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(Dix heures douze minutes)
La Présidente (Mme Hovington): Je constate que nous avons
le quorum ce matin. Je déclare donc la séance de la commission de
l'éducation ouverte.
Je rappelle le mandat de la commission, qui est, pour cette
séance, de procéder à des auditions publiques sur
l'enseignement collégial québécois.
M. le secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Fradet
(Vimont) est remplacé par M. Maltais (Saguenay); M. Gautrin (Verdun) par
M. Gauvin (Montmagny-L'Islet); M. Jolivet (Laviolette) par M. Paré
(Shefford); M. Parent (Sauvé) par M. Doyon (Louis-Hébert). C'est
tout.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le
secrétaire.
Organisation des travaux
Au cours des semaines à venir, vous savez que les parlementaires
auront à se pencher et à examiner tous les aspects de la vie et
du fonctionnement des collèges du Québec. C'est le mandat, en
fait, confié, Mme la ministre, à la commission de
l'éducation annoncée en mars dernier par l'Assemblée
nationale et confirmée en juin 1992 par avis public.
Les cégeps seront donc au coeur du débat que nous
entamons. Après 25 ans d'histoire, de vie, nous regarderons à la
loupe différentes facettes de l'éducation prodiguée dans
nos collèges. Nous aurons à nous poser des questions, mais
surtout à trouver des réponses. Par exemple, pourquoi une telle
disparité au niveau des connaissances acquises et pourquoi une telle
disparité au niveau des résultats obtenus? Pourquoi un taux aussi
élevé d'échec et d'abandon? En région, d'où
je suis, les questions peuvent être: Comment développer une
main-d'oeuvre qualifiée en région? Comment favoriser la poursuite
d'études supérieures? Et comment les cégeps peuvent-ils
devenir un élément essentiel du développement
économique régional, en fait un moteur du développement
régional? Les ressources humaines ne sont-elles pas une des ressources
premières à développer? Mais il faut former les jeunes
convenablement selon leurs propres capacités et chacun à son
propre niveau. Il faut donc pour cela une révision en profondeur de nos
collèges. Tous sont d'accord pour cela, Mme la ministre, parce que
l'intérêt est très grand, nous en avons la preuve ce matin,
dans tous les milieux, car la commission a reçu au-delà de 200
mémoires, tous de très grande qualité, tous très
fouillés, apportant des éléments de réponse aux
questions posées qui sont très intéressantes.
Alors, les travaux de cette commission portant sur l'avenir de
l'enseignement collégial québécois sont donc
déterminants pour l'avenir de nos étudiants et étudiantes
actuels et futurs, pour l'avenir des régions du Québec et pour
l'avenir de tout le Québec, car nous avons besoin de tous nos jeunes si
nous voulons tenir notre place dans l'économie mondiale.
L'éducation est le levier de l'économie. Le savoir, c'est notre
richesse naturelle la plus importante.
Alors, je souhaite donc la bienvenue à tous ceux et celles qui
nous font l'honneur d'être présents ce matin: mes collègues
parlementaires, ministériels et de l'Opposition, les différents
organismes ici présents ce matin et les individus qui viendront se faire
entendre tout au long de nos travaux. Alors, bienvenue, bonne
journée.
Je vais vous donner l'horaire de la journée, pour aujourd'hui, si
vous me le permettez. Alors, à 11 h 30, nous avons le Conseil des
collèges; à 13 heures, c'est la suspension des travaux. À
15 heures, c'est la reprise avec le Conseil supérieur de
l'éducation; à 16 h 30, le Conseil permanent de la jeunesse;
à 18 heures, suspension, pour reprendre à 20 heures avec le
Service régional d'admission au collégial de Québec;
à 21 heures, Mouvement pour l'enseignement privé. Et nous
ajournerons à 22 heures.
Alors, à ce stade-ci, j'inviterais les membres de la commission
à faire des déclarations d'ouverture s'il y a lieu, et je pense
bien, Mme la ministre, que vous avez une déclaration à faire au
début des travaux de cette commission si importante. Mme la ministre,
vous avez la parole.
Déclarations d'ouverture Mme Lucienne
Robillard
Mme Robillard: Mme la Présidente, mesdames et messieurs de
la commission, mesdames et messieurs intéressés au
développement du système collégial
québécois, je vous dis que c'est avec fierté et
émotion que je m'acquitte aujourd'hui de la tâche qui me revient,
comme ministre responsable de l'Enseignement supérieur et de la Science,
d'ouvrir les travaux de cette commission parlementaire sur l'avenir de
l'enseignement collégial québécois. Avec fierté
parce que, de toutes les composantes de la société
québécoise et de toutes les régions du Québec, on a
répondu en très grand nombre à l'invitation du
gouverne-
ment et de l'Assemblée nationale. Avec émotion, en raison
de l'énorme portée éducative, culturelle, sociale et
économique des questions que nous allons débattre; et aussi parce
que, de tous côtés, la conviction est répandue que notre
enseignement collégial est parvenu à une sorte de croisée
des chemins au-delà de laquelle, et en toute hypothèse, rien ne
pourra plus être comme avant. Ainsi, par le vaste mouvement de
réflexion et d'engagement qu'ils ont suscité, les 25 ans de nos
cégeps semblent d'ores et déjà devoir marquer un tournant
tout autant qu'un anniversaire.
J'ai déjà eu l'occasion, devant l'Assemblée
nationale, et à plusieurs reprises par la suite, de décrire le
contexte des demandes sociales qui ont conduit à la tenue de cette
commission parlementaire. Besoins de plus en plus pressants de
compétences et de qualifications poussées,
nécessité de pratiquer des exigences et des standards plus
élevés, urgence de relever le défi de la qualité.
Tout cela vous est familier, tout comme le fait que les collèges soient
pour plusieurs au centre de ces demandes sociales et parfois, il faut le dire,
d'attentes déçues.
Peut-être visés plus souvent qu'à leur tour depuis
leur création, les collèges du Québec ont, il est vrai,
fait l'objet spécifique de plusieurs importantes opérations
publiques d'examen et d'évaluation: rapport Nadeau, en 1975;
Cégep dix en 1977, livre blanc en 1978, travaux du Conseil des
collèges sur «le cégep de demain» en 1985, 20e
anniversaire en 1988 et, tout récemment, opération du même
conseil sur «le collège de l'an 2000», pour ne nommer que
celles-là. Ils ont même retenu l'attention d'observateurs
internationaux comme l'OCDE et ils sont régulièrement
visités par des représentants de gouvernements et de
systèmes étrangers. Tout cela n'a pourtant pas mis fin aux
allusions et aux sous-entendus, voire aux attaques directes à leur
endroit. (10 h 20)
J'ai déjà dit qu'en instituant, à
l'Assemblée nationale qui les a créés, un débat
public à large participation sur les collèges du Québec il
nous serait possible de traiter de tout cela au grand jour. D'ailleurs,
dès mai 1991, j'ai officiellement demandé au Conseil
supérieur de l'éducation de proposer une réactualisation
de l'ensemble de nos objectifs de scolarisation en enseignement
supérieur et, dans ce cadre, de réexaminer l'opportunité
des structures de notre enseignement supérieur. Ceux qui, après
coup, ont cru pouvoir soupçonner derrière mon initiative quelque
sombre complot du gouvernement ou du Conseil du trésor sont tout
simplement dans la science-fiction. Leur montage romanesque ne manque pas de
piquant, il est vrai, mais ils n'écrivent sûrement pas
l'histoire.
Il est évident que les défis d'éducation que nous
avons à relever ne touchent pas seulement les collèges; c'est
l'ensemble du système d'éduca- tion - à vrai dire,
l'ensemble de notre société - qui est en cause. Mais les
collèges occupent dans notre dispositif de formation une
place-charnière si stratégique qu'on peut légitimement
escompter pouvoir y enclencher une action de réforme qui, en amont et en
aval, contribuera immanquablement à mobiliser l'ensemble du
système d'éducation autour d'objectifs renouvelés
d'exigence et de qualité. C'est donc viser là un centre
névralgique du système. Les intervenants l'ont fort bien
perçu, d'ailleurs, qui se réfèrent souvent à ce qui
se passe à l'école et à l'université et identifient
dès lors des points de jonction dont les effets sont de l'ordre de
l'effet d'entraînement bien plus que du simple arrimage des niveaux.
Tout en reconnaissant le bien-fondé d'une opération
relative à l'enseignement collégial, certains auraient
souhaité qu'on s'engageât immédiatement dans un grand
réexamen de l'ensemble du système d'éducation, une sorte
de commission Parent 2. Les approches globales de ce genre sont parfois
nécessaire; en tout cas, elles sont toujours séduisantes, mais on
doit reconnaître qu'elles ne sont pas toujours indiquées ou
efficaces. En effet, quand l'essentiel des dispositifs et des ressources est en
place, les progrès qualitatifs s'obtiennent rarement par des manoeuvres
comparables à celles qui marquent les périodes où tout est
à bâtir et où les perspectives de croissance paraissent
illimitées. C'était le cas en 1960, mais les choses se
présentent maintenant bien autrement.
S'engager dans un processus qui aurait abouti, quelques années
plus tard, au dépôt de quelque volumineux rapport, exigeant
lui-même quelques années d'études, de consultations et de
contre-expertises et, ce ne serait pas la première fois, de
tergiversations et d'affrontements, ce n'était pas s'engager à
agir. D'ailleurs, au cours des 15 dernières années, on ne peut
pas dire qu'on se soit privé de bilans, de rapports et d'enquêtes
de toutes sortes, certains menés à grand renfort de temps et de
ressources, notamment dans le champ de la mission éducative. En est-il
toujours sorti beaucoup de décisions déterminantes et
mobilisatrices? On ne m'en voudra pas de préférer l'approche
privilégiée par mon gouvernement, qui est de viser l'action
réfléchie et efficace selon des échéanciers
raisonnables et dans des champs d'intervention suffisamment cernables.
Ce que j'ai lu dans les mémoires reçus me confirme
l'à-propos de cette approche. Cela me confirme aussi dans ma
décision de lancer un débat en en déterminant seulement
les grandes balises, sans référence à un
énoncé ministériel ou gouvernemental d'orientations ou de
propositions. Le débat aurait ainsi risqué d'être
limité et les interlocuteurs contraints de se situer par rapport
à certaines positions, voire de s'en démarquer, comme ce fut bien
souvent le cas dans le passé, avec les résultats que l'on sait.
Je
n'ai vraiment pas été déçue, Mme la
Présidente. Je note avec satisfaction que, renvoyés à leur
propre lecture de la réalité et à leur propre perception
des enjeux et des priorités, les individus et les organismes se sont
livrés à de pertinentes analyses de la situation et des actions
à entreprendre. Avec une lucidité tranquille et un courage
souvent exemplaire, avec beaucoup de sérénité aussi, les
signataires ont bien compris que le fait que tout soit sur la table ne
constituait pas une invitation à y apporter n'importe quoi et n'importe
comment.
Avec minutie et avec largeur de vues tout à la fois, avec un
respect sans complaisance, avec réalisme aussi, les participants ont
très généralement pris soin de décrire les
réalités, de mesurer leurs avancés, d'estimer la
faisabilité des actions proposées. Il s'en dégage un
ensemble impressionnant de préoccupations, de perspectives et de
recommandations qui rendront l'action possible, et selon des convergences
saisissantes autour d'un certain nombre de questions particulièrement
stratégiques. Les membres de cette commission peuvent donc
raisonnablement espérer voir s'exprimer ici les éléments
essentiels des nouveaux consensus qu'ils ont mandat d'accueillir, de
préciser et de porter à l'attention de l'Assemblée
nationale pour soutenir celle-ci dans les actions législatives qui
découleront de leurs travaux.
C'est plus de 200 mémoires qui ont été
déposés auprès de cette commission. Je les ai tous lus,
Mme la Présidente, avec un très vif intérêt et, je
dois le dire, non sans être saisie par la maturité des approches
adoptées, par la connaissance qu'ont les intervenants des
réalités de notre enseignement collégial, par leur juste
saisie de ses acquis et de ses faiblesses, par leur pressant appel en faveur de
la qualité et de l'exigence, par leur conviction que des virages majeurs
s'imposent - de véritables coups de barre, en certains cas - comme aussi
par la volonté d'amélioration et de renouveau qui s'y exprime de
la part de très nombreux intervenants majeurs.
Il appartiendra à cette commission de le vérifier au cours
de ses travaux, mais, si j'en juge d'après les mémoires
reçus, des convergences très fortes devraient se manifester ici
et servir de base à une vigoureuse relance de l'enseignement
collégial. Je parle de relance, car on nous recommande très
massivement de conserver la «formule du cégep» et de ne pas
nous engager dans une coûteuse et distrayante réforme de
structures. Avec une constance qui traduit un évident et profond
attachement du Québec aux collèges qu'il a modelés il y a
25 ans, on nous dit que les cégeps doivent être maintenus. Du
même souffle cependant, le ton se fait parfois solennel chez ceux et
celles - et ils sont en très grand nombre - qui réclament des
changements en profondeur. Tout se passe comme si, quoique ferme, l'appui
n'était pas inconditionnel. Nos collèges nous ont donné
beaucoup, mais pas tout ce qu'ils pouvaient et devaient, dit-on de toutes
parts. Nous en avons besoin plus que jamais, mais nous avons aussi besoin
qu'ils deviennent pleinement ce qu'ils sont censés être, et nous
les estimons suffisamment pour les savoir capables de ces changements. Ayant lu
leurs analyses et leurs intentions déclarées, j'ai de bonnes
raisons de croire que les collèges eux-mêmes, qui ont conduit
d'importantes démarches institutionnelles et collectives au cours des
derniers mois, sauront honorer cette confiance et saisir cette main tendue pour
un partenariat renouvelé avec la société
québécoise.
Ce partenariat renouvelé, les mémoires reçus en
indiquent avec force les paramètres de base et les principaux points
d'ancrage. Ceux-ci concernent essentiellement la réactualisation des
objectifs et des composantes de la formation, l'impératif prioritaire de
la maîtrise de la langue, la mise à jour et la valorisation de la
formation technique, l'élévation générale des
standards de qualité, la rigueur et la crédibilité de
l'évaluation, l'accueil des nouvelles populations étudiantes,
jeunes et adultes, et le renforcement de l'encadrement des cheminements
étudiants, les pratiques pédagogiques et le rôle central
des enseignantes et enseignants et des autres personnels, la
responsabilité académique des collèges,
l'efficacité et l'efficience de la gestion des établissements et
du réseau, les besoins et les contraintes de financement, l'articulation
entre les ordres d'enseignement, la collaboration entre les collèges et
leurs grands partenaires socioéco-nomiques. Globalement, une vaste mise
à l'heure des besoins du Québec du XXIe siècle dans le
contexte d'une demande sociale de formation en pleine croissance. (10 h 30)
Ces enjeux sont affirmés et martelés avec une telle
récurrence et une telle insistance qu'on ne voit pas bien comment les
esquiver sans être infidèles à ce qui a tous les traits
d'un rendez-vous de société.
Nous aurons à vérifier ensemble si tous les partenaires
sont prêts à répondre positivement et, pour cela, à
consentir les ajustements et les redressements nécessaires à
l'éclosion de ce que de nombreux intervenants n'hésitent pas
à décrire comme des virages et des réalignements majeurs
dans l'enseignement collégial québécois.
Je me réjouis de pouvoir rencontrer avec vous un éventail
large et représentatif des auteurs des mémoires
déposés à cette commission. Nous aurons ainsi l'occasion
d'engager le dialogue avec eux, de nous informer des tenants et aboutissants de
leurs propos et de leurs recommandations, de demander des précisions, de
les entendre expliciter leurs positions et de nous assurer nous-mêmes de
bien saisir la portée de ces positions. Pour ma part, j'entends
m'engager activement dans nos travaux, résolue à prolonger ici,
de concert avec les membres de cette commission, le type d'échange
direct, serré et
constructif que mes fonctions m'ont amenée à pratiquer
avec les divers partenaires de l'enseignement collégial.
Mme la Présidente, j'aborde ces journées d'échanges
avec de grandes attentes, des attentes qui, à l'instar de celles qui
s'expriment avec force dans les mémoires, visent des changements de cap
importants tout à fait incompatibles avec le maintien du statu quo.
Cette commission parlementaire n'a d'ailleurs pas été
convoquée simplement pour faire disserter les uns et les autres ou pour
permettre de repousser les moments de vérité. Des
décisions substantielles devront en découler, qui engagent
ultimement notre capacité comme société d'affronter avec
succès les défis de l'avenir. Des défis de
développement et de prospérité économique sans
doute, comme nous en convenons tous. Mais aussi un défi de
développement social peut-être encore plus interpellant, celui de
bâtir ici une société formée de gens instruits,
compétents, libres, créateurs, responsables, ouverts sur le
monde, aptes à accueillir les différences et à vivre dans
l'équité, le dialogue et le partage.
Porteurs de notre avenir, les jeunes du Québec ont raison de ne
pas aspirer à moins. Je suis convaincue que c'est à la condition
qu'ils s'engagent dans cette voie très exigeante que les collèges
pourront obtenir un mandat renouvelé de la société
québécoise. C'est à cette même condition que la
ministre responsable pourra, à cette fin, les assurer de sa
solidarité et de son appui.
Je nous souhaite à tous et à toutes une excellente
commission parlementaire.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, Mme la ministre. Je
passerai la parole maintenant au porte-parole officiel de l'Opposition, M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Hovington): Vous avez 20 minutes comme
la ministre.
M. François Gendron
M. Gendron: Oui, Mme la Présidente. Merci. Je salue
également la ministre du «tout éducatif
réuni», puisqu'elle est ministre de l'éducation primaire,
secondaire, collégiale et universitaire. Alors, on vous salue dans
toutes vos responsabilités éducatives, de même que les
collègues des deux parapluies réunis ainsi que chers vous tous.
Bienvenue à cette commission et merci d'être là, parce que
votre présence témoigne sans aucun doute de votre grand
intérêt pour une question nationale importante qui est celle de
l'avenir des collèges au Québec.
D'entrée de jeu, je voudrais faire quand même deux rappels
avant d'aller sur le fond des choses et sur ce que je souhaite que cette
commission parlementaire puisse nous permettre de faire. Je voudrais indiquer
que, quant à nous, nous aurions souhaité, comme d'autres, qu'il y
ait nécessité d'une réflexion plus large sur l'ensemble du
système d'éducation au Québec. C'est un constat qui a
été fait par plusieurs observateurs et je voudrais juste
m'appuyer rapidement sur quatre raisons principales pour indiquer que ça
aurait été souhaitable, selon nous. Il ne faut pas oublier que
ça fait déjà plus de 25 ans qu'on a appliqué le
rapport Parent et, selon nous, il aurait été de mise de repenser
l'éducation en fonction des défis de l'avenir, mais dans
l'ensemble de toutes les questions éducatives. Deuxième argument:
les mutations sociales et les mutations qu'ont connues les familles et la
société québécoise auraient sûrement
exigé qu'on regarde ça plus attentivement. L'éclatement
des familles, l'accroissement de la pauvreté, les tensions
interculturelles, le mono-parentalisme et autres, c'est des
réalités qui doivent être prises en compte lorsqu'on
regarde les questions éducatives. Il y a aussi toute la question des
pressions sociales, des demandes sociales, qui sont stimulées par la
compétitivité et par l'internationalisation des échanges,
qui ont créé d'importantes pressions sur le système
d'éducation. Ça aurait été intéressant de
regarder ça. Il y a également la diversité des populations
étudiantes et des cheminements des étudiants.
Quand je dis que je suis appuyé dans cette réflexion, le
Conseil permanent de la jeunesse - d'ailleurs, vous allez le voir dans son
mémoire - avait le même point de vue. Il disait que le moment
était sûrement venu, au Québec, de faire un débat
majeur, de fond, mais cette fois-là avec des orientations, cependant,
sur l'avenir de l'éducation. Lise Bissonnette, dans un editorial d'hier,
disait: «L'éducation en panne». Je pense que Lise
Bissonnette, dans le domaine de l'éducation comme dans d'autres
domaines, selon moi, a énormément de crédibilité et
elle soulevait des bonnes questions.
Je lisais, avant-hier, un article où on disait ceci: Dans la
Beauce, on a lancé Défi-Éducation 2000, quand la
matière grise doit remplacer l'huile de bras. «Alertés par
le libre-échange et la sous-scolarisation de leur population, les
Beaucerons ont entrepris de remplacer la sueur et l'huile de bras par la
matière grise.» L'article évoque cette
nécessité urgente de replacer au coeur de la
société québécoise la préoccupation
éducative.
Alors, voilà le premier commentaire que je voulais faire, mais le
Parti libéral a décidé de faire autrement, et c'est son
choix. C'est lui qui, actuellement, a la responsabilité de prendre les
décisions au niveau du gouvernement du Québec et le Parti
libéral a choisi de tenir une commission parlementaire portant
exclusivement sur l'enseignement collégial, en ne mettant pas
grand-chose sur la table, et j'y reviendrai.
Nous, on a questionné ce choix-là parce
qu'on pense que, le collégial étant une charnière
du système d'éducation, il s'avère important d'examiner ce
qui s'est fait en amont et en aval pour ne pas en arriver à faire
évoluer les différents ordres d'enseignement sur des voies
parallèles, parce qu'on pense que c'est dangereux.
Comme d'autres, et je vais être très court
là-dessus, nous aussi, on a de sérieux doutes quant aux
motivations premières du gouvernement à opter pour une telle
commission parlementaire, puisque l'actuelle remise en question des
cégeps paraissait beaucoup plus inspirée par des
considérations fort mercantiles, de nature purement économique,
de gestion de gouvernement comptable, voire même une commande du Conseil
du trésor visant, par le biais de l'instauration de frais de
scolarité ou même du démantèlement du réseau
collégial, à réaliser des économies significatives
parce que, et j'y reviendrai, il y a quand même 1 200 000 000 $ dans le
collégial.
La ministre nous a dit tantôt que nous étions dans la
science-fiction. Bon, ça ne nous déplaît pas plus que
ça parce qu'on s'est fait dire ça pendant presque huit semaines,
tout dernièrement, puis la population a trouvé qu'on devait faire
de la bonne science-fiction parce qu'il y a pas mal de gens qui étaient
d'accord avec nous autres. Quand un premier ministre nous dit, la veille: Je
souhaite un sursaut de réalisme pour éviter l'instabilité
économique parce qu'un non à l'entente créerait des drames
sans précédent... Alors, on nous a demandé de revenir sur
la terre. Nous, on était convaincus qu'on y était, avec le
peuple, et le peuple nous a donné raison. Alors, ça ne me fait
rien de me faire dire qu'on est dans la science-fiction aujourd'hui.
Mais, ce que je dis aujourd'hui cependant à tous les intervenants
éducatifs: Sincèrement, je pense que la ministre est
sérieuse là-dessus en disant: Non, j'ai éloigné de
moi ce calice et d'aucune façon moi, comme ministre de l'Enseignement
supérieur, je ne suis dans de telles dispositions. Alors, fort
heureusement, j'espère que c'est ça. On verra à la
conclusion de la commission.
En ce qui nous concerne, nous de l'Opposition officielle, c'est clair
que tout n'est pas sur la table. Moi, je ne veux pas tout mettre sur la table
parce qu'il y a des affaires qu'on ne veut pas reconsidérer, entre
autres, et j'y reviendrai, les frais de scolarité et d'autres
considérations. Il n'est pas question, quant à nous, de tout
mettre sur la table. D'ailleurs, à ce sujet-là, je ne trouve pas
très courageux pour un gouvernement de dire à tous et chacun:
Vous pouvez venir nous entretenir de ce que vous voulez bien concernant les
études collégiales, mais, nous, on n'a pas d'orientations, on n'a
pas d'énoncé de politique, on n'a pas de livre blanc. Et,
à ma connaissance - c'est bon d'innover parfois, par exemple, ça
je le constate - c'est la première fois. Moi, ça fait quand
même 16 ans que je suis ici et c'est la première fois qu'un
gouvernement décide de faire une commission parlementaire aussi majeure,
aussi significative, sans que lui ne mette un minimum d'orientations, un
minimum de précisions sur les choses qu'il veut
réapprécier. On le verra à l'étude de cette
commission. (10 h 40)
Je termine mes remarques préliminaires là-dessus en disant
que c'est clair que nous allons participer avec énormément
d'engagement et de fierté aux travaux de cette commission parce que j'ai
pris connaissance, également, d'un certain nombre de mémoires et
je trouve que les gens se sont donné la peine de réfléchir
adéquatement sur la nécessité de rechoisir, en ce qui me
concerne, la formule des études collégiales, qui est une bonne
formule, mais qui doit être modernisée, adaptée à la
réalité d'aujourd'hui.
Et j'indique à la ministre et à la présidente de
cette commission que nous allons souhaiter au moins, et on va probablement
essayer d'exiger que tous les cégeps qui ont produit un mémoire
sur leur avenir soient entendus à cette commission. Là,
présentement, on a fait une cédule pour les trois, quatre
prochaines semaines; on va avoir un bon bout de temps à travailler
ensemble. J'espère qu'on va travailler correctement, puis j'en suis
convaincu comme membre de cette commission. Mais on va souhaiter que l'ensemble
des collèges, qui ont pris la peine de se pencher sur la
nécessité de revoir un certain nombre de paramètres au
niveau des études collégiales, puisse avoir l'occasion
d'être entendu.
Sur les éléments que je vais vouloir, moi et
l'équipe, questionner davantage, je l'ai indiqué un peu, nous, on
va rechoisir à nouveau la formule des cégeps, mais en l'adaptant,
en la modernisant et en la rénovant. Parce que, sans faire un long
laïus historique, il faut se rappeler que l'axe de la réforme
Parent devait en tout premier lieu démocratiser l'enseignement afin que
chaque jeune Québécois puisse poursuivre des études le
plus loin possible, selon ses goûts, selon ses aptitudes, selon ses
intérêts, indépendamment de son milieu social ou de la
région où il habitait. Est-ce qu'on a réussi à
certains égards à valoriser l'enseignement public? La
réponse, c'est oui. À unifier un peu plus le système
d'enseignement qui était beaucoup trop fragmenté et
atomisé avant le rapport Parent puis un peu après?
Réponse: Oui. Est-ce qu'on a rendu polyvalent un système
d'enseignement qui était trop rigide et trop compartimenté? Oui,
peut-être un peu trop à cet égard-là. Est-ce que la
mission du rapport Parent, on l'a atteinte? Au niveau de certains objectifs,
oui, parce que, fondamentalement, on a mis sur pied un réseau public
gratuit et géographiquement accessible, donc on a favorisé
l'accès aux études postsecondaires.
De plus, les cégeps ont contribué énormément
au développement de certaines régions, juste à penser
à la mienne, à la région de la
Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent et à d'autres
régions. La venue d'un cégep, d'une université, ça
a une crédibilité importante pour d'autres instances, ça
développe une masse critique intéressante. Cependant, il faut
faire attention, et je pense que le mémoire que nous allons probablement
entendre de l'Université du Québec à cet effet-là
est indicatif et intéressant parce qu'il démontre comment, eux,
ils se sont souciés des régions. Mais il faut revoir, encore
là, une plus grande démocratisation, parce que je suis loin
d'être sûr qu'on ne peut pas faire un peu plus pour faciliter
l'accès aux études collégiales dans les grandes
régions du Québec.
Quand Lise Bissonnette dit: «L'éducation est en
panne», c'est sûr qu'à se regarder, des fois, on se
désole, à se comparer on se console vite, mais il faut faire
attention quand on fait des comparaisons. Et c'est sûr que nous n'avons
pas atteint ce que j'appellerais, moi, les écarts qui demeurent encore
trop importants, comme nous le révèle, d'ailleurs, l'excellent
avis du Conseil supérieur de l'éducation, qu'on aura l'occasion
de fouiller tantôt. Les garçons sont beaucoup moins nombreux
à s'inscrire - donc il faut regarder ça sérieusement, puis
il faut arrêter d'en parler, ça va prendre des mesures -
abandonnent plus souvent leurs études et ont des résultats
inférieurs à ceux des filles. Les disparités
régionales demeurent impressionnantes en matière de
scolarisation. La persistance des différences entre les francophones et
les anglophones, à l'avantage des anglophones en particulier dans
l'enseignement universitaire, est inquiétante; deux fois plus
d'anglophones que de francophones atteignent cet ordre d'enseignement. Je suis
très heureux pour eux. Je suis très heureux sincèrement
pour les anglophones qui vont au collège deux fois plus que nos
francophones. Mais ça n'a pas de bon sens. On ne peut pas regarder
ça puis reposer les mêmes questions qu'on pose depuis 10 ans. Il
va falloir agir. Les retards du Québec par rapport aux autres provinces
canadiennes dans la proportion des gens plus faiblement scolarisés en ce
qui a trait à la formation universitaire; 15,9 % ont fait des
études universitaires au Québec par rapport à 19,1 % dans
les autres provinces. On ne peut pas se permettre un 4 % d'écart. Au
collégial, il existe également une répartition très
inégale de l'accès aux études entre la formation technique
et la formation préuniversitaire. C'est des choses qu'on va devoir
questionner.
Et, moi, j'appelle ça, dans le questionnement qu'on va faire, la
nécessité d'adapter et de rénover l'enseignement
collégial. Il va falloir également avoir un meilleur programme
pour garantir la réussite des études. À titre d'exemple,
quand on sait que, sur 100 jeunes qui s'inscrivent au cégep, à
peine 60 persévèrent et obtiennent leur diplôme et que,
dans les 60 qui persévèrent et obtiennent leur diplôme, il
y en a à peine le tiers qui le terminent dans les délais
prévus, il y a des raisons. Moi, je ne suis pas prêt à
culpabiliser tout de suite les jeunes. Il y a des raisons. C'est la
pauvreté, c'est l'éclatement des familles, c'est le
désoeuvrement, c'est le manque d'âme de certains collèges.
Il va falloir développer une âme dans les collèges. Ce
n'est pas tout pour un jeune du cégep de prendre des cours et d'avoir un
horaire. S'il n'y a pas autre chose dans un collège qu'un horaire et des
locaux de classe et des profs, on va ouvrir la porte à l'abandon.
Ça prend une âme, ça prend un esprit, ça prend une
mentalité.
Afin de corriger cette situation, c'est tout l'encadrement des
cégépiens qu'il faut revoir. Je pense qu'on a
négligé l'encadrement. Si vous regardez à peu près
n'importe quel sondage... Vous regarderez plus attentivement le mémoire
du Conseil permanent de la jeunesse. Quand on interroge les jeunes de la
cohorte qu'on a suivie: C'est quoi les raisons qui t'ont fait abandonner? la
grande majorité des jeunes répondent que c'est le manque
d'encadrement. Ils se sentent perdus et on voit, d'ailleurs, pourquoi à
la première session il y a tant d'abandons. Comment se fait-il qu'on
n'ait pas pris des mesures pour corriger ce qu'on connaît depuis des
années? Il y a un abandon massif suite à une première
session de jeunes qui franchissent l'étape du secondaire versus le
collégial. Ils trouvent que c'est un monde complètement
différent; ils ne sont pas mûrs et ils ne sont pas prêts et
ils ne sont pas adaptés pour faire ça.
Donc, rapidement, pour encadrer mieux la réussite des
études, il va falloir des aides pédagogiques individuelles qui
devront revenir à leur fonction première d'assistance personnelle
aux étudiants. Les services aux étudiants, trop souvent
orientés vers les loisirs, devront s'impliquer dans des activités
reliées à l'encadrement scolaire de façon à mieux
s'arrimer aux services pédagogiques. L'organisation des modules de cours
pour les étudiants de première session devrait être revue
pour mieux assurer la transition.
D'ailleurs, le Conseil permanent - parce que tout ça, c'est
lié aux abandons scolaires - dans son mémoire, va nous rappeler
que c'est à 500 000 000 $ qu'ils évaluent ce que ça
coûte à la société québécoise par
année, les abandons scolaires au niveau collégial. Certains
prétendent que leur chiffre est exagéré; on le verra. Moi,
je prétends que, même s'il l'était un peu, les coûts
sociaux pour une société de ne pas se préoccuper de ceux
qui sont venus au collège et de ne pas les garder sont dramatiques. On
ne peut pas garder ça. On ne peut pas convenir que ça doit
perdurer.
Rénovation des programmes. Il me reste combien de temps? Onze
minutes?
La Présidente (Mme Hovington): Mme la ministre a dit:
Comme vous voulez. C'est bien.
M. Gendron: Ah, non, non. Je respecte les
règles. Alors, il me reste 10 minutes? C'est 5? O.K.
La Présidente (Mme Hovington): Cinq. M. Gendron:
Alors, six. Merci! Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Alors, rénovation des programmes
d'enseignement. C'est évident qu'au niveau de la rénovation des
programmes d'enseignement je ne pense pas que, comme société, on
peut continuer à prétendre qu'on a l'heure juste en offrant 140
programmes. Là, il y a quelque chose qui ne marche pas. Ce n'est pas
vrai qu'on est si nombreux que ça, si disparates, si divers, parce qu'on
n'est quand même pas le Canada, on est le Québec. On n'est pas le
Canada des régions, on est le Québec. Il n'y a pas tant de
diversité que ça. Et, dans ce sens-là, il y a lieu de
rénover les programmes d'enseignement. Il y a lieu de regarder mieux la
carte des options professionnelles qui devraient être mieux
ramassées, d'une façon plus serrée. Moi, c'est sûr
que je vais questionner ces aspects-là dans les mémoires parce
que c'est des problèmes réels. Et, d'ailleurs, dans les
mémoires, je pense que les jeunes nous ont parlé des
problèmes réels. Et ils nous ont suggéré des
solutions adaptées, réalistes. Je suis convaincu que la ministre
va vouloir retenir des solutions réalistes, adaptées, qui
permettraient de rechoisir le collégial, parce que c'est une bonne
formule pour le Québec, qui a fait ses preuves, mais y apporter les
correctifs requis.
Sur la formation technique, écoutez, tout le monde va en parler,
je vais juste vous faire deux phrases. C'est évident qu'on a un peu
inversé ce qui était souhaité. Le 40-60, là, on
voudrait qu'il y ait plus de gens qui choisissent la formation technique
plutôt que la formation de base; elle aussi, il va falloir la
«revamper», la formation de base, avoir une formation de base de
meilleure qualité. (10 h 50)
Mais, là-dessus, le commentaire que je voulais faire, c'est
plutôt au Conseil du patronat qui a à peu près toutes les
solutions sur tout. Mon cher ami, Ghislain Dufour, que j'aime bien, je n'ai pas
de trouble avec Ghislain Dufour, il a des avis sur tout. Alors, bravo, on va en
profiter. Mais dans la formation technique, j'ai hâte que les entreprises
mettent directement sur la table le type de collaboration qu'elles sont
prêtes à offrir au secteur collégial pour s'assurer,
dorénavant, dans la volonté des jeunes, pour ceux qui choisiront
la formation technique, d'avoir un peu plus de stages, que ça soit
disponible, ouvert et concrètement pratique. Les seuls qui peuvent faire
des offres concrètes là-dessus, c'est la petite entreprise, c'est
le secteur patronal, c'est le Conseil du patronat qui doit inciter le monde des
entreprises à faire une place concrète aux jeunes. Mais,
là, c'est à eux de jouer. Je ne veux plus qu'ils nous parlent de
ça encore; il va falloir qu'ils aient des offres concrètes et
qu'ils fassent leur pas.
L'harmonisation des ordres d'enseignement, je n'ai pas le temps, on y
reviendra.
Un point fort qu'il va falloir questionner, c'est les pratiques
d'évaluation. C'est évident que je ne souhaite pas, moi, et je
n'accepte pas que les seules évaluations, ça soit
L'actualité qui les fasse dans le milieu collégial. Il va
falloir avoir des pratiques évaluatives beaucoup plus serrées,
développer des mécanismes d'évaluation suffisants,
efficaces et fiables qui permettraient d'améliorer, de gérer et
de rendre des comptes. Avec un demi-milliard de fric ou d'argent dans le
réseau collégial, on ne peut pas se permettre le laisser-faire,
entre guillemets. Et là, je ne porte pas de jugement envers un tel
plutôt qu'un autre, parce que les collèges sont conscients qu'il
faut mettre l'accent sur une meilleure évaluation. Et, quand je parle
d'évaluation, je ne parle pas juste des profs; je parie de tout, je
parle des apprentissages, je parle d'une évaluation des programmes
désuets, vétustés, qui n'ont pas d'affaire là et
qu'on continue à garder pour des raisons obscures. Il va falloir se
parler franchement. Il va falloir également faire des évaluations
sur la gestion de certains collèges, sur le niveau d'encadrement de
certains collèges, parce qu'il y a certains collèges qui ont un
niveau d'encadrement pas mal trop élevé, en ce qui me concerne,
pas assez d'encadrement pédagogique, pas assez de soutien aux
décro-cheurs, mais beaucoup d'encadrement pour les poignées de
portes, beaucoup d'encadrement dans la gestion. Et ça, il va falloir
regarder ça sérieusement.
Quant à la disponibilité des ressources
financières, je l'ai indiqué tantôt, c'est évident
que les cégeps ont subi des coupures, ça, c'est clair; les
cégeps ont fait des sacrifices, c'est clair. Le gouvernement devra
revoir sa priorité financière, parce qu'on ne peut pas
constamment penser qu'on veut donner la priorité à des choses...
Si c'est la foi sans les oeuvres - c'est une expression - ça ne marche
pas. Il va falloir que le gouvernement livre de temps en temps un peu plus de
financement adéquat.
Pour ce qui est des ressources financières, moi, j'ai un seul
commentaire. À chaque fois que le gouvernement coupe dans les fonds
alloués aux collèges, moi, l'évaluation que j'ai faite,
c'est que, malheureusement, ça a été davantage les
programmes d'encadrement et de soutien pédagogique qui ont
écopé. Il va falloir que ça arrête. Il va falloir
que ça arrête, ça n'a pas de bon sens, c'est là
qu'est le drame. S'il y a malheureusement encore des coupures, il ne faut plus
que ça soit au niveau de l'encadrement et du soutien pédagogique.
Ça, ça devrait être sacré, c'est un «No, do
not touch». Il ne faut pas
toucher à ça, parce que ces services-là sont requis
en matière de réussite éducative, et je suis convaincu que
la ministre le sait. On ne peut pas avoir un beau discours en disant: Oui, mais
c'est serré et, oui, il faut que les jeunes perdurent et il faut qu'ils
retournent à l'école et il faut contrer le décrochage et,
quand on les a, on ne pose pas de geste pour les garder et on ne pose pas de
geste requis, adéquat, pour s'assurer qu'en matière de
réussite éducative il y ait de meilleurs résultats.
Voilà, Mme la Présidente, sans abuser, les remarques
préliminaires que je voulais faire, mais on va travailler
consciencieusement. Je félicite tous ceux et celles qui ont eu la
délicatesse, l'intelligence de dire: On s'implique. Ce qui est sur la
table, c'est une révision de l'ensemble des éléments,
selon le voeu du gouvernement. En ce qui nous concerne, nous, ce n'est pas une
révision de l'ordre de l'enseignement collégial. Nous, on pense
qu'il devrait demeurer, il a rendu de bons services à la
société, mais il doit être corrigé, adapté,
amélioré, et c'est dans ce sens-là qu'on va travailler
afin que nous puissions améliorer l'ensemble du système.
Donc, c'est avec ouverture d'esprit qu'on entame cette démarche
de consultation et de réflexion. Le nombre élevé de
mémoires déposés témoigne d'un intérêt
certain et considérable. Il ne saurait être question de renier les
acquis indéniables du système d'enseignement collégial.
Dans la mesure où tous les partenaires sauront lui donner l'impulsion
requise pour qu'il réponde avec compétence et dynamisme aux
exigences de l'avenir, cet exercice n'aura pas été vain. À
condition que la ministre soit très attentive - je sais qu'elle l'est -
mais qu'elle puisse convenir avec son gouvernement qu'il y a des choix qui
devront se faire, qu'il y a des éléments sur lesquels on devra
cesser de créer des appétits et, une fois pour toutes, prendre
les décisions qui s'imposent. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le
député d'Abitibi-Ouest. Alors, n'ayant pas d'autres demandes des
membres de la commission pour des déclarations d'ouverture, j'inviterai
le Conseil des collèges à bien vouloir prendre place, au
bout.
Pendant que les invités prennent place, je rappellerai aux
membres de la commission que, pour les trois conseils: le Conseil des
collèges, le Conseil supérieur de l'éducation et le
Conseil permanent de la jeunesse, il sera prévu 90 minutes à
chacun des organismes, à chacun des conseils, donc 30 minutes pour
l'exposé et 60 minutes partagées en parts égales entre les
deux groupes parlementaires. Pour les groupes de ce soir, ce sera plutôt
20 minutes pour l'exposé et 40 minutes d'échanges entre les
membres de la commission. Pour les trois conseils, c'est donc 1 h 30, 90
minutes. C'est ça, 1 h 30, je dis bien.
Alors, je voudrais bien que le porte-parole du Conseil des
collèges s'identifie et présente aux membres de la commission les
personnes qui l'accompagnent.
Auditions Conseil des collèges
M. Morin (Yvon): Mme la Présidente, je suis Yvon Morin,
président du Conseil des collèges. Je suis accompagné de
cinq membres du Conseil. À ma droite, M. Michel Blondin, directeur au
service d'investissements au Fonds de solidarité des travailleurs du
Québec, FTQ; M. Arthur Marso-lais, président de la Commission de
l'enseignement professionnel; Mme Nicole Simard, présidente de la
Commission d'évaluation du Conseil des collèges; M. Jules
Bourque, directeur général, cégep de la Gaspésie et
des îles; et M. Claude Poulin, professeur d'histoire au cégep de
Sainte-Foy.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour, messieurs, madame,
et bienvenue à la commission de l'éducation. M. Morin, vous avez
30 minutes pour l'exposé de votre mémoire.
M. Morin (Yvon): Merci, madame.
La Présidente (Mme Hovington): Vous pouvez y aller.
M. Morin (Yvon): Mme la Présidente, Mme la ministre, M. le
député d'Abitibi-Ouest, Mme et MM. les députés, le
Conseil des collèges est très heureux de pouvoir témoigner
aujourd'hui devant les membres de la commission permanente de
l'éducation.
Depuis sa création en 1979 - nous n'avons pas 25 ans encore - le
Conseil des collèges a toujours été un observateur
attentif de l'état et des besoins de l'enseignement collégial et,
selon les pouvoirs que lui confère la loi, il a pris une part active au
développement et à l'amélioration constante de la
formation collégiale. Le Conseil a proposé des objectifs,
donné des avis et formulé des recommandations sur plusieurs
questions importantes concernant l'enseignement collégial. Au cours des
dernières années, il a insisté notamment sur la
qualité des programmes d'études, la réussite scolaire,
l'harmonisation des ordres d'enseignement, la formation continue pour les
adultes, le perfectionnement des professeurs et l'évaluation.
Il y a trois ans, le Conseil des collèges entreprenait de
préparer un rapport dans le but d'alimenter la réflexion à
l'occasion du 25e anniversaire de la création des cégeps et pour
proposer des priorités de renouveau à l'aube de l'an 2000. Le
Conseil a d'abord préparé un document de consultation où
étaient présentés des faits, des constats et des questions
sur la mission des collèges et sur la gestion de l'enseignement
collégial. Ce document a été largement
diffusé en juin 1990, et nous avons nommément invité plus
de 350 organismes à nous faire connaître leurs points de vue sur
les collèges. Nous avons reçu une réponse exceptionnelle
tant par sa quantité que par sa qualité. À la suite de
cette large consultation et après une année d'analyses,
d'études et de débats, le Conseil des collèges, en mai
dernier, rendait public son rapport sur les priorités pour un renouveau
de la formation. (11 heures)
II importe d'ouvrir ici, Mme la Présidente, une courte
parenthèse pour rappeler que le Conseil des collèges est
constitué de 18 membres qui viennent de toutes les régions du
Québec et qui appartiennent à des milieux de travail très
variés: le monde des affaires, le monde syndical, le milieu
universitaire, l'enseignement secondaire, l'enseignement collégial
public et privé, les parents. Cette diversité des
compétences et des milieux de travail favorise des débats
concrets, ouverts et indépendants des intérêts de
corporations ou de groupes particuliers.
Le Conseil est assisté de deux commissions: l'une de
l'évaluation et l'autre de l'enseignement professionnel. Chaque
commission est composée de huit membres qui viennent aussi de
différents milieux de travail et de diverses régions du
Québec. Fermons la parenthèse.
Il faut dire d'entrée de jeu que l'annonce de la tenue d'une
commission parlementaire sur l'enseignement collégial nous a
réjouis. Nous ne pouvions souhaiter un meilleur lieu pour faire un
débat public, large et ouvert sur les propositions de renouveau que
formule le Conseil des collèges. Le rapport du Conseil ayant
été rendu public plus de cinq mois avant l'ouverture de la
présente commission, la plupart des organismes et des individus qui ont
soumis des mémoires à la commission ont eu tout le loisir d'en
prendre connaissance et ont pu, s'ils le jugeaient à propos, se situer
par rapport aux propositions concrètes mises de l'avant par le
Conseil.
Depuis juin dernier, mes collègues et moi avons eu l'occasion
privilégiée de présenter le rapport du Conseil à
plus de 5000 personnes de différents milieux et d'écouter leurs
commentaires et leurs réactions. Dans l'ensemble, les réactions
sont très positives et, dans plusieurs cas, elles sont enthousiastes.
Nous avons perçu une volonté réelle d'améliorer la
qualité de l'enseignement collégial et d'adapter cet enseignement
aux exigences d'aujourd'hui et de demain. Et cela nous a paru évident,
les attentes vis-à-vis de la commission parlementaire qui s'ouvre
aujourd'hui sont très élevées.
Même si le renouveau que propose le Conseil prend souvent les
dimensions d'une véritable réforme, il n'est pas question de
démanteler ou de restructurer de fond en comble le réseau
collégial québécois. Le bulletin de santé
général de l'enseignement collégial est bon. Nous avons pu
observer le dynamisme des collèges, leur vitalité
pédagogique, leur ouverture au milieu, les progrès qu'ils ont
réalisés en matière d'évaluation, la rigueur de
leur gestion des biens publics, la demande très forte de leurs services
d'enseignement. Nous n'avons pas affaire à une institution en
déclin ou en crise, et c'est cet état de santé qui nous
convainc que le réseau collégial pourra se renouveler et faire ce
que le Conseil appelle un «bond qualitatif».
Le Conseil est conscient qu'il n'est pas possible de motiver les gens,
et surtout les groupes d'intérêt, à apporter des
changements et à se renouveler s'ils n'ont pas d'abord une intelligence
claire de la nécessité de changer, puis une conscience vive de la
mission qui leur est confiée. Le Conseil a donc jugé
nécessaire de consacrer la première partie de son rapport
à identifier les besoins de formation, et la seconde partie à
préciser la mission des collèges.
À la suite d'une analyse de la société
québécoise et de son évolution prévisible, il
ressort clairement que le Québec et les personnes qui y vivent auront
des besoins indéniables de compétences accrues. Quels que soient
les aspects sous lesquels nous considérons la société de
demain, sa démographie, son économie, son développement
social et culturel, ses perspectives politiques, tous ces aspects militent en
faveur d'une formation plutôt générale et polyvalente que
très spécialisée. Ils font tous voir la
nécessité d'une hausse globale des qualifications, aussi bien au
stade de la formation initiale qu'à celui de la formation continue.
La société de demain exigera des individus une solide
compétence d'adaptation aux changements technologiques,
économiques, sociopoliti-ques et culturels qui continueront de se
produire à un rythme accéléré. Les personnes
devront également développer leur capacité de faire des
choix fondés sur un système de valeurs et sur un esprit critique.
Il faudra fortement promouvoir l'adhésion aux valeurs qui constituent le
fondement même de la société québécoise, des
valeurs telles que la justice, l'égalité, le partage, la
tolérance, la démocratie, le respect de l'environnement et
l'attachement à la langue française.
Enfin - cela n'épuise pas cependant les besoins de formation de
demain - les personnes devront acquérir à travers leur formation
une grande ouverture à la diversité. Accepter et même
promouvoir l'élargissement des horizons culturels constituent les
exigences de la modernité. Ce sont ces grands besoins de formation qui
sont à la base des priorités que nous identifions et qui rendent
impérieux les changements à apporter.
Avant d'identifier les priorités pour un renouveau de
l'enseignement collégial, il nous a aussi paru nécessaire de
rappeler, en l'actualisant, la mission spécifique des collèges:
Qu'est-ce que la société attend des collèges? Quelles sont
les responsabilités que leur confie l'État?
Les collèges sont d'abord et avant tout des
établissements de formation et ils doivent donc donner une
formation de qualité. Pour le Conseil, une formation de qualité,
c'est une formation pertinente qui est ajustée aux besoins des individus
et aux exigences de la société. C'est une formation large et
ouverte qui permet aux personnes d'acquérir ce dont elles ont besoin
pour vivre et se développer dans une société complexe,
pluraliste et ouverte sur le monde. C'est une formation fondamentale qui met
l'accent sur le développement des capacités intellectuelles, la
maîtrise de la langue, les méthodes de travail, l'autonomie, la
capacité de réfléchir sur des questions morales et
éthiques, l'habitude de faire des liens entre divers apprentissages. Une
formation de qualité, c'est aussi une formation exigeante qui, à
partir d'objectifs clairs, respectés et évalués, fait
appel au potentiel de l'élève et à son engagement dans ses
études. Enfin, une formation ne saurait être de qualité si
elle n'est pas attestée par un diplôme fiable, reconnu par les
employeurs, les universités et par la société
elle-même.
Les collèges ont également la responsabilité, en
plus de donner une formation de qualité, de donner une formation qui se
situe dans une perspective d'éducation permanente, ce qui exige d'eux,
entre autres choses, de s'harmoniser avec le secondaire et de préparer
adéquatement les élèves à poursuivre des
études ultérieures, soit à l'université, soit par
divers dispositifs de formation continue. Enfin, les collèges ont la
responsabilité d'être au service de la société. Le
législateur a voulu que chaque collège soit la chose de son
milieu, qu'il donne une formation qui réponde aux besoins et aux
aspirations de la communauté dans laquelle il est enraciné. Cette
mission de formation se situe au coeur des préoccupations du Conseil des
collèges et c'est elle qui donne du sens aux priorités que nous
proposons.
Nous proposons six priorités. Je vais les énumérer
très brièvement. Je sais que les membres de la commission ont
reçu le rapport du Conseil, ont pu en prendre connaissance. Mais il est
bon quand même, au départ, de se les rappeler.
Comme première priorité, le Conseil considère qu'il
faut donner à tous les élèves du collégial une
formation générale, élargie et solide. L'ampleur et la
nature des besoins de formation des personnes pour vivre et s'épanouir
dans la société de demain, d'une part, et les attributs
mêmes de ce qu'est une formation de qualité, d'autre part, nous
amènent à la conclusion évidente qu'il faut revoir et
renforcer la formation générale destinée à
l'ensemble des élèves du collégial. Pour y arriver, le
Conseil propose en particulier deux mesures. Il faudrait tout d'abord
restructurer en une seule composante de formation générale le
temps de formation qui est actuellement consacré aux 12 cours
obligatoires, français, philosophie, éduca- tion physique, et aux
4 cours complémentaires qui servent à de multiples fins souvent
étrangères à la formation générale. Cette
restructuration permettrait de consacrer à la formation
générale 26 2/3 unités, c'est-à-dire 1200 heures de
formation. Cela créerait un bon équilibre entre la composante de
formation générale et la composante de formation
spécialisée à l'intérieur de chaque programme. (11
h 10)
En tenant compte des acquis des élèves qui arrivent du
secondaire et en s'inspirant de ce qui se fait ailleurs dans d'autres
systèmes d'éducation, il faudrait revoir le contenu de la
formation générale destiné à l'ensemble des
élèves. Le Conseil propose que ce contenu soit constitué
de cinq grandes thématiques: la langue et la littérature, les
valeurs morales et éthiques, les langues modernes, les grandes questions
de société relevant des sciences humaines et la culture
scientifique et technologique.
À ces cinq thématiques obligatoires pour tous, dans tous
les programmes, le Conseil est d'avis qu'il faudrait ajouter quelques
activités d'éducation physique et donner aux élèves
la possibilité, pour ceux et celles qui le désirent, de suivre un
ou des cours de mathématiques, d'informatique, d'esthétique ou
d'art, toujours dans une perspective de formation générale et non
de spécialisation. Cette réforme donnerait aux
élèves la chance d'acquérir une formation
générale de meilleure qualité, plus solide et davantage
conforme aux exigences d'aujourd'hui et de demain que ne le sont les blocs
actuels de cours obligatoires et de cours complémentaires.
Comme deuxième priorité, le Conseil propose de
rénover la formation préuniversitaire. Les programmes
préuniversitaires, si on accepte la révision récente du
programme des sciences humaines, n'ont pas connu de changements significatifs
depuis la création des cégeps. Une forte proportion
d'élèves se retrouvent dans des programmes
préuniversitaires sans avoir fait de choix réel quant à
leur orientation professionnelle. Plusieurs élèves sont ainsi peu
motivés à réussir des études exigeantes et vivent
au collège une sorte d'errance improductive et coûteuse. Tout
près de 70 % des nouveaux élèves s'inscrivent dans des
programmes préuniversitaires et à peine 45 % d'entre eux se
rendront jusqu'à l'obtention d'un premier cycle universitaire. Pour le
Conseil, il est très important de renforcer les services d'orientation,
tant au secondaire qu'au collégial. Les collèges devraient
même pouvoir offrir un semestre d'activités d'exploration pour les
élèves carrément trop indécis.
Sous l'influence des contraintes de cours préalables de
mathématiques et de sciences, aussi bien à l'entrée au
collégial qu'à l'entrée à l'université, les
programmes préuniversitaires et collégiaux ont connu une sorte de
hiérarchisation: une voie forte en sciences de la nature et une voie
plus allégée en sciences humaines. Il
faut redresser cette situation et viser à ce que tous les
programmes préuniversitaires aient des exigences comparables, non
négociables à rabais. Cela va demander d'assurer une
densité, une consistance et une cohérence beaucoup plus grandes
à l'intérieur des éléments constitutifs de chaque
programme.
Enfin, pour renforcer la motivation et l'orientation des
élèves et leur assurer une meilleure préparation aux
études universitaires, le Conseil est d'avis qu'il y aurait lieu
d'introduire des profils de formation à l'intérieur des grands
programmes préuniversitaires. On pourrait concevoir, par exemple,
à l'intérieur du programme des sciences de la nature un profil
qui préparerait plus spécifiquement les élèves aux
diverses facultés de sciences pures. Un autre profil préparerait
aux facultés des sciences de la santé ou même un profil
pourrait préparer aux facultés des sciences sociales. Sans que
cela conduise à une spécialisation précoce non
souhaitable, de tels profils respecteraient mieux la diversité des
goûts, des aptitudes et des caractéristiques des
élèves.
Comme troisième priorité, le Conseil propose
d'améliorer la formation technique, d'accroître le recrutement et
d'assouplir les structures des programmes techniques. La formation technique
collégiale a joué et sera appelée à jouer un
rôle de première importance pour le développement du
Québec. Le Conseil est cependant d'avis que les collèges auront
à relever trois défis majeurs quant à leurs programmes
d'enseignement technique. Il y aura tout d'abord le défi
d'améliorer la qualité des programmes. Pour continuer de donner
une formation pertinente, fondamentale et exigeante, les collèges
devront intensifier les formules d'enseignement pratique: stages, enseignement
coopératif, alternance étude-travail. Ils devront mettre l'accent
sur le développement d'une authentique culture technologique,
améliorer les procédures d'évaluation et de
révision des programmes et assurer aux professeurs des activités
adaptées de perfectionnement.
Deuxième défi: II faudra accroître sensiblement le
recrutement en formation technique, surtout dans les secteurs où il y a
pénurie actuelle et prévisible de main-d'oeuvre qualifiée.
Plusieurs stratégies devront être mises en oeuvre pour atteindre
ces objectifs de recrutement, telles que des actions concertées de
valorisation sociale des professions de technicien et technicienne, des
services d'aide à l'orientation, la réduction des obstacles
à l'accès aux études techniques, les mesures d'aide
à l'apprentissage et à la réussite.
Enfin, troisième défi, toujours concernant la formation
technique, le Conseil considère qu'il y aurait nécessité
d'assouplir et de diversifier la strucure des programmes de formation
technique. À ce propos, un certain nombre de formules auraient
intérêt à être expérimentées et
implantées. Les collèges pourraient, par exemple, segmenter la
progression vers l'obtention du D.E.C. en deux ou trois étapes
cumulatives et certifiées. Ils pourraient concevoir pour les titulaires
d'un diplôme d'études professionnelles du secondaire un programme
de D.E.C. adapté qui se situerait en continuité avec les acquis
scolaires des élèves. Les collèges pourraient offrir des
programmes plus courts mais condensés répondant à des
besoins particuliers de compétence de travail, programmes qui pourraient
ultérieurement conduire à l'obtention du D.E.C. Les besoins
variés des étudiants et de la société, les
cheminements scolaires de plus en plus diversifiés, les comportements
des élèves à l'égard d'un marché du travail
changeant et exigeant en termes de compétences, ce sont autant de
raisons qui fondent la nécessité d'un assouplissement des
structures des programmes du D.E.C. technique.
Comme quatrième priorité, le Conseil propose de
développer la formation continue comme moyen d'accès des adultes
à l'enseignement collégial. Dans un rapport récent, mars
1991, le Conseil des collèges a exposé l'état et les
besoins de l'éducation des adultes dans les collèges. Même
si les services de formation aux adultes ont connu dans les cégeps un
développement impressionnant au cours des dernières
années, nous continuons de croire que ce dossier doit être retenu
comme une des grandes priorités de l'enseignement collégial. Les
besoins de formation des adultes sont variés et considérables.
L'évolution rapide de la société et du marché du
travail pose aux individus des exigences élevées de
qualifications et de compétences à acquérir, à
mettre à jour, à perfectionner et à recycler.
Les propositions que formule le Conseil ont pour objet
l'amélioration de l'accessibilité des adultes à des
programmes de formation complets et reconnus, l'offre aux adultes de cours et
de programmes de formation générale, la concertation des
différents partenaires qui ont des responsabilités en
matière de formation de la main-d'oeuvre; enfin, le développement
de véritables formations sur mesure pour répondre à des
besoins particuliers de formation.
Comme cinquième priorité, le Conseil propose de
développer et de mettre en oeuvre une véritable stratégie
de la réussite scolaire. Le Conseil a retenu comme principe qu'il faut
favoriser l'accessibilité la plus large possible aux études
collégiales plutôt que de faire de la sélection à
l'entrée. Cette prise de position est en harmonie avec les traditions et
les choix de société du Québec. La mise en application
d'une telle politique de porte ouverte a des exigences considérables.
Les collèges accueillent sans sélection tous les
élèves qui ont un diplôme d'études secondaires,
qu'ils aient eu des résultats scolaires forts ou faibles, qu'ils aient
réussi le minimum ou le maximum d'unités, qu'ils soient
fixés ou non quant à leur orientation scolaire.
Mais ouvrir les portes ne suffit pas, il faut assurer à ces
élèves une formation de qualité, les aider à
réussir leurs études et prendre les moyens pour réduire au
minimum les échecs et les abandons. Il est vrai que les collèges,
surtout au cours des dernières années, ont fait des efforts
évidents et louables pour améliorer le taux de réussite
des élèves. (11 h 20)
II faudra aller beaucoup plus loin dans le dépistage
systématique des élèves faibles, dans l'instauration de
cours de mise à niveaux pouvant aller jusqu'à l'obligation de
faire un semestre de propédentique, dans la mise en oeuvre de mesures
d'encadrement surtout pour les élèves de la première
année de collège, dans les services d'aide à l'orientation
et à l'apprentissage, dans le renouvellement des approches
pédagogiques, dans la mobilisation et la préparation de tout le
personnel de chaque collège à contribuer à la
réussite des élèves.
Pour assurer le renouveau souhaité de l'enseignement
collégial, il sera indispensable de considérer
l'évaluation comme une priorité et de tout mettre en oeuvre pour
renforcer et généraliser des pratiques efficaces et
crédibles d'évaluation. C'est là la sixième
priorité proposée par le Conseil.
Les collèges ont fait des pas significatifs au chapitre de
l'évaluation, surtout de l'évaluation des apprentissages. Ils ont
en effet adopté des politiques formelles à cet effet, politiques
qu'ils ont soumises à l'examen d'un organisme externe, la Commission
d'évaluation du Conseil des collèges. Les collèges ont de
plus accepté que la Commission d'évaluation, au moyen de
questionnaires et de visites, examine si les politiques adoptées sont
effectivement mises en oeuvre. Au cours des dernières décennies,
les attitudes vis-à-vis de l'évaluation ont profondément
changé et, aujourd'hui, les cégeps, par la voix de leur
fédération, se disent prêts non seulement à
s'autoévaluer mais aussi à se soumettre à des
évaluations externes.
Le Conseil ne croit pas qu'il faille modifier de façon
draconienne le dispositif actuel d'évaluation des collèges en
instaurant, par exemple, la formule des examens nationaux, ou la formule de
l'accréditation telle qu'elle se pratique dans des collèges
américains ou canadiens où les programmes et les diplômes
relèvent entièrement de l'autorité de chaque
collège.
Il faut cependant renforcer le dispositif actuel en redéfinissant
et en accentuant les responsabilités de chacun des trois acteurs en
matière d'évaluation: les collèges, le ministère et
l'organisme externe.
Chaque collège devrait implanter des pratiques rigoureuses
d'évaluation des apprentissages de ses élèves, de ses
programmes d'enseignement et de l'ensemble des éléments de son
établissement, notamment de son personnel et de ses services.
Le ministère, quant à lui, devrait évaluer de
façon méthodique les grands encadrements du réseau: les
règlements, les politiques administratives et budgétaires, les
programmes d'études, les programmes divers de soutien à la
recherche, au perfectionnement, etc. Le ministère devrait de plus voir
à ce que les collèges aient les données, les ressources et
les instruments nécessaires pour permettre aux collèges d'assumer
leurs responsabilités.
Enfin, il faut renforcer les pouvoirs et les responsabilités de
l'organisme externe qui serait chargé non seulement de voir si et
comment les collèges s'évaluent, mais aussi de procéder
lui-même à des évaluations de la qualité et de la
fiabilité des résultats obtenus par les collèges au
chapitre des apprentissages, des programmes et de l'ensemble des services de
l'établissement. Il y a lieu de rappeler ici que l'évaluation
n'est pas une fin en soi, mais elle est cependant une condition essentielle
pour assurer une gestion efficace des établissements, améliorer
la qualité de la formation, rendre des comptes et donner ainsi de la
crédibilité aux diplômes collégiaux.
Le Conseil est conscient qu'il propose par ces six priorités un
renouveau substantiel de l'enseignement collégial. Est-ce qu'il reste
assez de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Hovington): Oui, oui, il vous reste
encore deux minutes.
M. Morin (Yvon): Deux minutes. Nous savons que nous avons besoin
de moyens, les collèges auront besoin de moyens pour réaliser ces
priorités. Elles logent sous cinq têtes de chapitre. Il faut
donner aux collèges beaucoup plus de responsabilités; il faut
voir à renouveler la gestion des programmes d'enseignement; il faut
assurer aux collèges la possibilité de mobiliser leur personnel;
leur donner les ressources financières et leur permettre d'assurer des
activités de recherche qui leur permettront de bien développer
leur développement personnel.
En conclusion, je dirai que le renouveau que propose le Conseil n'a
qu'une visée: donner aux élèves une formation de
qualité en renouvelant le contenu et la structure des programmes
d'études, en favorisant la réussite scolaire et en
renforçant les mécanismes d'évaluation. Les changements
proposés sont concrets, substantiels et exigeants. Mais, pour devenir
réalité, les perspectives d'action et les changements
proposés exigeront une volonté ferme et une contribution soutenue
de l'ensemble des acteurs de la scène collégiale, de la ministre
aux élèves en passant par les diverses catégories de
personnel du ministère et des collèges.
Il faudra aussi compter sur la collaboration de personnes et d'instances
qui se situent à l'extérieur du collégial: les commissions
scolaires, les universités, les employeurs, les regroupements
professionnels syndicaux et patronaux. La réfor-
me de l'enseignement collégial devra se présenter pour les
années à venir comme un vaste chantier exaltant et mobilisateur
tout entier consacré au service des élèves et de la
société québécoise.
Nous nous réjouissons que la présente commission
parlementaire, 25 ans après la création des cégeps, puisse
marquer le coup d'envoi de ce renouveau, et c'est un grand rendez-vous auquel
nous sommes fiers de pouvoir participer. Merci, madame.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le
président du Conseil des collèges. Alors, nous allons
débuter ici les échanges entre les parlementaires et votre
Conseil. Mme la ministre de l'Éducation et de l'Enseignement
supérieur.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. M. le
président, Mme et MM., membres du Conseil des collèges, d'abord,
un grand merci pour avoir accepté cette invitation de la commission de
l'éducation à venir nous exposer votre vaste rapport. Je vous le
redis, je considère que l'avis que vous m'avez soumis est un rapport
majeur, un rapport majeur autant par l'ampleur, l'importance que par son
contenu et la qualité de l'opération que vous avez menée
de consultation et de réflexion. Je suis contente de savoir aussi, M. le
président, que vous me dites que les réactions dans le milieu
collégial ont été plus que positives et enthousiastes
à ce rapport du Conseil des collèges, parce que vous nous
suggérez un très grand renouveau de la formation. Je veux vous
féliciter pour, je devrais dire même pour ce courage que vous avez
eu de vraiment cerner les défis de l'avenir pour l'enseignement
collégial. Même le titre de votre rapport est très
précis. Il s'agit d'un renouveau de la formation. Alors, il y a six
priorités très précises pour avoir ce renouveau de la
formation et, à ma lecture, ce sont des priorités qui vont
nécessiter des changements de cap importants dans le réseau
collégial.
J'aurai quelques questions spécifiques sur certaines de ces
priorités, M. Morin, si vous me le permettez. La première
concerne votre première priorité, qui m'apparaît
fondamentale, c'est vraiment de donner une formation générale,
élargie et solide à tous les élèves, donc autant
à ceux du secteur préuniversitaire qu'à ceux de
l'enseignement professionnel. Ce que je remarque dans cette priorité
aussi et comment vous l'actualisez, c'est que c'est assez innovateur, parce
que, si j'ai bien saisi, on rapatrie tous les cours complémentaires avec
les cours obligatoires, et c'est cette nouvelle composante qui en fait la
formation générale donnée à tous les
étudiants du collégial. Ça, c'est une première
innovation. (11 h 30)
La deuxième, à mon point de vue, c'est que vous me parlez
maintenant de thématiques au sein de cette formation
générale et non plus de disciplines. Vous ne dites plus: Tant de
cours de français, tant de cours de philo, tant de cours de... Non pas
une approche disciplinaire, mais une approche thématique. J'imagine que
vous avez dû avoir de nombreuses discussions sur le choix de ces
thématiques-là, parce que là vous m'en suggérez de
façon très précise.
Dans un premier temps, j'aimerais vous entendre sur le rationnel qui
vous a amenés à choisir ces thématiques-là que vous
me suggérez.
M. Morin (Yvon): Mme la ministre, Mme la Présidente, c'est
vrai que le réseau collégial a un avantage considérable:
nous avons déjà une composante de formation
générale, ce qui n'existe pas dans d'autres provinces, dans des
collèges. Alors, nous avons, nous, cet acquis. C'est vrai que nous
proposons de la restructurer. Actuellement, elle est formée de deux
blocs: cours obligatoires et cours complémentaires qui servent à
toutes sortes de choses.
Maintenant, plutôt que de parler d'une formation
générale basée sur trois disciplines: français,
philosophie, éducation physique, nous proposons plutôt de partir
de grandes thématiques et de grands contenus de formation
générale. Sur quoi nous sommes-nous basés pour arriver
à ces thématiques-là? Nous partons d'abord des besoins de
formation que nous avons analysés dans la société: des
besoins d'adaptation, des besoins d'ouverture, des besoins de
compétences générales, de compétences polyvalentes.
Nous partons de ça. Nous partons ensuite de ce qui se fait dans d'autres
systèmes, aux États-Unis ou même ici, au Canada, ou
même dans d'autres pays européens, et on part, pour définir
la formation générale, de grands contenus. La consultation que
nous avons faite nous a confirmé que les contenus ou les
thématiques que nous mettons de l'avant répondent aux attentes.
Et nous partons également de ce qui se fait au secondaire, parce que la
formation générale que nous donnons au collégial doit
être bien arrimée et doit être articulée en fonction
de ce qui est fait au secondaire.
C'est pour ça que nous retenons maintenant cinq
thématiques: les valeurs morales et éthiques, la langue, la
culture scientifique et technologique, les grandes questions de
société et les langues modernes. Évidemment, si on avait
beaucoup plus de temps, ce qui ne serait peut-être pas souhaitable, nous
pourrions ajouter et rendre obligatoires les mathématiques, les arts,
l'informatique ou d'autres choses. C'est la proposition que nous mettons sur la
table. Je ne sais pas si mes collègues, Mme la Présidente,
voudraient ajouter quelque chose à ce stade-ci, ils vont toujours se
sentir assez à l'aise de le faire une fois qu'on aura mis sur la table
les éléments de la réponse.
M. Blondin (Michel): Si je peux ajouter un mot, la
difficulté des élèves du secteur technique
avec le bloc de formation générale obligatoire bien connu
depuis 25 ans était peut-être plus grande que celle des
élèves du secteur préuniversitaire. Je crois qu'en
cherchant les aspects de l'univers culturel contemporain qui étaient un
peu trop absents - par exemple, culture technologique, culture
socio-économique, culture civique, qui est une façon de
rééquilibrer, parce qu'il y avait quand même des
thématiques sous-jacentes aux disciplines qu'on impose depuis longtemps
- c'est quelque chose qui améliorera particulièrement la
situation des élèves qui sont en formation technique avec une
palette de thèmes plus équilibrés et un peu plus proche de
la vie active et de leur future carrière.
Mme Robillard: Mme la Présidente, j'aimerais demander
à M. Morin qu'il me parle plus spécifiquement de la
thématique qui est retenue: langue et littérature, mais qu'on
l'aborde sous la dimension de la maîtrise de la langue. J'ai l'impression
que vous soulevez une question dans votre rapport, mais je ne comprends pas
bien la réponse, alors j'aimerais bien ça que vous me
spécifiiez ça.
À la page 132, vous nous dites qu'il y a «un clivage
déplorable qui s'est établi entre le secondaire et le
collégial». Au niveau du secondaire, on se concentre sur les
quatre savoirs fondamentaux, soit: lire, écrire, parler, écouter
et, au collégial, on se centre sur l'étude de textes
littéraires.
Ensuite, en bas de la page 141, vous posez les questions: On se retrouve
devant un dilemme. Que fait-on? Nous savons tous que nous avons un
problème de maîtrise de la langue. Je n'ai pas besoin de vous le
dire, on a publié récemment les résultats du test de
français. C'est assez évident pour nos étudiants du
collégial. Là, vous soulevez la question, en bas de la page 141:
«Faut-il mettre l'accent sur l'enseignement de la littérature qui
a été peu étudiée au secondaire ou sur la
maîtrise de la langue qui n'est pas souvent acquise, malgré les
efforts de l'enseignement secondaire?» Ou encore faut-il penser que la
maîtrise de la langue s'acquiert par l'étude des textes
littéraires, parce qu'il y a des recherches qui nous disent ça?
Où est votre réponse à ces questions?
La Présidente (Mme Hovington): M. Morin.
M. Morin (Yvon): II faut dire, d'abord, que, lorsque nous parlons
de thématiques, nous ne parlons pas de disciplines en premier lieu. Ce
sont des disciplines évidemment qui vont assurer la prestation ou
l'apprentissage de l'une ou de l'autre thématique.
Concernant la langue, si nous posons la question, c'est parce que c'est
une question qui n'est pas tranchable facilement. Pour avoir personnellement
enseigné le français pendant des années, je sais que ce
n'est pas nécessairement en enseignant la grammaire, la syntaxe et les
formules très, très rigides qu'on apprend à
l'élève à s'exprimer et à écrire. Ça
se fait aussi par les textes. Mais il n'est pas sûr, pas du tout, que ce
que les professeurs de français font, dans les collèges, vise
nécessairement à développer toujours les habiletés
langagières. On peut faire l'étude de textes qui ne sont pas
nécessairement retenus pour leur qualité de langue. On peut
très bien aussi étudier des textes pour des aspects de sociologie
ou d'autres aspects, sans nécessairement porter l'attention sur le
développement des habiletés langagières. Et ce que nous
disons, dans le développement qui est là, c'est: Très
bien, langue et littérature, mais l'accent d'abord sur la langue, par
des textes, mais l'accent d'abord sur la langue.
La Présidente (Mme Hovington): Mme la ministre.
M. Morin (Yvon): Mme Simard.
Mme Simard (Nicole): C'est que le développement de la
langue...
La Présidente (Mme Hovington): Excusez-moi, voulez-vous
vous identifier? Juste pour les fins de la transcription.
Mme Simard (Nicole): Nicole Simard, présidente de la
Commission d'évaluation. En fait, l'apprentissage de la langue, je crois
qu'on fait fausse route si on ne l'attribue qu'aux seuls cours de
français. Ce qu'on retrouve à l'intérieur de notre
rapport, et qui est un aspect important du renouveau, je pense, c'est que la
langue devienne vraiment l'affaire de tous les profs d'un collège et
qu'on s'entende au niveau des standards que l'on veut atteindre par rapport
à l'apprentissage de la langue dans tous nos cours, parce que, dans
l'ensemble des cours, comme on est en enseignement supérieur, les
étudiants doivent écrire, y compris en formation technique.
Partout, je pense, il faut qu'on mette l'accent sur cet aspect de
maîtrise de la langue et pas uniquement en faire une chasse gardée
par rapport aux cours de français.
Mme Robillard: Mme la Présidente, j'aurais une question
sur un autre sujet. M. Morin, on se rappelle tous que le Conseil des
collèges a été créé pour répondre
justement à la problématique de l'évaluation. On se
souvient, à ce moment-là, comment ça a été
le fondement même de l'organisme que vous présidez maintenant.
Alors, sachez que je veux absolument aborder cette question-là avec
vous, votre sixième priorité, qui est de renforcer et de
généraliser les pratiques d'évaluation. Vous êtes
très bien placé pour nous en parler, étant donné
que vous avez ce mandat très spécifique à l'heure
actuelle. Maintenant, ce que vous nous dites dans votre
rapport: II faut renforcer les pratiques d'évaluation. Il faut
garder les mêmes partenaires. Il faut, par ailleurs, élargir les
objets d'évaluation, parce que vous parlez des apprentissages, des
programmes de l'établissement et des encadrements en tant que tels. Et
vous redéfinissez, je pense bien, les responsabilités. (11 h
40)
Par ailleurs, vous nous suggérez la création d'un
organisme externe d'évaluation. Vous dites: On rejette la question des
examens nationaux, d'une part, et on rejette un régime
d'accréditation, d'autre part. Bon. Alors, parlez-moi donc de ce nouvel
organisme externe. Qu'est-ce qu'il ferait concrètement? Quels seraient
ses pouvoirs en tant que tels? J'ai de la difficulté a saisir exactement
comment on pourrait le voir surgir, ce nouvel organisme externe
d'évaluation.
M. Morin (Yvon): Oui, Mme la Présidente. La
Présidente (Mme Hovington): M. Morin.
M. Morin (Yvon): Mme la ministre, vous évoquez la
création du Conseil des collèges. L'état actuel de
l'évaluation, s'il est moins bon que ce qu'on aurait souhaité, il
ne faut tout de même pas accabler le Conseil des collèges, pour la
raison suivante: on a créé le Conseil des collèges en 1979
pour être normalement un organisme d'évaluation, sauf qu'on ne lui
a pas donné le mandat d'évaluer. On a créé,
à l'intérieur du Conseil des collèges, une commission qui
devait aider les collèges et examiner les politiques
d'évaluation.
En 1984 seulement - je ne veux pas faire une longue histoire - on a eu
le règlement des études collégiales et là, pour la
première fois, on prescrivait aux collèges l'obligation de se
donner des politiques d'évaluation des apprentissages. En 1984,
c'est-à-dire quatre ans après la création du Conseil des
collèges qui, lui, devait examiner des politiques qui n'existaient pas.
De 1979 à 1984. En 1991, lors d'un discours de la ministre à
Charlesbourg - une autre date importante - la ministre a dit: Je ne signerai
plus les diplômes des collèges qui n'ont pas de politique reconnue
satisfaisante par la Commission d'évaluation. Nous sommes donc six ans
plus tard.
Actuellement, tous les collèges ont des politiques
d'évaluation des apprentissages. Sauf que nous avons travaillé,
au Conseil des collèges... Je ne veux pas en faire la défense.
Nous n'avions pas le mandat d'évaluer et nous n'avions pas aussi, bien
sûr, les ressources. La Commission d'évaluation est un organisme
qui travaille avec moins de 300 000 $ par année. On ne veut pas jouer
les miséreux; ce n'est pas ça. Alors, nous disions qu'il faudrait
qu'il y ait un troisième acteur parce que nous croyions au regard
externe. Les collèges, ce sont des organismes complexes où il y a
d'énormes ressources humaines: il y a des ressources d'encadrement, il y
a des ressources professorales, il y a des ressources qui encadrent des
départements. Tout ça peut faire qu'on exerce des regards
externes les uns sur les autres, un peu comme dans les universités. Le
professeur qui remet un questionnaire d'examen a pu recevoir le regard externe
d'un chef de département ou d'un directeur des services
pédagogiques, mais il faut, pour l'établissement et pour
l'ensemble du réseau, un regard externe, un organisme externe
d'évaluation.
Là, les mandats que nous lui donnons, ils sont doubles. Il doit
d'abord voir si les collèges font de l'évaluation. Est-ce que les
collèges - selon quelles procédures, quels moyens -
évaluent leurs apprentissages, leurs programmes d'enseignement, leur
établissement, leur personnel, etc? Et, deuxième mandat, cet
organisme externe doit aussi avoir le pouvoir d'évaluer lui-même
ce que ça donne, d'évaluer la qualité et la
crédibilité des résultats. Ce n'est pas simplement un
organisme qui va se contenter d'examiner les procédures, mais qui va
aussi évaluer.
Mme Robillard: Prenons un exemple, M. Morin. Vous évaluez
un programme dans un collège X et prenons la situation catastrophique
que les résultats de votre évaluation sont négatifs pour x
raisons. Une fois que vous avez dit ça, que l'organisme externe a dit
ça, qu'il l'a publié, que c'est public, qu'est-ce qui se
passe?
M. Morin (Yvon): C'est une hypothèse possible, que ce soit
négatif.
Mme Robillard: Oui, oui. Bien, prenons cet exemple-là.
Mais qu'est-ce qui se passe après?
M. Morin (Yvon): Ah! Nous ne nous situons pas, nous, dans la
dynamique de l'accréditation. Il faut retenir ça tout
d'abord.
Mme Robillard: Oui.
M. Morin (Yvon): Parce que l'accréditation, c'est la
crédibilité qu'on donne à un établissement de
donner tel programme ou pas dans des entreprises privées. S'il n'est pas
accrédité, il ne peut plus continuer, ni donner... C'est la
protection du public. Prenons l'hypothèse... D'abord, ça ne
pourra pas être complètement nul. Ça m'éton-nerait,
parce que ce sont des programmes, d'abord, d'État. Aussi, se sont des
programmes qui reçoivent des subventions de l'État. Ça ne
pourra pas être complètement pourri. Il y aura certainement des
redressements à faire, et ça va être connu publiquement. Et
là, qu'est-ce qui va se produire? Ou il y aura des redressements qui
vont se faire, ou le collège ne pourra faire des redressements et il
pensera à fermer le programme, à arrêter le programme. Ce
n'est pas du tout exclu. C'est un organisme d'évaluation qui va aussi
rendre publiques ses évaluations.
Mme Robillard: Sous forme aussi de recommandations à la
ministre.
M. Morin (Yvon): On peut lui maintenir le pouvoir de
recommander.
Mme Robillard: Parfait.
La Présidente (Mme Hovington): Le premier bloc est
terminé. Je passerai la parole au député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, Mme la Présidente. Avec le concert de
louanges que vous a adressées la ministre de l'Enseignement
supérieur, ça me place dans une position difficile pour critiquer
vertement votre avis. Mais rassurez-vous, rassurez-vous, sincèrement -
d'abord, je veux vous remercier, vous et toute votre équipe - je n'en
avais aucunement l'intention, parce que j'ai la ferme conviction et j'estime
que vous avez produit une réflexion documentée, serrée,
éloquente sur plusieurs sujets. Et, moi, je n'ai pas de trouble avec une
instance qui commence en disant: Moi, je pense que les cégeps sont
là pour demeurer. C'est mon point de vue. Je l'ai dit tantôt. Avec
nous, tout n'est pas sur la table. Il y a des affaires qui ne sont pas sur la
table. Et surtout quand vous visez comme objectif de faire faire aux
cégeps de demain ce que vous avez appelé «le bond
qualitatif requis», parce que ça veut dire que vous admettez quand
même qu'il y a lieu et qu'il est requis de faire un bond qualitatif
requis.
Je ne veux pas le reprendre, vous l'avez bien exposé. Je veux
juste vous dire, cependant, qu'avec les six priorités de
développement collégial que vous avez retenues on peut
difficilement être en brouille, parce qu'il m'apparaît... Puis,
là, je ne parle pas nécessairement de l'ordonnancement, des
nuances. On pourrait en discuter longuement. Mais vous avez là, je
pense, adéquatement retenu des priorités sur lesquelles il faut
agir. Et, moi, je n'ai aucune réserve quand on dit que ce n'est pas vrai
que l'État québécois et les instances concernées
ont tout mis en oeuvre pour une véritable stratégie de la
réussite des études. J'en suis fortement convaincu, je l'ai dit
dans mes remarques préliminaires. Que quelqu'un m'arrive, puis me dise:
Dorénavant, il va falloir se mettre au travail là-dessus, je
trouve qu'il touche une bonne question. Il parle de vrais problèmes.
Quand vous dites: II y a lieu de renforcer et de
généraliser les pratiques d'évaluation, vous parlez
sûrement d'un vrai problème. Au niveau des moyens, on va avoir des
discussions. Et, moi non plus, je ne suis pas convaincu que je vous ai
perçu un peu plus clairement, parce que ce n'est pas, quand c'est un
problème majeur, de dire: On va rester comme on était - parce que
c'est ça que vous dites - mais on va se renforcir. Ce n'est pas assez
clair, ce n'est pas fort. J'ai peur et je n'ai pas envie de prendre des chances
là-dessus, parce que c'est un point majeur.
Donner une formation générale élargie et solide
à tous les élèves, on ne peut pas être contre
ça. C'est fondamental. Tout le monde a prétendu, avec raison,
qu'il y avait nécessité de revoir la formation de base, la
formation fondamentale qui n'est pas assez qualifiante eu égard aux
bonnes problématiques, au monde moderne. Vous l'avez bien
développé. Je m'arrête là. Vos six priorités,
moi, je les achète puis je n'ai pas de problème.
Les moyens, on va en discuter, on est ici pour ça. Ça ne
veut pas dire que je n'ai pas de questions à vous poser. Au contraire,
j'ai des questions à vous poser, mais, d'entrée de jeu, je
voulais vous remercier, vous et votre équipe. Je pense que vous avez
fait là un travail extraordinaire, et c'est intéressant de
pouvoir puiser, à l'intérieur de vos recommandations, certains
éléments sur lesquels, je pense d'ores et déjà,
même si on est peu avancé dans la commission, qu'il y a là
des pistes à retenir pour corriger des choses concrètes.
D'entrée de jeu, ma première question, ce serait la
suivante. Il y a des éditorialistes, il y a des gens qui ont beaucoup de
connaissances de l'extérieur de ce qui se passe à
l'intérieur, en tout cas, selon leur vision ou leur lunette. Et ils ont
prétendu que d'affirmer d'entrée de jeu qu'il n'y avait pas lieu
de faire un débat sur l'existence même de l'enseignement
collégial et des collèges, c'était éviter un
débat. (11 h 50)
Moi, je ne veux pas faire des débats pour en faire, mais ma
question très claire, d'ordre général: C'est quoi qui vous
a animés pour faire ce choix de dire qu'il faut économiser la
perte de temps d'un débat sur l'avenir des collèges? Parce que
n'oubliez pas que le gouvernement en place, lui, a tout mis sur la table. Donc,
j'ai le droit de vous poser cette question-là, et elle est pertinente,
parce que, selon eux autres, même l'avenir des collèges est sur la
table quand on dit: Tout est sur la table. Vous, vous l'avez
écartée. Pourquoi?
La Présidente (Mme Hovington): M. Morin.
M. Morin (Yvon): Oui. M. le député
d'Abitibi-Ouest, lorsque nous avons préparé le document de
consultation en 1989-1990 en vue du 25e anniversaire des collèges, nous
avions posé comme hypothèse qu'il ne serait pas pertinent de
revoir de fond en comble le réseau collégial. Nous proposons de
nombreuses modifications de structures, y compris concernant
l'évaluation, et nous avions proposé ça comme
hypothèse. Nous l'avons distribuée et, pendant un an, les gens,
350 organismes... Nous avons fait le tour de la province, organisé de
nombreuses tables rondes et personne ne nous a dit: C'est une mauvaise
hypothèse, vous faites fausse route. Personne ne
nous a dit ça. Et, au terme de la consultation, bien, on s'est
dit: Écoutez, ça ne peut pas être sur la table, nous
perdrions des énergies à imaginer d'autres scénarios qui
pourraient peut-être non seulement être coûteux, mais qui
nous distrairaient des vraies questions. C'est pour ça que,
d'entrée de jeu, dans notre rapport, nous disons: L'ordre
collégial est là pour demeurer.
M. Gendron: Moi, ça m'apparaît clair. Merci.
Deuxième question. Vous savez que le ministère n'a pas
développé, en tout cas, n'a pas fait preuve de sa
capacité, quand il s'agit de réviser les programmes, d'y aller
rapidement - si je fais référence aux sciences humaines, qui est
une farce un peu monumentale, ça a pris 10 ans avant d'accoucher - et
une grande partie de votre réflexion suppose une refonte majeure des
programmes d'enseignement. Donc, ça repose sur la capacité que le
réseau soit en mesure de les réviser. Une question
précise: À quoi attribuez-vous l'actuelle lenteur qui
caractérise le processus des programmes collégiaux? C'est quoi,
les raisons principales? En sous-question: Si jamais vous partagiez, parce que
j'ai vu dans votre mémoire que vous avez de sérieuses
inquiétudes quant à sa capacité de s'adapter... Alors, si
j'achète vos inquiétudes, sur quoi repose cette recommandation de
dire que, dorénavant, il faut absolument avoir des mécanismes qui
nous offrent plus de garanties d'agir vite et prompte-ment? Puis vous laissez
voir que vous êtes confiants. Alors, sur quoi repose votre optimisme?
M. Morin (Yvon): Si on ne réussit pas à revoir la
façon de réviser et d'évaluer les programmes, c'est bien
sûr qu'il y a des grands pans de mur de notre proposition qui vont avoir
de la difficulté à se renouveler. Ça, c'est clair. Nous
faisons une analyse assez attentive, puis nous sommes très près
de ces questions-là parce que nous avons à donner des avis sur
les révisions de programmes. La procédure qui est en place est
essentiellement basée sur un système disciplinaire. Ce sont des
comités de discipline qui sont chargés de faire la
révision et les propositions de renouveau de programmes. Ces
disciplines-là, bien sûr, on en a l'expérience avec les
sciences humaines, c'est 10 disciplines qui ont réussi à faire
des consensus et à s'entendre, mais un programme collégial, ce
n'est pas l'affaire d'une discipline, ce sont des programmes polyvalents. C'est
pour ça que nous proposons - et il y a d'autres organismes aussi qui le
proposent - il faudrait que les collèges aient une part beaucoup plus
grande, beaucoup plus de responsabilités dans la révision des
programmes. Eux, ils sont multidisciplinaires. Ils sont polyvalents, les
collèges. Ils ont plusieurs programmes dans leur collège. Il
faudrait que les universités et les employeurs aussi puissent être
intimement liés au processus de révision. Ça, nous pensons
que - c'est déjà en marche, en partie - c'est faisable, que
ça ne demande pas une révolution pour arriver à une
révision de processus comme celui-là.
M. Gendron: Rapidement. C'est parce que je ne trouve pas que vous
me donnez des éléments... C'est quoi, le problème qui fait
qu'il n'y a pas moyen de se virer de bord actuellement dans le processus de
révision? Là, vous me dites ce qu'on va devoir faire pour mieux
se virer de bord, mais qu'est-ce qui a fait que ça a traîné
tant que ça et qu'on mette 5, 6 ans, puis 10 ans avant de s'entendre sur
la révision d'un programme? Par exemple, le programme, que j'ai
cité tantôt, des sciences humaines, c'est quoi les causes
principales qui font qu'il n'y a pas eu moyen d'arriver à... Qui
bloquait les consensus? C'est qui les empêcheurs de tourner en rond?
M. Morin (Y von): Je suis convaincu, puis d'ailleurs c'est
déjà en marche, que ces processus de révision qu'on est en
train de recentrer maintenant sur des compétences - on engage des
professeurs comme experts, on engage aussi des gens de collèges, des
gens de l'extérieur - c'est déjà en bonne partie en voie
de correction. Pourquoi on a pris 10 ans? Des fois, ça prend du
temps.
M. Gendron: M. Morin, plus précis que ça. Vous
dites...
M. Bourque (Jules): Si vous permettez, M. Gendron...
La Présidente (Mme Hovington): Je pense que M.
Bourque...
M. Gendron: Oui, allez-y.
M. Bourque: ...je pense que vous vous référez
possiblement au fait que les coordinations provinciales sont composées
de professeurs et qu'il arrive souventefois que ces gens-là sont
placés en conflit d'intérêts dans la révision de
leur programme, ce qui fait que ça peut ralentir et même faire
mourir le processus.
M. Gendron: Je vais y arriver aux départements. Mais
très concrètement - oublions tout ce que j'ai dit question
sciences humaines - pourquoi ça a pris 10 ans? C'est quoi, le
problème?
M. Bourque: Cela a pris 13 ans, effectivement, parce que... C'est
ce que j'essaie de vous dire. Il y a un élément important: les
professeurs sont en situation de conflit d'intérêts parce qu'ils
ont eux-mêmes à déterminer la place de leur discipline dans
le programme à réviser. Alors, c'est un peu demander aux
professeurs de se faire hara-kiri dans l'avenir de leur discipline.
On vient de vivre une expérience avec le programme de sciences de
la nature, et c'est la même chose. Les professeurs de
mathématiques se sont butés à l'avenir de leur discipline
parce qu'il y a de leurs collègues qui sont impliqués en emploi
face, par exemple, aux professeurs de biologie qui veulent également
conserver un terrain. C'est un élément important.
M. Gendron: O.K. D'accord, mais je pense qu'on est sur une piste
qu'il faut fouiller parce qu'elle est importante et je continue sur cette
même lancée. Vous préconisez dans votre mémoire ce
qu'on appelle l'approche programme. Vous proposez la mise sur pied d'une
structure de programmes relevant de la direction pédagogique pour
faciliter et encourager l'approche programme qui, ce que j'appelle
regardée en soi, est loin d'être bête. Ce n'est pas
bête, puis il n'y a pas beaucoup de gens qui sont contre l'approche
programme. Mais là on retombe dans le concret et vous savez que certains
intervenants, particulièrement les professeurs, voient là une
menace réelle à l'autonomie professionnelle et au rôle
actuel des départements, avec raison. Ils sont très inquiets du
sort que l'avenir va leur réserver.
Alors, connaissant l'attachement du corps professoral - et, là,
si M. Morin ou quelqu'un d'autre... - pour cette entité
d'appartenance... Et ce n'est pas bête, puis je les comprends. C'est
légitime, c'est normal, je l'ai été, professeur. C'est
légitime pour un professeur qui oeuvre à l'intérieur d'un
département, même si je reconnais que les disciplines en soi, ce
n'est pas cloisonné avec du béton armé, mais dans certains
cas presque. On le verra avec certaines disciplines un peu plus tard au cours
des débats, quand on parlera de philosophie et d'éducation
physique. Puis c'est correct d'en parier parce que c'est important de faire le
débat. Mais là, ma question, c'est: Connaissant justement
l'attachement du corps professoral pour cette entité d'appartenance
réelle, comment vous voyez ça, puis comment comptez-vous prendre
les moyens concrets pour apaiser leurs craintes et les convaincre du
bien-fondé de votre proposition qui est de dire: Dorénavant,
ça ne relèvera pas de vous, ça va relever de la direction
pédagogique? Puis là, la direction pédagogique, il faut
faire attention, parce que là on tombe au deuxième étage -
en gros, c'est une image - on tombe dans les cadres. Alors, on sort ça
des professionnels de l'enseignement. Les professionnels de l'enseignement,
c'est ceux qui en font. Comment vous voyez ça?
M. Morin (Yvon): Juste avant de le demander à M. Poulin,
qui est justement professeur de sciences humaines - il pourra peut-être
apporter des éclairages intéressants là-dessus - nous
pourrions peut-être désespérer s'il n'y avait pas
déjà dans les collèges de nombreuses expériences
centrées sur la gestion par programme. Et si on ne voyait pas - parce
que dans les mémoires qui ont été déposés
à cette commission, il y a là une richesse incroyable - des
organismes même syndicaux représentant des professeurs qui se
disent favorables à l'approche programme, on pourrait
éventuellement dire: Attention, on va frapper un noeud absolument
incroyable. Mais ce n'est pas le cas, et ça, c'est le professeur
éducateur. On ne dit pas de lui enlever son département. Les gens
qui travaillent sur des disciplines ont besoin aussi de se réunir, de
progresser, de se perfectionner ensemble. Mais nous disons aussi que
l'élève, lui, il est dans un programme, et ça c'est
important de se centrer là-dessus. On n'a pas de formule miracle, mais
il y a des expériences dans les collèges... Vous avez fait le
tour, d'ailleurs, de plusieurs collèges. Vous avez pu vous en rendre
compte, il y a plusieurs collèges qui ont déjà des
expériences fort intéressantes et prometteuses à cet
égard.
Mme la Présidente, on pourrait demander à M. Poulin...
La Présidente (Mme Hovington): Allez-y, M. Poulin, vous
avez la parole. (12 heures)
M. Pouiin (Claude): Je vous parie à titre de professeur,
aussi membre du Conseil, mais mon expérience de professeur, ici, je
voudrais en témoigner. C'est évident qu'on va avoir à
faire face à une sorte de résistance. La résistance au
changement, c'est connu dans toute institution, et je pense qu'il faut avoir le
courage de faire face à cette résistance au changement.
Cependant, ce que vient de dire le président est tout à fait
juste. L'expérience démontre que, malgré cette
résistance, des choses sont en train de se faire. Et j'aime bien
l'exemple qui a été donné du programme de sciences
humaines sur lequel j'ai eu durant des années et des années
à débattre avec mes collègues. Je rappelle ici que le
Conseil, dans son avis sur le programme des sciences humaines, a
corrigé, à notre sens, une situation où les disciplines
n'avaient pas réussi à choisir un tronc commun disciplinaire.
Elles avaient atteint un compromis, pensaient-elles, en établissant
quelques cours de méthode et pensaient qu'ensuite on pourrait se
distribuer la formation en sciences humaines selon des règles qui
n'étaient finalement pas un changement réel, à notre sens.
Et là le Conseil a dit: Bien, on fait des propositions. Et la ministre,
à l'époque, a accepté effectivement que par-dessus les
coordinations et avec l'avis du Conseil on oriente la réforme autrement
que ne l'avaient décidé les professeurs. Et depuis deux ans,
bien, les professeurs font ce qu'ils ont à faire. Ils s'assemblent et
ils essaient de mettre en commun, ils essaient de réaliser un programme.
Et je pense que, ça, c'est la preuve qu'à certains moments il
faut peut-être avoir le courage de faire des changements; ensuite, les
gens s'ajustent à ces change-
ments-là. Mais quand ça fait 20 ans qu'on vit dans un
certain laxisme, il est évident qu'on est toujours craintif devant les
choses à faire et les nouvelles responsabilités qui nous sont
données.
Moi, je ne peux pas vous en donner la garantie, mais je peux vous dire
qu'il y a actuellement, par rapport au programme des sciences humaines, des
choses qui sont tout à fait positives. Et je suppose que les autres
propositions que l'on fait vont amener les profs à devoir changer des
comportements. Ceux qui ne pourront pas les faire, ces changements de
comportement, bien, tant pis pour eux!
M. Gendron: Même si on vit depuis 20 ans dans un certain
laxisme, vous avez dit?
M. Poulin (Claude): Bien oui, dans un certain laxisme. On vient
de le démontrer. Quand on dit que des disciplines ont à choisir,
dans un conflit d'intérêts, comme disait mon collègue, ont
à choisir quel cours va se donner ou quel cours ne va pas se donner,
c'est leur emploi qui est en cause. Il ne faut pas éviter cette
réalité-là. Si on diminue un certain nombre de cours dans
des disciplines données - je pense, par exemple, à des cours
d'anthropologie dans un programme de sciences humaines, qui sont des
disciplines assez pointues par rapport à, bon, j'allais citer ma
discipline, l'histoire - bien, c'est évident que, si on fait
disparaître certains cours, on fait disparaître l'emploi de
certaines personnes. Alors, c'est ça, le conflit
d'intérêts.
M. Gendron: Ça va, merci.
La Présidente (Mme Hovington): Votre confrère avait
quelque chose à ajouter, je crois bien.
M. Morin (Y von): Oui, si M. le député
d'Abitibi-Ouest le veut. Évidemment, en sciences humaines, nous avions
d'abord à réviser un programme qui n'était pas un
programme. Peut-être que le président de la Commission de
l'enseignement professionnel pourrait illustrer brièvement, parce qu'on
réussit ailleurs, là où il y a des programmes, en
technique. Parce qu'il ne faut pas oublier que ça a pris 12 ans, mais
lorsque vous étiez à un programme à la carte, un genre de
cafétéria, ça prenait un peu plus de temps avant de
prendre conscience d'objectifs de programme; c'est toute une longue
démarche. Mais ça serait peut-être intéressant de
voir comment ça se fait en technique, et comment ça peut se vivre
aussi, l'approche programme dans un collège.
M. Gendron: Merci. Je dois toucher... Il reste trois minutes.
O.K. Alors, je dois toucher une autre question. Mme la ministre l'a
abordée. Je trouve qu'elle faisait bien d'insister sur les pratiques
d'évaluation. Vous savez que, dans les milieux externes, à
l'extérieur des collèges, que ce soit la vision, des fois, du
ministère de l'Enseignement supérieur ou d'autres agents
éducatifs préoccupés par ces questions-là, à
tort ou à raison... C'est toujours difficile d'être certain
d'avoir la vérité révélée, à moins de
provenir d'un certain comté. Mais, au-delà de ça, il y a
une chose qui est sûre: il y a trop de gens qui parlent des lacunes au
niveau de l'évaluation pour ne pas qu'il y ait un problème
majeur.
Et, moi, je ne trouve pas que c'était très mordant de
dire: Dorénavant, il s'agit juste de renforcer, et puis on va garder les
trois, collèges, ministère et un organisme externe. Et j'aurais
une question précise, parce que vous êtes d'avis qu'il faut
redéfinir et renforcer les responsabilités de chacun de ceux qui
sont déjà impliqués, mais, je veux avoir un avis de vous
en ce qui a trait aux responsabilités du ministère. Vous
soumettez l'idée qu'il doive notamment veiller à ce que les
conventions collectives ne constituent pas des entraves à
l'évaluation. J'aimerais ça que vous soyez plus explicite sur
cette question et que vous nous donniez un petit portrait rapide de ce qui
prévaut actuellement qui, selon vous, serait une des raisons, des
carences qu'on peut observer au niveau des pratiques évaluatives,
c'est-à-dire le contenu des conventions collectives à cet
égard-là.
M. Morin (Yvon): Bon. Il y aurait plusieurs aspects parce que les
conventions collectives sont assez épaisses dans les
collèges.
M. Gendron: Oui, je sais.
M. Morin (Yvon): Une première remarque, prenons
l'évaluation des apprentissages. Lorsqu'un élève n'est pas
satisfait de la note, il pense que la note lui a été
donnée arbitrairement, alors il peut faire, selon des procédures
établies, une demande de révision de note. Dans la convention
collective, on prévoit que le département forme un comité
à cet effet. Or, dans le comité en question, et ça, c'est
prévu dans la convention collective, le professeur concerné, qui
a mis la note contestée, fait automatiquement partie du comité de
révision. L'audi alteram partem là-dedans n'est pas très
forte, et l'élève, lui, n'est pas là. Vous allez trouver
cette remarque-là aussi dans les mémoires d'étudiants,
d'associations étudiantes.
Vous prenez ensuite les pouvoirs du département. Si le
département est une entité qui a presque toute autorité
sur les objectifs d'apprentissage, sur les programmes, mais si le
département, lui, dans sa convention collective, n'a pas de comptes
à rendre à un organisme externe, c'est-à-dire un regard
externe même dans le collège, mais là vous venez de couper
le flux normal d'une évaluation, parce qu'une des grandes
caractéristiques que nous mettons en
relief dans l'évaluation, c'est la nécessité du
regard externe. Et c'est ça que nous voulons renouveler fondamentalement
dans les politiques et dans la structure que nous proposons. Lorsqu'on a
créé le Conseil des collèges, on n'a pas voulu du tout que
le Conseil des collèges soit un regard externe. Il nous a fallu
négocier pendant plus d'une année la permission d'aller voir dans
les collèges...
Une voix: ...les départements...
M. Gendron: O.K. Excusez, continuez.
La Présidente (Mme Hovington): Allez-y, M. Morin.
M. Morin (Yvon): Peut-être mes collègues, parce que
ce sont des cas concrets que vous voulez parce que, lorsqu'on parle des
conventions collectives...
M. Gendron: Oui, mais vous m'avez donné une explication
quand même très, très précise et moi, je trouve que
c'est pertinent par rapport à la question posée. Je suis
satisfait de l'explication. Je ne veux pas faire une évaluation, ici,
détaillée des conventions collectives. Mais je pense
qu'effectivement vous trouvez, selon ce que je viens d'entendre, qu'il y a
certains éléments qui sont négociés nationalement,
y inclus dans les conventions collectives, qui, sous la rubrique de meilleure
pratique d'évaluation, créent des inconvénients à
maximiser l'évaluation. C'est ça que vous me dites, et je pense
que vous avez raison qu'il faudra regarder ça très
concrètement si on veut se doter de méthodes évaluatives
plus efficaces, qui, véritablement, permettent qu'on en fasse d'une
façon éprouvée. Moi, je vous remercie pour tout de
suite.
La Présidente (Mme Hovington): Mme la ministre.
Mme Robillard: Mon collègue, M. Tremblay.
La Présidente (Mme Hovington): M. le député
de Rimouski, avant?
M. Tremblay (Rimouski): Oui, Mme la Présidente. Moi, je
veux seulement ajouter quelques mots au sujet des points saillants du rapport
d'état et des besoins de l'enseignement collégial dont j'ai lu
attentivement les recommandations et les sujets touchés. Je pense que
les nombreuses modifications de structures que vous proposez à
l'intérieur de votre rapport méritent en tout cas qu'on s'y
attarde et, en même temps, qu'on donne peut-être une nouvelle
orientation à nos collèges. Moi, je me suis souvent
questionné sur la pertinence de maintenir les collèges. À
un moment donné, je me disais: Pourquoi est-ce qu'on ne mettrait pas une
année de plus au secondaire, puis une année de plus à
l'université, puis tout revoir ça? Cependant, avec
révolution - probablement que j'ai évolué comme tous les
autres - je suis d'accord qu'on doive maintenir les collèges dans leurs
structures actuelles, sauf des structures modifiées, alors avec des
arrangements et des modifications très importantes. (12 h 10)
Dans votre rapport, vous n'y allez pas trop de main morte, surtout
à la page 12, vous dites, entre autres: «Les principaux
éléments de la formation générale, en termes
d'objectifs et de contenu, doivent être communs à tous les
élèves et, par conséquent, insérés dans tous
les programmes.» Là, ça va, sauf que la phrase suivante:
«Pour la mise en oeuvre des orientations qui précèdent, il
faut réduire de moitié le nombre d'unités obligatoires de
philosophie et d'éducation physique.» Alors - ça a
déjà été touché par les questionnements de
mon ami d'Abitibi-Ouest - ça va certainement causer, si jamais
c'était appliqué, un remue-ménage à
l'intérieur de la structure ou encore dans le partage des cours qui
doivent être donnés à l'enseignement collégial.
Moi, personnellement, dois-je vous dire, avec un peu d'expérience
que j'ai là-dedans et mes enfants qui sont passés là, que
je ne suis pas totalement en désaccord avec cette approche. Mais je
voudrais savoir jusqu'à quel point vous y tenez, jusqu'à quel
point ça, ça pourrait être mis en place.
La Présidente (Mme Hovington): M. Morin.
M. Morin (Yvon): Nous ne proposons pas du renouveau de la
formation générale pour le plaisir de le faire, c'est parce qu'il
y a des besoins de formation. Le député d'Abitibi-Ouest et la
ministre l'ont rappelé, il y a des évolutions
considérables de société et, pour pouvoir vivre dans cette
société-là, les individus qui vont y vivre ont besoin
d'avoir une formation générale renouvelée. Le bloc des
cours obligatoires: français, philo, éducation physique, nous
avions dessiné ça en 1965-1967. Actuellement, nous avons
tenté de proposer un curriculum de formation générale,
cinq grandes thématiques. Nous ne parlons pas de discipline
«philosophie» comme telle; nous ne considérons plus que la
philosophie, dans sa spécificité, doit faire partie de la
formation dite générale, sauf que des gens qui ont une formation
en philosophie seront particulièrement habilités à voir
l'une ou l'autre, peut-être une, deux, ou même trois
thématiques de la formation générale. Alors, nous
n'abordons pas, nous, quelles sont les disciplines: Est-ce qu'il faut mettre de
l'histoire? Est-ce qu'il faut mettre de la sociologie? Est-ce qu'il faut mettre
de la philosophie? Ça, nous ne disons pas ça, nous disons: II y a
un bloc de grandes thématiques. Les gens qui ont - et on en a
parlé d'ailleurs... Il n'est pas question de mettre de
côté les professeurs de philosophie, ils peuvent
très très bien contribuer aux grandes questions de valeurs
morales et éthiques, aux grandes questions de la société:
culture scientifique et technologique.
M. le député de Rimouski, le point que vous abordez
concernant l'éducation physique, c'est assez différent, parce que
ça ne ressort pas comme tel des grandes analyses de la
société que nous avons dégagées. Je ne dis pas: la
santé; la santé, ça, c'est primordial et ça a
toujours été primordial. Là, nous avions à nous
demander: Est-ce qu'on doit éliminer complètement
l'éducation physique ou si on doit la garder? Il y a une petite remarque
qu'il faut faire. Il y a cinq grandes thématiques et nous souhaitons
qu'il y ait un certain équilibre entre ces thématiques-là.
Alors, valeurs morales et éthiques, si c'est la philosophie qui enseigne
ça, on dit: Pas plus que deux cours; c'est deux cours pour chacune, on
essaie de maintenir l'équilibre. Alors, concernant l'éducation
physique, nous avons fait les débats. Nous sommes d'accord pour dire que
la question de la santé est une chose primordiale. Les gens de
l'éducation physique sont venus nous présenter des
mémoires lors de nos audiences. Ils nous ont, je pense, convaincus de
l'importance de cette réflexion sur la santé et de
l'éducation physique.
Nous avons constaté aussi que, dans plusieurs pays et dans
plusieurs systèmes, on fait de l'éducation physique obligatoire
jusqu'en 12e année. Nous avons constaté aussi que beaucoup
d'élèves, je dirais à peu près tous les
élèves qu'on a rencontrés, considèrent - là,
je ne parle pas de vos enfants, M. le député - l'éducation
physique comme une sorte de bienfait dans leur travail intellectuel. Ils se
sont montrés très positifs vis-à-vis de l'éducation
physique. Et nous recommandons aussi que le collège puisse permettre aux
élèves de faire des activités d'éducation physique.
Si nous n'avions aucune éducation physique actuellement dans les
collèges, je pense que ça nous coûterait une fortune et
nous n'aurions peut-être pas les moyens de faire ce que nous avons fait.
Mais on a cet avantage incroyable d'avoir des professeurs d'éducation
physique, d'avoir aussi des équipements. Et, si on le fait pendant la
première année, les élèves, beaucoup, beaucoup
d'élèves pourront continuer, en ayant vu les bienfaits, pendant
une deuxième année. C'est une vision très positive que
nous donnons de l'éducation physique.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Morin. Ça
va, M. le député de Rimouski?
M. Tremblay (Rimouski): J'aurais voulu poser une autre question
au sujet des certificats que vous anticipez pour l'enseignement
collégial mais j'y reviendrai dans d'autres rapports qui seront produits
ultérieurement.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, je poursuis. Deux autres aspects que je voudrais
aborder assez rapidement mais qui sont importants. Vous avez touché aux
frais de scolarité dans votre mémoire. Puis il me semble que vous
êtes assez clair en disant que, selon vous, ça serait une solution
de dernier recours. Moi, c'est encore trop, selon moi. Moi, ce ne serait pas
une solution du tout. Alors, je ne suis pas très heureux que vous
l'évoquiez en disant que ça pourrait être possible, parce
que c'est ça que ça veut dire, à condition que l'on
mène des analyses sérieuses sur les impacts sociaux d'une telle
mesure.
Je suis un peu étonné que le Conseil des collèges
n'ait pas, dans ses armoires et tous les nombreux avis corrects qu'il a
transmis, qu'il ne sache pas très concrètement que...
D'après moi, avec la poche de pauvreté qui grandit, avec les
niveaux de diplomation qu'on n'a pas atteints en termes d'exigences de
pourcentage, avec les nombreux échecs, avec le fait qu'on est rendu
qu'il y a quasiment presque autant de jeunes qui travaillent que le
marché du travail actif, ce qui n'a pas de bon sens... Moi, j'avais
toujours pensé que, lorsqu'on allait à l'école,
c'était important, que la première priorité
c'étaient les études. Puis, là, tous les chiffres, vous
les savez. Il y a un drame, ça n'a pas de bon sens le grand nombre de
jeunes qui doivent travailler pour pouvoir accéder à des
études.
Alors, je ne sais pas. Moi, je suis inquiet. J'aimerais ça que
vous me rassureriez d'une façon pas mal plus forte que ça
là, comment ça se fait que vous acceptiez quand même de
dire dans un avis: Bien, oui, on pourrait regarder ça, à
condition qu'on fasse une bonne évaluation des impacts sociaux. Alors
qu'il me semble qu'on a tout ce qu'il faut pour dire: Là, je suis au
Québec, moi. Puis je parle des collèges du Québec.
Ça n'a pas de bon sens. On n'a pas le droit d'envisager ça et
puis il faut regarder autre chose. Ça ne se peut pas qu'on ne soit pas
plus imaginatifs. Pour réussir, si on veut «reprio-riser»
l'éducation, en faire une priorité, il faut que les études
collégiales dans une société comme la nôtre, quand
on sait les coûts sociaux du décrochage, demeurent
complètement accessibles. Alors, moi, les frais de scolarité...
J'ai vu, à un moment donné, une couple de mémoires. Ils
ont dit: Non, non, ce ne sont pas des frais de scolarité, ça va
être... Des quoi? Aidez-moi. On parlait des... On a trouvé un
autre terme dans une couple de mémoires?
Une voix: Frais inhérents? Mme Robillard: Non,
non.
M. Gendron: Non. En tout cas, peu importe. Je vous dirai un peu
plus tard pourquoi je
voulais avoir cet éclairage. Mais, très
sérieusement, qu'on change de terme ou pas, pour les frais de
scolarité, moi, c'est non. Ça n'a pas d'allure. Pas question!
Pour aucune considération. Pourquoi, vous autres, un comité si
sérieux qui est aviseur de la ministre, vous commencez à glisser
là-dessus? Moi, je ne veux pas que vous glissiez du tout. Qu'est-ce qui
vous a fait glisser là-dessus?
M. Morin (Yvon): Vous auriez souhaité que la porte soit
fermée avec plus d'étanchéité?
M. Gendron: Oui, monsieur.
M. Morin (yvon): lorsque nous disons, nous, «une solution
de dernier recours», il faut presque être à l'article de la
mort. c'est vraiment de dernier recours.
M. Gendron: Non, mais regardez, l'aide sociale, c'était
une mesure de dernier recours dans leur loi et puis il y en a 1 400 000.
Ça ne se peut pas qu'il y ait tant de morts! Faites attention.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Morin (Yvon): C'est un grand acquis pour la
société québécoise d'avoir maintenu
l'accessibilité. C'est un message qu'on donne en même temps aux
jeunes et ça crée aussi pour beaucoup d'élèves de
l'accessibilité réelle. Nous allons même plus loin. Nous
souhaiterions, et nous le demandons, qu'on donne de la gratuité aussi
à ceux qui sont à temps partiel. De plus en plus de gens iront en
alternance. Nous allons même plus loin que ça. Pour ne pas qu'il y
ait de discrimination, nous disons que les adultes qui font des crédits
à temps partiel puissent aussi avoir la gratuité. C'est un projet
de société, c'est un choix qui a été fait et nous
souhaitons vivement qu'il soit maintenu, renouvelé et rechoisi.
M. Gendron: Merci. Autre question rapide, toujours pour
respecter, moi aussi, mon temps de parole. J'aurais souhaité, moi, que
le Conseil des collèges, éventuellement, nous donne une
appréciation de ce qui a été suggéré par
d'autres. Donc, je vous le suggère et j'aimerais ça avoir votre
avis. Puisqu'on vous a aujourd'hui, on va en profiter. Il y a beaucoup de gens
qui prétendent qu'il y a un certain nombre de nos jeunes... Moi, je
prétends qu'ils ont des raisons, mais indépendamment des raisons
qu'ils prennent pour étirer leur diplôme d'études
collégiales, le D.E.C... Bon, un D.E.C., normalement, ça ne doit
pas prendre trois ans puis trois ans et demi puis quatre ans. Malheureusement,
dans certains cas, c'est encore pire, sauf que c'est marginal, là. (12 h
20)
Et, dans ce sens-là, qu'est-ce que vous penseriez que
l'État regarde sérieusement la possibilité de dire que,
pour ceux qui feraient leurs études collégiales dans les temps
impartis, on envisage le non-remboursement d'une partie de leur prêt
étudiant, pour ceux qui en ont obtenu un? Ou regarder une formule
d'équité parce que, pour ceux qui n'en ont pas eu, ce serait
peut-être non équitable. Mais il faudrait regarder une formule
d'équité. Puis, moi, je prétends que, compte tenu des
coûts sociaux terribles de ceux qui décrochent et de ceux qui
étirent, ça coûte plus cher que de leur dire... Pensez-vous
que ça aurait une incidence - c'est plus ça que je vous demande -
crédible de faire un effort et dire, en gros: Bien, ceux qui le font en
temps, vous remboursez 60 % de votre prêt et les 40 %, on vous dit merci
beaucoup pour avoir procédé avec diligence?
M. Morin (Yvon): Oui. Nous sommes favorables à cette
position dans les deux sens.
Ceux qui les font dans les temps impartis et ont travaillé leurs
études, qu'on puisse avoir une mesure, comme on le fait à
l'université, de remboursement ou de crédit de bourse. On
pourrait penser aussi à l'autre extrême pour les
élèves qui, pour des raisons absolument inexplicables et
injustifiées, prennent un temps indéterminé. Et là
il pourrait commencer à y avoir une certaine pénalité.
Ça, ce sont des mesures d'équité, je pense, et au
Conseil, nous avons déjà donné des avis sur la question
des prêts et bourses. Évidemment, dans un rapport comme celui-ci,
nous avons tenté d'être très brefs. On a seulement 400
pages là-dedans, mais on a visé quand même des grands
objectifs de formation.
M. Gendron: Quand vous n'êtes pas brefs, combien il y a de
pages?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Je vous remercie. Je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. Gendron:
Bien, vous pouvez compléter.
La Présidente (Mme Hovington): M. Marso-lais, vous vouliez
ajouter quelque chose?
M. Marsolais (Arthur): Faire une remarque sur la longueur pour
l'obtention du D.E.C. On s'aperçoit qu'il y a beaucoup de parcours
indirects. Les gens demandent d'aller dans un bon cours technique. On leur dit:
Excusez-nous, il n'y a plus de place. Donc, ils s'en vont au
préuniversitaire. Ils prennent de l'avance. Ils font des cours
généraux, ils prennent des cours complémentaires. Deux,
trois ou quatre sessions après, là, ils sont de calibre et ils
ont enfin la
place qu'ils désiraient. Donc, ils ont leur D.E.C. plutôt
quatre ans après leur arrivée, ou neuf sessions, mais c'est parce
qu'on les a forcés au détour. Ce n'est pas toujours parce qu'ils
ont lambiné, comme on dit.
M. Gendron: Ah! Non, non.
M. Marsolais: Vous savez que, dans certains excellents cours
techniques, plus de la moitié des admis ont déjà un D.E.C.
général, actuellement, dans les cours techniques très,
très recherchés. Et, pour vous montrer le degré de
difficulté qu'on rencontre, si on regarde l'ensemble du contingent des
jeunes qui ont demandé l'admission dans la zone des 26 collèges
du SRAM cette année, il y en a 60 sur 100 qui demandaient d'aller au
secteur technique, 40 % qui demandaient d'aller au secteur
préuniversitaire. Comme il y en a infiniment trop qui veulent aller en
technique policière, en aéronautique, etc., quand l'admission est
faite, il y en a seulement 40 % au technique et 60 % au
préuniversitaire. Et, dans ces 60 %, il y en a un certain nombre qui
vont essayer de revenir à leurs choix initiaux, vont réussir. Et,
ça, ça explique le prolongement des études, en partie, de
sorte que l'idée reçue que les gens prennent leur temps,
décrochent et ne font pas d'efforts, c'est une idée en grande
partie fausse.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Marsoiais. Mme la
ministre.
Une voix:...
La Présidente (Mme Hovington): D'accord. Merci. Alors, Mme
la ministre, vous avez la parole.
Mme Robillard: Oui, Mme la Présidente. M. Morin,
j'aimerais ça aborder une autre de vos priorités concernant
l'amélioration de la formation technique et, de façon
particulière, la recommandation que vous nous faites d'assouplir la
structure des programmes. C'est un thème qui revient
régulièrement dans ce chapitre-là. Vous nous parlez d'un
D.E.C. par étapes, vous nous parlez de reconnaître les acquis
supplémentaires au diplôme d'études secondaires. Vous nous
dites même, dans des domaines précis, qu'il faudrait avoir des
formations plus courtes, donc un assouplissement de la structure des
programmes. J'aimerais ça que vous explicitiez en tant que telle cette
idée-là. Est-ce que ça voudrait dire que les étapes
que vous suggérez, ça correspond à des profils d'emplois?
Est-ce qu'on peut envisager ça dans plusieurs programmes? On m'apporte
toujours l'exemple de l'agriculture et des métiers d'art; j'en voudrais
d'autres. Est-ce qu'on peut voir ça dans d'autres programmes? Est-ce
qu'on sanctionnerait par étapes? Qu'est-ce qu'on fait avec les A.E.C.,
les attestations d'études collégiales, et les C.E.C., les
certificats d'études collégiales actuels, avec votre
suggestion?
M. Morin (Yvon): Très bien. Je demanderais au
président de la Commission de l'enseignement professionnel d'être
plus concret dans les différentes formules qui sont proposées et
de dire comment ça pourrait s'expérimenter et s'implanter. Nous
constatons, pour l'enseignement collégial, que nous avons une
filière unique: trois ans, quel que soit le programme professionnel. Je
parle toujours de l'enseignement régulier. Nous constatons que d'autres
provinces - prenons l'Ontario - ont des programmes techniques d'une
année. Il y en a de deux ans et il y en a de trois ans.
Lorsqu'on regarde ce qui se fait ailleurs, on regarde aussi la grande
variété de cheminement des élèves. Beaucoup
d'élèves sont au technique et on les considère comme ayant
abandonné alors qu'ils ont trouvé un emploi dans le domaine
où ils se sont formés. Et on constate que ces
élèves-là n'ont pas de diplôme; ils sont
hypothéqués alors qu'ils auraient peut-être pu faire
ça par étapes, une sorte d'alternance non officielle,
travail-étude.
Maintenant, quant aux formules que nous proposons pour assouplir - ce
sont des propositions que nous faisons - cette filière unique et qu'on a
voulu infiniment trop rigide depuis le début pour former, quelle que
soit la technique - le député d'Abitibi-Ouest parlait de 140
programmes; il y a des collèges ontariens qui en ont 150, un seul
collège peut en avoir 150 - il faut les restructurer, il faut les
regrouper. Maintenant, nous, nous proposons des formules qui vont conduire...
On maintient toujours l'idée de l'éducation permanente, de la
possibilité de faire de la formation ultérieure.
Alors, M. Marsolais pourrait vous dire concrètement ce que
ça pourrait donner.
M. Marsolais: En effet, il n'est pas question d'adopter une
idée générale, quel que soit le programme, comme on n'a
pas besoin - et c'est impensable - d'avoir des formations plus courtes, par
exemple en soins infirmiers. Le droit de pratique dépend du D.E.C, et il
n'est pas question de faire les deux tiers de la formation et, ensuite,
d'envoyer les gens dans le milieu de travail.
Je vais quand même risquer des exemples hors de l'agriculture. En
commerce, les collèges ontariens font un cours technique de deux ans
où on forme des vendeurs. Ils font un cours très avancé de
trois ans, véritablement de planificateurs du marketing. Et c'est deux
formations différentes. Avec notre niveau d'exigence du seul et unique
D.E.C, tous ceux qui n'arrivent pas au niveau de techniciens supérieurs
ou de techno-logues, ils repartent dans la vie active sans...
Je crois que, ça, c'est un domaine où il y
aurait drôlement intérêt à faire comme les
provinces anglaises, de l'Ouest en particulier, une cible technicien et une
cible technologue.
M. Gendron: Surtout qu'ils ont voté la même chose
que nous autres!
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Hovington): ...parole, M. le
député d'Abitibi-Ouest. Ce sera votre conclusion, hein?
Mme Robillard: M. Marsolais, avec des sanctions?
M. Marsolais: Oui, on pourrait dire: Voici... Mme Robillard:
Avec des sanctions.
M. Marsolais: Après deux ans de cégep, vous...
Mme Robillard: Pas un D.E.C. Un D.E.C.?
M. Marsolais: Non. Vous avez un certificat collégial en
marketing, et, si vous voulez un D.E.C, c'est trois ans. Enfin, ce n'est pas le
certificat actuel. Les étiquettes à mettre sur ces niveaux
intermédiaires de qualification ne sont, de toute évidence, pas
inventées. Et ce sera, si on en met en place... Je prends deux ou trois
exemples encore. On a, au Québec, environ 12 000 personnes qui
travaillent dans les mines, beaucoup de gens formés sur le tas, beaucoup
de gens qualifiés dans la mécanique lourde, dans la
mécanique ordinaire, dans les métiers, même la menuiserie,
parce qu'étayer des galeries de mines, ça ressemble à de
la menuiserie. Mais on n'arrive pas à diplômer plus qu'environ 25
diplômés du collégial dans les techniques minières,
et c'est une tragédie, parce qu'au regard de 12 000 emplois en tout il y
aurait de la place pour 100, 125, 150 personnes qualifiées au niveau
technique. Et est-ce que ce n'est pas pensable de dire à des gens:
Travaillez avec nous 16 mois, et on vous qualifie de technicien? Mais le plus
sophistiqué: Vous reviendrez un autre 8 mois si vous voulez un D.E.C.
(12 h 30)
Mme Robillard: Parfait.
M. Marsolais: Je crois que dans la foresterie, au niveau de la
qualification qu'on donne actuellement, on se fait dire: Vos titulaires de
D.E.C, ils ne veulent plus aller dans le bois. Il y a un niveau de formation
intermédiaire qui serait de travailler dans l'aménagement, sur le
terrain, pas juste dans les bureaux comme consultants. Enfin, j'arrête
mes exemples.
Mme Robillard: Parfait. Alors, je pense que le temps est
écoulé. Je trouve ça intéressant. Je pense que ce
sera une idée à regarder d'un peu plus près. Il me reste
à vous remercier, M. le président, de même que vos
collaborateurs et votre collaboratrice d'être venus nous rencontrer. Le
message de fond que je retiens du Conseil des collèges, c'est que, oui,
on maintient les cégeps, mais, oui, il faut des changements en
profondeur au niveau de la formation. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Alors, M. le
député d'Abitibi-Ouest, vous aviez fait votre conclusion tout
à l'heure.
M. Gendron: Non, non, c'était juste un petit
aparté. Merci beaucoup. Sincèrement, c'est une excellente
contribution, et j'espère qu'à continuer de produire d'excellents
avis comme ça à la ministre de l'Enseignement supérieur,
puisque vous êtes une instance aviseur, elle va finir par en prendre
avis.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, il me reste à
vous remercier, au nom des membres de la commission, d'être venus nous
présenter votre mémoire, votre étude ce matin. Ça a
été très instructif et très formateur pour tous les
membres, j'en suis sûre.
La commission va suspendre ses travaux jusqu'à 15 heures cet
après-midi. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 32)
(Reprise à 15 h 4)
La Présidente (Mme Hovington): Alors, je constate que nous
avons quorum et que la commission de l'éducation peut reprendre ses
travaux en recevant cet après-midi le Conseil supérieur de
l'éducation.
Si vous voulez bien vous identifier et identifier votre porte-parole et
les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.
Conseil supérieur de l'éducation
M. Bisaillon (Robert): Merci. Alors, je serai le porte-parole. Je
m'appelle Robert Bisaillon, je suis le président du Conseil. Je suis
accompagné, à ma gauche immédiate, de Mme Louise Clermont,
qui a été au coeur de cet avis-là puisqu'elle est la
coordonnatrice de notre Commission de l'enseignement supérieur au
Conseil, de Mme Renée Carpentier qui est agente de recherche et de M.
Jean Deronzier, de la Direction des communications; et, à ma droite
immédiate, de M. Jean Proulx, qui est le secrétaire du Conseil et
Mme Susanne Fontaine, qui est coordonnatrice du service des études et de
la recherche. Voilà!
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Alors, vous avez 30
minutes pour nous exposer votre mémoire. Nous vous écoutons.
M. Bisaillon: Mme la présidente de la commission, Mme la
ministre, Mmes et MM. les députés, membres de cette commission de
l'éducation, les circonstances présentes - enfin, c'est le terme
le plus approprié que j'ai trouvé -veulent que l'avis du Conseil
supérieur de l'éducation que nous vous présentons
aujourd'hui avec plaisir et qui constitue, faut-il le rappeler, une
réponse à une demande de la ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science, et qui concerne, par la nature même de
la demande, l'ordre d'enseignement secondaire en même temps que le
collégial et l'universitaire, donc, les circonstances présentes
veulent que cet avis-là soit reçu par la même titulaire des
deux ministères. J'y vois un signe et une promesse de
réconciliation de phénomènes qui, pour autant qu'ils
puissent être analysés séparément, n'en
représentent pas moins des situations interdépendantes. Et le
mandat même du Conseil supérieur nous autorise, je crois, à
faire cette lecture qui traverse d'ailleurs notre propre avis.
Nous avions, pour l'essentiel, à répondre à deux
questions principales que la ministre nous avait posées. La
première: Quels objectifs de scolarisation devons-nous chercher à
atteindre désormais, comme société, en ce qui concerne
l'enseignement supérieur, c'est-à-dire le collège, mais
aussi l'université? Autrement dit, en relation avec des choix faits au
début de la Révolution tranquille, est-ce que nous devons marquer
une rupture dans ce qui est devenu une fréquentation de masse de
l'enseignement supérieur ou plutôt devons-nous, en
continuité, accroître cette fréquentation
déjà massive?
La deuxième question, en corollaire, donc de l'ordre des moyens:
Est-ce que la structure originale de notre enseignement supérieur,
c'est-à-dire le cégep, est aujourd'hui le moyen, la formule la
plus appropriée pour favoriser cette scolarisation, ces objectifs de
scolarisation?
Le Conseil ne pouvait pas aborder cette question, l'étude de ces
questions en dehors d'une perspective de système, comme je l'ai
mentionné tantôt, précisément à cause de la
position intermédiaire du collégial entre une étape de
scolarité obligatoire déterminante pour sa propre alimentation en
clientèles, d'une part, que ce soit du point de vue quantitatif mais
aussi qualitatif, et aussi une étape de formation universitaire qui,
tout en complétant pour une part la formation collégiale,
hérite aussi d'une situation de départ qui est celle du
collégial, même si l'enseignement universitaire poursuit ses
finalités propres, qu'il partage d'ailleurs avec le collégial. Le
Conseil a donc choisi délibérément d'examiner la question
de la scolarisation, mais sous deux angles. D'abord sous celui de la
diplomation, c'est-à-dire le fait d'être scolarisé, plus ou
moins, ou pas du tout, et aussi sous l'angle de l'action de scolariser.
D'où notre attention à une trame de fond, à cette ligne de
vie scolaire que vous retrouverez dans l'avis et qui passe par l'accès
d'abord, mais le cheminement ensuite, et qui s'attarde à la diplomation
enfin, chacune de ces étapes présentant ses
caractéristiques propres et expliquant la situation d'ensemble.
Je dois dire aux membres de cette commission que la commande, entre
guillemets, que nous avait passée la ministre, en tout cas, quant aux
objectifs de scolarisation à fixer, nous y avons résisté
jusqu'à un certain point. Nous avons résisté
jusqu'à un certain point à l'idée même de formuler
des objectifs chiffrés de scolarisation qui pourraient ressembler
à une mécanique un peu désincarnée, ou prêter
à des slogans d'autant plus suspects qu'ils apparaîtraient
irréalistes. C'est pourquoi on a cherché à fonder ces
objectifs-là, à leur donner des assises à la fois en
examinant la scolarité générale des
Québécois et des Québécoises dans le contexte
canadien, et en particulier ontarien, qui est la référence
générale, aussi dans les demandes sociales qui nous paraissent
découler de l'évolution actuelle de la société,
l'évolution actuelle et prévisible, et aussi dans la
manière d'aborder cette question ailleurs, dans des
sociétés comparables avec lesquelles nous sommes, d'une certaine
façon, obligés de nous confronter. Mais le véritable
fondement des objectifs quantitatifs de scolarisation, que vous trouverez dans
cet avis, il est fait d'objectifs qualitatifs, c'est-à-dire d'une
densité de formation, d'une substance de formation correspondant
à ce qui nous apparaît nécessaire pour le
développement des individus, pour leur insertion sociale réussie
et leur contribution professionnelle qualifiée dans la
société de demain. (15 h 10)
Enfin, ces objectifs de scolarisation, qualitatifs et quantitatifs,
pourraient être vains, paraître hors de portée et même
être générateurs de désillusions s'ils ne
s'accompagnent d'objectifs stratégiques, c'est-à-dire de cibles
à viser et d'aménagements précis à faire autour de
situations qui ont trait à la fois à l'efficacité et
à l'efficience de notre système d'éducation. En ce sens,
c'est à une mobilisation de toute la société, mais aussi
des réseaux et des établissements, des étudiants et des
personnels, que convient ces objectifs autour d'un projet global qui
constituerait un deuxième souffle du système éducatif pour
aborder le XXIe siècle en position de surmonter les défis majeurs
qui s'opposent à tous les États modernes.
La première question, celle des objectifs de scolarisation,
d'abord. Nous vivons actuellement dans une période de
réorganisation des économies, des institutions et des
sociétés elles-mêmes qui place les individus et les
systèmes - et parmi eux les systèmes d'éducation - dans un
climat d'instabilité et d'incertitude relative qui incite souvent
à rechercher et à trouver les facteurs d'adaptation à
court terme dans l'immédiat. C'est
ainsi, probablement, qu'il est normal que l'enseignement
supérieur se sente sollicité, en premier lieu, par le processus
de restructuration économique qui porte ses valeurs et ses urgences.
Mais le Conseil croit que, tout en étant attentif aux demandes qui sont
adressées à l'enseignement supérieur par suite de ces
nécessaires restructurations économiques dans l'évolution
actuelle de la société, l'enseignement supérieur doit
aussi se sentir interpellé, entre autres, par la redéfinition du
bagage culturel nécessaire aujourd'hui à tous les individus, par
les retombées des progrès scientifiques et technologiques dans
tous les domaines d'activité, par les enjeux de démocratisation
qui sont à l'oeuvre au sein des rapports sociaux, par l'évolution
démographique - certains faits de population - qui constituent des
appels pressants.
Cette lecture de la demande sociale, quand on la fait à la
lumière des finalités de l'enseignement supérieur, va nous
amener à parler des compétences générales et
professionnelles à développer, des connaissances et de leurs
applications à développer, et aussi du développement des
collectivités et de la société dans son ensemble et, par
conséquent, à rechercher d'abord l'atteinte de standards de
qualité de haut niveau, aussi l'atteinte d'une scolarisation
poussée à la fois en termes de réussite scolaire et en
termes de répartition entre des groupes sociaux, entre des
régions et des centres, entre des individus, et un aménagement de
la gestion du système et des établissements qui conduit à
ces objectifs.
Au total, nous devons convenir, je crois, en accord avec les projets de
développement en éducation dans un certain nombre de pays
industrialisés, que l'éducation est devenue un gage de
réussite pour une nation dans un contexte de compétition
mondiale, que l'exercice des métiers, des professions exige un niveau de
compétences générales et spécialisées de
plus en plus élevé, que l'éducation est identifiée
par les économistes comme un facteur de productivité primordial,
que l'éducation contribue aussi à diminuer le clivage social, la
distance entre les classes sociales, qu'il faut chercher à
réduire les échecs et les abandons et à hausser la
scolarité de la population, non pas de façon épisodique,
conjoncturelle ou comme une mode qui va passer, mais qu'il s'agit là
d'un bon «qualitatif» - pour employer une expression que j'ai
entendue ce matin - dans notre prise de conscience de l'importance de
l'éducation. Et, finalement, nous convenons aussi que la main-d'oeuvre
de l'an 2000, en majorité, fait déjà partie de la
population active et qu'elle constitue une cible désignée de
formation supérieure.
En regard de cette demande, donc, des objectifs qualitatifs d'abord:
assurer le même bagage culturel à tous les étudiants, que
ceux-ci entrent à l'université après le cégep ou
sur le marché du travail; assurer une complémentarité
entre la formation générale et la formation
spécialisée, selon un équilibre qui va différer,
selon qu'on est au secteur préuniversitaire, alors qu'on est dans un
profil de cinq ans, dans le fond, de formation continue, ou selon qu'on est au
secteur technique où la finalité est l'entrée
immédiate sur le marché du travail. Nous pensons que la formation
générale doit être acquise à partir de ce qu'on
appelle un fonds commun qui ne sera pas nécessairement un tronc commun
en termes de discipline et de nombre d'unités, mais un fonds commun
alimenté à trois grands champs du savoir qui nous apparaissent
résumer à la fois notre bagage, notre héritage culturel et
ce qu'il est nécessaire de savoir. Donc, trois grands champs du savoir
que nous définissons, que nous découpons de la façon
suivante: les sciences de la nature, sciences appliquées et
technologies, d'une part; les sciences humaines et sociales, d'autre part; et
les humanités dites classiques, dont les arts, les lettres et la
philosophie constituent le noyau dur, enfin. Donc, un fonds commun qui
s'alimenterait à ces trois champs du savoir et qui pourrait
différer selon les programmes, non pas en termes de grands objectifs
à atteindre mais en termes, je dirais, de contenu fin,
c'est-à-dire d'adaptation spécifique à la finalité
immédiate de telle ou telle spécialité. Par exemple -
même si la ministre n'aime pas toujours cet exemple-là - dans le
programme des techniques agricoles, un cours de sociologie rurale pourrait
être plus approprié qu'un cours de sociologie du travail qui, lui,
serait peut-être plus adapté dans les métiers industriels.
C'est pour donner un exemple de ce que j'appelle ce contenu fin.
Nous pensons aussi que la formation générale et
spécialisée doit être dispensée dans une perspective
de formation fondamentale, c'est-à-dire qu'elle doit permettre la
maîtrise d'apprentissages essentiels, ceux qui répondent - et on
peut les identifier - à des exigences de mobilité, de
transférabilité, de créativité, d'autonomie et
d'éducation permanente, et qu'on devra arriver pour cela, bien
sûr, à une gestion appropriée des programmes de formation.
Si on doit établir une continuité entre les programmes au
collégial et à l'université - et nous pensons qu'il faut
le faire - il y a donc là une harmonisation verticale qui est
nécessaire, mais aussi une gestion concertée des programmes entre
les deux ordres d'enseignement. Nous pensons qu'il faudra identifier la
contribution réelle des disciplines à ce genre de formation qu'on
veut dispenser et qu'on devra encourager des pratiques disciplinaires ouvertes
dans l'enseignement et non pas fermées sur elles-mêmes.
Le coeur de l'avis du Conseil, bien sûr, porte sur les objectifs
quantitatifs, puisque c'était la question principale qui nous
était posée. Nous les avons qualifiés nous-mêmes
d'ambitieux avant de nous le faire dire. Ambitieux, évidemment, en
termes d'horizon, en
termes d'idéal ou d'ordre de grandeur, sachant très bien
que lorsqu'on est dans l'ordre des décisions on peut devoir
procéder à des arbitrages, à des priorités ou
à des étalements, mais on nous avait demandé l'ordre de
grandeur à rechercher. Pour arriver à ces objectifs quantitatifs,
nous nous sommes basés sur trois facteurs. Un facteur historique,
d'abord. D'où partons-nous? Où sommes-nous dans la population en
général au point de vue scolarisation? Le facteur de la demande
sociale, dont je vous ai parlé, qui, partout, tire vers le haut; il faut
augmenter l'accès, la fréquentation, la diploma-tion, donc les
objectifs sont nécessairement vers le haut. Et un facteur
d'efficacité de système qui nous dit: II faut diplômer
davantage, quel que soit, par ailleurs, le type de diplôme.
Nous avons donc examiné le premier facteur, l'état de la
scolarisation. Il ne faut pas résister, il faut rappeler les bonds
considérables qu'on a faits en 25 ans: une augmentation de ceux qui ont
terminé leur 9e année de scolarité dans la population, de
ceux qui ont obtenu un diplôme d'études secondaires, de ceux qui
ont accédé à l'université; la fréquentation
maintenant énorme, considérable des adultes; la
féminisation notable des populations étudiantes et le fait que le
modèle dit traditionnel de cheminement continu, à temps plein,
est aussi en hausse. De ce point de vue là, ce n'est pas
précisément la panne, c'est plutôt un système en
mouvement. Un système en mouvement mais qui connaît, qui a ses
ratés, ses ratés qui sont importants. Il demeure des
écarts et des faiblesses. Lorsqu'on regarde les garçons par
rapport aux filles, lorsqu'on regarde les régions par rapport aux
centres, lorsqu'on regarde les francophones par rapport aux anglophones,
surtout aux études graduées, lorsqu'on regarde la population de
15 ans et plus et qui a 9 ans de scolarité et plus par rapport au reste
du Canada, nous sommes en déficit, et, lorsqu'on regarde la population
québécoise qui a fait des études universitaires, elle est
plus faible ici que dans les autres provinces.
L'état de la scolarisation nous montre aussi un acquis fragile.
Nombreux sont ceux au Québec qui sont encore les premiers, qui sont
présentement les premiers de leur famille à fréquenter
l'enseignement supérieur. C'est normal, après une histoire de 25
ans. Il y a encore beaucoup de parents en 1990, un sur deux en fait, qui n'ont
pas d'enfants qui sont au collège et qui n'avaient pas eux-mêmes
dépassé la 11e année. Et on constate aussi, lorsqu'on
examine la scolarité générale de la population, un
phénomène nouveau dont il faut tenir compte, c'est une masse
importante, je ne dirais pas marginale, pas centrale, mais une masse importante
d'autres cheminements étudiants qui se manifestent par de nombreux
changements de programme d'études, par des interruptions de parcours
scolaire, par un prolongement des études et par des abandons qui ne sont
pas forcément définitifs.
Quand on résume les problèmes par ordre d'enseignement,
pour se faire une idée des efforts à faire et de leurs liens les
uns avec les autres, d'un ordre d'enseignement à l'autre, je dirais
qu'au secondaire nous avons un problème de diplomation
considérable. Nous sommes à 64 % de diplomation au secondaire et
nous avons un problème énorme de fréquentation scolaire
à 16, 17 ans, qui nous met en retard par rapport à toutes les
autres provinces, même si à 18 ans nous comblons ce retard. Mais
où il arrive, le retard, il faut considérer que c'est un
problème très sérieux. (15 h 20)
Au collégial, nous avons, et ça a été
mentionné ce matin, un problème de persévérance
dans les études et un problème, croyons-nous, de
répartition des flux de population entre le secteur
préuniversitaire et le secteur technique - un écart qui est plus
grand que celui de 60-40 dont on parle, surtout lorsqu'on examine la
diplomation relative dans les deux secteurs, l'écart s'agrandit - et un
début de problème d'accès au collégial qui se
manifeste de plusieurs façons, et dont on pourra causer plus tard, mais
qui commence à devenir préoccupant. Enfin, à
l'université, il y a un problème de diplomation à tous les
cycles et un problème nettement évident pour les francophones aux
études graduées.
Cet état de la scolarisation, ces problèmes
identifiés nous amènent à proposer des objectifs qui
concernent toujours une population d'un âge donné: avant 20 ans,
avant 25 ans, quelle proportion des Québécois devra avoir atteint
tel ordre d'enseignement et tel diplôme? C'est le tableau de la page 95.
Vous souffrirez que je ne vous le lise pas, mais il donne l'ordre de grandeur.
Aussi, pour répondre à la première question toujours, des
objectifs stratégiques nécessaires, nous en avons
identifié deux. Le premier sur lequel nous insistons beaucoup depuis
longtemps au Conseil, c'est l'orientation. L'orientation des
élèves non pas comme un service seulement dispensé par tel
type de professionnels ou dans tel type de locaux dans tels
établissements, mais l'orientation comme une fonction du système
et une fonction à tous les ordres d'enseignement. Dans ce
sens-là, nous disons que l'ordre d'enseignement collégial, en
plus de dispenser une formation de qualité, a comme fonction d'orienter
les étudiants à cause de leur âge, en particulier, et
à cause de la façon dont fonctionne notre système
scolaire. Donc, premier objectif stratégique, qui n'est pas du
même ordre que les autres.
Deuxième objectif, la diversification des voies et des
cheminements. Nous vivons aujourd'hui un phénomène qui
n'était pas vrai au début de la Révolution tranquille, je
dirais. C'est la diversification ou
l'hétérogénéité des clientèles. C'est
un phénomène nouveau et on dit: À entrée massive,
il faut des cheminements variables, et c'est seulement si on diversifie les
voies qu'on
risque de faire accéder plus de gens à la scolarisation.
Sinon, on les exclut du système si on les oblige à passer par la
filière ou par la même voie, tout le monde, d'où un certain
nombre de moyens que nous recommandons de cet ordre-là.
La deuxième question, la question de l'enseignement
supérieur. Je rappelle que nous avons abordé cette
question-là à l'intérieur de l'examen des moyens. Nous
l'avons abordée aussi en regard de la question principale: quelle
structure a le plus de chances d'augmenter la scolarisation sans sacrifier
à la qualité de la formation? Nous croyons, et nous le disons
clairement, que le statu quo pur et simple est dangereux par rapport aux
objectifs que nous poursuivons, la preuve étant dans l'examen que nous
faisons de l'état de la scolarisation. Il y a une partie de cet
état de scolarisation qui dépend aussi de ce qui se passe dans le
système. Il faut en tenir compte. Ce n'est pas juste des facteurs
exogènes, sinon ce qui se passe de bon ne dépendrait pas du
système non plus mais dépendrait d'acteurs externes. Donc, le
statu quo nous dit qu'il y a un problème de persévérance,
par exemple, au collégial. On pense que le statu quo est dangereux.
Nous avons étudié trois autres hypothèses de
restructuration qui sont plus ou moins présentes dans le débat
public, ces dernières années, et dont certaines, nous
l'admettons, présentent des avantages, notamment au plan administratif.
On pourra en discuter, si vous voulez, tantôt. Nous avons examiné
ces hypothèses-là que vous connaissez: une année de plus
au secondaire, une année de plus à l'université, la
division des collèges en deux réseaux très distincts, un
pour le préuniversitaire, l'autre pour le technique. Troisième
hypothèse, l'aspiration de la formation professionnelle actuellement
donnée au secondaire vers le collégial. C'est des
hypothèses qui sont séduisantes pour plusieurs, qui font partie
du débat public, de toute façon, et qui présentent, dans
certains cas: des avantages. Nous les avons examinées. Mais
nous sommes arrivés à la conclusion, nous, essentiellement pour
des raisons éducatives, parce qu'elles nous aident à un meilleur
cheminement des élèves vers la diploma-tion et qu'elles
garantissent une formation de qualité, qu'il faut refaire le choix des
cégeps, mais à certaines conditions, moyennant certains
amendements ou aménagements dont certains constituent même,
d'après nous, des virages à prendre, au moins en termes
d'attitude. L'histoire des cégeps doit être évolutive. On
ne peut pas se contenter de reproduire tous les gestes qui ont
été posés lors de leur implantation - certains,
d'ailleurs, peut-être par défaut. Dans ce sens-là, un
système n'a pas d'avenir s'il ne s'adapte pas à de nouvelles
situations. Donc, il faut refaire le choix des cégeps, mais à
certaines conditions.
Deux autres grandes catégories de moyens ont été
examinées par le Conseil, tant pour le collège, cette
fois-là, que pour l'université. L'une a trait au projet
éducatif des établissements, là où se joue - c'est
une vieille conviction du Conseil, mais pas usée - la qualité de
l'éducation, là où se pratique ou ne se pratique pas la
véritable démocratisation de l'éducation,
c'est-à-dire qu'après l'accès physique, matériel,
l'accès à un diplôme, l'accès à la
réussite sanctionnée par un diplôme, ça se passe
dans des établissements x, y, z.
Le Conseil, au regard des projets éducatifs des
établissements, propose deux voies d'action: l'une, en rapport avec la
pédagogie et la formation des maîtres, à soutenir; l'autre,
en rapport avec des pratiques institutionnelles favorisant la réussite
scolaire, à généraliser, qui existent plus au
collège qu'à l'université, d'ailleurs, mais qui sont
éparpillées, non intégrées dans des projets, donc
qui n'apportent pas les effets qu'elles devraient apporter. L'autre
catégorie de moyens concerne le financement du système où
le Conseil affirme très nettement qu'il y a des efforts
considérables à consentir.
Un certain nombre de considérations, en terminant. Nous avons
déjà fait le choix, comme aux États-Unis, par exemple,
d'un système à l'accès plus ouvert. Nous avons fait le
choix, donc, d'un certain coût accompagnant ce choix-là. Les
politiques en élaboration présentement dans d'autres pays vont
également amener ceux-ci à une massification de leur enseignement
supérieur et à une rénovation de leurs
établissements et de leurs infrastructures. Ça va leur
coûter de l'argent à eux, plus qu'on pense, et peut-être
même que, là-dessus, on n'est pas en si mauvaise position que
ça. Ce n'est donc pas du rattrapage dont on parle, eu égard
à cette situation-là, mais nous disons qu'il faut maintenir un
rythme d'accroissement de la diplomation si, dans 10 ou 15 ans, nous ne voulons
pas être en rattrapage, si nous ne voulons pas nous retrouver dans la
même position où on était en 1960 par rapport à
l'enseignement obligatoire, par exemple.
Il y aura des coûts à envisager, bien sûr, si on
considère, par exemple, une plus grande fréquentation des
techniques, où les places-élèves coûtent plus cher
à cause des équipements et des infrastructures. Et plus de monde
à chacun des ordres, ça ne sert à rien de se le cacher,
ça veut dire plus d'argent. Mais on pense qu'il y a aussi moyen
d'arriver à une meilleure efficacité du système parce que,
lorsqu'on arrive à qualifier davantage pour une insertion réussie
sur le marché du travail, on augmente ainsi la contribution de la
population active à l'ensemble des coûts sociaux, et pour la vie.
Quand on fait le contraire, on sait ce que ça veut dire, et c'est pour
la vie aussi.
Il faut regarder aussi du côté d'une meilleure efficience
du système. Qu'on pense, par exemple, au projet qu'on pourrait avoir de
diplômer ceux que j'appellerais les «presque
diplômés», ceux à qui il ne manque que quelques
crédits ou quelques cours, qui sont néanmoins
embauchés par des employeurs et qui renoncent ou ne sont pas
incités à revenir terminer leur diplôme d'études
collégiales. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, à certaines
conditions, de permettre à ces jeunes au travail de venir terminer leur
D.E.C.? N'y aurait-il pas lieu aussi que les employeurs valorisent, dans leur
politique d'embauché, l'achèvement de cette formation qui demeure
une formation initiale?
Le Conseil estime surtout que les grands paramètres de
financement qui concernent traditionnellement l'accès et depuis peu la
diploma-tion, en tout cas à l'université - les bonis à la
diplomation - devraient aussi agir sur le cheminement, sur ce qui se passe
entre l'accès et la diplomation, là où cela compte le plus
et là où les établissements, faut-il le dire, ne sont pas
dans la même situation pour amener à la réussite des
populations dont la lourdeur peut être fort différente d'un
établissement à l'autre. Tout le monde a entendu parler des
cégeps de premier, deuxième, troisième tour; bien, c'est
ça que ça veut dire.
La lumière rouge, ça veut dire quoi, ça?
La Présidente (Mme Hovington): Ça veut dire que vos
30 minutes sont écoulées. Si vous voulez bien conclure, on pourra
peut-être continuer dans les échanges avec les parlementaires. (15
h 30)
M. Bisaillon: Je conclus en disant qu'il s'agit toujours
d'évaluer correctement l'évolution de notre système, sans
autoflagellation, bien sûr - ce serait improductif et même
contrepro-ductif - mais avec lucidité quant à notre position
relative et quant aux efforts de rattrapage, d'une part, et de consolidation
à faire, et surtout avec la conscience vive qu'il faudra d'ailleurs
cultiver qu'il y a une relation étroite, désormais, entre
l'éducation supérieure et l'évolution de notre
société. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Bisaillon. Alors,
Mme la ministre, si vous voulez bien commencer les échanges.
Mme Robillard: Merci, Mme la Présidente. M. le
président du Conseil supérieur de l'éducation, je vous
salue particulièrement, de même que vos collaborateurs et
collaboratrices. Mon premier mot est pour vous remercier d'avoir accepté
l'invitation de cette commission à venir débattre du
réseau collégial québécois.
Vous l'avez dit, vous avez répondu à une demande d'avis de
mai 1991. Je veux vous dire que j'étais consciente, quand je vous ai
fait cette demande d'avis, de comment elle était globale, énorme,
qu'elle demandait une prospective pour l'avenir et que je savais que je
demanderais, à ce moment-là, des efforts importants du Conseil
supérieur de l'éducation, mais ça m'ap-paraissait
essentiel. Vous le savez, quand je vous ai rencontré la première
fois, j'avais été nommée ministre de l'Enseignement
supérieur en octobre 1990, je venais à peine de lire le bilan que
le Conseil supérieur avait fait des 25 ans après le rapport
Parent. Le bilan était là, il était dressé, mais
nous n'avions pas de perspectives d'avenir. Maintenant que nous avions
même dépassé les objectifs du rapport Parent à
plusieurs égards, quels étaient les nouveaux objectifs pour le
Québec de l'an 2000? C'est dans cet esprit-là que je vous ai fait
une demande en mai 1991, donc, et vous venez de déposer votre avis.
Je veux vous dire, M. le président, que je suis très
heureuse de l'avis que vous m'avez remis. J'y vois là une
solidité énorme par rapport à nos perspectives d'avenir.
Vous nous dressez à nouveau des objectifs, vous le dites
vous-même, ambitieux aux niveaux tant quantitatif que qualitatif et,
à cet égard-là, ça veut dire que vous aviez
très bien rempli les demandes de l'avis. Je dis tout de suite que, vous
le savez, la demande d'avis débordait le cadre collégial. Elle
était pour l'enseignement supérieur, y compris l'enseignement
universitaire, donc les objectifs de scolarisation pour l'enseignement
supérieur. Mais vous me permettrez aujourd'hui, dans le cadre de cette
commission, d'adresser des questions plus spécifiquement sur le
réseau collégial québécois.
D'abord, M. Bisaillon, j'ai été heureuse de constater que
vous avez traité de la question de la structure des cégeps dans
l'ordre des moyens. Trop souvent on aborde la question de la structure comme
une fin en soi. Vous l'avez, à mon point de vue, très bien
située en vous attaquant d'abord aux objectifs et ensuite en allant voir
l'ordre des moyens. Et votre conclusion, c'est de maintenir le cégep,
mais je dois vous dire que j'aimerais vous entendre davantage sur les
hypothèses que vous avez envisagées. Et je me
réfère de façon particulière aux pages 124 et
suivantes de votre avis. Vous êtes un des rares groupes qui venez en
commission et qui abordez de façon détaillée d'autres
alternatives. Alors, dans cette question vous dites que nous pourrions avoir un
moyen différent. Donc, nous pourrions avoir une structuration
différente du système collégial, et vous en
élaborez trois. Trois options différentes, vous les rejetez
toutes les trois. Alors, je veux vous entendre sur chacune de ces
options-là et pourquoi vous les rejetez.
La Présidente (Mme Hovington): M. Bisaillon.
M. Bisaillon: Bien. J'espère que ça ne me prendra
pas 30 minutes. La première hypothèse de la première
configuration, et qui est connue comme proposition parce qu'on l'entend
souvent, c'est carrément deux réseaux autonomes: un
préuniversitaire, l'autre, technique. Certains disent des
collèges d'une part, des instituts d'autre part, là. Bon, les
termes... En autant qu'on se comprend.
Pourquoi nous avons rejeté cette hypothèse-là, qui,
en apparence, ne semble pas trop défaire le paysage? Un, c'est pour une
raison de qualité de formation, et deux, c'est pour une raison de
cheminement. La polyvalence de la formation, en tout cas ce qu'on recherche
comme formation polyvalente, d'après nous, serait moins bien garantie en
termes de fonctionnalité, d'une part, et de structuration dans des
établissements ou dans des réseaux qui seraient
séparés, alors que ce que nous proposons comme formation
générale en particulier, c'est que ça soit la même,
qu'on soit au secteur préuniversitaire ou au secteur technique. Alors,
séparer, donc, les collèges en deux réseaux ne nous
apparaît pas une garantie évidente que ce qu'on a de la
difficulté à faire encore serait facilité par une
séparation.
Deuxièmement, c'est essentiellement une raison de cheminement
aussi. À l'heure actuelle, même si en apparence ça
apparaît être des pertes de temps, il faut admettre que la
réorientation des étudiants et les cheminements d'un secteur
à l'autre, le préuniversitaire vers le technique et le technique
vers le préuniversitaire, ça accroît la diplomation des
étudiants. Et, généralement, ça accroît,
ça augmente la scolarisation. Et, dans certains cas, si cette
circulation-là n'était pas permise, il y aurait des gens qui non
seulement ne diplômeraient pas mais quitteraient le système. Et,
doit-on le dire, ces réorientations-là se font
généralement au profit du secteur technique. Elles se font plus
du préuniversitaire vers le technique que le contraire.
Donc, on se dit, nous, que séparer les deux secteurs ne va pas
faciliter, en tout cas, ces passages à l'horizontale d'un secteur
à l'autre. Et à la verticale aussi, on pense qu'il y aurait des
embûches encore plus grandes au passage vers les universités des
étudiants du technique puisqu'on sait qu'à l'heure actuelle il y
a à peu près 17 % des étudiants du secteur
collégial technique qui vont à l'université. Dans la
mesure où les deux secteurs seraient séparés, on a peur
qu'il ne soit plus clair, à ce moment-là, en termes de
densité de formation, que ce serait une formation terminale qui se
donnerait au technique. Bon, ça, c'est la première structure.
C'est des arguments qui sont discutables probablement, mais enfin, ce sont les
nôtres.
L'hypothèse 2, qui est la plus séduisante parce qu'elle
nous met en symétrie avec nos voisins et les autres systèmes,
même en Europe, c'est une année de plus au secondaire et une
année de plus à l'université. Autrement dit, l'abolition
du cégep et la création d'un réseau d'écoles
techniques. Deux, trois raisons. Elles tournent toutes autour, je vous le dis
tout de suite, des cheminements d'étudiants. D'abord, une des choses
qu'on ne sait pas - et qu'on ne dit pas peut-être parce qu'on ne la sait
pas - c'est que ce qu'on vit ici au collégial en termes - comment dire -
de difficulté de passage d'un ordre d'enseignement à l'autre par
des jeunes, c'est vécu ailleurs, à l'université
forcément, sauf que, nous, la réflexion qu'on se fait, on se dit:
La marche est déjà haute pour des jeunes du secondaire pour se
rendre au collégial, elle serait encore deux fois plus haute pour eux,
la marche qui consisterait à se rendre à l'université
où il y a moins d'expériences de pratique pédagogique qui
tiennent compte des cheminements des jeunes qu'il n'y en a au collégial.
Et là, il nous semble que c'est un peu le saut dans le vide, avec des
risques un petit peu plus grands.
Deuxièmement, c'est sûr qu'il faudrait prolonger la
fréquentation au secondaire, et on sait très bien qu'à
l'heure actuelle la perspective éloignée que constitue pour les
jeunes le collégial est déjà un incitatif au
décrochage; en éloignant davantage la perspective, on ne pense
pas qu'on améliorerait la situation. Aussi, la formation universitaire
pourrait être accessible autant que le sont les cégeps à
l'heure actuelle. Le plan géographique, par exemple, devrait se
répartir en autant de campus, finalement. Alors, pourquoi changer un
type de structure pour l'équivalent mais à d'autres fins? Il nous
semble que, là, c'est un choix qui aurait peut-être pu être
fait, qui aurait dû être fait il y a 25 ans, si les arguments
étaient bons à l'époque mais, le faire aujourd'hui, on ne
pense pas qu'on sauverait une cent là-dedans. (15 h 40)
La troisième hypothèse, c'est de rapatrier au
collégial l'actuelle formation professionnelle du secondaire. Là,
on ne vous cachera pas qu'on a fumé plus longtemps sur celle-là,
parce que ça fait plusieurs années que, dans le système
d'éducation, on dit: II y a des problèmes d'arrimage entre le
collège et le secondaire. Il y a des problèmes de
répartition de la carte et des équipements. Il y a des
commissions scolaires qui disent: Ça, ça devrait nous appartenir.
Des collèges disent: Non, c'est chez nous. Bon. Et ça ne semble
pas vouloir se clarifier très, très vite. Donc, de ce point de
vue là, n'est-ce pas, en faisant disparaître le patient à
un niveau, vous n'avez plus le problème de vous chicaner avec lui parce
qu'il est rendu chez vous. Bon. Il faut admettre, de ce point de vue là,
qu'il y aurait des avantages sur le plan administratif. Il faudrait cependant
régler un certain nombre de problèmes avant. Et on pense qu'on
n'est pas capable de les régler. Et, je vous le dis, à partir
d'un symptôme que j'appellerais les 16-17 ans, dont je veux vous parler
un petit peu.
D'abord, il y a une finalité à l'heure actuelle au
secondaire qui correspond à des besoins sur le marché du travail,
ce qu'on appelle la catégorie des ouvriers, des ouvriers
qualifiés. Il faudrait donc enlever cette finalité-là de
l'ordre de l'enseignement secondaire, l'amener au collégial. C'est
déjà compliqué d'amener des jeunes à la formation
professionnelle du secondaire. On le sait où intervient le
décrochage; il intervient en secondaire IV, là où
on entre au professionnel. Si vous leur dites: À partir de demain matin,
même pour le même type de formation, ça va être encore
plus loin - d'abord, ça peut être plus loin
géographi-quement qu'à votre école secondaire, mais
ça va être plus loin dans le temps, là - on pense qu'on ne
réglera pas nos problèmes de décrochage à l'heure
actuelle.
Le problème, nous semble-t-il, autour de cette question-là
de la formation professionnelle - il faut bien en parler un petit peu sans
penser qu'on n'est pas à la bonne place, puisque vous êtes
ministre de l'Éducation, aujourd'hui-- le problème du secondaire,
comme celui du collégial - mais je vais en parler à
l'égard de la formation professionnelle - c'est que les jeunes ne se
rendent pas jusqu'à la formation professionnelle parce qu'on n'a pas
diversifié les parcours. On a un seul parcours pour tout le monde, on a
un seul type de formation pour tout le monde, qui n'est pas adapté
à tout le monde, et on impose le même rythme à tout le
monde. Et en plus, on a changé la Loi sur l'instruction publique pour
reporter à 16 ans l'âge où on devient adulte pour fins
scolaires.
Alors, quel message on fait à un jeune qui trouve ça
difficile dans une école parce qu'il n'a pas une réponse à
ses besoins, intérêts, talents, dans le curriculum commun? Bien,
c'est: Si je peux arriver à 16 ans - des fois, c'est le secondaire III,
ça - je vais sacrer mon camp aux adultes et ça va être bien
plus facile. Ça, c'est l'illusion. Mais l'illusion, elle vient
après le geste. Et le geste, c'est le départ des jeunes. Et quand
ce n'est pas du décrochage pur et simple parce qu'ils trouvent ça
ennuyant, l'école, ça ne correspond pas à ce qu'ils
veulent, bien c'est un décrochage à plus ou moins long terme. Il
y a de la difficulté, pour ces jeunes-là, à suivre des
cours aux adultes.
Alors, voyez-vous, on dit: Les avantages qu'on aurait sur le plan
administratif, on les perdrait sur le plan éducatif. Et c'est comme
ça qu'on est arrivé à exclure aussi cette
hypothèse-là, ce qui ne veut pas dire que les problèmes
d'arrimage et de carte ne restent pas entiers.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le
président. Mme la ministre.
Mme Robillard: Merci, M. Bisaillon. Pour-riez-vous me
spécifier de façon très claire pourquoi vous jugez le
statu quo inacceptable et, donc, en conséquence, vous dites: II faut des
virages importants? Donc, pourquoi ce statu quo est-il inacceptable? Et quels
sont, d'après vous, les virages les plus importants à faire?
M. Bisaillon: Le statu quo fait nécessairement partie du
problème. Or, le problème, c'est, entre autres, qu'on n'est pas
satisfait - je pense que ça a été dit - du niveau de
formation générale au collège, du niveau de culture que
ça donne. Il y a du questionnement qui se fait là-dessus qui est
important. Le statu quo, c'est continuer comme ça: le même type de
formation générale donnée de la même façon.
Alors, on dit: II y a un virage à l'esprit. Dans les faits, il s'agit,
dans ce cas-là, de réactualiser qu'il y a une relation
structurée entre la formation technique et préuniversitaire et de
préciser des objectifs de formation générale et rendre
cette formation-là équivalente, qu'on soit au technique ou au
préuniversitaire.
Il y a d'autres choses qui sont d'un plus grand, je dirais, impact comme
changements qui, nous semble-t-il, sont nécessaires. Nous, on dit: II y
a lieu d'augmenter l'autonomie des établissements, qui est beaucoup
réclamée d'ailleurs, entre autres pour la souplesse dans
l'organisation des programmes, mais en contrepartie, il faut une
évaluation externe, il faut qu'à quelque part un organisme
quelconque témoigne que, selon les objectifs que poursuit un
collège dans ses programmes, il atteint une qualité de formation
qui rend le diplôme fiable. Il y a un équilibre, une contrepartie
à établir. Alors, c'est pour ça que nous, on pense que,
compte tenu, bien sûr, de l'argent qui est mis là-dedans, mais
aussi de la nécessité dans un système qu'on
établisse un lien entre l'autonomie qu'on donne à un
établissement et les comptes qu'il doit rendre, à lui-même
d'abord, mais aussi à la population, il y a lieu qu'il y ait un
organisme externe.
On parle aussi d'une attention aux populations à risque dans les
collèges, qui existent, qu'on connaît bien, qui sont de deux
ordres. Ce sont les jeunes qui arrivent au collège avec un D.E.S., un
diplôme d'études secondaires, mais qui, ou bien n'ont aucune
idée de ce qu'ils veulent faire ou bien n'ont pas les acquis pour faire
des études collégiales. Et ça, ce sont des gens qui,
normalement, vont prolonger inutilement, de cette façon, leur
scolarisation, et ça coûte cher. On dit donc: Si ces
clientèles à risque, on les prenait dès le début
dans un trimestre - d'autres ont dit un semestre - et qu'on leur faisait faire
un peu d'exploration sur leurs intentions de fréquentation scolaire,
ça clarifierait peut-être leur orientation et ils ne passeraient
pas des huit, neuf ans - j'emploie des exagérations que j'ai entendues,
là, parce que ce n'est pas la majorité dans le système -
pour diplômer. Alors, on pense que là, des pratiques de soutien au
cheminement, c'est des virages qui sont à la portée des
établissements, qui ont commencé à être faits, mais
qui ne sont pas généralisés.
On pense aussi que, le ministère, les ministères vont
devoir gérer l'organisation des services sur l'ensemble du territoire et
décider, une fois pour toutes, en termes d'arrimage et même de
carte des programmes, que tel cours est de niveau collégial ou
secondaire et il va se donner, ou au collégial ou au secondaire, mais
pas aux deux, et que telle option, pour des
raisons de rationalisation évidentes, va se donner à telle
place et ne se donnera pas à telle autre. Il faut gérer
ça, cette offre de service là, en lien, bien sûr, avec le
monde du travail.
On pense aussi que, s'il y a plus de monde qui va aux techniques, et il
doit y en avoir plus qui vont aux techniques, par voie de conséquence,
ça va permettre une meilleure crédibilité, une meilleure
organisation des programmes de sciences humaines, qui, à l'heure
actuelle, sont les seuls, finalement, qui, par défaut, je dirais,
servent d'orientation pour les élèves, de lieu en attendant
qu'ils s'orientent. D'ailleurs, on a recommandé dans ce même
avis-là - vous l'avez sûrement lu - d'examiner comment ça
se fait qu'on arrive à un succès si différent d'un
programme à l'autre. Il y a comme une hiérarchisation des
programmes qui ne nous apparaît pas normale.
On parle aussi - je termine là-dessus; il y a d'autres choses,
mais je prends les grosses affaires - de la souplesse organisationnelle dans
l'organisation des programmes. Il y a, à l'heure actuelle, qu'on en
prenne conscience beaucoup ou peu, une réalité nouvelle qui va
aller en croissant: des adultes qui reviennent en formation et n'ont pas le
choix. Ils sont plus nombreux à occuper des emplois que vont
l'être les jeunes, d'ailleurs. Quand un adulte revient en formation, lui,
il n'a pas... Pour lui, le temps, c'est une denrée précieuse. Il
veut être capable d'accéder à une formation
collégiale sans qu'on lui dise: C'est à prendre ou à
laisser; c'est trois ans ou rien du tout. On en a entendu parler ce matin. On
pense qu'il y a moyen d'avoir des formats de formation qui, à condition
qu'ils contiennent une partie de formation générale et une partie
de formation spécialisée et qui conduisent à une sanction,
à un diplôme, puissent faire voir à des adultes qu'il y a
de la place pour eux autres dans le système d'éducation, il y a
de la place pour un diplôme, mais ça sera peut-être le
premier diplôme d'une série ou la première partie d'un
diplôme qu'ils pourront continuer plus tard. Et, là-dessus, il
faut reconnaître que l'organisation de nos programmes, faite il y a 20 et
quelques années, a été faite en fonction des jeunes.
Aujourd'hui, la réalité des adultes fait craquer ce
corset-là. Bien sûr aussi, l'évaluation institutionnelle.
Mais, enfin, les gros morceaux qui supposent des changements, je les
qualifierais de la façon dont je viens de le faire. (15 h 50)
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Bisaillon. Alors,
la parole est au député d'Abiti-bi-Ouest.
M. Gendron: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
également, rapidement, remercier M. Bisaillon, président du
Conseil supérieur, et toute son équipe. Vous aussi - vous avez
probablement les ressources nécessaires pour le faire - vous avez
produit un mémoire qui doit nous alimenter tout au cours de ce
débat parce qu'il s'agit là d'un mémoire important. Je
veux quand même rappeler à la ministre qui, correctement...
J'aimais sa question, mais elle semblait s'étonner un peu de ce que vous
étiez les seuls à jeter sur la table les trois hypothèses
qu'elle vous a demandé d'analyser. Alors, c'est un peu normal. Il n'y a
pas beaucoup d'instances qui sont sous la responsabilité de la ministre
de l'Enseignement supérieur et vous l'avez indiqué
vous-même quand vous avez rendu public votre excellent mémoire.
Dans son intitulé «L'enseignement supérieur: pour une
entrée réussie dans le XXIe siècle», le Conseil
supérieur de l'éducation répond à une demande
expresse de la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science
concernant la double structure actuelle de l'enseignement supérieur, et
ainsi de suite.
Moi, je veux juste vous dire, d'entrée de jeu, que j'avais lu
également, aux pages 156 et suivantes, que vous avez
évalué les trois autres hypothèses que le gouvernement,
sans le dire ouvertement, a eues par la tête ou à l'idée.
Moi, en ce qui me concerne, je trouve que votre analyse est assez succincte
à ce chapitre des trois hypothèses sur la table, mais elle me
convient parfaitement. Et ce n'est pas pour rien que rapidement vous arrivez
aux pages suivantes en disant: Nous, on a décidé de refaire le
choix des cégeps et il s'agit juste de prendre les virages
nécessaires requis. Et là, par contre, c'est tout un virage qu'il
faut prendre. Et là, dans les pages suivantes, vous l'exprimez
très bien.
Deux autres commentaires sur votre mémoire. Je pense que,
globalement, il est assez bien articulé, pas assez précis
à certains égards. Cependant, vous touchez sûrement des
choses qui recoupent ceux et celles qui sont peut-être plus directement
impliqués au collégial. La Fédération des
collèges, entre autres, disait de votre mémoire que, globalement,
ça correspond à l'analyse qu'ils en font et on les questionnera
quand ils seront là, et la fédération nationale des
enseignants, la CSN, disait à peu près la même chose de
votre mémoire. Ils étaient quand même assez élogieux
de votre mémoire, et plus, votre rapport, parce que ce n'est pas juste
un mémoire, c'est quand même un rapport très
étoffé, très articulé qui touche l'ensemble de
l'éducation postsecondaire.
Vous avez fait un plaidoyer en faveur d'une accessibilité aux
études supérieures et on doit vous en rendre justice. Bravo! Il y
a cependant une couple de choses que je voudrais apprécier avec vous.
D'entrée de jeu, moi, je suis un peu étonné, avec
d'autres... D'ailleurs, c'était le cas de Mme Bissonnette, que j'aime
bien citer pour les questions éducatives et d'autres questions aussi,
mais comme ça, c'est passé, on va en rester aux questions
éducatives aujourd'hui. Dans un editorial très bien fait
où on dit que l'éducation est en panne, Mme Bissonnette dit ceci
de
vous autres: «Sans les pouvoirs ou les moyens d'une commission
d'enquête, le Conseil supérieur de l'éducation laisse
intacte la question qui hantera tous les lecteurs de son dernier rapport sur
l'enseignement supérieur, une stridente alarme camouflée sous un
flot de mots trop réguliers. Pourquoi?» Je ne porte pas
nécessairement de jugement sur les mots qu'elle a choisis, mais, sur la
question suivante, j'aimerais ça vous entendre: Pourquoi le
Québec traîne-t-il encore d'une façon aussi lamentable, un
quart de siècle après avoir bâti un système
passablement complet d'éducation et y avoir investi pas mal de
ressources? Parce que, je le répète toujours: À se
regarder, des fois, on ne s'aime pas trop, mais à se comparer, on se
console vite. On a quand même passablement mis de ressources en
éducation. Et là, ma question précise: Pourquoi vous
n'avez pas regardé ça et pourquoi on se ramasse encore avec le
taux de fréquentation scolaire, en particulier des jeunes de 16, 17 ans,
là, le plus bas au Québec et, évidemment, le plus bas au
Canada? C'est-à-dire que le Québec a le taux le plus bas au
Canada et on est un des taux dans le monde les plus bas pour les 16, 17 ans.
Pourquoi ces deux questions-là... Vous avez des ressources. C'est des
questions que vous connaissez bien, vous, M. Bisaillon, dans les fonctions que
vous occupez actuellement et dans celles que vous avez déjà
occupées antérieurement. Pourquoi vous n'avez pas regardé
ça d'une façon un peu plus précise? Ça serait
éclairant d'avoir votre point de vue là-dessus.
M. Bisaillon: Bien, on les a examinées et on a des bouts
de réponse là-dedans, parce qu'on n'a pas toutes les
réponses, mais je dirais essentiellement que c'est à la fois vrai
et pas vrai; en tout cas, pas vrai maintenant.
M. Gendron: C'est rare, pourtant, que vous parlez de
même.
M. Bisaillon: Non. Mais je vais vous expliquer.
M. Gendron: O.K.
M. Bisaillon: C'est vrai, d'un point de vue, qu'on a des retards.
Mais, quand on dramatise la nécessité d'augmenter les taux de
scolarisation, ce n'est pas seulement pour combler un retard. C'est pour ne pas
en générer un, parce qu'on pense que, d'ici 10 ans, si on ne fait
pas ces pas-là, on va être doublement en retard, et à tous
les ordres d'enseignement. Il y a les deux réalités.
Maintenant, la question précise que vous posez, c'est...
Ça fait longtemps, 25 ans. Les premiers finissants de cégep, les
premiers finissants, dans le premier cégep, aujourd'hui sont parents
d'enfants du secondaire. Ça ne fait pas si longtemps que ça! Je
pense qu'il faut se dire que c'est peut-être ça, la principale
illusion que nous avons entretenue: qu'ayant construit des équipements
et des infrastructures, qu'ayant fait accéder généralement
les gens au secondaire, et même au collégial, la réforme
était terminée.
La culture de formation dans une société, ça ne se
fait pas en 25 ans, définitivement, ce n'est pas vrai. Et, de ce point
de vue là, ça s'explique, des phénomènes comme ceux
qu'on a. Ils ne sont peut-être pas plaisants à regarder, mais
ça s'explique. Ce n'est pas juste par mauvais choix que ces
choses-là arrivent. Mais en même temps il faut dire aussi, pour
employer un langage qu'on a déjà connu dans d'autres fonctions,
qu'on est aussi victimes de nos propres turpitudes. On a vécu, je pense,
au Québec, de façon accélérée, par
l'arrivée de tout ce monde-là à l'école qui n'y
était jamais venu, on a reçu, comme une claque culturelle, la
diversité des clientèles, puis on s'en est rendu compte un petit
peu tard. Les institutions réagissent toujours en retard à ce qui
se passe dans la culture. Et, aujourd'hui, il n'est pas surprenant de voir
qu'au collégial, par exemple, on a mis en place une série
incroyable de mesures de soutien pédagogique, puis qu'à
l'université ce n'est pas encore aussi répandu, parce que la
vague, voyez-vous, la vague est rendue au collégial, là.
Au secondaire, on n'a pas tout appris, par exemple, de ce qu'on aurait
dû apprendre. On a maintenu le bon curriculum commun pour tout le monde.
Puis on est surpris, après ça, que le monde sorte par toutes les
portes. C'est des phénomènes de système qu'on essaie
d'expliquer qui font qu'on n'est pas pire, relativement, que d'autres
sociétés, mais qu'on pourrait le devenir si on ne fait pas
attention. Notamment, les 16-17 ans - il faut les situer au moment où
ils se produisent au Québec, parce que je vous l'ai dit, à 18
ans, on se retrouve dans la même situation que les autres provinces.
Elles connaissent ça, elles, à 18 ans ce qu'on connaît
à 16-17. Mais ce qui est grave, c'est que, nous, on le connaisse
à 16-17, parce que c'est un âge trop important.
M. Gendron: Bien, M. Bisaillon, juste un commentaire. Je tenais
à ce que vous le rappeliez, ce que vous venez de faire. Moi, pour avoir
vécu une expérience personnelle d'enseignement au niveau
secondaire, je connais effectivement le niveau secondaire en éducation
plus que les autres pour y avoir oeuvré pendant de nombreuses
années. Je pense que vous touchez un point important, et je sais qu'on
est ici pour regarder l'enseignement collégial. Je sais ça. Mais
ce n'est pas cloisonné avec une étanchéité,
là, extrême. Alors, il faut regarder ceux qui nous arrivent puis
ceux qui ne viennent pas, puis pour quelle raison ils ne viennent pas, celles
et ceux qui abandonnent. Je pense que vous avez raison de toucher le drame de
la même offre de couloirs au secondaire pour tout le monde, en gros.
Ça, ça fait qu'on se prive de sujets pour une
scolarisation qu'ils prendraient éventuellement, si on leur offrait une
alternative qui correspond plus à ce qu'ils sont, et je tenais à
ce que vous le rappeliez. Merci.
Deuxième question que je voudrais vous poser. Dans votre
mémoire, à la page 132, c'est-à-dire, pas le
mémoire, mais le rapport de fond, là, au plan administratif, vous
convenez de la nécessité d'accroître l'autonomie des
cégeps. Et là vous ajoutez que cette autonomie-là devrait
cependant être assortie de mécanismes qui permettront de trouver
des solutions à la gestion des autorisations de programmes et à
l'arrimage entre les ordres d'enseignement. J'aimerais savoir. À votre
avis, quel mécanisme serait le plus efficace? Première question.
Puis, deuxièmement, j'aimerais ça, que vous soyez un peu plus
explicite sur la notion que vous accoliez à accroître l'autonomie
des cégeps, selon vous. (16 heures)
M. Bisaillon: Bon. Déjà, même si ce n'est pas
très connu, il y a beaucoup de collèges qui donnent en
exclusivité des programmes nationaux ou qui... Ils sont très peu
à en donner. Donc, il y a déjà là une
proximité, je dirais, entre ces collèges-là et le
marché du travail pour assouplir les formats de programmes. Ce qu'on
souhaite, nous, c'est que... On a entendu le message des établissements
qui disent: Donnez-nous plus d'autonomie, on va faire un service plus souple.
On a entendu ce message-là. On a dit: C'est correct,
particulièrement par rapport à l'éducation des adultes -
ce dont je vous parlais tantôt - les formats de programmes, ça se
fait mieux, ça risque de se faire mieux comme ça. Mais, en
contrepartie, on ne voudrait pas faire disparaître ce qu'on appelle,
nous, la dynamique d'un réseau qui fait que quand un jeune ne trouve pas
d'accueil à une place il peut en trouver dans un autre
établissement du réseau. Ça, on ne peut pas laisser
ça à chacun des établissements, un par un.
Je vais vous donner un exemple qu'on n'est pas capables, nous,
d'inventorier au complet, mais il y a quelque chose, il y a un message
là-dedans qu'il faudrait fouiller un petit peu plus. En 1991, dans les
collèges de la région métropolitaine regroupés dans
un organisme qui s'appelle le SRAM, le Service régional d'admission du
Montréal métropolitain, je pense, 41 % des demandes d'admission
au collégial étaient au technique. Au bout du processus, 33 %
étaient inscrits. C'est une perte de 7 % à 8 % et, ça,
c'est constant depuis 1982. Bien, vous allez me dire: C'est parce que tout le
monde veut aller dans les mêmes programmes. Possible, mais
peut-être qu'il y a du monde qui ne sait pas qu'il existe d'autres
programmes techniques. C'est le problème d'orientation dont je parlais
tantôt. Peut-être qu'on veut maintenir aussi à certains
endroits une crème x, y de qualité et qu'on pourrait accepter
plus de monde parce qu'il y a des places de disponibles. Je ne le sais pas,
mais il y a là un phénomène qui montre, je pense, qu'il
faut que le comportement de réseau demeure si on veut que
l'accessibilité veuille encore dire quelque chose,
particulièrement lorsqu'on parle du technique. Il y a un problème
d'aiguillage qui se fait. Alors, c'est pour ça qu'on dit: L'État
doit veiller à ce que cette accessibilité-là ne soit pas
compromise parce qu'elle donnerait, par ailleurs, plus d'autonomie
nécessaire aux établissements.
M. Gendron: Là-dessus, Mme la Présidente, je
poursuivrai un peu parce que je trouve que vous touchez... Encore là,
vous avez répondu à la demande de la ministre de fixer des beaux
objectifs de scolarisation pour chacun des ordres d'enseignement dans le futur
et, sincèrement, là, il n'y a pas de jeu de mots, je trouve qu'on
peut vous féliciter pour votre beau programme. Je suis loin d'être
garanti qu'on va atteindre les objectifs si, entre autres, vous ne vous penchez
pas et vous ne nous instruisez pas de ce que vous croyez être un
début de mécanisme assez - on va employer l'expression comme il
se doit - insidieux pour contrer la scolarisation ou les objectifs de
scolarisation. Je fais référence particulièrement à
ce qui commence à être assez sérieux, entre autres dans la
région métropolitaine, c'est les contingentements: les
contingentements au niveau universitaire et les contingentements au niveau
collégial.
Commencer à contingenter au niveau collégial, là,
il faut vraiment se prendre pour d'autres, selon moi, pour dire: Écoute,
il n'est pas question que tu ailles là-dedans, et refuser des bons
dossiers de jeunes qui ont d'assez bonnes notes pour être admis ou
admises au collège. On a probablement peur de l'évaluation de
L'actualité en termes de critères de performance dans
certaines universités et dans certains collèges, mais ce n'est
pas bien, bien correct que les cégeps commencent discrètement
à jouer à ça et à avoir ce qu'on appelle un courant
très, très présent qui tend concrètement à
restreindre l'accès aux études collégiales et
universitaires. Là, nous autres, on va se parler pendant des heures de
beaux objectifs de scolarisation à atteindre - c'est normal et c'est
louable - mais, durant ce temps-là, le gouvernement dirait: Bien,
écoutez, au nom de l'autonomie des universités ou des
collèges, ils contingentent comme bon leur semble. J'aurais aimé
ça avoir votre point de vue là-dessus. Vous, avez-vous peur de ce
phénomène-là? Faut-il arrêter ça? Pourquoi
pensez-vous que c'est justifié ou que ça ne l'est pas?
M. Bisaillon: II y a beaucoup de questions dans votre question,
mais elle est importante parce que vous mettez le doigt sur ce que j'ai
appelé, dans ma présentation, un début de problème
d'accès au collégial dont la ministre,
d'ailleurs, nous avait entretenu lors de son passage au Conseil.
Là, il faut faire beaucoup de nuances. Je ne veux pas en faire trop pour
qu'on ne se comprenne plus, mais il faut dire des choses qui sont
différentes parce que, sous ce terme que j'emploie...
M. Gendron: Comme ce n'est pas un avis que vous produisez, ne
soyez pas trop fragile sur les mots. Dans vos avis, vous y allez avec
énormément de circonspection, et tout ça, mais, là,
entre nous, parlez-nous franchement.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Non, non. Les micros restent ouverts, puis il n'y a
pas de cellulaire, il n'y a pas de problème.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bisaillon: Ce n'est pas parce que je ne veux pas parler
franchement, c'est parce que je ne veux pas tourner les coins trop
carrés. Il y a la question que vous avez soulevée qui est un
début de problème d'accès à des programmes
techniques. Il y a ce qu'on appelle les cégeps de premier,
deuxième, troisième tour. Les cégeps ne sont pas tous dans
la même situation. Il y a des cégeps qui se ramassent avec des
étudiants qui ont été refusés partout, partout.
Bon. Eux, là, ils ont les mêmes ressources pour mener ces
gens-là à la diplomation qu'un autre cégep qui accepte
juste des gens qui ont 80 % de moyenne en montant. Il y a là un
problème d'équité dans l'accès au diplôme,
donc dans la réussite scolaire. Mais il y a un autre problème
insidieux, je pense, qui commence à pointer. C'est le problème de
l'accès qualitatif au collégial et qui explique en particulier
des pratiques de système comme celles dont vous parlez.
Vous savez qu'actuellement au secondaire on peut obtenir un
diplôme d'études secondaires à partir de 130 crédits
et jusqu'à 180 crédits, et les deux sont un diplôme
d'études secondaires. Beaucoup de gens prétendent que, quand un
tel écart existe, ça commence à être un écart
qualitatif, même si tous les diplômes portent le même titre,
un titre uniforme. Bon. Actuellement, ça prend 44 crédits
obligatoires de formation générale au secondaire, puis c'est
correct comme ça, là, pour obtenir un diplôme
d'études secondaires. C'est dans la valeur ajoutée qu'on commence
à différencier les diplômes, mais ça ne paraît
pas.
Alors, bien, qu'est-ce qui se passe? On dit: Normalement, un
diplôme d'études secondaires, ça doit sanctionner
l'atteinte de tous les objectifs de formation générale.
Manifestement, les gens ne croient pas ça. Les gens ne croient pas que,
quand il y a un écart comme ça, on sanctionne les mêmes
objectifs. Et, manifestement, les gens pensent qu'il y a un écart entre
le D.E.S. officiel puis le D.E.S. réel. Qu'est-ce que ça produit?
Ça produit des pratiques de système qui n'étaient pas
voulues au départ mais qui maintenant interviennent dans les
collèges: des indicateurs de prédictibilité de
succès; tel type de comportement scolaire, c'est plus garant de
succès que tel autre dès le secondaire; des cégeps de
premier, deuxième, troisième tour; le bulletin de secondaire IV -
le bulletin de secondaire IV! -comme entrée au collège, alors
qu'il reste encore un an et demi à faire pour le jeune au secondaire...
Vous voyez ce genre de problèmes d'accès qui montrent, à
mon avis, puisque vous voulez qu'on parle franchement, là, qu'on n'est
pas sûrs que ce soit fiable, ce qui se passe au secondaire. Mais faisons
attention, l'université dit la même chose du diplôme
d'études collégiales.
M. Gendron: Merci. Il me reste un peu de temps?
La Présidente (Mme Hovington): Une minute et demie.
M. Gendron: Une minute et demie. Alors, moi, c'est court, c'est
M. Bisaillon qui est long. Ce n'est pas vrai. Je vous remercie beaucoup. Ce
n'est pas vrai, M. Bisaillon, c'est une «joke».
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Sur les frais de scolarité, M. le
président du Conseil supérieur, moi, je ne peux pas revenir
là-dessus parce que c'est drôle, on dirait que vous avez
copié la phrase du Conseil des collèges, parce que, à ce
que je sache, ces deux instances, même si elles doivent donner des avis
à la ministre, elles sont complètement autonomes. Alors, à
la page 156, vous avez dit: Sur les frais de scolarité, il faut
maintenir et étendre la gratuité au collégial. Je vous
félicite, sauf que je n'aime pas votre petit bout de phrase, là.
Vous considérez, vous autres aussi, que ce serait une solution de
dernier recours. Alors, est-ce que ça vous a échappé?
M. Bisaiilon: Non, ça, c'est une citation qu'on a faite du
Conseil des collèges.
M. Gendron: Vous avez raison! Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Vous avez tout à fait raison, mais là
ça me rassure.
Une voix: On a le droit de les citer, quand même! C'est un
hommage qu'on leur rend.
M. Gendron: Plus sérieusement, dans votre recommandation
sur les mêmes frais de scolarité - ça va être court -
vous avez ajouté, et je
trouvais que c'était une suggestion très
intéressante, que, pour ce qui est des études à temps
partiel... Parce que ça fait longtemps qu'on évoque que, pour les
études à temps partiel de celles et ceux qui feront des
études collégiales, on puisse envisager, pour eux aussi, d'avoir
une certaine forme d'aide. Et, vous dites: On serait d'accord pour maintenir la
gratuité des études pour le régime d'études
à temps complet et à temps partiel, pour les étudiants et
étudiantes, jeunes ou adultes, dans la mesure où ils
s'inscriraient dans des programmes reconnus d'intérêt national.
Dans votre suggestion, qui déciderait ça?
M. Bisaillon: ah bien, c'est les programmes qui mènent
à un diplôme. quand on dit à quelqu'un: tu peux venir au
collège, jeune, adulte, à temps plein, à temps partiel, et
tu poursuis un programme de formation qui mène à un
diplôme, ça ouvre, à notre avis, au même type de
soutien financier. (16 h 10)
M. Gendron: O.K.
M. Bisaillon: Et on pense aux adultes en particulier, bien
sûr, quand on parle de ça.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. le
député de Rimouski, vous avez une question?
M. Tremblay (Rimouski): Oui, Mme la Présidente, je
voudrais juste rappeler à mon collègue de l'Abitibi qui cite
souvent, à plusieurs reprises depuis ce matin, les éditoriaux de
Mme Lise Bissonnette... Oui, elle l'a fait deux fois... Dois-je vous dire
qu'elle a déjà mis en cause notre capacité à
siéger à cette commission...
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Rimouski): ...et j'ai cru comprendre que vous
étiez dedans?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Rimouski): Ceci dit, Mme la Présidente...
M. Gendron: Elle ne voulait pas faire de
personnalités.
M. Tremblay (Rimouski): Ceci dit, Mme la Présidente, moi,
au niveau du rapport du Conseil supérieur de l'éducation - tous
les conseils, le Conseil des collèges, le Conseil supérieur de
l'éducation, le Conseil des universités - je trouve ça
très intéressant. Vous nous donnez des excellents rapports. Ce
n'est pas pour vous flatter, parce que je veux vous questionner
là-dessus, là.
Dans les objectifs que vous fixez, il y en a un. forcément, que
vous avez mis le premier. c'est l'objectif qualitatif en vue d'une solide
formation. Et vous l'avez mis en premier, je suis bien heureux de le voir
là, en premier. Ça, c'est très important. Deuxième
objectif, il y a l'objectif quantitatif de scolarisation. Et, lorsque j'arrive
à la page seconde: «II nous faut absolument reconnaître la
nécessité d'un enseignement supérieur de masse»,
là, j'ai un peu un problème parce que qu'est-ce qu'on fait,
là? Est-ce qu'on va diplômer à outrance ou bien on va viser
l'excellence? C'est une question sur laquelle j'aimerais bien vous entendre
parce que, moi, ça m'intrigue. On n'est tout de même pas pour
commencer à diplômer et puis à diplômer. Il faut
avoir de l'excellence, à mon sens. Il faut viser le plus possible cette
excellence, les meilleurs diplômes possible.
Une autre chose m'intrigue. Ce matin, le Conseil des collèges
nous est arrivé, il a dit: Les collèges accueillent sans
sélection tous les élèves qui ont un diplôme
d'études secondaires. Qu'ils aient eu des résultats scolaires
forts ou faibles, pas d'importance, tout le monde est admis au collège.
Puis, là, on ne s'en occupe plus après ça. Il faudrait
peut-être les répartir et voir comment on peut les encadrer. Je
voudrais vous entendre au niveau de la diplomation. Est-ce que c'est votre
visée, à tout prix, tous azimuts, qu'on diplôme? C'est
quoi, votre «feeling»?
M. Bisaillon: Vous savez bien que non! M. Tremblay (Rimouski):
Non.
M. Bisaillon: Mais, quand même! Sur l'autre question, la
deuxième question, il faut quand même dire que, quel que soit le
contenu d'un diplôme d'études secondaires... Mettons-nous dans la
peau d'un jeune du secondaire qui obtient son diplôme d'études
secondaires; il a le droit d'accéder à l'enseignement
collégial. Le problème, c'est ce qui s'est passé avant. Ce
n'est pas lui qui doit payer pour ça, même si, de toute
façon, il paie parce que, quand il n'a pas ce qu'il faut pour suivre des
études collégiales, bien, il a des... Bon.
Sur la première question, on espère que ce
message-là ne sera pas entendu de la façon dont vous en avez
parlé: que ça serait plus facile de diplômer beaucoup de
monde si on réduisait la qualité parce que le niveau de
compétence qui est exigé aujourd'hui, la
crédibilité des institutions, du système, ça se
retournerait contre lui, de toute façon. Et je ne pense pas que
ça soit l'intention de personne. Ce qu'on a voulu dire, c'est deux
choses, et il faut jouer sur les deux tableaux à la fois: une meilleure
qualité, une meilleure garantie de qualité - c'est pour ça
qu'on a parlé d'évaluation - mais il faut admettre que ça
va prendre plus de monde dans l'enseignement supérieur, compte tenu des
besoins de la société. Alors, il faut jouer sur les deux
tableaux. C'est exigeant.
M. Tremblay (Rimouski): Dans les 54 recommandations que votre
rapport contient, vous parlez beaucoup d'encadrement, de ce qu'on appelle
«des objectifs stratégiques pour soutenir les cheminements des
étudiants». Sauf que, quand je regarde ça, vous parlez
beaucoup d'encadrement, puis de la structure, mais les professeurs vous ne les
touchez pas, là; on n'en entend pas parler. Puis, eux, ils dispensent
des enseignements, là. Moi, je ne sais pas, j'ai des enfants qui sont
passés par ces écoles-là, puis, à un moment
donné, souventefois, ils arrivaient à la maison et ils disaient:
L'école est plate - pour donner une expression vulgaire. Alors, si
l'école n'est pas intéressante, qu'est-ce qu'on fait? Si on est
capable d'intéresser nos jeunes, puis de les garder à
l'école... Moi, je suis allé visiter l'Atelier jeunesse 01, dans
mon coin. C'est tous des décrocheurs, ça. Bien, ils sont
retournés à l'école dans l'Atelier jeunesse 01, puis ils
aiment ça, puis ils avaient lâché l'école. Alors,
ça ne vous intrigue pas un peu? Ça ne vous pose pas des
questionnements?
La Présidente (Mme Hovington): M. Bisail-lon.
M. Bisaillon: Oui, c'est pour ça qu'on disait tantôt
qu'il y a des causes du décrochage qui sont internes à
l'école, aux ordres d'enseignement et à ce qui se passe
là.
Quant aux enseignants dont vous parlez, moi, je pense que la
qualité du personnel n'est pas remise en cause et n'a pas à
être remise en cause. Ce qu'on dit, nous je pense que c'est dans
l'avant-dernier chapitre, le chapitre 7 c'est: Quand tu enseignes à des
jeunes de 16, 17, 18 ans au collégial, tu dois avoir des pratiques
pédagogiques qui tiennent compte de ce qu'ils sont. On ne doit pas
t'obliger a faire des études en pédagogie avant de t'embaucher,
mais on devrait te dire en t'embauchant que tu as besoin d'expérience
pédagogique, parce que ce n'est pas juste la capacité d'enseigner
une discipline qui est importante, c'est d'enseigner à des jeunes telle
discipline.
L'autre chose qu'on dit aussi, même si ce n'est pas aussi
évident, là, que la question que vous posez, c'est: Quand on
parle de l'orientation, ça ne doit pas être un service seulement.
Ça doit traverser toutes les activités, dont l'enseignement.
Ça devrait faire partie de la conception que se font les enseignants de
leur tâche à savoir que, lorsqu'ils enseignent, ils peuvent aider
un étudiant à s'orienter ou lui nuire.
La Présidente (Mme Hovington): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui. Je voudrais peut-être revenir sur le
financement. Je trouve, encore là, que vous faites bien de faire une
relation entre une série d'objectifs que vous avez souligné qu'il
serait souhaitable que nous atteignions comme société, comme
collectivité. Et plus concrètement vous dites ceci, M. le
président: Accès, cheminement, diplomation constituent trois
vecteurs à considérer d'une manière complémentaire
dans le financement de l'enseignement supérieur. Et là vous dites
que le Conseil met de l'avant des paramètres de financement qui
tiendraient compte à la fois de ces trois vecteurs-là. Il me
semble, à moi, puis ça se peut qu'il y ait des choses qui m'aient
échappé, la, que je n'ai pas vu très concrètement
ces paramètres que vous voudriez que le gouvernement retienne. Est-ce
que vous pourriez nous indiquer un peu plus clairement ou
précisément à quels paramètres vous faites
précisément allusion?
M. Bisaillon: Vous avez raison, et cherchez-les pas... Ils ne
sont pas dans cet avis-là. Ne cherchez pas de façon
concrète ce que ça veut dire, parce que ce n'est pas dans
l'avis.
M. Gendron: O.K.
M. Bisaillon: Ce qu'on a voulu faire, parce qu'il faut toujours
se rappeler la commande qui nous était passée, là, la
demande qui nous était passée... Quels objectifs? Puis la
structure «est-u» la bonne? Nous, on a ajouté: Ça
prendrait peut-être des moyens, il faudrait peut-être examiner un
certain nombre de moyens. Quand on est arrivés au financement, on a
constaté un certain nombre de phénomènes, et le principal
phénomène constaté, moi, je dirais, c'est qu'on ne tient
pas beaucoup compte, dans nos règles traditionnelles de financement, du
fait que la plus importante des activités, ça se passe dans le
cheminement de l'étudiant; pas juste quand il arrive, en termes de
nombre de places, puis tout ça, et pas juste quand il diplôme ou
s'il diplôme, mais il faudrait faire attention parce que, et nous l'avons
dit, les établissements ne sont pas dans la même situation par
rapport à ça. J'irais jusqu'à prétendre, par
exemple, qu'une région où il y a un écart, dans la moyenne
générale de diplomation, de 40 %, est en plus grande
difficulté pour diplômer le même nombre
d'élèves qu'une région qui est en haut de la moyenne et
que, donc, ça devrait paraître dans le financement. C'est
ça qu'on dit. Des paramètres, ce n'étaient pas des
mécanismes ni des moyens.
M. Gendron: Ça va. J'aurais une autre question et je veux
savoir si ça vient de vous. Moi, j'ai cru voir, là, que vous
aviez dit que, pour les jeunes de 15 à 20 ans, vous trouviez ça
un petit peu curieux qu'il y en ait un aussi grand nombre qui soient incertains
quant à leur choix d'études. Et c'est une des raisons pourquoi
constamment nos jeunes changent de programme. Ça expliquerait ce qu'on
appelle, dans le jargon populaire, «les traîneux de pieds ou de
savates»,
là, dans le sens que ça prend trop de temps à
terminer leurs études. Est-ce que c'est une affirmation qui vient de
vous? Et, si oui, lorsque vous portez le jugement, selon moi, de mettre plus
d'argent dans ce qu'on appelle le support au cheminement de ces
jeunes-là, avez-vous des suggestions très, très
concrètes et pratiques qui devraient être retenues?
M. Bisaillon: Oui. L'expression «traînage de
savates», ça ne vient sûrement pas de nous.
M. Gendron: Non, non, ça, je suis sûr. Ça, je
suis certain.
Des voix: Ha, ha, ha!
(16 h 20)
M. Bisaillon: II y a deux phénomènes
là-dedans. D'ailleurs, vous regarderez dans les tableaux combien il y a
de diplômes après deux sessions, après deux années,
mettons - un préuniversitaire, ça dure deux ans - combien de
diplômes après deux ans, combien après quatre ans, combien
après cinq ans, six ans, sept ans. Et on constate - même chose
pour le technique - que, quand on double la période de
fréquentation, on double la diplomation. Il n'y a donc pas juste des
folies dans le fait de prendre un peu plus de temps, parce que, compte tenu de
l'âge, compte tenu aussi que le jeune, des fois, n'a pas eu accès
au secondaire à beaucoup d'exploration de ce qu'il veut faire, compte
tenu du fait qu'il y en a qui ne sont pas prêts à entreprendre des
études collégiales... On avait fait, l'an passé, un avis
sur les populations étudiantes en enseignement supérieur; 28 %
des jeunes nous disaient: Une fois rendus à l'université ou au
collège, on n'était pas prêts, on n'avait pas ce qu'il
fallait. Donc, ça explique un certain nombre de détours. Si les
détours mènent à de la diplomation, ce n'est pas des
mauvais détours.
Mais, à un moment donné, on attrape le rendement
décroissant - pour employer une expression qui est connue dans d'autres
milieux -et là on se dit: Bon, si on diplôme zéro,
zéro, zéro virgule quelque chose de 1 % après 10 ans, il
n'y a peut-être plus d'argent à mettre là-dedans. Il y a
une limite, à un moment donné, où on s'aperçoit
bien que ça n'a pas de bon sens. Et là on dit: Pourquoi ne pas
financer plutôt au départ, à l'entrée au
collège, là où la première session - ça a
été dit ce matin, avec raison -est névralgique pour les
abandons, et là aussi où on peut, je pense, saisir la situation
exacte des jeunes? Je l'ai dit tantôt: deux types de jeunes ne
fonctionnent pas comme le flot régulier, c'est ceux qui ne savent
vraiment pas pourquoi ils sont là - et, généralement, ils
sont en sciences humaines et nuisent par le fait même aux programmes de
sciences humaines - et ceux qui n'ont pas ce qu'il faut. Alors, là, on a
dit: Une session, peut-être, d'exploration; on sauverait peut-être,
au bout de la ligne, deux, trois ans de fréquentation.
M. Gendron: Une dernière petite question, très
rapide, pour des raisons de temps. Vous avez employé, à un moment
donné, l'expression que vous souhaiteriez que les cheminements soient
plus souples au niveau collégial. J'ai de la misère à
saisir. Je connais la notion de «souple», mais quand on l'applique
à des cheminements plus souples, je ne comprends pas trop ce que vous
voulez signifier concrètement.
M. Bisaillon: On parlait, d'une part, des programmes. Je vous
l'ai dit tantôt, ce n'est pas très souple quand il y a une seule
sorte de programme qui mène à un diplôme reconnu, et que
c'est trois ans, et que c'est à prendre ou à laisser. D'abord, il
y avait ce type de souplesse dont on pariait. Cette souplesse-là
implique aussi qu'en amont - pour employer des mots qu'on aime beaucoup ces
jours-ci - on reconnaisse les études antérieures des gens et
leurs acquis lorsqu'ils arrivent - on éviterait peut-être des
exigences inutiles - et, en aval, quand on donne une sanction, qu'elle ne soit
pas finale mais qu'elle puisse permettre de poursuivre des études, parce
que ce n'est pas tout le monde qui s'en vient là pour faire tout le
trajet.
Il y a de la souplesse aussi dans la dynamique, je dirais, des champs
professionnels existants. Il y a des champs professionnels qui évoluent
et il y a de nouveaux champs professionnels qui arrivent aussi. Et on dit: II
faut examiner la situation réelle sur le marché du travail et
revoir les exigences par la suite. Il y a des gens qui nous disent: Nous, si on
examinait à la loupe certains champs professionnels, en particulier ceux
qui ne sont pas régis par les corporations, où on a moins de
choix, peut-être qu'on arriverait à dire que ça prend 80
crédits, dans certains cas, au lieu de 90, mais peut-être qu'on
arriverait à dire que ça en prend 100 dans d'autres au lieu de
90. Mais, à l'heure actuelle, c'est tel type de... Bon.
Alors, voilà, c'est la durée des programmes. Il faut se
dire aussi que c'est une formation initiale, même si c'est un
diplôme d'études collégiales.
M. Gendron: Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Mme la ministre.
Mme Robillard: M. Bisaillon, nous sommes restés
marqués par les objectifs quantitatifs du rapport Parent concernant le
taux d'accès des jeunes à l'enseignement technique versus
l'enseignement préuniversitaire. Le 60-40 est toujours très
présent à notre mémoire. Quels sont les nouveaux chiffres
de l'avenir, en termes de répartition, pour nos jeunes?
M. Bisaillon: Le 60-40 du rapport Parent est inversé,
d'abord, dans ia réalité, mais ce n'est pas vrai, parce que ce
n'est pas vrai qu'il y a 60 % au préuniversitaire et 40 % au technique;
c'est un petit peu plus fort que ça, quand on creuse vraiment les
chiffres. C'est déjà plus... Nous, ce qu'on pense, c'est qu'il
faudrait arriver à une proportion de 50-50. Mais c'est l'analyse des
besoins sur le marché du travail et la façon dont semblent se
développer les sociétés à l'heure actuelle qui nous
font dire ça. On ne prétend pas à la rigueur scientifique,
mais on pense qu'on devrait tendre vers ce genre d'équilibre-là
si on veut s'assurer que les gens aient une formation qualifiante, qui leur
permette aussi de s'insérer sur le marché du travail, ce qui est
un gros déplacement.
Mme Robillard: Parfait. Tantôt, vous avez souligné
un aspect qualitatif de l'accès au collégial de par le
problème de la fiabilité du D.E.S., du Diplôme
d'études secondaires. Quelle est votre recommandation, quelle est votre
solution par rapport à ce problème?
M. Bisaillon: On ne pouvait pas la faire dans cet avis-là,
parce que...
Mme Robillard: Vous allez en faire un autre?
M. Bisaillon: Non, non, mais c'est parce que l'avis portait sur
les objectifs de scolarisation en enseignement supérieur - on ne voulait
pas régler les problèmes du secondaire là. Mais je vous
ferai remarquer que le Conseil a publié au moins trois ou quatre avis
sur cette seule question...
Mme Robillard: Oui.
M. Bisaillon: ...et on va... Dans le passé, sur cette
seule question de la diversification des voies au secondaire, avec peu de
succès, je dois dire... Je m'adresse à vous en tant que...
M. Gendron: C'est la ministre de l'Éducation.
M. Bisailllon: À plusieurs ministres de l'Éducation
successifs, puisque ça fait au moins 10 ans qu'on parle de ça au
Conseil. Mais je vous dis tout de suite que, dans le rapport annuel que nous
préparons à l'heure actuelle, on pense que c'est une question
incontournable et on l'a mise au menu, entre autres, en termes de curriculum et
d'organisation scolaire.
Mme Robillard: Est-ce que vous avez aussi un message concernant
la diversification des voies de formation au secteur préuniversitaire?
Vous avez donné beaucoup d'exemples sur la formation technique, je ne
vous ai pas entendu parler du secteur préuniversitaire.
M. Bisaillon: Le secteur préuniversitaire, c'est la
première partie, quand on regarde ça comme il faut, d'une
formation qui va durer cinq ans, normalement; c'est deux ans plus trois ans.
Donc, la diversification des voies, outre ce que nous avons dit tantôt
des élèves non préparés ou pas suffisamment
préparés, ça concernait aussi les jeunes au
préuniversitaire. Nous, ce qui nous inquiète dans le moment,
c'est que la crédibilité des programmes de formation
préuniversitaire devrait atteindre des standards aussi
élevés que ceux des programmes techniques, mais cette
crédibilité-là est entachée d'une
fréquentation par des jeunes qui sont là en attendant, d'une
part, d'être prêts à choisir une orientation, en attendant
que leur place soit disponible au technique ou en attendant d'avoir ce qu'il
faut pour faire des études supérieures. Et on se dit, nous, que
si on détachait ces gens-là pour leur faire suivre un programme
général au collège, d'une session - ce que je disais
tantôt - on pourrait, après ça, réhabiliter, je
dirais, l'égale qualité de formation qui se donne en sciences
humaines, par exemple, ou en arts et lettres, comparativement aux sciences de
la nature et permettre que les groupes d'étudiants soient plus
homogènes, entre guillemets, en termes de préparation suffisante.
C'est dans ce sens-là qu'on parle, nous, de diversification.
Mme Robillard: Parfait. M. Bisaillon, il me reste à vous
remercier et à vous dire que j'accueille positivement les lignes de fond
de votre avis et que je retiens aussi que, pour le système
collégial québécois, on doit refuser le statu quo et
vraiment prendre des virages importants pour ce système-là. Merci
bien à vous et à vos collaborateurs.
La Présidente (Mme Hovington): II me reste, au nom des
parlementaires ici présents, à vous remercier, M. Bisaillon, vous
et vos collaborateurs, pour la participation très intéressante et
active que vous nous avez apportée aujourd'hui à cette commission
très importante pour l'avenir des cégeps du Québec. Merci
beaucoup.
Nous allons peut-être suspendre une ou deux minutes en attendant
que l'autre groupe s'installe. J'invite le Conseil permanent de la jeunesse
à venir s'installer. Nous suspendons le temps de... Deux minutes.
Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 29)
(Reprisée 16 h 33)
La Présidente (Mme Hovington): est-ce que le conseil
permanent... un petit peu d'ordre, s'il vous plaît, en arrière! la
commission doit reprendre ses travaux. la discipline manque au
niveau de l'éducation, là, en arrière. Ha, ha, ha!
Si vous avez autant de succès dans la discipline au niveau de vos
cégeps, ça doit bien aller! Ha, ha, ha!
Alors, je demanderais au Conseil permanent de la jeunesse de bien
vouloir prendre place rapidement, s'il vous plaît.
Alors, je demanderais au porte-parole du Conseil permanent de la
jeunesse de bien s'identifier et de présenter la personne qui
l'accompagne ou les personnes qui l'accompagnent.
Conseil permanent de la jeunesse
M. Perreau» (Alain): Merci, Mme la Présidente.
J'aimerais présenter Mme Hélène Simard, qui est
vice-présidente responsable des dossiers d'éducation au Conseil
permanent de la jeunesse, et M. Yvan D'Amours, qui est chercheur et auteur de
l'avis sur l'enseignement collégial.
Avant de débuter, j'aimerais vous faire part...
La Présidente (Mme Hovington): Et vous-même?
M. Perreautt: O.K. Je m'excuse. Je suis Alain Perreault, je suis
président du Conseil permanent de la jeunesse.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Alors, vous pouvez y
aller. Vous avez 30 minutes de présentation pour votre
mémoire.
M. Perreault: Merci. Avant de débuter, j'aimerais vous
faire part de notre joie de constater la place donnée aux jeunes dans le
débat, puisque le Conseil étant invité la première
journée de la commission, nous l'avons interprété comme un
intérêt à l'égard de l'opinion des jeunes. Vous me
direz si je me trompe plus tard, mais, nous, on l'a pris positivement.
Notre présentation, aujourd'hui, n'est pas spontanée ni
improvisée. Elle est l'aboutissement d'une démarche
amorcée le printemps dernier alors que le premier ministre et ministre
responsable de la jeunesse nous demandait de produire un avis sur
l'enseignement collégial. Le ministre responsable de la jeunesse, M.
Robert Bourassa, nous invitait donc à analyser huit aspects de
l'enseignement collégial en partant de l'adaptation des
élèves au premier trimestre jusqu'à la transition, par
exemple, entre les cégeps et le marché du travail ou
l'université, en passant par les cheminements scolaires, la
persévérance aux études et la qualité de la
formation. Il nous était demandé, dans cette demande-là,
de faire connaître les attentes des jeunes du Québec par rapport
à ces différents aspects.
Donc, pour faire connaître les attentes des jeunes par rapport
à ces multiples aspects, vu le temps court et vu l'importance de la
demande, nous avons choisi de mener une vaste enquête auprès de
1500 jeunes âgés de moins de 24 ans qui étaient soit
diplômés ou soit non diplômés, qui avaient
quitté le cégep il y a deux ans et qui étaient, bon, soit
des hommes, des femmes; c'est une proportion représentative d'hommes, de
femmes, d'étudiants aux secteurs préuniversitaire et
professionnel.
L'échantillon que nous avons choisi pour réaliser cette
enquête satisfait aux critères statistiques et nous permet de vous
offrir une opinion représentative des jeunes du Québec, autant
ceux qui ont obtenu leur diplôme que ceux qui ont abandonné leurs
études. Et, à notre avis, c'est un regard unique que nous allons
vous offrir aujourd'hui, le regard de ceux qui n'ont pas, comme je dirais,
passé à travers le collégial, qui n'ont pas réussi
à obtenir le diplôme. À notre avis, ce qui fait la force de
cette enquête-lâ, c'est justement d'offrir le regard d'une
multitude de jeunes qui ont le recul suffisant, c'est-à-dire qui ont
vécu le cégep, qui ont vécu par l'expérience, donc,
le cégep et qui ont un recul de deux ans pour offrir, justement, une
évaluation objective.
L'analyse et les recommandations du Conseil permanent de la jeunesse
s'appuient donc solidement sur les résultats de cette enquête. Ce
que nous vous offrons aujourd'hui, ce sont les principaux constats et les
priorités dégagées suite à l'analyse de cette
enquête et des réflexions que le Conseil a menées au cours
des derniers mois. Donc, aujourd'hui, nous allons vous parler de six items.
D'abord, l'adaptation des élèves à un premier trimestre au
collège et les difficultés sous-jacentes. Deuxièmement,
nous allons vous parler de la satisfaction des élèves en regard
de certains aspects particuliers de la formation. Ensuite, nous allons vous
faire part de certaines notions relatives au cheminement scolaire, à la
persévérance aux études et au travail à temps
partiel. Nous allons enchaîner avec la question de l'évaluation:
l'évaluation des apprentissages, l'évaluation des programmes et
des établissements. Nous allons également vous faire part de
notre point de vue sur la participation des jeunes aux instances
décisionnelles et consultatives des collèges. Et nous allons vous
offrir, finalement, les choix. Nous allons vous présenter les choix
qu'il faut effectuer et les priorités pour l'enseignement
collégial.
Pour débuter, je cède la parole à Mme
Hélène Simard, vice-présidente du Conseil.
La Présidente (Mme Hovington): Mme
Simard.
Mme Simard (Hélène): Bonjour. Je dirai, comme
Alain, merci de donner attention au point de vue des jeunes dans un dossier
aussi important qui concerne les jeunes. Je vais débuter en vous posant
une question. Qui sont les jeunes cégépiens? Ils sont un peu plus
de 150 000. La majorité a entre 17 et 21 ans. La présence des
filles est légèrement plus élevée, 56 %
désormais. Ils proviennent de différentes couches de la
société. 40 % proviennent de familles dont le revenu se situe
entre 21 000 $ et 56 000 $, donc, des jeunes qui viennent d'un peu partout. La
plupart sortent directement de l'école secondaire. Et je pourrais
poursuivre la définition de la clientèle du collégial
encore bien longtemps, parce que cette clientèle est désormais
très diversifiée. Mais l'essentiel que je veux vous dire
aujourd'hui, c'est qu'ils ont tous des besoins et des préoccupations qui
se ressemblent. Et le système semble souvent oublier les
préoccupations des jeunes, parce que le système est
peut-être un peu aveuglé par ses objectifs de production, produire
des diplômés à tout prix. (16 h 40)
Mais les jeunes, eux, d'un point de vue un peu plus humain, pourquoi
vont-ils étudier au collégial et dans quel état
arrivent-ils à la porte des collèges? La majorité vont au
cégep, car ils veulent se donner un atout pour s'insérer un jour
dans le fameux marché du travail. Ils réalisent que le
diplôme d'études collégiales est en train de
déclasser comme exigence de base au marché du travail le
diplôme d'études secondaires. Pour eux, il faut aller au
cégep pour avoir un emploi, du moins, un meilleur emploi que ce qu'on
aurait décroché avec le diplôme d'études
secondaires. C'est une réalité. L'emploi est une
préoccupation première lorsqu'ils vont au cégep. Mais quel
emploi? Voilà la question. Ont-ils vraiment eu le temps et les outils
pour faire cette importante réflexion concernant leur orientation
scolaire et professionnelle? Ont-ils vraiment eu l'occasion de se donner un
projet personnel comportant des objectifs clairs, pourtant nécessaires
à motiver le jeune à entreprendre ces études-là? La
réponse est non.
Rappelons-nous bien qu'au secondaire il s'agissait d'un milieu
très encadrant, un milieu qui décidait tout à leur place,
un milieu qui leur a donné un bagage important, un lourd bagage
académique, mais qui comporte des lacunes d'information, notamment
l'information transmise à l'élève pour ce qui s'en vient,
pour l'étape qui s'en vient. On a leur appris à faire des maths,
du français, de l'anglais, mais ce qui s'en vient... Est-ce qu'on leur a
permis de réfléchir sur: Qu'est-ce que tu veux dans l'avenir?
Le collégial et le fameux marché du travail, c'est
à ce niveau-là que les lacunes se situent, les lacunes
d'information. Selon notre enquête, 40 % des jeunes collégiens
trouvent que le secondaire les a mal préparés aux études
collégiales. Comme je vous le disais tout à l'heure, ce n'est pas
des lacunes académiques, mais plutôt des lacunes sur l'encadrement
du jeune. Le milieu était trop encadrant, justement, au secondaire. Le
jeune n'a pas appris à développer son autonomie. Je n'ai pas
suffisamment développé mon autonomie au travail, mes cours
n'étaient pas assez exigeants au secondaire, l'orientation scolaire
était insuffisante, ce sont les principaux motifs que les jeunes nous
donnent pour dire que le secondaire les a mal préparés.
Et, lorsqu'on va un peu plus loin avec cette question d'orientation
scolaire là, on se rend compte - 75 % d'entre eux nous l'ont
déclaré lors de notre enquête - que les services
d'orientation offerts au secondaire les ont peu ou pas du tout
éclairés concernant le marche du travail, concernant leur
orientation scolaire. De plus, 63,2 % considèrent avoir
été peu ou pas du tout renseignés au sujet des
débouchés sur le marché du travail des différents
programmes au collégial. Certains nous ont dit: Oui, on a vu des
vidéos sur certains programmes qui sont offerts dans des cégeps,
mais des vidéos plutôt genre marketing. Mais des vidéos
objectifs, une information objective qui leur dise l'existence des
différents programmes dans les cégeps, qui leur permette de faire
un choix éclairé, ça, ils ne l'ont pas eu.
Dans ces conditions, comment un élève peut-il
démarrer du bon pied? Comment un élève peut-il être
bien motivé pour entreprendre ses études collégiales, ne
sachant pas trop où il s'en va? Il veut se donner des atouts pour
intégrer le marché du travail, mais il ne sait pas trop où
il s'en va. S'il entreprend ses études en se disant: Je vais essayer
cette branche et, si ça ne va pas, j'irai ailleurs, dans une autre
branche, ou encore sur le marché du travail, ou encore sur la voie du
décrochage scolaire, bien, c'est pénible pour le jeune et
pénible pour le système. Donc, on pense à l'abandon. Alain
va vous l'expliquer un petit peu plus tard.
Bien sûr, le secondaire doit améliorer son aide à
l'égard du jeune. On doit améliorer les services d'orientation
scolaire au secondaire. Mais, à l'âge de 15, 16, 17 ans, tu n'as
pas toujours la maturité pour faire ce choix définitif, notamment
lorsque le marché du travail est complexe comme aujourd'hui. Nous
croyons donc que le collégial doit, lui aussi, outiller le jeune, se
donner des moyens pour aider le jeune à construire, à
définir son projet personnel, l'aider à se donner des objectifs
clairs sur son orientation professionnelle. Ces objectifs-là sont
nécessaires pour assurer sa motivation. Quoi de plus intéressant,
quand tu es étudiant, d'entreprendre tes études
collégiales quand tu sais où tu t'en vas! Tu as le goût
d'étudier dans ce temps-là. Mais, quand tu es dans la confusion,
c'est là qu'arrivent les changements de programme, l'idée de
décrocher parce qu'on croit que le cégep n'est pas fait pour
nous. C'est pour ça qu'il faut assurer à tous un bon
départ.
Je vais tenter de vous résumer les cinq recommandations de notre
avis qui se rapportent à cet objectif-là d'aider le jeune
à se donner un projet personnel clair concernant son orientation
scolaire.
Premièrement, bien sûr, il faut accroître les
ressources d'aide en orientation scolaire et
professionnelle dans le réseau collégial. Ensuite, il
faudra identifier dès l'inscription au cégep ceux qui sont
incertains de leur choix de carrière pour ainsi pouvoir les orienter
vers les services appropriés, ne pas les laisser là, seuls
à eux-mêmes, dans cet état de confusion là. On peut
les identifier facilement. Les gens ne seront pas gênés de dire:
Non, je ne suis pas tellement certain de mon choix de carrière.
Troisièmement, il faudra offrir des services de tutorat pour les
élèves pour qu'ils aient quelqu'un à qui parler, quelqu'un
avec qui échanger leurs différents questionnements, que ce soit
concernant le contenu du cours mais aussi, encore, cette fameuse question de
l'orientation scolaire.
Il faudra aussi instaurer dans le bloc des cours obligatoires une
activité créditée d'implication sociale. Il s'agirait
d'une activité qui aurait pour objectif de permettre au jeune d'avoir
l'occasion d'explorer de nouveaux milieux, de vivre de nouvelles
expériences qui lui permettraient de mieux se connaître
lui-même et la société qui l'entoure. Ça fait
près de 12 ans qu'il passe enfermé entre des murs avec un prof,
un crayon, un pupitre; il faut lui permettre de vivre une expérience
à l'extérieur qui va sûrement lui permettre d'explorer, de
se connaître davantage et de fixer ses choix.
Finalement, il faut structurer la première année
d'études de manière à faciliter l'orientation et
l'exploration en éliminant ou en minimisant le retard de cheminement
pour ceux et celles qui voudraient changer de programme. Actuellement, c'est
facile pour un étudiant de changer de programme mais, souvent, il en est
pénalisé. La première année doit donc avoir, entre
autres objectifs, de donner à l'élève l'occasion
d'explorer, d'avoir une formation diverse mais une formation qui ne l'engage
pas; il faut essayer de faire en sorte qu'il y ait le moins possible de cours
de concentration dès la première année. Bien sûr, un
cours d'introduction dans la concentration qu'il aura choisie aura sa
place.
Donc, finalement, Mme la ministre, ce qui est essentiel, c'est de
reconnaître que la plupart des jeunes n'ont pas terminé leur
importante réflexion concernant leur orientation scolaire. La
première année du collégial doit aider le jeune à
terminer, à compléter ou encore à confirmer ses choix. Il
faut assurer à tous un bon départ.
M. Perreault: Après avoir assuré ce bon
départ, il faudra maintenant regarder ce qui se passe à
l'intérieur des cégeps, de façon plus particulière
à l'intérieur de certains cours. Nous avons demandé aux
étudiants ce qu'ils pensaient des cours obligatoires, des cours
complémentaires et de la qualité des enseignants et des
enseignements. Nous avons aussi demandé s'ils considéraient que
le collège les avait bien préparés au marché du
travail ou à l'université. Donc, je vais vous donner un peu un
constat de ce que les jeunes nous révèlent quant à leur
satisfaction des cours obligatoires.
Vous savez qu'actuellement il existe dans les collèges des cours
de français, de philosophie et d'éducation physique. En ce qui
concerne les cours d'éducation physique, les jeunes en sont
exceptionnellement satisfaits: 92,4 % des jeunes s'en disent satisfaits, et on
souhaite fortement le maintien du nombre de cours d'éducation physique
dans sa forme actuelle. Mais, cependant, en ce qui concerne les cours de
français et de philosophie, on constate un degré de satisfaction
moins élevé: à peu près un élève sur
deux pour ces deux cours-là se dit insatisfait des cours de
français et de philosophie, mais pour des raisons totalement
différentes dans l'un et l'autre cas.
En ce qui concerne les cours de philosophie, par exemple, on nous a dit
qu'on avait le sentiment d'y avoir perdu son temps et on souhaite
également, par conséquent, que soit diminué le nombre de
cours de philosophie et que les cours de philosophie qui demeurent aient des
objectifs plus clairs. Bien sûr, je fais une citation, je cite ce que les
jeunes nous ont dit dans l'enquête. Ils sont assez sévères
à l'égard des cours de philosophie. Ils souhaitent - et vous
verrez plus tard qu'on a des recommandations à ce sujet-là - que
les cours soient diminués.
Pour les cours de français maintenant, la raison principale de
l'insatisfaction est le manque de perfectionnement dans la grammaire. On
souhaite donc, au contraire de la philo, que le nombre de cours soit maintenu
et même augmenté en français. Donc, ces critiques, pour
nous, pour le Conseil permanent de la jeunesse, sont extrêmement
importantes. C'est pourquoi nous recommandons, premièrement, de
remplacer un des cours obligatoires actuels de français par un cours de
perfectionnement en français écrit, tel que les jeunes nous l'ont
demandé. On recommande aussi de diminuer de quatre à deux le
nombre de cours de philosophie. Il existe des besoins pressants de formation
qui pourraient également être des cours obligatoires. Les jeunes
nous ont dit qu'ils étaient insatisfaits du fait qu'ils n'avaient pas eu
la chance d'apprendre une langue seconde durant leurs études
collégiales et, pour nous, il serait important qu'un cours de
philosophie soit enlevé et remplacé par un cours de langue
seconde. Ça, c'est concernant les cours obligatoires. (16 h 50)
Maintenant, concernant les cours complémentaires, les jeunes
souhaitent que ces cours-là soient maintenus et même
augmentés. Une très forte proportion de jeunes sont donc
satisfaits de ces cours-là et trouvent un avantage à avoir
accès à un large éventail de cours. Les cours
complémentaires sont importants aussi aux yeux du Conseil, et c'est
pourquoi nous faisons des recommandations précises. Encore une fois,
à cet égard, nous souhaitons que l'accès soit ouvert
à tous les cours complémentaires qui
ne nécessitent pas de préalable. Ça serait une
façon, justement - et ça serait en ligne avec ce
qu'Hélène disait tout à l'heure - de permettre une plus
large exploration, une plus grande exploration.
On pourrait également créer des cours d'introduction en
sciences humaines, par exemple, et en sciences et technologie, et offrir ces
cours complémentaires là aux étudiants. Par exemple, un
étudiant de sciences humaines aurait accès à un cours
complémentaire en sciences et technologie. Ça pourrait ainsi
permettre d'ouvrir les horizons professionnels et de connaissances à ces
jeunes-là. Ça, c'est concernant les cours complémentaires.
Donc, on s'en dit satisfait.
Maintenant, concernant la qualité des enseignements, bien, on
entend souvent parler de ça. Les jeunes ont beaucoup de choses à
dire sur la qualité des professeurs. Maintenant, qu'est-ce qu'on entend
par un bon professeur? Selon nous, un bon professeur a cinq qualités. La
première, c'est son intérêt pour sa matière. La
deuxième, ça serait sa capacité à susciter la
motivation des étudiants, à les éveiller à la
matière. Une troisième qualité serait sa
disponibilité en dehors des heures de cours. Une autre qualité
serait son ouverture à discuter des moyens d'évaluation avec les
élèves. Et une cinquième qualité serait la
qualité des plans de cours qu'il offre.
Généralement, ce que l'enquête nous
révèle, c'est que les étudiants sont satisfaits.
L'évaluation de la qualité des enseignements est assez positive,
sauf pour deux éléments qui dénotent une insatisfaction un
peu plus grande. C'est concernant, et vous vous en doutez peut-être, la
capacité à susciter la motivation qui fait 40 % d'insatisfaits
qui sont soit peu ou pas du tout satisfaits de la capacité des profs
à les éveiller à la matière. Une autre
insatisfaction serait l'ouverture des professeurs à faire participer les
étudiants au choix des moyens d'évaluation. On ne peut pas tirer
de conclusion sur ces deux insatisfactions-là. Bien qu'elles
insatisfassent une quantité importante de jeunes - et ça, il ne
faudrait pas être cité dans ce sens-là - ça ne veut
pas dire que les professeurs soient mauvais sous ces aspects-là. Ce qui
est utile, par exemple, ce que nous révèlent ces
évaluations-là, c'est qu'il est important que les professeurs,
dans chacune des classes, connaissent le point de vue de leurs
étudiants. Il est important, pour les étudiants, de dire leur
point de vue dans chacune des classes. On reviendra plus tard sur des
recommandations précises à l'égard de
l'évaluation.
Maintenant, un dernier aspect que j'aimerais aborder avec vous avant de
passer la parole à Hélène: la qualité de la
préparation. Est-ce que le collège a bien préparé
les étudiants à l'université? Est-ce que la formation
préuniversitaire a bien préparé à
l'université, d'une part, et, d'autre part, est-ce que la formation
technique prépare bien au marché du travail? Nous, pour avoir une
réponse précise à ces deux questions-là, on a
posé une question très précise, c'est-à-dire, qu'on
leur a demandé: Est-ce que vous considérez que le cégep,
le collège vous a bien préparés à
l'université? C'est des étudiants, bien sûr, qui sont
actuellement à l'université, qui ont quitté le
cégep depuis deux ans, et ce qu'ils nous disent à ce
sujet-là n'est pas très reluisant, malheureusement. 53,7 % des
élèves aux études universitaires disent qu'ils sont bien
préparés par le collège à effectuer ce qu'ils font
actuellement; 46,3 % des élèves se disent peu ou mal
préparés par le collège, par la formation
préuniversitaire qu'ils ont suivie, à étudier à
l'université. Et ça, c'est une donnée fondamentale. C'est
une donnée qui interpelle plusieurs personnes et qui impliquera des
efforts importants dans les mécanismes d'évaluation
éventuellement. Ce sera une façon de répondre à
cette insatisfaction-là. Il y aura, bien sûr, des
améliorations à apporter aux cours obligatoires, comme on vous
l'a dit, mais cette insatisfaction-là est centrale et doit nous
concerner beaucoup.
Pour approfondir la question de l'insatisfaction, et ça, c'est
important, parce qu'on s'est dit: Qu'est-ce qui fait que les jeunes ne sont pas
satisfaits de leur formation préuniversitaire? on leur a demandé
d'évaluer leur degré de satisfaction, de nous dire s'ils
étaient satisfaits de 10 aspects précis de la formation
collégiale. Un seul aspect, a notre avis, trouve grâce aux yeux
des élèves: c'est leur apprentissage de résolution de
problèmes, c'est-à-dire que le collège les a aidés
à bien résoudre des problèmes à
l'université. Là-dessus, 70 % des jeunes sont satisfaits. Sur
tous les autres aspects, que ce soient les méthodes de travail
intellectuel, que ce soit la capacité de synthèse, le sens de
l'organisation, le sens critique, les connaissances spécifiques à
un champ donné, pour ces différents aspects qu'on a
vérifiés, ça ne dépasse pas 63 % de satisfaction,
c'est-à-dire qu'il n'y a pas plus de 63 % des étudiants qui sont
satisfaits de tous les autres aspects qu'on a vérifiés parmi les
10 aspects, à part celui que je vous ai dit sur la capacité de
résolution de problèmes.
Donc, il y a toujours au moins 37 % d'insatisfaits pour chacun des
items. Les trois aspects de la formation qui suscitent le plus d'insatisfaction
sont la maîtrise de la langue maternelle écrite et parlée,
le premier. Le deuxième, la connaissance d'une langue seconde. Et, le
troisième, une meilleure connaissance de son choix de carrière.
Ces trois items-là sont ceux qui suscitent le plus d'insatisfaction par
rapport aux études préuniversitaires lorsque les étudiants
sont rendus à l'université.
Donc, on peut pointer du doigt certaines améliorations
spécifiques à apporter à la formation
préuniversitaire mais, globalement, il semble que le degré assez
élevé d'insatisfaction soit dû à la somme des
petites et des moyennes insatisfactions un peu partout. À notre avis,
c'est ça
qui explique que, globablement, on ait 46 % des gens qui sont peu ou pas
du tout satisfaits. On ne pourra pas dire: Voici, c'est la faute au
français. C'est vrai que c'est un peu la faute au français et
c'est un peu la faute au fait qu'ils n'ont pas appris de langue seconde mais,
globalement, il semble que l'insatisfaction se retrouve un peu partout.
Donc, la meilleure façon de résoudre ce problème
d'insatisfaction, ce sera par des mécanismes d'évaluation dans
les cours et dans les programmes. On ne veut pas des choses
hyper-théoriques. Pour nous, ce qui est important, c'est que, dans les
cours, dans les programmes, il y ait des mécanismes concrets
d'évaluation qui résolvent ces problèmes-là.
Hélène y reviendra plus tard.
En ce qui a trait à la formation professionnelle, la satisfaction
est plus élevée et, règle générale, dans
toute l'enquête, c'est toujours un peu plus élevé. Les deux
tiers des jeunes diplômés du D.E.C. professionnel qui travaillent
dans leur domaine d'études sont satisfaits, c'est-à-dire qu'ils
trouvent que leur formation est satisfaisante en regard des exigences du
marché du travail. Donc, il y en a un tiers qui ne le sont pas, mais
c'est quand même mieux qu'au niveau préuniversitaire.
Si on creuse un peu ce qui suscite l'insatisfaction, c'est les stages en
milieu de travail. Des gens qui n'ont pas eu de stage en milieu de travail
considèrent que c'est une lacune importante de leur formation. Ceux qui
ont eu un stage, cependant, disent qu'il faudrait qu'il soit plus long. Donc,
on s'aperçoit ici que, dans le professionnel, il y aura une action
concrète à faire pour rapprocher le monde du travail des
cégeps, créer des lieux de rencontre. On vous propose la
création de centrales locales pour l'emploi et la formation. C'est
regrouper les stages, l'orientation scolaire et le placement, donc créer
des services, offrir de nouveaux services aux étudiants, d'une part. Et,
d'autre part, bien sûr, il faut créer des stages dans les
programmes où il n'en existe pas à l'heure actuelle.
Donc, voici les différents aspects particuliers de la formation
que je voulais traiter avec vous. Maintenant, je poursuis avec des questions
qui font souvent l'objet d'idées reçues, c'est-à-dire les
cheminements scolaires, la persévérance aux études, le
travail à temps partiel, l'abandon, les échecs scolaires, ces
différentes questions-là; je vais essayer de vous dire un peu ce
que l'enquête nous révèle à ce sujet-là.
Il y a une enquête qui fait beaucoup de bruit depuis un an
à peu près, c'est le fait que le tiers des étudiants
obtiennent leurs diplômes dans le temps prévu. Cette
statistique-ià offusquait beaucoup de gens, et on se disait: II faut
absolument imposer des frais de scolarité à ceux qui sont
d'éternels étudiants. Nous, on s'est dit: Qu'en est-il vraiment?
On a deux études qui contredisent une affirmation aussi
grossière. La première est celle qui s'appelle, et qui est assez
populaire: «La persévérance aux études, la
conquête de la toison d'or ou l'appel des sirènes», qui a
été produite par la Direction générale de
l'enseignement collégial en 1990, par Mireille Lévesque et Daniel
Pageau. Et, dans cette enquête, finalement, ce qu'on
révèle, c'est que ceux qui étudient à temps plein
et qui ne changent pas de programme en cours de route obtiennent leurs
diplômes au préuniversitaire en 4,5 trimestres, donc un
demi-trimestre de plus. Le temps moyen pour obtenir le diplôme, pour ceux
qui étudient à temps plein et qui ne changent pas de programme,
c'est un demi-trimestre de plus que le temps requis. Et, au
préuniversitaire, c'est deux dixièmes d'un trimestre; ils
l'obtiennent en 6,2 trimestres. C'est ça, les vraies données.
Ceux qui obtiennent leurs diplômes le font dans un temps tout à
fait satisfaisant. Ça, c'est une enquête du ministère de
l'Enseignement supérieur et de la Science.
Maintenant, dans notre enquête à nous, on a demandé
aux 1500 jeunes, surtout à ceux qui avaient diplômé, bien
sûr, à la strate qui avait diplômé, combien de temps
ils avaient pris pour diplômer. Ce que ça nous donne: 58,8 % des
jeunes au préuniversitaire, ceux qui ont obtenu leurs diplômes
l'ont fait en quatre sessions ou moins. Et 82 % des étudiants au
préuniversitaire ont obtenu leurs diplômes en cinq trimestres ou
moins, c'est-à-dire un trimestre de plus que le temps prévu; 82 %
de ceux qui diplôment. Il y en a beaucoup qui ne diplôment pas,
mais ceux qui diplôment le font dans un temps tout à fait
raisonnable. (17 heures)
Au secteur professionnel, maintenant, 60,6 % des jeunes le font en six
trimestres ou moins et 73 % le font en sept trimestres ou moins, ceux qui
obtiennent leurs diplômes, encore une fois. Vous voyez que, pour ceux qui
obtiennent leurs diplômes, c'est un temps tout à fait raisonnable.
La raison principale pour laquelle il y en a qui prennent un peu plus de temps,
je vais vous le dire, ce n'est pas le travail à temps partiel, ce n'est
pas un manque d'intérêt pour ses études, ce n'est pas
différentes raisons farfelues qu'on a amenées, c'est vraiment
relié - la raison majeure - à des difficultés
d'orientation scolaire et professionnelle, des changements de programmes, pour
la majorité des cas, autant au secteur professionnel qu'au secteur
général. Au secteur professionnel s'ajoute la raison
d'échecs scolaires. Les échecs scolaires, au professionnel,
occasionnent des retards plus importants qu'au secteur général.
Ce sont les raisons pour lesquelles il y a des retards. Donc, il faudrait faire
attention, lorsqu'on fait des affirmations de ce côté-là,
et mettre les causes et les conséquences à la bonne place,
trouver des solutions aux bonnes causes, en tout cas, à tout le moins.
Donc, le problème n'est pas académique, comme
vous pouvez le voir. Le problème est avant tout un
problème d'orientation scolaire et professionnelle. Il va falloir,
à ce sujet-là, offrir une meilleure information sur les
programmes aux élèves et surtout des débouchés de
ces programmes-là sur le marché du travail.
Deux derniers sujets. L'abandon des études. Je vais vous parler
rapidement de l'abandon des études. C'est très important pour
nous, cette question-là. Vous savez que notre enquête s'appuie sur
un échantillon de jeunes suffisamment, statistiquement correct.
C'est-à-dire qu'on a suffisamment de jeunes diplômés et non
diplômés pour offrir un portrait représentatif de la
population étudiante qui n'a pas été
diplômée. Pour le Conseil, l'importance que les collèges et
le gouvernement doivent accorder à la question de l'abandon scolaire est
indéniable. Le Conseil supérieur de l'éducation a
démontré éloquemment la nécessité
d'accroître la scolarisation de la population pour les prochaines
années.
Nous, on pourrait ajouter que les coûts associés et
imposés aux individus et la société, qui sont
ajoutés aux avantages d'avoir une population plus scolarisée,
nous forcent à agir rapidement dans ce domaine-là. On a
avancé, dans notre avis, que les coûts reliés à
l'abandon scolaire sont de l'ordre de 500 000 000 $, et ça - je vais
vous expliquer un peu le calcul qu'on a fait, très rapidement - c'est la
subvention par élève, par année. Et, considérant
qu'un élève, avant de décrocher, prend deux ans pour le
faire, c'est-à-dire qu'il reste deux ans au collège avant de
décrocher, si on additionne tout ça, chaque année, les
jeunes qui décrochent, l'État a investi en eux un total de 500
000 000 $, pour ces jeunes-là qui décrochent annuellement, en
subventions directes par élève. On n'a pas évalué
les coûts de prêts et bourses, on n'a pas évalué les
conséquences socio-économiques, le chômage,
l'inactivité. On a strictement évalué la subvention
directe par élève que l'État versait aux jeunes qui
décrochaient. Donc, c'est comme ça qu'on est arrivé aux
chiffres.
La Présidente (Mme Hovington): En conclusion, s'il vous
plaît, parce que les 30 minutes sont... Vous pourrez revenir sur certains
points lors d'échanges avec les parlementaires, peut-être. Une
conclusion rapide, peut-être, à votre présentation.
M. Perreault: Oui. Il y a plusieurs points qu'on aurait
aimé traiter, notamment le travail à temps partiel,
l'évaluation. Je vais laisser Hélène terminer en vous
parlant rapidement de l'évaluation et je reviendrai sur d'autres
sujets.
La Présidente (Mme Hovington): Est-ce qu'il y a
consentement à ce qu'on diminue le temps d'échange, à ce
moment-là? D'accord, allez-y.
M. Perreault: Ça va? On peut poursuivre?
M. Gendron: Je n'ai pas d'objection, M. Perreault, mais
choisissez vous-même les points sur lesquels vous voulez insister.
M. Perreault: Très bien. Il serait important de vous
expliquer un peu certaines choses, notamment... On va terminer rapidement notre
présentation, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. En ce qui
concerne le travail à temps partiel, par exemple, on dit souvent que
c'est le résultat d'un faible intérêt pour les
études ou bien que c'est une soif de consommation. Eh bien, vous avez,
on vous a remis, je crois, deux graphiques qui démontrent
éloquemment que le travail à temps partiel est dû en grande
partie au fait que les jeunes sont coincés financièrement. La
figure no 6 que vous avez entre les mains démontre le lien entre le
revenu des parents et le besoin de travailler pour subvenir à ses
besoins. La deuxième figure, la figure no 5, démontre que la
moitié des jeunes qui travaillent le font pour subvenir à leurs
besoins, soit que les jeunes n'ont pas accès aux prêts et bourses
parce que leurs parents gagnent trop, et donc ils sont exclus du régime,
ou que leurs parents ne gagnent pas suffisamment pour leur payer toutes leurs
études. Donc, ça, c'est un cas.
Il y a le deuxième cas où certains jeunes ont accès
aux prêts et bourses, mais le calcul de la contribution parentale, par
exemple, ou des revenus d'emploi d'été fait en sorte qu'ils se
voient diminuer leur contribution ou leurs prêts et bourses en
conséquence, même si les parents n'ont pas contribué ou
même s'ils n'ont pas eu d'emploi d'été...
Il y a un troisième cas où le jeune n'a pas le goût
de s'endetter parce qu'il sait que peut-être il n'aura pas d'emploi plus
tard, et ça fait que des jeunes choisissent de travailler plutôt
que de s'endetter. Ça explique pourquoi 70 % des jeunes, dans notre
enquête, ont dit qu'ils travaillaient durant leurs études
collégiales. Ça implique donc une reconnaissance de la part du
gouvernement de l'importance d'investir et d'aider les jeunes, de les soutenir
dans leur éducation, dans leurs études collégiales.
Je laisserai la parole à Hélène pour parler de
l'évaluation des programmes, des cours et des établissements.
Mme Simard (Hélène): C'est certain que c'est
dommage de se sentir pressé pour parler d'une question aussi
épineuse.
La Présidente (Mme Hovington): Prenez votre temps...
M. Gendron: Mme la Présidente, à moins que
l'horaire puisse changer? Mais c'est un choix qu'on peut faire, puis on est
d'accord.
La Présidente (Mme Hovington): Oui? Il y a un
consentement, de chaque côté, des membres
de la commission pour vous laisser le temps requis,
nécessaire.
Mme Simard (Hélène): O.K. Donc,
l'évaluation. Il y a une question bien populaire, lorsqu'on parle de
l'enseignement collégial, mais une question dont l'objectif,
quelquefois, semble oublié, c'est-à-dire que tout processus
d'évaluation devrait favoriser l'amélioration constante de
l'enseignement offert aux élèves. Cela doit donc servir
l'élève avant tout, ceux qui sont la raison même des
collèges. Il y a trois endroits précis où Ion peut
appliquer cet objectif, où on peut se donner des processus
d'évaluation. Je vais aller un peu en ordre d'importance. Selon nous,
l'endroit premier où on doit se donner un mécanisme
d'évaluation est l'évaluation de l'enseignement et des
professeurs par les élèves. Il s'agit de la forme
d'évaluation qui permet des ajustements immédiats. Actuellement,
elle existe seulement s'il y a une bonne volonté, une bonne initiative
d'un professeur quelque part dans un cégep, mais c'est des
exceptions.
Dans la réalité, plusieurs voient une menace dans cette
forme d'évaluation. Pourtant, il s'agit de permettre simplement
l'interaction entre les professeurs, ceux qui dispensent l'enseignement, et
l'élève, celui qui le reçoit. Dans ces circonstances,
l'élève n'est-il pas le mieux placé pour identifier les
lacunes et proposer des solutions? Et pourtant les élèves en ont,
des choses à dire.
Selon notre enquête, la moitié des étudiants
collégiens sont peu ou pas du tout satisfaits de l'ouverture des
professeurs à faire participer l'élève au choix des moyens
d'évaluation, ce qui serait pourtant le minimum. Mais, actuellement, les
élèves n'ont aucune place pour faire entendre leurs
revendications, aucun moyen systématique leur permettant de proposer
d'autres façons de faire dans les cours, dans l'enseignement qu'ils
reçoivent, que ce soit sur l'évaluation, sur la façon
d'enseigner de leurs professeurs, sur le plan de cours, sur la
disponibilité des profs, et encore et encore. Afin de faire cesser cette
situation et de favoriser l'amélioration constante de l'enseignement
offert aux jeunes, le Conseil recommande que soit instituée
l'évaluation obligatoire des cours par les élèves au
milieu et à la fin de chaque trimestre. Je parle ici d'une forme
d'interaction. Pour être valable, bien sûr, cette forme
d'évaluation devra jouir d'un poids réel dans les
décisions afin d'entraîner des changements concrets dans les
cours. Pour ce faire, elle devra être prise au sérieux autant par
les professeurs, les responsables des départements, des concentrations,
la direction et les élèves eux-mêmes.
Le principe que je vous propose est un peu le même qui est
utilisé par les entreprises. L'entreprise prend la peine d'aller voir sa
clientèle, d'aller vérifier sa satisfaction par rapport au
produit qu'elle offre et d'ensuite utiliser cette information-là pour
ajuster son produit. Ce principe-là peut s'appliquer aussi concernant le
processus d'évaluation et de révision des programmes. C'est un
autre endroit où l'on croit qu'il est primordial de se donner un
processus beaucoup plus efficace. 35 % des étudiants qui sont sur le
marché du travail, ceux qui ont été diplômés
dans une technique, considèrent que la formation qu'ils ont reçue
correspond peu ou pas du tout aux exigences qu'ils ont trouvées sur le
marché du travail - 35 %. Au général, 46 %
considèrent que leur formation collégiale les a peu ou mal
préparés aux études universitaires. On voit bien qu'on a
besoin d'ajuster davantage nos programmes au cégep. Les programmes sont
peut-être un peu démodés et ne correspondent pas aux
besoins à l'extérieur. Il y a des ajustements sérieux
à faire, mais des ajustements qui ne doivent pas revenir qu'une fois par
décennie.
Actuellement, le processus est lourd, est trop lourd. Exemple, la
révision des programmes de sciences humaines et de sciences de la nature
a nécessité 10 ans de travaux et de consultations d'experts dont
plusieurs, au dire même du Conseil des collèges, étaient
placés en conflit d'intérêts. Chacun défend ses
intérêts et, au bout de la ligne, pas beaucoup de changement, et
on se retrouve avec des programmes démodés.
Mais, essentiellement, où sont les jeunes diplômés
sur ces comités qui travaillent pour réajuster et réviser
les programmes? Où sont les jeunes diplômés pour apporter
le point de vue de ceux qui ont reçu la formation et qui sont en mesure
de vérifier la valeur, puisqu'ils sont soit sur le marché du
travail ou encore à l'université? (17 h 10)
Bien sûr, il faudra alléger le processus de révision
et d'évaluation des programmes afin qu'ils soient plus efficaces et
effectuer des changements plus réguliers, mais il faudra aussi s'assurer
la présence des jeunes diplômés qui, eux, finalement, vont
apporter un point de vue objectif. Voilà pourquoi nous vous
recommandons, Mme la ministre, de voir à ce que des jeunes
diplômés participent au processus d'évaluation et de
révision des programmes dans lesquels ils ont étudié. Les
jeunes doivent donc être invités à siéger sur les
comités de travail formés à cette fin.
Et, finalement, l'évaluation des établissements, la grande
question. En principe, le Conseil n'est pas contre toute forme
d'évaluation des établissements, du point de vue global.
Cependant, un tel exercice doit se faire plus sérieusement et d'une
manière plus rigoureuse afin d'éviter des fameuses histoires
comme celle du palmarès des cégeps. L'objectif de
l'évaluation des établissements n'est surtout pas et ne doit
surtout pas être d'aboutir à un classement des institutions.
Qu'est-ce que ça change vraiment dans la vie d'un étudiant de
savoir que son
collège est dixième ou quinzième? Ce que ça
change peut-être, c'est des conséquences néfastes. On va
voir des institutions qui vont resserrer l'accessibilité et faire en
sorte que certains étudiants ne pourront plus avoir accès
à certains collèges. Les collèges chercheront à
rehausser leur image, comme ça s'est passé même au
secondaire. On a vu des commissions scolaires demander à des
étudiants de ne pas se présenter pour faire les examens du
ministère, pour monter leur cote. Espérons que ce cas-là
ne se représentera pas au collégial.
Nous savons que plusieurs organismes proposent des moyens, comme
l'idée de mettre sur pied un organisme externe. D'autres
préconisent la mise en place à l'échelle de la province
d'épreuves ministérielles pour la sanction du diplôme. Le
CPJ n'a actuellement pas la prétention de vous dire quel est le meilleur
moyen. On avait plutôt l'intention de vous dire quelles sont nos
réserves: Qu'on n'arrive pas avec un classement des institutions. Ce qui
nous importe, c'est que le moyen qui sera choisi serve vraiment la cause des
élèves, qu'il garantisse vraiment que dans chacun des
collèges on ait une formation de bonne qualité, mais qu'on
n'arrive pas avec un classement des institutions, comme ce qui s'est produit
avec le palmarès des cégeps.
Et, finalement, on vous parle d'évaluation. On voulait lancer le
mot qu'il faut accroître la présence des jeunes au sein des
instances décisionnelles concernant le collégial. Les jeunes ont
des choses à dire sur l'évaluation mais aussi sur plusieurs
autres aspects du collégial. C'est eux qui reçoivent
l'enseignement, c'est eux qui sont au collège, mais on les oublie
souvent. Il faut développer le réflexe jeunesse. Il est donc
primordial de les consulter davantage et il faudrait, par exemple, les voir sur
le Conseil des collèges, voir qu'ils aient une place au sein du Conseil
supérieur de l'éducation, sur les différents conseils
d'administration des collèges. Les élèves, les
diplômés ont des choses à dire, des observations, des
idées nouvelles, des solutions, des projets, un point de vue
différent, un point de vue souvent objectif. Les étudiants n'ont
pas à défendre leur intérêt. Ils sont là pour
donner un point de vue objectif. Pensez à les consulter davantage et
à leur laisser une place pour qu'ils donnent leur point de vue.
Donc, c'était le message sur l'évaluation et la
consultation des jeunes.
M. Penreault: Je terminerai en concluant que, comme vous pouvez
probablement vous y attendre, nous allons répondre oui à la
question: Faut-il maintenir la structure collégiale? Après avoir
soumis tant de recommandations, ce serait bizarre de notre part de...
M. Gendron: Dans un esprit de continuité. M. Perreault:
C'est ça. C'est ça. Et donc...
M. Gendron: C'est ça. Les jeunes, c'est...
M. Perreault: Mais ce ne sera pas n'importe comment et pas
à n'importe quel prix, cependant. Et, ça, on tient à le
dire aussi. Il faut maintenir les cégeps mais pas de n'importe quelle
manière. Vous avez pu prendre connaissance de certaines de nos
recommandations qui touchaient les cours obligatoires, les cours
complémentaires, qui touchaient l'aide à l'orientation, qui
touchaient la formation professionnelle, la formation
préuniversitaire.
Mais, avant de terminer, j'aimerais vous faire part un petit peu d'une
inquiétude que l'on a, qui est probablement légitime, qui touche
à l'accessibilité, selon nous, aux études
collégiales, et elle concerne la possibilité qu'on instaure des
frais de scolarité au cégep. À notre avis, ce serait
contraire à un objectif que nous considérons essentiel à
l'enseignement collégial, celui de favoriser un accès le plus
large possible et de favoriser une réussite accrue d'un plus grand
nombre de jeunes. Et, pour nous, on vous a parlé tout à l'heure
du travail à temps partiel, on vous a parlé de la situation
financière des élèves. Vous savez que les études
collégiales, actuellement, ne sont pas gratuites. Il faut acheter des
livres, il faut acheter des photocopies, il y a des frais d'inscription, il y a
le repas du midi. Pour certains élèves qui n'habitent pas chez
leurs parents, il y a le logement. Donc, il faut dire qu'on ne parle pas de
gratuité des études collégiales, on parle de frais de
scolarité. La gratuité des études collégiales, dans
les faits, n'existe pas. Et c'est ce qui prouve aussi, c'est ce qui justifie le
fait que 70 % des élèves travaillent et que la moitié de
ceux-là travaillent pour subvenir à leurs besoins. C'est par
nécessité. Et il faut reconnaître cette
nécessité-là, il faut l'appuyer. Et, pour nous,
l'instauration de frais de scolarité, même si elle était
symbolique, ouvrirait la porte. On l'a vu à l'université, des
hausses vertigineuses récemment. Et, donc, pour nous d'ouvrir la porte
à des frais de scolarité au cégep est extrêmement
risqué, et on vous dit carrément que ce ne sera pas une bonne
façon de trouver du financement supplémentaire pour
l'enseignement collégial.
Cependant, on croit qu'un partenariat avec les entreprises
privées dans certains programmes techniques pourrait apporter des
revenus supplémentaires. Une lutte efficace à l'abandon, aussi,
dans une perspective plus globale de société,
générerait aussi des économies et aiderait notre
économie à être plus compétitive, plus
prospère. Et ça, ce serait une façon très
dynamique, en luttant contre l'abandon scolaire, de redonner les moyens
à notre économie de se payer un enseignement supérieur de
qualité et accessible. Et c'est un peu dans ce sens-là qu'on
voulait terminer cette présentation aujourd'hui. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup. Alors,
disons qu'il resterait 44 minutes. Alors, ça fait 22 minutes chacun,
chaque côté, pour ne pas dire 45. C'est plus difficile d'arriver
juste! Alors, Mme la ministre, si vous voulez bien commencer les
échanges.
Mme Robillard: Merci. Merci, Mme la Présidente. M.
Perreault et Mme Simard, merci d'avoir accepté l'invitation de la
commission de l'éducation de venir participer à ce débat
de l'enseignement collégial québécois. C'était
important pour nous d'entendre les jeunes dans ce débat, et
c'était important d'entendre ce Conseil permanent de la jeunesse. Nous
avons la chance d'avoir au Québec ce Conseil permanent de la jeunesse.
Et, donc, nous avons tenu à vous entendre dès le début des
audiences. Je sais que votre mémoire n'était pas
préparé spécifiquement pour les auditions de la
commission, que vous aviez reçu un avis du premier ministre, une demande
d'avis du premier ministre à laquelle vous avez très bien
répondu, d'ailleurs. J'ai cru savoir que M. le premier ministre
était très satisfait de votre réponse, que vous l'aviez
rencontré aujourd'hui même, d'ailleurs, sur cet avis.
Alors, je veux vous dire combien c'était important pour nous et
combien j'apprécie le fait que vous soyez allé enquêter
auprès des jeunes. Je pense que c'est assez unique comme approche, et
ça nous permet de voir que, dans vos recommandations, vous êtes
vraiment centrés sur l'expérience des jeunes. Et c'est ça
qu'on voulait entendre. On voulait entendre vos espoirs et vos incertitudes
aussi. Et vous les exprimez très bien, je pense, à
l'intérieur de votre mémoire.
Maintenant, j'aimerais ça vous poser quelques questions, surtout
au niveau des voies d'action que vous avez dégagées. Je pense que
vous nous avez très bien décrit le sondage et les
résultats. Par ailleurs, vous avez dégagé, à partir
du chapitre 3 de votre avis, sept voies d'action très
spécifiques. La première que j'aimerais aborder avec vous, c'est
sûrement la formation générale de base Alors, si je
comprends bien, vous nous recommandez de maintenir les cours
complémentaires, mais vous avez des recommandations très
spécifiques sur les cours obligatoires: le maintien des quatre cours de
français, deux cours de philo. Par ailleurs, dans cette
section-là, il n'y a pas de recommandation spécifique sur
l'éducation physique. Vous m'avez bien dit tantôt, M. Perreault,
si je vous ai compris, que les jeunes dans l'enquête ont
démontré un taux de satisfaction très élevé
de leur cours d'éducation physique. Ma première question est
celle-ci: Pourquoi les jeunes aiment-ils tellement ces quatre cours
d'éducation physique? Est-ce que vous l'avez découvert au niveau
de l'enquête? (17 h 20)
M. Perreault: L'enquête ne nous permettait pas d'identifier
les raisons pour lesquelles ils aiment ce cours-là. Mais ce qu'on peut
imaginer, c'est que ce cours d'éducation physique complète
très bien... Vous savez qu'il y a, en latin, le maxime qui dit mens sana
in corpore sano, un esprit sain dans un corps sain. Probablement qu'ils ont
tellement bien intégré cette maxime-là qu'ils
considèrent que l'éducation physique, c'est une façon de
bien compléter leur formation. Mais c'est vrai que c'est étonnant
un taux si élevé de satisfaction. Ça exprime vraiment un
besoin, chez les jeunes de cet âge-là, de pouvoir avoir
accès à un personnel compétent, qualifié pour leur
enseigner des sports qu'ils n'ont peut-être pas eu la chance d'avoir
à l'école secondaire. Pour eux, il semble que c'est absolument
essentiel de les maintenir. Le fait qu'on n'ait pas ajouté de
recommandation à cet effet-là, c'est que recommander le statu
quo, pour nous, ce n'est pas... On recommandait des changements, on ne
recommandait pas les statu quo. Donc, on vous propose de maintenir les cours
tels quels. Pour nous, c'est ce que les jeunes souhaitent et on croit que c'est
souhaitable aussi.
Mme Robillard: M. Perreault, vous savez sûrement qu'un des
objectifs des cours d'éducation physique, c'est de développer
chez la personne, chez le jeune une habitude à l'éducation
physique, que ça fasse partie de sa vie, qu'il comprenne l'importance de
l'activité physique dans la vie, donc que ça devienne une
habitude de vie. Par ailleurs, quand je regarde le questionnaire que vous avez
mis en annexe, comment expliquez-vous le taux de satisfaction si
élevé des jeunes et la réponse à la question 15
où vous demandez de façon très claire: As-tu poursuivi de
façon régulière une activité physique que tu as
développée au collège? 67,2 % des jeunes disent non.
Expliquez-moi ça.
M. Perreault: Mais on peut le prendre aussi dans le sens inverse,
c'est-à-dire que 31,8 % ont conservé une habitude sportive
acquise au cégep.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Perreault: C'est quand même un tiers qui conservent une
activité sportive. Si on compare la qualité physique de la
population en général, s'ils ont acquis, au cégep, cette
habitude-là qui est extrêmement saine et qui permet, dans une
optique économique, d'avoir une population plus en santé, on le
considère extrêmement positif. Maintenant, la question qu'on doit
se poser, c'est: Est-ce qu'il n'y a pas un problème de suivi par la
suite? Parce que même sans effort par la suite, après le
collégial, il y en a un tiers qui poursuivent leur activité
physique, il y aurait peut-être lieu, au lieu d'enlever les cours
d'éducation physique en regard de résultats qui m'apparaissent
quand même satisfaisants, pour les rendre plus satisfaisants encore,
d'établir des
suivis par la suite, d'accroître les campagnes d'information,
Kino-Québec et autres, qui pourraient solliciter les gens et les
encourager à poursuivre cette activité physique là.
Mme Robillard: M. Perreault, vous n'allez pas au moins me
demander de mettre des cours d'éducation physique crédités
à l'université, là.
M. Perreault: Bien, ils sont crédités à
l'heure actuelle.
Mme Robillard: À l'université? M. Perreault:
Non, mais...
Mme Robillard: Bien, vous me dites: II faut suivre, il faut... En
tout cas, j'ai une difficulté de compréhension par rapport
à l'objectif du cours versus le résultat. Vous, vous regardez les
31 %, moi, je dis qu'aux deux tiers l'habitude n'a pas été
acquise. En tout cas, il faudrait regarder pourquoi cet objectif-là n'a
pas été atteint.
Venons sur un autre sujet. Vous me faites aussi une suggestion sur une
activité créditée d'exploration et d'implication sociale.
Je trouve l'idée intéressante. J'aimerais ça savoir
pourquoi vous me faites la suggestion que cette activité-là soit
créditée. Prenons l'exemple du bac international, qui est de plus
en plus connu en territoire québécois, où, de fait, il y a
une activité d'implication sociale - au-delà de 150 heures
obligatoires - mais qui n'est pas créditée. Pourquoi vous faites
ce choix?
M. Perreault: C'est pour démontrer l'importance et pour
que le système d'éducation collégiale reconnaisse
l'importance d'une telle activité dans le curriculum d'une personne.
C'est-à-dire que, pour nous, cette façon-là de s'orienter
et d'expérimenter différentes expériences et
activités est une façon extrêmement valable d'être en
contact avec des réalités concrètes, soit sur le
marché du travail, soit dans certains organismes, des expériences
personnelles enrichissantes, qui permettent à l'individu de mieux se
définir, de mieux définir un projet personnel de formation et de
carrière. Pour nous, c'est tellement important que cette
activité-là soit créditée. Elle est autant valable
que d'autres cours qui ne permettent pas d'acquérir cette
formation-là, parce que c'est aussi un aspect de formation, le fait de
se connaître, de connaître ses aptitudes. Pour nous,
reconnaître la valeur de la formation d'une activité
d'exploration, c'est la créditer, et c'est pour ça que nous vous
recommandons d'y accorder l'importance en la créditant, cette
activité-là.
Mme Robillard: Maintenant, si on en vient à la
première voie d'action que vous nous tracez, qui est de maintenir les
collèges. Votre première recommandation, qui est à la page
49, est très claire sur le maintien du collège et la cohabitation
de l'enseignement préuniversitaire et de l'enseignement professionnel.
Mais, tout de suite après cette recommandation-là, dans le
paragraphe qui suit, vous nous indiquez: «l'enseignement
préuniversitaire a particulièrement besoin d'être
renouvelé». Pourriez-vous m'expliciter cette phrase que vous avez
là et me dire en quoi et comment?
M. Perreault: Je l'ai mentionné lorsque j'ai
présenté le degré de satisfaction des étudiants par
rapport à 10 aspects de la formation collégiale. Il semble qu'il
est difficile, à la lumière de notre enquête, d'identifier
précisément quel aspect de la formation préuniversitaire
doit être changé. Il semble que le degré de satisfaction et
d'insatisfaction est relativement élevé, règle
générale, c'est-à-dire qu'il y a 46,3 % des
étudiants qui étudient présentement à
l'université qui se disent peu ou mal préparés par le
collégial aux études universitaires. Ces
étudiants-là, lorsqu'on les questionne sur ce qui a fait
défaut au collégial sur les 10 aspects, il semble que
l'insatisfaction se retrouve à divers degrés, mais en proportion
importante dans à peu près tous les aspects, malheureusement. Et
pour y arriver, je ne pourrais pas vous dire: Eh bien! Voici, il y a tel aspect
précis sur lequel vous devez travailler. Mais je crois que la meilleure
façon d'augmenter ce degré de satisfaction là... Il y a
trois aspects, précisément. Donc, il y a la connaissance d'une
langue seconde, une meilleure maîtrise du français écrit et
parlé et une meilleure connaissance du choix de carrière. C'est
trois aspects précis.
Mme Robillard: Mais ces trois aspects-là, M. Perreault, je
les considère pour les deux types d'enseignement: le
préuniversitaire et le technique. Est-ce que je me trompe? Je
considère que ces trois recommandations-là que vous faites sur la
maîtrise de la langue, l'orientation, etc., c'est autant pour le secteur
technique que pour ie secteur préuniversitaire.
M. Perreault: Oui, mais ces trois aspects-là peuvent
insatisfaire davantage des étudiants universitaires que des
étudiants qui sont sur le marché du travail. Le fait qu'ils
n'aient pas acquis une bonne maîtrise du français écrit et
parlé, une bonne connaissance du choix de carrière et le
troisième élément qui est la connaissance d'une langue
seconde, pour les étudiants universitaires, ces
éléments-là sont... Peut-être qu'ils recherchent
davantage dans leur formation préuniversitaire ces
éléments-là, ce qui justifie peut-être l'importance
qu'ils accordent à ces éléments-là. Et il faut bien
comprendre que le degré de satisfaction est en regard de la
préparation à l'université.
Je ne sais pas si Hélène voudrait ajouter quelque chose
là-dessus.
Mme Simard (Hélène): Oui, en fait, comme on l'a dit
tout à l'heure, on pariait de 35 % au technique qui sont insatisfaits de
la formation qu'ils ont reçue en regard des exigences du marché
du travail, mais 46 % au préuniversitaire, ça saute encore plus
aux yeux. C'est pour ça qu'on dit que la formation doit être
davantage renouvelée. C'est surtout par rapport à la formation
qui est offerte et les exigences qu'il y a à l'université, mais
c'est vraiment les 46 % qui nous amenaient à pointer davantage du doigt
l'enseignement préuniversitaire.
Mme Robillard: Mme Simard, M. Perreault, vous nous avez
mentionné que les jeunes n'étaient pas assez impliqués
dans les différentes instances du réseau collégial et vous
avez une recommandation particulière à la page 72. J'aimerais que
vous m'explicitiez davantage la présence des jeunes au sein des conseils
d'administration des établissements. Pourriez-vous être plus
spécifique sur cette recommandation-là?
M. Perreault: Vous avez pu lire que pour nous il est important
d'associer les jeunes diplômés aussi à la révision
des programmes. On a parlé d'associer les jeunes diplômés
à la révision des programmes. On croit aussi quau sein des
conseils d'administration ceux qui ont été diplômés
depuis cinq ans auraient une contribution extrêmement intéressante
au conseil d'administration des collèges, d'une part. Donc, d'ajouter
deux étudiants diplômés, un du secteur professionnel... Je
crois que c'est ça. En tout cas, on dit: deux jeunes
diplômés du collège. Ensuite, on considère important
que les deux élèves qui sont sur le conseil d'administration
soient un du secteur préuniversitaire et l'autre du secteur
professionnel. Ça fait donc quatre jeunes qui ont vécu le
collégial ou qui le vivent actuellement qui siégeraient au sein
du conseil d'administration.
Mme Robillard: Et vous me suggérez de diminuer la
représentation des parents? (17 h 30)
M. Perreault: Oui, c'est ça. Pour conserver un conseil
d'administration qui soit facile à gérer, il faudrait
probablement aller piger dans les postes des parents qui sont présents,
qui, à notre avis, peuvent être avantageusement remplacés
par leurs enfants qui sont désormais des adultes.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Hovington): M le député
d'Abitibi-Ouest, c'est à votre tour.
M. Gendron: Je voudrais remercier, moi également,
rapidement le Conseil permanent de la jeunesse, M". Perreault ainsi que Mme
Simard, je pense, qui l'accompagne. C'est intéressant, effectivement,
que le Québec puisse compter sur une institution comme la vôtre.
Quand vous avez dit, au début, que c'était intéressant que
dans la première journée il y ait des jeunes, ce qui est surtout
intéressant, c'est que nous ayons deux conseils aviseurs de parents, ha,
ha, ha! en gros, et un conseil aviseur de jeunes. C'est dans cette
logique-là qu'on a dit: On devrait commencer par les organismes
aviseurs. Alors, très heureux que vous soyez là.
C'est sûr que vous avez choisi, vous autres, de... parce que je
pense que vous êtes représentatifs des jeunes. Et vous n'avez pas
pris de chance; au lieu de parier en leur nom, vous avez tait quand même
un échantillonnage très intéressant, parce que, quand on a
suivi une cohorte de 1500 jeunes qui ont quitté le collège, puis
qu'on a analysé pourquoi, puis ainsi de suite, c'est évident que
ça nous donne un éclairage qui, d'après moi, est
intéressant à regarder parce que ça correspond à
des réalités objectives. Dans ce sens-là, moi, je trouve
que c'est intéressant que nous prenions le temps de nous en parier un
peu puis de regarder ça.
J'ai également quelques questions. Je voudrais, dans un premier
temps, aborder quelque chose qui me paraît fondamental parce que c'est
gros. Vous dites que, dans une des questions que vous avez fouillées
auprès des jeunes, dans les raisons qui ont amené les jeunes
à échouer ou à abandonner leurs cours, vous trouvez que la
raison la plus souvent invoquée se traduit par un manque
d'intérêt et de motivation. Et ce n'est pas mince, là,
c'est 42 %, selon vous; 42 % des jeunes nous disent ou vous ont dit: J'ai
abandonné parce que je n'avais pas d'intérêt puis de
motivation.
Supposons qu'on prenne ça comme la réalité
objective. Puisque vous connaissez les jeunes, est-ce que vous seriez en mesure
de nous indiquer, à nous, là, ces parents un peu
dépassés, ce qu'on devrait retenir comme moyens pour s'assurer
éventuellement que les jeunes du collégial soient plus
intéressés et plus motivés? Là, on fait le constat,
42 %, c'est un drame mais vous n'avez pas été très
volubiles sur les moyens qui devraient être mis en place afin
d'accroître concrètement l'intérêt et la motivation
des jeunes, bien sûr en gardant les cours d'éducation physique -
j'y reviendrai, c'est un facteur. Moi, personnellement, là, j'y crois.
Moi, je vais être un défenseur du maintien de cours obligatoires,
en termes d'activités physiques, pas nécessairement parce que les
jeunes le veulent. Je dirai pourquoi je pense que c'est important. Mais
à ma première question posée.
M. Perreault: Bon, concernant cette question-là, on a
été surpris de la réponse des jeunes qui nous disaient:
Finalement, il manque quelque chose à mon cours. Le cégep, le
collège, la formation que je reçois ne m'intéressent pas,
ne me motivent pas et, dès que j'ai la chance
d'avoir un emploi, je saute dessus et je ne termine pas mon
collège. Des trois raisons pour lesquelles ils ont abandonné, la
première: je me suis trouvé un emploi durant mes études.
Donc, dès qu'il a la chance, il prend l'emploi et il laisse ses
études. Donc, un manque d'intérêt à terminer ses
études. La deuxième: je me suis rendu compte que je
n'étais pas fait pour le collège. Encore une fois, là, une
difficulté à s'insérer dans ce système
d'éducation là. Et, lorsqu'on analyse la dernière
catégorie, parce qu'on a prévu certains choix de réponses,
dans «autres», on additionne plusieurs réponses qui
concourent à dire qu'ils manquent d'intérêt ou de
motivation, il y a 12,7 % de jeunes qui, dans ces 40 % d'«autres»
là, nous ont dit qu'ils manquaient d'intérêt et de
motivation. Et ces trois raisons-là sont reliées directement ou
indirectement à un manque d'intérêt ou de motivation.
Ça a été surprenant parce qu'il y a des
idées reçues, actuellement, qui nous portent à croire que,
bon, les jeunes arrivent du secondaire avec des lacunes académiques et
qu'ils subissent des échecs scolaires, et puis qu'ils ont de la
difficulté à poursuivre leurs études. Mais ils nous
l'auraient dit s'ils avaient eu des problèmes académiques. Ils
nous auraient dit: Les cours étaient trop difficiles, je n'ai pas
été capable de suivre les cours, il a fallu que je
répartisse. Bon. Non, c'est des raisons plutôt à
caractère humain, des raisons d'orientation, des raisons
d'intérêt, et ce n'est pas des raisons académiques,
malheureusement. Ça nous a surpris au point où on se dit: Bon, le
phénomène, on l'a analysé sous l'angle suivant,
c'est-à-dire qu'ils arrivent du secondaire avec un manque d'information
sur les programmes, sur les débouchés des différents
programmes sur le marché du travail. Ils arrivent au cégep,
s'inscrivent dans un programme, s'aperçoivent que ça fonctionne
plus ou moins en fonction de leurs goûts, changent leur programme,
retardent, allongent leurs études ou bien ne savent pas trop quel
programme choisir aussi - ça arrive souvent - quel programme leur
permettrait rapidement d'intégrer le marché du travail. Grave
problème d'orientation scolaire, grave problème d'information.
À notre avis, c'est deux facteurs absolument importants dans le manque
d'intérêt et de motivation. Et le fait qu'ils manquent
d'orientation, qu'ils manquent d'information fait qu'eux-mêmes n'ont pas
d'objectif clair de formation. Quand tu n'as pas d'objectif, quand tu ne sais
pas où tu t'en vas, tu n'es pas motivé. C'est ça qui
explique le manque de motivation.
Maintenant, est-ce que le contexte économique a une influence?
Ça, notre enquête ne peut pas le révéler. Il est
clair que, si on s'embarque dans une analyse de ça, ça va
soulever des questions importantes et il y en a qui vont avoir à se
poser des questions. Ça va nécessiter probablement une action
multisec-torielle, multidisciplinaire aussi. Mais, pour nous, il est important
d'essayer de bien comprendre ça. On a une partie de la réponse.
On ne l'a pas toute, par exemple, et on dit: Ajoutez de l'aide en orientation,
de l'information et, vous allez voir, ça va changer beaucoup de choses.
Peut-être qu'Hélène pourrait ajouter là-dessus.
M. Gendron: Un instant! Je comprends bien ça, M.
Perreault, parce que, pour moi, en tout cas, à la page 42 de votre
mémoire, c'est très, très visuellement observable. Le
drame n'a pas de bon sens. C'est plus de 50 % de ceux qui abandonnent. Vous
dites: Ils abandonnent pour les trois raisons: je me suis trouvé une
job, je n'étais pas fait pour le cégep et je n'ai pas
d'intérêt, de motivation, je n'ai pas d'orientation claire. Bon,
ça va. Puis on n'a pas toute la réponse parce que c'est
là. Mais ma question n'était pas tellement là-dessus.
Est-ce qu'on doit travailler ça davantage au secondaire ou si
doit-on travailler ça davantage au collégial pour corriger cette
perception que même quand tu es rendu au niveau collégial,
à un moment donné, s'il y a une opportunité d'emploi, tu
dois sauter sur l'opportunité d'emploi plutôt que de poursuivre
tes études? Ou encore de me rendre compte, rendu au cégep, que je
ne suis pas fait pour le cégep, il y a un problème. Alors, moi,
je vous demandais: Vous, vous connaissez les jeunes, vous en avez
rencontré plusieurs, est-ce que vous croyez qu'on devrait agir d'une
façon plus - pour employer une expression privilégiée de
l'ex-ministre de l'Éducation - proactive au niveau collégial ou
au niveau secondaire?
Au niveau secondaire, je pense qu'effectivement ça n'a pas de bon
sens qu'un jeune ait les notes, soit rendu au collégial et qu'il se
dise: Non, moi, je ne pense pas que je fitte là-dedans et je ne suis pas
fait pour le cégep. Bien, il y a quelqu'un qui doit leur parler et leur
dire c'est quoi, cette bibite-là, avant qu'ils se rendent! Et, dans ce
sens-là, croyez-vous qu'il y ait plus d'actions concrètes
à être posées au niveau secondaire? Ou, sinon, on les
laisse arriver, mais dès la première session collégiale il
devrait y avoir beaucoup de mesures d'encadrement qui permettraient de leur
dire vraiment ce que c'est et que ce n'est pas vrai qu'au cégep on prend
juste des cours et un horaire. Parce que, là, la motivation, c'est
lié à l'âme d'un collège; le projet éducatif,
sentir que dans un collège il y a possibilité de trouver une
motivation qui déborde strictement de l'horaire de cours.
M. Perreault: On dit: Oui, il va falloir accroître les
efforts au secondaire. Vous avez vu, 77 % des jeunes sont insatisfaits des
services d'orientation au secondaire, 60 % terminent leur secondaire sans avoir
un choix précis de carrière. Problèmes graves au
secondaire! Cependant, on ne pourra jamais avoir des jeunes qui terminent leur
secondaire, on ne pourra jamais avoir 100 %
d'entre eux qui sauront précisément ce qu'ils veulent
faire dans la vie. Il y en a qui, à 45 ans, ne savent pas ce qu'ils
veulent faire dans la vie. Et c'est tout à fait normal.
Donc, il faut, oui, effectivement, mettre beaucoup d'efforts au
secondaire pour les aider à s'orienter, mais il faut aussi s'attendre
à ce qu'il y en ait en première session du cégep qui aient
encore besoin d'aide. C'est pour ça qu'il faut agir sur les deux plans.
Au secondaire, plus d'efforts, plus de ressources, plus de services. Au
cégep, possibilité d'exploration en première année,
des services d'aide à l'orientation, une meilleure information sur les
débouchés des programmes sont quelques-unes des mesures qu'on
propose. Mais il faut agir sur les deux plans. Vous allez voir, les
résultats devraient être très bons, mais il va falloir voir
de quel type de services ils ont besoin parce qu'il semble que les services,
oui, ils sont utilisés, oui, ils sont satisfaisants, mais il demeure
qu'il y a quand même un manque de ce côté-là.
Je pense que le manque d'information... Beaucoup disent qu'il y a des
pénuries d'emploi dans certains secteurs, mais il n'y a personne qui
peut me dire combien et dans quel type de secteur, par exemple. Est-ce qu'on
serait capables de raffiner nos méthodes pour essayer de dire plus
précisément: Voici, dans tel secteur, dans les cinq prochaines
années, il y aura pénurie? Parce que, actuellement, on lance des
grands espoirs, parfois, dans certains secteurs. Les jeunes s'engagent dans
sept ans de formation et ils arrivent au bout et il n'y a pas plus d'emploi. Et
ça, c'est extrêmement démotivant. Il faut être
très prudent.
M. Gendron: Vous êtes des tenants également de ce
que j'appellerais une meilleure évaluation des profs, on l'a vu, et des
apprentissages. Vous souhaitez être un peu plus dans le coup. À un
moment donné, vous avez posé une question à moins que je
ne me trompe sur la question des examens nationaux, parce qu'il y a une logique
à envisager des examens nationaux. Je ne le développerai pas plus
que ça, mais les jeunes l'ont vu parce que 78 % sont d'accord. Il y a 78
% des jeunes qui, à la question posée, ont dit: Nous, on
souhaiterait que les examens soient des examens nationaux. Je voudrais savoir
pourquoi vous n'en faites pas une recommandation. Pourquoi vous ne l'avez pas
recommandé, puisque vous avez l'air d'écouter les jeunes dans ce
qu'ils recommandent? (17 h 40)
M. Perreault: Je vais débuter la réponse et je
laisserai Hélène poursuivre. Les jeunes nous ont dit... O.K.
Qu'est-ce que ça veut dire, cette réponse-là à une
question qui est d'actualité comme ça? On demande aux jeunes:
Est-ce que vous êtes d'accord pour subir les mêmes examens à
la grandeur du Québec? Ils nous répondent oui dans une
très, très forte proportion; c'est pratiquement 80 %. On se dit:
Bien, à ce moment-là, ils se questionnent. Ils sont inquiets de
la comparaison entre leur diplôme et celui de leur voisin qui
étudie dans un autre cégep. Ils sont inquiets des
mécanismes et de l'évaluation qui est faite de leurs
apprentissages. Ils ont des doutes là-dessus et ils se disent... Ils
viennent de vivre le secondaire. Ils ont vécu le secondaire avec des
examens à la grandeur du Québec et, avec ces examens-là,
ils ont obtenu leur diplôme. Et ils savent qu'un examen comme ça
atteste, en quelque sorte, la qualité de leur formation. Ils ont lu
L'actualité, probablement, aussi, et ils voient bien qu'on
questionne la qualité de leur diplôme, la qualité de leur
cégep et ils se disent: Moi, j'aimerais ça avoir des garanties
par rapport à mon diplôme. Et puis, l'examen, on me propose un
moyen et je réponds oui parce que je suis inquiet par rapport à
ça et j'aimerais qu'on trouve... Et ça, ça justifie tout
à fait qu'à la suite de cette commission parlementaire là
des actions précises, concrètes, rapides soient prises pour
garantir la qualité de la formation, mais des mécanismes qui
soient près des jeunes, dans les cours, dans les programmes. Je
laisserai Hélène terminer.
M. Gendron: Non, mais c'est parce que je ne veux pas que vous...
Vous glissez, là, M. Perreault. Pourquoi le Conseil permanent n'en fait
pas une recommandation? Là, vous m'expliquez que les jeunes le veulent,
mais pourquoi, vous autres, vous n'en faites pas une recommandation?
M. Perreault: C'est parce que, voyez-vous, il nous semble - et on
a discuté un peu des différents mécanismes: organismes
externes, examens ministériels - que les différents moyens dont
on a discuté ont des effets pervers. On a vu l'examen de
français, ça a servi à classer les cégeps. Alors,
on est un peu craintifs, nous, face à ça. On dit: L'examen de
français, la première utilisation qu'on en a faite, le lendemain,
dans les médias, ça a été de classer les
cégeps par ordre d'importance, par ordre de performance. Ce n'est pas
utile pour les jeunes du tout, ça. Ce n'est pas ça,
l'utilité qu'on veut avoir à des examens ministériels.
L'utilité, c'est de garantir la formation, d'améliorer la
formation, et c'est strictement ça. Maintenant, c'est notre crainte de
voir un moyen utilisé à mauvais escient, qui fait qu'on ne s'est
pas avancés à proposer un moyen plus précis. On croit
qu'il y a des organismes experts, il y a des organismes qui sont très
compétents en la matière qui ont proposé des moyens
intéressants. Maintenant, les subtilités de ça...
Malheureusement, dans le temps, on n'a pas voulu s'avancer plus loin. Et ce
n'est pas parce qu'on ne voulait pas, c'est aussi parce que ce qui
intéresse les jeunes, très concrètement, c'est la
qualité de leurs cours, la qualité de leur formation. Et on a
voulu se concentrer sur ce à
quoi les jeunes étaient beaucoup intéressés dans
notre enquête.
M. Gendron: O.K. Je voudrais revenir sur la question d'une
meilleure maîtrise de la langue française, autant de la langue
française parlée ou écrite ou les habitudes - si je parle
comme le Conseil supérieur ou le Conseil des collèges -
langagières, développer de meilleures habitudes
langagières. Parce qu'ils nous ont dit ça tantôt, qu'ils
étaient convaincus que ça devrait être un projet de
cégep. Ils ont dit: Ce n'est pas une question uniquement d'orthographe,
de grammaire ou de professeurs de français. Et, moi, je suis assez
sensible à ça. Je voudrais savoir... Vous connaissez les jeunes.
Pensez-vous vraiment qu'un cégep qui dirait: Nous, on fait - le
cégep Garneau, c'est un exemple théorique - d'une meilleure
maîtrise de la langue française une priorité, on en fait
une priorité partout, y compris au conseil étudiant, y compris
dans les cours de philosophie, n'importe quel cours, on se préoccupe
d'une meilleure qualité de l'expression de la langue française
quand on la parle et quand on l'écrit, les étudiants seraient
très intéressés par une telle action concertée
où, dorénavant, on dirait: Ce n'est pas uniquement au niveau du
local de français et ce n'est pas uniquement un cours de
littérature, ou un cours d'orthographe, ou revenir à la
dictée de Pivot? Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Perreault: Oui. On n'a pas questionné les jeunes sur le
fait: Est-ce que vous souhaitez que ce soit une préoccupation constante
partout? Pour nous, pour améliorer la qualité du français
et offrir une meilleure maîtrise du français écrit et
parlé aux étudiants, il faudra que ce soit une
préoccupation constante dans tous les cours, ça, c'est clair, et
il faudra que les professeurs qui en ont besoin aient accès à du
perfectionnement, si nécessaire, pour aider les étudiants
à s'améliorer aussi. Et, pour nous, c'est une solution; on le dit
dans notre avis à un endroit que la préoccupation du
français doit être constante dans toutes les matières et
que les professeurs doivent être aptes, bien sûr, à le
corriger et à aider les étudiants à se perfectionner.
M. Gendron: Votre suggestion sur la... Il me reste un peu de
temps?
La Présidente (Mme Hovington): Oui, oui. Une
voix:...
La Présidente (Mme Hovington): Non, il reste un bon cinq
minutes.
M. Gendron: M. Tremblay, ne vous mêlez pas de
ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Sur votre suggestion, entre autres, d'un service de
tutorat, moi, personnellement, j'ai vécu l'expérience au niveau
secondaire. Je le répète, personnellement, je l'ai vécu
et, au niveau de l'école, ça a donné d'excellents
résultats. Je suis convaincu que ça donnerait aussi de bons
résultats s'il y avait un service de tutorat au niveau collégial.
Vous avez l'air à le suggérer: mise en place d'un service de
tutorat et de perfectionnement pour les élèves qui le
désirent. Est-ce que vous croyez qu'il y aurait une bonne collaboration
des professeurs dans cette formule-là, mais sur une base volontaire?
Parce que, moi, je ne crois pas à d'autres formules que ça. Je
veux dire, il faut vraiment que ce soit sur la base d'une formule très
volontaire que des professeurs, au lieu de donner de leur temps à un peu
plus de recherches et à des mesures d'encadrement, décideraient
de donner plus de leur temps à des mesures d'assistance, sous forme de
tutorat, bien sûr, pour les élèves qui le
réclameraient. Est-ce que vous croyez, connaissant les milieux
collégiaux peut-être mieux que moi, qu'il y aurait de l'ouverture
là-dessus?
Mme Simard (Hélène): Oui, moi, je peux vous
répondre à cette question. la présidente (Mme
Hovington): enfin, il va vous laisser parler. ça fait deux fois que
m. perreault veut vous donner la parole et le député
d'abitibi-ouest disait toujours: oui, mais... là, vous allez vous
reprendre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Non, non, vous aviez juste à la prendre,
madame.
Mme Simard (Hélène): Oui. Des voix: Ha, ha,
ha!
La Présidente (Mme Hovington): Vous avez la parole.
Mme Simard (Hélène): Alain répond
très bien, donc je n'ai pas à compléter.
M. Gendron: Vous n'avez pas de trouble avec M. Perreault, vous
n'en aurez pas avec moi.
Mme Simard (Hélène): Pour ce qui est de la
disponibilité des profs, on avait justement dans notre enquête une
question qui demandait: Est-ce que vous êtes satisfaits de la
disponibilité des professeurs en dehors des heures de cours? 75 % ont
répondu: très et assez satisfaits de la disponibilité des
professeurs. Donc, nous, ce qu'on suggère, avec l'idée de
tutorat, c'est d'organiser cette disponibilité-là des
professeurs, parce que, présentement, il en va de l'initiative
du jeune de dire: Bon, je vais aller voir mon prof; est-ce que je vais
le déranger? Alors que si, dès son entrée au cégep,
le nouvel élève est assigné à un professeur, la
communication sera donc plus facile. Les professeurs, contrairement à
l'université, n'ont pas à faire de recherches; donc ils sont plus
disponibles, il faut les utiliser davantage.
M. Gendron: Oui, moi, si je questionnais là-dessus, c'est
que... Et je suis tout heureux de votre commentaire, mais j'ai l'impression
qu'il y a trop de choses où on dirait que vous souhaitez des mesures
d'encadrement définies par de l'institutionnel pour des choses comme
ça, et je le vois moins, moi, dans l'institutionnel. Alors, je repose ma
question autrement: Qu'est-ce qui empêche les jeunes d'un collège
d'aller voir la direction, sachant justement la donnée que vous venez de
nous indiquer, qu'il y a beaucoup plus de profs qui sont effectivement d'accord
pour assister leurs jeunes, parce que, eux autres aussi, ils ont à coeur
la réussite scolaire? Ils l'ont à coeur.
Moi, j'en connais plusieurs, j'en rencontre tous les jours. Ils ont
à coeur un taux d'abandon moins élevé et un taux de
réussite plus grand, et ils savent bien qu'il y a bien des motifs
d'abandon et d'échec qui ne sont pas reliés normalement à
des considérations pédagogiques ou à des capacités
d'emmagasiner de la matière, parce qu'il y a autre chose dans la vie. Et
ce n'est pas pour rien qu'ils sont d'accord pour être là. Alors,
qu'est-ce qui fait que les jeunes ne vont pas voir les directions des
collèges, les directeurs généraux, les directeurs
pédagogiques pour leur dire: Écoutez, là, nous, on les
connaît, nos profs au collège - prenons un exemple, le
collège Garneau - et on voudrait les impliquer dans une formule de
tutorat? Et qu'est-ce qui fait que vous ne l'organisez pas, sans
nécessairement faire de l'institutionnel tout le temps partout? C'est
quoi, le problème?
Mme Simard (Hélène): Bien, je peux peut être
vous... Je vous parlais tout à l'heure de développer le
réflexe jeunesse, de développer le réflexe de consulter
les jeunes. Les jeunes ont vraiment l'impression que la direction n'est pas
toujours prête à les écouter. Et ça, on l'a
vérifié; nous, on a eu des focus groupes, on a parlé plus
librement aux jeunes. Et ça, c'est clair, c'est la situation au
secondaire, mais ce l'est encore au collégial où on n'a pas
l'impression qu'en allant voir la direction elle nous écoutera. Nous,
lorsqu'on parle de tutorat, bien sûr, la direction devra prendre
l'initiative de mettre en place un système de tutorat qui
répondra aux besoins des jeunes.
M. Perreault: Si je peux compléter, lorsqu'il y a abandon
scolaire, on est très seul, hein? C'est un acte très seul,
ça, le fait de décider d'abandonner, et c'est contraire à
la concertation et à la solidarité qui pourrait se... Mais il est
clair que ça va prendre un leadership gouvernemental et social pour
dire: Bien, voici, le problème de l'abandon, c'est un problème
grave et il faudrait que tout le monde s'y attarde avec vigueur. Je pense
qu'attendre du milieu, c'est vrai que ça peut générer des
belles initiatives, mais il faut au moins conscientiser très fortement
les collèges à l'importance de lutter contre ce
phénomène-là et mettre en place par la suite des moyens,
bien sûr, qui sont issus du milieu. Mais, d'abord, un message fort
envoyé à tous les gens du réseau collégial.
M. Gendron: Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le
député d'Abitibi-Ouest. M. le député de
Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): Oui, Mme la Présidente. Moi, je
suis un peu surpris et, en même temps, agréablement surpris parce
que votre recommandation 11 cadre très bien avec celle qui a
été faite par le Conseil des collèges, à savoir que
le nombre de cours obligatoires de philosophie soit porté de 4 à
2. Est-ce que vous vous êtes inspirés du rapport du Conseil des
collèges ou si ça vient de votre propre chef? Je vais vous dire,
il y a quelque temps, j'ai eu un commentaire d'un jeune me disant: Aïe! en
philosophie, les élèves s'en vont tous là et il n'y a pas
de problème. Le professeur nous a dit au départ: Pas de
problème, vous allez tous passer à la fin de l'année.
Alors, il a dit: On y va; les classes sont pleines, d'une part, et,
deuxièmement, on a eu un fun du diable; la semaine dernière, il
nous a passé le clip de Madonna.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Rimouski): Alors, ceci dit, est-ce que votre
proposition, vous voulez absolument qu'elle soit appliquée?
Mme Simard (Hélène): Premièrement, je vois
plusieurs questions dans ça. Premièrement, on ne s'est pas
inspirés du document du Conseil des collèges et, comme on vous
l'a démontré jusqu'à maintenant, on s'est inspirés
de l'enquête qu'on a faite auprès des jeunes. Les jeunes nous ont
dit, dans de grandes proportions, qu'il fallait diminuer le nombre de cours de
philo, qu'ils trouvaient souvent de la redondance d'un cours à l'autre,
qu'ils trouvaient la qualité de l'enseignement des cours de philo
très différente souvent d'un cours à l'autre, et cela, en
fonction du professeur. Donc, tout ça nous amène à
suggérer la recommandation 11 et, effectivement, on y tient fortement
parce que la majorité des étudiants vont dans ce sens-là.
(17 h 50)
M. Perreault: J'aimerais rajouter aussi que notre recommandation
démontre le grand sens des responsabilités de la jeunesse
québécoise, c'est-à-dire qu'on n'aime pas perdre notre
temps. Et les jeunes nous disent: Bien, écoutez, on perd notre temps
dans les cours de philosophie, réduisons-les. On a du temps
précieux, puis on aimerait le mettre à des choses urgentes,
notamment à l'apprentissage d'une langue seconde, puis les cours qui
restent, bien, resserrez un peu ça, puis rendez les objectifs plus
clairs. Ça vous démontre un peu le caractère
responsable.
M. Tremblay (Rimouski): Oui, très bien. Et, à ce
moment-là, je suis d'accord aussi avec votre recommandation 20 à
l'effet d'instituer une évaluation obligatoire des professeurs, des
enseignants et des enseignements. Ça, je pense que c'est très
important, parce que, s'il y a une évaluation qui se fait à ce
moment-là, il pourrait peut-être y avoir une remise en cause de
tout l'enseignement ou encore du professeur.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le
député de Rimouski. Alors, il ne reste plus de temps à
l'Opposition. Mme la ministre, il doit vous rester quatre, cinq minutes
peut-être.
Mme Robillard: Oui?
La Présidente (Mme Hovington): Je suis tombée
pile.
Mme Robillard: M. Perreault, j'aimerais qu'on revienne justement
sur le sujet de l'évaluation. Vous nous avez parlé beaucoup, dans
votre avis, de l'évaluation de l'enseignement, de l'évaluation
des programmes et jusqu'à l'évaluation de l'établissement.
Je n'ai pas vu ou je n'ai pas saisi si vous aviez des recommandations
spécifiques sur l'évaluation des apprentissages en tant que
telle.
M. Perreault: En fait, ce à quoi on se consacre c'est ce
qu'on vous émet, je pense, les priorités sur lesquelles vous
devez agir. Du point de vue des jeunes, c'est l'évaluation des cours et
l'évaluation des programmes. Ce qui intéresse les
étudiants, c'est de savoir et de pouvoir s'exprimer sur la
qualité des cours et la qualité de leurs programmes. Maintenant,
l'évaluation des apprentissages...
Mme Robillard: Comment eux, les jeunes, sont-ils
évalués dans le fond? C'est ça, l'évaluation des
apprentissages.
M. Perreault: Oui. Non, on n'a pas traité de cette
question-là. On l'a traitée sous l'angle plutôt d'une
classe, c'est-à-dire, dans un cours, est-ce que vous considérez
que les professeurs sont ouverts à vous faire participer au choix des
moyens d'évaluation? Mais, sur cet aspect-là, on n'a pas
creusé davantage que notre avis. Aujourd'hui, on n'a pas de
recommandations plus précises à vous émettre à cet
égard.
Mme Robillard: Parfait. Une dernière question, M.
Perreault. Si on touche à la question du financement du réseau
collégial, vous avez manifesté très clairement, je pense,
votre position sur la gratuité des études collégiales.
Est-ce que vous avez la même fermeté par rapport à une
limite à la gratuité? Vous savez, il y a certains mémoires
qui ont été déposés à la commission qui
patient d'une limite à la gratuité. Est-ce que vous avez, un, la
même fermeté que sur la gratuité en tant que telle et,
deuxièmement, vous avez ouvert la porte aussi à une participation
peut-être plus grande des entreprises. Pourriez-vous être plus
clair sur ce sujet-là?
M. Perreault: Oui, tout à fait. Ceux qui proposent une
limite à la gratuité prennent pour acquis qu'il y a un
problème dans le temps que les étudiants prennent pour
diplômer habituellement. Le problème tel qu'on le perçoit
à la lumière de la recherche qui a été produite par
la Direction générale de l'enseignement collégial et
à la lumière de notre enquête, ceux qui diplô-ment le
font dans un temps raisonnable. Maintenant, il y a une minorité
d'étudiants qui prennent un peu plus de temps pour diplômer, et
ça, c'est dû à des problèmes d'orientation.
Maintenant, nous, ce qu'on dit: Est-ce qu'on doit pénaliser des
étudiants qui n'ont pas eu accès... C'est un peu l'analyse qu'on
fait. On se dit: Ils n'ont pas accès à une information
suffisante, ils n'ont pas accès à des services de qualité
au secondaire, ils n'ont pas accès à une information de
qualité, non plus, sur les débouchés des différents
programmes collégiaux; est-ce qu'on doit pénaliser des
étudiants qui, lorsqu'ils ont un choix à faire, n'ont pas des
informations de qualité devant eux? Je me dis, moi, ici: La
société, le gouvernement et le système collégial
ont une responsabilité, avant d'être coercitifs à cet
égard-là, de donner une meilleure information à des
étudiants qui ont des choix si cruciaux à faire si tôt.
C'est ce qu'on vous dit, Mme la ministre, d'être vraiment prudents de ce
côté-là pour ne pas créer des effets pervers. Si
vous voulez accroître la scolarisation des jeunes, si vous voulez
permettre à plus de jeunes d'accéder à l'enseignement
postsecondaire et de réussir ces études-là, il faudra
être plutôt incitatifs et accompagner les jeunes dans leur
recherche d'une voie et d'une orientation précises. Pour nous, il est
clair qu'on est aussi fermes dans la gratuité, autant pour ceux qui
prennent une session ou deux sessions de plus que pour ceux qui le font en
temps requis.
Maintenant, concernant la participation des entreprises, c'est une voie
de solution. Au lieu d'accroître les revenus en imposant davantage un
fardeau aux étudiants ou aux élèves, la recherche
d'un partenariat financier avec des entreprises privées dans la
mise sur pied de programmes techniques ou d'instituts, bon, de
différents programmes, s'avère une voie extrêmement
intéressante. Des entreprises semblent être ouvertes à ce
partenariat et elles crient sur tous les toits qu'on n'a pas une main-d'oeuvre
spécialisée. Bien, il faudrait les prendre au mot et leur dire:
Bien, écoutez, soyez partenaires avec nous et on va vous en donner une
main-d'oeuvre spécialisée, mais embarquez avec nous
financièrement. C'est une façon très évidente,
à notre avis, d'accroître les revenus de l'enseignement
collégial. Et, bien sûr aussi, la lutte à l'abandon va
générer une richesse à moyen terme et à long terme,
c'est clair. Ça, si on regarde à plus long terme et d'une
façon plus globale le succès de l'enseignement collégial,
si on lutte efficacement contre l'abandon, ce sera une façon aussi de se
payer un système d'éducation qui se permet autant
d'étudiants.
Mme Robillard: Merci, M. Perreault. Il me reste à vous
remercier d'être venu nous rencontrer au nom du Conseil permanent de la
jeunesse, ainsi que Mme Simard. Je pense que le point de vue des jeunes
était fort important en ce début de commission. Nous entendrons
aussi d'autres groupes de jeunes au cours de nos travaux, dans les jours qui
suivent. Alors, un grand merci de nous avoir exprimé vos attentes par
rapport au monde adulte. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci beaucoup au Conseil
permanent de la jeunesse d'être venu faire sa présentation devant
les membres de la commission de l'éducation. C'était très
rafraîchissant, en tout cas, de vous entendre.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures ce soir.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
(Reprise à 20 h 5)
La Présidente (Mme Hovington): La commission de
l'éducation va reprendre ses travaux en recevant le Service
régional d'admission au collégial de Québec. Et
j'inviterais les représentants de cet organisme à bien vouloir
prendre place
Bonsoir et bienvenue à la commission de l'éducation. Si
vous voulez bien identifier le porte-parole et présenter les personnes
vous accompagnant.
Service régional d'admission au
collégial de Québec
Mme Chené (Louise): Bonsoir, Mme la Présidente. Je
serai la porte-parole du Service régional d'admission de Québec.
Mon nom est Louise Chené. Je suis directrice des services
pédagogiques du cégep de Ste-Foy et présidente du Service
d'admission.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, bienvenue. Vous
aurez donc 20 minutes pour nous présenter votre mémoire, et 20
minutes chaque côté de la commission. Nous avons une heure.
L'organisme Service régional d'admission au collégial de
Québec, avec Mme Louise Chené comme présidente. Alors,
allez-y de votre présentation. Vous avez 20 minutes.
Mme Chené: Si vous me permettez, Mme la Présidente,
avant de commencer j'aimerais vous présenter aussi les membres qui m'ont
accompagnée.
La Présidente (Mme Hovington): D'accord.
Mme Chené: Ce sont des membres du conseil d'administration
du Service régional. Il s'agit de M. Yves Blouin. M. Blouin est aussi
directeur des services pédagogiques du cégep
Francois-Xavier-Garneau. À ma droite, je vous présente aussi M.
Claude Maheux, qui est le directeur exécutif du SRAQ, et il est
accompagné de son adjoint, M. Marius Cyr.
Tout d'abord, Mme la Présidente, j'aimerais remercier, au nom du
Service régional d'admission de Québec, la commission
parlementaire de l'éducation pour avoir honoré notre organisme en
l'invitant à présenter devant vous aujourd'hui son
mémoire.
Nous avions bien sûr, à l'annonce de la mise en place de
cette vaste réflexion sur l'enseignement collégial,
identifié très tôt notre intérêt à
contribuer sous un angle de vision qui nous est très spécifique,
celui du passage secondaire-collégial, à contribuer, dis-je,
à la réflexion sur l'avenir des cégeps.
Notre organisme regroupe huit collèges publics,
c'est-à-dire ceux de Rivière-du-Loup, La Pocatière,
Lévis-Lauzon, Beauce-Appalaches, l'Amiante, Limoilou,
François-Xavier-Garneau et Ste-Foy et l'Institut de technologie agricole
de La Pocatière. Il assiste les collèges dans l'organisation des
opérations d'admission et, pour cela, offre des services d'information
aux jeunes et aux adultes qui se pressent à nos portes, offre aussi un
service de traitement de leurs demandes et a servi 300 000 candidats en 20
ans.
Notre mandat est étroit, nous nous préoccupons du passage,
et c'est à ce seul titre que nous nous exprimerons aujourd'hui. Notre
axe de réflexion, c'est: les chemins qu'empruntent les
élèves pour entrer dans l'enseignement supérieur. Notre
sujet, c'est: d'où ils viennent et qui ils sont et comment nous les
accueillons. Nos propositions: quelques mesures susceptibles de faciliter la
transition et leur cheminement.
Nous abordons dans notre rapport trois
thèmes: choisir une carrière et choisir un cégep;
être admis; réussir.
Choisir une carrière et choisir un cégep. Beaucoup
d'étudiants se pressent aux portes du collège. Certains sont
jeunes. Ils sont en provenance directe du secondaire. Ils sont souvent
indécis. D'autres sont des adultes. Si leur choix de carrière est
souvent plus marqué, ils connaissent bien mal le collégial et,
malgré tous les efforts d'information et d'orientation que peuvent
offrir les cégeps membres du SRAQ, malgré les efforts
accentués que le SRAQ doit faire pour rendre l'information disponible,
force nous est de constater que cette information est bien souvent
insuffisante.
Vous avez dû voir dans notre mémoire que nous proposions
alors qu'en ce qui concerne la clientèle qui nous vient directement du
secondaire les cours d'éducation et de choix de carrière prennent
toute leur place dans le curriculum et que toujours en ce qui concerne la
clientèle qui est inscrite au secondaire, jeunes ou adultes, les
services de consultation qui sont déjà sur place soient
exploités au maximum pour augmenter leur portée. (20 h 10)
II y a, par ailleurs, des adultes qui nous arrivent et qui ne viennent
pas d'institutions d'enseignement. Ceux-ci n'ont aucun accès
actuellement à des services d'information spécifique - ils sont
difficiles à rejoindre - ou des services d'orientation, ne serait-ce que
pour faire un départ d'orientation. Et, en ce sens-là, notre
mémoire aussi vous suggère que le ministère de
l'Enseignement supérieur et de la Science soutienne les initiatives qui
se développent dans l'enseignement collégial pour tenter de
répondre un tant soit peu aux besoins de ces adultes non encore inscrits
dans les collèges.
Ainsi, pensons-nous, nos futurs admis seront-ils mieux
préparés à faire leur choix de carrière et,
éventuellement, à choisir un programme. Il faut aussi qu'ils
connaissent mieux le collégial dans son ensemble et notamment les
multiples programmes techniques qui sont offerts. Encore là, les
collèges et le SRAQ sont conviés à faire des efforts
accrus. Mais nous vous recommandons d'entreprendre un large programme - nous le
voudrions décennal - de promotion de l'enseignement technique et nous
souhaitons nous y associer.
Être admissible, enfin, avant d'être admis, comporte
quelques exigences. Il faut d'abord obtenir un diplôme d'études
secondaires et réussir, s'il y a lieu, les cours préalables au
programme choisi. Dans certains cas, comme dans celui des programmes de
sciences ou de techniques biologiques, l'enchaînement de ces cours
préalables oblige l'élève à faire un choix
dès la troisième année du secondaire, ce qui nous
apparaît beaucoup trop tôt. Nous savons que le ministère de
l'Enseignement supérieur et de la Science a entrepris, avec le
ministère de l'Édu- cation, d'effectuer un élagage de ces
préalables pour ne garder que ceux qui sont pédagogique-ment
justifiables. C'est une entreprise avec laquelle nous sommes en accord total.
Mais nous devons faire remarquer que les nombreux changements qui
interviennent, certes pour le mieux, sont souvent annoncés beaucoup trop
tard pour qu'ils puissent être vraiment pris en compte dans les
cégeps et au secondaire et, en plus, ils ne sont pas appliqués
uniformément. Nous demandons donc que les préalables
identifiés comme pédago-giquement nécessaires soient
connus en temps utile et que le ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Science veille à leur application
uniforme.
Être admis, maintenant. Être admis suppose
l'évaluation de son dossier académique et rétablissement
de listes de classement. Pour les jeunes qui sont en provenance du secondaire,
ces renseignements transmis au bulletin sont suffisants et comparables. Ce
n'est pas le cas pour les étudiants qui, actuellement, sont inscrits au
secteur adulte de l'enseignement secondaire. Là, la codification des
cours et la façon de présenter les résultats
diffèrent sensiblement de ceux du secteur jeune. Il est donc difficile
de comparer et nous sommes en danger d'inéquité. Nous proposons
que le ministère de l'Éducation adopte des mesures pour rendre
comparables les connaissances acquises, les évaluations et la
façon de communiquer les résultats des étudiants qui sont
inscrits au secteur adulte du secondaire.
Réussir au cégep. Réussir au cégep, c'est
d'abord s'y présenter avec une bonne préparation. Actuellement,
le diplôme d'études secondaires peut être obtenu avec la
réussite d'un nombre minimum de 130 unités, alors que le maximum
se situe à 176. Les études effectuées dans le
réseau collégial et particulièrement celle de Ronald
Terrill du Service régional d'admission du Montréal
métropolitain, de même que les études
réalisées dans les collèges, sur l'échec et
l'abandon scolaire, tendent à démontrer que les
élèves qui sont admis au cégep avec un D.E.S. obtenu avec
le minimum d'unités ne réussissent pas. Nous recommandons donc
que le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science
détermine, pour l'accès aux études collégiales, un
seuil minimum plus élevé que celui qui est actuellement requis
pour l'obtention du D.E.S.
Enfin, réussir au cégep, c'est y trouver les mesures
d'encadrement et de mise à niveau qui assurent une transition
harmonieuse et évitent les retours en arrière. Tous les
cégeps de notre région s'y sont engagés et se situent dans
les importants travaux qui ont été entrepris au ministère
de l'Enseignement supérieur et de la Science sur cette question. Mais
nous nous permettons de dire qu'il faut que le support de ce ministère
nous soit maintenu et accentué, de telle sorte qu'au besoin on ajoute
à l'éventail déjà offert les mesures d'exploration
des programmes du collégial.
Enfin, les populations qui fréquentent les cégeps doivent
y trouver des services adaptés à leurs besoins: structure,
règle de fonctionnement, pédagogie, format devront être
assouplis. Et même si, en proposant cela, nous excédons notre
strict mandat relatif à l'admission, nous voulons, en terminant, ajouter
notre voix à celle des intervenants qui réclament plus de
souplesse et un régime pédagogique encore plus adapté.
Merci, madame.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, Mme Chené de
votre présentation. Mme la ministre.
Mme Robillard: Oui, merci, Mme la présidente. Bienvenue au
Service régional d'admission au collégial de Québec. Je
suis très heureuse que vous ayez déposé un mémoire
à la commission. Je pense qu'on connaît tous le travail que vous
faites au niveau de la région de Québec. Je trouve que vous
êtes très bien situés pour nous donner une connaissance
très concrète des réalités, des cheminements et des
dossiers scolaires et c'est, je pense, ce que vous avez tenté de faire
au niveau de votre mémoire avec des recommandations bien
spécifiques, certaines s'adressant au ministère de
l'Éducation et certaines s'adressant au ministère de
l'Enseignement supérieur et de la Science.
Alors, ma première question, Mme Chené. ANons-y donc
directement sur la question de l'admission au collégial. Je ne sais pas
si vous avez eu l'occasion d'entendre aujourd'hui les représentants du
Conseil supérieur de l'éducation qui sont venus nous parler de
leur avis en matière d'objectifs de scolarisation et de maintien de la
structure des cégeps, mais, à l'occasion du dépôt de
leur mémoire, ils nous ont fait part de certains problèmes
d'accès à l'ordre collégial et, parmi ces problèmes
d'accès, un aspect plus qualitatif d'accès qui était la
fiabilité du D.E.S., justement, le diplôme d'études
secondaires, donc à 130 unités, et les problèmes que
ça pouvait occasionner pour l'entrée au collégial. Alors,
une de vos recommandations, c'est vraiment qu'on ait un seuil minimum plus
élevé que celui requis pour t'obtention du D.E.S. J'aimerais que
vous soyez plus spécifique que ça. Quand vous me parlez d'un
seuil minimum plus élevé, qu'est-ce à dire?
La Présidente (Mme Hovington): Mme
Chené.
Mme Cherté: Je vais essayer d'être un peu plus
spécifique, Mme la ministre, et je passerai la parole ensuite à
M. Blouin, mon collègue, pour qu'il donne plus d'information.
Disons d'abord que la question du niveau de formation
différenciée des élèves qui nous proviennent du
secondaire est une question extrêmement préoccupante et qu'alors
nous avions le choix, au SRAQ, de demander que globalement le diplôme du
D.E.S. soit enrichi ou de demander que ceux qui viennent au collégial
soient requis de réussir plus d'unités, à tout le moins
pour se garantir une porte d'entrée.
Avant de passer la parole à mon collègue, j'ajouterais que
nous n'avons pas la compétence de fixer ce seuil. Nous pensons que des
études approfondies sur les problèmes relatifs à ces
élèves, des études qui sont déjà faites,
mais qui pourraient être développées, permettraient de voir
jusqu'à que! point il faut hausser les exigences globales. Mais pour
vous expliquer ce qui nous a amenés à choisir plutôt cette
voie, M. Btouin. (20 h 20)
M. Blouin (Yves): Oui. Je crois qu'il y a deux
réalités qu'il faut mettre en évidence. La
première, c'est que les élèves, en effet, sont
inégalement préparés. Si vous avez un D.E.S. à
partir de 130, et que les élèves les mieux préparés
ont un D.E.S. à 176 unités, ça fait à peu
près une année d'écart en termes de formation. Ce sont ces
gens-là qui se retrouvent dans la même classe: les 130, 140, 176.
C'est déjà un problème. C'est très
inégalement préparé.
Il y a aussi le fait qu'à 130, à notre avis, c'est
insuffisamment préparé; toutes les études le prouvent. Et
on a l'impression, des fois, qu'on joue un mauvais tour aux
élèves en leur laissant entendre qu'avec un tel degré de
préparation... Bien sûr, il y a des exceptions mais, de
façon générale, on leur joue un mauvais tour en leur
laissant entendre qu'avec ce degré de préparation ils vont
réussir leurs études collégiales, quand toutes les
études prouvent le contraire. On a l'impression, pour prendre une
expression colorée, que c'est de la chair à canon
pédagogique. Rentrez, on verra ce qui se passe, et on sait trop bien ce
qui se passe, règle générale.
Ça nous apparaît donc important de reconnaître que
ces élèves, au fond, font, règle générale,
ce qu'on leur demande. Si on leur demande d'en faire un petit peu plus au
secondaire, dans la perspective d'entreprendre des études
supérieures que sont les études collégiales, si on leur
demande d'en faire un peu plus, nous croyons qu'ils le feront. On ne leur
demande pas plus et ils font ce qu'on leur demande. Mais au-delà de la
préparation qui est objectivement un facteur important, la
préparation académique, nous voulons mettre en évidence un
autre fait. Un élève ne choisit pas d'avoir 130 unités ou
135. Un élève finit par avoir 130 unités ou se ramasse
à 130 unités. Comment? En échouant. Nous pensons que, sur
le plan de la préparation de l'attitude des élèves, c'est
tout à fait nocif. Ils échouent sans conséquence et puis,
de toute façon, les choses s'arrangeront. On l'admettra au
collégial. C'est écrit dans le règlement. Et puis il
invoque même le règlement pour dire au directeur d'école ou
aux enseignants qui voudraient l'inciter à se forcer qu'il en a assez
pour être admis au collégial, et il a raison.
C'est écrit dans le règlement.
Donc, on se ramasse à 130 unités avec échec, sans
pénalité. On ne fait pas l'expérience de lutter pour
réussir les cours, pas suffisamment, en tout cas, pour cette
catégorie d'élèves, alors qu'au collégial la
situation est tout autre. Il faut réussir ses cours, chacun des cours
qui apparaît à son programme pour avoir son diplôme. On
pense que c'est jouer un mauvais tour que de ne pas informer - et pas
simplement en termes d'information à transmettre à un
élève - mais préparer dans les faits les
élèves à faire face à cette
réalité.
Dans cette perspective, nous recommandons de tenir compte de ces choses
et d'inciter davantage les élèves à se préparer. Je
sais qu'on se questionne sur: est-ce que c'est compatible avec la mission du
secondaire? Nous savons que c'est la quadrature du cercle que de demander
à l'ensemble des élèves qui font des études
secondaires que d'être bien préparés pour aller au
collégial alors que seulement une minorité veulent y venir. Nous
pensions que c'était une façon de résoudre la question que
d'avoir deux seuils différents, que la majorité des jeunes
puissent avoir un D.E.S., que ceux qui veulent entreprendre des études
supérieures, le premier cycle d'études supérieures que
constitue le collège, et poursuivre, que ceux-là, donc, sachent
d'avance que ça prendrait peut-être un peu plus d'unités.
Combien? Comme Mme la présidente le disait, nous n'avons pas de
recommandation précise là-dessus, mais on pense que ça
pourrait être fouillé.
Mme Robillard: Si je vous saisis bien, il ne s'agit pas d'un
diplôme d'études secondaires enrichi pour l'ensemble des
étudiants. Il s'agit d'un diplôme d'études secondaires avec
certaines composantes identifiées pour l'entrée au
collégial. Est-ce que je vous saisis bien dans votre orientation?
M. Blouin: Vous avez très bien saisi. Nous croyons que si
on exigeait la même chose pour tous, y compris ceux qui ne veulent pas
faire d'études collégiales, ce serait vraiment au
détriment de la diplomation au secondaire. Mais, pour ceux qui veulent
venir au collégial, on pourrait identifier des composantes qu'ils ont
à faire et qui sont un surcroît par rapport au minimum
demandé pour obtenir un D.E.S. Vous avez bien compris, madame.
Mme Robillard: Alors, comment, à ce moment-là,
parce que dans le chapitre plus loin qui touche l'accessibilité...
comment est-ce que je concilie les recommandations un peu plus loin dans votre
mémoire, par exemple à la page 19 où vous me dites: II
faudrait s'assurer de la mise en place de mesures de mise à niveau, et
vous allez un peu plus loin, à la page 21, quand vous me dites: II faut
aussi adapter le régime pédagogique aux besoins des candidats
adultes? Essayez de me faire un tout avec ça en matière de
conciliation et de compréhension pour celui - cet étudiant,
peut-être qu'il va arriver du secondaire lui aussi - et qui aurait besoin
de cours de mise à niveau.
M. Blouin: Deux choses. D'abord, pour l'élève qui a
besoin de mise à niveau, nous savons très bien que les raisons
sont multiples et variées. Peut-être qu'il n'a pas fait un cours
qui le prépare, ce qu'on appelle un préalable à entrer
dans un programme. Nous pensons que nous devons assumer cette
responsabilité pour ne pas que les jeunes aient à choisir
à 13 ans ou 14 ans leur avenir. Deuxièmement, un
élève peut avoir une autre déficience spécifique,
et nous le mettrons à niveau. Nous pensons même que nous pouvons
contribuer à améliorer la préparation plus globalement
d'élèves faibles. Nous pensons cependant que ce serait mieux de
prévenir que de guérir. Nous le ferons, mais il nous semble que
ce n'est peut-être pas la meilleure chose que d'adapter l'enseignement
collégial pour ces individus qui, en fonction de différents
facteurs, ne sont pas prêts. Nous pensons aussi que nos
élèves du secondaire ne sont pas plus bêtes que nous
l'étions nous-mêmes en 1960 ou 1965 et nous pensons qu'ils
pourraient accepter et être mieux préparés, que ce serait
assez naturel pour eux, si simplement on le leur demandait.
Pour ce qui est des adultes, c'est un cas qui est différent. On
sait tous que la préparation peut être très diverse. Ils
n'ont pas suivi exactement le même cheminement. Nous avons l'habitude
d'essayer d'évaluer ces diplômes et d'accepter, sur la base
d'équivalences, de reconnaître que la formation est
équivalente et on pourrait continuer de le faire. Mais, pour les jeunes
qui frapperont à nos portes dans les prochaines années, il nous
semble que notre mesure serait applicable. Je pense que Mme la
présidente pourrait peut-être ajouter des choses.
Mme Chené: La simple chose que je pourrais ajouter, Mme la
ministre, c'est que nous souhaitons que nos jeunes ne se laissent pas aller
quand ils étudient. Vous savez, quand on dit que les étudiants
devraient avoir plus d'unités, ils n'auraient pas plus de cours à
suivre; ils les ont ces cours-là dans leur programme, mais ils cessent
d'essayer de les réussir parce que, entre guillemets, ils n'en ont pas
besoin. On pense qu'une jeunesse qui s'engage, qui pense s'engager dans les
études supérieures, avec l'idée que Bof! ça,
ça, on n'en a pas besoin, c'est pernicieux pour sa réussite
ultérieure. Et on pense que de fixer le seuil plus élevé
pour motiver à l'entrée, ce serait, comme le disait mon
collègue, prévenir plutôt que guérir. Mais on est
prêt à guérir aussi si c'est nécessaire pour
éviter des retours en arrière. Mais on jouerait moins le
rôle du niveau qui nous précède si des
exigences plus claires étaient identifiées et
l'expérience que nous avons, c'est que généralement, elles
sont respectées quand elles sont fixées.
La Présidente (Mme Hovington): M le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Bonjour ou bonsoir. Je suis très heureux que
vous ayez accepté de venir parce que dans le domaine où vous
oeuvrez, en termes de services que vous offrez à un bassin de
collèges, c'est quand même important parce que vous êtes pas
mal spécialisés dans l'analyse des dossiers d'admission. Je
trouvais correcte votre référence de départ en disant que
vous vous en êtes tenus à un seul élément, un
corridor très étroit qui était le passage. Alors, on va
rester dans le passage. Ce qui vous intéresse, c'est d'où ils
viennent, qui ils sont et comment vous les accueillez.
Le premier point que Mme la ministre vient de soulever, c'était
une question que je souhaitais soulever. Il me semble que vous venez de
soulever quelque chose... Il y a de quoi, là. Je ne suis pas capable de
conclure, je le dis comme je le pense, mais une chose est certaine, c'est que,
quand on jase avec des jeunes du secondaire, je ne suis pas sûr qu'on les
habitue énormément à l'effort. Je suis plutôt
sûr de l'inverse. Cependant, la difficulté que j'ai, c'est qu'un
niveau plus élevé d'unités réussies, ça ne
donne rien de plus au niveau de ce que j'appelle «la méthode de
travail qu'ils n'ont pas». Ça ne donne rien de plus au niveau du
choix de carrière que vous critiquez, avec raison. Vous critiquez avec
raison le cours Choix de carrière qui est devenu assez caricatural, au
secondaire. Puis la preuve, c'est que, quand on interroge les jeunes, ils
disent: Je ne suis pas plus avancé sur ce que je peux faire ou sur ce
vers quoi je dois m'orienter. Ça ne donne rien de plus par rapport aux
52 % des jeunes qui disent, quand ils abandonnent au collégial pour la
cohorte qui a été suivie selon le document du Conseil permanent
de la jeunesse, que c'était lié à trois
éléments: Je ne savais pas c'était quoi le cégep,
en gros, là; je ne pense pas d'être apte à des
études collégiales. Mon orientation étant
imprécise, je ne vois pas pourquoi je continuerais à m'imposer
quelque sacrifice. Et, l'autre élément qui faisait
décrocher le plus, c'est: on m'a offert une job. C'est ça que les
jeunes disaient à 52 %. (20 h 30)
Puis, moi, je mets ça par rapport à votre première
exigence, puis je n'ai rien corrigé de ces trois éléments;
comprenez-vous là? Alors, c'est un peu... J'ai ce dilemme. Et là
vous m'avez dit - c'est monsieur - que toutes les études le prouvent.
J'aimerais ça voir ça, moi, ces quelques études-là,
si c'est si clair que ça que toutes les études prouvent que si on
augmentait le seuil minimum du nombre d'unités et que dorénavant
on dise: Tu ne vas pas au collégial si tu n'as pas 140 unités...
C'est un exemple. À un moment donné, quand Mme la ministre dit:
Soyez un peu plus précis, bien, ça va finir à quelque part
puisque, actuellement, on dit qu'avec 130 unités tu as un D.E.S., tu as
un diplôme d'études secondaires. Alors, pour l'avoir, dans le
futur, on va peut-être bien dire: C'est 140. Mais c'est 140 pour
accéder aux études collégiales. C'est ça relever un
seuil.
Moi, je dis: Bien, il y a peut-être bien la petite dimension au
niveau de l'effort qu'il devra faire. Je trouve que vous êtes bien
corrects quand vous dites: II les fart pareil, ces cours-là, et on
n'augmente pas sa grille horaire au secondaire. On ne touche pas à sa
grille horaire, on dit tout simplement: Tu n'as plus le droit de presque
volontairement échapper des affaires parce que tu en as assez dans
l'ensemble pour dire: J'aurai bien en bout de ligne pareil 130 unités,
donc j'aurai un D.E.S. Et avec un D.E.S. je vais au cégep.
Mais quand, moi, je le mets en parallèle, par rapport à ce
que je viens de faire là, comment vous réagissez?
Mme Chené: D'abord, je vous dirai que vous avez raison
lorsque vous affirmez que les études ne démontrent pas qu'en
haussant le niveau du nombre d'unités acquises au secondaire on va
résoudre tous les problèmes dont vous parliez tout à
l'heure. Les études auxquelles j'ai fait allusion, ce qu'elles
démontrent, c'est que ce sont les étudiants qui entrent au
collégial avec les D.E.S. les plus faibles qui échouent ou
abandonnent en plus grand nombre. Et ça, c'est une étude
longitudinale réalisée dans un autre service d'admission, mais
sur une population étudiante inscrite dans 28 collèges.
Il y a dans la question que vous avez posée divers
éléments et chacun de nous pourra probablement répondre
plus adéquatement à l'un ou l'autre de ces
éléments, mais le mémoire du SRAQ ne présente pas
que cette mesure pour résoudre le problème. Il est clair qu'un
étudiant qui se fait offrir une job dans une période où il
n'y a pas de récession économique et où les jobs sont plus
faciles d'accès, on ne le retiendra pas malgré lui. D'autant que,
souvent, l'expérience qu'il va acquérir dans cette job va
peut-être l'aider ultérieurement.
Il y a, dans la question que vous avez formulée, beaucoup
d'éléments. Il y a la question de hausser le seuil, mais il y a
la question: Qu'est-ce qu'on fait avec celui qui est mal orienté, celui
qui n'a pas l'information - je ne sais pas ce que c'est que le cégep -
et puis des choses comme ça? C'est là que, et je repasserai la
parole cette fois à M. Cyr, ce sont des mesures d'information,
d'orientation et d'accueil que l'on suggère.
M. Gendron: O.K. Bien, si vous le permet-
tez, Mme la Présidente, puis ce n'est pas parce que je ne veux
pas que M. Cyr me réponde, on s'est bien compris. Moi, je n'essayais pas
de vous dire que vous aviez affirmé que les études dont vous
disposez règlent les quatre ou cinq problèmes que j'ai mis en
parallèle. O.K.? Donc, ce n'est pas parce que je ne veux pas de
réponse là-dessus; c'est que je ne veux pas qu'on discoure sur
des évidences que je partage autant que vous. Je ne veux pas qu'on
s'explique sur des évidences. Vous m'avez répondu. Moi, je serais
satisfait. J'aimerais mieux, si vous me permettez, poursuivre avec d'autres
questions sur votre mémoire parce que, moi aussi, justement, je veux
avoir le temps d'en jaser, parce que j'ai vu autre chose dans votre
mémoire que cet aspect-là. Je dis juste que, sur cet
aspect-là, moi, personnellement, j'aimerais ça voir
l'étude ou les études liées à ce que vous avez
soulevé, point, pas aux autres questions connexes que, moi, j'ai mises
en parallèle. On s'accorde?
Deuxième question. Comme d'autres, vous avez mentionné des
carences importantes au niveau, entre autres, de ce que j'appelle l'orientation
et l'information scolaires des élèves. Afin de corriger la
situation, vous proposez «que des mesures soient prises [...] afin de
garantir que le programme d'éducation au choix de carrière soit
dispensé dans des conditions qui en assurent l'atteinte des
objectifs». Vous avez l'air de savoir des choses qu'on ne sait pas.
Alors, j'aimerais ça que vous soyez pas mal plus précise encore
là. Qu'est-ce que vous reprochez concrètement au cours de choix
de carrière? Qu'est-ce qui ne marche pas? C'est les profs qui n'ont pas
la qualification pour le donner? C'est le désintéressement des
élèves? C'est quoi de spécifique que vous avez
observé pour porter un jugement aussi précis, mais
intéressant? Parce que, effectivement, si ça n'a pas de bon sens,
puis qu'on ne leur donne pas l'opportunité, à ces
jeunes-là, de savoir exactement quoi choisir, bien, moi, j'aimerais
ça qu'on ait les indications.
Mme Chené: Ça va nous faire plaisir de vous
décrire les constats que nous avons faits. M. Cyr.
M. Cyr (Marius): Alors, si on parle spécifiquement
d'éducation au choix de carrière...
M. Gendron: Oui.
M. Cyr: ...les problèmes que nous avons relevés
concernent, entre autres choses, l'organisation des cours et l'affectation des
professeurs qui sont chargés d'enseigner cette matière.
L'organisation des cours, d'abord. Ce cours est dispensé à raison
d'une période par cycle au secondaire, donc, souvent, une période
par neuf jours, et il y a des nombres considérables d'étudiants
avec un même professeur, ce qui fait qu'on a difficilement une
continuité là-dedans.
Un professeur rencontre facilement 200 élèves; alors, il a
de la misère à les connaître et, dans un domaine aussi
personnel que l'information scolaire, la connaissance de l'élève
est importante. Il y a une première difficulté qui est là.
D'ailleurs, ce printemps, au congrès de l'AQISEP, un représentant
du ministère nous disait qu'on s'attachait à trouver des
solutions à ce problème-là.
Le deuxième problème important à ce
niveau-là, c'est l'affectation des professeurs à cette
tâche, souvent de façon partielle. Il y a dans le réseau un
certain nombre de professeurs qui enseignent l'éducation au choix de
carrière à plein temps et un certain nombre qui l'enseignent
à temps partiel, en complément de tâche, et ça,
ça crée des difficultés parce que ces
professeurs-là sont moins bien préparés pour enseigner
cette matière et ça paraît lorsqu'on rencontre des
candidats qui veulent faire une demande d'admission au collégial. Moi,
je pourrais vous donner des exemples. Je connais un professeur qui a
été affecté, à un moment donné, à
enseigner l'éducation au choix de carrière à 8 h 30 le
matin et il a commencé ses cours à 8 h 45. C'est un exemple
extrême, mais c'est déjà arrivé. Alors, c'est de
ça qu'on parle quand on dit que l'éducation au choix de
carrière doit être améliorée.
M. Gendron: Sincèrement, ça, j'aime ça de
même parce que c'est précis, c'est clair et c'est un peu le son de
cloche que j'avais eu. Vous, vous dites que ça a été assez
repris dans les dossiers d'admission que vous avez au niveau collégial,
d'énormes plaintes concrètes concernant le cours de choix de
carrière, et vous l'avez illustré avec des exemples pratiques. En
tout cas, je suis content qu'on puisse être informés de ça.
Il me semble que ça ne doit pas être un drame d'apporter des
corrections à ça, parce que c'est revenu tellement souvent que
les jeunes souhaiteraient être mieux équipés et
informés pour, effectivement, poser le bon choix plus vite pour
éviter le découragement, et ça a une incidence sur la
non-réussite et c'est pour ça qu'on regarde ces
problèmes-là. Merci là-dessus.
Deux autres questions. Cette année, il y a eu encore une demande
accrue d'admission au niveau collégial. Le bassin montréalais a
vécu la même chose, le bassin québécois, la
région du Québec métropolitain. À un moment
donné, on a parlé d'au-dessus de 800 demandes de plus, 800 places
qu'il a fallu créer de toute urgence parce qu'il n'y en avait pas assez.
Bon, je sais qu'on a corrigé un tant soit peu ces affaires-là,
mais, selon l'information que j'ai, face au surplus de demandes, certains
prétendent encore qu'il manque de places et il n'y a pas vraiment la
place réelle. J'aimerais ça vous entendre: Comment vous avez
géré ça, ce problème-là?
Concrètement, quel type de gestion vous avez accordé à ce
problème-là? Est-ce que vous avez mis une sélection, les
«bolés» en premier et les
moins «bolés» en dernier, ou pantoute, puis on les
envoie en Abitibi ou à Chicoutimi? Comment vous avez géré
ça?
Mme Chené: Je vais essayer brièvement de vous le
dire. Nous avons appliqué nos règles habituelles de
sélection eu égard à l'obtention probable du diplôme
au préalable. Enfin, nous avons fait les mêmes analyses. Alors, on
n'a pas envoyé les moins bons ailleurs. Dès que nous nous sommes
rendu compte qu'il y avait effectivement une hausse des demandes, nous avons
mis en place un processus spécial, c'est-à-dire que nous avons
essayé de régler le problème de la hausse des demandes en
en faisant un objet de traitement régional. Les huit cégeps
concernés, parce que l'ITA ne l'était pas, se sont mis ensemble
pour se dire: Nous allons ensemble servir les élèves et,
ensemble, avec l'aide de Mme la ministre qui a accordé quelques budgets
supplémentaires là où vraiment on n'y arrivait pas, nous
sommes arrivés à résoudre le problème avec un
processus qui était un peu différent de celui que nous avions
auparavant. C'est qu'entre le deuxième et le troisième tour...
Enfin, les tours, c'est que les élèves se placent et, s'ils n'ont
pas la place qu'ils désiraient, ils ont encore la possibilité de
faire un autre choix et encore la même chose trois fois, jusqu'à
des admissions tardives. (20 h 40)
Alors, ce qu'on a fait cette fois-ci, c'est que, voyant le
problème, nous avons téléphoné à tous les
élèves qui étaient refusés dans le programme de
leur choix dans un collège pour leur dire: Ce programme que vous
désirez s'offre dans un autre cégep de la région et il y a
des places, les voulez-vous? Et ceux qui le désiraient, alors, ils
entraient dans ce collège; ceux qui ne le désiraient pas, on leur
disait: Voulez-vous transformer votre demande d'admission pour ce programme
vers une demande d'admission vers un autre programme? Et de cette
manière, en augmentant le nombre de places dans tous nos cégeps,
nous avons géré l'augmentation de clientèles de telle
manière que, cette année, dans la région, il y a eu 50
élèves de moins qui ne se sont pas trouvé de places.
M. Gendron: Est-ce que c'est vous mêmes qui faites
l'évaluation du nombre de places? En termes de prévision, chaque
année, en avril, mai, vous dites: On prévoit, en septembre
prochain... Ou, même si vous avez un service unifié d'examen et
d'admission des demandes, est-ce que ce n'est pas les collèges qui font
les prévisions?
Mme Chené: C'est ça.
M. Gendron: C'est les collèges; donc, ce n'est pas vous,
ce n'est pas votre service.
Mme Chené: Non, ce n'est pas notre service, ce sont les
collèges qui offrent les places. Mais ce sont les collèges qui
forment le conseil d'administration de ce service. Et donc, lorsqu'on
décide collectivement de faire un effort additionnel, on y arrive avec
de l'aide, Mme la ministre.
M. Gendron: Vous faites également référence,
dans votre mémoire, à des difficultés particulières
concernant l'évaluation des dossiers des adultes - dans votre
mémoire, vous dites ça - en provenance, en particulier, du
secondaire. Et vous avancez, à cet égard, dans votre
mémoire, que les responsables de l'admission doivent utiliser des moyens
détournés pour les admettre. Alors, j'aimerais que vous soyez,
encore là, plus spécifique, sans nécessairement parler en
présence de votre avocat ou pas, ce n'est pas plus sérieux que
ça. Mais à quoi vous faites référence quand vous
dites: On utilise des moyens détournés pour admettre ces
gens-là?
Mme Chené: On utilise des moyens qui ne sont pas les
mêmes que ceux qu'on utilise pour les clientèles en provenance du
secondaire jeunes.
M. Gendron: Pourquoi vous appelez ça
«détournés»?
Mme Chené: Pardon?
M. Gendron: Pourquoi vous appelez ça «des moyens
détournés»?
Mme Chené: Parce qu'on souhaiterait employer les
mêmes moyens, et M. Maheux va vous l'expliquer.
M. Maheux (Claude): Je pense qu'il revient, à la
période des admissions, à chacun des cégeps de porter un
jugement sur les dossiers des étudiants, qu'ils soient du secteur jeunes
ou du secteur des adultes. La difficulté vient principalement, du
côté des adultes donc, d'évaluer chacune des unités
qu'ils sont allés chercher. Présentement, quand on parle de
moyens détournés, on doit assurer, par des outils
différents, que ce qu'on établit dans une liste de classement qui
est une liste d'excellence dans tous les programmes pour l'admission... Et le
problème que nous rencontrons est situé au niveau des programmes
contingentés seulement. À ce moment-là, il faut
établir une catégorie d'adultes, calculer le nombre de ceux-ci
qui se sont présentés et donner un nombre de places
équivalent au pourcentage de la masse qu'ils représentent. Alors,
par ces calculs, ce que nous appelons «des moyens
détournés», nous assurons quand même
l'équité entre la catégorie de candidats qui proviennent
du secondaire ou qui sont des adultes.
M. Gendron: Merci. Dernière question, si j'ai le
temps.
La Présidente (Mme Hovington): Oui.
M. Gendron: Dans votre mémoire, à la page 23, je
voulais vous dire que j'aime bien - ce n'est pas la seule - la recommandation
que vous faites: «que le ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Science adopte un plan décennal de promotion
de l'enseignement technique afin d'établir un meilleur équilibre
entre les deux types de formation...» Moi. je pense que c'est une
excellente suggestion. Ça fait des années qu'on réclame
parce qu'il n'y a pas une meilleure vente ou un meilleur marketing qui est fait
à la nécessité qu'un plus grand nombre de jeunes
choisissent, d'après moi, ce qu'ils devraient choisir, pour des raisons
normales. On ne peut pas accéder, tout le monde, à des
études universitaires et on a besoin, de plus en plus, comme
société, de jeunes qui bénéficient d'une bonne
formation technique de niveau collégial.
Mais, sur le premier, là, j'aimerais avoir des explications parce
que je ne comprends pas. Je comprends très bien ce que vous
suggérez, mais vous dites: «Que le ministère de
l'Enseignement supérieur et la Science adopte les mesures requises pour
assurer le développement de la formation technique et l'accroissement de
la clientèle des programmes concernés, notamment ceux des
secteurs des techniques biologiques et des techniques physiques». Pour
faire cette recommandation, c'est sur la base de quelle expertise statistique
que vous privilégiez ces deux créneaux-là dans le domaine
de la formation technique plus que d'autres? Et pourquoi vous pensez que le
ministère devrait avoir une action plus spécifique envers ces
deux disciplines?
Mme Chené: Alors, M. Cyr.
M. Cyr: On parle surtout des techniques biologiques et des
techniques physiques parce que ce sont des programmes qui sont souvent moins
fréquentés par les élèves et dans lesquels le
placement est souvent excellent. Autrement dit, on pourrait accueillir
actuellement, pas dans toutes les techniques biologiques, mais dans un certain
nombre d'entre elles et dans la plupart des techniques physiques, beaucoup plus
d'étudiants qu'on en accueille, et ce, depuis longtemps, de sorte qu'on
permettrait ainsi un accès au marché du travail plus facile et
plus productif pour un grand nombre d'étudiants.
C'est volontairement qu'on parle de ces deux secteurs-là parce
que, par opposition à ça, on a beaucoup de demandes, par exemple,
en techniques humaines, et le placement n'est pas toujours aussi excellent.
Alors, il y aurait un effort à faire de ce côté-là
pour assurer le développement de la formation technique, principalement
en fonction des techniques biologiques et physiques qui offrent d'excellents
débouchés.
M. Gendron: Non, non, mais un instant là! Parlez-vous du
placement du jeune étudiant parce qu'il n'y en a pas beaucoup qui
choisissent cette option-là, donc il y a de la place en masse en termes
de places-élève ou si vous parlez de placement en termes de
marché du travail? De quel type de placement parlez-vous?
Mme Chené: En termes de marché du travail. Les
programmes de ces techniques, ce sont des programmes qui offrent de très
bons débouchés sur le marché du travail et, en ce sens, il
n'y a pas même assez d'élèves que nous recrutons pour aller
dans ces programmes, et il y a à cela une raison. Mon collègue me
faisait remarquer que ce ne sont pas des programmes dans lesquels on peut
entrer quand on a 130 unités avec le D.E.S. Ce sont des programmes qui
exigent de lourds préalables et de bonnes et larges connaissances. Et,
alors, il y a comme un effet d'enchaînement un peu vicieux qui fait qu'on
se retrouve avec des programmes qui sont de fine pointe, qui sont
adaptés à l'évolution de notre technologie, qui offrent
plusieurs possibilités d'emploi, mais où les élèves
ne vont pas.
M. Gendron: C'est une précision, madame, qu'il me
plaît énormément d'entendre, de savoir qu'effectivement
c'est en termes de placement, d'emploi, donc de travail, qu'il y a de la
demande pour ça. Vous dites: Écoutez, ces options-là ne
sont pas choisies. Donc, c'est évident que c'est logique de demander,
comme on l'a fait pour l'autre suggestion, que le ministère soit plus
agressif en termes de techniques de marketing, surtout si on fait le lien avec
les professeurs qui enseignent le choix de carrière et les conseillers
en orientation. Ils devraient être informés de ces
données-là. J'espère qu'ils le sont et qu'il y a des gens
quelque part qui s'arrangent pour que l'information circule. Moi, je vous
remercie.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le
député d'Abitibi-Ouest. M. le député de
Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): Oui, Mme la Présidente. J'ai la
même préoccupation que mon collègue de l'Abitibi quand il
parle des 130 crédits, 130 unités pour pouvoir être admis
au cégep. Alors, on a un diplôme d'enseignement secondaire qui a
été réussi de peine et de misère par l'ensemble de
nos élèves de 16 à 17 ans. Ils ont réussi à
avoir leur premier diplôme. Et vous dites: Bien, ils ne peuvent pas aller
au cégep. Ça pose un problème. Ça pose un
problème parce que, dans le rapport de l'enseignement supérieur,
on nous dit: Le Québec occupe la dernière position dans
l'ensemble des provinces canadiennes en raison du décrochage scolaire et
des transitions d'un ordre d'enseignement à l'autre,
qui ne s'opèrent pas au même âge. Alors, là,
il y a un problème de passage d'un niveau d'enseignement à un
autre, et les objectifs pour le Conseil supérieur de l'éducation,
c'est de viser à ce que, d'ici l'an 2000, au moins 85 % des
Québécoises et des Québécois aient obtenu, avant
l'âge de 20 ans, un premier diplôme d'études
secondaires.
S'il fallait suivre votre directive ou encore votre recommandation
à l'effet de hausser ne serait-ce que de quelques crédits pour
être admis au cégep, je ne sais pas si ça ne ferait pas
plus de mal que présentement. C'est mon interrogation et ça
m'interroge drôlement. Finalement, vous savez, un premier diplôme
d'études secondaires... Je le sais, il y en a plusieurs qui viennent
à mon bureau présentement, qui veulent avoir des
équivalences, qui veulent poursuivre, qui veulent avoir leur
diplôme du secondaire, et Dieu sait comment ils bûchent pour
l'avoir, toute cette clientèle-là. Là, on va leur bloquer
le cégep parce qu'ils sont juste au seuil d'admissibilité? Eh!
Mon Dieu!
Maintenant, il y a une autre chose. Le collégial nous dit: Les
collèges accueillent sans sélection tous les élèves
qui ont un diplôme d'études secondaires, qu'ils aient eu des
résultats scolaires forts ou faibles. Ah! Peut-être que le
problème est là. Peut-être qu'eux encadrent moins bien les
élèves qu'ils reçoivent, la cohorte qu'ils
reçoivent; s'ils les encadraient mieux, leur donnaient des cours
d'appoint, les aidaient, peut-être que là ça irait. Mais
déjà, de hausser de 130 ne serait-ce qu'à 140, on va
bloquer peut-être encore beaucoup plus de monde et on n'aidera
peut-être pas tout notre beau monde à accéder au moins
à un premier diplôme. Interrogation. (20 h 50)
Mme Chené: La position que le SRAQ vous recommande est
tout à fait dans la ligne de ceux qui vous disent que 85 % de la
population ou d'une cohorte devraient avoir un diplôme d'études
secondaires. C'est pourquoi nous ne nous sommes pas situés dans
l'optique de dire: II faut que tout le monde ait plus que 130. Si le
gouvernement considère que 130 unités, c'est suffisant pour
obtenir un D.E.S., c'est un choix de société que nous respectons
et qui va dans le sens de la hausse de la scolarisation et du nombre
d'élèves diplômés.
Toutefois, nous pensons que les élèves qui entrent au
collège avec un DE.S. faible, d'abord, se retrouvent souvent dans des
options qu'ils n'ont pas choisies parce qu'ils ne peuvent pas prétendre
à des options très contingentées ou, alors, c'est la force
du curriculum et la force des notes qui garantissent leur accession à ce
programme.
Donc, il y a comme un enchaînement qui nous amène à
croire que ces élèves-là partent déjà
défavorisés. Et nos études nous disent que, même
aidé, on n'arrive pas à ramasser en une session un défaut
de formation et des problèmes d'attitude par rapport à la
réussite. On y arrive peut-être pour une minorité d'entre
ces gens et on est prêts à continuer et on est prêts
à en développer encore. Mais le problème est que, si
l'élève s'est habitué à ne pas considérer
ça important de réussir les cours dans lesquels il est inscrit,
s'il gère ses études comme il ne gère pas son compte en
banque, on n'arrive pas, avec des mesures d'encadrement, à lui donner
assez d'éléments pour réussir. En tout cas, pas
actuellement, parce qu'on ne peut pas compenser des attitudes, une attitude
défaitiste, une attitude qui n'accorde pas suffisamment d'importance
à la réussite même des activités dans lesquelles on
est inscrit, c'est ça, le drame. Ce n'est pas de ne pas en avoir
réussi 130 quand on s'est inscrit à 130. Ceux qui y arrivent de
peine et de misère, que vous décrivez, ils n'ont peut-être
pas développé les attitudes de ceux qui ont suivi des cours pour
en avoir 158, pour en avoir 160. Mais ce n'est pas important de les
réussir.
Vous savez, il y a des directeurs d'école secondaire qui nous
disent: N'essayons pas de garder nos élèves en classe quand ils
ont eu leur réponse d'admission des cégeps. Ils n'ont plus besoin
de ces crédits-là.
La Présidente (Mme Hovington): II reste trois minutes
à l'Opposition. Je donne la parole à Mme la députée
des Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, Mme la
Présidente. Tout à l'heure, mon collègue faisait
état du manque de places, et vous avez expliqué d'ailleurs qu'il
y avait eu un ajout de 800 places. En fait, c'est des places, on le sait,
temporaires qui ont été ajoutées dans différents
cégeps de la région. Par ailleurs, on sait aussi qu'il y a
à peu près 300 élèves qui n'ont pas eu de place,
qui ont été refusés. Je voudrais savoir ce qui arrive avec
ces élèves-là. Qu'est-ce qu'ils font quand ils sont
refusés comme ça? Puis, par ailleurs, j'ai vu une
déclaration de M. Maheux, et j'en profite pour poser la question.
J'avais vu une déclaration dans les journaux durant l'été
et on avait l'air de dire que ce n'est pas nouveau, qu'à chaque
année il y avait un manque à gagner, en fait qu'il y avait un
manque pour 500 élèves. La moitié de ces
élèves-là n'avaient pas nécessairement les
qualifications et par ailleurs, il y en avait 250 qu'on ne pouvait pas piacer
parce qu'il y avait un manque de ressources.
Moi, j'aimerais savoir depuis combien de temps ça dure qu'on a
des problèmes de ce genre-là. D'abord, si c'est exact, cette
déclaration-là, combien ça fait de temps que ça
dure et qu'est-ce qui arrive avec ces élèves-là?
Mme Chené: Vous comprendrez que ce sont des explications
techniques qu'on va avoir plaisir à vous donner sobrement, mais qui ne
faisaient pas partie de notre mémoire.
Mme Carrier-Perreault: Non. C'est une question
d'accessibilité et, comme je suis des Chutes-de-la-Chaudière, de
la région de Québec, ça me touche et ça
m'intéresserait de connaître les explications.
M. Maheux: Alors, effectivement, pour répondre à
l'ensemble de cette question-là, à chaque année, bon an,
mal an, il y a toujours une cohorte d'étudiants, qui varie de 300
à 400 à 500 étudiants, qui sont refusés au
troisième tour et l'explication est fort simple. Alors que la
démarche d'admission est prévue pour le 1er mars, des
étudiants se présentent à nos portes, au Service
régional, pour le deuxième tour qui est, en principe,
prévu aux étudiants du premier tour qui ont été
refusés et on leur offre la possibilité de faire un
deuxième choix.
Or, des étudiants se présentent également au
troisième tour - nous sommes rendus le 5 juin généralement
- pour solliciter une place dans les cégeps alors que l'organisation des
cégeps est mise en place et que, généralement,
l'engagement des enseignants également est déjà
structuré. Alors, il arrive un certain nombre d'étudiants qui
postulent dans des programmes qui sont déjà fermés. Les
étudiants glanent leur information un peu partout et ils vont nous
adresser des demandes dans un programme fermé. Donc, si on regarde la
situation de cette année, sur les 526 étudiants - Mme la
présidente du Service régional mentionnait que c'est 50 de moins
que l'année dernière, nous en sommes fort heureux - il y en a 200
qui ne possédaient pas les qualifications, donc pour lesquels le
cégep était, de toute façon, fermé. Dans la cohorte
des 326 qui demeurent, un certain nombre, la majorité, a appliqué
dans des programmes qui étaient malheureusement fermés. On n'a
qu'à penser à techniques policières; il y en a qui
reviennent à chaque tour espérant, du jour au lendemain, qu'une
place puisse se libérer. Donc, il y a une cohorte d'étudiants
importante qui se présentent à nos portes et qui ne
possèdent pas les qualifications et une autre cohorte d'étudiants
qui ne se présentent pas dans les programmes ouverts.
Nous l'avons signalé tout à l'heure, nous avons
interpellé tous les étudiants qui ont été
refusés et nous leur avons offert un programme similaire dans un autre
cégep ou des places dans un autre programme quand l'étudiant
disait: Je veux demeurer dans un cégep en particulier. Nous sommes donc
intervenus auprès de chacun des étudiants pour faire en sorte
que, malgré les 800 places que nous avons ouvertes, grâce à
la complicité de la ministre... Nous avons fait en sorte aussi d'essayer
de trouver des places maximum à ces étudiants.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. C'est tout le temps
qu'on avait. Alors, Mme la ministre, en conclusion.
Mme Robillard: Peut-être une dernière question, en
conclusion, à Mme Chené. Je me réfère de
façon particulière aux pages 15 et 16 de votre mémoire sur
le retour aux études collégiales des candidats
cégépiens et universitaires où vous nous dites: II y a 30
% des gens qui ont déjà fréquenté le cégep
ou l'université qui y reviennent; il y a trois groupes à
l'intérieur de ça: ceux qui ont déjà
abandonné, ceux qui changent d'établissement ou de programme ou
des gens qui ont terminé à l'université ou qui sont
à l'université et qui reviennent au cégep. Ceux-là,
vous dites seulement 3 %, mais ils sont quand même là. Quand vous
me soulevez cet état de fait, est-ce à dire que c'est une
problématique pour le système d'admission?
Mme Chené: Oui, Mme la ministre. Mme Robillard:
Laquelle?
Mme Chené: C'est par ricochet que ça devient une
problématique pour le système d'admission. C'est d'abord un
problème pédagogique que je vais essayer d'expliquer. Notamment,
actuellement, dans l'enseignement technique, l'équilibre entre les
candidats en provenance du secondaire et ceux en provenance de ce qu'on appelle
les crédits collégiaux, ces élèves tendent à
se déplacer, puis, dans certains programmes, allant jusqu'à 70 %
de crédits collégiaux versus 30 % d'élèves en
provenance du secondaire, parce que les 30 % qui sont là, c'est 30 %
pour l'ensemble du collégial, et cette tendance au déplacement
est beaucoup plus lourde dans l'enseignement technique. Or, il se produit donc
que nous avons en classe des groupes très disparates
d'élèves, des jeunes qui arrivent du secondaire, pour qui la
transition est déjà compliquée, et des
élèves qui ont l'expérience du collégial ou
même de l'université et qui, plus encore, ont un programme
allégé puisqu'ils ont déjà réussi plusieurs
de leurs cours obligatoires ou complémentaires. Ce qui arrive, c'est que
la masse de ces élèves tirent la classe en avant vers des
exigences plus grandes puisque eux sont plus motivés et qu'ils ont plus
de temps. Et c'est une des raisons qui nous semblent expliquer le faible taux
de persévérance dans certains programmes techniques que nous
soulignent vos indicateurs lorsqu'on les applique aux élèves en
provenance du secondaire. Nous considérons que c'est un problème
important. D'abord, nous voudrions que cela soit analysé beaucoup plus
et que, si cette hypothèse que nous faisons s'avérait
réaliste, on imagine des manières, des cheminements qui
permettraient de servir aussi bien les jeunes en provenance du secondaire que
ceux qui ont déjà l'expérience des études
supérieures.
Mme Robillard: Parfait. Alors, il me reste à vous
remercier, Mme Chené, et à remercier les représentants du
Service régional d'admission
d'être venus aujourd'hui nous présenter ce mémoire,
et à vous remercier aussi pour l'excellente collaboration que nous avons
eue cette année avec vous dans le cadre des admissions aux cégeps
dans la région de Québec. Merci.
Mme Chené: Merci, Mme la ministre, et merci, Mme la
Présidente. (21 heures)
La Présidente (Mme Hovington): Merci d'être venus
nous présenter votre mémoire, au nom de tous les collègues
parlementaires de la commission de l'éducation. Merci et bonsoir. Alors,
j'inviterais l'autre groupe, le Mouvement pour l'enseignement privé,
à venir prendre place pendant que nous suspendons les travaux pour
quelques minutes.
(Suspension de la séance à 21 h 1)
(Reprise à 21 h 3)
La Présidente (Mme Hovington): La commission reprend ses
travaux avec le Mouvement pour l'enseignement privé,
représenté par M. Yvon Robert, président. Bonjour...
bonsoir, c'est-à-dire. M. Robert, vous êtes le porte-parole,
j'imagine. Voulez-vous nous présenter, s'il vous plaît, les
personnes qui vous accompagnent.
Mouvement pour l'enseignement privé
M. Robert (Yvon): Oui. À ma droite, Mme Denise Lapointe,
qui est première vice-présidente, parent d'élèves,
Mme Nicole Vandenberg, présidente régionale de Québec. Mme
Vandenberg, à l'extrême gauche, est aussi membre d'un C.A. de
collège public avec élèves au collégial
privé et public. Mme Michèle Melanson, présidente de la
région de Montréal, parent d'élèves au
collégial public.
Mme Melanson: Privé.
M. Robert: Privé, excusez. M. Louis Bouchard, directeur
général du Petit Séminaire de Québec. Et M. Rosaire
Legault, secrétaire général du Mouvement de l'enseignement
privé.
La Présidente (mme
hovington): bonsoir. bienvenue
à la commission de l'éducation. vous avez 20 minutes pour nous
faire la présentation de votre mémoire.
M. Robert: Mme la Présidente, Mme la ministre, mesdames et
messieurs les députés, en mars dernier, la ministre de
l'Enseignement supérieur et de la Science, Mme Robillard, demandait que
la commission de l'éducation entreprenne une consultation
générale sur l'enseignement collégial. C'est dans cet
esprit que le Mouvement pour l'enseignement privé se présente
aujourd'hui devant votre commission parlementaire spéciale sur
l'enseignement collégial.
D'entrée de jeu, nous tenons à exprimer notre accord avec
la démarche de la ministre de l'Enseignement supérieur; 25 ans
après la création des cégeps, cette réflexion nous
semble des plus pertinentes. Le Mouvement pour l'enseignement privé
célébrera son 10e anniversaire de fondation en 1993. Au fil des
ans, le Mouvement est devenu un interlocuteur privilégié de
l'État pour tout ce qui a trait à l'éducation. Nous
déposons ici notre troisième mémoire au gouvernement du
Québec, après celui de 1986 sur le financement universitaire et
celui de 1991 sur le projet de loi sur l'enseignement privé.
Le MEP parle au nom des parents. Dans le concert des groupes et des
organismes qui défileront devant la commission, cette
spécificité nous semble importante. Nos quelque 30 000 membres
sont en effet en grande majorité des parents dont les enfants
fréquentent actuellement le préscolaire, le primaire, le
secondaire ou le collégial privés. Ces enfants feront partie de
la prochaine génération de collégiens, celle justement
pour laquelle la ministre de l'Enseignement supérieur a commandé
cet exercice de réflexion collective.
Les parents membres du Mouvement ne sont pas plus fortunés que la
moyenne. Leur trait propre, c'est de placer l'éducation au sommet de
leurs priorités. Pour pouvoir envoyer leurs enfants dans l'école
qui leur paraît offrir les meilleures garanties de qualité, ils
acceptent d'être triplement taxés: en plus de payer comme tout le
monde l'impôt sur le revenu et l'impôt scolaire, ils paient aussi
d'importants frais de scolarité. Il est donc impérieux, dans la
réflexion actuelle concernant l'avenir de l'enseignement
collégial, de faire entendre leur voix. À travers les
préoccupations de nos membres, vous retrouverez, nous en sommes
convaincus, celles de l'ensemble des parents du Québec, que leurs
enfants soient inscrits dans une école publique ou dans une école
privée.
Les parents ne font pas de théorie. Lorsqu'il s'agit de l'avenir
de leurs enfants, ils deviennent terriblement pragmatiques. Aussi, allons-nous
nous en tenir à des considérations concrètes qui sourcent
de l'expérience vécue de nos membres. C'est aussi par souci de
pragmatisme que le MEP a choisi d'améliorer ce qui existe plutôt
que de se lancer dans de grandes remises en question existentielles. En
l'assemblée générale ou lors de conversations informelles,
nos membres soulèvent régulièrement des faits troublants,
ce qui les amène à en questionner les caractéristiques
fondamentales des cégeps.
Notre mémoire comptera trois parties: dans sa première
partie, il fait écho aux inquiétudes concrètes et à
leurs interrogations et établira un diagnostic de la situation; dans la
deuxième partie, nous exprimerons nos attentes d'usagers-
contribuables en matière d'enseignement collégial; la
troisième partie, intitulée «Piste pour l'avenir»,
proposera à votre réflexion une suggestion globale en trois
volets susceptible, croyons-nous, de permettre aux collèges tant publics
que privés de satisfaire aux attentes des usagers-contribuables.
Quelques faits troublants. On avait confié deux rôles aux
cégeps: démocratiser l'enseignement et assurer des apprentissages
de qualité. Effectivement, grâce à leur dispersion et
à toutes sortes de mesures, logement, transport, aide financière,
les cégeps ont amélioré considérablement
l'accès aux études postsecondaires. Ils ont aussi pris les moyens
innovateurs pour favoriser l'apprentissage chez les élèves plus
faibles. Par ailleurs, la contribution sociale des cégeps, surtout en
régions, n'est pas dédaignable. On y trouve souvent la
bibliothèque, la salle de spectacle ou la piscine de la
municipalité, et même la radio locale. Les cégeps sont un
ferment culturel important à l'extérieur des grands centres
urbains et dans leur quartier. Ils font vraiment partie du tissu social de leur
milieu.
La préoccupation première de nos membres et la raison
d'être du Mouvement, c'est la qualité en éducation. Nous
arrivons au second rôle dévolu aux cégeps, assurer des
apprentissages de qualité. Voici quelques faits troublants
soulevés par nos membres à ce propos. Quelle est la valeur
réelle du diplôme obtenu dans un cégep? Quelles sont les
connaissances acquises par son détenteur? Le ministre n'a aucun moyen de
le vérifier. De l'aveu même des deux derniers titulaires de
l'Enseignement supérieur, ils signent des diplômes en blanc.
À l'origine, le régime pédagogique précisait que
chaque cours devait comporter un examen final sous la responsabilité de
l'État. Le ministère pouvait donc en théorie
vérifier les plans de cours, les travaux des élèves, les
examens de fin de session et, au besoin, faire passer des examens nationaux.
Cela ne s'est pas fait. L'évaluation des apprentissages est devenue la
chasse gardée des professeurs, pour ne pas dire de chaque professeur, au
détriment - faut-il le préciser? - de la fiabilité et de
la crédibilité des diplômes.
Deuxième point, le décrochage est inquiétant: 40 %.
Ce n'est ni mieux ni pire qu'au secondaire, mais admettons que c'est
inquiétant. Plusieurs parents qui enseignent au collégial nous
ont dit que 60 % des élèves inscrits au professionnel
n'obtiennent pas leur diplôme d'études collégiales. Si tel
est le cas, il faudrait alors parler d'une hécatombe. Ce n'est pas sans
raison qu'on rêve de plus en plus aux anciennes écoles
techniques.
Le cégep a du mal à remplir sa mission première,
qui est de former une majorité d'élèves dans les
programmes professionnels. Le rapport Parent prévoyait 60 % des
diplômés qui seraient inscrits dans les programmes professionnels.
C'est l'inverse qui s'est produit. En 1990, 36 % seule- ment des diplômes
d'études collégiales ont été obtenus par des
élèves du professionnel, alors que cette proportion était
de 26 % dans les collèges privés. Le cégep
général a du mal à stimuler les jeunes vers la
réussite universitaire. Le cégep continue à tirer de
l'arrière par rapport au reste du continent pour ce qui est du taux de
fréquentation. À peine 30 % des jeunes de 20 ans atteignent
l'université. (21 h 10)
Pour sa part, le taux d'abandon des études postsecondaires reste
très élevé. Seulement 14,2 % des diplômés du
secondaire obtiennent un bac, soit le même pourcentage que les Noirs aux
États-Unis où la moyenne générale est de 20 %. Les
Américains visent entre 30 et 35 %; nous sommes vraiment loin du compte.
Le Québec vient aussi derrière l'Ontario et tous les États
américains environnants pour ce qui est des études de
deuxième et de troisième cycles. Loin de nous l'idée d'en
imputer la responsabilité aux cégeps seulement, mais force est de
constater que son influence tarde à corriger cette lacune
collective.
Les programmes de formation générale préparent, par
définition, aux études universitaires. C'est même leur
seule raison d'être. Là-dessus, nous aimerions citer Jacques
Bachand, directeur des études de premier cycle à
l'Université du Québec, qui disait dans un article de
L'actualité, au mois de mai 1992: «Beaucoup
d'universitaires constatent l'échec du cégep
général dans ce qu'il y a de plus essentiel, la formation
fondamentale, que le régime pédagogique associe surtout à
la philosophie et à la littérature, les deux matières que
les élèves semblent apprendre à détester au
cégep». Ancien professeur de philosophie, je peux témoigner
qu'à leur arrivée à l'université, bon nombre de
cégépiens ne savent pas qui est Descartes.
Nos professeurs disent que la plupart des cégépiens qui
leur arrivent ne savent pas écrire, n'ont pas appris à penser,
n'ont aucune méthode de travail, ne lisent pas l'anglais, ignorent ce
qu'est l'effort intellectuel. Près de 50 % échouent nos tests
d'entrée en français écrit. Les universités sont
forcées à donner des cours de français au niveau de
secondaire V. Le retour en force des adultes aux études
collégiales, cette année, n'est dû qu'à la
récession économique. Il y a dans ce phénomène un
constat d'insuffisance de la formation reçue qui s'est
révélée, à l'usage, peu adaptée à
l'évolution du marché du travail.
Beaucoup de parents remettent en question l'influence des deux
années passées au collégial pour leur enfant, en
particulier, dans le programme des sciences humaines. Le collégial fait
perdre à nos jeunes les habitudes de travail acquises au secondaire
privé, disent-ils; ayant l'impression d'être en vacances
perpétuelles, ils perdent leur élan, il s'ensuit une grande
démotivation. Nous espérons que le nouveau programme de sciences
humaines en vigueur depuis sep-
tembre dernier corrigera cette situation.
Dans les faits, les cégeps ont du mal à se faire
reconnaître par les universités. L'université fait comme si
les cégeps n'existaient pas. Les jeunes nous le disent. Il n'y a
qu'à voir. Les universités recommencent presque tout à
zéro. Introduction à ceci et introduction à cela. Ils
reprennent même les cours qu'ils imposent aux cégeps, souvent avec
les mêmes manuels pour bon nombre d'universitaires. Le cégep se
résume à deux années où on attend de devenir
adulte. Tous ces faits contribuent à entretenir chez les parents un
profond et persistant malaise à l'endroit des cégeps.
Nos interrogations. Les parents sont aussi des contribuables. Le
système collégial coûte annuellement 1 500 000 000 $; c'est
beaucoup. Comment justifier aux yeux des contribuables québécois
qu'un cégépien coûte 8130 $ par année, alors que
l'équivalent en Ontario et aux États-Unis, 13e année, est
de 5000 $ et 4000 $ respectivement. En plus de créer une couche de
bureaucrates supplémentaires, n'en sommes-nous pas venus, comme
société, à consentir aux professeurs de ce niveau un
régime universitaire pour enseigner à des jeunes en âge
d'être encore au secondaire?
Des parents s'interrogent. Les deux postulats qui constituent le coeur
même du cégep ne sont pas épargnés. D'ailleurs, le
Québec reste probablement la seule société à avoir,
entre l'écoJe secondaire et l'université, une parenthèse
collégiale. Ce fleuron du rapport Parent n'a trouvé imitateur
nulle part en Occident. Dans le reste de l'Amérique du Nord, le cours
secondaire dure une année de plus et le bac universitaire s'obtient en
quatre ans au lieu de trois. Serions-nous les seuls à avoir raison?
Par ailleurs, la frontière entre le collégial et les deux
niveaux d'enseignement n'est pas clair du tout. En dépit d'une
législation explicite, les cégeps ont du mal depuis le
début à délimiter leurs territoires. On se marche sur les
pieds au niveau des programmes et on se dispute la même clientèle.
Comme toutes ces institutions sont subventionnées, la présence
d'un niveau intermédiaire finit par coûter cher aux
contribuables.
Enfin, les parents peuvent témoigner. Le passage au cégep
est trop rapide pour que les jeunes aient le temps de développer un
véritable sentiment d'appartenance. On peut toujours, comme certains
groupes, feindre de minimiser ou même d'ignorer cet aspect, mais personne
ne nous fera croire qu'il s'agit là de quelque chose de
bénéfique. Créer un sentiment d'appartenance en deux ou
trois ans, est-ce réaliste? En tout cas, c'est un gran défi.
Le difficile ménage sous un même toit du
général et du professionnel. Cette cohabitation n'a pas toujours
existé. Dans le Québec d'avant la réforme scolaire, les
écoles techniques étaient des entités
séparées et spécialisées. C'était la
même chose dans les écoles de métiers qui étaient
séparées des écoles secondaires offrant la formation
générale. Beaucoup d'entreprises et de parents évoquent ce
passé avec nostalgie, tout cela étant porté par le beau
rêve de la polyvalence.
Au collégial général, les inconvénients de
ce ménage sont nombreux. Qu'il suffise de mentionner que les professeurs
de français et de philosophie, à qui incombe au premier chef la
formation générale, se retrouvent devant des groupes
hétérogènes, culturellement et intellectuellement. Le
jeune du professionnel, on le sait, a l'esprit plus pratique et désire
un cours concret axé sur l'apprentissage minimal de la langue. Pour ne
pas perdre une partie de leur classe, ces professeurs doivent ramener leur
enseignement au plus bas commun dénominateur. Or, qui trop embrasse mal
étreint.
Encore une fois, le poids de la réalité et du bon sens est
en train de retourner la situation. Le secondaire est quasiment revenu à
la situation d'avant le rapport Parent. Les commissions scolaires
recréent des écoles de métiers et vouent les autres
à la formation générale; même le ministère,
durant les dernières semaines, a distribué une centaine de
millions pour créer des écoles techniques à travers le
Québec.
Au collégial, parmi les institutions les mieux cotées,
figurent les collèges privés de bureautique, d'autres
institutions comme Teccart, pour l'électronique, le collège
Lasalle, pour la mode, l'École de marine, à Rimouski. Le
cégep Édouard-Montpetit est surtout reconnu pour son école
d'aéronautique qui fonctionne pratiquement comme une entité
autonome.
Les parents ne sont pas étrangers à ce que certains
bureaucrates appellent un retour en arrière. Pour notre part, nous y
voyons plutôt une renaissance qui, pour l'instant, se fait en douceur,
sans bouleversement. En Ontario, les «community colleges» qui, soit
dit en passant, célèbrent aussi leur 25e anniversaire, sont de
vrais collèges professionnels puissants, capables de faire un travail
efficace. L'argent qu'ils reçoivent sert uniquement à la
formation professionnelle.
L'insatisfaction. Le fait est là, brutal: 25 ans, les
cégeps suscitent une profonde insatisfaction dans la population. Un
récent sondage dont les résultats ont été
divulgués en septembre vient le confirmer: 66 % des répondants
souhaitent la modification des institutions en place, alors que 27 % seulement
plaident pour qu'on les maintienne dans leur forme actuelle.
Si le diagnostic fait l'objet d'un large consensus, il n'en est pas de
même pour la nature ou l'ampleur des modifications souhaitées, ni
dans la société, ni chez nos membres. Certains souhaitent
l'abolition pure et simple du collégial; pour cela, il suffirait
d'ajouter une sixième année au secondaire et une année
préparatoire à l'université. Là n'est pas la
question.
Mais comme nous l'avons indiqué au tout
début de notre mémoire, nous avons choisi, par souci de
pragmatisme, d'essayer d'améliorer ce qui existe plutôt que de
tout chambarder.
Ce que les parents recherchent. Les parents recherchent un enseignement
personnalisé. L'un après l'autre, avec une
régularité de montre suisse, les sondages le
répètent: les parents et les usagers désirent une
école à dimension humaine qui assure un bon encadrement des
élèves, qui crée une atmosphère propice à
l'étude et une bonne discipline de travail.
Les écoles publiques qui réussissent recréent cet
univers pédagogique et humains, mais, il faut bien l'admettre, ces
caractéristiques sont d'abord celles de l'école privées.
Voici ce qui explique qu'en dépit des frais de scolarité plus
élevés le nombre d'élèves fréquentant
l'ensemble du secteur privé a augmenté de 13,66 % depuis 10 ans,
alors que l'ensemble du secteur public voyait ses effectifs
décroître.
Au collégial seulement, depuis 10 ans, le nombre
d'élèves fréquentant le privé est passé de
15 000 à 19 000, soit une augmentation de 30 %, alors que les
collèges publics, pour leur part, augmentaient leur nombre de 15 %. Au
secondaire, par exemple, les résultats annuels aux examens officiels du
ministère de l'Éducation confirment, année après
année, la réputation d'excellence des écoles secondaires
privées. Il n'y a pas de tels examens au niveau collégial.
Cependant, depuis deux ans, trois classements indépendants, ceux du
magazine L'actualité, en janvier 1991 et en mai 1992, ainsi que
celui de l'Université de Montréal, en juillet 1991. placent les
collèges privés dans le peloton de tête, tant pour la
qualité de l'enseignement et de l'encadrement que pour leur performance
ultérieure à l'université. (21 h 20)
L'école coûte cher, coûte trop cher même, aux
yeux des contribuables. Or, en faisant assumer par l'usager une partie de ses
frais de formation, l'enseignement privé, en général,
épargne au Trésor québécois au moins 300 000 000 $
par année. En 1991-1992, le total de la subvention pour un
élève de collège privé, inscrit à
l'enseignement régulier, était de 3850 $. Alors, ce même
élève inscrit dans un collège public aurait
coûté environ 8000 $. C'est ainsi que les collèges
privés, avec leurs quelque 20 000 élèves, épargnent
plus de 80 000 000 $ par année aux contribuables.
Force est donc de constater que ce sont les collèges
privés qui satisfont le mieux ces exigences des usagers contribuables.
Nous ne l'affirmons pas pour décrier ou dénigrer les
collèges publics, bien au contraire; ce qui est en cause, c'est le
système démocratique qui enserre les institutions et non les
institutions elles-mêmes. En fait, la réussite du privé et
la forte reconnaissance dont il bénéficie dans le public viennent
de ce qu'il réussit à conserver des bribes d'autonomie.
La voie de l'avenir nous paraît tout aussi tracée d'avance:
étendre à l'école publique les valeurs qui inspirent
l'école privée; reprivatiser d'une certaine façon les
institutions collégiales.
Un collégial de qualité, conforme aux attentes
diversifiées et élevées des parents et des usagers,
suppose un retour aux valeurs qui animent le privé, soit l'autonomie des
institutions, le libre choix des usagers. Il faut, pour ça, un mode de
financement qui rende ce choix réel. À la faveur de la
réforme scolaire, l'État québécois est
passé, en une génération, de son rôle d'arbitre ou
d'évaluateur à un rôle de maître d'école.
Nous avons assisté depuis 30 ans à une centralisation
excessive du pouvoir sur l'école et ce, au nom de la rationalisation et
du bien commun. L'école québécoise au grand complet
souffre de cette action uniformatrice de la bureaucratie. Les cégeps en
sont une belle illustration: les directions locales ont des pouvoirs tellement
limités sur l'organisation scolaire et l'organisation
pédagoqique; la composition de son conseil d'administration et les
projets de développement doivent être approuvés par le
ministre, les programmes, décidés par la coordination
provinciale, le moins d'investissements autorisés, normes et
contrôles finissent par paralyser l'institution. C'est cette
centralisation qui est la cause première des principaux ratés de
notre sytème scolaire. À l'esprit de système et non au
monopole d'État, il faut opposer l'autonomie réelle des
institutions scolaires les plus proches des individus, les commissions
scolaires, les cégeps (si on leur donne enfin le statut de corporations
autonomes promis à l'origine), les universités et, bien
sûr, les écoles et collèges privés.
La règle est simple: le vrai responsable doit être, dans
tous les cas, le plus proche possible du demandeur de services, et c'est le
demandeur lui-même qui doit sanctionner ses décisions. Il ne
s'agit donc pas d'une simple décentralisation administrative, mais de
redonner à l'école, aux usagers et aux directions locales. Depuis
des années, tant bien que mal, les collèges privés se
battent pour préserver leurs quelques bribes de liberté et
éviter de devenir un établissement-succursale.
Il faut que l'autorité réelle sur l'orientation et
l'organisation pédagogique se trouve dorénavant dans chaque
collège, qu'il soit privé ou public.
La Présidente (Mme Hovington): Conclusion, s'il vous
plaît, monsieur.
M. Robert: En conclusion, c'est que, pour nous, ce qui peut
régler le problème, c'est un mode de financement centré
sur l'individu. Au fond, le pas à franchir n'est pas si grand.
L'État reconnaît déjà que sa subvention pour
l'enseignement est rattachée à l'élève et non
à Tins-
titution. L'idée n'est pas nouvelle. Beaucoup d'États
américains, comme le Vermont, ont adopté le bon
d'éducation depuis longtemps. Par ailleurs, des groupes aussi
sérieux que la Commission royale sur l'union économique et les
perspectives de développement du Canada (rapport Mcdonald) ont
prôné exactement la même chose.
L'instauration du bon d'éducation ne posera pas de
problème administratif grave au collégial et pourra être
ensuite applicable à tout le système.
Pour l'essentiel, notre position tient au principe suivant: Quels que
soient les moyens utilisés pour assurer un financement équitable
pour tous les usagers, ce financement devra toujours être
conséquent avec le respect de la liberté de choix des individus
et l'imputabilité du fournisseur de services. Le juste soutien financier
associé au choix de l'usager constitue encore la meilleure garantie de
qualité de l'école, la meilleure évaluation de ceux qui la
font. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Robert. Mme la
ministre.
Mme Robillard: Oui. M. Robert, je trouve qu'avec le diagnostic
que vous faites - parce que vous l'intitulez comme ça, votre premier
chapitre «le diagnostic» - le diagnostic sévère que
vous faites, parce que vous soulevez beaucoup de problèmes de fond, je
suis même très surprise de votre conclusion ou même de votre
point de départ qui dit que le Mouvement de l'enseignement privé
choisit d'améliorer ce qui existe plutôt que de se lancer dans de
grandes remises en question existentielles. Je veux bien croire que vous
êtes pragmatique, c'est ce que vous m'avez dit, mais quand je suis tout
le diagnostic que vous émettez par la suite, j'ai de la
difficulté à comprendre votre point de départ. Essayez
donc de m'expliquer ça.
M. Robert: Je pense bien que ce qu'on a dit au point de
départ, c'est qu'on a essayé... Comme on dit, on n'est pas des
spécialistes, on n'a pas fait d'enquête sociologique. On a
simplement écouté, à l'occasion, de grands dossiers qui
ont été déposés sur les cégeps depuis une
couple d'années. Quand on pense au dépôt du classement, par
exemple, de la revue L'actualité, à la table du conseil
d'administration, ça a amené des interrogations, des discussions
par rapport à toute la question d'évaluation. À un moment
donné, à ce moment-là, il s'est posé des questions
sur l'évaluation, et je pense qu'on les traduit ici. On a aussi pris
connaissance de la déclaration de M. Ryan à ce sujet-là,
de la vôtre à un moment donné, sur le fait que les
diplômes étaient émis au nom du ministre sans aucun
contrôle. Les ministres successifs ont avoué qu'ils ne pouvaient
pas avoir de contrôle sur les diplômes qui étaient
émis.
Mme Robillard: On va revenir sur le diagnostic. M. Robert. On va
revenir sur certains éléments, là, certains avec lesquels
je ne suis pas d'accord avec vous. J'ai pu me prononcer dans ce sens-là.
Mais, ma question c'est que vous posez un diagnostic lourd,
sévère, négatif et vous concluez qu'on doit les maintenir,
les cégeps. Expliquez-moi ça.
M. Robert: C'est que les parents ont choisi de faire le
diagnostic en disant: On est capables de faire ça. C'est ce qui s'est
dit au conseil: Ça, on est capables de faire ça. C'est pour
ça que ça peut paraître sévère. C'est un
cumul de tout ce que les différentes personnes, les expériences
qu'elles ont pu vivre... Là, par exemple, quand on parle du
décrochage au sujet des programmes professionnels, je pense que c'est un
cumul de constats de réalités.
Maintenant, les parents se sentaient peut-être moins bien
outillés, la majorité des gens du conseil d'administration, pour
établir des remèdes. On a dit: On va y aller davantage en termes
d'interrogations puis, une des solutions - on a peut-être passé un
petit peu vite - c'est qu'on disait c'est peut-être de rendre les
collèges plus autonomes puis, d'une certaine façon, plus
compétitifs. C'est un peu ce qu'on dit dans notre conclusion en disant:
Est-ce que... À un moment donné, en rendant les usagers plus
critiques dans leurs choix et leur donner plus de moyens de faire ces
choix-là. C'est dans ce contexte-là qu'on a dit: On va
plutôt y aller... Et vous allez me dire que, quand on est venus à
la commission sur l'enseignement universitaire, on a prôné
à peu près la même chose en disant... Et ça, on ne
l'a pas inventé, on s'est inspirés du rapport Mcdonald. On s'est
inspirés aussi du rapport Gobeil parce que ce n'est pas des choses qu'on
a inventées, c'est des choses qu'on a lues, autant dans le rapport
Mcdonald que dans le rapport Gobeil, qu'une des façons
d'améliorer la qualité en éducation, c'était de
rendre le système plus compétitif et de donner plus de pouvoir
à l'usager.
Mme Robillard: Bon, parfait. Alors, revenons au diagnostic, M.
Robert. Tout au long de ce chapitre-là, j'ai de la difficulté
à vous saisir. Est-ce que vous parlez du cégep ou vous parlez de
l'enseignement collégial? Je m'explique. Je pense qu'il est très
clair que les collèges privés dispensent aussi de l'enseignement
collégial. Le régime pédagogique, comme vous le savez,
s'applique aussi aux collèges privés. Donc, quand je lis votre
diagnostic, est-ce que je dois lire, par exemple, à la page 6, est-ce
que je dois lire que la ministre signe des diplômes en blanc des
collèges privés?
M. Robert: On est d'accord.
Mme Robillard: C'est ce que vous nous dites.
M. Robert: Oui.
Mme Robillard: Je dois lire ici que les collèges
privés ont de la difficulté à se faire reconnaître
par les universités.
M. Robert: Dans certains cas, ça peut arriver. Ça
peut arriver. Il y a aussi des problèmes qui sont peut-être moins
grands parce qu'il existait une tradition entre certains, la plupart des
collèges privés et les universités, les traditions, versus
les facultés des arts et l'arrimage qui existait dans le passé.
C'est peut-être plus facile à ce niveau-là, mais il pouvait
aussi exister des problèmes, mais pas du même ordre. (21 h 30)
Mme Robillard: Et quand vous dites, à la page 11, que le
passage au cégep... C'est pour ça que j'avais une certaine
confusion. Le passage au cégep est trop rapide pour que les jeunes aient
le temps de développer un véritable sentiment d'appartenance. Je
dois lire aussi le passage au collège privé est trop rapide.
M. Robert: Mais, par tradition, si on regarde la plupart de nos
collèges privés, pas la totalité, mais une majorité
offre aussi le secondaire, dans plusieurs cas. Et même cette
année, il y a même un de nos collèges qui a commencé
à offrir le secondaire, puis je ne dis pas que l'ensemble... mais on
trouve... les parents - parce que je pense que c'est une position de parents -
qui trouvaient courte la période de deux ans. Et si on regarde le Petit
Séminaire de Québec, si on regarde le Collège
français, il y en a un certain nombre comme ça qui ont aussi du
secondaire, puis aussi du collégial dans la même institution. Dans
la région de Montréal, il y en a quelques-uns comme
ça.
Mme Robillard: Oui, ce n'est pas la majorité quand
même.
M. Robert: Ce n'est pas la majorité.
Mme Robillard: Ce n'est pas la majorité. Donc, quand vous
me parlez aussi du difficile ménage sous le même toit du
général et du professionnel, qu'est-ce que je dois comprendre des
collèges privés qui ont développé le professionnel
et qui tentent encore de le développer?
M. Robert: C'est qu'actuellement, ce qu'on vous expliquait, on a
essayé de - comment est-ce qu'on dirait bien ça - l'expliciter en
montrant comment nos collèges privés avaient surtout
développé une ou l'autre des tendances. Actuellement, c'est bien
sûr qu'il s'est développé du professionnel, mais pas du
même type, parce qu'on a donné comme exemple certains de nos
collèges privés qui ont su se faire reconnaître davantage
parce qu'ils ont donné une formation plus pointue. On pense à
l'exemple qui est cité ici en informatique ou le collège Lasalle
en mode. Vous avez le collège Teccart au niveau de l'audiovisuel ou, si
vous voulez, l'électronique - on a donné des exemples - alors que
dans des collèges qui sont représentés ici,
peut-être que M. Bouchard pourrait vous en parler mieux que moi. Lui, il
est directeur d'un collège où c'est l'enseignement
général qui est majoritaire.
Mme Robillard: Je le sais. Mais ce que je voulais soulever, c'est
qu'il y a des collèges, Brébeuf, par exemple, qui ont des
techniques professionnelles.
M. Robert: Mais il y en a très peu.
Mme Robillard: II y a Laflèche. Mais ce que je veux dire,
c'est qu'il y a des collèges privés qui ont des options
professionnelles, et certains veulent encore en développer davantage.
Donc, vous me parliez de l'inconfort de vivre les deux ensemble, j'essayais de
voir si c'était aussi la même réalité pour les
collèges privés.
Vous me dites - ce que je retiens, M. Robert - c'est que partout dans le
diagnostic où c'est écrit cégep, je peux lire aussi
collège privé.
M. Robert: En partie. En partie.
Mme Robillard: Qu'est-ce qui n'est pas vrai pour le
collège privé?
M. Robert: Quand vous me parlez du professionnel, au
collège privé, on a... Vous avez raison de dire qu'il y a des
collèges comme Brébeuf qui ont essayé de développer
quelques options professionnelles, mais, ordinairement, il n'y a pas ce qu'on
appelle du professionnel lourd qui s'est développé dans nos
collèges privés de la même façon que ça s'est
développé dans le réseau public. C'est simplement
ça qu'on voulait dire. Quand vous retrouvez... Nous autres, on a... Il y
a des gros collèges privés qui se sont fait une
spécialité de développer du professionnel alors que, dans
les autres, c'est peut-être plus la tradition qui a continué en
ajoutant quelques options professionnelles, mais pas dans le secteur des
options lourdes. Donc, ce n'est pas le même phénomène.
Mme Robillard: Mais ce que vous me dites dans la partie
diagnostic - et je me répète - c'est que les problèmes qui
sont là sont aussi les problèmes des collèges
privés. Ce ne sont pas strictement les problèmes de cégeps
publics, que ce soit le problème des diplômes, le fait
d'être reconnu par les universités. Vous m'avez répondu oui
à chacune de ces questions.
M. Robert: Au niveau du décrochage, on
n'avait pas d'études pour diviser public et privé. En tout
cas, ça ne nous a pas été produit. Quand on parle de
décrochage, tout ce qu'on a pu évaluer, c'est de faire une
évaluation à partir des gens qui avaient vécu une
expérience.
Mme Robillard: Mais, à ce moment-là, M. Robert, on
pourrait très facilement... parce que vous avez cité des
classements de L'actualité. Vous me permettrez d'avoir un grand
point d'interrogation sur ces classements. Peut-être que je me
référerais davantage aux indicateurs publiés par le
ministère de l'Enseignement supérieur, dont vous n'avez pas fait
mention non plus, et qui nous indiquent très clairement aussi la
sélection qui est faite à l'entrée de certains
collèges privés comme de certains collèges publics, et qui
expliquent les cotes de réussite. Je pense qu'il faut mettre ça
dans son ensemble. Ceci étant dit. M. Robert, vous soulevez, je l'ai dit
au point de départ, des problèmes importants, des
problèmes de fond. Vous émettez un diagnostic
sévère et, au terme de ça, ce que vous me proposez pour
régler ça, si je comprends bien, c'est l'autonomie des
institutions, le libre choix de l'usager et le mode de financement
centré sur les individus. Moi, j'ai l'impression que les trois solutions
que vous me donnez, même si je les mettais en application demain matin,
ne règlent pas tous les problèmes que vous m'avez soulevés
au point de départ. J'ai de la difficulté à voir le lien.
Essayez de m'expliquer ça.
M. Robert: Je pense bien que quand on parle de ces trois
solutions-là, c'est qu'on se réfère aussi à
d'autres études. On a déjà fait des recherches au niveau
de l'enseignement privé, et je pense que ça a été
fait aussi en regardant l'ensemble du système d'éducation. On
s'est posé la question: Quels sont les facteurs qui influencent le plus
la réussite en éducation? Un des facteurs qui a été
jugé déterminant - et, ça, ça a été
fait aux États-Unis sur un très grand nombre d'écoles -
ça a été le degré d'autonomie qu'on pouvait donner
à une institution, le dynamisme qu'on pouvait susciter à partir
de ça à l'intérieur du corps professoral, le leadership
que pouvait exercer la direction étaient des facteurs très
importants sur la performance et les résultats qu'une institution
pouvait obtenir. C'est dans ce contexte-là simplement qu'on dit: C'est
peut-être pas des remèdes qui vont agir rapidement, mais on a
l'impression, actuellement, surtout au niveau collégial, qu'on a
créé tout ce qu'il fallait pour donner de l'autonomie aux
institutions. On a doté tous nos cégeps du Québec d'un
conseil d'administration, de structures, sauf que la plupart des pouvoirs sont
restés centralisés à Québec. Un des facteurs qu'on
n'a pas... C'est dans ce contexte-là qu'on pense qu'ayant plus
d'autonomie, donc, par le fait même, on va avoir plus de
responsabilités. C'est ce qui devrait, à notre sens, donner des
résultats plus importants, parce que je ne pense pas qu'on puisse se
tromper autant que ça.
Ça fait 25 ans qu'on applique la méthode de la
centralisation, et on voit les résultats que ça a pu donner. Je
pense qu'on pourrait faire confiance au milieu et lui donner la chance de
créer plus de dynamisme, parce que je pense que les gens se sentent pas
mal écrasés par le système, et les initiatives qu'ils
peuvent prendre ne sont pas tellement grandes. S'ils se retrouvent en
compétition, vous allez voir qu'ils vont devenir pas mal plus
créatifs. C'est ce qu'on a vécu dans beaucoup de nos
écoles privées qui ont été en difficulté
depuis quelque temps parce qu'en compétition avec le système
public, elles ont dû trouver des moyens, développer de nouveaux
programmes pour rester en vie et continuer à offrir des services. C'est
dans ce contexte-là, simplement, qu'on pense que les remèdes
qu'on propose devraient donner, à court terme, des résultats.
La Présidente (Mme Hovington): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, Mme la Présidente. Je veux saluer M.
Robert, que je connais depuis plusieurs années, ainsi que toute son
équipe du Mouvement de l'enseignement privé. Objectivement, moi,
je vous reconnais, M. Robert, énormément de mérite comme
ardent défenseur du secteur privé. C'est votre droit le plus
sacré, et je n'ai pas de trouble avec ça, mais j'ai du trouble
avec un mémoire comme ça par exemple. Je ne suis pas sûr
que vous serviez très bien, ce soir, la cause du Mouvement
privé.
Je veux bien croire que parfois, dans la vie, on dise que c'est dans les
positions extrémistes qu'on réussit à voir un peu la
vérité au centre, mais, il y a un vieil adage populaire qu'on
emploie chez nous: Trop fort casse. Là, il me semble que vous ayez
dépassé les bornes, sincèrement, je ne peux pas le dire
autrement. Oui, trop fort casse. À force de trop en mettre, à un
moment donné, on perd toute crédibilité. Écoutez,
moi, je ne suis pas ici pour défendre à mort les cégeps,
mais je ne peux pas accepter qu'un organisme de votre réputation, quand
même connu, public, crédible, dise dans une phrase: Moi, je suis
pragmatique, je suis réaliste, les cégeps existent, et il ne
s'agit pas de les remettre en question, mais plutôt d'essayer d'en tirer
le meilleur usage possible. Je vous dis qu'ils font dur en étoile, les
cégeps, quand on finit de lire votre mémoire sur la
problématique et sur l'analyse, douteuse en ce qui me concerne,
très douteuse.
Je vais juste prendre quelques exemples parce qu'à un moment
donné, ce n'est pas parce qu'on est en commission... Nous, on va
respecter tous les gens, ce qu'ils vont venir nous dire, mais encore faut-il
qu'il y ait des choses qui
soient un peu étoffées et correspondent aux faits.
(21 h 40)
Alors, là, moi, je regarde entre autres deux faits qui me
fatiguent énormément, et ce n'est pas nécessairement le
bout sur les Noirs, que je n'aime pas bien, bien, mais quand vous dites: Les
parents, puis vous insistez beaucoup sur les parents, M. Robert, et c'est votre
droit, mais juste une minute, au niveau du sondage, page 8, vous indiquez... Un
instant, je veux être sûr de ce que je dis. Ce n'est pas la page 8,
je l'avais tantôt. Quand vous faites référence au sondage,
là.
La Présidente (Mme Hovington): Un récent sondage
rapporte que 66 % des répondants...
M. Gendron: C'est ça, c'est quelle page? La
Présidente (Mme Hovington): Page 14.
M. Gendron: Page 14, bon. Alors à la page 14 dans votre
sondage, vous dites... Voilà, c'est parce que je voulais être
sûr des faits. «Un récent sondage commandé par la
Fédération des cégeps, dont les résultats ont
été divulgués le 16 décembre dernier, vient de le
confirmer encore une fois: 66 % des répondants souhaitent la
modification des institutions collégiales...» J'ai le même
sondage, je l'ai ici moi, la même date, la même chose, et je ne
suis pas capable de trouver ça. Je vais vous lire des paragraphes du
sondage, pour le bénéfice des membres de la commission et des
gens qui nous écoutent: Pour 77 % des Québécois et des
Québécoises, les cégeps offrent une formation de
qualité; 75 % d'entre eux estiment que les cégeps offrent
également des services de qualité et qu'ils assument bien leur
rôle. Ah! Bref, selon 82 % des gens, ce fut une bonne idée de
créer le cégep il y a 25 ans. Un taux de satisfaction nettement
à la hausse. Si on compare ces résultats avec ceux d'un autre
sondage réalisé en 1986 par la firme SORECOM, le taux de
satisfaction de la population à l'endroit des cégeps a
considérablement augmenté. Puis c'est de même sur toute la
ligne: 78 % des personnes interrogées apprécient la
variété des programmes offerts au niveau collégial,
comparativement à 68 % avant. Une bonne préparation pour
l'avenir; 68,4 % des répondants trouvent que les cégeps
préparent plutôt bien les étudiants et les
étudiantes.
Des établissements accessibles. 80 % des personnes
interrogées - le pourcentage était le même en 1986 -
trouvent que les cégeps sont très accessibles pour les jeunes, ce
qui n'était pas le cas auparavant. Les répondants au sondage
Léger ont une bonne opinion des professeurs de cégeps; ils
apprécient particulièrement leur compétence et leur
disponibilité. 79 %.
J'ai des problèmes quand je lis ça, puis qu'on dise que
nos professeurs disent que la plupart des cégépiens qui leur
arrivent ne savent même pas écrire, n'ont pas appris à
penser - ça commence à être sérieux comme
accusations - n'ont aucune méthode de travail, ne lisent pas l'anglais
et ignorent complètement ce que c'est qu'un effort intellectuel.
Ça commence à être «rough».
Alors, juste une minute. Je dis: Sur le diagnostic, il me semble, M.
Robert, que la chaudière est pleine, et je ne peux pas accepter que vous
disiez: Écoutez, c'est une institution qui est là pour demeurer,
mais pendant 12 pages, vous les ramassez comme ce n'est pas possible. Je
répète, encore là avec des statistiques que je trouve
douteuses sur le plan des faits. Le dernier élément, entre
autres, sur le pourcentage quand vous nous comparez aux Noirs de l'Alabama et
je ne sais pas d'où, là: Qu'on en juge, seulement 14 % des
diplômés du secondaire obtiennent un bac, soit le même
pourcentage que les Noirs aux États-Unis. Ce n'est pas le chiffre qu'on
a, nous. Je ne suis pas content du chiffre, j'aimerais mieux qu'il soit plus
haut, ça je suis honnête. Le chiffre qu'on a, c'est 16 %. Eh bien
2 %, quand on connaît ce que ça peut représenter comme
clientèle qui fait le passage du collégial à
l'université, j'aime mieux l'avoir dans ma poche, ce 2 %, dans
l'évaluation que je fais, plutôt que de ne pas l'avoir. Et je
m'arrête là pour vous dire: C'est quoi qui vous animait d'avoir un
diagnostic si sévère si, de toute façon, vous commencez,
comme Mme la ministre le dit, en disant: Nous autres, on est des gens
pragmatiques, puis on écoute ce que les parents nous disent, et ce que
les parents nous ont dit, c'est que c'était là pour durer, mais
oui, il faut accommoder le collège, il faut améliorer les
affaires.
J'ai cherché où vous aviez des suggestions pour
améliorer les affaires et là où je vous rejoins, et c'est
ma conclusion là-dessus, c'est sur l'évaluation. Ça, vous
avez raison. Là, vous parlez, vous êtes pragmatique, parce qu'il
n'y a pas beaucoup de gens qui sont satisfaits de l'évaluation des
apprentissages, des programmes, des collèges eux-mêmes en termes
de gestion ainsi de suite, ça je suis d'accord, et oui ça
été dit par deux ministres de ce gouvernement-là, je l'ai
entendu, qui ont dit: Nous, on pense qu'il faut vraiment corriger les impairs
au niveau de l'évaluation parce que ce n'est pas correct de ne pas avoir
la capacité de porter un jugement d'analyse sur la valeur de la
diplomation. Là-dessus, je vous félicite, vous
répétez la même chose que les autres. Et c'est tellement
unanime que ça fait bien de le marteler.
Mais le reste là, où vous avez pris ça, et c'est
quoi qui vous anime d'avoir un mémoire comme ça?
M. Robert: Alors, quant à votre citation par rapport
à l'université, je n'ai fait que lire, relire ce qui avait
été écrit par M. Bachand dans la
revue l'actualité. je peux vous dire la
référence exacte, là, ça été pris
dans la revue l'actualité, puis c'est une citation de m. bachand
qui est professeur, qui est responsable d'un département à
l'université de montréal.
M. Gendron: Mais par rapport à quoi M. Robert?
M. Robert: Par rapport a l'insatisfaction de l'université
versus les cégeps.
M. Gendron: O.K.
M. Robert: Ça, c'est une citation...
M. Gendron: C'est une citation, O.K.
M. Robert: Ça, c'est une citation de la revue
L'actualité. Les autres chiffres ont été pris aussi
dans un dossier, parce que j'ai eu accès au dossier qui a servi à
la revue L'actualité, à préparer sa série
d'articles. On ne les a pas inventés. Qu'il y ait un écart de 2 %
là, c'est peut-être, il y a peut-être un problème
là, mais on s'en est servi parce qu'eux autres encore dans leur dernier
numéro, si vous vous rappelez, un directeur de cégep a aussi pris
position sur la question de l'enseignement professionnel et de l'enseignement
général, puis il y avait aussi un certain nombre de chiffres qui
ont été vérifiés et qui ont servi à
préparer l'article par les recher-chistes là-bas.
M. Gendron: Oui, mais sur le sondage, écoutez...
M. Robert: Le sondage, c'est une question... Si vous vous
rappelez, actuellement, à chaque jour, M. le député, vous
avez des échanges à l'Assemblée nationale sur
l'interprétation des sondages. Puis je pense que c'est une
interprétation qui a été faite, qu'il y avait un certain
nombre de personnes - puis ça je pense que ça été
reconnu aussi, puis on l'a trouvé dans un journal - qui voulaient, tout
en étant satisfaites d'un certain nombre de choses, qui voudraient des
changements. C'est peut-être ça qui paraît lourd, là.
Si on fait la somme des - comment est-ce qu'on dirait bien ça? des
remarques faites par un ou par l'autre, parce qu'on ne parle pas de gens,
là, qui vivent dans un autre pays. On parie de gens qui ont vécu
des expériences depuis 10 ou 15 ans. Parce que, autour de notre table,
la plupart des gens ont eu des élèves, des enfants dans le
réseau privé ou dans le réseau public durant les 10
dernières années. Quelques-uns des gens qui siègent
à notre conseil sont actuellement membres de conseil d'administration de
cégeps, soit privés soit publics. Donc, on parle d'un certain
nombre de choses, peut-être pas comme des recherchistes
d'université, là, mais avec une certaine approche.
M. Gendron: Oui, mais M. Robert, là, regardez bien. Moi,
je veux bien là, moi personnellement, Mme la Présidente, je ne
pense pas que j'interprétais là. Quand je lis les données
du sondage des parents du Québec sur leur degré de satisfaction
concernant les collèges, ça donnait les chiffres que j'ai
cités.
M. Robert: Oui.
M. Gendron: Et je doute énormément que vous vous
arriviez... D'abord, c'est strictement sur le même élément.
Alors, ce n'est pas une question d'interprétation, ce n'est même
pas le bon chiffre. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise! Et, moi, je ne
suis pas pour vous faire juste une bataille de chiffres. Quand vous dites:
«66 % des répondants souhaitent la modification des institutions
collégiales en place depuis 1967», je regrette, moi, j'ai copie,
l'intégrale du sondage, et puis j'ai copie de l'interprétation de
la firme qui l'a fait. Et je ne trouve pas ça nulle part, 66... Alors,
où vous avez trouvé ça? Parce que la preuve sur cet
élément-là, c'est que le taux de satisfaction par rapport
à l'accessibilité, la bonne préparation pour l'avenir et
la question de la compétence des professeurs, c'est des
éléments qui ont été questionnés, ça
donne toujours un résultat relativement satisfaisant. J'aime mieux 80 %,
moi, que 60 %, ça je comprends ça. Mais avec des taux de
satisfaction de cet ordre-là, je ne peux pas arriver avec un placardage
aussi sévère et conclure, comme vous l'avez fait à
certains égards, qu'on va les garder mais que ça ne vaut pas cinq
cents. C'est ce jugement-là que je ne peux pas accepter. Moi, je ne veux
pas garder quelque chose qui ne vaut pas cinq cents, comme porte-parole de
l'Opposition officielle. Oui, madame.
Mme Vandenberg: Je pense que vous avez dit, quand vous avez lu
votre article, je ne le connaissais pas cet article, mais vous avez dit que 68
% des parents disaient que c'était plutôt bien. Moi, quand
j'entends plutôt bien, je me dis qu'il y a place à
l'amélioration; 68 %, 66 %, ça se ressemble comme chiffres.
Alors, est-ce qu'on ne pourrait pas conclure que les 68 % des parents qui ont
dit que c'était plutôt bien souhaiteraient une certaine forme
d'amélioration, de modification au système collégial. Je
pense qu'on peut l'interpréter comme ça. Ce n'est pas moi qui ai
écrit le mémoire, mais moi, je pourrais voir.
Quand quelqu'un me dit que c'est plutôt bien, je sous-entends
qu'il y a place à amélioration.
M. Gendron: Mme la Présidente, je respecte votre point de
vue, madame, et je l'achète. Un instant. Je l'achète Sauf que
là vous êtes à la page 14. Quand vous dites 66 % des
répondants souhaitent la modification des institutions
collégiales, en termes de place à amélioration, je
ne peux plus l'améliorer avec ce que vous avez fait aux pages 8, 9, 10,
11, 12. Qu'est-ce que vous voulez que j'améliore? Ce n'est pas
compliqué, je ne peux plus rien améliorer. Il ne me reste plus
rien dans les mains, après le jugement que vous avez porté aux
pages 6, 7, 8, 9. Je veux dire, le collégial fait perdre à nos
jeunes les bonnes habitudes de travail acquises au secondaire.
On repassera. Ayant l'impression d'être en vacances
perpétuelles au collégial. C'est une farce d'aller au
collégial! Un instant! Je connais des jeunes qui vont au
collégial et qui travaillent en étoile, et ils produisent des
résultats concrets, palpables, mesurables. Si vous m'aviez dit
sérieusement, il faut améliorer la formation de base. Vous avez
un acheteur. Pas de problème. Vous avez un acheteur, de ce
côté-ci en tout cas. Je n'ai pas l'impression que de l'autre
côté ils ne sont pas acheteurs là-dessus. Ça
ça fait sérieux. On prouve qu'effectivement, avec une formation
de base plus qualifiée, plus adaptée, là on aura des
jeunes qui auront une meilleure préparation universitaire. (21 h 50)
Donc, j'achète ça. Je ne suis pas ici pour ne pas
accepter, madame, monsieur et tout le monde, des critiques au niveau des
études collégiales. Je prétends qu'il faut faire un virage
majeur et qu'il y a des choses qu'il faut corriger. Mais le diagnostic que vous
avez porté sur les faits ne me permet plus de garder l'institution
collégiale parce qu'elle est trop amochée, elle est trop
détruite. C'est juste ça que je vous dis.
Mme Vandenberg: J'aimerais attirer l'attention à la page
9, ce qui suit la citation qui est faite entre guillemets, où on dit que
le collège fait perdre, etc. Ce n'est sûrement pas l'avis de tous
les parents, c'est de quelques parents. C'est une citation, donc, ça
veut dire que c'est quelqu'un en particulier qui l'a dit, qui se termine par un
point qui me semble en effet très positif. Il y a un nouveau programme
de sciences humaines - et je sais, ma fille le vit présentement et elle
a des cours qui l'aident, dans ce qu'ils appellent les cours de TASH, de
techniques d'apprentissage aux sciences humaines. Ils appellent ça TASH,
dans leur langage, bon - et qui va probablement corriger cette situation. Moi,
je peux vous dire que c'est un pas dans la bonne direction. On n'a pas
détruit tout ce qu'il y avait. On vous dit qu'il y a des choses qui se
font. C'est en vigueur depuis septembre. Bon. Laissons le temps de faire les
choses. Ça, je trouve que c'est un point qui est très positif
dans notre rapport.
M. Gendron: Merci, madame. Mme Vandenberg: II faut en
trouver.
M. Gendron: Je le prends, mais j'ai du trouble avec la phrase
suivante. C'est ça que je veux dire, et je m'arrête là
à la phrase suivante: L'université fait comme si le cégep
n'existait pas. Ça commence à faire un jugement absolu. C'est
juste la phrase suivante.
Mme Vandenberg: Oui.
M. Gendron: Alors, quand même vous m'auriez dit au
préalable qu'un nouveau cours de sciences humaines qui a de l'allure, si
selon vous l'université fait comme si les cégeps n'existaient
pas, et moi je suis un défenseur de la formule des cégeps,
modifiée, adaptée, meilleure formation de base, plus
d'évaluation... Et là on fait ce qu'on appelle une
démarche positive pour améliorer l'institution que je veux
défendre. Et, moi, il m'a semblé... Et je m'excuse si j'ai paru
très agressif. Je ne suis pas agressif. Je dis juste qu'à en
mettre trop, à un moment donné, on ne peut pas faire notre
travail. C'est juste ça que je dis, et je ne peux pas être
agressif contre vous autres.
Je dis tout simplement: C'est un mémoire qui ne sert
sûrement pas le Mouvement de l'enseignement privé, selon moi. Et
je ne peux plus questionner sur des aspects qu'est-ce que vous voulez dire.
C'est clair.
Mme Vandenberg: Si notre mémoire au moins sert à se
poser les bonnes questions, je pense qu'il aura servi à quelque
chose.
M. Gendron: Tant mieux pour ceux qui le prendront comme
ça. Moi, je vous remercie.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Moi, je voudrais me
voir confirmer, si vous permettez, M. Robert, parce que, moi aussi, j'ai un
petit peu de difficulté avec ce que vous dites, votre approche
pragmatique. Vous dites: Les collèges existent, il ne s'agit pas de les
remettre en question, mais plutôt d'essayer d'en tirer le meilleur usage
possible. Ensuite, vous vous posez les questions, par exemple: Comment
justifier aux yeux des contribuables québécois qu'un
cégépien coûte 8130 $ par année, alors que
l'équivalent en Ontario et aux États-Unis est de 5000 $ et de
4000 $ respectivement? Pourquoi maintenir l'inconfort de ce niveau
intermédiaire coincé entre le secondaire et l'université,
niveau particulier au seul Québec et niveau dont les frontières
avec le secondaire et les universités sont mal définies?
Moi, ça m'apparalt très contradictoire, en tout cas, avec
votre principe de départ, quand on sait, par exemple, que vous dites:
C'est le seul au Québec, mais on dit qu'au Canada et à
l'étranger le modèle collégial québécois est
considéré comme un exemple à suivre, et c'est l'OCDE qui
le dit. Moi, je voudrais vous entendre confirmer ce soir si vraiment vous tenez
aux
cégeps, pas dans leur forme actuelle, mais bien
reconsidérée, étant donné les contradictions qui
apparaissent dans votre mémoire. j'aimerais que vous me le confirmiez ou
que vous m'éclaircïssiez ces points-là.
M. Robert: Je pense que ce qu'on voulait, c'était susciter
des interrogations, et je pense qu'à ce compte-là, en
écoutant les réactions, autant du parti au pouvoir que de
l'Opposition, on a réussi jusqu'à un certain point à vous
amener à vous poser des interrogations. Quand on parle de
statistiques... J'ai ici aujourd'hui, et c'est La Presse d'aujourd'hui,
et je pense que vous pourrez regarder, ce n'est pas des parents qu'on a
questionnés et ce n'est pas nous autres, on a questionné des
anciens du cégep. Et quand ils parlent du français, le taux
d'insatisfaction ou de satisfaction est autour de 53 %. Ce n'est pas des
parents qu'on a questionnés, c'est des jeunes qui ont quitté le
cégep, qui sont actuellement sur le marché du travail qu'on a
questionnés. Ça, vous savez, vous avez les statistiques.
Ça peut paraître sévère, mais c'est une somme qu'on
a faite; comme on a dit, on l'a fait sous forme interrogative. Ça peut
paraître contradictoire, mais on l'a faite sous forme interrogative parce
qu'on a soulevé un certain nombre de questions. C'est ça qu'on a
fait. Et je pense qu'on a réussi jusqu'à un certain point parce
qu'il y a eu des réactions. Et on voudrait... Je pense que la
tâche que vous avez à faire durant les prochaines semaines est
importante parce qu'il y a un certain nombre de problèmes à
régler.
La Présidente (Mme Hovington): C'est le moins qu'on puisse
dire. Merci, M. Robert. Mme la ministre, en conclusion.
Mme Robillard: M. Robert, une dernière question.
Habituellement, quand on pose un diagnostic complet, on le pose en
matière de force et de faiblesse et, vous le voyez, vous avez axé
strictement sur les faiblesses. Dans ce sens-là, je trouve que vous
n'avez rendu justice ni aux forces des cégeps publics, ni aux forces de
ce qui se passe dans les collèges privés, en enseignement
collégial. Il se passe des choses merveilleuses aussi dans le
réseau privé en enseignement collégial, mais avec une
telle façon que vous avez d'aborder les choses, les forces n'ont
absolument pas ressorti.
Mais il y a un point que vous avez soulevé tantôt, M.
Robert, et ce sera ma dernière question. Vous avez dit: Nous n'avons pas
voulu aller plus loin dans les solutions. Nous ne sommes pas les experts, mais
nous avons discuté entre nous de la question de l'autonomie des
établissements, qui serait peut-être une voie à suivre pour
améliorer des choses. J'aimerais ça vous entendre davantage sur
cette piste-là
M. Robert: On a peut-être passé trop vite
là-dessus, mais je pense qu'on a essayé de montrer que,
jusqu'à un certain point, nos collèges privés, de niveau
collégial, actuellement, donnent de bons services. Je pense que dans les
différents classements, même si vous n'êtes pas toujours
d'accord, qu'on regarde celui qui a pu être fait par l'Université
de Montréal ou par la revue L'actualité, il se trouvait en
tête et avec des résultats intéressants.
Quand on parle d'autonomie - je vous l'ai dit tout à l'heure et
je vais revenir là-dessus - c'est que, justement, nos collèges
privés ont peut-être conservé plus d'autonomie que le
réseau public qui a été créé à
côté, parce que, dans bien des cas, vous avez remarqué que
plusieurs collèges publics ont donné suite à des
collèges privés. Si vous regardez le classement de
L'actualité, c'était dans les endroits où le
collège privé existant était très fort et a su
donner sa marque et la faire conserver à l'institution qui a
donné suite, ces collèges-là, souvent, avaient de
meilleurs résultats, si on regarde les classements d'une façon
attentive. Donc, il y avait eu une tradition qui avait été
établie, et elle a été continuée ensuite. Quand on
parle d'autonomie, c'est qu'on dit que ce qui est bon pour nos collèges
privés devrait être aussi étendu au réseau public,
et ils ont tout ce qu'il faut pour le faire. Les structures de conseil
d'administration sont déjà en place, mais il y aurait
peut-être un certain nombre de problèmes à résoudre
au niveau des relations de travail. Ça, je pense qu'on n'a pas à
aborder ça, mais ça serait tout un autre problème,
ça pourrait faire l'objet de tout un autre débat, comment
redonner l'autonomie à nos collèges dans ce contexte de relations
de travail centralisées, au niveau public.
Mme Robillard: Merci, M. Robert.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Il me reste à
vous remercier, M. Robert et votre équipe, d'être venu nous
expliquer votre mémoire à la commission de
l'éducation.
Sur ce, je vous dis bonsoir, et nous ajournons les travaux
jusqu'à demain matin, 9 h 30. Bonsoir tout le monde et bonne nuit.
(Fin de la séance à 21 h 58)