qui me concerne. M. Vallée, à moins que je me trompe, votre
collège, le directeur général du Collège, s'est
prononcé en faveur de l'approche programme. Il y en a plusieurs qui
préconisent effectivement que, dans le futur, ça serait plus
valable de s'orienter vers l'approche programme. Quels mécanismes
privilégiez-vous pour en faciliter l'opérationalisation? Parce
que, après qu'on a dit ça, il faut quand même gérer
cette nouvelle approche programme. Comment verriez-vous ça dans votre
collège, vous, la gestion d'une approche, dans le futur, plus
axée sur les programmes que les mécanismes qui existent, que vous
connaissez aujourd'hui?
M. Vallée: Concrètement, nous souhaiterions, tout
en sauvegardant, en préservant des coordinations disciplinaires de
départements, qu'on ajoute à cela - ça ne veut pas dire,
pour nous, du dédoublement complet mur-à-mur - des coordinations
de programmes au niveau de l'enseignement. Pour nous, dans notre plan de
développement, on l'a dit, et si j'avais à faire un voeu - je me
fais le porte-parole de passablement de monde au collège, et on l'a
indiqué assez fortement dans le mémoire - pour qu'au sortir de
cette commission parlementaire, il y ait un certain nombre de changements
majeurs de décidés par le gouvernement, c'est celui-là, de
faire en sorte que le programme de formation soit vraiment devenu l'axe
intégrateur de toutes les interventions, ça m'apparaîtrait
un changement majeur. Ça implique, ce qu'on a dit, qu'un bloc de
formation générale soit sans doute redéfini, mais
arrimé, plus précis aussi, contribuant à l'atteinte des
objectifs des cours du programme donné. Qu'il y ait plus de souplesse,
on vient d'en parler. Mais qu'il y ait aussi, au niveau de l'enseignement, une
coordination par programme. On se comprend. Vous nous l'avez probablement
entendu dire maintes fois, et je n'insisterai pas.
Au secteur technique, on est un peu plus avancés. Ils
coordonnent, en gros, 50 % à 60 % des cours, puis, souvent,
concrètement, la troisième année. Le
préuniversitaire, vous le savez, ça n'existe pas. Ça fait
25 ans que c'est comme ça. C'est peut-être quand même pas
mal. On a produit de bons étudiants. Les universités viendront
peut-être vous dire qu'elles sont plus ou moins satisfaites de nos
diplômés. J'espère qu'elles vont dire qu'elles sont
très contentes de nos diplômés. Nos secteurs
préuniversitaires, ça n'existe pas, et je pense que le besoin est
là. Les professeurs, chez nous, sont prêts à s'engager dans
ce genre de démarche.
Alors, ça supposerait qu'on redéfinisse des
responsabilités au niveau départemental puis au niveau d'une
coordination de programmes. Je ne sais pas. Je pourrais l'illustrer, mais...
Donc, pas du dédoublement complet, mais peut-être un ajout en
termes de ressources si on a toujours ce souci-là, peut-être de 25
% des ressources qui
sont actuellement accordées à la coordination
départementale en plus. En gros, c'est comme ça que je vois les
choses.
M. Gendron: Oui, mais, M. Vallée, justement, vous dites:
II faudrait peut-être voir un peu les inconvénients que ça
créerait avec le département ou l'assemblée
départementale. Quand je demande de regarder... C'est quoi les
contraintes que vous verriez dans la nouvelle approche programme dans le
mécanisme d'opéra-tionalisation? Comment verriez-vous ça,
puisque vous venez d'indiquer que vous sentez que l'équipe professorale
est d'accord pour s'impliquer puis privilégier l'approche programme? (16
h 50)
Par contre, quand on rencontre des professeurs du cégep, ils
disent: Nous, on a pas mal de responsabilités au niveau des
départements définies dans les conventions collectives et on veut
continuer à jouer notre rôle de professionnels quant aux
indications à donner. Est-ce que vous êtes inquiets face à
des changements à ce niveau-là ou si vous croyez qu'il n'y aura
pas de problème pour avoir une bonne collaboration?
M. Vallée: Écoutez, je vous dirai que même
les professeurs de philosophie et d'éducation physique chez nous
considèrent cette perspective-là avec beaucoup
d'intérêt. Écoutez, je n'ai pas le pouls de chacun, mais
cette orientation-là on l'avait déjà annoncée
clairement dans notre plan de développement. On vous a dit que le
mémoire des collèges, je veux dire, il reposait là-dessus.
Ça nous a fourni l'occasion, notre projet d'établissement, de
mieux le préciser. On l'a présenté aux gens. Les gens sont
venus nous dire: Oui, on est d'accord avec ces orientations-là, et
encore êtes-vous capables de nous en dire plus, de nous préciser
ça davantage? Pour l'instant, on n'était pas en mesure de le
faire.
Il y a des difficultés et elles sont, d'une part, souvent de
l'ordre de la définition des objectifs des programmes qui manquent
souvent - comment je dirais - de précision au niveau de la mesure
possible de ces objectifs-là pour faire travailler tout le monde
ensemble par rapport à quelque chose à l'horizon. Concernant un
réaménagement possible de responsabilités, on comprend
aussi qu'à un moment donné il va falloir transiger avec nos
partenaires syndicaux, parce qu'il y aura éventuellement des
modifications dans les contrats de travail. En ce moment, les assemblées
départemementales, les départements ont des prérogatives.
Ça voudra dire en préciser certaines pour ces
unités-là et d'autres pour d'autres.
M. Gendron: Merci.
La Présidente (Mme Harel): Merci, M. le
député d'Abitibi-Ouest. La parole est maintenant au
député de Sherbrooke.
M. Hamel: Merci, Mme la Présidente. Comme vous pouvez tous
le constater, le mot concertation n'a pas chez nous qu'une valeur symbolique.
Je pense qu'il fait partie de notre vie quotidienne, et je suis très
fier aujourd'hui, et je félicite chaleureusement le Collège de
Sherbrooke d'avoir associé à sa démarche de
réflexion et de préparation au travail de la commission ses
partenaires régionaux, ses anciens diplômés, les
entreprises clientes, le syndicat des enseignants et des enseignantes. Je pense
que cette démarche collégiale démontre le sérieux,
l'importance que vous attachez à cette commission parlementaire et elle
démontre aussi, je dirais, qu'en Estrie l'éducation et la
formation occupent une place de premier plan, à tel point qu'on
identifie de plus en plus l'Estrie comme étant la région de
l'industrie de la formation.
Ceci étant dit, j'aurais aussi une question à poser
à Julie, pardon, à Mme Béliveau. Concernant l'importance
que vous attachez aussi à cette discipline de l'éducation
physique, est-ce que vous considérez quand même cette importance
comme devant être créditée et qu'elle soit obligatoire au
programme?
Mme Béliveau: Personnellement, si je parle juste en mon
nom, moi, je dirais oui, parce que, moi, que ce soit obligatoire ou non,
j'aimais ça, donc j'y allais de bon coeur. Puis, j'étais contente
parce que, quelque part aussi, j'avais une motivation. Je me disais: Ah! mon
professeur va me dire si ce que je fais est bon, si j'ai des choses à
améliorer dans ma technique en escrime ou... C'est bon d'évaluer
jusqu'à un certain point, ça motive.
M. Hamel: O.K. Si je comprends bien, vous laissez entendre que,
si cette discipline n'était pas au programme comme étant
obligatoire, elle aurait une incidence moindre sur votre choix.
Mme BéKveau Oui
M. Hamel: Très bien. J'aimerais maintenant poser quelques
questions aux représentants des organismes partenaires du Collège
de Sherbrooke. À la page 9 de votre mémoire, vous dites, entre
autres: «II nous apparaît impératif que les relations
collèges-entreprises soient formalisées en vue d'accroître
les lieux et la qualité des collaborations.» Moi, j'aimerais vous
demander: De quelle façon ces relations doivent-elles être
formalisées?
M. Dion: Bien, il y a plusieurs formules qui existent
déjà. La formule je ne dirai pas la plus compliquée, mais,
en tout cas, celle qu'on retrouve le plus souvent, c'est la formule des stages.
Mais, avant d'arriver aux stages, il y a toujours un travail préalable
qui doit être fait et qui n'existe pas présentement, ce qui rend
la recherche de stages plus difficile. Peut-être que
m. godbout pourrait répondre plus facilement, comme employeur,
par rapport à ce qu'il verrait, lui, comme nouveaux lieux de
collaboration ou exemples de collaboration.
M. Godbout: Ce qui va le mieux, d'après moi, au niveau des
relations, c'est des comités ad hoc qui sont formés entre les
entreprises et les gens responsables à l'interne du collège ou de
l'institution d'enseignement. Ça se fait régulièrement.
J'ai été convoqué à plusieurs reprises par M.
Vallée et son équipe et on a formalisé certaines choses.
Maintenant, au lieu de seulement critiquer qu'on n'a pas ce qu'on veut et
d'attendre après l'État-providence pour nous donner des
merveilles, on passe les commandes. On dit: Écoutez, on a des
problèmes avec telle, telle ou telle chose, ce sont les nouvelles
technologies qui s'en viennent, on a besoin de gens qui sont formés
à telle, telle chose. On passe vraiment des commandes, et vous devriez
voir l'intérêt des professeurs, l'intérêt du
personnel du collège à voir de quelle façon ils peuvent
aider l'entreprise. C'est extrêmement valorisant, je crois, pour le
personnel d'être associé au succès de l'entreprise.
Il y a deux choses qui sont importantes, d'après moi, au niveau
de la motivation des gens, tant au niveau de l'entreprise que des enseignants,
c'est tout d'abord la performance; il y a des méthodes
d'évaluation selon différentes choses, et chacun en tire son
propre profit. Mais la deuxième chose qui est encore plus importante,
c'est la reconnaissance de la performance. Être reconnu, ça peut
se faire monétairement, mais ça peut se faire par une
satisfaction personnelle ou une reconnaissance de groupe. Je crois que c'est
avec ça qu'on va en venir aux meilleurs résultats.
M. Hamel: Vous donnez un bon exemple de cette formalisation qui
s'est faite entre votre entreprise et celle du cégep de Sherbrooke.
Maintenant, est-ce que vous souhaiteriez formaliser ce type de relation d'une
façon étendue?
M. Godbout: Je ne crois pas que ce soit obligatoire d'être
coulé dans le béton. Je préconiserais plutôt, moi,
la méthode qu'on a à l'heure actuelle, qui a de bons
résultats autant avec le Collège qu'avec d'autres institutions
d'enseignement, à l'effet d'avoir des comités ad hoc. Quand il y
a une révision de programme, quand il y a une structure qui est en
révision ou quoi que ce soit, une rencontre des gens qui sont
intéressés tant du niveau des entreprises que du niveau de la
formation ou du niveau des intervenants, afin d'avoir des gens qui vont
vraiment se parler et s'adapter aux besoins du moment. Parce qu'on ne peut pas
savoir, comme je le mentionnais tantôt, tout ce qui va se passer dans
trois mois, dans six mois, et dans cinq ans encore moins. On est dans une
époque où il faut bouger vite, dans une ère de
communication. C'est beau, les modems et les fax, mais la communication entre
individus, je crois, est encore plus importante.
M. Hamel: Vous avez une recommandation à la page 11, la
recommandation 4 qui suit votre texte de la page 10, où vous mentionnez
qu'il faudra y apporter notre contribution, que ce soit dans le secteur de la
santé, de l'administration, de l'industrie, des services, etc. Vous
dites: «Que la formation de niveau collégial soit
aménagée de façon à prévoir des contacts
plus étroits avec les entreprises tout au long des études,
notamment par des stages en entreprise ou par des formules d'alternance
études-travail». Mais est-ce que la majorité des
entreprises de la région est prête à accueillir des
stagiaires? Première question.
M. Godbout: Oui, dans la plupart des entreprises, il y a
déjà... Et, dans mon cas à moi, par exemple, on a eu deux
enseignants qui sont venus faire un stage chez nous grâce à un
programme du ministère de l'Enseignement supérieur et de la
Science, le programme PART. On a eu deux enseignants qui sont venus. Ça
a été vraiment motivant pour ces deux personnes-là, mais
ces gens-là, en même temps qu'ils nous ont appris beaucoup de
choses, ont appris aussi beaucoup. Ils ont appris sur les besoins de
l'entreprise, ils ont appris sur les méthodes de travail et sont
maintenant de bien meilleurs enseignants, d'après moi. Ça, M.
Vallée pourra le confirmer.
M. Hamel: Maintenant, vous ne craignez pas que le marché
commence à être saturé puisqu'on a déjà des
stages prévus au secondaire en ce qui concerne Alexander-Galt, des
stages au collège, des stages à l'Université de
Sherbrooke, en ce qui concerne notre région? Est-ce que
déjà vous sentez cette saturation au niveau des stages?
M. Godbout: Chaque entreprise a toujours des périodes de
pointe. Alors, ce qu'on fait maintenant, c'est que les périodes de
stages sont axées avec les périodes de pointe. Cet
été, on était en période intensive, alors on avait
des stagiaires continuellement. Dernièrement, on m'a offert des
stagiaires, mais, étant donné que l'entreprise est plus
tranquille, à ce moment-là, on a remis ça à plus
tard. C'est toujours une question d'adaptation et, pour ça, j'en reviens
toujours à la même chose: il faut se parler.
M. Hamel: Merci beaucoup, M. Godbout.
La Présidente (Mme Harel): La parole est au
député de Jacques-Cartier qui, je crois, a quatre minutes pour
poser sa question et obtenir sa réponse. (17 heures)
M. Cameron: Merci, Mme !a Présidente et merci pour vos
mémoires. I would like a bit of clarification about the idea of regional
ization, because I think it is a very important one, both as it works for
Sherbrooke and the somewhat different way it could work for Montréal.
There is a large difference in saying that a program is good for industry XYZ
or industry in this part of Québec or industry for Québec in
general, and I am not quite clear whether your mémoire is saying this is
what is good for Québec in general or this is what you find is good for
the case of Sherbrooke and I'Estrie. In other words, is there a danger that, if
you have specific enough technological programs, which may work very well for
you, that would not necessarily be a very good thing for Vieux-Montréal
or Bois-de-Boulogne or Dawson or something of that sort? I notice, even with
the list of «entreprises clientes», that there is a large
difference among them. There are branches of very large firms like Bombardier
and Domtar and there are other ones that are very much I'Estrie in their
entirety. Could you be a little clearer about that, just what is meant by
regionalization?
M. Godbout: O. K. What is meant by regionalization of it would be
that, like I specified before, if you take a program for general formation, it
must be as wide as possible and the specific needs of the industry should be
worked out with the industry or within the industry or the other clients of the
college. But I think a general formation is important for everyone since he
might have to move from a region to another region of from a business or an
industry to another industry. I really think that the formation in the college
must be as wide and broad as possible and the specific application for an
industry, for a special type of equipment or for a special technology must be
made with or within the industry.
M. Cameron: Thank you. Merci.
La Présidente (Mme Harel): Alors, pour conclure, la parole
est à Mme la ministre.
Mme Robillard: Pour remercier l'ensemble des intervenants, M.
Comtois, merci d'être venu avec cette délégation si
imposante de Sherbrooke. Je suis certaine que la formule que vous utilisez de
la concertation est sûrement une formule gagnante pour l'avenir de nos
jeunes au Québec. Merci beaucoup d'avoir participé aux travaux de
cette commission.
La Présidente (Mme Harel): Merci. J'invite maintenant le
Comité provincial de coordination des programmes de français
langue seconde au collégial à prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 2)
(Reprise à 17 h 4)
La Présidente (Mme Hovington): La commission de
l'éducation poursuit ses travaux avec le Comité provincial de
coordination des programmes de français langue seconde au
collégial et Mme la présidente, qui est Mme Madeleine
Pothier-Picard. Bonsoir, madame.
Comité provincial de coordination des
programmes de français langue seconde au collégial
Mme Pothier-Picard (Madeleine): Bonsoir.
La Présidente (Mme Hovington): Vous êtes le
porte-parole, j'imagine?
Mme Pothier-Picard: C'est ça, oui.
La Présidente (Mme Hovington): Voulez-vous nous
présenter votre équipe.
Mme Pothier-Picard: M. Claude Benoit, membre de l'exécutif
du Comité provincial, qui est aussi coordonnateur du français
langue seconde à son propre cégep, à John Abbott; Mme
Colette Noël, aussi membre de l'exécutif et enseignante au
cégep Champlain à Saint-Lambert, et aussi au cours de
français du bac international à son cégep; M. Joël
Richard, vice-président de l'exécutif, ancien coordonnateur
provincial et coordonnateur du Département des langues modernes du
collège Vanier, et Mme Sue Humphreys, enseignante au collège
Vanier et coor-donnatrice d'un CLEO, qui est un centre d'aide en
français au cégep Vanier.
La Présidente (Mme Hovington): Bonsoir, et bienvenue
à la commission de l'éducation. Vous avez 20 minutes pour
présenter votre mémoire aux membres de la commission.
Mme Pothier-Picard: Nous voulons dabord vous remercier d'avoir
accepté de nous convoquer. Nous essaierons de relever toutes nos
énergies pour bien démontrer notre cause. Notre démarche
auprès de votre commission s'inscrit tout d'abord dans le fait que nous
croyons fermement que les cégeps continueront d'exister globalement dans
leur forme actuelle, en faisant se côtoyer des élèves
d'orientations diverses. Nous sommes cependant conscients que des changements
s'imposent, et les nôtres, ceux que nous proposons, nous semblent
importants et urgents.
Notre mémoire est l'aboutissement d'un travail entrepris à
partir de 1990 par un groupement de professeurs de langues dans le but de
sensibiliser l'opinion publique et les autorités responsables sur ce que
Le Devoir du 6 novembre 1991 avait appelé «la grande
misère des langues [... ] au Québec». Pour notre
mémoire, nous nous sommes largement appuyés sur les
données qui
avaient été accumulées précédemment,
données auxquelles s'est ajoutée une recherche sur la situation
du français langue seconde et qui est en annexe à notre
mémoire. Évidemment, nous ne traitons ici que de la question du
français langue seconde, même si les autres langues connaissent
une situation semblable, puisque nous sommes tous logés à la
même enseigne, ce que d'aucuns, d'ailleurs, n'ont pas manqué de
trouver anormal.
Pour commencer, remontons à l'époque de la création
des cégeps dans les années soixante, et présentons
succinctement la place faite aux langues secondes dans l'ensemble des cours.
Les cours de tous les programmes ont été répartis en trois
groupes: cours du tronc commun, au nombre de 12, obligatoires, comme nous le
savons tous; cours de concentration, également 12 cours pour les
programmes préuniversitaires, ceux-ci au choix des étudiants et
soumis à des règles relativement flexibles; et, enfin, les cours
complémentaires, au nombre de 4. Seule règle officielle ici: ces
cours doivent être choisis en dehors des disciplines nobles de la
concentration et du tronc commun.
Dans l'esprit des concepteurs, ces catégories ne
représentent pas nécessairement une hiérarchie, mais voici
pourtant le message qu'elles véhiculent auprès des
étudiants. Cours obligatoires, ça veut dire importants,
incontournables. Ce sont: la langue maternelle, la philosophie et
l'éducation physique. Le français langue seconde ne fait pas
partie des priorités ainsi définies. Venaient ensuite les cours
de la concentration, évidemment à prendre au sérieux.
Quelquefois prescrits dans certains programmes, donc aucun choix, mais pour
plusieurs il est permis de changer de concentration plusieurs fois. Le
français langue seconde peut, jusqu'en 1990, être choisi dans
cette catégorie par les élèves de quelques programmes
seulement: sciences humaines, lettres et arts. Il nous faut dire que c'est
traditionnellement auprès des étudiants des sciences humaines que
nous allions chercher le plus grand nombre d'inscrits. Enfin, on parlait de
cours complémentaires. Et c'est là que le français langue
seconde trouve sa place pour la plupart des programmes, y compris maintenant
pour les sciences humaines, c'est-à-dire depuis 1990.
Si on doutait encore de l'impact des structures sur les décisions
des étudiants, rappelons que l'introduction de la nouvelle grille des
sciences humaines a causé, dès la première année de
son application, une chute de 47 % des inscrits de ce programme en
français langue seconde. Ils prenaient davantage de cours de
français quand ils faisaient partie de la concentration et, maintenant,
ils les délaissent en complémentaire. Il faut se demander
pourquoi. Le français langue seconde est une discipline s'inscrivant
dans une continuité, demandant un suivi, des connaissances
préalables pour tous les niveaux sauf celui de débutant. Et,
évidemment, il entre en compétition avec d'autres cours qui, eux,
n'exigent ni préalables ni continuité. (17 h 10)
II y a également une tendance récente à utiliser
les cours complémentaires pour des cours de mise à niveau dans
plusieurs disciplines de concentration, ce qui réduit d'autant cet
espace sans gloire réservé au français langue seconde. On
pourrait donner ici l'exemple d'élèves en commerce, par exemple,
qu'on oblige fréquemment à suivre des cours d'appoint en
mathématiques ou en informatique. Nous avons entendu, tout à
l'heure, le directeur général de l'Université de
Sherbrooke, par exemple, soumettre un projet qui nous semble très
intéressant d'étudiants en sciences humaines qui pourraient
prendre des cours en techniques. Où pensez-vous qu'on prendra ces deux
cours, si ce n'est au niveau des cours complémentaires? En somme, la
place du français langue seconde se situe dans le dernier niveau de la
structure des cours, le parent pauvre, celui qui n'est aucunement
valorisé et qui véhicule, dans sa terminologie même, un
jugement de valeurs. Cours complémentaire égale cours accessoire
égale sans grande importance! De plus, il est en compétition avec
des cours d'introduction à une matière qu'ils n'auront pas besoin
d'approfondir. Notre mémoire fait référence à des
cours tels que chimie du vin, canot-kayak, espagnol I, etc.
Voilà quelques-unes des raisons qui expliquent qu'à peine
1 élève sur 7 s'est inscrit dans les cours de français
langue seconde à l'automne 1991, et, pour ce qui est de ce semestre - je
peux parler de mon propre cégep - sur 7000 étudiants, au
collège Dawson, c'est au-dessus de 700 qui prennent des cours de
français langue seconde; donc, 1 sur 10. Et, c'est le même cas
pour l'anglais langue seconde; 1 sur 10 présentement. Nous ne faisons
pas ici la défense de l'anglais, bien sûr, mais ils subissent les
mêmes obstacles et vivent dans les mêmes structures.
Nous formons de futurs travailleurs sociaux, psychologues, intervenants
de toutes sortes, en santé, en techniques, qui n'auront pas eu de
contact formel avec la langue du pays pendant plusieurs années, parfois,
depuis la fin du secondaire. On nous a souvent posé la question
suivante, notamment nos représentants de la DGEC, même Mme la
ministre elle-même: Est-il justifié de continuer à offrir
des cours de français langue seconde au cégep? Autrement dit, nos
élèves ont-ils terminé de façon satisfaisante leur
formation en langue, à la fin du secondaire? Sans vouloir être
facétieux, nous répondons par une question: Nos
élèves ont-ils terminé de façon satisfaisante leur
formation, en quelque matière que ce soit, à la fin du
secondaire? Savent-ils tous écrire correctement leur langue maternelle
ou lire un énoncé simple, voire un énoncé complexe,
posséder un vocabulaire fourni et nuancé, une syntaxe correcte,
et ainsi de suite?
Pour répondre sérieusement à la question initiale,
nous avons interrogé les chiffres fournis
par le ministère. Ils nous apprennent que, parmi les finissants
du secondaire anglophone, une majorité comprend bien le français,
une moitié le parle, mais une faible minorité seulement
l'écrit et le lit. Bref, une demi-génération
d'analphabètes plus ou moins fonctionnels en français. Retournons
alors la question: Est-il justifié de cesser l'enseignement du
français langue seconde au cégep? Une langue étant un
ensemble d'habiletés, les acquis seront perdus si les
élèves ne sont pas exposés à un minimum de
renforcement. Peut-on s'attendre à ce qu'un finissant du
collégial ou de l'université, qui n'aurait ni voulu, ni eu
à suivre un cours de langue seconde, donc, après 2, 3, 4 ou
même 5 ans, puisse performer de manière fonctionnelle, autant
à l'écrit qu'à l'oral, alors que les natifs mêmes de
la langue n'y parviennent que difficilement?
On a tenté de nous démontrer qu'avec les nouveaux
programmes révisés du primaire et du secondaire les
élèves nous arriveraient au cégep mieux formés aux
environs des années 1997. Or, comme nous l'avons dit, la question n'est
pas là. La question est de savoir s'il est normal d'abandonner le
français après le secondaire, quel que soit le niveau atteint par
l'élève. D'un côté, nous apprécions
l'excellent travail que font les enseignants des ordres primaire et secondaire.
Nous sommes cependant convaincus que la place dérisoire qu'on accorde au
français langue seconde dans l'enseignement collégial sape leurs
efforts et démotive les élèves, et, souvent, leur objectif
premier devient de réussir les examens de fin du secondaire. Peut-on
blâmer ces enfants de ne pas voir plus loin, quand les adultes, qui
façonnent leur avenir, souffrent eux-mêmes de myopie
caractérisée? Une autre question peut-être qu'on peut se
poser, qu'on peut nous poser. Est-ce qu'en dehors de nous, les professeurs de
français langue seconde et d'anglais langue seconde, il y a quelque
organisme ou quelque part quelqu'un qui aurait les mêmes revendications
que nous? Cette question nous ayant été très
officiellement posée, nous avons mené, dès le printemps
dernier, une enquête auprès des entreprises, enquête jointe
à notre mémoire et dont Mme Noël vous entretiendra dans
quelques instants.
Nous avons pu constater, ainsi, que nos arguments étaient
solidement ancrés dans la réalité d'aujourd'hui, ce que
d'autres mémoires, d'ailleurs, sont venus renforcer, et peut-être
d'autres que nous n'avons pas encore entendus, mais nous avons bien pris
connaissance des recommandations de la Fédération des
cégeps, du Conseil des collèges, de la Coordination provinciale
de l'anglais langue seconde, d'Alliance Québec et d'autres encore.
À ce stade-ci, il nous semble pertinent de relever ce que les
entreprises elles-mêmes définissent comme étant leurs
besoins en compé tence linguistique. Mme Noël.
Mme Noël (Colette): Oui. J'aimerais vous entretenir
brièvement des besoins de l'entreprise en langue seconde. Les
entreprises ont besoin de gens capables de communiquer oralement mais aussi par
écrit et ce, même à des niveaux subalternes. Lors d'une
émission récente portant sur l'économie et diffusée
sur les ondes de Radio-Canada, un cadre de la compagnie Pratt & Whitney, de
Longueuil, a bien illustré cette réalité. Jusqu'à
récemment, expliquait-il, l'organisation du travail dans la grande
entreprise se basait sur la chaîne de montage. L'ensemble des
opérations nécessaires à la production était
parcellisé et on demandait à l'ouvrier d'accomplir une
tâche bien précise, toujours la même, qu'il apprenait sur le
tas. La bonne marche de tout ce système était assurée par
un réseau complexe de supervision. De plus en plus, l'entreprise,
surtout dans les secteurs de pointe, abandonne ce type de division du travail
au profit maintenant des équipes de production, auxquelles on assigne
des objectifs globaux de production. Les membres d'une équipe sont
appelés à accomplir des tâches plus diversifiées
qu'avant, plus diversifiées que sur la chaîne de montage, et
participent à plusieurs étapes de la production. Leur motivation
s'en trouve accrue et, par là, évidemment, leur
productivité. Mais une conséquence de cette nouvelle organisation
du travail qu'il ne faut pas oublier, c'est que l'efficacité de la
communication revêt une plus grande importance qu'avant, bien plus
grande, et ce, à tous les échelons de la production, depuis
l'ouvrier jusqu'à l'ingénieur ou le chef de service, en passant
par les techniciens.
Dans l'entreprise, aussi bien la petite que la grande, l'ordinateur, on
le sait, devient omniprésent. Le courrier électronique, les notes
de service, les messages aux clients ou entre employés, tout cela
appelle une maîtrise de la langue écrite autant que de la langue
parlée. Quand on se situe dans cette perspective, que veut dire
«préparer les leunes povir le marché du travail»? Ce
qui est sûr, c est que les entreprises au Québec s'attendent
à recevoir des candidats qui soient beaucoup plus que simplement
fonctionnels en langue seconde.
En janvier 1992, le Centre de linguistique de l'entreprise
présentait un mémoire à la commission des affaires
sociales sur le développement de la main-d'oeuvre, il
dénonçait l'absence d'une réelle préoccupation au
sujet des dimensions linguistiques de la formation. Ceci est une aberration,
alors que toutes !es études récentes démontrent les
carences sérieuses dans la compétence en langue première
et en langue seconde de toutes les catégories de la main-d'oeuvre
québécoise. Mais, souligne le mémoire, l'effort sera vain
si le système scolaire ne se préoccupe pas en priorité et
d'une manière significative de l'amélioration de la formation en
langues première et seconde, autant en quantité qu'en
qualité. Les emplois intéressants exigeront presque tous des
aptitudes à la communication
et, au Québec, cette exigence passe par les langues
française et anglaise. Il y va de notre avenir économique. (17 h
20)
Afin d'appuyer ces constatations, le Centre de linguistique de
l'entreprise a décidé de mener un sondage auprès de
grandes entreprises établies au Québec et qui regroupent
près de 85 000 personnes. Il ressort clairement de ce sondage que les
entreprises sont très sérieusement préoccupées par
les performances linguistiques de leurs employés et y associent
étroitement leur réussite dans les milieux économiques.
Les commentaires recueillis lors de ce sondage confirment nettement,
premièrement, que la compétence en langues première et
seconde est un critère important d'embauché et,
deuxièmement, qu'un grand nombre d'entreprises évaluent les
connaissances linguistiques des candidats, et ce, dans presque tous les types
d'emplois.
Une autre recherche menée, celle-là, par une professeure
de l'Université du Québec à Rimouski et qui porte sur les
perceptions et attentes du monde du travail à propos de l'utilisation du
français au travail nous présente des données qui
concordent avec celles du Centre de linguistique de l'entreprise. On y apprend
que près de 90 % des entreprises possèdent des exigences
linguistiques officielles pour l'embauche de leurs employés;
deuxièmement que les entreprises considèrent que
l'incapacité d'écrire le français correctement est un
obstacle à la promotion et que, conséquemment, les
employés forts en communication ont plus de chances d'avancement.
Sur un autre plan, un des ministères du gouvernement du
Québec, employeur important s'il en est un - on en est tous conscients
ici -annonçait récemment une orientation nouvelle en ce qui
concerne l'embauche. Il s'agit de Revenu Québec qui, dans son programme
d'accès à l'égalité pour les membres des
communautés culturelles, mentionne, et je cite: «En ce qui a trait
aux anglophones, le gouvernement a annoncé la formation d'un
comité dont le mandat est de recommander des mesures pour favoriser
l'entrée en fonction de cette dernière clientèle dans la
fonction publique.» Fin de la citation. Comment peut-on espérer
que de jeunes anglophones soient embauchés par Revenu Québec ou
par n'importe quel autre ministère ou organisme public sans avoir une
solide formation en français, quand on sait que les communications
internes se font exclusivement en français et qu'une bonne partie des
communications se fait par écrit?
Pour terminer ce tour d'horizon, rien ne serait plus approprié
que de rappeler les compétences en communication exigées dans le
profil d'employabilité qu'a développé le Conference Board
du Canada et qu'on peut qualifier, dirions-nous, de cruciales. Je cite.
«Les employeurs canadiens ont besoin d'une personne qui peut comprendre
et parler les langues utilisées pour la conduite des affaires, lire,
comprendre et utiliser les documents écrits dont les graphiques,
tableaux et affichages, écrire clairement dans les langues
utilisées pour la conduite des affaires.» Fin de la citation.
Comme on le voit, il y a convergence entre les perceptions des
éducateurs que nous sommes et celles des employeurs qui, tous, insistent
sur la nécessité d'un renforcement de l'enseignement des langues
secondes, en particulier du français. Au niveau collégial, cela
passe par l'établissement de structures permettant cet enseignement.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, Mme Noël.
Alors, il vous reste à peine une minute.
Mme Pothier-Picard: C'est-à-dire que nous partageons les
20 minutes.
La Présidente (Mme Hovington): Oui, mais il reste une
minute sur votre temps. Ça passe vite, hein! À moins qu'il y ait
entente des deux côtés de la Chambre...
Mme Pothier-Picard: Non, ce n'est pas possible.
La Présidente (Mme Hovington): ...pour que vous passiez
vos 20 minutes.
Mme Pothier-Picard: Ce n'est pas possible. La
Présidente (Mme Hovington): Oui?
Mme Pothier-Picard: Je vois que ce n'est pas possible.
La Présidente (Mme Hovington): D'accord. Alors, vous
pouvez y aller, et vous prenez le temps qu'il vous faut.
Mme Pothier-Picard: Nous en avons peut-être pour cinq
minutes. C'est possible, ça?
La Présidente (Mme Hovington): D'accord, allez-y.
Mme Pothier-Picard: Merci. Comme le disait Mme Noël, ce que
réclament les entreprises, c'est un renforcement de l'enseignement du
français et c'est aussi ce que réclament, évidemment, les
organismes des milieux anglophones, ce dont nous parlera Mme Humphreys.
Mme Humphreys (Sue): Ça va, mais je parlerai un peu vite,
alors! Alors, que dit la communauté anglophone de l'importance du
français langue seconde dans les études? Des nombreux programmes
d'immersion, tant au niveau primaire qu'au niveau secondaire, témoignent
de l'importance accordée à l'acquisition d'une compétence
en français. Or, comme le précise le mémoire des
collèges de langue
anglaise, en plus des efforts des écoles primaires et
secondaires, il faudrait une continuité, un renforcement, une
spécialisation au cégep des études de la langue
seconde.
Permettez-moi de vous rappeler la deuxième recommandation de ce
mémoire, et je cite: «Que le gouvernement du Québec
reconnaisse et appuie notre responsabilité particulière de
fournir des compétences linguistiques en français afin
d'encourager et de permettre à nos diplômés de participer
pleinement à la vie économique, sociale et politique du
Québec.» Fin de la citation.
Dans son rapport sur les besoins en formation en français langue
seconde des élèves du collégial qui est joint à
notre mémoire, Denyse Laniel nous parle d'un continuum harmonieux entre
différents secteurs: le primaire, le secondaire, le collège,
l'université, dans la préparation des élèves au
marché du travail. Elle précise que les employeurs deviennent de
plus en plus exigeants, que les entreprises cherchent des candidats plus que
fonctionnels, mais qu'elles ont de la difficulté à trouver des
candidats compétents en français. Rappelons le profil
d'em-ployabilité développé par le Conference Board du
Canada dont vient de parler Mme Noël.
M. Yves Bouchereau, président du Centre international
linguistique Bouchereau inc., confirme comme tendance en formation
linguistique, et je cite de nouveau: «nettement plus de communication
écrite qu'autrefois, incluant la rédaction en langue seconde et
en langue première, et, pour tous les niveaux en communication orale,
l'acquisition d'un vocabulaire spécialisé.» Fin de la
citation.
Mais comment munir nos diplômés d'outils nécessaires
pour exercer leur profession en français, comme le veulent les
collèges anglophones? Comment préparer les élèves
des programmes professionnels? Suite aux récentes réformes des
programmes professionnels, trois programmes se sont vu ajouter des cours de
français obligatoires: les techniques de bureau, l'informatique et le
tourisme. C'est peu, mais c'est une initiative dans la bonne direction. Il y a
eu des tentatives de notre part de mise sur pied de cours de langue de
spécialité pour d'autres programmes, tels que les soins
infirmiers, les sciences naturelles, les sciences de l'administration. Mais,
pour y parvenir, il a fallu de longues négociations entre le
comité provincial de français langue seconde et la DGEC ou bien
des ententes locales qui ne remplacent jamais une véritable inscription
dans les structures mêmes des programmes.
Que les cours de spécialité soient des cours obligatoires
ou complémentaires, il y a le problème actuel des cours de mise
à niveau qui ne sont pas toujours crédités dans le
programme des élèves. Or, ces cours répondent à des
besoins précis et entrent tout à fait dans la ligne des cours
proposés dans le rapport préparé par Alliance
Québec sur les possibilités d'emploi des jeunes d'expression
anglaise au Québec. Ce rapport décrit un milieu de travail de
plus en plus compétitif pour lequel il faudrait faire davantage pour
assurer des compétences adéquates en français, il demande
qu'il y ait plus de possibilités de suivre des cours de français
au collégial et que l'on crée des programmes spéciaux pour
les personnes ayant une faible maîtrise du français. Il rappelle
que la continuité des études du français au
collégial est important pour renforcer la motivation de suivre des cours
de français au secondaire et pour empêcher que les jeunes qui ont
fait de l'immersion ne perdent confiance en leur capacité de s'exprimer
en français lorsqu'ils obtiennent leur diplôme
collégial.
Nous croyons, comme Alliance Québec, que les mentalités
devraient changer pour encourager les anglophones et les allophones à
continuer leurs efforts d'apprentissage. Nous aimerions que les politiciens
fassent leur part aussi pour faire en sorte que, une fois terminées
leurs études collégiales et/ou universitaires, ces jeunes
choisissent de faire profiter le Québec de leurs compétences et,
ainsi, de contribuer à l'avenir de la société
québécoise.
Mme Pothier-Picard: II faut bien admettre, cependant, que
l'apprentissage de la langue n'est qu'un des moyens permettant la pleine
participation des jeunes allophones et anglophones dans la
société québécoise, mais c'en est un de
première importance. Le système collégial se doit de le
leur offrir. En conséquence de quoi, nous faisons les recommandations
suivantes.
M. Benoit (Claude): II est indispensable de faire une place
importante à l'enseignement de la langue seconde, surtout lorsqu'il
s'agit du français. Chaque élève, dans chaque programme du
collégial, doit pouvoir poursuivre son apprentissage de la langue
seconde autrement que par le biais des seuls cours complémentaires II
faut que tous les moyens pratiques soient mis en oeuvre pour permettre
l'apprentissage continu des deux langues. Le ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Science doit fournir aux institutions les structures
et les ressources nécessaires à leur enseignement. Il faut qu'on
s'assure que les élèves pourront atteindre le niveau de
performance en français qui leur permettra de faire face aux exigences
posées par le marché du travail ou par leur orientation
universitaire.
Une des avenues possibles pour parvenir à cette fin nous
paraît indiquée dans la recommandation du Conseil des
collèges qui propose deux cours obligatoires de langue dans le bloc de
la formation fondamentale. Pour nous, il s'agirait en priorité de cours
de français langue seconde. (17 h 30)
La Présidente (Mme Hovington): Ça va? Merci
beaucoup. Alors, la parole est à Mme la ministre.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Hovington): Vous avez 15 minutes, de
chaque côté.
Mme Robillard: Parfait. Je voudrais d'abord remercier les membres
du Comité provincial de coordination des programmes de français
langue seconde au collégial d'être venus nous présenter
leurs recommandations. Je connais, je dirais, la persévérance et
l'engagement de votre groupe ou du groupe d'enseignants du français
langue seconde au Québec. J'utilise ces deux mots-là à
escient: la persévérance et l'engagement. Vous le savez, nous
avons eu des contacts dans le cadre de la révision du programme de
sciences humaines, où vous avez fortement essayé de me vendre
l'idée d'avoir des cours de français langue seconde à
l'intérieur du bloc de programmes, donc à l'intérieur des
cours de concentration. Mon point de vue était à l'effet que,
quand on regardait une concentration ou une spécialisation, on devait
donc la regarder avec ses objectifs de programme spécifique et non pas
dans un objectif de formation générale. Donc, j'ai maintenu le
cap à l'effet que, non, je n'étais pas pour insérer des
cours de français langue seconde à l'intérieur de cours de
concentration ou de spécialisation; il m'apparaissait que le
problème était ailleurs.
Aujourd'hui, vous me revenez avec une proposition qui est de dire: Nous
aimerions voir des cours de français langue seconde obligatoires
à l'intérieur de la formation générale. Alors,
là, je vous dis mon ouverture à regarder avec vous cette
possibilité-là. C'est pour ça que je soulignais votre
persévérance et votre engagement, et je veux vous en
féliciter, parce qu'il est très clair que, pour toute la
communauté anglophone du Québec et pour de plus en plus de nos
groupements allophones qui s'ajoutent à notre société
québécoise, la maîtrise de la langue française
devient un outil indéniable d'intégration à notre
société.
Ceci étant dit, j'aimerais ça revenir à vos
propositions spécifiques, d'autant plus que monsieur, en terminant,
disait très clairement: Nous, on est prêts à accepter la
proposition du Conseil des collèges dans la formation
générale. Mais je veux bien être claire avec vous, de
mémoire - je n'ai pas l'avis du Conseil des collèges avec moi -
je pense que le Conseil des collèges nous recommande, dans la formation
générale, d'avoir, donc, une thématique langue moderne.
Vous, ce que vous me dites, est-ce que c'est bien ça? Nous sommes
d'accord avec la proposition du Conseil des collèges, mais que ce soit
langue seconde, d'abord et avant tout. Est-ce que c'est ça que j'entends
de votre groupement?
M. Richard (Joël): oui, je pense que vous entendez bien.
c'est ça que nous disons parce que, pour nous, il y a d'abord une
question de priorités à établir. cela ne veut pas dire que
nous ne serions pas heureux que les autres langues modernes soient aussi
étudiées à un autre niveau qu'au niveau des cours
complémentaires qui les éliminent elles aussi. Néanmoins,
notre mandat, ici, aujourd'hui, était de représenter le
français langue seconde, donc nous parlons au nom de la langue seconde
qui nous apparaît comme une priorité dans le système du
reseau anglophone.
Mme Robillard: Donc, vous seriez d'accord... Si je comprends
bien, votre proposition est à l'effet d'avoir deux cours obligatoires de
français langue seconde à l'intérieur de la formation
générale?
M. Richard (Joël): Ce qui est important pour nous, avant
toute chose, c'est de répondre aux besoins réels de nos
étudiants. Il se peut que, pour un certain nombre d'étudiants,
deux cours de français langue seconde ne soient pas suffisants. On
n'aura pas réglé tous les problèmes ainsi. Il faudrait
donc imaginer un système, des structures suffisamment flexibles pour
répondre aux attentes, aux besoins réels de toute une
clientèle. Nous avons des étudiants qui arrivent à des
niveaux débutants, d'autres qui ont besoin de se perfectionner au niveau
de l'écrit, par exemple. Donc, il faut répondre en offrant un
certain nombre de cours. Deux n'y suffiraient peut-être pas. Alors, la
proposition que nous reprenons est une avenue possible qu'il faudra explorer,
et il y en aurait peut-être d'autres aussi. En ce sens-là,
l'approche programme, en particulier pour la formation professionnelle, nous
intéresse beaucoup, il y a déjà eu un certain nombre de
suggestions qui ont été faites dans les programmes qui ont
été révisés. Il y a des cours de français
obligatoires qui sont inscrits, et je pense qu'il faudrait continuer. C'est
sûr, c'est ce qui nous apparaît.
Mme Robillard: Est-ce que...
M. Richard (Joël): Excusez-moi. La dernière chose,
c'est que pour d'autres programmes, par exemple préuniversitaires, il se
peut que la réponse, aussi, ça soit au niveau de la concentration
même.
Mme Robillard: Est-ce que, dans votre réflexion, vous
êtes allés jusqu'à regarder la possibilité d'avoir
un cours de français langue seconde plus adapté au programme
visé?
M. Richard (Joël): Vous parlez des cours de formation
professionnelle particulièrement?
Mme Robillard: Non, même en cours préuniversitaires
selon le programme, parce qu'il y a différents programmes aussi en
préuniversitaire, est-ce que vous voyez des cours de langue
adaptés à ce programme-là?
M. Richard (Joël): Oui, bien sûr. Lorsque nous avons
travaillé avec la DGEC à l'élaboration, par exemple, de
cours qui se destinaient particulièrement aux étudiants de
sciences humaines, nous avions fait un certain nombre de cours qui nous
semblaient répondre plus particulièrement aux attentes des
étudiants en sciences humaines. Et nous avions recommandé, si je
me souviens bien, un certain nombre de cours et, en dernière
étape, quatre particulièrement dont un seul a été
retenu finalement.
Mme Robillard: Maintenant, est-ce que votre réflexion vous
a amenés jusqu'à regarder tout le bloc dans son ensemble de
formation générale? Parce que vous n'êtes pas sans savoir
que la plupart de nos intervenants, y compris le Conseil des collèges,
nous demandent de conserver le même nombre d'unités à
l'intérieur de la formation générale; cours obligatoires
et cours complémentaires ensemble, mais le même nombre
d'unités. Alors, c'est très clair que, si on ajoute un cours de
français langue seconde, il faut déplacer quelque chose d'autre,
n'est-ce pas? Il faut faire des choix. Est-ce que vous êtes allés
jusque-là? Et, si oui, lesquels?
Mme Pothier-Picard: Je crois qu'il ne nous appartient pas
beaucoup de se faire des ennemis et de dire que tel cours ou tel cours devrait
tomber. Je peux parler pour le passé dans mon propre collège. Au
début des collèges, de l'existence de mon collège, on se
battait pour le ratio en classe, par exemple, ce qui a fait qu'on a dû
s'opposer à d'autres départements pour défendre notre
position que, en langues, on devait avoir un ratio inférieur à
tous les autres. On a bien accordé un petit privilège, mais avec
les années il s'est érodé assez facilement parce que ce
sont des choses qui ne se font pas, de se représenter soi-même.
Alors, dans ce cas-ci, je pense que nous serions très malvenus de
proposer d'enlever quelque chose. On aurait été plutôt
favorable à un élargissement de la formation fondamentale
qu'à un rétrécissement.
Mme Robillard: Si je comprends bien, Mme Picard, vous me laissez
le problème. Par ailleurs, votre proposition tourne beaucoup autour de
cours obligatoires de français langue seconde. Je me demandais si vous
aviez aussi envisagé d'autres moyens que des cours pour améliorer
la performance des jeunes en français.
Mme Pothier-Picard: Je veux d'abord dire quelque chose par
rapport à la question précédente, qui est quelque chose
qui devrait être dit. C'est qu'on a tenté les expériences
de langues de spécialité et même de langues en sciences
humaines où on aurait un contenu spécifique en sciences humaines.
Dans un gros cégep comme le mien, ça va; on peut aller chercher
une clientèle suffisante pour intéresser un groupe donné
à un niveau donné à ce sujet. Mais dans un cégep de
plus petite taille... Et on commence à le vivre même chez nous
parce que, quand on n'a que 700 inscrits qui se placent au niveau
débutant I - on peut considérer quelque chose comme huit niveaux
de cours - c'est d'aller chercher quelqu'un qui soit au même semestre, au
même niveau et capable de recevoir cette langue de
spécialité. On parle de langues de spécialité, pas
seulement au secteur des carrières mais aussi, ce dont vous parliez
tantôt, au secteur général. Donc, on pourrait en donner, de
ces cours, mais ça devient très difficile à administrer en
termes de division de clientèle. (17 h 40)
Alors, pour revenir aux moyens incitatifs que nous avons pour encourager
les élèves à s'améliorer en français, oui,
sur notre temps libre nous faisons tous du bénévolat et nous
mettons à l'affiche plein d'activités pour les
élèves. Présentement, nous avons une nouveauté dans
nos cégeps, et nous en remercions les gens de la DGEC qui s'occupent de
mettre sur pied ces CLEO, ces centres d'aide, en fait. Nous en sommes dans la
phase totalement initiale. Les cégeps de langue française en ont
depuis plusieurs années, et c'est un système qui semble assez
bien rodé. Alors, nous commençons à en mettre sur pied, et
le collège Vanier est un précurseur dans ce sens-là, un
pionnier. À Dawson, nous allons aussi avoir, à la prochaine
session, un CLEO. Mais il est beaucoup basé sur du
bénévolat, et il n'est pas accrédité dans notre
travail. Autrement, c'est plus difficile de faire ce genre d'incitation.
Mme Robillard: Je vous remercie, Mme Picard.
La Présidente (Mme Hovington): M. le député
d'Abitibi-Ouest
M. Gendron: Oui, je voudrais vous remercier effectivement d'avoir
choisi la tribune qui vous était offerte de revoir, comme d'autres, les
structures du collégial. Et vous avez été très
honnête en disant qu'essentiellement votre mémoire traite d'une
question que vous jugez majeure, importante. Vous l'avez bien fait, d'autant
plus que d'entrée de jeu vous nous avez indiqué que, dans la
plupart des programmes professionnels aussi bien que préuniversitaires,
la langue seconde, donc, ici, le français langue seconde, ne trouve pas
de place parmi les quatre cours complémentaires. Vous avez
indiqué que c'est une situation que vous avez toujours
dénoncée, profitant de tous les forums qui vous étaient
offerts.
La ministre, d'entrée de jeu, a également indiqué
qu'elle vous louange pour votre courageuse persévérance et votre
engagement sans précédent. Et il a semblé avoir un
début de
mouvement dans une décision quelconque. Quant à votre
mémoire comme tel, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, vous avez
fait un bel exposé sur la situation générale, qui n'est
pas rose; c'est un cri d'alarme. Vous avez fait un exposé sur la
situation du collégial, toujours par rapport au français langue
seconde ou inversement pour les francophones au niveau anglophone. Vous avez
fait un exposé sur des aspects spécifiques de la
problématique. Vous avez un bon témoignage des entreprises, puis
vous me dites, entre autres, dans le résumé, ce qu'on
déplore; je le comprends bien. Ce que les jeunes découvrent sur
le marché du travail, je pense que je n'ai pas de trouble à bien
le comprendre. Puis vous concluez en disant: Ce qu'on demande, c'est un nouveau
régime pédagogique reconnaissant l'importance de la langue
seconde.
Alors, je ne veux pas, moi non plus, me désengager de mes
responsabilités de porte-parole en matière d'éducation au
nom de l'Opposition officielle. Mais une chose est claire, il semble que
ça fait plusieurs années que vous répétez la
même chose. De plus en plus, je pense, dans le contexte dans lequel nous
vivons, il y a lieu d'avoir une meilleure connaissance d'une langue seconde. Si
on est francophone, c'est important d'avoir une meilleure connaissance de la
langue anglaise, et inversement pour les cégeps anglophones dans le
contexte dans lequel nous vivons. Mais ce que vous venez nous dire, c'est que
la réalité ne correspond pas à ce qu'on fait croire aux
jeunes en termes de réalisme. Et je ne peux faire autrement que de vous
dire: Merci de nous avoir rappelé combien ce serait important d'apporter
les correctifs requis.
Dans la recommandation du Conseil des collèges, il semble avoir
un début d'ouverture puisque, dorénavant, on envisagerait que,
dans le tronc commun de formation de base, il y aurait effectivement des
dispositions qui offriraient plus de sécurité dans l'avenir et un
meilleur apprentissage de la langue seconde.
Moi, je n'ai pas de question particulière à vous poser, et
je n'ai pas de problème. Je trouve que vous avez bien exposé
votre affaire. C'est clair, c'est net. Je vous félicite d'avoir choisi
à nouveau de venir l'exprimer haut et fort, et j'espère que, dans
l'ensemble des décisions qui devront être prises, il y aura une
place pour essayer d'aller dans une voie de solution, parce que je partage la
problématique. Mais nous n'en sommes plus là. Selon ce que je
comprends, le moment est venu de conclure, entre guillemets - parce qu'on ne
conclut jamais - et de vous demander peut-être d'être vigilants
plutôt que persévérants dans ce qu'on prendra comme
décisions pour s'assurer que ça correspond à ce que
voulez. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. le
député de Jacques-Cartier.
M. Cameron: Merci, Mme la Présidente. Well, I would like
to begin by, of course, saying that I recognize that you are all engaged in an
admirable and heroic enterprise. It is admirable, of course, because language,
whether we are talking about French or English, is the basis of civilization
itself, and it is heroic because, by the end of this century, I think we all
know that both languages are under all kinds of new and peculiar threats from
popular culture, electronic media and a great number of other things.
But the point that I particularly would like to raise is that I cannot
help but say that if you wanted an immediate invigoration of French instruction
and support for French and heavy enrollment in it in places like anglophone
colleges, surely one of the most effective means you could provide would be to
become passionate opponents of Bill 178. After all, as long as the situation
exists where this kind of legislation is found, for many, many young
Anglophones in places like John Abbott College, or Dawson College, or something
of that kind, they are not hostile to French, they are not even hostile to
Québec, they are simply skeptical about the possibility that they will
ever be working in Québec. And when they look at legislation and when
they look at a situation like tliat, they would say, even if they studied a
foreign language or a second language or whatever is the appropriate term, that
they might be better advised to learn German or Japanese or Portugese than
French, in terms of what they might be selling to or doing business with in the
future.
That, in fact, is one of the reasons that I mention the political
factor, because there will surely always be a problem with French, in
Québec, no matter how widely it is used, no matter how completely it is
accepted in business and industry and so on, and that is that, ultimately, the
size of the Québec internal market is simply not that large. The
situation for everyone here, whether they are a native Francophone or an
Anglophone or an arrival from outside, allophone, whatever you want, is that
they will not just be facing the famous North American sea of English but other
world markets with other world languages, in all cases spoken by tens of
millions of people. Therefore, the attractions of French must be different.
They must be the attractions of the idea that this is a homeland, this is a
place to live, this a society people feel they belong in, a place they like, a
place where they think there is something especially appealing about French.
Many Anglophones feel that. There are many young ones who still do, as I am
sure you know from your actual experience with students. But would you not
agree that the political situation is one of the most important problems you
are facing, if, in fact, French is to achieve the significance
you would like it to have?
M. Benoit (Claude): No. M. Cameron: Ha, ha, ha!
M. Benoit (Claude): I do not agree. I think that... I feel very
bad about... I have been teaching at John Abbott for 15 years and, when I
consider that only 700 students out of 5000 have the opportunity to take French
at the cegep level, I feel bad about that. I think that something should be
done, and it is not a matter of changing some laws, I think that it is a matter
of putting things into perspective for the students. I know that, for instance,
if you have only eight teachers, or seven and three quarters teachers teaching
French in a college with 5000 students, how can you manage, you know, to have
all the students fit a French course in their schedule? Even if that student
wants a French course, when is he going to take it?
M. Cameron: I would agree about that, but, after all, the level
of hiring of French teachers in not just John Abbott but in the other anglo
cégeps, not so much now, where we have become rather fixed, but
especially in the early years of the 1970s, which were the years in which
people began to see the situation, they were certainly ones where, if there had
been a massive push from the English-speaking community to enroll at the cegep
level in French courses, there would have been more pressure within the
cégeps to change that proportion. The proportion that was established at
the beginning stayed there because, in fact, the demand stayed at that level
and sometimes was not even all that high at that level, as you know. And that
seems to me to be directly connected with the political situation. (17 h
50)
M. Benoit (Claude): Well, for the past 15 years, the clientele
taking French courses at John Abbott never changed. We have about the same
number of students, we have about the same number of teachers.
M. Cameron: That is right. But the cegep system came into
existence to all practical purposes in years coincident with this changing
position for the Anglophone community. So, the fact that it stated constant
throughout these years does not reveal very much.
Mme Humphreys: May I talk about different cégeps and
colleges where there has been a rise and there was an increase in our home and
in French forces at one point and, now, that is no longer the case, partly
because of the change in the social science program. I think that yes, of
course, the cégeps have evolved over the years some Anglophones have
left the province. Quite a few have stayed and I think that the young people
now who are here have a practical outlook they would like to find training,
they would like to find jobs. They have had, many of them, a good funding, at
least in the oral skills in French, at the elementary and high school levels,
so that we have seen a change now that the immersion program has been in
existence a number of years. Now, at the cegep, what we would like to offer
them is a brushing-up of their written skills and then, a more specialized
approach to whichever feel their interest lies in. And, this is what certainly,
I think, is a large part of our position we are presenting here today. Let us
continue the preparation, let us specialize it, let us help students and then,
also, yes, let us perhaps sensitize employers too to the fact that, for certain
jobs, Anglophones, Allophones, with good French language skills, could find
employment and do a very good job as well.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, Mme Humphreys. Mme
la ministre.
Mme Robillard: Oui. Il me reste simplement à vous
remercier, mesdames et messieurs, d'être venus partager avec nous votre
volonté et votre ferme engagement à vouloir continuer à
enseigner le français langue seconde chez nous, au Québec. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): II me reste à vous
remercier, au nom des membres de la commission de l'éducation,
d'être venus présenter votre mémoire aujourd'hui. La
commission de l'éducation suspend donc ses travaux jusqu'à 20
heures ce soir. Bonsoir, tout le monde.
(Suspension de la séance à 17 h 53)
(Reprise à 20 h 6)
La Présidente (Mme Harel): Nous allons débuter nos
travaux. Je déclare la séance ouverte et j'invite
immédiatement les porte-parole de l'Association des commissaires
industriels du Québec à prendre place. Il s'agit, je crois, de M.
Serge Côté, président de l'Association, et de M.
Jean-Maurice Savard qui est membre du conseil d'administration. Alors,
messieurs, bienvenue et bonsoir, et je vous inviterais immédiatement
à procéder à la présentation de votre
mémoire.
Association des commissaires industriels du
Québec (ACIQ)
M. Côté (Serge): Merci. Mme la ministre, Mmes et MM.
les députés, membres de la commission, l'Association des
commissaires industriels du Québec tient à vous remercier d'avoir
invité notre organisme à venir vous présenter son
mémoire. Notre association et ses membres
professionnels oeuvrent au développement économique depuis
plus d'une trentaine d'années. En font partie des corporations de
développement économique qui regroupent environ 800
municipalités du Québec. Grosso modo, notre association regroupe
environ 200 membres professionnels qu'on retrouve dans 113 corporations de
développement.
Nous tenons à préciser que les activités des
corporations de développement économique ne se limitent pas
uniquement au niveau industriel, mais nous avons des champs d'activité
diversifiés comme le commerce, le tourisme, le développement des
ressources naturelles. La diversification de notre mandat résulte
principalement de la volonté municipale d'assurer un
développement intégré et harmonisé des ressources
du territoire. Donc, les corporations de développement économique
sont des mandataires du développement économique, mandat qui nous
est dévolu par les élus municipaux qui sont les ultimes
responsables du développement économique de leur territoire.
Les CDE, par l'entremise de leur association provinciale, se devaient de
produire un mémoire devant la commission parlementaire de
l'éducation chargée de procéder à la consultation
générale sur l'enseignement collégial
québécois afin de souligner l'apport important des
collèges au développement économique des régions.
Donc, ce soir, nous allons vous parier de développement
économique. En ce qui a trait au niveau de l'enseignement, il y a des
autorités plus compétentes qui pourront en discuter, entre
autres, le Conseil des collèges.
Les collèges et le développement économique. Ce
qu'il faut comprendre, c'est que, en région, les collèges
représentent un véritable catalyseur au niveau du
développement économique, social, culturel et communautaire et
représentent souvent le seul intervenant d'enseignement postsecondaire.
Cependant, avant de devenir un véritable agent de développement
économique, le collège devra au préalable s'associer aux
intervenants du milieu pour ensuite identifier son degré de
participation au développement régional et, enfin, éviter
une attitude d'attentisme. Ce qu'on veut dire par là, c'est que les
collèges devront apprendre à être proactifs au lieu
d'être réactifs. Mais on fait une mise en garde, c'est qu'en
développement économique ou en développement
régional les cégeps n'ont pas à prendre le leadership; le
développement économique passe avant tout par les initiatives de
l'entreprise privée. Donc, les collèges n'ont plus le choix: ou
bien ils subissent des pressions du milieu à participer à des
actions de développement régional, ou bien ils prennent les
devants en devenant de véritables partenaires.
Comme vous le savez, au mois de décembre dernier, le ministre
responsable du développement régional, M. Picotte, a
annoncé une politique en matière de développement
régional. Cette politi-que-là ne règle pas tous les
problèmes, mais elle constitue néanmoins une amorce de solution
possible sur laquelle pourront s'appuyer les principaux décideurs
économiques régionaux. (20 h 10)
Je n'ai aucunement l'intention de passer en revue les grandes lignes de
la politique, mais ce qui est important, c'est que, suite aux plans
stratégiques qui sont actuellement développés en
région, d'où émergeront les grandes orientations de
chacune des régions du Québec, les cégeps devront
s'adapter et s'intégrer à ces orientations et ne pas nager
à contre-courant. Donc, que ce soit par l'entremise des centres
spécialisés, ou par des programmes de formation de la
main-d'oeuvre adressés à l'entreprise, ou ceux de l'alternance
études-travail, les collèges devront harmoniser leurs actions aux
priorités régionales identifiées dans les plans
stratégiques.
Pour vous donner un exemple d'harmonisation disfonctionnelle au niveau
des créneaux d'excellence dans les régions, vous avez, entre
autres, actuellement, au cégep du Vieux-Montréal, des cours qui
se donnent en technique du cuir, qui ne semblent pas démarrer faute de
participants. Vous avez, dans la région de Kamouraska, au-delà de
300 familles qui vivent uniquement du cuir. Je pense que le cours n'est
peut-être pas situé au bon endroit. On parle d'harmonisation, de
stratégie de développement; je pense que les collèges
devront éviter des situations disfonctionnelles.
On parie beaucoup de développement local. Bien sûr, la
stratégie de M. Picotte est axée sur le développement
régional, mais le développement régional, il a un
prérequis, c'est le développement local, c'est-à-dire que
les lignes directrices devront émerger des MRC ou des
municipalités. Le développement régional passe donc par le
développement local.
Qui dit développement local dit «entrepre-neurship»,
et c'est vraiment à ce niveau-là que les cégeps ont un
rôle important à jouer en offrant des programmes de formation
adaptés aux entrepreneurs afin de leur permettre de réaliser
leurs projets de démarrage et d'expansion d'entreprises. Comme la
majorité des emplois créés dans la province le sont dans
des petites et moyennes entreprises, les collèges devront donc s'adapter
rapidement à la réalité de
l'«en-trepreneurship». Je pense qu'il faut aller plus loin que
ça, dans le sens que les cégeps forment de très bons
techniciens, mais ils ne forment pas d'entrepreneurs. Il est peut-être
temps qu'on commence à véhiculer l'«entrepreneurship»
comme profil de carrière. De plus, comme sur 10 entreprises nouvellement
créées plus de la moitié fermeront leurs portes dans les
deux premières années de leur existence et qu'une seule d'entre
elles fêtera son 10e anniversaire, il est impérieux que les
collèges s'impliquent dans la formation des entrepreneurs tant au niveau
de la gestion que sur le plan technique.
Il existe actuellement dans quelques collèges
du Québec des initiatives très intéressantes sur
l'«entrepreneurship». Il suffit de penser au cégep de
Limoilou, au cégep de Saint-Jérôme. Je pense que les
cégeps devront diffuser ces informations-là, devront aider les
gens à former des animateurs. Il faut que l'information se rende
à la base et ne reste pas centrée que dans quelques
régions plus privilégiées.
Au niveau des objets de la consultation, votre consultation avait 11
objets. Nous, on s'est limités à seulement deux objets dont le
premier qui est le rôle des collèges dans les dispositifs de
développement de la main-d'oeuvre et les pratiques et les structures des
collèges en éducation permanente et en éducation des
adultes. Le gouvernement du Québec, depuis quelques années, nous
parle du développement de grappes industrielles. Il va falloir que, au
niveau de la formation aux adultes, ce soit harmonisé avec la
stratégie des grappes industrielles. Il va falloir aussi que les
cégeps apprennent à répondre rapidement aux besoins de
recyclage de la main-d'oeuvre. Lorsque vous avez une entreprise qui veut qu'on
forme une main-d'oeuvre en trois mois, il est utopique de lui offrir une
formation en un an et demi. Cette adaptation des programmes de la main-d'oeuvre
ne peut se faire en vase clos, d'où l'importance pour les
collèges de se concerter avec les différents partenaires
économiques de leur milieu afin de mettre de l'avant une conception plus
large de la formation de la main-d'oeuvre.
Formation sur mesure, formation en entreprise, il y a une
problématique. Elle se situe principalement au niveau de la
sollicitation des entreprises. La réalité de l'entrepreneur,
aujourd'hui, lorsque la formation est à la mode, c'est qu'il est
excessivement sollicité parce que tout le monde veut lui former sa
main-d'oeuvre dont, tour à tour, la CFP, le ministère de
l'Industrie, du Commerce, et de la Technologie, le centre de main-d'oeuvre, la
commission scolaire, le cégep, l'entreprise privée, tout le monde
va frapper à la porte de l'entrepreneur pour former son personnel.
Pendant ce temps-là, il ne fait pas ce dans quoi il est bon,
c'est-à-dire qu'il n'est pas là pour produire.
C'est sûr que les gens de la commission ici ne peuvent pas avoir
aucun contrôle sur certains ministères ou certains intervenants du
secteur privé. Par contre, il serait important, d'autant plus que, Mme
la ministre, maintenant vous avez la responsabilité des deux
ministères, de définir les mandats de deux ordres d'enseignement,
c'est-à-dire les cégeps et les commissions scolaires, au niveau
de la formation dans des entreprises. Est-ce que c'est normal qu'un
cégep donne des cours de WordPerfect dans une entreprise tandis que la
commission scolaire donne des cours de dessin assisté par ordinateur? Je
pense que, là, il devra, d'autant plus que ce
phénomène-là risque de s'accentuer en raison de la
nouvelle formule de crédit d'impôt... À l'épo- que,
il y avait la CFP, la commission de formation professionnelle, qui avait une
espèce de rôle modérateur, qui décidait dans quel
ordre d'enseignement l'entreprise allait chercher sa formation, mais ce
rôle-là va s'atténuer en raison des crédits
d'impôt et c'est maintenant l'entreprise qui va décider. Vous vous
imaginez que les commissions scolaires, les cégeps vont aller frapper
aux portes des entreprises pour leur offrir de la formation. Et nous, ce qu'on
souhaiterait, c'est un ménage dans les ordres d'enseignement. On
souhaiterait également, peut-être, un guichet unique au niveau de
la formation pour les entreprises, formation plus spécialisée, et
ça devrait être au milieu à définir quel est
l'organisme ou la formule à privilégier comme guichet unique.
En ce qui a trait au contenu et à la structure
générale des programmes d'études, toute réflexion
portant sur le contenu et la struture générale des programmes
d'études ne peut se faire sans tenir compte des principaux enjeux
économiques. Donc, au Québec, on a décidé d'axer,
avec les grappes industrielles, sur la performance économique et
commerciale. Donc, on va avoir besoin de plus en plus de techniciens, de
technologues et de scientifiques compétents.
Le défi de la mondialisation aura pour effet d'inciter les
collèges à offrir un enseignement dont ies principales
qualités devraient reposer sur la compétence, la capacité
d'adaptation et l'ouverture à la diversité. Donc, il faut que les
cégeps forment des gens flexibles et recyclables.
En ce qui a trait à la formation générale, l'ACIQ
est d'accord avec l'avis du Conseil des collèges que le temps est venu
de renforcer la formation générale afin de permettre aux
étudiants qui désirent obtenir un diplôme d'études
collégiales d'acquérir une formation solide et conforme aux
exigences d'aujourd'hui. Par contre, afin de demeurer compétitifs
à l'échelle internationale, on devra intégrer à la
formation générale des exigences basées sur des principes
comme la qualité totale, la protection de l'environnement, les
économies d'énergie. On parle aussi d'une meilleure
maîtrise des iangues vivantes et de la connaissance de l'informatique
comme outils de travail qui devront aussi être intégrés
à la formation générale afin de rencontrer les exigences
actuelles du monde du travail et de l'enseignement.
Une parenthèse sur la langue. À force de vouloir
améliorer la qualité du français, on a oublié
l'anglais. Avec le traité de libre-échange qui a
été signé, Canada, États-Unis et Mexique, je pense
que ce n'est pas le français qui sera la langue dominante dans ces
échanges. Est-ce que c'est normal qu'un jeune qui arrive à 16 ans
au cégep ne sache pas écrire? Est-ce que c'est au cégep
d'y remédier ou si ce n'est pas au niveau d'ordre inférieur, au
niveau secondaire, que le travail devrait être fait?
On devra également ne pas avoir peur de véhiculer des
concepts comme la qualité totale et l'excellence. C'est des concepts qui
sont véhiculés dans d'autres pays plus industrialisés
performants.
En ce qui a trait à la formation technique, pour nous, c'est la
pierre angulaire du développement économique, scientifique et
technologique du Québec. Toute refonte de l'enseignement technique doit
avoir comme finalité le développement d'une culture
technologique. Donc, en plus, il faut que les techniciens soient recyclables.
Il faut déjà, en finissant, les embarquer dans un processus de
formation continue. Il faut leur apprendre à apprendre. Et même on
devrait aller plus loin, aller jusqu'à une campagne de valorisation des
emplois de techniciens et des métiers. Vous savez, il y a une initiative
de la Fédération des cégeps qui s'appelle le Concours
d'excellence Devenez entrepreneure-e. Je pense qu'il faut absolument
revaloriser le rôle des métiers, revaloriser le rôle des
techniciens. On en manque. Je pense qu'il y a du travail important à
faire de ce côté-là.
On devra également rapprocher les collèges des industries
et un effort considérable devrait être consacré à
l'amélioration des stages en entreprise ainsi que des programmes
coopératifs, genre alternance études-travail. Mais, là, il
y a encore un problème. C'est que ce n'est pas dans les moeurs des
entrepreneurs québécois de participer à ce type de
programme. C'est coûteux, ça dérange, il y a une perte de
productivité. Je pense que toutes les raisons sont bonnes. Je pense
aussi que, dans les cégeps, ce n'est pas tout le personnel aussi qui est
vendu à l'idée de s'associer avec l'entreprise privée. Si
on veut accentuer cette formule d'alternance études-travail, il va
falloir trouver des incitatifs. À court terme, un incitatif serait un
crédit d'impôt pour les entreprises qui acceptent de participer
à des programmes d'alternance études-travail. On devra
également être prudents dans la diffusion de ces programmes, dans
le sens d'éviter que, sur un même territoire où vous
retrouvez plusieurs cégeps, tout le monde offre le programme
d'alternance études-travail dans la même discipline. Le bassin
d'entreprises ne pourra jamais absorber les stagiaires. (20 h 20)
En ce qui a trait à la formation technique, qui dit formation
technique dit également recherche et développement. Au cours des
dernières années, plusieurs activités de recherche
initiées par les collèges ont conduit à des transferts
technologiques dans les entreprises. Ces activités de recherche ont
été l'oeuvre, entre autres, de centres spécialisés
qui ont contribué particulièrement à l'amélioration
de la formation technique dans les collèges, mais surtout à la
recherche et aux transferts technologiques vers les entreprises.
Comme le tissu industriel du Québec est constitué
majoritairement de petites et moyennes entreprises et que ces dernières
ne disposent pas des ressources nécessaires pour effectuer des
activités de recherche et de développement, le réseau des
centres spécialisés des collèges constitue donc un
élément essentiel au développement des entreprises
québécoises. Les centres spécialisés, trois grandes
contributions aux entreprises: la première, c'est le transfert
technologique; la deuxième, c'est le développement de produits,
de procédés et la troisième, c'est la formation de pointe.
Mais il y a un problème: il y a certains endroits qui manquent d'argent,
ils ne sont pas tous autofinançables. Il y a certaines régions
où, heureusement, les centres sont autofinançables. Il y a
peut-être deux raisons pourquoi certains centres ont de la
difficulté à s'autofinancer. Premièrement, c'est la
vocation de recherche et développement, souvent, n'est pas une
activité rentable. Deuxièmement, aussi, si votre centre est
géré comme une entreprise publique et pas géré
comme une entreprise privée, je pense qu'il y a des petits
problèmes. Il faudrait donner un peu plus de latitude aux centres
spécialisés, qu'ils soient administrés comme une
entreprise privée, afin de répondre aussi rapidement que
l'entreprise privée le souhaite. Donc, au niveau des centres
spécialisés, il va falloir que ceux-ci visent la
rentabilité, donc qu'ils adoptent un mode de gestion de l'entreprise
privée.
Il faudra envisager aussi un financement «multipartie» dans
le sens qu'on croit que ce n'est pas juste au ministère de
l'Enseignement supérieur de financer les centres
spécialisés; devront également participer des
ministères à vocation économique comme Industrie, Commerce
et Technologie ou, au fédéral, Industrie, Sciences et Technologie
Canada. Et il serait souhaitable que les centres spécialisés
aient accès aux mêmes programmes subventionnés en recherche
appliquée - on spécifie «en recherche
appliquée» - que ceux qui sont offerts aux universités. Les
universités ont accès à certains programmes auxquels les
centres spécialisés n'ont pas accès.
En résumé, l'Association des commissaires industriels du
Québec recommande le maintien du réseau collégial et son
renforcement. On souhaite que les collèges harmonisent leur formation en
fonction des stratégies de développement industriel. On souhaite
que les collèges s'intègrent aux plans de développement
stratégique des régions respectives. On souhaite, un rôle
majeur, qu'ils contribuent au développement d'une véritable
culture entrepreneuriale en initiant des programmes de formation adaptés
aux besoins des entrepreneurs, que les collèges intègrent
à leur formation générale des principes, telles la
qualité totale, la protection de l'environnement et les économies
d'énergie, et également la maîtrise des langues vivantes et
la connaissance de l'informatique comme outil de travail, afin de demeurer
compétitifs à l'échelle internationale. On souhaite
que la révision de la formation technique ne puisse se faire sans
un rapprochement avec les entreprises et, enfin, que les centres
spécialisés disposent de toutes les ressources nécessaires
afin d'accentuer leur présence auprès des entreprises
québécoises.
On vous remercie de votre attention.
La Présidente (Mme Harel): Merci, M. Côté. La
parole est à Mme la ministre.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. D'abord, je veux
remercier l'Association des commissaires industriels du Québec
d'être venue témoigner sur le rôle des collèges dans
leur région. Qui ne connaît pas le commissaire industriel de sa
région, n'est-ce pas? Parce que vous êtes vraiment présents
sur tout le territoire québécois.
Si je comprends bien, messieurs, en partant, vous vous situez sur le
maintien des cégeps tels qu'ils sont, c'est-à-dire les
cégeps qui offrent autant la formation préuniversitaire que la
formation technique, donc les deux filières, tel que le cégep...
Est-ce que je pourrais savoir s'il y a eu une réflexion
particulière au sein de l'Association des commissaires industriels sur
ce sujet-là pour en arriver à cette conclusion?
M. Côté (Serge): Pas de réflexion
particulière, mais, ce que je peux vous dire, les cégeps en
région, si on décide, selon certaines propositions qui ont
été entendues, de dissocier la formation générale,
soit de la fusionner avec une partie du secondaire et une année
supplémentaire à l'université, la réponse, c'est
que vous allez vider les régions. Vous allez vider les
régions.
Mme Robillard: Expliquez-moi ça.
M. Côté (Serge): Bien, écoutez, je pense que
les gens... Vous savez la problématique des jeunes en région:
étudient au cégep, sont encore dans leur région, s'en vont
à l'université et le retour ne se fait pas nécessairement.
Les gens ont peur d'accentuer le processus de vider la région de sa
substance, les jeunes. Je pense ici que mon collègue, Jean-Maurice, qui
vit cette dynamique à La Pocatière, serait peut-être en
mesure de vous donner un peu plus d'informations, comment, lui, vit cette
situation.
M. Savard (Jean-Maurice): C'est évident que
peut-être La Pocatière est seulement à 1 h 15 de
Québec. Et déjà on a quand même un cégep. On
a un des cégeps dans les plus petites villes du Québec. Par
contre, on prend des municipalités comme Matane, Rimouski, et en haut de
Rimouski, Gaspé. Évidemment, lorsque le jeune doit
s'éloigner de son village pour aller dans son cégep, l'important
est de le conserver dans la région. À la minute qu'il prend la
direction des grands centres, Québec, Trois-Rivières, on ne le
revoit plus en région. D'ailleurs, on est obligé de faire des
activités supra-originales pour pouvoir tenter de le reprendre, de le
récupérer. Exemple, on a une activité qui est
présentement organisée avec les commissions scolaires locales et
le cégep de La Pocatière, qui s'appelle «Place aux
jeunes», pour tenter de récupérer des jeunes qui sont
à l'extérieur de la région, qu'on a perdus dans la
région, qui sont allés étudier à
l'extérieur, et tenter de les intéresser à revenir chez
nous, leur dire: Chez vous, votre ancien chez vous, c'est intéressant
encore, il a des choses à vous offrir. De là l'importance que ces
cégeps, en région, demeurent. C'est plus qu'un critère de
stabilité des régions, c'est un critère de
viabilité des régions.
Mme Robillard: M. Côté, vous avez soulevé
aussi le problème... je vais l'appeler de l'harmonisation entre la
formation technique du collégial et la formation professionnelle qui est
donnée au niveau du secondaire. Vous avez donné quelques exemples
qui paraissaient surprenants à certains égards. Donc,
vous-même, vous dites: On le constate sur le terrain, il y a
peut-être des problèmes, des nécessités de
clarification parce qu'il y a des chevauchements ou de la duplication ou
peut-être que les enseignements ne sont pas au bon ordre. C'est ça
que j'ai cru entendre, je ne sais pas si c'est exact. J'aimerais ça vous
entendre sur les solutions que vous voyez.
M. Côté (Serge): Bien, écoutez, ce qu'on
mentionne, puis il ne faut pas s'en cacher, c'est que les services de formation
aux adultes des cégeps sont en train de devenir des véritables
vaches à lait, des sources de financement importantes pour les
cégeps, et le phénomène risque de s'accentuer aussi au
niveau des commissions scolaires, parce qu'il y a un marché
effectivement. Jusqu'à maintenant, il y avait une certaine forme de
contrôle lorsque la commission de formation professionnelle se
déplaçait en entreprise, identifiait un besoin, et elle
décidait elle-même de quel ordre constituait la formation qui
devait être donnée en entreprise, ce qui diminuait un petit peu la
sollicitation auprès des entreprises. Mais, avec la venue des
crédits d'impôt, c'est l'entreprise qui décide de quelle
formation... qui va décider de quel niveau la formation... Vous savez,
un entrepreneur, lui, la formation... WordPerfect, que ça vienne du
cégep ou que ça vienne des commissions scolaires, il ne voit pas
la différence.
Nous autres, la solution, c'est d'arriver vers un guichet, un guichet
unique ou un guichet multiple, dans le sens que la demande soit
acheminée à un point et que, là, des gens décident
de quel niveau ça peut être. C'est sûr qu'on ne peut pas
empêcher des phénomènes comme lorsqu'une entreprise...
Exemple, si le collège entre dans une entreprise pour donner de
la formation pointue puis que l'entreprise lui demande: Pourrais-tu me
donner un petit cours de WordPerfect?, il va le donner. Mais, d'un autre
côté, ça crée des frictions en région. Nous,
ce qu'on favorise puis ce qu'on mentionne, c'est de tendre vers un guichet
unique où on pourra définir chacun des rôles des ordres
d'enseignement, parce qu'on veut éviter... On est un peu jaloux... pas
jaloux, mais on veut préserver nos entrepreneurs, on veut arrêter
qu'ils soient sollicités puis qu'ils fassent ce pourquoi ils sont bons,
c'est-à-dire entreprendre et produire et vendre le Québec. Mais,
quand ils passent leur temps à recevoir du monde pour des analyses de
besoins ou de la formation qu'on veut leur donner, ces gens-là sont
complètement débordés. Et, souvent, les entrepreneurs sont
rébarbatifs. Ils préfèrent ne pas donner de formation
parce qu'ils sont tannés de se faire solliciter. Nous, ce qu'on
recommande, c'est un guichet unique où...
Mme Robillard: Et vous dites que ce
phénomène-là a augmenté depuis l'apparition des
crédits d'impôt?
M. Côté (Serge): II s'en va en augmentant, et il
s'en va en augmentant d'autant plus lorsque vous avez des services de formation
aux adultes dans les cégeps qui ont des chiffres d'affaires de 6 000 000
$, 7 000 000 $, ce qui devient une source importante pour le cégep, et
là les commissions scolaires y voient aussi une source de revenus
importante, la sollicitation va s'accentuer, puis, d'autant plus que le
rôle temporisateur qu'avait la CFP tend à diminuer, à
s'estomper, vous allez vous ramasser que, là, ça va être
une vraie... Les gens vont être excessivement sollicités. (20 h
30)
Mme Robillard: Vous avez aussi parlé dans votre...
Une voix:...
Mme Robillard: Ah! Vous vouliez compléter, M.
Savard?
M. Savard: Oui, peut-être en complément, simplement
pour s'assurer aussi que la formation qui va être donnée à
nos entreprises réponde bien à leurs besoins. Et il est
évident qu'à ce moment-là... On sait que nos institutions
d'enseignement, que ce soient des commissions scolaires ou des cégeps,
ont un certain personnel en main qui est déjà qualifié et
qu'il y a déjà certains cours prépréparés.
Mais est-ce que ces cours-là sont encore des cours qui répondent
vraiment aux besoins des entreprises? Lorsqu'on parle d'un guichet unique, on
peut parler peut-être d'une table qui réunit certains
intervenants, exemple, CFP, Emploi et Immigration Canada et d'autres
intervenants plus directement reliés aux entreprises, ce qui permettra
d'identifier les vrais besoins des entreprises en relation.. On partait, tout
à l'heure, des créneaux stratégiques ou des grappes
prédominantes dans les régions, pour s'assurer que la formation
qui est donnée, c'est une formation qui répond aux besoins des
entreprises et non une formation qui sert à utiliser essentiellement le
personnel formateur.
Mme Robillard: Pour faire suite à la réponse que
vous venez de me donner, M. Savard, justement, dans le mémoire, vous
pariez du rôle du cégep par rapport à la nouvelle politique
de développement régional qui a été publiée
par mon collègue. Vous parlez aussi du rôle du cégep dans
la stratégie de développement économique des grappes
industrielles. Pourriez-vous me préciser si vous voyez d'abord un
rôle spécifique aux cégeps dans ces politiques-là,
et lequel?
M. Côté (Serge): En ce qui a trait à la
stratégie de M. Tremblay avec ses grappes industrielles, je pense qu'ils
ont identifié des grappes concurrentielles et ils ont identifié
des grappes moins concurrentielles. Je pense que les cégeps, par
l'entremise surtout de leurs centres spécialisés, devront
s'arrimer avec des technologies de pointe. Un exemple, on parie des centres
d'aéronautique. Qui dit aéronautique, la grappe
aéronautique, dit matériaux composites. On a déjà
un cégep à Saint-Jérôme qui a une expertise reconnue
et qui dépasse les frontières du Québec, et même du
Canada. Donc, déjà, le cégep est à l'avant-garde de
cette grappe industrielle, et plusieurs entreprises font affaire avec
ça. Et de tout ça doit découler aussi la formation. C'est
que les jeunes qui suivent le cours de techniques de transformation des
matériaux composites vont bénéficier de cet avant-gardisme
du centre des matériaux. Je pense que ce qu'il faut voir au niveau de la
stratégie de M. Tremblay, c'est une stratégie qui est beaucoup
plus globale. Il faut que les cégeps arrivent avec des formations qui
correspondent au moins aux créneaux qui sont identifiés. Mais
c'est plus global.
Lorsqu'on parle de développement régional et qu'on va
jusqu'au niveau du développement local, c'est plus du travail de terrain
qui se passe en région. Au niveau régional, vous allez avoir
quand même des orientations que les régions devront prendre, elles
devront privilégier certains créneaux plutôt que d'autres.
On donnait l'exemple, tantôt, du cuir. Si la technique de cuir se donne
au cégep du Vieux-Montréal, mais que la clientèle est
à Kamouraska, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Je pense qu'il
va falloir que certaines formations s'arriment en fonction des créneaux
d'excellence qui seront identifiés en région.
Généralement, il ne devrait pas y avoir trop de dysfonction parce
que ça correspond à peu près à ce qu'on voit.
Le cégep, là où son rôle va être
primordial, c'est au niveau du soutien au développement
régional et particulièrement au niveau du
développement local. Lorsqu'on parle d'«entrepreneur-ship»
local, il y a un besoin et, actuellement, les cégeps ont
développé des expertises, des initiatives. Il faut voir à
Saint-Jérôme, à Limoilou, je pense à Sherbrooke
également. Il y a des initiatives, elles devront être
diffusées à l'ensemble du Québec et elles devront aussi
s'intégrer dans les priorités qu'identifieront les
régions. Si une région identifie que sa priorité, c'est le
tourisme, il faudra peut-être que les cégeps arrivent avec une
formation spécialisée pour répondre aux besoins des
entreprises qui sont là. On ne parle pas nécessairement de cours
de formation de base de trois ans, mais on peut parier, dans un premier temps,
de cours de formation des cégeps qui vont devoir répondre aux
besoins des entreprises dans les créneaux qui ont été
identifiés.
Mme Robillard: Merci, M. Côté.
La Présidente (Mme Harel): La parole est maintenant au
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Je vous salue. Je vous remercie d'avoir
accepté, d'avoir répondu à l'invitation qui a
été faite par la consultation, de croire qu'il vous appartenait
d'exprimer votre point de vue sur l'avenir des collèges. D'entrée
de jeu, je pense que vous avez exprimé très clairement que vous
souhaitez que les collèges demeurent, tout en reconnaissant qu'il y a
lieu de se moderniser et de s'adapter à la réalité
d'ajour-d'hui.
Je voudrais toucher quelques éléments. Je pense que
ça va être plus dans rechange qu'on pourra approfondir des choses.
Lorsque vous affirmez, entre autres, dès le début de votre
mémoire, qu'avant de devenir un véritable agent de
développement économique régional le collège devra,
au préalable, s'associer aux intervenants du milieu, pour ensuite
identifier son degré de participation au développement
régional, est-ce que vous ne croyez pas que, dans sa composition
même, au niveau du conseil d'administration, puisqu'il y a quand
même un débordement sur l'extérieur des agents
socio-économiques, c'est la meilleure occasion, et à vous de
jouer autrement dit? À vous de jouer. Comme commissaires industriels, je
suis un peu surpris que cette réalité ne semble pas être
prise en compte, parce que, dans les faits, moi, si j'étais un
socio-économique sur un collège, puis que j'avais des relations
constantes avec mes hommes d'affaires, ou femmes d'affaires, ou industriels,
bien, je leur dirais d'être très - comme vous l'avez dit, je
pense, à moins de faire erreur - proactifs au conseil d'administration
du collège afin qu'ils soient vigilants et qu'ils s'assurent que le
collège a effectivement des relations étroites avec ces gens du
milieu des affaires. À ma connaissance, c'est la meilleure façon
de déceler quelle devrait être leur implication liée
à des activités de développement local et de
développement régional. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Côté (Serge): Je suis un socio-économique
sur un conseil d'administration d'un cégep. La réalité est
toute autre.
M. Gendron: Pourquoi?
M. Côté (Serge): Lorsque vous arrivez pour parler de
préoccupations économiques, on vous parle de
préoccupations pédagogiques. Nous, la question qu'il faut voir,
ce n'est pas nécessairement: Est-ce que c'est la structure qu'on dort
changer à l'intérieur du cégep? Je pense qu'on pourrait
s'embarquer dans un débat très long. Mais ce qu'on trouve que les
cégeps devraient faire, c'est au moins d'être présents sur
des conseils régionaux qui sont en train d'être formés en
raison de la réforme sur le développement régional.
Pourquoi est-ce que les cégeps ne sont pas là? Il faut presque,
souvent, dans certains cas, tordre un bras. Si vous me dites de vouloir essayer
de faire un changement par l'interne, il y a beaucoup de choses. Il y a des
longueurs d'onde qui ne sont pas pareilles. On parle d'économie et on se
fait répondre en pédagogie. Puis, je pense que c'est une longue
dynamique, une longue histoire qui amène à ça. D'un autre
côté, l'action, à court terme, qui devrait être
posée, il faut que le cégep s'en aille sur un conseil
régional et il faut que le cégep offre des choses. C'est
là qu'on dit d'être proactifs. C'est de déborder de la
grosse structure administrative et lourde, c'est d'arriver à des actions
concrètes.
M. Gendron: Rapidement, je respecte votre point de vue, mais
c'est des milieux que je connais bien, les régions du Québec.
J'ai été ministre du Développement régional, un
certain temps. Ce n'est pas tout à fait la réalité que je
connais, que j'observe. Au contraire, pour avoir participé à des
réunions de conseils d'administration autant de commissions scolaires
que de cégeps, le drame, c'est plutôt l'inverse de ce que vous
venez d'affirmer. Tous les gens qui étaient là disaient: C'est
rare qu'on entend parler vraiment de pédagogie, d'élèves;
on entend parler de beaucoup d'autres choses, de gestion, puis de normes et de
règles administratives, puis d'empêcheurs de tourner en rond.
Ça, ça correspond bien plus à la réalité que
je connais et qui m'est constamment reflétée. Ce n'est pas plus
grave que ça.
Deuxièmement, quand vous nous renvoyez à la réforme
du ministre Picotte que je connais encore très bien - on a
été la première région en
Abitibi-Témiscamingue... Et justement, ce soir...
M. Côté (Serge): Vous l'avez signée, je
pense.
M. Gendron: ...je m'excusais auprès de mes gens de ne pas
être là, parce que les députés, dans la structure
que vous connaissez, sont membres. On a un siège sur cette nouvelle
structure. Donc, je ne peux pas occuper mon siège à la
réunion de ce soir. C'est la première région qui a
été reconnue dans la nouvelle formule, et, au contraire de ce que
vous avez dit, les intervenants éducatifs ont été
plutôt obligés de se battre pour avoir un certain nombre de
sièges sur ce grand conseil des «cris». Et c'est volontaire
que j'emploie l'expression. Il y a bien du monde. On est à peu
près... Il me semble qu'en Abitibi, c'est 48 ou 54 sur le grand conseil
d'administration. Donc, bonne chance tout le monde pour le fonctionnement, mais
on verra. Les intervenants éducatifs, au contraire, l'Association des
commissions scolaires veut avoir des sièges, le Conseil des
collèges veut avoir des sièges - c'est normal -
l'Université du Québec veut avoir des sièges, les
comités de parents veulent avoir des sièges, puis, là, je
m'arrête là. Alors, je ne suis pas sûr que votre description
corresponde, en tout cas, à la réalité que je connais.
Mais vous avez un point de vue et c'est pour ça que je veux jaser un peu
sur différents points. (20 h 40)
À la page 5, vous dites: «Les collèges devront
s'arrimer aux plans de développement stratégiques qui
émergeront des régions.» J'ai un problème avec
ça. Je ne suis pas mal à l'aise mais j'ai de la
difficulté, parce que je dis: Dans le fond, un collège, sa
première mission, c'est sûrement une mission éducative, de
donner la meilleure formation possible dans un tronc commun, pour ce qui est de
la formation de base, dans de la formation technique pour des techniques
spécialisées et requises, et qu'il prenne en compte la
réalité régionale qui sera élaborée
justement dans ces plans stratégiques qui vont émerger, suite
à des consultations qui, dans la plupart des régions, sont en
train de se faire, ça va, mais vous, ce n'est pas ça que vous
dites: Les collèges doivent s'arrimer au plan de développement
stratégique. Je trouve ça gros comme commande et comme demande.
Qu'est-ce que vous voulez signifier précisément? C'est moi qui
comprends mal ou si vous êtes convaincu que c'est ça qu'il faut
faire? Il faut que les collèges s'arriment au plan de
développement stratégique qui émerge des
régions.
M. Côté (Serge): Ce qu'il faut comprendre, c'est que
ça déborde le cadre de l'enseignement régulier, qu'il soit
au niveau général ou au niveau technique. Notre approche est
plutôt au niveau de la formation sur mesure ou de la formation aux
entreprises.
Vous savez, il y a des cégeps qui ont pris des initiatives
intéressantes. Je pense que, si le Centre spécialisé des
matériaux composites, le centre spécialisé à
Saint-Jérôme, a été mis sur pied, c'est parce qu'il
y a eu des visionnaires, des gens qui ont dit: On est dans le matériel
de transport, la région des Laurentides, on est dans
l'aéronautique, il y a un point commun, c'est les matérieux
composites. Donc, il y a une expertise qui s'est développée dans
cette région-là, dans le cégep, qui colle à la
réalité de la région. À La Pocatière, avec
leur centre spécialisé, le centre colle aussi à la
réalité de la région. Disons qu'ils ont été
précurseurs, ils ont été avant la politique de
développement régional. C'est sûr que les grandes
orientations dans les Laurentides, on va sûrement parler de
matériel de transport, d'aéronautique. Le cégep a
été précurseur.
Pour nous, notre préoccupation est surtout au niveau du service
offert aux entreprises afin de recycler la main-d'oeuvre, afin d'arriver avec
des formations plus obtues, plus pointues. Si vous avez une région qui
développe un créneau d'excellence et que le cégep n'est
pas en mesure de rencontrer les exigences de formation, pour les entreprises
qui sont dans ce créneau-là, je pense qu'il y a un
problème.
M. Gendron: O.K. À la page 7, vous dites que les
cégeps devraient «harmoniser leur expertise en fonction de la
stratégie de développement industriel du gouvernement du
Québec». Et là vous avez expliqué que vous faites
référence à la politique du ministre de l'Industrie et du
Commerce et à ses grappes industrielles. Bon. Moi, je n'ai pas de
trouble. On verra ce que ça donnera. Mais, dans les grappes
industrielles, comme vous l'avez dit, concurrentielles et stratégiques,
parce qu'il a distingué entre deux types de grappes, les petites et les
grosses, il y en a... Dans les concurrentielles, comme par hasard, c'est tout
concentré, ça, à Montréal ou dans les grands
centres.
Quand on dit: Les cégeps devront harmoniser leur expertise en
fonction de la stratégie de développement industriel du
Québec lié au développement des grappes industrielles
dites concurrentielles, j'ai des problèmes, moi, pour la formation en
région parce que, en gros - je sais que c'est gros ce que je vais dire,
mais c'est un peu ça - j'oublie à peu près toute la
problématique des régions, parce que l'industrie pharmaceutique
ou la RDP, 80 %, c'est Montréal, les produits d'équipement de
production, de transport et de distribution d'énergie électrique
- là, je vous donne les grappes dites concurrentielles - l'industrie
aérospatiale canadienne, qui se classe cinquième au monde, et
ainsi de suite, c'est la Rive-Sud et peut-être...
Une voix: Et le West Island.
M. Gendron: Oui, dans le West Island, là aussi, mais je
veux dire, en complémentaire, comme le cégep de
Saint-Jérôme, vous avez raison de le citer. Alors, je voudrais
juste que
vous appréciiez un peu plus cette recommandation
d'«harmoniser leur expertise en fonction de la stratégie de
développement industriel». Est-ce que vous n'avez pas peur que, si
c'est écouté religieusement, ça crée
peut-être de sérieuses difficultés dans les
régions?
M. Côté (Serge): Le commentaire qui a
été émis est dans le sens que le ministre ou le
gouvernement a identifié des créneaux d'avenir. Je pense que
c'est une... Les stratégies des grappes industrielles, il faut les voir
sur une perspective à long terme. Ce qu'on dit, c'est qu'il est
peut-être temps de commencer à former des gens qui vont coller
à ces grappes industrielles qui sont identifiées.
Je n'ai pas d'inquiétude pour les cégeps en région.
Il demeure que le concept - je vous rejoins un petit peu - de grappes
industrielles ne fera pas revivre les régions. C'est pour ça
qu'on revient. On parle aussi de développement régional et de
développement local. Pour nous, lorsqu'on parle de s'harmoniser aux
grappes industrielles, c'est de voir qu'il y a des créneaux d'avenir et
des créneaux d'excellence qui ont été identifiés au
Québec, et je pense qu'il faut former de plus en plus de gens dans ces
créneaux d'excellence. Ça ne veut pas nécessairement dire
que c'est la mort des régions; les régions développeront
d'autres expertises. Vous avez, à Kamouraska, un centre en techniques
physiques, un centre spécialisé. Si on y va avec la logique, il
aurait dû être à Montréal, ce centre-là, mais
il a été développé avec l'initiative et la
volonté des gens du milieu. Je pense qu'il faut s'en remettre à
ça, qu'il risque d'y avoir décentralisation de certaines
activités, ça, c'est sûr.
M. Gendron: Dans votre présentation, vous avez
évoqué que vous souhaiteriez un guichet unique pour ce qui est de
la formation et du perfectionnement, l'adaptation aux nouvelles technologies,
et ainsi de suite. À moins, encore là, d'avoir mal compris, vous
avez dit: Nous souhaitons que ce guichet unique soit défini et retenu
par le milieu. Il appartient au milieu de définir la retention du
guichet unique.
M. Côté (Serge): Oui.
M. Gendron: Vous êtes convaincu que ça peut donner
un guichet unique, si c'est ce que vous faites?
M. Côté (Serge): Écoutez, actuellement, dans
plusieurs régions, vous avez des comités de développement
de ressources humaines plutôt formels, plutôt informels, où
des gens essaient de se parler, où, assis autour de la même table,
vous avez les commissions scolaires, les cégeps, les centres de
main-d'oeuvre, etc., où on essaie de faire une certaine concertation.
Ces initiatives-là viennent du milieu et ne viennent pas d'une instance
gouvernementale ou publique. Les milieux sont imaginatifs. Ce qu'on dit par
là, c'est que c'est aux milieux de décider. Parce que, quand vous
arrivez avec une structure imposée, ça ne colle pas
nécessairement aux réalités des régions. Et on ne
veut pas privilégier une formule plutôt qu'une autre. Est-ce que
ce sera une table de concertation? Peut-être qu'en Gaspésie
ça fonctionnera. Peut-être qu'en Abitibi-Témiscamingue
ça ne fonctionnera pas. On ne veut pas arriver avec une structure
imposée; au bout du compte, on n'est pas plus avancé. Je pense
que les gens commencent à se parler et c'est d'accentuer ce
phénomène.
M. Gendron: Pour ce qui est de l'éducation aux adultes,
vous dites qu'il est à souhaiter de rendre plus accessible aux adultes
la formation générale et professionnelle en développant
des cheminements adaptés aux besoins de la clientèle. Je n'ai
rien contre ça. Mais êtes-vous au courant que, actuellement, le
drame est bien plus un problème de financement? Qu'est-ce que vous
voulez, ça déborde de partout et, avec une enveloppe
fermée, même si on développait le plus beau des
cheminements adaptés aux besoins de la clientèle, à partir
du moment où on fonctionne avec une enveloppe fermée pour la
première fois, qu'on fonctionne avec toutes sortes de crédits
d'obtention de cours achetés de temps en temps au fédéral,
de temps en temps aux centres d'emploi du Canada... Parce que, je ne sais pas
si vous le savez, ils sont cinq ou six dans la formation, actuellement, qui
essaient d'en faire. Moi, je pense qu'ouvrir des efforts terribles dans chacune
des régions pour des cheminements adaptés aux besoins de la
clientèle, quand on sait que, actuellement, il y a beaucoup trop
d'adultes qui veulent parfaire leur formation et qui sont refusés, qui
sont carrément refusés sur le principe de l'enveloppe
fermée... Est-ce qu'on ne serait pas mieux de mettre un peu plus
d'efforts pour essayer de répertorier du support financier venant des
entreprises? Avez-vous réfléchi là-dessus? Parce que,
à un moment donné, vous dites: Cependant de nouvelles avenues de
financement devront être trouvées afin de maintenir et d'augmenter
la clientèle à l'éducation aux adultes. Avez-vous des
suggestions comme commissaires industriels...
M. Côté (Serge): C'est parce que vous avez deux
types...
M. Gendron: ...pour trouver de nouvelles sources de
financement?
M. Côté (Serge): Mais vous avez deux types de
clientèle au niveau de la formation aux adultes. Vous avez celle qui est
sans emploi actuellement et qui décide, à un moment donné,
de se prendre en main et de retourner aux études et d'aller chercher le
papier qui lui
manque, et vous avez la personne qui est en emploi et qui décide
de se parfaire. Je pense que, si vous dites que vous souhaitez que les
entreprises contribuent, elles pourraient peut-être contribuer pour ce
type de clientèle là. En ce qui a trait à la
clientèle sans emploi, c'est un autre problème. Je pense
qu'à ce niveau-là c'est plus un problème de
société qu'un problème d'entreprise privée. Et ce
qu'il faut comprendre aussi, c'est que l'entreprise privée est souvent
plus intéressée à former une personne qui va être en
mesure de répondre à ses attentes rapidement. Si quelqu'un veut
avoir une formation sur une machine précise, ce n'est pas un cheminement
de deux ans qui lui importe, c'est un cheminement de trois mois et que
ça soit opérationnel. Je pense qu'il faut voir ça.
M. Gendron: Merci.
La Présidente (Mme Harel): Merci, M. Côté. M.
le député de Sherbrooke.
M. Hamel: Merci, Mme la Présidente. M. Côté,
dans votre chapitre sur la formation générale, vous insistez et
vous mentionnez qu'«afin de demeurer compétitifs à
l'échelle internationale, les collèges devront intégrer
à leur formation générale des exigences basées sur
des principes comme la qualité totale, la protection de l'environnement
et les économies d'énergie». Vous autres, commissaires
industriels, vous êtes des pragmatiques. Pourriez-vous nous expliquer ou
nous dire comment vous voyez ça, dans la formation
générale, concrètement, ces concepts-là ou ces
principes-là de qualité totale?
M. Côté (Serge): La qualité totale, c'est un
concept, c'est une philosophie, c'est une façon de vivre, comme
l'excellence.
M. Hamel: Mais, concrètement.
M. Côté (Serge): Écoutez, quand vous arrivez
sur un chaîne de production, vous arrivez dans une entreprise où
le taux de rejet est tellement élevé, c'est parce que... La
qualité totale, c'est de bien faire la chose et de la bonne
façon.
M. Hamel: Du premier coup et tout le temps.
Une voix: Et à tout coup.
M. Hamel: C'est ça, et à tout coup. (20 h 50)
M. Côté (Serge): Etc. Ce genre de concept là
devrait au moins être véhiculé au niveau de l'enseignement
général. Si un jeune, dans un travail ou dans une recherche, doit
recommencer parce que le travail est mal fait... On parle de concept ici. On ne
parle pas d'un cours en qualité totale. C'est d'arriver vers une
philosophie d'encourager... Souvent, on a peur de parler d'excellence parce
que, quand on dit excellence, on dit qu'on est compétitif et c'est
antidémocratique et... Écoutez, je pense qu'il faut arrêter
de vouloir tout le monde égal sur un même pied. Dans la
mondialisation, on est tous en compétition actuellement. Donc, il va
falloir peut-être qu'on commence à coller... Je ne veux pas parler
du modèle japonais; ils sont peut-être à un autre
extrême. Mais je pense qu'il va falloir penser et dire que l'excellence,
ce n'est pas un péché, puis la qualité totale, ce n'est
pas un péché non plus.
M. Hamel: Dans le fond, pour vous, qualité totale, c'est
synonyme d'excellence.
M. Côté (Serge): La qualité totale, comme le
mentionnait le concept de M. Tremblay, bien faire d'un premier coup, c'est...
Les deux sont intimement reliés.
M. Hamel: Maintenant, la formation technique. Tantôt, j'ai
entendu que vous mentionniez que les gens en entreprise sont ouverts, je pense,
à... Vous dites ici: Un effort considérable devrait être
consacré à l'amélioration des stages en entreprise ainsi
que des programmes coopératifs d'alternance études-travail. Mais
est-ce que les entreprises sont disposées à accueillir de
nombreux stagiaires du secondaire, du collégial, des universités,
par chez vous?
M. Côté (Serge): Comme je le mentionnais, ce n'est
pas dans les moeurs, parce que, actuellement, la sollicitation auprès
des entreprises, c'est: II faut que tu agisses en bon citoyen corporatif. Donc,
si vous avez une entreprise qui est plus ouverte... Si vous le regardez sur un
point de vue strictement financier ou de la place de l'entrepreneur: Qu'est-ce
que ça me donne? Qu'est-ce que ça me donne à moi
d'accueillir des stagiaires?... Et, jusqu'à maintenant, des gens disent:
Bon, écoutez, il faut aider la formation, etc. C'est pour ça
qu'on veut introduire le concept pour essayer d'augmenter... Parce que ce n'est
pas facile. Il y a plusieurs commissaires industriels qui siègent sur
des comités d'alternance études-travail, et on a de la
difficulté à trouver des entreprises parce que les gens disent:
Ah! c'est du trouble, je suis obligé de le payer, puis je vais avoir des
problèmes avec mon syndicat - ce qui est complètement faux. Il
faut y aller plusieurs fois. Mais, si vous arrivez avec un incitatif plus
mercantile et que vous dites: Écoutez, les gens qui accepteront des
stages d'alternance études-travail pourront être admissibles
à des crédits d'impôt, vous allez créer un incitatif
qui est peut-être mercantile, mais au moins vous allez peut-être
avoir plus de gens qui vont participer. Parce que ce n'est pas facile, dans
certains secteurs d'activité, d'en placer, en
raison d'une mentalité qu'au Québec on n'est pas
habitués d'avoir des stagiaires en entreprise, sauf quelques entreprises
qui datent de plusieurs années et qui y croient. Mais, si on veut ouvrir
le bassin, il faut absolument arriver avec un incitatif un peu plus
mercantile.
M. Hamel: Mais, dans un certain nombre d'entreprises, il me
semble qu'il a été prouvé que les entreprises qui ont
été disposées à accueillir des stagiaires,
ça leur a permis assez souvent de pointer de futurs employés
extrêmement performants. C'est un incitatif qui, il me semble, peut
être considéré.
M. Côté (Serge): Oui, c'est un incitatif à
moyen et à long terme. Donc, vous pouvez faire une très belle
démonstration que la plupart des stagiaires vont retourner travailler
dans l'entreprise, deviennent un bassin de main-d'oeuvre intéressant
pour l'entreprise, mais, si vous avez un entrepreneur qui, lui, dit: Moi,
ça me cause plus de trouble... On peut faire une campagne de vendre, de
dire les mérites de l'alternance études-travail, mais je pense
qu'il faut arriver un peu plus avec... N'oubliez pas que ces jeunes-là
sont payés. Ils ne sont pas payés au salaire minimum. Donc,
ça devient une dépense. Ils ne sont pas aussi productifs que les
employés conventionnels. Au bout de quatre mois, on change parce qu'ils
retournent aux études. Ça devient difficile à
gérer, difficile à administrer pour l'entreprise. Donc, avec un
petit coup de pouce pour... Si on donne des crédits d'impôt
à la formation, pourquoi ne donnerait-on pas des crédits
d'impôt aux stagiaires?
M. Hamel: Ce n'est pas une façon aussi peut-être
d'inciter les jeunes à demeurer en région, si vous avez des
entreprises locales qui peuvent s'ouvrir un peu à ces stages?
M. Savard: Évidemment, je pense que vous avez... On vit
l'expérience un peu avec Sherbrooke, la ville de Sherbrooke, je pense,
et avec, justement, des stages avec l'Université de Sherbrooke où
il y a déjà ces stages en entreprise qui sont déjà
quand même avant-gardistes à ce niveau-là. Et je pense que
ça a des résultats extrêmement intéressants. Et, en
région, si on pouvait ouvrir nos entreprises à cette
philosophie-là, d'accueillir des stagiaires, de pouvoir mesurer leur
performance... Il est évident qu'en plus d'être des
employés normalement moins performants, c'est des employés qui
exigent plus d'encadrement, parce que tu les formes. Donc, il est
évident que ça peut être intéressant pour les
entreprises, et intéressant aussi pour la rétention des jeunes en
région.
M. Hamel: En tout cas, vous êtes bien placés de par
votre travail pour faire la promotion de ce genre d'activité. Merci.
M. Savard: Avec un bon crédit d'impôt, oui,
ça pourrait être intéressant.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Hamel: Ha, ha, ha! Toujours de l'argent. Merci.
La Présidente (Mme Harel): Merci, M. Côté, M.
Savard. Mme la ministre, en conclusion, peut-être?
Mme Robillard: Ça va très bien. Seulement pour vous
remercier, messieurs, ainsi que vos membres de l'Association, d'avoir pris ce
temps pour partager votre réflexion sur l'enseignement collégial
québécois avec nous. Merci bien.
La Présidente (Mme Harel): Et j'invite maintenant
immédiatement l'Association de la recherche industrielle du
Québec, représentée par M. Jean-Marc Rousseau,
président, de même que par MM. Claude Demers, directeur
général, et Pierre Tremblay, à prendre place.
Je vous invite, M. Rousseau, à présenter les personnes qui
vous accompagnent et à présenter votre mémoire.
Association de la recherche industrielle du
Québec (ADRIQ)
M. Rousseau (Jean-Marc): Merci beaucoup, Mme la
Présidente. J'aimerais vous présenter, à ma gauche, M.
Pierre Tremblay, un ex-président de notre association et qui est
directeur du Centre de recherche et de développement Arvida de l'Alcan.
À ma droite, j'ai M. Claude Demers, qui est le directeur
général de notre association. Et, je suis Jean-Marc Rousseau, je
suis président de l'Association de la recherche industrielle du
Québec et vice-président d'une firme de logiciels, à
Montréal.
Mme la Présidente, mesdames et messieurs de la commission, je
voudrais d'abord vous dire quelques brefs mots sur notre association.
Créée en 1978, elle regroupe environ 190 directeurs et
directrices des principaux centres, instituts, laboratoires,
départements au service de la recherche-développement dans le
secteur privé aussi bien que dans le secteur parapublic. Les
organisations présentes auprès de l'ADRIQ comptent pour la grande
majorité de toute la RDI, la recherche-développement industrielle
réalisée au Québec. L'ADRIQ est aussi le principal
organisme à faire la promotion et à représenter le milieu
de la RDI au Québec.
Nous avons, à l'ADRIQ, pour mission de susciter la croissance,
l'efficacité et l'excellence de la recherche-développement
industrielle dans ies entreprises au Québec en vue d'augmenter leur
capacité d'innovation et de mieux assurer leur
compétitivité au niveau international.
Pour décrire un peu la situation telle que
nous la percevons au Québec avec nos longues vues à nous,
il faut reprendre les mots clés que vous avez probablement entendus
plusieurs fois au cours de ces délibérations, des mots
clés qui sont peut-être un peu usés mais qui n'en
décrivent pas moins le contexte dans lequel nous évoluons. On
parle, évidemment, de mondialisation des marchés,
d'internationalisation des informations, des connaissances et des technologies.
Il faut aussi reprendre les mots clés qui décrivent, à
notre point de vue, les seules voies, les seules solutions possibles au
maintien de notre niveau de vie: compétitivité,
productivité, excellence, main-d'oeuvre qualifiée,
économie de valeur ajoutée.
Pour ce faire, tous reconnaissent le rôle essentiel de
l'innovation, la créativité, la recherche, le transfert
technologique. Tous ces termes, pour nous, recouvrent la
recherche-développement industrielle. Le Québec est certainement
l'une des meilleures places au monde pour faire de la
recherche-développement industrielle sur le plan des mesures
d'encouragement fiscal. C'est très bien et c'est certainement un
élément important de l'équation, mais il faut cependant
avoir les ressources humaines compétentes, aussi bien en techniques
qu'en management, pour mener à bien ces programmes de
recherche-développement industrielle.
Au Québec, comme ailleurs en Amérique du Nord, nous avons
un abandon massif des études secondaires et collégiales et une
baisse de l'engouement pour les carrières scientifiques et
technologiques. Il est clair que des correctifs s'imposent si nous voulons
faire partie du peloton de tête. Il est clair que l'enseignement
collégial québécois, par son rôle essentiel dans la
formation des techniciens et des professionnels scientifiques, constitue un
élément clé de la capacité technologique future des
entreprises du Québec. C'est pour cela que nous sommes ici ce soir.
Nous croyons profondément que la recherche de l'excellence et de
la compétitivité dans le domaine industriel ne peut se
réaliser que par la recherche de l'excellence à tous les niveaux
de la société et, tout particulièrement, au niveau de
l'éducation et de la formation. Il est impossible de développer
des équipes sportives de niveau olympique sans un entraînement
strict, discipliné et intensif. De la même façon, il est
impossible de développer des équipes gagnantes sur le plan
technologique sans un système de formation et d'éducation qui
recherche l'excellence à tous les niveaux. (21 heures)
Dans une conférence, je crois, à des jeunes
cégépiens, Gilles Vigneauit avait déjà dit à
ces jeunes: «Exigez l'exigence!» Il faut que notre système
d'éducation exige beaucoup plus pour produire des personnes de grande
compétence.
Notre analyse de la situation des cégeps ou notre première
prise de position au niveau global exprime une satisfaction globale de
renseignement collégial. Si je parlais un peu québécois,
on dirait: «C'est pas si mal». Il y a des éléments
positifs qui ressortent quand on consulte nos membres au niveau de la formation
technique et il y a des éléments négatifs qui ressortent
sur la formation générale. Ce n'est probablement pas un langage
nouveau non plus pour vous.
On est certes, au Québec, si je me permets d'employer ce terme,
une société distincte avec ce niveau d'éducation
particulier. Cela n'a peut-être pas été la meilleure
idée qu'on a eue. Cependant, nous ne voulons pas porter de jugement.
Nous croyons qu'il faut tirer parti de cette structure plutôt que de la
remettre en question. Nous croyons qu'il faut dépenser nos
énergies à améliorer ce que l'on a plutôt que de
penser qu'une nouvelle façon de faire réglerait tous les
problèmes. Il faut tirer parti des acquis de chacun des
établissements, accentuer leurs impacts positifs sur le
développement des ressources et expertises techniques
québécoises, notamment dans les régions, au profit des PME
industrielles et des économies régionales.
Donc, notre premier jugement, c'est de dire: Je pense qu'il faut garder
ce qu'on a; il ne faut pas tout remettre en question, comme certains le
prônent, et chercher à améliorer ce qu'on a.
Pour nous, le grand défi des cégeps est plutôt une
triple harmonisation du cégep avec le secondaire, du cégep avec
l'université et du cégep avec l'industrie. Il faut chercher
à réduire les coûts des mises à niveau. C'est
peut-être ça le plus grand coût social du cégep. Ce
sont les coûts de transition, de mise à niveau des
étudiants du secondaire qui viennent de différents niveaux au
cégep et, ensuite, des étudiants de différents
cégeps qui entrent à l'université. Cette harmonisation est
toujours à refaire, compte tenu de révolution de notre
société et de la technologie. Il n'y a pas beaucoup de solutions,
sauf de se parler à tous les niveaux. Certainement, au niveau industriel
et au niveau technique, une partie de ce dialogue, il nous semble, devrait
s'articuler autour des grappes industrielles. Nous croyons qu'il faut
harmoniser nos politiques à tous les niveaux autour de ces grappes si
nous voulons assurer le succès de notre stratégie industrielle et
que ça ne reste pas lettre morte.
Plusieurs composantes du système d'enseignement collégial
ont un impact sur la qualité et la croissance des activités de
recherche-développement industrielle dans les entreprises
québécoises. Nous aborderons, à tour de rôle, quatre
de ces composantes, soit des centres spécialisés implantés
dans une quinzaine de cégeps et qui desservent des secteurs industriels
stratégiques pour le Québec; la formation technique de
l'enseignement collégial professionnel qui fournit le personnel
technique de support aux activités de production et de RDI des
entreprises industrielles; la formation sur mesure organisée
spécialement en réponse aux besoins spécifiques
de perfectionnement et de ressourcement du personnel, tels
qu'exprimés par les entreprises industrielles; et, enfin, la formation
scientifique préuniversitaire de l'enseignement collégial
général qui alimente les programmes d'études
universitaires et qui, de là, fournit le personnel professionnel de
recherche, de conception technique et de gestion dans les entreprises
industrielles.
D'abord, les centres spécialisés. Selon les échos
que nous en avons de nos membres, c'est un élément
extrêmement positif. Nos membres nous en font des commentaires
relativement positifs, très positifs. Ces centres servent de supports
techniques aux PME en région et maintiennent un lien étroit entre
les besoins du milieu industriel et l'évolution du domaine
technologique. À ce niveau, nous recommandons d'accroître le
financement aux meilleurs de ces centres. Je crois, si nos informations sont
bonnes, que ces centres reçoivent un financement relativement uniforme.
On aimerait permettre que, effectivement, les meilleurs de ces centres
reçoivent plus d'argent et permettre que d'autres de ces centres soient
créés, selon les besoins.
Enfin, on suggère un mécanisme léger
d'évaluation et de financement de ces centres, un peu la plomberie des
FCAR pour les centres des milieux universitaires. Les objectifs sont
différents. Le fonds FCAR finance des centres de recherche
universitaires, les évalue, leur donne des sous selon leurs besoins et
selon leurs performances. On pourrait avoir, pour les centres
spécialisés dans les cégeps, une organisation qui fait un
peu le même travail pour encourager l'excellence des meilleurs, faire
disparaître ceux qui ne fonctionnent pas et permettre à des
nouveaux d'être créés, selon les besoins
exprimés.
Notre deuxième niveau de commentaires, nous le faisons au niveau
de la formation technique. À ce niveau également nos membres
expriment un bon niveau de satisfaction. Nous faisons, cependant, trois
commentaires. On se pose des questions sur la durée des études,
qui est la même dans tous les domaines. Je crois qu'on pourrait se
permettre d'avoir plus de souplesse; entre autres, il y a des domaines
industriels particulièrement exigeants en termes de compétences
techniques qui pourraient très probablement bénéficier
d'une formation plus longue.
Deuxième commentaire. Tout le monde est favorable pour favoriser
les stages techniques en entreprise; ceux qui nous ont
précédés l'ont mentionné. Nous favorisons aussi ce
concept, nous voudrions qu'il soit étendu au maximum d'étudiants,
qu'il soit aussi étendu aux professeurs, soit à temps plein ou
à demi-temps, qu'ils fassent des stages en industrie; en sens inverse,
que les spécialistes industriels viennent peut-être en plus grand
nombre dans les cégeps; et - l'idée n'est pas originale, nos
précédents l'ont mentionnée - nous favorisons
également que les stages en entreprise soient éligibles aux
crédits d'impôt à la formation, parce que ça
consomme passablement de temps de la part des entreprises.
Notre troisième commentaire est au niveau de la formation
technique. Je crois qu'il est nécessaire de procéder à une
valorisation des études et carrières techniques. D'abord, je
pense qu'il y a des activités de promotion qui doivent être
faites. Je n'insisterai pas là-dessus, mais l'une de nos suggestions,
c'est d'essayer de contrer l'image cul-de-sac de la formation technique. Je
crois qu'un certain nombre de jeunes, en choisissant leur voie au cégep,
ne savent pas vers quelle carrière ils se destinent. Ne sachant pas vers
quelle carrière ils se destinent, ils ne prennent pas de chance, ils
s'en vont du côté général parce que ce n'est pas un
cul-de-sac, ils vont pouvoir déboucher sur ce qu'ils veulent. Ils font
un choix prudent.
Je crois que, si nous facilitions l'accès à une formation
supérieure ou si nous aménagions des passerelles entre la
formation technique et l'université, pour ceux qui en ont les
capacités et qui veulent le faire, le choix du cégep technique
serait moins un choix cul-de-sac et attirerait peut-être un plus grand
nombre de jeunes qui décideraient: J'aime mieux faire une formation
technique, j'ai, au moins, un emploi peut-être assuré et, si
j'aime ça et que j'en ai le goût, je pourrai continuer à
l'université. Dans ce sens-là, par exemple, l'École de
technologie supérieure offre un exemple très intéressant
et a, avec beaucoup de succès, aménagé cette passerelle
entre les cégeps techniques et une formation plus avancée. Je
crois qu'on devrait étendre ce concept à un plus grand nombre de
voies techniques du cégep.
Troisième niveau de commentaires: la formation sur mesure. Tout
le monde reconnaît la priorité d'accroître la formation
continue de ia main-d'oeuvre en entreprise. Les cégeps sont
particulièrement bien placés pour consacrer des ressources
professionnelles à cet effet, particulièrement en région,
et ils le font déjà beaucoup. Nous croyons qu'il faut encourager
les cégeps à aller dans cette direction et notre recommandation
est toute simple, c'est que l'intervention souhaitée des cégeps
et de leurs ressources dans le domaine de la formation continue soit reconnue
et supportée à l'intérieur de leur mission
générale d'enseignement, d'en faire un élément de
leur mission.
Finalement, au niveau de la formation scientifique
préuniversitaire, nous soulignons les problèmes d'orientation des
jeunes, de décrochage, de manque de motivation. Nous croyons que les
programmes devraient être plus structurés et moins de type
cafétéria; un encadrement pédagogique plus suivi; essayer
de développer des sentiments d'appartenance, d'intérêt
accru en créant des groupes un peu plus constants. On les
met peut-être dans un contexte universitaire trop libres d'aller
à droite et à gauche. Les programmes ne sont peut-être pas
assez serrés à ce niveau-là et inutilement... (21 h
10)
Nous croyons également, au niveau scientifique
préuniversitaire, qu'il faut, au moins à ce niveau-là,
augmenter le temps d'enseignement en réduisant les congés de
toutes sortes, d'abord pour accroître la compétence et, d'autre
part, pour également être plus compétitifs. Je lisais dans
La Presse en fin de semaine qu'aux États-Unis, au même
niveau, les jeunes ont 190 jours d'école, tandis que, chez nous, ils en
ont plutôt 160, 165 jours. Je pense qu'un des éléments les
plus importants, c'est de transmettre le message aux jeunes de l'importance de
cette formation et de l'importance de ne pas perdre de temps. Je crois que le
cégep a besoin de transmettre ce message-là, que ce n'est pas des
vacances, le cégep, il faut travailler.
Enfin, au niveau de l'évaluation, un sujet qui a
été abordé par plusieurs personnes qui ont passé
devant cette commission, nous favorisons l'établissement d'un examen ou
d'un concours provincial facultatif, c'est-à-dire pas obligatoire, ce
n'est pas le diplôme du cégep. Ce concours-là serait
indépendant du D.E.C. Il favoriserait une certaine compétition
entre les cégeps afin de rehausser leur niveau d'excellence. Il
amenuiserait les distorsions des diverses mesures d'évaluation, qui sont
plus ou moins arbitraires, qui traînent dans le décor et
assurerait une évaluation équitable par les institutions
universitaires. Ce concours, axé davantage sur les habiletés de
base que sur des connaissances acquises, un peu du genre du «Graduate
Record Examination» aux États-Unis, pourrait être
développé en collaboration avec le milieu universitaire. Il
pourrait y avoir plusieurs concours avec un tronc commun et des sections plus
spécialisées selon les orientations.
Or, il s'agit d'instituer un concours que les universités
pourraient, à loisir, demander, selon leurs orientations, aux jeunes de
passer avant d'entrer à l'université. Ce n'est pas un
diplôme, c'est une mesure qui favorise un peu plus de compétition
et une certaine uniformisation non pas du contenu des cours, mais du
résultat, c'est-à-dire des habiletés
développées. Un mécanisme basé sur ce concept
aurait l'avantage de permettre une introduction graduelle, c'est-à-dire,
qu'on ne remet pas en cause le système actuel, on ne fait pas un examen
de fin d'études. Il rehausserait à terme la performance et
créerait une certaine compétition, et il impliquerait les jeunes
beaucoup plus dans leur formation parce que les étudiants, sachant
qu'ils ont ce concours à préparer, seraient peut-être plus
en mesure d'exiger l'exigence de la part de leurs professeurs. Nous en faisons
une recommandation dans notre mémoire.
En conclusion, nous croyons qu'il faut prendre les moyens pour attirer
plus de jeunes vers les carrières scientifiques et technologiques parce
que c'est essentiel au développement et à l'intégration
des nouvelles technologies dans nos entreprises. Il faut également,
à tout prix et dès le plus jeune âge, encourager le
goût de l'excellence et de la compétition chez les jeunes. Vous
pouvez être assurés que notre association est prête à
collaborer, à l'intérieur de son mandat, à toutes
initiatives qui viseront les objectifs mentionnés. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Harel): Merci, M. Rousseau. La parole
est maintenant à Mme la ministre.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. D'abord,
permettez-moi de vous saluer, les membres de l'Association de la recherche
industrielle du Québec, et de vous dire combien je suis contente que
vous ayez apporté une réflexion particulière sur notre
enseignement collégial québécois. Je pense que, s'il y a
quelqu'un au Québec qui connaît la recherche industrielle, c'est
bien vous. Vous avez, à ce moment-là, au niveau de votre
mémoire, je trouve, pris un angle d'approche très
particulière qui est le lien entre les collèges et la recherche
industrielle. Je sais que vous avez joué un rôle tellement actif
pour essayer qu'au niveau de la recherche il y ait des liens de partenariat qui
s'établissent davantage entre l'industrie, les universités, les
collèges, le gouvernement, que les partenaires, donc, soient là
avec les mêmes objectifs.
Je prends bonne note aussi de votre satisfaction, que vous qualifiez de
globale au niveau de l'Association de la recherche industrielle du
Québec, face aux diverses facettes de l'enseignement collégial,
et vous nous invitez, les membres de la commission, à partir de cette
satisfaction globale que vous avez, à éviter de céder
à la tentation de tout remettre en cause et de faire un débat de
structures. Donc, vous êtes allés plus sur des questions de
contenu.
La première question que j'aimerais élaborer avec vous,
parce que vous en parlez d'une façon assez détaillée dans
votre mémoire, M. Rousseau, c'est celle des centres
spécialisés. Je pense que, d'emblée, vous dites que
l'ADRIQ est favorable à cette formule de centres
spécialisés que nous avons, que les collèges ont
développée dans plusieurs régions du Québec et vous
nous faites différentes recommandations sur les centres
spécialisés. Alors, j'aimerais ça aborder cette
question-là avec vous de façon particulière.
En tout premier lieu, j'aimerais que vous me parliez du point de vue de
l'industrie par rapport aux centres spécialisés, des bienfaits
que l'industrie peut retirer de ces centres-là, à votre point de
vue, non seulement les bienfaits, mais les attentes que l'industrie peut avoir,
de même que les améliorations possibles.
M. Rousseau: Je pense que les centres spécialisés
dans les cégeps jouent un rôle intéressant à un
niveau technique quand je les compare, par exemple, à des centres
spécialisés dans le milieu universitaire qui jouent
peut-être un rôle de développement et d'innovation plus
poussé. Ce qu'on nous dit, c'est que, dans ces centres, on retrouve des
équipements spécialisés qui servent, entre autres,
à la formation, mais qui permettent de faire des expertises techniques
sur les produits développés et ils trouvent, dans les centres
spécialisés, à travers les professeurs de cégep qui
y circulent, des compétences sur le plan de l'amélioration et de
l'évaluation technique des produits. Ils trouvent que le dialogue avec
ces centres-là leur permet, aux petites entreprises, d'améliorer
leurs compétences techniques.
Ce n'est pas de la haute recherche. C'est de la recherche
d'amélioration de produits, d'expertise technique et ça
crée un lien - je pense que c'est ça qui est peut-être le
plus important - entre le cégep, la formation des étudiants et
les besoins des entreprises. Ça ouvre un pont de communication qu'on
trouve très important.
Mme Robillard: Vous nous suggérez, par le fait même,
d'avoir des mécanismes appropriés d'évaluation
périodique de ces centres-là. J'aimerais ça vous entendre
sur la nature de ces mécanismes puisque je croyais moi-même que
nous les avions, ces mécanismes d'évaluation
périodique.
M. Rousseau: Pour les mécanismes d'évaluation
périodique, ce qu'on me dit, et on est peut-être dans l'erreur sur
ce sujet-là, c'est que le mode de financement est uniforme,
c'est-à-dire que c'est quelque chose comme, au niveau du financement de
l'infrastructure, un montant uniforme à tous les centres
spécialisés. Ce que nous disons, nous, c'est qu'on pense que,
dans ce milieu-là comme dans d'autres, on doit favoriser la
compétition et l'excellence et ceux qui per-forment mieux, qui ont
peut-être des idées, pas de grandeur mais de croissance, devraient
recevoir plus.
Mme Robillard: Donc, vous me faites surtout des suggestions au
niveau des résultats de l'évaluation...
M. Rousseau: Oui.
Mme Robillard:... et non pas du mécanisme
d'évaluation.
M. Rousseau: Bon. Si...
Mme Robillard: Parce qu'il y en a un qui est en place, un
mécanisme d'évaluation. Mais, ce que vous dites, c'est:
Dépendamment des résul- tats, donc, vous devriez associer un
financement...
M. Rousseau: Oui.
Mme Robillard: ...différencié, selon les
résultats.
M. Rousseau: Et ne pas avoir peur d'en fermer s'il y en a qui ne
fonctionnent pas bien et d'en ouvrir d'autres s'il y a des gens qui ont un bon
plan pour en ouvrir d'autres. C'est certainement d'avoir un système
dynamique. Notre recommandation est positive. On sait qu'il y a de
l'évaluation, mais du fait que l'évaluation soit uniforme on
avait un peu l'impression qu« c'était un peu statique, qu'il n'y
avait pas nécessairement une compétition pour ouvrir des nouveaux
centres dans ce domaine-là. Je pense qu'on doit mettre les gens un peu
partout, que ce soit dans le milieu universitaire ou dans les milieux de
cégeps, en situation de compétition pour avoir leurs sous et
pour, possiblement, étendre leurs services. (21 h 20)
Mme Robillard: Alors, de fait, il y a un mécanisme
régulier d'évaluation qui est là et, par rapport au
financement, c'est plutôt un financement décroissant qui est
donné aux centres, ce qui permet la réouverture de nouveaux
centres. Mais je pense que vous allez plus loin que ça dans votre
idée en tant que telle. Je pense que vous allez jusqu'à
prôner que peut-être, dans de nouveaux secteurs en
émergence, on devrait ouvrir de nouveaux centres.
M. Rousseau: Oui, quand il y a des besoins, quand il y a des gens
qui sont là pour essayer de les satisfaire, on pense que c'est une bonne
idée de créer ces ponts-là et on devrait les ouvrir, et
peut-être ne pas avoir ces mécanismes de décroissance. Pour
avoir vécu dans des centres de recherche universitaires, il y a toujours
des besoins d'infrastructures qu'on ne réussit pas toujours à
satisfaire en offrant des services. Je pense que c'est un minimum qu'on peut
faire pour ces centres-là que de leur donner une petite infrastructure
ou une infrastructure à la mesure de leurs besoins pour leur permettre
de rendre le plus grand service possible.
Mme Robillard: M. Rousseau, est-ce que vous en avez
identifié, des nouveaux secteurs industriels en émergence
où vous trouvez, vous, l'Association, qu'on devrait ouvrir de nouveaux
centres spécialisés?
M. Rousseau: On n'a pas fait cette réflexion, je
regrette.
Mme Robillard: Parfait.
J'aimerais ça aborder avec vous maintenant la question de la
formation technique telle que
vous l'abordez dans votre mémoire. Votre association, vous
prônez, si j'ai bien saisi, une souplesse accrue dans la durée des
programmes. Mais je peux vous dire que, à ma connaissance, vous
êtes presque un cas unique dans tous les mémoires qui nous sont
présentés pour demander un allongement ou une période plus
longue de certains programmes techniques. À l'inverse, quand on nous a
parlé de souplesse à date, on nous a parlé d'essayer de
découper le D.E.C. en modules de sorte que la personne pourrait le faire
par étapes. Donc, c'était la notion de souplesse en essayant de
le découper en modules plutôt. Vous, vous allez plus loin et
j'aimerais vous entendre sur ça parce que vous me parlez des
périodes plus longues que les trois ans actuels des D.E.C. techniques.
Est-ce que ce sont des allongements très, très significatifs?
Est-ce que vous avez des exemples en tête? Un peu plus loin, M. Rousseau,
vous me parlez de passerelles avec l'universitaire. Mais, si j'allonge les
D.E.C. techniques, c'est quoi la différence entre le D.E.C. technique et
le bac universitaire? Essayez donc de m'expliquer ça un peu.
M. Rousseau: C'est une question de principe. On ne sait pas
pourquoi tout le monde doit avoir trois ans. Il devrait peut-être y en
avoir à deux ans et d'autres à quatre ans. Donc, dans ce
sens-là, dans un deuxième... Effectivement, on nous a
mentionné, au niveau de nos discussions, des exemples où on
pensait que quatre ans pourraient être très intéressants,
mais je ne me rappelle pas nécessairement du contexte.
Mme Robillard: Comme?
M. Rousseau: Essentiellement, c'est une question de principe.
Pour avoir vécu dans différents milieux, dans n'importe quel
milieu, on trouve toujours que la formation qu'on donne n'est pas assez longue,
qu'on pourrait en faire plus si on avait plus de temps. Notre point ici est de
dire: Pourquoi tout le monde a trois ans? C'est une solution simple. Mais il y
a peut-être des justificatifs pour que, dans certains cas, ça soit
deux ans et, dans d'autres cas, ça soit quatre ans.
Mme Robillard: Mais j'entends bien que vous ouvrez la porte
à du deux ans aussi, pas strictement du quatre ans.
M. Rousseau: Oui. Non. D'accord.
Mme Robillard: L'allongement au-delà du trois ans,
avez-vous des exemples à me donner?
M. Rousseau: Un des exemples qu'on nous a donnés, c'est au
niveau des techniques des nouveaux matériaux, qu'il y avait des
problèmes à ce niveau-là. Mais, comme ce n'est pas mon
domaine, je peux difficilement en discuter. Il y a aussi peut-être, dans
le fait de passer à quatre ans, que ça pourrait permettre plus de
stages dans une entreprise, dans certains cas. On n'en fait pas un point
majeur. On soulève le point: pourquoi trois ans pour tout le monde alors
qu'il y a des formations, je pense, qui devraient peut-être se situer
entre deux et quatre ans?
Au niveau des passerelles, je pense que la question est plus importante
parce qu'elle remet en cause le choix que les jeunes font à un âge
où ils ne sont pas nécessairement en état de faire ces
choix-là, et qui biaisent souvent le choix vers la formation
générale à des jeunes qui auraient peut-être
avantage à aller du côté technique.
Mme Robillard: Vous savez sûrement, M. Rousseau,
qu'à l'heure actuelle le nombre de jeunes qui passent du technique
à l'universitaire, donc qui utilisent une certaine passerelle, est entre
17 % et 20 %. On a de 17 % à 20 % de nos finissants du technique qui
continuent à l'universitaire. Ça vous dit quoi, ce
pourcentage-là? Pour vous, c'est satisfaisant? Ce n'est pas assez?
Comment vous voyez ça?
M. Rousseau: Dans un premier temps, c'est probablement mal
publicise, au niveau des choix que les jeunes font, de montrer qu'il y a 17 %
ou 20 %. Je dirais, si j'avais un chiffre à sortir, qu'effectivement
entre 20 % à 30 % qui iraient à l'université, je
trouverais ça très intéressant. Mais c'est surtout de
faire connaître ces passerelles et de les aménager un peu dans
tous les domaines, et de s'assurer que l'université ne mette pas des
bâtons dans les roues inutilement à ces passages-là. Donc,
c'est d'ouvrir cette voie-là, et, nous, entre autres, notre entreprise,
pour avoir des gens qui ont fait les deux niveaux de formation, on trouve que
c'est des personnes assez exceptionnelles.
La Présidente (Mme Harel): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: M. Rousseau, M. Demers et M. Tremblay,
sincèrement, je suis content; à ma connaissance, c'est la
première fois, depuis le début des audiences, qu'un groupe qui se
préoccupe de recherche donne son point de vue sur la réforme
envisagée ou les éléments de réforme. Et ça,
c'est intéressant, sincèrement, que l'Association de la recherche
industrielle vienne nous dire comment elle perçoit ça. Ce n'est
peut-être pas le plus long mémoire qu'on a eu, mais ce n'est pas
nécessaire d'être long pour, des fois, avoir ce que j'appelle une
bonne lecture de ce qui se passe, et, sans flatterie inutile, lorsqu'un
mémoire, d'entrée de jeu, indique que, selon vous, vaut mieux
améliorer ce que l'on a, moi, j'aime mieux ça qu'autre chose.
Deuxième point: que vous nous rappeliez, même si c'est
douloureux de se le faire dire à
nouveau, que nous ne consacrons pas assez de ressources et
d'énergies en RD ou en RDI, vous avez raison. Toutes les statistiques le
confirment, le prouvent. «À cet égard, la situation au
Québec, caractérisée par un abandon massif [...] au niveau
secondaire et par une baisse de l'engouement pour les carrières
scientifiques et technologiques, est particulièrement
inquiétante.» Et vous dites: «Le Québec et le Canada
consacrent en RDI environ la moitié moins d'efforts et de ressources que
les autres pays industrialisés». Puis, là, vous avez
été gentils, vous avez mis le Québec et le Canada
ensemble. Mais, quand on regarde ce que le Canada fait en particulier pour
l'Ontario contre nous autres, parce qu'on n'a pas l'argent, ça fait dur,
le niveau de recherche-développement. Avec la moitié des
ressources qu'on a, on ne peut pas faire de miracle. Mais ça permet
quand même de rappeler combien ce constat est exact, conforme aux faits
et correspond à une réalité qui n'est pas tellement
intéressante.
Je n'ai pas de trouble non plus à la page 8. Rapidement, je ne
suis pas au niveau des questions, je suis au niveau des commentaires. Au niveau
de trois paragraphes, vous avez résumé une problématique
d'une façon extraordinaire. De se faire dire: «Pour enrayer cette
désaffection des jeunes, il conviendrait [...] que soient
resserrées les exigences du diplôme d'études
collégiales dans le cadre de programmes d'études mieux
définis, plus cohérents et structurés, auxquels les
étudiants pourront s'identifier». Et, au préalable, vous
aviez parlé de combien il y a des lacunes au niveau du manque
d'encadrement. Donc, vous ne nous dites pas: Les jeunes, ils traînent,
puis clenchez-les. Juste en haut, vous avez dit: Toute notre
société accuse certaines faiblesses et s'est accusée des
faiblesses de notre système. Donc, il n'y a pas de raisons de faire
écoper des gens. C'est ce que je lis, en tout cas. Et je trouve
pertinent ce type de remarque.
Je voudrais quand même vous poser quelques questions, puisque vous
avez, selon moi, touché quelques points d'une façon très
intéressante. La première, je n'y reviendrai pas, mais je tiens
à vous dire que, moi aussi, je trouvais que c'était - encore
là, ce n'est pas péjoratif, je pense, de dire ça - un
peu... pas très étayé d'affirmer qu'il faudrait rallonger,
parce que vous n'avez pas l'air à aimer le chiffre 3, faire durer des
programmes techniques, en disant: Une souplesse accrue. Vous êtes le
premier qui demandez ça. On peut en convenir, mais ce n'est pas en
donnant trois ans ou quatre ans, d'après moi, qu'on réglerait
l'affaire. (21 h 30)
On est mieux d'avoir ce que j'appelle une bonne formation technique qui,
globalement, répond aux exigences des types de formation et convenir que
dans certains créneaux ce n'est jamais fini, comme ça devrait
être, de toute façon, dans tout. Parce que là, quand vous
dites, un peu plus loin, perfectionnement, stage d'études ii faut
toujours envisager de maximiser la formation en exercice, compte tenu des
révolutions industrielles, du changement technologique. Il y a des gens
qui nous disent: Écoutez, une technologie, dans le domaine de
l'informatique, 10 mois, un an après, ce n'est plus la bonne. C'est de
valeur, mais je ne peux plus me promener avec le bouton d'Apple, ce n'est plus
le bon. C'est un exemple; ce n'est pas vrai, Apple s'adapte. Tu sais ce que je
veux dire, je parle juste...
Alors, à cette vitesse, est-ce qu'on réglerait le
problème de dire: Dorénavant, la technologie va avoir quatre ans?
Je ne suis pas sûr. Moi, j'aime mieux dire: Écoutez, ne prenez pas
ce chance, peu importe la formation qu'on vous donne, envisagez qu'elle n'est
jamais terminale complètement, surtout dans le domaine de la technique.
Donc, ma première question était là-dessus mais, vous
l'avez donnée, l'explication, correctement; donc, je ne reviens pas sur
ce sujet.
Vous avez parlé, à une couple de reprises, qu'il faudrait
maintenir également des crédits d'impôt au niveau des
stages. J'aimerais savoir de vous si la formule serait plus crédit
d'impôt, subvention ou d'autres formules. Parce que, moi, je n'ai pas la
conviction qu'on va attirer beaucoup d'entrepreneurs et d'entreprises à
être plus ouverts aux stages avec un crédit d'impôt parce
qu'il y en a un paquet qui restent dans le budget. Par exemple, avec le
déficit qu'on a, une chance qu'il en reste un peu! Mais il y a beaucoup
d'entreprises qui disent: On ne les prend même pas, les crédits
d'impôt, c'est trop compliqué; ça prend une
éternité à remplir les formulaires et puis tout ça.
Alors, votre choix, vous, là-dessus, c'est quoi votre avis entre une
formule... Vous maintenez quand même les crédits d'impôt
pour les stages?
M. Rousseau: Bon, on a mis cette formule parce qu'on la trouvait
la moins complexe à mettre sur pied, d'étendre simplement le
crédit d'impôt à la formation, de dire que l'entreprise qui
reçoit un jeune pourrait déduire en crédits d'impôt
le salaire qu'elle verse au jeune. Donc, elle en retire un petit peu; elle doit
en payer un petit peu au jeune et dans son temps pour faire la formation. Donc,
on voulait essentiellement alléger le fardeau - parce que, dans certains
cas, c'est un fardeau - d'avoir des stagiaires en entreprise. On a
mentionné tantôt, avec la discussion qu'il y avait là,
effectivement, que les stages, c'est une bonne façon de recruter des
futurs employés et tout ça. Donc, il y a des
bénéfices, mais il y a des coûts aussi et, surtout pour les
PME, ces coûts peuvent les empêcher d'aller dans ce
sens-là.
Subvention ou crédit d'impôt, je n'ai pas de choix. C'est
plus facile d'avoir une subvention, mais le crédit d'impôt est
comme un peu plus
automatique. Il n'y a pas une démarche à faire, c'est
refilé au comptable, en fin d'année, pour aller
récupérer ça. C'était, à notre point de vue,
peut-être la formule la plus simple. Mais, je suis d'accord avec vous, il
y a des gens qui ne vont pas chercher leur crédit d'impôt à
la recherche-développement; ils ne vont pas chercher leur crédit
d'impôt à la formation, etc. Mais, ça, on ne peut rien
faire.
M. Gendron: Ça va, c'est clair. Dans votre esprit, est-ce
que vous croyez - ça déborde un peu votre mémoire, mais,
compte tenu de votre expérience, on sent que vous êtes très
préoccupé et intéressé par ces questions - vous,
vraiment, qu'au Québec la participation des entreprises... Parce que,
à moins que je ne me trompe, j'ai toujours la conviction qu'avec une
meilleure formation technique, c'est toujours l'entreprise qui y gagne et
même à court terme. Dans ce sens-là, au Québec, je
n'ai pas la conviction, moi - et, encore là, il n'y a pas de jugement de
bonne foi ou de mauvaise foi - que l'effort des entreprises est assez
significatif de dire: II nous appartient d'être plus ouvertes dans cette
formule de stages de travail, études et stages et ainsi de suite. Est-ce
que vous croyez qu'ils ont ce degré de conscientisation sur la
nécessité de le faire, mais sans nécessairement dire: Pas
de crédit d'impôt, c'est trop compliqué, on laisse tomber?
Même si, moi, je pense toujours que ceux qui vont en
bénéficier le plus... Une formation qualifiante,
qualifiée, ça a des incidences sur des niveaux de rendement, de
compétitivité et, comme c'est des objectifs que des employeurs
doivent viser, il me semble qu'ils devraient être plus
intéressés par ça.
M. Rousseau: Moi, je pense qu'il y a des efforts de
sensibilisation considérables à faire. On a juste voulu, par
cette suggestion, ici, essayer de lever un handicap d'entrée à
ceux qui voulaient peut-être essayer cette formule dans un premier temps.
On a parlé tantôt des stages coopératifs. M y a deux ou
trois sortes de stages. Un stage de fin d'études: le jeune est
déjà passablement formé et peut être d'une
utilité réelle. Un stage de début d'études, dans
des contextes comme, par exemple, Sherbrooke, où les premiers stages se
font après pas très longtemps d'études, je vous avoue que
les stagiaires sont un peu verts pour être très productifs dans
une entreprise. Ça devient vraiment un investissement à long
terme, surtout quand on pense que ça va être dans deux ans ou dans
trois ans qu'on va pouvoir les engager.
Alors, la suggestion est là. Je pense que, avec ou sans
crédits d'impôt, il faut encourager le plus possible des stages en
industrie. Ça demande, on le sait très bien, des ressources
énormes, au niveau des cégeps. Je veux dire que ce n'est pas
quelque chose qui se fait du jour au lendemain, mais c'est extrêmement
bénéfique et pour les jeunes et pour les entreprises, parce que
ça crée aussi un lien avec le professeur du jeune, quand il y a
un problème ou qu'il y a une difficulté qui surgit. Donc, c'est
quelque chose qu'il faut encourager, de la même façon qu'on a
voulu encourager les entreprises à faire de la formation en leur donnant
des crédits d'impôt, parce que, ça aussi, la formation,
ça devrait être à la base du développement de
n'importe quelle entreprise. Le gouvernement a choisi cette
méthode-là de le donner par crédits d'impôt. Nous
croyons que ça devrait être étendu à ces
éléments-là aussi.
M. Gendron: Et, pour ce qui est des centres
spécialisés, vous faites une suggestion. La question que je
voudrais vous poser... Vous prétendez qu'il y aurait lieu de supporter
plus adéquatement les plus performants sur le plan financier. Ça
créerait une certaine émulation, puis c'est loin d'être
bête. Mais, à ce moment-là, ça va prendre une
espèce de grille d'évaluation. Ce serait quoi, selon vous, les
critères d'évaluation? Et qui serait chargé de le faire,
pour être capable de dire: Tel centre spécialisé, ayant
donné une meilleure performance qu'un autre, en conséquence, il
doit être encouragé davantage et avoir un support financier plus
significatif? Qui déciderait ça? Comment ça se ferait?
M. Rousseau: Je ne connais pas la mécanique actuelle du
mécanisme d'évaluation. Je peux référer à
une mécanique d'évaluation, je dirais, similaire qui est faite
par le FCAR, qui est pour les centres de recherche universitaires qui sont dans
tous les domaines, selon des objectifs, évidemment, qui sont
différents pour les centres universitaires que pour les centres de
cégeps. C'est fait avec une programmation de la part du centre, qui
donne un plan d'activités à réaliser, un plan des
activités qui ont déjà été
réalisées. Il y a un comité d'experts avec des membres
externes qui vont évaluer la pertinence et du programme et de ce qui a
été fait, et qui comparent un peu l'ensemble des centres dans une
fonction de concours à tous les trois ans ou à tous les trois
à cinq ans. Le FCAR a essayé cinq ans, il est revenu à
trois ans. Il faut regarder les objectifs qui, au niveau de ces centres
spécialisés, sont essentiellement la collaboration avec les
entreprises, les transferts technologiques qui sont réalisés et
les activités de cet ordre-là. Je pense qu'il y a une
mécanique qui n'est pas très complexe. Il y a déjà
une mécanique d'évaluation qui est faite. Il faut, pour la rendre
juste et acceptable, inclure une certaine participation de spécialistes
externes, et au ministère et au cégep, dans le milieu, qui
viennent donner leur opinion.
M. Gendron: Sur la formation scientifique
préuniversitaire, vous dites qu'il conviendrait «de restreindre le
temps actuel consacré aux vacan-
ces et congés de toutes sortes». Au-delà du principe
général que, oui, on a probablement des temps de formation un peu
plus courts qu'ailleurs, mais il faut toujours mettre ça, d'après
moi, en parallèle avec le type de société dans laquelle on
est... Et là, je ne veux pas faire des distinctions là où
il n'y en a pas, mais, avec le taux de pauvreté, l'éclatement des
familles, le monoparentalisme, ainsi de suite, et la pauvreté
grandissante des jeunes qui nous disent, dans tous les sondages, que même
au collégial... on n'est pas bien avancés. Il y a au-dessus de 50
% des jeunes, au collégial, qui doivent consacrer presque plus de temps
à travailler ailleurs qu'à leurs études, pour des raisons
de satisfaire des besoins vitaux, nous disent-ils. (21 h 40)
Question précise: Est-ce que vous n'auriez pas peur qu'en
rallongeant les temps d'enseignement et en écourtant, comme vous le
dites, les vacances et les congés de toutes sortes, ça pourrait
avoir une incidence sur le décrochage et que, s'il y a quelque chose
qu'il faut... Autrement dit, il n'y a aucun geste qu'il faut poser qui aurait
comme conséquence d'augmenter le décrochage, il me semble qu'il
faut en convenir.
M. Rousseau: Je pense que ce n'est pas en allégeant la
formation et en donnant plus d'occasions aux jeunes de travailler qu'on
répond vraiment au problème du décrochage. Si on voulait
aménager la formation pour permettre aux jeunes de travailler, on
réduirait plutôt la semaine de travail, le nombre d'heures dans
une semaine et on retendrait uniformément sur l'année
plutôt que de créer des congés, par exemple le congé
après Noël, qui est de deux ou trois semaines, qui n'a, à
mon point de vue, aucun sens, ni pour le travail ni pour les études.
Donc, ce qu'on dit ne répond pas nécessairement à ce que
vous dites.
D'autre part, et là, c'est très discutable, on embarque
dans un débat social et je ne suis plus sur mon terrain, de dire que les
besoins vitaux des jeunes... Des jeunes que je connais qui travaillent, au
cégep, c'est pour se payer une voiture, un système de son ou des
choses comme ça. Je ne dis pas que l'autre catégorie n'existe pas
non plus, mais je pense qu'à ce moment-là il faut les
régler peut-être plus par des systèmes de prêts et
bourses qu'encourager les jeunes à travailler pendant leurs
études, ce qui est très néfaste au niveau de la
formation.
M. Gendron: Non, mais, moi, je trouve que... Je sais bien que
c'est un débat un peu de conception idéologique, mais je faisais
un peu référence à la chronique de Mme Petrowski, dans
Le Devoir, qui disait presque: Dans le fond, un jeune de 17 ans, gars ou
fille, il faut presque que tu lui laisses vivre un certain nombre
d'expériences, et ça correspond, en tout cas, à ses
attentes. Et, si tu ne lui laisses pas vivre ce type d'attentes là, ce
n'est pas sûr que ça n'a pas des incidences très,
très, très directement liées à des
conséquences comme décrocher, parce que ce n'est pas ce qu'il
veut et que ça correspond... Je ne dis pas qu'il faut verser dans la
facilité. Si vous avez perçu ça comme ça, ce
n'était pas ça du tout. Je pense que, oui, il faut être
exigeant dans des contenus serrés, mais, moi-même, j'ai
enseigné et je me rappelle qu'il n'y a personne qui m'a fait la preuve
qu'une année au secondaire ça ne se fait pas en neuf mois. Mais
ça dépend comment tu la fais. S'il faut que tu ailles accrocher
tes jeunes c'est sûr que tu leur donnes un cours de maths si tu les as
dans la classe. Mais, s'ils ne veulent rien savoir et si tu dis: Moi,
j'enseigne à ceux qui veulent savoir quelque chose, là tu as
besoin de 11 mois, puis 12, puis, dans certains cas, 13, et là tu ne les
as plus. Tout est un peu dans la manière, l'intérêt et
ainsi de suite. Moi, je ne parle pas de réduire. Je dis juste: Puisqu'il
y a une incidence très forte sur des besoins que les jeunes pensent
importants et qu'ils veulent satisfaire eux-mêmes par des
expériences de travail estival ou autres, est-ce que ça n'aurait
pas, d'après vous, une conséquence sur le décrochage?
M. Rousseau: Je pense que non. Personnellement, je pense que
non.
M. Gendron: C'est ça que je veux savoir.
M. Rousseau: Je pense qu'en augmentant le niveau des exigences on
donne le message de l'importance. Et, en donnant le message de l'importance,
que ce n'est pas un jeu, surtout, de plus en plus, avec le genre de
société vers laquelle on évolue où ceux qui
n'auront pas développé des compétences
particulières vont rester sur la paille, je pense que ce
message-là de l'importance de la formation donnée par une
discipline et ,jn contenu important, et pas de laisser-aller dans le
système, ne créerait pas pius de décrochage, au contraire.
C'est mon opinion là, mais...
M. Gendron: Oui, mais c'est ce que je voulais avoir. Je vous
remercie de deux choses également; je l'avais omis tantôt lorsque
vous nous avez rappelé le défi d'une triple harmonisation des
trois ordres d'enseignement. Ça, je trouve que ça correspond
à une réalité, et vous faites bien d'indiquer qu'on a le
défi d'une triple harmonisation.
En conclusion, je veux vous remercier. Que vous ayez l'intelligence
d'indiquer qu'il est urgent de faire une meilleure promotion de la science et
de la technologie chez nos jeunes, je pense que vous feriez sûrement
oeuvre utile de trouver les moyens de le maximiser. Parce que c'est clair
qu'une société qui n'aura pas plus de pensée scientifique,
puis de jeunes chercheurs,
puis de gens qui auront le souci de dire: Moi, je vais faire des efforts
d'être un créateur d'emplois, plutôt que juste dire: Quel
emploi la société m'offre, ça peut être
inquiétant dans l'avenir. Je pense que c'est une heureuse initiative de
votre part de faire davantage la promotion de la culture scientifique et du
développement de la science.
La Présidente (Mme Harel): La parole est maintenant au
député de Sherbrooke.
M. Hamel: Merci, Mme la Présidente. Moi aussi, M.
Rousseau, j'ai bien aimé votre mémoire. Il y a des choses
intéressantes là-dedans. Entre autres, quand vous parlez du
chapitre sur l'extension des régimes coopératifs pour les stages
techniques, il me semble que c'est la première fois qu'on nous
suggère et qu'on nous indique que des professeurs pourraient aussi faire
des stages dans l'industrie et que l'inverse serait aussi intéressant.
Est-ce qu'à votre connaissance ça existe déjà dans
certains milieux?
M. Rousseau: Je sais qu'il y a des programmes qui favorisent
ça qui ont été en place. Je ne sais pas s'ils existent
encore. Je sais que nous en avons déjà profité à
notre firme. Je sais également que c'est difficile, que ce n'est pas
nécessairement facile parce que le professeur - on a des
responsabilités administratives - se coupe un peu, peut-être,
d'une continuité quand il va faire un stage en entreprise.
C'est pour ça, entre autres, que - et ça ne ressort
peut-être pas dans le mémoire - en préparant ma
présentation... Il pourrait peut-être y avoir des
aménagements, des fois, de demi-temps ou de quart de temps en entreprise
pendant une période de temps, avec allégement des cours pour
toujours, encore une fois, favoriser les ponts entre l'entreprise et le milieu
de l'enseignement pour empêcher que la formation soit
déconnectée et aussi pour amener dans les entreprises l'expertise
qui se trouve dans les cégeps.
Ce qui se passe maintenant, ce qui est peut-être très
intéressant, c'est au niveau de la formation continue où on se
trouve à amener dans les entreprises, souvent, beaucoup de professeurs
de cégep pour faire de la formation. À mon point de vue, la
formation va se faire dans les deux sens, par cette voie-là
également. Mais il y avait, je crois, des programmes qui favorisaient
les stages en entreprise des professeurs. Je ne suis pas vraiment au courant
s'ils existent encore, mais je pense qu'il faut également favoriser
ça.
M. Hamel: Merci, M. Rousseau. Un autre aspect. Vous soulevez ce
que vous appelez le défi de la triple harmonisation, qui est, en effet,
un défi considérable, et vous énumérez un certain
nombre de choses qui pourraient favoriser cette harmonisation. est-ce que vous
auriez une proposition plus concrète à nous suggérer pour
rencontrer cette harmonisation des trois niveaux?
M. Rousseau: Malheureusement pas. Ha. ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Hamel: C'est complexe, hein?
M. Rousseau: C'est très complexe et la
problématique est là. Je veux dire que j'ai des jeunes qui sont
au cégep et, les deux, trois premiers mois de l'année, c'est une
remise à niveau. Ils me disent: Là, on est rendus au secondaire
III; la semaine prochaine, on va être au secondaire IV, et ainsi de
suite. Parce que les gens viennent de différents milieux. La même
chose se passe au niveau secondaire, parce que les gens viennent de
différentes écoles primaires. Et la même chose se passe
à l'université parce que les gens viennent de différents
cégeps. Alors, à mon point de vue, c'est un des coûts de
cette structure qu'on a créée, de créer un niveau
supplémentaire par rapport à nos partenaires. On a
créé un niveau supplémentaire de transition. C'est un
coût.
L'autre chose que je déplore, même si on dit qu'on ne veut
pas remettre en question les structures: la structure du cégep est trop
courte - pas parce que je veux l'allonger, Mme la ministre - pour créer
un vrai esprit de corps dans ce milieu-là. On le fait au secondaire, on
le fait à l'université. Ils entrent au cégep et,
l'année suivante, il faut qu'ils soient responsables des structures
sociales du cégep. C'est trop vite. Les transitions se font trop vite;
il ne se crée pas un vrai milieu de vie dans les cégeps sur une
période de deux ans. Ça, je le déplore, mais, là
non plus, je n'ai pas de solution. C'est un autre des coûts de cette
structure qu'on a créée.
M. Hamel: Merci beaucoup. Ça va.
La Présidente (Mme Harel): Si vous me permettez,
j'aimerais peut-être profiter des quelques minutes qu'il reste pour
renchérir un peu sur la déclaration que vous faisiez à
l'effet que le perception dans l'opinion publique n'est pas à l'effet
que le technique conduit à l'université. Alors, vous-même
qui êtes ici devant nous, donc, qui vous êtes
déplacé, qui êtes au salon rouge et qui êtes, sans
doute, quelqu'un qui lit les journaux assez régulièrement, qui
doit certainement écouter les téléjournaux, etc., j'ai eu
l'impression que vous aviez un effet de surprise, hein?
M. Rousseau: À ce pourcentage-là, j'ai
été surpris, oui.
La Présidente (Mme Harel): Pardon?
M. Rousseau: Le pourcentage mentionné m'a surpris.
La Présidente (Mme Harel): Le pourcentage, n'est-ce
pas?
M. Rousseau: m m'a surpris. je savais que ça existait,
mais, pour moi, c'était beaucoup plus exceptionnel que ce que mme la
ministre a mentionné.
La Présidente (Mme Harel): Qu'il y ait un étudiant
sur cinq, finalement, qui, après avoir terminé ses études
au niveau technique, se retrouve à l'université.
M. Rousseau: Oui. (21 h 50)
La Présidente (Mme Harel): Et je crois que c'est un
élément extrêmement important. C'est ce qui fait qu'il est
possible d'envisager l'éducation au niveau collégial technique
non pas seulement pour des étudiants qui n'ont pas la capacité
intellectuelle de faire des études allongées. C'est quelque chose
sur lequel il va falloir beaucoup insister, je crois. C'est sans doute une des
barrières, un des obstacles infranchissables actuellement entre le
secondaire et le collégial, qui déprécie tant
l'enseignement professionnel au niveau secondaire. Quel parent va favoriser
chez son enfant adolescent un métier si tant est que c'est pour le
plafonner pour le restant de sa vie? Alors, même si ça reste une
inconnue qui est plutôt du niveau de l'incertitude totale, si c'est le
général qui est finalement poursuivi, il reste que ça
laisse les options ouvertes. Alors, il faudrait en arriver - c'est sans doute
le défi le plus important qu'on a à relever comme
société, mais je n'ai pas l'impression qu'on est tout à
fait préparé - à pouvoir devenir ingénieur en
étant d'abord dans un métier au niveau secondaire. Un peu comme
en Allemagne. Vous savez que 69% des ingénieurs ont d'abord
été des ouvriers qualifiés. Alors, on ne peut pas prendre
les résultats d'un système sans vouloir aussi en épouser
les mises en application.
M. Rousseau: Je crois qu'il faut ouvrir les passerelles partout
où elles peuvent être ouvertes. Effectivement, le problème,
c'est qu'on a créé l'illusion jusqu'à un certain point que
l'accès à l'université allait ouvrir les portes à
la richesse et à la super-job alors que, effectivement, les parents
accepteraient peut-être plus facilement que leurs jeunes fassent des
études techniques en sachant qu'ils ne se sont pas barré la porte
à jamais pour une carrière plus longue s'ils veulent la
poursuivre. Moi, je crois que c'est un élément important qu'il
faut régler et qui, avec une bonne promotion des carrières qui
sont le résultat des études techniques, peut améliorer
grandement la situation. Parce que les jeunes, au niveau secondaire, ont une
relative - je ne dirais pas relative - une très mauvaise information en
général sur les carrières. Malgré les programmes
qui sont dans le système, ils ne savent aucunement les
possibilités et le contenu des carrières. Les choix se font sur
des images. Je mentionne le domaine de l'informatique où une
étude récente - je pense de Main-d'oeuvre Canada -
révèle que les jeunes du secondaire ont une très mauvaise
image de la carrière d'informaticien - un peu les «nerds»
-et ils ne veulent pas devenir informaticiens alors que c'est un des domaines
qu'on veut privilégier au niveau de nos choix de société,
de nos grappes technologiques, et qui sont des domaines d'avenir pour la
société québécoise. Alors, on retrouve au
secondaire une très mauvaise image de la carrière
d'informaticien. Donc, il y a des problèmes, qui ne sont pas des
problèmes énormes, qui peuvent se régler par une saine
promotion du contenu réel des différentes carrières
techniques, technologiques et professionnelles.
La Présidente (Mme Harel): Alors, il faut donc comprendre
que la perception est extrêmement importante puisque, vous-même,
par exemple, avez l'impression dans le mémoire que vous nous
présentez que les jeunes choisissent d'abord l'enseignement
général avant de choisir l'enseignement technique. Mais, cet
après-midi même, un ensemble d'intervenants de la région de
l'Estrie venaient démontrer que, au premier tour, les jeunes auraient
choisi l'enseignement technique, n'eussent été les contingences
et les contraintes; ils ont dû en deuxième tour finalement choisir
les sciences humaines. Alors, ce n'est pas la perception que vous en avez, je
crois.
M. Rousseau: Ce n'est pas la perception que les chiffres nous en
donnent jusou'à un certain point, surtout du <_2c_c3b4_tc3a9_ _prc3a9_sidente="" technique.="" la="">(mme harel): c'est-à-dire que le
résultat final, c'est celui d'une proportion qui est en défaveur
du technique. mais ce n'est pas le résultat du choix de
l'élève lui-même, c'est le résultat du
système.
M. Rousseau: II y a peut-être des choix aussi - là,
je ne connais pas les chiffres; on n'est quand même pas des
spécialistes de l'éducation des cégeps - peut-être
qui se font différemment en région et en ville.
La Présidente (Mme Harel): Définitivement, et c'est
une grande question qui n'est pas sur la place publique. Comment se fait-il que
l'enseignement technique soit particulièrement important sinon
même majoritaire chez les élèves des cégeps
extérieurs à Montréal et, à l'inverse
l'enseignement général étant plus localisé,
à
Montréal? Si l'on regarde ceux des cégeps qui ont plus que
la majorité de leurs élèves en enseignement technique, je
pense que, à part le cégep Ahunstic, ils sont tous situés
à l'extérieur de 111e de Montréal.
M. Rousseau: C'est peut-être du côté des
parents qu'il faut regarder, à ce moment-là.
La Présidente (mme
harel): très bien. alors,
je vous remercie. à moins qu'il y ait d'autres interventions, mme la
ministre, vous voulez clore?
Mme Robillard: Mme la Présidente, si vous me permettez,
j'ai trouvé l'échange fort intéressant. À M.
Rousseau et à l'Association, un grand merci d'être venus vous
prononcer sur ce dossier d'avenir pour le Québec. Merci beaucoup.
M. Rousseau: Merci beaucoup, ça nous a fait plaisir.
(Fin de la séance à 21 h 59)