Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Seize heures trente-huit minutes)
La Présidente (Mme Harel): On va commencer
immédiatement. On va déclarer la séance ouverte. Alors, je
rappelle le mandat de la commission: entendre le représentant du Groupe
de travail sous les jeunes, sur le rapport «Un Québec fou de ses
enfants» relativement aux éléments concernant le domaine de
l'éducation. Et je vais inviter M. le secrétaire à nous
indiquer s'il y a des remplacements.
Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Mme
Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière) est remplacée par M.
Paré (Shefford).
La Présidente (Mme Harel): Merci, M. le secrétaire.
Alors, avant d'inviter les membres de cette commission à débuter
l'échange avec notre invité, j'aimerais peut-être, M.
Bouchard, que vous nous présentiez les éléments que vous
aviez préparés pour les membres de cette commission. Le
secrétaire vous avait peut-être indiqué qu'il y avait 30
minutes à votre disposition. Alors, vous en disposez comme vous
l'entendez et, par la suite, nous partagerons le temps également entre
les formations politiques pour l'échange qui suivra.
Groupe de travail pour les jeunes
M. Bouchard (Camil): Très bien. Merci, Mme la
Présidente. Je remercie la commission et les membres présents
pour cette invitation à vous adresser la parole. J'ai, avec mon Groupe,
rendu public le rapport «Un Québec fou de ses enfants» le 5
décembre 1991. Depuis ce temps, j'ai eu l'occasion de m'adresser assez
fréquemment à divers groupes et j'attendais avec beaucoup de
hâte cette rencontre avec les parlementaires. D'abord, ça me fait
curieux un peu, je dois vous dire, de me retrouver dans une commission de
l'éducation ayant été nommé par un ministre de la
Santé et des Services sociaux, mais je vous dirai en même temps
que ce sentiment de curiosité est accompagné d'un sentiment de
grande satisfaction, parce que ma présence ici indique, sans doute, que
les membres de la commission ont très bien saisi, ont très bien
pigé le modèle qu'il y a derrière le rapport, à
savoir que c'est un rapport qui s'adresse à l'ensemble des citoyens et
des citoyennes du Québec et, surtout, qui met en cause la
multisectorialité ou la collaboration entre les ministères d'un
même gouvernement. À cet égard-là, il me fait
vraiment plaisir d'être parmi vous. (16 h 40)
Je présume que vous aurez eu l'opportunité de prendre
connaissance des documents qui vous ont été soumis. Cependant,
cette présomption est bien mince. Alors, je vais tenter, dans les
prochaines minutes, de vous situer un petit peu plus spécifiquement le
rapport, eu égard au mandat de la commission et aux attentes que le
Groupe a envers ceux et celles qui s'occupent de l'éducation des enfants
au Québec. Le mandat que nous avait confié le ministre de la
Santé et des Services sociaux était, en un mot, le suivant -
c'était dans le fond une question: Durant les prochains mois ou à
la fin des 6 prochains mois - c'était le mandat initial, et nous avons
abouti, finalement, à produire le rapport au bout de 10 mois -
pourriez-vous nous indiquer la voie à suivre en vue de diminuer le
nombre d'enfants qui présentent des problèmes majeurs et qui se
présentent dans nos services spécialisés ou dans nos
services lourds?
Dès les premières sessions du Groupe, nous avons
interprété le mandat et, notamment, nous avons
interprété la question des problèmes majeurs comme
rejoignant trois types de problèmes, ce qu'on appelle les
problèmes dont les enfants sont victimes, ou les situations dont les
enfants sont victimes. C'est un premier groupe de problème. Donc, abus
et négligence, mauvais traitements en général, rejet,
abandon.
Un deuxième groupe de problème qui nous a
préoccupés, c'est les problèmes qu'on appelle les
problèmes d'externalisation ou, en langage plus familier, les
emmerdeurs. Alors, ce sont les enfants ou les jeunes qui dérangent leur
communauté, leur société, notamment, avec des
comportements, par rapport à des comportements de délinquance, de
troubles de comportements graves, de violence envers autrui, de toxicomanie. Et
enfin, un troisième groupe qui commence à déranger plus
sérieusement dans notre société, parce qu'on en voit
maintenant les conséquences actuelles, mais aussi les
conséquences à moyen terme, c'est le groupe des enfants qui
abandonnent leur rôle social, ou leur rôle familial,
c'est-à-dire qui décrochent de la famille, qu'on retrouve dans
les rues, donc, les jeunes itinérants qui abandonnent l'école,
les décrocheurs scolaires, et qui abandonnent souvent aussi
l'idée de poursuivre leur vie. Donc, les jeunes qui ont des idées
suicidaires ou qui pensent aux actes suicidaires.
Donc, la façon de fonctionner du Groupe a été la
suivante. J'ai nommé, à l'intérieur d'un groupe de 18
personnes qui avaient été mandatées par le ministre, trois
sous-groupes de travail qui s'occupaient de ces trois dimensions des
problèmes majeurs vécus par les jeunes, et les trois questions
auxquelles chacun de ces sous-groupes-là devaient répondre,
étaient les
suivantes. Premièrement, quelle est l'ampleur des
problèmes? L'ampleur des enfants qui souffrent de victimisation, ceux
qui dérangent et ceux qui décrochent. C'est quoi l'ampleur de ces
problèmes? Deuxièmement, quels sont les facteurs qui sont
associés à ces problèmes et qui en augmentent la
probabilité d'apparition dans la population des jeunes?
Troisièmement, c'était le gros du mandat, et nous avions
orienté nos travaux dans cette direction - j'espère que ça
paraît dans le rapport - nous voulions dépasser très
largement l'analyse pour nous diriger très vite sur le terrain, vers des
actions concrètes à entreprendre, donc, voir des voies de
solution les plus prometteuses pour arriver à réduire de
façon significative, et on verra tantôt ce que ça veut
dire, le pourcentage de ces jeunes qui vivent des moments de détresse
très grande et le pourcentage, donc, de ces familles, par
conséquent, qui vivent des épisodes de détresse
très grande.
La façon de fonctionner du Groupe, par ailleurs, au-delà
de ces trois sous-groupes d'analyse, était la suivante. Nous avons
consulté une bonne quinzaine de chercheurs américains, canadiens,
québécois sur les questions qui nous préoccupaient. Nous
avons aussi fait le tour du Québec systématiquement. Nous avons
opéré en petites commissions, si on veut, et nous avons
rencontré un très grand nombre d'intervenants dans toutes les
régions du Québec, concernant notre mandat. Nous avons
reçu 800 lettres de jeunes par l'intermédiaire du Conseil
québécois pour l'enfance et de la jeunesse qui avait fait une
invitation à ses membres de rejoindre les jeunes de leur milieu. Et nous
avons rejoint aussi beaucoup d'organismes du réseau ou des organismes
communautaires et nous leur posions la même question qu'aux jeunes: Si
vous étiez le ministre, que feriez-vous? Et nous demandions aux
organismes de nous répondre en cinq pages, comme peut faire un ministre,
parfois. C'est fort éloquent, ce que nous avons reçu et des
organismes et des jeunes, et ça a beaucoup inspiré les avenues et
le modèle qui a été adopté par le Groupe de travail
pour les jeunes.
Je vous mentionne, en passant, que nous avons changé le titre du
Grouoe de travail. Quand le ministre nous a nommés comme le groupe
d'experts sur les jeunes en difficulté, nous avons pensé qu'un
changement de nom s'imposait, étant donné l'orientation du
groupe, qui, dès le point de départ, dès les premiers
jours de son mandat, a statué sur un premier principe très
important et qui, nous l'espérons, transpire tout au long du rapport.
C'est le suivant: Le meilleur moyen de prévenir les difficultés
graves et les difficultés majeures vécues par les jeunes, c'est
d'abord de tenter de leur assurer des contextes qui leur permettent de se
développer à l'optimal de leur compétence.
Donc, au coeur même du rapport, il y a une approche
promotionnelle, c'est-à-dire une approche qui veut d'abord viser
l'amélioration des contextes dans lesquels se retrouvent les enfants, de
sorte d'augmenter les chances qu'ils se développent au maximum de leur
compétence. Ce principe est accompagné d'un corollaire, c'est que
le développement des enfants, ça commence très tôt,
ça commence dans le ventre de leur mère; ça, c'est notre
premier principe.
Le deuxième, c'est que ce sont les parents qui sont les
maîtres d'oeuvre, après les enfants, du développement des
enfants. Et cette responsabilité qui leur incombe, leur incombe non
seulement dans la période entourant la naissance, non seulement drns la
période jusqu'au seuil de l'école, mais bien au-delà. Et
on connaît maintenant des parents pour qui la charge de
l'hypothèque de la première maison est une autre façon de
soutenir leurs enfants et pour qui, aussi, le logement gratuit jusqu'à
24 et 25 ans est une autre façon de soutenir leurs enfants dans leur
développement. Donc, le rôle du parent est vu comme un rôle
central partout, y compris quand l'enfant fréquente l'école. Nous
y reviendrons plus tard, mais c'est important parce que ça
détermine un certain nombre de recommandations et de
considérations du Groupe de travail dans les politiques sociales et dans
les politiques économiques qui visent à soutenir les parents dans
leur rôle.
Le troisième principe est un principe qui vise, essentiellement,
la question du soutien économique aux parents. Ce qu'on dit, c'est que,
depuis au moins deux décennies, les gouvernements ont
décidé de mettre de l'avant une politique sociale qui veut
rétrécir, si on veut, la marge entre les mieux nantis et les
moins nantis; c'est ce qu'on appelle la lutte aux inégalités
sociales. Ce que nous disons, dans le rapport, c'est: Oui, bravo, merci, mais,
encore plus, il nous faut maintenant, comme société, tenter non
pas de réduire seulement les inégalités sociales qui vont,
de toute façon, toujours exister, mais aussi et surtout commencer par
réduire les inégalités économiques. Donc, non
seulement tâcher de réduire les effets de la pauvreté, mais
de réduire la pauvreté elle-même. Pourquoi? C'est parce que
le Groupe ou les membres du Groupe étaient très mal à
l'aise de proposer une série de propositions de type approche
psychosociale qui viseraient les gens à risque, en supposant que cette
enveloppe de personnes placées dans des zones de risque demeurerait la
même ou augmenterait sans qu'on y fasse quoi que ce soit. Et,
cyniquement, ce qu'on peut dire, c'est qu'on peut arriver à
réduire d'une façon sans doute significative, mais moins
convaincante, le nombre relatif de jeunes qui vont vivre des difficultés
majeures en maintenant les gens dans la pauvreté, si on a des bons
programmes psychosociaux. Mais ce que ça veut dire, en même temps,
c'est qu'on peut créer une formidable industrie de la prévention
en augmentant la misère. Autrement dit, en multipliant les risques, on
détermine un certain nombre de groupes de
population qu'on peut viser et qu'on peut cibler avec des programmes
psychosociaux taillés à leur mesure et multiplier le nombre de
professionnels qui vont faire de la prévention. Et ce n'est pas l'esprit
du Groupe, ce n'est pas l'esprit du rapport, ce n'est pas la prise de position
du Groupe de travail pour les jeunes. (16 h 50)
Ce que le Groupe de travail pour les jeunes dit, c'est: II faut prendre
ça par les deux bouts. Il faut aussi réduire la pauvreté
et il faut, en même temps, diriger non pas vers des enfants à
risque, non pas vers des parents à risque, non pas vers des groupes
à risque, mais sur des territoires qui présentent le plus de
besoins - et ça on pourra en discuter tantôt ce que ça veut
dire, cette nuance-là - des programmes qui vont tenter d'aider les
populations de ces territoires. Donc, ça, c'était le
troisième principe qui est à la base des travaux du Groupe.
Il y en a trois autres que je passerai un petit peu plus rapidement. Le
quatrième, c'est le principe de la concertation. Ce qu'on dit, c'est il
faut arrêter de se concerter alentour de la concertation et il faut
commencer, au niveau ministériel, à organiser les politiques
sociales alentour d'administrations qui sont placées dans des corridors
de concertation. Donc, que l'organisation interministérielle
reflète dans ses travaux cette capacité
d'intersectorialité; on pourrait penser à une autre commission
que la commission de l'éducation, pour recevoir un tel rapport, par
exemple.
Et, deuxièmement, que cette concertation soit soutenue en
elle-même, et pour ce qu'elle est, dans les territoires,
c'est-à-dire qu'on ait des enveloppes budgétaires qui viennent la
soutenir sur le territoire. Parce que ce qu'il faut dire c'est que la
concertation repose sur un principe, c'est le principe de coopération
entre les gens qui ont un statut égal. Et, quand on est un groupe
communautaire, ou une petite organisation, on est tout de suite placé en
position d'infériorité vis-à-vis ses interloctueurs, tout
simplement parce que, pour assurer une présence et une constance, et une
constance soutenue par une documentation adéquate, il faut fermer la
boutique. Il faut choisir entre le service du mercredi après-midi
à la population, ou la présence à une table de
concertation. Donc, il faut des sous qui soient investis et qui soutiennent les
partenaires dans leurs actions de concertation. Donc, ce principe de la
concertation, aller au-delà du discours et l'établir
véritablement, d'abord entre les ministres, et ensuite la soutenir dans
les régions.
Le quatrième principe, celui du financement. Nous avons eu une
surprise de taille, lorsque nous avons demandé quels étaient les
crédits alloués à la prévention auprès des
jeunes au ministère de la Santé et des Services sociaux, de
découvrir qu'il n'y avait pas de poste de prévention jeunes au
ministère. Il fallait déduire des crédits votés,
à partir d'hypothèses les plus vraisemblables les unes que les
autres, donc les plus invraisemblables, les crédits qui pouvaient
être impartis directement à la prévention. Ce qui
était une tâche tout à fait impossible. Donc, on dit
identifier une enveloppe et la surindexer si on veut installer une culture de
prévention durant les prochaines années en matière de
politique jeunesse, la surindexer de telle sorte qu'elle puisse
représenter une assise de confiance pour les groupes qui s'installent
dans des actions préventives, et que ces groupes puissent y puiser des
ressources qui assurent une continuité et une intensité à
l'intervention.
Dans un chapitre qui s'intitule «Les facteurs de réussite
de la prévention», que je vous invite à lire, si vous ne
l'avez pas déjà fait, nous avons souligné combien
l'intensité, la continuité, la fiabilité et la
flexibilité étaient des principes fondamentaux en
prévention. Et, le nerf de la guerre pour assurer ces quatre
principes-là, c'est le financement. L'exemple que je peux vous donner
est celui-ci. Un policier de la Communauté urbaine de Montréal
vient nous dire: Nous autres, dans notre poste de police, on ne collabore pas
avec les organisations communautaires, puis je vais vous dire pourquoi, c'est
parce que l'année prochaine on ne sait pas s'ils vont être
là. Autrement, on trouve que c'est du bien bon monde, puis ils ont des
bien bonnes idées. Mais, quand on arrive et qu'on investit un poste ou
un demi-poste ou trois quart d'un poste auprès de cet
organisme-là, dans un projet majeur dans notre communauté, et
que, l'année d'après, l'organisme meurt, on n'est pas plus
avancé. De fait, on déçoit les attentes de tout le monde.
Donc, c'est important. C'est important pas simplement à partir d'une
collaboration interorganismes, c'est important aussi pour assurer de la
fiabilité et de l'intimité dans les relations entre les
intervenants et ceux à qui on adresse les services, de la
continuité, de l'intensité. Que le financement soit là
pour assurer, assurer la qualité des relations dans les interventions
préventives. Et la capsule qui résume ça, c'est que des
relations de confiance, et vous le savez, étant parlementaires,
ça se finance.
Le dernier principe c'est celui qui veut que les enfants et
l'état de fonctionnement, l'état de développement des
enfants qui sont actuellement présents dans nos communautés c'est
un élément sur lequel il faut fonder une politique de la
prévention. Il ne faut pas fonder une politique de la prévention
sur les enfants comme richesse de demain parce que ça reporte toujours
nos actions à après-demain. Ce qu'il faut faire, c'est
tâcher de voir comment, actuellement, les enfants qui viennent chercher
plus que 500 000 000 $ par année, dans des services
spécialisés, comment ces enfants-là viennent drainer aussi
l'énergie de tellement d'intervenants dans nos communautés,
viennent donner aussi une représentation des enfants et des
jeunes négative dans leur environnement, viennent soustraire les
communautés à une vocation de développement et de
promotion du développement de leurs enfants. Ils viennent nous
distraire, au fond, d'assurer à tous les enfants le minimum requis pour
un développement optimal. Ce qu'on dit, c'est que les enfants sont une
richesse ou une pauvreté actuelle de nos communautés, ce n'est
pas une richesse ou une pauvreté future de citoyens ou de citoyennes
dans leur communauté. Ils sont là et, actuellement, ils nous font
ou bien plaisir, ils contribuent ou bien positivement à notre
communauté ou, alors, ils nous font des problèmes. Et ça,
c'est une prise de position importante. Autrement dit, nous disons que la
prévention c'est aussi urgent que quand ça saigne.
Ces principes étant posés, nous avons, ensuite,
tâché d'identifier l'ampleur des problèmes. Je n'irai pas
longtemps là-dessus, il me reste à peine 10 minutes, mais je
trouve important de souligner les principes de fond. Je vais vous donner un
exemple. Quand on a voulu statuer sur l'ampleur des problèmes, nous
avons été pris avec un autre problème, celui de la
diversité des sources de données et des différences de
qualité dans les sources de données, d'un manque
d'intégration dans les données. Nous avons un bon accès
actuellement, quoique encore fragmenté, à des données des
réseaux, qui ne sont pas encore tout à fait
intégrées. Comme, par exemple, les données des
réseaux scolaires avec les données des réseaux des
affaires sociales, ce n'est pas encore intégré, si bien qu'il y a
des enfants qui ont un dossier de trouble du comportement majeur à
l'école, il y en a d'autres qui ont un dossier de trouble du
comportement à la DPJ, il y en a qui ont des dossiers à la Loi
sur la protection de la jeunesse, etc., et on peut les compter trois ou quatre
fois dans nos statistiques, comme ça, sans le savoir. Par ailleurs, on
sait très bien, parce qu'on ne dispose pas d'étude de population,
parce qu'on dispose de statistiques de services, qu'on est dans des zones de
sous-estimation constamment. Actuellement, au Québec, par année,
on a 17 000 enfants, par exemple, sous la Loi sur la protection de la jeunesse,
dont les dossiers sont confirmés. On a 50 000 signalements, on en
retient 17 000. D'accord? Quand on fait le compte, ça veut dire à
peu près 1 % des enfants du Québec qui sont retenus dans le cadre
de la Loi sur la protection de la jeunesse. 1 %. Or, si on faisait une
étude de la population des enfants, au Québec, et qu'on passait
de famille en famille, avec des instruments suffisamment sensibles pour aller
voir le degré de violence faite aux enfants, on découvrirait ce
que nos amis, les Américains, ont découvert, c'est qu'il y en a
probablement 11 fois plus. Probablement 11 fois plus. Les Américains
nous disent: 16 fois plus, mais on a une équation, nous autres, qui nous
dit que ça serait plus 11, étant donné nos systèmes
de couverture sociale, au Québec, qui sont pas mal plus avantageux que
pour les enfants américains. Mais ça tournerait aux alentours de
10 à .11 fois plus d'abus sévère envers les enfants, et
ça, c'est une hypothèse. Il y en a d'autres qui disent: 3,5,
dépendant du genre de question qu'on pose aux gens et du genre de
réponse qu'on obtient, mais il reste qu'on sous-estime. J'arrête
là, tout simplement pour vous dire que, quand on dit qu'il y a entre 50
000 et 75 000 enfants, au Québec, qui vivent des difficultés
majeures, on parle des enfants qu'on voit dans nos services, on ne parle pas de
tous les enfants qu'on ne voit pas dans nos services ou qui sont
retournés dans leur communauté avec des dossiers
fermés.
En ce qui concerne les facteurs de risque, nous avons identifié,
comme le résumé de votre recherchiste vous en fait état,
les facteurs de risque qui appartiennent aux enfants. Il y a des enfants dont
le tempérament, dont les caractéristiques font qu'ils sont plus
à risque d'être victimes ou d'être marginalisés,
éventuellement, dans leur vie. Il y a des parents aussi dont les
caractéristiques font que les enfants sont en plus grand danger: des
parents, par exemple, qui souffrent de certaines psychopathologies, des parents
qui sont alcooliques, des parents qui ont vécu eux-mêmes des
problèmes, lorsque étant enfant, très graves, mais aussi
des parents qui vivent des problèmes budgétaires et des
problèmes de manque de ressources dans le soutien dans leur rôle
de parent - et j'y reviendrai tout à l'heure. Il y a aussi, ce qu'on
appelle des facteurs de risque institutionnel. Nous en avons nommé
à propos de l'école. Nous pensons, notamment, que la
démesure de certaines institutions - et on en compte plus d'une
centaine, au Québec - contribue à des risques importants pour nos
jeunes, et surtout nos jeunes adolescents au secondaire. Nous pensons
également qu'il y a, actuellement, chez les profs, un certain
degré de démoralisation, indiqué par un certain nombre
d'études, plus ou moins fiables, mais, en même temps, lorsqu'on
fait des petites visites régionales, on s'aperçoit qu'il y a une
morosité. (17 heures)
M. Gendron: Oui, sur ça, je ne veux pas vous interrompre,
mais vous avez dit: démoralisation. Vous voulez dire sans doute
démobilisation. Ça va. Non, non, si c'est ça, ça
va.
M. Bouchard: On peut voir, mais, quand les gens nous
déclarent des états de fatigue, des états de
«burnout» et des états d'agressivité importants, la
démobilisation peut être, éventuellement, un aboutissement
de la démoralisation, du point de vue du psychologue, M. Gendron, et non
pas du point de vue du politicien, sans doute.
D'autre part, il s'est créé aussi, au Québec,
à la faveur des réformes qu'on a connues, une distance physique,
mais aussi une distance psychosociale très grande entre la famille et
les
enseignants. Nous pensons qu'il s'agit là d'une menace
très grande à l'intégrité du développement
des enfants. C'est pourquoi nous soumettons des propositions à tous les
paliers, aussi bien au préscolaire qu'à
l'élémentaire ou au secondaire, pour arriver à reconnecter
non simplement la communauté sur l'école, mais
spécifiquement les parents et les enseignants des enfants, l'enseignant
ou les enseignants de chaque enfant.
Enfin, nous pensons aussi qu'il y a un manque flagrant, au Québec
- qui peut être une menace, éventuellement - de communication
entre la communauté plus large et, notamment, la communauté des
affaires et l'école, pas tellement en termes de définition des
programmes pédagogiques, mais plutôt en termes de «joint
venture» entre l'école et les partenaires économiques, de
telle sorte que les enfants sentent que, quel que soit leur cheminement
scolaire, ils ont, éventuellement, un aboutissement quelque part, dans
leur communauté, qui est de l'ordre du positif et qui est de l'ordre de
l'attrayant.
Il y a plusieurs facteurs aussi au niveau des valeurs, et je vous en
mentionnerai un seul. Nous avons jeté par-dessus bord, avec la
Révolution tranquille, pensons-nous, un certain nombre de rituels, et la
ritualisation dans le développement des enfants, c'est très
important, ce qui faisait qu'à un moment donné les
communautés se retournaient toutes de bord en même temps,
regardaient les petits souliers vernis, les petites robes blanches et les
petits habits bleu pâle et disaient: Mon Dieu, c'est votre jour.
Aujourd'hui, vous entrez dans le monde de la puberté ou, aujourd'hui,
vous entrez dans le monde de la sagesse; vous n'y étiez pas avant,
bienheureux que vous étiez. Mais il y avait des moments où les
enfants sentaient que, dans leur développement, il se passait des choses
importantes. Nous avons jeté ça par-dessus bord. Il n'y a pas eu
de laïcisation de ces processus de reconnaissance de la communauté
envers les enfants pour marquer des étapes dans leur vie. Ce n'est
qu'une petite remarque en passant, mais on a jeté ça pardessus
bord en même temps que beaucoup d'autres valeurs. L'idée
fondamentale de souligner aux enfants qu'ils sont en train, tranquillement, de
cheminer vers l'autonomie, vers une prise de contrôle de plus en plus
grande de leur pouvoir dans leur environnement et une prise de
responsabilité de plus en plus en grande, ça nous a
échappé quelque part, et ça paraît quand on parle
à nos grands garçons et à nos grandes filles. Ils ne se
sentent pas dans la game, excusez-moi l'expression.
La Présidente (Mme Harel): Mais les garçons moins
que les filles.
M. Bouchard: Bien, actuellement, oui. Ça, on peut
peut-être penser qu'il y a un certain nombre de mouvements qui ont
planté des rituels quelque part dans le parcours chez les filles et que
ça a manqué dans la socialisation des garçons. Nous avons,
suite à ce constat, fait des recommandations au niveau de la naissance,
au niveau des 2 à 4 ans, au niveau des 5 à 11 ans, au niveau des
12 à 18 ans, etc. Ce que je veux vous souligner,
particulièrement, c'est l'esprit des recommandations et souligner quel
rôle l'éducation a dans les divers âges. Alentour de la
naissance, l'esprit, c'est d'accueillir l'enfant convenablement, de soutenir le
parent ou les parents dès la grossesse et de convaincre les pères
d'entrer tout de suite dans le scénario. Et convaincre les pères,
ce n'est pas là pour rien. On a des indices qui nous disent que quand
les pères ne forment pas de liens d'attachement très tôt
avec leurs enfants, et particulièrement avec leur fille, ils confondent
la jeune adolescente qu'ils voient dans leur maison avec une jeune fille
séductrice, et la probabilité qu'il y ait des abus sexuels dans
nos familles, au Québec, est reliée assez étroitement avec
les liens d'attachement que les pères québécois peuvent
forger avec leur fille, pour qu'ils reconnaissent leur fille au moment de la
puberté et non pas une jeune fille attrayante dans la maison, ou
attirante dans la maison. C'est une des raisons. L'autre raison, c'est qu'on
pense que les hommes qui ne participent pas à ce lien d'attachement
manquent une étape extrêmement importante dans leur
développement, eux-mêmes, et qu'ils manquent aussi à leur
rôle paternel de donner aux enfants, aux filles et aux garçons,
des modèles de développement adulte crédible, fiable,
généreux, affectueux. Et on est capable de le faire, sauf qu'il
faut se donner une mission aussi quelque part là-dedans.
Le ministère de l'Éducation pourrait contribuer
modestement, on le souligne dans les modes d'application, en mettant à
contribution sa direction de formation à distance, par exemple,
où on pourrait... Pardon?
M. Gendron: La boîte à Ovila.
M. Bouchard: Ha, ha, ha! Vous avez des histoires
là-dessus.
M. Gendron: C'est hors contexte.
M. Bouchard: Ha, ha, ha! Mais la direction de la formation
à distance qui représente un outil formidable et quand on pense
à tous les moyens qu'on a relativement peu dispendieux de rejoindre les
parents... Mais on pourrait demander au ministère de l'Éducation
de regarder de ce côté. Chez les 2-4 ans, nous avons aussi des
propositions, là, qui concernent le ministère de
l'Éducation, modestement. Nous pensons qu'à quatre ans, en
particulier, le ministère de l'Éducation, comme il est parti,
s'en va vers une politique d'offrir, tranquillement, des ressources de
prématernelle d'abord dans des zones à plus haut risque, mais
ensuite, sans doute, plus
universellement. Nous le souhaitons. Mais, ce qui nous importe, c'est
les programmes de stimulation infantile qui sont plus habituellement
dirigés vers les 2-3 ans, et là nous mettons en partenariat
l'Office des services de garde, donc la ministre déléguée
à la Condition féminine et le ministère de la Santé
et des Services sociaux dans la recommandation. Mais, dans les modes
d'application, nous disons au ministère de l'Éducation: Est-ce
qu'il n'y aurait pas moyen que le ministère contribue à allouer
des espaces là où c'est possible, dans les écoles, pour
recevoir ces programmes-là? Pourquoi? Parce qu'il y a avantage, surtout
dans les milieux très défavorisés, à ce que les
parents puissent fréquenter une institution où ils voient leurs
enfants avoir du plaisir à côtoyer d'autres enfants, avoir du
plaisir à apprendre, premièrement, et, deuxièmement,
qu'ils soient là, présents et perçus comme des parents
compétents d'enfants qui se développent avant qu'ils n'arrivent
dans un milieu norme, qui s'appelle l'école. Donc, qu'ils soient vus
dès le premier instant et qu'ils se sentent, dès les premiers
instants, des partenaires de l'école.
Donc, si le programme prend, physiquement, place à
l'école, on a une chance de plus de notre côté. Je vais
très vite dans les recommandations, on revient là-dessus, mais,
chez les 5-11 ans, nous pensons que les enfants ont besoin d'être
entourés d'adultes bienveillants. Qui sont ces adultes? Les enseignants
et les enseignantes, entre 8 h 30 et 15 h 30 et d'autres adultes, dont les
parents, bien sûr, entre 15 h 30 et 21 heures. Nous avons des
recommandations, au niveau de l'école, quant au soutien à
apporter aux professeurs. La philosophie des recommandations sur l'école
est la suivante: Nous ne demandons rien de plus aux enseignants. Nous traitons
les enseignants comme des adultes significatifs, importants dans le
réseau du développement des enfants et nous disons: Les
enseignants ont besoin de plus d'appui de leur communauté.
Donc, nous demandons qu'il y ait des personnes-ressources qui puissent
appuyer les enseignants, que ce soient d'anciens profs, ça peut
être aussi des gens qui sont physiquement à l'école, qui
sont là à ne rien faire en attendant de faire quelque chose,
notamment, le personnel des haltes-garderies scolaires. On ne l'a pas
mentionné explicitement là-dedans, mais ça peut être
une suggestion intéressante que le ministère puisse offrir des
heures à ces personnes-là, qui sont physiquement
présentes, connues par les enfants, souvent des psychoéducateurs
ou des éducatrices spécialisées qui s'occupent des haltes
scolaires et qui sont là physiquement à attendre que leur horaire
devienne actif. Ils sont là entre 7 h 45 et 8 h 30 et là ils
attendent à 11 h 30, parce que retourner chez eux, c'est trop
onéreux. Ils sont là physiquement, ils pourraient être
employés par un autre ministère et contribuer à soutenir
les enseignants. Ils pourraient aussi, ces mêmes personnes ou d'autres
personnes, agir comme agents de liaison entre les parents et les enseignants.
Nous avons besoin de développer, au Québec, des modèles de
rapprochement de parents et enseignants et non pas des modèles de
rapprochement de parents et de comités d'école. Les parents sont
intéressés à participer à l'école en autant
qu'ils puissent parler de leurs enfants. Il y a une infime minorité qui
est prête à participer aux comités d'école, puis
tant mieux, c'est ça qui fait marcher la business souvent. Mais il faut
que les parents soient interpellés dans leur premier rôle
d'accompagnateur des enfants, et c'est là qu'on demande au
ministère de donner des ressources pour que ces parents puissent
être encouragés et que ces professeurs et enseignants soient
encouragés à se parler, dans des conditions où ils sont
parlables. On peut revenir là-dessus plus tard, si vous le permettez.
(17 h 10)
La question des personnes bienveillantes alentour des enfants, chez les
5-11 ans, ça concerne aussi les ressources communautaires dans les
heures postscolaires et, là-dessus, le ministère de
l'Éducation est mis à contribution dans le rapport en ce sens
qu'on lui demande d'accentuer les efforts, et surtout les commissions scolaires
pour qu'elles se rapprochent des ressources des municipalités, et qu'il
y ait enfin des ententes pas trop compliquées, de telle sorte qu'il n'y
ait pas huit portes où aller frapper avant d'avoir la clé du
gymnase pour que les équipements scolaires et les équipements
municipaux soient mis à la disposition des enfants et de leurs familles
pour qu'il y ait un accès le moins onéreux possible aux
loisirs.
Et là c'est important, ça. Il faut que ce soit
associé à l'école pour la simple et bonne raison que les
études nous démontrent qu'un enfant qui participe au parascolaire
s'identifie à son école, trouve une motivation pour y retourner,
à tous les matins, quand il n'est pas bon à l'école, et
souvent ils deviennent des gagnants dans le parascolaire et ils deviennent donc
des leaders dans l'école, quelque part, et ils puisent là de
l'énergie pour endurer le reste. C'est important, c'est très
important. Les 12-18. Nous disons principalement à propos des 12-18
qu'ils sont fatigués d'attendre que ça arrive, qu'on doit
désormais leur proposer des rôles valorisant à deux
endroits, dans leur propre école, et dans leur communauté. Et,
moi, je vous mets au défi, en tant que députés, de voir si
dans chacune de vos paroisses les adolescents sont vus par vos concitoyens et
concitoyennes comme des éléments indispensables à la
qualité de vie de leur paroisse ou de leur quartier.
Je suis à peu près persuadé que vous allez arriver
à une fin de non-recevoir. Les gens n'y pensent pas. Les gens pensent
à leurs adolescents quand ils ont du trouble et qu'ils sont en page 3 du
Journal de Québec et du Journal de Montréal
et de l'Écho de Montmagny. Autrement, les gens ne pensent
pas à leurs adolescents. Ils sont à la polyvalente, ils devraient
être corrects. Après ça on se pose la question, comment il
se fait qu'ils ne sont pas corrects à la polyvalente? Et on demande
là-dedans deux choses. Est-ce que les adolescents ont un rôle
valorisant à jouer dans leur propre école? Est-ce que c'est un
milieu de vie qui a de l'allure, l'école secondaire, et la
réponse à cette question-là on ne la connaît pas et
on ne pense pas que le ministère de l'Éducation la connaisse
également.
Et ce qu'on demande c'est un débat ouvert, public à propos
des écoles secondaires. On a passé proche de demander une
commission d'enquête. Passé proche tellement on sentait que le
malaise était profond, mais on ne voulait pas en créer un pire.
Mais on pense que ce serait important que, dans chacune des régions, les
commissions scolaires prennent sur elles d'ouvrir un débat public sur
leurs écoles secondaires, pour voir à tous les niveaux, et
là publics, pas seulement le comité école, non seulement
le comité qui tourne alentour de l'école, et non seulement
l'équipe-école, autrement dit, mais l'équipe communautaire
qui s'intéresse à l'école, les parents, les organismes
communautaires, les clubs Optimiste, les clubs Richelieu, nommez-les, mais
qu'ils participent à un débat public et que les jeunes soient
invités à venir dire ce qu'ils pensent de leur école
secondaire. Vous allez en entendre des pas pires.
Au niveau des 12-18, dans le fond, il y a une mesure dans laquelle le
ministère de l'Éducation pourrait aussi investir et qui ne
coûte pas cher, et qui symbolise l'approche du Groupe de travail pour les
jeunes, c'est la création des bureaux de services communautaires
jeunesse. Nous pensons que s'il y avait - entre une organisation communautaire
sans but lucratif, entre un CLSC, peut-être, dans certaines
régions, et une ou deux écoles secondaires - une connivence de
telle sorte que les jeunes puissent se présenter dans cette organisation
et dire: Moi, je veux contribuer aux services communautaires dans ma
communauté, durant l'année, et je veux que ça me soit
crédité en formation personnelle et sociale, comme ça se
fait dans certains États des États-Unis et comme ça
s'expérimente maintenant dans certaines écoles du Québec,
on pourrait arriver à recréer, dans la communauté, une
expression, il y en a bien d'autres, mais une expression significative du
rôle qu'on veut faire jouer et qu'on veut reconnaître à nos
adolescents et à nos adolescentes dans nos communautés.
Pensons-y, les soupes populaires, le soutien aux organisations pour personnes
âgées, les stages dans les garderies et dans les projets
spéciaux auprès des enfants, l'accompagnement des enfants dans
les excursions, l'accompagnement des profs. Il y a tellement de choses que les
jeunes adolescents et adolescentes peuvent faire. On les envoie en Argentine
pour faire ça dans des projets spéciaux, on pourrait commencer
à penser à nos «argentins», nous aussi, et on en a,
et à penser que ces adolescents-là puissent tirer une
fierté de leur cours - écoutez, c'est un défi, ça -
tirer une fierté de leur cours de formation personnelle et sociale. Moi,
quand mes «ados» vont arriver à la maison et vont me dire:
On a un cours de formation personnelle et sociale - dont je suis fier, Ha, ha,
ha! - je vais dire: On a gagné une grosse partie, avec nos
«ados». Une grosse partie! Parce que, je vais vous dire
franchement, ce que les jeunes nous disent à propos de leur formation
à la polyvalente, c'est qu'ils trouvent ça plate et, en
particulier, ce qui touche leur rôle de citoyen. Alors, ce n'est pas
beau, ça, ni pour le moment ni pour tantôt.
En ce qui concerne le ministère de l'Éducation ou la
vocation plus éducative de nos recommandations, je suis sûr que
j'en ai passé des grands bouts, il y en a au moins une vingtaine. Vous
avez une recherchiste qui vous a pointé des recommandations trois
étoiles. En ce qui concerne le ministère de l'Éducation,
je suis prêt à répondre à vos questions
là-dessus. J'ai déjà épuisé une bonne
demi-heure et plus. Mme la Présidente, je vous remercie de votre
générosité. Il y a plein de choses dont on peut discuter,
dont des recommandations qui touchent aussi le financement, qui touchent aussi
les jeunes qui ne sont pas inclues dans les groupes d'âge que je vous ai
mentionnés, des recommandations qui touchent tous les jeunes de
n'importe quel groupe d'âge. Vous êtes les bienvenus. Je vous
remercie.
La Présidente (Mme Harel): Alors, merci, M. Bouchard. Il y
a le député de Sauvé qui voudrait, je pense, prendre la
parole, à ce moment-ci. Je crois comprendre, M. le député
de Sauvé, qu'on peut aller dans un échange plus informel.
M. Parent: oui, oui, pas de problème.
La Présidente (Mme Harel): Alors, je reconnaîtrai
par la suite le député de Shefford.
M. Parent: Juste un mot, Mme la Présidente, d'abord, pour
remercier M. Bouchard d'être venu rencontrer, à l'invitation de
notre présidente, les membres de la commission de l'éducation. Au
début de votre exposé, vous sembliez surpris de venir rencontrer
la commission de l'éducation, alors que vous avez exécuté
un mandat qui vous avait été donné par le ministre de la
Santé et des Services sociaux. Mais je pense que le contenu de votre
mémoire, le contenu de votre rapport «Un Québec fou de ses
enfants» touche l'éducation. Les enfants passent la plus grande
partie de leur vie... L'éducation, ça englobe peut-être
tout le monde. Ce qu'on appelle «le majeur», en éducation,
ce sont quand même les enfants, parce que les
enfants passent de cinq à six heures par jour à
l'école, que c'est leur contact et souvent le premier contact qu'ils ont
avec des adultes hors du contexte familial. Je pense que l'expérience
qu'ils vivent à l'extérieur du foyer est très importante
dans leur formation, dans leur réaction et dans leur cheminement.
Moi, il y a des parties de votre rapport qui m'intéressent plus
particulièrement, et je voudrais en parler ici, les énoncer et
vous demander de les commenter, après ça, pas
nécessairement après mon intervention, mais durant les
échanges avec mes collègues. Vous nous avez parlé des
enfants qui dérangent dans la famille, ce qu'on appelle souvent des
marginaux, des enfants qui ont des difficultés d'adaptation, des
difficultés de comportement dues à différents facteurs.
Moi, en tant que membre de cette commission, !a commission de
l'éducation, il y a un problème qui m'intéresse plus
particulièrement, ce sont les enfants qui dérangent à
l'école, les enfants qui sont dans une classe normale, une classe
conventionnelle et qui ne peuvent pas s'adapter au rythme de la classe, qui ne
peuvent pas s'adapter à la qualité de vie que l'enseignant
voudrait bien faire vivre aux élèves dans la classe. Ça,
d'après moi, c'est lié à la démoralisation, aussi,
d'une partie des enseignants. On peut difficilement demander à un
enseignant d'avoir une satisfaction professionnelle pleine lorsqu'il n'est pas
capable de donner son plein rendement. Et c'est peut-être ce qui pourrait
amener ce que mon collègue d'Abitibi-Ouest mentionnait tout à
l'heure, une démobilisation, aussi. Et si on a des profs
démoralisés qui amènent une démobilisation, je
pense qu'on a des enfants qui sont en sérieuse difficulté,
à ce moment-là, dans les milieux scolaires. Alors, c'est sur ce
chapitre-là que j'aimerais vous entendre, sur la cause que avez
trouvée, si vous en avez trouvé une, sur les indices que vous
avez découverts sur la démoralisation des profs. (17 h 20)
Les profs sont des gens engagés. Ce sont des professionnels
généreux, conscients de leurs responsabilités. Moi, j'ai
eu le plaisir, j'ai eu l'avantage, je devrais dire, de "ivre dans une famille
d'enseignants toute ma vie, et j'ai reconnu la qualité qu'ont ces
gens-là. J'ai reconnu aussi les difficultés auxquelles ils font
face. Et, lorsqu'ils sont en période de difficulté, qu'on le
veuille ou non, les enfants en souffrent. Alors, je ne sais pas si vous avez
essayé de cerner ou de découvrir qu'elles étaient les
causes de cette démoralisation des enfants, des profs, pardon, qui a
certainement, d'après moi, une répercussion sur les
élèves.
J'ai aussi bien aimé une partie de votre rapport où vous
nous parliez de l'engagement de l'élève dans le contexte physique
de l'école. Je me souviens des fameux parcs-écoles que l'on
appelait, qui avaient plus de succès, à mon avis, que le centre
de loisirs conventionnel, parce que l'enfant continuait à vivre, en
dehors des heures de classe, une vie active, soit dans le domaine
socioculturel, soit dans le domaine des sports, des loisirs, et puis tout
ça. Et il développait un attachement à l'école.
Ça, c'est un chapitre de votre rapport qui m'a bien frappé, parce
que souvent on voit des élèves, je ne dirai pas des cancres mais
des élèves qui ont des difficultés de fonctionnement
à l'école, ou seulement des difficultés d'apprendre
à l'école, et qui se révèlent dans un contexte
extrascolaire, mais dans le même milieu physique, qui se
révèlent des leaders, qui se découvrent des
possibilités qui sont exploitables, qui sont exploitées
après ça au niveau scolaire. C'est un des chapitres qui m'a
beaucoup touché.
Je n'ai pas vu dans votre rapport, je ne dis pas qu'il n'y est pas
là, est-ce que vous parlez de la douance? De quelle façon, on
n'est...
M. Bouchard: Non, pas du tout.
M. Parent: Alors, c'est à peu près les
réflexions que je voulais vous faire au nom de ma formation politique,
puis après ça, bien, on pourra peut-être entreprendre un
dialogue entre nous, en respectant la règle d'alternance, selon la
sagesse de la présidence.
La Présidente (Mme Harel): Est-ce que vous voulez
immédiatement répondre à ces questions.
M. Bouchard: II y a peut-être une couple de remarques. En
ce qui concerne la question de démoralisation des profs, c'est
difficile, un, de répondre à la question quant à l'ampleur
du problème, parce qu'il y a quelques instruments, par exemple, qui
servent à mesurer le degré, qu'on appelle, de
«burnout» ou de... bon, en français, brûlure interne,
ça a l'air fou, là, bon. Savez-vous qu'à chaque fois qu'on
applique cet instrument-là on a 75 % des gens qui déclarent
être juste sur le bord d'un «burnout»? Alors, on a des
instruments qui, autrement dit, sont trop sensibles ou vont chercher des
états de détresse marginaux et puis qui embarquent ça dans
un score de syndrome, et qui nous mènent dans des avenues qui sont
à peu près irréalistes.
La Présidente (Mme Harel): Vous ne l'avez jamais fait
passer à des parlementaires?
M. Bouchard: Ha, ha, ha! Sans doute la population la plus
coriace!
La Présidente (Mme Harel): Ha, ha, ha!
M. Bouchard: Ha, ha, ha! Ça dépend, j'imagine que,
dans les périodes de vote de crédits, ça doit être
un peu plus difficile!
La question me semble liée d'autre part... Il y a eu quelques
enquêtes qui ont été faites par les syndicats et qui
démontrent qu'il y a beau-
coup de profs qui, encore, ont de l'enthousiasme, mais que, en
même temps, il y a des enseignants, une portion importante - vous avez
entre 17 %, 25 % et 33 % dépendant des enquêtes - d'enseignants et
d'enseignantes qui ressentent des états de fatigue et des états
de démoralisation, ou de démobilisation de la tâche, etc.,
qui ressentent des états d'anxiété vis-à-vis la
tâche, et surtout des états d'impuissance. Et, habituellement,
quand on retrouve ce type d'image, on a affaire souvent à des gens qui
sont isolés, qui n'ont pas le temps de prendre du recul et de partager
avec des collègues, avec des supérieurs, avec des
confrères et des consoeurs, dans d'autres contextes, les
problèmes ou les questions qu'ils se posent.
Et, actuellement, de fait les profs nous disent être emplis
à satiété d'évaluations des élèves,
n'ont pas ces organisations non plus à l'intérieur des
écoles qui font qu'ils pourraient avoir accès à des
ressources de soutien ou d'entraide, manquent... Et, ça, les profs quand
vous les rencontrez en dehors de leur rôle de syndiqués et qu'ils
commencent à parler de la ferveur qu'ils ont dans leur métier,
ils vous disent en même temps, en même temps, qu'il leur manque de
soutien étant donné les nouvelles problématiques et les
nouvelles questions auxquelles ils ont à faire face. Vous en avez
entendu parler dans cette commission j'imagine, autant et autant. Mais, les
nouvelles problématiques de familles séparées,
divorcées, de violence intra-familiale, de toxicomanie, les programmes
débarquent là, puis, après ça, c'est les programmes
pour contrer la faim chez les enfants. Les programmes débarquent
à l'école les uns après les autres, en même temps
qu'on veut accentuer l'intégration et la normalisation des enfants qui
sont en difficulté, et en même temps qu'on maintient, bon an mal
an, des ratios. Pas partout, parce gue, moi, j'ai un fils qui a
été à l'école des Eboulements, le ratio dans sa
classe c'était 1 sur 14, mais il est rendu à Outremont et puis
c'est 1 sur 28 ou 27 ou 30, dépendant des journées.
Mais, il y a là ce qu'on appelle une accumulation des
tâches avec un statut et un équipement de soutien qui est
déficitaire, très souvent. En même temps, il manque de
liens significatifs, très souvent, surtout dans les grands ensembles,
entre les enseignants et les enfants. Dans le fond, quand on est placé
comme adulte significatif dans le réseau de développement d'un
enfant, notre ressource première, c'est quoi? C'est les gratifications
qu'on va chercher auprès des enfants. Essentiellement, c'est ça.
Quand on est fatigué, qu'on est tanné, on se ferme les yeux et on
pense à nos enfants. On essaie d'aller puiser dans ce qu'ils ont de plus
beau, ce qu'ils ont de plus fin, ce qu'ils ont de plus intelligent et de plus
conventionnel avec nos attentes, ce qui nous réconforte et ce qui nous
gratifie. Les enseignants, ça fonctionne comme ça aussi. Or,
quand vous êtes dans une école, genre cafétéria,
où les enfants viennent chercher leurs cours, les jeunes viennent
chercher leurs cours chez un prof, chez un autre, etc., que vous avez une
tutorisation, un statut de titulaire à distance, vous n'avez pas ce
contact réconfortant avec vos éléments les plus
gratifiants. Vous allez au plus pressant, comme dans une salle d'urgence, et
vous allez toujours essayer de «patcher» ce qui ne va pas, et de
façon toujours insatisfaisante parce que toujours in extremis. On entend
ce diagnostic et ce discours-là très souvent. Donc, à la
question que vous posez - À quoi pourrait-être due la
démoralisation des profs? - je vous ai nommé trois
éléments. Il peut y en avoir plus. Peut-être que
l'élément du statut du professeur dans notre communauté,
dans notre société, on devrait y apporter, maintenant, un regard
un petit peu plus attentif.
Quand on pense, et quand vous regardez ça attentivement... Je
vous retourne un vieux texte de Saint-Simon, le sociologue, qui nous disait
jadis: Les métiers - en 1869, qu'il disait ça - qui sont les plus
utiles dans notre communauté sont souvent les moins bien payés,
sont souvent les moins reconnus dans les communautés. Et, dans notre
société, les métiers qui sont les plus promotionnels et
les plus préventifs sont, la plupart du temps, moins bien payés
que les métiers de réparation. Quand vous réparez, vous
êtes mieux payé, dans notre société, que lorsque
vous préparez et lorsque vous contribuez au développement. La
paie, c'est une fraction du statut. L'autre, c'est le discours qu'on tient
à propos de nos éducateurs et de nos éducatrices. On passe
notre temps à dire qu'ils sont vieux... Ha, ha, ha! ...qu'ils ont
dépassé l'âge, qu'ils sont moins bien formés qu'ils
étaient, qu'ils sont dépassés, etc. Ce n'est pas
sûr. Et, en plus, on leur dit souvent qu'ils ne répondent pas
à nos attentes, et quand on leur parle, en tant que parent, on les
agresse très souvent parce qu'on les voit dans des situations où
l'enfant est placé, comme le parent, dans une situation d'échec,
parce qu'on va toujours au plus pressant et on va toujours à ce qui ne
fonctionne pas. Moi, je pense que la question du statut du prof dans notre
communauté, dans notre société est importante aussi. Donc,
je vous ai nommé quatre éléments. Il pourrait y en avoir
plus, mais disons que c'est une partie de la réponse, pour le
moment.
Quant aux enfants qui perturbent et dérangent l'école, il
y en a toujours eu, il va toujours y en avoir. Moi, je me rappelle de certains
de mes copains d'école et je me rappelle de certains jours où
j'en étais un. Ce qu'on trouve, c'est que dans les grands ensembles,
habituellement, dans nos grands ensembles, surtout dans les polyvalentes - et
là je rejoins votre troisième remarque - quand les enfants n'ont
pas l'opportunité d'être autrement que des passants par rapport
à des activités qui pourraient être significatives
mais qui ne lo sont pas, mais qui pourraient être significatives
pour eux ou pour elles, lorsqu'ils sont des éléments passifs, des
acteurs de soutien ou des figurants dans une espèce de scénario
dont ils ne comprennent pas la teneur et auquel ils ne participent pas, dans
lequel ils ne sont pas des acteurs actifs et qui ont un rôle important,
il y a plus de problèmes, et ce que fait l'école, c'est qu'elle
«vetoïse», plus facilement, les éléments
problématiques, elle les marginalise, plus facilement. Un exemple. Si
vous avez une école de 200 élèves, vous allez être
pas mal plus tolérant si vous voulez faire fonctionner votre club de
basket, votre club de football, votre club de racketball, votre club de ci,
votre club de ça. Vous allez tenter d'avoir tous les
éléments possibles actifs et d'identifier toutes les
compétences possibles pour meubler vos activités. Mais si vous
êtes dans une école de 1200 et de 1500 et de 2000
élèves, qu'est-ce que vous faites? Vous dites: Tu
déranges, va-t-en. De toute façon, les acteurs, on en a
suffisamment. Et ça, ça perturbe non simplement l'approche
pédagogique, ça perturbe l'approche de l'animation sociale de
l'école. (17 h 30)
Quand vous avez une grande école, vous n'avez pas plus qu'une ou
deux équipes, par exemple, qui représentent l'école dans
une ligne interécoles. Si vous avez 200 élèves, vous avez
une ou deux équipes. Donc, la probabilité que vous ayez des gens
actifs, qui aient un statut, qui soient reconnus comme des compétents
dans une activité est bien plus faible dans la grande que dans la petite
école et la «vétoïsation», la mise à
l'écart des enfants - et ça c'est prouvé par des
études mur à mur, des études américaines qui,
dès 1964, avant qu'on les bâtisse nos écoles, nous
disaient: Si vous acceptez plus de 500 à 600 enfants dans les
écoles, vous allez avoir des problèmes parce que
l'équipement ne suit pas, les fonctions récréatives ne
suivent pas, les fonctions d'accueil social ne suivent pas. Donc, vous avez un
système qui a tendance à écarter ceux qui
dérangent.
Dans des grands ensembles, les enfants ont plus de misère
à s'identifier à un adulte significatif aussi et même si on
nomme à un enfant un titulaire, s'il le voit de très loin tout le
temps, ça n'a rien à voir. On peut avoir une solution
administrative à ça, mais il n'y a pas ce contact quotidien,
chaleureux, des fois emmerdant, mais souvent affectueux qu'un enfant requiert
et un encadrement qui fait qu'il perçoit cet adulte comme un
élément fiable dans son environnement, il peut prédire ses
comportements et il peut s'identifier à ce modèle. Et ça,
on a un problème actuellement dans nos polyvalentes. Dans les
polyvalentes où on a réussi à résoudre le
problème, vous allez voir que c'est souvent grâce à deux,
trois ou quatre personnes qui ont du charisme et qui mettent des projets sur
pied et qui font que les enfants se retrouvent ou bien dans des groupes
d'appartenance ou dans des groupes classe et là ils commencent à
s'identifier. moi, j'ai un petit de 13 ans à la maison - et je termine
là-dessus - qui n'est pas un champion dans le bulletin, mais il est dans
une équipe de handball et je suis sûr qu'il va finir son
secondaire.
M. Parent: Merci, M. Bouchard. M. Bouchard: Je vous en
prie.
La Présidente (Mme Harel): La parole est au
député de Shefford.
M. Paré: Merci, M. Bouchard. Bienvenue. Je ne suis pas
membre de la commission, mais je veux féliciter la commission de
l'éducation d'avoir invité M. Bouchard pour venir nous parler de
l'éducation. «Un Québec fou de ses enfants» à
vous écouter, on va tous le devenir, je l'espère. Je dois dire
que ceux qui ne l'ont pas lu devraient tous le lire et pas seulement les
membres de la commission de l'éducation, tous les députés
et tous ceux qui sont des intervenants auprès de nos jeunes. Je vais
vous dire: II y a là-dedans une image ou un portrait de la
réalité qui nous empêche de lire tout le reste parce qu'on
le retrouve là-dedans, mais il y a surtout une vision de
société et, à vous écouter, c'est à n'en pas
douter et on traite des vrais problèmes et on ne cache rien. On parle
d'appauvrissement et ça c'est une réalité, puis
probablement que, si on n'était pas si pauvres, on serait moins pris par
le document, mais on n'a pas le choix de constater ça. Mais, dans la
vision de société et dans les recommandations que vous faites, on
traite de l'appauvrissement, puis on traite de la pauvreté et de la
lutte à la pauvreté, puis par des moyens comme le plein emploi,
puis tout ça.
Je trouve ça très intéressant. Vous avez raison,
vous l'avez dit, vous l'avez répété, il faut qu'il y ait
une concertation d'abord ministérielle. Moi, mon choix c'est qu'on se
trouve un moyen ou que les autres commissions vous entendent ou bien qu'on
fasse une espèce de commission commune, parce que, autrement, s'il n'y a
pas de concertation, on ne réussira pas à appliquer ça.
Les exemples, on les a tous les jours, puis on les a quotidiennement, au moment
où on se parle, que ce soit dans les crédits, dans les budgets,
dans les programmes, dans tout ce qui est déposé. Juste quelques
exemples, parce que c'est tellement frappant, on parle beaucoup d'organismes
communautaires ici, puis, effectivement, heureusement qu'on les a dans la
société. Pendant que le ministre de la Santé et des
Services sociaux annonce 8 000 000 $ à 9 000 000 $ de plus, le ministre
de l'Éducation coupe 3 900 000 $ dans les OVEP qui financent aussi ces
organismes-là. Puis quand on prend les autres comme ça, les OSBL
qui sont coupés, qu'on coupe peut-être 30 000 000 $, on fait quoi
là?
C'est peut-être de bonne foi, chacun, avec l'objectif qu'il s'est
fixé, mais ce n'est pas fixé en fonction d'un projet de
société qui respecte ses enfants.
Vous posez aussi la question: Est-ce que les enfants nous
dérangent au Québec ou est-ce qu'on peut les considérer
comme une richesse aujourd'hui? Il y a un éclair qui m'est venu quand
vous avez posé la question, j'avais une réponse en disant: Mais
ça n'a pas de bon sens, tellement c'est vrai, puis on a un comportement
qui, des fois, ce n'est pas les décrocheurs qui mériteraient un
coup de pied au cul, c'est nous autres. Moi, je suis invité - je ne
dirai pas le nombre d'années d'une école pour ne pas qu'on puisse
la repérer - mais je suis invité à un anniversaire de
plusieurs décennies d'une école. On nous dit: Ça commence
le vendredi soir à 17 heures par un cocktail, puis tous les
invités d'honneur et les anciens, on vous invite, sauf qu'il ne faut
pas que les enfants y soient à cause du permis d'alcool. Donc, les
18 ans et moins ne sont pas invités. C'est l'école qu'on
fête, les anciens et les nouveaux. Je vous le dis, ça n'a pas de
bon sens. Je n'y avais pas pensé. J'y ai pensé, en vous
entendant, c'est notre comportement de société qui fait qu'on est
comme ça. Puis je regarde les logements qu'on construit, il ne faudrait
pas qu'il y ait trop de chambres non plus. Ça coûte moins cher, et
on économise. Les enfants nous dérangent. Je veux dire, tout le
monde devrait devenir fou des enfants, mais ça veut dire que tout le
monde se sentirait responsable, spécialement dans les ministères,
ils sont tous concernés. Quand on a lu ça, c'est
l'Éducation, c'est la Santé, c'est Main-d'oeuvre,
Sécurité du revenu, c'est la Justice, c'est incroyable. Tous
devraient être responsables, puis qu'il y ait une concertation. Et
là on ne l'a pas.
Je trouve ça correct. En plus, il y a un réalisme
là-dedans qui fait que les ministères ne devraient pas être
mal à l'aise que ça devienne presque, non seulement un document
de référence, mais une bible pour tous les ministères. Il
y a un réalisme dans le sens qu'on sait où on doit s'attaquer,
mais, en même temps, on sait qu'on ne peut pas aller partout en
même temps. Moi je vais avoir deux courtes questions parce que je veux
laisser le temps à mes collègues. C'est tellement vaste et en
même temps plus rattaché à la commission de
l'éducation. Moi ça va être rattaché directement
à ça aussi.
La priorité qu'on se donne étant donné qu'on ne
peut pas aller partout, puis qu'il y a des poches de pauvreté, c'est
inacceptable, c'est la misère qui s'installe et on ne peut pas accepter
ça, on dit: Première priorité, c'est par rapport à
des territoires où il y a une clientèle sur laquelle on doit
avoir une intervention plus rapide. Ma première question, et je vais
vous poser tout de suite la deuxième de façon à ce que
vous puissiez élaborer là-dessus, est-ce qu'à
l'intérieur de cette première priorité, qui est
territoriale, ça doit être au ministère de
l'Éducation d'être le premier à être un intervenant?
Même si on dit que ça commence avant même la naissance, puis
ensuite de ça jusqu'à 30 ans, de nos jours, parce que les parents
sont parents responsables jusqu'à 30 ans.
Mais comme l'école est le lieu où les jeunes se
retrouvent, où les loisirs doivent se donner, où les professeurs,
leur responsabilité c'est toujours les jeunes et l'enfance, est-ce
qu'à l'intérieur de la priorité territoriale le
ministère qui doit être le premier à intervenir - et on le
voit de toute façon parce qu'on coupe les prestations, puis on n'indexe
pas tout le temps l'aide sociale, ou on coupe toutes sortes de choses, on
nourrit les enfants dans les écoles, donc, comme il n'y a plus la
capacité, et vous en parliez tantôt, le soutien économique
aux parents, comme le soutien n'est plus suffisamment important, on nourrit les
enfants dans les écoles...
C'est encore à l'école qu'on donne le mandat et qu'on
organise les choses. Est-ce que c'est au ministère de l'Éducation
qu'on peut s'adresser, en priorité, suivi de près d'autres, je
suppose la Santé et les Services sociaux, mais est-ce que ce n'est pas
à l'école d'abord que ça doit se passer? Et
deuxième question: Vous avez parlé, et je trouve ça
très intéressant, du bureau d'organisation communautaire
jeunesse.
M. Bouchard: Bureau de services communautaires...
M. Paré: Bureau de services communautaires jeunesses...
Là où il y a socialisation, il y a au-delà des groupes
d'âge, donc, jeunesse avec des moins jeunes, au niveau d'une MRC, ce
rassemblement qui permet les deux côtés, les jeunes donnent mais
reçoivent, en même temps, puis il y a ce mariage des
générations. Est-ce que, pour être capable de mettre tout
ça en application, il ne faudrait pas d'abord mettre en application une
recommandation qui était majeure, importante dans votre dossier et
à laquelle on consacre, même, suffisamment de paragraphes et de
pages? C'est la fameuse caisse québécoise d'aide à
l'enfance et à la jeunesse. Est-ce que ce n'est pas d'abord ça
qu'on doit se donner si les jeunes, c'est une priorité, devant le
constat, là je n'ai pas de description de toute la situation de nos
jeunes au Québec, elle est connue, devant l'urgence d'agir pour
régler la situation de nos jeunes, ou, en tout cas, améliorer ce
qu'ils vivent présentement?
Il faut se donner des outils et, pour se donner des outils, probablement
que même le Bureau de services, ça prend des fonds, on n'a pas le
choix. Est-ce qu'on n'a pas d'abord besoin de cette caisse qui est
peut-être considérée comme quelque chose qu'il faut se
donner maintenant? Est-ce que, si on veut prouver qu'on
a l'intention de suivre, il ne faut pas commencer par ça et, si
oui, qui devrait être la personne? Quand je parle de personne, je parle
de ministère.
M. Bouchard: O.K.
M. Paré: Quel ministère doit être le
porte-ballon de ça, étant donné que le premier ministre
est responsable du dossier jeunesse. Est-ce que l'éducation s'occupe
seulement et uniquement ou, en tout cas, en grande partie des jeunes, sauf
l'éducation des adultes, et que le ministère de la Santé
et des Services sociaux est responsable des organismes communautaires? Pour
vous, qui devrait être...
M. Bouchard: Le martre-d'oeuvre.
M. Paré: ...le ministre porteur de la mise en place de
cette caisse? (17 h 40)
M. Bouchard: O.K. Si vous permettez, je vais commencer par la
question sur la caisse. Je n'ai pas encore eu de réaction. Le Groupe n'a
pas encore eu de réaction sur la proposition de la création d'une
caisse québécoise d'aide à l'enfance. On est un peu
déçu de ce manque de réaction de la part, notamment, du
ministère des Finances, du ministère du Revenu et de
l'Exécutif. Je vais vous dire pourquoi. C'est parce qu'on nous dit sur
tous les tons que l'État ne peut contribuer davantage à... Nous
nous sommes ingéniés, dans le Groupe de travail, à essayer
d'associer les fonds privés, les fonds individuels et les fonds de la
chance - Loto-Québec - à une caisse québécoise
d'aide à l'enfance qui viendrait créer un fonds, ce qu'on appelle
un fonds de dotation. Ce fonds de dotation, on pourrait le grimper aux
alentours de 230 000 000 $ à 250 000 000 $, au cours des 10 prochaines
années, et tirer de ce fonds de dotation 25 000 000 $ à 30 000
000 $ de revenu par année, pour tenter d'expérimenter de
nouvelles façons de faire de la promotion ou de faire de la
prévention auprès des enfants.
Il y a deux raisons pour lesquelles nous avons proposé une caisse
québécoise d'aide à l'enfance. La première raison,
c'est que... Écoutez, quand on prend l'ensemble des recommandations, et
surtout l'ensemble des recommandations qu'on peut chiffrer - parce qu'il y en a
plusieurs qu'on ne pouvait pas chiffrer - je vous dirai qu'on tourne dans les
180 000 000 $ à 200 000 000 $. Si on avait à débourser
ça demain matin, ce serait tout à fait irréaliste; vous
l'avez mentionné. Nous avons pensé que ce serait peut-être
plus alléchant, plus «marketable», entre guillemets, et plus
engageant pour le ministre de la Santé de se faire dire: Voici les
priorités pour les cinq prochaines années. Nous avons mis le
paquet sur le préscolaire, et nous avons vu, dans le plan d'action du
ministre de la Santé et des
Services sociaux, dont les crédits ont été
discutés, qu'il a pris aussi une mordée assez importante dans nos
recommandations sur les 6-11 ans. Nous pensons, nous, qu'on manque de fonds de
roulement. Si le discours du Conseil du trésor est correct, si on le
prend comme valide, on arrive à la conclusion, comme tout le monde,
qu'on n'imprime pas de l'argent comme on veut, d'une part, mais, d'un autre
côté, nous autres, on a rencontré les gens de Centraide qui
nous ont dit qu'avec leur étude comparative sur l'argent que donnent les
Québécois et que donnent les OntaHens des mêmes grandes
sociétés, à même statut de revenu, il y avait un
dollar sur trois qui était sorti de la poche des
Québécois, actuellement - un sur trois - il en restait deux
à sortir. Ça, c'est une information importante.
La deuxième information, c'est que c'est vrai, aussi, et le
«Children's Fund», aux États-Unis, mise là-dessus,
que, lorsque des personnes font un crochet sur leur impôt et disent: Ce
pourcentage, ce petit pourcent de mon impôt, je veux qu'il aille dans le
domaine de la prévention des abus des traitements envers les enfants,
ces personnes-là s'intéressent plus à ce que deviennent
leurs impôts, un; sont plus contentes de les payer, deux; et, trois,
elles s'intéressent plus à la cause, ce que ça devient et
c'est quoi, les résultats des actions. Donc, nous, on a pensé une
formule qui, sans aller vers le «Children's Fund», mobiliserait les
gens. Cette caisse-là serait alimentée, donc, par les dons des
particuliers, avec un dégrèvement d'impôt de 150 % pour le
rendre plus attrayant, et on espérerait que l'autre niveau de
gouvernement donne aussi un dégrèvement d'impôt attrayant,
de telle sorte que les gens puissent être intéressés, entre
guillemets, mais intéressés d'une façon monétaire
à contribuer à la caisse.
Deuxièmement, nous misons aussi sur des revenus qui nous
viendraient de la taxation, d'une taxe morale sur les produits violents et
dégradants qu'on retrouve dans nos salles de location de vidéos,
en particulier, les rangées où on trouve plein de rose, les deux
derniers étages, en haut. Il y a des millions de dollars qui circulent
là-dedans sans que notre société dise quoi que soit, qu'il
y ait un message clair là-dessus. On l'a fait avec le tabac, on le fait
avec l'alcool, puis les produits violents et les produits dégradants,
pas un mot, taxe parlant. Donc, ça.
Troisièmement, on dit que, pour une période de 10 ans, il
serait peut-être juste, quelque part, équitable en tous les cas,
qu'un pourcentage minime des revenus nets de Loto-Québec retourne
à ceux qui, relativement à leur revenu, fournissent le plus
à Loto-Québec, c'est-à-dire aux couches populaires, par
l'intermédiaire de programmes de prévention et de promotion. On
nous dit que ça, c'est une vache sacrée, que ça ne bouge
pas, cette affaire-là, qu'il n'y a pas moyen de tirer le pis de
ça, et que le fonds
consolidé, on ne peut pas toucher à ça. Moi, je me
dis que, quelque part, on peut peut-être y toucher avant qu'il arrive
dans le fonds consolidé. Ha, ha, ha! Mais il y a là, me
semble-t-il, et semble-t-il pour les membres du Groupe, pour une période
de 10 ans, pas à vie, une contribution intéressante de l'argent
qui est placé par les couches populaires dans une taxe volontaire ...
à un retour sur leur taxe volontaire même s'ils ne sont pas
chanceux.
Quatrièmement, nous savons, parce que j'en ai parlé aux
gens de la Fédération et, entre autres, à M. Claude
Béland, que les caisses populaires, avec tout leur réseau,
seraient prêtes, demain matin, à ouvrir un compte spécial
pour une caisse québécoise d'aide à l'enfance et qu'il y a
donc là un accueil régional garanti au niveau administratif qui
simplifierait considérablement l'établissement de cette caisse.
Le dernier élément en faveur de la caisse, évidemment,
c'est que ça mobilise, mais ça amène de l'argent.
Ça amène de l'argent qui fait référence non pas
à une contribution directe, sauf la première année, aux
finances de l'État, mais à une contribution qui vient de tous les
paliers de la société, y compris l'État, par l'entremise
d'un dégrèvement d'impôt. Nous autres, on attend des
réactions là-dessus. Je sais qu'il y a des financiers,
actuellement, qui en discutent sérieusement. Je ne sais pas ce qu'il va
advenir de ça, mais c'est sûr, semble-t-il, que ça
répond, en tous les cas, je pense, idéologiquement, mais aussi
pratiquement aux exigences du temps, de la période qu'on vit.
En ce qui concerne les territoires, vous avez dit les territoires qui
présentent le plus de défavorisation, nous, on parle des
territoires qui présentent les plus grands besoins, mais le
modèle qu'on suit est le suivant. Quand on dit qu'il faut investir en
priorité - pour cette question-là, cette première question
que vous avez posée - sur les territoires qui présentent les plus
grands besoins, on fait référence à une liste de 40
à 50 territoires déjà identifiés par le Conseil des
affaires sociales dans «Deux Québec dans un» qui
reflète toutes les années, selon les ministères, par le
ministère de l'Éducation, par le ministère de la
Santé, etc., et qui pointe ces territoires où on retrouve le plus
de menaces au développement des enfants et des familles.
Cependant, en identifiant ces territoires, ce qu'on ne veut pas, c'est
que les programmes soient offerts à des groupes en particulier et
strictement à des groupes en particulier sur ces territoires, parce que
c'est la meilleure façon de les éloigner des programmes. Les gens
se sentent stigmatisés, étiquetés, visés
spécifiquement et disent: Les programmes pour les pauvres, je ne veux
pas que mon enfant aille là-dedans. Ce qu'on dit, c'est qu'il y a une
stratégie, il y a des approches qui ont été
développées et pour lesquelles on a suffisamment de
données, dans lesquelles on offre le programme à toutes les
familles. Il peut y avoir ou non une contribution selon le niveau de revenus
des familles, mais on fait un effort particulier pour aller faire ce qu'on
appelle en jargon du «reaching out», c'est-à-dire du
recrutement spécifique chez des familles connues déjà,
dès la naissance de l'enfant, connues des services sociaux, connues de
l'école, etc., où les enfants présentent des
difficultés un peu plus grandes, où les familles
présentent des besoins un peu plus grands, mais il faut aller chercher
selon la notion de besoins et non pas selon la notion d'incompétence ou
de déficit. C'est très important dans notre approche.
En ce qui concerne le rôle clé que peut jouer un
ministère ou un autre, moi, ce que je vous dirai, c'est ceci. C'est que,
dépendant des recommandations, nous avons nommé des responsables
moraux du dossier, et nous les nommons toujours comme des leaders et non pas
comme des responsables uniques. Donc, dans certaines recommandations, c'est le
MEQ, dans d'autres, c'est le MESS, dans d'autres, c'est le ministère du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Enfin, vous voyez le genre. Ce qu'on
dit aussi, c'est qu'en premier lieu, en ce qui concerne toute la question du
revenu familial et la pauvreté des enfants, c'est, avant tout, une
préoccupation de l'Exécutif et une préoccupation d'un
gouvernement tout entier. Il n'y a pas là de frontières et il y a
une solidarité interministérielle, une concertation
interministérielle qui doit s'établir alentour de l'emploi et de
la lutte à la pauvreté, sans laquelle solidarité on n'y
aboutira pas. On n'aboutira pas à l'effet prévu, parce que c'est
un gros défi de réduire de 50 % en 10 ans le taux de
pauvreté chez les familles monoparentales et chez les familles dont le
chof a moins de 25 ans. C'est un gros boulot. On «si capables do lo
tnlro. On l'a fait pour les personnes âgées, mais ça prend
aussi de la concertation avec un autre palier de gouvernement. Ça prend
toutes sortes de choses.
La Présidente (Mme Harel): Merci, M. Bouchard. M. le
député de Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): Oui, Mme la Présidente.
M. Bouchard: Rimouski-Neigette.
M. Tremblay (Rimouski): Voilà! D'ailleurs, justement
à la page 127, présentement, j'ai la Fondation Pro-Jeunes-Est
Rimouski-Neigette. Ce n'est pas là mon propos, au départ. Je
voulais juste vous dire d'abord que je suis bien heureux que vous soyez
là pour qu'on puisse vous entendre et connaître votre opinion,
quant à votre rapport. Vous semblez vous interroger, au début,
à savoir si votre mandat avait été bien donné par
le ministère des affaires sociales, plutôt que par le
ministère de l'Éducation. Dois-je vous dire que je pense que
votre mandat a été donné par le bon ministère,
parce que c'est un problème de
société. C'est un problème de la
société dans le sens que la société doit être
requestionnée par rapport aux problèmes que l'on vit du
décrochage, et, en même temps, de l'abandon scolaire, etc. (17 h
50)
On est dans une situation, supposons qu'on arrête l'horloge de
fonctionner aujourd'hui, on est pris avec toute une série de, ou toute
une cohorte d'enfants qui ont décroché et puis qui ont des
problèmes, etc. Mais il faut regarder la dimension de ce
problème-là, ou du constat qu'on fait, dans un esprit
plutôt de prévention. C'est-à-dire que, si on est capable,
à la base, de corriger, d'apporter des correctifs aux problèmes
des familles, de l'encadrement, un peu comme on fait à Rimouski, c'est
parce que c'était plus facile, nous, on est une petite
communauté. C'est vrai que c'est plus difficile à Québec
ou Montréal. Mais, avec la Fondation Pro-Jeunes-Est, nous autres, on a
essayé, avec le CLSC, le CRSSS, et les commissions scolaires et autres
intervenants, de cibler les cas problèmes décelés à
la petite enfance, de façon à les prendre immédiatement et
puis à pouvoir les corriger et puis les rendre dans le système.
Et là le décrochage, on pense qu'en faisant ça le
décrochage sera moins évident un petit peu plus tard. Et,
nécessairement, on sera beaucoup plus interventionnistes, et en
même temps plus, je ne sais pas, mais plus productifs au niveau de nos
interventions.
Alors, moi, je pense que le problème, nécessairement, il
est dans sa globalité, mais on a aussi à faire face à une
situation présente. Comment on intervient? On intervient seulement au
point de vue curatif, à mon sens, présentement. On n'intervient
pas au point de vue préventif. Nous, on a mis de l'avant cette Fondation
qui nous permet au moins de corriger au point de vue préventif.
Au point de vue curatif, dans les problèmes, dans les
interventions que nous faisons - et vous avez bien dit tout à l'heure
que les groupes communautaires ne pouvaient pas rendre la marchandise, parce
que, eux autres, les groupes communautaires on dirait qu'ils font du ad hoc.
Ils n'ont pas de filon conducteur. Puis, ça, c'est un peu malheureux. Il
faudrait peut-être essayer de corriger ça. Si on était
capable d'avoir une intervention beaucoup plus soutenue et en même temps
plus coordonnée, plus concertée, pour pouvoir faire du curatif
très intéressant! Et, là, on a des actions
hétéroclites à mon sens, qui sont peut-être bonnes
dans un certain temps, mais qui n'ont pas de filon conducteur. Je trouve
ça un peu triste parce que ça ne répond pas
peut-être aux attentes, et ça ne corrige pas le problème
immédiatement.
Juste une petite interrogation, parce que vous avez dit tout à
l'heure: Lorsque les professeurs sortent de leur rôle de
syndiqués... Ça m'intrigue un peu quand vous me dites ça,
parce que, je ne veux pas remettre en question tout le... C'est parce que, moi,
je suis un ancien professeur, et puis j'ai été dans les syndicats
aussi, et puis je trouvais donc qu'on minutait trop notre intervention comme
professeur. On était à 50 minutes, 45 minutes, puis là,
quand on débordait de notre 45 minutes, «go out», puis on ne
s'occupait plus de rien. Et, ça, ça été, à
mon sens, démobilisant pour les professeurs. Nous étions, moi, je
ne sais pas, j'ai vécu les deux systèmes: l'ancien système
où je n'étais pas syndiqué ou pratiquement pas; puis
l'autre où on était vraiment syndiqué. Et, lorsqu'on
n'était pas syndiqué, on était beaucoup plus
engagé, beaucoup plus intéressé. Et, là, lorsqu'on
est devenu syndiqué, bien là on faisait notre 45 minutes, puis on
ne s'occupait plus de ça. Ça, ça été
peut-être l'élément. Et, là, ça nous a
peut-être désengagés vis-à-vis notre mission
d'éducateur, et je pense qu'on a le résultat malheureusement
aujourd'hui de tout ça. Peut-être qu'il y a une reprise de
conscience. De plus en plus, les professeurs s'intéressent de plus en
plus au rôle social qu'ils ont à jouer en plus du rôle
d'éducateur. Et, là, peut-être qu'on va reprendre le temps
perdu. Mais, présentement, on a toute une cohorte qui est quasiment
perdue, malheureusement.
Et, c'est pour ça que les interventions, comme ce qu'on a fait
à Rimouski au niveau de la Fondation Pro-Jeunes-Est, intervention
immédiatement à la base, ça c'est fondamental. Je pense
que c'est intéressant. Je voulais juste dire ça, mais j'aimerais
vous entendre peut-être sur votre affirmation là que vous avez
faite.
M. Bouchard: Ha, ha, ha! C'est peut-être dû au fait
que, quand j'ai rencontré les gens dans les travaux du Groupe et qu'on
avait affaire à des représentants des syndicats, le discours qui
était un discours souvent de soutien au rôle du prof était
celui qui était mis de l'avant. Quand on rencontre les profs un par un,
et même ces mêmes officiers qui ne sont plus dans leur rôle
de syndiqué, et qu'on prend un verre, ce qu'on entend, c'est plus le
discours d'une personne qui est en état de détresse. C'est
ça que je voulais dire. Autrement dit, les officiers syndicaux ne vont
pas, sans doute, devant n'importe quel groupe de travail émettre
l'opinion publique que leurs troupes sont fatiguées, que les gens se
sentent impuissants, etc. Ils ne veulent pas démoraliser leurs troupes,
autrement dit. Mais, quand on s'assoit avec les profs... Il y a une très
belle expérience, d'ailleurs, dans le comté de Mme Harel, je
pense, La Maison des enfants, où Pierrette Gélineau reçoit
des enfants, mais elle reçoit aussi des profs qui accompagnent les
enfants, et elle me disait dernièrement: Écoute, je pense que je
vais ouvrir une maison des profs parce que, quand je prends un café avec
eux autres, ils me révèlent tellement de besoins, tellement de
rêves qu'ils ne réalisent pas et
tellement de choses qu'ils pourraient faire que je pense que je vais
tous les mettre ensemble, cette gang-là, et ils vont se mettre à
se parler, et ils vont en faire des affaires, et je vais les sortir de leur
incompétence, etc. De leur sentiment d'incompétence
c'est-à-dire, pas de leur incompétence. Et ça, je pense
que c'est important de saisir ce message-là à ce
niveau-là, et c'est pour ça que les recommandations du Groupe ce
n'est pas une reconnaissance de la compétence des profs comme une
reconnaissance de leurs besoins de soutien, dans la configuration des multiples
tâches qu'ils sont appelés à jouer désormais. On a
beau leur demander de jouer un rôle plus important au niveau
sociétale, il faut qu'en même temps on puisse les accompagner et
les soutenir dans ce rôle-là. Autrement dit, ce que les
Américains appellent «Who cares for who cares», qui s'occupe
de qui s'occupe des enfants, et quelle sorte de traitement ces gens-là
ont de leur communauté. Seulement à titre d'illustration, on a
fait, nous, avec la Commission des écoles protestantes du Grand
Montréal une expérience. Nous avons importé, à
Montréal, un programme qui nous vient de l'Université de Cornell,
et qui s'appelle «Family Matters», et qui a été
traduit par «L'École, la famille et moi», à
Montréal, où on donne simultanément des services de
soutien aux profs et aux parents, mais parallèlement. Ils ne se
rencontrent pas. Ils ont un certain nombre de séances, les deux groupes,
séparément, et à la fin, ce qu'on constate, c'est que,
tranquillement, ces gens-là se parlent plus, laissent tomber les
résistances, laissent tomber les défenses, laissent tomber les
craintes, laissent tomber les préjugés, etc., tout simplement
parce qu'on pose, par exemple, aux parents: C'est quoi votre professeur
idéal? Et, là, les parents qui sont en groupe, savez-vous ce
qu'ils répondent? Le professeur idéal, c'est celui qui s'occupe
de mon enfant comme je l'entends, moi. Il y en a 28, comme ça, dans la
classe. Les parents sont, bien sûr, tout de suite à même de
constater que ça ne se peut pas un professeur idéal. Donc, ils
commencent à mettre de l'eau dans leur vin, ils commencent à
reconnaître-Une voix: ...le parent idéal aussi.
M. Bouchard: Ha, ha, ha! Mais on le fait avec les profs. On fait
la même démarche avec les profs dans un système comme
celui-là. Alors, l'idée fondamentale, c'est que les gens ont
besoin de se retrouver entre eux. Moi, j'ai rencontré des groupes de
profs - 28, 30, 40 - et je leur demandais: Si vous avez un parent
récalcitrant, difficile à contacter, avec qui c'est difficile de
travailler, qu'est-ce que vous faites? Bien, au bout d'une demi-heure, j'avais
45 réponses différentes sur le tableau noir, en avant. Il y en a
de l'expertise, il y en a de l'imagination, sauf que les gens sont
isolés chacun dans leur coin, ne se parlent pas, ne se donnent pas des
moyens de soutien de groupe pour se valoriser là-dedans, et, en
même temps, n'ont pas, des fois, l'infrastructure dans leur école
pour le faire. Si vous voulez avoir une conversation téléphonique
significative avec quelqu'un, vous ne la ferez pas, j'imagine, ouvertement,
devant l'ensemble de vos collègues, en commission. C'est ce qu'on
demande aux profs, au secrétariat, de faire avec les parents. Il y a un
téléphone dans l'école, et c'est celui-là, mais
ça n'aide pas la communication. Ça a l'air trivial, ça a
l'air simple, ça n'a pas l'air important, sauf que ces petits
problèmes d'infrastructure dans les écoles sont très
importants, aussi importants que les problèmes d'accessibilité,
les problèmes d'horaire, les problèmes de serrure et les
problèmes de contingentement dans les rencontres de professeurs et de
parents. Ça répond, sans doute, à une partie de votre
question. Je l'espère, du moins.
Une voix: Ça va.
M. Bouchard: En ce qui concerne l'intervention précoce, on
est sur la même longueur d'onde, vous l'avez lu dans le rapport.
La Présidente (Mme Harel): M. le député
d'Abitibi-Ouest. (18 heures)
M. Gendron: Oui, M. Bouchard, parce que le temps file rapidement,
moi, je veux vous remercier beaucoup. Vous êtes stimulant, emballant.
C'est plaisant de vous entendre et ce n'est pas par flatterie. Un peu comme
Roger le mentionnait tantôt, le député de Shefford, il faut
se convaincre tous que la place qu'on doit donner à un drame de la
société n'est pas assez significative. On parle beaucoup du
problème des jeunes, du drame des jeunes, mais comme
société on ne sent pas que la société s'en
préoccupe et s'en occupe adéquatement. J'ai eu à
débattre de questions liées autour des problèmes de la
jeunesse dans d'autres forums, mais je suis convaincu que, si on arrivait
à être aussi structuré pour nos jeunes qu'on l'est pour le
troisième âge actuellement, on ne s'en porterait que mieux
à très court terme. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas
encore des lacunes au niveau des personnes du troisième âge, mais
c'est vraiment un groupe collectivement gâté dans la
société quand on fait la comparaison avec les jeunes. Je ne dis
pas qu'ils sont gâtés.
Certain qu'ils sont capables de discuter, parce qu'il faut parler des
vraies choses, puis c'est justement en ne le disant pas...
M. Bouchard: J'avais quelque chose qui me passait à la
tête quand vous disiez ça: Une personne âgée, un
vote; un enfant, pas de vote.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bouchard: C'est cynique, me direz vous,
mais il y a quelque chose là-dedans.
M. Gendron: Ce n'est pas cynique, vous avez vu la réaction
que ça a suscité.
La Présidente (Mme Harel): Je pensais à la
même chose, d'ailleurs.
M. Gendron: Non, très sérieusement, je pense que ce
soient des membres d'une commission de l'éducation ou des membres d'une
commission de la santé et des services sociaux ou n'importe quel
parlementaire, j'ai la ferme conviction que le moment est venu de cesser cette
organisation de la concertation, comme vous l'avez si bien dit, et là le
moment est venu de prendre des décisions plus efficientes qui auront des
résultats palpables, concrets, et il me semble que vos recommandations,
pour la plupart, vont dans ce sens-là. Assez discouru, là je
pourrais les prendre une par une, puis vous expliquer qu'il me semble que ce
que vous recommandez là, puis le travail que vous avez fait c'est
extraordinaire. Vous en parlez avec connaissance et, en particulier, la
recommandation qui touche le secteur de l'éducation. Moi, il n'y en a
pas beaucoup qu'à leur face même il ne me plairait pas de tout
mettre en oeuvre pour les actualiser le plus rapidement possible.
Ceci étant dit, je vais toucher à deux questions ou deux
points sur lesquels il y aurait lieu peut-être, d'élaborer
davantage. Il y en a beaucoup plus que ça. Vous avez recommandé,
à un moment donné, dans une de vos recommandations, d'ouvrir un
débat, à toute la communauté sur l'école secondaire
en tant que milieu de vie pour nos jeunes, parce que l'école, en tant
que milieu de vie pour nos jeunes, quand on jase avec certains de nos jeunes,
c'est loin d'être drôle ce qui se passe là, selon eux, alors
qu'il faudrait corriger des affaires. C'est une demande qui est
répétée par d'autres intervenants de rapidement tenir ce
débat-là, mais assez ciblée. Alors, la première
question, et je vais faire la deuxième pour vous laisser commenter,
porterait là-dessus, c'est: Vous le voyez comment, parce que, si vous le
réclamez, c'est parc*î que vous avez
réfléchi, puis quelle sorte d'encadrement vous donneriez à
ce débat-là? Comment vous le voyez? Est-ce que vous voyez
ça aussi dans des cadres traditionnels du genre d'une commission
parlementaire? En tout cas, j'espère que ce ne sera pas ça, mais
j'aimerais que vous m'expliquiez un peu comment vous voyez ça, une
façon de conduire le débat pour maximiser, éventuellement,
le succès de ce débat.
L'autre question qui est également liée à toutes
ces questions que vous avez soulevées au niveau des problèmes des
jeunes, vous portez un jugement sur l'action gouvernementale, et là je
tiens à dire que ça n'a rien à voir, comme tel, avec le
gouvernement en place. Non. Je pourrais en faire en d'autres lieux, mais le
problème est trop sérieux. Que ce soit celui-là ou
l'autre, je parle du gouvernement comme institution. J'aimerais ça que
vous m'expliquiez comment vous concevez que l'action gouvernementale en
matière de jeunesse puisse se coordoner mieux. Lié à
ça, j'aurais pu vous demander comme première question: Le rapport
Bouchard dont on a parlé et pour lequel vous avez été
très sollicité, comme intervenant, vous-même, dans tout le
Québec, on en a entendu parler... Aujourd'hui, toujours lié
à cette question-là, exemple, pour les recommandations 4, 5, 7,
8, 10 qui ont une connotation plus éducative, trois aslérisques
ou trois étoiles, si je vous demandais: C'est quoi les relations que
vous avez eues avec le ministère de l'Éducation? Parce qu'il y a
des bouts sur le problème du décrochage. Je trouve que vous
frappez juste et essentiellement, pour me ramasser, vous parlez de mesures
assistées. Je veux bien croire que je suis le porte-parole de
l'Opposition officielle, mais ça va faire un an et demi que je parle de
mesures assistées pour contrer le phénomène du
décrochage, parce que c'est par là que ça doit passer. On
peut bien faire des colloques, on peut bien s'amuser à organiser
n'importe quoi, mais fondamentalement, tant qu'il n'y aura pas plus de mesures
assistées - et là je ne veux pas toutes les décrire, vous
l'avez bien fait là. Suite à un rapport aussi fantastique, aussi
emballant - on ne devrait presque parler que de ça pendant deux mois,
c'est une image de style - si votre réponse est: Bien oui, le
ministère de l'Éducation l'a reçu le rapport, je n'ai pas
vu beaucoup de commandes, de rétroaction dans ce qui va sortir un jour,
le plan de réussite scolaire. C'a été quoi votre place
concrète dans le plan de réussite scolaire qui va sortir?
Essentiellement, le ministre nous indique qu'il va finir par accoucher de
quelque chose pour contrer le phénomène du décrochage
scolaire. Vous en avez des bonnes mesures, mais, comme par hasard, il tourne
toujours à la même place, correctement selon moi, au niveau de
mesures assistées.
Est-ce que vous avez joué un grand rôle, fonction-conseil?
Est-ce que le ministère vous a consulté? Est-ce qu'il vous a fait
venir? Est-ce qu'il vous a dit: Compte tenu que vous avez fait beaucoup de
suggestions, j'aimerais ça vous entendre un peu sur ces
questions-là?
M. Bouchard: O.K. En ce qui concerne la première question,
sur notre recommandation sur un débat ouvert à propos de
l'école secondaire, ce pourquoi j'ai mentionné dans ma
présentation qu'on avait songé à une commission
parlementaire, une commission d'enquête, une commission très large
et très publique, et en même temps très formelle, qui
suivrait un projet de loi, ce pourquoi on ne l'a pas fait, c'est parce qu'on
pensait que la situation était à ce point urgente d'impliquer
directement les acteurs régionalement et localement alentour de leurs
écoles qu'il ne fallait pas les distraire par une mécanique
qui
viendrait sanctionner tout ça, dès le point de
départ, dans un régime administratif qui les éloigne de
l'action.
Ce qu'on voudrait, et ce qu'on souhaite, c'est que chacune des
commissions scolaires lisant le rapport dise: Aïe, on en fais-tu des
états généraux sur notre école secondaire, ou sur
nos écoles secondaires dans la région? Et qui sont les acteurs
qu'on doit inviter dans le public là-dessus? L'invitation est faite
à tout le monde. Mais qui on veut vraiment voir là? Bon. Et on en
nomme des acteurs là-dedans. Souvent des acteurs qui sont non
traditionnels, des acteurs qui ne sont pas identifiés à
l'école directement, par exemple, la chambre de commerce, par exemple,
les maisons de jeunes, qui ne sont surtout pas identifiées à
l'école, les maisons de jeunes, mais ils sont des acteurs très
importants auprès des jeunes. Ils peuvent être des traits-d'union
extrêmement vifs et compétents dans certains projets, pour en
nommer un, à Beloeil, actuellement, la Maison de jeunes de Beloeil offre
des services de leçons et devoirs aux enfants du secondaire, à
partir de tuteurs qu'ils vont recruter au collège, puis en 5e
année de l'école secondaire pour les jeunes qui sont en
difficulté, et les jeunes se présentent en masse à la
Maison des jeunes pour ça parce que ce n'est pas à
l'école, c'est un endroit «cool», ils aiment ça, ils
peuvent jaser, ils peuvent se mettre les pieds sur le divan, ils peuvent sacrer
en même temps, mais ils les font les leçons et les devoirs.
Ils sont dans un endroit qui est accueillant pour eux autres, où
il y a un rôle à jouer. Donc, ce qu'on dit là-dedans,
foncièrement, c'est localement, régionalement, que chacune des
écoles ouvre un débat sur comment elle est un milieu, comment
elle représente un milieu de vie pour les jeunes. Que le
ministère ou que les ministères viennent ensuite appuyer les
conclusions et les recommandations, on pense que c'est... De toute
façon, le ministère a déjà commencé des
tournées régionales, des tournées locales, mais plus, si
mon information est bonne, et je ne suis pas sûr qu'elle le soit, mais
plus repliées sur l'équipe-école.
Et nous pensons, nous, ce qui manque à ça, c'est le
«yet», c'est le trait-d'union essentiel, sans lequel nous pensons
que nous ne nous en sortirons pas, de reprise en main par les
communautés de leurs écoles. On a confié au
ministère de l'Éducation, on a confié au directeur et
à ses adjoints, on a confié aux enseignants le soin de nos
enfants entre 8 heures et 3 heures et demie, surtout entre 12 et 18 ans. Et si
vous essayez, comme parents, de contacter un prof dans une école
secondaire présentement, c'est du donquichottisme du plus grand niveau.
C'est très difficile de le faire, très difficile parce que c'est
gros, parce que c'est lourd, parce que l'administration n'est pas faite pour
ça, etc. (18 h 10)
Mais aussi on s'aperçoit que... Nous, ce dont on s'est
aperçu dans notre consultation dans les régions, c'est que les
gens nous disaient: On s'ennuie de ne pas s'occuper de notre école,
parce qu'on ne sait plus ce qui se passe là-dedans et on sent que nos
enfants en souffrent. Donc, la façon dont on le voyait, et dans les
modes d'application, je pense qu'on peut lire ça assez clairement, mais
des fois c'est peut-être un peu trop entre les lignes, c'est que les
acteurs non traditionnels et traditionnels des communautés où se
retrouvent les écoles secondaires puissent se parler.
Dernièrement, je rencontrais quelqu'un de la région de Strasbourg
qui me disait qu'en France une école secondaire de plus de 500,
ça ne se pouvait pas. Ils ont pour eux la densité de population.
Qu'est-ce qu'on fait avec problème-là, au Québec? On fait
des autobus scolaires. Et l'égalité de fréquentation
gratuite de notre système d'école secondaire, actuellement, tient
à un trait d'union jaune. Ce que ça veut dire, essentiellement?
De la fatigue de plus, beaucoup de fatigue de plus, mais surtout un
éloignement physique considérable pour les parents qui ne se
sentent plus attachés à cette école et qui ne sentent plus
que c'est un instrument de développement auquel ils ont affaire
personnellement. Alors, ça, c'est important.
C'est aussi vrai dans les régions, dans certaines régions,
que dans les grandes villes. Il y a d'autres drames, dans les régions,
pas des drames, mais des questions, des dimensions qu'il faut se poser. On a
vu, dans Baie-Comeau, dans la région de Baie-Comeau, des gens nous dire:
Quand nos enfants... Et des gens nous dire aussi... Mais quand ils arrivent
à la troisième année du secondaire, après avoir
fait I et II dans leur village, ils sont des exclus pour les trois prochaines
années, à l'école secondaire; c'est très difficile
de s'intégrer. Ils ne sont pas à la mode. Ils arrivent là
désavantagés. Ils viennent du patelin d'à
côté. Ça ne marche pas, il y a des clans de
créés, déjà. Tout ça, il faut investiguer
ça. On a des anecdotes, on a des témoignages, on a des gens qui
nous disent ceci, qui nous disent cela. Mais il faut pouvoir, à mon
avis, procéder plus sous le mode des états généraux
de l'école secondaire, régionalement d'abord, et, ensuite,
apporter ça à un niveau national, mais s'interroger
sérieusement là-dessus.
La deuxième partie de votre question sur les relations que notre
Groupe a eues avec le ministère de l'Éducation: Elles ont
été cordiales, mais courtes. Nous avons rencontré - vous y
étiez, je pense, il me semblait vous avoir vu; avant la réunion,
je me disais: C'est bien le même, oui - nous avons rencontré le
sous-ministre, M. Vézina, avec M. Jean-Yves Roberge et... Votre nom?
Une voix: Brodeur.
M. Bouchard: M. Brodeur. Est-ce qu'il y
avait une quatrième personne? Une voix:...
M. Bouchard: Non. En tous les cas, nous avons rencontré,
donc, ces trois personnes du ministère de l'Éducation pendant nos
travaux, et nous leur avons annoncé ce qui s'en venait dans notre
rapport, ce qui, apparemment, n'est pas pratique courante, lorsqu'un groupe de
travail opère dans un ministère envers un autre ministère.
Depuis lors, je n'ai pas eu de nouvelles directement, ni du cabinet, ni des
fonctionnaires du ministère de l'Éducation, après la
parution du rapport. Pour une partie de la réponse, c'est ça.
L'autre partie, c'est que je n'ai pas eu beaucoup de nouvelles du ministre de
la Santé et des Services sociaux. Ha, ha, ha! Et, à ce
compte-là, je pense que les relations serrées qu'on a pu tisser,
le Groupe de travail avec les fonctionnaires et professionnels du
ministère, nous plaçaient plus dans une position
privilégiée de coopération et de suivi du rapport avec le
ministère de la Santé, mais certainement pas avec le cabinet.
Donc, à ce niveau-là, on peut dire que c'est quasi
comparable.
Il y a des surprises étonnantes dans ces non-relations. Et je
m'attends à des surprises étonnantes et réconfortantes au
niveau du ministère de l'Éducation - ha, ha, ha! - parce que le
plan d'action du ministre de la Santé et des Services sociaux
révèle une implication vraiment rapide et, à mon avis,
très lourde, et il s'inspire directement et très lourdement de
très nombreuses recommandations que nous avons faites sur les 0-5 et
quelques-unes sur les 6-11. Il retient aussi trois lignes directrices dans son
approche, lutte contre la pauvreté, où il s'engage à
interpeller ses confrères, ses collègues ministres, à
l'Exécutif, quant à cette question. Deuxièmement ligne de
conduite: la concertation. Et troisième ligne directrice: l'orientation
plus préventive. Nous n'avions pas eu non plus, sauf dans le cours du
mandat, avec le Secrétariat à la famille, avec le
Secrétariat à la jeunesse et avec le Conseil permanent de la
jeunesse, de rencontres formelles depuis lors et de contacts formels depuis
lors, depuis la publication, mais nous en avions eu durant le cours de nos
travaux. Nous avons constaté, dans le plan d'action de la ministre
déléguée à la Condition féminine,
responsable de la Famille, qu'il y avait de très nombreuses
recommandations qui avaient été intégrées par
différents ministères dans le plan d'action de la politique
familiale, pas toutes. Certaines, je dois dire, à certain égards,
c'était décevant de ne pas les voir apparaître, notamment,
au niveau des questions de la pauvreté chez les familles monoparentales
et des jeunes familles. Mais je dois dire que cette non-relation a quand
même abouti à des surprises agréables.
La Présidente (Mme Harel): II nous reste seulement 10
minutes avant la fin de nos travaux. Je sais que le député
d'Abitibi-Ouest veut poursuivre.
M. Bouchard: Je vais être plus court, alors.
La Présidente (Mme Harel): II avait déjà
annoncé une deuxième question. Il y a M. le député
de Vimont, Mme la députée de Terrebonne et moi qui avait
pensé aussi, peut-être, si tant est que le temps nous le
permettait, mais à moins que vous vouliez conclure...
M. Gendron: Non, je conclus. Merci. J'aime mieux permettre aux
autres. J'en ai d'autres, mais je n'ai pas le temps.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Vimont.
M. Fradet: Ce ne sera pas tellement long. M. Bouchard, ça
me fait extrêmement plaisir de vous rencontrer. Je n'avais jamais eu
l'occasion de le faire et j'ai perçu, même si j'ai
été absent à quelques reprises pendant votre
témoignage, un dynamisme assez remarquable. En tout cas, votre
présentation, avec votre personnalité, ça démontre
vraiment la volonté que vous avez de changer des choses en
matière de jeunesse, au Québec, et je pense que c'est très
positif. Votre rapport a aussi été très bien accueilli par
le gouvernement. En tout cas, avec mes discussions avec différents
membres, que ce soient des gens du Conseil permanent de la jeunesse, des gens
du Secrétariat à la jeunesse, des ministres ou différents
députés, je pense que ça a été très
dynamique. Je connais bien aussi un membre de votre comité, qui est M.
Désy, avec lequel je m'implique dans des dossiers jeunes sur le
territoire de la ville de Laval. Je pense que nous essayons, en tout cas, en
grande partie, dans le milieu local, comme vous l'avez mentionné tout
à l'heure, de mettre en application des choses, en se prenant en main,
nous aussi, en n'attendant pas des actions dirigées par le gouvernement
du Québec.
Moi, j'ai juste entendu parler, tout à l'heure, vous avez fait
allusion au cours de formation personnelle et sociale. J'ai juste une question
là-dessus, parce que, premièrement, ça ne fait pas
tellement longtemps que je suis sorti du secondaire moi non plus et,
déjà, à l'époque, il n'y en avait pas de cours de
formation personnelle et sociale. Nous autres, on appelait ça
l'enseignement religieux, je pense, en tout cas, si je me souviens bien. Je
travaille présentement sur le comité permanent de lutte aux
drogues à essayer de pousser le ministère de l'Éducation
à avoir un volet toxicomanie - et vous l'avez aussi mentionné
dans le rapport Bouchard aussi - à l'intérieur même du
cours de formation personnelle et sociale. Or, c'est sûr que le corps
enseignant, de toute façon, n'a peut-être pas la
formation adéquate pour faire cet enseignement-là, dans le
cadre du cours de formation personnelle et sociale. Moi, la question que je me
pose: Qu'est-ce que devrait être le cours de formation personnelle et
sociale?
M. Bouchard: Ah!
M. Fradet: Vous avez dit, tout à l'heure: J'ai hâte
de voir des gens qui m'arrivent avec le cours de formation personnelle et
sociale et qui me disent qu'on avance à quelque chose, parce que,
là, il y a toutes les problématiques que les jeunes rencontrent
dans leur évolution à l'intérieur du milieu de
l'éducation et à l'intérieur de la société.
Il y a des problématiques, que ce soit la toxicomanie, que ce soient les
problèmes sexuels, les maladies vénériennes, les
problèmes de violence parentale et tout ça. Alors, qu'est-ce que
pourrait être, d'après vous, le cours de formation personnelle et
sociale pour qu'il remplisse vraiment la mission qu'il devrait remplir?
M. Bouchard: Moi, je pense qu'on devrait... Je vais faire
ça très court et je ne serai pas très nuancé, mais
je pense qu'on devrait vraiment s'abstenir de faire de la prévention
dans les cours de formation personnelle et sociale. Je pense qu'on devrait
faire de la promotion, du développement. Introduire des
problèmes, des problèmes et des problèmes dans le
curriculum de formation personnelle et sociale, ça renvoie aux jeunes
l'image qu'ils ont des problèmes, qu'ils sont des problèmes, et
ils sont tannés, en sacrebleu, de se faire traiter comme ça. Il y
a eu une enquête au CLSC Hochelaga-Maisonneuve où on a
demandé aux jeunes quelles étaient les questions qui les
préoccupaient et on a demandé aux adultes ce qu'ils pensaient que
les jeunes avaient comme questions. Les adultes disent tout le temps: La
toxicomanie, les maladies transmises sexuellement, le sida, etc. Les jeunes, ce
n'est pas ça pantoute. Les jeunes, c'est: Combien ça gagne tel
métier? Qu'est-ce qu'il faut faire pour faire telle chose? Ils sont en
train de se faire. Quand ils entendent parler de sexualité, ça
rime maintenant avec mort, sida et MTS. On ne leur parle pas du
«fun», on ne leur parle pas du plaisir, on ne leur parte pas du
respect, on ne leur parle pas de l'amour.
M. Fradet: Des valeurs fondamentales.
M. Bouchard: Bien, tu sais, il me semble que le plaisir, c'est
une valeur fondamentale.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Fradet: Juste peut-être une sous-question.
La Présidente (Mme Harel): M. le député
de
Vimont, vous aviez promis que ce serait court. Vous m'aviez dit: Comme
ça, comme ça.
Une voix: Ça va l'aider dans son cheminement.
M. Fradet: Trente secondes. Vous avez parlé tout à
l'heure, M. Bouchard, vous avez aussi donné l'exemple de votre fils,
à savoir qu'il faut intéresser les jeunes dans des
activités parascolaires. Croyez-vous qu'on devrait développer
davantage les programmes sports-études, arts-études,
musique-études ou quelque chose comme ça, ce qui fait en sorte
que les jeunes, premièrement, vont être à l'école
plus longtemps pour s'entraîner pour leur sport, pour leur musique ou
pour leur art et, en même temps, pour étudier? (18 h 20)
M. Bouchard: Moi, je pense que le principe fondamental, c'est de
reconnaître les passions des jeunes. C'est quoi leurs passions? Et,
à partir de là, ils vont apprendre tout ce qu'ils ont à
apprendre. Puis, si c'est les arts la passion, bien, tant mieux.
M. Fradet: Mais on devrait les encadrer.
M. Bouchard: Tant mieux pour nous autres, parce qu'une
société sans arts, ce n'est pas beau.
M. Fradet: Mais, on devrait les encadrer davantage selon vous,
c'est ça?
La Présidente (Mme Harel): Merci, M. le
député de Vimont.
M. Bouchard: Je n'ai pas eu le temps de répondre à
ça!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bouchard: Ça demande une longue discussion,
l'encadrement.
M. Fradet: Merci, M. Bouchard.
La Présidente (Mme Harel): Alors, Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Oui, merci, Mme la Présidente. Moi, je crois
profondément que peu importe l'âge, peu importe ce que l'on fait
dans la vie, lorsqu'on examine les problèmes à partir du fait que
nous sommes tous des humains, automatiquement on devrait trouver les vraies
solutions. C'est-à-dire qu'on soit jeune, ou qu'on soit vieux, ce dont
les gens ont besoin c'est d'être valorisés, de se sentir utiles,
de participer à quelque chose, d'apprendre, de connaître, de
transmettre des choses. Et je pense que votre document le cerne très
bien.
Et, pour régler des problèmes, il faut aussi
être capable d'être convaincants, ce que vous êtes, et
de susciter l'intérêt. Puis, une des premières remarques
que je veux faire par rapport au rapport, Dieu sait qu'on en reçoit des
rapports régulièrement, mais, la plupart du temps, on n'a
même pas le goût de le lire. Parce que votre rapport, lui, est
vivant, on trouve les solutions, on trouve des recommandations précises,
et ça suscite automatiquement l'intérêt.
Une partie m'intéresse particulièrement, les ressources
prématernelles, tout ce qui touche la petite enfance, ce qui permet,
finalement, de donner, dès l'enfance, tout ce dont l'être humain,
en fait, a besoin pour avoir moins de carences plus tard aussi. Bon. Donc, lui
donner tout de suite tous les outils pour réussir. Côté
bien pratique, qu'est-ce que vous conseillez dans certaines régions qui
voudraient mettre des choses sur pied pour toucher à cet
aspect-là, précisément?
M. Bouchard: II y a plusieurs formules qui sont
évoquées en ce qui concerne la période 0-5 ans, et il y a
déjà des projets de démonstration intéressants qui
sont implantés au Québec à propos de ces formules. Je vous
en citerai deux. Alentour de la naissance, des programmes de soutien à
la naissance, mais des programmes intégrés, c'est-à-dire
où la santé physique, la santé psychologique,
l'intégration des parents et le rapprochement des parents des services,
tout ça est contenu dans le même programme, entre 6 mois et 18
mois suivant la naissance, 6 mois de la grossesse et 18 mois suivant la
naissance.
Ces programmes-là ont été éprouvés,
ils ont été étudiés, ils ont été
évalués. Et, nous savons qu'ils peuvent s'appliquer en
région. Par exemple, le programme, le «Early Prenatal Infancy
Program» dont on parle dans le rapport, et duquel on s'inspire, il a
été fait dans les Adirondacks. Si vous avez vu le film
«Deliverance» là, c'est dans les Adirondacks, dans la partie
la plus pauvre et la plus sous-scolarisée qu'on ne peut pas trouver aux
États-Unis, vraiment. La sous-région la plus
sous-développée des États-Unis. On a réussi, dans
des conditions extrêmement pénibles et extrêmement
difficiles à implanter ce programme-là et à identifier des
effets très nets au bout d'un an. Donc, il y a moyen, avec des objectifs
très bien ciblés et très spécifiques, et avec une
méthode de recrutement éprouvée, d'aller chercher toutes
les familles et, plus spécifiquement, celles qui en ont le plus besoin.
En entourant la naissance, on a ça, et puis on a les haltes-garderies de
répit aussi, mais à caractère éducatif. On a des
programmes qui ont été expérimentés à cet
égard-là, notamment dans le centre-sud de Montréal.
Pour les 2-3 ans, on a les programmes de stimulation infantile. Et,
là, qui on met à contribution? On met à contribution le
service de garde du coin. On met à contribution les écoles, on
met à contribution le ministère de la Santé, par les CLSC,
et, possiblement, le MMSRFP par ses bureaux de travail, parce que ses bureaux
reçoivent très fréquemment des mamans sur l'aide sociale,
de qui on s'occupe du côté travail, côté revenu,
côté besoins, mais à qui on ne suggère pas des
activités de stimulation pour leurs enfants alors qu'ils sont là,
ils sont devant, ils sont dans le bureau. Et c'est une façon d'atteindre
ces parents qui est extrêmement intéressante. Et, ça, c'est
ce qu'on appelle les programmes de quatrième génération
aux États-Unis, là. On en est rendu là, maintenant,
d'impliquer les bures'jx de travail comme partenaires avec les CLSC et les
services de garde dans l'élaboration, pas dans l'élaboration,
dans la mise en oeuvre des programmes de stimulation infantile.
Nous proposons dans le rapport que les services de garde soient les
leaders dans le domaine. Je sais, pertinemment, que le conseil d'administration
de l'Office des services de garde a approuvé un projet de programme de
stimulation infantile. Ils veulent, je pense, le détailler suffisamment
pour que les régions se l'accaparent, se l'approprient dès le
mois de septembre. Ce qu'on craint cependant, et là je vais finir ma
réponse là-dessus, c'est que, si les services de garde s'occupent
de l'enfant et que le CLSC s'occupe des parents, on va arriver à un
cul-de-sac. La concertation, ce n'est pas la séparation des
clientèles, la concertation doit se faire alentour des besoins de
l'enfant. Si c'est un enfant qui présente des difficultés
particulières et si les parents ont besoin de soutien particulier,
ça devrait être la même personne qui voit l'enfant durant
les heures de garderie, qui intervient auprès des parents, mais avec le
soutien des ressources des services locaux des CLSC.
Ce que, moi, je crains, en particulier, ce que je vois se dessiner,
c'est qu'on nomme un intervenant pour les familles et un intervenant pour les
enfants, qu'on ait deux idéologies qui s'en vont parallèlement et
des gens qui ne se parlent presque pas, et qu'on arrive au bout du compte avec
quelqu'un qui dit blanc à la mère et quelqu'un qui dit noir
à l'enfant. Autrement dit, qu'on crée une autre occasion de
scission plutôt qu'une vraie concertation. Alors, les modalités de
ça sont très importantes, en passant, et les curriculum qu'on va
implanter en matière de stimulation infantile sont extrêmement
précis, extrêmement importants aussi.
La Présidente (Mme Harel): Alors, M. Bouchard...
M. Bouchard: Oui.
La Présidente (Mme Harel): ...je ne sais pas s'il me reste
encore... oui, il me reste exactement deux minutes avant qu'on termine. Avant
de vous remercier pour cet échange, je crois que les
membres de cette commission vous l'ont dit, le niveau de langage que
vous utilisez est très rarement utilisé dans ce Parlement, et
c'est sans doute ce qui en fait l'intérêt cet après-midi,
en particulier. Ça peut vous sembler surprenant, mais...
M. Bouchard: J'ai sacré, ou quoi?
La Présidente (Mme Harel): Non.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Harel): Ce n'est pas, habituellement,
de ça dont on cause ici pour, sans doute, une raison, c'est
l'extrême fragmentation de l'intervention gouvernementale et, à
cause de cette extrême fragmentation, moi, personnellement, je crois que
le temps joue contre votre rapport, cette année. Peut-être en
retrouvez-vous des indices comme le Petit Poucet, dans des crédits de
certains ministères, mais le temps va faire en sorte que la trace va se
perdre. Et la question que je voulais vous poser, c'est: Vous, comment vous
voyez le suivi qui doit se faire...
M. Bouchard: O.K.
La Présidente (Mme Harel): ...premièrement?
Deuxièmement, faut-il une politique de la petite enfance, une vraie,
comme les autres politiques? Parce que, si on n'a pas une politique de la
petite enfance, est-ce qu'on ne va pas perdre la trace, justement, de la petite
enfance dans toutes les autres grandes politiques: politique de la famille,
politique de la jeunesse, politique de la condition féminine et autres?
Et est-ce que - je termine là-dessus - l'extrême discrimination en
Amérique du Nord, avant d'être une discrimination raciale, sociale
ou autre, sexiste, ce n'est pas d'abord la discrimination des
générations? J'ai l'impression que cette discrimination des
générations fait partie de la culture nord-américaine et
qu'elle se surimprime à toutes les autres discriminations, d'une
certaine façon. Et comment on fait? Parce que je sais bien qu'une
politique de la petite enfance, c'est aussi une cohorte dans la jeunesse.
M. Bouchard: Oui. C'est intéressant que vous posiez les
deux questions, l'une après l'autre, de fait, parce qu'à force de
multiplier les politiques, ma crainte, c'est qu'on encourage la
ségrégation...
La Présidente (Mme Harel): Exactement.
M. Bouchard: ...et qu'on encourage l'âgisme, et qu'on dise
éventuellement: II est trop jeune pour ou il est trop vieux pour, et
alors, puisqu'il y a une politique de, ils s'en occuperont eux autres, et nous
autres on s'en décharge.
La Présidente (Mme Harel): Est-ce que vous savez que
l'âge d'or, actuellement, a décidé de modifier ses
règlements? Au Québec, à la Fédération, on
peut être membre à 50 ans, et pourtant on est jeune jusqu'à
30 ans. Alors, je voua dis que ça...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bouchard: Bon. Ça va être une cotisation en plus
à payer, très bientôt, en ce qui me concerne.
Première question, le suivi. Le suivi à court terme, nous avons
un scénario jusqu'au mois de novembre. Nous avons eu... Je ne pense pas
trahir un secret, mais nous avons eu un fonds de fonctionnement dans le Groupe
de travail pour les jeunes, et le sous-ministre nous a gracieusement
donné ce fonds pour qu'on puisse suivre le rapport. Donc, nous avons un
petit budget pour suivre le rapport jusqu'au mois de novembre ou à peu
près, qui me permet de me déplacer en région et certains
des membres aussi, et de continuer à mobiliser les gens alentour du
rapport et nous avons prévu, pour les 12, 13 et 14 novembre prochain, un
congrès à Québec, sur «Un Québec fou de ses
enfants». Ça va s'intituler Mode d'emploi un an après, ou
quelque chose du genre, où on va faire état des engagements du
gouvernement, des engagements des municipalités, de la qualité
des régions et des individus envers les enfants, dans des termes
préventifs et promotionnels. (18 h 30)
Ça, c'est une partie de la réponse. L'autre partie de la
réponse, c'est: Nous avons confié au Secrétariat à
la famille, au Conseil permanent de la jeunesse et au Conseil de la famille le
soin de suivre les dossiers à l'interministériel. Je dois vous
dire que ça a fait l'objet d'un débat assez intense dans le
Groupe de travail, à savoir s'il fallait confier le dossier à un
ministre, en particulier, pour rejoindre votre question de tout à
l'heure, ou s'il fallait confier un dossier à une structure. Nous avons
pensé plutôt enrichir le mandat du Secrétariat à la
famille et des conseils que j'ai nommés de cette responsabilité
de faire le suivi à l'intérieur des actions
interministérielles en ce qui concerne le rapport. Je pense, pour en
avoir des indices assez précis, que ça a été
accueilli de façon très enthousiaste chez tous les conseils et
chez le Secrétariat à la famille et, en même temps,
ça nous a enlevé une épine du pied en ce qui concerne de
désigner c'est qui le ministre qui pourrait éventuellement,
puisqu'il y a déjà un ministre délégué
à la jeunesse et en nommer un pour les enfants, c'était comme
embêtant.
La question de la politique à la petite enfance, nous avons
exprimé, dans le Groupe de travail, une crainte de voir apparaître
une politique à la petite enfance, et je vais vous dire pourquoi, c'est
parce qu'on a peur que ça ralentisse les affaires. On a peur que
l'adminis-
tration, que le gouvernement, que la deputation, que les parlementaires
se disent: On va attendre la politique. Et une politique, on ne sait pas quand
ça va sortir. La politique de santé et de bien-être, on
l'attend depuis un certain temps. Vous le savez, ça prend beaucoup de
temps souvent ces choses-là. Donc, on avait comme Groupe de travail - et
je ne dis pas que c'est une réaction qui est absolument
intéressante - mais comme Groupe de travail on avait l'impression qu'en
favorisant l'émergence d'une politique de la petite enfance on allait
favoriser une période d'attente dans la mise en place des actions. C'est
peut-être une vue trop courte. D'autre part, c'est intéressant de
savoir qu'actuellement le leadership en matière de politique à la
petite enfance, c'est le Secrétariat à la famille qui l'a, si je
ne me trompe pas. C'est lui qui est chargé actuellement, en tcus les
cas, d'un groupe interministériel à la petite enfance et qui
serait, éventuellement, l'acteur principal dans la définition
d'une politique à la petite enfance. Est-ce que je me trompe?
La Présidente (Mme Harel): Je n'en sais rien. Je ne sais
pas si mes collègues en sont informés.
M. Fradet: La ministre déléguée à la
Condition féminine s'en occupe, en tout cas.
M. Bouchard: Donc, la ministre qui est responsable du
Secrétariat à la famille...
La Présidente (Mme Harel): On va le vérifier, en
tout cas.
M. Bouchard: En tous les cas, je pense que c'est là que
ça se passe, actuellement. Vous n'êtes pas sans ignorer que
là aussi le débat s'opère, à savoir si on devrait
avoir un comité à la petite enfance ou une politique à la
petite enfance. Moi, j'ai mes craintes, je vais vous le dire franchement. J'ai
des craintes aussi qui relèvent d'une confrontation des politiques
émergentes par groupes d'âges. Pourquoi aurait-on une politique
à la petite enfance quand on a une politique à la famille? Moi,
j'ai comme peur qu'en voulant éviter de noyer le poisson,
c'est-à-dire de noyer les actions envers la petite enfance, on fasse
s'affronter des politiques, éventuellement. C'est ma crainte principale.
Mon dernier souhait, par ailleurs, c'est que la politique de santé et de
bien-être soit une politique gouvernementale et non pas une politique de
ministère. Si cela était, ce serait un très beau nid pour
introduire, éventuellement, des actions en matière de petite
enfance. Mais seulement à la condition que ce soit une politique
gouvernementale et non pas une politique ministérielle.
La Présidente (Mme Harel): II me reste à vous
remercier au nom de tous mes collègues, membres de cette commission
parlementaire et peut-être souhaiter que nous puissions nous retrouver
lors du congrès des 12, 13 et 14 novembre.
M. Bouchard: Oui, en effet, vous êtes invités.
Aurevoir et merci.
(Fin de la séance à 18 h 34)