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(Quinze heures quarante minutes)
La Présidente (Mme Harel): Je pense que nous avons le
quorum suffisant et je déclare la scéance ouverte.
Audition des représentants du Conseil
supérieur de l'éducation
Je rappelle le mandat de la commission parlementaire de
l'éducation qui siège aujourd'hui dans le cadre de son pouvoir de
surveillance des organismes publics. La commission s'est donné le mandat
d'entendre le Conseil supérieur de l'éducation relativement aux
avis donnés, notamment sur la formation professionnelle. Je vais
demander tout de suite au secrétaire de nous annoncer s'il y a des
remplacements.
Le Secrétaire: Non, Mme la Présidente. Je n'ai
aucun remplacement à communiquer.
La Présidente (Mme Harel): Alors, je vous rappelle les
décisions prises en séance de travail quant au partage du temps.
Il a été convenu d'allouer 30 minutes à la
présentation du Conseil supérieur de l'éducation, et par
la suite, de répartir également le solde du temps entre les
groupes parlementaires, en tenant compte de la participation du
député indépendant. Alors, est-ce qu'il y aurait, avant la
présentation par le Conseil supérieur de l'éducation, des
remarques préliminaires? Alors, je vous inviterai donc, M. Bisaillon,
à nous présenter les gens qui vous accompagnent et à faire
immédiatement votre exposé.
Exposé du président du Conseil
M. Bisaillon (Robert): Merci, Mme la Présidente. Alors, je
suis accompagné, à ma droite, de M. Jean Proulx, qui est le
secrétaire du Conseil et qui coordonne la rédaction de l'ensembip
des avis et rapport, à ma gauche, de Mme Renée Carpentier, qui
est agente de recherche au Conseil et qui a été - c'est pour
ça surtout qu'elle est ici - ressource principale ou principale
ressource dans le dossier de l'avis sur la formation professionnelle. À
l'extrême droite, M. Jean-R. Deronzier, directeur des communications du
Conseil, et nous sommes accompagnés aussi de Mme Susanne Fontaine, qui
est la coordonnatrice du service des études et de la recherche, et de M.
Paul-Henri Lamontagne, qui est coordonnateur d'une de nos commissions qui est
très intéressée aussi par la formation professionnelle,
puisque c'est la Commission de l'éduca- tion des adultes du Conseil. M.
Lamontagne. Voilà.
Alors, comme vous le savez, le Conseil supérieur de
l'Éducation est un organisme consultatif d'État qui a un mandat
qu'on dit, dans notre jargon, systémique, mais un mandat qui va de la
maternelle jusqu'à l'université, en passant par
l'éducation des adultes, et c'est dans ce contexte-là que l'avis
que nous allons vous présenter aujourd'hui concerne au moins deux ordres
d'enseignement, c'est-à-dire le secondaire et le collégial.
Nous avons un fonctionnement particulier au Conseil qui tient au pouvoir
que nous avons dans la loi de créer des comités et de travailler
avec des commissions qui, elles, sont prévues à la loi, donc
quatre commissions permanentes au Conseil, une du primaire, une du secondaire,
une de l'enseignement supérieur et une de l'éducation des
adultes. En l'occurrence, dans ce dossier-là, nous avons formé un
comité du Conseil composé de membres du Conseil et de membres de
commissions du Conseil pour travailler sur la formation professionnelle, et
notre fonctionnement veut que nous tenions, soit des audiences ou des
consultations, ou que nous menions des études et des recherches sur un
certain nombre de dossiers.
Dans le cas présent, aujourd'hui, je trouve ça important
de le dire, c'est un travail de deux ans qui a abouti l'automne dernier. C'est
un travail de deux ans qui suit une consultation où nous avons
mené deux types d'opérations: d'abord, des tables rondes,
où nous avons rencontré des représentants de tous les
ministères concernés, mais je les nomme pour bien montrer
l'amplitude que nous avons donnée à ce dossier-là,
c'est-à-dire le ministère de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, de
l'Enseignement supérieur et de la Science, de l'Éducation, Emploi
et Immigration Canada. En table ronde, nous avons aussi rencontré et
consulté le Conseil des universités, le Conseil du patronat, le
Conseil québécois du commerce et du détail, la
Fédération des caisses populaires, l'Institut de recherche
appliquée sur le travail, le Conseil canadien du développement
social, une économiste et des gens des commissions de formation
professionnelle des commissions scolaires et des collèges. Par la suite,
nous avons aussi mené un certain nombre d'entrevues plus poussées
avec des représentants, à la fois du monde de l'éducation
et du monde de la production et, en particulier, nous sommes allés dans
des entreprises de petite, de moyenne et de grande taille pour vérifier,
valider avec les gens nos perceptions quant à leur investissement
dans
la formation professionnelle et quant aux difficultés qu'ils
rencontraient.
Donc, c'est un travail qui a abouti et qui s'adresse
spécifiquement à deux ministres, le ministre de
l'Éducation et la ministre de l'Enseignement supérieur et de la
Science et, évidemment, à travers eux, au gouvernement, puisque
c'est le mandat du Conseil de parler de cette façon-là aux
établissements scolaires et aussi au milieu du travail.
Il tient compte - je tiens à faire la précision tout de
suite - cet avis-là tient compte d'un élément de
conjoncture de l'énoncé gouvernemental de politique sur le
développement de la main-d'oeuvre, mais il ne porte pas sur le
développement de la main-d'oeuvre. Il porte sur la formation
professionnelle. Cependant, vers la fin de nos travaux, on ne pouvait ignorer
qu'il y avait sur la table - c'était connu à ce moment-là
- un énoncé de politique sur le développement de la
main-d'oeuvre. Il s'est accompagné aussi, en cours d'année -
c'est important, je pense, de vous le souligner - d'un autre avis en
réponse, cette fois-là, à une demande spécifique du
ministre de l'Éducation sur la modification des seuils d'entrée
en formation professionnelle au secondaire, qui s'appelle «Faciliter les
parcours sans sacrifier la qualité», et il sera
complété, pour une part, d'un avis qui sera rendu public à
la fin du mois de mai, cette année, sur l'éducation des adultes,
10 ans après la commission Jean et l'énoncé gouvernemental
de politique que vous connaissez tous. Donc, vous voyez un peu dans quel
contexte se situe cet avis-là.
Nous avons procédé de la façon suivante. Il y avait
un malaise qu'on ressentait, depuis un certain nombre d'années, au
Conseil dans les milieux, qui était peut-être plus exprimé
en haut lieu que dans les ministères. Le malaise s'exprimait beaucoup
autour d'ambiguïtés que les gens ressentaient, de concurrence entre
les établissements, de missions qui n'étaient pas
exprimées clairement, donc, de difficultés, d'après ces
milieux-là, à fournir des services de qualité en termes de
formation. Nous avons donc commencé par procéder à un
diagnostic et le diagnostic que nous avons fait de la formation
professionnelle, nous l'avons fait - et ça, c'est peut-être
nouveau, même pour nous, c'était nouveau - à la fois dans
le système éducatif et dans le système productif. Je vous
expliquerai un petit peu tantôt pourquoi, aujourd'hui, nous pensons que
c'est inséparable, ces diagnostics-là.
Dans le système éducatif, il faut distinguer, en tout cas
pour fins de diagnostic, des faits saillants qui correspondent à la
situation des jeunes par rapport à d'autres faits saillants qui
correspondent à la situation des adultes, mais on peut dire globalement
qu'en ce qui concerne les jeunes il faut s'inquiéter d'une diminution
importante des effectifs, principalement au secondaire, mais pas seulement au
secondaire. Malgré une remontée qu'on constate, à l'heure
actuelle, au collégial, dans les inscriptions, il nous semble que les
mouvements, la tendance des dernières années va plutôt
à une diminution des effectifs jeunes en formation professionnelle.
On constate aussi un certain nombre de déséquilibres entre
des secteurs où il y a des perspectives d'emploi sur le marché du
travail et des besoins de formation, mais à l'inverse aussi, des
secteurs où il y a un trop grand nombre d'inscriptions dans les profils
de formation pour ce qu'il y a de débouchés sur le marché
du travail. Il y a des déséquilibres dans les deux sens. Les taux
d'abandon sont très significatifs en formation professionnelle. Il faut
mentionner cet effet-là qui se cumule avec le fait qu'il y a une
désaffection. Non seulement il y a une désaffection pour
l'enseignement professionnel chez les jeunes, mais les taux d'abandon sont
très élevés.
Il y a eu une révision importante des programmes de formation
professionnelle et des filières de diplomation au secondaire ces
dernières années, et pourquoi on en parle? Parce que ça
commence à avoir de l'influence quant à la conception, au
collégial aussi, sur la révision des programmes. On peut dire que
ces programmes-là, qu'on appelle programmes par compétence, sont
dorénavant élaborés en collaboration entre le
marché du travail et l'Éducation. Ça sera important pour
la conception que, nous, on se fait de la formation plus tard.
On constate aussi un manque de flexibilité dans les programmes du
collégial. Je pense que c'est un reproche, une constatation qui est
faite universellement et des contrastes aussi entre les deux ordres
d'enseignement. Il n'est pas sûr qu'un jeune, à l'heure actuelle,
qui voudrait obtenir un diplôme du secondaire et, par la suite, aller au
collégial, voie ce parcours-là facilité, parce que c'est
deux logiques différentes. On appelle ça l'asymétrie, avec
«I1». Ce n'est pas bâti selon la même
conception au secondaire et au collégial, les programmes de formation.
Vous savez qu'au secondaire, maintenant, il faut faire sa formation
générale avant de faire la formation professionnelle, tandis
qu'au collégial la formation technique et la formation
générale sont imbriquées. Le passage n'est pas
évident de l'un à l'autre. C'est pour ça, d'ailleurs,
qu'il y a trois ou quatre ans, nous avions publié un avis qui
s'appellait «L'articulation entre le secondaire et le
collégial». (15 h 50)
Chez les adultes - autre partie du diagnostic, si vous permettez, mais
toujours dans le système éducatif - on s'aperçoit - et je
pense que c'est peut-être ça qu'il est le plus important de
signaler - qu'il y a deux tendances complètement divergentes entre la
formation standardisée, celle qui se fait dans des programmes, qui
mène à des diplômes et qui est assumée par
l'Éducation, et la formation sur mesure, qui ne mène pas à
des diplômes, qui n'est pas nécessairement
inscrite dans les programmes et qui est un mouvement qui est
plutôt accentué, si vous voulez, par le ministère de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle. On s'aperçoit qu'il y a cohabitation de ces deux
tendances de façon extrêmement marquée.
La formation standardisée est de plus en plus difficile à
offrir dans les collèges. Il y a un essor considérable - autre
tendance lourde des dernières années - de la formation sur mesure
et une tendance aussi à diminuer la formation à temps partiel.
J'en parle parce que, chez les adultes, la fréquentation à temps
partiel des programmes de formation a toujours été le mode
privilégié, si vous voulez, de formation. Or, à l'heure
actuelle, il y a une diminution des possibilités même de suivre de
la formation à temps partiel.
Juste à titre d'exemple, là, je ne veux pas vous abreuver
de chiffres, ce n'est jamais intéressant au total, mais en termes de
tendances, à l'heure actuelle, lorsqu'on parle de formation
standardisée, c'est-à-dire dans des programmes menant à
des diplômes, on s'aperçoit qu'au secondaire il y a une
augmentation des effectifs et des budgets du côté du MEQ, le
ministère de l'Éducation, mais une diminution des effectifs et du
budget du côté du ministère de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle et des
fonds en provenance du fédéral.
Quand on regarde le collégial, on se rend compte qu'au niveau du
ministère de l'Enseignement supérieur, parce que les budgets sont
non indexés, même s'il y a une augmentation des effectifs, il y a
au total une diminution des possibilités, tandis que du
côté du ministère de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle et du
fédéral il y a à la fois une diminution des effectifs et
des budgets. Il y a des tendances, donc, qui indiquent qu'il y a un choix qui a
été fait au ministère de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle pour la
formation sur mesure par rapport à des formations standardisées,
et ça caractérise, je dirais, les mouvements qui correspondent
à ce qui se passe un peu partout, je crois, mais qu'il faut regarder
attentivement.
Si on fait, maintenant, dans le système productif, le diagnostic,
bien, on se rend compte que le plus difficile, justement, c'est de savoir ce
qui se passe. La contribution à la formation dans le milieu du travail
est extrêmement difficile à quantifier. On sait qu'il se fait plus
de formation, oui, mais quelle est la part de l'État par rapport
à la part de l'entreprise? Ce n'est pas possible de le savoir. Il n'y a
pas de données qui existent.
Deuxièmement, je pense que vous le savez, il faut noter la
piètre performance de la PME en termes de formation professionnelle, des
iné- galités d'accès aussi qui persistent dans la
formation en entreprise. Bien sûr, selon la taille de l'entreprise, il
s'en fait moins dans les petites que dans les grandes entreprises, mais on
constate aussi que, dans les entreprises, ceux qui ont accès à la
formation, je ne dirais pas que ce n'est pas nécessairement ceux qui en
ont le moins besoin, mais c'est surtout les gens qui sont déjà
formés, qui ont déjà une première formation de
cadre ou de professionnel. On se rend compte que c'est une formation souvent
pointue et peu qualifiante et que les stimulants sont peu efficaces pour faire
de la formation.
Au total, si on avait à retenir une grande donnée, je
pense qu'on pourrait dire qu'il y a un clivage qui est en train de
s'établir entre la formation initiale professionnelle, d'une part, et le
recyclage et le perfectionnement de la main-d'oeuvre, d'autre part. Ça
s'explique par des faits massifs. S'il y a moins de jeunes qui vont à
l'école que déjà, à cause de la
dénatalité, s'il y a plus d'abandons scolaires, s'il y a moins de
jeunes qui s'inscrivent en formation professionnelle, d'une part, et en
formation technique au collégial, et que, d'autre part, il y a plus
d'adultes qui rentrent dans le système avec des besoins de
perfectionnement et de main-d'oeuvre, on s'aperçoit qu'il y a des
déplacements de masse, de quantité qui peuvent faire en sorte
que, dans quelques années, on se réveillera avec des effets
pervers, tant d'un côté que de l'autre. C'est ça, le
diagnostic, un petit peu.
Sur la base de ce diagnostic, le Conseil prétend qu'il faut faire
cinq choix, et c'est l'articulation même de l'avis. Le premier choix que
nous pensons qu'il faut faire comme société, c'est de s'entendre
sur une conception de la formation qui ne mette pas les gens dans le trouble
à moyen terme. On a donné cinq caractéristiques.
Aujourd'hui, même quelqu'un qui a un diplôme du collégial en
techniques et, à plus forte raison, quelqu'un qui a un diplôme du
secondaire ne peut plus dire, contrairement à il y a vingt ans: Ma
formation est terminée. Il va devoir se recycler, se réadapter
inévitablement, ce qui veut dire qu'on ne peut plus séparer la
formation initiale d'une perspective d'éducation permanente. Ça,
c'est clair.
Mais on se rend compte aussi que plus la formation initiale est pointue,
moins elle mène à des compétences reconnues, plus les gens
vont avoir à se recycler vite souvent et plus ça va coûter
cher. On pense aussi qu'une formation professionnelle doit être
fondamentale. Dans le contexte où nous en parlons, nous, c'est qu'elle
doit mener à l'approfondissement des qualifications, mais aussi à
la mobilité professionnelle. Plus ta formation est pointue, plus tu es
mal pris si tu dois en changer pour te relocaliser. On dit qu'elle doit
être qualifiante dans le sens qu'elle doit être établie sur
une solide formation de base, mais aussi qu'elle doit être reconnue,
soit
formellement, soit socialement, mais une formation qui n'est pas
reconnue, c'est une formation qui met dans le trouble les gens; un jour ou
l'autre, elle doit être équitable.
Il y a des besoins d'entreprises, puis il y a des besoins d'individus.
Ils ne sont pas toujours conciliables. Tant mieux s'ils le sont, mais il faut
tenir compte du fait qu'ils ne s'expriment pas de la même façon et
on dit: Bien sûr, c'est une formation qui doit être arrimée
aux besoins socio-économiques. Aujourd'hui, la formation professionnelle
est en relation d'interdépendance avec le système de production,
tout en sachant quo ces besoins là vont toujours être
diversifiés et difficiles à estimer. Et, finalement, quand on
parle d'une formation arrimée aux besoins économiques, on
prépare déjà une autre conclusion qu'on tirera plus tard.
Il faut reconnaître comme un fait la diversité des intervenants
à l'heure actuelle et la complémentarité de leurs actions.
C'est le premier choix. Donc, qu'on s'entende sur ce qu'on veut comme
formation, comme société.
Le deuxième choix, on pense, nous, que ça prend une
planification stratégique. Il y a des curieuses de choses qui se passent
à l'heure actuelle comme développement dans la
société qui nous font croire qu'on ne peut pas laisser le
développement de la formation professionnelle aux seules lois du
marché. Je vais prendre un exemple.
Le gouvernement a, à l'heure actuelle, sur la table, trois
énoncés de politique: un sur ce qu'on appelle communément
les grappes industrielles - je résume là - un sur le
développement régional, un sur le développement de la
main-d'oeuvre. De ces trois énoncés de politique, nous
semble-t-il qu'il ressort des exigences ou des besoins de formation. Par
exemple, est-ce qu'on serait capable aujourd'hui, sans faire une planification
dirigiste, au moins de tenter de planifier quels types de nouveaux besoins de
formation vont découler, par exemple - je donne un seul exemple - du
développement des technologies de l'information, de façon
à ce que le système d'éducation n'ait pas à
s'adapter quand il va être trop tard, qu'on prenne le v'rage quand
ça va être le temps?
Ça, c'est une question qui nous apparaît majeure pour dire
qu'on ne peut pas se fier que, là où il y a un trou, il y a un
joint, puis ça va se placer comme ça, les choses. Ça prend
une certaine planification, planification reliée aux politiques
d'emploi. On ne pourra pas au Québec, je pense, développer la
formation si on n'a pas une autre perspective que le chômage à
proposer. Donc, il faut que ça soit relié à l'emploi. Il
faut qu'on puisse dire à des jeunes: II y a de l'avenir en formation
professionnelle parce qu'il y a de l'avenir en emploi.
Donc, planification, formation et emploi, pour nous, ça va
ensemble. On dit qu'il faut agir sur la demande autant que sur l'offre, une
planification aussi qui va être reliée à une meilleure
connaissance de la réalité autant régionale que
provinciale. Là-dedans, il y a la connaissance des perspectives
professionnelles - ce n'est pas toujours évident - les
caractéristiques de la population - ce n'est pas toujours évident
non plus - les projets d'investissement des organisations, l'impact des
programmes et des mesures existantes, ce qui se fait dans le privé comme
dans le public comme formation. Si on perd dans le champ la visibilité
d'un certain nombre de programmes, on ne pourra plus savoir a^rès
l'effet qu'ont des stimulants qu'on pourrait penser efficaces à
première vue, mais dont on ne connaît pas vraiment
l'aboutissement. Et la planification stratégique va devoir être
une responsabilité partagée. (16 heures)
II faut aussi une cohérence dans les approches lorsqu'on
planifie. À l'heure actuelle, on planifie la carte, chez les jeunes,
selon une base provinciale; chez les adultes, selon une base régionale.
À un moment donné, il y a des conflits. Il faut faire attention
pour ne pas trop limiter les points de services si on veut
l'accessibilité. Il faut tenir compte de la mobilité restreinte
des adultes, notamment, mais il faut aussi une certaine rationalisation. Donc,
il faut faire attention lorsqu'on planifie, voir un petit peu les effets
à moyen terme.
Troisième choix que nous croyons devoir faire - et
celui-là, je vais insister un petit peu plus parce que c'est
peut-être une notion nouvelle et ce n'est pas dans notre culture
politique, je dirais, ni d'entreprise - c'est ce qu'on appelle, nous,
l'interdépendance et le partenariat entre les systèmes
éducatifs et productifs. Bon, c'est des grands mots, mais on pense
qu'aujourd'hui, plus que jamais, il y a une interdépendance objective
entre un système d'éducation et un système de production
et que, par rapport à ça, nous semble-t-il qu'il y a une
balkanisation à l'heure actuelle qui est source de gaspillage et de
problèmes, tant en termes d'accessibilité que de qualité
des services.*
Le partage des responsabilités ministérielles - puisque
vous allez probablement poser des questions, à un moment donné,
là-dessus - dans l'esprit de ceux qui l'ont fait et, je pense, dans le
texte de la loi, on pense qu'il ne souffre pas d'ambiguïté, qu'il
est clair. On pourrait dire ça, si on voulait être honnête
avec le texte. Mais, dans les milieux, ce n'est pas comme ça que
ça se passe. Là, l'ambiguïté, elle est partout. Des
illustrations: le perfectionnement standardisé, c'est-à-dire le
fait qu'on dise à des gens: «Tu vas suivre des cours dans un
programme, ça va t'amener à un diplôme», et
l'estimation des besoins sont faits d'un côté et de l'autre, et
non pas conjointement.
Il y a, à l'heure actuelle, dans les établissements
d'éducation, du développement de plans de développement
des ressources humaines. On
appelle ça des PDRH. Nous, on pense que ça ne regarde pas
l'éducation. On pense que ça regarde les commissions de formation
professionnelle. On sait qu'il y a du monde qui n'aime pas entendre ça,
mais on le dit. Mais quand ça se fait, et à une place et à
l'autre, ça fait qu'à un moment donné, qui est
mêlé? C'est les usagers.
Alors, c'est pour ça qu'on pense que, de ce
côté-là, il va falloir clarifier où le robinet
coule, la clarté de l'eau qui sort. Bon. On pense, au Conseil, que la
relation client-fournisseur, c'est une relation qui n'est pas conforme à
la réalité d'aujourd'hui et qui est dépassée pour
une seule raison. Quand on a décidé de réformer les
programmes de formation professionnelle au secondaire, on a dit: Là,
pour ne pas faire perdre de temps au monde et pour les rendre fonctionnels sur
le marché du travail, on ne bâtira pas des programmes en soi, mais
avec le monde du travail on a dit au système productif: Venez nous aider
à bâtir des programmes, puis on va les bâtir par
compétence. C'est-à-dire: un flo qui sort de plomberie, c'est
quoi ses compétences qu'on peut reconnaître, certifier
conjointement? C'est ça que ça veut dire, dans le fond, puisqu'on
a élaboré conjointement les programmes, système productif,
système éducatif.
Il y a là, d'après nous, la reconnaissance qu'il y a une
interdépendance objective qu'il faut accentuer, mais qui ne se traduit
pas dans la relation de client à fournisseur. Nous le disons comme nous
le pensons, de ce point de vue là, on ne peut plus gérer la
formation initiale de façon indépendante de la formation
permanente, de la formation de la main-d'oeuvre, comme s'il s'agissait
d'univers indépendants. C'est pour ça que nous recommandons,
entre autres, nous, qu'il y ait un énoncé de politique
gouvernementale sur la formation professionnelle dans son ensemble.
Nous pensons aussi qu'il faut identifier - et là-dessus, on n'est
pas allés dans l'ingénierie et la tuyauterie - en quelque sorte,
un lieu de coordination nationale qui réunirait l'ensemble des
partenaires sociaux et qui serait un peu, je ne dirais pas
supraministériel, mais qui mettrait tout le monde ensemble, de
façon... Autrement dit, le partenariat ne peut pas être juste un
slogan. Il faut que ça passe aussi dans l'élaboration d^s
politiques. On pense aussi que la formation en entreprise, c'est une formation
à développer, puis à assurer conjointement par les
établissements et les entreprises. Puis, là où ça
se fait comme ça, il y a un sondage, vous verrez, là-dedans,
révélateur. Ceux qui parlent contre le système
d'éducation, c'est ceux qui n'ont pas eu recours au système
d'éducation. Mais il y a un sondage qui existe, qui n'a pas
été fait par nous - je pense que c'est par Multi Reso - qui dit
que le taux de satisfaction des employeurs qui ont eu recours aux services
d'éducation est très élevé. Il y a donc là,
je dirais, des idées reçues ou un certain nombre de mythes qui
disparaîtraient si la formation en entreprise était
développée et assumée conjointement.
Bon. C'est sûr que ça va nous amener à, comment
dire, un dernier choix - je passe rapidement parce que j'essaie de respecter le
temps qui m'est imparti - qui est, nous, nous disons, rechoisir. Il faut
rechoisir le système d'éducation, mais pas à n'importe
quelles conditions. Il y a des réformes à faire dans le
système d'éducation, il y a de l'adaptation, mais il faut le
rechoisir, néanmoins, parce qu'il y a là un potentiel, une
expertise et des ressources réelles. Parce qu'on a investi beaucoup
d'argent là-dedans et surtout, récemment, en formation
professionnelle secondaire, et, parce que nous pensons que le système
d'éducation a déjà démontré une
capacité d'adaptation, même s'il faut qu'il fasse encore des
adaptations dans trois directions, il faut qu'il ajuste ses programmes, c'est
sûr, sans sacrifier les exigences d'une vraie formation de base. Il y a
l'adaptation.
Il faut aussi qu'il y ait une meilleure articulation entre le secondaire
et le collégial. Ça, chez nous, c'est un refrain qui est un peu
devenu de la routine parce que ça fait longtemps qu'on en parle, mais il
nous semble que ce n'est pas normal que, sur un territoire, une commission
scolaire soit en compétition avec un collège et, quelquefois,
avec une université pour offrir le même service, le même
service à une entreprise ou à des individus. Il y a quelque chose
là qui confine au gaspillage, et ça crée des situations de
concurrence. Bon, il y a un ménage à faire de ce point de vue. On
pense aussi que, dans ce choix-là du système d'éducation,
il faut quand même revoir la question du financement à
l'éducation des adultes, en particulier, même si c'est un dossier
qu'on ne traite pas en tant que tel dans ce document-là. On se rend
compte qu'à l'heure actuelle il y a des déplacements de sommes de
la formation standardisée vers la formation sur mesure et qu'il faut au
moins réfléchir à ce phénomène-là,
qui correspond à des changements de société, mais qui peut
avoir des effets plustaid.
Alors, je dirais qu'essentiellement, c'est le contenu de cet avis, qui
est un avis, comme vous pouvez voir, qui est systémique dans le sens
qu'il cherche à aller au-delà d'un seul ordre d'enseignement,
mais qui n'a pas touché à l'universitaire parce qu'on s'est rendu
compte que la problématique de la formation professionnelle à
l'université est un peu différente de celle des autres ordres
d'enseignement.
Si jamais vous voulez qu'on vous présente le petit avis qui
était plus pointu sur l'aménagement des seuils d'entrée,
vous nous le direz, mais ça correspond à une... En tout cas,
nous, on a conseillé au ministre de l'Éducation, oui, de modifier
les seuils d'entrée pour les adultes en formation professionnelle, mais
sans sacrifier la qualité de base de ces formations-là.
La Présidente (Mme Harel): M. Bisaillon, je vous remercie,
au nom des membres de cette commission, pour l'exposé succinct et
substantiel que vous venez de nous faire. Nous aurons encore plus de temps
à notre disposition pour échanger avec vous et je veux d'ailleurs
profiter de l'occasion pour vous remercier, ainsi que votre personnel, pour la
collaboration qui a été offerte à la commission de
l'éducation, lors de la préparation de cette rencontre de cet
après-midi.
Alors, j'inviterais immédiatement les membres de cette commission
à m'indiquer dans quel ordre ils entendent intervenir. Alors,
peut-être dans l'alternance, j'inviterais le député de
d'Abitibi-Ouest et, par la suite, le député de Verdun. Alors, je
vous rappelle que nous allons donc répartir le temps en prenant en
considération la présence du député d'Equality, de
Jacques-Cartier plutôt. M. le député d'Abitibi-Ouest.
Discussion générale
Manque d'intérêt des jeunes pour
l'enseignement professionnel
M. Gendron: Oui. Alors, M. Bisaillon ainsi qu'à toute
votre équipe, merci d'être là, bienvenue. Effectivement, on
avait souhaité échanger avec vous sur un sujet
préoccupant, majeur et, moi, dans un premier temps, je ne voudrais pas
l'aborder trop, trop pointu, si on veut avoir l'occasion de discuter de
paramètres plus généraux pour arriver
éventuellement à des choses précises. (16 h 10)
Alors, je sais bien que, dans le court résumé que vous
avez fait, mais, très bien, vous avez insisté davantage sur les
grands éléments sur lesquels le Conseil s'était
penché sur ce qu'on appelle l'avis en formation professionnelle lors
d'un développement intégré. C'est plutôt ça
que vous avez présenté. Vous avez fini en disant: Bien,
écoutez, on peut regarder un petit peu plus l'avis plus
résumé sur les paramètres des seuils d'entrée qui
sont importants, mais, moi non plus, je ne voudrais pas tout de suite tomber
dans la mécanique. On aura l'occasion de le faire.
Il est peut-être mieux de dégager certains grands
principes. Bon, je ne résumerai pas l'avis. Moi, j'ai eu l'occasion de
prendre connaissance des recommandations, de les lire. Vous l'avez fait. Vous
avez fait toutes sortes de considérations majeures importantes. La
première question, d'entrée de jeu: C'est quoi, quand vous faites
l'analyse, ce dont on doit s'inquiéter pour des gens qui se
préoccupent de formation professionnelle ou d'enseignement
professionnel, les raisons objectives qui ont fait qu'il y a eu une chute aussi
dramatique et un manque d'intérêt au niveau, entre autres, de ce
que vous appelez la clientèle jeune, avec raison, au niveau de
l'enseignement professionnel?
Moi, c'est le premier point sur lequel je voudrais insister. Les
effectifs jeunes ont dramatiquement chuté. Il y a des causes. On en a eu
de toutes parts, mais comme vous êtes des gens qui avez eu l'occasion de
rencontrer des intervenants qui oeuvrent en formation professionnelle, vous
avez quand même un certain passé crédible comme
intervenants à ce niveau-là. J'aimerais ça que,
rapidement, mais assez serré, vous nous donniez les principales causes
qui, selon votre expertise, selon vous, ont fait que, oui, on doit constater
collectivement et sans trop faire de distinctions fines qui ne nous
mèneraient nulle part, que 'es effectifs jeunes ont dramatiquement
chuté et, en conséquence, c'est le premier drame qu'il faut
constater, puis on se questionnera après à savoir comment on
réussit à relever la barre. Quels moyens prendra-t-on pour
s'assurer d'un relèvement de la barre au p.c?
M. Bisaillon: Je dirais qu'il y a quatre raisons principales. Je
ne les mets pas dans l'ordre d'importance, là, mais les quatre ont
joué. Ça, ça nous paraît clair. Il faut bien se
rappeler qu'à l'époque la qualité des programmes en
formation professionnelle était pour le moins questionnée. On
prétendait qu'ils étaient désuets, qu'ils ne
préparaient pas bien à l'insertion sur le marché du
travail, et ça a coïncidé avec un discours social qui a
été très important au Québec et partout dans le
monde, soit dit en passant, vers le relèvement de la scolarisation.
À tel point que les jeunes ont intégré le message suivant,
c'est qu'aller en formation professionnelle, non seulement ça ne donne
pas d'avenir, mais avoir juste un secondaire, c'est encore pire. Or, vous
comprenez bien que s'il y a une aspiration qui peut être bien
perçue vers une scolarisation plus élevée, la formation
professionnelle vient de perdre, dans le fond, son attrait, son attrait, je
dirais... bon, immédiatement. Il y a eu aussi le retard à
développer une politique de formation professionnelle au Québec,
et ça, l'hésitation a fait que, des fois, quand on laisse des
trous, des espaces de cinq, six ans, ça fait que c'est dur à
remonter après.
Mais, pour être le plus franc possible dans l'ensemble des
facteurs qui expliquent la dégradation, je dirais, de la formation
professionnelle au secondaire, moi, je serais porté à dire - je
pense que le Conseil a écrit là-dessus aussi - que, quand on
hausse la barre des qualifications - ce qu'on a fait, c'est qu'on a dit aux
jeunes: Dorénavant, pour que votre formation professionnelle ne soit pas
un cul-de-sac, elle va arriver après une formation
générale de qualité - il faut que tu prévoies en
même temps que le jeune, il ne considérera pas que tu le mets dans
une salle d'attente ou en pénitence pendant trois ou quatre ans, avant
d'arriver à la formation professionnelle. Or, on n'a pas
diversifié les voies d'accès à cette formation
professionnelle. On a dit: Tout le monde passe par la même
place. Et ça, ça fait qu'à un moment donné
il y a des jeunes qui abandonnent, qui décrochent parce qu'ils ne voient
pas le bout, comme ils disent.
Quand est arrivée la modification à la Loi sur
l'instruction publique qui a dit: «Dorénavant, à
l'âge révolu de 16 ans, vous pouvez être
considéré comme un adulte», beaucoup de jeunes ont compris
le message suivant: Je reviendrai aux adultes faire ma formation
professionnelle, avec comme impression que ça va être moins
difficile. J'aime mieux attendre deux ans, puis décrocher et revenir aux
adultes. Ça crée un désenchantement parce qu'à
l'heure actuelle il y a des jeunes, particulièrement de 17 ou 18 ans,
qui reviennent aux adultes et qui se rendent compte que ce n'est pas facile
parce qu'ils ont deux ans de plus, là.
Alors, il y a eu un problème qui reste entier, à mon avis,
qui est encore un problème de système scolaire. C'est qu'au
secondaire il y a une seule voie uniforme par où tout le monde doit
passer, puis ça ne fait pas à tout le monde. Alors, comme c'est
une voie qui est basée sur ceux qui s'en vont au collège et
à l'université par après, bien, très vite, des
jeunes qui voudraient aller en formation professionnelle ne se sentent pas
accueillis, compris, etc., là-dedans, puis ils décrochent.
C'est les quatre facteurs, je dirais. Il y a des facteurs sociaux, il y
a des facteurs de système qui expliquent différemment les choses,
puis qui restent encore vrais aujourd'hui.
M. Gendron: Merci, M. Bisaillon. Je n'ai pas de... Je vais faire
un petit peu, puis je...
La Présidente (Mme Harel): ...l'alternance... M.
Gendron: ...chaque question?
La Présidente (Mme Harel): Non. Pas
nécessairement.
M. Gautrin: Non, non, vas-y. Continue un peu et,
après...
M. Gendron: C'est en plein ce que je dis. Et, comme séance
de travail, c'est peut-être 15, 20 minuies, maximum, et on fera
l'alternance. Oui, M. Bisaillon?
M. Bisaillon: Est-ce que je peux ajouter quelque chose?
La Présidente (Mme Harel): Oui.
M. Bisaillon: Quelque chose que vous allez comprendre, parce que
c'est dans le discours, comme les voies d'avenir. On parle beaucoup
d'alternance, de politique d'apprentissage, etc., qui serait une solution,
effectivement, pour des jeunes qui, à l'heure actuelle, ont des
problèmes dans le système scolaire tel que conçu, comme
j'ai dit, pour ceux qui s'en vont à l'université. Ce qu'on
oublie, cependant, c'est que ces mesures-là, qui existent ailleurs et
qui fonctionnent, reposent sur une culture de formation profes sionnelle qu'on
n'a pas au Québec, ni dans le système d'éducation, ni dans
l'entreprise, où on considère plutôt comme une emmerde...
C'est une expression qui n'est pas très parlementaire, mais comme un...
La somme des inconvénients, sur le plan de l'organisation, des places de
stage, l'encadrement, c'est tellement compliqué et on n'est tellement
pas habitués à faire ça comme ça que, si ça
reste encore une voie d'avenir, il faut comprendre qu'on n'a pas mis en place
les mécanismes pour arriver à ça, ce qui fait qu'on n'a
pas encore la culture qui supporterait ça et que ça risque de
rester un slogan, un discours ou une utopie ici, alors que ça marche
ailleurs et qu'il faut faire attention d'importer juste la formule sans changer
le reste des comportements et des mentalités.
M. Gendron: Deux éléments, mais pour rester dans la
même problématique, en tout cas, pour tout de suite. Moi, M.
Bisaillon, je prétends que les quatre facteurs ou on pourrait en
énoncer six ou sept... Non, non. Je veux juste vous dire que moi,
ça m'agrée. Je pense que vous avez bien résumé, en
tout cas, les quatre ou cinq principaux, et je n'ai pas de trouble à
fonctionner avec ça. Mais, justement, dans l'un des cas, vous avez
mentionné le fait d'avoir modifié la structure
d'accessibilité à la formation professionnelle et qu'à un
moment donné, pour la période d'attente, entre ce que j'appelle
le relèvement de la formation professionnelle dans la perspective
d'avoir un peu plus d'effectifs, mais qu'elle soit acquise, cette
formation-là, après une bonne formation de base, il y a eu une
période un peu inquiétante, où on ne savait pas trop
où on allait et, finalement, on est arrivé et on a dit: Oups!
Même modèle pour tout le monde.
Sur le même modèle pour tout le monde, j'aimerais avoir une
appréciation de votre part ou des gens de votre équipe, si ce
sont d'autres personnes que vous qui ont fait l'évaluation. Moi, pour
un, je prétends que c'est un des facteurs qui a joué le plus, de
penser qu'on maximiserait les chances en relevant uniformément la base
d'une bonne formation de base, avant de permettre une formation
professionnelle, mais sans convenir, au moment où on a
décidé de ça, qu'il y a un certain nombre de jeunes, gars
ou filles, qui auraient une seule alternative devant le relèvement: Ce
n'est pas pour moi. En conséquence, ça a contribué
massivement à du décrochage. Est-ce que ma perception est
exacte?
M. Bisaillon: Elle est exacte si on la situe dans un ensemble
encore plus grand. Je ne veux pas surdramatiser la question, mais je dirais
qu'un des problèmes du système d'éducation au
Québec - et il n'y a personne qui est particulièrement
responsable de ça - c'est qu'on a tenu un discours sur
l'accessibilité. On a réalisé l'accessibilité
physique. On a dit aux gens: Venez vous en à l'école, aussi
différents que vous soyez. Mais on n'a pas tenu compte, dans les
cheminements, que les gens étaient différents. On a dit:
Même cheminement pour tout le monde. Et ça, c'est majeur. Ce n'est
donc pas une vraie accessibilité, le jour où tu veux faire passer
tout le monde dans le même goulot d'étranglement.
C'est sûr que, pour des jeunes, faire un secondaire IV ou un
secondaire V avant d'accéder à une formation professionnelle,
c'est l'enfer. C'est impossible, dans leur esprit. Ça va rester
impossible dans les faits, si on veut qu'ils passent par la même voie que
celui qui sait, lui, qu'il va s'en aller au collège et qu'il va
même aller à l'université, et qu'il a ce qu'ii faut pour
réussir. Cette espèce de goulot d'étranglement fait que,
quand on arrive aux années difficiles au secondaire, je dirais fin du
secondaire III, secondaire IV, il y a des gens qui ne peuvent plus supporter la
potion. Bon. (16 h 20)
Alors, on a mis sur pied des cheminements particuliers, temporaires,
pour permettre à des gens de faire du rattrapage, mais moi, j'aimerais
qu'on nous prouve que ça a eu un grand succès dans le sens
où il me semble que les jeunes qui vont là-dedans ne
réintègrent pas autant qu'on ne le pensait le cheminement
régulier. Bon. Ce qui ne veut pas dire qu'il faut baisser la barre
là. Les exigences de la société font qu'on ne peut pas
baisser la barre de la formation générale. C'est faux. Faire
accroire à quelqu'un aujourd'hui qu'il pourrait, avec un secondaire II,
apprendre un bon petit métier, puis qu'il s'en tirerait, ça,
ça peut être bon pour un an, deux ans, peut-être cinq ans,
mais ce n'est pas bon pour la vie. Ce n'est pas vrai, ça. En tout cas,
à moins qu'on n'ait mal compris les transformations qui se passent sur
le marché du travail et dans l'emploi, mais il nous semble que ce n'est
pas vrai. C'est pour ça qu'on est inquiets de solutions pressées
qui consisteraient à dire: Pourvu qu'il a une job, là. Bon.
Il y a l'autre facteur que je n'ai pas nommé, mais c'est parce
qu'on en a parlé à la fin de la commission sur les
crédits, l'autre fois, mais il faut bien se le dire, qui joue et qui va
continuer à jouer: les jeunes, aujourd'hui, n'étudient plus
à temps plein. Ils travaillent en même temps, et c'est un
phénomène majeur en Amérique du Nord, par rapport à
l'Europe.
M. Gendron: moi, c'est drôle, vous venez de toucher le
point qui est toujours dans la même ligne, mais qui me fatigue un peu. je
vais l'exprimer comme je veux le faire et je connais votre expérience,
m. bisaillon, autant à l'enseignement primaire et secondaire, compte
tenu du milieu d'où vous originez et depuis que vous êtes au
Conseil supérieur. Je pense qu'offrir à certains jeunes au
Québec un secondaire III et, après un secondaire III
réussi, leur indiquer que, pour eux, la voie qu'ils devraient choisir -
et là, c'est général, ce que je dis, là, pour tout
de suite - c'est vraiment une formation profesion-nelle d'appoint, un bon petit
métier avec un minimum - parce que vous avez une autre recommandation,
à un moment donné, où on parle d'un minimum d'heures de
formation, un seuil, ça, je suis d'accord - et ajouter à cette
formation dite professionnelle une formation académique adaptée
dans les matières de base où, effectivement, pour l'avenir, selon
moi, on n'aurait pas assez d'une formation de secondaire III, toujours
d'après mon exemple, selon moi... Il faudra envisager une formation un
peu plus poussée en mathématiques, en français, puis, pour
tout de suite, j'arrête là.
Il pourrait y en avoir une couple d'autres, mais c'est parce que je ne
veux pas le faire volontairement dans les quatre, puis revenir dans ce dans
quoi je ne veux pas embarquer tout de suite. On va avoir l'occasion de le faire
vers la fin de l'échange. Et là, j'arrive à ma question
où votre expérience devrait nous indiquer des voies. Est-ce que
vous ne croyez pas qu'il y a 10 %, 12 %, 15 % - puis, là, le chiffre,
contestez-le, ça n'a pas d'importance - est-ce que vous ne croyez pas
qu'il y a un certain nombre de jeunes qui doivent passer par cette
voie-là, puisqu'on aura beau leur dire: Oui, mais ça peut
être court, ça peut être insuffisant, compte tenu de leur
quotient intellectuel ou de leur milieu de vie, peu importe, leur condition
antérieure qui les a amenés à ne pas avoir plus de
capacités intellectuelles ou autres, est-ce que vous ne croyez pas qu'il
y a une clientèle pour ça, pas au sens péjoratif du terme,
mais au sens vraiment que c'est ça ou le décrochage? Premier
commentaire. J'aimerais avoir votre appréciation là-dessus.
Deuxièmement, puisque vous-même, vous avez dit, dans vos notes
d'introduction, M. Bisaillon: L'avenir, pour qui que ce soit au Québec
qui aura une formation professionnelle, quelle qu'elle soit, n'est plus
envisageable si elle ne s'inscrit pas dans la perspective d'une formation
continue de perfectionnement, d'adaptation, puis de
complémentarité, ce avec quoi je suis complètement
d'accord...
Il me semble que c'est parler un peu d'une façon contradictoire
que de dire: Je ne suis pas sûr que, si on ne se rend pas là... et
le «là» étant... c'est un peu ce qu'on est en train
de faire, là, secondaire IV, quatre matières de base
réussies, là, un diplôme d'enseignement professionnel ou
une bonne formation professionnelle, parce qu'on dit: Je n'ai pas envie de
traîner une formation qui va faire que, dans trois ans, quatre ans, tu
vas être devant rien. Il me semble qu'on ne peut pas dire ça et
tenir compte de la remarque que vous avez faite en entrée à
savoir que, de toute façon, qui que ce soit en formation
professionnelle, il faut qu'il comprenne qu'il va presque être en
recyclage permanent, appelons ça de même, juste pour se
comprendre, pour fins de discussions. donc, je me ramasse, je dis: vous, est-ce
que vous avez un avis et est-ce que vous ne croyez pas qu'il faudrait
arrêter les spécialistes de l'éducation de faire accroire
aux 10 %, 12 %, 15 %, 20 % qu'on va laisser tomber avec notre fameux
système, qu'il y aurait probablement plus de chances d'avoir un
diplôme d'enseignement professionnel de qualité, sur une formation
de base moindre, je le reconnais, d'entrée de jeu, avec l'obligation
d'un recyclage permanent? ça serait plus sécurisant pour l'avenir
et ça permettrait probablement, pas juste de se gonfler les pleumas
quant aux statistiques de jeunes en formation professionnelle, mais
concrètement de combler un besoin. c'est quoi votre point de vue
là-dessus?
M. Bisaillon: On va avoir des choix de société
à faire là-dessus, qui sont très clairs, mais qui,
malheureusement, se prennent à l'heure actuelle sans qu'on s'en rende
compte. D'abord, je voudrais vous dire, dès le départ, qu'il est
possible, après un secondaire III, d'aller en formation professionnelle,
à l'heure actuelle, dans certains métiers. Il faut dire aussi
que, dans notre curriculum, il n'y a pas beaucoup d'expérimentation pour
les jeunes qui veulent faire autre chose que ce qu'on appelle les
matières académiques, entre guillemets, sauf à l'heure
actuelle, à titre expérimental, au ministère de
l'Éducation, ce qu'on appelle la voie technologique. Si tu n'as jamais
touché à quelque chose alors que toi, c'est ta voie
d'apprentissage, tu as l'impression que c'est le bout du monde d'attendre en
secondaire IV et V.
Alors, on pense que si, déjà, on réformait, on
mettait plus de contenu technologique - certains appellent ça de la
manipulation, mais c'est plus profond que ça - dans la formation
générale, il y a des jeunes qui pourraient découvrir
là un intérêt, d'abord, pour la voie technologique, la
formation technologique, mais peut-être aussi pour une formation de base
mieux adaptée. Ça, c'est clair.
Quant à la question de fond que vous posez, moi, je pense que, si
une société dit: Écoutez, puisque, de toute façon,
les jeunes vont se recycler, formons-les le moins possible, ça va
coûter moins cher et investissons dans le recyclage et le
perfectionnement, ça, ça fait une société qui se
déqualifie par rapport aux autres sociétés. Ce n'est pas
comme ça que les sociétés qui performent fonctionnent. Au
contraire.
Ça ne veut pas dire, cependant, que des matières de base,
c'est juste des connaissances qu'on apprend. Ça peut être du
savoir-faire qu'on développe aussi. Ça peut être des
outils. Ça peut être des méthodes. Ça peut
être des façons de travailler. Il y a donc là à
regarder, oui, le curriculum, comment il peut permettre de ne pas
éliminer du monde en chemin. mais on n'est pas portés, nous,
à dire: sacrifions la formation de base. pas du tout.
M. Gendron: Rapidement, et je termine pour faire l'alternance,
mes 20 minutes doivent être écoulées. J'ai lu vos avis et
je ne sens pas ça, effectivement. Je ne sens pas que c'est la voie. Mais
ce n'est pas parce que...
M. Bisaillon: C'est tentant, hein?
M. Gendron: Oui. Ce n'est parce que ça me répugne.
Ce n'est pas juste parce que c'est tentant. C'est que j'ai l'impression - et,
rapidement, j'aimerais avoir votre avis dans une phrase ou deux
là-dessus - que tant qu'on ne le permettra pas concrètement,
comme système, pour justement forcer l'apprentissage de savoir plus
adapté en formation professionnelle... Parce que jamais on ne me fera
accroire que ça ne s'enseigne pas, ça, des mathématiques,
à moins d'être dans une classe traditionnelle qu'on appelait, nous
autres, le régime régulier. On dit: À l'académique,
un prof, il te donne un cours de maths. Mais tu ne peux pas essayer des maths
au professionnel. Ce n'est vrai, selon moi.
Ça ne se peut pas qu'en 1992, sur les méthodes
d'apprentissage, sur l'expérimentation, l'évaluation, on ne soit
pas arrivé à avoir trouvé des techniques qui font que des
jeunes puissent apprendre de la formation de base en français, au niveau
technique, de la formation de mathématiques au niveau de la
construction, d'un métier de construction ou autre. Ça ne se peut
pas que ça ne s'enseigne pas. Il me semble que, si un aviseur, comme je
le perçois, comme le Conseil supérieur de l'éducation,
fouillait ça un peu et l'expérimentait sur une échelle
réduite de clientèle pour voir ce que ça donnerait, moi,
j'ai l'impression qu'enfin on aurait un petit peu de bout de voie qui ferait
qu'on laisserait tomber moins de jeunes qui, effectivement, vous l'avez dit
avec raison, voient ça loin, puis difficile et donc pas pratique. Il
dit: Moi, je choisis la formation technique et on m'empêche d'en
acquérir parce qu'on me renferme toujours dans la classe pour faire du
français et des maths, et ainsi de suite. Alors que le flo qui a choisi
le professionnel, il voulait avoir la paix et, à un moment donné,
avoir l'impression qu'il parle des choses à caractère technique,
tout en faisant du français, tout en faisant des maths. Est-ce que
ça se fait, ça? (16 h 30)
M. Bisaillon: Oui, ça se fait à titre
expérimental. On appelle ça la pédagogie par projet. Il y
a des endroits où, effectivement, l'apprentissage des matières de
base se fait à l'intérieur d'un projet. Ce n'est pas, cependant,
une voie qui est généralisée ou qui est, comment dire...
Ça suppose des conversions, vous savez, de la part
du personnel, en particulier, de la part du système scolaire qui
a toujours été plutôt académique. Mais il y a des
expériences qui se font. Je pourrais vous en nommer. On en avait
identifié quelques-unes dans notre avis sur les cheminements
particuliers. Je pense que la raison va prévaloir là-dedans, mais
il ne faut pas lâcher le morceau. Il faut le rappeler constamment.
M. Gendron: Pour conclure vraiment, Mme la Présidente,
j'ai l'impression que ça veut dire ce qu'on voit à la page 19,
là, dans votre avis. Je suis content d'y revenir.
M. Bisaillon: Le petit?
M. Gendron: Oui, le petit. Pour tout le monde, pour le
bénéfice des collègues de la commission, c'est quand vous
suggérez, à la page 19: «La première voie de
diversification concerné l'approche pratique et technique de la
formation générale». Vous expliquez un peu que ça
signifie des approches manuelles, d'expériences et de techniques qui
feraient que les jeunes se sentiraient plus associés, puis tout
ça. En tout cas, ça va pour tout de suite. Merci.
La Présidente (Mme Harel): Alors, M. le
député d'Abitibi-Ouest, avant de passer la parole au
député de Verdun, je note la présence parmi nous du
ministre de l'Éducation. Je note votre présence, M. le
ministre.
M. Pagé: Oui.
La Présidente (Mme Harel): Est-ce que vous...
M. Pagé: Je ne suis pas membre. La Présidente
(Mme Harel): Pardon? M. Pagé: Je ne suis pas membre.
La Présidente (Mme Harel): Ah! C'est vrai, vous
n'êtes pas membre. Effectivement... À moins qu'il n'y ait
consentement des membres de cette commission? D'accord. Alors, M. le
député de...
M. Gautrin: Pour qu'on lui laisse la parole deux minutes?
La Présidente (Mme Harel): Alors, c'est à vous. La
parole est à vous, M. le député de Verdun.
Intégration de l'apprentissage technique
à la formation générale
M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente. Moi, je vais essayer
de limiter mes interventions à votre avis et au chapitre 4 de votre
avis. Autrement dit, l'articulation entre les entreprises et la formation
professionnelle. Je vais prendre la chose par la fin. Je vais raccrocher sur la
dernière question du député d'Abitibi-Ouest, donc en page
83 de votre avis. Je voudrais savoir si je comprends bien ce que vous dites.
Est-ce que vous suggérez que tous les étudiants au secondaire
aient une certaine formation ou une certaine introduction à la formation
technique ou à une certaine forme de formation professionnelle...
M. Bisaillon: Oui.
M. Gautrin: ...ce en quoi, je vous le dis tout de suite, je
serais totalement d'accord avec vous...
M. Bisaillon: C'est oui. C'est oui.
M. Gautrin: Alors, à ce moment-là, est-ce que ce
serait spécialisé en fonction des intérêts des
étudiants ou... Comment, ça pourrait... Est-ce que vous pourriez
élaborer un peu comment vous voyez ça, s'il vous plaît?
M. Bisaillon: Nous, d'abord, on dit qu'à cet
égard-là, lors de la formation initiale, ça fait partie de
la formation générale...
M. Gautrin: Absolument. Je suis d'accord avec vous.
M. Bisaillon: ...mais ça a un objectif d'exploration. Si
un jeune n'est pas mis en contact, comment peut-il aimer, comment peut-il
connaître, comment peut-il choisir? C'est ça l'idée. Ce
n'est pas une intégration, cependant, au sens, par exemple, de
l'intégration qui se fait à l'intérieur des programmes de
collèges à l'heure actuelle, comprenons-nous bien, là.
Mais il nous semble que, dans une formation de base, il y a un apprentissage
technologique qui fait partie de la nouvelle culture de base. C'est ça
qui fait partie de la nouvelle culture de base, il y a là autant -
comment dire - d'orientations qui pourraient se développer et qui ne se
développent pas présentement. Alors, c'est pour tous les
élèves, effectivement.
M. Gautrin: Je dois vous dire que je partage totalement votre
point de vue sur cette question-là. Je voudrais revenir maintenant un
petit peu en arrière. Je reviens au début, toujours, de votre
avis. Ma première question est un peu, évidemment, une question
de plomberie puisqu'on parle de formation professionnelle. En page 68, vous
développez l'idée d'un lieu de coordination national après
avoir signalé des difficultés, et je partage un peu les remarques
que vous avez pu faire sur, parfois, le manque de coordination entre certaines
politiques. Comment voyez-vous et comment voulez-vous structurer ce lieu de
coordination pour la formation professionnelle?
Est-ce que vous pourriez mettre un peu plus de chair autour de votre
idée, à ce niveau-là?
M. Bisaillon: Oui. Nous, on n'a pas voulu s'embarquer dans des
questions de structure. On se comprendra bien, on pense que...
M. Gautrin: Oui, c'est pour ça que j'essaie de vous amener
sur ce terrain-là.
M. Bisaillon: Oui. On pense que ce n'est pas le rôle du
Conseil, mais je peux aller un petit peu plus loin dans l'explication. À
l'heure actuelle, il y a des instances - je choisis le mot au sens
générique - qui existent, qui ont des fonctions
différentes. Il y a la Société, par exemple, de...
La Présidente (Mme Harel): ...développement de la
main-d'oeuvre.
M. Bisaillon: Ça, c'est un projet, ça. M.
Gautrin: Ça n'existe pas encore.
La Présidente (Mme Harel): II y a la Conférence
permanente...
M. Bisaillon: La Conférence permanente sur l'adaptation de
la main-d'oeuvre. Il y a un forum sur l'emploi. Voyez-vous? Déjà,
on voit qu'il y a des préoccupations de maillage, au sens noble,
là, comme on en parle, mais aussi des préoccupations de
rapprochement d'un certain nombre de gens qui décident, d'une part, pour
ce qui concerne le système productif, d'autre part, pour ce qui concerne
le système éducatif. À l'intérieur même du
gouvernement, il y a des comités interministériels, il y a des
structures qui existent. Nous, ce qu'on pense, c'est que la question de la
formation professionnelle, elle est plurisectorielle non seulement d'un
ministère à l'autre, mais entre les ministères et le
marché du travail. Il y aurait donc là...
C'est à ne pas confondre, ce qu'on propose, avec la
Société de développement qui, elle, a un mandat plus
particulier. Mais, ce mandat-là, c'est un élément de ce
qu'on appellerait, nous, la mission générale de formation
professionnelle. Et on dit, nous, que c'est un petit peu dans le sens de
l'actuelle instance où on pourrait retrouver là des gens du
marché du travail, de l'emploi, des syndicats, des ministères
concernés qui, par exemple, pourraient planifier ensemble l'emploi, pas
de façon dirigiste et exclusive mais, par exemple, à partir
d'outils communs qui fonctionnent en commun, dire c'est quoi, les grosses
tendances qui s'en viennent dans les prochaines années, où on
doit mettre des efforts, quelle cible on devrait mettre, quelle action
structurante on devrait avoir. Et là, le gouvernement fait son lit par
la suite. Mais c'est un lieu où tout le monde qui a un mot à
dire, des décisions à prendre et des actions à mener
serait, je ne dirais pas forcé, mais serait constamment en train de
développer la formation professionnelle, dont le développement de
ta main-d'oeuvre, selon des visions cohérentes partagées, ce qui
ne nous semble pas être nécessairement le cas
présentement.
M. Gautrin: Est-ce que ce serait un organisme-conseil où
vous verriez... c'est-à-dire qui regrouperait, disons, des experts un
peu, comme vous l'êtes vous-même, vous, le Conseil supérieur
de l'éducation, ou bien vous voyez ça comme un conseil qui force
les décideurs à se regrouper?
M. Bisaillon: On va plus loin que le Conseil. On dit bien
«coordination», qui force un peu, mais qui ne force pas juste les
décideurs, qui force les composantes aussi de cette
instance-là.
M. Gautrin: Les différentes composantes du
réseau.
M. Bisaillon: Et tout le monde dit, à l'heure actuelle, en
tout cas, si on comprend bien les discours sociaux: On le sait, ce qu'il faut
faire, c'est le temps de le faire. Effectivement, il y a un certain nombre de
constats qui sont partagés et on dirait que ça n'embraie pas. Il
y a comme un malaise dans notre société, à l'heure
actuelle, ça n'embraie pas. Je pense qu'il y a des discours, même
de ministres, qui disent ça. Si j'ai bien compris le discours du
ministre Tremblay, ce n'est pas la connaissance des problèmes qui fait
défaut, c'est l'impulsion. Il nous semble qu'un lieu où on
mettrait tous les gens, dans le fond, avec un pouvoir de coordonner leur
action, ça pourrait, je pense, indiquer à un gouvernement
où il y a des actions structurantes à poser, par exemple.
M. Gautrin: Est-ce que je peux faire une étape encore un
peu plus loin? Vous verriez qui, par exemple, à l'intérieur de ce
comité de coordination, pour devenir un peu plus précis? Parce
que je pense que c'est... Si je pose ces questions dans ce sens-là,
c'est parce que j'ai l'impression que c'est une idée assez originale que
vous avez émise et qui peut parfaitement donner des
résultats.
M. Bisaillon: moi, je pense qu'il faut avoir les
ministères. il y a au moins trois ministères. moi, j'en vois un
quatrième: industrie et commerce. enfin, le...
M. Gautrin: Oui, bien sûr! Main-d'oeuvre et
Sécurité du revenu.
M. Bisaillon: En termes d'investissements, le
développement régional, si on comprend bien les liens qu'il y a
entre le développement de l'économie, dans une région, et
les PME. Bon,
minimum, là. ces ministères qui, par leur action,
dispensent des services, configurent l'offre ou la demande de formation, d'un
côté ou de l'autre. ça prend aussi les...
M. Gautrin: Des représentants des entreprises et des
syndicats?
M. Bisaillon: Tout à fait! Oui, des partenaires.
M. Gautrin: Et du monde de l'enseignement. M. Bisaillon:
Pardon?
M. Gautrin: Et du monde de l'enseignement et de
l'éducation.
M. Bisaillon: oui. ça nous paraît... et non pas
des... ça éviterait, pensons-nous, que des expertises ne soient
élaborées à une place et constituent des commandes
à une autre, et que des résistances s'élaborent à
une place et constituent des freins aux commandes qui sont passées.
M. Gautrin: Mais je pense que c'est une idée originale
à retenir. Est-ce que je peux continuer dans un autre niveau ou je passe
la parole à mon vis-à-vis?
La Présidente (Mme Harel): Bien, sur ce sujet-là,
moi, j'aimerais poursuivre.
M. Gautrin: Alors, poursuivez parce que, après, j'ai une
autre question, Mme la Présidente. (16 h 40)
La Présidente (Mme Harel): Alors, M. Bisaillon, lors de
votre exposé initial, vous notiez deux tendances lourdes, à
savoir le déplacement, disiez-vous, des sommes d'argent de la formation
standardisée à la formation sur mesure et une autre tendance
lourde qui semblait être l'abandon, dans la formation
standardisée, de la formation à temps partiel Alors, on voit
là des tendances qui se dessinent, qui, à mon point de vue, sont
particulièrement aggravées par les crédits
budgétaires, tels qu'ils nous sont connus maintenant. Quand on pense que
cette augmentation d'effectifs et de budget, que vous ne notiez que pour le
ministère de l'Éducation, au niveau secondaire, est finalement
remise en question avec les nouveaux crédits budgétaires
puisqu'il y aura une coupure de 25 000 000 $ dans l'offre qui sera faite aux
adultes à temps complet, évidemment... J'aimerais vous entendre
là-dessus et remettre ça peut-être en relation avec la
question de la formation professionnelle comme solution pédagogique au
décrochage scolaire. Vous nous dites, dans votre mémoire, que le
fait d'envisager la formation professionnelle comme une solution
pédagogique au décrochage scolaire, c'est une voie sans issue,
d'une certaine façon, c'est une impasse. Donc, il y a une autre
manière de faire et c'est d'intégrer les apprentissages
techniques - c'est ça que je comprends - plutôt que de
réduire, d'intégrer les apprentissages techniques.
Donc, je reviens à la question de fond. Mon collègue vous
l'a posée quant à la forme, c'est-à-dire dans quel lieu
que tout cela doit se passer, mais comment doit se réaliser cette
intimité entre l'école et l'entreprise, en dehors de laquelle,
finalement, tout reste des slogans creux? En Allemagne, pays dont on s'inspire
beaucoup au ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité
du revenu et de la Formation professionnelle, il y a, me dit-on, 69 % des
ingénieurs qui ont d'abord été des ouvriers
qualifiés et 100 % des contremaîtres ont d'abord été
des ouvriers qualifiés. Il est possible de devenir ingénieur par
la filière de la formation professionnelle.
J'ai posé la question: Est-ce qu'on peut, à partir de la
formation professionnelle au secondaire, passer à l'université?
Comme c'est impossible ici, quel parent va recommander à son enfant,
quel parent va souhaiter pour son enfant qu'il aille en formation
professionnelle au secondaire? C'est comme une sorte d'admission du
plafonnement, d'une certaine façon. Alors, tant que la filière ne
sera pas ouverte, là... Elle l'est, maintenant, entre le
collégial et l'université. Moi, j'ai été la
première à recommander à ma fille de 17 ans, qui termine
son secondaire, d'aller au collégial technique parce que je sais
qu'après elle pourra continuer, si elle le veut. Mais quel parent va
recommander à son enfant d'aller au secondaire professionnel si c'est,
finalement, pour l'hypothéquer pour le restant de sa vie? Ça,
c'était ma première...
Bon, en fait, je vous laisse sur ces considérations-là et
je reviendrai sur la question de la main-d'oeuvre.
M. Bisaillon: O.K. Pour répondre à votre
dernière question, parce que je vois deux questions. Vous avez dit:
À quel niveau doit-on discuter de ces choses-là? Mais, quelques
informations... D'abord, actuellement, il est possible de passer du D.E.P. -
diplôme d'études professionnelles - au collégial. C'est
possible.
La Présidente (Mme Harel): C'est possible d'une
façon régulière?
M. Bisaillon: Oui. Ce n'est pas facile. Je ne dirais pas que
c'est facilitant, même, mais c'est possible. Soyons polis: Ce n'est pas
impossible.
La Présidente (Mme Harel): O.K. D'accord.
M. Bisaillon: O.K. Ce n'est pas pensé comme ça,
là. Deuxièmement - là, il faut y réfléchir -
si on baisse les seuils de la formation de
base au secondaire avant d'arriver à la formation
professionnelle, bien, là, c'est clair que ça va être
totalement impossible de passer au collégial. Ça, il faut se le
mettre dans la tête.
Troisièmement, il y a des emplois, à l'heure actuelle, de
niveau ouvrier qui, à mon avis, ne sont pas dédaignables sur le
plan social. Il ne faut pas, moi, je pense, faire miroiter au départ
à tous les jeunes que l'avenir ne passe que par la formation
collégiale, que par la formation technique. Ce qu'il faut dire aux
jeunes, cependant, c'est que si vous voulez exercer un emploi qui va vous faire
gagner votre vie raisonnablement comme ouvrier, il faut que vous sachiez que
vous avez la possibilité de continuer plus loin, soit après, soit
immédiatement après, soit en revenant sur le marché de la
formation après une expérience. Vous m'avez dit: Où on va
régler ces questions-là? Moi, je dirais: À trois niveaux.
Je pense qu'il y a des choses qui se font sans discussion trop trop à
l'heure actuelle. Mais vous savez tous, ici, que l'assiette sociale diminue
dans les budgets. Si, dans l'assiette sociale, la sécurité du
revenu, le recyclage et le perfectionnement deviennent tellement une question
de survie de la société qu'on décide de tasser la
formation qualifiante, ça ne se passera pas comme ça, là.
Mais, par voie de conséquence, d'investir moins dans la formation
qualifiante, on va venir de choisir une des hypothèses qui
étaient soumises par le député d'Abitibi-Ouest
tantôt sans que ça ne se passe délibérément.
On va dire: Bien, faisons ce qu'on peut avec ce qu'on a pour le moment avec les
jeunes. De toute façon, on les reprendra plus tard. Ça, c'est
extrêmement coûteux au plan d'une société. Donc, je
pense qu'il y a une discussion sociale, de société à y
avoir à ce niveau-là.
Deuxième niveau. C'est au niveau des réseaux, entre le
secondaire et le collégial et entre le collégial et
l'université. Comment peut-on faire en sorte que les filières
professionnelles ne soient pas des enfarges, mais soient en continuité?
Comment faciliter les passages? Quitte à ce qu'on fasse des compromis,
non pas sur l'essentiel - il ne le faudrait pas - mais sur les parcours. Il y a
déjà 17 % des diplômés du technique qui vont
à l'université, du collégial technique qui vont à
l'université. Donc, c'est possible. !! faut que ce soit possible aussi
entre le secondaire et le collégial.
Troisièmement, troisième niveau, il faut que ça se
jase, ces affaires-là, et c'est entre l'école et l'entreprise, de
deux façons, je dirais. L'entreprise exige, a beaucoup de remarques, de
commentaires à faire sur la qualité de l'éducation. Or,
elle est maintenant partie prenante de l'élaboration des programmes. Il
faudrait, en contrepartie, qu'elle soit ouverte à ce que la formation se
fasse aussi en entreprise à l'occasion, donc, qu'elle dégage des
places de stage, qu'elle facilite l'exploration des jeunes. Il faudrait aussi
que l'entreprise tienne un discours univoque sur la qualité de la
formation. Je veux dire, on ne peut pas, en même temps, dire à des
jeunes: «La scolarisation, c'est très important, le niveau
minimum, à l'avenir, ça va être ce que j'ai entendu, moi,
le collégial», et dire en même temps: «Venez
travailler pendant que vous étudiez - jusqu'à 25, 30 heures
semaine - ça coûte moins cher à l'entreprise; il y a de
l'avenir pour vous autres là-dedans». On ne peut pas tenir deux
discours. Alors, il y a une réflexion à faire aussi de ce point
de vue là, des exigences à la formation. Et ça, je pense
qu'on ne l'a pas encore entendu. C'est pour ça qu'à notre avis,
sur le travail rémunéré des jeunes, on pense que les
employeurs doivent tenir un discours cohérent aussi là-dessus.
Vous savez qu'à l'heure actuelle l'envers de la médaille, des
jeunes de 16 ans qui travaillent, c'est le chômage chez les 16-24 qui est
le plus élevé, qui est plus élevé dans cette couche
d'âge que dans toutes les autres. C'est exactement les deux faces de la
même médaille. Alors, il faudrait qu'il y ait une prise de
conscience. Donc, c'est à trois niveaux, autrement dit, pour
répondre à votre question globale.
La Présidente (Mme Harel): Une dernière question,
M. Bisaillon. Moi, j'ai assisté, comme porte-parole de l'Opposition en
main-d'oeuvre et formation professionnelle, à l'examen du projet de loi,
à l'examen du livre blanc sur la main-d'oeuvre. Le discours que
l'entreprise en général, à quelques exceptions... mais le
discours que l'entreprise a tenu lors de cette commission en est un de
rapprochement avec le monde de l'éducation, essentiellement.
Une voix: C'est vrai.
La Présidente (Mme Harel): Cependant, la question, c'est
de savoir comment, comment ce rapprochement-là doit se faire. Vous nous
dites: En facilitant les stages, en facilitant la formation par alternance.
Mais par quel mécanisme? À part la Conférence permanente
d'adaptation de la main-d'oeuvre, où vous recommandez une modification
de la composition, pour laquelle vous recommandez une modification de la
composition, à la page 69 de votre avis, pour y introduire de nouveaux
partenaires... Mais, tout ça se joue à un niveau bien
éloigné, n'est-ce pas, du terrain? Alors, sur le terrain, comment
doit se faire le rapprochement? (16 h 50)
Je reviens à une question qui est abordée dans votre avis
et qui est la question de l'estimation des besoins. Vous dites, à bon
droit, que c'est en 1984, avec le gouvernement précédent, que le
partage des eaux s'est fait entre l'offre et l'estimation des besoins: alors,
l'offre au ministère de l'Éducation et l'estimation des besoins
à la Main-d'oeuvre. Bon. Vous nous dites qu'il ne peut pas y avoir
d'estimation des besoins réussie sans que ça se fasse en deux
étapes. Pour les
compléter, ces deux étapes, il faut un partage, n'est-ce
pas? Ceci dit, une fois que c'est dit, là, comment ça se
réalise, ça? Parce que, pour tout de suite, les CFP sont,
évidemment, jalouses de ce pouvoir qui leur a été
conféré d'estimer les besoins, mais voient se développer
à côté des services aux entreprises dans les commissions
scolaires, dans les cégeps. Alors, sur le terrain, une même
entreprise peut recevoir quatre, cinq, six différents agents qui
viennent lui faire la promotion des cours qu'ils ont à offrir, etc.
Comment ça doit se passer, l'estimation? Il faut revenir
là-dessus. C'est une question qui a à peine été
effleurée par la commission qui entendait les mémoires sur le
projet de loi 408. Ça a à peine été
effleuré, mais faut-il revenir explicitement sur cette question
d'estimation, partager entre le ministère de l'Éducation et celui
de la Main-d'oeuvre cette responsabilité ou, au contraire, faut-il,
à un moment donné, se dire, comme le proposait la commission
Jean: Un nouveau ministère de l'emploi et de la formation
professionnelle qui rapatrie le tout de ce qui se faisait au MEQ et à la
Main-d'oeuvre et qui repart sur une base nouvelle?
M. Bisaillon: Sur la dernière question, on n'ira
sûrement pas dans les structures, vous comprendrez bien, mais ce qu'il
faut comprendre, c'est que, quand on estime des besoins, ce sont des besoins de
formation. À moins qu'on ne décide demain matin que,
dorénavant, pour toutes sortes de raisons, dont l'une, la principale,
j'imagine, serait que le système d'éducation ne vaut pas cher, si
on arrivait à cette conclusion-là, on pourrait dire: L'estimation
des besoins, dorénavant, se fera seulement à la Main-d'oeuvre et
Sécurité du revenu.
La Présidente (Mme Harel): Mais ça se fait
uniquement là, théoriquement.
M. Bisaillon: Oui, théoriquement, et c'est pour ça
que ça ne marche pas, parce que c'est une vision des choses. Dans
l'estimation d'un besoin, même faite par une commission de formation
professionnelle... et on va très loin, nous. On dit: Oui, ils devraient
le faire. Il reste un petit bout. Comme c'est de la formation, c'est la
dimension pédagogique, ça ne peut pas être fait ailleurs
que dans un système scolaire, à moins qu'on ne décide que,
dorénavant, on sort tout ça du système scolaire.
Ça, il nous semble que, s'il n'y avait pas une situation de concurrence,
mais une espèce d'entente dans les milieux, pas pour partager dans le
sens de «toi, tu fais ça», et «moi, je fais
ça», mais dans le sens de «on fait ensemble telle affaire,
et voici le mécanisme par lequel on va le faire», ça
atténuerait beaucoup de problèmes qui sont des problèmes
inventés des fois, parce qu'il y a des milieux même où
ça marche. Il y a des milieux où ça fonctionne très
bien. Ils ont réglé leurs problèmes à la base, eux
autres, entre l'Éducation et la Main-d'oeuvre parce qu'ils ont compris
que ça nuisait aux clients, que ça nuisait au monde. Mais ce
n'est pas ça qu'ils comprennent comme étant le fonctionnement du
système.
Sur la question des rapports école-entreprise,
déjà, là, les entreprises sont très
présentes dans la mise à jour des programmes.
L'élaboration et la mise à jour, on n'est pas contre ça.
Nous, on pense que, quelque part, il faut qu'on valide des formules
d'alternance ou même une politique d'apprentissage et qu'on
l'expérimente. Je pense qu'on ne pourra pas, au Québec,
généraliser ça demain matin - ça serait faire
fausse route - mais qu'on fasse des expériences concrètes au lieu
de juste en parler. Qu'on choisisse trois, quatre régions où on
va prendre un milieu et on va dire: Les conditions sont réunies, on met
de l'argent là-dedans et du soutien et, après ça, on va
peut-être découvrir - effet de contagion - qu'on est capable de le
faire et que ça donne des idées aux autres, plutôt que de
dire à tout le monde: Vous implantez ça à partir de telle
date. Les gens disent: On n'est pas capable, on n'a pas la connaissance, les
outils, la culture qu'il faut. C'est un petit peu comme ça, je pense,
qu'on réforme un système.
La Présidente (Mme Harel): Merci, M. Bisaillon. La parole
est au député d'Abitibi...
M. Gendron: À moins...
M. Cameron: Je vais laisser le...
La Présidente (Mme Harel): ...au député de
Jacques-Cartier?
M. Cameron: Passez.
La Présidente (Mme Harel): Pas cette fois-ci.
M. Gendron: Moi, je voudrais revenir sur une couple de choses
plus précises dans vos avis, M. le Président du Conseil
supérieur. Entre autres, vous avez porté à ma connaissance
un jugement passablement exact sur ce qu'on constate, que si on ne met pas en
place un véritable système d'alternance formation-études
et que si on n'accroît pas les stages en milieu de travail, bien, il y a
de la perte d'intérêt. Il y a, éventuellement, un manque de
motivation chez les jeunes et aussi la carence précise de ne pas avoir
l'occasion de toucher à des choses concrètes qui se font dans le
milieu du travail.
Ça fait plusieurs années que j'entends ça du
Conseil supérieur, que ça n'a pas de bon sens. Là, il n'y
a pas de blâme à vous, je veux dire, et il n'y en a pas plus
à l'institution. La question que j'aimerais discuter avec vous: Comment
se fait-il qu'au Québec on serait à ce point différent?
Ça fait des années qu'on dit: II y a
une lacune grave dans l'absence de relations concrètes entre des
gens en formation en enseignement professionnel et des expériences, des
fois, entre guillements, en chantier, mais je vais la mettre tellement large,
ma notion de chantier, que, de temps en temps, c'est une PME et, de temps en
temps, c'est un vrai chantier. Est-ce que vous avez fouillé les causes,
les raisons? Qu'est-ce qui fait, concrètement, qu'on est toujours
obligés de faire le point sur tout, de rappeler que ça n'a pas de
bon sens, de faire des bonnes recommandations pour corriger ça, et il
semble se passer à peu près rien? Il ne semble pas y avoir de
correctifs, et il me semble que ce serait décevant de se revoir
possiblement dans un an ou un an et demi et d'avoir le même constat, soit
qu'il n'y a pas de liens, même si vous avez une belle recommandation
d'alternance formation-études et d'accroître les stages en milieu.
C'est quoi, les facteurs principaux qui font que cette pratique n'est pas
répandue? Croyez-vous que le problème soit davantage l'absence de
collaboration et de volonté au niveau des PME ou si c'est le cadre trop
rigide qui fait qu'un jeune fatigant étudiant, on ne veut pas voir
ça sur le marché du travail, temporairement? J'aimerais ça
que vous soyez concret, là, très précis.
M. Bisaillon: Bien, je vais dans le... Concret et global, si vous
le permettez...
M. Gendron: Oui, oui, à votre choix.
M. Bisaillon: ...il faut reconnaître qu'il y a là un
effet de choix historique qu'on a fait. On a fait un choix historique, au
Québec, quelque part, autour de la commission Parent, le rapport Parent
qui a dit: Ça va se passer dans le système d'éducation.
Ça, quand ça fait un certain nombre d'années que ça
dure comme ça, ça crée des sédimentations, pour
employer un mot qui, j'espère, ne sera pas perçu comme
exagéré, mais ça crée des comportements, des
attitudes d'isolement. Ça, c'est dur à briser et c'est
là-dedans qu'on est. Il y a des failles, cependant, des failles
heureuses - pas au sens catastrophique - qui se produisent. Il ne faut pas
penser, malgré un diagnostic comme ça, qu'il ne se fait pas des
expériences. Il se fait des expériences dans l'école
aérospatiale, à Montréal, je pense, en pétrochimie,
beaucoup au collégial, énormément au collégial, des
transferts technologiques qui supposent donc des collaborations, mais - comment
vous dire - il n'y a même pas de culture de formation en entreprise,
parce qu'on est toujours pris à survivre. C'est ça le
problème de la PME. Comment voulez-vous, en plus, investir, en surplus,
des efforts pour accueillir des jeunes du milieu scolaire quand je ne
réussis pas à former mes travailleurs. Il y a déjà
là un problème, qui est majeur, et, je dirais, sur le plan global
- moi, je pense, c'est personnel, je ne veux pas engager tout le Conseil
là-dedans -il me semble que tant qu'on n'a pas le sentiment d'urgence
assez fort, les systèmes continuent i fonctionner en
parallèle, les ministères aussi, etc. Alors, les écoles,
les entreprises reçoivent le message. Il y a aussi des rapprochements
qui se font, depuis un certain temps, en formation sur mesure, mais je ne
dirais pas que c'est des modèles qui sont
généralisés pour le moment.
M. Gendron: Avez-vous un avis, également, sur le
même sujet, mais par rapport à un des éléments -
là, c'est parce que je ne l'ai pas directement au texte - quand vous
parliez d'une plus grande collaboration, d'interdépendance entre les
partenaires production-éducation? Là, moi, je vais être
assez concret. Je sais que l'appel au secours au niveau du ministre de
l'Industrie et du Commerce avec ses grappes industrielles et la
nécessité de revoir nos orientations pour une entreprise plus
compétitive, en termes concrets, les liens ou les jonctions entre
l'Éducation, la Main-d'oeuvre et Sécurité du revenu et
l'Industrie et Commerce à des chapitres comme ceux qu'on est en train
d'aborder, très concrètement, est-ce que vous croyez que
ça se fait? C'est quoi les lacunes? Est-ce que vous sentez qu'il y a une
vision, quelque part, de complémentarité qui fait que certains
besoins seraient mieux comblés? (17 heures)
M. Bisaillon: Je ne dis pas qu'il ne se fait rien, mais ce n'est
pas un sentiment généralisé qu'il se fait tout ce qui
devrait se faire. Puis, je vais prendre un exemple très concret. Je ne
veux pas faire de politique, comprenons-nous bien, mais ce qui serait
souhaitable: Voilà, on isole une grappe. Prenons-en une, n'importe
laquelle.
La Présidente (Mme Harel): L'imprimerie. M. Bisaillon:
Pardon? La Présidente (Mme Harel): L'imprimerie. M.
Bisaillon: C'est une grappe, ça?
La Présidente (Mme Harel): Non, mais ça devrait en
être une.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bisaillon: Ah bon! Je ne veux pas embarquer dans le
découpage des grappes, mais prenons-en une qui existe: la technologie de
l'information, comme je le disais tantôt. Paraît-il qu'il y a un
développement majeur au Québec qui s'en vient là-dedans.
Vous mettez là-dedans le ministère de l'Industrie et du Commerce
qui configure la grappe, qui connaît les investissements potentiels. Vous
mettez là-dedans le
développement régional qui dit: Voici ce dont on dispose
dans telle ou telle région du Québec. Vous mettez
là-dedans les deux ministères Enseignement supérieur et
Éducation qui disent: Voici le type de formation auquel il faut
déjà penser si on veut se positionner dans 5, 10, 15 ans comme
société dans ce marché international. Voici donc comment
nous allons répondre à ces besoins de formation. Ça peut
être en allant chercher de l'expertise déjà existante dans
des entreprises; ça peut être en ouvrant un programme dans un
cégep parce qu'il n'existe pas encore. On est proactif, on
prépare l'avenir à tous points de vue et, en même temps, en
termes de formation, de développement régional,
d'investissements. Voilà le genre d'utopie que nous souhaitons, sachant
très bien que ce n'est pas comme ça que ça se passe dans
la vraie vie, tout le temps. On pense que si on allait vers des choses comme
celles-là, on serait plus forts, mais ce n'est pas notre rôle
d'aller plus loin que ça, vous comprendrez bien. C'est un exemple
là.
Seuil minimal de durée de la formation
professionnelle
M. Gendron: Je comprends. C'est plus d'avoir une
évaluation de l'extérieur, d'une lunette extérieure,
comment vous voyez ça, et j'ai eu votre commentaire. Je le reçois
pour ce qu'il est.
J'aurais une question sur... je l'avais laissé voir tantôt.
À la page 22 du petit avis, vous dites souhaiter qu'on fixe un seuil
minimal de durée de la formation professionnelle et vous avancez
à cet égard un seuil se situant alentour de 600 heures de
formation. Il y a d'autres intervenants qui prétendent qu'il faudrait
s'assurer que la formation de base soit plus importante. Lorsque vous avez fait
cette suggestion de seuil - parce qu'on se comprend bien, ça ne veut pas
dire de ne pas en prendre plus, je veux dire, c'est le minimum qu'on doit
exiger - c'est quoi les paramètres que vous avez retenus pour
établir que, 600 heures, ce serait, tout compte fait, admissible ou
valable pour asseoir une formation professionnelle? C'esi dec comparaisons
internes, entre provinces, entre pays, d'autres cultures, d'autres...
M. Bisaillon: 900 heures à l'heure actuelle, c'est
l'équivalent d'une année de formation.
M. Gendron: Oui.
M. Bisaillon: Nous, on se dit deux choses: C'est pensable qu'en
bas d'une année de formation, de spécialisation, entre
guillemets, en formation professionnelle, on puisse appeler ça de la
formation professionnelle? Deuxièmement, c'est possible de donner un
diplôme à quelque chose dont on ne connaît pas la
durée? Autrement dit, si les employeurs ne savent pas quelle extension
il y a dans ce contenu de cours-là, pensez-vous qu'ils vont accorder de
l'importance au diplôme qui va en découler? Non. Nous, on pense
qu'on est dans une société où ça fonctionne comme
ça. Il y a une hiérarchie de diplômes, puis il y a des
diplômes qui correspondent à des durées. On sait
qu'à l'université un certificat et un bac, ce n'est pas la
même chose. Une des raisons pour lesquelles on sait que ce n'est pas la
même chose, c'est que ça ne dure pas le même temps. Alors,
voyez-vous, nous autres, on dit: Ça prendrait au moins un minimum pour
ne pas se ramasser avec cas D.E.P. de 200 heures ou de 150 heures qui vont
faire en sorte qu'à un moment donné on va se rendre compte que ce
n'est plus reconnu. Ça existe, oui, mais ça ne donne pas
accès à des emplois vraiment. Alors, c'est dans ce sens-là
qu'on a dit: II nous semble qu'autour du diplôme, de sa
crédibilité, il y a des seuils.
M. Gendron: C'est ce que j'avais conclu, puis ce que j'avais vu.
Mais, est-ce que vous avez été en mesure de fouiller dans
l'énoncé du ministre, parce que c'est le ministre qui dit: Moi,
je voudrais envisager la possibilité d'éliminer, pour l'obtention
d'un diplôme d'enseignement professionnel, éventuellement, une
formation déterminée, autant en seuil d'entrée qu'en
contenu terminal, ce qui fait qu'à un moment donné on dit:
Ça va être huit mois, deux ans ou un an et demi de formation?
Avez-vous pu déceler ce sur quoi il s'appuyait pour envisager que ce
serait plus logique dorénavant d'offrir des diplômes
d'enseignement professionnel sans aucune durée minimale qui serait
établie dans la nouvelle filière? C'est quoi? Ils s'appuyaient
sur quoi? Je sais que vous avez dénoncé ça, vous, entre
guillemets, vous avez dit que vous n'étiez pas d'accord
là-dessus. Vous venez de l'exprimer.
M. Bisaillon: Non, mais quant à l'intention finale du
ministre, on ne sait pas ce que ça va être, parce qu'il y a une
réforme du régime pédagogique, du règlement sur le
régime pédagogique en formation professionnelle qui s'en vient,
dans lequel projet on devrait connaître l'intention du ministre. Je ne
sais pas, je ne peux pas vous dire aujourd'hui si la proposition de
modification qu'il va faire achète, entre guillemets, la recommandation
qu'on lui a faite sur un aspect du règlement qui s'en vient.
Comprenez-vous? Alors, je ne sais pas...
M. Gendron: Je comprends, mais regardez là...
M. Bisaillon: Mais vous me demandez d'expliquer la logique du
ministre à la place du ministre. J'ai des problèmes avec
ça.
M. Gendron: Non, non, non. Là, vous allez avoir des
problèmes avec ça, et je ne vous
demanderais jamais ça. Je vous connais, tous les deux.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Non non, mais trêve de plaisanteries.
Trêve de plaisanteries, c'est écrit ça, là. À
partir du moment où M. Bisaillon, comme président du Conseil
supérieur, vous avez une opinion et un avis, en disant: «Nous, on
ne recommande pas ça, on n'est pas d'accord», bien, ça veut
dire que vous avez vu ça quelque part. Il y a quelqu'un, quelque part,
qui vous a permis de vous exprimer là-dessus pour dire que ce n'est pas
valable. Alors, c'est juste ça que je vous dis. Qu'est-ce qui sous-tend
la note ou l'écrit qui laisse voir que, dorénavant, on pourrait
envisager des diplômes en formation professionnelle sans aucune
durée minimale établie dans la filière
prédéterminée?
M. Bisaillon: Je ne peux pas répondre à ça.
Je m'excuse, ce n'est pas parce que je ne veux pas, mais on a eu une demande
avec un projet...
M. Gendron: Oui.
M. Bisaillon: ...qui disait qu'il n'y avait pas de durée
minimale. Nous, on a dit au ministre: On pense que c'est dangereux; vous
discréditez le diplôme.
M. Gendron: Oui, là, vous me répondez. Vous me
dites: C'est que c'est venu...
M. Bisaillon: C'est pour ça que je vous ai parlé de
la crédibilité du diplôme tantôt.
M. Gendron: Oui, d'accord. Mais, je veux dire, ça
été énoncé de prime abord dans l'avis du ministre,
sur l'éventuel règlement qu'il veut modifier en enseignement
professionnel.
M. Bisaillon: Vous l'avez en annexe, page 34, la demande qui nous
a été faite parce que ça, ce n'est pas un avis qu'on a
fait à notre initiative, mais en réponse à une
demande.
M. Gendron: Non, non, je sais, en réponse...
M. Bisaillon: Alors, vous avez la demande qui est le petit avis,
à la page 34, c'était la proposition. Maintenant, je ne sais pas
ce qui va en advenir dans la réforme finale.
M. Gendron: Je comprends. Mais, dans la proposition, le ministre
vous disait, envisageait cette situation-là.
M. Bisaillon: Bien, à l'article 58...
M. Gendron: Oui, la durée de la formation conduisant
à un diplôme d'études professionnelles varie...
M. Bisaillon: Alors, l'article est remplacé par: La
durée de la formation conduisant à un diplôme
d'études professionnelles varie selon le programme d'études
choisi. Alors, nous, on a dit: II n'y a plus de 900 heures, ça veut dire
qu'il pourrait y avoir des 200 heures? Comme on voulait éviter le
charriage, on a dit au ministre: On pense qu'une durée minimale,
ça garantirait la crédibilité du diplôme. C'est en
relation avec ce projet-là.
M. Gendron: Ça va, vous me répondez... Toujours
dans la même veine, là, il a également été
envisagé d'abolir complètement la filière conduisant au
C.E.P. Vous êtes familier avec ça, le C.E.P. - pour les autres,
c'est le certificat d'enseignement professionnel - qui disparaîtrait tout
simplement, là. On éliminerait ça. L'ensemble des
programmes, parce qu'il y en avait quand même, des programmes, dans la
filière du certificat d'enseignement professionnel, serait
intégré à la formation conduisant à un
diplôme d'enseignement professionnel. C'est quoi votre avis
là-dessus?
M. Bisaillon: Est-ce que vous permettez, le secrétaire du
Conseil va répondre à cette question-là.
M. Gendron: Oui bien sûr, bien sûr.
M. Proulx (Jean): Bien, notre avis là-dessus, c'est que,
nous, on est d'accord avec la disparition des C.E.P., des certificats
d'études professionnelles. On ne s'objecte pas à ça. On ne
dit pas non à cette chose-là, sauf qu'on dit: II ne faut pas que
ce soit une opération purement cosmétique. Alors, ça
serait une opération purement cosmétique s'il n'y avait pas un
certain enrichissement de cette formation-là.
C'est pour ça que, nous, dans notre avis, on suggère, on
dit: Si vous intégrez cette formation à un D.E.P., à un
diplôme dans une filière qui mène au diplôme
d'études professionnelles, vous devriez la rendre, d'une part, plus
fonctionnelle, en favorisant des formules de formation par alternance et vous
devriez, d'autre part, la rendre plus polyvalente. D'où, aussi,
l'exigence d'un minimum de 600 heures de formation. Si on intègre
l'ancienne filière C.E.P. dans la filière D.E.P., on dit: II faut
au moins 600 heures de formation si on veut un peu enrichir cette
formation-là d'un point de vue plus fonctionnel et d'un point de vue de
polyvalence aussi de cette formation-là, d'ouverture davantage à
un champ professionnel dans cette formation, les anciennes formations de C.E.P.
(17 h 10)
Donc, on n'est pas contre qu'elle soit intégrée, mais on
est contre une opération purement cosmétique, ce qui nous
semblait être
un peu l'opération qui se préparait, mais...
M. Bisaillon: La genèse de cette demande-là, c'est
des pressions de la Main-d'oeuvre sur l'Éducation, on ne se le cachera
pas. La Main-d'oeuvre qui dit: Moi, j'ai une clientèle qui n'a pas
accès aux programmes de formation professionnelle à cause des
seuils. On peut accommoder cette clientèle-là? Le plus bel
exemple - même si je ne veux pas en particulariser un - c'est une
personne qui exerce un emploi depuis 25 ans, 15 ans; qui fait bien sa job; qui
perd son emploi et parce qu'elle n'a pas, en temps utile, satisfait aux seuils
qui existent maintenant, elle n'aura pas accès à une formation
professionnelle, en termes de recyclage.
Alors, nous, on a dit: Oui, il faut regarder ça. Il faut
être sympathique à ça. Il faut, cependant, qu'il y ait une
formation générale, qu'on établisse le niveau de
développement général qui peut être
l'équivalent de cours actuels, et des seuils fonctionnels qui peuvent
être l'équivalent d'habiletés actuelles. Mais, pas ouvrir
les vannes en faisant croire aux gens qu'ils vont être qualifiés.
Il faut donc - et c'est le sens de notre avis, un petit peu - oui, favoriser et
faciliter les parcours. C'est vrai. Sans ça, on perd la
crédibilité comme système d'éducation. Si on dit,
au départ: Dorénavant, à partir de tel âge, vous ne
pouvez plus revenir dans le système si vous ne satisfaites pas aux
exigences, telles qu'elles se posent aujourd'hui-Donc, c'était ça
l'assouplissement qu'on recommandait, mais pas la débandade. Donc, un
minimum d'heures, ça fait partie des balises. La reconnaissance des
acquis, voyez-vous, là, elle vient de prendre toute sa place, mais
ça fait 12 ans, au Québec, qu'on en parle.
M. Gendron: Je vais revenir sur les acquis tantôt, avant de
passer à un collègue. Mais j'aimerais quand même que vous
m'indiquiez... Est-ce que vous êtes en mesure de dire la connaissance que
vous auriez quant aux clientèles, juste une quantification
numérique, une quantification numérique de ce qu'on discute
là? Si on abolit la filière du C.E.P.. pour les gens, il faut
savoir: Est-ce que c'est 3000, 5000, 10 000, 15 000 jeunes? C'est marginal?
C'est quoi?
M. Bisaillon: Incapable. M. Gendron: Incapable?
M. Bisaillon: Incapable de quantifier ça pour le moment.
Je ne dis pas qu'on ne pourrait pas vous répondre en faisant des
recherches, mais il y a là-dedans, à la fois des adultes et des
jeunes. Mais je ne suis pas capable.
M. Gendron: Oui, mais si je dis que c'est marginal, il me semble
que je suis correct en disant ça, 200 ou 300 dans le
«top».
M. Bisaillon: Ah non! Je pense que c'est... Il me semble que
c'est plus que ça.
M. Gendron: Oui? M. Bisaillon: Mais là...
M. Proulx: Abolir la filière, ce n'est pas abolir les
programmes.
M. Gendron: Non, j'ai compris.
M. Proulx: Ce n'est pas abolir les programmes. Donc, ces
gens-là pourront continuer dans ces programmes-là, mais on ne
peut pas dire combien de monde, par exemple.
M. Gendron: Mais là, de toute façon, ce n'est pas
majeur. Mais, à ma connaissance, quand même que ça serait
300 ou 400, moi, selon l'information que j'avais, il n'y a pas vraiment de
concentration numérique. Le quantum est fait. Je voulais juste savoir si
vous aviez un avis là-dessus.
M. Bisaillon: II n'y a pas de concentration numérique.
Mais moi, j'ai compris que ça pouvait faire la différence, dans
des régions, entre ouvrir un programme ou le fermer. Par exemple, je
fais une hypothèse. Il y a 15 personnes dans le C.E.P. du temps, et il y
a 2 ou 3 adultes qui veulent s'ajouter, mais ils ne répondent pas aux
critères. Alors, ça peut faire la différence, semble-t-il,
entre fermer un programme et en ouvrir un à certains endroits. Alors,
moi, je ne suis pas capable de quantifier ça, mais c'est des exemples
qu'on m'a donnés.
M. Gendron: O.K. Vous avez touché toute l'importance de la
reconnaissance des acquis. C'est encore quelque chose que... Quand on a
à discuter de formation professionnelle ou à discuter
d'éducation tout court, compte tenu du changement majeur dans la
société qui fait qu'il y a beaucoup plus d'adultes qui sont
arrivés en formation, de temps en temps générale, en
formation professionnelle, pour des besoins de recyclage et pour des besoins,
encore là, de culture de société, quand on a dit: Bon,
bien, il faut qu'il y ait de plus en plus de gens qui puissent parfaire le
minimum de connaissances qu'ils ont, comme le niveau de diplomation au
Québec n'était pas tellement élevé, on a
essayé de l'augmenter. On a eu une entrée assez importante,
significative d'adultes au niveau de la formation d'appoint ou de la formation
de base. On a essayé d'évoluer dans un système qu'on
appelle la reconnaissance des acquis expérientiels ou des acquis tout
court. Vous, vous avez indiqué qu'on n'a pas tellement
évolué dans ce domaine-la, qu'on en parle encore beaucoup, mais
je vous dis qu'il n'y a pas grand-chose de fait concrètement.
Est-ce que vous pourriez nous tracer un portrait un peu plus
précis? Premièrement, les opinions que vous avez. Le constat que
vous faites, je pense qu'on le partage tous, mais ça serait d'être
probablement un peu plus exigeant dans ce qu'il y a lieu de faire pour arriver,
comme société, à ce que cette évaluation des
expériences, c'est-à-dire cette reconnaissance des acquis soit
plus significative par rapport à la quantification de la valeur comme
apprentissage pédagogique que ça peut avoir, comme formation tout
court, comme savoir tout court. Quand on disait tantôt
«évaluer des savoirs», ça ne veut pas toujours dire
sur la base d'un examen théorique écrit pour des connaissances
dites traditionnelles, comme on les enseignait. J'aimerais ça vous
entendre un peu plus serré là-dessus.
M. Bisaillon: D'abord, il n'y a pas de politique de
reconnaissance des acquis au Québec, même s'il y a eu de l'argent,
en particulier des fonds fédéraux, qui a été,
à ma connaissance, engagé précisément pour cela. La
reconnaissance des acquis, c'est la seule chance pour beaucoup d'adultes de
pouvoir entrer dans un système alors qu'en apparence ils n'y ont pas
accès. Il y a des éléments facilitants de ça,
présentement, qui font que... Par exemple, les nouveaux programmes par
compétence, qui sont modulaires, permettraient à des adultes de
faire un petit bout, d'aller chercher ce qui manque, de faire un petit bout. Il
y a donc des conditions facilitantes sur le plan de la construction des
programmes.
Il n'y a pas, cependant, de test du niveau de développement
général. Ça n'existe pas, ça. Juste,
déjà, là... Je ne parle pas d'un test de français
et de mathématiques, mais d'un test du niveau de développement
général d'un adulte qui tient compte que, depuis 15 ans, 20 ans,
il a fait des choses dans sa vie. Il en a appris. Il a développé
des habiletés. Il n'a même pas ça. Alors, voyez-vous, il y
a au moins ça à élaborer. Le projet du ministre de
l'Éducation, lorsqu'il nous a soumis sa demande, il contenait un
engagement à développer ce niveau de développement
général ou un genre de test.
Il faut aussi développer des formules pour la formation
manquante. Ce n'est pas tout de dire à quelqu'un: Voici, tu as 65 % du
chemin qu'on te reconnaît, mais il t'en manque 35 %, et on n'a rien
à te donner. Tu reviendras quand tu l'auras. On pourrait
développer des alternatives pour la formation manquante, qui ne seraient
pas nécessairement des kits de cours tels qu'on les connaît quand
quelqu'un est en continu. Tout ça, ça n'existe pas. Pour
être franc, je ne dis pas qu'un établissement n'a pas fait des
entorses ou n'a pas fait des efforts bénéfiques pour un certain
nombre d'adultes, mais ça n'existe pas comme modèle. Ce qui fait
qu'il y a des gens qui ont eu l'impression qu'en cognant à une porte ils
étaient appelés à de la formation et qu'on leur a
fermé la porte au nez.
Ils se sentent dévalorisés dans ce qu'ils ont fait depuis
10, 15 ans, parce que c'est ça, le drame. Ce n'est pas juste de savoir
que tu ne peux pas accepter une formation. C'est ds comprendre, de conclure que
même ce que tu as fait - et que tu te pensais bon depuis 10, 15 ans -
ça ne t'a pas enrichi, ça ne t'a pas développé.
Alors, je pense que, de ce côté-là, je sais qu'il y a des
gens qui font l'hypothèse qu'il faudrait peut-être
expérimenter dans l'enveloppe même de base des
établissements ou des réseaux ou des collèges, en
particulier, un volet de reconnaissance des acquis. Bon.
Il faudrait peut-être qu'on mette des ressources là-dessus
à temps plein, mais c'est sûr que ça freine, je pense,
l'accessibilité des adultes et la persévérance des
adultes. Ça, ça nous a été dit assez clairement
aller et retour dans nos consultations.
M. Gendron: Vous n'avez pas été capable de les
quantifier. Vous n'avez pas été en mesure de quantifier comment
ça peut...
M. Bisaillon: Ça ne peut pas se quantifier parce que qui
peut dire combien de gens frappent à la porte des institutions dans une
société et combien s'en retournent?
M. Gendron: Eh bien là, avec l'enveloppe fermée,
probablement qu'on va pouvoir le savoir davantage, ceux qui vont se faire
refuser.
M. Bisaillon: Mais vous verrez dans l'avis qu'on va publier sur
l'éducation des adultes, dans le bilan qu'on fait des 10 ans, que la
reconnaissance des acquis est perçue par les adultes en
général qui sont présentement en formation, et par le
personnel des adultes, comme étant une charnière qui peut
déterminer où je m'en vais, ou si j'ai de l'avenir ici. (17 h
20)
M. Gendron: Avez-vous un avis sur l'harmonisation du secteur
jeunes et adultes depuis qu'on a décidé d'harmoniser ça,
puisque c'est comme si on vous maintenait au travail volontairement. On a fait
l'harmonisation, puis là, on demande au Conseil: Dis-nous tous les
problèmes qu'on vient de créer en faisant ça. Parce que
ça vient de vous autres, le fait de nous indiquer qu'il y a de
plus en plus de jeunes qui disent: Ecoute, c'est mal adapté, ça
ne correspond pas à nos besoins, ça ne répond pas à
nos attentes. C'est vous autres qui avez produit cet avis-là. Ça
fait un peu curieux. J'aimerais ça savoir si vous avez un point de vue
particulier sur le fait qu'on a harmonisé les deux niveaux, et si vous
avez des critiques précises qui permettraient, éventuellement,
d'apporter les correctifs qui s'imposent, parce que je ne pense pas
qu'au-delà de la difficulté qu'on a maintenant d'avoir le chiffre
numérique de jeunes, spécifique... Parce que
chaque commission scolaire a presque la capacité de
décider de les classer comme elle veut, adulte ou jeune. C'est quoi,
votre point de vue là-dessus?
M. Bisaillon: On pourrait dire qu'on se ferait trahir par ce
qu'on a écrit, si on disait qu'on est contre. Il faut admettre que, dans
certains milieux, ça a sauvé des programmes. Cependant,
«harmonisation», ça n'a jamais voulu dire pour nous
«uniformisation». Quel que soit l'ordre d'enseignement, on se rend
compte, et dans l'enquête qui accompagne l'avis qu'on va publier sur
l'éducation des adultes, il y a des adultes qui nous l'ont dit, qu'il y
a des limites à ne pas dépasser. Si, moi, je suis un
étudiant jeune qui ai tout mon temps pour faire mes études -
enfin, si je pense comme ça - et que je suis dans le même cours
qu'un adulte qui est pressé de finir parce que, lui, il vient en
relation avec l'emploi qu'il faut qu'il conserve, qu'il préserve, qu'il
sauve ou qu'il change, et que ça crée une conjoncture dans la
classe où, finalement, la pédagogie est plus adaptée
à ceux qui ont leur temps, tout leur temps dans leurs poches, les
adultes sont frustrés. On connaît le problème au
secondaire, à l'heure actuelle, avec les jeunes de 16-18 ans, qui sont
des jeunes du secondaire, dans le fond, avec un âge légal d'adulte
- légal, au sens de la Loi sur l'instruction publique - qui n'ont pas le
même type de problème. Alors, faire de la discipline à
l'éducation des adultes, c'est une moyenne surprise pour les formateurs;
ils ne sont pas habitués à ça. Est-ce que ça veut
dire qu'on va ramener les gens au secondaire? Ce n'est pas ça que
ça veut dire. Ça veut dire qu'il faut que l'école, les
établissements tiennent compte qu'il y a là deux
clientèles qui peuvent être harmonisées, mais pas
confondues, en termes de besoins, et qu'il y a des jeunes qui ont des besoins
d'orientation qui ne sont pas ceux des adultes. C'est là qu'on est
allé, finalement, mais pas plus loin.
M. Gendron: Merci.
La Présidente (Mme Harel): Oui. M. le
député de Verdun.
Pouvoir informel de l'entreprise
M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente. Je vais revenir
maintenant sur les pages 79 et 81 de votre document, c'est-à-dire les
freins que vous voyez au partenariat. Je vais vous poser successivement... Les
freins, c'est-à-dire les manières nécessaires de maintenir
l'équilibre. Vous l'avez dit d'une manière positive, moi, je vous
le dis d'une manière un peu négative, disons. Ensuite, je vais
tâcher d'aller avec vous explorer un peu les solutions, parce que vous
êtes relativement succinct dans la partie des solutions,
c'est-à-dire ce qui est en bas de la page 81 et au début de la
page 82. Autrement dit, on est en train de... Vous réfléchissez,
à ce moment-là, dans les consultations que vous avez faites, sur
les difficultés qu'il y a de maintenir l'équilibre entre, d'une
part, les entreprises et, d'autre part, le réseau de l'éducation,
dans la formation professionnelle. Alors, la première question, c'est le
pouvoir informel de l'entreprise, le premier phénomène que vous
voyez. Je suis en haut de la page... Autrement dit, je veux aller avec
vous...
M. Bisaillon: O.K. Ça va.
M. Gautrin: Peut-être que je pourrais les poser
globalement, ce serait peut-être plus facile pour vous de
répondre. Autrement dit, je voudrais vous demander de développer
un peu plus précisément ce que vous voyez comme frein ou comme
problème dans le pouvoir informel de l'entreprise. Vous avez
abordé un petit peu la sous-utilisation du réseau public. C'est
vrai, mais, malgré tout, si on veut laisser une part à
l'entreprise, on ne peut pas la forcer à utiliser le réseau
public. Vous avez abordé aussi la concurrence entre les
différents établissements; dans votre exposé initial, vous
l'avez fait. Je voudrais quand même, peut-être, vous amener
à préciser un peu ce que vous avez dans la tête. Il y a le
problème du financement, c'est le point quatre que vous abordez à
la page 81. Vous dites: «Les solutions ne sont pas
évidentes». Ça, c'est le dernier paragraphe de la page 81.
Donc, ma question après, ce serait d'essayer d'explorer avec vous
quelles sont les solutions pour développer et améliorer ce
partenariat. Alors, je ne sais pas si vous voulez que je passe point par point
ou si vous préférez y aller plus globalement. Je peux m'adapter
à votre choix.
M. Bisaillon: On peut faire une tentative de réponse
globale et ce qui...
M. Gautrin: O.K.
M. Bisaillon: ...manquera, ne vous gênez pas.
M. Gautrin: D'accord.
M. Bisaillon: Le pouvoir informel de l'entreprise, c'est dans le
contexte où, comme ça nous arrive quelquefois dans notre
société, on va d'un pôle à l'autre du balancier,
passer d'un pouvoir total du système d'éducation sur la formation
et dire à l'entreprise: C'est à prendre ou à laisser,
c'est comme ça qu'on donne ça, nous autres, un pouvoir total
à l'entreprise qui dirait à l'institution d'enseignement: Si tu
ne fais pas ce que je veux comme formation...
M. Gautrin: Je ne paie pas.
M. Bisaillon: ...je m'en vais ailleurs, je ne paie pas.
Même, j'ouvre une boite privée de
formation en laissant croire au monde que ça va être autant
reconnu que si c'était... Bon. Là, on dit: Entre les deux
extrêmes, il faut faire attention parce que si l'entreprise finance
totalement ses besoins de formation, on a peu de choses à dire sauf de
dire qu'il faut au moins qu'elle garantisse à ses employés la
valeur de la formation. Mais si c'est à partir de l'argent de
l'État, et c'est pour ça que c'est relié à la
sous-utilisation du réseau public, et que l'État finance aussi,
par ailleurs, un système public d'éducation, il nous
apparaît qu'il y a là un problème éthique au niveau
des fonds publics. Il nous apparaît qu'il y a un problème
éthique. Si L'État donne de l'argent pour de la formation, il
nous semble que l'Etat a le droit de savoir comment on utilise cet
argent-là, où il va, à qui il a servi. Je ne veux pas
là parler des contrôles bureaucratiques, mais la capacité
de l'État de rendre des comptes de sa façon de disposer des
taxes. Nous, on pense que, dans ce cadre-là, il y a une tendance
à l'heure actuelle à privatiser la formation, à la sortir
du réseau. Ça va plus vite, c'est moins enfargeant et c'est pour
ça qu'on dit au réseau de l'éducation: Vous avez des
adaptations à faire. Toutes les complications que vous créez pour
rien, il va falloir que vous les mettiez de côté. Par ailleurs, on
dit: On investit, c'est faramineux, l'argent qu'on a mis, par exemple, dans la
formation professionnelle secondaire depuis un certain nombre d'années.
Il faut que ça serve à l'ensemble du monde, des entreprises et
tout ça et on pense qu'il ne faudrait pas laisser des équipements
et des ressources non employés les deux tiers ou le tiers du temps,
alors que des entreprises en auraient besoin. C'est un petit peu autour de
ça que ça tourne.
L'autre question, bien sûr, c'est une question d'argent. Si le
financement public de l'éducation diminue en formation professionnelle,
ça rend plus vulnérables les établissements
d'éducation vis-à-vis des besoins des entreprises. C'est
évident. Autrement dit, ce qu'on appelle l'autofinancement, ça
pourrait même devenir de la loto-financement.
M. Gautrin: C'est ce que vous abordez au point 4 sans...
M. Bisaillon: Voilà! On pourrait, par exemple, courir pour
aller chercher du financement au détriment de la formation. On se fait
dire à des endroits qu'il y a des établissements qui sont plus
des pourvoyeurs de formation que des dispensateurs de formation. Il y a une
tendance qui est évidente parce qu'on ne peut plus donner les formations
standardisées dans le cadre qui nous est prescrit. Alors,
évidemment, la tentation, c'est de se créer un réseau
parallèle dans le système public lui-même et de
«pedler», «jobber», comme on dit, des contrats de
formation. Je m'excuse du langage, mais c'est comme ça que le monde
parle.
M. Gautrin: C'est un peu ça, la réalité qui
est...
M. Bisaillon: C'est comme ça que le monde parle. Alors,
là, il y a un petit problème de... Dans les solutions, on pense
que ça n'a pas été fait, ce débat-là, sur le
partage entre l'individu...
M. Gautrin: L'entreprise...
M. Bisaillon: ...l'entreprise et l'État.
M. Gautrin: ...et l'État.
M. Bisaillon: Moi, je pense qu'on ne doit pas mettre dans la
même situation quelqu'un qui est sur le point de perdre son emploi et
quelqu'un qui veut faire de la formation pour une promotion, me semble-t-il,
sur le plan de l'équité sociale. Je sais qu'on peut faire une
application uniforme du principe d'accessibilité et dire: Tout le monde
a le droit, quelle que soit son intention, à de la formation. Mais il me
semble qu'en termes de financement, l'individu qui va perdre son emploi, s'il
ne se recycle pas, et celui qui n'aura peut-être pas telle promotion,
s'il ne se recycle pas, ils ne sont pas dans la même situation de besoins
de financement. S'il y a des priorités à établir, il faut
peut-être regarder de ce côté-là. (17 h 30)
II faut aussi, je pense, quand l'État donne à une
entreprise de l'argent, qu'elle sache d'avance quel type de formation il va se
donner là, puis où ça mène, puis qui ça
concerne. Alors, c'est ce genre de choses là...
M. Gautrin: C'est-à-dire en précisant sur ce
projet, en finançant des projets dans l'entreprise, et pas seulement
financer, donner de l'argent pour la formation à l'intérieur de
l'entreprise. C'est ça?
M. Bisaillon: Oui, puis un certain contrôle a posteriori
aussi.
M. Gautrin: Un contrôle a posteriori.
Sur la concurrence entre les établissements, évidemment,
l'un est lié à l'autre, parce que, à cause du type de
financement, implicitement, à ce moment-là, les
établissements sont en concurrence directe les uns avec les autres.
C'est ça que vous voulez dire?
M. Bisaillon: Oui. Et on ne trouve pas ça correct, parce
que c'est un gaspillage de fonds publics, ça aussi. Si un cégep
puis une commission scolaire dans la même région font la
même chose en même temps, puis dégagent des ressources pour
une partie de leur temps de travail pour aller chercher des contrats de
formation, il y a
un problème là. Il y a un sérieux problème
d'éthique publique, à mon avis, de l'avis du Conseil, et
ça, le Conseil a été très franc là-dessus.
On dit que ce n'est pas normal, dans un système public
d'éducation payé par les taxes de tout le monde, qu'on
établisse de la concurrence alors qu'il pourrait y avoir un partage.
Et il y a une expérience qu'on raconte là-dedans; deux,
mais une en particulier, sur la Côte-Nord, et il faut le dire, je pense.
Quand quatre commissions scolaires puis un collège se mettent ensemble
et disent: II va y avoir une espèce de canal unique, puis un partage de
la dispensation des services, on vient, je pense, non seulement d'augmenter
l'efficacité, mais de diversifier l'offre de services puis d'assurer
à tout le monde une part d'autofinancement. Mais je pense que ça
prend des mentalités qui sont disposées à faire
ça.
M. Gautrin: Mais la concurrence ne peut pas être une source
de qualité?
M. Bisaillon: Oui, dans le sens que... Je dirais que c'est a
posteriori... Hein?
M. Gendron: Ça a l'air d'être un oui de politesse.
Je ne vous crois pas, là.
M. Bisaillon: Non, non, non.
M. Gautrin: J'ai compris que c'était un non.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gautrin: J'ai compris que c'était...
M. Gendron: Je ne veux pas de oui de politesse.
M. Bisaillon: Ça a deux volets. Mol, je n'ai pas de
problème avec le fait qu'une entreprise dise, après une offre de
formation, que ça a été caboche, puis qu'elle n'est pas
satisfaite puis qu'elle va aller à une autre, mais il faut voir l'envers
aussi. La concurrence, ça diminue le pouvoir d'une institution publique
de maintenir une qualité de formation aussi. C'est ça que
ça veut dire. Si j'ai besoin de ça pour faire fonctionner
même ma formation standardisée, puis que je rogne sur les coins,
comment puis-je encore affirmer que c'est la formation qui est mon principal
objectif et non pas le fait d'aller chercher le contrat? Alors, ça a
deux volets.
M. Gautrin: Alors, si je comprends l'élément de
solution, puis j'ai bien compris que votre analyse de la problématique,
c'est lié au financement, vous dites: Les éléments de
solution, c'est un meilleur partage entre les trois intervenants. Et vous dites
aussi: Pour chacun des intervenants, suivant le type de gens, on ne doit pas
avoir le même partage. C'est ça, à peu près, votre
position?
M. Bisaillon: Oui. Et faire attention de ne pas seulement donner
de la formation aux clientèles payantes.
M. Gautrin: Je comprends.
M. Bisaillon: C'est très important.
M. Gautrin: Bien, écoutez, c'est clair, je vous
remercie.
Service de consultation en entreprise pour
l'élaboration des plans de formation
La Présidente (Mme Harel): Merci, M. le
député de Verdun. Je me permettrais de poursuivre dans le
même sens, si mes collègues sont d'accord. Vous parliez, M.
Bisaillon, de cette expérience sur la Côte-Nord d'un service
unique de consultation aux entreprises mis en place par le cégep et la
commission scolaire. Mais c'est un service unique entre les
établissements publics.
M. Bisaillon: Oui, oui!
La Présidente (Mme Harel): Parce que, là, il faut
bien voir qu'il y a aussi la CFP de cette région-là qui a un
service de consultation en entreprise et qu'il y a peut-être des firmes
privées de formation qui sont autorisées et, à cet
égard-là maintenant, accréditées par les
commissions de formation professionnelle pour offrir ces services de
consultation en entreprise. La question que je me pose, c'est: Est-ce qu'il
devrait y avoir un seul service de consultation en entreprise? Et où
devrait-il être situé?
M. Bisaillon: Quand vous dites «de consultation en
entreprise», c'est pour fins d'élaboration de plans de
formation?
La Présidente (Mme Harel): Ce n'est pas pour la
dispensation, évidemment, mais...
M. Bisaillon: Pour l'estimation des besoins?
La Présidente (Mme Harel): C'est pour l'estimation des
besoins. Vous nous dites, dans votre avis, que les plans de
développement...
Une voix: PDRH.
La Présidente (Mme Harel): ...PDRH, c'est ça, les
plans de développement des ressources humaines, ces fameux PDRH, peuvent
être préparés actuellement par des firmes privées,
par des établissements publics collégiaux, par des
établissements secondaires aussi, je crois, et par les CFP. Vous nous
dites: Ces PDRH ne devraient l'être que par les CFP. C'est ce que vous
recommandez?
M. Bisaillon: Oui. Quand ça se traduit...
La Présidente (Mme Harel): est-ce que conséquemment
vous dites que le service de consultation à l'entreprise devrait
être offert par les cfp exclusivement?
M. Bisaillon: Nous, on dit: Tant que ça ne se traduit pas
par des services de formation concrets où il faut ajouter une dimension
pédagogique, ce qui est l'expertise des établissements de
formation, ça devrait être par les CFP. On n'est pas populaires
dans le milieu de l'éducation lorsqu'on dit ça, là.
Comprenons-nous bien. Mais il nous semble que c'est ça, la
complémentarité. Sinon, c'est la confusion. Et la confusion est
totale quand tout le monde peut faire n'importe quoi. Et là ça
devient le prix coûtant, qui est la seule norme, finalement. Puis c'est
sûr qu'un collège qui est mieux équipé, qui a plus
de ressources, bien, il est capable de faire une meilleure soumission, comme on
dit, et ça, ça nous paraît malsain.
La Présidente (Mme Harel): C'est ça. Mais, à
ce moment-là, je comprends maintenant pourquoi le ministre de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle fait, à l'occasion, l'éloge du point de vue du
Conseil supérieur de l'éducation. Ha, ha, ha!
Ceci dit, dans la mesure, justement, où l'estimation des besoins
serait faite par les CFP, la question est celle de la dispensation. Vous nous
dites: La dispensation devrait être priorisée dans le secteur
public. Vous savez que le projet de loi 408, qui devrait être
déposé demain, va consacrer le principe du libre choix, donc le
principe du libre choix du dispensateur, le principe du libre choix de
l'estimateur, en quelque sorte.
Là, je conclus à l'échange que vous aviez avec mon
collègue le député de Verdun que vous nous dites: Quand il
s'agit de fonds publics, ça devrait être confié au
réseau public. Mais, lorsque l'entreprise, évidemment, utilise
ses propres fonds, comme par exemple... C'est là, donc, la question que
je vous pose: Dans la mesure où il y aurait une taxe sur la masse
salariale, dont on parle beaucoup, pas seulement du côté de ma
formation politique, mais dont on a beaucoup parlé en commission...
Certainement que la majorité des intervenants la recommandaient, y
compris des gens venant du milieu des affaires. Mais, s'il y avait cette taxe
sur la masse salariale de 1 %, une taxe qui libérerait l'entreprise de
financer autrement si elle consacrait l'équivalent à la
formation, on comprend, à ce moment-là, que l'entreprise
pourrait, avec les fonds qu'elle y met, ne pas avoir à verser cette
taxe. Concevez-vous que, dans ce contexte-là, ces sommes d'argent
considérables, on s'entend, qui totalisent plusieurs centaines de
millions, seraient, elles, laissées à l'initiative du payeur,
donc de l'entreprise, en matière de choix du dispensateur de la
formation? Il ne s'agit pas de fonds publics proprement dits.
M. Bisaillon: Bien, vous comprenez que l'avis que vous avez en
main ne porte pas sur ces questions-là. Alors, on n'a pas fait ce genre
de réflexion là. Nous, ce qu'on a souhaité, c'est de
concilier des besoins individuels et des besoins d'entreprise, et on pense
qu'on ne peut pas se fier juste à l'entreprise pour répondre aux
besoins des individus, en termes de formation. Ça, c'est la
première des choses. Il faut être clair là-dessus, je
pense. Ce n'est pas par méchanceté envers l'entreprise qu'on dit
ça, ni en termes de méfiance, mais on pense que, dans la
formation, il y a deux types de besoins: il y a le développement
personnel, puis l'intégration socioprofessionnelle, si vous voulez, et
on peut rogner sur le développement personnel pour des raisons de
rentabilité. Donc, on pense que, là-dessus, l'État doit
garder un...
Quant au rôle du système public d'éducation, on a
dit, nous autres: Privilégiez, priorisez. On n'a pas dit: Exclusivement,
parce qu'on pense qu'il y a là-dedans une expertise qu'on paie
déjà. Maintenant, on dit: Si l'État finance ou incite par
du financement, là il pourrait, à plus forte raison, dire: Bien,
voici, dans telle région, vous avez des ressources à votre
disposition dans le secteur public. Mais on n'a pas voulu, nous, embarquer dans
des formules. Je sais qu'on a eu des discussions avec des gens, mais pas
à l'occasion de ce débat-là, qui nous disaient que
c'était préférable une taxe sur les profits que sur la
masse salariale. Il nous est apparu - je pense qu'on le souligne en quelque
part - que, si on avait à jouer là-dedans, ce serait
peut-être plus sur les profits que sur la masse salariale. Mais je ne
peux pas vous dire que le Conseil a une position là-dessus aujourd'hui.
J'aime autant être franc avec vous. On sait bien que c'est un
débat qui se passe ailleurs, mais... (17 h 40)
La Présidente (Mme Harel): Mais ce débat n'est pas
étranger, par exemple, aux solutions que vous préconisez, quand
vous dites que les fonds publics devraient être
«priorisés» dans le réseau public. C'est bien le cas?
Alors, dans la mesure où une partie importante des fonds,
dorénavant, proviendrait de fonds privés, là la question,
inévitablement, se poserait de façon incontournable: Est-ce que
ces fonds privés là devraient suivre la même logique et
«prioriser» le réseau public?
C'est une question intéressante, parce que, actuellement, on
assiste - remarquez que ce n'est pas un problème immédiat -
à un glissement des fonds publics de l'individu vers l'entreprise, et
ça, c'est une sorte de glissement inexorable où l'ensemble de la
formation offerte aux individus, quelle que soit l'origine du finan-
cement, en fait, diminue, tend à diminuer au profit de celle
offerte dans l'entreprise; ça, c'est une tendance. Donc, ce sont les
fonds publics qui vont servir à des besoins en main-d'oeuvre et non pas
aux besoins de la main-d'oeuvre; ça, on le voit assez clairement. Mais,
si tant est que vous avez un point de vue là-dessus, vous pouvez le
communiquer à la commission, parce que ça préoccupe
certains membres de cette commission de savoir quelle position adopter à
l'égard de ces fonds privés qui pourraient être
levés éventuellement.
M. Bisaillon: En tout cas, on pense qu'il y a eu un choix de
société du système d'éducation qui a
été fait au Québec. Le changer supposerait un autre
débat. Est-ce qu'on peut changer un choix de société en
mettant les gens devant des précédents ou par des
initiatives?
La Présidente (Mme Harel): Mais on va le changer avec le
projet de loi 408. Il va consacrer un nouveau choix.
M. Bisaillon: Oui, qui correspond, d'ailleurs - comprenons-nous
bien - à des tendances lourdes. Mais ce que nous disons, nous,
là-dedans, et c'est le plus loin où on peut aller pour
répondre franchement à votre question: Si la conséquence,
c'est que les besoins de formation des individus ne sont plus pris en compte,
là, il y a une frontière, je pense, qu'on ne peut plus
dépasser.
La Présidente (Mme Harel): Je vous remercie.
M. Bisaillon: C'est le plus loin que je peux aller dans la
logique du Conseil, sans...
La Présidente (Mme Harel): Merci. Alors, M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, M. le président, deux...
La Présidente (Mme Harel): Mme la Présidente?
M. Gendron: Oui, Mme la Présidente, à M. le
président. C'est ça qu'elle a déduit.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Deux autres éléments sur lesquels
j'aimerais avoir votre appréciation, M. le président du Conseil
supérieur. Lorsque les avis sont sortis, il y a eu des réactions
des intervenants, qu'on appelle. À moins que je ne me trompe, la
Fédération des commissions scolaires, de même que la
Centrale d'enseignement du Québec, pour l'un - en parlant de la CEQ -
disait que c'était un avis qui était un peu
prématuré puis qui risquait de provoquer une con- fusion. Mais
là je parle spécifiquement du court avis concernant les parcours
sans sacrifier la qualité.
Oui, je lis l'avis de la CEQ intégralement, puis je suis
convaincu que vous l'avez vu, vous aussi, que cela risque de provoquer une
confusion quant à la nature et à la qualité de la
formation professionnelle secondaire. Puis là, bien, ils exposaient
davantage, mais je n'ai pas envie de le refaire, vous l'avez sûrement lu.
La Fédération des commissions scolaires avait un avis
différent mais allait dans le même sens. Elle prétendait
qu'il fallait surseoir à son projet tant que les effets de la
disparition de la filière en question n'avaient pas été
mesurés, notamment sur le taux d'abandon scolaire, puis ainsi de
suite.
Je veux juste, moi, vous indiquer comme question: À partir du
moment où les intervenants ont eu ces réactions-là, est-ce
que vous avez eu l'occasion de discuter avec eux, de réapprécier?
Est-ce qu'il y a des points de vue qui ont été modifiés ou
si vous croyez que leur perception, eu égard à vos avis,
n'était pas bien assimilée et qu'en conséquence
c'étaient des réactions préliminaires?
M. Bisaillon: Ha, ha, ha! J'apprends aujourd'hui, je vous le dis
bien modestement, la position de la Fédération. Quant à la
position de la CEQ, elle ne nous surprend pas, puisque nous l'avions
consultée et qu'elle avait une peur très grande d'une baisse de
niveau. Nous prétendons, face à ces peurs-là, qu'entre le
projet que nous avions sur la table et l'avis que nous avons fourni il y a des
garanties dans l'avis qui n'étaient pas nécessairement dans le
projet, quant au maintien du niveau. C'est pour ça que, moi, je ne peux
pas acheter que c'est prématuré ou dangereux, dans la mesure
cependant où on me dirait aujourd'hui: Bien, voici, toutes les garanties
que vous demandez sont là. Alors, c'est dans ce contexte-là, je
pense, qu'il faut...
La CEQ a pu penser qu'on donnait notre aval sans trop de
précautions, ce qui n'était pas notre cas. Quant à la
position de la Fédération, je ne peux pas la commenter, je
l'apprends de votre bouche.
M. Gendron: Bien, moi, là, je rétablis une
situation pour les membres de la commission. On m'informe, et c'est moi qui ai
fait l'erreur, que la réaction de la commission n'était pas du
tout sur votre avis, alors que moi j'ai laissé voir qu'elle était
sur votre avis. C'est moi qui ai fait l'erreur. Je m'en accuse. C'est qu'elle
portait sur la demande du ministre et les paramètres qui avaient
été évoqués par le ministre. Comme on en a
discuté tantôt, il y avait quand même des choses
là-dedans qui soulevaient passablement de questions, en particulier la
disparition du CE.P. À partir du moment où eux autres
prétendaient que ça avait une incidence sur le taux d'abandon, ce
que je confirme sans être un spécialiste des
questions... Je vous l'ai posée tantôt, la question. Je
vous ai dit que moi je prétends que ça a une
référence par rapport au taux d'abandon scolaire, parce qu'il y a
une certaine clientèle pour laquelle c'est le seul type de formation,
d'après moi, auquel elle peut accéder.
Et vous l'avez mentionné tantôt, que vous n'étiez
pas en mesure de quantifier le nombre de jeunes qui pouvaient
éventuellement abandonner suite à cette
éventualité-là de faire disparaître le certificat en
enseignement professionnel.
M. Bisaillon: Oui, mais les programmes et les
élèves ne disparaissent pas.
M. Gendron: Oui, oui, ça, je comprends, à condition
que... Non mais, quand vous dites que les programmes ne disparaissent pas,
ça, c'est clair, on veut les intégrer à...
M. Bisaillon: Ils s'appellent D.E.P. M. Gendron: C'est
ça.
M. Bisaillon: Sauf que ça peut être un D.E.P. de 450
heures au lieu de 800.
M. Gendron: Oui, sauf que, là, quand vous me dites que les
élèves ne disparaissent pas, je ne suis pas tout à fait de
votre avis, parce qu'il y a un certain...
M. Bisaillon: Théoriquement. Théoriquement, je veux
dire.
M. Gendron: Oui, oui. Voilà.
M. Bisaillon: Moi, je n'ai pas vos données, là,
mais théoriquement ils ne disparaissent pas.
M. Gendron: On s'accorde. On dit la même chose. C'est que,
devant une formation éventuellement de 900 heures par rapport à
une formation de 500 ou 600 qui n'est pas la même, entre un diplôme
d'enseignement professionnel puis un CE.P., il y a peut-être des jeunes
qui vont faire le choix d'abandonner. C'est ça que ça veut dire.
C'est ça, la crainte de la Fédération des commissions
scolaires. Puis ce que j'ai dit tantôt dans un échange que j'ai eu
avec vous, qu'il y avait un certain nombre de clientèles qui
étaient très, très favorables à une formation, bon,
un peu moins de qualité, mais qui correspond soit à leur
capacité ou soit à ce que les jeunes, eux, identifient comme
étant un besoin potentiel à combler sur le marché du
travail...
La dernière question - en tout cas, en ce qui me concerne, c'est
un échange que je voulais faire - c'est dans l'avis du ministre. Quand
il vous écrit à vous, M. le président du Conseil
supérieur, il vous dit: Les modifications qui vous sont soumises
tiennent compte d'une consultation préliminaire conduite par le
ministère auprès des milieux scolaires. Puis il dit:
Dépêchez-vous, ça presse, puis je sais que ce n'est pas les
conditions, puis réagissez. Il ajoute: Par ailleurs, une consultation
plus formelle de nos partenaires sera tenue en novembre et les résultats
vous seront communiqués. Il écrit à vous. Donc,
normalement, vous auriez dû recevoir ces résultats-là.
Donc, ma question est la suivante, M. le président du Conseil
supérieur: Avez-vous pris connaissance des résultats de cette
consultation-là? Pouvez-vous nous indiquer d'abord si elle a eu lieu et
quelle forme elle a prise? Et est-ce que les résultats, si toujours elle
a eu lieu puis que vous les avez vus, est-ce que ça va dans le sens
convergent ou divergent par rapport à l'avis que vous avez
émis?
M. Bisaillon: On les a consultés nous-mêmes, les
partenaires.
M. Gendron: Oui?
M. Bisaillon: Généralement, c'est ce qu'on fait.
C'est une chose que de recevoir la consultation. On l'apprécie,
d'ailleurs, quand le ministre consulte des partenaires et nous envoie le
résultat de la consultation. Mais, sur cette question-là comme
sur bien d'autres, nous avons nous-mêmes convoqué les partenaires
en consultation. C'est comme ça qu'on a appris, par exemple, que la CEQ
s'opposait que l'Association des directeurs généraux était
d'accord. C'est parce qu'on les a convoqués nous-mêmes.
M. Gendron: O.K. Pour tout de suite, je vous remercie. Je vais
revenir.
M. Gautrin: Est-ce que je peux?
La Présidente (Mme Harel): Oui, certainement.
M. Gautrin: M. Bisaillon, je voudrais revenir maintenant sur la
partie cégep, si vous voulez. Alors, je comprends bien qu'on va, ici,
dans cette commission, aborder à l'automne une réflexion sur les
cégeps, mais enfin en disant qu'on est à un stade
préliminaire. J'imagine que vous allez venir témoigner devant
cette commission. Est-ce que, au niveau du cégep comme au niveau de
l'enseignement secondaire, vous verriez dans la formation de base,
c'est-à-dire dans les cours obligatoires pour tout le monde, une
certaine formation technique? (17 h 50)
M. Bisaillon: On ne s'est pas prononcés là-dessus.
Ça ne veut pas dire que c'est oui, ça ne veut pas dire que c'est
non, mais... Il faut bien comprendre que, lorsqu'il s'agit, et c'était
le cas, du type de formation générale ou obligatoire au
collège, sachant que le Conseil des collèges s'en vient avec un
rapport, n'est-ce pas, annuel, qui va être déposé la
semaine prochaine, qui va
traiter abondamment de cette question-là, comme, nous,
c'était plus l'adaptation de la formation obligatoire, pour ce qui est
de la formation technique, qui nous concernait, on ne s'est pas
prononcés la-dessus, je vous le dis bien simplement, sauf qu'on a
demandé la diversification de la formation obligatoire, cependant.
M. Gautrin: Oui, c'est ce que nous...
M. Bisaillon: Ça, là-dessus, on est clairs, ce qui
serait déjà un virage majeur. Et on dit qu'il faut viser plus les
compétences générales que telle ou telle discipline en
particulier.
M. Gautrin: Je suis assez d'accord avec vous. J'aurais même
tendance, moi, à dire qu'il faudrait que les gens obtiennent au
cégep la formation qu'ils n'auront pas au niveau universitaire, ce qui
n'est pas le cas actuellement. Mais ça, on pourrait élaborer.
J'imagine qu'on va élaborer longtemps sur ce débat-là.
M. Bisaillon: C'est un gros débat qui va être fait,
d'ailleurs, je pense.
M. Gautrin: Qui va être fait ailleurs. M. Bisaillon:
On ne peut pas l'éviter.
M. Gautrin: C'était pour ça que je voulais
l'amorcer avec vous. Alors, je comprends qu'on le reprendra à une autre
place.
Je vous repasse la parole, Mme la Présidente.
Perfectionnement du personnel enseignant
La Présidente (Mme Harel): M. Bisaillon, j'aimerais que
nous puissions aborder la question du perfectionnement du personnel enseignant.
Vous avez notamment mentionné, dans l'avis, que le Programme de
perfectionnement de stages en entreprise ne faisait plus partie des pratiques
du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science du
Québec. Finalement, vous notiez, suite à des sondages
réalisés, que, parmi le personnel enseignant, dans le secteur
professionnel, au secondaire, le quart avaient moins de trois ans dans
l'entreprise, que 40 % avaient moins de cinq ans dans l'entreprise. Alors,
ça m'apparaissait d'autant plus nécessaire que ces
personnes-là puissent bénéficier d'un programme de
perfectionnement en entreprise. Comment l'imaginer pour les
élèves, s'il n'est pas offert au personnel enseignant
lui-même?
Est-ce que, depuis l'avis, des changements ont eu lieu, des
améliorations ont été introduites? J'avais posé la
question aux dirigeants de la Centrale de l'enseignement du Québec
à savoir si, dans le cadre des actuelles négociations, des
modifications allaient être apportées. J'ai cru comprendre que
ça ne faisait pas partie des priorités. Mais comment envisager
que tout le reste ne consiste pas en des voeux pieux si le personnel enseignant
lui-même ne met pas à jour son savoir-faire?
M. Bisaillon: Écoutez, je suis obligé de vous dire
que, un, je ne le sais pas, deux, que ce n'est pas vraiment une question
à laquelle on peut répondre. C'est une question à laquelle
le ministre pourrait peut-être répondre. Nous, on n'a pas suivi ce
dossier-là particulièrement, cette partie-là du dossier,
mais je conçois fort bien avec vous qu'il n'y a pas de
développement de la formation professionnelle s'il n'y a pas de
développement du personnel en formation professionnelle.
La Présidente (Mme Harel): Mais est-ce à dire que
dans l'avis que vous publierez bientôt sur la formation des adultes vous
aborderez ou pas cette question-là?
M. Bisaillon: Non.
La Présidente (Mme Harel): Non.
M. Bisaillon: Sauf que, pour ce qui est du collégial, on
pourrait peut-être regarder ça dans le dossier que la ministre de
l'Enseignement supérieur et de la Science nous a demandé sur les
objectifs de scolarisation. Il y aurait peut-être...
La Présidente (Mme Harel): Une dimension? Vous
seriez...
M. Bisaillon: Mais vous, c'est au secondaire, hein?
La Présidente (Mme Harel): Oui. En fait, vous seriez
surpris de voir à quel point, lors de rencontres avec des concitoyens
québécois adultes, c'est souvent un problème qui est
soulevé, le fait que, pour des travailleurs eux-mêmes, ouvriers en
usine, le niveau de sophistication est rendu tel que les cours leur
apparaissent en deçà de standards minimaux qu'ils y attendent.
Alors, il y a comme une sorte de déclassement, d'une certaine
façon, du savoir des enseignants en regard de celui qui est finalement
en vigueur dans les milieux de travail.
M. Bisaillon: Mais ça, on en a parlé, cependant,
dans la profession enseignante, dans le dernier rapport annuel. On a
très bien expliqué que le développement professionnel
devait maintenant être un élément d'une carrière
enseignante, qu'on soit au professionnel ou au général: la
formation initiale, même après un bac universitaire. Et, à
plus forte raison, si on vient du milieu du travail, c'est une formation
initiale. C'est pour ça qu'on avait parlé d'inventer ou de
diversifier les formules de formation, de stages en entreprise
prolongés. Il y a même des expériences, même si elles
sont limitées, qui se sont faites, puis il y a eu des échanges
entre l'entreprise et l'école, pendant un certain temps, de personnel
enseignant, d'une part, et ça, c'est des formules qu'on valorisait dans
le rapport sur la profession enseignante.
La Présidente (Mme Harel): Oui. Vous avez raison. Vous
avez noté, d'ailleurs, un peu plus tôt, l'expérience de
l'Institut de pétrochimie qui permet à des enseignants de
cégep de côtoyer des ingénieurs, par exemple, de ces
entreprises et, donc, d'échanger les uns et les autres sur les
connaissances.
Juste avant, peut-être, de terminer, à la page 79 de
l'avis, lorsque vous mentionnez que, officiellement, ce sont le
ministère de l'Éducation du Québec et le ministère
de l'Enseignement supérieur et de la Science, selon le cas, qui
fournissent les autorisations pour le Programme aux établissements de
formation, vous semblez d'une certaine façon regretter le pouvoir
conféré à l'entreprise qui permet de contourner,
finalement, ces systèmes organisés pour aller directement,
à l'occasion, moyennant les sommes requises, faire affaire avec d'autres
établissements, si ce n'est, même, créer un
établissement de formation. Mais l'expérience que vous en avez ne
vous a-t-eile pas amenés à constater que, lorsque les entreprises
veulent organiser de manière plus systématique...
J'ai en tête l'exemple de tout le secteur de la
chimie-pétrochimie qui a permis le regroupement de 38 grandes
entreprises qui ont décidé ensemble de fonder une association
partenariale qui permettait à la fois à l'entreprise et aux
travailleurs d'être représentés d'une manière
paritaire, qui se sont adressées à une institution d'enseignement
et qui ont dû, finalement, passer par toutes sortes d'autres voies pour
pouvoir accélérer les choses, parce que, le moindrement que les
canaux officiels auraient été utilisés, il aurait fallu y
mettre deux ans de plus que les deux ans requis que ça a pris. Alors,
est-ce que c'est normal que ça prenne quatre ans avant qu'on estime
qu'il y a lieu de bouger puis que finalement les autorisations viennent?
M. Bisaillon: Vous avez parfaitement raison, mais il faut
distinguer deux choses: d'une part, l'autorisation quant à la formation
qui, d'après nous, doit venir d'un réseau d'enseignement; d'autre
part, et vous avez parfaitement raison, la lenteur déplorable de
réforme des programmes, et ça, je pense qu'on l'a dit, qui doit
subir une des adaptations nécessaires. C'est sûr que, si on prend
quatre ans pour réformer un programme, on risque que, au moment de le
mettre en place, il soit déjà dépassé.
La Présidente (Mme Harel): Oui.
M. Bisaillon: Alors là il faut trouver d'autres
mécanismes, c'est évident. Et on l'a dit dans cet avis-là
mais il ne faut pas, je pense, jeter le bébé avec l'eau du bain,
dire que, parce que ça a pris trop de temps dans un cas, ça
prouve que le système ne peut pas s'adapter. Il faut plutôt
trouver les mécanismes plus souples, plus flexibles d'adaptation.
La Présidente (Mme Harel): Mais ça jette du
discrédit...
M. Bisaillon: Tout à fait.
La Présidente (Mme Harel): ...sur...
M. Bisaillon: Ah! vous avez raison!
La Présidente (Mme Harel): ...le système.
M. Bisaillon: Vous avez parfaitement raison.
La Présidente (Mme Harel): Et, évidemment,
ça se propage...
M. Bisaillon: Eh oui!
La Présidente (Mme Harel): ...dans le milieu des
entreprises.
M. Bisaillon: eh oui! il y a une côte à remonter, de
ce point de vue là, de la part du système de l'éducation,
nous en sommes parfaitement conscients.
La Présidente (Mme Harel): Mais ce ne sont pas les
établissements comme tels qui sont mis en cause, parce que les
établissements, dans le cas, là...
M. Bisaillon: Mais c'est eux qui vivent la réputation.
La Présidente (Mme Harel): Oui, mais rétablissement
est en fait partenaire de l'entreprise pour tenter de faire
accélérer le processus. Ce sont les ministères,
finalement, qui sont concernés par cette lenteur-là. (18
heures)
M. Bisaillon: Sauf qu'un ministère, dans une
région, ça n'existe pas. C'est tel cégep, telle
école et... Alors, c'est ça qu'il faut... Mais je pense que, sur
l'autorisation des programmes, sur la façon de réformer les
programmes, de les élaborer, on a dit des choses dans les changements
qu'il devait y avoir entre l'initiative des établissements par rapport
au ministère lui-même. On l'a dit pour le secondaire et pour le
collégial.
la
présidente (Mme Harel): alors, m. bisaillon, je
crois comprendre que mes collègues, membres de cette commission,
auraient complété le tour de table dans l'échange qu'ils
souhai-
taient faire avec vous. Peut-être leur laisserais-je quelques
minutes avant que vous concluiez.
Conclusions
M. Gendron: Bah! Moi, ma conclusion, Mme la Présidente, va
être assez courte. Je remercie très sincèrement les gens du
Conseil supérieur non seulement d'avoir accepté de venir
échanger avec nous pendant quelques heures, mais d'avoir produit deux
avis d'excellente qualité sur un sujet qui devrait, en tout cas en ce
qui nous concerne, attirer davantage l'attention du législateur, en
termes de décisions importantes à être prises, afin qu'on
ait une formation professionnelle, bien sûr, la plus qualifiante
possible, mais surtout la plus alléchante possible. Parce qu'il commence
à être urgent qu'on offre davantage ce type de formation qui
correspond sans doute à un besoin, et je suis loin d'être
sûr qu'on ait posé tous les gestes requis pour assurer à
ceux qui voudraient la prendre, cette formation-là, qu'elle est
disponible, qu'elle est adaptée et qu'elle correspond, comme vous l'avez
dit, très bien à non pas une opération cosmétique,
mais à une offre réelle. Et, à une offre réelle,
ça oblige immanquablement à ce que des décisions urgentes
se prennent, et j'espère que le fait d'émettre des avis
là-dessus - et nous, comme membres de la commission, d'en parler un
petit peu, parce que c'était ça que ça voulait surtout
signifier au ministre - qu'il aurait lieu, là, de cesser de reporter les
échéances puis de finir par prendre des décisions, mais
qui auront un seul objectif, en ce qui me concerne - je ne veux pas faire de
politique - mais d'offrir une meilleure formation professionnelle à plus
de jeunes Québécois, pour qui, selon moi, c'est la seule voie
logique, et d'arrêter de prétendre, comme on le
répète trop...
J'écoutais, par hasard, la ministre de l'Enseignement
supérieur en arrivant, lundi soir. Elle lisait, bien sûr, un beau
discours écrit - puis c'était beau, ce qu'elle disait - mais qui
allait complètement à rencontre de ce qu'on discute ici,
où il est inimaginable et impensable, dans le futur, que quelque jeune
que ce soit, au Québec, qui n'aura pas une formation
collégiale... Puis elle était à une tribune
collégiale. Mais il faut faire attention à ce genre de discours
là. Ce n'est pas parce que c'est une tribune collégiale qu'il ne
faut pas que tu l'adaptes à la réalité et que tu fasses
accroire à tous les jeunes: Si tu n'as pas un collégial demain
matin, salut, tu n'as aucune chance de survie. Ça contribue au
décrochage. Je le dis comme je le pense.
J'espère que les quelques minutes que nous avons eues entre nous
contribueront à aller un peu plus vite dans les décisions qui
doivent être prises au niveau du secteur professionnel.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Verdun.
M. Gautrin: Je voudrais m'associer au député
d'Abitibi-Ouest pour vous remercier, d'abord, pour la qualité de vos
deux avis. Pour nous, de la formation ministérielle, la formation
professionnelle est un élément extrêmement important,
extrêmement important quant au développement de l'économie
et à l'adaptation de notre main-d'oeuvre, aux réalités du
nouveau millénaire que nous allons aborder.
Je trouve que vous avez parfaitement bien su soulever des
problèmes, et je vous en remercie, qui existent entre le
nécessaire partenariat entre l'entreprise et le monde scolaire,
problème qui existe, et je vous remercie aussi des
éléments de solution, du moins des pistes de solution que vous
avez bien voulu nous donner.
Je comprends la réserve que vous deviez avoir. Je comprends aussi
les difficultés dans lesquelles vous vous trouvez, parce que vous
êtes un organisme-conseil et non pas un organisme décisionnel et
que c'est au législateur ou au gouvernement qu'il appert de prendre les
décisions, et j'en suis bien conscient. Mais je dois réellement
vous remercier pour la qualité de votre travail, d'avoir pu bien
préciser, du moins à mon point de vue, bien cerner les
problèmes.
Je veux aussi m'associer à une de vos recommandations que je
trouve fondamentale, qui est celle d'inclure la formation technique, une
introduction aux techniques dès le secondaire pour tous. Je sais qu'on
n'a pas pu faire ensemble le débat sur le cégep, je sais qu'on le
fera à un autre endroit, et je sais qu'à ce moment-là on
pourra intervenir et que, probablement, là, on pourra vous poser des
questions dans un autre cadre. Je sais à quel point ça ne serait
pas non plus nécessaire d'avoir une telle approche au niveau du
cégep. Je n'ai pas poursuivi avec vous parce que ce n'était pas
l'objet de votre réflexion actuelle, mais on aura un autre forum,
j'imagine, où on pourra poursuivre cette réflexion.
Alors, M. le président, je dois réellement, en un mot,
vous remercier et remercier les gens qui vous accompagnent pour la
qualité de votre travail. Merci.
La Présidente (Mme Harel): M. Bisaillon, un dernier
mot.
M. Bisaillon: Je voudrais, à mon tour, vous remercier de
votre invitation. C'est très rare que le Conseil a l'occasion, en dehors
de son pouvoir d'édition conféré par la loi, de s'exprimer
en direct devant des élus. Vous comprenez que, pour le Conseil, il ne
s'agit pas d'avoir une attitude au-dessus des partis, comme on dit. Ce n'est
pas dans cet esprit-là que nous sommes venus, mais dans l'esprit de
clarifier nos positions. Et, avec un réflexe d'enseignant, je vous dirai
qu'à force de les expliquer on commence à mieux les
comprendre...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bisaillon: ...et à se rendre compte aussi qu'il y a des
aspects d'ombre qu'il faudra clarifier.
M. Gautrin:...
M. Bisaillon: Je vous laisserais le message suivant, et je ne
voudrais pas qu'il soit perçu comme prétentieux, mais je pense
que c'est la pensée profonde du Conseil. Le retour massif actuel des
adultes à l'école, quel que soit l'ordre d'enseignement, indique
deux choses: c'est qu'on paie déjà pour une formation qualifiante
que, il y a 10, 12, 15, 20 ans, on n'a pas donnée dès le
départ; une formation de base qualifiante. Ça indique
déjà les efforts qu'il nous reste à faire au plan de la
formation, si on ne veut pas maintenant être obligés de choisir
entre l'un ou l'autre type de qualification. C'est ça, je pense, que le
message principal voulait donner. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Harel): Alors, je vous remercie de mon
côte. Je peux vous assurer que vous êtes lu et
apprécié. Merci.
Oh oui! Alors, évidemment, la commission ayant
complété son mandat ajourne ses travaux sine die. Je vous
rappelle qu'une séance aura lieu la semaine prochaine, ici même,
dans cette salle.
Une voix: On en a une ce soir.
La Présidente (Mme Harel): Ah oui! Ce soir.
Une voix: Non, mais tu peux l'annuler, hein!
La Présidente (Mme Harel): Ce soir? Non. C'est le leader
qui nous a convoqués pour ce soir. La semaine prochaine, c'est une
séance de travail afin d'entendre les auteurs du rapport «Un
Québec fou de ses enfants».
(Suspension de la séance à 18 h 8)
(Reprise à 20 h 30)
Étude détaillée du projet de loi
413
Le Président (M. Gobé): Bonsoir, mesdames et
messieurs. La commission de l'éducation va maintenant entreprendre ses
travaux, et je déclare donc la séance ouverte. Je vous
rappellerai le mandat de ce soir qui est de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 413, Loi modifiant la
Loi sur l'optométrie.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Hovington
(Matane) est remplacée par M. Forget
(Prévost).
Le Président (M. Gobé): Alors, bienvenue avec nous,
M. le député de Prévost. Je demanderai maintenant: Est-ce
qu'il y a des motions de la part d'un membre de cette commission qui pourraient
être présentées?
Motion proposant d'entendre l'Association des
ophtalmologistes et l'Ordre des optométristes
M. Gautrin: M. le Président...
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Verdun.
M. Gautrin: ...j'aimerais faire motion pour que l'Association des
ophtalmologistes et l'Ordre des optométristes soient entendus chacun
pour une période de 15 minutes sur le projet de loi 413.
Le Président (M. Gobé): Alors, en vertu des
règles des commissions, nous requérons maintenant le consentement
de l'ensemble des membres de la commission. Est-ce qu'il y a consentement?
Mme Caron: Consentement, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme la
députée de Terrebonne. M. le député de Verdun,
semble-t-il qu'il y a consensus aussi du côté
ministériel.
Une voix: Oui.
Le Président (M. Gobé): Alors, nous allons
procéder, avant de commencer l'étude article par article,
à l'audition de l'Ordre des optométristes du Québec et de
l'Association des ophtalmologistes du Québec. Je pense que l'entente
pourrait être de 15 minutes par association.
M. Gautrin: C'est inclus dans la proposition, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): C'est votre proposition.
Alors, ils ont le consentement. Nous allons donc maintenant procéder
sans plus tarder.
M. Fradet: M. le Président...
Le Président (M. Gobé): Oui, M. le
député de Vimont.
M. Fradet: ...les 15 minutes comprennent une période
d'échange, j'imagine, avec les membres des associations respectives.
Le Président (M. Gobé): Oui, c'est une enveloppe
globale de 15 minutes qui comprend et la présentation par chacun des
organismes et la
période de questions. Maintenant, il va de soi que nous ne serons
pas tatillons pour une minute ou deux, étant donné que le dossier
est quand même assez important et que je fais appel au bon consentement
de la commission pour que tout se déroule dans le meilleur des
intérêts du projet de loi et des parties.
M. Jolivet: M. le Président, je dois vous dire que tous
les sujets que nous traitons ici sont importants. Alors, peut-être qu'un
jour on requerra votre demande sur d'autres dossiers. On verra.
Le Président (M. Gobé): Ça me fera plaisir,
si c'est important pour l'ensemble du Québec, M. le
député.
Alors, je demanderais donc maintenant aux représentants de
l'Association des ophtalmologistes du Québec de bien vouloir se
présenter à la table en avant et de vouloir, peut-être,
commencer leur présentation. S'il y a des membres de la commission qui
désirent intervenir, alors 5 minutes, peut-être, pour vous
présenter, 5 minutes de chaque côté, et vous ferez appel
à l'alternance, si nécessaire. Alors, vous avez M. Paquette, je
pense.
Auditions Association des ophtalmologistes
M. Paquette (René): Oui. Bon. Je suis René
Paquette, je suis avocat pour les ophtalmologistes. Mais, comme il s'agit,
selon les ophtalmologistes du Québec, d'une question qui concerne
d'abord et avant tout la santé publique et que cette question de la
santé publique nous apparaît primordiale, il m'apparait
évident que l'intérêt pour cette commission est d'entendre
surtout des médecins, et j'ai à ma droite le président des
ophtalmologistes du Québec, le docteur Tardif, et à ma gauche le
docteur Demers. Le docteur Tardif va s'adresser à cette commission pour
présenter le point de vue des ophtalmologistes sur le projet de loi
413.
Le Président (M. Gobé): Dr Tardif, vous avez la
parole.
M. Tardif (Yvon): Merci bien, M. le Président et MM. les
membres de la commission. Je vais essayer d'être bref. Voici. Notre
compréhension du projet de loi actuel, c'est que le ministre, M. Savoie,
présente un projet de loi pour probablement actualiser ou rendre
légale une situation soi-disant de fait, à l'effet, justement,
que certaines personnes, c'est-à-dire les opto-métristes ici en
l'occurrence, utilisent déjà, de façon illégale,
des médicaments pour le diagnostic de certaines maladies oculaires et
même pour le traitement de certaines maladies oculaires, comme on en voit
tous les jours dans nos bureaux. Et le projet de loi serait, je pense - si je
comprends bien comme il faut - pour actualiser et rendre cette situation
légale. Alors, à notre point de vue, c'est pas une façon
de légiférer en voulant actualiser quelque chose qui est
déjà illégal.
Alors, notre problème est le suivant. C'est que ce projet de loi
comporte malheureusement des conséquences sur le plan de la santé
publique. Mais, avant d'aller à la santé publique, j'aimerais
juste expliquer que, sur le plan scientifique, d'après notre point de
vue, il n'existe aucun document, aucune étude qui démontre que
l'usage des médicaments est nécessaire et utile pour
diagnostiquer un problème de réfraction, un problème de
trouble visuel. S'il y a une étude, je voudrais bien qu'on me la
présente. J'aimerais bien la commenter. Mais malheureusement je n'en
connais aucune.
Par exemple, si quelqu'un a besoin de verres, voit mal, on fait une
réfraction, qu'on appelle, et on arrive à lui donner des verres
adéquats pour bien fonctionner dans la société. Si un
enfant, par exemple, qui présente un strabisme, louche
énormément, là il a besoin de gouttes pour obtenir un bon
diagnostic et un bon traitement. Déjà, on embarque dans le
domaine de la maladie, de la pathologie. Et, si c'est le cas, eh bien, il
existe dans le Québec, dans toutes les régions, des
médecins spécialistes pour s'occuper d'un tel problème.
Donc, il n'existe vraiment aucune étude scientifique qui prouve la
nécessité de donner à cette corporation le droit
d'utiliser des médicaments.
Ensuite dé ça, les conséquences de l'usage de
médicaments ne sont pas sans problèmes, malheureusement. Tous les
médecins spécialistes savent qu'il arrive des complications qui
peuvent survenir si on utilise ces médicaments-là. Comme je l'ai
mentionné à plusieurs reprises, elles sont très rares.
Certaines sont rarissimes, certaines sont rares, certaines sont moins rares.
C'est entendu que ce n'est pas commun. On ne nie pas ça. Ça
arrive rarement. Mais, quand le patient, suite à l'instillation d'une
goutte, s'effronde dans votre cabinet de consultation, il faut savoir quoi
faire avec, et ça, ça arrive régulièrement, une
fois ou deux, trois ou quatre fois par année, dans tous les cabinets
d'ophtalmologistes. Donc, ce que je veux dire, c'est qu'il existe des
complications majeures à l'usage de ces médicaments-là,
complications qui sont non seulement la lipothymie ou l'effrondement d'un
malade, comme je viens de vous le dire, mais qui peuvent être
également de nature allergique, de nature cardiaque et même de
nature neurologique. Donc, on prétend que qui manipule les
médicaments doit en connaître les complications et doit savoir
quoi faire quand ça arrive.
Comme quelqu'un me disait tout à l'heure, quand vous partez en
avion, ça bien jusqu'à preuve du contraire, c'est-à-dire
quand vous avez atterri. Tant que vous n'avez pas atterri, vous ne
savez pas si tout a bien été, malheureusement. Mais c'est
rare que les avions tombent, j'en conviens. Mais, quand il y a un
problème, il faut savoir quoi faire avec ça.
Ensuite de ça, les conséquences les plus importantes sont
malheureusement sur le plan social. Il a été
démontré par différentes études, dont une
étude que nous avons fait faire, que la population est en confusion
totale entre le rôle d'une médecin spécialiste pour les
yeux et le rôle, par exemple, d'un optométriste ou encore d'un
opticien d'ordonnance. Nous, on sait, dans nos cabinets de consultation, tous
les jours, que la confusion est totale. Il suffit de... N'importe qui vient
avec moi une demi-journée par semaine, je vais lui prouver ça
très facilement. Mais on a fait faire une étude qui a
démontré - évidemment, c'était entendu que
ça le démontrerait - que la confusion est totale. Alors,
déjà les gens sont confondus à savoir s'ils rencontrent un
médecin pour les yeux ou un docteur soi-disant spécialisé
pour les yeux. Enfin, les gens ne le savent plus.
Et déjà, en donnant cette possibilité d'utiliser
des médicaments, vous allez augmenter cette confusion, qui n'est pas
totale, qui est de l'ordre de 80 % de la population au moment où on se
parle, c'est-à-dire que l'étude démontre que, plus vous
êtes instruit, plus vous avez de chances de savoir la différence
entre les deux et plus vous avez de chances d'être mieux soigné.
Moins vous êtes instruit, plus vous avez chances de ne pas le savoir et
plus vous avez de chances de ne pas être bien soigné. Vous pouvez
aussi être bien soigné par un optométriste. On n'a jamais
dit le contraire. Mais il y a des risques parce qu'il n'existe pas des
critères de référence bien précis. On ramasse
presque à toutes les semaines des malades dont l'état
pathologique est tellement avancé qu'il est maintenant
irréversible.
Donc, ce que je veux dire, c'est que cette confusion va certainement
être augmentée et qu'on va, à ce moment-là, encore
une fois, augmenter le risque pour une certaine couche sociale d'être
malheureusement un peu, je ne dirais pas manipulée, mais d'être un
peu dans l'ignorance et de ne pas savoir dans quel siège elle se trouve.
Alors, je demande donc aux gens ici présents de ne pas augmenter cette
confusion qui est déjà assez présente.
L'autre problème qui est très important, c'est le
problème de l'accessibilité. On nous dit que les
optométristes sont présents partout. C'est en
général relativement vrai. Je pense que c'est vrai, je n'ai pas
de données pour contredire ça. Mais on nous dit que les
ophtalmologistes ne sont pas présents partout, ce qui est
complètement faux. Il existe dans presque toutes les régions du
Québec, sauf peut-être une au moment où on se parle, des
ophtalmotologistes qui sont aptes à traiter des problèmes
pathologiques de l'oeil, si problèmes pathologiques il y a. Si on
m'appelle, moi, pour me référer un problème, je vais le
voir généralement la journée même ou le lendemain.
Donc, il n'y a pas réellement de problème d'accessibilité
pour les maladies de l'oeil. Je ne parle pas pour les problèmes dp
lunettes. Pour ça on a des spécialistes, on a des gens qui
peuvent le faire très bien dans toutes les régions du
Québec, en l'occurrence les optométristes. (20 h 40)
Donc, en résumé, pour être très bref, M. le
Président de la commission, nous pensons que ce projet de loi n'est pas
nécessaire parce qu'il n'a été demandé par
personne, sauf la corporation en question qui veut avoir les gouttes. À
ma connaissance, et qu'on me prouve le contraire - évidemment, je me
rallierai - il n'y a aucun mouvement de population qui a demandé cette
permission, ou cette loi ou le droit d'avoir les médicaments pour les
optométristes. Il n'y a aucun corps social qui a demandé
ça. Il n'y a aucun... Enfin, moi je ne connais personne sauf la
corporation en question, et je la comprends parfaitement. C'est tout à
fait normal de leur part de vouloir augmenter leur champ de pratique. Ils sont
nombreux. Mettre des gouttes dans l'oeil, ça paraît bien. C'est
d'ailleurs un article de leur journal qui dit que «Dilation is good
public relations». J'ai transmis ce document, tout à l'heure,
à des gens ici présents. Je les comprends parfaitement. Mais,
cependant, il n'y a aucune raison scientifique, il n'y a aucune raison
médicale, il n'y a aucune raison sociale pour donner libre cours
à ce projet de loi. En conséquence, nous ne voyons pas
l'utilité d'y aller de l'avant.
L'autre problème qui pourrait être présenté,
c'est qu'il y a un nombre important d'États américains et de
provinces canadiennes qui ont permis cet usage des médicaments à
des fins thérapeutiques, nous en convenons, un pourcentage très
important. Mais ceci n'est pas une raison, je pense, pour aller à
rencontre des données scientifiques, des données sociales et des
données médicales. Donc, en résumé, nous pensons
que la santé publique en aucun moment ne va être
améliorée par un tel projet de loi. La santé publique
pourrait rester soit stable ou être légèrement
détériorée, en augmentant la confusion qui existe
déjà. En conséquence, nous pensons qu'il n'y a aucune,
aucune utilité publique à faire passer un tel projet de loi.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Tardif.
Cela met fin à votre intervention. Je demanderai maintenant à M.
le député de Sauvé de bien vouloir prendre la parole.
M. Parent: Merci, M. le Président. Alors, je remercie
l'Association des ophtalmologistes d'être venue nous rencontrer et nous
expliquer sa position face au projet de loi 413, projet de loi qui a pour objet
de permettre aux optométristes
de prescrire des médicaments d'ordre diagnostique dans leurs
recherches sur les maladies de l'oeil, dans leurs recherches, enfin, sur les
soins de l'oeil.
Le docteur Tardif, dans son exposé, nous mentionne qu'il est
conscient qu'au Canada et aux États-Unis les optométristes ont la
permission de prescrire ou d'utiliser des médicaments dans leurs
recherches non pas à des fins curatives, mais bien à des fins de
diagnostic ou d'examen de l'oeil. Moi, je trouve curieux, M. le
Président, si dans 20 États américains et dans 8 provinces
du Canada on a reconnu à une corporation professionnelle des
qualités pour utiliser les médicaments, que l'on ait encore des
réticences chez nous au Québec pour permettre une telle pratique.
Et je suis porté à déplorer un peu, M. le
Président, cette attitude que l'on a toujours vue au Québec,
cette espèce de conservatisme de la part du corps médical, de la
part des médecins, d'avoir peur, enfin, des gens, là, qui tentent
d'empiéter sur leur champ de juridiction.
Je me souviens, M. le Président, des efforts faits par les
chiros, par exemple, pour se faire reconnaître, à un certain
moment, le droit de soigner certaines maladies. Je me souviens de l'Ordre des
dentistes vis-à-vis des techniciens dentaires. Je me pose des questions,
là. Je ne mets pas en doute les arguments des ophtalmos. Mais je me
demande si on n'est pas un peu trop, chez nous, au Québec,
renfermés sur nos traditions de chez nous qui font que notre
médecin était celui qui devait soigner. Alors, si dans 8
provinces canadiennes et dans 20 États américains on en est venu
à accepter que les optométristes, après 4 ans
d'études, après un bac spécialisé, pouvaient
prescrire des médicaments, je m'interroge un peu à savoir
pourquoi au Québec on ne pourrait pas le permettre.
J'aimerais poser une question au docteur Tardif. Lorsque vous nous
dites, Dr Tardif, que seuls les optométristes demandent ça, qu'il
n'y a personne qui demande ça, qu'il y a seulement eux autres, qu'il n'y
a pas d'autres groupes, quelle est la position du Collège des
médecins face à la demande des optométristes?
Le Président (M. Gobé): M. Tardif, si vous voulez
répondre.
M. Tardif: On parle de la Corporation professionnelle des
médecins du Québec, si je comprends bien, le Collège des
médecins n'existant plus, ayant changé de nom. Le docteur Roy,
que j'ai rencontré à plusieurs reprises, nous a donné son
appui à 100 % dans notre démarche pour essayer de contrer ce
projet de loi, pour à peu près les mêmes raisons que je
viens de vous expliquer. Le docteur Roy a lui-même rencontré le
ministre - qu'il m'a dit, en tout cas; je n'étais pas présent,
mais qu'il m'a dit - il a fait tous les efforts pour expliquer la position de
la
Corporation et a demandé aux ophtalmologistes de présenter
des arguments parce qu'on était les mieux placés pour
défendre le point de vue, parce que c'est nous qui sommes pris avec les
malades, somme toute. Le docteur Roy nous a donné son appui total encore
il y a environ 15 jours dans ce débat-là.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Sauvé.
M. Parent: Ça va, moi, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Je passerai maintenant la
parole à Mme la députée de Terrebon-ne. Mme la
députée, s'il vous plaît.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Comme vous avez eu
très peu de temps pour vous exprimer, donc ma question sera bien simple.
Je vais, en fait, vous laisser mes cinq minutes de temps de parole et je vais
vous demander quels sont les éléments que vous croyez que vous
n'avez pas eu le temps, dans ce bref exposé, de nous présenter
pour nous convaincre de votre point de vue.
M. Tardif: Bien, mon problème principal, c'est la
santé oculaire des gens. On a fait un bond considérable en avant,
au Québec, comme partout ailleurs, pour faire régresser, je
dirais, la cécité et la morbidité, n'est-ce pas? La
morbidité, c'est la gravité des conséquences des maladies.
Actuellement, on est concernés par un problème où il
pourrait y avoir aggravation. Les raisons sont les suivantes.
Déjà, nous recevons dans nos cabinets presque à tous les
jours - je dirais tous les jours ou quatre, cinq fois par semaine - des gens
qui sont référés trop tard par les optométristes.
Ce n'est pas des cas particuliers. Moi, j'en ai. C'est vrai que je suis un
surspécialiste, j'en conviens, mais je vois ça tous les jours,
des gens qui ont un décollement de la rétine, qui, dès que
la vision baisse, devraient être référés
immédiatement, des gens qui ont... peu importe la maladie. Il y en a des
milliers, de maladies pour les yeux. C'est beaucoup plus complexe qu'on peut se
l'imaginer, n'est-ce pas? Juste des microbes, il y en a des milliers. Alors,
ça vous donne une idée en partant.
On voit des gens, donc, qui sont référés avec un
certain retard. Alors si, à ce moment-là, on donne à ces
gens-là le droit d'utiliser des médicaments pour augmenter le
temps de l'attente, d'essayer de diagnostiquer de façon meilleure le
malade alors que, de toute façon, il faudra qu'il soit
référé parce qu'il a une maladie dans l'oeil, en quoi
va-t-on augmenter les problèmes de santé ou les problèmes
de morbidité des maladies? Je veux dire, je ne vois aucune façon.
On va juste empirer les choses. Déjà on a un problème. Pas
dans tous les cas. La plupart
des optométristes font un excellent ouvrage à une
proportion importante, à mon point de vue. Beaucoup de gens
réfèrent les malades avec beaucoup de bon «timing» -
excusez l'expression - un bon chronométrage, un bon
«timing», mais un pourcentage important, je dirais, jouent avec les
malades. Je ne sais pas ce qu'ils font. Ils font des examens de champ visuel,
toutes sortes de tests que nous devons malheureusement recommencer par
après. À ce moment-là, chez le patient, pas toujours,
souvent la condition se détériore. Pas toujours, j'en conviens,
il y a beaucoup de fois où ce n'est pas le cas, mais dans certaines
maladies ça se détériore. Parfois c'est réversible
et parfois ça ne l'est pas, tout dépendant de quoi on parle.
Donc, mon point de vue est que je comprends que ça se fait dans
le Rhode Island, puis que ça se fait en «B.-C». Je comprends
tout ça, là. Ça a été fait, justement, comme
ça se fait ce soir, par du lobbying, etc. Ça, c'est une bonne
manoeuvre, mais on parle de santé, ici, on ne parle pas de lobbying puis
de business.
Mme Caron: J'aimerais juste, peut-être, vous poser une
petite question, là...
Le Président (M. Gobé): Mme la
députée de Terrebonne, oui, s'il vous plaît.
Mme Caron: ...pour préciser, parce que là vous me
parlez au niveau, finalement, des médicaments thérapeutiques,
quand vous me parlez de la Caroline, là. Le projet de loi que nous
avons, c'est un projet de loi qui n'utilise pas le mot
«diagnostic», mais qui parle davantage de l'examen de l'oeil.
Est-ce que vous croyez vraiment... Parce que, pour l'examen de l'oeil, pour les
médicaments diagnostics, c'est utilisé dans tous les États
américains et dans neuf provinces canadiennes.
Est-ce que vous pensez vraiment que la santé publique, aux
États-Unis, dans son entier, et dans les neuf provinces canadiennes, est
véritablement en danger? (20 h 50)
M. Tardif: D'abord, je ne parle pas de thérapeutique. Je
parle de gouttes diagnostiques. On parle le même langage. J'expliquais
que, plus on tente d'essayer d'avoir un diagnostic plus précis, plus on
retarde la référence du malade qui, elle, est irréversible
de toute façon. Alors, à ce moment-là, on retarde la
référence et on augmente la morbidité de la maladie.
Pour ce qui est des gouttes diagnostiques, qui sont actuellement
malheureusement accordées dans la plupart des États
américains, comme vous avez dit, à ce moment-là, nous, on
dit que, si c'est octroyé ici, on ne va pas nécessairement
aggraver demain matin la santé des gens. Je dis, moi, qu'on augmente le
risque chez certaines personnes moins favorisées d'être moins bien
soignées. Les études ont démontré que les gens
confondent totalement... Pas tout le monde, 80 % des gens confondent totalement
optométriste et ophtalmologiste de façon
délibérée. C'est organisé tel quel pour que les
gens mêlent tout ça.
C'est tous des docteurs, puis, je veux dire, les gens mêlent
ça, puis je ne les blâme pas. Ces pauvres gens sont pris en otage.
Et, si vous augmentez cette confusion, parce que le projet de loi va
nécessairement augmenter la confusion - vous serez d'accord avec moi, on
donne le droit d'utiliser des médicaments, alors c'est
déjà médical, c'était brillant comme manoeuvre - on
va augmenter cette confusion et, à ce moment-là, on va encore
augmenter le risque de ne pas aller voir la bonne personne au bon moment, chez
certaines classes de la population.
C'est entendu que, si on parle du doyen de la faculté de
médecine ou du ministre des Finances du gouvernement du Québec,
pour donner un exemple, lui sait qui aller voir, puis il est traité
immédiatement. C'est des exemples précis que je vous donne, qui
ont eu des problèmes graves, des yeux qui ont été
traités la journée même, qui ont
récupéré 100 % de vision.
Mais ce n'est pas tout le monde, malheureusement, qui sait la
différence entre les deux. C'est malheureusement... Je vous certifie, on
a une étude qui le prouve, nous autres. Nous, on le sait depuis des
années. Mais mon point de vue ne vaut pas cher, il vaut une voix. Mais
on a une étude scientifique qui démontre l'extrême
confusion dans la population, entretenue de toutes parts depuis des
années, qui montre que les gens ne savent plus où se tirer. Mais
le problème n'existe pas si les gens en place sont honnêtes et
réfèrent les malades à bon escient dès que c'est
indiqué; le problème n'existe plus. Je veux dire, c'est un
problème de juridiction, c'est un problème de corporatisme dont
on parle actuellement. Ce n'est pas un problème de santé. On va
aggraver le problème de santé en jouant avec des histoires comme
ça. Nous, on a la preuve par écrit que la confusion va être
augmentée. Et, en augmentant la confusion, vous augmentez la
fragilité d'une couche importante de la population. C'est tout ce que je
peux vous dire. Mais, chez certaines personnes, ça ne fera absolument
rien demain matin, parce qu'elles sont déjà au courant des
choses.
Le Président (M. Gobé): Alors, Dr Tardif, je vous
remercie.
M. Tardif: Bienvenue.
Le Président (M. Gobé): Je pense qu'avec le
consentement de la commission nous allons maintenant passer... M. le
député de Vimont, vous aviez demandé la parole. Par la
suite, M. le député de Laviolette, vous m'avez fait signe que
vous aussi... Alors, très, très rapidement s'il vous plaît,
mais quand même prenez le temps de formuler vos questions, vos
interrogations.
M. Fradet: Oui. Je ne les ferai pas en sténo, M. le
Président, je ne suis pas capable de parler...
Le Président (M. Gobé): Non, non. Je comprends, M.
le député. Ce n'est pas votre genre.
M. Fradet: Je vous remercie. Ça me fait plaisir de vous
rencontrer, messieurs. Vous avez parlé, tout au long de votre
exposé, qui, j'en conviens, n'était pas très long, parce
qu'on n'avait pas prévu ça, mais vous avez parlé de
traitement. Comme la députée de Terrebonne, j'ai comme compris
que vous faisiez constamment allusion aux traitements et, dans le cas qui nous
concerne, ce n'est pas, en tout cas, à mon avis, la façon dont je
comprends le projet de loi, un traitement des maladies oculaires, mais
plutôt un médicament pour diagnostiquer des problèmes
oculaires.
Vous avez parlé tout de suite auparavant avec la
députée de Terrebonne, vous avez mentionné que ça
pouvait augmenter le risque parce qu'il y a des gens qui sont moins bien
informés, moins bien Instruits, qui pourraient être confondus.
Mais moi je vous rappelle aussi que ces gens-là, les
optométristes, sont sous la juridiction d'une corporation
professionnelle. Ces gens-là doivent être professionnels et,
lorsque ça ne fait pas partie de leurs responsabilités ou de
leurs compétences, automatiquement doivent référer
à un médecin spécialiste.
Moi, je ne pense pas qu'un optométriste pourrait traiter ou faire
des choses qui ne sont pas dans sa juridiction. Et, s'il le fait, il le fait
dans l'illégalité. Moi, je pense qu'on s'est entendu ou qu'on est
en train de regarder un projet de loi pour permettre aux optométristes
de diagnostiquer des maladies et non pas de les traiter, et j'ai cru
comprendre...
Une voix: L'examen de la vue.
M. Fradet: Faire l'examen de la vue, je m'excuse, c'est
ça. Et j'ai cru comprendre que vous apportiez toujours l'argument de
dire «traitement». Alors, je me pose comme question: Est-ce que
vous avez peur de ça parce que vous pensez que ça ouvrirait la
porte, éventuellement, à donner la responsabilité aux
optométristes de faire du traitement? Moi, c'est plutôt comme
ça que je le vois, d'après ce que vous avez discuté. Et,
si c'est ça, je peux vous dire que, lorsque ça arrivera, si
ça arrive, parce qu'il y a déjà 30 États aux
États-Unis qui donnent le droit aux optométristes de faire du
traitement, bien, alors là, nous referons un débat à ce
sujet. Pour l'instant ce ne sont que des diagnostics.
Vous avez mentionné juste une autre petite chose. M. le
Président, si vous permettez...
Le Président (M. Gobé): Allez-y, M. le
député.
M. Fradet: Vous avez mentionné que le président de
votre corporation professionnelle, parce qu'on sait que ce qui protège
le public dans notre système aujourd'hui, c'est les corporations
professionnelles... C'est elles qui doivent être responsables des gens
qui pratiquent cette profession-là face au public. Moi, ce que j'ai
entendu dire, c'est que votre président de corporation professionnelle
était d'accord avec ce projet de loi là. Vous venez de dire le
contraire, alors je ne sais pas. Il faudrait peut-être que je me
renseigne et que je retourne aux sources, mais...
Le Président
(m. gobé): merci, m. le
député. m. tardif, rapidement, une petite réaction aux
questions du député, mais très rapidement, s'il vous
plaît.
M. Tardif: Bien, il y a plusieurs problèmes de
mentionnés par M. le député qui vient de parler. D'abord,
concernant Augustin Roy, Augustin Roy nous a dit qu'il était d'accord
avec notre position, qu'il nous encourageait à continuer, mais que lui
ne se mêlait pas de ça parce qu'il n'était pas assez
compétent pour aller dans ce domaine des problèmes oculaires et
optométri-ques. Il était un peu, je dirais, même
mêlé par ça et fait silence actuellement, mais est venu
nous rencontrer il n'y a pas tellement longtemps et nous a encouragés
à 100 % à continuer dans cette voie-là.
M. Fradet: Alors, Augustin Roy est contre le projet de loi
413.
Le Président (M. Gobé): Non. M. le
député de Vimont, s'il vous plaît. La réponse est
à M. Tardif, votre question est terminée.
M. Fradet: Non, non, mais est-ce qu'on peut discuter, M. le
Président, ou on arrête tout de suite?
Le Président (M. Gobé): Non. Le temps est
terminé.
M. Fradet: Bien voyons donc!
Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît! M.
Tardif, vous avez...
M. Fradet: Comment pouvons-nous faire, M. le Président,
une étude sérieuse...
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Vimont...
M. Fradet: ...lorsqu'on ne nous permet même pas
d'intervenir pour poser des questions pour éclaircir la situation?
Le Président (M. Gobé): ...nous avons convenu, au
début de la séance, que nous avions 15 minutes par groupe.
M. Fradet: Bien oui!
Le Président (M. Gobé): Ça fait 20 minutes.
Je vous ai accordé, par dérogation et consentement, un droit de
question et, s'il vous plaît, M. Tardif - vous l'avez mis en cause - peut
répondre et, par la suite, nous passerons à M. le
député de Laviolette, ceci en conformité avec le
consentement. Sinon, on pourrait durer toute la soirée. Je ne pense pas
que ce soit le but ni la mission que la commission a décidés au
début, et que le consentement ait été à ce fait. Je
vous comprends très bien, mais malheureusement...
M. Tardif, je vous demanderais de bien vouloir terminer votre
réponse aux questions de M. le député de Vimont. Par la
suite, je demanderai à M. le député de Laviolette de faire
la même chose, et nous passerons au groupe suivant.
M. Tardif: Alors, écoutez, concernant le docteur Roy et ce
que j'avais commencé à répondre, le docteur Augustin Roy
n'a pas fait de représentations spéciales auprès de la
commission actuelle ou du ministre Savoie parce que, finalement, il s'en remet
à nous pour répondre à ça. Mais, fondamentalement,
il est contre, et j'ai une lettre, ici, qui atteste de cette opinion qui montre
qu'il est complètement opposé, fondamentalement, a ce projet de
loi là.
M. Fradet: Voulez-vous la déposer?
Le Président (M. Gobé): Merci, M.
Tardif.
M. Tardif: Ensuite, il y avait deux autres éléments
à la question.
Le Président (M. Gobé): Alors, très
rapidement, s'il vous plaît.
M. Fradet: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): Oui, M. le
député.
M. Fradet: M. Tardif fait allusion à une lettre. Est-ce
que monsieur peut déposer la lettre pour qu'on en ait une copie, s'il
vous plaît?
Le Président (M. Gobé): Oui. Bien, si M. Tardif a
la... Avec la permission du président, vous pouvez la déposer,
parce que, en commission parlementaire, il n'y a pas de règles qui
régissent, si ce n'est l'autorisation du président.
Alors, est-ce que ça termine votre intervention?
M. Tardif: Bien, il y avait malheureusement deux autres
problèmes...
Le Président (M. Gobé): Assez rapidement, s'il vous
plaît.
M. Tardif: ...qu'il avait soulevés. Il a soulevé
que la corporation impliquée était une corporation
professionnelle, honnête. Je suis d'accord peut-être avec
ça. Mais, actuellement, nous, on sait que les membres de cette
corporation des optométristes utilisent abusivement le titre de docteur
en avant de leur nom, et ce, malgré l'interdiction de la Loi sur
l'optométrie et malgré les recommandations contre ça de la
part de l'Office des professions et malgré un jugement, d'ailleurs, en
Cour d'appel du Québec, je pense. Alors, ça, ça vous donne
une idée.
M. Fradet: Ils voudraient l'utiliser où, le docteur?
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M.
Tardif.
M. Tardif: Après leur nom personnel, leur nom propre.
Bon, enfin, il y avait deux autres éléments dans sa
question, mais, enfin, si je n'ai plus le temps...
Le Président (M. Gobé): Non, mais allez-y, terminez
rapidement, s'il vous plaît.
M. Tardif: Finalement, concernant les gouttes
thérapeutiques, M. le député, il a été
démontré, lors d'une commission parlementaire, récemment,
que les optométristes entendaient arriver, coûte que coûte,
à l'usage thérapeutique des médicaments, malgré
qu'on ait dit le contraire devant d'autres députés ici
présents, récemment. J'ai le mémoire en ma possession,
chez moi, et c'est démontré en noir sur blanc, à la
conclusion, que c'est leur but ultime, et ça, on le sait.
Également, dans les États américains où ils
ont le droit d'utiliser les médicaments, nos rapports indiquent que 20 %
des gens en profession optométrique utilisent des médicaments, 20
% seulement se prévalent de ce droit-là. Nos rapports indiquent
également que des poursuites ont été intentées en
très grand nombre contre ces gens-là et que, d'après nos
renseignements, ils ont tous perdu ou réglé hors cour. Ça
vous donne une idée de dans quoi on s'en va si on continue dans cette
voie-là, si vous voulez.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M.
Tardif.
M. Tardif: Merci.
Le Président (M. Gobé): Je vais maintenant
reconnaître M. le député de Laviolette. Vous
pouvez, vous aussi, poser une question ou deux à M. Tardif, et
vous aurez, M. Tardif, un petit laps de temps pour répondre aussi...
M. Jolivet: Oui, ça ne sera pas...
Le Président (M. Gobé): ...mais, s'il vous
plaît, assez brièvement quand même. Évitons le... M.
le député de Laviolette.
M. Jolivet: On comprend votre position, M. le Président.
Elle n'est pas facile, compte tenu que les éléments nous
amènent à peut-être poser plus de questions qu'on voudrait,
mais...
Le Président (M. Gobé): Bien, c'est ça. Mais
si, de consentement, vous voulez, moi, vous savez, je pourrais le faire.
M. Jolivet: Oui. C'est ça. On peut...
Le Président (M. Gobé): Mais je pense qu'on a
établi une règle au début, puis qu'on se doit quand
même de la respecter...
M. Jolivet: C'est ça.
Le Président (M. Gobé): ...pour être
consistants avec nos décisions. (21 heures)
M. Jolivet: Vous avez raison.
Il y a deux choses que je crois comprendre. Premièrement, une qui
est légitime, qui n'est pas anormale, je pense, c'est le fait que vous
croyiez que, si on vient entrer dans votre champ de pratique, il y a une partie
de votre champ de pratique qui va être prise par d'autres, et, à
long terme, le risque de l'amendement apporté ce soir, dans votre
tête à vous autres, compte tenu de ce que vous venez de dire en
terminant, peut avoir des effets sur la suite, et qu'on aille plus loin vers
les traitements thérapeutiques.
La deuxième chose, c'est qu'au niveau de la clientèle,
c'est un autre effet. Vous dites qu'il y a une confusion qui peut exister
à cause du titre de docteur que vous dites utiliser sans forme de
légalité, même si on entend parler qu'il y aurait
peut-être des ajustements à faire à ce niveau-là.
Vous dites qu'il y a une clientèle qui va aller, compte tenu de la
non-instruction des gens - peu importe comment vous le traitez - vers les
optométristes plutôt que vers les ophtalmologistes, et ça
aura peut-être comme conséquence, des conséquences plus
dangereuses au niveau de la santé.
Ceci étant dit, je vous pose une question. On apprend qu'il y a
une décision du ministre de la Santé qui indique qu'entre 18 ans
et 40 ans les examens de la vue vont être au coût de l'individu qui
ira les chercher chez l'optométris-te; chez vous aussi, probablement,
pour l'examen de la vue. Mais vous connaissez l'habitude qu'ont les
Québécois de trouver des trucs pour passer à
côté. Je vous donne l'exemple typique de toute personne qui a
besoin d'un examen pour entrer à l'ouvrage. Il n'appellera pas chez le
médecin en sachant au départ qu'il va payer l'examen: Je voudrais
avoir un examen pour entrer à l'ouvrage. Il va dire: J'ai mal à
la gorge, je vais aller te voir. À partir de ça, le
médecin va passer son clic-clic et va avoir le client. Est-ce que vous
ne pensez pas qu'il y aurait une tendance aux 18-40 ans d'aller
désormais chez vous pour les examens de la vue, en disant: J'ai mal
à l'oeil, j'ai quelque chose? Alors, je vous pose juste une petite
question pcjr essayer de voir si, au bout de la course, votre crainte
d'aujourd'hui, elle est fondée sur le projet de loi ou sur les suites au
projet de loi.
M. Tardif: Les suites du projet de loi, votre histoire de 18-40
ans, étaient inconnues de nous jusqu'à vendredi dernier. Les
représentations qu'on a faites aujourd'hui ont été faites
à tout le monde depuis déjà plusieurs mois. Malgré
que je comprenne vos craintes et qu'il faudra attendre le texte du ministre
pour voir exactement en quoi les restrictions seront faites, effectivement, il
y a un problème là qu'il faudra étudier en temps et lieu.
Mais ce dont on parle aujourd'hui n'a aucun rapport avec les décisions
du ministre Côté, à mon humble avis. C'est
complètement non relié, à mon humble point de vue.
Pour ce qui est de la clientèle, écoutez, je veux
répéter que les ophtalmologistes ne sont pas assez nombreux pour
voir tous les problèmes de soins visuels et pathologiques de la province
de Québec. Les optométristes ont un rôle important à
jouer. Ils jouent, en général, bien ce rôle, actuellement,
sauf quelques exceptions, comme dans toutes les professions. On n'a absolument
rien contre ça. Les gens vont continuer à être
traités comme actuellement. On veut tout simplement, nous autres... Je
le répète, malheureusement, on aimerait que la confusion diminue
et on voudrait améliorer les soins de santé de cette
façon-là, en rendant les choses plus claires et non pas en
faisant l'inverse, en augmentant la confusion. On n'est donc pas en
compétition...
Le Président (M. Gobé): M. le député
de...
M. Tardif: ...avec le groupe en question, absolument pas. On
est...
Le Président (M. Gobé): ...Laviolette, en
terminant...
M. Tardif: ...complémentaires.
Le Président (M. Gobé): ...s'il vous
plaît.
M. Tardif: Excusez-moi.
M. Jolivet: Oui. Sur la question de la clientèle, juste
une petite question. Est-ce que la
majorité des gens qui vont chez vous sont
référés ou s'ils y vont d'eux-mêmes? Quelle est la
proportion entre ceux qui y vont d'eux-mêmes et ceux qui sont
référés, aussi bien par un optométriste que par un
médecin de médecine générale?
M. Tardif: Je n'ai pas de statistiques exactes pour vous
répondre, actuellement. On pourrait peut-être le faire
éventuellement, si c'est le désir des membres de la commission.
Mais actuellement, je n'ai pas... Je vais juste répondre, comme on dit
chez nous, au pif. Je pense que la plupart des gens sont
référés, soit par un médecin général
ou un optométriste. En tout cas, c'est mon cas à moi, mais je ne
peux pas répondre pour 280 membres.
M. Jolivet: Parfait.
Le Président (M. Gobé): M. Tardif, M. Paquette, je
vous remercie. Soyez assurés que la commission a pris bonne note de vos
recommandations et de vos suggestions. Je pense qu'il était un devoir de
notre commission de vous écouter, et je pense que nous avons, ce
faisant, accompli une partie de notre mandat qui est d'écouter les gens
et de formuler le débat. Une commission parlementaire n'est pas
là seulement pour décider des projets de loi, mais aussi pour
faire le débat et écouter les informations pertinentes à
des projets de loi. Nous vous remercions. Je pense que votre
participation...
M. Tardif: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): ...a été
intéressante et positive. Vous pouvez maintenant vous retirer.
Je demanderai au groupe suivant, aux représentants...
Une voix: Est-ce que nous sommes invités à suivre
vos délibérations?
Le Président (M. Gobé): Oui, oui, vous allez rester
avec nous pour écouter les délibérations, nous le
souhaitons. Vous êtes les bienvenus en cette commission, bien entendu,
comme dit M. le ministre, qui aura l'occasion, notamment, de vous parler
à ta fin du débat.
Je demanderai maintenant aux représentants de l'Ordre des
optométristes du Québec, représenté par M. Michael
Chaiken, de bien vouloir prendre place. Vous pouvez vous retirer en
arrière, M. Tardif. Je pense que la place maintenant est pour l'autre
groupe. Vous avez, vous aussi, une quinzaine de minutes. Vous avez vu qu'on a
un petit peu débordé, mais je souhaite que... Si on pouvait
rester un peu dans les débats au niveau du temps, ça serait
peut-être profitable pour l'ensemble de la commission pour qu'on puisse
procéder après à l'étude du projet de loi article
par article. Vous avez à peu près 5 minutes pour vous exprimer.
m. le député de sauvé, par la suite, aura aussi 5 minutes
et mme la députée de terrebonne, m. le député de
laviolette, s'il le désire aussi, ainsi que m. le député
de prévost, s'il le désire, pourront vous adresser la parole.
vous avez maintenant !a parole.
Ordre des optométristes
M. Chaiken (Michael): Merci, M. le Président, merci, les
membres de la commission, de nous entendre ce soir. Comme vous le savez, je
n'ai pas eu l'occasion de me préparer parce que ce n'est pas normalement
une procédure habituelle. Par contre, je peux vous dire que je suis
quand même très bien préparé pour parler des
médicaments diagnostiques ici ce soir avec vous et pour répondre
à vos questions.
Premièrement, j'aimerais vous dire que je suis
complètement étonné de voir que l'Association des
ophtalmologistes s'oppose à ce projet de loi qui a pour but de permettre
aux optométristes du Québec, comme tous les autres
optométristes en Amérique du Nord, dans 50 États et dans
toutes les autres provinces, l'utilisation des médicaments diagnostiques
ou, comme on le disait originalement dans le projet de loi, les
médicaments aux seules fin de l'examen des yeux du patient. Ça me
démontre, M. le Président, que le président de
l'Association des ophtalmologistes n'a qu'un seul intérêt, c'est
de protéger le monopole médical qui appartient actuellement aux
médecins ici au Québec.
On disait tout à l'heure que les optométristes n'avaient
pas besoin de se servir des médicaments diagnostiques. Je ne comprends
pas qu'on puisse dire une chose si insensée à mon avis. Pourquoi
les ophtalmologistes vont se serir des gouttes pour dilater les pupilles, des
gouttes pour anesthésier la cornée lors d'une prise de mesure de
la pression intraoculaire si ce n'est pas nécessaire? Notre rôle,
comme optométristes, vous savez, c'est de faire un bon examen
oculo-visuel complet. Quand j'ai un patient devant moi, j'ai le droit
légal et moral de m'assurer et d'assurer mon patient que non seulement
sa vision est bonne, mais que ses yeux sont en bonne santé.
Les optométristes travaillent de concert avec les
ophtalmologistes à tous les jours. En général, je peux
vous dire que notre rapport professionnel est excellent. C'est grâce aux
diagnostics des optométristes de beaucoup de maladies oculaires que ces
gens-là sont référés ensuite pour les traitements
chez les ophtalmologistes. Je dois aussi dire, comme le président de
l'Association des ophtalmologistes a dit à propos des
optométristes: La plupart des ophtalmologistes sont excellents et
travaillent très bien. Malheureusement, c'est au niveau politique que
les choses se gâtent. Comme je le disais, tout à l'heure, c'est
simplement, à mon avis,
pour protéger un statu quo qui est déjà
dépassé depuis plus de 20 ans.
Tous les États américains permettent l'utilisation de
médicaments diagnostiques et il y a 30 États qui actuellement
permettent même l'utilisation des médicaments
thérapeutiques pour soigner des maladies occulaires. Mais ce n'est pas
le but de ce projet de loi. Le but de notre projet de loi, c'est de permettre
aux optométristes d'approfondir les diagnostics des patients, de
déceler les pathologies oculaires beaucoup plus rapidement. Au contraire
de ce que j'ai entendu tout à l'heure, ça ne sera pas une
façon de retarder les diagnostics, mais bien au contraire, ça va
faciliter les diagnostics si on a accès à ces médicaments
qui permettraient de mieux voir, par exemple, le fond de l'oeil, de prendre une
prise de mesure de pression intraoculaire, etc.
J'aimerais vous rappeler également, au niveau de la formation
universitaire des optométristes au Québec, nous avons quatre ans
d'université à l'Université de Montréal, à
son école d'optométrie. Il n'y a que deux écoles
d'optométrie au Canada: une ici au Québec et l'autre à
Waterloo. Récemment, d'ailleurs, le programme à
l'Université de Montréal, à son école
d'optométrie, a été reconnu par le Conseil de recherches
médicales du Canada, qui est la plus haute instance de recherche
médicale, qui a reconnu notre programme comme étant égal
à tous les autres programmes au niveau de la santé, et on est
eligible maintenant à toutes les subventions et bourses. C'est un gage
de confiance envers l'optométrie. (21 h 10)
Le doctorat en optométrie qui est reçu maintenant par les
optométristes après leurs quatre années à
l'université, c'est ce qu'on appelle un doctorat professionnel. Ce n'est
pas un doctorat académique, ce n'est pas un Ph.D. La plupart des
médecins n'ont pas non plus des Ph.D, ils ont des doctorats
professionnels. Je peux vous dire que notre doctorat professionnel a la
même valeur que le doctorat qui est donné aux dentistes, aux
vétérinaires et même aux médecins.
Les optométristes sont présenta dans 1100 villes et
villages au Québec. Nous sommes partout. On a 1100 optométristes
divisés en 225 villes et villages. Nos amis, les ophtalmologistes,
malheureusement, ne sont que 275 environ, plus ou moins, dans une cinquantaine
à une soixan-l.'iinn do villos ot, surtout, los plus grandes villes.
Ça se comprend fort bien, c'est souvent rattaché à des
centres universitaires de recherche, etc., avec des hôpitaux. On comprend
qu'ils ne peuvent pas avoir accès à toutes les villes et villages
comme les optométristes. D'ailleurs, je peux vous dire ce soir, ce n'est
même pas nécessaire, à notre avis, qu'ils soient partout
parce que les optométristes sont en pleine possession de leurs moyens et
sont prêts et aptes ;î assumer leur rôle de praticiens de
première ligne.
Au niveau de leurs compétences, nous n'accepterons pas, jamais,
qu'un optométriste puisse utiliser des médicaments, peu importe
la sorte de médicaments, que ça soit les diagnostiques ou
peut-être, éventuellement, les thérapeutiques ou d'autres,
sans avoir une accréditation. Je vous donne une assurance, de ma part,
et de la part de l'Ordre des optométristes qu'il va y avoir des
exigences très, très sévères au niveau des cours de
pharmacologie et l'accréditation. Ça va être maintenu et
nous allons demander même la permission d'exiger des cours de formation
continue annuellement, ce qui ne se fait pas nulle part ici, au Québec,
pour l'obtention de droits de pratique. Je peux maintenant répondre
à vos questions.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Chaiken. Je
passerai maintenant la parole à M. le député de
Sauvé, qui, au nom de l'équipe gouvernementale, va vous poser
quelques questions. M. le député de Sauvé.
M. Parent: Oui, merci, M. le Président. Je vous rassure
immédiatement, M. Chaiken, que je ne vous poserai pas quelques questions
ni nombre de questions. J'ai eu l'occasion de vous rencontrer à quelques
reprises et je connais très bien le dossier. Je connais très bien
aussi les intérêts que vous défendez. Je veux seulement
vous remercier d'être venu ici, ce soir, et d'avoir accepté cette
petite dérogation qui s'est produite à notre commission
parlementaire. Naturellement, il n'était pas prévu que nous vous
entendions, il n'était pas non plus prévu que nous entendions
l'Association des ophtalmologistes. Par contre, étant donné que
le but de la rencontre de ce soir, c'est l'étude article par article du
projet de loi 413, je ne vous poserai pas de questions, je vais vous laisser le
plus de temps possible d'expliciter votre position et, peut-être, les
deux, trois minutes qui me restent, avec la permission de l'Opposition, je
demanderais à mon collègue de Vimont de terminer. Après
ça, on ira à l'adoption du projet de loi, ce pourquoi nous sommes
réunis ici, ce soir. M. le député de Vimont, si vous
voulez enchaîner.
M. Fradet: Merci.
Le Président (M. Gobé): Avec la permission de la
présidence, M. le député de Sauvé. Je vous
rappellerai que nous avons une règle de l'alternance et que, par la
suite, Mme la députée de Terrebonne devra, elle aussi,
intervenir. M. le député de Vimont, vous avez la parole pour deux
minutes encore. C'est le temps qui est encore imparti à l'autre
côté.
M. Fradet: Merci sincèrement, M. le Président, de
la faveur que vous me faites. Je voudrais juste peut-être poser une
question, ça ne
sera pas tellement long. On s'est déjà rencontré,
je pense, et je connais un petit peu l'ensemble de votre position. Est-ce que
vous avez rencontré le représentant de la Corporation
professionnelle des médecins et, si oui, quelle a été sa
position face à ce dossier?
M. Chaiken: Moi, je ne l'ai pas rencontré
spécifiquement dans le but de discuter du projet de loi.
M. Fradet: Est-ce qu'il y a des représentants de votre
association ou des optométristes qui ont fait des démarches
auprès de la Corporation des médecins?
M. Chaiken: À ma connaissance, il n'y pas eu de demande,
d'avis, de la part de l'ordre des médecins du Québec, la
Corporation des médecins du Québec.
M. Fradet: O.K. Peut-être juste une autre petite question.
M. Tardif nous disait tout à l'heure qu'à sa connaissance il n'y
avait jamais eu aucune étude qui prouvait la nécessité
d'utiliser des médicaments diagnostiques, et ce, dans tous les
États américains et même au Canada. Est-ce qu'à
votre connaissance il y a déjà eu une étude qui
démontre la nécessité, pour les optométristes,
d'utiliser des médicaments pour faire l'examen de la vue, à titre
de diagnostic?
M. Chaiken: Je pense que la réponse à cette
question est évidente, parce qu'il y a 50 États actuellement qui
permettent aux optométristes l'utilisation des médicaments
diagnostiques. Je peux vous dire également, pour aller plus loin, que le
American Public Health Association, en 1990, a approuvé la
résolution 9004, qui recommandait à tous les États non
seulement l'utilisation des diagnostiques mais des thérapeutiques, et
ce, dans le but de mieux protéger le public. Au Canada, je pense que la
situation, c'est la même. Je vois très mal pourquoi les
Québécois seraient moins bien traités que l'ensemble des
citoyens dans le reste du Canada et chez nos voisins du Sud, les
États-Unis.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. Chaiken. Je pence
que c'est là, malheureusement, tout le temps qui est imparti. Je vais
maintenant passer la parole à Mme la députée de
Terrebonne, qui elle aussi a probablement quelques questions à vous
poser. Mme la députée.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Évidemment,
comme les collègues précédents l'ont dit, j'ai eu,
effectivement, moi aussi la chance de vous rencontrer à quelques
reprises pour vous entendre sur l'ensemble de ce projet de loi. Donc, mes
questions seront très brèves. J'aimerais revenir au niveau de la
formation et j'aimerais vous entendre sur la formation qui est donnée
à l'Université de Montréal. À ma connaissance, on
me disait que depuis une dizaine d'années, on donnait la formation pour
les médicaments diagnostiques aux étudiants en optométrie.
Mon autre question serait à l'effet que les médecins qui ont une
formation générale, finalement, peuvent utiliser des
médicaments pour les yeux, alors que, le temps de formation poui les
médicaments pour les yeux... Est-ce que vous avez une idée du
temps qui est donné pour les médecins?
M. Chaiken: Au niveau de la médecine? Mme Caron:
Oui.
M. Chaiken: Au niveau oculaire, je peux vous dire d'après
les informations que j'ai reçues que les médecins
généralistes, les omnipraticiens ont peu de formation au niveau
oculaire, et spécifiquement oculaire. D'ailleurs, je pense que ça
a été confirmé tout à l'heure également,
quand on a dit que même le président de la Corporation des
médecins est tout confus dans ce dossier-là. Ça
démontre évidemment...
Mme Caron: C'est la raison de ma question, c'est la raison de ma
question.
M. Chaiken: Oui. Ça démontre que les
médecins généralistes ont très peu de connaissance
au niveau oculaire. Au niveau de la formation universitaire des
optométristes, pour répondre spécifiquement, il y
évidemment des cours de pharmacologie qui sont donnés et qui vont
être accentués au niveau de l'Université de
Montréal, mais il faut également penser aux optométristes
qui sont déjà en pratique. Il y a, comme je le disais tout
à l'heure, une série de mesures qui seront mises sur pied pour
permettre l'accréditation des optométristes qui veulent se servir
des médicaments diagnostiques pour qu'on s'assure que la protection du
public soit maintenue. Nous n'avons pas le droit de mettre en danger la
santé oculaire ou autre des citoyens et des citoyennes du Québec.
L'Ordre des optométristes va s'assurer que tous les optométristes
qui auront la permission d'utiliser des médicaments diagnostiques vont
avoir suivi les cours nécessaires et avoir tous les requis et les
prérequis pour assurer la protection du public. Est-ce que j'ai
répondu à votre question, madame?
Mme Caron: Oui, je vous remercie.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la
députée de Terrebonne. M. le député de Laviolet-te,
une dernière petite question?
M. Jolivet: Oui, je devrais dire en deux ou trois volets, mais je
vais être rapide. Premièrement, actuellement, les
optométristes il y en a
qui utilisent les médicaments diagnostiques, si je comprends
bien. Comme la loi n'en parie pas, c'est dans le flou. Dans le cas où la
loi serait passée, adoptée, dans le cas où les permis
seraient nécessaires, les cours étant donnés, comme vous
le dites, est-ce qu'il y a des sanctions qui pourraient être prises par
la Corporation à quelqu'un qui dérogerait à la loi?
Ça m'amènerait au dernier volet de ma question, la crainte que
les ophtalmologistes ont présentée tout à l'heure à
l'effet que c'est le pied dans la porte, en ayant ce premier projet de loi.
Vous utiliserez, comme vous l'avez fait pour les gens qui utilisent des
médicaments diagnostiques actuellement... Vous allez vouloir aller sur
les médicaments thérapeutiques, et, à ce moment-là,
devant le fait accompli, un autre projet de loi viendrait confirmer vos
faits.
M. Chaiken: II y a plusieurs questions là-dedans.
Première application au niveau de la protection du public, est-ce que
l'Ordre va permettre une situation qui existe chez certains
optométristes possiblement? Est-ce qu'on va appliquer le
règlement et les lois? Je peux vous répondre que oui. Je m'engage
en tant que président de l'Ordre des optométristes de faire
respecter les lois. C'est ce que j'avais dit à plusieurs rencontres avec
l'Office des professions. J'ai également dit la même chose
à notre ministre responsable des lois professionnelles. (21 h 20)
Vous savez, M. le député, que les optométristes
vont être mis sur la sellette et qu'on va être examinés
à la loupe avec ces nouveaux droits et responsabilités. Ce serait
insensé que l'Ordre des optométristes permette aux
optométristes qui sont non accrédités, qui n'ont pas suivi
le processus d'accréditation d'utiliser les médicaments, que ce
soient des diagnostiques ou autres. Alors, pour cette première question,
la réponse est très claire: Nous allons poursuivre, nous allons
amener les gens en discipline, nous allons faire tout ce qui est possible pour
que nos membres soient qualifiés et accrédités et que ce
soient seulement ces gens-là qui utilisent ces médicaments.
La deuxième partie de la question, est-ce que ça ouvre la
voie aux médicaments thérapeutiques? Ce sera le gouvernement qui
décidera quel pouvoir il va donner aux optométristes. Ce n'est
pas un secret que nous avons formulé une recommandation à
l'intérieur de notre commission parlementaire sur le financement de la
santé de permettre aux optométristes l'utilisation des
médicaments thérapeutiques parce que nous sommes partout au
Québec, nous avons le même genre de formation que les
optométristes américains et également, ça
permettrait au gouvernement d'économiser des sommes d'argent.
Mais...
Le Président (M. Gobé):...
M. Chaiken: ...pour répondre à cette question,
évidemment, on ne peut pas permettre aux optométristes de
déroger et de se servir des thérapeutiques pour
éventuellement revenir à un autre projet de loi. Si on
décide de revenir là-dessus, on le fera de front, on vous le
laissera savoir. Ce sera un débat de société et le
gouvernement aura à décider pour le bien-être de la
population.
Le Président (M. Gobé): Une dernière petite
question.
M. Jolivet: Non, il a répondu à ma question. C'est
celle-là que je voulais poser. Moi, je ne voudrais pas, si le projet de
loi est adopté, que ça ouvre la porte à des gens qui
utiliseraient le traitement thérapeutique, le médicament
thérapeutique de façon à vouloir forcer la main au
gouvernement après. Je crois comprendre que c'est à la discussion
des 18-40 ans, vous avez laissé tomber les choses d'une certaine
façon. Il y a eu quelque chose qui fait qu'au bout de la course on vous
a dit: On va examiner ça au gouvernement, puis on prendra une
décision comme gouvernement. Ce sera un projet de société,
la question des médicaments thérapeutiques, et ce n'est pas vous
qui utiliseriez cette loi-là pour aller plus loin.
M. Chaiken: Absolument pas.
M. Savoie: On va pouvoir surveiller ça de près.
Le Président (M. Gobé): Merci. S'il vous
plaît, M. le ministre. Merci, M. le député de Laviolette.
Merci, M. Chaiken. Alors, ceci met fin à votre intervention et, suite
à une demande des deux partis, je vais suspendre deux minutes pour
discussion particulière. Vous pouvez vous retirer.
(Suspension de la séance à 21 h 22)
(Reprise à 21 h 27)
Étude détaillée
Le Président (M. Gobé): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission reprend ses travaux. J'appellerai donc maintenant le
projet de loi 413. Suite aux audiences publiques que nous avons tenues, nous
allons donc maintenant pouvoir passer à l'article 1. Je vais en faire
lecture. Le Parlement du Québec décrète ce qui suit: 1. La
Loi sur l'optométrie (L.R.Q., chapitre 0-7) est modifiée par
l'insertion, après l'article 19, des suivants: «19.1 Malgré
l'article 16, un optométriste peut administrer un médicament aux
seules fins
de l'examen des yeux du patient si les conditions suivantes sont
satisfaites: «1° l'optométriste est détenteur du permis
visé à l'article 19.2: «2° le médicament est
mentionné dans la liste établie par règlement en vertu de
l'article 19.4; «3° l'optométriste respecte les conditions et
modalités fixées, le cas échéant, dans ce
règlement.»
M. le ministre, avez-vous des explications à donner sur cet
article?
M. Savoie: Oui, M. le Président. Tout d'abord, je voudrais
remercier l'intervenant de l'Association de même que la Corporation qui
nous ont permis de prendre connaissance un petit peu plus de l'état du
dossier. Je suis certain que ça a intéressé tous les
intervenants ici ce soir.
Je voudrais, M. le Président, pour expliquer comme il se doit
l'article 1, regarder rapidement avec vous l'article 16. L'article 16,
effectivement, M. le Président, et pour les membres de la commission,
explique ce qui constitue l'exercice de l'optométrie ici au
Québec. On dit: «Constitue l'exercice de l'optométrie tout
acte autre que l'usage de médicaments qui a pour objet la vision et qui
se rapporte à l'examen des yeux, l'analyse de leur fonction et
l'évaluation des problèmes visuels, ainsi que l'orthoptique, la
prescription, la pose, l'ajustement, la vente et le remplacement de lentilles
ophtalmiques.»
Ici, ce que nous faisons, c'est que, compte tenu du contexte
nord-américain, justement, compte tenu de la formation, de la
démonstration qui a été faite et des recommandations, on a
pensé sage de procéder, à ce moment-ci, en ne modifiant
pas l'article 16, mais en introduisant à l'article 19 une exception qui
permet, justement, et c'est le coeur, finalement, de l'orientation qu'on se
donne, aux optométristes d'administrer les médicaments pour les
fins de l'examen des yeux et non pas... Pour nous, il est très
important... On n'est pas dans les médicaments diagnostiques. On a fait
une différence, on a fait une nuance qui nous apparaît importante.
Ça ne veut pas dire que... On ne cherche pas à contrôler
tout l'avenir. Tout ce qu'on cherche à faire, c'est de dire à ce
moment-ci: Pour les fins d'examenc de la vue, c'est tout ce qui va être
autorisé, compte tenu de la formation que reçoivent les
optométristes à l'Université de Montréal. Alors,
ça les situe davantage dans le contexte nord-américain. Je pense
que c'est important. (21 h 30)
Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M. le
ministre. Mme la députée de Terrebonne, avez-vous des
commentaires sur cet article?
Mme Caron: Oui, M. le Président.
M. Savoie: Bon. On a fait seulement 19.1 là, hein?
Oui.
Le Président (M. Gobé): Est-ce qu'on passe à
chaque fois? Voulez-vous faire l'ensemble ou...
M. Jolivet: Non, non. 19.1 seulement.
Mme Caron: Non. Non, non.
M. Savoie: Bien, c'est parce que...
Le Président (M. Gobé): O.K., allez-y. D'accord,
O.K.
M. Jolivet: Morceau par morceau.
M. Savoie: Morceau par morceau. O.K. D'accord.
Mme Caron: Oui, M. le Président. Dans un premier temps,
j'aimerais que le ministre m'explique un petit peu davantage pourquoi il a
préféré maintenir l'article 16 tel quel, et devoir,
à ce moment-là, ajouter à l'article 19.1
«Malgré l'article 16» plutôt que d'y aller par la
positive, c'est-à-dire d'avoir un article 19.1 qui commencerait avec
«Un optométriste peut administrer un médicament», et
modifier l'article 16. J'avoue que l'explication, tantôt, ne m'a pas
vraiment éclairé. Pourquoi avez-vous choisi de ne pas modifier
l'article 16?
M. Savoie: C'est parce que la restriction est toujours
présente, toutefois, compte tenu du contexte nord-américain, et,
finalement, l'utilité que cela peut avoir, justement, pour l'examen de
la vue, c'est qu'on permet, on va autoriser d'une façon exceptionnelle.
Alors, c'est comme une stipulation expresse, limitée pour les fins de
l'examen de la vue. Dans l'ensemble, les médicaments sont toujours sous
le contrôle des ophtalmologistes, mais, par contre, pour les fins de
l'examen de la vue, on va permettre l'utilisation des médicaments, une
liste de médicaments qui sera déterminée dans une seconde
étape avec des échanges entre les optométristes et les
ophtalmologistes, l'Office des professions et d'autres intervenants. Sur
recommandation de l'Office des professions, à ce moment-là, la
réglementation pourra être adoptée.
Mme Caron: J'aurais une autre question, M. le
Président.
Le Président (M. Gobé): Oui, madame.
Mme Caron: Nous avons parlé beaucoup de médicaments
diagnostiques et de médicaments thérapeutiques. Si je regarde au
niveau des États américains, on parle soit de médicaments
diagnostiques ou de médicaments thérapeutiques. Dans le projet de
loi, on parle de médicaments aux seules fins de l'examen des yeux.
Alors, moi,
j'aimerais bien qu'on me clarifie, qu'on mette ça bien clair, la
différence entre les médicaments aux seules fins d'examen des
yeux et les médicaments diagnostiques, pas avec les médicaments
thérapeutiques, ça m'apparaît clair, mais par rapport aux
médicaments diagnostiques.
M. Savoie: Compte tenu de la présence de l'Office des
professions, son président, M. Mulcair, pourrait peut-être
élaborer davantage sur votre question et tâcher de vous
répondre.
M. Mulcair (Thomas J.): Tout simplement, M. le
Président...
Le Président (M. Gobé): M. Mulcair.
M. Mulcair: ...en réponse à la
députée de Terrebonne, effectivement, en ce qui concerne les
actes constituant l'exercice de l'optométrie aux termes de l'article 16
de la Loi sur l'optométrie comprenant, notamment, l'examen des yeux,
l'on peut prévoir, par exception, qu'un optométriste puisse
administrer un médicament à cette fin-là, aux fins de
l'examen des yeux. Le diagnostic, en tant que tel, ne fait pas partie des actes
qui sont prévus à l'article 16 de la Loi sur l'optométrie.
Donc, dans un premier temps, comme M. le ministre le rappelait tout à
l'heure, nous procédons avec cette ouverture-là basée
notamment sur une analyse comparative de la situation nord-américaine.
Nous commençons donc avec cette ouverture, mais, évidemment,
visant le champ d'exercice qui est prévu pour les
op-tométristes.
Mme Caron: Donc, ma question suivante, je vais revenir à
un texte du ministre. Le ministre avait fait une allocution lors de
l'inauguration de l'École d'optométrie, et je le cite: J'ai
l'intention de déposer cet automne - c'est quelques mois plus tard -
pour adoption, suivant le «fast track» - un mot à la mode -
pour assurer son accélération, l'utilisation des
médicaments, comme il en est usage sur l'ensemble du territoire
nord-américain pour et par les optométristes. Un peu plus loin,
vous nous disiez: une politique visant à maintenir le Québec sur
un pied d'égalité, sur un pied au moins concurrentiel avec
l'ensemble des autres États aux États-Unis, des autres provinces
canadiennes. Donc, votre intention était vraiment, et un petit peu plus
loin: Nous avons l'intention d'assurer que les optométristes au
Québec jouissent des mêmes droits et des mêmes
privilèges, et des mêmes obligations que ceux et celles des autres
corporations en Amérique du Nord.
En Amérique du Nord, les autres corporations, ce n'est pas une
mesure exceptionnelle, ce n'est pas par exception qu'on peut utiliser des
médicaments, mais on a vraiment le droit d'utiliser les
médicaments diagnostiques. Donc, il ne serait pas, suite à ce
projet de loi, sur un pied d'égalité tel que vous aviez
annoncé par rapport aux États américains et aux autres
provinces.
M. Jolivet: Un «slow track».
M. Savoie: Non, non, non. C'est un bon discours, puis je pense
que...
Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît, M.
le député de Laviolette. M. le ministre, vous avez la parole.
M. Savoie: ...on est en mesure de démontrer le
bien-fondé, justement, de cette orientation-là. Lorsqu'on regarde
sur l'ensemble du territoire, ce qui est commun, lorsqu'on dit que... Il y a un
certain mélange. Lorsqu'on va à l'extérieur, on peut
parler de médicaments diagnostiques, mais en réalité
ça constitue des médicaments nécessaires ou utiles pour
l'examen de la vue. C'est la même chose. Il y a un mélange au
niveau du mot «diagnostique». Des fois «diagnostique»
ça veut dire une chose, mais on peut l'utiliser ou dire pour des fins
d'examen de la vue». Alors, nous autres, ce qu'on a dit, ce qui est
commun tout partout, c'est vraiment l'examen de la vue. Je ne sais pas si
l'Office... Alors, il semble que je l'ai très bien dit, mais s'il y
avait des précisions additionnelles, on pourrait le faire.
On a un listing qu'on pourrait peut-être vous transmettre de ce
qui se fait province par province. Ça ne présente pas trop de
difficultés. Évidemment, il est certain que les
optométristes demandent plus, je veux dire, et c'est de bonne guerre, je
crois, d'exiger toujours plus. Je pense qu'on corrige la situation à la
satisfaction de la population. On satisfait également, peut-être
pas comme ils le voulaient, les optométristes, et on tient compte
également des remarques des ophtalmologistes en ce qui concerne la
protection du public.
Alors, ce qu'on dit, c'est que pour l'examen de la vue, compte tenu du
fait que c'est quand même un bac universitaire, c'est reconnu, c'est
quand même quelque chose qui fonctionne depuis assez longtemps, ils sont
avec l'Université de Montréal depuis 1926, si ma mémoire
est fidèle, c'est assez structuré, et ça va de l'avant...
Pardon?
Mme Caron: 1910.
M. Savoie: 1910, je ne crois pas, non.
Mme Caron: C'est dans votre texte.
M. Savoie: Ah, c'est peut-être une erreur parce que...
Finalement, les optométristes résultent surtout de la
Première Guerre mondiale.
Mme Caron: C'est dans votre texte.
M. Savoie: Dans le mécanisme pour les
examens de la vue, c'est surtout à ce moment-là qu'ils ont
pris leur essor.
Alors, finalement, ce qu'on cherche à faire, c'est dire:
D'accord, il faut refléter le contexte nord-américain, tout le
monde est d'accord avec ça. Au Québec - je ne parle pas de ce
dossier-là spécifiquement, mais d'une façon
générale - ce qu'on veut faire, c'est rester sur un pied
équitable, et également s'assurer la protection du public. On
veut aussi tenir compte des objections et des critiques qui ont
été soulevées de part et d'autre, en ce qui concerne la
protection du public. Mais, quand même, on veut démontrer une
volonté de leur accorder le droit d'utiliser les médicaments.
Lorsqu'il y a eu formation, on va toucher à ça un petit peu plus
tard. Ce n'est pas une ouverture. Les barrières ne sautent pas. La liste
des médicaments sera à déterminer. J'imagine que lorsqu'on
va déterminer les médicaments qui seront utilisés ou
utilisables, c'est là que vous allez voir que ça devrait toucher
pas mal tout ce qui se fait tout partout en Amérique du Nord. C'est pour
ça que ça nous maintient dans le contexte
nord-américain.
Le Président (M. Gobé): Alors, vous avez
terminé, Mme la députée de Terrebonne?
Mme Caron: Je vais laisser la chance au député de
Vimont de poser sa question.
Le Président (M. Gobé): Alors, M. le
député de Vimont.
M. Fradet: C'est juste pour savoir si j'ai bien compris,
là. On aurait pu, si on avait voulu, modifier l'article 16. Ça,
c'est sûr et certain.
M. Savoie: C'est ça.
M. Fradet: Par contre, vous avez décidé de laisser
l'article 16 comme il est aujourd'hui pour conserver une certaine restriction
à l'utilisation des médicaments...
M. Savoie: C'est ça.
M. Fradet: ...pour qu'on puisse accéder, par ce fait
même, à la demande des ophtalmologistes de continuer de
restreindre le champ d'application de la part des optométristes face aux
médicaments.
M. Savoie: Oui.
M. Fradet: Vu que l'article 16 n'est pas modifié, nous
devons, par concordance, dans ce projet de loi là, utiliser l'examen de
la vue. Comme vous le disiez tout à l'heure «médicament
diagnostique» puis «médicament aux seules fins de l'examen
des yeux», c'est la même chose. (21 h 40)
M. Savoie: C'est-à-dire que... Oui et non.
C'est-à-dire qu'il y a des médicaments qui, ailleurs,
pourraient être interprétés comme médicaments
diagnostiques. Ils vont les appeler comme ça; par contre, ça va
être des médicaments utilisés que pour l'examen de la
vue.
M. Fradet: C'est ça. Bien, dans notre tête, c'est
ça qu'on veut.
M. Savoie: On ne veut pas ouvrir la porte à ce moment-ci
à la notion de «diagnostique». Ça élargit
beaucoup trop le débat. Alors, ce qu'on dit, c'est que ce sont les
médicaments pour l'examen, c'est-à-dire exécuter le mandat
créé en vertu de l'article 16. On ne change pas l'article 16. Ce
qu'on fait, c'est qu'on leur donne, en plus de l'article 16, le droit
d'utiliser des médicaments pour qu'ils puissent exécuter leur
mandat convenablement. C'est ce que soulignait tout à l'heure le
président de l'Ordre des optométristes, c'est-à-dire
qu'aujourd'hui on doit nécessairement avoir recours à des
médicaments pour exécuter comme il se doit l'examen de la vue,
mais on ne veut pas non plus remplacer ou s'embarquer dans une modification en
accordant, par exemple, les capacités de diagnostics spécifiques
en vertu de l'article 16.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre.
M. Savoie: Est-ce que ça va?
Le Président (M. Gobé): Vous répondiez
à M. le député de Vimont, M. le ministre. C'est une
question commune, de toute façon. Tout le monde semblait très
intéressé. M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: oui. trois petites affaires bien rapides. d'abord,
je vois, malgré... je dirais un peu comme ma collègue, je
l'aurais aimé peut-être plus positif, mais, en tout cas, vous avez
expliqué pourquoi. juste une petite blague en passant, c'aurait pu
être «nonobstant», ça aurait été pareil.
c'est un mot qui vous déplaît, ça, probablement.
M. Savoie: J'y ai pensé, oui. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Savoie: On y a pensé.
M. Jolivet: L'autre chose, c'est le diagnostic. J'ai l'impression
qu'au bout de la course on parle de médicaments pour l'examen de la vue,
mais que, au bout de la course, par la bande, il y a un diagnostic qui peut
être rendu, qui permet, à ce moment-là, de pouvoir
référer à un spécialiste qui s'appelle
l'ophtalmologiste. C'est peut-être pour ça que la confusion
existe.
M. Savoie: En vertu de l'article 7, ils doivent,
évidemment, lorsqu'ils le constatent, à ce moment-là,
recommander au patient de se présenter chez l'ophtalmologiste.
M. Jolivet: Ce que je n'ai pas compris dans votre texte que ma
collègue a lu tout a l'heure, c'est quand vous dites: une politique
visant à maintenir le Québec sur un pied d'égalité.
Je comprends bien par rapport aux autres, mais ce sur quoi j'ai tiqué,
comme on dit en bon québécois, c'est sur un pied au moins
concurrentiel. Ils sont en concurrence avec qui quand on parle de
concurrentiels?
M. Savoie: C'est à ça que les optométristes
au Québec... Une des plaintes qu'ils présentent le plus souvent,
à chaque rencontre quasiment, c'est le fait qu'ils ne sont pas sur un
pied d'égalité avec les autres provinces. Alors, par exemple, le
titre de docteur est généralisé pour les
optométristes. Ici, ce n'est pas permis et c'est un point d'irritation
important pour eux.
M. Jolivet: La question que je me pose, c'est dans le contexte du
libre-échange. Ils vont avoir droit de faire des actes potentiels dans x
années à venir, parce que le libre-échange va permettre
jusqu'à ça, là, si je comprends bien.
M. Savoie: C'est-à-dire que le libre-échange, on
tie joue pas dans les champs de compétences du Québec au niveau
des corporations professionnelles.
M. Jolivet: Non, mais je veux dire qu'un jour arrivera... Le
libre-échange, à mon avis, au bout de la course, va arriver
à permettre à des gens de pouvoir exercer leur profession
à l'extérieur sans avoir besoin nécessairement de passer
tous les tests. C'est dans ce sens-là que je comprenais
«concurrentiel».
M. Savoie: Pour pratiquer au Québec, par exemple...
Quelqu'un de l'Ontario, pour pratiquer au Québec, va être
obligé de soumettre aux ordres et aux corporations professionnelles.
Ça, il n'y a pas de doute. C'est clair. Alors, le libre-échange
ne touche pas ces éléments-là, sauf que ce qu'on veut, par
exemple, c'est que, finalement, au niveau du contexte nord-américain,
quelqu'un qui se déplace, qui déménage au Québec
puisse se retrouver facilement dans nos institutions, puisqu'on veut
refléter le contexte nord-américain, des fois en prenant les
devants, d'autres fois, en s'ajustant en conséquence.
M. Jolivet: Oui. Mais, la façon dont je le comprenais,
c'est la suivante: Moi, je suis un optométriste au Québec. La loi
actuelle ne me permet pas de poser ces gestes-là. Je vais pratiquer en
Ontario et j'observe et j'aurais le droit. Je vais aux États-Unis,
j'observe et j'ai le droit. Donc, le mot «concurrentiel», à
mon avis, était dans ce sens-là.
M. Savoie: Oui. S'il y a déplacement et qu'on s'inscrit
à l'Ordre, ça pourrait être interprété de
cette façon-là. Ce qu'on vise surtout, c'est s'assurer que nos
optométristes soient sur un pied d'égalité avec les autres
optométristes.
Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît, M.
le député de Vimont. Nous allons demander encore à Mme la
députée de Terrebonne, qui semble avoir une interrogation
encore.
Mme Caron: Oui. Si on vise vraiment, comme vous venez de le dire,
M. le ministre, à ce que les optométristes soient sur un pied
d'égalité avec les États-Unis et avec les provinces
canadiennes, est-ce que concrètement, pratiquement, la liste des
médicaments que les optométristes pourront utiliser aux seules
fins de l'examen des yeux sera la même liste que la liste, finalement,
des médicaments diagnostiques - parce que c'est le terme qu'on utilise
à l'extérieur - dans les provinces canadiennes et aux
États-Unis?
M. Savoie: La liste varie énormément d'une province
à l'autre et d'un État à l'autre. Ce n'est pas la
même liste. La liste varie grandement.
Mme Caron: II y a certains points communs qu'on retrouve,
là.
M. Savoie: O.K. Il y a certains points communs, et probablement
que ces certains points qui se retrouvent sont, justement, pour les fins
d'examens de la vue, entre autres. Des fois, ça peut varier là
aussi. J'imagine que ce qui va en résulter, c'est que l'Office va
examiner la situation de près avec les membres de la Corporation, les
ophtalmologistes et d'autres qui vont nous faire des recommandations et que
ça va être à partir de ces recommandations-là que la
liste va être établie. C'est là que ça va
s'enclencher. Je ne sais pas si l'Office a des commentaires.
M. Mulcair: Non, je pense que ça résume très
bien.
Le Président (M. Gobé): Ça va? Oui, M.
Mulcair. Ça va.
Mme Caron: Je vous remercie.
Le Président (M. Gobé): Est-ce que l'article 19.1
est adopté?
Mme Caron: Adopté.
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Gobé): Alors, l'article 19.1 est
adopté. Je vais maintenant vous faire lecture de l'article 19.2:
«L'Office des professions du Québec fixe, par règlement,
les normes de délivrance et de détention du permis habilitant un
optométriste à administrer à ses patients des
médicaments conformément à l'article 19.1.»
M. le ministre, avez-vous quelques brèves explications?
M. Savoie: On a une modification, un amendement à apporter
à l'article 19.2.
Le Président (M. Gobé): Alors, est-ce qu'on
pourrait prendre connaissance de votre amendement, M. le ministre?
M. Savoie: Oui, certainement.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vais juste voir
s'il est d'abord recevable. L'amendement se rapportant à l'article du
projet de loi est donc déclaré recevable. Je vais donc en faire
lecture et demander à M. le secrétaire qu'on en fasse la
distribution aux membres de cette commission.
Alors, à l'article 1, remplacer les articles 19.2... Il y a un
autre amendement pour l'article 19.3. Nous irons par la suite. Nous allons les
prendre dans l'ordre chronologique. Alors, l'article 19.2: «Le Bureau
fixe, par règlement, conformément à l'article 95 du Code
des professions, les normes de délivrance et de détention du
permis habilitant un optométriste à administrer à ses
patients des médicaments conformément à l'article
19.1.»
Est-ce que tout le monde a pris connaissance de l'amendement par rapport
à l'article 19.2 original? L'amendement se lit: Le Bureau au lieu de
l'Office des professions du Québec.
M. Savoie: C'est-à-dire qu'on parle, évidemment,
ici...
Le Président (M. Gobé): M. le ministre,
pourriez-vous expliquer votre amendement?
M. Savoie: C'est que le texte original dit que c'est l'Office des
professions du Québec qui fixe. Alors, dans l'ensemble des lois
concernant cette procédure, c'est la Corporation professionnelle,
évidemment, par son Bureau, qui fixe, par règlement, les normes
de délivrance, ce qui doit nécessairement être
approuvé par l'Office et ensuite transmis au gouvernement. Alors, les
membres de la Corporation nous ont souligné qu'il y avait là un
ajustement nécessaire. Ils nous ont demandé d'indiquer le mot
«Bureau».
Le Président (M. Gobé): Mme la
députée de Terrebonne, avez-vous des commentaires sur
l'amendement?
Mme Caron: Oui, M. le Président. C'était,
effectivement, un amendement que nous souhaitions, parce que si nous adoptions
l'article 19.2 tel que présenté dans le projet de loi,
c'était faire, finalement, une autre mesure d'exception par rapport aux
autres professions et ça m'ap-paraissait extrêmement
discriminatoire. D'ailleurs, j'en avais fait part au ministre. En permettant au
Bureau de fixer, par règlement, les normes de délivrance et de
détention du permis, je pense qu'on assure davantage, je pense, la
protection du public. La Corporation nous a fait part, il y a quelques minutes,
lors de sa présentation, de ses intentions par rapport aux mesures de
protection qu'elle entend prendre pour ses permis. Donc, l'amendement
m'apparaît extrêmement positif.
Le Président (M. Gobé): Alors, est-ce que
l'amendement à l'article 19.2 est adopté?
Des voix: Adopté. Mme Caron: Adopté.
Le Président (M. Gobé): Alors, l'amendement est
maintenant adopté. Est-ce que l'article 19.2, tel qu'amendé, est
maintenant adopté?
M. Savoie: Adopté. Mme Caron: Adopté.
Le Président (M. Gobé): Alors, l'article 19.2, tel
qu'amendé, est donc adopté. Je vous ferai maintenant lecture de
l'article 19.3. Je vous préviens qu'il y aura là aussi un
amendement, et vous en avez déjà possession. Alors, l'article
19.3: «Pour obtenir le permis visé à l'article 19.2, un
optométriste doit en faire la demande au Bureau. Celui-ci délivre
le permis si l'optomé-triste satisfait aux normes prescrites par
l'Office quant à la délivrance du permis. «Le permis peut
être suspendu ou révoqué, dans le cadre des normes de
l'Office, par le Bureau.» (21 h 50)
Je vous fais donc lecture de l'amendement à l'article 19.3, qui
se lirait maintenant de la façon suivante: «Pour obtenir le permis
visé à l'article 19.2, un optométriste doit en faire la
demande au Bureau. Celui-ci délivre le permis si l'optomé-triste
satisfait aux normes fixées par le règlement. «Le permis
peut être suspendu ou révoqué, dans le cadre de ces
normes.»
M. Jolivet: M. le Président, vous avez dit «par le
règlement», c'est «par règlement».
Le Président (M. Gobé): Ho! excusez-moi! En effet,
vous avez raison. C'est «par règlement» et non «par le
règlement».
M. Jolivet: C'est parce qu'il pourrait y en avoir plus que...
Le Président (m. gobé): vous avez raison,
exactement, m. le député de laviolette. est-ce que, m. le
ministre, vous avez des commentaires sur l'amendement à l'article
19.3?
M. Savoie: Oui. On a fait mention d'un permis habilitant un
optométriste à administrer à ses patients des
médicaments. Il faut comprendre qu'évidemment il y a des
optométristes qui ont suivi le cours qui se donne maintenant depuis
plusieurs années à l'Université de Montréal, qui
auparavant n'était pas disponible pour certains des optométristes
et qui est aujourd'hui obligatoire, je crois. À ce moment-là, on
va s'assurer, l'Ordre va s'assurer qu'effectivement l'optomé-triste en
question a suivi le cours, donc connaît ses médicaments, sait
comment s'en servir correctement, et il pourra, à ce moment-là,
autoriser, par le biais du permis, l'optométriste à se servir des
médicaments. Ceux qui n'ont pas suivi le cours, évidemment,
devront se soumettre à des exigences de l'Ordre.
Le Président (M. Gobé): Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Oui, M. le Président. Je pense que
l'amendement à l'article 19.3 est un amendement aussi par concordance
par rapport à l'article 19.2, si on veut être bien logique. Je
pense que les mêmes commentaires que tantôt s'appliquent. Je pense
que c'est normal que ce soit par le Bureau.
Le Président (M. Gobé): C'est cela. Donc, je crois
comprendre que l'amendement à l'article 19.3 est adopté?
Une voix: Adopté. Mme Caron: Adopté.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Donc,
l'article 19.3, tel qu'amendé, est maintenant adopté. Je vais
maintenant vous faire lecture de l'article 19.4. «L'Office des
professions du Québec dresse périodiquement, par
règlement, après consultation du Conseil consultatif de
pharmacologie, de l'Ordre des optométristes du Québec, de l'Ordre
des médecins du Québec et de l'Ordre des pharmaciens du
Québec, une liste de médicaments qu'un optométriste peut
administrer conformément à l'article 19.1 et détermine,
s'il y a lieu, suivant quelles conditions et modalités un
optométriste peut administrer ces médicaments.»
M. le ministre, avez-vous des explications à donner sur l'article
19.4?
M. Savoie: II s'agit tout simplement d'un mécanisme qui
est déjà prévu dans le fonction- nement des corporations
professionnelles. Évidemment, c'est le processus qui doit être
utilisé, compte tenu de l'ensemble de la législation en
matière de corporations professionnelles, pour assurer qu'effectivement
les consultations aient lieu, que cette liste pourra être dressée,
qu'il va y avoir consultation et, dans la mesure du possible, entente sur la
liste des médicaments.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre. Mme
la députée de Terrebonne, vous avez maintenant la parole.
Mme Caron: Oui, M. le Président, j'aurais une question
à l'article 19.4. La dernière partie de l'article dit
«détermine, s'il y a lieu, suivant quelles conditions et
modalités un optométriste peut administrer ces
médicaments». Est-ce que vous pouvez me préciser, puisque,
finalement, le permis relève du Bureau, pourquoi on ajoute cette
précision à l'article 19.4?
M. Savoie: D'accord. On pourrait peut-être demander
à M. Louis Roy, vice-président de l'Office, de nous expliquer
ça davantage. Il faut voir que ça aussi, c'est tout simplement
dans le but de s'assurer que ça fonctionne dans le but de la protection
du public.
Le Président (m. gobé): alors, si vous voulez vous
présenter, nom, prénom et fonction, pour les fins de
l'enregistrement des débats, actuellement.
M. Roy (Louis): Louis Roy, vice-président de l'Office des
professions. Écoutez...
Le Président (M. Gobé): M. Roy, vous avez la
parole.
M. Roy: Oui, merci. Alors, écoutez, si vous vous souvenez,
le législateur a dû, à un moment donné, modifier la
Loi sur la podiatrie, justement pour ajouter dans la Loi sur la podiatrie cette
disposition-là parce que, selon certains médicaments, il peut y
avoir des conditions et des modalités différentes d'un autre
médicament, suite aux avis des experts qu'on avait. À un moment
donné, pour établir la liste des médicaments, il faut
consulter le Conseil consultatif de la pharmacologie et les corporations
professionnelles qui sont là. À un moment donné, le
Conseil consultatif nous disait: Oui, dans tel médicament, ça
pourrait aller, si telle condition est remplie. Alors, c'est de l'avis de nos
experts. C'est possible qu'on n'ait pas à l'utiliser, mais on
préfère, dans tous les cas, l'avoir, pour permettre, justement,
aux optométristes d'utiliser le plus grand nombre de médicaments
possible, sauf pour certains médicaments où il peut y avoir des
modalités particulières.
Le Président (M. Gobé): Alors, M. Roy, je
vous remercie. Mme la députée de Terrebonne, avez-vous
d'autres questions?
Mme Caron: Non, ça répond à ma question, M.
le Président.
Le Président (M. Gobé): M. le député
de Vimont.
M. Fradet: II y a une petite question qui me chicote.
«Périodiquement», c'est quand? À tous les mois,
à toutes les années?
M. Roy: Écoutez, les autres lois... On a la même
chose dans la Loi sur les médecins vétérinaires, la Loi
sur la pharmacie, la Loi sur la podiatrie, c'est: l'Office dresse
périodiquement. Habituellement, c'est à partir de la demande de
la Corporation elle-même, celle qui fait la demande, et, nous, on
consulte les organismes qu'on doit consulter, et là, les gens
s'entendent. Il peut sortir des nouveaux médicaments aussi, des
nouvelles substances qui sont identifiées comme médicaments dont
les optométristes pourraient avoir besoin.
M. Fradet: C'est une mise à jour suite à la demande
de la Corporation.
M. Roy: On ne veut pas s'engager que c'est automatiquement
annuellement, mais périodiquement... Au moins, on donne un engagement
moral que s'il y a une demande on s'en occupe et on...
M. Fradet: On suit l'évolution technologique.
M. Jolivet: Ça doit suivre aussi les décisions par
le Canada qui, actuellement, a la responsabilité de breveter les
médicaments.
M. Roy: Les médicaments.
Le Président (M. Gobé): Merci, M. le
député de Vimont. Mme la députée de Terrebonne,
vous avez la parole.
Mme Caron: Oui. Merci, M. le Président. J'aurais une
question à poser au ministre. On sait qu'il a été question
passablement, au début de nos échanges, de médicaments
thérapeutiques. On sait que ces médicaments sont
administrés par les optométristes dans une trentaine
d'États américains. Est-ce que le ministre a l'intention de
mettre sur pied un comité qui étudierait toute cette partie du
dossier sur les médicaments thérapeutiques? Toujours dans le but
de s'assurer d'être sur le même pied d'égalité.
Est-ce qu'on a l'intention d'au moins commencer à étudier ce
dossier-là?
M. Savoie: C'est-à-dire que les optométris- tes
nous ont demandé d'examiner avec eux la possibilité de
l'utilisation des médicaments à des fins thérapeutiques
et, à date, la réponse a été non. On va commencer
par mettre ça en place et suivre le fonctionnement de ces
médicaments-là. Si on s'embarque dans des médicaments
thérapeutiques, évidemment, ça veut dire des modifications
à l'article 16. Là, c'est un débat beaucoup plus de fond
qui va demander un ensemble d'autres interventions. Alors, la réponse,
c'est non.
Mme Caron: Sans modifier la loi, on n'a pas l'intention de mettre
sur pied un comité pour au moins commencer à étudier?
M. Savoie: Bien, au moment où je vous parle, la
réponse, c'est non. Je pense que ce qu'on doit faire, c'est on doit y
aller étape par étape, et ce qui est exigé ici, c'est
que... Là, on a modifié le projet de loi, mais, demain matin, ils
ne peuvent pas commencer à émettre ou se servir de
médicaments nécessaires ou utiles pour l'examen de la vue. Ce
n'est pas ce qui est recherché du tout, à ce moment-ci. Il faut
dresser la liste. Ça va demander des échanges, des rencontres,
des ententes. Il va falloir qu'on dresse la liste. Il va falloir que l'Ordre,
évidemment, détermine le permis, les conditions du permis.
Ça va demander de la réglementation qui doit être
approuvée, j'imagine, le plus rapidement possible. On a du pain sur la
planche.
M. Jolivet: M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Oui, M. le
député de...
Mme Caron: Est-ce qu'à... M. Jolivet: Excusez.
Le Président (M. Gobé): Allez, je vous en prie, Mme
la députée.
Mme Caron: ...votre connaissance, le ministre de la Santé
et des Services sociaux pourrait, lui, mettre sur pied un comité pour
examiner cette partie qui touche quand même la santé?
M. Savoie: II peut. Il pourra, à ce moment-là, nous
consulter, consulter l'Office, et dire: Effectivement, j'aimerais ça
examiner cet élément-là. Mais ça devra se faire
nécessairement avec l'Office des professions.
Mme Caron: Je vous remercie.
Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, Mme la
députée de Terrebonne. M. le député de Laviolette,
vous avez émis l'intention de faire un commentaire ou une question. Je
vous en prie.
M. Jolivet: c'est parce que ma collègue a posé la
question que je voulais poser. si le ministre avait répondu non,
j'aurais additionné: est-ce que le premier ministre a l'intention de
demander au ministre responsable de... mais comme il a donné la
réponse, je ne la poserai pas.
Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup, M.
le député de Laviolette. Est-ce que l'article 19.4 est
adopté?
Des voix: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Est-ce que l'article 1, tel
qu'amendé, est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Gobé): J'appellerai maintenant
l'article 2 qui dit: La présente loi entrera en vigueur le. Alors, la
date n'est pas inscrite. Est-ce que l'article 2 est adopté?
Des voix: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): O.K. Est-ce que le titre du
projet de loi 413, Loi modifiant la Loi sur l'optométrio, est
adopté?
Des voix: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Est-ce que le projet de loi
413 est adopté tel que libellé et tel qu'amendé, bien
entendu?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie.
Ceci met donc fin à nos travaux. La commission ayant accompli son
mandat, j'ajourne donc les travaux sine die. Je tiens à remercier les
membres de cette commission. Peut-être M. le député de
Laviolette ou Mme la députée de Terrebonne, M. le ministre,
avez-vous un mot de conclusion à faire, peut-être deux minutes
chacun pour clore les travaux de cette commission?
M. Jolivet: Deux secondes. (22 heures)
Le Président (M. Gobé): Mme la
députée de Terrebonne, la préséance vient à
vous, madame.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, je suis
très heureuse que nous ayons pu nous entendre sur ce projet de loi. Il
m'apparaissait tout à fait normal, lorsqu'on regardait les
différentes législations, et je pense qu'il est peut-être
bon de le rappeler, lorsqu'on sait que Terre-Neuve a adopté une
législation dans ce sens en 1981, l'île-du-Prince-Édouard
en 1974, la Nouvelle-Ecosse en 1987, le Nouveau-Brunswick en 1979, l'Ontario en
1975, le Manitoba en 1983, la Saskatchewan en 1987, l'Alberta en 1986 et la
Colombie-Britannique en 1984 et que tous les États américains ont
aussi une législation en ce sens, que le Québec ne se distingue
pas sur ce sujet. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la
députée de Terrebonne. M. le ministre, vous avez la parole.
M. Savoie: Tout simplement pour souligner aux membres de la
commission que, ici, c'était le bout relativement facile, malgré
les apparences, que le gros du travail, évidemment, c'est la liste des
médicaments, c'est la bonne collaboration de l'ensemble des
intervenants, et c'est d'assurer l'exécution des rencontres pour
dresser, justement, la liste des médicaments. On espère que
l'Ordre des optométristes va procéder avec
célérité pour s'assurer que la réglementation soit
conforme aux orientations que pourra évaluer l'Office. On espère
également que les ophtalmologistes vont continuer à être
présents au niveau de la situation pour la liste des médicaments.
J'imagine qu'ils vont être présents pour s'assurer
qu'effectivement les choses se font conformément à l'obligation
de la protection du public, qui doit primer dans toutes les Instances.
J'espère également que l'Association des ophtalmologistes va
reconnaître qu'il y a là une volonté, je pense, de la part
du législateur, de l'Assemblée nationale d'au moins prendre un
pas en avant pour, justement, permettre aux optométristes
d'exécuter le mandat qu'ils doivent exécuter pour l'ensemble des
Québécois et des Québécoises.
Le Président (M. Gobé): Merci. M. le ministre. Au
nom des membres de cette commission, avant d'ajourner, je tiendrais à
remercier tous les intervenants, particulièrement l'Ordre des
optométristes et l'Association des ophtalmologistes. Nous avons, ce
soir, dérogé un peu à nos règles, nous vous avons
donné la parole. Nous tenions à avoir quelques informations et
précisions; ceci a été fait. Les membres de la commission
en ont pris bonne note et nous avons donc procédé à nos
travaux. Alors, je vous remercie. Je tiens à remercier les membres de
cette commission ainsi que tout le personnel qui y a contribué. Alors,
nos travaux étant maintenant terminés, j'ajourne sine die.
(Fin de la séance à 22 h 3)