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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mercredi 13 mai 1992 - Vol. 32 N° 6

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions des représentants du Conseil supérieur de l'éducation sur les avis donnés, notamment en matière de formation professionnelle


Étude détaillée du projet de loi n° 413, Loi modifiant la Loi sur l'optométrie


Journal des débats

 

(Quinze heures quarante minutes)

La Présidente (Mme Harel): Je pense que nous avons le quorum suffisant et je déclare la scéance ouverte.

Audition des représentants du Conseil supérieur de l'éducation

Je rappelle le mandat de la commission parlementaire de l'éducation qui siège aujourd'hui dans le cadre de son pouvoir de surveillance des organismes publics. La commission s'est donné le mandat d'entendre le Conseil supérieur de l'éducation relativement aux avis donnés, notamment sur la formation professionnelle. Je vais demander tout de suite au secrétaire de nous annoncer s'il y a des remplacements.

Le Secrétaire: Non, Mme la Présidente. Je n'ai aucun remplacement à communiquer.

La Présidente (Mme Harel): Alors, je vous rappelle les décisions prises en séance de travail quant au partage du temps. Il a été convenu d'allouer 30 minutes à la présentation du Conseil supérieur de l'éducation, et par la suite, de répartir également le solde du temps entre les groupes parlementaires, en tenant compte de la participation du député indépendant. Alors, est-ce qu'il y aurait, avant la présentation par le Conseil supérieur de l'éducation, des remarques préliminaires? Alors, je vous inviterai donc, M. Bisaillon, à nous présenter les gens qui vous accompagnent et à faire immédiatement votre exposé.

Exposé du président du Conseil

M. Bisaillon (Robert): Merci, Mme la Présidente. Alors, je suis accompagné, à ma droite, de M. Jean Proulx, qui est le secrétaire du Conseil et qui coordonne la rédaction de l'ensembip des avis et rapport, à ma gauche, de Mme Renée Carpentier, qui est agente de recherche au Conseil et qui a été - c'est pour ça surtout qu'elle est ici - ressource principale ou principale ressource dans le dossier de l'avis sur la formation professionnelle. À l'extrême droite, M. Jean-R. Deronzier, directeur des communications du Conseil, et nous sommes accompagnés aussi de Mme Susanne Fontaine, qui est la coordonnatrice du service des études et de la recherche, et de M. Paul-Henri Lamontagne, qui est coordonnateur d'une de nos commissions qui est très intéressée aussi par la formation professionnelle, puisque c'est la Commission de l'éduca- tion des adultes du Conseil. M. Lamontagne. Voilà.

Alors, comme vous le savez, le Conseil supérieur de l'Éducation est un organisme consultatif d'État qui a un mandat qu'on dit, dans notre jargon, systémique, mais un mandat qui va de la maternelle jusqu'à l'université, en passant par l'éducation des adultes, et c'est dans ce contexte-là que l'avis que nous allons vous présenter aujourd'hui concerne au moins deux ordres d'enseignement, c'est-à-dire le secondaire et le collégial.

Nous avons un fonctionnement particulier au Conseil qui tient au pouvoir que nous avons dans la loi de créer des comités et de travailler avec des commissions qui, elles, sont prévues à la loi, donc quatre commissions permanentes au Conseil, une du primaire, une du secondaire, une de l'enseignement supérieur et une de l'éducation des adultes. En l'occurrence, dans ce dossier-là, nous avons formé un comité du Conseil composé de membres du Conseil et de membres de commissions du Conseil pour travailler sur la formation professionnelle, et notre fonctionnement veut que nous tenions, soit des audiences ou des consultations, ou que nous menions des études et des recherches sur un certain nombre de dossiers.

Dans le cas présent, aujourd'hui, je trouve ça important de le dire, c'est un travail de deux ans qui a abouti l'automne dernier. C'est un travail de deux ans qui suit une consultation où nous avons mené deux types d'opérations: d'abord, des tables rondes, où nous avons rencontré des représentants de tous les ministères concernés, mais je les nomme pour bien montrer l'amplitude que nous avons donnée à ce dossier-là, c'est-à-dire le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, de l'Enseignement supérieur et de la Science, de l'Éducation, Emploi et Immigration Canada. En table ronde, nous avons aussi rencontré et consulté le Conseil des universités, le Conseil du patronat, le Conseil québécois du commerce et du détail, la Fédération des caisses populaires, l'Institut de recherche appliquée sur le travail, le Conseil canadien du développement social, une économiste et des gens des commissions de formation professionnelle des commissions scolaires et des collèges. Par la suite, nous avons aussi mené un certain nombre d'entrevues plus poussées avec des représentants, à la fois du monde de l'éducation et du monde de la production et, en particulier, nous sommes allés dans des entreprises de petite, de moyenne et de grande taille pour vérifier, valider avec les gens nos perceptions quant à leur investissement dans

la formation professionnelle et quant aux difficultés qu'ils rencontraient.

Donc, c'est un travail qui a abouti et qui s'adresse spécifiquement à deux ministres, le ministre de l'Éducation et la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science et, évidemment, à travers eux, au gouvernement, puisque c'est le mandat du Conseil de parler de cette façon-là aux établissements scolaires et aussi au milieu du travail.

Il tient compte - je tiens à faire la précision tout de suite - cet avis-là tient compte d'un élément de conjoncture de l'énoncé gouvernemental de politique sur le développement de la main-d'oeuvre, mais il ne porte pas sur le développement de la main-d'oeuvre. Il porte sur la formation professionnelle. Cependant, vers la fin de nos travaux, on ne pouvait ignorer qu'il y avait sur la table - c'était connu à ce moment-là - un énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre. Il s'est accompagné aussi, en cours d'année - c'est important, je pense, de vous le souligner - d'un autre avis en réponse, cette fois-là, à une demande spécifique du ministre de l'Éducation sur la modification des seuils d'entrée en formation professionnelle au secondaire, qui s'appelle «Faciliter les parcours sans sacrifier la qualité», et il sera complété, pour une part, d'un avis qui sera rendu public à la fin du mois de mai, cette année, sur l'éducation des adultes, 10 ans après la commission Jean et l'énoncé gouvernemental de politique que vous connaissez tous. Donc, vous voyez un peu dans quel contexte se situe cet avis-là.

Nous avons procédé de la façon suivante. Il y avait un malaise qu'on ressentait, depuis un certain nombre d'années, au Conseil dans les milieux, qui était peut-être plus exprimé en haut lieu que dans les ministères. Le malaise s'exprimait beaucoup autour d'ambiguïtés que les gens ressentaient, de concurrence entre les établissements, de missions qui n'étaient pas exprimées clairement, donc, de difficultés, d'après ces milieux-là, à fournir des services de qualité en termes de formation. Nous avons donc commencé par procéder à un diagnostic et le diagnostic que nous avons fait de la formation professionnelle, nous l'avons fait - et ça, c'est peut-être nouveau, même pour nous, c'était nouveau - à la fois dans le système éducatif et dans le système productif. Je vous expliquerai un petit peu tantôt pourquoi, aujourd'hui, nous pensons que c'est inséparable, ces diagnostics-là.

Dans le système éducatif, il faut distinguer, en tout cas pour fins de diagnostic, des faits saillants qui correspondent à la situation des jeunes par rapport à d'autres faits saillants qui correspondent à la situation des adultes, mais on peut dire globalement qu'en ce qui concerne les jeunes il faut s'inquiéter d'une diminution importante des effectifs, principalement au secondaire, mais pas seulement au secondaire. Malgré une remontée qu'on constate, à l'heure actuelle, au collégial, dans les inscriptions, il nous semble que les mouvements, la tendance des dernières années va plutôt à une diminution des effectifs jeunes en formation professionnelle.

On constate aussi un certain nombre de déséquilibres entre des secteurs où il y a des perspectives d'emploi sur le marché du travail et des besoins de formation, mais à l'inverse aussi, des secteurs où il y a un trop grand nombre d'inscriptions dans les profils de formation pour ce qu'il y a de débouchés sur le marché du travail. Il y a des déséquilibres dans les deux sens. Les taux d'abandon sont très significatifs en formation professionnelle. Il faut mentionner cet effet-là qui se cumule avec le fait qu'il y a une désaffection. Non seulement il y a une désaffection pour l'enseignement professionnel chez les jeunes, mais les taux d'abandon sont très élevés.

Il y a eu une révision importante des programmes de formation professionnelle et des filières de diplomation au secondaire ces dernières années, et pourquoi on en parle? Parce que ça commence à avoir de l'influence quant à la conception, au collégial aussi, sur la révision des programmes. On peut dire que ces programmes-là, qu'on appelle programmes par compétence, sont dorénavant élaborés en collaboration entre le marché du travail et l'Éducation. Ça sera important pour la conception que, nous, on se fait de la formation plus tard.

On constate aussi un manque de flexibilité dans les programmes du collégial. Je pense que c'est un reproche, une constatation qui est faite universellement et des contrastes aussi entre les deux ordres d'enseignement. Il n'est pas sûr qu'un jeune, à l'heure actuelle, qui voudrait obtenir un diplôme du secondaire et, par la suite, aller au collégial, voie ce parcours-là facilité, parce que c'est deux logiques différentes. On appelle ça l'asymétrie, avec «I1». Ce n'est pas bâti selon la même conception au secondaire et au collégial, les programmes de formation. Vous savez qu'au secondaire, maintenant, il faut faire sa formation générale avant de faire la formation professionnelle, tandis qu'au collégial la formation technique et la formation générale sont imbriquées. Le passage n'est pas évident de l'un à l'autre. C'est pour ça, d'ailleurs, qu'il y a trois ou quatre ans, nous avions publié un avis qui s'appellait «L'articulation entre le secondaire et le collégial». (15 h 50)

Chez les adultes - autre partie du diagnostic, si vous permettez, mais toujours dans le système éducatif - on s'aperçoit - et je pense que c'est peut-être ça qu'il est le plus important de signaler - qu'il y a deux tendances complètement divergentes entre la formation standardisée, celle qui se fait dans des programmes, qui mène à des diplômes et qui est assumée par l'Éducation, et la formation sur mesure, qui ne mène pas à des diplômes, qui n'est pas nécessairement

inscrite dans les programmes et qui est un mouvement qui est plutôt accentué, si vous voulez, par le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle. On s'aperçoit qu'il y a cohabitation de ces deux tendances de façon extrêmement marquée.

La formation standardisée est de plus en plus difficile à offrir dans les collèges. Il y a un essor considérable - autre tendance lourde des dernières années - de la formation sur mesure et une tendance aussi à diminuer la formation à temps partiel. J'en parle parce que, chez les adultes, la fréquentation à temps partiel des programmes de formation a toujours été le mode privilégié, si vous voulez, de formation. Or, à l'heure actuelle, il y a une diminution des possibilités même de suivre de la formation à temps partiel.

Juste à titre d'exemple, là, je ne veux pas vous abreuver de chiffres, ce n'est jamais intéressant au total, mais en termes de tendances, à l'heure actuelle, lorsqu'on parle de formation standardisée, c'est-à-dire dans des programmes menant à des diplômes, on s'aperçoit qu'au secondaire il y a une augmentation des effectifs et des budgets du côté du MEQ, le ministère de l'Éducation, mais une diminution des effectifs et du budget du côté du ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle et des fonds en provenance du fédéral.

Quand on regarde le collégial, on se rend compte qu'au niveau du ministère de l'Enseignement supérieur, parce que les budgets sont non indexés, même s'il y a une augmentation des effectifs, il y a au total une diminution des possibilités, tandis que du côté du ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle et du fédéral il y a à la fois une diminution des effectifs et des budgets. Il y a des tendances, donc, qui indiquent qu'il y a un choix qui a été fait au ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle pour la formation sur mesure par rapport à des formations standardisées, et ça caractérise, je dirais, les mouvements qui correspondent à ce qui se passe un peu partout, je crois, mais qu'il faut regarder attentivement.

Si on fait, maintenant, dans le système productif, le diagnostic, bien, on se rend compte que le plus difficile, justement, c'est de savoir ce qui se passe. La contribution à la formation dans le milieu du travail est extrêmement difficile à quantifier. On sait qu'il se fait plus de formation, oui, mais quelle est la part de l'État par rapport à la part de l'entreprise? Ce n'est pas possible de le savoir. Il n'y a pas de données qui existent.

Deuxièmement, je pense que vous le savez, il faut noter la piètre performance de la PME en termes de formation professionnelle, des iné- galités d'accès aussi qui persistent dans la formation en entreprise. Bien sûr, selon la taille de l'entreprise, il s'en fait moins dans les petites que dans les grandes entreprises, mais on constate aussi que, dans les entreprises, ceux qui ont accès à la formation, je ne dirais pas que ce n'est pas nécessairement ceux qui en ont le moins besoin, mais c'est surtout les gens qui sont déjà formés, qui ont déjà une première formation de cadre ou de professionnel. On se rend compte que c'est une formation souvent pointue et peu qualifiante et que les stimulants sont peu efficaces pour faire de la formation.

Au total, si on avait à retenir une grande donnée, je pense qu'on pourrait dire qu'il y a un clivage qui est en train de s'établir entre la formation initiale professionnelle, d'une part, et le recyclage et le perfectionnement de la main-d'oeuvre, d'autre part. Ça s'explique par des faits massifs. S'il y a moins de jeunes qui vont à l'école que déjà, à cause de la dénatalité, s'il y a plus d'abandons scolaires, s'il y a moins de jeunes qui s'inscrivent en formation professionnelle, d'une part, et en formation technique au collégial, et que, d'autre part, il y a plus d'adultes qui rentrent dans le système avec des besoins de perfectionnement et de main-d'oeuvre, on s'aperçoit qu'il y a des déplacements de masse, de quantité qui peuvent faire en sorte que, dans quelques années, on se réveillera avec des effets pervers, tant d'un côté que de l'autre. C'est ça, le diagnostic, un petit peu.

Sur la base de ce diagnostic, le Conseil prétend qu'il faut faire cinq choix, et c'est l'articulation même de l'avis. Le premier choix que nous pensons qu'il faut faire comme société, c'est de s'entendre sur une conception de la formation qui ne mette pas les gens dans le trouble à moyen terme. On a donné cinq caractéristiques. Aujourd'hui, même quelqu'un qui a un diplôme du collégial en techniques et, à plus forte raison, quelqu'un qui a un diplôme du secondaire ne peut plus dire, contrairement à il y a vingt ans: Ma formation est terminée. Il va devoir se recycler, se réadapter inévitablement, ce qui veut dire qu'on ne peut plus séparer la formation initiale d'une perspective d'éducation permanente. Ça, c'est clair.

Mais on se rend compte aussi que plus la formation initiale est pointue, moins elle mène à des compétences reconnues, plus les gens vont avoir à se recycler vite souvent et plus ça va coûter cher. On pense aussi qu'une formation professionnelle doit être fondamentale. Dans le contexte où nous en parlons, nous, c'est qu'elle doit mener à l'approfondissement des qualifications, mais aussi à la mobilité professionnelle. Plus ta formation est pointue, plus tu es mal pris si tu dois en changer pour te relocaliser. On dit qu'elle doit être qualifiante dans le sens qu'elle doit être établie sur une solide formation de base, mais aussi qu'elle doit être reconnue, soit

formellement, soit socialement, mais une formation qui n'est pas reconnue, c'est une formation qui met dans le trouble les gens; un jour ou l'autre, elle doit être équitable.

Il y a des besoins d'entreprises, puis il y a des besoins d'individus. Ils ne sont pas toujours conciliables. Tant mieux s'ils le sont, mais il faut tenir compte du fait qu'ils ne s'expriment pas de la même façon et on dit: Bien sûr, c'est une formation qui doit être arrimée aux besoins socio-économiques. Aujourd'hui, la formation professionnelle est en relation d'interdépendance avec le système de production, tout en sachant quo ces besoins là vont toujours être diversifiés et difficiles à estimer. Et, finalement, quand on parle d'une formation arrimée aux besoins économiques, on prépare déjà une autre conclusion qu'on tirera plus tard. Il faut reconnaître comme un fait la diversité des intervenants à l'heure actuelle et la complémentarité de leurs actions. C'est le premier choix. Donc, qu'on s'entende sur ce qu'on veut comme formation, comme société.

Le deuxième choix, on pense, nous, que ça prend une planification stratégique. Il y a des curieuses de choses qui se passent à l'heure actuelle comme développement dans la société qui nous font croire qu'on ne peut pas laisser le développement de la formation professionnelle aux seules lois du marché. Je vais prendre un exemple.

Le gouvernement a, à l'heure actuelle, sur la table, trois énoncés de politique: un sur ce qu'on appelle communément les grappes industrielles - je résume là - un sur le développement régional, un sur le développement de la main-d'oeuvre. De ces trois énoncés de politique, nous semble-t-il qu'il ressort des exigences ou des besoins de formation. Par exemple, est-ce qu'on serait capable aujourd'hui, sans faire une planification dirigiste, au moins de tenter de planifier quels types de nouveaux besoins de formation vont découler, par exemple - je donne un seul exemple - du développement des technologies de l'information, de façon à ce que le système d'éducation n'ait pas à s'adapter quand il va être trop tard, qu'on prenne le v'rage quand ça va être le temps?

Ça, c'est une question qui nous apparaît majeure pour dire qu'on ne peut pas se fier que, là où il y a un trou, il y a un joint, puis ça va se placer comme ça, les choses. Ça prend une certaine planification, planification reliée aux politiques d'emploi. On ne pourra pas au Québec, je pense, développer la formation si on n'a pas une autre perspective que le chômage à proposer. Donc, il faut que ça soit relié à l'emploi. Il faut qu'on puisse dire à des jeunes: II y a de l'avenir en formation professionnelle parce qu'il y a de l'avenir en emploi.

Donc, planification, formation et emploi, pour nous, ça va ensemble. On dit qu'il faut agir sur la demande autant que sur l'offre, une planification aussi qui va être reliée à une meilleure connaissance de la réalité autant régionale que provinciale. Là-dedans, il y a la connaissance des perspectives professionnelles - ce n'est pas toujours évident - les caractéristiques de la population - ce n'est pas toujours évident non plus - les projets d'investissement des organisations, l'impact des programmes et des mesures existantes, ce qui se fait dans le privé comme dans le public comme formation. Si on perd dans le champ la visibilité d'un certain nombre de programmes, on ne pourra plus savoir a^rès l'effet qu'ont des stimulants qu'on pourrait penser efficaces à première vue, mais dont on ne connaît pas vraiment l'aboutissement. Et la planification stratégique va devoir être une responsabilité partagée. (16 heures)

II faut aussi une cohérence dans les approches lorsqu'on planifie. À l'heure actuelle, on planifie la carte, chez les jeunes, selon une base provinciale; chez les adultes, selon une base régionale. À un moment donné, il y a des conflits. Il faut faire attention pour ne pas trop limiter les points de services si on veut l'accessibilité. Il faut tenir compte de la mobilité restreinte des adultes, notamment, mais il faut aussi une certaine rationalisation. Donc, il faut faire attention lorsqu'on planifie, voir un petit peu les effets à moyen terme.

Troisième choix que nous croyons devoir faire - et celui-là, je vais insister un petit peu plus parce que c'est peut-être une notion nouvelle et ce n'est pas dans notre culture politique, je dirais, ni d'entreprise - c'est ce qu'on appelle, nous, l'interdépendance et le partenariat entre les systèmes éducatifs et productifs. Bon, c'est des grands mots, mais on pense qu'aujourd'hui, plus que jamais, il y a une interdépendance objective entre un système d'éducation et un système de production et que, par rapport à ça, nous semble-t-il qu'il y a une balkanisation à l'heure actuelle qui est source de gaspillage et de problèmes, tant en termes d'accessibilité que de qualité des services.*

Le partage des responsabilités ministérielles - puisque vous allez probablement poser des questions, à un moment donné, là-dessus - dans l'esprit de ceux qui l'ont fait et, je pense, dans le texte de la loi, on pense qu'il ne souffre pas d'ambiguïté, qu'il est clair. On pourrait dire ça, si on voulait être honnête avec le texte. Mais, dans les milieux, ce n'est pas comme ça que ça se passe. Là, l'ambiguïté, elle est partout. Des illustrations: le perfectionnement standardisé, c'est-à-dire le fait qu'on dise à des gens: «Tu vas suivre des cours dans un programme, ça va t'amener à un diplôme», et l'estimation des besoins sont faits d'un côté et de l'autre, et non pas conjointement.

Il y a, à l'heure actuelle, dans les établissements d'éducation, du développement de plans de développement des ressources humaines. On

appelle ça des PDRH. Nous, on pense que ça ne regarde pas l'éducation. On pense que ça regarde les commissions de formation professionnelle. On sait qu'il y a du monde qui n'aime pas entendre ça, mais on le dit. Mais quand ça se fait, et à une place et à l'autre, ça fait qu'à un moment donné, qui est mêlé? C'est les usagers.

Alors, c'est pour ça qu'on pense que, de ce côté-là, il va falloir clarifier où le robinet coule, la clarté de l'eau qui sort. Bon. On pense, au Conseil, que la relation client-fournisseur, c'est une relation qui n'est pas conforme à la réalité d'aujourd'hui et qui est dépassée pour une seule raison. Quand on a décidé de réformer les programmes de formation professionnelle au secondaire, on a dit: Là, pour ne pas faire perdre de temps au monde et pour les rendre fonctionnels sur le marché du travail, on ne bâtira pas des programmes en soi, mais avec le monde du travail on a dit au système productif: Venez nous aider à bâtir des programmes, puis on va les bâtir par compétence. C'est-à-dire: un flo qui sort de plomberie, c'est quoi ses compétences qu'on peut reconnaître, certifier conjointement? C'est ça que ça veut dire, dans le fond, puisqu'on a élaboré conjointement les programmes, système productif, système éducatif.

Il y a là, d'après nous, la reconnaissance qu'il y a une interdépendance objective qu'il faut accentuer, mais qui ne se traduit pas dans la relation de client à fournisseur. Nous le disons comme nous le pensons, de ce point de vue là, on ne peut plus gérer la formation initiale de façon indépendante de la formation permanente, de la formation de la main-d'oeuvre, comme s'il s'agissait d'univers indépendants. C'est pour ça que nous recommandons, entre autres, nous, qu'il y ait un énoncé de politique gouvernementale sur la formation professionnelle dans son ensemble.

Nous pensons aussi qu'il faut identifier - et là-dessus, on n'est pas allés dans l'ingénierie et la tuyauterie - en quelque sorte, un lieu de coordination nationale qui réunirait l'ensemble des partenaires sociaux et qui serait un peu, je ne dirais pas supraministériel, mais qui mettrait tout le monde ensemble, de façon... Autrement dit, le partenariat ne peut pas être juste un slogan. Il faut que ça passe aussi dans l'élaboration d^s politiques. On pense aussi que la formation en entreprise, c'est une formation à développer, puis à assurer conjointement par les établissements et les entreprises. Puis, là où ça se fait comme ça, il y a un sondage, vous verrez, là-dedans, révélateur. Ceux qui parlent contre le système d'éducation, c'est ceux qui n'ont pas eu recours au système d'éducation. Mais il y a un sondage qui existe, qui n'a pas été fait par nous - je pense que c'est par Multi Reso - qui dit que le taux de satisfaction des employeurs qui ont eu recours aux services d'éducation est très élevé. Il y a donc là, je dirais, des idées reçues ou un certain nombre de mythes qui disparaîtraient si la formation en entreprise était développée et assumée conjointement.

Bon. C'est sûr que ça va nous amener à, comment dire, un dernier choix - je passe rapidement parce que j'essaie de respecter le temps qui m'est imparti - qui est, nous, nous disons, rechoisir. Il faut rechoisir le système d'éducation, mais pas à n'importe quelles conditions. Il y a des réformes à faire dans le système d'éducation, il y a de l'adaptation, mais il faut le rechoisir, néanmoins, parce qu'il y a là un potentiel, une expertise et des ressources réelles. Parce qu'on a investi beaucoup d'argent là-dedans et surtout, récemment, en formation professionnelle secondaire, et, parce que nous pensons que le système d'éducation a déjà démontré une capacité d'adaptation, même s'il faut qu'il fasse encore des adaptations dans trois directions, il faut qu'il ajuste ses programmes, c'est sûr, sans sacrifier les exigences d'une vraie formation de base. Il y a l'adaptation.

Il faut aussi qu'il y ait une meilleure articulation entre le secondaire et le collégial. Ça, chez nous, c'est un refrain qui est un peu devenu de la routine parce que ça fait longtemps qu'on en parle, mais il nous semble que ce n'est pas normal que, sur un territoire, une commission scolaire soit en compétition avec un collège et, quelquefois, avec une université pour offrir le même service, le même service à une entreprise ou à des individus. Il y a quelque chose là qui confine au gaspillage, et ça crée des situations de concurrence. Bon, il y a un ménage à faire de ce point de vue. On pense aussi que, dans ce choix-là du système d'éducation, il faut quand même revoir la question du financement à l'éducation des adultes, en particulier, même si c'est un dossier qu'on ne traite pas en tant que tel dans ce document-là. On se rend compte qu'à l'heure actuelle il y a des déplacements de sommes de la formation standardisée vers la formation sur mesure et qu'il faut au moins réfléchir à ce phénomène-là, qui correspond à des changements de société, mais qui peut avoir des effets plustaid.

Alors, je dirais qu'essentiellement, c'est le contenu de cet avis, qui est un avis, comme vous pouvez voir, qui est systémique dans le sens qu'il cherche à aller au-delà d'un seul ordre d'enseignement, mais qui n'a pas touché à l'universitaire parce qu'on s'est rendu compte que la problématique de la formation professionnelle à l'université est un peu différente de celle des autres ordres d'enseignement.

Si jamais vous voulez qu'on vous présente le petit avis qui était plus pointu sur l'aménagement des seuils d'entrée, vous nous le direz, mais ça correspond à une... En tout cas, nous, on a conseillé au ministre de l'Éducation, oui, de modifier les seuils d'entrée pour les adultes en formation professionnelle, mais sans sacrifier la qualité de base de ces formations-là.

La Présidente (Mme Harel): M. Bisaillon, je vous remercie, au nom des membres de cette commission, pour l'exposé succinct et substantiel que vous venez de nous faire. Nous aurons encore plus de temps à notre disposition pour échanger avec vous et je veux d'ailleurs profiter de l'occasion pour vous remercier, ainsi que votre personnel, pour la collaboration qui a été offerte à la commission de l'éducation, lors de la préparation de cette rencontre de cet après-midi.

Alors, j'inviterais immédiatement les membres de cette commission à m'indiquer dans quel ordre ils entendent intervenir. Alors, peut-être dans l'alternance, j'inviterais le député de d'Abitibi-Ouest et, par la suite, le député de Verdun. Alors, je vous rappelle que nous allons donc répartir le temps en prenant en considération la présence du député d'Equality, de Jacques-Cartier plutôt. M. le député d'Abitibi-Ouest.

Discussion générale

Manque d'intérêt des jeunes pour l'enseignement professionnel

M. Gendron: Oui. Alors, M. Bisaillon ainsi qu'à toute votre équipe, merci d'être là, bienvenue. Effectivement, on avait souhaité échanger avec vous sur un sujet préoccupant, majeur et, moi, dans un premier temps, je ne voudrais pas l'aborder trop, trop pointu, si on veut avoir l'occasion de discuter de paramètres plus généraux pour arriver éventuellement à des choses précises. (16 h 10)

Alors, je sais bien que, dans le court résumé que vous avez fait, mais, très bien, vous avez insisté davantage sur les grands éléments sur lesquels le Conseil s'était penché sur ce qu'on appelle l'avis en formation professionnelle lors d'un développement intégré. C'est plutôt ça que vous avez présenté. Vous avez fini en disant: Bien, écoutez, on peut regarder un petit peu plus l'avis plus résumé sur les paramètres des seuils d'entrée qui sont importants, mais, moi non plus, je ne voudrais pas tout de suite tomber dans la mécanique. On aura l'occasion de le faire.

Il est peut-être mieux de dégager certains grands principes. Bon, je ne résumerai pas l'avis. Moi, j'ai eu l'occasion de prendre connaissance des recommandations, de les lire. Vous l'avez fait. Vous avez fait toutes sortes de considérations majeures importantes. La première question, d'entrée de jeu: C'est quoi, quand vous faites l'analyse, ce dont on doit s'inquiéter pour des gens qui se préoccupent de formation professionnelle ou d'enseignement professionnel, les raisons objectives qui ont fait qu'il y a eu une chute aussi dramatique et un manque d'intérêt au niveau, entre autres, de ce que vous appelez la clientèle jeune, avec raison, au niveau de l'enseignement professionnel?

Moi, c'est le premier point sur lequel je voudrais insister. Les effectifs jeunes ont dramatiquement chuté. Il y a des causes. On en a eu de toutes parts, mais comme vous êtes des gens qui avez eu l'occasion de rencontrer des intervenants qui oeuvrent en formation professionnelle, vous avez quand même un certain passé crédible comme intervenants à ce niveau-là. J'aimerais ça que, rapidement, mais assez serré, vous nous donniez les principales causes qui, selon votre expertise, selon vous, ont fait que, oui, on doit constater collectivement et sans trop faire de distinctions fines qui ne nous mèneraient nulle part, que 'es effectifs jeunes ont dramatiquement chuté et, en conséquence, c'est le premier drame qu'il faut constater, puis on se questionnera après à savoir comment on réussit à relever la barre. Quels moyens prendra-t-on pour s'assurer d'un relèvement de la barre au p.c?

M. Bisaillon: Je dirais qu'il y a quatre raisons principales. Je ne les mets pas dans l'ordre d'importance, là, mais les quatre ont joué. Ça, ça nous paraît clair. Il faut bien se rappeler qu'à l'époque la qualité des programmes en formation professionnelle était pour le moins questionnée. On prétendait qu'ils étaient désuets, qu'ils ne préparaient pas bien à l'insertion sur le marché du travail, et ça a coïncidé avec un discours social qui a été très important au Québec et partout dans le monde, soit dit en passant, vers le relèvement de la scolarisation. À tel point que les jeunes ont intégré le message suivant, c'est qu'aller en formation professionnelle, non seulement ça ne donne pas d'avenir, mais avoir juste un secondaire, c'est encore pire. Or, vous comprenez bien que s'il y a une aspiration qui peut être bien perçue vers une scolarisation plus élevée, la formation professionnelle vient de perdre, dans le fond, son attrait, son attrait, je dirais... bon, immédiatement. Il y a eu aussi le retard à développer une politique de formation professionnelle au Québec, et ça, l'hésitation a fait que, des fois, quand on laisse des trous, des espaces de cinq, six ans, ça fait que c'est dur à remonter après.

Mais, pour être le plus franc possible dans l'ensemble des facteurs qui expliquent la dégradation, je dirais, de la formation professionnelle au secondaire, moi, je serais porté à dire - je pense que le Conseil a écrit là-dessus aussi - que, quand on hausse la barre des qualifications - ce qu'on a fait, c'est qu'on a dit aux jeunes: Dorénavant, pour que votre formation professionnelle ne soit pas un cul-de-sac, elle va arriver après une formation générale de qualité - il faut que tu prévoies en même temps que le jeune, il ne considérera pas que tu le mets dans une salle d'attente ou en pénitence pendant trois ou quatre ans, avant d'arriver à la formation professionnelle. Or, on n'a pas diversifié les voies d'accès à cette formation professionnelle. On a dit: Tout le monde passe par la même

place. Et ça, ça fait qu'à un moment donné il y a des jeunes qui abandonnent, qui décrochent parce qu'ils ne voient pas le bout, comme ils disent.

Quand est arrivée la modification à la Loi sur l'instruction publique qui a dit: «Dorénavant, à l'âge révolu de 16 ans, vous pouvez être considéré comme un adulte», beaucoup de jeunes ont compris le message suivant: Je reviendrai aux adultes faire ma formation professionnelle, avec comme impression que ça va être moins difficile. J'aime mieux attendre deux ans, puis décrocher et revenir aux adultes. Ça crée un désenchantement parce qu'à l'heure actuelle il y a des jeunes, particulièrement de 17 ou 18 ans, qui reviennent aux adultes et qui se rendent compte que ce n'est pas facile parce qu'ils ont deux ans de plus, là.

Alors, il y a eu un problème qui reste entier, à mon avis, qui est encore un problème de système scolaire. C'est qu'au secondaire il y a une seule voie uniforme par où tout le monde doit passer, puis ça ne fait pas à tout le monde. Alors, comme c'est une voie qui est basée sur ceux qui s'en vont au collège et à l'université par après, bien, très vite, des jeunes qui voudraient aller en formation professionnelle ne se sentent pas accueillis, compris, etc., là-dedans, puis ils décrochent.

C'est les quatre facteurs, je dirais. Il y a des facteurs sociaux, il y a des facteurs de système qui expliquent différemment les choses, puis qui restent encore vrais aujourd'hui.

M. Gendron: Merci, M. Bisaillon. Je n'ai pas de... Je vais faire un petit peu, puis je...

La Présidente (Mme Harel): ...l'alternance... M. Gendron: ...chaque question?

La Présidente (Mme Harel): Non. Pas nécessairement.

M. Gautrin: Non, non, vas-y. Continue un peu et, après...

M. Gendron: C'est en plein ce que je dis. Et, comme séance de travail, c'est peut-être 15, 20 minuies, maximum, et on fera l'alternance. Oui, M. Bisaillon?

M. Bisaillon: Est-ce que je peux ajouter quelque chose?

La Présidente (Mme Harel): Oui.

M. Bisaillon: Quelque chose que vous allez comprendre, parce que c'est dans le discours, comme les voies d'avenir. On parle beaucoup d'alternance, de politique d'apprentissage, etc., qui serait une solution, effectivement, pour des jeunes qui, à l'heure actuelle, ont des problèmes dans le système scolaire tel que conçu, comme j'ai dit, pour ceux qui s'en vont à l'université. Ce qu'on oublie, cependant, c'est que ces mesures-là, qui existent ailleurs et qui fonctionnent, reposent sur une culture de formation profes sionnelle qu'on n'a pas au Québec, ni dans le système d'éducation, ni dans l'entreprise, où on considère plutôt comme une emmerde... C'est une expression qui n'est pas très parlementaire, mais comme un... La somme des inconvénients, sur le plan de l'organisation, des places de stage, l'encadrement, c'est tellement compliqué et on n'est tellement pas habitués à faire ça comme ça que, si ça reste encore une voie d'avenir, il faut comprendre qu'on n'a pas mis en place les mécanismes pour arriver à ça, ce qui fait qu'on n'a pas encore la culture qui supporterait ça et que ça risque de rester un slogan, un discours ou une utopie ici, alors que ça marche ailleurs et qu'il faut faire attention d'importer juste la formule sans changer le reste des comportements et des mentalités.

M. Gendron: Deux éléments, mais pour rester dans la même problématique, en tout cas, pour tout de suite. Moi, M. Bisaillon, je prétends que les quatre facteurs ou on pourrait en énoncer six ou sept... Non, non. Je veux juste vous dire que moi, ça m'agrée. Je pense que vous avez bien résumé, en tout cas, les quatre ou cinq principaux, et je n'ai pas de trouble à fonctionner avec ça. Mais, justement, dans l'un des cas, vous avez mentionné le fait d'avoir modifié la structure d'accessibilité à la formation professionnelle et qu'à un moment donné, pour la période d'attente, entre ce que j'appelle le relèvement de la formation professionnelle dans la perspective d'avoir un peu plus d'effectifs, mais qu'elle soit acquise, cette formation-là, après une bonne formation de base, il y a eu une période un peu inquiétante, où on ne savait pas trop où on allait et, finalement, on est arrivé et on a dit: Oups! Même modèle pour tout le monde.

Sur le même modèle pour tout le monde, j'aimerais avoir une appréciation de votre part ou des gens de votre équipe, si ce sont d'autres personnes que vous qui ont fait l'évaluation. Moi, pour un, je prétends que c'est un des facteurs qui a joué le plus, de penser qu'on maximiserait les chances en relevant uniformément la base d'une bonne formation de base, avant de permettre une formation professionnelle, mais sans convenir, au moment où on a décidé de ça, qu'il y a un certain nombre de jeunes, gars ou filles, qui auraient une seule alternative devant le relèvement: Ce n'est pas pour moi. En conséquence, ça a contribué massivement à du décrochage. Est-ce que ma perception est exacte?

M. Bisaillon: Elle est exacte si on la situe dans un ensemble encore plus grand. Je ne veux pas surdramatiser la question, mais je dirais qu'un des problèmes du système d'éducation au

Québec - et il n'y a personne qui est particulièrement responsable de ça - c'est qu'on a tenu un discours sur l'accessibilité. On a réalisé l'accessibilité physique. On a dit aux gens: Venez vous en à l'école, aussi différents que vous soyez. Mais on n'a pas tenu compte, dans les cheminements, que les gens étaient différents. On a dit: Même cheminement pour tout le monde. Et ça, c'est majeur. Ce n'est donc pas une vraie accessibilité, le jour où tu veux faire passer tout le monde dans le même goulot d'étranglement.

C'est sûr que, pour des jeunes, faire un secondaire IV ou un secondaire V avant d'accéder à une formation professionnelle, c'est l'enfer. C'est impossible, dans leur esprit. Ça va rester impossible dans les faits, si on veut qu'ils passent par la même voie que celui qui sait, lui, qu'il va s'en aller au collège et qu'il va même aller à l'université, et qu'il a ce qu'ii faut pour réussir. Cette espèce de goulot d'étranglement fait que, quand on arrive aux années difficiles au secondaire, je dirais fin du secondaire III, secondaire IV, il y a des gens qui ne peuvent plus supporter la potion. Bon. (16 h 20)

Alors, on a mis sur pied des cheminements particuliers, temporaires, pour permettre à des gens de faire du rattrapage, mais moi, j'aimerais qu'on nous prouve que ça a eu un grand succès dans le sens où il me semble que les jeunes qui vont là-dedans ne réintègrent pas autant qu'on ne le pensait le cheminement régulier. Bon. Ce qui ne veut pas dire qu'il faut baisser la barre là. Les exigences de la société font qu'on ne peut pas baisser la barre de la formation générale. C'est faux. Faire accroire à quelqu'un aujourd'hui qu'il pourrait, avec un secondaire II, apprendre un bon petit métier, puis qu'il s'en tirerait, ça, ça peut être bon pour un an, deux ans, peut-être cinq ans, mais ce n'est pas bon pour la vie. Ce n'est pas vrai, ça. En tout cas, à moins qu'on n'ait mal compris les transformations qui se passent sur le marché du travail et dans l'emploi, mais il nous semble que ce n'est pas vrai. C'est pour ça qu'on est inquiets de solutions pressées qui consisteraient à dire: Pourvu qu'il a une job, là. Bon.

Il y a l'autre facteur que je n'ai pas nommé, mais c'est parce qu'on en a parlé à la fin de la commission sur les crédits, l'autre fois, mais il faut bien se le dire, qui joue et qui va continuer à jouer: les jeunes, aujourd'hui, n'étudient plus à temps plein. Ils travaillent en même temps, et c'est un phénomène majeur en Amérique du Nord, par rapport à l'Europe.

M. Gendron: moi, c'est drôle, vous venez de toucher le point qui est toujours dans la même ligne, mais qui me fatigue un peu. je vais l'exprimer comme je veux le faire et je connais votre expérience, m. bisaillon, autant à l'enseignement primaire et secondaire, compte tenu du milieu d'où vous originez et depuis que vous êtes au Conseil supérieur. Je pense qu'offrir à certains jeunes au Québec un secondaire III et, après un secondaire III réussi, leur indiquer que, pour eux, la voie qu'ils devraient choisir - et là, c'est général, ce que je dis, là, pour tout de suite - c'est vraiment une formation profesion-nelle d'appoint, un bon petit métier avec un minimum - parce que vous avez une autre recommandation, à un moment donné, où on parle d'un minimum d'heures de formation, un seuil, ça, je suis d'accord - et ajouter à cette formation dite professionnelle une formation académique adaptée dans les matières de base où, effectivement, pour l'avenir, selon moi, on • n'aurait pas assez d'une formation de secondaire III, toujours d'après mon exemple, selon moi... Il faudra envisager une formation un peu plus poussée en mathématiques, en français, puis, pour tout de suite, j'arrête là.

Il pourrait y en avoir une couple d'autres, mais c'est parce que je ne veux pas le faire volontairement dans les quatre, puis revenir dans ce dans quoi je ne veux pas embarquer tout de suite. On va avoir l'occasion de le faire vers la fin de l'échange. Et là, j'arrive à ma question où votre expérience devrait nous indiquer des voies. Est-ce que vous ne croyez pas qu'il y a 10 %, 12 %, 15 % - puis, là, le chiffre, contestez-le, ça n'a pas d'importance - est-ce que vous ne croyez pas qu'il y a un certain nombre de jeunes qui doivent passer par cette voie-là, puisqu'on aura beau leur dire: Oui, mais ça peut être court, ça peut être insuffisant, compte tenu de leur quotient intellectuel ou de leur milieu de vie, peu importe, leur condition antérieure qui les a amenés à ne pas avoir plus de capacités intellectuelles ou autres, est-ce que vous ne croyez pas qu'il y a une clientèle pour ça, pas au sens péjoratif du terme, mais au sens vraiment que c'est ça ou le décrochage? Premier commentaire. J'aimerais avoir votre appréciation là-dessus. Deuxièmement, puisque vous-même, vous avez dit, dans vos notes d'introduction, M. Bisaillon: L'avenir, pour qui que ce soit au Québec qui aura une formation professionnelle, quelle qu'elle soit, n'est plus envisageable si elle ne s'inscrit pas dans la perspective d'une formation continue de perfectionnement, d'adaptation, puis de complémentarité, ce avec quoi je suis complètement d'accord...

Il me semble que c'est parler un peu d'une façon contradictoire que de dire: Je ne suis pas sûr que, si on ne se rend pas là... et le «là» étant... c'est un peu ce qu'on est en train de faire, là, secondaire IV, quatre matières de base réussies, là, un diplôme d'enseignement professionnel ou une bonne formation professionnelle, parce qu'on dit: Je n'ai pas envie de traîner une formation qui va faire que, dans trois ans, quatre ans, tu vas être devant rien. Il me semble qu'on ne peut pas dire ça et tenir compte de la remarque que vous avez faite en entrée à savoir que, de toute façon, qui que ce soit en formation

professionnelle, il faut qu'il comprenne qu'il va presque être en recyclage permanent, appelons ça de même, juste pour se comprendre, pour fins de discussions. donc, je me ramasse, je dis: vous, est-ce que vous avez un avis et est-ce que vous ne croyez pas qu'il faudrait arrêter les spécialistes de l'éducation de faire accroire aux 10 %, 12 %, 15 %, 20 % qu'on va laisser tomber avec notre fameux système, qu'il y aurait probablement plus de chances d'avoir un diplôme d'enseignement professionnel de qualité, sur une formation de base moindre, je le reconnais, d'entrée de jeu, avec l'obligation d'un recyclage permanent? ça serait plus sécurisant pour l'avenir et ça permettrait probablement, pas juste de se gonfler les pleumas quant aux statistiques de jeunes en formation professionnelle, mais concrètement de combler un besoin. c'est quoi votre point de vue là-dessus?

M. Bisaillon: On va avoir des choix de société à faire là-dessus, qui sont très clairs, mais qui, malheureusement, se prennent à l'heure actuelle sans qu'on s'en rende compte. D'abord, je voudrais vous dire, dès le départ, qu'il est possible, après un secondaire III, d'aller en formation professionnelle, à l'heure actuelle, dans certains métiers. Il faut dire aussi que, dans notre curriculum, il n'y a pas beaucoup d'expérimentation pour les jeunes qui veulent faire autre chose que ce qu'on appelle les matières académiques, entre guillemets, sauf à l'heure actuelle, à titre expérimental, au ministère de l'Éducation, ce qu'on appelle la voie technologique. Si tu n'as jamais touché à quelque chose alors que toi, c'est ta voie d'apprentissage, tu as l'impression que c'est le bout du monde d'attendre en secondaire IV et V.

Alors, on pense que si, déjà, on réformait, on mettait plus de contenu technologique - certains appellent ça de la manipulation, mais c'est plus profond que ça - dans la formation générale, il y a des jeunes qui pourraient découvrir là un intérêt, d'abord, pour la voie technologique, la formation technologique, mais peut-être aussi pour une formation de base mieux adaptée. Ça, c'est clair.

Quant à la question de fond que vous posez, moi, je pense que, si une société dit: Écoutez, puisque, de toute façon, les jeunes vont se recycler, formons-les le moins possible, ça va coûter moins cher et investissons dans le recyclage et le perfectionnement, ça, ça fait une société qui se déqualifie par rapport aux autres sociétés. Ce n'est pas comme ça que les sociétés qui performent fonctionnent. Au contraire.

Ça ne veut pas dire, cependant, que des matières de base, c'est juste des connaissances qu'on apprend. Ça peut être du savoir-faire qu'on développe aussi. Ça peut être des outils. Ça peut être des méthodes. Ça peut être des façons de travailler. Il y a donc là à regarder, oui, le curriculum, comment il peut permettre de ne pas éliminer du monde en chemin. mais on n'est pas portés, nous, à dire: sacrifions la formation de base. pas du tout.

M. Gendron: Rapidement, et je termine pour faire l'alternance, mes 20 minutes doivent être écoulées. J'ai lu vos avis et je ne sens pas ça, effectivement. Je ne sens pas que c'est la voie. Mais ce n'est pas parce que...

M. Bisaillon: C'est tentant, hein?

M. Gendron: Oui. Ce n'est parce que ça me répugne. Ce n'est pas juste parce que c'est tentant. C'est que j'ai l'impression - et, rapidement, j'aimerais avoir votre avis dans une phrase ou deux là-dessus - que tant qu'on ne le permettra pas concrètement, comme système, pour justement forcer l'apprentissage de savoir plus adapté en formation professionnelle... Parce que jamais on ne me fera accroire que ça ne s'enseigne pas, ça, des mathématiques, à moins d'être dans une classe traditionnelle qu'on appelait, nous autres, le régime régulier. On dit: À l'académique, un prof, il te donne un cours de maths. Mais tu ne peux pas essayer des maths au professionnel. Ce n'est vrai, selon moi.

Ça ne se peut pas qu'en 1992, sur les méthodes d'apprentissage, sur l'expérimentation, l'évaluation, on ne soit pas arrivé à avoir trouvé des techniques qui font que des jeunes puissent apprendre de la formation de base en français, au niveau technique, de la formation de mathématiques au niveau de la construction, d'un métier de construction ou autre. Ça ne se peut pas que ça ne s'enseigne pas. Il me semble que, si un aviseur, comme je le perçois, comme le Conseil supérieur de l'éducation, fouillait ça un peu et l'expérimentait sur une échelle réduite de clientèle pour voir ce que ça donnerait, moi, j'ai l'impression qu'enfin on aurait un petit peu de bout de voie qui ferait qu'on laisserait tomber moins de jeunes qui, effectivement, vous l'avez dit avec raison, voient ça loin, puis difficile et donc pas pratique. Il dit: Moi, je choisis la formation technique et on m'empêche d'en acquérir parce qu'on me renferme toujours dans la classe pour faire du français et des maths, et ainsi de suite. Alors que le flo qui a choisi le professionnel, il voulait avoir la paix et, à un moment donné, avoir l'impression qu'il parle des choses à caractère technique, tout en faisant du français, tout en faisant des maths. Est-ce que ça se fait, ça? (16 h 30)

M. Bisaillon: Oui, ça se fait à titre expérimental. On appelle ça la pédagogie par projet. Il y a des endroits où, effectivement, l'apprentissage des matières de base se fait à l'intérieur d'un projet. Ce n'est pas, cependant, une voie qui est généralisée ou qui est, comment dire... Ça suppose des conversions, vous savez, de la part

du personnel, en particulier, de la part du système scolaire qui a toujours été plutôt académique. Mais il y a des expériences qui se font. Je pourrais vous en nommer. On en avait identifié quelques-unes dans notre avis sur les cheminements particuliers. Je pense que la raison va prévaloir là-dedans, mais il ne faut pas lâcher le morceau. Il faut le rappeler constamment.

M. Gendron: Pour conclure vraiment, Mme la Présidente, j'ai l'impression que ça veut dire ce qu'on voit à la page 19, là, dans votre avis. Je suis content d'y revenir.

M. Bisaillon: Le petit?

M. Gendron: Oui, le petit. Pour tout le monde, pour le bénéfice des collègues de la commission, c'est quand vous suggérez, à la page 19: «La première voie de diversification concerné l'approche pratique et technique de la formation générale». Vous expliquez un peu que ça signifie des approches manuelles, d'expériences et de techniques qui feraient que les jeunes se sentiraient plus associés, puis tout ça. En tout cas, ça va pour tout de suite. Merci.

La Présidente (Mme Harel): Alors, M. le député d'Abitibi-Ouest, avant de passer la parole au député de Verdun, je note la présence parmi nous du ministre de l'Éducation. Je note votre présence, M. le ministre.

M. Pagé: Oui.

La Présidente (Mme Harel): Est-ce que vous...

M. Pagé: Je ne suis pas membre. La Présidente (Mme Harel): Pardon? M. Pagé: Je ne suis pas membre.

La Présidente (Mme Harel): Ah! C'est vrai, vous n'êtes pas membre. Effectivement... À moins qu'il n'y ait consentement des membres de cette commission? D'accord. Alors, M. le député de...

M. Gautrin: Pour qu'on lui laisse la parole deux minutes?

La Présidente (Mme Harel): Alors, c'est à vous. La parole est à vous, M. le député de Verdun.

Intégration de l'apprentissage technique à la formation générale

M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente. Moi, je vais essayer de limiter mes interventions à votre avis et au chapitre 4 de votre avis. Autrement dit, l'articulation entre les entreprises et la formation professionnelle. Je vais prendre la chose par la fin. Je vais raccrocher sur la dernière question du député d'Abitibi-Ouest, donc en page 83 de votre avis. Je voudrais savoir si je comprends bien ce que vous dites. Est-ce que vous suggérez que tous les étudiants au secondaire aient une certaine formation ou une certaine introduction à la formation technique ou à une certaine forme de formation professionnelle...

M. Bisaillon: Oui.

M. Gautrin: ...ce en quoi, je vous le dis tout de suite, je serais totalement d'accord avec vous...

M. Bisaillon: C'est oui. C'est oui.

M. Gautrin: Alors, à ce moment-là, est-ce que ce serait spécialisé en fonction des intérêts des étudiants ou... Comment, ça pourrait... Est-ce que vous pourriez élaborer un peu comment vous voyez ça, s'il vous plaît?

M. Bisaillon: Nous, d'abord, on dit qu'à cet égard-là, lors de la formation initiale, ça fait partie de la formation générale...

M. Gautrin: Absolument. Je suis d'accord avec vous.

M. Bisaillon: ...mais ça a un objectif d'exploration. Si un jeune n'est pas mis en contact, comment peut-il aimer, comment peut-il connaître, comment peut-il choisir? C'est ça l'idée. Ce n'est pas une intégration, cependant, au sens, par exemple, de l'intégration qui se fait à l'intérieur des programmes de collèges à l'heure actuelle, comprenons-nous bien, là. Mais il nous semble que, dans une formation de base, il y a un apprentissage technologique qui fait partie de la nouvelle culture de base. C'est ça qui fait partie de la nouvelle culture de base, il y a là autant - comment dire - d'orientations qui pourraient se développer et qui ne se développent pas présentement. Alors, c'est pour tous les élèves, effectivement.

M. Gautrin: Je dois vous dire que je partage totalement votre point de vue sur cette question-là. Je voudrais revenir maintenant un petit peu en arrière. Je reviens au début, toujours, de votre avis. Ma première question est un peu, évidemment, une question de plomberie puisqu'on parle de formation professionnelle. En page 68, vous développez l'idée d'un lieu de coordination national après avoir signalé des difficultés, et je partage un peu les remarques que vous avez pu faire sur, parfois, le manque de coordination entre certaines politiques. Comment voyez-vous et comment voulez-vous structurer ce lieu de coordination pour la formation professionnelle?

Est-ce que vous pourriez mettre un peu plus de chair autour de votre idée, à ce niveau-là?

M. Bisaillon: Oui. Nous, on n'a pas voulu s'embarquer dans des questions de structure. On se comprendra bien, on pense que...

M. Gautrin: Oui, c'est pour ça que j'essaie de vous amener sur ce terrain-là.

M. Bisaillon: Oui. On pense que ce n'est pas le rôle du Conseil, mais je peux aller un petit peu plus loin dans l'explication. À l'heure actuelle, il y a des instances - je choisis le mot au sens générique - qui existent, qui ont des fonctions différentes. Il y a la Société, par exemple, de...

La Présidente (Mme Harel): ...développement de la main-d'oeuvre.

M. Bisaillon: Ça, c'est un projet, ça. M. Gautrin: Ça n'existe pas encore.

La Présidente (Mme Harel): II y a la Conférence permanente...

M. Bisaillon: La Conférence permanente sur l'adaptation de la main-d'oeuvre. Il y a un forum sur l'emploi. Voyez-vous? Déjà, on voit qu'il y a des préoccupations de maillage, au sens noble, là, comme on en parle, mais aussi des préoccupations de rapprochement d'un certain nombre de gens qui décident, d'une part, pour ce qui concerne le système productif, d'autre part, pour ce qui concerne le système éducatif. À l'intérieur même du gouvernement, il y a des comités interministériels, il y a des structures qui existent. Nous, ce qu'on pense, c'est que la question de la formation professionnelle, elle est plurisectorielle non seulement d'un ministère à l'autre, mais entre les ministères et le marché du travail. Il y aurait donc là...

C'est à ne pas confondre, ce qu'on propose, avec la Société de développement qui, elle, a un mandat plus particulier. Mais, ce mandat-là, c'est un élément de ce qu'on appellerait, nous, la mission générale de formation professionnelle. Et on dit, nous, que c'est un petit peu dans le sens de l'actuelle instance où on pourrait retrouver là des gens du marché du travail, de l'emploi, des syndicats, des ministères concernés qui, par exemple, pourraient planifier ensemble l'emploi, pas de façon dirigiste et exclusive mais, par exemple, à partir d'outils communs qui fonctionnent en commun, dire c'est quoi, les grosses tendances qui s'en viennent dans les prochaines années, où on doit mettre des efforts, quelle cible on devrait mettre, quelle action structurante on devrait avoir. Et là, le gouvernement fait son lit par la suite. Mais c'est un lieu où tout le monde qui a un mot à dire, des décisions à prendre et des actions à mener serait, je ne dirais pas forcé, mais serait constamment en train de développer la formation professionnelle, dont le développement de ta main-d'oeuvre, selon des visions cohérentes partagées, ce qui ne nous semble pas être nécessairement le cas présentement.

M. Gautrin: Est-ce que ce serait un organisme-conseil où vous verriez... c'est-à-dire qui regrouperait, disons, des experts un peu, comme vous l'êtes vous-même, vous, le Conseil supérieur de l'éducation, ou bien vous voyez ça comme un conseil qui force les décideurs à se regrouper?

M. Bisaillon: On va plus loin que le Conseil. On dit bien «coordination», qui force un peu, mais qui ne force pas juste les décideurs, qui force les composantes aussi de cette instance-là.

M. Gautrin: Les différentes composantes du réseau.

M. Bisaillon: Et tout le monde dit, à l'heure actuelle, en tout cas, si on comprend bien les discours sociaux: On le sait, ce qu'il faut faire, c'est le temps de le faire. Effectivement, il y a un certain nombre de constats qui sont partagés et on dirait que ça n'embraie pas. Il y a comme un malaise dans notre société, à l'heure actuelle, ça n'embraie pas. Je pense qu'il y a des discours, même de ministres, qui disent ça. Si j'ai bien compris le discours du ministre Tremblay, ce n'est pas la connaissance des problèmes qui fait défaut, c'est l'impulsion. Il nous semble qu'un lieu où on mettrait tous les gens, dans le fond, avec un pouvoir de coordonner leur action, ça pourrait, je pense, indiquer à un gouvernement où il y a des actions structurantes à poser, par exemple.

M. Gautrin: Est-ce que je peux faire une étape encore un peu plus loin? Vous verriez qui, par exemple, à l'intérieur de ce comité de coordination, pour devenir un peu plus précis? Parce que je pense que c'est... Si je pose ces questions dans ce sens-là, c'est parce que j'ai l'impression que c'est une idée assez originale que vous avez émise et qui peut parfaitement donner des résultats.

M. Bisaillon: moi, je pense qu'il faut avoir les ministères. il y a au moins trois ministères. moi, j'en vois un quatrième: industrie et commerce. enfin, le...

M. Gautrin: Oui, bien sûr! Main-d'oeuvre et Sécurité du revenu.

M. Bisaillon: En termes d'investissements, le développement régional, si on comprend bien les liens qu'il y a entre le développement de l'économie, dans une région, et les PME. Bon,

minimum, là. ces ministères qui, par leur action, dispensent des services, configurent l'offre ou la demande de formation, d'un côté ou de l'autre. ça prend aussi les...

M. Gautrin: Des représentants des entreprises et des syndicats?

M. Bisaillon: Tout à fait! Oui, des partenaires.

M. Gautrin: Et du monde de l'enseignement. M. Bisaillon: Pardon?

M. Gautrin: Et du monde de l'enseignement et de l'éducation.

M. Bisaillon: oui. ça nous paraît... et non pas des... ça éviterait, pensons-nous, que des expertises ne soient élaborées à une place et constituent des commandes à une autre, et que des résistances s'élaborent à une place et constituent des freins aux commandes qui sont passées.

M. Gautrin: Mais je pense que c'est une idée originale à retenir. Est-ce que je peux continuer dans un autre niveau ou je passe la parole à mon vis-à-vis?

La Présidente (Mme Harel): Bien, sur ce sujet-là, moi, j'aimerais poursuivre.

M. Gautrin: Alors, poursuivez parce que, après, j'ai une autre question, Mme la Présidente. (16 h 40)

La Présidente (Mme Harel): Alors, M. Bisaillon, lors de votre exposé initial, vous notiez deux tendances lourdes, à savoir le déplacement, disiez-vous, des sommes d'argent de la formation standardisée à la formation sur mesure et une autre tendance lourde qui semblait être l'abandon, dans la formation standardisée, de la formation à temps partiel Alors, on voit là des tendances qui se dessinent, qui, à mon point de vue, sont particulièrement aggravées par les crédits budgétaires, tels qu'ils nous sont connus maintenant. Quand on pense que cette augmentation d'effectifs et de budget, que vous ne notiez que pour le ministère de l'Éducation, au niveau secondaire, est finalement remise en question avec les nouveaux crédits budgétaires puisqu'il y aura une coupure de 25 000 000 $ dans l'offre qui sera faite aux adultes à temps complet, évidemment... J'aimerais vous entendre là-dessus et remettre ça peut-être en relation avec la question de la formation professionnelle comme solution pédagogique au décrochage scolaire. Vous nous dites, dans votre mémoire, que le fait d'envisager la formation professionnelle comme une solution pédagogique au décrochage scolaire, c'est une voie sans issue, d'une certaine façon, c'est une impasse. Donc, il y a une autre manière de faire et c'est d'intégrer les apprentissages techniques - c'est ça que je comprends - plutôt que de réduire, d'intégrer les apprentissages techniques.

Donc, je reviens à la question de fond. Mon collègue vous l'a posée quant à la forme, c'est-à-dire dans quel lieu que tout cela doit se passer, mais comment doit se réaliser cette intimité entre l'école et l'entreprise, en dehors de laquelle, finalement, tout reste des slogans creux? En Allemagne, pays dont on s'inspire beaucoup au ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, il y a, me dit-on, 69 % des ingénieurs qui ont d'abord été des ouvriers qualifiés et 100 % des contremaîtres ont d'abord été des ouvriers qualifiés. Il est possible de devenir ingénieur par la filière de la formation professionnelle.

J'ai posé la question: Est-ce qu'on peut, à partir de la formation professionnelle au secondaire, passer à l'université? Comme c'est impossible ici, quel parent va recommander à son enfant, quel parent va souhaiter pour son enfant qu'il aille en formation professionnelle au secondaire? C'est comme une sorte d'admission du plafonnement, d'une certaine façon. Alors, tant que la filière ne sera pas ouverte, là... Elle l'est, maintenant, entre le collégial et l'université. Moi, j'ai été la première à recommander à ma fille de 17 ans, qui termine son secondaire, d'aller au collégial technique parce que je sais qu'après elle pourra continuer, si elle le veut. Mais quel parent va recommander à son enfant d'aller au secondaire professionnel si c'est, finalement, pour l'hypothéquer pour le restant de sa vie? Ça, c'était ma première...

Bon, en fait, je vous laisse sur ces considérations-là et je reviendrai sur la question de la main-d'oeuvre.

M. Bisaillon: O.K. Pour répondre à votre dernière question, parce que je vois deux questions. Vous avez dit: À quel niveau doit-on discuter de ces choses-là? Mais, quelques informations... D'abord, actuellement, il est possible de passer du D.E.P. - diplôme d'études professionnelles - au collégial. C'est possible.

La Présidente (Mme Harel): C'est possible d'une façon régulière?

M. Bisaillon: Oui. Ce n'est pas facile. Je ne dirais pas que c'est facilitant, même, mais c'est possible. Soyons polis: Ce n'est pas impossible.

La Présidente (Mme Harel): O.K. D'accord.

M. Bisaillon: O.K. Ce n'est pas pensé comme ça, là. Deuxièmement - là, il faut y réfléchir - si on baisse les seuils de la formation de

base au secondaire avant d'arriver à la formation professionnelle, bien, là, c'est clair que ça va être totalement impossible de passer au collégial. Ça, il faut se le mettre dans la tête.

Troisièmement, il y a des emplois, à l'heure actuelle, de niveau ouvrier qui, à mon avis, ne sont pas dédaignables sur le plan social. Il ne faut pas, moi, je pense, faire miroiter au départ à tous les jeunes que l'avenir ne passe que par la formation collégiale, que par la formation technique. Ce qu'il faut dire aux jeunes, cependant, c'est que si vous voulez exercer un emploi qui va vous faire gagner votre vie raisonnablement comme ouvrier, il faut que vous sachiez que vous avez la possibilité de continuer plus loin, soit après, soit immédiatement après, soit en revenant sur le marché de la formation après une expérience. Vous m'avez dit: Où on va régler ces questions-là? Moi, je dirais: À trois niveaux. Je pense qu'il y a des choses qui se font sans discussion trop trop à l'heure actuelle. Mais vous savez tous, ici, que l'assiette sociale diminue dans les budgets. Si, dans l'assiette sociale, la sécurité du revenu, le recyclage et le perfectionnement deviennent tellement une question de survie de la société qu'on décide de tasser la formation qualifiante, ça ne se passera pas comme ça, là. Mais, par voie de conséquence, d'investir moins dans la formation qualifiante, on va venir de choisir une des hypothèses qui étaient soumises par le député d'Abitibi-Ouest tantôt sans que ça ne se passe délibérément. On va dire: Bien, faisons ce qu'on peut avec ce qu'on a pour le moment avec les jeunes. De toute façon, on les reprendra plus tard. Ça, c'est extrêmement coûteux au plan d'une société. Donc, je pense qu'il y a une discussion sociale, de société à y avoir à ce niveau-là.

Deuxième niveau. C'est au niveau des réseaux, entre le secondaire et le collégial et entre le collégial et l'université. Comment peut-on faire en sorte que les filières professionnelles ne soient pas des enfarges, mais soient en continuité? Comment faciliter les passages? Quitte à ce qu'on fasse des compromis, non pas sur l'essentiel - il ne le faudrait pas - mais sur les parcours. Il y a déjà 17 % des diplômés du technique qui vont à l'université, du collégial technique qui vont à l'université. Donc, c'est possible. !! faut que ce soit possible aussi entre le secondaire et le collégial.

Troisièmement, troisième niveau, il faut que ça se jase, ces affaires-là, et c'est entre l'école et l'entreprise, de deux façons, je dirais. L'entreprise exige, a beaucoup de remarques, de commentaires à faire sur la qualité de l'éducation. Or, elle est maintenant partie prenante de l'élaboration des programmes. Il faudrait, en contrepartie, qu'elle soit ouverte à ce que la formation se fasse aussi en entreprise à l'occasion, donc, qu'elle dégage des places de stage, qu'elle facilite l'exploration des jeunes. Il faudrait aussi que l'entreprise tienne un discours univoque sur la qualité de la formation. Je veux dire, on ne peut pas, en même temps, dire à des jeunes: «La scolarisation, c'est très important, le niveau minimum, à l'avenir, ça va être ce que j'ai entendu, moi, le collégial», et dire en même temps: «Venez travailler pendant que vous étudiez - jusqu'à 25, 30 heures semaine - ça coûte moins cher à l'entreprise; il y a de l'avenir pour vous autres là-dedans». On ne peut pas tenir deux discours. Alors, il y a une réflexion à faire aussi de ce point de vue là, des exigences à la formation. Et ça, je pense qu'on ne l'a pas encore entendu. C'est pour ça qu'à notre avis, sur le travail rémunéré des jeunes, on pense que les employeurs doivent tenir un discours cohérent aussi là-dessus. Vous savez qu'à l'heure actuelle l'envers de la médaille, des jeunes de 16 ans qui travaillent, c'est le chômage chez les 16-24 qui est le plus élevé, qui est plus élevé dans cette couche d'âge que dans toutes les autres. C'est exactement les deux faces de la même médaille. Alors, il faudrait qu'il y ait une prise de conscience. Donc, c'est à trois niveaux, autrement dit, pour répondre à votre question globale.

La Présidente (Mme Harel): Une dernière question, M. Bisaillon. Moi, j'ai assisté, comme porte-parole de l'Opposition en main-d'oeuvre et formation professionnelle, à l'examen du projet de loi, à l'examen du livre blanc sur la main-d'oeuvre. Le discours que l'entreprise en général, à quelques exceptions... mais le discours que l'entreprise a tenu lors de cette commission en est un de rapprochement avec le monde de l'éducation, essentiellement.

Une voix: C'est vrai.

La Présidente (Mme Harel): Cependant, la question, c'est de savoir comment, comment ce rapprochement-là doit se faire. Vous nous dites: En facilitant les stages, en facilitant la formation par alternance. Mais par quel mécanisme? À part la Conférence permanente d'adaptation de la main-d'oeuvre, où vous recommandez une modification de la composition, pour laquelle vous recommandez une modification de la composition, à la page 69 de votre avis, pour y introduire de nouveaux partenaires... Mais, tout ça se joue à un niveau bien éloigné, n'est-ce pas, du terrain? Alors, sur le terrain, comment doit se faire le rapprochement? (16 h 50)

Je reviens à une question qui est abordée dans votre avis et qui est la question de l'estimation des besoins. Vous dites, à bon droit, que c'est en 1984, avec le gouvernement précédent, que le partage des eaux s'est fait entre l'offre et l'estimation des besoins: alors, l'offre au ministère de l'Éducation et l'estimation des besoins à la Main-d'oeuvre. Bon. Vous nous dites qu'il ne peut pas y avoir d'estimation des besoins réussie sans que ça se fasse en deux étapes. Pour les

compléter, ces deux étapes, il faut un partage, n'est-ce pas? Ceci dit, une fois que c'est dit, là, comment ça se réalise, ça? Parce que, pour tout de suite, les CFP sont, évidemment, jalouses de ce pouvoir qui leur a été conféré d'estimer les besoins, mais voient se développer à côté des services aux entreprises dans les commissions scolaires, dans les cégeps. Alors, sur le terrain, une même entreprise peut recevoir quatre, cinq, six différents agents qui viennent lui faire la promotion des cours qu'ils ont à offrir, etc. Comment ça doit se passer, l'estimation? Il faut revenir là-dessus. C'est une question qui a à peine été effleurée par la commission qui entendait les mémoires sur le projet de loi 408. Ça a à peine été effleuré, mais faut-il revenir explicitement sur cette question d'estimation, partager entre le ministère de l'Éducation et celui de la Main-d'oeuvre cette responsabilité ou, au contraire, faut-il, à un moment donné, se dire, comme le proposait la commission Jean: Un nouveau ministère de l'emploi et de la formation professionnelle qui rapatrie le tout de ce qui se faisait au MEQ et à la Main-d'oeuvre et qui repart sur une base nouvelle?

M. Bisaillon: Sur la dernière question, on n'ira sûrement pas dans les structures, vous comprendrez bien, mais ce qu'il faut comprendre, c'est que, quand on estime des besoins, ce sont des besoins de formation. À moins qu'on ne décide demain matin que, dorénavant, pour toutes sortes de raisons, dont l'une, la principale, j'imagine, serait que le système d'éducation ne vaut pas cher, si on arrivait à cette conclusion-là, on pourrait dire: L'estimation des besoins, dorénavant, se fera seulement à la Main-d'oeuvre et Sécurité du revenu.

La Présidente (Mme Harel): Mais ça se fait uniquement là, théoriquement.

M. Bisaillon: Oui, théoriquement, et c'est pour ça que ça ne marche pas, parce que c'est une vision des choses. Dans l'estimation d'un besoin, même faite par une commission de formation professionnelle... et on va très loin, nous. On dit: Oui, ils devraient le faire. Il reste un petit bout. Comme c'est de la formation, c'est la dimension pédagogique, ça ne peut pas être fait ailleurs que dans un système scolaire, à moins qu'on ne décide que, dorénavant, on sort tout ça du système scolaire. Ça, il nous semble que, s'il n'y avait pas une situation de concurrence, mais une espèce d'entente dans les milieux, pas pour partager dans le sens de «toi, tu fais ça», et «moi, je fais ça», mais dans le sens de «on fait ensemble telle affaire, et voici le mécanisme par lequel on va le faire», ça atténuerait beaucoup de problèmes qui sont des problèmes inventés des fois, parce qu'il y a des milieux même où ça marche. Il y a des milieux où ça fonctionne très bien. Ils ont réglé leurs problèmes à la base, eux autres, entre l'Éducation et la Main-d'oeuvre parce qu'ils ont compris que ça nuisait aux clients, que ça nuisait au monde. Mais ce n'est pas ça qu'ils comprennent comme étant le fonctionnement du système.

Sur la question des rapports école-entreprise, déjà, là, les entreprises sont très présentes dans la mise à jour des programmes. L'élaboration et la mise à jour, on n'est pas contre ça. Nous, on pense que, quelque part, il faut qu'on valide des formules d'alternance ou même une politique d'apprentissage et qu'on l'expérimente. Je pense qu'on ne pourra pas, au Québec, généraliser ça demain matin - ça serait faire fausse route - mais qu'on fasse des expériences concrètes au lieu de juste en parler. Qu'on choisisse trois, quatre régions où on va prendre un milieu et on va dire: Les conditions sont réunies, on met de l'argent là-dedans et du soutien et, après ça, on va peut-être découvrir - effet de contagion - qu'on est capable de le faire et que ça donne des idées aux autres, plutôt que de dire à tout le monde: Vous implantez ça à partir de telle date. Les gens disent: On n'est pas capable, on n'a pas la connaissance, les outils, la culture qu'il faut. C'est un petit peu comme ça, je pense, qu'on réforme un système.

La Présidente (Mme Harel): Merci, M. Bisaillon. La parole est au député d'Abitibi...

M. Gendron: À moins...

M. Cameron: Je vais laisser le...

La Présidente (Mme Harel): ...au député de Jacques-Cartier?

M. Cameron: Passez.

La Présidente (Mme Harel): Pas cette fois-ci.

M. Gendron: Moi, je voudrais revenir sur une couple de choses plus précises dans vos avis, M. le Président du Conseil supérieur. Entre autres, vous avez porté à ma connaissance un jugement passablement exact sur ce qu'on constate, que si on ne met pas en place un véritable système d'alternance formation-études et que si on n'accroît pas les stages en milieu de travail, bien, il y a de la perte d'intérêt. Il y a, éventuellement, un manque de motivation chez les jeunes et aussi la carence précise de ne pas avoir l'occasion de toucher à des choses concrètes qui se font dans le milieu du travail.

Ça fait plusieurs années que j'entends ça du Conseil supérieur, que ça n'a pas de bon sens. Là, il n'y a pas de blâme à vous, je veux dire, et il n'y en a pas plus à l'institution. La question que j'aimerais discuter avec vous: Comment se fait-il qu'au Québec on serait à ce point différent? Ça fait des années qu'on dit: II y a

une lacune grave dans l'absence de relations concrètes entre des gens en formation en enseignement professionnel et des expériences, des fois, entre guillements, en chantier, mais je vais la mettre tellement large, ma notion de chantier, que, de temps en temps, c'est une PME et, de temps en temps, c'est un vrai chantier. Est-ce que vous avez fouillé les causes, les raisons? Qu'est-ce qui fait, concrètement, qu'on est toujours obligés de faire le point sur tout, de rappeler que ça n'a pas de bon sens, de faire des bonnes recommandations pour corriger ça, et il semble se passer à peu près rien? Il ne semble pas y avoir de correctifs, et il me semble que ce serait décevant de se revoir possiblement dans un an ou un an et demi et d'avoir le même constat, soit qu'il n'y a pas de liens, même si vous avez une belle recommandation d'alternance formation-études et d'accroître les stages en milieu. C'est quoi, les facteurs principaux qui font que cette pratique n'est pas répandue? Croyez-vous que le problème soit davantage l'absence de collaboration et de volonté au niveau des PME ou si c'est le cadre trop rigide qui fait qu'un jeune fatigant étudiant, on ne veut pas voir ça sur le marché du travail, temporairement? J'aimerais ça que vous soyez concret, là, très précis.

M. Bisaillon: Bien, je vais dans le... Concret et global, si vous le permettez...

M. Gendron: Oui, oui, à votre choix.

M. Bisaillon: ...il faut reconnaître qu'il y a là un effet de choix historique qu'on a fait. On a fait un choix historique, au Québec, quelque part, autour de la commission Parent, le rapport Parent qui a dit: Ça va se passer dans le système d'éducation. Ça, quand ça fait un certain nombre d'années que ça dure comme ça, ça crée des sédimentations, pour employer un mot qui, j'espère, ne sera pas perçu comme exagéré, mais ça crée des comportements, des attitudes d'isolement. Ça, c'est dur à briser et c'est là-dedans qu'on est. Il y a des failles, cependant, des failles heureuses - pas au sens catastrophique - qui se produisent. Il ne faut pas penser, malgré un diagnostic comme ça, qu'il ne se fait pas des expériences. Il se fait des expériences dans l'école aérospatiale, à Montréal, je pense, en pétrochimie, beaucoup au collégial, énormément au collégial, des transferts technologiques qui supposent donc des collaborations, mais - comment vous dire - il n'y a même pas de culture de formation en entreprise, parce qu'on est toujours pris à survivre. C'est ça le problème de la PME. Comment voulez-vous, en plus, investir, en surplus, des efforts pour accueillir des jeunes du milieu scolaire quand je ne réussis pas à former mes travailleurs. Il y a déjà là un problème, qui est majeur, et, je dirais, sur le plan global - moi, je pense, c'est personnel, je ne veux pas engager tout le Conseil là-dedans -il me semble que tant qu'on n'a pas le sentiment d'urgence assez fort, les systèmes continuent i fonctionner en parallèle, les ministères aussi, etc. Alors, les écoles, les entreprises reçoivent le message. Il y a aussi des rapprochements qui se font, depuis un certain temps, en formation sur mesure, mais je ne dirais pas que c'est des modèles qui sont généralisés pour le moment.

M. Gendron: Avez-vous un avis, également, sur le même sujet, mais par rapport à un des éléments - là, c'est parce que je ne l'ai pas directement au texte - quand vous parliez d'une plus grande collaboration, d'interdépendance entre les partenaires production-éducation? Là, moi, je vais être assez concret. Je sais que l'appel au secours au niveau du ministre de l'Industrie et du Commerce avec ses grappes industrielles et la nécessité de revoir nos orientations pour une entreprise plus compétitive, en termes concrets, les liens ou les jonctions entre l'Éducation, la Main-d'oeuvre et Sécurité du revenu et l'Industrie et Commerce à des chapitres comme ceux qu'on est en train d'aborder, très concrètement, est-ce que vous croyez que ça se fait? C'est quoi les lacunes? Est-ce que vous sentez qu'il y a une vision, quelque part, de complémentarité qui fait que certains besoins seraient mieux comblés? (17 heures)

M. Bisaillon: Je ne dis pas qu'il ne se fait rien, mais ce n'est pas un sentiment généralisé qu'il se fait tout ce qui devrait se faire. Puis, je vais prendre un exemple très concret. Je ne veux pas faire de politique, comprenons-nous bien, mais ce qui serait souhaitable: Voilà, on isole une grappe. Prenons-en une, n'importe laquelle.

La Présidente (Mme Harel): L'imprimerie. M. Bisaillon: Pardon? La Présidente (Mme Harel): L'imprimerie. M. Bisaillon: C'est une grappe, ça?

La Présidente (Mme Harel): Non, mais ça devrait en être une.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bisaillon: Ah bon! Je ne veux pas embarquer dans le découpage des grappes, mais prenons-en une qui existe: la technologie de l'information, comme je le disais tantôt. Paraît-il qu'il y a un développement majeur au Québec qui s'en vient là-dedans. Vous mettez là-dedans le ministère de l'Industrie et du Commerce qui configure la grappe, qui connaît les investissements potentiels. Vous mettez là-dedans le

développement régional qui dit: Voici ce dont on dispose dans telle ou telle région du Québec. Vous mettez là-dedans les deux ministères Enseignement supérieur et Éducation qui disent: Voici le type de formation auquel il faut déjà penser si on veut se positionner dans 5, 10, 15 ans comme société dans ce marché international. Voici donc comment nous allons répondre à ces besoins de formation. Ça peut être en allant chercher de l'expertise déjà existante dans des entreprises; ça peut être en ouvrant un programme dans un cégep parce qu'il n'existe pas encore. On est proactif, on prépare l'avenir à tous points de vue et, en même temps, en termes de formation, de développement régional, d'investissements. Voilà le genre d'utopie que nous souhaitons, sachant très bien que ce n'est pas comme ça que ça se passe dans la vraie vie, tout le temps. On pense que si on allait vers des choses comme celles-là, on serait plus forts, mais ce n'est pas notre rôle d'aller plus loin que ça, vous comprendrez bien. C'est un exemple là.

Seuil minimal de durée de la formation professionnelle

M. Gendron: Je comprends. C'est plus d'avoir une évaluation de l'extérieur, d'une lunette extérieure, comment vous voyez ça, et j'ai eu votre commentaire. Je le reçois pour ce qu'il est.

J'aurais une question sur... je l'avais laissé voir tantôt. À la page 22 du petit avis, vous dites souhaiter qu'on fixe un seuil minimal de durée de la formation professionnelle et vous avancez à cet égard un seuil se situant alentour de 600 heures de formation. Il y a d'autres intervenants qui prétendent qu'il faudrait s'assurer que la formation de base soit plus importante. Lorsque vous avez fait cette suggestion de seuil - parce qu'on se comprend bien, ça ne veut pas dire de ne pas en prendre plus, je veux dire, c'est le minimum qu'on doit exiger - c'est quoi les paramètres que vous avez retenus pour établir que, 600 heures, ce serait, tout compte fait, admissible ou valable pour asseoir une formation professionnelle? C'esi dec comparaisons internes, entre provinces, entre pays, d'autres cultures, d'autres...

M. Bisaillon: 900 heures à l'heure actuelle, c'est l'équivalent d'une année de formation.

M. Gendron: Oui.

M. Bisaillon: Nous, on se dit deux choses: C'est pensable qu'en bas d'une année de formation, de spécialisation, entre guillemets, en formation professionnelle, on puisse appeler ça de la formation professionnelle? Deuxièmement, c'est possible de donner un diplôme à quelque chose dont on ne connaît pas la durée? Autrement dit, si les employeurs ne savent pas quelle extension il y a dans ce contenu de cours-là, pensez-vous qu'ils vont accorder de l'importance au diplôme qui va en découler? Non. Nous, on pense qu'on est dans une société où ça fonctionne comme ça. Il y a une hiérarchie de diplômes, puis il y a des diplômes qui correspondent à des durées. On sait qu'à l'université un certificat et un bac, ce n'est pas la même chose. Une des raisons pour lesquelles on sait que ce n'est pas la même chose, c'est que ça ne dure pas le même temps. Alors, voyez-vous, nous autres, on dit: Ça prendrait au moins un minimum pour ne pas se ramasser avec cas D.E.P. de 200 heures ou de 150 heures qui vont faire en sorte qu'à un moment donné on va se rendre compte que ce n'est plus reconnu. Ça existe, oui, mais ça ne donne pas accès à des emplois vraiment. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on a dit: II nous semble qu'autour du diplôme, de sa crédibilité, il y a des seuils.

M. Gendron: C'est ce que j'avais conclu, puis ce que j'avais vu. Mais, est-ce que vous avez été en mesure de fouiller dans l'énoncé du ministre, parce que c'est le ministre qui dit: Moi, je voudrais envisager la possibilité d'éliminer, pour l'obtention d'un diplôme d'enseignement professionnel, éventuellement, une formation déterminée, autant en seuil d'entrée qu'en contenu terminal, ce qui fait qu'à un moment donné on dit: Ça va être huit mois, deux ans ou un an et demi de formation? Avez-vous pu déceler ce sur quoi il s'appuyait pour envisager que ce serait plus logique dorénavant d'offrir des diplômes d'enseignement professionnel sans aucune durée minimale qui serait établie dans la nouvelle filière? C'est quoi? Ils s'appuyaient sur quoi? Je sais que vous avez dénoncé ça, vous, entre guillemets, vous avez dit que vous n'étiez pas d'accord là-dessus. Vous venez de l'exprimer.

M. Bisaillon: Non, mais quant à l'intention finale du ministre, on ne sait pas ce que ça va être, parce qu'il y a une réforme du régime pédagogique, du règlement sur le régime pédagogique en formation professionnelle qui s'en vient, dans lequel projet on devrait connaître l'intention du ministre. Je ne sais pas, je ne peux pas vous dire aujourd'hui si la proposition de modification qu'il va faire achète, entre guillemets, la recommandation qu'on lui a faite sur un aspect du règlement qui s'en vient. Comprenez-vous? Alors, je ne sais pas...

M. Gendron: Je comprends, mais regardez là...

M. Bisaillon: Mais vous me demandez d'expliquer la logique du ministre à la place du ministre. J'ai des problèmes avec ça.

M. Gendron: Non, non, non. Là, vous allez avoir des problèmes avec ça, et je ne vous

demanderais jamais ça. Je vous connais, tous les deux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: Non non, mais trêve de plaisanteries. Trêve de plaisanteries, c'est écrit ça, là. À partir du moment où M. Bisaillon, comme président du Conseil supérieur, vous avez une opinion et un avis, en disant: «Nous, on ne recommande pas ça, on n'est pas d'accord», bien, ça veut dire que vous avez vu ça quelque part. Il y a quelqu'un, quelque part, qui vous a permis de vous exprimer là-dessus pour dire que ce n'est pas valable. Alors, c'est juste ça que je vous dis. Qu'est-ce qui sous-tend la note ou l'écrit qui laisse voir que, dorénavant, on pourrait envisager des diplômes en formation professionnelle sans aucune durée minimale établie dans la filière prédéterminée?

M. Bisaillon: Je ne peux pas répondre à ça. Je m'excuse, ce n'est pas parce que je ne veux pas, mais on a eu une demande avec un projet...

M. Gendron: Oui.

M. Bisaillon: ...qui disait qu'il n'y avait pas de durée minimale. Nous, on a dit au ministre: On pense que c'est dangereux; vous discréditez le diplôme.

M. Gendron: Oui, là, vous me répondez. Vous me dites: C'est que c'est venu...

M. Bisaillon: C'est pour ça que je vous ai parlé de la crédibilité du diplôme tantôt.

M. Gendron: Oui, d'accord. Mais, je veux dire, ça été énoncé de prime abord dans l'avis du ministre, sur l'éventuel règlement qu'il veut modifier en enseignement professionnel.

M. Bisaillon: Vous l'avez en annexe, page 34, la demande qui nous a été faite parce que ça, ce n'est pas un avis qu'on a fait à notre initiative, mais en réponse à une demande.

M. Gendron: Non, non, je sais, en réponse...

M. Bisaillon: Alors, vous avez la demande qui est le petit avis, à la page 34, c'était la proposition. Maintenant, je ne sais pas ce qui va en advenir dans la réforme finale.

M. Gendron: Je comprends. Mais, dans la proposition, le ministre vous disait, envisageait cette situation-là.

M. Bisaillon: Bien, à l'article 58...

M. Gendron: Oui, la durée de la formation conduisant à un diplôme d'études professionnelles varie...

M. Bisaillon: Alors, l'article est remplacé par: La durée de la formation conduisant à un diplôme d'études professionnelles varie selon le programme d'études choisi. Alors, nous, on a dit: II n'y a plus de 900 heures, ça veut dire qu'il pourrait y avoir des 200 heures? Comme on voulait éviter le charriage, on a dit au ministre: On pense qu'une durée minimale, ça garantirait la crédibilité du diplôme. C'est en relation avec ce projet-là.

M. Gendron: Ça va, vous me répondez... Toujours dans la même veine, là, il a également été envisagé d'abolir complètement la filière conduisant au C.E.P. Vous êtes familier avec ça, le C.E.P. - pour les autres, c'est le certificat d'enseignement professionnel - qui disparaîtrait tout simplement, là. On éliminerait ça. L'ensemble des programmes, parce qu'il y en avait quand même, des programmes, dans la filière du certificat d'enseignement professionnel, serait intégré à la formation conduisant à un diplôme d'enseignement professionnel. C'est quoi votre avis là-dessus?

M. Bisaillon: Est-ce que vous permettez, le secrétaire du Conseil va répondre à cette question-là.

M. Gendron: Oui bien sûr, bien sûr.

M. Proulx (Jean): Bien, notre avis là-dessus, c'est que, nous, on est d'accord avec la disparition des C.E.P., des certificats d'études professionnelles. On ne s'objecte pas à ça. On ne dit pas non à cette chose-là, sauf qu'on dit: II ne faut pas que ce soit une opération purement cosmétique. Alors, ça serait une opération purement cosmétique s'il n'y avait pas un certain enrichissement de cette formation-là.

C'est pour ça que, nous, dans notre avis, on suggère, on dit: Si vous intégrez cette formation à un D.E.P., à un diplôme dans une filière qui mène au diplôme d'études professionnelles, vous devriez la rendre, d'une part, plus fonctionnelle, en favorisant des formules de formation par alternance et vous devriez, d'autre part, la rendre plus polyvalente. D'où, aussi, l'exigence d'un minimum de 600 heures de formation. Si on intègre l'ancienne filière C.E.P. dans la filière D.E.P., on dit: II faut au moins 600 heures de formation si on veut un peu enrichir cette formation-là d'un point de vue plus fonctionnel et d'un point de vue de polyvalence aussi de cette formation-là, d'ouverture davantage à un champ professionnel dans cette formation, les anciennes formations de C.E.P. (17 h 10)

Donc, on n'est pas contre qu'elle soit intégrée, mais on est contre une opération purement cosmétique, ce qui nous semblait être

un peu l'opération qui se préparait, mais...

M. Bisaillon: La genèse de cette demande-là, c'est des pressions de la Main-d'oeuvre sur l'Éducation, on ne se le cachera pas. La Main-d'oeuvre qui dit: Moi, j'ai une clientèle qui n'a pas accès aux programmes de formation professionnelle à cause des seuils. On peut accommoder cette clientèle-là? Le plus bel exemple - même si je ne veux pas en particulariser un - c'est une personne qui exerce un emploi depuis 25 ans, 15 ans; qui fait bien sa job; qui perd son emploi et parce qu'elle n'a pas, en temps utile, satisfait aux seuils qui existent maintenant, elle n'aura pas accès à une formation professionnelle, en termes de recyclage.

Alors, nous, on a dit: Oui, il faut regarder ça. Il faut être sympathique à ça. Il faut, cependant, qu'il y ait une formation générale, qu'on établisse le niveau de développement général qui peut être l'équivalent de cours actuels, et des seuils fonctionnels qui peuvent être l'équivalent d'habiletés actuelles. Mais, pas ouvrir les vannes en faisant croire aux gens qu'ils vont être qualifiés. Il faut donc - et c'est le sens de notre avis, un petit peu - oui, favoriser et faciliter les parcours. C'est vrai. Sans ça, on perd la crédibilité comme système d'éducation. Si on dit, au départ: Dorénavant, à partir de tel âge, vous ne pouvez plus revenir dans le système si vous ne satisfaites pas aux exigences, telles qu'elles se posent aujourd'hui-Donc, c'était ça l'assouplissement qu'on recommandait, mais pas la débandade. Donc, un minimum d'heures, ça fait partie des balises. La reconnaissance des acquis, voyez-vous, là, elle vient de prendre toute sa place, mais ça fait 12 ans, au Québec, qu'on en parle.

M. Gendron: Je vais revenir sur les acquis tantôt, avant de passer à un collègue. Mais j'aimerais quand même que vous m'indiquiez... Est-ce que vous êtes en mesure de dire la connaissance que vous auriez quant aux clientèles, juste une quantification numérique, une quantification numérique de ce qu'on discute là? Si on abolit la filière du C.E.P.. pour les gens, il faut savoir: Est-ce que c'est 3000, 5000, 10 000, 15 000 jeunes? C'est marginal? C'est quoi?

M. Bisaillon: Incapable. M. Gendron: Incapable?

M. Bisaillon: Incapable de quantifier ça pour le moment. Je ne dis pas qu'on ne pourrait pas vous répondre en faisant des recherches, mais il y a là-dedans, à la fois des adultes et des jeunes. Mais je ne suis pas capable.

M. Gendron: Oui, mais si je dis que c'est marginal, il me semble que je suis correct en disant ça, 200 ou 300 dans le «top».

M. Bisaillon: Ah non! Je pense que c'est... Il me semble que c'est plus que ça.

M. Gendron: Oui? M. Bisaillon: Mais là...

M. Proulx: Abolir la filière, ce n'est pas abolir les programmes.

M. Gendron: Non, j'ai compris.

M. Proulx: Ce n'est pas abolir les programmes. Donc, ces gens-là pourront continuer dans ces programmes-là, mais on ne peut pas dire combien de monde, par exemple.

M. Gendron: Mais là, de toute façon, ce n'est pas majeur. Mais, à ma connaissance, quand même que ça serait 300 ou 400, moi, selon l'information que j'avais, il n'y a pas vraiment de concentration numérique. Le quantum est fait. Je voulais juste savoir si vous aviez un avis là-dessus.

M. Bisaillon: II n'y a pas de concentration numérique. Mais moi, j'ai compris que ça pouvait faire la différence, dans des régions, entre ouvrir un programme ou le fermer. Par exemple, je fais une hypothèse. Il y a 15 personnes dans le C.E.P. du temps, et il y a 2 ou 3 adultes qui veulent s'ajouter, mais ils ne répondent pas aux critères. Alors, ça peut faire la différence, semble-t-il, entre fermer un programme et en ouvrir un à certains endroits. Alors, moi, je ne suis pas capable de quantifier ça, mais c'est des exemples qu'on m'a donnés.

M. Gendron: O.K. Vous avez touché toute l'importance de la reconnaissance des acquis. C'est encore quelque chose que... Quand on a à discuter de formation professionnelle ou à discuter d'éducation tout court, compte tenu du changement majeur dans la société qui fait qu'il y a beaucoup plus d'adultes qui sont arrivés en formation, de temps en temps générale, en formation professionnelle, pour des besoins de recyclage et pour des besoins, encore là, de culture de société, quand on a dit: Bon, bien, il faut qu'il y ait de plus en plus de gens qui puissent parfaire le minimum de connaissances qu'ils ont, comme le niveau de diplomation au Québec n'était pas tellement élevé, on a essayé de l'augmenter. On a eu une entrée assez importante, significative d'adultes au niveau de la formation d'appoint ou de la formation de base. On a essayé d'évoluer dans un système qu'on appelle la reconnaissance des acquis expérientiels ou des acquis tout court. Vous, vous avez indiqué qu'on n'a pas tellement évolué dans ce domaine-la, qu'on en parle encore beaucoup, mais je vous dis qu'il n'y a pas grand-chose de fait concrètement.

Est-ce que vous pourriez nous tracer un portrait un peu plus précis? Premièrement, les opinions que vous avez. Le constat que vous faites, je pense qu'on le partage tous, mais ça serait d'être probablement un peu plus exigeant dans ce qu'il y a lieu de faire pour arriver, comme société, à ce que cette évaluation des expériences, c'est-à-dire cette reconnaissance des acquis soit plus significative par rapport à la quantification de la valeur comme apprentissage pédagogique que ça peut avoir, comme formation tout court, comme savoir tout court. Quand on disait tantôt «évaluer des savoirs», ça ne veut pas toujours dire sur la base d'un examen théorique écrit pour des connaissances dites traditionnelles, comme on les enseignait. J'aimerais ça vous entendre un peu plus serré là-dessus.

M. Bisaillon: D'abord, il n'y a pas de politique de reconnaissance des acquis au Québec, même s'il y a eu de l'argent, en particulier des fonds fédéraux, qui a été, à ma connaissance, engagé précisément pour cela. La reconnaissance des acquis, c'est la seule chance pour beaucoup d'adultes de pouvoir entrer dans un système alors qu'en apparence ils n'y ont pas accès. Il y a des éléments facilitants de ça, présentement, qui font que... Par exemple, les nouveaux programmes par compétence, qui sont modulaires, permettraient à des adultes de faire un petit bout, d'aller chercher ce qui manque, de faire un petit bout. Il y a donc des conditions facilitantes sur le plan de la construction des programmes.

Il n'y a pas, cependant, de test du niveau de développement général. Ça n'existe pas, ça. Juste, déjà, là... Je ne parle pas d'un test de français et de mathématiques, mais d'un test du niveau de développement général d'un adulte qui tient compte que, depuis 15 ans, 20 ans, il a fait des choses dans sa vie. Il en a appris. Il a développé des habiletés. Il n'a même pas ça. Alors, voyez-vous, il y a au moins ça à élaborer. Le projet du ministre de l'Éducation, lorsqu'il nous a soumis sa demande, il contenait un engagement à développer ce niveau de développement général ou un genre de test.

Il faut aussi développer des formules pour la formation manquante. Ce n'est pas tout de dire à quelqu'un: Voici, tu as 65 % du chemin qu'on te reconnaît, mais il t'en manque 35 %, et on n'a rien à te donner. Tu reviendras quand tu l'auras. On pourrait développer des alternatives pour la formation manquante, qui ne seraient pas nécessairement des kits de cours tels qu'on les connaît quand quelqu'un est en continu. Tout ça, ça n'existe pas. Pour être franc, je ne dis pas qu'un établissement n'a pas fait des entorses ou n'a pas fait des efforts bénéfiques pour un certain nombre d'adultes, mais ça n'existe pas comme modèle. Ce qui fait qu'il y a des gens qui ont eu l'impression qu'en cognant à une porte ils étaient appelés à de la formation et qu'on leur a fermé la porte au nez.

Ils se sentent dévalorisés dans ce qu'ils ont fait depuis 10, 15 ans, parce que c'est ça, le drame. Ce n'est pas juste de savoir que tu ne peux pas accepter une formation. C'est ds comprendre, de conclure que même ce que tu as fait - et que tu te pensais bon depuis 10, 15 ans - ça ne t'a pas enrichi, ça ne t'a pas développé. Alors, je pense que, de ce côté-là, je sais qu'il y a des gens qui font l'hypothèse qu'il faudrait peut-être expérimenter dans l'enveloppe même de base des établissements ou des réseaux ou des collèges, en particulier, un volet de reconnaissance des acquis. Bon.

Il faudrait peut-être qu'on mette des ressources là-dessus à temps plein, mais c'est sûr que ça freine, je pense, l'accessibilité des adultes et la persévérance des adultes. Ça, ça nous a été dit assez clairement aller et retour dans nos consultations.

M. Gendron: Vous n'avez pas été capable de les quantifier. Vous n'avez pas été en mesure de quantifier comment ça peut...

M. Bisaillon: Ça ne peut pas se quantifier parce que qui peut dire combien de gens frappent à la porte des institutions dans une société et combien s'en retournent?

M. Gendron: Eh bien là, avec l'enveloppe fermée, probablement qu'on va pouvoir le savoir davantage, ceux qui vont se faire refuser.

M. Bisaillon: Mais vous verrez dans l'avis qu'on va publier sur l'éducation des adultes, dans le bilan qu'on fait des 10 ans, que la reconnaissance des acquis est perçue par les adultes en général qui sont présentement en formation, et par le personnel des adultes, comme étant une charnière qui peut déterminer où je m'en vais, ou si j'ai de l'avenir ici. (17 h 20)

M. Gendron: Avez-vous un avis sur l'harmonisation du secteur jeunes et adultes depuis qu'on a décidé d'harmoniser ça, puisque c'est comme si on vous maintenait au travail volontairement. On a fait l'harmonisation, puis là, on demande au Conseil: Dis-nous tous les problèmes qu'on vient de créer en faisant ça. Parce que ça vient de vous autres, le fait de nous indiquer qu'il y a de plus en plus de jeunes qui disent: Ecoute, c'est mal adapté, ça ne correspond pas à nos besoins, ça ne répond pas à nos attentes. C'est vous autres qui avez produit cet avis-là. Ça fait un peu curieux. J'aimerais ça savoir si vous avez un point de vue particulier sur le fait qu'on a harmonisé les deux niveaux, et si vous avez des critiques précises qui permettraient, éventuellement, d'apporter les correctifs qui s'imposent, parce que je ne pense pas qu'au-delà de la difficulté qu'on a maintenant d'avoir le chiffre numérique de jeunes, spécifique... Parce que

chaque commission scolaire a presque la capacité de décider de les classer comme elle veut, adulte ou jeune. C'est quoi, votre point de vue là-dessus?

M. Bisaillon: On pourrait dire qu'on se ferait trahir par ce qu'on a écrit, si on disait qu'on est contre. Il faut admettre que, dans certains milieux, ça a sauvé des programmes. Cependant, «harmonisation», ça n'a jamais voulu dire pour nous «uniformisation». Quel que soit l'ordre d'enseignement, on se rend compte, et dans l'enquête qui accompagne l'avis qu'on va publier sur l'éducation des adultes, il y a des adultes qui nous l'ont dit, qu'il y a des limites à ne pas dépasser. Si, moi, je suis un étudiant jeune qui ai tout mon temps pour faire mes études - enfin, si je pense comme ça - et que je suis dans le même cours qu'un adulte qui est pressé de finir parce que, lui, il vient en relation avec l'emploi qu'il faut qu'il conserve, qu'il préserve, qu'il sauve ou qu'il change, et que ça crée une conjoncture dans la classe où, finalement, la pédagogie est plus adaptée à ceux qui ont leur temps, tout leur temps dans leurs poches, les adultes sont frustrés. On connaît le problème au secondaire, à l'heure actuelle, avec les jeunes de 16-18 ans, qui sont des jeunes du secondaire, dans le fond, avec un âge légal d'adulte - légal, au sens de la Loi sur l'instruction publique - qui n'ont pas le même type de problème. Alors, faire de la discipline à l'éducation des adultes, c'est une moyenne surprise pour les formateurs; ils ne sont pas habitués à ça. Est-ce que ça veut dire qu'on va ramener les gens au secondaire? Ce n'est pas ça que ça veut dire. Ça veut dire qu'il faut que l'école, les établissements tiennent compte qu'il y a là deux clientèles qui peuvent être harmonisées, mais pas confondues, en termes de besoins, et qu'il y a des jeunes qui ont des besoins d'orientation qui ne sont pas ceux des adultes. C'est là qu'on est allé, finalement, mais pas plus loin.

M. Gendron: Merci.

La Présidente (Mme Harel): Oui. M. le député de Verdun.

Pouvoir informel de l'entreprise

M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente. Je vais revenir maintenant sur les pages 79 et 81 de votre document, c'est-à-dire les freins que vous voyez au partenariat. Je vais vous poser successivement... Les freins, c'est-à-dire les manières nécessaires de maintenir l'équilibre. Vous l'avez dit d'une manière positive, moi, je vous le dis d'une manière un peu négative, disons. Ensuite, je vais tâcher d'aller avec vous explorer un peu les solutions, parce que vous êtes relativement succinct dans la partie des solutions, c'est-à-dire ce qui est en bas de la page 81 et au début de la page 82. Autrement dit, on est en train de... Vous réfléchissez, à ce moment-là, dans les consultations que vous avez faites, sur les difficultés qu'il y a de maintenir l'équilibre entre, d'une part, les entreprises et, d'autre part, le réseau de l'éducation, dans la formation professionnelle. Alors, la première question, c'est le pouvoir informel de l'entreprise, le premier phénomène que vous voyez. Je suis en haut de la page... Autrement dit, je veux aller avec vous...

M. Bisaillon: O.K. Ça va.

M. Gautrin: Peut-être que je pourrais les poser globalement, ce serait peut-être plus facile pour vous de répondre. Autrement dit, je voudrais vous demander de développer un peu plus précisément ce que vous voyez comme frein ou comme problème dans le pouvoir informel de l'entreprise. Vous avez abordé un petit peu la sous-utilisation du réseau public. C'est vrai, mais, malgré tout, si on veut laisser une part à l'entreprise, on ne peut pas la forcer à utiliser le réseau public. Vous avez abordé aussi la concurrence entre les différents établissements; dans votre exposé initial, vous l'avez fait. Je voudrais quand même, peut-être, vous amener à préciser un peu ce que vous avez dans la tête. Il y a le problème du financement, c'est le point quatre que vous abordez à la page 81. Vous dites: «Les solutions ne sont pas évidentes». Ça, c'est le dernier paragraphe de la page 81. Donc, ma question après, ce serait d'essayer d'explorer avec vous quelles sont les solutions pour développer et améliorer ce partenariat. Alors, je ne sais pas si vous voulez que je passe point par point ou si vous préférez y aller plus globalement. Je peux m'adapter à votre choix.

M. Bisaillon: On peut faire une tentative de réponse globale et ce qui...

M. Gautrin: O.K.

M. Bisaillon: ...manquera, ne vous gênez pas.

M. Gautrin: D'accord.

M. Bisaillon: Le pouvoir informel de l'entreprise, c'est dans le contexte où, comme ça nous arrive quelquefois dans notre société, on va d'un pôle à l'autre du balancier, passer d'un pouvoir total du système d'éducation sur la formation et dire à l'entreprise: C'est à prendre ou à laisser, c'est comme ça qu'on donne ça, nous autres, un pouvoir total à l'entreprise qui dirait à l'institution d'enseignement: Si tu ne fais pas ce que je veux comme formation...

M. Gautrin: Je ne paie pas.

M. Bisaillon: ...je m'en vais ailleurs, je ne paie pas. Même, j'ouvre une boite privée de

formation en laissant croire au monde que ça va être autant reconnu que si c'était... Bon. Là, on dit: Entre les deux extrêmes, il faut faire attention parce que si l'entreprise finance totalement ses besoins de formation, on a peu de choses à dire sauf de dire qu'il faut au moins qu'elle garantisse à ses employés la valeur de la formation. Mais si c'est à partir de l'argent de l'État, et c'est pour ça que c'est relié à la sous-utilisation du réseau public, et que l'État finance aussi, par ailleurs, un système public d'éducation, il nous apparaît qu'il y a là un problème éthique au niveau des fonds publics. Il nous apparaît qu'il y a un problème éthique. Si L'État donne de l'argent pour de la formation, il nous semble que l'Etat a le droit de savoir comment on utilise cet argent-là, où il va, à qui il a servi. Je ne veux pas là parler des contrôles bureaucratiques, mais la capacité de l'État de rendre des comptes de sa façon de disposer des taxes. Nous, on pense que, dans ce cadre-là, il y a une tendance à l'heure actuelle à privatiser la formation, à la sortir du réseau. Ça va plus vite, c'est moins enfargeant et c'est pour ça qu'on dit au réseau de l'éducation: Vous avez des adaptations à faire. Toutes les complications que vous créez pour rien, il va falloir que vous les mettiez de côté. Par ailleurs, on dit: On investit, c'est faramineux, l'argent qu'on a mis, par exemple, dans la formation professionnelle secondaire depuis un certain nombre d'années. Il faut que ça serve à l'ensemble du monde, des entreprises et tout ça et on pense qu'il ne faudrait pas laisser des équipements et des ressources non employés les deux tiers ou le tiers du temps, alors que des entreprises en auraient besoin. C'est un petit peu autour de ça que ça tourne.

L'autre question, bien sûr, c'est une question d'argent. Si le financement public de l'éducation diminue en formation professionnelle, ça rend plus vulnérables les établissements d'éducation vis-à-vis des besoins des entreprises. C'est évident. Autrement dit, ce qu'on appelle l'autofinancement, ça pourrait même devenir de la loto-financement.

M. Gautrin: C'est ce que vous abordez au point 4 sans...

M. Bisaillon: Voilà! On pourrait, par exemple, courir pour aller chercher du financement au détriment de la formation. On se fait dire à des endroits qu'il y a des établissements qui sont plus des pourvoyeurs de formation que des dispensateurs de formation. Il y a une tendance qui est évidente parce qu'on ne peut plus donner les formations standardisées dans le cadre qui nous est prescrit. Alors, évidemment, la tentation, c'est de se créer un réseau parallèle dans le système public lui-même et de «pedler», «jobber», comme on dit, des contrats de formation. Je m'excuse du langage, mais c'est comme ça que le monde parle.

M. Gautrin: C'est un peu ça, la réalité qui est...

M. Bisaillon: C'est comme ça que le monde parle. Alors, là, il y a un petit problème de... Dans les solutions, on pense que ça n'a pas été fait, ce débat-là, sur le partage entre l'individu...

M. Gautrin: L'entreprise...

M. Bisaillon: ...l'entreprise et l'État.

M. Gautrin: ...et l'État.

M. Bisaillon: Moi, je pense qu'on ne doit pas mettre dans la même situation quelqu'un qui est sur le point de perdre son emploi et quelqu'un qui veut faire de la formation pour une promotion, me semble-t-il, sur le plan de l'équité sociale. Je sais qu'on peut faire une application uniforme du principe d'accessibilité et dire: Tout le monde a le droit, quelle que soit son intention, à de la formation. Mais il me semble qu'en termes de financement, l'individu qui va perdre son emploi, s'il ne se recycle pas, et celui qui n'aura peut-être pas telle promotion, s'il ne se recycle pas, ils ne sont pas dans la même situation de besoins de financement. S'il y a des priorités à établir, il faut peut-être regarder de ce côté-là. (17 h 30)

II faut aussi, je pense, quand l'État donne à une entreprise de l'argent, qu'elle sache d'avance quel type de formation il va se donner là, puis où ça mène, puis qui ça concerne. Alors, c'est ce genre de choses là...

M. Gautrin: C'est-à-dire en précisant sur ce projet, en finançant des projets dans l'entreprise, et pas seulement financer, donner de l'argent pour la formation à l'intérieur de l'entreprise. C'est ça?

M. Bisaillon: Oui, puis un certain contrôle a posteriori aussi.

M. Gautrin: Un contrôle a posteriori.

Sur la concurrence entre les établissements, évidemment, l'un est lié à l'autre, parce que, à cause du type de financement, implicitement, à ce moment-là, les établissements sont en concurrence directe les uns avec les autres. C'est ça que vous voulez dire?

M. Bisaillon: Oui. Et on ne trouve pas ça correct, parce que c'est un gaspillage de fonds publics, ça aussi. Si un cégep puis une commission scolaire dans la même région font la même chose en même temps, puis dégagent des ressources pour une partie de leur temps de travail pour aller chercher des contrats de formation, il y a

un problème là. Il y a un sérieux problème d'éthique publique, à mon avis, de l'avis du Conseil, et ça, le Conseil a été très franc là-dessus. On dit que ce n'est pas normal, dans un système public d'éducation payé par les taxes de tout le monde, qu'on établisse de la concurrence alors qu'il pourrait y avoir un partage.

Et il y a une expérience qu'on raconte là-dedans; deux, mais une en particulier, sur la Côte-Nord, et il faut le dire, je pense. Quand quatre commissions scolaires puis un collège se mettent ensemble et disent: II va y avoir une espèce de canal unique, puis un partage de la dispensation des services, on vient, je pense, non seulement d'augmenter l'efficacité, mais de diversifier l'offre de services puis d'assurer à tout le monde une part d'autofinancement. Mais je pense que ça prend des mentalités qui sont disposées à faire ça.

M. Gautrin: Mais la concurrence ne peut pas être une source de qualité?

M. Bisaillon: Oui, dans le sens que... Je dirais que c'est a posteriori... Hein?

M. Gendron: Ça a l'air d'être un oui de politesse. Je ne vous crois pas, là.

M. Bisaillon: Non, non, non.

M. Gautrin: J'ai compris que c'était un non.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: J'ai compris que c'était...

M. Gendron: Je ne veux pas de oui de politesse.

M. Bisaillon: Ça a deux volets. Mol, je n'ai pas de problème avec le fait qu'une entreprise dise, après une offre de formation, que ça a été caboche, puis qu'elle n'est pas satisfaite puis qu'elle va aller à une autre, mais il faut voir l'envers aussi. La concurrence, ça diminue le pouvoir d'une institution publique de maintenir une qualité de formation aussi. C'est ça que ça veut dire. Si j'ai besoin de ça pour faire fonctionner même ma formation standardisée, puis que je rogne sur les coins, comment puis-je encore affirmer que c'est la formation qui est mon principal objectif et non pas le fait d'aller chercher le contrat? Alors, ça a deux volets.

M. Gautrin: Alors, si je comprends l'élément de solution, puis j'ai bien compris que votre analyse de la problématique, c'est lié au financement, vous dites: Les éléments de solution, c'est un meilleur partage entre les trois intervenants. Et vous dites aussi: Pour chacun des intervenants, suivant le type de gens, on ne doit pas avoir le même partage. C'est ça, à peu près, votre position?

M. Bisaillon: Oui. Et faire attention de ne pas seulement donner de la formation aux clientèles payantes.

M. Gautrin: Je comprends.

M. Bisaillon: C'est très important.

M. Gautrin: Bien, écoutez, c'est clair, je vous remercie.

Service de consultation en entreprise pour l'élaboration des plans de formation

La Présidente (Mme Harel): Merci, M. le député de Verdun. Je me permettrais de poursuivre dans le même sens, si mes collègues sont d'accord. Vous parliez, M. Bisaillon, de cette expérience sur la Côte-Nord d'un service unique de consultation aux entreprises mis en place par le cégep et la commission scolaire. Mais c'est un service unique entre les établissements publics.

M. Bisaillon: Oui, oui!

La Présidente (Mme Harel): Parce que, là, il faut bien voir qu'il y a aussi la CFP de cette région-là qui a un service de consultation en entreprise et qu'il y a peut-être des firmes privées de formation qui sont autorisées et, à cet égard-là maintenant, accréditées par les commissions de formation professionnelle pour offrir ces services de consultation en entreprise. La question que je me pose, c'est: Est-ce qu'il devrait y avoir un seul service de consultation en entreprise? Et où devrait-il être situé?

M. Bisaillon: Quand vous dites «de consultation en entreprise», c'est pour fins d'élaboration de plans de formation?

La Présidente (Mme Harel): Ce n'est pas pour la dispensation, évidemment, mais...

M. Bisaillon: Pour l'estimation des besoins?

La Présidente (Mme Harel): C'est pour l'estimation des besoins. Vous nous dites, dans votre avis, que les plans de développement...

Une voix: PDRH.

La Présidente (Mme Harel): ...PDRH, c'est ça, les plans de développement des ressources humaines, ces fameux PDRH, peuvent être préparés actuellement par des firmes privées, par des établissements publics collégiaux, par des établissements secondaires aussi, je crois, et par les CFP. Vous nous dites: Ces PDRH ne devraient l'être que par les CFP. C'est ce que vous recommandez?

M. Bisaillon: Oui. Quand ça se traduit...

La Présidente (Mme Harel): est-ce que conséquemment vous dites que le service de consultation à l'entreprise devrait être offert par les cfp exclusivement?

M. Bisaillon: Nous, on dit: Tant que ça ne se traduit pas par des services de formation concrets où il faut ajouter une dimension pédagogique, ce qui est l'expertise des établissements de formation, ça devrait être par les CFP. On n'est pas populaires dans le milieu de l'éducation lorsqu'on dit ça, là. Comprenons-nous bien. Mais il nous semble que c'est ça, la complémentarité. Sinon, c'est la confusion. Et la confusion est totale quand tout le monde peut faire n'importe quoi. Et là ça devient le prix coûtant, qui est la seule norme, finalement. Puis c'est sûr qu'un collège qui est mieux équipé, qui a plus de ressources, bien, il est capable de faire une meilleure soumission, comme on dit, et ça, ça nous paraît malsain.

La Présidente (Mme Harel): C'est ça. Mais, à ce moment-là, je comprends maintenant pourquoi le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle fait, à l'occasion, l'éloge du point de vue du Conseil supérieur de l'éducation. Ha, ha, ha!

Ceci dit, dans la mesure, justement, où l'estimation des besoins serait faite par les CFP, la question est celle de la dispensation. Vous nous dites: La dispensation devrait être priorisée dans le secteur public. Vous savez que le projet de loi 408, qui devrait être déposé demain, va consacrer le principe du libre choix, donc le principe du libre choix du dispensateur, le principe du libre choix de l'estimateur, en quelque sorte.

Là, je conclus à l'échange que vous aviez avec mon collègue le député de Verdun que vous nous dites: Quand il s'agit de fonds publics, ça devrait être confié au réseau public. Mais, lorsque l'entreprise, évidemment, utilise ses propres fonds, comme par exemple... C'est là, donc, la question que je vous pose: Dans la mesure où il y aurait une taxe sur la masse salariale, dont on parle beaucoup, pas seulement du côté de ma formation politique, mais dont on a beaucoup parlé en commission... Certainement que la majorité des intervenants la recommandaient, y compris des gens venant du milieu des affaires. Mais, s'il y avait cette taxe sur la masse salariale de 1 %, une taxe qui libérerait l'entreprise de financer autrement si elle consacrait l'équivalent à la formation, on comprend, à ce moment-là, que l'entreprise pourrait, avec les fonds qu'elle y met, ne pas avoir à verser cette taxe. Concevez-vous que, dans ce contexte-là, ces sommes d'argent considérables, on s'entend, qui totalisent plusieurs centaines de millions, seraient, elles, laissées à l'initiative du payeur, donc de l'entreprise, en matière de choix du dispensateur de la formation? Il ne s'agit pas de fonds publics proprement dits.

M. Bisaillon: Bien, vous comprenez que l'avis que vous avez en main ne porte pas sur ces questions-là. Alors, on n'a pas fait ce genre de réflexion là. Nous, ce qu'on a souhaité, c'est de concilier des besoins individuels et des besoins d'entreprise, et on pense qu'on ne peut pas se fier juste à l'entreprise pour répondre aux besoins des individus, en termes de formation. Ça, c'est la première des choses. Il faut être clair là-dessus, je pense. Ce n'est pas par méchanceté envers l'entreprise qu'on dit ça, ni en termes de méfiance, mais on pense que, dans la formation, il y a deux types de besoins: il y a le développement personnel, puis l'intégration socioprofessionnelle, si vous voulez, et on peut rogner sur le développement personnel pour des raisons de rentabilité. Donc, on pense que, là-dessus, l'État doit garder un...

Quant au rôle du système public d'éducation, on a dit, nous autres: Privilégiez, priorisez. On n'a pas dit: Exclusivement, parce qu'on pense qu'il y a là-dedans une expertise qu'on paie déjà. Maintenant, on dit: Si l'État finance ou incite par du financement, là il pourrait, à plus forte raison, dire: Bien, voici, dans telle région, vous avez des ressources à votre disposition dans le secteur public. Mais on n'a pas voulu, nous, embarquer dans des formules. Je sais qu'on a eu des discussions avec des gens, mais pas à l'occasion de ce débat-là, qui nous disaient que c'était préférable une taxe sur les profits que sur la masse salariale. Il nous est apparu - je pense qu'on le souligne en quelque part - que, si on avait à jouer là-dedans, ce serait peut-être plus sur les profits que sur la masse salariale. Mais je ne peux pas vous dire que le Conseil a une position là-dessus aujourd'hui. J'aime autant être franc avec vous. On sait bien que c'est un débat qui se passe ailleurs, mais... (17 h 40)

La Présidente (Mme Harel): Mais ce débat n'est pas étranger, par exemple, aux solutions que vous préconisez, quand vous dites que les fonds publics devraient être «priorisés» dans le réseau public. C'est bien le cas? Alors, dans la mesure où une partie importante des fonds, dorénavant, proviendrait de fonds privés, là la question, inévitablement, se poserait de façon incontournable: Est-ce que ces fonds privés là devraient suivre la même logique et «prioriser» le réseau public?

C'est une question intéressante, parce que, actuellement, on assiste - remarquez que ce n'est pas un problème immédiat - à un glissement des fonds publics de l'individu vers l'entreprise, et ça, c'est une sorte de glissement inexorable où l'ensemble de la formation offerte aux individus, quelle que soit l'origine du finan-

cement, en fait, diminue, tend à diminuer au profit de celle offerte dans l'entreprise; ça, c'est une tendance. Donc, ce sont les fonds publics qui vont servir à des besoins en main-d'oeuvre et non pas aux besoins de la main-d'oeuvre; ça, on le voit assez clairement. Mais, si tant est que vous avez un point de vue là-dessus, vous pouvez le communiquer à la commission, parce que ça préoccupe certains membres de cette commission de savoir quelle position adopter à l'égard de ces fonds privés qui pourraient être levés éventuellement.

M. Bisaillon: En tout cas, on pense qu'il y a eu un choix de société du système d'éducation qui a été fait au Québec. Le changer supposerait un autre débat. Est-ce qu'on peut changer un choix de société en mettant les gens devant des précédents ou par des initiatives?

La Présidente (Mme Harel): Mais on va le changer avec le projet de loi 408. Il va consacrer un nouveau choix.

M. Bisaillon: Oui, qui correspond, d'ailleurs - comprenons-nous bien - à des tendances lourdes. Mais ce que nous disons, nous, là-dedans, et c'est le plus loin où on peut aller pour répondre franchement à votre question: Si la conséquence, c'est que les besoins de formation des individus ne sont plus pris en compte, là, il y a une frontière, je pense, qu'on ne peut plus dépasser.

La Présidente (Mme Harel): Je vous remercie.

M. Bisaillon: C'est le plus loin que je peux aller dans la logique du Conseil, sans...

La Présidente (Mme Harel): Merci. Alors, M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui, M. le président, deux...

La Présidente (Mme Harel): Mme la Présidente?

M. Gendron: Oui, Mme la Présidente, à M. le président. C'est ça qu'elle a déduit.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: Deux autres éléments sur lesquels j'aimerais avoir votre appréciation, M. le président du Conseil supérieur. Lorsque les avis sont sortis, il y a eu des réactions des intervenants, qu'on appelle. À moins que je ne me trompe, la Fédération des commissions scolaires, de même que la Centrale d'enseignement du Québec, pour l'un - en parlant de la CEQ - disait que c'était un avis qui était un peu prématuré puis qui risquait de provoquer une con- fusion. Mais là je parle spécifiquement du court avis concernant les parcours sans sacrifier la qualité.

Oui, je lis l'avis de la CEQ intégralement, puis je suis convaincu que vous l'avez vu, vous aussi, que cela risque de provoquer une confusion quant à la nature et à la qualité de la formation professionnelle secondaire. Puis là, bien, ils exposaient davantage, mais je n'ai pas envie de le refaire, vous l'avez sûrement lu. La Fédération des commissions scolaires avait un avis différent mais allait dans le même sens. Elle prétendait qu'il fallait surseoir à son projet tant que les effets de la disparition de la filière en question n'avaient pas été mesurés, notamment sur le taux d'abandon scolaire, puis ainsi de suite.

Je veux juste, moi, vous indiquer comme question: À partir du moment où les intervenants ont eu ces réactions-là, est-ce que vous avez eu l'occasion de discuter avec eux, de réapprécier? Est-ce qu'il y a des points de vue qui ont été modifiés ou si vous croyez que leur perception, eu égard à vos avis, n'était pas bien assimilée et qu'en conséquence c'étaient des réactions préliminaires?

M. Bisaillon: Ha, ha, ha! J'apprends aujourd'hui, je vous le dis bien modestement, la position de la Fédération. Quant à la position de la CEQ, elle ne nous surprend pas, puisque nous l'avions consultée et qu'elle avait une peur très grande d'une baisse de niveau. Nous prétendons, face à ces peurs-là, qu'entre le projet que nous avions sur la table et l'avis que nous avons fourni il y a des garanties dans l'avis qui n'étaient pas nécessairement dans le projet, quant au maintien du niveau. C'est pour ça que, moi, je ne peux pas acheter que c'est prématuré ou dangereux, dans la mesure cependant où on me dirait aujourd'hui: Bien, voici, toutes les garanties que vous demandez sont là. Alors, c'est dans ce contexte-là, je pense, qu'il faut...

La CEQ a pu penser qu'on donnait notre aval sans trop de précautions, ce qui n'était pas notre cas. Quant à la position de la Fédération, je ne peux pas la commenter, je l'apprends de votre bouche.

M. Gendron: Bien, moi, là, je rétablis une situation pour les membres de la commission. On m'informe, et c'est moi qui ai fait l'erreur, que la réaction de la commission n'était pas du tout sur votre avis, alors que moi j'ai laissé voir qu'elle était sur votre avis. C'est moi qui ai fait l'erreur. Je m'en accuse. C'est qu'elle portait sur la demande du ministre et les paramètres qui avaient été évoqués par le ministre. Comme on en a discuté tantôt, il y avait quand même des choses là-dedans qui soulevaient passablement de questions, en particulier la disparition du CE.P. À partir du moment où eux autres prétendaient que ça avait une incidence sur le taux d'abandon, ce que je confirme sans être un spécialiste des

questions... Je vous l'ai posée tantôt, la question. Je vous ai dit que moi je prétends que ça a une référence par rapport au taux d'abandon scolaire, parce qu'il y a une certaine clientèle pour laquelle c'est le seul type de formation, d'après moi, auquel elle peut accéder.

Et vous l'avez mentionné tantôt, que vous n'étiez pas en mesure de quantifier le nombre de jeunes qui pouvaient éventuellement abandonner suite à cette éventualité-là de faire disparaître le certificat en enseignement professionnel.

M. Bisaillon: Oui, mais les programmes et les élèves ne disparaissent pas.

M. Gendron: Oui, oui, ça, je comprends, à condition que... Non mais, quand vous dites que les programmes ne disparaissent pas, ça, c'est clair, on veut les intégrer à...

M. Bisaillon: Ils s'appellent D.E.P. M. Gendron: C'est ça.

M. Bisaillon: Sauf que ça peut être un D.E.P. de 450 heures au lieu de 800.

M. Gendron: Oui, sauf que, là, quand vous me dites que les élèves ne disparaissent pas, je ne suis pas tout à fait de votre avis, parce qu'il y a un certain...

M. Bisaillon: Théoriquement. Théoriquement, je veux dire.

M. Gendron: Oui, oui. Voilà.

M. Bisaillon: Moi, je n'ai pas vos données, là, mais théoriquement ils ne disparaissent pas.

M. Gendron: On s'accorde. On dit la même chose. C'est que, devant une formation éventuellement de 900 heures par rapport à une formation de 500 ou 600 qui n'est pas la même, entre un diplôme d'enseignement professionnel puis un CE.P., il y a peut-être des jeunes qui vont faire le choix d'abandonner. C'est ça que ça veut dire. C'est ça, la crainte de la Fédération des commissions scolaires. Puis ce que j'ai dit tantôt dans un échange que j'ai eu avec vous, qu'il y avait un certain nombre de clientèles qui étaient très, très favorables à une formation, bon, un peu moins de qualité, mais qui correspond soit à leur capacité ou soit à ce que les jeunes, eux, identifient comme étant un besoin potentiel à combler sur le marché du travail...

La dernière question - en tout cas, en ce qui me concerne, c'est un échange que je voulais faire - c'est dans l'avis du ministre. Quand il vous écrit à vous, M. le président du Conseil supérieur, il vous dit: Les modifications qui vous sont soumises tiennent compte d'une consultation préliminaire conduite par le ministère auprès des milieux scolaires. Puis il dit: Dépêchez-vous, ça presse, puis je sais que ce n'est pas les conditions, puis réagissez. Il ajoute: Par ailleurs, une consultation plus formelle de nos partenaires sera tenue en novembre et les résultats vous seront communiqués. Il écrit à vous. Donc, normalement, vous auriez dû recevoir ces résultats-là.

Donc, ma question est la suivante, M. le président du Conseil supérieur: Avez-vous pris connaissance des résultats de cette consultation-là? Pouvez-vous nous indiquer d'abord si elle a eu lieu et quelle forme elle a prise? Et est-ce que les résultats, si toujours elle a eu lieu puis que vous les avez vus, est-ce que ça va dans le sens convergent ou divergent par rapport à l'avis que vous avez émis?

M. Bisaillon: On les a consultés nous-mêmes, les partenaires.

M. Gendron: Oui?

M. Bisaillon: Généralement, c'est ce qu'on fait. C'est une chose que de recevoir la consultation. On l'apprécie, d'ailleurs, quand le ministre consulte des partenaires et nous envoie le résultat de la consultation. Mais, sur cette question-là comme sur bien d'autres, nous avons nous-mêmes convoqué les partenaires en consultation. C'est comme ça qu'on a appris, par exemple, que la CEQ s'opposait que l'Association des directeurs généraux était d'accord. C'est parce qu'on les a convoqués nous-mêmes.

M. Gendron: O.K. Pour tout de suite, je vous remercie. Je vais revenir.

M. Gautrin: Est-ce que je peux?

La Présidente (Mme Harel): Oui, certainement.

M. Gautrin: M. Bisaillon, je voudrais revenir maintenant sur la partie cégep, si vous voulez. Alors, je comprends bien qu'on va, ici, dans cette commission, aborder à l'automne une réflexion sur les cégeps, mais enfin en disant qu'on est à un stade préliminaire. J'imagine que vous allez venir témoigner devant cette commission. Est-ce que, au niveau du cégep comme au niveau de l'enseignement secondaire, vous verriez dans la formation de base, c'est-à-dire dans les cours obligatoires pour tout le monde, une certaine formation technique? (17 h 50)

M. Bisaillon: On ne s'est pas prononcés là-dessus. Ça ne veut pas dire que c'est oui, ça ne veut pas dire que c'est non, mais... Il faut bien comprendre que, lorsqu'il s'agit, et c'était le cas, du type de formation générale ou obligatoire au collège, sachant que le Conseil des collèges s'en vient avec un rapport, n'est-ce pas, annuel, qui va être déposé la semaine prochaine, qui va

traiter abondamment de cette question-là, comme, nous, c'était plus l'adaptation de la formation obligatoire, pour ce qui est de la formation technique, qui nous concernait, on ne s'est pas prononcés la-dessus, je vous le dis bien simplement, sauf qu'on a demandé la diversification de la formation obligatoire, cependant.

M. Gautrin: Oui, c'est ce que nous...

M. Bisaillon: Ça, là-dessus, on est clairs, ce qui serait déjà un virage majeur. Et on dit qu'il faut viser plus les compétences générales que telle ou telle discipline en particulier.

M. Gautrin: Je suis assez d'accord avec vous. J'aurais même tendance, moi, à dire qu'il faudrait que les gens obtiennent au cégep la formation qu'ils n'auront pas au niveau universitaire, ce qui n'est pas le cas actuellement. Mais ça, on pourrait élaborer. J'imagine qu'on va élaborer longtemps sur ce débat-là.

M. Bisaillon: C'est un gros débat qui va être fait, d'ailleurs, je pense.

M. Gautrin: Qui va être fait ailleurs. M. Bisaillon: On ne peut pas l'éviter.

M. Gautrin: C'était pour ça que je voulais l'amorcer avec vous. Alors, je comprends qu'on le reprendra à une autre place.

Je vous repasse la parole, Mme la Présidente.

Perfectionnement du personnel enseignant

La Présidente (Mme Harel): M. Bisaillon, j'aimerais que nous puissions aborder la question du perfectionnement du personnel enseignant. Vous avez notamment mentionné, dans l'avis, que le Programme de perfectionnement de stages en entreprise ne faisait plus partie des pratiques du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science du Québec. Finalement, vous notiez, suite à des sondages réalisés, que, parmi le personnel enseignant, dans le secteur professionnel, au secondaire, le quart avaient moins de trois ans dans l'entreprise, que 40 % avaient moins de cinq ans dans l'entreprise. Alors, ça m'apparaissait d'autant plus nécessaire que ces personnes-là puissent bénéficier d'un programme de perfectionnement en entreprise. Comment l'imaginer pour les élèves, s'il n'est pas offert au personnel enseignant lui-même?

Est-ce que, depuis l'avis, des changements ont eu lieu, des améliorations ont été introduites? J'avais posé la question aux dirigeants de la Centrale de l'enseignement du Québec à savoir si, dans le cadre des actuelles négociations, des modifications allaient être apportées. J'ai cru comprendre que ça ne faisait pas partie des priorités. Mais comment envisager que tout le reste ne consiste pas en des voeux pieux si le personnel enseignant lui-même ne met pas à jour son savoir-faire?

M. Bisaillon: Écoutez, je suis obligé de vous dire que, un, je ne le sais pas, deux, que ce n'est pas vraiment une question à laquelle on peut répondre. C'est une question à laquelle le ministre pourrait peut-être répondre. Nous, on n'a pas suivi ce dossier-là particulièrement, cette partie-là du dossier, mais je conçois fort bien avec vous qu'il n'y a pas de développement de la formation professionnelle s'il n'y a pas de développement du personnel en formation professionnelle.

La Présidente (Mme Harel): Mais est-ce à dire que dans l'avis que vous publierez bientôt sur la formation des adultes vous aborderez ou pas cette question-là?

M. Bisaillon: Non.

La Présidente (Mme Harel): Non.

M. Bisaillon: Sauf que, pour ce qui est du collégial, on pourrait peut-être regarder ça dans le dossier que la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science nous a demandé sur les objectifs de scolarisation. Il y aurait peut-être...

La Présidente (Mme Harel): Une dimension? Vous seriez...

M. Bisaillon: Mais vous, c'est au secondaire, hein?

La Présidente (Mme Harel): Oui. En fait, vous seriez surpris de voir à quel point, lors de rencontres avec des concitoyens québécois adultes, c'est souvent un problème qui est soulevé, le fait que, pour des travailleurs eux-mêmes, ouvriers en usine, le niveau de sophistication est rendu tel que les cours leur apparaissent en deçà de standards minimaux qu'ils y attendent. Alors, il y a comme une sorte de déclassement, d'une certaine façon, du savoir des enseignants en regard de celui qui est finalement en vigueur dans les milieux de travail.

M. Bisaillon: Mais ça, on en a parlé, cependant, dans la profession enseignante, dans le dernier rapport annuel. On a très bien expliqué que le développement professionnel devait maintenant être un élément d'une carrière enseignante, qu'on soit au professionnel ou au général: la formation initiale, même après un bac universitaire. Et, à plus forte raison, si on vient du milieu du travail, c'est une formation initiale. C'est pour ça qu'on avait parlé d'inventer ou de

diversifier les formules de formation, de stages en entreprise prolongés. Il y a même des expériences, même si elles sont limitées, qui se sont faites, puis il y a eu des échanges entre l'entreprise et l'école, pendant un certain temps, de personnel enseignant, d'une part, et ça, c'est des formules qu'on valorisait dans le rapport sur la profession enseignante.

La Présidente (Mme Harel): Oui. Vous avez raison. Vous avez noté, d'ailleurs, un peu plus tôt, l'expérience de l'Institut de pétrochimie qui permet à des enseignants de cégep de côtoyer des ingénieurs, par exemple, de ces entreprises et, donc, d'échanger les uns et les autres sur les connaissances.

Juste avant, peut-être, de terminer, à la page 79 de l'avis, lorsque vous mentionnez que, officiellement, ce sont le ministère de l'Éducation du Québec et le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, selon le cas, qui fournissent les autorisations pour le Programme aux établissements de formation, vous semblez d'une certaine façon regretter le pouvoir conféré à l'entreprise qui permet de contourner, finalement, ces systèmes organisés pour aller directement, à l'occasion, moyennant les sommes requises, faire affaire avec d'autres établissements, si ce n'est, même, créer un établissement de formation. Mais l'expérience que vous en avez ne vous a-t-eile pas amenés à constater que, lorsque les entreprises veulent organiser de manière plus systématique...

J'ai en tête l'exemple de tout le secteur de la chimie-pétrochimie qui a permis le regroupement de 38 grandes entreprises qui ont décidé ensemble de fonder une association partenariale qui permettait à la fois à l'entreprise et aux travailleurs d'être représentés d'une manière paritaire, qui se sont adressées à une institution d'enseignement et qui ont dû, finalement, passer par toutes sortes d'autres voies pour pouvoir accélérer les choses, parce que, le moindrement que les canaux officiels auraient été utilisés, il aurait fallu y mettre deux ans de plus que les deux ans requis que ça a pris. Alors, est-ce que c'est normal que ça prenne quatre ans avant qu'on estime qu'il y a lieu de bouger puis que finalement les autorisations viennent?

M. Bisaillon: Vous avez parfaitement raison, mais il faut distinguer deux choses: d'une part, l'autorisation quant à la formation qui, d'après nous, doit venir d'un réseau d'enseignement; d'autre part, et vous avez parfaitement raison, la lenteur déplorable de réforme des programmes, et ça, je pense qu'on l'a dit, qui doit subir une des adaptations nécessaires. C'est sûr que, si on prend quatre ans pour réformer un programme, on risque que, au moment de le mettre en place, il soit déjà dépassé.

La Présidente (Mme Harel): Oui.

M. Bisaillon: Alors là il faut trouver d'autres mécanismes, c'est évident. Et on l'a dit dans cet avis-là mais il ne faut pas, je pense, jeter le bébé avec l'eau du bain, dire que, parce que ça a pris trop de temps dans un cas, ça prouve que le système ne peut pas s'adapter. Il faut plutôt trouver les mécanismes plus souples, plus flexibles d'adaptation.

La Présidente (Mme Harel): Mais ça jette du discrédit...

M. Bisaillon: Tout à fait.

La Présidente (Mme Harel): ...sur...

M. Bisaillon: Ah! vous avez raison!

La Présidente (Mme Harel): ...le système.

M. Bisaillon: Vous avez parfaitement raison.

La Présidente (Mme Harel): Et, évidemment, ça se propage...

M. Bisaillon: Eh oui!

La Présidente (Mme Harel): ...dans le milieu des entreprises.

M. Bisaillon: eh oui! il y a une côte à remonter, de ce point de vue là, de la part du système de l'éducation, nous en sommes parfaitement conscients.

La Présidente (Mme Harel): Mais ce ne sont pas les établissements comme tels qui sont mis en cause, parce que les établissements, dans le cas, là...

M. Bisaillon: Mais c'est eux qui vivent la réputation.

La Présidente (Mme Harel): Oui, mais rétablissement est en fait partenaire de l'entreprise pour tenter de faire accélérer le processus. Ce sont les ministères, finalement, qui sont concernés par cette lenteur-là. (18 heures)

M. Bisaillon: Sauf qu'un ministère, dans une région, ça n'existe pas. C'est tel cégep, telle école et... Alors, c'est ça qu'il faut... Mais je pense que, sur l'autorisation des programmes, sur la façon de réformer les programmes, de les élaborer, on a dit des choses dans les changements qu'il devait y avoir entre l'initiative des établissements par rapport au ministère lui-même. On l'a dit pour le secondaire et pour le collégial.

la présidente (Mme Harel): alors, m. bisaillon, je crois comprendre que mes collègues, membres de cette commission, auraient complété le tour de table dans l'échange qu'ils souhai-

taient faire avec vous. Peut-être leur laisserais-je quelques minutes avant que vous concluiez.

Conclusions

M. Gendron: Bah! Moi, ma conclusion, Mme la Présidente, va être assez courte. Je remercie très sincèrement les gens du Conseil supérieur non seulement d'avoir accepté de venir échanger avec nous pendant quelques heures, mais d'avoir produit deux avis d'excellente qualité sur un sujet qui devrait, en tout cas en ce qui nous concerne, attirer davantage l'attention du législateur, en termes de décisions importantes à être prises, afin qu'on ait une formation professionnelle, bien sûr, la plus qualifiante possible, mais surtout la plus alléchante possible. Parce qu'il commence à être urgent qu'on offre davantage ce type de formation qui correspond sans doute à un besoin, et je suis loin d'être sûr qu'on ait posé tous les gestes requis pour assurer à ceux qui voudraient la prendre, cette formation-là, qu'elle est disponible, qu'elle est adaptée et qu'elle correspond, comme vous l'avez dit, très bien à non pas une opération cosmétique, mais à une offre réelle. Et, à une offre réelle, ça oblige immanquablement à ce que des décisions urgentes se prennent, et j'espère que le fait d'émettre des avis là-dessus - et nous, comme membres de la commission, d'en parler un petit peu, parce que c'était ça que ça voulait surtout signifier au ministre - qu'il aurait lieu, là, de cesser de reporter les échéances puis de finir par prendre des décisions, mais qui auront un seul objectif, en ce qui me concerne - je ne veux pas faire de politique - mais d'offrir une meilleure formation professionnelle à plus de jeunes Québécois, pour qui, selon moi, c'est la seule voie logique, et d'arrêter de prétendre, comme on le répète trop...

J'écoutais, par hasard, la ministre de l'Enseignement supérieur en arrivant, lundi soir. Elle lisait, bien sûr, un beau discours écrit - puis c'était beau, ce qu'elle disait - mais qui allait complètement à rencontre de ce qu'on discute ici, où il est inimaginable et impensable, dans le futur, que quelque jeune que ce soit, au Québec, qui n'aura pas une formation collégiale... Puis elle était à une tribune collégiale. Mais il faut faire attention à ce genre de discours là. Ce n'est pas parce que c'est une tribune collégiale qu'il ne faut pas que tu l'adaptes à la réalité et que tu fasses accroire à tous les jeunes: Si tu n'as pas un collégial demain matin, salut, tu n'as aucune chance de survie. Ça contribue au décrochage. Je le dis comme je le pense.

J'espère que les quelques minutes que nous avons eues entre nous contribueront à aller un peu plus vite dans les décisions qui doivent être prises au niveau du secteur professionnel.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je voudrais m'associer au député d'Abitibi-Ouest pour vous remercier, d'abord, pour la qualité de vos deux avis. Pour nous, de la formation ministérielle, la formation professionnelle est un élément extrêmement important, extrêmement important quant au développement de l'économie et à l'adaptation de notre main-d'oeuvre, aux réalités du nouveau millénaire que nous allons aborder.

Je trouve que vous avez parfaitement bien su soulever des problèmes, et je vous en remercie, qui existent entre le nécessaire partenariat entre l'entreprise et le monde scolaire, problème qui existe, et je vous remercie aussi des éléments de solution, du moins des pistes de solution que vous avez bien voulu nous donner.

Je comprends la réserve que vous deviez avoir. Je comprends aussi les difficultés dans lesquelles vous vous trouvez, parce que vous êtes un organisme-conseil et non pas un organisme décisionnel et que c'est au législateur ou au gouvernement qu'il appert de prendre les décisions, et j'en suis bien conscient. Mais je dois réellement vous remercier pour la qualité de votre travail, d'avoir pu bien préciser, du moins à mon point de vue, bien cerner les problèmes.

Je veux aussi m'associer à une de vos recommandations que je trouve fondamentale, qui est celle d'inclure la formation technique, une introduction aux techniques dès le secondaire pour tous. Je sais qu'on n'a pas pu faire ensemble le débat sur le cégep, je sais qu'on le fera à un autre endroit, et je sais qu'à ce moment-là on pourra intervenir et que, probablement, là, on pourra vous poser des questions dans un autre cadre. Je sais à quel point ça ne serait pas non plus nécessaire d'avoir une telle approche au niveau du cégep. Je n'ai pas poursuivi avec vous parce que ce n'était pas l'objet de votre réflexion actuelle, mais on aura un autre forum, j'imagine, où on pourra poursuivre cette réflexion.

Alors, M. le président, je dois réellement, en un mot, vous remercier et remercier les gens qui vous accompagnent pour la qualité de votre travail. Merci.

La Présidente (Mme Harel): M. Bisaillon, un dernier mot.

M. Bisaillon: Je voudrais, à mon tour, vous remercier de votre invitation. C'est très rare que le Conseil a l'occasion, en dehors de son pouvoir d'édition conféré par la loi, de s'exprimer en direct devant des élus. Vous comprenez que, pour le Conseil, il ne s'agit pas d'avoir une attitude au-dessus des partis, comme on dit. Ce n'est pas dans cet esprit-là que nous sommes venus, mais dans l'esprit de clarifier nos positions. Et, avec un réflexe d'enseignant, je vous dirai qu'à force de les expliquer on commence à mieux les comprendre...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bisaillon: ...et à se rendre compte aussi qu'il y a des aspects d'ombre qu'il faudra clarifier.

M. Gautrin:...

M. Bisaillon: Je vous laisserais le message suivant, et je ne voudrais pas qu'il soit perçu comme prétentieux, mais je pense que c'est la pensée profonde du Conseil. Le retour massif actuel des adultes à l'école, quel que soit l'ordre d'enseignement, indique deux choses: c'est qu'on paie déjà pour une formation qualifiante que, il y a 10, 12, 15, 20 ans, on n'a pas donnée dès le départ; une formation de base qualifiante. Ça indique déjà les efforts qu'il nous reste à faire au plan de la formation, si on ne veut pas maintenant être obligés de choisir entre l'un ou l'autre type de qualification. C'est ça, je pense, que le message principal voulait donner. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Harel): Alors, je vous remercie de mon côte. Je peux vous assurer que vous êtes lu et apprécié. Merci.

Oh oui! Alors, évidemment, la commission ayant complété son mandat ajourne ses travaux sine die. Je vous rappelle qu'une séance aura lieu la semaine prochaine, ici même, dans cette salle.

Une voix: On en a une ce soir.

La Présidente (Mme Harel): Ah oui! Ce soir.

Une voix: Non, mais tu peux l'annuler, hein!

La Présidente (Mme Harel): Ce soir? Non. C'est le leader qui nous a convoqués pour ce soir. La semaine prochaine, c'est une séance de travail afin d'entendre les auteurs du rapport «Un Québec fou de ses enfants».

(Suspension de la séance à 18 h 8)

(Reprise à 20 h 30)

Étude détaillée du projet de loi 413

Le Président (M. Gobé): Bonsoir, mesdames et messieurs. La commission de l'éducation va maintenant entreprendre ses travaux, et je déclare donc la séance ouverte. Je vous rappellerai le mandat de ce soir qui est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 413, Loi modifiant la Loi sur l'optométrie.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Hovington (Matane) est remplacée par M. Forget

(Prévost).

Le Président (M. Gobé): Alors, bienvenue avec nous, M. le député de Prévost. Je demanderai maintenant: Est-ce qu'il y a des motions de la part d'un membre de cette commission qui pourraient être présentées?

Motion proposant d'entendre l'Association des ophtalmologistes et l'Ordre des optométristes

M. Gautrin: M. le Président...

Le Président (M. Gobé): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: ...j'aimerais faire motion pour que l'Association des ophtalmologistes et l'Ordre des optométristes soient entendus chacun pour une période de 15 minutes sur le projet de loi 413.

Le Président (M. Gobé): Alors, en vertu des règles des commissions, nous requérons maintenant le consentement de l'ensemble des membres de la commission. Est-ce qu'il y a consentement?

Mme Caron: Consentement, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme la députée de Terrebonne. M. le député de Verdun, semble-t-il qu'il y a consensus aussi du côté ministériel.

Une voix: Oui.

Le Président (M. Gobé): Alors, nous allons procéder, avant de commencer l'étude article par article, à l'audition de l'Ordre des optométristes du Québec et de l'Association des ophtalmologistes du Québec. Je pense que l'entente pourrait être de 15 minutes par association.

M. Gautrin: C'est inclus dans la proposition, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): C'est votre proposition. Alors, ils ont le consentement. Nous allons donc maintenant procéder sans plus tarder.

M. Fradet: M. le Président...

Le Président (M. Gobé): Oui, M. le député de Vimont.

M. Fradet: ...les 15 minutes comprennent une période d'échange, j'imagine, avec les membres des associations respectives.

Le Président (M. Gobé): Oui, c'est une enveloppe globale de 15 minutes qui comprend et la présentation par chacun des organismes et la

période de questions. Maintenant, il va de soi que nous ne serons pas tatillons pour une minute ou deux, étant donné que le dossier est quand même assez important et que je fais appel au bon consentement de la commission pour que tout se déroule dans le meilleur des intérêts du projet de loi et des parties.

M. Jolivet: M. le Président, je dois vous dire que tous les sujets que nous traitons ici sont importants. Alors, peut-être qu'un jour on requerra votre demande sur d'autres dossiers. On verra.

Le Président (M. Gobé): Ça me fera plaisir, si c'est important pour l'ensemble du Québec, M. le député.

Alors, je demanderais donc maintenant aux représentants de l'Association des ophtalmologistes du Québec de bien vouloir se présenter à la table en avant et de vouloir, peut-être, commencer leur présentation. S'il y a des membres de la commission qui désirent intervenir, alors 5 minutes, peut-être, pour vous présenter, 5 minutes de chaque côté, et vous ferez appel à l'alternance, si nécessaire. Alors, vous avez M. Paquette, je pense.

Auditions Association des ophtalmologistes

M. Paquette (René): Oui. Bon. Je suis René Paquette, je suis avocat pour les ophtalmologistes. Mais, comme il s'agit, selon les ophtalmologistes du Québec, d'une question qui concerne d'abord et avant tout la santé publique et que cette question de la santé publique nous apparaît primordiale, il m'apparait évident que l'intérêt pour cette commission est d'entendre surtout des médecins, et j'ai à ma droite le président des ophtalmologistes du Québec, le docteur Tardif, et à ma gauche le docteur Demers. Le docteur Tardif va s'adresser à cette commission pour présenter le point de vue des ophtalmologistes sur le projet de loi 413.

Le Président (M. Gobé): Dr Tardif, vous avez la parole.

M. Tardif (Yvon): Merci bien, M. le Président et MM. les membres de la commission. Je vais essayer d'être bref. Voici. Notre compréhension du projet de loi actuel, c'est que le ministre, M. Savoie, présente un projet de loi pour probablement actualiser ou rendre légale une situation soi-disant de fait, à l'effet, justement, que certaines personnes, c'est-à-dire les opto-métristes ici en l'occurrence, utilisent déjà, de façon illégale, des médicaments pour le diagnostic de certaines maladies oculaires et même pour le traitement de certaines maladies oculaires, comme on en voit tous les jours dans nos bureaux. Et le projet de loi serait, je pense - si je comprends bien comme il faut - pour actualiser et rendre cette situation légale. Alors, à notre point de vue, c'est pas une façon de légiférer en voulant actualiser quelque chose qui est déjà illégal.

Alors, notre problème est le suivant. C'est que ce projet de loi comporte malheureusement des conséquences sur le plan de la santé publique. Mais, avant d'aller à la santé publique, j'aimerais juste expliquer que, sur le plan scientifique, d'après notre point de vue, il n'existe aucun document, aucune étude qui démontre que l'usage des médicaments est nécessaire et utile pour diagnostiquer un problème de réfraction, un problème de trouble visuel. S'il y a une étude, je voudrais bien qu'on me la présente. J'aimerais bien la commenter. Mais malheureusement je n'en connais aucune.

Par exemple, si quelqu'un a besoin de verres, voit mal, on fait une réfraction, qu'on appelle, et on arrive à lui donner des verres adéquats pour bien fonctionner dans la société. Si un enfant, par exemple, qui présente un strabisme, louche énormément, là il a besoin de gouttes pour obtenir un bon diagnostic et un bon traitement. Déjà, on embarque dans le domaine de la maladie, de la pathologie. Et, si c'est le cas, eh bien, il existe dans le Québec, dans toutes les régions, des médecins spécialistes pour s'occuper d'un tel problème. Donc, il n'existe vraiment aucune étude scientifique qui prouve la nécessité de donner à cette corporation le droit d'utiliser des médicaments.

Ensuite dé ça, les conséquences de l'usage de médicaments ne sont pas sans problèmes, malheureusement. Tous les médecins spécialistes savent qu'il arrive des complications qui peuvent survenir si on utilise ces médicaments-là. Comme je l'ai mentionné à plusieurs reprises, elles sont très rares. Certaines sont rarissimes, certaines sont rares, certaines sont moins rares. C'est entendu que ce n'est pas commun. On ne nie pas ça. Ça arrive rarement. Mais, quand le patient, suite à l'instillation d'une goutte, s'effronde dans votre cabinet de consultation, il faut savoir quoi faire avec, et ça, ça arrive régulièrement, une fois ou deux, trois ou quatre fois par année, dans tous les cabinets d'ophtalmologistes. Donc, ce que je veux dire, c'est qu'il existe des complications majeures à l'usage de ces médicaments-là, complications qui sont non seulement la lipothymie ou l'effrondement d'un malade, comme je viens de vous le dire, mais qui peuvent être également de nature allergique, de nature cardiaque et même de nature neurologique. Donc, on prétend que qui manipule les médicaments doit en connaître les complications et doit savoir quoi faire quand ça arrive.

Comme quelqu'un me disait tout à l'heure, quand vous partez en avion, ça bien jusqu'à preuve du contraire, c'est-à-dire quand vous avez atterri. Tant que vous n'avez pas atterri, vous ne

savez pas si tout a bien été, malheureusement. Mais c'est rare que les avions tombent, j'en conviens. Mais, quand il y a un problème, il faut savoir quoi faire avec ça.

Ensuite de ça, les conséquences les plus importantes sont malheureusement sur le plan social. Il a été démontré par différentes études, dont une étude que nous avons fait faire, que la population est en confusion totale entre le rôle d'une médecin spécialiste pour les yeux et le rôle, par exemple, d'un optométriste ou encore d'un opticien d'ordonnance. Nous, on sait, dans nos cabinets de consultation, tous les jours, que la confusion est totale. Il suffit de... N'importe qui vient avec moi une demi-journée par semaine, je vais lui prouver ça très facilement. Mais on a fait faire une étude qui a démontré - évidemment, c'était entendu que ça le démontrerait - que la confusion est totale. Alors, déjà les gens sont confondus à savoir s'ils rencontrent un médecin pour les yeux ou un docteur soi-disant spécialisé pour les yeux. Enfin, les gens ne le savent plus.

Et déjà, en donnant cette possibilité d'utiliser des médicaments, vous allez augmenter cette confusion, qui n'est pas totale, qui est de l'ordre de 80 % de la population au moment où on se parle, c'est-à-dire que l'étude démontre que, plus vous êtes instruit, plus vous avez de chances de savoir la différence entre les deux et plus vous avez de chances d'être mieux soigné. Moins vous êtes instruit, plus vous avez chances de ne pas le savoir et plus vous avez de chances de ne pas être bien soigné. Vous pouvez aussi être bien soigné par un optométriste. On n'a jamais dit le contraire. Mais il y a des risques parce qu'il n'existe pas des critères de référence bien précis. On ramasse presque à toutes les semaines des malades dont l'état pathologique est tellement avancé qu'il est maintenant irréversible.

Donc, ce que je veux dire, c'est que cette confusion va certainement être augmentée et qu'on va, à ce moment-là, encore une fois, augmenter le risque pour une certaine couche sociale d'être malheureusement un peu, je ne dirais pas manipulée, mais d'être un peu dans l'ignorance et de ne pas savoir dans quel siège elle se trouve. Alors, je demande donc aux gens ici présents de ne pas augmenter cette confusion qui est déjà assez présente.

L'autre problème qui est très important, c'est le problème de l'accessibilité. On nous dit que les optométristes sont présents partout. C'est en général relativement vrai. Je pense que c'est vrai, je n'ai pas de données pour contredire ça. Mais on nous dit que les ophtalmologistes ne sont pas présents partout, ce qui est complètement faux. Il existe dans presque toutes les régions du Québec, sauf peut-être une au moment où on se parle, des ophtalmotologistes qui sont aptes à traiter des problèmes pathologiques de l'oeil, si problèmes pathologiques il y a. Si on m'appelle, moi, pour me référer un problème, je vais le voir généralement la journée même ou le lendemain. Donc, il n'y a pas réellement de problème d'accessibilité pour les maladies de l'oeil. Je ne parle pas pour les problèmes dp lunettes. Pour ça on a des spécialistes, on a des gens qui peuvent le faire très bien dans toutes les régions du Québec, en l'occurrence les optométristes. (20 h 40)

Donc, en résumé, pour être très bref, M. le Président de la commission, nous pensons que ce projet de loi n'est pas nécessaire parce qu'il n'a été demandé par personne, sauf la corporation en question qui veut avoir les gouttes. À ma connaissance, et qu'on me prouve le contraire - évidemment, je me rallierai - il n'y a aucun mouvement de population qui a demandé cette permission, ou cette loi ou le droit d'avoir les médicaments pour les optométristes. Il n'y a aucun corps social qui a demandé ça. Il n'y a aucun... Enfin, moi je ne connais personne sauf la corporation en question, et je la comprends parfaitement. C'est tout à fait normal de leur part de vouloir augmenter leur champ de pratique. Ils sont nombreux. Mettre des gouttes dans l'oeil, ça paraît bien. C'est d'ailleurs un article de leur journal qui dit que «Dilation is good public relations». J'ai transmis ce document, tout à l'heure, à des gens ici présents. Je les comprends parfaitement. Mais, cependant, il n'y a aucune raison scientifique, il n'y a aucune raison médicale, il n'y a aucune raison sociale pour donner libre cours à ce projet de loi. En conséquence, nous ne voyons pas l'utilité d'y aller de l'avant.

L'autre problème qui pourrait être présenté, c'est qu'il y a un nombre important d'États américains et de provinces canadiennes qui ont permis cet usage des médicaments à des fins thérapeutiques, nous en convenons, un pourcentage très important. Mais ceci n'est pas une raison, je pense, pour aller à rencontre des données scientifiques, des données sociales et des données médicales. Donc, en résumé, nous pensons que la santé publique en aucun moment ne va être améliorée par un tel projet de loi. La santé publique pourrait rester soit stable ou être légèrement détériorée, en augmentant la confusion qui existe déjà. En conséquence, nous pensons qu'il n'y a aucune, aucune utilité publique à faire passer un tel projet de loi.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Tardif. Cela met fin à votre intervention. Je demanderai maintenant à M. le député de Sauvé de bien vouloir prendre la parole.

M. Parent: Merci, M. le Président. Alors, je remercie l'Association des ophtalmologistes d'être venue nous rencontrer et nous expliquer sa position face au projet de loi 413, projet de loi qui a pour objet de permettre aux optométristes

de prescrire des médicaments d'ordre diagnostique dans leurs recherches sur les maladies de l'oeil, dans leurs recherches, enfin, sur les soins de l'oeil.

Le docteur Tardif, dans son exposé, nous mentionne qu'il est conscient qu'au Canada et aux États-Unis les optométristes ont la permission de prescrire ou d'utiliser des médicaments dans leurs recherches non pas à des fins curatives, mais bien à des fins de diagnostic ou d'examen de l'oeil. Moi, je trouve curieux, M. le Président, si dans 20 États américains et dans 8 provinces du Canada on a reconnu à une corporation professionnelle des qualités pour utiliser les médicaments, que l'on ait encore des réticences chez nous au Québec pour permettre une telle pratique. Et je suis porté à déplorer un peu, M. le Président, cette attitude que l'on a toujours vue au Québec, cette espèce de conservatisme de la part du corps médical, de la part des médecins, d'avoir peur, enfin, des gens, là, qui tentent d'empiéter sur leur champ de juridiction.

Je me souviens, M. le Président, des efforts faits par les chiros, par exemple, pour se faire reconnaître, à un certain moment, le droit de soigner certaines maladies. Je me souviens de l'Ordre des dentistes vis-à-vis des techniciens dentaires. Je me pose des questions, là. Je ne mets pas en doute les arguments des ophtalmos. Mais je me demande si on n'est pas un peu trop, chez nous, au Québec, renfermés sur nos traditions de chez nous qui font que notre médecin était celui qui devait soigner. Alors, si dans 8 provinces canadiennes et dans 20 États américains on en est venu à accepter que les optométristes, après 4 ans d'études, après un bac spécialisé, pouvaient prescrire des médicaments, je m'interroge un peu à savoir pourquoi au Québec on ne pourrait pas le permettre.

J'aimerais poser une question au docteur Tardif. Lorsque vous nous dites, Dr Tardif, que seuls les optométristes demandent ça, qu'il n'y a personne qui demande ça, qu'il y a seulement eux autres, qu'il n'y a pas d'autres groupes, quelle est la position du Collège des médecins face à la demande des optométristes?

Le Président (M. Gobé): M. Tardif, si vous voulez répondre.

M. Tardif: On parle de la Corporation professionnelle des médecins du Québec, si je comprends bien, le Collège des médecins n'existant plus, ayant changé de nom. Le docteur Roy, que j'ai rencontré à plusieurs reprises, nous a donné son appui à 100 % dans notre démarche pour essayer de contrer ce projet de loi, pour à peu près les mêmes raisons que je viens de vous expliquer. Le docteur Roy a lui-même rencontré le ministre - qu'il m'a dit, en tout cas; je n'étais pas présent, mais qu'il m'a dit - il a fait tous les efforts pour expliquer la position de la

Corporation et a demandé aux ophtalmologistes de présenter des arguments parce qu'on était les mieux placés pour défendre le point de vue, parce que c'est nous qui sommes pris avec les malades, somme toute. Le docteur Roy nous a donné son appui total encore il y a environ 15 jours dans ce débat-là.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Sauvé.

M. Parent: Ça va, moi, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Je passerai maintenant la parole à Mme la députée de Terrebon-ne. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Comme vous avez eu très peu de temps pour vous exprimer, donc ma question sera bien simple. Je vais, en fait, vous laisser mes cinq minutes de temps de parole et je vais vous demander quels sont les éléments que vous croyez que vous n'avez pas eu le temps, dans ce bref exposé, de nous présenter pour nous convaincre de votre point de vue.

M. Tardif: Bien, mon problème principal, c'est la santé oculaire des gens. On a fait un bond considérable en avant, au Québec, comme partout ailleurs, pour faire régresser, je dirais, la cécité et la morbidité, n'est-ce pas? La morbidité, c'est la gravité des conséquences des maladies. Actuellement, on est concernés par un problème où il pourrait y avoir aggravation. Les raisons sont les suivantes. Déjà, nous recevons dans nos cabinets presque à tous les jours - je dirais tous les jours ou quatre, cinq fois par semaine - des gens qui sont référés trop tard par les optométristes. Ce n'est pas des cas particuliers. Moi, j'en ai. C'est vrai que je suis un surspécialiste, j'en conviens, mais je vois ça tous les jours, des gens qui ont un décollement de la rétine, qui, dès que la vision baisse, devraient être référés immédiatement, des gens qui ont... peu importe la maladie. Il y en a des milliers, de maladies pour les yeux. C'est beaucoup plus complexe qu'on peut se l'imaginer, n'est-ce pas? Juste des microbes, il y en a des milliers. Alors, ça vous donne une idée en partant.

On voit des gens, donc, qui sont référés avec un certain retard. Alors si, à ce moment-là, on donne à ces gens-là le droit d'utiliser des médicaments pour augmenter le temps de l'attente, d'essayer de diagnostiquer de façon meilleure le malade alors que, de toute façon, il faudra qu'il soit référé parce qu'il a une maladie dans l'oeil, en quoi va-t-on augmenter les problèmes de santé ou les problèmes de morbidité des maladies? Je veux dire, je ne vois aucune façon. On va juste empirer les choses. Déjà on a un problème. Pas dans tous les cas. La plupart

des optométristes font un excellent ouvrage à une proportion importante, à mon point de vue. Beaucoup de gens réfèrent les malades avec beaucoup de bon «timing» - excusez l'expression - un bon chronométrage, un bon «timing», mais un pourcentage important, je dirais, jouent avec les malades. Je ne sais pas ce qu'ils font. Ils font des examens de champ visuel, toutes sortes de tests que nous devons malheureusement recommencer par après. À ce moment-là, chez le patient, pas toujours, souvent la condition se détériore. Pas toujours, j'en conviens, il y a beaucoup de fois où ce n'est pas le cas, mais dans certaines maladies ça se détériore. Parfois c'est réversible et parfois ça ne l'est pas, tout dépendant de quoi on parle.

Donc, mon point de vue est que je comprends que ça se fait dans le Rhode Island, puis que ça se fait en «B.-C». Je comprends tout ça, là. Ça a été fait, justement, comme ça se fait ce soir, par du lobbying, etc. Ça, c'est une bonne manoeuvre, mais on parle de santé, ici, on ne parle pas de lobbying puis de business.

Mme Caron: J'aimerais juste, peut-être, vous poser une petite question, là...

Le Président (M. Gobé): Mme la députée de Terrebonne, oui, s'il vous plaît.

Mme Caron: ...pour préciser, parce que là vous me parlez au niveau, finalement, des médicaments thérapeutiques, quand vous me parlez de la Caroline, là. Le projet de loi que nous avons, c'est un projet de loi qui n'utilise pas le mot «diagnostic», mais qui parle davantage de l'examen de l'oeil. Est-ce que vous croyez vraiment... Parce que, pour l'examen de l'oeil, pour les médicaments diagnostics, c'est utilisé dans tous les États américains et dans neuf provinces canadiennes.

Est-ce que vous pensez vraiment que la santé publique, aux États-Unis, dans son entier, et dans les neuf provinces canadiennes, est véritablement en danger? (20 h 50)

M. Tardif: D'abord, je ne parle pas de thérapeutique. Je parle de gouttes diagnostiques. On parle le même langage. J'expliquais que, plus on tente d'essayer d'avoir un diagnostic plus précis, plus on retarde la référence du malade qui, elle, est irréversible de toute façon. Alors, à ce moment-là, on retarde la référence et on augmente la morbidité de la maladie.

Pour ce qui est des gouttes diagnostiques, qui sont actuellement malheureusement accordées dans la plupart des États américains, comme vous avez dit, à ce moment-là, nous, on dit que, si c'est octroyé ici, on ne va pas nécessairement aggraver demain matin la santé des gens. Je dis, moi, qu'on augmente le risque chez certaines personnes moins favorisées d'être moins bien soignées. Les études ont démontré que les gens confondent totalement... Pas tout le monde, 80 % des gens confondent totalement optométriste et ophtalmologiste de façon délibérée. C'est organisé tel quel pour que les gens mêlent tout ça.

C'est tous des docteurs, puis, je veux dire, les gens mêlent ça, puis je ne les blâme pas. Ces pauvres gens sont pris en otage. Et, si vous augmentez cette confusion, parce que le projet de loi va nécessairement augmenter la confusion - vous serez d'accord avec moi, on donne le droit d'utiliser des médicaments, alors c'est déjà médical, c'était brillant comme manoeuvre - on va augmenter cette confusion et, à ce moment-là, on va encore augmenter le risque de ne pas aller voir la bonne personne au bon moment, chez certaines classes de la population.

C'est entendu que, si on parle du doyen de la faculté de médecine ou du ministre des Finances du gouvernement du Québec, pour donner un exemple, lui sait qui aller voir, puis il est traité immédiatement. C'est des exemples précis que je vous donne, qui ont eu des problèmes graves, des yeux qui ont été traités la journée même, qui ont récupéré 100 % de vision.

Mais ce n'est pas tout le monde, malheureusement, qui sait la différence entre les deux. C'est malheureusement... Je vous certifie, on a une étude qui le prouve, nous autres. Nous, on le sait depuis des années. Mais mon point de vue ne vaut pas cher, il vaut une voix. Mais on a une étude scientifique qui démontre l'extrême confusion dans la population, entretenue de toutes parts depuis des années, qui montre que les gens ne savent plus où se tirer. Mais le problème n'existe pas si les gens en place sont honnêtes et réfèrent les malades à bon escient dès que c'est indiqué; le problème n'existe plus. Je veux dire, c'est un problème de juridiction, c'est un problème de corporatisme dont on parle actuellement. Ce n'est pas un problème de santé. On va aggraver le problème de santé en jouant avec des histoires comme ça. Nous, on a la preuve par écrit que la confusion va être augmentée. Et, en augmentant la confusion, vous augmentez la fragilité d'une couche importante de la population. C'est tout ce que je peux vous dire. Mais, chez certaines personnes, ça ne fera absolument rien demain matin, parce qu'elles sont déjà au courant des choses.

Le Président (M. Gobé): Alors, Dr Tardif, je vous remercie.

M. Tardif: Bienvenue.

Le Président (M. Gobé): Je pense qu'avec le consentement de la commission nous allons maintenant passer... M. le député de Vimont, vous aviez demandé la parole. Par la suite, M. le député de Laviolette, vous m'avez fait signe que vous aussi... Alors, très, très rapidement s'il vous plaît, mais quand même prenez le temps de formuler vos questions, vos interrogations.

M. Fradet: Oui. Je ne les ferai pas en sténo, M. le Président, je ne suis pas capable de parler...

Le Président (M. Gobé): Non, non. Je comprends, M. le député. Ce n'est pas votre genre.

M. Fradet: Je vous remercie. Ça me fait plaisir de vous rencontrer, messieurs. Vous avez parlé, tout au long de votre exposé, qui, j'en conviens, n'était pas très long, parce qu'on n'avait pas prévu ça, mais vous avez parlé de traitement. Comme la députée de Terrebonne, j'ai comme compris que vous faisiez constamment allusion aux traitements et, dans le cas qui nous concerne, ce n'est pas, en tout cas, à mon avis, la façon dont je comprends le projet de loi, un traitement des maladies oculaires, mais plutôt un médicament pour diagnostiquer des problèmes oculaires.

Vous avez parlé tout de suite auparavant avec la députée de Terrebonne, vous avez mentionné que ça pouvait augmenter le risque parce qu'il y a des gens qui sont moins bien informés, moins bien Instruits, qui pourraient être confondus. Mais moi je vous rappelle aussi que ces gens-là, les optométristes, sont sous la juridiction d'une corporation professionnelle. Ces gens-là doivent être professionnels et, lorsque ça ne fait pas partie de leurs responsabilités ou de leurs compétences, automatiquement doivent référer à un médecin spécialiste.

Moi, je ne pense pas qu'un optométriste pourrait traiter ou faire des choses qui ne sont pas dans sa juridiction. Et, s'il le fait, il le fait dans l'illégalité. Moi, je pense qu'on s'est entendu ou qu'on est en train de regarder un projet de loi pour permettre aux optométristes de diagnostiquer des maladies et non pas de les traiter, et j'ai cru comprendre...

Une voix: L'examen de la vue.

M. Fradet: Faire l'examen de la vue, je m'excuse, c'est ça. Et j'ai cru comprendre que vous apportiez toujours l'argument de dire «traitement». Alors, je me pose comme question: Est-ce que vous avez peur de ça parce que vous pensez que ça ouvrirait la porte, éventuellement, à donner la responsabilité aux optométristes de faire du traitement? Moi, c'est plutôt comme ça que je le vois, d'après ce que vous avez discuté. Et, si c'est ça, je peux vous dire que, lorsque ça arrivera, si ça arrive, parce qu'il y a déjà 30 États aux États-Unis qui donnent le droit aux optométristes de faire du traitement, bien, alors là, nous referons un débat à ce sujet. Pour l'instant ce ne sont que des diagnostics.

Vous avez mentionné juste une autre petite chose. M. le Président, si vous permettez...

Le Président (M. Gobé): Allez-y, M. le député.

M. Fradet: Vous avez mentionné que le président de votre corporation professionnelle, parce qu'on sait que ce qui protège le public dans notre système aujourd'hui, c'est les corporations professionnelles... C'est elles qui doivent être responsables des gens qui pratiquent cette profession-là face au public. Moi, ce que j'ai entendu dire, c'est que votre président de corporation professionnelle était d'accord avec ce projet de loi là. Vous venez de dire le contraire, alors je ne sais pas. Il faudrait peut-être que je me renseigne et que je retourne aux sources, mais...

Le Président (m. gobé): merci, m. le député. m. tardif, rapidement, une petite réaction aux questions du député, mais très rapidement, s'il vous plaît.

M. Tardif: Bien, il y a plusieurs problèmes de mentionnés par M. le député qui vient de parler. D'abord, concernant Augustin Roy, Augustin Roy nous a dit qu'il était d'accord avec notre position, qu'il nous encourageait à continuer, mais que lui ne se mêlait pas de ça parce qu'il n'était pas assez compétent pour aller dans ce domaine des problèmes oculaires et optométri-ques. Il était un peu, je dirais, même mêlé par ça et fait silence actuellement, mais est venu nous rencontrer il n'y a pas tellement longtemps et nous a encouragés à 100 % à continuer dans cette voie-là.

M. Fradet: Alors, Augustin Roy est contre le projet de loi 413.

Le Président (M. Gobé): Non. M. le député de Vimont, s'il vous plaît. La réponse est à M. Tardif, votre question est terminée.

M. Fradet: Non, non, mais est-ce qu'on peut discuter, M. le Président, ou on arrête tout de suite?

Le Président (M. Gobé): Non. Le temps est terminé.

M. Fradet: Bien voyons donc!

Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît! M. Tardif, vous avez...

M. Fradet: Comment pouvons-nous faire, M. le Président, une étude sérieuse...

Le Président (M. Gobé): M. le député de Vimont...

M. Fradet: ...lorsqu'on ne nous permet même pas d'intervenir pour poser des questions pour éclaircir la situation?

Le Président (M. Gobé): ...nous avons convenu, au début de la séance, que nous avions 15 minutes par groupe.

M. Fradet: Bien oui!

Le Président (M. Gobé): Ça fait 20 minutes. Je vous ai accordé, par dérogation et consentement, un droit de question et, s'il vous plaît, M. Tardif - vous l'avez mis en cause - peut répondre et, par la suite, nous passerons à M. le député de Laviolette, ceci en conformité avec le consentement. Sinon, on pourrait durer toute la soirée. Je ne pense pas que ce soit le but ni la mission que la commission a décidés au début, et que le consentement ait été à ce fait. Je vous comprends très bien, mais malheureusement...

M. Tardif, je vous demanderais de bien vouloir terminer votre réponse aux questions de M. le député de Vimont. Par la suite, je demanderai à M. le député de Laviolette de faire la même chose, et nous passerons au groupe suivant.

M. Tardif: Alors, écoutez, concernant le docteur Roy et ce que j'avais commencé à répondre, le docteur Augustin Roy n'a pas fait de représentations spéciales auprès de la commission actuelle ou du ministre Savoie parce que, finalement, il s'en remet à nous pour répondre à ça. Mais, fondamentalement, il est contre, et j'ai une lettre, ici, qui atteste de cette opinion qui montre qu'il est complètement opposé, fondamentalement, a ce projet de loi là.

M. Fradet: Voulez-vous la déposer?

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Tardif.

M. Tardif: Ensuite, il y avait deux autres éléments à la question.

Le Président (M. Gobé): Alors, très rapidement, s'il vous plaît.

M. Fradet: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Oui, M. le député.

M. Fradet: M. Tardif fait allusion à une lettre. Est-ce que monsieur peut déposer la lettre pour qu'on en ait une copie, s'il vous plaît?

Le Président (M. Gobé): Oui. Bien, si M. Tardif a la... Avec la permission du président, vous pouvez la déposer, parce que, en commission parlementaire, il n'y a pas de règles qui régissent, si ce n'est l'autorisation du président.

Alors, est-ce que ça termine votre intervention?

M. Tardif: Bien, il y avait malheureusement deux autres problèmes...

Le Président (M. Gobé): Assez rapidement, s'il vous plaît.

M. Tardif: ...qu'il avait soulevés. Il a soulevé que la corporation impliquée était une corporation professionnelle, honnête. Je suis d'accord peut-être avec ça. Mais, actuellement, nous, on sait que les membres de cette corporation des optométristes utilisent abusivement le titre de docteur en avant de leur nom, et ce, malgré l'interdiction de la Loi sur l'optométrie et malgré les recommandations contre ça de la part de l'Office des professions et malgré un jugement, d'ailleurs, en Cour d'appel du Québec, je pense. Alors, ça, ça vous donne une idée.

M. Fradet: Ils voudraient l'utiliser où, le docteur?

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Tardif.

M. Tardif: Après leur nom personnel, leur nom propre.

Bon, enfin, il y avait deux autres éléments dans sa question, mais, enfin, si je n'ai plus le temps...

Le Président (M. Gobé): Non, mais allez-y, terminez rapidement, s'il vous plaît.

M. Tardif: Finalement, concernant les gouttes thérapeutiques, M. le député, il a été démontré, lors d'une commission parlementaire, récemment, que les optométristes entendaient arriver, coûte que coûte, à l'usage thérapeutique des médicaments, malgré qu'on ait dit le contraire devant d'autres députés ici présents, récemment. J'ai le mémoire en ma possession, chez moi, et c'est démontré en noir sur blanc, à la conclusion, que c'est leur but ultime, et ça, on le sait.

Également, dans les États américains où ils ont le droit d'utiliser les médicaments, nos rapports indiquent que 20 % des gens en profession optométrique utilisent des médicaments, 20 % seulement se prévalent de ce droit-là. Nos rapports indiquent également que des poursuites ont été intentées en très grand nombre contre ces gens-là et que, d'après nos renseignements, ils ont tous perdu ou réglé hors cour. Ça vous donne une idée de dans quoi on s'en va si on continue dans cette voie-là, si vous voulez.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Tardif.

M. Tardif: Merci.

Le Président (M. Gobé): Je vais maintenant reconnaître M. le député de Laviolette. Vous

pouvez, vous aussi, poser une question ou deux à M. Tardif, et vous aurez, M. Tardif, un petit laps de temps pour répondre aussi...

M. Jolivet: Oui, ça ne sera pas...

Le Président (M. Gobé): ...mais, s'il vous plaît, assez brièvement quand même. Évitons le... M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: On comprend votre position, M. le Président. Elle n'est pas facile, compte tenu que les éléments nous amènent à peut-être poser plus de questions qu'on voudrait, mais...

Le Président (M. Gobé): Bien, c'est ça. Mais si, de consentement, vous voulez, moi, vous savez, je pourrais le faire.

M. Jolivet: Oui. C'est ça. On peut...

Le Président (M. Gobé): Mais je pense qu'on a établi une règle au début, puis qu'on se doit quand même de la respecter...

M. Jolivet: C'est ça.

Le Président (M. Gobé): ...pour être consistants avec nos décisions. (21 heures)

M. Jolivet: Vous avez raison.

Il y a deux choses que je crois comprendre. Premièrement, une qui est légitime, qui n'est pas anormale, je pense, c'est le fait que vous croyiez que, si on vient entrer dans votre champ de pratique, il y a une partie de votre champ de pratique qui va être prise par d'autres, et, à long terme, le risque de l'amendement apporté ce soir, dans votre tête à vous autres, compte tenu de ce que vous venez de dire en terminant, peut avoir des effets sur la suite, et qu'on aille plus loin vers les traitements thérapeutiques.

La deuxième chose, c'est qu'au niveau de la clientèle, c'est un autre effet. Vous dites qu'il y a une confusion qui peut exister à cause du titre de docteur que vous dites utiliser sans forme de légalité, même si on entend parler qu'il y aurait peut-être des ajustements à faire à ce niveau-là. Vous dites qu'il y a une clientèle qui va aller, compte tenu de la non-instruction des gens - peu importe comment vous le traitez - vers les optométristes plutôt que vers les ophtalmologistes, et ça aura peut-être comme conséquence, des conséquences plus dangereuses au niveau de la santé.

Ceci étant dit, je vous pose une question. On apprend qu'il y a une décision du ministre de la Santé qui indique qu'entre 18 ans et 40 ans les examens de la vue vont être au coût de l'individu qui ira les chercher chez l'optométris-te; chez vous aussi, probablement, pour l'examen de la vue. Mais vous connaissez l'habitude qu'ont les Québécois de trouver des trucs pour passer à côté. Je vous donne l'exemple typique de toute personne qui a besoin d'un examen pour entrer à l'ouvrage. Il n'appellera pas chez le médecin en sachant au départ qu'il va payer l'examen: Je voudrais avoir un examen pour entrer à l'ouvrage. Il va dire: J'ai mal à la gorge, je vais aller te voir. À partir de ça, le médecin va passer son clic-clic et va avoir le client. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y aurait une tendance aux 18-40 ans d'aller désormais chez vous pour les examens de la vue, en disant: J'ai mal à l'oeil, j'ai quelque chose? Alors, je vous pose juste une petite question pcjr essayer de voir si, au bout de la course, votre crainte d'aujourd'hui, elle est fondée sur le projet de loi ou sur les suites au projet de loi.

M. Tardif: Les suites du projet de loi, votre histoire de 18-40 ans, étaient inconnues de nous jusqu'à vendredi dernier. Les représentations qu'on a faites aujourd'hui ont été faites à tout le monde depuis déjà plusieurs mois. Malgré que je comprenne vos craintes et qu'il faudra attendre le texte du ministre pour voir exactement en quoi les restrictions seront faites, effectivement, il y a un problème là qu'il faudra étudier en temps et lieu. Mais ce dont on parle aujourd'hui n'a aucun rapport avec les décisions du ministre Côté, à mon humble avis. C'est complètement non relié, à mon humble point de vue.

Pour ce qui est de la clientèle, écoutez, je veux répéter que les ophtalmologistes ne sont pas assez nombreux pour voir tous les problèmes de soins visuels et pathologiques de la province de Québec. Les optométristes ont un rôle important à jouer. Ils jouent, en général, bien ce rôle, actuellement, sauf quelques exceptions, comme dans toutes les professions. On n'a absolument rien contre ça. Les gens vont continuer à être traités comme actuellement. On veut tout simplement, nous autres... Je le répète, malheureusement, on aimerait que la confusion diminue et on voudrait améliorer les soins de santé de cette façon-là, en rendant les choses plus claires et non pas en faisant l'inverse, en augmentant la confusion. On n'est donc pas en compétition...

Le Président (M. Gobé): M. le député de...

M. Tardif: ...avec le groupe en question, absolument pas. On est...

Le Président (M. Gobé): ...Laviolette, en terminant...

M. Tardif: ...complémentaires.

Le Président (M. Gobé): ...s'il vous plaît.

M. Tardif: Excusez-moi.

M. Jolivet: Oui. Sur la question de la clientèle, juste une petite question. Est-ce que la

majorité des gens qui vont chez vous sont référés ou s'ils y vont d'eux-mêmes? Quelle est la proportion entre ceux qui y vont d'eux-mêmes et ceux qui sont référés, aussi bien par un optométriste que par un médecin de médecine générale?

M. Tardif: Je n'ai pas de statistiques exactes pour vous répondre, actuellement. On pourrait peut-être le faire éventuellement, si c'est le désir des membres de la commission. Mais actuellement, je n'ai pas... Je vais juste répondre, comme on dit chez nous, au pif. Je pense que la plupart des gens sont référés, soit par un médecin général ou un optométriste. En tout cas, c'est mon cas à moi, mais je ne peux pas répondre pour 280 membres.

M. Jolivet: Parfait.

Le Président (M. Gobé): M. Tardif, M. Paquette, je vous remercie. Soyez assurés que la commission a pris bonne note de vos recommandations et de vos suggestions. Je pense qu'il était un devoir de notre commission de vous écouter, et je pense que nous avons, ce faisant, accompli une partie de notre mandat qui est d'écouter les gens et de formuler le débat. Une commission parlementaire n'est pas là seulement pour décider des projets de loi, mais aussi pour faire le débat et écouter les informations pertinentes à des projets de loi. Nous vous remercions. Je pense que votre participation...

M. Tardif: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): ...a été intéressante et positive. Vous pouvez maintenant vous retirer.

Je demanderai au groupe suivant, aux représentants...

Une voix: Est-ce que nous sommes invités à suivre vos délibérations?

Le Président (M. Gobé): Oui, oui, vous allez rester avec nous pour écouter les délibérations, nous le souhaitons. Vous êtes les bienvenus en cette commission, bien entendu, comme dit M. le ministre, qui aura l'occasion, notamment, de vous parler à ta fin du débat.

Je demanderai maintenant aux représentants de l'Ordre des optométristes du Québec, représenté par M. Michael Chaiken, de bien vouloir prendre place. Vous pouvez vous retirer en arrière, M. Tardif. Je pense que la place maintenant est pour l'autre groupe. Vous avez, vous aussi, une quinzaine de minutes. Vous avez vu qu'on a un petit peu débordé, mais je souhaite que... Si on pouvait rester un peu dans les débats au niveau du temps, ça serait peut-être profitable pour l'ensemble de la commission pour qu'on puisse procéder après à l'étude du projet de loi article par article. Vous avez à peu près 5 minutes pour vous exprimer. m. le député de sauvé, par la suite, aura aussi 5 minutes et mme la députée de terrebonne, m. le député de laviolette, s'il le désire aussi, ainsi que m. le député de prévost, s'il le désire, pourront vous adresser la parole. vous avez maintenant !a parole.

Ordre des optométristes

M. Chaiken (Michael): Merci, M. le Président, merci, les membres de la commission, de nous entendre ce soir. Comme vous le savez, je n'ai pas eu l'occasion de me préparer parce que ce n'est pas normalement une procédure habituelle. Par contre, je peux vous dire que je suis quand même très bien préparé pour parler des médicaments diagnostiques ici ce soir avec vous et pour répondre à vos questions.

Premièrement, j'aimerais vous dire que je suis complètement étonné de voir que l'Association des ophtalmologistes s'oppose à ce projet de loi qui a pour but de permettre aux optométristes du Québec, comme tous les autres optométristes en Amérique du Nord, dans 50 États et dans toutes les autres provinces, l'utilisation des médicaments diagnostiques ou, comme on le disait originalement dans le projet de loi, les médicaments aux seules fin de l'examen des yeux du patient. Ça me démontre, M. le Président, que le président de l'Association des ophtalmologistes n'a qu'un seul intérêt, c'est de protéger le monopole médical qui appartient actuellement aux médecins ici au Québec.

On disait tout à l'heure que les optométristes n'avaient pas besoin de se servir des médicaments diagnostiques. Je ne comprends pas qu'on puisse dire une chose si insensée à mon avis. Pourquoi les ophtalmologistes vont se serir des gouttes pour dilater les pupilles, des gouttes pour anesthésier la cornée lors d'une prise de mesure de la pression intraoculaire si ce n'est pas nécessaire? Notre rôle, comme optométristes, vous savez, c'est de faire un bon examen oculo-visuel complet. Quand j'ai un patient devant moi, j'ai le droit légal et moral de m'assurer et d'assurer mon patient que non seulement sa vision est bonne, mais que ses yeux sont en bonne santé.

Les optométristes travaillent de concert avec les ophtalmologistes à tous les jours. En général, je peux vous dire que notre rapport professionnel est excellent. C'est grâce aux diagnostics des optométristes de beaucoup de maladies oculaires que ces gens-là sont référés ensuite pour les traitements chez les ophtalmologistes. Je dois aussi dire, comme le président de l'Association des ophtalmologistes a dit à propos des optométristes: La plupart des ophtalmologistes sont excellents et travaillent très bien. Malheureusement, c'est au niveau politique que les choses se gâtent. Comme je le disais, tout à l'heure, c'est simplement, à mon avis,

pour protéger un statu quo qui est déjà dépassé depuis plus de 20 ans.

Tous les États américains permettent l'utilisation de médicaments diagnostiques et il y a 30 États qui actuellement permettent même l'utilisation des médicaments thérapeutiques pour soigner des maladies occulaires. Mais ce n'est pas le but de ce projet de loi. Le but de notre projet de loi, c'est de permettre aux optométristes d'approfondir les diagnostics des patients, de déceler les pathologies oculaires beaucoup plus rapidement. Au contraire de ce que j'ai entendu tout à l'heure, ça ne sera pas une façon de retarder les diagnostics, mais bien au contraire, ça va faciliter les diagnostics si on a accès à ces médicaments qui permettraient de mieux voir, par exemple, le fond de l'oeil, de prendre une prise de mesure de pression intraoculaire, etc.

J'aimerais vous rappeler également, au niveau de la formation universitaire des optométristes au Québec, nous avons quatre ans d'université à l'Université de Montréal, à son école d'optométrie. Il n'y a que deux écoles d'optométrie au Canada: une ici au Québec et l'autre à Waterloo. Récemment, d'ailleurs, le programme à l'Université de Montréal, à son école d'optométrie, a été reconnu par le Conseil de recherches médicales du Canada, qui est la plus haute instance de recherche médicale, qui a reconnu notre programme comme étant égal à tous les autres programmes au niveau de la santé, et on est eligible maintenant à toutes les subventions et bourses. C'est un gage de confiance envers l'optométrie. (21 h 10)

Le doctorat en optométrie qui est reçu maintenant par les optométristes après leurs quatre années à l'université, c'est ce qu'on appelle un doctorat professionnel. Ce n'est pas un doctorat académique, ce n'est pas un Ph.D. La plupart des médecins n'ont pas non plus des Ph.D, ils ont des doctorats professionnels. Je peux vous dire que notre doctorat professionnel a la même valeur que le doctorat qui est donné aux dentistes, aux vétérinaires et même aux médecins.

Les optométristes sont présenta dans 1100 villes et villages au Québec. Nous sommes partout. On a 1100 optométristes divisés en 225 villes et villages. Nos amis, les ophtalmologistes, malheureusement, ne sont que 275 environ, plus ou moins, dans une cinquantaine à une soixan-l.'iinn do villos ot, surtout, los plus grandes villes. Ça se comprend fort bien, c'est souvent rattaché à des centres universitaires de recherche, etc., avec des hôpitaux. On comprend qu'ils ne peuvent pas avoir accès à toutes les villes et villages comme les optométristes. D'ailleurs, je peux vous dire ce soir, ce n'est même pas nécessaire, à notre avis, qu'ils soient partout parce que les optométristes sont en pleine possession de leurs moyens et sont prêts et aptes ;î assumer leur rôle de praticiens de première ligne.

Au niveau de leurs compétences, nous n'accepterons pas, jamais, qu'un optométriste puisse utiliser des médicaments, peu importe la sorte de médicaments, que ça soit les diagnostiques ou peut-être, éventuellement, les thérapeutiques ou d'autres, sans avoir une accréditation. Je vous donne une assurance, de ma part, et de la part de l'Ordre des optométristes qu'il va y avoir des exigences très, très sévères au niveau des cours de pharmacologie et l'accréditation. Ça va être maintenu et nous allons demander même la permission d'exiger des cours de formation continue annuellement, ce qui ne se fait pas nulle part ici, au Québec, pour l'obtention de droits de pratique. Je peux maintenant répondre à vos questions.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Chaiken. Je passerai maintenant la parole à M. le député de Sauvé, qui, au nom de l'équipe gouvernementale, va vous poser quelques questions. M. le député de Sauvé.

M. Parent: Oui, merci, M. le Président. Je vous rassure immédiatement, M. Chaiken, que je ne vous poserai pas quelques questions ni nombre de questions. J'ai eu l'occasion de vous rencontrer à quelques reprises et je connais très bien le dossier. Je connais très bien aussi les intérêts que vous défendez. Je veux seulement vous remercier d'être venu ici, ce soir, et d'avoir accepté cette petite dérogation qui s'est produite à notre commission parlementaire. Naturellement, il n'était pas prévu que nous vous entendions, il n'était pas non plus prévu que nous entendions l'Association des ophtalmologistes. Par contre, étant donné que le but de la rencontre de ce soir, c'est l'étude article par article du projet de loi 413, je ne vous poserai pas de questions, je vais vous laisser le plus de temps possible d'expliciter votre position et, peut-être, les deux, trois minutes qui me restent, avec la permission de l'Opposition, je demanderais à mon collègue de Vimont de terminer. Après ça, on ira à l'adoption du projet de loi, ce pourquoi nous sommes réunis ici, ce soir. M. le député de Vimont, si vous voulez enchaîner.

M. Fradet: Merci.

Le Président (M. Gobé): Avec la permission de la présidence, M. le député de Sauvé. Je vous rappellerai que nous avons une règle de l'alternance et que, par la suite, Mme la députée de Terrebonne devra, elle aussi, intervenir. M. le député de Vimont, vous avez la parole pour deux minutes encore. C'est le temps qui est encore imparti à l'autre côté.

M. Fradet: Merci sincèrement, M. le Président, de la faveur que vous me faites. Je voudrais juste peut-être poser une question, ça ne

sera pas tellement long. On s'est déjà rencontré, je pense, et je connais un petit peu l'ensemble de votre position. Est-ce que vous avez rencontré le représentant de la Corporation professionnelle des médecins et, si oui, quelle a été sa position face à ce dossier?

M. Chaiken: Moi, je ne l'ai pas rencontré spécifiquement dans le but de discuter du projet de loi.

M. Fradet: Est-ce qu'il y a des représentants de votre association ou des optométristes qui ont fait des démarches auprès de la Corporation des médecins?

M. Chaiken: À ma connaissance, il n'y pas eu de demande, d'avis, de la part de l'ordre des médecins du Québec, la Corporation des médecins du Québec.

M. Fradet: O.K. Peut-être juste une autre petite question. M. Tardif nous disait tout à l'heure qu'à sa connaissance il n'y avait jamais eu aucune étude qui prouvait la nécessité d'utiliser des médicaments diagnostiques, et ce, dans tous les États américains et même au Canada. Est-ce qu'à votre connaissance il y a déjà eu une étude qui démontre la nécessité, pour les optométristes, d'utiliser des médicaments pour faire l'examen de la vue, à titre de diagnostic?

M. Chaiken: Je pense que la réponse à cette question est évidente, parce qu'il y a 50 États actuellement qui permettent aux optométristes l'utilisation des médicaments diagnostiques. Je peux vous dire également, pour aller plus loin, que le American Public Health Association, en 1990, a approuvé la résolution 9004, qui recommandait à tous les États non seulement l'utilisation des diagnostiques mais des thérapeutiques, et ce, dans le but de mieux protéger le public. Au Canada, je pense que la situation, c'est la même. Je vois très mal pourquoi les Québécois seraient moins bien traités que l'ensemble des citoyens dans le reste du Canada et chez nos voisins du Sud, les États-Unis.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Chaiken. Je pence que c'est là, malheureusement, tout le temps qui est imparti. Je vais maintenant passer la parole à Mme la députée de Terrebonne, qui elle aussi a probablement quelques questions à vous poser. Mme la députée.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Évidemment, comme les collègues précédents l'ont dit, j'ai eu, effectivement, moi aussi la chance de vous rencontrer à quelques reprises pour vous entendre sur l'ensemble de ce projet de loi. Donc, mes questions seront très brèves. J'aimerais revenir au niveau de la formation et j'aimerais vous entendre sur la formation qui est donnée à l'Université de Montréal. À ma connaissance, on me disait que depuis une dizaine d'années, on donnait la formation pour les médicaments diagnostiques aux étudiants en optométrie. Mon autre question serait à l'effet que les médecins qui ont une formation générale, finalement, peuvent utiliser des médicaments pour les yeux, alors que, le temps de formation poui les médicaments pour les yeux... Est-ce que vous avez une idée du temps qui est donné pour les médecins?

M. Chaiken: Au niveau de la médecine? Mme Caron: Oui.

M. Chaiken: Au niveau oculaire, je peux vous dire d'après les informations que j'ai reçues que les médecins généralistes, les omnipraticiens ont peu de formation au niveau oculaire, et spécifiquement oculaire. D'ailleurs, je pense que ça a été confirmé tout à l'heure également, quand on a dit que même le président de la Corporation des médecins est tout confus dans ce dossier-là. Ça démontre évidemment...

Mme Caron: C'est la raison de ma question, c'est la raison de ma question.

M. Chaiken: Oui. Ça démontre que les médecins généralistes ont très peu de connaissance au niveau oculaire. Au niveau de la formation universitaire des optométristes, pour répondre spécifiquement, il y évidemment des cours de pharmacologie qui sont donnés et qui vont être accentués au niveau de l'Université de Montréal, mais il faut également penser aux optométristes qui sont déjà en pratique. Il y a, comme je le disais tout à l'heure, une série de mesures qui seront mises sur pied pour permettre l'accréditation des optométristes qui veulent se servir des médicaments diagnostiques pour qu'on s'assure que la protection du public soit maintenue. Nous n'avons pas le droit de mettre en danger la santé oculaire ou autre des citoyens et des citoyennes du Québec. L'Ordre des optométristes va s'assurer que tous les optométristes qui auront la permission d'utiliser des médicaments diagnostiques vont avoir suivi les cours nécessaires et avoir tous les requis et les prérequis pour assurer la protection du public. Est-ce que j'ai répondu à votre question, madame?

Mme Caron: Oui, je vous remercie.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la députée de Terrebonne. M. le député de Laviolet-te, une dernière petite question?

M. Jolivet: Oui, je devrais dire en deux ou trois volets, mais je vais être rapide. Premièrement, actuellement, les optométristes il y en a

qui utilisent les médicaments diagnostiques, si je comprends bien. Comme la loi n'en parie pas, c'est dans le flou. Dans le cas où la loi serait passée, adoptée, dans le cas où les permis seraient nécessaires, les cours étant donnés, comme vous le dites, est-ce qu'il y a des sanctions qui pourraient être prises par la Corporation à quelqu'un qui dérogerait à la loi? Ça m'amènerait au dernier volet de ma question, la crainte que les ophtalmologistes ont présentée tout à l'heure à l'effet que c'est le pied dans la porte, en ayant ce premier projet de loi. Vous utiliserez, comme vous l'avez fait pour les gens qui utilisent des médicaments diagnostiques actuellement... Vous allez vouloir aller sur les médicaments thérapeutiques, et, à ce moment-là, devant le fait accompli, un autre projet de loi viendrait confirmer vos faits.

M. Chaiken: II y a plusieurs questions là-dedans. Première application au niveau de la protection du public, est-ce que l'Ordre va permettre une situation qui existe chez certains optométristes possiblement? Est-ce qu'on va appliquer le règlement et les lois? Je peux vous répondre que oui. Je m'engage en tant que président de l'Ordre des optométristes de faire respecter les lois. C'est ce que j'avais dit à plusieurs rencontres avec l'Office des professions. J'ai également dit la même chose à notre ministre responsable des lois professionnelles. (21 h 20)

Vous savez, M. le député, que les optométristes vont être mis sur la sellette et qu'on va être examinés à la loupe avec ces nouveaux droits et responsabilités. Ce serait insensé que l'Ordre des optométristes permette aux optométristes qui sont non accrédités, qui n'ont pas suivi le processus d'accréditation d'utiliser les médicaments, que ce soient des diagnostiques ou autres. Alors, pour cette première question, la réponse est très claire: Nous allons poursuivre, nous allons amener les gens en discipline, nous allons faire tout ce qui est possible pour que nos membres soient qualifiés et accrédités et que ce soient seulement ces gens-là qui utilisent ces médicaments.

La deuxième partie de la question, est-ce que ça ouvre la voie aux médicaments thérapeutiques? Ce sera le gouvernement qui décidera quel pouvoir il va donner aux optométristes. Ce n'est pas un secret que nous avons formulé une recommandation à l'intérieur de notre commission parlementaire sur le financement de la santé de permettre aux optométristes l'utilisation des médicaments thérapeutiques parce que nous sommes partout au Québec, nous avons le même genre de formation que les optométristes américains et également, ça permettrait au gouvernement d'économiser des sommes d'argent. Mais...

Le Président (M. Gobé):...

M. Chaiken: ...pour répondre à cette question, évidemment, on ne peut pas permettre aux optométristes de déroger et de se servir des thérapeutiques pour éventuellement revenir à un autre projet de loi. Si on décide de revenir là-dessus, on le fera de front, on vous le laissera savoir. Ce sera un débat de société et le gouvernement aura à décider pour le bien-être de la population.

Le Président (M. Gobé): Une dernière petite question.

M. Jolivet: Non, il a répondu à ma question. C'est celle-là que je voulais poser. Moi, je ne voudrais pas, si le projet de loi est adopté, que ça ouvre la porte à des gens qui utiliseraient le traitement thérapeutique, le médicament thérapeutique de façon à vouloir forcer la main au gouvernement après. Je crois comprendre que c'est à la discussion des 18-40 ans, vous avez laissé tomber les choses d'une certaine façon. Il y a eu quelque chose qui fait qu'au bout de la course on vous a dit: On va examiner ça au gouvernement, puis on prendra une décision comme gouvernement. Ce sera un projet de société, la question des médicaments thérapeutiques, et ce n'est pas vous qui utiliseriez cette loi-là pour aller plus loin.

M. Chaiken: Absolument pas.

M. Savoie: On va pouvoir surveiller ça de près.

Le Président (M. Gobé): Merci. S'il vous plaît, M. le ministre. Merci, M. le député de Laviolette. Merci, M. Chaiken. Alors, ceci met fin à votre intervention et, suite à une demande des deux partis, je vais suspendre deux minutes pour discussion particulière. Vous pouvez vous retirer.

(Suspension de la séance à 21 h 22)

(Reprise à 21 h 27)

Étude détaillée

Le Président (M. Gobé): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission reprend ses travaux. J'appellerai donc maintenant le projet de loi 413. Suite aux audiences publiques que nous avons tenues, nous allons donc maintenant pouvoir passer à l'article 1. Je vais en faire lecture. Le Parlement du Québec décrète ce qui suit: 1. La Loi sur l'optométrie (L.R.Q., chapitre 0-7) est modifiée par l'insertion, après l'article 19, des suivants: «19.1 Malgré l'article 16, un optométriste peut administrer un médicament aux seules fins

de l'examen des yeux du patient si les conditions suivantes sont satisfaites: «1° l'optométriste est détenteur du permis visé à l'article 19.2: «2° le médicament est mentionné dans la liste établie par règlement en vertu de l'article 19.4; «3° l'optométriste respecte les conditions et modalités fixées, le cas échéant, dans ce règlement.»

M. le ministre, avez-vous des explications à donner sur cet article?

M. Savoie: Oui, M. le Président. Tout d'abord, je voudrais remercier l'intervenant de l'Association de même que la Corporation qui nous ont permis de prendre connaissance un petit peu plus de l'état du dossier. Je suis certain que ça a intéressé tous les intervenants ici ce soir.

Je voudrais, M. le Président, pour expliquer comme il se doit l'article 1, regarder rapidement avec vous l'article 16. L'article 16, effectivement, M. le Président, et pour les membres de la commission, explique ce qui constitue l'exercice de l'optométrie ici au Québec. On dit: «Constitue l'exercice de l'optométrie tout acte autre que l'usage de médicaments qui a pour objet la vision et qui se rapporte à l'examen des yeux, l'analyse de leur fonction et l'évaluation des problèmes visuels, ainsi que l'orthoptique, la prescription, la pose, l'ajustement, la vente et le remplacement de lentilles ophtalmiques.»

Ici, ce que nous faisons, c'est que, compte tenu du contexte nord-américain, justement, compte tenu de la formation, de la démonstration qui a été faite et des recommandations, on a pensé sage de procéder, à ce moment-ci, en ne modifiant pas l'article 16, mais en introduisant à l'article 19 une exception qui permet, justement, et c'est le coeur, finalement, de l'orientation qu'on se donne, aux optométristes d'administrer les médicaments pour les fins de l'examen des yeux et non pas... Pour nous, il est très important... On n'est pas dans les médicaments diagnostiques. On a fait une différence, on a fait une nuance qui nous apparaît importante. Ça ne veut pas dire que... On ne cherche pas à contrôler tout l'avenir. Tout ce qu'on cherche à faire, c'est de dire à ce moment-ci: Pour les fins d'examenc de la vue, c'est tout ce qui va être autorisé, compte tenu de la formation que reçoivent les optométristes à l'Université de Montréal. Alors, ça les situe davantage dans le contexte nord-américain. Je pense que c'est important. (21 h 30)

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M. le ministre. Mme la députée de Terrebonne, avez-vous des commentaires sur cet article?

Mme Caron: Oui, M. le Président.

M. Savoie: Bon. On a fait seulement 19.1 là, hein? Oui.

Le Président (M. Gobé): Est-ce qu'on passe à chaque fois? Voulez-vous faire l'ensemble ou...

M. Jolivet: Non, non. 19.1 seulement.

Mme Caron: Non. Non, non.

M. Savoie: Bien, c'est parce que...

Le Président (M. Gobé): O.K., allez-y. D'accord, O.K.

M. Jolivet: Morceau par morceau.

M. Savoie: Morceau par morceau. O.K. D'accord.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Dans un premier temps, j'aimerais que le ministre m'explique un petit peu davantage pourquoi il a préféré maintenir l'article 16 tel quel, et devoir, à ce moment-là, ajouter à l'article 19.1 «Malgré l'article 16» plutôt que d'y aller par la positive, c'est-à-dire d'avoir un article 19.1 qui commencerait avec «Un optométriste peut administrer un médicament», et modifier l'article 16. J'avoue que l'explication, tantôt, ne m'a pas vraiment éclairé. Pourquoi avez-vous choisi de ne pas modifier l'article 16?

M. Savoie: C'est parce que la restriction est toujours présente, toutefois, compte tenu du contexte nord-américain, et, finalement, l'utilité que cela peut avoir, justement, pour l'examen de la vue, c'est qu'on permet, on va autoriser d'une façon exceptionnelle. Alors, c'est comme une stipulation expresse, limitée pour les fins de l'examen de la vue. Dans l'ensemble, les médicaments sont toujours sous le contrôle des ophtalmologistes, mais, par contre, pour les fins de l'examen de la vue, on va permettre l'utilisation des médicaments, une liste de médicaments qui sera déterminée dans une seconde étape avec des échanges entre les optométristes et les ophtalmologistes, l'Office des professions et d'autres intervenants. Sur recommandation de l'Office des professions, à ce moment-là, la réglementation pourra être adoptée.

Mme Caron: J'aurais une autre question, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Oui, madame.

Mme Caron: Nous avons parlé beaucoup de médicaments diagnostiques et de médicaments thérapeutiques. Si je regarde au niveau des États américains, on parle soit de médicaments diagnostiques ou de médicaments thérapeutiques. Dans le projet de loi, on parle de médicaments aux seules fins de l'examen des yeux. Alors, moi,

j'aimerais bien qu'on me clarifie, qu'on mette ça bien clair, la différence entre les médicaments aux seules fins d'examen des yeux et les médicaments diagnostiques, pas avec les médicaments thérapeutiques, ça m'apparaît clair, mais par rapport aux médicaments diagnostiques.

M. Savoie: Compte tenu de la présence de l'Office des professions, son président, M. Mulcair, pourrait peut-être élaborer davantage sur votre question et tâcher de vous répondre.

M. Mulcair (Thomas J.): Tout simplement, M. le Président...

Le Président (M. Gobé): M. Mulcair.

M. Mulcair: ...en réponse à la députée de Terrebonne, effectivement, en ce qui concerne les actes constituant l'exercice de l'optométrie aux termes de l'article 16 de la Loi sur l'optométrie comprenant, notamment, l'examen des yeux, l'on peut prévoir, par exception, qu'un optométriste puisse administrer un médicament à cette fin-là, aux fins de l'examen des yeux. Le diagnostic, en tant que tel, ne fait pas partie des actes qui sont prévus à l'article 16 de la Loi sur l'optométrie. Donc, dans un premier temps, comme M. le ministre le rappelait tout à l'heure, nous procédons avec cette ouverture-là basée notamment sur une analyse comparative de la situation nord-américaine. Nous commençons donc avec cette ouverture, mais, évidemment, visant le champ d'exercice qui est prévu pour les op-tométristes.

Mme Caron: Donc, ma question suivante, je vais revenir à un texte du ministre. Le ministre avait fait une allocution lors de l'inauguration de l'École d'optométrie, et je le cite: J'ai l'intention de déposer cet automne - c'est quelques mois plus tard - pour adoption, suivant le «fast track» - un mot à la mode - pour assurer son accélération, l'utilisation des médicaments, comme il en est usage sur l'ensemble du territoire nord-américain pour et par les optométristes. Un peu plus loin, vous nous disiez: une politique visant à maintenir le Québec sur un pied d'égalité, sur un pied au moins concurrentiel avec l'ensemble des autres États aux États-Unis, des autres provinces canadiennes. Donc, votre intention était vraiment, et un petit peu plus loin: Nous avons l'intention d'assurer que les optométristes au Québec jouissent des mêmes droits et des mêmes privilèges, et des mêmes obligations que ceux et celles des autres corporations en Amérique du Nord.

En Amérique du Nord, les autres corporations, ce n'est pas une mesure exceptionnelle, ce n'est pas par exception qu'on peut utiliser des médicaments, mais on a vraiment le droit d'utiliser les médicaments diagnostiques. Donc, il ne serait pas, suite à ce projet de loi, sur un pied d'égalité tel que vous aviez annoncé par rapport aux États américains et aux autres provinces.

M. Jolivet: Un «slow track».

M. Savoie: Non, non, non. C'est un bon discours, puis je pense que...

Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît, M. le député de Laviolette. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Savoie: ...on est en mesure de démontrer le bien-fondé, justement, de cette orientation-là. Lorsqu'on regarde sur l'ensemble du territoire, ce qui est commun, lorsqu'on dit que... Il y a un certain mélange. Lorsqu'on va à l'extérieur, on peut parler de médicaments diagnostiques, mais en réalité ça constitue des médicaments nécessaires ou utiles pour l'examen de la vue. C'est la même chose. Il y a un mélange au niveau du mot «diagnostique». Des fois «diagnostique» ça veut dire une chose, mais on peut l'utiliser ou dire pour des fins d'examen de la vue». Alors, nous autres, ce qu'on a dit, ce qui est commun tout partout, c'est vraiment l'examen de la vue. Je ne sais pas si l'Office... Alors, il semble que je l'ai très bien dit, mais s'il y avait des précisions additionnelles, on pourrait le faire.

On a un listing qu'on pourrait peut-être vous transmettre de ce qui se fait province par province. Ça ne présente pas trop de difficultés. Évidemment, il est certain que les optométristes demandent plus, je veux dire, et c'est de bonne guerre, je crois, d'exiger toujours plus. Je pense qu'on corrige la situation à la satisfaction de la population. On satisfait également, peut-être pas comme ils le voulaient, les optométristes, et on tient compte également des remarques des ophtalmologistes en ce qui concerne la protection du public.

Alors, ce qu'on dit, c'est que pour l'examen de la vue, compte tenu du fait que c'est quand même un bac universitaire, c'est reconnu, c'est quand même quelque chose qui fonctionne depuis assez longtemps, ils sont avec l'Université de Montréal depuis 1926, si ma mémoire est fidèle, c'est assez structuré, et ça va de l'avant... Pardon?

Mme Caron: 1910.

M. Savoie: 1910, je ne crois pas, non.

Mme Caron: C'est dans votre texte.

M. Savoie: Ah, c'est peut-être une erreur parce que... Finalement, les optométristes résultent surtout de la Première Guerre mondiale.

Mme Caron: C'est dans votre texte.

M. Savoie: Dans le mécanisme pour les

examens de la vue, c'est surtout à ce moment-là qu'ils ont pris leur essor.

Alors, finalement, ce qu'on cherche à faire, c'est dire: D'accord, il faut refléter le contexte nord-américain, tout le monde est d'accord avec ça. Au Québec - je ne parle pas de ce dossier-là spécifiquement, mais d'une façon générale - ce qu'on veut faire, c'est rester sur un pied équitable, et également s'assurer la protection du public. On veut aussi tenir compte des objections et des critiques qui ont été soulevées de part et d'autre, en ce qui concerne la protection du public. Mais, quand même, on veut démontrer une volonté de leur accorder le droit d'utiliser les médicaments. Lorsqu'il y a eu formation, on va toucher à ça un petit peu plus tard. Ce n'est pas une ouverture. Les barrières ne sautent pas. La liste des médicaments sera à déterminer. J'imagine que lorsqu'on va déterminer les médicaments qui seront utilisés ou utilisables, c'est là que vous allez voir que ça devrait toucher pas mal tout ce qui se fait tout partout en Amérique du Nord. C'est pour ça que ça nous maintient dans le contexte nord-américain.

Le Président (M. Gobé): Alors, vous avez terminé, Mme la députée de Terrebonne?

Mme Caron: Je vais laisser la chance au député de Vimont de poser sa question.

Le Président (M. Gobé): Alors, M. le député de Vimont.

M. Fradet: C'est juste pour savoir si j'ai bien compris, là. On aurait pu, si on avait voulu, modifier l'article 16. Ça, c'est sûr et certain.

M. Savoie: C'est ça.

M. Fradet: Par contre, vous avez décidé de laisser l'article 16 comme il est aujourd'hui pour conserver une certaine restriction à l'utilisation des médicaments...

M. Savoie: C'est ça.

M. Fradet: ...pour qu'on puisse accéder, par ce fait même, à la demande des ophtalmologistes de continuer de restreindre le champ d'application de la part des optométristes face aux médicaments.

M. Savoie: Oui.

M. Fradet: Vu que l'article 16 n'est pas modifié, nous devons, par concordance, dans ce projet de loi là, utiliser l'examen de la vue. Comme vous le disiez tout à l'heure «médicament diagnostique» puis «médicament aux seules fins de l'examen des yeux», c'est la même chose. (21 h 40)

M. Savoie: C'est-à-dire que... Oui et non.

C'est-à-dire qu'il y a des médicaments qui, ailleurs, pourraient être interprétés comme médicaments diagnostiques. Ils vont les appeler comme ça; par contre, ça va être des médicaments utilisés que pour l'examen de la vue.

M. Fradet: C'est ça. Bien, dans notre tête, c'est ça qu'on veut.

M. Savoie: On ne veut pas ouvrir la porte à ce moment-ci à la notion de «diagnostique». Ça élargit beaucoup trop le débat. Alors, ce qu'on dit, c'est que ce sont les médicaments pour l'examen, c'est-à-dire exécuter le mandat créé en vertu de l'article 16. On ne change pas l'article 16. Ce qu'on fait, c'est qu'on leur donne, en plus de l'article 16, le droit d'utiliser des médicaments pour qu'ils puissent exécuter leur mandat convenablement. C'est ce que soulignait tout à l'heure le président de l'Ordre des optométristes, c'est-à-dire qu'aujourd'hui on doit nécessairement avoir recours à des médicaments pour exécuter comme il se doit l'examen de la vue, mais on ne veut pas non plus remplacer ou s'embarquer dans une modification en accordant, par exemple, les capacités de diagnostics spécifiques en vertu de l'article 16.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre.

M. Savoie: Est-ce que ça va?

Le Président (M. Gobé): Vous répondiez à M. le député de Vimont, M. le ministre. C'est une question commune, de toute façon. Tout le monde semblait très intéressé. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: oui. trois petites affaires bien rapides. d'abord, je vois, malgré... je dirais un peu comme ma collègue, je l'aurais aimé peut-être plus positif, mais, en tout cas, vous avez expliqué pourquoi. juste une petite blague en passant, c'aurait pu être «nonobstant», ça aurait été pareil. c'est un mot qui vous déplaît, ça, probablement.

M. Savoie: J'y ai pensé, oui. Des voix: Ha, ha, ha! M. Savoie: On y a pensé.

M. Jolivet: L'autre chose, c'est le diagnostic. J'ai l'impression qu'au bout de la course on parle de médicaments pour l'examen de la vue, mais que, au bout de la course, par la bande, il y a un diagnostic qui peut être rendu, qui permet, à ce moment-là, de pouvoir référer à un spécialiste qui s'appelle l'ophtalmologiste. C'est peut-être pour ça que la confusion existe.

M. Savoie: En vertu de l'article 7, ils doivent, évidemment, lorsqu'ils le constatent, à ce moment-là, recommander au patient de se présenter chez l'ophtalmologiste.

M. Jolivet: Ce que je n'ai pas compris dans votre texte que ma collègue a lu tout a l'heure, c'est quand vous dites: une politique visant à maintenir le Québec sur un pied d'égalité. Je comprends bien par rapport aux autres, mais ce sur quoi j'ai tiqué, comme on dit en bon québécois, c'est sur un pied au moins concurrentiel. Ils sont en concurrence avec qui quand on parle de concurrentiels?

M. Savoie: C'est à ça que les optométristes au Québec... Une des plaintes qu'ils présentent le plus souvent, à chaque rencontre quasiment, c'est le fait qu'ils ne sont pas sur un pied d'égalité avec les autres provinces. Alors, par exemple, le titre de docteur est généralisé pour les optométristes. Ici, ce n'est pas permis et c'est un point d'irritation important pour eux.

M. Jolivet: La question que je me pose, c'est dans le contexte du libre-échange. Ils vont avoir droit de faire des actes potentiels dans x années à venir, parce que le libre-échange va permettre jusqu'à ça, là, si je comprends bien.

M. Savoie: C'est-à-dire que le libre-échange, on tie joue pas dans les champs de compétences du Québec au niveau des corporations professionnelles.

M. Jolivet: Non, mais je veux dire qu'un jour arrivera... Le libre-échange, à mon avis, au bout de la course, va arriver à permettre à des gens de pouvoir exercer leur profession à l'extérieur sans avoir besoin nécessairement de passer tous les tests. C'est dans ce sens-là que je comprenais «concurrentiel».

M. Savoie: Pour pratiquer au Québec, par exemple... Quelqu'un de l'Ontario, pour pratiquer au Québec, va être obligé de soumettre aux ordres et aux corporations professionnelles. Ça, il n'y a pas de doute. C'est clair. Alors, le libre-échange ne touche pas ces éléments-là, sauf que ce qu'on veut, par exemple, c'est que, finalement, au niveau du contexte nord-américain, quelqu'un qui se déplace, qui déménage au Québec puisse se retrouver facilement dans nos institutions, puisqu'on veut refléter le contexte nord-américain, des fois en prenant les devants, d'autres fois, en s'ajustant en conséquence.

M. Jolivet: Oui. Mais, la façon dont je le comprenais, c'est la suivante: Moi, je suis un optométriste au Québec. La loi actuelle ne me permet pas de poser ces gestes-là. Je vais pratiquer en Ontario et j'observe et j'aurais le droit. Je vais aux États-Unis, j'observe et j'ai le droit. Donc, le mot «concurrentiel», à mon avis, était dans ce sens-là.

M. Savoie: Oui. S'il y a déplacement et qu'on s'inscrit à l'Ordre, ça pourrait être interprété de cette façon-là. Ce qu'on vise surtout, c'est s'assurer que nos optométristes soient sur un pied d'égalité avec les autres optométristes.

Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît, M. le député de Vimont. Nous allons demander encore à Mme la députée de Terrebonne, qui semble avoir une interrogation encore.

Mme Caron: Oui. Si on vise vraiment, comme vous venez de le dire, M. le ministre, à ce que les optométristes soient sur un pied d'égalité avec les États-Unis et avec les provinces canadiennes, est-ce que concrètement, pratiquement, la liste des médicaments que les optométristes pourront utiliser aux seules fins de l'examen des yeux sera la même liste que la liste, finalement, des médicaments diagnostiques - parce que c'est le terme qu'on utilise à l'extérieur - dans les provinces canadiennes et aux États-Unis?

M. Savoie: La liste varie énormément d'une province à l'autre et d'un État à l'autre. Ce n'est pas la même liste. La liste varie grandement.

Mme Caron: II y a certains points communs qu'on retrouve, là.

M. Savoie: O.K. Il y a certains points communs, et probablement que ces certains points qui se retrouvent sont, justement, pour les fins d'examens de la vue, entre autres. Des fois, ça peut varier là aussi. J'imagine que ce qui va en résulter, c'est que l'Office va examiner la situation de près avec les membres de la Corporation, les ophtalmologistes et d'autres qui vont nous faire des recommandations et que ça va être à partir de ces recommandations-là que la liste va être établie. C'est là que ça va s'enclencher. Je ne sais pas si l'Office a des commentaires.

M. Mulcair: Non, je pense que ça résume très bien.

Le Président (M. Gobé): Ça va? Oui, M. Mulcair. Ça va.

Mme Caron: Je vous remercie.

Le Président (M. Gobé): Est-ce que l'article 19.1 est adopté?

Mme Caron: Adopté.

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Gobé): Alors, l'article 19.1 est adopté. Je vais maintenant vous faire lecture de l'article 19.2: «L'Office des professions du Québec fixe, par règlement, les normes de délivrance et de détention du permis habilitant un optométriste à administrer à ses patients des médicaments conformément à l'article 19.1.»

M. le ministre, avez-vous quelques brèves explications?

M. Savoie: On a une modification, un amendement à apporter à l'article 19.2.

Le Président (M. Gobé): Alors, est-ce qu'on pourrait prendre connaissance de votre amendement, M. le ministre?

M. Savoie: Oui, certainement.

Le Président (M. Gobé): Alors, je vais juste voir s'il est d'abord recevable. L'amendement se rapportant à l'article du projet de loi est donc déclaré recevable. Je vais donc en faire lecture et demander à M. le secrétaire qu'on en fasse la distribution aux membres de cette commission.

Alors, à l'article 1, remplacer les articles 19.2... Il y a un autre amendement pour l'article 19.3. Nous irons par la suite. Nous allons les prendre dans l'ordre chronologique. Alors, l'article 19.2: «Le Bureau fixe, par règlement, conformément à l'article 95 du Code des professions, les normes de délivrance et de détention du permis habilitant un optométriste à administrer à ses patients des médicaments conformément à l'article 19.1.»

Est-ce que tout le monde a pris connaissance de l'amendement par rapport à l'article 19.2 original? L'amendement se lit: Le Bureau au lieu de l'Office des professions du Québec.

M. Savoie: C'est-à-dire qu'on parle, évidemment, ici...

Le Président (M. Gobé): M. le ministre, pourriez-vous expliquer votre amendement?

M. Savoie: C'est que le texte original dit que c'est l'Office des professions du Québec qui fixe. Alors, dans l'ensemble des lois concernant cette procédure, c'est la Corporation professionnelle, évidemment, par son Bureau, qui fixe, par règlement, les normes de délivrance, ce qui doit nécessairement être approuvé par l'Office et ensuite transmis au gouvernement. Alors, les membres de la Corporation nous ont souligné qu'il y avait là un ajustement nécessaire. Ils nous ont demandé d'indiquer le mot «Bureau».

Le Président (M. Gobé): Mme la députée de Terrebonne, avez-vous des commentaires sur l'amendement?

Mme Caron: Oui, M. le Président. C'était, effectivement, un amendement que nous souhaitions, parce que si nous adoptions l'article 19.2 tel que présenté dans le projet de loi, c'était faire, finalement, une autre mesure d'exception par rapport aux autres professions et ça m'ap-paraissait extrêmement discriminatoire. D'ailleurs, j'en avais fait part au ministre. En permettant au Bureau de fixer, par règlement, les normes de délivrance et de détention du permis, je pense qu'on assure davantage, je pense, la protection du public. La Corporation nous a fait part, il y a quelques minutes, lors de sa présentation, de ses intentions par rapport aux mesures de protection qu'elle entend prendre pour ses permis. Donc, l'amendement m'apparaît extrêmement positif.

Le Président (M. Gobé): Alors, est-ce que l'amendement à l'article 19.2 est adopté?

Des voix: Adopté. Mme Caron: Adopté.

Le Président (M. Gobé): Alors, l'amendement est maintenant adopté. Est-ce que l'article 19.2, tel qu'amendé, est maintenant adopté?

M. Savoie: Adopté. Mme Caron: Adopté.

Le Président (M. Gobé): Alors, l'article 19.2, tel qu'amendé, est donc adopté. Je vous ferai maintenant lecture de l'article 19.3. Je vous préviens qu'il y aura là aussi un amendement, et vous en avez déjà possession. Alors, l'article 19.3: «Pour obtenir le permis visé à l'article 19.2, un optométriste doit en faire la demande au Bureau. Celui-ci délivre le permis si l'optomé-triste satisfait aux normes prescrites par l'Office quant à la délivrance du permis. «Le permis peut être suspendu ou révoqué, dans le cadre des normes de l'Office, par le Bureau.» (21 h 50)

Je vous fais donc lecture de l'amendement à l'article 19.3, qui se lirait maintenant de la façon suivante: «Pour obtenir le permis visé à l'article 19.2, un optométriste doit en faire la demande au Bureau. Celui-ci délivre le permis si l'optomé-triste satisfait aux normes fixées par le règlement. «Le permis peut être suspendu ou révoqué, dans le cadre de ces normes.»

M. Jolivet: M. le Président, vous avez dit «par le règlement», c'est «par règlement».

Le Président (M. Gobé): Ho! excusez-moi! En effet, vous avez raison. C'est «par règlement» et non «par le règlement».

M. Jolivet: C'est parce qu'il pourrait y en avoir plus que...

Le Président (m. gobé): vous avez raison, exactement, m. le député de laviolette. est-ce que, m. le ministre, vous avez des commentaires sur l'amendement à l'article 19.3?

M. Savoie: Oui. On a fait mention d'un permis habilitant un optométriste à administrer à ses patients des médicaments. Il faut comprendre qu'évidemment il y a des optométristes qui ont suivi le cours qui se donne maintenant depuis plusieurs années à l'Université de Montréal, qui auparavant n'était pas disponible pour certains des optométristes et qui est aujourd'hui obligatoire, je crois. À ce moment-là, on va s'assurer, l'Ordre va s'assurer qu'effectivement l'optomé-triste en question a suivi le cours, donc connaît ses médicaments, sait comment s'en servir correctement, et il pourra, à ce moment-là, autoriser, par le biais du permis, l'optométriste à se servir des médicaments. Ceux qui n'ont pas suivi le cours, évidemment, devront se soumettre à des exigences de l'Ordre.

Le Président (M. Gobé): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je pense que l'amendement à l'article 19.3 est un amendement aussi par concordance par rapport à l'article 19.2, si on veut être bien logique. Je pense que les mêmes commentaires que tantôt s'appliquent. Je pense que c'est normal que ce soit par le Bureau.

Le Président (M. Gobé): C'est cela. Donc, je crois comprendre que l'amendement à l'article 19.3 est adopté?

Une voix: Adopté. Mme Caron: Adopté.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Donc, l'article 19.3, tel qu'amendé, est maintenant adopté. Je vais maintenant vous faire lecture de l'article 19.4. «L'Office des professions du Québec dresse périodiquement, par règlement, après consultation du Conseil consultatif de pharmacologie, de l'Ordre des optométristes du Québec, de l'Ordre des médecins du Québec et de l'Ordre des pharmaciens du Québec, une liste de médicaments qu'un optométriste peut administrer conformément à l'article 19.1 et détermine, s'il y a lieu, suivant quelles conditions et modalités un optométriste peut administrer ces médicaments.»

M. le ministre, avez-vous des explications à donner sur l'article 19.4?

M. Savoie: II s'agit tout simplement d'un mécanisme qui est déjà prévu dans le fonction- nement des corporations professionnelles. Évidemment, c'est le processus qui doit être utilisé, compte tenu de l'ensemble de la législation en matière de corporations professionnelles, pour assurer qu'effectivement les consultations aient lieu, que cette liste pourra être dressée, qu'il va y avoir consultation et, dans la mesure du possible, entente sur la liste des médicaments.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Terrebonne, vous avez maintenant la parole.

Mme Caron: Oui, M. le Président, j'aurais une question à l'article 19.4. La dernière partie de l'article dit «détermine, s'il y a lieu, suivant quelles conditions et modalités un optométriste peut administrer ces médicaments». Est-ce que vous pouvez me préciser, puisque, finalement, le permis relève du Bureau, pourquoi on ajoute cette précision à l'article 19.4?

M. Savoie: D'accord. On pourrait peut-être demander à M. Louis Roy, vice-président de l'Office, de nous expliquer ça davantage. Il faut voir que ça aussi, c'est tout simplement dans le but de s'assurer que ça fonctionne dans le but de la protection du public.

Le Président (m. gobé): alors, si vous voulez vous présenter, nom, prénom et fonction, pour les fins de l'enregistrement des débats, actuellement.

M. Roy (Louis): Louis Roy, vice-président de l'Office des professions. Écoutez...

Le Président (M. Gobé): M. Roy, vous avez la parole.

M. Roy: Oui, merci. Alors, écoutez, si vous vous souvenez, le législateur a dû, à un moment donné, modifier la Loi sur la podiatrie, justement pour ajouter dans la Loi sur la podiatrie cette disposition-là parce que, selon certains médicaments, il peut y avoir des conditions et des modalités différentes d'un autre médicament, suite aux avis des experts qu'on avait. À un moment donné, pour établir la liste des médicaments, il faut consulter le Conseil consultatif de la pharmacologie et les corporations professionnelles qui sont là. À un moment donné, le Conseil consultatif nous disait: Oui, dans tel médicament, ça pourrait aller, si telle condition est remplie. Alors, c'est de l'avis de nos experts. C'est possible qu'on n'ait pas à l'utiliser, mais on préfère, dans tous les cas, l'avoir, pour permettre, justement, aux optométristes d'utiliser le plus grand nombre de médicaments possible, sauf pour certains médicaments où il peut y avoir des modalités particulières.

Le Président (M. Gobé): Alors, M. Roy, je

vous remercie. Mme la députée de Terrebonne, avez-vous d'autres questions?

Mme Caron: Non, ça répond à ma question, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Vimont.

M. Fradet: II y a une petite question qui me chicote. «Périodiquement», c'est quand? À tous les mois, à toutes les années?

M. Roy: Écoutez, les autres lois... On a la même chose dans la Loi sur les médecins vétérinaires, la Loi sur la pharmacie, la Loi sur la podiatrie, c'est: l'Office dresse périodiquement. Habituellement, c'est à partir de la demande de la Corporation elle-même, celle qui fait la demande, et, nous, on consulte les organismes qu'on doit consulter, et là, les gens s'entendent. Il peut sortir des nouveaux médicaments aussi, des nouvelles substances qui sont identifiées comme médicaments dont les optométristes pourraient avoir besoin.

M. Fradet: C'est une mise à jour suite à la demande de la Corporation.

M. Roy: On ne veut pas s'engager que c'est automatiquement annuellement, mais périodiquement... Au moins, on donne un engagement moral que s'il y a une demande on s'en occupe et on...

M. Fradet: On suit l'évolution technologique.

M. Jolivet: Ça doit suivre aussi les décisions par le Canada qui, actuellement, a la responsabilité de breveter les médicaments.

M. Roy: Les médicaments.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Vimont. Mme la députée de Terrebonne, vous avez la parole.

Mme Caron: Oui. Merci, M. le Président. J'aurais une question à poser au ministre. On sait qu'il a été question passablement, au début de nos échanges, de médicaments thérapeutiques. On sait que ces médicaments sont administrés par les optométristes dans une trentaine d'États américains. Est-ce que le ministre a l'intention de mettre sur pied un comité qui étudierait toute cette partie du dossier sur les médicaments thérapeutiques? Toujours dans le but de s'assurer d'être sur le même pied d'égalité. Est-ce qu'on a l'intention d'au moins commencer à étudier ce dossier-là?

M. Savoie: C'est-à-dire que les optométris- tes nous ont demandé d'examiner avec eux la possibilité de l'utilisation des médicaments à des fins thérapeutiques et, à date, la réponse a été non. On va commencer par mettre ça en place et suivre le fonctionnement de ces médicaments-là. Si on s'embarque dans des médicaments thérapeutiques, évidemment, ça veut dire des modifications à l'article 16. Là, c'est un débat beaucoup plus de fond qui va demander un ensemble d'autres interventions. Alors, la réponse, c'est non.

Mme Caron: Sans modifier la loi, on n'a pas l'intention de mettre sur pied un comité pour au moins commencer à étudier?

M. Savoie: Bien, au moment où je vous parle, la réponse, c'est non. Je pense que ce qu'on doit faire, c'est on doit y aller étape par étape, et ce qui est exigé ici, c'est que... Là, on a modifié le projet de loi, mais, demain matin, ils ne peuvent pas commencer à émettre ou se servir de médicaments nécessaires ou utiles pour l'examen de la vue. Ce n'est pas ce qui est recherché du tout, à ce moment-ci. Il faut dresser la liste. Ça va demander des échanges, des rencontres, des ententes. Il va falloir qu'on dresse la liste. Il va falloir que l'Ordre, évidemment, détermine le permis, les conditions du permis. Ça va demander de la réglementation qui doit être approuvée, j'imagine, le plus rapidement possible. On a du pain sur la planche.

M. Jolivet: M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Oui, M. le député de...

Mme Caron: Est-ce qu'à... M. Jolivet: Excusez.

Le Président (M. Gobé): Allez, je vous en prie, Mme la députée.

Mme Caron: ...votre connaissance, le ministre de la Santé et des Services sociaux pourrait, lui, mettre sur pied un comité pour examiner cette partie qui touche quand même la santé?

M. Savoie: II peut. Il pourra, à ce moment-là, nous consulter, consulter l'Office, et dire: Effectivement, j'aimerais ça examiner cet élément-là. Mais ça devra se faire nécessairement avec l'Office des professions.

Mme Caron: Je vous remercie.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, Mme la députée de Terrebonne. M. le député de Laviolette, vous avez émis l'intention de faire un commentaire ou une question. Je vous en prie.

M. Jolivet: c'est parce que ma collègue a posé la question que je voulais poser. si le ministre avait répondu non, j'aurais additionné: est-ce que le premier ministre a l'intention de demander au ministre responsable de... mais comme il a donné la réponse, je ne la poserai pas.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup, M. le député de Laviolette. Est-ce que l'article 19.4 est adopté?

Des voix: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Est-ce que l'article 1, tel qu'amendé, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Gobé): J'appellerai maintenant l'article 2 qui dit: La présente loi entrera en vigueur le. Alors, la date n'est pas inscrite. Est-ce que l'article 2 est adopté?

Des voix: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): O.K. Est-ce que le titre du projet de loi 413, Loi modifiant la Loi sur l'optométrio, est adopté?

Des voix: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Est-ce que le projet de loi 413 est adopté tel que libellé et tel qu'amendé, bien entendu?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie. Ceci met donc fin à nos travaux. La commission ayant accompli son mandat, j'ajourne donc les travaux sine die. Je tiens à remercier les membres de cette commission. Peut-être M. le député de Laviolette ou Mme la députée de Terrebonne, M. le ministre, avez-vous un mot de conclusion à faire, peut-être deux minutes chacun pour clore les travaux de cette commission?

M. Jolivet: Deux secondes. (22 heures)

Le Président (M. Gobé): Mme la députée de Terrebonne, la préséance vient à vous, madame.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, je suis très heureuse que nous ayons pu nous entendre sur ce projet de loi. Il m'apparaissait tout à fait normal, lorsqu'on regardait les différentes législations, et je pense qu'il est peut-être bon de le rappeler, lorsqu'on sait que Terre-Neuve a adopté une législation dans ce sens en 1981, l'île-du-Prince-Édouard en 1974, la Nouvelle-Ecosse en 1987, le Nouveau-Brunswick en 1979, l'Ontario en 1975, le Manitoba en 1983, la Saskatchewan en 1987, l'Alberta en 1986 et la Colombie-Britannique en 1984 et que tous les États américains ont aussi une législation en ce sens, que le Québec ne se distingue pas sur ce sujet. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la députée de Terrebonne. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Savoie: Tout simplement pour souligner aux membres de la commission que, ici, c'était le bout relativement facile, malgré les apparences, que le gros du travail, évidemment, c'est la liste des médicaments, c'est la bonne collaboration de l'ensemble des intervenants, et c'est d'assurer l'exécution des rencontres pour dresser, justement, la liste des médicaments. On espère que l'Ordre des optométristes va procéder avec célérité pour s'assurer que la réglementation soit conforme aux orientations que pourra évaluer l'Office. On espère également que les ophtalmologistes vont continuer à être présents au niveau de la situation pour la liste des médicaments. J'imagine qu'ils vont être présents pour s'assurer qu'effectivement les choses se font conformément à l'obligation de la protection du public, qui doit primer dans toutes les Instances. J'espère également que l'Association des ophtalmologistes va reconnaître qu'il y a là une volonté, je pense, de la part du législateur, de l'Assemblée nationale d'au moins prendre un pas en avant pour, justement, permettre aux optométristes d'exécuter le mandat qu'ils doivent exécuter pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises.

Le Président (M. Gobé): Merci. M. le ministre. Au nom des membres de cette commission, avant d'ajourner, je tiendrais à remercier tous les intervenants, particulièrement l'Ordre des optométristes et l'Association des ophtalmologistes. Nous avons, ce soir, dérogé un peu à nos règles, nous vous avons donné la parole. Nous tenions à avoir quelques informations et précisions; ceci a été fait. Les membres de la commission en ont pris bonne note et nous avons donc procédé à nos travaux. Alors, je vous remercie. Je tiens à remercier les membres de cette commission ainsi que tout le personnel qui y a contribué. Alors, nos travaux étant maintenant terminés, j'ajourne sine die.

(Fin de la séance à 22 h 3)

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